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Full text of "Mémoires"

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MÉMOIRES 



DE LA 



Société d'Archéologie lorraine 



ET DU 



Musée historique lorrain 

TOME LVIIP (4« Série, 8* Volume) 
1908 




NANCY 
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ 

PALAIS DUCAL 
GRANDE-RUE ( VILLE-VIEILLE ) 

I 908 



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LES ORIGINES DE U HAUTE-LORRAINE 



ET 



SA PREMIERE MAISON DUCALE 

(959-1033) 

(Suite et fin) 



PAR 

RoBEKT PARISOT 

PROFESSEUR d'hISTOIRE DE l'eST DE LA FRANCE A LA FACULTÉ DES LETTRES 

DE l'université DE J^ANCY 

ASSOCIÉ DE l'académie ROYALE DE BELGIQUE 



LIVRE m 

Les trois {>remiers ducs de Haute-Lorraine, Frédéric I", Thierry I*» et 
Frédéric II ; leur famille; leur rôle politique et militaire (959-1033). 

C'est au comte Frédéric, nous l'avons dit (1), qu'en 959 
l'archevêque duc Brunon confia l'administration de la 
Haute Lorraine. Il nous faut maintenant revenir sur ce 
personnage : après avoir recherché à quelle famille il appar- 
tenait, raconté ce que l'on sait de sa vie antérieurement 
à 939, nous parlerons de son mariage, de ses enfants, de 
son rôle politique et militaire comme duc de Mosellane. Dés 
étude» semblables seront ensuite consacrées à Thierry I^r 
et à Frédéric II. Toutefois, dans la vie du premier nous 
distinguerons trois époques, attendu que Thierry se trouva 
placé — de 978 à 987 environ — sous la tutelle de sa mère 
Béatrice, et qu'à partir de 1019 — au plus tard — son fils 
Frédéric II lui fut associé: entre ces deux périodes se place 
celle où Thierry exerça tout seul l'autorité ducale. 

{{) Voir le volume précédent des Mém, S. A. £., p. 211-223. 



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CHAPITRE PREMIER 
Frédéric l^r (9 ? ? -978). 

§ 1er. _ Les ancêtres et la famille de Frédéric. 

Trois des frères de Frédéric, Adalbéron (1), Gozlin (2) et 
Sigefroy (3) ont pris soin de nous informer qu'ils étaient 
d'une illustre famille, et plusieurs historiens rapportent la 
même chose de Frédéric, d'Adalbéron l^r et d'Adalbé- 
ron II (4). Suivant d'autres sources, Frédéric ou l'un de ses 
descendants avaient des rois parmi leurs ancêtres (5) ; 

(1) « Quapropter ad multorum venire desidero memoriam qualiter 
parentes mei in palatio regum suis temporibus existentium inler pri- 
mores regni qui virtule ac sapientia claruerunt fuerunt sublimati, et 
quomodo eorum liberalitate multorum rerum ac prsediorum, auxi- 
liante Deo, possessores extiterunt, et magnam in regno dignitatis gra- 
tiam obtinuerunt » (Charte de l'évêque Adalbéron I" pour Sainte-Glos- 
sinde, du 8 octobre 944, dans Calmet, H. E. C. I., 1" éd., t. I, pr., col. 
359, 2° éd., t. II, pr., col. CC). 

(2) « Fuit igitur Gozlinus nomine miles quidam ex nobilissimis regni 
Chlotarii ducens prosapiam, etc. » (Charte d'Uda, veuve de Gozlin, pour 
Saint-Maximin, de 943, dans MR. UB., t. I, n» 179, p. 241). 

(3) « Sigefridus cornes de nobili génère natus » (Echange entre Sige- 
froy et les moines de Saint-Maximin, de 963, dans MR. UB.^ t. I,n" 211, 
p. 271). 

(4) (( Adalbero, primus hujus nominis Mettensis episcopus, qui nobi- 
lium christianissimus, et christianorum nobilissimus, erat quippe 
f rater Fritherici ducis » (Sigebert de Gembloux, Vita Wicberli^ c. 8, 
SS.jt. VÏII, p. 511). — ft Adalbero (II) ... genus ab attavis et supra 
nobillimum.... pâtre Friderico» (Constantin, V. Adalberonis II, c. 1, 
SS., t. IV, p. 659).— (( Adalbero (II) summis parentibus ortus » {Poema 
de mnctis et de [undatione Metensium ecclesiarum, N. i., t. V, 
p. 436). 

(5) « ... Frederici, quem proavi fudere duces a sanguine regum » 
(Epitaflum ducis Frederici, Lettres de Gerhert, n" 76, p. 71). — a Hic 
civis egregius regali stirpe decorus » (Epitaphium Adalberonis 11, 
V. 5, SS., t. IV, p. 672). — (( Stirpe fuit genita regali pulchra Beatrix, 
Majorum mundi stirpe fuit genita » (Donizo, Vita Mathildis, 1. I, c. 9, 
V. 783-784, 55., t. XII, p. 367). 



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LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 7 

enfin, allant encore plus loin et précisant davantage, la 
Vita Johannis Gorziensis abbaîis affirme que les parents de 
révêque de Metz Adalbéron Iô^ frère de Frédéric, étaient 
Tun et Tautre de race royale (1). L'assertion de la Vita 
nous paraît certaine en ce qui concerne la mère d'Adalbé- 
ron; mais pour son père les preuves font défaut. Aucun 
historien ne nomme les parents de Frédéric. Il semble, à 
première vue, qu'on doive lui attribuer ceux de son frère 
révêque de Metz, qui s'appelaient Voiry (Wigeric) et Guné- 
gonde (2). Pourtant, Ton peut concevoir des doutes à cet 
égard. Cunégonde en effet et probablement aussi Wigeric 
ont été mariés deux fois. 

Il est possible, d'une part, qu'il faille identifier Voiry 
(Wigeric), le père d'Adalbéron, avec le comte Wederic, 
mari d'Eve (3), et, de l'autre, nous avons la certitude 
qu'après la mort de Voiry Gunégo'nde convola en secondes 
noces avec Ricuin, comte de Verdun (4). Toutefois, quand 

(1) (( Adalbero... cum esset regii quidem paterna simul ac materna 
stirpe longe rétro usque ab hominum memoria sanguinis » (F. Johan- 
nis Gorziensis, c. 40, SS.,i, IV, p. 348). 

(2) D'après un diplôme par lequel Charles le Simple fit don à l'église 
de Liège de la petite abbaye d'flastières, Adalbéron avait pour père 
Windric (évidemment Wigeric) et pour mère Cunégonde fCartulaire 
de Saint 'Lambert, t. I, n» XI, p. 16). Outre le passage cité plus haut, 
p. 6, n. 4, de Sigebert de Gembloux, un diplôme d'Otton I" pour 
Saint-Pierre de Metz, du 3 juin 960 (B. 0. 282, 0.' 210, DD. Sax., t. I, 
p. 289), nous apprend qu' Adalbéron I" était frère de Frédéric. 

(3) Le comte Eilbert, fondateur de Fabbaye de Waulsort, avait pour 
mère Berthe, fille elle-même du comte Wederic et d'Eve {Historia Wal- 
ciodorensis monasterii, c. 1, SS., t. XIV, p. 505). Pourtant, si Ebroïn, 
mari de Berthe, ne fait qu'un avec le comte du même nom à qui Louis 
le Bègue concéda quelques domaines en 879 (Galliot, Histoire de 
Namur, t. V, p. 274), il nous parait difficile d'identifier Wederic, son 
beau-père, avec Voiry (Wigeric) père d'Adalbéron I". Cette difficulté 
n'a pas arrêté Schôtter [Einige kritische Erôrterungen iiber die 
friihere Grafschaft Luxemburg, p. 26), Eltester {MR. UB., t. II, 
p. LIV), WiTTE {Genealogische Untersuchungen, etc., Jahrb. G. L. G., 
5* année, 2" fascicule, p. 40), ni Vanderkindere {H. F. T. P. B., t. II, 
p. 204, 328-329 et tab. III), qui admettent que Wederic et Voiry 
(Wigeric) sont un seul et même personnage. 

(4) Cela ressort d'un passage de la Vita Johannis Gorziensis, c. 107, 



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8 LES ORIGINES DF: L4 HÀUTE^LOBUAI^f: 

bien même Voiry (Wigeric) et Wederic ne feraient qu'une 
seule personne, Eve n'aurait pu être la raère de Frédéric. 
AdaJbéron, frère aîné du premier duc de Mosellane (1), 
étant flls de Cunégonde, il faut bien que Frédéric ait eu 
celle-ci pour mère et non pas Eve, qui était la première 
femme (2). 

Il nous semble d'autre part vraisemblable que Frédéric 
ait été fils de Vôiry (Wigeric), dont un frère, d'abord 
moine, puis abbé de Saint-Hubert, portait justement le 
nom de Frédéric (3) ; ce religieux a été sans doute le par- 

cf. c. 40 (SS., t. IV, p. 367 ot 348), où Ricuin est qualifié de vitricus 
(parâtre)d'Adalbéron I". Mais, commela Vita appelle Ricuin « Richizo », 
])eaucoup d'historiens modernes ne se sont pas doutés qu'elle parlait 
du comte de Verdun. Les noms propres à terminaison uinus ont une 
forme secondaire en [i) zo ; de « Ricuinus-Richizo » on peut rappro- 
cher (( Balduinus-Baldza ». 

(1) Adalbéron, en effet, devint évoque de Metz en 929 et mourut dès 
962. tandis que Frédéric, qui n'est mentionné pour la première fois 
qu'en 942, prolongea son existence jusqu'à l'année 978. 

(2) Seul parmi les auteurs contemporains, Schôtter (op. cit.^ p. 27), 
avance que Frédéric a pu, comme Gozlin, être flls d'Eve. Dans un 
ouvrage postérieur, il est vrai {Geachichte des Luxemburger Landes)^ 
il fait de Cunégonde la mère de Frédéric. 

(3) « Patruus.... Adalberonls fuit Fridericus, qui infantulus quidem 
monasterio sai)cti Huberti fuerat mancipatus » ( V, Johannis Gorzien- 
siSy c. 55, SS.^ t. IV, p. 352). On sait que « patruus » a le sens d'oncle 
paternel. 

Otton, flls de Ricuin, est donné faussement comme père à Frédéric 
par les auteurs suivants : Wassebourg, Antiquitez de la Gaule Bel- 
gique, f» 185 V* , DE Rosières, Stemmata Lotharingiœ ac Barri 
ducum, !•• 177 r% 374 r% 386 v*, 389 y\ Blondel, Genealogix francicœ 
assertio pleniory tab. 34, Brower et Masen, Antiquitates et Annales 
TrevirenseSj t. I, p. 464, col. 2, Ppeffinger, Vitriarius illustratus, 
t. II, p. 268, DE Maillet, Essai chronologique sur l'histoire du Bar- 
roiSj p. 7. André du Chesne, Histoire généalogique de la maison de 
Bar-le-Duc, p. 2 et 4, et Leibniz, Annales imperii occidentis, t. II, 
p. 390 et t. lïl, p. 31, tout en déclarant qu'Otton n'était pas le père de 
Frédéric, avouent ignorer de quels parents celui-ci était né. Benoit 
PiCART, après avoir démontré que Frédéric n'a pu être fils d'Otton 
{La vie de saint Gérard, p 335), avance qu'il a eu Richizbn pour père 
{l'origine de la très illustre maison de Lorraine, p. 36-37). Nous 
avons rappelé plus haut (n. 2) les deux opinions que Schôtter avait 
successivement émises. L'abbé Clouet commence par rappeler sans 
commentaires quelques-unes des assertions de ses devanciers (H, V., 



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ET SA PREMXKRK MAISON DUCALE 9 

râin de son neveu et homonyme. Ajoutons que, dans un 
diplôme d'Otton I^' pour Tabbaye messine de Saint-Pierre 
(aux-Nonnains), Frédéric est qualifié de frère germain de 
révêque Adalbéron P^ (1) : Ton sait que ce terme de ger^ 
manus s'applique aux frères nés d'un même père et d'une 
même mère. Frédéric était donc, comme Adalbéron lui- 
même, fils de Voiry (Wigeric) et de Cunégonde (2). 

Nous ignorons quels étaient les parents de Voiry (Wige- 
ric) ; les historiens modernes qui les ont identifiés avec 
Roric et Ansdrude ont certainement commis une erreur (3). 

t. I, p. 300-301) ; puis, un peu plus loin (p. 342), il suppose que Frédé- 
ric pouvait appartenir à la maison d'Ardenne. D'après AlberdinûK- 
Thijm (Les ducs de Lotharingie, p. 19 et 21) Voiry (Wigeric), père de 
Frédéric, ne ferait qu'un avec Ricnin. Les autres érudits des deux 
derniers siècles font de Voiry et de Cunégonde les parents de Frédéric : 
citons entre autres Kremer, Genealogische Geschichte des Ardennes- 
chen GeschleclUes, p. 13, Ernst, Dissertation historique... sur la mai- 
son royal s des comtes d'Ardenne [Bulletins de la commission royale 
d'histoire de Belgique, 2« série, t. X, p. 212, 243, 248), Wilmans, Jahr- 
biicher Ottos IJI, p. 22, Eltester, MR. UB., t. Il, p. LIV, Meyer, De 
Brunone, p. 28, J^rschkerski, Godirid der Bar tige, p. 8-9, Kôt»KB et 
DûMMLER, K. 0. G., p. 95 et n. 3, Dieckmann, Gottfried III der 
Biicklige, p. 6, Lot, D. C,, p. 63 et n. 6, p. 64 et 409, Wichmann, Adal- 
bero Bischof von Metz {Jahrb. G. L. G., 3« année, 1891, p. 107 et suiv., 
174), H. Witte, Genealogische Untersuchungen {Jahrb. G. L. G., 
^^ année, 2» fascicule, p. 40-41), Vanderkindere, H. F. T. P. B., t. lî, 
p. 18, 328-329, 472 et Tab. gén. n» 3. 

(1) « Adelbero, egregius videlicet sanctae Mettensis ecclesiae praesul, 
una cum germano suo Friderico duce » (B. 0. 282, 0.' 210, DD. Sax., 
t. 1, p. 289). 

(2) Nous avons vu plus haut, p. 8, n. 3, que c'était l'avis de la plu- 
part des historiens modernes. 

(3) Pour quiconque lit avec attention la donation faite à Saint-Maxl- 
min par un certain Roric (MR. UB., t. I, n» 154, p. 218), il est évident 
que Wigeric, fils de ce personnage, n'a rien de commun avec Widric 
(Voiry), comte du p. Bedensis, dont il est question dans Tacte. Meyer 
(DeBrunone,p. 36) n'en a pas moins fait de Roric le père du comte 
Voiry (Wigeric) ; mais son opinion a été réfutée par J^erschkerski, 
Godfrid der Bàrtige, p. 8, n. 4, et par Wichmann, Adalbero etc. 
(Jahrb. etc., p. 107, n. 3) ; ce dernier auteur a en outre relevé une erreur 
de Sackur, qui appelle Hoachrius le père de Voiry (Der Rechtsstreit 
der Kloster Waulsort und Hastières, dans la Deutsche Zeitschrift fur 
Geschichtswissenschaft, t. II [1889], p. 386). 11 est surprenant que 
Schôtter (^imflfe kritische Er'ôrterungen, etc., p. 29-30), trouvant dans 



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10 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Nous avons ailleurs longuement parlé de Voiry (Wigeric), 
qui, d'abord comte du Bidgau, devint ensuite, sous le règne 
de Charles le Simple en Lorraine, comte du palais (l).Un 
diplôme de Charles, du 19 janvier 916, est le dernier docu- 
ment qui fasse mention de Voiry comme d'un personnage 
encore vivant (2). Voiry ne figure pas au nombre des grands 
de Lorraine qui, réunis à Herstal le 13 juin 919, pronon- 
cèrent la restitution de Saint-Servais de Maêstricht à 
Farchevéque de Trêves (3). Comme d'autre part Cunégonde 
se remaria avec Ricuin, comte de Verdun (4), qui fut 
assassiné en 922, on peut en conclure que le père d'Adal- 
béron et de Frédéric mourut entre les années 916 et 
919 (5). 

Cunégonde, avons-nous dit plus haut (6), était de nais- 
sance royale. Un tableau généalogique destiné à montrer 
de quelle façon la femme du roi d'Allemagne et empereur 
Henri II, appelée, elle aussi, Cunégonde, se rattachait à la 
famille carolingienne, nous apprend que Sîgefroy, père de 
cette princesse, avait eu pour mère une autre Cunégonde, 

les chartes de Liutgarde et d'Henri, fils de Voiry, pour Saint-Maxi- 
min {MR. UB., t. I, n" 206 et 233, p. 266 et 290), le terme de seniores, 
l'ait traduit par a ancêtres » ; en conséquence de cette fausse inter- 
prétation, ScHôTTER voit dans les seniores de Liutgarde et d'Henri, 
Eberbard et Adalbert, le margrave de Frioul, gendre de Louis le Pieux, 
et son fils Adalard, qui aurait été le père de Voiry. La charte d'Henri 
est fausse, et les seniores de Liutgarde ne sont autres que ses deux 
maris (Witte, Genealogische, etc., Jahrb. G. L. G., 5' année, 2* fasci- 
cule, p. 43, n. 2, Vanderkindere, H, F. T, P. fî., t. 11, p. 329, 333-334, 
350-352, 360, Tab. gén. III). 

(1) Se reporter à notre Ro. L. C, passim. Une autre mention de 
Voiry, que nous n'avions pas indiquée dans cet ouvrage, est fournie par 
une charte de Saint-Mihiel de 944, relative à la destruction de la cha- 
pelle de Maizerais {H. S. M., p. 438). Cf. le précédent vol. des Mém.^ 
p. 344 et n. 3. 

(2) B. 1949, UR, UB., t. I,n? 159, p. 222-223. 

(3) B. 1962, MR, UB., t. I, n» 160, p. 223-224. 

(4) Voir plus haut, p. 7, n. 4. 

(5) C'est l'opinion de Wichmann, op. cit. {Jahrb., p. 108). 

(6) P. 7. n. 1, 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE H 

fille d'Ermentrude et petite fille de Louis le Bègue (1). On 
ne saurait trop regretter que la généalogie précitée ne 
mentionne ni le mari de la première Gunégonde, ni celui 
d'Ermentrude. Or la Genealogia Arnulfi comitis [Flandriœ\, 
de Witger, attribue justement une fille nommée Ermen- 
trude au roi Louis le Bègue, qui l'aurait eue de sa seconde 
femme Adélaïde, la mère de Charles le Simple (2). La fille 
d'Ermentrude, la première Gunégonde, mère de Sigefroy, 
ne serait-elle pas la femme de Voiry (Wigeric) et de Ricuin ? 
Le fait nous parait devoir être admis, bien qu'on ait 
quelque peine, nous en convenons, à le concilier avec les 
âges probables d'Adalbéron et de Sigefroy. Adalbéron, qui 
monta sur le siège épiscopal de Metz en 929(3), devait avoir 
à cette date une vingtaine d'années, peut-être vingt-cinq 
ans. Supposons-le né vers 904 ou 905 (4), il faudrait que sa 
mère eût vu le jour entre 885 et 890, son aïeule entre 870 
et 875. Ges hypothèses sont-elles conformes et à la vraisem- 
blance, et aux faits certains dont nous avons la connais- 
sance ? Les sources par malheur n'indiquent pas la date du 
mariage de Louis le Bègue et d'Adélaïde. G'est en 862 que 
le jeune prince avait épousé, à l'insu de son père, Ans- 
garde, fille du comte Hardouin (5) ; un peu plus tard, 
Charles le Chauve le contraignit de quitter Ansgarde, pour 
prendre une autre femme, Adélaïde (6). Les chroniqueurs 
du temps ne nous apprennent pas quand ces événements 
eurent lieu, mais nous croyons la répudiation d'Ansgarde 
de 867 au plus tard, attendu qu'en cette année Louis était 

{!) Tabula genealogica ex codice hibliothecœ regiœ Monacensis 
(SS., t. II, p. 314). 

(2) SS., t. IX, p. 303. 

(3) Flodoard, Ann. 929, p. 44. 

(4) WicHMANN, Adalhero Bischofvon Metz {Jahrb. G. I. G., 3*^ année, 
1891, p. 109-110), place au début du xo siècle la naissance d'Adalbéron. 

(5) An7i. Bert. 862, p. 58. 

(6) Réginon, Citron. 878, p. 114; cf. Flodoard, Hist. Rem. ec, 1. IIÏ, 
c. 19, éd. Lejeune, t. II, p. 186. 



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12 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

réconcilié avec son père, qui fit de lui un roi d'Aqui- 
taine (1). Si, comme il est probable, Louis prit bientôt 
après pour seconde femme Adélaïde, Ermentrude aurait pu 
naître vers 870. En supposant, ce qui n*a rien d'invraisem- 
blable, qu'Ermentrude et Cunégonde se soient mariées 
jeunes, à quinze ou seize ans par exemple, Adalbéron pou- 
vait, en venant au monde vers 904-905, être le fils de Tune 
et le petit-fils de Tautre (2). Charles le Simple, frère 
d'ErmentrudeJ aurait donc été le grand-oncle d'Adalbéron. 

D'un autre côté, en admettant que Sigefroy a eu pour 
mère Cunégonde, pour père Voiry ou Ricuin, il est né au 
plus tard en 924, puisque Ricuin, second mari de Cuné- 
gonde, périt assassiné en 923 (3). L'on pourrait objecter, et 
l'objection en effet a été formulée, qu'il était difficile à 
Sigefroy de prolonger son existence jusqu'à la fin du 
x® siècle, et d'avoir un fils, Thierry 11, évêque de Metz mort 
seulement en 1047 (4) : à cela nous avons déjà répondu et 
nous répondons encore que, d'après Gerbert (5), il y a eu 
deux Sigefroy, le père et le fils, et que, selon toute vrai- 
semblance, Cunégonde, la femme d'Henri 11, ainsi que ses 
frères étaient les enfants de Sigefroy 11 (6). 

Mais nous n'en sommes pas réduit à simplement pré- 
senter comme possible l'identité de la mère d'Adalbéron l®r 
et de Frédéric avec celle du premier comte de Luxembourg. 

(1) Ann. Sert, 867, p. 86. 

(2) Le premier parmi les historiens contemporains, Krûger {Der 
Ursprung des Hauses Lothringen-Babsburg , p. 13-14) a supposé que 
Cunégonde, femme de Voiry, était la petite-fille de Louis le Bègue. Cette 
opinion est admise par Depoin, Sifroi Kunuz, comte de Mose liane, p. 4. 

(3) Flodoard, Ann. 923, p. 12-13. 

(4) Vanderkindere, H. F. T. P. B., t. II, p. 332. 

(5) Lettres de Gerbert, n" 51, p. 48. Cf. l'article cité à la note suivante 
(Ann. E. iV., 1'' année, 1905, p. 81-82). 

(6) Nous avons essayé de réfuter dans un article intitulé Sigefroy, le 
premier des comtes de Luxembourg, était-il fils de Wigeric ? [Ann. E. N., 
!'• année, 1905, p. 76-83) les objections faites par M. Vanderkindere 
{H. F. T. P. B., t. II, p. 329-333) à la théorie que nous avions soutenue 
— après beaucoup d'autres — dans notre De prima domo^ p. 4 et 6. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 18 

Notre hypothèse peut s'appuyer sur des arguments plus 
directs et d'une plus grande force probante. 

Nous en trouvons un tout d'abord dans le diplôme par 
lequel Charles le Simple confirme la donation d'Hastières 
faite par Voiry à Téglise de Liège : le roi y traite de neveu 
Adalbéron, fils de Voiry et de Cunégonde (1). 

Gerbert, dont nous invoquions quelques lignes plus 
haut le témoignage, nous fournira une deuxième preuve 
que la mère de Sigefroy (I^^) d'une part, la femme de Voiry 
(Wigeric) et de Ricuin de l'autre, ne font qu'une seule et 
même personne. Dans une de ses lettres, adressée à l'impé- 
ratrice Théophano, Gerbert parle d'un comte Sigefroy, 
oncle paternel (patruus) deGodefroy l'Ancien (2). Gerbert, 
secrétaire et confident de l'archevêque Adalbéron, frère 
de Godefroy, en relations avec ce dernier ainsi qu'avec 
Sigefroy, ne pouvait se tromper sur les liens de parenté 
qui unissaient les uns aux autres ces différents person- 
nages. D'un autre côté, un aussi bon latiniste que l'éco- 
lâtre de Reims ne se serait pas rendu coupable du défaut 
d'impropriété, si commun au x® siècle. Nous devons con- 
clure de la lettre de Gerbert, qu'un comte Sigefroy était 
l'oncle paternel de Godefroy l'Ancien, le frère par consé- 
quent de Gozlin, le fils enfin de Voiry (Wigeric) (3) et de 
Cunégonde. Comme, du reste, on ne connaît à cette époque 
en Lotharingie d'autre Sigefroy que le comte de Luxem- 
bourg, il faut de toute nécessité que celui-ci ait eu Voiry 
pour père (4). 

Voici une dernière preuve à l'appui de notre hypothèse : 

(-1) « Ea scilicet ratione quatenus eandem abbatiam (Hastières) 

diebus vitae suaB (il s'agit de Voiry, appelé dans l'acte « Windricus ») et 
uxoris ejus nomine Gunegundis et unius filiorum ipsorum videlicet 
nostri nepotis Adelberonis, possideant.. . » (Cartulaire de Saint-Lam- 
bert, t. I, n» XI, p. 16.) 

(2) Lettres de Gerbert, n» 52, p. 48. 

(3) On de Ricuin. 

(4) Nous reproduisons presque textuellement un passage de l'article 
mentionné plus haut {Ann. E. iV., 1" année, 1905, p. 81). 



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14 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Ton retrouve les mêmes noms portés par les descendants 
de Sigefroy et par ceux que l'on peut attribuer avec certitu- 
de à Voiry. Gomment s'appellent en effet les fils (1) du comte 
de Luxembourg ? Henri, Frédéric, Gilbert, Thierry et 
Adalbéron. Or, Gozlin et Frédéric ont eu l'un et Tautre un 
fils du nom d'Henri. Deux ducs de Haute-Lorraine, le pre- 
mier, fils, le second, arrière petit-fils de Voiry, ainsi qu'un 
comte de Verdun, fils de Godefroy l'Ancien, se sont appe- 
lés Frédéric. Le nom de Gilbert a été porté par un des fils 
de Voiry, celui de Thierry par le plus jeune des fils de 
Frédéric I^^", qui fut duc de Mosellane après la mort de son 
père. L'on ne compte pas moins de cinq Adalbéron, des- 
cendants authentiques deVoiry : un archevêque de Reims, 
fils de Gozlin, un évêque de Verdun, neveu du précédent, 
deux évéques de Metz, l'un fils de Voiry, le second de 
Frédéric I®S enfin l'un des fils de Thierry 1*^^^ destiné, lui 
aussi, au siège épiscopal de Metz. En outre, l'une des filles 
de Sigefroy, mariée, d'après M. Vanderkindere (2), eu 
comte Arnoul de Westfrise, s'appelait Liutgarde, comme 
la plus jeune des filles de Voiry (3). Ainsi, les noms de six 
des enfants de Sigefroy (H) se retrouvent chez les enfants 
ou les petits-enfants de Voiry et de Cunégonde : est-ce là 
l'effet d'un hasard ? Nous ne le croyons pas, et toute per- 
sonne sans parti pris l'admettra comme nous (4). 

Quelques mots maintenant sur les frères et sœurs de 
Frédéric. 

Le plus connu des frères du premier duc de Mosellane 
est révêque de Metz, Adalbéron I^^^ dont les liens de 
parenté avec Frédéric sont attestés par de nombreux docu- 

(1) Ou plutôt ses petits-fils, les fils de Sigefroy II. 

(2) H. F. T. P. B., t. II, p. 79, 281 et Tab. gén. n» V. 

(3) Voir, pour la descendance de Voiry et pour celle de Sigefroy, Van- 
derkindere, op. cit., Tab. gén. n" III, IV et V, ainsi que les tableaux 
généalogiques joints à notre De prima domo et au présent travail. 

(4) Tout ce passage est presque mot pour mot emprunté à l'article 
déjà cité plusieurs fois {Ànn. E. N., 1" année 1905, p. 80). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 15 

ments (1). A plusieurs réprises, nous parlerons de lui dans 
ce travail. 

La Vita Johannis Gorziensis qualifie Gozlin de frère ger- 
main d*Adalbéron (2), ce qui indiquerait qu'il avait, 
comme révoque, Voiry pour père et Cunégonde pour mère ; 
Frédéric lui-même est dit frère de Gozlin dans la charte 
d*Uda, veuve de Gozlin, dont nous parlerons tout à 
rheure (3). Gozlin, à qui Adalbéron avait donné en fief la 
villa de Varangéville (4), était comte d'un pagus inconnu. 
Le 15 mars 942, il souscrivit une charte par laquelle son 
frère Adalbéron rappelait qu'il avait expulsé de Saint- 
Arnoul les chanoines pour leur substituer des moines béné 
dictins (5). Gozlin mourut soit au cours de cette même 
année, soit au plus tard Tannée suivante. On doit en effet 
voir en lui le Gozilon que Ton trouve mentionné à la date 
du 18 octobre dans le Necrologium sancti Maximini (6) ; et 
d'autre part Uda, femme de Gozlin, était veuve, quand en 
943 elle fit une donation à Saint-Maximin. La charte d'Uda 
ne portant pas d'indication de mois ni de jour (7) nous 



(1) Voir ci-dessus p. 6, n. 4, et p. 7, n. 2. 

(2) F. Joh. Gorz., c. 99 (SS., t. IV, p. 365).— Tandis que VVichmann, 
Bischof Àdalbero {Jahrb. G. L. G., 3" année, 1891, p. 110), fait de 
l'évêque l'aîné de la famille, Witte, Gen. Untersuchungen (Jahrb. G. 
L, G., 5' année, 2" fascicule, p. 41), attribue cette qualité à Gozlin. Nous 
ne serions pas éloigné de donner raison à Witte . 

(3) MR. ÙB.^ t. I, n" 179, p. 241. Le « magnus Adalbero » qui, selon 
Constantin, V. Ad., c. 1 {SS., t. IV, p. 659), a pour a fratruelis » Adal- 
béron II de Metz, est le frère de Frédéric 1°', et non Adalbéron de Reims, 
comme nous l'avions dit à tort dans le De prima domo, p. 5, n. 2; 
ici c( fratruelis » ne signifie pas « cousin-germain », mais bien « neveu ». 

(4) V. Johannis Gorziensis, c. 99, Miracula s. Gorgonii, c. 10 (S5., 
c. 4, p. 365 et 241). 

(5) Calmet, h. E. c. I., 1" éd., t. I, pr., col. 350, 2' éd., t. II, pr., 
col. CXC : « Signum Ottonis ducis Signum Adalberti comitis Signum 
Rodulphi comitis Signum Gozlini comitis, etc. » 

(6) Necrologium s. Maximini fJahrbilcher der Aller tumsfreunde 
im Rheinland, t. LVII, p. 117). D'après le même nécrologe (p. 412), 
Uda serait morte le 7 avril. 

(7) « Acta esthaec traditio anno dominicae Incarnationis DGCCCXLIII, 
regni domini Ottonis VII, indictione II, temporibus doinini Ogonis 



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16 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

ignorons si elle est — ou non — antérieure au 18 oclo^ 
bre 943; par suite, il est impossible de savoir en laquelle 
des deux années — 942 ou 943 — Gozlin termina son exis- 
tence. Dans la donation d'Uda on ne trouve mentionné 
qu'un seul de ses fils, Régnier, qui fut probablement comte 
de Bastogne (1). Par une seconde charte de 963 (2), nous 
connaissons trois autres fils de Gozlin et d'Uda, Henri, 
Godefroy et Adalbéron, dont les deux derniers joueront un 
rôle considérable durant la seconde moitié du x« siècle. 
Godefroy sera comte du Methingowe, du Hainaut et du 
Verdunois (3), Adalbéron, archevêque de Reims. Nous les 
retrouverons tous deux au cours de ce livre. 

Un troisième frère de Frédéric est le comte Gilbert, dont 
on lit la souscription au bas de la charte d'Uda ; il était 
probablement comte d'un pagus de TArdenne (4), et 
Tabbaye de Moyenmoutier se trouva entre ses mains avant 
d'appartenir à Frédéric (5). Nous devons peut-être l'identi- 
fier avec un comte Gilbert qui souscrivit la donation de la 
comtesse Eve à Saint-Anoul (6). L'acte a beau ne pas être 

abbatis » {MR. UB.^ t. I, n" 179, p. 2il). Comme la septième année du 
règne d'Otton I" avait pris fin en juin 943, tandis que la seconde 
indiction ne commençait qu'au mois de septembre de la même année, 
on voit qu'il n'y a pas concordance entre deux des indications chrono- 
logiques que donne ce document. 

(1) C'est l'hypothèse, d'ailleurs très vraisemblable, de Vanderkindere, 
ff.F. T. P. B., t. U, p. 234-235. 

(2) MR. UB., t. I, n» 212, p. 272. 

(3) Sur les comtés de Godefroy l'Ancien (ou le Captif) consulter Van- 
derkindere, op. cî^, t. II, p. 22-31, 62-79, 171-179, 329-332, 342-346, 
353-356, 381-383. Nous avons déjà parlé de Godefroy et d'Henri à propos 
du comté de Verdun (p. 261-262 du précéd. vol. des Mé>n. S. À. L,). 

(4) Cela ressort de la charte de 963, par laquelle Sigefroy conclut un 
échange avec l'abbaye de Saint-Maximin : a In comitatu Giselberti 
comitis in pago Arduennae in villa quœ dicitur Viulna. » {MR. UB.^ 1. 1, 
n" 211, p. 271). Voir Vanderkindere, op. cit., t. II, p. 235 et 352 et 
suiv. Le même auteur, nous l'avons dit (p. 346, n. 1, du précéd. vol. 
des Mém), croit que Gilbert devint comte du p. Calvomontensis après 
la mort de ses cousins Hugues et Arnoul. 

(5) Se reporter au précéd. vol. des Ménii S. A, I., p. 399 et n. 4. 

(6) Calmet, h. E. C. I., 1" éd., t. I, pr., col. 357, 2* éd., t. II, p?., col. 
CXCVIII. — Pourtant, comme nous l'avons dit (p. 260, n. 5, du préc. vol. 



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ET SA PRESdlÈRE MAISON IHJCALE 17 

authentique sous sa forme actuelle (1) ; les souscriptions, 
qui s'appliquent à des personnages du x® siècle, ont été 
empruntées à un acte authentique. Gilbert mourut avant 
965, puisqu'à cette date sa lemme Avoie était veuve, comme 
le prouve une donation qu'elle fit à Tabbaye de Gorze (2). 

Nous ne savons rien de Sigebert, ce frère de Gozlin qui 
souscrivit en 943 la charte de sa belle- sœur. Quelques-uns 
des historiens modernes ont identifié Sigebert avec Sige- 
froy (3), tandis que d'autres en faisaient deux personnages 
différents (4). Il n'y a, selon nous, aucune raison d'adopter 
l'une plutôt que l'autre de ces deux opinions. 

Nous avons essayé plus haut (5) de prouver que Guné- 
gonde, femme de Voiry, puis de Ricuin, était la mère de 

des Mém.)^ il y avait à cette époque deux comtes nommés Gilbert. Nous 
ignoroHs d'ailleurs quel était le comté du second de ces personnages. 

(1) Voir Wolfram, Kritische Bemerkungen zu den Urkunden des 
Arnulfsklosters fJahrb. G. L. G., V année, p. 62-69). 11 existe deux 
exemplaires de ce document ; l'un d'eux, celui qui portait la souscrip- 
tion de Frédéric, aurait été d'après Wolfram (p. 66) fabriqué vers 1073. 
Du reste. Wolfram admet qu'il a existé une donation authentique de 
la comtesse Eve. 

(2) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n» 98, p. 181 (avec la date 
de 939). Nous adoptons, en ce qui concerne cette charte, les conclusions 
de M. Vanokrkindere, op. cit., t. II, p. 353-354. 

(3) Parmi les auteurs qui ont, implicitement ou en termes exprès, 
adhéré à cette opinion, nous citerons Krembr, Genealogische Ges^ 
chichte des Ardenneschen Geschlechts, p. 17, 55 et suiv., Ernst, Dis- 
sertation... sur la maison royale des comtes d'Ardenne (Bulletins de 
la commission d'histoire de Belgique, 2» série, t. X, p. 212, 251-252). 
SoflôTTER, Einige kritische Erorterungen, etc., p. 19, 33 et Tab. gén., 
Eltester, MR. UB., t. II, p. LIV, Lot, D. C, p. 64, Alberdingk- 
TmjM, Les ducs de Lotharingie, etc., p. 21, Depoin, Sifroi Kunuz, 
p. 19, 21. 

(4) J^RSCHKERSKI, Godfrid der Bdrtige, Beilage 2, n. 3, déclare ne 
pouvoir décider si le premier comte de Luxembourg doit être identifié 
avec Sigebert. Wighmann, Bischof Adalhero, Witte, Gen. Untersuchun- 
gen{Jahrb. G. L. G., 3' année, 1891, p. 110 et 174, 5» année, 1893, 2« 
fascicule, p. 42 et n. 3, p. 44) et Vanderkindere, op. cit., t. II, p. 235, 
n. 1, 329 et Tab. gén. n" III, distinguent tous trois Sigebert de Sigefroy ; 
mais le premier et le dernier font de Sigebert seul un fils de Voiry, 
tandis que, pour Witte, Voiry est le père de l'un comme de l'autre. 

(5) P. 10-14. 



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18 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Sigefroy de Luxembourg. Celui-ci était donc le frère de 
Frédéric. Qui, de Voiry ou de Ricuin, devons-nous lui 
attribuer pour père ? Nous n'osons nous prononcer (1). 11 
est infiniment probable, il est môme certain que Sigefroy 
eut un fils qui portait le même nom que lui. L'on a 
confondu trop longtemps les deux Sigefroy, et c'est le 
second qui fut le père de Gunégonde et de ses frères (2). 
Toutefois, nous identifions avec le frère de Frédéric le 
comte Sigefroy qui, en 963, fit un échange avec Saint-Maxi- 
min de Trêves et apposa la même année sa souscription à 
la deuxième donation d'Uda en faveur de cette abbaye. 

Frédéric a-t-il eu un dernier frère nommé Henri ? Nous 
possédons une charte de l'année 970 (3)j par laquelle un 
certain Henri concède quelques terres à Saint-Maximin 
pour le repos de l'âme de ses parents Voiry et Gunégonde. 
Mais il est hors de doute que cet acte a été fabriqué 
d'après un document antérieur, la charte de Liutgarde, 
dont nous parlerons tout à l'heure (4). 

Frédéric a eu au moias une et peut-être deux ou trois 
sœurs. Si Voiry (Wigeric) et Wederic ne sont qu'un seul 

(1) A l'exception cI'Eltestek et de Dieckmann, Gottfried der Biicklige, 
p. 6, presque tous les érudils modernes donnent Voiry pour père à 
Sigefroy. Pourtant H. Witte, art. cit.^ p. 47, n. 3, se trompe lorsqu'il 
soutient que Sigefroy n'aurait pas été qualifié par Gerbert de patruus 
de Godefroy, s'il avait été le fils de Ricuin. Patruus^ en effet, a sim- 
plement le sens d* a oncle paternel », de « frère du père » ; peu im- 
porte on la circonstance que Gozlin, père de Godefroy, ait été le frère 
germain, le frère consanguin ou le frère utérin de Sigefroy ; dans un 
cas comme dans l'autre, ce dernier était bien le patruus du comte de 
Verdun. 

(2) Voir notre article Sigefroy, etc., {.inn. E. N., 1" année, 1903, 
p. 81-83). 

(3) MR. UB., t. I, n- 233, p. 289. 

(4) L'authenticité de cet acte a été admise par Crollius, Westricher 
Abhandlungen, p. 17, par Ehnst, art. cit., p. 212, par Schôtter, Einige 
kritische Erorterungen, p. 28 30 et Geschichte des Luxemburger 
Landes, p. 19, par Lot, D. C, p. 64 (tab. gén.) et par Wichmann, art. 
cit., p. 110 et 174 {tab. gén.). Mais Gôrz, Mittelrheinische Regesten, 
n" 1024, et H. Witte, art. cit., p. 43, ont démontré que la charte 
d'Henri était un faux. 



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ET SA PUEMIÈRE MAISON DliCALE 19 

et même personnage, Berthe, fille de Wederic et d'Eve, 
femme du comte Ebroïn, est la sœur consanguine de Fré- 
déric (1). M. Vanderkindere suppose qû'Ève, femme du 
comte Rodolphe du p. Evodiensis, était fille de Voiry et 
d*Ève (2) ; elle serait donc, elle aussi, la demi-sœur du 
premier duc de Mosellane. 

Quant à Liutgarde, il ne peut y avoir aucun doute sur 
les liens de parenté qui l'unissaient à Frédéric, attendu 
que dans une donation à Saint-Maximin, de Tannée 960, 
elle se dit fille de Voiry et de Cunégonde (3). Liutgarde, 
comme ses parents, avait été mariée deux fois; ce môme 
document, dont nous venons de parler, mentionne ses 
deux époux, Albert et Eherhard (4). Quels étaient ces deux 
personnages ? Bien des hypothèses ont été émises à leur 
sujet par les érudits allemands, suisses, autrichiens ou 
belges, qui ont échafaudé sur eux différents systèmes 
généalogiques (o). Sans entrer dans le détail ni dans la 

(1) Voir ci-dessus, p. 7, et n. 3. 

(2) //. F. T. P. B., t. II, p. 329, 343 et Tab. gén., n« III. 

(3) MR. un., t. ;, n« 206, p. 266. A notre connaissance, tous les 
auteurs contemporains ont admis que Liutgarde avait pour père 
Voiry et pour mère Cunégonde. 

(4) Nous avons relevé ci-dessus, p. 9, n. 3, l'erreur où était tombé 
ScHÔTTER, en faisant d'Eberhard et d'Albert les ancêtres de Liutgarde. 

(5) Crollil's, Weslricher Àbhandlungen, p. 17-18, et Krûgek, Dcr 
Ursprung des Hanses Lothringen-Habsburg, p. 13-14, font d Albert le 
comte de Metz assassiné par Uto en 944, et voient dans Eberhard un 
comte du Nordgau alsacien, Eberhard IV. H. Witte, art. cit., p. 43 et 
n. 3, rejette l'opinion des deux précédents érudits, mais admet pour- 
tant qu'Eberhard IV de Nordgau avait épousé la fille du comte Albert 
(ibid., p. 64-65). 

Pour Vanderkindere, op. cit., t. II, p. 3i9, 3o0-3o2, 360, et Tab. gén. 
n* III, Albert est bien le comte de Metz, mais Eberhard serait le duc 
de Bavière déposé par Otton I" en 938 ; de son mariage avec Eberhard 
Liutgarde aurait eu Wicfrid, devenu en 939 évoque de Verdun. Elle 
aurait donné à son second époux Albert deux filles, mariées l'une à 
Eberhard de Nordgau, et la seconde à Liétard, comte de Longwy. Le 
baron Schenck de Schweinsberg, Genealogische Studien zur Reiclis- 
geschic/UCy p. 16 et suiv., beaucoup plus hardi dans ses hypothèses que 
les précédents historiens, supprime Liutgarde, purement et simple- 
ment; d'après lui, c'est la fille d'un Gérard, qu'il crée de toutes pièces, 



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20 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LOKUAINE 

discussion de ces nombreuses théories, disons seulement 
que, d'une façon ou d'une autre, presque toutes s'accordent 
à faire descendre Gérard d'Alsace de Liutgarde. 

Pour ce qui est des autres enfants attribués à Voiry ou 
à Cunégonde, les uns sont ou nous paraissent des person- 
nages de fantaisie, nés de l'imagination de quelques éru- 
dits modernes ; les autres, qui ont réellement existé, sont 
probablement étrangers à la famille d'Ardenne (1). 

§ IL — Premières années, mariage et enfants de Frédéric. 

Nous ignorons en quelle année Frédéric vint au monde. 
Si, comme nous le supposons, il eut Voiry pour père, sa 
naissance ne peut être postérieure à l'année 920 (2). Nous 

frère ou cousin du comte Albert assassiné en 9i4, qui aurait successi- 
vement épousé Eberhard IV d'Egisheim et Richard, comte de Metz. 

(1) Benoît PiCART (L'origine de la très illustre maison de Lorraine^ 
p. 35,36-37), s'appuyant sur ufii manuscrit, aujourd'hui détruit, de l'ab- 
baye Saint-Remi de Reims (voir préc. vol. Mém. S. A. X., p. 326, n. 5), 
donne à Frédéric deux autres frères : l'un d'eux aurait été mis à mort 
par ordre d'Olry, archevêque de Reims ; l'autre, Folmar, comte de Saul- 
nois, possédait le château d'Amanee, dont son neveu Thierry, due de 
Mosellane, hérita après sa mort. Nous avons déjà dit que les faits 
racontés dans ce manuscrit avaient un tel caractère de légende qu'on 
ne pouvait y ajouter aucune foi. 

Tout récemment, le baron Schenck de Schweinsberg, op. cit.^ p. 7, 
8, 15 et Tab. gén. I, a donné pour fils à Ricuin et à Cunégonde, pour 
demi-frère par conséquent à Frédéric, Godefroy, créé en 953 [sic) duc de 
Basse-Lorraine par Brunon, et père 1* d'un autre duc Godefroy, mort 
en 9ôi, 2* de Richard de Châtenois, comte de Metz, etc. Ce système, 
échafaudé à l'aide d'hypothèses ingénieuses, n'est pas seulement 
dépourvu de preuves, il se trouve en contradiction avec les faits les 
plus certains. Voir notre critique du traviiil du baron Schenck de 
Schweinsberg dans les Ann, E. iY.,1" année, 1905, p. 417-420. 

Nous ne savons ce qui a pu amener M. Lot, D. 6'., p. 287, n. 1, à 
gratifier Voiry d'une fille, qui aurait épousé Régnier 111 au Long Col, 
et à faire de Liutgarde la mère de Baudry II, évèque de Liège. 

(2) Voiry, père de Frédéric, était mort, nous l'avons dit plus haut 
(p. 10, n. 3), avant le 13 juin 919, attendu qu'un dipIOme de Charles le 
Simple, rendu à cette date, ne fait plus mention de lui. A supposer 
que Frédéric soit un fils posthume de Voiry, il est au plus tard venu 
au monde dans les premiers mois de l'année 920. Si le premier duc de 
Haute-Lorraine avait eu Ricuin pour père, on ne pourrait reculer sa 
naissance quo de cjuatre ans, Ricuin ayant été assassiné en 923. 



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Qoo^(^ 



ET SA PREMIÈRE MAISON DL'CALE ^1 

ne savons rien de Tenfance ni de la jeunesse de Frédéric. Il 
est mentionné pour la première fois dans la charte que son 
frère Adaibéron accorda en 942 à Tabbaye Saint-Arnoul 
de Metz (1). A cette date, il avait au moins 22 ans (2). 
En 943, Frédéric souscrivit la donation faite par sa belle- 
sœur Uda, veuve de (jozlin, à Saint Maximin de Trêves (3). 
Dans aucun de ces documents, il n'est qualifié de comte. 
Pendant huit ans, il n'est plus question de Frédéric, que 
Ton retrouve seulement en 9ol. Nous relevons alors deux 
événements de la première importance qui le concernent. 
Au cours de cette année, en effet, eurent lieu les fiançailles 
de Frédéric avec Béatrice, fille de Hugues le Grand et 
d'Hathuis (Avoie) (4) ; un peu plus tard, il construisait sûr 
le territoire de la villa de Fains (5) une forteresse, d'où il 

(1) Calmet, h. E. C. i., 1" éd., t. I, pr., col. 350, 2^ éd., t. II, pr., 
col. CXC. 

(2) A supposer que Voiry fût son père. 

(3) MR UB., t. I, n° 179, p. 241. 

(4) Flouoard, AntiA, 951, p. 130. 

(5) Meuse, Barle-Duc. La construction par Frédéric d'une forteresse 
à Fains a suscité au xvii'' et au XYiir siècle des hypothèses variées de 
la part des érudits, et donné lieu ù des polémiques entre les historiens 
français et leurs confrères étrangers. Le nom de la localité ayant été 
mal lu {Banis pour Fanis)^ André du Chesne. Histoire généalogique 
de la maison de Bar-le-Duc^ p. 3, et Blondel, Barrum Francicocam- 
panum^ p. 6, suivis, chose extraçrdinaire, par Brower et Masen, 
Annales et Antiquitates Trevirenses, t. I, p. 465, col. 1, avalent iden- 
tifié Banis avec Bar-le-Duc ou Bar-la- Ville, et Us en avaient tiré argu- 
ment pour démontrer que le Barrois dépendait de la France. Chifflet, 
Commentarins lothariensis^ p 2 et suiv., qui acceptait la leçon Banis, 
voyait dans ce village Bagneux, près de Paris. Le même auteur, ainsi 
«lue CoNRiNG, De finibus imperii Germanici, p. 37-44, et Leibniz, 
Ann. imp. oczid.y t. II, p. 601-608, s'efforcèrent de prouver, contre les 
érudits français,(|ue le Barrois faisait partie de l'Empire. Pourtant la véri- 
table orthographe du nom avait été rétablis, et Conuing, op. cit., p. 38, 
Mabillon, Ann. 0. S. B., t. III, p. 510, Leibniz, op. cit., t. II, p. 610, 
Ernst, Dissertation... sur la maison... d'Ardenne {Bulletins de la 
commission royale d'histoire de Belgique, 2' série, t. X, p. 249, n. 5) 
savaient qu'il s'agissait de Fains. Après avoir dit {Vie de saint Gérard, 
p. 304 et 308) que Fanis était Fains, et non Bar-le-Duc, B. Pic art revint 
plus tard en arrière, et rapporta {Histoire de Tout, p. 95îK>) les diverses 



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22 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

allait ravager les campagnes voisines (1). Y aurait-il cor- 
rélation entre ces deux faits ? La paix avait été conclue, en 
950, sous les auspices d'Otton I«^ entre ses deux beaux- 
frères, le roi et le duc ; mais, bientôt après, de nouveaux 
dissentiments avaient éloigné l'un de Tautre Louis et 
Hugues le Grand (2). Peut-être donc celui-ci avait-il excité 
son futur gendre à occuper un territoire appartenant au 
Carolingien et à en faire un centre de courses de pillage. 
Le Barrois dépendait alors de Louis IV, à qui Otton 1®^ 
Tavait cédé en 940-942 (3). Aussi le roi de France pro- 
opinions émises par les historiens au sujet de Banis ou de Fanis^ mais 
sans dire à laquelle il se ralliait. 

Ce qui est particulièrement curieux, c'est de relever les variations 
successives de dom Calmet. On sait qu'il existe de la 1" édition de 
ÏH. E. C. L. deux sortes d'exemplaires : les premiers contiennent le 
t^te primitif de Calmet, les seconds le texte remanié sur l'ordre des 
censeurs. Pour ce qui est de la 2"^ édition, la censure fit opérer les 
changements sur le manuscrit, avant que l'ouvrage eût été remis à 
l'imprimeur (Beaupré, Dom Calmet aux prises avec la censure^ Jour- 
nal S. A. I., lo*^ année, 1860, p. 6-28). 

Dans les exemplaires non cartonnés de la 1" édition (t. I, col. 912), 
Calmet place en 951 la construction du château de Fains, en 964 celle 
du château de Bar ; il ajoute à la note z que la vraie leçon des mss, est 
Fanis et non Banis. Ouvrons maintenant les exemplaires cartonnés : 
rhistorien de la Lorraine y rejette (t. I, col. 911-912) à la fois Fains et 
Bar, parce qu'aucune de ces localités ne dépendait de Louis IV, et il 
semble adopter l'opinion de ceux qui identifient Banis avec Bagneux 
près de Paris; quant au château de Bar, il aurait été bâti après 9ol. 
Arrivons enfin à la 2"^ édition, nous y voyons (t. II, col. 12) Calmet 
hésiter entre Banis (Bagneux) et Fanis (Fains); il a d'ailleurs bien soin 
de ne pas reproduire les passages des exemplaires cartonnés où il sou- 
tenait que ni Fains ni Bar ne relevaient du roi de France. 

De nos jours, Clouet, H. F., t. I, p. 328, ne se prononce pas entre 
Fains et Bar-le-Duc. Quant à Lot, D. C, p. 13, n. 2, il accepte la leçon 
Banis^ et traduit ce mot par Bains, sans d'ailleurs indiquer où se trouve 
cette localité. 

A notre avis, Fanis ne peut être que Fains, près de Bar-le-Duc, et, 
comme nous l'avons montré dans le travail cité à la n. 3 de la p. 22,1a 
réclamation du roi de France s'explique par le fait qu'en 951 le Barrois 
était soumis à son autorité. 

(1) Flodoard, Ann. 951, p. 130. 

(2) Voir Lauer, Louis IV, p. 205-210. 

(3) Se reporter à notre article De la cession faite à Louis d'Outremer 
par Otton 1" de quelques npagin de la Lotharingie {Lorraine) occi- 
dentale [940-942] {Ann E. N., 2* année 1900, p. 8S-90, 92-^3). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 23 

testa-t-il auprès d'Olton, souverain de Frédéric, contre les 
déprédations que celui-ci commettait. Faisant droit à la 
requête de son beau frère, Otton défendit à tous ses sujets 
en général, et à Frédéric en particulier, de construire 
aucune forteresse sur les domaines de Louis IV sans Tau- 
torisation de ce prince (1). Hugues, le futur beau-père de 
Frédéric, était allé trouver le roi d'Allemagne et de Lor- 
raine en même temps que les ambassadeurs de Louis IV (2); 
et l'on peut supposer que la visite qu'il faisait à son beau- 
frère était motivée par la réclamation du roi de France. 
Son intervention ne fut peut-être pas inutile à Frédéric, 
qui paraît n'avoir subi aucun châtiment ; il dut simple- 
ment évacuer le pays usurpé, et de plus, on peut le suppo- 
ser du moins, détruire la forteresse qu'il avait élevée. 

Flodoard, en parlant des fiançailles de Frédéric et de 
l'occupation de Fains, qualifie de a comte » le frère d'Adal- 
J)éron, et nous le voyons prendre ce même titre dans une 
charte pour Saint-Arnoul de 952 (3). Nous sommes disposé 
à croire qu'il avait reçu de son frère, Tévéque de Metz, le 
comté de cette ville et du pays qui en dépendait (4). 

Toujours est-il que Frédéric se trouvait à Metz en 952, 
comme le prouve sa souscription mise au bas des chartes 
d'Adalbéron 1*^^ et du comte Rodolphe en faveur de l'abbaye 



(1) Flodoard, inn. 951, p. 130-131. Sur ces événements, consulter 
KôPKE et DûMMLER, K. 0. G., p. 188 et n. 2 et 3, Kalcksteix, G. F. À'., 
p. 277, Ottenthal, Reg. sàchs., p. 91, Lauer, op. cit., p. 214-218, Heil, 
Die politischen Beziehungen zwischen Otto dem Grossen tind Lud- 
wig IV von Frankreich, p. 98. 

(2) U résulte du récit de Flodoard que Hugues se rendit auprès 
d'Otton I" un peu avant la fête de Pâques qui, en celte année, tombait 
le 30 mars. 

(3) B. M., t. III, pr., p. 70. Cette charte, du 24 novembre 952, émane 
d'Adalbéron I". Frédéric souscrivit une autre donation, faite à la 
môme abbaye par un comte Rodolphe, le 11 juillet de la même année, 
mais sans qu'aucun titre accompagne son nom {H. M., t. III, pr., 
p. 69). 

(4) Voir le préc. vol. Mém., p. 331-336. 



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24 LES ORIGINES DE LA HAlTE-LOHRAL\E 

de Saint-Arnoul. Le moment approchait où la Lotharingie 
et TAllemagne allaient être secouées par une crise des plus 
violentes. La révolte du fils et du gendre d'Otton l^^, l'in- 
vasion des Hongrois, appelés par Conrad le Roux, duc 
dépossédé de Lotharingie, faillirent amener la ruine et la 
dislocation de la monarchie saxonne. Fort heureusement 
pour Otton, les Lorrains, qui dérestaient leur duc, ne le 
suivirent pas dans sa révolte ; ils prirent même les armes 
contre lui et le battirent. D'autre part, Louis IV n'inter- 
vint pas en faveur des rebelles, comme il Tavait fait en 
939. Le roi d'Allemagne et de Lorraine parvint à triom- 
pher de tous ses ennemis, intérieurs et extérieurs. Conrad 
et Liudolf firent leur soumission, et les Hongrois, écrasés 
à Augsbourg en 9oS, ne renouvelèrent plus leurs incur- 
sions en Allemagne (1). 

La ville de Metz avait été en 953 assaillie à Timproviste 
par Conrad: qui s'en empara, puis la mit au pillage (2). 
Cet acte de violence prouve que ni Tévêque, ni le comte 
de la ville n'avaient pris le parti de Conrad. Toutefois^ 
nous ne savons rien de précis quant au rôle que Frédéric 
joua dans ces circonstances. Il se montra probablement 
fidèle à Otton, sans quoi l'on ne s'expliquerait pas qu'en 
959 il eût été nommé duc de Mosellane. 

Trois années s'étaient écoulées depuis les fiançailles de 
Frédéric et de Béatrice; pourquoi le mariage ne fut-il pas 
célébré plus tôt ? D'abord, à cause du jeune âge de Béa- 
trice, qui, nous allons le voir, n'a pu naître qu'en 938 ou 
939. Puis les troubles qui agitèrent l'Allemagne et la 

(1) Sur ces événements, consulter Kôpke et Dûmmler, op. cit.^ p. ^ii- 
241, Ottenthal, Reg. sàchs., p. 104-118, Lauer, op. cit., p. 226-230. 

(2) Ff.0D0ARD, Ann. 953, p. 137, Roger, V. Brunonis, c. 24, p. 26. Cf. 
Kôpke et Dûmmler, p. 227-228, Ottenthal, p. 112, et Lauer, p. 227-228, 
qui, interprétant mal la V. Brunonia, a cru à tort que Conrad avait 
mis à sac la ville de Metz pour punir Adalbéron de sa défection. En 
réalité, Roger ne dit rien de pareil et ne fait même aucune allusion 
à l'évéque de Metz. 



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Qoo^(^ 



ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 28 

Lotharingie amenèrent sans doute un nouveau retard. Si 
Flodoard, qui d'habitude suit assez exactement Tordra 
chronologique, s'y est conformé en la circonstance, Fré* 
déric aurait célébré son union avec Béatrice entre le 
10 septembre, date de la mort de Louis IV, et le 12 novem* 
bre, jour du couronnement de Lothaire (1). C'était un 
beau mariage que faisait là Frédéric. Béatrice avait pour 
père Hugues le Grand, duc de France, le premier person- 
nage du royaume après le roi ; Avoie, mère de Béatrice, 
était sœur d'Otton le Grand et de Brunon (2). L'on peut 
même être surpris que Hugues le Grand ait donné sa fille 
à un homme dont la situation n'était pas équivalente à la 
sienne et qui, de plus, devait être beaucoup plus âgé que sa 
femme. 

Si la naissance de Frédéric ne peut être postérieure à 
920 (3), celle de Béatrice doit se placer au plus tôt en 938 
ou 939. C'est en effet dans le courant de 937 ou de 938 que 
Hugues le Grand avait épousé Avoie (4), et, en supposant, 
ce que nous ne savons d'ailleurs par aucun texte certain, 
que Béatrice fût l'aînée des enfants de Hugues et d'Avoie, 

(i) Flodoard, A7in. 954, p. 138-139. 

(2) Flodoard, Ann. 938, 951, î^, p. 69, 130, 139, charte de Hugues 
le Grand du 14 septembre 937 (Rec. H. Fr., t. IX, p. 7il). 

(3) En admettant que Voiry soit son père; voir ci-dessus, p. 20 et n. 2. 

(4) Quelque extraordinaire que la chose puisse paraître, la date du 
mariage de Hugues le Grand et d'Avoie ne peut être fixée avec certi- 
tude. D'une part, en effet, Flodoard, relate 1 événement à l'année 938 
{Ànn.^ p. 69), et, de l'autre, une charte de Hugues le Grand du 14 sep- 
tembre 937 (Hec. H. Fr., t. IX, p. 7il), en parle comme d'un fait 
accompli. S'il est bien difficile de croire que Flodoard ait attendu plu- 
sieurs mois, ou même une année, pour annoncer le mariage d'un per- 
sonnage aussi considérable que l'était le duc de France, on peut encore 
bien moins supposer une erreur do la part de Hugues lui-même, 
pourtant, d'après Lauer, Louis IV, p. 27 et n. 4, le chroniqueur 
rémois a pu se tromper. Ne vaudrait-il pas mieux, pour résoudre la 
difficulté, admettre que le rédacteur de la charte précitée, ou l'un des 
copistes qui nous l'ont transcrite, a mal indiciué l'an de l'Incarna- 
tion ? 



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28 LES ORIGINKS DE LA HAUTE-LORRAINE 

elle n'aurait pu venir au monde qu'en 938 ou en 939 (1). 
Il y avait donc une différence d'environ vingt ans entre 
Frédéric et sa femme. 

Flodoard, en parlant des fiançailles, puis du mariage de 
la fille de Hugues le Grand, oublie de mentionner son 
nom ; c'est par d'autres auteurs et par des sources diplo- 
matiques que nous savons qu'elle s'appelait Béatrice (2). 
Nous connaissons la future duchesse de Mosellane un peu 
mieux que son mari ; elle paraît avoir été intelligente, 
énergique, avoir eu du goût pour la politique et des apti- 
tudes à traiter les affaires de l'État (3). C'est en partie 
grâce à ses efforts que fut terminée la révolte d'Henri (4) 
duc de Bavière; elle travailla en même temps avec succès 
au rétablissement de la paix entre la France et l'Alle- 
magne. 

Béatrice donna trois enfants à Frédéric, Henri ou Heze- 



(1) Nous ne croyons pas, d'ailleurs, devoir faire descendre plus bas 
que 940 la naissance de Béatrice. La fille de Hugues le Grand, fiancée 
dès 951, était probablement formée trois ans plus tard, lorsqu'elle 
épousa enfin le comte Frédéric ; on avait sans doute attendu, pour 
célébrer le mariage, qu'elle eût atteint l'âge nubile. 

(2) Béatrice est expressément qualifiée de femme de Frédéric dans 
deux chartes de Saint-Mihiel, l'une émanant do Frédéric lui-même 
(962), l'autre de l'abbé Eudes t972), ainsi que dans un diplôme d'Ot- 
ton 111 pour l'église deToul, de 984 (De l'Isle, H. S. M., p. 4i0-4il et 435, 
St. 872, 0.>" 2, DD. Sax., t. II, p. 396) Le nom de la première duchesse 
de Mosellane est fourni par d'autres documents, dont les principaux 
sont \si Tabula Ottonurn^ une aufre Genealogia, le Continuateur de 
Bertaire, Gesta ep. Vird., c. 5, Constantin, V. Àdalberonis II, c. 1, 
AuBRïVDE Trois-Fontaimes, Clivonica (SS., t. III, p 215, t. IV, p. 32, 47, 
659, t. XXIII, p. 767 et 772), le Chronicon s. Michaelis, c. VII, p. 12, 
le Poema de sanclis et de fundatione Metlensium ecclesiarum. [N. .4., 
t. V, p. 437), JeandeBayon, Chron. Mediani Monasterii, 1. II, c. XLIII 
et XLVI (Calmet, H. E. C. t., 1" éd., t. II, pr., col. LXIV et LXVI, 
2-= éd., t. III, pr., col. CCXIV et CCXVII). 

(3) WiLMANs, Jahrb. 0. 111, p. 23, Sepep, Gerbert et le changement 
de dynastie {R. Q. H., t. VII, p. 486-487), D. J. Wittk, Lothringen in 
der zweiten Bàlfte des zehnten Ja/ir/iunderts, p. 68 et suiv. 

(4) Voir le § I du c. II du présent livre. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 27 

lin (1), Adalbéron (2) et Thierry (3). Le premier portait le 
nom de son arrière -grand-père maternel le roi de Germa- 
nie, fondateur de la dynastie saxonne, le deuxième, celui 
de son oncle paternel Tévêque de Metz ; le troisième enfin 
avait pu avoir pour parrain son cousin et homonyme 
révêque de Metz. 

Henri et Aldabéron sont mentionnés dans une charte de 
leur père pour Saint-Mihiel, de Tannée 962 (4), Hezelin et 
Thierry dans un autre document, de 972, concernant la 
même abbaye (5). Hezelin étant un diminutif d'Henri (6), 
Ton doit admettre qu'Hezelin et Henri ne forment qu'un 
seul et même personnage. Comme Henri est mentionné 
avant Adalbéron en 962 (7), et Hezelin avant Thierry en 
972 (8), comme d'autre part la charte de 962 ne parle pas 

(1) Les chartes de Saint-Mihiel de 962 et de 972 (de l'Isle, H. S. M., 
p. 440-441 et 435) font expressément d'Henri- Hezelin un fils de Frédéric 
et de Béatrice. 

(2) Outre la charte ci-dessus mentionnée, de %2, les documents sui- 
vants font de Frédéric le père et de Béatrice la mère d'Adalbéron : le 
Continuateur DE BERTAmE, Gesta ep. Vird.,c. 5, Constantin, V. Àdal- 
beronis 11, ci et 2, Sigebert de Gembloux, Chronographia,^tk, et la 
Gestorum abbatum Trudonensium cont^'"* III", pars I", c. 15 (SS., 
t. IV, p. 47, 659-660, t. VI, p. 352, t. X, p. 382) ainsi que le Poema 
de sanctis et de fundatione Mettennum ecclesiarum (N, A., t. V, 
p. 437). 

(3) Thierry est qualifié de fils de Frédéric par la charte déjà citée 
de 972, par le Chron. s. Michaelis, c. IX, p. 12, par Laurent de Liège, 
Gesta ep. Vird, c. 2, parla Tabula Ottonu m, parla Genealogia regum 
Saxoniœ {SS., t. X, p. 492, t. lïl, p. 215, t. Vï, p. 32), enfin par Jean 
de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLIII et XLVI (Calmet, H, E. CL., 
1'" éd., t. I, pr., col. LXIV et LXVI, 2" éd., t. 111, pr., col. CCXIV et 
CCXVIÏ). Les mômes sources (^sauf le Chron. s. Michaelis), ainsi que la 
Genealogia e stirpe sancti Arnulfi, c. 3 {SS., t. XXV, p. 382) nomment 
Béatrice comme mère de Thierry. 

(4) H. S. M., p. 440-441. 

(5) Ibid., p. 435. 

(6) Fôrstemann, Altdeutsches Nanienbuch, t. I, 2' éd., col. 734. 

(7) « Ex nomine... filiorum nostrorum Henrici et Alberonis... Signum 
filiorum ipsorum potentum Henrici videlicet et Alberonis » (Charte 
de Frédéric, de 982, H. S. M., p. 440-441). 

(8) a Una eu m filio eorum Hezelino alioque Theoderico consentienti- 
bus » (Charte do l'abbé Eudes, de 9T2, H. S. M., p. 435). 



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28 LES ORIGINES DE LA HAUTELORRALNE 

de Thierry, nous nous croyons en droit d'ad mettre qu'Henri- 
Hezelin était 1 aîné des enfants de Frédéric, Adalbéron le 
cadet et Thierry le plus jeune. C'est à Henri-Hezelin que 
devait revenir la dignité ducale. Adalbéron fut tout jeune 
destiné à l'Église par ses parents, qui espéraient sans 
doute qu'un jour il monterait sur Tun des sièges épisco- 
paux de la Haute-Lorraine, peut être sur celui de Metz, 
qu'occupait son parrain et homonyme. Il est vraisemblable 
qu'Adalbéron fut élevé à Metz, sous la haute direction 
de son oncle d'abord, puis de son cousin Thierry. 

Henri-Hezelin mourut avant son père, à une date que 
nous ne pouvons préciser (1). Adalbéron étant déjà clerc, 
ce fut le troisième des fils de Frédéric, Thierry, qui 
recueillit dans la succession paternelle la dignité de duc 
de Haute-Lorraine (2). 

Après le mariage de Frédéric et de Béatrice, annales et 
documents diplomatiques ne nous parlent plus de Fré- 
déric jusqu'en 959, année où Brunon le prit pour lieute- 
nant, et lui confia le gouvernement de la Lorraine méri- 
dionale. 

§ III. — Frédéric duc de Haute-Lorraine (959-978) 

Nous avons exposé dans un chapitre précédent les 
motifs qui avaient déterminé Brunon à diviser la Lotha- 
ringie en deux provinces, et à faire de Frédéric un duc de 



(1) La mort de l'aîné des fils de Frédéric I" se place entre les années 
972 et 978 : Henri-Hezelin est, nous l'avons vu, mentionné dans la 
charte de l'abbé Eudes (97'2), mais il avait cessé de vivre gvant son 
père (t 978). Le comte Hezelon, que VObiluaire de Saint-Mihiel, du 
XVII* siècle, commémore à la date du 21 octobre (Archives de la Meuse, 
série H., fonds Saint-Mihiel, N 2), est-il le fils de Frédéric et de Béa- 
trice, comme le suppose Calmet (H. E. C. I., 1" éd., t. I., col. CXCIII, 
^' éd., t. I, col. CCLXXXV) ? Il est permis d'en douter. 

(2) Dans un des appendices joints au présent travail, nous nous 
occuperons de Werner et d'Ita, qui, d'après les Acta Murensia^ au- 
raient été les enfants de Frédéric et de Béatrice. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 29 

Mosellane (1). En dehors de sa noble extraction, de son 
mariage avec une nièce d'Otton ^^ et.de Brunon lui-même, 
et de sa fidélité, d'éminentes qualités expliquent-elles la 
nomination de Frédéric au poste de confiance où Tavait 
élevé son oncle par alliance l'archevêque- duc ? A cela nous 
ne pouvons rien répondre. Comme beaucoup de ses con- 
temporains, Frédéric ne nous apparaît que comme une 
sorte de fantôme, que nous entrevoyons à peine dans le 
brouillard, et nous ne savons presque rien de sa personne 
morale. Bon frère (2) et bon mari (3), fonctionnaire et vas- 
sal fidèle (4), à ce qu'il semble, nous l'avons vu, dans ses 
rapports avec l'église, travailler avec un zèle louable à la 
réforme de quelques abbayes lorraines, et cependant 
s'approprier, sans le moindre scrupule, des biens qui appar- 
tenaient au clergé séculier ou régulier (5). Voilà, en défini- 
tive, les seuls traits de caractère que nous puissions rele- 
ver à propos de Frédéric. 

Au moment où Frédéric devenait duc de Haute-Lor- 
raine, les sièges épiscopaux delà province étaient occupés, 
celui de Trêves par Henri (6), ceux de Metz et de Toul par 
AdalbéronI«r et par Gauzlin (7) : quant au diocèse de Ver- 
dun, il était — ou allait être — privé de son premier pas- 
teur. Adalbéron, nous l'avons vu (8), était le frère aîné de 

(1) Au c. Il du 1. I. 

(2) L'union semble avoir régné entre les entants de Voiry; ils se 
viennent en aide et se soutiennent. 

(3) Béatrice apparaît à côté de son mari dans deux chartes de Saint- 
Mihiel ; voir ci-dessus, p. 26, n. 2. 

(4) S'il s'était révolté, les chroniqueurs nous l'apprendraient. 

(5) Voir les c. 1 et II du 1. II, et la suite de ce chapitre. 

(6) Henri, un parent d'Otton I", était depuis 9o6 archevêque de 
Trêves (Continuateur de Réginon 956, p. 169, Flodoard, Ami. 956, 
p. 143, Ann. Hildesheimenses 956, p. 21). Cf. Dûmmler, K. 0. G., p. 283, 
n. 5, Ottenthal, Reg. sàchs., p. 127, Hauck, KG. />., t. III, p. 31 et 
n. 4, p. 998. 

(7) Saint Gauzlin était devenu en 922 évoque de Toul {Ro. L. C, p. 647 
et n. 5). Consulter sur lui abbé Martin, B. D. T., p. 141-159. 

(8) Se reporter aux p. 6, 7, 9, 14 et 15 du présent travail. Adalbé- 
ron !•' a été l'objet d'une savante biographie écrite par le D» Wicu- 



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30 LES OlUOIXES DE LA HAUTELOUUAINE 

Frédéric, qui lui devait le comté de Metz et peut-être plus 
encore ; nous ne serions pas surpris en effet que, par son 
crédit auprès d'Otton 1®^ et de Brunon, Tévêque de Metz 
eût contribué à faire nommer Frédéric duc de Mosellane. 
Celui-ci ne pouvait qu'être fortifié dans son autorité parla 
présence, à la tête du principal diocèse de son duché, d'un 
proche parent, dont le dévouement lui était assuré. 

Bérenger, évêque de Verdun, mourut en 959 (1), soit 
avant, soit après la division de la Lotharingie en deux 
duchés. Son successeur, Wicfrid, qui ne fut peut être 
nommé qu'au début de 960, était d'origine bavaroise ;nous 
devons pourtant ajouter que M. Vanderkindere lui donne 
pour mère Liutgarde. fille de Voiry. Dans ce cas, Wicfrid 
aurait été le neveu du nouveau duc (2). 

MANN, Adalbero Bischof von Metz (Jahrb. G. L. G., 3* année, 1891, 
p. 104-174). ^ 

(1; Bérenger était un cousin d'Otton I"", qui lui donna l'évêché de 
Verdun en 940 (Continuateur de Bertairr, Gesta ep. Vird.y c. 2, Ann. 
s. Benigni Divionensis 940, SS., t. IV, p. 45, t. V, p. 40). C'est le 
12 août 959 {Necrologium s. Vitoni^ dans le Ja/irb. G. L. G., 14'' année, 
1902, p. 144) que mourut Bérenger ; les Ann. s. Vitoni Virdunensis 
(SS., t. X, p. 526) placent à tort en 958 l'événement, qui egt plutôt de 
l'année suivante. En tout cas, ce ne peut être plus tard, car nous 
allons bientôt voir que la consécration de Wicfrid, successeur de 
Bérenger, est antérieure au 25 février 960. Hugues de Flavigny, Chron, 
(dans le Flodoard de M. Lauer, p. 210-211) a recueilli et rapporté une 
fable, d'après laquelle Bérenger aurait été dépossédé de son siège et 
remplacé, étant encore vivant, par Wicfrid. Cette légende a trouvé 
crédit auprès de Roussel, H. T., 2© éd., t. I, p. 206-207, de Clocet, H, 
F., t. I, p. 323-325, même de Kôpke et Dûmmler, K. 0. G., p. 338-339 
et p. 339, n. 1. 

(2) Le Continuateur de Bertaire, Gesta ep. Vird., c. 3 (SS., t. IV, 
p. 46), nous apprend que Wicfrid était Bavarois ; d'après Sigebert de 
Gembloux, Vita Deoderici 1 MeUensis episcopi^ c. 7 (SS., t. IV, p. 467) 
le successeur de Bérenger avait été élevé à Cologne par Brunon. 
Aucune chronique n'indique l'année ni le jour de sa consécration, mais 
nous savons par une charte de Wicfrid pour Saint-Mihiel, du 25 
février de la sixième année du règne d'Otton, fils de l'empereur Otton, 
que le prélat était alors dans la huitième année de son épiscopat (De 
l'Isle, B. s. m., p. 442). Otton II ayant étjé couronné le 26 mai 961, le 
25 février de la sixième année de son règne correspond au 25 fé- 
vrier 967. La consécration de Wicfrid est donc antérieure au 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 31 

Sans aller jusqu'à se désintéresser de la désignation des 
évêques, Henri 1»^ (rOiseleur) avait dû le plus souvent 
l'abandonner aux ducs nationaux (1), qui l'avaient usurpée 
sur la royauté (2). Otton l^', au contraire, voulut, et ses 
efforts furent couronnés de succès, recouvrer les droits que 
les anciens rois francs avaient possédés en matière de 
nominations épiscopales (3). 

Dans le but de tenir en écbec les seigneurs laïcs, tou- 
jours prêts à la révolte, il entendait s'appuyer sur les 
évêques ; afin d'être sûr de ces derniers, il désignait, 
pour occuper les sièges vacants, soit des membres de sa 
maison ou de familles alliées à la sienne, soit tout au 
moins des clercs originaires d'une autre province. Les pré- 
lats ainsi recrutée, bien loin de songer à faire cause com- 
mune avec les grands du pays, avaient tout intérêt à servir 
fidèlement le souverain qui les avait nommés. Cette poli- 
tique d'alliance, d'union étroite entre la royauté et le 
haut clergé, n'était du reste pas nouvelle; les Carolingiens 
l'avaient déjà pratiquée, les successeurs d'Otton !«'' y reste- 
ront fidèles, sauf en de rares circonstances, où d'impé- 
rieuses nécessités leur dicteront une conduite différente. 
Nulle part plus qu'en Lorraine on ne constate le parti 
pris d'Otton I®^ d'écarter de l'épiscopat les membres des 
grandes familles indigènes (4). L'esprit d'insubordination 

25 février 960, elle a môme dû avoir lieu dans l'automne de 959 ; 
il est dit en effet dans la charte d'Hildegonde pour Saint-Pierre d'Amel 
(9-59) que la donation est faite dans l'année où Wicfrid a été consacré : 
« anno ordinationis domni Wicfridi sancte Virdunensis ecclesie antis- 
titis » ; et, vers la fin de l'acte, on trouve l'annonce de la souscription de 
Wicfrid, puis la souscription elle-même {Cart. Gorze, Mett.^ t. Il, n« 108, 
p. 198, 199, 200). Sur Wicfrid, consulter ClouCt, H. î'., t. I, p. 343 et 
suiv., KôpKE et DûMMi.ER, K. 0. G., p. 338-339, Vanderkindere, H. F. T. 
P. B., t. II, p. a51, Hauck, op. cit., t. m, p. 1000. 

(1) Hauck, KG. Z)., t. III, p. 16-20. 

(2) Hauck, ibid. 

(3) Hauck, p. 21 et suiv. 

(4) Pour ne parler que de la province ecclésiastique de Trêves, nous 
constatons que Trêves même eut successivement pour archevêques, 



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32 LES ORIGINES DE LA HAUTE -LORRAINE 

de celles-ci lui inspirait une défiance, que Ton n'a pas de 
peine à comprendre. Il nous faut bien reconnaître que le 
souverain allemand n'avait pas eu à se féliciter de l'éléva- 
tion sur le siège de Liège de Baudry (I«»^), neveu de 
Régnier III au Long Col d). On a même lieu d'être surpris, 
nous l'avons déjà dit, qu'en 959 Brunon eût pris dans le 
pays même les comtes auxquels il confia l'administration 
des provinces qu'il avait découpées dans la Lotharingie (2). 
Si Wicfrid, le nouvel évoque de Verdun, était, comme le 
suppose M. Vanderkindere (3), le neveu d'Adalbéron 1°' et 
de Frédéric, le roi, en le choisissant pour succéder à 
Bérenger, avait donné satisfaction à la puissante famille 
de Voiry (Wigeric), dont la mère de Wicfrid faisait partie, 
sans toutefois rompre entièrement avec la politique qu'il 
avait adoptée, puisque le nouvel évêque était Bavarois par 
son père. 

Tandis que les agitations, qui depuis tant d'années trou- 
blaient la Basse-Lorraine, se renouvelèrent encore plu 
sieurs fois après 959 (4), la Mosellane continua, on peut le 

Robert, frère de la reine Mathilde, et Henri, apparenté, lui aussi, à la 
dynastie réijrnante. A Metz, on rencontre Thierry I*', neveu par sa mère 
Amalrade do Mathilde, à Toul Gérard, un clerc du diocèse de Cologne, 
à Verdun Bérenger, un cousin d'Otton, et plus tard Wicfrid, un Bava- 
rois. 

(i) Baudry prit en 955 la place de Rathier, qui venait pour la 
seconde fois d'être chassé de son siège. L'évéché de Liège et toute la 
Lotharingie' du reste sortaient à peine d'une crise redoutable, qu'avait 
provoquée la révolte de Ckjnrad le Roux, duc dépossédé de la province. 
Otton le et Brunon n'avaient pas alors les mains libres, et ils jugèrent 
prudent de laisser Régnier 111, (|ui avait pris parti contre Conrad, 
donner son neveu Baudry pour successeur à Rathier. 

(2) Se reporter aux p. 220-223 du préc. vol. des Mém. 

(3) H, F. T. P. B., t. Il, p. 350. 

(4) En 960 (Flodoard, Ann. 960, p. 149), puis en 973 et en 976, lors des 
tentatives faites par les fils de Régnier 111 pour recouvrer les domai- 
nes dont leur père et eux-mêmes avaient été dépouillés {Ann. Lau- 
bienses et Leodienses 973 et 976, Ann. Blandinienses 974, Sigebert 
DE Gembloux, Chronographia 973 et 976, Gesta ep. Camer., 1. I, c. 95 
et 96, Ann. AHahenses majores 91i, SS., t. IV, p. 17, t. V, p. 25, t. VI, 
p. 354 et 352, t. VII, p. 439 et 440, t. XX, p. 787, Flodo.vrd, Addita- 
menUm, p. 161-162, etc.). 



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Et SA PUEMiÈRË MAISON DUCALE 33 

croire, à jouir de la tranquillité relative qu'elle avait con- 
nue précédemment. Toujours est-il que les sources anna- 
listiques ne parlent presque jamais de la Haute-Lorraine ni 
de son duc. Aussi ne savons-nous rien de Faction exercée 
par Frédéric de 939 à 978, du rôle qu'il a joué durant ces 
dix-neuf années, soit en Allemagne, soit dans la province 
qu'il administrait. N'a-t-on pas le droit de conclure du 
silence des documents que ce rôle a été dépourvu 
d'importance? 

ATépoque où Frédéric fut institué duc de Mosellane, un 
enfant, Lothaire, fils de Louis d'Outremer, gouvernait la 
France sous la tutelle de sa mère Gerberge. Nous avons dit 
qu'en plusieurs circonstances il fit appel au bon vouloir et 
à l'appui de ses oncles, Otton 1®^ et Brunon, contre les 
adversaires qu'il rencontrait dans ses Etats, en particulier 
contre ses cousins, les fils de Hugues le Grand (1). 

Vers la fin de 959, puis de nouveau en 960, Brunon se 
rendit avec une armée de Lorrains dans le duché de Bour- 
gogne, où le comte de Troyes, Robert, fils d'Herbert H de 
Vermandois, avait pris le château de Dijon (2). H ne 
semble pas que Frédéric ait suivi l'archevêque de Cologne 
dans ces expéditions. Par contre, nous le voyons faire res- 
tituer à l'archevêque de Reims, Artaud, partisan fidèle de 
Lothaire comme il l'avait été de Louis IV, la forteresse de 
Mézières (3). Ce château appartenait à l'église de Reims, 
bien que situé en Lorraine ; un certain Lambert, qui s'en 
était emparé, dut le rendre à son propriétaire légitime en 
présence de Frédéric (4). 

(1) p. 213-214 du préc. vol. Mém. Cf. Lot, D. C, p. 18, 19, 25, 28, 29, 31, 32. 

(2) Flodoard, Ann. 959 et 960, p. 147 cl 148. Cf. Witte, Lolhringeu 
in der zweiten Hàlfte des zehnten Jahrhimderts^ p. 15-17, Kôpke et 
DûMMLER, K. 0. G., p. 306-308, Kalckstein, G, F. A'., p. 299-301, Lot, 
D. C, p. 27-32. 

(3) Ardennes. Mézières se trouvait dans le p. Castricensis. 

(4) Flodoard, Ann. 960, p. 148. Cf. Kôpke et Dûmmler, K. 0. G., 
p. 306-307, Lot, D. C, p. 30. 



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34 Lii;S ORIGINES DE LA HALTELORRÂLNE 

Nous ignorons si le duc de Mosellane aida Brunon à 
réprimer la révolte que fomentèrent en 960 Robert et 
Immon dans la Basse-Lorraine (i). Il est certain d'autre 
part que Frédéric et son frère l'évêque de Metz se trou- 
vaient en juin 960 à Cologne, auprès du roi Olton I^^ qui 
tint dans cette ville une assemblée de grands laïcs et de 
prélats (2). Saint Gauzlin, évêque de Toul, était venu, lui 
aussi, à Cologne. C'est peut ôtre alors, comme nous allons 
le voir, qu'il porta plainte au roi contre Frédéric, qui avait 
usurpé des terres de son église, et que le duc fut obligé par 
Otton de dédommager le prélat, en lui abandonnant 
l'abbaye de Moyenmoutier. 

Les chroniques font ensuite de nouveau le silence sur 
Frédéric, en sorte que nous sommes réduit à des conjec- 
tures au sujet de son rôle politique. On peut admettre 
comme vraisemblable sa présence à Worms, où Otton le 
Jeune, fils du souverain allemand, fut proclamé roi du 
consentement des grands et de tout le peuple (3). 

A supposer que Frédéric ne se fût pas trouvé à Worms, 
il a certainement dû se rendre à Aix-la Chapelle, où eut 
lieu une nouvelle cérémonie Le 26 mai 961, jour delà 
Pentecôte, les grands laïcs et ecclésiastiques de la Lor- 
raine, réunis dans la ville de Charlemagne, élurent pour 
roi le jeune fils d'Otton le Grand, qui fut ensuite sacré 
par un archevêque, probablement par son oncle Brunon, 
dans le diocèse de qui se trouvait Aix la-Chapelle (4). 
Comme duc de Mosellane, Frédéric devait être là. 

Il) Flodoard, Ann. 960, p. -149. Cf. Witte, Lothringen, etc., 
p. 20, KôPKE et DûMMLER, A. 0. G., p. 309 et Lot, D. C, p. 33. 

(2) Adalbéron et Frédéric interviennent en effet auprès d'Otton en 
faveur de l'abbaye messine de Saint-Pierre (B. 0. 282, 0. ' 210, DD. Sax., 
t. I. p. 289). Cf. KôPKE et Dûmmler, K. 0. G., p. 312 et Ottenth.\l, fie^. 
sdchs , p. 139. 

(3) Voir KÔPKE et Dûmmler, p. 322, Ottenthal, p. 144-14o. 

(4) Le lieu, l'année et le jour du sacre d'Otton le Jeune sont donnés 
par les Annales Lobienses {SS., t. XFII, p. 234), le lieu et l'année parle 
Continuateur DE RkiiInon, p. 171, p:ir les Ann. Besuenses, par Lam- 
bert i>E HER-iKEhT), Ann. y et p:ir les Ann. .s\ Benigni Divionensitt 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 35 

Vers la fin de cette môme année, Otton I^' quitta l'Alle- 
magne pour aller en Italie. Godefroy, duc de Basse-Lor- 
raine, accompagna le roi de Tautre côté des Alpes (l),mais 
il n'en fut pas de même de son collègue de la Mosellane. 
Nous trouvons en effet Frédéric à Saint-Mihiel le 7 sep- 
tembre 962 (2), à Saint-Maximin de Trêves le 17 avril 963(3). 
Peut-être Otton avait-il jugé dangereux, en raison de Tesprit 
turbulent des Lorrains et des attaques dont la province 
pouvait être l'objet, d'enlever pour plusieurs années à la 
Mosellane le duc qui avait pour mission d'y maintenir 
l'ordre et de la protéger. 

Durant la longue absence d'Otton ^r, le haut personnel 
ecclésiastique de la Mosellane s'était en grande partie 
renouvelé. L'année 962 vit disparaître l'un après l'autre 
les évêques de Metz et de Toul, Adalbéron l^' (4) et saint 

(SS., t. Il, p. 249, t. III, p. 61, t. V, p. ^5) — l'année seulement par les 
Ann. Colonienses, les Ann. s. Maximi Trevirensn, les Ann. Einsid- 
lenses, les Ann. Laubienses et les Anfi. Leodienses, les Ann. Blandi- 
nienseSy par Hermann de Reichenau, Chron.^ par les Ann. Aquenses 
(SS., t. I, p. 98, t. II, p. 213, t. III, p. 142, t. IV, p. 17, t. V, p. 25 et 
215, t. XXIV, p. 36). Les Ann. Thielenaes indiquent bien le lieu, mais 
placent à tort l'événement en 962 (SS., t. XXIV, p. 23). — Il est inté- 
ressant de rapporter les termes dont se servent les Ann. Aqueuses : 
(( Et filius ejus (Otton I") Otto efflcitur rex in Franciam ». Si le nou- 
veau roi a rendu des diplômes en faveur d'églises et d'abbayes de 
l'Allemagne aussi bien que de la Lorraine, au début, c'est ce dernier 
pays plutôt que l'autre qui semble placé sous son autorité ; un certain 
nombre de chartes lorraines sont datées des années de règne du jeune 
souverain, et cela du vivant d'Otton I". 

(1) Ck)NTINUATEUR DE RÉGINON, 964, p. 174. 

(2) Charte de Frédéric lui-môme (de l'Isle, H. S. M., p. 440). 

(3) Echange entre Sigefroy et Saint-Maximin (MR, UB., t. I, n* 2ii, 
p. 271). 

(4) Adalbéron mourut le 26 avril {Catalogus episcoporum Metten^ 
sium et Gestorum abbatum Trudonensium cont. tertia, pars prima, 
I. III, c. 12, SS., t. XIII, p. .306 et t. X, p. 378), 962 (Continuateur de 
RÉGINON, 962, p. 172, Ann. Mettenses brevissimi^ 962, Sigebert de 
Gembloux, Vita Deoderici I, SS., t. III, p. 155, t. IV, p. 465). La Gest. 
abb. Trud. cont. tertia place la mort d' Adalbéron II (sic) en 964, en la 
26' année du règne et en la 3« année de l'empire d'Otton. Le Catalogus 
ep. Mett. attribue à Adalbéron I" 3s5 ans, 9 mois et 25 jours d'épiscopat* 



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36 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Gauzlin (1) ; au milieu de 964, ce fut le tour d'Henri, arche- 
vêque de Trêves (2). Alors que saint Gauzlin avait, dès le 
printemps de 963, pour successeur Gérard, un clerc de 
Tarchidiocèse de Cologne (3), le diocèse de Metz allait 
demeurer sans pasteur pendant près de trois années. Ce 
fut en 965 seulement que Thierry, cousin par sa mère 
Amalrade d'Otton P*", monta sur le siège de saint Clé- 
ment (4). Quelles sont les causes de cette longue vacance? 
Les sources ne nous les faisant pas connaître, nous sommes 
réduit à des hypothèses. Frédéric aurait-il voulu que son 
jeune fils Adalbéron fût nommé évêque de Metz ? Brunon, 
partagé entre le désir de ne pas mécontenter Frédéric et la 
crainte de lui laisser prendre une trop forte situation dans 
son duché, aurait-il fait traîner les choses en longueur, pour 
laisser à Otton lui-môme la responsabilité de la décision? 
Quoi qu'il en soit, ce fut à Tun de ses parents que l'empe- 
reur donna la succession d'Adalbéron l^^. Quant au nou- 
veau métropolitain de Trêves, désigné également en 965, 

(1) C'est le 7 septembre 962 que saint Gauzlin termina son existence; 
le jour est donné par les Miracula s. Mansueti, c. 8, par les Ann» 
s. Benigni Divionensis^ et par les Gesta ep. TulL^ c. 33 (SS., t. IV, 
p. 511, t. V, p. 41, t. VIII, p. 640), l'année par les Ann. s. B. D. 

(2) La mort d'Henri est du 3 juillet (Necrologium s. Maximini dans 
les Jahrbilcher der Alterthumsfreunde im Rheinland, t. LVIl, p. 114) 
964 (Continuateur de Rkginon, 964, p. 174, Annales necrologici Ful- 
denses, SS., t. XIII, p. 200). Les Ann. Hildesheinienses, p. 22, indi- 
quent à tort 963. 

(3) VoiRY, Vita s. Gerardi, c. 1-3 (SS., t. IV, p. 493). Saint Gérard 
fut consacré le 29 mars 963 [Ann. Besuenaes, Ann. s. Benigni IHcio- 
nensis, Gesta ep. TuUemium., c. 34, SS., t. II, p. 249, t. V, p. 41, t- VIII, 
p. 642). 

(4) C'est le Continuateur de Réginon, 965, p. 176, qui donne l'année ; 
d'après les Ann. Mettenses brevissimi, Thierry serait devenu évoque 
en 063, et d'après les Ann. s. Vincentii MetlenM$^ en %4 (S'S\, t. III, 
p. 155 et 157). La parenté de Thierry et d'Otton I" nous est connue par 
le CoNT. de Réginon, par les Ann. Laubienses, par Sigebert de Gem- 
BLoux, Vita Deoderici I Mettensis episcopi, c. 1, par la Vita Kaddroœ, 
etc. {SS., t. IV, p. 17, 464, 483). Sur l'éducation de Thierry, cf. Sige- 
bert, op. cit., c. 2 et 3 (SS., t. IV, p. 464-465). La vie de Thierry a été 
écrite par Reuss, Das Leben des Bischofs Theoderich 1 von Metz, 



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£T SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 37 

il s'appelait, lui aussi, Thierry, et sortait des rangs du 
clergé mayençais ou trévirois (1). 

Oa remarquera que, de ces trois prélats, deux au moins 
n'étaient pas originaires de -la Mosellane (2) ; Otton, fidèle 
à la politique dont nous parlions plus haut, persistait à 
écarter des sièges épiscopaux de la Lotharingie les mem- 
bres des grandes familles indigènes, dont il continuait à 
se méfier. 

Frédéric avait-il été consulté lors de la désignation de 
Gérard et des deux Thierry? Nous n'en avons pas la 
moindre preuve, et rien ne le donne à penser (3). Il se 
pourrait même que la nomination de l'évéque de Metz eût 
été indirectement dirigée contre le duc de Haute-Lorraine, 
et que l'empereur, en choisissant Thierry, se fût proposé de 
faire échec à Frédéric, de lui donner un surveillant et un 
modérateur. Quand bien même telle n'aurait pas été 
l'intention secrète du souverain, la situation de Frédéric 
se trouva, dans une certaine mesure, amoindrie par suite, 
du changement de personne qui venait de s'opérer à la tête 
du diocèse de Metz. Son frère Adalbéron !«' avait été pour 
lui un conseiller et un auxiliaire, dont le concours ne lui 
aurait jamais manqué ; Frédéric ne pouvait naturellement 
vivre sur le même pied d'intimité avec Thierry, qui n'était 
que son cousin par alliance (4), ni espérer de lui le même 

(1) Suivant le Continuateur de Réginon 965, p. 176, Thierry était 
diacre de Trêves ; par contre un diplôme d'Otton I" pour Tiiierry lui- 
môme, du 29 mai 961 (B. 0. 300, 0. ' 226, DD, Sax., t. I, p. 310) ainsi 
que les Gesta Treverorum, c. 29 (SS., t. VIII, p. 169) font de ce per- 
sonnage un prévôt du chapitre de la cathédrale de Mayence ; le même 
privilège d'Otton l"' nous apprend que Thierry était l'un des familiers 
du souverain. 

(2) Nous en avons la certitude pour les évêques de Toul et de Metz ; 
il y a doute en ce qui concerne le métropolitain de Trêves. 

(3) Se reporter à ce que nous avons dit dans le préc. vol. des Mém.^ 
p. 305. 

(4) L'évéque Thierry, neveu, par sa mère Amalrade, de la reine 
Mathilde, était le cousin-germain d'Avoie, mère de Béatrite, l'oncle à 
la mode de Bretagne de celle-ci et de Frédéric. 



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38 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

dévouement, les mêmes services. En outre, proche parent 
de la famille régnante, conseiller influent d'O.tton !«' et 
surtout d'Otton II, jouissant d'un crédit très supérieur à 
celui que possédait Frédéric, Thierry reléguait forcément 
le duc an second plan, aussi bien dans la Mosellane que 
dans le comté de Metz. Que l'empereur Tait — ou non — 
voulu, la nomination de Thierry se trouva porter atteinte 
à l'autorité et au prestige de Frédéric. 

Pourtant, ce ne fut pas avec le nouvel évêque de Metz, 
mais avec celui de Toul, que le duc devait entrer en conflit. 
11 est même probable que les premières difficultés avaient 
surgi, non pas sous l'épiscopat de Gérard, mais du vivant 
de son prédécesseur. 

On se rappelle qu'en 9ol Frédéric avait élevé à Fains 
un château, d'où il portait la dévastation dans les cam- 
pagnes voisines. Les réclamations adressées par Louis 
d'Outremer, alors maître du Barrois, à son beau-frère 
Otton I®^ avaient été entendues, et, sur Tordre du roi 
d'Allemagne, Frédéric dut faire démolir la forteresse qu'il 
avait construite sur le terrain d'autrui (1). Quelques années 
plus tard, il devenait, en même temps que duc de Mosel- 
lane, comte du c. Barrensis, que Gerberge et Lothaire 
venaient de restituer à Brunon (2). Voulant protéger la 
vallée de l'Ornain contre les incursions des pillards venus 
delà Champagne, Frédéric résolut d'élever une nouvelle 
forteresse. Une hauteur, située sur la rive gauche de 
l'Ornain, vis-à-vis de Bar-la-Ville, lui parut offrir un 
emplacement favorable. Le terrain appartenait bien à la 
cathédrale de Toul, mais ce détail n'arrêta pas le comte- 
duc, qui fit bâtir son château à l'endroit qu'il avait choisi,, 
sans se préoccuper autrement des droits du légitime pro 
priétaire (3). Seulement, l'évéque de Toul, défenseur 

(i) Voir plus haut, p. 21-23. 

(2) Se reporter à la p. 360 du précédent vol. des Mém. S. A. L. 

(3) Chron. s. Michaelis, c. Vil, p. 11, TAh. de s. Hildulfi }<uccessori- 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 39 

naturel des droits de son église, ne souffrit pas en silence 
Tusurpation dont elle avait été la victime. 

Nous avons la certitude qu'il y eut réclamation de la 
part d'un évêque ; mais qui, de saint Gauzlin, ou de saint 
Gérard en fut Tauteur ? Si nous savions en quelle année 
Frédéric bâtit le château de Bar, nous aurions déjà pour 
la date de la protestation épiscopale un terminus a quo ; 
par malheur, les sources ne nous apprennent rien à cet 
égard. 

Nous avions autrefois cru pouvoir placer la construction 
de la forteresse dans les derniers mois de 962, entre la 
mort de saint Gauzlin et l'avènement de son successeur. 
Il nous avait semblé naturel que Frédéric eût choisi, pour 
s'installer à Bar, le moment où l'église de Toul se trouvait 
privée de son chef et de son protecteur. Comme l'empe- 
reur était alors en Italie, saint Gérard, consacré évéque de 
Toul le 29 mars 963, aurait attendu le retour d'Otton en 
Allemagne, pour lui présenter sa réclamation, et nous 
pensions qu'il la lui avait soumise en juin 965, lors de 
l'assemblée tenue à Cologne. Le souverain, reconnaissant 
le bien fondé de la plainte du prélat, aurait obligé le duc 
de Haute-Lorraine à dédommager saint Gérard, en lui 
cédant les abbayes de Moyenmoutier et de Saint-Dié (1). 

Notre hypothèse n'avait pas seulement pour elle la 
vraisemblance ; des chroniques (2) la venaient appuyer de 
leur témoignage. Par malheur, nous avions eu le double 
tort de ne pas prêter une attention suffisante à d'autres 
documents, qui contredisent en partie les premiers, et de 
ne pas reconnaître, d'autre part, que Moyenmoutier, Saint- 
Dié et Bergheim ont été abandonnés par Frédéric à l'église 

bus, c. 10 (SS., t. IV, p. 91); Cf. Voiry, Viia s. Gerardi, c. 21 (5S., 
t. IV, p. 503). 

(1) De prima domo, etc., p. 24. 

(2) Chron.s. Mich., c. Vil, p. 11, Lib. de s. Hild. suce, c. 10, Voiry, 
Vita s. Gerardi, c. 21 (SS., t. IV, p. 91 et 503). 



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40 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

de Toul, en compensation de Bar-la-Ville et des autres 
localités barroises dont le duc Tavait dépouillée. Aussi, 
avions-nous commis une erreur au sujet de Tévêque qui, 
s'étant plaint de Frédéric, obtint d'Otton I®' une indem- 
nité. En réalité, comme nous Tavons vu plus haut (1), c'est, 
non pas saint Gérard, mais son prédécesseur qui protesta 
auprès d'Otton pr contre la construction du château de 
Bar et se fit céder Tabbaye de Moyenmoutier. 

A quel moment placer la réclamation du prélat ? Soit 
en juin 960, lors d'une assemblée tenue à Cologne par le 
souverain allemand (2), assemblée où se trouvaient l'évêque 
de Toul (3) et le duc de Mosellane (4), soit encore en mai 
961, quand le jeune Otton II fut couronné roi à Aix la- 
Chapelle. Aucun diplôme, il est vrai, ne signale la pré- 
sence à la cérémonie ni de Frédéric ni de Gauzlin, mais il 
nous paraît probable qu'ils y ont assisté (5). Si la plainte 
de révêque et la décision d'Otton étaient de juin 960, le 
château de Bar aurait été bâti soit au début de cette 
année, soit à la fin de la précédente ; au cas où elles se 
placeraient en mai 961, la construction serait de 959, de 
960 ou des premiers mois de 961 (6). 

(1) Voir p. 407-408 du précédent vol. des Mém, S. A. L, 

(2) La présence à Cologne à cette date de Frédéric, de son frère 
Adalbéron I" et de saint Gauzlin nous paraît démontrer qu'il y eut 
alors dans la métropole rhénane une assQmblée qui réunit au moins 
les grands de la Lotharingie. Cf. Kôpke et Dùmmler, K. 0. G., p. 312. 

(3) Saint Gauzlin intervient avec la reine Adélaïde en faveur de 
l'abbaye de Bouxières-aux-Dames (Diplôme d'Otton I" du 4 juin 960, 
B. 0. ^, G.» 211, OD. Sax., t. I. p. 291). 

(4) Frédéric et son frère l'évêque de Metz figurent comme interces- 
seurs dans le privilège d'Otton I", pour Saint -Pierre de Metz, du 
3 juin 960 (B. 0. 28-2, 0.» 210, DZ>. Sax., t. I, p. 289). 

(5) En ce qui concerne Frédéric, voir ci-dessus, p. 34. 

(6) Suivant le Chron. s. Michaelis, c. VII, p, 41, Frédéric aurait 
élevé le château de Bar avant d'épouser Béatrice. Jean de Bayon, 
Chron. Med. Mon., 1. II, c. 28 (Bibliothèque publique de Nancy, ms. 
537, t* 35 v»% col. 2) croit que le fait eut lieu vers 967. — Les histo- 
riens lorrains ou barrois du xvm* siècle ne sont pas tombés d'accord 
sur la date de l'événement. B. Picart, après s'être ( Vie de saint Gérard, 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 41 

Frédéric, nous Tavons dit précédemment, ne mit aucune 
hâte à rendre Moyenmoutier. Otton 1*^ partit pour l'Italie 
en août 961, et Gauzlin termina son existence un an plus 
tard : Frédéric profita, il est permis de le supposer, de ces 
conjonctures favorables pour ne pas obéir aux ordres du 
roi. Mais Gérard, successeur de saint Gauzlin, n'entendait 
pas que les droits de son église fussent méconnus. Avec 
une persévérance inlassable, il allait travailler à les faire 
triompher. Nous croirions volontiers que, dès Tannée 965, 
il présenta une plainte à l'empereur, quand celui-ci réunit 
dans la ville de Cologne une grande assemblée, où nous 
constatons la présence de Gérard lui-même et de Frédé- 
ric (1). Otton confirma la décision qu'il avait prise quel- 
ques années plus tôt (2). 

L'affaire pourtant n'était pas terminée ; bien des années 
se passeront avant qu'un accord définitif intervienne entre 
les descendants de Frédéric et les évéques de Toul au 
sujet des abbayes vosgiennes, et de l'indemnité due à 
l'église Saint-Etienne pour les villœ barroises dont elle 
avait été dépouillée (3). 

Après une absence de trois ans et demi, Otton était 

p. 263) prononcé pour 964, hésite ensuite entre 951 et 964 (H. T., p. 98); 
Calmet (^. ii. C. L.^i' éd., t. I, col. 911, et 2e éd., t. II, col. 3) 
adopte 964, de l'Islb {U. S. 3/., p. XLIX et 42), 961, et de Maillet 
(Essai chronologique sur l'histoire du Barrois^ p. 8), 967. 

(1) Le duc de Mosellane et Gérard souscrivirent en effet une charte 
d'Everacle, évoque de Liège, datée de Cologne le 2 juin 965, et rendue 
en faveur de l'église Saint-Martin de Liège (Martèine, Amplissima 
collectiOy t. VII, col. 55 et 56). Le même document nous fait connaître 
la présence à Cologne de l'archevêque de Trêves, ainsi que des évéques 
de Metz et de Verdun. 

(2) KôPKE et DùMMLEH, K. 0. G., p. 377, ont déjà supposé que la 
plainte de saint Gérard et la décision de l'empereur étaient contempo 
raines do l'assemblée tenue à Cologne en juin 965. Ni l'abbé Jérôme, 
L'abbaye de Moyenmoutier, ni l'abbé Martln, H. D. T., t. I, n'ont 
tenté de préciser l'époque à laquelle saint Gérard aurait saisi l'empe- 
reur de sa réclamation. 

(3) Se reporter aux p. 365-367 et 409-410 du précédent vol. des Mém. 
S. A. L. 



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42 LES OKIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

rentré en Allemagae au mois de janvier 965 ; il s'occupa 
de la Lotharingie, pourvut les sièges vacants de Metz et 
de Trêves et tint en juin à Cologne l'assemblée générale dont 
nousveaons de parler (1). On sait que saint Gérard et 
Frédéric y assistaient; l'archevêque de Trêves ainsi que 
ses suffragants de Metz et de Verdun étaient, eux aussi, 
venus à Cologne (2). 

L'archevêque-duc Brunon mourut quelques mois plus 
tard le 11 octobre 965 (3). A la fin de décembre, Otton se 
rendit de nouveau à Cologne, où il régla les affaires de la 
Lotharingie. Par malheur, le Continuateur de Réginon ne 
nous lait pas connaître les mesures prises par l'empe- 
reur (4). Folmar (Poppon), successeur de Brunon sur le 
siège de Cologne, ne semble pas avoir hérité de la situa- 
tion politique qu'avait eue le défunt (5) ; la Basse-Lorraine, 
dont le duc Godefroy était mort en Italie, ne reçut pas de 

(1) Au sujet de l'assemblée de Cologne lire KôPKEet Dûmmler, K.O.G.y 
p. 371-377, Ottenthal, Reg. sàchs., p. 482-184. 

(2) C'est la charte citée à la n. 1 de la p. 41 qui nous fait connaître la 
présence des deux Thierry et de Wicfrid à l'assemblée de Cologne. 

(3) Sur la mort de Brunon, consulter le Continuateur de Régixox, 
965, p. 176, Roger, F. Brunanis, c. 43 et suiv., p. 44 et suiv., Thiet- 
MAR, Chron., 1. Il, c. 23, p. 33, les Ann. Hlldesheimenses, p. 22, les 
Ann. ColonienseSf Lambert de Hersfeld, Ann.^ les Ann. Einsidlenses^ 
Hermann de Reichenau, Chron. {SS., t. I, p. 98, t. III, p. 61, 142, t. V, 
p. 115). Cf. KôPKE et DûMMLER, À'. 0. G., p. 3%-399, Ottenthal, Reg. 
sàchs., p. 189-190. 

(4) c Imperator ColoniaB Natale Domini celebravit cunctaque ibi 
Lothariensis regni negotia, prout sibi videbatur, disposuit » (Cont. de 
Réginon, 966, p. 177). Si le chroniqueur relate l'événement au début 
de 966, c'est qu'à cette époque l'année, en Allemagne et en Lotharingie, 
commençait k Noél. 

(5) FicKER, Engelbert der Heilige, p. 62, 223-228, est le seul histo- 
rien moderne qui ait admis que les successeurs de Brunon sur le siège 
de Cologne ont possédé l'autorité ducale dont le frère d'Otton I" avait 
été revêtu. Giesebrecht, G. D. K., t. VI, p. 327, Bernhardi, Jahrb. 
K. III, p. 873, Vanderkindere, B. F. T. P. B., t. II, p. 24-25, 260-281, 
ont combattu l'opinion de Ficker : pour eux, c'est vers le milieu du 
xii« siècle seulement qu'Arnold ïlï, archevêque de Cologne, reçut de 
Conrad III les pouvoirs ducaux sur la partie de l'ancienne Basse- Lor- 
raine qui correspondait à la Ripuairie. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 43 

nouveau chef (1). Quanta Frédéric, nous ignorons quels 
changements furent apportés à sa situation. Son autorité 
ne s'étendit certainement pas sur la Lorraine du Nord (2) ; 
toutefois, la disparition de Brunon supprima un intermé- 
diaire entre l'empereur roi et le duc, qui devint le lieute- 
nant du souverain lui-même et non plus seulement celui 
de son frère. Sans porter de nouveau titre, sans même 
recevoir de nouveaux pouvoirs, Frédéric s'élevait d'un 
degré dans la hiérarchie, gagnait en autorité et en pres- 
tige. 

Dans le courant de cette môme année 965, et postérieu- 
rement au 2 février, Frédéric fit un séjour à Metz, comme 
le prouve sa présence lors de la donation que sa belle-sœur 
Avoie, veuve de Gilbert, consentit en faveur du monastère 
de Gorze (3). 

En août 966, Otton I^^ reprit le chemin de l'Italie, où il 
ne deipeura pas moins de six années. Le duc de Mosellane 
ne le suivit pas plus que la première fois dans la Pénin- 
sule. Les motifs qui, en 961, avaient déterminé Otton à 
laisser Frédéric dans la province qu'il administrait, 
n'avaient sans doute pas perdu de leur valeur. Le 26 octo- 
bre 966, le duc régla le différend qui avait surgi entre 
Léry et l'abbaye de Bouxières (4). Il disparait ensuite 
pendant près de cinq ans ; nous ne le retrouvons que le 
6 octobre 971, auprès de Tévêque Gérard, dont il souscrit 
une donation faite au prieuré de Salone (5). Pourtant, des 
causes de mésintelligence subsistaient toujours entre le 

(1) Voir Vanderkindere, op. cit.^ t. II, p. 25. 

(2) Se reporter à ce que nous avons dit, p. 215-216 du préc. vol. Mém. 

(3) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n» 98, p. 181. Nous avons, 
à plusieurs reprises déjà, parlé de ce document ; voir en particulier 
le précédent vol. des Mém. S. A. I., p. 244 et n. 4, p. 331 et n. 7, p. 332 
et n. 1. 

(4) Calmet, B. E. C. I., i" éd., t. I, pr., col. 377, 2« éd., t. If, pr., 
col. CCXXI. Cf. p. 291-295 du préc. vol. Mém. 

(5) Imprimé dans les pièces justificatives du présent travail. 



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44 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE 

prélat et Frédéric, qui s'obstinait à garder Moyenmoutier. 
Nous avons dit que Gérard, revenant à la charge, avait 
adressé de nouvelles plaintes à Otton II, et, qu'après s'être 
fait confirmer par ce prince la possession de Moyenmou- 
tier, il obtint de lui Saint-Dié deux ans plus tard. Le duc 
ne se tint pas pour satisfait d'avoir conservé Tavouerie de 
Moyenmoutier,que lui avaient réservée Otton I^f et Otton II ; 
jusqu'à sa mort, il continua de tenir en échec Tévêque 
de Toul, et de rendre à peu près illusoires les droits 
que celui-ci avait acquis sur les deux abbayes vosgien- 
nes (1). 

Otton le Grand avait terminé son existence le 7 mai 
973 (2), laissant ses Etats au fils qu'il avait eu d'Adélaïde, 
Otton II ; celui-ci, né en 954 ou en 955 (3), avait été cou- 
ronné roi le 26 mai 961 (4) et empereur le 25 décembre 
967 (5), Sans aucun doute, Frédéric dut prêter serment de 
fidélité au nouveau souverain (6), qui lui confirma les pou- 
voirs ducaux et comtaux dont il avait été précédemment 
investi. 

On ne trouve que de rares mentions de notre dnc sous 
le règne d'Otton IL Au mois de mai 977, ce prince par- 
courut la Lotharingie, et s'arrêta quelques jours à Thion- 
ville (7). Frédéric alla l'y saluer et traiter avec lui des 

(1) Voir le précédent vol, des Mém. S. i. I., p. 408-409. 

(2) Voir KôPKB et Dùmmlkr, K. 0. G., p. 510 et n. 1 et 2, Ottenthal, 
Reg. aàchs, p. 251. 

(3) KôPKE et DOmmler, op. cit.^ acceptent 955 dans le texte de la p. 
292, et à la note 2 Ils se prononcent pour 954 ; Ottenthal, op. cit., p. 
118, hésite entre les deux années ; enfin, d'après Uhlirz, Jahrb, 0. Il, 
p. i et n. 2, Otton II aurait \u le jour vers la fin de 955. 

(4) Cf. KôPKE et DûMMLER, p. 322 et n. 3, Ottenthal, p. 145, Ubliuz, 
p. 4 et n. 5. 

(5) KôPKB et DûMMLER, p. 429 et n. 4, Ottenthal, p. 208, Uhlirz, p. 9 
et n. 23. 

(6) Il est possible, probable même, que Frédéric avait déjà rempli 
une première fois cette formalité le 26 mai 961, lors du couronnement 
d'Otton II à Aix-la-Chapelle. 

(7) UHLmz, Jahrb. 0. 11, p. 86 et 90. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 45 

afiaires de la province. On le voit intervenir auprès de 
l'empereur pour appuyer les demandes faites par les 
abbayes de Bouxières aux-Dames et de Saint-Pierre-de- 
Met/(j). 

Si la Mosellane jouissait, à ce qu'il semble, d'une tran- 
quillité complète sous l'administration de Frédéric, il 
n'en allait pas de même de la Basse-Lorraine, où, depuis 
la mort d'Otton I®', les fils de Régnier III, Régnier IV et 
Lambert, s'efforçaient de reconquérir dans le Hainautles 
domaines paternels confisqués en 958. La seconde tenta- 
tive qu'ils firent en 976 fut couronnée de succès ; Otton II 
se résigna enfin à leur rendre— sinon la totalité — du 
moins une grande partie de leqrs biens patrimoniaux. En 
même temps, il résolut de confier le gouvernement de la 
Basse-Lorraine à Charles, fils cadet de Louis IV, qui 
venait de se brouiller avec son frère Lothaire. Profiter des 
dissensions de la famille carolingienne pour en opposer 
les membres les uns aux autres, obtenir ainsi la sécurité 
de la Lotharingie, parut sans doute au jeune empereur un 
acte d'habile politique. L'événement ne devait pourtant 
qu'à moitié justifier ses espérances ; sans trahir complè- 
tement la confiance qu'il avait inspirée, Charles ne rendit 
pas non plus tous les services qu'on attendait de lui (2). 

La nomination de Charles ne modifiait en rien la situa- 
tion de Frédéric. D'ailleurs, le duc de Mosellane survécut 
de peu à cet événement, ayant cessé de vivre en 978. 

(1) St. 707 et 708, O." 157 et 159, DD. Sax., t. 11, p. 177 et 179. — 
Suivant Giesebrecht, G. D. K., t. I, p. 578, et Wenning, Ueber die 
Bestrebungen Franzosischer Kônige des zehnten Jahrhunaerts Lo- 
thringen zu gewinnen, p. 18, Otton II aurait alors donné des témoi- 
gnages de sa bienveiUance à Frédéric et à Béatrice, pour s'assurer de 
leur fidélité. 

(2) Voir Giesebrecht, G. D. K., t. I, p. 578, D. J. Witte, Lothrin- 
flren, etc., p. 28-29, Kalckstein, G. F. K., p. 338-339, Matth^i, Die 
Hàndel Ottos II mit Lothar von Frankreich^ p. 41-42, Wenning, op. 
cit., p. 18, Lot, D. C, p. 82-92, Vanderkindere, op. cit., t. II, p. 25, 
Uhlirz, op, cit., p. 86-88. 



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46 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Chose curieuse, les chroniqueurs du Moyen Age et les 
historiens modernes ont ignoré la date exacte de la mort 
du premier duc de Mosellane : les uns proposaient 983 (1), 
la plupart 984 (2), quelques-uns enfin 990 (3) ou 994 (4). Il 
ressort pourtant des Annales necrologici Fuldenses que l'évé- 
nement se place en 978 (5). Bien que cette source dise 
simplement Fredericus dux, sans spécifier qu'il s'agisse du 
premier duc de Haute-Lorraine, aucune hésitation n'est 
possible, le seul duc du nom de Frédéric que l'on rencontre 
alors dans l'occident chrétien étant celui de la Mosellane. 

Sur le jour de la mort il y a doute. D'après l'épitaphe en 

(1) Olleris, Œuvras de Gerbert, préface, p. LXXXII, Kalckstein, 
op. cit., p. 361, n. 1, J. Havet, Lettres de Gerbert, p. 71, n. 1, Lot, 
D. C, p. 137. 

(2) De Rosières, Stemmata Lotharingie^ ac Barri ducum f» 390 r", 
Chantereau Le Febvre, Considérations historiques sur la généalogie 
de la maison de Lorraine, p. 167, Brower et Masen, Antiquitates et 
Annales Trevirenses, t. I, p. 488, coL 2, Mabillon, Ann. 0. S. B., t. III, 
p. 51, Leibniz, Annales imperii occidentis, t. III, p. 469, B. Picart, 
La vie de saint Gérard, p. 340, L'origine de la très illustre maison 
de Lorraine, p. 45, L'histoire de Toul, p. 98, Calmet, H. E. C, L., 
1" éd., t. I, col. CXCIII et 930 (coL 922 11 hésite entre 983 et 984), 
Bouquet, Rec. H. Fr., t. LX, p. 103, n. c, de Maillet, Essai chronolo- 
gique sur l'histoire du Barrois, p. 8, Ernst, Dissertation... sur la 
maison royale des comtes d'Ardenne [Bulletins de la commission 
royale d'histoire de Belgique, 2« série, t. X, p. 250), Digot, U. L., t. I, 
p. 205, HuHN, Geschichte Lothringens, t. I, p. 93. — J^.rschkerski, 
Godfrid der Bàrtige, Beilage 3, croit la mort de Frédéric postérieure 
à 9S4. 

(3) Jean de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLIII (Calmet, H. E. 
C. L., 1" éd., t. II, pr., col. LXIV, 2e éd., t. III, pr., col. CCXIV), et à 
sa suite Kremer, Genealogische Geschichte des Ardenneschen Ges- 
chlechts, p. 26, et Schôtter, Einige kritische Erorterungen, etc., 
p. 32. 

(4) Jean Herkel ou Herquel (Herculanus), de Ptainfaing, Historia 
de untiquitatibus Vallis Galileœ (dans Hugo, Sacrœ antiquitatis mo- 
numenta, t. I, p. 197). 

Il y a enfin des historiens modernes qui ne se prononcent pas, 
comme D. J. Witte, Lothringen etc., p. 68; Wilmans, Jahrb. 0. 111, 
p. 22, croit la mort de Frédéric antérieure à 984, et J^rschkerski au 
contraire, place l'événement après cette même année (Godfrid der 
Bàrtige, Beilage 3). 

(5) Ann, necr, Fuld., 978, codex 1»» {SS., t. XIII, p. 204). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 47 

vers composée par Gerbert .pour Frédéric, Tévénement 
serait du 17 juin (1), tandis que divers nécrologes, ceux de 
Saint-Mihiel (2), de Saint- Vanne de Verdun (3), de Saint- 
Clément de Metz (4), de Saint-Maximin de Trêves (5), en 
font mention le 18 mai, celui de Senones (6) le 17 mai, celui 
deFulda (7) le 20 mai (8). 

(1) J. Havet, l'éditeur des Lettres de Gerbert (p. 72, n. 4), était arrivé, 
par une interprétation ingénieuse des vers de Gerbert, à déterminer le 
jour du décès de Frédéric. 

(2) Nécrologe du xvii» siècle (Arch. Meuse, série H., fonds Saint- 
Mihiel, N 2). Ce nécrologe, avons-nous dit, n'a pas de pagination. 

(3) Jahrb, G. L. G., 14« année, 1902, p. 140. Déjà H. Bloch, l'éditeur 
de ce Nécrologe, avait pensé que la mention « Fredericus dux » se 
rapportait au premier duc de Mosellane {ibid., n. 4). 

(4) Une copie ou des extraits du Necrologium s. démentis se trou- 
vent dans les Anecdota alsatica (Bibliothèque nationale, fonds latin, 
ms. n» 11902, f» 165 v"). 

(5) Jahrb. des Vereins von Aller tumsfreunden im Rheinland, 
t. LVII, p. 113. 

(6) Le Necrologium Senoniense se trouve en partie reproduit dans 
les Anecdota alsatica (B»iue N'% etc., f» 60 r'»). 

(7) Dans les F. D. G., t. XVI, p. 173. 

(8) Uhlirz, Jahrb. 0. Il, p. 108, n. 13, avait cru devoir exprimer un 
doute au sujet de la date que J. Havet avait assignée à la mort de 
Frédéric I" en s'appuyant sur l'épitaphe composée par Gerbert. 
Celui-ci, d'après l'historien d'Olton II, n'aurait fait connaître que d'une 
manière approximative l'époque à laquelle l'événement avait eu lieu. 
Tout en approuvant les réserves d'HnLiRz, Bresslau estime qu'il faut 
tenir compte des indications de Gerbert ; à son avis, la mort du pre- 
mier duc de Mosellane serait survenue alors que le soleil se trouvait 
dans le signe du Cancer, c'est-à-dire pendant la période comprise 
entre le milieu de juin et le milieu de juillet {Ueber die Zusammen- 
kunft zu Deville zwischen Konrad 11 und Heinrich I von Frankreich 
und iiber das Todesdatum Herzog Friedrichs 11 vo7i Oberlothringen, 
dans le Jahrb. G. L. G., 18' année, 1906, p. 461, n. 4). M. Bresslau 
applique à Frédéric II les mentions d'un duc Frédéric que l'on trouve 
à la date du 18 mai (ou du 20) dans divers nécrologes ; quant au duc 
Frédéric, mort le 22 mai, d'après les Nécrologes de Saint-Maximin et 
de Wissembourg, ce serait le jQls de Frédéric II, mort avant son père 
(ibid.y p. 460-461). Il est invraisemblable au plus haut point, déclare 
notre savant contradicteur, de rapporter à Frédéric 1" la notice que 
l'on trouve à la date du 18 mai dans différents nécrologes ; et, revenant 
à la charge un peu plus loin (p. 461, n. 4), il répète encore qu'il serait 
de la dernière invraisemblance que la mémoire de Frédéric I", dont 
le nom était à peine connu en dehors de la Lorraine, eût été conservée 
dans un aussi grand nombre d'obituaires, et en particulier dans celui 



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48 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Frédéric disparaissait au moment où Lothaire envahis- 
sait brusquement la Basse-Lorraine et tentait, d'ailleurs 

de Falda, où ne sont nommés que deux autres ducs (Henri de Bavière 
+ 995 et Hermann de Souabe + 1038), alors que nulle part on n'au- 
rait enregistré le d îcès de son petit-fils ; Frédéric II était pourtant 
beaucoup mieux connu que lui, tenait de près à la famille impériale et 
de plus sa fin entraîna de très graves conséquences. 

Ainsi, d'après M. Bresslau, plusieurs nécrologes donneraient l'obit 
de Frédéric II ou celui de son jeune fils, mort encore enfant, mais 
aucun d'eux ne contiendrait celui du premier duc de Mosellane ! Le 
Chron. s. Michaelis parle longuement de Frédéric le% et ne dit presque 
rien de son petit-fils ; et, par une contradiction singulière, le Nécrologe 
de la même abbaye aurait gardé le souvenir de Frédéric II, mais non 
celui de son grand-père ! Voilà, pour reprendre les expressions de 
M. Bresslau, qui serait de la dernière invraisemblance. 

Nous ferons en outre observer que sur les six nécrologes qui mention- 
nent un duc Frédéric à la date du 17, du 18 ou du 20 mai, un seul, 
celui de Fulda (20 mai), provient d'une abbaye étrangère à la Mosel- 
lane; or, il se trouve justement que les Annales necrologici de ce 
monastère parlent en 978 de la mort d'un duc nommé Frédéric, qui ne 
peut être que celui de la Haute-Lorraine. Frédéric 1" était donc connu, 
quoi qu'en dise M. Bresslau, en dehors de la province qu'il adminis- 
trait. 

Mais toutes les autres ab'bayes dont les nécrologes commémorent le 
17 ou le 18 mai le souvenir d'un duc Frédéric, Saint-Maximin, Saint- 
Clément, Senones, Saint- Vanne et Saint-Mihiel se trouvaient dans la 
Mosellane. 

Nous accordons à notre contradicteur que Frédéric II a joué un rôle 
plus important que son grand-père, mais, s'il est exact que le dernier 
duc de la maison de Bar était apparenté à la maison régnante, il en 
était de même de Frédéric I", qui avait épousé, M. Bresslau l'oublie, 
une nièce d'Otton le Grand. 

Aussi croyons-nous devoir identifier avec le mari de Béatrice le duc 
Frédéric mort le 18 mai ; c'est par suite d'une erreur que le Necro- 
loge de Senones indique le 17 mai. La date du 20, fournie par le 
Nécrologe de Fulda, est peut-être celle des funérailles. 

Quant au duc Frédéric mentionné le 22 mai, nous voyons en lui, non 
pas le jeune fils de Frédéric II, mais bien Frédéric II lui-même. Nous 
reviendrons du reste un peu plus tard sur cette question. 

Reprenons maintenant le texte de Gerbert ; voici de quelle façon 
nous essayons de l'expliquer. Gerbert trouvant, nous ne savons d'ail- 
leurs où, l'indication que Frédéric avait cessé de vivre un 18 mai, 
c'est-à-dire un « XV kal. junii »>, n'aurait-il pas fait une confusion, et 
placé par distraction en juin l'événement, qui était en réalité du mois 
de mai ? De pareilles erreurs ont dû plus d'une fois se produire au 
Moyen Age par suite de la façon rétrograde — alors usitée — de 
compter les jours des mois. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 49 

sans succès, d'enlever à Aix-la-Chapelle Otton II et 
Théophano. 

Il nous est bien difficile de porter un jugement sur le 
premier duc de Mosellane : nous le connaissons si mal ! 
Que savons nous de son caractère, de son intelligence, de 
sa vie ? Presque rien. Il a, semble-t-il, servi fidèlement 
Otton I^' et Otton II; son administration n'a provoqué 
aucune révolte, ce dont on doit peut-être lui faire un 
mérite. Il s'est préoccupé de restaurer la disciplioe dans 
quelques-unes des abbayes dont il possédait Tavouerie, 
mais en même temps on constate que les biens temporels 
de ces monastères et d'autres établissements religieux 
avaient pour lui un attrait auquel il ne savait pas résister. 
S'approprier des terres d'église était sans doute à ses yeux 
une peccadille; du reste, il faut bien le dire, la plupart des 
féodaux pensaient et agissaient comme lui. Enfin, nous 
devons reconnaître qu'en dehors de la Mosellane on ne 
trouve aucune trace de l'action politique de Frédéric I®'. 



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CHAPITRE II 
Thierry !«' (978-1027 [?]) (1) 

Thierry a gouverné la Haute-Lorraine durant près d'un 
demi-siècle. Si, au début, il a dû, étant encore très jeune, 
laisser le pouvoir à sa mère Béatrice, vers la fin de sa vie, 
il Ta partagé avec son fils Frédéric, qui dès Tannée 1019 
porte le titre de duc. Le règne de Thierry se divise donc 
naturellement en trois périodes. 

De 978 à 1027 (?), la Mosellane ne connaîtra plus la tran- 
quillité relative dont elle semble avoir joui alors qu'elle 
avait pour duc Frédéric 1*^. A l'intérieur, nous la voyons 
troublée sous Henri II par les menées ambitieuses et les 
révoltes des membres de la maison de Luxembourg; au 
début du règne de Conrad IL ce seront Thierry lui-même 
et son fils Frédéric qui refuseront de reconnaître le nou- 
veau souverain. Les dangers extérieurs ne présenteront pas 
une gravité moindre. Par deux fois, Lothaire de France 
revendiquera la Lotharingie, patrimoine de sa famille ; 
plus tard, le pays sera en butte aux attaques et aux incur- 
sions du comte de Blois et de Troyes Eudes IL Ces agitations 
et ces guerres ne laisseront pas que d'entraîner soit pour 
la cohésion de la Mosellane, soit pour le prestige et la force 
de l'autorité ducale, des conséquences funestes, qui pour- 
ront bien, sur le moment, rester inaperçues, mais qui ne 
s'en feront pas moins sentir à une époque ultérieure. 

Les documents nous parlent trop peu de Thierry, les 
actes qu'ils mentionnent de lui sont trop rares pour que 
nous arrivions à nous faire une idée précise de ses qualités 

(l) Il est possible, nous le verrons plus loin, que Thierry ail terminé 
son existence — non en 1027 — mais en 1026. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 51 

et de ses défauts. En définitive, le deuxième duc de Mosel- 
lane ne nous est pas mieux connu que son père. Pourtant, 
nous avons le droit de dire que, comme Frédéric lui-même, 
Thierry est un personnage de second ou de troisième 
ordre. Brave soldat, mais capitaine et politique médiocre, 
il a joué un rôle des plus efîacés ; de plus, il a essuyé au 
cours de sa longue carrière plusieurs graves échecs, sans 
que, du reste, aucun succès vint Ten dédommager. 

§ I". — Thierry sous la tutelle de sa mère Béatrice (978-9??). 

La charte de Frédéric 1®' pour Saint-Mihiel de Tannée 
962 ne fait pas mention de Thierry ; on peut donc supposer 
qu'alors il n'était pas encore venu au monde. Mais sa nais- 
sance est antérieure à 972, puisqu'il est nommé dans un 
autre acte rendu au cours de cette dernière année en 
faveur de la même abbaye (1). Nous croyons même devoir 
la placer entre 964 et 970 : après 964, attendu qu'en 978, à 
la mort de son père, il était encore mineur et fut placé sous 
la tutelle de sa mère (2), ce qui indique qu'il n'avait pas 
15 ans; avant 970, car, de concert avec Godefroy et 
d'autres seigneurs lorrains, il reprit Verdun en 985 sur 
Lothaire de France, et concourut ensuite à la défense de 
la ville contre ce prince (3). Le jeune duc devait alors 
avoir atteint l'âge de porter les armes, être entré par consé- 
quent dans sa seizième année. 

Nous ne savons si Thierry fut, à la mort de son père, 
immédiatement investi de la dignité ducale, ou si la céré- 
monie officielle fut retardée jusqu'au moment de sa majo- 
rité. Dans tous les cas, la succession de son père lui fut 
réservée, sinon accordée tout de suite, et en attendant que 

(1) DE l'Isle, h. s. m., p. 435. 

(2) Voir plus bas. 

(3) Nous nous occuperons tout à l'heure de ces événements. 

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52 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORIIAINE 

Thierry eût Tâge requis, le pouvoir fut exercé par sa mère 
Béatrice. 

Ed vertu de quel droit remplit-elle les fonctions de 
tutrice et de régente ? Théophano, veuve d'Otton II, fut 
chargée en 984 par les grands de TAllemagne et de la Lor- 
raine de gouverner au nom de son jeune fils Otton III, alors 
âgé de cinq ans (1). Y a-t-il eu en 978 intervention com- 
binée d'Otton II ainsi que des prélats et des comtes de la 
Haute-Lorraine, pour confier à Béatrice la tutelle de 
Thierry et Tadministration de la province ? Nous n'avons 
là-dessus aucun renseignement ; toutefois, il nous paraît 
bors de doute qu'Ottoa II, s'il n'a pas eu l'initiative des dis- 
positions prises en faveur de Béatrice, les a tout au moins 
sanctionnées (2). 

Nous voyons en efiet la veuve de Frédéric exercer effec- 
tivement le pouvoir, et jouer un rôle politique important : 
4e 984 à 987, elle s'occupe avec la plus grande activité des 
affaires de la Lorraine, de TAllemagne et de la France, elle 
s'efforce — non sans succès — d'une part, d'amener l'ex- 
duc de Bavière Henri (le Querelleur) et ses partisans à 
reconnaître l'autorité d'Otton III, et d'autre part, de réta- 
blir la paix entre le gouvernement allemand et les rois de 
France, Lothaire et Louis V. Ajoutez à cela qu'elle intercède 
en 983 pour l'évoque Notker de Liège, qu'en 984 elle con- 
clut un accord avec saint Gérard, évoque de Toul, au sujet 
de Moyenmoutier et de Saint-Dié, qu'à la même époque 
elle fait donner successivement à son fils cadet Adalbéron 
l'évêché de Verdun, puis celui de Metz (3). Nous savons que 

(1) La question delà tutelle des souverains allemands a été traitée 
par Kraut, I>ie Vormundschaft nach den Grundsàtzen des deutschen 
Rechts, t. III, p. 120, 130-135, etc., et par Waitz, D. FC, t. II, p. 277- 
279. En ce qui concerne Otton IIÏ, voir Kehr, Zur Geschichte Ottos i//, 
p. 416 et suiv. 

(2) Consulter Kraut, op. cit., p. 175, 181. 

(3) Nous exposerons tous ces faits en détail un peu plua loin. — 
RiCHER et Jean de Bâton font gouverner la Mosellane par Béatrice : 
« Anno 1003... Beatrix qusedam ducissa.... viro suo viduata, Lotha- 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 53 

Béatrice prit elle-même le titre de « duc » (1), et nous 
voyons Gerbert (2), Charles, duc de Basse-Lorraine (3), 
Otton II (4) enfin lui donner le même titre ; Otton III la qua- 
lifie de ductrix (5). 

On peut s'étonner, vu la situation critique où la brusque 
attaque de Lothaire plaçait la Lorraine, qu'Otton II ait cru 
pouvoir laisser le duché à une femme et à un enfant. Pour 
le comprendre, il faut se rappeler que par sa mère Avoie, 
sœur d'Otton le Grand, Béatrice était la cousine germaine 
d'Otton II. Là, très certainement, se trouve Texplication de 
la mesure bienveillante dont la duchesse fut Tobjet. 

A peine Frédéric avait-il terminé son existence que 
Lothaire envahit la Basse-Lorraine. Le temps était loin où 
le jeune Carolingien, protégé d'Otton I" et de Brunon, fai- 
sait appel à ses oncles contre les grands révoltés de son 
royaume. Les morts successives de Brunon (965), de Ger- 
berge (969), d'Otton I«' (973) avaient peu à peu refroidi les 
relations entre Lothaire et la maison de Saxe. Le mariage 

riensem ducatum pro modulo sao regebat » (Richer, Gesta Sen, ec, 
1. II, c. 13, SS.j t. XXV, p. 276). — « Friderico, duce Lotharingiae 
defanclo, Beatrix uxor ejus alîquanto tempore, ut dictum est, duca- 
tum rexit » (Jea:<db Bayon, Chron. Med.Mon., \, II, c. XLVI, Calmet, 
B. E. C. L, 1" éd., t. n, pr., col. LXVI, 2- éd., t. III, pr., col. GGXIII). 
— Cf. Waitz, D. VG., t. VU, p. 114 et n. 2. 

(1) K Sigoum Beatricis ducia » (Charte d'Adalbéron II pour Tabbaye 
de Senones dans Gai. Christ., t. XIII. pr., col. 453). 

(2) ({ Id quoque quod regalis potestas duce Béatrice ac vestris prima- 
tibus exigit ». — a Beatrici duci ex persona Adalberonis ». — o Eidem 
duci Beatrici ». — « Domna dux (Béatrice) » {Lettres de Gerbert, éd. 
Ha VET, n°» 55, 61, 63, 101, p. 53, 60, 61, 93). Les trois premières lettres 
sont de 985, la dernière de 987. 

(3) « Cup dominam ducem Beatricem.... nobis praetendit ? », écrit 
Charles de Basse-Lorraine à Thierry I", évêque de Metz. La lettre 
d'aiUeurs n'a peut-être été écrite ni par Charles lui-même, ni par Ger- 
bert (Lettres de Gerbert, n» ^, p. 30), à qui, d'habitude, on l'attribue. 

(4) a Dux Beatrix » (St. 855, 0." 308, DD. Sax., t. II, p. 365). 

(5) « Nostrae nepti ductrici » (St. 872, 0.'" 2, DD. Sax., t. II, p. 396). 
Le Continuateur de Bertaire, Gesta ep. Vird., c. 5, se sert du terme 
ductrix en parlant de Béatrice, et Richer, ^>sfa Sen. ec, 1. Il, c. 15, de 
celui de ducissa(SS., t. IV, p. 47, t. XXV, p. 276). 



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54 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

du jeune roi avec Emma, fille née du premier mariage 
d'Adélaïde, demi-sœur par conséquent d'Otton II, n'avait 
pas, comme on aurait pu le croire, resserré les liens qui 
unissaient Tune à l'autre les familles royales de France et 
de Germanie. 

Lothaire favorisa peut-être sous main les expéditions que 
les fils de Régnier III au Long-Col, Régnier IV et Lambert, 
firent successivement en 973 et 976 pour rentrer en posses- 
sion des domaines confisqués sur leur père en 958. 
Otton II, de guerre lasse, finit, à la suite de leur deuxième 
tentative, par restituer aux deux frères les biens patrimo- 
niaux dont ils avaient été dépouillés ; nous avons dit qu'à 
la même époque il fit de Charles, fils cadet de Louis d'Ou- 
tremer, un duc de Bassp-Lorraine. 

Ce fut Tannée suivante que Lothaire crut l'instant venu 
défaire valoir, les armes à la main, ses droits sur l'ancien 
patrimoine de la maison de Charlemagne. Son plan con- 
sistait à surprendre dans Aix-la-Chapelle l'empereur et sa 
femme, à s'emparer de leurs personnes, à exiger d'eux, 
comme rançon, l'abandon de la Lotharingie. Quoique 
Lothaire eût obtenu l'appui de quelques-uns de ses grands 
vassaux et de Hugues Capet lui-même, quoique ses prépa- 
ratifs eussent été tenus secrets, son coup de main échoua. 
Prévenus au dernier moment, Otton et Théophano eurent 
tout juste le temps de monter à cheval et de gagner Cologne 
à franc étrier (1). Lothaire ne les y poursuivit pas : mais, 
avant de rentrer dans ses Etats, il se tourna contre la Haute- 

(1) RicHER, flistoncp, 1. III, c. 68-71, p. 110-111, Aim, Sangallenses 
majores 984, Lambert de Hersfeld, Ann. 978, Ann. Laubienses et 
Ann. Leodienses 978, Alpert, De episcopis Metlensihua libellus, c. 1, 
Gesta ep. Cameracensium, 1. I, c. 97, etc. (SS., 1. 1, p. 80, t. III, p. 65, 
t. IV, p. 17 et 697, t. VIT, p. 449). — Cf. Witte, lothringen, etc., p. 30- 
32, GiESEBRECHT, G. V. K., 1. 1, p. 580 o83, Kalckstein, G, F. A'., p. 340- 
341, MATTHiEi, Die Hàndel Ottos II, etc., p. 17-18, Wenning, Die Bes- 
trebungeriy etc., p. 19-20, Richter et Kohl, Annalen des deutschen 
Reichs, 3- partie, t. I, p. 129-130, Lot, D. C, p. li2-97, Uhlirz, Jahrb. 
0. Il, p. l(fô et suiv. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 55 

Lorraine. Celle-ci, privée du chef qui aurait pu la défendre, 
semblait une proie facile à conquérir. Là encore une décep- 
tion attendait le Carolingien : la tentative qu'il fit pour 
s'emparer de Metz, la ville la plus importante de la Mosol- 
lane, échoua devant l'énergique résistance de l'évoque 
Thierry (1) ; découragé, Lothaire revint dans son royaume. 

Il n'avait, semble-t-il, trouvé aucun appui dans la 
Lotharingie, ni dans la Haute ni dans la Basse, alors qu'en 
939 son père, Louis d'Outremer, avait été appelé par le duc 
Giselbert, par plusieurs des principaux comtes du pays, et 
que même un certain nombre d'évôques s'étaient déclarés 
en sa faveur (2). On peut voir par là que l'attachement à la 
dynastie carolingienne, encore très vif en 939, s'était 
beaucoup affaibli durant la seconde moitié du x« siècle, et 
que les grandes familles au moins acceptaient désormais 
la domination des souverains de la maison de Saxe. 

Otton II entendait se venger de l'agression dont il avait 
failli être la victime, et, dans sa pensée, il ne s'agissait pas 
de donner une simple leçon à Lothaire, en dévastant ses 
États ; le roi de France devait perdre sa couronne, qui 
serait donnée à son frère Charles, duc de Basse-Lorraine, 
dont Tempereur se croyait sûr. Au mois d'octobre, Otton 
envahissait la France à la tête d'une grande armée d'Alle- 
mands et de Lorrains, et s'avançait jusqu'à Paris sans ren- 

(1) Alpert, De ep. Mett. lih , c. 1 {SS., t. IV, p. 697). Guillaume de 
Nangis, dans sa Chronique, prétend à tort que Lothaire soumit la Lor- 
raine à son autorité, reçut à Metz l'hommage des barons et se rendit 
ensuite à Aix-la-Chapelle [Rec, B. Fr., t. ÏX, p. 81). Ces fables ont 
trouvé créance auprès de Meurisse, Histoire des évêques de Metz^ 
p. 330-331, deCALMET, H. E. C. L., i' éd. t. I, col. 923, 2' éd., t. H, 
col. 26, des Bénédictins, B. M., t. II, p. 84, de Digot H. i., t. I, p. 201, 
de HuHN, Geschichte Lothringens, t. I, p. 91. Witte, Lo t liring en, etc. ^ 
p. 32 et n. 6, admet la prise de Metz par Lothaire, et la prestation de 
l'hommage par les seigrneurs lorrains au roi de France, mais il place 
ces événements après la surprise d'Aix-la-Chapelle. Au contraire, Mat- 
THvEi, op. cit., p. 18-19 et 46, Lot, D. C, p. 97 et Uhlirz, op. cit., 
p. 109, rejettent dans le domaine des fictions le récit de Guillaume de 
Nangis. 

(2) Voir Lauer, Louis IV, p. 40 et suiv. 



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56 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

contrer de résistance. N^ayant pas encore Tàge de porter 
les armes, Thierry ne prit sans doute aucune part à Texpé- 
dition. Elle n'eut pas plus de résultat que celle de Lothaire. 
Otton ne réussit ni à s'emparer de Paris, ni à faire de 
Charles un roi de France; pendant la retraite, son arrière- 
garde fut détruite sur les bords de l'Aisne par Lothaire et 
Hugues Gapet, qui s'étaient mis à la poursuite de Tarmée 
impériale (1). 

Les hostilités en demeurèrent là. Pourtant la paix ne fut 
officiellement rétablie que deux ans plus tard. C'est à 
Margut (2), dans la Haute-Lorraine, que Lothaire et Otton 
se rencontrèrent pour traiter. Le Carolingien abandonnait 
ses prétentions sur la Lotharingie ; s'il possédait encore 
dans ce royaume quelques territoires, le p. Dulcomensis et 
le p. Mosomensis par exemple, il dut alors les céder au 



(1) RicHER, Eistoriœ, 1. IH, c. 72-77, p. 111-114, Ànn. Hildesheimenses, 
p. 23, Ann, Sangallenses majores^ Ann. Colonienses^ Lambert de 
Hersfeld, Ann., Alpert, De ep. Mett. lih., c. 1, Gesta ep, Cameracen- 
sium, 1. I, c. 97 (SS., t. ï, p. 80 et .98, t. III, p. 65, t. IV, p. 697, t. VII, 
p. 440-441), Lettres de Gerbert, n°« 31 et 32, p. 26 et 30. Cf. Witte, 
Lothringen, etc., p. 33-35, Qiesebrecht, G. D. K., t. I, p. 582-583, 
Kalckstein, g. F. K., p. 345-345, Matth^ei, Die Hàndel, etc., p. 25,46-55, 
RicHTER et KoHL, op. Cit., p. 130132, Lot, D. C, p. 98-107, Uhlirz, 
Jahrb. 0. II, p. 105 et suiv. 

(2) Ardennes, Sedan, Carignan (Ivoy). Cette localité, appelée Margo- 
lius par Richer, Historiœ, 1. III, c. 80, p. 115, et Margoil par le 
diplôme d'Otton II, du 3 juin 980 (St. 765, G." 218, DD. Sax., t. II, 
p. 245), a fait l'objet de diverses hypothèses de la part des historiens 
contemporains. Ainsi Gieseurecht, G. D. K., t. I, p. 841, Stumpf, t. II, 
p. 68 et Matth.ei, op. cit.,' p. 39, l'identifiaient à tort avec Marville 
(Meuse, Montmédy). Clouet, H. F., t. I, p. 351, n. 1, le premier, pro- 
posa Margut, et son hypothèse fut adoptée par Lot, op. cit., p. 118 et 
n. 4 et 5. Sickel, Erlàuterungen zu den Diplomen Ottos II (Mitth. 1. 
Œ. CF., Ergànzungsband, t. II, 1888, p. 178), rejette Marville, mais 
hésite pourtant à voir Margut dans « Margoil », parce que Margut 
appartenait à Otton II, alors que le notaire qui a rédigé le diplôme de 
ce prince, place « Margoil » dans le royaume de Lothaire. Il n'a d'ail- 
leurs pas échappé à Sickel que les mots « regnum Lotharii » pouvaient 
signifier, non pas le royaume de Lothaire de France, mais bien celui de 
feu Lothaire II, c'est-à-dire la Lotharingie. Il ne nous parait pas dou- 
teux qu'ici « regnum Lotharii » a bien ce dernier sens. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE S7 

souverain allemand (1) Le traité de Margut intéressait 
directement la duchesse de Haute Lorraine et son fils, 
puisque Lothaire renonçait à ses prétentions sur la pro- 
vince qu'ils administraient, et que de plus il restituait 
peut-être à Tempereur certains pagi lorrains jadis aban- 
donnés par Otton le Grand à Louis d'Outremer» pagi qui, 
naturellement, devaient être incorporés à la Mosellane. 
Nous sommes donc en droit de supposer, malgré le silence 
des documents, que Béatrice et Thierry se trouvaient à 
Margut dans l'entourage d'Otton IL 

Quelques mois plus tard, l'empereur partit pour l'Italie, 
où, bien entendu, Thierry ne l'accompagna pas. Au cours 
de l'année qui suivit son arrivée dans la péninsule» Otton 
dut faire venir d'Allemagne et de Lorraine des renforts. 
Nous possédons un état où est marqué le nombre de sol- 
dats armés de cuirasses que les grands ecclésiastiques ou 
laïcs furent requis de conduire eux-mêmes ou d'envoyer 
en Italie (2). On constate avec surprise que cet état, qui ne 

(1) RicHER, Historiée, 1. III, c. 78-81, p. 114115, Ànû. Hildeêhei- 
menses, p. 23, Ann. Laubienses et Ann. Leodienses, Ann. Elnonenses 
majores, Sigebert de Gembloux, Chronographia, Gestaep. Camer.,\.l, 
c. 104 (.SS., t. IV, p. 17, l. V, p. 19, t. M, p. 352, t. VII, p. 444) ; cf. 
O.*' 218, DD. Sax., t. II, p. 245. — Sur ce traité, consulter Qiesebrecht, 
G. D, K., t. I, p. 584, WiTTE, Lothringen, etc., p. 37-39, Matth^i, Die 
Hàndel, etc., p. 39, Richtek et Kohl, op. cit., p. 131-132, Lot, D. C, 
p. 118-119, Vanderkindere, B. F. T. P. B., t. II, p. 380, Parisot, De la 
cession, etc. lAnn. E. N., 2» année, 1906, p. 94, 96), Uhlirz, Jahrb. 
O. Il, p. 133-^34. L'assertion tendancieuse de ïHistoria Francoruni 
Senonensis (SS., t. IX, p. 367), d'après laquelle Lothaire aurait donné 
la Lotharingie en fief à Otton II, avait trouvé autrefois quelque crédit 
auprès des historiens français ; même Galmet l'accepte dans la 2* édi- 
tiofl de son H. E. C. L., t. II, col. 26 (la 1« éd., 1. 1, col. 921 ne soufflait 
mot de cette prétendue inféodation de la Lorraine à l'empereur). Tous 
les historiens du xix* siècle l'ont rejetée, sauf l'abbé Clouet, qui 
déclare ignorer si Otton a — ou non — promis de rendre hommage à 
Lothaire pour la Lotharingie {H. F., t. I, p. 351). 

(2) Numeri loricatorum a principibus partim mittendorum, par- 
tim ducendonim [Mon. Germ., CC, t. ï, n»436, p. 633). Jaffé, le pre- 
mier éditeur de ce document, plaçait en 980 l'appel adressé par l'em- 
pereur aux grands ecclésiastiques et laïcs de ses royaumes du nord [B. 
R. G., t. V, Monumenta Bambergensia, p. 471-472). Mais tous les 
autres auteurs qui se sont occupés du Caialogus, en particulier Wei- 



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58 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

nous est du reste parvenu que mutilé, ne mentionne ni le 
duc (1) ni les comtes de la Haute-Lorraine. L'archevêque 
de Trêves, Tévêque de Toul et celui de Verdun sont taxés 
le premier à 70 hommes, le second à 20, le dernier à 60. 
S'il n'est pas question de Thierry, évéque de Metz, c'est 
qu'il se trouvait auprès de l'empereur (2). 

On pourrait supposer que Béatrice, suivie — ou non — 
de son fils, s'était rendue en Italie dans le courant de 983. 
Vers le milieu de cette année, Otton II réunit à Vérone une, 
grande assemblée, où figurèrent des représentants de tous 
les peuples soumis à son autorité (3). Un diplôme rendu à 
ce moment par l'empereur le 13 juin en faveur de Notker, 
évéque de Liège, est délivré à la prière de Béatrice et de 
Thierry de Metz (4). Pourtant, nous devons dire que des 
grands pouvaient, bien qu'absents, figurer comme inter- 
cesseurs dans un privilège royal ou impérial (5). 

Lothaire n'avait pas mis à profit l'éloignement d'Otton II 

LAND, qui Ta publié dans les Mon. Germ., et Uhlirz, qui lui a consacré 
un appendice dans ses Jahrb, 0. i/, p. 247-253, se sont prononcés pour 
961. 

(1) Comme le manuscrit qui donne une copie de Tétat porte en marge, 
à gauche des mentions concernant le fils de Siccon et l'abbé de Prum, 
les mots suivants, en partie effacés : « D... fî... LX mittat », nous 
avions autrefois cru pouvoir émettre Ihypothèse qu'il s'agissait de 
Thierry dans cette note, que nous proposions de rétablir ainsi : « Deo- 
dericus Frederici fili^is LX miltat » {De prima domo, p. 87). Il parait 
que la distance entre « D » et a fi ^), n'autorise pas notre restitution du 
passage tronqué (Uhlirz, Jahrh. 0, II, p. 248, n. 9). 

(2) SiGEBERT, V. Deoderici, c. 16, Alpert, De ep. Mett. lib,, c. i (SS,, 
t. IV, p. 474 et p. 698-699) ; cf. les nombreux diplômes d'Otton II où 
Thierry figure comme intercesseur, diplômes délivrés en Italie depuis 
le 13 août 981 jusqu'au 20 juin 983 (Sx. 803, 810, 811, 821, 823, 847, 853, 
855, 859, 0." 257, 263, 264, 275, 280, 298, 306, 308, 313, DD. Sax,, t. II, 
p. 298, 3(fô, 306, 319-^0, 326, 351, 363, 365, 370). Voir Reuss, Das Leben 
des Bischofs Theoderich von Metz, p. 38-42 et Uhurz, Jahrb, 0. H, 
p. 139, 156, 160, 162, etc. 

(3) Annalista Saxo 983 (SS., t. VI, p. 630). 

(4) St. 855, 0.» 308, DD. Sax., t. II, p. 365. 

(5) Uhlirz, Jahrb. 0. 11, p. 186, admet la présence de Béatrice à 
Vérone. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 59 

pour renouveler ses tentatives sur la Lorraine. La situation 
intérieure de ses États et surtout Thostilité persistante de 
Hugues Capetle paralysait. Il avait vu, non sans irritation 
ni inquiétude, le duc de France passer les Alpes en 981, se 
rendre à Rome, où Tempereur Tavait bien accueilli et même 
avait conclu avec lui une alliance (1). Peut-être Béatrice, 
qui était, ne Toublions pas, la sœur de Hugues, joua-t-elle 
un rôle en la circonstance, et facilita-t-elle le rapproche- 
ment de son frère et du souverain allemand. 

Si le roi de France était demeuré inactif pendant les 
trois années qui s'écoulèrent depuis le traité de Margut 
jusqu'à la mort d'Otton H, ce dernier événement allait 
provoquer une agitation et des compétitions dont le Caro- 
lingien essaya de tirer parti. La Lorraine, de nouveau 
l'objet de ses revendications, sera le théâtre d'événements 
considérables ; durant cette période troublée, Béatrice 
jouera un rôle des plus actifs. De 984 à 987, elle intervien- 
dra dans les affaires de la Lorraine, de l'Allemagne et de 
la France, cherchant à réconcilier Otton HI, sa mère 
Théophano, et sa grand'mère Adélaïde, soit avec les sei- 
gneurs allemands révoltés, soit avec les souverains fran- 
çais. 

C'est le 7 décembre 983 qu'une mort imprévue enleva 
Otton H à l'âge de vingt-huit ans (2). Sa femme et sa mère 
se trouvaient en Italie, mais son jeune fils Otton, alors âgé 
de cinq ans (3), était alors en Allemagne. Élu roi à Vérone 
en juin 983 (4), l'enfant avait été couronné le jour de Noël, 
à Aix-la-Chapelle, par les archevêques Wiligis de Mayence 
et Jean de Ravenne (5). On ignorait encore à cette date en 

(1) Lot, D. C, p. 120-125, Uhlirz, op. cit., p. 153. 

(2) Voir GiESEBRECHT, G.D. K., t. I, p. 606-607,^0 et Uhlirz, op.cit, 
p. 206 et n. 57. 

(3) Sur la naissance d'Otton III, consulter Uhlirz, op, cit., p. 1^ et 
n. 15. 

(4) Uhlirz, op. cit., p. 197 et n. 29. 

(5) Thietmar, Chron., 1. III, c. 26, p. 64, Ann. Hildesheimenses 984, 
p. 24, Ann, Colonienses 983, Ann. Quedlinburgenses 984, Lambert db 



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60 LES OKIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Allemagne la fin prématurée de l'empereur. Mais à peine 
cette couronne avait-elle été posée sur la tète d'Otton III 
qu'elle faillit lui être enlevée par son cousin Henri le 
Querelleur, duc destitué de Bavière (1). 

En 976, Otton II avait dû enlever la Bavière à Henri, qui 
s'était révolté contre lui, et deux ans plus tard, à la suite 
d'un jugement du tribunalimpérial, le duc dépossédé avait 
été banni à Utrecht, et mis sous la surveillance de Tévéque 
de cette ville Folmar (2). Dès que la mort de l'empereur 
eut été connue en Allemagne, fin de 983 ou début de 984, 
Henri reprit ses intrigues et ses menées. L'évéque d'Utrecht 
lui rendit la liberté (3). L'un de ses premiers actes fut 
d'aller à Cologne et d'intimer à l'archevêque Warin l'ordre 
de lui remettre son petit cousin Otton III. Henri prétendait 
qu'en qualité de plus proche parent de l'orphelin, il devait 
exercer la régence (4). Gagné ou intimidé, l'archevêque de 
Cologne confia l'enfant-roi à l'ex-duc de Bavière (5). En 
possession de ce précieux otage, Henri allait pouvoir 
mettre à exécution ses projets ambitieux. Au fond, il 
portait ses vues beaucoup plus loin qu'il ne le disait, et la 
régence ne lui suffisait pas. C'était sur le trône qu'il vou- 
lait monter, soit qu'il se contentât de le partager avec 
Otton III (6), soit qu'il projetât d'en écarter son jeune cou- 

Hersfeld, Ànn. 984, Ann. Ottenburani (SS., t. I, p. 99, t. III, p. 64, 
65, t. V, p. 5). Cf. WiLMANs, Jahrb, 0. 111, p. 3. 

(1) Sur ce personnage, voir Giesebrbght, G, D. AT., t. I, p. 574-580, 
Lot, D. C, p. i3i, Uhlirz, op. cit., p. 34, 35, 49, 55, etc. 

(2) Uhlirz, op. cit., p. 76-79 et 103. 

(3) Thietmar, Chron., 1. III, c. 26 etl. IV, c. 1, p. 64. 

(4) Thibtmar, Chron., 1. IV, c. 1, p. 64, Ann. Quedlinhurgensea 984 
(SS., t. m, p. 66). Sur le droit qu'avait Henri de réclamer la tutelle 
d'Otton m, consulter Kraut, Die Vormundschaft nach den Grundsàt- 
gen des deutschen Rechts, t. III, p. 122 et Waitz, D. VG., t. VI, 
p. 277-279. 

(5) Thietmar, Chron., 1. IV, c. 1, p. 64, Richer, Bistoriœ, 1. III,c.97, 
p. 122, Ànn. Hildesheimenses 984, p. 24, Ann. Einsidlenses 983 et Ann. 
Quedlinburgenses 984 {SS., t. III, p. 14 et 66). 

(6) Lettres de Gerbert, n» 26 (à Egbert, archevêque de Trêves), p. 20. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 61 

âin pour régner seul (1). On ne tarda pas du reste à con- 
naître les secrets desseins d'Henri. Le jour de Pâques 984, 
il fut salué du titre de roi par ses partisans réunis à 
Quedlinbourg (2). C'était là une grosse faute, qui devait 
compromettre le succès des projets de l'ancien duc de 
Bavière. 

Ses ambitions, une fois dévoilées, se heurtèrent à de 
sérieux obstacles ; de nombreux adversaires allaient se 
dresser contre lui en Allemagne, en Lorraine et jusqu'en 
France. Lothaire, en effet, qui était à la fois le cousin et 
l'oncle maternel d'Otton III (3), protesta contre l'attitude 
d'Henri, et déclara hautement «qu'il se proposait de ruiner 
les desseins tyranniques d'Henri, qui, sous le nom de 
régent, voulait se faire roi (4) ». Au fond, le beau zèle du 

(1) Lettre que Gerbert est censé avoir écrite au nom de Charles, duc 
de Basse- Lorraine, à Thierry, évêque de Metz {Lettres de Gerbert, n" 32, 
p. 30), RiCHER, Historiée, \. III, c. 97, p. 122, Ann. Hildesheimenses 
984, p. 24 eti?in. Queldinburgenses 984 (SS., t. III, p. 66). 

(2) Thietmar, Chron., 1. IV, c. 2, p. 65, Ann. Quedlinburgense^ 984, 
Alpert, De ep. Mett. lib., c. 2 (SS., t. III, p. 66 et t. IV, p. 699). 

(3) Le cousin, puisque sa mère Gerberge était la sœur d'Otton I", 
grand-père d'Otton III, l'oncle maternel, sa femme Emma étant la sœur 
utérine d'Otton II. 

(4) « Reges Francorum (Lothaire et Louis V) fîlio suo (le fils de Théo- 
phano, Olton III) favere dicite, nichilque aliud conari, nlsi tyrannide 
Heinrici velle regem se facere volentis sub nomine advocationis dés- 
ir uere » (Lettres de Gerbert, n° 22 [à Imiza , p. 18 ; cf. n» 27 [à Wili- 
gis, archevêque de Mayence], 32 [à Thierry, évéque de Metz, au nom 
de Charles], 35 [à Gérard, abbé d'AuvillerJ, p. 21, 30, 34). — Bentzin- 
6ER, Das Leben der Kaiserin Adelheid, p. 5, suppose que c'est par 
affection pour Adélaïde, sa belle-mère, que Lothaire se déclara en 
faveur d'Otton III; d'après Lot, D. C, p. 134, l'archevêque de Reims 
Adalbéron aurait décidé le roi à revendiquer la tutelle de son jeune 
cousin, en lui faisant craindre qu'Henri ne voulût s'emparer de la Lor- 
raine. — Sur le rôle joué à cette époque par Lothaire, consulter 
encore Wilmans, Jahrb. 0. 111, p. 9, Olleris, Œuvres de Gerbert, pré- 
face, p. LXIV et suiv., Mourin, Les comtes de Paris, p. 309 et suiv., 
Sepet, Gerbert et le changement de dynastie [R. Q, H., t. VII, 1869, 
p. 477 et suiv.), Witte, Lothringen, etc., p. 49, Giesebrecht, G, D. A'., 
t. ï, p. 616. Olleris, qui a interverti l'ordre des lettres de Gerbert, et 
les historiens qui ont adopté son système, ont été entraînés à com- 
mettre de nombreuses erreurs. 



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62 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Carolingien n'était pas désintéressé; Lothaire voulait ou 
la régence pour lui-même, ou quelque autre avantage, 
comme le gouvernement de la Lorraine (1). 

Dans ce dernier pays, Henri n'avait trouvé que peu de 
partisans. Nous ne lui en connaissons que deux : Tarche- 
Têque de Trêves Egbert et Tévêque Thierry de Metz. 
Encore ressort-il des lettres de Gerbert qu'Egbert, fîlsdu 
comte de Frise Thierry II (2), désirait uniquement voir 
Henri associé à Otton III dans le gouvernement de l'Alle- 
magne et de la Lorraine (3). Quant à Tévêque de Metz, 
cousin et conseiller influent d'Otton II (4), il nourrissait 
une haine violente contre Théophano ; à l'entendre, l'im- 
pératrice aurait eu le tort grave d'accabler de railleries et 
d'outrages son mari, battu par les Grecs à Basentello, et 
d'exalter les vainqueurs, ses compatriotes, aux dépens des 
Allemands (5) . La mort d'Otton II détermina Thierry à 

(1) D'après Kurth, Notger de Liège, p. 73-74, Notker se défiait do 
Lothaire plus que d'Henri ; il aurait été disposé à laisser l'ex-duc de 
Bavière devenir le tuteur du petit roi. 

(2) Thierry mort le 5 juin (Necrologium s. Maximini dans les Jahrb. 
der Altertumsfreunde im Rheinland, t. LVII, p. 114) 977 (.4nn. 
necrol. Fuldenses, SS., t. XIII, p. 204\ avait eu pour successeur 
Egbert, fils de Thierry II, comte de Westfrise, dont la consécration se 
place entre le 30 juillet et le 8 septembre 977, comme cela ressort de 
trois diplômes d'Otton II (St. 710-712, 0." 161-163, DD. Sax., t. II, 
p. 181, 182 et 183) ; les deux premiers sont en effet contresignés par 
Egbert, qui était encore à cette date attaché à la chancellerie de 
l'empereur, tandis que le troisième l'est par son successeur Gerbert. 

(3) « Forte quia Grecus est (Otton III) ut dicitis, more Grecorum 
conregnantem instituere vultis » [Lettres de Gerbert ^ n" 26 [à Egbert], 
p. 20). 

(4) Se reporter à la p. 38, p. .58, n. 2, du présent travail, 

(5) Alpert, De ep. Mett. Ho., c. 1 (SS.. t. IV, p. 698-699). Pour Gib- 
SEBRECHT, G. D. X., t. I, p. 612, cf. p. 848, les propos prêtés à l'impé- 
ratrice sont des calomnies inventées par Thierry ; c'est aussi l'avis de 
Reuss, Das Leben Bischofs Theoderich, p. 41, et de Uhlirz, op. cit., 
p. 179, n. 8. Suivant Moltmann, Théophano die Gemahlin Ottos 11, 
p. 60, et Mûller-Mann, Die auswàrtige Politik Kaiser Ottos 11, p. 32- 
33, Théophano a pu tenir certains propos, qui auraient été mal com- 
pris par l'évéque de Metz, et auxquels ce dernier aurait donné un sens 
qu'ils n'avaient pas dans la pensée de l'impératrice. Sur les partisans 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 63 

quitter ritalie pour rentrer dans son diocèse. En route, 
comme il songeait aux moyens d'enlever à Théophano la 
tutelle de son fils et la régence, il apprit les projets 
d'Henri. 

Se détournant de son chemin, il se rendit auprès de ce 
prince, qui lui fit Taccueil le plus aimable, le combla de 
cadeaux et le gagna finalement à ses vues (1). Mais les 
autres prélats, ainsi que la grande majorité, sinon la 
totalité des seigneurs laïcs de la Lorraine restèrent fidèles 
à Otton III, seul héritier légitime du trône. Nous savons 
que ce fut en particulier le cas des ducs Charles (2) et 

d'Henri le Querelleur en Lorraine, voir Wilmans, op. cit., p. 5 et p. 13, 
où cet auteur, s'appuyant à tort sur une lettre de Gerbert à l'arche- 
vêque Adalbéron {Lettres de Gerbert^ n° 102, p. 94-95) croit que Sige- 
froy de Luxembourg s'était prononcé au début de 984 pour l'ex-duc de 
Bavière, Witte, Lothringen, etc., p. 45-46, Giesebrecht, G. D. K., t. I, 
p. 612, Manitius, Deutsche Geschichte unter den sàchsischen und 
salischen Kaisern, p. 194, Lot, op. cit., p. 131-132, 136-138. 

(1) Alpert, De ep. Mett. lib., c. 1 {SS., t. IV, p. 699). 

(2) Lettre de Thierry, évoque de Metz, au duc Charles, et réponse de 
Charles {Lettres de Gerbert, n" 31 et 32, p. 26, 28 et 30). Quelle con- 
fiance peut-on accorder aux dires de ces deux lettres ? Et d'abord quel 
en est l'auteur? Sont-elles l'une de Thierry, l'autre de Charles? Doit- 
on les attribuer toutes deux à Gerbert, qui aurait pris la plume tour à 
tour pour chacun des deux adversaires ? Ou enfin ne seraient-ce pas de 
simples déclamations d'école, des exercices de rhétorique ? Les éru - 
dits qui ont fait des lettres de Gerbert une étude spéciale ne s'accor- 
dent pas sur la réponse à donner : tandis que pour J. Havet, Lettres de 
Gerbert, introduction, p. XXXVI et p. 25, n. 2, Gerbert n'a pas écrit la 
lettre de Thierry, attendu qu'on n'y retrouve pas le style de cet écri 
vain, J. Lair, Etudes critiques stir divers textes des X« et II* siècles, 
p. 142-143, la croit de Gerbert, qui l'aurait fabriquée dans une inten- 
tion hostile à l'évéque de Metz, pour se donner la tâche facile de la 
réfuter et de mettre l'auteur supposé en fâcheuse posture. Quand bien 
même d'ailleurs ces morceaux épistolaires émaneraient effectivement 
l'un de Thierry et l'autre de Charles, il ne faudrait les utiliser qu'avec 
défiance ; ils ne seraient dans ce cas que des réquisitoires et des 
plaidoyers, présentant les défauts habituels à ce genre d'écrits, où 
l'on ne se fait aucun scrupule d'altérer la vérité. On peut encore con- 
sulter au sujet de ces lettres Wilmans, op. cit., p. 10-11, Witte, 
Lothringen, etc., p. 51-52, Reuss, op. cit., p. 45-46, Lot, op. cit., 
p. 137-140. La lettre de Thierry (Lettres de Gerbert, p. 28) semble insi- 
nuer que Charles voulait étendre son autorité sur toute la Lotharingie, 
évincer par conséquent ou se subordonner le duc de Mosellane Thierry. 



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64 LES ORIGINES DE LÀ HAUTE-LORRAINE 

Thierry, de la duchesse Béatrice (1), du comte de Verdun 
Godefroy (2), du comte Sigefroy de Luxembourg (3), etc. 
Dans une réunion — tenue nous ne savons où — prélats 
et seigneurs lorrains se prononcèrent en faveur d'Otton III, 
et décidèrent qu'ils emploieraient tous les moyens pour 
tirer le jeune roi des mains d'Henri (4). Lothaire, nous 
l'avons dit, s'était déclaré le défenseur de son petit cou- 
sin ; sur sa demande, ou de leur propre mouvement, évo- 
ques et grands laïcs de la Lotharingie lui donnèrent des 
otages en garantie de leur fidélité (5). 

En Allemagne, l'archevêque Wiligis de Mayence, le duc 
de Souabe Conrad, ainsi que de nombreux prélats et sei- 
gneurs laïcs n'étaient pas demeurés inactifs. A la suite des 
pourparlers qu'ils avaient engagés avec Henri, celui-ci 

Cette accusation a trouvé créance auprès de Leibniz, Annales imperii 
occidentis^ t. III, p. 469, et de Lot, op. cit., p. 137 et n. 2, qui croit 
que dans un autre passage du même document (p. 26), « et quid mirum 
si in nepotem pestem tui sordidissimi cordis evomis », il s'agit non pas 
d'Henri de Bavière, comme le croit Havet (tfc., n. 3), mais bien du 
Jeune duc de Haute-Lorraine Thierry. Dans la Basse-Lorraine l'épisco- 
pat s'était également prononcé pour Otton III. Voir Kurth, Notger de 
Liège, p. 71 et suiv. 

(1) Cela ressort de la lettre de Charles (Lettres de Gerbert, n» ^, 
p. 30), et surtout delà conduite ultérieure de Béatrice et de Thierry. 

(2) Voir la lettre de Gerbert à Notker, évêque de Liège {Lettres de 
Gerbert n" 30, p. 24). Godefroy, surnommé l'Ancien ou le Captif, était 
fils de Gozlin, petit-fils de Voiry. Son frère Adalbéron, monté en 969 
sur le siège archiépiscopal de Reims, devait jouer dans les affaires de 
la France et de la Lotharingie un rôle considérable. 

(3) On peut le supposer, puisqu'un peu plus tard Sigefroy défendra 
Verdun contre le roi Lothaire. 

(4) « Secundo Ottone auguste rébus humanis exempte, dux Bajoario» 
rum Heinricus Ottonem ejus filium adhue infantem in cunis rapuit, 
imperiumque sibi gestiens usurpare, eu m in captionem posuit. Nos- 
tri ergo patriot» principem degenerum non patientes suscipere, fideli 
eligunt consiiio dominum proprium aut vi aut ratione reposcere. In 
hoc peragendo venerandus Gerardus ad solatium avocatur ; sed debili 
fractus senio excttsatus redditur » (Voiry [Widric], V. Gerardi, c. 16, 
SS,, t. IV, p. 500; cl. La lettre de Charles dans les Lettres de Gerbert, 
n» 32, p. 30;. 

(5| Lettres de Gerbert à Géraud, à l'archevêque de Trêves, Apologie 
d' Adalbéron (Lettres de Gerbert^ n»* 35, 54, 57, p. 34, 51, 55). 



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Ef SA PREMIERE MAISON DUCALE 65 

leur promit de se trouver à Rara le 29 juin 984 et d'y ame- 
ner Olton III, pour le remettre entre les mains de sa mère 
et de son aïeule (1). Au jour dit eut lieu Tentrevue. Fidèle 
à ses engagements, Henri se trouvait là ainsi que Tenfant- 
roi, qui fut rendu aux deux impératrices, en présence de 
Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne, et d'une nombreuse 
assistance de grands laïcs ou ecclésiastiques (2) . 

L'ex-duc de Bavière, en se dessaisissant du précieux gage 
qu'il détenait, avait perdu l'un de ses plus puissants moyens 
d'action. Pourtant, il s'en fallait de beaucoup qu'il eût 
entièrement renoncé à ses projets ambitieux. Plusieurs 
mois devaient s'écouler avant que la paix fut conclue, 
trêve plutôt que paix, d'ailleurs, vu sa courte durée. La 
duchesse de Haute-Lorraine se remua beaucoup pour 
réconcilier Henri avec les impératrices, qui gouvernaient 
au nom d'Otton III. Ce fut lors de l'assemblée qui se tint à 
Worms, en octobre 984, qu'elle déploya le plus d'acti- 
vité (3). Dans cette ville, nous voyons réunis Otton III, sa 
mère, son aïeule, les grands demeurés fidèles au souverain 
légitime, ainsi qu'Henri et ses adhérents. Béatrice montra 
tant de prudence et d'adresse qu'Henri et les siens, conver- 
tis par son éloquence persuasive, prirent enfin le parti de 
faire leur soumission (4). Si les promesses et les moyens 

(1) Thibtmar, Chron.y 1. IV, c. 4 et 7, p. 66 et 68, An7i. Quedlinhur- 
genses 984, SS., t. III, p. 66. Cf. Wilmans, op. cit., p. 16 et suiv., Gie- 
SEBRECHT, op. cU., t. I, p. 618 et suiv. 

(2) Thietmar, Chron., 1. IV, c. 8, p. 68, Ann. Quedlinbur genses 984, 
VoiRY (WiDRic), F. Gerardi, c. 16, Gesta ep. Camer., l. I, c. 105 (SS., 
t. ni, p. 66, t. IV, p. 500, t. VU, p. 445). Cf. Wilmans, p. 26-27, Giese- 
BREGHT, t. I, p. 624-625, Havbt, Lettres de Gerbert, p. 35, n. 3. Kehr, 
Zur Geschichte Otto lll {Hist. Zft, t. LXVI, 1891, p. 419), prétend à tort 
que la remise d'Otton III à sa mère et à sa grand-mère eut lie« à 
Quedlinburg. 

(3) Vers la même époque, Béatrice conclut avec l'évêque de Toul, 
saint Gérard, une transaction au sujet des abbayes de Moyenmoutier 
et de Saint-Dié. Durant le séjour qu'il fit à Spire, avant d'arriver à 
Worms, Otton III sanctionna cet arrangement (St. 872,0.'" 2, DD.Sax,, 
t. II, p, 395), dont il a été parlé en détail au § I du c. II dn 1. III. 

(4) Constantin, V, Adalberonis 17, c. 3 (55., t. IV, p. 660). lî ressort 



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66 LES ORIGINES DE LÀ HAUTE-LORRÂINE 

auxquels recourut la duchesse pour arriver à ses fins ne 
nous sont pas connus, par contre nous savons de quelle 
magnifique récompense furent payés les services qu'elle 
rendit alors et ceux que Ton attendait entfdre de son 
habileté. 

L'aîné de ses fils, Adalbéron, avait été en septembre 984 
nommé évêque de Verdun à la place de Wicfrid, mort le 
31 août précédent (1). Cette désignation, faite dans des 

d'uD diplôme d'Otton III pour Saint-Paul de Verdun que le jeune roi 
se trouvait à Worms le 20 octobre 984 (St. 873, 0.'" 3, DD. Sax., t. II, 
p. 396). Cf. WiLMANS, p. 29-31, Olleris, op. cit., p. LXXXII-LXXXIII, 
WiTTE, Lothringen, p. 70, Giesebrecht, t. I, p. 625-626, Kalckstein,, 
G. F. K., p. 371, Bentzinger, Das Leben der Kaiserin Adelheid, p.9-10 
Wenning, Die Bestrebungen, p. 23-2i, Manitius, op. cit., p. 199, Lot, 
p. 141. 

(1) Wicfrid était mort le 31 août {Necrol. s. Vitoni, dans le Jahrb. 
G.L. K., 14« année, 1902, p. 145, Continuateur de Bertaire, Gesta ep. 
Vird,, c. 3, SS., t. IV, p. 46), de l'année 984 (.Inn. necrologici Fui- 
denses, codices 1 et 2, SS.,t. XIIÎ, p. 205). Les Ann. s.Vitoni Virdunen- 
sis (SS., t. X, p. 526) indiquent à tort l'année 986. La plupart des his- 
toriens modernes semblent n'avoir pas connu les Ann. necrologici 
Fuldenses, attendu que les uns placent la mort de Wicfrid à la fin de 
983, ou au début de 984, comme Roussel {//. F., t, I, p. 211), d'autres 
entre 980 et 984 (Clouet, H. F., t. ï, p. 349), la plupart enfin en 983 
(WiLMANS, p. 7, Olleris, p. LXIV, Sepet, Gerbert, etc., dans la R.Q.B., 
t. VII, p. 475, WiTTE. Lothringen, p. 47, Lot, p. 141, Uhlirz, p. 201 et 
n. 42). Seul Hauck, KG. D., t. IIÏ, p. 1001, se prononce pour 984. Le 
Continuateur DE Bertaire (Gesta, c. 5, SS., t. IV, p. 47) raconte ainsi 
les événements qui se déroulèrent à Verdun après la mort de Wicfrid : 
« Factum est autem post haec ut Hugo quidam clericus susciperet epis- 
copatum. Hic itaque ingressus civitateni, vocatis ad se ministris, unde 
viveret exquisivit : quibus respondentibus se penitus carere expensis 
quiB fuerant pontificis et designantibus exterminationem villarum, quo- 
rum reditibus vivere solebat, ascenso mox equo, reversus est. Quo 
egresso, susceperunt cives nostri, sine regio dono, Adalberonem filium 
Beatricis, nobilissimae ductricis, matris Theoderici ducis ; qui, cum 
allquantisper episcopatum tenuisset, defuncto Metense episcopo, ad 
eandem se contulit civitatem, episcopatu isto relicto ; ad quem cum 
venissent nostri, susceptis eis cum honore, baculum reddidit ». Après 
avoir été accepté par Kremer, Genealogische Geschichte des Arden- 
neschen Geschlechts, p. 27, par Roussel, E. V., t. I, p 212-213, par 
Clouet E. V., t. I, p. 361-372, le récit du chroniqueur verdunois a été 
attaqué et certains faits qu'il contenait mis en doute par Wilmans, 
p. 146-151, et par Sepet, p. 501-502; ces deux derniers historiens, 
trompés par une chronologie défectueuse des lettres de Gerbert, 



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Qoo^(^ 



ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 67 

conditions irrégulières, en dehors de toute intervention du 
pouvoir royal (1), était probablement en grande partie l'œu- 
vre de Béatrice, désireuse d'augmenter dans la Mosellane le 
prestige et Tautorité de sa famille. Mais le diocèse de 
Verdun était le plus petit et le plus pauvre delà province(2). 
Aussi, le siège beaucoup plus important de Metz étant 
devenu vacant par la mort de Thierry (3), Béatrice, atten- 

croyaient que Verdun avait été pris par Lothaire en 984 et qu'Adal- 
béron, flls du comte Godefroy, était devenu évêque de cette ville avant 
la mort de Thierry de Metz; aussi rejetaient-ils Adalbéron, fils de Fré- 
déric I" et de Béatrice, de la liste des évéques de Verdun. J. Havet 
a rendu le grand service de dater — aussi exactement qu'il est permis 
actuellement de le faire — la plupart des lettres de Gerbert ; bien des 
erreurs ont pu ainsi être redressées. Havet lui-même, Lettres de Ger- 
bert^ p. 55, n. 4, Lot, p. 141, Sackur, Richard Abt von St Vanne^ 
p. 3, n. 1, et Die Cluniacenser, t. Il, p. 118, Uhlirz, p. 201 et n. 42, 
Hadck, kg. Z)., t. III, p. 1001, admettent que le fils de Béatrice a effec- 
tivement occupé le siège de Verdun, avant de s'asseoir sur celui de 
Metz. Sackur, Richard^ etc., p. 3, n. 1, a prétendu à tort que, dans 
Calmet, le passage du Continuateur de Bertaire concernant Adalbé- 
ron I", de Verdun, était autrement libellé que dans les Scriptores ; en 
réalité, les deux éditions de VH. E. C. I. donnent le même texte que 
les Monumenta Germaniœ. 

(1) C'est ce que dit expressément le passage, cité dans la note précé- 
dente, du Continuateur de Bertaire. On comprend d'ailleurs, vu la 
situation troublée où se trouvait alors la Lotharingie, qu'après la mort 
de Wicfrid le clergé et le peuple de Verdun ne se soient pas adressés 
il un pouvoir central, qui n'était pas encore organisé. Dans ces condi- 
tions^ il était facile à une femme intelligente et énergique, comme 
l'était Béatrice, d'agir sur les Verdunois et de les décider à prendre 
l'un de ses fils pour évêque. 

(2) Le même passage, rapporté plus haut, du chroniqueur verdunois, 
parle de la pénurie où se trouvait la mense épiscopale. Toutefois, a-t-on 
le droit de traduire, comme le font les historiens modernes, « exter- 
minatio » par « dévastation » ? Dans aucun des exemples que rapporte 
DU Gange dans son Glossarium, (éd. Henschel, t. III, p. 169, col. 3) 
a exterminatio » ne signifie a pillage, destruction ». 

(3) Thierry finit ses jours le 7 septembre (Kalendarium- necrologi- 
cum Einsidlense et Kal. necr. Ueatœ Virginis Mariœ in monte Ful- 
densi^ dans Bôhmer, Fontes rerum germanicarum, t. IV, p 144 et 
454, Necrologium Merseburgeme dans les Neue Mittheilungen ans 
dem Gebiet liistorisch-antiquarischen Forschungen, t. XI, p. 240, Sige- 
bert, V. Deoderici, c. 22, SS., t. IV, p. 482), de l'année 984 {Ànn. s, 
Vincentii Mettensis, Ann. necrol. Fiild., SS., t. III, p. 157, t. XIII, 
p. 205). Quoique Sigebert, ibid., fasse mourir Tliierry en 983, il fournit 

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OO LES ORIGINES DE LA HÂUTE-LORRÂINE 

tive à profiter d'une occasion aussi favorable, obtint elle 
d'Adélaïde qu'il serait donné à son fils. Adalbéron quitta 
donc Verdun, et fut consacré comme évoque de Metz le 
16 octobre 984 (1). C'était là déroger aux usages et même 
enfreindre les lois de l'Église, qui interdisaient de passer 
d'un siège épiscopal sur un autre. Si Adélaïde ne craignit 
pas de commettre une grave irrégularité, si elle donna 
ainsi à Béatrice une marque éclatante de sa faveur, c'est 
qu'elle voulut lui témoigner sa gratitude et l'encourager 
dans sa fidélité. Il y avait intérêt pour le gouvernement 
allemand à conserver l'amitié de la duchesse : Béatrice ne 
gouvernait-elle pas un duché limitrophe de la France, et 
dans ce dernier royaume son frère Hugues Capet n'était-il 
pas, après Lothaire, le premier personnage de l'État ? On 
comprend, d'autre part, que Béatrice attachât un grand 
prix à ce qu'un des siens occupât le siège épiscopal le plus 
important de la Mosellane ; on le comprend mieux encore 
si l'on se rappelle que Thierry, après son père Frédéric, 
était probablement comte épiscopal de Metz. L'évéché se 
trouvait ainsi entre les mains d'un membre de la famille 

d'autres indications chronologiques, qui se rapportent toutes à 984 ; 
c'est d'ailleurs cette dernière année que donne le même auteur dans 
sa Chronographia (SS., t. IV, p. 352). Les Ann. Metteuses brevissimi\ 
les Ann. laudunenaes et les Ann. s. Vincentii Mettensis brèves (SS., 
t. ni, p. 155, t. XV, p. 1295) rapportent l'événement à la date de 983. 
Voir WiLMANS, p. 147, Reuss, p. 48 et 205, Lot, p. 140-141. 

(1) Constantin, V. Adalberonis 11, c. 2 {SS., t. IV, p. 660). Les Ann. 
S. Vinc. Mett. et Sigebert, Chronographia (S5., t. III, p. 157 et t. VI, 
p. 352), placent en 984 l'élévation d' Adalbéron (II) sur le siège de Metz. 
De ces témoignages on peut rapprocher celui que nous fournit une 
charte de Gorze : « Actum Gorzie publice sub die XVI kal. sept, anno 
ab Incarnatione Domini DGGGGLXXXIIII, indictione XII, in obitu Otto- 
nis II et in adeptione regni Ottonis tercii et ipso eodemque anno 
Deoderico defuncto Adelbero II cathedram Mettensem accepit » [Car- 
tulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n« 116, p. 212-213). Il est de toute 
évidence que cette charte a été rédigée après le 16 octobre, date de la 
consécration d'Adalbéron, ou que les mentions qui concernent Thierry 
et son successeur ont été ajoutées après coup au document ; peut-être 
sont-elles l'œuvre du moine qui a transcrit le cartulaire. — Presque 
tous les historiens modernes admettent l'année 984 pour la mort de 
Thierry et pour la désignation d'Adalbéron II. 



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£T SA PHEMIËHË MiUSON DUCALE ^ 

ducale, ou, pour mieux dire, il s'y retrouvait^ puisqu'au- 
trefois, de 929 à 962, le siège de Metz avait été occupé par 
Taitté des frères de Frédéric, par Toucle du nouveau prélat. 
La maison de Haute-Lorraine ne faisait donc que regagner 
les avantages qu'elle avait perdus en 962. 

La tranquillité paraissait rétablie en Allemagne, le 
trône d'Ottoa III aiîermi. Mais de nouvelles difficultés 
allaient surgir, de nouveaux dangers menacer Tautorité 
du jeune souverain. D'un côté, l'ex-duc de Bavière se 
repentait d'avoir fait sa soumission, estimant qu'on ne 
l'avait pas payée d'un prix suffisamment élevé (1). D'autre 
part, Lothaire, après s'être posé tout d'abord en protecteur 
d'Otton III, modifia son attitude. Évidemment, des mobiles 
généreux et désintéressés ne lui avaient pas dicté sa 
conduite ; il espérait bien trouver son avantage personnel 
à défendre ou à paraître défendre les droits du petit prince 
saxon. Peut-être s'était-il imaginé qu'on lui confierait 
pendant la minorité d'Otton l'administration de la Lor- 
raine. L'irritation le prit, quand il vit qu'on le laissait de 
côté, et que sur aucune affaire on ne le consultait (2). Un 
rapprochement allait se produire entre les deux adver- 
^ires de la veille, auxquels la tournure prise par im 
événements causait une égale déception. Ce fut, à ce qu'il 
semble, Henri qui le premier en con<5ut l'idée. Il pensa 
que, s'il abandonnait la Lorraine au Carolinj^'ien, celui-ci 
l'aiderait en retour à devenir roi d'Allemagne. En consé- 
quence, il envoya au roi de France des ambassadeurs, qui 
firent part à ce prince des intentions de leur maître. Ils 
prièrent Lothaire, au cas où les propositions <rHenri lui 
agréeraient, de jurer un traité d'alliance et de promettre 
par serment qu'il se rendrait à £risach sur le Rhin, où 
Henri viendrait de son côté (3). 

(1) Jl n'avait pas recouvré son duché de Bavière. 

(2) C'est une conjecture très plausible de Lor, p. i42. 

(3) RicuER, Uistoriœ, 1. III, c. 97, p. 122. 



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70 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Le Carolingien écouta d'une oreille favorable des ouver- 
tures qui répondaient trop bien à ses désirs, et prêta le 
serment demandé. Il fut convenu que Tentrevue aurait lieu 
le 1®' février 985 à Tendroit indiqué (1). 

Par malheur, ces intrigues et ces négociations ne furent 
pas tenues assez secrètes pour rester ignorées de tout le 
monde. Les envoyés d'Henri parlèrent sans doute plus que 
la prudence ne le voulait, si bien qu'Adalbéron de Reims 
et Gerbert finirent par savoir ce qui se tramait entre le roi 
de France et Tancien duc de Bavière. L'un et l'autre, l'ar- 
chevêque et son secrétaire, étaient tout dévoués à la 
dynastie saxonne et, bien que le prélat fût devenu le 
vassal de Lothaire, que Gerbert fût par sa naissance le 
sujet de ce prince, ils ne devaient pas hésiter à sacrifier 
ses intérêts pour sauvegarder ceux d'Otton III (2). Informés 

(1) Lettre de Gerbert à Notker, évêque de Liège (Lettres de Gerbert, 
n»39, p. 37). —Tous les historiens modernes qui, avant la publication 
par J. Ha VET de la correspondance de Gerbert, avaient eu à s'occuper 
de la conférence de Brisach, l'avaient placée en 984; c'est le cas en 
particulier de Wilmans, p. 13 et 177, de Sepet, p. 481-482, de Witte, 
p. 53, de GiESEBREGHT, t. I, p. 617, de Righter et Kohl, op. cit., p. 143, 
de Manitius, p. 196. Ces auteurs croyaient à tort que Lothaire avait 
assiégé Verdun en 984. Havet^ qui a rétabli l'ordre chronologique des 
lettres de Gerbert, a prouvé que l'entrevue de Brisach et les deux 
sièges de Verdun par le roi de France appartiennent à 985 {Lettres de 
Gerbert, p. XV, LXXXII et 37). Lot, p. 142 et 144, ainsi que Kurth, 
Notger de Liège, p. 76-78, se sont ralliés aux conclusions de J. Havet. 
Plus récemment J. Lair, Études critiques sur divers textes des x« et 
xV siècles, t. I, p. 144 et suiv., a essayé de combattre la thèse de son 
devancier. Ce n'est pas ici le lieu de discuter cette question, sur 
laquelle nous reviendrons dans un appendice. 

(2) On peut plaider en faveur de Gerbert, qu'aucun lien personnel ne 
rattachait à Lothaire, les circonstances atténuantes, comme l'a fait 
Havet (Lettres de Gerbert, introd., p. XXXVI), mais la conduite d'Adal- 
béron est sans excuses. Lorrain, membre d'une famille alliée, sem- 
ble-t-il, à la maison carolingienne, devenu, par son élévation sur le 
siège de Reims, le fidèle de Lothaire, il était, plus qu'un autre, tenu 
de remplir loyalement les devoirs que ses fonctions lui imposaient 
vis-à-vis de son roi. Assurément, les tentatives de Lothaire pour 
reprendre la Lotharingie mettaient le métropolitain de la seconde 
Belgique dans une position délicate : les plus proches parents d'Adal- 
héron, restés dans leur pays, n'étaient-ils pas les serviteurs et les 
vassaux des souverains saxons ? L'archevêque devenait en quelque 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 71 

des projets du roi de France, ils se hâtèrent de les dévoi- 
ler à révéque Notker de Liège, le priant d'avertir aussitôt 
l'impératrice Adélaïde (1). 

11 est possible que celle-ci ait pris des dispositions pour 
empêcher la rencontre des deux conspirateurs. On s'expli- 
querait ainsi qu'Henri, manquant à sa parole, ne se soit 
pas rendu à Brisach. Kicher donne de l'abstention d'Henri 
une autre explication, qui ne manque pas non plus de 
vraisemblance ; à l'en croire, l'ex-duc de Bavière craignait, 
en s'abouchant avec Lothaire, de s'aliéner les seigneurs 
allemands, qui l'auraient accusé de trahir son pays au 
profit du roi de France (2). Sans rejeter la version de 
Richer, on peut admettre Tadoption de mesures militaires 
par le gouvernement allemand. Le duc de Souabe et 
d'Alsace Conrad (3) avait, en effet, comme nous allons le 
voir, pris les armes et réuni des troupes pour s'opposer à 
Lothaire. S'il est possible que l'attitude menaçante de 
Conrad ne permit pas à Henri de s'avancer jusqu'à Bri- 
sach, elle décida certainement Lothaire à rebrousser che- 
min. Le roi de France, accompagné d'une troupe de 
cavaliers, avait été exact au rendez-vous. Arrivé à Brisach 
soit le 1er février 985, soit dans les derniers jours de 
janvier, il y trouva — au lieu de son allié— un adversaire, 
le duc de Souabe, qui le contraignit de reprendre la route 

sorte l'adversaire des membres de sa famille et de son propre frère en 
particulier, et nous comprenons sans peine ce qu'une pareille situation 
avait pour lui de pénible. On lui pardonnerait encore d'avoir mis peu 
d'empressement ix favoriser les projets ambitieux de son roi, mais rien 
ne saurait le justifler de les avoir contrecarrés et d'avoir en définitive 
joué le rôle d'un traître. 

(1) Lettres de Gerhert, n* 39, p. 37. Cf. Lot, p. 142-143, Kurth, NoU 
ger de Liège, p. 77-78. 

(2) Hezilo sese metuens in suspitionem principum venire, si Lotha- 
rio occurreret, acsi eum in regnum recipere vellet, perjurii reus, occur- 
rere distulit « (Richer, Historiœ, 1. III, c. 98, p. 1?2). 

(3) Le comte du Rheingau Conrad, fils d'Udon, avait été en 983 
nommé par Otton II duc de Souabe et d'Alsace (Uhurz, p. 186 et n. 7). 
Sur ce personnage, voir encore Gibsebrbcht, 1. 1, p. 619-620. 



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72 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAlNE 

de ses États. La situation de Lothaire allait même devenir 
critique au passage des Vosges. Béatrice ne parait pas 
avoir essayé d'entraver la marche en avant de Lothaire à 
travers la Mosellane. Mais, au retour, quand le roi, pour- 
suivi par le duc de Souabe, arriva aux défilés des Vosges, 
il se heurta aux montagnards qui, soit d'eux mêmes, soit 
à Tinâtigation de Béatrice ou de Conrad, essayèrent de lui 
barrer la route» à Taide d'abattis d'arbres et de fossés 
remplis d'eau. Au prix de grands efiorts, mais sans perte 
sérieuse du côté des siens, Lothaire parvint à tourner les 
obstacles, à déloger les ennemis des positions qu'ils occu- 
paient ; il franchit ainsi les défilés sans avoir été rejoint 
par le duc de Souabe. Conrad pourtant continua de le 
poursuivre, traversa lui-môme les Vosges et ne s'arrêta 
qu'une fois arrivé sur les bords de la Meurthe. Lothaire 
regagna ensuite sans encombre son royaume (1). 

(1) Outre le récit de Righer, Historiœ, 1. III, c. 98, p. 122, nous avons 
celui de Jean de Bayon, qui, bien qu'imprimé dans VHistoria Mediani 
Monasterii de dom H. Belhomme, a échappé à presque tous les histo- 
riens modernes, Tabbé Jérôme excepté. Nous le reproduisons ici, en le 
complétant à l'aide du manuscrit de Jean de Bayon, conservé à la 
Bibliothèque publique de Nancy : a Quo (Otton le Grand, par erreur 
pour otton II) defuncto anno DGCCCLXXXIl (sic), Henrlcus,dux Baioa- 
riae, filium ejus Ottonem, cupiens imperium, vi rapuit. Contra quem 
ceteri optimates, collecte agmine bellatorum précédentes, intercurren- 
tibus nunciis prlncipem suum Ottonem tertium sine sanguine recl- 
piunt, consentientes paci. Rex Lotharius Francorum, mota expeditione, 
anno DCCGCLXXXIIÏI, ut prœdicti infantis imperium invaderet, ad 
Rheni alveum pergens, Ghuononis ducis Sueviae, qui ejusdem impera- 
torls tuèbatur iûfantiam, occursu fugatur. Fratres autem Medianenses 
hostilem dicti régis Francité timentes impetum, corpus s. Hidulphi cum 
sanctorum reliquiis, omneque decus ecclesias suse transtulere sub 
Balma, quam Altam Petram vocant ; campanas vero misère sub flumi- 
nis pontem. PorroGhuono dux prabdictus usque flumenMortam regem 
FranciiB prosecutus est, et dum rediit ad propria, pernoctatus sub cella 
B. Erardi, quee est contigua Medio coenobio, supra Horbach ftuviolum 
sita, pro quodam miraculé exercitui suo interdixit ne quidquam 
vastationis rébus Medianensibus inferrent. Quo ita abeunte, Beati 
flidulphi artus et cœtera cuncta ad suum monachi locum referre. Ea 
tempestate Adelbertus, de quo supra memorati sumus, viam universe 
carnis est ingressus, sepultusque est a tergo et f rente sanctorum Marie 
atque Hydulphi II nonas aprilis DGCGGLXXXV» (Jban de Bayon, Chron, 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 73 

Le coup était manqué. La défection d'Henri ne décou- 
ragea cependant pas le Carolingien, et ne le fit pas renoncer 
aux espérances que son peu fidèle allié avait fait naître en 
lui. En 978, Lothaire avait échoué dans sa tentative sur la 



Lotharingie. Les circonstances en 985 semblaient beau- 
coup plus favorables à une nouvelle entreprise. L'Alle- 
magne et la Lorraine avaient pour souverain — non plus 
un homme — mais un enfant de cinq ans, à qui Henri 
disputait le pouvoir; le pays était divisé. Qui pourrait 
cette fois arrêter Lothaire dans sa marche (1) ? Était-il, 
d'autre part, en droit de compter sur Tappui du clergé et 
de Taristocratie laïque ? Nous avons vu qu'en 978 il n'avait 
pas rencontré d'allié. Cela s'explique pour les hauts 
dignitaires ecclésiastiques, nommés par les souverains 

Mediani Monasterii^ 1. Il, c. 30, dans Belhomme, Historia Med. Mon,, 
p. 203, et Manuscrite! de la Bibliothèque publique de Nancy, f» XXVII 
v»% col. 2). 

Malgré les erreurs, souvent très graves, commises par Jean de Bayon, 
nous croyons exact le fond de son récit, qu'il a dû emprunter à d€|8 
notes prises au x* siècle par un moine de Moyenmoutier. Conrad ayant 
été réellement, nous le savons par ailleurs, l'un des partisans d'Ot* 
ton ni, il nous parait très naturel qu'il ait contrecarré les projets 
d'Henri et de Lothaire, et qu'il ait empêché ces deux personnages de 
se réunir à Brisach dans le duché qu'il administrait. En vain, objeo- 
tera-t-on que Jean de Bayon place en 984 l'expédition de I^othairo, 
qui en réalité est de 985 ; nous avons vu que, suivant le même chro- 
niqueur, Otton II serait mort en 982. La chronologie de Jean laisse 
fort à désirer. Nous nous permettrons en outre de faire observer qu'au 
XIV* siècle, c'est-à-dire à l'époque de Jean de Bayqn, l'année en î^or- 
raine commençait à l'Annonciation (25 mars). D'après cette manière de 
compter, l'expédition de Lothaire appartiendrait bien à l'année 984 ; la 
mort d'Adalbert, survenue le 5 avril suivant, devait au contraire être 
rapportée à la date de 985. — Le passage suivant du chroniqueur 
(( Lotharius... Chuononis... occursu fugatur » peut signifier ou bien 
que le roi a été vaincu et mis en déroute par le duc de Souabe, ou bien 
encore qu'apprenant l'arrivée prochaine de Conrad il a battu en retraite ; 
nous ne savons k laquelle des deux interprétations 11 convient de 
donner la préférence. D'ailleurs, il nous semble difficile d'identifier les 
montagnards, dont parle Bicher, avec les soldats de Conrad. 

Sur ces événements, on consultera Wilmans, p. 175'176, Sbpbt, 
p. 481-482, WiTTE, p. 53, Giesebrecht, t. I, p. 617, Manitius, p 196, Lot, 
p. 144-145, abbé Jérôme, L'abbaye de Moyenmoutier, p. 194-195. 

(1) Bicher, Historiœ, 1. III, c. 99, p. 123. 



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74 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

allemands et recrutés de préférence en Allemagne. Quant 
aux grandes familles indigènes, jadis dévouées à la dynas- 
tie carolingienne, elles avaient fini par se rallier à la 
maison de Saxe, qu'elles avaient si longtemps combattue. 
EnMosellane, tothaire ne recrutera pas de partisans dans 
la noblesse ; mais dans la Basse-Lorraine, son frère Charles, 
réconcilié avec lui, ainsi que les deux fils de Régnier III au 
Long-Col, Régnier IV et Lambert, se prononceront en sa 
faveur (1). Quant à la masse de la population, nous ne 
savons ce qu'elle pensait ; d'ailleurs, dépourvue d'in- 
fluence, soumise au pouvoir des grands laïcs et ecclésias- 
tiques, elle n'avait ni les moyens ni même sans doute 
ridée d'agir par elle-même. Pourtant, on constate qu'à 
Verdun une partie des habitants avait conservé l'attache- 
ment traditionnel à la maison de Charlemagne, et que 
leur attitude facilita la reddition de la place, lors du 
premier siège de cette ville par Lothaire (2). 

Bien décidé à tenter la conquête de la Lotharingie, le 
roi entendait employer à cette expédition des forces suffi* 
santés pour en assurer le succès. Son plus puissant vassal 
Hugues, comte de Paris et duc de France, était en même 
temps son plus redoutable ennemi ; au surplus, le frère de 
Béatrice devait être peu disposé à seconder une entre- 
prise dont sa sœur et son neveu seraient les premiers à 
souffrir. En conséquence, Lothaire ne pouvait compter sur 
son appui. Mais, par des promesses et des concessions de 

(1) Pour Charles et pour Régnier IV, cela ressort d'une lettre de Ger- 
bert à l'évéque de Metz Adalbéron II {Lettres de Gerbert, n» 58, p. 56; 
cf. n* 59, p. 58). En ce qui concerne Lambert, nous ne pouvons, vu le 
silence des sources, que conjecturer son attitude ; mais il est vraisem- 
blable, en raison de l'union étroite dans laquelle il vivait avec son 
frère, qu'en cette circonstance il avait, comme lui, embrassé le parti 
de Lothaire. 

(2) Voir ci-dessus. C'est à dessein que nous ne parlons pas de « parti 
français » ni de « parti allemand »; il est absurde d'employer de sem- 
blables expressions, quand on écrit l'histoire du x' siècle, et nous avons 
peine à comprendre qu'en Allemagne et en France des érudits sérieux 
aient pu s'en servir. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 75 

fiefs, le Carolingien réussit à gagner les comtes Eudes de 
Blois et Herbert de Troyes (1); bien que vassaux de Hugues, 

(1) Parmi les auteurs modernes, Digot, H. I., t. I, p. 204 et Wil- 
MANs, p. 13, sont les seuls qui aient identifié Eudes avec un fils de 
Hugues le Grand, Eudes-Henri, duc de Bourgogne. Tous les autres 
historiens voient dans ce personnage le comte de Blois et de Chartres, 
fils de Thibaud le Tricheur et de Liégeard (Leudegarde), petit-fils par 
sa mère du célèbre Herbert II, comte de Vermandois (d'Arbois de 
JuBAiNviLLE, H. D. C C, t. I, p. 158, Olleris, p. LXXI, Sepet, p. 483, 
Kalcksteîn, p. 362, Lot, p. 145 et 370). Mais pour ce qui est de Herbert, 
les opinions sont très partagées. Tandis que, d'après Olleris et Sepet, 
Herbert serait un comte de Vermandois, Wilmans, d'Arbois de Jubain- 
viLLE,. Kalcksteîn, Havet, p. 13 et n. 7, Longnon (dans Lot, p. 370- 
374) et Lot, p. 374-376, font avec raison de lui un comte de Troyes. 
Seulement, quel était ce comte Herbert ? Ici encore nous nous trou- 
vons en présence de différents systèmes. Jusqu'à MM. Longnon et Lot, 
l'on ne connaissait que deux comtes de Troyes du nom d'Herbert, le 
comte de Vermandois, qui trahit Charles le Simple, devenu maître du 
Troiésin vers 937, puis son fils et homonyme ; c'est, bien entendu, ce 
dernier qui aurait été le compagnon d'armes d'Eudes I".Le premier, 
M. Longnon, a eu le mérite de voir que trois comtes de Troyes s'étaient 
appelés Herbert, Herbert le Traître, son fils Herbert II (le Vieux) et 
son petit-fils Herbert III (le Jeune), fils — selon lui — de Thibaud le 
Tricheur et de Liégeard (AU. hist., Texte, p. 221, n. 1, et Lot, D. C, 
p. 370-374). M. Lot, tout en admettant (p. 374-376) la distinction entre 
Herbert le Vieux et Herbert le Jeune, n'a pas cru pouvoir accepter pour 
ce dernier l'identification proposée par M. Longnon ; il a lui-même, par 
rapport à Herbert III, émis successivement deux hypothèses. La pre- 
mière est qu'Herbert le Jeune avait pour père le comte Albert I" de 
Vermandois (D. C, p. 374-376) ; la seconde qu'il était fils de Robert, 
comte de Troyes, mort en 967 ; Herbert II, frère de Robert, aurait 
évincé son neveu, Herbert le Jeune^ qui lui aurait succédé vers 983, 
Herbert II n'ayant pas eu d'enfant. M. Lot suppose en outre qu'Eudes I" 
et son cousin Herbert III avaient reçu de Lothaire et possédé par 
indivis les domaines de leur oncle ; on s'expliquerait ainsi que les deux 
comtes aient été constamment associés l'un k l'autre, et que plus tard 
Eudes II ait pu facilement mettre la main sur les fiefs de son cousin 
Etienne, fils d'Herbert III, qui ne laissa pas d'héritier direct [Études 
sur le règne de Hugues Capet, p. 397-413). Nous ne voulons pas dis- 
cuter ici le dernier système de M. Lot, que nous trouvons du reste 
ingénieux et habilement présenté par son auteur. Contentons-nous de 
dire que la charte sur laquelle s'appuie M. Lot pour démontrer que 
Herbert, fils de Robert, survécut à son père, ne nous parait pas four- 
nir de preuve concluante. D'après M. Lot, si Robert ne souscrit pas ce 
document, où l'on rencontre parmi les témoins sa femme Adélaïde et 
son fils Herbert, c'est qu'à cette date il avait cessé de vivre ; mais 
Robert pouvait tout simplement être absent ou malade, quand l'acte a 
été dressé. 



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76 LES OBtGlNES DE LA HAUTE-LORRAINE 

ils consentirent à servir les intérêts du roi. Ce furent eux qui 
lui conseillèrent de porter son premier efiort sur Verdun, 
la ville lorraine la plus voisine — ou Tune des plus voi- 
sines — de son royaume ; ils s'engagèrent par serment à 
lui prêter aide et assistance, jusqu'à ce qu'il eût pris Ver- 
dun et soumis à son autorité toute la Lorraine (1). 

Le roi et les deux comtes, réunissant une armée, entrè- 
rent dans la Mosellane et vinrent assiéger Verdun. Il 
semble que leur attaque ait été imprévue, et que la ville 
n'ait pas été mise en état de défense. Elle n'avait comme 
garnison que les soldats de T^vêque, auxquels se joignirent 
les habitants. Ni le comte de Verdun Godefroy, ni son fils 
Adalbéron, qui avait succédé comme évêque à son cousin 
et homonyme (2), ne se trouvaient dans la place. Le com- 

(1) niCHJifi, Historiœ, 1. III, c. 100, p. 123. 

(2) Lettres de Gerbert, n" 43, 57, 89, p. 41, 54-55, 8ï, Continuateur 
DE ficRTAiRE, Gcsta cp, Vird., c. 7 (SS., t. IV, p. 47). C'est la corres* 
pondance de Gerbert qui nous instruit des difficultés auxquelles se 
heurta le jeune Adalbéron, avant d'être consacré comme évoque de 
Verdun. Fils du comte Godefroy, destiné de bonne heure à l'Eglise, il 
avait été sans doute élevé par son oncle, l'archevêque de Reims, qui 
l'avait fait entrer dans son clergé. Le siège de Verdun étant devenu 
libre parla mort de Wicfrid et par la résignation d'Adalbéron, fils de 
Béatrice, le comte de Verdun estima que, s'il pouvait être attribué à 
son fils, la situation de sa famille dans le Verdunois s'en trouverait 
singulièrement fortifiée. Il pria donc son frère, l'archevêque de Reims, 
de permettre au jeune clerc de venir à la cour allemande solliciter 
l'évêché vacant. Bien entendu, Adalbéron donna l'autorisation deman- 
dée. Le gouvernement de la régence d'autre part semble n'avoir fait 
aucune difficulté pour accorder le siège de Verdun au fils de Godefroy, 
bien que ce fût une nouvelle dérogation aux pratiques de la dynastie 
saxonne ; mais, la situation restant toujours menaçante en Allemagne 
et en Lotharingie, les impératrices se croyaient tenues à des conces- 
sions pour s'assurer le dévouement d'un personnage aussi influent que 
le comte de Verdun. Il ne restait plus au jeune Adalbéron qu'à rece- 
voir la consécration des mains de son métropolitain ; seulement, l'hos- 
tilité de Lothaire et la mauvaise volonté de l'archevêque de Trêves, 
Egbert, devaient retarder la cérémonie, qui, d'abord fixée au 3 janvier 
985, fut renvoyée de mois en mois, et finalement n'eut lieu qu'à la fin 
de 985 ou qu'au début de 986. Il est probable, en outre, qu'Adalbéron 
ne put entrer dans sa ville épiscopale qu'en 987, lorsque celle-ci eut 
été évacuée par les troupes françaises. — Wilmans, p. 7 (cf. p. 146 et 
suiv.), WiTTE, p. 47, et Sepet, p. 475, 499-501, croient qu'Adalbéron, 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 77 

mandement appartenait très probablement à Ton des 
principaux vassaux de l'évoque, Gobert, Tancôtre de la 
famille d'Apremont (1). Lothaire commença par dévaster 
la campagne tout autour de la ville. Les Verdunois de leur 
côté firent une sortie, au cours de laquelle ils perdirent 
du monde tant en tués qu'en prisonniers ; le reste fut 
rejeté dans la place par les Français. 

Les défenseurs de Verdun n'avaient, semble-t-il, aucun 
secours à espérer ni de leur comte, ni de Béatrice. En 
outre, l'accord ne régnait pas entre eux; il y avait un 
parti qui penchait en faveur de Lothaire. Dans ces con- 
ditions, il ne fallait pas songer à prolonger davantage la 
résistance, et l'on se décida en conséquence à capituler. 
Gobert entama les pourparlers avec le roi de France, et 
lui rendit la ville, obtenant en retour la mise en liberté 
des Verdunois faits prisonniers (2). 

fils de Godefroy, succéda directement à Wlcfrid en 983 ; Roussel, H, F., 
t. I, p. 219, place révénement en 98i, Clouet, H. F., t. I, p. 362 et 
suiv., en 985; d'après Havet, p. 39, n. 3, et Lot, p. 141, c'est vers la 
fin de 984 que le fils de Godefroy aurait succédé à son cousin et homo* 
nyme sur le siège de Verdun. Nous nous rallions à l'opinion de ces 
deux auteurs, que Hauck KG. />., t. IIÏ, p. lOOi, a cru devoir adopter. 

(1; C'est là une supposition, du reste très plausible, de l'abbé Clouet, 
t. I, p. 3o7, qui a d'autre part le tort de ne faire intervenir Gobert que 
lors du second siège. 

(2) RiGHER, Historiœ^ 1. III, c. 101, p. 123-124, Continuateur de 
Bertaire, Gesta ep, Vird, c. 3, cf. Gesta ep. Carner^ \. I, c. 105 (SS., 
t. IV, p. 46, t. VII, p. 445). Dans un appendice, nous reviendrons sur 
les dates que nous avons cru devoir assif^ner à l'entrevue de Brisach, 
ainsi qu'aux sièges de Verdun. Ce problème, qui offre de sérieuses 
difficultés, ne se posait pas avant que Richer (de Reims) eût été exhumé. 
Le seul auteur alors connu était le Continuateur de Bertaire, qui ne 
fait mention que d'un seul siège. Après la découverte de Richer, les 
historiens des deux derniers tiers du xix» siècle allaient se partager 
en deux camps : d'un côté, ceux qui repoussaient le récit du chroni- 
queur rémois, l'accusant d'être un tissu de fables et de mensonges ; de 
l'autre, ceux qui l'acceptaient. C'étaient naturellement les érudits 
allemands, Wilmans, p. 13-14, 176-177, Witte, p. 55-56, Giesebrecht, 
t. I, p. 617, Reuss, p. 46, qui se rangeaient dans la première catégorie; 
ils n'avaient pas d'autre guide que le Continuateur de Bertaire, par 
conséquent, d'après eux, Lothaire n'avait pris Verdun qu'une seule 



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78 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE 

Au lieu de poursuivre ses succès, et de tenter la con- 
quête de toute la Jx)rraine, Lothaire revint dans son 
royaume. Rien ne prouve mieux que cette attitude du 
Carolingien qu'il n'avait pas à compter sur l'appui des 
grands de la Mosellane ; s'ils lui avaient été favorables, il 
aurait marché de l'avant. En quittant Verdun, Lothaire y 
avait laissé la reine Emma avec des troupes (1). 

Ni Béatrice, ni Thierry, ni Godefroy n'avaient rien tenté 
pour venir au secours de la ville assiégée. Du moins, s'ils 
avaient réuni des soldats, ils ne s'étaient pas trouvés 
prêts assez tôt pour empêcher Verdun de capituler. Nous 
ne les voyons entrer en scène qu'après le départ de 
Lothaire. Le duc Thierry lui-même (2), son oncle le comte 
de Luxembourg Sigefroy (3), son cousin germain le comte 
Godefroy de Verdun (4), les comtes Bardon et Gozelon, 
neveux de Godefroy (5), d'autres seigneurs encore vin- 

fois. Gomme eux, Kalckstein, p. 362-363, ainsi que Righter et Kohl, 
op. cit., p. 143-144, ne connaissent qu'un siège, mais à la différence de 
leurs compatriotes ils s'appuient exclusivement sur Richer, et ne font 
du Continuateur de Bertaire aucune mention. Quant aux auteurs 
français, ils ont combiné les deux chroniqueurs, le Rémois et le Ver- 
dunois, et admis que Verdun avait soutenu deux sièges contre Lothaire. 
Toutefois, tandis que Digot, t. I, p. 204-207. d'Arbois de Jubainville, 
t. I, p. 158-162, Clouet, t. I, p. 351-357, Olleris, p. LXXI-LXXII, Mou- 
RiN, Les comtes de Paris, p. 310, placent les deux .<<ièges en 984, 
Sepet, p. 483, 489, 490, 502-507, et J. LAm, Études critiques, etc., t. I, 
p. 156-159, attribuent le premier à 984, le second k 985. Havet, enfin, 
p. XV et 45, n. 1, et Lot, p. 145-148, adoptent cette dernière année 
pour l'un comme pour l'autre. C'est l'opinion de ces deux historiens 
que nous avons suivie. 

(1) RiGHER, Bistoriœ, 1. III, c. 102, p. 124. 

(2) RicHER, 1. m, c. 103, p. 124, cf. Lettres de Gerbert, n* 59, p. 58. 

(3) RicHER, ibid., cf. Lettres de Gerbert, n" 51 et 52, p. 48. 

(4) RicHER, ibid., cf. Lettres de Gerbert, n»» 47 et 50, p. 45-46 et 47. 
L'un des fils de Godefroy, Frédéric, se trouvait avec son père. 

(5) RicHER, ibid., cf. Lettres de Gerbert, n» 58, p. 56. De cette lettre, 
ainsi que des lettres 131 et 135, p. 118 et 122, il ressort que Bardon et 
Gozelon étaient les frères d'un évéque Adalbéron ; Havet, p. 56, n. 12, 
p. 114, n. 1, p. 122, n. 5, hésitait entre l'archevêque de Reims de ce 
nom et l'évéque de Laon ; mais Lot, p. 87, n. 3, p. 146 et n. 2, p. 158, 
n. 5, a prouvé qu'il s'agissait de ce dernier. C'est également l'avis de 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 79 

rent, à la tête d'une petite armée, faire le siège de Verdun. 
Sur la rive gauche de la Meuse s'élevait le quartier des 
marchands, qu'entourait une enceinte fortifiée. C'est 
dans ce quartier que pénétrèrent par ruse les assiégeants ; 
franchissant ensuite les deux ponts qui conduisaient à la 
ville proprement dite, ils s'emparèrent de cette dernière{l). 
Nous ne savons ce qu'il advint d'Emma et de la garnison 
française ; elles avaient eu sans doute le temps de s'enfuir, 
car les chroniqueurs ne disent pas qu'elles soient tombées 
au pouvoir des Lorrains. 

Comme il y avait lieu de craindre un retour offensif du 
roi de France, Thierry, Godefroy et les seigneurs lorrains 
s'occupèrent de mettre Verdun en état de défense. Par 
leurs soins, des vivres et du bois pour faire des machines 
furent accumulés dans la place (2). 

Les craintes ou les prévisions des Lorrains ne devaient 
pas tarder à se vérifier. Lothaire se trouvait à Laon, sa 
capitale, et venait d'étudier avec ses conseillers les 
moyens de conquérir la Lorraine, quand lui parvint la 
nouvelle qu'une armée ennemie avait repris Verdun (3). 
C'était une campagne à recommencer. Sans se laisser 

Vanderkindere, h. F. T. P. B., t. Il, p. 235, qui donne pour père à 
Tévêquede Laon, à Gozelon et à Bardon, le comte Régnier, fils de 
Gozlin et frère de Godefroy. D'après un diplôme d'Otton II pour Gorze 
de 982 (St. 825, G.'» 280, DD. Sax., t. II, p. 325), Gozelon détenait le 
pagus Osning^ fragment du p, Leodiensis, rattaché d'après Van- 
DERKiNDERE, t. II, p . 344-345, du comté de Bastogne, dont Gozelon 
aurait été titulaire {H. F, T. P. B., t. II, p. 235-237). Plusieurs chartes 
de l'abbaye de Stavelot nous apprennent que Gozelon possédait l'avouerie 
de ce monastère (Ritz, NR. l/B., n" 28, 29^, 30, p. 40-44); cf. Vandek- 
KINDERE, t. II, p. 235-236. 

(1) RiCHER, Bistoriœ, 1. III, c. 103, p. 124. D'Arbois de Jubain ville, 
H. D. C. C, t. I, p. 160, prétendait que les seigneurs lorrains avaient 
bien repris le quartier des marchands, mais non la ville proprement 
dite. Selon Clouet, au contraire, H, F., t. I, p. 354, l'ensemble de la 
cité verdunoise tomba au pouvoir des assiégeants ; nous croyons qu'il 
a raison, malgré le silence de Righer. 

(2) Richer, ibid. 

(3) Richer, 1. III, c. 102 et 103, p. 124. 



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80 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LOB RAINE 

abattre par ce malheur imprévu, le roi, secondé sans 
doute par les comtes Eudes et Herbert, réunit de nou- 
velles troupes, Richer parle de dix mille combattants, et 
se dirigea sur Verdun, qu'il assiégea pour la seconde 
fois (1). 

Les Français avaient construit une grande machine, que 
des bœufs, à Taide de roues et de poulies, tirèrent et 
firent avancer contre les murailles de la place. Une ma- 
ehiae semblable fut opposée par les Verdunois à celle des 
assiégeants, mais moins haute et moins solide. De part 
et d'autre, on se battit avec beaucoup d'acharnement; une 
balle de fronde atteignit à Toeil le roi, qui s'était trop 
approché des remparts. Enfin, les Français réussirent à 
fixer des crampons de fer sur la machine des Verdunoif^, 
et tirant sur ces crampons au moyen de cordes, ils la 
firent pencher et la démolirent à moitié. Craignant d'être 
massacrés au cas où la ville serait prise d'assaut, les 
Lorrains ofîrirent au roi de capituler, s'il leur accordait 
la rie sauve. Lothaire consentit à épargner les Verdunois, 
bien qu'il les jugeât coupables envers lui du crime de 
lèse-majesté. Quant aux seigneurs lorrains, il les emmena 
en captivité et les confia pour la plupart à la garde de ses 
vassaux (2). C'était un moyen de reconnaître les services 
de ces derniers, qui devaient tirer des captifs de grosses 
rançons. Aucun historien ne nous apprend à qui fut rerais 
le duc de Mosellane, mais on peut conclure d-e deux 
lettres de Gerberl que le roi se l'était réservé (3) ; Lothaire 
entendait ne rendre Thierry à sa mère que moyennant 
une grosse somme d'argent, ou contre une cession de ter- 
ritoire. Si, un peu plus tard, le même Gerbert écrit que 
le sort de Thierry est entre les mains de son oncle, le duc 

tî) «îCHER, 1. m, c. 104, p. 125. 

(2) Richer, Historiœ, 1. III, c. 104-108, p. 125-127. Cf. Clouet, t. ï, 
p. 355-357, Lot, p. 146-148. 

(3) Lettresi de Gerbert, n»" 55 -et 59, p. 53 et 58. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 81 

de France (1), c'est qu'à ce moment le roi, désireux de se 
faire de Hugues un ami, lui avait remis son neveu. Nous 
savons, toujours par Gerbert, que Godefroy de Verdun et 
son fils Frédéric (2), ainsi que son oncle Sigefroy de 
Luxembourg (3), avaient été confiés aux comtes Eudes et 
Herbert, qui les firent enfermer dans un château situé 
sur les bords de la Marne (4). 

Les historiens ne nous font pas connaître la date du 
second siège de Verdun, mais on ne peut pas le placer 
plus tard que la fin de mars 985^ attendu que le 31 de ce 
mois Gerbert eut une entrevue avec Godefroy, déjà en 
captivité (5). Le comte de Verdun chargea Gerbert d'écrire 
à sa femme Mathilde(6), et à ceux de ses fils qui avaient 
gardé leur liberté, Hermann et l'évêque de Verdun 
Adalbéron (7) : ils devaient, c'était leur époux et père qui 
les en priait instamment, persévérer dans leur fidélité à 
l'égard d'Otton III, rester sourds aux promesses comme 
aux menaces, ne remettre enfin entre les mains des 
Français aucune de leurs forteresses, ni Scarpone, ni 
Hattonchâtel (8). Enfin, l'impératrice Théophano fut mise 

(1) Lettres dt Gerbert^ n» 59, p. 58. 

(2) Lettres de Gerbert, n» 51, p. 48, cf. n°» 50, 52, 89 et 93, p. 47-48, 
81 et 86. 

(3) Lettres de Gerbert, n°5î, p. 48. 

(4) Lettres de Gerbert, n»» 50 et 51, p. 47 et 48. 

(5) Ibid. et n" 47, p. 46. Gomme Masson et Du Ghesne, éditeurs des 
lettres de Gerbert, avaient lu « XVII kal. aprilis » au lieu de « Il kal. 
aprilis », Wilmans, p. 177, et Witte, p. 56, n. 3, eo avaient conclu 
<ïue la prise des Verdun par Lothaire était antérieure au 16 mars. 

(6) Lettres de Gerbert, n» 50, p. 47. 

(7) Lettres de Gerbert, n" 47, p. 45. 

(8) Voir en particulier la lettre aux ôls de Godefroy ; cf. a" 49 (à 
Notker de Liège), p. 46 et 47. Scarpone, ancienne ville romaine, com- 
plètement détruite aujourd'hui, se trouvait sur le territoire de la 
commune de Dieulouard (Meurthe-et Moselle, Nancy, Pontà-Mousson). 
Hattonchâtel, qui tire son nom de l'évêque de Verdun flatton (847- 
870), est un village du département de la Meuse, de l'arrondissement 
de Verdun et du canton de VigneuUes. 



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Qoo^(^ 



82 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

par Gerbert au courant de ce qui se passait, et priée de 
doûner des ordres en conséquence (1). 

On s'étonnera peut-être qu'après avoir pris Verdun 
pour la seconde fois, Lothaire n'ait pas cherché, fort de ce 
nouveau succès, à tenter la conquête de toute la Lorraine. 
Mais il n'avait pas, semble-t-il, de partisans dans le pays. 
Ses ressources personnelles en hommes étaient trop faibles 
pour qu'il pût se lancer dans une entreprise de ce genre ; 
Hugues Capet lui refusait toute assistance;' les comtes 
Eudes et Herbert, dont l'aide avait permis à Lothaire de 
prendre Verdun, n'avaient sans doute pas voulu continuer 
la campagne. Contents du butin et des prisonniers qu'ils 
avaient faits à Verdun, ils se reposaient, ne songeant qu'à 
tirer le plus d'avantages possibles de leurs captifs. Enfin, 
l'archevêque de Reims, dont les prédécesseurs avaient été 
les plus fermes soutiens de la dynastie carolingienne, 
s'apprêtait à trahir, trahissait même déjà son maître. Le 
malheur de son frère Godefroy et de son neveu Frédéric, 
faits prisonniers à Verdun, le remplissait d'inquiétude et 
de colère ; Gerbert, toujours reconnaissant à la dynastie 
saxonne des bienfaits qu'il en sivait reçus, excitait le pré- 
lat, dont il était le secrétaire et l'ami, contre le roi de 
France, et le fortifiait dans ses bonnes dispositions à 
l'égard d'Otton III (2). Quoique la prudence conseillât à 
l'archevêque de dissimuler ses vrais sentiments, il lui 

(1) Lettres de Gerbert, n« 52, p. 48; cf. n«51, p. 48. 

(2) Voici quelques passages lires de la correspondance de Gerbert, 
qui nous renseignent sur les vrais sentiments de l'archevêque et de 
son confident : « Fidissimum vobis Adalberonem Remoruoai archiepis- 
copum nuUo modo harum rerum conscium facietis, qui quanta pre- 
matur tyrannide testantur epistolae ad archiepiscopos vestros directae. 
In quibus nihil eorum quae voluerit scripsit, sed quae tyrannus 
(Lothaire) extorserit oscitavit » {Lettres de Gerbert, n» 49 [à Notker de 
Liège], p. 47). a Noveritis etiam reges Francorum nos non aequis 
oculis intueri, eo quod de vestra fidelitate eis contraria sentiamus, 
simulque quod multa familiaritate fruamur Adalberonis archiepiscopi 
Rhemorum, quem simili de causa insectantes infidissiiQum sibi 
putant » {Ibid., n» 52 [à Theophano], p. 49). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 83 

était cependant impossible de ne pas les laisser percer. 
Lothaire lui avait enjoint de se rendre à Verdun, avec des 
vassaux de son église, pour y tenir garnison ; Adalbéron 
obéit, mais il n'en fut pas de môme, quand le roi lui 
prescrivit de prolonger le service de ses hommes, et 
de détruire Tabbaye de Saint-Paul qui, en raison de sa 
situation hors des murs de la ville, risquait d'être sur- 
prise par les ennemis et convertie par eux en forteresse. 
L'archevêque cette fois protesta contre les ordres de son 
souverain, surtout contre le premier, déclarant que ses 
vassaux ne voulaient pas rester plus longtemps à Ver- 
dun (1). 

Cette réponse du prélat mécontenta Lothaire, qu'elle 
fortifia dans les soupçons, trop justifiés d'ailleurs, qu'il 
commençait à concevoir sur la fidélité d'Adalbéron ; par 
des voies que nous ne connaissons pas, le roi savait quelque 
chose des intrigues de son archichancelier avec les enne- 
mis de la dynastie carolingienne. S'attaquer à un digni- 
taire ecclésiastique aussi puissant que l'archevêque de 
Reims était une entreprise difficile. Pourtant, le roi se 
résolut à jouer cette grosse partie ; il accusa formellement 
le prélat de lèse-majesté et de haute trahison. L'arche- 
vêque, disait Lothaire, n'avait-il pas, quelque temps 
auparavant, donné à son neveu et homonyme, fils du 
comte Godefroy et clerc de l'église de Reims, l'autorisation 
d'aller derr.ander à un souverain étranger, Otton III, 
l'évêché de Verdun, sis dans la Lorraine, c'est-à-dire dans 
un pays que Lothaire, seigneur de l'archevêque de Reims, 
revendiquait pour lui (2) ? Cette vive attaque troubla le 
métropolitain, qui tenta pourtant de se justifier : Lothaire, 

(1) Lettres de Gerbert, n» 53 (au roi Lothaire), p. 49. Havet, p. 49, 
n. 2, a démontré qu'en la circonstance Gerbert avait été le secrétaire 
de l'archevêque de Reims, et non pas celui de son neveu, l'évêque de 
Verdun. 

(2) Objectio in Adalberonem {Lettres de Gerbert, n» 57, p. 54). 



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14 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

répondit-il, n'avait élevé aucune prétention sur la Lorraine 
à répoque où lui, Adalbéron, avait laissé partir son 
neveu, et cela sur la demande expresse du père du jeune 
homme (1). 

Que faisait-on d'autre part en Allemagne et en Lorraine, 
soit pour reprendre Verdun, soit pour rendre aux sei- 
gneurs captifs leur liberté ? Peu de chose, à ce qu'il 
semble. En Allemagne, le gouvernement, paralysé par 
Tattitude toujours hostile d*Henri le Querelleur, ne pou- 
vait rien entreprendre. La Mosellane était désemparée, 
privée qu'elle était depuis la prise de Verdun de ses prin- 
cipaux chefs. Béatrice, pourtant, ne restait pas inactive. 
Désireuse d'obtenir la libération de son fils Thierry, elle 
avait engagé avec Lothaire des négociations qui demeu- 
rèrent sans résultat : le roi élevait de telles prétentions, 
nous ignorons d'ailleurs lesquelles, que la duchesse refusa 
d*y souscrire (2). il y avait un moyen dé rendre le roi plus 
accommodant, c'était de déterminer Hugues Capet à se 
prononcer ouvertement contre lui. On peut supposer que 
Béatrice ne ménagea pas à son frère les exhortations de 
sortir enfin de ia neutralité où il s'était enfermé jusqu'alors, 
et de se déclarer nettement l'ennemi de Lothaire. Sous 
l'influence de Béatrice (3) et sans doute aussi de Gerbert, 
le duc de France parut un instant disposé à secouer sa 
torpeur. 

Après avoir reçu un envoyé d'Henri, Lothaire avait 



(1) Àdalberonis purgatio (Lettres, etc., n» 57, p. 54). Lot, p. 155 et 
suiv., suppose qu'Adalbéron de Reims, sommé par Lothaire de cohk- 
paraltre devant lui, présenjl,a sa justification à l'assemblée qui se tiat 
^ Compiègne le 11 mai 986. 

(2) « Id quoque quod reg^lis potestas duce Béatrice ac vestris prl- 
matibus exigit » [Lettres de Gerbert, n* 55 [à l'archevêque de Trêves 
Çgbert], p. 53). 

(3) Ce n*est qu'une hypothèse, mais elle nous semble vraisemblable, 
en raison de Tattitude hostile qu'allait prendre Hugues à l'égard du roi 
de France. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 8S 

teau le 11 mai conseil à Compiègne avec son frère Gb^tes, 
duc de Basse-Lorraine, le comte Régnier e( qlUQhJii^îfi 
évoques ou seigneurs français. A ce moment, le, duc de 
France réunit une petite armée de six cents hommes. Sans 
même attendre qu'ils eussent été attaqués, les grands 
réunis autour du roi se séparèrent. Auparavant, ils 
avaient réglé le sort de quelques-uns des seigneurs lor^ 
rains prisonniers ; c'est ainsi que Gozelon, frère d'Asce* 
lin-Adatbéron, évéque de Laon, fut mis en liberté, non 
sans avoir promis de livrer en otage le fils de son frère 
Bardon et de conformer sa conduite à celle de Godefroy et 
de Sigefroy (1). Ces deux derniers comtes, ainsi que 
Thierry, restaient en captivité. 

Hugues ne devait pas persévérer dans l'attitude qu'il 
venait de prendre, quoiqu'elle eût produit des résultats 
immédiats. D'un caractère indécis, redoutant de se com- 
promettre, il reculait devant une rupture ouverte avec 
son suzerain (2). Peut être craignait-il d'être abandonné 
de ses vassaux, en particulier des comtes Eudes et Herbert, 
dont le concours avait été si précieux à Lothaire. Toujours 
est-il que le duc de France ne tarda pas à se rapprocher 
de Lothaire : le 18 juin 983, il alla trouver le roi et la 
reine Emina, et les embrassa publiquement. Toutefois, 
Lothaire dut payer de retour le revirement de son puissant 

(1) Lettres de Gerherty n» 58 (à l'évêque de Metz [Adalbéron \l]\, 
p. 55-57. Masson, le premier des éditeurs de Gerbert, avait, de sa 
propre autorité, ajouté à la suscription de la lettre le nom de Thierry, 
qui ne se trouvait pas dans les manuscrits. Uavet, p. 55, n. 4, a 
démontré que le véritable destinataire de cette lettre était Adalbéron II. 
Cette rectification, adoptée par Lot, p. 156, n. 1, a la plus grande 
importance pour l'histoire de cette période ; elle permet, en effet, de 
rétablir l'ordre chronologique des événements, si profondément troublé 
par suite des dates fausses arbitrairement assignées aux lettres de 
Gerbert. — Sur l'assemblée de Compiègne, voir Lot, p. 155-158. 

(2) Sur le caractère de Hugues Capet, voir Lot, D. C, p. 295, cf. 
Etudes sur le rè§ne de Hugues Capet, p. 185. M. Pfister est plus favo- 
table que M. Lot k Hugues Capet, Soutenance des tkèses de doctorat 
de M, F. Lot {,Ann. E., 18* année, 190i, p. 46t). 



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86 LES OKIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

vassal et les sentiments amicaux que celui-ci lui témoi- 
gnait. Hugues obtint en effet que le roi lui remit le duc 
Thierry, et Ton peut supposer qu'il rendit la liberté à son 
neveu, sans exiger de lui aucune rançon (1). 

En même temps que le duc de France se rapprochait 
pour un instant de son suzerain, de Tautre côté du Rhin 
s'opérait la réconciliation définitive d'Henri et d'Otton III. 
Venu à Francfort, où se trouvaient l'enfant roi et les im- 
pératrices (2), Henri avait fait sa soumission, moyennant 
la promesse qu'on lui rendrait le duché de Bavière. Nous 
avons vu que, l'année précédente, Béatrice s'était active- 
ment employée à rétablir la concorde entre le gouverne- 
ment allemand et Henri ; cette fois encore, elle fut mêlée 
aux négociations qui aboutirent à la conclusion d'une paix 
durable (3). 

La duchesse de Haute-Lorraine avait accompli une 

(1) Lettres de Gerbert, n» 59, p. 57-58. Wilmans, p. 28, n. 3, et 
Kalckstein, p. 361, n. 1, qui croyaient que Frédéric I" de Mosellane 
était mort en 984, avaient proposé de substituer dans le passage sui- 
vant de la lettre de Gerbert : « Finis Theoderici ducis Hugonem 
ducem respicit » « Frederici » à « Theoderici », et de donner à a finis » 
le sens de « mort ». C'est là une hypothèse fantaisiste, qui n'a même 
pas besoin d'être réfutée. Lot, p. 158, a bien compris le sens qu'il 
convenait de donner à cette phrase de la lettre de Gerbert. Cette 
même lettre nous fait connaître les conditions mises par les comtes 
Eudes et Herbert à la libération de Godefroy : celui-ci devait restituer 
la forteresse de Mons et le comté de Hainaut à Régnier ÏV, renoncer 
au comté de Verdun, prêter serment aux rois de France et livrer des 
otages ; son fils Adalbéron résignerait d'autre part l'évêché de Verdun. 
On comprend que Godefroy ait refusé d'obtempérer à des exigences 
aussi dures. Plus heureux que son cousin, Gozelon, comte de Bas- 
togne, était sorti de captivité, en donnant pour otage son neveu, fils 
de Bardon, et en prenant certains engagements {Lettres de Gerbert 
n» 58, p. 56). Cf. Lot, p. 159-160. 

(2) Otton III était arrivé à Francfort le 26 juin 985 au plus tard, et 
nous l'y trouvons encore le 2 juillet (St. 885 et 886, 0."' 14 et 15, DD 
Sax., t. II, p. 410 et 412). 

(3) Lettres de Gerbert, n» 63 (à Béatrice), p. 61, TmETMAR, Chron., 
1. IV, c. 8, p. 69, Ann. Quedlinburgenses, 985 (SS., t. ÏII, p. 67). Cf* 
Wilmans, p. 33-34, Lot, p. 160 161. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 87 

double tâche : son fils lui avait été rendu, et les troubles 
qui agitaient rAllemagne depuis la mort d'Otton II avaient 
pris fin. Restaient les affaires de France et de Lorraine. 
L'archevêque Adalbéron recherchait les bonnes grâces de 
Béatrice, parce que cette princesse, sœur de Hugues 
Capet, pouvait intéresser son frère au sort du prélat ; en 
écrivante la duchesse, Adalbéron protestait de son dévoue- 
ment au duc de France (1). Nous ne savons si Béatrice 
agit en faveur du métropolitain, mais elle songeait à réta- 
blir la paix entre les souverains de la France et de TAlle- 
magne. Grâce à elle, il avait été décidé qu'il se tiendrait 
dans la ville de Metz un congrès, qui réunirait avec la 
reine Emma, accompagnée de quelques seigneurs fran- 
çais, les impératrices Adélaïde et Théophano, le duc 
Henri et Tévêque Notker de Liège (2). Mais le programme 
primitif de la conférence eut à subir des modifications; 
il fut décidé que du côté allemand Henri viendrait seul à 
Tentrevue (3). Celle ci eut-elle finalement lieu ? Nous n'en 
savons rien (4). En tous cas, la situation ne se trouva pas 
sensiblement modifiée, et les choses paraissent être demeu- 
rées dans le statu quo. 

Vers la même époque, on fit courir le bruit qu'Egbert, 
archevêque de Trêves, qui s'était dès l'origine prononcé 
en faveur d'Henri (5), avait pris la résolution, conjointe- 

(1) Lettres de Gerbert, n» 61 (à Béatrice), p. 60. 

(2) Lettres de Gerbert, n" 62 (à Béatrice), 65 et 66 (à Notker de 
Liège), p. 60-61, 63 et 64. 

(3) Lettres de Gerbert, n*62 (à Béatrice), p. 61. 

(4) Voir Lot, p. 461 et n. 4. — Il nous est parvenu d' Adalbéron II, 
évèque de Metz, une charte pour l'abbaye de Senones, ainsi datée : 
« Mettis, III kal.januari anno III régnante Ottone rege »; elle est donc 
du 30 décembre 985, si le scribe, rédacteur du document, a exacte- 
ment compté les années de règne d'Otton III à partir du 25 décembre 
9îJ3, jour où le petit prince fut couronné à Aix-la-Cliapelle. On trouve 
au bas de l'acte la suscription du « duc » Béatrice (Gai, Christ,, 
t. XIII, p. 453). Peut-être Béatrice s'était-elle rendue à Metz pour 
assister à la conférence projetée. 

(5) Voir ci-dessus, p. 62, n. 3. 



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88 LES ORIGINES DE LÀ HAUTE-LORRAINE 

ment avec le duc de Bavière, d'appeler Lothaire et de lui 
livrer toute la Lotharingie (1). Ce qui pouvait donner 
quelque fondement à ces rumeurs, c'étaient les retards 
apportés par le métropolitain de la première Belgique à 
consacrer Adalbéron, fils de Godefroy, évêque désigné de 
Verdun (2). Il remettait la cérémonie de jour en jour, et 
Ton savait d'autre part que le roi de France s'opposait de 
toutes ses forces à la consécration du jeune prélat (3). 
D'où tendance naturelle à croire qu'Egbert subissait l'in- 
fluence de Lothaire. Ces on*dit causaient une vive inquié- 
tude à Gerbert, qui exhortait Béatrice à ne pas se départir 
de sa vigilance habituelle, à surveiller de près les intrigues 
d'Egbert et à ne pas permettre qu'Henri violât ses enga- 
gements (4). 

Sur ces entrefaites, Lothaire mourut à Laon le 2 mars 
986(5). Sa veuve Emma, fille d'Adélaïde et de Lothaire, 
roi d'Italie, voyait naturellement avec regret la guerre 
qui, depuis deux ans, mettait en conflit deux familles 
auxquelles elle tenait de si près par les liens du sang. 
Comme son fils Louis, jeune homme de dix-neuf ans, subit 
au début de son règne l'influence maternelle (6), on put 
supposer que la paix ne tarderait pas à être conclue entre 
les rois de France et d'Allemagne. Il n'y a donc pas lieu 
de s'étonner que les grands de la Lorraine qui se trou- 
vaient encore détenus aient alors été relâchés, à l'exception 
de Godefroy (7), ni qu'Emma et son fils aient résolu de se 

(1) Lettres de Gerbert, d» 63 (à Béatrice), p. 61. Cf. Lot, p. ^2 
et n. 1. 

(2) Adalbéron ne fut consacré qu'à la fin de 985 ou même qu'au 
début de 986; voir ci-dessus, p. 76 et n. 2« 

(3) Lettres de Gerbert, n" 63 (à Béatrice) et 89 (à Théophano), p. 61- 
62 et 81. 

(4) Lettres de Gerbert, no 63 (à Béatrice), p. 62. 

(5) Voir Lot, p. 164 et n. 1. 

(6) Lot, p. 186-187. 

(7) Lettres de Gerbert, n" 71 (au diacre Etienne), p. 67. Le comte 
Sigefroy de Luxembourg dut obtenir alors sa liberté. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 89 

rencontrer, le 18 mai 986, à Remiremont, avec Adélaïde 
et son frère Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne (1)%. 
Remiremont (2), siège d'une importante abbaye de femtnes, 
se trouvait en Lorraine^ non loin à la fois de la France et 
de la Bourgogne. 

Nous ne son^mes pas sûr que l'entre vue ait eu lieu (3). 
Il est certain d'ailleurs que la paix, qui semblait près d'être 
conclue, fut encore différée. Louis, en efiet, à Tinstigation 
de son oncle Charles, s'était éloigné de sa mère et de 
l'archevêque Âdalbéron, qui l'exhortaient à se réconcilier 
avec Otton III (4). Nous ne serions nullement surpris 
que cette volte-face du roi de France eût déterminé les 
Verdunois à ne pas laisser entrer dans la ville leur 
évéque (5), qui avait enfin été consacré par Egbert, soit à la 
fin de 985, soit au début de 986 (6). L'attitude de Louis à 
l'égard de l'Allemagne devint même si provocante que 
Théophano résolut dp réunir une armée pour attaquer le 
jeune roi, s'il ne revenait à des sentiments plus paci- 
fiques (î). 

(1) Lettres de (^erb^rt^n" 74 (à l'impératrice Adélaïde au nom d'Emma), 
p. 69^70. 

(2) Chef-lieu d'arrondissement des Vosges. 

(3) Lot, p. 187, s'exprime à cet égard en termes dubitatifs. Sepet, 
p. 511, non content d'admettre qu'Emma, Louis, Adélaïde et Conrad 
s'étaient rencontrés à Remiremont, croyait à tort qu'Us y avaient 
conclu la paix. 

(4) Lettres de Gerbert, ti° 97 (à l'impératrice Adélaïde, de là |»rt 
d'Emma), p. 89. Cf. Lot, p. 191, 193-194 ; Cloubt, t. I, p. 368, me 
parait dépasser la mesure, quand il accuse Emma d'avoir méconnu 
les intérêts de son fils et de son pays. Le reproche de trahison serait 
avec plus de raison adressé à l'archevêque de Reims. 

(5) Lettres de Gerbert, u" 79 (invective contre la cité de Verdun), 
p. 72. Cf. Havet, p. 72, n. 2, et Lot, p. 187-188. 

(6) Se reporter à la lettre précédente. D'une lettre de Gerbert à la 
duchesse Béatrice, lettre que Havet, p. 62, n. 3, suppose avoir été 
écrite vers le mois de juillet 985, il ressort qu'à cette date Adalbéron 
de Verdun attendait toujours d'être consacré (Lettres de Gerbert, n*63, 
p. 61), 

(7) Lettres de Gerbert, n" 89 (à l'impératrice Théophano et à son fils 
de la part de l'archevêque de Reims), p. 80-81, ïlicttEIt, Bistoria, 1. ÎV, 
c. 2-5. Cf. Lot, p. 191 et suiv. 



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90 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Toutefois, les projets que le Carolingien pouvait nourrir 
à regard delà Lorraine furent remis à plus tard. Était-il 
prudent de partir en campagne, alors qu'on laissait des 
ennemis derrière soi ? Or, Louis était convaincu de la 
trahison d'Adalbéron do Reims; il Ten accusa formelle- 
ment, le contraignit de donner des otages et de s'engager 
à comparaître devant le tribunal royal (1). 

Pourtant, les négociations continuaient entre la France 
etTAllemagne. Le 29 mars 987, Béatrice alla, au nom de 
rimpératrice Adélaïde, trouver le roi de France à Com- 
piègne; là, il fut décidé que Louis, sa mère et Hugues 
Capet se rencontreraient à Montfaucon (2) le 25 mai avec 
Adélaïde elle-même et le duc de Souabe Conrad (3). A 
cette nouvelle, Gerbert, redoutant quelque piège, car les 
pourparlers avaient lieu à Tinsu de Théophano, écrivit à 
Tarchevèque de Cologne Everger, le priant d'avertir la 
mère et tutrice d'Otton III de l'entrevue projetée (4). Ni 
cette conférence, ni la comparution de l'archevêque de 
Reims devant le tribunal royal ne devaient avoir lieu : 
une mort prématurée enleva en effet Louis V dans sa 
vingtième année, le 21 ou le 22 mai 987 (5). 

Une des premières conséquences fut le rétablissement 
de la paix entre la France et l'Allemagne. Deux compéti- 
teurs se disputèrent la succession du prince défunt, 

(1) Se reporter, pour les textes, à la n. 7. de la p. 89. 

(2) Chef -lieu de canton de l'arrondissement de Montmédy (Meuse). 

(3) Lettres de Gerbert, n» 101 (à l'archevêque Ebrard [Everger] de 
Cologne), p. 93-94. Sur le rôle alors joué par Béatrice, voir Wilmans, 
p. 44-45, Clouet, t. I, p. 369, Sépet, p. 509, Witte, p. 76-77, Giesebrecht, 
t. I, p. 640-642, Kalckstein, p. 381-382, Lot, p. 195. 

(4) Se reporter à la lettre que mentionne la note précédente. 

(5) Voir Lot, p. 196 et n. 1 et 2. C'est à tort que Wilmans, p. 46, 
WiTTE, p. 77, Kalckstein, p . 382, et Manitius, p. 208, ont cru que la 
paix entre les souverains de la France et de l'Allemagne avait été 
conclue à Compiègne le 18 mai 987. L'assemblée qui se réunit alors 
dans cette ville avait pour mission de juger l'archevêque Adalbéron, 
et non point de s'occuper des relations avec Otton III. Cf. Havet, p. 94, 
n. 5, et Lot, p. 196. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 91 

Charles, duc de Basse-Lorraine, seul représentant mâle de 
la dynastie carolingienne, et Hugues Capet, duc de France. 
Ce dernier comptait dans le nord du royaume de nom- 
breux partisans, et Tarchevéque de Reims se déclara pour 
lui (1). Mais quelle attitude le gouvernement allemand 
allait-il prendre ? Si Charles, comme duc de Basse-Lor- 
raine, était le vassal d'Otton JII, il avait, au cours des 
dernières années, paru favoriser les projets de son frère et 
de son neveu sur la Lorraine (2). En outre, il appartenait 
à la dynastie carolingienne, et de ce chef il avait sur la 
Lotharingie des droits qu'il aurait pu, s'il montait sur le 
trône de France, être tenté de faire valoir. L'Allemagne 
n'avait donc pas intérêt à le soutenir. 

D'un autre côté, l'on peut supposer que Hugues chercha 
par tous les moyens à s'assurer, sinon l'appui, du moins 
la neutralité des régentes qui exerçaient le pouvoir au 
nom d'Otton III. Sa sœur Béatrice, duchesse de Mosellane, 
pouvait en la circonstance lui être d'un grand secours, 
vu le crédit dont elle jouissait à la cour d'Allemagne (3). 
Ni Gerbert, ni les chroniqueurs ne nous font connaître les 
négociations, les marchandages auxquels donna lieu 
l'élection de Hugues Capet. Mais nous sommes en mesure 
d'en saisir les résultats : Théophano favorisa l'élection 
de Hugues Capet, ou tout au moins n'y mit pas d'obs- 
tacles (4) ; le nouveau roi la paya de sa bienveillance, en 
lui restituant Verdun sans conditions (5). 

(1) Sur ces événements, consulter Lot, D. C, p. 202 et suiv., Etudes 
sur le règne de Hugues Capet, p. 1 et suiv. 

(2) Se reporter plus haut aux p. 74 et 85. 

(3; 11 est également permis de supposer qu'Adalbéron de Reims et 
Gerbert employèrent en faveur de Hugues le crédit dont ils jouis- 
saient auprès des impératrices. Cf. Lot, D. 6\, p. 203. 

(4) Sur l'appui donné par Théophano à Hugues Capet, voir G. Monod, 
R. H., t. XXIX, 1885, p. 233 (compte rendu d'HENNEBERT, Les comtes 
de Paris), Lot, D. C, p. 203, n. 2, p. 214, Etudes, etc., p. 4 et n. 3. 

(5) C'est en effet Hugues qui rendit Verdun à Otton 111, et non Louis V, 
comme nous l'avions admis dans le De prima domo, p. 100, trompé 



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92 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Le comte de cette ville, Godefroy, et son fils ne devaient 
pas se tirer à aussi bon compte de la captivité où Eudes 
et Herbert les tenaient depuis deux ans et quatre mois. 
L'archevêque Adalbéron, qui n'avait cessé de négocier 
avec les deux comtes la libération de son frère et de son 
neveu (1), finit par l'obtenir, sans doute grâce à l'appui du 
nouveau roi, qui lui devait en partie son élection (2). 

Selon toute vraisemblance, Hugues exhorta ses vassaux 
à se montrer moins exigeants qu'ils ne l'avaient été jus- 
qu'alors. S'ils se départirent de leur première rigueur, les 
conditions qu'ils imposèrent au comte de Verdun n'en 
restaient pas moins très dures : l'archevêque et son frère 
les jugeaient même exorbitantes. Godefroy et son fils 
Adalbéron, l'évêque de Verdun, se voyaient contraints 
d'abandonner aux deux comtes différentes villœ apparte- 
nant à l'église verdunoise, et de les autoriser à construire 
des forteresses sur le territoire de ces localités (3). L'ar- 

par la date que J. Havet avait assignée à l'une des lettres de Gerbbrt, 
dont l'archevêque de Cologne est le destinataire {Lettres de Gerhert, 
n* 100, p. 91, n. 3). J. Lair, Etudes critiques sur divers textes des 
x* et XI* siècles, t. I, p. 199, a démontré que cette lettre étail posté- 
rieure à colle qui porte le n» 103 dans l'édition Havet, et qu'au moment 
où elle a été écrite Hugues avait déjà été couronné roi. Lot, qui avait 
tout d'abord {D. C, p. 195) attribué à Louis la restitution de Verdun, 
s'est rendu dans ses Études, etc., p. 4 et n. 3, aux arguments de Lair, 
et 11 a en conséquence admis que la responsabilité de cet abandon 
devait retomber sur Hugues Capet. L.es Gesta ep. Cartier, 1. 1, c. 105, 
et SiGEBERT DE Gembloux, Chronogvaphia 985 {SS., t. VII, p. 445 et 
t. VI, p. 352), commettent une double erreur, en annonçant que Lothaire 
rendit Verdun à Otton III et relâcha le comte Godefroy. 

(1) Voir Lettres de GerherU n" 59, 71, 89, 93, 94, 103, p. 58, 67, 81, 
86, 9o. 

(2) Cf. Lot, />. C.,p. 214. 

(3) Lettres de Gerbert, n* 103 (à Theophano), p. 95-96. Deux des 
anciens éditeurs de Gerbert, Masson et du Chesne, ayant lu a XV kal. 
junii )) au lieu de « XV ksil. juin », Wilmans, p. 46, Clouet, t. î, p. 371, 
Witte, p. 77, Kalckstein, p. 382, en avaient conclu que Godefroy avait 
recouvré sa liberté le 18 mai. En réalité, ce fut le 17 Juin qu'eut lieu 
l'événement. Cf. Havet, qui a rectifié l'erreur de ses devanciers,, p. 95 et 
n.4, et Lot, D. C, p. 214. — Gbrbert, par malheur, ne nous donne pas 
les noms des villœ verdunoises qu'avait dû céder Godefroy. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 93 

chevôque de Reims ne manqua pas de représenter à 
Théophano combien cette convention était désastreuse 
pour son frère et pour Tévêché de Verdun ; il la supplia de 
ne pas la ratifier (l)/On ne voit pas que ses prières aient 
été écoutées. L'impératrice laissa faire les aliénations de 
terres qu'avaient consenties le comte Godefroy et son 
fils (2). 

Il est possible, probable même, nous Tavons déjà dit, 
que d'autres seigneurs lorrains, faits prisonniers avec 
Godefroy, durent payer leur liberté d'un prix analogue. 
On s'explique ainsi les droits de suzeraineté qu'Eudes, 
Herbert et leurs descendants ou successeurs, les comtes 
de Champagne, possédaient sur des localités ou desi châ- 
teaux situés en Lorraine à l'ouest et à l'est de la Meuse (3). 
Le seigneur de Commercy, par exemple, devint à cette 
époque le vassal de l'un des deux comtes (4). 

Si les Carolingiens avaient échoué dans leurs tentatives 
pour s'emparer de la Mosellane, si les Capétiens ne 
devaient pas de longtemps les renouveler, quelques sei- 
gneurs français n'en avaient pas moins pris pied dans le 
pays. Ce sera pour les premiers ducs de Haute-Lorraine et 
pour leurs successeurs une source de difficultés et d'ennuis, 
qui iront en grandissant et qui atteindront leur maximum 
d'intensité le jour où les rois de France, devenus comtes 



(1) Se reporter à la lettre dont fait mention la n. 3. de la p. précédente. 

(2) Suivant l'abbé Clouet, 1. 1, p. 372, 379, et t. II, p. 5, Théophano, 
sans déchirer la convention conclue par Godefroy, aurait pris les 
mesures suivantes pour en annuler les effets : Âdalbéron, fils de 
Godefroy, aurait été obligé par elle de céder l'évôché de Verdun à 
Haymon, et le nouveau prélat, sur l'ordre de l'impératrice, aurait 
refusé de tenir les clauses d'un engagement qu'il n'avait pas souscrit, 
en particulier d'abandonner aux comtes Eudes et Herbert les localités 
verdunoises que Godefroy leur avait promises. Il nous parait difficile 
d'admettre l'ingénieuse hypothèse du savant abbé, qui ne s'appuie 
sur aucune preuve. 

(3) Se reporter au livre I. 

(4) Voir le précédent vol. des Mém. S, A, L., p. 357-259. 



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94 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LOHRAINE 

de Champagne, feront valoir, en les exagérant, les droits 
dont ils avaient hérité. 

Revenons maintenant au duc Thierry, qui avait été 
remis en liberté dès 986, avant la mofi de Lothaire (1). Le 
18 janvier 987, nous le trouvons dans la t/i//ad'Andernach (2), 
où séjournait alors la cour allemande. Il intercède auprès 
d'Otton III en faveur de Tabbaye de Vilich, avec Timpéra- 
trice Théophano et les ducs Cono (Conrad de Souabe) et 
Henri (de Bavière) (3). 

Quelques mois plus tard, Thierry est dans Touest de son 
duché, où il prend la forteresse de Stenay. Nous nous 
sommes déjà prononcé contre l'opinion des auteurs qui 
ont prétendu que cette localité appartenait à la reine 
Adélaïde, femme de Hugues Capet (4). En vain allègue*t-on 
deux lettres écrites par Gerbert à Théophano, Tune au 
nom de l'archevêque de Reims, l'autre de la part de 
Hugues Capet. Il est dit dans la première, à propos de la 
prise de Stenay par Thierry, que les comtes Eudes et 
Herbert parlent de venger Tinjure faite à la reine (o). Par 
la seconde, le roi de France annonce à l'impératrice 
régente que sa femme Adélaïde ira la trouver à Stenay (6). 
Mais comment Adélaïde, princesse aquitaine (7), aurait- 

(1) Nous rayons dit plus haut, p. 86 et n. 1. 

(2) Thierry, nous l'avons montré p. 419-420 du préc. vol. des Mém. 
S. A, L, a eu en fief la villa royale d'Andernach, qui se trouvait 
englobée dans le territoire de la Mosellane, sans du reste faire partie 
de ce duché. Mais rien ne prouve qu'elle lui ait été donnée sous le 
règne d'Otton III ; on possède en effet des deniers au nom de ce prince 
frappés dans l'atelier d'Andernach. 

(3) St. 902, G."' 32, DD. Sax., t. II, p. 432. 

(4) Se reporter à la p. 326 du préc. vol. Mëm. Kalckstein, p. 392, 
Ha VET, p. 96, n. 5, et Lot, p. 215, admettent que Stenay appartenait à 
la reine Adélaïde. 

(5) Lettres de Gerbert, n» 103, p. 96. 

(6) Lettres de Gerbert, n» 120, p. 109. 

(7) Lot, p. 74, 267, n. 2, et p. 358-361. Gomment M. Lot, après avoir 
démontré qu'Adélaïde était fille de Guillaume Tète d'Étoupes, a-t-il pu 
admettre qu'elle possédait Stenay dans la Haute-Lorraine ? 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 95 

elle été maîtresse de Stenay dans la Mosellane ? Pour quel 
motif Thierry, neveu de Hugues et d'Adélaïde, aurait-il 
pris une forteresse appartenant à sa tante ? 

Quoi qu'il en soit, d'après la lettre déjà citée de Gerbert, 
Eudes et Herbert, sous prétexte de venger l'injure faite à la 
reine, auraient feint d'attaquer Juvigny, forteresse qui 
dépendait de Thierry. Si les origines de ce conflit sont 
obscures, nous n'en connaissons pas mieux la suite ni le 
dénouement. Stenay parait d'ailleurs être resté, nous 
l'avons dit, aux ducs de Mosellane (1). 

On sait que le duc de Basse-Lorraine ne tarda pas à 
revendiquer le trône de France, qu'avait usurpé Hugues 
Capet (2). Béatrice et Thierry intervinrent-ils dans cette 
lutte en faveur de leur frère et oncle ? Nous n'avons 
là-dessus aucun renseignement. 

A partir de l'année 987, les chroniqueurs ne mentionnent 
plus aucune intervention de Béatrice dans les affaires de 
l'Allemagne, de la Lorraine ou de la France, et les diplômes 
ne prononcent plus son nom. Intelligente, énergique, 
ambitieuse, la duchesse aimait l'exercice du pouvoir. Elle 
ne put se résigner à l'abandonner, même quand son fils 
fut arrivé à l'âge d^homme ; un conflit éclata entre la 
mère et le fils, et Thierry, pour se délivrer d'une tutelle 
qui lui pesait, fit arrêter et emprisonner Béatrice. La date 
de cet événement ne nous est pas connue, mais on doit le 
placer postérieurement à 987. La conduite dénaturée de 
Thierry lui attira les censures de l'Eglise. Un pape, nous 
ne savons pas lequel, intervint, réprimanda le duc et lui 
infligea une pénitence (3). Béatrice fut rendue à la liberté ; 
on peut du moins le supposer. 

(1) Voir le préc. vol. Mém. S. A. t., p. 322-326, Cf. Lot, p. 214-215. 

(2) Sur ces événements, consulter Lot. D. C, p. 220 et suiv., Etudes 
sur le règne de Hugues Capet, p. 6 et suiv. 

(3) Fundatio ecclesiœ s. Maximi Barrensis, Jeas de Bayon, Chron. 
Med, Mon., 1. II, c. XLVI (Calmet, H. E. C. !.. 1'^ éd., t. I, pr., col. 
400, t. II. pr., col. LXXl, 2* éd., t. II, pr., col. CCII, l. III, pr., col. 



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96 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

S'il fallait en croire certains auteurs^ la vie de Béatrice 
ne se serait pas terminée là. Sortie de prison, elle aurait 
quitté la Mosellane avec sa fille Ita et se serait réfugiée 
en Alsace, où elle aurait épousé en secondes noces un 
seigneur bourguignon. 

De la seconde union de Béatrice seraient nés Werner, 
éirèque de Strasbourg, et Cuno (Conrad) de Rheinfelden. 

Cette question devant faire rob>et d'une étude détaillée 
dans l'un des appendices joints au présent travail (1), 
disons simplement ici que, non contents de rejeter Ita du 
nombre des enfants de Frédéric et de Béatrice, nous 
refusons en outre d'admettre et le départ de la duchesse 
pour TAlsace et son remariage avec un comte originaire de 
la Bourgogne. 

Précédemment, nous avons parlé d'une visite qu'aurait 
faite en 1003 (?) (2) Béatrice à la collégiale de Saint-Dié. 
Après avoir menacé de la servitude les chanoines et les 
habitants du pays, si le corps du saint, fondateur et patron 
de l'abbaye, ne lui était montré, la duchesse, ayant obtenu 
satisfaction, revint à des sentiments plus chrétiens, et fit 
même reconstruire, deux ans plus tard, avec l'aide d'un 
comte Louis, l'église qui tombait en ruines (3), Il y a lieu 

CGXVIl). JKijff DE Bayon rapporte révénement à Tan 1011, mais on 
aurait tort d'attacher de l'importance aux indications chronologiques de 
cet auteur. II est regrettable que la Fundatio ne donne pas le nom du 
pape qui imposa une fénitenee à Tbierrj ; nous aurions de ce chef ui 
terminus ad qnem. 

(1) Enfants et second mari faussement attribués à la duchesse Béatrice. 

(2) Voir le préc. vol. Mém. S. A. I., p. 412-413. 

(3) RicHBR (de Senones), Gesta Seneniensis eeetesiœ, 1. II, c. 1»(SS., 
t. XV, p. 276-277), Jean de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. il, c XUII 
(Calmbt, E.E. c, L., 1'» éd., t. I, pr., col. LXIV, 2* éd., t. III, pr., 
col. CCXIV-CGXV). Le comte Louis, qui aurait collaboré avec la 
duchesse à la restauration de Téglise de Saint-Dié, ne serait-il pas le 
comte de Bar, père de Richianus-Ricuin et grand-père du mari de 
Sophie ? Calmet, 2« éd., t. IH, pr., col. CCXV, n. «, suppose que ce 
personnage élait un (M»cle maternel de saint Léon fX, parce que Jean 
DB Bâton en fait un ancêtre (avusy de la maison de D«eh6biirg. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 97 

de laire les plus expresses réserves en ce qui concerne 
la date ; mais nous ne nous croyons pas en droit de rejeter 
entièrement le fond même de Thistoire. 

L'année de la mort de Béatrice ne nous est pas connue; 
en définitive, postérieurement à 987, on ne sait plus rien 
de certain sur la première duchesse de Mosellane. 

§ n. Thierry seul duc (9??-10ir). 

Voilà Thierry seul maître de la Haute-Lorraine. Son 
rôle pendant les quinze dernières années du règne 
d'Otton III fut des plus effacés ; ni les chroniques ni les 
diplômes ne mentionnent son nom, et Ton peut se deman- 
der si l'acte de violence dont il s'était rendu coupable à 
regard de Béatrice ne lui avait pas valu — de la cour alle- 
mande — une sorte de disgrâce. 

C'est pendant cette période que, selon toute vraisem- 
blance, il se maria. Sa femme se nommait Richilde, 
d'après la Fundatia ecclesiœ sancti Maximk Barrensis (1), et 
Richuvara, suivant un diplôme d'Henri II pour Saint- 
Vanne de Verdun (2) ; ce sont d'ailleurs deux formes diffé- 
rentes d'un même nom. Les auteurs qui ont cru que la 
femme de Thierry s'appelait Sconehilde (3) ont confondu 
le duc de Mosellane avec le comte de Bar, son homonymte, 

H. WiTTE, Genealogische Untersuchungen, etc. {Jtahrb. G.L. G., 7* an- 
née, 1895, t. I, p. 103) fait de Louis un comte de Ûocbsburg (D»])») ettB 
grand-père de saint Léon IX. 

(1) Calmet, B. E. C. L, i" éd., t. I, pp., col. 400, 2» éd., t. U,pr., 
col. CCLI. 

(2) St. 4659, H." 340,. DD. Sax., t. UI, p. 433. 

(3) Wassebourg, Antiquitez de la Garnie Belgique, f» ÎO^ v«". — Sui- 
vant BE RosiÈass, Stemm. Lothar. ac Barri ducurn, P 393 r'», et Pwf- 
FUfGER, Vitriarius illustratus, t. II, p^ 270, la femme cte Thierry 
s'appelait Richilde, ScooehUde ou Gertrude. Ni du Gbisnb, Histoire 
généalogique de la maison de Bar-le-Duç^ p. 6; ni Kremkr, Genealo- 
gische Geschickle des Ardenneschen Geschlechts, p. 28, n'ont su décou- 
vrir qui Thierry avait épousée. Il était réservé à B. Pigart, La vie ée 
saint Gérardy p. 340-342, L'origine, etc., p. 47, L'^kisto4are de Toml, 
p. 99, d(^ découvrir la vérité. 



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98 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

que nous avons déjà mentionné (i). Les chroniqueurs du 
Moyen Age ne nous disent rien de la famille à laquelle 
appartenait Richilde ; avec quelques érudits modernes, 
nous la croyons fiHe de Folmar, comte de Lunéville et 
d'Amance (2) ; Thierry, nous le savons, hérita de ce der- 
nier casti-um, et cette succession avait dû lui échoir du 
chef de sa femme (3). 

Richilde donna deux fils à son mari : Frédéric II (4) et 
Adalbéron (5), ainsi qu'une fille, Adèle ou Adélaïde (6). 
Les dates de naissance de ces enfants ne nous sont pas 

(1) Voir la charte du comte Thierry de l'année 1005 (de l'Isle, B. S. 
M., p. 432). 

(2) Calmbt, h. E. C. Z., 2* éd., t. ï, col. CLVf, H. Witte, Genealo- 
gische Untersuchungen {Jahrb, G. L. G., 7* année, 1'* partie, p. 87-88). 

(3) Charte de Pibon, évéque de Toul, pour Saint-Mihiel, de l'an 1076 
(Calmet, h. E, C. i., 1" éd., t. I, pr., col. 475, 2« éô,, t. II, pr., col. 
CCCXLVIII-CCCXLIX). 

(4) « Duce Deoderico et Friderico filio ejus » (Charte de Berthold, 
évoque de Toul, de 1019, dans Gai. Christ, t. XIII, pr., col. 463). Voir 
encore Laurent de liège, Gesta ep. Vird, c. 2, Tabula Ottonum et 
Genealogia e stirpe s. Arnulfi, c. 3 (SS., t. X, p. 492, t. III, p. 215, et 
l. XXV, p. 382). Jean de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLVII 
(Calmet, B. E. C. £., 1" éd., t. II, pr., col. LXVI, 2« éd., t. III, pr., 
col. CCXVIII). 

(5) VuiBERT, F. S. Leonis, 1. 1, c. 3 (Watterich, Pontificum roma- 
norum vitœ, t. I, p. 130), Jean de Bayon, 1. II, c. XXXII (Bibliothèque 
publique de Nancy, ms. 537, f» 30 v", col. 2), Gestorum abbatum 
Trudonensium continuatio llh^ auctarium [SS., t. X, p. 384). 

(6) Chronicon s. Buberti AndaginensiSy c. 19 (27), Aubry de Trois- 
FoNTAiNES, Chron. et Genealogia e stirpe s. Amul/i (S5., t. VIII, p. 578, 
t. XXIII, p. 790, t. XXV, p. 382 et 383). 

De Rosières, op. cit., f" 393 r»*, et Pfeffinger, op. cit., ibid., attri- 
buent à Thierry d'autres enfants, que nous croyons inutile de men- 
tionner. B. PiCART, L'origine, etc., p. 47, Calmet,, B. E. C. L., V* éd., 
I. I, col. CXCIII, 2« éd., 1. 1, col. CCLXXXV, Digot, B. L., t. I, p. 216, 
HuHN, Geschichte Lothringens, t. I, p. 98, n'accroissent la famille de 
Thierry que d'un seul fils, Simon ou Sigefroy, comte de Briey. Mais 
DU Chesne, op. cit., p, 7, DE Maillet, E.ssai chronologique sur l'his- 
toire du Barrois. p. 13, Krbmer, op. cit., p. 28, et Stenzel, Geschichte 
Deutschlands unter den fràtikischen Kaisern, t. II, p. 115 et 121, n'ont 
pas admis Simon-Sigefroy à figurer parmi les enfants du second duc 
de Mosellane, qui n'aurait eu d'après eux que deux fils, Frédéric et 
Adalbéron. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 99 

connues. Toutefois, comme d'après Vuibert, l'historien de 
saint Léon IX, Adalbéron était un peu plus âgé que 
Brunon, né en 1002, on peut placer sa venue au monde 
aux environs de Tan 1000 (1). Thierry voulut en 1005 
faire de son fils encore enfant un évêque de Metz, mais 
Adalbéron ne tarda pas à être chassé par un de ses cousins, 
Thierry de Luxembourg, administrateur de Tévêché. 
Vuibert nous apprend que le petit Adalbéron fut enlevé 
d'une mort prématurée (2). En rapprochant une mention 
du Nécrologe de Saint -Vanne concernant un clerc, 
Adalbéron, à propos duquel Tabbaye avait reçu deux 
vignes à Arna ville (3), d'un passage du diplôme d'Henri II 
pour Saint-Vanne, où il est dit que la duchesse Richuvara 
avait donné des vignes dans la même localité (4), Bloch 
conjecture que le « clericus Adalbero » du Nécrologe doit 
être identifié avec le fils de Thierry (5) ; la mort du jeune 
clerc serait donc antérieure à 1015, date du privilège 
d'Henri. 

Nous n'avons que peu de chose à dire d'Adèle, qui 
épousa Waleran (Gualeran), comte d'Arlon, dont elle eut 
deux fils. Foulque et Waleran (Gualeran) (6). Pourtant, 
le nom de Foulque mérite d'être relevé; il était en effet, 
à ce qu'il semble, inconnu jusqu'alors en Lorraine. Que 
l'on consulte la table alphabétique du tome II de la For- 
mation territoriale, on n'y trouvera sous le nom de Foulque 

(j) Vita s. Leonis, I. I,c. 4, cf. c. 2 (Watterich, Pont. rom. vitœ, 
t. I, p. 130 et 129). 

(2) Vita s, Leonis, 1. l,c. 3 (Watterich, t. I, p. 130). 

(3) Jahrb.G. L. G., 14» année, 1902, p. 138. 

(4) St. 16o9, H." 340, DD. Sax., t. III, p. 433. 

(5) Jahrb. G. L G., 10« année, 1898, p. 420. —Jean de Bayon, Chron. 
Med. Mon., 1. Il, c. XXXII (Bibliothèque publique de Nancy, ms. 537, 
f" 30 vs% col. 2) fait mourir Adalbéron, fils du duc Thierry, en 1018; 
mais la chronologie de cet auteur ne mérite aucune confiance. 

(0) Chron. s. Huberti, c. 19 (27), Gesta Treverorum, c. 5, Additamen- 
tum et continuatio î*, Genealogia e stirpe s. Arivulji, c. 3 (SS., t. VIII, 
p. 578 et 189, t. XXV, p. 383). 

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lOO LES OttiGINES BE LA HAtJTE-LORRAL\E 

que des comtes d'Arlon et un comte d'Anjou (1). Or, ce 
nom, étranger à la Lorraine avant le xi® siècle, a été jus- 
tement porté par plusieurs comtes d'Anjou dès le x«, et 
l'un d'eux, Foulque Nerra avait épousé une Lorraine, 
Hildegarde (2). Foulque Nerra, contemporain d'Adélaïde, 
plus âgé qu'elle, n'aurait il pas été le parrain de son fils 
aîné, auquel il aurait donné son nom ? Hildegarde, femme 
de Foulque Nerra, aurait donc été une proche parente, 
sinon d'Adélaïde, du moins de Waleran. Ainsi, l'on peut 
admettre que des alliances de famille rattachaient par des 
liens plus ou moins étroits la maison d'Anjou à celle de 
Mosellane; on s'expliquerait par là qu'à un moment donné 
Foulque Nerra et les ducs de Haute-Lorraine aient combiné 
leurs efforts contre un ennemi commun, le comte de 
Chartres et de Blois Eudes IL 

Bien que le Chronicon sancti Huherti (3) et Aubry de 
Trois-Fontaines (4) appellent Sigefroy le premier des fils 
de Thierry I®', nous préférons le témoignage des sources 
qui lui donnent le nom de Frédéric (5). Celui ci, qui était 
l'aîné d'Adalbéron, dut naître quelques années avant 
l'an 4000. Nous verrons que, du vivant de son père, 
Frédéric fut associé à la dignité ducale (6). 

Il est singulier que, de 987 à 1002, Thierry n'ait joué 
aucun rôle, et que les sources ne fassent de lui aucune 
mention. Durant cette période, Otton III fit deux voyages 
en Haute-Lorraine, le premier en 992, le second l'année 
suivante. Différents actes signalent sa présence à Laneu- 

(1) U. F. T. P, B., t. II, Table, p. 27, col. 2. 

(2) Halphen, Le comté d'Anjou au xi'' siècle^ p. H el n. 1. 
(â) Chron. s. H., c. 19 (27) [SS., t. VIH, p. 578]. 

(4) Chron. {SS , t. XXIII, p. 790). 

(5) Se reporter à la n. 4 de la p. 98. A elle seule, \st charte de 
Berthold, docoment contemporain de Tbierry et de sob âls, suffirait à 
lercF tous tes d^utesL 

(6) Voir plus bas, p. 126. 



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ET SA l»KËMIERË MAISON DUCALE 101 

ville sur-Meuse (1), à Margut (2), à Trêves lors de son 
premier séjour (3), à Thionvîlle ainsi qu'à Metz au cours 
du dernier (4). Dans aucun de ces documents le duc ne 
figure comme intercesseur, bien que plusieurs d'entre eux 
concernent la Mosellane (5). Il est à supposer pourtant 
que Thierry avait dû se rendre auprès du jeune souverain. 

Nous avons d'autre part la certitude que Thierry n*était 
pas auprès d'Otton III, lorsque Terapereur mourut à Rome 
le 23 janvier 1002 (6). 

La fin prématurée du fils d'Otton II faillit de nouveau 
bouleverser TAllemagne. Le prince défunt n'avait pas été 
marié et ne laissait point d'enfants. Toutefois, la maison 
de Saxe comptait encore un représentant mâle, Henri 
le Boiteux, duc de Bavière, fils du Querelleur. Henrf 
revendiqua la couronne, mais il allait voir se dresser 
contre lui deux compétiteurs, Hermannll, duc de Souabe, 
et le margrave de Misnie Ekkehard (7). 

L'Allemagne, menacée d'une guerre civile, assaillie à 
Test par les Palonais, vit-elle en outre surgir a l'ouest un 
autre ennemi en la personne du roi de France ? ftobert 

(1) Meuse, Montmédy, Stenay. 

(2) Ardennes, Sedan, Carignan. 

(3) St. 965, 966, 967, 967^ 0.'" 93-96, DÛ. Sax., t. If, p. 504-501 Le 
roi était à Lanenville le 19 mai, ofi le trouve encore à Trêves ïe SOttiai. 

(4) St. 992 et 993, 0.>" 122, 123, DD. Sax., t. H, p. 534-535. Cf. Erwîn, 
Excurse zu den Diplomen Otto 111 [Mitth. 1. Œ. GF., t. XIII, p. 562- 
ii64). Otton était à Thionville le 9 mai, à Metz le 13 du môme mois. 

(5) Ce sont 0."> 95 (pour Saint-Maximin), 96 (pour Saint-Goar) et 123 
(pour Ëchternach). 

(6) Thierry ne figure pas dans la liste des grands qui, d'après 
Adalbold, F. Heinrici H impgratoris^ c. 3 (.^S., (. IV, p. 684), se trou- 
vaient en Italie auprès d'Otton III, quand ce prince termina son 
erxistettco. Par contre, on constate la présence d'Otton, duc de Basse- 
Lorraine et fils de Charles, le compétiteur de Ifiigues Capet. 

(7) Thibtmar Chron., I. TV, c. 50 et suiv., 1. V, c. i et suiv., p. 92 
et suiv., Ann. Quedlinburgenses 1002, ADALBor.û, V. Heinrici //. c. 4 
et suiv. (S5., t. III, p. 78, t. IV, p. 684) : cf. HmscH, JahrbUekef Hein- 
riehs 11^ t. r, p. 193 et suiv., Ric«ter et Kowl, Ânnalen des deutsehen 
ReichSy 3« partie, t. I, p. 172-177. 



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102 LES ORIGINES DE LA HÀUTELORRÀÎNE 

aurait-il profité du trouble causé par la mort imprévue 
d'Otton III, des dissensions que provoquait la vacance du 
trône, de la révolte des Italiens et des attaques de 
Boleslas pour tenter de conquérir la Lotharingie ? Étran- 
ger à la dynastie carolingienne, il n'avait pas les droits 
incontestables des princes de cette famille sur l'ancienne 
Austrasie. Seulement, les souverains de la maison de 
Saxe, détenteurs de la Lorraine, n'avaient en fin de compte 
d'autre titre à faire valoir qu'une possession de trois 
quarts de siècle. Au fond, Capétitus et Ottoniens avaient, 
en ce qui concerne la Lotharingie, autant ou, si l'on pré- 
fère, aussi peu de droits les uns que les autres (1). D'ail- 
leurs, en cas de conflit, la question de droit n'avait aucune 
importance. Si le fils de Hugues Capet essayait de disputer 
au roi d'Allemagne la rive gauche du Rhin, il était bien 
évident que la lutte se terminerait par le triomphe du plus 
fort des deux adversaires ; et, sans aucun doute, le résultat 
final devait dépendre en grande partie des seigneurs laïcs 
et du haut clergé de la Lotharingie qui, en se prononçant 
pour l'un des compétiteurs, pouvaient assurer la victoire 
du prince auquel ils se rallieraient. 

Robert et d'une façon générale les premiers Capétiens 
nous apparaissent comme des souverains peu puissants; 
l'histoire de leurs démêlés avec quelques-uns de leurs 
grands vassaux fournit des preuves péremptoires de leur 
faiblesse. Un roi d'Allemagne à cette époque disposait 
d'une force qui manquait aux princes français. D'un autre 
côté, Robert n'était qu'un étranger pour les prélats et pour 
la presque totalité des seigneurs lorrains (2). Ce n'est 

(1) Nous ne pouvons accepter la théorie développée par M. Flach sur 
la transmission de la prééminence franque à la dynastie capétienne 
{Les origines de ^ancienne France, t. III, p. 199 et suiv.) Hugues 
Capet n'était qu'un usurpateur. 

(2) Si l'un des fils de Régnier au Long-Col, Régnier IV, avait épousé 
Avoie, fille de Hugues Capet, l'autre, Lambert de Louvain, était marié 
ù Gerberge, fille de Charles de Lorraine. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALR 103 

assurément pas le Carolingien Otton, duc de Basse-Lor- 
raine, qui aurait soutenu les Capétiens; n'était il pas le 
fils de ce Cliarles, sur lequel le père de Robert avait usurpé 
le trône de France? Restait, il est vrai, le duc deMosellane, 
Thierry, qui, par sa mère Béatrice, était le cousin ger- 
main du roi de France. La parenté de Frédéric I^^ avec la 
maison issue de pobert le Fort avait pu être, nous Tavons 
dit (1), une des raisons qui avaient déterminé Otton 1^^ et 
Brunon à choisir le gendre de Hugues le Grand pour en 
faire un duc de Mosellane. Mais les précautions prises par 
les Saxons n'allaient-elles pas se retourner contre eux, 
maintenant que les Carolingiens, écartés du trône de 
France, avaient été remplacés par leurs anciens adver- 
saires ? Il n'y avait évidemment jamais eu lieu de craindre 
que la famille ducale de Haute-Lorraine servît les projets 
de Lothaire ou de Louis V ; elle pouvait au contraire avoir 
la tentation de faire cause commune avec Hugues Capet 
ou avec Robert. 

Le cas s'est-il produit en 1002, après la fin subite 
d'Otton ni, comme l'a supposé M. Davillé (2) ? Cette 
hypothèse a été suggérée à notre savant collaborateur par 
une charte de Saint-Mihiel, datée de la huitième année du 
règne de Robert, bien qu'il s'agisse dans ce document 
d'une localité du comitatus Barrensis (3). Très certaine- 
ment, M. Davillé attache à cette pièce une importance 
qu'elle n'a pas en réalité, et nous ne saurions admettre les 
conclusions qu'il se croit en droit d'en tirer. L'alliance 
qu'il conjecture entre Thierry et le roi de France ne nous 
paraît pas conciliable avec l'attitude que prêtent au duc 
les sources annalisliques. 

{i) Voir le préc. vol. Mém. S. A. L , p. 222 i23. 

(2) Note sur la politique de Robert le Pieux {Ann. E., 44' année, 
1900, p. 78-81). 

(3) C'est la donation de Thiéberl, que nous avons publiée dans notre 
De prima domo, p. 137, et que nous reproduisons à la lin de ce travail. 



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104 LKS OIUGINKS DE LA HALTE-LOB RAINE 

Le duc de Mosellaoe fût sorti de la neutralité que lui 
attribue Thietmar (1), et il eût mécoonu les droits d'Heori 
de Bavière à la couronne d'Allemagne, ce qui est en 
contradiction avec le témoignage d'Adalbold (i), si, faisant 
appel au roi de France, il lui avait rendu hommage. 

Au surplus, les velléités conquérantes que M. Davillé 
prête au souverain français auraient été de courte durée. 
D'une part, Henri de Bavière finit, dans le courant de 
1002, par être reconnu et en Allemagne et en Lotharingie ; 
d'un autre côté, la mort d'Eudes-Henri, duc de Bourgogne, 
allait appeler du côté de cette province et absorber toute 
l'attention et toutes les forces du roi de France (3). 

En définitive, il nous semble tout à fait improbable 
qu'après la mort d'Otton UI Thierry ait songé à se tourner 
vers son cousin, et à le reconnaître pour suzerain. Voyons 
maintenant ce que les Annales ou les Chroniques nous 
apprennent sur le rôle joué parle duc de Mosellane. 

Au début du conflit, Thierry garda la neutralité, atten- 
dant pour se prononcer, dit Thietmar, que la majorité du 
peuple eût fait son choix (4). D'après la Vita Heinrici, 
écrite par Adalbold, le duc de Haute-Lorraine, sachant 
qu'Henri était l'héritier légitime du trône, ne voulut pas 
se lancer dans une entreprise qu'il savait ne pouvoir 
mener à bonne fin (5) ; en d'autres termes, Thierry ne se 
porta pas candidat à la couronne d'Allemagne et de Lor- 
raine. S'il était naturel que notre duc s'abstînt de briguer 
le trône vacant, puisqu'il n'avait aucune chance de Tob- 
tenir, il aurait dû, semble-t il, se prononcer tout de suite 

(1) Thietmar, Chron., 1. V, c. 103, p. 108. 

(2) Vita Beinrici 11, c. 5 (SS., t. IV, p. 685). 

(3) Pfister, R. l. P., p. 225 et suiv. 

(4) « Quo se pars populi major et melior inclinaret seourus exspeeta- 
bat » (Thietmar, 1. V, c. 103, p. 108). 

(5) « Theodericus, Heinricum ducem in regno esse sciens heredem, 
noluit Incipere quod non posset finire » (Adalbold, V. B. II, c. 5, SS., 
t. IV, p. 685). 



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PT SA PRKMIKRK MAISON DUCALE 105 

en laveur d'Henri, dont il était le cousin ; Avoie, granJ- 
mère de Thierry, était en efiet la sœur d'Henri, grand- 
père d'Henri le Boiteux. En outre, Cunégonde, femme de 
ce dernier, était fille ou mieux petite-fille de Sigefroyl»** 
de Luxembourg, oncle de Thierry (1). 

Ce ne fut point par une assemblée générale des prélats et 
des grands laïcs de l'Allemagne et de la Lorraine qu'Henri 
fut élu roi. Successivement, les Francs de l'Est et de la 
Moselle, les Thuringiens, les Saxons, les Francs de la 
Basse-Lorraine et en dernier lieu les Souabes avec leur 
duc Hermann, dont Henri avait ravagé le duché, firent 
leur soumission au nouveau souverain (2). Henri fut donc 
tout d'abord élu à Mayence par les Francs du Rhin et de 
la Moselle ; s'il faut voir dans les premiers les Franco- 
niens, les seconds ne seraient-ils pas les grands de la 
Haute-Lorraine ? Les uns et les autres prêtèrent serment 
à Henri. Ensuite l'archevêque de Mayence Wiligis et ses 
sufiragants le sacrèrent roi le 6 ou le 7 juin 1002 (3). Vu 
le silence des Annales, la présence de Thierry à Mayence 
est incertaine, tout en nous paraissant probable (4). On 

(1) Voiries tableaux généalogiques joints à notre travail. 

(2) HiRSCH, op. cit., t. I, p. 214-230. 

(3) HiRscH, p. 215 et n. 4» p. 216 et n. i. 

(4) « Francorum et Miiselenensium primatus régi manus tune applf 
cans gratiam ejusdem meruit » dit Thietmar {Chron., 1. V, c. 11, p. 114 . 
Nous avons vu (préc. vol. Mém. S. A. I., p. 286, n. 5), que le titre de 
(( dux Mosellanorum » était donné par plusieurs chroniqueurs à 
Frédéric et à Tliierry. Pourtant, Thietmar se sert tantôt d'une appel- 
lation, tantôt d'une autre pour désigner les habitants de la Haute- 
Lorraine ou leur duc; le (( Muselenorum pagus » où, d'après lui (1. V, 
c. 27, p. 122), Henri 11 fit une tournée (en 1003), n'est autre que la 
Mosellane ; mais, quelques pages plus haut le même chroniqueur qua- 
lifie Thierry de « dux Liuthariorum » (1. V, c. 3, p. 108). Hirsch 
(p. 247, n. 2) croit que dans les Liuchariensés » et les a Liutharii » 
qui reconnurent Henri pour souverain à Aix-la-Chapelle (Thietmar, 
1. v, C.20, p. 118-119), on doit voir uniquement les seigneurs de la 
Basse-Lorraine, et il admet (p. 216, n. 1) la présence de Thierry à 
Mayence. Suivant Giesebreght au contraire {G. D. K., t. II, p. 28 et 
593), Thierry n'aurait rendu hommage à Henri il qu'en 1003, à l'assem- 
blée de Thionville. 



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106 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

pourrait encore supposer que Thierry se prononça pour 
Henri II, non à Mayence, mais à Aix-la-Ciiapelie, où le duc 
de Bavière fut reconnu roi, le jour de la Nativité de la 
Vierge (8 septembre), par les grands de la Lorraine, et 
installé suivant le cérémonial accoutumé sur le trône de 
Charlemagne (1). Pourtant, cette cérémonie d'Aix devait 
plutôt avoir pour acteurs uniques les évoques et les sei- 
gneurs de la Basse Lorraine, à Texclusion de ceux delà 
Mosellane. 

Après qu'Henri eut passé en Bavière les mois de novem- 
bre et de décembre, nous le trouvons en janvier 1003 sur 
les bords de la Moselle, à Thionville (2), où il avait convoqué 
à une diète les habitants de la Haute Lorraine et de l'Alsace. 
Nous croyons, malgré le silence des sources, que tout 
d'abord le roi reçut Thommage des prélats et des seigneurs 
laïcs de ces deux provinces. Puis il déclara qu'il écouterait 
les plaintes de tous ceux qui avaient des réclamations 
à formuler, et qu'il rendrait justice à chacun. En vain, 
les ducs de Mosellane et de Souabe, qui étaient pré- 
sents, essayèrent-ils de mettre obstacle au projet d'Henri : 
celui-ci tint bon, et force fut à Thierry et à Hermann de 
le laisser faire. Le roi, non content de réparer diverses 
injustices, ordonna la destruction du château de Muls- 
berg (3), appartenant au duc Thierry, et dont la garnison 
désolait par ses violences et ses pillages la région d'alen- 

(1) Thietmar, L V, c. 20, p. 118-H9; cf. la note précédente. 

(2) Lorraine, chef-lieu de cercle. 

(3) Il est assez difficile d'identifier Mulsberg. Faudrait-il voir dans 
ce château celui de Morsberg, appelé aussi Molzberg, en français 
Marimont (Lorraine, Château Salins, Albestroiïi, que mentionnent 
différentes chartes du Moyen Age (Lepage, Dict. top. Meurthe^ p. 86, 
col. 2) ? On peut rappeler à ce propos que Thierry de Montbéliard, 
comte de Bar, eut pour gendre un seigneur de Morsberg ivoir le préc. 
vol. Mém. S. A. £., p. 337, n. 2 et 3j. Mais ce « castrum » portait-il déjà 
au début du w^ siècle le nom de (( Morsberg », ou ne rauralt-il pas 
plutôt reçu soit à la fin du môme siècle soit au début du suivant, lors- 
qu'il tomba au pouvoir du comte de ce nom, mari d'une fille du comte 
Thierry II de Bar ? 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 107 

tour ; défense fut faite par lui de jamais reconstruire 
cette forteresse (1). 

Le duc de Mosellane ne semble pas avoir accompagné 
le souverain dans le voyage que ce dernier fit à travers la 
Basse-Lorraine pendant les mois de janvier et de février 
1003(2) ; nous ne croyons pas non plus qu'il ait pris part 
à l'expédition dirigée en août 1003 par Henri II contre le 
margrave Henri de Nordgau, qui s'était allié au roi de 
Pologne Boleslas (3), ni à celle que le môme prince conduisit 
en Lombardle l'année suivante (4)» 

En 1004 ou en 1005, Henri réunit, nous ne savons 
d'ailleurs dans quelle ville (5), de nombreux grands 

(1) Thietmar, Chron., 1. V, c. 27, p. 122-123, Adalbold, V. Hein- 
rici r/, c. 19 (SS., t. IV, p. 688). Deux diplômes d'Henri signalent sa 
présence à Thionville le 15 janvier 1003 (St. 1341 et 1342, H." 34 et 35, 
DD. Sax.^ t. III, p. 37 et 39). Sur cette assemblée, voir Hirsch, t. I, 
p. 243-244, GiESEBRECHT, op. cit., t. II, p. 28. Les termes de TmETMAR 
tt Herimannus ac Theodoricus solo nomine duces, sed non re » signi- 
fient — non pas qu'ils avaient seulement l'apparence du pouvoir — 
mais bien plutôt qu'ils s'acquittaient mal de leurs fonctions, qu'ils 
abusaient de leur autorité. 

(2) TmETMAR, I. V, c. 28, p. 123, St. 1343-1349, H.'» 36-41, DD. Sax., 
t. III, p. 40-48 ; cf. HmscH, t. I, p. 247-249. 

(3) Thietmar, 1. V, c. 32, p. 125, Adalbold, V, Heinrici II, c. 25 
(S5., t. IV, p. 690) ; cf. HmscH, t. I, p. 264 et suiv. 

14) Thietmar, 1. VI, c. 7 et 8; cf. Hirsch, t. I, p. 301-314. 

(5) Au sujet de cette assemblée, diverses hypothèses ont été faites 
par les érudits allemands. Pertz, SS., t. IV, p. 663, et Gfrôrer, Kir- 
chengeschichte, t. IV, l'o partie, p. 46, étaient d'avis qu'il fallait y 
voir celle, tenue en 1005 ou en 1006, dont Thietmar a fait mention 
dans sa Chronique (1. V, c. 28, p. 150) ; suivant Hirsch (t. I, p. 244- 
247), il s'agit de l'assemblée tenue par Henri II à Thionville en janvier 
1003. Mais Usinger, l'un des continuateurs de Hirsch, a démontré 
qu'aucune de ces hypothèses n'était admissible {Jahrb. H. II., t. I, 
p. 244, n. 5). A rencontre de Pertz et de Gfrôrer, il rappelle que le 
concile dont parle Thietmar ne comprenait que des évèques saxons, 
tandis qu'il n'y en avait aucun au, synode où se trouvait Adalbéron II ; 
il fait valoir en outre qu'Otton, père de Conrad, et l'évêque de Metz 
n'existaient plus lorsque se réunit le premier de ces conciles. Usinger 
montre ensuite que Hirsch s'est également trompé : rien n'indique que 
l'assemblée à laquelle Adalbéron et son frère prirent part se soit tenue 
à Thionville; de plus, les expressions dont se sert Constantin, le bio- 



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108 LES OJUGINES DK LA HAUTE-LORRALNE 

^clésiastiques ou laïcs tant de TAUemagne que de 
la Lotharingie. Parmi eux, nous remarquons le duc 
Thierry, son frère Adalbéron II de Metz, ainsi que 
les évoques Berthold de Toul (1) et Hayraon de Ver- 
graphe d' Adalbéron II (F. Adalberonis, c. 19, SS., t. IV, p. 664) a ex 
prcpria patria ad regale colloquium pervenerat », suffisent à détruire 
l'hypothèse de Hirsgh : « patria » en effet a le sens de c diocèse », or, 
TbioDville dépendait de l'évèché de Metz. Tout en nous ralliant aux 
conclusions d'UsiNGER, nous croyons devoir faire des réserves à l'égard 
de l'un des arguments qu'il a employés, celui qui concerne le père 
de Conrad : il ne nous paraît pas ressortir du récit de Constantin 
qu'Otton fût encore en vie, au moment où l'évéque de Metz attaqua la 
régularité de l'union conclue par Conrad. — Adalbéron II étant mort 
en décembre KXfô, il faut que l'assemblée soit antérieure à cette date. 
Comme, d'autre part, Conrad est qualifié de « dux Austrasiorum » 
(Constantin. F. Ad. 11^ c. 16, SS., t. IV, p. 663), nous croyons, con- 
trairement à ce que pense Usinger, qu'il avait déjà succédé à son père 
dans ces fonctions, et qu'Otton avait cessé de vivre. Ce dernier étant 
mort le 4 novembre 1004 (Hirsgh, t. I, p. 326 et n. 5), l'assemblée où 
fut soulevée la question du mariage de Conrad serait de la fin de 
1004 ou des premiers mois de 4005. Nous serions disposé à croire 
qu'elle fut convoquée en 1005, dans la première quinzaine d'avril, à 
Aix-la-Chapelle; deux diplômes d'Henri II nous signalent la présence 
du souverain dans cette ville à la date indiquée (5 et 9 avril) [St. 1400 
et 1401, H." 93 et 94, DD. Sdx., t. III, p. 117 et 118]. 

(1) A saint Gérard, mort le 23 avril 994 (Vomy, Vita s. Gerardi, 
c. 22, et Ann. s. Benigni Divionensis, dans les SS., t. IV, p. 5Ô3, et 
t. V, p. 41), avait succédé Etienne, de la maison de Lunéville, qui fut 
consacré à Metlach le 24 juin 994 {Gesta ep.Tull.,c, 35, SS., t. VIII, 
p. 642). Ce prélat termina son existence àBonmoutier le 12 mars {Gesta 
ep. Tull.,c. 35, SS., t. VIII, p. 64S) 996 {Ann. necroL Fuld., SS., 
t. XIII, p. 207). Les Ann. s, Benigni Div. (SS., t. V, p. 41) indiquent 
exactement le jour, mais se trompent sur l'année (1000 au lieu de 996). 

Etienne fut-il remplacé par un moine de Metlach appelé Robert, 
dont l'épiscopat n'aurait duré que quelques mois ? Les Gesta ep. Tull. 
ne font de lui aucune mention. Mais, suivant B. Pigart (H. T., p. 340), 
l'évéque Berthold le nommait dans une charte, aujourd'hui perdue, 
qu'il accorda en 1012 à Bonmoutier. De plus, il y a lieu de relever que 
VuiBERT, le biographe de saint Léon IX, qualifie son héros de cin- 
quième successeur de Gérard sur le siège de Toul {Vita s. Leonis IX, 
1. I, c. 4, Watterich, Pontificum romanorum vitœ, t. I, p. 131), ce 
qui n'est exact que si l'on admet Robert au nombre des évoques de 
Toul. Enfin, il y a quelques années, un numismate suédois, H. Hildb- 
brand, ayant découvert une monnaie frappée à Saint-Dié au nom 
d'un évéque appelé Robert, crut devoir l'attribuer à l'évéque de Toul, 
successeur présumé d'Etienne {Une monnaie de Robert y évêque de 



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ET SA PHËMIKKE MAISON DUCALE i09 

duo (I). Pendant une des séances de rassemblée, 
le roi se plaignit de la tolérance que montraient les 
évêques à Tégard des mariages entre procties parents; 
il fît même une allusion à Conrad, duc des Austra 
siens, c'est-à dire de Carinthie, qui avait épousé sa cou- 
sine Matbilde. Adalbéron, prenant ensuite la parole^ 

Metz [sic], dans l'Annuaire de la Société française de numismatique^ 
t. XII, 4884, p. 375). Pour Engel et Serrure, T. N. M. À,, le denier 
appartient bien à Robert, évéque de Toul. L'abbé Martin, H. D, T., 
t. I, p. 181 et n. 7, accepte Robert, en faisant observer que le pontl^ 
ficat de cet évêque a dû n'avoir qu'une très courte durée. Le nom de 
Robert ne figure pas sur la liste des évèques de Toul des iX'Xii' siècles 
que Hauck a dressée dans sa KG. Z>., t. III, p. 1000. 

Rerthold, à qui fut donné ensuite le siège de Toul, était originaire 
de la Souabe {Gesta ep. TulL, c. 36, SS., t. VIII, p. 642). Entré k Toul 
le ^ août 996, il aurait été consacré le 11 octobre de la même année 
(ou de 997) [Ann. s. Ben. Div., SS., t. V, p. 41] ; les Gesta {ibid.) indi- 
quent bien le jour, mais non l'année de la cérémonie. 

(1) En ce qui concerne la mort d'Adalbéron II, de Verdun, nous 
savons qu'elle se produisit un 18 avril {Necrol. s. Vitoni^ dans le Jahrà. 
G.L.G.y U« année, 1902, p. 139, Hugues de Flavigny, Chron , 1 I, SS,, 
t. VIII, p. 367), mais il est difficile de déterminer l'année ; si les Ann, 
s. Vitoni Virdunensi», qui font monter en 986 Adalbéron II sur le 
siège de Verdun, mentionnent sa mort en 990, les Ann. necrol. Fuld. 
la retardent jusqu'à 991 (SS., t. IV, p. 47, t. X, p. 526, t. XIII, p. 206). 
Le Continuateur db BERTAmE, Geêta ep. Vird., c. 7, attribue une 
durée de trois ans et demi à l'épiscopat d'Adalbéron (SS.^ t. IV, p. 47). 
C'est, nous l'avons vu, vers la fin de 984 que l'évécbé de Verdun avait 
été accordé au fils de Godefroy, et, en comptant à partir de cette date 
les trois ans et demi du cbroniqueur verdunois, on est amené à placer 
en 988 la mort du jeune prélat. Mais ne serait-ce pas plutôt sa consé- 
cration. différée par suite de diverses circonstances pendant une année 
et peut-être plus encore, qui serait Je terme initial de l'épiscopat ? 
Supposons, ce qui n'a rien d'impossible, qu' Adalbéron II n'ait pas 
reçu avant le début de 986 la consécration épiscopale, et que les Ami. 
S, Vit. Yird. aient relaté ce dernier événement, et non la nomination 
elle-même, nous constatons alors qu'il y a concordance entre les dires 
de cette source et ceux du Continuateur de Bertaire ; nous pouvons 
donc adopter 990 comme date de la mort d'Adalbéron II. Il est vrai 
que, si l'épiscopat d'Haymon, successeur d'Adalbéron, a duré trente-six 
ans, comme le rapporte le Continuateur de Bertaire, il a dû commen- 
cer en 989, s'étant terminé le 30 avril 1025. Roussel, H. T., 2' éd., 
t. I, p. 219-220, admet que le fils de Godefroy occupa de 984 à 988 le 
Siège de Verdun. Clouet, H. F., t. I, p. 373-374, tout en accordant 
à l'épiscopat d'Adalbéron une durée de trois ans et demi, s'abstient de 



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110 LES ORIGINES DE LA HAUTE LORRAINE 

exposa la généalogie de Conrad et celle de Mathilde, et 
s'efforça de prouver qu'ils étaient cousins au deuxième 
degré (1). Le discours de révoque de Metz provoqua un 
violent tumulte : peu s'en lallut que, dans leur irritation, 
Conrad et les siens ne se jetassent sur le prélat pour le 
tuer. Après de vains efforts pour rétablir le calme, le roi 
finit par dissoudre l'assemblée; chacun reprit le chemin 
de sa province. Adalbéron partit avec son frère Thierry, 
qui avait, lui aussi, condamné les unions réprouvées par 
l'Eglise (2). Comme révêque n'avait amené qu'une faible 
escorte, le duc et lui, craignant que Conrad ne leur tendît 
une embuscade, retournèrent dans la Mosellane par un 
chemin détourné et voyagèrent à grandes journées. Mais, 
bien loin de songer à les assaillir, Conrad s'était imaginé 
qu'Adalbéron et Thierry se proposaient de le poursuivre; 
il s'enfuit donc de son côté, et ce fut enfin après deux 
jours de marche que, se croyant en sûreté, il prit un peu 
de repos (3). 
L'évéque de Metz devait mourir à quelque temps de là, 



dire en quelle année, selon lui, mourut le prélat. Hauck, KG. D., t. III, 
p. 1001, se prononce pour 988. Haymon, à qui fut donné le siège de 
Verdun, était, comme Wicfrid, d'origine bavaroise (Continuateur de 
Bertaire, Geata ep Vird., c. 7, SS., t. IV, p. 47). Les Ann. s. Vit. Vird. 
placent en 990 son avènement {SS., t. X, p. 526), mais cette date n'est 
admissible que si l'on commence par accepter celle qu'indique la même 
source pour la mort d'Adalbéron 11. Hugues de Fi-avigny, Chron.^ 1. ï 
(SS., t. VIII, p. 367), propose 988. Haymon, selon Roussel. H. F., 2« éd., 
t. I, p. 221, devint évêque en 988, et suivant Clouet, H. F., t. II, p. 3, 
vers 990. 

(1) En réalité, Conrad et Mathilde étaient cousins au 4* degré, sui- 
vant la manière de compter les degrés de parenté usitée dans l'Eglise, 
au 80, d'après la nôtre. Voir les tableaux généalogiques joints à notre 
travail. 

(2) Nous verrons plus bas que Mathilde, devenue veuve, se remaria 
justement avec Frédéric II, fils de Thierry, qui était son cousin au 
même degré que Conrad. 

(3) Constantin, V. Adalberonis 11, c. 15-20 {SS,, t. IV, p. 663-665). Cf. 
HiRSCH, t. I, p. 244-247. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 111 

le 14 décembre 1005 (i). Le duc de Haute-Lorraine assista 
aux funérailles de son frère, avec lequel il semble avoir 
toujours vécu en bonne intelligence (2). La possession du 
siège épiscopal de Metz avait pour les ducs de Mosellane, 
probablement comtes de cette ville, une importance sur 
laquelle nous avons attiré déjà Tattention. On s*explique 
donc que Thierry ait voulu y faire monter un de ses fils, 
appelé comme son oncle défunt Adalbéron (3). C'était un 
enfant encore en bas âge, qui ne pouvait être consacré. 
Tournant la difficulté, le duc donna comme tuteur à son 
fils, et comme administrateur au diocèse de Metz, son 



(1) Constantin rapporte qu'Adalbéron mourut le 14 décembre, la 
sixième férié, en l'an 1005, la troisième indiction et la sixième année 
du règne d'Henri (F. Adalberonis 11, c. 1 et 34, SS., t. IV, p. 659 et 
671). Si, en 1005, le 14 décembre tombe en effet un vendredi, le chiffre 
de l'indiction est trop faible d'une unité (on était depuis le mois de 
septembre dans la quatrième indiction), et celui des années ue règne 
d'Henri II trop élevé au contraire de deux. Le jour de la mort du 
prélat est encore donné par le Necrologium s. Ariiulfi et par le 
Necrologium s. démentis {Anecdota alsatica, Paris, Bi»» N^», fonds 
latin, n* 11902, f» 135 r** et 465 v"), par le Necrol. Merseburgense 
{N eue Mittheilung en, etc., t. XI, p. 246), par les Gesta ep. MeUensium, 
c. 47, qui indiquent à tort le 15 décembre (SS., t. X, p. 542), l'année 
et le jour, par les Ann. necrologici Fuldenses, qui donnent le 19 décem- 
bre au lieu du 14 (SS., t. XIII, p. 209). — Plusieurs historiens mo- 
dernes ont fait mourir Adalbéron II en 1004; c'est le cas dé Meurissb 
{Histoire des évêques de Metz, p. 342), de Calmet {H. E. C. L., V' éd., 
t. I, col. 938, 2« éd., t. II, col. 40), de Hirsch {Jahrb. H. II, t. 1, p. 359), 
de FiCKER {Beitràge zur Urkundenlehre, t. II, p. 131). La date de 
1005 a été adoptée par les auteurs suivants : les Bénédictins {H. if., 
t. II, p. 108 et 113), Kremer {Genealogische Geschichte des Ardennes- 
chen Geschlechts, p. 27), Digot (H. I., t. I, p. 212), Ernst {Disserta- 
tion... sur la maison... des comtes d*Ardenne dans le Bulletin de la 
commission d* histoire de Belgique, 2^ série, t. X, p. 251), Sauerland 
{Die Immunitàt von Metz, p. 65), Bresslau {Ueber dus Todesjakr 
Adalberos H, dans le Jahrb. G L. G., 6o année, p. 283-286), Hauck 
{KG, Z>., t. III, p. 404 et 999). Bresslau, dans l'article que nous venons 
de citer, a résolu toutes les difficultés, démontré qu'Adalbéron était 
réellement mort en 1005, et que le prélat du nom de Thierry qui se 
trouvait en 10(fô au concile de Dortmund était l'évéque de Minden. 

(2) CONSTANTIN, c. 34 {SS., t. IV, p. 671). 

(3) Voir ci-dessus, p. 98 et n. 5. 



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112 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

cousin et homonyme Thierry de Luxembourg, frère de la 
reine Cunégonde (1). 

Mais Thierry ne tarda pas à trahir la confiance qu*avait 
mise en lui le duc de Mosellane : avec l'appui, semble-t-îl, 
du clergé et du peuple, il s'empara de la dignité épiscopale 
et renvoya probablement le petit Adalbéron à son père(2). 
C'était pour Thierry un sérieux échec, qui allait être 
' bientôt aggravé par la perte des pouvoirs comtaux qu'il 
exerçait à Metz. Ainsi, la ville la plus importante de la 
Haute- Lorraine échappait à l'autorité ducale, et, comme 
nous le verrons, ni Thierry ni son fils ne devaient recou- 
vrer la situation perdue. 

Nous ne sommes pas au courant des efforts que fit le 
duc pour rentrer en possession de Metz et chasser de cette 
Tille l'intrus qui s'en était emparé. Se sentant trop faible 
pour triompher par la force de son adversaire, il dut se 
plaindre au roi de l'injure lâiite à son fil» el à lui-même. 
Ses réclamations ne furent pas écoutées. L'usurpateur du 
siège de Metz était, non» l'avons dit, le frère de la reine 
Cunégonde, qui s'entremit prabablement en sa faveur ; de 
plus, Henri II, prince faible, mais scrupuleux, n'avait 
sans doute autorisé qu'avec répugnance le petit Adalbérw 
à recueillir la succession de son oncle; les canons de 
FËglise interdisaient en effet de nommer é\èqut» des 
enfants (3). 

(1) SiGEBBRT DR GsMBLoux, Ckronog raphia, 1009 (S.S., t. VI, p. 354K 
Tandis qu'UsiNGBR (Jahrb, B. Il, t. I, p. 260, n. 3) appliquait fausse- 
ment au jeune fils de Thierry 1" un passage de Thietmar (Chron., 
l. VI, c. 35, p. 1^4^, qui concerne le frère de Cunégonde, le beaiiHfrère 
4'Heiiri II, KuazE, FéditeuF de Thnstmar iCkron.^ p. 134 et n. 4), tout 
en réfutant l'erreur d'Usii»|&SR, en commet lui-même une autre, lors- 
qu'il prétend que le petit Adalbéron suceéda plus tard à Thierry II ; en 
réalité, l'évéque Adalbéron III appartenait à la maison de LuxemJMM»^. 

(2) SioKBERT, Ckronoffraphia,. 4009, Alpert, De eptscopis MeUen- 
sibus libellus, c. 3 (SS., t. Vf, p. 354, t. IV, p. 700) ; et. Ejrsg», t. I, 
p. 360. 

(3) HmsGB, Jahrb. H. 11, t. I, p. 360, s'étonne que le roi ait pu per- 
mettre que, contrairement aux lois de PÉglise, le petit Adalbéron fût 



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ET SA PHEMIBRË MAISON BUGALB 113 

Tontes ces raisons, il est permis de le supposer» déter- 
minèrent le souverain à sMncliner devant le lait accompli; 
il confirma donc l'élection de son beau -frère, et autorisa 
le métropolitain de Trêves à le consacrer évèquc (4). Peut- 

pourya de l'évècbé de MeU. D'après cet auteur {ibid.^ n. (>)» Henri se 
serait désintéressé de la désignation du successeur d^Adalbéron II, et 
seules les deux maisons de Mosetlane et de Luxembourg seraient inter- 
venues dans l'affaire.— Nous avons précédemmeot (p. 99 et n. l-o) raconté 
ce qu'était devenu le fils de Thierry I«^ — Plusieurs historiens mo- 
dernes ont cru que la guerre avait immédiatement éclaté entre l'évèque 
et le duc, et que celui-ci, vainco par son adversaire, avait été en outre 
fait prisonnier (Calmbt, a. E. C. I., 1" éd., t. I, col. 938-939, 2» éd., 
t. II, col. 41, Bertholet, Histoire du Luxembourg, t. III, p. 60, Dtgot, 
B. Z., t, 1, p. 212-213, HuHN, Gm0kichte Lothringens, t. I, p. 96). Ea 
réalité, c'est en 1011 seulement que le due Thierry tomba au pouvoir 
de l'évoque de Metz et de son frère Henri. 

li) Aucun chroniqueur ne mentionne ni le consentement accordé par 
le roi à la désignation deTbierry, ni la consécration q«e celui-ci dut 
recevoir des mains de l'archevêque de Trêves ; pourtant, il faut bien 
que Thierry soit devenu, au spirituel comme au temporel, un évoque 
régulier, attendu qu'on le voit en 1007 assister ao eoocHe de Mayeaee. 
HmscH, 1. 1, p. 350, essaie en vain de prétendre le contraire. Mais le 
passage suivant de Thibtmah, sur lequel il s'appuie, « rex prioris non 
immemor in germano ejusdem Thiederico non premeditse eonstitufio- 
nis » {Chron., 1. VI, c. ^, p. 154), n'a pas du tout le sens que lui attri- 
bue l'historien d'Henri II. 11 ressort de celte phrase que le roi, à Fori- 
gine, ne voulait pas élever son beao-frère à l'épiscopat, snUemeBf 
qu'Henri eût interdit au métropolitain de Trêves de consacrer Thierry. 
Cf Hauck, kg, I>., t. ni, p. 404 405. 

D'après M. Da ville. Notes sur (a politique de Robert le Pieux 
(Ann. E., 14' année, 190O, p. 78-85), le doc de Haute-Lorraine aiirail 
en 1005, comme en 1002, reconnu l'autorité du^roi de France. C'est 
encore une charte de Saint-Mlhiel, du 27 décembre 1005, datée du règne 
de Robert, qui a conduit M. Davillb à faire cette hypothèse. Elle nous 
parait moins vraisembkible encore que la précédente. A la rigueur on 
comprendrait que^ dara»t llnterrègne qui suivit la mort d'Otton III, 
Thierry se fût rappr«whé de son cousin, et qu'il eût conçu le projet de 
le reconnaître pour suzerain. Mais ê» la fin de 1005, rien n'expliquerait 
Fattitude prêtée par M. Davillé au duc de MoseUane. Pour ce qui est 
des négociations d'Henri II avec Robert durant l'année 1006, et de 
l'entrevue qui réunit ensnite sur la Meuse les deux- souverains, elles 
avaient pour cause non point, comme le snppose M. !>▲ ville {art, cit.^ 
p. 81), l'attitude de Thierry, mais bien plutôt, autant du moins qve le 
sflence des chroniqueurs permet de le eoii|ectiirer, le désir qu'avaient 
les rois de France et d^Allemagne de trarailter es esfliman ii la réforaM 
de l'Eglise, et de s'entendre pour résister aux entreprises du comte de 
Flandre Baudouin W PfiSTW, op. cit., p. 219 et 3^). 



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114 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

être, en outre, permit-il à Thierry de choisir un autre 
comte épiscopal ; après ce qui s'était passé entre le nou- 
veau prélat et le duc, ils ne pouvaient plus rester à Metz 
en présence Tun de l'autre. L'évêque aurait alors confié la 
dignité de comte à son beau-frère Gérard (1), d'une noble 
famille alsacienne, qui, probablement, se rattachait par les 
femmes à cette maison des Matfrid (2), dont quelques 
membres avaient, durant le ix« et le x® siècles, rempli à 
Metz les fonctions de comtes royaux (3). 

La consécration de Thierry doit se placer en 1006, et 
ava^t le 14 mai, attendu que, le 14 mai 1030, le prélat était 
déjà entré dans la vingt cinquième année de son épisco- 
pat(4). Nous trouvons Thierry avec son métropolitain et 
les deux autres évoques de la première Belgique, Berthold 
de Toul et Haymon de Verdun, au concile qui se tint à 
Mayence, vers la fin de mai 1007, pour approuver la créa- 
tion de révéché de Bamberg (5), 

(1) Sur Gérard, comte de Metz, voir H. Witte, Genealogische Unter- 
suchungen, etc.. abbé Châtelain, Le comté de Metz et la vouerie épis- 
copale^ etc. (Jahrb. G. L. G., 5' année, 1893, t. Il, p. 52 etsuiv., 13" année, 
1901, p. 295-296), Vanderkindere, H. F. T. P. B., t. II, p. 331, 334, 335, 
407, 408, 423, 424, etc. 

(2) La fille ou la petite-fille d'Adalbert, le dernier représentant de la 
maison matfridlenne, et de Liutgarde, fille de Voiry (Wigeric), avait 
peut-être épousé l'un des ancêtres de Gérard. Celui-ci aurait donc été 
apparenté à la première maison ducale de Haute-Lorraine. 

(3) Sur les Matfrid, voir notre Ro. L. C, pdssim. 

(4) SiGEBERT DE Gembloux, V. Deodcrici i, c. 2-3 (SS., t. IV, p. 483). 
La date d'un échange entre un certain Gondeland et l'abbé de Gorze 
Immon est ainsi libellée :« Anno Incarnationis 1006, imperante Lotha- 
ringis Heinrico anno quarto regni ejus, Mettensium civitate illustris- 
simo presule Teoderico » {Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n» 122, 
p. 221). Henri II ayant été couronné le 7 juin 1002, la quatrième année 
de son règne se terminait le 6 juin 1006 ; l'acte ci-dessus mentionné 
est donc antérieur à cette dernière date, si toutefois le moine de Gorze 
qui a rédigé la pièce n'a pas commis d'erreur. Hirsch, qui fait mourir 
en 1004 Adalbéron II {op. cit. y t. 1, p. 359), et qui admet la présence de 
Thierry II de Metz au concile de Dortmund (ibid., p. 362), place la 
consécration de l'usurpateur entre le 14 mai et le 7 juillet 1005. 

(o) Concilium Trancfurtanwni {Mon, Germ., CC, t. I, p. 60). — Par 
contre, Thierry n'assista pas au concile de Francfort, où l'on relève la 



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ET SA PREMIERE MAISON DtJCALE ll8 

Les sources ne nous apprennent pas si le duc Thierry 
se trouvait à Mayence. Il est possible qu'il ait assisté à 
Tentrovue qui réunit en 1006, sur les bords de la Meuse, 
Henri II et Robert, et qu'il ait ensuite pris part aux expédi- 
tions qu'Henri dirigea la même année contre Rodolphe III, 
roi de Bourgogne, et Tannée suivante contre Baudouin IV, 
comte de Flandre (1). 

En 1008 se produisit un événement qui entraîna des 
conséquences désastreuses pour la Haute-Lorraine; si les 
diocèses de Trêves et de Metz eurent matériellement beau- 
coup à souffrir, Tautorité et le prestige de Thierry I«r ne 
furent pas moins atteints. 

Au milieu de cette année, Liudolf, archevêque de Trêves, 
vint à mourir (2) ; le clergé et le peuple de cette ville, 
guidés plutôt par le désir d'être agréables à Henri II que 
par l'intérêt bien entendu de l'Église, élurent pour évéque 
Adalbéron, Irêre de la reine Cunégonde, et archichapelain 
du métropolitain défunt. Contrairement à ce qu'avaient 
supposé les gens de Trêves, ce choix ne satisfit nullement 
le roi : nous ne serions pas surpris qu'Adalbéron eût 

présence du métropolitain de Trêves ainsi que de deux de ses sufïra- 
gants, les évèques de Toul et de Verdun iConc, Franc fur l,^ ibid.). Cf 
HiRscH, t. I. p. 59, 62, etc. 

(4) Consulter au sujet de cette entrevue et de ces guerres : Hirsch, 
t. I, p. 375-408, t. II, p. 10-14, Pfister, R. L. P., p. 219-221, 363-364, 
PouPARDiN, Le Royaume de Bourgogne, p. 120-121. Nous avons précé- 
demment, p. 113, n. 1, dit quelques mots d'une hypothèse de M. Davillé 
concernant l'entrevue de Robert et d'Henri. 

(2) Liudolf était le successeur d'Egbert, mort en 993 [Ann. necrol. 
Fuld., SS., t. XIII, p. 206), le Sou le 9 décembre {Necrol. s. Maximini 
dans le Jahrb. d. Àltertumsfreunde im Rheinland, t. LVÏI, p. 118, 
Necrol. Merseburgense, dans les Neue Mittheilungen, etc., t. XI, p. 246, 
Necrol. Wizenburgense, dans Bôrmer, Fontes, Hc, t. IV, p. 314). Les 
Ann. Colonienses et les Ann. Qu^dlinburgenses {SS., 1. 1, p. 99 et t. III, 
p. 72) nous apprennent que Liudolf fut consacré en 994. Ce prélat mou- 
rut le 7 avril {Necrol. s. Max., ibid., p. 112 ; le 6, d'après le Necrol. 
Merseb., ibid., p. 232), 1008 {Ann. Hildesheimensea, p. 29, Hermann 
DK Reichenau, Chron. et Ann. necrol. Fuld., SS., t. V, p. 119 et 
t. XIII, p. 209). 

8 



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116 LES ORIGINES t)E LA HAUTE-LORRÀINE 

induit les Trévirois en erreur sur les intentions du souve- 
rain. Henri commençait à trouver la maison de Luxem- 
bourg par trop entreprenante ; il redoutait qu'elle ne mtt 
l'État en péril, si elle continuait à grandir. L'un de ses 
beaux-frères, Henri, avait le duché de Bavière ; un autre, 
Thierry, l'évêché de Metz. C'était assez de dignités et 
d'honneurs dévolus aux membres d'une seule famille. 
Aussi Henri allait-il déployer une fermeté à laquelle il 
n'avait pas habitué jusqu'alors ses sujets ni ses vassaux. 
Sourd aux prières de Cunégonde et de ses familiers, qui 
l'exhortaient à sanctionner l'élection d'Adalbéron, Henri 
octroya le siège de Trêves à Meingaud, clerc de noble 
naissance, que l'archevêque Wiligis de Mayence avait 
pris pour camérier (1). L'événement allait démontrer 
combien étaient fondées les craintes du roi à l'égard de 
ses beaux-frères. Bien loin en effet de se soumettre à la 
décision du roi, Adalbéron se préparait à la résistance, 
avec l'appui des Trévirois ; il fortifiait le palais épiscopal, 
situé à l'intérieur de la ville, ainsi que le pont de la 
Moselle (2). Voyant que l'usurpateur de Trêves osait le 
braver, Henri réunit des troupes, bien résolu à employer 
la force pour mettre Meingaud en possession de sa ville 
métropolitaine. L'armée royale arriva, entre le 3 et le 
12 septembre, au pied des murailles du palais archiépis- 
copal, qu'elle investit durant seize semaines (3). D'après 

(1) Thietmar, Chron.y 1. VI, c. 35, p. 154-155, Ann, Hildesheimenses, 
1008, p. 29, Ann, Quedlinburgenses, Ann. Augustani, 1008, Hermann 
DE Rbichenau, Chron., Gesta Treverorum, c. 30 (SS., t. III, p. 79, 124, 
t. V, p. 119, t. VIII, p. 171-172). Cf HmsGH (Pabst), t. II, p. 200 et suiv., 
Lbsser, Erzbischof Poppo von Trier, p. 18 et suiv., Haugk, KG. />., 
t. III, p. 402. 

(2) Thibtmar, ChroH.y I. VI, c. ^, p. 154-155, Gesta Treverorum, 
c. 30 iSS,, t. VIII, p. 171-172); cf. Hirsch (Pabst), t. II, p. 202-203. 

(3^ Ce sont les Ann. Quedlinhurgenses {SS., t. II!, p. 79) qui attri- 
buent au siège une durée de seize semaines. Hirsch (Pabst), t. II, 
p. 206 et 207, et Bresslau, Erlàuterungen zu den Diplomen Hein- 
richs 11{N. i., t. XXII,p. 148 et n. 1), qui ont consacré des études très 



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ET SA PHEMIËRK MAISON DUCALE 117 

Hermann de Reichenau, Adalbéron aurait été secondé 
dans la défense de la place par ses frères, Thierry, évoque 
de Metz, Henri, duc de Bavière, Frédéric, comte d'Ar- 
denne, ainsi que par le nouveau comte de Metz, Gérard, 
son beau-frère (1). A vrai dire, nous n'oserions affirmer 
que ces quatre personnages se soient immédiatement 
déclarés en faveur d'Adalbéron. Il semble, en eSet, 
qu'Henri, duc de Bavière, se trouvait dans le camp du roi; 
toutefois, il travailla en faveur de son frère et des alliés 
de celui ci. Au moment où Adalbéron et les siens, réduits 
par la famine, étaient sur le point de capituler, le duc de 
Bavière s'entremit comme médiateur. Les assiégés feigni- 
rent de se soumettre au roi qui, trompé par leurs pro- 
messes mensongères et parles assurances d'Henri, consen- 
tit à se retirer ^2). Seulement, quand il s'aperçut qu'on 
l'avait joué, il fit retomber le poids de sa colère sur Henri, 
auquel il enleva le duché de Bavière pour crime de haute 
trahison (3). Le duc destitué alla demander asile à son 
frère Tévêque de Metz (4). L'appui donné par Thierry à 

serrées à la question des dates initiale et finale du blocus de Trêves, 
ont prouvé que les Gesla Treverorum (c. 30, SS., t. VIII, p. 171) 
s'étaient trompés en donnant comme limites le deuxième dimanche 
après la Pentecôte et le 1" septembre; en réalité le siège, commencé 
au début de ce dernier mois, se prolongea jusqu'à la fin de novembre. 

(1) Hbrmann de Rbighenau, Chron. {SS., t. V, p. 119}. 

(2) Thietmar, Chron., 1. VI, c. 35, p. 155. Cf Hihsch (Pabst), t. II, 
p. 204-205, GiESEBRECHT, G. D. K., t. II, p. 102-103, Richter et Kohl, 
op. cit., p. 198-200. 

(3)Thietmab, Chron.y 1. VI, c. 40, p. 158. Cf HiRsr:H (Pabst), t. II, 
p. 212-213. 

(4) Thibtmar, 1. VI, c. ol, p. 164. Un numismate tantaisist 3, Gariel, 
dont nous avons plus d'une fois relevé les erreurs (Cf. Le Royaume de 
lorraine sous les Carolingiens^ passim) trouvant au droit d'un denier 
de Metz, dont le revers portait DEODERICO PRESUL, une légende à 
demi effacé<^, crut pouvoir la lire : HI\RI REX HLOT ou, en complétant 
les mots, HEINRICUS REX HLOTHARINGORUM [Vn roi de Lorraine 
inédit dans V Annuaire de la Société française de numismatique, t.V, 
1877, p. 440-449). Voulant avoir l'honneur de doter la Lotharingie d'un 
nouveau souverain, Gariel attribua cette pièce non à Henri II, mais à 
l'ex-duc de Bavière Henri, que son frère l'évéque Thierry II aurait 



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Qoo^(^ 



Il8 LES ORIGINES DE LA ttAUTE-LORRAINE 

ses deux frères Adalbéron et Henri irrita le roi, qui résolut 
d'en tirer vengeance. Vers le milieu de Tannée 1009, il 
réunit des troupes, à la tête desquelles il alla mettre le 
siège devant Metz; commencé au début de Tété, Tinvestis- 
sement se termina soit vers la tin du mois d'août, soit dans 
le courant d'octobre (1). 

Bien que n'étant attestée par aucune source, la présence 
de Thierry aux sièges de Trêves et de Metz ne nous paraît 
pas pouvoir être mise en doute. Trêves et Metz, ne l'ou- 
blions pas, se trouvaient dans la Haute-Lorraine; très 
certainement Henri II a convoqué le duc de la province, et 
l'a requis d'amener son contingent militaire pour attaquer 
les deux villes rebelles. Thierry a dû répondre à la convo- 
cation royale avec d'autant plus d'empressement qu'il 
voyait là une excellente occasion de se venger des Luxem- 
bourgs, devenus ses ennemis personnels depuis l'usurpa- 
tion par Thierry du siège de Metz (2). Nul plus que le duc 

créé roi de Lorraine. Nous n'avons pas besoin de réfuter les divaga- 
tions de Gariel : la besogne a déjà été faite par des numismates 
autorisés. L. Quintard, qui a eu entre les mains d'autres exemplaires 
de la même pièce, découverts en i8S6, a lu ainsi l'inscription : HEIN- 
RICUS REX METT, et il a démontré que ces deniers avaient été frappés 
dans l'atelier de Metz au nom du roi Henri II et de l'évêque Thierry II 
{Description d'une trouvaille de monnaies messines des !• et I/* siè- 
cles, dans le Journal S. A. I., 35' année, 1886, p. 231-232). Maxe-Werly, 
qui a repris la question, a conclu dans le même sens que Quintard 
{Considérations historiques et numismatiques au sujet de deniers 
messins découverts à Thionville et de leur description par M. L. 
Quintard, dans la Retue de numismatique, 3* série, t. VI, 1888, p. 160- 
162). 

(1) Les érudits contemporains ne s'entendent pas sur la durée qu'il 
convient d'assigner au blocus de Metz. Hirsgh (Pabst), t. II, p. 281, et 
Bresslau, Erlàuterungen zu den Diplomen Beinrichs II {N, À., 
t. XXII, p. 153-154), admettent bien tous deux qu'Henri investit Metz 
au début de juillet; mais tandis que, suivant le premier (t. II, p. 284), 
le roi n'aurait levé le siège qu'en octobre, pour se rendre à Strasbourg 
(St. 1524 et 1525), le second {ibid., p. 153-154) place l'événement vers 
la fin du mois d'août, un peu avant le séjour d'Henri à Ingelheim (St. 
1506 et 1507 [diplômes attribués faussement par Stumpf à l'année 1009]). 

(2) Digot, h. I., t. 1, p^ 214, estime que Thierry prit part au siège 
de Metz. s 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 119 

de Mosellane n'a dû souhaiter ardemment le succès des 
campagnes dirigées par Henri II contre ses beaux-frères. 

On ne trouve malheureusement pas dans les chroni- 
queurs du xie siècle de détails sur le blocus de Metz. 
Thietmar lui-même se contente de dire que les campa- 
gnes voisines de la cité furent tellement ravagées par les 
troupes royales que huit cents serfs, dépendant de Téglise 
Saint Etienne, se virent contraints d'émigrer pour ne pas 
mourir de faim (1). Henri ne fut pas plus heureux devant 
Metz qu'il ne Tavait été devant Trêves Tannée précédente. 
Découragé, il finit par lever le siège, soit dans les derniers 
jours d'août, soit vers le milieu d'octobre (2). 

Il semble qu'en 1010 il y ait eu comme une trêve ; du 
moins les chroniqueurs ne parlent d'aucune expédition 
militaire. En 1011, au début de juillet, le roi tint à Mayenct 
une diète à laquelle assistèrent le duc Thierry, les évéques 
Berthold etHaymon, l'ex duc de Bavière Henri, son frère 
l'évoque de Metz et le comte palatin de Lorraine, Ezzon, 
qui parait avoir été à cette époque l'allié des Luxem- 
bourgs (3). Dans cette assemblée, l'on s'occupa du conflit 

(1) Thietmar, Chron., 1. VI, c. 51, p. 164-165, Ann. Quedlinburgenses, 
1009, Alpeut, De dicersitate temporum^ 1. I, c. 5, Constantin, V. 
Adalberonis 11^ c. 27, Sigebkrt de Gembloux, Chronographia, 1009, 
Gesta ep. Mett, c. 48, Miracula s. Pirmini HornhacenHa^ c. 12, Arm, 
Altahenses majores, 1009 {SS., t. III, p. 80, t. IV, p. 704 et 668-669, 
t. VI, p. 354, t. X, p. 543, t. XV, p. 33-34, l. XX, p. 790). Cf.DiGOT, H.L., 
t. I, p. 213-214, HiRSCH (Pabst), t. II, p. 281-284, Giesebrecht, G.D.K., 
t. II, p. 110, RicHTER et KoHL, op. cit., p. 200-201, Manitius, Deutsche 
Geschichie unter den sàchsischfn und salischen Kaisern, p. 281. 

(2) Tandis que Sigebert, Chron., 1009 (SS., t. VI, p. 354) parle de la 
conclusion de la paix, les Ann. Quedlinburgenses (SS., t. III, p. 80) 
déclarent que le roi revint en Saxe sans avoir traité. Le passage de 
Thietmar (C/iron., 1. VI, c. 56, p. 167): où il est question des ennemis 
soumis par la prudence et la valeur du roi, ne peut s'appliquer à 
l'évéque de Metz. Les historiens modernes sont en désaccord, comme 
les sources elles-mêmes : Hirsch, t. II, p. 283, et Giesebrecht, op. cit., 
t. II, p. 110 et 610-611, croient qu'Henri II accorda une trêve à ses 
beaux -frères ; Pabst, au contraire iJahrb. B. 1}, t. II, p. 283, n. 2), 
est plutôt disposé à soutenir l'opinion contraire, en s'appuyant sur les 
Ann. Quedlinburgenses. 

(3) Thietmar, Chron., 1. VI, c. 52, p. 165, Brunwilarensis monasterii 



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120 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LOHRAINE 

qui s'était élevé entre le souverain et trois de ses beaux- 
frères, et Ton chercha les moyens d'y mettre fin. Les 
efiorts tentés dans ce sens n'eurent aucun succès, Henri II 
ayant refusé de souscrire aux clauses de l'arrangement 
qu'avaient proposé les Luxembourgs ; ceux-ci n'obtinrent 
qu'une trêve, mais non la paix définitive qu'ils souhai- 
taient. Mécontents de leur échec, ils s'en vengèrent sur le 
duc Thierry et sur les évoques lorrains, qu'ils soupçon- 
naient peut être d'avoir indisposé le roi contre eux. Alors 
que le duc de Mosellane, les évéques Berthold et Haymon 
regagnaient sans défiance leur pays, ils tombèrent près 
d'Odernheim (1), entre Oppenheim et Alzey, dans une 
embuscade que leur avaient tendue l'ex-duc de Bavière, 
son frère Thierry et le comte Ezzon. Cet acte de violence 
et de perfidie n'eut qu'un succès partiel; les évéques de 
Toul et de Verdun réussirent à prendre la fuite, mais le 
duc Thierry, grièvement blessé, tomba entre les mains de 
ses agresseurs. Beaucoup de soldats périrent en outre dans 
le combat. En raison des liens de parenté qui unissaient 
le duc à ses vainqueurs et de l'ancienne amitié qui avait 
existé entre eux et lui, il fut épargné (2). Mais on le garda 

fundatorvm actus, c. 11 (SS., t. XIV,p. 131-132). Nous savons par nn 
diplôme d'Henri II pour l'église de Bamberg que le roi se trouvait à 
Mayence le 2 juillet 1011 (St. looO, H.» 234, DD. Sax,, t. III, p. 270). 
Sur Ezzon, consulter Usinger {Jahrb. H. Il, t. I, p. 447-454), Schmitz, 
Die Geschichte der lothringischen Pfalzgrafen^ p. 11-24, cf p. 67-70. 

(1) Il existe deux villages de ce nom, l'un en Bavière (Palatinat 
rhénan, cercle de Kirchheimbolanden\ l'autre dans le Grand-Duché de 
Hesse iHesse rhénane, cercle d'Alzey) ; c'est évidemment de ce dernier 
qu'il s'agit. 

(2) Thîf.tmar, Chr&n., 1. VI, c. 52, p. 165, Ann. Quedlinburgenses, 1011, 
Hermann de Reichenau, Chron., 1011, Chron. suevicum universale, 
1011, Brunwilarensis monasterii fundatorum actus^ c. 14, Ànn. 
Altahenses majores, 1011 (SS., t. III, p. 80, t. V, p. 119, t. XIII, p. 70, 
t. XiV, p. 131-132, t. XX, p. 790). Sur ces événements, consulter Usin- 
GER (Jahrb. H. II, t. I, p. 452), Hirsch (Pabst), ibid., t. II, p. 310-311, 
GiRSEBRECHT, op. cU., t. II, p. 113-114 et 611. Pour tous ces auteurs, 
le récit des Brunw. mon. fund. actus est en partie légendaire, mais U 
en ressort quand même qu'Ëzzon était l'allié de l'évoque de Metz et 
de son frère Henri. 



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ET 8A PREMIÈRE MAISON DUCALE it\ 

prisonnier et on le conduisit à Metz, où sa présence est 
signalée le 13 janvier 1012 par un acte d'échange conclu 
par l'abbaye de Saint-Arnoul avec celle de Sainte-Glos- 
sinde(l\ D'après Thietmar, Thierry aurait été longtemps 
retenu en captivité ; enfln^ lorsqu'il eut donné des otages 
et promis sans doute une rançon, dont nous ignorons la 
nature et le montant, il lut remis en liberté. Cet arrange- 
ment, ajoute l'évéque-chroniqueur, ne fit aucun tort au 
duc dans l'esprit du roi (2). On le comprend sans peine. 
Il fallait bien que Thierry cherchât seul à se tirer d'affaire, 
puisque son souverain n'avait rien tenté ou rien pu pour 
lui. Rien ne montre mieux que cet épisode combien le 
pouvoir royal avait perdu de terrain depuis Otton !«'. 
Jamais, sous le règne de ce dernier prince, au moins dans 
les dernières années, des grands et des évêques n'auraient 
osé tendre une embuscade à des collègues ; et, à supposer 
qu'un pareil attentat eût été commis, Otton n'aurait pas 
tardé à infliger aux coupables un châtiment exemplaire. 

Nous n'oserions prétendre que le duc était déjà relâché 
quand, au mois de juin ou de juillet 1012^ le roi vint 
attaquer Metz pour la seconde fois (3). Si nous savons par 
les Gesta episeoporum Cameracensium que Gérard, évoque 

(i) Voir cette charte aux pièces justificatives. 

(2) Thietmar, Chron., 1. VI, c. 152, p. 65. Cf. Hmscu (Pabst), t. Il, 

p. 310, RiCHTER f t KOHL. Op. Cit., p. 200. 

(3) Thietmah, Chron., 1. VII, c. 16, p. 176, cf I. VII, c. 21, p. 188, 
Ann. AUahenses majores, 1012 (SS., t. XX, p. 790). L'époque du 
deuxième siège de Metz par Henri II peut être approximativement 
fixée ; nous devons la placer entre le séjour fait par le roi à Merte- 
bourg lel*' juin (Thietmar, Chron., 1. VII, c. 1, p. 169), et son passage 
à Niderstein (Grand-Duché de Hesse, Hesse rhénane, cercle d'Oppen- 
heim) le 18 août (St. 1539, H." 247, DD. Sax., t. III, p. 284). — Un 
peu auparavant, lors d'un concile tenu à Bamberg en mai 1012, 
Henri II avait fait une violente sortie contre Thierry, son beau-frère, 
parce que celui-ci s'était plaint auprès du pape Sergius IV (Thietmar, 
Chron., h VI, c. 60, p. 169) de la conduite du roi à son égard. Cf. 
HiRscH (Pabst), t. II, p. 324-325. Thietmar ne dit pas expressément 
que l'évèque de Metz assâstât au concile de Bamt>erg ; Henri II a fort 
bien pu le prendre ô partie, sans qu'il fût présent. 



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122 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

de Cambrai, prit part à ce nouveau siège (1), par contre, 
aucune chronique ne mentionne la présence de notre duc. 
Henri II n'obtint pas plus de succès que la première 
fois (2). Comprenant qu'il ne pourrait par la force réduire 
son beau-frère, le roi résolut de recourir à d'autres armes. 
Sur son ordre, un concile se réunit à Coblenz le 11 no- 
vembre 1012, pour juger l'évoque de Metz, ainsi que les 
autres seigneurs rebelles. Les évoques, au nombre des- 
quels nous trouvons Gérard de Cambrai et Baudry de 
Liège, interdirent à Thierry de Metz de célébrer la messe, 
tant qu'il n'aurait pas fait sa soumission au roi (3). Mais, 
nous ignorons ce que décidèrent les prélats à l'égard de 
Tex-duc de Bavière et des autres grands laïcs révoltés. 

Pendant la tenue du concile, ou un peu après, les frères 
de Cunégonde et leurs complices firent une démarche 
auprès d'Henri II ; leurs envoyés sollicitèrent pour eux la 
paix et le pardon. Le roi ne voulut pas leur donner satis- 
faction. Pourtant, sur le conseil de son entourage, il 
consentit à recevoir les coupables à Mayence. Seulement, 
tandis qu'une partie des rebelles se rendit à l'entrevue, 
d'autres s'abstinrent de venir; en fin de compte^ la paix 
générale ne fut pas encore conclue (4). Toutefois, il semble 
que l'évêque de Metz, renonçant à prolonger la résistance, 
se soit alors réconcilié avec son beau-frère, dont il recou- 
vra môme les bonnes grâces. L'année suivante, en eflet, 
nous le trouvons, avec sa sœur Cunégonde, intercesseur 

(1) Gesta ep. Camer., 1. ÏII, c. 5 (S5., t. VII, p. 468). Cf. Hirsch 
(Pabst), t. II, p. 335, n. 3, Pfister, R. L, P., p. 364. 

(2) Tandis que Hirsch (Pabst), t. II, p. 3^, n. 3, croit qu'Henri II 
subit devant Metz un éciiec, Giesebrecht, G. />. A'., t. II, p. 115 et 612, 
soutient que la ville fut prise. Des deux opinions, c'est la première qui 
nous parait la plus vraisemblable. 

(3) Thietmar, Chron.y 1. VII, c. 28, p. 184, Ànn. Quedlinburgenses 
1012, Gesta ep. Camer,, 1. III, c. 5 {SS., t. lil, p. 81, t. VII, p. 468). Cf. 
HiRSGH (Pabst), t. II, p. 343. 

(4) Ann. Quedlinburgenses, 1012 (SS., t. III, p. 81). Cf. Hirsch (Pabst), 
t. II, p. 343, et GiES£BRECHT, G. 0, K„ t. II, p. 116. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 123 

dans un diplôme dépourvu de date, il est vrai, mais que 
des érudits tels que Pabst, Stumpf, Wilmans et Bressiau 
esthneot avoir été rendu à Grona, en Saxe, le 24 avril 
1013(1). 

La Basse-Lorraine n'avait guère été moins troublée que 
la Mosellane. Le nouveau duc de la province, Godefroy, 
fils de Godefroy le Captif, et cousin de Thierry, eut à sou- 
tenir de longues luttes contre la remuante famille des 
Régnier, alors représentée par deux frères, Régnier IV et 
Lambert, le premier, comte de Hainaut, le second, de 
Louvain. Nous voyons également intervenir dans ces 
conflits le turbulent comte Gérard, le beau-frère des 
Luxembourgs, qui fit cause commune avec Régnier IV et 
Lambert (2). Quant au duc de Haute-Lorraine, nous ne 
voyons pas qu'il soit allé porter secours à son cousin et 
collègue. 

La ville de Trêves, dont Henri II n'avait pu s'emparer, 
demeura pendant plusieurs années au pouvoir de l'usur- 
pateur Adalbéron. Meingaud, l'archevêque nommé parle 
roi, ne pouvant s'installer à Trêves, capitale de son archi- 
diocèse, dut prendre Coblenz pour résidence. C'est là qu'il 
mourut le 24 décembre 1015 (3). La disparition de Mein- 

(1) Pabst, Jahrb. B. Il, t. II, p. 343, n. 3, p. 394, d. 1, Stumpf, Die 
Kaiserurkunden, etc., n" 1582, p. 129, Giesebrecht, G. D, K,^ t. II, 
p. 116 et 612, Wilmans, Kaiser urkunden der Provinz Westphalien, 
t. II, n« 136, p. 158, Bresslau, dans les DD. Sax., t. III, n« 265, p. 314, 
HiRscH, qui rejette en 1016 le diplôme non daté d'Henri II (t. II, p. 394, 
n. 1), n'admet pas que l'évèque de Metz se soit réconcilié avec le roi 
dès 1012 (t. II, p. 343). Tout en adoptant, comme nous venons de le 
dire, l'année 1013 pour l'acte, objet du débat, Pabst (op. cit., t. II, 
p. 394, n. 1 [Cf. Bresslau, ibid., t. III, p. o3|) et Giesebrecht (op. cit., 
t. II, p. 137 et 615j croient que la réconciliation d'Henri avec ses beaux- 
frères eut lieu seulement en 1017 ; il en est de même de Manitius, op. 
cit., p. 285. 

(2) Sur ces événements, on consultera les Jahrb. H. 11, t. II, p. 340 
etsuiv., t. III, p. 26, 62 et suiv., 9^ et suiv.; cf. Vanderkindere, H. F, 
T. P. B., t. Il, p. 29. 

(3) Thietmar, Chron., 1. VIII, c. 26, p. 208-209, Ann.Bildesheimenses, 
1017, p. 32, Ann, Quedlinhurgense», 1015, Lambert de Hersfeld, inn.i 



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124 LES ORIGINES DE LA HAUTË-LORHAL\E 

gaud n'avança pas les affaires d'Adalbéron, bien au 
contraire. Henri II nomma, pour remplacer Meingaud, 
Poppon, administrateur du diocèse de Bamberg, et fils du 
margrave Liutpold (1). Le nouveau métropolitain, homme 
énergique, disposant de ressources et de moyens matériels 
qui avaient manqué à son prédécesseur, était un redou- 
table adversaire, contre lequel Adalbéron ne se sentit pas 
de taille à prolonger la lutte. Comprenant que l'heure de 
la soumission avait sonné, l'usurpateur du siège de 
Trêves alla trouver Poppon, lui remît ensuite le palais ei 
le château, dont il était jusqu'alors resté maître, et se 
retira dans l'abbaye Saint-Paulin de Trêves, où il termina 
paisiblement son existence (2). 

Les troubles qui depuis si longtemps agitaient la Haute- 
Lorraine avaient donc pris fin. Le prestige aussi bien que 
la puissance matérielle de Thierry en avaient également 
souflert. Par malheur, la soumission de Thierry de Metz 
et celle de son frère Adalbéron ne devaient pas faire rega- 
gner au duc le terrain perdu. Thierry ne recouvra pas le 
comté de Metz, et dans Tarchidiocèse de Trêves le nou- 
veau métropolitain allait fortifier l'autorité qu'avaient 
possédée ses prédécesseurs; le pouvoir ducal ne pouvait 
qu'en être diminué. 

En 1018, l'empereur dirigea une nouvelle expédition 

4017, Ann. Àugvstani, iOi^y Gesta Treverorum, c. 30 et 31, Addimen- 
tum et Continnatlo 111% Afin, rtecrol. Fuldenses, 1015 (SS., t. III, p. 84, 
95, 124, t. VIII, p. 172-175, t. XIII, p. 210), Necrol. s. Max. {Ja/irb.des 
Vefeim der Aller tuinsfreunde im Rheinland, t. LVIÏ, p. 112). Cf. 
HirsCh (Bresslau), t. III, p. 27, et Hauck, KG. Z>., t. III, p. 998. 

(1) Les sources se trouvent indiquées à la note précédente. Cf. HiBscn 
(Bresslau), t. III, p. 28-33, Lesser, Erzbischof Poppo von Trier, 
p. 21-^. 

(2) GestaTreverorum, c.30(SS.,t. VIII, p. 172). Voir Hirsch (Bresslau), 
t. m, p. 28-29, et Lesser, op, cit., p. 24. —D'après Thietmar, Chron.^ 
1. vin, c. 19, p. 209, Thierry, évêque de Metz, aurait, mais en vain, 
revendiqué pour lui l'honneur de consacrer son nouveau métropoli- 
tain ; cf. Hirsch (Bresslau), t. Ill, p. 28, et Lksser, p. 23. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE ISS 

contre son oûcle maternel Rodolphe III, roi de Bourgogne, 
infidèle à ses engagements. Nous savons cette fois que 
Thierry de Haute - Lorraine accompagna le souverain. 
Henri II passa par Bâle et parvint jusqu'au Rhône ; tou- 
tefois, n'ayant pas obtenu les résultats sur lesquels il 
comptait, il rebroussa chemin et revint à Zurich (1). Le 
duc de Mosellane ne Ty suivit probablement pas ; après 
avoir été congédié par l'empereur, qui n'avait plus besoin 
de ses services, Thierry reprit la route de la Lorraine. 
Un seigneur bourguignon, nommé Etienne (2), ennemi 
d'Henri II et de Thierry, tendit à celui-ci un guet-apens 
dans une région déserte. Malgré l'imprévu de l'attaque, 
Thierry opposa une si vigoureuse résistance que la vic- 
toire lui resta tout d'abord. Par malheur, ses soldats se 
dispersèrent pour piller, et l'ennemi, revenant à la charge, 
les mit en déroute. Le duc et quelques-uns des siens par- 
vinrent, non sans peine, à s'échapper. Henri II, nous dit 
Thietmar, fut très affligé de ce revers, quand il en eut 
connaissance, car il tenait le duc pour l'un de ses plus 
fidèles chevaliers (3). 

Est-ce à la même période qu'appartient la lutte que le 
duc de Mosellane eut à soutenir contre Voiry, comte de 
Clefmont, et son frère Aimery, archidiacre de Langres, 
lutte dont nous avons déjà parlé et qui se termina par la 
victoire de Thierry (4) ? Nous n'avons aucun indice qui 
nous permette de fixer la date de cet événement. 

(1) Thietmar, Chron,, 1. IX, c. 34, p. 258-259; cf. HmscH (Brbsslau), 
t. III, p. 81, GiESEBRECHT, G.D, K.,i. II, p. 146, PoupARDiN, Lc Toyaume 
de Bourgogne, p. 134-135. 

(2) Nous ne savons absolument rien d'Etienne. Le royaume deBour- 
gagne, de M. Poupardin, ne nous a pas appris quel était ce personnage. 
Nous serions tenté de croire que l'attaque dont Thierry fut la victime 
se produisit lorsqu'il traversait le Jura. 

(3) Thietmar, ibid. 

{4) Se reporter à la p. 290 du prito. vol. iiém. S, A. L, Aux auteurs 
que nous avons cités (même p., n. 5) ajouter Sumonnet, Kisai 8ii>r 
l'histoire et la généalogie des sires de Joinville, p. 10-11. 



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126 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

§ III. - Thierry et Frédéric II (1017-1027 |?1) 

Dans les dernières années de sa vie, Thierry allait avoir 
pour associé Taîné de ses fils, appelé Frédéric comme son 
grand-père. Nous ne pouvons mettre en doute ce fait, 
qu'attestent des documents de nature différente. Voici 
d'abord une charte de Berthold, évêque de Toul, qui a été 
rendue en 1019 sous le duc Thierry et son fils Frédéric (1). 
En second lieu, le comte Foulque Nerra (2) et le chroni- 
queur Wipon (3) donnent à Frédéric le titre de duc, alors 
que Thierry I^r vivait encore.On a des deniers d'Andernach 
représentant deux personnages affrontés dans lesquels on 
doit reconnaître Thierry et Frédéric (4). Enfin, le rôle 
considérable joué en 1024-1025 par Frédéric est une nou- 
velle preuve de l'autorité qu'il exerçait dans la province. 

Nous ignorons d'ailleurs à quelle époque et pour quels 
motifs Frédéric fut associé à son père. Le duc Thierry, 
on s'en souvient, avait été pris en 1011 parlesLuxem- 
bourgs et retenu captif assez longtemps; Henri II n'au- 
rait-il pas confié par intérim le gouvernement de la 
Mosellane à Frédéric ? Mais une autre hypothèse se pré- 
sentée l'esprit. Les rois, à cette époque, prenaient volon- 
tiers, aussi bien en Allemagne qu'en France, la précaution 
de s'associer de leur vivant leur fils aînéavec l'assentiment 
des grands de leurs États (5). Thierry l^^ n'aurait-il pas 
agi de même, avec cette différence toutefois qu'il aurait 
dû, en premier lieu, obtenir l'agrément de son souverain, 

(1) (» Duce Deoderico et Friderico filio ejus » {Gai. Christ., t. XIII, 
col. 463). 

(2) Rec. H. Fr., t. X, p. 500. 

(3) Wipon, Gesta Chuonradi imperatoris, c. 2, p. 15. 

(4) Voir le préc. vol. Mém. S. A. X., p. 420. 

(5) Consulter pour l'Allemagne Waitz, D. VG., t. VI, p. 173-176, pour 
la France Luchaire, Manuel des institutions françaises, p. 465-466, 
Flach, les Origines de l'ancienne France, t. III, p. 389-4(fô. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 127 

c'est-à-dire d'Henri II (i) ? Vingt ans plus tard, Godefroy 
le Barbu fut, lui aussi, associé à son père Gozelon dans le 
gouvernement de la Mosellane (2). 

Comme Frédéric est déjà qualifié de duc en 1019, nous 
ne croyons pas pouvoir Tidentifier avec un comte Frédéric, 
qui, en avril 1020, se trouvait au concile de Bamberg, et 
qui souscrivit alors le diplôme par lequel Henri II 
confirma au pape Benoît VIII les domaines et les privilèges 
que ses prédécesseurs avaient octroyés à l'église romaine. 
Mais le duc Thierry était venu à Bamberg, comme le 
prouve sa souscription placée au bas de l'acte précédent, 
après celles de Godefroy de Basse- Lorraine et de Bernard 
de Saxe (3). 

Tandis que nous ignorons tout du physique de nos deux 
premiersducs, nous savons par Donizoque Frédéric II était 
roux (4). Au moral, Frédéric parait avoir été sinon plus 
actif, du moins plus ambitieux et d'humeur plus indé- 
pendante que son père et que son grand-père ; Frédéric I®' 
et Thierry s'étaient toujours effacés, et n'avaient cessé de 
servir fidèlement les princes de la maison de Saxe. Nous 
verrons Frédéric II essayer, ce qui d'ailleurs était son droit, 
de faire donner à son beau-fils Conrad le Jeune la cou- 
ronne d'Allemagne. La tentative échoua. Mais, non content 
de se refuser à reconnaître Conrad II, Frédéric, à l'exemple 
de nombreux seigneurs, poussera l'oubli de ses devoirs 
vassaliques jusqu'à réclamer contre son suzerain l'appui 
de princes étrangers, tels que les rois de France et de 
Pologne. 

(1) Les seigneurs et les prélats de la Mosellane furent-ils en outre 
consultés ? La chose est possible, mais nous n'oserions nous montrer 
alfirmatif à cet égard. 

(2) Voir DupRÉEL, Histoire critique de Godefroid le Barbu, p. 9-15. 

(3) Mon. Germ., CC, t. I, p. 69-70; cf. HmscH (Bresslau)» t. 111, 
p. 162 et n. 5. 

(4) (( Primitus hune (Boniface) noscit quantum sit <jallia fortis, Cum 
natam rutili ducis ezpetiit Frédéric! » (Donizo, Vita Mathildis, 1. I 
V. 797-798, SS., t. XU, p. 367). 



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128 LES ORIGINES DE LA HAUTELORRÀINË 

Frédéric devait être Tauxiliaire, le bras droit de son 
père, dans la lutte que celui ci soutenait depuis quelques 
années déjà contre Eudes II, comte de Blois et de Chartres, 
plus tard de Meaux et de Troyes. Ni les causes du conflit 
qui mit aux prises Eudes et Thierry, ni l'époque à laquelle 
il commença, ni les péripéties qui en marquèrent les 
phases ne sont indiquées par les chroniqueurs; toutefois, 
on peut, dans une certaine mesure, deviner l'origine de 
ces longs démêlés. Nous avons vu plus haut que le père et 
l'oncle d'Eudes II, les comtes Eudes I»» et Herbert, après 
avoir aidé Lothaire à s'emparer de Verdun, avaient obligé 
le comte Godefroy, devenu leur prisonnier, à racheter sa 
liberté moyennant la cession de quelques villages appar- 
tenant à l'église de Verdun et l'autorisation d'élever des 
forteresses sur le territoire de ces localités (1). D'autres 
seigneurs lorrains n'avaient probablement été relâchés 
qu'à des conditions analogues, et c'est alors sans doute 
que l'un d'eux, celui de Commercy, dut se reconnaître le 
vassal d'Eudes ou d'Herbert (2j. Les deux comtes français 
avaient donc, dès la fin du x» siècle, pris pied dans la 
Haute-Lorraine. Lorsqu'Étienne, fils d'Herbert, mourut (3), 
son cousin et héritier Eudes II, fils d'Eudes l^', joignit à 
ce qu'il tenait de son père dans la Mosellane ce qu'y 
avaient possédé Herbert et Etienne. 

Eudes et Thierry étaient donc voisins; de là à être 
ennemis il n'y avait qu'un pas, qui se trouva bientôt 
franchi. Quel fut T'agresseur, nous ne savons. D'après les 
Gesta episcoporum Cameracensium, Thierry reprochait au 
comte de Blois d'avoir, sans aucun droit, élevé des châ- 
teaux sur des terres qui appartenaient au duc (4). Mais, 

(1)P. 93etn. a 

(2) p. 93 et n. 4. 

(3) L'événement est postérieur au 1" juin 1019. M. Pfistcr le place 
«a t023 iR, L,P., p, 234, n. 1 et p. 839), M. Lot, vers nm (Etudes $ur 
le règne de Bu^ues C^pet^ p. 4Q&, et FidèU$ <m v^a^aux, p. 163 ^ 

(4) Gesta ep, Camer., 1. III, c. 38 {SS., t. Vif, p. 481,. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 129 

par coatre, des chroniques rédigées en Anjou (1) attribuent 
à Eudes une attitude simplement défensive. Ainsi, d'après 
les Gesta consulum Andegavorum^ Foulque Nerra, comte 
d'Anjou, profita d'une attaque du duc de Lorraine contre 
Eudes pour s'emparer de Saumur (2). Les Gesta Ambazien- 
Hum dominorum prétendent qu'Eudes était souvent obligé 
de s'éloigner de Tours et de Blois, pour aller repousser Je 
comte de Toul, Frédéric, et les Allemands que ce même 
Frédéric amenait sur les terres du comte de Troyes (3). Un 
peu plus loin, nous lisons dans cette chronique : a A la 
nouvelle que les Allemands se trouvaient en Lorraine et 
avaient envahi ses domaines, Eudes revint à Blois par 
Tours et la Roche-Corbon (4). » Enfin, toujours à en 
croire les mêmes Gesta, Eudes, après le combat de 
Pontlevoy, revint rapidement dans la Champagne, que les 
ennemis avaient attaquée (5): ces agresseurs ne seraient-ils 
pas les Lorrains ? 

Pourtant, les Gesta consulum Andegaioorum (6) et Raoul 
le Glabre (7) rappellent à l'occasion de l'invasion du fa>gus 
TuUensis, et de la prise de Bar par Eudes II en 1037, que le 
comte de Blois et de Troyes avait à plusieurs reprises déjà 

(1) Ces chroniques ne sont d'ailleurs pas favorables au comte de 
Blois, qui avait été le grand ennemi des princes angevins. 

(â) (( Sequenti anno, cum Odo Campanlensis a dqce Lothoringiie im- 
pugnaretur, vir prudens et modestus Fulco, etc. u {Gesta consulum 
Àndagavorum dans les Chroniques des comtes d'Anjou, p. 108). 

(3) « Odo vero comes in Lotharin^ia cum Alemannis, qui sibi infesti 
erant, et cum Frederico TuUensi consule, qui eos in terram pra^cti 
comitis adducebat, saepe pugnans, diu his impeditus a Turonla et 
Blesis aberat » (Gesta Ambaziensium dominorum, dans les Chroniques 
des comtes d'Anjou, p. 164). 

(4) f Odo, audito nuncio Alemannos in U)tharing|a esse terramque 
suam invasisse, per urben Turonicam et Rupes Corbonis Blesis rediit » 
{Gesta A, d., ibid., p. 166). 

(5) a Postea Odo in Campaniam, quam inimici sui pernimium im* 
pugnabant, cito rediit w (Gesta A. d.,ibid^ p. 467). 

(6) Chroniques des comtes à* Anjou, p. 114. 

{!) Bistoriœ, 1. III, c. 9, par. 38, p. 86 ; of. VomT, Ftto «. Ger»rdt, 
c. 5 {SS., t. IV, p. 505). 



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130 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

ravagé la province. Le témoignage des deux auteurs fran- 
çais est confirmé par celui du clergé et du peuple de Toul : 
une lettre qu'ils écrivirent à Conrad II en 1026 rappelle 
« qu'ils sont assaillis de tous côtés, en butte à des agres- 
sions et à des pillages presque quotidiens. C'est, disent-ils, 
une conséquence de leur situation aux confins de trois 
royaumes, à la frontière de l'État auquel ils appartiennent ; 
les ennemis s'acharnent sur eux avec d'autant plus d'âpreté 
qu'une vaste étendue de territoire les sépare de la personne 
du souverain » (1). Les Toulois ne nomment pas le comte 
de Troyes, mais il est permis de croire qu'ils pensaient à 
lui, quand ils se plaignaient à Conrad II des attaques aux- 
quelles ils se voyaient exposés. 

A quelle époque le conflit avait il commencé ? Quelles 
en furent les péripéties ? Ce ne sont pas les sources 
angevines déjà mentionnées qui nous fournissent une 
réponse précise. Elles commettent en eflet de grossières 
erreurs chronologiques (2), qui ne permettent guèred'avoir 
confiance dans les dates qu'elles donnent, même quand 
rien ne vient infirmer leur témoignage. Ainsi les Gesta 

(1) VuiBERT, Vita s. Leonis II, 1. I, c. 9 (Watterich, Pontificum 
romanorum vitce, t. I, p 137). 

Les historiens contemporains dififèrent d'avis sur les causes de la 
guerre entre Eudes et les ducs de Mosellane. Pour GtESEBRECUT, G.D.K., 
t. II, p. 197, ce sont les afiaires de Bourgogne qui amenèrent la brouille ; 
suivant Uirsch (Bresslau), Jahrb B. Il, t. III, p. 265, et Landsberger, 
Graf Odo von der Champagne, p. 34, c'est la construction par le comte 
de Blois de châteaux sur les domaines de Thierry; Pfister, i?. L. P., 
p. 239, suppose que Robert s'était allié avec le duc de Mosellane dans le 
but d'enlever à Eudes les comtés de Meaux et de Troyes ; ainsi menacé, 
le comte de Blois aurait alors élevé les forteresses dont parlent les Gesta 
ep. Camer. Ni d'arbois de Jubainville, H. D. C. C, t. I, p. 251, ni Lex, 
Eudes II, etc.. {Mém. soc, ac. Aube, t. LV, p. 221) ne s'expliquent sur 
les causes de la lutte. 

(2) Halphen {Etudes sur les chroniques des comtés d'Anjou et des 
seigneurs d'Amboise. p. 29-31, 34-35, 40-42) a mis en lumière l'inexac- 
titude ou le caractère légendaire des renseignements que les divers 
rédacteurs des Gesta consulum Andegavorum avaient tirés des sources 
par eux consultées, et plus loin (p. 61), il -a relevé quelques-unes des 
erreurs chronologiques des Gésta Àmbazieitsium dominorun. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCÂLE 131 

consulum Andegawrum, qui croient que la prise de Saumur 
par Foulque Nerra est contemporaine d'une absence 
d'Eudes, retenu au loin par une attaque du duc de Lorraine, 
placent l'événement en Tannée qui suivit la bataille de 
Pontlevoy (1) : or, cette bataille est de 1016 (2), mais c'est 
en 1026 seulement que Saumur tomba au pouvoir du comte 
d'Anjou (3). Quant aux Gesta Ambaziensium dominorum, ils 
parlent d'une première attaque de Frédéric et des Allemands 
contre le comte de Blois et de Troyes avant de raconter la 
bataille de Pontlevoy (4) ; puis on y trouve, à la suite du 
récit de cette bataille, la mention d'une nouvelle agression 
dont la Champagne aurait été l'objet (5). Seulement, les 
Gesta Ambaziendumdominorum font précéder l'engagement 
de Pontlevoy (1016) de la prise de Saumur par Foulque (6), 
alors que ce dernier événement est postérieur de dix ans 
au premier. Pourtant, nous croyons pouvoir conclure des 
renseignements contenus dans les chroniques angevines 
qu'Eudes était déjà en guerre avec les ducs de Mosellane 
à l'époque du combat de Pontlevoy. C'est donc un peu avant 
cette bataille, en lOlo ou en 1016, à ce qu'il semble, que 
les hostilités auraient commencé (7). 

(1) Chroniques des comtes d'Anjou^ p. 108. Lex, Eudes 11^ comte 
de Blois^ etc. [Mémoires de la Société académique de l'Aube^ t. LV, 
p. ^1), et Halphen, Le comté d'Anjou au xi'= siècle, p. 37, n. 2, admet- 
tent que les Gesta c. A. ont pu placer par erreur en 1017 une 
campagne d'Eudes en Lorraine. 

(2) Halphen, Le comté d'Anjou au xi'^ siècle, p. 33 et n. 3. 

(3) Halphen, op. cit., p. 41 et n. 2. 

(4) Se reporter à la n. 4 de la p. 129. 
(o) Voir plus haut, p. 129, n. 5- 

(6) Chroniques des comtes d* Anjou, p. 165. 

(7) Pour la plupart des historiens contemporains (d'Arbois de Jlbain- 
viLLE, op. cit., t. I, p. 251, Hirsch [Bresslau], op. cit., t. III, p. 26o, 
Landsberger, op. cit., p. 34, Pfister, op. cit., p. 239, Lex, Eudes IL 
[Mém. etc., p. 221]), la guerre d'Eudes avec les ducs de Mosellane serait 
postérieure à la mort d'Etienne, comte de Troyes; elle se placerait ainsi 
entre 1019 et 1023. Eudes, une fois comte de Troyes, serait devenu le 
voisin — et l'adversaire — de Thierry. Seulement, ces auteurs perdent 

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132 LES OKIGINËS DE LA HAUTE-LOUHÂiNE 

On a pu remarquer prée<^demment que les Gesta Anéa- 
ziemium dominorum donnent pour adversaire à Eudes 11 
un comte de Toul appelé Frédéric (1). Or, le premier comte 
épiscopal du nom de Frédéric que l'on trouve à Toul vivait 
au milieu du xi^ siècle (2). Le titulaire de cette dignité au 
temps d'Eudes et de Thierry s'appelait Rambaud (3). Les 
Gesta A. d. se sont donc trompés: si, comme aous le croyons, 
Terreur qu'ils ont commise porte sur la qualité de l'adver- 
saire du cx)mte de Blois et de Troyes, si le nom du person- 
nage a été exactement rapporté, c'est bien du fils de 

de vue qu'avant d'hériter du ïroiésin Eudes avait déjà des terres et 
des châteaux dans la Haute-Lorraine. Il est possible aussi, comme nous 
allons le voir, que Thierry et Frédéric II aient été les alliés de Foulque 
Nerra, et que leurs attaques contre les possessions du comte de Blois 
aient eu le caractère d'une diversion destinée à faciliter les opérations 
militaires du comte d'Anjou. 
(4) Se reporter îi la n. 3 de la p. 129 

(2) On le trouve mentionné pour la première fois dans une charte 
d'Udon, évoque de Toul, pour l'abbaye de Bleurvillc, du 16 septembre 
103-2 (Calmet^ h. E. C. I., 1" éd., t. I, pr., col. 444, 2* éd., t. II, pr., 
col. GCGVIII). A cette date, il avait perdu, en punition des fautes de 
sa femme, la dignité de comte épiscopal, qu'il avait héritée de son 
beau-père Renard 111 (?) ; Frédéric ne l'avait d'ailleurs gardée que très 
peu de temps. D'une part, en effet, nous savons par une bulle de saint 
Léon IX pour Bleurviile (J. L. 4243, Calmet, i« éd., t. I, pr., col. 427, 
2* éd., t. II, pr., col. CCLXXXIV) que Renard était encore comte 
de Toul le 6 décembre 1050 ; et, d'autre part, dans la charte qu'il 
accorda le 16 septembre 1052 à Bleurviile, Udon nous apprend que ce fut 
son prédécesseur Brunon (saint Léon IX) qui dépouilla Frédéric de sa 
dignité ; or Brunon abandonna vers le milieu de 1051 l'évôché de Toul à 
Udon, qui fut consacré le 18 août de cette même année (Hauck, KG.D.^ 
t. m, p. 1000). C'est donc seulement durant les premiers mois de 1051 
que Frédéric a été comte de Toul pour la première fois. 

(3) Nous voyons en effet un comte de Toul dans le comte Rambaud 
qui soitscrivit en tête des seigneurs laïcs la charte de l'évoque Berthold 
dA l'année 1019 {GaL Christ, t. XIII, col 462). On trouve ce môme 
Rambaud mentionné parmi les grands qui souscrivent une charte de 
Berthold pour Saint- Bénigne de Dijon, du 11 juin 1005 (?) [Pérard, 
Recueil de plusieurs pièces curieuses servant à l'kisloire de Bourgo- 
gne, p. 169]. Rappelons enfin que, dans la charte de 1069 où il détermine 
les droits du comte de Toul, l'évèque Udon rappelle les anciens comtes 
de sa ville épiscopale, et nomme parmi eux Rambaud avant Renard 
l'Ancien (Calmet, H. B, C, Z., 1" éd., t. I, pr., coL 466, 2« éd., t. Il, 
pr., col. CC3CXXXVIII). 



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Et SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 133 

Thierry, du futur duc de Haute-Lorraine que les Gesta ont 
voulu parler. Dans le cas contraire, l'antagoniste d*Eudes 
serait Rambaud. Mais, nous le répétons, il nous paraît plus 
vraisemblable de supposer que les Gesta A, rf. aieût qualifié 
à tort Frédéric de comte de Toul que d'admettre de leur 
part une confusion de nom (1). 

Quels sont d'autre part ces Allemands qui, d'après 
les Gesta Amhaziensmm dcrmnm'um, vinrent à l'appel de 
Frédéric, dévaster les possessions du comte Eudes (2) ? A 
première vue nous aurions iûcliné à voir en eux des Fran- 
coniens ou des Souabes, dont les ducs de'Mosellaûe auraient 
demandé le concours (3). Mais les (lesta Atnbaziensium 
dûminorum ne nous permettent pas de nous arrêter à cette 
hypothèse. Si l'on poursuit en effet la lecture des Gesta, on 
y apprend qu'Eudes périt en Lorraine dans une bataille 
livrée aux Allemands (4). Or, l'armée qui vainquit Eudes 
à Bar en 1037 n'était composée que de Lorrains. Il faut 
donc que le chroniqueur des seigneurs d'Amboise ait abu- 
sivement traité d'Allemands les habitants de la Lorraine. 
Aussi devons-nous probablement voir des Lorrains dans 
les Allemands que mentionnent les passages cités plus 
haut des Gesta. 

Nous avons déjà vu que, suivant différentes sources, 
Eudes II avait été attaqué à la fois par Foulque Nerrâ et 
par Frédéric : la simultanéité de ces agressions venues 
Tune de l'est, l'autre de l'ouest, est elle un simple effet du 
hasard ? Nous ne le pensons pas. Hiidegarde, secoÉde 

(1) Lix, Eudes 11 [Mém. Soc. ac. Àuhe, T. LV, p. 2il, n. G), voit dans 
Frédéric, comte de Toul, le fils de Thierry. 

(2) Se reporter aux n. 3 et 4 de la p. 129. 

(3) Frédéric II ayant épousé Mathilde, ûlle d'Hermadn II duc de 
Souabe, veuvede Conrad de Carinihie, mère de Conrad le Jeune, aurait 
très bien pu trouver des auxiliaires en Souabe ou en Francohie. 

(4) (( Succedente paucorum annorum curriculo, Odo cunt Alemanniii 
in Lothoringia pugiians, graviter vulneratu» obiit. » (Gesta A. d., 
dans les Chroniques des comtes d'Anjou, p. 168). 



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134 LES ORIGINES DE LA HAUtÉ-LORHALXE 

femme du comte d'Anjou, était d'origine lorraine (1), et 
cousine ou des ducs de Mosellane ou des comtes d'Arlon ; 
grâce à elle, sans doute, des relations se nouèrent entre 
son mari et ses parents de Lorraine. Il n'y a donc pas lieu 
d*être surpris que Foulque et les ducs de Mosellane, aj-ant 
un ennemi commun, aient concerté contre lui leurs atta- 
ques (2). Toutefois, nous devons reconnaître que le comte 
d'Anjou suttirer decette alliance plus de profit que Thierry 
et Frédéric II. 

Quoi qu'il en soit des origines et des péripéties de cette 
lutte, aussi mal connues les unes que les autres, nous 
avons la certitude que le conflit durait encore en 1023, 
Tannée même où l'empereur et le roi Robert se rencon- 
trèrent à la frontière de leurs États. D'Aix-la-Chapelle, où 
il avait tenu en juillet une assemblée, Henri II se rendit à 
Ivoy (Carignan) (3), ville située sur la Chiers, tandis que 
de son côté le roi de France gagnait Mouzon (4). Les Gesta 
episcoporum Cameracensium nous apprennent que l'empe- 
reur était accompagné de Piligrim, archevêque de Cologne, 

(1) Voir Halphen, Le comté d*Anjou au xV siècle^ p. H et n. 1. 

(2) Nous sommes étonné qu'HALPHEN, qui a relevé l'origine lorraine 
d'Hildegarde, n'ait pas songé que la seconde femme de Foulque Ncrra 
avait pu servir d'intermédiaire entre son époux d'une part, les ducs 
Thierry et Frédéric de l'autre. 

(3) Ardennes, chef lieu de canton de l'arrondissement de Sedan. 

(4) Ardennes, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Sedan. Les 
renseignements concernant cette entrevue sont fournis par Sigebert 
DE Gembloux, Chronographia, 1023., et par les Gesta ep. Camer., 1. III, 
c. 35 et 37 (SS., t. VI, p. 353, t. VU, p. 479 et 480) ; cf. St. 1807 et 1809. 
Parmi les historiens contemporains qui se sont occupés de la rencontre 
de Robert et d'Henri, citons d'Arbois de Jubain ville, H. D. C. C, t. I, 
p. 251-253, GiESEBRECHT, G. D. A'., t. II, p. 196-198, Hirsch (Bresslau), 
Jahrb B. II, t. II, p. 257-265, Landsberger, GrafOdo, p. 34-35, Pfister, 
B. I. P., p. 369-371, W. Michael, Die Formen des unmittelbaren Ver- 
kehrs zwischen den deutschen Kaisem und souvprdnen Fiirsten, p. 22, 
p. 29, n. 1, p. 33, 34, 37, 38, Richter et Kohl, Ànnalen des deutschen 
Reichs, 3*^ partie, t. I, p. 245 et n. a, Lex, Eudes II {Mém. etc., p. 2^). 
Ces auteurs ne sont pas d'accord sur le lieu où s'abordèrent le roi de 
France et l'empereur. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 133 

de révêque de Cambrai Gérard, enfin de Gozelon (1), qui 
venait de succéder dans la Basse-Lorraine à son frère 
Godefroy, mort au cours de cette même année 1023. Ni le 
duc Thierry ni son fils ne sont mentionnés par les Gcsta, 
dont Tauteur ne semble pas avoir recherché quels étaient, 
en dehors des grands de la Lorraine du nord, les prélats ou 
les seigneurs qui se trouvaient dans Tentourage d'Henri IL 
Les ducs de Mosellane devaient pourtant assister à Tentre- 
vue, d'abord parcequ'elle avait lieu sur leur territoire (2), 
en second lieu parce qu'ils avaient intérêt à voir le roi de 
France, suzerain d'Eudes, et à lui demander justice des 
dommages que leur avait causés le comte de Blois. Or, il 
se trouvait que Robert lui-même avait à se plaindre d'Eu- 
des, vassal aussi indocile que voisin incommode (3). Le 
roi de France pria même Henri H de servir de médiateur 
entre lui et le comte de Blois ; Eudes consentit d'ailleurs 
à cet arbitrage. L'empereur ayant accepté le rôle que lui 
offrait Robert, les deux souverains convinrent qu'Henri, 
Eudes et les envoyés de Robert se rendraient à Verdun, 
peu de temps après l'entrevue d'ivoy. U fut très probable- 
ment décidé en même temps que la querelle d'Eudes et 
des ducs de Mosellane serait soumise à l'empereur. Celui ci 
partit pour Verdun, où il se trouvait dès le début de 
septembre, car il célébra dans cette ville la fête de la Nati- 
vité de la Vierge (4). Les ducs de Mosellane, ou tout au 

(1) Gesta ep. Camer., 1. IIÏ, c. 37 (S5., t. VII, p. 480). 

(2) Le pagus Evodiensis^ nous l'avons vu, faisait partie de la Haute- 
Lorraine, ainsi que le Mosomensis (voir le préc. vol. Mém. S. A. I., 
p. 240, 265 et 270). 

(3) Sur le conflit qui mettait aux prises Robert et le comte de Blois 
voir d'Arbois de Jubainville, H. D. C. C.^ t. ï, p. 243 et suiv., Lands- 
BERGER, Graf Odo, p. 31 et suiv., Pfisteh, R: L. P., p. 233 et suiv., 
Lex, Eudes II [Mémoires de la société académique de IWube, t. LV, 
1891, p. 221 et suiv.) 

(4) Gesta ep. Camer., 1. III, c. 38 {SS., t. VU, p. 480-481) ; cf. St. 
1810 e4 1811, H." 493 et 495, DV. Sa.r., t. II!, p. 630 et 63-2). Tandis que 
Giesebrfcht, g. D. a., t. Il, p, 6^4 et Lanpsberc.er, Graf Odo, p. 35, 



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136 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE 

moins l'un d'eux, avaient dû se rendre aussi à Verdun pour 
y défendre leur cause. 

S'il ne parvint pas à réconcilier Robert et Eudes, Henri II 
fut plus heureux dans ses efforts pour terminer le conflit 
de Thierry et du comte de Troyes : ce dernier consentit à 
détruire les forteresses qu'il avait illégalement élevées sur 
des terres appartenant au duc de Haute-Lorraine (1). 

Non seulement la guerre cessa entre le comte et les ducs 
mosellans, mais nous allons voir bientôt le comte de Blois 
devenir un instant l'allié de ses anciens adversaires. Les 
ducs lorrains se refusant à reconnaître Conrad II, succes- 
seur d'Henri, recherchèrent partout desappuis, pour mieux 
résister au nouveau souverain de l'Allemagne. 

Henri II était mort le 13 juillet 1024 (2), après un règne 
de vingt-deux ans, alors qu'il travaillait avec le plus 
grand zèle à cette œuvre de la réforme ecclésiastique 
pour laquelle il s'était passionné. S'il avait de belles qua- 
lités d'homme privé, une piété sincère, des intentions 
droites, Henri II par malheur manquait de vigueur et 
d'énergie, c'est-à-dire des qualités les plus nécessaires aux 
souverains, en un temps où l'on ne respectait que la force. 
La Mosellane, nous l'avons constaté (3), avait eu grave- 
ment à souffrir de la faiblesse et de l'impuissance du der- 
nier descendant mâle d'Henri I'^'' (l'Oiseleur). 

n. 125, croient que les Gesta ep. Camer. se sont trompés en faisant 
coïncider avec la Nativité le séjour à Verdun de l'empereur, qui en 
réalité se trouvait dans cette ville le jour de l'Assomption, Hirsch, 
(Bresslau), Jahrb. H. Il, t. III, p. 265, accepte l'indication fournie par 
le chroniqueur cambrésien. 

(1) Gesta ep. Çamer., 1. III, c. 38 (SS. t. VII, p. 48^). Cf. d'Arbois de 

JUBAINVILLE, R. I). C. C, t. I. p. 253, GlESEBREG^lT, Op. CU., t. II, p. 198, 

Landsberger, op. cit., p. 34-35, Hirsch (Brisslau), t. III, p. 265, 
Pfister, R. L. p., p. 243, Lex, op. cit., (Mém. etc., p. 2-22). 

(2) Voir Hirsch (Bresslau), Jahrb. H. Il, t. III, p. 299-300, Giesbbrecht, 
G. D. K., t. II, p. 204 et 624, Righter et Kohl, op. cit., p. 240 et b. b. 

(3) Lors de l'usurpation de Metz par Thierry de Luxembourg» el sur- 
tout de là tentative du même genre faite à Trêves par Adalb^ron, frère 
du précédent. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 137 

Avec Henri II en effet s'éteignait la maison de Saxe, qui 
avait occupé cent cinq ans le trône d'Allemagne et quatre- 
ving-dix-neuf ans celui de Lorraine. Les Francs allaient 
recouvrer enfin la suprématie que leur avait fait perdre la 
mort de Conrad l^^^ et c'était justement un descendant de 
ce dernier prince qui devait avoir Thonneur de fonder 
une nouvelle dynastie franque. 

Deux compétiteurs, Francs de l'est l'un et l'autre, briguè- 
rent la succession du souverain défunt. Parents éloignés 
d'Henri II, ils étaient cousins germains et portaient le 
même nom ; pour éviter les confusions, on appelle d'habi- 
tude le plus âgé des deux Conrad l'Ancien (I), l'autre 
Conrad le Jeune. Leur grand-père paterneF Otton était lui- 
même fils de Conrad le Roux, duc de Lotharingie, et de Liut- 
garde, fille d'Otton le Grand et d'Eadhild. Adélaïde, mère 
de Conrad l'Ancien, appartenait à une noble famille alsa- 
cienne, qui se rattachait par les femmes à cette dynastie 
lorraine des Matfrid, dont un membre avait été comte d'Or- 
léans au temps de Louis le Pieux (2). Nousavonsdéjà parlé 
d'un frère d'Adélaïde, Gérard, beau-frère des Luxembourgs, 
devenu après 1006 comte de Metz, et l'un des seigneurs 
les plus turbulents de cette époque. Après avoir été l'allié 
de l'évêque de Metz, d'iVdalbéron et d'Henri, ses beaux- 
frères, contre le roi et le duc Thierry, nous le trouvons 
dans la Basse-Lorraine avec son neveu Conrad l'Ancien ; 
tous deux soutinrent Régnier et Lambert dans leurs luttes 



(1) Suivant Sigebert de Gembloux-, Chron.^ 1024 (SS., t. IV, p. 356), 
et d'autres sources postérieures, Henri II, avant de mourir, aurait 
désigné Conrad l'Ancien au choix des grands de l'Allemagne. 

(2) Bresslau, Jahrb. Konrads 11, p. 2-4 ; cf. Kruger, Der Ursprung 
des Hanses Lothringen-Habsburg, p. 19-25, H. Witte, Genealogische 
Untersuchungen, (J,ihrb. G. l. G., 5' année, 1893, 2' partie, p. 62-051. 
Ces deux derniers auteurs rattachent Adélaïde au comte de Metz 
Adalbert, fils de Matfrid (IV) et descendant de Matfrid, comte d'Orléans 
au ix" siècle ; mais le premier lui donne pour père Gérard, fils d'Adal- 
bert, au lieu que l'autre la fait naître d'une fille de ce même Adalbert. 



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13S LKS OKIGhNES DE LA HAUTELORKAINE 

contre le ducGodefroy (1). Mathilde, mère de Conrad le 
Jeune, était fille d'Herniann II, duc de Souabe ; devenue 
veuve, elle s'était remariée, comme nous le savons, avec 
Frédéric II de Mosellane (2). Ce court exposé suffit à expli- 
quer l'attitude qu'allaient prendre les ducs de Haute et de 
Basse Lorraine à la mort d'Henri IL 

Gozelon, devenu depuis 1023 le successeur de son frère 
Godefroy, devait avoir peu de sympathie pour Conrad 
l'Ancien, qui avait été quelques années auparavant l'adver- 
saire de Godefroy et le sien propre (3). Si les ducs de 
Mosellane n'avaient pas eu, semble-t-il, à se plaindre de 
Conrad l'Ancien, des motifs intéressés les déterminèrent 
à mettre en avant la candidature de Conrad le Jeune, 
beau-fils de Frédéric. D'ailleurs ni Gozelon, ni Thierry, ni 
Frédéric ne paraissent avoir songé à briguer personnelle- 
ment la couronne (4). Peut-être les évèques et les grands 
de l'Allemagne et de la Lorraine désiraient-ils n'élire 
qu'an seigneur apparenté à la dernière maison régnante. 
Si cette hypothèse ne manque pas de vraisemblance (5), 
nous rejetons par contre celle qu'a émise M. H. Bresslau : 
d'après le savant historien de Conrad II, le conflit que la 
question de la réforme ecclésiastique avait soulevé en 
Allemagne, vers la fin du règne d'Henri II, aurait eu sa 
répercussion sur l'élection du successeur de ce prince. Les 

(1) Consulter Hirsch, Jahrb. H. II, t. II, p. 209, 349, t. III, p. 62 et 
suiv., Bresslau, Jahrb. K. II, t. I, p. 3, Krùgkr, Der Ursprung des 
Hauses Lothringen-Habsburg , p. 19-25, Vanderkindere, H. h\ T. P. B., 
t. II, p. 29-31, 334, etc. 

(2) Cf. ci-dessous, p. 165. 

(3) « Gothelone duce, qui proptcr privatum odium gravabat regnum 
Cuonradi » (Sigebert de Gembloux, Chronographia 1026, SS., t. II, 
p. 356). 

(4) C'est ce que reconnaît Bresslau, Jahrb. K. II, t. I, p. 11. 

(5) Elle a été émise ou adoptée par Wagner, Die Wahl Konrad II, 
p. 23, Giesebrecht, G. D. K., t. II, p. 218, Bresslau, Jahrb. K. II, 1. 1, 
p. 10, Manitius, Deutsche Geschichte unter den sàchsischen und salis- 
chen Kaisern, p. 357, Waitz, D. VG., t. VI, p. 185, 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 139 

adversaires de la réforme, à leur tète Tarchevêque de 
Mayence Aribon, auraient eu pour candidat Conrad TAn- 
cien ; au contraire les partisans de la réforme, c'est-à-dire 
les prélats, les ducs et les comtes de la Lotharingie se 
seraient prononcés en faveur de Conrad le Jeune. Ces 
derniers auraient été dès Torigine hostiles à Conrad l'An- 
cien, et s'ils avaient choisi Conrad le Jeune, c'était pour 
avoir un candidat parent, au même degré que son concur- 
rent, de la maison de Saxe (1). Malgré la grande autorité 
de M. Bresslau, nous avons peine à croire que la question 
de la réforme ecclésiastique ait eu sur des seigneurs laïcs 
assez d'importance pour les décider à soutenir tel préten- 
dant plutôt que tel autre. Des considérations de cette 
nature ne dictaient pas leur conduite aux grands du 
xi^ siècle. 

Nous préférons expliquer par la haine ou par l'intérêt 
l'attitude des deux partis (2) Ne peut-on voir en outre 
dans la conduite des Lorrains une nouvelle manifestation 
de l'esprit particulariste qui les animait ? Sentant qu'ils 
n'avaient aucune chance de faire monter un d'entre eux 
sur le trône, n'ont-ils pas voulu se donner au moins un 
souverain qui fût en quelque sorte leur créature ? Conrad 
le Jeune n'était encore en 1024 qu'un adolescent, uni par 
une étroite amitié à son cousin et homonyme, et de lui- 
même il ne se serait pas porté candidat contre Conrad 
l'Ancien: sa mère et son beau -père, désireux dô régner 
sous son nom, ont dû le pousser à se mettre en avant (3). 
Gozelon, qui voyait dans Conrad l'Ancien un ennemi de 
sa famille, se rallia tout naturellement à la candidature du 

(1) Bresslau, Jahrh. H. Il, t. III, Excurs X, p. 357-358, et Jahrb. K. 
II, t. I, p. 13-14, 17 et t. II, p. 526 ; cf. Lesser, Poppo von Trier, 
p. 67. 

(2) D'après Schnùrer, Erzbischof Piligrim von A'ô//i, p. 55, il est 
difficile d'indiquer les motifs qui ont déterminé les grands et les évè- 
ques à prendre parti pour l'un ou pour l'autre des deux prétendants. 

(3) Cf. Wagner, Die Wahl Konrad //, p. 53 et 55. 



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140 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

jeune Conrad (1). Ce qui peut sembler plus étonnant, 
c'est que le comte Régnier V de Hainaut, Tancien adver- 
saire de Godefroy, ait fait cause commune avec le duc de 
Basse Lorraine (2). Par contre, Ezzon, le comte palatin de 
Lorraine, se prononça très probablement pour Conrad 
TAncien, si toutefois il se trouvait alors en Allemagne (3) 
Quant aux prélats des deux Lorraines, ils se partagèrent, 
quoique la majorité ait suivi l'impulsion donnée par les 
ducs (4). 
Nous savons que Piligrim, archevêque de Cologne, vivait 

(1) Nous avons reproduit plus haut une phrase de Sioebert de 
Gembloux, qui explique l'attitude de Gozelon. Cf. Wagner, op. cit., 
p. 53-55, GiESEBRECHT, G. /). A., t. Il, p. 221, SACKUR,Oie Cluniacenser, 
t. II, p. 184, et n. 5. 

(2) Gesta ep. Camer, 1. III, c. 50, S.S., t. VII, p. 484. 

(3) Nous le conjecturons d'après la conduite que tint un peu plus 
tard le comte palatin de Lorraine. Se basant sur le silence que gardint 
les sources à l'égard d'Ezzon, Schmitz, Geschichte der lothringischeu 
Pfalzgrafen, p. 21-22, croit que ce personnage n'était pas en Alle- 
magne lors de la mort d'Henri II. 

(4) « Tandem collecti principes Saxonum apud Moguntiam praBfece- 
runt sibi in regem Conradum. Quorum ordinationi dux Gothilo princeps 
Lathariensium contraire voluit, cpicoposque Coloniaî, Noviomagi, Vir- 
duni, Trajecti, Leodii allocutus, sacramentum a singulis accepit non- 
nisi ejus consensu manus se ei daturos neque ad eum ituros. Hoc idem 
dux Thcodericus comesque Haynoensium Raginerius cum sibi compli- 
cibus sacramento firmaverunt. Quod episcopi primi infringerunt, qui 
se primes dederunt, canticumque populi malum facti sunt » {Gesta ep. 
Camer.^ 1. III, c. 50, 5S'., t. Vil, p. 484). Les érudits allemands ne 
sont pas d'accord sur la façon d'interpréter la deuxième phrase du 
passage que nous venons de citer. D'après Arndt, Die Wahl Conrad II, 
p. 9, Pabst, Frankreich und Konrad der Zweite in den Jahren tOU 
und40i5 [F. D. G., t. V, p. 354-355, Wagneu, Die Wahl Konrad II, 
p. 54, et Sacxur, Die Cluniacenser, t. Il, p. 685, les Gesta ep. Canier. 
parlent d'entretiens qu'eut le duc Gozelon avec les évêquesde Cologne, 
deNimègue, etc. Au contraire, Giesebrecht, op. cit., t. Il, p. 227 et 
629, Bresslal, Jahrb. K. /7, t. I, p. 31, n. 2 et p. 32, ainsi ([ue 
(Pflugk-IHarttung» Untersuchungen zur Geschichte Kaiser Konradsll, 
p. 95, estiment qu'il s'agit de conférences tenues à Cologne, à Nimè- 
gue, etc., entre le duc et les évèques lorrains. Outre que cette deuxième 
interprétation s'accorde mieux avec les règles grammaticales et avec 
les façons de s'exprimer habituelles de l'auteur des Gesta, nous devons 
faire observer que la ville de Nimègue ne possédait pas d'évêque. Au 
surplus, quand Bresslau, p. 32, déclare que tous les évoques des deux 
Lorraines, sauf Poppon de Trêves et Thierry de Metz (auxquels il faut 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE ' 141 

en assez mauvaise intelligence avec Aribon; celui ci 
patronnant Conrad TAncien, il n'en fallait pas davantage 
pour que Piligrim se déclarât en laveur de Conrad le 
Jeune (1). Les deux sufiragants lorrains de Piligrim, 
Durand de Liège et Adalbold d'Utrecht, prirent le même 
parti que leur métropolitain (2). Gérard de Cambrai resta 
neutre (3). Dans la Mosellane, Tarcbevéque Poppon de 
Trêves et Tévéque Hermann de Toul en firent peut être 
autant (4). Haymon de Verdun se prononça pour le jeune 
Conrad (5). Quant à Tbierry de Metz, il devait tout natu- 
rellement adopter la candidature de Conrad l'Ancien, 

ajouter Gérard de Cambrai, p. 33) firent cause commune avec Gozelon, 
il reconnaît implicitement que l'archevêque de Cologne, les évêques 
d'Utrecht, de Liège et de Verdun étalent entrés dans le complot. 

A rencontre de Roussel, H. F., t. I, p. 229, et de Cloukt, H. F., 
t. II, p. 2^-23, qui faisaient mourir Haymon de Verdun en 1024, 
Bresslau, t. 1, p. 85 et n. 6, a prouvé que le prélat n'avait cessé de 
vivre que l'année suivante. C'est donc Haymon, et non Rambert, comme 
le croyait à tort Cloukt, t. Il, p. 25, qui s'est associé aux ducs des 
deux Lorraines. 

(1) Cf. Wagner, op. cit., p. 42-43, 53, Schnùrer, op. cit., p. 596i, 

GlESEBRECHT, Op. Cit., t. II,p. 221. 

2) Pour ces deux évêques, se reporter à la n. 4 de la p. 140. 

(3) Gesta ep. Camer., 1. III, c. 50, SS., t. Vll, p. 484. 

(4) Poppon, d'après (Pflugk-)Harttung {Die Anfàage Konrads 11, 
dans les Picks Monatsschrilt fur rheinischwestfàlische Geschichts- 
forschung, 3e année, 1877, p. 32-33) n'aurait pas pris parti ; au con- 
traire, Lesser (Poppo r.on Trier, p. 67-68) fait de l'archevêque un par- 
tisan de Conrad l'Ancien . — En ce qui concerne Hermann de Toul, 
Calmet {H. E. C. L., V éd., t. ï, col. 1037, 2* éd., t. II, col. 148), le 
range parmi les adversaires de Conrad II, tandis que suivant Bresslau 
{Jahrh. K. 11, t. II, p. 526), l'évêque de Toul, hostile à la réforme 
ecclésiastique (cf. op. cil., t. I, p. 191, t. II, p. 404) et à ses partisans, 
se serait abstenu de faire opposition à l'atné des Conrad. La vérité est 
que nous ignorons absolument quelle fut en la circonstance l'attitude 
d'Hermann. Ce dernier, originaire de la Basse-Lorraine, appartenait à 
une noble famille de Cologne ; il avait été consacré le 20 décembre de 
l'année 1019, probablement {<ieMaep. TulL, c. 37, SS., t. VIII, p 643), 
en remplacement de Borthold, mort le 25 août de cette même année, 
après vingt-deux ans d'épiscopat [Geata ep. Tiill., c. 36, SS., t. VIII, 
p. 643); le Necrol. Wizenburgense (Bôhmer, Fontes, t. IV, p. 363) 
indique le 24 août. 

(5) Voir plus haut, p. 140, n, 4. 



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i42 LES ORIGLNES DE LA HAUTE-LORHAINE 

puisque ses adversaires, les ducs de Haute -Lorraine, se 
rangeaient dans l'autre camp (1). 

Ainsi, la majorité des prélats et des grands laïcs de la 
Lotharingie constitua le parti de Conrad le Jeune. Nous 
croyons qu'ils s'étaient concertés avant de se rendre à 
l'assemblée qui devait élire le nouveau roi, et qu'ils avaient 
décidé de soutenir le jeune Conrad (2). 

Grands ecclésiastiques et laïcs, tant de la Lorraine que 
de l'Allemagne, se réunirent le 4 septembre 1024 à Camba, 
sur les bords du Rhin, dans une vaste plaine (3). Le 
nombre des électeurs n'était point alors limité, comme il 
le sera quelques siècles plus tard. Du côté des ecclésias- 
tiques, les archevêques, les évéques et peut-être aussi les 
abbés des grands monastères royaux, du côté des laïcs, 

(1) Une autre raison nous donne à supposer que l'évêque de Metz 
s'était prononcé pour Conrad l'Ancien : ce dernier avait l'appui de 
l'impératrice-veuve Cunâgonde, sœur de Thierry. Cf. Bresslau, Jahrb. 
K. Il t. ï, p. 14, t. Il, p. 528, et Jahrb. H. Il, t. III, p. 358. 

(2) D'après le passage cité plus haut (p. 140, n. 4) des Gesta ep. 
Camer., il semblerait que Gozelon n'eût conféré avec les évoques lor- 
rains que postérieurement à l'élection de Conrad II. Seulement, est-il 
possible que du 8 septembre (jour où fut désigné le nouveau roi) au 
21 du môme mois (jour du sacre de Gisèle, femme de Conrad, par 
l'archevêque Piligrlm, l'un des alliés de Gozelon) le duc de Basse-Lor- 
raine ait eu le temps d'avoir avec les évêques de la région les diflé 
rents entretiens que mentionnent les Gesta ? Arnut, op. cit., p. 9, et 
ScHNûRER. op. cit., p. 57-58, ne l'ont pas pensé; suivant ces auteurs, 
Gozelon se serait déjà concerté avec les évêques et les grands des deux 
Lorraines avant que Conrad eût été nommé roi. Ont au contraire pris 
à la lettre l'indication des Gesta les historiens suivants : Pabst, 
Frankreich, etc. (F. D. G., t. V, p. 354 et n. 2), Girsebrecht, op. cit., 
t. II, p. 227, (Pflugk-)Harttung , Die Anfànge K. // (Picks Monats- 
schrift, etc., p. 36) et Unter^^uchungen zur Geschichte Kaiser 
Konrad 11, p. ^-96, Bresslau, Jahrb. K. Il, t. I, p. 31 et n. 2, p.32-33, 
Pfister, R. L. p., p. 374, Mamtius, Deutsche Geschichte, etc., p. 361. 

Faisons observer que d'après Wipon, Gesta Chuonradi imperatoris, 
c. 1, p. 10, évoques et grands (le chroniqueur ne précise pas), avant de 
se rendre au lieu fixé pour l'élection du nouveau roi, s'étaient rencon- 
trés ou s'étaient écrit, échangeant entre eux leurs impressions et se 
faisant part de leurs intentions. 

(3) Wipon, Gesta Chuonradi, c. 2, p. il, Bernon, abbé de Rei- 
chenau, Lettre à un évêque italien (dans Giesebrecht, G. D, K., 
t. II, p. 696), Hermann de Reichenau, Chron., 1(^4 (SS., t. V, p. 120). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 143 

les ducs, les margraves, et sinon la totalité, du moins 
quelques-uns des comtes avaient le droit de participer à 
la nomination du souverain (1). 

Prélats et seigneurs s'étaient installés les uns à Test, 
les autres à l*occident du Rhin : on voyait sur la rive 
droite les Francs orientaux, les Souabes, les Bavarois, les 
Thuiingiens, les Saxons et les Slaves ; une partie d'entre 
eux était favorable à Conrad TAncien, tandis que le reste 
ne savait à quel parti se ranger. Au contraire, les Francs 
du Rhin et ceux des deux Lorraines, favorables au jeune 
Conrad, avaient dressé leurs tentes sur la rive gauche du 
fleuve (2). S*il est certain que les archevêques Piligrim et 
Poppon, révèque Thierry et le duc Frédéric se trouvaient 
à Camba (3), aucun chroniqueur ne mentionne la présence 
ni de Gozelon, ni des autres prélats ou seigneurs de la 
Lotharingie ; on serait tenté d'en conclure qu'ils s'étaient 
abstenus de venir; il faut d'ailleurs renoncer à connaître 
les motifs pour lesquels ils avaient adopté cette tac- 
tique (4). 

Une fois l'assemblée ouverte, Conrad l'Ancien prit la 
parole, et pria son cousin de souscrire à un arrangement, 
en vertu duquel celui des deux qui serait battu, acceptant 
de bonne grâce sa défaite, ne chercherait pas à créer de 
diflBcultés à son concurrent plus heureux. Conrad le Jeune 
fît la promesse qui lui était demandée (5). On procéda 

(1) Sur le corps électoral qui désigoait à cette époque le souverain 
allemand, voir Waitz, /). VG.^ t. VI, p. 189 et suiv., Schrôder, L. D. 
RG., p. 468. 

(2) Voir les sources à la n. 3 de la p. 142 . 

(3) WiPON, c. 1, p. 8, c. 2, p. 15; cf. Brbsslau, Jahrb. K. II, t. I, 
p. 19 et n. 1. Sans aucun doute, c'est par inadvertance que Schnûrer, 
Piligrim, etc., p.61, parle de la présence de Thierry I" à Camba ; à la 
p. 63, en effet, il mentionne exactement Frédéric. 

(4: Aucun historien moderne n'a prétendu que Gozelon fût venu à 
Camba. Cf. Bresslau, t. I, p. 20 et n. 3. 

(5) Presque tous les érudits modernes ont suivi le chroniqueur Wipon, 
qui présente ainsi les faits (c. i, p. 12-14). Exception doit être faite en 



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144 LES ORIGINES DE LA HAUtE-LÔRRAlNË 

ensuite aa vote. Le premier appelé à domier son suffrage 
fut naturellement le plus élevé e» dignité ôés prélats 
allemands, Tarchevêque de Mayence, et te malheur vcalut 
qa*Aribon fût justement Tun des plus déterminés parti- 
sans de Conrad rAncien. Non content de voter pour li»i, il 
prononça un discours où il vanta les mérites dé son can- 
didat. Les paroles d'Aribon produisirent une vive impres- 
sion sur les évêques et! les abbés présents qui, à son 
exemple, donnèrent leur voix à Conrad l'Ancien. 

Jugeant la partie perdue pour lui, Conrad le Jeune al»ta 
trouver les Lorrains, q'ui se tenaient à Féeart ; peut-être 
avaient-ils quitté l'assemblée lorsqu'ils avaient va \^ 
majorité des prélats se prononcer en faveur de Conrad 
TAncien. Nous ne savons ce que le beau-fils de Frédéric 
dit à ses partisans, mais il est permis de supposer qu'il 
les prévint de l'intention où il était de se désister. Pent- 
ôtre leur donna-t-il en outre le conseil de se rallier à 
Conrad TAncieû. Puis, retournant à l'assemblée, ii vota 
pour son cousin. Ni les exhortations, ni l'exemple de 
Conrad le Jeune ne convertirent Frédéric, non plus que 
les prélats ni les seigneurs lorrains; ils manifestèrent 
leur opposition en s'abstenant de revenir à l'assemblée, eV 
quittèrent Camba sans avoir fait acte de soumission ati 
nouveau roi (1). 

faveur de BnEssLAU, op. cit.^ t. I, p. 21-23 ; d'après le savant historien 
de Conrad II, il n'y aurait pas eu d'arrangement entre les deux compé- 
titeurs, ou du moins il n'aurait pas été tel que Wipon le rapporte : 
en réalit<^ Conrad l'Ancien, après avoir acheté, au prix de certaines 
compensations, le désistement de son cousin, aurait oublié, une fois 
devenu roi, les promesses qu'il avait faites alors (ju'il était candidat. 
Si WiPON a cru devoir altérer la véritable physionomie des choses, 
c'est qu'il tenait à pallier les torts de Goârad, son ppotectenr et' son 
héros. L'hypothèse de Bresslau nous paraît ingénieuse, mais nous 
n'oserions prétendre qu'elle soit juste. 

(1) Wipon, Gesta C/iuonradi, c. 2, p. 14-16. ConBuUer sur l'élection 
de Conrad Stenzkl, Geschirhte Deulachinnds unlei' den frànkiwhtni 
Kaisern, t. I, p. 10 et sulv., Arndt, Die Wahl Conrad 1I\ p. 6 et sulv., 
Wagwbr, Die WahlKonrad II, p. 55 et sulv., GiESEBR«cHf, G. D. K., 



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Qoo^(^ 



Ëï Sa PHËMIÈKE maison i>iJ€ALË 145 

Conrad cependant se rendit à Mayence, où il fut sacré 
par Aribon le 8 septembre (1). Est-ce AribcHi lui-même ou 
Piligfim qui sacra Gisèle, femme de Conrad ? Sur cette 
question, il y a désaccord entre les sources (2). Mais très 
probaMemeat ce lut Tarcbevèque de Cologne qui couronna 
Ja nouvelle reine, quand il eut, vers la fin d^ septembre, 
fait sa soumission au successeur d'Henri II. 

Cependant, les ducs et les évêques de la Lotharingie 

L II, p. 217 et suiv., (PFLUGK-)HAaTTUNG, Die Ànfànge Konrad 11 
(PicKs Monats^chrift, etc., 3' année, 1877), et Uutersuchimgen zur 
G^schiahte Konrad 11^ passim, Bresslau, Jahrb. K. H, L I, p. 17-26, 
ScHNHRER, Piligrim, etc., p. 55-63, Mamtmjs, op. cil. ^ p. 356-358, Mau- 
HENBRECHER, Geschichtc der deutschen Kônigswahlen, etc., p. 88-96, 
RïCHTEii et KoHL, Annalen des deutschen Reichs^ 3* partie, t. I, p. i63 
et Du c. 

En ce qui concerne Piligrim et Frédéric, Digot, H. I., t. 1, p. 217, 
avance faussement que ce dernier finit par voter, quoique malgré lui, 
pour Ck)nrad l'Ancien ; Arndt, op. cit., p 21, se demande si les évéques 
et les seigneurs laïcs de la Lotharingie, partisans du jeune Conrad, 
s'en allèrent après avoir voté, mais en évitant de prêter serment au 
nouveau roi, ou si, au contraire, ils partirent sans avoir donné leur 
suffrage; Wagner, op. cit., p. 61, Giesebrf.cht, op. cit. y t. II, p. 223 et 
628, (Pflugk-)Harttung, Studien zur Geschichte Konrad 11, p. 37-38, 
Die Anfànge K. Il, (Pigks Monat&schrift, etc., p. 35\ Brbsslau, 
Jahrb. k. Il, t. I, p. 22, n. 3 et p. 24, Sgbnûrer, Piligrim, etc.,p. 63, 
iManitius, op. cil., p. 358, Maurenbrecher, op. cit., p. 93, croient que 
Piligrim et Frédéric se sont abstenus. 

(1) WiPON, Gesta Chuonradi, c. 3, p. 16-18; cf. Bresslau, op. cit., 
t. ï, p. 25 et n. 4, p. 26-2T. 

(2) Hermann de Reichenau, C/tro/i., 1024 {SS., t. V, p. Iî2()) fait cou- 
ronner Gisèle par PUigrim, sur le refus d'Aribon ; au contraire, d'après 
les Ann. Quedlinburgenses, 1024, {SS., t. 111, p. 90), c'est l'arche- 
vêque de Mayence qui se serait acquitté de cette tâche. Seuls, parmi 
les historiens modernes (PFLUGK-)HARTruNG, Studien, etc., p. 28-30; 
Untersuchungen, etc., p. 39 et suiv., p. 98-99, et Maurenbrecher, op. 
cit., p. 94-95, ont adopté la version des Ann. Quedlinburgenses ; encore 
(Pflugk-)Harttung admet-il que plus tard Piligrim bénit l'épouse de 
Conrad IL Mais tous les autres érudits ont préféré le témoignage 
d'HERMANN DE Reichenau : Arndt, op. cit., p. 32, GiESEBRECHT, op. cH., 
t. Il, p. 228, Bresslau, op. cit., t. I, p. 28, 35-37, 351-352, Schnûrer, 
op. cit., p. 64r66, Manitius, op, cit., p. 361, Pfenninoeh, Kaiser Kon- 
rads H Beziehungen zu Aribo von Mainz, Ptlgrim von Kôin, Ari- 
beri von Mailand, p. IX et suiv., p. XXVII^ Sageur, Die Cltmiacenser, 
t. IJ, p. 187. 



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146 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

persistaient dans leur attitude hostile à Conrad. Gozelon, 
nous Tavons dit, ne se trouvait probablement pas à Gamba. 
Apprenant Téleetion de Conrad l'Ancien, il s'entendit 
avec Thierry, Régnier et quelques autres grands, évêques 
ou seigneurs laïcs, qui lui promirent par serment de ne 
pas reconnaître le nouveau roi sans l'avoir consulté (1). 
Que se proposaient les ducs et leurs alliés ? Quel était le 
mobile qui les poussait à prolonger ainsi leur résistance ? 
On ne le voit pas bien. Seulement, pour être efficace, l'op- 
position des Lorrains devait rester unie. Par malheur, 
pour eux, des défections n'allaient pas tarder à se pro- 
duire. Si Thierry et Régnier paraissent avoir tenu leurs 
promesses, il n'en fut pas de même des évêques qui 
allaient, l'un après l'autre, se rallier à Conrad. Le premier, 
Piligrim de Cologne, se soumit lorsqu'il vit le roi pénétrer 
dans la Ripuairie (2). Sans aucun doute, Durand de 
Liège (3) et Adalbold d'Utrecht (4) suivirent bientôt 
l'exemple de leur métropolitain. Le haut clergé de cette 
époque, en raison de son mode de nomination et de ses 
intérêts, était dévoué à la royauté, quel qu'en fût le titu- 
laire ; le rôle d'opposant ne lui convenait pas, et l'on peut 
croire qu'il ne l'avait adopté que malgré lui. C'est à Aix- 

(!) Gesta ep. Camer, L ÏII, c. 50 (SS., t. Vll, p. 484-485). Se reporter 
à la n. 4 de la p. 140. On remarquera que, d'après les Gesta^ c'est 
Gozelon qni joue le principal rôle; seulement, il ne faut pas oublier 
que l'auteur de cette chronique, qui vivait dans la Basse-Lorraine, a 
naturellement mieux connu et mieux mis en lumière ce qui se rap- 
porte au duc de sa province que l'action des ducs de Mosellane. 

(2) Sur la soumission de Piligrim voir Arndt, p. 32, Giesebrecht, 
t. II, p. 228, Bresslau, t. I, p. 35-37, Schnûrer, p. 64-66, Pfenninger, 
p. IX et suiv., p. XXVÏI. 

(3) Le 2 octobre 1024, Conrad II rendit à Liège même un diplôme 
en faveur de Durand (St. 1857); cf. Bresslau, t. I, p. 38 et n. 5, p. 39, 
t. II, p. 338-340. 

(4) Les premiers privilèges qu' Adalbold obtint de Conrad sont du 
27 juillet 10^ (St. 1896, 1897). Mais peut-être Bresslau, t. I, p. 91 et 
n. 2, a-t-il eu tort d'en conclure que l'évêque d'Utrecht a persisté 
jusqu'à cette date dans l'attitude hostile qu'il avait prise vis-à-vis du 
nouveau souverain. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 147 

la-Chapelle que les évêques de Liège et d'Utrecht firent 
leur soumission à Conrad, qui visita ensuite Liège et 
Nimègue. Après avoir parcouru durant deux mois la 
Basse-Lorraine, Conrad se rendit en Saxe (1). 

Dans la Mosellane, les affaires ne prenaient pas une 
meilleure tournure pour les adversaires du successeur 
d'Henri IL Nous avons vu que, dès la première heure, 
l'évèque de Metz avait dû se prononcer pour Conrad 
l'Ancien; si Tarchevêque Poppon et Tévêque de Toal 
Hermann avaient à Torigine gardé la neutralité, on peut 
supposer que, l'élection faite, ils avaient reconnu le nou- 
veau roi. Le seul, parmi les prélats de la Haute-Lorraine, 
qui se fût nettement rallié au parti de l'opposition, 
Haymon de Verdun, termina son existence le 30 avril 
1025 (2), et Conrad lui donna pour successeur Rambert, 

(1) WipoN, Gesta Chuonradi, c. 6, p. 21-22, St. 1856-1860; cf. 
Bresslau, t. I, p. 37-40. 

(2) Le jour est donné par le Necrologium s. Viloni {Jahrb. G. L. G., 
14- année, 1902, p. 1391 et par les Ànn. s. Vitoni {SS., t. X, p. 526); 
une plaque de métal découverte en 1612 dans le cercueil d'Haymon, 
mais aujourd'hui perdue, aurait porté : « XI kal. maii » ; mais Roussel, 
H. F., 2- éd., t. I, p. 230, Cloubt, H. F., t. II, p. 22, et Bresslau, 
Jahrb. K. 11^ t. I, p. 85, n. 6, croient qu'il y a eu erreur de lecture et 
que sur la plaque étaient inscrits en réalité « fl kal. maii ». Le Nécro- 
loge de Saint- Airy, suivant Clouet {op. cit., p. 23, n. ?), donne v F kal. 
maii », et le Nécrologe de Saint-Germain-des-Prës « /// kal. maii », 
d'après Roussel, {op. cit., p. 230). 

Il n'y a pas non plus accord entre les sources au sujet de l'année 
durant laquelle Haymon termina son existence. Tandis que les Ann. 
s. Vitoni {SS., t. X, p. 526) placent l'événement en 1026, Hugues de 
Flavigny, Chron., 1. II, c. 16 (SS., t. VHI, p. 392), l'attribue à 1024. Il 
y a un fait qui semble donner raison à Hugues : s'il fallait en croire 
RupERT, Chron. s. Laurentii' Leodiemis {SS., t. VIII, p. 271, cf. 
RÉGNIER, Vita Reginardi, c. 3, dans les SS., t. XX, p. 572), Conrad, 
avant de donner à Reinard l'évéché de Liège l'aurait nommé à celui 
de Verdun; mais Durand de Liège étant mort sur les entrefaites, 
Reinard sollicita et obtint le siège que le défunt avait occupé. Durand 
ayant cessé de vivre le 14 ou le 25 janvier 1025 (voir les textes dans 
Brksslau, Jahrb. B. 11, t. I, p 87, n. 3), il faudrait donc que la mort 
d'Haymon, qui tombait un 30 avril, fût de l'année 1024. Seulement la 
vacance du siège de Verdun aurait eu dans ce cas une durée bien 

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148 LES ORIGINES DE Là HâUTE-LOKHÂINE 

dont la désignation est antérieure au 8 juillet de cette 
année (1). Au lieu d'un allié, les ducs lorrains avaient 
désormais un adversaire dans révoque de Verdun. 

Malgré la soumission des prélits, Gozelon, Thierry, 
Frédéric et Régnier ne déposèrent pas les armes. Puisque 
le haut clergé de la Lotharingie les abandonnait, ils allaient 
se chercher à l'étranger des alliés. Ce n'était pas seule- 
ment en Lorraine que Conrad avait rencontré de Toppo- 

longue, et l'on ne comprendrait pas qu'Henri, mort le 13 juillet 1024, 
n'eût pas trouvé le temps de désigner le successeur d'un prélat décédé 
le 30 avril précédent. 

D'autre part, Hugues de Flavigny et le Continlatelr de Bertaire, 
Gesta ep. Vira., c. 9 (SS., t. IV, p. 49), font durer trente-six ans 
l'épiscopatd'Haymon. Si, comme nous le croyons, ce prélat est devenu 
évêque en 990, ou au plus tôt en 989, il n'a pu lyourir en 10i4, s'il a 
occupé trente-six ans le siège de Verdun. 

Roussel, H. T., 2' éd., t. I, p. 229, et Clouet, H. K., t. II, p. 22, ont 
adopté 1024 pour la mort d'Haymon, Bresslau, Jahrb. K, llj t. II, 
p. 22, et Hauck, KG. /)., t. III, p. 1001, se prononcent pour 10^. 

( I ) Nous avons dit dans la note précédente que, d'après Rupbrt, 
Reinard, avant de succéder à Durand sur le siège de Liège, avait été 
d'abord désigné par Conrad pour occuper celui de Verdun. Toutefois, 
il ne nous semble pas que l'on doive accueillir en toute confiance le 
récit du chroniqueur liégeois, Durand ayant cessé de vivre plus de 
trois mois avant Haymon. 

En fin de compte, le siège de Verdun fut donné à Rambert, sur le 
passé duquel nous ne savons rien. Les Ann. .<;. Vitoni (SS\, t X,p. 526) 
le font succéder à Haymon en 1025 ; Hugues de Flavigny n'indique 
pas d'année, mais il raconte l'événement avant de relater la mort 
d'Henri II, et, de plus, comme, d'après lui, Rambert serait mort en 
1038, après 14 ans de pontificat {Chron., 1. II, c. 16 et 30, SS., t. VIII, 
p. 392 et 402), il faudrait donc que la consécration du prélat fût de 1024. 
Mais les Ann. necroL FuLd. rapportent la mort de Rambert à l'année 
1039; étant donné que l'épiscopat de cet évèque dura, nous venons de 
le dire, 14 ans (le Continu\teur de BERTAmE, c. 10, SS., t. IV, p. 49, 
donne le même chiffre), il a nécessairement commencé au plus tôt en 
1025. 

Le premier document qui nous montre Rambert en possession de 
l'évêché de Verdun est un diplôme rendu à Spire, le 8 juillet 1025, par 
Conrad II en faveur de l'abbaye Sainte-Marie-Madeleine (St. 1893, 
Calmet, B. E, c. />., l"éd., t. I, pr., col. 400, 2' éd., t. II,pr.,col. CCLII; 
cf. Clouet, H. K., t. II, p. 45, n. 1, et Bresslau, op. cit., i. I, p. 87, n. 2). 

Les auteurs contemporains ont adopté pour l'avènement de Rambert 
10S4 ou 1025, suivant qu'ils plaçaient en l'une ou en l'autre de ces 
deus: années la mort d'Haymon. (Voir la note précédente.) 



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ET SA PREMIERE MAISON DUCALE 149 

sition ; beaucoup de seigneurs italiens ne voulaient pas 
non plus de lui pour roi. Ils oOrirent la couronne d'abord 
à Robert le Pieux, qui la refusa, puis à Guillaume V, duc 
d'Aquitaine, qui Taccepta sous conditions pour son fils (1). 
Tout en déclinant les offres des Italiens, Robert se proposait 
d'agir contre Conrad, et des pourparlers s'engagèrent entre 
lui et les Lorrains : il était, ne l'oublions pas, cousin ger- 
main de Thierry (2). Nous voyons à ce moment le comte 
d'Anjou, Foulque Nerra, écrire, sur l'ordre de Guillaume V, 
au roi de France une lettre où nous lisons : « Maintenant 
donc Guillaume prie humblement votre Grâce de détour- 
ner les Lorrains, le duc Frédéric et tous les autres que 
vous pourrez, de faire la paix avec le roi Conrad, et de 
vous efforcer dans la mesure du possible de lui venir en 
aide (3). » Cette lettre fournit une preuve péremptoireque 
les ducs lorrains avaient recherché l'alliance du roi de 
France. On peut se demander où finalement ils en vou- 
laient venir, en faisant appel au Capétien (4). Celui ci, 
pour avoir la pleine liberté de ses mouvements, fit la 
paix avec son turbulent vassal, le comte de Blois et de 
Troyes (o). Ainsi, Conrad était menacé par une coalition 

(1) Ck)nsulter sur ces faits Pabst, Frankreich und Konrad der 
Ziveite, etc. (P. D. G., t. V, p. 337 et salv), Brbsslai-, t. I, p. 76 et 
n. 2, Pfistbr, fl. L. P., p. 374 et suiv. 

(2^ Hugues Capet, père de Robert, était le frère de Béatrice, mère 
de Thierry. 

(3) Rec. H. Fr., t. X, p. 500. Cf. Pabst, p. 356 et n. 1, BUesslai , t. I. 
p. 76 et n. 2, Pfistbr, p. 376. 

(4) Se proposaieot-ils de reconnaître Robert pour suzerain ? Lii fai- 
blesse du roi de France leur faisait sans doute espérer qu'ils joui- 
raient d'une indépendaikîe à peu près complète sous Tautorité nomi- 
nale de ee prince. 

Il est permis de supposer que l'abbé de Saint-Mihiel, Nanthère, servit 
d'intermédiaire entre Thierry et Robert. Nous avons vu que le duc 
de Mosellane recourait d'habitude à ses services, quand 11 voulait 
négocier avec son cousin. 

(5) Pabst, Frankreich, etc. (F. D. G., t. V, p. 356-358), Bresslau, t. I, 
p. 76-77, PtisWR, p. 376. 11 est vraisemblable, comme le supposent ces 
historiens (PABSt, p. 360, BfcESSLAt, ibid. et Pi^isTiA, p. 3f7), que 



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150 LES OHIGLNES DE LA HACTE-LOKRALNE 

formidable, qui comprenait, outre les grands de la Lor- 
raine et de ritalie, le roi de France et quelques uns de ses 
plus puissants feudataires. Bientôt, d'autres adversaires 
allaient surgir contre lui en Allemagne même, et jusque 
dans sa propre famille. C'étaient Conrad le Jeune qui, aux 
fêtes de Pâques 1025, eut une violente altercation avec 
son cousin germain, puis le propre beau-fils du roi, le 
duc Ernest de Souabe, et le comte Welf. Les sources ne 
disent pas s'ils s'étaient entendus avec les Lorrains, mais 
nous ne serions pas éloigné de croire que Conrad le Jeune, 
en particulier, agissait à Tinstigation de son beau-père 
Frédéric. Toujours est-il qu'ils conspirèrent contre le roi, 
et mirent des garnisons dans leurs villes et leurs châ- 
teaux (1). 

Conrad paraissait donc se trouver dans une situation 
de? plus critiques, exposé qu'il était aux attaques d'ad- 
versaires nombreux. Mais le successeur d'Henri II n'était 
pas homme à s'effrayer des dangers qui le menaçaient de 
toutes parts. A côté du vaillant soldat qui avait, à maintes 
reprises, fait ses preuves, il y avait chez le nouveau roi 
d'Allemagne un politique clairvoyant, avisé et tenace. S'il 
avait de l'énergie, s'il entendait être respecté au dehors 
comme au dedans de ses États, s'il ne redoutait pas de se 
mesurer avec ses ennemis sur un champ de bataille, il 
était également prêt à employer contre eux les ressources 
d'une habile diplomatie, il savait négocier, temporiser et 
se servir adroitement de toutes les occasions favorables 
qui s'offraient à lui. En 1025, justement, d'heureuses cir- 
constances devaient lui venir en aide et le tirer d'em- 
barras: au lieu de l'incendie qui semblait devoir embraser 

Robert et le comte de Troyes se proposaient d'envahir la Lorraine et 
d'y rallier les ducs Gozelon et Thierry. 

(1) Ànn. Sangallcnsfs majorea^ 1031, Ann. Augustani, 1025, Her- 
MANN DE Reichenau, Chroti., 1025 {SS., t. I, p. 83, t. III, p. 125, t. V, 
p. 120). Cf. Pabst, p. 359, Bresslau, t. I, p. 57-58, 92-94. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 151 

tout rOccident, il ny eut finalement qu'un simple feu de 
paille en Lorraine. 

Vers le milieu de Tannée 1025, le roi de France, après 
avoir dessiné un mouvement offensif du côté de Cam- 
brai (1), se tourna vers la Mosellane et menaça la ville de 
Metz, la plus forte place du pays,, dont Tévêque Thierry II, 
nous l'avons vu, s'était prononcé pour Conrad IL Mais le 
nouveau roi d'Allemagne marcha contre Robert et le 
contraignit à la retraite (2). 

(1) Gesta ep. Camer., 1. III, c. 50 {SS., t. VII, p. 485); cf. Pfisteb, 
p. 377. 

(2) Le siège de Metz par Robert, ou plutôt le projet qu'avait fait ce 
prince de s'emparer de Metz nous est connu par un fragment de chro- 
nique, que M. Prost a tiré d'un manuscrit de la Bibliothèque impé- 
riale de Vienne, et que M. Davillé a textuellement reproduit dans sa 
Note sur la politique de Robert- le- Pieux en Lorraine (Ann. E., 14' an- 
née, 4900, p. 75-76). Voici le passage de cotte chronique concernant 
l'attaque esquissée par le roi de France contre la \ille de Metz : 
« Robertus Francorum rex ad invadendam Mettim animum intendit^ 
sed Corardus imperator ei resistit. » Il est à remarquer que Sigebert 
DE Gembloux, Chron., 1026 (SS., t. VI, p. 3:;6) et le frère André, 
Chron. [Rec. H. Fr., t. X, p. 290) parlent presque dans les mômes 
termes d'une tentative de Robert sur la Lorraine. Voici le passage de 
Sigebert : « Robertus rex Francorum ad invadendam Lotharingiam 
animum intendit, sed cito ab hoc conatu destilit. » Le frère André 
s'exprime ainsi : « Post mortem Heinrici imperatoris potentissimi 
Robertus rex Francorum ad invadendam Lotharingiam animum 
intendit, sed vidons magnanimitatem Conradi illius successoris cito 
ab hoc conatu destitit. » On voit par les mots écrits en italiques 
quelle ressemblance frappante offrent les trois phrases : ou deux 
des auteurs ont copié le troisième, ou tous trois ont puisé à une 
même source. Comment se fait-il que Sigebert et le frère Axdré par- 
lent de la Lorraine en général, tandis que la chronique publiée par 
M. Davillé précise et indique la ville de Metz comme l'objet visé par 
Robert ? \ 

M. Davillé, dans l'article cité plus haut, a recherché {Ann. E., 
p. 84-85) l'époque à laquelle le roi de France avait pu marcher sur 
Metz et Conrad aller à sa rencontre; finalement, il se prononce pour 
le mois de juillet (p. 85), ce qui ne laisse pas que de surprendre, car 
à la page précédente il avait montré que l'itinéraire de Conrad, durant 
le mois de juillet, ne se conciliait pas avec un séjour de ce prince en 
Lorraine. Il vaudrait mieux, nous semble-t-il, adopter le mois d'août, 
pour lequel on ignore, faute de diplômes, où lo roi d'Allemagne a 
résidé pendant cette période. 



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132 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

Cette tentative ne se renouvela pas, et la redoutable 
coalition qui s'était formée contre Conrad n'allait pas 
tarder à se dissoudre. Robert perdit son fils aîné Hugues, 
et la douleur qu'il en ressentit lui fit abandonner ses 
velléités de conquêtes. D'autre part, la guerre s'était ral- 
lumée entre les comtes de Tours et de Blols; Eudes II, 
battu par Foulque Nerra, ne songeait plus qu*à prendre 
sa revanche (1). En Italie, l'archevêque de Milan Herbert, 
ainsi que plusieurs évêques ou seigneurs laïcs, avaient 
fait leur soumission à Conrad (2). Se voyant abandonné 
par quelques-uns de ceux qui lui avaient promis leur 
appui, Guillaume V d'Aquitaine se hâta de renoncera une 
entreprise où, du reste, il ne s'était engagé qu'avec réser- 
ves (3). Ainsi les Lorrains voyaient se dérober l'un après 
l'autre les alliés dans lesquels ils avaient placé leur 
espoir. Force leur fut, en conséquence, de se soumettre à 
Conrad n (4). 

Au mois de novembre 1023, le comte palatin de Lorraine 
Ezzon réunit à Aix-la-Chapelle une assemblée, où vinrent 
(le très nombreux seigneurs de tout le royaume de Lor- 
raine (5). Or, comme Ezzon était certainement un partisan 
de Conrad (6), il est hors de doute qu'il n'agissait ainsi 

(1) Voir Pabst, p. 361 et suiv., Bressi^\u, t. I, p. lOfi-111, Ppister, 
p. 378-381. 

(2) Brbsslau, t. I, p. 79 81. 

(3) Se reporter à la n. 1 de la p. 149. Ce n'était pas pour lui, nous 
l'avons dit, mais pour son fils, qu'il avait accepté les offres des Italiens. 

(4)* S'appuyant sur Sigfbert de Gembloux, Chron., 1026 (SS,, t. VI, 
p. 356), Manitius, Deutsche Geschichte^ p. 371, n. 1, soutient que la 
soumission des ducs des deux Lorraines empêcha Robert et Eudes II 
d'attaquer Conrad. C'est une erreur, et Bresslau ainsi que Ffisteh me 
paraissent dans le vrai, quand ils attribuent la nouvelle attitude de 
Gozelon et de Thierry au découragement que leur inspirait la certitude 
de ne recevoir aucun secours du roi de France ni du comte de Troyes. 

(5) Brunwilarensis monasterii fundatorum actus, c. 16 (SS,, t. XIV, 
p. 134-ia*>). Cf. Bresslau, t. I, p. 112 et n. 1. 

(6) ScHMiTz, Die Geschichte der lothringischen Pfalzgrafen^ p. 23, 
n'a pas recherché quel rôle avait alors Joué le comte palatin de Lor- 
raine. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 153 

que sur l'ordre du souverain. L'objet de la réunion, à n'eu 
pas douter, était de mettre fin à la révolte des ducs et de 
leurs adhérents. On peut conjecturer en outre que Pili- 
grim de Cologne et Poppon, abbé de Stavelot, Tun des 
chefs du parti clunicien en Lorraine, s'entremirent pour 
ramener la paix entre le roi et ses adversaires (1). 

Enfin, la réconciliation eut lieu à Aix-la-Chapelle, où 
Conrad célébra en 1025 la fête de Noël (2). Les ducs Goze- 
lon et Thierry ainsi que l'évêque Gérard de Cambrai se 
rendirent dans cette ville, reconnurent Conrad pour roi, 
lui prêtèrent hommage et reçurent en retour une nouvelle 
investiture de leurs fiefs et dignités (3). Les sources ne 
disent pas que Frédéric eût accompagné son père. Conrad, 
à ce qu'il semble, n'avait encore fait qu'une courte appa- 
rition dans la Mosellane, quand il avait contraint Robert de 

(Ij Pour Plllgrim, on peut le conclure du fait que l'archevêque assista 
aux obsèques de Mathilde, femme d'Ezzon, qui furent célébrées au 
mois de novembre 1025 {Brunw. mon. fund. actus, c. 16, SS., t. XIV, 
p. 235). — En ce qui concerne Poppon, voir la Vita Popponis Stabu- 
lensis abbalis, c. 18 {SS., t. XI, p. 304); cf (Pflugk-)Harttung, Die 
Anfànge etc., p 203, Bresslau, t. I, p. 112 et n. 4, Sackur, DieClu- 
niacenser, t. II, p. 187. 

(2) Ann. Sangallenses majores, 1026, Gésta ep. Camer., 1. III, c. 50 
(SS., t. I, p. 83, t. VII, p. 485). 

(3) c( Ducibus tandem post annum et fere médium ad pacem flexis, 
cum eis ad Aquasgrani palatii ivit (Gérard, évêque de Cambrai), seque 
deditioni régis libens obtulit » {Gesta ep. Camer., 1. III, c. 50, SS., 
t. VII, p. 485). Du moment que les Gesta se servent du terme « duci- 
bus », c'est que Thierry et peut-être aussi Frédéric avaient, comme 
Gozelon, fait leur soumission à Conrad. Sur ces événements consulter 
Pabst, p. 365, Bresslau, t I, p- 112-113, Pfister, p. 381 (Pflugk-) 
Harttung, Untersuchungen, etc., p. 98, Richter et Kohl, op. cit., 
p. 276 et n. d. Bresslau, 1. 1, p. 113, n. 1, a combattu victorieusement, 
à ce qu'il nous semble, l'hypothèse de Gieseijrecht [G. D. A'., t. II, 
p. 237), qui prétendait que Conrad avait décidé Gozelon à déposer les 
armes, en lui promettant le duché de Mosellane après la mort de 
Frédéric Comment le roi. en effet, aurait-il pu prendre des engage- 
ments semblables, et comment Gozelon aurait-il eu l'idée de les exiger ? 
A la fin de 1025, ni Conrad, ni Gozelon ne savaient à quelle époque 
se terminerait l'existence de Frédéric ; ils ignoraient de même si le 
duc de Haute-Lorraine ne laisserait pas soit un fils, soit un gendre 
apte à lui succéder. 



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154 LES ORlGrNES DE LA HAUTE-LORRAINE 

renoncer à sa tentative sur Metz. Le moment lui sembla 
venu de se montrer à nouveau dans cette province, et d'y 
faire acte de souverain. D'Aix-la-Chapelle il partit pour 
Trêves, en compagnie de Thierry et de plusieurs prélats. 
Nous relevons Tintercession du duc de Mosellane en 
faveur de Saint-Maximin le 11 janvier 1026 (1). L'exemple 
donné par les Lorrains allait être suivi par Ernest, qui 
vint solliciter son pardon en février 1026 ; il finit par 
Tobtenir, grâce apx supplications de sa mère Gisèle et de 
son demi-frère Henri (2). Bien que Conrard le Jeune ne 
semble pas avoir alors fait sa soumission, le roi partit 
tout de même pour Tltalie (3). Nous ne savons d'ailleurs 
si le duc de Mosellane eut à fournir des troupes pour cette 
expédition (4). 

C'est dans le diplôme de Conrad pour Saint-Maximin 
que nous trouvons la dernière mention de Thierry, qui dut 
mourir en 1026 ou en 1027. Les chroniqueurs du Moyen 
Age ayant omis de nous faire connaître la date de Tévéne- 
ment (5), les historiens modernes l'ont conjecturée les uns 
d'une façon, les autres d'une autre, et ne sont pas arrivés à 
s'entendre. D'après Wipon, l'auteur des Gesta Chiwnradi 
imperatoris(6)y Frédéric (II), fils de Thierry et duc de Haute- 
Lorraine, aurait été surpris par la mort au moment où il 

(4) St. 4901, MR. UB., t. I, n» 304, p. 352. Cf. Bresslau, t. I, 
p. 144-446. 

(2) Wipon, Gesla Chuonradi, c. 40 et 44, p. 20-24, Hermann de 
Reichenau, Chron., 1026 ISS,, t.V, p. 420). Cf. Bresslau, t. I, p. 446. 

(3) Wipon, c. 44, p. 24. 

(4) Par contre, la Vita s. Leonis IX (1. I, c. 7), de Vuibert (Watte- 
RicH, Pontificum romanorum vitae^ t. I. p. 134) nous apprend que 
Brunon accompagna Conrad en Lombardie, au lieu et place de son 
évêque Hermann. 

(5) Sauf toutefois Jean de Bayon, Chron. Med. Mon.^ 1. II, c. XLVIII 
(Calmet, h. E. ci., 4" éd., t. II, pr., col. XLVIÏ, 2« éd., t. ÏII, pr., 
col. CCXVIII), qui fait mourir Thierry en 4029. 

(6) Gesta Chuonradi imper atoris^ c. 49, p. 29. Selon Jean de Bayon, 
Chron. Med. Mon.^ ibid. (Calmet, ihid.), Frédéric, fils de Thierry, 
mourut avant son père : serait-ce Wipon qui l'aurait induit en erreur ? 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 155 

préparait une révolte contre Tempereur, qui se trouvait 
alors en Italie. Wipon a très certainement commis ici une 
erreur, puisqu'une charte de 1032 en faveur du prieuré 
d'Amel mentionne le duc Frédéric (1). On peut supposer 
que le biographe de Conrad a confondu Frédéric II avec 
son père, et que c'est ce dernier qui a terminé ses jours à 
répoque indiquée. Un des Obituaires de Saint-Mihiel plRce 
le 11 avril la mort de Thierry (2) : comme le duc vivait 
encore le 11 janvier 1026 (3), comme d'autre part nous 
savons par les diplômes de Conrad que ce prince séjourna 
en Italie du mois de mars 1026 au 25 mai 1027 (4), il faut 
que le iils de Frédéric l^^ soit mort en 1026 ou en 1027, si 
toutefois l'événement s'est produit, comme l'avance Wipon, 
pendant l'absence de l'empereur-roi (5). Nous ne savons 

(1) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. Il, n» 126, p. 227. 

(2) On lit à la date du II avril « Commemoratio Theodorici ducis » 
dans VObituaire du xvii« siècle (Archives de la Meuse, série H., fonds 
Saint-Mihiel, N 2). Selon Calmet, H. E. C. t., 4" éd., t. I, col. 
CXCIIl, 2« éd., t. I, col. CCLXXXV, VObituaire de Saint-Mihiel aurait 
donné pour le décès de Thierry la date du 2 janvier; en réalité, c'est 
le comte Thierry, fils de Louis et de Sophie, qui mourut à cette date, 
comme l'indique clairement la mention que lui accorde VObituaire du 
XV' siècle : « Pour Theodoric comte fondateur du prioré d'Asmenge ^) 
(Archives de la Meuse, série H., fonds, Saint-Mihiel, N 1 ; le premier 
feuillet de N 2 manque). Nous verrons tout à l'heure que Calmet a 
commis une erreur du même genre à propos de Frédéric II, qu'il a 
confondu avec son arrière petit-fils et homonyme, Frédéric, comte de 
Ferrette. 

(3) Comme le prouve le diplôme rendu ce jour-là parle roi en faveur 
de Saint-Maximin (voir ci-dessus, p. 154, n. 1). 

(4) St. 19(B-1953. 

(5) Si Wassebourg, Les antiquités de la Gaule Belgique, f* 230 r^« et 
DE Rosières, Stenimata Lotharingiœ ac Barri ducum, f* 394 r*% pla- 
cent en 1032 la mort de Thierry, la plupart des historiens modernes 
adoptent 1(^4, ou même croient l'événement antérieur à cette dernière 
année. Citons en particulier Ghantereau Le Febvre, Considéi ations 
historiques, etc., p. 167, Benoit Picart, La vie de saint Gérard, 
p. 341-345, Histoire de Tout, p. 99, Calmet, H, E. C. I., 1" éd., t. 1, 
col. CXCIII et col. 941, 2« éd., 1. 1, col. CCLXXXV, de Maillet, Essai sur 
l'histoire du Barrois, p. 13, Digot, H. /.., t. I, p. 216, J^rschkerski, 
Godfrid der Bàrtige^ Beilage 3, Huhn, Geschichte Lothringens, t. I, 
p. 9S. Pour Khbmer, qui a eu connaissance et du privilège de Conrad II 



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i.% LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE 

trop, du reste, à laquelle de ces deux années il convient 
de donner la préférence. 

Les cinquante années <iu'avait duré le règne de Thierry 
n'avaient pas été favorables à la maison ducale ni à la 
Mosellane ; une série de malheurs, les uns personnels au 
due, les autres d'une portée plus générale, avait marqué 
cette longue période : invasion de la Haute-Lorraine par 
Lothaire, occupation de Verdun et prise de Thierry lui- 
même, perte de Tévêché de Metz pour le petit Adalbéron, 
de la dignité comtale pour Thierry, nouvelle captivité de ce 
dernier à la suite du guet-apens que lui avaient tendu les 
Luxembourg», deuxième guet-apens en Bourgogne, d'où le 
duc sortit blessé, attaques d'Eudes contre la Lorraine, 
enfin échec de Thierry et de son fils dans leur tentative 
pour faire donner la couronne à Conrad le Jeune. Tous ces 
événements n'avaient pas, tant s'en faut, la môme impor- 
tance ; mais l'effet de quelques-uns d'entre eux devait être 
profond et durable. La perte de la dignité comtale à Metz a 
été particulièrement fâcheuse : elle marque pour la Haute- 
Lorraine le début d'une désagrégation qui va se poursuivre 
durant tout le xi* siècle. Enfin, les échecs subis par 
Thierry à l'intérieur de son duché ou au dehors nuisaient 

pouF Siiint-Maximin, et du Chron. Medii Monasteriij le duc Thierry du 
diplôme n'est pas le duc de Haute-Lorraine ; il soutient en outre, avec 
plus de raison, que l'autorité de Jean de Bayon a peu de poids ; aussi 
estime-t-il que Thierry finit ses jours avant 1024 {GenealogUche 
Geschichte des Àrdenneschen Geachlechts^ p. 29 et n. H). Le premier, 
Stenzel, Geschic/ile Deutschlands unter den frànkischen Kaisern, 
t. Il, p. 113-115, s'est douté que Wipon avait commis une erreur, et 
qu'au lieu de Frédéric il avait voulu écrire Thierry ; par conséquent, 
d'après cet auteur, Thierry n'avait pu mourir qu'après le 2 janvier 1026. 
Bresslau, Jahrb. K. 11.^ 1. 1, p. 202 et n. 5, en rapprochant les rensei- 
gnements fournis par le diplôme pour Saint-Maximin, par Wipon, et 
par VObituaire de Saint-Hihiel, était arrivé â la conclusion que 
Thierry avait terminé son existence en 10:27. Nous avions, dans notre 
De prima domo^ p. 12 et n. 8, adopté l'opinion du savant historien de 
Conrad II. Notre manière de voir s*est naturellement un peu modifiée, 
par suite de la découverte de Terreur où était tombé Calmet. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 157 

au prestige de Tautorité ducale ; ils semblaient prouver 
que le duc n'était pas à la hauteur de sa tâche, et qu'il ne 
possédait ni les qualités personnelles, ni les moyens maté- 
riels nécessaires au maintien de Tordre dans la Mosellane 
ainsi qu'à la défense de la province contre les attaques 
des ennemis extérieurs. 

Pour être juste, il est bon d'ajouter que les malheurs de 
Thierry ne sont pas uniquement imputables à son insuffi- 
sance. La faiblesse d'Henri II en est dans une certaine 
mesure responsable. Sous Otton le Grand, par exemple, on 
n'aurait vu ni l'usurpation du siège de Metz par Thierry 
de Luxembourg, ni la tentative du même genre que fit 
Adalbéron à Trêves, ni la capture de Thierry de Mosellane 
par les Luxem bourgs. 

Quelles qu'aient été du reste les causes des revers subis 
par le second duc de Haute-Lorraine, le mal qu'ils avaient 
produit ne devait point être réparé ; jamais la Mosellane 
ne retrouvera l'unité ni la force qu'elle avait perdue pen- 
dant le premier quart du xi® siècle. 



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CHAPITRE III 
Frédéric II (1) seul duc (1027 (?)-1033). 

Le rôle de Frédéric II pendant les six dernières années 
de sa vie nous est à peine connu. Pourtant, nous savons 
que son humeur inquiète et brouillonne ne l'avait pas 
abandonné. Profitant de la longue absence de Conrad II, 
qui passa quinze mois dans la Péninsule (2), Frédéric lui- 
même, son beau-fiis et le duc Ernest de Souabe, recom- 
mencèrent d'intriguer et de s'agiter contre le souverain 
allemand (3). Nous ignorons si Thierry fut mêlé à ces 
complots, qui semblent s'être renoués alors qu'il était 
encore vivant. 

En 1024, les ducs de Mosellane avaient fait appel à leur 
cousin Robert de France. Ne pouvant plus compter sur 
l'appui de ce prince, Frédéric tourna ses regards vers 
l'orient. C'est l'alliance d'un autre ennemi de l'empire 
celle de Micislas (Miesko) roi de Pologne, que cette fois il 
rechercha (4). Il ne semble pas que les négociations aient 

{i) Il est bon de faire observer que, pour Jean de Bayon, Chron. 
Med. Mon., 1. II, c. XLVIIÏ (Calmet, H. E. C. 1., 1" éd., t. II, pr., 
col. LXVII, 2«éd., t. III, pp., col. CCXVIII), Frédérle II est le petit-fils 
de Thierry ; il fait mourir Frédéric, fils de Thierry, avant son père 

(2) St. 1905-1953. Cf. Buesslau, Jahrh. K. II, t. I, p. 121-188. 

(3) îi Chuono, dux Wormatiensis, patruelis imperatoris, nec tidus 
imperatori. nec tamen multum noxius illi, intérim quietus mancbat. 
Fridericus dux Liutharingorum, vitricus pnedicti Chuononis, impera- 
tori inimicando morte propria praeventus est. Ernestus dux Alaman- 
niae, privignus imperatoris Chuonradi, nuper ab eo beneficiis et m'une- 
ribus sublimatus discedens, iterum instigante diabolo rebelUonem 
moliebatur » (Wipon, Gesta Chuonradi, c. 19, p. 29 30). Cf. Bhesslau, 
t. I, p. 197-203, 460-461, Giesebrecht, G. D. A., t. II, p. 252-255. 

(4) On peut du moins le conjecturer d'après la lettre qu'écrivit à 
Micislas la femme de Frédéric. Mathilde en apparence ne s'adresse 
au roi de Pologne que pour lui annoncer l'envoi d'un livre liturgique, 



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LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 159 

abouti à une entente entre le Polonais et le Lorrain. Du 
moins, nous ne croyons pas que Frédéric ait pris les 
armes. Il a pu se faire que la mort de Thierry empêchât 
son fils de recommencer les hostilités : Frédéric avait à 
craindre en effet que le roi, pour le punir de sa rébellion, 
ne lui refusât Tinvestiture de la Haute-Lorraine et ne 
donnât le duché à un autre (1). Quoi qu'il en soit des 
secrets desseins de Frédéric, il évita de se joindre au duc 
Ernest, qui par deux fois, en 1026, puis en 1030 se révolta 
contre son beau-père (2). Aussi Frédéric demeura-t-il 
jusqu'à sa mort en possession de la dignité ducale (3). 
Nous savons de plus qu'en 1030 Mathilde, sa femme, se 
trouvait à Ingelheim auprès de sa sœur Gisèle et de 
Conrad II, qui célébrèrent dans cette villa royale les fêles 
de Pâques (4). Mathilde et son mari étaient donc rentrés 
dans les bonnes grâces de leur beau frère. Rappelons 
enfin qu'après la mort de Frédéric ses filles Béatrice et 
Sophie furent recueillies par Gisèle, qui se chargea de les 
élever (5). 

Vers la fin de 1027, l'empereur se montra dans la 
Haute-Lorraine. Le 9 décembre de cette année, on le trouve 
à Toul, où il renouvelle et confirme les privilèges anté- 



maîs pourquoi ce cadeau à un prince ennemi de l'empire, si elle n'avait 
attendu de lui en retour quelque service ? Les élog<^s hyperboliques 
dont elle le comble, le titre de roi qu'elle lui donne, alors qu'aux yeux 
de Conrad et des Allemands Micislas était un simple duc, font suppo- 
ser que l'envoi du livre était un prétexte, une entrée en matière, et 
que le porteur du message avait sans doute pour mission principale de 
proposer au souverain polonais une alliance contre Conrad II. Gibse- 
BREGHT, G. D. K.y t. II, p. 699, a reproduit la lettre de Mathilde. 
ti) Voir Bresslau, t. I, p. 202-203, 237-238, 461-462. 

(2) Cf. BRESSL4U, t. I, p. iOO-202, 217-220, 287-289, 301-303. 

(3) La charte de Rambert, évéque de Verdun, de 1032, en fournit la 
preuve. 

(4) Ekkehard, Casus sancti Galli, c. 6 {SS., t. II, p. 111), Wn>oN, 
Gesta Chuonradi, c. 25, p. 33. Cf. Bresslau, t. I, p. 286-287. 

(5) Voir ci-dessous, p. 167, n. 2. 



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160 LES ORIGINES Dfi Là HAUTE-LORRAIN ë 

rieurement accordés à Fabbayd de Bouxières aux-DaiDes(l)* 
Frédéric n'est pas ûommé dans ce document ; nous ne 
savons pas non plus, quoique la chose soit vraisemblable, 
s'il se trouvait à Aix la-Chapelle en 1028, lorsqu'Henri, le 
jeune fils de Conrad II et de Gisèle, lut dans cette ville 
créé et couronné roi (2). La charte de Rambert du 6 sep- 
tembre 1032 est, depuis 1027^ le seul document où Ton 
trouve mentionné le duc de Mosellane (3). 

L'année 1032 vit se produire un événement qui entraîna 
les plus graves conséquences. Rodolphe III, roi de Bour- 
gogne^ mourut le 5 ou le 6 septembre 1032 (4), sans laisser 
d'enfant, et sa succession fut revendiquée par ses cousins, 
l'empereur Conrad et le comte de Troyes Eudes II (5). 

La Bourgogne elle-même, la Champagne et la Mosellane 
devaient servir de théâtre aux hostilités. En 1032 et au 
début de l'année suivante^ ce fut sur la Bourgogne que se 
concentra Teifort des deux adversaires, qui du reste ne se 
rencontrèrent pas (6). Mais dans le courant de 1033, un 
rapprochement de Conrad et d'Henri I®' allait amener 
dans la vallée de la Moselle le comte de Blois et de Troyes. 
Résolu d'attaquer Eudes dans ses iiefs français, l'empereur 
avait désiré s'assurer l'alliance — ou tout au moins 
la neutralité — du roi de France, suzerain du comte. 
Brunon, évéque de Toul (7), et Poppon, abbé de Stavelot, 

(1) St. 1965, GALMfT, H. B. C. L, t. I, pr., coL 4(», 2* éd., t. H, pf ., 
edl. GGLIV. Cf. duttsLAU, t. I, p. 237-238. 

(2) C'est le 14 avril 1028 qu'eut lieu !a cérémonie (BtiEssLAtf, t. I, 
p. 240-2H). Le séjour de Conrad II à Aix-la-Chapelle s'étend sttr lés 
moî^ d'avril et de Mal (St. 19671970). 

(3) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n" 126, p. 227. 

(4) PouPARDiN, Le royaume de Bourgogne, p. I4i et n. 2. 

(5) PouPARDiN, op. Cit., p. 145 et suiv. 

(6) PouPARbiN, op, cit., p. 154-162. 

(7) flermann était mort en 1026 (Vuibert, Vita s. Leonis IX, 1. 1, c. 8 
[WATTERicsa, Pontificum romanorum vitœ, t. I, p. 135] |, le U* avril, 
après un épiscopat de sept années {Gesta ep. tuU.^ c. 37, SS., t. VllI, 
p. 643). Conrad, à la demaade du clergé et du pewplefde Tdul, hil donna 



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Qoo^(^ 



ET SA PREMIÈRE MAISON DUGAJLfi 161 

furent envoyés par Conrad à Henri I»' (1), qui, redoutant 
l'ambition de son puissant vassal, prêta une oreille favo^ 
rable aux ouvertures dont les deux prélats lorrains étaient 
porteurs. Il fut décidé en conséquence que Tempereur et le 
roi de France se rencontreraient à la limite de leurs Etats, 
comme c'était alors l'usage ; Deville (2), sur les bords de 
la Meuse, fut le lieu choisi pour l'entrevue (3). 

Conrad et Henri se trouvèrent en effet dans les derniers 
jours de mai à l'endroit indiqué (4). Un accord se conclut 
entre les deux princes^ et, si le Capétien ne s'engagea 

pour snceesseur Brunon, fils du comte Hugues de Dachsburg et clerc 
de l'église de Toul, qui fut intronisé le 20 mai 1026 et consacré le 
9 septembre 1027 (Vuibert, V. s. L. IX, 1. I, c. 8-12, dans WatteRich, op. 
cit., t. I, p. 1^1-142). 

(1) VuiDERT, Vita 8. Leonis IX, \. I, c. 14 (Watterich, Pontificum 
romanorum oitœ, t. I, p. 145), et Vita Popponis, c. 18 (SS., t. Xï^ 
p. 304). 

(2; Ardednes, Méxières, Montbei^mé. 

(3) Consulter sur les pourparlers entre Ck)Drad et Henri Bbesslau, 
t. II, p. 76-78, RicHTER et Kohl, Ann. d d. r., 3' partie, t. I, p. 297, 
n. b, Sackuk, Die Cluniacenser, t. Il, p. 240, Poupardin, Le royaume 
de Bourgogne, p. 162. 

(4) La date de l'entrevue des deux princes n'est donnée par aucun 
document, mais il est permis de la fixer avec une assez grande vraisem- 
blance à la fin de mai. Conrad a sans aucun doute tenu à s'aboucher 
atrec le rôl de France avant d'attaquer la Gbampagbe ; l'ôVénement est 
donc antérieur au mois d'août 1033. L'itinéraire de l'empereur, tel que 
nous le font connaître ses diplômes, exclut pour la conférence toute 
période autre que celle qui s'étend du milieu de mai an milieu de 
juin. Enfin le duc de Mosellane Frédéric II était déjà mort au moment 
oti les deux souverains se réunirent à Deville ; il ressort en effet d'une 
charte d'échange entre Stavelot et Saint-Martin de Metz, charte sans 
date, mais qui est contemporaine de l'entrevue et qui a été dressée 
à Deville même, qu'à ce moment Gozelon avait déjà l'avouerie de 
Saint-Martin et par suite la dignité de duc de Haute- Lorraine. Sur 
cette question voir Bresslau, op. cit., t. II, p. 483-484, Sackur, Die 
Cluniacenser, t. II, p. 241, n. 2, et Bresslau, Ueber die Zusammen- 
kunft zu Deville zwischen Konrad II und Beinrich 1 von Fran- 
kreich, und iiber das Todesdalum Berzog Friedrichs 11 von Oberlo- 
thringen (Jahrb. G. L. G., 18« année, 1906, p. 456462». Sans accepter 
toutes les conclusions de Bresslau, surtout en ee qui concerne la mort 
d6 Frédéric II, noua cfoyons qu'il a raison d« mainlMilr la fin de mal 
pour Fépoqne de l'entrevue. 



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162 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE 

pas à combattre son vassal, le comte de Troyes, il laissa 
tout au moins pleine liberté à l'empereur pour venir 
l'attaquer en Champagne (1). 

Avant même que Conrad eût profité de l'autorisation 
qu'Henri lui avait accordée, Eudes, prenant l'ofiensive, se 
jeta sur la Haute-Lorraine, où il exerça d'affreux ravages, 
sans toutefois réussir à prendre la ville de Toul (2). Son 
vieil adversaire, le duc Frédéric, n'était plus là pour lui 
tenir tête : il avait dû en effet, comme nous allons le voir, 
mourir le 22 mai précédent, quelques jours avant la réu- 
nion à Deville des deux souverains. 

Au surplus, nous ne savons rien du rôle qu'avait joué 
Frédéric lors des derniers événements, ni de l'attitude qu'il 
avait adoptée. Sa femme était cousine du dernier roi de 
Bourgogne (3), et le duc de Haute-Lorraine aurait donc pu 
être tenté de réclamer la succession vacante, non pour lui- 
même, mais pour le fils de Mathilde, Conrad le Jeune. 
Toutefois, il semble que ni Frédéric ni son beau-fils n'aient 
élevé de prétentions sur l'héritage de Rodolphe III (4). 

On croyait, sur la foi de Galmet, que, d'après le Necrolo- 
gium sancti Michaelis, le duc de Mosellane était entré le 
7 août dans la voie de toute chair (5). Mais le personnage 
du nom de Frédéric mort en août est en réalité un comte 
de Ferrette, fils du comte de Bar Thierry II, arrière-petit- 
fils par conséquent de Frédéric II (6). Peut-être devrait-on 

(1) Cf. Bresslau, op. cit.^i, II, p. 77etsuiv., Poupardin, Le royaume 
de Bourgogne, p. 162-163. 

(2) Chron. s. Michaelis, c. XXVIII, p. 21. Cf. Bresslau, t. II, p. 87, 
Poupardin, op. cit., p. 163. 

(3) Nous nous occuperons un peu plus loin de la généalogie de 
Mathilde. 

(4) Poupardin, op. cit., p. 151. 

(5) Calmet, h. E. C. t., 1" éd., t. I, col. CXCIII, 2* éd., t. I, 
col. CCLXXXV. 

(6) « Friderich, comte fondateur du priore de Lattre dessoulz 
Ama(n)ce » (Archives de la Meuse, série H., fonds de Saint-Mihiel, 
Obituaire du xv« siècle, f» 21, r»'» N 1, Obituaire du xvii« siècle [non 
paginé]). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 163 

identifier ce dernieravec le a Fridericus dux » commémoré 
à la date du 22 mai par le Necrologium Wizenburgense (1). 
Admettons qu'il en soit ainsi ; étant donné d'autre part 
que Frédéric vivait encore le 6 septembre 1032, comme le 
prouve la charte de Tévêque Rambert pour le prieuré 
d'Amel (2), la mort du dernier duc de Mosellane n'a pu se 
produire avant 1033. D'un autre côté, le Chronicon sancti 
Michaelis affirme que Frédéric était déjà mort quand Nan- 
thère, abbé de Saint-Mihiel, alla rappeler à Conrad II une 
promesse que celui-ci lui avait faite lors d'un séjour à 
l'abbaye (3). Or, comme l'empereur s'arrêta en août 1033 à 
Saint-Mihiel (4), et que très vraisemblablement Nanthère 
n'attendit pas une année entière pour lui remettre en 
mémoire ses engagements, nous voyons là une nouvelle 
raison de placer la mort de Frédéric II en mai 1033 ; 
l'événement serait donc antérieur de quelques jours à 
l'entrevue qui réunit à Deville les souverains de la France 
et de l'Allemagne (5). 

(1) BôHMER, Fontes, t. IV, p. 310. Le Necrologium sancti Haximini 
(Jahrhiicher der Altertumsfreunde im Rheinland, t. LVII, p. 113) 
mentionne à la même date un « Fridericus dux juvenis )), dans lequel 
Bresslau avait cru voir le fils de Frédéric II, mort avant son père 
{Jahrb. K. IL, p. 72, n. 4) ; nous avions tout d'abord {De prima 
domo, p. 17) adopté l'hypothèse du savant professeur de Strasbourg, 
qui l'a maintenue récemment dans son travail Ueber die Zusammen- 
kun[t zu Deville, etc. {Jahrb. G. L. G., 18« année, 1905, p. 461). 
Aujourd'hui, il ne nous est plus possible d'adopter cette manière de 
voir ; nous avons essayé de démontrer plus haut (p. 47, n. 8), 
contrairement aux assertions de Bresslau, que c'est Frédéric I", et 
non Frédéric II, qui est mort un 18 mai ; aussi nous paralt-il naturel 
d'appliquer plutôt à Frédéric II qu'à son fils, mort en bas âge, la 
mention des Nécrologcs de Wissembourg et de Saint- Maximin. 

(2) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n» 126, p. 227. 

(3) Cliron. s, Michaelis, c. XXXII, p. 23. 

(4) Le Chron. s. Michaelis n'indique pas à quelle époque l'empereur 
est passé à Saint-Mihiel, mais un diplôme de Conrad pour Saint-Evre, 
du 20 août 1033, est daté de Saint-Mihiel (St. 2048, Mabillon, Ann. 
G. S. D., t. IV, p. 384). 

(o) Nous avons déjà dit, p. 161, n. 4, que c'était aussi l'avis deBREssi.AU. 
La divergence de nos opinions en ce qui concerne la mort de Frédéric II 

11 



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164 LES ORIGINES DE LA HAUTE -LORRAINE 

Ajoutons à ces preuves qu'il n'est point parlé de Frédéric 
dans les documents qui racontent l'invasion de la Cham- 
pagne par Conrad IL Si enfin l'on ajoute foi à la majorité 
des manuscrits de Sigebert de Gembloux, c'est en 1033 que 
Gozelon, déjà duc de Basse-Lorraine, fut en outre chargé 
de la Mosellane par Conrad (1), qui avait intérêt à ce que 

n'a en fait aucune importance, puisqu'il ne s'agit que d'une différence 
de quatre jours. 

(1) C'est Bresslau, op. cit.^ t. IT, p. 72, n. 4, qui a mis ce fait en 
lumière. Un autre argument du même auteur ne nous paraît pas avoir 
la môme valeur : une église bâtie par Nanthère dans une des villœ 
dont il avait obtenu la restitution après la mort de Frédéric II fut 
terminée, nous apprend le Chron. s. Mich^ c. XXXV, p. 25, vers le 
1" juin, trois ou quatre jours avant l'Ascension. Comme cette fête 
tombait le 31 mai on 1033, le 23 mai en 1034, le 7 mai en 1035, Bresslau 
estime que l'on ne peut songer à cette dernière année, où plus de trois 
semaines séparent alors l'Ascension du l'^juin. 1033 est également 
hors de cause, car Frédéric vivait encore le 6 septembre 1032, et la 
construction de l'église a dû prendre environ un an. D'ailleurs, on a la 
certitude que Frédéric n'était plus au monde en 1034. C'est donc en 1034 
que se placerait la consécration de l'église d'flarréville, et la mort du 
dernier duc de Mosellane de la maison de Bar aurait eu lieu l'année 
précédente. Sans méconnaître la justesse de ces remarques, nous ferons 
observer que la construction de l'église a bien pu durer plus long- 
temps que ne le suppose M. Bresslau ; pourquoi n'aurait-elle pas été 
terminée en 1036, année où F Ascension fut célébrée le 27 mai ? 

Les historiens modernes ne s'accordent pas sur la date de la mort 
de Frédéric II. Du Chesne, Histoire généalogique de la maison de 
Bar, p. 7, Kremer, Genealogische Geschichte des Ardenneschen 
Geschlechts^ p. 31, Ernst, Dissertation sur la maison... d'Ardenne 
[Bulletin de la commission royale d'histoire de Belgique^ 2« série, 
t. X, p. 296), placent l'événemeat en 1027 ; Digot, H. I., t. I, p. 218, 
et HuHN, Geschichte Lothringens^ i, I, p. 99, se prononcent pour 1028 ; 
Bknoit Picart, h. t., p. 99, pour 1032 ; Calmet propose successive- 
ment 1032 {H. E, C. I,, 1" éd., t. I, col. CXCIII, 2o éd., t. I, col. 
CCLXXXV) et 1033 (op. cit., 4" éd., t. I, col. 947, 2« éd., t. Il, col. 49) 
dans chacune des deux éditions de son grand ouvrage. Parmi les 
auteurs qui ont adopté 1033 citons de Riguet, Observations sur les 
titres de l'insigne église de Saint-Dié en Vosges, p. 145, les Bénédic- 
tins, H. M., t. II, p. i:i4, Stenzel, op. cit., t. Il, p. 115, J^rscskerski, 
op. cit., p. 12, Meyer von Knonau, Die Heiraten der burgundischen 
Mathilde, etc. (F. D. G., t. VIII, p. 155, n. 1), Bresslau, op. cit., t. II, 
p. 72 et n. 4, Manitius, op. cit., p. 403, Richter et Kohl, Ann. d. d. R. 
3» partie, t. I, p. 299 et n. b, Pfenninger, Kaiser Konrads II Beziehun- 
genzu Aribo, etc., p. XXXII, Vanderrindebe, H. F. T. P. B.,i. II, p. 32. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 165 

la province menacée fût sans tarder pourvue d'un nouveau 
chef. 

Frédéric avait épousé Mathilde (1^ fille d'Hermann II, 
duc de Souabe et de Gerberge, fille elle-même de Conrad 
le Pacifique, roi de Bourgogne et de Mathilde (2). Comme 
la reine Gerberge de France, mère de cette dernière, avait 
pour sœur Avoie, bisaïeule de Frédéric 11(3), celui-ci et sa 
femme étaient cousins au quatrième degré suivant là 
manière de compter en usage dans l'Eglise (4), dont les 
canons interdisaient les mariages entre parents aussi 
proches. 

Par une coïncidence curieuse, Mathilde était cousine au 
même degré de son premier mari, Conrad duc de Carinthie. 
Nous avons vu que cette première union de Mathilde avait 

M) « Conjuge cum propria Malhildis dcniquc dicta — Iste Bealri- 
cem Fredericus donat habere — Huic Bonefacio » (Donizo, Vita Malhil- 
dis, 1. I, c. 10, vers 799-801, SS., i. XII, p. 367). Wipon nous apprend 
successivement que Conrad le Jeune était fils de Mathilde, petite-fille 
elle-même de Conrad roi de Bourgogne, et qu'il avait pour beau-père 
(parâtre) le duc de Lorraine Frédéric (Gesta Chuonradi, c. 2 et 19, 
p. 12 et 29). D'après Jean de Bayon, Chron. Med. Mon.. 1. II, c. XLVII 
(Calmet, h. E. c. I., 1" éd., t. II, pr., col. LXVI, 2*^ éd., t. III, pr., 
col. CCXVIII), Frédéric, fils de Thierry, avait pris pour femme la mère 
de Brunon ou de Chuonon (Conrad), qui avait épousé en premières 
noces Hermann (sic), duc de Carinthie. 

(2) Constantin, Vita Adalberonis II, c. 17 (S5., t. IV, p. 664), 
Wipon, Gesta Chuonradi, c. 12, p. 12, lettre écrite en 1043 par 
Sigefroy, abbé de Gorze, à Poppon, abbé de Stavolot (Giesebrecht, 
G. V. K., t. I, p. 703), Tabula Ottonum et Genealogia Saxonicœ 
domus (SS., t. III, p. 215, t. VI, p. 32). Cf. Hirsch, Jahrb. H. Il, t. I, 
p. 243-246 et p. 246, n. 2, Meyer von Knonau, Die Heiraten der bur- 
gundischen Mathilde (F. D. G., t. VIII, p. 149-159), qui a prouvé 
contre Secrétan, Notice sur Vorigine de Gérold, comte de Genève 
{Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d'archéo- 
logie de Genève, t. XVI, 2« livraison [1867], p. 201 et suiv.) que Mathildo, 
femme de Conrad, puis de Frédéric II, était la petite-fille, et non la 
fille de Conrad le Pacifique, Poupardin, Le royaume de Bourgogne, 
p. 384 et suiv. 

(3) Waitz, Jahrb. H. i., p. 118, Kôpke et Dùmmler, A'. 0. G., 
p. 16, etc., Lauer, Le règne de Louis d'Outremer, p. 27, 48, etc. Cf. le 
tableau généalogique joint au présent travail. 

(4) Au huitième d'après la nôtre. 



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166 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

été dénoncée comme irrégulière par Toncle même de 
Frédéric II, par Adalbéron II, qui fit entendre dans une 
assemblée de grands et d'évêques (1002-1005) sa protesta- 
tion, sans aucun succès d*ailleurs (1) : Mathilde resta la 
femme de Conrad. Adalbéron mourut longtemps avant que 
son neveu épousât Mathilde : sans quoi, il se fût sans doute 
opposé à cette union, dont personne, au surplus, ne semble 
avoir relevé l'irrégularité. Il eût été amusant qu'un évêque 
rigoriste renouvelât, à propos du second mariage de 
jMathilde,la protestation que jadis Adalbéron II avaitélevée 
contre le premier. Conrad de Carinthie étant mort en 
1011 (2), le mariage de sa veuve avec Frédéric II est de 1012 
au plus tôt (3). Il est du reste fort possible qu'il ait été 
célébré quelques années plus tard : au dire de la Chronique 
de Saint -Mihiel^ Béatrice et Sophie, filles de Frédéric II, 
n'étaient que des fillettes {puellulœ), quand mourut leur 
père (4). Meyer von Knonau suppose que Mathilde a dû 
venir au monde vers 983 (5). Quoique nous ignorions en 
quelle année naquit Frédéric, nous ne serions pas surpris 
qu'il eût été un peu plus jeune que sa femme. 

Mathilde vivait encore en 1030, attendu qu'en cette 
année, au témoignage d'Ekkehard, moine de Saint-Gall, 
elle célébra les fêtes de Pâques à Ingelheim, avec sa sœur 

(1) Nous avons raconté cet événement plus haut, p. 109-HO. 

(2) Ann. necrologici Fuldenses 1011 (S5., t. Xlïl, p. 210). Cf. Hirsch, 
Jahrb. H. II, t. II, p. 311. 

(3) Ou de la fin de 1011, car ft cette époque l'on voit des veuves se 
remarier tout de suite après la mort de leur premier mari. Ce fut le 
cas de Gerberge de Saxe ; il y avait à peine quelques semaines que le 
duc Giselbert de Lotharingie s'était noyé dans le Rhin, quand Gerberge 
convola en secondes noces avec le roi de France Lotiis d'Outremer. 
De Maillet, Essai chronologique sur l'histoire du Barrois^ p. 14, 
commet une grave erreur en plaçant le mariage de Frédéric après la 
mort de Thierry. Gisi, Der Ursprung des Havses Savoien (Anzeiger 
fiir schweizerische Geschichte, Neue Folge, t. V [1887], p. 149), estime 
au contraire que le veuvage de Mathilde fut de courte durée. 

(4) Chron. s. 3/., c. XXXll, p. 23. 

(5) Die Heiraten etc. (F. D. G., t. Vlll, p. J54). 



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ET SA PUEMIÈRE MAISON DrCALE 167 

Gisèle et son beau-frère Conrad II. Depuis lors, il n'esl, 
plus fait d'elle aucune mention (1). Comme Sophie et 
Béatrice furent, après la mort de leur père, recueillies par 
leur tante maternelle, Timpératrice Gisèle (2), nous pou- 
vons en conclure que Mathilde était morte avant son mari, 
entre 1030 et 1033. Outre Béatrice et Sophie, sur lesquelles 
nous allons revenir, Frédéric et sa femme avaient eu un 
fils, dont le Chronicon sancti Michaelis nous fait connaître 
Texistence. En effet, le moine qui rédigea l'histoire de 
cette abbaye, raconte que tous les membres de la famille 
ducale, le duc Thierry, son fils et le fils de son fils ayant 
été enlevés par la mort, l'abbé Nanthère, jugea le moment 
venu de réclamer différents domaines dont Saint-Mihiel 
avait été dépouillé par les princes défunts (3). Cette phrase 
prouve l'existence d'un fils de Frédéric II. Mais ce n'est 
pas tout. Nous avons vu que Jean de Bayon avait par erreur 
placé la mort de Frédéric II avant celle de son père (4) : il 
est possible qu'il ait fait une confusion, et que ce soit du 
fils de Frédéric II qu'il ait voulu parler (5). Si, comme 

(1) Ekkehard (IV), Casus s. Galli, c. 6 (SS., t. Il, p. Hl). Cf. Bresslau, 
Jahrb. K. Il, t. 1, p. 286 et n. 4. 

(2) Chron. s. i/., c. XXXII, p. 23. 

(3) « Cunctis morbis assumptis, duce Theoderico, filio ejus et filio 
filii etc. » {Chron. s. M., c. XXXII, p. 23). Nous ne croyons pas que 
l'on puisse rendre ce passage autrement que nous ne l'avons fait. Sien 
effet le premier a filio » se rapportait à a Theoderico », le pronom 
« ejus » devrait représenter « Fredericus I », ce qui est inadmis- 
sible, attendu que dans la phrase précédente on ne trouve aucune 
mention du premier duc de Mosellane. Il faut donc que « ejus » soit 
mis pour a Theoderici », et qu'une virgule sépare « Theoderico » de 
filio. Ainsi la phrase a le sens suivant : « La maladie ayant enlovc 
tous les membres de la famille ducale, le duc Thierry, le fils de Thierry 
(Frédéric II) et le petit-fils de Thierry (le fils de Frédéric II) etc. » 

(4) Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLVIII (Calmet, H. E. CL., 1" éd., 
t. II, pr., col. LXVII, 2' éd., t. III, pr., col. CCXVIII) : « Cui (Thierry) 
Fridericus ex filio nepos, quia ipse apquivocus filius ante obierat, suc- 
cedens, parvis diebus Lotharingis praeluit. » 

|5) B. PiCART, L'origine etc., p. 50, avait déjà fait cette hypothèse, 
ù laquelle s'est rallié Brrsslau, op. cit., t. II, p. 73, n.l. 



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168 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAtNE 

semblerait l'indiquer ce passage de Jean de Bayon, le fils de 
Frédéric II avait porté le même nom que son père, Terreur 
du chroniqueur s'expliquerait aisément (1). 

On ignore en quelle année naquirent les filles de Frédé- 
ric II, Béatrice et Sophie (2). Elles sont qualifiées de 
puellulœ (3) par le moine de Saint-Mihiel qui rédigea entre 
1033 et 1040 la chronique de son abbaye (4), ce qui suppose 
qu'elles ne devaient pas avoir beaucoup plus d'une dizaine 
d'années. Leur tante Gisèle, nous l'avons dit, les recueillit 
et se chargea de leur éducation (5). Béatrice, qui était pro- 

(1) B. PiCART, Aa vie de saint Gérard, p.3iS,déc\'ATe ignorer le nom du 
fils de Frédéric II. Suivant Kremer, Genealogische Geschichte des 
Ardenneschen Geschlechts, p. 30, les historiens lorrains se seraient 
trompés en attribuant à Frédéric II un fils portant le même nom que 
lui. Stexzel, op, cit., t. II, p. 115-116, ne parle pas du fils de Frédéric II. 
Nous avons déjà vu, p. 47, n. 8, que Bresslau croyait que le dernier 
duc de Mosellane de la maison de Bar avait eu un fils, mort avant 
son père, et s'appelanl, lui aussi, Frédéric. Un des principaux arguments 
dont l'éminent professeur avait appuyé son hypothèse, à savoir la 
mention, dans le Necrologium s. Maximini, d'un o Fridericus dux 
juvenis », n'a plus à nos yeux aucune valeur, puisque, d'après nous, il 
s'agit dans le Necrol. s, M. de Frédéric II lui-même, et non plus de son 
fils. Tout en estimant très plausible l'opinion qui donne à ce dernier 
le nom de son père, nous n'oserions plus nous montrer aussi affirmatif 
que nous l'étions autrefois (De prima donio, p. 16). 

(2) Chron. s. Michaelis, c. XXXII, p. 23, Aubry de Ttois-Fontaines, 
Chron. (S\S., t. XXIII, p. 784), qui donne Sigefroy pour père à Béatrice 
et à Sophie, Jean de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLVIII (Galmet, 
//. E. C. L., V" éd., t. 1, pr., col. LXVII, 2« éd., t. III, pr., col. CGXVIII). 
DoNizo, Vita Mathildis, vers 797-800 {SS., t. XII, p. 367), ne nomme 
qu'une des filles de Frédéric II, Béatrice. Nous savons par une charte 
de Pibon, évéque de Toul, de 1076, que Thierry était le grand-père de 
Sophie (Calmft, 1" éd., t. I. pr., col. 47a, 2" éd., t. II, pr., col. 
GCCXLVIIÏ-CGCXLIX). D'après Jean de Bayon, ibid., Frédéric II aurait 
eu une troisième fille, Pétronille, qui aurait épousé un seigneur alsa- 
cien. Mais presque aucun historien moderne n'a, sur la foi de Jean de 
Bayon, admis l'existence de celte Pétronille. 

(3 Chron. s. M., c. XXXII, p. 23. 

(4) G'est l'opinion de Waitz, l'éditeur du Chron. s. M. dans les Mon. 
Germaniœ {SS., t. IV, p. 78,. 

(5) Chron. s. 3/., ibid. — 11 convient de reproduire un passage de 
Laurent de Liège, un autre de Jean de Bayon, et d'examiner la valeur 
des assertions qui s'y trouvent contenues. D'après ces deux chroniqueurs. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 169 

bablenient Taînée, car c'est elle que les auteurs du Moyen- 
Age mentionnent la première, épousa Boniface, margrave 
de Toscane, dont elle eut la célèbre comtesse ou marquise 
Mathilde(l). Devenue veuve, elle se remaria avec son cousin 
Godefroy le Barbu, duc dépossédé de la Haute-Lorraine, 

Gozelon et son fils Godefroy le Barbu auraient été les tuteurs ou bail- 
listres de Béatrice et de Sophie. Voici d'abord ce que dit Laurent, 
Gesta ep. Vird., c. 2 (S5., t. X, p. 492) : « lUis diebus contra impera- 
torem Henricum secundum rebellaveiat dux et marchio Godefridus^ 
dictus Gibbosus, Gozelonis duels fillus, pro sublato sibi Mozellano 
ducatu^ quem cum pâtre duce tenuerat loco patroiii post obitum Theo- 
dorici ducis Barrensis, qui filius nobilissimi ducis Frederici et Beatricis 
Hugonis Capitonis, Francorum régis sororis.... Ducalus autem patris 
earum (Béatrice et Sophie), quia neutri ipsorum (Boniface et Louis 
cessit, sed datus est a rege Girardo Castiniensi comiti, ideo idem Gode- 
fridus qui patronus eis datus erat justa in imperatorem arma 
movere visus est.» JeandeBayon s'exprime ainsi en racontant la bataille 
de Bar-le-Duc de 1037 : « Qui (Eudes II) etiam Barrense castrum, quod 
sororum [sic) Friderici ducis praedium erat vi ceperat ; Gozilo, qui 
erat tune tutor earum, praemisso Godefrido etc. » [Chron. Med. Mon., 
1. II, c. XLVIII, Calmet, B. E. C. I., 1" éd., t. II, pr., col. LXII, 
2*éd.^t. III, pr., col.CCXIX). 11 est à peine besoin de faire observer que 
le récit. de Laurent de Liège offre de graves inexactitudes ; il donne à 
tort le surnom de « bossu » au fils de Gozelon, il fait de Thierry le 
père de Béatrice et de Sophie ; en outre, la conduite du Barbu y est 
étrangement défigurée. Très certainement, si Godefroy a pris les armes 
contre Henri III, c'était dans son intérêt personnel. Godefroy, ne l'ou- 
blions pas, détenait le duché de Mosellane, et la pensée de s'en dessai- 
sir au profit de Boniface ou de Louis ne lui est jamais venue à l'esprit. 
Pourquoi en voulait-il à l'empereur? Etait-ce parce qu'Henri aurait 
lésé les droits de Béatrice et de Sophie, pupilles de Godefroy ? En 
aucune façon, mais bien parce que ce prince lui avait refusé la Basse- 
Lorraine. Un récit, où la vérité est aussi altérée, ne mérite qu'une 
confiance médiocre, et d'autre part, l'autoriîé de Jean de Bayon n'a pas 
beaucoup de poids. Pourtant, comme Gozelon et Godefroy étaient à la 
fois ducs de Haute-Lorraine et cousins de Béatrice et de Sophie, il se 
pourrait que Conrad II leur eût confié l'administration des biens patri- 
moniaux des jeunes princesses, jusqu'au mariage de celles-ci. Cf. Dupréel, 
Histoire critique de Gode froid le Barbu, p. 16 et 61, qui ne se prononce 
pas. 

(1) DoNizo, Vita Maihildis, 1. I, c. 10, vers 797-801, Laurent de Liège, 
Gesta ep. Vird., c. 2, Aubry de Trois-Fontaines, Chron., Genealogia e 
stirpe s. Arnulfi, c. 3 (SS., t. X, p. 492, t. XII, p. 367, t. XXIII, p. 790, 
t. XXV, p. 382). Cf. Bresslau, Jahrh. K. Il, t. II, p. 190191. Quoiqu'on 
dise DoNizo, Frédéric et Mathilde étaient morts, lorsque Béatrice 
épousa Boniface. 



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170 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

veuf lui-même de Doda (1). Sophie épousa de son côté Louis, 
comte de Montbéliard, de Ferrette, de Mousson (2), dont 
les ancêtres avaient gouverné pour les trois premicFs ducs 
de Mosellane une partie ou la totalité du comté féodal de 
Bar (3). Sept enfants naquirent de cette union, quatre fils 
Brunon, Thierry, Frédéric et Louis, trois filles, Béatrice 
Sophie et Mathilde (4). Tandis que les enfants de Sophie 
eurent une nombreuse descendance, Mathilde, fille de 



(1) Hermann de Reichenau, Chron.^ 1034, Lambert de Hersfeld, inn., 
1053, SiGEBERT de Gembloux, Chroii., 4053, Ànn. Altahenses majores, 
1054,AuBRY DE TROis-FoNTAiNES,C/iron.(S'S.,t.V,p. 123, 427, t. VI, p. 359, 
t. XX, p. 807, t. XXIÎI, p. 790). A ces textes de chroniqueurs on pour- 
rait joindre la charte de Godefroy lui-môme et de Béatrice, de 1069, 
pour Saint-Dagobert de Stenay (Lesort, Chartes du Clermontois, n» I, 
p. 54), et beaucoup d'autres documents diplomatiques de la seconde 
moitié du xi« siècle. Cf. Steindorff, Jahrb. H. III, t. II, p. 272 et suiv., 
Dupréï:l, Histoire critique de Godefroid le Barbu, p. 61 et suiv. Nous 
ne croyons pas pouvoir admettre la supposition de Dupréel, qui rejette 
sur Godefroy la responsabilité de l'assassinat de Boniface. 

(2) Chartes de Vaufroy pour Saint-Mihiel, de 1064, de la comtesse 
Sophie (sans date) en faveur de la même abbaye, d'Ermentrude pour 
Cluny, du 8 mars 1105 (de l'Isle, H. S. M., p. 449, Calmet, H. E. CL,, 
1" éd., t. I, pr., col. 476, 2« éd., t. 11, pr., col. GCCL, Bruel, Recueil 
des chartes de Cluny, t. V, n° 3830, p. 190) ; Bernold, Chron., 1093, 
Laurent de Liège, Gesta ep. Vird., c. 2, Gilon, Vita Hugonis abbatis 
Cluniacensîs (SS., t. V, p. 456, t. X, p. 492, t. XV, p. 940). Sur les an- 
cêtres de Louis voir Tuefferd, Histoire des comtes souverains de 
Montbéliard (Mémoires de la Société d'émulation de Montbéliard, 3* 
série, t. I, [1877], p. 3-4), Viellard, Documents et mémoire pour 
servir d l'histoire du territoire de Bel fort, p. 8-17, Vanderkindere, 
//. F. T, P. B. t. Il, p. 429-430, et les § I et II du c. I du 1. II du pré- 
sent travail (p. 341-344 et 377-381 du préc. vol. Mém. S. À. L.) 

(3) Voir le préc. vol., Mém. S. A. L., p. 341-344 et 377-381. 

(4) Trois chartes de Sophie pour Saint-Mihiel, l'une sans date, la 
deuxième de 1080, la troisième de 1091 (Calmet, H. E. C. L., 1" éd., 
t. I, pr., col. 476, 2' éd., t. II, pr., col. CCCL, Archives de la Meuse, 
série H., fonds Saint-Mihiel, Cartulaire J', n« LIX, p. 130, [reproduit 
dans les pièces justificatives de ce travail]. Musée des Archives dépar- 
tementales, Atlas, pi. XIX, n" 27, Texte, p. 58), charte d'Udon, évoque 
de Toul, pour Saint-Gengoul, de 1065 (Calmet, 1" éd., t. I, pr., col. 
457, 2» éd., t. II, pr., col. CCCXXVIIl), charte d'Ermentrude (voir la 
note précédente) ; Genealogia e stirpe s. Arnulfi, c. 3 [SS., t. XXV, 
p. 382). 



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Qoo^(^ 



ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 171 

Béatrice, bien que mariée deux fois (1), ne laissa point 
d'héritier direct, et une partie des biens qui lui venaient 
de sa mère et par celle-ci de son grand-père Frédéric II, 
devait être recueillie par les descendants de Louis et de 
Sophie. 

Dans le partage des domaines patrimoniaux qui s'était 
fait entre les filles de Frédéric II, il semble que le plus 
gros morceau ait été attribué à Sophie, qui eut dans son 
lot les comtés situés dans le diocèse de Toul, Tabbaye de 
Saint-Mihiel et les terres qui en dépendaient (2). 

Quant au duché de Haute-Lorraine, il passa en d'autres 
mains. L'on comprend du reste fort bien que l'empereur 
n'ait pas confié à de toutes jeunes filles, à des enfants, 
l'administration d'une province menacée par le comte de 
Troyes. Il investit de la Mosellane Gozelon, déjà duc de 
Basse-Lorraine, et cousin de Frédéric (3). On s'étonnera 
peut-être que Conrad ait ainsi augmenté la puissance d'un 
homme qui avait été autrefois son ennemi. L'intérêt supé- 
rieur de l'Etat fit sans doute oublier à Conrad ses ressen- 
timents et lui dicta son choix. Gozelon parut à l'empereur 
le seul homme capable de protéger le pays contre les 
attaques du comte de Champagne. Il se trouva par bonheur 
que Conrad avait vu juste, et que Gozelon se montra digne 
de la confiance qu'on avait mise en lui. La grande victoire 
que Gozelon et son fils Godefroy le Barbu remportèrent en 
1037 sur Eudes, qui fut tué dans l'action (4), rendit quelque 

(1) Mathilde épousa successivement son cousin Godefroy le Bossu, 
duc de Basse-Lorraine, fils de Godefroy le Barbu et de Doda, puis le 
duc Welf V de Bavière. On pourrait donc l'appeler la « duchesse » Ma- 
thilde. 

(2) C'est ce qui ressort de nombreux documents, que nous avons 
cités au cours de cette étude. 

(3) SiGEBERT DE Gembloux, C/tro/i., 1034 (1033), Laurent de Liège, 
Gesta ep. Vird., c. 2 (SS.. t. VI, p. 357, t. X, p. 492). Cf. Bresslau, 
op. cit., t. II, p. 73-74, RicHTER et Kohl, op. cit., p. 299 et n. b. 

(4) Sur cette bataille consulter d'Arbois de Jubainville, B. D. C. C, 
t. I, p. 338-343, Blûmcke, Burgund unter Rudolf III und der Heim- 
fall der burgundischen Krone an Kaiser Konrad II, p. 71, Lands- 



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172 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

tranquillité à la Haute-Lorraine, si longtemps troublée par 
les incursions du comte de Troyes. Gozelon et son fils 
réussirent donc à s'acquitter d'une tâche qui avait dépassé 
les forces de leurs prédécesseurs, Thierry et Frédéric II. 

S'il est naturel qu'à la mort de leur père Béatrice et 
Sophie aient été, en raison de leur sexe et de leur âge, 
écartées du gouvernement de la Mosellane, on comprend 
moins qu'en 1047 Henri III, après avoir enlevé ce duché à 
Godefroy le Barbu, ne l'ait pas donné à Louis, mari de 
Sophie (1). La conduite du souverain est d'autant plus 
inexplicable qu'au cours des troubles provoqués par 
Godefroy ou par d'autres seigneurs Louis était resté fidèle 
au fils de Conrad il (2). On se serait donc attendu à voir 
Louis en 1047 revêtu de la dignité ducale qu'avait possédée 
son beau-père. Nous ignorons les motifs pour lesquels 
l'empereur lui préféra successivement les comtes Adalbert 
et Gérard, de la maison d'Alsace. Pourtant, ni Sophie ni 
son mari n'avaient renoncé au duché de Mosellane, et, 
quand Gérard mourut en 1070, Louis revendiqua la dignité 
ducale, non pour lui, mais pour l'aîné de ses fils, héritier 
des droits de son grand-père maternel Frédéric II. Les 
prétentions de Louis ne furent admises ni parles seigneurs 
lorrains ni par Henri IV, et Thierry, fils de Gérard, resta 
en possession de la Mosellane (3). 

Évincés, les comtes de Bar devaient rompre bientôt les 
liens qui les unissaient au duché de Haute-Lorraine, et 
acquérir vis-à-vis des descendants de Gérard d'Alsace une 
indépendance absolue, en attendant qu'ils devinssent les 

BERGER, Graf Odo 1 von der Champagne, p. 56-60, Bresslau, t. II, 
p. 267-273, RiCHTER et Kohl, op. cit., p 318, 319 et n. d., Lkx, Eudes II, 
Mémoires de la société académique de VAuhe t. LV, [1891], p. 235-238, 
DuPRÉEL, op. cit., p. 17, PouPARDiN, Ic Toyaiime de Bourgogne, p. 171. 

(1) Boniface, margrave de Toscane, était naturellement hors de cause. 

(2) Hermann de Reichenau, Chron., 104i (SS., t. V, p 125). 

(3) Se reporter à la n. 4 de la p. 173 du préc. vol. Mém. S. A.L. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 173 

rivaux et les adversaires des ducs lorrains. On sait que 
vers le milieu du xiv® siècle, ils obtinrent à leur tour Térec- 
tion en duché du petit État féodal qu'ils avaient, durant 
quelques centaines d'années, gouverné en qualitéde comtes. 
Enfin, le siècle suivant vit s'eJRfectuer Tunion de la Lorraine 
et du Barrois, qui, tout en gardant leur autonomie, vécu- 
rent désormais sous l'autorité des mêmes souverains, issus 
en ligne masculine de Gérard d'Alsace, et, par les femmes, 
de la maison de Bar. Ainsi fut supprimée l'une des consé- 
quences les plus désastreuses qu'avaient entraînées pour 
la Mosellane d'abord la fin prématurée de Frédéric II, 
mort sans postérité mâle, puis l'exclusion de la dignité 
ducale de son gendre Louis de Mousson et de son petit-fils 
Thierry II. 



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CONCLUSION 



I 

Si, à répoque mérovingienne, il a probablement existé 
un ducatus Moslinsis, ce duché n'avait pas de limites aussi 
étendues que la Mosellane; rien ne prouve d'ailleurs que 
Brunon ait songé à restaurer une ancienne circonscription 
territoriale. 

C'est en 959 que Tarchevêqueduc institua la Haute- 
Lorraine et probablement aussi la Basse ; son but fut de 
rendre les révoltes ])lus rares et en même temps plus 
faciles à réprimer. Frédéric, qui avait été placé à la tête de 
la Mosellane, n'eut jamais le gouvernement d^ la Lotha- 
ringie entière ; seule, la partie méridionale de ce royaume 
fut soumise à son autorité. 

La Haute-Lorraine ou Mosellane comprenait — selon 
toute vraisemblance — les pagi de la province ecclésias- 
tique de Trêves qui se trouvaient à l'ouest du Hhin, ainsi 
que plusieurs pagi de Tarchidiocèse de Reims : les uns et 
les autres avaient autrefois dépendu de Lothaire IL 

Si, en principe, la dignité ducale était une fonction 
publique, si même, dans une certaine mesure, elle demeura 
telle, on la voit petit à petit prendre aussi le caractère d'un 
fief héréditaire dans la maison de Frédéric. C'est ainsi que 
Thierry, quoique mineur, devint en 978, à la mort de son 
père Frédéric I", duc de Mosellane sous la tutelle de sa 
mère Béatrice, et que Frédéric II fut, avant 1019, associé à 
son père, auquel il succéda en 10:27 (1). Toutefois, cette 

(1) Ou en 1026. 



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LES ORIGINES DE LA HaUTE-LORRAINE 175 

hérédité — de fait, et non de droit, remarquons-le — ne 
s'étendait pas aux femmes, qui ne pouvaient alors exercer 
les fonctions ducales. Aussi, quand en 1033 Frédéric II mou- 
rut, ne laissant que des filles en bas âge, Conrad II trans- 
mit-il la Mosellane à Gozelon, déjà duc de Basse-Lorraine 
et cousin issu germain de Frédéric. Pourtant, si Tune 
des filles de Frédéric avait été mariée en 1033, et mariée à 
un comte de la Haute-Lorraine, celui-ci aurait sans doute 
succédé à son beau père dans le gouvernement de la 
province. 

Les ducs avaient pour mission de juger les causes 
royales, c'est-à-dire celles où les églises, les abbayes, les 
comtes et d'autres personnages encore se trouvaient enga- 
gés, de châtier les brigands et les perturbateurs de la paix 
publique, d'assister aux assemblées que convoquaient les 
rois ou les empereurs, d'amener à ceux-ci les contingents 
militaires de la province, et de repousser les attaques des 
ennemis extérieurs. 11 ne semble pas d'ailleurs que Fré- 
déric et ses deux successeurs aient mis beaucoup de zèle 
à faire la police de leur duché. 

Les ducs perçoivent des revenus qu'il est difficile de 
préciser, ils sont avoués de plusieurs abbayes royales de 
la province. Il est probable qu'ils n'ont jamais frappé 
monnaie en tant que ducs, et que la désignation des 
évoques ou des comtes de la Mosellane ne rentrait pas 
dans leurs attributions. Pourtant, comtes et prélats, 
ceux-ci comme seigneurs temporels, se trouvent subor- 
donnés aux ducs et tenus de répondre à leurs convocations. 
Les ducs s'occupent de la réforme de quelques abbayes, en 
particulier de celles dont l'avouerie leur appartient. 

II 

Les trois premiers ducs de Mosellane possédaient dans 
la province des comtés, des villages, des abbayes à titre 
d'alleux ou de bénéfices héréditaires, transmissibles même 



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176 LES ORIGINES I>£ LA HAUTË-LORRAINË 

à des femmes, d'autres fiefs attachés, semble-t-il, à la 
(Jignité ducale, d'autres enfin qui n'appartinrent qu'à l'un 
ou à l'autre d'entre eux. 

C'était surtout dans le sud-ouest de leur duché que 
Frédéric I®^, son fils et son petit-fils avaient leurs biens 
patrimoniaux. Au comté épiscopal de Metz, qui leur 
échappa dès le début du xi* siècle, ils joignaient le 
Scarponnois, Amance, un morceau du Saintois et du 
Soulossois, rOrnois, le Barrois et l'abbaye de Saint-Mihiel- 
en-Verdunois. C'est grâce à la possession du pagus Bar- 
rensiSy de ïOdornensis, du Scarponensis, et de l'avouerie de 
Saint-Mihiel qu'ils disposaient d'une puissance matérielle 
assez considérable ; ces territoires formèrent en outre les 
éléments constitutifs du comté féodal de Bar, qui finit par 
englober — avec les bassins de l'Ornain, de la Haute-Meuse 
et du Mouzon — ceux du Rupt-de-Mad, de l'Orne et de la 
Chiers. 

Toutefois, on ne saurait afiirmer que nos ducs aient 
organisé le comté féodal de Bar, tel qu'on le voit constitué 
au XII' siècle ; ils n'ont certainement pas créé la division 
en bailliages ; tout au plus peut-on leur attribuer l'institu- 
tion des prévôtés et des châtellenies. Nous pouvons çl'aulre 
part considérer comme certaine l'existence d'un comte de 
Bar, subordonné au duc, et la présence à Bar même d'un 
châtelain antérieurement à 1033. 

Après avoir été à l'origine des fonctionnaires publics, 
les comtes s'étaient peu à peu transformés en vassaux. 
Frédéric h^ avait dû recevoir d'Otton le Grand ou de 
Brunon la dignité comtale sur le Barrois, TOrnois, le 
Scarponnois, ainsi que l'avouerie de Saint-Mihiel. Ces 
comtés prirent peu à peu, sans d'ailleurs qu'aucune déci- 
sion royale fût intervenue, le caractère de fiefs hérédi- 
taires et même de fiefs que des femmes pouvaient posséder. 
C'est ainsi qu à la mort de Frédéric II ses deux filles, Béa- 
trice et Sophie, se partagèrent les comtés et les domaines 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 177 

qu'avait possédés leur père. Finalement, Matiiiide, fille 
unique et héritière de Béatrice, étant morte sans postérité, 
les descendants de Sophie recueillirent la presque totalité 
des territoires qui avaient constitué le lot de Béatrice. 

En tant que duc de Haute-Lorraine, Frédéric avait reçu 
en bénéfice les abbayes de Saint-Martin de Metz, de Moyen- 
moutier et de Saint-Dié ; les deux dernières furent 
réformées par ses soins. Otton I^^ les ayant données ou 
restituées à Téglise de Toul, Frédéric n'en conserva plus 
queTavouerie, quMl transmit à ses descendants avec tous 
les droits que cette fonction comportait. En particulier, 
nous savons qu'ils battirent monnaie comme avoués de 
Saint-Dié. 

Thierry l^^ obtint en fief d'Otton III, ou plus probable- 
ment d'Henri II, le domaine royal d'Andernach, qui ne 
semble avoir appartenu ni à son père ni à son fils; on 
possède de Thierry des deniers frappés à Andernach. 

Nos ducs n'ont certainement pas eu l'avouerie de 
Senones ; quanta celle de Remiremont, nous ne pouvons 
rien affirmer. 

ni 

Le premier duc de Haute-Lorraine, Frédéric, fils du 
comte Voiry (Wigeric) et de Cunégonde, eut pour sœurs 
Liutgarde, (EveetBerthe), pour frères Gozlin, Adalbéronl^r, 
évêque de Metz, Gilbert, (Sigebert), et Sigefroy, comte de 
Luxembourg. 

Alors qu'il n'était encore que comte, Frédéric construisit 
un château en un endroit nommé Fains, qui appartenait 
au roi de France, Louis IV d'Outremer. 

Béatrice, que Frédéric épousa en 954, avait pour parents 
Hugues le Grand et Avoie De cette union naquirent 
Henri-Hezelin, Adalbéron II, évêque de Metz, et Thierry; 
qui, bien que le plus jeune des trois, succéda en 978 à son 
père. Henri en effet, qui semble avoir été l'aîné des fils de 



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178 LES ORIGINES DE LA HAUTELORRALNE 

Frédéric, mourut avant 978, et le cadet, Adalbéron, avait 
été déjà destiné à TÉglise. 

Il ne se produisit aucun événement de quelque impor- 
tance au cours des dix-neuf années pendant lesquelles 
Frédéric conserva la dignité ducale. 

Durant la minorité de Thierry, au nom duquel sa mère 
Béatrice gouverna le duché, la Moseliane fut en butte à de 
nouvelles attaques de la part du Carolingien Lothaire, roi 
de France, qui réussit à s'emparer de Verdun ; toutefois, 
peu après son avènement, en 987, Hugues Capet restitua 
cette ville. Thierry lui-même, fait prisonnier dans Verdun, 
avait auparavant recouvré sa liberté. 

Sous le règne d'Henri II, Thierry, qui fut d'ailleurs le 
serviteur fidèle de ce prince, eut à subir plusieurs dis- 
grâces. L'évôché de Metz fut enlevé à son jeune fils Adal- 
béron; lui-même perdit le comté de Metz, et se laissa 
prendre par l'usurpateur du siège épiscopal de cette ville; 
enfin, quelques années plus tard, il tomba dans une nou- 
velle embuscade, d'où il ne se tira qu'avec peine. 

Richilde, que Thierry avait prise pour femme, était 
probablement la fille d'un comte Folmar, qui lui laissa la 
forteresse d'Amance. Frédéric II, né de cette union, fut 
avant 1019 associé à son père, et semble avoir joué dès 
lors le principal rôle dans le duché. Son père^ et lui eurent 
à lutter en particulier contre le comte de Blois, de Chartres, 
de Meaux et de Troyes, Eudes II, qui avait des terres dans 
la Moseliane et qui cherchait, semble-t-il, à les agrandir. 
Il fallut l'intervention et la médiation d'Henri II pour 
mettre fin à ces querelles. 

Frédéric II avait épousé une de ses cousines, Mathilde, 
qui d'un premier mariage avait eu un fils, Conrad le Jeune. 
Quand en 1024 Henri II mourut sans enfant, Frédéric 
essaya, mais sans succès, de faire élire son beau-fils ; ce 
fut un autre Conrad, cousin-germain du précédent, qui 
obtint la couronne. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DtCALE 179 

Frédéric et Thierry, soutenus par Gozelon, duc de Basse- 
Lorraine, cherchèrent en France des ennemis au nouveau 
roi, mais leurs alliés ne firent presque rien pour eux, et 
force fut aux ducs lorrains de se résigner à reconnaître 
Conrad II pour souverain. Thierry mourut peu de temps 
après, soit en 1026, soit en 1027. 

On retrouve encore Frédéric II mêlé à des intrigues 
ourdies contre l'autorité de Conrad ; il ne semble pas pour- 
tant qu'il ait pris les armes, comme le firent Conrad le 
Jeune et le duc Ernest de Souabe. Toujours est-il que 
Frédéric conserva la Haute-Lorraine jusqu'à sa mort, 
arrivée en 1033. Sa femme, Mathilde, lui avait donné un 
fils, mort avant 1033, et deux filles, Béatrice et Sophie, 
qui recueillirent les comtés paternels, mais non la dignité 
ducale, donnée à Gozelon. 

IV 

Quel rôle nos ducs ont-ils joué, quelle est pour leur 
famille ou pour la Mosellane l'importance de l'œuvre qu'ils 
ont accomplie, dans quel état enfin laissaient-ils la pro- 
vince, telles sont les questions auxquelles il convient de 
répondre en terminant cette étude. 

Il nous faut bien convenir qu'à aucun égard Frédéric I^', 
son fils et son petit fils ne peuvent être comparés à leurs 
cousins, comtes de Verdun et ducs de Basse-Lorraine, les 
Gozelon et les Godefroy. S'agit-il des affaires générales de 
l'Allemagne et de la Lotharingie, on ne voit pas que nos 
ducs aient joui d'un grand crédit auprès des souverains : 
ils n'ont pas pris une part importante au gouvernement 
de l'Etat, non plus qu'aux guerres entreprises durant cette 
période par les rois d'Allemagne et de Lorraine. 

Exception doit être faite pour Béatrice, l'homme de la 
famille. Alors qu'elle exerçait la régence au nom de son 
fils Thierry, la duchesse déploya la plus grande activité, 
travaillant à réconcilier l'ex-duc de Bavière avec Otton III 

12 



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180 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

et à rétablir la paix entre les souverains de la France et de 
rAUemagne. Mais, si l'on met à part Béatrice, on doit 
reconnaître que les trois premiers ducs de Mosellane sont 
constamment demeurés au second plan. A d'autres égards, 
ils nous paraissent être restés au-dessous de la tâche qu'ils 
avaient mission de remplir. 

Nous avons constaté que Thierry I^^^ et Frédéric U avaient 
été impuissants à repousser victorieusement les attaques 
du comte de Champagne Eudes. L'honneur de débarrasser 
la Lorraine de ce voisin incommode reviendra en 1037 à 
Gozelon et à son fils Godefroy le Barbu. 

D'autre part, la situation de nos ducs vis à-vis du roi 
d'Allemagne et de Lotharingie s'est modifiée à leur avan- 
tage de 9o9 à 1033 ; Thierry et son fils ont une liberté 
d'allures que n'avait pas connue Frédéric I®^. Seulement, 
à l'intérieur même de la Mosellane un mouvement ana- 
logue s'est produit au détriment de l'autorité ducale. En 
principe, roi, ducs, évêques et comtes gardent les mêmes 
prérogatives et les mêmes obligations; en fait, chacun 
s'efforce de se soustraire à ses devoirs, et par contre 
éprouve quelque peine à jouir de ses droits. 

Il nous semble que Frédéric I®' était surtout un fonction- 
naire, un représentant du roi ou de l'empereur, d'autant 
mieux obéi que, d'une part, le souverain était plus 
redouté et que, d'autre part, lui, Frédéric, se montrait 
plus fidèle. Thierry 1*^^ et Frédéric U sont encore, si l'on 
veut, des fonctionnaires, mais chez eux se montre aussi te 
caractère de vassaux, si même U ne prédomine pas. Ils 
jouissent d'une plus grande indépendance à l'égard du 
chef de l'État, mais en retour ils obtiennent plus difficile- 
ment l'obéissance des comtes et des évêques. D'où provien- 
nent ces changements ? De diverses causes. 

D'abord, il faut relever la faiblesse ou l'éloignement 
habituel des souverains. Otton le Grand, avec une indomp- 
taJ}le énergie, avait brisé toutes les résistances ; aussi, 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 181 

dans les dernières années de son règne, personne, ni en 
Lorraine, ni en Allemagne, n'ose plus braver son autorité ; 
partout il est obéi et respecté. La situation se modifia 
sous les successeurs d'Otton I^^^ ; les uns, comme Otton II 
et surtout Otton III, passèrent de longues années en Italie, 
poursuivant la réalisation de rêves chimériques; d'autres, 
tel Henri II, n'avaient ni Ténergie, ni la décision, ni la 
ténacité qui avaient permis à Otton le Grand de consolider 
son pouvoir. Nous avons, au cours de cette étude, constaté 
à diverses reprises la faiblesse et l'impuissance du dernier 
prince de la maison de Saxe. 

Les conséquences de la mollesse ou de Téloignement des 
souverains ne tardent pas à se faire sentir du haut en bas 
de l'organisation politique et administrative. Les ducs en 
prennent à leur aise avec le roi ou l'empereur ; mais eux- 
mêmes, mal soutenus par celui-ci, n'arrivent pas à se faire 
obéir. 

A ces causes générales qui agissent en Allemagne et en 
Lotharingie, il faut en joindre d'autres spéciales à nos 
dues, à leur caractère, à la situation de leurs domaines. 
Nous l'avons dit, et nous croyons devoir le répéter, 
Frédéric I^^, son fils et son petit-fils ne semblent pas avoir 
possédé les qualités remarquables d'intelligence et d'éner- 
gie qui distinguent leurs cousins de la maison d'Ardenne 
ou de Verdun. Peut-être aussi disposaient ils d'une puis- 
sance matérielle insuffisante. En outre, leurs possessions 
se trouvaient groupées dans le sud et le sud-ouest de la 
Mosellane; c'était là tout naturellement qu'ils résidaient de 
préférence. Le nord et le nord-est de la province, où ils ne se 
montraient que rarement, où d'ailleurs les points d'appui 
leur faisaient défaut, devaient peu à peu, par la force des 
choses, se considérer comme étrangers au duché, et tendre 
à s'en détacher. 

Assurément, Frédéric II aurait pu regagner — au moins 
en partie — le terrain perdu, s'il avait réussi à faire 



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182 LES ORIGINES DE LA HAUTËLORRAINE 

monter sur le trône d'Allemagne et de Lorraine son beau- 
fils Conrad le Jeune. L'échec de sa tentative et sa révolte 
contre l'autorité du successeur d'Henri II eurent pour effet 
de diminuer encore son autorité et son prestige. 

Nous croyons donc qu'avant 1033 le duché de Mosellane 
commençait à se désagréger ; il n'avait plus la cohésion 
qu'il possédait trois quarts de siècle auparavant, au 
moment où il se constituait sous l'autorité de Frédéric I". 

Il se trouva par surcroît que nos ducs avaient — sans le 
vouloir — travaillé à précipiter le morcellement de la 
Haute Lorraine. On leur doit, en effet, et c'est là leur 
œuvre capitale, la création ou du moins le développement 
du comté féodal de Bar, qui joua un rôle important aux 
XII®, XIII® et XIV® siècles. Mais leur famille seule en profita. 
Le malheur voulut en effet que les comtes de Bar, comme 
d'ailleurs les évoques et quelques-uns des seigneurs laïcs 
de la Mosellane, se rendirent indépendants des ducs de 
la province, et devinrent pour trois siècles leurs plus 
redoutables adversaires. 

En définitive, il eût mieux valu pour la Haute-Lorraine 
ou que la dignité ducale restât dans la descendance 
féminine de Frédéric II, ou que le comté de Bar ne se 
constituât pas. 

Si la maison de Verdun, qui en 1033 reçut le duché de 
Haute-Lorraine, avait pu le conserver, elle aurait été assez 
puissante pour y maintenir quelque unité, pour paralyser 
l'action des forces dissolvantes qui tendaient à morceler 
le pays. Seulement, une sorte de fatalité s'acharnait depuis 
deux cents ans sur la malheureuse Lotharingie. Godefroy 
le Barbu se vit enlever par Henri HI la Mosellane, qui fut 
donnée successivement au comte Adalbert d'Alsace, puis 
à son neveu Gérard. Pas plus que la maison de Bar, la 
nouvelle dynastie ducale ne fut à la hauteur de sa tâche ; 
elle ne sut pas préserver la Haute-Lorraine du démembre- 
ment qui la menaçait. Et durant trois siècles, la région 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 183 

lotharingienne offrira le spectacle lamentable de luttes 
incessantes, où s'épuiseront les forces du pays, pour le 
plus grand profit des comtes de Champagne d'abord, et 
plus tard des Capétiens ou des Valois. 

A partir de René II, il est vrai, la Lorraine et le Barrois 
n'auront plus qu'un même souverain ; toutefois, la région 
ne recouvrera pas complètement son unité politique, les 
villes épiscopales ayant continué de vivre de leur existence 
indépendante ; en outre, René II et ses successeurs senti- 
ront jusqu'à la fin peser lourdement sur eux les effets 
désastreux d'événements qu'avait produits ou rendus 
possibles l'émiettement de l'ancienne Mosellane. 



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APPENDICES 



APPENDICE I 

La Lotharingie formait-elle encore en 959 un royaume 
autonome, distinct de l'Allemagne ? 

La Lotharingie était-elle en 959 une siraple province de 
TAllemagne, ou constituait-elle encore un royaume distinct 
de ce dernier État, et destiné à former après 962, avec 
l'Allemagne elle-même, avec Tltalie, et plus tard avec la 
Bourgogne, le Saint-Empire-romain-germanique? 

Disons tout de suite que l'idée d'un empire territo- 
rial englobant un nombre déterminé d'États ou de 
provinces n'avait pas encore pris naissance, ou du moins 
n'était pas encore nettement conçue, ni, à plus forte raison, 
généralement acceptée. Aux ix^ et x^ siècles, le mot 
« imperium )) désignait bien plutôt l'ensemble des attribu- 
tions et des devoirs de l'empereur que les contrées soumi- 
ses à son autorité. Et cela s'explique sans peine. D'abord, 
on admet à cette époque que l'autorité de l'empereur 
s'étend en principe sur l'ensemble du monde chrétien. En 
outre, de 800 à 924, les empereurs avaient appartenu à 
quatre familles différentes (1), et les États qu'ils gouver- 

(1) En dehors de la dynastie carolingienne, qui a fourni la plupart 
des empereurs du ix' siècle, citons les maisons de Frioul (Bérenger 1"), 
de Provence (Louis l'Aveugle) et de Spolète (Guy et Lambert). Tandis 
que la deuxième et la troisième se rattachaient par les femmes à la 
famille de Charlemagne, la quatrième n'avait avec celle-ci aucun lien 
de parenté. 



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LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAïNE 185 

naient effectivement, avalent sans cesse varié de compo- 
sition et d'étendue (1) ; il n'y avait (}ue !e royaume d'Italie 
qui eût toujours, nominalement sinon de fait, dépendu de 
ces princes (2). De 962, il est vrai, à 1033, seuls les souve- 
rains allemands reçurent la couronne impériale, et de 
plus, tous la portèrent. N'empêche que de 983 à 996, puis 
de 1002 à 1014, enfin de 1024 à 1027, l'empire resta vacant, 
un intervalle plus ou moins long s'étant écoulé entre les 
avènements respectifs d'Otton III, d'Henri II et de Conrad II 
au trône d'Allemagne et le moment où ces trois princes 
devinrent empereurs. Par deux fois d'ailleurs, au cours de 
ces interrègnes, en 1002, ainsi qu'en 1024-1025, les Italiens 

(1) Louis le Pieux avait, comme son père Charlemagne, possédé la 
totalité de la monarchie franque. Mais Lothaire I" (840-855) n'a eu que 
la Francia média, une partie de la Bourgogne, la Provence et l'Italie. 
La péninsule seule appartenait à Louis II (855-875), qui n'acquit qu'en 8G3 
la Provence à la mort de son jeune frère Charles. Charles le Chauve 
(875 877) était maître de la France occidentale, de la Bourgogne, de la 
Provence et de l'Italie. Charles le Gros n'était encore que souverain de 
la Souabe, d'une partie de la Lotharingie et de la Bourgogne, ainsi 
que de l'Italie, quand il fut, en 884, couronné empereur, et ce ne fut 
pas son titre Impérial qui lui valut d'étendre son autorité sur le reste 
de la monarchie carolingienne. Guy et son fils Lambert, couronnés 
empereurs, le premier en 891, le second en 892, ne possédaient que 
l'Italie ; Arnulf qui, du vivant de Lambert, reçut en 896, du pape 
Formose, la couronne impériale, n'était à cette date maître que de la 
Germanie; seulement, son fils Zwentibold en Lotharingie, Eudes et 
Charles le Simple dans la France occidentale, Rodolphe h? en Bourgo- 
gne, Louis TAveugle en Provence, Bérenger I", le compétiteur de Guy 
et de Lambert, en Italie, reconnaissaient nominalement — sinon de 
tait — la suzeraineté d'Arnulf. Louis l'Aveugle, qui devint empereur 
en 901, joignait la Provence à l'Italie ; enfin, Bérenger I", qui se fit 
couronner empereur en 915, n'étendait pas son autorité au-delà des 
limites de Tltalle. 

(2) On peut ajouter que le titre d'empereur n'a conféré à la plupart 
des princes qui l'ont porté aucune autorité, aucune suprématie effec- 
tive ni sur les autres souverains de l'occident chrétien, ni même sur 
les rois qui partageaient avec eux les débris de la monarchie franque. 
Arnulf, il est vrai, nous l'avons dit à la note précédente, a joui d'une 
prééminence, plus nominale que réelle, à l'égard des reguli qui gou- 
vernaient les Etats nés du démembrement de l'empire carolingien ; 
encore doit-on faire observer que cette supériorité, il la possédait avant 
d'être empereur, et qu'il la devait à sa qualité de Carolingien. 



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186 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

tentèrent de se donner un souverain distinct de celui de 
l'Allemagne, ce qui prouve que, durant le premier quart 
du xi« siècle, on ne croyait pas encore que la possession 
de ritalie et de la couronne impériale fût l'apanage exclu- 
sif des rois germains (1). En 1002, Ardouin, marquis 
d'Ivrée, se fit proclamer roi d'Italie, et seule l'opposition 
d'une partie de ses compatriotes l'empêcha d'arriver à 
l'empire. Vingt-deux ans plus tard, après la mort de saint 
Henri, les Italiens olïrirent successivement la couronne à 
Robert le Pieux et à Guillaume V, duc d'Aquitaine, qui la 
refusèrent l'un et l'autre, tant pour eux-mêmes que pour 
leurs fils (2). Nul doute que si l'un de ces princes avait 
répondu à l'appel des évêques et des seigneurs transalpins, 
il eût poussé jusqu'à Rome pour s'y faire couronner 
empereur (3). Ainsi, à deux reprises, peu s'en est fallu que 



(1) C'est ce que reconnaît Bryce, Le Saint Empire romain germa' 
nique et l'Empire actuel d'Allemagne (traduction Do umergue), p. 192. 
Quand Waitz, D. VG., t. V, p. H9, dit : « Que l'empire appartint de 
droit au roi allemand, et à lui seul, il n'y avait alors là-dessus aucun 
doute », ceci n'est vrai que pour une époque postérieure à celle dont 
nous nous occupons; des deux sources, auxquelles Waitz renvoie à la 
n. 3 de la p. 119, les Ad Heinricum IV imperatorem libri Vil, de 
Benzo, et le Ligurinus, la première date du dernier quart du xi* siècle, 
et la seconde a été écrite au plus tôt sous le règne de Frédéric Bar- 
berousse. 

« A cette époque [antérieurement au règne d'Henri III], ajoute Waitz, 
aucun pape n'a songé à établir un autre empereur [c'est-à-dire un 
empereur autre que le roi d'Allemagne] ». L'assertion est exacte ; 
pourtant, si Ardouin avait été assez fort pour imposer son autorité aux 
évêques et aux seigneurs de l'Italie, et qu'il fût ensuite arrivé à Rome, le 
pape alors régnant aurait-il refusé de le couronner empereur ? Evidem- 
ment non. Il en aurait été de môme pour le fils de Guillaume le Grand, 
duc d'Aquitaine, au cas où ce prince eût franchi les Alpes et se fût 
fait reconnaître par les grands de la péninsule. 

(2) Voir ci-dessus, p. 149-152. 

(3) D'après une lettre écrite par Hildegaire, écolâtre de Poitiers, à 
l'évêque Fulbert de Chartres, les évoques et les seigneurs italiens 
offraient à Guillaume, pour son fils, la couronne royale d'Italie, et pro- 
mettaient en outre de faire leur possible pour que le jeune prince 
obtint la couronne impériale {Rec. H. Fr., t. X, p. 488-489.) 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 187 

la série des empereurs allemands ne fût interrompue (1). II 
n'y avait donc pas de raison pour que l'idée d'un empire ter- 
ritorial, comprenant, avec ritalie,ies États ou les provinces 
possédés au nord des Alpes par les souverains allemands, 
idée née peut-être dans le cerveau de quelques clercs épris 
du passé (2), eût pu prendre corps, se répandre et se faire 
universellement adopter. 

Toutefois, de ce que le Saint Empire-romain-germanique 
n'avait pas encore d'existence officielle au x« siècle, ni tout 

(1) Plus tard, au cours du xi* siècle, il y eut des tentatives faites par 
les Italiens ou par les papes pour enlever l'empire aux Franconiens. 
Ainsi, en 1037, les grands de l'Italie, mécontents de Conrad II, offrirent 
la couronne impériale au comte de Blois et de Troyes, Eudes II, qui 
disputait alors la Bourgogne à l'empereur (Annausta Saxo, 1037, 
Ann, Altahenses majores, 1037, 5S., t. VI, p. 680, t. XX, p. 792). 
Suivant Bennon, Gesta romanœ ecclesiœ, 1. II, c. 7 {Libelli de lite 
imperatorum et pontificum, t. II, p. 378), Benoit IV aurait envoyé la 
couronne impériale à Pierre, roi de Hongrie, et Léon du Mont-Cassin 
attribue à Etienne IX (X), le projet de couronner empereur son frère 
Godefroy le Barbu [Chronica monasterii Casinensis, 1. II, c. 97, SS., 
t. VII, p. 694). 

(2) Silvestre II et à son instigation Otton III rêvaient, semble-t-il, 
de ressusciter l'ancien empire romain dans sa constitution et dans son 
étendue. 

Il est curieux de voir que, suivant les circonstances et les besoins 
du moment, Gerbert donne aux mots u imperium romanum » tantôt 
un sens, tantôt un autre. Prenons la lettre dans laquelle il se justifie 
(984) auprès de Thierry I" de Metz des attaques qu'il a dirigées contre 
lui au nom de Charles de Basse-Lorraine (à supposer, ce qui n'est 
nullement certain, que libelle et apologie émanent de Gerbert); le 
« romanum imperium », dont le prélat est l'honneur, doit être identiOé 
avec les États soumis à l'autorité des Ottons. Par contre, en 988 (?), le 
même Gerbert, chargé par le roi de France, Hugues Capet, d'écrire aux 
empereurs grecs Basile II et Constantin VIII, désigne sous le nom 
d' « imperium romanum » l'empire byzantin. Enfin, quand en 997 
Gerbert adresse à Otton III son Libellus de rationali et ratione uti, il 
lui dit dans la préface : « nostrum, nostrum est romanum imperium» 
(Lettres de Gerbert, n"''33, 111 et II, p. 32, 10 et 237). Voilà donc Gerbert 
revenu à sa première opinion, qui lui paraîtra bientôt d'autant meil- 
leure qu'il montera dans la chaire de saint Pierre. On sait que pour le 
Sosie de Molière « le véritable Amphitryon est l'Amphytryon où l'on 
dîne. » De même, le pape Silvestre II ne pouvait manquer de regarder 
comme le véritable empire romain celui où il partageait la première 
place avec son ancien élève Otton lïl. 



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188 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

au début du xi^ (1), on aurait tort d'en rien conclure pour 
la situation où se trouvait alors la Lotharingie à Tégard de 
TAllemagne. En vue d'arriver à bien connaître, à déter- 
miner aussi exactement que possible cette situation, 
posons-nous les deux questions suivantes : la Lotharingie 
avait-elle conservé une chancellerie particulière, comme 
c'avait été le cas par exemple au temps de Louis l'Enfant 
et de Charles le Simple {2) ? Les princes saxons ou franco- 
niens se faisaient-ils couronner deux fois, d'abord comme 
souverains de l'Allemagne, puis en tant que rois de 
Lorraine ? 

Après bien des vicissitudes, que nous avons racontées 
ailleurs, le royaume de Lothaire II était tombé de 923 à 
925 au pouvoir du roi d'Allemagne Henri P'. L'archevêque 
de Trêves, Roger, qui avait été sous Charles le Simple, 
comme son prédécesseur Radbod, archichapelain (archi- 
chancelier) pour la Lotharingie (3), conserva jusqu'à sa 
mort cette dignité (4), qui fut donnée ensuite à Robert 
(931-956) (5). Pourtant, du vivant de Robert, on rencontre 
des diplômes concernant la Lorraine contresignés au nom 

(i) Bryce, Le Saint Empire, etc., p. 103-404, 133 et 187, fait d'Otton 
le Grand le créateur du Saint-Empire ; nous concédons à cet auteur 
qu'Otton a jeté les bases du nouvel imperium romanum, mais celui- 
ci, selon nous, n*a qu'au milieu du siècle suivant atteint son dévelop- 
pement complet et bien pris conscience de lui-même. L'imperiufn 
romanum, dont parlent Wipon, Gesta Chuo7iradi imperatnris, c. 1, 
p. 9-10, etVuiBERT, Vita s. Leonis /I, 1. I, c. 14 (Wattehich, i*on<î/lci*rn 
romanorum vilœ, 1. 1, p. 145) est déjà le Saint-Empire-romain ; seule- 
ment, avec ces deux auteurs nous atteignons et nous dépassons môme 
la fin de la première moitié du xi* siècle. Ajoutons que l'épithète de 
« saint » appliquée à l'empire romain ne date que du règne de Frédéric 
Barberousse (Bryce, op. cit. y p. 261, Kleinclausz, L'Empire carolin- 
gieriy p. 555 et n. 3.) 

{2, Voir notre Ro. L. C, p. 558 et n. 2, p. 597-599, et Mûhlbacher, 
Reg. Kar, {2" éd.), Vorbemerkungen, p. c-ci et cxiv-cxv. 

(3) Ro. I. C, p. 598-599. 

(4) SicKEL, DD. Sax., t. I, p. 37, Brksslau, Handbuch der Urkun- 
denlehre, t. I, p. 307, Parisot, Ro. L. G., p. 671. 

(5) SicKEL, op. cit., p. 37 et 81, Brbsslau, op. cit., p. 307. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 189 

de l'archevêque de Mayence, archichapelain ou archichan- 
celier du royaume d'Allemagne. Les successeurs de Robert 
n'héritèrent pas des droits qu'il avait exercés en qualité 
d'archichapelain. Si l'archevêque de Cologne, Brunon, 
posséda les fonctions d'archichapelain pour la Lotharingie^ 
dont il eut en outre comme duc l'administration (953 965), 
il y a pourtant durant cette période de nombreux actes 
relatifs à la Lorraine au bas desquels on lit le nom de l'ar- 
chevêque de Mayence Guillaume, fils naturel d'Otton l^^ (1). 
Après la mort de Brunon, les diplômes concernant la 
Lotharingie furent, aussi bien que ceux ayant trait à 
l'Allemagne, contresignés au lieu et place de l'archevêque 
de Mayence (2). Donc^ plus d'archichapelain (archichance- 
celier) particulier pour la Lorraine à partir de 965. 

L'ancien royaume de Lothaire II conserva t-il au moins 
le droit d'élire à part et de faire couronner par un de ses 
métropolitains le souverain qui la gouvernait en même 
temps que l'Allemagne ? Henri pr, qui d'ailleurs avait jugé 
inutile de se faire sacrer lors de son avènement, en 919 (3), 
ne paraît pas avoir légitimé sa prise de possession de la 
Lorraine par une cérémonie spéciale. Otton l^^, à la diffé- 
rence de son père, voulut être couronné; mais la solennité, 
qui eut pour théâtre Aix-la-Chapelle en Lorraine (4), visait 
— aussi bien que ce dernier pays — les territoires transrhé- 
nans. En ce qui concerne Otton II, il y eut bien deux élec- 
tions distinctes, l'une à Worms pour l'Allemagne, l'autre 
à Aix-la- Chapelle pour la Lorraine; seulement, on ne signale 
qu'un seul couronnement, qui eut lieu dans cette dernière 
ville (5). Élu à Vérone dans une assemblée où se rencon- 

(1) Sur les droits respectifs de Brunon et de Guillaume en tant qu'ar- 
chichapelains (archichanceliers) consulter Sickel, op. cit.^ p. 81-82, 
Bresslau, op, cit.^ p. 309-311. 

(2) Sickel, p. 82, Bresslau, p. 311. 

(3) Waitz, Jahrb. H. J, p. 39-40. 

(4) KôPKE et DûMMLER, A. 0. G., p. 26-41. 

(5) UuLiRz, Jahrb. 0. II, p. 4 et n. 5. 



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190 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

traient des prélats et des seigneurs lorrains, allemands et 
italiens, Otton III fut couronné quelques mois plus tard 
dans la ville de Charlemagne (i). Nous voyons Henri II 
successivement reconnu par les Franconiens et par une 
partie des Lorrains, par les Thuringiens, par les Saxons, 
par le reste des Lorrains et enfin par les Souabes ; mais il 
ne semble pas que ce prince, couronné à Mayence par 
Tarchevêque Wiligis, ait cru devoir faire renouveler la 
cérémonie à Aix-la-Chapelle (2). Enfin, les prélats et les 
seigneurs laïcs des deux Lorraines se rendirent en 1024 à 
Camba, pour la désignation du successeur d'Henri II, et si, 
en fin de compte, la plupart d'entre eux s'abstinrent de 
prendre partau vote, cefutuniquementparhostilité à regard 
deConrad l'Ancien. Celui-ci reçutà Mayencela couronne des 
mains de Tarchevôque de cette ville, Aribon, et, pas plus 
pour lui que pour son prédécesseur, il n'y eut à Aix-la- 
Chapelle un deuxième sacre (3). Ainsi, Ton constate par- 
fois une élection double ou même triple, mais jamais deux 
couronnements, Tun pour l'Allemagne, l'autre pour la 
Lotharingie. La cérémonie, qu'elle ait lieu à Mayence en 
territoire allemand, ou à Aix-la-Chapelle en Lorraine, 
vaut pour l'ensemble des contrées — cisrhénanes et trans- 
rhénanes — qui dépendaient des Ottoniens ou des Sa- 
liens(4). 

Dans ces conditions, il nous semble difficile de prétendre 
qu'au moment où Brunon divisa en deux duchés la Lotha- 

(1) Voir les textes à la n. 5 de la p. 59. 

(2) Pour l'avènement d'Henri II, se reporter à Hirsch, Jahrb. H. II, 
t. I, p. 215-216, 221-223, 228-229. 

(3) Voir plus haut, p. 145 et n. 1. 

(4) Outre l'élection et le sacre il y avait l'intronisation, c'est-à-dire 
Tinstallation solennelle du nouveau souverain sur le trône de Charlema- 
gne dans l'église d'Aix-la-Chapelle (Waitz, D, \G., t. VI, p. 206-207) ; 
et l'on procédait à cette cérémonie, alors môme que le roi avait déjà 
été, comme ce fut le cas d'Henri II et de Conrad II, sacrés dans une autre 
ville. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 191 

ringie celle ci constituait encore officiellement un royaume 
autonome. 

Est-ce à dire cependant que Ton doive considérer la 
Lorraine comme Téquivalent de la Souabe, de la Bavière 
ou de la Saxe ? Nous ne le croyons pas. Tout s'opposait du 
reste à ce que pareille assimilation fût faite. Le Rhin, à 
l'ouest duquel s'étendait la presque totalité de l'ancien 
royaume de Lothaire II, avait jadis formé la limite entre 
la Gaule et la Germanie, et le souvenir de cette ancienne 
distinction subsistait encore (1). Durant la période franque, 
les contrées riveraines de la Moselle et de la Meuse avaient 
été le noyau, le centre de TAustrasie mérovingienne, puis 
de l'empire carolingien ; plus tard elles avaient formé le 
royaume autonome de Lorraine ; c'était là justement que 
se trouvaient d'anciennes capitales. Trêves, Metz, Aix-la- 
Chapelle, qui rappelaient aux habitants du pays et l'indé- 
pendance dont leurs ancêtres avaient joui, et le haut degré 
de puissance auquel ils s'étaient élevés. La civilisation, 
beaucoup plus avancée sur la rive gauche du Rhin qu'à 
l'est du fleuve, créait encore des différences entre les deux 
contrées, que la langue parlée dans la Lorraine occiden- 
tale contribuait encore à séparer l'une de l'autre. 

D'autre part, il y a lieu de se demander de quelle façon, 
à l'intérieur de la Lorraine et au dehors, les gens du x^ et 
du xi^ siècles envisageaient les choses (2). Les Lorrains se 
regardaient-ils comme appartenant à la même nation que 
les Allemands ? Ceux-ci voyaient ils dans les Lorrains des 
compatriotes ? Pour les étrangers, les habitants de la rive 
gauche du Rhin ne formaient-ils avec ceux de la rive 
droite qu'un seul et même peuple ? En d'autres termes, 

(1) Nous citons plus loin des textes de Constantin (p. 194 et n 5.), 
de RiCRER (p. 199 et n. 4) et de Gerbert (p. 199, etn. 5), qui ne laissent 
à cet égard aucun doute. 

(2) En réalité, nous ne pouvons guère espérer connaître que l'opinion 
du clergé, puisque les documents qui nous sont parvenus de cette époque 
ont pour auteurs des gens d'Eglise. 



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192 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

aux yeux des Lorrains, des Allemands et des Français la 
Lorraine était-elle une simple province de TAllemagne ou 
formait elle au contraire un État autonome? 

S'il n'est pas facile de trouver dans les textes des x« et 
xi^ siècles une réponse à ces questions, il y a pourtant 
quelques remarques intéressantes à tirer deTexamen, soit 
des diplômes impériaux ou royaux délivrés à des églises 
et à des abbayes lorraines, soit des annales, des chroni- 
ques, des vies de saints ou des chartes écrites dans les 
contrées situées entre le Rhin, TEscaut et la Meuse. Les 
termes dont se servent les auteurs lorrains pour désigner 
le pays qu'ils habitent, le prince qui les gouverne, ou ceux 
de leurs évêques qui sont venus d'Outre-Rhin, ainsi que 
la manière dont sont datées les chartes, nous montreront 
que Tesprit particulariste a toujours animé de nombreux 
clercs ou moines de la Lotharingie, et que le souvenir de 
l'ancienne indépendance ne s'est point perdu parmi eux. 

Prenons tout d'abord les actes royaux ayant trait à la 
Lorraine : ils ne nous fournissent que bien peu de rensei- 
gnements, et de plus les indications qui s'y trouvent nous 
apprennent moins la manière de voir officielle de la 
chancellerie allemande que celle des destinataires lorrains 
de ces privilèges, qui en ont, semble-t-il, rédigé en grande 
partie le texte. C'est le cas du diplôme d'Otton h^ pour 
Saint-Pierre de Metz, où ce prince est qualifié de « rex 
Lotaringensium Francorum atque Germanorum » (i ). Deux 
actes du même souverain et un autre de son fils, en faveur 
de Gembloux, nous offrent les suscriptions suivantes : «Otto 
rex (imperator) Lothariensium et Francigenum (2) ». Si le 
premier de ces quatre documents, qui est d'ailleurs authen- 
tique, a eu probablement pour rédacteur un moine de 

(1) B. 0. 282, 0.' 240, DD. Sax., t. I, p. 289. L'acte est du 3 juin 960. 

(2) B. G. 141 et 153, St. 736 a, G.' 82 et 438, G." 187, DD. Sax., t. I, 
p. 161 et 591, t. H, p. 213. Ces diplômes sont datés respectivement du 
20 septembre 946, du 29 juin 9i7 et du 3 avril 979. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 193 

Metz, les trois autres sont des faux fabriqués à Gembloux 
même (1). D autre part, la mention du a regnum Lotharii » 
se rencontre dans la date d'un diplôme d'Otton II pour 
Saint- Vanne, et dans le dispositif d'un acte du même souve- 
rain pour Gorze (2) ; enfin, un privilège de Conrad II pour 
Bouxières nous fournit l'expression « regnum lotha- 
riense » (3). Mais nous ignorons si l'emploi de ces termes 
est imputable à la chancellerie allemande, ou aux abbayes 
lorraines qui lui ont fourni les notes nécessaires à la 
rédaction des diplômes dont nous venons de parler. 

Passons maintenant aux documents annalistiques ou 
diplomatiques qui ont été certainement rédigés en Lorraine, 
et oecupons-nous d'abord de ceux qui ont eu pour auteurs 
des clercs ou des moines de la Mosellane. 

L'archi diocèse de Trêves nous fournira peu de chose 
pour la période qui fait l'objet de notre étude. Si quelques- 
unes des chartes de Robert (930-956) sont datées des années 
d'Otton I®r « super regnum quondam Lotharii » (4), aucun 
archevêque après lui ne suivra son exemple. Il est vrai 
que Robert avait la dignité d'archichapelain pour la Lotha- 
ringie, dignité dont ses successeurs n'hériteront pas. 
Signalons encore une donation du comte Sigefroy l^^" de 
Luxembourg à Saint- Pierre de Trêves, ainsi datée: « anno 
vero domni Ottonis gloriosi régis XIX super regnum quon- 
dam Lotharii » (5). 

Enfin on remarque que plusieurs chartes, rédigées dans 

(1) Voir SiCKEL, DD. Sax., t. I, p. 289, 161, 591, t. II, p. 213. 

(2) St. 765 et 825, 0." 218 et 280, DD. Sax., t. II, p. 247 et 326. Le 
premier de ces deux documents est du 3 juin 983, le second du 26 
septembre 982. 

(3) St. 1965, Calmet, H. E. C. l., 1" éd., t. I, pr., col. 403, 2' éd. 
t. II, pr., col. CCLV. 

(4) En voici deux exemples : d'abord une charte de précaire, 
consentie par Robert en faveur d'Ada en 936, puis une donation faite à 
Guy par le même prélat le 29 février 952 [MR. UB,, t. I, n"" 173 et 193, 
p. 237 et 255). 

(5) Charte du 12 septembre 964 (If/Î'. UB., t. I, n- 2^, p. 279). 



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194 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

des abbayes de Tarchidiocèse de Trêves durant la période 
comprise entre le couronnement d'Otton II à Aix-la Chapelle 
et la mort de son père, indiquent les années de règne du 
jeune prince, ou seules (1), ou jointes à celles d'Otton I^ï" (2). 
11 y a là une manifestation d'esprit particulariste, que 
nous rencontrerons dans d'autres diocèses lorrains, une 
tendance à voir dans Otton II le roi propre de la Lotha- 
ringie. 

Bien plus intéressants pour la question qui nous occupe 
sont les témoignages que nous apportent les sources mes- 
sines. Dans les Miracula sancti Gorgonii, de Jean de Gorze, 
il est question d'un « dux Lotharii regni » (3) ; le biographe 
de cet abbé de Gorze, Jean de Saint-Arnoul, nous apprend 
que les moines réformés furent introduits à Gorze en 933 
par Adalbéron h^ cr obtinente partem Franciae regni quon- 
dam Lotharii Heinrico Germanorum rege » (4). Pour Cons- 
tantin, il y a opposition entre le « Lotharii regnum » et la 
Germanie (5K Les auteurs messins des Gesta episcoporum 
Mettensium et de la Chronica universalis Mettensis voient 
des rois de Lorraine dans Henri P^ et dans Otton I«f (6) ; 



(1) C'est le cas de la donation d'Uda à Salnt-Maximin, du 18 mai 963 : 
(( secundo anno régnante Ottone filio imperatoris Ottonis » (MB. UB.^ 
t. I, n» 212, p. 272). 

(2) Voir l'échange entre le comte Sigefroy et Saint-Maximin, du 17 
avril 963 : a anno. . . Ottonis régis et patris sui Caesaris principatum 
tenentis II », ainsi qu'une donation du comte Hermann à Saint-Martin 
de Munstermaifeld, du 10 juin 963 : « régnante Ottone regulo anno II 
ejusque pâtre imperium possidente féliciter » (MR. UB.^ t. I, n" 211 
et 213, p. 271 et 273). Ajoutons que Gozlin, frère de Frédéric I", est 
appelé (( miles quidam ex nobilissimis regni Ghlotarii ducens prosa- 
piam » dans la donation faite en 943 par sa veuve Uda à Saint-Maximin 
[MU. UB., t. I, n» 179, p. 241j. 

(3) Mir. s. Gorg., c. 20 [SS., t. IV, p. 2'f5). 

(4) V. Joh. Gorz., c. 43 (SS., t. IV, p. 349). 

(5) « Domnus Heinricus rex... tertio Ottoni... in tota Germania, 
quœ citra Hrenum est, et in Lotharii regno, quod cis Rhenum.est, 
successerat » (F. Adalberonis II, c. 15, S5., t. IV, p. 663). 

(6) SS., t. X, p. 542 et t. XXIV, p. 509-510. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 195 

enfin, diaprés le Chronicon sancti démentis Mettensis^ du 
xiiie siècle cependant, il y a toujours un roi de Lorraine, 
qui est en même temps empereur (1). Ce sont les années 
de règne du souverain allemand en Lorraine que Ton trouve 
comptées dans les chartes suivantes du diocèse de Metz : 
donationsducomteRambaudàSaint-Arnoul(16juin958)(2), 
d'Amédée à Gorze (2 juin 973) (3), de Benoît, abbé de Saint- 
Arnoul à Ripaud (24 novembre 986) (4), échange entre 
Tabbé de Gorze Immon et Gondeland (1006) (5). L'échange 
enire Bérard, abbé de Saint-Martin, et le comte Rambaud 
(24 février 965) (6), ainsi que la charte de Jean, abbé de 
Saint-Arnoul, en faveur des serfs de Morville-sur-Seille 
(16 août 967) (7), bien que rédigés du vivant d'Otton l^^, 
sont datés des années de règne d*Otton IL 

Dans le diocèse de Toul on ne relève qu'une seule charte 
où soient comptées les années de règne d'Otton II en Lor- 
raine ; elle émane de saint Gérard et concerne Tabbaye de 
Saint-Mansuy (7 juin 988) (8). Un autre acte du même 
prélat pour le prieuré de Salone (6 octobre 971), rendu 



(1) « Et reducto Aquisgrani impcrio, a regibus Lotharingise usque 
in liodicrnnm diem imperatum est Romae » (S5., t. XXIV, p. 497). 

i'2) « Régnante Ottone rege in regno Lotharii régis » (H. M., t. III, 
pr , p. 73). 

(3) a Anno primo Ottonis imperatoris junioris in regno Lotharii » 
{Cart. Gorze, Mett., t. II, n° ill, p. 205). 

<4) « Domno Ottone tertio imperatore in regno Lothariensi féliciter 
régnante » {Jahrb. G. l. G., 13* année, 1901, p. 228). 

i5) (( Imperante Lotharingis gloriosissimo rege Heinrico anno quarto 
rogni ejus » (Cart. Gorze, Mett., t. II, n° 122, p. 220). Ajoutons que 
l'échange conclu entre l'abbaye de Gorze et Amolbert est daté : a duca- 
tum administrante Hlotharii regni Deoderico » [Ihid., n« 117, p. 214). 

(6) (( Anno quarto regni domni Ottonis junioris gloriosi régis « [H. M., 
t. III, pr., p. 66, et aux pièces justificatives du présent travail, n» II). 

(71 « Anno imperii serenissimi augusti Ottonis VI, regni vero junioris 
incliti Ottonis régis VII » (H. M., t. III, p. 79). 

(8) « Régnante Ottone juniore Lothariensium rege anno (?) regni ejus » 
(Calmkt, h. E, C. I., 1" éd., t. I, pr., col. 393, 2« éd., t. Il, pr., col. 
CCXLIII). 

13 



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Qoo^(^ 



196 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

avant la mort d'Otton I'^^ est quand même daté des années 
de règne de son fils (1). 

A Verdun, le Continuateur de Bertaire et Laurent de Liège 
ont soin de dire à propos des évoques Wicfrid, Haymon 
et Thierry qu'ils sont des « Teutonici » (2), et le moine 
qui a rédigé le Chronicon sancti Michaelis place Berkem 
(Bergheim) « in Theutonica terra » (3). Si, chez Laurent 
de Liège, « natura )) est très certainement synonyme de 
(( patria », si par conséquent ce chroniqueur, en qualifiant 
Thierry de ((vir natura Teutonicus », veut dire quel'évêque 
était originaire de TAllemagne, par contre, nous ne savons 
pas au juste quel sens le Continuateur de Bertaire et Fau- 
teur du Chron. s. Michaelis donnent au mot k teutonicus » : 
désigne-t-il la nationalité ou la langue maternelle tant des 
prédécesseurs de Thierry cités plus haut que des habitants 
de Bergheim? Le moine de Saint-Vanne, auquel on doit 
la Vita sancti Ricardi, connaît encore le « Lothariense 
regnum » (4). Si nous passons aux chartes, nous consta- 
tons que celles de Tabbé Eudes de Saint-Mihiel, pour son 
monastère (972) (5), de Tévêque Haymon en faveur de Saint- 
Vanne (995) (6), de Hugues pour sa femme (1071) (7) portent 

(1) (( Régnante Ottone augusto et serenissimo imperatore, ejusque 
fîlio equivoco » (D« prima domo, p. dSo ; voir encore aux pièces justi- 
ficatives du présent travail, n° lll). 

(2) « Domnus Wicfridus episcopus de Bawariorum partibus, vir Teu- 
tonicus » ; (( .Ecclesia Virdunensis... pastorem... Haymonem meruit a 
Teutonica » (Continuateur de Behtaire, Gesta ep. Vird,, c. 3 et 7, SS.^ 
t. IV, p. 46 et 47). « Hic (ïtiierry) natura Teutonicus » (Laurent de 
Liège, Gesta ep. Vird., c. 1, SS., t, X, p. 491). 

(3) Chron. s. Mich., c. VII, p. 11. 

(4) C'est à la France que la V. Ricardi, c. 7, oppose la Lorraine 
(SS., t. XI, p. 283). 

(5) « Régnante Ottone imperatore in regno Lotharii » (de l'Isle, 
H. S. i/., p. 435). Une charte de Thierry pour Saint-Mihiel, du 25 
décembre 1005, porte à la date : « Theoderico Lothariensis regni ipsius 
duce » (Id., ibid., p. 446). 

(6) « In regno Lotharii régnante Ottone rege augusto » {Jahrb. G. L. G., 
lO'' année, 1898, p. 416). 

(7) « Régnante in Lotharingico regno rege Heinrico » [Jahrb. G. L. G., 
14° année, 1902, p. 83). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE l97 

respectivement les années de règne d'Otton l®/", d'Olton III 
el d'Henri IV dans le ((Lotharii(Lotharingicum)regnum ». 
Enfin, on a daté, non point du règne d*Otton le Grand, 
mais de celui de son fils, la charte de l'évoque Wicfrid pour 
Saint-Mihiel (25 février 966 ou 967) (1) el celle d'Amaury 
pour Saint Vanne (12 mai 967) (2). 

Venons maintenant à la Basse-Lorraine ; dans Tarchi- 
diocèse de Cologne et le diocèse d'Utrecht nous ne trouve- 
rons que bien peu de témoignages. La Vita Brunonis, de 
Roger, parle du « Lotharicum regnum » (3), la Vita Hein- 
rici II imperatoris, par Tévêque d'Utrecht Adalbold, du 
« regnum Lothariense » (4), mais sans opposer pourtant la 
Lorraine à la Germanie. 

Il en va autrement du diocèse de Liège. Sigebert de 
Gembloux, dans sa Chronographia, à Tannée 1096, distin- 
gue la Lorraine de la France, de la Bourgogne et de la 
Germanie (5) Au milieu du xii« siècle, Wibald, abbé de 
Stavelot, écrivant à Tarchevêque de Cologne Arnold II, lui 
dit : ((Inde est quod regnum Lotharingiœ vestrum est » (6). 
Dans deux échanges conclus par Tabbaye de Stavelot, l'un 
avec Saint-Martin de Metz (1033X, l'autre avec Saint- 
Maximin de Trêves (1035 [?]), Gozelon (I»') est qualifié de 
« dux Lothariensis (Lotharingensis) regni » (7). Une charte 
de la reineGerberge pour Saint-Remy de Reims, rédigée en 
Basse-Lorraine le 12 (10) février 968 (8), ainsi que trois 

(i) « Régnante Ottone rege, ûlio domini Ottonis imperatoris » (de 
L'IàLE, H. S, if., p. 443). 

(2) « Anno VII régnante Ottone rege » (Jahrb, G. L. G., iO année, 
4898, p. 4(fô). 

(3) Roger, V. Bmnonis, c. 24, 37, 46, cf. c. 21, p. fô,38, 47, 22. 

(4) V. Heinrici II, c. 5 et 12 (5.S., t. IV, p. 684 et 686). 

(5) SS., t. VI, p. 367. 

(6) WiBALD, Epistola 381 (Jaffé, Bibl. Rer. Germ., t. I, p. 512). 

(7) Calmet, h. ë. c. !.. 1" éd., t. I, pr., col. 415, 2« éd., t. II, pr., 
col. CCLXIX, MR. VB., t I, n° 306, p. 359. 

(8) « Anno tricesimo secundo régnante domino Ottone, inclyto impe- 
ratore... filio quoque ejus aequivoco régnante anoo septimo » {Rec. H, 
Fr., t. IX, p. 666). 



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198 LES ORIGINES DE LA HAUTELORKAINE 

chartes de Stavelot, datées respectivement du l*''^ novembre 
965 (966), du 17 mars 966 et du 13février 968 (i), indiquent 
à la fois les années d'empire d'Otton I^^ et les années de 
règne d'Otton II, qui n'était encore à cette date souverain 
que de nom. 

A Cambrai on sait distinguer la Lorraine de la Germanie, 
comme le prouvent et les Gesla episcoporum Cameracen- 
sium (2) et le Chronicon sancti Andrcœ (3). La Lorraine 
constitue pour l'auteur des Gesta un État autonome, dont le 
souverain, qu'élisent les princes du pays (4), est qualifié par 
lui de « rex Lothariensis » ou de « rex Lotha-Karlensium » (5) . 
il est même question dans un passage des Gesta du' 
(( Lotharingum imperium » (6). Deux chartes en faveur de 
l'abbaye cambrésiennedu Saint-Sépulcre, l'une de l'évoque 

(1) (( Anno domini et gloriosi Ottonis imperii V, regni vero XXXVIli 
(SIC), filio ejus Ottone régnante V » ; « imperante glorioso Ottone anno V, 
et filio ejus equivoco régnante anno simul V » ; « imperante domno 
Ottone anno VII, régnante lilio ejus equivoco et imperante anno VI » 
(RiTz, NR. UB., p. 44, 41 et 43). 

(2) « Theodericus (Thierry, évoque de Cambrai)... translatus est in 
Germaniam » ; « Berengarius (Bérenger, évoque de Cambrai), eu m in 
Germaniam profectus aliquamdiu moraretur.. » {Gesta ep. Camer.y I. I, 
c. 49 et 81, SS., t. VU, p. 418 et 431). 

(3) Hinc (il s'agit de l'assassinat de Charles le Bon, comte de Flandre) 
dolet Italia — totaque Sicilia, 

Duraque Germania — atque Lotharingia [Chron. s, Àndreœ, 1. III, c. 
3i, 5S., t. VII, p. 548). 

(4) « Principes Lothariensium Heinricum (Henri II) sibi legunt ad 
regni imperium » {Gesta ep. Camer., 1. 1, c. 114, SS., t. VII, p. 451). 

(5) « Et si ego Gerardus (Gérard, évêque de Cambrai) vocatus epis- 
copus, antequam reddatur filius, mortuus fuero, reddatur patri (il 
s'agit du châtelain de Cambrai, Gautier) servatis tandem conventioni- 
bus supradictis, et si régi Lothariensi talem securitatem fecerit unde 
sccurus esse possit » ; « Henricum regem Lotha-Karlensium adeunt 
Lietbertus... aliique archidiaconi » {Gesta ep. Catner.j 1. III, c. 43 et 
Continuatio, c. 3, SS., t. VII, p. 482 et 490). 

(6) Ut sui judicaverint 
fratres et coepiscopi 

Lotharingi imperii » (Serment des Camhrésiens à leur évêque 
Gaucher dans les Gesta Galcheri episcopi Cameracensis^ c. 18, strophe 
377 SS., t. XÏV, p. 200). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 199 

Liébert (1004), Tautre de son successeur Gérard 11 (1079), 
sont ainsi datées; « régnante Heinrico rege Lotharien 
sium » (1). 

On voit par ce rapide exposé, qui n'a nullement la pré- 
tention d'être complet, qu'à Metz, à Verdun, à Liège et à 
Cambrai le souvenir du royaume de Lorraine et Tesprit 
particulariste sont restés plus vivaces qu'à Trêves, à Toul, 
ainsi que dans deux sur trois des diocèses lorrains de la 
province ecclésiastique de Cologne. Exception faite pour 
l'évéché de Toul, ce sont les régions lotharingiennes de 
langue allemande qui ont, semble-t-il, perdu le plus vite 
le sentiment de leur ancienne indépendance. 

Quant aux sources allemandes du x^ et du xi^ siècles, il y 
a peu à en tirer pour connaître le point de vue transrhénan. 
L'auteur des Miracula sancti Oudalrici, Gérard, mentionne 
un certain « Luterius » du « regnum Lotharii » (2). et 
Thietmar parle également du « regnum Liutharicum » (3), 
sans quel'on voie du reste si, au jugement de ces deux écri- 
vains, la Lotharingie était un État distinct de l'Allemagne. 

Le chroniqueur rémois Richer ne confond jamais la 
Belgique et les Belges, entendez par ces mots la Lorraine 
et les Lorrains, avec la Germanie et les Germains (4). Pour 
Gerbert, dont la correspondance nous offre à plusieur*^ re- 
prises les mots « Lothariense(Lothariensium) regnum ))(5), 
nous pourrions renouveler l'observation que nous venons 
de faire à propos de Gérard et de Thietmar. Henri IV est 
qualifié de a rex Lotharingorum » par les Annalcfi s: (icr- 

(1) Gai. Christ., t. III, pr., col. 118 el Le Glay, Revue des opéra 
diplomatica de Mirœua^ p. 54). 

(2) Mirac. s. Oudalrici, c. 17 (SS., t. IV, p. 422). 

(3) Chronicon., 1. I, c. 23, 1. II, c. 23, 1. V, c. 19, p. H, 32 et 118. 

(4) Hialoriœ, 1. Il, c. 19, 86, 1. III, c. 1, 67, t)9, p. 49, 82, 87, 110 et 
123. 

(;•)) Lettres de Gerbert, n»' 31, 35, 57, a3, 138, V, p. 28, 34, 54, 61, 
124 et 242. Pourtant Gerbert distingue la Belgique, c'est-à-dire la Lor- 
raine, de la Germanie (n"^ 44 et 217, p. 42 et 229.1 



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200 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

mani minores (1), et Heuri V de « rex Lotharingiae » par 
Tauteur qui a donné à la Chronographia de Sigebert de 
Gembloux le supplément connu sous le nom d'Auctarium 
Laudunense (2). Plus tard, il est vrai, tandis que, dans cer- 
taines parties de la France, Ton continue de regarder la 
Lorraine comme un État autonome (3), ailleurs on voit en 
elle une province de TAllemagne, du « regnum teutoni- 
cum ». Nous avons déjà signalé une chronique angevine, 
les Gesta Ambaziensium dominorum, qui traite les Lorrains 
d'Allemands (4), et nous pourrions citer bien d'autres 
exemples de cette confusion entre les habitants de la rive 
gauche du Rhin et ceux de la rive droite (5). 

En résumé, durant les x® et xi® siècles, la Lotharingie, 
aux yeux des habitants de la moitié occidentale du pays, 
forme toujours un État distinct de l'Allemagne (6). Au 
contraire, la Lotharingie orientale, celle de langue alle- 
mande, paraît avoir assez rapidement oublié son ancienne 
indépendance. Nous ne trouvons pas de preuves qu'à Test 
du Rhin on ait considéré la Lotharingie et l'Allemagne 

(1) ss.,t IV, p. 4. 

(2) SS., t. VI, p. 445. 

(3) Dans le nord, un moine de Saint-Bertin, auteur de la Flandria 
generosa s'exprime ainsi : « Scaldis namque lluvius a fonte suo usque 
ad mare discernit regnum Lothariense a comitatu Flandriae, qui est de 
regno Franciae... Rex Lothariensis (Henri III), qui caesar et imperator 
augustus etc. » (FI. gen., c. 10, SS,y t. IX, p. 320.). 

(4) Voir ci-dessus, p. 133 et n. 2-4. 

(5) Remarquons pourtant que les mots « regnum Teutonicum » 
prennent parfois un sens très étendu et qu'Us peuvent désigner, avec 
l'Allemagne proprement dite et la Lorraine, certaines parties de 
l'Italie ; on lit par exemple dans une continuation française de Sigebert 
DE Gembloux, à l'année 1198 : « Post mortem Heinrici imperatoris... 
optimates regni Theutonici, de rege substituendo diffidentes, Suavi, 
Baioarii, Alemanni, Apulienses vel Sicilienses Philippum elegerunt ; 
Saxones aulem et Lotharingi Othonem in regem sublimaverunt » 
(SiGEBERTi Continuatio Aquicinctina^ SS.^ t. VI, p. 434). 

(6) Waitz, D. VG., t. V, p. 172 et t. VI, p. 206, reconnaît que la 
Lorraine — et le grand érudit ne distingue pas les territoires de langue 
romane de ceux où l'on parlait l'allemand — se considérait comme un 
royaume autonome. 



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ET SA PREMIÈUK MAISON DLCALE 201 

comme deux États différents, unis par la personne du sou- 
verain. Enfin, pour les chroniqueurs français du x® et du 
XI*' siècles, la Lotharingie semble toujours constituer un 
royaume autonome ; plus tard, la manière de voir variera 
d'une province à Tautre. 

APPENDICE II 
La mère de Frédéric I". 

Dans son Wicman II (1), M. Depoin a soutenu que le 
duc Frédéric l^^ avait pour mère Amalrade et pour frère 
utérin Thierry I^^, évêque de Metz (2). Le c. I du 1. III de 
nos Origines^ où nous nous occupons de la famille de 
Frédéric, était déjà imprimé quand on nous a commu- 
niqué le travail de M. Depoin : nous sommes donc forcé 
de rechercher dans un appendice si vraiment cet auteur 
était fondé à faire d'Amalrade la mère du premier duc de 
Mosellane. 

L'hypothèse que nous examinons s'appuie sur le pas- 
sage suivant de Sigebert de Gembloux : « Deoderico Me- 
tensi episcopo defuncto, successit ei Adalbero fratruelis 
ejus » (3). Traduisant « fratruelis » par « fils d'un frère », 
M. Depoin voit dans Adalbéron II le neveu de son prédé- 
cesseur. Frédéric V^ serait donc le frère de l'évêque de 
Metz; mais il était déjà, nous le savons, celui d'Adalbé- 
ron V^: comment expliquer cette double fraternité, étant 
donné que les parents de Thierry s'appelaient Eberhard 
et Amalrade, ceux d'Adalbéron Voiry et Cunégonde ? 
Voici la solution que M. Depoin propose de donner au 

(1) Le titre complet du travail de M. Depoin est Wicmait 11^ comte 
du Hamaland, hieni'aiteur de Saint-Pierre de Gand au I* niècie. Il 
a paru au t. II des Annales dn XX* congrèa de la fédération archéolo- 
gique et historique de Belgique^ p. 315-351. 

(2) Op. cit., p. 329-331. 

(3) Chronographia {SS., t. Vï, p. 358). 



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202 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

problème : après avoir perdu Cunégonde, Voiry prit pour 
seconde ou pour troisième femme Amalrade, qui, devenue 
veuve, se remaria d'abord avec le comte de Verdun 
Ricuin, puis avec Eberhard : Frédéric naquit de la pre- 
mière union d'Amalrade, Thierry de la troisième (1). 

La phrase que cite notre contradicteur se trouve en 
effet dans Sigebert de Gembloux; par malheur pour 
M. Depoin, elle s'applique à Tannée 1046, et, dans les 
prélats messins qu'elle mentionne, nous devons voir non 
point Thierry I^»* (2), ni Adalbaron II, mais t)ien Thierry II 
et Adalbéron III ; ce dernier, fils du comte Frédéric, était 
effectivement le neveu de son prédécesseur (3). 

Nous pourrions nous en tenir là, et ne pas discuter plus 
longuement l'hypothèse de M. Depoin : ne s'effondre -t-elle 
pas d'elle-même, privée qu'elle est de la seule base solide 
— au moins en apparence — sur laquelle l'avait échafau- 
dée son auteur (4) ? 

(1) Wicman 11 {Annales, etc., t. II, p. 329-330). 

(2) M. Vanderkindere, B. F. T. P. B., t. Il, p. 425, qualifie par inad- 
vertance Adalbéron III de neveu de Thierry I" : serait-ce là l'origine 
de l'erreur qu'a commise M. Depoin ? 

(3) M. Vanderkindere, U. F. T. P. B., t. Il, p. 231-232, fait de Fré- 
déric un comte de l'Ardenne septentrionale. Le père d'Adalbéron III 
s'appelant Frédéric, comme celui d'Adalbéron II, on comprend mieux 
encore la confusion où est tombé l'auteur de Wicman IL Sur le 
comte Frédéric voir encore du Chesnk, Histoire de la maison de 
Luxembourg, p. 10, 13, 18, Bertholet, Histoire du duché de Luxem- 
bourg, t. III, p. 37-39,46-47,94-95, etc. 

(4) M. Depoin croit qu'au x* siècle (c germanus » avait le sens do 
« frère de père », et ({ue Frédéric se disant (en réalité c'est un diplôme 
d'Otton I" qui le qualifie ainsi) a gormanus » d'Adalbéron V% le duc 
et l'évoque avaient le même père, mais non la même mère. Seulement, 
trois lignes plus loin, M, Depoin relève dans la Vita Johannis Gor- 
ziensis l'expression « germani de matre », qui nous parait détruire 
son assertion précédente. Le texte de la V. J. G. indique plutôt, à 
notre avis, que pour l'auteur de cette biographie « germanus » avait 
le sens général de « frère ». Du reste, au x'^ siècle, on ne se piquait ni 
de précision, ni de propriété dans le choix des termes. 

Un vers de l'épitaphe composée par Gerbert pour Frédéric fournit 
à M. Depoin un autre argument en faveur de son hypothèse : « Quem 
(Frédéric) proavi fudere duces a sanguine regum ». « Si, dit M. Depoin, 



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ET SA PREMIÈRE MAISOiN DUCALE 203 

Ajoutons pourtant que l'assertion de M. Depoin avait 
contre elle un passage de la Vita Johannis Gorziensis, où 
il est dit d'Adalbéron 1©^ : (( Ob rei familiaris inopiam, qua 
secundis matris nuptiis laborabat, etc. » (i). Comme 
Adalbéron l^r avait certainement pour mère Gunégonde ('2;, 
c'était bien celle-ci — et non une autre — qui avait épousé 
en secondes noces le comte de Verdun. La V. Johannis 
Gorziensis ne se trompait donc pas, quand elle qualifiait 
Ricuin de vitricus d'Adalbéron (!«') (^31, 

Ainsi, en fin de compte, M. Depoin devra reconnaître 
que ses devanciers avaient raison de dire que Frédéric I"^'' 
était fils de Cunégonde (4). 

Et naturellement tombent, en même temps que l'hypo- 
thèse principale de notre contradicteur, toutes celles qu'il 
y avait rattachées ou qu'il avait cru pouvoir en tirer. 
Nous en rappellerons une, car elle concernait Avoie, mère 
de la duchesse Béatrice. Du moment que, selon M. Depoin, 
Frédéric était fils d'Amalrade, il devenait le neveu de la 
reine Mathilde, le cousin-germain d'Avoie, l'oncle à la 
mode de Bretagne de Béatrice; mais l'Eglise interdisait les 

Frédéric eût été fils de Cunégonde, il aurait eu un « proavus rex », 
ce que Gerbert n'aurait pas manqué de relever de préférence. » Voilà 
qui nous semble bien subtil. Déclarer que Frédéric a des rois parmi 
ses « proavi », ou que les ducs ses ancêtres sont issus du sang des 
rois, n'est-ce pas dire exactement la même chose ? 

(1) V. Jo/i. Gorz., c. 40 {SS., t. IV, p. 348). 

(2) Voir ci-dessus, p. 7 et n. 2. 

(3) V, Joh. Gorz., c. 107 (SS., t. IV, p. 367). 

(4) M. L. WiLLEMS, qui a fait au Congrès de Gand {Annales, etc., 
t. I", p. 290-298), en ce qui concerne la Basse-Lorraine, la critique du 
travail de M. Depoin, a cru devoir à la fin (p. 297-298) louer l'auteur 
de Wicman II des « conclusions intéressantes » qu'il avait présentées 
dans la « partie vraiment neuve de son étude », celle qui était consa- 
crée à la Haute-Lorraine : d'après lui, M. Depoin « s'est servi de textes, 
qui n'ont été utilisés ni par M. Vanderkindere, ni par M. Parisot ». Le 
passage de Sigebert de Gembloux est probablement l'un de ces textes 
que notre regretté collègue et nous -même avions laissés de côté. Au 
surplus, nous rechercherons ailleurs dans quelle mesure sont fondés 
les éloges que M. Willkms a un peu légèrement décernés à M. Depoin. 



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Qoo^(^ 



^4 LKS ORKilNES DE LA HAtTE LOUHAINE 

mariages entre parents aussi proches. Puisqu'elle n'avait 
élevé aucune objection contre Tunion de Frédéric et de 
Béatrice, M. Depoin en cx)ncluait que le duc et sa femme 
n'étaient pas cousins; au lieu d'être fille de Mathilde, 
Avoie aurait eu pour mère Hatheburge, concubine plutôt 
qu'épouse légitime d'Henri l'^'. Elle n'était donc à aucun 
degré parente des enfants d'Amalrade (i). M. Depoin 
n'ayant pas apporté de preuve directe à l'appui de cette 
deuxième hypothèse, qu'il n'a formulée que pour rendre 
plus vraisemblable celle qui concernait la mère de Fré 
déric, nous avons le droit de la rejeter, sans qu'il soit 
nécessaire de la soumettre à un examen en règle. 

APPENDICE III 

Enfants et second mari faussement attribués 
à la duchesse Béatrice. 

Les questions traitées dans cet appendice sont étroite- 
ment liées l'une à l'autre : tout d'abord, c'est la même 
source qui mentionne les faits dont nous allons parler, 
et, de plus, ces faits présentent entre eux une connexion 
étroite 

Suivant les Acta Murensia (2), il faudrait allonger de 
deux noms la liste des enfants de Frédéric I^^ et de Béa- 
trice, et y ranger Werner (Garnier), évéque de Strasbourg 
(1001 [?j-1028 |?])(3), ainsi qu'lta (Ida), femme de Bade- 

(1) Wicman II {Annales, etc., t. II, p. 332). 

(2) Les Acta Murensia ont été en dernier lieu publiés par le père 
Martin Kiem dans le tome III des Qiiellen zur schweizer Geschichte ; 
c'est à cette édition que nous renvoyons toujours. 

(3) Ni la date de la consécration de Werner ni celle de sa mort ne 
sont exactement connues. Werner, successeur d'Alewich (f 3 février 
iOOl), a été nommé évêque par Otton III (f 23 janvier 1002) ; d'autre 
part, l'on sait bien que le prélat a fini ses jours un 28 octobre, mais 
est-ce en 1027, en 1028 ou en 1029 ? L'hésitation est permise, les 
sources indiquant soit l'une, soit l'autre de ces trois années; Hauck 
croit pouvoir se prononcer pour 1028 {KG. D., t. III, p. 990). 



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rr SA PHEMIÈKE MAISON DUCALE 205 

boto (Radbod), comte de Klettgau (I). D'après les Acta en 
effet, le duc Thierry de (Haute-) Lorraine aurait été le 
frère de Werner et d*Ita; en outre, le même document 
donne à Ita comme frère utérin Chuono de Rheinfelden(2), 
dont le fils, Rodolphe, fut de 1077 à 1080 opposé à Henri IV 
en Allemagne par le parti grégorien. Chuono serait donc 
né d*un second mariage de Béatrice. D'autre part, la 
(ienealogia jointe aux Acta fait de Chuono un frère de 
Thierry et d'ita (3), mais sans ajouter s'il est issu des 
mêmes parents qu'eux, ou s'il a eu simplement la même 
mère. 

Les Acta Murensia ont déjà été l'objet de nombreux tra- 
vaux, et l'on peut supposer que la liste s'en allongera 
encore par la suite. Quel est l'auteur des Acta, de quelle 
façon ont-ils été rédigés, quel degré de confiance méritent- 
ils, telles sont les questions sur lesquelles les érudits 
n'arrivent pas à s'entendre. Tandis que les uns con- 
sidèrent les Acta comme une source des plus sus- 
pectes (4), d'autres croient pouvoir accorder à leur témoi- 
gnage une grande valeur, et voient en eux l'une des plus 
précieuses histoires monastiques des xi® et xii® siècles qui 

(1) C'est Radeboto qui a construit le château de Habsbourg. 

(2) « Idem vero Radeboto, cum sibi congruum visu m est ut uxorem 
duceret, accepit de partibus Lotharingorum uxorom nomine Itam, 

sororem Theodrici ducis ac Wernharii Argentin» civitatis episcopi 

Atque ad hoc comitem Chuono, fratrem suum (d'Ida) de matre, pa- 
trem autem Ruodolli régis elegerunt (les paysans de Mûri) » (Acta 
Murenna, p. 19). 

(3) « Theodericus dux Lotharingorum et Chuono cornes de Rinfelden 
fratres fuerunt. Ilorum soror Ita comitissa de Habspurg reperatrix 
[sic] hujus Murensis cenobii. 

« Genuit autem Theodricus Gerhardum ducem : Ille vero genuit 
Gerhardum de Egisheim patrem Uodeirici et Stephani [sic] » [Acta 
Murensia, p. 3). 

(4) Nous pensons surtout à Th. von Liebenau, Die Anfdnge des 
Uauses Habsburg [Jahrbuch des heraldischgenealogischen Vereins 
Adler in Wien, 9' année, 1882, p. 127-134), qui a rejeté au xiv* siècle 
la rédaction des Acta Murensia et vu dans cette chronique une sorte 
de pamphlet contre les Ilabsbourgs. 



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206 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

nous soient parvenues (1). A cette dernière catégorie 
appartiennent MM. H. Hirsch (2) et H. Steinacker (3), qui 
tout récemment se sont occupés des Acta Murensia. L'un 
et l'autre sont d'anciens élèves de l'Institut historique 
autrichien : c'est dire que leurs travaux présentent les 
qualités scientifiques qui caractérisent les études sorties 
de l'Ecole des chartes viennoise. 

Malgré des divergences assez sérieuses en ce qui 
concerne et la rédaction des Acta, et l'époque ou les motifs 
de la fabrication de la fausse charte mise sous le nom 
de l'évêque Werner, tous deux s'accordent à reconnaître 
que les Acta sont un document historique des plus 
sérieux (4). Sous leur forme actuelle, les Acta auraient été 
composés vers le milieu du xii« siècle par un moine ou 
plutôt par un abbé de Mûri (5). Seulement, tandis que. 
d'après Hirsch, l'auteur ancmyme des Acta aurait utilisé 
— pour la partie historique de ce document — quelques 
notes écrites (d'ailleurs en petit nombre), ainsi que des 
chartes et des traditions orales (6), Steinacker croit qu'il 
s'est contenté de reproduire, en le remaniant, un travail 
antérieur, écrit vers 1119 (7). Les deux savants autrichiens 



(1) C'est le cas du père Martin Kiem qui, tout en plaçant au xiir siècle 
la rédaciion dctinitive des Acta^ croyait que l'auteur de celle-ci avait 
eu sous les yeux un premier travail écrit cent ans plus tôt {op. cit., 
p. 167 et suiv., et Enlgegnung auf die Anfunge des Hauses Habsburg 
von Th. von Liebenau, parue dans le Jahrbuc/i der Iz. k. Gesellschaft 
Adlei\ W année, 1884, p. 3 et suiv.). Liebenau devait riposter par 
l'article Zur frage ilbeî- die Auf ange des Hauses Habsburg (Jahrb. 
d. k. k. G. A., 12" année, 1885, p. 110-111), où il maintient à rencontre 
de Kiem ses premières affirmations. 

(2) Die « Acta Murensia » und die àltesten Urkunden das Klosters 
Mûri [Miith. I. Œ. GF., t. XXV, 1904, p. 209-274 et 414-454). 

(3) Zur Herkunft des Hanses Habsburg (Zjt. G. OR., N. F., t. XIX, 
p. 181-244, p. 367-433). 

(4) Voir en particulier Hihsch, p. 441-442, et Steinacker, p. 386. 

(5) Hirsch, p. 220-240 et p. 443-446, Steinacker, p. 367-378. 

(6) Die (( Acta Murensia » etc., p. 245-2ii6. 

(7) Zur Herkunft etc., p. 369-378. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 207 

attribuent à TAnonyme la G enealogia dont nous avons déjà 
parlé; mais, Hirsch dit simplement que le moine — ou 
Tabbé — de Mûri a dû se servir des Acta (1) ; Steinacker, 
précisant davantage, affirmequeTauteur a eu pour uniques 
données celles que lui fournissait la source reproduite par 
lui dans la première partie des Acta (2j. 

A l'égard de la fausse charte de Tévéque de Strasbourg, 
Hirsch et Steinacker ont des opinions encore plus diffé- 
rentes. Pour le premier, c'est au début du xii® siècle, 
peut-être vers 1106-1108, peut-être plus tard, que la pièce 
a été fabriquée à Taide d'une bulle de saint Léon IX et de 
quelques autres documents ; le faussaire travaillait dans 
Tintérôt de la famille de Tavoué, et voulait en même temps 
contrecarrer la réforme monastique (3). 

Par contre, Steinacker place un peu avant 1086 la 
confection du faux, dont Tauteur aurait eu pour unique 
modèle la bulle de saint Léon IX. La pièce aurait été 
fabriquée après entente entre les moines de Mûri et le 
comte Werner I<^r de Habsbourg, dans le but de faire 
échec aux- prétentions des comtes de Lenzbourg sur 
Pavouerie de Mûri (4). 

Hirsch ne s'est pas préoccupé des indications généalo- 
giques fournies par les Acta (5); mais Steinacker, qui 
avait à examiner d'une façon toute spéciale les origines 
de la maison de Habsbourg, a recherché dans quelle 
mesure étaient exactes les données des Acta concernant 
l'évêque Werner, Ita et le second mariage de Béatrice. Et, 
chose surprenante de la part d'un érudit de cette valeur. 



(1) Die « Acta Murensia », p. 242-244. 

(2) Zur Berkunft, p. 387-389. 

(3) Die « Acta Murensia w, p. 422-441. 

(4) Ziir Herkunft, p. 395-418. 

(5) Il fait de l'évêque Werner un Habsbourg, non pas le frère, mais 
l'oncle paternel de Radeboto {Die « Acta Murensia », p. 450-451). 



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â08 LES OUIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

il s'est prononcé dans un sens favorable aux Acta Muren- 
sia il). 

Notre intention n'est pas d'intervenir ici dans le débat 
auquel a donné lieu le mode de rédaction, soit des Acta 
eux-mêmes, soit de la charte de Werner. Toutefois, à 
propos de ce dernier document, nous croyons devoir for- 
muler une objection contre la théorie de Steinacker. Cet 
auteur prétend, nous venons de le dire, que le comte 
Werner I^'* de Habsbourg et les moines de Mûri se sont 
concertés pour fabriquer le faux (2). Mais M. Steinacker 
nous paraît oublier que Werner I^^ était le propre fils 
d'ita et de Radeboto : comment le comte de Habsbourg 
aurait-il admis sans protestation une supercherie qui, à 
ses yeux, devait avoir le double tort : 

1» D'enlever à ses parents, pour le reporter sur un de 
ses oncles, Thonneur d'avoir fondé Mûri ? 

2'^ De faire entrer iudûment l'évêque Werner dans la 
maison de Habsbourg ? 

(1) Zur llerkunft, p. 386-395. Avant Steinacker, si tous les «^rudits 
avaient rejeté les données des Acta relatives à Werner et fait de 
l'évoque de Strasbourg un Habsbourg, ils avaient par contre, à l'excep- 
tion de LiEBENAU, admis qu'Ita était fille de Frédéric I" et de Béatrice, 
et que cette dernière avait eu Chuono d'un second mariage. Citons 
en particulier Egcard, Origines habsburgicœ, p. 77, Gfrôrer, Papst 
Gregor VU, t. I, p. 320, Gruxd, Die Wahl Rudolfs von Rheinfeldea 
zum Gegenkonig, p. 3-4, Kiem, Dan Kloster Mûri (Quellen zur schireizer 
Geschichte, t. III, 3* fascicule, p. 6, n. 3 et p. 10, n. a) et Entgrgnung 
auf Die Anfànge des Hmises Ilabsburg (Jahrb. d. k. k. G. Adler, 
H' année, 1884, p. 8), Schulte, Geschichte der Habsburger in den 
ersten drei Jalirhunderteriy p. 138, Gisi, Der Ursprung der Hintser 
Zàhringen und Habsburg (Anzeiger fur schweizerische Geschichte, 
N. F., t. V, 1888, p. 272-275 et 288), Krûgeu, Zur Herkunft der Habs^^ 
èwrgfer, Tableau généalogique (Jahrbuch fit r schweizerische Geschichte, 
t. XIll, 1888), Redlich, Rudolf von Habsburg, p. 8, et Tableau généa- 
logique, p. 766. 

Comme nous le disions plus haut, Liebbnau est le seul érudit mo- 
derne qui se refuse à voir dans Ita une flUe de Frédéric I" et do 
BédiTÏce {Die Anfànge des Uauses Habsburg, et Zur Frage iiber div 
Anfànge des Hanses Habsburg, dans le Jahrb. des heraldischgenea- 
togisclien Vcreihs Ailler tn Wien [plus tard k. k. Gesellschaft Adlet\ 
9" annéo, 1882, p. 124, et 12' année. [HK), p ftm-HOi. 

(2) Zur Herkunft, p. 409-411. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 209 

Voilà ce que nous ne parvenons pas à comprendre. 
Supposons que Werner l^^ et les moines de Mûri aient été 
animés des intentions que leur prête Steinacker, ils 
auraient obtenu le résultat désiré d'une façon beaucoup 
plus naturelle et beaucoup plus simple, en mettant le faux 
sous les noms^lta et de Radeboto : quel besoin de subs- 
tituer révêque Werner à sa sœur et à son beau-frère ? 

De toute évidence, Tauteur du faux a eu ses motifs — 
que nous ignorons — pour mettre Werner en avant ; mais 
ces motifs n'existaient pas, croyons-nous, en 1083-1086, 
pour les moines de Mûri, ni surtout pour le comte Werner. 
L'hypothèse — à l'aide de laquelle Steinacker prétend 
expliquer la date et les raisons de la fabrication de la 
charte apocryphe — nous parait donc difficilement accep- 
table. C'est à une autre époque que la pièce a dû être 
fabriquée, et, dans tous les cas, nous rejetons comme 
improbable Tintervention ou la connivence des comtes de 
Habsbourg. 

Accordons pourtant à notre contradicteur que l'évêque 
Werner est bien le frère d'Ita, et que la maison de Habs- 
bourg n'a pas le droit de le revendiquer. Serons nous par 
là-même obligé de l'introduire, ainsi qu'Ita, dans la pre- 
mière dynastie ducale de la Haute-Lorraine? En aucune 
façon. Werner etlta,à supposer que la comtesse soit la 
sœur de l'évêque, peuvent fort bien être étrangers à l'une 
aussi bien qu'à l'autre des deux maisons mises en cause. 

Nous ferons remarquer tout d'abord que la Gencalogia 
a commis une grosse erreur, en faisant de Gérard d'Alsace 
un fils de Thierry f^, de la maison de Bar(l). M. Steinacker 
a bien senti que c'était là une arme redoutable entre les 
mains de se:^ contradicteurs, et il a essayé de la leur 
arracher. A l'en croire, l'auteur de la Gencalogia aurait 
simplement mal interprété les données fournies par la 

(1) Acta Murensia^ p. 3. 



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210 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORUAINE 

source ancienne qu'il utilisait pour les Acta : il ne fau- 
drait pas chercher une autre raison de Terreur dont il 
s'est rendu coupable (1). Quoi que vaille cette explication, 
il n'en subsiste pas moins que la Genealogia s'est gros- 
sièrement trompée en donnant Thierry I^r comme père à 
Gérard d'Alsace : n'est-on pas alors en droil de soupçon- 
ner d'inexactitude d'autres renseignements, généalogiques 
ou biographiques, qui par eux mêmes n'otïrent aucune 
vraisemblance ? Justement, c'est le cas de ceux qui ont 
trait à l'évoque Werner, à Ita et à Béatrice elle-même. 

Nous allons à présent rechercher s'il est possible : 

l*' Que Werner et Ita soient les enfants de Frédéric I''* et 
de Béatrice ; 

2^^ Que Béatrice, une fois sortie de la prison où son fils 
Thierry l'avait renfermée, se soit retirée en Alsace ; 

3« Que la veuve de Frédéric l^^ ail contracté en Alsace 
un second mariage. 

1° Et d'abord, comment se fait il que les noms de 
Werner et d'Ita aient été complètement oubliés dans la 
Haute-Lorraine ? Comment les chroniqueurs de cette pro- 
vince n'en ont-ils conservé aucun souvenir ? Steinacker ne 
répond pas directement à cette objection (2) ; il se contente 
de dire qu'en ce qui concerne Werner et Ita, plus jeunes 
que Thierry et qu'Adalbéron, on ne doit rien conclure du 
fait qu'aucune source ne les donne d'une façon expresse 
comme enfants à Frédéric et à Béatrice. Antérieurement à 
978, ajoute-t-il, nous ne savons des autres enfants de 
Béatrice rien que les noms, et ce sont deux chartes conser- 
vées par hasard qui nous les font connaître ; après 972, il 
n'est plus question d'eux jusqu'au moment où ils commen- 
cent à jouer un rôle historique (3). — D'accord, mais en 

(1) Ziir Herkunfl, p. 388-391. 

(2) Déjà LiEBENAU ravait formulée dans les articles que nous avons 
cités plus haut, p. 208, n. 1. 

(3j Zur Berkunft, p. 394. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 211 

dehors des chartes de Saint-Mihiel de 962 et de 972, il y 
a de nombreux documents qui nous apprennent que 
Thierry pr et Adalbéron II avaient pour parents Frédéric 
et Béatrice (1) ; rien de pareil, ni pour Tévêque de Stras- 
bourg, ni pour ïta. 

Le silence des sources lorraines à Tégard de ces deux 
personnages nous paraît d'autant moins explicable qu'ils 
arrivèrent à une haute situation dans un pays voisin de 
la Mosellane. Werner en particulier, qui monta sur le 
siège de Strasbourg, devint le collègue de son prétendu 
frère Adalbéron II, évoque de Metz (2) ; comment le bio- 
graphe de ce dernier prélat aurait-il ignoré la parenté 
d'Adalbéron et de Werner, comment n'en aurait-il rien 
dit? 

M. Steinacker, d'autre pari, ne nous explique pas pour- 
quoi Frédéric et Béatrice auraient appelé deux de leurs 
enfants Werner et Ita, et c'eût été cependant bien néces- 
saire. Ni le hasard ni la mode ne déterminaient au 
X® siècle le choix des noms que l'on donnait aux membres 
des grandes familles. S'il n'y avait pas de règle fixe, 
absolue (3), il existait tout au moins des usages dont on ne 

(1) Se reporter aux notes 2 et 3 de la p. 27. 

(2) C'est en dOOl ou tout au début de 1002, nous Tavons dit plus haut 
(p. 20i, n. 3), que Werner fut promu à l'évéché de Strasbourg, et 
Adalbéron II ne mourut que le 14 décembre 1005 (n. i de la p. 115). 

(3) Dans un des chapitres de son remarquable travail, intitulé Die 
genealogische Verwendting de?' Vornamen fZur Herkunft, p. 195-204), 
Steinacker s'élève contre la prétendue loi de la transmission hérédi- 
taire de certains noms dans les grande familles, loi qu'ont formulée 
quelques historiens, et eu vertu de laquelle ils ont dressé des arbres 
généalogiques fantaisistes. Nous accordons à M. Steinacker que, dans 
une région donnée, il y a eu des personnages de même nom apparte- 
nant à des familles différentes, étrangères les unes aux autres ou 
simplement apparentées par les femmes ; de ce qu'un seigneur porte 
un certain nom l'on n'a pas le droit de conclure qu'il se rattache à une 
maison de la môme province où ce nom est fréquent. Les observations 
de M. Steinacker nous semblent donc renfermer une grande part de 
vérité ; mais n'est-il pas lui-même allé trop loin en combattant les 
excès imprudents de quelques généalogistes ? 

14 



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212 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORHAIXE 

s'écartait guère ; ud enfant recevait le nom qu'avait porté 
ou que portait soit Tun de ses ascendants, soit l'un de ses 
proches, soit encore un grand personnage, qui avait été 
pris comme parrain. Prenons par exemple la famille 
ducale de Haute-Lorraine, nous verrons qu'elle se montre 
fidèle à cette coutume. Comment s'appellent les trois fils 
que Ton peut avec certitude attribuer à Frédéric et à 
Béatrice ? Henri, Adalbéron et Thierry : le premier a reçu 
lenomdeson arrière grand père, le roi d'Allemagne, le 
second celui de son oncle, l'évêque de Metz, le dernier, 
celui de son cousin l'évêque Thierry I^r (1). 

Il en sera de même pour les enfants de Thierry et de 
Richilde : Frédéric II a le nom de son grand-père, Adal- 
béron celui de son oncle ; quant à la fille, Adèle ou 
Adélaïde, on peut supposer qu'elle avait eu pour marraine 
l'impératrice Adélaïde, seconde femme d'Otton I^r (2). 
Frédéric II avait appelé son fils Frédéric, Tune de ses 
filles Béatrice en souvenir de sa grand'mère, l'autre Sophie ; 
ce dernier nom était celui d'une fille d'Otton II, qui fut 
abbesse de Gandersheim (3). 

Si encore l'un des deux personnages que M. Steinacker 
veut donner comme enfants à Frédéric P^ et à Béatrice 
portait un nom que l'on retrouvât soit chez les ancêtres, soit 
chez les alliés du premier duc de Haute-Lorraine ou de sa 
femme, l'on pourrait concevoir quelques doutes, hésitera 
rejeter le témoignage des Acta Murensia. xMais, ni dans la 
famille de Frédéric, ni dans celle de Béatrice il n'y a pas 
plus de Werner (Garnier) que d'Ita. Force nous est donc 

(1) Il est du moins permis de le conjecturer. 

(2) A moins que le nom d'Adélaïde ne fût celui de la mère ou de la 
grand'mère de Richildo. 

(3) Sophio était à la fois cousine de Frédéric II et de Mathilde : de 
Frédcric II, puisque son grand-père Otton I" avait pour sœur Avoie. 
bisaïeule du dernier duc de Ilaule-Lorraine de la maison de Bar : — 
de Mathilde enfin, petite-fille de Conrad le Pacifique, dont Sophie était 
la petite -nièce par sa grand-mère, l'impératrice Adélaïde. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DLCALE :213 

d'exclure Tévêque de Strasbourg et la comtesse de Klettgau 
(.Habsbourg) de la première maison ducale de Mosellane(l). 

2» Béatrice est-elle réellement partie pour TAlsace après 
avoir recouvré sa liberté ? Aucune source ne le dit, et le 
fait n'a par lui-même aucune vraisemblance. Pourquoi 
Béatrice aurait-elle choisi TAlsace comme lieu de refuge ? 
On ne se l'explique pas : rien en définitive ne l'attirait 
dans cette province. Nous admettons qu'à la suite des 
violences dont Thierry s'était rendu coupable à son 
égard (2) le séjour de la Haute Lorraine lui fût devenu 
insupportable (3). Mais, si elle voulait absolument s'éloi- 
gner de son fils, c'était à la France qu'elle devait demander 
un asile, puisqu'elle était originaire de ce pays, et que, de 
plus, son frère Hugues Gapet venait d'y être élu roi (4). 
Autant le retour de la duchesse en France nous semblerait 
chose naturelle, autant nous trouverions extraordinaire 
qu'elle eut cherché un refuge en Alsace. Il eût fallu que 
M. Steinacker nous fit connaître les motifs qui avaient 
déterminé Béatrice à venir dans la vallée de l'Ill. 

S'il est invraisemblable que Béatrice ait choisi l'Alsace 
comme lieu de retraite, il l'est par conséquent que Werner 
et Ita soient ses enfants, car l'élévation de l'un sur le siège 
épiscopal de Strasbourg et le mariage de la seconde avec 

(1) Nous allons bientôt produire un autre t.rgument en faveur de 
notre opinion. 

(2) M. Steinacker {op. cit., p. 393) parle en outre de la politique 
personnelle que Thierry aurait adoptée en 987, en opposition avec celle 
que sa mère avait suivie, et il cite à l'appui de son dire la lutte engagée 
par le jeune duc avec son oncle Hugues Capet. Cette dernière assertion 
de Steinacker repose sur une simple hypothèse ; notre contradicteur 
songe évidemment à l'attaque dirigée par Thierry contre Stenay ; mais 
nous ignorons (voir ci-dessus, p. 94 et 95) le véritable caractère de 
cette agression, et d'ailleurs il est à peu près impossible que Stenay 
ait appartenu au premier roi Capétien. 

(3) Steinacker, p. 394. 

(4) Béatrice aurait encore pu aller retrouver Adélaïde ou Théophano. 
« la cour d'Allemagne et celle de France lui étaient également 
ouvertes », déclare M. Steinacker, p. 394 ; l'observation est très juste, 
seulement ni l'une ni l'autre cour ne résidaient en Alsace. 



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214 LES OIUGINES DE LA HALTE-LORUAINE 

le comte Radeboto donnent lieu de supposer qu'ils étaient 
nés en Alsace, ou tout au moins qu'ils étaient venus s'y 
fixer de bonne heure. Nous avons ainsi un nouveau motif 
de n'admettre ni Werner, ni sa sœur à figurer dans la pre- 
mière maison ducale de la Haute-Lorraine. 

3^ D'un autre côté, du moment que Béatrice n'est pas 
allée s'établir entre les Vosges et le Rhin, il faut rejeter du 
domaine des faits réels le second mariage que, d'après les 
Acta Murensia, elle aurait contracté avec un seigneur alsa- 
cien ou plutôt bourguignon. 

Au surplus, cette seconde union n'offre en elle-même 
aucune vraisemblance. Elle ne s'accorde guère avec l'âge 
probable de la duchesse. Fiaqcée en 951 à Frédéric, Béatrice 
n'épousa le comte de Metz que trois ans plus tard (1) : on 
avait sans doute attendu qu'elle eût atteint l'âge nubile. 
Béatrice avait donc, en 954, 14 ou 15 ans (2), ce qui nous 
permet de placer sa naissance en 939 ou en 940. A quelle 
époque avait eu lieu l'internement de la duchesse ? En 987 
au plus tôt, et encore, n'avons-nous pas la certitude que 
l'événement soit de cette année (3). Nous ne savons pas 
davantage combien de temps Thierry a maintenu sa mère en 
prison, ni à quel moment Béatrice a quitté la Mosellane (4). 

(!) Se reporter à ce que nous avons dit, p. 21 et 24-26. 

(2) Steinacker, p. 392, croit qu'eUe pouvait n'avoir que de 12 à 13 ans. 
Il nous paraît plus vraisemblable d'admettre que Béatrice était en 954 
déjà formée, ce qui lui suppose de 14 à 15 ans. A propos de l'âge de 
Béatrice, relevons une hypothèse erronée de M. Steinacker. 11 suppose 
à tort, p. 392, qu'Adalbéron et Henri pourraient bien être nés d'un 
premier mariage de Frédéric. Les chartes de Saint-Mihiel de 962 
et de 972, que M. Steinacker (p. 392, n. 1) déclare d'ailleurs n'avoir 
pu consulter, font expressément d'Henri et d'Adalbéron des fils de 
Béatrice (voir ci-dessus, p. 27, n. 1 et 2), et d'autres documents viennent 
appuyer leur témoignage. 

(3) Le silence qui se fait sur Béatrice à partir du milieu de 987 parait 
à Stfjna^cki-r, p. 393, la preuve que l'emprisonnement de la duchesse 
doit se placer dans le courant de cette année. 

(4) M. Steinacker, p. 394, dit simplement que Béatrice quitta la 
Mosellane, lorsqu'elle sortit de prison, mais ne fait aucune hypothèse 
sur la durée qu'aurait eue son internement. 



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ET SA PHEMIKÏIE MAISON DICALE 215 

fille n'aurait donc pu arriver en Alsace que postérieure- 
ment à 987 ; mais alors elle avait au moins 47 ou 48 ans (1 ). 
Cen'est plus Tâge de se remarier, et cette récidive est encore 
moins vraisemblable pour Béatrice que pour une autre 
femme. Ambitieuse, passionnée pour le pouvoir, la mère 
de Thierry n'était pas de ces quadragénaires romanesques 
et sentimentales capables, même sur le retour, de faire 
encore des folies (2). Si, au moins, le second époux qu'on 
lui attribue avait pu lui offrir une situation égale ou supé- 
rieure à celle qu'elle avait eue jadis ! Mais c'est bien tout le 
contraire. Imagine-t-on Béatrice, fille de Hugues le Grand, 
petite-fille du roi de France Robert, du roi d'Allemagne 
Henri l^^, veuve d'un duc de Mosellane, consentant à se 
remarier avec un comte obscur, dont le nom n'est pas 
même parvenu jusqu'à nous ? Pour notre part nous refu- 
serons de l'admettre, tant que l'on ne nous en aura pas 
fourni des preuves péremptoires. 

La fécondité tardive de Béatrice ne nous trouve pas 
moins sceptique que les secondes noces qu'elle est censée 
avoir contractées. A 48 ans la duchesse aurait encore été 
mère ? Nous avons peine à le croire. 

On voit donc combien peu de vraisemblance offrent les 
dires des Acta Miirensia, concernant Werner, Ita et le 
second mariage de Béatrice. 

Mais d'où provient l'erreur commise par les .4cm ? Nous 
ne pouvons à cet égard faire que des hypothèses. Il n'y a 
d'ailleurs pas lieu de s'étonner que l'anonyme de Mûri, qui 
vivait au xii© siècle, ait été mal renseigné sur les origines 
de Werner, d'Ita et de Chuono. Ne constate-ton pas que 

(1) M. Steinacker, p. 393, lui donne en 987 47 ans au plus. 

(% Nous pensons à Eadgyfu (Ogivo), veuve de Charles le Simple, qui 
en 951 épousa en secondes noces Herbert lll de Vermandois (Lai;kk, Le 
règne de Louis IV, p. 220 et n. 1). Cette princesse, à la différence de 
Béatrice, était uçie personne insignifiante, qui n'a joué aucun rôle poli- 
tique. 



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216 LES ORIOINKS DE LA HAUTELORRAINE 

la fienealogia, qui a été rédigée par l'auteur même des Acta^ 
se trompe en rattachant la maison d'Alsace à celle de Bar, 
en faisant de Gérard un fils de Thierry I®' ? 

En définitive, nous croyons que ni Werner ni la com- 
tesse Ita ne sont les enfants de Frédéric I®^ et de Béatrice, 
que Béatrice, une fois rendue à la liberté, n'a pas cherché 
asile en Alsace, qu'enfin elle ne s'est pas remariée avec un 
seigneur bourguignon. 

Au reste, nous convenons de notre ignorance en ce qui 
concerne la retraite de Béatrice après sa sortie de prison, 
et nous nous gardons bien de soutenir que Werner soit un 
Habsbourg. Disons simplement que le prélat appartenait, 
ainsi qu'Ita, à une maison comtale qui nous est inconnue. 
N'y a-t-il pas beaucoup d'autres personnages de la période 
médiévale qui se trouvent dans le même cas, et dont on ne 
parviendra jamais à déterminer la famille? 

Seulement, il peut se faire que la mère de Werner et de 
Béatrice ait été originaire de la Haute-Lorraine, et qu'elle 
se soit nommée Béatrice : on s'expliquerait ainsi l'erreur 
des Acta Murensia ou de la source à laquelle a puisé l'au- 
teur de cette chronique. 

APPENDICE IV 

L'échange conclu le 24 février 965 entre Bérard, abbé de 
Saint-Martin de Metz, et Rambaud, comte du pagus Mortisna^ 
est-il un faux ? 

Nous avons précédemment (1) admis comme exactes les 
données de la charte qui relate un échange conclu entre le 
comte Rambaud etBérard,abbéde Saint Martin de Metz (2). * 
Il nous faut revenir sur ce document, qui présente des 
particularités curieuses, et qui, authentique pour le fonds, 
est un faux quant à la forme. 

(1) Voir le préc. vol. Mém. S. A. £., p. 2i-2 et 395-396. 

(2) Rambaud abandonnait à Saint-Martin ce qn'il possédait à (£u- 
trange (Lorraine, Thionville, Cattenom). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 217 

L'original, ou, pour mieux dire, le pseudo-original de 
réchange se trouve aux Archives de Meurthe-et-Moselle (1). 
Il suffit d'y jeter un coup d'oeil rapide pourvoir qu'on n'est 
pas en présence d'une charte du x« siècle. 

Le parchemin sur lequel l'acte a été écrit nous en four- 
nit une première preuve, avec sa couleur d'un jaune brun 
assez foncé, avec sa hauteur (0,535) plus grande que sa 
largeur (varie de 0,373 à 0,362) enfin avec son réglage à la 
mine de plomb; d'habitude, au contraire, pour les chartes 
lorraines du milieu du x® siècle, on s'est servi de parche- 
mins assez blancs, plus larges que haut, et réglés à la 
pointe sèche; l'encre nous paraît également plus foncée 
que celle dont on faisait usage à la même époque. 

D'une façon générale, l'écriture de l'acte n'est pas celle 
du x^ siècle (2) ; toutefois, à cet égard, il y a lieu de distin- 
guer les différentes parties de l'échange. 

Nous constatons d'abord que deux lignes, la première 
et l'avant-dernière, celle où se trouvent les souscriptions 
du roi et du chancelier, sont écrites en caractères allongés, 
hauts de 0,007 à 0,010 et tels, ou à peu près, que les tra- 
çaient les scribes de la chancellerie d'Otton I^r ; pourtant, 
ils sont un peu plus gros, le moine auquel est dû le docu- 
ment ayant appuyé sur son calamus plus qu'on ne le faisait 
d'ordinaire au x^ siècle, et nous avons l'impression que 
ces lettres sont l'œuvre de quelqu'un qui s'appliquait — 
avec plus ou moins de bonheur — à reproduire un modèle; 
il y a dans cette imitation de la lourdeur et quelque gau- 
cherie. 

Le corps même de l'acte, les souscriptions, rangées sur 
cinq colonnes, enfin la dernière ligne, qui contient une 

(1) Série G., fonds Saint-Martin de Metz, n" 548. Comment le savant 
archiviste de la Lorraine, M. Wolfram, a-t-il pu dire à M. Ottenthal 
que le pseudo-original ne se trouvait plus actuellement ni à Metz, ni 
à Nancy {Reg. sàchs., n° 148, p. 75) ? 

(2) Oa consultera le fac-similé joint au présent appendice. 



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218 LES ORIGINES DE LA HAUTE LORRALNE 

deuxième formule de date, sont écrits en caractères qui 
présentent entre eux, à côté de quelques différences, une 
ressemblance assez marquée. Les lettres de ces parties de 
réchange ne rappellent nullement celles qu'employaient 
vers Tan 950 les scribes lorrains. Nous ne possédons 
aucune des chartes écrites à Saint-Martin durant les x« et 
XI® siècles, mais il existe aux Archives de Meurthe-et- 
Moselle Foriginal d'une donation faite en 958 à Saint- 
Arnoul par le même comte Rambaud (1) ; en le plaçant à 
côté du pseudo-original que nous étudions, on voit tout de 
suite combien diffèrent Tune de l'autre les deux écritures. 
Celle du pseudo-original se distingue par la hauteur (0,003) 
et surtout par la largeur (0,001) des jambages ; ici encore 
on constate que le scribe avait la main plutôt lourde. Les 
lettres a, c, rf, e, /", o, r, 5, t présentent non les formes 
habituelles du x^ siècle, mais bien celles de la fin du xi« 
ou du commencement du xii®: pas de hastes élancées 
finissant en pointe ; les /"et les s se terminent vers le haut 
par des boucles telles qu'en traçaient les scribes lorrains 
aux temps des ducs Thierry II, Simon l^^ et Mathieu I^'; 
il en est de même de plusieurs majuscules, et notamment 
du fl, de l'E, du Q et de YS. 

Si nous prenons ensuite les lignes où sont rangés en 
cinq colonnes les noms des témoins, nous retrouvons des 
lettres de même forme, mais plus petites (0,0025 au lieu 
de 0,0030), et avec des pleins moins larges ; plusieurs 
majuscules et les petites lettres a, c et rf sont tracées comme 
les caractères similaires du x® siècle, et l'on peut faire la 
même remarque pour les lettres de la deuxième formule 
de date (dernière ligne du document). 

Enfin, si le chrismon placé en haut et à gauche de l'acte 
a bien les apparences d'une contrefaçon, le monogramme 
d'Otton \^^ ressemble à ceux que l'on voit sur les diplômes 
authentiques de ce prince. 

(1) Série E., fonds Morville-sur-Seille, n* 107. Voir le fac-similé. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 219 

Par conséquent, de Texamen des signes extrinsèques de 
la charte qui nous occupe nous avons le droit de con- 
clure : 

1^ Que le pseudo-original date de la fin du xi« siècle ou 
de la première moitié du xii'^ ; 

2^ Que le scribe qui Ta écrit avait sous les yeux des 
documents du x^ siècle, et en particulier un diplôme royal 
d'Otton P>- ; 

3** Que dans certaines parties (mots de la première ligne, 
monogramme, souscription du roi eirccognitio du chance- 
lier), on constate un effort visible pour reproduire la forme 
des caractères dont se servait au x* siècle la chancellerie 
allemande ; 

¥ Qu'ailleurs (énumération des témoins et deuxième 
formule de date) le scribe qui a écrit le pseudo-original, 
tout en se servant d'une charte privée du x* siècle, ne s'est 
pas astreint le plus souvent à en imiter les lettres. 

Considérons à présent les formules de l'acte, nous n'y 
remarquons rien de suspect, et cela qu'il s'agisse de 
l'échange lui-même ou de la confirmation royale (1). Après 
l'indication des témoins se trouve, nous l'avons dit, la 
souscription d'Otton I«^ et la rccognitio d'un fonctionnaire 
de la chancellerie de ce prince : l'une et l'autre sont cor- 
rectes. Brun n'est autre que Brunon, le frère cadet du 
souverain allemand, le futur archevêque-duc ; depuis 940 
jusqu'à son élévation sur le siège métropolitain de Cologne, 
il dirigea la chancellerie d'Otton (2). Dans Robert il faut 
voir l'archevêque de Trêves, archichapelain pour la Lotha- 
ringie, au nom duquel ont été contresignés de nombreux 

(1) C'est ce que fait justement observer Ottenthal (Reg. sdchs., n* 148, 
p. 75), qui repousse la qualification de u faux des plus grossiers » 
appliquée par Stumpf-Brentano, Die Wirzburger Immunitaten, t. I, 
p. 27 et n.39 (cf. p. 30, n. 5i), à notre document. 

(2) Voir SicKEL, DD. Sax., t. I, p. 81-82, Bresslau, Handbuch der 
Vrkundenlehre, 1. 1, p. 310. 



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220 LES OHIGINES DE LA HAUTE-LORRALNE 

diplômes d'Otton I^^ concernant ce royaume (1). Enfin, la 
formule de date par laquelle se termine le document est 
empruntée, elle aussi, à un diplôme royal ; toutefois, elle 
est incomplète de rindication de lieu. 

Si nous examinons enfin le fonds même de Tacte, nous 
n'y relevons rien qui soit de nature à le rendre suspect. 
Bérard nous est connu par une autre charte de Saint- 
Martin, où on rappelle Gérard dans la suscription et 
Bertard dans la souscription ; Tacte est de 945 ou de 960 (2). 
Quant à Rambaud, comte du pagus Mortisna, il a été ques- 
tion de lui à diverses reprises ; nous le voyons figurer 
dans plusieurs documents du x© siècle, faire en 957 une 
donation à Gorze et Tannée suivante une autre donation à 
Saint-Arnoul (3). 

Six des moines de Saint-Martin dont les noms figurent 
nu bas de l'échange conclu par Bérard avec Rambaud ont 
souscrit la charte de 960 (945) dont nous venons de parler. 
Ces six personnages, Froinus (Eromus), Frédéric, Lant- 
bert, Fredulfe, Adelramne, Amard ou Ainard, qui sont 
qualifiés de prêtres dans notre document, ne portent au 
contraire aucun titre dans l'acte de 960 (945), sauf pour 
tant Fredulfe, qui est traité de prévôt, alors qu'en 965 cette 
charge était occupée par Amard (Ainard). Nous ne savons 
rien des autres témoins ecclésiastiques, dont les noms 
sont énumérés dans l'échange que nous éludions. 

Quant aux témoins laïcs, il est facile d'en identifier 

(1) Consulter Sickel, op. cit.^ p. 81, et Bresslau, op. cit.^ p. 307-311 
rt 319. 

(2) MM. Halkin et Roland ont adopté cette dernière date {Recueil 
fies chartes de Stavelot-Malmèdy, t. I, n" 78, p. 177). Grâce à l'obli- 
<;eance de notre éminent collègue M. Pirknnf, nous avons eu commu- 
nication de quelques-unes des bonnes feuilles de cet ouvrage, qui ne se 
trouve pas encore en librairie au moment où nous écrivons. 

(3) Se- reporter au préc. vol. Méin. S. À. /.., p. 253-253 et 293. Les 
chartes de Rambaud se trouvent, celle do Gorze dans le Cartidaire de 
Gorze f}fetteïma, t. Il, n» 108, p. 194}, et celle de Saint-Arnoul 
dans 17/. iW., t. Ill, pr., p. 71. 



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ET SA PREMIERE MAISON DUCALE 241 

plusieurs (1). Sans parler de Frédéric, qui n'est autre que 
le premier duc de Mosellane, du comte Sigefroy, dans 
lequel il faut voir le comte de Luxembourg, nous rencon- 
trons parmi eux Odacer, comte du p. Saroensis^ Richard, 
comte d'une partie du p. Metlensis, Thiébert, comte du 
p. Dextrensis, deux comtes Renard, dont l'un est sans 
aucun doute celui du Scarponnois. Le comte Hugues de 
notre document doit-il être identifié avec le comte Udo de 
la charte de 960 (945)? Nous ne le pensons pas. Par contre, 
les comtes Thierry, Auger, Robert, Wioland, Etienne et 
Boson ne nous sont pas connus ; il est cependant possible 
que Robert ne fasse qu'un avec un personnage du môme 
nom qui figure parmi les assesseurs de Frédéric, lors du 
procès d'Aquin avec Tabbaye de Gorze; on trouve aussi 
un Thierry et un Auger conune témoins de la dona- 
tion faite par la comtesse Hildegonde à Saint-Pierre 
d'Amel. 

Cependant l'acte offre certaines particularités, certaines 
anomalies, qu'il importe d'examiner. L'une d'elles ne 
nous arrêtera pas longtemps. Dans l'échange de 965 la 
femme de Rambaud s'appelle Frédelinde, tandis que les 
donations faites à Gorze (957) et à Saint-Arnoul (958) 
donnent à l'épouse du comte le nom de Bertrude. Toute- 
fois, de 957 958 à 965 Rambaud avait eu le temps de perdre 
Bertrude et de se remarier avec Frédelinde. On ne peut 
donc de ce chef formuler aucune objection sérieuse contre 
l'authenticité de notre document. 

Mais voici une contradiction apparente entre deux des 
indications fournies par l'échange lui-même. D'une part, 
en effet, il est dit dans le dispositif que l'échange a été 
conclu avec l'approbation de \ empereur Otton, et d'autre 
part la pièce est datée de la 4<^ année du règne du roi 



(1) On se reportera aux notes qui accompagnent le texte de notre 
charte (Pièces justificatives, n» II). 



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222 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE 

Otton le Jeune. La contradiction, toutefois, est plus appa- 
rente que réelle. Si le fils d*Olton I®^ et d'Adélaïde avait 
été reconnu roi et sacré à Aix-la Chapelle le 26 mai 961, si 
pendant Tabsence de son père, qui séjourna plusieurs 
années en Italie, il exerça nominalement le pouvoir royal 
sous la direction de son oncle Brunon et de son demi-frère 
Guillaume, archevêque de Mayence (1), Otton n'en conser- 
vait pas moins la haute main sur les affaires de TÉtat (2) , 
son approbation avait une valeur plus grande encore que 
celle de son héritier présomptif, à peine âgé de dix ans en 
965. Pourquoi donc l'échange de Bérard et de Rambaud 
donne-t-il les années de règne du jeune souv/iirain ? Pour- 
quoi d'autres chartes lorraines sont-elles datées de la même 
façon ? Nous voyous là une manifestation de l'esprit parti- 
culariste qui persistait sur4a rive gauche du khin, où l'on 
considérait le pays comme constituant un État à part, 
distinct de l'Allemagne. Otton le Jeune, sacré à Aix-la- 
Chapelle, dans la Lotharingie, apparaissait aux yeux des 
habitants de ce royaume comme leur souverain propre (3). 
Il est par contre plus difficile d'expiiquer la présence, 
après rénumération des témoins, de la souscription du 
roi Otton I^^^, de la recognitio de Brunon, enfin d'une 
deuxième formule de date. Assurément, les exemples ne 
manquent pas de chartes privées confirmées par le souve- 
rain ; la chancellerie royale — ou impériale — y transcri- 
vait les formules à l'aide desquelles elle authentiquait et 
datait ses propres diplômes. Seulement, ce qui rend sin- 
gulière et suspecte l'addition que porte la transaction 



(1) Voir KupKE et Dûmmler, K. 0. G., p. 322-323, Uhlirz, Jahrb. 
0.", p. 5. C'est à Guillaume que l'enfant-rol fut confié. 

(2) Uhlirz, op cit., ibid., fait observer que, môme quand il s'agissait 
de questions peu importantes, Otton II ou plutôt ses conseillers deman- 
daient, avant de prendre une décision, l'avis de l'empereur. 

(3) Voir l'Appendice I : La Lotharingie formait-elle encore en 959 un 
royaume autonome, distinct de l'Allemagne? 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 223 

intervenue entre Rambaud et Bérard, c'est cfue l'échange 
lui-même est de 965 et la confirmation royale de 947 ! 

Voici comment nous croyons pouvoir résoudre le pro- 
blème (1). Le pseudo-original, nous Tavons dit plus haut, 
date de la fin du xi* siècle ou de la première moitié du xii% 
et le moine qui Ta écrit s'est servi pour modèles d'un 
diplôme royal et d'une charte privée ; il a fait un amal- 
game de ces deux documents (2), sans remarquer que 
leurs dates ne concordaient pas et qu'il faisait confirmer 
en 947 par Otton le Grand un échange conclu dix-huit 
ans plus tard ! Il a d'ailleurs copié fidèlement, sans faire 
d'additions ni de modifications, les actes qu'il avait sous 
les yeux ; la contradiction que nous avons relevée entre 
les dates est la preuve de la bonne foi *— relative — du 
moine qui a fabriqué notre pseudo-original. 

Quel était le diplôme d'Otton I«r que notre faussaire a 
utilisé pour la circonstance ? Concernait-il Saint-Martin 
de Metz? On peut le supposer. Avait-il trait à l'échange? 
Nous ne le pensons pas, le document qui nous est parvenu 
ne se présentant pas comme la répétition d'un acte anté- 
térieur (3). 

(1) OïTFNTHAL, Re(j. sûchs., p. 75, explique cette anomalie par un de 
ces renouvellements de chartes, comme il s'en produisait assez fré- 
quemment en Lorraine. Mais les places qu'occupent les deux formules 
de dates ne ne us permettent pas de nous rallier à l'opinion du savant 
professeur de l'Université de Vienne. 

(2) ^i Ottenthal avait vu le pseudo-original,il n'aurait sans doute pas 
rejeté bien loin, ainsi qu'il l'a fait (Heg. sàcks., p. 75), l'hypothèse 
d'une juxtaposition de deux documents différents. 

(3) La charte de 960 (945) parle d'un prœceptum^ c'est-à dire d'un 
diplôme, que les moines de Saint-Martin avaient obtenu d'Otton I", 
pour contraindre les habitants d'un village voisin de Cologne 
(MM. Halkin et Roland supposent avec raison qu'il s'agit de VValdorf) 
à s'acquitter vis-à-vis d'eux de leurs obligations. Ne serait-ce pas de 
ce prœceptum^ conservé dans les archives de l'abbaye, que le faus- 
saire du XII' siècle aurait tiré le protocole final qui termine le pseudo- 
original de l'échange conclu par Bérard avec le comte Rambaud ? 
Toutefois, une difficulté se présente ici. La charte qui énumère les 



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224 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRALNE 

Il nous faiît enfin chercher la solution d'un double pro- 
blème : à quelle époque et pour quels motifs les moines de 
Saint-Martin ont-ils refait la charte d'échange, en imitant à 
la première ligne récriture de la première ligne d'un pri 
vilège délivré par la chancellerie d'Otton V% et en repro- 
duisant à la fin le protocole final de ce même diplôme? 
Nous allons présenter une hypothèse, une simple hypo- 
thèse, l'histoire de Saint-Martin de Metz ne nous étant pas 
sufïïsamment connue pour que nous soyons en mesure 
de donner une réponse certaine aux deux questions 
posées. 

Le premier document original authentique concernant 
Saint-Martin qui nous soit parvenu est une charte d'Albé- 
ron (Adalbéron) de Montreuil, archevêque de Trêves 
(1131-1152), charte où il est justement question d'CEutrange 
et des difficultés qu'Henri, comte d'Arlon et duc de Lim- 
bourg, avait suscitées à l'abbaye pour ce domaine, qu'elle 
avait acquit du comte Rambaud en 965 (1). Notre pseudo- 
original n'aurait-il pas été fabriqué lors de ce conflit à 
l'aide de documents authentiques? Il est fort possible 
que les moines de Saint Martin, jugeant la charte privée 
qu'ils possédaient insuffisante pour appuyer leurs droits 

droits de Saint-Martin sur Waldorf ne porte pas d'autre indication 
chronologique que « III" indictio ». Comme Otton est qualifié de roi 
dans la formule de date, Tannée de l'Incarnation comprise dans la 
période qui va de 937 à 961 inclusivement, et correspondant d'autre 
part à la 3* indiction, est ou bien 945 ou bien 960 ; nous avons vu que 
MM. Halkin et Roland se prononcent en faveur de cette dernière 
année. Si la charte est de 9io, le diplôme royal, nécessairement anté- 
rieur à cette date, ne peut avoir été délivré en 947 ; au cas où elle se 
placerait en 960, on aurait peine à comprendre qu'entre les ordres 
donnés par Otton sur la demande de l'abbaye et ies dispositions arrêtées 
par Bérard il se fût écoulé un intervalle de 13 années. Nous n'oserions 
donc affirmer que le diplôme d'Otton pour Waldorf eût servi de modèle 
au moine de Saint-Martin qui a si maladroitement combiné un privi- 
lège royal et une charte privée. 

(1) L'original se trouve aux Archives de Meurthe-et-Moselle, série G., 
fonds de Saint-Martin, n° 548. L'acte a été publié par Lepage L'abbaye 
de Saint-Martindevant-Metz [Mèm. S. À. I., l. XXVIIÎ, 1878, p. 200.) 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 22,0 

— très réels cependant — sur Œutrange, Taient trans- 
formée — ou à peu près — en un diplôme royal, par 
l'imitation partielle d'un privilège d'Otton P^ et par la 
reproduction de formules empruntées à ce document. 

La charte d'Albéron de Montreuil ne porte point d'indi- 
cations chronologiques, mais on en trouve d'autres, qui 
permettent de la dater, au moins d'une façon approxima- 
tive. Albéron, en effet, justifie son intervention dans le 
débat survenu entre Saint-Martin et le comte duc Henri 
par l'absence de l'évêque de Metz Etienne, alors en route 
pour Jérusalem ; l'acte est donc contemporain de la 
deuxième croisade. Or, Etienne, qui avait quitté Metz en 
juin 1147 (1), revint probablement dans son diocèse vers le 
milieu de l'année 1149 (2). 

C'est ;Jonc au second semestre de 1147, ou bien à l'année 
1148, ou enbore aux premiers mois de 1149 qu'appartien- 
nent et la décision rendue par Albéron en faveur de Saint- 
Martin contre Henri de Limbourg, et la fabrication de notre 
pseudo-original, qui est nécessairement un peu antérieure 
à la sentence de l'archevêque. 

Quoi qu'il en soit, et bien que sous le rapport de la forme 
notre acte doive être regardé comme un faux, nous avions 
le droit d'en utiliser les données pour écrire l'histoire 
du x® siècle, puisque c'est à l'aide d'éléments empruntés à 
des actes authentiques qu'un moine de Saint-Martin l'a 
fabriqué vers le milieu du xii^ siècle. 



(1) Louis VII, avec lequel Etienne se mit en route pour la Terre- 
Sainte, devait se trouver à Metz dans la seconde quinzaine de juin ; il 
était à Worms le 29 de ce mois (Luchaire, Etudea sur les actes de 
Louis VU, p. 171, n. 1). 

Albéron administra le diocèse de Metz durant l'absence d'Etienne 
{H. M., p. 272-273). 

(2) C'est ce que conjecturent les bénédictins, H. M., p. 273, qui 
croient que le prélat ne quitta la Terre-Sainte qu'après avoir célébré à 
Jérusalem la fête de Pâqnes. 



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APPENDICE V 

Les dates de l'entrevue de Brisach et des deux sièges 
de Verdun par Lothaire. 

En étudiant les événements qui ont suivi la mort 
d'Otton II, nous avons adopté dans ses grandes lignes 
Tordre chronologique qu'avait proposé J. Havet (1) ; le 
classement nouveau que cet érudit avait donné des lettres 
de Gerbert lui avait permis de rétablir Tordre dans lequel 
se sont succédé les faits des années 984 et 985. Les théories 
de J. Havet ayant été, il y a quelques années, Tobjet d'une 
critique approfondie de la part de J. Lair (2), nous croyons 
devoir soumettre la question à un nouvel examen ; noire 
attention se portera en particulier sur la lettre dans 
laquelle Gerbert annonce à Notker, évêque de Liège, que 
les rois de France sont en route pour Brisach, où ils doi 
vent rencontrer, le l^*" février, Tex duc de Bavière, Henri 
le Querelleur. Suivant que Ton attribue à ce document 
une date ou une autre, la chronologie des événements qui 
ont eu lieu en 984 et en 985 se transforme pour ainsi dire, 
les faits se déplacent, et, par suite, changent de physiono- 
mie, leurs rapports entre eux diffèrent du tout au tout. 
Il imporle donc de déterminer aussi exactement que 
possible Tépoque à laquelle Gerbert a informé Tévéque de 
Liège des négociations engagées entre Henri de Bavière et 
les Carolingiens. 

J. Havet datait cette lettre de novembre ou de décembre 
984 (3) ; pour J. Lair aussi elle serait de 984, mais du mois 
de janvier (4). Bien qu'adoptant d'une façon générale les 

(1) Voir ci-dossus, p. 59 et sulv. 

(2) Etudes critiques sur divers textes des X' et XP siècles. T. 1. 
Lettres de Gerbert, p. 122-132 et 149-159. 

(3) Lettres de Gerbert, p. LXXU et p. 37, n. 2 et 4. 
^4) Etudes critiqu.'S, t. I, p. 154. 



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LES ORIGINES DE LA HALTE-LORRAINE 227 

conclusions de Téditeur de Gerbert, nous faisons pourtant 
une exception en ce qui concerne Fa lettre à Notker (1). Au 
moment où Gerbert écrit, les rois de France se dirigent 
vers Brisach ; pour aller de Laon à la forteresse rhénane, 
il ne faut pas plus de dix jours, même en hiver. J. Lair 
n'a donc pas eu de peine à montrer combien il était invrai- 
semblable que Lothaire et Louis V eussent quitté leur 
résidence en novembre ou en décembre, c'est-à-dire deux 
mois avant l'entrevue (2L Sans aucun doute, ils ne sont 
partis que dans la seconde quinzaine de janvier, entre le 
20 et le 25 par exemple. 

Mais, cette concession faite à Lair, nous repoussons pour 
le reste le système chronologique qu'il a proposé, système 
d'après lequel levoyage de Lothaire et de son fils à Brisach, 
ainsi que le premier siège de Verdun appartiendraient à 
984,1e second siège de la môme ville à l'année suivante(3). 
Havet plaçait les trois événements en 985 ; nous persistons 
à croire qu'il avait raison (4). 

Voyons maintenant quels sont les arguments de Lair et 
de ceux qui placent en janvier 9S4 l'avis adressé par Gerbert 
à révoque de Liège (o). Ils sont au nombre de cinq : nous 

(i) D'ailleurs, nous ne croyons pas devoir prendre parti dans la 
question du minutier, et nous nous gardons bien de soutenir que 
celui-ci ait existé, comme le prétend Havet. 

(2) Op. cit., p. 154. 

(3) Op. cit., p. 159. 

(4) Lettres de Gerbert, p. XIV-XV, LXXII, etc. 

(5) C'est le cas de presque tous les historiens, lorrains, français ou 
allemands, qui se sont occupés de la question : qu'ils admettent un ou 
deux sièges de Verdun par Lothaire, ils placent l'entrevue de Brisach 
au 1" février 984, et la lettre de Gerbert dans le mois de janvier de cette 
même année. Citons en particulier Hock (traduit par l'abbé Axixger), 
Histoire du pape Sylvestre 11 et de son siècle^ p. 139, Wilmans, 
JahrbUcher Ottos III, p. 12 et 175-177, Digot, H. L, t. I, p. 203, 
d'Arbois de Jubainville, h. D, C. C, t. î, p. 158, Clouet, H. V., t. I, 
p. 351, Olleris, Lettres de Gerbert, p. LXXI, Mourin, Les comtes de 
Paris, p. 309, D.-J. Witte, Lothringen etc., p. 55, Sepet, Gerbert et 
le changement de dynastie {R.Q.B., t. VII, p. 478 et 481), Giesebrecht, 
G. D. K., t. I, p. 617, Reuss, Das Leben des Bischofs Theoderich I von 

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228 LES ORtaiNKS DE LA HAUTE LORRALVE 

allons les passer successivement en revue, laissant pour la 
fin le plus sérieux, le seul même qui mérite une réfutation 
en règle. 

l» (( Si Ton adopte pour Tentrevue de Brisach Tannée 
98S, il faut admettre qu'après la réconciliation de Worms 
{octobre 984), Henri le Querelleur avait derechef pris une 
attitude hostile à l'égard d*Otton III ou plutôt du gouver- 
nement de la régence (1). » 

La nouvelle brouille de Vex-duc de Bavière avec Adélaïde 
et Théophano s'explique pourtant de la façon la plus 
naturelle. Du moment qu'on ne lui avait pas rendu son 
ancien duché, et nous savons de bonne source que celte 
restitution eut lieu seulement en mai 985 (2), il n'y a pas 
lieu de s'étonner que, mécontent du mauvais vouloir des 
impératrices et des difficultés que lui créait celui-là même 
qui l'avait supplanté en Bavière, Henri le Querelleur ait 
songé à se rapprocher de Lothaire. 

2» (( Pendant Thiver de 984-985, Henri était retenu en 
Bavière par les démêlés qu'il avait avec Henri le Jeune, 
son successeur ; il ne se trouvait donc pas en mesure 
d'engager des pourparlers avec le roi de France, ni de lui 
proposer une entrevue (3). » 

Metz, p. 46, RicHTER et Kohl, Ànnalen dea deuUchen Reichs im Zeil- 
aller der Ottonen und der Salier, p. 143. Pour le père Colombier, la 
tl;ite du 1" février s'applique non point à l'entrevue de Brisach, mais 
ii la sentence par laquelle les Allemands auraient déclaré Henri ennemi 
public ; le môme auteur place entre le 1" février et le 16 mars 984 la 
If^Ltre de Gerbert à Notker {Gerbert. Sa vie jusqu'à son élévation au 
sif^ge de Ravenne, et « Regextum » de Gerbert, dans les lUudes reli- 
gieuses, historiques, littéraires, par des i'ères de la Compagnie de 
Jéms, 14" année (1869), 4« série, t. III, p. 99 et 607, t. IV, p. 307j. Etant 
d (innée la place que les mots « kal. febr. » occupent dans la phrase de 
TiERBERT « Henricus rei publicaB hostis dictus kal. febr. occurrit », ils 
n(^ se rapportent pas à « hostis dictus » mais à « occurrit ». D'ailleurs, 
le père Colombier est le seul, parmi les érudits contemporains, qui 
ait adopté l'interprétation que nous venons de combattre. 

jl) Nous résumons Lair, Etudes critiques, t. I, p. 155-156. 

r2) Thietmar, Chron., 1. IV. c. 8, p. 69. 

(3) Lair, op. cit., p. 155 et n. 1. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 229 

Gomment croire que le conflit qui avait surgi entre le 
Querelleur et son homonyme ait constitué pour le premier 
un obstacle insurmontable à l'ouverture de négociations 
avec le prince carolingien ? Toutefois, il se peut que ce 
différend l'ait au dernier moment empêché de se rendre à 
Brisach ; nous ne serions pas éloigné d'y voir une des 
causes du manque de parole d'Henri. 

3« (( Au moment où le prêtre Hugues brigua la succession 
de Wicfrid, évêque de Verdun, mort en septembre 983 (1), 
les domaines de l'évêché se trouvaient dans le plus misé- 
rable état (2) : or les dégâts qu'ils avaient soufferts ne 
pouvaient avoir été causés que par les troupes de Lothaire 
durant le premier siège de Verdun, qui est postérieur à 
l'entrevue manquée de Brisach (3). » 

Remarquons tout d'abord que Wicfrid a fini ses jours non 
en 983, mais en 984 (4). De plus, si le Continuateur de 
Bertaire mentionne les ravages causés par l'armée du 
Carolingien autour de la ville (5), il ne dit nullement 
que les terres delà menseépiscopale aient eu à en souffrir. 
C'est un écrivain postérieur, Hugues de Flavigny, qui a 
tiré cette conclusion du texte du Continuateur de Ber- 
taire (6). La dévastation des domaines de l'évêché pouvait 
avoir, du reste, une auti^e origine. Nous savons que Wicfrid 
avait eu des démêlés avec un comte Sigebert, qui le fit 
prisonnier (7) : cela suppose des luttes dont les propriétés 
épiscopales avaient probablement subi le contre coup. 

(1) Lair, p. 130 et 162. 

(2) Continuateur de Bertaire, Gesta ep. Vird.^ c. 5 [SS. t. IV, p. 47). 
Lair, p. 130-131, a le tort de citer non cet auteur, mais Hugues de 
Flavigny, qui n'a fait que le copier, en le dénaturant. 

(3) Lair, p. i:^0-131 et 162. 

(4) L'année 984 est fournie par les Ann. necrol. Fuld^ codices 1 et 2 
(SS., t. XIII, p. 205). 

(5) Voir ci-dessus, p. 77. 

(6) Chronicon Virdiineme {SS., t. VIII, p. 367). 

(7) CoNTiNiATEUR DE Bertaire, Gesta ep.Vird,, c. 3 {SS., t. IV. p. 46). 



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230 LÈS OIUClNES DE LÀ «AUTÊ-LOUnAmE 

Eutin, le terme exterminatio qu'emploie le Continuateur 
de Uerlaire doit-il être traduit par « dévastation » ? Il est 
permis d'en douter, car nous ne trouvons pas ce sens 
indiriué dans le Glossaire de du Gange (1). 

4^' a Les Gestacpiscoporum Camcraccn.siwm (2), ajoute Lair, 
nienlionnent le siège de Verdun par Lothaire avant la 
remise d'Olton III à sa mère (3). » 

La remarque est juste ; seulement, il arrive aux Gesta 
cp^ Çamcr, de commettre des inexactitudes, chronologiques 
UQ autres. Voici les faits de cette période que rapportent 
les Gesta ; nous les donnons dans Tordre où cette chro- 
nique les place : mort d'Otton II, capture d'Otton III par 
Tex-duc de Bavière Henri, ambition de Lothaire et d'Henri, 
qui convoitent tous deux la Lotharingie, mort de Tévéque 
Wîcirid, prise de Verdun par le roi de France, menaces de 
celui-ci contre Cambrai, remise d'Otton III à Théophano, 
rf3slïiulion de Verdun à Otton III et mise en liberté du 
comité iiodefroy par Lothaire. 

Relevons tout d'abord les erreurs et les lacunes du récit 
des Gesta: c'est Hugues Gapet, et non Lothaire, qui a rendu 
Verdun à Otton III (4) ; l'élargissement de Godefroy dépen- 
dait et a été l'œuvre, non du roi lui-môme, mais des comtes 
Eudes et Herbert (5). De plus, le? Gesta ne parlent que 
(i'un siège de Verdun, alors qu'il y en a eu deux (6); enfin, 
ils ji^uorent que Lothaire avait commencé par se déclarer 
en faveur du pçtit roi d'Allemagne (7). 

li) Du Gange, Glossariuni mediœ et infimœ laiinitaUs, éd. Hexs- 
(TJiBL, l. III, p. 169, col. 3, donne comme synonymes d' o exterminatio» 
1ns mots « terminus, limes, finis », qu'il faut prendre ici avec l'acception 
ûv ti leirritoire délimité. » 

|2) tlesta, 1. I, c. 105 (55., t. VU, p. 444 445). 

m L\EK, p. 128-129 et 156. 

Il) Voii' ci-dessus, p. 91 et n. 5. 

i'S} V p. 81 et 92-93. 

jC; V. |). 76-81. 

(7) V. p. 61-62, 64 et 69. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 231 

En ce qui concerDe l'ordre chronologique, nous consta- 
tons que les Gesta se sont trompés, et cela que l'on adopte 
ou que l'on rejette le système de Lair. Celui ci croit en 
effet que Wicfrid est mort en 983 ; pourtant, le chroni- 
queur cambrésien ne relate l'événement qu'après avoir 
parlé des intrigues de Lothaire et d'Henri. Si, d'autre 
•part, comme nous le supposons^ Wicfrid a fini ses jours en 
984 (31 août), c'est la remise d'Otton III à sa mère (29 juin) 
qui ne se trouve pas mentionnée à sa place, car elle aurait 
dû, dans le récit, précéder la fin du prélat et le siège de 
Verdun. Par conséquent, d'une façon comme de l'autre, 
les Gesta ont commis des erreurs chronologiques ; seule- 
ment, elles ne sont pas dans notre hypothèse les mêmes 
que dans celle de J. Lair. 

Aussi, en raison des inej^actitudes de toutes sortes que 
Ton relève dans les Gesta à propos des événements qui ont 
suivi la mort d'Otton II, sommes-nous d'avis que l'on n'a 
pas le droit d'invoquer le témoignage de cette source ; 
nous l'estimons irrecevable. 

5^ « Le système de J. Havet, objectent enfin nos contra- 
dicteurs, a le grave défaut de resserrer en moins de deux 
mois des événements qui ont dû eu prendre quatre ou 
cinq pour le moins. Que l'on calcule le temps qu'il a fallu 
à Lothaire pour revenir de Brisach dans son royaume, pour 
s'entendre avec les comtes Eudes et Herbert, pour réunir 
des troupes, les amener jusqu'à Verdun et prendre cette 
ville, à Godefroy et à Thierry pour rassembler des soldats 
et réoccuper Verdun, à Lothaire pour constituer une nou- 
velle armée, franchir une seconde fois la distance entre 
Laon et Verdun, faire de nouveau le siège de cette der- 
nière place, ramener en France ses prisonniers, l'on arri- 
vera certainement à un total de plusieurs mois. Or, si l'on 
admet que Gerbert a écrit à Notker en 985, les faits que 
nous venons d'énumérer se seraient passés entre la ren- 
contre avortée de Brisach. i\\ée au 1^^ février, et la visite 



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23i LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

de Gerbert à Godefroy, alors prisonnier d'Eudes et d'Her- 
bert, visite qui est du 31 mars. Comment admettre que 
tant d'événements aient pu se produire dans un espace de 
temps aussi court (1) ? » 

L'objection, nous n'hésitons pas à le reconnaître, est des 
plus sérieuses, et nous convenons sans peine que voilà 
beaucoup de choses pour huit semaines, surtout à une 
éjHique où les communications étaient plutôt difficiles. 

Toutefois si, dans le but de se soustraire aux invraisem- 
blances qu'entraîne l'adoption du système J. Havet, on 
(Irite de 984 la lettre de Gerbert, l'entrevue de Brisach, le 
premier siège de Verdun, et que l'on renvoie à 985 le 
deuxième siège de cette ville, si par conséquent l'on donne 
'à Lothaire le temps de revenir des bords du Rhin, de 
prendre et de reprendre Verdun, il se trouve par contre 
qu'avec cette hypothèse beaucoup d'autres événements 
auraient eu lieu coup sur coup dans le courant de jan- 
vier 984 

C'est le 7 décembre 983 qu'Otton II termine prématuré- 
numi son existence. La mort de l'empereur n'est pas encore 
connue à Aix-la-Chapelle le 25 décembre, quand les arche- 
vêques de Ravenne et de Cologne couronnent dans cette 
vilîe le petit Otton III (2). Une fois la funeste nouvelle 
parvenue en Allemagne, Henri le Querelleur recouvre sa 
liberté, se rend à Cologne, se fait remettre par Tarche- 
vi^que son jeune cousin, dont il revendique la tutelle, 
avec l'espoir secret de lui enlever un jour la couronne. 

(1) Comme précédemment, nous résumons Lair, p. 157-159 
t^) Se reporter à la p. 59. La plupart des auteurs contemporains 
ci-ok^nt que la triste nouvelle arriva le jour môme du couronnement, 
nii peu après la cérémonie. Mais, si la phrase de Thietmar {Chron.^ 
L 111^ c. 26, p. 64) sur laquelle ils s'appuient (( et complète hoc officie, 
mox ïegatus tristi nuncio tanta perturbans gaudia advenit » ne contredit 
p-is leur interprétation, elle ne nous semble pas l'imposer non plus. 
Le ft mox » dont se sert l'évôque-chroniqueur peut fort bien indiquer 
qu entre les deux événements, sacre d'Otton lil et arrivée du messager, 
il îj'est écoulé un intervalle d'un, de deux ou même de trois jours. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 233 

Ses vraies intentions une fois dévoilées, une sérieuse 
opposition se manifeste contre lui en Allemagne et en 
Lotharingie ; môme le roi de France Lothaire se montre 
hostile aux projets d'Henri et disposé à défendre les droits 
d'Otton III. Lesévêqueset les seigneurs lorrains se réunis- 
sent, se prononcent en faveur du petit roi, et livrent en 
gage de leur fidélité des otages à Lothaire. Mais, le Caro- 
lingien change d'avis, écoute d'une oreille favorable les 
ouvertures d'Henri, accepte de s'aboucher à Brisach avec 
lui. Ces négociations sont découvertes par Gerbert, qui 
annonce l'entrevue de Brisach à Notker, dans l'espoir que 
le gouvernement de la régence s'efforcera d'empêcher la 
rencontré de Lothaire et d'Henri (1). Que d'événements 
dans l'espace d'un mois 1 Car, c'est à la fin de décembre 
que, dans le nord de la Lotharingie, on a connu la mort 
d'Otton H, et d'autre partGerbert a écrit à Notker quelques 
jours avant le premier février, date de l'entrevue de 
Brisach (2). Si donc il paraît — non sans raison — malaisé 
d'admettre que, durant les mois de janvier et de février 985, 
Verdun ait été pris par Lothaire, réoccupé parles Lorrains, 
repris par le roi de France, il l'est encore plus de ren- 
fermer dans le seul mois de janvier 984 la mainmise 
d'Henri sur Otton III, les déclarations de Lothaire en faveur 
de son petit cousin, la réunion des prélats et des seigneurs 
lorrains, la délivrance d'otages au Carolingien, la volte- 
face de celui-ci à la suite de l'embassade que lui adresse 
l'ex-duc de Bavière, la découverte enfin par Gerbert de 
l'alliance conclue par Lothaire avec Henri. 

Au surplus, nous n'en sommes pas réduit à retourner à 
l'adresse de nos contradicteurs l'objection qu'ils avaient 

(1) Pour tous ces faits voirie §1 du c. II du 1. III. 

(2) Gerbert écrit à l'évêque de Liège que les rois de France (Lothaire 
et Louis V) sont en route pour Brisach : « Germanum Brisaca Rheni 
litoris Francorura reges clam nunc adeunt, Henricus rei public» hoslis 
dictus kal. febr. occurrit » (Lellrea de Gerbert^ n» 39, p. 37). 



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234 LES orïgim:s de la haute-lorraine 

formulée cootre la date de novembre (décembre) 984, pro- 
posée par Havet pour la lettre de Gerbert. Quelques faits 
demeurent incompréhensibles, au cas où Ton place en 
janvier 984 ce dernier document. 

fo Nous avons dit plus haut que les grands ecclésiasti- 
ques et laïcs de la Lotharingie s'étaient réunis ; ceux de 
TAllemagne avaient fait de même. Qu'est-ce qui avait pu 
amener ces hauts dignitaires à se concerler, à prendre des 
mesures contre l'ex-duc de Bavière ? Avait-il suffi que le 
Querelleur revendiquât la tutelle du petit roi ? Evidem- 
ment non. Pour qu'un mouvement de protestation se des- 
sinât, il a fallu qu'Henri, découvrant les projets qu'il 
avait eu tout d'abord la prudence de cacher, se posât en 
prétendant à la couronne. C'est la proclamation d'Henri 
comme roi à Quedlinburg qui a ouvert les yeux aux par- 
tisans d'Otton m, qui les a déterminés à s'unir pour faire 
échec aux projets de l'usurpateur. On comprend qu'après 
la cérémonie de Quedlinburg ils se soient émus ; aupara- 
vant l'on aurait peine à s'expliquer leurs inquiétudes et 
leurs protestations. Or, l'ex duc de Bavière ayant été salué 
roi par ses partisans le 23 mars 984 (1), les assemblées de 
prélats et de seigneurs laïcs doivent avoir eu lieu posté- 
rieurement à cette date ; en outre, nous admettrions volon- 
tiers que Lothaire n'a pris position en faveur d'Otton IH 
qu'après la manifestation de Quedlinburg. Comment — 
dans ces conditions — supposer la lettre de Gerbert écrite 
au mois de janvier 984 ? 

2® D'ailleurs, lorsqu'Henri, dissimulant ses ambitions, 
se contentait de réclamer la tutelle du petit roi, et qu'il ne 
rencontrait vraisemblablement aucune opposition sérieuse, 
quel besoin aurait-il eu du secours de Lothaire ? Aucun, et 
môme c'eût été de sa part, croyons-nous, une grave mala- 

(1) Lair, p. 126, semble placer le 7 avril 984 la proclamation d'Henri 
comme roi par ses partisans ; en réalité, l'événement se produisit le 
Jour de la fétc de Pâques, qui en 984 tombait le 23 mars, 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 235 

dresse que de faire appel au Carolingien ; celte fausse 
manœuvre n'eût pas manqué de rendre l'ex-duc de 
Bavière suspect aux Allemands, et de ruiner sûrement ses 
projets. 

Plus tard, au contraire, quand le Querelleur, déjà frustré 
dans son espoir de régner, eut la mortification de ne pas 
môme recouvrer la Bavière, on s'explique fort bien que, 
décidé à jouer le tout pour le tout, il se soit rapproché du 
roi de France. A la fin de 984, Henri, qui n'avait plus rien 
à perdre, pouvait brûler ses vaisseaux ; au mois de janvier 
de la môme année, il n'en allait pas de môme, et nous nous 
refusons à supposer que, par une démarche inconsidérée, 
il ait alors rendu impossible le succès de ses intrigues. 

3® Pourquoi Lothaire, après s'être déclaré le protecteur 
d'Otton ni, aurait-il, quelques jours plus tard (1), exécuté 
une brusque volte-face et lié partie avec l'ex-duc de 
Bavière? Nous cherchons en vain un motif à ce revirement, 
qui nous paraît, au contraire, tout naturel vers la fin de 
984, quand le Carolingien s'aperçut que sa première atti- 
tude ne lui avait rapporté aucun profit. 

4' Un des griefs formulés par le roi de France contre 
l'archevêque de Reims est qu'Adalbéron avait permis à son 
neveu et homonyme, fils du comte Godefroy, de solliciter 
d'un prince étranger — Ollon III — l'évêché de Verdun, 
que Lothaire considérait comme lui appartenant (2). Or, 

(1) Dans le système de Lair, c'est au plus tard entre le 15 et le 20 jan- 
vier 984 que Lothaire a traité avec les représentants du Querelleur. 
Nous savons, en effet, qu'Henri devait se trouver à Brisach le 1" février 
984 ; au temps dont il avait besoin pour effectuer ce voyage, il faut 
ajouter celui que nécessitait le retour en Saxe de ses envoyés. D'un 
autre côté, comme la mainmise d'Henri sur le petit roi est de la fin de 
décembre 983, le roi de France n'en a pu être informé qu'en janvier 984. 
n a réfléchi, il s'est renseigné, avant de prendre le parti d'Otton III. 
On voit donc que Lothaire aurait à peine eu le temps de se déclarer 
en faveur de son jeune parent au moment où, suivant Laiu, il adop- 
tait une politique toute contraire en acceptant l'alliance de l'ex-duc de 
Bavière. 

(;2) « Pertidiae ac infidelitatis crimine in regiam majestatem arguor 
delineri, eo quod nepotem meum, clericum videlicet meap ccclesiaB, 



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236 LES ORIGINES DE LA ftAUTELOR RAINE 

Wicfrid de Verdun ne mourut que le 31 août 984 (l),et, 
dans son mémoire justificatif, l'archevêque répond qu'à 
l'époque où son neveu avait obtenu le siège de Verdun, 
Lothaire n'avait encore élevé aucunes prétentions sur la 
Lotharingie (2). Par suite, la nomination du fils de Gode- 
froy à révêché de Verdun est antérieure, sinon aux pour- 
parlers engagés par Henri avec Lothaire, du moins à 
l'accord intervenu entre les deux princes et à la connais- 
sance qu'en eutGerbert: cette nomination ayant été faite 
à la fin de 984 (3), il faut nécessairement rejeter en 985 
Tentrevue qui devait réunir un 1^*^ février le roi de France 
avec le Querelleur, ainsi que la lettre par laquelle Gerbert 
informait de l'événement l'évêque de Liège. 

5<> Voici une dernière raison, non moins décisive, à 
faire valoir contre le système de J* Lair. L'écolâtre de 
Reims, qui annonce à Notker que les rois de France vien- 
nent de se mettre eu route pour Brisach, où ils doivent 
rencontrer Henri le l®"" février, a écrit sa lettre quelques 
jours avant celte dernière date, entre le 20 et le 25 janvier, 

licentia donaverim, quia et palatium adierit, et doao alterius régis epis- 
copatum acceperit ejus regni,quod senior meus Lolharius rex in pro- 
prium jus revocaverat, quodque gradus ecclesiasticos ei postmodum 
contulerim absque licentia et auctoritate senioris mei » {Objeciio in 
Adalberonem dans les Lettres de Gerbert^ w 37, p. 54). 

(1) Se reporter à la n. 1 dé la p. 66. 

(2) « Cum senior meus rex Lotharius Lothariense regnum nec habefet, 
nec revocaret, fralris mei filium vix tandem sic obtinui, fide interpo- 
sita, ut, si usus aliquando exposceret, sibi suisque absque pertinacia 
redderem. At cum ageretur ut senior meus imperatoris ûMo advocatus 
foret, eaque de Causa dati obsides essent, frater meus crebris legatis 
filium repetivit, me segnlter accipientem fidêi violatorem iocrepitans, 

rem suam a multis interturbari, eum se statum perc^^re dicit Ego, 

quoniam senior meus de revocatione regni nihil mibi dixerat, sed de 
8ola advocatione, nec dandi licentiam clerico interdixerat, sed insuper 
bénévole consenserat, ut a legatis meis intellexi, si ea facere vellet, 
qu8B pater suus spoponderat, et proficiscentem absolvi, et ut id, pro 
quo obsides dati erant, sincerissime conservaret, fidem exegi, quam et 
bactenus obtulit, et ad hue, ut credimus, offert » (Pvrgatio Adalbe- 
rouis, dans les Lettres de Gerbert, n» 37, p. 54-55] . 

(3) Se reporter à la n. 2 de la p. 76. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 237 

par exemple. Seulement, dans la seconde quinzaine de 
janvier 984, Gerbert se trouvait-il, pouvait-il se trouver à 
Reims? Nous n'en avons aucune preuve, et même nous 
croirions assez volontiers qu'à ce moment il n'avait pas 
encore quitté Tltalie. 

Quand Otton II mourut le 7 décembre 983, Gerbert était 
dans la péninsule (1), où l'empereur défunt lui avait donné 
l'abbaye de Bobbio. Mais ce ne fut pas tout de suite après 
avoir perdu son protecteur que Gerbert résolut de revenir 
en France. Il fallut toute une série de circonstances 
lâcheuses, la révolte de ses moines et des vassaux de son 
abbaye, le refroidissement d'Adélaïde à son égard (2), la 
tournure défavorable que prenaient en Allemagne les 
affaires d'Otton III (3), pour décourager Gerbert et le 
décider à retourner auprès de l'archevêque Adalbéron. A 
quel moment prit-il ce parti ? Pas avant la fin de décembre 
983 nu le début de janvier 984 (4) ; en outre, le voyage de 
Bobbio à Reims ne s'est pas fait en un jour. Rappelons- 

(1) C'est contre toute vraisemblance, et sans apporter de preuve 
sérieuse à l'appui de leur dire, qu'ÛLLERis, Œuvres de Gerbert^ p. LXIV, 
et Sepet, Gerbert et le changement de dynastie {R. Q.H., t. VII, p. 474) 
font revenir Gerbert en France dès le mois de novembre 983. 

(2) Havet, lettres de GeTbert, p. XII. 

(3) La remise d'Otton III à l'ex-duc de Bavière n'ayant eu lieu que 
dans les derniers jours de 983, c'est au milieu de janvier 984, pas plus 
tôt, qu'en Italie l'on a pu avoir connaissance de l'événement. 

(4) D'après le père Colombier, Gerbert a quitté l'Italie dans les der- 
niers jours de 983 ou les premiers Jours de l'année suivante, et il est 
arrivé à Reims vers le milieu de janvier 984 {Gerbert. Sa vie jusqu'à 
son élévation sur le siège de Ravenne et a Regestum » de Gerbert^ 
dans les Etudes... par des Pères de la Compagnie de Jésus, 14' année 
(1869), 4*^ série, t. III, p. 94, n. 1, et t. IV, p. 305). Nous avons vu 
précédemment, p. 2ii7, n. 5, que le père Colombier croit, à tort du 
reste, la lettre de Gerbert à Nolker écrite non point avant le 1" février, 
mais entre cette date et le 16 mars. Havet, op. cit., p. XII et n. 11, 
place plus vaguement dans les a premiers mois de 984 » le retour 
de Gerbert. Laiu cite l'opinion de Havet, qu'il discute, puis celles du 
père Colombier, d'OLLERis et de Sepet, mais il évite de se prononcer, 
déclarant a qu'on ne sait pas exactement à quelle époque Gerbert 
revint d'Italie en France » {op. cit., p. 133-134). 



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238 LES ORIGINES DE LA HaL'TELORUALNE 

nous que, le 25 décembre 983, on ne savait rien encore à 
Aix-la Chapelle de la mort d'Otton II, survenue le 7 du 
même mois : il s'est donc écoulé au moins dix-huit jours 
entre l'événement lui-même et le moment où il a été connu 
d;ins la Lotharingie du nord. Ceci nous donne une idée du 
temps qu'a dû mettre Gerbert pour se transporter de Bobbio 
à Reims. On était en plein hiver, et les passages des Alpes, 
obstrués par la neige, étaient difficiles à franchir. En met- 
tant les choses au mieux, Gerbert n'a pu arriver à Reims 
qu'à la fin de janvier 984. Nous ne serions pas surpris, du 
reste, qu'en raison de la rigueur de la température Gerbert 
eût retardé son départ et attendu le mois de mars pour 
entreprendre ce grand voyage. Dans tous les cas, il n'était 
probablement pas à Reims au moment où, suivant J. Lair, 
il avisait Notker de l'entrevue qui allait réunir le roi de 
France et Henri le Querelleur. 

Aussi croyons-nous devoir adopter pour la lettre de 
Gerbert la date de 985 (1), quelques difficultés que l'on 
éprouve d'ailleurs à caser en huit semaines les évéue- 
ments que nous rappelions plus haut. Notre système com- 
porte des invraisemblances, cela ne fait aucun doute, 
mais celui de nos coutradicleurs n'en offre pas moins, et, 
ce qui est plus grave, il se heurte à de véritables impossi- 
bilités. 

S'il y avait moyen de supposer que les dates indiquées 
par les manuscrits pour l'entrevue de Brisach ou pour la 
visite de Gerbert au comte Godefroy ne sont pas les 
bonnes, si l'on pouvait, par exemple, avancer le premier 
de ces événements ou retarder le second, la période 
durant laquelle ont eu lieu la prise et la reprise de Verdun 
par Lothaire se trouverait allongée de quelques semaines, 
et les invraisemblances signalées plus haut — sans dispa- 

(1) Nous avons dit plus haut, p. 227, et n. 1 et 2, pour quels motifs 
nous avions rejeté la date (novembre ou décembre 984) proposée par 
Havet et acceptée par Lot* 



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(2) LlUTOARDI (2) 

épouse I 2» ] 



— I 

Adalb£ron 
usurpateur du 
siège de Tr$vês. 



Etb 

épouse 

GiRABD (ni) 

comte de Mets, 



CuifiooifDB t iOiO 

épouse Henri II 

roi d'Allemagne 

et empereur. 



T I 

810DROT. GnÈut 

épouse GÉRARD (IT) 

comte de Mets, 



OftaAAO (d'ALSACl) 

duc de Haute-Lorrainê 
tlOTO. 



ime dans le suivant, nous ayons omis un certain 
it il n'était fait aucune mention dans nos Originêt. 

tous les systèmes généaioa^iqoes dont les mariages 
base, et ne sachant auquel dfonner la prélérenee, nous 

indiquer aucun. 



^^ France. 



Atou 

épouse HuouBS le Gramd 

duo de France t 966. 



•f996 
quUaine, 



BftATRICI 

épouse FàsDÉRic U* 
duc de Haute-Lorraine f 978. 

L 



;ux 
1031. 

[B. 
E. 
rANCI. 



.^ÎW] 



I 1 1 

Henri ÂDALBiROii n Thierry U' 

(Hezeun). évoque de Aftftir duc de Haute -LorraiiU 

de 984 à 10U6. t 1026 ou 1027 4 

épouse RiGHiLDE, fille de Folmak 
comte de LunévUl4. 



■ 1*' 
imte 

^ Blo 

de^ 



I 



IIS« 



FRÉDiRIC II 

duc de Haute-Lorraine 1 1033 

épouse Mathilob 

fille d^HRRMANN II, due de 

Souabe, et veuve de Conrao 

duc de Carinthie, 

I '1 I 

VBÈDtRlC BiATBICB. SOPBIB. 



Adalberon II 
évéque de Mets 
dom à 1005. 



9 " 1 

Adélaïde 

épouse 

Walkhan !•' 

comte d'Arion 



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ET SA PRJEMIÈRE MAISON DCCALE 239 

raître tout à fait — s'attéaueraient de façon très sensible. 
Nous doutons fort, disons-le tout de suite, que « febr. » 
ait pris la place du nom d'un autre mois. Par contre, la 
conférence deGerbertavecle comte de Verdun n'aurait-elle 
pas eu lieu le 30 avril, et non le 31 mars ? Il se peut que 
Gerbert, ayant dans Tesprit ce nom d'avril, ait, par dis- 
traction, écrit (( II kal- aprilis » (31 mars), alors qu'il 
aurait dû mettre « II kal. maii » (30 avril). C'était là une 
espèce d'erreur assez fréquente avec le système de compter 
à reculons alors usité, système en vertu duquel on indi- 
quait les 15, 16, 17 ou 18 derniers jours d'un mois d'après 
les calendes du mois suivant. Toutefois, nous n'osons pas 
attacher beaucoup d'importance aune hypothèse qui ne 
s'appuie sur aucune preuve. 



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PIÈCES JUSTIFICATIVES 



(1) 



Constitution d'un douaire, par Gilbert, au profit de sa fiancée 
Raintrude. 



17 janvier 949. 

Gilbert, fils de Géry, constitue en douaire pour sa fiancée 
Haititnitio ce qu'il possède à Lixières, dans le comté de 
Verdun (2^ 

Ori^rinol aux archives départementales de la Lorraine, série 
n , fonds Siiint-Arnoul, liasse 284, n" 1 ; le parchemin mesure 
0^205 Je hïiut sur 0,205 de large. Au dos se lit l'inscription sui- 
vûnto : H Tcstamentum quod fecit Gislebertus Raintrudi uxori 
suç, quod postea sancto Arnulfo datum est. » 

^ Dukissime atque amantissime sponse mee puellç nomine 
RAiNTriunr (3) filiç Stephani (3) | ^ Gislebertus (3) filius Ger- 
Rit.i (3). Uuia per voluntatem tuam vel parentum tuorum te 

{{) L(>iî noms de personnes qui se rencontrent dans les textes repro- 
duits ici onl été imprimés en petites capitales, ceux de lieux . en 
ilittùjues. 

Il y a deux sortes de notes, indiquées les unes par des lettres, les 
uiitrcs pHf des chiffres : on trouvera dans celles-ci des explications 
hist(>riE[Ut^> ou géographiques, tandis que les premières ont trait à 
lVn.*(*il(irf. h la forme des caractères, ou bien encore donnent les 
VEitiJinl/s, 

\2\ Ij'"^ hi(>ns dont il est question dans notre document furent plus 
lard dimii»'^ par Gilbert à Saint-Arnoul, comme l'indique un diplôme 
d OIton II, iliï 11 mai 977 (St. 707, 0." 158, DD. Sax., t. Il, p. 178), en 
fn\j'Ui' iU^ r I ttc abbaye. 

(ijf Toiis^ i'i}fi personnagOvS nous sont ôgaloment inconnus. 



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LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORIULNE ÎM 

sponsavi et | 5 modo quam celerius dicto, si Dec placuerit, quod 
te in conjugium sociare cupio, ideoqae in Dei | 4 nomino donc 
tibi per hanc cartulam, libellam dotis, sicut parentes tui et boni 
homines | 5 spondiderunt, hoc est dono tibi mansum indomini- 
catum una cum casa desuper stabilita | ^, in comitatu Virdunensi 
in loco nuncupante qui dicitur ad Lescherlas (1), quicquid ego 
habeo | 7 de illo manso cum integritate cum omnibus adjacen- 
tiis ad illum mansum pertinentibus in tectis | ^, horreis et alia 
mansione dimidia in ipsum mansum ; et dono tibi meam por- 
tionem de mea | 9 ecjlosia ad Lescherlas medietatem omnem, 
sicut ego teneo, tibi et — infantes tuos si Deus dédit | ^° — illis ; 
et dono tibi meam portionem de meo molendino cum integritate ; 
et dono | ^^ tibi comminam (2) unam cum integritate et broiium 
unum cum integritate, meam portio- | " nem et de comminam et 
de broiium ; et dono tibi meum alodum quicquid ad illum | '> 
mansum meam portionem pertinet ad integritatem, quicquid 
visus sum habere in | h silvis, pratis, terris cultis et incultis, 
pascui8,aquisaquarumvedecursibus, hislî- | *5nibusterminatum: 
ex uno latere, est ratio sancii Arnulfi (3) ad Nugaredum (4), ex 
alio, I ^^ ratio sanctl Poire (5) ad Maricium (6) ; et dono tibi 



(1) Lixières, aujourd'hui hameau de la commune de Fléville (Meurthe- 
et-Moselle, Brley, Gonflans), appartenait jadis au diocèse de Verdun et 
au Barrois (dk Bouteiller, Dict. top. Moselle^ p. 85, col. 1 et p. 146, 
coi. 2). 

(2) On peut rapprocher de ce mot, qui a le sens de domaine rural, 
celui de « cumina », que l'on rencontre dans une charte d'Hermann, 
évêque de Metz, pour l'abbaye de Saint-Clément (Calmet, H. E. C. I., 
!'• éd., t. I, pr., col. 394, 2"^ éd., t. H, pr., col. CCXLIII). La charte est 
de iOUO et non de 991 (990 dans la 2« éd. de \'B. E. C. /..), comme l'a 
indique par erreur Calmet, et comme l'a répété le Glossarium mediœ 
et in/iniœ latinitatis de du Canoë, au mot « cumina o (éd. Henschel, 
t. II, p. 698, col. 3). 

(3) L'abbaye messine de Saint-Arnoul, à laquelle devaient être donnés 
plus tard les biens mentionnés dans notre charte. 

(4) Norroy-le-Sec (Meurthe-et-Mosello, Briey, Conflans). Autrefois ce 
village faisait partie du diocèse de Verdun et du Barrois (df Bouteiller, 
op. cit., p. 188, col. 1). 

(")) L'abbaye Saint-Pierre de Metz. 

(6) Mairy (Mcurlbc-et-Mosclle, Briey, AuJun-le-Roman) était jadis 
de l'arcbidiofèse de Trêves et du Barrois (oe B')urEiLLE», p. 154, col. 1). 



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242 LES ORIGINES DE LA HAUTE LORH AINE 

mancipia quatuordecim his nominibus : | ^7 Cermûerum et uxorem 
ejus HiLDiARDEM cum infantibus V, Folradum, | *^ Walterum, 

WlNEBERTUM, AdELAIDEM, PoLCRADAM, OlBERGAM, | ^9 FrEDIAR- 

DAM. Ista omnia superius nominata, quando le in Dei nomine 
I 20 ad conjugium accepero uxorem, omnia in tuam recipies 
potestalem perpetu- | ^^ aliter in Dei nomen habendi, tenendi, 
donandi, vendendi, commutandi | " et quicquid de eo superius 
nom4nato facere volueris liberam ac firmissi- | *3 mam in omni- 
bus habeas potestatem faciendi. Et ut cartula, libellum dotis; 
I 24 firmior sit, manu propria subter signavi et qui subscriberent 
velsig- I 25narent in presentirogavi stipulatione subnixa. Actum 
sub die | ^^ XVI kl. feb., anno XIII régnante Ottone rege, filio 
Heinrici régis, comité | ^7 Rodulfo (1). Signum Gisleberti, 
qui hanc cartula m, libellum dotis, fîeri | ^^ et firmare rogavit. 
Signum Bivino consentiente + t. (a) Amalricum | ^9 + 1. Gozper- 

TUM + t. AdELARDUM + t. TiETBOLDUM + t. BeTTONEM | 3° -(- t. 

Raimbertum + t. Lederum + t. Hademarum + t. Angelelmum 
I >^ 4- 1. Ursionem 4- t. AcHARDUM + t. Arlardum -I- t. (sic), 

3^ Ego Benedictus (2) presbiter atque cancellarius relegi et 
[subscripsi]. [Ruche]. 



II 



Echange entre Bérard, abbé de Saint-Martin de Metz 
et le comte Rambaud. 



24 février 965. Aix-la-Chapelle. 

Bérard, abbé de Saint-Martin de Metz, et le comte Rambaud 
concluent entre eux un échange avec le consentement de l'empvî- 
reur Otton (I") et du duc Frédéric (I" de Mosellane). Le village 
de Removille, dans le parjus Solocensis, dont le comte Renard 

(a) Abréviation de « tcstem ». 

(1) Sur Rodolphe, comte de Verdun, voir Vanderkixdere, H. F. T. 
P. B., t. II, p. 3t0-3i3, et le préc. vol. Mém. S. À. I., p. 260-261. 

(2) Benoit ainsi que les témoins de l'acte nous sont inconnus. 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 243 

avait jadis fait don à Saint-Martin, est cédé par Bérard en toute 
propriété au comte Rambaud> qui lui abandonne en retour 
Œutrange dans les mômes conditions. 

Pseudo-original aux Archives de Meurthe-et-Moselle, série G., 
fonds de Saint-Martin de Metz (dans celui de la Primatiale de 
Nancy), liasse 548. Nous avons donné, p. 216 et suiv., une des- 
cription détaillée ainsi qu'un fac-similé partiel du pseudo origi- 
nal ; celui-ci, haut de 0,535, large de 0,373-0,362, avait reçu un 
sceau plaqué, comme le prouvent et une incision cruciale et le 
changement de couleur, à cet endroit, du parchemin. 

Imprimé par les Bénédictins, dans VHistoirc de Mct:s, t. IJI, 
pr., p. 65, et partiellement par Lepage, à la suite de son étude 
sur U abbaye de Saint-Martln-decant-Mcta (Me m, S. A. L., 
t. XXVIII, 1878, p. 197) ; analysé par Ottenthal dans les 
Reg, sàchs.^ n" 148, p. 75. 

' (Chris mon), Ordo rationis jure expostulat ut quotiens 
mundanarum rerum probabis (a) commutatio certum obtinere 
nititur tramitem | ^ adhibita inviolabilis caritas exhibitione, 
illud quod invicem largiflua caritas impertiri non abnuit, scriptis 
omnimodis roboretur. Unde et | > quod prudentissima sanxit 
antiquitas nec minus fragilioris evi posteritas, hoc idem 
inconvulsa apicum annotatione satagit quati- | ^nusrationabiliter 
coUata nullo modo possint rerum varietate turbari. Quam 
obrem placuit atque convenit inter domiium Berhar- | 5 dum (1) 
abbatem monasterii sancti Martini, quod est sitam in suburbio 



(a) Pour « probabilis ». 

(1) Sur Bérard consulter Gai. Christ., t. XIII, col. 827, H. M., t. II, 
p. 57-58. Lepage, Vabhaye de Saint-Martin- devant-Metz (Mém. S.A.L., 
t. XXVIII, 1878, p. 159). Bérard n'est évidemment pas un personnage 
différent de ce Gérard-Bertard que mentionne une charte de St-Martin, 
de 960 (945), dont nous avons parlé plus haut (p. 220 et n. 2, p. 223, 
n. 3), et l'on a peine à comprendre les hésitations de Lepage, qui se 
demande si l'on doit identifier Gérard-Bertard avec Bérard. 

16 



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244 LES ORIGINES DE LA HACTE-LORRAINE 

MeUensl, fratresque ejusdem congregationis, ac Rainbaj- 
DUM (1) (a) I ^,illustrom virum, et uxorem ejus Bertrudem (2) ut 
quasdam res, pro ambarum partium oportunitate (^), inter se 
commutare debe- | 7rent, quod ita et fecerunt. Dédit igitur 
prefatus abbas Berh ardus et fratres predicti monasterii supra - 
dicto Rainbaldo (a) | ^ illustri viro, et conjugi ejus Bertrudi in 
pago et comitatu Solocinse (3) (c) in Ramaldi villa (4) (cZ), per 
consensum et auctoritatem domi- | 9 ni gloriosissimi iniperatoris 
Ottonis ,5) et ducis Friderici (6), qui eidem monasterio dominari 
videtur, ecclesiam et capellam unam cum | ^° omni dote sua et 
mansum indominicatum et XXIIII mansos ad eum aspiciendos 
et quicquid ad ipsum mansum aspicit tam in edi- | " liciis quam 
in mancipiis, in vineis^ in pratis, in campis, in silvis, aquis 
aquarumve decursibus, cultis et incultis totum ad integrum, I 

(a) Rambaldum {H. M.). 

(b) Opportunitate {ibid.). 

(c) Salocinse {ibid.). 

(d)Rainaldivilla(F.it/.). 

(1) Sur Rambaud, comte du pagus Mortisna, consulter le préc. vol. 
Mém. S. A. I., p. ^3-255, et le présent vol., p. 216 et suiv. 

(2) Comme nous l'avons fait remarquer plus haut, p. 221, Rambaud 
avait épousé en premières noces Frédelinde, que nous font connaître 
les donations de ce comte aux abbayes de Gorze (957) et de Saint-Arnoul 
(958) [Cart. Gorze, Metl., t. II, n» 106, p. 193, et H. M., t. III, pr. p. 71]1 
Bertrude et ip>édelinde nous sont également inconnues. 

(3) Sur le Soulossois on consultera ce que nous avons dit au préc. 
vol. Mém. S. A. I., p. 255 et 348-352. 

(4) L'acte porte Ramaldi et non Rainaldi. Les Bénédictins, qui ont 
édité cette charte, avaient lu Rainaldi (H. i/., t. III, pr., p. 65), mais 
n'avaient d'ailleurs pas cherché à identifier cette localité {H. li., t. II, 
p. 57). Lepage, après avoir adopté la môme leçon, et traduit Rainaldi 
villa par Rainville (Vosges, Neufchâteau, Châtenois) [L'abbaye de 
Saint'Martin-devant-Metz, dans les Mém. S. A. I., t. XXVIH, 1878, 
p. 150, 197 et 236], reconnut ensuite que le nom de la localité était écrit 
Ramaldi villa, et en conséquence il identifia celle-ci avec Removille 
(Vosges, Neufchàteau, Ghâlenois) [Inventaire sommaire des Archiv s 
départementales antérieures à 1190. T. IV. Archives ecclésiastiques. 
Série G., 1880, p. 65, col. 1, et T. VI. Troisième partie. Table des noms 
de lieux, 1891, p. 122, col. 1]. 

(5) Otton I". 

(0) Frédéric I" de Haute-Lorraine. 



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ET SA PREMIÈUE MAISON DUCALE 245 

" quod Rainardus (1) cornes pro remedio animç (a) suç (a) 
quondam ad partern sancti Martini de jure proprietatis suç (6) 
contulerat. Econtra red- | *5diderunt Rainbaldus (c) et conjux 
ejus Bertrudis tem in edifîciis quam in mancipiis, vineis, 
pratis, campis, silvis, aquis aquarum- | ^4 ve decursibus, cultis et 
incultis in Otringas (2) tenuerunt, eo vero tenore ut quicquid 
pars juste et ralionabiliter alteri contu- | ^5 Ht parti jure heredi- 
tario succédât et de collatis rébus unaquçque (c?) pars, quicquid 
facile decreverit, scilicet tenendi, donandi, | *^ vendendi, com- 
mutandi, ab hac die presenti in futuro sine ullius contradictione, 
in omnibus libero potiatur arbitrio. Si quis | *7 vero, quod 
fieri non credimus, banc commutationem infringere aut violare 
temptaverit, primo Dei indignationem incurrat, et sanctorum | 
^^ suorum societate privetur, et a liminibus sanctç (e) Dei 
çcclesiç (e) alienus existât, et auri libras quinque et argenti 
talenta quindecim | ^9persolvat ; insuper quod reppetit evindicare 
non valeat. Et ut hçc (/) commutatio omni tempore fîrma et 
stabilis permaneat, manu | ^^ propria illam roboravitnus et 
nianibus nostrorum fidelium ceterorumque bonorum hominum 
roboraro precepimus stipulatione subnixa. Actum | ^^ publiée 
Aquas (3) sub die VI'" kl. marcii, anno quarti regni domHi 
Ottonis (4) junioris gloriosi {g) régis féliciter. 

(a) AnioiiP suœ {ihid.). 
{b) SuaB {ihid.). 

(c) Rambaldus {ibiii.). 

[d] UnaquîPque (ibid.). 

{(') SanctîB ecclesi« (H. ¥.). 

(/) H«c (ibid.). 

(g) Gloriosissimi (ibid.). 

(1) Ce Renard ne peut évidemment être identifié avec le comte du 
Scarponnois, que mentionnent des chartes de Saint-Mihiel (972) et de 
Gorze (973). Voir le préc. vol. Mëm. S. À. /.., p. 342 et n. 2. 

(2) OEutrange (Lorraine, Thionville, Cattenom). 

(3) Aix-la-Chapelle. 

(4) Otton II. Ce prince ayant été couronné le 26 mai 961, le 24 février 
de la 4* année de son ^^gne correspond au 24 février 965. 



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246 LES OtltGINES DE LA ÛAUtE LORRAINE 

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ET SA IMIKMIÈUE MAISON DUCALE 2J'l7 

(a) Aimardi {B, M,\ 

(b) Roerfpidi {ibid.). 

(c) Lamberti {ibid.\ 
{d) Fromi (ibtd.), 
(e) Odonis {ibid.). 
il) Baldini {ibid.j. 
(g) Xnsiri (ibid.). 
{h) Vuidonis (ibid.). 
(t) Sigifridi (ibid.). 
(j) Teodorici (ibîd.). 
(k) Odateri (ibid.). 
(l) Reinardi (ibid.). 

[m] h'H.M. ne reproduit pas ces noms. 

(1) Les noms de ces moines- prêtres de Saint-Martin se retrouvent au 
bas de la charte du !«' juin 960 (ou 945), par laquelle Bérard détermine 
les droits de son abbaye dans le village de Waldorf, près de Cologne 
{Halkin et Roland, Recueil des chartes de Vabbaye de Staveiot-Mal- 
médy, t. I, n" 78, p. 177). Seulement, dans ce dernier acte, c'est Fre- 
dulfe, et non Ainard, qui est qualiiié de prévôt : nous croyons que le 
« Froinus » de notre charte ne fait qu'un avec 1' « Eromus » de 960 (945). 

(2) Evidemment Sigefroy I" de Luxembourg, frère de Frédéric. 

(3) Inconnus. On rencontre un Robert parmi les assesseurs qui, en 
^9, jugèrent sous la présidence de Frédéric le procès d'Aquin avec 
l'abbaye de Gorze; la même année un Thierry et un Auger souscrivirent 
la donation de la comtesse Hildegonde à Saint-Pierre d'Amel. 

(4) C'est le comte du p. Saroensis. 

(5) Nous ne pensons pas que ce comte Hugues soit le comte Udo de 
l'aclede960(945). 

(6) Nous avons vu au préc. vol. Mém. S. A. /L., p. 293, n. 7, qu'il y avait 
à celte époque plusieurs Richard ; mais on peut supposer que celui 
de notre charte est le comte qui, à un titre ou à un autre, détenait une 
partie du p. Uettensis. 

(7) Le comte du p. Dexirensis. 

(8) L'un des deux Renard ici mentionnés est certainement le comte 
du p. Scarponensis (Voir le préc. vol. Mém, S. .1. /.., p. 342 et n. 2). 



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248 LKS OlUGINES DE LA HAUrELOUHAINE 

32 Signum domni Ottonis (1) (Monogramme) invictissimi 
régis : 7 (a) Brun (2) canicellarius ad vicem Rodberti (3) (b) 
archicapellani recognovi : 7 (a). 

33 Data Vr» kl. martii anno dominicœ incarnationis 
DCGCCXLVII, indictione VI. 



III 

Restitution ordonnée par saint Gérard, éveque de Toul, 
en faveur du prieuré de Salone. 

9 octobre 971. Toul. 



Sur la réclamation du prévôt Aubry et des chanoines du 
prieuré Saint-Denis de Salone, en vertu du témoignage d'un 
homme et de plusieurs prêtres dignes de foi, et après avoir 
fait appel' à l'épreuve du fer chaud, saint Gérard, avec l'appro- 
bation de son clergé, réuni en synode à Toul, décide que les 
dîmes des terres que le prieuré de Salone possédait à Essey et 
à Malzéville seront restituées à ce prieuré. 

Copie prise sur l'original le 10 avril 1788 par dom ISJichel 
CoLLOz, sous-prieur de l'abbaye Saint- Airy de Verdun (Paris, 
Bibliothèque Nationale, Collection Morcaii, t. 11, f« 27 r*°). 

La charte a été imprimée dans notre thèse latine De prima 
domo etc., p. 134-135. 

Ego Gerardus divino favente juvamine humilis presul. Notum 
sit omnibus presentibus atque per succedentia tempora futuris 

(a) A ces deux endroits on trouve dans le pseudo-original un signe 
qui a la forme d'un sept. 
{b) Roaberti {H. M.). 

(1) Otton I". 

(2) Brunon, frère cadet d'Otton I"', qui devint en 953 archevêque de 
Cologne et duc de Lorraine. 

(3) Robert, archevêque de Trêves (931-956), archichapelain pour le 
royaume de Lorraine. 



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I ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 249 

I quod, cum residerem in gremio matris ac sancUr eccWian 

\ Tulle nsis sanctœ Mariœ sanctique Stephani protoiufirtyriri» adîit 

; nostram presentiam Albrigus (1), cujusdam loci sanctl îllonisu 

{ martyris prepositus nomine Salomna (2), proclament! {a} se sîmul 

J et fratres sibi commissi ejusdem ecclesiœ canonicî supt*r qîJodsm 

* decimatione eisdem subtracta. Nam, irruente insanissima pag-a^ 
norum infestatione, cœnobium illud depopulatum qUiuq destrue- 

. tum erat, et per incuriam et negligentiam ipsa décima et aliïs 

^ suis usibus privatum. Unde rei veritatem perquirentest invene- 

l runt hominem qui iilis temporibus istam decimationetii ad 
hospitale fratrum jam dicti loci jussu conduxit; quod audientos, 

^ ut nullus esitationis (b) scrupulus in audientium reumneiet cor- 

; dibus, consultu fidelium nostrorum, tam clericorum quam et 

i laicorum, judicio ferri igniti statuiraus perquiri, Dtto igitur justo 

* judice illud demonstrante, présente Lantberto (3) nostro arehî- 
' diacono^ presbiterisquoquecircummanentibus. Iterum repetentes 
\ nostram serenitatem cum idoneis atque veridicis tGâtif>u&, Tulli 
j in plena synodo suam deposcunt a nobis conservori nactitudi- 

* nem. Quorum annuentes petitioni et légitime juri, conlaudan- 
{ tibus fidelibus nostris archidiaconis, canonicis aïqat; presbiterîs 

* totius synodi, concessimus eis decimationem, peraclo t^^sliiuûnîo 

* in nostra presentia probabilium presbiterorum canonica institu- 
, tione et légitima jussione. Unde cum sacramenUi reiulenint 
[ testes idonei, sicut jam dictum est, in nostra synodo, quod ipsa.* 

i 

"» (a) Pour proclamans ». 

I {b) Pour « hipsitationis ». 

. (1) Aubry n'est mentionné dans aucun autre documonî, à moins tou- 
tefois qu'il ne s'identifie avec un personnage du niO nom, ipit h 

: souscrit deux chartes de saint Gérard en faveur de 1 nbhayo Saint- 
Mansuy de Toul, de l'année 982 (pour ces chartes se reporU^r plus bas^ 
à la n. 3). 

: (2) Salone ou Salonne (Lorraine, Château-SaHns). Il a été tiuestion 

* au préc. vol. Mëm. S. A. L,, p. 339-341, du prieuré qui se trouvait dans 

I cette localité, et qui, après avoir dépendu de la grande aJjihiiyp fnm^'ajsci 

i de Saint-Denis, fut ensuite rattaché à celle de Saint-Mihinï. 

\ ' 

» (3) Lambert figure avec le titre d'archidiacre dans quatre cliartes de 

\ saint Gérard pour Saint-Mansuy, deux de 982, une de ÎMi et uno der- 

: nière de 988 (Calmet, H. E. C. L., 1" éd., t. I, pr., co[, :î89, 3tM, 2m, 

393, 2' éd., t. II, pr., col. CCXXXV, CCXXXVH, CCXLH, CCXLlii). 



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Qoo^(^ 



250 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

decimœ terrœ sancti Dionisii in villa quœ dicitur Aceis (1) et in 
Maliscicilla (2) sitœ légitime pertinerent ad hospitale fratrum 
supra memorati cœnobii, quam ad alterius cujusque œcclesiœ 
opus ; eorum igitur perspicientes rectitudinem, jussimus eis 
fieri, ut firmiorem firmitatis obtinerent vigorem, bas synodicas 
litteras et manu nostra fideliumque nostrorum muniri et subter 
roborare decrevimus, et ut deinceps nullus audeat molestando 
nostrae notitiœ violare firmitatem, auctoritate divina nostroque 
ministerio nobis a Deo concesso prohibemus, sed stabilis et 
înconvulsa omni permaneat tempère. Acta pridie nonas 
octobris Tullt in plena synodo, anno Dominicœ Inearnationis 
DCGGCLXXI, indictione XV, ordinationis vero nostrœ X (3), 
régnante Ottone augusto et serenissimo imperatore, ejuàque 
filio equivoco (4). S. Fridrici (5) ducis -\- Signum domni 
Gerardi (6), venerandi antistitis, qui banc tieri jussit notitiam. 
S. Adelbaldi (7) primicerii. S. Lantberti (8). S. Anstei (9) 
decani. S. Grimbaldi (10). S. Bernefridi. Odelrici. Bovo- 

(1) Essey-Ies-Nancy (Meurthe-et-Moselle, Nancy-Est). 

(2) Malzéville (ibld., ibid.). 

(3) Si, le 6 octobre 971, la 15' indiction avait déjà commencé, par 
contre on n'était à cette date que dans la 9' année de l'épiscopat de 
saint Gérard, qui avait été consacré le 29 mars 963 (voir ci-dessus, 
p. 36 et n. 3). 

(4) On remarquera que, dans la formule de date, Otton II est associé 
à son père. Cf. p. 194 et suiv. 

(5) Frédéric 1", duc de Haute-Lorraine. 

(6) Saint Gérard, évêque de Toul. 

(7) Un archidiacre nommé « Hildebaldus » flgure comme témoin dans 
deux chartes de saint Gérard de 971, l'une, fausse, pour Saint-Etienne 
de Toul, l'autre, tout au moins remaniée, pour Saint-Mansuy [Gai, 
Christ., t. XIII, col. 457, Calmet, H. E. C. I., i'' éd., t. I, pr., col. 385, 
2*^ éd., t. Il, pr., col. COXXVI). 

(8) Nous avons plus haut, p. 249, n. 3, parlé de Lambert. 

(9) La charte de saint Gérard pour l'abbaye de Bouxières, de 968, est 
souscrite par l'archidiacre Anstée (Calmet, 1" éd., t. I, pr., col. 381, 
2*^ éd., t. II, pr., col. CCXXV). Un Anstée, qui ne prend aucune qualifi- 
cation, souscrit les deux chartes déjà citées du môme prélat pour 
Saint-Mansuy, de l'année 982. 

(10) « Grim(b)aldus » est qualifié de princier par les chartes de saint 
Gérard pour Saint -Etienne, de 968 (Calmet, 1" éd., t. I, pr., col. 380, 
2'' éd , t. Il, pr., col. CCXXIV) ; les deux chartes citées plus haut du 
mémo cvô(;u j pour Saint-Etienne et pour Saint-Mansuy, de 971, donnent 



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ET SA P.ÎEMIÈRE MAISON DUCALE 231 

Nis (1). Albrici (2) prepositi. Rochisi. Hildulfi. S. Ermen- 

RAMNI. BeRALDI. HeRMARI. VuLFRADI. WlNTRAMNl. S. GOZFRIDI. 

Nanteri (3). Pétri. Moringi. Ragenardi. 

Hi quorum hœc sunt nomina : Albricus. Ermenramnus. 
Ambrico. Beriricus.Vulfardus. Torperus. Teraldus. Heldul- 

FUS. WiDRICUS. 

Ego Aremfridus (4) cancellarius scripsi. 

IV 
Donation de Thiébert à l'abbaye de Saint-Mihiel. 

1002. 

Thiébert donne, en toute propriété, à l'abbaye de Saint-Mihiei 
un manse et vingt-trois serfs à Ville-sur-Saulx, dans le pagus 
et le comté de Bar. 

Copie du Cartulaire de Saint-Mihiel du xii* siècle (Archives 
de la Meuse, série H., fonds Saint-Mihiel, JS n» LV, p. 125). 
En tôte se trouve l'inscription suivante : « Donatio Tyeberti 
de alodio suo apud Vilercel, super aquam Sait, in pago Bar- 
rense. » 

La charte a été imprimée dans notre De prima domo etc., 
p. 137. 

Cum humana ac mortalis vita variis casibus subjaceat, diuque 
permanere non valeat, débet quisque in quantum potest pro 
adquirenda vita laborare et pro salute animç suç sollicite vigi- 

aussi à (( Griin(b)aldus » le titre de princier; enfin, d'après les deux 
chartes de saint Gérard pour SaintMansuy de 982 (voir la n. 3 de la 
p. 249), (c Grim(b)aldus » aurait à cette date rempli les fondions de 
bibliothécaire. 

(1) En 982 Bovon était chantre du chapitre de Saint-Etienne (chartes 
de 982 pour SaintMansuy). 

(2) Aubry, le prévôt du prieuré de Salone. 

(3) Une charte de saint Gérard en faveur de SaintMansuy, celle de 
971, est souscrite par le prêtre Nantère. 

(4) « Aremfridus » était, en 986 et en 988, doyen du chapitre et archi- 
diacre, d'après les chartes de saint Gérard pour Saint-Mansuy. 



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252 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 

lare. Qaapropter e^o Thybertus(1\ pro respectu Dei et remé- 
die animç meç dono ad locum juxta Mosam fluvium in honore 
beatc Archancjeli Mlchaelis consecratum, mansum nnum in 
villa Vilercel (2) norainata in parrochia sancti Martini in pago 
et comitatu Barrense super aquam Sait (3) dictam, ad quem 
decem jugera de terra appendunt, in cujus superiori parte jacet 
terra Gengulfi, in inferiori parte terra Heldradi et Albrici, 
ex utroque latere terra sancti Michaelis, Dono etiam manci- 
•pia XXIII, quorum sunt nomina : Albricus, per , quem dona- 
tionem feci, et uxor ejus Heldrada cum prolibus V, Jozperto, 
Geva, Heldulfo, Emgramno, Frangerada cum filiis IIII^ 
Heldulfo, Lamberto, Volfaudo, Hiedalda, Anstansia cum 
prolibus IIII, Officia, Durando, Riculfo, Stephano, Thaiuna 
cum prolibus tribus; Angelrada, Johanne, Algelbert, Ode- 
lenda, Bilierdis. Si masculus ex eis natus fuerit, dat ad altare 
sancti Michaelis in ejus festivitate denarios IIII, si femina, duos. 
Hec concède ut jure hereditario habeant, teneant, possideant, 
precorque ut nullus ex heredibus meis, propter amorem Dei et 
sancti Michaelis, banc donationem infringere audeat. 

Testes vestiturç : Seiardus (4), Lyetardus (5), Rohardus, 
Sarowardus (6), TiEDRicus, Hugo, Richerus, Egronus. Actum 



(1) Thiébert est d'ailleurs inconnu ; peut-être ne fait-il qu'un avec le 
personnage du même nom que mentionne la charte du comte Thierry 
pour Saint-Mihiel (1005), en tète des témoins ayant assisté à la trans- 
mission du domaine concédé à l'abbaye (De l'I^^le, H. S. A/., p. 446). 
Toutefois, l'acte de 1005 nomme immédiatement après Thiébert son 
fils Liétard ; nous rencontrons aussi un Liétard dans la donation de 
Thiébert que nous reproduisons, mais il n'est pas qualifié de fils du 
bienfaiteur, et il ne vient que le second parmi les témoins de la 
« vestitura ». 

(2) Ville-sur-Saulx (Meuse, Bar-le-Duc, Ancerville). Cf. Maxe-Werly, 
le pagus Barrensis n (Hém. S. L. B, Z>., t. VI, 1876, p. 166). 

(3) La Saulx, affluent de gauche de l'Ornain. 

(4) Ce Séjard doit-il être identifié avec un personnage de môme nom 
qui fit, à la fin du x*^ siècle ou au début du xi% donation d'une serve à 
l'abbaye de Montier-en-Der ? Nous parlons de lui un peu plus loin 
(p. 253, n. 1). 

(r>) Serait-ce le fils de Thiébert? Voir ci-dessus, n. 1. 

(6) Saroward figure également comme témoin de la transmission du 
domaine concédé à Saint-Mihiel, dans la donation du comte Thierry 
(De risLE, p. 440). 



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Qoo^(^ 



ET SA PHEMIKIIE MAISON DLCALE 253 

ab Incarnatione dominica anno M" II, indictione XV, régnante 
RoBERTO rege anno regni ejus VIII (1). S. Teoderici dacis (2). 
S. Teoderici comitis (2). S. Adelberti abbatis (3). S.Wlfrini 
prepositi (3). S. Seymundi (4). S. Richardi (4). S. Eremberti ■ 
S. Haydonis (4). S- BosoNis. S. Azilini. S. Bernardi. 

(1) La 15* indiction correspond bien à l'année 1002, mais non la 
8" année de règne de Robert, qui n'a commencé que le 24 octobre 
1003, sept ans après la mort de Hugues Capet (t 24 oct. 996). 

On ne voit pas pourquoi la formule de date donne les années de 
règne du roi de France : ni l'abbaye de Saint-Mihiel, ni Ville-sur-Saulx 
ne dépendaient, en effet, de Robert. Quant à l'explication qu'a donnée 
M. Davillé de cette anomalie, nous avons dit plus haut (p. 113, n. 1), 
qu'elle nous semblait inacceptable. Ce n'est pas du reste la seule 
charte de Saint-Mihiel où l'on constate des mentions du même genre. 
Parfois, les années de règne du roi de France se trouvent jointes à 
celles du souverain allemand qui gouverne la Lotharingie : c'est le cas 
de la destruction de la chapelle de Maizerais (944), des donations de 
l'abbé Eudes (972» et de Vaufroy (1067 ou 1038), où l'on trouve respec- 
tivement associés dans la date Louis IV et Otton I"', Lothaire et Otton I", 
Philippe I"' et Henri III (IV). Mais en revanche, dans les donations 
d'Amaury (943) et du comte Thierry (lOOo), comme dans celle de 
Thiébert, il n'est question que du roi de France, Louis IV en 943, 
Robert en 1005 et en 1092. En ce qui concerne la charte d'Amaury, la 
chose est toute naturelle, puisque Louis IV possédait alors le Barrois, 
où étaient situées les terres concédées à Saint-Mihiel. 

Une charte par laquelle un certain Séjard donne une serve à l'abbaye 
de Montier-en-Der présente la môme particularité : « Actum apud 
castellum Barrum publiée XIIIl kl. octobris, imperante Ottone in regno 
[SaxonumJ, Roberto in regno Francorum » (Archives de la Hte-Marne, 
série H., fonds de Montier-en-Der, Cariulaire du xii* siècle, t. I, 
n» XXIV, f" XLV r'"). L'acte est du 18 septembre 997 au plus tôt, et du 
18 septembre 1001 au plus tard, puisque l'avènement de Robert est du 
24 octobre 996 et qu'Otton III mourut le 23 janvier 1002. Le « castel- 
lum Barrum », d'où est datée la pièce, est-il Bar-le-Duc ou Bar-sur- 
Aube ? Nous pencherions volontiers pour la première hypothèse, la 
mention d'Otton III, dans un acte rendu à Bar-sur-Aube, étant beaucoup 
plus extraordinaire que celle de Robert dans une charte rédigée sur 
les bords de l'Ornain. 

(2) Le premier des deux Thierry mentionnés ici est le duc de Mosel- 
lane, le second le comte de Bar, dont nous avons déjà longuement 
parlé. 

(3) L'abbé Albert et lo prévôt « Wlfrinus » figurent aussi dans la 
donation du comte Thierry (De I'Isle, p. 446), où le prévôt est appelé 
a Wlfricus ». 

(4) Ces trois personnages, probablement des moines de Saint-Mihiel, 
ont souscrit la charte du comte Thierry [De I'Isle, p. 446). 



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254 LES OIUGINES DE LA HAUTE LORRAINE 



Echange entre les abbayes de Saint-Arnoul 
et de Sainte-Glossinde. 

13 janvier 1012. Metz. 

Benoît, abbé de Saint-Arnoul^ et Ërmentrude, abbesse de 
Sainte-Glossinde, font entre eux un échange de terres à Lay- 
Saint-Christophe. 

A) Original à Paris, Bibliothèque nationale, Collection lor- 
raine, t. 980, n" 4. Au dos du parchemin on lit la notice sui- 
vante : « Ratio commutationis terrarum inter domnum abbatem 
Benedictum et abbatissam Ermentrudem, que facta est Laio de 
terra sancti Arnulfi et sancte GloJesindis. » 

B) Copie dans les Antiquitdtes Arnuifinœ, p. 274 (Biliothèque 
municipale de Metz, ms. n» 62). 

Edité d'abord par nous, d'après l^original, dans le De prima 
domo etc., p. 138-139, puis par M. Mùsebeck, archiviste-adjoint 
de la Lorraine, à la suite de son travail Die Benedi/dinerabiei 
St, Arnuif con Metz in der crsten Hàlfte des Mittelalters (JaJirb, 
G. L. G., 13* année, 1901, p. 228), d'après les Antiquilates 
Arnulfinœ. M. Mùsebeck ne semble pas avoir eu connaissance 
de notre reproduction, qu'il ne cite pas. 

^ Quotiens quelibet res inter aliquos commutantur, hoc in aug- 
mentum sibiab utrisque creditur provenire. Temporibus itaque 
domni Benedicti (1) abbatis cœnobii sanctissinu (a) \ ^ [con] (b) 

(a) Dans l'original les mots de la première ligne sont écrits en carac- 
tères allongés. 

[b) En découpant le long du bord gauche de l'original une bande de 
parchemin, on a enlevé le premier mot ou une partie du premier mot 
de chaque ligne ; nous avons pu combler les lacunes à l'aide de la 
copie du document qu'ont donnée les Aniiquitaies Àrniilfinœ. Les 
Ant. Arn.^ et Mùsebeck à leur suite ont remplacé l'ç cédille par « je » 
partout où il se présentait. 

(1) Sur Benoît consulter le Gai. Christ, t. XIII, col. 902. Cet abbé 
nous est connu par une autre charte, de 986, par laquelle il donne un 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 233 

fessorls ArnuIJi et dominç Hermentrudis (1) abbatissç monas- 
tcrii sanctç Glodcsindis gloriosç Virgin is facta est commuta tio 
inter utrosque mutua oportunitate sibi complacita et | 5 [adpro] 
bâta. Dédit ergo supradictus domnas abbas Benedictus predictç 
abbatissç de terra sancti ArnuIJi curti Laio (2) adjacent! nun- 
cupato Arnullus (a) pertiras inter longitudinem | 4 [et lajtitudi- 
nem centum triginta (6) quattuor. Reddidit vero econtra eadem 
domina abbatissa ad partem sancti Arnulfi de terra sanctç Glo- 
dcsindis quç jacet juxta aquam Asniantiam (3) vo- | 5 [catajm in 
loco qui dicitur Petrosus vodus (4) habentem perticas inter 
longitudinem et latitudinem centum decem at octo, ea videlicet 
ratione ut a die preseuti in reliquum quicquid | ^ [un]a pars 
accepit ab altéra absque uUa contradictione teneat ac liberum 
exbisquod voluerunt faciendi in omnibus habeant potestatem. 
Actum Métis (c) publiée sub die iduum janua- | 7[ri]i anno Incar- 
nationisDominimillesimoXII, indictione X, régnante Heinrico 
impcratore, ipsius imperii Romani primo anno (5), domno 
autem Deoderico sanctç Meitcnsis ecclesiç pontificali in cathe- 
dra pastore gratia | ^ [divin]a constituto. Et ut hçc nostrç mutuç 
commutationis descriptio firma et stabilis persistât, uterque 
firmavimus : + Signum domini Benedicti abbatis, qui banc 



manse k l'un des hommes de Saint-Arooul (publiée par Mûs::bei:k dans 
le Jahrb, G. I. G., t. XIII, 1901, p. 227). 

(a) Arnulfus (Mùsebeck). 

{h) Quadraginta (m.). 

(c) A partir d* « actum » les lettres employées pour former les mots 
dans l'original deviennent plus petites et sont en outre tracées avec 
une encre plus pâle. 

(1) Le Gai. Christ., t. XIII, col. 930, ne parle d'Ermenlrude que 
d'après notre charte. 

(2) Lay-Saint-Christophe (Meurthe-et-Moselle, Nancy-Est). 

(3) L'Amezule, petit aflluent de droite de la Meurthe, qui vient se 
jeter dans cette rivière au pied de Bouxières-aux-Dames. 

(4) Piroué, sur l'Amezule, où s'élève un moulin, est un écart de la 
commune de Dommartin-sous-Amance (Meurthe-et-Moselle, Nancy-Est). 

(*)) Si la 12« indiction correspond bien à l'an de l'Incarnation lOH, 
par contres, c'est le 14 février lOH seulement qu'Henri II fut couronné 
empereur. L'acte a donc dû être expédié non en 1012, mais quelque 
temps plus lard, par un moine qui ne se rappelait plus exactement en 
quelle année Henri avait reçu la couronne impériale. 



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256 LES ORIGINES 1>E LA HAUTE-LORRAINE 

commutationem fecit cum voluntate et consensu fratrum Dec et 
sancto I 9 [Arnul]fo servientium. Signum dorninç Hermentrudis 
abbatissç quç hanc cartam fieri rogavit. Signum Hilorad^ sanc- 
tçmonialis. Signum Rinza (a) sanctçmonialis + Signum Heri- 
MANNi monachi + Signum Amalgeri monachi | ^° [+ Signum 
Gerardi monachi + Signum Adalberti monachi 4- Signum 
GoDEFRiDi monachi Signum Theoderici ducis (1) Signum Hein- 
rici ducis (2) Signum Girardi comitis (3) Signum Fulmeri 
comitis (4), ecclesiarum Dei illo in tempore advocati Signa et 
nomina laicorum partis sanctç Glode- \ " [sindis] Odelricus 
prepositus Ingentis ^curtis (5) -|- Rothardus (h) major + Ber- 
TOLDUS scabinus 4- Bauvigius decanus -\- Ex parte sa/iciîi Arnidfi 
+ Harinus (c) presbiter + Ripaldus major + Rainerus et 
Wiherus scabini 4- Lambertus decanus Signum (d) Rohardi 
I ^^ [hujus] cartç scriptoris. 

[a] Riwza (Mûsebeck). 
[h) Rotlandus (Mûsebeck). 
(c) Arinus (m). 
{d) 4- (M). 

(1) Thierry I", duc de Mosellane. 

(2) Henri IV(V), duc de Bavière, frère de Cunégonde, et beau-frère 
d'Henri II. 

(3 Gérard appartenait à une famille comtale du Nordgau alsacien. 
Il épousa Eve, fille de Sigefroy II, comte de Luxembourg, et sa sœur 
Adélaïde se maria avec Conrad l'Ancien, qui devint en 102'é roi d'Alle- 
magne L'évêque de Metz, Thierry II, beau-frère de Gérard, fit de lui 
en 1006 un comte épiscopal de xMetz ; il est possible que Gérard fût un 
descendant par les femmes des Matfrid, qui avaient autrefois été 
comtes du pdgus Mettensis. Adalbert, que l'empereur Henri III nomma 
en 1047 duc de Haute-Lorraine, et Gérard, qui, l'année suivante, obtint 
la même dignité, étaient respectivement neveu et petit -neveu du 
comte Gérard. Sur le comte Gérard, voir Calmet, B.E.C.L.. V* éd., 
t. I, col, CXII, CXIII, CXV, 2« éd., t. I, col. CXLVIII, CXLIX, CL, CLIV, 
WiTTE, Genealogische Untersuchungen^ et Châtelain, Le Comté de 
Metz {Jahrb. G. L. G., t. V, 2* partie, 1893, p. 52-58, t. XIIÏ, 1901, p. 295), 
enfin Vanderkindere, H. F. T. P. B., t II, p. 331, 334-335, 407-408, 
424-425. 

(4) Folmar, de la maison des comtes de Lunéville. On peut consulter 
sur lui Calmet, op. cit. 2« éd., t. I, col. CLVI, Witte, Gen. Unt., et 
Châtelain, Le Comté de Metz {Jahrb. G. L. G., t. VII, 1" partie, 1895, 
p 83-88, t. Xin, 1901, p 298), ainsi que Vanderkindere, H.F.T.P.B., 
i. II, p. 405-408. 

(5) Agincourt (M.-et-M , Nancy-Est), sur l'Amezule, au-dessous de 
Dommartin-sous-Amance et au-dessus de Lay-Saint-Ghristophe. 



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ET SA PREMIERE MAISON DUCALE 257 



VI 



Réglementation des droits de Tavouô d'Houôoourt 
et da Jainvillotte. 

1080. 

La comtesse Sophie, à la suite d'une réclamation que lui avait 
présentée Sigefroy, abbé de Saint-Mihiel, contre les violences 
et les exactions commises par Boson de Viocourt à l'égard des 
serfs de Houécourt et de Jainvillotte dont il était l'avoué, fixe, 
après avoir entendu les parties, les redevances que cet avoué 
aura désormais le droit de prélever. 

Copie du Cartula'we de Saint-Mlhlel, du xii* siècle (Archives 
de la Meuse, série IL, fonds Saint-Mihiel, J.S n° LIX, p. 129- 
130). En tête de l'acte se lit l'inscription : x De advocatia Wahe- 
ricurtis et Gedanis villç ». 

Edité par L. Viellard, Documents et mémoire pour scrcir 
à r histoire du territoire de Belfort^ n" 87, p. 133. 

In nomine summç (a) et individu^ Trinatatis noverint omnes 
tam présentes quam futuri quod me Sophiam comitissam apud 
ifo/iftacw/n adiit Sygifridus (1) abbas sancti Michaelis y quQri- 
moniam faciens super injuria et prejudiciis quç faciebat Boso 
de Wiocort (2) (6) rusticis su? advocationis, scilicet Wahe- 
ricurtis (^) ei Janioille (i). Collatione autem facta utrarumque 
partium in mea presentia diffinitum est non plus debere unam- 
quamque domorum nisi modium aven§ mensuratç in dominicali 

(a) Viellard a substitué a ae » à Vç cédille, partout où celui-ci se 
présentait. 
{b) Viocort (V.). 

(1) Sigefroy aurait été abbé de Sainl-Mihicl de 1078 (?) à 109i d'après 
De l'Isle (B. s. M., p. 63-75). 

(2) Viocourt (Vosges, Neufchùteau, ChiUenois\ 

(3) Houécourt (Vosges, Neufchâtcau, Chàtenois). 
(4} Jainvillotte (Vosges, NeufchAteau). 



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2S8 LES ORtGLVES DE LA fiAtlTË-LORRÀtNE 

modio ejusdem villç Wahcrlcurtis et unum panera, pullum et 
denariam unum et fasciculum feni in festivîtate sanctî Martini (1). 
Si autem ab aliquibus ista non possunt persolvi, in judîcîo 
ministralium erit quantum debeat remitti. In festivitate vero 
sanctç Marie candelarum (2) communiter debent V solîdos 
obsonii aut servitium X militum unius noctis : Janieillç non 
debent fasciculum feni, nec plus quam IP' solidos obsonii. Ab 
hoc debito liberi sunt ministrales, scilicet villicus, decanus, pri- 
mus allector id est schevinus, et casalis, et cellerarius. Advo- 
catus nuUam districtionem in bis faciet, nisi ab abbate aut pre- 
posito interpellatus, vadia nondisponet,IP' denarios districtionis 
accipiet cum tertia parte justiBcationis. Facta sunt hçc anno ab 
Incarnatione Domini M" octogesimo et sacramento confirmata, 
scripto etiam tradita Testes autem hi fuerunttam nobiles quam 
etiam de familia ejusdem comitissç Teodericus (3) et Loduwi- 
ctjs (4) filii ejus, Albertus Barrensis castellanus, Wydo et 
Petrus fratres, Rodulfus eum filiis, Guiricus de Belran (5) (a) 
et Lyethardus frater ejus, Tiebertus Montiacensis (6) cum 
Warino filio. De familia vero ejusdem comitisse Harvinus, Udo, 
RoBERTUs, item Harvinus. De familia vero sancti Michaelis 
Teobaldus, WiRicus, Infridus, Rodulfus, Anscherus. 

(a) Belram (V.). 

(1) Le 11 novembre. 

(2) La Chandeleur, ou fôte de la PuriHcation de la Sainte Vierge, 
2 février. 

(3) lliierry, comte do Montbéliard après la mort de son père, de 
Bar, après celle de sa mère, était l'alné des flls de Louis et de Sophie 
(Du Ghesne, Histoire de la maison de Bar-le-Duc, p. 12 et 14-17, 
Calmbt, h. E. C. /.., 1" éd., t. I, col. CXCHI-CXCIV, 2- éd., t. I, coL 
CCLXXXVI, TuEFFERD, Histoire des comtes souverains de Montbéliard 
[Mém. Soc. Em. Monthéliard, 3« série, 1. 1, 1877, p. 9-15]). 

(4) Louis n'est pas mentionné par Du Ghesne dans l'ouvrage cité à la 
note précédente ; Galmet, H. E. C. £., 1" éd., t. I, col. GXCIIl, 2 éd., 
t. I, col. GGLXXXVI, Quiquerez, Histoire des comtes de Ferrelte et 
Tuefferd, op. cit. (Mém. Soc. Em. Montbéliard^ 2« série, t. I, 1862- 
1864, Tab. gén. 1, vis-à-vis de la p. ^64, et 3« série, t. 1, 1877, p. 9-10), 
ainsi que L. Viellard, Documents et mémoire pour servir à Vhistoire 
du territoire de Belfort, Tab. gén., p. 23, 126 et 133, connaissent au 
contraire Louis, Ûls de Sophie. 

(5) Belrain (Meuse, Gommercy, Pierrefitte). 

(6) Adjectif lire de Montiacum^ Mousson (M.-et-M., Nancy, Pont-à- 
Mousson). 



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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 259 



VII 



Lettre du comte Thierry II de Montbéliard à Hillin, 
archevêque de Trêves. 

[1152-1155 (1156)J. 

Thierry II, comte de Montbéliard, certifie à l'archevêque de 
Trêves Hillin que le prieuré de Salone, que Thierry était accusé 
auprès de l'archevêque de détenir injustement, avait été concédé 
à l'abbaye de Saint-Mihiel, dont le comte avait l'avouerie, par 
la comtesse Sophie, sa grand'mère. 

A) Original aux archives départementales de la Meuse, 
série H., fonds Saint-Mihiel ; il est collé sur la page 360 du 
registre P, du xvii' siècle, qui contient la transcription de nom- 
breux documents concernant l'abbaye de Saint-Mihiel. Le par- 
chemin mesure 0,058 de haut sur 0,167 de large et ne porte 
aucune trace de sceau . 

B) Copie prise sur l'original le 18 mars 1789, par dom Michel 
CoLLOZ, sous-prieur de Saint-Airy de Verdun (Paris, Biblio- 
thèque Nationale, Collection Moreau, t. 61 , f" 1 r'*). 

^ II. (1), Dei gratia Trcoirensi archiepiscopo, T. (2) de Monte 
Beligardi (3) comes salutem eu m obsequio Relatum nobis est 

I ^ quod quidam super ecclesiam sancti Michaelis vobis conquesti 
fuerint quod Salonanx (4) et queedem alla injuste obtinerem. 

1 5 Ego vero, predictg çcclesiç advocatus, diligentie vestre béni 



(1) Hillio fut consacré archevêque de Trêves le 31 janvier 1152 et 
mourut le 23 octobre 1169 (Hauck, KG, Z)., t. IV, p. 92-2). 

(2 Thierry II, comte de Montbéliard, fils de Thierry I" et d'Ermen- 
trude. aurait régné de 1103-1104 à 1162 d'après Turffehd, Histoire 
des comtes souveraine de Montbéliard (Mém. Soc, Eni, Montbéliard^ 
3* série, t. I [1877J, p. 15-21) et U. Chevalier, Bio-bibliographie^ 2" éd., 
col. 4461. 

(3) Montbéliard, ch. 1. d'arr» du Doubs. 

(4) Salone (Lorraine, Château-Salins). 

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ADDITIONS ET CORRECTIONS 261 

ADDITIONS ET CORRECTIONS 



J. — Additions et corrections se rapportant à l'Introduction ainsi 
qu'aux livres ! et II, parus dans le précédent volume des Mémoires. 

P. 460, la note (1) a été par erreur marquée (2). 

P. 204, 1. 15 et 16, at* lieu de saint Arnoul, lire Saint-ArnouJ. 

P. ^o, 1. 3, supprimer « Rainaldivilla » ou. 

P. 2o6, n. 7, 1. 2, au lieu de Molesme, lire Vaucouleurs. 

P. 258, 1. 1, ai* lieu de Thiébaut, lire Thibaud. 

— 1. 22, au lieu de châteaux-forts, lire villages. 

P. 265, n. 3, 1. 5, au lieu de Vorhernerkungen, lire Vorbemerkungen. 
P. 272, au lieu de Moslenses ou Muselenses^ lire Moslenses, Muselenen- 
ses ou Museleni. 

— n. 3, 1. 2, au lieu de Muselenses dans Thietmab, Chron.^ 1. V, c. 11, 
lire Muselenenses et Museleni dams Thietmar, Chron., l. V, c. 11 çt 27, 
p. 114 et 122. 

P. 287, n. 2, 1. 1, au lieu de n. 2, lire n. 12 de la p. ^. 

P. 302, n. 2, 1. 2, au lieu de Saint-Mihiel, lire Bouxières-aux-Dames. 

P. 339, n. 4, 1. 11, au lieu de doyenné, lire archiprêtré. 

— ji. 7 (340), 1. 4, Ley faisait partie du canton de Vie. 
P. 340, 1. 18, au lieu de 1169, lire 4155 (1156). 

P. 345, n. 4, 1. 9, au lieu de Tliiaucourt, lire Viéville-en-Hayç. 

— 1. 10, au lieu de 556, lire 607. 

— n. 6, ajouter à la fin Pont et Vertuzey faisaient pariie du ^iJrrois, 
Gironville de la Lorraine. 

P. 367, 1. 8, au lieu de Frédéric, lire Hugues. 

P. 371, n. 1, 1. 8, au lieu de 1006, lire 1005. 

P. 373, 1. 11-12, effacer Rupt-devant-Saint-Mihiel, Villotte-dev3nt- 

Saint-Mihiel. Ces deux localités appartenaient en effet au diocèse 

de Tout et au doyenné de Belrain. 

— n. 5, ajouter au début Aujourd'hui Apremont. 

P. 383, n. 6, 1. 13-14, au lieu de Archives de la Meuse... n» LIX, p. 129, 
lire h. ViELLARD, Documents et mémoire pour servir à Vhistoire du 
territoire de Belfort, n» 87, p. 134. 

P. 390, n. 1, faire la même rectification qu'à la p. 383, n. 6. 

P. 392, n. 3, 1. 3, au lieu de Ji, p. 129, lire L. Viellard,^cz7.,|). 134. 

P. 396, 1. 10, OAi lieu de xi« si^le, lire xi siècle. 



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262 ADDITIONS ET CORRECTIONS 

P. 414, n. 1, 1. 7-8, au lieu de il se trompe également en faisant 
tt'Hermann un duc de Lorraine ; Hermann était en réalité duc de 
^uabe, lire il se trompe également en faisant de Conrad un fils 
d'Hermann, et d'Hcrraann un duc de Lorraine ; en réalité Conrad 
avait Udo pour père, et aucun duc lorrain ne s'est appelé Hermann . 

. II. — Additions et corrections se rapportant au livre III, à la 
Conclusion, aux Appendices et aux Pièces justificatives parus dans le 
présent volume des Mémoires. 

P. 10, 1. 11, au lieu de 922, lire 923. 

P. 12, n. 7, au lieu de Ou, lire En réalité. 

P. 13, n. 4, ajouter au début Ou Ricuin. 

P. 16, 1. 19, au lieu de Saint- Anoul, lire Saint- Arnoul. 

P. 19, n. o, 1. 9, au lieu de n" IIÏ, lire n» IV. 

P. 47, remplacer la note (1) par ce qui suit : Nous avions primitive- 
ment (De prima doino, p. 9 et n. 9) adopté pour la date de la mort 
de Frédéric I" le jour, 17 juin, proposé par J. Ha vet, qui était arrivé 
à ce résultat par une interprétation ingénieuse des vers de Gerbert. 

P. 52, 1. 7, au lieu de cinq, lire quatre. 

P. 59, 1. 26, au lieu de cinq, lire trois. 

P. 61, 1. 4, au lieu de Quedlinbourg, lire Quedlinburg. 

— n. 1, 1. 4, au lieu de Queldinhurgenses^ lire Quedlinburg enses. 

— n. 4, 1. 6, au lieu de Gérard, lire Géraud. 

— — — au lieu de Auviller, lire Aurillac. 

P. 77, n. 2, l. 12-13, au lieu de les érudits allemands, lire des érudits 

allemands. 
P. 96, 1. 2-3, an lieu de elle aurait quitté la Mosellane avec sa fille lia, 

lire elle aurait quitté la Mosellane avec son fils Wcrner et sa fille lia. 

— 1. 6-7, au lieu de De la seconde union de Béatrice seraient nés 
Werner, évoque de Strasbourg, et Cuno (Conrad) de Rheinfeldcn, 
lire De la seconde union de Béatrice serait né Cliuono (Conrad) de 
Rhcinfelden. 

— 1. 10-11, au lieu de non contents de rejeter Ita du nombre des 
enfants de Frédéric et de Béatrice, lire non content de rejeter Werner 
et Ita, etc. 

P. 123, 1. 9 et 13, au lieu de Régnier IV, lire Régnier V. 

P. 141, n. 4, 1. 2, au lieu de les Picks Mouatschrijt, lire la Picks 

Monatschrift. 
P. 162, n. 6, 1. 3, au lieu de f» 21, r»» N 1, lire N 1, fâl r'\ 
P. 167, n. 3, 1. 1, au lieu de morbis, lire morbo. 
P. 179, 1. 9-10, au lieu de comme le firent Conrad le Jeune et le duc 

Ernest de Souabc, lire comme le fit lé duc Ernest de Sduàbe. 



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ADDITIONS ET COKIŒCTIONS 263 

P. 185, I. 1, supprimer la virgule après effectivement. 
P. 187, n. 1, 1. 8, au lieu de Benoit IV, lire Benoit IX. 

— n. 2, 1. 20, au lieu de l'Amphytryon, lire l'Amphitryon. 
P. 189, 1. 6, au lieu de (953 965), lire (953-965). 

P. 190, n. 4, 1. 5, au lieu de sacrés, lire sacré. 

P. 197, 1. 24, au lieu de Saint-Remy, lire Saint-Remi. 

P. 199, 1. 1, au lieu de (lOOi), lire (1064). 

P. 216, 1. 18, au lieu de Béatrice, lire ïta. 

P. 221, 1. 21, au lieu de Frédelinde, lire Bertrude. 

— 1. 23, av lieu de Bertrude, lire Frédelinde. 

— 1. 25, remplacer Bertrude par Frédelinde et Frédelinde par Bertrude 
P. 250, n. 3, 1. 3, au lieu de Adélaïde se maria avec Conrad l'Ancienj 

lire Adélaïde fut la mère de Conrad l'Ancien. 



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264 TABLE DÈS MATlèflBS 

TABLE DES MATIÈRES 



LIVRE III 

Les trois premiers ducs de Haute-Lorraine, Frédéric I*', Thierry 1" 
et Frédéric II ; leur famille ; leur rôl« politique et militaite 
(959-1033) 5 

CHAPITRE PREMIER 

Frédéric 1«M9?? -978) 6 

§ I". —■ Les ancêtres et la famille de Frédéric 6 

§ II. — Premières années, mariage et enfants de Frédéric . 20 

§ III. — Frédéric, duc de Haute-Lorraine (959-978). ... 28 

CHAPITRE II 

Thierry I" (978-1027 [?J) 50 

§ I". — Thierry sous la tutelle de sa mère Béatrice 

(978-9??) 51 

§ II. — Thierry seul duc (9??-101?) 97 

§ III. — Thierry et Frédéric II (101j?-1027 [?J) 126 

CHAPITRE III 

Frédéric II seul duc (1027[?]-1033) . 158 

Conclusion 174 

APPENDICES 

I. — La Lotharingie formait-elle encore en 959 un royaume 

autonome, distinct de l'Allemagne ? 184 

II. — La mère de Frédéric I" 201 

III. — Enfants et second mari faussement attribués à la duchesse 

Béatrice 204 

IV. — L'échange conclu le 24 février 935 entre Bérard, abbé de 

Saint-Martin de Metz, et Rambaud, comte du pagus 

Mortisna, est-il un faux ? 216 

V. — Les dates de l'entrevue de Brisach et des deux sièges de 

Verdun par Lothaire 226 



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TABLE DES MATIÈRES 265 

PIÈGES JUSTIFICATIVES 

I. — Constitution d'un douaire, par Gilbert, au profit de sa 

fiancée Raintrude (17 janvier 949) 240 

II. — Echange entre Bérard, abbé de Saint-Martin de Metz et le 

comte Rambaud (24 férrier 965) 242 

m. — Restitution ordonnée par saint Gérard, évêque de Toul, en 

faveur du prieuré de Salooe (9 octobre 971) . . . . . 849 

IV. — Donation de Thiébert à l'abbaye de Saint-Mfhiel fl002) . 251 
V. — Echange entre les abbayes de Saint-Arnoul et do Sainte- 

Glossinde (13 janvier 1012) 254 

VI. — Réglementation des droits de l'avoué d'Houécourt et de 

Jainvillotte (1080) 257 

VU. — Lettre du comte Thierry II de Montbéliard à Hillin, arche- 
vêque de Trêves (1132-1155 [1156]) 259 

Additions et Corrections 261 

Table des Matières 264 

TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE 

Tableaux généalogiques 238 

Fac-similé du pseudo- original de l'échange conclu entre le comte 

Rambaud et Saint-Martin de Metz 248 

La Haute-Loi raine (Mosellane) de 959 à i033 (carte) 260 



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NOTE 

sua ux 

STiTION FDNÊRilBE DE LA eAREINE 

A LIVERDUN 1" 

PAR 

M. A. GRENIER 



Le grand intérêt que j*ai pris à la communication de 
M. Beaupré, sur ses belles découvertes de Tan dernier, à 
Liverdun, est la seule raison que j'aie de revenir, après 
lui, sur ce sujet. Son amitié a bien voulu m'autoriser à 
vous soumettre les quelques remarques que m*a suggérées 
son exposé. Je voudrais seulement essayer de mettre en 
relief l'importance de ce monument archéologique pour la 
préhistoire lorraine. 

Un seul tumulus contenait les 36 sépultures exhumées 
par M. Beaupré ; et ces tombes, de genres divers, appar- 
tiennent à des époques fort différentes (2), depuis Tâge 
néolithique probablement, dit il, jusqu'à celui de la Tène. 
Mais ne peut on pas arriver à déterminer quelles sont celles 

(1) Voir l'article du comte J. Beaipré, Mémoires de la Société 
d'Archéologie lorraine, LVII (1907), p. 4-28-458. 

(2) M. Bkauprè distingue, en effet, dans le tumulus 4 époques dillé- 
rentes (p. 431) : 1» les restes d'une allée couverte, probablement de la 
fin de l'époque néolithique ; 2» des sépultures par incinération, attri- 
buables à l'âge du bronze ; 3" des sépultures peut être hallstattiennes ; 
4'* des sépultures par inhumation de la Tène 1. 



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NOTE SUU LA STATION FUNKUAIUE DK LA GAUENNE ^()7 

des populations, ayant autrefois occupé notre pays, à qui 
Ton peut attribuer ces tombes successives ? 

Essayons d*abord de préciser comment a été formé le 
tumulus, et combien d'époques différentes y ont en réalité 
laissé leurs traces. 

u Le noyau du monument était constitué par une allée 
de dalles plates dont les dimensions varient de 0,60 à 
1"^10 de long, sur 0,60 à 0,70 de large. Ces dalles ont dû 
être primitivement plantées de champ, en deux rangées 
parallèles dans la direction du nord au sud. Presque 
toutes avaient été déplacées. Mais au centre du tumulus, 
on a encore retrouvé en place les deux dernières dalles. 
L*une d'elles a seulement fléchi, ce qui a amené la chule 
de la pierre couvercle placée en équilibre sur ces deux 
supports, en manière de dolmen (1). » 

Ce petit dolmen, précédé d'une allée, couverte ou non- 
couverte, (l'inégale hauteur des dalles indiquerait plutôt 
une allée non-couverte), était en réalité une tombe, comme 
d'ailleurs tous les dolmens. Et en effet, sous les trois 
dalles encore en place gisait un squelette, déposé au niveau 
du sol. L'espèce de chambre funéraire que formait le 
dolmen devait donc être recouverte d'un amas de terre. 
Le tumulus n'est que l'enveloppe du dolmen. On sait d'ail- 
leurs qu'il en était généralement ainsi. La construction 
dolménique disparaissait sous une butte artificielle (( ainsi 
que les grottes se dissimulent dans les montagnes. On 
pourrait dire de ces tombes, qu'elles étaient des cavernes 
naïvement stylisées (2). » 

Du moment que la formation du tumulus a été déter- 
minée par la nécessité de recouvrir le dolmen, les deux 
tombes à incinération A et B, creusées dans le sol vierge, 
(( de telle façon que la partie supérieure du vase cinéraire 

(1) Beaupré, arlidecité, p. 431-432, passim. 

(2) JtLLiAN, Histoire de In Gaule, I, p. 150. 



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268 NOTE SUR LA STATION FUNÉRAIRE DE LA GARENNE 

se trouvât à une dizaioe de centimètres au-dessous du 
niveau du sol» (1), ne peuvent être que contemporaines 
de la sépulture sous le dolmen, ou antérieures à elle. Une 
particularité soigneusement relevée par M. Beaupré, 
confirme cette supposition. « Au-dessus des tombes la 
couche de sable étendue sur les résidus charbonneux, a été 
fortement piétinée et damée, de façon à former une masse 
très dure, épaisse de 0,10 à 0,20 (2). » Aurait-on pris la 
peine de se livrer à ce travail, aurait-on pu, môme, piéti- 
ner l'emplacement de la tombe au niveau du sol naturel, 
si le tumulus avait existé au moment où furent creusées 
ces tombes ? 

Un indice d'un autre genre nous porte à croire que les 
sépultures A et B, ne sont pas antérieures à la construction 
du dolmen, mais datent exactement du même moment. 
Que Ton se reporte au plan du tumulus publié par 
M. Beaupré. On notera que ces deux tombes sont placées 
symétriquement, età peu près à même distancedu dolmen, 
vers Test et vers le sud. A se trouve à environ 2 mètres au 
sud du centre du tumulus, marqué par le dolmen, sur le 
prolongement direct de la rangée de dalles qui devait bor- 
der à rouest le couloir d'accès. B se trouve exactement sur 
le prolongement de la ligne formée par le dolmen même, 
et à 2 mètres environ de la dalle support, du côté est. Une 
telle disposition n'indique-t-elle pas que ces deux tombes 
sont en relation avec la sépulture cachée sous le dolmen (3)? 
Peut-être à l'ouest du dolmen, une troisième tombe à inci- 
nération faisait elle pendant à B. Mais vers ce point, la 
présence d'une toufie de chênes a empêché les recherches. 
Peut-être aussi, d'ailleurs, cette 3® tombe à incinération, 

(1) Beaupré, article cité, p. 433. 

(2) Ibidem, p. 433. 

(3) L'incinération est, en efifet, employée en même temps que l'inhu- 
mation à l'époque préhistorique. Jullian, Histoire de la Gaule, l, 
p. 149. DÉcttELETTE, Manuel d' Archéologic préhistoviq^e, l, p. 465-467. 



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NOTE SUR LA STATION FUNÉRAIRE DE LA GARENNE 269 

qui compléterait la symétrie, est elle représentée par. la 
tombe C, qui s'est rencontrée à 2"50 au nord-oaest du 
dolmen. Cette tombe, remarque M. Beaupré, parait avoir 
été bouleversée et déplacée ; les cendres et les charbons 
s'étendaient sur un plus grand espace. Elle se tpouvait en 
outre à une profondeur moindre que les deux autres tom- 
bes à incinération A et B. Nous croyons donc qu'il convient 
de réunir en un même groupe, et de dater de la même 
époque, la sépulture d'inhumé placée sous le dolmen, et 
les deux, peut-être même les trois tombes à incinération, 
creusées dans le sol naturel, autour du dolmen (1). 

Ces tombes étant reconnues contemporaines, de quelle 
époquepouvons-nous les dater ? On s'accorde généralement 
pour attribuer les constructions dolméniques à l'époque 
néolithique, ou au premier âge du bronze (2). En Lorraine, 
le seul monument de ce genre que l'on ait retrouvé jus- 
qu'ici, celui de Bois-l'Abbé, est très nettement daté de 
l'âge néolithique (3). Le dolmen de Liverdun semble pos- 
térieur. Il contenait en effet un petit anneau de bronze ou 
de cuivre, ainsi qu'un bijou indéterminé, dans lequel 
s'associaient sans doute le bronze et le verre, et dont il ne 
reste plus qu'un fragment de verre blanc très irisé (4). 
Les trois tombes à Incinération qui appartiennent à la 
même couche archéologique que le dolmen, contiennent 
de même, de menus fragments et de petits objets de 
bronze (5}. Dans ces quatre sépultures, le métal se ren- 

(1) Il ne nous convient pas de risquer quelque hypothèse sur les rai* 
sons possibles de cette disposition de 3 tombes contemporaines autour 
d'un dolmen. Que l'on se souvienne cependant que les premiers habi- 
tants de toute l'Europe furent de « féroces immolateurs d'hommes ». 
JuLLiAN, Histoire de la Gaule^ I, p. 444. 

(2) Voir DécHELETTB, Manuel d'Archéologie pré historique ^ I, p. 374 
et suiv. 

(3) Beaupré, Mémoires Soc. Arch. lorraine, 1905, p. 375. . . 379, 380. 

(4) Beaupré, Mém. Soc. Arch. lorr., 1907, p. 437. 

(5) Dans la tombe a, trois petits anneaux de bronze ou de cuivre, 
une feuille de bronze extrêmement mince formant cylindre, et une 



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270 NOTE SLH LA STATION FUNKHAIKK DE LA (ÎARKNNE 

contre, niais à rélat de Irace pour ainsi dire. Quant aux 
vases, si on met à part le grand vase de la tombe C (1), ils 
sont tous d'une pâte assez grossière et mal cuite. Façonnés 
à la main, sans Taide du tour, ils sont ornés de simples 
lignes incisées et de zig-zags en dents de loup (2). C'est 
là technique, c'est la décoration, communes à la fois à l'Age 
néolithique et au l^"* âge du bronze (3). 

Le l**' âge du bronze, auquel appartiennent, sans aucun 
doute possible, le dolmen de la Garenne et les trois tombes 
inférieures du tumulus, n'était jusqu'ici représenté en 
Lorraine par aucun monument. « Les peuples de cette 
région »,dit M. Beaupré (4), o paraissent être passés presque 
sans transition, de 1 époque de la pierre polie à la période 
intermédiaire entre le bronze et le fer, connue sous le 
nom de Hallstatt. L'absence presque complète du bronze 
est une conséquence de la pauvreté des populations 
locales. » La trouvaille de Liverdun confirme parfaite- 
ment cette théorie, et permet de la préciser davantage. 

La rareté du métal, dans ces tombes de l'âge du bronze, 
tient, non pas à la pauvreté des sépulture^, mais à la pau- 
vreté générale de la population locale. Si modestes que 
soient en effet les diniensions du dolmen, celte sépulture, 
qu'entourent trois autres tombes disposées symétriquement 
autour d'elle, est un tombeau monumental. Si le bronze y 
fait presque complètement défaut, c'est qu'il était, encore 
à cette époque, un métal extrêmement rare. Il est rare 
en Lorraine, non pas tant parce que l'usage du métal 
était une invention de date encore récente, mais parce 

petite tige de bronze. En b une épingle. En c un petit morceau do 
bronze complètement oxydé. Bealphk, ihid, p. 434, 435, 430. 

(1) Ibid, p. 4:^6, et pi. IV, lig. 43. 

i2) Ibid, p. /j34, 435, 437, 438. 

(3) Décheletïk, Manuel d'Archéologie préhiMoriqne^ I, p. \V^,\ ot 
suiv. 

(4) Les Etudefi prèhiatoriqïies en Lorraine^ do 1880 ù 1902, p. 27. 



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NOTE SUR LA STATION FUNÉUAIRK DE LA GARENxXE 271 

qu'aucune des voies du commerce du bronze à Tépoque 
préhistorique ne traversait la région (1). L'absence de tout 
objet de silex ou de pierre polie sous le dolmen, la gros- 
sièreté même de tous les vases des tombes environnantes, 
sauf un seul, montrent, en effet, que depuis longtemps était 
passée la belle période de 1 âge néolithique. Les circons- 
tances qui ont amené la transformation de la civilisation de 
la pierre en celle de bronze, avaient exercé déjà leur plein 
effet. Elles avaient développé en certaines régions, par 
exemple en Armorique, une prospérité nouvelle. En d'au- 
tres provinces, au contraire, elles avaient provoqué une 
période de déchéance complète, sans cesse plus accusée. 
C'est cette décadence que marque, en Lorraine, le 1®' âge 
du bronze. Cette période, plus récente, n'est, dans notre 
pays, que le prolongement sans éclat de l'âge néolithique. 

Cette basse époque, à laquelle appartiennent les pre- 
mières tombes du tumulusdela Garenne, se prolonge jus- 
qu'à l'aube des temps historiques. La même race d'hom- 
mes que les débuts de l'histoire trouvent, au vi^ siècle avant 
notre ère, en possession du sol que nous habitons aujour- 
d'hui, l'occupait depuis le début de l'âge néolithique. Aucun 
indice en effet ne saurait mettre en relation l'introduction 
du métal en Gaule, avec une invasion conquérante (2). 

Nous pouvons suivre au contraire, de l'époque de la 
pierre à celle du bronze, la parfaite continuité de l'archi- 
tecture et des rites funéraires (3), aussi bien que des tra- 

(1) Ces voies sont, d'une part, celles qui de rflc de Bretagne, par 
l' Armorique, se dirigent vers les Alpes et les Pyrénées, d'autre part, 
celles qui des pays Scandinaves, par les côtes de la mer du Nord et de 
la Baltique, gagnent l'Europe centrale. 

(2) DÉJBELETTE, Mdnuel d'Archéologie préhistorique, I, p. 487 : 
« Nous ne nous trouvons pas, au début de l'âge du bronze, en pré- 
sence de hordes guerrières pénétrant sur un sol conquis, à la faveur 
d'un armement nouveau... L'aurore de l'âge du bronze ne se colore 
pas, à nos yeux, du reflet de quelque extermination sanglante. » 

(3) Comparer, par exemple le dolmen de la Garenne, avec celui de 
Bois l'Abbé, dccOTivfert par M. Be.W['uk en i90o. Mèm. SoC. \rch.lorr., 
1905, p. 348 378. ^ 



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272 NOTE SUR LÀ STATION FUNÉRAIRE DE LA GARENNE 

ditions industrielles et artistiques. La positioa même du 
eorps sous le dolmen de Liverduii, est un indice de cette 
liaison qui unit les âges extrêmement anciens, à des 
périodes bien plus récentes. 

Quoique le squelette, en efiet, ait été écrasé sous le 
poids de la dalle couvercle, les dents, bien conservées et en 
place, et les fragments des os longs, permettaient de 
reconnaître que le cadavre avait dû être placé sur le côté 
droit, les jambes repliées vers le menton. Or cette attitude 
du cadavre se remarque, dans le bassin de la Méditerra 
née dès l'époque quaternaire (1). Durant toute Tépoque 
néolithique, on continue à ensevelir les corpjB dans la 
position recoquiilée (2). Ce mode de sépylture ne cesse en 
Europe qu'avec les invasions indo-européennes. En France, 
le désordre de la plupart des ossuaires néolithiques rend 
difficiles les observations précises à ce sujet (3). Mais en 
Italie, le recoquillement du cadavre est caractéristique 
de la race Ligure à laquelle appartenaient les premiers 
occupants de la Péninsule (4). Or nous savons que les 
Ligures ont aussi peuplé la France, avant l'arrivée des Gau- 
lois,etqueleur domaine, traversant le Rhin, s'étendait dans 
une bonne partie de l'Europe centrale (5). C'est donc aux 
Ligures, que sans hésitation aucune, nous pouvons attri- 
buer, dans notre pays, les monuments de Tâge néolithique, 
aussi bien que ceux du premier âge du bronze, le dolmen 
de Liverdun, aussi bien que celui de Bois l'Abbé (6). Les 

(i) Grotte de Grimaldi (Baoussé Rousse), près de Menton. 

(2) DÈCBEhETTE, Manuel d'Archéologie préhistorique, I,p. 471. 

(3) Ibid., p. 473. 

(4)MoD»8Tow, Introduction à l'Histoire Romaine^ Paris, 19(W, p. 86, 
74, 76, sortout 113 et suivantes. 

(5) d'Arbois de Jubain ville, Les premiers hantants de l'Europe, 
I, p. 306 et sulv., II, p. 46-216, — Jullian, Histoire de la Gaule, I, 
p. 111-119, 

(6) Natre avis est certainement eelui du D* Maaouvri^, qui reeon* 
tiatt dans les ossements trouvés dans le tumulus aéoilUiiqvw de Btls 



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NOTE SUR LA STATION FUNÉRAIRE DE LA GARENNE 273 

Ligures étant demeurés les maîtres incoetestés de notre 
pays, jusque vers le vi« siècle avant notre ère, c'est à une 
époque assez voisine de cette date extrême, que nous 
serions tentés d'attribuer une sépulture de basse époque, 
telle que celle de Liverdun. 

En Tan 530 avant notre ère, environ, les Celtes quittent 
les rives de la Baltique et de la mer du Nord, et se mettent 
en route vers l'Occident (2). Ces émigrants étaient en pos- 
session de la civilisation dite de Hallstatt, qui, delà vallée 
du Danube jusqu'à la mer Baltique, se développait précisé- 
ment à cette époque, dans toute l'Europe centrale. L'irrup- 
tion violente de ces Transrhénans marque le début de 
l'histoire dans notre pays. Nous n'avons plus maintenant 
qu'à suivre le récit si précis que M. Jullian vient de donner 
des Origines gauloises, pour voir s'éclairer d'une vive 
lumière les monuments archéologiques et leurs diverses 
particularités. 

« C'est au bord du Rhin que les envahisseurs rencon- 
trèrent les premières tribus ligures. Les indigènes vain- 
cus et épouvantés gagnèrent l'intérieur des terres, les 
forêts et les montagnes du haut pays, les brousses des 
Ardennes et les rochers de la Meuse, de la Moselle ou 
du Rhin (2). & Cette première invasion ne fit d'ailleurs 
que passer en Lorraine. <r La Celtique constituée par ces 
émigrants futcomme un vaste cercle de 125 lieues de dia- 
mètre, dont les rayons finiraient vers Rodez, Saintes, 
Angers, Rouen, Soisson, Reims, Besançon et Lyon, et 
dont Bourges marquerait le centre. Autour d'eux, les 
Ligures revinrent dans leurs anciens domaines (3). » Il 

l'Abbé ceux « d'Orne race de taille médiocre, mais fortement ohar- 
pentée » {Mém. Soc. Àrch. Lorr., 1905, p. 374). Ce sont là les traits 
caractéristiques des populations ligures. Cf. Jullian, Hist. de la Gaule^ 
I, p. 427-131. 

(1) Jullian, ibid., p. 244. 

(2) i&i(i.,p.224. 

(3) /èfd., p. 245 et 246. 



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274 NOTE suit LA STATION FLNÉRAIHE DE LA GAUENNE 

ne semble pas, en effet, que la civilisation de Hallstatt, ait 
jamais reçu quelque développement dans nos régions. 

c( Deux cent cinquante ans plus tard, environ, le désir 
qui avait poussé les premiers Celtes vers la Gaule, gagna 
naturellement les tribus de môme race restées au-delà 
du Rhin. Une dizaine d'entre elles, associées sous le nom 
de Belges, parvinrent à franchir le fleuve, et à pénétrer 
dans les vallées de la Gaule du nord. Ce qui restait de 
Ligures, fut définitivement conquis. 

<x ... Il y avait dans cette région et notamment au-delà 
des Ardennes, des champs admirables que les Belges 
convoitaient. Ils ne s'arrêtèrent qu'à quelque distance 
de la Seine dont le cours moyen et inférieur ne fut pas 
enlevé aux Celtes. Ce ne fut que vers le Levant, que les 
Transrhénans, Belgesou autres, gagnèrent sur le midi. Par 
la trouée de Belfort, les cols du Jura, ou la ligne des lacs 
suisses, les envahisseurs se déversèrent dans les vallées 
du Doubs et de la Saône, et le long des lacs de Neuf- 
chàtel et de Genève (1). » Ce sont là précisément les 
régions où l'archéologue relève les premières traces de 
la civilisation qu'il appelle Marnienne, ou de la Têne. 

A cette période, qui peupla de « Transrhénans, Belges 
ou autres », le nord et l'est de la Gaule, appartiennent les 
32 sépultures supérieures du lumulus de la Garenne. 
L'utilisation d'un tumulus de 1 âge du bronze, pour des 
sépultures d'époque postérieure et notamment de l'âge du 
fer, est un fait assez fréquent (2). On sait d'ailleurs, com- 
bien il est vrai que les mêmes lieux, par une sorte de 
prédestination, se trouvent, à des moments très diffé- 
rents, affectés aux mêmes usages. Le cimetière reste 
cimetière, de même que l'église s'élève sur les fondations 
du temple paien. Les Belges, ou autres, établis à Liverdun, 

'\)Ibid., p. 315. 



;i) loia., p. ;jio. 

['2) DÉcuELETTE, Aulhropolog ic, 1900, p. 334. 



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HÔTE SÛR tA STAtlON FUNÉRAIRE i)E LA 6ARENNE ^78 

à l'époque gauloise, en vinrent tout naturellement à ense- 
velir leurs morts, dans le tumulus élevé pour abriter le 
dolmen ligure. Les pierres du couloir d'accès furent utili- 
sées par eux comme matériaux pour la construction des 
premières tombes (tombes 1, 2, 5, 8). La tombe 8 était 
recouverte par la dalle trouée, qui très souvent forme un 
des côtés des dolmens (1). Rien n'est plusnaturel (2). 

L'abondance des bijoux de bronze dans ces sépultures, 
indique que les conditions économiques de la région ont 
été complètement transformées depuis l'époque ligure. I^ 
vallée de la Moselle, en efiet, est devenue à ce moment, la 
grande voie de communication entre la vallée du Rhône au 
sud, la vallée de la Marne à l'ouest et les deux rives du 
Rhin. Des relations nombreuses unissaient à l'époque gau- 
loise ces différents pays, habités par des peuples de même 
race et de même civilisation. Les Leuques, les Médioma- 
trices et les Trévires ont largement profité du courant de 
prospérité et de civilisation que les relations commer- 
ciales faisaient circuler le long de leurs routes. 



*** 



UN BRACELET BRISÉ DE LA TOMBE 27. 

« La sépulture 27, dit M. Beaupré, contenait deux brace- 
lets à tampons et à ailettes. L'un pesant 0,90 est cassé 
en deux, et la cassure date de l'époque... En rapprochant 
les deux morceaux, on constate une ouverture de 0,04 
entre les deux extrémités. » 



(1) Déghelette, Manuel d* Archéologie préhistorique^ I, p. 420. 

(2) Il est d'ailleurs fort possible, comme j'indique M. Beaupré (Ulém, 
Soc. Arch, Lorr., 1907, p. 432) que l'allée du dolmen soit demeurée 
visible, et n'ait pas été complètement ensevelie sous le tumulus. 

18 



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276 NOTÉ SUR LA STATION FUNERAIRE DE LA GARENNE 

Du caractère ancien et intentionnel de cette cassure, il 
ne résulte pas que le bracelet n'appartienne pas à une 
sépulture et soit une simple offrande funéraire. La pré- 
sence dans les tombes d'objets intentionnellement brisés 
est un fait assez fréquent et qui se remarque dans les 
régions et aux époques les plus diverses. Ce rite exprime 
évidemment touchant la vie d'outre-tombe, quelque 




Paire de bracelets brisés, dont les fragments sont passés dans une lame 
de coulean tordue. Tombe viilanovienne de Bologne. 

(Cf. Mélanges de l'Ecole française de Rome, XXVII (1907), p. 493.) 



croyance généralement admise dans la plus grande partie 
de l'Europe ancienne. 

En Gaule, ce sont surtout des épées qui se retrouvent 
tordues et brisées en 2 ou 3 morceaux (1). M. Beaupré a 

(1, Cf JuLUAN, Histoire de la Gaule.llp. 171, et la bibliographie de 
la question, note 3. En particulier : S. Reinach, VEpée de Brennus, 
Anthropologie, XVII (1906), p. 351 et suiv. 



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Note sur la. station funièraihë de la garenne 277 

eu déjà plusieurs fois Toccasion de signaler des trouvailles 
de ce genre (1). 

En Italie, à Tépoque villanovienne, dont la civilisation 
est, on le sait, étroitement apparentée avec celle de Hallstatt, 
on rencontre brisés dans les tombes, non seulement des 
épées et des haches (2). mais aussi, assez fréquemment, des 
bracelets (3). Il est d'ailleurs tout naturel que dans les 
tombes de femmes on déposât leurs parures brisées, 
comme auprès des guerriers morts, on déposait les frag- 
ments de leurs armes. Cette analogie exclut Thypothèse 
parfois exprimée que Tépée brisée dans une tombe, fût le 
signe que le guerrier avait été tué au combat, ou avait 
succombé dans une défaite. Le symbole exprimé par cette 
coutunje était à la fois plus général et plus vague. On 
brisait les objets, comme la mort avait brisé Thomme. 
Qu*à ce symbolisme très simple fussent associées d'autres 
idées plus particulières, on ne saurait le nier absolument. 
Ces croyances accessoires ont pu d'ailleurs et ont dû varier 
suivant les pays et avec les époques. Essayer de les déier- 
mineravec quelque précision, serait pur jeu d'hypothèse. 
Qu'il nous suffise de constater Tidentité d'un rite funé- 
raire, en Italie, au viii« siècle avant notre ère, et en Gaule, 
à l'époque immédiatement antérieure à la conquête 
romaine. 

Un second tumulus se trouve, à Liverdun,dansle voisinage 
immédiat de celui qui fut fouillé l'an dernier. M. Beaupré 

(1) Etudes préhistoriques en Lorraine, p. 47, 48, ei Nouvelles obser- 
vations sur les sépultures sous tumulus en Lorraine^ Jahrbuch fur 
Lothringische Geschichte u. Altertumskunde, 1906, p. 233. 

(2) MouTELius, La civilisation primitive en Italie, I, pL 73, fîg. 14; 
pL 76, fig. 23, 24 ; pi. 77, fig. 6 ; pL 78, fig. 1 et 12 ; pi. 95, fig. 3. 

(3) GozzADiNi, Di un sepolcreto scoperto presso Bologna, p. 25 ; 
Notizia degli Scavi, 1884, p. 77 ; Fouilles de VF.cole française à Bo* 
logne. Mélanges d'Archéologie et d'Histoire, XX VII (1907), p. 403. 



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2?8 NOTE 8CR LA STATION FUNERAIRE DE LA tiARES^TNE 

se propose de l'explorer cette année. Les décoa vertes qae 
sans doateil lui réserve, décideront da sort des hypothèses 
que j'ai pris dès maintenant la liberté de vous sou- 
mettre. 



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Vue ancienne de Vie. pf 



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MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ d'ArCHÉOLOGIE LORRAINE, I908. 




BABLEMENT DU XVII* SIECLE 



ORAVUKB BT IMP. ALBBRT BARBIER - NANCY 



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ALPHONSE DE RAMBERViLLERS 

ET LE 

BAILLIAGE DE VIC AUX W & XVII" SIÈCLES 

PAR 

EMILE DUVERNOY 

ARCHIVISTE DE M EU RT HB -S T- M O SB L L E 



AVANT-PROPOS 

Magistrat, artiste, écrivain en vers et en prose, en fran- 
çais et en latin, longtemps et bien à tort oublié, Alphonse 
de Rambervillers a été récemment rappelé à l'attention 
des lettrés par diverses études parues, soit à Nancy dans 
les publications de notre Société (1) et dans la Lorraine 
artiste (2), soit à Paris dans le Bulletin du bibliophile (3). 
Même après ces recherches très méritoires, on ne peut 
prétendre que la vie et les œuvres d'Alphonse soient bien 
connues : il y a encore dans sa biographie des lacunes, des 
obscurités, des erreurs même. Ses écrits ont été l'objet de 
louanges un peu vagues, mais n'ont pas encore été étudiés 
sérieusement. Sa généalogie a été établie avec soin, ce qui 
n'est pas sans intérêt pour la connaissance d'un écrivain, 

(1) J. s. À, L, 1895, p. 105 (A. Benoit) ; 1899, p. 193 (G. de Braux),273 
(A. de Gironcourt) ; B. S. A, L. 1901, p. 66 (L. Germain) ; 1904, p. 75 
et 227 (L. Germain) ; 1907, p. 190 (R. Harmand). 

(2) Trois articles de Gaston Save dans le vol. de 1893, p. 701, 759, 
786. 

(3) Année 1896 ; ce travail de M. l'abbé Charles Urbain a été publié en 
brochure sous le titre Un amateur lorrain correspondant de PeiTesc, 
Alphonse de Rambervillers] Paris, Téchener, 1896, in-8 de 46 pages. 



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280 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

puisque chaque homme est plus ou moins déterminé par 
ses ascendants, mais personne n'a encore songé à étudier le 
milieu très spécial et circonscrit où il a vécu, «t à retracer 
ses occupations professionnelles, qui ont bien dû remplir 
la moitié de ses journées, les lettres et l'art n'étant pour 
lui que le délassement des heures de loisir. Sur ses nom- 
breuses relations littéraires, nous ne sommes guère mieux 
instruits; nous savons seulement qu'il fut en correspon- 
dance pendant un an et demi avec l'illustre Fabri de 
Peiresc. 

Nous devrions avoir, et ce secours serait inappréciable, 
une notice sur Alphonse de Rambervillers. écrite par un 
quasi contemporain: Guillaume Colletet, mort 26 ans 
après lui, en 1659, lui avait fait une place parmi les 397 
Vies des poètes français par ordre chronologique depuis iW9 
jûÈqu'à 1647 ; par malheur, ce recueil resté manuscrit a 
été brûlé avec la bibliothèque du Louvre en 1871, et la 
notice du poète lorrain n'est pas du petit nombre de celles 
dont il subsiste des copies ou des extraits (1). Pour y sup- 
pléer nous emploierons les lettres d'Alphonse de Ramber- 
villers à Peiresc, publiées, comme nous l'avons dit, par 
M.Urbain, les documents d'archivesnégligés jusqu'à présent 
et surtout les registres de ce bailliage de Vie où le magis- 
trat-poète fit toufte sa carrière (2). Laissant de côté l'étude 
des œuvres, que traitera ailleurs un de nos confrères plus 
compétent que nous en critique littéraire, nous retracerons 

(1) Voir les tables de l'ouvrage de Colletet données par Léopold 
Pannier dans la Re.ue critique, 1870, t. II, p. 338, et par Paul Bon- 
itepoN dans la Revue d'histoire littéraire' de la France, 1895, p. 76. 

(2) Ces registres conservés aux archives de Meurthe-et-Moselle ne 
sont pas encore inventoriés et numérotés, ce qui nous obligera à les 
désigner par leurs dates : il y a en général un registre par année. Outre 
les scn'ences des juges du bailliage, les greffiers y transcrivaient dea 
ordonnances des évoques de Metz et des rois de France, des règlements, 
des nominations à divers emplois, des lettres de noblesse, de grâce et 
de rémission, etc. Nous les citerons ainsi en abrégé : Sentences Vie, 
1610. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 281 

la vie de l'auteur, nous chercherons quels ont été ses 
moyens d'existence, ses amitiés, quelle réputation il a eue 
de son temps. Et pour reconstituer le milieu où il a 
vécu, nous parlerons en premier lieu de cette ville de Vie 
où il résida près d'un demi-siécle et où il mourut, et de ce 
bailliage dont il fut Thonneur, d'abord comme avocat, 
puis, pendant 40 ans, comme lieutenant général. 



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CHAPITRE PREMIER 

Le bailliage de Vio à la fin du XVI^ sièole et dans 
le premier tiers du XVII«. 

Lorsque la révolution communale eut rendu le séjour de 
leur ville épiscopale peu commode aux évéques de Metz, 
ils fixèrent leur résidence et le siège de leur administration 
à Vie, petite localité située au centre de leur temporel: 
Conrad de Scharpenneck, 61" évoque, de 1212 à 1224, y 
construisit un château, et entoura les maisons de murs et 
de fossés (1), c'est-à-dire qu'il transforma le bourg en 
ville. A Vie fut établi le bailliage épiscopal, sans doute dès 
sa création dont la date est par malheur inconnue, mais 
doit être fort reculée, car un mémoire que la ville de Vie 
adressa au roi en 1817 pour être maintenue en possession 
de son tribunal, dit qu'on ne peut fixer l'époque de l'éta- 
blissement de ce bailliage (2). Â coup sûr, il était déjà 

(1) Chron. de Philippe de Vigneulles^ dans Galmet, Hiat. de Lorraine^ 
2* édit., t. III, preuves, col. 131. 

(2; Lhpage, Statistique de la Meurthe, t. II. p. 603. — Un mémoire 
antérieur nous renseignerait peut-être sur cette question d'origine et 
sûrement sur plusieurs autres, c'est le Mémoire sur Véiat et les préro- 
gatives du bailliage de l'évêché de Metz à Vie, rédigé en mars 1764 
par Bauquel, lieutenant général, et cité par Lepage, ibid. Nous avons 
en vain cherché ce mémoire dans les archives de M.-et-M., à la B. N., 
dans les bibliothèques municipales de Nancy et de Metz, et dans celle 
de la Société d'archéologie lorraine, dans le Catalogue des collections 
Noël et dans la Bibliothèque historique de la France de Lelong-Fon- 
TETTE ; tout porte à croire qu'il est resté manuscrit et que les copies 
en sont rares, si même il en existe encore. Son auteur, Philippe 
Bauquel, a dans la Biographie du Parlement de Metz d'Emmanuel 
Michel, p. 19, une notice que nous résumons et complétons ici afin 
d'aider à retrouver le mémoire en question : ayant fait son droit à 
l'Université de Strasbourg, il fut reçu avocat au Parlement de Metz le 
16 août 1731, et nommé lieutenant général à Vie le 9 mai 1 Ï61 ; les 
registres de sentences du bailliage montrent qu'il avait d'abord été 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 283 

ancien quand Alphonse de Rambervillers y parut pour la 
première fois. Sa juridiclion s'étendait sur tout le vaste 
temporel de révêché de Metz, soit sur plus de 250 commu- 
nautés, à la vérité très disséminées, et souvent fort éloi- 
gnées du chef-lieu. 

Quant à la compétence judiciaire de ce bailliage, elle 
est définie sommairement dans un rapport adressé en 1607 
au cardinal de Givry, qui venait d'être nommé évèque d« 
Metz, pour lui faire savoir la constitution et les droits de 
son évéché : le bailliage connaît en première instance de 
toutes causes civiles et personnelles entre personnes 
nobles ou de qualité franche, résidant soit sur le domaine 
direct de Tévèque, soit sur les terres de ses vassaux, et, 
en certains cas privilégiés, des causes entre toutes per- 
sonnes, nobles ou roturières ; en appel, il connaît de toutes 
actions civiles, et il y a appel au bailliage des sentences 
de toutes les justices inférieures, soit du domaine épis- 
copal, soit des terres des vassaux, si ce n'est pour les fiefs 
au-delà de la Sarre, et pour quelques-uns en deçà, qui ont 
privilège contraire (1). 

En vertu d'un diplôme impérial du 3 mai 1563, le bail- 
liage épiscopal juge souverainement et sans appel en toutes 
causes où le principal n'excède pas la valeur de 500 florins 
d'or du Rhin, soit 1.500 fr. de Lorraine (2). Quand la cause 



conseiller, en 1758 au plus tard, et qu'il cessa ses fonctions de lieutenant 
général entre 1776 et 1782. — Un autre travail que nous regrettons de 
n'avoir pu consulter est la thèse d'Ecole des chartes soutenue en 1888 
par Alfred Bourobois, Ettide sur l'organisation du domaine des 
évêques de Metz : Bourgeois est mort en mai 1898 avant de l'avoir 
publiée (Annales de l'Est, 1898, p. 459) ; elle s'étendait du viii* au 
xiii* siècle et devait retracer l'origine du bailliage épiscopal. 

(1) Jahrbuch der Gesellschaft fur lothringiache Geschichte nnd 
Àltertumskunde, 1898, p. 163. 

(2) LEPAGE.Statist., t. II, p. 603, d'après le Mémoire de BAUQUBLcité 
plus haut. — En 1563, le franc de Lorraine ou franc barrois valait 
2 fr. 36 de notre monnaie, valeur intrinsèque, d'après les tables de 
RiocouR, dans M. S, À. L 1883, p. i02. 



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284 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

est plus importante, les parties ont le droit d'appeler à la 
Chambre Impériale de Spire. On croirait à tort que ce 
droit était devenu purement théorique depuis Toccupation 
de Metz et d'une partie de l'évéché par les rois de France: 
il s'exerça très effectivement jusqu'à la création du Par- 
lement de Metz par cet édit du 15 janvier 1633, qui subs- 
titua l'appel devant une cour française à l'appel devant 
une cour allemande. Jusqu'à cette date, qui coïncide 
presque avec la fin de la carrière d'Alphonse de Ramber- 
villers, on trouve des exemples, peu nombreux à la vérité, 
d'appels à Spire ; mention en est faite à la suite ou en 
marge de la sentence du bailliage, ainsi le 7 septembre 
1583: (( Incontinent après la prolation de la sentence cy 
dessus, maistre André Pœrson, procureur pour les sieurs 
acteurs, a appelle d'icelle à la Chambre Impérialle à Speyr, 
à laquelle appellation le sieur lieutenant a defferé (1). » 
Cette formule d'appel était de rigueur, car on la retrouve 
toute pareille, sauf le nom du procureur, à c6té d'une sen- 
tence du 7 mai 1597 (2). En 1615, nous voyons un arrêt (en 
latin) de la Chambre de Spire transcrit sur le registre du 
bailliage (3), ce qui indique qu'il est rendu dans une affaire 
jugée d'abord parce tribunal, et dans cette cause les par- 
ties sont justement des habitants de Vie en étroites relations 
avec le chef du bailliage: l'appelant est Claude Ginet, 
docteur en médecine, qui avait composé trois pièces en 
vers latins pour être placées en tête du principal livre 
d'Alphonse, Les déwts élancemens du poète chrestien ; ses 
adversaires sont César et Nicolas Liégeois, le premier 
conseiller au bailliage. L'arrêt déclare que les premiers 



(1) Sentences Vie, 1583-84, fol. 121 v». —Acteur désigne le deman- 
deur, lieuteihant le lieutenant général du bailliage qui présidait les 
audiences. 

(2) Ibid., 1597, fol. 63. 

(3) Ibid., 1615, fol. 3. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS ^85 

juges ont mal jugé, donne raison à l'appelant, et le renvoie 
absous (1). 

A ses attributions judiciaires, le bailliage de Vie joint 
quelques attributions administratives : ainsi, le 3 avril 
1566, à la requête du procureur général, il fait un règle- 
ment sur la vente des vins, afin d'obvier à leur grande 
cherté (2) ; il taxe dans quelques cas les amendes infligées 
par les justices locales (3) ; longtemps, il connut des dif- 
ficultés relatives à la levée des impôts, qui maintenant 
appartiennent aux tribunaux administratifs, et qui, en 
Lorraine à cette époque, revenaient à la Chambre des Comp- 
tes ; mais, le 14 mars 1627, l'évoque de Metz décida que <ies 
affaires seraient jugées par son Conseil privé (4) ; puis, en 
1637, il rendit au bailliage, au moins pour certains impôts, 
la connaissance de ces affaires (5). 

Au total, les juges du bailliage, assez nombreux, nous \^ 
verrons plus loin, ne sont pas accablés de besogne, et 
paraissent môme en avoir pris à leur aise avec leurs fonc- 
tions: ils s'absentaient trop volontiers, et, dès Tannée 1600, 
révoque de Metz est obligé de faire une ordonnance pour 
les en empêcher (6). Comme il arrivait alors fréquemment, 
cette ordonnance fut oubliée ou éludée et, il fallut la renou- 
veler en la précisant : les. juges devront résider dans la 
localité où ils exercent leurs fonctions ; il leur est interdit 
de s'éloigner de leur résidence plus de quinze jours sans 
cause légitime et sans avoir averti le sieur de Gournay, 

(1) Notons ici que le duché de Lorraine était aussi du ressort delà 
Chambre Impériale de Spire, et contribuait à son entretien : pour 
l'année 1623, cette contribution s'éleva à SiOreisdallers qui font 1.134 fr. 
de Lorraine (Arch. de M.-et-M., B. 1448, fol. 153). 

(2) Sentences Vie, 1565-66, fol. 129. 

(3) Ordonnance épiscopale du 25 févr. 1579, ibid., 1579-80, fol. 22 v». 

(4) Ibid., 1627, fol. 151 v». 

(5) Ibid., 1637, fol. 210 v% 276, 277. 

(6) Nous n'avons plus cette ordonnance du 26 juin 1600, mais elle est 
visée dans une lettre de nomination de 1606 {ibid,^ 1606, fol. 217 v»). 



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286 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

bailli et gouverneur de Tévéché (1). Cette seconde ordon- 
nance est datée du 6 janvier 1633 ; Tune et l'autre sont doue 
contemporaines des fonctions d'Alphonse deRambervil- 
1ers à la tête du bailliage ; nous en inférons qu'il manquait 
d'autorité pour retenir ses magistrats à leur poste ; sans 
doute lui-même ne leur donnait-il pas trop l'exemple : 
nous dirons ailleurs qu'il fit de nombreux voyages, qui 
peut-être n'avaient pas tous la (( cause légitime » requise 
parl'évêque de Metz. Et voici un document fort curieux 
qui expliquecomment, lorsqu'il séjournaità Vie, Alphonse 
eut le loisir d'écrire en prose et en vers, de peindre, gra- 
ver, émailler, calligraphier, collectionner des antiques, et 
de réserver encore beaucoup de temps aux œuvres de piété 
et de charité : c'est une ordonnance signée à Vie même par 
l'évêque de Metz, Charles, cardinal de Lorraine, le 24 octo- 
bre 1605, et dont nous transcrivons les parties essentielles: 

Nous ayant esté remonstré de la part de noz chers et bien amez les 
advocatzau siège du bailliage de nostre éveschéde Metz que les journées 
ordinaires de plaidz dudict siège estant comme elles sont limitées seu- 
lement ez mecredys de chascune sepmaine, sauf ez temps des vaccances^ 
de sorte qu'en l'année il n'y pouvoit avoir plus de vingt huict ou trente 
jours plaidables, lesquelz ne pouvoient suffire pour y vuider les causes 
qui s'y intentent, les affaires s'y augmentant journellement de plus en 
plus, et la justice y estant à ce moien tellement retardée que noz 
subjectz en reçoipvent de très grandes incommoditez, et nous ayantz 
lesdictz remonstrans très humblement supplié d'y vouloir apporter 
quelque provision convenable, après avoir ouy sur ces remonstrances 
noz très chers et féaulx, les gentz de nostre Conseil privé estably en 
cestuy nostre dict évesché, mesmes nostre procureur général en iceluy, 
de l'advis des gentz de nostre Conseil, avons, pour plus grand bien de 
la justice, abréviation d'icelle et soulagement du publicq, dict, statué 
et ordonné, disons, statuons et ordonnons par ces présentes que dores- 
navant, le jeudy matin suyvant le dernier mercredy plaidable de 
chascun mois, se tiendra audiance par les gentz de la justice dudict 
siège en laquelle se décideront et vuyderont toutes causes et matières 
de récréance et mainlevées provisionnelles et touttes demandes et 

(1) Ibid,, 1633-34, fol. 52 V. 



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ÀLPÉONSE bE RAMBERViLLERS 287 

instances d'oppositions n'excédentz la somme de cent frans ; esquelles 
audiances aussy comme plusieurs abusent de lettres de bailly (1) qu'ilz 
demandent le plus souvent pour fatiguer aultruy, les laissant après 
suranner, nous permectons aux inthimés de reproduire ces lettres 
surannées pour en obtenir esdictes audiances renvoy avec despens. Et 
pour ce que, à audiancer lesdictes causes et matières de peu d'Impor- 
tance, le nombre de noz conseilllers audict siège n'est pas nécessaire 
comme il a de coustume d'estre es aultres causes plus importantes, 
nous donnons pouvoir et authorité par cesdictes présentes au lieutenant 
général audict siège du bailliage, ou en son absence à celuy des conseil- 
llers dudict siège qui aura à le représenter, de tenir au jour susdict 
lesdictes audiances, à l'assistance de deux autres conseilllers dudict 
siège au moins, et appelle avecq eulx le greffier d'iceluy, voulant que 
les sentences et jugements qui seront par eulx rendus ez cas susdictz 
soient de pareille force et vertu que sy ilz avoient esté rendus ledict 
siège revestu du nombre accoustumé (2). 

Il est bon d'observer que chaque semaine, à côté de ce 
jour réservé aux plaidoiries verbales, il y en avait un autre 
pour les procès par écrit ; les gens du bailliage ont soin de 
le rappeler dès 1590 dans une supplique qu'ils adressent à 
révoque pour obtenir d'être payés plus régulièrement. 
Ceci nous amène à rechercher quels pouvaient bien être 
leurs appointements, ou, comme on disait alors, sans que 
l'expression choquât personne^ leurs gages, et nous éten- 
drons cette recherche à tout le haut personnel de Tévôché 
de Metz pour trouver des points de comparaison: le bailli, 
qui portait en même temps les titres de gouverneur et 
surintendant de Tévêché, et dont les fonctions étaient à la 
fois judiciaires, administratives et militaires, touchait par 
an 600 fr. de Lorraine (3) ; le trésorier général de l'évêché 
recevait aussi 600 fr., le chancelier de l'évêché 400 fr., le 
procureur général et le lieutenant général au bailliage 

(1) Les lettres de bailli ou commissions sont des sentences provisoires 
rendues par les baillis, ce qu'on nomme aujourd'bui les ordonnances 
de référé {Mém. Àcad. Stanislas,. 1868, p. LXXIX). 

(2) Sentences Vie, 1606, fol. 102 V. 
(3)/ftid., 1620, fol. 161. 



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288 ALPHONSE DE RAMBERVILLEKS 

30Q fr. chacuD, le substitut au procureur général 50fr. 
seulement (1). Quant aux simples conseillers au bailliage, 
ils sont payés, non pas en argent, mais en nature ; et, 
comme Vie est au centre de salines dont beaucoup appar- 
tenaient à 1 evêché (2), chacun d'eux reçoit par an un muid 
de sel; le greffier du bailliage reçoit également un muid 
par an (3). Loin de se plaindre de ce mode de payement, 
les conseillers réclament son maintien dans la supplique 
de 1590 que nous venons de citer, et protestent contre les 
agissements du trésorier épiscopal qui prétend les payer 
en argent et leur allouer 30 fr. par an, ce qui au cours 
actuel, disent-ils, n'est que le prix d'un demi- muid. Et 
révoque, par ordonnance du 23 décembre 1590, décide que 
le payement continuera à se faire en nature (4). 

Ce traitement fixe ne pouvait, on le conçoit, suffire aux 
magistrats du bailliage, et il s'y joignait une sorte de 
casuel, les épices. En France, lesépices avaient été taxés 
dès 1502 (5) ; nous ne connaissons pas dans Tévôché de 
Metz de taxes semblables (6), nous voyons seulement que 

{i) Ibid., 1609, fol. 193-195, 240, 248. 

(2) En 1637, les deux salines de Moyen vie et de Marsal rapportent à 
l'évêque 400 muids de sel (Ibid., 1633-38, fol. 336. 

(3) iôid., 1606, jfol. 218 ; 1609, fol. 196 V ; 1607, fol. 1 W- Stemer, dans son 
Traité du département de Metz, Metz, 1756, in-4, p. 124, nous apprend 
que le muid en usage à Vie est de 280 pintes. Comme la pinte valait 
généralement 1 litre 22 dans notre région {M. S. A. L., 1884, p. 38,39), 
le muid correspond donc à 341 litres 60. 

(4) /frtd., 1591,fol. 5. — La môme personne peut cumuler deux 
charges et deux traitements : ainsi, en 1609, Charles de Berry e^t à la 
fois trésorier général de l'évéché avec 600 fr. et conseiller au bail- 
liage avec le muid de sel (Ibid., 1609, fol. 195\ 

(5) Par règlement du 18 mai 1502, dit Guyot, Répertoire universel 
et raisonné de jurisprudence, t. Vil (1784), in-4, p. 50. 

(6) Plus lard, par règlements du 15 février et du 1" juillet 1637, 
l'évêque fixera les rétributions dues aux greffiers et aux sergents pour 
leurs opérations (ibid., 1633-38, fol. 225 v° et 284 v»), mais ceci n'a 
rien de commun avec les épices dues aux juges — A défaut d'un ren- 
seignement précis, nous pouvons faire une induction : au xvi' et au 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS ^80 

le 15 avril 1598, révoque en régla ainsi la répartition entre 
les intéressés : 

Sur les remonstranoes qui nous auroient esté cy devant faictes de la 
part de noz chers et féaulx les lieutenant général et conseilliers au 
siège du bailliage de nostre évesché de Metz estably à Vie, de ce que 
les deniers qui se payent par les partyes litigantes audict siège pour 
leurs espices et sallaires se mectant comme l'on a faict dans une 
boitte commune dont l'ouverture ne se faict qu'une fois l'an, ce qui s'y 
trouve se distribuant à cbascun des dictz conseilliers par esgalle portion, 
ceux qui rendent peu d'assiduyté audict siège, et n'assistent à la déci- 
sion et vuidange des procès, se trouvans au jour de l'ouverture de 
ladicte boitte, prennent autant d'esmolumens que ceux qui journelle- 
ment vacquent à l'administration de la justice, nous ayant par mesme 
moyen faict supplyer y vouloir ordonner telle provision que nous 
trouverions raisonnable ; après avoir le tout bien et meurement consi- 
déré, et recognoissant qu'il n'est raisonnable que ceux qui n'apportent 
point de subjection audict siège y prennent autant de drois et émolu- 
mens que ceux qui y sont assiduellement ; pour ces causes, et affin de 
donner plus d'occasion à nosdictz conseillei s d'apporter la subjection 
qui est requise pour l'advancement des procès, de l'advis des gens de 
nostre Conseil, avons dict et ordonné, disons et oi*donnons par ces 
présentes que doresnavant, et à commencer du jour de la publication 
de ceste nostre présente ordonnance, tous les deniers prouvenantz 
desdictes espices et taxes des procès seront distribuez et délivrez par 
esgalle portion, dans huictaine après la prononciation des sentences et 
jugementz, entre les conseilliers qui auront esté présens et assistans, 
sans que les absens y puissent participer, desqueiz deniers les procu- 
reurs des partyes obtenans gain de cause seront responsables en leurs 
propres et privez noms, pour en faire la paye dans ladicte huictaine, 
à peine de prompte exécution (1). 

Tous ces officiers prêtent serment de bien remplir leur 
office ; le bailli, le trésorier, le chancelier, le procureur 
général, le lieutenant général entre les mains de Tévôque 
lui-même, les simples conseillers entre les mains du bailli 

xvn" siècle, on voit constamment de fort petites gens soutenir des 
procès au bailliage de Vie ; c'est donc que les frais de justice étaient 
très faibles, ou que les plaideurs pauvres en étaient dispensés. 
(1) Sentences Vie, 1598, fol. 111 V. 



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^90 ALPâONSE 1)E RAiifBERVILLERS 

OU du lieutenant général, et d'habitude mention est faite 
dans le registre, en marge du feuillet où est transcrite la 
lettre de nomination, que cette formalité a été accom- 
plie (1). Voici la teneur du serment prêté par le bailli : 

Je jure et fais bon et loyal serment à Dieu et à monsieur le révéren- 
dissime évesque de Dardanie, suffragant et administrateur de Tévesché 
de Metz, sur les sainctes Evangiles que présentement je touche, qu'en 
Testât et office de bailly dudict évesché duquel je suis pourveu par 
mondict sieur, je m'y gouverneray sagement, prudemment et fidelle- 
ment selon mon pouvoir ; qu'au siège du bailliage je jugeray touttes 
affaires, causes et procès meus et à mouvoir selon le droict, équité, 
ordonnances, status et louables coustumes du pays, sans avoir esgard 
ny aucun respec à parenté, amitié ou inimitié, dons, proffictz et émo- 
lumentz ny utilité quelconque, du riche non plus que du pauvre ; que 
je ne donneray conseil, faveur, aide ny support en sorte que ce soit aux 
partyes litigantes par devant moy, ne communicqueray ny révéleray à 
personne, quelle elle soit, ce qui sera dict, traicté, conclud, arresté, 
ordonné et jugé, tant au Conseil privé qu'audict siège, qui puisse 
apporter préjudice à monseigneur mondict sieur, aux délibérantz ou 
aux partyes, soit avant ou après sentence, décret ou ordonnance don- 
nées. Pareillement je jure et promès soubz le mesmo serment que je 
seray bon et loyal serviteur à mondict seigneur et à mondict sieur 
pendant son administration en la charge de gouverneur et surintendant 
dudict évesché ; que je soustiendray et advanceray de tout mon pouvoir 
fidellement le bien, honneur, profiQct, authorité et grandeur de mondict 
seigneur et de sondict évesché, le tout sans fraude ny déception (2). 

On a dû remarquer que les différentes pièces que nous 
avons transcrites ou citées dans les pages précédentes sont 
toutes rédigées en français. Il en est ainsi pour tous les 
documents provenant du bailliage de Vie, à Tépoque que 
nous étudions : le français était la langue officielle, on 
peut dire unique, de cette juridiction. Pas un mot de latin, 
quoiqu'on fût en terre d'Eglise, et pas un mot d'allemand, 

(i) lbi<L, 1609, fol. 193-196,240. 

(2) Sentences Vie, 1620, fol. 161 V. — Au chapitre suivant, nous 
donnerons le serment prêté par Alphonse de Rambervillers comme 
lieutenant général. 



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Qoo^(^ 



ALPHONSE bË HAMBëRVILLëRS 29l 

bien que cette langue fût seule parlée dans une partie du 
temporel de Tévêché. Depuis la mort de Georges de Bade 
en 1484, tous les prélats qui s'étaient succédé sur le trône 
épiscopal de Metz avaient été français, sinon de nationalité, 
car plusieurs venaient du duché de Lorraine, du moins de 
langue et d'éducation, et ils avaient fait prédominer notre 
idiome. Lès dignitaires de Tévôché, les conseillers du bail- 
liage ont tous des noms bien français, et si quelques-uns 
savaient sans doute l'allemand, cette langue ne devait pas 
être leur langue maternelle. Ceci n'était pas sans causer 
quelque gêne, sans retarder parfois le cours de la justice : 
en 1595, Thomas Kœnigsdorfer, châtelain à Vellange, qui 
a un procès avec les habitants de Puttelange devant le 
bailliage de Vie, est obligé de demander un délai pour 
présenter sa défense, parce que, dit-il, il est « ignorant de 
la langue françoise » (1). 

*** 
L'organisation judiciaire et administrative dont nous 
venons d'esquisser les grandes lignes était, semble-t il, 
encore assez récente à l'époque envisagée. En 1554, les offi- 
ces de chancelier et de lieutenant général étaient toujours 
réunis sur une seule tête (2) ; les offices de procureur 
général et de trésorier général furent créés dans le courant 
du XVI® siècle (3). Vers le milieu de ce siècle, les sentences 
du bailliage sont rendues par un nombre de juges assez 
élevé, treize ou quatorze: le chef s'appelle lieutenant; les 
autres sont dénommés maires, échevins, etc., sans que le 
titre de conseiller paraisse ; de môme le bailliage n'a pas 

(1) Sentences Vie, 4595, fol. 101 v». — Vellange, aujourd'hui Villing, 
ancienne Moselle, cant. Bouzonville. Il y a deux Puttelange, tous deux 
dans l'ancienne Moselle, l'un cant. Cattenom, l'autre cant. Sarralbe. 

(2) Sentences Vie, 15o2-o4, fol. 120. 

(3) Indication donnée par A. Bourgeois dans les Positions de sa 
thèse précitée. 

19 



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292 ALi>HONSE DE RAMBKRVILLEUÔ 

de greffier, mais un clerc juré (1). Au temps où Alphonse 
de Rambervillers exerce ses fonctions (1593-1633), les tâton- 
nements sont finis, et le bailliage possède la composition 
qu'il gardera jusqu'à la fin de l'ancien régime, et que Ste- 
mer a brièvement décrite en 1756 (2). Il n'y a plus que 
huit juges, dont Tun, comme il a été dit, est en même 
temps greffier, et ils portent tous un titre pareil et plus 
honorifique, celui de conseillers. Nombre de registres de 
ces années donnent la liste des membres du bailliage 
consignée sur leur feuillet de garde : ces listes sont uni- 
formes, sauf les changements inévitables des noms des 
titulaires (3). Les noms des hauts fonctionnaires de Tévôché 
y figurent aussi, et parmi eux nous voyons paraître, en 
1627, 1630, un nouvel emploi, celui de commis de bailli, 
dont les attributions ne sont pas marquées. Ces person- 
nages, si élevés soient-ils, sont considérés comme faisant 
partie du bailliage, et y rendent à l'occasion des services : 
ainsi, le trésorier, le chancelier, siègent aux audiences et 
sont parfois nommés commissaires pour étudier une cause 
et en faire rapport. 

Les registres du bailliage nous montrent assez bien où 
se recrutaient ces magistrats. Leurs origines étaient fort 
diverses: les uns avaient commencé par être avocats au 
bailliage, et c'est ainsi que débuta Alphonse de Ramber- 
villers lui même (4). D'autres étaient pris dans le clergé et 
recevaient un siège de conseiller sans perdre leur bénéfice 
ecclésiastique : tels Didier Petit et Christophe Didelot, 

(1) Sentences Vie, 4535-38, fol. 135; 1552-54, fol. 49. 

(2) Loco cit., p. 123. 

(3) Nous donnons plusieurs de ces listes en appendice. — Par excep- 
tion, on voit neuf conseillers en 1617, et jusqu'à onze en 1633 ; c'est 
sans doute parce que des remaniements ont eu lieu dans le cours de 
l'année, et qu'on a ajouté les noms des nouveaux conseillers sans 
effacer ceux des anciens. 

(4) Deux avocats deviennent conseillers en 1633 (Sentences Vie, 1633- 
34, fol. 98 vMll). 



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▲tPHONSE D£ RAMBËRVlLLEtiS 2d3 

curé de Vie, Pierre Ytain, doyen de la collégiale de Vie, 
Hugues de La Coste, promoteur de rofficialité diocésaine à 
Vie (1). D'autres enfin s'étaient fait connaître et apprécier 
dans divers emplois administratifs : c'est ainsi que devien- 
nent conseillers au bailliage noble homme David Bour- 
guignon, Paul Richard et Jean Martin, tous trois maires 
de Vie, noble homme Jean Tri plot, gouverneur des salines 
de Salone, noble Jean Dietreman, gruyer de Vie, Albes- 
trofï, La Garde et Fribourg, enfin, ce qui est plus curieux, 
Humbert Gilles, ancien « modérateur des écoles » de 
Vie (2). Les laïques comme les clercs cumulaient parfois 
Tancienne place et la nouvelle : par exemple, Nicolas 
Guerrard était à la fois conseiller au bailliage et clerc juré 
de la justice locale de Vie ; Jean Dietreman, nommé plus 
haut, resta gruyer après sa nomination ; Jean Coignet 
réunissait les trois places de conseiller au bailliage, 
apothicaire et valet de chambre de l'évoque; enfin 
Jean Aubertin, chancelier de Tévêché, était en même 
temps garde du sceau du tabellionnage de la chàtellenie 
de Vie (3). Il y eut sans doute alors bien d'autres cas de 
cumul que ceux-ci, mais qui n'ont pas laissé de traces 
écrites. Cette pratique du cumul permettait de n'affectera 
chaque charge qu'un traitement fort modique, et de 
n'avoir, contrairement aux apparences, qu'un assez petit 
nombre de fonctionnaires ; en retour, elle obligeait à ne 
pas être exigeant sur l'instruction professionnelle des 
magistrats : beaucoup des conseillers dont il vient d'être 

(1) Sentences Vie, 1583-84, fol. 113; 1633-38, fol. 169 bis, 236; 1614, 
fol. 4 V. 

(2) Ibid, 1595, fol. 52 v% 142 V; 1606, fol. 217 v»; 1609, fol. 240 V ; 
1588, fol. 105 V ; 1614, fol. 4 V. 

(3) Ibid., 1565-66, fol. 105 ; 1621, fol. 4 ; 1579-80, fol.14; 1587, fol. 7. — Cette 
charge lucrative est donnée le 16 janvier 1587 à Jean Aubertin, sa vie 
durant, et après lui à son fils Siméon, pour le récompenser de^ bons 
services qu'il a rendus à l'évêque, spécialement en allant en Allemagne 
mener des négociations ou prendre part à des diètes impériales. 



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294 ALPHONSE DE RÀlSiBEHViLLERS 

question ne devaient pas avoir fait d'études de jurispru- 
dence, et un autre conseiller, Humbert Gilles, n'était 
certainement pas non plus gradué en droit, puisque sa 
nomination mentionne son titre de maître es arts, sans 
plus (1). 

Au bailliage de Vie, les fonctions d'avocats et de procu- 
reurs étaient réunies dès le xvi® siècle, et le sont encore 
au XVIII®, quand Stemer en parle. Leur entrée en charge 
était entourée de certaines formalités et consignée sur le 
registre de Tannée. Voici l'une de ces inscriptions: 

Du mercredy 2* décembre 1598. 

Maistre Jean Le Changeur a esté reccu au nombre et rang des advo- 
cats de ce bailliage, suivant la rescription de honnoré seigneur Jean 
de Porcellets, seigneur de Maillanne, etc., bailly et superintendant de 
l'évesché de Metz, avec l'adveu du sieur procureur général et consen- 
tement des sieurs lieutenant général et conseiliiers dudict bailliage ; 
et à cet effect a preste le serment ordinaire des advocats qui se reçoib- 
vcnt au Conseil d'iceluy bailliage (2). 

Parmi ces avocats, plusieurs étaient nobles, comme 
Alphonse de Rambervillers, qui débuta parle barreau, et 
dontlanoblesseavaitunedatedéjàancienne; d'autres étaient 
anoblis après leur entrée en fonctions, et à raison des ser 
vices qu'ils y avaient rendus, comme Jean Drouart que ses 
lettres de noblesse, datées du 16 juillet 1617, louent d'avoir 
étudié le droit aux Universités de Pont-à-Mousson et de 
Toulouse, et d'avoir toujours exercé au contentement des 
juges et de ses clients (3). Il faut bien dire que les juges 
n'étaient pas également contents de tous les avocats : plu- 
sieurs de ceux-ci se laissaient aller à des violences de 
langage, inséraient dans leurs plaidoiries des « trais 
piquans, aigres et satiriques », ce qui dénotait « irrévé- 

(!) Ibid., 1593, foL 4. 
i2)lbid., 1598, fol. 179. 
(3) Ihid,,' 1613-23, fol. 158. 



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ALPHONSE DE RAMBEKVILLERS 295 

rance du siège de justice ». Le bailliage fut obligé de leur 
prescrire, sous des peines assez graves, de plaider « modes* 
tement, révéremment, et avec respect» (1). 

Il y a peu à dire des notaires, qui du reste entretenaient 
avec le bailliage des rapports moins directs que les 
avocats: dans une ordonnance du 31 juillet 1633 qui crée 
des notaires dans les châtellenies de Hombourg et de Saint- 
Avold, révêque de Metz expose que pour assurer la bonne 
rédaction des contrats, ses prédécesseurs ont, il y a environ 
60 ans, érigé dans chaque châtellenie de leurs domaines un 
tabellionage en titre d'office, et il rappelle les bons résultats 
de cette création(2). L*annéesuivante,révêque instituait un 
garde-notes résidant à Vie, qui devait conserver les regis- 
tres des notaires décédés de tout le temporel (3). 

Enfin, le bailliage comptait un certain nombre de sfr 
gents, que nous appellerions aujourd hui des huissiers, 
qui prêtent serment et versent caution. Pour eux aussi le 
cumul est en vigueur : Tun est messager à cheval du bail- 
liage ; deux autres ont le titre de messagers ordinaires de 
révôché et touchent des gages assez élevés, 103 fr. 4 gr. 
de Lorraine par an ; Jacques Chamant, clerc d'Alphonse de 
Rambervillers, alors lieutenant général, devient sergent 
au bailliage en 1609 (4). Quelques règlements insérés dans 

(1) Voir le texte de ce règlement de 1594 dans B. S. À. I., liK)6, 
p. 2^. — Voici l'indication de deux autres règlements relatifs au métier 
d'avocat-procureur : en janvier 1587, le bailliage ordonne aux procu- 
reurs de faire inventaire de leurs pièces (Sentences Vie, 1587, fol. 14 v"); 
le 8 novembre 1614 le Conseil privé de l'évéque décide que les requêtes 
devront être signées des avocats, ilbid.^ 1614, fol. 184.) 

(2) Ibid., 1633-38, fol. 224. — Le notaire nouvellement installé prête 
serment entre les mains du lieutenant général du bailliage u de bien, 
dheuement et fidèlementconcepvoir et rédiger par cscript les contractz 
que les parties stipuleront par devant luy ». (i&2d.,1588, fol. 88.) 

(3) Ordonnance du 10 novembre 1634. {Ibid., 1633-34, fol. 245).— 
Dans le duché de Lorraine, les gardes-notes avaient été établis dès le 
2 avril 1619 (François de Neufchateau, Anciennes ordonnances de 
lorraine, t. 1, p. 164). 

(4) Sentences Vie, 1613-23, fol. 167 vo ; 1609, fol. 248-250. 



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296 ALPHONSE DE RÂMBERVILLERS 

les registres des sentences visent l'exercice de leur 
profession : celui de 1583 leur enjoint de garder une copie 
des commissions qui leur seront remises, et de se compor- 
ter modestement en leurs exécutions; celui du 14 mars 
1627 taxe les frais de ces exécutions ; celui du 4 décembre 
1638 les oblige à s'acquitter sans délai des commissions 
qu'ils reçoivent (1). 

L'espace d'environ un demi-siècle que nous venons 
d'étudier est le beau moment du bailliage de Vie : ce 
tribunal est déjà arrivé à son plein développement, son 
organisation devenue stable et régulière ; et, d'autre part, 
il n'est pas encore limité et amoindri par la création de ces 
envahissantes justices royales qui achèveront la réunion 
à la France des Trois-Evôchés commencée par la force des 
armes. En janvier 1633, sera créé le parlement de Metz qui 
attirera à lui les appels des autres juridictions ; l'année 
suivante, on essayera môme d'établir à Vie un bailliage 
royal, à côté du bailliage épiscopal, et en opposition avec 
lui (2). Combien était moins gênante la Chambre Impériale 
de Spire, à laquelle les plaideurs obstinés eux-mêmes 
n'appelaient qu'assez rarement, parce qu'elle était plus 
loin, et en pays de langue allemande (3) ! 

{i)lbid., 1583-84, fol. 23 v% 37 V; 1627, fol. 153 v- ; 1633-38, fol. 
423 V. 

(2) Lepage, Statistique de la Meurthe, t. Il, p. 603 

(3) En 1607, des bourgeois de Toul se plaignent qu'il faille traduire du 
français en latin les actes que l'on envoie à Spire ; de plus, disent-ils, 
les procédures de cette cour sont « longues et immortelles». (Pimodan, 
La réunion de Toul à la France, Paris, 1885, iti-8, p. 364.) 



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CHAPITRE II 

Alphonse de Rambervillers jusqu'à sa nomination 
de lieutenant général. 

Comme Ronsard, Du Bellay, Baïf et autres poètes fran- 
çais du xvi® siècle, le poète lorrain Alphonse de Ramber- 
villers était de bonne et ancienne noblesse : sa famille 
avait pris le nom de la petite ville, dépendant alors de 
révêché de Metz, dont elle possédait la vouerie. On trouve 
des Rambervillers dès le début du xii* siècle (1); mais, avec 
la fin du XIV® seulement, on reconnaît qu'ils appartiennent 
bien à une même famille, et, quand il obtiendra confirma- 
tion de sa noblesse en 1617, Alphonse n'établira sa filia- 
tion qu'à dater de 1383. Deux siècles de noblesse authen- 
tique, c'était encore assez pour faire de lui le rejeton d'une 
race sélectionnée et affinée, d'autant plus que, de bonne 
heure, à côté des hommes d'épée, on voit dans cette mai- 
son nombre d'hommes de plume : ecclésiastiques, magis- 
trats, officiers municipaux, qui, même avant le début de 
la Renaissance, devaient avoir quelque inclination aux 
plaisirs de l'esprit (2). 

Essaimant dans toute la région mosellane par-dessus les 
frontières politiques, qui du reste à cette époque étaient 
un si faible obstacle, cette famille eut assez tôt une de ses 
branches fixée à Toul : Mengin de Rambervillers était pro- 
cureur général de l'évèchéde Toul dans la première moitié 
du XV® siècle; son fils, Nicolas-Mengin, devint maître- 

(1) Léon Germaix, dans B. S. A. t., 4904, p. 78 : un acte de 1187 nous 
fait connaître Thierry, voué de Rambervillers, et nous montre l'an- 
cienneté de cette charge. 

(2) Voir ibid. la liste des Rambervillers connus qu'a dressée M. Léon 
Germain. 



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298 ALPHONSE DE IlAMBERVILLERS 

échevin de la ville (1). Enfin, au siècle suivant, Claude de 
Rambervillers, écuyer,fut procureur général, non plus de 
révèché, mais de la cité de Toul ; il avait du goût pour les 
lettres et écrivit en latin divers ouvrages qui restèrent 
inédits (2) ; il épousa Marguerite Boileau (3), et de leur 
union naquit celui qui est l'objet de cette étude. 

Dès le début, la vie du futur poète présente des obscu- 
rités : si nous sommes certains qu'il est né à Toul (4), nous 
ignorons en quel jour et quel mois, et nous ne sommes 
même pas bien sûrs de Tannée. Il n'y a pas à les chercher 
dans l'état civil de Toul, dont les plus anciens registres 
ne remontent qu'à 1593. En 1749, un avocat d'Epinal, 
H.-A. Regnard, qui par sa grand-mère descendait delà 
famille de Rambervillers, envoya à dom Calmet, pour 
servir à la préparation de sa Bibliothèque lorraine (qui 
paraîtra en 1751), un Mémoire instructif sur l'histoire de 
la vie de M, Alphonse de Ramberciilers (5) : il ignorait 

(1) B,S. A. I., 1904, p. 81, 83. 

(2) Son fils Alphonse les conserva pieusement, et les mentionne dans 
son testament. 

(3) De Braux, dans /. S. A. I., 1899, p. 197. — Un ms. de la Biblio- 
thèque de SaintDié que nous allons citer appelle cette dame au 
(ol. 54 Marguerite de Bribreau, et sur une pièce intercalaire entre les 
fol. 53 et 54 Catherine de Bribseau. Un certain Mengin Boileau, fils de 
Thomas, fut anobli en 1437 par Isabelle, duchesse de Lorraine (dom 
Pblletibr, Nobiliaire de Lorraine, p. 61), armas : de gueules à 5 be- 
sants d*argent, en chef un lambel et en pointe une étoile de même ; 
il reconnaît en 1441 tenir du duc de Lorraine les fiefs de Gondreville, 
Dombrot et Dommartin-sous-Amance (Arch. M.-et-M., B. 641, n* 24). 
Nous ne savons si Marguerite Boileau ne se rattache pas à cette famille 
noble. — Quant à Claude de Rambervillers, en 1586, il est ou mort ou 
en retraite, car son neveu Regnault Du Pasquier lui succède dans sa 
charge de procureur général de la cité de Toul. Voir les Mémoires de 
Jean Du Pasquier, Toul, 1878, in^, p. 29. 

(4) Dans son testament, il léguera 25 fr. à la cathédrale de Toul, 
parce que, dit-il, cette ville est celle de sa naissance. 

(5) Ce Mémoire est actuellement relié aux fol. 54 à 57 du ms 80-VII 
de la Biblioth. de Saint-Dié, ms. qui ne figure pas au Calai, de cette 
Biblioth. publié en 1861. Il a été signalé en premier lieu par Gaston 
Save dans la Lorraine artiste de 1893. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 299 

déjà la date exacte, et se contente de dire qu'Alphonse 
naquit à Toul vers 1552. Autant que cette date, nous aime- 
rions savoir les noms des parrains de Tenfant : ils expli- 
queraient peut-être ce prénom d'Alphonse qui lui fut 
donné, et qui paraît avoir été inusité en Lorraine au 
moyen âge et au xvi* siècle (1). 

La jeunesse d'Alphonse nous serait tout à fait inconnue, 
comme les circonstances de sa naissance, s'il ne nous 
apprenait lui-même, dans la première de ses lettres à Pei- 
resc, qu'il fit son droit à Toulouse, où il eut entre autres 
professeurs Roaldès, et parmi ses condisciples Guillaume 
Du Vair, qui devait être plus tard garde des sceaux de 
Louis XIII, et où il prit le bonnet de docteur en l'un et 
l'autre droit (2). Il ne dit pas pourquoi ses parents l'en- 
voyèrent si loin achever ses études, mais il ne pouvait 
alors les terminer en Lorraine : l'Université de Pont-à- 
Mousson ne fut fondée qu'en 1572, installée qu'en 1574, et 
la faculté de droit ne s'ouvrit que plus tard encore, en 
1582. Nous le perdons ensuite de vue jusqu'en 1587, où 
nous le trouvons avocat-procureur au bailliage de Vie, Il 
était appelé là par son oncle, Eucaire deRambervillers(3), 

(1) Il n'est, ni dans la liste des prénoms usités à Metz, donnée par 
Lorédan Larchey à la suite du Journal de Jean Aubrion, p. 501, ni 
dans Les noms de personnes d'une ville lorraine par le d' Fournier 
{Annales Soc. émul. Vosges, 1902). On sait que saint Alphonse, honoré, 
le 23 janvier, fut évoque de Tolède au vu* siècle, et que son nom, 
comme il est naturel, a eu surtout de la vogue en Espagne. Faut-il 
supposer que quelque personnage espagnol passant ou séjournant à 
Toul aura servi de parrain à l'enfant ? La Lorraine séparant deux 
possessions espagnoles, la Franche-Comté et les Pays-Bas, était souvent 
parcourue par des hommes de cette nation.. 

(2) Ch. Urbain, Un amateur lorrain, p. 16. — Dans sa thèse sur 
Guillaume Du Vair, Paris [1908], in-8, M. Radouant écrit, p. 24 : « il 
n'est pas douteux que Du Vair dut faire à Paris môme ces études juri- 
diques «.Devant l'affirmation si nette d'Alphonse, ceci devient plus que 
douteux. Du Vair était un peu plus jeuue que son condisciple lorrain • 
son épitaphe le fait naître le 7 mars 1556. 

(3) D'après M. de Braux, Eucaire était l'alné de trois frères ; le 
second, Hugues, fut prévôt de Liverdun; Claude, le père d'Alphonse, 



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300 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

qui y avait fait une brillante carrière : lui aussi avait 
commencé comme procureur à Vie, et il est cité avec cette 
qualité dès 1566 (1), puis il était devenu fonctionnaire 
épiscopal, d'abord comme procureur général de Tévôché 
de Metz (2), puis comme lieutenant général du bailliage et 
membre du Conseil privé de l'évêque (3). C'est sans doute 
alors qu'il occupait déjà cette haute situation, que son 
jeune neveu vint s'installer à Vie et y débuter comme 
avocat. 

# * 

Il semble que Vie devait être une triste résidence pour 
un jeune homme qui avait fait ses études dans la grande 
et brillante ville de Toulouse, qui était enthousiaste de 
beaux-arts et de belles-lettres, composait des vers, peignait, 
collectionnait les médailles et les objets antiques, éprou- 
vait en un mot toutes les préoccupations intellectuelles si 
variées de la Renaissance finissante. Vie est aujourd'hui 



est le plus jeune (/. S. A. I., 1899, p. 196-7). Les Sentences de Vie de 
1572-73, fol. 138 v% mentionnent noble écuyer Hugues de Ramber- 
vilJers, demeurant à Rambervillers, mais ne renseignent pas autre- 
ment sur lui. 

(1) Sentences Vie, 1565-66, fol. 145. — Eucaire est mentionné encore 
dans les registres des années suivantes, en particulier dans celui de 
1572-73, où son nom parait à chaque feuillet. C'est lui sans doute qui a 
écrit une longue lettre datée de Vie et du 24 janvier 1576, n. st., signée 
de Ramberviller sans prénom, et adressée au comte Paul de Salm, 
premier gentilhomme du duc de Lorraine, pour le renseigner sur ses 
droits au ban de Gosselming, cant. Fénétrange (Arch.de M.-et-M.,R. 
946, n- 32 ) 

(2) Au plus tard en décembre 1580, car il est mentionné alors avec 
cette qualité dans le registre de 1579-80, fol. 194. 

(3) Au plus tard en avril 1586, puisqu'on trouve alors un ordre 
donné par lui, es qualités de lieutenant général, au premier sergent 
du bailliage (Arch. de M.-et-M., H. 617). Il est qualifié pour la première 
fois de conseiller de l'évêque dans le registre de 1588, fol. 6J. — 

: Eucaire devait s'appeler aussi Balthasar, car une analyse de l'inven- 
taire de Dufourny (B. N., ms. fr. 4884, p. 8941) cite une commission 
du 19 avril 1587 donnée par Balthasar de Rambervillers, lieutenant 
général. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 301 

une petite ville dans toute la force du mot, simple chef- 
lieu de canton, dont la population dépasse à peine 
2000 habitants, sans animation, sans importance adminis- 
trative ou économique, sans vie de Tesprit, toute de sou- 
venirs; mais au temps d'Alphonse de Rambervillers, Vie 
était à la tète d'un petit état féodal quasi indépendant, dont 
rétendue égalait presque celle d'un département français 
moyen. Nous n'essayerons pas d'évaluer sa population, les 
éléments faisant défaut, et ce genre de calculs exposant 
toujours à de graves erreurs ; mais son importance relative 
est indiquée par ce fait que, le moulin banal ne suffisant 
pas à la fournir de farine, Tévôque permit en 1596 à son 
secrétaire, Adrien Poynet, d en bâtir un autre, qu'il lui 
inféoda en fief noble et perpétuel (1). Nous avons dit ce 
qu'était le bailliage épiscopal de Vie ; à côté de lui fonc- 
tionnent d'autres rouages administratifs : c'est à Vie que 
se réunit, sinon toujours, du moins fréquemment, le Con- 
seil de l'évêque de Metz ; on le voit y siéger entre autres le 
4 avril et le 19 septembre 1579, le 4 juillet 158H, le 11 août 
et le 8 novembre 1614, le 10 mai 1615 (2). En 1562 se tient 
à Vie un synode général du diocèse de Metz où viennent 
300 ecclésiastiques (3). Les Etats du temporel s'y rassem- 
blent également, par exemple en 1599, 1623, et, dans ce 
cas, le prieur de Saint Christophe de Vie a le droit et le 
devoir d'y assister, ce qui indique que ce lieu de réunion 
était alors assez habituel (4). Les évêques de Metz frappent 
monnaie à Vie, comme l'avaient fait autrefois les rois 
d'Austrasie, et en 1624 encore, Henri de Bourbon- Verneuil 
y émet une monnaie d'or (5) ; ils y résident aussi et, à l'épo- 

(1) Sentences Vie, 1598, fol. 66, 68 v». 

(2) Sentences Vie, 1579-80, fol, 14, 15, 40 ; 1583-84, fol. 120; 1614, fol. 
162 v% 184 ; 1613-23, fol. 85 V. 

(3) Histoire de Metz, t. III, p. 82. 

(4) M. S. A. L., 1869, p. 533-534 ; Areh. de M.-et-M., B. 1429, fol. 248. 

(5) LiPAGE, Statist. Mevrthe, t. II, p. 606. 



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302 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

que qui nous occupe, ces séjours des évoques sont fré- 
quents, parce que des conflits avec les gouverneurs français 
de Metz les forcent, comme autrefois la turbulence bour- 
geoise, à éviter cette dernière ville : le cardinal de Givry, 
qui fut évêque de 1608 à 1612, et qui soutint contre le duc 
d'Ëpernon une âpre lutte pour l'indépendance de son tem- 
porel, passa les dernières années de sa vie à Vie, et embel- 
lit le château épiscopal et son parc ; Coêffeteau, qui fut 
suffragant du diocèse de 1617 à 1621, y habita à plusieurs 
reprises (1). Tout aboutit à Vie et tout en part : on y porte 
les comptes des nombreuses châtellenies épiscopales, qui 
y sont vérifiés par la Chambre des Comptes, et quand, 
dans une de ces châtellenies, doit avoir lieu une exécution 
capitale, on s'adresse à Vie où réside le bourreau, et on le 
fait venir assez loin, à Rambervillers, par exemple, pour 
remplir son office (2). 

Aussi Vie était avant tout une ville de fonctionnaires où 
habitaient nombre d'hommes distingués et instruits avec 
lesquels un lettré, comme Alphonse de Rambervillers, 
pouvait avoir des relations attrayantes: nous avons vu 
quel personnel multiple vivait dans le bailliage et autour 
du bailliage ; à côté de cette juridiction laïque existait une 
juridiction ecclésiastique, rofficialité ou cour spirituelle 
de Vie, sur laquelle nous savons peu de choses, et qui 
devait avoir elle aussi un personnel de quelque impor- 
tance (3) ; puis, une juridiction inférieure, celle de la 
châtellenie de Vie, dont les juges ne percevaient qu'un 

(1) Ch. Urbain, Nicolas Coêffeteau, Paris, 1893, in-8, p. 96. — 11 y 
vint par exemple le 24 février 162:2 pour la fondation du couvent des 
dominicaines. 

(2) Inventaire Sommaire des archives des Vosges, G. 2557, 2565, 26(^. 

(3) Par mesure d'économie, elle l'empruntait en partie à une justice 
voisine : ainsi, Jean Virion est à la fois échevin de la justice locale, et 
greffier de l'officialité (Sentences Vie, 1606-12, fol. 108) ; Tofficial lui- 
même est souvent le curé de Vie. 



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ALPHONSE bE ÎIAMBERVILLERS 3Ô3 

demi-muid de sel (1), moitié moins que ceux du bailliage, 
mais ne devaient pas être moins considérés que ceux-ci, 
car ils y passaient assez fréquemment par voie d'avance- 
ment, et plusieurs d'entre eux possédèrent la noblesse, ou 
bien la reçurent à raison de leur charge (2). Nobles aussi, 
la plupart des maires de Vie, dont quelques uns sont en 
même temps conseillers au bailliage (3). La présence de 
cette juridiction supérieure assure à Vie plusieurs notaires 
ou tabellions, alors que chaque autre châtellenie n'en pos- 
sède qu'un seul (4), et la réunion dans cette ville d'une 
nombreuse population bourgeoise lui vaut un corps médi- 
cal sérieux : nommons les médecins Jean de La Piconne, 
qui reçut en 1620 de l'évêque de Metz des lettres de 
noblesse (5); Claude Ginet, un nancéien, docteur non 
seulement en médecine, mais aussi en philosophie, dont 
Alphonse de Rambervillers était l'ami et sans doute le 
client, et sur lequel nous reviendrons (6); noble Dominique 

(1) Registre de la justice locale de Vie, 1615-18, fol. 22. 

(2) On trouve les noms de noble Claude Martin et de noble Domi- 
nique Martiny, châtelains de Vie (Sentences Vie, 1615, fol. 2 v»; 1621, 
fol. 142) ; par lettres du 25 avril 1598, l'évêque anoblit Jean Roydat, 
maitre échevin en la justice locale de Vie depuis 12 ans ; ses armes 
sont : un écu d'or à t hures de sanglier au naturel, la défense 
d'argent embouchée de gueules en chef et en pointe, et en flanche 
d'azur, à 8 gerbes de blé d'or, timbré de 8 éventoirs armoriés des 
armes de Vécu, et au milieu une hure de sanglier au naturel, sup- 
portée d'un armet morné d'argent, couvert d'un lambrequin aux 
couleurs et métaux de Vécu, [Ibid., 1598, fol. 86 v). 

(3) Noble Henri Pierson, maire de Vie (Ibid., 1583-84, fol. 126) ; noble 
David Bourguignon, conseiller au bailliage, maire de Vie [Ibid., 1599, 
fol. 8 V) ; noble Jean Martiny, conseiller au bailliage et maire de Vie 
[Ibid., 1627, fol. 24). 

(4) Nous relevons les noms de Jacquin Ferquel en 1576, Antoine 
Poirson en 15S4, Adrien Poynet, jusqu'alors secrétaire de l'évoque, 
nommé en 1588, à la place du sieur l>es Combles, Jean de Chaul- 
denet nommé aussi en 1588, Didier Richier et Adam Chapelier en 
1593, Nicolas Poirson en 1609. 

(5) Publiées dans B. S. A. L. 1907, p. 64. 

(6) Claude Ginet est encore mentionné en 1611. (Sentences Vie, 1606- 
12, fol. 163 V). — Cf. le chap. IV. 



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304 ALPHONSE D£ RAMBERVILLERS 

Delosier, avec lequel il avait également des rapports affec- 
tueux, puisqu'Alphonse fut parrain de sa fille en 1621 (1). 
A côté d'eux exercent plusieurs chirurgiens (2) et apothi- 
caires (3). Enfin, ce qui devait intéresser davantage une 
homme passionné pour les beaux-arts et qui les pratiquait 
lui-môme à l'occasion, Vie abritait des artistes et ouvriers 
d'art : un peintre, Claude Dogoz, fixé à Vie dès 1611 (4), 
qui y mourut en 1636, à 56 ans, avec le titre honorable de 
peintre de Tévôque de Metz (5), un sculpteur, le sieur 
Fiacre (6), enfin des orfèvres (7) qu'Alphonse de Ramber- 
villers dut avoir plaisir à fréquenter, puisqu'il s'amu> 
sait à émailler, et discutait volontiers sur la technique de 
ce métier (8). Et n'oublions pas que Vie posséda quelque 
temps un imprimeur, Claude Félix, auquel notre auteur 
s'adressa en 1624 pour publier ses Actes de saint Livier, et 
qui était l'imprimeur officiel de l'évêché de Metz (9). 

(1) Etat civil de Vie. 

(2) Mentions de Julien Bertrand en 1616, Jacques Tanneur en 1618, 
Pierre Tazin en 1622, cette dernière dans l'obituaire de Vie. (Areh. de 
M.-et-M., G. 896). 

(3) Mentions de Pierre Cherron en 1599, François Âubertin et Thomas ' 
Leclere en 1620, Nicolas Baucourt en 1621. 

(4) Sentences Vie, 1606-12, fol. 105, où on le nomme à tort Dogue ; 
les textes cités dans les deux notes suivantes écrivent Dogoz. 

(5) Voir son épitaphe publiée par Louis Benoit dans J. S. A. £., 
1873, p. 157. 

(6) Ces deux artistes coopérèrent en 1633 à la construction d'un 
maître- autel dans la collégiale Saint-Etienne de Vie : Fiacre reçut 900 
francs de Lorraine pour la sculpture et la dorure, Dogoz toucha 300 
francs pour la peinture du rétable. (Arch. de M.-et-M., G. 891, p. 24). 

(7) Mentions de Guillaume Forget en 1573, Nicolas Thomas en 1577 
et 1583, Claude Hannequel en 1633 (Ibid.^it. 19), noble Charles Roidat 
en 1637. 

(8) Voir ses lettres à Peiresc publiées par Urbain, dans Un amateur 
lorrain, p. 31, 33, 39. 

(9) Claude Félix imprima encore à Vie en 1626 un ouvrage du chirur- 
gien Marion Rolland ; il se transporta à Metz en 1628, y devint impri- 
meur de la ville et y mourut sans doute en 1646, lisons-nous dans une 
plaquette s. 1. n. d. d'Arthur Benoit, V imprimerie à Vie au IVll^ 
siècle^ 2 pages in-8. 



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ALPHONSE t)E RAMBERVILLERS 303 

A Vie, les cadres ecclésiastiques n'étaient pas moins bien 
remplis que les cadres judiciaires et administratifs. Cette 
ville avait une seule paroisse, placée sous le vocable d'un 
saint peu connu, saint Marien, et dont chaque curé joignait 
àcettecbargeuneou deuxautres fonctions, officiai, chanoine 
à la collégiale, conseiller au bailliage (1) ; mais on n'y 
trouvait pas moins de cinq maisons religieuses fondées : 
le prieuré bénédictin Saint-Christophe vers 1120, la collé- 
giale Saint-Etienne avant 1212, le couvent des cordeliers 
vers 1420, le couvent des capucins en 1613, le couvent des 
dominicaines en 1619 (2). La collégiale était composée d'un 
doyen et de douze chanoines (3); l'un de ceux-ci faisait fonc- 
tion d'écolâtre et veillait sur les écoles de la ville dont le 
maître avait le titre assez singulier de modérateur (4). 
Enfin, un hôpital dont le « gouverneur » était un bour- 
geois de la ville, remontait, comme la plupart des monas- 
tères indiqués, au moyen âge (S). A proportion, Vie 

(i) Voici la liste des curés de Vie au temps d'Alphonse de Ramber- 
viilers : Didier Petit, mentionné dès 1577, meurt le 30 septembre 1591 
(Arch. de M.-et-M., G. 896) ; il a pour successeur François Boucher, 
natif de Verdun, qui meurt le 18 septembre 1617 (Ibid.) ; on trouve 
ensuite Christophe Didelot, qui est, lui, chanoine du vieux Saint-Pierre 
de Strasbourg (Sentences Vie, 1621, fol. 184 ; 1633-34, fol. 42 V). 

(2) Après la mort d'Alphonse de Rambervillers s'établiront encore à 
Vie deux autres couvents, celui des religieuses de la Congrégation en 
1634, celui des Carmes en 1675. Cf. dans M. S. A. L., 1871, p. 200, une 
étude de l'abbé Pierson, qui se trompe, en plaçant, d'après la Sta- 
tisi. de la Meurthe la création de la collégiale vers 1240 : on a aux 
Arch. de M.-et-M., G. 868, une charte s. d. de Bertram en sa faveur; 
or cet évêque a occupé le siège de Metz de 1180 à 1212. 

(3) Art. I des Statuts de 1526 {Ibid., G. 869) ; au xvil« siècle, ce 
nombre sera réduit à six (Lepage, Statist. de la Meurthe, t. II, p. 604). 

(4) Sentences Vie, 1593, fol. 85, 99. Le modérateur est alors Jean 
Vincent, deux ans auparavant il s'appelait Humbert Gille (Ibid., 1591, 
fol. 51 V») ; ce n'est qu'en 1747 que sera fondé à Vie un véritable collège 
(Lepage, ibid., p. 603.) 

(5) Il est cité dans un acte d'acensement du dimanche après l'octave 
du Saint-Sacrement 1393 (Arch de M.-et-M., G. 882). Quand donc 
Lepage, ibid., p. 604, parle de la fondation d'un hôpital en 1715, il faut 



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306 ALPHONSE DE RAMBERVlLLEhS 

n'avait pas moins d'établissements religieux que la ville 
neuve de Nancy, dont on a pu dire que le duc Charles III 
l'avait fondée pour des moines. 

Et dans toutes ces maisons, comme dans la population 
laïque elle-même, la vie religieuse était alors réelle et 
intense, bien des faits rattestent : une confrérie du Saint- 
Sacrement établie dans Téglise collégiale est mentionnée 
dès 1581 (1). Cette collégiale bénéficie d'assez nombreuses 
libéralités : en 1628, Didier Perrin, chanoine et officiai, y 
fonde une solennité en Thonneur de saint Didier; elle 
reçoit en 1620 un legs de 100 francs, en 1632 un legs de 
1.200 pour construire ce maître-autel dont il a été ques- 
tion plus haut (2). Renauld Liégeois, procureur général du 
bailliage, et membre du Conseil privé de Tévéque, mort 
avant 1599, avait laissé 240 francs à la paroisse, 600 à 
rhôpital, 300 à la ville pour l'entretien d'une école (3), 
fortes sommes pour le temps, et pour un pays où les 
grosses fortunes étaient rares. On constate un réveil du 
mysticisme: les pèlerinages de saint Christophe et du 
bienheureux Bernard de Bade, qui se font d'ancienneté à 
Vie, conservent toute leur vogue (4) ; à une lieue de là. 
Salivai attirera des milliers de pèlerins en 1624, et une 
profonde émotion secouera tout le pays au récit des 
miracles qui s'y opèrent (5) ; une religieuse dominicaine 
de Vie, morte en 1636, avait des visions (6). 

entendre que, ruiné par les guerres du xvii» siècle, il a été alors 
rétabli. En tous cas, il existait et fonctionnait au temps d'Alphonse, 
car il est mentionné en 1617 par les Sentences de Vie 1613-23, fol. 
155, qui donnent aussi le nom de son gouverneur, Jean Fournier. 

(1) Arch. de M.-et-M., G. 889, fol. 16 \\ 

(2) Ibid., G. 896, aux 23 mai, M mars, 14 août. 

(3) Sentences Vie, 1599, fol. 108 \\ 

(4) M. S. À. I., 1849, p. 70 ; 1862, p. 17-27. 

/5) Voir le travail de M. René Harmand sur les miracles de Salivai 
dans B.S.A. I., 1907, p. 190-19:). 
(6) M. S. A. I., 1871, p. 208. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLëRS 30*? 

Enfin, ce qui n'est pas moins significatif, la contre-réf or- 
mation catholique qui opéra si puissamment dans toute la 
Lorraine au début du xvii« siècle, faisait aussi son œuvre 
à Vie : une mission qui y fut prêchée en 1620 par un 
jésuite de Pont- à -Mousson eut des résultats durables en 
amenant la conversion de beaucoup d'ivrognes et d'usu- 
riers (1). Et, non contents de corriger leurs ouailles, les 
clercs tâchent à se réformer eux-mêmes : à la collégiale 
surtout, l'autorité est vigilante et sévère, et réprime des 
manquements auxquels elle n'eût même pas fait attention 
un demi-siècle plus tôt; elle punit un chanoine qui va à la 
chasse, un autre qui est d'humeur hargneuse et a malmené 
un de ses confrères ; elle prononce 15 jours de prison et 
10 francs d'amende contre un troisième qui a logé chez lui 
une fille de mauvaises mœurs ; le doyen même, Jacques 
Hellot, qui est souvent absent et néglige ses fonctions, se 
voitcondamnéà payer 400 francs d'indemnité(2). Alphonse 
de Rambervillers, qui paraît avoir toujours été un 
catholique très décidé, se fixait donc dans une ville pro- 
fondément catholique. C'est sans doute dès le commence- 
ment de son séjour à Vie qu'il a écrit, ou tout au moins 
pensé et senti, les Dévots élancemens du poète chrestien, puis- 
que la première édition de cet ouvrage est de 1600 ; c'est 
alors certainement qu'il a composé l'épitaphe de Fouquet 
de La Routte, le gouverneur ligueur de Marsal, tué en 
1589 (3). Il n'est pas sans intérêt de constater que le milieu 
où sont éclos ces vers de foi ardente vibrait à l'unisson 
avec l'auteur. 

*\ 

Mais la poésie ne fait pas tort au barreau, et le jeune 
avocat au bailliage de Vie plaide continuellement : son 

(1) Ch. Urbain, Nicolas Coëffeteau, p. 103. 

(2) Arch. de M.-et-M., G. 890, p. 106, 110 bis, 114. 

(3) PubUée par Aug. Digot, dans /. S. A. I., 1852, p. 118. 

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308 ÀLPlÔONÔK DÉ RAMBBHVUXBRÔ 

nom se lit à toutes les pages des registres du baillage, à 
propos de rappel des affaires dont il est chaîné; cène sont 
là d'ailleurs que de brèves mentions, les plaidoiries ne sont 
pas transcrites ni même résumées, et rien ne nous fait 
connaître la nature de son talent. Soit que ce talent fût 
hors de pair, et fortifié d'une réelle science juridiqne, soit 
que son oncle, lieutenant général du bailliage, le recom- 
mandât aux principaux plaideurs, nous trouvons Alphonse 
de Rambervillers pourvu presque toujours de causes 
importantes, et défendant les intérêts de personnages 
notables. Voici les noms de quelques-uns de ses clients : 
dès 1587, Tannée, semble-t-il, où il se fixe à Vie, il plaide 
pour le maire de cette ville, noble homme Henri Pierson, 
contre Gaspard de Schomberg, et pour Marguerite de 
Ludres, doyenne de Remiremont (1) ; en 1588, il plaide 
pour les échevins des justices de Marsal et de Moyenvic, 
le châtelain de Morbange, le garde des salines de Moyenvic 
et le receveur de Rambervillers, tous fonctionnaires asse» 
élevés de Tévêché de Metz, pour les communautés de Lor- 
quin et de Cbâtel-Saint-Germain, pour Christophe de 
Hassom pierre, seigneur d'Haroué, pour les seigneurs de 
Cerney et de Pompinville, enfin pour deux hauts officiers 
du roi, Jean Du Châtelet, gouverneur deLangres, et Fouquet 
de La Routte, gouverneur de Marsal, le même dontil écrira 
bientôt répitaphe(2) ; en 1589, il plaide pour le châtelain 
de Moyen contre la corporation des cordonniers et tanneurs 
de Rambervillers, enfin pour une personne de sa famille, 
Nicole de Rambervillers, veuve de noble homme Louis 
Fériet, demeurant à Salone (3) ; en 1590, il plaide pour 

(1) Sentences Vie, 1587, fol. 30 v% 47, 128 v«. — Ce Schomberg était 
depuis 1569 colonel général de la cavalerie allemande ; 11 prendra 
part à la rédaction de l'édit de Nantes, et mourra à Paris en 1599. 

(2) Ibid., 1588, fol. 5, 9 v%15, 33 V, 45 v% 67 V, 73 v», 79, 97. 

(3) Ibid., 1589-90, fol. 3 v», 16, 75 ▼•, 96. 



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ALPHONSE DE RAMBËRVlLLEaS 309 

Tantique abbaye de Haute-Seille, pour le comte de Wes- 
terbourg, seigoeur de Réchicourt-le-Château, et pour 
David de Gaignières, capitaine de la garnison de Vie (1) ; 
en 1591, il plaide pour la communauté de Cirey, pour le 
rhingrave Otton, seigneur de Bey, pour la baronne de 
Kœnigseck, veuve du comte d'Eberstein, pour André 
de La Routte (2), tuteur des enfants de son frère Fouquet, 
— il est décidément l'avocat attitré de cette famille, — 
enfin pour Tabbé de Saint-Avold (3) ; en 1592, il plaide 
pour Jean Du Hait, sergent-major, c'est-à dire chef d'état- 
major, à Metz^ pour Balthasar Rennel, chancelier du duc 
de Mercœur, pour les seigneurs de Bathelémont-lès-Bau- 
zemont et de Jeandelaincourt, pour les gens de police de 
Baccarat, pour le prieuré de Saint-Quirin (4) ; en 1593 
enfin, il plaide pour les dames d'Haussonville et de 
Pixerécourt, pour les communautés de Salone et d'Ars- 
sur-Moselle, pour Jean Lignarius, abbé de Senones (5). 
Défendre d'aussi sérieux intérêts mettait en vue Alphonse 
de Rambervillers, lui créait des relations flatteuses, lui 
assurait des appuis. 

Aussi, lorsqu'Eucaire de Rambervillers, lieutenant 
général du bailliage de Vie, remit sa démission, sans 
doute pour raison d'âge (6), Tévôque de Metz, Charles de 

(1) Ibid., fol. 97 V, 414 V, 126. 

(2) Mort en 1620 ; cf. B. S. A. L. 1908, p. 281. 

(3) Ibid., 1591, fol. 42 V, 47, 50 V, 57 V, 60 V, 62 v. — La: 
dernière cause est une de ces affaires de sorcellerie alors si fréquentes 
l'abbé de Saint-Avold et le sieur de Helmstadt se disputent une 
nommée Brigide, inculpée de sortilège, et que chacun prétend avoir 
seul le droit de juger ; elle ne nous apprend pas ce qu'Alphonse de 
Rambervillers pensait des sorcières ; sans doute partageait-il à leur 
égard les préjugés de tous ses contemporains. 

(4) Ibid., 1592, fol. 27, 32, 66 V, 114. — C'est peut-être par Rennel, 
son client, qu'Alphonse de Rambervillers aura été mis en rapports 
avec le duc de Mercœur, qu'il célébrera bientôt dans trois opuscules. 

(5) Ibid., 1593, fol. 12, 33,^41, 59, 72. 

^6) II ne vécut pas longtemps dans la retraite, car en 1597 il es 



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310 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

Lorraine, lui donna pour successeur son neveu, Alphonse, 
par lettres patentes datées de Nancy et du 24 juillet 1593, 
dont voici le passage essentiel : 

Pour les bons tesmoingnages qui nous ont esté donnés de la personne 
de nostre cher et bien amé maistre Alphonce de Ramberviller, doc- 
teur en droictz, et advocat au siège du bailliage de nostredict évesché 
de Metz, et de ses sens, suffisances, loyauté, preudhommie, expé- 
rience, diligence et autres louables parties, qualités et mérites, à 
iceluy, pour ces causes et autres bonnes et justes considérations nous 
mouvans, avons donné et octroie, donnons et octroyons par ces présentes, 
Testât et office de lieutenant général au siège du bailliage de nostredict 
évesché de Metz, vaccant à présent par la libre démission et résignation 
volontaire qu'en a faicte entre noz mains maistre Euchaire de Ramber- 
viller, dernier possesseur dudict estât, pour par ledict Alphonce 
de Ramberviller doresnavant l'avoir, tenir, posséder, exercer et en 
joyr et user aux honneurs, auctorités, prérogatives, prééminences, 
franchises, libertés, gages de trois cens frans, monnoie de Lorraine, 
droictz, proffictz, revenus et esmolumens audict estât appartenant, 
tout ainsy et en la forme et manière qu'en ont cy devant joy ses 
prédécesseurs audict estât, mesme ledict Euchaire de Ramberviller, et 
ce tant qu'il nous plaira. Si donnons en mandement à nostre très cher 
et féal conseiller, le sieur de Mailhanne, bailly et superintendant de 
nostredict évesché de Metz, à noz chers et féaulx, les gens tenans le 
siège dudict bailliage, et tous noz autres justiciers et officiers qu'il 
appartiendra, que, prins et receu par ledict sieur de Mailhanne dudict 
Alphonce de Ramberviller le serment en tel cas requis et accoustumé, 
iceluy mettent et instituent, ou facent mettre et instituer en possession 
et saisine dudict estât de lieutenant général audict siège, et d'iceluy, 
ensemble des honneurs, auctorités, prérogatives, prééminences, fran- 
chises, libertés, gages, droictz, proffictz, revenus et esmolumens 
dessusdictz, le facent, souffrent et laisse joyr et user plainement et 
paisiblement sans luy faire ny souffrir lui estre faict, mis ou donné 
aucun trouble, destourbier ou empêchement au contraire (1). 

question de sa veuve, dame Prisce Touppet (Ibid., 1597, fol. 165). 
Et d'après des copies d'épitaphes en français et en latin du ms. 259 de 
la Biblioth. de la Soc. d'Archéol. lorr., fol. 15, il serait mort le 25 ou 
le 27 juillet 1593, au moment même où son neveu était nommé à sa 
place. 
(1) Sentences Vie, 1593, fol. 73 v°. * 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 311 

Le serment prescrit par Tacte de nomination fut prêté 
par le nouveau titulaire quatre jours plus tard, entre les 
mains du bailli, qui résidait alors à Nancy, où Alphonse 
dut se rendre pour cette formalité : 

Ce jourdhuy, vingt huictième jour de juillet mil cinq cent quattre 
vingtz et treize, maistre Alphonce de Ramberviller, dénommé es lettres 
de rautre part escriptës, a preste entre noz mains le serment de 
bien fidellement et songneusement servir Monseigneur en Testât de 
lieutenant général au siège du bailliage de l'éveschô de Metz. Faicl à 
Nancy les an et jour que dessus. Ainsy signé : .1. Des Pourcelets 
de Maillane, bailly de l'évesché de Metz (1). 

Et le même jour, le bailli annonçait aux intéressés cette 
nomination par une missive ainsi conçue : 

A Messieurs, Messieurs du Conseil du bailliage de l'évesché de 
Metz. 

Messieurs, il a pieu à Monseigneur donner Testât de lieutenant 
général à maistra Alphonce de Ramberviller, présent porteur, en 
conformité de quoy j'ay ce jourdhuy reçeu son serment de bien et 
fidellement se comporter en sa charge. Et aflin que la justice ne soil 
retardée, et qu'il puisse octroier toutes provisions deppendans de son 
estât pour le soullagement du publicque, vous ferés bien de vous 
assembler au lieu de Taudiance, et faire publier ses provisions, et les 
enregistrer selon la coustume. N'estant la présente à autre effect, je me 
recommanderay humblement à voz bonnes grâces, et supplie Nostre 
Seigneur vous donner, Messieurs, [en] toute prospérité les siennes 
sainctes. De Nancy ce 28» juillet 1593. Vostre très affectionné amy à 
vous servir : Maillane (2). 



(1) Ce procès-verbal de serment était consigné au dos de l'original 
scellé des lettres de nomination ; le greffier du bailliage Ta transcrit 
sur son registre à la suite des lettres elles-mêmes. 

(2) Cette pièce est transcrite sur le môme registre à la suite des pré- 
cédentes. La hâte que met le bailli à installer son subordonné fait 
penser que celui-ci a dû prendre sans délai possession de ses fonctions ; 
néanmoins, Alphonse continua à s'occuper des causes qu'il avait en 
mains : en septembre, il agit encore comme procureur de la dame de 
Pixerécourt {Ibid. 1593, fol. 96 V). 



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312 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

Il paraîtra surprenant qu'Alphonse de Rambervillers, 
simple avocat-procureur au bailliage, soit arrivé d'emblée 
à la charge de lieutenant général, sans passer d'abord par 
celle de conseiller, mais cette manière de faire était assez 
habituelle dans Tévêché de Metz : la dignité du procureur 
général égalait en somme celle du lieutenant général, 
puisque le traitement était le même : or précédemment, 
Eucaire de Rambervillers, avocat au bailliage, était devenu 
directement procureur général sans passer par les fonc- 
tions de conseiller ou de substitut; et, dans la suite, trois 
autres avocats seront élevés de la même façon à cet office 
de procureur général, Balthasar Rouyer en 1596, Jean 
d'Abocourt en 1609 et Thierry Dietreman en 1634 (1). 
Alphonse de Rambervillers n'était donc pas l'objet d'une 
grâce bien exceptionnelle; mais, à coup sûr, ce lui fut une 
puissante recommandation d'être le neveu d'Eucaire de 
Rambervillers, qui, en résignant son office, dut le signaler 
à la bienveillance de Tévèque de Metz. A Viccomme ailleurs, 
se formaient de véritables familles judiciaires où se trans- 
mettaient les traditions du métier, et dans lesquelles le 
souverain puisait de préférence pour pourvoir aux places 
vacantes : outre Eucaire et Alphonse, la famille de Ram- 
bervillers donnera encore deux des siens, Jean et Louis, au 
bailliage de Vie, et ces derniers y entreront comme conseil- 
lers quand Alphonse en sera encore lieutenant général. 
A la même époque, nous voyons dans ce tribunal deux 
Liégeois, Regnauld et César, deux Dietreman, Jean et 
Thierry, deux Aubertin, Jean et Siméon (2). Alphonse 
avait donc presque un titre à la place de lieutenant général 
dans son étroite parenté avec le dernier titulaire, et 
comme il avait fait ses preuves d'aptitude en plaidant 

(1) Sentences Vie, 1596, fol. 97 ; 1609, fol. 240 ; 1633-34, fol. 223. 

(2) Voir l'appendice I à ce travail. — - Liégeois est le nom primitif en 
Lorraine de la famille d'Hoffelize. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 313 

au moins six ans devant le bailliage, sa nomination 
put n'étonner personne, et môme être accueillie avec 
faveur (1). 

(1) Remarquons, à titre de simple rapprochement, que cette même 
année 1593 où il devint lieutenant général vit un autre Rambervillers, 
Jean, élu évéque de Verdun par le chapitre ; il l'avait déjà été en 1587, 
mais ni l'une ni l'autre de ces élections ne fut confirmée. (Roussbl, 
Histoire de Verdun^ Paris, 1745, in-4, p. 478, 486.) 



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CHAPITRE III 

Alphonse de Rambervillers, depuis sa nomination 
de lieutenant-général. 

Le haut emploi qu'Alphonse de Rambervillers venait de 
recevoir de la confiance de Tévêque de Metz, assurait son 
existence matérielle, l'exemptait de toute préoccupation 
d'avenir, lui donnait aussi plus de loisirs qu'il n'en avait 
eus auparavant dans la profession d'avocat. Dès lors, il peut 
se laisser aller sans scrupules à son goût pour les lettres, 
et en particulier pour la poésie. Il commence par produire 
des morceaux de circonstance, où il commente des événe- 
ments récents, et où il se montre un peu bien courtisan ; 
mais un débutant ne devait-il pas, pour attirer l'attention 
sur lui, prodiguer quelque encens aux puissances ? C'est 
ainsi qu'il célèbre la convalescence de ce cardinal de 
Lorraine, évêque de Metz, dont il était le fonctionnaire 
(1596) ; qu'il adresse ses adieux aux gentilshommes qui 
vontcombattre lesTurcsen Hongrie (1597), et chante la mort 
du baron de Boppart, tué dans cette campagne (1598) ; 
qu'il déplore une autre mort, cette fois naturelle, celle du 
comte de Salm (1600) (1) ; qu'une nouvelle expédition de 
Hongrie se préparant, il versifie la prière guerrière que 
prononcera avant de partir son chef, le duc de Mercœur 
(1600), puis célèbre ce général qui a succombé à ses fati- 
gues (1602) ; qu'il console de la mort d'un fils Jean Des 
Porcelets de Maillane, bailli de l'évêché de Metz, son chef 
direct, par conséquent (2). Il est même possible qu'il ait 

(1) Jean, comte de Salm, baron de Vivier, maréchal de Lorraine, 
gouverneur de Nancy, mort le 14 janvier 1600. 

(2) Tous ces morceaux sont réunis à la fin des Dévots élancerhens^ 
édition de 1610, sauf les Larmes publiques sur la mort de Mercœur, 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 315 

fait monter son encens plus haut, et cherché à se faire bien 
venir à la fois de la cour de France et de celle de Lorraine : 
le 31 janvier 1599 était célébré le mariage d'Henri, fils 
aîné du duc Charles III, avec Catherine de Bourbon, sœur 
d'Henri IV. Cet hymen, qui achevait de réconcilier deux 
princes et deux Etats longtemps séparés par les guerres de 
religion, fut chanté avec enthousiasme par les poètes du 
temps et, entre leurs nombreuses productions, il en est 
une, un sonnet anonyme, que Ton attribue à Alphonse de 
Rambervillers (l) ; il est inscrit au bas d'une estampe allé- 
gorique : trait d'esprit contestable, Testampe représente un 
pont que les jeunes époux s'apprêtent à franchir, et le mot 
pont revient dans chaque quatrain et dans chaque tercet, 
parce qu'Henri de Lorraine avait le titre de marquis de 
Pont-à-Mousson (2). 

Un an plus tard, Alphonse réussissait àatteindre Henri IV 
lui-même et à s'en faire connaître avantageusement. Il 
avait achevé de composer Les dévots élancemens du poète 
chrestien, quatre ou cinq mille alexandrins qui traitent de 
la confession, de la communion, de la mort, et d'autres 
sujets de piété. Il calligraphia de sa main une copie 
luxueuse de ce poème sur cent feuillets de parchemin de 
petit format (3), de manière qu'on pût le mettre en poche 

qu'il faut chercher dans TéditioD de 1603 ; on en trouvera les titres 
exacts au n** 3 de Tappendice au présent mémoire. Nous reviendrons 
au chapitre IV sur les vers adressés à M. de Maillane. 

(1) Aug. DiGOT, Bist. de Lorr., t. IV, p. 304, admet cette attribution, 
puis la rejette, pour des raisons purement subjectives, par suite sans 
grande valeur. 

(2) Cette estampe très rare figure dans la collection Hennin de la 
B. N. (t. XII, n" 1137-39) ; on n'en trouve aucun exemplaire dans les 
collections publiques de Nancy, mais Teslampe et les vers sont repro- 
duits dans le Magasin pittoresque de 1850, p. 81 ; nous devons cette 
utile indication à notre obligeant confrère M. Robert Parisot. — Fréd. 
Lachèvre ne signale pas ces vers dans sa Bibliographie des recueil^ 
collectifs de poésies publiés de 1397 à 1700, Paris, Leclère, 1901-1905, 
4 in-4. 

(3) Le ms. mesure 183 mm. de haut sur 115 de large; ce serait un 
in-12 de peu de largeur. 



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316 ALPHONSE DÉ RAMBERVILLERS 

comme un livre d'heures : les feuillets 1 et 2, 6 à 92 sont 
en parchemin blanc, et le texte qui les couvre est écrit à 
Tencre noire, sauf les lettres initiales et les mots Dieu, 
Saui^eur, Rédempteur, etc., qui sont en caractères d'or ; les 
les feuillets 3, 4 et 5, contenant les stances dédicatoiresau 
roi, sont en parchemin bleu et entièrement écrits en lettres 
d'or ; les feuillets 93 à 100, où se trouve la prière pour les 
âmes des morts, sont en parchemin noir et écrits en carac- 
tères blancs, sauf les initiales et les mots consacrés, qui 
sont en or comme sur les feuillets blancs. Le manuscrit 
fut doré sur tranches et recouvert de fine toile bleue, semée 
de fleurs de lis d*or, avec les armes de France et de Navarre 
émaillées, et orné par Alphonse lui-même de nombreuses 
et belles miniatures en rapport avec les sujets traités (1). 
Pour rassurer la conscience timorée qu'il supposait au 
royal destinataire, il demanda Tapprobation de l'autorité 
ecclésiastique, et le sieur Fournier, docteur en théologie, 
primicier de l'église de Metz, vice légat en Lorraine, libella 
en dix lignes, au feuillet 91, un certificat daté de Vie et du 

(1) Ce ms. existe encore sous len* 2ÎS.42d du fonds français de la B. N., 
mais sa couverture bleue a été remplacée par une reliure en maroquin 
rouge aux armes de France. C'est le poète lui-même qui nous fait 
connaître la reliure primitive dans une note (B. N , ms. fr. 9543, fol. 
120), reproduite par M. Urbain, à la p. 9 d'Un amateur lorrain. — 
Nous compléterons la description de ce curieux ms. en disant que 
l'écriture en e^t parfaitement nette, et plus lisible assurément que les 
mauvais caractères de l'édition de 1610; que les miniatures sont 
analogues dans l'ensemble aux gravures de cette édition, mais en diffèrent 
dans le détail ; que le poète a signé les stances dédioatoires en faisant 
suivre son nom de ses titres de docteur en droit et de lieutenant-géné- 
ral au bailliage, et qu'il a reproduit cette signature au feuillet 91 ; qu'en 
haut des pages, il y a un titre courant, écrit en lettres rouges, sur l'un 
et l'autre feuillet à la fois, et en abrégé, par exemple : 

La disp. du péni — à la conf. sacr. 

L'invoc. des âmes — bien-heureuses. 

Laconsid. — de la mort. 

Enfin, ce ms. ne contient ni les épltres liminaires, dont il sera ques- 
tion au chap. IV, ni les pièces de vers de circonstance dont nous avons 
parlé au début de celui-ci, et qui figurent dans les éditions avant et 
après le texte des Dévots élancemens. 



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ALPHONSE DE RAMÔERVILLERS 317 

17 mars 1600, portant que Touvrage est conforme ô la 
doctrine catholique, et peut servir à Tédification du peuple 
chrétien (i). Et le volume étant ainsi irréprochable à tous 
égards, Alphonse partit pour Paris : le jeudi saint, 30 mars 
de Tannée 1600, il fut reçu par Henri IV au château de 
Vincennes et lui ofirit le manuscrit qui était si pleinement 
son œuvre, puisqu*il en avait composé les vers, calligraphié 
les feuillets, dessiné et peint les miniatures (2). Il nous 
rapporte lui-même (3), avec complaisance et peut-êtreavec 
quelque exagération, le plaisir que ce cadeau fit au roi : 
(( Durant le service du jeudy saint, il s'occupa à le lire, et 
lorsqu'il rencontroit quelques stances qui luy venoient à 

(1) Cette approbation est reproduite, suiyie de quatre autres, dans 
Fédition de 1603, mais pas dans celle de 1610 (qui ne contient que trois 
approbations, toutes empruntées à la précédente), sans doute parce que 
Fournier (Antoine) était mort le fô noyembre de cette même année 
{GaUia christiana, t. XIII, col. 810, 816). 

(2) Notons ici qu'il existe à la Bibliothèque de l'Arsenal, sous le n* 
3636, un autre ms. des Dé\)oU élancemens qui parait aussi un auto- 
graphe de l'auteur, et qui est également de petit format, 193 mm. de 
haut sur 138 de large. Bien moins luxueux que celui de la B. N., il est 
doré sur tranches, relié en maroquin vert, sans armoiries, et compte 
comme l'autre cent feuillets, mais en papier assez commun, au lieu 
de parchemin, avec encadrements rouges. L'écriture est très nette, 
tout entière à l'encre noire, avec les mots Dieu^ Sauveur^ etc., tracés 
complètement en majuscules. Au lieu de miniatures, on a vingt dessins 
lavés, reproduisant les mêmes sujets et signés A. de Ramb. inv. ou 
AR tniK La teneur de ce ms. est la même que dans celui de la B. N. A 
la fin (fol. 99 et 100), sont trois approbations : de Fournier, primicier de 
Metz, 17 mars 1600 ; de Didier Priquet, docteur en théologie, doyen de 
la collégiale de Vie, 16 mars 1600 ; de Claude Jenin, gardien des Corde- 
liers de Toul, professeur en théologie, 16 mars 1600 (toutes trois repro- 
duites dans l'édition de 1603, la seconde avec une autre date, celle du 
22 décembre 1600). Ce ms. provient de la bibliothèque des dominicains 
de Paris ; peut-être Alphonse l'aura-t-il exécuté pour l'offrir à un 
religieux de cet ordre, et peut-être a-t-il fait encore d'autres copies de 
son œuvre pour des amis. Il est assez curieux de constater que deux 
autres volumes sont entrés dans la bibliothèque des dominicains de 
Paris, après avoir appartenu à Alphonse de Rambervillers, un imprimé, 
VOpticaregularium^ de Servais de Lairuels (cf. ScHMiT,dans J.S. 4.I., 
1868, p. 82), et un ms., les Heures de la Vierge (cf. Urbain, t6td., p. 6, 
n. 1, et infra, chap. IV) 

(3) Dans la note dont nous parlions plus haut, et qu'a publiée M. Urbain. 



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318 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

goust, il partoit de sa place et les alloit lire et monstreraux 
princes voisins qui estoyent lors Mgr le duc de Mayenne, 
M. le Grand (1) et autres m ; et plus tard, Henri en fit présent 
à la reine Marie de Médicis. 

Bien entendu, Tau leur espérait être récompensé de sa 
peine autrement que par des remerciements et des compli- 
ments ; le Béarnais s'acquitta, mais en monnaie de Gascon: 
tout d'abord, il eut l'idée ingénieuse de faire payer sa dette 
par d'autres, et il écrivit à son «frère», le duc de Lorraine, 
et à son «neveu», le cardinal de Lorraine, évêque de 
Metz, des lettres où il leur annonçait le don des Dévots 
élancemens et le plaisir qu'il en avait eu, et les priait de 
gratifier l'auteur lorsque l'occasion s'en présenterait (2). 
Quelque temps après, il promit de donner une abbaye de 
Picardie au fils du poète, mais l'abbaye ne se trouva pas 
vacante ; en 1603, Alphonse étant venu de nouveau à Paris, 
évidemment pour solliciter, le roi lui fit don des droits de 
quint et de requint, s'élevant à 5 ou 6.000 écus à prélever 
sur la vente d'un fief, mais le fief ne fut pas vendu (3). 

Est-ce le peu de succès lucratif obtenu par sa tentative 
auprès du roi qui détermina Alphonse de Rambervillers à 
chercher ailleurs un protecteur et un mécène ? On peut le 
croire, car la même année il se tourne vers ce duc de 
Mercœur qu'il avait déjà célébré en vers, et il écrit, mais 
cette fois en prose, une courte relation de la campagne que 

(1) Roger de Saint-Lary, marquis de Seurre, puis duc de Bellegarde 
en 1619, grand écuyer de France. 

(2) Alphonse de Rambervillers n'a pas manqué d'insérer ces lettres 
si flatteuses pour lui, dans les éditions de 1603 et de 1610 (p. 162 et 163, 
de cette dernière) des Dévots élancemens ; elles sont reproduites par 
Berger de Xivrey au t. V, p. 218-9 du Recueil des lettres missives de 
Henri /K, qu'il a publié dans la Collection de Documents inédits sur 
l'histoire de France, — Aucune autre des innombrables lettres de 
Henri IV publiées, soit par Berger de Xivrey, soit depuis, ne parle 
d'Alphonse de Rambervillers. 

(3) Alphonse raconte ces déconvenues dans la même note ; cf. Urbain, 
ï^n amateur lorrain^ p. 10. 



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ALPHONSE DE HAMBËRVILLERS 319 

ce général a conduite en Hongrie, aux mois de septembre 
et d'octobre de Tannée 1600 (1). Récit si précis et si topique 
qu'il paraît Tœuvre d'un témoin oculaire : on est tenté de 
croire qu'Alphonse aura quitté quelque temps ses pacifiques 
fonctions pour suivre Mercœur, comme plus tard Racine 
et Boileau, historiographes de France, suivront, un peu 
malgré eux, Louis XIV au siège de Namur. Mais il n'en est 
rien : un registre du bailliage de Vie (2) mentionne la 
présence du lieutenant général à un jugement du 27 
septembre 1600, alors que depuis quinze jours l'armée 
chrétienne était entrée en Hongrie. 

Ces travaux littéraires, soit en vers, soit en prose, ne 
faisaient pas tort à la jurisprudence : le 6 avril 1601, les 
Etats de l'évêché de Metz se réunirent à Vie pour la rédac- 
tion des coutumes générales du temporel et des coutumes 
locales de Rambervillers, Baccarat et Moyen; Alphonse, 
en qualité de lieutenant-général, présida la commission de 
cinq personnes qui fut chargée du travail effectif auquel 
les Etats donnèrent leur approbation (3). Dans cette période 
de sa vie, Alphonse est l'objet de marques de confiance 
variées et déploie une réelle activité : il est notaire impé- 
rial (4) ; quand Henri IV vient à Metz en mars 1603, les 
habitants de Vie le chargent d'aller présenter leurs hom- 
mages au roi (5) ; le 20 septembre 1610, il écrit aux habi- 
tants de la petite ville de Rambervillers, dont sa famille 

(1) Publiée la même année à Paris, chez P. Chevallier, in-12 de 16 
pages (n» H. 337 du fonds lorrain de la Biblioth. de Nancy). 

(2) Sentences d'appel de 1594 à 1600, fol. 155 v°. 

(3) BouRDOT DE RiCHEBouRG, Nouvcau coutumieT général, Paris, 1724, 4 
in-fol., t. II, p. 414-425. — Les autres membres de la commission sont 
le procureur général au bailliage et un représentant de chacun des trois 
ordres. 

(4) La copie d'une charte del'évéque de Metz del'an 1000 pour l'abbaye 
de Senones est signée par lui es dites quahtés (Arch. de M.-et-M., B. 
488, n«» 3) ; cette copie n'étant point datée, nous ne savons pas au juste 

, quand il reçut ce titre. 

(5) Lepage, Stalist. de la Meurthe, t. II, p 602.J I ^ 



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320 Ali»I10NSE DE HAMBERVlLLËHS 

avait pris le nom, pour les prier d'envoyer deux députés 
qui exposeront les oppressions dont ils sont victimes (1). 
Le cardinal Charles de Lorraine, qui l'avait nommé, étant 
mort, son successeur, le cardinal de Givry, qui fut évoque 
de Metz d'octobre 1608 à avril 1612, le maintint en place : 
tout d'abord, par lettre du 18 mars 1609 il invita les fonc- 
tionnaires du temporel à continuer leurs fonctions ; puis, 
le 19 août de la même année, il donna à Alphonse une 
nouvelle investiture, lui maintint son traitement de 
300 francs, et reçut son serment (2). II ne s*en tint pas là 
et eut avec le magistrat poète des rapports tout à fait ami- 
caux, dont témoigne le cadeau qu'il lui fit d'un luth 
d'ivoire et d'ébène (3). 

Seulement, les honneurs n'allaient pas sans des ennuis 
et des difficultés, et parfois même, la situation ambiguë où 
se trouvait le temporel de Metz vis-à-vis de la France 
exposait à de réels périls les hauts fonctionnaires de ce 
petit Etat. Tant que Tévêché fut gouverné par le cardinal 
Charles de Lorraine, fils d'un prince indépendant et assez 
puissant pour devoir être ménagé, le gouvernement royal 
se montra discret, mais Charles mourut le 24 novembre 
1607, et fut remplacé par un sujet du roi, le cardinal 
de Givry, précédemment évêque de Lisieux ; dès le 
22 juillet 1609, Henri IV prescrivait que le gouverneur 
français de Metz et son lieutenant feraient seuls fonctions 
de gouverneurs dans toutes les places fortes de l'évêché, 
et Louis XIII renouvelait cet ordre le 14 octobre 1613 (4). 
C'était étendre à tout le temporel le régime d'annexion de 
fait, établi à Metz seul depuis 1552. Cette même année 1613, 

(1) Arch. commun, de Rambervillers, EE. 1. 

(2) Sentences Vie, 1609, fol. 72, 193. 

(3) Alphonse le mentionne dans son testament . 

(4) Ces deux lettres patentes sont publiées dans le Jahrînich der 
Gesellschaft fiir lothringische Geschichte und Àltertumskunde^ 1893, 
2* partie, p. 195, 196. 



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ALPHONSE DK HAMBERVUXEaS 321 

le duc d'Epernon, gouverneur de Metz, rencoatrant de U 
résistance chez les officiers de révoque, menaça le vice- 
président et le procureur général de Tévéché de les faire 
fouetter, ou même pendre (1), et, par ces procédés violents, 
il obligea à lui prêter un véritable serment de fidélité les 
chanoines qui administraient le diocèse au nom d'Henri 
de Bourbon Verneuil, successeur encore enfant du cardinal 
de Givry (2). Serment prêté à regret, car dès Tannée sui- 
vante, 1614, se tint à Vie, en présence du comte de Zollon, 
représentant de Tempereur, une assemblée des vassaux de 
révêché pour protester contre les entreprises du duc 
d*Epernon(3), et le lieutenant général au bailliage dut y 
assister, peut-être même la présider (4). 

Mal vu sans doute des agents du roi pour la part qu'il 
prit à la résistance, Alphonse de Rambervillers était au 
rebours l'objet d'attentions flatteuses dans des pays voi- 
sins: il avait acquis, comme nousl'expliqueronb plus loin, 
le fief de Forcelles en terre lorraine ; or, la coutume de ce 
pays réservait aux nobles le droit de tenir des fiefs (5), et 
on ne pouvait être admis à faire reprises, foi et hommage, 
si on n'avait au préalable établi sa qualité de gentilhomme. 

(1) Ibid.^ p. 192; l'auteur de ce travail, M. Saubrland, a le tort de ne 
pas Indiquer où il a pris ces faits un peu surprenants ; VHistoire de 
Metz n'en parle pas. — Il y a doute si par vioe-président il taut entendre 
le lieutenant général, ou bien le bailli lui-même, qui devait être vice- 
président du Conseil privé de l'évéque, et, par suite, nous ne bavons si 
Alphonse de Rambervillers eut à entendre personnellement ces 
menaces. 

(2) Voir le texte de ce serment, ibid,^ p. 197. 

(3) Lbpagc, Statut, de la Meurthe, t. Il, p. 602. 

(4) Ce qui le fait penser, c'est que plus tard, en Juin 1627, il préside 
â Vie une autre assemblée du clergé et de la noblesse, qui a pour objet 
de répartir sur l'évôché une somme de 60.000 francs accordée à l'évoque 
par ses vassaux pour réparer le château de Vio. Le temporel de Metz 
compte alors 7972 conduits. (Arch. de la Lorraine, G. 2iQ', l'Inventaire- 
Sommaire analyse inexactement cette pièce). 

(5) Titre V, art. 2 : « roturiers ne sont capables de tenir fiefs en 
propre ». 



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322 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

Cette qualité pouvait être mise en doute pour Alphonse, 
parce que, dit-il, depuis 80 ou 100 ans, ses ascendants 
n'étaient plus domiciliés dans le duché ; il sollicita du duc 
Henri II la reconnaissance de sa noblesse, et celui-ci, après 
avoir fait examiner ses titres par le maréchal de Lorraine 
et le maréchal du Barrois, déclara, dans ses lettres patentes 
du 28 septembre 1617, qu'Alphonse était gentilhomme, issu 
d'ancêtres qui depuis 1383 avaient vécu noblement, joui 
du titre d'écuyers, tenu des fiefs, porté des armoiries à 
timbre ouvert et grillé (1). A une date qui ne nous est pas 
connue, il entrait de môme en relations, non plus comme 
noble, mais comme artiste, avec l'infante Isabelle-Claire- 
Eugénie, fille de Philippe II, qui fut la souveraine presque 
indépendante des Pays Bas espagnols de 1598 à 1633, date 
de sa mort : il lui avait envoyé pour son oratoire un 
médaillon en cristal de roche, qu'il avait peut-être taillé 
lui-même ; il en reçut en retour une chaîne d'or, que plus 
tard il léguera à son fils aîné comme une preuve de 
la bienveillance de cette princesse envers sa famille (2). 

Et ce qui fait honneur à notre poète, c'est qu'aux mêmes 
années de sa vie où s'accroissent ainsi sa situation sociale 
et sa notoriété, il ne se désintéresse pas des affaires àe sa 
petite ville : en 1615, il représente les habitants de Vie 
pour l'achat d'une maison à l'abbé de Gorze (3). Un peu 

(1) Ces lettres sont publiées dans /. S. A. L, 1899, p. 202-204, d'après 
le registre B. 89, fol. 284 v* des Arch. de M.-et-M. — Le descendant 
d\in cousin du poète, Regnard de Girongourt, dans un Mémoire 
qu'il rédigea pour dom Calmet, nous apprend ce détail curieux que, 
sur l'original en parchemin de ces lettres, Alphonse fit en miniature 
le portrait d'Henri dans le jambage supérieur de YH initial. (Biblioth. 
de Salnt-Dié, ms. 80-VII, fol. 54-57). 

(2) Testament d'Alphonse. — L'infante vivait encore quand il le 
rédigea, et mourut le 1" décembre 1633, quatre mois après lui. 

(3) Lepage, Archives communales de la Meurthe, p. 274 ; nous 
n'avons pas retrouvé ce document dans les archives de Vie en juillet 
1906. — L'abbé de Gorze était décimateur à Vie et collateur de la cure 
(Stemer, Département de Metz^ p. 125). 



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ALPHONSE DE RAMBËRVILLERS 323 

plus lard, quand se fonde à Vie un couvent de domim- 
caines sous Tinvocation de Notre-Dame de Bethléem, il 
signe comme témoin le contrat d'acquêt d'une maison 
par ces religieuses, le 15 octobre 1618, puis l'acte du 16 
février 1620 qui les exempte du payement d'un cens dû 
par cette maison (1). Enfin, il compose et publie en 1624 
deux petits volumes d'un intérêt tout local, les Actes admi- 
rables du bienheuretix martyr sainct Livier, et la Vérification 
des miracles dus à ce saint, où il raconte, plutôt sur le ton 
de la légende que de l'histoire, la vie de ce Messin du v« 
siècle, enterré près de Tabbaye de Salivai, à une lieue de 
Vie, et énumère les guérisons opérées sur sa tombe en 
1623 et 1624 (2), Le second livre est dédié au duc de 
Lorraine, Henri II, auquel l'auteur devait la reconnaissance 
de sa noblesse, et qui était venu lui même en pèlerinage 
au tombeau de saint Livier, mais il est surtout écrit pour 
la plus grande joie des prémontrés de Salivai qui desser- 
vaient la chapelle du saint, et avec lesquels Alphonse avait 
depuis longtemps, semble-t-il, de bonnes relations de 
voisinage et d'amitié (3). 

Les dernières années de cette vie longue et bien remplie 
durent être assombries par des préoccupations politiques : 
Alphonse, nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, était 
un catholique fervent et sincère ; à ce titre, il avait pleine 

(1) Àpch. de M.-et-M., H. 2721. — L'abbé Pierson, danâ son étude 
sur ce monastère {M, S. À. I., 1871, p. 203), avance même que le pre- 
mier acte fut dressé dans la maison d'Alphonse ; nous ne savons où il 
a pris ce détail. 

(2) Sur ces deux ouvrages et la polémique à laquelle ils donnèrent 
lieu, voir l'étude de M. René Harmà.nd dans B. S. A. /.., 1907, p. 190- 
212. 

(3) D'après une note déjà citée de Sghmit (/. S. A. I., 1868, p. 82- 
87), Alphonse était l'ami, peut-être même le parent de Mathieu 
Bonnerbe, abbé de Salivai, mort bien avant ces faits, le 4 décembre 
1610. 

21 



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324 ALPHONSE I)Ë HAMB^HVtU^EiHB 

sympathie pour les puissances qui soutenaieot la cau69 
catholique, TEspagoe, la Lorraine, TEmpire surtout (1), 
doot il était du reste le sujet, et il avait composé un 
poème en Thonoeur des victoires des Impériaux au début 
de la guerre de Trente Ans (2). Or, la politique de Riche- 
lieu, qui commençait à &e dessiner, était nettement dirigée 
contre ces puissances, et n'hésitait pas à mettre en jeu d^s 
alliances protestantes. Combien les accointances d'un car- 
dinal de TËglise romaine avec Thérésie devaient scanda- 
liser le pieux citoyen de Vie, puisque nombre de Français 
de vieille souche leur furent toujours hostiles et ne com- 
prirent jamais les profondes conceptions de Richelieu! Ce 
fut la Lorraine, si voisine du temporel de Metz, qui reçut 
les premiers coups, et Alphonse eut la douleur de voir de 
ses yeux l'abaissement d'une dynastie à laquelle il était 
très attaché, dont il avait reçu des bienfaits, et dont il 
avait célébré naguère la valeur et la foi (3) : à la On de 

(1) Cf. ses lettres à Pelresc publiées par M. Urbain, Un amateur 
lorrain^ surtout aux p. 24, 25, 36. — Ces mêmes lettres, p. 38, 39, 41, 
42, nous font voir du reste qu'il a autant de sympathie pour la France 
quand celle-ci lutte contre l'hérésie : ainsi, en 1621, enthousiasmé par 
la campagne de Louis Xlil contre les huguenots du xMidi, il projette 
d'écrire une œuvre, sans doute en vers, où il glorifiera le roi dans la 
personne de son ancêtre, saint Louis, et Peiresc lui envoie une édition 
de Joinville pour l'aider dans ce dessein. 

(2) Il nous apprend lui-même, dans une lettre à Peireso {ibid,, p. 43), 
que l'impression de ce poème et la gravure des planches lui a coûté 
2 ou 300 écus, mais qu'il a fait cela pour la gloire de Dieu. Ses convic- 
tions étaient sérieuses, puisqu'elles allaient jusqu'à la bourse inclusi- 
vement. 

(3) Dans la prière qu'il avait composée en 1600 pour le duc de Mer- 
cœur, prince d'une branche cadette de la maison de Lorraine, il lui 
fait prononcer ces paroles qui montrent bien la nature des sentiments 
du poète à l'égard de cette maison restée toujours si orthodoxe. 

, . . • . 

Je te loue et rends grâce, 6 Dieu, puisqu'il t'a pieu 
Me faire naistre prince extrait du sang esleu 
Des grands roys de Solyme et des ducs de Lorraine. 
Je te rends grâce aussi que mon âme est espHse 
Du soin qui bouillonnoit au cœur de mes ayeux, 
Qui n'estoient en leur temps de rien ambitieux 
Que de porter partout l'honneur de ton Église. 
{DévoU élancemenSy édit. de 1610, p. 168). 



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AtPHONSE DE RAMBERViLLERS 32^ 

1631, les maréchaux de La Force et de Schomberg s'empa- 
raient de Vie, et, le 6 janvier de Tannée suivante, le duc 
Charles IV venait y trouver Louis XIII et y signait un 
traité qui sacrifiait l'indépendance diplomatique et mili- 
taire à peu près complète dont son duché avait joui jus- 
qu'alors (1). A dater de ce jour, la paisible petite ville sera 
la place d'armes des troupes françaises , et c'est de 
Vie que le maréchal de La Force partira en 1634 pour 
envahir TAUemagne (2), Ce qui frappa plus directement 
encore le vieux magistrat, ce fut la création du Parlement 
de Metz par édit du 15 janvier 1633 ; elle portait atteinte 
au prestige et à l'autonomie du bailliage de Vie, rendait les 
appels des jugements de ce siège plus faciles, par suite plus 
fréquents, et le soumettait donc à un contrôle perpétuel, 
d'autant plus blessant que les magistrats tout français du 
Parlement avaient une autre jurisprudence et une autre 
procédure que ceux du bailliage. Alphonse dut s'opposer 
de tout son pouvoir à cette création ; ce qui nous le fait 
croire, c'est que, tant qu'il vécut, l'édit ne fut pas enregis- 
tré au bailliage de Vie, et que cet enregistrement fut fait 
sans diflScuUé par son successeur, dix jours après sa 
nomination (3). 

Aux soucis publics s'ajoutaient les soucis domestiques, 
et ceci nous amène à dire le peu que nous connaissions 
de la famille d'Alphonse de Rambervillers : il fut marié 
deux fois ; sa première femme s'appelait Claude ou Clau- 
dine Lallemant, et nous ne savons rien sur elle ni sur sa 
famille (4). Nous sommes mieux renseignés sur sa seconde 

(1) DioôT, Hnt.de Lorraine, t. V,p. 187-190. 

(2) Recueil de documents sur Vhist. de Lorraine, 1867, p. 157. 

(3) L'édit fut enregistré le 30 septembre 1633 (Sentences Vie, 1633-34, 
fol. 105). 

(4) Dans son testament, Alphonse parle de ses deux femmes, sans 
nommer la première, mais nous trouvons le nom de celle-ci dans un 
autre document contemporain et sûr, l'acte de profession religieuse 
d'une de ses filles dont nous parlerons plus loin, et qui nous apprend 
aussi que Claude vivait encore en 1604. 



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Qoo^(^ 



326 ALPHONSE DE hAMBERVILLEKS 

femme : elle se nommait Anne Raoul et était fille de Gérard 
Raoul, marchand, demeurant à Lunéville, anobli par 
Charles III le 7 février 1572 (i), et de Marie Lenerf (fille 
elle-même de Lucas Lenerf, aussi marchand à Lunéville, 
et anobli en 1556) ; Anne avait d*abord épousé Nicolas Ber- 
man ou de Bermand, seigneur de Pulligny, Ceintrey et 
Voinémont, dont elle n'avait pas eu moins de onzeenfants 
entre 1587 et 1601 (2) ; son mari étant mort le 29 mars 
1603 (3), elle se remaria à une date qui ne nous est pas 
connue, mais sûrement avantl618, avec Alphonse de Ram- 
bervillers (4) ; elle mourut la première puisque dans son 
testament le poète demande à être enterré auprès d'elle. 
Ce vœu, et le fait que le 28 juillet 1625 Alphonse signait 
au contrat de mariage de Claude, Tune des filles d'Anne 
Raoul (5), donnent à penser qu'il n'eut pas à se plaindre 
d'elle et des enfants qu'elle avait de Nicolas Berman. 

Il ne semble pas avoir eu autant à se louer de ses pro- 
pres enfants : il en eut quatre, ou du moins il en avait 
quatre vivants quand il rédigea son testament, où il 
nomme ses deux fils, Louis et Nicolas ou Jean-Nicolas, et 
ses deux filles, Marie-Charlotte et Anne Barbe-Aldegonde. 
De celles-ci, il y a peu à dire ; leur père nous apprend 
dans ce même tistament que la première est religieuse 
professe au monastère de la Congrégation de la ville neuve 
de Nancy, la seconde religieuse professe dans une congréga- 
tion fondée à Luxembourg qu*il ne désigne pas plus expli* 

(1) Arch. de M.-et-M., B. 42, fol. 274 ; dom Pelletier, Nobiliaire de 
Lorraine^ p. 676. 

(2) Enumérés par Charles Denis, Inventaire des registres de l'état 
civil de Lunéville, p. 9-i3 ; elle n'avait sans doute plus tous ces 
enfants quand elle se remaria, car alors beaucoup d'enfants mouraient 
jeunes, faute de soins. 

(3) Ch. Denis, ibid., p. 16. 

(4) En effet, le 10 juillet 1618, elle est qualifiée sa femme dans un acte 
de baptême où elle flgure comme marraine (Etat civil de Vie). 

(3) Urbain, Un amateur lorrain, p. 5, n. 2. 



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ALPHONSK DE RAMBERVILLERS 327 

citement. Nous avons en outre Tinterrogatoire auquel dut 
répondre, suivant l'usage, Marie-Charlotte, au moment de 
faire profession au couvent de Nancy, le 29 août 1622 : elle 
déclara être âgée de 18 ans (ce qui la fait naître en 1604), 
être fille d'Alphonse de Rambervillers et de Claude Lalle- 
mand, et porter Thabit depuis le 1«^ août 1621 (1). Jean- 
Nicolas suivit la carrière militaire, rit,semble-t-il, ses pre- 
mières armes en Bohême, dans Tarmée impériale, et prit 
une cornette ennemie à la bataille de Prague le 8 novem- 
bre 1620 (2) ; puis iJ passa au service du roi de France et, 
en 1633, il appartenait à la compagnie des chevaux légers 
de sa garde ; dans son testament, Alphonse sollicite encore 
pour lui, et rappelle qu'il y a un an, à Pont-à-Mousson, 
en juillet 1632, le roi lui a promis de récompenser ce jeune 
homme (3). 

Reste Louis, que nous prenons le dernier, bien qu'il fût 
certainement l'aîné des fils (4). C'est sans doute à lui 
qu'Henri IV aurait eu le dessein, en 1600 ou en 1601 de 
donner une abbaye (5). Son père le poussa dans la même 
carrière qu'il avait suivie, lui lit étudier le droit à Pont-à- 
Mousson, à Fribourg-en-Brisgau, à Paris, à Orléans (6), 

(1) Arch. de M.-et-M., H. 2571, fol 4 V. 

(2) Lettre d'Alphonse à Peiresc, dans Urbain, îôid., p. 37. 

(3) Selon M. de Gironoourt {B. S. À. L, 1899, p. 275), Jean-Nicolas 
aurait pris une femme du nom de Marie Touppet le 26 septembre 
1C33, d-iux mois après la mort de son père ; il serait le père d'Henri- 
Livier, Jean-Auguste et Alphonse-Etienne qu'Alphonse de Rambervil- 
lers désigne dans son testament comme ses petits-fils, et les aurait donc 
eus d'un premier mariage. Mais le testament ne nomme pas le père de 
ces trois garçons, et nous croyons qu'ils sont plutôt les enfants de 
Louis, l'ainé des tils du poète, qui, nous allons le voir, était alors marié 
depuis dix ans au moins. 

(4) Alphonse le dit dans son testament, et dans une lettre à Peiresc. 
(Urbain, tfeid., p. 18). 

(5) D'après une note d'Alphonse publiée ibid.^ p. 10. 

(6) Testament et lettre à Peiresc, ibid., p. 18. — Louis soutint en 
Kil'.l â l'Université de Fribourg sa thèse de docteur en droit, qui est 

écrite par Schmit dans J. S. A. I., 1875, p. 12-16. Il était resté quatre 
dans et demi à Fribourg (Urbain, ibid.^ P-9.) 



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328 ALPHONTE DE RAMBERVILLERS 

lui fit apprendre rallemand, renvoya à Pelresc en janvier 
1621 pour qu*il le poussât auprès du garde des sceaux de 
France (1), et harcela son illustre correspondant desollici* 
tations en faveur de ce jeune hoinme.Tous ces soinâ furent 
inutiles ; Louis resta très peu de temps à Paris, car, au 
mois de décembre de la même année 1621, on le voit à Viô 
prêtant serment comme avocat au bailliage (2). On n*a pas la 
peine de chercher à deviner ce qui s*était passé,le père nous 
le laisse assez entendre : dans ses lettres à Peiresc, il parle dé 
la prodigalité extrême de son fils, de son penchant â Tin 
conduite, de la nécessité de le tenir d'une main ferme (3); 
dans son testament, il rappelle avec quelque amertume les 
fortes sommes que ce fils lui a coûtées pendant ses études, 
le grand nombre de livresque Louis a achetés sans néces- 
sité, — et peut-être pour les revendre, en sorte que le pro- 
cédé ne daterait pas de notre siècle, — les admonitions 
qu'il lui a prodiguées pour le salut de sonâme et Thonneur 
de sa maison. Tout cela nous donne Timpression d'un fils 
de famille qui a mal tourné, et d'un bourreau d'argent. 
Revenu à la maison paternelle, Louis, par un arrangement 
que Ton rencontre fréquemment dans l'ancienne société 
française, épousa Anne Berman, fille de sa belle-mère (4), 
et devint, par là seigneur de Pqlligny, Ceintrey et Voiné- 
mont en partie (5). Cité encore comme avocat en 1627, en 

(1) Ibid. 

(2) Sentences Vie, 1621, fol. 328. 

(3) Urbain, ibid., p. 18,30, 35. 

(4) Il est donc fils de la première femme, puisqu'il épouse une fille 
de la seconde. Nous avons vu qu'Anne-Charlotle, elle aussi, est fille de 
Claude Lallemand ; quant aux deux autres enfants, rien ne nous indi- 
que de quel lit ils sont. — Ce mariage était conclu avant le 25 juillet 
1623, date où paraît comme marraine dans l'Etat civil de Vie Anne 
Berman, femme de noble Louis de Rambervillers, avocat. — Dom 
Pelletier, ibid., p. 48, indique cette union. Anne Berman est née le 
3 juin 1596, d'après Ch. Denis, ibid., p. 12. 

(5) De cette môme année 1623 date le dénombrement d'un gagnage 
que Louis possède du chef de sa femme, et qui s'étend sur les bans de 
Ceintrey et de Voinémont (Arch. de M.-et-M., H. 133). Anne Berman 



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ALPHONSE DE HÂMBËHVILLER3 329 

1630, Louis devint conseiller au bailliage avant 1633 (1) ; et 
enfin, grâce au crédit dont il Jouissait auprès de Tévêque de 
Metz, son père finit par lui assurer une situation au-dessus 
de ses mérites peut-être : par lettres patentes du 13 mai 
1633,révèque,ayantégardauxbonsserviceèqu'Alphonsede 
Rambervîllers rend depuis plus de 40 ans, nomme èon fils 
Louis,conseiller au bailliage,à l'office de chancelier de Tévê- 
ché,exprime Tespoir qu'il s'efforcera d'imiter les vertus de 
son père (2), espoir quele père lui-mêmene semble pas trop 
partager, puisque dans son testament, rédigé un mois 
auparavant, il lui prodigue encore les remontrances, et 
l'adjure en termes pathétiques de les mettre courageuse- 
ment à profit. 

C'était là pour le père une cause réelle de chagrin, mais 
non la seule : aucun de ses fils n'éprouvait ces préoccu- 
pations intellectuelles qui avaient fait Thonneur et le 
charme de sa vie ; il le note avec mélancolie dans son 
testament, et dispose de ses collections en conséquence : 
il lègue seulement ses armes et quelques livres d'art mili- 
taire à Jean-NicolaS) le soldat ; quant à ses médailles et 
antiques, il ordonne de les vendre à des amateurs et d'en 
remettre le produit aux cordeliers de Vie pour la fondation 
d'une messe basse quotidienne (3), « en quoy, ajoute-t-il, 

possédait aussi un gagoage à Rehainviller, près de Lunéville {Ibid.^ 
H. 1^54), et il passa à Etienne de Ramberviller, son fils, le même sans 
doute que cet Alphonse-Etienne nommé dans le testament, qui était 
né à Lunéville, le 25 février 1630* (Ch. Denis, ibid., p. 23). 

(i) 11 est nommé avec cette qualité dans l'état civil de Vie, le S jan- 
vier 1633. 

(2) Sentences Vie, 1633-34, foK 80; on voit là que Louis prête serment 
à Paris, le 27 mai, entre les mains de l'évéque. — A cette date, Louis 
de Rambervilters devait être veuf, car, peu après, il épousera Françoise 
Ghamant, fille de Jean Ghamant, écuyer, conseiller au bailliage de Vio^ 
et leur contrat de mariage, daté du 17 janvier 1634, se trouve aux f(»l. 
45-50 du ms. Rambervîllers conservé sous le n" 259 dans la Biblioth. 
de la Société d'archéol. lorr. Un enfant issu de ce mariage^ Margue- 
rite, est baptisé à Vie le 26 août 1647. 

(3) L'inventaire de ces médailles est dans le même ms. 259, fol. 37-39 ; 
nous en parlerons au chap. IV. 



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330 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

je n'entend faire chose déplaisante à mes enfans, parceque 
je n'ai reconnu qu'ils ayent aucunes inclinations à prendre 
plaisir à telles choses » ; les livres non plus n'ont aucun 
attrait pour eux, car il laisse ses livres de théologie à des 
religieux, et ordonne de vendre le reste; il vend aussi ses 
instruments de musique parce qu'aucun de ses enfants n'a 
voulu apprendre à s'en servir. Ce père clairvoyant recon- 
naissait donc, non sans tristesse, qu'il n'était compris 
d'aucun des siens; et, pour ce motif et d*au très assurément, 
il termine ses dispositions dernières en protestant solen- 
nellement, devant Dieu et devant les hommes, qu'il a fait 
pour l'éducation de ses enfants tous efiorts dépendant 
d'un bon et charitable père, et que, si ses desseins n'ont 
pas mieux réussi, ils en savent assez bien la cause. C'était 
peut être la pire douleur que fût capable de ressentir un 
homme de sa valeur morale, et, arrivé au terme de sa vie, 
il pouvait, avec une plus amère conviction, répéter ces 
beaux vers qu'il écrivait 30 ou 40 ans auparavant dans 
V Invocation des âmes bienheureuses : 

Comme hommes, vous pouvez avoir la souvenance 
De ce que l'homme porte icy bas de souffrance, 
Car vous l'avez souffert avant qu'entrer au port (1). 

Quelques allusions voilées de ce testament, auquel nous 
avons fait maint emprunt, et qui est une pièce longue et 
intéressante (2), donnent à penser qu'Alphonse était déjà 

(1) Dévots élancemenSy édit. de 1610, p. 122. 

(2) On le trouve aux fol. 21 à 30 du ms. Rambervillers ; ce n'est pas 
l'original, c'est une copie sur papier in4 datée du 10 août 1726, et fort 
mauvaise: non seulement beaucoup de mots sont altérés, mais d'autres 
et des membres entiers de phrases sont passés, ce qui rend certains 
passages incompréhensibles, et nous empêche de le publier, comme 
nous l'aurions voulu. Nous avons cherché, mais en vain, l'original aux 
archives de la Chambre des notaires de Nancy, dans les minutes des 
tabellions Mauljean et Bracard qui délivrèrent la copie de 1726. — 
Ajoutons qu'Alphonse désigne pour ses exécuteurs testamentaires ses 
deux neveux, Jean Changeur, conseiller au Conseil privé et trésorier 
général de l'évèché de Metz, et noble Jean Drouart, licencié en droit. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 331 

malade quand il récrivit, le 4 avril 1633. 11 mourut quatre 
mois après, le 31 juillet 1633, âgé de plus de 80 ans, si 
toutefois nous acceptons la date de naissance proposée 
sans grande conviction par Regnard de Gironcourt. Il 
n'y a pas lieu de chercher la date de sa mort dans Tétat 
civil de Vie, qui remonte bien à 1591, mais^ comme il 
arrive souvent, n'inscrit d'abord que les baptêmes, et où 
les décès ne sont enregistrés qu'à dater de 1668 ; elle se 
trouve dans un document tout aussi sûr, le nécrologe de 
ce couvent des cordeliers de Vie auquel Alphonse avait 
fait divers legs: 

XXXI julii, anno 1633, ex hac vUa migravit, venerabills senectute, 
vir nobilissimus, dominus Alphonsus de Rambervillers, episcopatus 
Metensis a publicis sanctioribusque consiliis, et forensium controver- 
sarium prsetor, qui, dum viveret benefactor ordinis minorum et 
singularis conventus Vicensis, sepultus jacet in sacelio beat» Mari» 
Virginis, cujus fundator extitit (1). 

La chapelle mentionnée à la fin de ce bref éloge funèbre 
l'est aussi, et plus longuement, dans le testament d'Al- 
phonse : il l'avait fondée, sous le vocable de Notre-Dame 
du Miracle, dans l'église des cordeliers ou observantins de 
Vie, « mes chers voisins », comme il les appelle affectueu- 
sement. Il y avait ménagé un caveau où reposait déjà sa 
seconde femme, Anne Raoul, et il demandait à y être 
enterré auprès d'elle, ajoutant que ses obsèques devaient 

écuyer, seigneur de Daltroflf, lisez d'Allrofif (arr. Chôteau-Salins, cant. 
Albestroff), et du Toupet (arr. Sarrebourg, cant. Réchicourt, comm. 
Azoudange). 

(1) Cet extrait du nécrologe nous est conservé dans le Mémoire de 
Rrgnard DR GiRONCouHT de la Biblioth. de Saint-Dié, ms. 80-VII, 
fol. 54-57: ce Mémoire était rédigé pour dom Calmet et lui fut adressé 
en effet, comme le montre la lettre d'envoi du 17 septembre 1749, insé- 
rée au même ms. entre les fol. 53 et 54 ; de plus, Calmet lui-même s'y 
réfère k la fin de sa notice sur Alphonse de Rambervillers dans la 
Bibliothèque lorraine. C'est donc par suite, ou d'une faute d'impres- 
sion, ou d'une négligence inconcevable, que le bénédictin écrit dans cette 
notice (col. 781) qu'Alphonse est mort le 13 juillet 1623. 



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332 ALPHONSE DE RAMBERVILLER8 

avoir lieu simplement^ sans fiste et au milieu de la nuit^ 
si toutefois Cela pouvait se faire sans scandale et murmure 
du peuple, parcequ'il avait toujours eu aversion pour la 
parade vaine. Le nëcrologe du monastère de Vie nous 
apprend que le premier au moins de ces vœux fut exaucé. 
La chapelle existait encore au xvui« siècle, à main droite 
en entrant dans l'église, et, sur les vitraux, on voyait les 
armoiries du pieux et noble fondateur (1). 

(i) Mémoire de Rbonard de Gironcourt. — Par un motif de conve- 
nance sans doute, il ne fut pas immédiatement pourvu à la charge de 
lieutenant-général vacante par la mort d'Alphonse. C'est seulement le 
20 septembre 1633 que l'évèque de Metz nomma Jean d'Abooourt père, 
jusqu'alors procureur général de l'évêché, à cet office de lieutenant- 
général, qui, dit-il, est un des plus importants dé son état. (Sentet&ces 
Vie, lÔâ3-34, fol. 120). 



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CHAPITRE IV 

La fortune d'Alphonse de Rambervillers, 
ses amitiés, sa renommée littéraire. 

En dehors de ce que lui rapportait sa charge de lieute- 
nant général au bailliage de Vie, Alphonse de Ramber- 
yillers avait une fortune de quelque importance, sur 
laquelle nous ne manquons pas de renseignements : tout 
d'abord, il avait hérité de ses parents: et, comme cette 
branche des Rambervillers était fixée depuis plusieurs 
générations à Toul, c'est dans le temporel de cet évêché 
qu'ils avaient leurs biens ; dans son testament, il indique 
des gagnages patrimoniaux qu'il possède à Chaudeney et à 
Bainville-sur Madon (1). 

Ensuite, Alphonse hérita, semble-t-il, de son oncle, 
Eucaire de Rambervillers, qui lui avait déjà laissé sa place 
de lieutenant général au bailliage; mais Eucaire ayant 
sans doute assuré l'usufruit de ses biensà sa femme, Prisce 
Touppet (2), la succession ne s'ouvre qu'à la mort de 
celle-ci, vers 1615, et en cette année, Alphonse et ses cohé* 
ri tiers ont un procès au sujet de cette succession (3). 

Vers la fin de sa vie, nous voyons Alphonse de Hamber- 
villers qualifié de seigneur de Dalem et Vaucourt en par- 
tie, deux fiefs situés dans le temporel de Metz, qui n'étaient 

(1) Ces deux villages sont dans le canton de Toul-Sud, et faisaient 
partie du domaine d(^s évèques de Toul. 

(2) De Bhaux l'appelle Princeon et nous dit que Touppet n'est qu'un 
surnom de la famille Herbel {J. S. A. I., 1899, p. 196). Le père de Prin- 
ceon, Etienne Touppet, était trilleur à la saline de Dieuze. Princeon 
épousera en secondes noces N. Lallemand (dom Pelletier, Nobiliaire^ 
p. 794). 

(3) Sentences Vie, 1615, fol. 51 



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334 ALPHONSE DE RAMBERVILLEIIS 

qu'à trois et à quatre lieues de Vie (1) ; il est peu probable 
qu'ils lui soient venus de ses parents ; ou bien il les aura 
trouvés dans l'héritage de son oncle, Eucaire, ou bien il les 
aura acquis à prix d'argent. 

Il acheta de la sorte à la même époque un autre fief, mais 
celui-ci dépendant du duché de Lorraine : par acte passé 
à Vie le 20 avril 1615, Jean d'Ourches, seigneur de Delouze, 
constitua un procureur spécial pour vendre à Alphonse, 
moyennant 3.500 fr. barrois, tout ce qu'il possédait dans 
le fief de Forcelles (2). Comme nous l'avons dit au chapitre 
précédent, cette acquisition obligea le lieutenant général 
à faire reconnaître sa noblesse par le duc de Lorraine, et 
les lettres du 28 septembre 1617 qu'il reçut à cet effet nous 
apprennent que le fief de Forcelles se composait de terres 
et de rentes dans les villages de Romont, Saint-Maurice, 
Haillainville, Damas-aux-Bois, Fauconcourt (3). Selon les 
règles du droit féodal (4), le vassal devait faire reprises foi 
et hommage de ses fiefs chaque fois qu'un nouveau prince 
montait sur le trône ducal ; c'est ce qu'Alphonse fit en 
personne pour ce fief de Forcelles le 30 juillet 1625, entre 
les mains de Charles IV et de Nicole (5). 

(1) Dalem, aujourd'hui Dalhain, Lorraine annexée, cant. Château- 
Salins ; Vaucourt, M.-et-M., arr. Lunéville, cant Blâment. — Cf. Sen- 
tences Vie, 1620, fol. 324 V. 

(2) Arch. de M.-et-M., H. 2568, orig. parch. ~ Le franc de Lorraine, 
ou franc barrois valant alors 1 fr. 72 en valeur intrinsèque (cf. de Rio- 
couR, dans M. S. A. L. 1883, p. 102), cette somme équivaut à 6.020 fr. 
de notre monnaie ; comme il faut multiplier au moins par 4 pour avoir 
la valeur relative, le fief acquis par Alphonse représenterait environ 
25.000 fr. de maintenant. 

(3) Toutes ces communes sont dans les Vosges, arr. Epinal, cant. 
Rambervillers et Châ tel-sur-Moselle. 

(4) Coutume de Lorraine, litre V, art. 4, 10. 

(5) \rch. de M.-et-M., B. 699, n» 90. — Les lettres de réversales, que 
le vassal doit reineltre au suzerain, d'après l'art. 6 du même titre de 
la Coutume, sont du 18 sept. 16^, et jointes aux lettres ducales ; dans 
H. 2568 sont des copies de ces documents, et une pièce nous faisant 
connaître que le reste de la seigneurie de Forcelles était possédé par le 



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ALPHONSE DE UÂMBEKViLLEBS 335 

Remontant plus haut, nous voyons que, par acte du 
25 juin 1598, Claude Chaurgeon, jésuite, chargé des affaires 
du séminaire de Pont-à-Mousson, laisse à bail à Alphonse 
de Rambervillers les dîmes, de Grémecey et de Petton- 
court (1), moyennant 350 fr. barrois par an, à payer à la 
saint Martin d'hiver, et il déclare passer ce bail <( en 
considération des bons offices qu'icelluy séminaire a receu 
du sieur preneur et espère en recepvoir (2) ». Enfin, nous 
dirons plus loin qu'il possédait un gagnage à Tarquimpol, 
à quatre lieues de Vie (3). Et, dès lors, nous connaissons 
sans doute toute la fortune territoriale de notre poète, 
formée peu à peu, patiemment, dont une partie était située 
tout autour et à proximité de sa résidence de Vie : à 
Touest (Grémecey et Pettoncourt), au nord(Dalhain), à Test 
(Tarquimpol), au sud-est (Vaucourt) ; dont le reste était 
plus éloigné, aux environs de Toul et de Rambervillers, 
mais toujours assez près pour qu'il pût veiller à la bonne 
exploitation de son domaine. 

Et, de fait, nous avons quelques actes d'administration 
prouvantque, chez l'auteur des Dévots élancemens, la poésie, 
même mystique, ne faisait pas tort au sens pratique : le 15 
mars 1623, un tabellion de Rambervillers donne à cens en 
son nom un terrain devant l'église du village de Saint- 
Maurice ; le 13 jan/ier 1624, c'est Alphonse au contraire 
qui prend à cens un bien à Romont ; le 4 mai 1626, il 
amodie pour neuf ans à trois laboureurs de Romont tout 
ce qu'il a sur le ban de ce village dépendant de la sei- 

sieur de Bildstein de Magnières, et que le tout était indivis entre 
Alphonse et lui ; dans cette même liasse, il y a encore un autre aveu 
rendu par Alphonse le 8 juin 1627 pour des rentes qui paraissent 
dépendre du même fief. 

(1) Ces localités sont en Lorraine annexée, cant. Château-Salins, 
toutes voisin 3S l'une de l'autre et à deux lieues de Vie. 

(2) Arch. de M.et-M., B. 965, n» 161. 

(3' Lorraine annexée, arr. Château-Salins, cant. Dieuze. 



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336 ÂLPâONSE DE RAMBERVILLEBS 

gaeurie de Forcelles, moyennaat 20 fouraux (1) de blé et 
20 d*avoine qu'ils devront lui amener tous les ans à la 
saint Martin, en son domicile de Rambervillers (2), contrat 
curieux parcequ'ilnousapprendqu'Alphonse avait conservé 
ou acquis une maison dans la petite ville qui était le ber- 
ceau de sa famille. Et Tadage « qui terre a guerre a » étant 
au moins aussi vrai au xvn« siècle qu'au xx^, nous consta- 
tons encore que ces possessions valurent à leur maître 
quelques tracas et contestations ; en 1614. il plaide devant 
un siège lorrain, le bailliage d'Allemagne, contre Chris- 
tophe et Jean Mussiel, seigneurs de Berg (3) ; en 1619 et 
1620, il est en procès devant son propre bailliage avec 
noble Balthasar Rennel, conseiller d'Etat de Son Altesse, 
et président de la Chambre des Comptes de Lorraine (4) ; 
en 1627, il se plaint au duc de Lorraine, que, bien qu'il 
ait repris régulièrement le fief de Forcelles, et qu'en qualité 
de vassal il ait été appelé et ait siégé aux Etats généraux 
du duché, néanmoins le procureur général du bailliage de 
Châtel a fait saisir ce fief (5) , 

A côté des revenus normaux et fixes, qui provenaient de 
la propriété foncière, Alphonse de Rambervillers en avait 
d'éventuels que lui valait son talent d'écrivain ; «ans nour- 

(1) Le fourau, mesure spéciale à {lambervillere, vaut eovirop 
27 litres. 

(2) Ces trois pièces, comme d'autres que nous avons déjà indiquées, 
sont dans la liasse H. ^68. faisant partie du fonds du çouveot de la 
Congrégation de r^ancy ; une des filles d'Alphonse, Marie-Charlotte, 
était religieuse dans cette maison, et sa part était sans doute imputée 
sur ces biens, ce qui explique que les titres et contrats s'y rapportant 
aient été remis au couvent. 

(3) Arch. de M.-et-M., B. 932, n» 17. — Berg, Lorraine annexée, arr. 
Thion ville, cant. Cattenom. Sur cet acte, Alphonse est qualifié par 
erreur conseiller, au lieu de lieutenant général ; en 161^, il n'y a pas de 
Rambervillers conseiller au bailliage de Vie, 

(4) Sentences Vie, 1619, fol. 14 ; 1680, fol. iÇÔ v% 179 V. 196 V, 

(5) Arch. de M -et-M., H. 2568 ; la supplique d'Alphonse n'est pas 
datée, mais est suivie d'un ordre du Conseil au procureur de Châtel 
de faire un rapport sur la question, et cet ordre est du 10 avril 1627. 



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ÀLPâONSE t)E RAMBERVlLLERS 337 

Hr son homme comme maintenant, la littérature était alors 
déjà quelque peu rémunérée. Par mandement du 15 avril 
1600, le duc Charles III lui alloua 25 écus sols, valant 
118 francs 9 gros de Lorraine, pour Taider à imprimer 8^ 
Dévots élanoemens ; puis, par un autre mandement du 
26 février 1603, il lui accorda encore pareille somme, 
« dont pour ce coup nous luy avons faict don et ocfroy à 
la présentation qu'il nous a fait d'un poème par luy com- 
posé, intitulé Les déwtz eslancemens du poèus ehrestien (1) ». 

Le duc Henri II, par mandement du 14 mai 1616, lui 
accorda 200 francs e en considération des frais qu'il a 
exposé au project qu'il auroit faict de mettre sur la presse 
les pompes funèbres de feu Son Altesse (2) n. Ces généro- 
sités de la maison de Lorraine dédommagèrent le poète du 
peu de succès qu'il avait eu auprès de la maison de France. 
Il dut recevoir des subventions analogues du duc de 
Mercceur, au service duquel nous avons dit qu'il mit sa 
plume en plusieurs occurrences, et comme ses livres se 
vendaient bien, puisque les Dévots élancemms par exemple 
eurent de son vivant quatre éditions, en 1600, 1603, 1610, 
1617, il put encore trouver là des ressources appréciables. 

Nous n'ajouterons que pour mémoire des recettes tout à 
fait exceptionnelles, par exemple 150 résaux de blé et 
autant d'avoine qu'Alphonse reçoit en 1604 à titre d'exé- 

(i) Arch. de M.-et-M., B. 1264, fol. 31 V ; B. 1275. — H est probable 
que le premier de ces maDdements se rapporte à l'édition de 1600 (Paris, 
Pacard, in-12), signalée par Biauppâ dans ses Recherche» 6wr Les com- 
mencements de l'imprimerie en Lorraine, Nancy, 1845, in-8, p. 228 ; le 
second viserait plutôt l'édition de 1603 (Pont-à -Mousson, Melchior 
Bernard, petit in-8, »• 11.336 du fonds lorrain de la 3ibUoth. de Nancy). 

(2) lltia., B. 137i, fol. 264. — On sait que le Discours des cérémonies, 
honneurs et pompe funèbre da Charles III, mort en 1608, a été publié 
en 1609 par Claude de La Ruellb (n* 555 du fonds lorr.) ; nous igno- 
rons si Alphonse de Rambervillers avait dès lors travaillé en concur- 
rence avec lui, ou bien si, comme la date du mandement semble l'indi- 
quer, il se mit à la tâche ultérieurement pour faire mieux. Quoiqu'il 
en soit, son livre n'a jamais paru, et n'a peut-être même jamais été 
entièrement écrit. 



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338 ALPHONSE DE RÂMBËHVILLEAS 

cuteur testamentaire du sieur de Haraucourt de Parroy, 
capitaine de rartillerie ducale (1) ; trois pistoles que lui 
assigne sa cousine, Catherine de Rambervillers, habitant 
Lunéville, pour exécuter son testament daté du 6 mai 
1630 (2) ; mais nous citerons encore un document, qui 
permet d'apprécier dans l'ensemble sa situation de for- 
tune : en août 1621, une de ses filles, Marie-Charlotte, était 
entrée comme novice au couvent de la Congrégation de 
Nancy, et son père avait promis de lui donner une dot de 
5.000 francs de Lorraine (3) ; il avait déjà versé 1.400 francs 
lorsque le passage de l'armée de Mansfeld aux environs 
de Vie l'empêcha d'achever de s'acquitter, et le 29 août 
1622, le jour même où sa fille fit profession, se présentant 
devant les grilles du monastère, il constitua, en place du 
surplus, une rente annuelle de 252 francs, et pour sûreté 
du payement engagea aux religieuses son gagnage de 
Tarquimpol (4). Enfin, dans ces mêmes lettres à Peiresc 
où il se plaint un peu trop souvent de la grande dépense 
qu'il a faite pour ses deux fils, où il gémit sur la prodiga- 
lité de l'aîné, Alphonse ne laisse pas d'ajouter que, Dieu 
merci, il n'est pas dans la nécessité, et parle négligem- 
ment des 2 ou 300 écus qu'il a dépensés pour l'impression 
de son dernier livre (5). De tout ceci, nous conclurons 
qu'Alphonse de Rambervillers pouvait se livrer à son 
goût pour les lettres sans être troublé par les soucis d'ar- 
gent, que même il lui était loisible de satisfaire la passion, 
en tout temps coûteuse, du collectionneur. 



(1) Ibid.y B. 5750, fol. Hl. — Nous ne savons pourquoi ce payement 
en nature lui est fait par le receveur ducal à Einville, sur ordre du duc 
du 22 mars 1604. — Le résal valait 117 litres. 

(2) Ibid., H. 1520. — La pistole valait alors 20 fr. 60. 

(3) Ce qui ferait 8.600 francs de maintenant, valeur intrinsèque, et 
environ 35.000 francs, valeur relative, à calculer comme plus haut. 

(4) Arch. de M.-et-M., H. 2559. 

(5) Urbain, Un amaleur lorrain, p. 30,36, 37, 34, 43. 



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ALPHONSE DE KAMBëHVILLERS 339 

Il ne s'en fit pas faute : l'analyse de son testament a déjà 
renseigné sur ses collections de toute sorte; nous avons en 
outre le catalogue de son médailler (1), où nous voyons 
qu'il possédait vingt monnaies d'or et une centaine de 
monnaies d'argent. Ces dernières sont toutes des monnaies 
romaines; les pièces d'or sont aussi romaines, sauf quatre 
que le catalogue qualifie gothiques (2), ce qui veut dire du 
moyen âge, une médaille <c moderne de la reine mère », 
c'est àdire de Marie de Médicis, et « une autre vieille 
monnaie ». Alphonse ne parait donc pas avoir recherché 
les monnaies lorraines et messines. Quant à sa biblio- 
thèque, nous n'en avons pas le catalogue, mais trois livres 
qui en proviennent ont été retrouvés : à la Bibliothèque 
Nationale est l'Optica regularium, seu commentarii in regu- 
lam sancti Augustini de Servais de Lairuelz, sur le titre 
duquel est écrit à la main le nom d'Alphonse de Ramber- 
villers (3) ; à la bibliothèque Mazarine sont conservés un 
plaidoyer de Sébastien Rouiilard, imprimé en 1628, et 
signé de la même façon (4), et un volume plus précieux 
encore, puisqu'il est manuscrit, les Heures de la Vierge en 
latin, écrites au xv® siècle à l'usage du diocèse de Toul (5). 

(1) n est placé à la suite de son testament, aux fol. 37-39 du ms. 
259 de la Biblioth . de la Soc. d'archéol lorr. C'est une transcription 
assez mal faite, terminée ainsi : a copié sur 6 feuillets d'écriture 
gothique, qui sont aux archives des cordeliers à Vie, avec les autres 
papiers de la chapelle de M. de Remberviller encor en 17H3 ». 

(2) Alphonse emploie aussi ce terme dans une de ses lettres à Peiresc 
(Urbain, Un amateur lorrain^ p. 31) ; cette même lettre et d'autres 
Ibid.^ p. 33, 39) nous apprennent qu'il connaissait et pratiquait au 
besoin la technique des monnayeurs et des émailleurs. Nous avons 
déjà dit qu'il savait peindre et graver; enfin une lettre à Peiresc {Ibid., 
p. 23) nous le montre encore faisant une collection d'histoire naturelle. 

(3) Voir au n* 4 de l'appendice. 

(4) Indiqué par M. Urbain, ibid., p. 6. 

(5) C'est le ms. 503 (854) de cette bibliothèque, in-18 de 113 feuillets 
en parchemin ; il donne ainsi les noms de ses anciens possesseurs : 
P. MUlinus, Hector de Rambervillers, Alphonse de Rambervillers, 
Toussanus Rammillus. Le nom d'Alphonse est écrit une fois au début 

22 



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340 ALPHONSE UË RAMBËHViLLEKâ 

Alphonse put également, grâce à cette même aisance, 
faire des voyages dont beaucoup n'ont sans doute pas 
laissé de traces, mais ceux que nous connaissons sont 
encore assez nombreux. Il va à Metz en mars 1603 pour 
saluer Henri IV au nom des habitants de Vie (1). Il est le 
26 juillet 1600 à Saint-Nicolas de Port et y offre son Polé- 
mologue au duc de Mercœur, qui part pour guerroyer 
contre les Turcs (2). Il se rend à Nancy le 28 juillet 1593 
pour prêter son serment de lieutenant général (3) ; il y va 
encore le 10 juillet 1620 avec d'autres membres du bailliage, 
et signe là des lettres patentes de Tévêque de Metz (4) ; il 
y retourne le 29 août 1622 pour la prise de voile de sa fille 
aînée (5), et les 30 juillet et 18 septembre 1625, 8 juin 1627, 
pour les reprises de ses fiefs lorrains (6). Enfin, il a fait 
])lusieurs fois le long voyage de Paris : il s'y est déjà rendu 
en 1600, puisque le 30 mars de cette année^ jour du jeudi 
saint, il assiste à la messe du roi au château de Vincennes, 
et lui offre le précieux' manuscrit de ses Dévots élance- 
mens (7) ; il y est de nouveau et salue encore le roi en 
1603(8) ; dans une lettre de février 1622, il parle d'y 

du ms. et deux fois à la fin. Â la fin également on voit de nouveau le 
nom Toussanus Rammillus, précédé de « Plus penser que dire », 
devise de la ville de Bar-le-Duc. Quant à Hector de Rambervillers, son 
nom est répété quinze ou vingt fois sur les feuilles de garde, en carac- 
tères de diverses grandeurs et quelquefois ornés de dessins, mais il a 
négligé d'ajouter qui il était et quand il vivait, et de notre côté, nous 
n'avons rien trouvé sur ce personnage que M. Urbain, ibid., p. 6, 
suppose à tort le père du poète. Ce ms. appartenait au couvent des 
dominicains de Paris avant d'entrer à la Mazarine. 

(1) Lepage, Statisl. de la Meurthe, t. II, p. 602. 

(2) Dévots élancemens, édit. de i610, p. 167. 

(3) Voir à la fin du chap. II. 

(4) Sentences Vie, 1620, fol. 249 v». 

(5) Arch. de M.-et-M., H. 2559. 

(6) Ibid., B. 699, n- 90: H. ^68. 

(7) Cf. Urbain, tbid.^ p. 9, et la Harangue imprimée à la suite du 
titre des Dévots élancemens dans l'édit. de 1610. 

(8) Urbain, ibid., p. 10. 



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ALt>HONSE DE RAMBËRVILLERS 341 

venir pour visiter Févêque de Metz qui y fait sa résidence 
habituelle, et aussi pour s'entretenir avec Peiresc(l); nous 
ne savons s'il donne suite cette année même à ce dessein, 
mais en mai de l'année suivante, 1623, il est certainement 
à Paris puisqu'il assiste au service funèbre de Coèffeteau (2). 
Aussi connaissait-ii tout de la capitale, le mauvais aussi 
bien que le bon : si dans une lettre il exprime sa joie de 
s' a enfoncer aux délices des singularités et raretés que la 
France fait abonder en cet Océan de merveilles >: (3), dans 
d'autres il explique qu'il est c très dangereux d'envoyer 
des jeunes gens en un lieu plain de corruption,... car la 
corruption de Paris est si grande que je diray avec le 
poète : omnia tuta timet (4) ». N'est-il pas curieux de cons- 
tater que maintenant encore beaucoup d'étrangers portent 
sur Paris ce môme jugement en partie double? 

*** 

Quand on ouvre Les dévots élancemens du poète chrestien^ 
on y trouve, avec une pagination spéciale de 19 pages qui 
aujourd'hui seraient marquées en chiffres romains, 
d'abord la harangue et les stances dédicatoires adressées 
par l'auteur au roi, puis treize petits morceaux en prose 
ou en vers, en latin ou en français, émanant de dix 
auteurs différents, qui font un éloge, souvent hyperbolique, 
du poème et du poète. C'était l'usage, au xvi* et au 
xvii«siècle, de placer en tête d'un livre ces épîtres liminaires, 
de même qu'aujourd'hui l'écrivain obtient une préface de 
tel ou tel personnage en vue, qui le recommande au public. 
Nous trouvons donc là les noms des principaux amis 
d'Alphonse de Rambervillers, formant ce qu'il y aurait 
quelque prétention à appeler son groupe littéraire, et il 

(1) Ibid., p. 44. 

(2) Urbain, Nicolas Coëffeteau, p. 378. 
(.3) Urbain, Un amateur lorrain, p. 23. 
(4) ifttd., p. 21, 35. 



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342 ALPHONSE DE RaMBEUVILLERS 

est à propos de donner sur eux de brèves indications, en 
les prenant dans l'ordre môme où ils sont placés dans 
l'édition de 1610. 

M. de Selve est qualifié conseiller d'État et chancelier 
à Madame (1). 11 s'agit sans aucun doute de Lazare de 
Selve, seigneur de Breuil et Marignan, qui était conseiller 
du roi en son Conseil d'État et privé, fut nommé en 
mars 1606 à cette charge de président royal à Metz, qu'avait 
créée le roi en 1569 pour juger les différends entre les sol- 
dats et les bourgeois, et mourut dans cette ville le 18 août 
1623. Les bénédictins auteurs de VHistolre de Metz nous 
disent qu' « il fut ferme à maintenir la police extérieure de 
la religion catholique, quant à l'observation des fêtes et à 
l'abstinence de viande aux jours prescrits. Il composa et 
fit imprimer à Metz en 1607 des sonnets spirituels sur les 
évangiles du carême (2). » Lazare de Selve avait donc tous 
les motifs de se lier avec Alphonse de Rambervillers, 
puisqu'il était comme lui magistrat, poète, et poète chré- 
tien. Sa famille, originaire du Limousin, avait du reste 
fourni à l'Église deux prélats, Jean-Paul de Selve, évêque 
de Saint-Flour et ambassadeur à Rome sous Henri II, et 
Georges de Selve, évêque de Lavaur, ambassadeur à 
Venise, en Angleterre et en Espagne (3). 

Jean-Jacques Boissard est aussi un étranger devenu mes- 
sin d'adoption : né à Besançon en 1528, il s'établit à Metz 
vers 1560, y publia de savants ouvrages d'archéologie 

(1) La princesse à laquelle il était ainsi attaché est Catherine de 
Bourbon, sœur d'Henri IV, qui épousa le 31 janvier 1599, Henri de 
Lorraine, fils atné du duc Charles III, et mourut le 13 février 1604. 
Cf. Annales de l*Est, 1901, p. 404. 

(2) HisL de Metz, t. III, p. 184-185. Cf. Chronique de Buffet, publiée 
par Aug. Prost, Paris, 1884, in-12, p. 82 ; Emmanuel Michbl, UisL du 
Parlement de Metz, Paris, 1845, in-8, p. 11 ; abbé Poirier, Metz, 
Documents généalogiques, Paris, 1899, in-4, p. 585. 

(3) MoRÉRi, Dictionn. histor., t. VI, p. 404; Lettres de Catherine 
de Médicis, dans la Collect. de doc. inéd. hist. France^ t. I, p. lli. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 343 

classique^ mais malheureusement y fabriqua aussi nombre 
d'inscriptions romaines fausses pour gagner de Tar- 
gent (1), et y mourut le 4 octobre 1602 (2). Il avait adopté 
la Réforme, sans doute pendant un long voyage qu'il fit 
en Allemagne, où il suivit les leçons de Melancthon vers 
1550, et c'est afin d'échapper à la persécution qu'il avait 
quitté Besançon, ville espagnole, pour Metz, où les pro- 
testants étaient nombreux et tolérés (3). Mais il semble 
que ses convictions protestantes ne furent jamais bien 
sérieuses (4), puisqu'elles ne l'empêchèrent pas, en 1556 
et 1557, de s'attacher au cardinal Charles Carafla, et à la fin 
de sa vie, de décerner un éloge complet, sans aucune 
réserve, à ce livre ardemment catholique des Dévots élance- 
mens, dans lequel la doctrine protestante est prise plu- 
sieurs fois à partie avec quelque vivacité (5). 

Jean Du Hait, qui a faitdeux piècesdevers à lui seul, se 
qualifie simplement « gentilhomme messin ». Peut-être, 
doit-on l'identifier à Jean Du Hait, sergent-major, c'est-à- 

(1) Voir la longue étude que M. Keunr a Taite de ces faux dans le 
Jahrbuch der Geaellschaft fiir lothringische Geschichte und Alter- 
tumskunde, 1896, 1" partie, p. 1-118, en particulier aux p. 34-36, 48 
et 112. 

(2) C'est donc sans doute pour la première édition, celle de 1600, qu'il 
a composé son épître liminaire, reproduite dans les éditions de 1603 
et 1610. 

(3) Il nous dit lui-même dans son autobiographie, qui a été publiée, 
par M. Keune, ibid.^ p. 95-96, que « religionis gratia in periculum ve- 
nions, patriam deserere coactus est ». Les inscriptions de son mariage, 
des naissances de ses enfants et de sa mort dans les registres de la 
communauté réformée de Metz (Ibid.^ p. 96-97) viennent à l'appui de 
ce renseignement. Voir aussi abbé Poirier, ibid., p. 83, et Haag, 
La France protestante, 2« édit., t. II, col. 704-718. 

(4) C'est pour cela sans doute que les auteurs de VHist. de Melz^ 
t. III, p. 161, se demandent de quelle religion il était, mais ne se pro- 
noncent pas, tandis que Moréri, lô/rf., t. I, p. 295, et dom Galmet, 
Biblioth. Inrr., col. 130, 131, ne se posent même pas cette question. 
Boissard manquait-il de sincérité dans les choses de la conscience 
comme dans celles de l'érudition ? 

(5) Entre autres à la p. 64, strophes 16 et 17 de l'édit. de 1610. 



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Qoo^(^ 



.%4 ALPHONSE DE RAMBERV1LLERS 

dire chef d'état-major de la garnison de Metz, mort le 
8 mai 1610 (1) ou bien à an autre Jean Du Hait, écuyer, 
cité en 1621 comme trésorier général de Tévâché de 
Metz (2). 
Siméon Aubertin lut nommé chancelier de cet évéché le 

10 janvier 1602, à la place de Jean Aubertin, son père (3). 

11 était donc le collègue d'Alphonse de Ramberyillers ; s'il 
ne consacre que quatre vers latins à le louer, il le fait avec 
emphase, puisqu'il le compare à Socrate pour la verta, à 
Pindare pour le talent. 

C'est encore à Pindare que pense Didier Marsal, bache- 
lier en théologie, avocat au bailliage de l'évêché de Metz, 
quand, en tète du sonnet qu'il a écrit, il place Tanagramme 
d'Alphonse de Rambervillers : « l'embrasé Pindar re- 
volé ». Nous ne savons rien sur ce personnage. 

Nous sommes mieux renseignés sur Jean Hordal, qui 
descendrait de Pierre d'Arc, troisième frère de la Pucelle : 
né en 1542, docteur en droit, nommé professeur à la 
faculté de droit de l'Uoiversité de Pont-à Mousson en 
1587, conseillerd'État du duc de Lorraine, qui lui donna 
confirmation de sa noblesse le 10 juillet 1596, il mourut le 
10 août 1618, après avoir écrit en latin une histoire de 
Jeanne d'Arc .4). 

Servais de Lairuels est le seul qui ait écrit simplement 

(1) Chron. de Buffet, p, 126-8. — Nous avons dit an ehap. I qu'en 
1592 Alphonse plaidait pour ce personnage. 
|2) Sentences Vie, Ifêl, fol. 185. 

(3) Ihid., 1602, fol. 12 V. 

(4) De BouTEiLLER et de Bhaux, La famille de Jeanne d'Arc, Paris, 
1879, in-12, p. 107 ; abbé Eug. Martin, L'Université de Pont-à-Mous- 
8on^ Nancy, 1891, in-8, p. 68. — Le premier ouvrage nous assure que 
Jean Hordal (Jean P', pour le distinguer de son Gis et de son petit- 
fils qui ont le même prénom) devint doyen de la faculté de droit, mais 
le second ne le nomme pas dans la liste des doyens, p. 430. On aura 
sans doute confondu avec Jean 111, qui fut doyen de 166<{ à 1691. — Le 
livre d'Hordal sur Jeanne d'Arc a paru à Pont-à-Mousson en 1612, 
in-4 (fonds lorr., n* 3454). 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 345 

en prose française son épître liminaire : toutes les autres 
sont en vers français ou latins. Abbé de Sainte Marie- 
Majeure à Pont-à-Mousson, et réformateur de Tordre des 
prémontrés auquel il appartenait, le personnage est trop 
connu pourquoi soit nécessaire d'insister (1). Remarquons 
simplement qu'entre le religieux prémontré etle lieute- 
nant général au bailliage de Vie, il y avait échange de 
politesse: lorsqu*en 1603, Servais fit paraître à Pont-à- 
Mousson son Optica regularium, qu'il avait écrite pour 
ranimer la ferveur primitive chez ses religieux, Alphonse 
de Rambervillers lui envoya une épître liminaire en vers 
latins, qui est imprimée en tête de ce volume (2). 

Claude Ginet, qui n*a pas fait moins, à lui seul, de trois 
pièces en vers latins, est qualifié docteur en philosophie 
et en médecine, noble, Nancéien, ce qui veut dire qu'il 
était né dans cette ville (3), car il habitait Vie (4), et rien 
n'empôche de supposer qu'Alphonse de Rambervillers fût 
son client, mais un client uû peu frondeur, et qui, déjà un 
demi-siècle avant Molière, ne croyait guère à la médecine, 
et proclamait qu'il fallait avant tout compter sur la na- 
ture : en 1621, il exprime à Peiresc son regret « en ce que 
vostre indisposition vous contraint de passer par les 

mains des médecins et de souffrir l'examen de tant de 

• 

(1) Voir sur lui abbé Eug. Martin, Servais de Lairuels et la réforme 
des prémontrés ^ Nancy, 1893, in-8. — Servais n'est pas né en Lorraine, 
mais en Hainaut, vers 1562 ; il mourra le 18 octobre 1631 à Sainte- 
Marie-au-Bois, son abbaye d'origine. Dans son épître, Il loue Alphonse 
de Rambervillers d'avoir marié en son esprit les muses avec Bartole. 
Bartole ouBarthole, né en Ombrie en 1313, mort en 1357,. est le plus 
célèbre jurisconsulte du moyen âge ; ses œuvres complètes venaient 
d'être réimprimées à Venise, 1590, 10 in-fol., et cette édition encore ré- 
cente l'avait remis en honneur. 

{2) Voir à l'appendice n* 4. 

(3) Sa famille y était fixée, et en 1613, un autre Ginet Albert, obtint 
l'autorisation de fonder une teinturerie de draps dans la ville neuve 
(LsPAQB, Archives de Nancy ^ t. I, p. 319). 

(4) Il est nommé à la date de 1611 comme exerçant à Vie (Sentences 
Vie, 1606-12, fol. 163 V). 



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346 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

sortes de médicamenset de remèdes, ayant recongnu par 
expérience estre trop meilleur de s*en abstenir, et laisser 
faire la nature, qui tâche à sa conservation, que non pas 
de la surchar^r par tant d'artifice des hommes, qui se 
trompent le plus souvent à la congnoissance des mala- 
dies (1). Nous avons plaisir à trouver chez notre auteur 
cette indépendance de jugement, assez rare alors, croyons- 
nous, à regard de la médecine et surtout de la pharmacie 
de son temps, et à l'entendre protester ainsi contre l'abus 
des drogues. 

Les deux derniers auteurs d'épîtres liminaires sont deux 
religieux carmes, fr. Macé Trempler (2), et fr. Christophe 
Leroy ; ce dernier avait le grade de bachelier de Paris. 
Nous ne savons rien sur eux, et ils ne devaient pas habiter 
Vie, car il n'y eut un couvent de carmes dans cette ville 
qu'en 1675. Nous avons vu d'ailleurs que nombre des amis 
littéraires d'Alphonse de Rambervillers étaient étrangers 
à Vie. 

A côté de ces dix personnages, laïques ou ecclésias- 
tiques, qui se sont intéressés à la publication des Dévots 
élancemens, Alphonse de Rambervillers avait sans doute 
d'autres amis que nous ne connaissons pas tous. Nous 
avons dit qu'il fut en relations épistolaires avec Fabri de 
Peiresc, ce qui n'est pas pour surprendre : Peiresc, que 
Bayle a qualifié le procureur général des savants de tous 

(1) Urbain, Un amateur lorrain^ p. 32. 

(2) Outre le sonnet qu'il a placé à la page liminaire 16, Trempler (ou 
Templer) en a encore mis un autre à la page 2 de la pagination défini- 
tive, pour servir d'introduction à la première partie des Dévots élan- 
cements. Si l'on compte cette pièce parmi les épitres liminaires, le 
nombre s'en élèvera à 14, celui des auteurs restant de 10. — Ce compte 
est fait sur l'édition de 1610 ; dans celle de 1603, il y a 11 auteurs: 
Lairuels et Christophe Leroy n'ont rien donné, et on trouve à leur 
place Jean Le Changeur et Claude Breton, avocats au bailliage de 
l'évèché de Metz, et Nicolas Romain, docteur en droit, secrétaire de 
Mgr de Vaudémont ; de plus, ces épitres liminaires se suivent dans un 
ordre un peu différent. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 347 

pays, se liait très facilement avec les lettrés et les érudits, 
plus encore pour leur rendre des services que pour leur en 
demander. On possède seize lettres qu'Alphonse lui écrivit 
en 1620, 1621, 1622; il dut y avoir un nombre à peu près 
pareil de lettres du magistrat provençal au magistrat 
lorrain, car le second en accuse réception au premier, et 
il serait intéressant de les retrouver, si elles peuvent 
encore Tétre. Dans ses missives Alphonse n'entretient 
pas seulement Peiresc de questions de littérature et d'art ; 
il lui donne aussi (les nouvelles politiques, et l'informe des 
grands événements qui se passent alors en Allemagne, et 
qu'il peut mieux connaître, grâce aux relations suivies de 
la Lorraine et de Tévêché de Metz avec ce pays ; il lui 
envoie même une gravure représentant la bataille de Pra- 
gue, du 8 novembre 1620, où son fils cadet s'est trouvé (1). 
Mais, en même temps, il n'oublie pas ses intérêts, et nous 
devons reconnaître qu'il sollicite un peu trop: dès sa 
première lettre, il prie son correspondant de le recom- 
mander au garde des sceaux, et il revient à la charge dans 
les lettres 2, 3, 4. 6, 7 ; puis, dans les lettres 10, 11, 12, 13, 15, 
il demande à Peiresc de lui faire obtenir une récompense 
du roi Louis Xliï. Et pourquoi cette récompense? Pour le 
fameux manuscrit des Dévots élancemens^ calligraphié et 
enluminé par lui, et qu'il avait ofiert le jeudi saint 1600 au 
roi Henri IV. Réclamer encore le prix d'un cadeau donné 
21 ans auparavant, c'est faire preuve de plus de persévé- 
rance que de bon goût, et Alphonse paraît l'avoir au moins 
soupçonné, car il s'en excuse en disant que « en ce temps 
et en France, qui ne sollicite Irien n'a rien (2) », remarque 
qui n'a peut être pas tout à fait cessé d'être vraie. Un 
moment, Peiresc avait manifesté le dessein de faire un 
voyage en Lorraine, et Alphonse ravi lui écrit le 6 novem- 

(1) Urbain, Un amateur lorrain, p. 32. Voir aussi p. 36-38. 

(2) Urbain, ibid,^ p. 33. 



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348 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

bre 1620 : « Je ne penseroys recevoir jamais un plus grand 
honneur que de vous voir, et vous avoir pour hoste en 
mon petit logis, et alors j'auroys ce rare bonheur de jouyr 
du doux fruit de vostre présence » (1) . Mais le voyage 
n'eut pas lieu, et Alphonse ne vit jamais son ami, à moins 
qu'il ne Tait rencontré en 1623 dans la capitale, pour 
laquelle Peiresc quittait assez souvent sa résidence habi- 
tuelle d'Aix. 

On s'écrivait beaucoup au xvi« et au xvii* siècles, les 
missives tenant lieu de journaux, et la correspondance 
avec Peiresc n'est pas la seule qu'entretint Alphonse de 
Rambervillers: il eut aussi avec lecomteHermann Adolphe 
de Salm un échange de lettres, dont une seule, écrite par 
le comte en 1622, nous est connue : elle parle de la guerre 
et des négociations en cours, et nous fait regretter de ne 
pas posséder les autres (2). Enfin, nous aimons à voir que 
ce catholique convaincu et militant n'était pas du tout 
exclusif, et qu'il avait un commerce d'amitié et de lettres 
avec un érudit luthérien de Strasbourg, Jean-Jacques Luck, 
dont il parle à plusieurs reprises à Peiresc (3). 

A côté de ces amis, qu'il ne pouvait entretenir que par 
écrit, Alphonse en avait d'autres plus rapprochés, qu'il 
devait voir régulièrement : Metz où ses fonctions l'appe- 
laient fréquemment était de son temps un centre intellec- 

(1) Ibid,, p. 23. 

(S) Cette lettre est pubUée par M. Urbain, ibid,, p. 45. — Ce comte 
de Salm est souvent cité dans les Pièces sur la guerre de Trente Àfis 
en Lorraine, publiées par Schmit dans le Recueil de doc. sur Phist. 
de Lorraine, mais l'éditeur n'a pas pris la peine d'expliquer qui il était. 
Son nom ne figure pas dans les généalogies de la maison de Salm de 
dom Calmet {Hist. de Lorraine, 2' édit., t. VII, préllm., col. 179-200), 
de Gaston Save (Ihill. de la Soc. philoni. voagienne, 1890-91, p. 77), 
de Leur {Alsace noble, t. I, p. 339-361), de Moukri (Dictionn. histor., 
V* rhlngrave). 

(3) Urbain, ibid.,^. 33,36. — Cette correspondance serait, elle aussi, 
à retrouver, si toutefois elle n'était pas à la Bibliothèque de Strasbourg, 
détruite par le bombardement de 1870. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 349 

tue) assez vivant, plus vivant sans doute que Nancy. Nous 
avons déjà dit que plusieurs de ceux qui s'inscrivirent en 
tête de son poème y demeuraient ; à leurs noms, il faut 
ajouter ceux de deux prélats, suflragants de Metz, c'est à- 
dire faisant les fonctions épiscopales pour Henri de Bour- 
bon Verneuil, trop jeune ou retenu à Paris: Nicolas 
Coeffeteau, dominicain, évéque in partibus de Dardanie, 
et Martin Meurisse, capucin, évêque in partibus de 
Madaure. Tous deux étaient des hommes très lettrés, et 
des écrivains féconds, dont le premier a surtout cultivé 
réloquence et la théologie (1), le second Thistoire ; ils 
furent certainement en relations avec le lieutenant général 
au bailliage de Tévêché, et, pour Goêffeteau, ces relations 
furent si intimes que, lorsqu'il mourut en 1623, Alphonse 
composa en latin son épitaphe (2). Un peu au-dessous par 
la situation sociale et par le talent, était André Valladier, 
prédicateur et poète latin renommé à cette époque : le car- 
dinal de Givry l'amena à Metz et en fit son grand vicaire, 
puis il devint en 1611 abbé de Saint-Arnould de Metz, 
et y mourut en 1638 (3). 
La société laïque comptait peut- être moins d'hommes 



(1) Il est assez bon écrivain pour que M. Urbain ait intitulé le livre 
qu'il lui a consacré en 1893 : Nicolas Coëffeteau^ un des fondateurs de 
la prose française. 

(2) Publiée dans le livre de M. Urbain sur Goêffeteau, p. 378-380, — 
Remarquer que Goêffeteau était aussi en rapports avec Peiresc ; il en 
reçoit deux lettres datées de septembre 1621, c'est-à-dire de cette même 
époque où Peiresc et Alphonse de Rambervillers entretenaient une cor- 
respondance suivie (Tamizey db Larroque, Lettres de Peiresc, dans la 
Collect.de doc. inéd. hist. France^i. VII, p. 962-963). Peut-être est-ce 
l'un des deux qui aura mis l'autre en relations avec Peiresc. 

(3) Sur ces trois auteurs, outre le livre de M. Urbain, voir la 
Bibliothèque lorraine de dom Galmkt, qui cite 21 ouvrages de Valla- 
dier. Remarquer qu'aucun n'est d'origine lorraine : Goêffeteau est né 
dans le Maine, Meurisse en Picardie, Valladier en Forez. A Metz se 
rencontraient donc alors des beaux esprits de diverses parties du 
royaume, et ils s'y plaisaient assez pour y rester longtemps, ou jusqu'à 
leur mort. 



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330 ALPHONSE DE RAMBERV.ILLERS 

de talent que TEglise ; nous ne citerons ici qu'un person- 
nage, parce qu'Alphonse de Rambervillers paraît avoir eu 
avec lui des rapports particulièrement affectueux : c'est 
Jean Des Porcelets de Maillane, qui était bailli de Tévôcbé 
de Metz, et en cette qualité devait résider plus ou moins 
souvent à Vie (1). 11 possédait déjà cet office en 1593 quand 
Alphonse fut nommé lieutenant général, et il reçut son 
serment; à une date que nous ne connaissons pa^, mais 
en tous cas antérieurement à 1603 (^), son fils, Paul, âgé de 
18 ans, se noya par accident. Alphonse, qui paraît avoir 
été très dévoué à ses amis, était toujours prêt, dans 
Toccasion, à mettre son talent d'écrivain à leur service: 
nous avons vu qu'il recommanda au public un livre de 
Lairuels et qu'il fit Tépitaphe de Goéffeteau ; il voulut aussi 
consoler le malheureux père de la mort de cet enfant, qui, 
si on peut l'en croire, était un jeune homme accompli, et, 
il s'y essaya dans une pièce de près de 300 vers. Au milieu 
de l'éloge du fils, il insère l'éloge du père dans un passage 
assez bien venu pour être cité ici : 



(1) La famille Des Porceldts de Maillane est d'origine provençale et, 
à la même époque, un de ses membres portant aussi le prénom de Jean 
occupa le siège épiscopal de Toul de 4607 à 1624 ; la généalogie de 
celui-ci est dans le J, S. A. L. 1878, p. 103, 152 et dans VHùt, du dioc. 
de Toul de l'abbé Eug. Martin, t. II, p. 101, mais ne nous apprend pas 
quelle pouvait être sa parenté avec le bailli messin. Ce dernier s'in- 
titulait : « Jean Des Porcelets, seigneur de Maillane, Valhey, Gussain- 
viUe, conseilbr d'Etat et chambellan de Son Altesse, bailli et superin- 
tendant de l'évèché de Metz ». (Sentences Vie, 1602, fol. 15). Il est très 
malaisé de se reconnaître parmi les Des Porcelets de ce temps, parce- 
qu'ils portent tous les prénoms d'André et de Jean ; de plus, les 
documents omettent souvent leurs prénoms, par exemple un acte du 
4 janvier 1609, par lequel le duc Henri II nomme gouverneur de Marsal 
le sieur de Valhey, bailli de l'évôché de Metz (Arch. de M. et M., 
B. 79, fol. i). Est-ce le même dont nous parlons ici, ou un autre, cet 
André qui aurait aussi été bailli de cet évéché, d'après M. l'abbé 
Martin ? 

(2) En effet, la pièce de vers que nous allons citer figure déjà dans 
ledit, de 1603 des Dévots élancemens^ mais elle n'est pas datée, comme 
le sont les autres pièces de circonstance réunies à la suite de ce poème. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 351 

Failloit-il donc, hélas ! qu'un si grand personnage 
Fût ainsi poignardé sur le plus beau de l'âge 
Par un désastre tel ? Auroit-il mérité 
Par quelque sien mefifait d'estre ainsi visité ? 
Non las ! Non, sa vertu est à nous trop notoire, 
Son renom est trop clair, trop célèbre est sa gloire. 
Car c'est ce b9n seigneur duquel la piété, 
Le solide sçavoir, la pure intégrité, 
La fervente justice et la prudence sage 
Dissipe peu à peu les brouillars de notre âge ; 
C'est ce vaillant esprit, qui en guerre et en paix 
Soulage le public de notables bienfaictz (1). 

Portrait flatteur, et qui, s'il est véridique, vaudrait à 
Jean Des Porcelets de Maillane d'être mis par l'histoire 
sur le même pied que son parent et homonyme, l'évêque 
de Toul. 



Ainsi, Alphonse de Rambervillers trouva, soit dans le 
pays qu'il habitait, soit môme au dehors, un certain 
nombre d'amitiés flatteuses et sûres parmi les écrivains en 
renom, et il le méritait, mais il n'arriva pas à la grande 
notoriété, peut-être parce qu'il avait le tort d'habiter une 
très petite ville, à demi étrangère au royaume,et il ne fut 
jamais qu'une gloire tout à fait provinciale. A part Peiresc, 
homme universel et ami de tout le monde, comme nous 
l'avons dit, tous les grands épistoliers de son temps sont 
muets sur lui : Etienne Pasquier a laissé 22 livres de lettres 
qui sont précieuses pour l'histoire de son temps (2), et où 
il n'est pas question du poète lorrain, dont la principale 
œuvre avait eu cependant trois éditions quand Pasquier 
mourut en 1615. Malherbe est tout à fait le contemporain 
d'Alphonse, puisqu'il a vécu de 1555 à 1628, et il n'en 

(1) Dévots élancemens, édit. de 1610, p. 191. 

(2) On les trouve dans l'édition complète imprimée à Amsterdam en 
1723, 2 in-fol. 



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352 ALt>HONSE DE RAMBERVILLERS 

parle pas davantage dans ses nombreuseb et curieuses 
lettres (1). Rien non plus dans les lettres de ceux qui, 
ayant survécu à Alphonse de Rambervillers, ont pu 
connaître tous ses livres et tout son mérite, Gui Patin mort 
en 1672(2), Voiture mort en 1648 (3), Chapelain mort en 
1674 (4), Guez de Balzac, mort en 1654 (5) ; le silence de 
ce dernier est d'autant plus surprenant qu*il avait pn 
connaître Alphonse de Rambervillers, ou tout au moins 
entendre parler de lui : en effet, en mai 1618, le duc 
d*Epernon, gouverneur des Trois Evéchés, avait amené à 
Metz comme secrétaire Balzac alors âgé de 21 ans, et pen- 
dant ce séjour, Balzac se lia avec Coéffeteau, qui, nous 
Tavons vu, était lui-même en relations suivies avec 
Alphonse (6). Tallemant des Réaux ne le nomme pas dans 
ses Historiettes (7). Enfin, quand Alphonse meurt, la 
Gazette de Théophraste Renaudot, si informée pourtant 
de tout ce qui se passe en Lorraine, ne mentionne même 
pas cet événement. 

Et aussitôt disparu, le pauvre poète tombe dans l'oubli 
le plus profond; les générations qui le suivent font plus 
que le dédaigner, elles Tignorent. Il ne figure pas dans 
ces utiles et copieux répertoires de notre littérature 

(1) Edit. des Grands écrivains de la France (Hachette). 

(2) Le premier volume de la nouvelle édition de ses lettres, donnée 
par le D' Paul Triaire, Paris, Champion, 1907, in-8, s'étend de 1630 à 
1649. 

(3) Les œuvres de M. de Voiture, 4' édit., Paris, 1654, in-8. — Noter 
que Voiture était venu en Lorraine avec Gaston d'Orléans à la maison 
duquel il appartenait. 

(4) Ses lettres, allant de 1632 à 1672, ont été publiées par Tamizbt 
OB Larroque en 2 in- 4, 1880-83 dans la Collect. de doc. inéd. sur l'hist. 
de France. 

(5) Ses lettres se trouvent, partie dans l'édition de Paris, 1665, 2 in- 
fol., partie dans les Mélanges historiques, t. I, 1873, publiés dans la 
mémo Collection. 

(6) Urbain, Nicolas Coéffeteau, p. 92. 

(7) Edit. MoNMBRQU* et P. Paris, 1854-60, 9 in-8. 



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ÀU^âONSË D£ hambërViLLers 353 

ancienne ou récente (1) publiés par Charles Sorel (2), 
Niceron (3), Rigoley de Juvigny(4), et encore bien moins 
dans les grands dictionnaires de Trévoux, de Moréri, de 
Pierre Bayle (5). Au moins, les historiens lorrains à qui 
il est plus facile de n'omettre personne, puisque le cercle 
de leurs recherches est plus limité^ le retrouveront-ils et 
lui rendront-ils justice ? Lorsque dom Calmet publie la 
première édition (1728) de son Histoire de Lorraine, il 
lui accorde ces trois lignes dans le Catalogue alphabétique 
des écrivains de Lorraine (6) : 

Remberviller, Histoire de Saint Livier, composée par M. Rember- 
viller, et dédiée au bon duc Henry. 

ignorant donc et son prénom, et les dates de sa vie, et son 
principal ouvrage, Les déwts élancemens, et le titre exact 
de celui qu'il indique, Les actes admirables en prospérité, 
en adversité et en gloire du bienheureux martyr sainct Livier, 
gentilhomme d*Austrasie, et sa profession de magistrat. Il 
s'en serait tenu là, car il reproduit ces quelques mots dans 
sa seconde édition sans y rien changer (7), si Regnard de 

(1) Nous avons dit au début de cette étude que GuiUaume GoLLBTtT 
lui avait consacré une notice, malheureusement perdue, dans un 
répertoire analogue, mais CoUetet, mort en lfô9, était encore à peu 
près un contemporain d'Alphonse. 11 est le seul, à notre connaissance, 
qui lui ait fait cet honneur. 

(2) La bibliothèque française, Paris, 1664, in-12, où sont énumérés 
les écrivains qui ont marqué, en prose ou en vers, depuis un siècle 
environ. 

(3) Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de la 
république des lettres, 1727-45, 43 inl2. 

(4) Nouvelle édition de la Bibliothèque françoise de La Groiz>du- 
Maine, et de celle d'Antoine Du Vbrdibr, publiée avec additions à 
Paris, 1772-73, 6 ln-4. 

(5) Et ce dernier connaissait son existence, car, dans sa notice sur 
Paul Ferri, il cite (t. Il, p. 1169, note G) la critique du Saint Livier 
d'Alphonse de RamberviUers par cet érudit. 

(6) Tome I, prélimin., col. 92. 

17) Tome I (1745), prélim., col. 128. — Cependant, dans l'intervaUe 
eotre ces deux éditions, Galmet a découvert le prénom, Alphonse, et 
il le donne Ici. 



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354 ALPHONSE t)£ RAMBËRVlLLERS 

Gironcourt, descendant d'un cousin du poète, n'était pas 
intervenu fort à propos en lui fournissant des renseigne- 
ments détaillés (1) avec lesquels l'abbé de Senones rédigera 
pour sa Bibliothèque lorraine {^^M) une notice assez convena- 
ble, mais non exempte d'erreurs (2). Deux ans après, l'abbé 
Goujet résume le travail de dom Calœet dans s^ Bibliothèque 
françoise (3) : il énumère exactement les œuvres d'Alphonse, 
mais sans donner sur elles la moindre appréciation, et il 
est visible qu'il ne lésa pas lues. Et il est le seul à profiter 
du travail de dom Calmet: ni les bénédictins auteurs de 
V Histoire de Metz (4), ni Chevrier dans ses Mémoires pour 
servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine (5), ni La 
Harpe dans son volumineux Cours de littérature (6) ne 
disent un mot de l'auteur des Dévots élancem^ns. Il est clair 
qu'on ne le lit plus ; si on le lisait d'ailleurs, on ne le 
comprendrait plus, et, pour simplifier, on l'ignore. 

Avec ses goûts de recherches érudites, le xix** siècle lui 
est un peu plus favorable. Il obtient quelques lignes résu- 
mées de la Bibliothèque lon'aine dans la Biographie des 
hommes marquants de l'ancienne province de Lorraine, par 
Louis-Antoine Michel (7) ; quelques lignes, qui ne pro- 
cèdent pas de la même source dans la Biographie du Par- 
lement de Metz d'Emmanuel Michel (8) ; quelques lignes 

(1) Voir au n* 2 de TAppendice une lettre de Regnard à dom Calmet. 

(2) Nous avons dil qu'il se trompe de dix ans sur la date du décès 
d'Alphonse, qu'il place en 1623 au;lieu de 1633. Cette notice occupe les 
col. 780-78^ de la Bibliothèque, et les col. 84, B6 du supplément. 

(3) Paris, 1741-56, 18 in-12; la notice sur Alphonse de Ramber- 
villers est au t. XV (1753), p. 137-9 ; Goujet y reproduit la date 
inexacte 1623. 

(4) Metz, 1769-90, 6 in-4. 

(5) Bruxelles, 1754, 2 inl2. 

(6) Paris, 182;>-26, 18 in-8. 

(7; Nancy, 1829,in-12, p. 436 (V Remberviller). — Fait surprenant 
chez un auteur d'habitude fort inexact, Michel corrige l'erreur de 
dom Calmet, et donne 16J3 comme date de la mort d'Alphonse. 

(8) Metz, 1853, in-8, p. 446.— Emm. Michel signale les Actes de saint 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 355 

encore exactes, mais insuffisantes, dans le tableau des 
lettres au début du xvii« siècle de V Histoire de Lorraine de 
Digot(l).Puis, cequi vaut mieux, ses ouvrages sont étudiés 
de près, au point de vue bibliographique par Beaupré, et 
les diverses éditions des Dévots élancemens comparées avec 
la méthode et le soin habituels à cet excellent érudit (2). 
Ces résultats sont reproduits par Brunet dans son Manuel 
du libraire (3) et par Noël dans son Catalogue (4) ; enfin, un 
quatrième bibliographe, Viollet-Le-Duc, le père, signalant 
dans le catalogue de sa bibliothèque rédition de 1617 des 
VéwUf élancemens, nous dit que « les vers ne sont pas beau- 
coup plus mauvais que tant d'autres », ce qui est fort 
injuste, et que Fauteur obtint remploi de lieutenant 
général à la recommandation d'Henri IV, auquel il avait 
présenté le manuscrit de ce poème, ce qui est une grosse 
erreur (5). 

On le voit, les ouvrages locaux et les ouvrages spéciaux 
s'occupent plus ou moins heureusement d'Alphonse de 

Livier, qui intéressent spécialement Metz où il habitait, mais ne parle 
pas des Dévots élancemens, ni des autres livres d'Alphonse. 

(1) Tome V (1856), p. 141 ; Alphonse est encore nommé au tome IV, 
p. 299, 300, 304. 

(2) Recherches sur les commencements de ^imprimerie en Lorraine, 
Nancy, 1845, in-8, p. 227-231, 516-518; Nouvelles recherches de biblio- 
graphie lorraine, Nancy, 1856, in-8, chap. III, p. 20-23. 

(3) 5'édit., t. IV (1863), col. 1093-94 et suppl., t. II (1880), col. 390.— 
Brunet signale une estampe de Gallot représentant saint Livler, qui, 
dit-il, a peut-être été gravée pour le petit volume d'Alphonse de Ram- 
bervillers sur ce saint. C'est sans doute celle qui fait partie de la 
suite des Images de tous les saints et saintes, et des fêtes mobiles de 
Vannée, et qui est cataloguée par Edouard Meaume dans ses Recherches 
8wr la vie et les ouvrages de Jacques Callot, Paris, 1860, 2 in-8, t. II, 
p. 191, n» 431. 

(4) Catalogue raisonné des collections lorraines de M. Noël, 
Nancy, 1850-55, 3 in-8, n» 4302. — Les indications que Noôl donne ici 
sur le ms. des Dévots élancemens offert à Henri IV sont en partie 
inexactes. 

(5) Catalogue des livres composant la bibliothèque poétique de 
M. Viollel'UDuc, Paris, 1843-47, 2 in-8, t. I, p. 390-381. 

23 



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356 ALPHONSE DE RAMBËRVILLERS 

Rambervillers, mais les ouvrages d'ensemble, les grands 
dictionnaires, que le xix« siècle a produits en si forte 
quantité, le laissent résolument de côté: rien sur lui (1) 
dans les vastes Biographies de Michaud et d*Hœfer, dans le 
Dictionnaire des littératures de Vapereau, dans le Diclion- 
naire historique de la France de Lalanne, dans La Grande 
Encyclopédie et dans le Dictionnaire Larousse, ouvrages 
qui, s'ils ne donnent pas la renommée, du moins la 
consacrent. Rien non plus dans les publications de 
nos nombreuses sociétés savantes lorraines, ou dans 
les revues historiques et littéraires de la province, sauf 
les courtes études du Journal et du Bulletin de notre 
Société, et de la Lorraine Artiste^ que nous avons signa- 
lées tout au commencement du présent mémoire. Ainsi, 
Alphonse de Rambervillers a été très vite oublié, mé- 
connu, dédaigné, bien à tort selon nous, car sa vie et 
ses écrits auraient dû conserver son souvenir, et le pays 
où il est né aurait quelque droit d'être fier de lui. Il est 
donc nécessaire de le tirer de cet oubli, de le remettre en 
lumière, non pas pour en faire un grand homme et un 
écrivain du premier rang, mais pour montrer qu'il mérite 
une place honorable parmi les auteurs du second ordre, 
aussi bien et mieux que tant d'autres auxquels la postérité 
a été plus indulgente. 

(1) En cherchant à Rambervillers ou à Rembervillers. 



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Qoo^(^ 



APPENDICE 
I 

LISTES DES MEMBRES DU BAILLIAGE DE VIC (1). 

1602. — Noms et surnoms de Messieurs tenantz le siège au bailliage 
de l'évesché de Metz. 

Honnoré seigneur Jean Des Pourcellelz, seigneur de Maillane» Valhey, 
etc., bailly et superintendant de l'évesché. 

Monsieur Àlfonse de Ramberviller, lieutenant de bailly. 

Jean Aubertin, conseiller d'Estat 

Siméon Aubertin, chancelier de l'éyesché 

Baltasar Royer, procureur général de l'évesché 

Claude Lefebvre, trésorier de l'évesché 

François Lescamoussier 

César Liégeois 

François Boucher 

Jean Tripplot 

flumbert Gilles 

David Bourguignon (mourut le 12 de septembre 1602) 

Didelot Didelot 

Jean Chamant (le 25 septembre 1602 fut faict conseiller en la 
place de David Bourguignon) 

Jean Vauchier greffier 

#** 
1620. — Noms et surnoms de Messieurs du bailliage. 
Honnoré seigneur Henry de Gournay, seigneur de Marchevllle, etc., 
bailly. 

(1) Nombre des registres des sentences du bailliage ont sur leur 
feuille de garde, immédiatement après la couverture, une liste des 
personnes attachées à ce bailliage. Il serait inutile de les reproduire 
toutes, puisque, d'une année à l'autre, il n'y a souvent aucune modifi- 
cation dans le personnel. Nous donnons seulement les listes de 1602, 
1620, 1633, qui montrent la composition de ce tribunal vers le^ début, 
au milieu et à la fin de la période que nous avons étudiée. Ces listes 
sont de plus en plus complètes : la première ne fait connaître que les 
chefs du bailliage et les conseillers, la seconde ajoute les noms des 
sergents, la troisième nomme en plus les avocats. 



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858 ALPflONSE DE RÀMBERViLLERS 

Messieurs : de Ramberviller, lieutenant 

Aubertin, chanceiiier 

d'Abocourt, procureur général 

Du Hait, trésorier. 

Liégeois (est allé de vie à trépas le vendredy 13 de mars 1620}. 
Didelol Vauchier 

Cbamant Martini 

Gillet Tietreman 





Sergents 


Estienne Gremelz 


Gaspar Goupdelance 


Claude Recourt 


Honnoré Guérin 


Jacques Cbamant 


Florentin Grandricbier 


Jacques Dumoulin 


Thiriet Thiriet, dict Bondieu 


Jean Gossel 


Daniel Ladroye 


Noël David 






»*# 



1633. — Les noms et surnoms de Messieurs tenans le siège du bail- 
liage de l'évescbé de Metz. 

Honoré seigneur Pierre de Gournay, seigneur de Secourt, bailly et gou- 
verneur de l'évescbé de Metz 

Les sieurs : Alphonse de Ramberviller, lieutenant général 

Jean d'Abocourt, procureur général 

Jean Le Changeur, trésorier général 

Jean d'Abocourt, conseiller 

Jean Cbamant, o 

Jean Martini » 

Claude Serrier » 

Jean de Ramberviller, conseiller 

Claude Tabourel » 

Louys de Ramberviner » 

Gérard Vauchier » 

François Gillet > 

Jacques Battel » 

Sébastien Didelot » 



François de Bourgoing< 

Jean Huin 

Jean Derand 

Jacques Battel (faict conseiller) 

Jean Drouart 

Jean Vitou 



Advocatz. 

Sébastien Didelot (faict conseiller) 
Théodoriquo Dietreman 
Gérard Vernesson 
Jean Huin le jeune 
Jean Vauchier 
Jean Petitiean 



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ALPHONSE DE RAMBEUVILLERS 359 

Sergents. 

Claude Recourt Claude Thiehay 

Jacques Chaînant Henry Colin 

Jean Gossel Nicolas Geronville 

Gaspard Coupdelance Claude Brichoux 

Honoré Guérin Marien Larcher 

Florentin Grandrichier François Phiilpin 

Jean Gérard César Rouyer 

Toussaint Praquat Claude (illis.) 



II 



CORRESPONDANCE DE REGNARD DE GIRONCOURT AVEC DOM CALMET 
AU SUJET d'aLPHONSE DE RAMBERVILLERS. 

Nous devons à Regnard de Gironcourt une partie de ce 
que nous savons sur Alphonse de Rambervillers, et c'est 
grâce à lui, comme nous Ta vous expliqué, que dora Galmet 
a pu consacrer au poète de Vie une notice assez étendue 
dans sa Bibliothèque lorraine (1751). Il est donc nécessaire 
de dire quelques mots de ce personnage. 

Dans la lettre que nouspublionsplus loin, il signe H. -A. 
Regnard : ses prénoms étaient Henri-Anioine, d'après 
Arthur Benoit (1). Cet érudit a dressé sa généalogie, mais 
il a voulu à tort le faire descendre d'Alphonse parles 
femmes, et, pour cela, il donne son ascendant Jean de Ram- 
bervillers, écuyer, conseiller au bailliage de Vie, comme 
un fils de cet Alphonse, alors qu'il n'en était que le cou- 
sin (2). Sa famille paternelle avait été anoblie par 
Charles III (3). Il naquit à Bouzonville le 13 juin 1719, et 

(1)/. s. A. L., 18^, p. 105-142. 

(2) L'erreur a été signalée par M. A. de Gihoncourt, ibid., 1899, 
p. 273-77. 

(3) Voir ses armes et d'autres détails sur lui dans A. de Mahuet et 
Ed. Des Robert, Basai de répertoire des ex-libris des bibliophiles 
lorrains^ Nancy, 1906, in-4, p. 270. (Nous rectifions les lieux et date 
de naissance donnés par cette ouvrage grâce aux indications orales de 
notre confrère, M. A. de Gironcourt). Voir aussi Emm. Michel, Biogra- 



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360 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

mourut à Varangéville le 10 janvier 1786. Il était seigneur 
deVomécourt (1), fut avocat à Epinal, puis conseiller au 
bureau des finances de Metz, et écrivit divers travaux sur 
rhistoire de Lorraine (2). II devait avoir entre les mains des 
papiers relatifs à Alphonse detRambervillers, et, choqué de 
la légèreté avec laquelle dom Calmet parlait de cet écri- 
vain dans son Histoire de Lorraine (3), il lui écrivit la let- 
tre que voici (4) : 

A Epinal, le 17 septembre 1749. 

Monsieur, 

J'ay l'honneur de vous envoyer un mémoire beaucoup plus circons- 
tancié que celuy que je vous ay laissé à Senones touchant l'histoire'de 
la vie de M. Alphonse de Ramberviller. Je ne crois pas que dans ce 
mémoire il y ayt des inutilités : tout y est vray et conforme aux pièces. 
Le public sera charmé de connoitre parfaitement un si grand homme ; 
en tout cas je laisse le tout à vos savantes lumières, et me soumettray 
toujours avec joye à la sagesse de votre critique. 

Au sujet du diplôme de 1003 (5i dont j'ay eu l'honneur de vous lais- 
ser les corrections, j'ay une délicatesse à vous proposer : je suis avo- 
cat contre le chapitre d'Epinal ; j'ay relevé fortement l'infidélité du 
titre qui vous a été communiqué en 1725, et qui se trouve imprimé 
dans vos ddux éditions de l'Histoire de Lorraine -^^ày lieu de craindre 
que si vous faites imprimer le second plus correct que je n*ay eu 
l'honneur de vous communiquer, que pour pouvoir scavoir la raison 

phie du Parlement de Metz^ Metz, 1853, in-8, p. 444, et une notice de 
Justin Lamoureux dans la Biographie universelle de Michâud, t. XVI, 
p. 590 91. 

(1) Vosges, arr. Mirecourt. cant. Charmes. 

(2) La Biblioth. de la ville de Nancy, et celle de notre Société possè- 
dent plusieurs mss. de lui. 

(3) Voir ce que nous en disons à la fin du chap. IV. 

(4) Cette lettre se trouve dans le ms. 80- Vil de la Biblioth. de 
Saint-Dié, entre les fol. 53 et 54 ; étant de format plus petit que le 
reste du ms., elle n'est pas foliotée. Elle a été publiée en partie seule- 
ment par Gaston Save dans la Lorraine-artiste^ 1893, p. 761. L'adresse 
manque, mais les mentions de Senones et de l'Histoire de Lorraine 
montrent bien qu'elle est écrite pour dom Calmet qui depuis juillet 
1728 était abbé de Senones. 

(5) C'est un diplôme de l'empereur Henri II pour l'abbaye d'Epinal, 
imprimé par dom Calmet dans la 1" édit. de son Hist. de Lorr.^ t. I, 
col. 564 des preuves, et dans la 2« éd., t. III, col. 105 des preuves. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 361 

d'une si grande différence, le chapitre ne le trouve pas bon, et ne dise 
malgré ma conduite innocente de quoy je me suis mêlé, n'ayant reçu 
4e luy aucune commission pour faire cette correction. Je laisse cela, 
Monsieur, à votre prudence. Je fais des recherches continuelles pour 
enrichir votre nobilier. Je ne tarderay pas à avoir l'honneur de vous 
renvoyer la brochure que vous avez eu la bonté de me confier. Je 
fais décrire la liste des villes et villages de Lorraine, etc. Mille 
nouveaux remercimens, Monsieur, des amitiés dont vous m'avez hon- 
norez à Senones. 

J'ay l'honneur d'être avec un très profond respect. Monsieur, votre 
très humble et très obéissant serviteur. 

H.-A. RSGNARD. 

Vous m'obligerez infiniment si vous voulez bien, ainsi que vous 
m'avez fait l'honneur de me le promettre, mettre l'annotation que vous 
trouverez au bas de ces mémoires qui comencent par ces mots : ces 
instructions. 

J'ay l'honeur de vous envoyer la copie sincère des lettres reconoisant 
la gentillesse d'Alphonse. 

A Taide du mémoire annexé à cette lettre (1), fut rédi- 
gée la notice consacrée à Alphonse de Rarabervillers dans 
la Bibliothèque lorraine, mais Regnard de Gironcourt n*eû 
fut pas satisfait, et, le 13 octobre 1751, il lui écrivit une 
seconde lettre pour le prier d'insérer dans le supplément à 
cette Bibliothèque des additions et des rectifications (2). 
Dans cette lettre, Regnard de Gironcourt se plaint avec 
quelque aigreur d'un M. Nicolas à qui il attribue la rédac- 
tion de la notice et la responsabilité des erreurs et appré- 
ciations fâcheuses qu'elle contient. Ce Nicolas est le libraire 
de Nancy bien connu depuis la publication de son Journal 
par M. Pfister (3) ; homme instruit, Jean-François Nicolas 
ne se contentait pas de fournir au bénédictin des livres et 
des documents : il collaborait avec lui, et c'est surtout à la 

(i) Ce mémoire est dans le môme ms. de la Biblioth. de Saint-Dié, 
fol. 54-57. 

(2) Cette lettre a une adresse : à M. l'abbé de Senones; elle est entière- 
ment publiée par G. Save, ihid.^ p. 761. — Les rectifications deman- 
dées ont été faites par dom Calmet dans le supplément. 

(3) M. S. A. L., 1899, p. 216-386. 



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362 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

Bibliothèque lorraine que sa collaboration a été active (1) ; 
il n'y a rien d'improbable à ce qu'il ait rédigé la biogra- 
phie d'Alphonse, qui, nous l'avons dit à plusieurs reprisesi 
ne fait pas grand honneur à son auteur. 

m 

TABLE DES (( DÉVOTS ÉLANCEMENS DU POÈTE CHRESTIEN )). 

Une des raisons qui ont fait tomber cet ouvrage dans 
l'oubli, en détournant les lecteurs de l'ouvrir, est la dispo- 
sition (défectueuse de ses éditions, de celle de 1610 surtout. 
Celle-ci est extrêmement difficile à lire ou à consulter : les 
fautes d'impression y sont assez nombreuses et assez gra- 
ves pour rendre parfois le texte inintelligible ; le caractère 
est sans netteté et tellement fin que l'imprimeur est arrivé 
à faire tenir jusqu'à 35 vers par page dans ce très petit 
volume de 143 mm. de haut ; enfin, il n'y a pas de table 
qui permette de se retrouver dans cet ensemble assez 
complexe. 

L'édition de 1603 est imprimée plus correctement et en 
caractères un peu plus gros, en sorte que, le fognat étant 
pareil, elle n'a que 30 vers par page, là où ces vers ne sont 
pas répartis en strophes. Il y a quatre tables, une pour 
chaque partie de l'ouvrage ; mais elles ne sont pas réunies 
à la fin du volume, et chacune est placée en tête de la 
partie à laquelle elle se rapporte, de manière qu'on a bien 
de la peine à les découvrir et à en faire usage. 

Il nous a paru utile de donner ici une table des Dévots 
élancemens pour faire connaître les éléments dont ils se 
composent, et le plan adopté par l'auteur. Nous faisons 
cette table synoptique aux deux éditions de Pont-à- 
Mousson, 1603, et de Toul, 1610, afin de montrer également 

(i) Voir ce qu'en dit M. l'abbé Mangenot, ibid.j i900, p. 86. 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 363 

en quoi ces deux éditions diffèrent, ce qui se trouvant dans 
Tune manque à l'autre. L'exemplaire de 1603 se trouve à 
la Bibliothèque de Nancy (n<> 11.336 du fonds lorrain); 
celui de 1610 appartient à notre confrère M. Robert Pari- 
sot, qui a bien voulu, avec une obligeance extrême, nous 
le communiquer et le laisser entre nos mains, malgré sa 
rareté, tout le temps fort long qu'ont duré nos recherches 
sur Alphonse de Rambervillers. 

Notons encore que l'édition de 1603 a une seule pagina- 
tion du commencement à la fin du volume. CelU de 1610 
en a deux, une première de 1 à 20 pour les stances dédi- 
catoires, épitres liminaires, etc., et une seconde de 1 à 210 
pour le texte même du poème (1) ; ces deux paginations 
sont en chiffres arabes; mais, pour prévenir la confusion, 
nous marquerons la première en chiffres romains, — 
comme on le ferait du reste si le livre était imprimé 
aujourd'hui, — dans le tableau qui suit : 

ÉDITIONS DE 
1603 1610 

Harangue prononcée par l'autheur devant le roy, 
luy présentant son œuvre au chasteau de Vin- 

cennes le Jeudy saint de Tannée 1600 I-III 

Stances dédlcatoircs [au roi] 5-8 V-VII 

Epitres liminaires 9-21 VIHXVII 

L'autheur aux lecteurs (en prose) 22-24 XVIIIXIX 

Privilège du roi (résumé) XX 

PARTIE I 

Table de la première partie 27 

La desplaisance du pécheur contrit 29 5 

Les regrets du pénitent pour le péché réitéré . . 39 13 

(1) L'incorrection typographique de cette édition s'étendant même à 
la pagination, les dernières pages du volume sont numérotées 204, 
105, 106, 107, 108, 109, 116. 



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364 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 



ÉDITIONS DE 


1603 


1610 


51 


23 


59 


31 


67 


39 



La disposilion du pénitent à la confession sacra 

mentale 

L'esjouissance du pénitent confessé et absolut . . 59 
La résolution du pénitent à la satisfaction . . 

PARTIE II 

Table de la seconde partie 79 

L'acbeminement du pénitent à la saincte Eucha- 
ristie 81 51 

La ferveur du communiant adorant la saincte 
Eucbaristie 91 61 

La démission du chrestien sur le point de la com- 
munion 103 71 

Le contentement du communiant ayant receu son 
Créateur 109 75 

L'action de grâces du catholique demandant les 
efïects de la saincte Eucharistie 119 85 

PARTIE III 

Table de la troisième partie 131 

La consolation du chrestien affligé k soy mesme. 135 97 
La subvention du catholique au repos de l'Eglise 

en temps d'hérésies 147 109 

L'invocation des âmes bienheureuses 161 121 

L'intercession pour le soulagement des catholiques 

deflfuncts 475 133 

La considération de la mort 189 145 

La parénôse 206 160 

Lettres du roi de France au duc de Lorraine et à 

l'évêque de Metz pour leur recommander l'auteur. 209-210 162-3 

PARTIE IV 

L'autheur aux lecteurs (en prose) 211 164 

Table de la quatrième partie 215 



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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 365 

ÉDITIONS DE 
1603 1610 



Le polémologue, ou prière guerrière de... Philippe- 
Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, ...géné- 
ral de l'armée impériale en Hongrie, allant en 
guerre contre le Turc, à luy présenté par l'au- 
theur à Sainct-Nicolas en Lorraine, le 26 juillet 
1600 217 167 

Advertissement au lecteur (en prose) 231-34 

Les larmes publiques sur le trespas de feu ... 
Philippe-Emanuel de Lorraine, duc de Mercœur. 2:^5 

L'imprimeur au lecteur (en prose) 252 180 

Sur la convalescence d'illustrissime et révérendis- 
sime prince, Charles, cardinal de Lorraine, 
évesque de Metz, Strasbourg, langraff d'Elsace, 
etc., en l'année 1596 253 181 

L'extaze sur le trespas de feu Paul Des Pourcelletz, 
... flls second de ... Jean Des Pourcelletz, sei- 
gneur de Maillane, Valhey, etc., bailly et surin- 
tendant de l'évesché de Metz 258 185 

L'adieu aux généreux seigneurs, gentilhomraes et 
soldats allans en Hongrie contre le Turc en 
l'année 1597 268 494 

Stances funèbres sur le trespas de feu ... George, 
baron de Boppart, seigneur d'Albe, Teintru, etc., 
colonel du régiment dos soldats Lorrains on la 
guerre d'Hongrie contre le Turc, occis au siège 
de Bude en l'an 1598 278 201 

Les plaintes (1) de la Lorraine sur le trespas de 
feB ... Jean, comte de Salm ... mareschal de 
Lorraine, gouverneur de Nancy, etc., décédé le 
14 janvier 1600 282 304 

Approbations de théologiens 287-91 âOS-210 

Privilèges du roi et du duc de Lorraine (in-extenso). 292-^ 



(1) L'édil. de 1610 écrit : Les larmes. 



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366 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

IV 

Vers latins écrits par Alphonse de Ramberyillers 

POUR L' « OpTICA REGULARIUM » DE SERVAIS DE LaIRUELS. 

Nous avons dit au chapitre IV qu'Alphonse de Ramber- 
villers avait des relations amicales avec Servaisde Lairuels, 
abbé de Sainte-Marie Majeure de Pont-à- Mousson et réfor- 
mateur des prémontrés. En 1603, ce religieux imprima 
à Pont-à -Mousson VOptica regularium, stu commentarii in 
regulam sancti Augustini, petit in-4 de 422 pages, sans 
compter la préface et les épîtres liminaires du début, qui 
ne sont pas paginées, et la table des matières étendue qui 
clôt Touvrage, et ne Test pas non plus (1). Selon l'usage du 
temps, ses amis prirent la plume pour louer son ouvrage 
et le recommander au public, en sorte qu*en tête de VOptica, 
après la préface. Servais put imprimer vingt épîtres limi- 
naires, toutes en vers latins, sauf la dernière qui est en 
vers français. La quatrième est d'Alphonse de Ramber- 
villers ; elle peut passer pour inédite, à raison de la rareté 
de ce volume qui ne se trouve pas dans les bibliothèques 
de Nancy (2), et c'est pourquoi nous la donnons ici. Ces vers 
montrent qu'Alphonse de Rambervillers, comme tant de 
ses contemporains du reste, était un latiniste distingué; 



(1) Coïncidence k noter, Alphonse de Rambervillers imprimait la 
même année, dans la même ville, et chez le même imprimeur, Melchior 
Bernard, la seconde édition de ses Dévots élancemens. 

(2) A la B. N., il est coté H. 5596. Diverses particularités de cet 
exemplaire de la B. N. ont été étudiées par Schmit dans le /. S. A. L., 
1868, p. 82-87. Ce volume a appartenu à Alphonse de Rambervillers 
lui-même, et lui est venu de la bibliothèque de Salivai, abbaye de 
l'ordre de Prémontré : Schmit suppose qu'Alphonse était parent de 
Mathieu Bonnerbe, alors abbé de Salivai, et l'aura eu par héritage ; il 
nous parait plus probable que les religieux le lui auront offert pour le 
remercier d'avoir écrit ses opuscules sur saint Livier et sur les guéri- 
sons miraculeuses de Salivai. 



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Qoo^(^ 



ALt>HONSE: t)Ë HAMBEKVlLLEtlS 367 

,leur coupe rappelle beaucoup celle des vers d'Ovide, au 
jugement de notre confrère M, Harmand. On remarquera 
plusieurs allusions au vêtement blanc des religieux pré- 
montrés, et, au 9« vers, le jeu de mot : servas, Servati. 

Eidem pererudite de reformatione scribeoti, Alphonsns de Ramber- 
viller, l.V.D. (1) et in episcopatu Metensi proprseses his versicnlis con- 
grdtulatur. 

Ordine pro niveo non est satis ergo pudicis 

Moribus, et factis irradiare piis. 
Non satis est populum doctis pavisse loquelis ; 

Nec satis est dubias tôt remeasse vias. 
Nunc caiamo pugnas novus ecce Athleta, novumque 

Gondis opus, scriptis arinaque sacra moves 
In vitium arma moves et dogmata prisca reducens 

Praemonstratenses ad meliora Tocas. 
Sic fratres servas, Servati, et candidus ordo 

Lumine jam per te candidiore micat. 
Perge, precor, lastus, cseptoque incumbe labori 

Ut digna accipias prasmia, perge, precor. 
Te geminata manet merces, te namque beabit 

Gloria parta solo, gloria parla polo. 



NOTES ICONOGRAPHIQUES. 

M. de Braux a reproduit dans le J, S. A. L., 1899, p. 192, 
le dessin d'une médaille qui représente Alphonse de 
Rambervillers. et qui doit être un portrait fidèle, car 
c'est lui-même qui l'avait fait frapper, à Metz sans doute. 
Cette médaille est probablement la même que décrit dom 

( 1) Juris utriusque doctor. 



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368 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 

Calmet dans le Supplément à la Bibliothèque lorraine, 
col. 84. 

Nous aurions voulu trouver un autre portrait du poète 
à rapprocher de celui-là, et il est plus que probable qu'il 
y en a eu, — bien que Soliman Lieutaud n'en indique pas 
dans son catalogue (1), — car, à cette époque, tous les per- 
sonnagesde quelque importancese faisaient reproduire, soit 
en gravure, soit aux crayons. Mais nous l'avons en vain 
cherché dans les collections publiques de Nancy, et à Paris, 
dans le cabinet des estampes de la B. N., si riche en por- 
traits du XVI® et du xvii® siècle, 'et où les effigies de per- 
sonnages lorrains ne sont pas rares. Le jour où l'image 
d'Alphonse serait découverte dans quelque autre dépôt 
public, ou dans une collection particulière, il serait à 
désirer qu'on la publiât pour qu'elle pût être comparée à 
celle de la médaille reproduite par M. de Braux. 

A défaut d'un portrait, nous donnons deux spécimens 
de sa signature assez différents, parce qu'ils sont pris à 




Jxy^a/iTixmmlwt 



1598 



près de trente ans de distance. La première, de décembre 
1598, se trouve dans un de ces registres de Sentences du 
bailliage de Vie qui nous ont fourni tant de renseigne- 

(4) LUie alphabétique de portraits... de personnages nés en Lor- 
raine^ pays messin.., 2» édit., Paris, 1862, in-8. 



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i 



ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 3G9 

ments (1) ; la seconde figure au bas d'un acte du 8 juin 
1627 par lequel Alphonse avoue avoir repris du duc 
Charles IV des rentes dépendant du fief de Forcenés (2). Il 
y a des traits communs à ces deux signatures, mais 
récriture n*a pas laissé de se transformer assez visible- 
ment. 




1627 



La vue d'ensemble de la petite ville de Vie que nous 
donnons en tête de ce travail provient de la Bibliothèque 
municipale de Nancy (3). C'est une gravure exécutée sans 
doute au xvii® siècle, et mesurant 0,14 de haut sur 0,32 de 
large. On peut la rapprocher du plan de Vie qui se trouve 
dans le petit atlas de Tassin (4). 

Les frontispices de deux des ouvrages d'Alphonse de 
Rambervillers, Les deooU élancemens du poète chrestien, édit. 
de Pont-à-Mousson, 1603 et les Actes admirables de saint 
Livier, Vie, 1624, sont reproduits dans le Trésor du biblio- 
phile lorrain (5), planches 40 et 55. 



(4) Registre de 1596, fol. 184. 

(2) Arch. de M.-et-M., H. 2568, orig. papier. 

(3) N» 3182 du fonds lorrain. 

(4) Plans et profils des principales villes du duché de Lorraine^ 
Paris, 1633, in-12 oblong. 

(6) Nancy, Sidot, 1889, grand in-4. 



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370 



ALPHONSE DE BAMBERVILLERS 



Notre confrère, M. Edmond Des Robert, si expert en art 
héraldique, a bien voulu dessiner les armes de la famille 
de Rambervillers que nous donnons ici : d'azur à la fasce 
d'argent, accompagnée de 3 glands montants d'or, posés 2 
et 1. 





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LE 

T XJ 3></i: TU L XJ S 

DU 

BOIS DE SAINTE-MARIE 

Forêt de Bezange-la-Grande 

(Meurthe-et-Moselle) 

PAR 

Le O" J. beaupré 

CORRESPONDANT DU MINISTÈHE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE 



Quand on se rend de Moncel à BezaDge-la-Grande parla 
route parallèle au cours d*eau appelée « la Loutre noire », 
on pénètre dans la forêt domaniale de Bezange par le bois 
dit de (^ Sainte- Marie », qui est limité au Nord-Ouest et 
à l'Ouest par le ruisseau nommé « Ruisseau des prés Thié- 
haut ». A moins de deux cents mètres de la lisière, on 
aperçoit sur la droite un tumulus dont les pentes orientales 
viennent aboutir au fossé de la route. Son diamètre atteint 
une vingtaine de mètres, et son relief environ 1°* 70 au- 
dessus du sol environnant. 

Il ne portait aucune trace de remaniements trahissant des 
fouilles antérieures, mais il était aisé de voir, à de légers 
affaissements, qu'on y avait extrait des souches. L'absence 
de traces de remaniements ne prouve souvent pas grand'- 
chose, car, dans les forêts domaniales, les préposés 

24 



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Qoo^(^ 



372 LE TCMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARÎÉ 

forestiers tiennent la main à ce que le terrain soit remis 
soigneusement en état et repiqué, chaque fois qu'il y a eu 
extraction de souches ou autres travaux forestiers. Gomme 
ces arrachages de racines sont quelquefois assez superfi 
ciels, il était à espérer que la couche archéologique n'avait 
pas été atteinte aux endroits où des travaux de ce genre 
avaient laissé des traces. Dans tous les cas, selon toutes 
vraisemblances, certaines parties du tumulus pouvaient 
être demeurées indemnes Malheureusement, le mal était 
plus grand qu'il n'y avait lieu de le craindre; à peu près 
tout ce qui avait été dérangé dans les mobiliers funéraires 
avait en outre été enlevé. 

Comme d'habitude, le tumulus du bois de Sainte Marie 
a été construit au moyen de matériaux recueillis au pied 
même de ses pentes : l'emprunt est encore très visible à 
rOuest et au Sud. Le terrain étant dépourvu de pierres, la 
terre seule a été employée : elle est de coloration jaunâtre, 
assez mêlée de sable gréseux, ce qui a rendu le travail 
facile à ses constructeurs. Un pareil sol pouvait être, a 
priori, considéré comme absolument défavorable à la 
bonne conservation des ossements, et Ton était assuré 
d'être, de ce fait, privé d'utiles matériaux pour la détermi- 
nation des modes de sépulture, les orientations, etc., 
indépendamment de la perte de documents anthopologi- 
ques précieux, parce qu'ils sont encore en très petit nom- 
bre dans l'Est de la France. 

Il était d'autant plus intéressant de fouiller ce tumulus 
que j'avais exploré, en 1899, avec mon collègue, M. A. Poi- 
rot, la station funéraire de Rosebois (1), distante de 3 kilo- 
mètres, à vol d'oiseau, du tumulus du bois de Sainte- 
Marie, dans la direction du Nord Ouest, et que la Société 



(1) J. Beaupré. Compte-rendu des fouilles exécutées, en 1899, dans 
des tumulus situés sur le territoire de Moncel-sur-Seilie. {Bulletin 
delà Société d'archéologie lorraine, 488©.) 



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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 373 

d*histoire et d'archéologie lorraine de Metz avait fouillé 
une autre station, que je lui avais signalée en Alsace-Lor- 
raine, à 3 kilomètres également, dans la direction du 
Nord Ouest. On pouvait se demander s'il n'existait pas une 
communauté d'origine entre une partie au moins des sépul- 
tures de ce groupe, dont aurait fait partie une autre sta- 
tion non encore' exploitée, sise à la même distance, dans 
une autre direction, et auxquelles on aurait pu rattacher 
la station funéraire de Serre, explorée par moi en 1902. 
On comprendra aisément combien il était important d'ob- 
server, réunis pour ainsi dire sur un même point, des 
vestiges de civilisations successives, assez séparés cepen- 
dant pour qu'ils ne soient pas mêlés entre eux. La station 
de Rosebois est hallstattienne ; les deux épées que nous y 
avons trouvées ne laissent aucun doute à cet égard : ce 
sont, en effet, de grandes épées de fer pistilliformes à soie 
plate, avec trous de rivets, et à crans à la base de la lame. 
La station des bois de Chambrey a donné des poteries 
hallstattiennes, si mes souvenirs sont exacts. Quant à celle 
de Serre, elle pourrait être attribuée en partie, à l'Age du 
bronze, en partie aux époques de Hallstatt et de la 
Têne. 

Il semble que l'on ait utilisé, pour y élever le tumulus 
du Bois Sainte-Marie, une légère ondulation de terrain. 
*Dans sa partie centrale, l'amoncellement de matériaux 
terreux atteint 1°^20 au dessus du sol en place : c'est la 
hauteur vraie du tertre, car la différence entre ce chiffre et 
le relief apparent de 1°»70, est constituée par la profon- 
deur de l'excavation circulaire d'où proviennent les maté- 
riaux de rechargement. Il en résulte que, dans un rayon 
supérieur à 5 mètres, la masse terreuse n'a plus assez 
d'épaisseur pour protéger efficacement des corps; les 
recherches se trouvent, en conséquence, limitées à la région 
centrale. 



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374 



LE TUMULLS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 



Dès les premiers coups de pioche, à 0™ 30 de profondeur, 
on découvrit au point A un fragment de lame d'épée en 
fer, long de 0°> 09. Ce fragment semble appartenir à une 

cumufu^ du Jiûij de d^'^ÎÏÏazie. 



Uhïtu lorooSzï 




Fosse. 



J^ûutc de ^cjan^e a Î7îûncc£ 

partie de la lame fort proche de la pointe; sa largeur est 
de 0°» 035 à Tune des extrémités, et de 0°^ 03 à l'autre. 
A la profondeur de 1 mètre, au point B, apparut un 



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Q^oo^z 



LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 375 

grand morceau d'une épée de fer, posée horizontalement 
et orientée du Nord-Ouest au Sud-Est, la poignée tournée 
vers le Nord-Ouest, légèrement inclinée en contre-bas de 
l'autre extrémité. En dessous, le sol a été manifestement 
battu ou piétiné fortement, sur un espace long d'environ 
2 mètres sur 0"* 80, orienté à peu près de TEst à TOuest. 
Cette épée, où plutôt ce fragment d'épée, puisqu'il mesure 
0°™ 45 seulement, et que toute la partie comprenant la 
pointe manque, est dans un état de conservation fort mau- 
vais : le métal est fortement oxydé. Il est néanmoins facile 
de voir qu'elle est dans son fourreau, mais comme celui ci 
est en grande partie détruit, on constate que la lame est à 
double tranchant, large de 0"* 055 à la naissance de la soie. 
A l'autre extrémité, à l'endroit de la cassure, elle mesure 
0'" 05 de largeur. A la lame adhère encore 0™ 03 de la soie, 
sous la forme d'une lige mince : le reste de celle-ci, cassée 
en plusieurs morceaux, porte des empreintes du bois de la 
poignée. Le bouton terminal de la soie a été également 
retrouvé, ainsi que l'anneau servant à fixer le fourreau au 
baudrier. 

Le fourreau se composait d'une plaque de fer repliée, 
dont les bords sont rapprochés vers le milieu d'un des 
côtés de la lame. L'épaisseur de la plaque métallique pa- 
raît avoir été de 0^^0015 seulement; aussi, est-elle en 
grande partie détruite par la rouille. 

Sur les deux faces, on remarque des morceaux de tissus 
empâtés dans l'oxyde. Malheureusement, le fourreau ne 
peut guère être observé que sur une face, et sur une lon- 
gueur de 0'"15, le côté reposant sur le sol étant complète- 
ment fragmenté. 

Le tissu recouvrant la face supérieure est formé de fils 
de 0^ 0015 de diamètre, semblant avoir été tressés. 

Une empreinte longue de 3 à 4 centimètres existe sur un 
fragment de la face inférieure du fourreau : c'est celle 
d'une étoffe plus fine, d'une trame différente de la première. 



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376 LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 

Ici, les fils, de moitié moins épais, sont tendus parallèle- 
ment et maintenus en place par d'autres fils bien plus fins 
qui leur sont perpendiculaires. 

Cette epée est bien Tépée de la Téne, mais comme l'ex- 
trémité du fourreau manque, il est impossible, d'après ce 
qui en reste, de déterminer exactement à quelle période 
de cette époque il y a lieu de la faire remonter. 

Si l'on examine Tarme soigneusement, on s'aperçoit 
qu'elle est légèrement courbée, comme si on avait fait un 
effort pour la casser en deux. On est à se demander si c'est 
avec intention que l'épée a été brisée, ou s'il faut voir là 
l'effet d'une mutilation accidentelle provenant d'un rema- 
niement du tumulus. 

En premier lieu, il faut chercher à se rendre compte si 
l'arme a jamais été déplacée. 

Je ne le crois pas, et voici pourquoi. Il est de toute 
vraisemblance que si l'épée avait été touchée, des parties 
aussi abîmées que le fourreau, aussi fragiles que la soie et 
l'anneau de suspension, auraient été séparées du reste. Or, 
tout cela était bien à sa place : il faut donc écarter toute 
idée de remaniement, en ce qui concerne cette partie de 
l'arme. 

Si le fragment dont nous venons de parler reposait sur un 
sol dur, certainement non remanié, la partie manquante 
correspondait au contraire à un endroit où le sol était fort 
meuble. L'endroit de la cassure se trouvait à la limite des 
deux terrains. 11 y a donc lieu de supposer que l'arme a 
été cassée, soit par un coup de pioche, 'soit en faisant effort 
pour la retirer avec la main, ce qui expliquerait du même 
coup, sa mutilation et Ja présence d'un morceau de la 
partie antérieure d'une lame d'épée au point A, et la légère 
courbure du morceau demeuré en place, sans qu'il soit 
besoin de recourir à l'hypothèse d'une cassure intention- 
nelle de l'arme au moment des funérailles. 

Cette hypothèse d'un remaniement est encore renforcée 



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LÉ TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 377 

par la découverte qui fut faite au point C, dans la terre 
meuble, à 0°*10 en contre-bas du niveau de Tépée, de la 
moitié d'un bracelet à tampon, àO°^10 en dessous duquel 
on recueillit un petit anneau de bronze plat, large de 
0"*003, épais de 0«»002, dont le diamètre intérieur est de 
O^OOSll). Ce dernier reposait dans la couche archéologique, 
tandis que le demi-bracelet ne se trouvait pas dans les 
mêmes conditions. 

En résumé, on aura arraché une grosse souche dont le 
centre devait se trouver aux environs du point D. On est 
tombé sur une sépulture de femme placée au point C, et à 
laquelle appartenait la moitié de bracelet à tampon, et le 
petit anneau. Ce dernier, grâce à sa petitesse n*a pas été 
dérangé, mais il n'en a pas dû être de môme du reste du 
mobilier qui devait être riche, étant donné la beauté du 
demi bracelet qui a dû lui-même avoir échappé aux 
recherches, ainsi qu'une petite boule de bronze provenant 
d'un bracelet cassé. 

Du même coup^ la sépulture du guerrier occupant à peu 
près le centre du tumulus s'est trouvée en partie décou- 
verte et a dû être partiellement saccagée. 

Le bracelet incomplet se compose d'une tige ronde, 
épaisse de 0°^005, ornée de légers renflements, larges de 
0'"005, disposés à 0^007 les uns des autres, et formant 
une saillie de 0°^0015. Le tampon terminal en forme de 
clochette de même que les parties saillantes du bracelet, 
porte des dessins gravés au trait. 

Au point D, sous la bande de terre dure que j'ai signalée, 
reposait sur le sol en placi un vase incomplet, brisé en un 
grand nombre de morceaux, intentionnellement à ce qu'il 
m'a semblé. Comme tous les morceaux ont été soigneuse- 



(1) Comme ornementation, il porte gravées sur une de ses faces, des 
ellipses coupées en deux, dans le sens de leur grand axe et légèrement 



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378 LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE MAKIE 

ment recueillis et rapprochés il est facile de se rendre 
compte de l'état dans lequel il se trouvait primitivement. 
Avant d'être mis hors d'usage, il devait mesurer 0™17 de 
diamètre à la panse, 0"'045 à sa base, et 0M2 à son ori- 
fice : la hauteur était de OHO. Le col atteignait 0°K)2 
d'élévation. La pâte en est brune, assez irrégulièrement 
cuite, d'inégale épaisseur. Il était recouvert en partie d'un 
enduit noirâtre à reflet légèrement métallique. Sa décora- 
tion consiste en deux traits gravés parallèlement d'une 




façon peu soignée : ce motif se repète trois fois à 0""01 
d'intervalle autour du vase, entre la partie la plus proémi- 
nente et la base du col. Cette poterie me paraît être la 
pièce la plus ancienne de toutes celles trouvées dans le 
tumulus : elle était proche d'un petit fragment de fer très 
plat, fortement oxydé, semblant avoir appartenu à un 
rasoir brisé. 

Au point L, à Oin,80 de profondeur, se trouvait dans un 
sol très meuble un fragment de meule en porphyre quart- 
zifère,de très petite dimension. Cette roche a servi à peu 
près exclusivement dans l'Est, comme je l'ai signalé, à la 



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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 379 

fabrication des meules jusqu'à Tépoque de la Têne I 
inclusivement. Le basalte n'a guère été mis en œuvre 
qu'aux époques suivantes, d'après les observations que 
j'ai pu faire jusqu'ici. 

A O™40 de profondeur, au point F, se trouvait la moitié 
d'un torque à tampon ; la cassure avait tous les carac- 
tères d'une cassure assez ancienne. Il est fortement 
attaqué par Toxydation. 

Au point M, à 0^90 de profondeur, au niveau du sol en 
place, on remarquait quelques morceaux de charbon, dont 
un était épais de 0°^03 à 0™04, long de 0™20, large de 
0"*09 environ. Ces charbons, comme tous ceux qui furent 
recueillis, çà et là, dans le tumulus provenaient de bois 
de chêne. 

Au point F, à 0™ 73 de profondeur, il y avait un empla- 
cement de foyer de forme ovale, dont le grand axe mesu- 
rait 3 mètres de longueur et le petit axe 2 mètres environ. 
Il portait la trace d'un feu intense, le sol étant cuit au 
rouge sur une épaisseur de Qn^^O à 0™30. Toutes traces de 
cendres et de charbons avaient disparu, sauf de très 
rares parcelles charbonneuses. Ce foyer était orienté 
suivant son grand axe du Sud-Ouest au Nord-Est. 

Au point G, se voyait une sépulture, marquée par un 
torque de bronze de formes grêles, à tampons, dont l'oxyde 
avait assuré la conservation partielle de deux grosses 
molaires humaines, dont l'émail seul avait échappé à 
la destruction. Deux bracelets, également à tampons, 
donnaient Torientation et la position du corps. En 
effet, ils se trouvaient au Nord-Ouest du torque, et 
par conséquent la morte était orientée les pieds au Nord- 
Est, la tête au Sud-Ouest. Elle était couchée sur le côté, 
car les bracelets au lieu de se trouver sur un même plan 
horizontal, étaient sur un plan vertical. Les débris d'un 
ressort de fibule se voyaient auprès du torque, à hauteur du 
haut du sternum. 



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380 LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 

Cette sépulture m'a paru fort ancienne, et remonter aux 
débuts de la Tône : non seulement les formes du torque et 
des bracelets sont archaïques, mais leur état de décom- 
position est bien plus avancé que celui des autres objets 
de bronze rencontrés sous le reste du tumulus. 

Le torque se compose d'une tige de bronze épaisse de 
0"0035, terminée par deux petits tampons très plats de 
0°»009 de diamètre. 

Sa décoration est assez simple, localisée aux environs 
immédiats des tampons, autant qu'on en peut juger par 
son état d'oxydation profonde. Gomme diamètre, il mesure 
0°*15, et celui des bracelets 0'"055 et 0™047. Ces derniers 
consistent en une tige de mêmes dimensions que celle du 
torque, et terminée de la même manière. Ils sont en très 
mauvais état de conservation. L*un d'eux était incomplet. 

Au point P, on avait extrait récemment une souche, mais 
certaines racines étaient demeurées en place. Néanmoins, 
on ne découvrit pas autres choses que des charbons et de 
menus éclats de poterie grossière. Ces débris se rencon- 
trèrent surtout en profondeur. 

Aux endroits désignés par les lettres K etO, on recueillit 
dans les déblais deux petits morceaux d'os ayant subi 
l'action du feu : ce sont des restes d'incinération. L'un est 
un fragment d'occipital humain, et l'autfe un débris d'os 
long, indéterminable. Comme ils ne furent pas aperçus 
immédiatement, il est impossible de préciser avec exac- 
titude l'endroit où ils se trouvaient en terre. On peut 
dire cependant, qu'ils devaient provenir des couches 
moyennes, et n'étaient pas ensemble. Ils avaient déjà été 
dérangés à une époque antérieure. 

Au point N, dans une couche de terre meuble, voisine 
du sol en place, on voyait quelques débris d'une fibule. 
Cet objet de petites dimensions, très peu épais de métal, 
complètement oxydé, avait été cassé en morceaux dispersés 
dans plus de soixante centimètres cubes de terre. 



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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 381 

Une inhumation se trouvait au point J, à environ Qn^GO 
de profondeur, orientée Nord -Ouest, Sud-Est. 

Le mobilier se composait d'un gros torque, de deux 
bracelets et d'une fibule. 

Le torque, dont la tige mesure 0"'0075 d'épaisseur, se 
termine par deux tampons : son diamètre est 0°*12. Il est 
d'une jolie ornementation, comme on peut le voir sur la 
planches (fig. J). 

Les bracelets se composent d'une tige épaisse de 0"^005, 
garnie dans l'un de 25, et dans l'autre de 29 ailettes épaisses 
de 0"^03, formant une saillie de 0'"0015 à 0"002 tout 
autour de la tige, sur laquelle elles sont placées à 0'n004 de 
distance les unes des autres. Des tampons terminent les 
extrémités des tiges. Le diamètre de ces bracelets est de 
0"*005. D'après leurs positions, le corps a dû être placé le 
bras droit ramené vers les épaules, la main posée au- 
dessus du sein. Le bras gauche était étendu le long du 
corps, mais Tavant-bras était placé de telle sorte que la 
main devait reposer sur les fausses côtes. 

En découvrant le torque, nous constatâmes qu'il était au 
milieu d'une masse relativement plus considérable que 
d'ordinaire de débris injectés d'oxyde de cuivre. Je retirai 
le tout en une seule motte et dégageai avec précaution la 
masse verdâtre de son enveloppe terreuse. 

En-dessous du torque se trouvaient une demi-douzaine 
de dents, grosses et petites molaires, dont l'émail seul 
était conservé, sauf celui de la couronne. Il y avait égale- 
ment les restes d'une fibule. 

Au-dessus du torque, en contact avec les tampons d'une 
part, et de l'autre en surélévation de 0'^04 s'élevait un 
conglomérat à surface légèrement bombée, long d'une 
huitaine de centimètres, large de 4 à 5, formé de débris 
imbibés fortement d'oxyde de cuivre. Ce sont des débris 
végétaux : de la mousse recouverte d'écorce et de feuilles 



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382 LE TUMULUS DU BOIS DK SAINTE MARIE 

de chêne, parfaitement reconnaissables. Il est à supposer 
qu'il se trouvait là quelque ornement de tête; probable- 
ment une sorte de plaque mince ou un bandeau de 
bronze (1). 

Il résulte de cette observation que le corps avait été 
recouvert de mousse et de feuilles de chêne. Je l'avais 
remarqué à plusieurs reprises sur d'autres gisements, à 
Chaudeney (2) et à Liverdun (3) principalement, mais je 
n'avais pas encore de données aussi nettes. 

Au point I se trouvait également une sépulture orientée 
Nord Ouest. Sud-Est, comme l'indiquaient un torque, un 
bracelet et trois fibules : ces dernières paraissent avoir été 
placées comme d'ordinaire près des épaules. On peut en 
conclure que le costume, alors porté par les femmes, était 
analogue au costume grec ; ces fibules servaient à main- 
tenir réunies la partie du voile tombant dans le dos à celle 
qui couvrait la poitrine ; c'est le ^i7r).ot^tov que l'on voit 
représenté sur les vases grecs de la même époque. 

Le torque est très beau, et il est tout à fait extraordinaire 
de voir une aussi belle pièce associée à un bracelet plutôt 
modeste. Il est décoré de dessins en relief terminés par 
une palmette alors que les autres portent plutôt des orne- 
ments gravés au trait (4). Il se termine par des tampons 
larges de 0°a03, épais de 0n^009 précédés d'un renflement 
de la tige de O^^Ol de diamètre. Le diamètre du torque est 
de 0H3, répaisseur de sa tige de O^OOS. 

Le bracelet est épais de 0"^0045 au centre, et augmente de 



(1) Le conglomérat, après avoir subi la préparation habituelle, a été 
laissé tel qu'il a été recueilli. J'estime qu'en cet état, il présente plus 
d'intérêt qu'un ornement, dont il ne reste peut être rien d'ailleurs. 

(2) J. Beaupré. Compte rendu des fouilles exécutées en 1904 dans les 
tumulus de Chaudeney {Mémoires de la Soc. d'arch. lorraine, 1904). 

(3) J. Beauphé. La station funéraire de la Garenne à Liverdun [Mé- 
moires de la Soc. d'arch. lorraine ^ 1907). 

(4) Malheureusement ces dessins ne sont pas visibles sur la planche. 



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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MAKIE 383 

volume vers ses extrémités, terminées par des tampons de 
0°ï008, sur lesquels on distingue quelques gravures fort 
simples : son diamètre est de 0™052 et 0°û0045. 

Sur les 3 fibules, deux sont en partie intactes ; la troi- 
sième est non seulement incomplète, mais son arc est cassé 
en plusieurs morceaux. L'une mesure 0°"06 de longueur, 
elle est sans ornements ; l'extrémité du porte-agrafe, 
indépendante de l'arc, est garnie d'une petite boule et se 
termine en pointe aplatie au bout, de façon à s'appliquer 
sur l'arc, sans cependant se souder avec lui. 

Cela paraît être un type intermédiaire de fibule entre la 
fibule typique de la Tône I et celui de la Tône II. 

L'autre fibule est ornée de côtes transversales : elle est 
un peu plus petite. L'extrémité du porte-agrafe complète- 
ment oxydé n'a pu être recueilli. 11 était également indé- 
pendant de l'arc. 

Au point H, au niveau du sol vierge, mais dans un sol 
remanié, on recueillit la moitié d'un torque volumineux, 
terminé par un gros tampon avec dessins gravés : sa tige 
est ornée de renflements sphériques assez espacés. 

De l'ensemble de ces observations, nous croyons pouvoir 
conclure, mes collègues (i) et moi, que l'on est ici en pré- 
sence d'un tumulus dont quelques parties sont demeurées 
en leur état primitif, mais dont beaucoup d'autres ont été 
remaniées accidentellement, par suite de l'extraction de 
souches ayant appartenu à de grands arbres. Ces remanie- 
ments sont anciens et peuvent dater de plus d'un siècle, 
comme l'atteste l'âge du chêne s'élevant entre les points 
H, A, et M ; aussi ne faut-il pas s'étonner, si de mémoire 
d'homme, on ne se souvient pas dans le pays que des trou- 
vailles aient été faites dans le sol forestier, d'antiquités alors 



(1) MM. A. de Novital et A. Poirot ont bien voulu me prêter leur 
concours cette fois-ci encore, bien que cette exploration, ait eut lieu 
en plein mois de décembre, et qu'elle ait duré 3 jours. 



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384 LE TCMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 

considérées comme à peu près sans valeur, et que bien des 
gens de la campagne ne ramasseraient môme pas de nos 
jours. 

On ne peut guère expliquer autrement la présence des 
objets incomplets recueillis par nous, dans certaines par- 
ties du tumulus correspondant à des affaissements de 
sa surface encore assez apparents, au milieu d'un sol 
dont le peu de consistance accuse l'existence d'un rema- 
niement à des yeux exercés. 

Je sais bien qu'on pourrait voir ici une pratique bien 
connue de l'Antiquité, d'après laquelle les parents ou 
amis du mort jetaient quelques objets dans la tombe 
au moment de la dernière séparation. Mais alors, s'il en 
avait été ainsi, pourquoi ces objets isolés n'ont-ils pas éga- 
lement été rencontrés aux endroits ne portant aucune 
trace deremaniement,comme par exemple aux alentours des 
points I, J, G, F? Si nous avons eu quelques motifs de 
croire à l'existence de cette coutume sur certains gise- 
ments lorrains de la même époque, rien ne semble nous 
autoriser à reconnaître la trace d'un semblable rite dans 
le tumulus de la forêt de Bezange. 

A mon avis, ici comme en beaucoup d'endroits, le 
tumulus a primitivement servi d'abri à une sépulture pro- 
bablement unique, d'une époque antérieure à l'ensemble 
des autres sépultures, et dont l'existence me parait attes- 
tée par les restes de vase découverts encore en place 
au point D, c'est-à-dire au centre même du tumulus, et 
à laquelle pourraient bien avoir appartenu les frag- 
ments d'os humains, imparfaitement incinérés, recueillis 
aux points K etO. 

Cette sépulture, que je désignerai sous le nom de sépul- 
ture D, me paraît hallstattienne, et par suite contempo- 
raine de celles du groupe de Rosebois et de Chambrey. 
Elle a été bouleversée en partie à l'époque de la Têne I 



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LE TUMULUS DU BOIS DE SÀtNTE-MARIE 385 

probablement, puisque c'est à cette dernière époque qu'on 
s'est servi de la masse terreuse du tumulus pour y enseve- 
lir divers personnages. A proprement parler on a encore 
utilisé ici, un tertre déjà existant, uniquement parce 
qu'il était facile à travailler, et peut être en a t-on un peu 
augmenté les dimensions primitives. 

Si un guerrier, sans doute un chef de quelque impor- 
tance, a été inhumé au centre du tumulus à l'époque de 
la Tône I, c'est à-dire dans l'espace de temps qui s'est 
écoulé entre les années 450 et 250 avant J.-C, ce sont des 
femmes qui^ à la même époque, ont été inhumées dans le 
reste de la masse terreuse. La nature des mobiliers funé- 
raires ne laisse aucun doute à cet égard. 

La disposition de ces sépultures me semble avoir été la 
suivante : à côté du guerrier, orienté face à l'Est, se trou- 
vait une femme d(mt la tombe a été saccagée, et du mobi- 
lier de laquelle provenait le petit anneau demeuré en 
place, et la moitié du bracelet trouvée au point C. Les 
autres corps étaient rangés en cercle, chacun à 4 mètres 
environ du centre du tumulus. Gela ressort nettement de la 
position des sépultures non remaniées découvertes aux 
points G, J, I, et de la présence d'objets isolés trouvés 
aux points H et E. 

J ai dit que les deux fragments d'os à demi brûlés, 
épars dans la masse terreuse du tumulus aux points K 
et 0, devaient provenir d'une incinération. L'emplace- 
ment du bûcher semblerait marqué par le grand foyer 
reconnu au point F, et il est de toute vraisemblance, puis- 
qu'il est sous le tumulus, au niveau du sol vierge, qu'il est 
antérieur à la construction du tertre. 

S'il y a corrélation entre l'existence de ce foyer et l'une 
des sépultures, ce ne peut guère être qu entre lui et la 
sépulture la plus ancienne. J'inclinerais à considérer ce 
foyer comme hallstattien, et à supposer que la sépulture 



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386 LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 

primitive, dont remplacement devait être au point D, 
était une incinération datant aussi du Premier âge du fer. 
Cette dernière aurait, comme je l'ai dit, été saccagée àTépo- 
quede la Téne, ce qui expliquerait la présence de fragments 
de poterie grossière aussi bien aux environs des points 
D, A, etc.. qu'en beaucoup d'autres endroits, et à des 
niveaux variés, comme aussi celle des deux débris d'osse- 
ments aux points K et 0. 

Bien qu'il ne soit resté aucune trace du corps du 
guerrier de la Têne, cela n'implique nullement l'idée d'une 
incinération. Je tiens à le faire remarquer. Dans un pareil 
terrain, complètement décalcifié, les tissus osseux ne 
laissent aucune trace de leur existence, qu'il s'agisse 
d'incinérations ou d'inhumations. Nous l'avons toujours 
observé, et je le répète encore, seuls sont conservés dans 
une certaine mesure les ossements en contact immédiat 
avec des objets métalliques ou des pierres calcaires. Or, 
notre tumulus est presque absolument dépourvu de pierres, 
et s'il en existait quelques-unes, de petites tailles, perdues 
dans la masse terreuse, c'est à cette circonstance seule qu'il 
faut attribuer la conservation des deux fragments d'os à 
demi incinérés, qui se seront trouvés accidentellement 
placés en contact avec quelques unes d'entre elles. 

Nous avons constaté d'ailleurs qu'à part des dents, dont 
rémail avait échappé à la destruction, grâce à l'action des 
composés cuivriques, il ne restait aucune trace d'osse- 
ments dans les sépultures demeurées intactes. 

Dans un pareil milieu, l'examen attentif des matériaux 
entourant les objets, et surtout l'observation à la loupe des 
parties de ceux-ci encroûtées par l'oxydation, peuvent 
seuls apporter quelque lumière. Or, en ce qui concerne la 
sépulture du guerrier, nous n'avons d'autres sources d'in- 
formation que l'épée. Bien examinée, celle-ci ne porte 
aucunes traces de tissus osseux, ni de matières charbon- 



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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 387 

neuses imprimées sur ses faces profondément oxydées ; 
elle n'a donc pas reposé sur des restes d'incinération, 
charbons ou fragments d'os. Par contre, nous avons 
signalé à sa surface l'existence de deux étoffes, empâtées 
dans Toxyde de fer. Il y a donc lieu de considérer ces 
empreintes comme ayant été laissées par les vêtements 
du guerrier, ce qui semble exclure toute idée d'inciné- 
ration. 

Pourquoi d'ailleurs supposer qu'on ait incinéré le guer- 
rier, alors qu'on avait manifestement inhumé les femmes? 
A moins d'indices contraires, on ne saurait admettre faci- 
lement cette différence capitale. 

Quoi qu'il en soit, c'est la première sépulture de guer- 
rier de l'époque de la Tône I relevée d'une manière certaine 
en Lorraine. Pour ma part, je n'avais en effet reconnu au- 
cune sépulture de ce genre, sur aucun gisement du second 
âge du fer; les nombreuses sépultures découvertes appar- 
tenaient toutes à des femmes. Aussi est-il regrettable 
qu'elle ait été en partie dérangée antérieurement à nos 
fouilles. 

Comme type d'objets composant les mobiliers funéraires, 
il n'existe aucune différence entre ceux-ci et ceux des sta- 
tions lorraines de la même époque. Mêmes formes de torques 
et de bracelets, fibules semblables, mais par contre, absence 
complète d'anneaux de bras et de jambes. Ici également 
on ne rencontre aucune poterie dans les sépultures, à 
l'inverse des observations faites en Champagne, où la pré- 
sence de nombreux et riches vases, est un des caractères 
de l'Époque marnienne. A quelle cause faut-il attribuer 
cette curieuse différence ? Est-ce à une cause provenant 
d'une divergence de conception des rites funéraires, ou 
faut il en chercher l'explication dans la disparition des 
poteries, occasionnée par la décomposition de leur pâte, 
comme l'avait laissé entendre M. Fourdrignier? Je ne 
saurais me rallier à cette dernière opinion, car des poteries 

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388 LE TCMOLllS DO BOIS DB^^SAlNTEMARiË 

aussi bien conditionûées que celles de la Têae ne sauraient 
avoir disparu sans laisser de traces, quand celles de 
rÉpoque de Hallstatt par exemple» et même de TAge du 
bronze, ont, sinon complètement résisté, du moins ont 
laissé des traces certaines {de leur présence dans les cou- 
ches les plus profondes, comme aussi dans les plus super- 
ficielles de nos tumulus lorrains* 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION 

DE lA 

PAR 

Paul PERDRIZET 



Parva quaedam Lotharingiae 
delineatio. 

Ni la Moselle d'Ausone, ni la description des Vosges écrite 
vers 1260 par Richer, moine de Senones (1), ne peuvent 
passer pour des descriptions de la Lorraine. Pouren trouver, 
les lotharingistes descendaient jusqu'au Recueil et chro- 
niques des histoires d'Austrasie composé en 1510 par le 
lyonnais Symphorien Champier, au Traicté des singularitez 
du parc d'honneur de Nicolas Volcyr, publié en 1530, et à 
VElogium in laudem Lotharingiae {"2^) de Thierry Alix, com- 
posé en 1565. Ils ignoraient la description qu'a faite de 
leur province, au milieu du xiii® siècle, un des plus nota- 
bles encyclopédistes du Moyen Age, Barthélémy l'Anglais, 
minorité, au chapitre 92 du quinzième livre du Deproprieta- 
tibus rerum. On trouvera plus loin tous les détails néces- 
saires sur l'auteur et l'ouvrage. Je crois répondre à la 

(1) Monumenta Germaniae. Scriptores^ t. XXV, p. 258. 

(2) Publié par M. A. Gollwnon, dans les Mem. de la Soc. d'arcfieo- 
logie lorraine, i898, pp. 501-510. 



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390 LA PLUS ANaENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 



curiosité du lecteur en lui mettant d'abord sous les yeux 
le chapitre dont il s'agit. Outre le texte latin, établi 
d'après les manuscrits de la Bibliothèque Nationale, grâce 
à l'aide amicale de M. Gaston May, j'en donne la traduction 
française, d'après la version faite pour le roi de France 
Charles V par frère Jean Corbechon (1) et revue, au siècle 
suivant, par frère Pierre Ferget ou Farget, pour Matthieu 
Husz, l'imprimeur de Lyon (2). 



Lotoringia Germanie est 
quasi ultima et Jinalis promn- 
ciaj rege Lotario nominata, 
Hec ah oriente hahet Retiam 
sive Brabantiam, a meridie 
Renum et Alsatiam^ ah acci- 
dente Galliam Senonensem, a 
septentrione Galliam Belgi- 
cam, Hanc Mosa flumus 
preterjluit. In hac cioitas 
Métis consistit. Est autem 
regio in multis locis fructi- 
fera^ mnifera, fontibus et 
amnihus irrigua^ montuosa, 
silcestris et nemorosa, ferisj 
pecudibus et ar mentis fecunda. 
Gens est mixta ex Gallis et 
Germanis, Fontes habet mira- 
biles et médicinales, ex quo- 



Lorraine est ainsi comme la 
dernière province d'Alemaigne 
et est appelée Lorraine pour le 
roi Lotharre qui y régna. Lor- 
raine par devers orient a Bra- 
bant, et par devers midy elle a 
la rivière du Rin et le pays 
d'Ausay, et par devers occident 
elle a France. En Lorraine court 
la riuiere de Meuse, et si y est 
la cité de Metz qui est forte et 
riche et puissante. Lorraine est 
une région en aulcuns lieux 
moult habondante en bledz, en 
vins, en fontaynes et en riuieres, 
et si y a moult de montaignes et 
de bestes priuees et sauluaiges. 
Les gens de Lorraines sont 
mesles des Francoys et des 



(i) Corbechon est la vraie forme du nom de ce traducteur, qui a été 
souvent appelé Corbichon : deux manuscrits de la Mazarine (n* 181, 
recueil de Postilles ; n» 849, quatrième livre des Sentences) portent un 
ex-libris autographe ainsi conçu : iste liber est fratris Johannis Corbe 
chon^ sacre pagine professoris. M. Franklin l'a reproduit en fac- 
similé dans ses Anciennes bibliothèques de Paris, t. II, p. 112, et 
M. LÉOPOLD Delisle l'a cité dans ses Recherches sur la librairie de 
Charles F (Paris, 1907), t. I, p. 92. 

(2) M. LÉOPOLD Delisle a traduit ce passage dans VHist, litt. de la 
France, t. XXX, p. 359. 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 391 

rum potu langorcs earii sa- Alemans. Et si y a fontaines 
nantur, merueilleuses et medecinables 

guérissant de diverses maladies 
quant on en boyt (1). 

Le lecteur qui n'est pas habitué à la sécheresse des textes 
médiévaux, sera déçu par cette notice indigente. Il en 
pensera d'abord ce qu'Antoine Le Pois pensait de la carte de 
la Lorraine par Waldseemûller : parva quaedam Lotharin- 
giae delineatio (2). C'est comme un de ces dessins archaïques 
de l'album de Villard de Honnecourt: le contour en est 
anguleux et raide. Evidemment nous sommes encore loin, 
avec Barthélémy, de nos géographes d'à présent. Mais, 
après tout, à quoi sert de comparer ces maigres lignes aux 
pages où Vidal-Lablache, par exemple (3), a buriné 



(1) Je cite la traduction de Corbechon d'après l'édition de 1487, dont 
la Bibliothèque municipale de Nancy possède un exemplaire donné à 
tort comme un exemplairede l'édition de 1555 par M. Gollionon, Mém. 
de l'Acad. de Stanislas, 1907, p. 104. Voici Vexplicit de cette édition : 
Cestuy livre de propriétés des choses fut trani<laté de latin enfran- 
coys Van de grâce mil CGC Ixxii par le commandement de très puis- 
sant et noble prince Charles le quint de son nom régnant en ce temps 
en France paisiblement. Et le translata son petit et humble chap- 
pellain frère Jehan Corbichon, de l'Ordre sainct Augustin, maistre 
en théologie, de la grâce et promotion dudit prince et seigneur très 
excellent. Et a esté revisité par vénérable et discrète personne Frère 
Pierre Ferget, docteur en théologie du convenu des Auguslins de Lion. 
Et imprimé audit lieu de Lion par honorable homme maistre Mathieu 
Husz, maistre en l'art de impression le vii jour d avril, Van mil 
CCCC Ixxxvii. Fergel, que d'autres explicit appellent Farget, était, 
d'après Claudin {Hist. de V imprimerie en France au xv' et au xvi* 
siècle, t. III, p. 202) « grand pourvoyeur de copie des imprimeurs de 
Lyon ». On a supposé à tort (Mém. de la Soc. des antiquaires de 
France, Yl" série, t. I, 1890, p. 380) que Pierre Ferget avait révisé la 
traduction de Corbechon dans la première moitié du xv* siècle. 

(2) Lettre du 25 mars 1575, à Abraham Ortelius. Cf. Abrahami 
Ortelit epistulac, éd. Hessels (Cambridge, 1887), cité par Auerbach, 
La carte de Lorraine sous le dxic Charles III, dans la Revue de géo- 
graphie, 1898, II, p. 321. 

(3) Histoire de France publiée sous la direction d'É. La visse, t. 1, 1, 
pp. 188 210. 



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392 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

rimage de la Lorraine ? Pour comprendre Tancienne 
ébauche, il faut l'étudier en elle-même, et mettre à cette 
étude de la bonne volonté, un peu de soi, et un peu, aussi, 
de ce respect que méritent les très vieilles choses 
naïves et candides. L'ébauche n'est pas exacte en tous 
points, tant s'en faut: l'orientation en est fantaisiste; on 
dirait d'une très vieille carte, comme celle de Peutinger. 
Barthélémy dit bien que la Lorraine est bornée à l'O. par 
la Gaule Sénonaise, c'est-à-dire par l'archidiocèse de 
Sens, mais au lieu de dire qu'au S. elle est bornée par la 
Gaule Séquanaise, c'est-à-dire par l'archidiocèse de Besan- 
çon, il place de ce côté l'Alsace et le Rhin ; et il distingue, 
on ne sait pourquoi, de la Gaule Belgique, au Nord de la 
Lorraine, le Brabant (lu'il place à l'Est. Passons condam- 
nation là-dessus. Le reste n'est-il pas vrai ? Ne dit-il 
pas l'essentiel? Voici les cours d'eaux de la Lorraine, 
regio fontihus et amnibus irrigua, et d'abord le plus grand 
de tous, la rivière de Meuse. Voici Metz, antique capitale 
et métropole de l'Àustrasie. Voici les productions du pays» 
les chevaux et le blé du plateau lorrain, les vins de la 
vallée mosellane, regio in multis locis fruclifera, mnifera^ 
pecudibus et armentis fecunda. Voici les grandes forêts rem- 
plies de gros gibier, regio silvestris et nemorosa, ftris fecunda. 
Au Midi et au Levant, à l'horizon, se profilent les monta- 
gnes des Vosges, regio montuosa. Ce vaste terroir est, pour 
son malheur, une marche entre France et Germanie, Ger- 
maniae quasi ultima et finalis provincia. Une population à 
double face y vit, romane à l'Ouest, germanique à l'Est, 
agrégat d'Allemands et de Français, gens mixta ex Gallis 
et Getmanis. Et, pour finir, voici les eaux merveilleuses, 
les « fontaines médicinables, guérissant de diverses mala- 
dies, quand on en boyt». 

C'est peu de chose, sans doute, mais ce peu a, si je puis 
ainsi dire, la valeur d'un germe. La description de la Lor- 
raine par Barthélémy, avant de tomber dans l'oubli, a été 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 398 

lue souvent. On verra plus loin quel a été le succès du De 
proprietatibus : jusqu'au xvi« siècle, cette encyclopédie des 
sciences naturelles fut classique dans les écoles; toute 
bibliothèque en possédait un exemplaire Tcella du duc 
Antoine en contenait un, en français (1), Il n'y a donc rien 
d'étonnant à ce qu'en 1510, lorsque Synnphorien Ghampier, 
médecin lyonnais, venu en Lorraine, comme y viendra plu* 
tard Rabelais, pour soigner le mal deNaples, voulut intro- 
duire dans ses Chroniques d*Au$tra$i0 une description delà 
Lorraine, il se soit rappelé celle de Barthélémy, et en ait 
reproduit le contour général et les traits caractéristiques, 
en l'agréraenlant seulement de quelques détails nou- 
veaux. 

Lorrayne est une partie de Gaule Belgique et est appellée 
Lorrayne pour le roy Lothaire, fils du roy de France Loys le 
débonnayre, qui y régna.... De ceste province sortent plusieurs 
nobles et grans fleuves comme Saune qui descent à Lyon et se 
joing au Rosne, Meuse, Meselle, Marne et plusieurs aultres sans 
lesquels plusieurs princes et cités auroyent grant indigence de 
biens. Pareillement est ceste province magnifiquement décorée 
de beaucoup de manières de fontaines, les qnea sont ebauldes. 
Aux aultres sont trouvé perles belles a merveilles, lep auUro» 
sont médicinales comme celles qui sont h Plumiere» (8). Et si y (i 
moult de manières de mines, comme argent, asur et fer, pareil- 
lement y a plusieurs fontaines sallees, desquelles est fait le sel 
en ai grande habondanoe qu'il souffit à fornir tout Lorrayne, 
barroys et une grande partie de Alemaigne, dont le prince a 
grant revenu et en vivent plusieurs gens. La terre de Lorrayne 
est très bonne à blé et vin et à porter divers fruitz, où il y a 
aussi f^TBint habondance de bestes et grarnt multitude de cerfs et 
d 'aultres bestes sauvaiges... Pource que leur terre moyenne entre 

(1) Voir l'inventaire de cette bibliothèque, publié par F. db Chanteau 
{Mém. de la Soc. d'archéol, lorraine^ 1880, p. 328) ; et Collignon, dans 
les Mém. de l'Acad. de Stanislas, 1907, p. 204. 

(2) P lumières = Plombières. 



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394 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

France et Alemaigne, aussi du François ilz (les Lon-ains) tien- 
nent humanité, libéralité et çolertie en guerre ; des Alemans, 
corpulente force et ordre en guerre (1). 

Cette description de la Lorraine par S. Champier a servi 
de source principale au géographe flamand Abraham Œrtel 
(Ortelius), pour la notice qui, dans le Iheatrum orbis, pu- 
blié pour la première fois en 1570 et souvent réimprimé 
depuis, en latin et en français, à Anvers, chez Plantln, 
accompagne la carte de Lorraine (2). Ortelius se réfère à 
« Symphorien Campegius, médecin lorrain, jadis de 
grande renommée » (3). Campegius, c'est Champier, qui a 
pris ce nom dans un de ses trop nombreux ouvrages, parce 
que ce prétentieux polygraphe et fâcheux cacographe pré- 
tendait à une parenté avec Tillustre famille bolonaise des 
Campegi. Mercator (4) et Merula (5) empruntent aussi leurs 
renseignements sur la Lorraine à Symphorien Champier, 
soit directement, soit par l'intermédiaire du Iheatrum 
or6î5. Or, comme Champier n'a fait que s'approprier, en 
l'enrichissant de quelques détails, la notice de Barthélémy, 
il en résulte que , jusque dans la première moitié du 
xvii® siècle, la géographie descriptive de la Lorraine a été 
tributaire du chapitre que lui avait consacré, trois cents 
ans auparavant, le minorité anglais. 

Le De proprietatibus rerum du minorité Barthélémy est 

(1) Le recueil oucroniques des hyUoires des royaumes d'Austrasie...^ 
ch. I. 

(2) Feuille 25. 

(3) Ce témoignage a échappé au biographe de Champier, P. Alldt 
(Etude biog. et bibliogr. sur Symphorien Champier, Lyon, 1869), mais 
non à M. Auerbagh (voir son travail, cité ci-dessus : La Carte de la 
Lorraine sous Charles III, dans ia Revue de Géographie, 1898, II, 
pp. 321-333). 

(4) Atlas, éd. d'Amsterdam, 1628, p. 317. 

(5) Cosmographia, éd. d'Amsterdam, 162i, p. 483. 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 395 

une encyclopédie en dix-neuf livres (1). Les trois premiers 
traitent des êtres incorporés, Dieu, les anges, Tâme hu- 
maine ; les suivants, de la nature corporée : le corps de 
rhomme, avec ses maladies (1. IV-VII); le ciel (1. VIII); le 
temps, les saisons et les mois (1. IX); la matière (1. X); 
Tair (1. XI); les oiseaux, y compris les abeilles (1. XII); 
reau (1. XIII) ; la géographie (1. XIV-XV) ; les métaux et les 
pierres (1. XVI); les arbres et les plantes (1. XVII); les 
animaux (1. XVIÎI) ; les propriétés des choses, couleurs, 
odeurs, saveurs, plus la métrologie et la musique (1. XIX). 
On voit que cette encyclopédie est assez mal nommée. Son 
titre De proprietatibus rerum — d'où Ton a tiré, au xv® siè- 
cle, pour les éditions de la traduction française, le titre de 
Propriétaire, par analogie avec Bestiaire, Herbiaire, Volu- 
craire. Lapidaire — ne convient vraiment qu'à une partie 
du dernier livre. 

Il n'est pas exact de dire (2) que le De proprietatibus soit 
d'intention uniquement théologique et morale. L'auteur 
ne semble pas avoir été de ces allégoristes à qui le monde 
sensible apparaissaitcomme(( une forêt de symboles ». L'in- 
tention allégorique est si faible dans tout l'ouvrage qu'on 
éprouva le besoin, à la fin du xiii® siècle, de le « morali- 
ser » (3), preuve qu'il était tout autre chose, sous sa forme 
originale, qu'une moralizatio. Cette production, beaucoup 
moins a bizarre » (4) qu'on ne l'a dit, somme toute plus 

(i) Non pas en neuf, comme le dit M. Collignon {Mém. de l'Acad. 
de Stanislas, 1907, p. 104). 

(2) Comme l'a fait par exemple Pitseus suivi par Wadding (Annales 
Minorum, t. VIII, p. 203), et de notre temps M. Dllisle {Hist. litt. de 
de la France, t. XXX p. 356) ainsi que l'auteur de l'article Glanville 
dans le Dictionary of national biography. 

(3) Liber de proprietatibus rerum moralizatio, ouvrage franciscain 
anonyme, que Narducci a cru la source de Barthélémy [Atti délia R. 
Ace. dei Lincei, i8 janv. 1885) : la vérité, comme ra montré M. Delisle 
{/. /., p. 334 sq), est exactement le contraire. 

(4) Cette qualification est de M. Collignon, Mém, de l'Acad, de Sta- 
nislas, 1907, p. 13. 



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396 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

honorable qu'on ne pourrait croire, est à classer, non à la 
symbolique religieuse, mais à l'histoire des sciences (4). 
Elle a joui, dans les trois derniers siècles du Moyen Age. 
d'un immense succès. C'était l'un des ouvrages classiques 
dans les Universités, l'un de ceux que devaient tenir les 
libraires de Paris et dont Valma mater Parisiensis avait 
tarifé le prix de location (^). Dans le langage de la gent 
écolière, le nom de l'auteur avait disparu devant le surnom 
de magister de Proprietatihus (3), de même que le nom de 
Pierre Lombard, l'auteur du Liber sententiarum, disparais 
sait devant l'appellation de « maître des Sentences », ou 
le nom de Pierre de Troyes, l'auteur de VHistoria scolcu- 
tica, devant l'appellation de « maître des Histoires » (4). Le 
De proprietatihus est pour l'histoire naturelle la source du 
Roman d'Alexandre (5). Jacques de Varazze, qui écrivait 
dans la deuxième moitié du xiii» siècle, paraît s'en être 
servi pour sa Légende dorée (6). 

{V Cf. E. Meyer, Geschichte der Botanik^ t. IV, p. 87 ; V, CARus,Eris(. 
de la Zoologie^ trad. française (Paris, i880), p. 195-197. — Les remar- 
ques de F. A. PoucHET (de Rouen), Histoire des sciences naturelles 
au Moyen Age ou Albert le Grand et son époque (Paris, 1853), p. 485, 
ne valent pas la peine d'ôtre lues. 

(2) Denifle, Chartularium Univ. Paris. ^ t. I, p. 644 : Librorum 
theologiae et philosophiae et juris pretium ab Universitate Parisiensi 
taxatum quod debent habere librarii pro exemplari commodato 
scholaribus... Item^ liber de Proprietatibus rerum^ continet C et ij 
pecias : iiij sol. 

(3) Ainsi dans Bibl. Nat., mss lat. 16785, fM72, col. 1 : explicit liber 
septimus decimus Magistri de proprietatibus rerum. Cf. Pierre 
Bersuire, Reductorium morale^ 1. VIII, ch. I : Item secundum Magis^ 
trum de proprietatibus^ pugnae sunt inter animalia et aves. Ces 
deux indications sont données par Delisle, op. /., p. 266. 

(4) Cf. LuDOLPHE DE Saxe, Vita Christi^ II, ch. 64 : dicit Magister 
in Historiis, quod stabat diabolus supra brachium cruciSy donec 
Christus expiravit. 

(5) Cf. Barbier de Xivrey, Légendes tératologiques (Paris, 1836), 
p. LIV et 445. Sur cet érudit et sur le peu de valeur de ses recherches 
relatives à la légende d'Alexandre, cf. Paul Meyer, Alexandre le Grand 
dans la litt. jr. du M. A., 1. 1, p. X. 

(6) Ch. VI, p. 45 Grasse : ut Bartholomaeus^ in sua compilatione 



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LA PLIS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 397 

Les manuscrits latins (1) du De proprietatibus abondent 
et aussi les traductions. En 1309, Vivaldo Belcalzar, de 
Mantoue, en fait une traduction italienne, que Dante a dû 
lire, et dont le manuscrit original est conservé au Musée 
Britannique (2). En 1372, Jean Corbechon (^) en fait une 
traduction française pour Charles V (4). 

refert^ vineae Engaddi, quae proferunt balsamum^ floruerunt^ fruc- 
tum protulerunt et liquorem dederunt, 

(1) 18 exemplaires à la Bibl. Nat.énumérés par Delisle, op./., p. 364. 
Ste-Gene7iè7e n» 1024. Arsenal, n» 696 (daté de 1321). Séminaire d'Au- 
tun, n« 32. Pour les mss latins conservés en Italie, cf. Cun, dans 
le Giornale storico délia litteratura italiana, suppl. n* 5 (Turin, 
1902), p. 67. 

(2) Cf. le travail de M. Cian, cité ci-dessus. 

(3) Corbechon a une notice, par Du Petit-Thouars, d'après Moreri, 
Du Verdier et La Croix du Maine {Les bibliotnèques françaiseSy 
Paris, 1773, t. IV, p. 398», dans la Biographie universelle. Cette notice 
serait à refaire. M. Léopold Df.lisle, dans ses admirables Recherches 
sur la librairie de Charles V (Paris, 1907), t. I, p. 91 et 92, a signalé 
deux documents concernant la biographie de Corbechon : le 6 février 
1369, Urbain V le recommande au chancelier de Paris, comme faisant 
depuis dix ans des leçons à la faculté de théologie (De.mfle, Chartul, 
Univ. Paris., t. III, p. 186, n" 13;i3) ; ce document apprend que Corbe- 
chon faisait partie de l'ordre, non des chanoines/ mais des ermites de 
saint Augustin. Un compte de François Chanteprime mentionne à la 
date de 1372 une gratification que le roi Ht donner à Corbechon pour 
avoir traduit le De proprietatibus (Van Praet, Inventaire de l'ancienne 
bibliothèque du Louvre, par Gilles Maret, p. 114). 

(4) La Bibliothèque Nationale, à elle seule, possède 17 exemplaires 
manuscrits de cette traduction : voir L. Delisle, Inventaire général et 
méthodique des mss jr. de la Bibl. ,\at. (Paris, 1878), t. II, p. 170, 
n" 1693 (cf. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles F, t. I, 
p. 230), 216, 217, 9141 (cf. Durrieu, Revue de l'art ancien et moderne, 
1906, t. XX, p. 21 sq.) 113;i2, 22531, 22534, 134, 135-136, 9140, 219-220, 
22532, 22533, 221, 19091, 1115, :218. Sept ont été décrits par Paulin Paris, 
Les mss français de la Bibl. du Roi, 1, p. 260-266 ; II, pp. 217-222. 
Adde Martin, Cat. des mss de la Bibl. de l'Arsenal, III, p. 142, n" 2886; 
KoHLER, Cat. des mss de la Bibl. Ste-Geneviève, 1. 1, p. 475, n* 1028 ; 
Janvier, dans les Mémoires de la Soc. des antiquaires de France, 
\V série, t. I (1890), pp. 373-392, à propos du ms. 399 d'Amiens ; Van 
DEN Gheyn, Cat. des mss. de la Bibl. royale de Belgique, t. V, p. 356. 
n" 2953 (DuRBiEu, dans Le Manuscrit, t. II, p. 164) ; Delisle, Recher- 
ches sur la librairie de Charles V, t. 1. p. 232-235, t. II, p. 246 et 302. 
Plusieurs de ces mss, notamment Bibl. Nat., fr. 9141, où M. Durrieu a 



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398 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

A la même époque fut faite une version provençale, pro- 
bablement pour Gaston Phébus, comte de Foix, mort en 
1391(1). En 1398, Jean de Trévise en fait une traduction 
anglaise. Au xv®siècle, l'ouvrage est traduit en espagnol (2) 
et en hollandais (3). Une quinzaine d'éditions incunables 
de l'ouvrage latin sant décrites par Hain(4)et Brunet(5),et 
la liste n'est pas complète. La première est celle de Bâle 
vers 1470. En 1609, le De proprietatibus trouvait encore un 
éditeur à Francfort : certaines productions a gothiques » 
continuèrent d'avoir des lecteurs, dans les milieux 
attardés du catholicisme, jusqu'au xvii® siècle. 

La première édition de la traduction française est celle 
de Mathieu Husz, à Lyon (6), en 1482; d'autres éditions du 
Propriétaire à Lyon en 1485, 1486, 1487, 1492, 1500, et 
sans date chez Syber ; à Paris sans date chez Vérard, puis 
en 1510, 1518, 1525, 1539, 1556 ; à Rouen en 1512. La 
traduction anglaise de Jean de Trévise fut imprimée par 
Wynkyn de Worde vers 1495, par Berthelet en 1535 et par 
Thomas East en 1582, avec des additions de Batman. Douce 
a montré que l'édition de Batman devait avoir été lue par 

reconnu la main du Maître des Heures de Boucicaut, ou encore le ma- 
nuscrit de Ste Geneviève (commencement du xv' siècle, enluminé par 
Jehan de Nizières), celui d'Amiens (qui fut enluminé en 1447 par Etienne 
Sauderat, d'Auxerre) et le n" 9140 de la Bibl. Nat. (enluminé à la fin 
du XV* s. par Evrard d'Espinques), contiennent des miniatures remar- 
quables. 

(1) KoHLER, Cat. des mss de Sainte-Geneviève^ t. I, p. 476, n" 1029 ; 
cf. Zeitschrift fiir roman. Philologie^ t. xni,p. 1225 ; Romania^ t. XIV, 
p. 226; t. XVIII, p. 628. 

(2) Traduction imprimée à Toulouse en 1498 et à Tolède en 1529. 
Cf. Bruset, Manuels, t. Il, col. 1623, et suppl. I, col. 551. 

(3) Traduction imprimée à Harlem en 1485. Cf. Brunets, t. II, col. 
1623, et suppl., t. I, col. 551. 

(4) Repertorium.n''^ 2504-2511. 

(5) Manuel^, t. Il, col. 1619-23; suppl. I, col. 550-1. 

(6) Sur les éditions lyonnaises du Propriétaire, cf. Claudin, Hist. de 
l'imprimerie en France au XV^ et au XVI' siècle, t. III, p, 200-203, 
246-249; 287-291. 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 399 

Shakespeare (1) : par exemple, le couplet sur les abeilles 
que débite Tarchevêque de Ganterbury dans King Henry V 
(acte I, scène II), est certainement inspiré du XII® livre de 
Barthélémy (2). 

Ainsi, dans une histoire qui étudierait les œuvres litté- 
raires, non pour leur valeur artistique, mais pour l'in- 
fluence qu'elles ont eue sur la culture générale, le De pro^ 
prietatibus Ruraii une placeassez belle. On ne peut regarder 
comme curieuses et vaines des recherches consacrées à un 
auteur qui a été classique pendant trois cents ans. 

A quelle date a-t-il vécu ? On est surpris qu'un manuel 
aussi informé que celui de Grôber (3) ne se hasarde pas à 
décider si Barthélémy est du xiii® ou du xiv" siècle ; ou que 
Claudin (4) ait pu croire que le De proprietatibus était une 
compilation faite au milieu du xiv® siècle, à l'aida surtout 
du Spéculum naturale de Vincent de Beauvais. Les érudits 
anglais du xvi® siècle, notamment John Pits (5), le fai- 
saient fleurir vers 1360. Cette erreur, qui a passé dans la 
Bibliothèque deFàhricius (6) et le Manuel de Brunet (7;, dans 
le Répertoire bio-bibliographique de Chevalier, (8) et finale- 
ment dans la notice de M. Collignon sur la bibliothèque du 
duc Antoine (9), provient probablement de Tri thème (10), 

(1) Francis Douce, llMstrations of Shakespeare and of anctent 
manners, a new édition (Londres, 1839), p. 487. 

(2) Alicb D. Greenwood, dans The Cambridge Bistory of English 
Literature (1908), t. Il, p. 77. 

(3) Grundriss der romanischen Philologie (Strasbourg, 1902), II, 1, 
p. 257. 

(4) Op. laud.,i. JII, p. 200. 

(o) JoANNis PiTSEï Angli, sacrae theoiogiae doctoris, Liverduni in Lo- 
tharingia decani, Relationum historicarum de rébus Anglicis^ t. I". 
(Paris, 1619), p. 494. 

(6) Bibliotheca latina (Padoue, 1754), I, p. 179. 

(7) Manuel^, t. II, col. 1621. 

(8) Bio-bibliographie^, t. I, col. 446. 

(9) Mémoires de l'Académie de Stanislas, 1907, p. 13 et 104. 

(10) Trithemils, Catalogus scriptorum ecclesiasticorum, édit. de 
Cologne, 1531, f°CXVI r«. 



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400 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

qui est, de l'aveu même de Pits (1), l'un des auteurs dont 
celui-ci s'est servi. Trithème ne date pas Barthélémy, 
mais la notice qu'il lui a consacrée est intercalée entre 
celles de deux écrivains dont Tàx^Aiô est datée, pour Tuû 
de 1350, pour l'autre de 1360. 

Quétif et Échard (2) avaient pourtant, depuis longtemps, 
remarqué que l'âge de plusieurs des manuscrits latins du 
Deproprietatibtis iuterdit de placer Barthélémy au xiv« siè- 
cle. Un manuscrit d'Oxford {Ashmolean, 1512), fut copié 
en 1296; un manuscrit de la bibliothèque Sainte Geneviève 
(n° 1029), date certainement du xiii^ siècle; des dix-huit 
manuscrits de la Bibliothèque nationale, quelques-uns sont 
de la fin de ce siècle (3). Nous avons déjà vu que la morali- 
zatio du De proprietatibus remonte à la fin du xni« siècle, et 
que la traduction italienne du mantouan Belcalzar est de 
1309. D'ailleurs, Amable Jourdain a montré que Barthé 
lémy lisait Aristote dans une traduction latine faite d'après 
la version arabe, laquelle traduction latine fut abandonnée 
dès 1260 environ (4), et que si Barthélémy cite les com- 
mentaires aristotéliciens d'Albert le Grand, qui a ensei- 
gné jusque vers 1248. il ne se réfère jamais aux grands 
docteurs de la deuxième moitié du xiii® siècle, Vincent de 
Beauvais, Thomas d'Aquin, Roger Bacon ou Gilles de Rome. 
Voici d'autres preuves encore : d'abord, le témoignage du 
chroniqueur parmesan, fra Salimbene, qui, en 1283, à 
propos de l'éléphautde l'empereur Frédéric II, renvoie son 
lecteur au De proprietatibus de Barthélémy : Horum anima- 
lia in Aethiopia magna copia est, quorum natura et proprie- 
tates f rater Bartholomaeus Anglicus, ex ordine Minorum, in 
libro quem de proprietatibus rerum fecit^ sufficienter exposuit, 

(1) Decerpsi non pauca ex Joanne Trithemio (Pits, op. I., p. 10). 

(2) Scriptores ordinis Praedicatorum (Paris, 17i9), t. I, p. 486. 

(3) Deusle, dans ïBist. litt. de la France, t. XXX, p. 364. 

(4) Recherches critiques sur l'âge et l'origine des traductions latines 
4' Aristote {Paris, 1819), p. 35, 398400. 



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La PLV8 ANGtENNfi DESCRIPTION DE LA LORRAINE 401 

quem etiam tractatum in XIX libellos divisit. Magnus clericus 
fuit et totam Bibliam cursorie Parisius legit (1). Dans un 
texte cité par Sbaralea (2), on voit Niccolô Boccasini, plus 
tard pape sous le nom de Benoît XI, donner à un couvent 
de Dominicains un exemplaire du De proprietatibus, « En 
1329, écrit M. Delisle (3), le pape Jean XXII fait achètera 
deux cisterciens de l'abbaye de Gandeil au diocèse d'Albi, 
un exemplaire du Liber de proprietatibus rerum, qu'il paya 
neuf florins d'or (4). Sous les règnes de Charles V et de 
Charles VI, il y en avait au moins quatre copies dans la 
librairie du Louvre (5). Un formulaire du xv® siècle 
ûous a transmis le sauf conduit que Charles VI fit délivrer 
à un franciscain de Londres, qui voulait emporter en An- 
gleterre un exemplaire du De proprietatibus rerum acheté à 
Paris (6). » 

Dans un tarif de location imposé par TUniversité de 
Paris à ses libraires, vers 1275-1286, figure le De proprieta- 
tibus. La plus ancienne mention que nous ayons, sinon de 
l'ouvrage, du moins de l'auteur, se trouve, à la date de 
1231, dans les Annales Minorum de Wadding ; le ministre 
général de TOrdre écrit au ministre provincial de France 
de vouloir bien se priver du concours de frère Barthélémy 
TAnglais, lequel doit aller en Saxe pour y professer la thé- 
logie aux frères mineurs (7), Ainsi, l'auteur du De proprie- 
tatibus appartient à la seconde génération franciscaine. 

(1) Chronica Parmensis fr, Sambimbenis (Parme, 1857., p. 48. 

(2) Supplementum ad Scriptores trium ordinum S. Francisci^ 
p. 113. 

(3) HisL lUL de la France, t. XXX, p 363-4. 

(4) Reg, Clem, F, t. I, p. cci. 

(5) Delisle, Cabinet des mss^ t. III, p. 136. 

(6) Bibl. Nat. ms. fr. 14371, fol. 111 V. 

(7) T. II, p. 248 de l'éd. de Rome, 1732. Scripsit minister generalis 
ad Franciae ministrum, ut fratrem Joannem Anglicum Saxoniae 
administrationi, fratrem Bartholomaeum Anglicum lecturae praefi- 
ciendum dimitleret. Cf. p. 274 : Missi koc anno (1231) a Iratre Jor- 



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402 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

D'où était-il ? Les bibliographes et les historiens litté- 
raires ont Thabitude invétérée de rappeler Barthélémy 
Glaunville^ Glanville ou de Glanville. Pourtant, ici encore, 
Quétif et Échard avaient, depuis deux cents ans, fait justice 
de Terreur traditionnelle (1). « J'ignore, écrivait en 1836, 
Paulin Paris, sur quelle autorité est fondé ce surnom de 
Glanville qui a prévalu : toutes les leçons manuscrites que 
j'ai pu consulter portent seulement Bartholomaeus Angli- 
eus (2), )) C'est exactement la remarque de Quétif: i^ An 
Glanvillani agnomen ei adhaeserit^ et si levions momenti sit 
qua estio, hoc solum dico in nullo codice manuscripto me inve- 
nisse sic prima manu scriptum. In quibusdam codicibus anglis 
additur agnomen Glanville, sed dubium est an prima manu et 
qua aetate » (3). Le nom de Glanville apparaît pour la pre- 
mière fois dans Leland (4), qui ne l'appuie d'aucune réfé- 
rence. Baie, en 1557, l'emprunte à Leland (5). John Pits (6) 
reproche à Henry Willot (7) d'avoir changé Glaunvillus en 

dano custode Thuringiae, in virtute potestaiis sibi factae a generali 
ministro, frater Joannes de Penna ei frater Deodatus Luietiim ad 
Franciae ministrum pro conducendis fratribus Joanne Anglico gene- 
rali jam constituto Saxoniae ministro^ et Bartholomaeo item Anglico, 
ut in eadem provincia fratribus sacram legerei theologiam ; qui 
stalim concessi a Franciae ministro, provinciam Saxonicam egregie 
décor arunt. 
(4) Script. Ord. Praedicatorum (Paris, 1719), t. I, p. 486-7. 

(2) Les mss. françois, t. 1, p. 261. 

(3) Scriptores 0.,loc. laud. 

(4) J. Lelandi antiquarii Collectanea (Londres, 1774), t. IV, p. 24, 
inventaire sommaire de la bibliothèque de St Peter's Collège, Cam- 
bridge : « frater Bartholomaeus de Glaunvyle Anglicus de ordine 
Minorum scripsit justum voiumen de proprie latibus rerum ». Cf. du 
même les Commentarii de scriptoribus Britannicis ex autographo 
Lelandino nunc primus edidit Antonius Hall, t. III, p. 336 : « Bartho- 
lomaeus Glennovillanus exnobilissimo, ut ego colligo, génère comitum 
Sudovolcarum ejusdem appellationis originem duxit ». Leland est 
mort en 1552. 

(5) J. Bale, Opéra, éd. de Bâle, 1559, p. 461-2. Baie copie les Com- 
mentarii de Leland, qu'il a dû lire en manuscrit. 

(6) De rébus angli^As, p. 494. 

(7) Athenae orthodoxorum sodalitii Franciscani, opéra rev. Ubnrici 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 403 

Grauavisius. Tous ces compilateurs, Baie, Willot, Pits, 
prétendent, à la suite de Leland, que Barthélémy Glaunville 
tirait son origine de l'illustre famille des Suffolk, laquelle, 
sauf erreur, ne date que du siècle suivant. Wadding (1) ne 
manque pas d'emprunter à John Pits cette assertion, si 
flatteuse pour Tordre séraphique, touchant l'origine aris- 
tocratique de Barthélémy. 

Ainsi, cette légende nobiliaire a sa source dans la phrase 
de Leland (Bartholomaeus GlannovioUanus ex nobilissimo, 
ut ego colligo, génère comitum Sudowlcarum), et je ne vois 
pas qu'on puisse remonter plus haut, d'après les termes 
mêmes de Leland, ut ego colligo, qui signifient sans doute, 
non pas « d'après les documents que j'ai rassemblés >), 
mais « d'après mes inductions ». L'origine aristocratique 
de Barthélémy n'était donc pour Leland qu'une supposi- 
tion vraisemblable ; ce n'était pas une vérité démontrée. 
Concluons de tout cela que la généalogie aristocratique 
prêtée à Barthélémy est tout juste aussi digne de foi et 
aussi fâcheuse que celle dont les hagiographes ont gratifié 
tant d'illustres personnages de l'histoire ecclésiastique ; 
n'ont-ils pas fait descendre saint Antoine de Padoue tantôt 
d'un roi des Asturies, tantôt de Godefroi de Bouillon, et 
imaginé une parenté entre saint Dominique et Blanche de 
Castille ? 

Les manuscrits et les imprimés du De proprietatibi^ et 
de ses traductions s'accordent avec les documents allégués 
par Wadding ainsi qu'avec Salimbene et Trithème pour 
attester l'origine anglaise de Barthélémy. Seul, M. Léopold 
Delisle {2} s'est inscrit en faux contre cette tradition una- 

WiLLOTf Belgae, theologi Parisiensis, ordinis Minorum, provinciale 
Flandriae provincialis (Louvain, 1598), p. 57 : « Bartholomaeus Graun- 
vyse^ familia comitum Sudovolgioruni origem ducens.,. (la suite 
comme dans Leland et Baie). 

(1) Annales Minorum, t. VIII, p. 202. 

(2) Hist. lut. de la France, t. XXX, p. 354. 



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404 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

nime. Mais il n'a pas expliqué comment elle aurait pu 
naître et s'imposer. Aussi nts doit-on pas s'étonner que les 
trois derniers érudits qui se soient occupés de Barthélémy 
n'aient pas souscrit à la théorie proposée par M. Delisle(l). 

Celui-ci se fondait sur le témoignage d'un franciscain 
pisan, mort en 1401, Albizzi (2): BartholomaeuSy qui librum 
edidit de proprietatibus rerum, deprovincia Franciae fuit {3). 
Et il pensait trouver une preuve interne de l'origine fran- 
çaise de notre auteur dans la précision des renseigne- 
ments que donne le XV<* livre du De proprietatibus sur 
quelques parties de la France. 

En réalité, le texte d'Albizzi ne dit pas que Barthélémy 
fut français de naissance ou sujet du roi de France, mais 
qu'il était un moine mendiant, appartenant à la province 
de France de l'ordre franciscain. Nous pouvons môme 
préciser davantage. Barthélémy appartint à la province de 
France seulement dans la première partie de sa vie, jus- 
qu'en 1231. C'est avant cette date qu'il dut faire à Paris le 
grand cours sur la Bible dont parle Salimbene : totam 
Bibliam cursorie Parisius legit, 11 était venu à Paris attiré, 
comme tant d'autres théologiens des ordres mendiants, 
par les écoles de la montagne latine, parce que Paris était 
alors le foyer le plus ardent de la vie intellectuelle. En 
1231,1e général de son ordre le transféra de la province de 
France dans celle de Saxe. 

Assurément, le De proprietatibus contient, sur quelques- 
unes de nos provinces, sur l'Ile de France et la Picardie, 

(1) Miss TouLMiN Smith, dans le Dictionary of national biography 
t. XXI (1890), s. V. Glanvilla. Alice Greenwood, dans The Cambridge 
History of English Literature (1908), t. II, p. 71, 76, 444. Cian, dans le 
Giornale storico délia litteratura italiana^ suppl. n» 5 (Turin, 1902), 
p. 38. 

(2) Cf. U. Chevalier, Bio-bibliographie du M. >4., 2* éd., s. v. 

(3) Cité par Sbaralea, Supplementum et castigatio ad scriptores 
trium ordinum S. Francisci a Waddingo aliisve descriptos (Rome, 
1806), p. 115. 



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tA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 403 

sur la Flandre et la Lorraine, sur le château de la Rochelle 
et les goitreux des Alpes, des renseignements précis qui 
semblent bien avoir été recueillis par Tauteur lui-même, 
des « choses vues », aurait dit V. Hugo. Mais pour les 
recueillir, était-il nécessaire d'être né en France ? Rappe- 
lons-nous ce qu'était au xiu® siècle la vie d'un de ces doc- 
teurs des ordres mendiants. Nulle existence n'a été moins 
sédentaire, nulle n'a moins ressemblé à celle de tant de 
nos bureaucrates ou de nos professeurs d'aujourd'hui. 
C'est de ces moines surtout qu'il est vrai de dire que le 
Moyen Age a été gyrovague, toujours par routes et che- 
mins, chemin de Rome ou de Paris, de Saint-Jacques ou 
de la Terre Sainte, du jubilé ou du concile. 

Il y a, de l'origine anglaise de Barthélémy, une preuve 
bien curieuse, que l'on n'a pas encore remarquée. 

En 1372, (( a la requeste et commandement de très puis- 
sant et noble prince Charles, le Quint de ce nom, roy de 
France, frère Jean Corbichon, de l'ordre de saint Au- 
gustin, solennel maistre en théologie, translata, mist et 
exposa le livre des proprietez des choses de latin en fran- 
çois. » Ainsi s'exprime dans l'eo^p/ici^ du manuscrit de 
l'Arsenal n^ 2886 (1), Jehan de Bihays, maître es arts, qui 
en 1472 copia la traduction de Jean Gorbechon pour Nico- 
las de Blanchecourt, barbier juré et bourgeois de Paris (2). 
Jehan de Bihays dit encore : « L'auteur de ce livre des 
proprietez des choses ne s'est point voulu nommer pour 
son humilité, afin qu'il ne semblast aux lisans qu'il en 
eust voulu avoir gloire, mais il appert par le langage <Vau- 



(1) Cf. Martin, Cat. des.MSS de la Bibl. de l'Arsenal, t. UI, p. 142. 

(2) Nicolas de Blanchecourt, en sa qualité de barbier, c'est-à-dire de 
chirurgien, s'intéressait au Propriétaire, à cause dos livres IV-VII qui 
traitent de l'homme et de ses maladies. Cf. dans Claudin, Hist. de 
l'imprimerie en France, t. III, p. 203 et 289, la gravure extraite des 
éditions illustrées, qui représente cinq docteurs en médecine occupés 
à disséquer un cadavre d'homme. 



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406 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 



cuns des chapitres de ce livre qu'il estait natif du royaume 
d'Angleterre, » 

Il me paraît hors de doute que l'endroit du Deproprieta- 
tibus où se décelait, selon Jean de Bihays, Torigine anglaise 
de Tauteur, est, au livre XV, le chapitre sur l'Angleterre, 
dont voici le texte latin, avec la traduction de Jean Gorbe- 
chon, telle qu'on la lit, dans l'impression publiée par 
Mathieu Husz, à Lyon, en 1487 : 



De Anglia 

Anglia Oceani est insula 
maxinia^ quae circumfuso 
mari a toto orbe undique est 
dioisay quae quondam Albion 
ab albis rupibus a longe circa 
maris littora apparentibus est 
cocata ; quam, succedente 
tempore^ quidam proceres de 
Trojas excidio discedentes^ 
facta classe, Palladisy ut fer- 
tur, oraculoy ad praedictae 
insulae littora percenerunt ; 
qui cum gigantibus, qui tune 
terram posscderunt, diutius 
pugnantes, artepariter et oir- 
tute, insulam, superatis gigan- 
tibus, suo dominio subjecerunt, 
et a Bruto, qui illius exercitus 
erat princeps, terram voca- 
verunt Britanniam, quasi in- 
sulam a Bruto tune temporis 
armis et potentia acquisitam; 
a cujus Bruti prosapia reges 
potentissimiprocesserunt quo- 
rum opéra magnijica si quem 
audire détectât historiam 
Bruti légat. Illa autem insula, 
post Tonga tem'pora, a Saxo- 



De angleterre 

Angleterre est une très grant 
isle de mer qui est diaisee par 
la mer qui l'environne. Angle- 
terre fut iadis dicte albion pour 
les blanches roches qui y appa- 
roissent du loing au rivage de la 
mer. Apres la destruction de 
troie la grant aulcuns troyans 
se mirent en la mer. Et par le 
conseil de lung de leurs dieux 
qui auoit nom palade ils appli- 
quèrent au rivage de albion qui 
estoit plaine de ieans. Et se 
combatirent longuement contre 
eulx et les vainquirent par art 
et par force et mirent lisle en 
leur subiection et lappellerent 
bretaigne après brute qui estoit 
prince de leur ost et de leur 
compaignie. De ce brute yssirent 
et de sa lignée aussi moult de 
roys très puîssans desquelz les 
noms et les fais sont en escript 
en lystoire de bruth. Ceste ysle 
fut après conquise des saxons 
par plusieurs grandes et cruelles 
batailles et tuèrent les bretons 
et les enchâssèrent et puis par- 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 407 



nibus Germanicis, muftis et 
variis intercenientibus saeois- 
simis praeliis, est acqulsita et 
a suis posteris est possessa^ 
qui, Britonibus tel mortuis 
vet exulatis^ insulam inter se 
diviserunt^ et singulis procin- 
ciis secundum linguae suae 
proprietatem nomina impo- 
nentes^ linguae et gentis suae 
memoriam reliquerunt, oo- 
cantes insulam Angliam^ ab 
Angela regina, clarissimi du- 
cis Saxonum Jilia^ quaeillani 
insulam post multa praelia 
posséda, Isidorus tamen dicit 
Angliam ab angulo dictam, 
quasi terram in fine vel quasi 
mundi angulo consticutam. 
Sed beatus Gregorius, videns 
Anglorum pueros Romae ce- 
nales tempore paganorum, 
audiens quod essent Angli^ 
alludens patrioe cocabulo^ 
respondit : a Vere^ inquit, sunt 
Angli, quia vultu nitent ut 
angeli ; illis oportet verbum 
annunciare salutis, » Nam^ 
ut dicit Beda, terrae nobili- 
' ta? adhuc in puerorum nulti- 
bus resultabat. De hac insula 
dicit Plinius multa, similiter 
et Orosius ; sed Isidorus sum- 
matim tangit expressius quae 
alii obscurius retulere, Bri- 
tannia, sciâcet quae nunc 
dicitur Anglia, est insula 



tirent la terre entre eulx et 
mirent noms a toutes les parties 
du pais selon leur langue et 
appellerent toute lisle angleterre 
pour angblle la fille du duc de 
saxonne qui eut la seigneurie 
de celle ysle après moult de 
batailles. Ysidore touttefoys si 
dit que on lappelle angleterre 
pource que cest la fin de la terre 
et langlet dicelle, mais sainct 
gregoire quant il vit a romme 
les enfans de angleterre que on 
vendoit ou temps quilz estoyent 
payens et il ouit quon les appel- 
Icyt angloys il dit vrayement 
sont Hz angloys, car ilz ont 
visage danges et a telz gens 
conuient il prescher la parolle 
de dieu, car si comme dit bede 
la noblesse de germanie ou dale- 
maigne dont ces enfans estoyent 
estrais relusoyt en leurs visay- 
ges. De ceste ysle dient ysi- 
dore (1) et plinias moult de 
choses, mais ysidore touche plus 
clerement ce que les anciens 
dient plus obscurément. Ysidore 
dit que la grant bretaigne qui 
maintenant est appellee angle- 
terre est une ysle qui est assise 
contre le regart de france et de 
espaigne Ceste isle a de cercle 
iiii cens et viii foys Ixxv lieues 
du pays et y a moult de grandes 
riuieres et de chaudes fontaines 
et moult de manières de me- 



(1) Sic. Corr. Oijosius. 



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408 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 



quae contra aspect uni Galltae 
et Hispaniae est sita ; circui- 
tus ejus ohtinet quadragles 
octies LXXV milia; multa et 
magna flumina sunt in ea ; 
fontes calidi , nietallorum 
etiam larga copia, Gagades 
lapis ibi plurimus et marga- 
rita. Gleha optima et dicersis 
fructihus valde apta, Ibi oces 
lanigerae in praecipua abun- 
dantia ; ibiferarum et certo- 
rum multitudo nimia inveni- 
tur ; pauci lupi tel nulli in 
insula reperiuntur, et ideo 
oves quae ibi maxime abun- 
dant tutius in caulis et in 
pascuis sine custodia relin- 
quuntur, ut dtcit Beda. Unde 
quidam , describens insulam 
A nglicanam , metrice sic dixit : 
Ang lia terra ferax etfertilis 

\angulus orbis, 
Insula praedites, quae toto 

[mx eget orbe. 
Et cujus totiis indiget 

[orbis ope ; 
A nglia plena jocis, gens 

[libéra f apta jo cari, 
Libéra gens, cui libéra mens 

[et libéra lingua, 
Sed lingua melior 

[liheriorque manv^, 
Multos alias prosequitur 
gentis et insulae dignitates, 
quas hic interponere esset Ion- 
gum, 

(1) Sic. Lege Beda. 



taulx. La y a grant copie de 
pierres précieuses que on appelle 
gagates et de perles aussi. La 
terre y est très bone et able a 
porter divers fruictz, la a grant 
habondance de bestes a laine et 
grant multitude de cerfz et de 
bestes sauluaiges et en toute 
lisle dangleterre il nia nulz 
loupz, et pource les bestes y sont 
plus seurement si comme dit 
Ysidore (1). Ung versifieur mist 
les perfections dangleterre en 
vers dont vecy la sentence. An- 
gleterre est vne terre qui porte 
moult de biens et si est vng 
anglet du monde. Cest vne ysle 
moult ricbe qui peu a mestyer 
du remenant du monde et tout 
le monde a mestier de son ayde. 
Angleterre est ung pais sola- 
cieux et les gens sont enclins a 
ioer et a esbastre. Les angloys 
ont le cœur et la langue libérale 
et la main encores plus. Le ver- 
sifieur met plusieurs aultres 
choses a la loange du pays et 
des gens dangleterre qui moult 
seroyent longues a raconter. 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 409 

De tous les pays dont Barthéiémy nous parle dans sa 
géographie, c'est à TAngleterre qu'il donne le plus de 
louanges. Il tient pour véridique la fable accréditée 
depuis un siècle par le Brut de Wace, d'après laquelle les 
Bretons descendraient des héros de « Troye la grant ». 
Il loue, après Isidore de Séville (1), les richesses natu- 
relles de l'Angleterre, les eaux thermales (de Bath), les 
mines (de Gornouaille), les vastes fleuves, les innombra- 
bles troupeaux de bétes à laine, qui paissent sans peur 
des loups, car il n'y avait plus de loups en Angleterre, ou 
presque plus, au xiii® siècle (2). Il rapporte, d'après Bède le 
Vénérable (3), les paroles du pape saint Grégoire l^^, dont 
les yeux d'Italien furent un jour émerveillés par le frais 
visage, les yeux bleus, les blonds cheveux de hoys an- 
glais qu'un marchand d'esclaves vendait sur le marché de 
Rome : Vere sunt Angl% quia vultu nitent ut Angeli ! Le 
vieux pape, ce jour-là, pensa avoir vu le visage des anges. 
Et son exclamation nous fait songer de ces ambassadeurs 
anglais, si jeunes, si beaux, qui dans les fresques de Car- 
paccio (4), viennent demander au roi de Bretagne la main 
de la princesse Ursule, comme il est dit dans la Légende 
Dorée. 

(1) Etymolog, Xll. 

(2) Cf. la note de Paul Meyer dans le Débat desi hérauts d*armes de 
France et d'Angleterre (publication de la Société des anciens textes 
français), p. 157. 

(3) Bedae Venerabilis anglo-saxoni presbyteri Bistoria ecclesiastica, 
II, 1 (MiGNE, Patrologie latine, XCV, 80) : Dicunt quia die quadam 
cum advenientibus nuper mercatoribus multa venalia in forum 
fuissent conlata, multique ad emendum conflaxiiisent, et ipsum 
Gregorium inter alios advenisse, ac vidisse inter alia pueros vénales 
positos^ candidi corporis, ac venusti vuUus, capillnrum quoque for- 
ma egregia. Quos cum aspiceret, interrogavit, ut aiunt, de qua 
regione vel terra essent adlati... Responsum. est, quod Angli vocaren- 
tur. At ille : « Bene, inquit; nam et angelicam habent faciem, et 
talis angelorum in cœlis decet esse coheredes. » Cf. la note do Paul 
Meter dans le Débat des Hérauts d'armes, p. 156. 

(4) Cf. LuDwiG ET MoLMENTi, VittoTc Carpaccio, p. 113 sq. 



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410 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

Particulièrement curieux sont 'les vers que Barthélémy 
cite à la gloire de TAngleterre et qui sont empruntés à une 
suite de sept petites pièces élégiaques, écrites à la fin du 
XII® siècle par un moine clunisien, Richard le Poitevin (1). 
Que disent ces vers ? Ils louent les traits séculaires de la 
race ; ils la louent d'être libérale, dans tous les sens du 
mot, libéra gens cui libéra mens et libéra lingua.., liberiorque 
manus. Et c'est justice: le libéralisme, le besoin et la pra- 
tique de la liberté, sont des inventions anglaises (2), et la 
libéralité de l'Angleterre n'est surpassée par nulle autre. 
Ils la louent aussi d'être gaie (Anglia plena jocis, « tbe 
merry England »), et encore de pouvoir se passer du reste 
du monde, vivre dans un isolement splendide, alors que le 
monde ne peut se passer d'elle : et c'est vrai qu'au moyen- 
âge, pour la laine dont on faisait les draps, le continent 
était tributaire de l'Angleterre (3). 

Nos Français n'ont pas toujours reconnu avec impar- 
tialité les mérites de leurs voisins d'outre-Manche. Mais 
souvent leur anglophobie n'était que trop justifiée. Qu'au 
milieu de la' guerre de Cent Ans par exemple, un Fran- 
çais détestât les « coués », les «godons», personne ne 
pourrait lui en faire reproche. Je n'en veux donc nulle- 
ment à frère Jean Corbechon, solennel maître en théologie, 
de s'être échauffé dans son harnais quand il traduisit lë- 
loge de l'Angleterre que nous venons de rapporter. Il le 
traduisit fidèlement, sans en rien retrancher, comme doit 



(1) Publiées, d'après une copie de Pertz, par Wattenbach {Neues 
ArchiVy t. I, p. 601) qui n'en savait ni l'auteur ni l'origine. C'est L. De- 
LisLE qui les a restituées à Richard de Cluny : cf. préface du Débat des 
Hérauts d'armes de France et d'Angleterre, p. XIV et Romania, XVIII, 
p. 628, mais surtout Élie Berger, Richard le Poitevin^ moine de 
Cluny, historien tit poète, p. 54 (dans le 6* fascicule de la Bibliothèque 
des Ecoles d'Athènes et de Rome). 

(2) Cf. Taine, Hist. de la litt, anglaise, 12* éd., p. 116 et suiv. 

(3) Cf. Greene, a short hi^ory of the English people (Londres, 
1898), p. 224 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 411 

faire un bon traducteur. Mais le chapitre terminé, il ne 
put se contenir: nous Tentendons interrompre son auteur, 
non sans véhémence, mais non sans esprit: 

A ce fait, fin lacteur quant à ce cha(pitre). Cest acteur monstre 
bien en ce chapitre qu'il fut angloys, car il loue fort angleterre 
a son cuider, car ilveult eschever la condicion du prestre qui fut 
ars pource que il blasmoit ses reliques, mais il deust auoir pense 
que loange de personne en sa propre houche enlaidist. Et pource 
dit leuangile saint iehan que les iuifz disoient a ihesu crist que 
son tesmoignaige nestoit pas vray pource que ildonnoyttesmoin- 
gnaige de soy mesmes. Secondement il cuide louer le pays et ' 
il le blasme, car il dit que ilz descendirent premiers des iaians 
et puis de bruth et de ceulx de troye la grant et puis des saxons 
et en disant ainsi il les fait bastars en leur donnant plusieurs 
pères. Tiercement il parle moult imperfectement en ceste ma- 
tière, car il laisse la conqueste faicte par le duc guillaume et 
par les normans qui si vaillamment conquesterent angleterre 
que encores en demeurent les enseignes (1) en armes et encous- 
tumes et ce ne fut pas a oublier, car moins de honte leur est 
destre conquist par les francoys ou par les normans que destre 
conquist par les saxons. Si deust auoir vergoingne ces con- 
questes laisser pourcouurir leur honte ou se il le tient a honneur 
il ne deuait pas oublier la conqueste du duc guillaume dont les 
roys des angloys portent les armes avec vng peu daiouste- 
ment. 

Outre que ce passage me paraît achever de prouver que 
Barthélémy était bel et bien Anglais, il prend un intérêt 
singulier du fait qu'il fut écrit pour être lu à Charles V. 
La traduction du livre des Propriétés fut exécutée, nous 
Tavonsvu, (( par le commandement du roy Charles»: 
ainsi s'exprime, notamment, l'incipit du beau manuscrit 
de la Bibliothèque Nationale fr. 216 (ancien 6869) ; une 

(1) Enseignes = signes, preuves, comme dans la locution à telles 
enseignes. La phrase signifie : « il en reste des preuves flans les 
armoiries et dans le droit coutumier. » 



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412 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

miniature de ce manuscrit représente Charles V qui remet 
Touvrage latin de Barthélémy à Jean Corbechon agenouillé 
devant lui ; deux vers sortent de la bouche du roi : 

Dtr livre les proprietez 

En cler françois vous translatez (1). 

L'addition anglophobe que nous avons relevée dans la 
traduction de Corbechon nous apprend ce qu'on disait des 
Anglais au Louvre et à l'Université de Paris, en pleine 
guerre de Cent Ans, au moment des plus grands succès de 
Charles V, Tannée où Du Guesclin reprend le Poitou et la 
Saintonge (2). On croit y entendre l'écho de propos échan- 
gés, dans la « librairie » du roi savant et sage, entre doc- 



(1) Cité par Barbier de Xivry, Traditions tératologiques, p. LV. La 
description de cette miniature dans Barbier étant inexacte, je saisis 
l'occasion d'en donner une autre, que je dois à l'obligeance de M. Omont : 

« Au fol. 13, début du texte, après la table, miniature à 4 comparti- 
ments, occupant la moitié supérieure de la page (16 X 19 cent.). 

1-2-3. Trois épisodes de la création du monde, avec les légendes 
suivantes sur des banderoles tenues par le Christ nimbé (non Dieu le 
Père, mais le Christ, conformément à la règle iconographique du 
moyen âge) : 

1. J'ai fait le ciel et la lumière 
Pour estre à homme chamberiere. 

2. J'ai fait le feu, l'air et la mer 
Pour homme : bien me doit amer. 

3. J'ai fait la terre bien garnie 
Pour donner à homme la vie. 

4. Jean Corbechon, Augustin, à genoux, présente son livre au roi de 
France, assis sur son trône, avec trois personnages debout derrière 
lui. Le roi tient une banderole sur laquelle on lit : 

Du livre les proprietez 

En cler françois vous translatez. » 

Un frontispice analogue se trouve dans Bibl. Nat. fr. 16993, 2^33, 
22534, Sainte-Geneviève 1028, Bruxelles 2953, et dans d'autres mss, sur 
lesquels cf. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles F, t. I, 
pp. 230-235. 

(2) Co VILLE, dans La visse. Histoire de France, t. IV, p. 238. 



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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 413 

teurs et hérauts d'armes. C*est une page piquante de This- 
toire des relations entre Français et Anglais (i). 

Et c'est aussi, accessoirement, une bonne preuve de 
l'importance qu'avait alors le blason, au moins dans des 
milieux comme celui pour lequel Jean Corbechon tra- 
duisit le livre du Propriétaire, Le blason faisait une large 
part de l'instruction des nobles et des princes. D'ailleurs 
Charles V, avant d'être roi, avait été duc de Normandie : 
il devait connaître et approuver la tradition à laquelle 
Jean Corbechon fait allusion, que les rois d'Angleterre 
portaient les armes de Normandie « avec un peu d a- 
joustement ». Les armoiries des rois d'Angleterre sont de 
gueules à trois léopards d'or mis l'un sur l'autre ; et 
celles de Normandie, de gueules à deux léopards d'or 
mis l'un sur l'autre. On pensait que le duc Guillaume, 
devenu roi d'Angleterre, avait ajoutée ses armes un troi- 
sième léopard. Est il d'ailleurs besoin de rappeler qu'au 
temps de Guillaume le Conquérant, l'usage des armoiries 
n'existait pas encore ? 

En somme, les deux grands érudits, aussi critiques que 
savants, auxquels on doit l'Histoire littéraire des Domini- 
cains, Quétif et Échard (2), voyaient juste quand ils soute- 
naient, il y a deux cents ans : 1® que Barthélémy avait vécu 
au XIII® siècle, non au xiv®; 2° qu'il était Anglais, non Fran- 
çais ; 3® Franciscain, non Dominicain ; 4° qu'il s'appelait 
Barthélémy tout court, non Barthélémy Glanville. Les 



(1) Dans l'inventaire des tapisseries de Charles VI, prises au Louvre 
et dispersées par les Anglais en 1421, ligure un tapis de haute lisse 
nommé Le duc Guillaume qui conquist l'Angleterre. « Il avait, dit 
M.Jules Guiffrey, un prix particulier peur les Anglais ))(Hist. de l'art 
publiée sous la direction d'A. Michel, III, 1, p. 363). La vérité est 
justement le contraire : c'est aux Français, aux princes de la maison 
de France, que cette tapisserie devait faire plaisir. Un inventaire des 
tapisseries de Philippe le Bon, rédigé en 1420, en indique une pareille 
(/rf., p. 365). 

(2) Scriptoreff ordinis Praedicatorum (Paris, 1719), t. I, p. 486. 



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414 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 

auteurs plus récents, bibliographes, compilateurs, ont 
tout brouillé (1). « Très souvent, sciemment ou non, nous 
revenons vers les sentiers de notre vieille école française. 
Notre érudition^ nos découvertes sont du vieux neuf. 
Savetiers, et non cordonniers (2). » Ainsi s'exprimait, il y 
a quelque temps, M. Camille Jullian, notre bon maître. 



(1) Je dois dire d'ailleurs que la soluUon vraie n'a pas échappé aux 
plus récents historiens des lettres anglaises : « Bartholomaeus Anglicus 
ifl. 1230-1250), sometimes eroneoulsy désigna ted BartholomewdeGlanvil 
or Glanville, one of the friars minor, an English born scbolar of 
Paris ». {The Cambridge history of Englùh literature, edited by Ward 
and Waller, Cambridge, 1908, t. II, p. 444). Je dois dire aussi que 
j'ai mis à contribution, pour préparer ce travail, la science obligeante 
de mon ami R. Huchon, depuis quelques mois maître de conférences à 
la Sorbonne, l'un des professeurs qui, par la solidité de son érudition 
comme par la droiture de son caractère, ont le plus honoré notre 
Faculté des Lettres dans les dernières années. 

(2) Revue des études anciennes, 1908, p. 352. 



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LA VERITABLE ORIGINE 

DE 

L'ËVÈQUE DE STRASBOURG WËRNER F 

ET DE 

LA COMTESSE ITA DE HABSBOURG 

D'après M. Hermann BLOCH 

(Note serrant de compliment aux ORIGINES DE LA HAOTE-LORRAINE) 

PAR 

Robert PARISOT 



Dans le troisième des Appendices joints à nos Origines 
de la Haute-Lorraine (2), nous avions cherché à prouver, 
contrairement aux dires des Acta Murensia et de la Genea- 
logia qui y est jointe, que ni Tévéque de Strasbourg 
Werner, ni la comtesse Ita de Habsbourg (3) n'étaient les 
enfants de Frédéric I«>^ de Haute -Lorraine et de Béatrice. 
Notre argumentation avait été surtout dirigée contre 
M. Harold Steinacker (4) qui, dans un travail fort remar- 

(1) M. Hermann Bloch, longtemps attaché comme privatdocent à 
l'Université de Strasbourg, est maintenant professeur à l'Université de 
Hostock. Nous rappelons que c'est lui qui a publié, dans le Jahrb. 
G. L. G. (10« année, 1898. p. 338-449, et 14* année, 190i, p. 48-150), les 
anciennes chartes concernant l'abbaye Saint- Vanne de Verdun {Die àlle- 
ren Urkunden des Klosters S. Vanne zu Verdun). 

(2) Enfants et second mari faussement attribués à la duchesse 
Béatrice (V. ci-dessus, p. 206-218). 

(3) Rappelons qu'Ita avait épousé Radeboto, comte de Klettgau et 
constructeur du château de Habsbourg. 

(4) M. Stbinackbr est privatdocent à l'Université de Vienne. Nous 
avions dit plus haut (p. 208-209) que, sur plusieurs points, M. Steinac- 



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416 LA VÉRITABLE ORIGINE DE L*ÉVÊQUE WERNER I®' 

quable du reste, avait essayé de défendre le témoignage de 
la Chronique rédigée au xii® siècle par un abbé de Mûri. 

Nos Origines étaient déjà complètement imprimées de- 
puis quelques mois, quand la quatrième et dernière livrai- 
son de la Zeitschrift fur die Geschichte des Oherrheins publia 
un long article du professeur Hermann Bloch, intitulé 
Veber die Herkunft des Rischofs Werner 1 von Habsburg und 
die Quellen zur àltesten Geschichte der Habsburger (1). 

Le savant professeur de TUniversité de Rostock combat, 
lui aussi, en ce qui concerne la famille de Werner et d'Ita, 
la théorie de M. Steinacker. Pour lui, comme pour nous, 
ni la femme du comte Radeboto ni Tévéque n'ont rien 
de commun avec la maison des premiers ducs de Haute- 
Lorraine. 

Toutefois, tandis que nous nous étions contenté de ces 
résultats négatifs, la recherche des véritables origines de 
Werner et d'Ita devant nous entraîner très loin du sujet que 
nous avions à traiter, M. Bloch avait le devoir, auquel il 
n'a pas failli, de s'appliquer à découvrir la ou les familles 
dont faisaient partie ces deux personnages. D'après 
M. Bloch, il convient de voir dans l'évêque, non point le 
frère d'Ita, mais un Habsbourg; pour ce qui est de la 
comtesse, elle se rattache, selon toute vraisemblance, à la 
maison des comtes de Metz, maison dite d'Alsace qui, 
avec Adalbert d'abord, puis avec Gérard, fut investie au 



KER et M. H. HiRscH n'étaient pas d'accord. Cette divergence d'opinions a 
suscité une polémique, d'ailleurs courtoise, entre les deux érudits, 
dont chacun maintenait sa manière de voir. L'article de M. Hirsch, 
intitulé Zur Kritik der Acta Murensia und der Stiftungsurkunde des 
Klosters Muri^ a paru dans le Jahrbuch fur schweizerische Geschichte, 
t. 31, 1906, p. 69-107. C'est à la Zft. G. OR. (N. F., t. XXIII, p. 387- 
420), que M. Steinacker a donné sa riposte, Die àlteren Geschichte- 
quellen des habsburg ischen Hausklosters Mûri. Nous ne faisons ici 
que mentionner ces deux articles, où il n'est pas question des origines 
de Werner et d'Ita. 
(1) ZfU G. OR,, N, F., t. XXIII, 1908, p. 640-681. 



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Et DE La comtesse ItA DIAPRES M. BLOCH 4l7 

milieu du xi^ siècle du pouvoir ducal sur la Haute-Lor- 
raine. 

Il nous parait aussi intéressant qu'utile de résumer briè- 
vement, sinon Tarticle entier de M. Bloch, du moins les 
pages où cet érudit s'est occupé des origines de Werner et 
d'Ita, soit qu'il combatte le système de M. Steinacker, 
c'est à-dire celui des Acta Murensia, soit qu'il développe 
ses propres bypothèses (1). 

Son argumentation s'est, de préférence, portée sur Ita. 
Pour démontrer que la comtesse est étrangère à la première 
maison de la Mosellane, M. Blocb a employé quelques-uns 
des arguments dont nous nous étions servi, et cette ren- 
contre de deux érudits, qui ont travaillé loin l'un de 
l'autre, sans se communiquer le résultat de leurs recher- 
ches, mérite, croyons-nous, d'être signalée. D'autre part, il 
y a chez M. Bloch des arguments auxquels nous n'avions 
pas songé, de même que nous en avons formulé d'autres, 
qui ont échappé à notre collègue. 

Ainsi, M. Bloch relève comme nous le silence des sources, 
lorraines et autres, au sujet de certaines assertions des 
Acta concernant Béatrice, à savoir que la duchesse aurait 
eu pour enfants de son premier mari Werner et Ita, 
qu'elle se serait enfuie avec eux en Alsace, où elle aurait 
épousé un comte bourguignon et donné le jour à un der- 
nier fils, Chuno de Rheinfelden (2). 

Ce qui appartient en propre à M. Bloch, c'est d'avoir fait 
observer que l'âge d'Ita, dans l'hypothèse où elle serait 
fille de Frédéric I^', ne s'accorde pas avec celui des enfants 
qu'elle eut de Radeboto. Son plus jeune fils, le comte Wer- 
ner de Habsbourg, ne mourut qu'en 1096. Pour qu'Ita, née 
avant 979 (3), si elle a Frédéric pr pour père, puisse être 

(1) Ueber die Uerkunft des Bischofs Werner I (Zft. G. OR., p. 648- 
656, 680, 681). 

(2) Ueber die Herkunft, p. 651. 

(3) En admettant qu'Ita soit une fille posthume de Frédéric, sa 
naissance se place au plus tard dans les premiers mois de 979. 



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418 LA VÉRITABLE ORIGINE DE L'ÉVÊQUE WERNER l'^'" 

sans invraisemblance la mère de Werner, il faut que ce 
dernier îiit vu le jour vers 1020; dans ce cas, Werner aurait 
eu, en 1096, 75 ou 76 ans. Mais l'abbé de Mûri, en relatant 
la mort du comte, la qualifie de « prématurée ». C'est tout 
au plus si pareille expression se comprendrait, appliquée 
à un homme de 50 à 60 ans. Supposons que Werner ait eu 
cet âge en 1096, il a dû naître alors entre 1035 et 1045; seu- 
lement, dans cette hypothèse, Ita elle-même aurait eu de 
57 à 67 ans, quand son dernier fils serait venu au 
monde (1) ! 

En outre, deux des petits-enfants d'Ita, deux fils de sa 
fille Richenza, moururent, l'un en 1030, l'autre en 1033; 
comme, en 1086, ils étaient déjà des hommes, ils ont dû 
naître aux environs de 1060-1065 ; mais, à cette date, 
Richenza aurait été quadragénaire pour le moins. Ainsi, 
comme le dit non sans ironie M. Bloch, le privilège d'avoir 
des enfants, quand on avait dépassé la quarantaine, se 
serait transmis héréditairement de Béatrice à ses descen- 
dants en ligne féminine (2). 

Par conséquent, si l'on s'obstine à introduire Ita parmi 
les enfants de Frédéric l^^ et de Béatrice, on n*est plus en 
mesure de concilier son âge avec ceux de ses enfants et de 
ses petits-enfants. 

Au contraire, dès que Ton renonce à faire d'Ita la fille du 
premier duc de Mosellane, rien n'oblige plus à placer la 
naissance de la comtesse avant 979 ; on peut l'avancer jus- 
qu'au début du XI® siècle, et, dès lors, toutes les difficultés 
tombent, toutes les invraisemblances disparaissent (3). 

Nous l'avons dit plus haut, M. Bloch, non content 
d'avoir prouvé que les Acta Murensia — et à leur suite 
M. Steinacker — s'étaient trompés en donnant Ita pour 

(1) Ueher die Herkunfl^ p. 651-632. 

(2) Ibid., p. 652. 

(3) Ibid., p. 653. 



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ET DE La comtesse ITA d'aPRÈS M. BLOCH 419 

fille à Frédéric !«' et à Béatrice, a émis Thypothèse que la 
femme de Radeboto faisait partie de la maison des comtes 
de Metz, dite d'Alsace, devenue en 1047 la seconde — ou 
la troisième (1) — dynastie ducale de la Mosellane. 

Suivant M. Blocti, on savait à Mûri, mais^^d'une façon 
vague et imparfaite, qulta se rattachait à cette famille. 
Les renseignements seraient venus à Mûri de la Haute- 
Alsace, apportés par des frères convers originaires de 
Roufiach, village voisin du château d'Eguisheim. L'abbé 
de Mûri, auteur de la Genealogia et des Acta Murensia^ 
avait appris d'eux que son contemporain, le comte Ulrich 
d'Eguisheim, avait pour père Gérard, comte de Vaudé- 
mont et d'Eguisheim, pour grand-père Gérard, duc de 
Haute-Lorraine. Il ne lui restait plus qu'à trouver le père du 
duc Gérard, pour que la généalogie des Eguisheim eût dans 
son travail autant de degrés que celles des Habsbourgs et 
des Rheinfelden. Par malheur, l'abbé de Mûri, qui n'avait 
aucune connaissance de Thistoire de la Mosellane, crut 
pouvoir chercher le père de Gérard parmi les ducs prédé- 
cesseurs de ce prince. Pourquoi choisit-il Thierry I^' de 
préférence à d'autres ? Peut-être d'abord parce que le duc 
Thierry P' se trouvait mentionné dans une Chronique uni- 
verselle^ apportée de Saint Biaise à Mûri dans les premières 
années du xii^ siècle. Une seconde raison est sans doute 
que le fils et successeur de Gérard d'Alsace s'appelait 
Thierry II (2). 

Quoi qu'il en soit, nous devons regarder comme une mé 
prise de l'abbé de Mûri le fait d'avoir donné Thierry l^^ 
comme père à Gérard d'Alsace, comme frère à Ita. Cette 
dernière n'est point la fille de Frédéric I®' et de Béatrice, 
pas plus que Béatrice elle-même n'est la mère de Chuno 

(1) La troisième, si l'on lient compte de la maison de Verdun -- ou 
d'Ardenne — dont deux membres, Gozelonet Godefroy le Barbu, furent 
ducs de Haute-Lorraine. 

(2) Ueber die Herkunft, p. 654. » 

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420 LA VÉRITABLE ORIGINE DE l/ÉVÊQUE WERNER !«' 

de Rheinfelden ; et nous n'avons nul besoin de gratifier, 
contre toute vraisemblance, la veuve de Frédéric l^^ d'un 
second mari et d'un dernier fils, alors qu'elle frisait la 
cinquantaine (1). 

Dans la Genealogia Thierry I^' doit donc céder la place 
au comte de Metz Gérard (f 1046), père de Gérard d'Alsace 
et fils lui-même d'un comte Adalbert, mort vers l'an 
1033 (2). 

A-ton le droit d'aller plus loin encore, et de prétendre 
qu'Ita est la sœur du comte Gérard, la fille du comte 
Adalbert, la tante par conséquent du duc Gérard? La 
chose parait vraisemblable à M. Bloch, qui n'ose toute- 
fois, vu l'obscurité dont se trouve encore entourée l'his- 
toire des comtes de Metz (3), affirmer le fait ni assigner à 
Ita un rang déterminé parmi les membres de cette famille. 
L'âge probable d'ita, qui a dû naître au début du xi^ siècle, 
semble faire d'elle une sœur du comte Gérard ; il se pour- 
rait cependant qu'elle eût été — non la tante — mais la 
sœur de Gérard d'Alsace (4). 

Telles sont, au sujet d'Ita, les conclusions auxquelles 
aboutit M. Bloch. Elles nous ont paru d'autant plus inté- 
ressantes à signaler qu'elles rattachent la femme du fon- 
dateur du château de Habsbourg à la seconde maison 
ducale de la Haute-Lorraine, à notre ancienne dynastie 
nationale (5). 



(1) Ueber die Berknnft, p. 654-fô5. 

(2) Ibid., p. 655. 

(3) M. Bloch, p. 655, n. 4, estime que H. Witte, dans ses Genealo- 
gische Untersuc/iungen [Jahrb G. L. G., 5*= année, 1893, 2* partie, p. 52 
et suiv.), n'a pas réussi à faire la lumière complète sur la généalogie 
de la maison dite d'Alsace ; peut-être, ajoute-t-il, les documents dont 
nous disposons ne permettront- ils jamais d'obtenir des résultais meil- 
leurs que ceux auxquels Witte est parvenu. 

(4) Ueber die Herkunlt, p. 655-656, 680. 

(5) M. Bloch, p. 680, rappelle qu'au xvin* siècle la maison d'Alsace 
fournit un mari à la dernière et à la plus grande des Habsbourgs ; le 



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ET DE LA COMTESSE ITA D* APRÈS M. BLOCH 421 

Nous sera-t-il permis d'ajouter un argument à cqux — - 
déjà très forts — que M. Bloch aaprésentés pour rendre 
vraisemblable l'origine qu'il attribuait à la femme de 
Radeboto ? Le comte Adalbert, qui serait d'après notre 
collègue le père d'Ita, avait pour femme Juditha, Juditta 
ou Juta (1). N'a-t-on pas le droit de rapprocher « Ita » de 
« Juta » et de voir dans le nom de la comtesse de Habs- 
bourg une déformation ;du nom de sa mère (2) ? Fait 
encore plus significatif, le deuxième fils d'Ita fut appelé 
A(da)lbert : c'est, à notre avis, une nouvelle raison de 
regarder' la femme de Radeboto comme une fille du comte 
de Metz Adalbert et de la rattacher à la maison d'Alsace, 
où ce nom se présente fréquemment (3). 

En ce qui concerne Tévêque Werner, M. Bloch n'a pas 
essayé de montrer, ainsi qu'il l'avait fait pour Ita, que l'âge 
du prélat s'opposait à ce qu'on le rangeât parmi les enfants 
de Frédéric I®' et de Béatrice. Comme, dans le cas où 
Werner aurait eu pour père le premier duc de Mos^Uane, 



mariage de François III et de Marie-Thérèse serait en quelque manière 
la contre-partie, à sept cents ans de distance, de celui que conclut Ita 
avec Radeboto. 

(1) La forme « Juta » est fournie par la fausse donation pour Saint- 
Mathias de Trêves (1030), mise sous le nom de la femme du comte 
Adalbert {MR. UB., t. I, n* 303, p. 355, cf. t. II, Regesten, n» 342, p. 644 
et GoERz, Hittelrheinische Regesten, t. I, n» 1346, p. 352) ; la mère d'Ita 
est au contraire appelée « Juditta » ddus deux chartes, également 
apocryphes pour la même abbaye, l'une de l'archevêque de Trêves 
Egbert (979), l'autre d'Adalbert et de Judith (1037) [MR, VB„ t. I, 
n«« 250b et 309, p. :W et 363, cf. t. II, Regesten, n" 288 et 347, 
p. 632 et 646, et Gcerz, Mittelrheinische Regesten, 1. 1, n«» 1064 et 1260, 
p. 305 et 360] et « Juditha » dans les documents, de meilleur aloi à ce 
qu'il semble, qui ont trait à la fondation de l'abbaye de Bouzonville 
(1033?) [Calmbt, h. E. C, l., 1" éd., t. 1, pr., col. 543-546 et 2« éd., 
t. III, pr., col. LXXX-LXXXIV]. 

(2) Ou bien encore le nom de la comtesse de Habsbourg aurait été 
mal transcrit par les copistes du moyen âge* 

(3) Plusieurs membres de la maison de Habsbourg, dont deux souve- 
rains allemands, s'appelèrent aussi Albert. 



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Qoo^(^ 



422 LA VERITABLE ORIGINE DE L'ÉVÊQUE WERNER |or 

il serait né avant 979 (1), il aurait fort bien pu en 1001-1002 
monter sur le siège épiscopal de Strasbourg. Renonçant 
donc à employer des arguments dépourvus de valeur, 
M.Bloch s'est efforcé de prouver queWerner appartenait bien 
à la maison de Habsbourg. Le Chronicon Ebersheimense, 
source indépendante du faux Testamentum Wernheri épis- 
copi et rédigée vers 1160, fait expressément un Habsbourg 
de révéque Werner (2). D'autre part, ceux qui ont fabriqué, 
entre 1120 et 1130, la fausse charte de Werner voulaient 
restaurer sur Mûri, au profit des Habsbourgs, les droits 
dont s'était dépouillé en 1086 le comte Werner, fils d'Ita : 
pour donner de l'autorité à leur document apocryphe, ils 
étaient tenus de le mettre au nom et sous le patronage d'un 
membre authentique de la maison de Habsbourg ; s'ils 
avaient agi autrement, ils auraient commis une insigne 
maladresse (3). Quelques années plus tard, l'abbé de Mûri, 
auteur des Acta Murensia, qui se proposait au contraire de 
réduire les pouvoirs dos Habsbourgs sur son monastère, 
devait nécessairement s'attaquer au Testamentum Wernheri: 
pour affaiblir la valeur de cet acte, dont il semble avoir 
admis l'authenticité, l'abbé jugea très habile de prétendre 
que l'évéque n'était point un Habsbourg ; voilà pourquoi, 
sous sa plume, Werner devint un frère d'Ita, un fils de la 
duchesse Béatrice de Haute-Lorraine. Le témoignage des 
Acta^ à l'égard des origines de Werner, est donc trop 



(1) Ou dans les premiers mois de 979 au plus tard. 

;2) Ueher die Herkunft, p. 640-645, 675. 

(3) Ibid.y p. 669-670. M. Bloch, p. 670, oe croit pas non plus que le 
eomte de Habsbourg Albert II, à l'instigation de qui, suivant cet érudit, 
la fausse charte a été fabriquée, eût toléré que dans ce document on 
attribuât à un étranger la construction du château de Hasbourg et la 
fondation de Mûri, ni que l'on fit de cet étranger un membre de sa 
propre famille. Nous avions déjà (voir ci-dessus, p. 210) présenté des 
observations analogues, en les appliquant au comte Werner, auteur ou 
complice supposé, d'après M. Steinacker, du faux mis sous le nom de 
l'évéque de Strasbourg. 



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ET DE LA COMTESSE ITA d' APRÈS M. BLOCH 423 

suspect pour qu'on l'accepte (1). Aussi, pour M. Bloch, la 
première maison ducale de la Haute-Lorraine n'est pas 
fondée à revendiquer Werner, qui est un véritable Habs- 
bourg, fils de Gontran, frère de Lancelin et oncle du comte 
Radeboto (2). 

Ajoutons en terminant que nous avons reçu, le mois 
dernier, une lettre de M. Steinacker, où il nous disait entre 
autres choses : « Je ne persiste plus à croire que Thierry !«' 
soit le frère d'Ita et de Werner, mais je soutiens absolu- 
ment, à rencontre de l'opinion admise par M. le professeur 
Bloch, que Werner et Ita sont frère et sœur, que par 
conséquent tous les deux appartiennent à la seconde maison 
ducale de la Haute-Lorraine, et que Werner n'est pas un 
membre de la famille des Habsbourgs, comme le prétend 
la fausse charte de cet évêque (3). » 

Ainsi, le principal défenseur de l'opinion qui voyait dans 
Werner et dans Ita des enfants de Frédéric I«' et de 
Béatrice a rendu les armes, et nous n'avons plus, en ce 
moment, d'adversaire devant nous. A l'avenir, on peut 
Tespérer, personne ne tentera plus d'ajouter indûment 
révoque et la comtesse à la liste des enfants du premierduc 
de Haute-Lorraine. 

Quant aux conclusions positives de M. Bloch, nous venons 
de voir qu'en ce qui concerne Ita elles sont acceptées par 
M. Steinacker. Le débat entre les deux érudits ne porte 
donc plus que sur l'évéque Werner, dont M. Bloch fait un 
Habsbourg, tandis que son contradicteur, persistant a 
regarder le prélat comme un frère d'Ita, voudrait mainte- 
nant rattacher à la maison d'Alsace. 

Il sera intéressant de connaître les arguments du savant 

(1) Ueber die Berkunftj p. 660-609, 674. 

(2) Ibid,, p. 677. 

(3) La lettre de notre distingué coUègae porte la date da 7 décembre 
1906. 



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424 LA VÉRITABLE ORIGINE DE L*ÉVÊQUE WERNER I®r 

professeur autrichieu et de suivre la polémique qui se 
continuera sans doute entre lui et son collègue allemand ; 
mais, quel qu'en soit le résultat, il ne touchera ni de près, 
ni de loin, la première famille ducale de la Haute LtOrraine, 
qui est dorénavant hors de cause. 



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LISTE 
DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET ÉTABLISSEMENTS 

EN KAPPORT AVEC LA SOCIETE d' ARCHEOLOGIE LORRAINE (1). 



Aix. — Bibliothèque uaiversitaire. 

Albi. — Société des sciences, arts et belles lettres du dépar- 
tement du Tarn. 
. Alger. — Société de Géographie d'Alger et de TAfrique du 

Nord. 
iir Amiens. — Société des Antiquaires de Picardie. 

Angers. — Société nationale d'Agriculture, Sciences et Arts 
d'Angers. 

Angoulême. — Société historique et archéologique de la Cha- 
rente. 
i^ Annecy. — Société florimontane d'Annecy. 

Anvers. — Académie royale d'Archéologie de Belgique. 

Arlon. — Institut archéologique du Luxembourg. 

Arras. — Commission départementale des Monuments histo- 
riques du Pas-de-Calais. 

AucH. — Société archéologique du Gers. 

AuTUN. — Société éduenne des lettres, sciences et arts. 

AuxERRE. — Société des Sciences historiques et naturelles 
de l'Yonne. 

Avignon. — Académie de Vaucluse. 

Bale. — Historische und antiquarische Gesellschaft 

:Ar Bar-le-Duc. — Archives départementales de la Meuse. 



(1) L'astérisque gras indique l'envoi simultané des Mémoires et du Bulletin; 
l^astérisque ordinaire, Renvoi du Bulletin seul. Les Sociétés dont le nom n'est 
précédé d*aucun signe reçoivent les Mémoire»^ 



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II 

* Bar-lb-Duc. — Société des Lettres, Sciences et Arts de 

Bar-le-Duc. 
Bbauvais. — Société académique d'Archéologie, Sciences 

et Arts du département de TOise. 
Belfort. — Société belfortaine d'Emulation. 
BESANÇON. — Société d'Émulation du Doubs. 
Bordeaux. — Société archéologique de Bordeaux. 
Bourges. — Société des Antiquaires du Centre. 
Bruxelles. — Société royale de Numismatique. 
Bruxelles. — Société d'Archéologie de Bruxelles. 
^ Bruxelles. — Société des BoUandistes. 
Bruxelles. — Fédération archéologique de Belgique. 
Caen. — Société française d'Archéologie. 
Chalons-sur-Mahne. — Société d'Agriculture, Commerce, 

Sciences et Arts du département de la Marne. 
Chambéry. —Académie des Sciences, Belles-Lettreset Arts 

de Savoie. 
Chambéry. — Société savoisienne d'Histoire et d'Archéologie. 
Charleroi. — Société paléontologique et archéologique. 
Chartres. — Société archéologique d'Eure-et-Loir. 
Chateau-Thierhy. — Société historique et archéologique de 

Château-Thierry. 
CoLMAR. — Société d'histoire naturelle de Colmar. 
*CoMPièoNE. — Société historique de Compiègne. 
CoNSTANTiNE. — Société archéologiquo de la province de 

Constantine. 
CouRTRAi, — Cercle historique'et archéologique de Courtrai. 
*Dax. — Société de Borda. 
Dijon. — Commission des Antiquités du département de la 

Côte-d'Or. 
Epinal. — Société d'Emulation du département des Vosges. 
EvREUx. — Société des sciences et d'agriculture. 
Fontainebleau. — Société historique et archéologique du 

Gâtinais. 
Gand. — Société d'histoire et d'archéologie de Gand. 



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m 

GiESSEN (Hesse-Darmstadt). — Oberhessischer Geschichts- 
verein. 

Gray. — Société grayloise d'Emulation. 

Grenoble. — Académie delphinale. 

GuBRET. — Société des sciences naturelles et archéolo- 
gique de la Creuse. 

Havre (le). — Société nationale havraise d*Etudes diverses. 

Helsingpors. — Société archéologique finlandaise. 
:Ar Kœniosberg. — Alterturas-Gesellschaft Prussia. 

KojETiN NA HoMÉ (Moravie, Autriche). — Société d'archéo- 
logie de Moravie. 
*Langres. — Société historique et archéologique de Langres. 

Liège. — Institut archéologique liégeois. 

Liège. — Société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège. 

Lille, — Commission historique du département du Nord. 

i^ Luxembourg. — . Institut grand-ducal de Luxembourg 

(section des Sciences historiques). 

Luxembourg. — Cercle historique, littéraire et artistique. 

Maçon. — Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres. 

Mans (le). — Société historique et archéologique du Maine. 
*Maredsous (Belgique). — Abbaye de Maredsous. 

Metz. — Académie de Metz. 
^Metz. — Musée de la ville de Metz. 

Metz . — Société d'Histoire et d'Archéologie de la Lorraine. 
^ MoNs. — Société des Sciences des Arts et des Lettres du 
Hainaut. 

Montauban. — Société archéologique de Tarn-et-Garonne, 

MoNTBÉLLiRD. — Société d'Emulatiou de Montbéliard. 
^ MoNTBRisoN. — La Diana. Société historique et archéolo- 
gique du Forez. 

* MoNTMÉDY, — Société des Naturalistes et Archéologues du 

Nord de la Meuse. 

* Montréal (Canada). — Société de numismatique et d'ar- 

chéologie. 
Mulhouse. — Musée historique de Mulhouse. 



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Namur. — Société archéologique. 
i^ Nancy. — Académie de Stanislas. 
i^ Nancy. — Archives départementales. 
^ Nancy. — Archives municipales. 
^ Nancy. — Bibliothèque pubUque. 

* Nancy, — Bibliothèque universitaire. 

it Nancy. — Société de géographie de TEst, 
i^ Nancy. — Société lorraine de photographie. 

Nantes. — Société archéologique de Nantes et de la Loire- 
Inférieure. 

Neufchatel. — Société neucbâteloise de géographie. 

NÎMES. — Académie du Gard. 

Orléans. — Société archéologique de TOrléanais. 

Paris. — Académie des Inscriptions et Belles -Lettres. 

Paris* — Musée Guimet. 

Paris. — Bibliothèque de la Sorbonne. 

Paris. — Société nationale des Antiquaires de France. 

Paris. — Société des Etudes historiques. 
^ Paris. — Ministère de l'Instruction publique et des Beaux- 
Arts. 

* Paris. — Archives nationales. 

Pau. — Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau. 
PÉRiauEUx. — Société historique et archéologique du 

Périgord. 
PomERS. — Société des Antiquaires de TOuest. 
Reims. — Académie nationale de Reims. 
Rennes. — Bibliothèque universitaire. 
Rome. — Commissione archeologica comunale di Roma. 

* Rome. — Ecole française, palais Farnèse. 
*RouBAix. — Société d'Emulation. 

* Saint-Dié. — Société philomatique vosgienne. 
Saint-Malo. — Société historique et archéologique de 

Saint-Malo. 
Sarrebruck. — Historischer Verein fur die Saargegend. 

* Sedan. — Société d'Etudes ardennaises. 



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* Semur-en-Auxois. — Société des sciences historiques et 

naturelles. 
Senlis. — Comité archéologique de Senlis. 
SoussE (Tunisie), — Société archéologique de Sousse. 
Stockholm. — Académie royale d'Histoire et d'Archéologie. 
Strasbouro. ~ Société pour la Conservation des Monuments 

historiques d'Alsace. 

* Toulon. — Société académique du Var. 

Toulouse. — Société archéologique du Midi de la France. 
Tours. — Société archéologique de la Touraine. 
Troyes. — Société académique de l'Aube. 
Verdun. — Société philomatique de Verdun (Meuse). 
Verviers (Belgique). — Société verviétoise d'archéologie 

et d'histoire. 
Zagreb (Agram). — Société croate d'Archéologie. 



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LISTE DES MEMBRES 
Dl LA SOGlfiTÊ DAIGHtOLOfill LOIKAMI 

ET DU MUSÉE HISTORIQUE LORRALN 
au 1" Février 1909 



Bureao de la Société élo pour Fannoe 



Président, Pierre Boyé. 
Président honoraire, Charles Gliyot. 
Vice-président, Justin Faviar. 
Secrétaire perpétt^el, Léon Germain. 
Secrétaire annuel, Edmond des Robert. 

i Emile DiiTernoy. 
Marcel Maure. 

Bibliothécaire-Archiviste, Georges Goiiry 
Bibliothécaire adjoint^ Charles Sadonl. 
Trésorier, Julien Knecht. 



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TU 



Mu«ée liiatorique lorrain 



Comité dm Matée 

Président né, le Préfet de Meurthe-et-Moselle ; Vice-Président né, 
le Maire de Nancy ; Membres de droit : Les Membres da Bureau 
de la Société d* Archéologie ; Membres élus : G^* J. Beaupré ; 
F. Bretagne, ancien contrôleur des contributions directes ; Char- 
bonnier, architecte des monuments historiques ; 6. Demeufre ; 
Panl Denis, archiviste de la ville ; Ch. Drouet ; Fayier, conser- 
vateur de la Bibliothèque publique ; F. Genay, architecte ; 
Gh. Gnyot, directeur de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts ; 
P. de Lallemand de Mont, ancien secrétaire général de Préfec- 
ture ; Loppinet, conservateur honoraire des Forêts ; R. Marts, 
président de Chambre à la Cour d*appel ; Gh. de Meizmoron de 
Dombasle; Mellier, inspecteur honoraire d'Académie; H. Mengin, 
bâtonnier de l'Ordre des avocats ; Gh. Sadonl, directeur du Pays 
lorrain et de la Revue lorraine illustrée ; L. Wiener. 



CoMservmtioM da 11 asée 

Administrateur, le Président de la Société d'Archéologie. 
Conservateurs (1) : Périodes préhistorique, gallo-romaine et fran- 

que, C^ Jnles Beaupré ; — Monnaies et médailles, René Marts ; 

Mobilier ôt objets d'art, Georges Demenfre; — Estampes, livres 

et sceaux, Georges Goury. 

Conservateur honoraire, Lucien Wiener. 

(1) Cbaean des conservateurs porte le titre de Comervateur tm Muêée hUto» 
riquê lorrain. On est prié de s'adresser directement à ehaqae conservateur 
pour ee qni concerne sa section. 



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Commissions 

Commission des finanees. 

Le Présilent de la Société d'Archéologie, MM. F. Bretagne, 
Ch. GuYOT, P. DB Lallemand de Mont, M. Maure. 

Commission de rédaction da BuUetin, 

MM. P. BoYÉ, P. Denis, E. Duvernoy, J. Favier. 

Commission des excarsions. 

MM. P. de Beaubïont, C^* J, Beaupré, H. Bernard, P. Collbsson, 
: P. Denis, V. George, L. Lallbment, R. Martz, P.-EÎ, Masson, 
Ch. Sadoul. 

Commission des fonilies. 

MM. C»« J. Beaupré, H. Bernard, B. Coureur, Ch. Droubt, 
G. Goury, a. Grenier, P.-E. Masson, M. Maure, J. Noël, 
A. de NoviTAL, A. Poirot. 



Hiembres honoraires* 

Berger (Philippe), membre de Tlnstitut, professeur au Collège 

de France, 3, quai Voltaire, Paris. 
Le Directeur de la Société française d'Archéologie (1). 
Le Président de la Commission des Antiquités du département de 
la Côte-d'Or. 

— de la Société d'Emulation des Vosges. 
. -r- de l'Académie de Metz. 

— de l'Académie du Gard. ^ 

— de la Société archéologique de l'Orléanais. 

— de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 
. .— 7 de la Société archéologique de Sens. 

. -^ : ...de^ L'Institut grand-duçal de Luxenfibpurg (section 
des sciences historiques). . 

(1) La Société a conféré le titre de membre honoraire aux présidents des 
Sociétés qui, après l'incendie du Palais ducal en 1871, ont bien voulu lui 
donner des témoignages de sympathie, soit en souscrivant pour la reconstruction 
de l'édifice, soit en envoyant la collection de leurs publications à la biblio- 
thèque du Musée. 



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Membres perpétuels (!)• 

Baaffremont (le prince de), 87, rue de Grenelle, Paris, VU». 

BeaaTan. (le prince de), au château de Haroué. 

Berlin (Roger), avocat, 25, rue de la Ravinelle. 

t Biaemont (le comte Arthur de), ancien officier supérieur (Mort 
à Albi, le 81 janvier 1905). 

t Boar (Edouard), ancien secrétaire-adjoint de la Société (Mort à 

Nancy, le 5 avril 1905) . 
Boyc (Pierre), avocat à la Cour d'appel, membre de l'Académie 

de Stanislas, 53, rue Hermite. 
Conigrliano (Henri de), capitaîneeommandant au 18' Chasseurs, 

Luné ville, 
Coarcel (Valentin de), 20, rue de Vaugirard, Paris, 
t Damast (le baron Prosper Cloerrier de), premier secrétaire 

perpétuel de la Société (Mort à Nancy le 26 janvier 1883). 
Floranf^e (Jules), 1, rue du Sud, Clamart (Seine). 
Crermain (Léon), membre de l'Académie de Stanislas, 26, 

rue Héré. 
Cronry (Georges), avocat à la Cour d'Appel, 5, rue des Tier- 

celins. 

t Clooy (Jules), ancien magistrat, membre de l'Académie de 

Stanislas (Mort à Nancy le 16 février 1892). 
Cinyot (Charles), directeur de l'Ecole nationale des Eaux et 

Forêts, membre de l'Académie de Stanislas, 12, rue Girardet. 
t liang^lard, directeur d'assurances (Mort à Nancy le 29 juin 1899). 
t liaprevotc (Charles), ancien secrétaire perpétuel de la Société 

(Mort à Nancy le 12 juin 1886). 
•{• liaprevole (Léon), ancien inspecteur des forêts (Mort à Nancy 

le 23 octobre 1907j . 
t liargraillon (le commandant) (Mort à Nancy le 19 janvier 1905). 

(I) Le titre de membre perpétuel est acquis par le versement en une seule fois 
d'une somme de 200 francs. Il donne droit à la distribution gratuite des 
Mémoires et du Bulletin de la Société. (Arrêté ministériel du 16 juin 1891 auto- 
risant cette disposition additionnelle au Règlement.) 



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t liefebTre (Henri), ancien contrôlenr des contribntions directes 
(Mort à Nancy le 18 février 1908). 

Ijepmge (Henri), archiviste de Menrthe-et-Moselle, président de 
la Société de 1851 à 1887 (Mort à Nancy le 29 décembre 188*7). 

lioayot (l'abbé), professeur à TEcole Saint-Léopold. 

Masson (Pierre-Eugène), 9, rue Sainte-Catherine. 

Maure (Marcel), avocat, 8, cours Léopold. 
t Heaume (Edouard), avocat, professeur à l'Ecole forestière (Mort 
à Paris le 5 mars 1886). 

Menirin (Henri), Bâtonnier de rOrJre des Avocats, membre 
de TAcadémie de Stanislas, 49, rue Stanislas. 

Morlaineoart (le lieutenant - colonel René de), Hériçourt 
(Haute -Saône). 

Parisot (l'abbé), aumônier, 4, rue de Saurupt. 
t Pierson (Louis), mort à Mirecourt (Vosges), le 10 janvier 1899. 
Robert (Edmond des), 6, place d* Alliance. 
Rosières (Antoine de), conseiller général des Vosge?, à Mire- 
court. 
Rosières (Paul de), à Lunéville. 
Sadoal (Charles), docteur en droit, directeur particulier de la 

Compagnie d'assurances générales, 29, rue des Carmes. 
Salm-Salm (S. A. S. le prince Alfred de), à Anholt(Westphalie). 
t Sidot (Louis), libraire (Mort à Nancy le 18 mars 1896). 
t Sidot (Nicolas), libraire (Mort à Nancy le 14 juillet 1905). 
t Soabesmes (Raymond des Ctodlns de), ancien vice-président de 

la Société (Mort à Nancy le 21 février 1902). 
t Tliléry (Emile), artiste peintre (Mort à Nancy le 3 février 1895). 
ll^lener (Lucien), conservateur honoraire du Musée historique 
lorrain, 34, rue de la Ravinelle. 



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Membres titulaires (1). 



Adam (le docteur Alexis), 2, rue de la Salpétriêre. 
Aerts (Emile, notaire, 31, rue des Carmes. 
Aimé (le docteur Henri), ancien conseiller général, 42-44, rue 
Saint-Dizier. 

* Alsace, priace d'Hénin (le comte d'), sénateur, au châleau de 

Bourlémont, par Neufchâtcau (Vosges), et 20, rue Washing- 
ton, Paris, VllK 

* Ambroise (Emile), avocat, docteur en droit, 16, rue Gambetta, 

Lunéville. 

* André (Georges), notaire, place Léopold, Lunéville. 

Arbois de Jubainiille (Paul d'), archiviste de la Meuse, 24, rue 
Voltaire, Bar-le-Duc. 

* Arth, directeur de Tlnstitut chimique, membre de TAcadémie 

de Stanislas, 7, rue de Rigny. 

* Asher et C*% libraire, 56, Uoter den Linden, Berlin. N. W. 

* Aubry (René), commissaire de la Marine en retraite, 80, rue 

Bassompierre. 

* Aubry (Albert), 6, avenue Hoche, Paris, Vlll*. 

Audiat, président de chambre honoraire à la Cour d*appel, 
membre de l'Académie de Stanislas, 45, rue de la Ravinelle. 

AYOUt (le vicomte Auguste d*), ancien magistrat, 14, rue de 
Mirande, Dijon. 

* Balland (Fabbé), curé de Bouxières-Bous-Froidmont. 

* Barbas (le commandant), 8, rue de la Monnaie. 

* Barbey (Adrien), 5, rue Sainte-Catherine. 
Barbey (Georges), 5, rue Sainte-Catherine. 
Barbier, dessinateur-autographe, 4, quai Choiseul. 

Barbier (l'abbé), curé de Saint- Vincent-Saint-Fiacre, 7, impasse 
Saint- Vincent. 



(1) Les noms précédés d'un astérisque gras sont ceux des membres perpé- 
tuels ; les noms précédés de l'astérisque ordinaire, ceux des membres abonnés 
au Bulletin mensuel de la Société. 

Les personnes dont le nom n'est suivi d'aucune indication de lieu, ont leur 
résidence à Nancy. Les localités dont la situation n'est pas spécifiée, sont com- 
prises dans le département de Meurthe-et-Moselle. 



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* Barrés (Maurice), de rAcadémie française, député de Paria, à 

Charmes-Bur-Moselle (Vosges), et 100, boulevard Maillot, à 
Neuilly- Paris. 
^ Barthélémy (François), 2, place Sully, Maisons-Laffitte (Seine- 
et-Oiie). 

* Baseil (le docteur), à Fronard. 

Bastien (Pierre), greffier en chef de la Cour d'appel, 11, rue 

Désilles. 
Baudesson (Jean), avocat à la Cour d*appel, 15, rue Hermite. 

* Baudot (Jules), industriel à Bar-le-Duc (Meuse). 

* Bauffremont (le prince ducde\ 87, rue de Grenelle, Paris, Vil*. 
-^ Bauffremont (le prince de), 87, lue de Grenelle, Paris, YII*. 
^ Baur (Victor), directeur de YEst forestier, 11, rue de Lorraine. 

* Bauzée-Pinsart, sculpteur, place de THôtel-de- Ville, Montron 

(Dordogne). 

* Bazoche, notaire honoraire, à Gommercy (Meuse). 
Beauchet, maire de la ville de Nancy, 11, me de la Ravinelle. 
Beanmont (P. de), 4, rue de Lorraine. 

* Beaupré (le comte Jules), 18, rue de Serre. 

-^ Beanvan (le prince de), au château de Haroué. 
Bécourt (£lugène), professeur honoraire au Lycée de Nancy, 
12, rue de Toul. 

* Bellefond (le colonel de), 6, rue Gallot. 

* Benoît-Gény (Auguste), avocat, 9, rue Lepois. 
Bentz, 17, rue de Nabécor. 

Berger (V.), libraire, 13, rue Saint-Georges. 

* Bergeret, imprimeur, 24, rue Lionnois. 

Berlet (Charles), avocat à la Gour d^appel, 8, rue d'Alliance. 

* Berlet (François), 8, rue d'Alliance. 

* Bernard (Henri), avocat à la Cour, 21, rue Gambetta. 

"^ Bernard de Jandin, ancien magistrat, 16, rue Montesquieu. 
Bernard de Jandin (Henri), à Saint-Nicolas-de-Port. 

* Bernardin (Léon), lieutenant au 149» régiment d'infanterie, 17, 

rueBoulay-de-la-Meurthe, à Epinal. 
^ Berthelé, archiviste de THérault, 11, impasse Pages, Montpellier. 
Berthelin de DooleTant (Joseph), 4, rue des Loups. 

* Bertier (Emile), ancien avoué à la Gour d'appel, 21, rue de 

Thionville. 

* Bertier (Georges)^ directeur de l'Ecole des Roches, Les Roches, 

par Verneuil (Eure). 



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^ Bertin (Charles), rue Lepois^ 6. 

^ Bertin (Roger), avocat, 25^ rue de la Ravinelle. 

* Beugnet (l'abbé), curé de Saiut-Nicolas, 42, rue des Qaatre-Eglises. 

* Bibliothèque (la) de la Ville de Bar-le-Duc (Meuse). A la Mairie. 
Bibliothèque (la) du British Muséum, à Loadres. 

* Bibliothèque (la) de la Ville d*Epinal. 

* Bibliothèque (la) de la Ville de Longwy. 

* Bibliothèque (la) de la Ville de Lunéville. 
Bibliothèque (la) de FUniversité, Cambridge. 

Bigorgne, professeur au lycée Condorcet^ 2, rue Vauveuargues, 
Paris, XVIIK 

Bizemont (le comte Jean de), 8, rue Girardet. 

Biaise -Derouz, Gerbéviller. 

Bloch (J.)y Grand Rabbin du Consistoire Israélite, 18, rue de 
TEquitation. 

Blondlot, professeur «à la Faculté des sciences, membre de l'Aca- 
démie de Stanislas, 8, quai Claude-le- Lorrain. 

Bonnet (Adolphe), préfet de Meurthe-et-Moselle. 

* Boppe (Auguste), conseiller à l'Ambassade de France à Constan- 

tinople, 40, rue de Toul. 
^ Boppe (Paul), ancien commandant de cavalerie, 40, rue de 
Toul. 
Bossert, ancien bijoutier, 18, rue Victor-Hugo. 

* Bossu (Louis), avocat général près la Cour d'appel, 2, rue Fouc- 

ques. Douai. 

* Bœswilwald (Paul), inspecteur général des monuments histo- 

riques, 6, boulevard Saint-Michel, Paris, V*. 
Boulangé (Georges), pharmacien, à Pompey. 
Boulyain (Aimé), directeur des Usines Solvay, Dombasle-sur- 

Meurthe. 

* Bourgeois (J.)» négociant à Sainte-Marie-aux-Mines (Alsace). 
Bourgogne (Frédéric de), àLamarche (Vosges). 

* Bourgon (Désiré), architecte, élève de !'• classe de l'Ecole des 

Beaux- Arts, 6, cours Léopold. 

* Boursier (Charles), notaire, 9, rue Saint-Nicolas. 

i^ Boyé (Pierre), avocat à la Cour d'appel, membre de l'Académie 
de Stanislas, 53, rue Hermite. 

* Brabois (Louis Pierson de), au château de Brabois, Villers-les- 

Nancy. 



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IIY 

* Braqnier (Léon), industriel, conseiller d^arrondiRsement, Verdtin. 
Braan (Pierre), professeur agrégé au Lycée de Nancy, 1, rue 

Saint-Julien. 

* Bretagne (Ferdinand), ancien -contrôleur des contributions 

directes, 55, rue de la Ravinelle. 

* Brincourt (M°»«), 27, rue Sainte-Catherine. 

* Briot (Fabbé), curé-doyen de la basilique Saint-Epvre, 6, rue 

des Loups. 

* Briquai (le docteur Paul), 32, rue de Viller, Lunéville. 
Brouillon (Edouard), 12, rue des Dominicains. 

Brun (Henry), directeur particulier de la Gpmpagnie d'assu- 
rances générales sar la vie, 71 bis^ rue Isabey. 

* Brunean (Kabbé), 169, rue de Strasbourg. 

* Buffet (Louis), ancien ingénieur des Ponts-et-Cliaussées, à 

Plainfaing (Vosges). 
Buffet (Paul), 18, rue Cassette, Paris, VI». 

* BuUier, avoué, 50, rue Stanislas. 

Bussienne (Charles), propriétaire, à Dieulouard. 

* Bnssiére, sculpteur, 9, rue de Metz. 

* Gartier-Bresson (Charles), industriel, à CeUes-sur-Plaine (Vosges). 

* Gaspard (Charles), 47, avenue de la Garenne. 

* Gastara (Henri), maire de Lunéville, conseiller générai de 

Meurthe-et-Moselle, Lunéville. 
Gastez (le vicomte Maurice de), ancien officier d*état-major, 9, 

rue de Penthièvre, Paris, V1II«. 
Gerf, notaire, à Rosières- aux* Salines. 
Gésar (Paul), brigadier-fourrier à la compagnie saharienne de la 

Saoura, Beni-Abbès (Extrême Sud Oranais). 

* Ghapelier (Fabbé Ch.), curé-archiprêtre de Mirecourt (Vosges). 
Ghapuis (le docteur), député de Meurthe-et-Moselle, questeur de 

la Chambre, Palais -Bourbon, Parie, VII«. 

* Gharbonnier, architecte des Monuments historiques, 37, rue du 

faubourg Saint-Jean . 

* Gharlot (Alexandre), ancien magistrat, 5, rue des Dominicains. 

* Châtelain (E.) , professeur honoraire au Lycée , 42, rue de 

Boudonville. 
A Ghatelain (l'abbé), ancien professeur de philosophie, curé de 
Vatimont, par Baudrecourt (Als.-L.). 



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XV 

* Cbatton (Fabbé Ed.), curé de Soméyille» par MonceUsur Seille. 

* Chatton (Fabbé Smile)» curé d*Hoévill6, par Biaville. 

* Ghénin (Emile), professeur au Lycée, 86, rue de la République, 

Orléans. (Loiret). 

* Ghennt (Paul), 53, cours Léopold. 

Chepfer (Georges), 53, rue Gaulaincourt, Paris, XVIII". 

* Gherpin (l'abbé L.), 1, rue Saint- Ho aoré, Versailles. 
Ghevalier (Pol)> avocat, maire de Bar -le>Duc, conseiller général 

de la Meuse, Bar-le-Duc. 

* GheveUe, ancien maire, juge de paix de Vaucouleurs (Meuse). 

* Ghevrenx (Paul), inspecteur général des archives, 20, quai de 

Bel hune, Paris, 1V«. 

* Chrétien (Georges), agriculteur à Sfax (Tunisie). 

* Ghrétien (le docteur H.), professeur à la Faculté de médecine, 

4, place Garnot. 

* Glanché (Fabbé), curé de Dieulouard. 

Glaade (Henry), avocat à la Cour, 17, rue du Faubourg- Saint- 
Jean. 

* Glaudin (Eugène)^ lieutenant-colonel en retraite, 71 bis, rue 

Isabey. 

* Glond (Léon), ancien notaire, 3^ rue Grandville. 

^ Cohen (Robert), licencié en histoire, étudiant à la Faculté des 
Lettres, 7, boulevard Morland, Paris, 1V«. 

* Celiez (Emile), docteur en médecine, à Longwy-Bas. 

* Colin (Fabbé Eugène), curé de Groismare, par Marainviller. 

* GoUenot (Félix), ancien magistrat, 9, rue d'Alliance. 
Collesson (Pierre), 47, rue des Tiercelins. 

CoUignon (Albert), professeur à la Faculté des Lettres, membre 
de r Académie de Stanislas, 2 bis, rue Jeanne-d'Arc. 

CoUignon, médecin-major de 1'* classe au 25* d'infanterie, 6, rue 
de la marine, Gherbourg. 

* GoUombier (Albert)^ ingénieur eivil^ 1, place Thiers. 

* Comte, ingénieur des Ponts et Ghaussées, à Gommercy (Meuse). 
ll^ Conlgrllano (Henri de), capitaine commandant au 18* Ghas- 

seurs. Luné ville. 

* Gorbin (J.-B.), 8, rue Mazagran 

Corbin (Roger), 4, boulevard Saint-Martin, Paris, X*. 
Gordier (Julien), avocat, ancien député, à Toul. 
^ Coareel (Valentin de), 20, rue de Vaugirard, Paris, VIS 



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XVI 

* Conreur (Bernardin), 20, rue Laflize. 

* Goarnaolt (Abel), La Donëra, Malzéville. 

* Grépin-Leblond, imprimeur-éditeur, passage du Casino. 
GreYoisier d'Hurbache (René de), avocat à la Cour d'appel, 

7, rue Mably. 
Cirny (l'abbé), à Bréménil, par Badonviller. 

* Curé (Fabbé), vicaire à Saint- Epvre, 6, rue des Loups. 

Dannreuther, pasteur de TEglise réformée, 3, quai Victor-Hugo, 

à Bar-le-Duc (Meuse). 
Dartein (Fabbé de)» ancien professeur à Fécole Saint-Sigisbert, 

22, rue de Rigny. 

* Dartein (Henri de), 22, rue de Rigny. 
Dassigny, comptable, à Mirecourt (Vosges). 

* Daum (Auguste), maître- verrier, ancien président du Tribunal 

de Commerce, Verreries de Nancy. 

Daupleiz, avoué, à Saint-Mihiel (Meuse). 

David (Louis), à Vaucouleurs (Meuse). 

David (Paul), ancien sous- préfet, 4, rue Hermite. 

Débuisson (Eugène), à Bayon. 

Degoutin (Maurice), château de Remonvaulx, près Bayonville, et 
chez Mme de Résie, à Beaune (Côte-d'Or). 

Delageneste, capitaine au 5« hussards, place des Dames, Remire- 
mont (Vosges). 

* Délavai (Paul), inspecteur à la Société Nancéienne, à Saint-Max- 

lès-Nancy. 

* Démange (Fabbé Modeste), curé de Lagney, par Toul. 

* Demeufve (Georges), 4, rue des Michottes. 

* Denis (Albert), avocat, maire de Toul, conseiller général de 

Meurthe-et-Moselle, à Toul. 
Denis (l'abbé), curé de Réméréville, par Saint-Nicolas de Port." 
Denis (Paul), président honoraire du Tribunal, à TouL 

* Denis (Paul), docteur d'Université, archiviste de la Ville de 

Nancy, 4, rue du faubourg Stanislas. 

* Deshaye (Ferdinand), maire de Mont-devant Sassey (Meuse). 
Dessez (Charles), inspecteur d'Académ ie, membre de l'Académie 

de Stanislas, 5, cours Léopold. 
Deubel (Robert), avocat à la Cour d'appel, 6, rue de Serre. 
n Didier-Laurent (Fabbé), curé de Monthureux-sur- Saône (Vosges). 
Didion i^Fabbé Georges), curé de Vaudémont. 



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XVI î 

Didrit (l'abbé Théophile), curé de Charmes la- Côte, par Toul. 

* Domange (Fabbé Louis-Emile), curé de Louppj-le-Château 

(Meuse). 
^ Domgermaiii (le comte de), château de Yessenges, par Nevers 
(Nièvre). 

* Donders (Charles), industriel^ président de T Association des 

Aniis du Nouveau Nancy, 1, rue de la République. 

* Donders (Ferdinand), ingénieur civil, 18, rue de Thionville. 
Dory (Joseph), libraire, 31, rue des Carmes. 

Douin (l'abbé Alexandre), curé de Delut, par Damvillers (Meuse). 

* Drioton (Etienne), 12, rue du faubourg Stanislas. 
Droit, notaire, 26, rue des Carmes. 

* Dronet (Charles), 17, rue Isabey. 

^ Dryander (Edgard), 34, rue de la Ravinelle. 

* Dubois (S. G. Mgr), évêque de Verdun, 27, rue Chevert, Verdun. 

* Dubois (Gustave), avocat, 8, rue de Rigny. 
Ducrot (le capitaine), 59, rue Hermite. 

* Dubuisson (Vabbé), curé de Marville (Meuse). 

* Dulau et C®, libraire, 37, Soho-Square, Londres. W. 

* Dumast (le baron de), 38, place de la Carrière. 

* Dûment (Paul), docteur en droit, bibliothécaire universitaire, 

10, place Carnot. 

* Durand (G.), archiviste du département de la Somme, 22, rue 

Pierre-l'Hermite, Amiens. 

* Duval (Louis), négociant, 27, rue .des Ponts. 

* DuYemoy (Emile), archiviste du département de Meurthe-et- 

Moselle, membre de TAcadémie de Stanislas, 1, rue de la 
Monnaie. 

* Eauclaire (l'abbé), curé de Rosières-anx- Salines. 

* Elle (Georges), capitaine de cavalerie en retraite, 4, rue du 

Général-Drouot. 

* Elle (Octave), ancien officier, 16,''rue des Glacis. 

* Elie-Lestre, ancien officier de cavalerie, 43, cours Léopold. 

* Etienne (Charles), professear au Lycée Voltaire, 10, rue Nicolas- 

Flamel, Paris, IV«. 
Etienne (le docteur Georges), professeur agrégé à la Faculté de 

médecine^ 22, rue du Faubourg-Saint-Jean. 
Evrard ^Charles), notaire, maire de Varennes-en-Argonne . 
Evrard (JuleH), banquier, à Mirecourt (Vosges). 



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tVtîî 

Farnier (Henri), photograveur- imprimeur, avenue Marcel. 

* Favier (Justin), conservateur delà Bibliothèque publique, membre 

do l'Académie de Stanislas, 2, rue Jeanne-d*Arc. 
"^ Fawtier (Robert), étudiant en histoire à la Faculté des lettres, 
33, rue de Berlin, Paris, VIII«. 

* Ferry, notaire, à Saint-Loup (Haute-Saône), 

* Ferry (Gustave), à Lezy, par Cons-la-Grandville. 

* Flayelle (M.), député des Vosges, 15, rue de Phalsbourg, Paris, 

XVII*. 
^ Flora DIT® (Jules), 1, rue du Sud, Clamart (Seine). 

* Florentin (Alfred), notaire honoraire, vice président du Conseil 

général de Meurthe-et-Moselle, Vézelise. 

* Fontaine d*Hamonconrt Unverzagt (le comte Hubert de la). 

Chambellan de S. M. l'Empereur d'Autriche, 59, Reisner 
Strasse, Vienne, et Altenmarkt,prèsEriesting (Basse-Autriche). 

* Fourier de Baconrt (le comte Etienne), 56, rue Cortambert, 

Paris, XVP. 

* Fonrmann (Fabbé), curé de Villers-en-Haye, par Dieulouard. 

* Foumier (Paul), doyen de la Faculté de droit, correspondant de 

rinstitut, Il bis, place Victur-Hugo, Grenoble. 

* Frick (Guillaume), libraire, 27, Graben, Vienne (Autriche). 
Fringant (rabbé), curé d'AUamps, par Vannes-le-Châtel. 
Fringnet (Alphonse), inspecteur de l'Académie de Paris, 62, 

rue Claude-Bernard, Paris, V. 

Frœlich (Jules), chef de service à la maison Berger-Levrault, 
38, rue Sellier. 

Frœlich (le docteur R.), professeur agrégé à la Faculté de Méde- 
cine, 22, rue des Bégonias. 

* Fnuninet (Fabbé), curé-archiprêtre de Saint-Jacques, à Lunéville . 

Fnrby, procureur général près la Cour d'appel, 26, rue Palissot. 

Gand (H.), 19, rue de Metz. 

Gandelet (le comte Albert), chambellan de S. S. Pie X, 5 bis^ 

rue d'Alliance. 
Gantinotty (le docteur Léon), directeur de l'Assistance médicale 

gratuite et de la vaccine, 38, rue des Carmes. 

* Gardeil (Paul), 13, rue de la Commanderie. 
Gamier (Georges), avocat, 8, rue Isabey. 

Gamier (Jules), professeur à la Faculté de droit, 8, rue Isabey. 
Garnier (Paul), ancien juge au Tribunal civil, 8, rue de la Source. 



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XIX 

* Gayet, professeur à la Faculté de droit, 52, rue des Tierceiins. 

Gaudchanx-Picard (Erueet), conseiller à la Cour d'appel, 6, rue 
Victor-Poirel. 

* Gaujot (Gustave), médecin-inspecteur de Tarmée au cadre de 

réserve, 26, rue du Montparnasse, Paris, VI*. 

* Gegout (Edgard), conseiller à la Cour d'appel, 21, rue du faubourg 

Saint-Jean. 
Gegout (Emile-Bernard), rue Notre-Dame, à Vézelise. 

* Genay (Ferdinand), architecte, inspecteur des édifices diocésains, 

5, Terrasse de la Pépinière. 
Génin (André), chef de bataillon au 91* dlnfanterie, 19, rue 
Saint-Sauveur, Verdun (Meuse). 

* Gény, entrepreneur, 47, rue Hermite. 

* George (Amédée), 13, rue de Metz. 

* Georgo (Emile), notaire, 48, rue Gambetta, Lunéville. 
George (Victor), ancien négociant, 36, rue de la Ravinelle. 

* George (l'abbé), curé de Saint -Max, près Nancy. 

* Georgel (Paul), avoué, 25-27, rue de la Source. 

* Gérard (Emile), adjoint au maire de Nancy, 64, rue du Montet. 
Gérard (Charles), avocat à la Cour, 41, place de la Carrière. 

* Germain (Edouard), 47, rue Isabey. 

^ Ciermain (Léon), membre de l'Académie de Stanislas, 26, 
rue Héré. 

* Gilbert (l'abbé), curé de Gérardmer (Vosges). 

* Gillant (l'abbé) , curé d'Auzéville , par Clermont-en-Argonne 

(Meuse). 

* Gillet, conseiller à la Cour d'appel, 2. rue Girardet. 

* Gironcourt (de), conducteur principal des Ponts et Chaussées j 

9, rue Désilles. 

Gœpfert (E.), artiste-peintre, 6, rue d'Amerval. 

Gomien (Paul), ancien sous-intendant militaire, 1, rue Sainte- 
Catherine. 

* Gossé (l'abbé), curé de Benney, par Ceintrey. 

* Gourcy (le comte X. de), château de la Boulaye, Cerisy-la-Forôt 

(Manche), et 25, rue de Grenelle, Paris, VII\ 
i^ Cronry (Georges), avocat à la Cour d'appel, 5, rue des Tierceiins. 

* Gonry (Gustave), avocat à la Cour d'appel, 5, rue des Tierceiins, 

* Goay de Bellocq-Feaqoières (Albert), ancien officier d'état-major, 

3, rue d'Alliance. 



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XI 

* Grandclande (rabbé), 29, avenue de Boufflers. 

* Greff (Henry), industriel, 44, rue de la Commanderie. 
Grenier (Albert), maître de conférences à la Faculté dei lettres, 

46 bis^ rae Jean-Lamour. 

* Grillet (Oastoa), sons-chef du Cabinet dn directeur da Tassii- 

tance publique, 19, rue Jean-Vaury, Paris, XIV«. 
Grillon (Jean), député de Meurtbe-dt-Moselle, 3 bis^ rue Rota- 
Bonhenr, Paris, X*. 

* Greffe (Emile), huissier, Montfaucon (Meuse). 

Grosdidier (René), député de la Meuse, maire de Commerey, 

13, rue de Strasbourg, Paris, X«. 
Grosjean (Henri), libraire, 20, rue Héré. 
Gnérin (Edmond), 6, rue des Capucins, à Lunéville. 
Gntton (Henri), architecte, 42, rue Gambetta. 
Gnyot (A.), ancien receveur principal dés douanes, 19, rue de 

Laxou. 
i^ CSpyot' (Charles), directeur de TEcole nationale des Eaux et 

Forêts, membre de TAcadémie de Stanislas, 12, rue Girardet. 

* GyOry de Nadudyar (Arpad dé), archiviste de la Maison Impé- 

riale et Royale, Minoritenplatz, Vienne (Autriche). 

Hacqaard (Henri), commis à la Bibliothèque publique, 18, rue 

de Thionville. 
Baillant (Nicolas), secrétaire perpétuel de la Société d'émulation 

du département des Vosges, 21, place de TAtre, Epinal. 

* Balbin (labbé), curé de Senon, par Spincourt (Meuse). 
Haldat du Lys (Henri de), 36, cours Léopold. 

Hamant (l'abbé), professeur au Collège Stanislas, 32, rue Le- 

courbe, Paris, XV*. 
Hammer, administrateur de la Compagnie générale électrique, 

58 bis, rue de Metz. 
Harbulot (Gabriel), pharmacien à Bayon. 
Harmand (l'abbé), supérieur de l'Orphelinat agricole, à Haroué. 

* Harmand (René), professeur au Lycée, 7, rue des Chanoines. 
Hausen (d'), château de Sainte-Marie, par Blâment. 

* Haussonville (le comte d') , de l'Académie française , ancien 

député, 41, rue Saint-Dominique, à Paris, VII«. 

* Heitz, percepteur des contributions directes, à Comimont (Vosges). 

* Bernard d'Adigny (Henri), à Belrupt, par Verdun (Meuse). 
Hennesdl (le comte d'), à Villets-lès -Nancy. 



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* Hennezel d'OrmoU (le vicomte J. de), château de Bourguignon, 

par Mona-en-Laonnois (Aisne). 
Henriet (Joseph), avocat, 11, rue des Michottes. 
Henry, professeur à FEcole forestière, 5, rue Lopoia. 

* Henry (Ernest), 30, faubourg du Ménil, Sedan. 

* Hérisé> notaire, rue des Mars, 24 bis, Pont-à-Mousson. 

* Honnoré (Gustave), trésorier- général honoraire, 4, me des Cha- 

noines, Saint-Mihiel (Meuse). 

* Houillon (l'abbé), curé de Barbonville, par Blainville-sur^rEau. 
HonzeUe, instituteur, président de la Société des naturalistes et 

archéologues du Nord de la Meuse, à Montmédy (Meuse). 
Hobel, avoué à la Cour d'appel, 15, rue do Serre. 

* Hnber (Emile), manufacturier, à Sarreguemines. 

* Hubert (Lucien), rentier, à la Monnoyère, Longwy-Haut. 

* Humbert (l'abbé Auguste), directeur du Grand Séminaire, 

Verdun (Meuse.) 

* Idoux (l'abbé), professeur à l'Institution Sainte-Marie, Ramber- 

villers (Vosges). 
Imhans (Gustave), imprimeur-éditeur, 86, avenue de la Garenne. 
Inspecteur d'Académie (M. V), membre de droit de la Société. 

* lohmanii, bijoutier, 32, rue des Dominicains. 

Jacques (l'abbé Victor), agrégé de l'Université, ancien directeur 

de la Malgrange, 23, rue de la Ravinelle. 
Jacques (le docteur), professeur agrégé à la Faculté de médecine, 
41, rue du faubourg Saint-Jean, Nancy. 

* Jacquot (Albert), luthier, 19, rue Gambetta. 
Jasson, architecte de la ville, 4, rue des Glacis. 

* Jean (l'abbé Louis), curé de Châteauvoué, par Hampont (Lor- 

raine). 

* Jérôme (l'abbé), vicaire général de Nancy, membre de l'Acadé- 

mie de Stanislas, 26, rue de la Pépinière. 
Joachim, professeur agrégé au Lycée, 23, rue Sigisbert-Adam. 

* Joffroy(R.). *79, rue des Qaatre-EgUses. 
Joybert (le baron G. de), 48, rue Hermite. 

Kalbach (Vabbé), curé de Villers-sous-Prény. 

* Kasteuer (Jean), rue Liétard, Plombières- les- Bains (Vosges). 



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XZII 

* Kind (Augnste)^ villa des Sapins, impasse du Sapioi. 

* Knecht (Julien), agent général de U Compagnie de St-Gobain^ 

8, rue de Serre. 

Knecht (Marcel), licencié ès-lettres (Anglais), secrétaire perpé- 
tuel du Couarail, 16, rue de Serre. 

Koch (Camille), avocat à la Cour, 63, rue Hermite. 

* Kœberlé (Mlle Eisa), quai Kléber, Strasbourg. 

* Kools (Fabbé), curé de Lorquin (Lorraine). 

Krantz (Camille), ancien ministre, député des Vosges, 226, bou- 
levard Saint-Germain, Paris, Vil*. 

* Krantz (Emile), doyen honoraire, professeur à la Faculté des 

lettres, 21, rue des Dominicains. 

* Kronberg, négociant, 83, boulevard Lobau. 

* Krug (Alfred) industriel, 26, avenue de la Garenne. 
Krug-Basse, conseiller honoraire à la Cour d*appel, 20, rue de 

Toul. 

Lacaille, avoué à la Cour d*appel, 35, place de la Carrière. 
Laffitte (Louis), secrétaire général de la Chambre de Commerce, 
directeur général de l'Exposition de Nancy, 40, rue Gambetta. 
Lagrésille. conseiller à la Cour d'appel, 58, rue des Tiercelins. 
La Lance (le commandant de), 98, place Saint-Georges. 

* Lallemand de Mont (Pierre de), ancien secrétaire général de 

Préfecture, 8, rue Isabey. 

* Lallement (Léon), 34, cours Léopold. 

* Lallement (Léopold), Vice-Président du Bureau de bienfaisance, 

22, rue de Metz, Nancy. 

* Lambel (le comte J. de), au château de Fléville, et 53, rue de 

Ponthieu, Paris, VIII*. 

* Lambert (l'abbé Augustin), curé de Notre-Dame d'Avioth, 

par Montmédy (Meuse). 

* Lambert (Jean), libraire, 8, rueRaugraff. 
Lambert, avoué au Tribunal, 21, ru) Saint-Dizier. 

* Lambertye (le marquis de), à Coos-la-Grandville. 

* Landrian, baron du Montât (le comte de), 17, rue Bailly. 
Landrian (Jean de), 17, rue Bailly. 

Langenbagen (Ferdinand de)^ membre de la Chambre de com- 
mercO; conseiller général de Meurthe-et-Moselle, Lunéville. 



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xxrn 

Langlois (le géaéral), séaateur de Meurthe-et-Moselle, 185, rue 

de Vnugirard, Paris, XV*. 
La Perrière (M"' Heori de), 20, rue d'Edimbourg, Paris, VIII». 

* Lapisse (Charles de)^ à Moutîgny-devant-Sassey, par Dnn- 

sur-Meuse. 

* Laprevote (Paul), 14, rue Victor- Hugo. 

* Lardemelle (le géuéral de), 7, rue du Manège. 

La Rochethttlon (le géaéral comte de), conseiller général de 
Meurthe-et-Moselle, à Clémery. 

* La Ruelle (F. de), chef d'état-major de la 2* division de cavale- 

rie, 5, rue des Chenus, Lunéville. 
Latoache (le baron de), 8, rue Girardet. 

* Laxzillière (Félix), conservateur des Eaux et Forêts, 35, rue du 

faubourg Saint-Jean. 

* Laurent (P.)> architecte^ 18, avenue Dutac, Epinal (Vosges). 

* Laurent, maître de conférences à la Faculté des lettres, 12» rue 

Jeanne-d'Arc. 

* Le Bègue de Germiny (le comte Marcel), 41, rue d'Amsterdam, 

Paris. 

* Leblanc (Henri), marchand d'antiquités, 18, rue Héré. 
Lebrun (Albert), député, président du Conseil général de Meur- 
the-et-Moselle, 35, boulevard Raspail, Paris. 

* Lecomte (Henri), juge d'instruction, 66, rue Charles-III. 
Lederlin, doyen honoraire de la Faculté de droit, membre de 

l'Académie de Stanislas, 12 bis, faubourg Stanislas. 

* Lemaire (Jules), à Stenay (Meuse). 

Lemoine (l'abbé Emile), curé de Pompierre (Vosges). 

* L'Escale (E. de), 53, rue de Clichy, Paris, IK«. 

* L'Escale (Louis de), 1, rue Daval, Montmorency. 

L'Espée (le baron Jean de), colonel an 8* hussards, à Verdun. 
Lespine (Louis), avocat à la Cour, 9, rue Callot. 
Leyallois (Henri), bibliothécaire à la Bibliothèque nationale^ 7, 
rue des Arènes, Paris, V*. 

* Léyêque (l'abbé Louis), vicaire au Val-d'Ajol (Vosges). 

* L'Héraule (de ), 27, place de la Carrière. 

* L'hôte (l'abbé), professeur à l'école de théologie catholique, me 

Haute, Saint-Dié (Vosges). 
Lhuillier (l'abbé), curé d'Abreschwiller (Lorraine). 



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XXIV 

' Liébaut (l'abbé), curé d*Oatremécourt, par Soulaucourt (Haute- 
Marne). 

* Liégeois (le docteur), correspondant de l'Académie de médecine, 

à Bainville-aux-Saules, par Dorapaire (Voiges). 
Limon (Camille), juge honoraire, 23, rue de Metz. 

* Loppinet» conservateur honoraire des forêts, 39 bis, rue du fau- 

bourg Saint- Jean. 
Lorta, directeur des contributions indirectes en retraite, 5 bis, 
place du Panthéon, Paris, V*. 

* Lonis (Charles), notaire, à Thiaucourt. 

'A: lioayot (l'abbé), professeur à l'Ecole Saint-Léopold. 

* Loyseau du Boulay (Joseph- Auguste), ancien conducteur des 

Ponts-et-Chaussées, à Auzéville, par Clermont-en-Argonne 
(Meuse). 

* Ladre (le comte Fer ri de), député, château de Ludres, à Richard- 

ménil, et 15, avenue Bosquet, Paris, VI1«. 

Magot, avocat, à Pont-à-Mousson. 

* Mahuet (le comte Antoine de), 38, rue Gambetta. 

* Majorelle (Louis), industriel, 20, rue Saint-Georges. 

Malgras (Léon), directeur du « Couarail », 50, rue Pasteur. 

* Mandre (llené de), 9, rue du Marché- Saint-Honoré, Paris, I*^. 

* Mangenot (l'abbé Eug.), professeur à l'Institut catholique, 

88, rue du Cherche-Midi, Paris, Vl«. 

* Marcot (Léopold), ancien maire de Réméréville, 13, Grande-Rue 

Ville-Vieille. 
Marcot (René), 19, rue de la Ravinelle. 

* Marge (Gaspard), ancien membre de la Chambre de commerce, 

10, rue des Tiercelins. 

* Margo (Paul), avocat, 2, rue Victor-Poirel. 

^ Marichal (Paul), archiviste aux Archives nationales» 11, avenue 

de Paris, à Sceaux (Seine). 
^ Marin (l'abbé), docteur ès-lettres, professeur au collège de la 
Malgrange, par Jarville. 
Marin (Louis), député de Meurthe-et-Moselle, 13, avenue de 

rObservatoire, Parif, VI«. 
Maringer, ancien maire de Nancy, 36, rue du Faubourg St-Jean, 



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* Martin (Albert), professeur â la Faculté des lettres, ancien doyen, 

correspondant de Tlnslitut, membre de TAcadémie de Stanis- 
las, 9, rue Sainte-Catherine. 

* Martin (l'abbé Eugène), docteur ès-lettres, membre de l'Acadé- 

mie de Stani8las,26, rue de la Pépinière. 
Marton (l'abbé), ancien aumônier militaire, 4, place d'Alliance. 

* Martz (René), président de chambre à la Cour d'Appel, 30, rue 

des Tiercelins. 

* Marx (Roger), inspecteur des Beaux- Arts, 105, rue de la Pompe, 

Paris, XVIe. 
Massé (Henri), étudiant en histoire â la Faculté des lettres, 

5, quai de Strasbourg, Lunéville. 
Masson (Charles) adjoint au maire de Toul, conseiller général 

de Meurthe-et-Moselle, Toul. 
Masson (Charles), 8^ rue Mazagran. 
^ Masson (Pierre-Eugène), 9, rue Sainte-Catherine. 
Mathieu (l'abbé), à Frèsse- sur-Moselle (Vosges). 
Mathieu (Germain), 24, rue Saint-Michel. 
Mathieu (Ch.), capitaine en retraite, 26, rue de TouL 
Mathiot (Paul), 6, rue de Metz. 
Mathis (Marc), député des Vosges, 274, boulevard Raspail, 

Paris, XIV. 
ilC Maare (Marcel), avocat, 3, cours Léopold. 
A Maurice (François)^ négociant, 42, rue des Carmes. 

* Meizmoron de Dombasle (Charles de), membre de l'Académie 

de Stanislas, 19, rue de Strasbourg. 

* Meizmoron de Domhasle (Raoul de), château de Landreville, 

par Bazancy (Ardennes). 
Melin (Gabriel), avocat, chargé de coars â la Faculté de droit, 
membre de l'Académie de Stanislas, 39, rue de Boudonville. 

* Mellier (Emile), inspecteur d'Académie en retraite, membre de 

l'Académie de Stanislas, 5, rue des Tiercelins. 
Melnotte (l'abbé), curé de ChampigneuUôs. 
it Meai^in (Henri), bâtonnier de l'Ordre des avocats, membre de 
l'Académie de Stanislas, 49, rue Stanislas. 

* Mercier, ancien inspecteur des forêts, 19, rue de Rigny. 
Mesmin, ancien magistrat, 6, rue Sainte- Catherine. 

* Messier (le docteur), conseiller général de Meurthe-et-Moselle, 

à Badonviller. 



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XXVI 

Metz-Noblat (Aatoine de), membre de l'Académie de Staniilai ; 
37, COUPS Léopold. 

Meyer, rentier, 20, rue de Boudonvillo. 

Mézières (Alfred), sénateur, membre de rAcadéœie française, 
57, boulevard St-Michel, Paris, V*. 

Michaut (Henri), ancien ingénieur des Ponts-et-Cha^aaées, 
adjoint au maire de Nancy, conseiller général de Meurthe-et- 
Moselle, 49, rue Hermite. 

Michon (Alfred), général de brigade en retraite, à Toul. 

* Migette (Armand), à Stenay (Meuse). 

^ Millot (Charles), ancien chargé de cours â la Faculté des sciences, 
membre de TAcadémie de Stanislas, 7, place Saint-Jean. 
Misçault (de), 5, rue d'Alliance. 

* Montbel (le baron de Thomassin de), sous -inspecteur des forêts, 

67, rue de la Ravinelle. 

* Montjoie (de), au château de Lasnez, près Villers-lès-Nancy. 

* Moreau (Adolphe), 27, rue de Rome, Paris, VIII». 

^ iforlaincourt (le colonel René de), directeur d'artillerie^ 
Belfort. 

* Mongel (l'abbé Eugène), curé de Domèvre-sur-Durbion, par 

Châtel (Vosges). 
Mougenot (René), docteur en droit, vice-consul d'Espagne, 12, rue 

de Metz. 
Mougin (Stéphane), Remire mont (Vosges). 
Hunier, ancien député, à Pont-à-Mousson, et 2, rue de U Sor- 

bonne, Paris, V*. 

Nachbaur, avoué, 2, rue Germiny, à Mirecourt (Vosges). 
Nathan (Lazard), professeur, 23, rue de rEquitation. 

* Nautrez (l'abbé Victor), curé de Hussigny. 

* Nicolas (Maurice), 47, rue Plantamour, Genève (Suisse), 
Nicolas (Eugène), avocat à la Cour d'appel, 80, place Saint- 
Georges. 

* Nicolas (l'abbé J.-P.), curé de Laneuville-sur-Meuse, par Stenay 

(Meuse). 
Noël (Abel), conseiller général de Meurthe-et-Moselle, 6, place 
Carnot. 

* Noël (Jean), à La Tour, commune de Saint-Max, près Nancy. 

* Noël (Lucien), à La Tour, commune de Saint-Max, près Nancy 



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XXYII 

* NoTital (Albert de), 5, rue des Dominicains. 

Novital (Paul de), aucien inspecteur des Eaux et Forêts, 5, rue 
des Dominicains. 

Oblet (l'abbé), curé de Saint-Georges, rue du faubourg Saint- 
Greorges. 

O'Gorman (le comte ûaëtan), route de Bareges^ à Pau (Basses- 
Pyrénées). 

Oleire (E. d'), libraire, 9, Mûnsterplatz, Strasbourg (Alsace) . 

* Pacotte (A.), 2, rue de la Monnaie. 

* Fange (le comte Jean de), arcbiviste-paléographe. 37, avenue 

Montaigne, Paris, V11I«. 

* Fange (le comte Maurice de), 29, faubourg Saint- Honoré, 

Paris, V1I1-. 
Faquel (Jean), 34, quai Claude-le-Lorrain. 

* Fariset (Georges), professeur à la Faculté des lettres, membre de 

l'Académie de Stanislas, 12, rue Saint-Charles. 
^ Parisot (rabbé), aumônier, 4, rue de Saurupt. 
Farisot (François), conducteur des PoDts.et- Chaussées, à Yézelise. 

* Farisot (Robert), professeur à la Faculté des lettres, 15, rue 

Sigisbert-Adam. 

* Farpaite (Hippolyte), industriel àVillerupt. 

* Fasserat (Hubert), inspecteur des domaines en retraite, 25, rue 

Nationale, Bar-sur- Aube (Aube). 

* Fan (le général), commandant le 20«' corpi d'armée, palais du 

Gouvernement. 

* Faul, ancien notaire, 4, rue de la Monnaie. 

Fèlerin (A.), bibliothécaire à la Bibliothèque publique, 57, 
faubourg Saint-Jean. 

* Fèlerin (Casimir), conservateur-adjoint de la Bibliothèque publi- 

que, 8, rue Paliisot. 
if. Perdrizet (Paul), professeur-adjoint à la Faculté des lettres, 
membre de TAcadémie de Stanislas^ 2, avenue de la Garenne. 

* Feraot (l'abbé Charles) j curé de Gripport, par Bayon. 

* Pernot(rabbé François J.-B.), curé d'Andilly, par Ménil-la-Tour. 

* Femot (rabbé L.), curé de Germiny, par Colombey-les-Belles, 

(Meurthe-et-Moselle). 

* Pernot (Th.) propriétaire à Tramont-Eœy, par Vandeléville. 



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XXYIII 

* Perront (René), avocat, àEpinal. 

Permchot, docteur en médecine, à Mellecey, par Givry (Saône 
et-Loire). 

* Petit, receveur de l'enregistrement en retraite, place d'Armes, 15, 

à Verdun (Meuse). 

* Petit (l'abbé), curé d'Augnj, prés Metz (Lorraine). 

"^ Pfister (Christian), professeur à la Sorbonne, correspondant de 
rinstitut, 72, boulevard de Port-Royal, Paris, V«. 
Phasmann, maire de Saint-Mihiel, conseiller général de a 
Meuse, Saint-Mihiel. 

"^ Philippoteaux (Auguste), avocat, 3, rue Thiers, à Sedan. 

* Pierfitte (Fabbé), curé de Portieux (Vosges). 
Pierron (H.), docteur en médecine, à Pont-à-Mousson. 

* Pierson (Auguste), adjudant d'infanterie de marine en retraite, 

30, rae de la Hache. 
Pillement (le docteur), 57, rae Saint-Jean. 
Pillon (le docteur), 3, rue Gilbert. 

* Pimodan (le marquis de), au château d'Ëchenay (Haute-Marne) 

et 98, rue de l'Université, Paris, VII*. 

* Pion (Henri), rédacteur au Contentieux du Crédit foncier, 38, 

rue Juliette-Lambert, Paris, XVII*. 
Pireyre (Léon), rédacteur à VEst Républicain, Malzéville. 

* Plauche-Gillon (J.), avocat, 8, place de la Carrière. 
Poincaré (Raymond), ancien ministre, sénateur de la Meuse, 26, 

avenue des Champs-Elysées, Paris, XVIIl*. 

* Poirot (Auguste), conducteur des Ponts-et-Chaussées, 16, rue 

Claudot. 
Potier (l'abbé), curé de Varangéville, par Saint-Nicolas. 

* Poulet (Henry), maître des requêtes au Conseil d'Etat, 201, rue 

du faubourg Saint-Honoré, Paris. 

Prouvé, (Victor), Président de l'Ecole de Nancy, 6, avenue de 
la Garenne. 

Pnlly (Enguerrand de), avocat à la Cour, rue de Lorraine, Luné- 
ville. 

Purnot, ancien conseiller de préfecture, 9 bis, rue Hermite. 
^ Puton (Bernard), procureur de la République, à Remiremont 
(Vosges). 

* Pnton (Pierre), substitut du procureur de la République, à Lara 

(Haute- Saône). 



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Rampont (E.), avoué au Tribunal, l, rue des Michottes. 
Recteur de l'Académie (M. le), membre de droit. 

* Régnier (le docteur), à Pont- Saint- Vincent. 
Reibdl (le docteur), 47, place Dombasle. 

* Remy (Justin-Joseph), 21, rue des Qoncourt. 

* Renanld (Albert), avoué, à Bar-le-Duc (Meuse). 

* Renanld (Kabbé Félix), chanoine titulaire de la Cathédrale, 

5^, rue des Quatre-Eglises. 

* Renanld, banquier, 21, rue Saint-Dizier. 

Renss, inspecteur des forêts, 13, rue Carnot, Fontainebleau 
(Seine-et-Marne). 

* Rey (l'abbé), curé de Crépey, par Colombey-les-Belles. 
Richard, notaire, 81, Grande-Rue, à Remiremont (Vosges). 

* Riston (Victor), avocat, docteur en droit, membre de T Académie 

de Stanislas, Val-au-Mont, Malzéville. 

* Robert (Louis), dessinateur, 15, rue de la Poterne, à Pont-â- 

Mousson. 
^ Bobert (Edmond des), 6, place d'Alliance. 

* Robert (F. des), membre de l'Académie de Stanislas, 25, fau* 

boarg Saint-Jean. 
Robert, ancien juge au Tribunal civil, 44, rue des Carmes. 
Roche du Teilloy (Alexandre de), professeur honoraire au Lycée, 

membre de l'Académie de Stanislas, 5, rue de Riguy. 
Roche du Teilloy (Charles)^ négociant, 96, rue du Faubourg des 

Trois-Maisons. 

* Rossinot (l'abbé Eugène), curé de Minorville, par Noviant- 

aux-Prés. 
Rongieux (Antoni)^ architecte, 5, rue d'Alliance* 
^ Rozières (Paul de), à Lunéville. 
^ Rozières (Antoine de), conseiller général, à Mirecourt (Vosges). 

* Ruch (l'abbé Charles), vicaire général de Nancy, 3, rue Gilbert. 
^ liadoal (Charles), docteur en droit, directeur particulier de la 

Compagnie d'Assurances générales, 29> ruo des Carmes* 

* Saintignon (le comtQ F. de), maître de forges, à Longwy-Bas. 

* Saint-Hillier (Henri de), capitaine-commandant au 17* chas^ 

seurs, Lunéville. 

* Saint-Joire (René), avocat à la Cour d*appel, 25^ rue Saint-Dizier. 



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XXX 

* Saint- Piarremont (le baron de Finie de), château du Corpi-de- 

Garde, à la Celle-Saint-Avant, par la Haye-Descartes (Indre- 
et-Loire). 
^ Salm-Salm (S. A. S. le prince Alfred de), à Anholt (Weitplia- 
lie). 

* Samain (Alexis), 16, rue de la Chèvre, à Metz. 
Salmon-Legagnenr (Panl), avocat à la Cour d*appel, 11 bts, rue 

Portails. Paris, VI II». 

* Schandel, receveur principal des douanes, 43, rue Jeanne-d*Arc. 
Schilf (Matbias), artiste- peintre, 29^ place de la Carrière. 

* Sechehaye, (Henri), avocat à la Cour d'appel, 1, rue de la 

Commanderie. 
Seichepine, organiste et professeur de musique, Château-Salins 
(Lorraine). 

* Seillière (le baron Léon), 41, avenue de l'Aima, à Paris, VIII». 

* Sibille (rabbéj, curé de Saint-Julien-lès-Metz (Lorraine). 
Simonin (Armand;, avocat à la Cour d*appel 3, rue du Dôme^ 

Paris . 

* Soyer (l'abbé), curé d'Aviotb, par Montmédy (Meuse). 

* Staat, libraire de la Bibliothèque publique do Strasbourg, 27, 

rue des Serruriers, Strasbourg (Alsace). 
A Staemmel (l'abbé), chanoine titulaire de la Cathédrale, 27, cours 

Léopold. 
Stainville (Edmond), président de chambre honoraire â la 

Cour d'appel, 20, place Carnot. 
Stein, maire de la ville d'Ëpinal. 
Steinheil, imprimeur-éditeur, 7, rue des Glacis. 

Thiria, peintre- verrier, 50, place Saint -Louis, Metz. 

Thomas (Gabriel), conseiller â la Cour d'appel, secrétaire 

perpétuel de l'Académie de Stanislas, 82, rue Stanislas. 
Thomassin (l'abbé), curé-archiprêtre de la Cathédrale, 19, rue 

du Nord, Saint-Dié (Vosges). 

* Thorion (le docteur Henry), à Hannonville (Meuse). 

* Thouvenin (Paul), à Rosières-aux-Salines. 

* Thouvenin (le docteur), maire de Vézelise. 

* Thouvenin (le commandant), chef d'escadron du train territorial 

des équipages militaires, 36 biSy rue Grandville. 



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XXXI 

Vagner (rabbé), chanoine titulaire de la Cathédrale, 6, rue du 
Manège. 

* Vagner (Victor), libraire, 3, rue Raugraff. 

* Viansson-Ponté (l'abbô Paul), curé de Haucourt, par Lpngwy- 

Bas. 

* Viard (le baron Paul), 6, place Carnot. 

* Vienne (Roger de), ingénieur, 4, rue Villaret- Joyeuse, Paris. 
Vienne (Maurice de), 6, rue d'Alliance. 

* Viller (le docteur), à Toul. 

Voinier, vétérinaire principal en retraite, Sornéville. 

* Voinot (le docteur), maire de Haroué. 

* Walbock (l'abbé Louis- Gilbert), à Vatimont, par Bandrecouit 

(Lorraine). 
^ Warren (le comte Lucien de\ ancien commandant d'artillerie, 

3, place de l'Arsenal. 

* Weyd (Paul), inspecteur des Eaux et Forêts, Mende (Lozère). 
^ l¥iener (Lucien), 34, rue de la Ravinelle. 

Wiener (René), 21, place de la Carrière. 

* Wolfram (le docteur), directeur des Archives, à Metz. 

Xardel (René), avocat à la Cour d'appel, ancien bâtonnier, 18, 
rue Montesquieu. 

* Xardel (Pierre), étudiant, 50, rue des Tiercelins. 

* Zsepflal (Ëdgard), ancien vice-président du Conseil de Préfecture, 

10, place Carnot. 

* Zeiller (Paul), 47, rue Charles -Laffite, Nenilly-sur-Seine (Seine). 
Zilgien (le docteur), professeur agrégé à la Faculté de médecine, 

4, rue Grandville, 



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Membres correspondants 



Jadart (Henri), secrétaire général do rAcadcmie de Reims. 
Juillac (le vicomte de), ancien officier supérieur, secrétaire de 

r Académie de Toulouse (Haute- Garonne). 
Lory, bibliothécaire archiviste de la Commission archéologique de 

la Côte-d'Or, à Dijon. 
Werveke (Van), secrétaire de la section historique de Tlnstitut 

Grand-Ducal, à Luxembourg. 



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TABLE DES MATIÈRES 

CONTENUES DANS CE VOLUME 



PAGES. 

Les origines de la Baute-Lorraine et sa première maison 
ducale {959'4053), par M. Robert Parisot (suite et fin) ... 5 

Note sur la station funéraire de la Garenne, û Liverdun, 
par M. A. Grenier 266 

Alphonse de Rambervillers et le bailliage de Vie aux JFi* et 
XV W siècles, par M. Emile Duvernoy 279 

Le Tumulus du bois de Sainte-Marie, forêt de Bezange-la- 
Grande {Meurthe-et-Moselle), ^ar M. le comte J. Beaupré. . 371 

La plus ancienne description de la Lorraine, par M. ï^ul 
Perdrizet 389 

La véritable origine de Vévêque de Strasbourg Werner i«' et 
de la comtesse Ita de Habsbourg, d'après M, Bermann Bloch 
{Note servant de complément aux « Origines de la Haute- 
Lorraine ))), par M. Robert Parisot 415 

Liste des Sociétés savantes et établissements en rapport avec 
la Société d'archéologie lorraine i à v 

Liste des membres de la Société vi à xxxii 



PLANCHES ET FIGURES 



Tableaux généalogiques pour servir à l'histoire de la Haute- 
Lorraine 238 

Fac-similé du pseudo-original de l'échange conclu entre le 

comte Rambaud et Saint-Martin de Metz 248 

U Haute-Lorraine (Mosellane) de 959 à 1033 (carte) 260 

Paire de bracelets brisés ; tombe villanovienne de Bologne . . 276 

Vue ancienne de Vie 279 

Signature d'Alphonse de Rambervillers, 1598 368 

Signature d'Alphonse de Rambervillers, 1627 369 

Armes de la famille de Rambervillers 370 

Plan du tumulus du bois de Sainte-Marie 374 

Poterie trouvée dans le tumulus 378 

Objets trouvés dans le tumulus 386 

Nancy. — A. Crépui-Leblond, imprimeur-éditeur, 2i, rue Sl-Dizier. 



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TARIF 

Des tirages à part pour MM. les membres de la Société 



La feuille in-8", sur papier carré collé, 10 kil., 

tirée à 100 ex., sans nouvelle mise en pdges. 8 » 

Avec nouvelle mise en pages 10 » 

La même feuille tirée seulement à 50 ex '. . . . 6 » 

La demi-feuille tirée à 100 ex. 5 50 

Avec mise en pages nouvelle 6 50 

La même, à 50 ex 5 

Les couvertures imprimées sur papier raisin de 

couleur, le 100 ^ 5 50 

Les 50 couvertures 4 50 

Le brochage d'une feuille tirée à 100 ex 1 50 

— de 2 feuilles.. . 2 » 

— de 3 feuilles. ..^ 2 50 

— de 4 feuilles. : 3 » 

Les corrections d'auteur sont comptées à raison de 
65 centimes Vheure. 

Pour ces tirages à part on est prié de s'entendre direc- 
tement et exclusivement avec l'imprimeur. 



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SOCIÉTÉ LrAHCnÈOLOGIti: LOBHAINE 

(1849-1900) 

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