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MÉMOIRES
DE LA
Société d'Archéologie lorraine
ET DU
Musée historique lorrain
TOME LVIIP (4« Série, 8* Volume)
1908
NANCY
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
PALAIS DUCAL
GRANDE-RUE ( VILLE-VIEILLE )
I 908
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LES ORIGINES DE U HAUTE-LORRAINE
ET
SA PREMIERE MAISON DUCALE
(959-1033)
(Suite et fin)
PAR
RoBEKT PARISOT
PROFESSEUR d'hISTOIRE DE l'eST DE LA FRANCE A LA FACULTÉ DES LETTRES
DE l'université DE J^ANCY
ASSOCIÉ DE l'académie ROYALE DE BELGIQUE
LIVRE m
Les trois {>remiers ducs de Haute-Lorraine, Frédéric I", Thierry I*» et
Frédéric II ; leur famille; leur rôle politique et militaire (959-1033).
C'est au comte Frédéric, nous l'avons dit (1), qu'en 959
l'archevêque duc Brunon confia l'administration de la
Haute Lorraine. Il nous faut maintenant revenir sur ce
personnage : après avoir recherché à quelle famille il appar-
tenait, raconté ce que l'on sait de sa vie antérieurement
à 939, nous parlerons de son mariage, de ses enfants, de
son rôle politique et militaire comme duc de Mosellane. Dés
étude» semblables seront ensuite consacrées à Thierry I^r
et à Frédéric II. Toutefois, dans la vie du premier nous
distinguerons trois époques, attendu que Thierry se trouva
placé — de 978 à 987 environ — sous la tutelle de sa mère
Béatrice, et qu'à partir de 1019 — au plus tard — son fils
Frédéric II lui fut associé: entre ces deux périodes se place
celle où Thierry exerça tout seul l'autorité ducale.
{{) Voir le volume précédent des Mém, S. A. £., p. 211-223.
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5^
C.V
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CHAPITRE PREMIER
Frédéric l^r (9 ? ? -978).
§ 1er. _ Les ancêtres et la famille de Frédéric.
Trois des frères de Frédéric, Adalbéron (1), Gozlin (2) et
Sigefroy (3) ont pris soin de nous informer qu'ils étaient
d'une illustre famille, et plusieurs historiens rapportent la
même chose de Frédéric, d'Adalbéron l^r et d'Adalbé-
ron II (4). Suivant d'autres sources, Frédéric ou l'un de ses
descendants avaient des rois parmi leurs ancêtres (5) ;
(1) « Quapropter ad multorum venire desidero memoriam qualiter
parentes mei in palatio regum suis temporibus existentium inler pri-
mores regni qui virtule ac sapientia claruerunt fuerunt sublimati, et
quomodo eorum liberalitate multorum rerum ac prsediorum, auxi-
liante Deo, possessores extiterunt, et magnam in regno dignitatis gra-
tiam obtinuerunt » (Charte de l'évêque Adalbéron I" pour Sainte-Glos-
sinde, du 8 octobre 944, dans Calmet, H. E. C. I., 1" éd., t. I, pr., col.
359, 2° éd., t. II, pr., col. CC).
(2) « Fuit igitur Gozlinus nomine miles quidam ex nobilissimis regni
Chlotarii ducens prosapiam, etc. » (Charte d'Uda, veuve de Gozlin, pour
Saint-Maximin, de 943, dans MR. UB., t. I, n» 179, p. 241).
(3) « Sigefridus cornes de nobili génère natus » (Echange entre Sige-
froy et les moines de Saint-Maximin, de 963, dans MR. UB.^ t. I,n" 211,
p. 271).
(4) (( Adalbero, primus hujus nominis Mettensis episcopus, qui nobi-
lium christianissimus, et christianorum nobilissimus, erat quippe
f rater Fritherici ducis » (Sigebert de Gembloux, Vita Wicberli^ c. 8,
SS.jt. VÏII, p. 511). — ft Adalbero (II) ... genus ab attavis et supra
nobillimum.... pâtre Friderico» (Constantin, V. Adalberonis II, c. 1,
SS., t. IV, p. 659).— (( Adalbero (II) summis parentibus ortus » {Poema
de mnctis et de [undatione Metensium ecclesiarum, N. i., t. V,
p. 436).
(5) « ... Frederici, quem proavi fudere duces a sanguine regum »
(Epitaflum ducis Frederici, Lettres de Gerhert, n" 76, p. 71). — a Hic
civis egregius regali stirpe decorus » (Epitaphium Adalberonis 11,
V. 5, SS., t. IV, p. 672). — (( Stirpe fuit genita regali pulchra Beatrix,
Majorum mundi stirpe fuit genita » (Donizo, Vita Mathildis, 1. I, c. 9,
V. 783-784, 55., t. XII, p. 367).
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LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 7
enfin, allant encore plus loin et précisant davantage, la
Vita Johannis Gorziensis abbaîis affirme que les parents de
révêque de Metz Adalbéron Iô^ frère de Frédéric, étaient
Tun et Tautre de race royale (1). L'assertion de la Vita
nous paraît certaine en ce qui concerne la mère d'Adalbé-
ron; mais pour son père les preuves font défaut. Aucun
historien ne nomme les parents de Frédéric. Il semble, à
première vue, qu'on doive lui attribuer ceux de son frère
révêque de Metz, qui s'appelaient Voiry (Wigeric) et Guné-
gonde (2). Pourtant, Ton peut concevoir des doutes à cet
égard. Cunégonde en effet et probablement aussi Wigeric
ont été mariés deux fois.
Il est possible, d'une part, qu'il faille identifier Voiry
(Wigeric), le père d'Adalbéron, avec le comte Wederic,
mari d'Eve (3), et, de l'autre, nous avons la certitude
qu'après la mort de Voiry Gunégo'nde convola en secondes
noces avec Ricuin, comte de Verdun (4). Toutefois, quand
(1) (( Adalbero... cum esset regii quidem paterna simul ac materna
stirpe longe rétro usque ab hominum memoria sanguinis » (F. Johan-
nis Gorziensis, c. 40, SS.,i, IV, p. 348).
(2) D'après un diplôme par lequel Charles le Simple fit don à l'église
de Liège de la petite abbaye d'flastières, Adalbéron avait pour père
Windric (évidemment Wigeric) et pour mère Cunégonde fCartulaire
de Saint 'Lambert, t. I, n» XI, p. 16). Outre le passage cité plus haut,
p. 6, n. 4, de Sigebert de Gembloux, un diplôme d'Otton I" pour
Saint-Pierre de Metz, du 3 juin 960 (B. 0. 282, 0.' 210, DD. Sax., t. I,
p. 289), nous apprend qu' Adalbéron I" était frère de Frédéric.
(3) Le comte Eilbert, fondateur de Fabbaye de Waulsort, avait pour
mère Berthe, fille elle-même du comte Wederic et d'Eve {Historia Wal-
ciodorensis monasterii, c. 1, SS., t. XIV, p. 505). Pourtant, si Ebroïn,
mari de Berthe, ne fait qu'un avec le comte du même nom à qui Louis
le Bègue concéda quelques domaines en 879 (Galliot, Histoire de
Namur, t. V, p. 274), il nous parait difficile d'identifier Wederic, son
beau-père, avec Voiry (Wigeric) père d'Adalbéron I". Cette difficulté
n'a pas arrêté Schôtter [Einige kritische Erôrterungen iiber die
friihere Grafschaft Luxemburg, p. 26), Eltester {MR. UB., t. II,
p. LIV), WiTTE {Genealogische Untersuchungen, etc., Jahrb. G. L. G.,
5* année, 2" fascicule, p. 40), ni Vanderkindere {H. F. T. P. B., t. II,
p. 204, 328-329 et tab. III), qui admettent que Wederic et Voiry
(Wigeric) sont un seul et même personnage.
(4) Cela ressort d'un passage de la Vita Johannis Gorziensis, c. 107,
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8 LES ORIGINES DF: L4 HÀUTE^LOBUAI^f:
bien même Voiry (Wigeric) et Wederic ne feraient qu'une
seule personne, Eve n'aurait pu être la raère de Frédéric.
AdaJbéron, frère aîné du premier duc de Mosellane (1),
étant flls de Cunégonde, il faut bien que Frédéric ait eu
celle-ci pour mère et non pas Eve, qui était la première
femme (2).
Il nous semble d'autre part vraisemblable que Frédéric
ait été fils de Vôiry (Wigeric), dont un frère, d'abord
moine, puis abbé de Saint-Hubert, portait justement le
nom de Frédéric (3) ; ce religieux a été sans doute le par-
cf. c. 40 (SS., t. IV, p. 367 ot 348), où Ricuin est qualifié de vitricus
(parâtre)d'Adalbéron I". Mais, commela Vita appelle Ricuin « Richizo »,
])eaucoup d'historiens modernes ne se sont pas doutés qu'elle parlait
du comte de Verdun. Les noms propres à terminaison uinus ont une
forme secondaire en [i) zo ; de « Ricuinus-Richizo » on peut rappro-
cher (( Balduinus-Baldza ».
(1) Adalbéron, en effet, devint évoque de Metz en 929 et mourut dès
962. tandis que Frédéric, qui n'est mentionné pour la première fois
qu'en 942, prolongea son existence jusqu'à l'année 978.
(2) Seul parmi les auteurs contemporains, Schôtter (op. cit.^ p. 27),
avance que Frédéric a pu, comme Gozlin, être flls d'Eve. Dans un
ouvrage postérieur, il est vrai {Geachichte des Luxemburger Landes)^
il fait de Cunégonde la mère de Frédéric.
(3) « Patruus.... Adalberonls fuit Fridericus, qui infantulus quidem
monasterio sai)cti Huberti fuerat mancipatus » ( V, Johannis Gorzien-
siSy c. 55, SS.^ t. IV, p. 352). On sait que « patruus » a le sens d'oncle
paternel.
Otton, flls de Ricuin, est donné faussement comme père à Frédéric
par les auteurs suivants : Wassebourg, Antiquitez de la Gaule Bel-
gique, f» 185 V* , DE Rosières, Stemmata Lotharingiœ ac Barri
ducum, !•• 177 r% 374 r% 386 v*, 389 y\ Blondel, Genealogix francicœ
assertio pleniory tab. 34, Brower et Masen, Antiquitates et Annales
TrevirenseSj t. I, p. 464, col. 2, Ppeffinger, Vitriarius illustratus,
t. II, p. 268, DE Maillet, Essai chronologique sur l'histoire du Bar-
roiSj p. 7. André du Chesne, Histoire généalogique de la maison de
Bar-le-Duc, p. 2 et 4, et Leibniz, Annales imperii occidentis, t. II,
p. 390 et t. lïl, p. 31, tout en déclarant qu'Otton n'était pas le père de
Frédéric, avouent ignorer de quels parents celui-ci était né. Benoit
PiCART, après avoir démontré que Frédéric n'a pu être fils d'Otton
{La vie de saint Gérard, p 335), avance qu'il a eu Richizbn pour père
{l'origine de la très illustre maison de Lorraine, p. 36-37). Nous
avons rappelé plus haut (n. 2) les deux opinions que Schôtter avait
successivement émises. L'abbé Clouet commence par rappeler sans
commentaires quelques-unes des assertions de ses devanciers (H, V.,
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ET SA PREMXKRK MAISON DUCALE 9
râin de son neveu et homonyme. Ajoutons que, dans un
diplôme d'Otton I^' pour Tabbaye messine de Saint-Pierre
(aux-Nonnains), Frédéric est qualifié de frère germain de
révêque Adalbéron P^ (1) : Ton sait que ce terme de ger^
manus s'applique aux frères nés d'un même père et d'une
même mère. Frédéric était donc, comme Adalbéron lui-
même, fils de Voiry (Wigeric) et de Cunégonde (2).
Nous ignorons quels étaient les parents de Voiry (Wige-
ric) ; les historiens modernes qui les ont identifiés avec
Roric et Ansdrude ont certainement commis une erreur (3).
t. I, p. 300-301) ; puis, un peu plus loin (p. 342), il suppose que Frédé-
ric pouvait appartenir à la maison d'Ardenne. D'après AlberdinûK-
Thijm (Les ducs de Lotharingie, p. 19 et 21) Voiry (Wigeric), père de
Frédéric, ne ferait qu'un avec Ricnin. Les autres érudits des deux
derniers siècles font de Voiry et de Cunégonde les parents de Frédéric :
citons entre autres Kremer, Genealogische Geschichte des Ardennes-
chen GeschleclUes, p. 13, Ernst, Dissertation historique... sur la mai-
son royal s des comtes d'Ardenne [Bulletins de la commission royale
d'histoire de Belgique, 2« série, t. X, p. 212, 243, 248), Wilmans, Jahr-
biicher Ottos IJI, p. 22, Eltester, MR. UB., t. Il, p. LIV, Meyer, De
Brunone, p. 28, J^rschkerski, Godirid der Bar tige, p. 8-9, Kôt»KB et
DûMMLER, K. 0. G., p. 95 et n. 3, Dieckmann, Gottfried III der
Biicklige, p. 6, Lot, D. C,, p. 63 et n. 6, p. 64 et 409, Wichmann, Adal-
bero Bischof von Metz {Jahrb. G. L. G., 3« année, 1891, p. 107 et suiv.,
174), H. Witte, Genealogische Untersuchungen {Jahrb. G. L. G.,
^^ année, 2» fascicule, p. 40-41), Vanderkindere, H. F. T. P. B., t. lî,
p. 18, 328-329, 472 et Tab. gén. n» 3.
(1) « Adelbero, egregius videlicet sanctae Mettensis ecclesiae praesul,
una cum germano suo Friderico duce » (B. 0. 282, 0.' 210, DD. Sax.,
t. 1, p. 289).
(2) Nous avons vu plus haut, p. 8, n. 3, que c'était l'avis de la plu-
part des historiens modernes.
(3) Pour quiconque lit avec attention la donation faite à Saint-Maxl-
min par un certain Roric (MR. UB., t. I, n» 154, p. 218), il est évident
que Wigeric, fils de ce personnage, n'a rien de commun avec Widric
(Voiry), comte du p. Bedensis, dont il est question dans Tacte. Meyer
(DeBrunone,p. 36) n'en a pas moins fait de Roric le père du comte
Voiry (Wigeric) ; mais son opinion a été réfutée par J^erschkerski,
Godfrid der Bàrtige, p. 8, n. 4, et par Wichmann, Adalbero etc.
(Jahrb. etc., p. 107, n. 3) ; ce dernier auteur a en outre relevé une erreur
de Sackur, qui appelle Hoachrius le père de Voiry (Der Rechtsstreit
der Kloster Waulsort und Hastières, dans la Deutsche Zeitschrift fur
Geschichtswissenschaft, t. II [1889], p. 386). 11 est surprenant que
Schôtter (^imflfe kritische Er'ôrterungen, etc., p. 29-30), trouvant dans
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10 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Nous avons ailleurs longuement parlé de Voiry (Wigeric),
qui, d'abord comte du Bidgau, devint ensuite, sous le règne
de Charles le Simple en Lorraine, comte du palais (l).Un
diplôme de Charles, du 19 janvier 916, est le dernier docu-
ment qui fasse mention de Voiry comme d'un personnage
encore vivant (2). Voiry ne figure pas au nombre des grands
de Lorraine qui, réunis à Herstal le 13 juin 919, pronon-
cèrent la restitution de Saint-Servais de Maêstricht à
Farchevéque de Trêves (3). Comme d'autre part Cunégonde
se remaria avec Ricuin, comte de Verdun (4), qui fut
assassiné en 922, on peut en conclure que le père d'Adal-
béron et de Frédéric mourut entre les années 916 et
919 (5).
Cunégonde, avons-nous dit plus haut (6), était de nais-
sance royale. Un tableau généalogique destiné à montrer
de quelle façon la femme du roi d'Allemagne et empereur
Henri II, appelée, elle aussi, Cunégonde, se rattachait à la
famille carolingienne, nous apprend que Sîgefroy, père de
cette princesse, avait eu pour mère une autre Cunégonde,
les chartes de Liutgarde et d'Henri, fils de Voiry, pour Saint-Maxi-
min {MR. UB., t. I, n" 206 et 233, p. 266 et 290), le terme de seniores,
l'ait traduit par a ancêtres » ; en conséquence de cette fausse inter-
prétation, ScHôTTER voit dans les seniores de Liutgarde et d'Henri,
Eberbard et Adalbert, le margrave de Frioul, gendre de Louis le Pieux,
et son fils Adalard, qui aurait été le père de Voiry. La charte d'Henri
est fausse, et les seniores de Liutgarde ne sont autres que ses deux
maris (Witte, Genealogische, etc., Jahrb. G. L. G., 5' année, 2* fasci-
cule, p. 43, n. 2, Vanderkindere, H, F. T, P. fî., t. 11, p. 329, 333-334,
350-352, 360, Tab. gén. III).
(1) Se reporter à notre Ro. L. C, passim. Une autre mention de
Voiry, que nous n'avions pas indiquée dans cet ouvrage, est fournie par
une charte de Saint-Mihiel de 944, relative à la destruction de la cha-
pelle de Maizerais {H. S. M., p. 438). Cf. le précédent vol. des Mém.^
p. 344 et n. 3.
(2) B. 1949, UR, UB., t. I,n? 159, p. 222-223.
(3) B. 1962, MR, UB., t. I, n» 160, p. 223-224.
(4) Voir plus haut, p. 7, n. 4.
(5) C'est l'opinion de Wichmann, op. cit. {Jahrb., p. 108).
(6) P. 7. n. 1,
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE H
fille d'Ermentrude et petite fille de Louis le Bègue (1). On
ne saurait trop regretter que la généalogie précitée ne
mentionne ni le mari de la première Gunégonde, ni celui
d'Ermentrude. Or la Genealogia Arnulfi comitis [Flandriœ\,
de Witger, attribue justement une fille nommée Ermen-
trude au roi Louis le Bègue, qui l'aurait eue de sa seconde
femme Adélaïde, la mère de Charles le Simple (2). La fille
d'Ermentrude, la première Gunégonde, mère de Sigefroy,
ne serait-elle pas la femme de Voiry (Wigeric) et de Ricuin ?
Le fait nous parait devoir être admis, bien qu'on ait
quelque peine, nous en convenons, à le concilier avec les
âges probables d'Adalbéron et de Sigefroy. Adalbéron, qui
monta sur le siège épiscopal de Metz en 929(3), devait avoir
à cette date une vingtaine d'années, peut-être vingt-cinq
ans. Supposons-le né vers 904 ou 905 (4), il faudrait que sa
mère eût vu le jour entre 885 et 890, son aïeule entre 870
et 875. Ges hypothèses sont-elles conformes et à la vraisem-
blance, et aux faits certains dont nous avons la connais-
sance ? Les sources par malheur n'indiquent pas la date du
mariage de Louis le Bègue et d'Adélaïde. G'est en 862 que
le jeune prince avait épousé, à l'insu de son père, Ans-
garde, fille du comte Hardouin (5) ; un peu plus tard,
Charles le Chauve le contraignit de quitter Ansgarde, pour
prendre une autre femme, Adélaïde (6). Les chroniqueurs
du temps ne nous apprennent pas quand ces événements
eurent lieu, mais nous croyons la répudiation d'Ansgarde
de 867 au plus tard, attendu qu'en cette année Louis était
{!) Tabula genealogica ex codice hibliothecœ regiœ Monacensis
(SS., t. II, p. 314).
(2) SS., t. IX, p. 303.
(3) Flodoard, Ann. 929, p. 44.
(4) WicHMANN, Adalhero Bischofvon Metz {Jahrb. G. I. G., 3*^ année,
1891, p. 109-110), place au début du xo siècle la naissance d'Adalbéron.
(5) An7i. Bert. 862, p. 58.
(6) Réginon, Citron. 878, p. 114; cf. Flodoard, Hist. Rem. ec, 1. IIÏ,
c. 19, éd. Lejeune, t. II, p. 186.
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12 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
réconcilié avec son père, qui fit de lui un roi d'Aqui-
taine (1). Si, comme il est probable, Louis prit bientôt
après pour seconde femme Adélaïde, Ermentrude aurait pu
naître vers 870. En supposant, ce qui n*a rien d'invraisem-
blable, qu'Ermentrude et Cunégonde se soient mariées
jeunes, à quinze ou seize ans par exemple, Adalbéron pou-
vait, en venant au monde vers 904-905, être le fils de Tune
et le petit-fils de Tautre (2). Charles le Simple, frère
d'ErmentrudeJ aurait donc été le grand-oncle d'Adalbéron.
D'un autre côté, en admettant que Sigefroy a eu pour
mère Cunégonde, pour père Voiry ou Ricuin, il est né au
plus tard en 924, puisque Ricuin, second mari de Cuné-
gonde, périt assassiné en 923 (3). L'on pourrait objecter, et
l'objection en effet a été formulée, qu'il était difficile à
Sigefroy de prolonger son existence jusqu'à la fin du
x® siècle, et d'avoir un fils, Thierry 11, évêque de Metz mort
seulement en 1047 (4) : à cela nous avons déjà répondu et
nous répondons encore que, d'après Gerbert (5), il y a eu
deux Sigefroy, le père et le fils, et que, selon toute vrai-
semblance, Cunégonde, la femme d'Henri 11, ainsi que ses
frères étaient les enfants de Sigefroy 11 (6).
Mais nous n'en sommes pas réduit à simplement pré-
senter comme possible l'identité de la mère d'Adalbéron l®r
et de Frédéric avec celle du premier comte de Luxembourg.
(1) Ann. Sert, 867, p. 86.
(2) Le premier parmi les historiens contemporains, Krûger {Der
Ursprung des Hauses Lothringen-Babsburg , p. 13-14) a supposé que
Cunégonde, femme de Voiry, était la petite-fille de Louis le Bègue. Cette
opinion est admise par Depoin, Sifroi Kunuz, comte de Mose liane, p. 4.
(3) Flodoard, Ann. 923, p. 12-13.
(4) Vanderkindere, H. F. T. P. B., t. II, p. 332.
(5) Lettres de Gerbert, n" 51, p. 48. Cf. l'article cité à la note suivante
(Ann. E. iV., 1'' année, 1905, p. 81-82).
(6) Nous avons essayé de réfuter dans un article intitulé Sigefroy, le
premier des comtes de Luxembourg, était-il fils de Wigeric ? [Ann. E. N.,
!'• année, 1905, p. 76-83) les objections faites par M. Vanderkindere
{H. F. T. P. B., t. II, p. 329-333) à la théorie que nous avions soutenue
— après beaucoup d'autres — dans notre De prima domo^ p. 4 et 6.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 18
Notre hypothèse peut s'appuyer sur des arguments plus
directs et d'une plus grande force probante.
Nous en trouvons un tout d'abord dans le diplôme par
lequel Charles le Simple confirme la donation d'Hastières
faite par Voiry à Téglise de Liège : le roi y traite de neveu
Adalbéron, fils de Voiry et de Cunégonde (1).
Gerbert, dont nous invoquions quelques lignes plus
haut le témoignage, nous fournira une deuxième preuve
que la mère de Sigefroy (I^^) d'une part, la femme de Voiry
(Wigeric) et de Ricuin de l'autre, ne font qu'une seule et
même personne. Dans une de ses lettres, adressée à l'impé-
ratrice Théophano, Gerbert parle d'un comte Sigefroy,
oncle paternel (patruus) deGodefroy l'Ancien (2). Gerbert,
secrétaire et confident de l'archevêque Adalbéron, frère
de Godefroy, en relations avec ce dernier ainsi qu'avec
Sigefroy, ne pouvait se tromper sur les liens de parenté
qui unissaient les uns aux autres ces différents person-
nages. D'un autre côté, un aussi bon latiniste que l'éco-
lâtre de Reims ne se serait pas rendu coupable du défaut
d'impropriété, si commun au x® siècle. Nous devons con-
clure de la lettre de Gerbert, qu'un comte Sigefroy était
l'oncle paternel de Godefroy l'Ancien, le frère par consé-
quent de Gozlin, le fils enfin de Voiry (Wigeric) (3) et de
Cunégonde. Comme, du reste, on ne connaît à cette époque
en Lotharingie d'autre Sigefroy que le comte de Luxem-
bourg, il faut de toute nécessité que celui-ci ait eu Voiry
pour père (4).
Voici une dernière preuve à l'appui de notre hypothèse :
(-1) « Ea scilicet ratione quatenus eandem abbatiam (Hastières)
diebus vitae suaB (il s'agit de Voiry, appelé dans l'acte « Windricus ») et
uxoris ejus nomine Gunegundis et unius filiorum ipsorum videlicet
nostri nepotis Adelberonis, possideant.. . » (Cartulaire de Saint-Lam-
bert, t. I, n» XI, p. 16.)
(2) Lettres de Gerbert, n» 52, p. 48.
(3) On de Ricuin.
(4) Nous reproduisons presque textuellement un passage de l'article
mentionné plus haut {Ann. E. iV., 1" année, 1905, p. 81).
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14 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Ton retrouve les mêmes noms portés par les descendants
de Sigefroy et par ceux que l'on peut attribuer avec certitu-
de à Voiry. Gomment s'appellent en effet les fils (1) du comte
de Luxembourg ? Henri, Frédéric, Gilbert, Thierry et
Adalbéron. Or, Gozlin et Frédéric ont eu l'un et Tautre un
fils du nom d'Henri. Deux ducs de Haute-Lorraine, le pre-
mier, fils, le second, arrière petit-fils de Voiry, ainsi qu'un
comte de Verdun, fils de Godefroy l'Ancien, se sont appe-
lés Frédéric. Le nom de Gilbert a été porté par un des fils
de Voiry, celui de Thierry par le plus jeune des fils de
Frédéric I^^", qui fut duc de Mosellane après la mort de son
père. L'on ne compte pas moins de cinq Adalbéron, des-
cendants authentiques deVoiry : un archevêque de Reims,
fils de Gozlin, un évêque de Verdun, neveu du précédent,
deux évéques de Metz, l'un fils de Voiry, le second de
Frédéric I®S enfin l'un des fils de Thierry 1*^^^ destiné, lui
aussi, au siège épiscopal de Metz. En outre, l'une des filles
de Sigefroy, mariée, d'après M. Vanderkindere (2), eu
comte Arnoul de Westfrise, s'appelait Liutgarde, comme
la plus jeune des filles de Voiry (3). Ainsi, les noms de six
des enfants de Sigefroy (H) se retrouvent chez les enfants
ou les petits-enfants de Voiry et de Cunégonde : est-ce là
l'effet d'un hasard ? Nous ne le croyons pas, et toute per-
sonne sans parti pris l'admettra comme nous (4).
Quelques mots maintenant sur les frères et sœurs de
Frédéric.
Le plus connu des frères du premier duc de Mosellane
est révêque de Metz, Adalbéron I^^^ dont les liens de
parenté avec Frédéric sont attestés par de nombreux docu-
(1) Ou plutôt ses petits-fils, les fils de Sigefroy II.
(2) H. F. T. P. B., t. II, p. 79, 281 et Tab. gén. n» V.
(3) Voir, pour la descendance de Voiry et pour celle de Sigefroy, Van-
derkindere, op. cit., Tab. gén. n" III, IV et V, ainsi que les tableaux
généalogiques joints à notre De prima domo et au présent travail.
(4) Tout ce passage est presque mot pour mot emprunté à l'article
déjà cité plusieurs fois {Ànn. E. N., 1" année 1905, p. 80).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 15
ments (1). A plusieurs réprises, nous parlerons de lui dans
ce travail.
La Vita Johannis Gorziensis qualifie Gozlin de frère ger-
main d*Adalbéron (2), ce qui indiquerait qu'il avait,
comme révoque, Voiry pour père et Cunégonde pour mère ;
Frédéric lui-même est dit frère de Gozlin dans la charte
d*Uda, veuve de Gozlin, dont nous parlerons tout à
rheure (3). Gozlin, à qui Adalbéron avait donné en fief la
villa de Varangéville (4), était comte d'un pagus inconnu.
Le 15 mars 942, il souscrivit une charte par laquelle son
frère Adalbéron rappelait qu'il avait expulsé de Saint-
Arnoul les chanoines pour leur substituer des moines béné
dictins (5). Gozlin mourut soit au cours de cette même
année, soit au plus tard Tannée suivante. On doit en effet
voir en lui le Gozilon que Ton trouve mentionné à la date
du 18 octobre dans le Necrologium sancti Maximini (6) ; et
d'autre part Uda, femme de Gozlin, était veuve, quand en
943 elle fit une donation à Saint-Maximin. La charte d'Uda
ne portant pas d'indication de mois ni de jour (7) nous
(1) Voir ci-dessus p. 6, n. 4, et p. 7, n. 2.
(2) F. Joh. Gorz., c. 99 (SS., t. IV, p. 365).— Tandis que VVichmann,
Bischof Àdalbero {Jahrb. G. L. G., 3" année, 1891, p. 110), fait de
l'évêque l'aîné de la famille, Witte, Gen. Untersuchungen (Jahrb. G.
L, G., 5' année, 2" fascicule, p. 41), attribue cette qualité à Gozlin. Nous
ne serions pas éloigné de donner raison à Witte .
(3) MR. ÙB.^ t. I, n" 179, p. 241. Le « magnus Adalbero » qui, selon
Constantin, V. Ad., c. 1 {SS., t. IV, p. 659), a pour a fratruelis » Adal-
béron II de Metz, est le frère de Frédéric 1°', et non Adalbéron de Reims,
comme nous l'avions dit à tort dans le De prima domo, p. 5, n. 2;
ici c( fratruelis » ne signifie pas « cousin-germain », mais bien « neveu ».
(4) V. Johannis Gorziensis, c. 99, Miracula s. Gorgonii, c. 10 (S5.,
c. 4, p. 365 et 241).
(5) Calmet, h. E. c. I., 1" éd., t. I, pr., col. 350, 2' éd., t. II, pr.,
col. CXC : « Signum Ottonis ducis Signum Adalberti comitis Signum
Rodulphi comitis Signum Gozlini comitis, etc. »
(6) Necrologium s. Maximini fJahrbilcher der Aller tumsfreunde
im Rheinland, t. LVII, p. 117). D'après le même nécrologe (p. 412),
Uda serait morte le 7 avril.
(7) « Acta esthaec traditio anno dominicae Incarnationis DGCCCXLIII,
regni domini Ottonis VII, indictione II, temporibus doinini Ogonis
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16 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
ignorons si elle est — ou non — antérieure au 18 oclo^
bre 943; par suite, il est impossible de savoir en laquelle
des deux années — 942 ou 943 — Gozlin termina son exis-
tence. Dans la donation d'Uda on ne trouve mentionné
qu'un seul de ses fils, Régnier, qui fut probablement comte
de Bastogne (1). Par une seconde charte de 963 (2), nous
connaissons trois autres fils de Gozlin et d'Uda, Henri,
Godefroy et Adalbéron, dont les deux derniers joueront un
rôle considérable durant la seconde moitié du x« siècle.
Godefroy sera comte du Methingowe, du Hainaut et du
Verdunois (3), Adalbéron, archevêque de Reims. Nous les
retrouverons tous deux au cours de ce livre.
Un troisième frère de Frédéric est le comte Gilbert, dont
on lit la souscription au bas de la charte d'Uda ; il était
probablement comte d'un pagus de TArdenne (4), et
Tabbaye de Moyenmoutier se trouva entre ses mains avant
d'appartenir à Frédéric (5). Nous devons peut-être l'identi-
fier avec un comte Gilbert qui souscrivit la donation de la
comtesse Eve à Saint-Anoul (6). L'acte a beau ne pas être
abbatis » {MR. UB.^ t. I, n" 179, p. 2il). Comme la septième année du
règne d'Otton I" avait pris fin en juin 943, tandis que la seconde
indiction ne commençait qu'au mois de septembre de la même année,
on voit qu'il n'y a pas concordance entre deux des indications chrono-
logiques que donne ce document.
(1) C'est l'hypothèse, d'ailleurs très vraisemblable, de Vanderkindere,
ff.F. T. P. B., t. U, p. 234-235.
(2) MR. UB., t. I, n» 212, p. 272.
(3) Sur les comtés de Godefroy l'Ancien (ou le Captif) consulter Van-
derkindere, op. cî^, t. II, p. 22-31, 62-79, 171-179, 329-332, 342-346,
353-356, 381-383. Nous avons déjà parlé de Godefroy et d'Henri à propos
du comté de Verdun (p. 261-262 du précéd. vol. des Mé>n. S. À. L,).
(4) Cela ressort de la charte de 963, par laquelle Sigefroy conclut un
échange avec l'abbaye de Saint-Maximin : a In comitatu Giselberti
comitis in pago Arduennae in villa quœ dicitur Viulna. » {MR. UB.^ 1. 1,
n" 211, p. 271). Voir Vanderkindere, op. cit., t. II, p. 235 et 352 et
suiv. Le même auteur, nous l'avons dit (p. 346, n. 1, du précéd. vol.
des Mém), croit que Gilbert devint comte du p. Calvomontensis après
la mort de ses cousins Hugues et Arnoul.
(5) Se reporter au précéd. vol. des Ménii S. A, I., p. 399 et n. 4.
(6) Calmet, h. E. C. I., 1" éd., t. I, pr., col. 357, 2* éd., t. II, p?., col.
CXCVIII. — Pourtant, comme nous l'avons dit (p. 260, n. 5, du préc. vol.
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ET SA PRESdlÈRE MAISON IHJCALE 17
authentique sous sa forme actuelle (1) ; les souscriptions,
qui s'appliquent à des personnages du x® siècle, ont été
empruntées à un acte authentique. Gilbert mourut avant
965, puisqu'à cette date sa lemme Avoie était veuve, comme
le prouve une donation qu'elle fit à Tabbaye de Gorze (2).
Nous ne savons rien de Sigebert, ce frère de Gozlin qui
souscrivit en 943 la charte de sa belle- sœur. Quelques-uns
des historiens modernes ont identifié Sigebert avec Sige-
froy (3), tandis que d'autres en faisaient deux personnages
différents (4). Il n'y a, selon nous, aucune raison d'adopter
l'une plutôt que l'autre de ces deux opinions.
Nous avons essayé plus haut (5) de prouver que Guné-
gonde, femme de Voiry, puis de Ricuin, était la mère de
des Mém.)^ il y avait à cette époque deux comtes nommés Gilbert. Nous
ignoroHs d'ailleurs quel était le comté du second de ces personnages.
(1) Voir Wolfram, Kritische Bemerkungen zu den Urkunden des
Arnulfsklosters fJahrb. G. L. G., V année, p. 62-69). 11 existe deux
exemplaires de ce document ; l'un d'eux, celui qui portait la souscrip-
tion de Frédéric, aurait été d'après Wolfram (p. 66) fabriqué vers 1073.
Du reste. Wolfram admet qu'il a existé une donation authentique de
la comtesse Eve.
(2) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n» 98, p. 181 (avec la date
de 939). Nous adoptons, en ce qui concerne cette charte, les conclusions
de M. Vanokrkindere, op. cit., t. II, p. 353-354.
(3) Parmi les auteurs qui ont, implicitement ou en termes exprès,
adhéré à cette opinion, nous citerons Krembr, Genealogische Ges^
chichte des Ardenneschen Geschlechts, p. 17, 55 et suiv., Ernst, Dis-
sertation... sur la maison royale des comtes d'Ardenne (Bulletins de
la commission d'histoire de Belgique, 2» série, t. X, p. 212, 251-252).
SoflôTTER, Einige kritische Erorterungen, etc., p. 19, 33 et Tab. gén.,
Eltester, MR. UB., t. II, p. LIV, Lot, D. C, p. 64, Alberdingk-
TmjM, Les ducs de Lotharingie, etc., p. 21, Depoin, Sifroi Kunuz,
p. 19, 21.
(4) J^RSCHKERSKI, Godfrid der Bdrtige, Beilage 2, n. 3, déclare ne
pouvoir décider si le premier comte de Luxembourg doit être identifié
avec Sigebert. Wighmann, Bischof Adalhero, Witte, Gen. Untersuchun-
gen{Jahrb. G. L. G., 3' année, 1891, p. 110 et 174, 5» année, 1893, 2«
fascicule, p. 42 et n. 3, p. 44) et Vanderkindere, op. cit., t. II, p. 235,
n. 1, 329 et Tab. gén. n" III, distinguent tous trois Sigebert de Sigefroy ;
mais le premier et le dernier font de Sigebert seul un fils de Voiry,
tandis que, pour Witte, Voiry est le père de l'un comme de l'autre.
(5) P. 10-14.
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18 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Sigefroy de Luxembourg. Celui-ci était donc le frère de
Frédéric. Qui, de Voiry ou de Ricuin, devons-nous lui
attribuer pour père ? Nous n'osons nous prononcer (1). 11
est infiniment probable, il est môme certain que Sigefroy
eut un fils qui portait le même nom que lui. L'on a
confondu trop longtemps les deux Sigefroy, et c'est le
second qui fut le père de Gunégonde et de ses frères (2).
Toutefois, nous identifions avec le frère de Frédéric le
comte Sigefroy qui, en 963, fit un échange avec Saint-Maxi-
min de Trêves et apposa la même année sa souscription à
la deuxième donation d'Uda en faveur de cette abbaye.
Frédéric a-t-il eu un dernier frère nommé Henri ? Nous
possédons une charte de l'année 970 (3)j par laquelle un
certain Henri concède quelques terres à Saint-Maximin
pour le repos de l'âme de ses parents Voiry et Gunégonde.
Mais il est hors de doute que cet acte a été fabriqué
d'après un document antérieur, la charte de Liutgarde,
dont nous parlerons tout à l'heure (4).
Frédéric a eu au moias une et peut-être deux ou trois
sœurs. Si Voiry (Wigeric) et Wederic ne sont qu'un seul
(1) A l'exception cI'Eltestek et de Dieckmann, Gottfried der Biicklige,
p. 6, presque tous les érudils modernes donnent Voiry pour père à
Sigefroy. Pourtant H. Witte, art. cit.^ p. 47, n. 3, se trompe lorsqu'il
soutient que Sigefroy n'aurait pas été qualifié par Gerbert de patruus
de Godefroy, s'il avait été le fils de Ricuin. Patruus^ en effet, a sim-
plement le sens d* a oncle paternel », de « frère du père » ; peu im-
porte on la circonstance que Gozlin, père de Godefroy, ait été le frère
germain, le frère consanguin ou le frère utérin de Sigefroy ; dans un
cas comme dans l'autre, ce dernier était bien le patruus du comte de
Verdun.
(2) Voir notre article Sigefroy, etc., {.inn. E. N., 1" année, 1903,
p. 81-83).
(3) MR. UB., t. I, n- 233, p. 289.
(4) L'authenticité de cet acte a été admise par Crollius, Westricher
Abhandlungen, p. 17, par Ehnst, art. cit., p. 212, par Schôtter, Einige
kritische Erorterungen, p. 28 30 et Geschichte des Luxemburger
Landes, p. 19, par Lot, D. C, p. 64 (tab. gén.) et par Wichmann, art.
cit., p. 110 et 174 {tab. gén.). Mais Gôrz, Mittelrheinische Regesten,
n" 1024, et H. Witte, art. cit., p. 43, ont démontré que la charte
d'Henri était un faux.
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ET SA PUEMIÈRE MAISON DliCALE 19
et même personnage, Berthe, fille de Wederic et d'Eve,
femme du comte Ebroïn, est la sœur consanguine de Fré-
déric (1). M. Vanderkindere suppose qû'Ève, femme du
comte Rodolphe du p. Evodiensis, était fille de Voiry et
d*Ève (2) ; elle serait donc, elle aussi, la demi-sœur du
premier duc de Mosellane.
Quant à Liutgarde, il ne peut y avoir aucun doute sur
les liens de parenté qui l'unissaient à Frédéric, attendu
que dans une donation à Saint-Maximin, de Tannée 960,
elle se dit fille de Voiry et de Cunégonde (3). Liutgarde,
comme ses parents, avait été mariée deux fois; ce môme
document, dont nous venons de parler, mentionne ses
deux époux, Albert et Eherhard (4). Quels étaient ces deux
personnages ? Bien des hypothèses ont été émises à leur
sujet par les érudits allemands, suisses, autrichiens ou
belges, qui ont échafaudé sur eux différents systèmes
généalogiques (o). Sans entrer dans le détail ni dans la
(1) Voir ci-dessus, p. 7, et n. 3.
(2) //. F. T. P. B., t. II, p. 329, 343 et Tab. gén., n« III.
(3) MR. un., t. ;, n« 206, p. 266. A notre connaissance, tous les
auteurs contemporains ont admis que Liutgarde avait pour père
Voiry et pour mère Cunégonde.
(4) Nous avons relevé ci-dessus, p. 9, n. 3, l'erreur où était tombé
ScHÔTTER, en faisant d'Eberhard et d'Albert les ancêtres de Liutgarde.
(5) Crollil's, Weslricher Àbhandlungen, p. 17-18, et Krûgek, Dcr
Ursprung des Hanses Lothringen-Habsburg, p. 13-14, font d Albert le
comte de Metz assassiné par Uto en 944, et voient dans Eberhard un
comte du Nordgau alsacien, Eberhard IV. H. Witte, art. cit., p. 43 et
n. 3, rejette l'opinion des deux précédents érudits, mais admet pour-
tant qu'Eberhard IV de Nordgau avait épousé la fille du comte Albert
(ibid., p. 64-65).
Pour Vanderkindere, op. cit., t. II, p. 3i9, 3o0-3o2, 360, et Tab. gén.
n* III, Albert est bien le comte de Metz, mais Eberhard serait le duc
de Bavière déposé par Otton I" en 938 ; de son mariage avec Eberhard
Liutgarde aurait eu Wicfrid, devenu en 939 évoque de Verdun. Elle
aurait donné à son second époux Albert deux filles, mariées l'une à
Eberhard de Nordgau, et la seconde à Liétard, comte de Longwy. Le
baron Schenck de Schweinsberg, Genealogische Studien zur Reiclis-
geschic/UCy p. 16 et suiv., beaucoup plus hardi dans ses hypothèses que
les précédents historiens, supprime Liutgarde, purement et simple-
ment; d'après lui, c'est la fille d'un Gérard, qu'il crée de toutes pièces,
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20 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LOKUAINE
discussion de ces nombreuses théories, disons seulement
que, d'une façon ou d'une autre, presque toutes s'accordent
à faire descendre Gérard d'Alsace de Liutgarde.
Pour ce qui est des autres enfants attribués à Voiry ou
à Cunégonde, les uns sont ou nous paraissent des person-
nages de fantaisie, nés de l'imagination de quelques éru-
dits modernes ; les autres, qui ont réellement existé, sont
probablement étrangers à la famille d'Ardenne (1).
§ IL — Premières années, mariage et enfants de Frédéric.
Nous ignorons en quelle année Frédéric vint au monde.
Si, comme nous le supposons, il eut Voiry pour père, sa
naissance ne peut être postérieure à l'année 920 (2). Nous
frère ou cousin du comte Albert assassiné en 9i4, qui aurait successi-
vement épousé Eberhard IV d'Egisheim et Richard, comte de Metz.
(1) Benoît PiCART (L'origine de la très illustre maison de Lorraine^
p. 35,36-37), s'appuyant sur ufii manuscrit, aujourd'hui détruit, de l'ab-
baye Saint-Remi de Reims (voir préc. vol. Mém. S. A. X., p. 326, n. 5),
donne à Frédéric deux autres frères : l'un d'eux aurait été mis à mort
par ordre d'Olry, archevêque de Reims ; l'autre, Folmar, comte de Saul-
nois, possédait le château d'Amanee, dont son neveu Thierry, due de
Mosellane, hérita après sa mort. Nous avons déjà dit que les faits
racontés dans ce manuscrit avaient un tel caractère de légende qu'on
ne pouvait y ajouter aucune foi.
Tout récemment, le baron Schenck de Schweinsberg, op. cit.^ p. 7,
8, 15 et Tab. gén. I, a donné pour fils à Ricuin et à Cunégonde, pour
demi-frère par conséquent à Frédéric, Godefroy, créé en 953 [sic) duc de
Basse-Lorraine par Brunon, et père 1* d'un autre duc Godefroy, mort
en 9ôi, 2* de Richard de Châtenois, comte de Metz, etc. Ce système,
échafaudé à l'aide d'hypothèses ingénieuses, n'est pas seulement
dépourvu de preuves, il se trouve en contradiction avec les faits les
plus certains. Voir notre critique du traviiil du baron Schenck de
Schweinsberg dans les Ann, E. iY.,1" année, 1905, p. 417-420.
Nous ne savons ce qui a pu amener M. Lot, D. 6'., p. 287, n. 1, à
gratifier Voiry d'une fille, qui aurait épousé Régnier 111 au Long Col,
et à faire de Liutgarde la mère de Baudry II, évèque de Liège.
(2) Voiry, père de Frédéric, était mort, nous l'avons dit plus haut
(p. 10, n. 3), avant le 13 juin 919, attendu qu'un dipIOme de Charles le
Simple, rendu à cette date, ne fait plus mention de lui. A supposer
que Frédéric soit un fils posthume de Voiry, il est au plus tard venu
au monde dans les premiers mois de l'année 920. Si le premier duc de
Haute-Lorraine avait eu Ricuin pour père, on ne pourrait reculer sa
naissance quo de cjuatre ans, Ricuin ayant été assassiné en 923.
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Qoo^(^
ET SA PREMIÈRE MAISON DL'CALE ^1
ne savons rien de Tenfance ni de la jeunesse de Frédéric. Il
est mentionné pour la première fois dans la charte que son
frère Adaibéron accorda en 942 à Tabbaye Saint-Arnoul
de Metz (1). A cette date, il avait au moins 22 ans (2).
En 943, Frédéric souscrivit la donation faite par sa belle-
sœur Uda, veuve de (jozlin, à Saint Maximin de Trêves (3).
Dans aucun de ces documents, il n'est qualifié de comte.
Pendant huit ans, il n'est plus question de Frédéric, que
Ton retrouve seulement en 9ol. Nous relevons alors deux
événements de la première importance qui le concernent.
Au cours de cette année, en effet, eurent lieu les fiançailles
de Frédéric avec Béatrice, fille de Hugues le Grand et
d'Hathuis (Avoie) (4) ; un peu plus tard, il construisait sûr
le territoire de la villa de Fains (5) une forteresse, d'où il
(1) Calmet, h. E. C. i., 1" éd., t. I, pr., col. 350, 2^ éd., t. II, pr.,
col. CXC.
(2) A supposer que Voiry fût son père.
(3) MR UB., t. I, n° 179, p. 241.
(4) Flouoard, AntiA, 951, p. 130.
(5) Meuse, Barle-Duc. La construction par Frédéric d'une forteresse
à Fains a suscité au xvii'' et au XYiir siècle des hypothèses variées de
la part des érudits, et donné lieu ù des polémiques entre les historiens
français et leurs confrères étrangers. Le nom de la localité ayant été
mal lu {Banis pour Fanis)^ André du Chesne. Histoire généalogique
de la maison de Bar-le-Duc^ p. 3, et Blondel, Barrum Francicocam-
panum^ p. 6, suivis, chose extraçrdinaire, par Brower et Masen,
Annales et Antiquitates Trevirenses, t. I, p. 465, col. 1, avalent iden-
tifié Banis avec Bar-le-Duc ou Bar-la- Ville, et Us en avaient tiré argu-
ment pour démontrer que le Barrois dépendait de la France. Chifflet,
Commentarins lothariensis^ p 2 et suiv., qui acceptait la leçon Banis,
voyait dans ce village Bagneux, près de Paris. Le même auteur, ainsi
«lue CoNRiNG, De finibus imperii Germanici, p. 37-44, et Leibniz,
Ann. imp. oczid.y t. II, p. 601-608, s'efforcèrent de prouver, contre les
érudits français,(|ue le Barrois faisait partie de l'Empire. Pourtant la véri-
table orthographe du nom avait été rétablis, et Conuing, op. cit., p. 38,
Mabillon, Ann. 0. S. B., t. III, p. 510, Leibniz, op. cit., t. II, p. 610,
Ernst, Dissertation... sur la maison... d'Ardenne {Bulletins de la
commission royale d'histoire de Belgique, 2' série, t. X, p. 249, n. 5)
savaient qu'il s'agissait de Fains. Après avoir dit {Vie de saint Gérard,
p. 304 et 308) que Fanis était Fains, et non Bar-le-Duc, B. Pic art revint
plus tard en arrière, et rapporta {Histoire de Tout, p. 95îK>) les diverses
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22 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
allait ravager les campagnes voisines (1). Y aurait-il cor-
rélation entre ces deux faits ? La paix avait été conclue, en
950, sous les auspices d'Otton I«^ entre ses deux beaux-
frères, le roi et le duc ; mais, bientôt après, de nouveaux
dissentiments avaient éloigné l'un de Tautre Louis et
Hugues le Grand (2). Peut-être donc celui-ci avait-il excité
son futur gendre à occuper un territoire appartenant au
Carolingien et à en faire un centre de courses de pillage.
Le Barrois dépendait alors de Louis IV, à qui Otton 1®^
Tavait cédé en 940-942 (3). Aussi le roi de France pro-
opinions émises par les historiens au sujet de Banis ou de Fanis^ mais
sans dire à laquelle il se ralliait.
Ce qui est particulièrement curieux, c'est de relever les variations
successives de dom Calmet. On sait qu'il existe de la 1" édition de
ÏH. E. C. L. deux sortes d'exemplaires : les premiers contiennent le
t^te primitif de Calmet, les seconds le texte remanié sur l'ordre des
censeurs. Pour ce qui est de la 2"^ édition, la censure fit opérer les
changements sur le manuscrit, avant que l'ouvrage eût été remis à
l'imprimeur (Beaupré, Dom Calmet aux prises avec la censure^ Jour-
nal S. A. I., lo*^ année, 1860, p. 6-28).
Dans les exemplaires non cartonnés de la 1" édition (t. I, col. 912),
Calmet place en 951 la construction du château de Fains, en 964 celle
du château de Bar ; il ajoute à la note z que la vraie leçon des mss, est
Fanis et non Banis. Ouvrons maintenant les exemplaires cartonnés :
rhistorien de la Lorraine y rejette (t. I, col. 911-912) à la fois Fains et
Bar, parce qu'aucune de ces localités ne dépendait de Louis IV, et il
semble adopter l'opinion de ceux qui identifient Banis avec Bagneux
près de Paris; quant au château de Bar, il aurait été bâti après 9ol.
Arrivons enfin à la 2"^ édition, nous y voyons (t. II, col. 12) Calmet
hésiter entre Banis (Bagneux) et Fanis (Fains); il a d'ailleurs bien soin
de ne pas reproduire les passages des exemplaires cartonnés où il sou-
tenait que ni Fains ni Bar ne relevaient du roi de France.
De nos jours, Clouet, H. F., t. I, p. 328, ne se prononce pas entre
Fains et Bar-le-Duc. Quant à Lot, D. C, p. 13, n. 2, il accepte la leçon
Banis^ et traduit ce mot par Bains, sans d'ailleurs indiquer où se trouve
cette localité.
A notre avis, Fanis ne peut être que Fains, près de Bar-le-Duc, et,
comme nous l'avons montré dans le travail cité à la n. 3 de la p. 22,1a
réclamation du roi de France s'explique par le fait qu'en 951 le Barrois
était soumis à son autorité.
(1) Flodoard, Ann. 951, p. 130.
(2) Voir Lauer, Louis IV, p. 205-210.
(3) Se reporter à notre article De la cession faite à Louis d'Outremer
par Otton 1" de quelques npagin de la Lotharingie {Lorraine) occi-
dentale [940-942] {Ann E. N., 2* année 1900, p. 8S-90, 92-^3).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 23
testa-t-il auprès d'Olton, souverain de Frédéric, contre les
déprédations que celui-ci commettait. Faisant droit à la
requête de son beau frère, Otton défendit à tous ses sujets
en général, et à Frédéric en particulier, de construire
aucune forteresse sur les domaines de Louis IV sans Tau-
torisation de ce prince (1). Hugues, le futur beau-père de
Frédéric, était allé trouver le roi d'Allemagne et de Lor-
raine en même temps que les ambassadeurs de Louis IV (2);
et l'on peut supposer que la visite qu'il faisait à son beau-
frère était motivée par la réclamation du roi de France.
Son intervention ne fut peut-être pas inutile à Frédéric,
qui paraît n'avoir subi aucun châtiment ; il dut simple-
ment évacuer le pays usurpé, et de plus, on peut le suppo-
ser du moins, détruire la forteresse qu'il avait élevée.
Flodoard, en parlant des fiançailles de Frédéric et de
l'occupation de Fains, qualifie de a comte » le frère d'Adal-
J)éron, et nous le voyons prendre ce même titre dans une
charte pour Saint-Arnoul de 952 (3). Nous sommes disposé
à croire qu'il avait reçu de son frère, Tévéque de Metz, le
comté de cette ville et du pays qui en dépendait (4).
Toujours est-il que Frédéric se trouvait à Metz en 952,
comme le prouve sa souscription mise au bas des chartes
d'Adalbéron 1*^^ et du comte Rodolphe en faveur de l'abbaye
(1) Flodoard, inn. 951, p. 130-131. Sur ces événements, consulter
KôPKE et DûMMLER, K. 0. G., p. 188 et n. 2 et 3, Kalcksteix, G. F. À'.,
p. 277, Ottenthal, Reg. sàchs., p. 91, Lauer, op. cit., p. 214-218, Heil,
Die politischen Beziehungen zwischen Otto dem Grossen tind Lud-
wig IV von Frankreich, p. 98.
(2) U résulte du récit de Flodoard que Hugues se rendit auprès
d'Otton I" un peu avant la fête de Pâques qui, en celte année, tombait
le 30 mars.
(3) B. M., t. III, pr., p. 70. Cette charte, du 24 novembre 952, émane
d'Adalbéron I". Frédéric souscrivit une autre donation, faite à la
môme abbaye par un comte Rodolphe, le 11 juillet de la même année,
mais sans qu'aucun titre accompagne son nom {H. M., t. III, pr.,
p. 69).
(4) Voir le préc. vol. Mém., p. 331-336.
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24 LES ORIGINES DE LA HAlTE-LOHRAL\E
de Saint-Arnoul. Le moment approchait où la Lotharingie
et TAllemagne allaient être secouées par une crise des plus
violentes. La révolte du fils et du gendre d'Otton l^^, l'in-
vasion des Hongrois, appelés par Conrad le Roux, duc
dépossédé de Lotharingie, faillirent amener la ruine et la
dislocation de la monarchie saxonne. Fort heureusement
pour Otton, les Lorrains, qui dérestaient leur duc, ne le
suivirent pas dans sa révolte ; ils prirent même les armes
contre lui et le battirent. D'autre part, Louis IV n'inter-
vint pas en faveur des rebelles, comme il Tavait fait en
939. Le roi d'Allemagne et de Lorraine parvint à triom-
pher de tous ses ennemis, intérieurs et extérieurs. Conrad
et Liudolf firent leur soumission, et les Hongrois, écrasés
à Augsbourg en 9oS, ne renouvelèrent plus leurs incur-
sions en Allemagne (1).
La ville de Metz avait été en 953 assaillie à Timproviste
par Conrad: qui s'en empara, puis la mit au pillage (2).
Cet acte de violence prouve que ni Tévêque, ni le comte
de la ville n'avaient pris le parti de Conrad. Toutefois^
nous ne savons rien de précis quant au rôle que Frédéric
joua dans ces circonstances. Il se montra probablement
fidèle à Otton, sans quoi l'on ne s'expliquerait pas qu'en
959 il eût été nommé duc de Mosellane.
Trois années s'étaient écoulées depuis les fiançailles de
Frédéric et de Béatrice; pourquoi le mariage ne fut-il pas
célébré plus tôt ? D'abord, à cause du jeune âge de Béa-
trice, qui, nous allons le voir, n'a pu naître qu'en 938 ou
939. Puis les troubles qui agitèrent l'Allemagne et la
(1) Sur ces événements, consulter Kôpke et Dûmmler, op. cit.^ p. ^ii-
241, Ottenthal, Reg. sàchs., p. 104-118, Lauer, op. cit., p. 226-230.
(2) Ff.0D0ARD, Ann. 953, p. 137, Roger, V. Brunonis, c. 24, p. 26. Cf.
Kôpke et Dûmmler, p. 227-228, Ottenthal, p. 112, et Lauer, p. 227-228,
qui, interprétant mal la V. Brunonia, a cru à tort que Conrad avait
mis à sac la ville de Metz pour punir Adalbéron de sa défection. En
réalité, Roger ne dit rien de pareil et ne fait même aucune allusion
à l'évéque de Metz.
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Qoo^(^
ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 28
Lotharingie amenèrent sans doute un nouveau retard. Si
Flodoard, qui d'habitude suit assez exactement Tordra
chronologique, s'y est conformé en la circonstance, Fré*
déric aurait célébré son union avec Béatrice entre le
10 septembre, date de la mort de Louis IV, et le 12 novem*
bre, jour du couronnement de Lothaire (1). C'était un
beau mariage que faisait là Frédéric. Béatrice avait pour
père Hugues le Grand, duc de France, le premier person-
nage du royaume après le roi ; Avoie, mère de Béatrice,
était sœur d'Otton le Grand et de Brunon (2). L'on peut
même être surpris que Hugues le Grand ait donné sa fille
à un homme dont la situation n'était pas équivalente à la
sienne et qui, de plus, devait être beaucoup plus âgé que sa
femme.
Si la naissance de Frédéric ne peut être postérieure à
920 (3), celle de Béatrice doit se placer au plus tôt en 938
ou 939. C'est en effet dans le courant de 937 ou de 938 que
Hugues le Grand avait épousé Avoie (4), et, en supposant,
ce que nous ne savons d'ailleurs par aucun texte certain,
que Béatrice fût l'aînée des enfants de Hugues et d'Avoie,
(i) Flodoard, A7in. 954, p. 138-139.
(2) Flodoard, Ann. 938, 951, î^, p. 69, 130, 139, charte de Hugues
le Grand du 14 septembre 937 (Rec. H. Fr., t. IX, p. 7il).
(3) En admettant que Voiry soit son père; voir ci-dessus, p. 20 et n. 2.
(4) Quelque extraordinaire que la chose puisse paraître, la date du
mariage de Hugues le Grand et d'Avoie ne peut être fixée avec certi-
tude. D'une part, en effet, Flodoard, relate 1 événement à l'année 938
{Ànn.^ p. 69), et, de l'autre, une charte de Hugues le Grand du 14 sep-
tembre 937 (Hec. H. Fr., t. IX, p. 7il), en parle comme d'un fait
accompli. S'il est bien difficile de croire que Flodoard ait attendu plu-
sieurs mois, ou même une année, pour annoncer le mariage d'un per-
sonnage aussi considérable que l'était le duc de France, on peut encore
bien moins supposer une erreur do la part de Hugues lui-même,
pourtant, d'après Lauer, Louis IV, p. 27 et n. 4, le chroniqueur
rémois a pu se tromper. Ne vaudrait-il pas mieux, pour résoudre la
difficulté, admettre que le rédacteur de la charte précitée, ou l'un des
copistes qui nous l'ont transcrite, a mal indiciué l'an de l'Incarna-
tion ?
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28 LES ORIGINKS DE LA HAUTE-LORRAINE
elle n'aurait pu venir au monde qu'en 938 ou en 939 (1).
Il y avait donc une différence d'environ vingt ans entre
Frédéric et sa femme.
Flodoard, en parlant des fiançailles, puis du mariage de
la fille de Hugues le Grand, oublie de mentionner son
nom ; c'est par d'autres auteurs et par des sources diplo-
matiques que nous savons qu'elle s'appelait Béatrice (2).
Nous connaissons la future duchesse de Mosellane un peu
mieux que son mari ; elle paraît avoir été intelligente,
énergique, avoir eu du goût pour la politique et des apti-
tudes à traiter les affaires de l'État (3). C'est en partie
grâce à ses efforts que fut terminée la révolte d'Henri (4)
duc de Bavière; elle travailla en même temps avec succès
au rétablissement de la paix entre la France et l'Alle-
magne.
Béatrice donna trois enfants à Frédéric, Henri ou Heze-
(1) Nous ne croyons pas, d'ailleurs, devoir faire descendre plus bas
que 940 la naissance de Béatrice. La fille de Hugues le Grand, fiancée
dès 951, était probablement formée trois ans plus tard, lorsqu'elle
épousa enfin le comte Frédéric ; on avait sans doute attendu, pour
célébrer le mariage, qu'elle eût atteint l'âge nubile.
(2) Béatrice est expressément qualifiée de femme de Frédéric dans
deux chartes de Saint-Mihiel, l'une émanant do Frédéric lui-même
(962), l'autre de l'abbé Eudes t972), ainsi que dans un diplôme d'Ot-
ton 111 pour l'église deToul, de 984 (De l'Isle, H. S. M., p. 4i0-4il et 435,
St. 872, 0.>" 2, DD. Sax., t. II, p. 396) Le nom de la première duchesse
de Mosellane est fourni par d'autres documents, dont les principaux
sont \si Tabula Ottonurn^ une aufre Genealogia, le Continuateur de
Bertaire, Gesta ep. Vird., c. 5, Constantin, V. Àdalberonis II, c. 1,
AuBRïVDE Trois-Fontaimes, Clivonica (SS., t. III, p 215, t. IV, p. 32, 47,
659, t. XXIII, p. 767 et 772), le Chronicon s. Michaelis, c. VII, p. 12,
le Poema de sanclis et de fundatione Metlensium ecclesiarum. [N. .4.,
t. V, p. 437), JeandeBayon, Chron. Mediani Monasterii, 1. II, c. XLIII
et XLVI (Calmet, H. E. C. t., 1" éd., t. II, pr., col. LXIV et LXVI,
2-= éd., t. III, pr., col. CCXIV et CCXVII).
(3) WiLMANs, Jahrb. 0. 111, p. 23, Sepep, Gerbert et le changement
de dynastie {R. Q. H., t. VII, p. 486-487), D. J. Wittk, Lothringen in
der zweiten Bàlfte des zehnten Ja/ir/iunderts, p. 68 et suiv.
(4) Voir le § I du c. II du présent livre.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 27
lin (1), Adalbéron (2) et Thierry (3). Le premier portait le
nom de son arrière -grand-père maternel le roi de Germa-
nie, fondateur de la dynastie saxonne, le deuxième, celui
de son oncle paternel Tévêque de Metz ; le troisième enfin
avait pu avoir pour parrain son cousin et homonyme
révêque de Metz.
Henri et Aldabéron sont mentionnés dans une charte de
leur père pour Saint-Mihiel, de Tannée 962 (4), Hezelin et
Thierry dans un autre document, de 972, concernant la
même abbaye (5). Hezelin étant un diminutif d'Henri (6),
Ton doit admettre qu'Hezelin et Henri ne forment qu'un
seul et même personnage. Comme Henri est mentionné
avant Adalbéron en 962 (7), et Hezelin avant Thierry en
972 (8), comme d'autre part la charte de 962 ne parle pas
(1) Les chartes de Saint-Mihiel de 962 et de 972 (de l'Isle, H. S. M.,
p. 440-441 et 435) font expressément d'Henri- Hezelin un fils de Frédéric
et de Béatrice.
(2) Outre la charte ci-dessus mentionnée, de %2, les documents sui-
vants font de Frédéric le père et de Béatrice la mère d'Adalbéron : le
Continuateur DE BERTAmE, Gesta ep. Vird.,c. 5, Constantin, V. Àdal-
beronis 11, ci et 2, Sigebert de Gembloux, Chronographia,^tk, et la
Gestorum abbatum Trudonensium cont^'"* III", pars I", c. 15 (SS.,
t. IV, p. 47, 659-660, t. VI, p. 352, t. X, p. 382) ainsi que le Poema
de sanctis et de fundatione Mettennum ecclesiarum (N, A., t. V,
p. 437).
(3) Thierry est qualifié de fils de Frédéric par la charte déjà citée
de 972, par le Chron. s. Michaelis, c. IX, p. 12, par Laurent de Liège,
Gesta ep. Vird, c. 2, parla Tabula Ottonu m, parla Genealogia regum
Saxoniœ {SS., t. X, p. 492, t. lïl, p. 215, t. Vï, p. 32), enfin par Jean
de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLIII et XLVI (Calmet, H, E. CL.,
1'" éd., t. I, pr., col. LXIV et LXVI, 2" éd., t. 111, pr., col. CCXIV et
CCXVIÏ). Les mômes sources (^sauf le Chron. s. Michaelis), ainsi que la
Genealogia e stirpe sancti Arnulfi, c. 3 {SS., t. XXV, p. 382) nomment
Béatrice comme mère de Thierry.
(4) H. S. M., p. 440-441.
(5) Ibid., p. 435.
(6) Fôrstemann, Altdeutsches Nanienbuch, t. I, 2' éd., col. 734.
(7) « Ex nomine... filiorum nostrorum Henrici et Alberonis... Signum
filiorum ipsorum potentum Henrici videlicet et Alberonis » (Charte
de Frédéric, de 982, H. S. M., p. 440-441).
(8) a Una eu m filio eorum Hezelino alioque Theoderico consentienti-
bus » (Charte do l'abbé Eudes, de 9T2, H. S. M., p. 435).
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28 LES ORIGINES DE LA HAUTELORRALNE
de Thierry, nous nous croyons en droit d'ad mettre qu'Henri-
Hezelin était 1 aîné des enfants de Frédéric, Adalbéron le
cadet et Thierry le plus jeune. C'est à Henri-Hezelin que
devait revenir la dignité ducale. Adalbéron fut tout jeune
destiné à l'Église par ses parents, qui espéraient sans
doute qu'un jour il monterait sur Tun des sièges épisco-
paux de la Haute-Lorraine, peut être sur celui de Metz,
qu'occupait son parrain et homonyme. Il est vraisemblable
qu'Adalbéron fut élevé à Metz, sous la haute direction
de son oncle d'abord, puis de son cousin Thierry.
Henri-Hezelin mourut avant son père, à une date que
nous ne pouvons préciser (1). Adalbéron étant déjà clerc,
ce fut le troisième des fils de Frédéric, Thierry, qui
recueillit dans la succession paternelle la dignité de duc
de Haute-Lorraine (2).
Après le mariage de Frédéric et de Béatrice, annales et
documents diplomatiques ne nous parlent plus de Fré-
déric jusqu'en 959, année où Brunon le prit pour lieute-
nant, et lui confia le gouvernement de la Lorraine méri-
dionale.
§ III. — Frédéric duc de Haute-Lorraine (959-978)
Nous avons exposé dans un chapitre précédent les
motifs qui avaient déterminé Brunon à diviser la Lotha-
ringie en deux provinces, et à faire de Frédéric un duc de
(1) La mort de l'aîné des fils de Frédéric I" se place entre les années
972 et 978 : Henri-Hezelin est, nous l'avons vu, mentionné dans la
charte de l'abbé Eudes (97'2), mais il avait cessé de vivre gvant son
père (t 978). Le comte Hezelon, que VObiluaire de Saint-Mihiel, du
XVII* siècle, commémore à la date du 21 octobre (Archives de la Meuse,
série H., fonds Saint-Mihiel, N 2), est-il le fils de Frédéric et de Béa-
trice, comme le suppose Calmet (H. E. C. I., 1" éd., t. I., col. CXCIII,
^' éd., t. I, col. CCLXXXV) ? Il est permis d'en douter.
(2) Dans un des appendices joints au présent travail, nous nous
occuperons de Werner et d'Ita, qui, d'après les Acta Murensia^ au-
raient été les enfants de Frédéric et de Béatrice.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 29
Mosellane (1). En dehors de sa noble extraction, de son
mariage avec une nièce d'Otton ^^ et.de Brunon lui-même,
et de sa fidélité, d'éminentes qualités expliquent-elles la
nomination de Frédéric au poste de confiance où Tavait
élevé son oncle par alliance l'archevêque- duc ? A cela nous
ne pouvons rien répondre. Comme beaucoup de ses con-
temporains, Frédéric ne nous apparaît que comme une
sorte de fantôme, que nous entrevoyons à peine dans le
brouillard, et nous ne savons presque rien de sa personne
morale. Bon frère (2) et bon mari (3), fonctionnaire et vas-
sal fidèle (4), à ce qu'il semble, nous l'avons vu, dans ses
rapports avec l'église, travailler avec un zèle louable à la
réforme de quelques abbayes lorraines, et cependant
s'approprier, sans le moindre scrupule, des biens qui appar-
tenaient au clergé séculier ou régulier (5). Voilà, en défini-
tive, les seuls traits de caractère que nous puissions rele-
ver à propos de Frédéric.
Au moment où Frédéric devenait duc de Haute-Lor-
raine, les sièges épiscopaux delà province étaient occupés,
celui de Trêves par Henri (6), ceux de Metz et de Toul par
AdalbéronI«r et par Gauzlin (7) : quant au diocèse de Ver-
dun, il était — ou allait être — privé de son premier pas-
teur. Adalbéron, nous l'avons vu (8), était le frère aîné de
(1) Au c. Il du 1. I.
(2) L'union semble avoir régné entre les entants de Voiry; ils se
viennent en aide et se soutiennent.
(3) Béatrice apparaît à côté de son mari dans deux chartes de Saint-
Mihiel ; voir ci-dessus, p. 26, n. 2.
(4) S'il s'était révolté, les chroniqueurs nous l'apprendraient.
(5) Voir les c. 1 et II du 1. II, et la suite de ce chapitre.
(6) Henri, un parent d'Otton I", était depuis 9o6 archevêque de
Trêves (Continuateur de Réginon 956, p. 169, Flodoard, Ami. 956,
p. 143, Ann. Hildesheimenses 956, p. 21). Cf. Dûmmler, K. 0. G., p. 283,
n. 5, Ottenthal, Reg. sàchs., p. 127, Hauck, KG. />., t. III, p. 31 et
n. 4, p. 998.
(7) Saint Gauzlin était devenu en 922 évoque de Toul {Ro. L. C, p. 647
et n. 5). Consulter sur lui abbé Martin, B. D. T., p. 141-159.
(8) Se reporter aux p. 6, 7, 9, 14 et 15 du présent travail. Adalbé-
ron !•' a été l'objet d'une savante biographie écrite par le D» Wicu-
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30 LES OlUOIXES DE LA HAUTELOUUAINE
Frédéric, qui lui devait le comté de Metz et peut-être plus
encore ; nous ne serions pas surpris en effet que, par son
crédit auprès d'Otton 1®^ et de Brunon, Tévêque de Metz
eût contribué à faire nommer Frédéric duc de Mosellane.
Celui-ci ne pouvait qu'être fortifié dans son autorité parla
présence, à la tête du principal diocèse de son duché, d'un
proche parent, dont le dévouement lui était assuré.
Bérenger, évêque de Verdun, mourut en 959 (1), soit
avant, soit après la division de la Lotharingie en deux
duchés. Son successeur, Wicfrid, qui ne fut peut être
nommé qu'au début de 960, était d'origine bavaroise ;nous
devons pourtant ajouter que M. Vanderkindere lui donne
pour mère Liutgarde. fille de Voiry. Dans ce cas, Wicfrid
aurait été le neveu du nouveau duc (2).
MANN, Adalbero Bischof von Metz (Jahrb. G. L. G., 3* année, 1891,
p. 104-174). ^
(1; Bérenger était un cousin d'Otton I"", qui lui donna l'évêché de
Verdun en 940 (Continuateur de Bertairr, Gesta ep. Vird.y c. 2, Ann.
s. Benigni Divionensis 940, SS., t. IV, p. 45, t. V, p. 40). C'est le
12 août 959 {Necrologium s. Vitoni^ dans le Ja/irb. G. L. G., 14'' année,
1902, p. 144) que mourut Bérenger ; les Ann. s. Vitoni Virdunensis
(SS., t. X, p. 526) placent à tort en 958 l'événement, qui egt plutôt de
l'année suivante. En tout cas, ce ne peut être plus tard, car nous
allons bientôt voir que la consécration de Wicfrid, successeur de
Bérenger, est antérieure au 25 février 960. Hugues de Flavigny, Chron,
(dans le Flodoard de M. Lauer, p. 210-211) a recueilli et rapporté une
fable, d'après laquelle Bérenger aurait été dépossédé de son siège et
remplacé, étant encore vivant, par Wicfrid. Cette légende a trouvé
crédit auprès de Roussel, H. T., 2© éd., t. I, p. 206-207, de Clocet, H,
F., t. I, p. 323-325, même de Kôpke et Dûmmler, K. 0. G., p. 338-339
et p. 339, n. 1.
(2) Le Continuateur de Bertaire, Gesta ep. Vird., c. 3 (SS., t. IV,
p. 46), nous apprend que Wicfrid était Bavarois ; d'après Sigebert de
Gembloux, Vita Deoderici 1 MeUensis episcopi^ c. 7 (SS., t. IV, p. 467)
le successeur de Bérenger avait été élevé à Cologne par Brunon.
Aucune chronique n'indique l'année ni le jour de sa consécration, mais
nous savons par une charte de Wicfrid pour Saint-Mihiel, du 25
février de la sixième année du règne d'Otton, fils de l'empereur Otton,
que le prélat était alors dans la huitième année de son épiscopat (De
l'Isle, B. s. m., p. 442). Otton II ayant étjé couronné le 26 mai 961, le
25 février de la sixième année de son règne correspond au 25 fé-
vrier 967. La consécration de Wicfrid est donc antérieure au
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 31
Sans aller jusqu'à se désintéresser de la désignation des
évêques, Henri 1»^ (rOiseleur) avait dû le plus souvent
l'abandonner aux ducs nationaux (1), qui l'avaient usurpée
sur la royauté (2). Otton l^', au contraire, voulut, et ses
efforts furent couronnés de succès, recouvrer les droits que
les anciens rois francs avaient possédés en matière de
nominations épiscopales (3).
Dans le but de tenir en écbec les seigneurs laïcs, tou-
jours prêts à la révolte, il entendait s'appuyer sur les
évêques ; afin d'être sûr de ces derniers, il désignait,
pour occuper les sièges vacants, soit des membres de sa
maison ou de familles alliées à la sienne, soit tout au
moins des clercs originaires d'une autre province. Les pré-
lats ainsi recrutée, bien loin de songer à faire cause com-
mune avec les grands du pays, avaient tout intérêt à servir
fidèlement le souverain qui les avait nommés. Cette poli-
tique d'alliance, d'union étroite entre la royauté et le
haut clergé, n'était du reste pas nouvelle; les Carolingiens
l'avaient déjà pratiquée, les successeurs d'Otton !«'' y reste-
ront fidèles, sauf en de rares circonstances, où d'impé-
rieuses nécessités leur dicteront une conduite différente.
Nulle part plus qu'en Lorraine on ne constate le parti
pris d'Otton I®^ d'écarter de l'épiscopat les membres des
grandes familles indigènes (4). L'esprit d'insubordination
25 février 960, elle a môme dû avoir lieu dans l'automne de 959 ;
il est dit en effet dans la charte d'Hildegonde pour Saint-Pierre d'Amel
(9-59) que la donation est faite dans l'année où Wicfrid a été consacré :
« anno ordinationis domni Wicfridi sancte Virdunensis ecclesie antis-
titis » ; et, vers la fin de l'acte, on trouve l'annonce de la souscription de
Wicfrid, puis la souscription elle-même {Cart. Gorze, Mett.^ t. Il, n« 108,
p. 198, 199, 200). Sur Wicfrid, consulter ClouCt, H. î'., t. I, p. 343 et
suiv., KôpKE et DûMMi.ER, K. 0. G., p. 338-339, Vanderkindere, H. F. T.
P. B., t. II, p. a51, Hauck, op. cit., t. m, p. 1000.
(1) Hauck, KG. Z)., t. III, p. 16-20.
(2) Hauck, ibid.
(3) Hauck, p. 21 et suiv.
(4) Pour ne parler que de la province ecclésiastique de Trêves, nous
constatons que Trêves même eut successivement pour archevêques,
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32 LES ORIGINES DE LA HAUTE -LORRAINE
de celles-ci lui inspirait une défiance, que Ton n'a pas de
peine à comprendre. Il nous faut bien reconnaître que le
souverain allemand n'avait pas eu à se féliciter de l'éléva-
tion sur le siège de Liège de Baudry (I«»^), neveu de
Régnier III au Long Col d). On a même lieu d'être surpris,
nous l'avons déjà dit, qu'en 959 Brunon eût pris dans le
pays même les comtes auxquels il confia l'administration
des provinces qu'il avait découpées dans la Lotharingie (2).
Si Wicfrid, le nouvel évoque de Verdun, était, comme le
suppose M. Vanderkindere (3), le neveu d'Adalbéron 1°' et
de Frédéric, le roi, en le choisissant pour succéder à
Bérenger, avait donné satisfaction à la puissante famille
de Voiry (Wigeric), dont la mère de Wicfrid faisait partie,
sans toutefois rompre entièrement avec la politique qu'il
avait adoptée, puisque le nouvel évêque était Bavarois par
son père.
Tandis que les agitations, qui depuis tant d'années trou-
blaient la Basse-Lorraine, se renouvelèrent encore plu
sieurs fois après 959 (4), la Mosellane continua, on peut le
Robert, frère de la reine Mathilde, et Henri, apparenté, lui aussi, à la
dynastie réijrnante. A Metz, on rencontre Thierry I*', neveu par sa mère
Amalrade do Mathilde, à Toul Gérard, un clerc du diocèse de Cologne,
à Verdun Bérenger, un cousin d'Otton, et plus tard Wicfrid, un Bava-
rois.
(i) Baudry prit en 955 la place de Rathier, qui venait pour la
seconde fois d'être chassé de son siège. L'évéché de Liège et toute la
Lotharingie' du reste sortaient à peine d'une crise redoutable, qu'avait
provoquée la révolte de Ckjnrad le Roux, duc dépossédé de la province.
Otton le et Brunon n'avaient pas alors les mains libres, et ils jugèrent
prudent de laisser Régnier 111, (|ui avait pris parti contre Conrad,
donner son neveu Baudry pour successeur à Rathier.
(2) Se reporter aux p. 220-223 du préc. vol. des Mém.
(3) H, F. T. P. B., t. Il, p. 350.
(4) En 960 (Flodoard, Ann. 960, p. 149), puis en 973 et en 976, lors des
tentatives faites par les fils de Régnier 111 pour recouvrer les domai-
nes dont leur père et eux-mêmes avaient été dépouillés {Ann. Lau-
bienses et Leodienses 973 et 976, Ann. Blandinienses 974, Sigebert
DE Gembloux, Chronographia 973 et 976, Gesta ep. Camer., 1. I, c. 95
et 96, Ann. AHahenses majores 91i, SS., t. IV, p. 17, t. V, p. 25, t. VI,
p. 354 et 352, t. VII, p. 439 et 440, t. XX, p. 787, Flodo.vrd, Addita-
menUm, p. 161-162, etc.).
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Et SA PUEMiÈRË MAISON DUCALE 33
croire, à jouir de la tranquillité relative qu'elle avait con-
nue précédemment. Toujours est-il que les sources anna-
listiques ne parlent presque jamais de la Haute-Lorraine ni
de son duc. Aussi ne savons-nous rien de Faction exercée
par Frédéric de 939 à 978, du rôle qu'il a joué durant ces
dix-neuf années, soit en Allemagne, soit dans la province
qu'il administrait. N'a-t-on pas le droit de conclure du
silence des documents que ce rôle a été dépourvu
d'importance?
ATépoque où Frédéric fut institué duc de Mosellane, un
enfant, Lothaire, fils de Louis d'Outremer, gouvernait la
France sous la tutelle de sa mère Gerberge. Nous avons dit
qu'en plusieurs circonstances il fit appel au bon vouloir et
à l'appui de ses oncles, Otton 1®^ et Brunon, contre les
adversaires qu'il rencontrait dans ses Etats, en particulier
contre ses cousins, les fils de Hugues le Grand (1).
Vers la fin de 959, puis de nouveau en 960, Brunon se
rendit avec une armée de Lorrains dans le duché de Bour-
gogne, où le comte de Troyes, Robert, fils d'Herbert H de
Vermandois, avait pris le château de Dijon (2). H ne
semble pas que Frédéric ait suivi l'archevêque de Cologne
dans ces expéditions. Par contre, nous le voyons faire res-
tituer à l'archevêque de Reims, Artaud, partisan fidèle de
Lothaire comme il l'avait été de Louis IV, la forteresse de
Mézières (3). Ce château appartenait à l'église de Reims,
bien que situé en Lorraine ; un certain Lambert, qui s'en
était emparé, dut le rendre à son propriétaire légitime en
présence de Frédéric (4).
(1) p. 213-214 du préc. vol. Mém. Cf. Lot, D. C, p. 18, 19, 25, 28, 29, 31, 32.
(2) Flodoard, Ann. 959 et 960, p. 147 cl 148. Cf. Witte, Lolhringeu
in der zweiten Hàlfte des zehnten Jahrhimderts^ p. 15-17, Kôpke et
DûMMLER, K. 0. G., p. 306-308, Kalckstein, G, F. A'., p. 299-301, Lot,
D. C, p. 27-32.
(3) Ardennes. Mézières se trouvait dans le p. Castricensis.
(4) Flodoard, Ann. 960, p. 148. Cf. Kôpke et Dûmmler, K. 0. G.,
p. 306-307, Lot, D. C, p. 30.
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34 Lii;S ORIGINES DE LA HALTELORRÂLNE
Nous ignorons si le duc de Mosellane aida Brunon à
réprimer la révolte que fomentèrent en 960 Robert et
Immon dans la Basse-Lorraine (i). Il est certain d'autre
part que Frédéric et son frère l'évêque de Metz se trou-
vaient en juin 960 à Cologne, auprès du roi Olton I^^ qui
tint dans cette ville une assemblée de grands laïcs et de
prélats (2). Saint Gauzlin, évêque de Toul, était venu, lui
aussi, à Cologne. C'est peut ôtre alors, comme nous allons
le voir, qu'il porta plainte au roi contre Frédéric, qui avait
usurpé des terres de son église, et que le duc fut obligé par
Otton de dédommager le prélat, en lui abandonnant
l'abbaye de Moyenmoutier.
Les chroniques font ensuite de nouveau le silence sur
Frédéric, en sorte que nous sommes réduit à des conjec-
tures au sujet de son rôle politique. On peut admettre
comme vraisemblable sa présence à Worms, où Otton le
Jeune, fils du souverain allemand, fut proclamé roi du
consentement des grands et de tout le peuple (3).
A supposer que Frédéric ne se fût pas trouvé à Worms,
il a certainement dû se rendre à Aix-la Chapelle, où eut
lieu une nouvelle cérémonie Le 26 mai 961, jour delà
Pentecôte, les grands laïcs et ecclésiastiques de la Lor-
raine, réunis dans la ville de Charlemagne, élurent pour
roi le jeune fils d'Otton le Grand, qui fut ensuite sacré
par un archevêque, probablement par son oncle Brunon,
dans le diocèse de qui se trouvait Aix la-Chapelle (4).
Comme duc de Mosellane, Frédéric devait être là.
Il) Flodoard, Ann. 960, p. -149. Cf. Witte, Lothringen, etc.,
p. 20, KôPKE et DûMMLER, A. 0. G., p. 309 et Lot, D. C, p. 33.
(2) Adalbéron et Frédéric interviennent en effet auprès d'Otton en
faveur de l'abbaye messine de Saint-Pierre (B. 0. 282, 0. ' 210, DD. Sax.,
t. I. p. 289). Cf. KôPKE et Dûmmler, K. 0. G., p. 312 et Ottenth.\l, fie^.
sdchs , p. 139.
(3) Voir KÔPKE et Dûmmler, p. 322, Ottenthal, p. 144-14o.
(4) Le lieu, l'année et le jour du sacre d'Otton le Jeune sont donnés
par les Annales Lobienses {SS., t. XFII, p. 234), le lieu et l'année parle
Continuateur DE RkiiInon, p. 171, p:ir les Ann. Besuenses, par Lam-
bert i>E HER-iKEhT), Ann. y et p:ir les Ann. .s\ Benigni Divionensitt
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 35
Vers la fin de cette môme année, Otton I^' quitta l'Alle-
magne pour aller en Italie. Godefroy, duc de Basse-Lor-
raine, accompagna le roi de Tautre côté des Alpes (l),mais
il n'en fut pas de même de son collègue de la Mosellane.
Nous trouvons en effet Frédéric à Saint-Mihiel le 7 sep-
tembre 962 (2), à Saint-Maximin de Trêves le 17 avril 963(3).
Peut-être Otton avait-il jugé dangereux, en raison de Tesprit
turbulent des Lorrains et des attaques dont la province
pouvait être l'objet, d'enlever pour plusieurs années à la
Mosellane le duc qui avait pour mission d'y maintenir
l'ordre et de la protéger.
Durant la longue absence d'Otton ^r, le haut personnel
ecclésiastique de la Mosellane s'était en grande partie
renouvelé. L'année 962 vit disparaître l'un après l'autre
les évêques de Metz et de Toul, Adalbéron l^' (4) et saint
(SS., t. Il, p. 249, t. III, p. 61, t. V, p. ^5) — l'année seulement par les
Ann. Colonienses, les Ann. s. Maximi Trevirensn, les Ann. Einsid-
lenses, les Ann. Laubienses et les Anfi. Leodienses, les Ann. Blandi-
nienseSy par Hermann de Reichenau, Chron.^ par les Ann. Aquenses
(SS., t. I, p. 98, t. II, p. 213, t. III, p. 142, t. IV, p. 17, t. V, p. 25 et
215, t. XXIV, p. 36). Les Ann. Thielenaes indiquent bien le lieu, mais
placent à tort l'événement en 962 (SS., t. XXIV, p. 23). — Il est inté-
ressant de rapporter les termes dont se servent les Ann. Aqueuses :
(( Et filius ejus (Otton I") Otto efflcitur rex in Franciam ». Si le nou-
veau roi a rendu des diplômes en faveur d'églises et d'abbayes de
l'Allemagne aussi bien que de la Lorraine, au début, c'est ce dernier
pays plutôt que l'autre qui semble placé sous son autorité ; un certain
nombre de chartes lorraines sont datées des années de règne du jeune
souverain, et cela du vivant d'Otton I".
(1) Ck)NTINUATEUR DE RÉGINON, 964, p. 174.
(2) Charte de Frédéric lui-môme (de l'Isle, H. S. M., p. 440).
(3) Echange entre Sigefroy et Saint-Maximin (MR, UB., t. I, n* 2ii,
p. 271).
(4) Adalbéron mourut le 26 avril {Catalogus episcoporum Metten^
sium et Gestorum abbatum Trudonensium cont. tertia, pars prima,
I. III, c. 12, SS., t. XIII, p. .306 et t. X, p. 378), 962 (Continuateur de
RÉGINON, 962, p. 172, Ann. Mettenses brevissimi^ 962, Sigebert de
Gembloux, Vita Deoderici I, SS., t. III, p. 155, t. IV, p. 465). La Gest.
abb. Trud. cont. tertia place la mort d' Adalbéron II (sic) en 964, en la
26' année du règne et en la 3« année de l'empire d'Otton. Le Catalogus
ep. Mett. attribue à Adalbéron I" 3s5 ans, 9 mois et 25 jours d'épiscopat*
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36 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Gauzlin (1) ; au milieu de 964, ce fut le tour d'Henri, arche-
vêque de Trêves (2). Alors que saint Gauzlin avait, dès le
printemps de 963, pour successeur Gérard, un clerc de
Tarchidiocèse de Cologne (3), le diocèse de Metz allait
demeurer sans pasteur pendant près de trois années. Ce
fut en 965 seulement que Thierry, cousin par sa mère
Amalrade d'Otton P*", monta sur le siège de saint Clé-
ment (4). Quelles sont les causes de cette longue vacance?
Les sources ne nous les faisant pas connaître, nous sommes
réduit à des hypothèses. Frédéric aurait-il voulu que son
jeune fils Adalbéron fût nommé évêque de Metz ? Brunon,
partagé entre le désir de ne pas mécontenter Frédéric et la
crainte de lui laisser prendre une trop forte situation dans
son duché, aurait-il fait traîner les choses en longueur, pour
laisser à Otton lui-môme la responsabilité de la décision?
Quoi qu'il en soit, ce fut à Tun de ses parents que l'empe-
reur donna la succession d'Adalbéron l^^. Quant au nou-
veau métropolitain de Trêves, désigné également en 965,
(1) C'est le 7 septembre 962 que saint Gauzlin termina son existence;
le jour est donné par les Miracula s. Mansueti, c. 8, par les Ann»
s. Benigni Divionensis^ et par les Gesta ep. TulL^ c. 33 (SS., t. IV,
p. 511, t. V, p. 41, t. VIII, p. 640), l'année par les Ann. s. B. D.
(2) La mort d'Henri est du 3 juillet (Necrologium s. Maximini dans
les Jahrbilcher der Alterthumsfreunde im Rheinland, t. LVIl, p. 114)
964 (Continuateur de Rkginon, 964, p. 174, Annales necrologici Ful-
denses, SS., t. XIII, p. 200). Les Ann. Hildesheinienses, p. 22, indi-
quent à tort 963.
(3) VoiRY, Vita s. Gerardi, c. 1-3 (SS., t. IV, p. 493). Saint Gérard
fut consacré le 29 mars 963 [Ann. Besuenaes, Ann. s. Benigni IHcio-
nensis, Gesta ep. TuUemium., c. 34, SS., t. II, p. 249, t. V, p. 41, t- VIII,
p. 642).
(4) C'est le Continuateur de Réginon, 965, p. 176, qui donne l'année ;
d'après les Ann. Mettenses brevissimi, Thierry serait devenu évoque
en 063, et d'après les Ann. s. Vincentii MetlenM$^ en %4 (S'S\, t. III,
p. 155 et 157). La parenté de Thierry et d'Otton I" nous est connue par
le CoNT. de Réginon, par les Ann. Laubienses, par Sigebert de Gem-
BLoux, Vita Deoderici I Mettensis episcopi, c. 1, par la Vita Kaddroœ,
etc. {SS., t. IV, p. 17, 464, 483). Sur l'éducation de Thierry, cf. Sige-
bert, op. cit., c. 2 et 3 (SS., t. IV, p. 464-465). La vie de Thierry a été
écrite par Reuss, Das Leben des Bischofs Theoderich 1 von Metz,
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£T SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 37
il s'appelait, lui aussi, Thierry, et sortait des rangs du
clergé mayençais ou trévirois (1).
Oa remarquera que, de ces trois prélats, deux au moins
n'étaient pas originaires de -la Mosellane (2) ; Otton, fidèle
à la politique dont nous parlions plus haut, persistait à
écarter des sièges épiscopaux de la Lotharingie les mem-
bres des grandes familles indigènes, dont il continuait à
se méfier.
Frédéric avait-il été consulté lors de la désignation de
Gérard et des deux Thierry? Nous n'en avons pas la
moindre preuve, et rien ne le donne à penser (3). Il se
pourrait même que la nomination de l'évéque de Metz eût
été indirectement dirigée contre le duc de Haute-Lorraine,
et que l'empereur, en choisissant Thierry, se fût proposé de
faire échec à Frédéric, de lui donner un surveillant et un
modérateur. Quand bien même telle n'aurait pas été
l'intention secrète du souverain, la situation de Frédéric
se trouva, dans une certaine mesure, amoindrie par suite,
du changement de personne qui venait de s'opérer à la tête
du diocèse de Metz. Son frère Adalbéron !«' avait été pour
lui un conseiller et un auxiliaire, dont le concours ne lui
aurait jamais manqué ; Frédéric ne pouvait naturellement
vivre sur le même pied d'intimité avec Thierry, qui n'était
que son cousin par alliance (4), ni espérer de lui le même
(1) Suivant le Continuateur de Réginon 965, p. 176, Thierry était
diacre de Trêves ; par contre un diplôme d'Otton I" pour Tiiierry lui-
môme, du 29 mai 961 (B. 0. 300, 0. ' 226, DD, Sax., t. I, p. 310) ainsi
que les Gesta Treverorum, c. 29 (SS., t. VIII, p. 169) font de ce per-
sonnage un prévôt du chapitre de la cathédrale de Mayence ; le même
privilège d'Otton l"' nous apprend que Thierry était l'un des familiers
du souverain.
(2) Nous en avons la certitude pour les évêques de Toul et de Metz ;
il y a doute en ce qui concerne le métropolitain de Trêves.
(3) Se reporter à ce que nous avons dit dans le préc. vol. des Mém.^
p. 305.
(4) L'évéque Thierry, neveu, par sa mère Amalrade, de la reine
Mathilde, était le cousin-germain d'Avoie, mère de Béatrite, l'oncle à
la mode de Bretagne de celle-ci et de Frédéric.
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38 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
dévouement, les mêmes services. En outre, proche parent
de la famille régnante, conseiller influent d'O.tton !«' et
surtout d'Otton II, jouissant d'un crédit très supérieur à
celui que possédait Frédéric, Thierry reléguait forcément
le duc an second plan, aussi bien dans la Mosellane que
dans le comté de Metz. Que l'empereur Tait — ou non —
voulu, la nomination de Thierry se trouva porter atteinte
à l'autorité et au prestige de Frédéric.
Pourtant, ce ne fut pas avec le nouvel évêque de Metz,
mais avec celui de Toul, que le duc devait entrer en conflit.
11 est même probable que les premières difficultés avaient
surgi, non pas sous l'épiscopat de Gérard, mais du vivant
de son prédécesseur.
On se rappelle qu'en 9ol Frédéric avait élevé à Fains
un château, d'où il portait la dévastation dans les cam-
pagnes voisines. Les réclamations adressées par Louis
d'Outremer, alors maître du Barrois, à son beau-frère
Otton I®^ avaient été entendues, et, sur Tordre du roi
d'Allemagne, Frédéric dut faire démolir la forteresse qu'il
avait construite sur le terrain d'autrui (1). Quelques années
plus tard, il devenait, en même temps que duc de Mosel-
lane, comte du c. Barrensis, que Gerberge et Lothaire
venaient de restituer à Brunon (2). Voulant protéger la
vallée de l'Ornain contre les incursions des pillards venus
delà Champagne, Frédéric résolut d'élever une nouvelle
forteresse. Une hauteur, située sur la rive gauche de
l'Ornain, vis-à-vis de Bar-la-Ville, lui parut offrir un
emplacement favorable. Le terrain appartenait bien à la
cathédrale de Toul, mais ce détail n'arrêta pas le comte-
duc, qui fit bâtir son château à l'endroit qu'il avait choisi,,
sans se préoccuper autrement des droits du légitime pro
priétaire (3). Seulement, l'évéque de Toul, défenseur
(i) Voir plus haut, p. 21-23.
(2) Se reporter à la p. 360 du précédent vol. des Mém. S. A. L.
(3) Chron. s. Michaelis, c. Vil, p. 11, TAh. de s. Hildulfi }<uccessori-
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 39
naturel des droits de son église, ne souffrit pas en silence
Tusurpation dont elle avait été la victime.
Nous avons la certitude qu'il y eut réclamation de la
part d'un évêque ; mais qui, de saint Gauzlin, ou de saint
Gérard en fut Tauteur ? Si nous savions en quelle année
Frédéric bâtit le château de Bar, nous aurions déjà pour
la date de la protestation épiscopale un terminus a quo ;
par malheur, les sources ne nous apprennent rien à cet
égard.
Nous avions autrefois cru pouvoir placer la construction
de la forteresse dans les derniers mois de 962, entre la
mort de saint Gauzlin et l'avènement de son successeur.
Il nous avait semblé naturel que Frédéric eût choisi, pour
s'installer à Bar, le moment où l'église de Toul se trouvait
privée de son chef et de son protecteur. Comme l'empe-
reur était alors en Italie, saint Gérard, consacré évéque de
Toul le 29 mars 963, aurait attendu le retour d'Otton en
Allemagne, pour lui présenter sa réclamation, et nous
pensions qu'il la lui avait soumise en juin 965, lors de
l'assemblée tenue à Cologne. Le souverain, reconnaissant
le bien fondé de la plainte du prélat, aurait obligé le duc
de Haute-Lorraine à dédommager saint Gérard, en lui
cédant les abbayes de Moyenmoutier et de Saint-Dié (1).
Notre hypothèse n'avait pas seulement pour elle la
vraisemblance ; des chroniques (2) la venaient appuyer de
leur témoignage. Par malheur, nous avions eu le double
tort de ne pas prêter une attention suffisante à d'autres
documents, qui contredisent en partie les premiers, et de
ne pas reconnaître, d'autre part, que Moyenmoutier, Saint-
Dié et Bergheim ont été abandonnés par Frédéric à l'église
bus, c. 10 (SS., t. IV, p. 91); Cf. Voiry, Viia s. Gerardi, c. 21 (5S.,
t. IV, p. 503).
(1) De prima domo, etc., p. 24.
(2) Chron.s. Mich., c. Vil, p. 11, Lib. de s. Hild. suce, c. 10, Voiry,
Vita s. Gerardi, c. 21 (SS., t. IV, p. 91 et 503).
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40 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
de Toul, en compensation de Bar-la-Ville et des autres
localités barroises dont le duc Tavait dépouillée. Aussi,
avions-nous commis une erreur au sujet de Tévêque qui,
s'étant plaint de Frédéric, obtint d'Otton I®' une indem-
nité. En réalité, comme nous Tavons vu plus haut (1), c'est,
non pas saint Gérard, mais son prédécesseur qui protesta
auprès d'Otton pr contre la construction du château de
Bar et se fit céder Tabbaye de Moyenmoutier.
A quel moment placer la réclamation du prélat ? Soit
en juin 960, lors d'une assemblée tenue à Cologne par le
souverain allemand (2), assemblée où se trouvaient l'évêque
de Toul (3) et le duc de Mosellane (4), soit encore en mai
961, quand le jeune Otton II fut couronné roi à Aix la-
Chapelle. Aucun diplôme, il est vrai, ne signale la pré-
sence à la cérémonie ni de Frédéric ni de Gauzlin, mais il
nous paraît probable qu'ils y ont assisté (5). Si la plainte
de révêque et la décision d'Otton étaient de juin 960, le
château de Bar aurait été bâti soit au début de cette
année, soit à la fin de la précédente ; au cas où elles se
placeraient en mai 961, la construction serait de 959, de
960 ou des premiers mois de 961 (6).
(1) Voir p. 407-408 du précédent vol. des Mém, S. A. L,
(2) La présence à Cologne à cette date de Frédéric, de son frère
Adalbéron I" et de saint Gauzlin nous paraît démontrer qu'il y eut
alors dans la métropole rhénane une assQmblée qui réunit au moins
les grands de la Lotharingie. Cf. Kôpke et Dùmmler, K. 0. G., p. 312.
(3) Saint Gauzlin intervient avec la reine Adélaïde en faveur de
l'abbaye de Bouxières-aux-Dames (Diplôme d'Otton I" du 4 juin 960,
B. 0. ^, G.» 211, OD. Sax., t. I. p. 291).
(4) Frédéric et son frère l'évêque de Metz figurent comme interces-
seurs dans le privilège d'Otton I", pour Saint -Pierre de Metz, du
3 juin 960 (B. 0. 28-2, 0.» 210, DZ>. Sax., t. I, p. 289).
(5) En ce qui concerne Frédéric, voir ci-dessus, p. 34.
(6) Suivant le Chron. s. Michaelis, c. VII, p, 41, Frédéric aurait
élevé le château de Bar avant d'épouser Béatrice. Jean de Bayon,
Chron. Med. Mon., 1. II, c. 28 (Bibliothèque publique de Nancy, ms.
537, t* 35 v»% col. 2) croit que le fait eut lieu vers 967. — Les histo-
riens lorrains ou barrois du xvm* siècle ne sont pas tombés d'accord
sur la date de l'événement. B. Picart, après s'être ( Vie de saint Gérard,
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 41
Frédéric, nous Tavons dit précédemment, ne mit aucune
hâte à rendre Moyenmoutier. Otton 1*^ partit pour l'Italie
en août 961, et Gauzlin termina son existence un an plus
tard : Frédéric profita, il est permis de le supposer, de ces
conjonctures favorables pour ne pas obéir aux ordres du
roi. Mais Gérard, successeur de saint Gauzlin, n'entendait
pas que les droits de son église fussent méconnus. Avec
une persévérance inlassable, il allait travailler à les faire
triompher. Nous croirions volontiers que, dès Tannée 965,
il présenta une plainte à l'empereur, quand celui-ci réunit
dans la ville de Cologne une grande assemblée, où nous
constatons la présence de Gérard lui-même et de Frédé-
ric (1). Otton confirma la décision qu'il avait prise quel-
ques années plus tôt (2).
L'affaire pourtant n'était pas terminée ; bien des années
se passeront avant qu'un accord définitif intervienne entre
les descendants de Frédéric et les évéques de Toul au
sujet des abbayes vosgiennes, et de l'indemnité due à
l'église Saint-Etienne pour les villœ barroises dont elle
avait été dépouillée (3).
Après une absence de trois ans et demi, Otton était
p. 263) prononcé pour 964, hésite ensuite entre 951 et 964 (H. T., p. 98);
Calmet (^. ii. C. L.^i' éd., t. I, col. 911, et 2e éd., t. II, col. 3)
adopte 964, de l'Islb {U. S. 3/., p. XLIX et 42), 961, et de Maillet
(Essai chronologique sur l'histoire du Barrois^ p. 8), 967.
(1) Le duc de Mosellane et Gérard souscrivirent en effet une charte
d'Everacle, évoque de Liège, datée de Cologne le 2 juin 965, et rendue
en faveur de l'église Saint-Martin de Liège (Martèine, Amplissima
collectiOy t. VII, col. 55 et 56). Le même document nous fait connaître
la présence à Cologne de l'archevêque de Trêves, ainsi que des évéques
de Metz et de Verdun.
(2) KôPKE et DùMMLEH, K. 0. G., p. 377, ont déjà supposé que la
plainte de saint Gérard et la décision de l'empereur étaient contempo
raines do l'assemblée tenue à Cologne en juin 965. Ni l'abbé Jérôme,
L'abbaye de Moyenmoutier, ni l'abbé Martln, H. D. T., t. I, n'ont
tenté de préciser l'époque à laquelle saint Gérard aurait saisi l'empe-
reur de sa réclamation.
(3) Se reporter aux p. 365-367 et 409-410 du précédent vol. des Mém.
S. A. L.
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42 LES OKIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
rentré en Allemagae au mois de janvier 965 ; il s'occupa
de la Lotharingie, pourvut les sièges vacants de Metz et
de Trêves et tint en juin à Cologne l'assemblée générale dont
nousveaons de parler (1). On sait que saint Gérard et
Frédéric y assistaient; l'archevêque de Trêves ainsi que
ses suffragants de Metz et de Verdun étaient, eux aussi,
venus à Cologne (2).
L'archevêque-duc Brunon mourut quelques mois plus
tard le 11 octobre 965 (3). A la fin de décembre, Otton se
rendit de nouveau à Cologne, où il régla les affaires de la
Lotharingie. Par malheur, le Continuateur de Réginon ne
nous lait pas connaître les mesures prises par l'empe-
reur (4). Folmar (Poppon), successeur de Brunon sur le
siège de Cologne, ne semble pas avoir hérité de la situa-
tion politique qu'avait eue le défunt (5) ; la Basse-Lorraine,
dont le duc Godefroy était mort en Italie, ne reçut pas de
(1) Au sujet de l'assemblée de Cologne lire KôPKEet Dûmmler, K.O.G.y
p. 371-377, Ottenthal, Reg. sàchs., p. 482-184.
(2) C'est la charte citée à la n. 1 de la p. 41 qui nous fait connaître la
présence des deux Thierry et de Wicfrid à l'assemblée de Cologne.
(3) Sur la mort de Brunon, consulter le Continuateur de Régixox,
965, p. 176, Roger, F. Brunanis, c. 43 et suiv., p. 44 et suiv., Thiet-
MAR, Chron., 1. Il, c. 23, p. 33, les Ann. Hlldesheimenses, p. 22, les
Ann. ColonienseSf Lambert de Hersfeld, Ann.^ les Ann. Einsidlenses^
Hermann de Reichenau, Chron. {SS., t. I, p. 98, t. III, p. 61, 142, t. V,
p. 115). Cf. KôPKE et DûMMLER, À'. 0. G., p. 3%-399, Ottenthal, Reg.
sàchs., p. 189-190.
(4) c Imperator ColoniaB Natale Domini celebravit cunctaque ibi
Lothariensis regni negotia, prout sibi videbatur, disposuit » (Cont. de
Réginon, 966, p. 177). Si le chroniqueur relate l'événement au début
de 966, c'est qu'à cette époque l'année, en Allemagne et en Lotharingie,
commençait k Noél.
(5) FicKER, Engelbert der Heilige, p. 62, 223-228, est le seul histo-
rien moderne qui ait admis que les successeurs de Brunon sur le siège
de Cologne ont possédé l'autorité ducale dont le frère d'Otton I" avait
été revêtu. Giesebrecht, G. D. K., t. VI, p. 327, Bernhardi, Jahrb.
K. III, p. 873, Vanderkindere, B. F. T. P. B., t. II, p. 24-25, 260-281,
ont combattu l'opinion de Ficker : pour eux, c'est vers le milieu du
xii« siècle seulement qu'Arnold ïlï, archevêque de Cologne, reçut de
Conrad III les pouvoirs ducaux sur la partie de l'ancienne Basse- Lor-
raine qui correspondait à la Ripuairie.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 43
nouveau chef (1). Quanta Frédéric, nous ignorons quels
changements furent apportés à sa situation. Son autorité
ne s'étendit certainement pas sur la Lorraine du Nord (2) ;
toutefois, la disparition de Brunon supprima un intermé-
diaire entre l'empereur roi et le duc, qui devint le lieute-
nant du souverain lui-même et non plus seulement celui
de son frère. Sans porter de nouveau titre, sans même
recevoir de nouveaux pouvoirs, Frédéric s'élevait d'un
degré dans la hiérarchie, gagnait en autorité et en pres-
tige.
Dans le courant de cette môme année 965, et postérieu-
rement au 2 février, Frédéric fit un séjour à Metz, comme
le prouve sa présence lors de la donation que sa belle-sœur
Avoie, veuve de Gilbert, consentit en faveur du monastère
de Gorze (3).
En août 966, Otton I^^ reprit le chemin de l'Italie, où il
ne deipeura pas moins de six années. Le duc de Mosellane
ne le suivit pas plus que la première fois dans la Pénin-
sule. Les motifs qui, en 961, avaient déterminé Otton à
laisser Frédéric dans la province qu'il administrait,
n'avaient sans doute pas perdu de leur valeur. Le 26 octo-
bre 966, le duc régla le différend qui avait surgi entre
Léry et l'abbaye de Bouxières (4). Il disparait ensuite
pendant près de cinq ans ; nous ne le retrouvons que le
6 octobre 971, auprès de Tévêque Gérard, dont il souscrit
une donation faite au prieuré de Salone (5). Pourtant, des
causes de mésintelligence subsistaient toujours entre le
(1) Voir Vanderkindere, op. cit.^ t. II, p. 25.
(2) Se reporter à ce que nous avons dit, p. 215-216 du préc. vol. Mém.
(3) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n» 98, p. 181. Nous avons,
à plusieurs reprises déjà, parlé de ce document ; voir en particulier
le précédent vol. des Mém. S. A. I., p. 244 et n. 4, p. 331 et n. 7, p. 332
et n. 1.
(4) Calmet, B. E. C. I., i" éd., t. I, pr., col. 377, 2« éd., t. If, pr.,
col. CCXXI. Cf. p. 291-295 du préc. vol. Mém.
(5) Imprimé dans les pièces justificatives du présent travail.
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44 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE
prélat et Frédéric, qui s'obstinait à garder Moyenmoutier.
Nous avons dit que Gérard, revenant à la charge, avait
adressé de nouvelles plaintes à Otton II, et, qu'après s'être
fait confirmer par ce prince la possession de Moyenmou-
tier, il obtint de lui Saint-Dié deux ans plus tard. Le duc
ne se tint pas pour satisfait d'avoir conservé Tavouerie de
Moyenmoutier,que lui avaient réservée Otton I^f et Otton II ;
jusqu'à sa mort, il continua de tenir en échec Tévêque
de Toul, et de rendre à peu près illusoires les droits
que celui-ci avait acquis sur les deux abbayes vosgien-
nes (1).
Otton le Grand avait terminé son existence le 7 mai
973 (2), laissant ses Etats au fils qu'il avait eu d'Adélaïde,
Otton II ; celui-ci, né en 954 ou en 955 (3), avait été cou-
ronné roi le 26 mai 961 (4) et empereur le 25 décembre
967 (5), Sans aucun doute, Frédéric dut prêter serment de
fidélité au nouveau souverain (6), qui lui confirma les pou-
voirs ducaux et comtaux dont il avait été précédemment
investi.
On ne trouve que de rares mentions de notre dnc sous
le règne d'Otton IL Au mois de mai 977, ce prince par-
courut la Lotharingie, et s'arrêta quelques jours à Thion-
ville (7). Frédéric alla l'y saluer et traiter avec lui des
(1) Voir le précédent vol, des Mém. S. i. I., p. 408-409.
(2) Voir KôPKB et Dùmmlkr, K. 0. G., p. 510 et n. 1 et 2, Ottenthal,
Reg. aàchs, p. 251.
(3) KôPKE et DOmmler, op. cit.^ acceptent 955 dans le texte de la p.
292, et à la note 2 Ils se prononcent pour 954 ; Ottenthal, op. cit., p.
118, hésite entre les deux années ; enfin, d'après Uhlirz, Jahrb, 0. Il,
p. i et n. 2, Otton II aurait \u le jour vers la fin de 955.
(4) Cf. KôPKE et DûMMLER, p. 322 et n. 3, Ottenthal, p. 145, Ubliuz,
p. 4 et n. 5.
(5) KôPKB et DûMMLER, p. 429 et n. 4, Ottenthal, p. 208, Uhlirz, p. 9
et n. 23.
(6) Il est possible, probable même, que Frédéric avait déjà rempli
une première fois cette formalité le 26 mai 961, lors du couronnement
d'Otton II à Aix-la-Chapelle.
(7) UHLmz, Jahrb. 0. 11, p. 86 et 90.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 45
afiaires de la province. On le voit intervenir auprès de
l'empereur pour appuyer les demandes faites par les
abbayes de Bouxières aux-Dames et de Saint-Pierre-de-
Met/(j).
Si la Mosellane jouissait, à ce qu'il semble, d'une tran-
quillité complète sous l'administration de Frédéric, il
n'en allait pas de même de la Basse-Lorraine, où, depuis
la mort d'Otton I®', les fils de Régnier III, Régnier IV et
Lambert, s'efforçaient de reconquérir dans le Hainautles
domaines paternels confisqués en 958. La seconde tenta-
tive qu'ils firent en 976 fut couronnée de succès ; Otton II
se résigna enfin à leur rendre— sinon la totalité — du
moins une grande partie de leqrs biens patrimoniaux. En
même temps, il résolut de confier le gouvernement de la
Basse-Lorraine à Charles, fils cadet de Louis IV, qui
venait de se brouiller avec son frère Lothaire. Profiter des
dissensions de la famille carolingienne pour en opposer
les membres les uns aux autres, obtenir ainsi la sécurité
de la Lotharingie, parut sans doute au jeune empereur un
acte d'habile politique. L'événement ne devait pourtant
qu'à moitié justifier ses espérances ; sans trahir complè-
tement la confiance qu'il avait inspirée, Charles ne rendit
pas non plus tous les services qu'on attendait de lui (2).
La nomination de Charles ne modifiait en rien la situa-
tion de Frédéric. D'ailleurs, le duc de Mosellane survécut
de peu à cet événement, ayant cessé de vivre en 978.
(1) St. 707 et 708, O." 157 et 159, DD. Sax., t. 11, p. 177 et 179. —
Suivant Giesebrecht, G. D. K., t. I, p. 578, et Wenning, Ueber die
Bestrebungen Franzosischer Kônige des zehnten Jahrhunaerts Lo-
thringen zu gewinnen, p. 18, Otton II aurait alors donné des témoi-
gnages de sa bienveiUance à Frédéric et à Béatrice, pour s'assurer de
leur fidélité.
(2) Voir Giesebrecht, G. D. K., t. I, p. 578, D. J. Witte, Lothrin-
flren, etc., p. 28-29, Kalckstein, G. F. K., p. 338-339, Matth^i, Die
Hàndel Ottos II mit Lothar von Frankreich^ p. 41-42, Wenning, op.
cit., p. 18, Lot, D. C, p. 82-92, Vanderkindere, op. cit., t. II, p. 25,
Uhlirz, op, cit., p. 86-88.
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46 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Chose curieuse, les chroniqueurs du Moyen Age et les
historiens modernes ont ignoré la date exacte de la mort
du premier duc de Mosellane : les uns proposaient 983 (1),
la plupart 984 (2), quelques-uns enfin 990 (3) ou 994 (4). Il
ressort pourtant des Annales necrologici Fuldenses que l'évé-
nement se place en 978 (5). Bien que cette source dise
simplement Fredericus dux, sans spécifier qu'il s'agisse du
premier duc de Haute-Lorraine, aucune hésitation n'est
possible, le seul duc du nom de Frédéric que l'on rencontre
alors dans l'occident chrétien étant celui de la Mosellane.
Sur le jour de la mort il y a doute. D'après l'épitaphe en
(1) Olleris, Œuvras de Gerbert, préface, p. LXXXII, Kalckstein,
op. cit., p. 361, n. 1, J. Havet, Lettres de Gerbert, p. 71, n. 1, Lot,
D. C, p. 137.
(2) De Rosières, Stemmata Lotharingie^ ac Barri ducum f» 390 r",
Chantereau Le Febvre, Considérations historiques sur la généalogie
de la maison de Lorraine, p. 167, Brower et Masen, Antiquitates et
Annales Trevirenses, t. I, p. 488, coL 2, Mabillon, Ann. 0. S. B., t. III,
p. 51, Leibniz, Annales imperii occidentis, t. III, p. 469, B. Picart,
La vie de saint Gérard, p. 340, L'origine de la très illustre maison
de Lorraine, p. 45, L'histoire de Toul, p. 98, Calmet, H. E. C, L.,
1" éd., t. I, col. CXCIII et 930 (coL 922 11 hésite entre 983 et 984),
Bouquet, Rec. H. Fr., t. LX, p. 103, n. c, de Maillet, Essai chronolo-
gique sur l'histoire du Barrois, p. 8, Ernst, Dissertation... sur la
maison royale des comtes d'Ardenne [Bulletins de la commission
royale d'histoire de Belgique, 2« série, t. X, p. 250), Digot, U. L., t. I,
p. 205, HuHN, Geschichte Lothringens, t. I, p. 93. — J^.rschkerski,
Godfrid der Bàrtige, Beilage 3, croit la mort de Frédéric postérieure
à 9S4.
(3) Jean de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLIII (Calmet, H. E.
C. L., 1" éd., t. II, pr., col. LXIV, 2e éd., t. III, pr., col. CCXIV), et à
sa suite Kremer, Genealogische Geschichte des Ardenneschen Ges-
chlechts, p. 26, et Schôtter, Einige kritische Erorterungen, etc.,
p. 32.
(4) Jean Herkel ou Herquel (Herculanus), de Ptainfaing, Historia
de untiquitatibus Vallis Galileœ (dans Hugo, Sacrœ antiquitatis mo-
numenta, t. I, p. 197).
Il y a enfin des historiens modernes qui ne se prononcent pas,
comme D. J. Witte, Lothringen etc., p. 68; Wilmans, Jahrb. 0. 111,
p. 22, croit la mort de Frédéric antérieure à 984, et J^rschkerski au
contraire, place l'événement après cette même année (Godfrid der
Bàrtige, Beilage 3).
(5) Ann, necr, Fuld., 978, codex 1»» {SS., t. XIII, p. 204).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 47
vers composée par Gerbert .pour Frédéric, Tévénement
serait du 17 juin (1), tandis que divers nécrologes, ceux de
Saint-Mihiel (2), de Saint- Vanne de Verdun (3), de Saint-
Clément de Metz (4), de Saint-Maximin de Trêves (5), en
font mention le 18 mai, celui de Senones (6) le 17 mai, celui
deFulda (7) le 20 mai (8).
(1) J. Havet, l'éditeur des Lettres de Gerbert (p. 72, n. 4), était arrivé,
par une interprétation ingénieuse des vers de Gerbert, à déterminer le
jour du décès de Frédéric.
(2) Nécrologe du xvii» siècle (Arch. Meuse, série H., fonds Saint-
Mihiel, N 2). Ce nécrologe, avons-nous dit, n'a pas de pagination.
(3) Jahrb, G. L. G., 14« année, 1902, p. 140. Déjà H. Bloch, l'éditeur
de ce Nécrologe, avait pensé que la mention « Fredericus dux » se
rapportait au premier duc de Mosellane {ibid., n. 4).
(4) Une copie ou des extraits du Necrologium s. démentis se trou-
vent dans les Anecdota alsatica (Bibliothèque nationale, fonds latin,
ms. n» 11902, f» 165 v").
(5) Jahrb. des Vereins von Aller tumsfreunden im Rheinland,
t. LVII, p. 113.
(6) Le Necrologium Senoniense se trouve en partie reproduit dans
les Anecdota alsatica (B»iue N'% etc., f» 60 r'»).
(7) Dans les F. D. G., t. XVI, p. 173.
(8) Uhlirz, Jahrb. 0. Il, p. 108, n. 13, avait cru devoir exprimer un
doute au sujet de la date que J. Havet avait assignée à la mort de
Frédéric I" en s'appuyant sur l'épitaphe composée par Gerbert.
Celui-ci, d'après l'historien d'Olton II, n'aurait fait connaître que d'une
manière approximative l'époque à laquelle l'événement avait eu lieu.
Tout en approuvant les réserves d'HnLiRz, Bresslau estime qu'il faut
tenir compte des indications de Gerbert ; à son avis, la mort du pre-
mier duc de Mosellane serait survenue alors que le soleil se trouvait
dans le signe du Cancer, c'est-à-dire pendant la période comprise
entre le milieu de juin et le milieu de juillet {Ueber die Zusammen-
kunft zu Deville zwischen Konrad 11 und Heinrich I von Frankreich
und iiber das Todesdatum Herzog Friedrichs 11 vo7i Oberlothringen,
dans le Jahrb. G. L. G., 18' année, 1906, p. 461, n. 4). M. Bresslau
applique à Frédéric II les mentions d'un duc Frédéric que l'on trouve
à la date du 18 mai (ou du 20) dans divers nécrologes ; quant au duc
Frédéric, mort le 22 mai, d'après les Nécrologes de Saint-Maximin et
de Wissembourg, ce serait le jQls de Frédéric II, mort avant son père
(ibid.y p. 460-461). Il est invraisemblable au plus haut point, déclare
notre savant contradicteur, de rapporter à Frédéric 1" la notice que
l'on trouve à la date du 18 mai dans différents nécrologes ; et, revenant
à la charge un peu plus loin (p. 461, n. 4), il répète encore qu'il serait
de la dernière invraisemblance que la mémoire de Frédéric I", dont
le nom était à peine connu en dehors de la Lorraine, eût été conservée
dans un aussi grand nombre d'obituaires, et en particulier dans celui
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48 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Frédéric disparaissait au moment où Lothaire envahis-
sait brusquement la Basse-Lorraine et tentait, d'ailleurs
de Falda, où ne sont nommés que deux autres ducs (Henri de Bavière
+ 995 et Hermann de Souabe + 1038), alors que nulle part on n'au-
rait enregistré le d îcès de son petit-fils ; Frédéric II était pourtant
beaucoup mieux connu que lui, tenait de près à la famille impériale et
de plus sa fin entraîna de très graves conséquences.
Ainsi, d'après M. Bresslau, plusieurs nécrologes donneraient l'obit
de Frédéric II ou celui de son jeune fils, mort encore enfant, mais
aucun d'eux ne contiendrait celui du premier duc de Mosellane ! Le
Chron. s. Michaelis parle longuement de Frédéric le% et ne dit presque
rien de son petit-fils ; et, par une contradiction singulière, le Nécrologe
de la même abbaye aurait gardé le souvenir de Frédéric II, mais non
celui de son grand-père ! Voilà, pour reprendre les expressions de
M. Bresslau, qui serait de la dernière invraisemblance.
Nous ferons en outre observer que sur les six nécrologes qui mention-
nent un duc Frédéric à la date du 17, du 18 ou du 20 mai, un seul,
celui de Fulda (20 mai), provient d'une abbaye étrangère à la Mosel-
lane; or, il se trouve justement que les Annales necrologici de ce
monastère parlent en 978 de la mort d'un duc nommé Frédéric, qui ne
peut être que celui de la Haute-Lorraine. Frédéric 1" était donc connu,
quoi qu'en dise M. Bresslau, en dehors de la province qu'il adminis-
trait.
Mais toutes les autres ab'bayes dont les nécrologes commémorent le
17 ou le 18 mai le souvenir d'un duc Frédéric, Saint-Maximin, Saint-
Clément, Senones, Saint- Vanne et Saint-Mihiel se trouvaient dans la
Mosellane.
Nous accordons à notre contradicteur que Frédéric II a joué un rôle
plus important que son grand-père, mais, s'il est exact que le dernier
duc de la maison de Bar était apparenté à la maison régnante, il en
était de même de Frédéric I", qui avait épousé, M. Bresslau l'oublie,
une nièce d'Otton le Grand.
Aussi croyons-nous devoir identifier avec le mari de Béatrice le duc
Frédéric mort le 18 mai ; c'est par suite d'une erreur que le Necro-
loge de Senones indique le 17 mai. La date du 20, fournie par le
Nécrologe de Fulda, est peut-être celle des funérailles.
Quant au duc Frédéric mentionné le 22 mai, nous voyons en lui, non
pas le jeune fils de Frédéric II, mais bien Frédéric II lui-même. Nous
reviendrons du reste un peu plus tard sur cette question.
Reprenons maintenant le texte de Gerbert ; voici de quelle façon
nous essayons de l'expliquer. Gerbert trouvant, nous ne savons d'ail-
leurs où, l'indication que Frédéric avait cessé de vivre un 18 mai,
c'est-à-dire un « XV kal. junii »>, n'aurait-il pas fait une confusion, et
placé par distraction en juin l'événement, qui était en réalité du mois
de mai ? De pareilles erreurs ont dû plus d'une fois se produire au
Moyen Age par suite de la façon rétrograde — alors usitée — de
compter les jours des mois.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 49
sans succès, d'enlever à Aix-la-Chapelle Otton II et
Théophano.
Il nous est bien difficile de porter un jugement sur le
premier duc de Mosellane : nous le connaissons si mal !
Que savons nous de son caractère, de son intelligence, de
sa vie ? Presque rien. Il a, semble-t-il, servi fidèlement
Otton I^' et Otton II; son administration n'a provoqué
aucune révolte, ce dont on doit peut-être lui faire un
mérite. Il s'est préoccupé de restaurer la disciplioe dans
quelques-unes des abbayes dont il possédait Tavouerie,
mais en même temps on constate que les biens temporels
de ces monastères et d'autres établissements religieux
avaient pour lui un attrait auquel il ne savait pas résister.
S'approprier des terres d'église était sans doute à ses yeux
une peccadille; du reste, il faut bien le dire, la plupart des
féodaux pensaient et agissaient comme lui. Enfin, nous
devons reconnaître qu'en dehors de la Mosellane on ne
trouve aucune trace de l'action politique de Frédéric I®'.
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CHAPITRE II
Thierry !«' (978-1027 [?]) (1)
Thierry a gouverné la Haute-Lorraine durant près d'un
demi-siècle. Si, au début, il a dû, étant encore très jeune,
laisser le pouvoir à sa mère Béatrice, vers la fin de sa vie,
il Ta partagé avec son fils Frédéric, qui dès Tannée 1019
porte le titre de duc. Le règne de Thierry se divise donc
naturellement en trois périodes.
De 978 à 1027 (?), la Mosellane ne connaîtra plus la tran-
quillité relative dont elle semble avoir joui alors qu'elle
avait pour duc Frédéric 1*^. A l'intérieur, nous la voyons
troublée sous Henri II par les menées ambitieuses et les
révoltes des membres de la maison de Luxembourg; au
début du règne de Conrad IL ce seront Thierry lui-même
et son fils Frédéric qui refuseront de reconnaître le nou-
veau souverain. Les dangers extérieurs ne présenteront pas
une gravité moindre. Par deux fois, Lothaire de France
revendiquera la Lotharingie, patrimoine de sa famille ;
plus tard, le pays sera en butte aux attaques et aux incur-
sions du comte de Blois et de Troyes Eudes IL Ces agitations
et ces guerres ne laisseront pas que d'entraîner soit pour
la cohésion de la Mosellane, soit pour le prestige et la force
de l'autorité ducale, des conséquences funestes, qui pour-
ront bien, sur le moment, rester inaperçues, mais qui ne
s'en feront pas moins sentir à une époque ultérieure.
Les documents nous parlent trop peu de Thierry, les
actes qu'ils mentionnent de lui sont trop rares pour que
nous arrivions à nous faire une idée précise de ses qualités
(l) Il est possible, nous le verrons plus loin, que Thierry ail terminé
son existence — non en 1027 — mais en 1026.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 51
et de ses défauts. En définitive, le deuxième duc de Mosel-
lane ne nous est pas mieux connu que son père. Pourtant,
nous avons le droit de dire que, comme Frédéric lui-même,
Thierry est un personnage de second ou de troisième
ordre. Brave soldat, mais capitaine et politique médiocre,
il a joué un rôle des plus efîacés ; de plus, il a essuyé au
cours de sa longue carrière plusieurs graves échecs, sans
que, du reste, aucun succès vint Ten dédommager.
§ I". — Thierry sous la tutelle de sa mère Béatrice (978-9??).
La charte de Frédéric 1®' pour Saint-Mihiel de Tannée
962 ne fait pas mention de Thierry ; on peut donc supposer
qu'alors il n'était pas encore venu au monde. Mais sa nais-
sance est antérieure à 972, puisqu'il est nommé dans un
autre acte rendu au cours de cette dernière année en
faveur de la même abbaye (1). Nous croyons même devoir
la placer entre 964 et 970 : après 964, attendu qu'en 978, à
la mort de son père, il était encore mineur et fut placé sous
la tutelle de sa mère (2), ce qui indique qu'il n'avait pas
15 ans; avant 970, car, de concert avec Godefroy et
d'autres seigneurs lorrains, il reprit Verdun en 985 sur
Lothaire de France, et concourut ensuite à la défense de
la ville contre ce prince (3). Le jeune duc devait alors
avoir atteint l'âge de porter les armes, être entré par consé-
quent dans sa seizième année.
Nous ne savons si Thierry fut, à la mort de son père,
immédiatement investi de la dignité ducale, ou si la céré-
monie officielle fut retardée jusqu'au moment de sa majo-
rité. Dans tous les cas, la succession de son père lui fut
réservée, sinon accordée tout de suite, et en attendant que
(1) DE l'Isle, h. s. m., p. 435.
(2) Voir plus bas.
(3) Nous nous occuperons tout à l'heure de ces événements.
4
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52 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORIIAINE
Thierry eût Tâge requis, le pouvoir fut exercé par sa mère
Béatrice.
Ed vertu de quel droit remplit-elle les fonctions de
tutrice et de régente ? Théophano, veuve d'Otton II, fut
chargée en 984 par les grands de TAllemagne et de la Lor-
raine de gouverner au nom de son jeune fils Otton III, alors
âgé de cinq ans (1). Y a-t-il eu en 978 intervention com-
binée d'Otton II ainsi que des prélats et des comtes de la
Haute-Lorraine, pour confier à Béatrice la tutelle de
Thierry et Tadministration de la province ? Nous n'avons
là-dessus aucun renseignement ; toutefois, il nous paraît
bors de doute qu'Ottoa II, s'il n'a pas eu l'initiative des dis-
positions prises en faveur de Béatrice, les a tout au moins
sanctionnées (2).
Nous voyons en efiet la veuve de Frédéric exercer effec-
tivement le pouvoir, et jouer un rôle politique important :
4e 984 à 987, elle s'occupe avec la plus grande activité des
affaires de la Lorraine, de TAllemagne et de la France, elle
s'efforce — non sans succès — d'une part, d'amener l'ex-
duc de Bavière Henri (le Querelleur) et ses partisans à
reconnaître l'autorité d'Otton III, et d'autre part, de réta-
blir la paix entre le gouvernement allemand et les rois de
France, Lothaire et Louis V. Ajoutez à cela qu'elle intercède
en 983 pour l'évoque Notker de Liège, qu'en 984 elle con-
clut un accord avec saint Gérard, évoque de Toul, au sujet
de Moyenmoutier et de Saint-Dié, qu'à la même époque
elle fait donner successivement à son fils cadet Adalbéron
l'évêché de Verdun, puis celui de Metz (3). Nous savons que
(1) La question delà tutelle des souverains allemands a été traitée
par Kraut, I>ie Vormundschaft nach den Grundsàtzen des deutschen
Rechts, t. III, p. 120, 130-135, etc., et par Waitz, D. FC, t. II, p. 277-
279. En ce qui concerne Otton IIÏ, voir Kehr, Zur Geschichte Ottos i//,
p. 416 et suiv.
(2) Consulter Kraut, op. cit., p. 175, 181.
(3) Nous exposerons tous ces faits en détail un peu plua loin. —
RiCHER et Jean de Bâton font gouverner la Mosellane par Béatrice :
« Anno 1003... Beatrix qusedam ducissa.... viro suo viduata, Lotha-
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 53
Béatrice prit elle-même le titre de « duc » (1), et nous
voyons Gerbert (2), Charles, duc de Basse-Lorraine (3),
Otton II (4) enfin lui donner le même titre ; Otton III la qua-
lifie de ductrix (5).
On peut s'étonner, vu la situation critique où la brusque
attaque de Lothaire plaçait la Lorraine, qu'Otton II ait cru
pouvoir laisser le duché à une femme et à un enfant. Pour
le comprendre, il faut se rappeler que par sa mère Avoie,
sœur d'Otton le Grand, Béatrice était la cousine germaine
d'Otton II. Là, très certainement, se trouve Texplication de
la mesure bienveillante dont la duchesse fut Tobjet.
A peine Frédéric avait-il terminé son existence que
Lothaire envahit la Basse-Lorraine. Le temps était loin où
le jeune Carolingien, protégé d'Otton I" et de Brunon, fai-
sait appel à ses oncles contre les grands révoltés de son
royaume. Les morts successives de Brunon (965), de Ger-
berge (969), d'Otton I«' (973) avaient peu à peu refroidi les
relations entre Lothaire et la maison de Saxe. Le mariage
riensem ducatum pro modulo sao regebat » (Richer, Gesta Sen, ec,
1. II, c. 13, SS.j t. XXV, p. 276). — « Friderico, duce Lotharingiae
defanclo, Beatrix uxor ejus alîquanto tempore, ut dictum est, duca-
tum rexit » (Jea:<db Bayon, Chron. Med.Mon., \, II, c. XLVI, Calmet,
B. E. C. L, 1" éd., t. n, pr., col. LXVI, 2- éd., t. III, pr., col. GGXIII).
— Cf. Waitz, D. VG., t. VU, p. 114 et n. 2.
(1) K Sigoum Beatricis ducia » (Charte d'Adalbéron II pour Tabbaye
de Senones dans Gai. Christ., t. XIII. pr., col. 453).
(2) ({ Id quoque quod regalis potestas duce Béatrice ac vestris prima-
tibus exigit ». — a Beatrici duci ex persona Adalberonis ». — o Eidem
duci Beatrici ». — « Domna dux (Béatrice) » {Lettres de Gerbert, éd.
Ha VET, n°» 55, 61, 63, 101, p. 53, 60, 61, 93). Les trois premières lettres
sont de 985, la dernière de 987.
(3) « Cup dominam ducem Beatricem.... nobis praetendit ? », écrit
Charles de Basse-Lorraine à Thierry I", évêque de Metz. La lettre
d'aiUeurs n'a peut-être été écrite ni par Charles lui-même, ni par Ger-
bert (Lettres de Gerbert, n» ^, p. 30), à qui, d'habitude, on l'attribue.
(4) a Dux Beatrix » (St. 855, 0." 308, DD. Sax., t. II, p. 365).
(5) « Nostrae nepti ductrici » (St. 872, 0.'" 2, DD. Sax., t. II, p. 396).
Le Continuateur de Bertaire, Gesta ep. Vird., c. 5, se sert du terme
ductrix en parlant de Béatrice, et Richer, ^>sfa Sen. ec, 1. Il, c. 15, de
celui de ducissa(SS., t. IV, p. 47, t. XXV, p. 276).
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54 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
du jeune roi avec Emma, fille née du premier mariage
d'Adélaïde, demi-sœur par conséquent d'Otton II, n'avait
pas, comme on aurait pu le croire, resserré les liens qui
unissaient Tune à l'autre les familles royales de France et
de Germanie.
Lothaire favorisa peut-être sous main les expéditions que
les fils de Régnier III au Long-Col, Régnier IV et Lambert,
firent successivement en 973 et 976 pour rentrer en posses-
sion des domaines confisqués sur leur père en 958.
Otton II, de guerre lasse, finit, à la suite de leur deuxième
tentative, par restituer aux deux frères les biens patrimo-
niaux dont ils avaient été dépouillés ; nous avons dit qu'à
la même époque il fit de Charles, fils cadet de Louis d'Ou-
tremer, un duc de Bassp-Lorraine.
Ce fut Tannée suivante que Lothaire crut l'instant venu
défaire valoir, les armes à la main, ses droits sur l'ancien
patrimoine de la maison de Charlemagne. Son plan con-
sistait à surprendre dans Aix-la-Chapelle l'empereur et sa
femme, à s'emparer de leurs personnes, à exiger d'eux,
comme rançon, l'abandon de la Lotharingie. Quoique
Lothaire eût obtenu l'appui de quelques-uns de ses grands
vassaux et de Hugues Capet lui-même, quoique ses prépa-
ratifs eussent été tenus secrets, son coup de main échoua.
Prévenus au dernier moment, Otton et Théophano eurent
tout juste le temps de monter à cheval et de gagner Cologne
à franc étrier (1). Lothaire ne les y poursuivit pas : mais,
avant de rentrer dans ses Etats, il se tourna contre la Haute-
(1) RicHER, flistoncp, 1. III, c. 68-71, p. 110-111, Aim, Sangallenses
majores 984, Lambert de Hersfeld, Ann. 978, Ann. Laubienses et
Ann. Leodienses 978, Alpert, De episcopis Metlensihua libellus, c. 1,
Gesta ep. Cameracensium, 1. I, c. 97, etc. (SS., 1. 1, p. 80, t. III, p. 65,
t. IV, p. 17 et 697, t. VIT, p. 449). — Cf. Witte, lothringen, etc., p. 30-
32, GiESEBRECHT, G. V. K., 1. 1, p. 580 o83, Kalckstein, G, F. A'., p. 340-
341, MATTHiEi, Die Hàndel Ottos II, etc., p. 17-18, Wenning, Die Bes-
trebungeriy etc., p. 19-20, Richter et Kohl, Annalen des deutschen
Reichs, 3- partie, t. I, p. 129-130, Lot, D. C, p. li2-97, Uhlirz, Jahrb.
0. Il, p. l(fô et suiv.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 55
Lorraine. Celle-ci, privée du chef qui aurait pu la défendre,
semblait une proie facile à conquérir. Là encore une décep-
tion attendait le Carolingien : la tentative qu'il fit pour
s'emparer de Metz, la ville la plus importante de la Mosol-
lane, échoua devant l'énergique résistance de l'évoque
Thierry (1) ; découragé, Lothaire revint dans son royaume.
Il n'avait, semble-t-il, trouvé aucun appui dans la
Lotharingie, ni dans la Haute ni dans la Basse, alors qu'en
939 son père, Louis d'Outremer, avait été appelé par le duc
Giselbert, par plusieurs des principaux comtes du pays, et
que même un certain nombre d'évôques s'étaient déclarés
en sa faveur (2). On peut voir par là que l'attachement à la
dynastie carolingienne, encore très vif en 939, s'était
beaucoup affaibli durant la seconde moitié du x« siècle, et
que les grandes familles au moins acceptaient désormais
la domination des souverains de la maison de Saxe.
Otton II entendait se venger de l'agression dont il avait
failli être la victime, et, dans sa pensée, il ne s'agissait pas
de donner une simple leçon à Lothaire, en dévastant ses
États ; le roi de France devait perdre sa couronne, qui
serait donnée à son frère Charles, duc de Basse-Lorraine,
dont Tempereur se croyait sûr. Au mois d'octobre, Otton
envahissait la France à la tête d'une grande armée d'Alle-
mands et de Lorrains, et s'avançait jusqu'à Paris sans ren-
(1) Alpert, De ep. Mett. lih , c. 1 {SS., t. IV, p. 697). Guillaume de
Nangis, dans sa Chronique, prétend à tort que Lothaire soumit la Lor-
raine à son autorité, reçut à Metz l'hommage des barons et se rendit
ensuite à Aix-la-Chapelle [Rec, B. Fr., t. ÏX, p. 81). Ces fables ont
trouvé créance auprès de Meurisse, Histoire des évêques de Metz^
p. 330-331, deCALMET, H. E. C. L., i' éd. t. I, col. 923, 2' éd., t. H,
col. 26, des Bénédictins, B. M., t. II, p. 84, de Digot H. i., t. I, p. 201,
de HuHN, Geschichte Lothringens, t. I, p. 91. Witte, Lo t liring en, etc. ^
p. 32 et n. 6, admet la prise de Metz par Lothaire, et la prestation de
l'hommage par les seigrneurs lorrains au roi de France, mais il place
ces événements après la surprise d'Aix-la-Chapelle. Au contraire, Mat-
THvEi, op. cit., p. 18-19 et 46, Lot, D. C, p. 97 et Uhlirz, op. cit.,
p. 109, rejettent dans le domaine des fictions le récit de Guillaume de
Nangis.
(2) Voir Lauer, Louis IV, p. 40 et suiv.
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56 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
contrer de résistance. N^ayant pas encore Tàge de porter
les armes, Thierry ne prit sans doute aucune part à Texpé-
dition. Elle n'eut pas plus de résultat que celle de Lothaire.
Otton ne réussit ni à s'emparer de Paris, ni à faire de
Charles un roi de France; pendant la retraite, son arrière-
garde fut détruite sur les bords de l'Aisne par Lothaire et
Hugues Gapet, qui s'étaient mis à la poursuite de Tarmée
impériale (1).
Les hostilités en demeurèrent là. Pourtant la paix ne fut
officiellement rétablie que deux ans plus tard. C'est à
Margut (2), dans la Haute-Lorraine, que Lothaire et Otton
se rencontrèrent pour traiter. Le Carolingien abandonnait
ses prétentions sur la Lotharingie ; s'il possédait encore
dans ce royaume quelques territoires, le p. Dulcomensis et
le p. Mosomensis par exemple, il dut alors les céder au
(1) RicHER, Eistoriœ, 1. IH, c. 72-77, p. 111-114, Ànn. Hildesheimenses,
p. 23, Ann, Sangallenses majores^ Ann. Colonienses^ Lambert de
Hersfeld, Ann., Alpert, De ep. Mett. lih., c. 1, Gesta ep, Cameracen-
sium, 1. I, c. 97 (SS., t. ï, p. 80 et .98, t. III, p. 65, t. IV, p. 697, t. VII,
p. 440-441), Lettres de Gerbert, n°« 31 et 32, p. 26 et 30. Cf. Witte,
Lothringen, etc., p. 33-35, Qiesebrecht, G. D. K., t. I, p. 582-583,
Kalckstein, g. F. K., p. 345-345, Matth^ei, Die Hàndel, etc., p. 25,46-55,
RicHTER et KoHL, op. Cit., p. 130132, Lot, D. C, p. 98-107, Uhlirz,
Jahrb. 0. II, p. 105 et suiv.
(2) Ardennes, Sedan, Carignan (Ivoy). Cette localité, appelée Margo-
lius par Richer, Historiœ, 1. III, c. 80, p. 115, et Margoil par le
diplôme d'Otton II, du 3 juin 980 (St. 765, G." 218, DD. Sax., t. II,
p. 245), a fait l'objet de diverses hypothèses de la part des historiens
contemporains. Ainsi Gieseurecht, G. D. K., t. I, p. 841, Stumpf, t. II,
p. 68 et Matth.ei, op. cit.,' p. 39, l'identifiaient à tort avec Marville
(Meuse, Montmédy). Clouet, H. F., t. I, p. 351, n. 1, le premier, pro-
posa Margut, et son hypothèse fut adoptée par Lot, op. cit., p. 118 et
n. 4 et 5. Sickel, Erlàuterungen zu den Diplomen Ottos II (Mitth. 1.
Œ. CF., Ergànzungsband, t. II, 1888, p. 178), rejette Marville, mais
hésite pourtant à voir Margut dans « Margoil », parce que Margut
appartenait à Otton II, alors que le notaire qui a rédigé le diplôme de
ce prince, place « Margoil » dans le royaume de Lothaire. Il n'a d'ail-
leurs pas échappé à Sickel que les mots « regnum Lotharii » pouvaient
signifier, non pas le royaume de Lothaire de France, mais bien celui de
feu Lothaire II, c'est-à-dire la Lotharingie. Il ne nous parait pas dou-
teux qu'ici « regnum Lotharii » a bien ce dernier sens.
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Qoo^(^
ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE S7
souverain allemand (1) Le traité de Margut intéressait
directement la duchesse de Haute Lorraine et son fils,
puisque Lothaire renonçait à ses prétentions sur la pro-
vince qu'ils administraient, et que de plus il restituait
peut-être à Tempereur certains pagi lorrains jadis aban-
donnés par Otton le Grand à Louis d'Outremer» pagi qui,
naturellement, devaient être incorporés à la Mosellane.
Nous sommes donc en droit de supposer, malgré le silence
des documents, que Béatrice et Thierry se trouvaient à
Margut dans l'entourage d'Otton IL
Quelques mois plus tard, l'empereur partit pour l'Italie,
où, bien entendu, Thierry ne l'accompagna pas. Au cours
de l'année qui suivit son arrivée dans la péninsule» Otton
dut faire venir d'Allemagne et de Lorraine des renforts.
Nous possédons un état où est marqué le nombre de sol-
dats armés de cuirasses que les grands ecclésiastiques ou
laïcs furent requis de conduire eux-mêmes ou d'envoyer
en Italie (2). On constate avec surprise que cet état, qui ne
(1) RicHER, Historiée, 1. III, c. 78-81, p. 114115, Ànû. Hildeêhei-
menses, p. 23, Ann. Laubienses et Ann. Leodienses, Ann. Elnonenses
majores, Sigebert de Gembloux, Chronographia, Gestaep. Camer.,\.l,
c. 104 (.SS., t. IV, p. 17, l. V, p. 19, t. M, p. 352, t. VII, p. 444) ; cf.
O.*' 218, DD. Sax., t. II, p. 245. — Sur ce traité, consulter Qiesebrecht,
G. D, K., t. I, p. 584, WiTTE, Lothringen, etc., p. 37-39, Matth^i, Die
Hàndel, etc., p. 39, Richtek et Kohl, op. cit., p. 131-132, Lot, D. C,
p. 118-119, Vanderkindere, B. F. T. P. B., t. II, p. 380, Parisot, De la
cession, etc. lAnn. E. N., 2» année, 1906, p. 94, 96), Uhlirz, Jahrb.
O. Il, p. 133-^34. L'assertion tendancieuse de ïHistoria Francoruni
Senonensis (SS., t. IX, p. 367), d'après laquelle Lothaire aurait donné
la Lotharingie en fief à Otton II, avait trouvé autrefois quelque crédit
auprès des historiens français ; même Galmet l'accepte dans la 2* édi-
tiofl de son H. E. C. L., t. II, col. 26 (la 1« éd., 1. 1, col. 921 ne soufflait
mot de cette prétendue inféodation de la Lorraine à l'empereur). Tous
les historiens du xix* siècle l'ont rejetée, sauf l'abbé Clouet, qui
déclare ignorer si Otton a — ou non — promis de rendre hommage à
Lothaire pour la Lotharingie {H. F., t. I, p. 351).
(2) Numeri loricatorum a principibus partim mittendorum, par-
tim ducendonim [Mon. Germ., CC, t. ï, n»436, p. 633). Jaffé, le pre-
mier éditeur de ce document, plaçait en 980 l'appel adressé par l'em-
pereur aux grands ecclésiastiques et laïcs de ses royaumes du nord [B.
R. G., t. V, Monumenta Bambergensia, p. 471-472). Mais tous les
autres auteurs qui se sont occupés du Caialogus, en particulier Wei-
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58 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
nous est du reste parvenu que mutilé, ne mentionne ni le
duc (1) ni les comtes de la Haute-Lorraine. L'archevêque
de Trêves, Tévêque de Toul et celui de Verdun sont taxés
le premier à 70 hommes, le second à 20, le dernier à 60.
S'il n'est pas question de Thierry, évéque de Metz, c'est
qu'il se trouvait auprès de l'empereur (2).
On pourrait supposer que Béatrice, suivie — ou non —
de son fils, s'était rendue en Italie dans le courant de 983.
Vers le milieu de cette année, Otton II réunit à Vérone une,
grande assemblée, où figurèrent des représentants de tous
les peuples soumis à son autorité (3). Un diplôme rendu à
ce moment par l'empereur le 13 juin en faveur de Notker,
évéque de Liège, est délivré à la prière de Béatrice et de
Thierry de Metz (4). Pourtant, nous devons dire que des
grands pouvaient, bien qu'absents, figurer comme inter-
cesseurs dans un privilège royal ou impérial (5).
Lothaire n'avait pas mis à profit l'éloignement d'Otton II
LAND, qui Ta publié dans les Mon. Germ., et Uhlirz, qui lui a consacré
un appendice dans ses Jahrb, 0. i/, p. 247-253, se sont prononcés pour
961.
(1) Comme le manuscrit qui donne une copie de Tétat porte en marge,
à gauche des mentions concernant le fils de Siccon et l'abbé de Prum,
les mots suivants, en partie effacés : « D... fî... LX mittat », nous
avions autrefois cru pouvoir émettre Ihypothèse qu'il s'agissait de
Thierry dans cette note, que nous proposions de rétablir ainsi : « Deo-
dericus Frederici fili^is LX miltat » {De prima domo, p. 87). Il parait
que la distance entre « D » et a fi ^), n'autorise pas notre restitution du
passage tronqué (Uhlirz, Jahrh. 0, II, p. 248, n. 9).
(2) SiGEBERT, V. Deoderici, c. 16, Alpert, De ep. Mett. lib,, c. i (SS,,
t. IV, p. 474 et p. 698-699) ; cf. les nombreux diplômes d'Otton II où
Thierry figure comme intercesseur, diplômes délivrés en Italie depuis
le 13 août 981 jusqu'au 20 juin 983 (Sx. 803, 810, 811, 821, 823, 847, 853,
855, 859, 0." 257, 263, 264, 275, 280, 298, 306, 308, 313, DD. Sax,, t. II,
p. 298, 3(fô, 306, 319-^0, 326, 351, 363, 365, 370). Voir Reuss, Das Leben
des Bischofs Theoderich von Metz, p. 38-42 et Uhurz, Jahrb, 0. H,
p. 139, 156, 160, 162, etc.
(3) Annalista Saxo 983 (SS., t. VI, p. 630).
(4) St. 855, 0.» 308, DD. Sax., t. II, p. 365.
(5) Uhlirz, Jahrb. 0. 11, p. 186, admet la présence de Béatrice à
Vérone.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 59
pour renouveler ses tentatives sur la Lorraine. La situation
intérieure de ses États et surtout Thostilité persistante de
Hugues Capetle paralysait. Il avait vu, non sans irritation
ni inquiétude, le duc de France passer les Alpes en 981, se
rendre à Rome, où Tempereur Tavait bien accueilli et même
avait conclu avec lui une alliance (1). Peut-être Béatrice,
qui était, ne Toublions pas, la sœur de Hugues, joua-t-elle
un rôle en la circonstance, et facilita-t-elle le rapproche-
ment de son frère et du souverain allemand.
Si le roi de France était demeuré inactif pendant les
trois années qui s'écoulèrent depuis le traité de Margut
jusqu'à la mort d'Otton H, ce dernier événement allait
provoquer une agitation et des compétitions dont le Caro-
lingien essaya de tirer parti. La Lorraine, de nouveau
l'objet de ses revendications, sera le théâtre d'événements
considérables ; durant cette période troublée, Béatrice
jouera un rôle des plus actifs. De 984 à 987, elle intervien-
dra dans les affaires de la Lorraine, de l'Allemagne et de
la France, cherchant à réconcilier Otton HI, sa mère
Théophano, et sa grand'mère Adélaïde, soit avec les sei-
gneurs allemands révoltés, soit avec les souverains fran-
çais.
C'est le 7 décembre 983 qu'une mort imprévue enleva
Otton H à l'âge de vingt-huit ans (2). Sa femme et sa mère
se trouvaient en Italie, mais son jeune fils Otton, alors âgé
de cinq ans (3), était alors en Allemagne. Élu roi à Vérone
en juin 983 (4), l'enfant avait été couronné le jour de Noël,
à Aix-la-Chapelle, par les archevêques Wiligis de Mayence
et Jean de Ravenne (5). On ignorait encore à cette date en
(1) Lot, D. C, p. 120-125, Uhlirz, op. cit., p. 153.
(2) Voir GiESEBRECHT, G.D. K., t. I, p. 606-607,^0 et Uhlirz, op.cit,
p. 206 et n. 57.
(3) Sur la naissance d'Otton III, consulter Uhlirz, op, cit., p. 1^ et
n. 15.
(4) Uhlirz, op. cit., p. 197 et n. 29.
(5) Thietmar, Chron., 1. III, c. 26, p. 64, Ann. Hildesheimenses 984,
p. 24, Ann, Colonienses 983, Ann. Quedlinburgenses 984, Lambert db
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60 LES OKIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Allemagne la fin prématurée de l'empereur. Mais à peine
cette couronne avait-elle été posée sur la tète d'Otton III
qu'elle faillit lui être enlevée par son cousin Henri le
Querelleur, duc destitué de Bavière (1).
En 976, Otton II avait dû enlever la Bavière à Henri, qui
s'était révolté contre lui, et deux ans plus tard, à la suite
d'un jugement du tribunalimpérial, le duc dépossédé avait
été banni à Utrecht, et mis sous la surveillance de Tévéque
de cette ville Folmar (2). Dès que la mort de l'empereur
eut été connue en Allemagne, fin de 983 ou début de 984,
Henri reprit ses intrigues et ses menées. L'évéque d'Utrecht
lui rendit la liberté (3). L'un de ses premiers actes fut
d'aller à Cologne et d'intimer à l'archevêque Warin l'ordre
de lui remettre son petit cousin Otton III. Henri prétendait
qu'en qualité de plus proche parent de l'orphelin, il devait
exercer la régence (4). Gagné ou intimidé, l'archevêque de
Cologne confia l'enfant-roi à l'ex-duc de Bavière (5). En
possession de ce précieux otage, Henri allait pouvoir
mettre à exécution ses projets ambitieux. Au fond, il
portait ses vues beaucoup plus loin qu'il ne le disait, et la
régence ne lui suffisait pas. C'était sur le trône qu'il vou-
lait monter, soit qu'il se contentât de le partager avec
Otton III (6), soit qu'il projetât d'en écarter son jeune cou-
Hersfeld, Ànn. 984, Ann. Ottenburani (SS., t. I, p. 99, t. III, p. 64,
65, t. V, p. 5). Cf. WiLMANs, Jahrb, 0. 111, p. 3.
(1) Sur ce personnage, voir Giesebrbght, G, D. AT., t. I, p. 574-580,
Lot, D. C, p. i3i, Uhlirz, op. cit., p. 34, 35, 49, 55, etc.
(2) Uhlirz, op. cit., p. 76-79 et 103.
(3) Thietmar, Chron., 1. III, c. 26 etl. IV, c. 1, p. 64.
(4) Thibtmar, Chron., 1. IV, c. 1, p. 64, Ann. Quedlinhurgensea 984
(SS., t. m, p. 66). Sur le droit qu'avait Henri de réclamer la tutelle
d'Otton m, consulter Kraut, Die Vormundschaft nach den Grundsàt-
gen des deutschen Rechts, t. III, p. 122 et Waitz, D. VG., t. VI,
p. 277-279.
(5) Thietmar, Chron., 1. IV, c. 1, p. 64, Richer, Bistoriœ, 1. III,c.97,
p. 122, Ànn. Hildesheimenses 984, p. 24, Ann. Einsidlenses 983 et Ann.
Quedlinburgenses 984 {SS., t. III, p. 14 et 66).
(6) Lettres de Gerbert, n» 26 (à Egbert, archevêque de Trêves), p. 20.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 61
âin pour régner seul (1). On ne tarda pas du reste à con-
naître les secrets desseins d'Henri. Le jour de Pâques 984,
il fut salué du titre de roi par ses partisans réunis à
Quedlinbourg (2). C'était là une grosse faute, qui devait
compromettre le succès des projets de l'ancien duc de
Bavière.
Ses ambitions, une fois dévoilées, se heurtèrent à de
sérieux obstacles ; de nombreux adversaires allaient se
dresser contre lui en Allemagne, en Lorraine et jusqu'en
France. Lothaire, en effet, qui était à la fois le cousin et
l'oncle maternel d'Otton III (3), protesta contre l'attitude
d'Henri, et déclara hautement «qu'il se proposait de ruiner
les desseins tyranniques d'Henri, qui, sous le nom de
régent, voulait se faire roi (4) ». Au fond, le beau zèle du
(1) Lettre que Gerbert est censé avoir écrite au nom de Charles, duc
de Basse- Lorraine, à Thierry, évêque de Metz {Lettres de Gerbert, n" 32,
p. 30), RiCHER, Historiée, \. III, c. 97, p. 122, Ann. Hildesheimenses
984, p. 24 eti?in. Queldinburgenses 984 (SS., t. III, p. 66).
(2) Thietmar, Chron., 1. IV, c. 2, p. 65, Ann. Quedlinburgense^ 984,
Alpert, De ep. Mett. lib., c. 2 (SS., t. III, p. 66 et t. IV, p. 699).
(3) Le cousin, puisque sa mère Gerberge était la sœur d'Otton I",
grand-père d'Otton III, l'oncle maternel, sa femme Emma étant la sœur
utérine d'Otton II.
(4) « Reges Francorum (Lothaire et Louis V) fîlio suo (le fils de Théo-
phano, Olton III) favere dicite, nichilque aliud conari, nlsi tyrannide
Heinrici velle regem se facere volentis sub nomine advocationis dés-
ir uere » (Lettres de Gerbert, n° 22 [à Imiza , p. 18 ; cf. n» 27 [à Wili-
gis, archevêque de Mayence], 32 [à Thierry, évéque de Metz, au nom
de Charles], 35 [à Gérard, abbé d'AuvillerJ, p. 21, 30, 34). — Bentzin-
6ER, Das Leben der Kaiserin Adelheid, p. 5, suppose que c'est par
affection pour Adélaïde, sa belle-mère, que Lothaire se déclara en
faveur d'Otton III; d'après Lot, D. C, p. 134, l'archevêque de Reims
Adalbéron aurait décidé le roi à revendiquer la tutelle de son jeune
cousin, en lui faisant craindre qu'Henri ne voulût s'emparer de la Lor-
raine. — Sur le rôle joué à cette époque par Lothaire, consulter
encore Wilmans, Jahrb. 0. 111, p. 9, Olleris, Œuvres de Gerbert, pré-
face, p. LXIV et suiv., Mourin, Les comtes de Paris, p. 309 et suiv.,
Sepet, Gerbert et le changement de dynastie [R. Q, H., t. VII, 1869,
p. 477 et suiv.), Witte, Lothringen, etc., p. 49, Giesebrecht, G, D. A'.,
t. ï, p. 616. Olleris, qui a interverti l'ordre des lettres de Gerbert, et
les historiens qui ont adopté son système, ont été entraînés à com-
mettre de nombreuses erreurs.
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62 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Carolingien n'était pas désintéressé; Lothaire voulait ou
la régence pour lui-même, ou quelque autre avantage,
comme le gouvernement de la Lorraine (1).
Dans ce dernier pays, Henri n'avait trouvé que peu de
partisans. Nous ne lui en connaissons que deux : Tarche-
Têque de Trêves Egbert et Tévêque Thierry de Metz.
Encore ressort-il des lettres de Gerbert qu'Egbert, fîlsdu
comte de Frise Thierry II (2), désirait uniquement voir
Henri associé à Otton III dans le gouvernement de l'Alle-
magne et de la Lorraine (3). Quant à Tévêque de Metz,
cousin et conseiller influent d'Otton II (4), il nourrissait
une haine violente contre Théophano ; à l'entendre, l'im-
pératrice aurait eu le tort grave d'accabler de railleries et
d'outrages son mari, battu par les Grecs à Basentello, et
d'exalter les vainqueurs, ses compatriotes, aux dépens des
Allemands (5) . La mort d'Otton II détermina Thierry à
(1) D'après Kurth, Notger de Liège, p. 73-74, Notker se défiait do
Lothaire plus que d'Henri ; il aurait été disposé à laisser l'ex-duc de
Bavière devenir le tuteur du petit roi.
(2) Thierry mort le 5 juin (Necrologium s. Maximini dans les Jahrb.
der Altertumsfreunde im Rheinland, t. LVII, p. 114) 977 (.4nn.
necrol. Fuldenses, SS., t. XIII, p. 204\ avait eu pour successeur
Egbert, fils de Thierry II, comte de Westfrise, dont la consécration se
place entre le 30 juillet et le 8 septembre 977, comme cela ressort de
trois diplômes d'Otton II (St. 710-712, 0." 161-163, DD. Sax., t. II,
p. 181, 182 et 183) ; les deux premiers sont en effet contresignés par
Egbert, qui était encore à cette date attaché à la chancellerie de
l'empereur, tandis que le troisième l'est par son successeur Gerbert.
(3) « Forte quia Grecus est (Otton III) ut dicitis, more Grecorum
conregnantem instituere vultis » [Lettres de Gerbert ^ n" 26 [à Egbert],
p. 20).
(4) Se reporter à la p. 38, p. .58, n. 2, du présent travail,
(5) Alpert, De ep. Mett. Ho., c. 1 (SS.. t. IV, p. 698-699). Pour Gib-
SEBRECHT, G. D. X., t. I, p. 612, cf. p. 848, les propos prêtés à l'impé-
ratrice sont des calomnies inventées par Thierry ; c'est aussi l'avis de
Reuss, Das Leben Bischofs Theoderich, p. 41, et de Uhlirz, op. cit.,
p. 179, n. 8. Suivant Moltmann, Théophano die Gemahlin Ottos 11,
p. 60, et Mûller-Mann, Die auswàrtige Politik Kaiser Ottos 11, p. 32-
33, Théophano a pu tenir certains propos, qui auraient été mal com-
pris par l'évéque de Metz, et auxquels ce dernier aurait donné un sens
qu'ils n'avaient pas dans la pensée de l'impératrice. Sur les partisans
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 63
quitter ritalie pour rentrer dans son diocèse. En route,
comme il songeait aux moyens d'enlever à Théophano la
tutelle de son fils et la régence, il apprit les projets
d'Henri.
Se détournant de son chemin, il se rendit auprès de ce
prince, qui lui fit Taccueil le plus aimable, le combla de
cadeaux et le gagna finalement à ses vues (1). Mais les
autres prélats, ainsi que la grande majorité, sinon la
totalité des seigneurs laïcs de la Lorraine restèrent fidèles
à Otton III, seul héritier légitime du trône. Nous savons
que ce fut en particulier le cas des ducs Charles (2) et
d'Henri le Querelleur en Lorraine, voir Wilmans, op. cit., p. 5 et p. 13,
où cet auteur, s'appuyant à tort sur une lettre de Gerbert à l'arche-
vêque Adalbéron {Lettres de Gerbert^ n° 102, p. 94-95) croit que Sige-
froy de Luxembourg s'était prononcé au début de 984 pour l'ex-duc de
Bavière, Witte, Lothringen, etc., p. 45-46, Giesebrecht, G. D. K., t. I,
p. 612, Manitius, Deutsche Geschichte unter den sàchsischen und
salischen Kaisern, p. 194, Lot, op. cit., p. 131-132, 136-138.
(1) Alpert, De ep. Mett. lib., c. 1 {SS., t. IV, p. 699).
(2) Lettre de Thierry, évoque de Metz, au duc Charles, et réponse de
Charles {Lettres de Gerbert, n" 31 et 32, p. 26, 28 et 30). Quelle con-
fiance peut-on accorder aux dires de ces deux lettres ? Et d'abord quel
en est l'auteur? Sont-elles l'une de Thierry, l'autre de Charles? Doit-
on les attribuer toutes deux à Gerbert, qui aurait pris la plume tour à
tour pour chacun des deux adversaires ? Ou enfin ne seraient-ce pas de
simples déclamations d'école, des exercices de rhétorique ? Les éru -
dits qui ont fait des lettres de Gerbert une étude spéciale ne s'accor-
dent pas sur la réponse à donner : tandis que pour J. Havet, Lettres de
Gerbert, introduction, p. XXXVI et p. 25, n. 2, Gerbert n'a pas écrit la
lettre de Thierry, attendu qu'on n'y retrouve pas le style de cet écri
vain, J. Lair, Etudes critiques stir divers textes des X« et II* siècles,
p. 142-143, la croit de Gerbert, qui l'aurait fabriquée dans une inten-
tion hostile à l'évéque de Metz, pour se donner la tâche facile de la
réfuter et de mettre l'auteur supposé en fâcheuse posture. Quand bien
même d'ailleurs ces morceaux épistolaires émaneraient effectivement
l'un de Thierry et l'autre de Charles, il ne faudrait les utiliser qu'avec
défiance ; ils ne seraient dans ce cas que des réquisitoires et des
plaidoyers, présentant les défauts habituels à ce genre d'écrits, où
l'on ne se fait aucun scrupule d'altérer la vérité. On peut encore con-
sulter au sujet de ces lettres Wilmans, op. cit., p. 10-11, Witte,
Lothringen, etc., p. 51-52, Reuss, op. cit., p. 45-46, Lot, op. cit.,
p. 137-140. La lettre de Thierry (Lettres de Gerbert, p. 28) semble insi-
nuer que Charles voulait étendre son autorité sur toute la Lotharingie,
évincer par conséquent ou se subordonner le duc de Mosellane Thierry.
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64 LES ORIGINES DE LÀ HAUTE-LORRAINE
Thierry, de la duchesse Béatrice (1), du comte de Verdun
Godefroy (2), du comte Sigefroy de Luxembourg (3), etc.
Dans une réunion — tenue nous ne savons où — prélats
et seigneurs lorrains se prononcèrent en faveur d'Otton III,
et décidèrent qu'ils emploieraient tous les moyens pour
tirer le jeune roi des mains d'Henri (4). Lothaire, nous
l'avons dit, s'était déclaré le défenseur de son petit cou-
sin ; sur sa demande, ou de leur propre mouvement, évo-
ques et grands laïcs de la Lotharingie lui donnèrent des
otages en garantie de leur fidélité (5).
En Allemagne, l'archevêque Wiligis de Mayence, le duc
de Souabe Conrad, ainsi que de nombreux prélats et sei-
gneurs laïcs n'étaient pas demeurés inactifs. A la suite des
pourparlers qu'ils avaient engagés avec Henri, celui-ci
Cette accusation a trouvé créance auprès de Leibniz, Annales imperii
occidentis^ t. III, p. 469, et de Lot, op. cit., p. 137 et n. 2, qui croit
que dans un autre passage du même document (p. 26), « et quid mirum
si in nepotem pestem tui sordidissimi cordis evomis », il s'agit non pas
d'Henri de Bavière, comme le croit Havet (tfc., n. 3), mais bien du
Jeune duc de Haute-Lorraine Thierry. Dans la Basse-Lorraine l'épisco-
pat s'était également prononcé pour Otton III. Voir Kurth, Notger de
Liège, p. 71 et suiv.
(1) Cela ressort de la lettre de Charles (Lettres de Gerbert, n» ^,
p. 30), et surtout delà conduite ultérieure de Béatrice et de Thierry.
(2) Voir la lettre de Gerbert à Notker, évêque de Liège {Lettres de
Gerbert n" 30, p. 24). Godefroy, surnommé l'Ancien ou le Captif, était
fils de Gozlin, petit-fils de Voiry. Son frère Adalbéron, monté en 969
sur le siège archiépiscopal de Reims, devait jouer dans les affaires de
la France et de la Lotharingie un rôle considérable.
(3) On peut le supposer, puisqu'un peu plus tard Sigefroy défendra
Verdun contre le roi Lothaire.
(4) « Secundo Ottone auguste rébus humanis exempte, dux Bajoario»
rum Heinricus Ottonem ejus filium adhue infantem in cunis rapuit,
imperiumque sibi gestiens usurpare, eu m in captionem posuit. Nos-
tri ergo patriot» principem degenerum non patientes suscipere, fideli
eligunt consiiio dominum proprium aut vi aut ratione reposcere. In
hoc peragendo venerandus Gerardus ad solatium avocatur ; sed debili
fractus senio excttsatus redditur » (Voiry [Widric], V. Gerardi, c. 16,
SS,, t. IV, p. 500; cl. La lettre de Charles dans les Lettres de Gerbert,
n» 32, p. 30;.
(5| Lettres de Gerbert à Géraud, à l'archevêque de Trêves, Apologie
d' Adalbéron (Lettres de Gerbert^ n»* 35, 54, 57, p. 34, 51, 55).
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Ef SA PREMIERE MAISON DUCALE 65
leur promit de se trouver à Rara le 29 juin 984 et d'y ame-
ner Olton III, pour le remettre entre les mains de sa mère
et de son aïeule (1). Au jour dit eut lieu Tentrevue. Fidèle
à ses engagements, Henri se trouvait là ainsi que Tenfant-
roi, qui fut rendu aux deux impératrices, en présence de
Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne, et d'une nombreuse
assistance de grands laïcs ou ecclésiastiques (2) .
L'ex-duc de Bavière, en se dessaisissant du précieux gage
qu'il détenait, avait perdu l'un de ses plus puissants moyens
d'action. Pourtant, il s'en fallait de beaucoup qu'il eût
entièrement renoncé à ses projets ambitieux. Plusieurs
mois devaient s'écouler avant que la paix fut conclue,
trêve plutôt que paix, d'ailleurs, vu sa courte durée. La
duchesse de Haute-Lorraine se remua beaucoup pour
réconcilier Henri avec les impératrices, qui gouvernaient
au nom d'Otton III. Ce fut lors de l'assemblée qui se tint à
Worms, en octobre 984, qu'elle déploya le plus d'acti-
vité (3). Dans cette ville, nous voyons réunis Otton III, sa
mère, son aïeule, les grands demeurés fidèles au souverain
légitime, ainsi qu'Henri et ses adhérents. Béatrice montra
tant de prudence et d'adresse qu'Henri et les siens, conver-
tis par son éloquence persuasive, prirent enfin le parti de
faire leur soumission (4). Si les promesses et les moyens
(1) Thibtmar, Chron.y 1. IV, c. 4 et 7, p. 66 et 68, An7i. Quedlinhur-
genses 984, SS., t. III, p. 66. Cf. Wilmans, op. cit., p. 16 et suiv., Gie-
SEBRECHT, op. cU., t. I, p. 618 et suiv.
(2) Thietmar, Chron., 1. IV, c. 8, p. 68, Ann. Quedlinbur genses 984,
VoiRY (WiDRic), F. Gerardi, c. 16, Gesta ep. Camer., l. I, c. 105 (SS.,
t. ni, p. 66, t. IV, p. 500, t. VU, p. 445). Cf. Wilmans, p. 26-27, Giese-
BREGHT, t. I, p. 624-625, Havbt, Lettres de Gerbert, p. 35, n. 3. Kehr,
Zur Geschichte Otto lll {Hist. Zft, t. LXVI, 1891, p. 419), prétend à tort
que la remise d'Otton III à sa mère et à sa grand-mère eut lie« à
Quedlinburg.
(3) Vers la même époque, Béatrice conclut avec l'évêque de Toul,
saint Gérard, une transaction au sujet des abbayes de Moyenmoutier
et de Saint-Dié. Durant le séjour qu'il fit à Spire, avant d'arriver à
Worms, Otton III sanctionna cet arrangement (St. 872,0.'" 2, DD.Sax,,
t. II, p, 395), dont il a été parlé en détail au § I du c. II dn 1. III.
(4) Constantin, V, Adalberonis 17, c. 3 (55., t. IV, p. 660). lî ressort
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66 LES ORIGINES DE LÀ HAUTE-LORRÂINE
auxquels recourut la duchesse pour arriver à ses fins ne
nous sont pas connus, par contre nous savons de quelle
magnifique récompense furent payés les services qu'elle
rendit alors et ceux que Ton attendait entfdre de son
habileté.
L'aîné de ses fils, Adalbéron, avait été en septembre 984
nommé évêque de Verdun à la place de Wicfrid, mort le
31 août précédent (1). Cette désignation, faite dans des
d'uD diplôme d'Otton III pour Saint-Paul de Verdun que le jeune roi
se trouvait à Worms le 20 octobre 984 (St. 873, 0.'" 3, DD. Sax., t. II,
p. 396). Cf. WiLMANS, p. 29-31, Olleris, op. cit., p. LXXXII-LXXXIII,
WiTTE, Lothringen, p. 70, Giesebrecht, t. I, p. 625-626, Kalckstein,,
G. F. K., p. 371, Bentzinger, Das Leben der Kaiserin Adelheid, p.9-10
Wenning, Die Bestrebungen, p. 23-2i, Manitius, op. cit., p. 199, Lot,
p. 141.
(1) Wicfrid était mort le 31 août {Necrol. s. Vitoni, dans le Jahrb.
G.L. K., 14« année, 1902, p. 145, Continuateur de Bertaire, Gesta ep.
Vird,, c. 3, SS., t. IV, p. 46), de l'année 984 (.Inn. necrologici Fui-
denses, codices 1 et 2, SS.,t. XIIÎ, p. 205). Les Ann. s.Vitoni Virdunen-
sis (SS., t. X, p. 526) indiquent à tort l'année 986. La plupart des his-
toriens modernes semblent n'avoir pas connu les Ann. necrologici
Fuldenses, attendu que les uns placent la mort de Wicfrid à la fin de
983, ou au début de 984, comme Roussel {//. F., t, I, p. 211), d'autres
entre 980 et 984 (Clouet, H. F., t. ï, p. 349), la plupart enfin en 983
(WiLMANS, p. 7, Olleris, p. LXIV, Sepet, Gerbert, etc., dans la R.Q.B.,
t. VII, p. 475, WiTTE. Lothringen, p. 47, Lot, p. 141, Uhlirz, p. 201 et
n. 42). Seul Hauck, KG. D., t. IIÏ, p. 1001, se prononce pour 984. Le
Continuateur DE Bertaire (Gesta, c. 5, SS., t. IV, p. 47) raconte ainsi
les événements qui se déroulèrent à Verdun après la mort de Wicfrid :
« Factum est autem post haec ut Hugo quidam clericus susciperet epis-
copatum. Hic itaque ingressus civitateni, vocatis ad se ministris, unde
viveret exquisivit : quibus respondentibus se penitus carere expensis
quiB fuerant pontificis et designantibus exterminationem villarum, quo-
rum reditibus vivere solebat, ascenso mox equo, reversus est. Quo
egresso, susceperunt cives nostri, sine regio dono, Adalberonem filium
Beatricis, nobilissimae ductricis, matris Theoderici ducis ; qui, cum
allquantisper episcopatum tenuisset, defuncto Metense episcopo, ad
eandem se contulit civitatem, episcopatu isto relicto ; ad quem cum
venissent nostri, susceptis eis cum honore, baculum reddidit ». Après
avoir été accepté par Kremer, Genealogische Geschichte des Arden-
neschen Geschlechts, p. 27, par Roussel, E. V., t. I, p 212-213, par
Clouet E. V., t. I, p. 361-372, le récit du chroniqueur verdunois a été
attaqué et certains faits qu'il contenait mis en doute par Wilmans,
p. 146-151, et par Sepet, p. 501-502; ces deux derniers historiens,
trompés par une chronologie défectueuse des lettres de Gerbert,
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 67
conditions irrégulières, en dehors de toute intervention du
pouvoir royal (1), était probablement en grande partie l'œu-
vre de Béatrice, désireuse d'augmenter dans la Mosellane le
prestige et Tautorité de sa famille. Mais le diocèse de
Verdun était le plus petit et le plus pauvre delà province(2).
Aussi, le siège beaucoup plus important de Metz étant
devenu vacant par la mort de Thierry (3), Béatrice, atten-
croyaient que Verdun avait été pris par Lothaire en 984 et qu'Adal-
béron, flls du comte Godefroy, était devenu évêque de cette ville avant
la mort de Thierry de Metz; aussi rejetaient-ils Adalbéron, fils de Fré-
déric I" et de Béatrice, de la liste des évéques de Verdun. J. Havet
a rendu le grand service de dater — aussi exactement qu'il est permis
actuellement de le faire — la plupart des lettres de Gerbert ; bien des
erreurs ont pu ainsi être redressées. Havet lui-même, Lettres de Ger-
bert^ p. 55, n. 4, Lot, p. 141, Sackur, Richard Abt von St Vanne^
p. 3, n. 1, et Die Cluniacenser, t. Il, p. 118, Uhlirz, p. 201 et n. 42,
Hadck, kg. Z)., t. III, p. 1001, admettent que le fils de Béatrice a effec-
tivement occupé le siège de Verdun, avant de s'asseoir sur celui de
Metz. Sackur, Richard^ etc., p. 3, n. 1, a prétendu à tort que, dans
Calmet, le passage du Continuateur de Bertaire concernant Adalbé-
ron I", de Verdun, était autrement libellé que dans les Scriptores ; en
réalité, les deux éditions de VH. E. C. I. donnent le même texte que
les Monumenta Germaniœ.
(1) C'est ce que dit expressément le passage, cité dans la note précé-
dente, du Continuateur de Bertaire. On comprend d'ailleurs, vu la
situation troublée où se trouvait alors la Lotharingie, qu'après la mort
de Wicfrid le clergé et le peuple de Verdun ne se soient pas adressés
il un pouvoir central, qui n'était pas encore organisé. Dans ces condi-
tions^ il était facile à une femme intelligente et énergique, comme
l'était Béatrice, d'agir sur les Verdunois et de les décider à prendre
l'un de ses fils pour évêque.
(2) Le même passage, rapporté plus haut, du chroniqueur verdunois,
parle de la pénurie où se trouvait la mense épiscopale. Toutefois, a-t-on
le droit de traduire, comme le font les historiens modernes, « exter-
minatio » par « dévastation » ? Dans aucun des exemples que rapporte
DU Gange dans son Glossarium, (éd. Henschel, t. III, p. 169, col. 3)
a exterminatio » ne signifie a pillage, destruction ».
(3) Thierry finit ses jours le 7 septembre (Kalendarium- necrologi-
cum Einsidlense et Kal. necr. Ueatœ Virginis Mariœ in monte Ful-
densi^ dans Bôhmer, Fontes rerum germanicarum, t. IV, p 144 et
454, Necrologium Merseburgeme dans les Neue Mittheilungen ans
dem Gebiet liistorisch-antiquarischen Forschungen, t. XI, p. 240, Sige-
bert, V. Deoderici, c. 22, SS., t. IV, p. 482), de l'année 984 {Ànn. s,
Vincentii Mettensis, Ann. necrol. Fiild., SS., t. III, p. 157, t. XIII,
p. 205). Quoique Sigebert, ibid., fasse mourir Tliierry en 983, il fournit
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OO LES ORIGINES DE LA HÂUTE-LORRÂINE
tive à profiter d'une occasion aussi favorable, obtint elle
d'Adélaïde qu'il serait donné à son fils. Adalbéron quitta
donc Verdun, et fut consacré comme évoque de Metz le
16 octobre 984 (1). C'était là déroger aux usages et même
enfreindre les lois de l'Église, qui interdisaient de passer
d'un siège épiscopal sur un autre. Si Adélaïde ne craignit
pas de commettre une grave irrégularité, si elle donna
ainsi à Béatrice une marque éclatante de sa faveur, c'est
qu'elle voulut lui témoigner sa gratitude et l'encourager
dans sa fidélité. Il y avait intérêt pour le gouvernement
allemand à conserver l'amitié de la duchesse : Béatrice ne
gouvernait-elle pas un duché limitrophe de la France, et
dans ce dernier royaume son frère Hugues Capet n'était-il
pas, après Lothaire, le premier personnage de l'État ? On
comprend, d'autre part, que Béatrice attachât un grand
prix à ce qu'un des siens occupât le siège épiscopal le plus
important de la Mosellane ; on le comprend mieux encore
si l'on se rappelle que Thierry, après son père Frédéric,
était probablement comte épiscopal de Metz. L'évéché se
trouvait ainsi entre les mains d'un membre de la famille
d'autres indications chronologiques, qui se rapportent toutes à 984 ;
c'est d'ailleurs cette dernière année que donne le même auteur dans
sa Chronographia (SS., t. IV, p. 352). Les Ann. Metteuses brevissimi\
les Ann. laudunenaes et les Ann. s. Vincentii Mettensis brèves (SS.,
t. ni, p. 155, t. XV, p. 1295) rapportent l'événement à la date de 983.
Voir WiLMANS, p. 147, Reuss, p. 48 et 205, Lot, p. 140-141.
(1) Constantin, V. Adalberonis 11, c. 2 {SS., t. IV, p. 660). Les Ann.
S. Vinc. Mett. et Sigebert, Chronographia (S5., t. III, p. 157 et t. VI,
p. 352), placent en 984 l'élévation d' Adalbéron (II) sur le siège de Metz.
De ces témoignages on peut rapprocher celui que nous fournit une
charte de Gorze : « Actum Gorzie publice sub die XVI kal. sept, anno
ab Incarnatione Domini DGGGGLXXXIIII, indictione XII, in obitu Otto-
nis II et in adeptione regni Ottonis tercii et ipso eodemque anno
Deoderico defuncto Adelbero II cathedram Mettensem accepit » [Car-
tulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n« 116, p. 212-213). Il est de toute
évidence que cette charte a été rédigée après le 16 octobre, date de la
consécration d'Adalbéron, ou que les mentions qui concernent Thierry
et son successeur ont été ajoutées après coup au document ; peut-être
sont-elles l'œuvre du moine qui a transcrit le cartulaire. — Presque
tous les historiens modernes admettent l'année 984 pour la mort de
Thierry et pour la désignation d'Adalbéron II.
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£T SA PHEMIËHË MiUSON DUCALE ^
ducale, ou, pour mieux dire, il s'y retrouvait^ puisqu'au-
trefois, de 929 à 962, le siège de Metz avait été occupé par
Taitté des frères de Frédéric, par Toucle du nouveau prélat.
La maison de Haute-Lorraine ne faisait donc que regagner
les avantages qu'elle avait perdus en 962.
La tranquillité paraissait rétablie en Allemagne, le
trône d'Ottoa III aiîermi. Mais de nouvelles difficultés
allaient surgir, de nouveaux dangers menacer Tautorité
du jeune souverain. D'un côté, l'ex-duc de Bavière se
repentait d'avoir fait sa soumission, estimant qu'on ne
l'avait pas payée d'un prix suffisamment élevé (1). D'autre
part, Lothaire, après s'être posé tout d'abord en protecteur
d'Otton III, modifia son attitude. Évidemment, des mobiles
généreux et désintéressés ne lui avaient pas dicté sa
conduite ; il espérait bien trouver son avantage personnel
à défendre ou à paraître défendre les droits du petit prince
saxon. Peut-être s'était-il imaginé qu'on lui confierait
pendant la minorité d'Otton l'administration de la Lor-
raine. L'irritation le prit, quand il vit qu'on le laissait de
côté, et que sur aucune affaire on ne le consultait (2). Un
rapprochement allait se produire entre les deux adver-
^ires de la veille, auxquels la tournure prise par im
événements causait une égale déception. Ce fut, à ce qu'il
semble, Henri qui le premier en con<5ut l'idée. Il pensa
que, s'il abandonnait la Lorraine au Carolinj^'ien, celui-ci
l'aiderait en retour à devenir roi d'Allemagne. En consé-
quence, il envoya au roi de France des ambassadeurs, qui
firent part à ce prince des intentions de leur maître. Ils
prièrent Lothaire, au cas où les propositions <rHenri lui
agréeraient, de jurer un traité d'alliance et de promettre
par serment qu'il se rendrait à £risach sur le Rhin, où
Henri viendrait de son côté (3).
(1) Jl n'avait pas recouvré son duché de Bavière.
(2) C'est une conjecture très plausible de Lor, p. i42.
(3) RicuER, Uistoriœ, 1. III, c. 97, p. 122.
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70 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Le Carolingien écouta d'une oreille favorable des ouver-
tures qui répondaient trop bien à ses désirs, et prêta le
serment demandé. Il fut convenu que Tentrevue aurait lieu
le 1®' février 985 à Tendroit indiqué (1).
Par malheur, ces intrigues et ces négociations ne furent
pas tenues assez secrètes pour rester ignorées de tout le
monde. Les envoyés d'Henri parlèrent sans doute plus que
la prudence ne le voulait, si bien qu'Adalbéron de Reims
et Gerbert finirent par savoir ce qui se tramait entre le roi
de France et Tancien duc de Bavière. L'un et l'autre, l'ar-
chevêque et son secrétaire, étaient tout dévoués à la
dynastie saxonne et, bien que le prélat fût devenu le
vassal de Lothaire, que Gerbert fût par sa naissance le
sujet de ce prince, ils ne devaient pas hésiter à sacrifier
ses intérêts pour sauvegarder ceux d'Otton III (2). Informés
(1) Lettre de Gerbert à Notker, évêque de Liège (Lettres de Gerbert,
n»39, p. 37). —Tous les historiens modernes qui, avant la publication
par J. Ha VET de la correspondance de Gerbert, avaient eu à s'occuper
de la conférence de Brisach, l'avaient placée en 984; c'est le cas en
particulier de Wilmans, p. 13 et 177, de Sepet, p. 481-482, de Witte,
p. 53, de GiESEBREGHT, t. I, p. 617, de Righter et Kohl, op. cit., p. 143,
de Manitius, p. 196. Ces auteurs croyaient à tort que Lothaire avait
assiégé Verdun en 984. Havet^ qui a rétabli l'ordre chronologique des
lettres de Gerbert, a prouvé que l'entrevue de Brisach et les deux
sièges de Verdun par le roi de France appartiennent à 985 {Lettres de
Gerbert, p. XV, LXXXII et 37). Lot, p. 142 et 144, ainsi que Kurth,
Notger de Liège, p. 76-78, se sont ralliés aux conclusions de J. Havet.
Plus récemment J. Lair, Études critiques sur divers textes des x« et
xV siècles, t. I, p. 144 et suiv., a essayé de combattre la thèse de son
devancier. Ce n'est pas ici le lieu de discuter cette question, sur
laquelle nous reviendrons dans un appendice.
(2) On peut plaider en faveur de Gerbert, qu'aucun lien personnel ne
rattachait à Lothaire, les circonstances atténuantes, comme l'a fait
Havet (Lettres de Gerbert, introd., p. XXXVI), mais la conduite d'Adal-
béron est sans excuses. Lorrain, membre d'une famille alliée, sem-
ble-t-il, à la maison carolingienne, devenu, par son élévation sur le
siège de Reims, le fidèle de Lothaire, il était, plus qu'un autre, tenu
de remplir loyalement les devoirs que ses fonctions lui imposaient
vis-à-vis de son roi. Assurément, les tentatives de Lothaire pour
reprendre la Lotharingie mettaient le métropolitain de la seconde
Belgique dans une position délicate : les plus proches parents d'Adal-
héron, restés dans leur pays, n'étaient-ils pas les serviteurs et les
vassaux des souverains saxons ? L'archevêque devenait en quelque
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 71
des projets du roi de France, ils se hâtèrent de les dévoi-
ler à révéque Notker de Liège, le priant d'avertir aussitôt
l'impératrice Adélaïde (1).
11 est possible que celle-ci ait pris des dispositions pour
empêcher la rencontre des deux conspirateurs. On s'expli-
querait ainsi qu'Henri, manquant à sa parole, ne se soit
pas rendu à Brisach. Kicher donne de l'abstention d'Henri
une autre explication, qui ne manque pas non plus de
vraisemblance ; à l'en croire, l'ex-duc de Bavière craignait,
en s'abouchant avec Lothaire, de s'aliéner les seigneurs
allemands, qui l'auraient accusé de trahir son pays au
profit du roi de France (2). Sans rejeter la version de
Richer, on peut admettre Tadoption de mesures militaires
par le gouvernement allemand. Le duc de Souabe et
d'Alsace Conrad (3) avait, en effet, comme nous allons le
voir, pris les armes et réuni des troupes pour s'opposer à
Lothaire. S'il est possible que l'attitude menaçante de
Conrad ne permit pas à Henri de s'avancer jusqu'à Bri-
sach, elle décida certainement Lothaire à rebrousser che-
min. Le roi de France, accompagné d'une troupe de
cavaliers, avait été exact au rendez-vous. Arrivé à Brisach
soit le 1er février 985, soit dans les derniers jours de
janvier, il y trouva — au lieu de son allié— un adversaire,
le duc de Souabe, qui le contraignit de reprendre la route
sorte l'adversaire des membres de sa famille et de son propre frère en
particulier, et nous comprenons sans peine ce qu'une pareille situation
avait pour lui de pénible. On lui pardonnerait encore d'avoir mis peu
d'empressement ix favoriser les projets ambitieux de son roi, mais rien
ne saurait le justifler de les avoir contrecarrés et d'avoir en définitive
joué le rôle d'un traître.
(1) Lettres de Gerhert, n* 39, p. 37. Cf. Lot, p. 142-143, Kurth, NoU
ger de Liège, p. 77-78.
(2) Hezilo sese metuens in suspitionem principum venire, si Lotha-
rio occurreret, acsi eum in regnum recipere vellet, perjurii reus, occur-
rere distulit « (Richer, Historiœ, 1. III, c. 98, p. 1?2).
(3) Le comte du Rheingau Conrad, fils d'Udon, avait été en 983
nommé par Otton II duc de Souabe et d'Alsace (Uhurz, p. 186 et n. 7).
Sur ce personnage, voir encore Gibsebrbcht, 1. 1, p. 619-620.
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72 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAlNE
de ses États. La situation de Lothaire allait même devenir
critique au passage des Vosges. Béatrice ne parait pas
avoir essayé d'entraver la marche en avant de Lothaire à
travers la Mosellane. Mais, au retour, quand le roi, pour-
suivi par le duc de Souabe, arriva aux défilés des Vosges,
il se heurta aux montagnards qui, soit d'eux mêmes, soit
à Tinâtigation de Béatrice ou de Conrad, essayèrent de lui
barrer la route» à Taide d'abattis d'arbres et de fossés
remplis d'eau. Au prix de grands efiorts, mais sans perte
sérieuse du côté des siens, Lothaire parvint à tourner les
obstacles, à déloger les ennemis des positions qu'ils occu-
paient ; il franchit ainsi les défilés sans avoir été rejoint
par le duc de Souabe. Conrad pourtant continua de le
poursuivre, traversa lui-môme les Vosges et ne s'arrêta
qu'une fois arrivé sur les bords de la Meurthe. Lothaire
regagna ensuite sans encombre son royaume (1).
(1) Outre le récit de Righer, Historiœ, 1. III, c. 98, p. 122, nous avons
celui de Jean de Bayon, qui, bien qu'imprimé dans VHistoria Mediani
Monasterii de dom H. Belhomme, a échappé à presque tous les histo-
riens modernes, Tabbé Jérôme excepté. Nous le reproduisons ici, en le
complétant à l'aide du manuscrit de Jean de Bayon, conservé à la
Bibliothèque publique de Nancy : a Quo (Otton le Grand, par erreur
pour otton II) defuncto anno DGCCCLXXXIl (sic), Henrlcus,dux Baioa-
riae, filium ejus Ottonem, cupiens imperium, vi rapuit. Contra quem
ceteri optimates, collecte agmine bellatorum précédentes, intercurren-
tibus nunciis prlncipem suum Ottonem tertium sine sanguine recl-
piunt, consentientes paci. Rex Lotharius Francorum, mota expeditione,
anno DCCGCLXXXIIÏI, ut prœdicti infantis imperium invaderet, ad
Rheni alveum pergens, Ghuononis ducis Sueviae, qui ejusdem impera-
torls tuèbatur iûfantiam, occursu fugatur. Fratres autem Medianenses
hostilem dicti régis Francité timentes impetum, corpus s. Hidulphi cum
sanctorum reliquiis, omneque decus ecclesias suse transtulere sub
Balma, quam Altam Petram vocant ; campanas vero misère sub flumi-
nis pontem. PorroGhuono dux prabdictus usque flumenMortam regem
FranciiB prosecutus est, et dum rediit ad propria, pernoctatus sub cella
B. Erardi, quee est contigua Medio coenobio, supra Horbach ftuviolum
sita, pro quodam miraculé exercitui suo interdixit ne quidquam
vastationis rébus Medianensibus inferrent. Quo ita abeunte, Beati
flidulphi artus et cœtera cuncta ad suum monachi locum referre. Ea
tempestate Adelbertus, de quo supra memorati sumus, viam universe
carnis est ingressus, sepultusque est a tergo et f rente sanctorum Marie
atque Hydulphi II nonas aprilis DGCGGLXXXV» (Jban de Bayon, Chron,
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 73
Le coup était manqué. La défection d'Henri ne décou-
ragea cependant pas le Carolingien, et ne le fit pas renoncer
aux espérances que son peu fidèle allié avait fait naître en
lui. En 978, Lothaire avait échoué dans sa tentative sur la
Lotharingie. Les circonstances en 985 semblaient beau-
coup plus favorables à une nouvelle entreprise. L'Alle-
magne et la Lorraine avaient pour souverain — non plus
un homme — mais un enfant de cinq ans, à qui Henri
disputait le pouvoir; le pays était divisé. Qui pourrait
cette fois arrêter Lothaire dans sa marche (1) ? Était-il,
d'autre part, en droit de compter sur Tappui du clergé et
de Taristocratie laïque ? Nous avons vu qu'en 978 il n'avait
pas rencontré d'allié. Cela s'explique pour les hauts
dignitaires ecclésiastiques, nommés par les souverains
Mediani Monasterii^ 1. Il, c. 30, dans Belhomme, Historia Med. Mon,,
p. 203, et Manuscrite! de la Bibliothèque publique de Nancy, f» XXVII
v»% col. 2).
Malgré les erreurs, souvent très graves, commises par Jean de Bayon,
nous croyons exact le fond de son récit, qu'il a dû emprunter à d€|8
notes prises au x* siècle par un moine de Moyenmoutier. Conrad ayant
été réellement, nous le savons par ailleurs, l'un des partisans d'Ot*
ton ni, il nous parait très naturel qu'il ait contrecarré les projets
d'Henri et de Lothaire, et qu'il ait empêché ces deux personnages de
se réunir à Brisach dans le duché qu'il administrait. En vain, objeo-
tera-t-on que Jean de Bayon place en 984 l'expédition de I^othairo,
qui en réalité est de 985 ; nous avons vu que, suivant le même chro-
niqueur, Otton II serait mort en 982. La chronologie de Jean laisse
fort à désirer. Nous nous permettrons en outre de faire observer qu'au
XIV* siècle, c'est-à-dire à l'époque de Jean de Bayqn, l'année en î^or-
raine commençait à l'Annonciation (25 mars). D'après cette manière de
compter, l'expédition de Lothaire appartiendrait bien à l'année 984 ; la
mort d'Adalbert, survenue le 5 avril suivant, devait au contraire être
rapportée à la date de 985. — Le passage suivant du chroniqueur
(( Lotharius... Chuononis... occursu fugatur » peut signifier ou bien
que le roi a été vaincu et mis en déroute par le duc de Souabe, ou bien
encore qu'apprenant l'arrivée prochaine de Conrad il a battu en retraite ;
nous ne savons k laquelle des deux interprétations 11 convient de
donner la préférence. D'ailleurs, il nous semble difficile d'identifier les
montagnards, dont parle Bicher, avec les soldats de Conrad.
Sur ces événements, on consultera Wilmans, p. 175'176, Sbpbt,
p. 481-482, WiTTE, p. 53, Giesebrecht, t. I, p. 617, Manitius, p 196, Lot,
p. 144-145, abbé Jérôme, L'abbaye de Moyenmoutier, p. 194-195.
(1) Bicher, Historiœ, 1. III, c. 99, p. 123.
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74 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
allemands et recrutés de préférence en Allemagne. Quant
aux grandes familles indigènes, jadis dévouées à la dynas-
tie carolingienne, elles avaient fini par se rallier à la
maison de Saxe, qu'elles avaient si longtemps combattue.
EnMosellane, tothaire ne recrutera pas de partisans dans
la noblesse ; mais dans la Basse-Lorraine, son frère Charles,
réconcilié avec lui, ainsi que les deux fils de Régnier III au
Long-Col, Régnier IV et Lambert, se prononceront en sa
faveur (1). Quant à la masse de la population, nous ne
savons ce qu'elle pensait ; d'ailleurs, dépourvue d'in-
fluence, soumise au pouvoir des grands laïcs et ecclésias-
tiques, elle n'avait ni les moyens ni même sans doute
ridée d'agir par elle-même. Pourtant, on constate qu'à
Verdun une partie des habitants avait conservé l'attache-
ment traditionnel à la maison de Charlemagne, et que
leur attitude facilita la reddition de la place, lors du
premier siège de cette ville par Lothaire (2).
Bien décidé à tenter la conquête de la Lotharingie, le
roi entendait employer à cette expédition des forces suffi*
santés pour en assurer le succès. Son plus puissant vassal
Hugues, comte de Paris et duc de France, était en même
temps son plus redoutable ennemi ; au surplus, le frère de
Béatrice devait être peu disposé à seconder une entre-
prise dont sa sœur et son neveu seraient les premiers à
souffrir. En conséquence, Lothaire ne pouvait compter sur
son appui. Mais, par des promesses et des concessions de
(1) Pour Charles et pour Régnier IV, cela ressort d'une lettre de Ger-
bert à l'évéque de Metz Adalbéron II {Lettres de Gerbert, n» 58, p. 56;
cf. n* 59, p. 58). En ce qui concerne Lambert, nous ne pouvons, vu le
silence des sources, que conjecturer son attitude ; mais il est vraisem-
blable, en raison de l'union étroite dans laquelle il vivait avec son
frère, qu'en cette circonstance il avait, comme lui, embrassé le parti
de Lothaire.
(2) Voir ci-dessus. C'est à dessein que nous ne parlons pas de « parti
français » ni de « parti allemand »; il est absurde d'employer de sem-
blables expressions, quand on écrit l'histoire du x' siècle, et nous avons
peine à comprendre qu'en Allemagne et en France des érudits sérieux
aient pu s'en servir.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 75
fiefs, le Carolingien réussit à gagner les comtes Eudes de
Blois et Herbert de Troyes (1); bien que vassaux de Hugues,
(1) Parmi les auteurs modernes, Digot, H. I., t. I, p. 204 et Wil-
MANs, p. 13, sont les seuls qui aient identifié Eudes avec un fils de
Hugues le Grand, Eudes-Henri, duc de Bourgogne. Tous les autres
historiens voient dans ce personnage le comte de Blois et de Chartres,
fils de Thibaud le Tricheur et de Liégeard (Leudegarde), petit-fils par
sa mère du célèbre Herbert II, comte de Vermandois (d'Arbois de
JuBAiNviLLE, H. D. C C, t. I, p. 158, Olleris, p. LXXI, Sepet, p. 483,
Kalcksteîn, p. 362, Lot, p. 145 et 370). Mais pour ce qui est de Herbert,
les opinions sont très partagées. Tandis que, d'après Olleris et Sepet,
Herbert serait un comte de Vermandois, Wilmans, d'Arbois de Jubain-
viLLE,. Kalcksteîn, Havet, p. 13 et n. 7, Longnon (dans Lot, p. 370-
374) et Lot, p. 374-376, font avec raison de lui un comte de Troyes.
Seulement, quel était ce comte Herbert ? Ici encore nous nous trou-
vons en présence de différents systèmes. Jusqu'à MM. Longnon et Lot,
l'on ne connaissait que deux comtes de Troyes du nom d'Herbert, le
comte de Vermandois, qui trahit Charles le Simple, devenu maître du
Troiésin vers 937, puis son fils et homonyme ; c'est, bien entendu, ce
dernier qui aurait été le compagnon d'armes d'Eudes I".Le premier,
M. Longnon, a eu le mérite de voir que trois comtes de Troyes s'étaient
appelés Herbert, Herbert le Traître, son fils Herbert II (le Vieux) et
son petit-fils Herbert III (le Jeune), fils — selon lui — de Thibaud le
Tricheur et de Liégeard (AU. hist., Texte, p. 221, n. 1, et Lot, D. C,
p. 370-374). M. Lot, tout en admettant (p. 374-376) la distinction entre
Herbert le Vieux et Herbert le Jeune, n'a pas cru pouvoir accepter pour
ce dernier l'identification proposée par M. Longnon ; il a lui-même, par
rapport à Herbert III, émis successivement deux hypothèses. La pre-
mière est qu'Herbert le Jeune avait pour père le comte Albert I" de
Vermandois (D. C, p. 374-376) ; la seconde qu'il était fils de Robert,
comte de Troyes, mort en 967 ; Herbert II, frère de Robert, aurait
évincé son neveu, Herbert le Jeune^ qui lui aurait succédé vers 983,
Herbert II n'ayant pas eu d'enfant. M. Lot suppose en outre qu'Eudes I"
et son cousin Herbert III avaient reçu de Lothaire et possédé par
indivis les domaines de leur oncle ; on s'expliquerait ainsi que les deux
comtes aient été constamment associés l'un k l'autre, et que plus tard
Eudes II ait pu facilement mettre la main sur les fiefs de son cousin
Etienne, fils d'Herbert III, qui ne laissa pas d'héritier direct [Études
sur le règne de Hugues Capet, p. 397-413). Nous ne voulons pas dis-
cuter ici le dernier système de M. Lot, que nous trouvons du reste
ingénieux et habilement présenté par son auteur. Contentons-nous de
dire que la charte sur laquelle s'appuie M. Lot pour démontrer que
Herbert, fils de Robert, survécut à son père, ne nous parait pas four-
nir de preuve concluante. D'après M. Lot, si Robert ne souscrit pas ce
document, où l'on rencontre parmi les témoins sa femme Adélaïde et
son fils Herbert, c'est qu'à cette date il avait cessé de vivre ; mais
Robert pouvait tout simplement être absent ou malade, quand l'acte a
été dressé.
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76 LES OBtGlNES DE LA HAUTE-LORRAINE
ils consentirent à servir les intérêts du roi. Ce furent eux qui
lui conseillèrent de porter son premier efiort sur Verdun,
la ville lorraine la plus voisine — ou Tune des plus voi-
sines — de son royaume ; ils s'engagèrent par serment à
lui prêter aide et assistance, jusqu'à ce qu'il eût pris Ver-
dun et soumis à son autorité toute la Lorraine (1).
Le roi et les deux comtes, réunissant une armée, entrè-
rent dans la Mosellane et vinrent assiéger Verdun. Il
semble que leur attaque ait été imprévue, et que la ville
n'ait pas été mise en état de défense. Elle n'avait comme
garnison que les soldats de T^vêque, auxquels se joignirent
les habitants. Ni le comte de Verdun Godefroy, ni son fils
Adalbéron, qui avait succédé comme évêque à son cousin
et homonyme (2), ne se trouvaient dans la place. Le com-
(1) niCHJifi, Historiœ, 1. III, c. 100, p. 123.
(2) Lettres de Gerbert, n" 43, 57, 89, p. 41, 54-55, 8ï, Continuateur
DE ficRTAiRE, Gcsta cp, Vird., c. 7 (SS., t. IV, p. 47). C'est la corres*
pondance de Gerbert qui nous instruit des difficultés auxquelles se
heurta le jeune Adalbéron, avant d'être consacré comme évoque de
Verdun. Fils du comte Godefroy, destiné de bonne heure à l'Eglise, il
avait été sans doute élevé par son oncle, l'archevêque de Reims, qui
l'avait fait entrer dans son clergé. Le siège de Verdun étant devenu
libre parla mort de Wicfrid et par la résignation d'Adalbéron, fils de
Béatrice, le comte de Verdun estima que, s'il pouvait être attribué à
son fils, la situation de sa famille dans le Verdunois s'en trouverait
singulièrement fortifiée. Il pria donc son frère, l'archevêque de Reims,
de permettre au jeune clerc de venir à la cour allemande solliciter
l'évêché vacant. Bien entendu, Adalbéron donna l'autorisation deman-
dée. Le gouvernement de la régence d'autre part semble n'avoir fait
aucune difficulté pour accorder le siège de Verdun au fils de Godefroy,
bien que ce fût une nouvelle dérogation aux pratiques de la dynastie
saxonne ; mais, la situation restant toujours menaçante en Allemagne
et en Lotharingie, les impératrices se croyaient tenues à des conces-
sions pour s'assurer le dévouement d'un personnage aussi influent que
le comte de Verdun. Il ne restait plus au jeune Adalbéron qu'à rece-
voir la consécration des mains de son métropolitain ; seulement, l'hos-
tilité de Lothaire et la mauvaise volonté de l'archevêque de Trêves,
Egbert, devaient retarder la cérémonie, qui, d'abord fixée au 3 janvier
985, fut renvoyée de mois en mois, et finalement n'eut lieu qu'à la fin
de 985 ou qu'au début de 986. Il est probable, en outre, qu'Adalbéron
ne put entrer dans sa ville épiscopale qu'en 987, lorsque celle-ci eut
été évacuée par les troupes françaises. — Wilmans, p. 7 (cf. p. 146 et
suiv.), WiTTE, p. 47, et Sepet, p. 475, 499-501, croient qu'Adalbéron,
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 77
mandement appartenait très probablement à Ton des
principaux vassaux de l'évoque, Gobert, Tancôtre de la
famille d'Apremont (1). Lothaire commença par dévaster
la campagne tout autour de la ville. Les Verdunois de leur
côté firent une sortie, au cours de laquelle ils perdirent
du monde tant en tués qu'en prisonniers ; le reste fut
rejeté dans la place par les Français.
Les défenseurs de Verdun n'avaient, semble-t-il, aucun
secours à espérer ni de leur comte, ni de Béatrice. En
outre, l'accord ne régnait pas entre eux; il y avait un
parti qui penchait en faveur de Lothaire. Dans ces con-
ditions, il ne fallait pas songer à prolonger davantage la
résistance, et l'on se décida en conséquence à capituler.
Gobert entama les pourparlers avec le roi de France, et
lui rendit la ville, obtenant en retour la mise en liberté
des Verdunois faits prisonniers (2).
fils de Godefroy, succéda directement à Wlcfrid en 983 ; Roussel, H, F.,
t. I, p. 219, place révénement en 98i, Clouet, H. F., t. I, p. 362 et
suiv., en 985; d'après Havet, p. 39, n. 3, et Lot, p. 141, c'est vers la
fin de 984 que le fils de Godefroy aurait succédé à son cousin et homo*
nyme sur le siège de Verdun. Nous nous rallions à l'opinion de ces
deux auteurs, que Hauck KG. />., t. IIÏ, p. lOOi, a cru devoir adopter.
(1; C'est là une supposition, du reste très plausible, de l'abbé Clouet,
t. I, p. 3o7, qui a d'autre part le tort de ne faire intervenir Gobert que
lors du second siège.
(2) RiGHER, Historiœ^ 1. III, c. 101, p. 123-124, Continuateur de
Bertaire, Gesta ep, Vird, c. 3, cf. Gesta ep. Carner^ \. I, c. 105 (SS.,
t. IV, p. 46, t. VII, p. 445). Dans un appendice, nous reviendrons sur
les dates que nous avons cru devoir assif^ner à l'entrevue de Brisach,
ainsi qu'aux sièges de Verdun. Ce problème, qui offre de sérieuses
difficultés, ne se posait pas avant que Richer (de Reims) eût été exhumé.
Le seul auteur alors connu était le Continuateur de Bertaire, qui ne
fait mention que d'un seul siège. Après la découverte de Richer, les
historiens des deux derniers tiers du xix» siècle allaient se partager
en deux camps : d'un côté, ceux qui repoussaient le récit du chroni-
queur rémois, l'accusant d'être un tissu de fables et de mensonges ; de
l'autre, ceux qui l'acceptaient. C'étaient naturellement les érudits
allemands, Wilmans, p. 13-14, 176-177, Witte, p. 55-56, Giesebrecht,
t. I, p. 617, Reuss, p. 46, qui se rangeaient dans la première catégorie;
ils n'avaient pas d'autre guide que le Continuateur de Bertaire, par
conséquent, d'après eux, Lothaire n'avait pris Verdun qu'une seule
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78 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE
Au lieu de poursuivre ses succès, et de tenter la con-
quête de toute la Jx)rraine, Lothaire revint dans son
royaume. Rien ne prouve mieux que cette attitude du
Carolingien qu'il n'avait pas à compter sur l'appui des
grands de la Mosellane ; s'ils lui avaient été favorables, il
aurait marché de l'avant. En quittant Verdun, Lothaire y
avait laissé la reine Emma avec des troupes (1).
Ni Béatrice, ni Thierry, ni Godefroy n'avaient rien tenté
pour venir au secours de la ville assiégée. Du moins, s'ils
avaient réuni des soldats, ils ne s'étaient pas trouvés
prêts assez tôt pour empêcher Verdun de capituler. Nous
ne les voyons entrer en scène qu'après le départ de
Lothaire. Le duc Thierry lui-même (2), son oncle le comte
de Luxembourg Sigefroy (3), son cousin germain le comte
Godefroy de Verdun (4), les comtes Bardon et Gozelon,
neveux de Godefroy (5), d'autres seigneurs encore vin-
fois. Gomme eux, Kalckstein, p. 362-363, ainsi que Righter et Kohl,
op. cit., p. 143-144, ne connaissent qu'un siège, mais à la différence de
leurs compatriotes ils s'appuient exclusivement sur Richer, et ne font
du Continuateur de Bertaire aucune mention. Quant aux auteurs
français, ils ont combiné les deux chroniqueurs, le Rémois et le Ver-
dunois, et admis que Verdun avait soutenu deux sièges contre Lothaire.
Toutefois, tandis que Digot, t. I, p. 204-207. d'Arbois de Jubainville,
t. I, p. 158-162, Clouet, t. I, p. 351-357, Olleris, p. LXXI-LXXII, Mou-
RiN, Les comtes de Paris, p. 310, placent les deux .<<ièges en 984,
Sepet, p. 483, 489, 490, 502-507, et J. LAm, Études critiques, etc., t. I,
p. 156-159, attribuent le premier à 984, le second k 985. Havet, enfin,
p. XV et 45, n. 1, et Lot, p. 145-148, adoptent cette dernière année
pour l'un comme pour l'autre. C'est l'opinion de ces deux historiens
que nous avons suivie.
(1) RiGHER, Bistoriœ, 1. III, c. 102, p. 124.
(2) RicHER, 1. m, c. 103, p. 124, cf. Lettres de Gerbert, n* 59, p. 58.
(3) RicHER, ibid., cf. Lettres de Gerbert, n" 51 et 52, p. 48.
(4) RicHER, ibid., cf. Lettres de Gerbert, n»» 47 et 50, p. 45-46 et 47.
L'un des fils de Godefroy, Frédéric, se trouvait avec son père.
(5) RicHER, ibid., cf. Lettres de Gerbert, n» 58, p. 56. De cette lettre,
ainsi que des lettres 131 et 135, p. 118 et 122, il ressort que Bardon et
Gozelon étaient les frères d'un évéque Adalbéron ; Havet, p. 56, n. 12,
p. 114, n. 1, p. 122, n. 5, hésitait entre l'archevêque de Reims de ce
nom et l'évéque de Laon ; mais Lot, p. 87, n. 3, p. 146 et n. 2, p. 158,
n. 5, a prouvé qu'il s'agissait de ce dernier. C'est également l'avis de
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 79
rent, à la tête d'une petite armée, faire le siège de Verdun.
Sur la rive gauche de la Meuse s'élevait le quartier des
marchands, qu'entourait une enceinte fortifiée. C'est
dans ce quartier que pénétrèrent par ruse les assiégeants ;
franchissant ensuite les deux ponts qui conduisaient à la
ville proprement dite, ils s'emparèrent de cette dernière{l).
Nous ne savons ce qu'il advint d'Emma et de la garnison
française ; elles avaient eu sans doute le temps de s'enfuir,
car les chroniqueurs ne disent pas qu'elles soient tombées
au pouvoir des Lorrains.
Comme il y avait lieu de craindre un retour offensif du
roi de France, Thierry, Godefroy et les seigneurs lorrains
s'occupèrent de mettre Verdun en état de défense. Par
leurs soins, des vivres et du bois pour faire des machines
furent accumulés dans la place (2).
Les craintes ou les prévisions des Lorrains ne devaient
pas tarder à se vérifier. Lothaire se trouvait à Laon, sa
capitale, et venait d'étudier avec ses conseillers les
moyens de conquérir la Lorraine, quand lui parvint la
nouvelle qu'une armée ennemie avait repris Verdun (3).
C'était une campagne à recommencer. Sans se laisser
Vanderkindere, h. F. T. P. B., t. Il, p. 235, qui donne pour père à
Tévêquede Laon, à Gozelon et à Bardon, le comte Régnier, fils de
Gozlin et frère de Godefroy. D'après un diplôme d'Otton II pour Gorze
de 982 (St. 825, G.'» 280, DD. Sax., t. II, p. 325), Gozelon détenait le
pagus Osning^ fragment du p, Leodiensis, rattaché d'après Van-
DERKiNDERE, t. II, p . 344-345, du comté de Bastogne, dont Gozelon
aurait été titulaire {H. F, T. P. B., t. II, p. 235-237). Plusieurs chartes
de l'abbaye de Stavelot nous apprennent que Gozelon possédait l'avouerie
de ce monastère (Ritz, NR. l/B., n" 28, 29^, 30, p. 40-44); cf. Vandek-
KINDERE, t. II, p. 235-236.
(1) RiCHER, Bistoriœ, 1. III, c. 103, p. 124. D'Arbois de Jubain ville,
H. D. C. C, t. I, p. 160, prétendait que les seigneurs lorrains avaient
bien repris le quartier des marchands, mais non la ville proprement
dite. Selon Clouet, au contraire, H, F., t. I, p. 354, l'ensemble de la
cité verdunoise tomba au pouvoir des assiégeants ; nous croyons qu'il
a raison, malgré le silence de Righer.
(2) Richer, ibid.
(3) Richer, 1. III, c. 102 et 103, p. 124.
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80 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LOB RAINE
abattre par ce malheur imprévu, le roi, secondé sans
doute par les comtes Eudes et Herbert, réunit de nou-
velles troupes, Richer parle de dix mille combattants, et
se dirigea sur Verdun, qu'il assiégea pour la seconde
fois (1).
Les Français avaient construit une grande machine, que
des bœufs, à Taide de roues et de poulies, tirèrent et
firent avancer contre les murailles de la place. Une ma-
ehiae semblable fut opposée par les Verdunois à celle des
assiégeants, mais moins haute et moins solide. De part
et d'autre, on se battit avec beaucoup d'acharnement; une
balle de fronde atteignit à Toeil le roi, qui s'était trop
approché des remparts. Enfin, les Français réussirent à
fixer des crampons de fer sur la machine des Verdunoif^,
et tirant sur ces crampons au moyen de cordes, ils la
firent pencher et la démolirent à moitié. Craignant d'être
massacrés au cas où la ville serait prise d'assaut, les
Lorrains ofîrirent au roi de capituler, s'il leur accordait
la rie sauve. Lothaire consentit à épargner les Verdunois,
bien qu'il les jugeât coupables envers lui du crime de
lèse-majesté. Quant aux seigneurs lorrains, il les emmena
en captivité et les confia pour la plupart à la garde de ses
vassaux (2). C'était un moyen de reconnaître les services
de ces derniers, qui devaient tirer des captifs de grosses
rançons. Aucun historien ne nous apprend à qui fut rerais
le duc de Mosellane, mais on peut conclure d-e deux
lettres de Gerberl que le roi se l'était réservé (3) ; Lothaire
entendait ne rendre Thierry à sa mère que moyennant
une grosse somme d'argent, ou contre une cession de ter-
ritoire. Si, un peu plus tard, le même Gerbert écrit que
le sort de Thierry est entre les mains de son oncle, le duc
tî) «îCHER, 1. m, c. 104, p. 125.
(2) Richer, Historiœ, 1. III, c. 104-108, p. 125-127. Cf. Clouet, t. ï,
p. 355-357, Lot, p. 146-148.
(3) Lettresi de Gerbert, n»" 55 -et 59, p. 53 et 58.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 81
de France (1), c'est qu'à ce moment le roi, désireux de se
faire de Hugues un ami, lui avait remis son neveu. Nous
savons, toujours par Gerbert, que Godefroy de Verdun et
son fils Frédéric (2), ainsi que son oncle Sigefroy de
Luxembourg (3), avaient été confiés aux comtes Eudes et
Herbert, qui les firent enfermer dans un château situé
sur les bords de la Marne (4).
Les historiens ne nous font pas connaître la date du
second siège de Verdun, mais on ne peut pas le placer
plus tard que la fin de mars 985^ attendu que le 31 de ce
mois Gerbert eut une entrevue avec Godefroy, déjà en
captivité (5). Le comte de Verdun chargea Gerbert d'écrire
à sa femme Mathilde(6), et à ceux de ses fils qui avaient
gardé leur liberté, Hermann et l'évêque de Verdun
Adalbéron (7) : ils devaient, c'était leur époux et père qui
les en priait instamment, persévérer dans leur fidélité à
l'égard d'Otton III, rester sourds aux promesses comme
aux menaces, ne remettre enfin entre les mains des
Français aucune de leurs forteresses, ni Scarpone, ni
Hattonchâtel (8). Enfin, l'impératrice Théophano fut mise
(1) Lettres dt Gerbert^ n» 59, p. 58.
(2) Lettres de Gerbert, n» 51, p. 48, cf. n°» 50, 52, 89 et 93, p. 47-48,
81 et 86.
(3) Lettres de Gerbert, n°5î, p. 48.
(4) Lettres de Gerbert, n»» 50 et 51, p. 47 et 48.
(5) Ibid. et n" 47, p. 46. Gomme Masson et Du Ghesne, éditeurs des
lettres de Gerbert, avaient lu « XVII kal. aprilis » au lieu de « Il kal.
aprilis », Wilmans, p. 177, et Witte, p. 56, n. 3, eo avaient conclu
<ïue la prise des Verdun par Lothaire était antérieure au 16 mars.
(6) Lettres de Gerbert, n» 50, p. 47.
(7) Lettres de Gerbert, n" 47, p. 45.
(8) Voir en particulier la lettre aux ôls de Godefroy ; cf. a" 49 (à
Notker de Liège), p. 46 et 47. Scarpone, ancienne ville romaine, com-
plètement détruite aujourd'hui, se trouvait sur le territoire de la
commune de Dieulouard (Meurthe-et Moselle, Nancy, Pontà-Mousson).
Hattonchâtel, qui tire son nom de l'évêque de Verdun flatton (847-
870), est un village du département de la Meuse, de l'arrondissement
de Verdun et du canton de VigneuUes.
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Qoo^(^
82 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
par Gerbert au courant de ce qui se passait, et priée de
doûner des ordres en conséquence (1).
On s'étonnera peut-être qu'après avoir pris Verdun
pour la seconde fois, Lothaire n'ait pas cherché, fort de ce
nouveau succès, à tenter la conquête de toute la Lorraine.
Mais il n'avait pas, semble-t-il, de partisans dans le pays.
Ses ressources personnelles en hommes étaient trop faibles
pour qu'il pût se lancer dans une entreprise de ce genre ;
Hugues Capet lui refusait toute assistance;' les comtes
Eudes et Herbert, dont l'aide avait permis à Lothaire de
prendre Verdun, n'avaient sans doute pas voulu continuer
la campagne. Contents du butin et des prisonniers qu'ils
avaient faits à Verdun, ils se reposaient, ne songeant qu'à
tirer le plus d'avantages possibles de leurs captifs. Enfin,
l'archevêque de Reims, dont les prédécesseurs avaient été
les plus fermes soutiens de la dynastie carolingienne,
s'apprêtait à trahir, trahissait même déjà son maître. Le
malheur de son frère Godefroy et de son neveu Frédéric,
faits prisonniers à Verdun, le remplissait d'inquiétude et
de colère ; Gerbert, toujours reconnaissant à la dynastie
saxonne des bienfaits qu'il en sivait reçus, excitait le pré-
lat, dont il était le secrétaire et l'ami, contre le roi de
France, et le fortifiait dans ses bonnes dispositions à
l'égard d'Otton III (2). Quoique la prudence conseillât à
l'archevêque de dissimuler ses vrais sentiments, il lui
(1) Lettres de Gerbert, n« 52, p. 48; cf. n«51, p. 48.
(2) Voici quelques passages lires de la correspondance de Gerbert,
qui nous renseignent sur les vrais sentiments de l'archevêque et de
son confident : « Fidissimum vobis Adalberonem Remoruoai archiepis-
copum nuUo modo harum rerum conscium facietis, qui quanta pre-
matur tyrannide testantur epistolae ad archiepiscopos vestros directae.
In quibus nihil eorum quae voluerit scripsit, sed quae tyrannus
(Lothaire) extorserit oscitavit » {Lettres de Gerbert, n» 49 [à Notker de
Liège], p. 47). a Noveritis etiam reges Francorum nos non aequis
oculis intueri, eo quod de vestra fidelitate eis contraria sentiamus,
simulque quod multa familiaritate fruamur Adalberonis archiepiscopi
Rhemorum, quem simili de causa insectantes infidissiiQum sibi
putant » {Ibid., n» 52 [à Theophano], p. 49).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 83
était cependant impossible de ne pas les laisser percer.
Lothaire lui avait enjoint de se rendre à Verdun, avec des
vassaux de son église, pour y tenir garnison ; Adalbéron
obéit, mais il n'en fut pas de môme, quand le roi lui
prescrivit de prolonger le service de ses hommes, et
de détruire Tabbaye de Saint-Paul qui, en raison de sa
situation hors des murs de la ville, risquait d'être sur-
prise par les ennemis et convertie par eux en forteresse.
L'archevêque cette fois protesta contre les ordres de son
souverain, surtout contre le premier, déclarant que ses
vassaux ne voulaient pas rester plus longtemps à Ver-
dun (1).
Cette réponse du prélat mécontenta Lothaire, qu'elle
fortifia dans les soupçons, trop justifiés d'ailleurs, qu'il
commençait à concevoir sur la fidélité d'Adalbéron ; par
des voies que nous ne connaissons pas, le roi savait quelque
chose des intrigues de son archichancelier avec les enne-
mis de la dynastie carolingienne. S'attaquer à un digni-
taire ecclésiastique aussi puissant que l'archevêque de
Reims était une entreprise difficile. Pourtant, le roi se
résolut à jouer cette grosse partie ; il accusa formellement
le prélat de lèse-majesté et de haute trahison. L'arche-
vêque, disait Lothaire, n'avait-il pas, quelque temps
auparavant, donné à son neveu et homonyme, fils du
comte Godefroy et clerc de l'église de Reims, l'autorisation
d'aller derr.ander à un souverain étranger, Otton III,
l'évêché de Verdun, sis dans la Lorraine, c'est-à-dire dans
un pays que Lothaire, seigneur de l'archevêque de Reims,
revendiquait pour lui (2) ? Cette vive attaque troubla le
métropolitain, qui tenta pourtant de se justifier : Lothaire,
(1) Lettres de Gerbert, n» 53 (au roi Lothaire), p. 49. Havet, p. 49,
n. 2, a démontré qu'en la circonstance Gerbert avait été le secrétaire
de l'archevêque de Reims, et non pas celui de son neveu, l'évêque de
Verdun.
(2) Objectio in Adalberonem {Lettres de Gerbert, n» 57, p. 54).
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14 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
répondit-il, n'avait élevé aucune prétention sur la Lorraine
à répoque où lui, Adalbéron, avait laissé partir son
neveu, et cela sur la demande expresse du père du jeune
homme (1).
Que faisait-on d'autre part en Allemagne et en Lorraine,
soit pour reprendre Verdun, soit pour rendre aux sei-
gneurs captifs leur liberté ? Peu de chose, à ce qu'il
semble. En Allemagne, le gouvernement, paralysé par
Tattitude toujours hostile d*Henri le Querelleur, ne pou-
vait rien entreprendre. La Mosellane était désemparée,
privée qu'elle était depuis la prise de Verdun de ses prin-
cipaux chefs. Béatrice, pourtant, ne restait pas inactive.
Désireuse d'obtenir la libération de son fils Thierry, elle
avait engagé avec Lothaire des négociations qui demeu-
rèrent sans résultat : le roi élevait de telles prétentions,
nous ignorons d'ailleurs lesquelles, que la duchesse refusa
d*y souscrire (2). il y avait un moyen dé rendre le roi plus
accommodant, c'était de déterminer Hugues Capet à se
prononcer ouvertement contre lui. On peut supposer que
Béatrice ne ménagea pas à son frère les exhortations de
sortir enfin de ia neutralité où il s'était enfermé jusqu'alors,
et de se déclarer nettement l'ennemi de Lothaire. Sous
l'influence de Béatrice (3) et sans doute aussi de Gerbert,
le duc de France parut un instant disposé à secouer sa
torpeur.
Après avoir reçu un envoyé d'Henri, Lothaire avait
(1) Àdalberonis purgatio (Lettres, etc., n» 57, p. 54). Lot, p. 155 et
suiv., suppose qu'Adalbéron de Reims, sommé par Lothaire de cohk-
paraltre devant lui, présenjl,a sa justification à l'assemblée qui se tiat
^ Compiègne le 11 mai 986.
(2) « Id quoque quod reg^lis potestas duce Béatrice ac vestris prl-
matibus exigit » [Lettres de Gerbert, n* 55 [à l'archevêque de Trêves
Çgbert], p. 53).
(3) Ce n*est qu'une hypothèse, mais elle nous semble vraisemblable,
en raison de Tattitude hostile qu'allait prendre Hugues à l'égard du roi
de France.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 8S
teau le 11 mai conseil à Compiègne avec son frère Gb^tes,
duc de Basse-Lorraine, le comte Régnier e( qlUQhJii^îfi
évoques ou seigneurs français. A ce moment, le, duc de
France réunit une petite armée de six cents hommes. Sans
même attendre qu'ils eussent été attaqués, les grands
réunis autour du roi se séparèrent. Auparavant, ils
avaient réglé le sort de quelques-uns des seigneurs lor^
rains prisonniers ; c'est ainsi que Gozelon, frère d'Asce*
lin-Adatbéron, évéque de Laon, fut mis en liberté, non
sans avoir promis de livrer en otage le fils de son frère
Bardon et de conformer sa conduite à celle de Godefroy et
de Sigefroy (1). Ces deux derniers comtes, ainsi que
Thierry, restaient en captivité.
Hugues ne devait pas persévérer dans l'attitude qu'il
venait de prendre, quoiqu'elle eût produit des résultats
immédiats. D'un caractère indécis, redoutant de se com-
promettre, il reculait devant une rupture ouverte avec
son suzerain (2). Peut être craignait-il d'être abandonné
de ses vassaux, en particulier des comtes Eudes et Herbert,
dont le concours avait été si précieux à Lothaire. Toujours
est-il que le duc de France ne tarda pas à se rapprocher
de Lothaire : le 18 juin 983, il alla trouver le roi et la
reine Emina, et les embrassa publiquement. Toutefois,
Lothaire dut payer de retour le revirement de son puissant
(1) Lettres de Gerherty n» 58 (à l'évêque de Metz [Adalbéron \l]\,
p. 55-57. Masson, le premier des éditeurs de Gerbert, avait, de sa
propre autorité, ajouté à la suscription de la lettre le nom de Thierry,
qui ne se trouvait pas dans les manuscrits. Uavet, p. 55, n. 4, a
démontré que le véritable destinataire de cette lettre était Adalbéron II.
Cette rectification, adoptée par Lot, p. 156, n. 1, a la plus grande
importance pour l'histoire de cette période ; elle permet, en effet, de
rétablir l'ordre chronologique des événements, si profondément troublé
par suite des dates fausses arbitrairement assignées aux lettres de
Gerbert. — Sur l'assemblée de Compiègne, voir Lot, p. 155-158.
(2) Sur le caractère de Hugues Capet, voir Lot, D. C, p. 295, cf.
Etudes sur le rè§ne de Hugues Capet, p. 185. M. Pfister est plus favo-
table que M. Lot k Hugues Capet, Soutenance des tkèses de doctorat
de M, F. Lot {,Ann. E., 18* année, 190i, p. 46t).
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86 LES OKIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
vassal et les sentiments amicaux que celui-ci lui témoi-
gnait. Hugues obtint en effet que le roi lui remit le duc
Thierry, et Ton peut supposer qu'il rendit la liberté à son
neveu, sans exiger de lui aucune rançon (1).
En même temps que le duc de France se rapprochait
pour un instant de son suzerain, de Tautre côté du Rhin
s'opérait la réconciliation définitive d'Henri et d'Otton III.
Venu à Francfort, où se trouvaient l'enfant roi et les im-
pératrices (2), Henri avait fait sa soumission, moyennant
la promesse qu'on lui rendrait le duché de Bavière. Nous
avons vu que, l'année précédente, Béatrice s'était active-
ment employée à rétablir la concorde entre le gouverne-
ment allemand et Henri ; cette fois encore, elle fut mêlée
aux négociations qui aboutirent à la conclusion d'une paix
durable (3).
La duchesse de Haute-Lorraine avait accompli une
(1) Lettres de Gerbert, n» 59, p. 57-58. Wilmans, p. 28, n. 3, et
Kalckstein, p. 361, n. 1, qui croyaient que Frédéric I" de Mosellane
était mort en 984, avaient proposé de substituer dans le passage sui-
vant de la lettre de Gerbert : « Finis Theoderici ducis Hugonem
ducem respicit » « Frederici » à « Theoderici », et de donner à a finis »
le sens de « mort ». C'est là une hypothèse fantaisiste, qui n'a même
pas besoin d'être réfutée. Lot, p. 158, a bien compris le sens qu'il
convenait de donner à cette phrase de la lettre de Gerbert. Cette
même lettre nous fait connaître les conditions mises par les comtes
Eudes et Herbert à la libération de Godefroy : celui-ci devait restituer
la forteresse de Mons et le comté de Hainaut à Régnier ÏV, renoncer
au comté de Verdun, prêter serment aux rois de France et livrer des
otages ; son fils Adalbéron résignerait d'autre part l'évêché de Verdun.
On comprend que Godefroy ait refusé d'obtempérer à des exigences
aussi dures. Plus heureux que son cousin, Gozelon, comte de Bas-
togne, était sorti de captivité, en donnant pour otage son neveu, fils
de Bardon, et en prenant certains engagements {Lettres de Gerbert
n» 58, p. 56). Cf. Lot, p. 159-160.
(2) Otton III était arrivé à Francfort le 26 juin 985 au plus tard, et
nous l'y trouvons encore le 2 juillet (St. 885 et 886, 0."' 14 et 15, DD
Sax., t. II, p. 410 et 412).
(3) Lettres de Gerbert, n» 63 (à Béatrice), p. 61, TmETMAR, Chron.,
1. IV, c. 8, p. 69, Ann. Quedlinburgenses, 985 (SS., t. ÏII, p. 67). Cf*
Wilmans, p. 33-34, Lot, p. 160 161.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 87
double tâche : son fils lui avait été rendu, et les troubles
qui agitaient rAllemagne depuis la mort d'Otton II avaient
pris fin. Restaient les affaires de France et de Lorraine.
L'archevêque Adalbéron recherchait les bonnes grâces de
Béatrice, parce que cette princesse, sœur de Hugues
Capet, pouvait intéresser son frère au sort du prélat ; en
écrivante la duchesse, Adalbéron protestait de son dévoue-
ment au duc de France (1). Nous ne savons si Béatrice
agit en faveur du métropolitain, mais elle songeait à réta-
blir la paix entre les souverains de la France et de TAlle-
magne. Grâce à elle, il avait été décidé qu'il se tiendrait
dans la ville de Metz un congrès, qui réunirait avec la
reine Emma, accompagnée de quelques seigneurs fran-
çais, les impératrices Adélaïde et Théophano, le duc
Henri et Tévêque Notker de Liège (2). Mais le programme
primitif de la conférence eut à subir des modifications;
il fut décidé que du côté allemand Henri viendrait seul à
Tentrevue (3). Celle ci eut-elle finalement lieu ? Nous n'en
savons rien (4). En tous cas, la situation ne se trouva pas
sensiblement modifiée, et les choses paraissent être demeu-
rées dans le statu quo.
Vers la même époque, on fit courir le bruit qu'Egbert,
archevêque de Trêves, qui s'était dès l'origine prononcé
en faveur d'Henri (5), avait pris la résolution, conjointe-
(1) Lettres de Gerbert, n» 61 (à Béatrice), p. 60.
(2) Lettres de Gerbert, n" 62 (à Béatrice), 65 et 66 (à Notker de
Liège), p. 60-61, 63 et 64.
(3) Lettres de Gerbert, n*62 (à Béatrice), p. 61.
(4) Voir Lot, p. 461 et n. 4. — Il nous est parvenu d' Adalbéron II,
évèque de Metz, une charte pour l'abbaye de Senones, ainsi datée :
« Mettis, III kal.januari anno III régnante Ottone rege »; elle est donc
du 30 décembre 985, si le scribe, rédacteur du document, a exacte-
ment compté les années de règne d'Otton III à partir du 25 décembre
9îJ3, jour où le petit prince fut couronné à Aix-la-Cliapelle. On trouve
au bas de l'acte la suscription du « duc » Béatrice (Gai, Christ,,
t. XIII, p. 453). Peut-être Béatrice s'était-elle rendue à Metz pour
assister à la conférence projetée.
(5) Voir ci-dessus, p. 62, n. 3.
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88 LES ORIGINES DE LÀ HAUTE-LORRAINE
ment avec le duc de Bavière, d'appeler Lothaire et de lui
livrer toute la Lotharingie (1). Ce qui pouvait donner
quelque fondement à ces rumeurs, c'étaient les retards
apportés par le métropolitain de la première Belgique à
consacrer Adalbéron, fils de Godefroy, évêque désigné de
Verdun (2). Il remettait la cérémonie de jour en jour, et
Ton savait d'autre part que le roi de France s'opposait de
toutes ses forces à la consécration du jeune prélat (3).
D'où tendance naturelle à croire qu'Egbert subissait l'in-
fluence de Lothaire. Ces on*dit causaient une vive inquié-
tude à Gerbert, qui exhortait Béatrice à ne pas se départir
de sa vigilance habituelle, à surveiller de près les intrigues
d'Egbert et à ne pas permettre qu'Henri violât ses enga-
gements (4).
Sur ces entrefaites, Lothaire mourut à Laon le 2 mars
986(5). Sa veuve Emma, fille d'Adélaïde et de Lothaire,
roi d'Italie, voyait naturellement avec regret la guerre
qui, depuis deux ans, mettait en conflit deux familles
auxquelles elle tenait de si près par les liens du sang.
Comme son fils Louis, jeune homme de dix-neuf ans, subit
au début de son règne l'influence maternelle (6), on put
supposer que la paix ne tarderait pas à être conclue entre
les rois de France et d'Allemagne. Il n'y a donc pas lieu
de s'étonner que les grands de la Lorraine qui se trou-
vaient encore détenus aient alors été relâchés, à l'exception
de Godefroy (7), ni qu'Emma et son fils aient résolu de se
(1) Lettres de Gerbert, d» 63 (à Béatrice), p. 61. Cf. Lot, p. ^2
et n. 1.
(2) Adalbéron ne fut consacré qu'à la fin de 985 ou même qu'au
début de 986; voir ci-dessus, p. 76 et n. 2«
(3) Lettres de Gerbert, n" 63 (à Béatrice) et 89 (à Théophano), p. 61-
62 et 81.
(4) Lettres de Gerbert, no 63 (à Béatrice), p. 62.
(5) Voir Lot, p. 164 et n. 1.
(6) Lot, p. 186-187.
(7) Lettres de Gerbert, n" 71 (au diacre Etienne), p. 67. Le comte
Sigefroy de Luxembourg dut obtenir alors sa liberté.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 89
rencontrer, le 18 mai 986, à Remiremont, avec Adélaïde
et son frère Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne (1)%.
Remiremont (2), siège d'une importante abbaye de femtnes,
se trouvait en Lorraine^ non loin à la fois de la France et
de la Bourgogne.
Nous ne son^mes pas sûr que l'entre vue ait eu lieu (3).
Il est certain d'ailleurs que la paix, qui semblait près d'être
conclue, fut encore différée. Louis, en efiet, à Tinstigation
de son oncle Charles, s'était éloigné de sa mère et de
l'archevêque Âdalbéron, qui l'exhortaient à se réconcilier
avec Otton III (4). Nous ne serions nullement surpris
que cette volte-face du roi de France eût déterminé les
Verdunois à ne pas laisser entrer dans la ville leur
évéque (5), qui avait enfin été consacré par Egbert, soit à la
fin de 985, soit au début de 986 (6). L'attitude de Louis à
l'égard de l'Allemagne devint même si provocante que
Théophano résolut dp réunir une armée pour attaquer le
jeune roi, s'il ne revenait à des sentiments plus paci-
fiques (î).
(1) Lettres de (^erb^rt^n" 74 (à l'impératrice Adélaïde au nom d'Emma),
p. 69^70.
(2) Chef-lieu d'arrondissement des Vosges.
(3) Lot, p. 187, s'exprime à cet égard en termes dubitatifs. Sepet,
p. 511, non content d'admettre qu'Emma, Louis, Adélaïde et Conrad
s'étaient rencontrés à Remiremont, croyait à tort qu'Us y avaient
conclu la paix.
(4) Lettres de Gerbert, ti° 97 (à l'impératrice Adélaïde, de là |»rt
d'Emma), p. 89. Cf. Lot, p. 191, 193-194 ; Cloubt, t. I, p. 368, me
parait dépasser la mesure, quand il accuse Emma d'avoir méconnu
les intérêts de son fils et de son pays. Le reproche de trahison serait
avec plus de raison adressé à l'archevêque de Reims.
(5) Lettres de Gerbert, u" 79 (invective contre la cité de Verdun),
p. 72. Cf. Havet, p. 72, n. 2, et Lot, p. 187-188.
(6) Se reporter à la lettre précédente. D'une lettre de Gerbert à la
duchesse Béatrice, lettre que Havet, p. 62, n. 3, suppose avoir été
écrite vers le mois de juillet 985, il ressort qu'à cette date Adalbéron
de Verdun attendait toujours d'être consacré (Lettres de Gerbert, n*63,
p. 61),
(7) Lettres de Gerbert, n" 89 (à l'impératrice Théophano et à son fils
de la part de l'archevêque de Reims), p. 80-81, ïlicttEIt, Bistoria, 1. ÎV,
c. 2-5. Cf. Lot, p. 191 et suiv.
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90 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Toutefois, les projets que le Carolingien pouvait nourrir
à regard delà Lorraine furent remis à plus tard. Était-il
prudent de partir en campagne, alors qu'on laissait des
ennemis derrière soi ? Or, Louis était convaincu de la
trahison d'Adalbéron do Reims; il Ten accusa formelle-
ment, le contraignit de donner des otages et de s'engager
à comparaître devant le tribunal royal (1).
Pourtant, les négociations continuaient entre la France
etTAllemagne. Le 29 mars 987, Béatrice alla, au nom de
rimpératrice Adélaïde, trouver le roi de France à Com-
piègne; là, il fut décidé que Louis, sa mère et Hugues
Capet se rencontreraient à Montfaucon (2) le 25 mai avec
Adélaïde elle-même et le duc de Souabe Conrad (3). A
cette nouvelle, Gerbert, redoutant quelque piège, car les
pourparlers avaient lieu à Tinsu de Théophano, écrivit à
Tarchevèque de Cologne Everger, le priant d'avertir la
mère et tutrice d'Otton III de l'entrevue projetée (4). Ni
cette conférence, ni la comparution de l'archevêque de
Reims devant le tribunal royal ne devaient avoir lieu :
une mort prématurée enleva en effet Louis V dans sa
vingtième année, le 21 ou le 22 mai 987 (5).
Une des premières conséquences fut le rétablissement
de la paix entre la France et l'Allemagne. Deux compéti-
teurs se disputèrent la succession du prince défunt,
(1) Se reporter, pour les textes, à la n. 7. de la p. 89.
(2) Chef -lieu de canton de l'arrondissement de Montmédy (Meuse).
(3) Lettres de Gerbert, n» 101 (à l'archevêque Ebrard [Everger] de
Cologne), p. 93-94. Sur le rôle alors joué par Béatrice, voir Wilmans,
p. 44-45, Clouet, t. I, p. 369, Sépet, p. 509, Witte, p. 76-77, Giesebrecht,
t. I, p. 640-642, Kalckstein, p. 381-382, Lot, p. 195.
(4) Se reporter à la lettre que mentionne la note précédente.
(5) Voir Lot, p. 196 et n. 1 et 2. C'est à tort que Wilmans, p. 46,
WiTTE, p. 77, Kalckstein, p . 382, et Manitius, p. 208, ont cru que la
paix entre les souverains de la France et de l'Allemagne avait été
conclue à Compiègne le 18 mai 987. L'assemblée qui se réunit alors
dans cette ville avait pour mission de juger l'archevêque Adalbéron,
et non point de s'occuper des relations avec Otton III. Cf. Havet, p. 94,
n. 5, et Lot, p. 196.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 91
Charles, duc de Basse-Lorraine, seul représentant mâle de
la dynastie carolingienne, et Hugues Capet, duc de France.
Ce dernier comptait dans le nord du royaume de nom-
breux partisans, et Tarchevéque de Reims se déclara pour
lui (1). Mais quelle attitude le gouvernement allemand
allait-il prendre ? Si Charles, comme duc de Basse-Lor-
raine, était le vassal d'Otton JII, il avait, au cours des
dernières années, paru favoriser les projets de son frère et
de son neveu sur la Lorraine (2). En outre, il appartenait
à la dynastie carolingienne, et de ce chef il avait sur la
Lotharingie des droits qu'il aurait pu, s'il montait sur le
trône de France, être tenté de faire valoir. L'Allemagne
n'avait donc pas intérêt à le soutenir.
D'un autre côté, l'on peut supposer que Hugues chercha
par tous les moyens à s'assurer, sinon l'appui, du moins
la neutralité des régentes qui exerçaient le pouvoir au
nom d'Otton III. Sa sœur Béatrice, duchesse de Mosellane,
pouvait en la circonstance lui être d'un grand secours,
vu le crédit dont elle jouissait à la cour d'Allemagne (3).
Ni Gerbert, ni les chroniqueurs ne nous font connaître les
négociations, les marchandages auxquels donna lieu
l'élection de Hugues Capet. Mais nous sommes en mesure
d'en saisir les résultats : Théophano favorisa l'élection
de Hugues Capet, ou tout au moins n'y mit pas d'obs-
tacles (4) ; le nouveau roi la paya de sa bienveillance, en
lui restituant Verdun sans conditions (5).
(1) Sur ces événements, consulter Lot, D. C, p. 202 et suiv., Etudes
sur le règne de Hugues Capet, p. 1 et suiv.
(2) Se reporter plus haut aux p. 74 et 85.
(3; 11 est également permis de supposer qu'Adalbéron de Reims et
Gerbert employèrent en faveur de Hugues le crédit dont ils jouis-
saient auprès des impératrices. Cf. Lot, D. 6\, p. 203.
(4) Sur l'appui donné par Théophano à Hugues Capet, voir G. Monod,
R. H., t. XXIX, 1885, p. 233 (compte rendu d'HENNEBERT, Les comtes
de Paris), Lot, D. C, p. 203, n. 2, p. 214, Etudes, etc., p. 4 et n. 3.
(5) C'est en effet Hugues qui rendit Verdun à Otton 111, et non Louis V,
comme nous l'avions admis dans le De prima domo, p. 100, trompé
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92 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Le comte de cette ville, Godefroy, et son fils ne devaient
pas se tirer à aussi bon compte de la captivité où Eudes
et Herbert les tenaient depuis deux ans et quatre mois.
L'archevêque Adalbéron, qui n'avait cessé de négocier
avec les deux comtes la libération de son frère et de son
neveu (1), finit par l'obtenir, sans doute grâce à l'appui du
nouveau roi, qui lui devait en partie son élection (2).
Selon toute vraisemblance, Hugues exhorta ses vassaux
à se montrer moins exigeants qu'ils ne l'avaient été jus-
qu'alors. S'ils se départirent de leur première rigueur, les
conditions qu'ils imposèrent au comte de Verdun n'en
restaient pas moins très dures : l'archevêque et son frère
les jugeaient même exorbitantes. Godefroy et son fils
Adalbéron, l'évêque de Verdun, se voyaient contraints
d'abandonner aux deux comtes différentes villœ apparte-
nant à l'église verdunoise, et de les autoriser à construire
des forteresses sur le territoire de ces localités (3). L'ar-
par la date que J. Havet avait assignée à l'une des lettres de Gerbbrt,
dont l'archevêque de Cologne est le destinataire {Lettres de Gerhert,
n* 100, p. 91, n. 3). J. Lair, Etudes critiques sur divers textes des
x* et XI* siècles, t. I, p. 199, a démontré que cette lettre étail posté-
rieure à colle qui porte le n» 103 dans l'édition Havet, et qu'au moment
où elle a été écrite Hugues avait déjà été couronné roi. Lot, qui avait
tout d'abord {D. C, p. 195) attribué à Louis la restitution de Verdun,
s'est rendu dans ses Études, etc., p. 4 et n. 3, aux arguments de Lair,
et 11 a en conséquence admis que la responsabilité de cet abandon
devait retomber sur Hugues Capet. L.es Gesta ep. Cartier, 1. 1, c. 105,
et SiGEBERT DE Gembloux, Chronogvaphia 985 {SS., t. VII, p. 445 et
t. VI, p. 352), commettent une double erreur, en annonçant que Lothaire
rendit Verdun à Otton III et relâcha le comte Godefroy.
(1) Voir Lettres de GerherU n" 59, 71, 89, 93, 94, 103, p. 58, 67, 81,
86, 9o.
(2) Cf. Lot, />. C.,p. 214.
(3) Lettres de Gerbert, n* 103 (à Theophano), p. 95-96. Deux des
anciens éditeurs de Gerbert, Masson et du Chesne, ayant lu a XV kal.
junii )) au lieu de « XV ksil. juin », Wilmans, p. 46, Clouet, t. î, p. 371,
Witte, p. 77, Kalckstein, p. 382, en avaient conclu que Godefroy avait
recouvré sa liberté le 18 mai. En réalité, ce fut le 17 Juin qu'eut lieu
l'événement. Cf. Havet, qui a rectifié l'erreur de ses devanciers,, p. 95 et
n.4, et Lot, D. C, p. 214. — Gbrbert, par malheur, ne nous donne pas
les noms des villœ verdunoises qu'avait dû céder Godefroy.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 93
chevôque de Reims ne manqua pas de représenter à
Théophano combien cette convention était désastreuse
pour son frère et pour Tévêché de Verdun ; il la supplia de
ne pas la ratifier (l)/On ne voit pas que ses prières aient
été écoutées. L'impératrice laissa faire les aliénations de
terres qu'avaient consenties le comte Godefroy et son
fils (2).
Il est possible, probable même, nous Tavons déjà dit,
que d'autres seigneurs lorrains, faits prisonniers avec
Godefroy, durent payer leur liberté d'un prix analogue.
On s'explique ainsi les droits de suzeraineté qu'Eudes,
Herbert et leurs descendants ou successeurs, les comtes
de Champagne, possédaient sur des localités ou desi châ-
teaux situés en Lorraine à l'ouest et à l'est de la Meuse (3).
Le seigneur de Commercy, par exemple, devint à cette
époque le vassal de l'un des deux comtes (4).
Si les Carolingiens avaient échoué dans leurs tentatives
pour s'emparer de la Mosellane, si les Capétiens ne
devaient pas de longtemps les renouveler, quelques sei-
gneurs français n'en avaient pas moins pris pied dans le
pays. Ce sera pour les premiers ducs de Haute-Lorraine et
pour leurs successeurs une source de difficultés et d'ennuis,
qui iront en grandissant et qui atteindront leur maximum
d'intensité le jour où les rois de France, devenus comtes
(1) Se reporter à la lettre dont fait mention la n. 3. de la p. précédente.
(2) Suivant l'abbé Clouet, 1. 1, p. 372, 379, et t. II, p. 5, Théophano,
sans déchirer la convention conclue par Godefroy, aurait pris les
mesures suivantes pour en annuler les effets : Âdalbéron, fils de
Godefroy, aurait été obligé par elle de céder l'évôché de Verdun à
Haymon, et le nouveau prélat, sur l'ordre de l'impératrice, aurait
refusé de tenir les clauses d'un engagement qu'il n'avait pas souscrit,
en particulier d'abandonner aux comtes Eudes et Herbert les localités
verdunoises que Godefroy leur avait promises. Il nous parait difficile
d'admettre l'ingénieuse hypothèse du savant abbé, qui ne s'appuie
sur aucune preuve.
(3) Se reporter au livre I.
(4) Voir le précédent vol. des Mém. S, A, L., p. 357-259.
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94 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LOHRAINE
de Champagne, feront valoir, en les exagérant, les droits
dont ils avaient hérité.
Revenons maintenant au duc Thierry, qui avait été
remis en liberté dès 986, avant la mofi de Lothaire (1). Le
18 janvier 987, nous le trouvons dans la t/i//ad'Andernach (2),
où séjournait alors la cour allemande. Il intercède auprès
d'Otton III en faveur de Tabbaye de Vilich, avec Timpéra-
trice Théophano et les ducs Cono (Conrad de Souabe) et
Henri (de Bavière) (3).
Quelques mois plus tard, Thierry est dans Touest de son
duché, où il prend la forteresse de Stenay. Nous nous
sommes déjà prononcé contre l'opinion des auteurs qui
ont prétendu que cette localité appartenait à la reine
Adélaïde, femme de Hugues Capet (4). En vain allègue*t-on
deux lettres écrites par Gerbert à Théophano, Tune au
nom de l'archevêque de Reims, l'autre de la part de
Hugues Capet. Il est dit dans la première, à propos de la
prise de Stenay par Thierry, que les comtes Eudes et
Herbert parlent de venger Tinjure faite à la reine (o). Par
la seconde, le roi de France annonce à l'impératrice
régente que sa femme Adélaïde ira la trouver à Stenay (6).
Mais comment Adélaïde, princesse aquitaine (7), aurait-
(1) Nous rayons dit plus haut, p. 86 et n. 1.
(2) Thierry, nous l'avons montré p. 419-420 du préc. vol. des Mém.
S. A, L, a eu en fief la villa royale d'Andernach, qui se trouvait
englobée dans le territoire de la Mosellane, sans du reste faire partie
de ce duché. Mais rien ne prouve qu'elle lui ait été donnée sous le
règne d'Otton III ; on possède en effet des deniers au nom de ce prince
frappés dans l'atelier d'Andernach.
(3) St. 902, G."' 32, DD. Sax., t. II, p. 432.
(4) Se reporter à la p. 326 du préc. vol. Mëm. Kalckstein, p. 392,
Ha VET, p. 96, n. 5, et Lot, p. 215, admettent que Stenay appartenait à
la reine Adélaïde.
(5) Lettres de Gerbert, n» 103, p. 96.
(6) Lettres de Gerbert, n» 120, p. 109.
(7) Lot, p. 74, 267, n. 2, et p. 358-361. Gomment M. Lot, après avoir
démontré qu'Adélaïde était fille de Guillaume Tète d'Étoupes, a-t-il pu
admettre qu'elle possédait Stenay dans la Haute-Lorraine ?
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 95
elle été maîtresse de Stenay dans la Mosellane ? Pour quel
motif Thierry, neveu de Hugues et d'Adélaïde, aurait-il
pris une forteresse appartenant à sa tante ?
Quoi qu'il en soit, d'après la lettre déjà citée de Gerbert,
Eudes et Herbert, sous prétexte de venger l'injure faite à la
reine, auraient feint d'attaquer Juvigny, forteresse qui
dépendait de Thierry. Si les origines de ce conflit sont
obscures, nous n'en connaissons pas mieux la suite ni le
dénouement. Stenay parait d'ailleurs être resté, nous
l'avons dit, aux ducs de Mosellane (1).
On sait que le duc de Basse-Lorraine ne tarda pas à
revendiquer le trône de France, qu'avait usurpé Hugues
Capet (2). Béatrice et Thierry intervinrent-ils dans cette
lutte en faveur de leur frère et oncle ? Nous n'avons
là-dessus aucun renseignement.
A partir de l'année 987, les chroniqueurs ne mentionnent
plus aucune intervention de Béatrice dans les affaires de
l'Allemagne, de la Lorraine ou de la France, et les diplômes
ne prononcent plus son nom. Intelligente, énergique,
ambitieuse, la duchesse aimait l'exercice du pouvoir. Elle
ne put se résigner à l'abandonner, même quand son fils
fut arrivé à l'âge d^homme ; un conflit éclata entre la
mère et le fils, et Thierry, pour se délivrer d'une tutelle
qui lui pesait, fit arrêter et emprisonner Béatrice. La date
de cet événement ne nous est pas connue, mais on doit le
placer postérieurement à 987. La conduite dénaturée de
Thierry lui attira les censures de l'Eglise. Un pape, nous
ne savons pas lequel, intervint, réprimanda le duc et lui
infligea une pénitence (3). Béatrice fut rendue à la liberté ;
on peut du moins le supposer.
(1) Voir le préc. vol. Mém. S. A. t., p. 322-326, Cf. Lot, p. 214-215.
(2) Sur ces événements, consulter Lot. D. C, p. 220 et suiv., Etudes
sur le règne de Hugues Capet, p. 6 et suiv.
(3) Fundatio ecclesiœ s. Maximi Barrensis, Jeas de Bayon, Chron.
Med, Mon., 1. II, c. XLVI (Calmet, H. E. C. !.. 1'^ éd., t. I, pr., col.
400, t. II. pr., col. LXXl, 2* éd., t. II, pr., col. CCII, l. III, pr., col.
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96 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
S'il fallait en croire certains auteurs^ la vie de Béatrice
ne se serait pas terminée là. Sortie de prison, elle aurait
quitté la Mosellane avec sa fille Ita et se serait réfugiée
en Alsace, où elle aurait épousé en secondes noces un
seigneur bourguignon.
De la seconde union de Béatrice seraient nés Werner,
éirèque de Strasbourg, et Cuno (Conrad) de Rheinfelden.
Cette question devant faire rob>et d'une étude détaillée
dans l'un des appendices joints au présent travail (1),
disons simplement ici que, non contents de rejeter Ita du
nombre des enfants de Frédéric et de Béatrice, nous
refusons en outre d'admettre et le départ de la duchesse
pour TAlsace et son remariage avec un comte originaire de
la Bourgogne.
Précédemment, nous avons parlé d'une visite qu'aurait
faite en 1003 (?) (2) Béatrice à la collégiale de Saint-Dié.
Après avoir menacé de la servitude les chanoines et les
habitants du pays, si le corps du saint, fondateur et patron
de l'abbaye, ne lui était montré, la duchesse, ayant obtenu
satisfaction, revint à des sentiments plus chrétiens, et fit
même reconstruire, deux ans plus tard, avec l'aide d'un
comte Louis, l'église qui tombait en ruines (3), Il y a lieu
CGXVIl). JKijff DE Bayon rapporte révénement à Tan 1011, mais on
aurait tort d'attacher de l'importance aux indications chronologiques de
cet auteur. II est regrettable que la Fundatio ne donne pas le nom du
pape qui imposa une fénitenee à Tbierrj ; nous aurions de ce chef ui
terminus ad qnem.
(1) Enfants et second mari faussement attribués à la duchesse Béatrice.
(2) Voir le préc. vol. Mém. S. A. I., p. 412-413.
(3) RicHBR (de Senones), Gesta Seneniensis eeetesiœ, 1. II, c. 1»(SS.,
t. XV, p. 276-277), Jean de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. il, c XUII
(Calmbt, E.E. c, L., 1'» éd., t. I, pr., col. LXIV, 2* éd., t. III, pr.,
col. CCXIV-CGXV). Le comte Louis, qui aurait collaboré avec la
duchesse à la restauration de Téglise de Saint-Dié, ne serait-il pas le
comte de Bar, père de Richianus-Ricuin et grand-père du mari de
Sophie ? Calmet, 2« éd., t. IH, pr., col. CCXV, n. «, suppose que ce
personnage élait un (M»cle maternel de saint Léon fX, parce que Jean
DB Bâton en fait un ancêtre (avusy de la maison de D«eh6biirg.
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Qoo^(^
ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 97
de laire les plus expresses réserves en ce qui concerne
la date ; mais nous ne nous croyons pas en droit de rejeter
entièrement le fond même de Thistoire.
L'année de la mort de Béatrice ne nous est pas connue;
en définitive, postérieurement à 987, on ne sait plus rien
de certain sur la première duchesse de Mosellane.
§ n. Thierry seul duc (9??-10ir).
Voilà Thierry seul maître de la Haute-Lorraine. Son
rôle pendant les quinze dernières années du règne
d'Otton III fut des plus effacés ; ni les chroniques ni les
diplômes ne mentionnent son nom, et Ton peut se deman-
der si l'acte de violence dont il s'était rendu coupable à
regard de Béatrice ne lui avait pas valu — de la cour alle-
mande — une sorte de disgrâce.
C'est pendant cette période que, selon toute vraisem-
blance, il se maria. Sa femme se nommait Richilde,
d'après la Fundatia ecclesiœ sancti Maximk Barrensis (1), et
Richuvara, suivant un diplôme d'Henri II pour Saint-
Vanne de Verdun (2) ; ce sont d'ailleurs deux formes diffé-
rentes d'un même nom. Les auteurs qui ont cru que la
femme de Thierry s'appelait Sconehilde (3) ont confondu
le duc de Mosellane avec le comte de Bar, son homonymte,
H. WiTTE, Genealogische Untersuchungen, etc. {Jtahrb. G.L. G., 7* an-
née, 1895, t. I, p. 103) fait de Louis un comte de Ûocbsburg (D»])») ettB
grand-père de saint Léon IX.
(1) Calmet, B. E. C. L, i" éd., t. I, pp., col. 400, 2» éd., t. U,pr.,
col. CCLI.
(2) St. 4659, H." 340,. DD. Sax., t. UI, p. 433.
(3) Wassebourg, Antiquitez de la Garnie Belgique, f» ÎO^ v«". — Sui-
vant BE RosiÈass, Stemm. Lothar. ac Barri ducurn, P 393 r'», et Pwf-
FUfGER, Vitriarius illustratus, t. II, p^ 270, la femme cte Thierry
s'appelait Richilde, ScooehUde ou Gertrude. Ni du Gbisnb, Histoire
généalogique de la maison de Bar-le-Duç^ p. 6; ni Kremkr, Genealo-
gische Geschickle des Ardenneschen Geschlechts, p. 28, n'ont su décou-
vrir qui Thierry avait épousée. Il était réservé à B. Pigart, La vie ée
saint Gérardy p. 340-342, L'origine, etc., p. 47, L'^kisto4are de Toml,
p. 99, d(^ découvrir la vérité.
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98 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
que nous avons déjà mentionné (i). Les chroniqueurs du
Moyen Age ne nous disent rien de la famille à laquelle
appartenait Richilde ; avec quelques érudits modernes,
nous la croyons fiHe de Folmar, comte de Lunéville et
d'Amance (2) ; Thierry, nous le savons, hérita de ce der-
nier casti-um, et cette succession avait dû lui échoir du
chef de sa femme (3).
Richilde donna deux fils à son mari : Frédéric II (4) et
Adalbéron (5), ainsi qu'une fille, Adèle ou Adélaïde (6).
Les dates de naissance de ces enfants ne nous sont pas
(1) Voir la charte du comte Thierry de l'année 1005 (de l'Isle, B. S.
M., p. 432).
(2) Calmbt, h. E. C. Z., 2* éd., t. ï, col. CLVf, H. Witte, Genealo-
gische Untersuchungen {Jahrb, G. L. G., 7* année, 1'* partie, p. 87-88).
(3) Charte de Pibon, évéque de Toul, pour Saint-Mihiel, de l'an 1076
(Calmet, h. E, C. i., 1" éd., t. I, pr., col. 475, 2« éô,, t. II, pr., col.
CCCXLVIII-CCCXLIX).
(4) « Duce Deoderico et Friderico filio ejus » (Charte de Berthold,
évoque de Toul, de 1019, dans Gai. Christ, t. XIII, pr., col. 463). Voir
encore Laurent de liège, Gesta ep. Vird, c. 2, Tabula Ottonum et
Genealogia e stirpe s. Arnulfi, c. 3 (SS., t. X, p. 492, t. III, p. 215, et
l. XXV, p. 382). Jean de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLVII
(Calmet, B. E. C. £., 1" éd., t. II, pr., col. LXVI, 2« éd., t. III, pr.,
col. CCXVIII).
(5) VuiBERT, F. S. Leonis, 1. 1, c. 3 (Watterich, Pontificum roma-
norum vitœ, t. I, p. 130), Jean de Bayon, 1. II, c. XXXII (Bibliothèque
publique de Nancy, ms. 537, f» 30 v", col. 2), Gestorum abbatum
Trudonensium continuatio llh^ auctarium [SS., t. X, p. 384).
(6) Chronicon s. Buberti AndaginensiSy c. 19 (27), Aubry de Trois-
FoNTAiNES, Chron. et Genealogia e stirpe s. Amul/i (S5., t. VIII, p. 578,
t. XXIII, p. 790, t. XXV, p. 382 et 383).
De Rosières, op. cit., f" 393 r»*, et Pfeffinger, op. cit., ibid., attri-
buent à Thierry d'autres enfants, que nous croyons inutile de men-
tionner. B. PiCART, L'origine, etc., p. 47, Calmet,, B. E. C. L., V* éd.,
I. I, col. CXCIII, 2« éd., 1. 1, col. CCLXXXV, Digot, B. L., t. I, p. 216,
HuHN, Geschichte Lothringens, t. I, p. 98, n'accroissent la famille de
Thierry que d'un seul fils, Simon ou Sigefroy, comte de Briey. Mais
DU Chesne, op. cit., p, 7, DE Maillet, E.ssai chronologique sur l'his-
toire du Barrois. p. 13, Krbmer, op. cit., p. 28, et Stenzel, Geschichte
Deutschlands unter den fràtikischen Kaisern, t. II, p. 115 et 121, n'ont
pas admis Simon-Sigefroy à figurer parmi les enfants du second duc
de Mosellane, qui n'aurait eu d'après eux que deux fils, Frédéric et
Adalbéron.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 99
connues. Toutefois, comme d'après Vuibert, l'historien de
saint Léon IX, Adalbéron était un peu plus âgé que
Brunon, né en 1002, on peut placer sa venue au monde
aux environs de Tan 1000 (1). Thierry voulut en 1005
faire de son fils encore enfant un évêque de Metz, mais
Adalbéron ne tarda pas à être chassé par un de ses cousins,
Thierry de Luxembourg, administrateur de Tévêché.
Vuibert nous apprend que le petit Adalbéron fut enlevé
d'une mort prématurée (2). En rapprochant une mention
du Nécrologe de Saint -Vanne concernant un clerc,
Adalbéron, à propos duquel Tabbaye avait reçu deux
vignes à Arna ville (3), d'un passage du diplôme d'Henri II
pour Saint-Vanne, où il est dit que la duchesse Richuvara
avait donné des vignes dans la même localité (4), Bloch
conjecture que le « clericus Adalbero » du Nécrologe doit
être identifié avec le fils de Thierry (5) ; la mort du jeune
clerc serait donc antérieure à 1015, date du privilège
d'Henri.
Nous n'avons que peu de chose à dire d'Adèle, qui
épousa Waleran (Gualeran), comte d'Arlon, dont elle eut
deux fils. Foulque et Waleran (Gualeran) (6). Pourtant,
le nom de Foulque mérite d'être relevé; il était en effet,
à ce qu'il semble, inconnu jusqu'alors en Lorraine. Que
l'on consulte la table alphabétique du tome II de la For-
mation territoriale, on n'y trouvera sous le nom de Foulque
(j) Vita s. Leonis, I. I,c. 4, cf. c. 2 (Watterich, Pont. rom. vitœ,
t. I, p. 130 et 129).
(2) Vita s, Leonis, 1. l,c. 3 (Watterich, t. I, p. 130).
(3) Jahrb.G. L. G., 14» année, 1902, p. 138.
(4) St. 16o9, H." 340, DD. Sax., t. III, p. 433.
(5) Jahrb. G. L G., 10« année, 1898, p. 420. —Jean de Bayon, Chron.
Med. Mon., 1. Il, c. XXXII (Bibliothèque publique de Nancy, ms. 537,
f" 30 vs% col. 2) fait mourir Adalbéron, fils du duc Thierry, en 1018;
mais la chronologie de cet auteur ne mérite aucune confiance.
(0) Chron. s. Huberti, c. 19 (27), Gesta Treverorum, c. 5, Additamen-
tum et continuatio î*, Genealogia e stirpe s. Arivulji, c. 3 (SS., t. VIII,
p. 578 et 189, t. XXV, p. 383).
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lOO LES OttiGINES BE LA HAtJTE-LORRAL\E
que des comtes d'Arlon et un comte d'Anjou (1). Or, ce
nom, étranger à la Lorraine avant le xi® siècle, a été jus-
tement porté par plusieurs comtes d'Anjou dès le x«, et
l'un d'eux, Foulque Nerra avait épousé une Lorraine,
Hildegarde (2). Foulque Nerra, contemporain d'Adélaïde,
plus âgé qu'elle, n'aurait il pas été le parrain de son fils
aîné, auquel il aurait donné son nom ? Hildegarde, femme
de Foulque Nerra, aurait donc été une proche parente,
sinon d'Adélaïde, du moins de Waleran. Ainsi, l'on peut
admettre que des alliances de famille rattachaient par des
liens plus ou moins étroits la maison d'Anjou à celle de
Mosellane; on s'expliquerait par là qu'à un moment donné
Foulque Nerra et les ducs de Haute-Lorraine aient combiné
leurs efforts contre un ennemi commun, le comte de
Chartres et de Blois Eudes IL
Bien que le Chronicon sancti Huherti (3) et Aubry de
Trois-Fontaines (4) appellent Sigefroy le premier des fils
de Thierry I®', nous préférons le témoignage des sources
qui lui donnent le nom de Frédéric (5). Celui ci, qui était
l'aîné d'Adalbéron, dut naître quelques années avant
l'an 4000. Nous verrons que, du vivant de son père,
Frédéric fut associé à la dignité ducale (6).
Il est singulier que, de 987 à 1002, Thierry n'ait joué
aucun rôle, et que les sources ne fassent de lui aucune
mention. Durant cette période, Otton III fit deux voyages
en Haute-Lorraine, le premier en 992, le second l'année
suivante. Différents actes signalent sa présence à Laneu-
(1) U. F. T. P, B., t. II, Table, p. 27, col. 2.
(2) Halphen, Le comté d'Anjou au xi'' siècle^ p. H el n. 1.
(â) Chron. s. H., c. 19 (27) [SS., t. VIH, p. 578].
(4) Chron. {SS , t. XXIII, p. 790).
(5) Se reporter à la n. 4 de la p. 98. A elle seule, \st charte de
Berthold, docoment contemporain de Tbierry et de sob âls, suffirait à
lercF tous tes d^utesL
(6) Voir plus bas, p. 126.
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ET SA l»KËMIERË MAISON DUCALE 101
ville sur-Meuse (1), à Margut (2), à Trêves lors de son
premier séjour (3), à Thionvîlle ainsi qu'à Metz au cours
du dernier (4). Dans aucun de ces documents le duc ne
figure comme intercesseur, bien que plusieurs d'entre eux
concernent la Mosellane (5). Il est à supposer pourtant
que Thierry avait dû se rendre auprès du jeune souverain.
Nous avons d'autre part la certitude que Thierry n*était
pas auprès d'Otton III, lorsque Terapereur mourut à Rome
le 23 janvier 1002 (6).
La fin prématurée du fils d'Otton II faillit de nouveau
bouleverser TAllemagne. Le prince défunt n'avait pas été
marié et ne laissait point d'enfants. Toutefois, la maison
de Saxe comptait encore un représentant mâle, Henri
le Boiteux, duc de Bavière, fils du Querelleur. Henrf
revendiqua la couronne, mais il allait voir se dresser
contre lui deux compétiteurs, Hermannll, duc de Souabe,
et le margrave de Misnie Ekkehard (7).
L'Allemagne, menacée d'une guerre civile, assaillie à
Test par les Palonais, vit-elle en outre surgir a l'ouest un
autre ennemi en la personne du roi de France ? ftobert
(1) Meuse, Montmédy, Stenay.
(2) Ardennes, Sedan, Carignan.
(3) St. 965, 966, 967, 967^ 0.'" 93-96, DÛ. Sax., t. If, p. 504-501 Le
roi était à Lanenville le 19 mai, ofi le trouve encore à Trêves ïe SOttiai.
(4) St. 992 et 993, 0.>" 122, 123, DD. Sax., t. H, p. 534-535. Cf. Erwîn,
Excurse zu den Diplomen Otto 111 [Mitth. 1. Œ. GF., t. XIII, p. 562-
ii64). Otton était à Thionville le 9 mai, à Metz le 13 du môme mois.
(5) Ce sont 0."> 95 (pour Saint-Maximin), 96 (pour Saint-Goar) et 123
(pour Ëchternach).
(6) Thierry ne figure pas dans la liste des grands qui, d'après
Adalbold, F. Heinrici H impgratoris^ c. 3 (.^S., (. IV, p. 684), se trou-
vaient en Italie auprès d'Otton III, quand ce prince termina son
erxistettco. Par contre, on constate la présence d'Otton, duc de Basse-
Lorraine et fils de Charles, le compétiteur de Ifiigues Capet.
(7) Thibtmar Chron., I. TV, c. 50 et suiv., 1. V, c. i et suiv., p. 92
et suiv., Ann. Quedlinburgenses 1002, ADALBor.û, V. Heinrici //. c. 4
et suiv. (S5., t. III, p. 78, t. IV, p. 684) : cf. HmscH, JahrbUekef Hein-
riehs 11^ t. r, p. 193 et suiv., Ric«ter et Kowl, Ânnalen des deutsehen
ReichSy 3« partie, t. I, p. 172-177.
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102 LES ORIGINES DE LA HÀUTELORRÀÎNE
aurait-il profité du trouble causé par la mort imprévue
d'Otton III, des dissensions que provoquait la vacance du
trône, de la révolte des Italiens et des attaques de
Boleslas pour tenter de conquérir la Lotharingie ? Étran-
ger à la dynastie carolingienne, il n'avait pas les droits
incontestables des princes de cette famille sur l'ancienne
Austrasie. Seulement, les souverains de la maison de
Saxe, détenteurs de la Lorraine, n'avaient en fin de compte
d'autre titre à faire valoir qu'une possession de trois
quarts de siècle. Au fond, Capétitus et Ottoniens avaient,
en ce qui concerne la Lotharingie, autant ou, si l'on pré-
fère, aussi peu de droits les uns que les autres (1). D'ail-
leurs, en cas de conflit, la question de droit n'avait aucune
importance. Si le fils de Hugues Capet essayait de disputer
au roi d'Allemagne la rive gauche du Rhin, il était bien
évident que la lutte se terminerait par le triomphe du plus
fort des deux adversaires ; et, sans aucun doute, le résultat
final devait dépendre en grande partie des seigneurs laïcs
et du haut clergé de la Lotharingie qui, en se prononçant
pour l'un des compétiteurs, pouvaient assurer la victoire
du prince auquel ils se rallieraient.
Robert et d'une façon générale les premiers Capétiens
nous apparaissent comme des souverains peu puissants;
l'histoire de leurs démêlés avec quelques-uns de leurs
grands vassaux fournit des preuves péremptoires de leur
faiblesse. Un roi d'Allemagne à cette époque disposait
d'une force qui manquait aux princes français. D'un autre
côté, Robert n'était qu'un étranger pour les prélats et pour
la presque totalité des seigneurs lorrains (2). Ce n'est
(1) Nous ne pouvons accepter la théorie développée par M. Flach sur
la transmission de la prééminence franque à la dynastie capétienne
{Les origines de ^ancienne France, t. III, p. 199 et suiv.) Hugues
Capet n'était qu'un usurpateur.
(2) Si l'un des fils de Régnier au Long-Col, Régnier IV, avait épousé
Avoie, fille de Hugues Capet, l'autre, Lambert de Louvain, était marié
ù Gerberge, fille de Charles de Lorraine.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALR 103
assurément pas le Carolingien Otton, duc de Basse-Lor-
raine, qui aurait soutenu les Capétiens; n'était il pas le
fils de ce Cliarles, sur lequel le père de Robert avait usurpé
le trône de France? Restait, il est vrai, le duc deMosellane,
Thierry, qui, par sa mère Béatrice, était le cousin ger-
main du roi de France. La parenté de Frédéric I^^ avec la
maison issue de pobert le Fort avait pu être, nous Tavons
dit (1), une des raisons qui avaient déterminé Otton 1^^ et
Brunon à choisir le gendre de Hugues le Grand pour en
faire un duc de Mosellane. Mais les précautions prises par
les Saxons n'allaient-elles pas se retourner contre eux,
maintenant que les Carolingiens, écartés du trône de
France, avaient été remplacés par leurs anciens adver-
saires ? Il n'y avait évidemment jamais eu lieu de craindre
que la famille ducale de Haute-Lorraine servît les projets
de Lothaire ou de Louis V ; elle pouvait au contraire avoir
la tentation de faire cause commune avec Hugues Capet
ou avec Robert.
Le cas s'est-il produit en 1002, après la fin subite
d'Otton ni, comme l'a supposé M. Davillé (2) ? Cette
hypothèse a été suggérée à notre savant collaborateur par
une charte de Saint-Mihiel, datée de la huitième année du
règne de Robert, bien qu'il s'agisse dans ce document
d'une localité du comitatus Barrensis (3). Très certaine-
ment, M. Davillé attache à cette pièce une importance
qu'elle n'a pas en réalité, et nous ne saurions admettre les
conclusions qu'il se croit en droit d'en tirer. L'alliance
qu'il conjecture entre Thierry et le roi de France ne nous
paraît pas conciliable avec l'attitude que prêtent au duc
les sources annalisliques.
{i) Voir le préc. vol. Mém. S. A. L , p. 222 i23.
(2) Note sur la politique de Robert le Pieux {Ann. E., 44' année,
1900, p. 78-81).
(3) C'est la donation de Thiéberl, que nous avons publiée dans notre
De prima domo, p. 137, et que nous reproduisons à la lin de ce travail.
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104 LKS OIUGINKS DE LA HALTE-LOB RAINE
Le duc de Mosellaoe fût sorti de la neutralité que lui
attribue Thietmar (1), et il eût mécoonu les droits d'Heori
de Bavière à la couronne d'Allemagne, ce qui est en
contradiction avec le témoignage d'Adalbold (i), si, faisant
appel au roi de France, il lui avait rendu hommage.
Au surplus, les velléités conquérantes que M. Davillé
prête au souverain français auraient été de courte durée.
D'une part, Henri de Bavière finit, dans le courant de
1002, par être reconnu et en Allemagne et en Lotharingie ;
d'un autre côté, la mort d'Eudes-Henri, duc de Bourgogne,
allait appeler du côté de cette province et absorber toute
l'attention et toutes les forces du roi de France (3).
En définitive, il nous semble tout à fait improbable
qu'après la mort d'Otton UI Thierry ait songé à se tourner
vers son cousin, et à le reconnaître pour suzerain. Voyons
maintenant ce que les Annales ou les Chroniques nous
apprennent sur le rôle joué parle duc de Mosellane.
Au début du conflit, Thierry garda la neutralité, atten-
dant pour se prononcer, dit Thietmar, que la majorité du
peuple eût fait son choix (4). D'après la Vita Heinrici,
écrite par Adalbold, le duc de Haute-Lorraine, sachant
qu'Henri était l'héritier légitime du trône, ne voulut pas
se lancer dans une entreprise qu'il savait ne pouvoir
mener à bonne fin (5) ; en d'autres termes, Thierry ne se
porta pas candidat à la couronne d'Allemagne et de Lor-
raine. S'il était naturel que notre duc s'abstînt de briguer
le trône vacant, puisqu'il n'avait aucune chance de Tob-
tenir, il aurait dû, semble-t il, se prononcer tout de suite
(1) Thietmar, Chron., 1. V, c. 103, p. 108.
(2) Vita Beinrici 11, c. 5 (SS., t. IV, p. 685).
(3) Pfister, R. l. P., p. 225 et suiv.
(4) « Quo se pars populi major et melior inclinaret seourus exspeeta-
bat » (Thietmar, 1. V, c. 103, p. 108).
(5) « Theodericus, Heinricum ducem in regno esse sciens heredem,
noluit Incipere quod non posset finire » (Adalbold, V. B. II, c. 5, SS.,
t. IV, p. 685).
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PT SA PRKMIKRK MAISON DUCALE 105
en laveur d'Henri, dont il était le cousin ; Avoie, granJ-
mère de Thierry, était en efiet la sœur d'Henri, grand-
père d'Henri le Boiteux. En outre, Cunégonde, femme de
ce dernier, était fille ou mieux petite-fille de Sigefroyl»**
de Luxembourg, oncle de Thierry (1).
Ce ne fut point par une assemblée générale des prélats et
des grands laïcs de l'Allemagne et de la Lorraine qu'Henri
fut élu roi. Successivement, les Francs de l'Est et de la
Moselle, les Thuringiens, les Saxons, les Francs de la
Basse-Lorraine et en dernier lieu les Souabes avec leur
duc Hermann, dont Henri avait ravagé le duché, firent
leur soumission au nouveau souverain (2). Henri fut donc
tout d'abord élu à Mayence par les Francs du Rhin et de
la Moselle ; s'il faut voir dans les premiers les Franco-
niens, les seconds ne seraient-ils pas les grands de la
Haute-Lorraine ? Les uns et les autres prêtèrent serment
à Henri. Ensuite l'archevêque de Mayence Wiligis et ses
sufiragants le sacrèrent roi le 6 ou le 7 juin 1002 (3). Vu
le silence des Annales, la présence de Thierry à Mayence
est incertaine, tout en nous paraissant probable (4). On
(1) Voiries tableaux généalogiques joints à notre travail.
(2) HiRSCH, op. cit., t. I, p. 214-230.
(3) HiRscH, p. 215 et n. 4» p. 216 et n. i.
(4) « Francorum et Miiselenensium primatus régi manus tune applf
cans gratiam ejusdem meruit » dit Thietmar {Chron., 1. V, c. 11, p. 114 .
Nous avons vu (préc. vol. Mém. S. A. I., p. 286, n. 5), que le titre de
(( dux Mosellanorum » était donné par plusieurs chroniqueurs à
Frédéric et à Tliierry. Pourtant, Thietmar se sert tantôt d'une appel-
lation, tantôt d'une autre pour désigner les habitants de la Haute-
Lorraine ou leur duc; le (( Muselenorum pagus » où, d'après lui (1. V,
c. 27, p. 122), Henri 11 fit une tournée (en 1003), n'est autre que la
Mosellane ; mais, quelques pages plus haut le même chroniqueur qua-
lifie Thierry de « dux Liuthariorum » (1. V, c. 3, p. 108). Hirsch
(p. 247, n. 2) croit que dans les Liuchariensés » et les a Liutharii »
qui reconnurent Henri pour souverain à Aix-la-Chapelle (Thietmar,
1. v, C.20, p. 118-119), on doit voir uniquement les seigneurs de la
Basse-Lorraine, et il admet (p. 216, n. 1) la présence de Thierry à
Mayence. Suivant Giesebreght au contraire {G. D. K., t. II, p. 28 et
593), Thierry n'aurait rendu hommage à Henri il qu'en 1003, à l'assem-
blée de Thionville.
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106 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
pourrait encore supposer que Thierry se prononça pour
Henri II, non à Mayence, mais à Aix-la-Ciiapelie, où le duc
de Bavière fut reconnu roi, le jour de la Nativité de la
Vierge (8 septembre), par les grands de la Lorraine, et
installé suivant le cérémonial accoutumé sur le trône de
Charlemagne (1). Pourtant, cette cérémonie d'Aix devait
plutôt avoir pour acteurs uniques les évoques et les sei-
gneurs de la Basse Lorraine, à Texclusion de ceux delà
Mosellane.
Après qu'Henri eut passé en Bavière les mois de novem-
bre et de décembre, nous le trouvons en janvier 1003 sur
les bords de la Moselle, à Thionville (2), où il avait convoqué
à une diète les habitants de la Haute Lorraine et de l'Alsace.
Nous croyons, malgré le silence des sources, que tout
d'abord le roi reçut Thommage des prélats et des seigneurs
laïcs de ces deux provinces. Puis il déclara qu'il écouterait
les plaintes de tous ceux qui avaient des réclamations
à formuler, et qu'il rendrait justice à chacun. En vain,
les ducs de Mosellane et de Souabe, qui étaient pré-
sents, essayèrent-ils de mettre obstacle au projet d'Henri :
celui-ci tint bon, et force fut à Thierry et à Hermann de
le laisser faire. Le roi, non content de réparer diverses
injustices, ordonna la destruction du château de Muls-
berg (3), appartenant au duc Thierry, et dont la garnison
désolait par ses violences et ses pillages la région d'alen-
(1) Thietmar, L V, c. 20, p. 118-H9; cf. la note précédente.
(2) Lorraine, chef-lieu de cercle.
(3) Il est assez difficile d'identifier Mulsberg. Faudrait-il voir dans
ce château celui de Morsberg, appelé aussi Molzberg, en français
Marimont (Lorraine, Château Salins, Albestroiïi, que mentionnent
différentes chartes du Moyen Age (Lepage, Dict. top. Meurthe^ p. 86,
col. 2) ? On peut rappeler à ce propos que Thierry de Montbéliard,
comte de Bar, eut pour gendre un seigneur de Morsberg ivoir le préc.
vol. Mém. S. A. £., p. 337, n. 2 et 3j. Mais ce « castrum » portait-il déjà
au début du w^ siècle le nom de (( Morsberg », ou ne rauralt-il pas
plutôt reçu soit à la fin du môme siècle soit au début du suivant, lors-
qu'il tomba au pouvoir du comte de ce nom, mari d'une fille du comte
Thierry II de Bar ?
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 107
tour ; défense fut faite par lui de jamais reconstruire
cette forteresse (1).
Le duc de Mosellane ne semble pas avoir accompagné
le souverain dans le voyage que ce dernier fit à travers la
Basse-Lorraine pendant les mois de janvier et de février
1003(2) ; nous ne croyons pas non plus qu'il ait pris part
à l'expédition dirigée en août 1003 par Henri II contre le
margrave Henri de Nordgau, qui s'était allié au roi de
Pologne Boleslas (3), ni à celle que le môme prince conduisit
en Lombardle l'année suivante (4)»
En 1004 ou en 1005, Henri réunit, nous ne savons
d'ailleurs dans quelle ville (5), de nombreux grands
(1) Thietmar, Chron., 1. V, c. 27, p. 122-123, Adalbold, V. Hein-
rici r/, c. 19 (SS., t. IV, p. 688). Deux diplômes d'Henri signalent sa
présence à Thionville le 15 janvier 1003 (St. 1341 et 1342, H." 34 et 35,
DD. Sax.^ t. III, p. 37 et 39). Sur cette assemblée, voir Hirsch, t. I,
p. 243-244, GiESEBRECHT, op. cit., t. II, p. 28. Les termes de TmETMAR
tt Herimannus ac Theodoricus solo nomine duces, sed non re » signi-
fient — non pas qu'ils avaient seulement l'apparence du pouvoir —
mais bien plutôt qu'ils s'acquittaient mal de leurs fonctions, qu'ils
abusaient de leur autorité.
(2) TmETMAR, I. V, c. 28, p. 123, St. 1343-1349, H.'» 36-41, DD. Sax.,
t. III, p. 40-48 ; cf. HmscH, t. I, p. 247-249.
(3) Thietmar, 1. V, c. 32, p. 125, Adalbold, V, Heinrici II, c. 25
(S5., t. IV, p. 690) ; cf. HmscH, t. I, p. 264 et suiv.
14) Thietmar, 1. VI, c. 7 et 8; cf. Hirsch, t. I, p. 301-314.
(5) Au sujet de cette assemblée, diverses hypothèses ont été faites
par les érudits allemands. Pertz, SS., t. IV, p. 663, et Gfrôrer, Kir-
chengeschichte, t. IV, l'o partie, p. 46, étaient d'avis qu'il fallait y
voir celle, tenue en 1005 ou en 1006, dont Thietmar a fait mention
dans sa Chronique (1. V, c. 28, p. 150) ; suivant Hirsch (t. I, p. 244-
247), il s'agit de l'assemblée tenue par Henri II à Thionville en janvier
1003. Mais Usinger, l'un des continuateurs de Hirsch, a démontré
qu'aucune de ces hypothèses n'était admissible {Jahrb. H. II., t. I,
p. 244, n. 5). A rencontre de Pertz et de Gfrôrer, il rappelle que le
concile dont parle Thietmar ne comprenait que des évèques saxons,
tandis qu'il n'y en avait aucun au, synode où se trouvait Adalbéron II ;
il fait valoir en outre qu'Otton, père de Conrad, et l'évêque de Metz
n'existaient plus lorsque se réunit le premier de ces conciles. Usinger
montre ensuite que Hirsch s'est également trompé : rien n'indique que
l'assemblée à laquelle Adalbéron et son frère prirent part se soit tenue
à Thionville; de plus, les expressions dont se sert Constantin, le bio-
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108 LES OJUGINES DK LA HAUTE-LORRALNE
^clésiastiques ou laïcs tant de TAUemagne que de
la Lotharingie. Parmi eux, nous remarquons le duc
Thierry, son frère Adalbéron II de Metz, ainsi que
les évoques Berthold de Toul (1) et Hayraon de Ver-
graphe d' Adalbéron II (F. Adalberonis, c. 19, SS., t. IV, p. 664) a ex
prcpria patria ad regale colloquium pervenerat », suffisent à détruire
l'hypothèse de Hirsgh : « patria » en effet a le sens de c diocèse », or,
TbioDville dépendait de l'évèché de Metz. Tout en nous ralliant aux
conclusions d'UsiNGER, nous croyons devoir faire des réserves à l'égard
de l'un des arguments qu'il a employés, celui qui concerne le père
de Conrad : il ne nous paraît pas ressortir du récit de Constantin
qu'Otton fût encore en vie, au moment où l'évéque de Metz attaqua la
régularité de l'union conclue par Conrad. — Adalbéron II étant mort
en décembre KXfô, il faut que l'assemblée soit antérieure à cette date.
Comme, d'autre part, Conrad est qualifié de « dux Austrasiorum »
(Constantin. F. Ad. 11^ c. 16, SS., t. IV, p. 663), nous croyons, con-
trairement à ce que pense Usinger, qu'il avait déjà succédé à son père
dans ces fonctions, et qu'Otton avait cessé de vivre. Ce dernier étant
mort le 4 novembre 1004 (Hirsgh, t. I, p. 326 et n. 5), l'assemblée où
fut soulevée la question du mariage de Conrad serait de la fin de
1004 ou des premiers mois de 4005. Nous serions disposé à croire
qu'elle fut convoquée en 1005, dans la première quinzaine d'avril, à
Aix-la-Chapelle; deux diplômes d'Henri II nous signalent la présence
du souverain dans cette ville à la date indiquée (5 et 9 avril) [St. 1400
et 1401, H." 93 et 94, DD. Sdx., t. III, p. 117 et 118].
(1) A saint Gérard, mort le 23 avril 994 (Vomy, Vita s. Gerardi,
c. 22, et Ann. s. Benigni Divionensis, dans les SS., t. IV, p. 5Ô3, et
t. V, p. 41), avait succédé Etienne, de la maison de Lunéville, qui fut
consacré à Metlach le 24 juin 994 {Gesta ep.Tull.,c, 35, SS., t. VIII,
p. 642). Ce prélat termina son existence àBonmoutier le 12 mars {Gesta
ep. Tull.,c. 35, SS., t. VIII, p. 64S) 996 {Ann. necroL Fuld., SS.,
t. XIII, p. 207). Les Ann. s, Benigni Div. (SS., t. V, p. 41) indiquent
exactement le jour, mais se trompent sur l'année (1000 au lieu de 996).
Etienne fut-il remplacé par un moine de Metlach appelé Robert,
dont l'épiscopat n'aurait duré que quelques mois ? Les Gesta ep. Tull.
ne font de lui aucune mention. Mais, suivant B. Pigart (H. T., p. 340),
l'évéque Berthold le nommait dans une charte, aujourd'hui perdue,
qu'il accorda en 1012 à Bonmoutier. De plus, il y a lieu de relever que
VuiBERT, le biographe de saint Léon IX, qualifie son héros de cin-
quième successeur de Gérard sur le siège de Toul {Vita s. Leonis IX,
1. I, c. 4, Watterich, Pontificum romanorum vitœ, t. I, p. 131), ce
qui n'est exact que si l'on admet Robert au nombre des évoques de
Toul. Enfin, il y a quelques années, un numismate suédois, H. Hildb-
brand, ayant découvert une monnaie frappée à Saint-Dié au nom
d'un évéque appelé Robert, crut devoir l'attribuer à l'évéque de Toul,
successeur présumé d'Etienne {Une monnaie de Robert y évêque de
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ET SA PHËMIKKE MAISON DUCALE i09
duo (I). Pendant une des séances de rassemblée,
le roi se plaignit de la tolérance que montraient les
évêques à Tégard des mariages entre procties parents;
il fît même une allusion à Conrad, duc des Austra
siens, c'est-à dire de Carinthie, qui avait épousé sa cou-
sine Matbilde. Adalbéron, prenant ensuite la parole^
Metz [sic], dans l'Annuaire de la Société française de numismatique^
t. XII, 4884, p. 375). Pour Engel et Serrure, T. N. M. À,, le denier
appartient bien à Robert, évéque de Toul. L'abbé Martin, H. D, T.,
t. I, p. 181 et n. 7, accepte Robert, en faisant observer que le pontl^
ficat de cet évêque a dû n'avoir qu'une très courte durée. Le nom de
Robert ne figure pas sur la liste des évèques de Toul des iX'Xii' siècles
que Hauck a dressée dans sa KG. Z>., t. III, p. 1000.
Rerthold, à qui fut donné ensuite le siège de Toul, était originaire
de la Souabe {Gesta ep. TulL, c. 36, SS., t. VIII, p. 642). Entré k Toul
le ^ août 996, il aurait été consacré le 11 octobre de la même année
(ou de 997) [Ann. s. Ben. Div., SS., t. V, p. 41] ; les Gesta {ibid.) indi-
quent bien le jour, mais non l'année de la cérémonie.
(1) En ce qui concerne la mort d'Adalbéron II, de Verdun, nous
savons qu'elle se produisit un 18 avril {Necrol. s. Vitoni^ dans le Jahrà.
G.L.G.y U« année, 1902, p. 139, Hugues de Flavigny, Chron , 1 I, SS,,
t. VIII, p. 367), mais il est difficile de déterminer l'année ; si les Ann,
s. Vitoni Virdunensi», qui font monter en 986 Adalbéron II sur le
siège de Verdun, mentionnent sa mort en 990, les Ann. necrol. Fuld.
la retardent jusqu'à 991 (SS., t. IV, p. 47, t. X, p. 526, t. XIII, p. 206).
Le Continuateur db BERTAmE, Geêta ep. Vird., c. 7, attribue une
durée de trois ans et demi à l'épiscopat d'Adalbéron (SS.^ t. IV, p. 47).
C'est, nous l'avons vu, vers la fin de 984 que l'évécbé de Verdun avait
été accordé au fils de Godefroy, et, en comptant à partir de cette date
les trois ans et demi du cbroniqueur verdunois, on est amené à placer
en 988 la mort du jeune prélat. Mais ne serait-ce pas plutôt sa consé-
cration. différée par suite de diverses circonstances pendant une année
et peut-être plus encore, qui serait Je terme initial de l'épiscopat ?
Supposons, ce qui n'a rien d'impossible, qu' Adalbéron II n'ait pas
reçu avant le début de 986 la consécration épiscopale, et que les Ami.
S, Vit. Yird. aient relaté ce dernier événement, et non la nomination
elle-même, nous constatons alors qu'il y a concordance entre les dires
de cette source et ceux du Continuateur de Bertaire ; nous pouvons
donc adopter 990 comme date de la mort d'Adalbéron II. Il est vrai
que, si l'épiscopat d'Haymon, successeur d'Adalbéron, a duré trente-six
ans, comme le rapporte le Continuateur de Bertaire, il a dû commen-
cer en 989, s'étant terminé le 30 avril 1025. Roussel, H. T., 2' éd.,
t. I, p. 219-220, admet que le fils de Godefroy occupa de 984 à 988 le
Siège de Verdun. Clouet, H. F., t. I, p. 373-374, tout en accordant
à l'épiscopat d'Adalbéron une durée de trois ans et demi, s'abstient de
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Qoo^(^
110 LES ORIGINES DE LA HAUTE LORRAINE
exposa la généalogie de Conrad et celle de Mathilde, et
s'efforça de prouver qu'ils étaient cousins au deuxième
degré (1). Le discours de révoque de Metz provoqua un
violent tumulte : peu s'en lallut que, dans leur irritation,
Conrad et les siens ne se jetassent sur le prélat pour le
tuer. Après de vains efforts pour rétablir le calme, le roi
finit par dissoudre l'assemblée; chacun reprit le chemin
de sa province. Adalbéron partit avec son frère Thierry,
qui avait, lui aussi, condamné les unions réprouvées par
l'Eglise (2). Comme révêque n'avait amené qu'une faible
escorte, le duc et lui, craignant que Conrad ne leur tendît
une embuscade, retournèrent dans la Mosellane par un
chemin détourné et voyagèrent à grandes journées. Mais,
bien loin de songer à les assaillir, Conrad s'était imaginé
qu'Adalbéron et Thierry se proposaient de le poursuivre;
il s'enfuit donc de son côté, et ce fut enfin après deux
jours de marche que, se croyant en sûreté, il prit un peu
de repos (3).
L'évéque de Metz devait mourir à quelque temps de là,
dire en quelle année, selon lui, mourut le prélat. Hauck, KG. D., t. III,
p. 1001, se prononce pour 988. Haymon, à qui fut donné le siège de
Verdun, était, comme Wicfrid, d'origine bavaroise (Continuateur de
Bertaire, Geata ep Vird., c. 7, SS., t. IV, p. 47). Les Ann. s. Vit. Vird.
placent en 990 son avènement {SS., t. X, p. 526), mais cette date n'est
admissible que si l'on commence par accepter celle qu'indique la même
source pour la mort d'Adalbéron 11. Hugues de Fi-avigny, Chron.^ 1. ï
(SS., t. VIII, p. 367), propose 988. Haymon, selon Roussel. H. F., 2« éd.,
t. I, p. 221, devint évêque en 988, et suivant Clouet, H. F., t. II, p. 3,
vers 990.
(1) En réalité, Conrad et Mathilde étaient cousins au 4* degré, sui-
vant la manière de compter les degrés de parenté usitée dans l'Eglise,
au 80, d'après la nôtre. Voir les tableaux généalogiques joints à notre
travail.
(2) Nous verrons plus bas que Mathilde, devenue veuve, se remaria
justement avec Frédéric II, fils de Thierry, qui était son cousin au
même degré que Conrad.
(3) Constantin, V. Adalberonis 11, c. 15-20 {SS,, t. IV, p. 663-665). Cf.
HiRSCH, t. I, p. 244-247.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 111
le 14 décembre 1005 (i). Le duc de Haute-Lorraine assista
aux funérailles de son frère, avec lequel il semble avoir
toujours vécu en bonne intelligence (2). La possession du
siège épiscopal de Metz avait pour les ducs de Mosellane,
probablement comtes de cette ville, une importance sur
laquelle nous avons attiré déjà Tattention. On s*explique
donc que Thierry ait voulu y faire monter un de ses fils,
appelé comme son oncle défunt Adalbéron (3). C'était un
enfant encore en bas âge, qui ne pouvait être consacré.
Tournant la difficulté, le duc donna comme tuteur à son
fils, et comme administrateur au diocèse de Metz, son
(1) Constantin rapporte qu'Adalbéron mourut le 14 décembre, la
sixième férié, en l'an 1005, la troisième indiction et la sixième année
du règne d'Henri (F. Adalberonis 11, c. 1 et 34, SS., t. IV, p. 659 et
671). Si, en 1005, le 14 décembre tombe en effet un vendredi, le chiffre
de l'indiction est trop faible d'une unité (on était depuis le mois de
septembre dans la quatrième indiction), et celui des années ue règne
d'Henri II trop élevé au contraire de deux. Le jour de la mort du
prélat est encore donné par le Necrologium s. Ariiulfi et par le
Necrologium s. démentis {Anecdota alsatica, Paris, Bi»» N^», fonds
latin, n* 11902, f» 135 r** et 465 v"), par le Necrol. Merseburgense
{N eue Mittheilung en, etc., t. XI, p. 246), par les Gesta ep. MeUensium,
c. 47, qui indiquent à tort le 15 décembre (SS., t. X, p. 542), l'année
et le jour, par les Ann. necrologici Fuldenses, qui donnent le 19 décem-
bre au lieu du 14 (SS., t. XIII, p. 209). — Plusieurs historiens mo-
dernes ont fait mourir Adalbéron II en 1004; c'est le cas dé Meurissb
{Histoire des évêques de Metz, p. 342), de Calmet {H. E. C. L., V' éd.,
t. I, col. 938, 2« éd., t. II, col. 40), de Hirsch {Jahrb. H. II, t. 1, p. 359),
de FiCKER {Beitràge zur Urkundenlehre, t. II, p. 131). La date de
1005 a été adoptée par les auteurs suivants : les Bénédictins {H. if.,
t. II, p. 108 et 113), Kremer {Genealogische Geschichte des Ardennes-
chen Geschlechts, p. 27), Digot (H. I., t. I, p. 212), Ernst {Disserta-
tion... sur la maison... des comtes d*Ardenne dans le Bulletin de la
commission d* histoire de Belgique, 2^ série, t. X, p. 251), Sauerland
{Die Immunitàt von Metz, p. 65), Bresslau {Ueber dus Todesjakr
Adalberos H, dans le Jahrb. G L. G., 6o année, p. 283-286), Hauck
{KG, Z>., t. III, p. 404 et 999). Bresslau, dans l'article que nous venons
de citer, a résolu toutes les difficultés, démontré qu'Adalbéron était
réellement mort en 1005, et que le prélat du nom de Thierry qui se
trouvait en 10(fô au concile de Dortmund était l'évéque de Minden.
(2) CONSTANTIN, c. 34 {SS., t. IV, p. 671).
(3) Voir ci-dessus, p. 98 et n. 5.
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112 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
cousin et homonyme Thierry de Luxembourg, frère de la
reine Cunégonde (1).
Mais Thierry ne tarda pas à trahir la confiance qu*avait
mise en lui le duc de Mosellane : avec l'appui, semble-t-îl,
du clergé et du peuple, il s'empara de la dignité épiscopale
et renvoya probablement le petit Adalbéron à son père(2).
C'était pour Thierry un sérieux échec, qui allait être
' bientôt aggravé par la perte des pouvoirs comtaux qu'il
exerçait à Metz. Ainsi, la ville la plus importante de la
Haute- Lorraine échappait à l'autorité ducale, et, comme
nous le verrons, ni Thierry ni son fils ne devaient recou-
vrer la situation perdue.
Nous ne sommes pas au courant des efforts que fit le
duc pour rentrer en possession de Metz et chasser de cette
Tille l'intrus qui s'en était emparé. Se sentant trop faible
pour triompher par la force de son adversaire, il dut se
plaindre au roi de l'injure lâiite à son fil» el à lui-même.
Ses réclamations ne furent pas écoutées. L'usurpateur du
siège de Metz était, non» l'avons dit, le frère de la reine
Cunégonde, qui s'entremit prabablement en sa faveur ; de
plus, Henri II, prince faible, mais scrupuleux, n'avait
sans doute autorisé qu'avec répugnance le petit Adalbérw
à recueillir la succession de son oncle; les canons de
FËglise interdisaient en effet de nommer é\èqut» des
enfants (3).
(1) SiGEBBRT DR GsMBLoux, Ckronog raphia, 1009 (S.S., t. VI, p. 354K
Tandis qu'UsiNGBR (Jahrb, B. Il, t. I, p. 260, n. 3) appliquait fausse-
ment au jeune fils de Thierry 1" un passage de Thietmar (Chron.,
l. VI, c. 35, p. 1^4^, qui concerne le frère de Cunégonde, le beaiiHfrère
4'Heiiri II, KuazE, FéditeuF de Thnstmar iCkron.^ p. 134 et n. 4), tout
en réfutant l'erreur d'Usii»|&SR, en commet lui-même une autre, lors-
qu'il prétend que le petit Adalbéron suceéda plus tard à Thierry II ; en
réalité, l'évéque Adalbéron III appartenait à la maison de LuxemJMM»^.
(2) SioKBERT, Ckronoffraphia,. 4009, Alpert, De eptscopis MeUen-
sibus libellus, c. 3 (SS., t. Vf, p. 354, t. IV, p. 700) ; et. Ejrsg», t. I,
p. 360.
(3) HmsGB, Jahrb. H. 11, t. I, p. 360, s'étonne que le roi ait pu per-
mettre que, contrairement aux lois de PÉglise, le petit Adalbéron fût
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ET SA PHEMIBRË MAISON BUGALB 113
Tontes ces raisons, il est permis de le supposer» déter-
minèrent le souverain à sMncliner devant le lait accompli;
il confirma donc l'élection de son beau -frère, et autorisa
le métropolitain de Trêves à le consacrer évèquc (4). Peut-
pourya de l'évècbé de MeU. D'après cet auteur {ibid.^ n. (>)» Henri se
serait désintéressé de la désignation du successeur d^Adalbéron II, et
seules les deux maisons de Mosetlane et de Luxembourg seraient inter-
venues dans l'affaire.— Nous avons précédemmeot (p. 99 et n. l-o) raconté
ce qu'était devenu le fils de Thierry I«^ — Plusieurs historiens mo-
dernes ont cru que la guerre avait immédiatement éclaté entre l'évèque
et le duc, et que celui-ci, vainco par son adversaire, avait été en outre
fait prisonnier (Calmbt, a. E. C. I., 1" éd., t. I, col. 938-939, 2» éd.,
t. II, col. 41, Bertholet, Histoire du Luxembourg, t. III, p. 60, Dtgot,
B. Z., t, 1, p. 212-213, HuHN, Gm0kichte Lothringens, t. I, p. 96). Ea
réalité, c'est en 1011 seulement que le due Thierry tomba au pouvoir
de l'évoque de Metz et de son frère Henri.
li) Aucun chroniqueur ne mentionne ni le consentement accordé par
le roi à la désignation deTbierry, ni la consécration q«e celui-ci dut
recevoir des mains de l'archevêque de Trêves ; pourtant, il faut bien
que Thierry soit devenu, au spirituel comme au temporel, un évoque
régulier, attendu qu'on le voit en 1007 assister ao eoocHe de Mayeaee.
HmscH, 1. 1, p. 350, essaie en vain de prétendre le contraire. Mais le
passage suivant de Thibtmah, sur lequel il s'appuie, « rex prioris non
immemor in germano ejusdem Thiederico non premeditse eonstitufio-
nis » {Chron., 1. VI, c. ^, p. 154), n'a pas du tout le sens que lui attri-
bue l'historien d'Henri II. 11 ressort de celte phrase que le roi, à Fori-
gine, ne voulait pas élever son beao-frère à l'épiscopat, snUemeBf
qu'Henri eût interdit au métropolitain de Trêves de consacrer Thierry.
Cf Hauck, kg, I>., t. ni, p. 404 405.
D'après M. Da ville. Notes sur (a politique de Robert le Pieux
(Ann. E., 14' année, 190O, p. 78-85), le doc de Haute-Lorraine aiirail
en 1005, comme en 1002, reconnu l'autorité du^roi de France. C'est
encore une charte de Saint-Mlhiel, du 27 décembre 1005, datée du règne
de Robert, qui a conduit M. Davillb à faire cette hypothèse. Elle nous
parait moins vraisembkible encore que la précédente. A la rigueur on
comprendrait que^ dara»t llnterrègne qui suivit la mort d'Otton III,
Thierry se fût rappr«whé de son cousin, et qu'il eût conçu le projet de
le reconnaître pour suzerain. Mais ê» la fin de 1005, rien n'expliquerait
Fattitude prêtée par M. Davillé au duc de MoseUane. Pour ce qui est
des négociations d'Henri II avec Robert durant l'année 1006, et de
l'entrevue qui réunit ensnite sur la Meuse les deux- souverains, elles
avaient pour cause non point, comme le snppose M. !>▲ ville {art, cit.^
p. 81), l'attitude de Thierry, mais bien plutôt, autant du moins qve le
sflence des chroniqueurs permet de le eoii|ectiirer, le désir qu'avaient
les rois de France et d^Allemagne de trarailter es esfliman ii la réforaM
de l'Eglise, et de s'entendre pour résister aux entreprises du comte de
Flandre Baudouin W PfiSTW, op. cit., p. 219 et 3^).
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114 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
être, en outre, permit-il à Thierry de choisir un autre
comte épiscopal ; après ce qui s'était passé entre le nou-
veau prélat et le duc, ils ne pouvaient plus rester à Metz
en présence Tun de l'autre. L'évêque aurait alors confié la
dignité de comte à son beau-frère Gérard (1), d'une noble
famille alsacienne, qui, probablement, se rattachait par les
femmes à cette maison des Matfrid (2), dont quelques
membres avaient, durant le ix« et le x® siècles, rempli à
Metz les fonctions de comtes royaux (3).
La consécration de Thierry doit se placer en 1006, et
ava^t le 14 mai, attendu que, le 14 mai 1030, le prélat était
déjà entré dans la vingt cinquième année de son épisco-
pat(4). Nous trouvons Thierry avec son métropolitain et
les deux autres évoques de la première Belgique, Berthold
de Toul et Haymon de Verdun, au concile qui se tint à
Mayence, vers la fin de mai 1007, pour approuver la créa-
tion de révéché de Bamberg (5),
(1) Sur Gérard, comte de Metz, voir H. Witte, Genealogische Unter-
suchungen, etc.. abbé Châtelain, Le comté de Metz et la vouerie épis-
copale^ etc. (Jahrb. G. L. G., 5' année, 1893, t. Il, p. 52 etsuiv., 13" année,
1901, p. 295-296), Vanderkindere, H. F. T. P. B., t. II, p. 331, 334, 335,
407, 408, 423, 424, etc.
(2) La fille ou la petite-fille d'Adalbert, le dernier représentant de la
maison matfridlenne, et de Liutgarde, fille de Voiry (Wigeric), avait
peut-être épousé l'un des ancêtres de Gérard. Celui-ci aurait donc été
apparenté à la première maison ducale de Haute-Lorraine.
(3) Sur les Matfrid, voir notre Ro. L. C, pdssim.
(4) SiGEBERT DE Gembloux, V. Deodcrici i, c. 2-3 (SS., t. IV, p. 483).
La date d'un échange entre un certain Gondeland et l'abbé de Gorze
Immon est ainsi libellée :« Anno Incarnationis 1006, imperante Lotha-
ringis Heinrico anno quarto regni ejus, Mettensium civitate illustris-
simo presule Teoderico » {Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n» 122,
p. 221). Henri II ayant été couronné le 7 juin 1002, la quatrième année
de son règne se terminait le 6 juin 1006 ; l'acte ci-dessus mentionné
est donc antérieur à cette dernière date, si toutefois le moine de Gorze
qui a rédigé la pièce n'a pas commis d'erreur. Hirsch, qui fait mourir
en 1004 Adalbéron II {op. cit. y t. 1, p. 359), et qui admet la présence de
Thierry II de Metz au concile de Dortmund (ibid., p. 362), place la
consécration de l'usurpateur entre le 14 mai et le 7 juillet 1005.
(o) Concilium Trancfurtanwni {Mon, Germ., CC, t. I, p. 60). — Par
contre, Thierry n'assista pas au concile de Francfort, où l'on relève la
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ET SA PREMIERE MAISON DtJCALE ll8
Les sources ne nous apprennent pas si le duc Thierry
se trouvait à Mayence. Il est possible qu'il ait assisté à
Tentrovue qui réunit en 1006, sur les bords de la Meuse,
Henri II et Robert, et qu'il ait ensuite pris part aux expédi-
tions qu'Henri dirigea la même année contre Rodolphe III,
roi de Bourgogne, et Tannée suivante contre Baudouin IV,
comte de Flandre (1).
En 1008 se produisit un événement qui entraîna des
conséquences désastreuses pour la Haute-Lorraine; si les
diocèses de Trêves et de Metz eurent matériellement beau-
coup à souffrir, Tautorité et le prestige de Thierry I«r ne
furent pas moins atteints.
Au milieu de cette année, Liudolf, archevêque de Trêves,
vint à mourir (2) ; le clergé et le peuple de cette ville,
guidés plutôt par le désir d'être agréables à Henri II que
par l'intérêt bien entendu de l'Église, élurent pour évéque
Adalbéron, Irêre de la reine Cunégonde, et archichapelain
du métropolitain défunt. Contrairement à ce qu'avaient
supposé les gens de Trêves, ce choix ne satisfit nullement
le roi : nous ne serions pas surpris qu'Adalbéron eût
présence du métropolitain de Trêves ainsi que de deux de ses sufïra-
gants, les évèques de Toul et de Verdun iConc, Franc fur l,^ ibid.). Cf
HiRscH, t. I. p. 59, 62, etc.
(4) Consulter au sujet de cette entrevue et de ces guerres : Hirsch,
t. I, p. 375-408, t. II, p. 10-14, Pfister, R. L. P., p. 219-221, 363-364,
PouPARDiN, Le Royaume de Bourgogne, p. 120-121. Nous avons précé-
demment, p. 113, n. 1, dit quelques mots d'une hypothèse de M. Davillé
concernant l'entrevue de Robert et d'Henri.
(2) Liudolf était le successeur d'Egbert, mort en 993 [Ann. necrol.
Fuld., SS., t. XIII, p. 206), le Sou le 9 décembre {Necrol. s. Maximini
dans le Jahrb. d. Àltertumsfreunde im Rheinland, t. LVÏI, p. 118,
Necrol. Merseburgense, dans les Neue Mittheilungen, etc., t. XI, p. 246,
Necrol. Wizenburgense, dans Bôrmer, Fontes, Hc, t. IV, p. 314). Les
Ann. Colonienses et les Ann. Qu^dlinburgenses {SS., 1. 1, p. 99 et t. III,
p. 72) nous apprennent que Liudolf fut consacré en 994. Ce prélat mou-
rut le 7 avril {Necrol. s. Max., ibid., p. 112 ; le 6, d'après le Necrol.
Merseb., ibid., p. 232), 1008 {Ann. Hildesheimensea, p. 29, Hermann
DK Reichenau, Chron. et Ann. necrol. Fuld., SS., t. V, p. 119 et
t. XIII, p. 209).
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116 LES ORIGINES t)E LA HAUTE-LORRÀINE
induit les Trévirois en erreur sur les intentions du souve-
rain. Henri commençait à trouver la maison de Luxem-
bourg par trop entreprenante ; il redoutait qu'elle ne mtt
l'État en péril, si elle continuait à grandir. L'un de ses
beaux-frères, Henri, avait le duché de Bavière ; un autre,
Thierry, l'évêché de Metz. C'était assez de dignités et
d'honneurs dévolus aux membres d'une seule famille.
Aussi Henri allait-il déployer une fermeté à laquelle il
n'avait pas habitué jusqu'alors ses sujets ni ses vassaux.
Sourd aux prières de Cunégonde et de ses familiers, qui
l'exhortaient à sanctionner l'élection d'Adalbéron, Henri
octroya le siège de Trêves à Meingaud, clerc de noble
naissance, que l'archevêque Wiligis de Mayence avait
pris pour camérier (1). L'événement allait démontrer
combien étaient fondées les craintes du roi à l'égard de
ses beaux-frères. Bien loin en effet de se soumettre à la
décision du roi, Adalbéron se préparait à la résistance,
avec l'appui des Trévirois ; il fortifiait le palais épiscopal,
situé à l'intérieur de la ville, ainsi que le pont de la
Moselle (2). Voyant que l'usurpateur de Trêves osait le
braver, Henri réunit des troupes, bien résolu à employer
la force pour mettre Meingaud en possession de sa ville
métropolitaine. L'armée royale arriva, entre le 3 et le
12 septembre, au pied des murailles du palais archiépis-
copal, qu'elle investit durant seize semaines (3). D'après
(1) Thietmar, Chron.y 1. VI, c. 35, p. 154-155, Ann, Hildesheimenses,
1008, p. 29, Ann, Quedlinburgenses, Ann. Augustani, 1008, Hermann
DE Rbichenau, Chron., Gesta Treverorum, c. 30 (SS., t. III, p. 79, 124,
t. V, p. 119, t. VIII, p. 171-172). Cf HmsGH (Pabst), t. II, p. 200 et suiv.,
Lbsser, Erzbischof Poppo von Trier, p. 18 et suiv., Haugk, KG. />.,
t. III, p. 402.
(2) Thibtmar, ChroH.y I. VI, c. ^, p. 154-155, Gesta Treverorum,
c. 30 iSS,, t. VIII, p. 171-172); cf. Hirsch (Pabst), t. II, p. 202-203.
(3^ Ce sont les Ann. Quedlinhurgenses {SS., t. II!, p. 79) qui attri-
buent au siège une durée de seize semaines. Hirsch (Pabst), t. II,
p. 206 et 207, et Bresslau, Erlàuterungen zu den Diplomen Hein-
richs 11{N. i., t. XXII,p. 148 et n. 1), qui ont consacré des études très
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ET SA PHEMIËRK MAISON DUCALE 117
Hermann de Reichenau, Adalbéron aurait été secondé
dans la défense de la place par ses frères, Thierry, évoque
de Metz, Henri, duc de Bavière, Frédéric, comte d'Ar-
denne, ainsi que par le nouveau comte de Metz, Gérard,
son beau-frère (1). A vrai dire, nous n'oserions affirmer
que ces quatre personnages se soient immédiatement
déclarés en faveur d'Adalbéron. Il semble, en eSet,
qu'Henri, duc de Bavière, se trouvait dans le camp du roi;
toutefois, il travailla en faveur de son frère et des alliés
de celui ci. Au moment où Adalbéron et les siens, réduits
par la famine, étaient sur le point de capituler, le duc de
Bavière s'entremit comme médiateur. Les assiégés feigni-
rent de se soumettre au roi qui, trompé par leurs pro-
messes mensongères et parles assurances d'Henri, consen-
tit à se retirer ^2). Seulement, quand il s'aperçut qu'on
l'avait joué, il fit retomber le poids de sa colère sur Henri,
auquel il enleva le duché de Bavière pour crime de haute
trahison (3). Le duc destitué alla demander asile à son
frère Tévêque de Metz (4). L'appui donné par Thierry à
serrées à la question des dates initiale et finale du blocus de Trêves,
ont prouvé que les Gesla Treverorum (c. 30, SS., t. VIII, p. 171)
s'étaient trompés en donnant comme limites le deuxième dimanche
après la Pentecôte et le 1" septembre; en réalité le siège, commencé
au début de ce dernier mois, se prolongea jusqu'à la fin de novembre.
(1) Hbrmann de Rbighenau, Chron. {SS., t. V, p. 119}.
(2) Thietmar, Chron., 1. VI, c. 35, p. 155. Cf Hihsch (Pabst), t. II,
p. 204-205, GiESEBRECHT, G. D. K., t. II, p. 102-103, Richter et Kohl,
op. cit., p. 198-200.
(3)Thietmab, Chron.y 1. VI, c. 40, p. 158. Cf HiRsr:H (Pabst), t. II,
p. 212-213.
(4) Thibtmar, 1. VI, c. ol, p. 164. Un numismate tantaisist 3, Gariel,
dont nous avons plus d'une fois relevé les erreurs (Cf. Le Royaume de
lorraine sous les Carolingiens^ passim) trouvant au droit d'un denier
de Metz, dont le revers portait DEODERICO PRESUL, une légende à
demi effacé<^, crut pouvoir la lire : HI\RI REX HLOT ou, en complétant
les mots, HEINRICUS REX HLOTHARINGORUM [Vn roi de Lorraine
inédit dans V Annuaire de la Société française de numismatique, t.V,
1877, p. 440-449). Voulant avoir l'honneur de doter la Lotharingie d'un
nouveau souverain, Gariel attribua cette pièce non à Henri II, mais à
l'ex-duc de Bavière Henri, que son frère l'évéque Thierry II aurait
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Il8 LES ORIGINES DE LA ttAUTE-LORRAINE
ses deux frères Adalbéron et Henri irrita le roi, qui résolut
d'en tirer vengeance. Vers le milieu de Tannée 1009, il
réunit des troupes, à la tête desquelles il alla mettre le
siège devant Metz; commencé au début de Tété, Tinvestis-
sement se termina soit vers la tin du mois d'août, soit dans
le courant d'octobre (1).
Bien que n'étant attestée par aucune source, la présence
de Thierry aux sièges de Trêves et de Metz ne nous paraît
pas pouvoir être mise en doute. Trêves et Metz, ne l'ou-
blions pas, se trouvaient dans la Haute-Lorraine; très
certainement Henri II a convoqué le duc de la province, et
l'a requis d'amener son contingent militaire pour attaquer
les deux villes rebelles. Thierry a dû répondre à la convo-
cation royale avec d'autant plus d'empressement qu'il
voyait là une excellente occasion de se venger des Luxem-
bourgs, devenus ses ennemis personnels depuis l'usurpa-
tion par Thierry du siège de Metz (2). Nul plus que le duc
créé roi de Lorraine. Nous n'avons pas besoin de réfuter les divaga-
tions de Gariel : la besogne a déjà été faite par des numismates
autorisés. L. Quintard, qui a eu entre les mains d'autres exemplaires
de la même pièce, découverts en i8S6, a lu ainsi l'inscription : HEIN-
RICUS REX METT, et il a démontré que ces deniers avaient été frappés
dans l'atelier de Metz au nom du roi Henri II et de l'évêque Thierry II
{Description d'une trouvaille de monnaies messines des !• et I/* siè-
cles, dans le Journal S. A. I., 35' année, 1886, p. 231-232). Maxe-Werly,
qui a repris la question, a conclu dans le même sens que Quintard
{Considérations historiques et numismatiques au sujet de deniers
messins découverts à Thionville et de leur description par M. L.
Quintard, dans la Retue de numismatique, 3* série, t. VI, 1888, p. 160-
162).
(1) Les érudits contemporains ne s'entendent pas sur la durée qu'il
convient d'assigner au blocus de Metz. Hirsgh (Pabst), t. II, p. 281, et
Bresslau, Erlàuterungen zu den Diplomen Beinrichs II {N, À.,
t. XXII, p. 153-154), admettent bien tous deux qu'Henri investit Metz
au début de juillet; mais tandis que, suivant le premier (t. II, p. 284),
le roi n'aurait levé le siège qu'en octobre, pour se rendre à Strasbourg
(St. 1524 et 1525), le second {ibid., p. 153-154) place l'événement vers
la fin du mois d'août, un peu avant le séjour d'Henri à Ingelheim (St.
1506 et 1507 [diplômes attribués faussement par Stumpf à l'année 1009]).
(2) Digot, h. I., t. 1, p^ 214, estime que Thierry prit part au siège
de Metz. s
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 119
de Mosellane n'a dû souhaiter ardemment le succès des
campagnes dirigées par Henri II contre ses beaux-frères.
On ne trouve malheureusement pas dans les chroni-
queurs du xie siècle de détails sur le blocus de Metz.
Thietmar lui-même se contente de dire que les campa-
gnes voisines de la cité furent tellement ravagées par les
troupes royales que huit cents serfs, dépendant de Téglise
Saint Etienne, se virent contraints d'émigrer pour ne pas
mourir de faim (1). Henri ne fut pas plus heureux devant
Metz qu'il ne Tavait été devant Trêves Tannée précédente.
Découragé, il finit par lever le siège, soit dans les derniers
jours d'août, soit vers le milieu d'octobre (2).
Il semble qu'en 1010 il y ait eu comme une trêve ; du
moins les chroniqueurs ne parlent d'aucune expédition
militaire. En 1011, au début de juillet, le roi tint à Mayenct
une diète à laquelle assistèrent le duc Thierry, les évéques
Berthold etHaymon, l'ex duc de Bavière Henri, son frère
l'évoque de Metz et le comte palatin de Lorraine, Ezzon,
qui parait avoir été à cette époque l'allié des Luxem-
bourgs (3). Dans cette assemblée, l'on s'occupa du conflit
(1) Thietmar, Chron., 1. VI, c. 51, p. 164-165, Ann. Quedlinburgenses,
1009, Alpeut, De dicersitate temporum^ 1. I, c. 5, Constantin, V.
Adalberonis 11^ c. 27, Sigebkrt de Gembloux, Chronographia, 1009,
Gesta ep. Mett, c. 48, Miracula s. Pirmini HornhacenHa^ c. 12, Arm,
Altahenses majores, 1009 {SS., t. III, p. 80, t. IV, p. 704 et 668-669,
t. VI, p. 354, t. X, p. 543, t. XV, p. 33-34, l. XX, p. 790). Cf.DiGOT, H.L.,
t. I, p. 213-214, HiRSCH (Pabst), t. II, p. 281-284, Giesebrecht, G.D.K.,
t. II, p. 110, RicHTER et KoHL, op. cit., p. 200-201, Manitius, Deutsche
Geschichie unter den sàchsischfn und salischen Kaisern, p. 281.
(2) Tandis que Sigebert, Chron., 1009 (SS., t. VI, p. 354) parle de la
conclusion de la paix, les Ann. Quedlinburgenses (SS., t. III, p. 80)
déclarent que le roi revint en Saxe sans avoir traité. Le passage de
Thietmar (C/iron., 1. VI, c. 56, p. 167): où il est question des ennemis
soumis par la prudence et la valeur du roi, ne peut s'appliquer à
l'évéque de Metz. Les historiens modernes sont en désaccord, comme
les sources elles-mêmes : Hirsch, t. II, p. 283, et Giesebrecht, op. cit.,
t. II, p. 110 et 610-611, croient qu'Henri II accorda une trêve à ses
beaux -frères ; Pabst, au contraire iJahrb. B. 1}, t. II, p. 283, n. 2),
est plutôt disposé à soutenir l'opinion contraire, en s'appuyant sur les
Ann. Quedlinburgenses.
(3) Thietmar, Chron., 1. VI, c. 52, p. 165, Brunwilarensis monasterii
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120 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LOHRAINE
qui s'était élevé entre le souverain et trois de ses beaux-
frères, et Ton chercha les moyens d'y mettre fin. Les
efiorts tentés dans ce sens n'eurent aucun succès, Henri II
ayant refusé de souscrire aux clauses de l'arrangement
qu'avaient proposé les Luxembourgs ; ceux-ci n'obtinrent
qu'une trêve, mais non la paix définitive qu'ils souhai-
taient. Mécontents de leur échec, ils s'en vengèrent sur le
duc Thierry et sur les évoques lorrains, qu'ils soupçon-
naient peut être d'avoir indisposé le roi contre eux. Alors
que le duc de Mosellane, les évéques Berthold et Haymon
regagnaient sans défiance leur pays, ils tombèrent près
d'Odernheim (1), entre Oppenheim et Alzey, dans une
embuscade que leur avaient tendue l'ex-duc de Bavière,
son frère Thierry et le comte Ezzon. Cet acte de violence
et de perfidie n'eut qu'un succès partiel; les évéques de
Toul et de Verdun réussirent à prendre la fuite, mais le
duc Thierry, grièvement blessé, tomba entre les mains de
ses agresseurs. Beaucoup de soldats périrent en outre dans
le combat. En raison des liens de parenté qui unissaient
le duc à ses vainqueurs et de l'ancienne amitié qui avait
existé entre eux et lui, il fut épargné (2). Mais on le garda
fundatorvm actus, c. 11 (SS., t. XIV,p. 131-132). Nous savons par nn
diplôme d'Henri II pour l'église de Bamberg que le roi se trouvait à
Mayence le 2 juillet 1011 (St. looO, H.» 234, DD. Sax,, t. III, p. 270).
Sur Ezzon, consulter Usinger {Jahrb. H. Il, t. I, p. 447-454), Schmitz,
Die Geschichte der lothringischen Pfalzgrafen^ p. 11-24, cf p. 67-70.
(1) Il existe deux villages de ce nom, l'un en Bavière (Palatinat
rhénan, cercle de Kirchheimbolanden\ l'autre dans le Grand-Duché de
Hesse iHesse rhénane, cercle d'Alzey) ; c'est évidemment de ce dernier
qu'il s'agit.
(2) Thîf.tmar, Chr&n., 1. VI, c. 52, p. 165, Ann. Quedlinburgenses, 1011,
Hermann de Reichenau, Chron., 1011, Chron. suevicum universale,
1011, Brunwilarensis monasterii fundatorum actus^ c. 14, Ànn.
Altahenses majores, 1011 (SS., t. III, p. 80, t. V, p. 119, t. XIII, p. 70,
t. XiV, p. 131-132, t. XX, p. 790). Sur ces événements, consulter Usin-
GER (Jahrb. H. II, t. I, p. 452), Hirsch (Pabst), ibid., t. II, p. 310-311,
GiRSEBRECHT, op. cU., t. II, p. 113-114 et 611. Pour tous ces auteurs,
le récit des Brunw. mon. fund. actus est en partie légendaire, mais U
en ressort quand même qu'Ëzzon était l'allié de l'évoque de Metz et
de son frère Henri.
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ET 8A PREMIÈRE MAISON DUCALE it\
prisonnier et on le conduisit à Metz, où sa présence est
signalée le 13 janvier 1012 par un acte d'échange conclu
par l'abbaye de Saint-Arnoul avec celle de Sainte-Glos-
sinde(l\ D'après Thietmar, Thierry aurait été longtemps
retenu en captivité ; enfln^ lorsqu'il eut donné des otages
et promis sans doute une rançon, dont nous ignorons la
nature et le montant, il lut remis en liberté. Cet arrange-
ment, ajoute l'évéque-chroniqueur, ne fit aucun tort au
duc dans l'esprit du roi (2). On le comprend sans peine.
Il fallait bien que Thierry cherchât seul à se tirer d'affaire,
puisque son souverain n'avait rien tenté ou rien pu pour
lui. Rien ne montre mieux que cet épisode combien le
pouvoir royal avait perdu de terrain depuis Otton !«'.
Jamais, sous le règne de ce dernier prince, au moins dans
les dernières années, des grands et des évêques n'auraient
osé tendre une embuscade à des collègues ; et, à supposer
qu'un pareil attentat eût été commis, Otton n'aurait pas
tardé à infliger aux coupables un châtiment exemplaire.
Nous n'oserions prétendre que le duc était déjà relâché
quand, au mois de juin ou de juillet 1012^ le roi vint
attaquer Metz pour la seconde fois (3). Si nous savons par
les Gesta episeoporum Cameracensium que Gérard, évoque
(i) Voir cette charte aux pièces justificatives.
(2) Thietmar, Chron., 1. VI, c. 152, p. 65. Cf. Hmscu (Pabst), t. Il,
p. 310, RiCHTER f t KOHL. Op. Cit., p. 200.
(3) Thietmah, Chron., 1. VII, c. 16, p. 176, cf I. VII, c. 21, p. 188,
Ann. AUahenses majores, 1012 (SS., t. XX, p. 790). L'époque du
deuxième siège de Metz par Henri II peut être approximativement
fixée ; nous devons la placer entre le séjour fait par le roi à Merte-
bourg lel*' juin (Thietmar, Chron., 1. VII, c. 1, p. 169), et son passage
à Niderstein (Grand-Duché de Hesse, Hesse rhénane, cercle d'Oppen-
heim) le 18 août (St. 1539, H." 247, DD. Sax., t. III, p. 284). — Un
peu auparavant, lors d'un concile tenu à Bamberg en mai 1012,
Henri II avait fait une violente sortie contre Thierry, son beau-frère,
parce que celui-ci s'était plaint auprès du pape Sergius IV (Thietmar,
Chron., h VI, c. 60, p. 169) de la conduite du roi à son égard. Cf.
HiRscH (Pabst), t. II, p. 324-325. Thietmar ne dit pas expressément
que l'évèque de Metz assâstât au concile de Bamt>erg ; Henri II a fort
bien pu le prendre ô partie, sans qu'il fût présent.
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122 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
de Cambrai, prit part à ce nouveau siège (1), par contre,
aucune chronique ne mentionne la présence de notre duc.
Henri II n'obtint pas plus de succès que la première
fois (2). Comprenant qu'il ne pourrait par la force réduire
son beau-frère, le roi résolut de recourir à d'autres armes.
Sur son ordre, un concile se réunit à Coblenz le 11 no-
vembre 1012, pour juger l'évoque de Metz, ainsi que les
autres seigneurs rebelles. Les évoques, au nombre des-
quels nous trouvons Gérard de Cambrai et Baudry de
Liège, interdirent à Thierry de Metz de célébrer la messe,
tant qu'il n'aurait pas fait sa soumission au roi (3). Mais,
nous ignorons ce que décidèrent les prélats à l'égard de
Tex-duc de Bavière et des autres grands laïcs révoltés.
Pendant la tenue du concile, ou un peu après, les frères
de Cunégonde et leurs complices firent une démarche
auprès d'Henri II ; leurs envoyés sollicitèrent pour eux la
paix et le pardon. Le roi ne voulut pas leur donner satis-
faction. Pourtant, sur le conseil de son entourage, il
consentit à recevoir les coupables à Mayence. Seulement,
tandis qu'une partie des rebelles se rendit à l'entrevue,
d'autres s'abstinrent de venir; en fin de compte^ la paix
générale ne fut pas encore conclue (4). Toutefois, il semble
que l'évêque de Metz, renonçant à prolonger la résistance,
se soit alors réconcilié avec son beau-frère, dont il recou-
vra môme les bonnes grâces. L'année suivante, en eflet,
nous le trouvons, avec sa sœur Cunégonde, intercesseur
(1) Gesta ep. Camer., 1. ÏII, c. 5 (S5., t. VII, p. 468). Cf. Hirsch
(Pabst), t. II, p. 335, n. 3, Pfister, R. L, P., p. 364.
(2) Tandis que Hirsch (Pabst), t. II, p. 3^, n. 3, croit qu'Henri II
subit devant Metz un éciiec, Giesebrecht, G. />. A'., t. II, p. 115 et 612,
soutient que la ville fut prise. Des deux opinions, c'est la première qui
nous parait la plus vraisemblable.
(3) Thietmar, Chron.y 1. VII, c. 28, p. 184, Ànn. Quedlinburgenses
1012, Gesta ep. Camer,, 1. III, c. 5 {SS., t. lil, p. 81, t. VII, p. 468). Cf.
HiRSGH (Pabst), t. II, p. 343.
(4) Ann. Quedlinburgenses, 1012 (SS., t. III, p. 81). Cf. Hirsch (Pabst),
t. II, p. 343, et GiES£BRECHT, G. 0, K„ t. II, p. 116.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 123
dans un diplôme dépourvu de date, il est vrai, mais que
des érudits tels que Pabst, Stumpf, Wilmans et Bressiau
esthneot avoir été rendu à Grona, en Saxe, le 24 avril
1013(1).
La Basse-Lorraine n'avait guère été moins troublée que
la Mosellane. Le nouveau duc de la province, Godefroy,
fils de Godefroy le Captif, et cousin de Thierry, eut à sou-
tenir de longues luttes contre la remuante famille des
Régnier, alors représentée par deux frères, Régnier IV et
Lambert, le premier, comte de Hainaut, le second, de
Louvain. Nous voyons également intervenir dans ces
conflits le turbulent comte Gérard, le beau-frère des
Luxembourgs, qui fit cause commune avec Régnier IV et
Lambert (2). Quant au duc de Haute-Lorraine, nous ne
voyons pas qu'il soit allé porter secours à son cousin et
collègue.
La ville de Trêves, dont Henri II n'avait pu s'emparer,
demeura pendant plusieurs années au pouvoir de l'usur-
pateur Adalbéron. Meingaud, l'archevêque nommé parle
roi, ne pouvant s'installer à Trêves, capitale de son archi-
diocèse, dut prendre Coblenz pour résidence. C'est là qu'il
mourut le 24 décembre 1015 (3). La disparition de Mein-
(1) Pabst, Jahrb. B. Il, t. II, p. 343, n. 3, p. 394, d. 1, Stumpf, Die
Kaiserurkunden, etc., n" 1582, p. 129, Giesebrecht, G. D, K,^ t. II,
p. 116 et 612, Wilmans, Kaiser urkunden der Provinz Westphalien,
t. II, n« 136, p. 158, Bresslau, dans les DD. Sax., t. III, n« 265, p. 314,
HiRscH, qui rejette en 1016 le diplôme non daté d'Henri II (t. II, p. 394,
n. 1), n'admet pas que l'évèque de Metz se soit réconcilié avec le roi
dès 1012 (t. II, p. 343). Tout en adoptant, comme nous venons de le
dire, l'année 1013 pour l'acte, objet du débat, Pabst (op. cit., t. II,
p. 394, n. 1 [Cf. Bresslau, ibid., t. III, p. o3|) et Giesebrecht (op. cit.,
t. II, p. 137 et 615j croient que la réconciliation d'Henri avec ses beaux-
frères eut lieu seulement en 1017 ; il en est de même de Manitius, op.
cit., p. 285.
(2) Sur ces événements, on consultera les Jahrb. H. 11, t. II, p. 340
etsuiv., t. III, p. 26, 62 et suiv., 9^ et suiv.; cf. Vanderkindere, H. F,
T. P. B., t. Il, p. 29.
(3) Thietmar, Chron., 1. VIII, c. 26, p. 208-209, Ann.Bildesheimenses,
1017, p. 32, Ann, Quedlinhurgense», 1015, Lambert de Hersfeld, inn.i
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124 LES ORIGINES DE LA HAUTË-LORHAL\E
gaud n'avança pas les affaires d'Adalbéron, bien au
contraire. Henri II nomma, pour remplacer Meingaud,
Poppon, administrateur du diocèse de Bamberg, et fils du
margrave Liutpold (1). Le nouveau métropolitain, homme
énergique, disposant de ressources et de moyens matériels
qui avaient manqué à son prédécesseur, était un redou-
table adversaire, contre lequel Adalbéron ne se sentit pas
de taille à prolonger la lutte. Comprenant que l'heure de
la soumission avait sonné, l'usurpateur du siège de
Trêves alla trouver Poppon, lui remît ensuite le palais ei
le château, dont il était jusqu'alors resté maître, et se
retira dans l'abbaye Saint-Paulin de Trêves, où il termina
paisiblement son existence (2).
Les troubles qui depuis si longtemps agitaient la Haute-
Lorraine avaient donc pris fin. Le prestige aussi bien que
la puissance matérielle de Thierry en avaient également
souflert. Par malheur, la soumission de Thierry de Metz
et celle de son frère Adalbéron ne devaient pas faire rega-
gner au duc le terrain perdu. Thierry ne recouvra pas le
comté de Metz, et dans Tarchidiocèse de Trêves le nou-
veau métropolitain allait fortifier l'autorité qu'avaient
possédée ses prédécesseurs; le pouvoir ducal ne pouvait
qu'en être diminué.
En 1018, l'empereur dirigea une nouvelle expédition
4017, Ann. Àugvstani, iOi^y Gesta Treverorum, c. 30 et 31, Addimen-
tum et Continnatlo 111% Afin, rtecrol. Fuldenses, 1015 (SS., t. III, p. 84,
95, 124, t. VIII, p. 172-175, t. XIII, p. 210), Necrol. s. Max. {Ja/irb.des
Vefeim der Aller tuinsfreunde im Rheinland, t. LVIÏ, p. 112). Cf.
HirsCh (Bresslau), t. III, p. 27, et Hauck, KG. Z>., t. III, p. 998.
(1) Les sources se trouvent indiquées à la note précédente. Cf. HiBscn
(Bresslau), t. III, p. 28-33, Lesser, Erzbischof Poppo von Trier,
p. 21-^.
(2) GestaTreverorum, c.30(SS.,t. VIII, p. 172). Voir Hirsch (Bresslau),
t. m, p. 28-29, et Lesser, op, cit., p. 24. —D'après Thietmar, Chron.^
1. vin, c. 19, p. 209, Thierry, évêque de Metz, aurait, mais en vain,
revendiqué pour lui l'honneur de consacrer son nouveau métropoli-
tain ; cf. Hirsch (Bresslau), t. Ill, p. 28, et Lksser, p. 23.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE ISS
contre son oûcle maternel Rodolphe III, roi de Bourgogne,
infidèle à ses engagements. Nous savons cette fois que
Thierry de Haute - Lorraine accompagna le souverain.
Henri II passa par Bâle et parvint jusqu'au Rhône ; tou-
tefois, n'ayant pas obtenu les résultats sur lesquels il
comptait, il rebroussa chemin et revint à Zurich (1). Le
duc de Mosellane ne Ty suivit probablement pas ; après
avoir été congédié par l'empereur, qui n'avait plus besoin
de ses services, Thierry reprit la route de la Lorraine.
Un seigneur bourguignon, nommé Etienne (2), ennemi
d'Henri II et de Thierry, tendit à celui-ci un guet-apens
dans une région déserte. Malgré l'imprévu de l'attaque,
Thierry opposa une si vigoureuse résistance que la vic-
toire lui resta tout d'abord. Par malheur, ses soldats se
dispersèrent pour piller, et l'ennemi, revenant à la charge,
les mit en déroute. Le duc et quelques-uns des siens par-
vinrent, non sans peine, à s'échapper. Henri II, nous dit
Thietmar, fut très affligé de ce revers, quand il en eut
connaissance, car il tenait le duc pour l'un de ses plus
fidèles chevaliers (3).
Est-ce à la même période qu'appartient la lutte que le
duc de Mosellane eut à soutenir contre Voiry, comte de
Clefmont, et son frère Aimery, archidiacre de Langres,
lutte dont nous avons déjà parlé et qui se termina par la
victoire de Thierry (4) ? Nous n'avons aucun indice qui
nous permette de fixer la date de cet événement.
(1) Thietmar, Chron,, 1. IX, c. 34, p. 258-259; cf. HmscH (Brbsslau),
t. III, p. 81, GiESEBRECHT, G.D, K.,i. II, p. 146, PoupARDiN, Lc Toyaume
de Bourgogne, p. 134-135.
(2) Nous ne savons absolument rien d'Etienne. Le royaume deBour-
gagne, de M. Poupardin, ne nous a pas appris quel était ce personnage.
Nous serions tenté de croire que l'attaque dont Thierry fut la victime
se produisit lorsqu'il traversait le Jura.
(3) Thietmar, ibid.
{4) Se reporter à la p. 290 du prito. vol. iiém. S, A. L, Aux auteurs
que nous avons cités (même p., n. 5) ajouter Sumonnet, Kisai 8ii>r
l'histoire et la généalogie des sires de Joinville, p. 10-11.
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126 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
§ III. - Thierry et Frédéric II (1017-1027 |?1)
Dans les dernières années de sa vie, Thierry allait avoir
pour associé Taîné de ses fils, appelé Frédéric comme son
grand-père. Nous ne pouvons mettre en doute ce fait,
qu'attestent des documents de nature différente. Voici
d'abord une charte de Berthold, évêque de Toul, qui a été
rendue en 1019 sous le duc Thierry et son fils Frédéric (1).
En second lieu, le comte Foulque Nerra (2) et le chroni-
queur Wipon (3) donnent à Frédéric le titre de duc, alors
que Thierry I^r vivait encore.On a des deniers d'Andernach
représentant deux personnages affrontés dans lesquels on
doit reconnaître Thierry et Frédéric (4). Enfin, le rôle
considérable joué en 1024-1025 par Frédéric est une nou-
velle preuve de l'autorité qu'il exerçait dans la province.
Nous ignorons d'ailleurs à quelle époque et pour quels
motifs Frédéric fut associé à son père. Le duc Thierry,
on s'en souvient, avait été pris en 1011 parlesLuxem-
bourgs et retenu captif assez longtemps; Henri II n'au-
rait-il pas confié par intérim le gouvernement de la
Mosellane à Frédéric ? Mais une autre hypothèse se pré-
sentée l'esprit. Les rois, à cette époque, prenaient volon-
tiers, aussi bien en Allemagne qu'en France, la précaution
de s'associer de leur vivant leur fils aînéavec l'assentiment
des grands de leurs États (5). Thierry l^^ n'aurait-il pas
agi de même, avec cette différence toutefois qu'il aurait
dû, en premier lieu, obtenir l'agrément de son souverain,
(1) (» Duce Deoderico et Friderico filio ejus » {Gai. Christ., t. XIII,
col. 463).
(2) Rec. H. Fr., t. X, p. 500.
(3) Wipon, Gesta Chuonradi imperatoris, c. 2, p. 15.
(4) Voir le préc. vol. Mém. S. A. X., p. 420.
(5) Consulter pour l'Allemagne Waitz, D. VG., t. VI, p. 173-176, pour
la France Luchaire, Manuel des institutions françaises, p. 465-466,
Flach, les Origines de l'ancienne France, t. III, p. 389-4(fô.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 127
c'est-à-dire d'Henri II (i) ? Vingt ans plus tard, Godefroy
le Barbu fut, lui aussi, associé à son père Gozelon dans le
gouvernement de la Mosellane (2).
Comme Frédéric est déjà qualifié de duc en 1019, nous
ne croyons pas pouvoir Tidentifier avec un comte Frédéric,
qui, en avril 1020, se trouvait au concile de Bamberg, et
qui souscrivit alors le diplôme par lequel Henri II
confirma au pape Benoît VIII les domaines et les privilèges
que ses prédécesseurs avaient octroyés à l'église romaine.
Mais le duc Thierry était venu à Bamberg, comme le
prouve sa souscription placée au bas de l'acte précédent,
après celles de Godefroy de Basse- Lorraine et de Bernard
de Saxe (3).
Tandis que nous ignorons tout du physique de nos deux
premiersducs, nous savons par Donizoque Frédéric II était
roux (4). Au moral, Frédéric parait avoir été sinon plus
actif, du moins plus ambitieux et d'humeur plus indé-
pendante que son père et que son grand-père ; Frédéric I®'
et Thierry s'étaient toujours effacés, et n'avaient cessé de
servir fidèlement les princes de la maison de Saxe. Nous
verrons Frédéric II essayer, ce qui d'ailleurs était son droit,
de faire donner à son beau-fils Conrad le Jeune la cou-
ronne d'Allemagne. La tentative échoua. Mais, non content
de se refuser à reconnaître Conrad II, Frédéric, à l'exemple
de nombreux seigneurs, poussera l'oubli de ses devoirs
vassaliques jusqu'à réclamer contre son suzerain l'appui
de princes étrangers, tels que les rois de France et de
Pologne.
(1) Les seigneurs et les prélats de la Mosellane furent-ils en outre
consultés ? La chose est possible, mais nous n'oserions nous montrer
alfirmatif à cet égard.
(2) Voir DupRÉEL, Histoire critique de Godefroid le Barbu, p. 9-15.
(3) Mon. Germ., CC, t. I, p. 69-70; cf. HmscH (Bresslau)» t. 111,
p. 162 et n. 5.
(4) (( Primitus hune (Boniface) noscit quantum sit <jallia fortis, Cum
natam rutili ducis ezpetiit Frédéric! » (Donizo, Vita Mathildis, 1. I
V. 797-798, SS., t. XU, p. 367).
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128 LES ORIGINES DE LA HAUTELORRÀINË
Frédéric devait être Tauxiliaire, le bras droit de son
père, dans la lutte que celui ci soutenait depuis quelques
années déjà contre Eudes II, comte de Blois et de Chartres,
plus tard de Meaux et de Troyes. Ni les causes du conflit
qui mit aux prises Eudes et Thierry, ni l'époque à laquelle
il commença, ni les péripéties qui en marquèrent les
phases ne sont indiquées par les chroniqueurs; toutefois,
on peut, dans une certaine mesure, deviner l'origine de
ces longs démêlés. Nous avons vu plus haut que le père et
l'oncle d'Eudes II, les comtes Eudes I»» et Herbert, après
avoir aidé Lothaire à s'emparer de Verdun, avaient obligé
le comte Godefroy, devenu leur prisonnier, à racheter sa
liberté moyennant la cession de quelques villages appar-
tenant à l'église de Verdun et l'autorisation d'élever des
forteresses sur le territoire de ces localités (1). D'autres
seigneurs lorrains n'avaient probablement été relâchés
qu'à des conditions analogues, et c'est alors sans doute
que l'un d'eux, celui de Commercy, dut se reconnaître le
vassal d'Eudes ou d'Herbert (2j. Les deux comtes français
avaient donc, dès la fin du x» siècle, pris pied dans la
Haute-Lorraine. Lorsqu'Étienne, fils d'Herbert, mourut (3),
son cousin et héritier Eudes II, fils d'Eudes l^', joignit à
ce qu'il tenait de son père dans la Mosellane ce qu'y
avaient possédé Herbert et Etienne.
Eudes et Thierry étaient donc voisins; de là à être
ennemis il n'y avait qu'un pas, qui se trouva bientôt
franchi. Quel fut T'agresseur, nous ne savons. D'après les
Gesta episcoporum Cameracensium, Thierry reprochait au
comte de Blois d'avoir, sans aucun droit, élevé des châ-
teaux sur des terres qui appartenaient au duc (4). Mais,
(1)P. 93etn. a
(2) p. 93 et n. 4.
(3) L'événement est postérieur au 1" juin 1019. M. Pfistcr le place
«a t023 iR, L,P., p, 234, n. 1 et p. 839), M. Lot, vers nm (Etudes $ur
le règne de Bu^ues C^pet^ p. 4Q&, et FidèU$ <m v^a^aux, p. 163 ^
(4) Gesta ep, Camer., 1. III, c. 38 {SS., t. Vif, p. 481,.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 129
par coatre, des chroniques rédigées en Anjou (1) attribuent
à Eudes une attitude simplement défensive. Ainsi, d'après
les Gesta consulum Andegavorum^ Foulque Nerra, comte
d'Anjou, profita d'une attaque du duc de Lorraine contre
Eudes pour s'emparer de Saumur (2). Les Gesta Ambazien-
Hum dominorum prétendent qu'Eudes était souvent obligé
de s'éloigner de Tours et de Blois, pour aller repousser Je
comte de Toul, Frédéric, et les Allemands que ce même
Frédéric amenait sur les terres du comte de Troyes (3). Un
peu plus loin, nous lisons dans cette chronique : a A la
nouvelle que les Allemands se trouvaient en Lorraine et
avaient envahi ses domaines, Eudes revint à Blois par
Tours et la Roche-Corbon (4). » Enfin, toujours à en
croire les mêmes Gesta, Eudes, après le combat de
Pontlevoy, revint rapidement dans la Champagne, que les
ennemis avaient attaquée (5): ces agresseurs ne seraient-ils
pas les Lorrains ?
Pourtant, les Gesta consulum Andegaioorum (6) et Raoul
le Glabre (7) rappellent à l'occasion de l'invasion du fa>gus
TuUensis, et de la prise de Bar par Eudes II en 1037, que le
comte de Blois et de Troyes avait à plusieurs reprises déjà
(1) Ces chroniques ne sont d'ailleurs pas favorables au comte de
Blois, qui avait été le grand ennemi des princes angevins.
(â) (( Sequenti anno, cum Odo Campanlensis a dqce Lothoringiie im-
pugnaretur, vir prudens et modestus Fulco, etc. u {Gesta consulum
Àndagavorum dans les Chroniques des comtes d'Anjou, p. 108).
(3) « Odo vero comes in Lotharin^ia cum Alemannis, qui sibi infesti
erant, et cum Frederico TuUensi consule, qui eos in terram pra^cti
comitis adducebat, saepe pugnans, diu his impeditus a Turonla et
Blesis aberat » (Gesta Ambaziensium dominorum, dans les Chroniques
des comtes d'Anjou, p. 164).
(4) f Odo, audito nuncio Alemannos in U)tharing|a esse terramque
suam invasisse, per urben Turonicam et Rupes Corbonis Blesis rediit »
{Gesta A, d., ibid., p. 166).
(5) a Postea Odo in Campaniam, quam inimici sui pernimium im*
pugnabant, cito rediit w (Gesta A. d.,ibid^ p. 467).
(6) Chroniques des comtes à* Anjou, p. 114.
{!) Bistoriœ, 1. III, c. 9, par. 38, p. 86 ; of. VomT, Ftto «. Ger»rdt,
c. 5 {SS., t. IV, p. 505).
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130 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
ravagé la province. Le témoignage des deux auteurs fran-
çais est confirmé par celui du clergé et du peuple de Toul :
une lettre qu'ils écrivirent à Conrad II en 1026 rappelle
« qu'ils sont assaillis de tous côtés, en butte à des agres-
sions et à des pillages presque quotidiens. C'est, disent-ils,
une conséquence de leur situation aux confins de trois
royaumes, à la frontière de l'État auquel ils appartiennent ;
les ennemis s'acharnent sur eux avec d'autant plus d'âpreté
qu'une vaste étendue de territoire les sépare de la personne
du souverain » (1). Les Toulois ne nomment pas le comte
de Troyes, mais il est permis de croire qu'ils pensaient à
lui, quand ils se plaignaient à Conrad II des attaques aux-
quelles ils se voyaient exposés.
A quelle époque le conflit avait il commencé ? Quelles
en furent les péripéties ? Ce ne sont pas les sources
angevines déjà mentionnées qui nous fournissent une
réponse précise. Elles commettent en eflet de grossières
erreurs chronologiques (2), qui ne permettent guèred'avoir
confiance dans les dates qu'elles donnent, même quand
rien ne vient infirmer leur témoignage. Ainsi les Gesta
(1) VuiBERT, Vita s. Leonis II, 1. I, c. 9 (Watterich, Pontificum
romanorum vitce, t. I, p 137).
Les historiens contemporains dififèrent d'avis sur les causes de la
guerre entre Eudes et les ducs de Mosellane. Pour GtESEBRECUT, G.D.K.,
t. II, p. 197, ce sont les afiaires de Bourgogne qui amenèrent la brouille ;
suivant Uirsch (Bresslau), Jahrb B. Il, t. III, p. 265, et Landsberger,
Graf Odo von der Champagne, p. 34, c'est la construction par le comte
de Blois de châteaux sur les domaines de Thierry; Pfister, i?. L. P.,
p. 239, suppose que Robert s'était allié avec le duc de Mosellane dans le
but d'enlever à Eudes les comtés de Meaux et de Troyes ; ainsi menacé,
le comte de Blois aurait alors élevé les forteresses dont parlent les Gesta
ep. Camer. Ni d'arbois de Jubainville, H. D. C. C, t. I, p. 251, ni Lex,
Eudes II, etc.. {Mém. soc, ac. Aube, t. LV, p. 221) ne s'expliquent sur
les causes de la lutte.
(2) Halphen {Etudes sur les chroniques des comtés d'Anjou et des
seigneurs d'Amboise. p. 29-31, 34-35, 40-42) a mis en lumière l'inexac-
titude ou le caractère légendaire des renseignements que les divers
rédacteurs des Gesta consulum Andegavorum avaient tirés des sources
par eux consultées, et plus loin (p. 61), il -a relevé quelques-unes des
erreurs chronologiques des Gésta Àmbazieitsium dominorun.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCÂLE 131
consulum Andegawrum, qui croient que la prise de Saumur
par Foulque Nerra est contemporaine d'une absence
d'Eudes, retenu au loin par une attaque du duc de Lorraine,
placent l'événement en Tannée qui suivit la bataille de
Pontlevoy (1) : or, cette bataille est de 1016 (2), mais c'est
en 1026 seulement que Saumur tomba au pouvoir du comte
d'Anjou (3). Quant aux Gesta Ambaziensium dominorum, ils
parlent d'une première attaque de Frédéric et des Allemands
contre le comte de Blois et de Troyes avant de raconter la
bataille de Pontlevoy (4) ; puis on y trouve, à la suite du
récit de cette bataille, la mention d'une nouvelle agression
dont la Champagne aurait été l'objet (5). Seulement, les
Gesta Ambaziendumdominorum font précéder l'engagement
de Pontlevoy (1016) de la prise de Saumur par Foulque (6),
alors que ce dernier événement est postérieur de dix ans
au premier. Pourtant, nous croyons pouvoir conclure des
renseignements contenus dans les chroniques angevines
qu'Eudes était déjà en guerre avec les ducs de Mosellane
à l'époque du combat de Pontlevoy. C'est donc un peu avant
cette bataille, en lOlo ou en 1016, à ce qu'il semble, que
les hostilités auraient commencé (7).
(1) Chroniques des comtes d'Anjou^ p. 108. Lex, Eudes 11^ comte
de Blois^ etc. [Mémoires de la Société académique de l'Aube^ t. LV,
p. ^1), et Halphen, Le comté d'Anjou au xi'= siècle, p. 37, n. 2, admet-
tent que les Gesta c. A. ont pu placer par erreur en 1017 une
campagne d'Eudes en Lorraine.
(2) Halphen, Le comté d'Anjou au xi'^ siècle, p. 33 et n. 3.
(3) Halphen, op. cit., p. 41 et n. 2.
(4) Se reporter à la n. 4 de la p. 129.
(o) Voir plus haut, p. 129, n. 5-
(6) Chroniques des comtes d* Anjou, p. 165.
(7) Pour la plupart des historiens contemporains (d'Arbois de Jlbain-
viLLE, op. cit., t. I, p. 251, Hirsch [Bresslau], op. cit., t. III, p. 26o,
Landsberger, op. cit., p. 34, Pfister, op. cit., p. 239, Lex, Eudes IL
[Mém. etc., p. 221]), la guerre d'Eudes avec les ducs de Mosellane serait
postérieure à la mort d'Etienne, comte de Troyes; elle se placerait ainsi
entre 1019 et 1023. Eudes, une fois comte de Troyes, serait devenu le
voisin — et l'adversaire — de Thierry. Seulement, ces auteurs perdent
9
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132 LES OKIGINËS DE LA HAUTE-LOUHÂiNE
On a pu remarquer prée<^demment que les Gesta Anéa-
ziemium dominorum donnent pour adversaire à Eudes 11
un comte de Toul appelé Frédéric (1). Or, le premier comte
épiscopal du nom de Frédéric que l'on trouve à Toul vivait
au milieu du xi^ siècle (2). Le titulaire de cette dignité au
temps d'Eudes et de Thierry s'appelait Rambaud (3). Les
Gesta A. d. se sont donc trompés: si, comme aous le croyons,
Terreur qu'ils ont commise porte sur la qualité de l'adver-
saire du cx)mte de Blois et de Troyes, si le nom du person-
nage a été exactement rapporté, c'est bien du fils de
de vue qu'avant d'hériter du ïroiésin Eudes avait déjà des terres et
des châteaux dans la Haute-Lorraine. Il est possible aussi, comme nous
allons le voir, que Thierry et Frédéric II aient été les alliés de Foulque
Nerra, et que leurs attaques contre les possessions du comte de Blois
aient eu le caractère d'une diversion destinée à faciliter les opérations
militaires du comte d'Anjou.
(4) Se reporter îi la n. 3 de la p. 129
(2) On le trouve mentionné pour la première fois dans une charte
d'Udon, évoque de Toul, pour l'abbaye de Bleurvillc, du 16 septembre
103-2 (Calmet^ h. E. C. I., 1" éd., t. I, pr., col. 444, 2* éd., t. II, pr.,
col. GCGVIII). A cette date, il avait perdu, en punition des fautes de
sa femme, la dignité de comte épiscopal, qu'il avait héritée de son
beau-père Renard 111 (?) ; Frédéric ne l'avait d'ailleurs gardée que très
peu de temps. D'une part, en effet, nous savons par une bulle de saint
Léon IX pour Bleurviile (J. L. 4243, Calmet, i« éd., t. I, pr., col. 427,
2* éd., t. II, pr., col. CCLXXXIV) que Renard était encore comte
de Toul le 6 décembre 1050 ; et, d'autre part, dans la charte qu'il
accorda le 16 septembre 1052 à Bleurviile, Udon nous apprend que ce fut
son prédécesseur Brunon (saint Léon IX) qui dépouilla Frédéric de sa
dignité ; or Brunon abandonna vers le milieu de 1051 l'évôché de Toul à
Udon, qui fut consacré le 18 août de cette même année (Hauck, KG.D.^
t. m, p. 1000). C'est donc seulement durant les premiers mois de 1051
que Frédéric a été comte de Toul pour la première fois.
(3) Nous voyons en effet un comte de Toul dans le comte Rambaud
qui soitscrivit en tête des seigneurs laïcs la charte de l'évoque Berthold
dA l'année 1019 {GaL Christ, t. XIII, col 462). On trouve ce môme
Rambaud mentionné parmi les grands qui souscrivent une charte de
Berthold pour Saint- Bénigne de Dijon, du 11 juin 1005 (?) [Pérard,
Recueil de plusieurs pièces curieuses servant à l'kisloire de Bourgo-
gne, p. 169]. Rappelons enfin que, dans la charte de 1069 où il détermine
les droits du comte de Toul, l'évèque Udon rappelle les anciens comtes
de sa ville épiscopale, et nomme parmi eux Rambaud avant Renard
l'Ancien (Calmet, H. B, C, Z., 1" éd., t. I, pr., coL 466, 2« éd., t. Il,
pr., col. CC3CXXXVIII).
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Et SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 133
Thierry, du futur duc de Haute-Lorraine que les Gesta ont
voulu parler. Dans le cas contraire, l'antagoniste d*Eudes
serait Rambaud. Mais, nous le répétons, il nous paraît plus
vraisemblable de supposer que les Gesta A, rf. aieût qualifié
à tort Frédéric de comte de Toul que d'admettre de leur
part une confusion de nom (1).
Quels sont d'autre part ces Allemands qui, d'après
les Gesta Amhaziensmm dcrmnm'um, vinrent à l'appel de
Frédéric, dévaster les possessions du comte Eudes (2) ? A
première vue nous aurions iûcliné à voir en eux des Fran-
coniens ou des Souabes, dont les ducs de'Mosellaûe auraient
demandé le concours (3). Mais les (lesta Atnbaziensium
dûminorum ne nous permettent pas de nous arrêter à cette
hypothèse. Si l'on poursuit en effet la lecture des Gesta, on
y apprend qu'Eudes périt en Lorraine dans une bataille
livrée aux Allemands (4). Or, l'armée qui vainquit Eudes
à Bar en 1037 n'était composée que de Lorrains. Il faut
donc que le chroniqueur des seigneurs d'Amboise ait abu-
sivement traité d'Allemands les habitants de la Lorraine.
Aussi devons-nous probablement voir des Lorrains dans
les Allemands que mentionnent les passages cités plus
haut des Gesta.
Nous avons déjà vu que, suivant différentes sources,
Eudes II avait été attaqué à la fois par Foulque Nerrâ et
par Frédéric : la simultanéité de ces agressions venues
Tune de l'est, l'autre de l'ouest, est elle un simple effet du
hasard ? Nous ne le pensons pas. Hiidegarde, secoÉde
(1) Lix, Eudes 11 [Mém. Soc. ac. Àuhe, T. LV, p. 2il, n. G), voit dans
Frédéric, comte de Toul, le fils de Thierry.
(2) Se reporter aux n. 3 et 4 de la p. 129.
(3) Frédéric II ayant épousé Mathilde, ûlle d'Hermadn II duc de
Souabe, veuvede Conrad de Carinihie, mère de Conrad le Jeune, aurait
très bien pu trouver des auxiliaires en Souabe ou en Francohie.
(4) (( Succedente paucorum annorum curriculo, Odo cunt Alemanniii
in Lothoringia pugiians, graviter vulneratu» obiit. » (Gesta A. d.,
dans les Chroniques des comtes d'Anjou, p. 168).
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134 LES ORIGINES DE LA HAUtÉ-LORHALXE
femme du comte d'Anjou, était d'origine lorraine (1), et
cousine ou des ducs de Mosellane ou des comtes d'Arlon ;
grâce à elle, sans doute, des relations se nouèrent entre
son mari et ses parents de Lorraine. Il n'y a donc pas lieu
d*être surpris que Foulque et les ducs de Mosellane, aj-ant
un ennemi commun, aient concerté contre lui leurs atta-
ques (2). Toutefois, nous devons reconnaître que le comte
d'Anjou suttirer decette alliance plus de profit que Thierry
et Frédéric II.
Quoi qu'il en soit des origines et des péripéties de cette
lutte, aussi mal connues les unes que les autres, nous
avons la certitude que le conflit durait encore en 1023,
Tannée même où l'empereur et le roi Robert se rencon-
trèrent à la frontière de leurs États. D'Aix-la-Chapelle, où
il avait tenu en juillet une assemblée, Henri II se rendit à
Ivoy (Carignan) (3), ville située sur la Chiers, tandis que
de son côté le roi de France gagnait Mouzon (4). Les Gesta
episcoporum Cameracensium nous apprennent que l'empe-
reur était accompagné de Piligrim, archevêque de Cologne,
(1) Voir Halphen, Le comté d*Anjou au xV siècle^ p. H et n. 1.
(2) Nous sommes étonné qu'HALPHEN, qui a relevé l'origine lorraine
d'Hildegarde, n'ait pas songé que la seconde femme de Foulque Ncrra
avait pu servir d'intermédiaire entre son époux d'une part, les ducs
Thierry et Frédéric de l'autre.
(3) Ardennes, chef lieu de canton de l'arrondissement de Sedan.
(4) Ardennes, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Sedan. Les
renseignements concernant cette entrevue sont fournis par Sigebert
DE Gembloux, Chronographia, 1023., et par les Gesta ep. Camer., 1. III,
c. 35 et 37 (SS., t. VI, p. 353, t. VU, p. 479 et 480) ; cf. St. 1807 et 1809.
Parmi les historiens contemporains qui se sont occupés de la rencontre
de Robert et d'Henri, citons d'Arbois de Jubain ville, H. D. C. C, t. I,
p. 251-253, GiESEBRECHT, G. D. A'., t. II, p. 196-198, Hirsch (Bresslau),
Jahrb B. II, t. II, p. 257-265, Landsberger, GrafOdo, p. 34-35, Pfister,
B. I. P., p. 369-371, W. Michael, Die Formen des unmittelbaren Ver-
kehrs zwischen den deutschen Kaisem und souvprdnen Fiirsten, p. 22,
p. 29, n. 1, p. 33, 34, 37, 38, Richter et Kohl, Ànnalen des deutschen
Reichs, 3*^ partie, t. I, p. 245 et n. a, Lex, Eudes II {Mém. etc., p. 2^).
Ces auteurs ne sont pas d'accord sur le lieu où s'abordèrent le roi de
France et l'empereur.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 133
de révêque de Cambrai Gérard, enfin de Gozelon (1), qui
venait de succéder dans la Basse-Lorraine à son frère
Godefroy, mort au cours de cette même année 1023. Ni le
duc Thierry ni son fils ne sont mentionnés par les Gcsta,
dont Tauteur ne semble pas avoir recherché quels étaient,
en dehors des grands de la Lorraine du nord, les prélats ou
les seigneurs qui se trouvaient dans Tentourage d'Henri IL
Les ducs de Mosellane devaient pourtant assister à Tentre-
vue, d'abord parcequ'elle avait lieu sur leur territoire (2),
en second lieu parce qu'ils avaient intérêt à voir le roi de
France, suzerain d'Eudes, et à lui demander justice des
dommages que leur avait causés le comte de Blois. Or, il
se trouvait que Robert lui-même avait à se plaindre d'Eu-
des, vassal aussi indocile que voisin incommode (3). Le
roi de France pria même Henri H de servir de médiateur
entre lui et le comte de Blois ; Eudes consentit d'ailleurs
à cet arbitrage. L'empereur ayant accepté le rôle que lui
offrait Robert, les deux souverains convinrent qu'Henri,
Eudes et les envoyés de Robert se rendraient à Verdun,
peu de temps après l'entrevue d'ivoy. U fut très probable-
ment décidé en même temps que la querelle d'Eudes et
des ducs de Mosellane serait soumise à l'empereur. Celui ci
partit pour Verdun, où il se trouvait dès le début de
septembre, car il célébra dans cette ville la fête de la Nati-
vité de la Vierge (4). Les ducs de Mosellane, ou tout au
(1) Gesta ep. Camer., 1. IIÏ, c. 37 (S5., t. VII, p. 480).
(2) Le pagus Evodiensis^ nous l'avons vu, faisait partie de la Haute-
Lorraine, ainsi que le Mosomensis (voir le préc. vol. Mém. S. A. I.,
p. 240, 265 et 270).
(3) Sur le conflit qui mettait aux prises Robert et le comte de Blois
voir d'Arbois de Jubainville, H. D. C. C.^ t. ï, p. 243 et suiv., Lands-
BERGER, Graf Odo, p. 31 et suiv., Pfisteh, R: L. P., p. 233 et suiv.,
Lex, Eudes II [Mémoires de la société académique de IWube, t. LV,
1891, p. 221 et suiv.)
(4) Gesta ep. Camer., 1. III, c. 38 {SS., t. VU, p. 480-481) ; cf. St.
1810 e4 1811, H." 493 et 495, DV. Sa.r., t. II!, p. 630 et 63-2). Tandis que
Giesebrfcht, g. D. a., t. Il, p, 6^4 et Lanpsberc.er, Graf Odo, p. 35,
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136 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE
moins l'un d'eux, avaient dû se rendre aussi à Verdun pour
y défendre leur cause.
S'il ne parvint pas à réconcilier Robert et Eudes, Henri II
fut plus heureux dans ses efforts pour terminer le conflit
de Thierry et du comte de Troyes : ce dernier consentit à
détruire les forteresses qu'il avait illégalement élevées sur
des terres appartenant au duc de Haute-Lorraine (1).
Non seulement la guerre cessa entre le comte et les ducs
mosellans, mais nous allons voir bientôt le comte de Blois
devenir un instant l'allié de ses anciens adversaires. Les
ducs lorrains se refusant à reconnaître Conrad II, succes-
seur d'Henri, recherchèrent partout desappuis, pour mieux
résister au nouveau souverain de l'Allemagne.
Henri II était mort le 13 juillet 1024 (2), après un règne
de vingt-deux ans, alors qu'il travaillait avec le plus
grand zèle à cette œuvre de la réforme ecclésiastique
pour laquelle il s'était passionné. S'il avait de belles qua-
lités d'homme privé, une piété sincère, des intentions
droites, Henri II par malheur manquait de vigueur et
d'énergie, c'est-à-dire des qualités les plus nécessaires aux
souverains, en un temps où l'on ne respectait que la force.
La Mosellane, nous l'avons constaté (3), avait eu grave-
ment à souffrir de la faiblesse et de l'impuissance du der-
nier descendant mâle d'Henri I'^'' (l'Oiseleur).
n. 125, croient que les Gesta ep. Camer. se sont trompés en faisant
coïncider avec la Nativité le séjour à Verdun de l'empereur, qui en
réalité se trouvait dans cette ville le jour de l'Assomption, Hirsch,
(Bresslau), Jahrb. H. Il, t. III, p. 265, accepte l'indication fournie par
le chroniqueur cambrésien.
(1) Gesta ep. Çamer., 1. III, c. 38 (SS. t. VII, p. 48^). Cf. d'Arbois de
JUBAINVILLE, R. I). C. C, t. I. p. 253, GlESEBREG^lT, Op. CU., t. II, p. 198,
Landsberger, op. cit., p. 34-35, Hirsch (Brisslau), t. III, p. 265,
Pfister, R. L. p., p. 243, Lex, op. cit., (Mém. etc., p. 2-22).
(2) Voir Hirsch (Bresslau), Jahrb. H. Il, t. III, p. 299-300, Giesbbrecht,
G. D. K., t. II, p. 204 et 624, Righter et Kohl, op. cit., p. 240 et b. b.
(3) Lors de l'usurpation de Metz par Thierry de Luxembourg» el sur-
tout de là tentative du même genre faite à Trêves par Adalb^ron, frère
du précédent.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 137
Avec Henri II en effet s'éteignait la maison de Saxe, qui
avait occupé cent cinq ans le trône d'Allemagne et quatre-
ving-dix-neuf ans celui de Lorraine. Les Francs allaient
recouvrer enfin la suprématie que leur avait fait perdre la
mort de Conrad l^^^ et c'était justement un descendant de
ce dernier prince qui devait avoir Thonneur de fonder
une nouvelle dynastie franque.
Deux compétiteurs, Francs de l'est l'un et l'autre, briguè-
rent la succession du souverain défunt. Parents éloignés
d'Henri II, ils étaient cousins germains et portaient le
même nom ; pour éviter les confusions, on appelle d'habi-
tude le plus âgé des deux Conrad l'Ancien (I), l'autre
Conrad le Jeune. Leur grand-père paterneF Otton était lui-
même fils de Conrad le Roux, duc de Lotharingie, et de Liut-
garde, fille d'Otton le Grand et d'Eadhild. Adélaïde, mère
de Conrad l'Ancien, appartenait à une noble famille alsa-
cienne, qui se rattachait par les femmes à cette dynastie
lorraine des Matfrid, dont un membre avait été comte d'Or-
léans au temps de Louis le Pieux (2). Nousavonsdéjà parlé
d'un frère d'Adélaïde, Gérard, beau-frère des Luxembourgs,
devenu après 1006 comte de Metz, et l'un des seigneurs
les plus turbulents de cette époque. Après avoir été l'allié
de l'évêque de Metz, d'iVdalbéron et d'Henri, ses beaux-
frères, contre le roi et le duc Thierry, nous le trouvons
dans la Basse-Lorraine avec son neveu Conrad l'Ancien ;
tous deux soutinrent Régnier et Lambert dans leurs luttes
(1) Suivant Sigebert de Gembloux-, Chron.^ 1024 (SS., t. IV, p. 356),
et d'autres sources postérieures, Henri II, avant de mourir, aurait
désigné Conrad l'Ancien au choix des grands de l'Allemagne.
(2) Bresslau, Jahrb. Konrads 11, p. 2-4 ; cf. Kruger, Der Ursprung
des Hanses Lothringen-Habsburg, p. 19-25, H. Witte, Genealogische
Untersuchungen, (J,ihrb. G. l. G., 5' année, 1893, 2' partie, p. 62-051.
Ces deux derniers auteurs rattachent Adélaïde au comte de Metz
Adalbert, fils de Matfrid (IV) et descendant de Matfrid, comte d'Orléans
au ix" siècle ; mais le premier lui donne pour père Gérard, fils d'Adal-
bert, au lieu que l'autre la fait naître d'une fille de ce même Adalbert.
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13S LKS OKIGhNES DE LA HAUTELORKAINE
contre le ducGodefroy (1). Mathilde, mère de Conrad le
Jeune, était fille d'Herniann II, duc de Souabe ; devenue
veuve, elle s'était remariée, comme nous le savons, avec
Frédéric II de Mosellane (2). Ce court exposé suffit à expli-
quer l'attitude qu'allaient prendre les ducs de Haute et de
Basse Lorraine à la mort d'Henri IL
Gozelon, devenu depuis 1023 le successeur de son frère
Godefroy, devait avoir peu de sympathie pour Conrad
l'Ancien, qui avait été quelques années auparavant l'adver-
saire de Godefroy et le sien propre (3). Si les ducs de
Mosellane n'avaient pas eu, semble-t-il, à se plaindre de
Conrad l'Ancien, des motifs intéressés les déterminèrent
à mettre en avant la candidature de Conrad le Jeune,
beau-fils de Frédéric. D'ailleurs ni Gozelon, ni Thierry, ni
Frédéric ne paraissent avoir songé à briguer personnelle-
ment la couronne (4). Peut-être les évèques et les grands
de l'Allemagne et de la Lorraine désiraient-ils n'élire
qu'an seigneur apparenté à la dernière maison régnante.
Si cette hypothèse ne manque pas de vraisemblance (5),
nous rejetons par contre celle qu'a émise M. H. Bresslau :
d'après le savant historien de Conrad II, le conflit que la
question de la réforme ecclésiastique avait soulevé en
Allemagne, vers la fin du règne d'Henri II, aurait eu sa
répercussion sur l'élection du successeur de ce prince. Les
(1) Consulter Hirsch, Jahrb. H. II, t. II, p. 209, 349, t. III, p. 62 et
suiv., Bresslau, Jahrb. K. II, t. I, p. 3, Krùgkr, Der Ursprung des
Hauses Lothringen-Habsburg , p. 19-25, Vanderkindere, H. h\ T. P. B.,
t. II, p. 29-31, 334, etc.
(2) Cf. ci-dessous, p. 165.
(3) « Gothelone duce, qui proptcr privatum odium gravabat regnum
Cuonradi » (Sigebert de Gembloux, Chronographia 1026, SS., t. II,
p. 356).
(4) C'est ce que reconnaît Bresslau, Jahrb. K. II, t. I, p. 11.
(5) Elle a été émise ou adoptée par Wagner, Die Wahl Konrad II,
p. 23, Giesebrecht, G. D. K., t. II, p. 218, Bresslau, Jahrb. K. II, 1. 1,
p. 10, Manitius, Deutsche Geschichte unter den sàchsischen und salis-
chen Kaisern, p. 357, Waitz, D. VG., t. VI, p. 185,
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 139
adversaires de la réforme, à leur tète Tarchevêque de
Mayence Aribon, auraient eu pour candidat Conrad TAn-
cien ; au contraire les partisans de la réforme, c'est-à-dire
les prélats, les ducs et les comtes de la Lotharingie se
seraient prononcés en faveur de Conrad le Jeune. Ces
derniers auraient été dès Torigine hostiles à Conrad l'An-
cien, et s'ils avaient choisi Conrad le Jeune, c'était pour
avoir un candidat parent, au même degré que son concur-
rent, de la maison de Saxe (1). Malgré la grande autorité
de M. Bresslau, nous avons peine à croire que la question
de la réforme ecclésiastique ait eu sur des seigneurs laïcs
assez d'importance pour les décider à soutenir tel préten-
dant plutôt que tel autre. Des considérations de cette
nature ne dictaient pas leur conduite aux grands du
xi^ siècle.
Nous préférons expliquer par la haine ou par l'intérêt
l'attitude des deux partis (2) Ne peut-on voir en outre
dans la conduite des Lorrains une nouvelle manifestation
de l'esprit particulariste qui les animait ? Sentant qu'ils
n'avaient aucune chance de faire monter un d'entre eux
sur le trône, n'ont-ils pas voulu se donner au moins un
souverain qui fût en quelque sorte leur créature ? Conrad
le Jeune n'était encore en 1024 qu'un adolescent, uni par
une étroite amitié à son cousin et homonyme, et de lui-
même il ne se serait pas porté candidat contre Conrad
l'Ancien: sa mère et son beau -père, désireux dô régner
sous son nom, ont dû le pousser à se mettre en avant (3).
Gozelon, qui voyait dans Conrad l'Ancien un ennemi de
sa famille, se rallia tout naturellement à la candidature du
(1) Bresslau, Jahrh. H. Il, t. III, Excurs X, p. 357-358, et Jahrb. K.
II, t. I, p. 13-14, 17 et t. II, p. 526 ; cf. Lesser, Poppo von Trier,
p. 67.
(2) D'après Schnùrer, Erzbischof Piligrim von A'ô//i, p. 55, il est
difficile d'indiquer les motifs qui ont déterminé les grands et les évè-
ques à prendre parti pour l'un ou pour l'autre des deux prétendants.
(3) Cf. Wagner, Die Wahl Konrad //, p. 53 et 55.
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140 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
jeune Conrad (1). Ce qui peut sembler plus étonnant,
c'est que le comte Régnier V de Hainaut, Tancien adver-
saire de Godefroy, ait fait cause commune avec le duc de
Basse Lorraine (2). Par contre, Ezzon, le comte palatin de
Lorraine, se prononça très probablement pour Conrad
TAncien, si toutefois il se trouvait alors en Allemagne (3)
Quant aux prélats des deux Lorraines, ils se partagèrent,
quoique la majorité ait suivi l'impulsion donnée par les
ducs (4).
Nous savons que Piligrim, archevêque de Cologne, vivait
(1) Nous avons reproduit plus haut une phrase de Sioebert de
Gembloux, qui explique l'attitude de Gozelon. Cf. Wagner, op. cit.,
p. 53-55, GiESEBRECHT, G. /). A., t. Il, p. 221, SACKUR,Oie Cluniacenser,
t. II, p. 184, et n. 5.
(2) Gesta ep. Camer, 1. III, c. 50, S.S., t. VII, p. 484.
(3) Nous le conjecturons d'après la conduite que tint un peu plus
tard le comte palatin de Lorraine. Se basant sur le silence que gardint
les sources à l'égard d'Ezzon, Schmitz, Geschichte der lothringischeu
Pfalzgrafen, p. 21-22, croit que ce personnage n'était pas en Alle-
magne lors de la mort d'Henri II.
(4) « Tandem collecti principes Saxonum apud Moguntiam praBfece-
runt sibi in regem Conradum. Quorum ordinationi dux Gothilo princeps
Lathariensium contraire voluit, cpicoposque Coloniaî, Noviomagi, Vir-
duni, Trajecti, Leodii allocutus, sacramentum a singulis accepit non-
nisi ejus consensu manus se ei daturos neque ad eum ituros. Hoc idem
dux Thcodericus comesque Haynoensium Raginerius cum sibi compli-
cibus sacramento firmaverunt. Quod episcopi primi infringerunt, qui
se primes dederunt, canticumque populi malum facti sunt » {Gesta ep.
Camer.^ 1. III, c. 50, 5S'., t. Vil, p. 484). Les érudits allemands ne
sont pas d'accord sur la façon d'interpréter la deuxième phrase du
passage que nous venons de citer. D'après Arndt, Die Wahl Conrad II,
p. 9, Pabst, Frankreich und Konrad der Zweite in den Jahren tOU
und40i5 [F. D. G., t. V, p. 354-355, Wagneu, Die Wahl Konrad II,
p. 54, et Sacxur, Die Cluniacenser, t. Il, p. 685, les Gesta ep. Canier.
parlent d'entretiens qu'eut le duc Gozelon avec les évêquesde Cologne,
deNimègue, etc. Au contraire, Giesebrecht, op. cit., t. Il, p. 227 et
629, Bresslal, Jahrb. K. /7, t. I, p. 31, n. 2 et p. 32, ainsi ([ue
(Pflugk-IHarttung» Untersuchungen zur Geschichte Kaiser Konradsll,
p. 95, estiment qu'il s'agit de conférences tenues à Cologne, à Nimè-
gue, etc., entre le duc et les évèques lorrains. Outre que cette deuxième
interprétation s'accorde mieux avec les règles grammaticales et avec
les façons de s'exprimer habituelles de l'auteur des Gesta, nous devons
faire observer que la ville de Nimègue ne possédait pas d'évêque. Au
surplus, quand Bresslau, p. 32, déclare que tous les évoques des deux
Lorraines, sauf Poppon de Trêves et Thierry de Metz (auxquels il faut
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE ' 141
en assez mauvaise intelligence avec Aribon; celui ci
patronnant Conrad TAncien, il n'en fallait pas davantage
pour que Piligrim se déclarât en laveur de Conrad le
Jeune (1). Les deux sufiragants lorrains de Piligrim,
Durand de Liège et Adalbold d'Utrecht, prirent le même
parti que leur métropolitain (2). Gérard de Cambrai resta
neutre (3). Dans la Mosellane, Tarcbevéque Poppon de
Trêves et Tévéque Hermann de Toul en firent peut être
autant (4). Haymon de Verdun se prononça pour le jeune
Conrad (5). Quant à Tbierry de Metz, il devait tout natu-
rellement adopter la candidature de Conrad l'Ancien,
ajouter Gérard de Cambrai, p. 33) firent cause commune avec Gozelon,
il reconnaît implicitement que l'archevêque de Cologne, les évêques
d'Utrecht, de Liège et de Verdun étalent entrés dans le complot.
A rencontre de Roussel, H. F., t. I, p. 229, et de Cloukt, H. F.,
t. II, p. 2^-23, qui faisaient mourir Haymon de Verdun en 1024,
Bresslau, t. 1, p. 85 et n. 6, a prouvé que le prélat n'avait cessé de
vivre que l'année suivante. C'est donc Haymon, et non Rambert, comme
le croyait à tort Cloukt, t. Il, p. 25, qui s'est associé aux ducs des
deux Lorraines.
(1) Cf. Wagner, op. cit., p. 42-43, 53, Schnùrer, op. cit., p. 596i,
GlESEBRECHT, Op. Cit., t. II,p. 221.
2) Pour ces deux évêques, se reporter à la n. 4 de la p. 140.
(3) Gesta ep. Camer., 1. III, c. 50, SS., t. Vll, p. 484.
(4) Poppon, d'après (Pflugk-)Harttung {Die Anfàage Konrads 11,
dans les Picks Monatsschrilt fur rheinischwestfàlische Geschichts-
forschung, 3e année, 1877, p. 32-33) n'aurait pas pris parti ; au con-
traire, Lesser (Poppo r.on Trier, p. 67-68) fait de l'archevêque un par-
tisan de Conrad l'Ancien . — En ce qui concerne Hermann de Toul,
Calmet {H. E. C. L., V éd., t. ï, col. 1037, 2* éd., t. II, col. 148), le
range parmi les adversaires de Conrad II, tandis que suivant Bresslau
{Jahrh. K. 11, t. II, p. 526), l'évêque de Toul, hostile à la réforme
ecclésiastique (cf. op. cil., t. I, p. 191, t. II, p. 404) et à ses partisans,
se serait abstenu de faire opposition à l'atné des Conrad. La vérité est
que nous ignorons absolument quelle fut en la circonstance l'attitude
d'Hermann. Ce dernier, originaire de la Basse-Lorraine, appartenait à
une noble famille de Cologne ; il avait été consacré le 20 décembre de
l'année 1019, probablement {<ieMaep. TulL, c. 37, SS., t. VIII, p 643),
en remplacement de Borthold, mort le 25 août de cette même année,
après vingt-deux ans d'épiscopat [Geata ep. Tiill., c. 36, SS., t. VIII,
p. 643); le Necrol. Wizenburgense (Bôhmer, Fontes, t. IV, p. 363)
indique le 24 août.
(5) Voir plus haut, p. 140, n, 4.
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i42 LES ORIGLNES DE LA HAUTE-LORHAINE
puisque ses adversaires, les ducs de Haute -Lorraine, se
rangeaient dans l'autre camp (1).
Ainsi, la majorité des prélats et des grands laïcs de la
Lotharingie constitua le parti de Conrad le Jeune. Nous
croyons qu'ils s'étaient concertés avant de se rendre à
l'assemblée qui devait élire le nouveau roi, et qu'ils avaient
décidé de soutenir le jeune Conrad (2).
Grands ecclésiastiques et laïcs, tant de la Lorraine que
de l'Allemagne, se réunirent le 4 septembre 1024 à Camba,
sur les bords du Rhin, dans une vaste plaine (3). Le
nombre des électeurs n'était point alors limité, comme il
le sera quelques siècles plus tard. Du côté des ecclésias-
tiques, les archevêques, les évéques et peut-être aussi les
abbés des grands monastères royaux, du côté des laïcs,
(1) Une autre raison nous donne à supposer que l'évêque de Metz
s'était prononcé pour Conrad l'Ancien : ce dernier avait l'appui de
l'impératrice-veuve Cunâgonde, sœur de Thierry. Cf. Bresslau, Jahrb.
K. Il t. ï, p. 14, t. Il, p. 528, et Jahrb. H. Il, t. III, p. 358.
(2) D'après le passage cité plus haut (p. 140, n. 4) des Gesta ep.
Camer., il semblerait que Gozelon n'eût conféré avec les évoques lor-
rains que postérieurement à l'élection de Conrad II. Seulement, est-il
possible que du 8 septembre (jour où fut désigné le nouveau roi) au
21 du môme mois (jour du sacre de Gisèle, femme de Conrad, par
l'archevêque Piligrlm, l'un des alliés de Gozelon) le duc de Basse-Lor-
raine ait eu le temps d'avoir avec les évêques de la région les diflé
rents entretiens que mentionnent les Gesta ? Arnut, op. cit., p. 9, et
ScHNûRER. op. cit., p. 57-58, ne l'ont pas pensé; suivant ces auteurs,
Gozelon se serait déjà concerté avec les évêques et les grands des deux
Lorraines avant que Conrad eût été nommé roi. Ont au contraire pris
à la lettre l'indication des Gesta les historiens suivants : Pabst,
Frankreich, etc. (F. D. G., t. V, p. 354 et n. 2), Girsebrecht, op. cit.,
t. II, p. 227, (Pflugk-)Harttung , Die Anfànge K. // (Picks Monats-
schrift, etc., p. 36) et Unter^^uchungen zur Geschichte Kaiser
Konrad 11, p. ^-96, Bresslau, Jahrb. K. Il, t. I, p. 31 et n. 2, p.32-33,
Pfister, R. L. p., p. 374, Mamtius, Deutsche Geschichte, etc., p. 361.
Faisons observer que d'après Wipon, Gesta Chuonradi imperatoris,
c. 1, p. 10, évoques et grands (le chroniqueur ne précise pas), avant de
se rendre au lieu fixé pour l'élection du nouveau roi, s'étaient rencon-
trés ou s'étaient écrit, échangeant entre eux leurs impressions et se
faisant part de leurs intentions.
(3) Wipon, Gesta Chuonradi, c. 2, p. il, Bernon, abbé de Rei-
chenau, Lettre à un évêque italien (dans Giesebrecht, G. D, K.,
t. II, p. 696), Hermann de Reichenau, Chron., 1(^4 (SS., t. V, p. 120).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 143
les ducs, les margraves, et sinon la totalité, du moins
quelques-uns des comtes avaient le droit de participer à
la nomination du souverain (1).
Prélats et seigneurs s'étaient installés les uns à Test,
les autres à l*occident du Rhin : on voyait sur la rive
droite les Francs orientaux, les Souabes, les Bavarois, les
Thuiingiens, les Saxons et les Slaves ; une partie d'entre
eux était favorable à Conrad TAncien, tandis que le reste
ne savait à quel parti se ranger. Au contraire, les Francs
du Rhin et ceux des deux Lorraines, favorables au jeune
Conrad, avaient dressé leurs tentes sur la rive gauche du
fleuve (2). S*il est certain que les archevêques Piligrim et
Poppon, révèque Thierry et le duc Frédéric se trouvaient
à Camba (3), aucun chroniqueur ne mentionne la présence
ni de Gozelon, ni des autres prélats ou seigneurs de la
Lotharingie ; on serait tenté d'en conclure qu'ils s'étaient
abstenus de venir; il faut d'ailleurs renoncer à connaître
les motifs pour lesquels ils avaient adopté cette tac-
tique (4).
Une fois l'assemblée ouverte, Conrad l'Ancien prit la
parole, et pria son cousin de souscrire à un arrangement,
en vertu duquel celui des deux qui serait battu, acceptant
de bonne grâce sa défaite, ne chercherait pas à créer de
diflBcultés à son concurrent plus heureux. Conrad le Jeune
fît la promesse qui lui était demandée (5). On procéda
(1) Sur le corps électoral qui désigoait à cette époque le souverain
allemand, voir Waitz, /). VG.^ t. VI, p. 189 et suiv., Schrôder, L. D.
RG., p. 468.
(2) Voir les sources à la n. 3 de la p. 142 .
(3) WiPON, c. 1, p. 8, c. 2, p. 15; cf. Brbsslau, Jahrb. K. II, t. I,
p. 19 et n. 1. Sans aucun doute, c'est par inadvertance que Schnûrer,
Piligrim, etc., p.61, parle de la présence de Thierry I" à Camba ; à la
p. 63, en effet, il mentionne exactement Frédéric.
(4: Aucun historien moderne n'a prétendu que Gozelon fût venu à
Camba. Cf. Bresslau, t. I, p. 20 et n. 3.
(5) Presque tous les érudits modernes ont suivi le chroniqueur Wipon,
qui présente ainsi les faits (c. i, p. 12-14). Exception doit être faite en
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144 LES ORIGINES DE LA HAUtE-LÔRRAlNË
ensuite aa vote. Le premier appelé à domier son suffrage
fut naturellement le plus élevé e» dignité ôés prélats
allemands, Tarchevêque de Mayence, et te malheur vcalut
qa*Aribon fût justement Tun des plus déterminés parti-
sans de Conrad rAncien. Non content de voter pour li»i, il
prononça un discours où il vanta les mérites dé son can-
didat. Les paroles d'Aribon produisirent une vive impres-
sion sur les évêques et! les abbés présents qui, à son
exemple, donnèrent leur voix à Conrad l'Ancien.
Jugeant la partie perdue pour lui, Conrad le Jeune al»ta
trouver les Lorrains, q'ui se tenaient à Féeart ; peut-être
avaient-ils quitté l'assemblée lorsqu'ils avaient va \^
majorité des prélats se prononcer en faveur de Conrad
TAncien. Nous ne savons ce que le beau-fils de Frédéric
dit à ses partisans, mais il est permis de supposer qu'il
les prévint de l'intention où il était de se désister. Pent-
ôtre leur donna-t-il en outre le conseil de se rallier à
Conrad TAncieû. Puis, retournant à l'assemblée, ii vota
pour son cousin. Ni les exhortations, ni l'exemple de
Conrad le Jeune ne convertirent Frédéric, non plus que
les prélats ni les seigneurs lorrains; ils manifestèrent
leur opposition en s'abstenant de revenir à l'assemblée, eV
quittèrent Camba sans avoir fait acte de soumission ati
nouveau roi (1).
faveur de BnEssLAU, op. cit.^ t. I, p. 21-23 ; d'après le savant historien
de Conrad II, il n'y aurait pas eu d'arrangement entre les deux compé-
titeurs, ou du moins il n'aurait pas été tel que Wipon le rapporte :
en réalit<^ Conrad l'Ancien, après avoir acheté, au prix de certaines
compensations, le désistement de son cousin, aurait oublié, une fois
devenu roi, les promesses qu'il avait faites alors (ju'il était candidat.
Si WiPON a cru devoir altérer la véritable physionomie des choses,
c'est qu'il tenait à pallier les torts de Goârad, son ppotectenr et' son
héros. L'hypothèse de Bresslau nous paraît ingénieuse, mais nous
n'oserions prétendre qu'elle soit juste.
(1) Wipon, Gesta C/iuonradi, c. 2, p. 14-16. ConBuUer sur l'élection
de Conrad Stenzkl, Geschirhte Deulachinnds unlei' den frànkiwhtni
Kaisern, t. I, p. 10 et sulv., Arndt, Die Wahl Conrad 1I\ p. 6 et sulv.,
Wagwbr, Die WahlKonrad II, p. 55 et sulv., GiESEBR«cHf, G. D. K.,
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Qoo^(^
Ëï Sa PHËMIÈKE maison i>iJ€ALË 145
Conrad cependant se rendit à Mayence, où il fut sacré
par Aribon le 8 septembre (1). Est-ce AribcHi lui-même ou
Piligfim qui sacra Gisèle, femme de Conrad ? Sur cette
question, il y a désaccord entre les sources (2). Mais très
probaMemeat ce lut Tarcbevèque de Cologne qui couronna
Ja nouvelle reine, quand il eut, vers la fin d^ septembre,
fait sa soumission au successeur d'Henri II.
Cependant, les ducs et les évêques de la Lotharingie
L II, p. 217 et suiv., (PFLUGK-)HAaTTUNG, Die Ànfànge Konrad 11
(PicKs Monats^chrift, etc., 3' année, 1877), et Uutersuchimgen zur
G^schiahte Konrad 11^ passim, Bresslau, Jahrb. K. H, L I, p. 17-26,
ScHNHRER, Piligrim, etc., p. 55-63, Mamtmjs, op. cil. ^ p. 356-358, Mau-
HENBRECHER, Geschichtc der deutschen Kônigswahlen, etc., p. 88-96,
RïCHTEii et KoHL, Annalen des deutschen Reichs^ 3* partie, t. I, p. i63
et Du c.
En ce qui concerne Piligrim et Frédéric, Digot, H. I., t. 1, p. 217,
avance faussement que ce dernier finit par voter, quoique malgré lui,
pour Ck)nrad l'Ancien ; Arndt, op. cit., p 21, se demande si les évéques
et les seigneurs laïcs de la Lotharingie, partisans du jeune Conrad,
s'en allèrent après avoir voté, mais en évitant de prêter serment au
nouveau roi, ou si, au contraire, ils partirent sans avoir donné leur
suffrage; Wagner, op. cit., p. 61, Giesebrf.cht, op. cit. y t. II, p. 223 et
628, (Pflugk-)Harttung, Studien zur Geschichte Konrad 11, p. 37-38,
Die Anfànge K. Il, (Pigks Monat&schrift, etc., p. 35\ Brbsslau,
Jahrb. k. Il, t. I, p. 22, n. 3 et p. 24, Sgbnûrer, Piligrim, etc.,p. 63,
iManitius, op. cil., p. 358, Maurenbrecher, op. cit., p. 93, croient que
Piligrim et Frédéric se sont abstenus.
(1) WiPON, Gesta Chuonradi, c. 3, p. 16-18; cf. Bresslau, op. cit.,
t. ï, p. 25 et n. 4, p. 26-2T.
(2) Hermann de Reichenau, C/tro/i., 1024 {SS., t. V, p. Iî2()) fait cou-
ronner Gisèle par PUigrim, sur le refus d'Aribon ; au contraire, d'après
les Ann. Quedlinburgenses, 1024, {SS., t. 111, p. 90), c'est l'arche-
vêque de Mayence qui se serait acquitté de cette tâche. Seuls, parmi
les historiens modernes (PFLUGK-)HARTruNG, Studien, etc., p. 28-30;
Untersuchungen, etc., p. 39 et suiv., p. 98-99, et Maurenbrecher, op.
cit., p. 94-95, ont adopté la version des Ann. Quedlinburgenses ; encore
(Pflugk-)Harttung admet-il que plus tard Piligrim bénit l'épouse de
Conrad IL Mais tous les autres érudits ont préféré le témoignage
d'HERMANN DE Reichenau : Arndt, op. cit., p. 32, GiESEBRECHT, op. cH.,
t. Il, p. 228, Bresslau, op. cit., t. I, p. 28, 35-37, 351-352, Schnûrer,
op. cit., p. 64r66, Manitius, op, cit., p. 361, Pfenninoeh, Kaiser Kon-
rads H Beziehungen zu Aribo von Mainz, Ptlgrim von Kôin, Ari-
beri von Mailand, p. IX et suiv., p. XXVII^ Sageur, Die Cltmiacenser,
t. IJ, p. 187.
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146 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
persistaient dans leur attitude hostile à Conrad. Gozelon,
nous Tavons dit, ne se trouvait probablement pas à Gamba.
Apprenant Téleetion de Conrad l'Ancien, il s'entendit
avec Thierry, Régnier et quelques autres grands, évêques
ou seigneurs laïcs, qui lui promirent par serment de ne
pas reconnaître le nouveau roi sans l'avoir consulté (1).
Que se proposaient les ducs et leurs alliés ? Quel était le
mobile qui les poussait à prolonger ainsi leur résistance ?
On ne le voit pas bien. Seulement, pour être efficace, l'op-
position des Lorrains devait rester unie. Par malheur,
pour eux, des défections n'allaient pas tarder à se pro-
duire. Si Thierry et Régnier paraissent avoir tenu leurs
promesses, il n'en fut pas de même des évêques qui
allaient, l'un après l'autre, se rallier à Conrad. Le premier,
Piligrim de Cologne, se soumit lorsqu'il vit le roi pénétrer
dans la Ripuairie (2). Sans aucun doute, Durand de
Liège (3) et Adalbold d'Utrecht (4) suivirent bientôt
l'exemple de leur métropolitain. Le haut clergé de cette
époque, en raison de son mode de nomination et de ses
intérêts, était dévoué à la royauté, quel qu'en fût le titu-
laire ; le rôle d'opposant ne lui convenait pas, et l'on peut
croire qu'il ne l'avait adopté que malgré lui. C'est à Aix-
(!) Gesta ep. Camer, L ÏII, c. 50 (SS., t. Vll, p. 484-485). Se reporter
à la n. 4 de la p. 140. On remarquera que, d'après les Gesta^ c'est
Gozelon qni joue le principal rôle; seulement, il ne faut pas oublier
que l'auteur de cette chronique, qui vivait dans la Basse-Lorraine, a
naturellement mieux connu et mieux mis en lumière ce qui se rap-
porte au duc de sa province que l'action des ducs de Mosellane.
(2) Sur la soumission de Piligrim voir Arndt, p. 32, Giesebrecht,
t. II, p. 228, Bresslau, t. I, p. 35-37, Schnûrer, p. 64-66, Pfenninger,
p. IX et suiv., p. XXVÏI.
(3) Le 2 octobre 1024, Conrad II rendit à Liège même un diplôme
en faveur de Durand (St. 1857); cf. Bresslau, t. I, p. 38 et n. 5, p. 39,
t. II, p. 338-340.
(4) Les premiers privilèges qu' Adalbold obtint de Conrad sont du
27 juillet 10^ (St. 1896, 1897). Mais peut-être Bresslau, t. I, p. 91 et
n. 2, a-t-il eu tort d'en conclure que l'évêque d'Utrecht a persisté
jusqu'à cette date dans l'attitude hostile qu'il avait prise vis-à-vis du
nouveau souverain.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 147
la-Chapelle que les évêques de Liège et d'Utrecht firent
leur soumission à Conrad, qui visita ensuite Liège et
Nimègue. Après avoir parcouru durant deux mois la
Basse-Lorraine, Conrad se rendit en Saxe (1).
Dans la Mosellane, les affaires ne prenaient pas une
meilleure tournure pour les adversaires du successeur
d'Henri IL Nous avons vu que, dès la première heure,
l'évèque de Metz avait dû se prononcer pour Conrad
l'Ancien; si Tarchevêque Poppon et Tévêque de Toal
Hermann avaient à Torigine gardé la neutralité, on peut
supposer que, l'élection faite, ils avaient reconnu le nou-
veau roi. Le seul, parmi les prélats de la Haute-Lorraine,
qui se fût nettement rallié au parti de l'opposition,
Haymon de Verdun, termina son existence le 30 avril
1025 (2), et Conrad lui donna pour successeur Rambert,
(1) WipoN, Gesta Chuonradi, c. 6, p. 21-22, St. 1856-1860; cf.
Bresslau, t. I, p. 37-40.
(2) Le jour est donné par le Necrologium s. Viloni {Jahrb. G. L. G.,
14- année, 1902, p. 1391 et par les Ànn. s. Vitoni {SS., t. X, p. 526);
une plaque de métal découverte en 1612 dans le cercueil d'Haymon,
mais aujourd'hui perdue, aurait porté : « XI kal. maii » ; mais Roussel,
H. F., 2- éd., t. I, p. 230, Cloubt, H. F., t. II, p. 22, et Bresslau,
Jahrb. K. 11^ t. I, p. 85, n. 6, croient qu'il y a eu erreur de lecture et
que sur la plaque étaient inscrits en réalité « fl kal. maii ». Le Nécro-
loge de Saint- Airy, suivant Clouet {op. cit., p. 23, n. ?), donne v F kal.
maii », et le Nécrologe de Saint-Germain-des-Prës « /// kal. maii »,
d'après Roussel, {op. cit., p. 230).
Il n'y a pas non plus accord entre les sources au sujet de l'année
durant laquelle Haymon termina son existence. Tandis que les Ann.
s. Vitoni {SS., t. X, p. 526) placent l'événement en 1026, Hugues de
Flavigny, Chron., 1. II, c. 16 (SS., t. VHI, p. 392), l'attribue à 1024. Il
y a un fait qui semble donner raison à Hugues : s'il fallait en croire
RupERT, Chron. s. Laurentii' Leodiemis {SS., t. VIII, p. 271, cf.
RÉGNIER, Vita Reginardi, c. 3, dans les SS., t. XX, p. 572), Conrad,
avant de donner à Reinard l'évéché de Liège l'aurait nommé à celui
de Verdun; mais Durand de Liège étant mort sur les entrefaites,
Reinard sollicita et obtint le siège que le défunt avait occupé. Durand
ayant cessé de vivre le 14 ou le 25 janvier 1025 (voir les textes dans
Brksslau, Jahrb. B. 11, t. I, p 87, n. 3), il faudrait donc que la mort
d'Haymon, qui tombait un 30 avril, fût de l'année 1024. Seulement la
vacance du siège de Verdun aurait eu dans ce cas une durée bien
10
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148 LES ORIGINES DE Là HâUTE-LOKHÂINE
dont la désignation est antérieure au 8 juillet de cette
année (1). Au lieu d'un allié, les ducs lorrains avaient
désormais un adversaire dans révoque de Verdun.
Malgré la soumission des prélits, Gozelon, Thierry,
Frédéric et Régnier ne déposèrent pas les armes. Puisque
le haut clergé de la Lotharingie les abandonnait, ils allaient
se chercher à l'étranger des alliés. Ce n'était pas seule-
ment en Lorraine que Conrad avait rencontré de Toppo-
longue, et l'on ne comprendrait pas qu'Henri, mort le 13 juillet 1024,
n'eût pas trouvé le temps de désigner le successeur d'un prélat décédé
le 30 avril précédent.
D'autre part, Hugues de Flavigny et le Continlatelr de Bertaire,
Gesta ep. Vira., c. 9 (SS., t. IV, p. 49), font durer trente-six ans
l'épiscopatd'Haymon. Si, comme nous le croyons, ce prélat est devenu
évêque en 990, ou au plus tôt en 989, il n'a pu lyourir en 10i4, s'il a
occupé trente-six ans le siège de Verdun.
Roussel, H. T., 2' éd., t. I, p. 229, et Clouet, H. K., t. II, p. 22, ont
adopté 1024 pour la mort d'Haymon, Bresslau, Jahrb. K, llj t. II,
p. 22, et Hauck, KG. /)., t. III, p. 1001, se prononcent pour 10^.
( I ) Nous avons dit dans la note précédente que, d'après Rupbrt,
Reinard, avant de succéder à Durand sur le siège de Liège, avait été
d'abord désigné par Conrad pour occuper celui de Verdun. Toutefois,
il ne nous semble pas que l'on doive accueillir en toute confiance le
récit du chroniqueur liégeois, Durand ayant cessé de vivre plus de
trois mois avant Haymon.
En fin de compte, le siège de Verdun fut donné à Rambert, sur le
passé duquel nous ne savons rien. Les Ann. .<;. Vitoni (SS\, t X,p. 526)
le font succéder à Haymon en 1025 ; Hugues de Flavigny n'indique
pas d'année, mais il raconte l'événement avant de relater la mort
d'Henri II, et, de plus, comme, d'après lui, Rambert serait mort en
1038, après 14 ans de pontificat {Chron., 1. II, c. 16 et 30, SS., t. VIII,
p. 392 et 402), il faudrait donc que la consécration du prélat fût de 1024.
Mais les Ann. necroL FuLd. rapportent la mort de Rambert à l'année
1039; étant donné que l'épiscopat de cet évèque dura, nous venons de
le dire, 14 ans (le Continu\teur de BERTAmE, c. 10, SS., t. IV, p. 49,
donne le même chiffre), il a nécessairement commencé au plus tôt en
1025.
Le premier document qui nous montre Rambert en possession de
l'évêché de Verdun est un diplôme rendu à Spire, le 8 juillet 1025, par
Conrad II en faveur de l'abbaye Sainte-Marie-Madeleine (St. 1893,
Calmet, B. E, c. />., l"éd., t. I, pr., col. 400, 2' éd., t. II,pr.,col. CCLII;
cf. Clouet, H. K., t. II, p. 45, n. 1, et Bresslau, op. cit., i. I, p. 87, n. 2).
Les auteurs contemporains ont adopté pour l'avènement de Rambert
10S4 ou 1025, suivant qu'ils plaçaient en l'une ou en l'autre de ces
deus: années la mort d'Haymon. (Voir la note précédente.)
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ET SA PREMIERE MAISON DUCALE 149
sition ; beaucoup de seigneurs italiens ne voulaient pas
non plus de lui pour roi. Ils oOrirent la couronne d'abord
à Robert le Pieux, qui la refusa, puis à Guillaume V, duc
d'Aquitaine, qui Taccepta sous conditions pour son fils (1).
Tout en déclinant les offres des Italiens, Robert se proposait
d'agir contre Conrad, et des pourparlers s'engagèrent entre
lui et les Lorrains : il était, ne l'oublions pas, cousin ger-
main de Thierry (2). Nous voyons à ce moment le comte
d'Anjou, Foulque Nerra, écrire, sur l'ordre de Guillaume V,
au roi de France une lettre où nous lisons : « Maintenant
donc Guillaume prie humblement votre Grâce de détour-
ner les Lorrains, le duc Frédéric et tous les autres que
vous pourrez, de faire la paix avec le roi Conrad, et de
vous efforcer dans la mesure du possible de lui venir en
aide (3). » Cette lettre fournit une preuve péremptoireque
les ducs lorrains avaient recherché l'alliance du roi de
France. On peut se demander où finalement ils en vou-
laient venir, en faisant appel au Capétien (4). Celui ci,
pour avoir la pleine liberté de ses mouvements, fit la
paix avec son turbulent vassal, le comte de Blois et de
Troyes (o). Ainsi, Conrad était menacé par une coalition
(1) Ck)nsulter sur ces faits Pabst, Frankreich und Konrad der
Ziveite, etc. (P. D. G., t. V, p. 337 et salv), Brbsslai-, t. I, p. 76 et
n. 2, Pfistbr, fl. L. P., p. 374 et suiv.
(2^ Hugues Capet, père de Robert, était le frère de Béatrice, mère
de Thierry.
(3) Rec. H. Fr., t. X, p. 500. Cf. Pabst, p. 356 et n. 1, BUesslai , t. I.
p. 76 et n. 2, Pfistbr, p. 376.
(4) Se proposaieot-ils de reconnaître Robert pour suzerain ? Lii fai-
blesse du roi de France leur faisait sans doute espérer qu'ils joui-
raient d'une indépendaikîe à peu près complète sous Tautorité nomi-
nale de ee prince.
Il est permis de supposer que l'abbé de Saint-Mihiel, Nanthère, servit
d'intermédiaire entre Thierry et Robert. Nous avons vu que le duc
de Mosellane recourait d'habitude à ses services, quand 11 voulait
négocier avec son cousin.
(5) Pabst, Frankreich, etc. (F. D. G., t. V, p. 356-358), Bresslau, t. I,
p. 76-77, PtisWR, p. 376. 11 est vraisemblable, comme le supposent ces
historiens (PABSt, p. 360, BfcESSLAt, ibid. et Pi^isTiA, p. 3f7), que
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150 LES OHIGLNES DE LA HACTE-LOKRALNE
formidable, qui comprenait, outre les grands de la Lor-
raine et de ritalie, le roi de France et quelques uns de ses
plus puissants feudataires. Bientôt, d'autres adversaires
allaient surgir contre lui en Allemagne même, et jusque
dans sa propre famille. C'étaient Conrad le Jeune qui, aux
fêtes de Pâques 1025, eut une violente altercation avec
son cousin germain, puis le propre beau-fils du roi, le
duc Ernest de Souabe, et le comte Welf. Les sources ne
disent pas s'ils s'étaient entendus avec les Lorrains, mais
nous ne serions pas éloigné de croire que Conrad le Jeune,
en particulier, agissait à Tinstigation de son beau-père
Frédéric. Toujours est-il qu'ils conspirèrent contre le roi,
et mirent des garnisons dans leurs villes et leurs châ-
teaux (1).
Conrad paraissait donc se trouver dans une situation
de? plus critiques, exposé qu'il était aux attaques d'ad-
versaires nombreux. Mais le successeur d'Henri II n'était
pas homme à s'effrayer des dangers qui le menaçaient de
toutes parts. A côté du vaillant soldat qui avait, à maintes
reprises, fait ses preuves, il y avait chez le nouveau roi
d'Allemagne un politique clairvoyant, avisé et tenace. S'il
avait de l'énergie, s'il entendait être respecté au dehors
comme au dedans de ses États, s'il ne redoutait pas de se
mesurer avec ses ennemis sur un champ de bataille, il
était également prêt à employer contre eux les ressources
d'une habile diplomatie, il savait négocier, temporiser et
se servir adroitement de toutes les occasions favorables
qui s'offraient à lui. En 1025, justement, d'heureuses cir-
constances devaient lui venir en aide et le tirer d'em-
barras: au lieu de l'incendie qui semblait devoir embraser
Robert et le comte de Troyes se proposaient d'envahir la Lorraine et
d'y rallier les ducs Gozelon et Thierry.
(1) Ànn. Sangallcnsfs majorea^ 1031, Ann. Augustani, 1025, Her-
MANN DE Reichenau, Chroti., 1025 {SS., t. I, p. 83, t. III, p. 125, t. V,
p. 120). Cf. Pabst, p. 359, Bresslau, t. I, p. 57-58, 92-94.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 151
tout rOccident, il ny eut finalement qu'un simple feu de
paille en Lorraine.
Vers le milieu de Tannée 1025, le roi de France, après
avoir dessiné un mouvement offensif du côté de Cam-
brai (1), se tourna vers la Mosellane et menaça la ville de
Metz, la plus forte place du pays,, dont Tévêque Thierry II,
nous l'avons vu, s'était prononcé pour Conrad IL Mais le
nouveau roi d'Allemagne marcha contre Robert et le
contraignit à la retraite (2).
(1) Gesta ep. Camer., 1. III, c. 50 {SS., t. VII, p. 485); cf. Pfisteb,
p. 377.
(2) Le siège de Metz par Robert, ou plutôt le projet qu'avait fait ce
prince de s'emparer de Metz nous est connu par un fragment de chro-
nique, que M. Prost a tiré d'un manuscrit de la Bibliothèque impé-
riale de Vienne, et que M. Davillé a textuellement reproduit dans sa
Note sur la politique de Robert- le- Pieux en Lorraine (Ann. E., 14' an-
née, 4900, p. 75-76). Voici le passage de cotte chronique concernant
l'attaque esquissée par le roi de France contre la \ille de Metz :
« Robertus Francorum rex ad invadendam Mettim animum intendit^
sed Corardus imperator ei resistit. » Il est à remarquer que Sigebert
DE Gembloux, Chron., 1026 (SS., t. VI, p. 3:;6) et le frère André,
Chron. [Rec. H. Fr., t. X, p. 290) parlent presque dans les mômes
termes d'une tentative de Robert sur la Lorraine. Voici le passage de
Sigebert : « Robertus rex Francorum ad invadendam Lotharingiam
animum intendit, sed cito ab hoc conatu destilit. » Le frère André
s'exprime ainsi : « Post mortem Heinrici imperatoris potentissimi
Robertus rex Francorum ad invadendam Lotharingiam animum
intendit, sed vidons magnanimitatem Conradi illius successoris cito
ab hoc conatu destitit. » On voit par les mots écrits en italiques
quelle ressemblance frappante offrent les trois phrases : ou deux
des auteurs ont copié le troisième, ou tous trois ont puisé à une
même source. Comment se fait-il que Sigebert et le frère Axdré par-
lent de la Lorraine en général, tandis que la chronique publiée par
M. Davillé précise et indique la ville de Metz comme l'objet visé par
Robert ? \
M. Davillé, dans l'article cité plus haut, a recherché {Ann. E.,
p. 84-85) l'époque à laquelle le roi de France avait pu marcher sur
Metz et Conrad aller à sa rencontre; finalement, il se prononce pour
le mois de juillet (p. 85), ce qui ne laisse pas que de surprendre, car
à la page précédente il avait montré que l'itinéraire de Conrad, durant
le mois de juillet, ne se conciliait pas avec un séjour de ce prince en
Lorraine. Il vaudrait mieux, nous semble-t-il, adopter le mois d'août,
pour lequel on ignore, faute de diplômes, où lo roi d'Allemagne a
résidé pendant cette période.
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Qoo^(^
132 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
Cette tentative ne se renouvela pas, et la redoutable
coalition qui s'était formée contre Conrad n'allait pas
tarder à se dissoudre. Robert perdit son fils aîné Hugues,
et la douleur qu'il en ressentit lui fit abandonner ses
velléités de conquêtes. D'autre part, la guerre s'était ral-
lumée entre les comtes de Tours et de Blols; Eudes II,
battu par Foulque Nerra, ne songeait plus qu*à prendre
sa revanche (1). En Italie, l'archevêque de Milan Herbert,
ainsi que plusieurs évêques ou seigneurs laïcs, avaient
fait leur soumission à Conrad (2). Se voyant abandonné
par quelques-uns de ceux qui lui avaient promis leur
appui, Guillaume V d'Aquitaine se hâta de renoncera une
entreprise où, du reste, il ne s'était engagé qu'avec réser-
ves (3). Ainsi les Lorrains voyaient se dérober l'un après
l'autre les alliés dans lesquels ils avaient placé leur
espoir. Force leur fut, en conséquence, de se soumettre à
Conrad n (4).
Au mois de novembre 1023, le comte palatin de Lorraine
Ezzon réunit à Aix-la-Chapelle une assemblée, où vinrent
(le très nombreux seigneurs de tout le royaume de Lor-
raine (5). Or, comme Ezzon était certainement un partisan
de Conrad (6), il est hors de doute qu'il n'agissait ainsi
(1) Voir Pabst, p. 361 et suiv., Bressi^\u, t. I, p. lOfi-111, Ppister,
p. 378-381.
(2) Brbsslau, t. I, p. 79 81.
(3) Se reporter à la n. 1 de la p. 149. Ce n'était pas pour lui, nous
l'avons dit, mais pour son fils, qu'il avait accepté les offres des Italiens.
(4)* S'appuyant sur Sigfbert de Gembloux, Chron., 1026 (SS,, t. VI,
p. 356), Manitius, Deutsche Geschichte^ p. 371, n. 1, soutient que la
soumission des ducs des deux Lorraines empêcha Robert et Eudes II
d'attaquer Conrad. C'est une erreur, et Bresslau ainsi que Ffisteh me
paraissent dans le vrai, quand ils attribuent la nouvelle attitude de
Gozelon et de Thierry au découragement que leur inspirait la certitude
de ne recevoir aucun secours du roi de France ni du comte de Troyes.
(5) Brunwilarensis monasterii fundatorum actus, c. 16 (SS,, t. XIV,
p. 134-ia*>). Cf. Bresslau, t. I, p. 112 et n. 1.
(6) ScHMiTz, Die Geschichte der lothringischen Pfalzgrafen^ p. 23,
n'a pas recherché quel rôle avait alors Joué le comte palatin de Lor-
raine.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 153
que sur l'ordre du souverain. L'objet de la réunion, à n'eu
pas douter, était de mettre fin à la révolte des ducs et de
leurs adhérents. On peut conjecturer en outre que Pili-
grim de Cologne et Poppon, abbé de Stavelot, Tun des
chefs du parti clunicien en Lorraine, s'entremirent pour
ramener la paix entre le roi et ses adversaires (1).
Enfin, la réconciliation eut lieu à Aix-la-Chapelle, où
Conrad célébra en 1025 la fête de Noël (2). Les ducs Goze-
lon et Thierry ainsi que l'évêque Gérard de Cambrai se
rendirent dans cette ville, reconnurent Conrad pour roi,
lui prêtèrent hommage et reçurent en retour une nouvelle
investiture de leurs fiefs et dignités (3). Les sources ne
disent pas que Frédéric eût accompagné son père. Conrad,
à ce qu'il semble, n'avait encore fait qu'une courte appa-
rition dans la Mosellane, quand il avait contraint Robert de
(Ij Pour Plllgrim, on peut le conclure du fait que l'archevêque assista
aux obsèques de Mathilde, femme d'Ezzon, qui furent célébrées au
mois de novembre 1025 {Brunw. mon. fund. actus, c. 16, SS., t. XIV,
p. 235). — En ce qui concerne Poppon, voir la Vita Popponis Stabu-
lensis abbalis, c. 18 {SS., t. XI, p. 304); cf (Pflugk-)Harttung, Die
Anfànge etc., p 203, Bresslau, t. I, p. 112 et n. 4, Sackur, DieClu-
niacenser, t. II, p. 187.
(2) Ann. Sangallenses majores, 1026, Gésta ep. Camer., 1. III, c. 50
(SS., t. I, p. 83, t. VII, p. 485).
(3) c( Ducibus tandem post annum et fere médium ad pacem flexis,
cum eis ad Aquasgrani palatii ivit (Gérard, évêque de Cambrai), seque
deditioni régis libens obtulit » {Gesta ep. Camer., 1. III, c. 50, SS.,
t. VII, p. 485). Du moment que les Gesta se servent du terme « duci-
bus », c'est que Thierry et peut-être aussi Frédéric avaient, comme
Gozelon, fait leur soumission à Conrad. Sur ces événements consulter
Pabst, p. 365, Bresslau, t I, p- 112-113, Pfister, p. 381 (Pflugk-)
Harttung, Untersuchungen, etc., p. 98, Richter et Kohl, op. cit.,
p. 276 et n. d. Bresslau, 1. 1, p. 113, n. 1, a combattu victorieusement,
à ce qu'il nous semble, l'hypothèse de Gieseijrecht [G. D. A'., t. II,
p. 237), qui prétendait que Conrad avait décidé Gozelon à déposer les
armes, en lui promettant le duché de Mosellane après la mort de
Frédéric Comment le roi. en effet, aurait-il pu prendre des engage-
ments semblables, et comment Gozelon aurait-il eu l'idée de les exiger ?
A la fin de 1025, ni Conrad, ni Gozelon ne savaient à quelle époque
se terminerait l'existence de Frédéric ; ils ignoraient de même si le
duc de Haute-Lorraine ne laisserait pas soit un fils, soit un gendre
apte à lui succéder.
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154 LES ORlGrNES DE LA HAUTE-LORRAINE
renoncer à sa tentative sur Metz. Le moment lui sembla
venu de se montrer à nouveau dans cette province, et d'y
faire acte de souverain. D'Aix-la-Chapelle il partit pour
Trêves, en compagnie de Thierry et de plusieurs prélats.
Nous relevons Tintercession du duc de Mosellane en
faveur de Saint-Maximin le 11 janvier 1026 (1). L'exemple
donné par les Lorrains allait être suivi par Ernest, qui
vint solliciter son pardon en février 1026 ; il finit par
Tobtenir, grâce apx supplications de sa mère Gisèle et de
son demi-frère Henri (2). Bien que Conrard le Jeune ne
semble pas avoir alors fait sa soumission, le roi partit
tout de même pour Tltalie (3). Nous ne savons d'ailleurs
si le duc de Mosellane eut à fournir des troupes pour cette
expédition (4).
C'est dans le diplôme de Conrad pour Saint-Maximin
que nous trouvons la dernière mention de Thierry, qui dut
mourir en 1026 ou en 1027. Les chroniqueurs du Moyen
Age ayant omis de nous faire connaître la date de Tévéne-
ment (5), les historiens modernes l'ont conjecturée les uns
d'une façon, les autres d'une autre, et ne sont pas arrivés à
s'entendre. D'après Wipon, l'auteur des Gesta Chiwnradi
imperatoris(6)y Frédéric (II), fils de Thierry et duc de Haute-
Lorraine, aurait été surpris par la mort au moment où il
(4) St. 4901, MR. UB., t. I, n» 304, p. 352. Cf. Bresslau, t. I,
p. 144-446.
(2) Wipon, Gesla Chuonradi, c. 40 et 44, p. 20-24, Hermann de
Reichenau, Chron., 1026 ISS,, t.V, p. 420). Cf. Bresslau, t. I, p. 446.
(3) Wipon, c. 44, p. 24.
(4) Par contre, la Vita s. Leonis IX (1. I, c. 7), de Vuibert (Watte-
RicH, Pontificum romanorum vitae^ t. I. p. 134) nous apprend que
Brunon accompagna Conrad en Lombardie, au lieu et place de son
évêque Hermann.
(5) Sauf toutefois Jean de Bayon, Chron. Med. Mon.^ 1. II, c. XLVIII
(Calmet, h. E. ci., 4" éd., t. II, pr., col. XLVIÏ, 2« éd., t. ÏII, pr.,
col. CCXVIII), qui fait mourir Thierry en 4029.
(6) Gesta Chuonradi imper atoris^ c. 49, p. 29. Selon Jean de Bayon,
Chron. Med. Mon.^ ibid. (Calmet, ihid.), Frédéric, fils de Thierry,
mourut avant son père : serait-ce Wipon qui l'aurait induit en erreur ?
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Qoo^(^
ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 155
préparait une révolte contre Tempereur, qui se trouvait
alors en Italie. Wipon a très certainement commis ici une
erreur, puisqu'une charte de 1032 en faveur du prieuré
d'Amel mentionne le duc Frédéric (1). On peut supposer
que le biographe de Conrad a confondu Frédéric II avec
son père, et que c'est ce dernier qui a terminé ses jours à
répoque indiquée. Un des Obituaires de Saint-Mihiel plRce
le 11 avril la mort de Thierry (2) : comme le duc vivait
encore le 11 janvier 1026 (3), comme d'autre part nous
savons par les diplômes de Conrad que ce prince séjourna
en Italie du mois de mars 1026 au 25 mai 1027 (4), il faut
que le iils de Frédéric l^^ soit mort en 1026 ou en 1027, si
toutefois l'événement s'est produit, comme l'avance Wipon,
pendant l'absence de l'empereur-roi (5). Nous ne savons
(1) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. Il, n» 126, p. 227.
(2) On lit à la date du II avril « Commemoratio Theodorici ducis »
dans VObituaire du xvii« siècle (Archives de la Meuse, série H., fonds
Saint-Mihiel, N 2). Selon Calmet, H. E. C. t., 4" éd., t. I, col.
CXCIIl, 2« éd., t. I, col. CCLXXXV, VObituaire de Saint-Mihiel aurait
donné pour le décès de Thierry la date du 2 janvier; en réalité, c'est
le comte Thierry, fils de Louis et de Sophie, qui mourut à cette date,
comme l'indique clairement la mention que lui accorde VObituaire du
XV' siècle : « Pour Theodoric comte fondateur du prioré d'Asmenge ^)
(Archives de la Meuse, série H., fonds, Saint-Mihiel, N 1 ; le premier
feuillet de N 2 manque). Nous verrons tout à l'heure que Calmet a
commis une erreur du même genre à propos de Frédéric II, qu'il a
confondu avec son arrière petit-fils et homonyme, Frédéric, comte de
Ferrette.
(3) Comme le prouve le diplôme rendu ce jour-là parle roi en faveur
de Saint-Maximin (voir ci-dessus, p. 154, n. 1).
(4) St. 19(B-1953.
(5) Si Wassebourg, Les antiquités de la Gaule Belgique, f* 230 r^« et
DE Rosières, Stenimata Lotharingiœ ac Barri ducum, f* 394 r*% pla-
cent en 1032 la mort de Thierry, la plupart des historiens modernes
adoptent 1(^4, ou même croient l'événement antérieur à cette dernière
année. Citons en particulier Ghantereau Le Febvre, Considéi ations
historiques, etc., p. 167, Benoit Picart, La vie de saint Gérard,
p. 341-345, Histoire de Tout, p. 99, Calmet, H, E. C. I., 1" éd., t. 1,
col. CXCIII et col. 941, 2« éd., 1. 1, col. CCLXXXV, de Maillet, Essai sur
l'histoire du Barrois, p. 13, Digot, H. /.., t. I, p. 216, J^rschkerski,
Godfrid der Bàrtige^ Beilage 3, Huhn, Geschichte Lothringens, t. I,
p. 9S. Pour Khbmer, qui a eu connaissance et du privilège de Conrad II
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i.% LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE
trop, du reste, à laquelle de ces deux années il convient
de donner la préférence.
Les cinquante années <iu'avait duré le règne de Thierry
n'avaient pas été favorables à la maison ducale ni à la
Mosellane ; une série de malheurs, les uns personnels au
due, les autres d'une portée plus générale, avait marqué
cette longue période : invasion de la Haute-Lorraine par
Lothaire, occupation de Verdun et prise de Thierry lui-
même, perte de Tévêché de Metz pour le petit Adalbéron,
de la dignité comtale pour Thierry, nouvelle captivité de ce
dernier à la suite du guet-apens que lui avaient tendu les
Luxembourg», deuxième guet-apens en Bourgogne, d'où le
duc sortit blessé, attaques d'Eudes contre la Lorraine,
enfin échec de Thierry et de son fils dans leur tentative
pour faire donner la couronne à Conrad le Jeune. Tous ces
événements n'avaient pas, tant s'en faut, la môme impor-
tance ; mais l'effet de quelques-uns d'entre eux devait être
profond et durable. La perte de la dignité comtale à Metz a
été particulièrement fâcheuse : elle marque pour la Haute-
Lorraine le début d'une désagrégation qui va se poursuivre
durant tout le xi* siècle. Enfin, les échecs subis par
Thierry à l'intérieur de son duché ou au dehors nuisaient
pouF Siiint-Maximin, et du Chron. Medii Monasteriij le duc Thierry du
diplôme n'est pas le duc de Haute-Lorraine ; il soutient en outre, avec
plus de raison, que l'autorité de Jean de Bayon a peu de poids ; aussi
estime-t-il que Thierry finit ses jours avant 1024 {GenealogUche
Geschichte des Àrdenneschen Geachlechts^ p. 29 et n. H). Le premier,
Stenzel, Geschic/ile Deutschlands unter den frànkischen Kaisern,
t. Il, p. 113-115, s'est douté que Wipon avait commis une erreur, et
qu'au lieu de Frédéric il avait voulu écrire Thierry ; par conséquent,
d'après cet auteur, Thierry n'avait pu mourir qu'après le 2 janvier 1026.
Bresslau, Jahrb. K. 11.^ 1. 1, p. 202 et n. 5, en rapprochant les rensei-
gnements fournis par le diplôme pour Saint-Maximin, par Wipon, et
par VObituaire de Saint-Hihiel, était arrivé â la conclusion que
Thierry avait terminé son existence en 10:27. Nous avions, dans notre
De prima domo^ p. 12 et n. 8, adopté l'opinion du savant historien de
Conrad II. Notre manière de voir s*est naturellement un peu modifiée,
par suite de la découverte de Terreur où était tombé Calmet.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 157
au prestige de Tautorité ducale ; ils semblaient prouver
que le duc n'était pas à la hauteur de sa tâche, et qu'il ne
possédait ni les qualités personnelles, ni les moyens maté-
riels nécessaires au maintien de Tordre dans la Mosellane
ainsi qu'à la défense de la province contre les attaques
des ennemis extérieurs.
Pour être juste, il est bon d'ajouter que les malheurs de
Thierry ne sont pas uniquement imputables à son insuffi-
sance. La faiblesse d'Henri II en est dans une certaine
mesure responsable. Sous Otton le Grand, par exemple, on
n'aurait vu ni l'usurpation du siège de Metz par Thierry
de Luxembourg, ni la tentative du même genre que fit
Adalbéron à Trêves, ni la capture de Thierry de Mosellane
par les Luxem bourgs.
Quelles qu'aient été du reste les causes des revers subis
par le second duc de Haute-Lorraine, le mal qu'ils avaient
produit ne devait point être réparé ; jamais la Mosellane
ne retrouvera l'unité ni la force qu'elle avait perdue pen-
dant le premier quart du xi® siècle.
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CHAPITRE III
Frédéric II (1) seul duc (1027 (?)-1033).
Le rôle de Frédéric II pendant les six dernières années
de sa vie nous est à peine connu. Pourtant, nous savons
que son humeur inquiète et brouillonne ne l'avait pas
abandonné. Profitant de la longue absence de Conrad II,
qui passa quinze mois dans la Péninsule (2), Frédéric lui-
même, son beau-fiis et le duc Ernest de Souabe, recom-
mencèrent d'intriguer et de s'agiter contre le souverain
allemand (3). Nous ignorons si Thierry fut mêlé à ces
complots, qui semblent s'être renoués alors qu'il était
encore vivant.
En 1024, les ducs de Mosellane avaient fait appel à leur
cousin Robert de France. Ne pouvant plus compter sur
l'appui de ce prince, Frédéric tourna ses regards vers
l'orient. C'est l'alliance d'un autre ennemi de l'empire
celle de Micislas (Miesko) roi de Pologne, que cette fois il
rechercha (4). Il ne semble pas que les négociations aient
{i) Il est bon de faire observer que, pour Jean de Bayon, Chron.
Med. Mon., 1. II, c. XLVIIÏ (Calmet, H. E. C. 1., 1" éd., t. II, pr.,
col. LXVII, 2«éd., t. III, pp., col. CCXVIII), Frédérle II est le petit-fils
de Thierry ; il fait mourir Frédéric, fils de Thierry, avant son père
(2) St. 1905-1953. Cf. Buesslau, Jahrh. K. II, t. I, p. 121-188.
(3) îi Chuono, dux Wormatiensis, patruelis imperatoris, nec tidus
imperatori. nec tamen multum noxius illi, intérim quietus mancbat.
Fridericus dux Liutharingorum, vitricus pnedicti Chuononis, impera-
tori inimicando morte propria praeventus est. Ernestus dux Alaman-
niae, privignus imperatoris Chuonradi, nuper ab eo beneficiis et m'une-
ribus sublimatus discedens, iterum instigante diabolo rebelUonem
moliebatur » (Wipon, Gesta Chuonradi, c. 19, p. 29 30). Cf. Bhesslau,
t. I, p. 197-203, 460-461, Giesebrecht, G. D. A., t. II, p. 252-255.
(4) On peut du moins le conjecturer d'après la lettre qu'écrivit à
Micislas la femme de Frédéric. Mathilde en apparence ne s'adresse
au roi de Pologne que pour lui annoncer l'envoi d'un livre liturgique,
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LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE 159
abouti à une entente entre le Polonais et le Lorrain. Du
moins, nous ne croyons pas que Frédéric ait pris les
armes. Il a pu se faire que la mort de Thierry empêchât
son fils de recommencer les hostilités : Frédéric avait à
craindre en effet que le roi, pour le punir de sa rébellion,
ne lui refusât Tinvestiture de la Haute-Lorraine et ne
donnât le duché à un autre (1). Quoi qu'il en soit des
secrets desseins de Frédéric, il évita de se joindre au duc
Ernest, qui par deux fois, en 1026, puis en 1030 se révolta
contre son beau-père (2). Aussi Frédéric demeura-t-il
jusqu'à sa mort en possession de la dignité ducale (3).
Nous savons de plus qu'en 1030 Mathilde, sa femme, se
trouvait à Ingelheim auprès de sa sœur Gisèle et de
Conrad II, qui célébrèrent dans cette villa royale les fêles
de Pâques (4). Mathilde et son mari étaient donc rentrés
dans les bonnes grâces de leur beau frère. Rappelons
enfin qu'après la mort de Frédéric ses filles Béatrice et
Sophie furent recueillies par Gisèle, qui se chargea de les
élever (5).
Vers la fin de 1027, l'empereur se montra dans la
Haute-Lorraine. Le 9 décembre de cette année, on le trouve
à Toul, où il renouvelle et confirme les privilèges anté-
maîs pourquoi ce cadeau à un prince ennemi de l'empire, si elle n'avait
attendu de lui en retour quelque service ? Les élog<^s hyperboliques
dont elle le comble, le titre de roi qu'elle lui donne, alors qu'aux yeux
de Conrad et des Allemands Micislas était un simple duc, font suppo-
ser que l'envoi du livre était un prétexte, une entrée en matière, et
que le porteur du message avait sans doute pour mission principale de
proposer au souverain polonais une alliance contre Conrad II. Gibse-
BREGHT, G. D. K.y t. II, p. 699, a reproduit la lettre de Mathilde.
ti) Voir Bresslau, t. I, p. 202-203, 237-238, 461-462.
(2) Cf. BRESSL4U, t. I, p. iOO-202, 217-220, 287-289, 301-303.
(3) La charte de Rambert, évéque de Verdun, de 1032, en fournit la
preuve.
(4) Ekkehard, Casus sancti Galli, c. 6 {SS., t. II, p. 111), Wn>oN,
Gesta Chuonradi, c. 25, p. 33. Cf. Bresslau, t. I, p. 286-287.
(5) Voir ci-dessous, p. 167, n. 2.
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160 LES ORIGINES Dfi Là HAUTE-LORRAIN ë
rieurement accordés à Fabbayd de Bouxières aux-DaiDes(l)*
Frédéric n'est pas ûommé dans ce document ; nous ne
savons pas non plus, quoique la chose soit vraisemblable,
s'il se trouvait à Aix la-Chapelle en 1028, lorsqu'Henri, le
jeune fils de Conrad II et de Gisèle, lut dans cette ville
créé et couronné roi (2). La charte de Rambert du 6 sep-
tembre 1032 est, depuis 1027^ le seul document où Ton
trouve mentionné le duc de Mosellane (3).
L'année 1032 vit se produire un événement qui entraîna
les plus graves conséquences. Rodolphe III, roi de Bour-
gogne^ mourut le 5 ou le 6 septembre 1032 (4), sans laisser
d'enfant, et sa succession fut revendiquée par ses cousins,
l'empereur Conrad et le comte de Troyes Eudes II (5).
La Bourgogne elle-même, la Champagne et la Mosellane
devaient servir de théâtre aux hostilités. En 1032 et au
début de l'année suivante^ ce fut sur la Bourgogne que se
concentra Teifort des deux adversaires, qui du reste ne se
rencontrèrent pas (6). Mais dans le courant de 1033, un
rapprochement de Conrad et d'Henri I®' allait amener
dans la vallée de la Moselle le comte de Blois et de Troyes.
Résolu d'attaquer Eudes dans ses iiefs français, l'empereur
avait désiré s'assurer l'alliance — ou tout au moins
la neutralité — du roi de France, suzerain du comte.
Brunon, évéque de Toul (7), et Poppon, abbé de Stavelot,
(1) St. 1965, GALMfT, H. B. C. L, t. I, pr., coL 4(», 2* éd., t. H, pf .,
edl. GGLIV. Cf. duttsLAU, t. I, p. 237-238.
(2) C'est le 14 avril 1028 qu'eut lieu !a cérémonie (BtiEssLAtf, t. I,
p. 240-2H). Le séjour de Conrad II à Aix-la-Chapelle s'étend sttr lés
moî^ d'avril et de Mal (St. 19671970).
(3) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n" 126, p. 227.
(4) PouPARDiN, Le royaume de Bourgogne, p. I4i et n. 2.
(5) PouPARDiN, op. Cit., p. 145 et suiv.
(6) PouPARbiN, op, cit., p. 154-162.
(7) flermann était mort en 1026 (Vuibert, Vita s. Leonis IX, 1. 1, c. 8
[WATTERicsa, Pontificum romanorum vitœ, t. I, p. 135] |, le U* avril,
après un épiscopat de sept années {Gesta ep. tuU.^ c. 37, SS., t. VllI,
p. 643). Conrad, à la demaade du clergé et du pewplefde Tdul, hil donna
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Qoo^(^
ET SA PREMIÈRE MAISON DUGAJLfi 161
furent envoyés par Conrad à Henri I»' (1), qui, redoutant
l'ambition de son puissant vassal, prêta une oreille favo^
rable aux ouvertures dont les deux prélats lorrains étaient
porteurs. Il fut décidé en conséquence que Tempereur et le
roi de France se rencontreraient à la limite de leurs Etats,
comme c'était alors l'usage ; Deville (2), sur les bords de
la Meuse, fut le lieu choisi pour l'entrevue (3).
Conrad et Henri se trouvèrent en effet dans les derniers
jours de mai à l'endroit indiqué (4). Un accord se conclut
entre les deux princes^ et, si le Capétien ne s'engagea
pour snceesseur Brunon, fils du comte Hugues de Dachsburg et clerc
de l'église de Toul, qui fut intronisé le 20 mai 1026 et consacré le
9 septembre 1027 (Vuibert, V. s. L. IX, 1. I, c. 8-12, dans WatteRich, op.
cit., t. I, p. 1^1-142).
(1) VuiDERT, Vita 8. Leonis IX, \. I, c. 14 (Watterich, Pontificum
romanorum oitœ, t. I, p. 145), et Vita Popponis, c. 18 (SS., t. Xï^
p. 304).
(2; Ardednes, Méxières, Montbei^mé.
(3) Consulter sur les pourparlers entre Ck)Drad et Henri Bbesslau,
t. II, p. 76-78, RicHTER et Kohl, Ann. d d. r., 3' partie, t. I, p. 297,
n. b, Sackuk, Die Cluniacenser, t. Il, p. 240, Poupardin, Le royaume
de Bourgogne, p. 162.
(4) La date de l'entrevue des deux princes n'est donnée par aucun
document, mais il est permis de la fixer avec une assez grande vraisem-
blance à la fin de mai. Conrad a sans aucun doute tenu à s'aboucher
atrec le rôl de France avant d'attaquer la Gbampagbe ; l'ôVénement est
donc antérieur au mois d'août 1033. L'itinéraire de l'empereur, tel que
nous le font connaître ses diplômes, exclut pour la conférence toute
période autre que celle qui s'étend du milieu de mai an milieu de
juin. Enfin le duc de Mosellane Frédéric II était déjà mort au moment
oti les deux souverains se réunirent à Deville ; il ressort en effet d'une
charte d'échange entre Stavelot et Saint-Martin de Metz, charte sans
date, mais qui est contemporaine de l'entrevue et qui a été dressée
à Deville même, qu'à ce moment Gozelon avait déjà l'avouerie de
Saint-Martin et par suite la dignité de duc de Haute- Lorraine. Sur
cette question voir Bresslau, op. cit., t. II, p. 483-484, Sackur, Die
Cluniacenser, t. II, p. 241, n. 2, et Bresslau, Ueber die Zusammen-
kunft zu Deville zwischen Konrad II und Beinrich 1 von Fran-
kreich, und iiber das Todesdalum Berzog Friedrichs 11 von Oberlo-
thringen (Jahrb. G. L. G., 18« année, 1906, p. 456462». Sans accepter
toutes les conclusions de Bresslau, surtout en ee qui concerne la mort
d6 Frédéric II, noua cfoyons qu'il a raison d« mainlMilr la fin de mal
pour Fépoqne de l'entrevue.
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162 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE
pas à combattre son vassal, le comte de Troyes, il laissa
tout au moins pleine liberté à l'empereur pour venir
l'attaquer en Champagne (1).
Avant même que Conrad eût profité de l'autorisation
qu'Henri lui avait accordée, Eudes, prenant l'ofiensive, se
jeta sur la Haute-Lorraine, où il exerça d'affreux ravages,
sans toutefois réussir à prendre la ville de Toul (2). Son
vieil adversaire, le duc Frédéric, n'était plus là pour lui
tenir tête : il avait dû en effet, comme nous allons le voir,
mourir le 22 mai précédent, quelques jours avant la réu-
nion à Deville des deux souverains.
Au surplus, nous ne savons rien du rôle qu'avait joué
Frédéric lors des derniers événements, ni de l'attitude qu'il
avait adoptée. Sa femme était cousine du dernier roi de
Bourgogne (3), et le duc de Haute-Lorraine aurait donc pu
être tenté de réclamer la succession vacante, non pour lui-
même, mais pour le fils de Mathilde, Conrad le Jeune.
Toutefois, il semble que ni Frédéric ni son beau-fils n'aient
élevé de prétentions sur l'héritage de Rodolphe III (4).
On croyait, sur la foi de Galmet, que, d'après le Necrolo-
gium sancti Michaelis, le duc de Mosellane était entré le
7 août dans la voie de toute chair (5). Mais le personnage
du nom de Frédéric mort en août est en réalité un comte
de Ferrette, fils du comte de Bar Thierry II, arrière-petit-
fils par conséquent de Frédéric II (6). Peut-être devrait-on
(1) Cf. Bresslau, op. cit.^i, II, p. 77etsuiv., Poupardin, Le royaume
de Bourgogne, p. 162-163.
(2) Chron. s. Michaelis, c. XXVIII, p. 21. Cf. Bresslau, t. II, p. 87,
Poupardin, op. cit., p. 163.
(3) Nous nous occuperons un peu plus loin de la généalogie de
Mathilde.
(4) Poupardin, op. cit., p. 151.
(5) Calmet, h. E. C. t., 1" éd., t. I, col. CXCIII, 2* éd., t. I,
col. CCLXXXV.
(6) « Friderich, comte fondateur du priore de Lattre dessoulz
Ama(n)ce » (Archives de la Meuse, série H., fonds de Saint-Mihiel,
Obituaire du xv« siècle, f» 21, r»'» N 1, Obituaire du xvii« siècle [non
paginé]).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 163
identifier ce dernieravec le a Fridericus dux » commémoré
à la date du 22 mai par le Necrologium Wizenburgense (1).
Admettons qu'il en soit ainsi ; étant donné d'autre part
que Frédéric vivait encore le 6 septembre 1032, comme le
prouve la charte de Tévêque Rambert pour le prieuré
d'Amel (2), la mort du dernier duc de Mosellane n'a pu se
produire avant 1033. D'un autre côté, le Chronicon sancti
Michaelis affirme que Frédéric était déjà mort quand Nan-
thère, abbé de Saint-Mihiel, alla rappeler à Conrad II une
promesse que celui-ci lui avait faite lors d'un séjour à
l'abbaye (3). Or, comme l'empereur s'arrêta en août 1033 à
Saint-Mihiel (4), et que très vraisemblablement Nanthère
n'attendit pas une année entière pour lui remettre en
mémoire ses engagements, nous voyons là une nouvelle
raison de placer la mort de Frédéric II en mai 1033 ;
l'événement serait donc antérieur de quelques jours à
l'entrevue qui réunit à Deville les souverains de la France
et de l'Allemagne (5).
(1) BôHMER, Fontes, t. IV, p. 310. Le Necrologium sancti Haximini
(Jahrhiicher der Altertumsfreunde im Rheinland, t. LVII, p. 113)
mentionne à la même date un « Fridericus dux juvenis )), dans lequel
Bresslau avait cru voir le fils de Frédéric II, mort avant son père
{Jahrb. K. IL, p. 72, n. 4) ; nous avions tout d'abord {De prima
domo, p. 17) adopté l'hypothèse du savant professeur de Strasbourg,
qui l'a maintenue récemment dans son travail Ueber die Zusammen-
kun[t zu Deville, etc. {Jahrb. G. L. G., 18« année, 1905, p. 461).
Aujourd'hui, il ne nous est plus possible d'adopter cette manière de
voir ; nous avons essayé de démontrer plus haut (p. 47, n. 8),
contrairement aux assertions de Bresslau, que c'est Frédéric I", et
non Frédéric II, qui est mort un 18 mai ; aussi nous paralt-il naturel
d'appliquer plutôt à Frédéric II qu'à son fils, mort en bas âge, la
mention des Nécrologcs de Wissembourg et de Saint- Maximin.
(2) Cartulaire de Gorze, Mettensia, t. II, n» 126, p. 227.
(3) Cliron. s, Michaelis, c. XXXII, p. 23.
(4) Le Chron. s. Michaelis n'indique pas à quelle époque l'empereur
est passé à Saint-Mihiel, mais un diplôme de Conrad pour Saint-Evre,
du 20 août 1033, est daté de Saint-Mihiel (St. 2048, Mabillon, Ann.
G. S. D., t. IV, p. 384).
(o) Nous avons déjà dit, p. 161, n. 4, que c'était aussi l'avis deBREssi.AU.
La divergence de nos opinions en ce qui concerne la mort de Frédéric II
11
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164 LES ORIGINES DE LA HAUTE -LORRAINE
Ajoutons à ces preuves qu'il n'est point parlé de Frédéric
dans les documents qui racontent l'invasion de la Cham-
pagne par Conrad IL Si enfin l'on ajoute foi à la majorité
des manuscrits de Sigebert de Gembloux, c'est en 1033 que
Gozelon, déjà duc de Basse-Lorraine, fut en outre chargé
de la Mosellane par Conrad (1), qui avait intérêt à ce que
n'a en fait aucune importance, puisqu'il ne s'agit que d'une différence
de quatre jours.
(1) C'est Bresslau, op. cit.^ t. IT, p. 72, n. 4, qui a mis ce fait en
lumière. Un autre argument du même auteur ne nous paraît pas avoir
la môme valeur : une église bâtie par Nanthère dans une des villœ
dont il avait obtenu la restitution après la mort de Frédéric II fut
terminée, nous apprend le Chron. s. Mich^ c. XXXV, p. 25, vers le
1" juin, trois ou quatre jours avant l'Ascension. Comme cette fête
tombait le 31 mai on 1033, le 23 mai en 1034, le 7 mai en 1035, Bresslau
estime que l'on ne peut songer à cette dernière année, où plus de trois
semaines séparent alors l'Ascension du l'^juin. 1033 est également
hors de cause, car Frédéric vivait encore le 6 septembre 1032, et la
construction de l'église a dû prendre environ un an. D'ailleurs, on a la
certitude que Frédéric n'était plus au monde en 1034. C'est donc en 1034
que se placerait la consécration de l'église d'flarréville, et la mort du
dernier duc de Mosellane de la maison de Bar aurait eu lieu l'année
précédente. Sans méconnaître la justesse de ces remarques, nous ferons
observer que la construction de l'église a bien pu durer plus long-
temps que ne le suppose M. Bresslau ; pourquoi n'aurait-elle pas été
terminée en 1036, année où F Ascension fut célébrée le 27 mai ?
Les historiens modernes ne s'accordent pas sur la date de la mort
de Frédéric II. Du Chesne, Histoire généalogique de la maison de
Bar, p. 7, Kremer, Genealogische Geschichte des Ardenneschen
Geschlechts^ p. 31, Ernst, Dissertation sur la maison... d'Ardenne
[Bulletin de la commission royale d'histoire de Belgique^ 2« série,
t. X, p. 296), placent l'événemeat en 1027 ; Digot, H. I., t. I, p. 218,
et HuHN, Geschichte Lothringens^ i, I, p. 99, se prononcent pour 1028 ;
Bknoit Picart, h. t., p. 99, pour 1032 ; Calmet propose successive-
ment 1032 {H. E, C. I,, 1" éd., t. I, col. CXCIII, 2o éd., t. I, col.
CCLXXXV) et 1033 (op. cit., 4" éd., t. I, col. 947, 2« éd., t. Il, col. 49)
dans chacune des deux éditions de son grand ouvrage. Parmi les
auteurs qui ont adopté 1033 citons de Riguet, Observations sur les
titres de l'insigne église de Saint-Dié en Vosges, p. 145, les Bénédic-
tins, H. M., t. II, p. i:i4, Stenzel, op. cit., t. Il, p. 115, J^rscskerski,
op. cit., p. 12, Meyer von Knonau, Die Heiraten der burgundischen
Mathilde, etc. (F. D. G., t. VIII, p. 155, n. 1), Bresslau, op. cit., t. II,
p. 72 et n. 4, Manitius, op. cit., p. 403, Richter et Kohl, Ann. d. d. R.
3» partie, t. I, p. 299 et n. b, Pfenninger, Kaiser Konrads II Beziehun-
genzu Aribo, etc., p. XXXII, Vanderrindebe, H. F. T. P. B.,i. II, p. 32.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 165
la province menacée fût sans tarder pourvue d'un nouveau
chef.
Frédéric avait épousé Mathilde (1^ fille d'Hermann II,
duc de Souabe et de Gerberge, fille elle-même de Conrad
le Pacifique, roi de Bourgogne et de Mathilde (2). Comme
la reine Gerberge de France, mère de cette dernière, avait
pour sœur Avoie, bisaïeule de Frédéric 11(3), celui-ci et sa
femme étaient cousins au quatrième degré suivant là
manière de compter en usage dans l'Eglise (4), dont les
canons interdisaient les mariages entre parents aussi
proches.
Par une coïncidence curieuse, Mathilde était cousine au
même degré de son premier mari, Conrad duc de Carinthie.
Nous avons vu que cette première union de Mathilde avait
M) « Conjuge cum propria Malhildis dcniquc dicta — Iste Bealri-
cem Fredericus donat habere — Huic Bonefacio » (Donizo, Vita Malhil-
dis, 1. I, c. 10, vers 799-801, SS., i. XII, p. 367). Wipon nous apprend
successivement que Conrad le Jeune était fils de Mathilde, petite-fille
elle-même de Conrad roi de Bourgogne, et qu'il avait pour beau-père
(parâtre) le duc de Lorraine Frédéric (Gesta Chuonradi, c. 2 et 19,
p. 12 et 29). D'après Jean de Bayon, Chron. Med. Mon.. 1. II, c. XLVII
(Calmet, h. E. c. I., 1" éd., t. II, pr., col. LXVI, 2*^ éd., t. III, pr.,
col. CCXVIII), Frédéric, fils de Thierry, avait pris pour femme la mère
de Brunon ou de Chuonon (Conrad), qui avait épousé en premières
noces Hermann (sic), duc de Carinthie.
(2) Constantin, Vita Adalberonis II, c. 17 (S5., t. IV, p. 664),
Wipon, Gesta Chuonradi, c. 12, p. 12, lettre écrite en 1043 par
Sigefroy, abbé de Gorze, à Poppon, abbé de Stavolot (Giesebrecht,
G. V. K., t. I, p. 703), Tabula Ottonum et Genealogia Saxonicœ
domus (SS., t. III, p. 215, t. VI, p. 32). Cf. Hirsch, Jahrb. H. Il, t. I,
p. 243-246 et p. 246, n. 2, Meyer von Knonau, Die Heiraten der bur-
gundischen Mathilde (F. D. G., t. VIII, p. 149-159), qui a prouvé
contre Secrétan, Notice sur Vorigine de Gérold, comte de Genève
{Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d'archéo-
logie de Genève, t. XVI, 2« livraison [1867], p. 201 et suiv.) que Mathildo,
femme de Conrad, puis de Frédéric II, était la petite-fille, et non la
fille de Conrad le Pacifique, Poupardin, Le royaume de Bourgogne,
p. 384 et suiv.
(3) Waitz, Jahrb. H. i., p. 118, Kôpke et Dùmmler, A'. 0. G.,
p. 16, etc., Lauer, Le règne de Louis d'Outremer, p. 27, 48, etc. Cf. le
tableau généalogique joint au présent travail.
(4) Au huitième d'après la nôtre.
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166 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
été dénoncée comme irrégulière par Toncle même de
Frédéric II, par Adalbéron II, qui fit entendre dans une
assemblée de grands et d'évêques (1002-1005) sa protesta-
tion, sans aucun succès d*ailleurs (1) : Mathilde resta la
femme de Conrad. Adalbéron mourut longtemps avant que
son neveu épousât Mathilde : sans quoi, il se fût sans doute
opposé à cette union, dont personne, au surplus, ne semble
avoir relevé l'irrégularité. Il eût été amusant qu'un évêque
rigoriste renouvelât, à propos du second mariage de
jMathilde,la protestation que jadis Adalbéron II avaitélevée
contre le premier. Conrad de Carinthie étant mort en
1011 (2), le mariage de sa veuve avec Frédéric II est de 1012
au plus tôt (3). Il est du reste fort possible qu'il ait été
célébré quelques années plus tard : au dire de la Chronique
de Saint -Mihiel^ Béatrice et Sophie, filles de Frédéric II,
n'étaient que des fillettes {puellulœ), quand mourut leur
père (4). Meyer von Knonau suppose que Mathilde a dû
venir au monde vers 983 (5). Quoique nous ignorions en
quelle année naquit Frédéric, nous ne serions pas surpris
qu'il eût été un peu plus jeune que sa femme.
Mathilde vivait encore en 1030, attendu qu'en cette
année, au témoignage d'Ekkehard, moine de Saint-Gall,
elle célébra les fêtes de Pâques à Ingelheim, avec sa sœur
(1) Nous avons raconté cet événement plus haut, p. 109-HO.
(2) Ann. necrologici Fuldenses 1011 (S5., t. Xlïl, p. 210). Cf. Hirsch,
Jahrb. H. II, t. II, p. 311.
(3) Ou de la fin de 1011, car ft cette époque l'on voit des veuves se
remarier tout de suite après la mort de leur premier mari. Ce fut le
cas de Gerberge de Saxe ; il y avait à peine quelques semaines que le
duc Giselbert de Lotharingie s'était noyé dans le Rhin, quand Gerberge
convola en secondes noces avec le roi de France Lotiis d'Outremer.
De Maillet, Essai chronologique sur l'histoire du Barrois^ p. 14,
commet une grave erreur en plaçant le mariage de Frédéric après la
mort de Thierry. Gisi, Der Ursprung des Havses Savoien (Anzeiger
fiir schweizerische Geschichte, Neue Folge, t. V [1887], p. 149), estime
au contraire que le veuvage de Mathilde fut de courte durée.
(4) Chron. s. 3/., c. XXXll, p. 23.
(5) Die Heiraten etc. (F. D. G., t. Vlll, p. J54).
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ET SA PUEMIÈRE MAISON DrCALE 167
Gisèle et son beau-frère Conrad II. Depuis lors, il n'esl,
plus fait d'elle aucune mention (1). Comme Sophie et
Béatrice furent, après la mort de leur père, recueillies par
leur tante maternelle, Timpératrice Gisèle (2), nous pou-
vons en conclure que Mathilde était morte avant son mari,
entre 1030 et 1033. Outre Béatrice et Sophie, sur lesquelles
nous allons revenir, Frédéric et sa femme avaient eu un
fils, dont le Chronicon sancti Michaelis nous fait connaître
Texistence. En effet, le moine qui rédigea l'histoire de
cette abbaye, raconte que tous les membres de la famille
ducale, le duc Thierry, son fils et le fils de son fils ayant
été enlevés par la mort, l'abbé Nanthère, jugea le moment
venu de réclamer différents domaines dont Saint-Mihiel
avait été dépouillé par les princes défunts (3). Cette phrase
prouve l'existence d'un fils de Frédéric II. Mais ce n'est
pas tout. Nous avons vu que Jean de Bayon avait par erreur
placé la mort de Frédéric II avant celle de son père (4) : il
est possible qu'il ait fait une confusion, et que ce soit du
fils de Frédéric II qu'il ait voulu parler (5). Si, comme
(1) Ekkehard (IV), Casus s. Galli, c. 6 (SS., t. Il, p. Hl). Cf. Bresslau,
Jahrb. K. Il, t. 1, p. 286 et n. 4.
(2) Chron. s. i/., c. XXXII, p. 23.
(3) « Cunctis morbis assumptis, duce Theoderico, filio ejus et filio
filii etc. » {Chron. s. M., c. XXXII, p. 23). Nous ne croyons pas que
l'on puisse rendre ce passage autrement que nous ne l'avons fait. Sien
effet le premier a filio » se rapportait à a Theoderico », le pronom
« ejus » devrait représenter « Fredericus I », ce qui est inadmis-
sible, attendu que dans la phrase précédente on ne trouve aucune
mention du premier duc de Mosellane. Il faut donc que « ejus » soit
mis pour a Theoderici », et qu'une virgule sépare « Theoderico » de
filio. Ainsi la phrase a le sens suivant : « La maladie ayant enlovc
tous les membres de la famille ducale, le duc Thierry, le fils de Thierry
(Frédéric II) et le petit-fils de Thierry (le fils de Frédéric II) etc. »
(4) Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLVIII (Calmet, H. E. CL., 1" éd.,
t. II, pr., col. LXVII, 2' éd., t. III, pr., col. CCXVIII) : « Cui (Thierry)
Fridericus ex filio nepos, quia ipse apquivocus filius ante obierat, suc-
cedens, parvis diebus Lotharingis praeluit. »
|5) B. PiCART, L'origine etc., p. 50, avait déjà fait cette hypothèse,
ù laquelle s'est rallié Brrsslau, op. cit., t. II, p. 73, n.l.
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168 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAtNE
semblerait l'indiquer ce passage de Jean de Bayon, le fils de
Frédéric II avait porté le même nom que son père, Terreur
du chroniqueur s'expliquerait aisément (1).
On ignore en quelle année naquirent les filles de Frédé-
ric II, Béatrice et Sophie (2). Elles sont qualifiées de
puellulœ (3) par le moine de Saint-Mihiel qui rédigea entre
1033 et 1040 la chronique de son abbaye (4), ce qui suppose
qu'elles ne devaient pas avoir beaucoup plus d'une dizaine
d'années. Leur tante Gisèle, nous l'avons dit, les recueillit
et se chargea de leur éducation (5). Béatrice, qui était pro-
(1) B. PiCART, Aa vie de saint Gérard, p.3iS,déc\'ATe ignorer le nom du
fils de Frédéric II. Suivant Kremer, Genealogische Geschichte des
Ardenneschen Geschlechts, p. 30, les historiens lorrains se seraient
trompés en attribuant à Frédéric II un fils portant le même nom que
lui. Stexzel, op, cit., t. II, p. 115-116, ne parle pas du fils de Frédéric II.
Nous avons déjà vu, p. 47, n. 8, que Bresslau croyait que le dernier
duc de Mosellane de la maison de Bar avait eu un fils, mort avant
son père, et s'appelanl, lui aussi, Frédéric. Un des principaux arguments
dont l'éminent professeur avait appuyé son hypothèse, à savoir la
mention, dans le Necrologium s. Maximini, d'un o Fridericus dux
juvenis », n'a plus à nos yeux aucune valeur, puisque, d'après nous, il
s'agit dans le Necrol. s, M. de Frédéric II lui-même, et non plus de son
fils. Tout en estimant très plausible l'opinion qui donne à ce dernier
le nom de son père, nous n'oserions plus nous montrer aussi affirmatif
que nous l'étions autrefois (De prima donio, p. 16).
(2) Chron. s. Michaelis, c. XXXII, p. 23, Aubry de Ttois-Fontaines,
Chron. (S\S., t. XXIII, p. 784), qui donne Sigefroy pour père à Béatrice
et à Sophie, Jean de Bayon, Chron. Med. Mon., 1. II, c. XLVIII (Galmet,
//. E. C. L., V" éd., t. 1, pr., col. LXVII, 2« éd., t. III, pr., col. CGXVIII).
DoNizo, Vita Mathildis, vers 797-800 {SS., t. XII, p. 367), ne nomme
qu'une des filles de Frédéric II, Béatrice. Nous savons par une charte
de Pibon, évéque de Toul, de 1076, que Thierry était le grand-père de
Sophie (Calmft, 1" éd., t. I. pr., col. 47a, 2" éd., t. II, pr., col.
GCCXLVIIÏ-CGCXLIX). D'après Jean de Bayon, ibid., Frédéric II aurait
eu une troisième fille, Pétronille, qui aurait épousé un seigneur alsa-
cien. Mais presque aucun historien moderne n'a, sur la foi de Jean de
Bayon, admis l'existence de celte Pétronille.
(3 Chron. s. M., c. XXXII, p. 23.
(4) G'est l'opinion de Waitz, l'éditeur du Chron. s. M. dans les Mon.
Germaniœ {SS., t. IV, p. 78,.
(5) Chron. s. 3/., ibid. — 11 convient de reproduire un passage de
Laurent de Liège, un autre de Jean de Bayon, et d'examiner la valeur
des assertions qui s'y trouvent contenues. D'après ces deux chroniqueurs.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 169
bablenient Taînée, car c'est elle que les auteurs du Moyen-
Age mentionnent la première, épousa Boniface, margrave
de Toscane, dont elle eut la célèbre comtesse ou marquise
Mathilde(l). Devenue veuve, elle se remaria avec son cousin
Godefroy le Barbu, duc dépossédé de la Haute-Lorraine,
Gozelon et son fils Godefroy le Barbu auraient été les tuteurs ou bail-
listres de Béatrice et de Sophie. Voici d'abord ce que dit Laurent,
Gesta ep. Vird., c. 2 (S5., t. X, p. 492) : « lUis diebus contra impera-
torem Henricum secundum rebellaveiat dux et marchio Godefridus^
dictus Gibbosus, Gozelonis duels fillus, pro sublato sibi Mozellano
ducatu^ quem cum pâtre duce tenuerat loco patroiii post obitum Theo-
dorici ducis Barrensis, qui filius nobilissimi ducis Frederici et Beatricis
Hugonis Capitonis, Francorum régis sororis.... Ducalus autem patris
earum (Béatrice et Sophie), quia neutri ipsorum (Boniface et Louis
cessit, sed datus est a rege Girardo Castiniensi comiti, ideo idem Gode-
fridus qui patronus eis datus erat justa in imperatorem arma
movere visus est.» JeandeBayon s'exprime ainsi en racontant la bataille
de Bar-le-Duc de 1037 : « Qui (Eudes II) etiam Barrense castrum, quod
sororum [sic) Friderici ducis praedium erat vi ceperat ; Gozilo, qui
erat tune tutor earum, praemisso Godefrido etc. » [Chron. Med. Mon.,
1. II, c. XLVIII, Calmet, B. E. C. I., 1" éd., t. II, pr., col. LXII,
2*éd.^t. III, pr., col.CCXIX). 11 est à peine besoin de faire observer que
le récit. de Laurent de Liège offre de graves inexactitudes ; il donne à
tort le surnom de « bossu » au fils de Gozelon, il fait de Thierry le
père de Béatrice et de Sophie ; en outre, la conduite du Barbu y est
étrangement défigurée. Très certainement, si Godefroy a pris les armes
contre Henri III, c'était dans son intérêt personnel. Godefroy, ne l'ou-
blions pas, détenait le duché de Mosellane, et la pensée de s'en dessai-
sir au profit de Boniface ou de Louis ne lui est jamais venue à l'esprit.
Pourquoi en voulait-il à l'empereur? Etait-ce parce qu'Henri aurait
lésé les droits de Béatrice et de Sophie, pupilles de Godefroy ? En
aucune façon, mais bien parce que ce prince lui avait refusé la Basse-
Lorraine. Un récit, où la vérité est aussi altérée, ne mérite qu'une
confiance médiocre, et d'autre part, l'autoriîé de Jean de Bayon n'a pas
beaucoup de poids. Pourtant, comme Gozelon et Godefroy étaient à la
fois ducs de Haute-Lorraine et cousins de Béatrice et de Sophie, il se
pourrait que Conrad II leur eût confié l'administration des biens patri-
moniaux des jeunes princesses, jusqu'au mariage de celles-ci. Cf. Dupréel,
Histoire critique de Gode froid le Barbu, p. 16 et 61, qui ne se prononce
pas.
(1) DoNizo, Vita Maihildis, 1. I, c. 10, vers 797-801, Laurent de Liège,
Gesta ep. Vird., c. 2, Aubry de Trois-Fontaines, Chron., Genealogia e
stirpe s. Arnulfi, c. 3 (SS., t. X, p. 492, t. XII, p. 367, t. XXIII, p. 790,
t. XXV, p. 382). Cf. Bresslau, Jahrh. K. Il, t. II, p. 190191. Quoiqu'on
dise DoNizo, Frédéric et Mathilde étaient morts, lorsque Béatrice
épousa Boniface.
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170 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
veuf lui-même de Doda (1). Sophie épousa de son côté Louis,
comte de Montbéliard, de Ferrette, de Mousson (2), dont
les ancêtres avaient gouverné pour les trois premicFs ducs
de Mosellane une partie ou la totalité du comté féodal de
Bar (3). Sept enfants naquirent de cette union, quatre fils
Brunon, Thierry, Frédéric et Louis, trois filles, Béatrice
Sophie et Mathilde (4). Tandis que les enfants de Sophie
eurent une nombreuse descendance, Mathilde, fille de
(1) Hermann de Reichenau, Chron.^ 1034, Lambert de Hersfeld, inn.,
1053, SiGEBERT de Gembloux, Chroii., 4053, Ànn. Altahenses majores,
1054,AuBRY DE TROis-FoNTAiNES,C/iron.(S'S.,t.V,p. 123, 427, t. VI, p. 359,
t. XX, p. 807, t. XXIÎI, p. 790). A ces textes de chroniqueurs on pour-
rait joindre la charte de Godefroy lui-môme et de Béatrice, de 1069,
pour Saint-Dagobert de Stenay (Lesort, Chartes du Clermontois, n» I,
p. 54), et beaucoup d'autres documents diplomatiques de la seconde
moitié du xi« siècle. Cf. Steindorff, Jahrb. H. III, t. II, p. 272 et suiv.,
Dupréï:l, Histoire critique de Godefroid le Barbu, p. 61 et suiv. Nous
ne croyons pas pouvoir admettre la supposition de Dupréel, qui rejette
sur Godefroy la responsabilité de l'assassinat de Boniface.
(2) Chartes de Vaufroy pour Saint-Mihiel, de 1064, de la comtesse
Sophie (sans date) en faveur de la même abbaye, d'Ermentrude pour
Cluny, du 8 mars 1105 (de l'Isle, H. S. M., p. 449, Calmet, H. E. CL,,
1" éd., t. I, pr., col. 476, 2« éd., t. 11, pr., col. GCCL, Bruel, Recueil
des chartes de Cluny, t. V, n° 3830, p. 190) ; Bernold, Chron., 1093,
Laurent de Liège, Gesta ep. Vird., c. 2, Gilon, Vita Hugonis abbatis
Cluniacensîs (SS., t. V, p. 456, t. X, p. 492, t. XV, p. 940). Sur les an-
cêtres de Louis voir Tuefferd, Histoire des comtes souverains de
Montbéliard (Mémoires de la Société d'émulation de Montbéliard, 3*
série, t. I, [1877], p. 3-4), Viellard, Documents et mémoire pour
servir d l'histoire du territoire de Bel fort, p. 8-17, Vanderkindere,
//. F. T, P. B. t. Il, p. 429-430, et les § I et II du c. I du 1. II du pré-
sent travail (p. 341-344 et 377-381 du préc. vol. Mém. S. À. L.)
(3) Voir le préc. vol., Mém. S. A. L., p. 341-344 et 377-381.
(4) Trois chartes de Sophie pour Saint-Mihiel, l'une sans date, la
deuxième de 1080, la troisième de 1091 (Calmet, H. E. C. L., 1" éd.,
t. I, pr., col. 476, 2' éd., t. II, pr., col. CCCL, Archives de la Meuse,
série H., fonds Saint-Mihiel, Cartulaire J', n« LIX, p. 130, [reproduit
dans les pièces justificatives de ce travail]. Musée des Archives dépar-
tementales, Atlas, pi. XIX, n" 27, Texte, p. 58), charte d'Udon, évoque
de Toul, pour Saint-Gengoul, de 1065 (Calmet, 1" éd., t. I, pr., col.
457, 2» éd., t. II, pr., col. CCCXXVIIl), charte d'Ermentrude (voir la
note précédente) ; Genealogia e stirpe s. Arnulfi, c. 3 [SS., t. XXV,
p. 382).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 171
Béatrice, bien que mariée deux fois (1), ne laissa point
d'héritier direct, et une partie des biens qui lui venaient
de sa mère et par celle-ci de son grand-père Frédéric II,
devait être recueillie par les descendants de Louis et de
Sophie.
Dans le partage des domaines patrimoniaux qui s'était
fait entre les filles de Frédéric II, il semble que le plus
gros morceau ait été attribué à Sophie, qui eut dans son
lot les comtés situés dans le diocèse de Toul, Tabbaye de
Saint-Mihiel et les terres qui en dépendaient (2).
Quant au duché de Haute-Lorraine, il passa en d'autres
mains. L'on comprend du reste fort bien que l'empereur
n'ait pas confié à de toutes jeunes filles, à des enfants,
l'administration d'une province menacée par le comte de
Troyes. Il investit de la Mosellane Gozelon, déjà duc de
Basse-Lorraine, et cousin de Frédéric (3). On s'étonnera
peut-être que Conrad ait ainsi augmenté la puissance d'un
homme qui avait été autrefois son ennemi. L'intérêt supé-
rieur de l'Etat fit sans doute oublier à Conrad ses ressen-
timents et lui dicta son choix. Gozelon parut à l'empereur
le seul homme capable de protéger le pays contre les
attaques du comte de Champagne. Il se trouva par bonheur
que Conrad avait vu juste, et que Gozelon se montra digne
de la confiance qu'on avait mise en lui. La grande victoire
que Gozelon et son fils Godefroy le Barbu remportèrent en
1037 sur Eudes, qui fut tué dans l'action (4), rendit quelque
(1) Mathilde épousa successivement son cousin Godefroy le Bossu,
duc de Basse-Lorraine, fils de Godefroy le Barbu et de Doda, puis le
duc Welf V de Bavière. On pourrait donc l'appeler la « duchesse » Ma-
thilde.
(2) C'est ce qui ressort de nombreux documents, que nous avons
cités au cours de cette étude.
(3) SiGEBERT DE Gembloux, C/tro/i., 1034 (1033), Laurent de Liège,
Gesta ep. Vird., c. 2 (SS.. t. VI, p. 357, t. X, p. 492). Cf. Bresslau,
op. cit., t. II, p. 73-74, RicHTER et Kohl, op. cit., p. 299 et n. b.
(4) Sur cette bataille consulter d'Arbois de Jubainville, B. D. C. C,
t. I, p. 338-343, Blûmcke, Burgund unter Rudolf III und der Heim-
fall der burgundischen Krone an Kaiser Konrad II, p. 71, Lands-
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172 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
tranquillité à la Haute-Lorraine, si longtemps troublée par
les incursions du comte de Troyes. Gozelon et son fils
réussirent donc à s'acquitter d'une tâche qui avait dépassé
les forces de leurs prédécesseurs, Thierry et Frédéric II.
S'il est naturel qu'à la mort de leur père Béatrice et
Sophie aient été, en raison de leur sexe et de leur âge,
écartées du gouvernement de la Mosellane, on comprend
moins qu'en 1047 Henri III, après avoir enlevé ce duché à
Godefroy le Barbu, ne l'ait pas donné à Louis, mari de
Sophie (1). La conduite du souverain est d'autant plus
inexplicable qu'au cours des troubles provoqués par
Godefroy ou par d'autres seigneurs Louis était resté fidèle
au fils de Conrad il (2). On se serait donc attendu à voir
Louis en 1047 revêtu de la dignité ducale qu'avait possédée
son beau-père. Nous ignorons les motifs pour lesquels
l'empereur lui préféra successivement les comtes Adalbert
et Gérard, de la maison d'Alsace. Pourtant, ni Sophie ni
son mari n'avaient renoncé au duché de Mosellane, et,
quand Gérard mourut en 1070, Louis revendiqua la dignité
ducale, non pour lui, mais pour l'aîné de ses fils, héritier
des droits de son grand-père maternel Frédéric II. Les
prétentions de Louis ne furent admises ni parles seigneurs
lorrains ni par Henri IV, et Thierry, fils de Gérard, resta
en possession de la Mosellane (3).
Évincés, les comtes de Bar devaient rompre bientôt les
liens qui les unissaient au duché de Haute-Lorraine, et
acquérir vis-à-vis des descendants de Gérard d'Alsace une
indépendance absolue, en attendant qu'ils devinssent les
BERGER, Graf Odo 1 von der Champagne, p. 56-60, Bresslau, t. II,
p. 267-273, RiCHTER et Kohl, op. cit., p 318, 319 et n. d., Lkx, Eudes II,
Mémoires de la société académique de VAuhe t. LV, [1891], p. 235-238,
DuPRÉEL, op. cit., p. 17, PouPARDiN, Ic Toyaiime de Bourgogne, p. 171.
(1) Boniface, margrave de Toscane, était naturellement hors de cause.
(2) Hermann de Reichenau, Chron., 104i (SS., t. V, p 125).
(3) Se reporter à la n. 4 de la p. 173 du préc. vol. Mém. S. A.L.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 173
rivaux et les adversaires des ducs lorrains. On sait que
vers le milieu du xiv® siècle, ils obtinrent à leur tour Térec-
tion en duché du petit État féodal qu'ils avaient, durant
quelques centaines d'années, gouverné en qualitéde comtes.
Enfin, le siècle suivant vit s'eJRfectuer Tunion de la Lorraine
et du Barrois, qui, tout en gardant leur autonomie, vécu-
rent désormais sous l'autorité des mêmes souverains, issus
en ligne masculine de Gérard d'Alsace, et, par les femmes,
de la maison de Bar. Ainsi fut supprimée l'une des consé-
quences les plus désastreuses qu'avaient entraînées pour
la Mosellane d'abord la fin prématurée de Frédéric II,
mort sans postérité mâle, puis l'exclusion de la dignité
ducale de son gendre Louis de Mousson et de son petit-fils
Thierry II.
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CONCLUSION
I
Si, à répoque mérovingienne, il a probablement existé
un ducatus Moslinsis, ce duché n'avait pas de limites aussi
étendues que la Mosellane; rien ne prouve d'ailleurs que
Brunon ait songé à restaurer une ancienne circonscription
territoriale.
C'est en 959 que Tarchevêqueduc institua la Haute-
Lorraine et probablement aussi la Basse ; son but fut de
rendre les révoltes ])lus rares et en même temps plus
faciles à réprimer. Frédéric, qui avait été placé à la tête de
la Mosellane, n'eut jamais le gouvernement d^ la Lotha-
ringie entière ; seule, la partie méridionale de ce royaume
fut soumise à son autorité.
La Haute-Lorraine ou Mosellane comprenait — selon
toute vraisemblance — les pagi de la province ecclésias-
tique de Trêves qui se trouvaient à l'ouest du Hhin, ainsi
que plusieurs pagi de Tarchidiocèse de Reims : les uns et
les autres avaient autrefois dépendu de Lothaire IL
Si, en principe, la dignité ducale était une fonction
publique, si même, dans une certaine mesure, elle demeura
telle, on la voit petit à petit prendre aussi le caractère d'un
fief héréditaire dans la maison de Frédéric. C'est ainsi que
Thierry, quoique mineur, devint en 978, à la mort de son
père Frédéric I", duc de Mosellane sous la tutelle de sa
mère Béatrice, et que Frédéric II fut, avant 1019, associé à
son père, auquel il succéda en 10:27 (1). Toutefois, cette
(1) Ou en 1026.
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LES ORIGINES DE LA HaUTE-LORRAINE 175
hérédité — de fait, et non de droit, remarquons-le — ne
s'étendait pas aux femmes, qui ne pouvaient alors exercer
les fonctions ducales. Aussi, quand en 1033 Frédéric II mou-
rut, ne laissant que des filles en bas âge, Conrad II trans-
mit-il la Mosellane à Gozelon, déjà duc de Basse-Lorraine
et cousin issu germain de Frédéric. Pourtant, si Tune
des filles de Frédéric avait été mariée en 1033, et mariée à
un comte de la Haute-Lorraine, celui-ci aurait sans doute
succédé à son beau père dans le gouvernement de la
province.
Les ducs avaient pour mission de juger les causes
royales, c'est-à-dire celles où les églises, les abbayes, les
comtes et d'autres personnages encore se trouvaient enga-
gés, de châtier les brigands et les perturbateurs de la paix
publique, d'assister aux assemblées que convoquaient les
rois ou les empereurs, d'amener à ceux-ci les contingents
militaires de la province, et de repousser les attaques des
ennemis extérieurs. 11 ne semble pas d'ailleurs que Fré-
déric et ses deux successeurs aient mis beaucoup de zèle
à faire la police de leur duché.
Les ducs perçoivent des revenus qu'il est difficile de
préciser, ils sont avoués de plusieurs abbayes royales de
la province. Il est probable qu'ils n'ont jamais frappé
monnaie en tant que ducs, et que la désignation des
évoques ou des comtes de la Mosellane ne rentrait pas
dans leurs attributions. Pourtant, comtes et prélats,
ceux-ci comme seigneurs temporels, se trouvent subor-
donnés aux ducs et tenus de répondre à leurs convocations.
Les ducs s'occupent de la réforme de quelques abbayes, en
particulier de celles dont l'avouerie leur appartient.
II
Les trois premiers ducs de Mosellane possédaient dans
la province des comtés, des villages, des abbayes à titre
d'alleux ou de bénéfices héréditaires, transmissibles même
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176 LES ORIGINES I>£ LA HAUTË-LORRAINË
à des femmes, d'autres fiefs attachés, semble-t-il, à la
(Jignité ducale, d'autres enfin qui n'appartinrent qu'à l'un
ou à l'autre d'entre eux.
C'était surtout dans le sud-ouest de leur duché que
Frédéric I®^, son fils et son petit-fils avaient leurs biens
patrimoniaux. Au comté épiscopal de Metz, qui leur
échappa dès le début du xi* siècle, ils joignaient le
Scarponnois, Amance, un morceau du Saintois et du
Soulossois, rOrnois, le Barrois et l'abbaye de Saint-Mihiel-
en-Verdunois. C'est grâce à la possession du pagus Bar-
rensiSy de ïOdornensis, du Scarponensis, et de l'avouerie de
Saint-Mihiel qu'ils disposaient d'une puissance matérielle
assez considérable ; ces territoires formèrent en outre les
éléments constitutifs du comté féodal de Bar, qui finit par
englober — avec les bassins de l'Ornain, de la Haute-Meuse
et du Mouzon — ceux du Rupt-de-Mad, de l'Orne et de la
Chiers.
Toutefois, on ne saurait afiirmer que nos ducs aient
organisé le comté féodal de Bar, tel qu'on le voit constitué
au XII' siècle ; ils n'ont certainement pas créé la division
en bailliages ; tout au plus peut-on leur attribuer l'institu-
tion des prévôtés et des châtellenies. Nous pouvons çl'aulre
part considérer comme certaine l'existence d'un comte de
Bar, subordonné au duc, et la présence à Bar même d'un
châtelain antérieurement à 1033.
Après avoir été à l'origine des fonctionnaires publics,
les comtes s'étaient peu à peu transformés en vassaux.
Frédéric h^ avait dû recevoir d'Otton le Grand ou de
Brunon la dignité comtale sur le Barrois, TOrnois, le
Scarponnois, ainsi que l'avouerie de Saint-Mihiel. Ces
comtés prirent peu à peu, sans d'ailleurs qu'aucune déci-
sion royale fût intervenue, le caractère de fiefs hérédi-
taires et même de fiefs que des femmes pouvaient posséder.
C'est ainsi qu à la mort de Frédéric II ses deux filles, Béa-
trice et Sophie, se partagèrent les comtés et les domaines
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 177
qu'avait possédés leur père. Finalement, Matiiiide, fille
unique et héritière de Béatrice, étant morte sans postérité,
les descendants de Sophie recueillirent la presque totalité
des territoires qui avaient constitué le lot de Béatrice.
En tant que duc de Haute-Lorraine, Frédéric avait reçu
en bénéfice les abbayes de Saint-Martin de Metz, de Moyen-
moutier et de Saint-Dié ; les deux dernières furent
réformées par ses soins. Otton I^^ les ayant données ou
restituées à Téglise de Toul, Frédéric n'en conserva plus
queTavouerie, quMl transmit à ses descendants avec tous
les droits que cette fonction comportait. En particulier,
nous savons qu'ils battirent monnaie comme avoués de
Saint-Dié.
Thierry l^^ obtint en fief d'Otton III, ou plus probable-
ment d'Henri II, le domaine royal d'Andernach, qui ne
semble avoir appartenu ni à son père ni à son fils; on
possède de Thierry des deniers frappés à Andernach.
Nos ducs n'ont certainement pas eu l'avouerie de
Senones ; quanta celle de Remiremont, nous ne pouvons
rien affirmer.
ni
Le premier duc de Haute-Lorraine, Frédéric, fils du
comte Voiry (Wigeric) et de Cunégonde, eut pour sœurs
Liutgarde, (EveetBerthe), pour frères Gozlin, Adalbéronl^r,
évêque de Metz, Gilbert, (Sigebert), et Sigefroy, comte de
Luxembourg.
Alors qu'il n'était encore que comte, Frédéric construisit
un château en un endroit nommé Fains, qui appartenait
au roi de France, Louis IV d'Outremer.
Béatrice, que Frédéric épousa en 954, avait pour parents
Hugues le Grand et Avoie De cette union naquirent
Henri-Hezelin, Adalbéron II, évêque de Metz, et Thierry;
qui, bien que le plus jeune des trois, succéda en 978 à son
père. Henri en effet, qui semble avoir été l'aîné des fils de
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178 LES ORIGINES DE LA HAUTELORRALNE
Frédéric, mourut avant 978, et le cadet, Adalbéron, avait
été déjà destiné à TÉglise.
Il ne se produisit aucun événement de quelque impor-
tance au cours des dix-neuf années pendant lesquelles
Frédéric conserva la dignité ducale.
Durant la minorité de Thierry, au nom duquel sa mère
Béatrice gouverna le duché, la Moseliane fut en butte à de
nouvelles attaques de la part du Carolingien Lothaire, roi
de France, qui réussit à s'emparer de Verdun ; toutefois,
peu après son avènement, en 987, Hugues Capet restitua
cette ville. Thierry lui-même, fait prisonnier dans Verdun,
avait auparavant recouvré sa liberté.
Sous le règne d'Henri II, Thierry, qui fut d'ailleurs le
serviteur fidèle de ce prince, eut à subir plusieurs dis-
grâces. L'évôché de Metz fut enlevé à son jeune fils Adal-
béron; lui-même perdit le comté de Metz, et se laissa
prendre par l'usurpateur du siège épiscopal de cette ville;
enfin, quelques années plus tard, il tomba dans une nou-
velle embuscade, d'où il ne se tira qu'avec peine.
Richilde, que Thierry avait prise pour femme, était
probablement la fille d'un comte Folmar, qui lui laissa la
forteresse d'Amance. Frédéric II, né de cette union, fut
avant 1019 associé à son père, et semble avoir joué dès
lors le principal rôle dans le duché. Son père^ et lui eurent
à lutter en particulier contre le comte de Blois, de Chartres,
de Meaux et de Troyes, Eudes II, qui avait des terres dans
la Moseliane et qui cherchait, semble-t-il, à les agrandir.
Il fallut l'intervention et la médiation d'Henri II pour
mettre fin à ces querelles.
Frédéric II avait épousé une de ses cousines, Mathilde,
qui d'un premier mariage avait eu un fils, Conrad le Jeune.
Quand en 1024 Henri II mourut sans enfant, Frédéric
essaya, mais sans succès, de faire élire son beau-fils ; ce
fut un autre Conrad, cousin-germain du précédent, qui
obtint la couronne.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DtCALE 179
Frédéric et Thierry, soutenus par Gozelon, duc de Basse-
Lorraine, cherchèrent en France des ennemis au nouveau
roi, mais leurs alliés ne firent presque rien pour eux, et
force fut aux ducs lorrains de se résigner à reconnaître
Conrad II pour souverain. Thierry mourut peu de temps
après, soit en 1026, soit en 1027.
On retrouve encore Frédéric II mêlé à des intrigues
ourdies contre l'autorité de Conrad ; il ne semble pas pour-
tant qu'il ait pris les armes, comme le firent Conrad le
Jeune et le duc Ernest de Souabe. Toujours est-il que
Frédéric conserva la Haute-Lorraine jusqu'à sa mort,
arrivée en 1033. Sa femme, Mathilde, lui avait donné un
fils, mort avant 1033, et deux filles, Béatrice et Sophie,
qui recueillirent les comtés paternels, mais non la dignité
ducale, donnée à Gozelon.
IV
Quel rôle nos ducs ont-ils joué, quelle est pour leur
famille ou pour la Mosellane l'importance de l'œuvre qu'ils
ont accomplie, dans quel état enfin laissaient-ils la pro-
vince, telles sont les questions auxquelles il convient de
répondre en terminant cette étude.
Il nous faut bien convenir qu'à aucun égard Frédéric I^',
son fils et son petit fils ne peuvent être comparés à leurs
cousins, comtes de Verdun et ducs de Basse-Lorraine, les
Gozelon et les Godefroy. S'agit-il des affaires générales de
l'Allemagne et de la Lotharingie, on ne voit pas que nos
ducs aient joui d'un grand crédit auprès des souverains :
ils n'ont pas pris une part importante au gouvernement
de l'Etat, non plus qu'aux guerres entreprises durant cette
période par les rois d'Allemagne et de Lorraine.
Exception doit être faite pour Béatrice, l'homme de la
famille. Alors qu'elle exerçait la régence au nom de son
fils Thierry, la duchesse déploya la plus grande activité,
travaillant à réconcilier l'ex-duc de Bavière avec Otton III
12
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180 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
et à rétablir la paix entre les souverains de la France et de
rAUemagne. Mais, si l'on met à part Béatrice, on doit
reconnaître que les trois premiers ducs de Mosellane sont
constamment demeurés au second plan. A d'autres égards,
ils nous paraissent être restés au-dessous de la tâche qu'ils
avaient mission de remplir.
Nous avons constaté que Thierry I^^^ et Frédéric U avaient
été impuissants à repousser victorieusement les attaques
du comte de Champagne Eudes. L'honneur de débarrasser
la Lorraine de ce voisin incommode reviendra en 1037 à
Gozelon et à son fils Godefroy le Barbu.
D'autre part, la situation de nos ducs vis à-vis du roi
d'Allemagne et de Lotharingie s'est modifiée à leur avan-
tage de 9o9 à 1033 ; Thierry et son fils ont une liberté
d'allures que n'avait pas connue Frédéric I®^. Seulement,
à l'intérieur même de la Mosellane un mouvement ana-
logue s'est produit au détriment de l'autorité ducale. En
principe, roi, ducs, évêques et comtes gardent les mêmes
prérogatives et les mêmes obligations; en fait, chacun
s'efforce de se soustraire à ses devoirs, et par contre
éprouve quelque peine à jouir de ses droits.
Il nous semble que Frédéric I®' était surtout un fonction-
naire, un représentant du roi ou de l'empereur, d'autant
mieux obéi que, d'une part, le souverain était plus
redouté et que, d'autre part, lui, Frédéric, se montrait
plus fidèle. Thierry 1*^^ et Frédéric U sont encore, si l'on
veut, des fonctionnaires, mais chez eux se montre aussi te
caractère de vassaux, si même U ne prédomine pas. Ils
jouissent d'une plus grande indépendance à l'égard du
chef de l'État, mais en retour ils obtiennent plus difficile-
ment l'obéissance des comtes et des évêques. D'où provien-
nent ces changements ? De diverses causes.
D'abord, il faut relever la faiblesse ou l'éloignement
habituel des souverains. Otton le Grand, avec une indomp-
taJ}le énergie, avait brisé toutes les résistances ; aussi,
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 181
dans les dernières années de son règne, personne, ni en
Lorraine, ni en Allemagne, n'ose plus braver son autorité ;
partout il est obéi et respecté. La situation se modifia
sous les successeurs d'Otton I^^^ ; les uns, comme Otton II
et surtout Otton III, passèrent de longues années en Italie,
poursuivant la réalisation de rêves chimériques; d'autres,
tel Henri II, n'avaient ni Ténergie, ni la décision, ni la
ténacité qui avaient permis à Otton le Grand de consolider
son pouvoir. Nous avons, au cours de cette étude, constaté
à diverses reprises la faiblesse et l'impuissance du dernier
prince de la maison de Saxe.
Les conséquences de la mollesse ou de Téloignement des
souverains ne tardent pas à se faire sentir du haut en bas
de l'organisation politique et administrative. Les ducs en
prennent à leur aise avec le roi ou l'empereur ; mais eux-
mêmes, mal soutenus par celui-ci, n'arrivent pas à se faire
obéir.
A ces causes générales qui agissent en Allemagne et en
Lotharingie, il faut en joindre d'autres spéciales à nos
dues, à leur caractère, à la situation de leurs domaines.
Nous l'avons dit, et nous croyons devoir le répéter,
Frédéric I^^, son fils et son petit-fils ne semblent pas avoir
possédé les qualités remarquables d'intelligence et d'éner-
gie qui distinguent leurs cousins de la maison d'Ardenne
ou de Verdun. Peut-être aussi disposaient ils d'une puis-
sance matérielle insuffisante. En outre, leurs possessions
se trouvaient groupées dans le sud et le sud-ouest de la
Mosellane; c'était là tout naturellement qu'ils résidaient de
préférence. Le nord et le nord-est de la province, où ils ne se
montraient que rarement, où d'ailleurs les points d'appui
leur faisaient défaut, devaient peu à peu, par la force des
choses, se considérer comme étrangers au duché, et tendre
à s'en détacher.
Assurément, Frédéric II aurait pu regagner — au moins
en partie — le terrain perdu, s'il avait réussi à faire
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182 LES ORIGINES DE LA HAUTËLORRAINE
monter sur le trône d'Allemagne et de Lorraine son beau-
fils Conrad le Jeune. L'échec de sa tentative et sa révolte
contre l'autorité du successeur d'Henri II eurent pour effet
de diminuer encore son autorité et son prestige.
Nous croyons donc qu'avant 1033 le duché de Mosellane
commençait à se désagréger ; il n'avait plus la cohésion
qu'il possédait trois quarts de siècle auparavant, au
moment où il se constituait sous l'autorité de Frédéric I".
Il se trouva par surcroît que nos ducs avaient — sans le
vouloir — travaillé à précipiter le morcellement de la
Haute Lorraine. On leur doit, en effet, et c'est là leur
œuvre capitale, la création ou du moins le développement
du comté féodal de Bar, qui joua un rôle important aux
XII®, XIII® et XIV® siècles. Mais leur famille seule en profita.
Le malheur voulut en effet que les comtes de Bar, comme
d'ailleurs les évoques et quelques-uns des seigneurs laïcs
de la Mosellane, se rendirent indépendants des ducs de
la province, et devinrent pour trois siècles leurs plus
redoutables adversaires.
En définitive, il eût mieux valu pour la Haute-Lorraine
ou que la dignité ducale restât dans la descendance
féminine de Frédéric II, ou que le comté de Bar ne se
constituât pas.
Si la maison de Verdun, qui en 1033 reçut le duché de
Haute-Lorraine, avait pu le conserver, elle aurait été assez
puissante pour y maintenir quelque unité, pour paralyser
l'action des forces dissolvantes qui tendaient à morceler
le pays. Seulement, une sorte de fatalité s'acharnait depuis
deux cents ans sur la malheureuse Lotharingie. Godefroy
le Barbu se vit enlever par Henri HI la Mosellane, qui fut
donnée successivement au comte Adalbert d'Alsace, puis
à son neveu Gérard. Pas plus que la maison de Bar, la
nouvelle dynastie ducale ne fut à la hauteur de sa tâche ;
elle ne sut pas préserver la Haute-Lorraine du démembre-
ment qui la menaçait. Et durant trois siècles, la région
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 183
lotharingienne offrira le spectacle lamentable de luttes
incessantes, où s'épuiseront les forces du pays, pour le
plus grand profit des comtes de Champagne d'abord, et
plus tard des Capétiens ou des Valois.
A partir de René II, il est vrai, la Lorraine et le Barrois
n'auront plus qu'un même souverain ; toutefois, la région
ne recouvrera pas complètement son unité politique, les
villes épiscopales ayant continué de vivre de leur existence
indépendante ; en outre, René II et ses successeurs senti-
ront jusqu'à la fin peser lourdement sur eux les effets
désastreux d'événements qu'avait produits ou rendus
possibles l'émiettement de l'ancienne Mosellane.
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APPENDICES
APPENDICE I
La Lotharingie formait-elle encore en 959 un royaume
autonome, distinct de l'Allemagne ?
La Lotharingie était-elle en 959 une siraple province de
TAllemagne, ou constituait-elle encore un royaume distinct
de ce dernier État, et destiné à former après 962, avec
l'Allemagne elle-même, avec Tltalie, et plus tard avec la
Bourgogne, le Saint-Empire-romain-germanique?
Disons tout de suite que l'idée d'un empire territo-
rial englobant un nombre déterminé d'États ou de
provinces n'avait pas encore pris naissance, ou du moins
n'était pas encore nettement conçue, ni, à plus forte raison,
généralement acceptée. Aux ix^ et x^ siècles, le mot
« imperium )) désignait bien plutôt l'ensemble des attribu-
tions et des devoirs de l'empereur que les contrées soumi-
ses à son autorité. Et cela s'explique sans peine. D'abord,
on admet à cette époque que l'autorité de l'empereur
s'étend en principe sur l'ensemble du monde chrétien. En
outre, de 800 à 924, les empereurs avaient appartenu à
quatre familles différentes (1), et les États qu'ils gouver-
(1) En dehors de la dynastie carolingienne, qui a fourni la plupart
des empereurs du ix' siècle, citons les maisons de Frioul (Bérenger 1"),
de Provence (Louis l'Aveugle) et de Spolète (Guy et Lambert). Tandis
que la deuxième et la troisième se rattachaient par les femmes à la
famille de Charlemagne, la quatrième n'avait avec celle-ci aucun lien
de parenté.
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LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAïNE 185
naient effectivement, avalent sans cesse varié de compo-
sition et d'étendue (1) ; il n'y avait (}ue !e royaume d'Italie
qui eût toujours, nominalement sinon de fait, dépendu de
ces princes (2). De 962, il est vrai, à 1033, seuls les souve-
rains allemands reçurent la couronne impériale, et de
plus, tous la portèrent. N'empêche que de 983 à 996, puis
de 1002 à 1014, enfin de 1024 à 1027, l'empire resta vacant,
un intervalle plus ou moins long s'étant écoulé entre les
avènements respectifs d'Otton III, d'Henri II et de Conrad II
au trône d'Allemagne et le moment où ces trois princes
devinrent empereurs. Par deux fois d'ailleurs, au cours de
ces interrègnes, en 1002, ainsi qu'en 1024-1025, les Italiens
(1) Louis le Pieux avait, comme son père Charlemagne, possédé la
totalité de la monarchie franque. Mais Lothaire I" (840-855) n'a eu que
la Francia média, une partie de la Bourgogne, la Provence et l'Italie.
La péninsule seule appartenait à Louis II (855-875), qui n'acquit qu'en 8G3
la Provence à la mort de son jeune frère Charles. Charles le Chauve
(875 877) était maître de la France occidentale, de la Bourgogne, de la
Provence et de l'Italie. Charles le Gros n'était encore que souverain de
la Souabe, d'une partie de la Lotharingie et de la Bourgogne, ainsi
que de l'Italie, quand il fut, en 884, couronné empereur, et ce ne fut
pas son titre Impérial qui lui valut d'étendre son autorité sur le reste
de la monarchie carolingienne. Guy et son fils Lambert, couronnés
empereurs, le premier en 891, le second en 892, ne possédaient que
l'Italie ; Arnulf qui, du vivant de Lambert, reçut en 896, du pape
Formose, la couronne impériale, n'était à cette date maître que de la
Germanie; seulement, son fils Zwentibold en Lotharingie, Eudes et
Charles le Simple dans la France occidentale, Rodolphe h? en Bourgo-
gne, Louis TAveugle en Provence, Bérenger I", le compétiteur de Guy
et de Lambert, en Italie, reconnaissaient nominalement — sinon de
tait — la suzeraineté d'Arnulf. Louis l'Aveugle, qui devint empereur
en 901, joignait la Provence à l'Italie ; enfin, Bérenger I", qui se fit
couronner empereur en 915, n'étendait pas son autorité au-delà des
limites de Tltalle.
(2) On peut ajouter que le titre d'empereur n'a conféré à la plupart
des princes qui l'ont porté aucune autorité, aucune suprématie effec-
tive ni sur les autres souverains de l'occident chrétien, ni même sur
les rois qui partageaient avec eux les débris de la monarchie franque.
Arnulf, il est vrai, nous l'avons dit à la note précédente, a joui d'une
prééminence, plus nominale que réelle, à l'égard des reguli qui gou-
vernaient les Etats nés du démembrement de l'empire carolingien ;
encore doit-on faire observer que cette supériorité, il la possédait avant
d'être empereur, et qu'il la devait à sa qualité de Carolingien.
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186 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
tentèrent de se donner un souverain distinct de celui de
l'Allemagne, ce qui prouve que, durant le premier quart
du xi« siècle, on ne croyait pas encore que la possession
de ritalie et de la couronne impériale fût l'apanage exclu-
sif des rois germains (1). En 1002, Ardouin, marquis
d'Ivrée, se fit proclamer roi d'Italie, et seule l'opposition
d'une partie de ses compatriotes l'empêcha d'arriver à
l'empire. Vingt-deux ans plus tard, après la mort de saint
Henri, les Italiens olïrirent successivement la couronne à
Robert le Pieux et à Guillaume V, duc d'Aquitaine, qui la
refusèrent l'un et l'autre, tant pour eux-mêmes que pour
leurs fils (2). Nul doute que si l'un de ces princes avait
répondu à l'appel des évêques et des seigneurs transalpins,
il eût poussé jusqu'à Rome pour s'y faire couronner
empereur (3). Ainsi, à deux reprises, peu s'en est fallu que
(1) C'est ce que reconnaît Bryce, Le Saint Empire romain germa'
nique et l'Empire actuel d'Allemagne (traduction Do umergue), p. 192.
Quand Waitz, D. VG., t. V, p. H9, dit : « Que l'empire appartint de
droit au roi allemand, et à lui seul, il n'y avait alors là-dessus aucun
doute », ceci n'est vrai que pour une époque postérieure à celle dont
nous nous occupons; des deux sources, auxquelles Waitz renvoie à la
n. 3 de la p. 119, les Ad Heinricum IV imperatorem libri Vil, de
Benzo, et le Ligurinus, la première date du dernier quart du xi* siècle,
et la seconde a été écrite au plus tôt sous le règne de Frédéric Bar-
berousse.
« A cette époque [antérieurement au règne d'Henri III], ajoute Waitz,
aucun pape n'a songé à établir un autre empereur [c'est-à-dire un
empereur autre que le roi d'Allemagne] ». L'assertion est exacte ;
pourtant, si Ardouin avait été assez fort pour imposer son autorité aux
évêques et aux seigneurs de l'Italie, et qu'il fût ensuite arrivé à Rome, le
pape alors régnant aurait-il refusé de le couronner empereur ? Evidem-
ment non. Il en aurait été de môme pour le fils de Guillaume le Grand,
duc d'Aquitaine, au cas où ce prince eût franchi les Alpes et se fût
fait reconnaître par les grands de la péninsule.
(2) Voir ci-dessus, p. 149-152.
(3) D'après une lettre écrite par Hildegaire, écolâtre de Poitiers, à
l'évêque Fulbert de Chartres, les évoques et les seigneurs italiens
offraient à Guillaume, pour son fils, la couronne royale d'Italie, et pro-
mettaient en outre de faire leur possible pour que le jeune prince
obtint la couronne impériale {Rec. H. Fr., t. X, p. 488-489.)
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 187
la série des empereurs allemands ne fût interrompue (1). II
n'y avait donc pas de raison pour que l'idée d'un empire ter-
ritorial, comprenant, avec ritalie,ies États ou les provinces
possédés au nord des Alpes par les souverains allemands,
idée née peut-être dans le cerveau de quelques clercs épris
du passé (2), eût pu prendre corps, se répandre et se faire
universellement adopter.
Toutefois, de ce que le Saint Empire-romain-germanique
n'avait pas encore d'existence officielle au x« siècle, ni tout
(1) Plus tard, au cours du xi* siècle, il y eut des tentatives faites par
les Italiens ou par les papes pour enlever l'empire aux Franconiens.
Ainsi, en 1037, les grands de l'Italie, mécontents de Conrad II, offrirent
la couronne impériale au comte de Blois et de Troyes, Eudes II, qui
disputait alors la Bourgogne à l'empereur (Annausta Saxo, 1037,
Ann, Altahenses majores, 1037, 5S., t. VI, p. 680, t. XX, p. 792).
Suivant Bennon, Gesta romanœ ecclesiœ, 1. II, c. 7 {Libelli de lite
imperatorum et pontificum, t. II, p. 378), Benoit IV aurait envoyé la
couronne impériale à Pierre, roi de Hongrie, et Léon du Mont-Cassin
attribue à Etienne IX (X), le projet de couronner empereur son frère
Godefroy le Barbu [Chronica monasterii Casinensis, 1. II, c. 97, SS.,
t. VII, p. 694).
(2) Silvestre II et à son instigation Otton III rêvaient, semble-t-il,
de ressusciter l'ancien empire romain dans sa constitution et dans son
étendue.
Il est curieux de voir que, suivant les circonstances et les besoins
du moment, Gerbert donne aux mots u imperium romanum » tantôt
un sens, tantôt un autre. Prenons la lettre dans laquelle il se justifie
(984) auprès de Thierry I" de Metz des attaques qu'il a dirigées contre
lui au nom de Charles de Basse-Lorraine (à supposer, ce qui n'est
nullement certain, que libelle et apologie émanent de Gerbert); le
« romanum imperium », dont le prélat est l'honneur, doit être identiOé
avec les États soumis à l'autorité des Ottons. Par contre, en 988 (?), le
même Gerbert, chargé par le roi de France, Hugues Capet, d'écrire aux
empereurs grecs Basile II et Constantin VIII, désigne sous le nom
d' « imperium romanum » l'empire byzantin. Enfin, quand en 997
Gerbert adresse à Otton III son Libellus de rationali et ratione uti, il
lui dit dans la préface : « nostrum, nostrum est romanum imperium»
(Lettres de Gerbert, n"''33, 111 et II, p. 32, 10 et 237). Voilà donc Gerbert
revenu à sa première opinion, qui lui paraîtra bientôt d'autant meil-
leure qu'il montera dans la chaire de saint Pierre. On sait que pour le
Sosie de Molière « le véritable Amphitryon est l'Amphytryon où l'on
dîne. » De même, le pape Silvestre II ne pouvait manquer de regarder
comme le véritable empire romain celui où il partageait la première
place avec son ancien élève Otton lïl.
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188 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
au début du xi^ (1), on aurait tort d'en rien conclure pour
la situation où se trouvait alors la Lotharingie à Tégard de
TAllemagne. En vue d'arriver à bien connaître, à déter-
miner aussi exactement que possible cette situation,
posons-nous les deux questions suivantes : la Lotharingie
avait-elle conservé une chancellerie particulière, comme
c'avait été le cas par exemple au temps de Louis l'Enfant
et de Charles le Simple {2) ? Les princes saxons ou franco-
niens se faisaient-ils couronner deux fois, d'abord comme
souverains de l'Allemagne, puis en tant que rois de
Lorraine ?
Après bien des vicissitudes, que nous avons racontées
ailleurs, le royaume de Lothaire II était tombé de 923 à
925 au pouvoir du roi d'Allemagne Henri P'. L'archevêque
de Trêves, Roger, qui avait été sous Charles le Simple,
comme son prédécesseur Radbod, archichapelain (archi-
chancelier) pour la Lotharingie (3), conserva jusqu'à sa
mort cette dignité (4), qui fut donnée ensuite à Robert
(931-956) (5). Pourtant, du vivant de Robert, on rencontre
des diplômes concernant la Lorraine contresignés au nom
(i) Bryce, Le Saint Empire, etc., p. 103-404, 133 et 187, fait d'Otton
le Grand le créateur du Saint-Empire ; nous concédons à cet auteur
qu'Otton a jeté les bases du nouvel imperium romanum, mais celui-
ci, selon nous, n*a qu'au milieu du siècle suivant atteint son dévelop-
pement complet et bien pris conscience de lui-même. L'imperiufn
romanum, dont parlent Wipon, Gesta Chuo7iradi imperatnris, c. 1,
p. 9-10, etVuiBERT, Vita s. Leonis /I, 1. I, c. 14 (Wattehich, i*on<î/lci*rn
romanorum vilœ, 1. 1, p. 145) est déjà le Saint-Empire-romain ; seule-
ment, avec ces deux auteurs nous atteignons et nous dépassons môme
la fin de la première moitié du xi* siècle. Ajoutons que l'épithète de
« saint » appliquée à l'empire romain ne date que du règne de Frédéric
Barberousse (Bryce, op. cit. y p. 261, Kleinclausz, L'Empire carolin-
gieriy p. 555 et n. 3.)
{2, Voir notre Ro. L. C, p. 558 et n. 2, p. 597-599, et Mûhlbacher,
Reg. Kar, {2" éd.), Vorbemerkungen, p. c-ci et cxiv-cxv.
(3) Ro. I. C, p. 598-599.
(4) SicKEL, DD. Sax., t. I, p. 37, Brksslau, Handbuch der Urkun-
denlehre, t. I, p. 307, Parisot, Ro. L. G., p. 671.
(5) SicKEL, op. cit., p. 37 et 81, Brbsslau, op. cit., p. 307.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 189
de l'archevêque de Mayence, archichapelain ou archichan-
celier du royaume d'Allemagne. Les successeurs de Robert
n'héritèrent pas des droits qu'il avait exercés en qualité
d'archichapelain. Si l'archevêque de Cologne, Brunon,
posséda les fonctions d'archichapelain pour la Lotharingie^
dont il eut en outre comme duc l'administration (953 965),
il y a pourtant durant cette période de nombreux actes
relatifs à la Lorraine au bas desquels on lit le nom de l'ar-
chevêque de Mayence Guillaume, fils naturel d'Otton l^^ (1).
Après la mort de Brunon, les diplômes concernant la
Lotharingie furent, aussi bien que ceux ayant trait à
l'Allemagne, contresignés au lieu et place de l'archevêque
de Mayence (2). Donc^ plus d'archichapelain (archichance-
celier) particulier pour la Lorraine à partir de 965.
L'ancien royaume de Lothaire II conserva t-il au moins
le droit d'élire à part et de faire couronner par un de ses
métropolitains le souverain qui la gouvernait en même
temps que l'Allemagne ? Henri pr, qui d'ailleurs avait jugé
inutile de se faire sacrer lors de son avènement, en 919 (3),
ne paraît pas avoir légitimé sa prise de possession de la
Lorraine par une cérémonie spéciale. Otton l^^, à la diffé-
rence de son père, voulut être couronné; mais la solennité,
qui eut pour théâtre Aix-la-Chapelle en Lorraine (4), visait
— aussi bien que ce dernier pays — les territoires transrhé-
nans. En ce qui concerne Otton II, il y eut bien deux élec-
tions distinctes, l'une à Worms pour l'Allemagne, l'autre
à Aix-la- Chapelle pour la Lorraine; seulement, on ne signale
qu'un seul couronnement, qui eut lieu dans cette dernière
ville (5). Élu à Vérone dans une assemblée où se rencon-
(1) Sur les droits respectifs de Brunon et de Guillaume en tant qu'ar-
chichapelains (archichanceliers) consulter Sickel, op. cit.^ p. 81-82,
Bresslau, op, cit.^ p. 309-311.
(2) Sickel, p. 82, Bresslau, p. 311.
(3) Waitz, Jahrb. H. J, p. 39-40.
(4) KôPKE et DûMMLER, A. 0. G., p. 26-41.
(5) UuLiRz, Jahrb. 0. II, p. 4 et n. 5.
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190 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
traient des prélats et des seigneurs lorrains, allemands et
italiens, Otton III fut couronné quelques mois plus tard
dans la ville de Charlemagne (i). Nous voyons Henri II
successivement reconnu par les Franconiens et par une
partie des Lorrains, par les Thuringiens, par les Saxons,
par le reste des Lorrains et enfin par les Souabes ; mais il
ne semble pas que ce prince, couronné à Mayence par
Tarchevêque Wiligis, ait cru devoir faire renouveler la
cérémonie à Aix-la-Chapelle (2). Enfin, les prélats et les
seigneurs laïcs des deux Lorraines se rendirent en 1024 à
Camba, pour la désignation du successeur d'Henri II, et si,
en fin de compte, la plupart d'entre eux s'abstinrent de
prendre partau vote, cefutuniquementparhostilité à regard
deConrad l'Ancien. Celui-ci reçutà Mayencela couronne des
mains de Tarchevôque de cette ville, Aribon, et, pas plus
pour lui que pour son prédécesseur, il n'y eut à Aix-la-
Chapelle un deuxième sacre (3). Ainsi, Ton constate par-
fois une élection double ou même triple, mais jamais deux
couronnements, Tun pour l'Allemagne, l'autre pour la
Lotharingie. La cérémonie, qu'elle ait lieu à Mayence en
territoire allemand, ou à Aix-la-Chapelle en Lorraine,
vaut pour l'ensemble des contrées — cisrhénanes et trans-
rhénanes — qui dépendaient des Ottoniens ou des Sa-
liens(4).
Dans ces conditions, il nous semble difficile de prétendre
qu'au moment où Brunon divisa en deux duchés la Lotha-
(1) Voir les textes à la n. 5 de la p. 59.
(2) Pour l'avènement d'Henri II, se reporter à Hirsch, Jahrb. H. II,
t. I, p. 215-216, 221-223, 228-229.
(3) Voir plus haut, p. 145 et n. 1.
(4) Outre l'élection et le sacre il y avait l'intronisation, c'est-à-dire
Tinstallation solennelle du nouveau souverain sur le trône de Charlema-
gne dans l'église d'Aix-la-Chapelle (Waitz, D, \G., t. VI, p. 206-207) ;
et l'on procédait à cette cérémonie, alors môme que le roi avait déjà
été, comme ce fut le cas d'Henri II et de Conrad II, sacrés dans une autre
ville.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 191
ringie celle ci constituait encore officiellement un royaume
autonome.
Est-ce à dire cependant que Ton doive considérer la
Lorraine comme Téquivalent de la Souabe, de la Bavière
ou de la Saxe ? Nous ne le croyons pas. Tout s'opposait du
reste à ce que pareille assimilation fût faite. Le Rhin, à
l'ouest duquel s'étendait la presque totalité de l'ancien
royaume de Lothaire II, avait jadis formé la limite entre
la Gaule et la Germanie, et le souvenir de cette ancienne
distinction subsistait encore (1). Durant la période franque,
les contrées riveraines de la Moselle et de la Meuse avaient
été le noyau, le centre de TAustrasie mérovingienne, puis
de l'empire carolingien ; plus tard elles avaient formé le
royaume autonome de Lorraine ; c'était là justement que
se trouvaient d'anciennes capitales. Trêves, Metz, Aix-la-
Chapelle, qui rappelaient aux habitants du pays et l'indé-
pendance dont leurs ancêtres avaient joui, et le haut degré
de puissance auquel ils s'étaient élevés. La civilisation,
beaucoup plus avancée sur la rive gauche du Rhin qu'à
l'est du fleuve, créait encore des différences entre les deux
contrées, que la langue parlée dans la Lorraine occiden-
tale contribuait encore à séparer l'une de l'autre.
D'autre part, il y a lieu de se demander de quelle façon,
à l'intérieur de la Lorraine et au dehors, les gens du x^ et
du xi^ siècles envisageaient les choses (2). Les Lorrains se
regardaient-ils comme appartenant à la même nation que
les Allemands ? Ceux-ci voyaient ils dans les Lorrains des
compatriotes ? Pour les étrangers, les habitants de la rive
gauche du Rhin ne formaient-ils avec ceux de la rive
droite qu'un seul et même peuple ? En d'autres termes,
(1) Nous citons plus loin des textes de Constantin (p. 194 et n 5.),
de RiCRER (p. 199 et n. 4) et de Gerbert (p. 199, etn. 5), qui ne laissent
à cet égard aucun doute.
(2) En réalité, nous ne pouvons guère espérer connaître que l'opinion
du clergé, puisque les documents qui nous sont parvenus de cette époque
ont pour auteurs des gens d'Eglise.
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192 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
aux yeux des Lorrains, des Allemands et des Français la
Lorraine était-elle une simple province de TAllemagne ou
formait elle au contraire un État autonome?
S'il n'est pas facile de trouver dans les textes des x« et
xi^ siècles une réponse à ces questions, il y a pourtant
quelques remarques intéressantes à tirer deTexamen, soit
des diplômes impériaux ou royaux délivrés à des églises
et à des abbayes lorraines, soit des annales, des chroni-
ques, des vies de saints ou des chartes écrites dans les
contrées situées entre le Rhin, TEscaut et la Meuse. Les
termes dont se servent les auteurs lorrains pour désigner
le pays qu'ils habitent, le prince qui les gouverne, ou ceux
de leurs évêques qui sont venus d'Outre-Rhin, ainsi que
la manière dont sont datées les chartes, nous montreront
que Tesprit particulariste a toujours animé de nombreux
clercs ou moines de la Lotharingie, et que le souvenir de
l'ancienne indépendance ne s'est point perdu parmi eux.
Prenons tout d'abord les actes royaux ayant trait à la
Lorraine : ils ne nous fournissent que bien peu de rensei-
gnements, et de plus les indications qui s'y trouvent nous
apprennent moins la manière de voir officielle de la
chancellerie allemande que celle des destinataires lorrains
de ces privilèges, qui en ont, semble-t-il, rédigé en grande
partie le texte. C'est le cas du diplôme d'Otton h^ pour
Saint-Pierre de Metz, où ce prince est qualifié de « rex
Lotaringensium Francorum atque Germanorum » (i ). Deux
actes du même souverain et un autre de son fils, en faveur
de Gembloux, nous offrent les suscriptions suivantes : «Otto
rex (imperator) Lothariensium et Francigenum (2) ». Si le
premier de ces quatre documents, qui est d'ailleurs authen-
tique, a eu probablement pour rédacteur un moine de
(1) B. 0. 282, 0.' 240, DD. Sax., t. I, p. 289. L'acte est du 3 juin 960.
(2) B. G. 141 et 153, St. 736 a, G.' 82 et 438, G." 187, DD. Sax., t. I,
p. 161 et 591, t. H, p. 213. Ces diplômes sont datés respectivement du
20 septembre 946, du 29 juin 9i7 et du 3 avril 979.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 193
Metz, les trois autres sont des faux fabriqués à Gembloux
même (1). D autre part, la mention du a regnum Lotharii »
se rencontre dans la date d'un diplôme d'Otton II pour
Saint- Vanne, et dans le dispositif d'un acte du même souve-
rain pour Gorze (2) ; enfin, un privilège de Conrad II pour
Bouxières nous fournit l'expression « regnum lotha-
riense » (3). Mais nous ignorons si l'emploi de ces termes
est imputable à la chancellerie allemande, ou aux abbayes
lorraines qui lui ont fourni les notes nécessaires à la
rédaction des diplômes dont nous venons de parler.
Passons maintenant aux documents annalistiques ou
diplomatiques qui ont été certainement rédigés en Lorraine,
et oecupons-nous d'abord de ceux qui ont eu pour auteurs
des clercs ou des moines de la Mosellane.
L'archi diocèse de Trêves nous fournira peu de chose
pour la période qui fait l'objet de notre étude. Si quelques-
unes des chartes de Robert (930-956) sont datées des années
d'Otton I®r « super regnum quondam Lotharii » (4), aucun
archevêque après lui ne suivra son exemple. Il est vrai
que Robert avait la dignité d'archichapelain pour la Lotha-
ringie, dignité dont ses successeurs n'hériteront pas.
Signalons encore une donation du comte Sigefroy l^^" de
Luxembourg à Saint- Pierre de Trêves, ainsi datée: « anno
vero domni Ottonis gloriosi régis XIX super regnum quon-
dam Lotharii » (5).
Enfin on remarque que plusieurs chartes, rédigées dans
(1) Voir SiCKEL, DD. Sax., t. I, p. 289, 161, 591, t. II, p. 213.
(2) St. 765 et 825, 0." 218 et 280, DD. Sax., t. II, p. 247 et 326. Le
premier de ces deux documents est du 3 juin 983, le second du 26
septembre 982.
(3) St. 1965, Calmet, H. E. C. l., 1" éd., t. I, pr., col. 403, 2' éd.
t. II, pr., col. CCLV.
(4) En voici deux exemples : d'abord une charte de précaire,
consentie par Robert en faveur d'Ada en 936, puis une donation faite à
Guy par le même prélat le 29 février 952 [MR. UB,, t. I, n"" 173 et 193,
p. 237 et 255).
(5) Charte du 12 septembre 964 (If/Î'. UB., t. I, n- 2^, p. 279).
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194 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
des abbayes de Tarchidiocèse de Trêves durant la période
comprise entre le couronnement d'Otton II à Aix-la Chapelle
et la mort de son père, indiquent les années de règne du
jeune prince, ou seules (1), ou jointes à celles d'Otton I^ï" (2).
11 y a là une manifestation d'esprit particulariste, que
nous rencontrerons dans d'autres diocèses lorrains, une
tendance à voir dans Otton II le roi propre de la Lotha-
ringie.
Bien plus intéressants pour la question qui nous occupe
sont les témoignages que nous apportent les sources mes-
sines. Dans les Miracula sancti Gorgonii, de Jean de Gorze,
il est question d'un « dux Lotharii regni » (3) ; le biographe
de cet abbé de Gorze, Jean de Saint-Arnoul, nous apprend
que les moines réformés furent introduits à Gorze en 933
par Adalbéron h^ cr obtinente partem Franciae regni quon-
dam Lotharii Heinrico Germanorum rege » (4). Pour Cons-
tantin, il y a opposition entre le « Lotharii regnum » et la
Germanie (5K Les auteurs messins des Gesta episcoporum
Mettensium et de la Chronica universalis Mettensis voient
des rois de Lorraine dans Henri P^ et dans Otton I«f (6) ;
(1) C'est le cas de la donation d'Uda à Salnt-Maximin, du 18 mai 963 :
(( secundo anno régnante Ottone filio imperatoris Ottonis » (MB. UB.^
t. I, n» 212, p. 272).
(2) Voir l'échange entre le comte Sigefroy et Saint-Maximin, du 17
avril 963 : a anno. . . Ottonis régis et patris sui Caesaris principatum
tenentis II », ainsi qu'une donation du comte Hermann à Saint-Martin
de Munstermaifeld, du 10 juin 963 : « régnante Ottone regulo anno II
ejusque pâtre imperium possidente féliciter » (MR. UB.^ t. I, n" 211
et 213, p. 271 et 273). Ajoutons que Gozlin, frère de Frédéric I", est
appelé (( miles quidam ex nobilissimis regni Ghlotarii ducens prosa-
piam » dans la donation faite en 943 par sa veuve Uda à Saint-Maximin
[MU. UB., t. I, n» 179, p. 241j.
(3) Mir. s. Gorg., c. 20 [SS., t. IV, p. 2'f5).
(4) V. Joh. Gorz., c. 43 (SS., t. IV, p. 349).
(5) « Domnus Heinricus rex... tertio Ottoni... in tota Germania,
quœ citra Hrenum est, et in Lotharii regno, quod cis Rhenum.est,
successerat » (F. Adalberonis II, c. 15, S5., t. IV, p. 663).
(6) SS., t. X, p. 542 et t. XXIV, p. 509-510.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 195
enfin, diaprés le Chronicon sancti démentis Mettensis^ du
xiiie siècle cependant, il y a toujours un roi de Lorraine,
qui est en même temps empereur (1). Ce sont les années
de règne du souverain allemand en Lorraine que Ton trouve
comptées dans les chartes suivantes du diocèse de Metz :
donationsducomteRambaudàSaint-Arnoul(16juin958)(2),
d'Amédée à Gorze (2 juin 973) (3), de Benoît, abbé de Saint-
Arnoul à Ripaud (24 novembre 986) (4), échange entre
Tabbé de Gorze Immon et Gondeland (1006) (5). L'échange
enire Bérard, abbé de Saint-Martin, et le comte Rambaud
(24 février 965) (6), ainsi que la charte de Jean, abbé de
Saint-Arnoul, en faveur des serfs de Morville-sur-Seille
(16 août 967) (7), bien que rédigés du vivant d'Otton l^^,
sont datés des années de règne d*Otton IL
Dans le diocèse de Toul on ne relève qu'une seule charte
où soient comptées les années de règne d'Otton II en Lor-
raine ; elle émane de saint Gérard et concerne Tabbaye de
Saint-Mansuy (7 juin 988) (8). Un autre acte du même
prélat pour le prieuré de Salone (6 octobre 971), rendu
(1) « Et reducto Aquisgrani impcrio, a regibus Lotharingise usque
in liodicrnnm diem imperatum est Romae » (S5., t. XXIV, p. 497).
i'2) « Régnante Ottone rege in regno Lotharii régis » (H. M., t. III,
pr , p. 73).
(3) a Anno primo Ottonis imperatoris junioris in regno Lotharii »
{Cart. Gorze, Mett., t. II, n° ill, p. 205).
<4) « Domno Ottone tertio imperatore in regno Lothariensi féliciter
régnante » {Jahrb. G. l. G., 13* année, 1901, p. 228).
i5) (( Imperante Lotharingis gloriosissimo rege Heinrico anno quarto
rogni ejus » (Cart. Gorze, Mett., t. II, n° 122, p. 220). Ajoutons que
l'échange conclu entre l'abbaye de Gorze et Amolbert est daté : a duca-
tum administrante Hlotharii regni Deoderico » [Ihid., n« 117, p. 214).
(6) (( Anno quarto regni domni Ottonis junioris gloriosi régis « [H. M.,
t. III, pr., p. 66, et aux pièces justificatives du présent travail, n» II).
(71 « Anno imperii serenissimi augusti Ottonis VI, regni vero junioris
incliti Ottonis régis VII » (H. M., t. III, p. 79).
(8) « Régnante Ottone juniore Lothariensium rege anno (?) regni ejus »
(Calmkt, h. E, C. I., 1" éd., t. I, pr., col. 393, 2« éd., t. Il, pr., col.
CCXLIII).
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196 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
avant la mort d'Otton I'^^ est quand même daté des années
de règne de son fils (1).
A Verdun, le Continuateur de Bertaire et Laurent de Liège
ont soin de dire à propos des évoques Wicfrid, Haymon
et Thierry qu'ils sont des « Teutonici » (2), et le moine
qui a rédigé le Chronicon sancti Michaelis place Berkem
(Bergheim) « in Theutonica terra » (3). Si, chez Laurent
de Liège, « natura )) est très certainement synonyme de
(( patria », si par conséquent ce chroniqueur, en qualifiant
Thierry de ((vir natura Teutonicus », veut dire quel'évêque
était originaire de TAllemagne, par contre, nous ne savons
pas au juste quel sens le Continuateur de Bertaire et Fau-
teur du Chron. s. Michaelis donnent au mot k teutonicus » :
désigne-t-il la nationalité ou la langue maternelle tant des
prédécesseurs de Thierry cités plus haut que des habitants
de Bergheim? Le moine de Saint-Vanne, auquel on doit
la Vita sancti Ricardi, connaît encore le « Lothariense
regnum » (4). Si nous passons aux chartes, nous consta-
tons que celles de Tabbé Eudes de Saint-Mihiel, pour son
monastère (972) (5), de Tévêque Haymon en faveur de Saint-
Vanne (995) (6), de Hugues pour sa femme (1071) (7) portent
(1) (( Régnante Ottone augusto et serenissimo imperatore, ejusque
fîlio equivoco » (D« prima domo, p. dSo ; voir encore aux pièces justi-
ficatives du présent travail, n° lll).
(2) « Domnus Wicfridus episcopus de Bawariorum partibus, vir Teu-
tonicus » ; (( .Ecclesia Virdunensis... pastorem... Haymonem meruit a
Teutonica » (Continuateur de Behtaire, Gesta ep. Vird,, c. 3 et 7, SS.^
t. IV, p. 46 et 47). « Hic (ïtiierry) natura Teutonicus » (Laurent de
Liège, Gesta ep. Vird., c. 1, SS., t, X, p. 491).
(3) Chron. s. Mich., c. VII, p. 11.
(4) C'est à la France que la V. Ricardi, c. 7, oppose la Lorraine
(SS., t. XI, p. 283).
(5) « Régnante Ottone imperatore in regno Lotharii » (de l'Isle,
H. S. i/., p. 435). Une charte de Thierry pour Saint-Mihiel, du 25
décembre 1005, porte à la date : « Theoderico Lothariensis regni ipsius
duce » (Id., ibid., p. 446).
(6) « In regno Lotharii régnante Ottone rege augusto » {Jahrb. G. L. G.,
lO'' année, 1898, p. 416).
(7) « Régnante in Lotharingico regno rege Heinrico » [Jahrb. G. L. G.,
14° année, 1902, p. 83).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE l97
respectivement les années de règne d'Otton l®/", d'Olton III
el d'Henri IV dans le ((Lotharii(Lotharingicum)regnum ».
Enfin, on a daté, non point du règne d*Otton le Grand,
mais de celui de son fils, la charte de l'évoque Wicfrid pour
Saint-Mihiel (25 février 966 ou 967) (1) el celle d'Amaury
pour Saint Vanne (12 mai 967) (2).
Venons maintenant à la Basse-Lorraine ; dans Tarchi-
diocèse de Cologne et le diocèse d'Utrecht nous ne trouve-
rons que bien peu de témoignages. La Vita Brunonis, de
Roger, parle du « Lotharicum regnum » (3), la Vita Hein-
rici II imperatoris, par Tévêque d'Utrecht Adalbold, du
« regnum Lothariense » (4), mais sans opposer pourtant la
Lorraine à la Germanie.
Il en va autrement du diocèse de Liège. Sigebert de
Gembloux, dans sa Chronographia, à Tannée 1096, distin-
gue la Lorraine de la France, de la Bourgogne et de la
Germanie (5) Au milieu du xii« siècle, Wibald, abbé de
Stavelot, écrivant à Tarchevêque de Cologne Arnold II, lui
dit : ((Inde est quod regnum Lotharingiœ vestrum est » (6).
Dans deux échanges conclus par Tabbaye de Stavelot, l'un
avec Saint-Martin de Metz (1033X, l'autre avec Saint-
Maximin de Trêves (1035 [?]), Gozelon (I»') est qualifié de
« dux Lothariensis (Lotharingensis) regni » (7). Une charte
de la reineGerberge pour Saint-Remy de Reims, rédigée en
Basse-Lorraine le 12 (10) février 968 (8), ainsi que trois
(i) « Régnante Ottone rege, ûlio domini Ottonis imperatoris » (de
L'IàLE, H. S, if., p. 443).
(2) « Anno VII régnante Ottone rege » (Jahrb, G. L. G., iO année,
4898, p. 4(fô).
(3) Roger, V. Bmnonis, c. 24, 37, 46, cf. c. 21, p. fô,38, 47, 22.
(4) V. Heinrici II, c. 5 et 12 (5.S., t. IV, p. 684 et 686).
(5) SS., t. VI, p. 367.
(6) WiBALD, Epistola 381 (Jaffé, Bibl. Rer. Germ., t. I, p. 512).
(7) Calmet, h. ë. c. !.. 1" éd., t. I, pr., col. 415, 2« éd., t. II, pr.,
col. CCLXIX, MR. VB., t I, n° 306, p. 359.
(8) « Anno tricesimo secundo régnante domino Ottone, inclyto impe-
ratore... filio quoque ejus aequivoco régnante anoo septimo » {Rec. H,
Fr., t. IX, p. 666).
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Qoo^(^
198 LES ORIGINES DE LA HAUTELORKAINE
chartes de Stavelot, datées respectivement du l*''^ novembre
965 (966), du 17 mars 966 et du 13février 968 (i), indiquent
à la fois les années d'empire d'Otton I^^ et les années de
règne d'Otton II, qui n'était encore à cette date souverain
que de nom.
A Cambrai on sait distinguer la Lorraine de la Germanie,
comme le prouvent et les Gesla episcoporum Cameracen-
sium (2) et le Chronicon sancti Andrcœ (3). La Lorraine
constitue pour l'auteur des Gesta un État autonome, dont le
souverain, qu'élisent les princes du pays (4), est qualifié par
lui de « rex Lothariensis » ou de « rex Lotha-Karlensium » (5) .
il est même question dans un passage des Gesta du'
(( Lotharingum imperium » (6). Deux chartes en faveur de
l'abbaye cambrésiennedu Saint-Sépulcre, l'une de l'évoque
(1) (( Anno domini et gloriosi Ottonis imperii V, regni vero XXXVIli
(SIC), filio ejus Ottone régnante V » ; « imperante glorioso Ottone anno V,
et filio ejus equivoco régnante anno simul V » ; « imperante domno
Ottone anno VII, régnante lilio ejus equivoco et imperante anno VI »
(RiTz, NR. UB., p. 44, 41 et 43).
(2) « Theodericus (Thierry, évoque de Cambrai)... translatus est in
Germaniam » ; « Berengarius (Bérenger, évoque de Cambrai), eu m in
Germaniam profectus aliquamdiu moraretur.. » {Gesta ep. Camer.y I. I,
c. 49 et 81, SS., t. VU, p. 418 et 431).
(3) Hinc (il s'agit de l'assassinat de Charles le Bon, comte de Flandre)
dolet Italia — totaque Sicilia,
Duraque Germania — atque Lotharingia [Chron. s, Àndreœ, 1. III, c.
3i, 5S., t. VII, p. 548).
(4) « Principes Lothariensium Heinricum (Henri II) sibi legunt ad
regni imperium » {Gesta ep. Camer., 1. 1, c. 114, SS., t. VII, p. 451).
(5) « Et si ego Gerardus (Gérard, évêque de Cambrai) vocatus epis-
copus, antequam reddatur filius, mortuus fuero, reddatur patri (il
s'agit du châtelain de Cambrai, Gautier) servatis tandem conventioni-
bus supradictis, et si régi Lothariensi talem securitatem fecerit unde
sccurus esse possit » ; « Henricum regem Lotha-Karlensium adeunt
Lietbertus... aliique archidiaconi » {Gesta ep. Catner.j 1. III, c. 43 et
Continuatio, c. 3, SS., t. VII, p. 482 et 490).
(6) Ut sui judicaverint
fratres et coepiscopi
Lotharingi imperii » (Serment des Camhrésiens à leur évêque
Gaucher dans les Gesta Galcheri episcopi Cameracensis^ c. 18, strophe
377 SS., t. XÏV, p. 200).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 199
Liébert (1004), Tautre de son successeur Gérard 11 (1079),
sont ainsi datées; « régnante Heinrico rege Lotharien
sium » (1).
On voit par ce rapide exposé, qui n'a nullement la pré-
tention d'être complet, qu'à Metz, à Verdun, à Liège et à
Cambrai le souvenir du royaume de Lorraine et Tesprit
particulariste sont restés plus vivaces qu'à Trêves, à Toul,
ainsi que dans deux sur trois des diocèses lorrains de la
province ecclésiastique de Cologne. Exception faite pour
l'évéché de Toul, ce sont les régions lotharingiennes de
langue allemande qui ont, semble-t-il, perdu le plus vite
le sentiment de leur ancienne indépendance.
Quant aux sources allemandes du x^ et du xi^ siècles, il y
a peu à en tirer pour connaître le point de vue transrhénan.
L'auteur des Miracula sancti Oudalrici, Gérard, mentionne
un certain « Luterius » du « regnum Lotharii » (2). et
Thietmar parle également du « regnum Liutharicum » (3),
sans quel'on voie du reste si, au jugement de ces deux écri-
vains, la Lotharingie était un État distinct de l'Allemagne.
Le chroniqueur rémois Richer ne confond jamais la
Belgique et les Belges, entendez par ces mots la Lorraine
et les Lorrains, avec la Germanie et les Germains (4). Pour
Gerbert, dont la correspondance nous offre à plusieur*^ re-
prises les mots « Lothariense(Lothariensium) regnum ))(5),
nous pourrions renouveler l'observation que nous venons
de faire à propos de Gérard et de Thietmar. Henri IV est
qualifié de a rex Lotharingorum » par les Annalcfi s: (icr-
(1) Gai. Christ., t. III, pr., col. 118 el Le Glay, Revue des opéra
diplomatica de Mirœua^ p. 54).
(2) Mirac. s. Oudalrici, c. 17 (SS., t. IV, p. 422).
(3) Chronicon., 1. I, c. 23, 1. II, c. 23, 1. V, c. 19, p. H, 32 et 118.
(4) Hialoriœ, 1. Il, c. 19, 86, 1. III, c. 1, 67, t)9, p. 49, 82, 87, 110 et
123.
(;•)) Lettres de Gerbert, n»' 31, 35, 57, a3, 138, V, p. 28, 34, 54, 61,
124 et 242. Pourtant Gerbert distingue la Belgique, c'est-à-dire la Lor-
raine, de la Germanie (n"^ 44 et 217, p. 42 et 229.1
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200 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
mani minores (1), et Heuri V de « rex Lotharingiae » par
Tauteur qui a donné à la Chronographia de Sigebert de
Gembloux le supplément connu sous le nom d'Auctarium
Laudunense (2). Plus tard, il est vrai, tandis que, dans cer-
taines parties de la France, Ton continue de regarder la
Lorraine comme un État autonome (3), ailleurs on voit en
elle une province de TAllemagne, du « regnum teutoni-
cum ». Nous avons déjà signalé une chronique angevine,
les Gesta Ambaziensium dominorum, qui traite les Lorrains
d'Allemands (4), et nous pourrions citer bien d'autres
exemples de cette confusion entre les habitants de la rive
gauche du Rhin et ceux de la rive droite (5).
En résumé, durant les x® et xi® siècles, la Lotharingie,
aux yeux des habitants de la moitié occidentale du pays,
forme toujours un État distinct de l'Allemagne (6). Au
contraire, la Lotharingie orientale, celle de langue alle-
mande, paraît avoir assez rapidement oublié son ancienne
indépendance. Nous ne trouvons pas de preuves qu'à Test
du Rhin on ait considéré la Lotharingie et l'Allemagne
(1) ss.,t IV, p. 4.
(2) SS., t. VI, p. 445.
(3) Dans le nord, un moine de Saint-Bertin, auteur de la Flandria
generosa s'exprime ainsi : « Scaldis namque lluvius a fonte suo usque
ad mare discernit regnum Lothariense a comitatu Flandriae, qui est de
regno Franciae... Rex Lothariensis (Henri III), qui caesar et imperator
augustus etc. » (FI. gen., c. 10, SS,y t. IX, p. 320.).
(4) Voir ci-dessus, p. 133 et n. 2-4.
(5) Remarquons pourtant que les mots « regnum Teutonicum »
prennent parfois un sens très étendu et qu'Us peuvent désigner, avec
l'Allemagne proprement dite et la Lorraine, certaines parties de
l'Italie ; on lit par exemple dans une continuation française de Sigebert
DE Gembloux, à l'année 1198 : « Post mortem Heinrici imperatoris...
optimates regni Theutonici, de rege substituendo diffidentes, Suavi,
Baioarii, Alemanni, Apulienses vel Sicilienses Philippum elegerunt ;
Saxones aulem et Lotharingi Othonem in regem sublimaverunt »
(SiGEBERTi Continuatio Aquicinctina^ SS.^ t. VI, p. 434).
(6) Waitz, D. VG., t. V, p. 172 et t. VI, p. 206, reconnaît que la
Lorraine — et le grand érudit ne distingue pas les territoires de langue
romane de ceux où l'on parlait l'allemand — se considérait comme un
royaume autonome.
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ET SA PREMIÈUK MAISON DLCALE 201
comme deux États différents, unis par la personne du sou-
verain. Enfin, pour les chroniqueurs français du x® et du
XI*' siècles, la Lotharingie semble toujours constituer un
royaume autonome ; plus tard, la manière de voir variera
d'une province à Tautre.
APPENDICE II
La mère de Frédéric I".
Dans son Wicman II (1), M. Depoin a soutenu que le
duc Frédéric l^^ avait pour mère Amalrade et pour frère
utérin Thierry I^^, évêque de Metz (2). Le c. I du 1. III de
nos Origines^ où nous nous occupons de la famille de
Frédéric, était déjà imprimé quand on nous a commu-
niqué le travail de M. Depoin : nous sommes donc forcé
de rechercher dans un appendice si vraiment cet auteur
était fondé à faire d'Amalrade la mère du premier duc de
Mosellane.
L'hypothèse que nous examinons s'appuie sur le pas-
sage suivant de Sigebert de Gembloux : « Deoderico Me-
tensi episcopo defuncto, successit ei Adalbero fratruelis
ejus » (3). Traduisant « fratruelis » par « fils d'un frère »,
M. Depoin voit dans Adalbéron II le neveu de son prédé-
cesseur. Frédéric V^ serait donc le frère de l'évêque de
Metz; mais il était déjà, nous le savons, celui d'Adalbé-
ron V^: comment expliquer cette double fraternité, étant
donné que les parents de Thierry s'appelaient Eberhard
et Amalrade, ceux d'Adalbéron Voiry et Cunégonde ?
Voici la solution que M. Depoin propose de donner au
(1) Le titre complet du travail de M. Depoin est Wicmait 11^ comte
du Hamaland, hieni'aiteur de Saint-Pierre de Gand au I* niècie. Il
a paru au t. II des Annales dn XX* congrèa de la fédération archéolo-
gique et historique de Belgique^ p. 315-351.
(2) Op. cit., p. 329-331.
(3) Chronographia {SS., t. Vï, p. 358).
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202 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
problème : après avoir perdu Cunégonde, Voiry prit pour
seconde ou pour troisième femme Amalrade, qui, devenue
veuve, se remaria d'abord avec le comte de Verdun
Ricuin, puis avec Eberhard : Frédéric naquit de la pre-
mière union d'Amalrade, Thierry de la troisième (1).
La phrase que cite notre contradicteur se trouve en
effet dans Sigebert de Gembloux; par malheur pour
M. Depoin, elle s'applique à Tannée 1046, et, dans les
prélats messins qu'elle mentionne, nous devons voir non
point Thierry I^»* (2), ni Adalbaron II, mais t)ien Thierry II
et Adalbéron III ; ce dernier, fils du comte Frédéric, était
effectivement le neveu de son prédécesseur (3).
Nous pourrions nous en tenir là, et ne pas discuter plus
longuement l'hypothèse de M. Depoin : ne s'effondre -t-elle
pas d'elle-même, privée qu'elle est de la seule base solide
— au moins en apparence — sur laquelle l'avait échafau-
dée son auteur (4) ?
(1) Wicman 11 {Annales, etc., t. II, p. 329-330).
(2) M. Vanderkindere, B. F. T. P. B., t. Il, p. 425, qualifie par inad-
vertance Adalbéron III de neveu de Thierry I" : serait-ce là l'origine
de l'erreur qu'a commise M. Depoin ?
(3) M. Vanderkindere, U. F. T. P. B., t. Il, p. 231-232, fait de Fré-
déric un comte de l'Ardenne septentrionale. Le père d'Adalbéron III
s'appelant Frédéric, comme celui d'Adalbéron II, on comprend mieux
encore la confusion où est tombé l'auteur de Wicman IL Sur le
comte Frédéric voir encore du Chesnk, Histoire de la maison de
Luxembourg, p. 10, 13, 18, Bertholet, Histoire du duché de Luxem-
bourg, t. III, p. 37-39,46-47,94-95, etc.
(4) M. Depoin croit qu'au x* siècle (c germanus » avait le sens do
« frère de père », et ({ue Frédéric se disant (en réalité c'est un diplôme
d'Otton I" qui le qualifie ainsi) a gormanus » d'Adalbéron V% le duc
et l'évoque avaient le même père, mais non la même mère. Seulement,
trois lignes plus loin, M, Depoin relève dans la Vita Johannis Gor-
ziensis l'expression « germani de matre », qui nous parait détruire
son assertion précédente. Le texte de la V. J. G. indique plutôt, à
notre avis, que pour l'auteur de cette biographie « germanus » avait
le sens général de « frère ». Du reste, au x'^ siècle, on ne se piquait ni
de précision, ni de propriété dans le choix des termes.
Un vers de l'épitaphe composée par Gerbert pour Frédéric fournit
à M. Depoin un autre argument en faveur de son hypothèse : « Quem
(Frédéric) proavi fudere duces a sanguine regum ». « Si, dit M. Depoin,
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ET SA PREMIÈRE MAISOiN DUCALE 203
Ajoutons pourtant que l'assertion de M. Depoin avait
contre elle un passage de la Vita Johannis Gorziensis, où
il est dit d'Adalbéron 1©^ : (( Ob rei familiaris inopiam, qua
secundis matris nuptiis laborabat, etc. » (i). Comme
Adalbéron l^r avait certainement pour mère Gunégonde ('2;,
c'était bien celle-ci — et non une autre — qui avait épousé
en secondes noces le comte de Verdun. La V. Johannis
Gorziensis ne se trompait donc pas, quand elle qualifiait
Ricuin de vitricus d'Adalbéron (!«') (^31,
Ainsi, en fin de compte, M. Depoin devra reconnaître
que ses devanciers avaient raison de dire que Frédéric I"^''
était fils de Cunégonde (4).
Et naturellement tombent, en même temps que l'hypo-
thèse principale de notre contradicteur, toutes celles qu'il
y avait rattachées ou qu'il avait cru pouvoir en tirer.
Nous en rappellerons une, car elle concernait Avoie, mère
de la duchesse Béatrice. Du moment que, selon M. Depoin,
Frédéric était fils d'Amalrade, il devenait le neveu de la
reine Mathilde, le cousin-germain d'Avoie, l'oncle à la
mode de Bretagne de Béatrice; mais l'Eglise interdisait les
Frédéric eût été fils de Cunégonde, il aurait eu un « proavus rex »,
ce que Gerbert n'aurait pas manqué de relever de préférence. » Voilà
qui nous semble bien subtil. Déclarer que Frédéric a des rois parmi
ses « proavi », ou que les ducs ses ancêtres sont issus du sang des
rois, n'est-ce pas dire exactement la même chose ?
(1) V. Jo/i. Gorz., c. 40 {SS., t. IV, p. 348).
(2) Voir ci-dessus, p. 7 et n. 2.
(3) V, Joh. Gorz., c. 107 (SS., t. IV, p. 367).
(4) M. L. WiLLEMS, qui a fait au Congrès de Gand {Annales, etc.,
t. I", p. 290-298), en ce qui concerne la Basse-Lorraine, la critique du
travail de M. Depoin, a cru devoir à la fin (p. 297-298) louer l'auteur
de Wicman II des « conclusions intéressantes » qu'il avait présentées
dans la « partie vraiment neuve de son étude », celle qui était consa-
crée à la Haute-Lorraine : d'après lui, M. Depoin « s'est servi de textes,
qui n'ont été utilisés ni par M. Vanderkindere, ni par M. Parisot ». Le
passage de Sigebert de Gembloux est probablement l'un de ces textes
que notre regretté collègue et nous -même avions laissés de côté. Au
surplus, nous rechercherons ailleurs dans quelle mesure sont fondés
les éloges que M. Willkms a un peu légèrement décernés à M. Depoin.
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Qoo^(^
^4 LKS ORKilNES DE LA HAtTE LOUHAINE
mariages entre parents aussi proches. Puisqu'elle n'avait
élevé aucune objection contre Tunion de Frédéric et de
Béatrice, M. Depoin en cx)ncluait que le duc et sa femme
n'étaient pas cousins; au lieu d'être fille de Mathilde,
Avoie aurait eu pour mère Hatheburge, concubine plutôt
qu'épouse légitime d'Henri l'^'. Elle n'était donc à aucun
degré parente des enfants d'Amalrade (i). M. Depoin
n'ayant pas apporté de preuve directe à l'appui de cette
deuxième hypothèse, qu'il n'a formulée que pour rendre
plus vraisemblable celle qui concernait la mère de Fré
déric, nous avons le droit de la rejeter, sans qu'il soit
nécessaire de la soumettre à un examen en règle.
APPENDICE III
Enfants et second mari faussement attribués
à la duchesse Béatrice.
Les questions traitées dans cet appendice sont étroite-
ment liées l'une à l'autre : tout d'abord, c'est la même
source qui mentionne les faits dont nous allons parler,
et, de plus, ces faits présentent entre eux une connexion
étroite
Suivant les Acta Murensia (2), il faudrait allonger de
deux noms la liste des enfants de Frédéric I^^ et de Béa-
trice, et y ranger Werner (Garnier), évéque de Strasbourg
(1001 [?j-1028 |?])(3), ainsi qu'lta (Ida), femme de Bade-
(1) Wicman II {Annales, etc., t. II, p. 332).
(2) Les Acta Murensia ont été en dernier lieu publiés par le père
Martin Kiem dans le tome III des Qiiellen zur schweizer Geschichte ;
c'est à cette édition que nous renvoyons toujours.
(3) Ni la date de la consécration de Werner ni celle de sa mort ne
sont exactement connues. Werner, successeur d'Alewich (f 3 février
iOOl), a été nommé évêque par Otton III (f 23 janvier 1002) ; d'autre
part, l'on sait bien que le prélat a fini ses jours un 28 octobre, mais
est-ce en 1027, en 1028 ou en 1029 ? L'hésitation est permise, les
sources indiquant soit l'une, soit l'autre de ces trois années; Hauck
croit pouvoir se prononcer pour 1028 {KG. D., t. III, p. 990).
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rr SA PHEMIÈKE MAISON DUCALE 205
boto (Radbod), comte de Klettgau (I). D'après les Acta en
effet, le duc Thierry de (Haute-) Lorraine aurait été le
frère de Werner et d*Ita; en outre, le même document
donne à Ita comme frère utérin Chuono de Rheinfelden(2),
dont le fils, Rodolphe, fut de 1077 à 1080 opposé à Henri IV
en Allemagne par le parti grégorien. Chuono serait donc
né d*un second mariage de Béatrice. D'autre part, la
(ienealogia jointe aux Acta fait de Chuono un frère de
Thierry et d'ita (3), mais sans ajouter s'il est issu des
mêmes parents qu'eux, ou s'il a eu simplement la même
mère.
Les Acta Murensia ont déjà été l'objet de nombreux tra-
vaux, et l'on peut supposer que la liste s'en allongera
encore par la suite. Quel est l'auteur des Acta, de quelle
façon ont-ils été rédigés, quel degré de confiance méritent-
ils, telles sont les questions sur lesquelles les érudits
n'arrivent pas à s'entendre. Tandis que les uns con-
sidèrent les Acta comme une source des plus sus-
pectes (4), d'autres croient pouvoir accorder à leur témoi-
gnage une grande valeur, et voient en eux l'une des plus
précieuses histoires monastiques des xi® et xii® siècles qui
(1) C'est Radeboto qui a construit le château de Habsbourg.
(2) « Idem vero Radeboto, cum sibi congruum visu m est ut uxorem
duceret, accepit de partibus Lotharingorum uxorom nomine Itam,
sororem Theodrici ducis ac Wernharii Argentin» civitatis episcopi
Atque ad hoc comitem Chuono, fratrem suum (d'Ida) de matre, pa-
trem autem Ruodolli régis elegerunt (les paysans de Mûri) » (Acta
Murenna, p. 19).
(3) « Theodericus dux Lotharingorum et Chuono cornes de Rinfelden
fratres fuerunt. Ilorum soror Ita comitissa de Habspurg reperatrix
[sic] hujus Murensis cenobii.
« Genuit autem Theodricus Gerhardum ducem : Ille vero genuit
Gerhardum de Egisheim patrem Uodeirici et Stephani [sic] » [Acta
Murensia, p. 3).
(4) Nous pensons surtout à Th. von Liebenau, Die Anfdnge des
Uauses Habsburg [Jahrbuch des heraldischgenealogischen Vereins
Adler in Wien, 9' année, 1882, p. 127-134), qui a rejeté au xiv* siècle
la rédaction des Acta Murensia et vu dans cette chronique une sorte
de pamphlet contre les Ilabsbourgs.
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206 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
nous soient parvenues (1). A cette dernière catégorie
appartiennent MM. H. Hirsch (2) et H. Steinacker (3), qui
tout récemment se sont occupés des Acta Murensia. L'un
et l'autre sont d'anciens élèves de l'Institut historique
autrichien : c'est dire que leurs travaux présentent les
qualités scientifiques qui caractérisent les études sorties
de l'Ecole des chartes viennoise.
Malgré des divergences assez sérieuses en ce qui
concerne et la rédaction des Acta, et l'époque ou les motifs
de la fabrication de la fausse charte mise sous le nom
de l'évêque Werner, tous deux s'accordent à reconnaître
que les Acta sont un document historique des plus
sérieux (4). Sous leur forme actuelle, les Acta auraient été
composés vers le milieu du xii« siècle par un moine ou
plutôt par un abbé de Mûri (5). Seulement, tandis que.
d'après Hirsch, l'auteur ancmyme des Acta aurait utilisé
— pour la partie historique de ce document — quelques
notes écrites (d'ailleurs en petit nombre), ainsi que des
chartes et des traditions orales (6), Steinacker croit qu'il
s'est contenté de reproduire, en le remaniant, un travail
antérieur, écrit vers 1119 (7). Les deux savants autrichiens
(1) C'est le cas du père Martin Kiem qui, tout en plaçant au xiir siècle
la rédaciion dctinitive des Acta^ croyait que l'auteur de celle-ci avait
eu sous les yeux un premier travail écrit cent ans plus tôt {op. cit.,
p. 167 et suiv., et Enlgegnung auf die Anfunge des Hauses Habsburg
von Th. von Liebenau, parue dans le Jahrbuc/i der Iz. k. Gesellschaft
Adlei\ W année, 1884, p. 3 et suiv.). Liebenau devait riposter par
l'article Zur frage ilbeî- die Auf ange des Hauses Habsburg (Jahrb.
d. k. k. G. A., 12" année, 1885, p. 110-111), où il maintient à rencontre
de Kiem ses premières affirmations.
(2) Die « Acta Murensia » und die àltesten Urkunden das Klosters
Mûri [Miith. I. Œ. GF., t. XXV, 1904, p. 209-274 et 414-454).
(3) Zur Herkunft des Hanses Habsburg (Zjt. G. OR., N. F., t. XIX,
p. 181-244, p. 367-433).
(4) Voir en particulier Hihsch, p. 441-442, et Steinacker, p. 386.
(5) Hirsch, p. 220-240 et p. 443-446, Steinacker, p. 367-378.
(6) Die (( Acta Murensia » etc., p. 245-2ii6.
(7) Zur Herkunft etc., p. 369-378.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 207
attribuent à TAnonyme la G enealogia dont nous avons déjà
parlé; mais, Hirsch dit simplement que le moine — ou
Tabbé — de Mûri a dû se servir des Acta (1) ; Steinacker,
précisant davantage, affirmequeTauteur a eu pour uniques
données celles que lui fournissait la source reproduite par
lui dans la première partie des Acta (2j.
A l'égard de la fausse charte de Tévéque de Strasbourg,
Hirsch et Steinacker ont des opinions encore plus diffé-
rentes. Pour le premier, c'est au début du xii® siècle,
peut-être vers 1106-1108, peut-être plus tard, que la pièce
a été fabriquée à Taide d'une bulle de saint Léon IX et de
quelques autres documents ; le faussaire travaillait dans
Tintérôt de la famille de Tavoué, et voulait en même temps
contrecarrer la réforme monastique (3).
Par contre, Steinacker place un peu avant 1086 la
confection du faux, dont Tauteur aurait eu pour unique
modèle la bulle de saint Léon IX. La pièce aurait été
fabriquée après entente entre les moines de Mûri et le
comte Werner I<^r de Habsbourg, dans le but de faire
échec aux- prétentions des comtes de Lenzbourg sur
Pavouerie de Mûri (4).
Hirsch ne s'est pas préoccupé des indications généalo-
giques fournies par les Acta (5); mais Steinacker, qui
avait à examiner d'une façon toute spéciale les origines
de la maison de Habsbourg, a recherché dans quelle
mesure étaient exactes les données des Acta concernant
l'évêque Werner, Ita et le second mariage de Béatrice. Et,
chose surprenante de la part d'un érudit de cette valeur.
(1) Die « Acta Murensia », p. 242-244.
(2) Zur Berkunft, p. 387-389.
(3) Die « Acta Murensia w, p. 422-441.
(4) Ziir Herkunft, p. 395-418.
(5) Il fait de l'évêque Werner un Habsbourg, non pas le frère, mais
l'oncle paternel de Radeboto {Die « Acta Murensia », p. 450-451).
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â08 LES OUIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
il s'est prononcé dans un sens favorable aux Acta Muren-
sia il).
Notre intention n'est pas d'intervenir ici dans le débat
auquel a donné lieu le mode de rédaction, soit des Acta
eux-mêmes, soit de la charte de Werner. Toutefois, à
propos de ce dernier document, nous croyons devoir for-
muler une objection contre la théorie de Steinacker. Cet
auteur prétend, nous venons de le dire, que le comte
Werner I^'* de Habsbourg et les moines de Mûri se sont
concertés pour fabriquer le faux (2). Mais M. Steinacker
nous paraît oublier que Werner I^^ était le propre fils
d'ita et de Radeboto : comment le comte de Habsbourg
aurait-il admis sans protestation une supercherie qui, à
ses yeux, devait avoir le double tort :
1» D'enlever à ses parents, pour le reporter sur un de
ses oncles, Thonneur d'avoir fondé Mûri ?
2'^ De faire entrer iudûment l'évêque Werner dans la
maison de Habsbourg ?
(1) Zur llerkunft, p. 386-395. Avant Steinacker, si tous les «^rudits
avaient rejeté les données des Acta relatives à Werner et fait de
l'évoque de Strasbourg un Habsbourg, ils avaient par contre, à l'excep-
tion de LiEBENAU, admis qu'Ita était fille de Frédéric I" et de Béatrice,
et que cette dernière avait eu Chuono d'un second mariage. Citons
en particulier Egcard, Origines habsburgicœ, p. 77, Gfrôrer, Papst
Gregor VU, t. I, p. 320, Gruxd, Die Wahl Rudolfs von Rheinfeldea
zum Gegenkonig, p. 3-4, Kiem, Dan Kloster Mûri (Quellen zur schireizer
Geschichte, t. III, 3* fascicule, p. 6, n. 3 et p. 10, n. a) et Entgrgnung
auf Die Anfànge des Hmises Ilabsburg (Jahrb. d. k. k. G. Adler,
H' année, 1884, p. 8), Schulte, Geschichte der Habsburger in den
ersten drei Jalirhunderteriy p. 138, Gisi, Der Ursprung der Hintser
Zàhringen und Habsburg (Anzeiger fur schweizerische Geschichte,
N. F., t. V, 1888, p. 272-275 et 288), Krûgeu, Zur Herkunft der Habs^^
èwrgfer, Tableau généalogique (Jahrbuch fit r schweizerische Geschichte,
t. XIll, 1888), Redlich, Rudolf von Habsburg, p. 8, et Tableau généa-
logique, p. 766.
Comme nous le disions plus haut, Liebbnau est le seul érudit mo-
derne qui se refuse à voir dans Ita une flUe de Frédéric I" et do
BédiTÏce {Die Anfànge des Uauses Habsburg, et Zur Frage iiber div
Anfànge des Hanses Habsburg, dans le Jahrb. des heraldischgenea-
togisclien Vcreihs Ailler tn Wien [plus tard k. k. Gesellschaft Adlet\
9" annéo, 1882, p. 124, et 12' année. [HK), p ftm-HOi.
(2) Zur Herkunft, p. 409-411.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 209
Voilà ce que nous ne parvenons pas à comprendre.
Supposons que Werner l^^ et les moines de Mûri aient été
animés des intentions que leur prête Steinacker, ils
auraient obtenu le résultat désiré d'une façon beaucoup
plus naturelle et beaucoup plus simple, en mettant le faux
sous les noms^lta et de Radeboto : quel besoin de subs-
tituer révêque Werner à sa sœur et à son beau-frère ?
De toute évidence, Tauteur du faux a eu ses motifs —
que nous ignorons — pour mettre Werner en avant ; mais
ces motifs n'existaient pas, croyons-nous, en 1083-1086,
pour les moines de Mûri, ni surtout pour le comte Werner.
L'hypothèse — à l'aide de laquelle Steinacker prétend
expliquer la date et les raisons de la fabrication de la
charte apocryphe — nous parait donc difficilement accep-
table. C'est à une autre époque que la pièce a dû être
fabriquée, et, dans tous les cas, nous rejetons comme
improbable Tintervention ou la connivence des comtes de
Habsbourg.
Accordons pourtant à notre contradicteur que l'évêque
Werner est bien le frère d'Ita, et que la maison de Habs-
bourg n'a pas le droit de le revendiquer. Serons nous par
là-même obligé de l'introduire, ainsi qu'Ita, dans la pre-
mière dynastie ducale de la Haute-Lorraine? En aucune
façon. Werner etlta,à supposer que la comtesse soit la
sœur de l'évêque, peuvent fort bien être étrangers à l'une
aussi bien qu'à l'autre des deux maisons mises en cause.
Nous ferons remarquer tout d'abord que la Gencalogia
a commis une grosse erreur, en faisant de Gérard d'Alsace
un fils de Thierry f^, de la maison de Bar(l). M. Steinacker
a bien senti que c'était là une arme redoutable entre les
mains de se:^ contradicteurs, et il a essayé de la leur
arracher. A l'en croire, l'auteur de la Gencalogia aurait
simplement mal interprété les données fournies par la
(1) Acta Murensia^ p. 3.
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210 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORUAINE
source ancienne qu'il utilisait pour les Acta : il ne fau-
drait pas chercher une autre raison de Terreur dont il
s'est rendu coupable (1). Quoi que vaille cette explication,
il n'en subsiste pas moins que la Genealogia s'est gros-
sièrement trompée en donnant Thierry I^r comme père à
Gérard d'Alsace : n'est-on pas alors en droil de soupçon-
ner d'inexactitude d'autres renseignements, généalogiques
ou biographiques, qui par eux mêmes n'otïrent aucune
vraisemblance ? Justement, c'est le cas de ceux qui ont
trait à l'évoque Werner, à Ita et à Béatrice elle-même.
Nous allons à présent rechercher s'il est possible :
l*' Que Werner et Ita soient les enfants de Frédéric I''* et
de Béatrice ;
2^^ Que Béatrice, une fois sortie de la prison où son fils
Thierry l'avait renfermée, se soit retirée en Alsace ;
3« Que la veuve de Frédéric l^^ ail contracté en Alsace
un second mariage.
1° Et d'abord, comment se fait il que les noms de
Werner et d'Ita aient été complètement oubliés dans la
Haute-Lorraine ? Comment les chroniqueurs de cette pro-
vince n'en ont-ils conservé aucun souvenir ? Steinacker ne
répond pas directement à cette objection (2) ; il se contente
de dire qu'en ce qui concerne Werner et Ita, plus jeunes
que Thierry et qu'Adalbéron, on ne doit rien conclure du
fait qu'aucune source ne les donne d'une façon expresse
comme enfants à Frédéric et à Béatrice. Antérieurement à
978, ajoute-t-il, nous ne savons des autres enfants de
Béatrice rien que les noms, et ce sont deux chartes conser-
vées par hasard qui nous les font connaître ; après 972, il
n'est plus question d'eux jusqu'au moment où ils commen-
cent à jouer un rôle historique (3). — D'accord, mais en
(1) Ziir Herkunfl, p. 388-391.
(2) Déjà LiEBENAU ravait formulée dans les articles que nous avons
cités plus haut, p. 208, n. 1.
(3j Zur Berkunft, p. 394.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 211
dehors des chartes de Saint-Mihiel de 962 et de 972, il y
a de nombreux documents qui nous apprennent que
Thierry pr et Adalbéron II avaient pour parents Frédéric
et Béatrice (1) ; rien de pareil, ni pour Tévêque de Stras-
bourg, ni pour ïta.
Le silence des sources lorraines à Tégard de ces deux
personnages nous paraît d'autant moins explicable qu'ils
arrivèrent à une haute situation dans un pays voisin de
la Mosellane. Werner en particulier, qui monta sur le
siège de Strasbourg, devint le collègue de son prétendu
frère Adalbéron II, évoque de Metz (2) ; comment le bio-
graphe de ce dernier prélat aurait-il ignoré la parenté
d'Adalbéron et de Werner, comment n'en aurait-il rien
dit?
M. Steinacker, d'autre pari, ne nous explique pas pour-
quoi Frédéric et Béatrice auraient appelé deux de leurs
enfants Werner et Ita, et c'eût été cependant bien néces-
saire. Ni le hasard ni la mode ne déterminaient au
X® siècle le choix des noms que l'on donnait aux membres
des grandes familles. S'il n'y avait pas de règle fixe,
absolue (3), il existait tout au moins des usages dont on ne
(1) Se reporter aux notes 2 et 3 de la p. 27.
(2) C'est en dOOl ou tout au début de 1002, nous Tavons dit plus haut
(p. 20i, n. 3), que Werner fut promu à l'évéché de Strasbourg, et
Adalbéron II ne mourut que le 14 décembre 1005 (n. i de la p. 115).
(3) Dans un des chapitres de son remarquable travail, intitulé Die
genealogische Verwendting de?' Vornamen fZur Herkunft, p. 195-204),
Steinacker s'élève contre la prétendue loi de la transmission hérédi-
taire de certains noms dans les grande familles, loi qu'ont formulée
quelques historiens, et eu vertu de laquelle ils ont dressé des arbres
généalogiques fantaisistes. Nous accordons à M. Steinacker que, dans
une région donnée, il y a eu des personnages de même nom apparte-
nant à des familles différentes, étrangères les unes aux autres ou
simplement apparentées par les femmes ; de ce qu'un seigneur porte
un certain nom l'on n'a pas le droit de conclure qu'il se rattache à une
maison de la môme province où ce nom est fréquent. Les observations
de M. Steinacker nous semblent donc renfermer une grande part de
vérité ; mais n'est-il pas lui-même allé trop loin en combattant les
excès imprudents de quelques généalogistes ?
14
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212 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORHAIXE
s'écartait guère ; ud enfant recevait le nom qu'avait porté
ou que portait soit Tun de ses ascendants, soit l'un de ses
proches, soit encore un grand personnage, qui avait été
pris comme parrain. Prenons par exemple la famille
ducale de Haute-Lorraine, nous verrons qu'elle se montre
fidèle à cette coutume. Comment s'appellent les trois fils
que Ton peut avec certitude attribuer à Frédéric et à
Béatrice ? Henri, Adalbéron et Thierry : le premier a reçu
lenomdeson arrière grand père, le roi d'Allemagne, le
second celui de son oncle, l'évêque de Metz, le dernier,
celui de son cousin l'évêque Thierry I^r (1).
Il en sera de même pour les enfants de Thierry et de
Richilde : Frédéric II a le nom de son grand-père, Adal-
béron celui de son oncle ; quant à la fille, Adèle ou
Adélaïde, on peut supposer qu'elle avait eu pour marraine
l'impératrice Adélaïde, seconde femme d'Otton I^r (2).
Frédéric II avait appelé son fils Frédéric, Tune de ses
filles Béatrice en souvenir de sa grand'mère, l'autre Sophie ;
ce dernier nom était celui d'une fille d'Otton II, qui fut
abbesse de Gandersheim (3).
Si encore l'un des deux personnages que M. Steinacker
veut donner comme enfants à Frédéric P^ et à Béatrice
portait un nom que l'on retrouvât soit chez les ancêtres, soit
chez les alliés du premier duc de Haute-Lorraine ou de sa
femme, l'on pourrait concevoir quelques doutes, hésitera
rejeter le témoignage des Acta Murensia. xMais, ni dans la
famille de Frédéric, ni dans celle de Béatrice il n'y a pas
plus de Werner (Garnier) que d'Ita. Force nous est donc
(1) Il est du moins permis de le conjecturer.
(2) A moins que le nom d'Adélaïde ne fût celui de la mère ou de la
grand'mère de Richildo.
(3) Sophio était à la fois cousine de Frédéric II et de Mathilde : de
Frédcric II, puisque son grand-père Otton I" avait pour sœur Avoie.
bisaïeule du dernier duc de Ilaule-Lorraine de la maison de Bar : —
de Mathilde enfin, petite-fille de Conrad le Pacifique, dont Sophie était
la petite -nièce par sa grand-mère, l'impératrice Adélaïde.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DLCALE :213
d'exclure Tévêque de Strasbourg et la comtesse de Klettgau
(.Habsbourg) de la première maison ducale de Mosellane(l).
2» Béatrice est-elle réellement partie pour TAlsace après
avoir recouvré sa liberté ? Aucune source ne le dit, et le
fait n'a par lui-même aucune vraisemblance. Pourquoi
Béatrice aurait-elle choisi TAlsace comme lieu de refuge ?
On ne se l'explique pas : rien en définitive ne l'attirait
dans cette province. Nous admettons qu'à la suite des
violences dont Thierry s'était rendu coupable à son
égard (2) le séjour de la Haute Lorraine lui fût devenu
insupportable (3). Mais, si elle voulait absolument s'éloi-
gner de son fils, c'était à la France qu'elle devait demander
un asile, puisqu'elle était originaire de ce pays, et que, de
plus, son frère Hugues Gapet venait d'y être élu roi (4).
Autant le retour de la duchesse en France nous semblerait
chose naturelle, autant nous trouverions extraordinaire
qu'elle eut cherché un refuge en Alsace. Il eût fallu que
M. Steinacker nous fit connaître les motifs qui avaient
déterminé Béatrice à venir dans la vallée de l'Ill.
S'il est invraisemblable que Béatrice ait choisi l'Alsace
comme lieu de retraite, il l'est par conséquent que Werner
et Ita soient ses enfants, car l'élévation de l'un sur le siège
épiscopal de Strasbourg et le mariage de la seconde avec
(1) Nous allons bientôt produire un autre t.rgument en faveur de
notre opinion.
(2) M. Steinacker {op. cit., p. 393) parle en outre de la politique
personnelle que Thierry aurait adoptée en 987, en opposition avec celle
que sa mère avait suivie, et il cite à l'appui de son dire la lutte engagée
par le jeune duc avec son oncle Hugues Capet. Cette dernière assertion
de Steinacker repose sur une simple hypothèse ; notre contradicteur
songe évidemment à l'attaque dirigée par Thierry contre Stenay ; mais
nous ignorons (voir ci-dessus, p. 94 et 95) le véritable caractère de
cette agression, et d'ailleurs il est à peu près impossible que Stenay
ait appartenu au premier roi Capétien.
(3) Steinacker, p. 394.
(4) Béatrice aurait encore pu aller retrouver Adélaïde ou Théophano.
« la cour d'Allemagne et celle de France lui étaient également
ouvertes », déclare M. Steinacker, p. 394 ; l'observation est très juste,
seulement ni l'une ni l'autre cour ne résidaient en Alsace.
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214 LES OIUGINES DE LA HALTE-LORUAINE
le comte Radeboto donnent lieu de supposer qu'ils étaient
nés en Alsace, ou tout au moins qu'ils étaient venus s'y
fixer de bonne heure. Nous avons ainsi un nouveau motif
de n'admettre ni Werner, ni sa sœur à figurer dans la pre-
mière maison ducale de la Haute-Lorraine.
3^ D'un autre côté, du moment que Béatrice n'est pas
allée s'établir entre les Vosges et le Rhin, il faut rejeter du
domaine des faits réels le second mariage que, d'après les
Acta Murensia, elle aurait contracté avec un seigneur alsa-
cien ou plutôt bourguignon.
Au surplus, cette seconde union n'offre en elle-même
aucune vraisemblance. Elle ne s'accorde guère avec l'âge
probable de la duchesse. Fiaqcée en 951 à Frédéric, Béatrice
n'épousa le comte de Metz que trois ans plus tard (1) : on
avait sans doute attendu qu'elle eût atteint l'âge nubile.
Béatrice avait donc, en 954, 14 ou 15 ans (2), ce qui nous
permet de placer sa naissance en 939 ou en 940. A quelle
époque avait eu lieu l'internement de la duchesse ? En 987
au plus tôt, et encore, n'avons-nous pas la certitude que
l'événement soit de cette année (3). Nous ne savons pas
davantage combien de temps Thierry a maintenu sa mère en
prison, ni à quel moment Béatrice a quitté la Mosellane (4).
(!) Se reporter à ce que nous avons dit, p. 21 et 24-26.
(2) Steinacker, p. 392, croit qu'eUe pouvait n'avoir que de 12 à 13 ans.
Il nous paraît plus vraisemblable d'admettre que Béatrice était en 954
déjà formée, ce qui lui suppose de 14 à 15 ans. A propos de l'âge de
Béatrice, relevons une hypothèse erronée de M. Steinacker. 11 suppose
à tort, p. 392, qu'Adalbéron et Henri pourraient bien être nés d'un
premier mariage de Frédéric. Les chartes de Saint-Mihiel de 962
et de 972, que M. Steinacker (p. 392, n. 1) déclare d'ailleurs n'avoir
pu consulter, font expressément d'Henri et d'Adalbéron des fils de
Béatrice (voir ci-dessus, p. 27, n. 1 et 2), et d'autres documents viennent
appuyer leur témoignage.
(3) Le silence qui se fait sur Béatrice à partir du milieu de 987 parait
à Stfjna^cki-r, p. 393, la preuve que l'emprisonnement de la duchesse
doit se placer dans le courant de cette année.
(4) M. Steinacker, p. 394, dit simplement que Béatrice quitta la
Mosellane, lorsqu'elle sortit de prison, mais ne fait aucune hypothèse
sur la durée qu'aurait eue son internement.
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ET SA PHEMIKÏIE MAISON DICALE 215
fille n'aurait donc pu arriver en Alsace que postérieure-
ment à 987 ; mais alors elle avait au moins 47 ou 48 ans (1 ).
Cen'est plus Tâge de se remarier, et cette récidive est encore
moins vraisemblable pour Béatrice que pour une autre
femme. Ambitieuse, passionnée pour le pouvoir, la mère
de Thierry n'était pas de ces quadragénaires romanesques
et sentimentales capables, même sur le retour, de faire
encore des folies (2). Si, au moins, le second époux qu'on
lui attribue avait pu lui offrir une situation égale ou supé-
rieure à celle qu'elle avait eue jadis ! Mais c'est bien tout le
contraire. Imagine-t-on Béatrice, fille de Hugues le Grand,
petite-fille du roi de France Robert, du roi d'Allemagne
Henri l^^, veuve d'un duc de Mosellane, consentant à se
remarier avec un comte obscur, dont le nom n'est pas
même parvenu jusqu'à nous ? Pour notre part nous refu-
serons de l'admettre, tant que l'on ne nous en aura pas
fourni des preuves péremptoires.
La fécondité tardive de Béatrice ne nous trouve pas
moins sceptique que les secondes noces qu'elle est censée
avoir contractées. A 48 ans la duchesse aurait encore été
mère ? Nous avons peine à le croire.
On voit donc combien peu de vraisemblance offrent les
dires des Acta Miirensia, concernant Werner, Ita et le
second mariage de Béatrice.
Mais d'où provient l'erreur commise par les .4cm ? Nous
ne pouvons à cet égard faire que des hypothèses. Il n'y a
d'ailleurs pas lieu de s'étonner que l'anonyme de Mûri, qui
vivait au xii© siècle, ait été mal renseigné sur les origines
de Werner, d'Ita et de Chuono. Ne constate-ton pas que
(1) M. Steinacker, p. 393, lui donne en 987 47 ans au plus.
(% Nous pensons à Eadgyfu (Ogivo), veuve de Charles le Simple, qui
en 951 épousa en secondes noces Herbert lll de Vermandois (Lai;kk, Le
règne de Louis IV, p. 220 et n. 1). Cette princesse, à la différence de
Béatrice, était uçie personne insignifiante, qui n'a joué aucun rôle poli-
tique.
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216 LES ORIOINKS DE LA HAUTELORRAINE
la fienealogia, qui a été rédigée par l'auteur même des Acta^
se trompe en rattachant la maison d'Alsace à celle de Bar,
en faisant de Gérard un fils de Thierry I®' ?
En définitive, nous croyons que ni Werner ni la com-
tesse Ita ne sont les enfants de Frédéric I®^ et de Béatrice,
que Béatrice, une fois rendue à la liberté, n'a pas cherché
asile en Alsace, qu'enfin elle ne s'est pas remariée avec un
seigneur bourguignon.
Au reste, nous convenons de notre ignorance en ce qui
concerne la retraite de Béatrice après sa sortie de prison,
et nous nous gardons bien de soutenir que Werner soit un
Habsbourg. Disons simplement que le prélat appartenait,
ainsi qu'Ita, à une maison comtale qui nous est inconnue.
N'y a-t-il pas beaucoup d'autres personnages de la période
médiévale qui se trouvent dans le même cas, et dont on ne
parviendra jamais à déterminer la famille?
Seulement, il peut se faire que la mère de Werner et de
Béatrice ait été originaire de la Haute-Lorraine, et qu'elle
se soit nommée Béatrice : on s'expliquerait ainsi l'erreur
des Acta Murensia ou de la source à laquelle a puisé l'au-
teur de cette chronique.
APPENDICE IV
L'échange conclu le 24 février 965 entre Bérard, abbé de
Saint-Martin de Metz, et Rambaud, comte du pagus Mortisna^
est-il un faux ?
Nous avons précédemment (1) admis comme exactes les
données de la charte qui relate un échange conclu entre le
comte Rambaud etBérard,abbéde Saint Martin de Metz (2). *
Il nous faut revenir sur ce document, qui présente des
particularités curieuses, et qui, authentique pour le fonds,
est un faux quant à la forme.
(1) Voir le préc. vol. Mém. S. A. £., p. 2i-2 et 395-396.
(2) Rambaud abandonnait à Saint-Martin ce qn'il possédait à (£u-
trange (Lorraine, Thionville, Cattenom).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 217
L'original, ou, pour mieux dire, le pseudo-original de
réchange se trouve aux Archives de Meurthe-et-Moselle (1).
Il suffit d'y jeter un coup d'oeil rapide pourvoir qu'on n'est
pas en présence d'une charte du x« siècle.
Le parchemin sur lequel l'acte a été écrit nous en four-
nit une première preuve, avec sa couleur d'un jaune brun
assez foncé, avec sa hauteur (0,535) plus grande que sa
largeur (varie de 0,373 à 0,362) enfin avec son réglage à la
mine de plomb; d'habitude, au contraire, pour les chartes
lorraines du milieu du x® siècle, on s'est servi de parche-
mins assez blancs, plus larges que haut, et réglés à la
pointe sèche; l'encre nous paraît également plus foncée
que celle dont on faisait usage à la même époque.
D'une façon générale, l'écriture de l'acte n'est pas celle
du x^ siècle (2) ; toutefois, à cet égard, il y a lieu de distin-
guer les différentes parties de l'échange.
Nous constatons d'abord que deux lignes, la première
et l'avant-dernière, celle où se trouvent les souscriptions
du roi et du chancelier, sont écrites en caractères allongés,
hauts de 0,007 à 0,010 et tels, ou à peu près, que les tra-
çaient les scribes de la chancellerie d'Otton I^r ; pourtant,
ils sont un peu plus gros, le moine auquel est dû le docu-
ment ayant appuyé sur son calamus plus qu'on ne le faisait
d'ordinaire au x^ siècle, et nous avons l'impression que
ces lettres sont l'œuvre de quelqu'un qui s'appliquait —
avec plus ou moins de bonheur — à reproduire un modèle;
il y a dans cette imitation de la lourdeur et quelque gau-
cherie.
Le corps même de l'acte, les souscriptions, rangées sur
cinq colonnes, enfin la dernière ligne, qui contient une
(1) Série G., fonds Saint-Martin de Metz, n" 548. Comment le savant
archiviste de la Lorraine, M. Wolfram, a-t-il pu dire à M. Ottenthal
que le pseudo-original ne se trouvait plus actuellement ni à Metz, ni
à Nancy {Reg. sàchs., n° 148, p. 75) ?
(2) Oa consultera le fac-similé joint au présent appendice.
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218 LES ORIGINES DE LA HAUTE LORRALNE
deuxième formule de date, sont écrits en caractères qui
présentent entre eux, à côté de quelques différences, une
ressemblance assez marquée. Les lettres de ces parties de
réchange ne rappellent nullement celles qu'employaient
vers Tan 950 les scribes lorrains. Nous ne possédons
aucune des chartes écrites à Saint-Martin durant les x« et
XI® siècles, mais il existe aux Archives de Meurthe-et-
Moselle Foriginal d'une donation faite en 958 à Saint-
Arnoul par le même comte Rambaud (1) ; en le plaçant à
côté du pseudo-original que nous étudions, on voit tout de
suite combien diffèrent Tune de l'autre les deux écritures.
Celle du pseudo-original se distingue par la hauteur (0,003)
et surtout par la largeur (0,001) des jambages ; ici encore
on constate que le scribe avait la main plutôt lourde. Les
lettres a, c, rf, e, /", o, r, 5, t présentent non les formes
habituelles du x^ siècle, mais bien celles de la fin du xi«
ou du commencement du xii®: pas de hastes élancées
finissant en pointe ; les /"et les s se terminent vers le haut
par des boucles telles qu'en traçaient les scribes lorrains
aux temps des ducs Thierry II, Simon l^^ et Mathieu I^';
il en est de même de plusieurs majuscules, et notamment
du fl, de l'E, du Q et de YS.
Si nous prenons ensuite les lignes où sont rangés en
cinq colonnes les noms des témoins, nous retrouvons des
lettres de même forme, mais plus petites (0,0025 au lieu
de 0,0030), et avec des pleins moins larges ; plusieurs
majuscules et les petites lettres a, c et rf sont tracées comme
les caractères similaires du x® siècle, et l'on peut faire la
même remarque pour les lettres de la deuxième formule
de date (dernière ligne du document).
Enfin, si le chrismon placé en haut et à gauche de l'acte
a bien les apparences d'une contrefaçon, le monogramme
d'Otton \^^ ressemble à ceux que l'on voit sur les diplômes
authentiques de ce prince.
(1) Série E., fonds Morville-sur-Seille, n* 107. Voir le fac-similé.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 219
Par conséquent, de Texamen des signes extrinsèques de
la charte qui nous occupe nous avons le droit de con-
clure :
1^ Que le pseudo-original date de la fin du xi« siècle ou
de la première moitié du xii'^ ;
2^ Que le scribe qui Ta écrit avait sous les yeux des
documents du x^ siècle, et en particulier un diplôme royal
d'Otton P>- ;
3** Que dans certaines parties (mots de la première ligne,
monogramme, souscription du roi eirccognitio du chance-
lier), on constate un effort visible pour reproduire la forme
des caractères dont se servait au x* siècle la chancellerie
allemande ;
¥ Qu'ailleurs (énumération des témoins et deuxième
formule de date) le scribe qui a écrit le pseudo-original,
tout en se servant d'une charte privée du x* siècle, ne s'est
pas astreint le plus souvent à en imiter les lettres.
Considérons à présent les formules de l'acte, nous n'y
remarquons rien de suspect, et cela qu'il s'agisse de
l'échange lui-même ou de la confirmation royale (1). Après
l'indication des témoins se trouve, nous l'avons dit, la
souscription d'Otton I«^ et la rccognitio d'un fonctionnaire
de la chancellerie de ce prince : l'une et l'autre sont cor-
rectes. Brun n'est autre que Brunon, le frère cadet du
souverain allemand, le futur archevêque-duc ; depuis 940
jusqu'à son élévation sur le siège métropolitain de Cologne,
il dirigea la chancellerie d'Otton (2). Dans Robert il faut
voir l'archevêque de Trêves, archichapelain pour la Lotha-
ringie, au nom duquel ont été contresignés de nombreux
(1) C'est ce que fait justement observer Ottenthal (Reg. sdchs., n* 148,
p. 75), qui repousse la qualification de u faux des plus grossiers »
appliquée par Stumpf-Brentano, Die Wirzburger Immunitaten, t. I,
p. 27 et n.39 (cf. p. 30, n. 5i), à notre document.
(2) Voir SicKEL, DD. Sax., t. I, p. 81-82, Bresslau, Handbuch der
Vrkundenlehre, 1. 1, p. 310.
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220 LES OHIGINES DE LA HAUTE-LORRALNE
diplômes d'Otton I^^ concernant ce royaume (1). Enfin, la
formule de date par laquelle se termine le document est
empruntée, elle aussi, à un diplôme royal ; toutefois, elle
est incomplète de rindication de lieu.
Si nous examinons enfin le fonds même de Tacte, nous
n'y relevons rien qui soit de nature à le rendre suspect.
Bérard nous est connu par une autre charte de Saint-
Martin, où on rappelle Gérard dans la suscription et
Bertard dans la souscription ; Tacte est de 945 ou de 960 (2).
Quant à Rambaud, comte du pagus Mortisna, il a été ques-
tion de lui à diverses reprises ; nous le voyons figurer
dans plusieurs documents du x© siècle, faire en 957 une
donation à Gorze et Tannée suivante une autre donation à
Saint-Arnoul (3).
Six des moines de Saint-Martin dont les noms figurent
nu bas de l'échange conclu par Bérard avec Rambaud ont
souscrit la charte de 960 (945) dont nous venons de parler.
Ces six personnages, Froinus (Eromus), Frédéric, Lant-
bert, Fredulfe, Adelramne, Amard ou Ainard, qui sont
qualifiés de prêtres dans notre document, ne portent au
contraire aucun titre dans l'acte de 960 (945), sauf pour
tant Fredulfe, qui est traité de prévôt, alors qu'en 965 cette
charge était occupée par Amard (Ainard). Nous ne savons
rien des autres témoins ecclésiastiques, dont les noms
sont énumérés dans l'échange que nous éludions.
Quant aux témoins laïcs, il est facile d'en identifier
(1) Consulter Sickel, op. cit.^ p. 81, et Bresslau, op. cit.^ p. 307-311
rt 319.
(2) MM. Halkin et Roland ont adopté cette dernière date {Recueil
fies chartes de Stavelot-Malmèdy, t. I, n" 78, p. 177). Grâce à l'obli-
<;eance de notre éminent collègue M. Pirknnf, nous avons eu commu-
nication de quelques-unes des bonnes feuilles de cet ouvrage, qui ne se
trouve pas encore en librairie au moment où nous écrivons.
(3) Se- reporter au préc. vol. Méin. S. À. /.., p. 253-253 et 293. Les
chartes de Rambaud se trouvent, celle do Gorze dans le Cartidaire de
Gorze f}fetteïma, t. Il, n» 108, p. 194}, et celle de Saint-Arnoul
dans 17/. iW., t. Ill, pr., p. 71.
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ET SA PREMIERE MAISON DUCALE 241
plusieurs (1). Sans parler de Frédéric, qui n'est autre que
le premier duc de Mosellane, du comte Sigefroy, dans
lequel il faut voir le comte de Luxembourg, nous rencon-
trons parmi eux Odacer, comte du p. Saroensis^ Richard,
comte d'une partie du p. Metlensis, Thiébert, comte du
p. Dextrensis, deux comtes Renard, dont l'un est sans
aucun doute celui du Scarponnois. Le comte Hugues de
notre document doit-il être identifié avec le comte Udo de
la charte de 960 (945)? Nous ne le pensons pas. Par contre,
les comtes Thierry, Auger, Robert, Wioland, Etienne et
Boson ne nous sont pas connus ; il est cependant possible
que Robert ne fasse qu'un avec un personnage du môme
nom qui figure parmi les assesseurs de Frédéric, lors du
procès d'Aquin avec Tabbaye de Gorze; on trouve aussi
un Thierry et un Auger conune témoins de la dona-
tion faite par la comtesse Hildegonde à Saint-Pierre
d'Amel.
Cependant l'acte offre certaines particularités, certaines
anomalies, qu'il importe d'examiner. L'une d'elles ne
nous arrêtera pas longtemps. Dans l'échange de 965 la
femme de Rambaud s'appelle Frédelinde, tandis que les
donations faites à Gorze (957) et à Saint-Arnoul (958)
donnent à l'épouse du comte le nom de Bertrude. Toute-
fois, de 957 958 à 965 Rambaud avait eu le temps de perdre
Bertrude et de se remarier avec Frédelinde. On ne peut
donc de ce chef formuler aucune objection sérieuse contre
l'authenticité de notre document.
Mais voici une contradiction apparente entre deux des
indications fournies par l'échange lui-même. D'une part,
en effet, il est dit dans le dispositif que l'échange a été
conclu avec l'approbation de \ empereur Otton, et d'autre
part la pièce est datée de la 4<^ année du règne du roi
(1) On se reportera aux notes qui accompagnent le texte de notre
charte (Pièces justificatives, n» II).
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222 LES ORIGINES DE LA HAUTE- LORRAINE
Otton le Jeune. La contradiction, toutefois, est plus appa-
rente que réelle. Si le fils d*Olton I®^ et d'Adélaïde avait
été reconnu roi et sacré à Aix-la Chapelle le 26 mai 961, si
pendant Tabsence de son père, qui séjourna plusieurs
années en Italie, il exerça nominalement le pouvoir royal
sous la direction de son oncle Brunon et de son demi-frère
Guillaume, archevêque de Mayence (1), Otton n'en conser-
vait pas moins la haute main sur les affaires de TÉtat (2) ,
son approbation avait une valeur plus grande encore que
celle de son héritier présomptif, à peine âgé de dix ans en
965. Pourquoi donc l'échange de Bérard et de Rambaud
donne-t-il les années de règne du jeune souv/iirain ? Pour-
quoi d'autres chartes lorraines sont-elles datées de la même
façon ? Nous voyous là une manifestation de l'esprit parti-
culariste qui persistait sur4a rive gauche du khin, où l'on
considérait le pays comme constituant un État à part,
distinct de l'Allemagne. Otton le Jeune, sacré à Aix-la-
Chapelle, dans la Lotharingie, apparaissait aux yeux des
habitants de ce royaume comme leur souverain propre (3).
Il est par contre plus difficile d'expiiquer la présence,
après rénumération des témoins, de la souscription du
roi Otton I^^^, de la recognitio de Brunon, enfin d'une
deuxième formule de date. Assurément, les exemples ne
manquent pas de chartes privées confirmées par le souve-
rain ; la chancellerie royale — ou impériale — y transcri-
vait les formules à l'aide desquelles elle authentiquait et
datait ses propres diplômes. Seulement, ce qui rend sin-
gulière et suspecte l'addition que porte la transaction
(1) Voir KupKE et Dûmmler, K. 0. G., p. 322-323, Uhlirz, Jahrb.
0.", p. 5. C'est à Guillaume que l'enfant-rol fut confié.
(2) Uhlirz, op cit., ibid., fait observer que, môme quand il s'agissait
de questions peu importantes, Otton II ou plutôt ses conseillers deman-
daient, avant de prendre une décision, l'avis de l'empereur.
(3) Voir l'Appendice I : La Lotharingie formait-elle encore en 959 un
royaume autonome, distinct de l'Allemagne?
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 223
intervenue entre Rambaud et Bérard, c'est cfue l'échange
lui-même est de 965 et la confirmation royale de 947 !
Voici comment nous croyons pouvoir résoudre le pro-
blème (1). Le pseudo-original, nous Tavons dit plus haut,
date de la fin du xi* siècle ou de la première moitié du xii%
et le moine qui Ta écrit s'est servi pour modèles d'un
diplôme royal et d'une charte privée ; il a fait un amal-
game de ces deux documents (2), sans remarquer que
leurs dates ne concordaient pas et qu'il faisait confirmer
en 947 par Otton le Grand un échange conclu dix-huit
ans plus tard ! Il a d'ailleurs copié fidèlement, sans faire
d'additions ni de modifications, les actes qu'il avait sous
les yeux ; la contradiction que nous avons relevée entre
les dates est la preuve de la bonne foi *— relative — du
moine qui a fabriqué notre pseudo-original.
Quel était le diplôme d'Otton I«r que notre faussaire a
utilisé pour la circonstance ? Concernait-il Saint-Martin
de Metz? On peut le supposer. Avait-il trait à l'échange?
Nous ne le pensons pas, le document qui nous est parvenu
ne se présentant pas comme la répétition d'un acte anté-
térieur (3).
(1) OïTFNTHAL, Re(j. sûchs., p. 75, explique cette anomalie par un de
ces renouvellements de chartes, comme il s'en produisait assez fré-
quemment en Lorraine. Mais les places qu'occupent les deux formules
de dates ne ne us permettent pas de nous rallier à l'opinion du savant
professeur de l'Université de Vienne.
(2) ^i Ottenthal avait vu le pseudo-original,il n'aurait sans doute pas
rejeté bien loin, ainsi qu'il l'a fait (Heg. sàcks., p. 75), l'hypothèse
d'une juxtaposition de deux documents différents.
(3) La charte de 960 (945) parle d'un prœceptum^ c'est-à dire d'un
diplôme, que les moines de Saint-Martin avaient obtenu d'Otton I",
pour contraindre les habitants d'un village voisin de Cologne
(MM. Halkin et Roland supposent avec raison qu'il s'agit de VValdorf)
à s'acquitter vis-à-vis d'eux de leurs obligations. Ne serait-ce pas de
ce prœceptum^ conservé dans les archives de l'abbaye, que le faus-
saire du XII' siècle aurait tiré le protocole final qui termine le pseudo-
original de l'échange conclu par Bérard avec le comte Rambaud ?
Toutefois, une difficulté se présente ici. La charte qui énumère les
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224 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRALNE
Il nous faiît enfin chercher la solution d'un double pro-
blème : à quelle époque et pour quels motifs les moines de
Saint-Martin ont-ils refait la charte d'échange, en imitant à
la première ligne récriture de la première ligne d'un pri
vilège délivré par la chancellerie d'Otton V% et en repro-
duisant à la fin le protocole final de ce même diplôme?
Nous allons présenter une hypothèse, une simple hypo-
thèse, l'histoire de Saint-Martin de Metz ne nous étant pas
sufïïsamment connue pour que nous soyons en mesure
de donner une réponse certaine aux deux questions
posées.
Le premier document original authentique concernant
Saint-Martin qui nous soit parvenu est une charte d'Albé-
ron (Adalbéron) de Montreuil, archevêque de Trêves
(1131-1152), charte où il est justement question d'CEutrange
et des difficultés qu'Henri, comte d'Arlon et duc de Lim-
bourg, avait suscitées à l'abbaye pour ce domaine, qu'elle
avait acquit du comte Rambaud en 965 (1). Notre pseudo-
original n'aurait-il pas été fabriqué lors de ce conflit à
l'aide de documents authentiques? Il est fort possible
que les moines de Saint Martin, jugeant la charte privée
qu'ils possédaient insuffisante pour appuyer leurs droits
droits de Saint-Martin sur Waldorf ne porte pas d'autre indication
chronologique que « III" indictio ». Comme Otton est qualifié de roi
dans la formule de date, Tannée de l'Incarnation comprise dans la
période qui va de 937 à 961 inclusivement, et correspondant d'autre
part à la 3* indiction, est ou bien 945 ou bien 960 ; nous avons vu que
MM. Halkin et Roland se prononcent en faveur de cette dernière
année. Si la charte est de 9io, le diplôme royal, nécessairement anté-
rieur à cette date, ne peut avoir été délivré en 947 ; au cas où elle se
placerait en 960, on aurait peine à comprendre qu'entre les ordres
donnés par Otton sur la demande de l'abbaye et ies dispositions arrêtées
par Bérard il se fût écoulé un intervalle de 13 années. Nous n'oserions
donc affirmer que le diplôme d'Otton pour Waldorf eût servi de modèle
au moine de Saint-Martin qui a si maladroitement combiné un privi-
lège royal et une charte privée.
(1) L'original se trouve aux Archives de Meurthe-et-Moselle, série G.,
fonds de Saint-Martin, n° 548. L'acte a été publié par Lepage L'abbaye
de Saint-Martindevant-Metz [Mèm. S. À. I., l. XXVIIÎ, 1878, p. 200.)
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 22,0
— très réels cependant — sur Œutrange, Taient trans-
formée — ou à peu près — en un diplôme royal, par
l'imitation partielle d'un privilège d'Otton P^ et par la
reproduction de formules empruntées à ce document.
La charte d'Albéron de Montreuil ne porte point d'indi-
cations chronologiques, mais on en trouve d'autres, qui
permettent de la dater, au moins d'une façon approxima-
tive. Albéron, en effet, justifie son intervention dans le
débat survenu entre Saint-Martin et le comte duc Henri
par l'absence de l'évêque de Metz Etienne, alors en route
pour Jérusalem ; l'acte est donc contemporain de la
deuxième croisade. Or, Etienne, qui avait quitté Metz en
juin 1147 (1), revint probablement dans son diocèse vers le
milieu de l'année 1149 (2).
C'est ;Jonc au second semestre de 1147, ou bien à l'année
1148, ou enbore aux premiers mois de 1149 qu'appartien-
nent et la décision rendue par Albéron en faveur de Saint-
Martin contre Henri de Limbourg, et la fabrication de notre
pseudo-original, qui est nécessairement un peu antérieure
à la sentence de l'archevêque.
Quoi qu'il en soit, et bien que sous le rapport de la forme
notre acte doive être regardé comme un faux, nous avions
le droit d'en utiliser les données pour écrire l'histoire
du x® siècle, puisque c'est à l'aide d'éléments empruntés à
des actes authentiques qu'un moine de Saint-Martin l'a
fabriqué vers le milieu du xii^ siècle.
(1) Louis VII, avec lequel Etienne se mit en route pour la Terre-
Sainte, devait se trouver à Metz dans la seconde quinzaine de juin ; il
était à Worms le 29 de ce mois (Luchaire, Etudea sur les actes de
Louis VU, p. 171, n. 1).
Albéron administra le diocèse de Metz durant l'absence d'Etienne
{H. M., p. 272-273).
(2) C'est ce que conjecturent les bénédictins, H. M., p. 273, qui
croient que le prélat ne quitta la Terre-Sainte qu'après avoir célébré à
Jérusalem la fête de Pâqnes.
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APPENDICE V
Les dates de l'entrevue de Brisach et des deux sièges
de Verdun par Lothaire.
En étudiant les événements qui ont suivi la mort
d'Otton II, nous avons adopté dans ses grandes lignes
Tordre chronologique qu'avait proposé J. Havet (1) ; le
classement nouveau que cet érudit avait donné des lettres
de Gerbert lui avait permis de rétablir Tordre dans lequel
se sont succédé les faits des années 984 et 985. Les théories
de J. Havet ayant été, il y a quelques années, Tobjet d'une
critique approfondie de la part de J. Lair (2), nous croyons
devoir soumettre la question à un nouvel examen ; noire
attention se portera en particulier sur la lettre dans
laquelle Gerbert annonce à Notker, évêque de Liège, que
les rois de France sont en route pour Brisach, où ils doi
vent rencontrer, le l^*" février, Tex duc de Bavière, Henri
le Querelleur. Suivant que Ton attribue à ce document
une date ou une autre, la chronologie des événements qui
ont eu lieu en 984 et en 985 se transforme pour ainsi dire,
les faits se déplacent, et, par suite, changent de physiono-
mie, leurs rapports entre eux diffèrent du tout au tout.
Il imporle donc de déterminer aussi exactement que
possible Tépoque à laquelle Gerbert a informé Tévéque de
Liège des négociations engagées entre Henri de Bavière et
les Carolingiens.
J. Havet datait cette lettre de novembre ou de décembre
984 (3) ; pour J. Lair aussi elle serait de 984, mais du mois
de janvier (4). Bien qu'adoptant d'une façon générale les
(1) Voir ci-dossus, p. 59 et sulv.
(2) Etudes critiques sur divers textes des X' et XP siècles. T. 1.
Lettres de Gerbert, p. 122-132 et 149-159.
(3) Lettres de Gerbert, p. LXXU et p. 37, n. 2 et 4.
^4) Etudes critiqu.'S, t. I, p. 154.
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LES ORIGINES DE LA HALTE-LORRAINE 227
conclusions de Téditeur de Gerbert, nous faisons pourtant
une exception en ce qui concerne Fa lettre à Notker (1). Au
moment où Gerbert écrit, les rois de France se dirigent
vers Brisach ; pour aller de Laon à la forteresse rhénane,
il ne faut pas plus de dix jours, même en hiver. J. Lair
n'a donc pas eu de peine à montrer combien il était invrai-
semblable que Lothaire et Louis V eussent quitté leur
résidence en novembre ou en décembre, c'est-à-dire deux
mois avant l'entrevue (2L Sans aucun doute, ils ne sont
partis que dans la seconde quinzaine de janvier, entre le
20 et le 25 par exemple.
Mais, cette concession faite à Lair, nous repoussons pour
le reste le système chronologique qu'il a proposé, système
d'après lequel levoyage de Lothaire et de son fils à Brisach,
ainsi que le premier siège de Verdun appartiendraient à
984,1e second siège de la môme ville à l'année suivante(3).
Havet plaçait les trois événements en 985 ; nous persistons
à croire qu'il avait raison (4).
Voyons maintenant quels sont les arguments de Lair et
de ceux qui placent en janvier 9S4 l'avis adressé par Gerbert
à révoque de Liège (o). Ils sont au nombre de cinq : nous
(i) D'ailleurs, nous ne croyons pas devoir prendre parti dans la
question du minutier, et nous nous gardons bien de soutenir que
celui-ci ait existé, comme le prétend Havet.
(2) Op. cit., p. 154.
(3) Op. cit., p. 159.
(4) Lettres de Gerbert, p. XIV-XV, LXXII, etc.
(5) C'est le cas de presque tous les historiens, lorrains, français ou
allemands, qui se sont occupés de la question : qu'ils admettent un ou
deux sièges de Verdun par Lothaire, ils placent l'entrevue de Brisach
au 1" février 984, et la lettre de Gerbert dans le mois de janvier de cette
même année. Citons en particulier Hock (traduit par l'abbé Axixger),
Histoire du pape Sylvestre 11 et de son siècle^ p. 139, Wilmans,
JahrbUcher Ottos III, p. 12 et 175-177, Digot, H. L, t. I, p. 203,
d'Arbois de Jubainville, h. D, C. C, t. î, p. 158, Clouet, H. V., t. I,
p. 351, Olleris, Lettres de Gerbert, p. LXXI, Mourin, Les comtes de
Paris, p. 309, D.-J. Witte, Lothringen etc., p. 55, Sepet, Gerbert et
le changement de dynastie {R.Q.B., t. VII, p. 478 et 481), Giesebrecht,
G. D. K., t. I, p. 617, Reuss, Das Leben des Bischofs Theoderich I von
15
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228 LES ORtaiNKS DE LA HAUTE LORRALVE
allons les passer successivement en revue, laissant pour la
fin le plus sérieux, le seul même qui mérite une réfutation
en règle.
l» (( Si Ton adopte pour Tentrevue de Brisach Tannée
98S, il faut admettre qu'après la réconciliation de Worms
{octobre 984), Henri le Querelleur avait derechef pris une
attitude hostile à l'égard d*Otton III ou plutôt du gouver-
nement de la régence (1). »
La nouvelle brouille de Vex-duc de Bavière avec Adélaïde
et Théophano s'explique pourtant de la façon la plus
naturelle. Du moment qu'on ne lui avait pas rendu son
ancien duché, et nous savons de bonne source que celte
restitution eut lieu seulement en mai 985 (2), il n'y a pas
lieu de s'étonner que, mécontent du mauvais vouloir des
impératrices et des difficultés que lui créait celui-là même
qui l'avait supplanté en Bavière, Henri le Querelleur ait
songé à se rapprocher de Lothaire.
2» (( Pendant Thiver de 984-985, Henri était retenu en
Bavière par les démêlés qu'il avait avec Henri le Jeune,
son successeur ; il ne se trouvait donc pas en mesure
d'engager des pourparlers avec le roi de France, ni de lui
proposer une entrevue (3). »
Metz, p. 46, RicHTER et Kohl, Ànnalen dea deuUchen Reichs im Zeil-
aller der Ottonen und der Salier, p. 143. Pour le père Colombier, la
tl;ite du 1" février s'applique non point à l'entrevue de Brisach, mais
ii la sentence par laquelle les Allemands auraient déclaré Henri ennemi
public ; le môme auteur place entre le 1" février et le 16 mars 984 la
If^Ltre de Gerbert à Notker {Gerbert. Sa vie jusqu'à son élévation au
sif^ge de Ravenne, et « Regextum » de Gerbert, dans les lUudes reli-
gieuses, historiques, littéraires, par des i'ères de la Compagnie de
Jéms, 14" année (1869), 4« série, t. III, p. 99 et 607, t. IV, p. 307j. Etant
d (innée la place que les mots « kal. febr. » occupent dans la phrase de
TiERBERT « Henricus rei publicaB hostis dictus kal. febr. occurrit », ils
n(^ se rapportent pas à « hostis dictus » mais à « occurrit ». D'ailleurs,
le père Colombier est le seul, parmi les érudits contemporains, qui
ait adopté l'interprétation que nous venons de combattre.
jl) Nous résumons Lair, Etudes critiques, t. I, p. 155-156.
r2) Thietmar, Chron., 1. IV. c. 8, p. 69.
(3) Lair, op. cit., p. 155 et n. 1.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 229
Gomment croire que le conflit qui avait surgi entre le
Querelleur et son homonyme ait constitué pour le premier
un obstacle insurmontable à l'ouverture de négociations
avec le prince carolingien ? Toutefois, il se peut que ce
différend l'ait au dernier moment empêché de se rendre à
Brisach ; nous ne serions pas éloigné d'y voir une des
causes du manque de parole d'Henri.
3« (( Au moment où le prêtre Hugues brigua la succession
de Wicfrid, évêque de Verdun, mort en septembre 983 (1),
les domaines de l'évêché se trouvaient dans le plus misé-
rable état (2) : or les dégâts qu'ils avaient soufferts ne
pouvaient avoir été causés que par les troupes de Lothaire
durant le premier siège de Verdun, qui est postérieur à
l'entrevue manquée de Brisach (3). »
Remarquons tout d'abord que Wicfrid a fini ses jours non
en 983, mais en 984 (4). De plus, si le Continuateur de
Bertaire mentionne les ravages causés par l'armée du
Carolingien autour de la ville (5), il ne dit nullement
que les terres delà menseépiscopale aient eu à en souffrir.
C'est un écrivain postérieur, Hugues de Flavigny, qui a
tiré cette conclusion du texte du Continuateur de Ber-
taire (6). La dévastation des domaines de l'évêché pouvait
avoir, du reste, une auti^e origine. Nous savons que Wicfrid
avait eu des démêlés avec un comte Sigebert, qui le fit
prisonnier (7) : cela suppose des luttes dont les propriétés
épiscopales avaient probablement subi le contre coup.
(1) Lair, p. 130 et 162.
(2) Continuateur de Bertaire, Gesta ep. Vird.^ c. 5 [SS. t. IV, p. 47).
Lair, p. 130-131, a le tort de citer non cet auteur, mais Hugues de
Flavigny, qui n'a fait que le copier, en le dénaturant.
(3) Lair, p. i:^0-131 et 162.
(4) L'année 984 est fournie par les Ann. necrol. Fuld^ codices 1 et 2
(SS., t. XIII, p. 205).
(5) Voir ci-dessus, p. 77.
(6) Chronicon Virdiineme {SS., t. VIII, p. 367).
(7) CoNTiNiATEUR DE Bertaire, Gesta ep.Vird,, c. 3 {SS., t. IV. p. 46).
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230 LÈS OIUClNES DE LÀ «AUTÊ-LOUnAmE
Eutin, le terme exterminatio qu'emploie le Continuateur
de Uerlaire doit-il être traduit par « dévastation » ? Il est
permis d'en douter, car nous ne trouvons pas ce sens
indiriué dans le Glossaire de du Gange (1).
4^' a Les Gestacpiscoporum Camcraccn.siwm (2), ajoute Lair,
nienlionnent le siège de Verdun par Lothaire avant la
remise d'Olton III à sa mère (3). »
La remarque est juste ; seulement, il arrive aux Gesta
cp^ Çamcr, de commettre des inexactitudes, chronologiques
UQ autres. Voici les faits de cette période que rapportent
les Gesta ; nous les donnons dans Tordre où cette chro-
nique les place : mort d'Otton II, capture d'Otton III par
Tex-duc de Bavière Henri, ambition de Lothaire et d'Henri,
qui convoitent tous deux la Lotharingie, mort de Tévéque
Wîcirid, prise de Verdun par le roi de France, menaces de
celui-ci contre Cambrai, remise d'Otton III à Théophano,
rf3slïiulion de Verdun à Otton III et mise en liberté du
comité iiodefroy par Lothaire.
Relevons tout d'abord les erreurs et les lacunes du récit
des Gesta: c'est Hugues Gapet, et non Lothaire, qui a rendu
Verdun à Otton III (4) ; l'élargissement de Godefroy dépen-
dait et a été l'œuvre, non du roi lui-môme, mais des comtes
Eudes et Herbert (5). De plus, le? Gesta ne parlent que
(i'un siège de Verdun, alors qu'il y en a eu deux (6); enfin,
ils ji^uorent que Lothaire avait commencé par se déclarer
en faveur du pçtit roi d'Allemagne (7).
li) Du Gange, Glossariuni mediœ et infimœ laiinitaUs, éd. Hexs-
(TJiBL, l. III, p. 169, col. 3, donne comme synonymes d' o exterminatio»
1ns mots « terminus, limes, finis », qu'il faut prendre ici avec l'acception
ûv ti leirritoire délimité. »
|2) tlesta, 1. I, c. 105 (55., t. VU, p. 444 445).
m L\EK, p. 128-129 et 156.
Il) Voii' ci-dessus, p. 91 et n. 5.
i'S} V p. 81 et 92-93.
jC; V. |). 76-81.
(7) V. p. 61-62, 64 et 69.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 231
En ce qui concerDe l'ordre chronologique, nous consta-
tons que les Gesta se sont trompés, et cela que l'on adopte
ou que l'on rejette le système de Lair. Celui ci croit en
effet que Wicfrid est mort en 983 ; pourtant, le chroni-
queur cambrésien ne relate l'événement qu'après avoir
parlé des intrigues de Lothaire et d'Henri. Si, d'autre
•part, comme nous le supposons^ Wicfrid a fini ses jours en
984 (31 août), c'est la remise d'Otton III à sa mère (29 juin)
qui ne se trouve pas mentionnée à sa place, car elle aurait
dû, dans le récit, précéder la fin du prélat et le siège de
Verdun. Par conséquent, d'une façon comme de l'autre,
les Gesta ont commis des erreurs chronologiques ; seule-
ment, elles ne sont pas dans notre hypothèse les mêmes
que dans celle de J. Lair.
Aussi, en raison des inej^actitudes de toutes sortes que
Ton relève dans les Gesta à propos des événements qui ont
suivi la mort d'Otton II, sommes-nous d'avis que l'on n'a
pas le droit d'invoquer le témoignage de cette source ;
nous l'estimons irrecevable.
5^ « Le système de J. Havet, objectent enfin nos contra-
dicteurs, a le grave défaut de resserrer en moins de deux
mois des événements qui ont dû eu prendre quatre ou
cinq pour le moins. Que l'on calcule le temps qu'il a fallu
à Lothaire pour revenir de Brisach dans son royaume, pour
s'entendre avec les comtes Eudes et Herbert, pour réunir
des troupes, les amener jusqu'à Verdun et prendre cette
ville, à Godefroy et à Thierry pour rassembler des soldats
et réoccuper Verdun, à Lothaire pour constituer une nou-
velle armée, franchir une seconde fois la distance entre
Laon et Verdun, faire de nouveau le siège de cette der-
nière place, ramener en France ses prisonniers, l'on arri-
vera certainement à un total de plusieurs mois. Or, si l'on
admet que Gerbert a écrit à Notker en 985, les faits que
nous venons d'énumérer se seraient passés entre la ren-
contre avortée de Brisach. i\\ée au 1^^ février, et la visite
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23i LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
de Gerbert à Godefroy, alors prisonnier d'Eudes et d'Her-
bert, visite qui est du 31 mars. Comment admettre que
tant d'événements aient pu se produire dans un espace de
temps aussi court (1) ? »
L'objection, nous n'hésitons pas à le reconnaître, est des
plus sérieuses, et nous convenons sans peine que voilà
beaucoup de choses pour huit semaines, surtout à une
éjHique où les communications étaient plutôt difficiles.
Toutefois si, dans le but de se soustraire aux invraisem-
blances qu'entraîne l'adoption du système J. Havet, on
(Irite de 984 la lettre de Gerbert, l'entrevue de Brisach, le
premier siège de Verdun, et que l'on renvoie à 985 le
deuxième siège de cette ville, si par conséquent l'on donne
'à Lothaire le temps de revenir des bords du Rhin, de
prendre et de reprendre Verdun, il se trouve par contre
qu'avec cette hypothèse beaucoup d'autres événements
auraient eu lieu coup sur coup dans le courant de jan-
vier 984
C'est le 7 décembre 983 qu'Otton II termine prématuré-
numi son existence. La mort de l'empereur n'est pas encore
connue à Aix-la-Chapelle le 25 décembre, quand les arche-
vêques de Ravenne et de Cologne couronnent dans cette
vilîe le petit Otton III (2). Une fois la funeste nouvelle
parvenue en Allemagne, Henri le Querelleur recouvre sa
liberté, se rend à Cologne, se fait remettre par Tarche-
vi^que son jeune cousin, dont il revendique la tutelle,
avec l'espoir secret de lui enlever un jour la couronne.
(1) Comme précédemment, nous résumons Lair, p. 157-159
t^) Se reporter à la p. 59. La plupart des auteurs contemporains
ci-ok^nt que la triste nouvelle arriva le jour môme du couronnement,
nii peu après la cérémonie. Mais, si la phrase de Thietmar {Chron.^
L 111^ c. 26, p. 64) sur laquelle ils s'appuient (( et complète hoc officie,
mox ïegatus tristi nuncio tanta perturbans gaudia advenit » ne contredit
p-is leur interprétation, elle ne nous semble pas l'imposer non plus.
Le ft mox » dont se sert l'évôque-chroniqueur peut fort bien indiquer
qu entre les deux événements, sacre d'Otton lil et arrivée du messager,
il îj'est écoulé un intervalle d'un, de deux ou même de trois jours.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 233
Ses vraies intentions une fois dévoilées, une sérieuse
opposition se manifeste contre lui en Allemagne et en
Lotharingie ; môme le roi de France Lothaire se montre
hostile aux projets d'Henri et disposé à défendre les droits
d'Otton III. Lesévêqueset les seigneurs lorrains se réunis-
sent, se prononcent en faveur du petit roi, et livrent en
gage de leur fidélité des otages à Lothaire. Mais, le Caro-
lingien change d'avis, écoute d'une oreille favorable les
ouvertures d'Henri, accepte de s'aboucher à Brisach avec
lui. Ces négociations sont découvertes par Gerbert, qui
annonce l'entrevue de Brisach à Notker, dans l'espoir que
le gouvernement de la régence s'efforcera d'empêcher la
rencontré de Lothaire et d'Henri (1). Que d'événements
dans l'espace d'un mois 1 Car, c'est à la fin de décembre
que, dans le nord de la Lotharingie, on a connu la mort
d'Otton H, et d'autre partGerbert a écrit à Notker quelques
jours avant le premier février, date de l'entrevue de
Brisach (2). Si donc il paraît — non sans raison — malaisé
d'admettre que, durant les mois de janvier et de février 985,
Verdun ait été pris par Lothaire, réoccupé parles Lorrains,
repris par le roi de France, il l'est encore plus de ren-
fermer dans le seul mois de janvier 984 la mainmise
d'Henri sur Otton III, les déclarations de Lothaire en faveur
de son petit cousin, la réunion des prélats et des seigneurs
lorrains, la délivrance d'otages au Carolingien, la volte-
face de celui-ci à la suite de l'embassade que lui adresse
l'ex-duc de Bavière, la découverte enfin par Gerbert de
l'alliance conclue par Lothaire avec Henri.
Au surplus, nous n'en sommes pas réduit à retourner à
l'adresse de nos contradicteurs l'objection qu'ils avaient
(1) Pour tous ces faits voirie §1 du c. II du 1. III.
(2) Gerbert écrit à l'évêque de Liège que les rois de France (Lothaire
et Louis V) sont en route pour Brisach : « Germanum Brisaca Rheni
litoris Francorura reges clam nunc adeunt, Henricus rei public» hoslis
dictus kal. febr. occurrit » (Lellrea de Gerbert^ n» 39, p. 37).
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234 LES orïgim:s de la haute-lorraine
formulée cootre la date de novembre (décembre) 984, pro-
posée par Havet pour la lettre de Gerbert. Quelques faits
demeurent incompréhensibles, au cas où Ton place en
janvier 984 ce dernier document.
fo Nous avons dit plus haut que les grands ecclésiasti-
ques et laïcs de la Lotharingie s'étaient réunis ; ceux de
TAllemagne avaient fait de même. Qu'est-ce qui avait pu
amener ces hauts dignitaires à se concerler, à prendre des
mesures contre l'ex-duc de Bavière ? Avait-il suffi que le
Querelleur revendiquât la tutelle du petit roi ? Evidem-
ment non. Pour qu'un mouvement de protestation se des-
sinât, il a fallu qu'Henri, découvrant les projets qu'il
avait eu tout d'abord la prudence de cacher, se posât en
prétendant à la couronne. C'est la proclamation d'Henri
comme roi à Quedlinburg qui a ouvert les yeux aux par-
tisans d'Otton m, qui les a déterminés à s'unir pour faire
échec aux projets de l'usurpateur. On comprend qu'après
la cérémonie de Quedlinburg ils se soient émus ; aupara-
vant l'on aurait peine à s'expliquer leurs inquiétudes et
leurs protestations. Or, l'ex duc de Bavière ayant été salué
roi par ses partisans le 23 mars 984 (1), les assemblées de
prélats et de seigneurs laïcs doivent avoir eu lieu posté-
rieurement à cette date ; en outre, nous admettrions volon-
tiers que Lothaire n'a pris position en faveur d'Otton IH
qu'après la manifestation de Quedlinburg. Comment —
dans ces conditions — supposer la lettre de Gerbert écrite
au mois de janvier 984 ?
2® D'ailleurs, lorsqu'Henri, dissimulant ses ambitions,
se contentait de réclamer la tutelle du petit roi, et qu'il ne
rencontrait vraisemblablement aucune opposition sérieuse,
quel besoin aurait-il eu du secours de Lothaire ? Aucun, et
môme c'eût été de sa part, croyons-nous, une grave mala-
(1) Lair, p. 126, semble placer le 7 avril 984 la proclamation d'Henri
comme roi par ses partisans ; en réalité, l'événement se produisit le
Jour de la fétc de Pâques, qui en 984 tombait le 23 mars,
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 235
dresse que de faire appel au Carolingien ; celte fausse
manœuvre n'eût pas manqué de rendre l'ex-duc de
Bavière suspect aux Allemands, et de ruiner sûrement ses
projets.
Plus tard, au contraire, quand le Querelleur, déjà frustré
dans son espoir de régner, eut la mortification de ne pas
môme recouvrer la Bavière, on s'explique fort bien que,
décidé à jouer le tout pour le tout, il se soit rapproché du
roi de France. A la fin de 984, Henri, qui n'avait plus rien
à perdre, pouvait brûler ses vaisseaux ; au mois de janvier
de la môme année, il n'en allait pas de môme, et nous nous
refusons à supposer que, par une démarche inconsidérée,
il ait alors rendu impossible le succès de ses intrigues.
3® Pourquoi Lothaire, après s'être déclaré le protecteur
d'Otton ni, aurait-il, quelques jours plus tard (1), exécuté
une brusque volte-face et lié partie avec l'ex-duc de
Bavière? Nous cherchons en vain un motif à ce revirement,
qui nous paraît, au contraire, tout naturel vers la fin de
984, quand le Carolingien s'aperçut que sa première atti-
tude ne lui avait rapporté aucun profit.
4' Un des griefs formulés par le roi de France contre
l'archevêque de Reims est qu'Adalbéron avait permis à son
neveu et homonyme, fils du comte Godefroy, de solliciter
d'un prince étranger — Ollon III — l'évêché de Verdun,
que Lothaire considérait comme lui appartenant (2). Or,
(1) Dans le système de Lair, c'est au plus tard entre le 15 et le 20 jan-
vier 984 que Lothaire a traité avec les représentants du Querelleur.
Nous savons, en effet, qu'Henri devait se trouver à Brisach le 1" février
984 ; au temps dont il avait besoin pour effectuer ce voyage, il faut
ajouter celui que nécessitait le retour en Saxe de ses envoyés. D'un
autre côté, comme la mainmise d'Henri sur le petit roi est de la fin de
décembre 983, le roi de France n'en a pu être informé qu'en janvier 984.
n a réfléchi, il s'est renseigné, avant de prendre le parti d'Otton III.
On voit donc que Lothaire aurait à peine eu le temps de se déclarer
en faveur de son jeune parent au moment où, suivant Laiu, il adop-
tait une politique toute contraire en acceptant l'alliance de l'ex-duc de
Bavière.
(;2) « Pertidiae ac infidelitatis crimine in regiam majestatem arguor
delineri, eo quod nepotem meum, clericum videlicet meap ccclesiaB,
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236 LES ORIGINES DE LA ftAUTELOR RAINE
Wicfrid de Verdun ne mourut que le 31 août 984 (l),et,
dans son mémoire justificatif, l'archevêque répond qu'à
l'époque où son neveu avait obtenu le siège de Verdun,
Lothaire n'avait encore élevé aucunes prétentions sur la
Lotharingie (2). Par suite, la nomination du fils de Gode-
froy à révêché de Verdun est antérieure, sinon aux pour-
parlers engagés par Henri avec Lothaire, du moins à
l'accord intervenu entre les deux princes et à la connais-
sance qu'en eutGerbert: cette nomination ayant été faite
à la fin de 984 (3), il faut nécessairement rejeter en 985
Tentrevue qui devait réunir un 1^*^ février le roi de France
avec le Querelleur, ainsi que la lettre par laquelle Gerbert
informait de l'événement l'évêque de Liège.
5<> Voici une dernière raison, non moins décisive, à
faire valoir contre le système de J* Lair. L'écolâtre de
Reims, qui annonce à Notker que les rois de France vien-
nent de se mettre eu route pour Brisach, où ils doivent
rencontrer Henri le l®"" février, a écrit sa lettre quelques
jours avant celte dernière date, entre le 20 et le 25 janvier,
licentia donaverim, quia et palatium adierit, et doao alterius régis epis-
copatum acceperit ejus regni,quod senior meus Lolharius rex in pro-
prium jus revocaverat, quodque gradus ecclesiasticos ei postmodum
contulerim absque licentia et auctoritate senioris mei » {Objeciio in
Adalberonem dans les Lettres de Gerbert^ w 37, p. 54).
(1) Se reporter à la n. 1 dé la p. 66.
(2) « Cum senior meus rex Lotharius Lothariense regnum nec habefet,
nec revocaret, fralris mei filium vix tandem sic obtinui, fide interpo-
sita, ut, si usus aliquando exposceret, sibi suisque absque pertinacia
redderem. At cum ageretur ut senior meus imperatoris ûMo advocatus
foret, eaque de Causa dati obsides essent, frater meus crebris legatis
filium repetivit, me segnlter accipientem fidêi violatorem iocrepitans,
rem suam a multis interturbari, eum se statum perc^^re dicit Ego,
quoniam senior meus de revocatione regni nihil mibi dixerat, sed de
8ola advocatione, nec dandi licentiam clerico interdixerat, sed insuper
bénévole consenserat, ut a legatis meis intellexi, si ea facere vellet,
qu8B pater suus spoponderat, et proficiscentem absolvi, et ut id, pro
quo obsides dati erant, sincerissime conservaret, fidem exegi, quam et
bactenus obtulit, et ad hue, ut credimus, offert » (Pvrgatio Adalbe-
rouis, dans les Lettres de Gerbert, n» 37, p. 54-55] .
(3) Se reporter à la n. 2 de la p. 76.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 237
par exemple. Seulement, dans la seconde quinzaine de
janvier 984, Gerbert se trouvait-il, pouvait-il se trouver à
Reims? Nous n'en avons aucune preuve, et même nous
croirions assez volontiers qu'à ce moment il n'avait pas
encore quitté Tltalie.
Quand Otton II mourut le 7 décembre 983, Gerbert était
dans la péninsule (1), où l'empereur défunt lui avait donné
l'abbaye de Bobbio. Mais ce ne fut pas tout de suite après
avoir perdu son protecteur que Gerbert résolut de revenir
en France. Il fallut toute une série de circonstances
lâcheuses, la révolte de ses moines et des vassaux de son
abbaye, le refroidissement d'Adélaïde à son égard (2), la
tournure défavorable que prenaient en Allemagne les
affaires d'Otton III (3), pour décourager Gerbert et le
décider à retourner auprès de l'archevêque Adalbéron. A
quel moment prit-il ce parti ? Pas avant la fin de décembre
983 nu le début de janvier 984 (4) ; en outre, le voyage de
Bobbio à Reims ne s'est pas fait en un jour. Rappelons-
(1) C'est contre toute vraisemblance, et sans apporter de preuve
sérieuse à l'appui de leur dire, qu'ÛLLERis, Œuvres de Gerbert^ p. LXIV,
et Sepet, Gerbert et le changement de dynastie {R. Q.H., t. VII, p. 474)
font revenir Gerbert en France dès le mois de novembre 983.
(2) Havet, lettres de GeTbert, p. XII.
(3) La remise d'Otton III à l'ex-duc de Bavière n'ayant eu lieu que
dans les derniers jours de 983, c'est au milieu de janvier 984, pas plus
tôt, qu'en Italie l'on a pu avoir connaissance de l'événement.
(4) D'après le père Colombier, Gerbert a quitté l'Italie dans les der-
niers jours de 983 ou les premiers Jours de l'année suivante, et il est
arrivé à Reims vers le milieu de janvier 984 {Gerbert. Sa vie jusqu'à
son élévation sur le siège de Ravenne et a Regestum » de Gerbert^
dans les Etudes... par des Pères de la Compagnie de Jésus, 14' année
(1869), 4*^ série, t. III, p. 94, n. 1, et t. IV, p. 305). Nous avons vu
précédemment, p. 2ii7, n. 5, que le père Colombier croit, à tort du
reste, la lettre de Gerbert à Nolker écrite non point avant le 1" février,
mais entre cette date et le 16 mars. Havet, op. cit., p. XII et n. 11,
place plus vaguement dans les a premiers mois de 984 » le retour
de Gerbert. Laiu cite l'opinion de Havet, qu'il discute, puis celles du
père Colombier, d'OLLERis et de Sepet, mais il évite de se prononcer,
déclarant a qu'on ne sait pas exactement à quelle époque Gerbert
revint d'Italie en France » {op. cit., p. 133-134).
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238 LES ORIGINES DE LA HaL'TELORUALNE
nous que, le 25 décembre 983, on ne savait rien encore à
Aix-la Chapelle de la mort d'Otton II, survenue le 7 du
même mois : il s'est donc écoulé au moins dix-huit jours
entre l'événement lui-même et le moment où il a été connu
d;ins la Lotharingie du nord. Ceci nous donne une idée du
temps qu'a dû mettre Gerbert pour se transporter de Bobbio
à Reims. On était en plein hiver, et les passages des Alpes,
obstrués par la neige, étaient difficiles à franchir. En met-
tant les choses au mieux, Gerbert n'a pu arriver à Reims
qu'à la fin de janvier 984. Nous ne serions pas surpris, du
reste, qu'en raison de la rigueur de la température Gerbert
eût retardé son départ et attendu le mois de mars pour
entreprendre ce grand voyage. Dans tous les cas, il n'était
probablement pas à Reims au moment où, suivant J. Lair,
il avisait Notker de l'entrevue qui allait réunir le roi de
France et Henri le Querelleur.
Aussi croyons-nous devoir adopter pour la lettre de
Gerbert la date de 985 (1), quelques difficultés que l'on
éprouve d'ailleurs à caser en huit semaines les évéue-
ments que nous rappelions plus haut. Notre système com-
porte des invraisemblances, cela ne fait aucun doute,
mais celui de nos coutradicleurs n'en offre pas moins, et,
ce qui est plus grave, il se heurte à de véritables impossi-
bilités.
S'il y avait moyen de supposer que les dates indiquées
par les manuscrits pour l'entrevue de Brisach ou pour la
visite de Gerbert au comte Godefroy ne sont pas les
bonnes, si l'on pouvait, par exemple, avancer le premier
de ces événements ou retarder le second, la période
durant laquelle ont eu lieu la prise et la reprise de Verdun
par Lothaire se trouverait allongée de quelques semaines,
et les invraisemblances signalées plus haut — sans dispa-
(1) Nous avons dit plus haut, p. 227, et n. 1 et 2, pour quels motifs
nous avions rejeté la date (novembre ou décembre 984) proposée par
Havet et acceptée par Lot*
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Luxembourg,
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Luœmnbourg,
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(2) LlUTOARDI (2)
épouse I 2» ]
— I
Adalb£ron
usurpateur du
siège de Tr$vês.
Etb
épouse
GiRABD (ni)
comte de Mets,
CuifiooifDB t iOiO
épouse Henri II
roi d'Allemagne
et empereur.
T I
810DROT. GnÈut
épouse GÉRARD (IT)
comte de Mets,
OftaAAO (d'ALSACl)
duc de Haute-Lorrainê
tlOTO.
ime dans le suivant, nous ayons omis un certain
it il n'était fait aucune mention dans nos Originêt.
tous les systèmes généaioa^iqoes dont les mariages
base, et ne sachant auquel dfonner la prélérenee, nous
indiquer aucun.
^^ France.
Atou
épouse HuouBS le Gramd
duo de France t 966.
•f996
quUaine,
BftATRICI
épouse FàsDÉRic U*
duc de Haute-Lorraine f 978.
L
;ux
1031.
[B.
E.
rANCI.
.^ÎW]
I 1 1
Henri ÂDALBiROii n Thierry U'
(Hezeun). évoque de Aftftir duc de Haute -LorraiiU
de 984 à 10U6. t 1026 ou 1027 4
épouse RiGHiLDE, fille de Folmak
comte de LunévUl4.
■ 1*'
imte
^ Blo
de^
I
IIS«
FRÉDiRIC II
duc de Haute-Lorraine 1 1033
épouse Mathilob
fille d^HRRMANN II, due de
Souabe, et veuve de Conrao
duc de Carinthie,
I '1 I
VBÈDtRlC BiATBICB. SOPBIB.
Adalberon II
évéque de Mets
dom à 1005.
9 " 1
Adélaïde
épouse
Walkhan !•'
comte d'Arion
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ET SA PRJEMIÈRE MAISON DCCALE 239
raître tout à fait — s'attéaueraient de façon très sensible.
Nous doutons fort, disons-le tout de suite, que « febr. »
ait pris la place du nom d'un autre mois. Par contre, la
conférence deGerbertavecle comte de Verdun n'aurait-elle
pas eu lieu le 30 avril, et non le 31 mars ? Il se peut que
Gerbert, ayant dans Tesprit ce nom d'avril, ait, par dis-
traction, écrit (( II kal- aprilis » (31 mars), alors qu'il
aurait dû mettre « II kal. maii » (30 avril). C'était là une
espèce d'erreur assez fréquente avec le système de compter
à reculons alors usité, système en vertu duquel on indi-
quait les 15, 16, 17 ou 18 derniers jours d'un mois d'après
les calendes du mois suivant. Toutefois, nous n'osons pas
attacher beaucoup d'importance aune hypothèse qui ne
s'appuie sur aucune preuve.
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PIÈCES JUSTIFICATIVES
(1)
Constitution d'un douaire, par Gilbert, au profit de sa fiancée
Raintrude.
17 janvier 949.
Gilbert, fils de Géry, constitue en douaire pour sa fiancée
Haititnitio ce qu'il possède à Lixières, dans le comté de
Verdun (2^
Ori^rinol aux archives départementales de la Lorraine, série
n , fonds Siiint-Arnoul, liasse 284, n" 1 ; le parchemin mesure
0^205 Je hïiut sur 0,205 de large. Au dos se lit l'inscription sui-
vûnto : H Tcstamentum quod fecit Gislebertus Raintrudi uxori
suç, quod postea sancto Arnulfo datum est. »
^ Dukissime atque amantissime sponse mee puellç nomine
RAiNTriunr (3) filiç Stephani (3) | ^ Gislebertus (3) filius Ger-
Rit.i (3). Uuia per voluntatem tuam vel parentum tuorum te
{{) L(>iî noms de personnes qui se rencontrent dans les textes repro-
duits ici onl été imprimés en petites capitales, ceux de lieux . en
ilittùjues.
Il y a deux sortes de notes, indiquées les unes par des lettres, les
uiitrcs pHf des chiffres : on trouvera dans celles-ci des explications
hist(>riE[Ut^> ou géographiques, tandis que les premières ont trait à
lVn.*(*il(irf. h la forme des caractères, ou bien encore donnent les
VEitiJinl/s,
\2\ Ij'"^ hi(>ns dont il est question dans notre document furent plus
lard dimii»'^ par Gilbert à Saint-Arnoul, comme l'indique un diplôme
d OIton II, iliï 11 mai 977 (St. 707, 0." 158, DD. Sax., t. Il, p. 178), en
fn\j'Ui' iU^ r I ttc abbaye.
(ijf Toiis^ i'i}fi personnagOvS nous sont ôgaloment inconnus.
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LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORIULNE ÎM
sponsavi et | 5 modo quam celerius dicto, si Dec placuerit, quod
te in conjugium sociare cupio, ideoqae in Dei | 4 nomino donc
tibi per hanc cartulam, libellam dotis, sicut parentes tui et boni
homines | 5 spondiderunt, hoc est dono tibi mansum indomini-
catum una cum casa desuper stabilita | ^, in comitatu Virdunensi
in loco nuncupante qui dicitur ad Lescherlas (1), quicquid ego
habeo | 7 de illo manso cum integritate cum omnibus adjacen-
tiis ad illum mansum pertinentibus in tectis | ^, horreis et alia
mansione dimidia in ipsum mansum ; et dono tibi meam por-
tionem de mea | 9 ecjlosia ad Lescherlas medietatem omnem,
sicut ego teneo, tibi et — infantes tuos si Deus dédit | ^° — illis ;
et dono tibi meam portionem de meo molendino cum integritate ;
et dono | ^^ tibi comminam (2) unam cum integritate et broiium
unum cum integritate, meam portio- | " nem et de comminam et
de broiium ; et dono tibi meum alodum quicquid ad illum | '>
mansum meam portionem pertinet ad integritatem, quicquid
visus sum habere in | h silvis, pratis, terris cultis et incultis,
pascui8,aquisaquarumvedecursibus, hislî- | *5nibusterminatum:
ex uno latere, est ratio sancii Arnulfi (3) ad Nugaredum (4), ex
alio, I ^^ ratio sanctl Poire (5) ad Maricium (6) ; et dono tibi
(1) Lixières, aujourd'hui hameau de la commune de Fléville (Meurthe-
et-Moselle, Brley, Gonflans), appartenait jadis au diocèse de Verdun et
au Barrois (dk Bouteiller, Dict. top. Moselle^ p. 85, col. 1 et p. 146,
coi. 2).
(2) On peut rapprocher de ce mot, qui a le sens de domaine rural,
celui de « cumina », que l'on rencontre dans une charte d'Hermann,
évêque de Metz, pour l'abbaye de Saint-Clément (Calmet, H. E. C. I.,
!'• éd., t. I, pr., col. 394, 2"^ éd., t. H, pr., col. CCXLIII). La charte est
de iOUO et non de 991 (990 dans la 2« éd. de \'B. E. C. /..), comme l'a
indique par erreur Calmet, et comme l'a répété le Glossarium mediœ
et in/iniœ latinitatis de du Canoë, au mot « cumina o (éd. Henschel,
t. II, p. 698, col. 3).
(3) L'abbaye messine de Saint-Arnoul, à laquelle devaient être donnés
plus tard les biens mentionnés dans notre charte.
(4) Norroy-le-Sec (Meurthe-et-Mosello, Briey, Conflans). Autrefois ce
village faisait partie du diocèse de Verdun et du Barrois (df Bouteiller,
op. cit., p. 188, col. 1).
(")) L'abbaye Saint-Pierre de Metz.
(6) Mairy (Mcurlbc-et-Mosclle, Briey, AuJun-le-Roman) était jadis
de l'arcbidiofèse de Trêves et du Barrois (oe B')urEiLLE», p. 154, col. 1).
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242 LES ORIGINES DE LA HAUTE LORH AINE
mancipia quatuordecim his nominibus : | ^7 Cermûerum et uxorem
ejus HiLDiARDEM cum infantibus V, Folradum, | *^ Walterum,
WlNEBERTUM, AdELAIDEM, PoLCRADAM, OlBERGAM, | ^9 FrEDIAR-
DAM. Ista omnia superius nominata, quando le in Dei nomine
I 20 ad conjugium accepero uxorem, omnia in tuam recipies
potestalem perpetu- | ^^ aliter in Dei nomen habendi, tenendi,
donandi, vendendi, commutandi | " et quicquid de eo superius
nom4nato facere volueris liberam ac firmissi- | *3 mam in omni-
bus habeas potestatem faciendi. Et ut cartula, libellum dotis;
I 24 firmior sit, manu propria subter signavi et qui subscriberent
velsig- I 25narent in presentirogavi stipulatione subnixa. Actum
sub die | ^^ XVI kl. feb., anno XIII régnante Ottone rege, filio
Heinrici régis, comité | ^7 Rodulfo (1). Signum Gisleberti,
qui hanc cartula m, libellum dotis, fîeri | ^^ et firmare rogavit.
Signum Bivino consentiente + t. (a) Amalricum | ^9 + 1. Gozper-
TUM + t. AdELARDUM + t. TiETBOLDUM + t. BeTTONEM | 3° -(- t.
Raimbertum + t. Lederum + t. Hademarum + t. Angelelmum
I >^ 4- 1. Ursionem 4- t. AcHARDUM + t. Arlardum -I- t. (sic),
3^ Ego Benedictus (2) presbiter atque cancellarius relegi et
[subscripsi]. [Ruche].
II
Echange entre Bérard, abbé de Saint-Martin de Metz
et le comte Rambaud.
24 février 965. Aix-la-Chapelle.
Bérard, abbé de Saint-Martin de Metz, et le comte Rambaud
concluent entre eux un échange avec le consentement de l'empvî-
reur Otton (I") et du duc Frédéric (I" de Mosellane). Le village
de Removille, dans le parjus Solocensis, dont le comte Renard
(a) Abréviation de « tcstem ».
(1) Sur Rodolphe, comte de Verdun, voir Vanderkixdere, H. F. T.
P. B., t. II, p. 3t0-3i3, et le préc. vol. Mém. S. À. I., p. 260-261.
(2) Benoit ainsi que les témoins de l'acte nous sont inconnus.
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 243
avait jadis fait don à Saint-Martin, est cédé par Bérard en toute
propriété au comte Rambaud> qui lui abandonne en retour
Œutrange dans les mômes conditions.
Pseudo-original aux Archives de Meurthe-et-Moselle, série G.,
fonds de Saint-Martin de Metz (dans celui de la Primatiale de
Nancy), liasse 548. Nous avons donné, p. 216 et suiv., une des-
cription détaillée ainsi qu'un fac-similé partiel du pseudo origi-
nal ; celui-ci, haut de 0,535, large de 0,373-0,362, avait reçu un
sceau plaqué, comme le prouvent et une incision cruciale et le
changement de couleur, à cet endroit, du parchemin.
Imprimé par les Bénédictins, dans VHistoirc de Mct:s, t. IJI,
pr., p. 65, et partiellement par Lepage, à la suite de son étude
sur U abbaye de Saint-Martln-decant-Mcta (Me m, S. A. L.,
t. XXVIII, 1878, p. 197) ; analysé par Ottenthal dans les
Reg, sàchs.^ n" 148, p. 75.
' (Chris mon), Ordo rationis jure expostulat ut quotiens
mundanarum rerum probabis (a) commutatio certum obtinere
nititur tramitem | ^ adhibita inviolabilis caritas exhibitione,
illud quod invicem largiflua caritas impertiri non abnuit, scriptis
omnimodis roboretur. Unde et | > quod prudentissima sanxit
antiquitas nec minus fragilioris evi posteritas, hoc idem
inconvulsa apicum annotatione satagit quati- | ^nusrationabiliter
coUata nullo modo possint rerum varietate turbari. Quam
obrem placuit atque convenit inter domiium Berhar- | 5 dum (1)
abbatem monasterii sancti Martini, quod est sitam in suburbio
(a) Pour « probabilis ».
(1) Sur Bérard consulter Gai. Christ., t. XIII, col. 827, H. M., t. II,
p. 57-58. Lepage, Vabhaye de Saint-Martin- devant-Metz (Mém. S.A.L.,
t. XXVIII, 1878, p. 159). Bérard n'est évidemment pas un personnage
différent de ce Gérard-Bertard que mentionne une charte de St-Martin,
de 960 (945), dont nous avons parlé plus haut (p. 220 et n. 2, p. 223,
n. 3), et l'on a peine à comprendre les hésitations de Lepage, qui se
demande si l'on doit identifier Gérard-Bertard avec Bérard.
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244 LES ORIGINES DE LA HACTE-LORRAINE
MeUensl, fratresque ejusdem congregationis, ac Rainbaj-
DUM (1) (a) I ^,illustrom virum, et uxorem ejus Bertrudem (2) ut
quasdam res, pro ambarum partium oportunitate (^), inter se
commutare debe- | 7rent, quod ita et fecerunt. Dédit igitur
prefatus abbas Berh ardus et fratres predicti monasterii supra -
dicto Rainbaldo (a) | ^ illustri viro, et conjugi ejus Bertrudi in
pago et comitatu Solocinse (3) (c) in Ramaldi villa (4) (cZ), per
consensum et auctoritatem domi- | 9 ni gloriosissimi iniperatoris
Ottonis ,5) et ducis Friderici (6), qui eidem monasterio dominari
videtur, ecclesiam et capellam unam cum | ^° omni dote sua et
mansum indominicatum et XXIIII mansos ad eum aspiciendos
et quicquid ad ipsum mansum aspicit tam in edi- | " liciis quam
in mancipiis, in vineis^ in pratis, in campis, in silvis, aquis
aquarumve decursibus, cultis et incultis totum ad integrum, I
(a) Rambaldum {H. M.).
(b) Opportunitate {ibid.).
(c) Salocinse {ibid.).
(d)Rainaldivilla(F.it/.).
(1) Sur Rambaud, comte du pagus Mortisna, consulter le préc. vol.
Mém. S. A. I., p. ^3-255, et le présent vol., p. 216 et suiv.
(2) Comme nous l'avons fait remarquer plus haut, p. 221, Rambaud
avait épousé en premières noces Frédelinde, que nous font connaître
les donations de ce comte aux abbayes de Gorze (957) et de Saint-Arnoul
(958) [Cart. Gorze, Metl., t. II, n» 106, p. 193, et H. M., t. III, pr. p. 71]1
Bertrude et ip>édelinde nous sont également inconnues.
(3) Sur le Soulossois on consultera ce que nous avons dit au préc.
vol. Mém. S. A. I., p. 255 et 348-352.
(4) L'acte porte Ramaldi et non Rainaldi. Les Bénédictins, qui ont
édité cette charte, avaient lu Rainaldi (H. i/., t. III, pr., p. 65), mais
n'avaient d'ailleurs pas cherché à identifier cette localité {H. li., t. II,
p. 57). Lepage, après avoir adopté la môme leçon, et traduit Rainaldi
villa par Rainville (Vosges, Neufchâteau, Châtenois) [L'abbaye de
Saint'Martin-devant-Metz, dans les Mém. S. A. I., t. XXVIH, 1878,
p. 150, 197 et 236], reconnut ensuite que le nom de la localité était écrit
Ramaldi villa, et en conséquence il identifia celle-ci avec Removille
(Vosges, Neufchàteau, Ghâlenois) [Inventaire sommaire des Archiv s
départementales antérieures à 1190. T. IV. Archives ecclésiastiques.
Série G., 1880, p. 65, col. 1, et T. VI. Troisième partie. Table des noms
de lieux, 1891, p. 122, col. 1].
(5) Otton I".
(0) Frédéric I" de Haute-Lorraine.
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ET SA PREMIÈUE MAISON DUCALE 245
" quod Rainardus (1) cornes pro remedio animç (a) suç (a)
quondam ad partern sancti Martini de jure proprietatis suç (6)
contulerat. Econtra red- | *5diderunt Rainbaldus (c) et conjux
ejus Bertrudis tem in edifîciis quam in mancipiis, vineis,
pratis, campis, silvis, aquis aquarum- | ^4 ve decursibus, cultis et
incultis in Otringas (2) tenuerunt, eo vero tenore ut quicquid
pars juste et ralionabiliter alteri contu- | ^5 Ht parti jure heredi-
tario succédât et de collatis rébus unaquçque (c?) pars, quicquid
facile decreverit, scilicet tenendi, donandi, | *^ vendendi, com-
mutandi, ab hac die presenti in futuro sine ullius contradictione,
in omnibus libero potiatur arbitrio. Si quis | *7 vero, quod
fieri non credimus, banc commutationem infringere aut violare
temptaverit, primo Dei indignationem incurrat, et sanctorum |
^^ suorum societate privetur, et a liminibus sanctç (e) Dei
çcclesiç (e) alienus existât, et auri libras quinque et argenti
talenta quindecim | ^9persolvat ; insuper quod reppetit evindicare
non valeat. Et ut hçc (/) commutatio omni tempore fîrma et
stabilis permaneat, manu | ^^ propria illam roboravitnus et
nianibus nostrorum fidelium ceterorumque bonorum hominum
roboraro precepimus stipulatione subnixa. Actum | ^^ publiée
Aquas (3) sub die VI'" kl. marcii, anno quarti regni domHi
Ottonis (4) junioris gloriosi {g) régis féliciter.
(a) AnioiiP suœ {ihid.).
{b) SuaB {ihid.).
(c) Rambaldus {ibiii.).
[d] UnaquîPque (ibid.).
{(') SanctîB ecclesi« (H. ¥.).
(/) H«c (ibid.).
(g) Gloriosissimi (ibid.).
(1) Ce Renard ne peut évidemment être identifié avec le comte du
Scarponnois, que mentionnent des chartes de Saint-Mihiel (972) et de
Gorze (973). Voir le préc. vol. Mëm. S. À. /.., p. 342 et n. 2.
(2) OEutrange (Lorraine, Thionville, Cattenom).
(3) Aix-la-Chapelle.
(4) Otton II. Ce prince ayant été couronné le 26 mai 961, le 24 février
de la 4* année de son ^^gne correspond au 24 février 965.
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246 LES OtltGINES DE LA ÛAUtE LORRAINE
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ET SA IMIKMIÈUE MAISON DUCALE 2J'l7
(a) Aimardi {B, M,\
(b) Roerfpidi {ibid.).
(c) Lamberti {ibid.\
{d) Fromi (ibtd.),
(e) Odonis {ibid.).
il) Baldini {ibid.j.
(g) Xnsiri (ibid.).
{h) Vuidonis (ibid.).
(t) Sigifridi (ibid.).
(j) Teodorici (ibîd.).
(k) Odateri (ibid.).
(l) Reinardi (ibid.).
[m] h'H.M. ne reproduit pas ces noms.
(1) Les noms de ces moines- prêtres de Saint-Martin se retrouvent au
bas de la charte du !«' juin 960 (ou 945), par laquelle Bérard détermine
les droits de son abbaye dans le village de Waldorf, près de Cologne
{Halkin et Roland, Recueil des chartes de Vabbaye de Staveiot-Mal-
médy, t. I, n" 78, p. 177). Seulement, dans ce dernier acte, c'est Fre-
dulfe, et non Ainard, qui est qualiiié de prévôt : nous croyons que le
« Froinus » de notre charte ne fait qu'un avec 1' « Eromus » de 960 (945).
(2) Evidemment Sigefroy I" de Luxembourg, frère de Frédéric.
(3) Inconnus. On rencontre un Robert parmi les assesseurs qui, en
^9, jugèrent sous la présidence de Frédéric le procès d'Aquin avec
l'abbaye de Gorze; la même année un Thierry et un Auger souscrivirent
la donation de la comtesse Hildegonde à Saint-Pierre d'Amel.
(4) C'est le comte du p. Saroensis.
(5) Nous ne pensons pas que ce comte Hugues soit le comte Udo de
l'aclede960(945).
(6) Nous avons vu au préc. vol. Mém. S. A. /L., p. 293, n. 7, qu'il y avait
à celte époque plusieurs Richard ; mais on peut supposer que celui
de notre charte est le comte qui, à un titre ou à un autre, détenait une
partie du p. Uettensis.
(7) Le comte du p. Dexirensis.
(8) L'un des deux Renard ici mentionnés est certainement le comte
du p. Scarponensis (Voir le préc. vol. Mém, S. .1. /.., p. 342 et n. 2).
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248 LKS OlUGINES DE LA HAUrELOUHAINE
32 Signum domni Ottonis (1) (Monogramme) invictissimi
régis : 7 (a) Brun (2) canicellarius ad vicem Rodberti (3) (b)
archicapellani recognovi : 7 (a).
33 Data Vr» kl. martii anno dominicœ incarnationis
DCGCCXLVII, indictione VI.
III
Restitution ordonnée par saint Gérard, éveque de Toul,
en faveur du prieuré de Salone.
9 octobre 971. Toul.
Sur la réclamation du prévôt Aubry et des chanoines du
prieuré Saint-Denis de Salone, en vertu du témoignage d'un
homme et de plusieurs prêtres dignes de foi, et après avoir
fait appel' à l'épreuve du fer chaud, saint Gérard, avec l'appro-
bation de son clergé, réuni en synode à Toul, décide que les
dîmes des terres que le prieuré de Salone possédait à Essey et
à Malzéville seront restituées à ce prieuré.
Copie prise sur l'original le 10 avril 1788 par dom ISJichel
CoLLOz, sous-prieur de l'abbaye Saint- Airy de Verdun (Paris,
Bibliothèque Nationale, Collection Morcaii, t. 11, f« 27 r*°).
La charte a été imprimée dans notre thèse latine De prima
domo etc., p. 134-135.
Ego Gerardus divino favente juvamine humilis presul. Notum
sit omnibus presentibus atque per succedentia tempora futuris
(a) A ces deux endroits on trouve dans le pseudo-original un signe
qui a la forme d'un sept.
{b) Roaberti {H. M.).
(1) Otton I".
(2) Brunon, frère cadet d'Otton I"', qui devint en 953 archevêque de
Cologne et duc de Lorraine.
(3) Robert, archevêque de Trêves (931-956), archichapelain pour le
royaume de Lorraine.
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qj9Àte4^^,.QQHQglSN,
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I ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 249
I quod, cum residerem in gremio matris ac sancUr eccWian
\ Tulle nsis sanctœ Mariœ sanctique Stephani protoiufirtyriri» adîit
; nostram presentiam Albrigus (1), cujusdam loci sanctl îllonisu
{ martyris prepositus nomine Salomna (2), proclament! {a} se sîmul
J et fratres sibi commissi ejusdem ecclesiœ canonicî supt*r qîJodsm
* decimatione eisdem subtracta. Nam, irruente insanissima pag-a^
norum infestatione, cœnobium illud depopulatum qUiuq destrue-
. tum erat, et per incuriam et negligentiam ipsa décima et aliïs
^ suis usibus privatum. Unde rei veritatem perquirentest invene-
l runt hominem qui iilis temporibus istam decimationetii ad
hospitale fratrum jam dicti loci jussu conduxit; quod audientos,
^ ut nullus esitationis (b) scrupulus in audientium reumneiet cor-
; dibus, consultu fidelium nostrorum, tam clericorum quam et
i laicorum, judicio ferri igniti statuiraus perquiri, Dtto igitur justo
* judice illud demonstrante, présente Lantberto (3) nostro arehî-
' diacono^ presbiterisquoquecircummanentibus. Iterum repetentes
\ nostram serenitatem cum idoneis atque veridicis tGâtif>u&, Tulli
j in plena synodo suam deposcunt a nobis conservori nactitudi-
* nem. Quorum annuentes petitioni et légitime juri, conlaudan-
{ tibus fidelibus nostris archidiaconis, canonicis aïqat; presbiterîs
* totius synodi, concessimus eis decimationem, peraclo t^^sliiuûnîo
* in nostra presentia probabilium presbiterorum canonica institu-
, tione et légitima jussione. Unde cum sacramenUi reiulenint
[ testes idonei, sicut jam dictum est, in nostra synodo, quod ipsa.*
i
"» (a) Pour proclamans ».
I {b) Pour « hipsitationis ».
. (1) Aubry n'est mentionné dans aucun autre documonî, à moins tou-
tefois qu'il ne s'identifie avec un personnage du niO nom, ipit h
: souscrit deux chartes de saint Gérard en faveur de 1 nbhayo Saint-
Mansuy de Toul, de l'année 982 (pour ces chartes se reporU^r plus bas^
à la n. 3).
: (2) Salone ou Salonne (Lorraine, Château-SaHns). Il a été tiuestion
* au préc. vol. Mëm. S. A. L,, p. 339-341, du prieuré qui se trouvait dans
I cette localité, et qui, après avoir dépendu de la grande aJjihiiyp fnm^'ajsci
i de Saint-Denis, fut ensuite rattaché à celle de Saint-Mihinï.
\ '
» (3) Lambert figure avec le titre d'archidiacre dans quatre cliartes de
\ saint Gérard pour Saint-Mansuy, deux de 982, une de ÎMi et uno der-
: nière de 988 (Calmet, H. E. C. L., 1" éd., t. I, pr., co[, :î89, 3tM, 2m,
393, 2' éd., t. II, pr., col. CCXXXV, CCXXXVH, CCXLH, CCXLlii).
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250 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
decimœ terrœ sancti Dionisii in villa quœ dicitur Aceis (1) et in
Maliscicilla (2) sitœ légitime pertinerent ad hospitale fratrum
supra memorati cœnobii, quam ad alterius cujusque œcclesiœ
opus ; eorum igitur perspicientes rectitudinem, jussimus eis
fieri, ut firmiorem firmitatis obtinerent vigorem, bas synodicas
litteras et manu nostra fideliumque nostrorum muniri et subter
roborare decrevimus, et ut deinceps nullus audeat molestando
nostrae notitiœ violare firmitatem, auctoritate divina nostroque
ministerio nobis a Deo concesso prohibemus, sed stabilis et
înconvulsa omni permaneat tempère. Acta pridie nonas
octobris Tullt in plena synodo, anno Dominicœ Inearnationis
DCGGCLXXI, indictione XV, ordinationis vero nostrœ X (3),
régnante Ottone augusto et serenissimo imperatore, ejuàque
filio equivoco (4). S. Fridrici (5) ducis -\- Signum domni
Gerardi (6), venerandi antistitis, qui banc tieri jussit notitiam.
S. Adelbaldi (7) primicerii. S. Lantberti (8). S. Anstei (9)
decani. S. Grimbaldi (10). S. Bernefridi. Odelrici. Bovo-
(1) Essey-Ies-Nancy (Meurthe-et-Moselle, Nancy-Est).
(2) Malzéville (ibld., ibid.).
(3) Si, le 6 octobre 971, la 15' indiction avait déjà commencé, par
contre on n'était à cette date que dans la 9' année de l'épiscopat de
saint Gérard, qui avait été consacré le 29 mars 963 (voir ci-dessus,
p. 36 et n. 3).
(4) On remarquera que, dans la formule de date, Otton II est associé
à son père. Cf. p. 194 et suiv.
(5) Frédéric 1", duc de Haute-Lorraine.
(6) Saint Gérard, évêque de Toul.
(7) Un archidiacre nommé « Hildebaldus » flgure comme témoin dans
deux chartes de saint Gérard de 971, l'une, fausse, pour Saint-Etienne
de Toul, l'autre, tout au moins remaniée, pour Saint-Mansuy [Gai,
Christ., t. XIII, col. 457, Calmet, H. E. C. I., i'' éd., t. I, pr., col. 385,
2*^ éd., t. Il, pr., col. COXXVI).
(8) Nous avons plus haut, p. 249, n. 3, parlé de Lambert.
(9) La charte de saint Gérard pour l'abbaye de Bouxières, de 968, est
souscrite par l'archidiacre Anstée (Calmet, 1" éd., t. I, pr., col. 381,
2*^ éd., t. II, pr., col. CCXXV). Un Anstée, qui ne prend aucune qualifi-
cation, souscrit les deux chartes déjà citées du môme prélat pour
Saint-Mansuy, de l'année 982.
(10) « Grim(b)aldus » est qualifié de princier par les chartes de saint
Gérard pour Saint -Etienne, de 968 (Calmet, 1" éd., t. I, pr., col. 380,
2'' éd , t. Il, pr., col. CCXXIV) ; les deux chartes citées plus haut du
mémo cvô(;u j pour Saint-Etienne et pour Saint-Mansuy, de 971, donnent
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ET SA P.ÎEMIÈRE MAISON DUCALE 231
Nis (1). Albrici (2) prepositi. Rochisi. Hildulfi. S. Ermen-
RAMNI. BeRALDI. HeRMARI. VuLFRADI. WlNTRAMNl. S. GOZFRIDI.
Nanteri (3). Pétri. Moringi. Ragenardi.
Hi quorum hœc sunt nomina : Albricus. Ermenramnus.
Ambrico. Beriricus.Vulfardus. Torperus. Teraldus. Heldul-
FUS. WiDRICUS.
Ego Aremfridus (4) cancellarius scripsi.
IV
Donation de Thiébert à l'abbaye de Saint-Mihiel.
1002.
Thiébert donne, en toute propriété, à l'abbaye de Saint-Mihiei
un manse et vingt-trois serfs à Ville-sur-Saulx, dans le pagus
et le comté de Bar.
Copie du Cartulaire de Saint-Mihiel du xii* siècle (Archives
de la Meuse, série H., fonds Saint-Mihiel, JS n» LV, p. 125).
En tôte se trouve l'inscription suivante : « Donatio Tyeberti
de alodio suo apud Vilercel, super aquam Sait, in pago Bar-
rense. »
La charte a été imprimée dans notre De prima domo etc.,
p. 137.
Cum humana ac mortalis vita variis casibus subjaceat, diuque
permanere non valeat, débet quisque in quantum potest pro
adquirenda vita laborare et pro salute animç suç sollicite vigi-
aussi à (( Griin(b)aldus » le titre de princier; enfin, d'après les deux
chartes de saint Gérard pour SaintMansuy de 982 (voir la n. 3 de la
p. 249), (c Grim(b)aldus » aurait à cette date rempli les fondions de
bibliothécaire.
(1) En 982 Bovon était chantre du chapitre de Saint-Etienne (chartes
de 982 pour SaintMansuy).
(2) Aubry, le prévôt du prieuré de Salone.
(3) Une charte de saint Gérard en faveur de SaintMansuy, celle de
971, est souscrite par le prêtre Nantère.
(4) « Aremfridus » était, en 986 et en 988, doyen du chapitre et archi-
diacre, d'après les chartes de saint Gérard pour Saint-Mansuy.
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252 LES ORIGINES DE LA HAUTE-LORRAINE
lare. Qaapropter e^o Thybertus(1\ pro respectu Dei et remé-
die animç meç dono ad locum juxta Mosam fluvium in honore
beatc Archancjeli Mlchaelis consecratum, mansum nnum in
villa Vilercel (2) norainata in parrochia sancti Martini in pago
et comitatu Barrense super aquam Sait (3) dictam, ad quem
decem jugera de terra appendunt, in cujus superiori parte jacet
terra Gengulfi, in inferiori parte terra Heldradi et Albrici,
ex utroque latere terra sancti Michaelis, Dono etiam manci-
•pia XXIII, quorum sunt nomina : Albricus, per , quem dona-
tionem feci, et uxor ejus Heldrada cum prolibus V, Jozperto,
Geva, Heldulfo, Emgramno, Frangerada cum filiis IIII^
Heldulfo, Lamberto, Volfaudo, Hiedalda, Anstansia cum
prolibus IIII, Officia, Durando, Riculfo, Stephano, Thaiuna
cum prolibus tribus; Angelrada, Johanne, Algelbert, Ode-
lenda, Bilierdis. Si masculus ex eis natus fuerit, dat ad altare
sancti Michaelis in ejus festivitate denarios IIII, si femina, duos.
Hec concède ut jure hereditario habeant, teneant, possideant,
precorque ut nullus ex heredibus meis, propter amorem Dei et
sancti Michaelis, banc donationem infringere audeat.
Testes vestiturç : Seiardus (4), Lyetardus (5), Rohardus,
Sarowardus (6), TiEDRicus, Hugo, Richerus, Egronus. Actum
(1) Thiébert est d'ailleurs inconnu ; peut-être ne fait-il qu'un avec le
personnage du même nom que mentionne la charte du comte Thierry
pour Saint-Mihiel (1005), en tète des témoins ayant assisté à la trans-
mission du domaine concédé à l'abbaye (De l'I^^le, H. S. A/., p. 446).
Toutefois, l'acte de 1005 nomme immédiatement après Thiébert son
fils Liétard ; nous rencontrons aussi un Liétard dans la donation de
Thiébert que nous reproduisons, mais il n'est pas qualifié de fils du
bienfaiteur, et il ne vient que le second parmi les témoins de la
« vestitura ».
(2) Ville-sur-Saulx (Meuse, Bar-le-Duc, Ancerville). Cf. Maxe-Werly,
le pagus Barrensis n (Hém. S. L. B, Z>., t. VI, 1876, p. 166).
(3) La Saulx, affluent de gauche de l'Ornain.
(4) Ce Séjard doit-il être identifié avec un personnage de môme nom
qui fit, à la fin du x*^ siècle ou au début du xi% donation d'une serve à
l'abbaye de Montier-en-Der ? Nous parlons de lui un peu plus loin
(p. 253, n. 1).
(r>) Serait-ce le fils de Thiébert? Voir ci-dessus, n. 1.
(6) Saroward figure également comme témoin de la transmission du
domaine concédé à Saint-Mihiel, dans la donation du comte Thierry
(De risLE, p. 440).
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ET SA PHEMIKIIE MAISON DLCALE 253
ab Incarnatione dominica anno M" II, indictione XV, régnante
RoBERTO rege anno regni ejus VIII (1). S. Teoderici dacis (2).
S. Teoderici comitis (2). S. Adelberti abbatis (3). S.Wlfrini
prepositi (3). S. Seymundi (4). S. Richardi (4). S. Eremberti ■
S. Haydonis (4). S- BosoNis. S. Azilini. S. Bernardi.
(1) La 15* indiction correspond bien à l'année 1002, mais non la
8" année de règne de Robert, qui n'a commencé que le 24 octobre
1003, sept ans après la mort de Hugues Capet (t 24 oct. 996).
On ne voit pas pourquoi la formule de date donne les années de
règne du roi de France : ni l'abbaye de Saint-Mihiel, ni Ville-sur-Saulx
ne dépendaient, en effet, de Robert. Quant à l'explication qu'a donnée
M. Davillé de cette anomalie, nous avons dit plus haut (p. 113, n. 1),
qu'elle nous semblait inacceptable. Ce n'est pas du reste la seule
charte de Saint-Mihiel où l'on constate des mentions du même genre.
Parfois, les années de règne du roi de France se trouvent jointes à
celles du souverain allemand qui gouverne la Lotharingie : c'est le cas
de la destruction de la chapelle de Maizerais (944), des donations de
l'abbé Eudes (972» et de Vaufroy (1067 ou 1038), où l'on trouve respec-
tivement associés dans la date Louis IV et Otton I"', Lothaire et Otton I",
Philippe I"' et Henri III (IV). Mais en revanche, dans les donations
d'Amaury (943) et du comte Thierry (lOOo), comme dans celle de
Thiébert, il n'est question que du roi de France, Louis IV en 943,
Robert en 1005 et en 1092. En ce qui concerne la charte d'Amaury, la
chose est toute naturelle, puisque Louis IV possédait alors le Barrois,
où étaient situées les terres concédées à Saint-Mihiel.
Une charte par laquelle un certain Séjard donne une serve à l'abbaye
de Montier-en-Der présente la môme particularité : « Actum apud
castellum Barrum publiée XIIIl kl. octobris, imperante Ottone in regno
[SaxonumJ, Roberto in regno Francorum » (Archives de la Hte-Marne,
série H., fonds de Montier-en-Der, Cariulaire du xii* siècle, t. I,
n» XXIV, f" XLV r'"). L'acte est du 18 septembre 997 au plus tôt, et du
18 septembre 1001 au plus tard, puisque l'avènement de Robert est du
24 octobre 996 et qu'Otton III mourut le 23 janvier 1002. Le « castel-
lum Barrum », d'où est datée la pièce, est-il Bar-le-Duc ou Bar-sur-
Aube ? Nous pencherions volontiers pour la première hypothèse, la
mention d'Otton III, dans un acte rendu à Bar-sur-Aube, étant beaucoup
plus extraordinaire que celle de Robert dans une charte rédigée sur
les bords de l'Ornain.
(2) Le premier des deux Thierry mentionnés ici est le duc de Mosel-
lane, le second le comte de Bar, dont nous avons déjà longuement
parlé.
(3) L'abbé Albert et lo prévôt « Wlfrinus » figurent aussi dans la
donation du comte Thierry (De I'Isle, p. 446), où le prévôt est appelé
a Wlfricus ».
(4) Ces trois personnages, probablement des moines de Saint-Mihiel,
ont souscrit la charte du comte Thierry [De I'Isle, p. 446).
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254 LES OIUGINES DE LA HAUTE LORRAINE
Echange entre les abbayes de Saint-Arnoul
et de Sainte-Glossinde.
13 janvier 1012. Metz.
Benoît, abbé de Saint-Arnoul^ et Ërmentrude, abbesse de
Sainte-Glossinde, font entre eux un échange de terres à Lay-
Saint-Christophe.
A) Original à Paris, Bibliothèque nationale, Collection lor-
raine, t. 980, n" 4. Au dos du parchemin on lit la notice sui-
vante : « Ratio commutationis terrarum inter domnum abbatem
Benedictum et abbatissam Ermentrudem, que facta est Laio de
terra sancti Arnulfi et sancte GloJesindis. »
B) Copie dans les Antiquitdtes Arnuifinœ, p. 274 (Biliothèque
municipale de Metz, ms. n» 62).
Edité d'abord par nous, d'après l^original, dans le De prima
domo etc., p. 138-139, puis par M. Mùsebeck, archiviste-adjoint
de la Lorraine, à la suite de son travail Die Benedi/dinerabiei
St, Arnuif con Metz in der crsten Hàlfte des Mittelalters (JaJirb,
G. L. G., 13* année, 1901, p. 228), d'après les Antiquilates
Arnulfinœ. M. Mùsebeck ne semble pas avoir eu connaissance
de notre reproduction, qu'il ne cite pas.
^ Quotiens quelibet res inter aliquos commutantur, hoc in aug-
mentum sibiab utrisque creditur provenire. Temporibus itaque
domni Benedicti (1) abbatis cœnobii sanctissinu (a) \ ^ [con] (b)
(a) Dans l'original les mots de la première ligne sont écrits en carac-
tères allongés.
[b) En découpant le long du bord gauche de l'original une bande de
parchemin, on a enlevé le premier mot ou une partie du premier mot
de chaque ligne ; nous avons pu combler les lacunes à l'aide de la
copie du document qu'ont donnée les Aniiquitaies Àrniilfinœ. Les
Ant. Arn.^ et Mùsebeck à leur suite ont remplacé l'ç cédille par « je »
partout où il se présentait.
(1) Sur Benoît consulter le Gai. Christ, t. XIII, col. 902. Cet abbé
nous est connu par une autre charte, de 986, par laquelle il donne un
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 233
fessorls ArnuIJi et dominç Hermentrudis (1) abbatissç monas-
tcrii sanctç Glodcsindis gloriosç Virgin is facta est commuta tio
inter utrosque mutua oportunitate sibi complacita et | 5 [adpro]
bâta. Dédit ergo supradictus domnas abbas Benedictus predictç
abbatissç de terra sancti ArnuIJi curti Laio (2) adjacent! nun-
cupato Arnullus (a) pertiras inter longitudinem | 4 [et lajtitudi-
nem centum triginta (6) quattuor. Reddidit vero econtra eadem
domina abbatissa ad partem sancti Arnulfi de terra sanctç Glo-
dcsindis quç jacet juxta aquam Asniantiam (3) vo- | 5 [catajm in
loco qui dicitur Petrosus vodus (4) habentem perticas inter
longitudinem et latitudinem centum decem at octo, ea videlicet
ratione ut a die preseuti in reliquum quicquid | ^ [un]a pars
accepit ab altéra absque uUa contradictione teneat ac liberum
exbisquod voluerunt faciendi in omnibus habeant potestatem.
Actum Métis (c) publiée sub die iduum janua- | 7[ri]i anno Incar-
nationisDominimillesimoXII, indictione X, régnante Heinrico
impcratore, ipsius imperii Romani primo anno (5), domno
autem Deoderico sanctç Meitcnsis ecclesiç pontificali in cathe-
dra pastore gratia | ^ [divin]a constituto. Et ut hçc nostrç mutuç
commutationis descriptio firma et stabilis persistât, uterque
firmavimus : + Signum domini Benedicti abbatis, qui banc
manse k l'un des hommes de Saint-Arooul (publiée par Mûs::bei:k dans
le Jahrb, G. I. G., t. XIII, 1901, p. 227).
(a) Arnulfus (Mùsebeck).
{h) Quadraginta (m.).
(c) A partir d* « actum » les lettres employées pour former les mots
dans l'original deviennent plus petites et sont en outre tracées avec
une encre plus pâle.
(1) Le Gai. Christ., t. XIII, col. 930, ne parle d'Ermenlrude que
d'après notre charte.
(2) Lay-Saint-Christophe (Meurthe-et-Moselle, Nancy-Est).
(3) L'Amezule, petit aflluent de droite de la Meurthe, qui vient se
jeter dans cette rivière au pied de Bouxières-aux-Dames.
(4) Piroué, sur l'Amezule, où s'élève un moulin, est un écart de la
commune de Dommartin-sous-Amance (Meurthe-et-Moselle, Nancy-Est).
(*)) Si la 12« indiction correspond bien à l'an de l'Incarnation lOH,
par contres, c'est le 14 février lOH seulement qu'Henri II fut couronné
empereur. L'acte a donc dû être expédié non en 1012, mais quelque
temps plus lard, par un moine qui ne se rappelait plus exactement en
quelle année Henri avait reçu la couronne impériale.
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256 LES ORIGINES 1>E LA HAUTE-LORRAINE
commutationem fecit cum voluntate et consensu fratrum Dec et
sancto I 9 [Arnul]fo servientium. Signum dorninç Hermentrudis
abbatissç quç hanc cartam fieri rogavit. Signum Hilorad^ sanc-
tçmonialis. Signum Rinza (a) sanctçmonialis + Signum Heri-
MANNi monachi + Signum Amalgeri monachi | ^° [+ Signum
Gerardi monachi + Signum Adalberti monachi 4- Signum
GoDEFRiDi monachi Signum Theoderici ducis (1) Signum Hein-
rici ducis (2) Signum Girardi comitis (3) Signum Fulmeri
comitis (4), ecclesiarum Dei illo in tempore advocati Signa et
nomina laicorum partis sanctç Glode- \ " [sindis] Odelricus
prepositus Ingentis ^curtis (5) -|- Rothardus (h) major + Ber-
TOLDUS scabinus 4- Bauvigius decanus -\- Ex parte sa/iciîi Arnidfi
+ Harinus (c) presbiter + Ripaldus major + Rainerus et
Wiherus scabini 4- Lambertus decanus Signum (d) Rohardi
I ^^ [hujus] cartç scriptoris.
[a] Riwza (Mûsebeck).
[h) Rotlandus (Mûsebeck).
(c) Arinus (m).
{d) 4- (M).
(1) Thierry I", duc de Mosellane.
(2) Henri IV(V), duc de Bavière, frère de Cunégonde, et beau-frère
d'Henri II.
(3 Gérard appartenait à une famille comtale du Nordgau alsacien.
Il épousa Eve, fille de Sigefroy II, comte de Luxembourg, et sa sœur
Adélaïde se maria avec Conrad l'Ancien, qui devint en 102'é roi d'Alle-
magne L'évêque de Metz, Thierry II, beau-frère de Gérard, fit de lui
en 1006 un comte épiscopal de xMetz ; il est possible que Gérard fût un
descendant par les femmes des Matfrid, qui avaient autrefois été
comtes du pdgus Mettensis. Adalbert, que l'empereur Henri III nomma
en 1047 duc de Haute-Lorraine, et Gérard, qui, l'année suivante, obtint
la même dignité, étaient respectivement neveu et petit -neveu du
comte Gérard. Sur le comte Gérard, voir Calmet, B.E.C.L.. V* éd.,
t. I, col, CXII, CXIII, CXV, 2« éd., t. I, col. CXLVIII, CXLIX, CL, CLIV,
WiTTE, Genealogische Untersuchungen^ et Châtelain, Le Comté de
Metz {Jahrb. G. L. G., t. V, 2* partie, 1893, p. 52-58, t. XIIÏ, 1901, p. 295),
enfin Vanderkindere, H. F. T. P. B., t II, p. 331, 334-335, 407-408,
424-425.
(4) Folmar, de la maison des comtes de Lunéville. On peut consulter
sur lui Calmet, op. cit. 2« éd., t. I, col. CLVI, Witte, Gen. Unt., et
Châtelain, Le Comté de Metz {Jahrb. G. L. G., t. VII, 1" partie, 1895,
p 83-88, t. Xin, 1901, p 298), ainsi que Vanderkindere, H.F.T.P.B.,
i. II, p. 405-408.
(5) Agincourt (M.-et-M , Nancy-Est), sur l'Amezule, au-dessous de
Dommartin-sous-Amance et au-dessus de Lay-Saint-Ghristophe.
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ET SA PREMIERE MAISON DUCALE 257
VI
Réglementation des droits de Tavouô d'Houôoourt
et da Jainvillotte.
1080.
La comtesse Sophie, à la suite d'une réclamation que lui avait
présentée Sigefroy, abbé de Saint-Mihiel, contre les violences
et les exactions commises par Boson de Viocourt à l'égard des
serfs de Houécourt et de Jainvillotte dont il était l'avoué, fixe,
après avoir entendu les parties, les redevances que cet avoué
aura désormais le droit de prélever.
Copie du Cartula'we de Saint-Mlhlel, du xii* siècle (Archives
de la Meuse, série IL, fonds Saint-Mihiel, J.S n° LIX, p. 129-
130). En tête de l'acte se lit l'inscription : x De advocatia Wahe-
ricurtis et Gedanis villç ».
Edité par L. Viellard, Documents et mémoire pour scrcir
à r histoire du territoire de Belfort^ n" 87, p. 133.
In nomine summç (a) et individu^ Trinatatis noverint omnes
tam présentes quam futuri quod me Sophiam comitissam apud
ifo/iftacw/n adiit Sygifridus (1) abbas sancti Michaelis y quQri-
moniam faciens super injuria et prejudiciis quç faciebat Boso
de Wiocort (2) (6) rusticis su? advocationis, scilicet Wahe-
ricurtis (^) ei Janioille (i). Collatione autem facta utrarumque
partium in mea presentia diffinitum est non plus debere unam-
quamque domorum nisi modium aven§ mensuratç in dominicali
(a) Viellard a substitué a ae » à Vç cédille, partout où celui-ci se
présentait.
{b) Viocort (V.).
(1) Sigefroy aurait été abbé de Sainl-Mihicl de 1078 (?) à 109i d'après
De l'Isle (B. s. M., p. 63-75).
(2) Viocourt (Vosges, Neufchùteau, ChiUenois\
(3) Houécourt (Vosges, Neufchâtcau, Chàtenois).
(4} Jainvillotte (Vosges, NeufchAteau).
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2S8 LES ORtGLVES DE LA fiAtlTË-LORRÀtNE
modio ejusdem villç Wahcrlcurtis et unum panera, pullum et
denariam unum et fasciculum feni in festivîtate sanctî Martini (1).
Si autem ab aliquibus ista non possunt persolvi, in judîcîo
ministralium erit quantum debeat remitti. In festivitate vero
sanctç Marie candelarum (2) communiter debent V solîdos
obsonii aut servitium X militum unius noctis : Janieillç non
debent fasciculum feni, nec plus quam IP' solidos obsonii. Ab
hoc debito liberi sunt ministrales, scilicet villicus, decanus, pri-
mus allector id est schevinus, et casalis, et cellerarius. Advo-
catus nuUam districtionem in bis faciet, nisi ab abbate aut pre-
posito interpellatus, vadia nondisponet,IP' denarios districtionis
accipiet cum tertia parte justiBcationis. Facta sunt hçc anno ab
Incarnatione Domini M" octogesimo et sacramento confirmata,
scripto etiam tradita Testes autem hi fuerunttam nobiles quam
etiam de familia ejusdem comitissç Teodericus (3) et Loduwi-
ctjs (4) filii ejus, Albertus Barrensis castellanus, Wydo et
Petrus fratres, Rodulfus eum filiis, Guiricus de Belran (5) (a)
et Lyethardus frater ejus, Tiebertus Montiacensis (6) cum
Warino filio. De familia vero ejusdem comitisse Harvinus, Udo,
RoBERTUs, item Harvinus. De familia vero sancti Michaelis
Teobaldus, WiRicus, Infridus, Rodulfus, Anscherus.
(a) Belram (V.).
(1) Le 11 novembre.
(2) La Chandeleur, ou fôte de la PuriHcation de la Sainte Vierge,
2 février.
(3) lliierry, comte do Montbéliard après la mort de son père, de
Bar, après celle de sa mère, était l'alné des flls de Louis et de Sophie
(Du Ghesne, Histoire de la maison de Bar-le-Duc, p. 12 et 14-17,
Calmbt, h. E. C. /.., 1" éd., t. I, col. CXCHI-CXCIV, 2- éd., t. I, coL
CCLXXXVI, TuEFFERD, Histoire des comtes souverains de Montbéliard
[Mém. Soc. Em. Monthéliard, 3« série, 1. 1, 1877, p. 9-15]).
(4) Louis n'est pas mentionné par Du Ghesne dans l'ouvrage cité à la
note précédente ; Galmet, H. E. C. £., 1" éd., t. I, col. GXCIIl, 2 éd.,
t. I, col. GGLXXXVI, Quiquerez, Histoire des comtes de Ferrelte et
Tuefferd, op. cit. (Mém. Soc. Em. Montbéliard^ 2« série, t. I, 1862-
1864, Tab. gén. 1, vis-à-vis de la p. ^64, et 3« série, t. 1, 1877, p. 9-10),
ainsi que L. Viellard, Documents et mémoire pour servir à Vhistoire
du territoire de Belfort, Tab. gén., p. 23, 126 et 133, connaissent au
contraire Louis, Ûls de Sophie.
(5) Belrain (Meuse, Gommercy, Pierrefitte).
(6) Adjectif lire de Montiacum^ Mousson (M.-et-M., Nancy, Pont-à-
Mousson).
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ET SA PREMIÈRE MAISON DUCALE 259
VII
Lettre du comte Thierry II de Montbéliard à Hillin,
archevêque de Trêves.
[1152-1155 (1156)J.
Thierry II, comte de Montbéliard, certifie à l'archevêque de
Trêves Hillin que le prieuré de Salone, que Thierry était accusé
auprès de l'archevêque de détenir injustement, avait été concédé
à l'abbaye de Saint-Mihiel, dont le comte avait l'avouerie, par
la comtesse Sophie, sa grand'mère.
A) Original aux archives départementales de la Meuse,
série H., fonds Saint-Mihiel ; il est collé sur la page 360 du
registre P, du xvii' siècle, qui contient la transcription de nom-
breux documents concernant l'abbaye de Saint-Mihiel. Le par-
chemin mesure 0,058 de haut sur 0,167 de large et ne porte
aucune trace de sceau .
B) Copie prise sur l'original le 18 mars 1789, par dom Michel
CoLLOZ, sous-prieur de Saint-Airy de Verdun (Paris, Biblio-
thèque Nationale, Collection Moreau, t. 61 , f" 1 r'*).
^ II. (1), Dei gratia Trcoirensi archiepiscopo, T. (2) de Monte
Beligardi (3) comes salutem eu m obsequio Relatum nobis est
I ^ quod quidam super ecclesiam sancti Michaelis vobis conquesti
fuerint quod Salonanx (4) et queedem alla injuste obtinerem.
1 5 Ego vero, predictg çcclesiç advocatus, diligentie vestre béni
(1) Hillio fut consacré archevêque de Trêves le 31 janvier 1152 et
mourut le 23 octobre 1169 (Hauck, KG, Z)., t. IV, p. 92-2).
(2 Thierry II, comte de Montbéliard, fils de Thierry I" et d'Ermen-
trude. aurait régné de 1103-1104 à 1162 d'après Turffehd, Histoire
des comtes souveraine de Montbéliard (Mém. Soc, Eni, Montbéliard^
3* série, t. I [1877J, p. 15-21) et U. Chevalier, Bio-bibliographie^ 2" éd.,
col. 4461.
(3) Montbéliard, ch. 1. d'arr» du Doubs.
(4) Salone (Lorraine, Château-Salins).
17
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ADDITIONS ET CORRECTIONS 261
ADDITIONS ET CORRECTIONS
J. — Additions et corrections se rapportant à l'Introduction ainsi
qu'aux livres ! et II, parus dans le précédent volume des Mémoires.
P. 460, la note (1) a été par erreur marquée (2).
P. 204, 1. 15 et 16, at* lieu de saint Arnoul, lire Saint-ArnouJ.
P. ^o, 1. 3, supprimer « Rainaldivilla » ou.
P. 2o6, n. 7, 1. 2, au lieu de Molesme, lire Vaucouleurs.
P. 258, 1. 1, ai* lieu de Thiébaut, lire Thibaud.
— 1. 22, au lieu de châteaux-forts, lire villages.
P. 265, n. 3, 1. 5, au lieu de Vorhernerkungen, lire Vorbemerkungen.
P. 272, au lieu de Moslenses ou Muselenses^ lire Moslenses, Muselenen-
ses ou Museleni.
— n. 3, 1. 2, au lieu de Muselenses dans Thietmab, Chron.^ 1. V, c. 11,
lire Muselenenses et Museleni dams Thietmar, Chron., l. V, c. 11 çt 27,
p. 114 et 122.
P. 287, n. 2, 1. 1, au lieu de n. 2, lire n. 12 de la p. ^.
P. 302, n. 2, 1. 2, au lieu de Saint-Mihiel, lire Bouxières-aux-Dames.
P. 339, n. 4, 1. 11, au lieu de doyenné, lire archiprêtré.
— ji. 7 (340), 1. 4, Ley faisait partie du canton de Vie.
P. 340, 1. 18, au lieu de 1169, lire 4155 (1156).
P. 345, n. 4, 1. 9, au lieu de Tliiaucourt, lire Viéville-en-Hayç.
— 1. 10, au lieu de 556, lire 607.
— n. 6, ajouter à la fin Pont et Vertuzey faisaient pariie du ^iJrrois,
Gironville de la Lorraine.
P. 367, 1. 8, au lieu de Frédéric, lire Hugues.
P. 371, n. 1, 1. 8, au lieu de 1006, lire 1005.
P. 373, 1. 11-12, effacer Rupt-devant-Saint-Mihiel, Villotte-dev3nt-
Saint-Mihiel. Ces deux localités appartenaient en effet au diocèse
de Tout et au doyenné de Belrain.
— n. 5, ajouter au début Aujourd'hui Apremont.
P. 383, n. 6, 1. 13-14, au lieu de Archives de la Meuse... n» LIX, p. 129,
lire h. ViELLARD, Documents et mémoire pour servir à Vhistoire du
territoire de Belfort, n» 87, p. 134.
P. 390, n. 1, faire la même rectification qu'à la p. 383, n. 6.
P. 392, n. 3, 1. 3, au lieu de Ji, p. 129, lire L. Viellard,^cz7.,|). 134.
P. 396, 1. 10, OAi lieu de xi« si^le, lire xi siècle.
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262 ADDITIONS ET CORRECTIONS
P. 414, n. 1, 1. 7-8, au lieu de il se trompe également en faisant
tt'Hermann un duc de Lorraine ; Hermann était en réalité duc de
^uabe, lire il se trompe également en faisant de Conrad un fils
d'Hermann, et d'Hcrraann un duc de Lorraine ; en réalité Conrad
avait Udo pour père, et aucun duc lorrain ne s'est appelé Hermann .
. II. — Additions et corrections se rapportant au livre III, à la
Conclusion, aux Appendices et aux Pièces justificatives parus dans le
présent volume des Mémoires.
P. 10, 1. 11, au lieu de 922, lire 923.
P. 12, n. 7, au lieu de Ou, lire En réalité.
P. 13, n. 4, ajouter au début Ou Ricuin.
P. 16, 1. 19, au lieu de Saint- Anoul, lire Saint- Arnoul.
P. 19, n. o, 1. 9, au lieu de n" IIÏ, lire n» IV.
P. 47, remplacer la note (1) par ce qui suit : Nous avions primitive-
ment (De prima doino, p. 9 et n. 9) adopté pour la date de la mort
de Frédéric I" le jour, 17 juin, proposé par J. Ha vet, qui était arrivé
à ce résultat par une interprétation ingénieuse des vers de Gerbert.
P. 52, 1. 7, au lieu de cinq, lire quatre.
P. 59, 1. 26, au lieu de cinq, lire trois.
P. 61, 1. 4, au lieu de Quedlinbourg, lire Quedlinburg.
— n. 1, 1. 4, au lieu de Queldinhurgenses^ lire Quedlinburg enses.
— n. 4, 1. 6, au lieu de Gérard, lire Géraud.
— — — au lieu de Auviller, lire Aurillac.
P. 77, n. 2, l. 12-13, au lieu de les érudits allemands, lire des érudits
allemands.
P. 96, 1. 2-3, an lieu de elle aurait quitté la Mosellane avec sa fille lia,
lire elle aurait quitté la Mosellane avec son fils Wcrner et sa fille lia.
— 1. 6-7, au lieu de De la seconde union de Béatrice seraient nés
Werner, évoque de Strasbourg, et Cuno (Conrad) de Rheinfeldcn,
lire De la seconde union de Béatrice serait né Cliuono (Conrad) de
Rhcinfelden.
— 1. 10-11, au lieu de non contents de rejeter Ita du nombre des
enfants de Frédéric et de Béatrice, lire non content de rejeter Werner
et Ita, etc.
P. 123, 1. 9 et 13, au lieu de Régnier IV, lire Régnier V.
P. 141, n. 4, 1. 2, au lieu de les Picks Mouatschrijt, lire la Picks
Monatschrift.
P. 162, n. 6, 1. 3, au lieu de f» 21, r»» N 1, lire N 1, fâl r'\
P. 167, n. 3, 1. 1, au lieu de morbis, lire morbo.
P. 179, 1. 9-10, au lieu de comme le firent Conrad le Jeune et le duc
Ernest de Souabc, lire comme le fit lé duc Ernest de Sduàbe.
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ADDITIONS ET COKIŒCTIONS 263
P. 185, I. 1, supprimer la virgule après effectivement.
P. 187, n. 1, 1. 8, au lieu de Benoit IV, lire Benoit IX.
— n. 2, 1. 20, au lieu de l'Amphytryon, lire l'Amphitryon.
P. 189, 1. 6, au lieu de (953 965), lire (953-965).
P. 190, n. 4, 1. 5, au lieu de sacrés, lire sacré.
P. 197, 1. 24, au lieu de Saint-Remy, lire Saint-Remi.
P. 199, 1. 1, au lieu de (lOOi), lire (1064).
P. 216, 1. 18, au lieu de Béatrice, lire ïta.
P. 221, 1. 21, au lieu de Frédelinde, lire Bertrude.
— 1. 23, av lieu de Bertrude, lire Frédelinde.
— 1. 25, remplacer Bertrude par Frédelinde et Frédelinde par Bertrude
P. 250, n. 3, 1. 3, au lieu de Adélaïde se maria avec Conrad l'Ancienj
lire Adélaïde fut la mère de Conrad l'Ancien.
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264 TABLE DÈS MATlèflBS
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE III
Les trois premiers ducs de Haute-Lorraine, Frédéric I*', Thierry 1"
et Frédéric II ; leur famille ; leur rôl« politique et militaite
(959-1033) 5
CHAPITRE PREMIER
Frédéric 1«M9?? -978) 6
§ I". —■ Les ancêtres et la famille de Frédéric 6
§ II. — Premières années, mariage et enfants de Frédéric . 20
§ III. — Frédéric, duc de Haute-Lorraine (959-978). ... 28
CHAPITRE II
Thierry I" (978-1027 [?J) 50
§ I". — Thierry sous la tutelle de sa mère Béatrice
(978-9??) 51
§ II. — Thierry seul duc (9??-101?) 97
§ III. — Thierry et Frédéric II (101j?-1027 [?J) 126
CHAPITRE III
Frédéric II seul duc (1027[?]-1033) . 158
Conclusion 174
APPENDICES
I. — La Lotharingie formait-elle encore en 959 un royaume
autonome, distinct de l'Allemagne ? 184
II. — La mère de Frédéric I" 201
III. — Enfants et second mari faussement attribués à la duchesse
Béatrice 204
IV. — L'échange conclu le 24 février 935 entre Bérard, abbé de
Saint-Martin de Metz, et Rambaud, comte du pagus
Mortisna, est-il un faux ? 216
V. — Les dates de l'entrevue de Brisach et des deux sièges de
Verdun par Lothaire 226
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TABLE DES MATIÈRES 265
PIÈGES JUSTIFICATIVES
I. — Constitution d'un douaire, par Gilbert, au profit de sa
fiancée Raintrude (17 janvier 949) 240
II. — Echange entre Bérard, abbé de Saint-Martin de Metz et le
comte Rambaud (24 férrier 965) 242
m. — Restitution ordonnée par saint Gérard, évêque de Toul, en
faveur du prieuré de Salooe (9 octobre 971) . . . . . 849
IV. — Donation de Thiébert à l'abbaye de Saint-Mfhiel fl002) . 251
V. — Echange entre les abbayes de Saint-Arnoul et do Sainte-
Glossinde (13 janvier 1012) 254
VI. — Réglementation des droits de l'avoué d'Houécourt et de
Jainvillotte (1080) 257
VU. — Lettre du comte Thierry II de Montbéliard à Hillin, arche-
vêque de Trêves (1132-1155 [1156]) 259
Additions et Corrections 261
Table des Matières 264
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE
Tableaux généalogiques 238
Fac-similé du pseudo- original de l'échange conclu entre le comte
Rambaud et Saint-Martin de Metz 248
La Haute-Loi raine (Mosellane) de 959 à i033 (carte) 260
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NOTE
sua ux
STiTION FDNÊRilBE DE LA eAREINE
A LIVERDUN 1"
PAR
M. A. GRENIER
Le grand intérêt que j*ai pris à la communication de
M. Beaupré, sur ses belles découvertes de Tan dernier, à
Liverdun, est la seule raison que j'aie de revenir, après
lui, sur ce sujet. Son amitié a bien voulu m'autoriser à
vous soumettre les quelques remarques que m*a suggérées
son exposé. Je voudrais seulement essayer de mettre en
relief l'importance de ce monument archéologique pour la
préhistoire lorraine.
Un seul tumulus contenait les 36 sépultures exhumées
par M. Beaupré ; et ces tombes, de genres divers, appar-
tiennent à des époques fort différentes (2), depuis Tâge
néolithique probablement, dit il, jusqu'à celui de la Tène.
Mais ne peut on pas arriver à déterminer quelles sont celles
(1) Voir l'article du comte J. Beaipré, Mémoires de la Société
d'Archéologie lorraine, LVII (1907), p. 4-28-458.
(2) M. Bkauprè distingue, en effet, dans le tumulus 4 époques dillé-
rentes (p. 431) : 1» les restes d'une allée couverte, probablement de la
fin de l'époque néolithique ; 2» des sépultures par incinération, attri-
buables à l'âge du bronze ; 3" des sépultures peut être hallstattiennes ;
4'* des sépultures par inhumation de la Tène 1.
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Qoo^(^
NOTE SUU LA STATION FUNKUAIUE DK LA GAUENNE ^()7
des populations, ayant autrefois occupé notre pays, à qui
Ton peut attribuer ces tombes successives ?
Essayons d*abord de préciser comment a été formé le
tumulus, et combien d'époques différentes y ont en réalité
laissé leurs traces.
u Le noyau du monument était constitué par une allée
de dalles plates dont les dimensions varient de 0,60 à
1"^10 de long, sur 0,60 à 0,70 de large. Ces dalles ont dû
être primitivement plantées de champ, en deux rangées
parallèles dans la direction du nord au sud. Presque
toutes avaient été déplacées. Mais au centre du tumulus,
on a encore retrouvé en place les deux dernières dalles.
L*une d'elles a seulement fléchi, ce qui a amené la chule
de la pierre couvercle placée en équilibre sur ces deux
supports, en manière de dolmen (1). »
Ce petit dolmen, précédé d'une allée, couverte ou non-
couverte, (l'inégale hauteur des dalles indiquerait plutôt
une allée non-couverte), était en réalité une tombe, comme
d'ailleurs tous les dolmens. Et en effet, sous les trois
dalles encore en place gisait un squelette, déposé au niveau
du sol. L'espèce de chambre funéraire que formait le
dolmen devait donc être recouverte d'un amas de terre.
Le tumulus n'est que l'enveloppe du dolmen. On sait d'ail-
leurs qu'il en était généralement ainsi. La construction
dolménique disparaissait sous une butte artificielle (( ainsi
que les grottes se dissimulent dans les montagnes. On
pourrait dire de ces tombes, qu'elles étaient des cavernes
naïvement stylisées (2). »
Du moment que la formation du tumulus a été déter-
minée par la nécessité de recouvrir le dolmen, les deux
tombes à incinération A et B, creusées dans le sol vierge,
(( de telle façon que la partie supérieure du vase cinéraire
(1) Beaupré, arlidecité, p. 431-432, passim.
(2) JtLLiAN, Histoire de In Gaule, I, p. 150.
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268 NOTE SUR LA STATION FUNÉRAIRE DE LA GARENNE
se trouvât à une dizaioe de centimètres au-dessous du
niveau du sol» (1), ne peuvent être que contemporaines
de la sépulture sous le dolmen, ou antérieures à elle. Une
particularité soigneusement relevée par M. Beaupré,
confirme cette supposition. « Au-dessus des tombes la
couche de sable étendue sur les résidus charbonneux, a été
fortement piétinée et damée, de façon à former une masse
très dure, épaisse de 0,10 à 0,20 (2). » Aurait-on pris la
peine de se livrer à ce travail, aurait-on pu, môme, piéti-
ner l'emplacement de la tombe au niveau du sol naturel,
si le tumulus avait existé au moment où furent creusées
ces tombes ?
Un indice d'un autre genre nous porte à croire que les
sépultures A et B, ne sont pas antérieures à la construction
du dolmen, mais datent exactement du même moment.
Que Ton se reporte au plan du tumulus publié par
M. Beaupré. On notera que ces deux tombes sont placées
symétriquement, età peu près à même distancedu dolmen,
vers Test et vers le sud. A se trouve à environ 2 mètres au
sud du centre du tumulus, marqué par le dolmen, sur le
prolongement direct de la rangée de dalles qui devait bor-
der à rouest le couloir d'accès. B se trouve exactement sur
le prolongement de la ligne formée par le dolmen même,
et à 2 mètres environ de la dalle support, du côté est. Une
telle disposition n'indique-t-elle pas que ces deux tombes
sont en relation avec la sépulture cachée sous le dolmen (3)?
Peut-être à l'ouest du dolmen, une troisième tombe à inci-
nération faisait elle pendant à B. Mais vers ce point, la
présence d'une toufie de chênes a empêché les recherches.
Peut-être aussi, d'ailleurs, cette 3® tombe à incinération,
(1) Beaupré, article cité, p. 433.
(2) Ibidem, p. 433.
(3) L'incinération est, en efifet, employée en même temps que l'inhu-
mation à l'époque préhistorique. Jullian, Histoire de la Gaule, l,
p. 149. DÉcttELETTE, Manuel d' Archéologic préhistoviq^e, l, p. 465-467.
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NOTE SUR LA STATION FUNÉRAIRE DE LA GARENNE 269
qui compléterait la symétrie, est elle représentée par. la
tombe C, qui s'est rencontrée à 2"50 au nord-oaest du
dolmen. Cette tombe, remarque M. Beaupré, parait avoir
été bouleversée et déplacée ; les cendres et les charbons
s'étendaient sur un plus grand espace. Elle se tpouvait en
outre à une profondeur moindre que les deux autres tom-
bes à incinération A et B. Nous croyons donc qu'il convient
de réunir en un même groupe, et de dater de la même
époque, la sépulture d'inhumé placée sous le dolmen, et
les deux, peut-être même les trois tombes à incinération,
creusées dans le sol naturel, autour du dolmen (1).
Ces tombes étant reconnues contemporaines, de quelle
époquepouvons-nous les dater ? On s'accorde généralement
pour attribuer les constructions dolméniques à l'époque
néolithique, ou au premier âge du bronze (2). En Lorraine,
le seul monument de ce genre que l'on ait retrouvé jus-
qu'ici, celui de Bois-l'Abbé, est très nettement daté de
l'âge néolithique (3). Le dolmen de Liverdun semble pos-
térieur. Il contenait en effet un petit anneau de bronze ou
de cuivre, ainsi qu'un bijou indéterminé, dans lequel
s'associaient sans doute le bronze et le verre, et dont il ne
reste plus qu'un fragment de verre blanc très irisé (4).
Les trois tombes à Incinération qui appartiennent à la
même couche archéologique que le dolmen, contiennent
de même, de menus fragments et de petits objets de
bronze (5}. Dans ces quatre sépultures, le métal se ren-
(1) Il ne nous convient pas de risquer quelque hypothèse sur les rai*
sons possibles de cette disposition de 3 tombes contemporaines autour
d'un dolmen. Que l'on se souvienne cependant que les premiers habi-
tants de toute l'Europe furent de « féroces immolateurs d'hommes ».
JuLLiAN, Histoire de la Gaule^ I, p. 444.
(2) Voir DécHELETTB, Manuel d'Archéologie pré historique ^ I, p. 374
et suiv.
(3) Beaupré, Mémoires Soc. Arch. lorraine, 1905, p. 375. . . 379, 380.
(4) Beaupré, Mém. Soc. Arch. lorr., 1907, p. 437.
(5) Dans la tombe a, trois petits anneaux de bronze ou de cuivre,
une feuille de bronze extrêmement mince formant cylindre, et une
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270 NOTE SLH LA STATION FUNKHAIKK DE LA (ÎARKNNE
contre, niais à rélat de Irace pour ainsi dire. Quant aux
vases, si on met à part le grand vase de la tombe C (1), ils
sont tous d'une pâte assez grossière et mal cuite. Façonnés
à la main, sans Taide du tour, ils sont ornés de simples
lignes incisées et de zig-zags en dents de loup (2). C'est
là technique, c'est la décoration, communes à la fois à l'Age
néolithique et au l^"* âge du bronze (3).
Le l**' âge du bronze, auquel appartiennent, sans aucun
doute possible, le dolmen de la Garenne et les trois tombes
inférieures du tumulus, n'était jusqu'ici représenté en
Lorraine par aucun monument. « Les peuples de cette
région »,dit M. Beaupré (4), o paraissent être passés presque
sans transition, de 1 époque de la pierre polie à la période
intermédiaire entre le bronze et le fer, connue sous le
nom de Hallstatt. L'absence presque complète du bronze
est une conséquence de la pauvreté des populations
locales. » La trouvaille de Liverdun confirme parfaite-
ment cette théorie, et permet de la préciser davantage.
La rareté du métal, dans ces tombes de l'âge du bronze,
tient, non pas à la pauvreté des sépulture^, mais à la pau-
vreté générale de la population locale. Si modestes que
soient en effet les diniensions du dolmen, celte sépulture,
qu'entourent trois autres tombes disposées symétriquement
autour d'elle, est un tombeau monumental. Si le bronze y
fait presque complètement défaut, c'est qu'il était, encore
à cette époque, un métal extrêmement rare. Il est rare
en Lorraine, non pas tant parce que l'usage du métal
était une invention de date encore récente, mais parce
petite tige de bronze. En b une épingle. En c un petit morceau do
bronze complètement oxydé. Bealphk, ihid, p. 434, 435, 430.
(1) Ibid, p. 4:^6, et pi. IV, lig. 43.
i2) Ibid, p. /j34, 435, 437, 438.
(3) Décheletïk, Manuel d'Archéologie préhiMoriqne^ I, p. \V^,\ ot
suiv.
(4) Les Etudefi prèhiatoriqïies en Lorraine^ do 1880 ù 1902, p. 27.
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NOTE SUR LA STATION FUNÉUAIRK DE LA GARENxXE 271
qu'aucune des voies du commerce du bronze à Tépoque
préhistorique ne traversait la région (1). L'absence de tout
objet de silex ou de pierre polie sous le dolmen, la gros-
sièreté même de tous les vases des tombes environnantes,
sauf un seul, montrent, en effet, que depuis longtemps était
passée la belle période de 1 âge néolithique. Les circons-
tances qui ont amené la transformation de la civilisation de
la pierre en celle de bronze, avaient exercé déjà leur plein
effet. Elles avaient développé en certaines régions, par
exemple en Armorique, une prospérité nouvelle. En d'au-
tres provinces, au contraire, elles avaient provoqué une
période de déchéance complète, sans cesse plus accusée.
C'est cette décadence que marque, en Lorraine, le 1®' âge
du bronze. Cette période, plus récente, n'est, dans notre
pays, que le prolongement sans éclat de l'âge néolithique.
Cette basse époque, à laquelle appartiennent les pre-
mières tombes du tumulusdela Garenne, se prolonge jus-
qu'à l'aube des temps historiques. La même race d'hom-
mes que les débuts de l'histoire trouvent, au vi^ siècle avant
notre ère, en possession du sol que nous habitons aujour-
d'hui, l'occupait depuis le début de l'âge néolithique. Aucun
indice en effet ne saurait mettre en relation l'introduction
du métal en Gaule, avec une invasion conquérante (2).
Nous pouvons suivre au contraire, de l'époque de la
pierre à celle du bronze, la parfaite continuité de l'archi-
tecture et des rites funéraires (3), aussi bien que des tra-
(1) Ces voies sont, d'une part, celles qui de rflc de Bretagne, par
l' Armorique, se dirigent vers les Alpes et les Pyrénées, d'autre part,
celles qui des pays Scandinaves, par les côtes de la mer du Nord et de
la Baltique, gagnent l'Europe centrale.
(2) DÉJBELETTE, Mdnuel d'Archéologie préhistorique, I, p. 487 :
« Nous ne nous trouvons pas, au début de l'âge du bronze, en pré-
sence de hordes guerrières pénétrant sur un sol conquis, à la faveur
d'un armement nouveau... L'aurore de l'âge du bronze ne se colore
pas, à nos yeux, du reflet de quelque extermination sanglante. »
(3) Comparer, par exemple le dolmen de la Garenne, avec celui de
Bois l'Abbé, dccOTivfert par M. Be.W['uk en i90o. Mèm. SoC. \rch.lorr.,
1905, p. 348 378. ^
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272 NOTE SUR LÀ STATION FUNÉRAIRE DE LA GARENNE
ditions industrielles et artistiques. La positioa même du
eorps sous le dolmen de Liverduii, est un indice de cette
liaison qui unit les âges extrêmement anciens, à des
périodes bien plus récentes.
Quoique le squelette, en efiet, ait été écrasé sous le
poids de la dalle couvercle, les dents, bien conservées et en
place, et les fragments des os longs, permettaient de
reconnaître que le cadavre avait dû être placé sur le côté
droit, les jambes repliées vers le menton. Or cette attitude
du cadavre se remarque, dans le bassin de la Méditerra
née dès l'époque quaternaire (1). Durant toute Tépoque
néolithique, on continue à ensevelir les corpjB dans la
position recoquiilée (2). Ce mode de sépylture ne cesse en
Europe qu'avec les invasions indo-européennes. En France,
le désordre de la plupart des ossuaires néolithiques rend
difficiles les observations précises à ce sujet (3). Mais en
Italie, le recoquillement du cadavre est caractéristique
de la race Ligure à laquelle appartenaient les premiers
occupants de la Péninsule (4). Or nous savons que les
Ligures ont aussi peuplé la France, avant l'arrivée des Gau-
lois,etqueleur domaine, traversant le Rhin, s'étendait dans
une bonne partie de l'Europe centrale (5). C'est donc aux
Ligures, que sans hésitation aucune, nous pouvons attri-
buer, dans notre pays, les monuments de Tâge néolithique,
aussi bien que ceux du premier âge du bronze, le dolmen
de Liverdun, aussi bien que celui de Bois l'Abbé (6). Les
(i) Grotte de Grimaldi (Baoussé Rousse), près de Menton.
(2) DÈCBEhETTE, Manuel d'Archéologie préhistorique, I,p. 471.
(3) Ibid., p. 473.
(4)MoD»8Tow, Introduction à l'Histoire Romaine^ Paris, 19(W, p. 86,
74, 76, sortout 113 et suivantes.
(5) d'Arbois de Jubain ville, Les premiers hantants de l'Europe,
I, p. 306 et sulv., II, p. 46-216, — Jullian, Histoire de la Gaule, I,
p. 111-119,
(6) Natre avis est certainement eelui du D* Maaouvri^, qui reeon*
tiatt dans les ossements trouvés dans le tumulus aéoilUiiqvw de Btls
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\
NOTE SUR LA STATION FUNÉRAIRE DE LA GARENNE 273
Ligures étant demeurés les maîtres incoetestés de notre
pays, jusque vers le vi« siècle avant notre ère, c'est à une
époque assez voisine de cette date extrême, que nous
serions tentés d'attribuer une sépulture de basse époque,
telle que celle de Liverdun.
En Tan 530 avant notre ère, environ, les Celtes quittent
les rives de la Baltique et de la mer du Nord, et se mettent
en route vers l'Occident (2). Ces émigrants étaient en pos-
session de la civilisation dite de Hallstatt, qui, delà vallée
du Danube jusqu'à la mer Baltique, se développait précisé-
ment à cette époque, dans toute l'Europe centrale. L'irrup-
tion violente de ces Transrhénans marque le début de
l'histoire dans notre pays. Nous n'avons plus maintenant
qu'à suivre le récit si précis que M. Jullian vient de donner
des Origines gauloises, pour voir s'éclairer d'une vive
lumière les monuments archéologiques et leurs diverses
particularités.
« C'est au bord du Rhin que les envahisseurs rencon-
trèrent les premières tribus ligures. Les indigènes vain-
cus et épouvantés gagnèrent l'intérieur des terres, les
forêts et les montagnes du haut pays, les brousses des
Ardennes et les rochers de la Meuse, de la Moselle ou
du Rhin (2). & Cette première invasion ne fit d'ailleurs
que passer en Lorraine. <r La Celtique constituée par ces
émigrants futcomme un vaste cercle de 125 lieues de dia-
mètre, dont les rayons finiraient vers Rodez, Saintes,
Angers, Rouen, Soisson, Reims, Besançon et Lyon, et
dont Bourges marquerait le centre. Autour d'eux, les
Ligures revinrent dans leurs anciens domaines (3). » Il
l'Abbé ceux « d'Orne race de taille médiocre, mais fortement ohar-
pentée » {Mém. Soc. Àrch. Lorr., 1905, p. 374). Ce sont là les traits
caractéristiques des populations ligures. Cf. Jullian, Hist. de la Gaule^
I, p. 427-131.
(1) Jullian, ibid., p. 244.
(2) i&i(i.,p.224.
(3) /èfd., p. 245 et 246.
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274 NOTE suit LA STATION FLNÉRAIHE DE LA GAUENNE
ne semble pas, en effet, que la civilisation de Hallstatt, ait
jamais reçu quelque développement dans nos régions.
c( Deux cent cinquante ans plus tard, environ, le désir
qui avait poussé les premiers Celtes vers la Gaule, gagna
naturellement les tribus de môme race restées au-delà
du Rhin. Une dizaine d'entre elles, associées sous le nom
de Belges, parvinrent à franchir le fleuve, et à pénétrer
dans les vallées de la Gaule du nord. Ce qui restait de
Ligures, fut définitivement conquis.
<x ... Il y avait dans cette région et notamment au-delà
des Ardennes, des champs admirables que les Belges
convoitaient. Ils ne s'arrêtèrent qu'à quelque distance
de la Seine dont le cours moyen et inférieur ne fut pas
enlevé aux Celtes. Ce ne fut que vers le Levant, que les
Transrhénans, Belgesou autres, gagnèrent sur le midi. Par
la trouée de Belfort, les cols du Jura, ou la ligne des lacs
suisses, les envahisseurs se déversèrent dans les vallées
du Doubs et de la Saône, et le long des lacs de Neuf-
chàtel et de Genève (1). » Ce sont là précisément les
régions où l'archéologue relève les premières traces de
la civilisation qu'il appelle Marnienne, ou de la Têne.
A cette période, qui peupla de « Transrhénans, Belges
ou autres », le nord et l'est de la Gaule, appartiennent les
32 sépultures supérieures du lumulus de la Garenne.
L'utilisation d'un tumulus de 1 âge du bronze, pour des
sépultures d'époque postérieure et notamment de l'âge du
fer, est un fait assez fréquent (2). On sait d'ailleurs, com-
bien il est vrai que les mêmes lieux, par une sorte de
prédestination, se trouvent, à des moments très diffé-
rents, affectés aux mêmes usages. Le cimetière reste
cimetière, de même que l'église s'élève sur les fondations
du temple paien. Les Belges, ou autres, établis à Liverdun,
'\)Ibid., p. 315.
;i) loia., p. ;jio.
['2) DÉcuELETTE, Aulhropolog ic, 1900, p. 334.
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HÔTE SÛR tA STAtlON FUNÉRAIRE i)E LA 6ARENNE ^78
à l'époque gauloise, en vinrent tout naturellement à ense-
velir leurs morts, dans le tumulus élevé pour abriter le
dolmen ligure. Les pierres du couloir d'accès furent utili-
sées par eux comme matériaux pour la construction des
premières tombes (tombes 1, 2, 5, 8). La tombe 8 était
recouverte par la dalle trouée, qui très souvent forme un
des côtés des dolmens (1). Rien n'est plusnaturel (2).
L'abondance des bijoux de bronze dans ces sépultures,
indique que les conditions économiques de la région ont
été complètement transformées depuis l'époque ligure. I^
vallée de la Moselle, en efiet, est devenue à ce moment, la
grande voie de communication entre la vallée du Rhône au
sud, la vallée de la Marne à l'ouest et les deux rives du
Rhin. Des relations nombreuses unissaient à l'époque gau-
loise ces différents pays, habités par des peuples de même
race et de même civilisation. Les Leuques, les Médioma-
trices et les Trévires ont largement profité du courant de
prospérité et de civilisation que les relations commer-
ciales faisaient circuler le long de leurs routes.
***
UN BRACELET BRISÉ DE LA TOMBE 27.
« La sépulture 27, dit M. Beaupré, contenait deux brace-
lets à tampons et à ailettes. L'un pesant 0,90 est cassé
en deux, et la cassure date de l'époque... En rapprochant
les deux morceaux, on constate une ouverture de 0,04
entre les deux extrémités. »
(1) Déghelette, Manuel d* Archéologie préhistorique^ I, p. 420.
(2) Il est d'ailleurs fort possible, comme j'indique M. Beaupré (Ulém,
Soc. Arch, Lorr., 1907, p. 432) que l'allée du dolmen soit demeurée
visible, et n'ait pas été complètement ensevelie sous le tumulus.
18
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276 NOTÉ SUR LA STATION FUNERAIRE DE LA GARENNE
Du caractère ancien et intentionnel de cette cassure, il
ne résulte pas que le bracelet n'appartienne pas à une
sépulture et soit une simple offrande funéraire. La pré-
sence dans les tombes d'objets intentionnellement brisés
est un fait assez fréquent et qui se remarque dans les
régions et aux époques les plus diverses. Ce rite exprime
évidemment touchant la vie d'outre-tombe, quelque
Paire de bracelets brisés, dont les fragments sont passés dans une lame
de coulean tordue. Tombe viilanovienne de Bologne.
(Cf. Mélanges de l'Ecole française de Rome, XXVII (1907), p. 493.)
croyance généralement admise dans la plus grande partie
de l'Europe ancienne.
En Gaule, ce sont surtout des épées qui se retrouvent
tordues et brisées en 2 ou 3 morceaux (1). M. Beaupré a
(1, Cf JuLUAN, Histoire de la Gaule.llp. 171, et la bibliographie de
la question, note 3. En particulier : S. Reinach, VEpée de Brennus,
Anthropologie, XVII (1906), p. 351 et suiv.
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Note sur la. station funièraihë de la garenne 277
eu déjà plusieurs fois Toccasion de signaler des trouvailles
de ce genre (1).
En Italie, à Tépoque villanovienne, dont la civilisation
est, on le sait, étroitement apparentée avec celle de Hallstatt,
on rencontre brisés dans les tombes, non seulement des
épées et des haches (2). mais aussi, assez fréquemment, des
bracelets (3). Il est d'ailleurs tout naturel que dans les
tombes de femmes on déposât leurs parures brisées,
comme auprès des guerriers morts, on déposait les frag-
ments de leurs armes. Cette analogie exclut Thypothèse
parfois exprimée que Tépée brisée dans une tombe, fût le
signe que le guerrier avait été tué au combat, ou avait
succombé dans une défaite. Le symbole exprimé par cette
coutunje était à la fois plus général et plus vague. On
brisait les objets, comme la mort avait brisé Thomme.
Qu*à ce symbolisme très simple fussent associées d'autres
idées plus particulières, on ne saurait le nier absolument.
Ces croyances accessoires ont pu d'ailleurs et ont dû varier
suivant les pays et avec les époques. Essayer de les déier-
mineravec quelque précision, serait pur jeu d'hypothèse.
Qu'il nous suffise de constater Tidentité d'un rite funé-
raire, en Italie, au viii« siècle avant notre ère, et en Gaule,
à l'époque immédiatement antérieure à la conquête
romaine.
Un second tumulus se trouve, à Liverdun,dansle voisinage
immédiat de celui qui fut fouillé l'an dernier. M. Beaupré
(1) Etudes préhistoriques en Lorraine, p. 47, 48, ei Nouvelles obser-
vations sur les sépultures sous tumulus en Lorraine^ Jahrbuch fur
Lothringische Geschichte u. Altertumskunde, 1906, p. 233.
(2) MouTELius, La civilisation primitive en Italie, I, pL 73, fîg. 14;
pL 76, fig. 23, 24 ; pi. 77, fig. 6 ; pL 78, fig. 1 et 12 ; pi. 95, fig. 3.
(3) GozzADiNi, Di un sepolcreto scoperto presso Bologna, p. 25 ;
Notizia degli Scavi, 1884, p. 77 ; Fouilles de VF.cole française à Bo*
logne. Mélanges d'Archéologie et d'Histoire, XX VII (1907), p. 403.
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2?8 NOTE 8CR LA STATION FUNERAIRE DE LA tiARES^TNE
se propose de l'explorer cette année. Les décoa vertes qae
sans doateil lui réserve, décideront da sort des hypothèses
que j'ai pris dès maintenant la liberté de vous sou-
mettre.
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Vue ancienne de Vie. pf
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MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ d'ArCHÉOLOGIE LORRAINE, I908.
BABLEMENT DU XVII* SIECLE
ORAVUKB BT IMP. ALBBRT BARBIER - NANCY
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ALPHONSE DE RAMBERViLLERS
ET LE
BAILLIAGE DE VIC AUX W & XVII" SIÈCLES
PAR
EMILE DUVERNOY
ARCHIVISTE DE M EU RT HB -S T- M O SB L L E
AVANT-PROPOS
Magistrat, artiste, écrivain en vers et en prose, en fran-
çais et en latin, longtemps et bien à tort oublié, Alphonse
de Rambervillers a été récemment rappelé à l'attention
des lettrés par diverses études parues, soit à Nancy dans
les publications de notre Société (1) et dans la Lorraine
artiste (2), soit à Paris dans le Bulletin du bibliophile (3).
Même après ces recherches très méritoires, on ne peut
prétendre que la vie et les œuvres d'Alphonse soient bien
connues : il y a encore dans sa biographie des lacunes, des
obscurités, des erreurs même. Ses écrits ont été l'objet de
louanges un peu vagues, mais n'ont pas encore été étudiés
sérieusement. Sa généalogie a été établie avec soin, ce qui
n'est pas sans intérêt pour la connaissance d'un écrivain,
(1) J. s. À, L, 1895, p. 105 (A. Benoit) ; 1899, p. 193 (G. de Braux),273
(A. de Gironcourt) ; B. S. A, L. 1901, p. 66 (L. Germain) ; 1904, p. 75
et 227 (L. Germain) ; 1907, p. 190 (R. Harmand).
(2) Trois articles de Gaston Save dans le vol. de 1893, p. 701, 759,
786.
(3) Année 1896 ; ce travail de M. l'abbé Charles Urbain a été publié en
brochure sous le titre Un amateur lorrain correspondant de PeiTesc,
Alphonse de Rambervillers] Paris, Téchener, 1896, in-8 de 46 pages.
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280 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
puisque chaque homme est plus ou moins déterminé par
ses ascendants, mais personne n'a encore songé à étudier le
milieu très spécial et circonscrit où il a vécu, «t à retracer
ses occupations professionnelles, qui ont bien dû remplir
la moitié de ses journées, les lettres et l'art n'étant pour
lui que le délassement des heures de loisir. Sur ses nom-
breuses relations littéraires, nous ne sommes guère mieux
instruits; nous savons seulement qu'il fut en correspon-
dance pendant un an et demi avec l'illustre Fabri de
Peiresc.
Nous devrions avoir, et ce secours serait inappréciable,
une notice sur Alphonse de Rambervillers. écrite par un
quasi contemporain: Guillaume Colletet, mort 26 ans
après lui, en 1659, lui avait fait une place parmi les 397
Vies des poètes français par ordre chronologique depuis iW9
jûÈqu'à 1647 ; par malheur, ce recueil resté manuscrit a
été brûlé avec la bibliothèque du Louvre en 1871, et la
notice du poète lorrain n'est pas du petit nombre de celles
dont il subsiste des copies ou des extraits (1). Pour y sup-
pléer nous emploierons les lettres d'Alphonse de Ramber-
villers à Peiresc, publiées, comme nous l'avons dit, par
M.Urbain, les documents d'archivesnégligés jusqu'à présent
et surtout les registres de ce bailliage de Vie où le magis-
trat-poète fit toufte sa carrière (2). Laissant de côté l'étude
des œuvres, que traitera ailleurs un de nos confrères plus
compétent que nous en critique littéraire, nous retracerons
(1) Voir les tables de l'ouvrage de Colletet données par Léopold
Pannier dans la Re.ue critique, 1870, t. II, p. 338, et par Paul Bon-
itepoN dans la Revue d'histoire littéraire' de la France, 1895, p. 76.
(2) Ces registres conservés aux archives de Meurthe-et-Moselle ne
sont pas encore inventoriés et numérotés, ce qui nous obligera à les
désigner par leurs dates : il y a en général un registre par année. Outre
les scn'ences des juges du bailliage, les greffiers y transcrivaient dea
ordonnances des évoques de Metz et des rois de France, des règlements,
des nominations à divers emplois, des lettres de noblesse, de grâce et
de rémission, etc. Nous les citerons ainsi en abrégé : Sentences Vie,
1610.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 281
la vie de l'auteur, nous chercherons quels ont été ses
moyens d'existence, ses amitiés, quelle réputation il a eue
de son temps. Et pour reconstituer le milieu où il a
vécu, nous parlerons en premier lieu de cette ville de Vie
où il résida près d'un demi-siécle et où il mourut, et de ce
bailliage dont il fut Thonneur, d'abord comme avocat,
puis, pendant 40 ans, comme lieutenant général.
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CHAPITRE PREMIER
Le bailliage de Vio à la fin du XVI^ sièole et dans
le premier tiers du XVII«.
Lorsque la révolution communale eut rendu le séjour de
leur ville épiscopale peu commode aux évéques de Metz,
ils fixèrent leur résidence et le siège de leur administration
à Vie, petite localité située au centre de leur temporel:
Conrad de Scharpenneck, 61" évoque, de 1212 à 1224, y
construisit un château, et entoura les maisons de murs et
de fossés (1), c'est-à-dire qu'il transforma le bourg en
ville. A Vie fut établi le bailliage épiscopal, sans doute dès
sa création dont la date est par malheur inconnue, mais
doit être fort reculée, car un mémoire que la ville de Vie
adressa au roi en 1817 pour être maintenue en possession
de son tribunal, dit qu'on ne peut fixer l'époque de l'éta-
blissement de ce bailliage (2). Â coup sûr, il était déjà
(1) Chron. de Philippe de Vigneulles^ dans Galmet, Hiat. de Lorraine^
2* édit., t. III, preuves, col. 131.
(2; Lhpage, Statistique de la Meurthe, t. II. p. 603. — Un mémoire
antérieur nous renseignerait peut-être sur cette question d'origine et
sûrement sur plusieurs autres, c'est le Mémoire sur Véiat et les préro-
gatives du bailliage de l'évêché de Metz à Vie, rédigé en mars 1764
par Bauquel, lieutenant général, et cité par Lepage, ibid. Nous avons
en vain cherché ce mémoire dans les archives de M.-et-M., à la B. N.,
dans les bibliothèques municipales de Nancy et de Metz, et dans celle
de la Société d'archéologie lorraine, dans le Catalogue des collections
Noël et dans la Bibliothèque historique de la France de Lelong-Fon-
TETTE ; tout porte à croire qu'il est resté manuscrit et que les copies
en sont rares, si même il en existe encore. Son auteur, Philippe
Bauquel, a dans la Biographie du Parlement de Metz d'Emmanuel
Michel, p. 19, une notice que nous résumons et complétons ici afin
d'aider à retrouver le mémoire en question : ayant fait son droit à
l'Université de Strasbourg, il fut reçu avocat au Parlement de Metz le
16 août 1731, et nommé lieutenant général à Vie le 9 mai 1 Ï61 ; les
registres de sentences du bailliage montrent qu'il avait d'abord été
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 283
ancien quand Alphonse de Rambervillers y parut pour la
première fois. Sa juridiclion s'étendait sur tout le vaste
temporel de révêché de Metz, soit sur plus de 250 commu-
nautés, à la vérité très disséminées, et souvent fort éloi-
gnées du chef-lieu.
Quant à la compétence judiciaire de ce bailliage, elle
est définie sommairement dans un rapport adressé en 1607
au cardinal de Givry, qui venait d'être nommé évèque d«
Metz, pour lui faire savoir la constitution et les droits de
son évéché : le bailliage connaît en première instance de
toutes causes civiles et personnelles entre personnes
nobles ou de qualité franche, résidant soit sur le domaine
direct de Tévèque, soit sur les terres de ses vassaux, et,
en certains cas privilégiés, des causes entre toutes per-
sonnes, nobles ou roturières ; en appel, il connaît de toutes
actions civiles, et il y a appel au bailliage des sentences
de toutes les justices inférieures, soit du domaine épis-
copal, soit des terres des vassaux, si ce n'est pour les fiefs
au-delà de la Sarre, et pour quelques-uns en deçà, qui ont
privilège contraire (1).
En vertu d'un diplôme impérial du 3 mai 1563, le bail-
liage épiscopal juge souverainement et sans appel en toutes
causes où le principal n'excède pas la valeur de 500 florins
d'or du Rhin, soit 1.500 fr. de Lorraine (2). Quand la cause
conseiller, en 1758 au plus tard, et qu'il cessa ses fonctions de lieutenant
général entre 1776 et 1782. — Un autre travail que nous regrettons de
n'avoir pu consulter est la thèse d'Ecole des chartes soutenue en 1888
par Alfred Bourobois, Ettide sur l'organisation du domaine des
évêques de Metz : Bourgeois est mort en mai 1898 avant de l'avoir
publiée (Annales de l'Est, 1898, p. 459) ; elle s'étendait du viii* au
xiii* siècle et devait retracer l'origine du bailliage épiscopal.
(1) Jahrbuch der Gesellschaft fur lothringiache Geschichte nnd
Àltertumskunde, 1898, p. 163.
(2) LEPAGE.Statist., t. II, p. 603, d'après le Mémoire de BAUQUBLcité
plus haut. — En 1563, le franc de Lorraine ou franc barrois valait
2 fr. 36 de notre monnaie, valeur intrinsèque, d'après les tables de
RiocouR, dans M. S, À. L 1883, p. i02.
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284 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
est plus importante, les parties ont le droit d'appeler à la
Chambre Impériale de Spire. On croirait à tort que ce
droit était devenu purement théorique depuis Toccupation
de Metz et d'une partie de l'évéché par les rois de France:
il s'exerça très effectivement jusqu'à la création du Par-
lement de Metz par cet édit du 15 janvier 1633, qui subs-
titua l'appel devant une cour française à l'appel devant
une cour allemande. Jusqu'à cette date, qui coïncide
presque avec la fin de la carrière d'Alphonse de Ramber-
villers, on trouve des exemples, peu nombreux à la vérité,
d'appels à Spire ; mention en est faite à la suite ou en
marge de la sentence du bailliage, ainsi le 7 septembre
1583: (( Incontinent après la prolation de la sentence cy
dessus, maistre André Pœrson, procureur pour les sieurs
acteurs, a appelle d'icelle à la Chambre Impérialle à Speyr,
à laquelle appellation le sieur lieutenant a defferé (1). »
Cette formule d'appel était de rigueur, car on la retrouve
toute pareille, sauf le nom du procureur, à c6té d'une sen-
tence du 7 mai 1597 (2). En 1615, nous voyons un arrêt (en
latin) de la Chambre de Spire transcrit sur le registre du
bailliage (3), ce qui indique qu'il est rendu dans une affaire
jugée d'abord parce tribunal, et dans cette cause les par-
ties sont justement des habitants de Vie en étroites relations
avec le chef du bailliage: l'appelant est Claude Ginet,
docteur en médecine, qui avait composé trois pièces en
vers latins pour être placées en tête du principal livre
d'Alphonse, Les déwts élancemens du poète chrestien ; ses
adversaires sont César et Nicolas Liégeois, le premier
conseiller au bailliage. L'arrêt déclare que les premiers
(1) Sentences Vie, 1583-84, fol. 121 v». —Acteur désigne le deman-
deur, lieuteihant le lieutenant général du bailliage qui présidait les
audiences.
(2) Ibid., 1597, fol. 63.
(3) Ibid., 1615, fol. 3.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS ^85
juges ont mal jugé, donne raison à l'appelant, et le renvoie
absous (1).
A ses attributions judiciaires, le bailliage de Vie joint
quelques attributions administratives : ainsi, le 3 avril
1566, à la requête du procureur général, il fait un règle-
ment sur la vente des vins, afin d'obvier à leur grande
cherté (2) ; il taxe dans quelques cas les amendes infligées
par les justices locales (3) ; longtemps, il connut des dif-
ficultés relatives à la levée des impôts, qui maintenant
appartiennent aux tribunaux administratifs, et qui, en
Lorraine à cette époque, revenaient à la Chambre des Comp-
tes ; mais, le 14 mars 1627, l'évoque de Metz décida que <ies
affaires seraient jugées par son Conseil privé (4) ; puis, en
1637, il rendit au bailliage, au moins pour certains impôts,
la connaissance de ces affaires (5).
Au total, les juges du bailliage, assez nombreux, nous \^
verrons plus loin, ne sont pas accablés de besogne, et
paraissent môme en avoir pris à leur aise avec leurs fonc-
tions: ils s'absentaient trop volontiers, et, dès Tannée 1600,
révoque de Metz est obligé de faire une ordonnance pour
les en empêcher (6). Comme il arrivait alors fréquemment,
cette ordonnance fut oubliée ou éludée et, il fallut la renou-
veler en la précisant : les. juges devront résider dans la
localité où ils exercent leurs fonctions ; il leur est interdit
de s'éloigner de leur résidence plus de quinze jours sans
cause légitime et sans avoir averti le sieur de Gournay,
(1) Notons ici que le duché de Lorraine était aussi du ressort delà
Chambre Impériale de Spire, et contribuait à son entretien : pour
l'année 1623, cette contribution s'éleva à SiOreisdallers qui font 1.134 fr.
de Lorraine (Arch. de M.-et-M., B. 1448, fol. 153).
(2) Sentences Vie, 1565-66, fol. 129.
(3) Ordonnance épiscopale du 25 févr. 1579, ibid., 1579-80, fol. 22 v».
(4) Ibid., 1627, fol. 151 v».
(5) Ibid., 1637, fol. 210 v% 276, 277.
(6) Nous n'avons plus cette ordonnance du 26 juin 1600, mais elle est
visée dans une lettre de nomination de 1606 {ibid,^ 1606, fol. 217 v»).
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286 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
bailli et gouverneur de Tévéché (1). Cette seconde ordon-
nance est datée du 6 janvier 1633 ; Tune et l'autre sont doue
contemporaines des fonctions d'Alphonse deRambervil-
1ers à la tête du bailliage ; nous en inférons qu'il manquait
d'autorité pour retenir ses magistrats à leur poste ; sans
doute lui-même ne leur donnait-il pas trop l'exemple :
nous dirons ailleurs qu'il fit de nombreux voyages, qui
peut-être n'avaient pas tous la (( cause légitime » requise
parl'évêque de Metz. Et voici un document fort curieux
qui expliquecomment, lorsqu'il séjournaità Vie, Alphonse
eut le loisir d'écrire en prose et en vers, de peindre, gra-
ver, émailler, calligraphier, collectionner des antiques, et
de réserver encore beaucoup de temps aux œuvres de piété
et de charité : c'est une ordonnance signée à Vie même par
l'évêque de Metz, Charles, cardinal de Lorraine, le 24 octo-
bre 1605, et dont nous transcrivons les parties essentielles:
Nous ayant esté remonstré de la part de noz chers et bien amez les
advocatzau siège du bailliage de nostre éveschéde Metz que les journées
ordinaires de plaidz dudict siège estant comme elles sont limitées seu-
lement ez mecredys de chascune sepmaine, sauf ez temps des vaccances^
de sorte qu'en l'année il n'y pouvoit avoir plus de vingt huict ou trente
jours plaidables, lesquelz ne pouvoient suffire pour y vuider les causes
qui s'y intentent, les affaires s'y augmentant journellement de plus en
plus, et la justice y estant à ce moien tellement retardée que noz
subjectz en reçoipvent de très grandes incommoditez, et nous ayantz
lesdictz remonstrans très humblement supplié d'y vouloir apporter
quelque provision convenable, après avoir ouy sur ces remonstrances
noz très chers et féaulx, les gentz de nostre Conseil privé estably en
cestuy nostre dict évesché, mesmes nostre procureur général en iceluy,
de l'advis des gentz de nostre Conseil, avons, pour plus grand bien de
la justice, abréviation d'icelle et soulagement du publicq, dict, statué
et ordonné, disons, statuons et ordonnons par ces présentes que dores-
navant, le jeudy matin suyvant le dernier mercredy plaidable de
chascun mois, se tiendra audiance par les gentz de la justice dudict
siège en laquelle se décideront et vuyderont toutes causes et matières
de récréance et mainlevées provisionnelles et touttes demandes et
(1) Ibid,, 1633-34, fol. 52 V.
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ÀLPÉONSE bE RAMBERViLLERS 287
instances d'oppositions n'excédentz la somme de cent frans ; esquelles
audiances aussy comme plusieurs abusent de lettres de bailly (1) qu'ilz
demandent le plus souvent pour fatiguer aultruy, les laissant après
suranner, nous permectons aux inthimés de reproduire ces lettres
surannées pour en obtenir esdictes audiances renvoy avec despens. Et
pour ce que, à audiancer lesdictes causes et matières de peu d'Impor-
tance, le nombre de noz conseilllers audict siège n'est pas nécessaire
comme il a de coustume d'estre es aultres causes plus importantes,
nous donnons pouvoir et authorité par cesdictes présentes au lieutenant
général audict siège du bailliage, ou en son absence à celuy des conseil-
llers dudict siège qui aura à le représenter, de tenir au jour susdict
lesdictes audiances, à l'assistance de deux autres conseilllers dudict
siège au moins, et appelle avecq eulx le greffier d'iceluy, voulant que
les sentences et jugements qui seront par eulx rendus ez cas susdictz
soient de pareille force et vertu que sy ilz avoient esté rendus ledict
siège revestu du nombre accoustumé (2).
Il est bon d'observer que chaque semaine, à côté de ce
jour réservé aux plaidoiries verbales, il y en avait un autre
pour les procès par écrit ; les gens du bailliage ont soin de
le rappeler dès 1590 dans une supplique qu'ils adressent à
révoque pour obtenir d'être payés plus régulièrement.
Ceci nous amène à rechercher quels pouvaient bien être
leurs appointements, ou, comme on disait alors, sans que
l'expression choquât personne^ leurs gages, et nous éten-
drons cette recherche à tout le haut personnel de Tévôché
de Metz pour trouver des points de comparaison: le bailli,
qui portait en même temps les titres de gouverneur et
surintendant de Tévêché, et dont les fonctions étaient à la
fois judiciaires, administratives et militaires, touchait par
an 600 fr. de Lorraine (3) ; le trésorier général de l'évêché
recevait aussi 600 fr., le chancelier de l'évêché 400 fr., le
procureur général et le lieutenant général au bailliage
(1) Les lettres de bailli ou commissions sont des sentences provisoires
rendues par les baillis, ce qu'on nomme aujourd'bui les ordonnances
de référé {Mém. Àcad. Stanislas,. 1868, p. LXXIX).
(2) Sentences Vie, 1606, fol. 102 V.
(3)/ftid., 1620, fol. 161.
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288 ALPHONSE DE RAMBERVILLEKS
30Q fr. chacuD, le substitut au procureur général 50fr.
seulement (1). Quant aux simples conseillers au bailliage,
ils sont payés, non pas en argent, mais en nature ; et,
comme Vie est au centre de salines dont beaucoup appar-
tenaient à 1 evêché (2), chacun d'eux reçoit par an un muid
de sel; le greffier du bailliage reçoit également un muid
par an (3). Loin de se plaindre de ce mode de payement,
les conseillers réclament son maintien dans la supplique
de 1590 que nous venons de citer, et protestent contre les
agissements du trésorier épiscopal qui prétend les payer
en argent et leur allouer 30 fr. par an, ce qui au cours
actuel, disent-ils, n'est que le prix d'un demi- muid. Et
révoque, par ordonnance du 23 décembre 1590, décide que
le payement continuera à se faire en nature (4).
Ce traitement fixe ne pouvait, on le conçoit, suffire aux
magistrats du bailliage, et il s'y joignait une sorte de
casuel, les épices. En France, lesépices avaient été taxés
dès 1502 (5) ; nous ne connaissons pas dans Tévôché de
Metz de taxes semblables (6), nous voyons seulement que
{i) Ibid., 1609, fol. 193-195, 240, 248.
(2) En 1637, les deux salines de Moyen vie et de Marsal rapportent à
l'évêque 400 muids de sel (Ibid., 1633-38, fol. 336.
(3) iôid., 1606, jfol. 218 ; 1609, fol. 196 V ; 1607, fol. 1 W- Stemer, dans son
Traité du département de Metz, Metz, 1756, in-4, p. 124, nous apprend
que le muid en usage à Vie est de 280 pintes. Comme la pinte valait
généralement 1 litre 22 dans notre région {M. S. A. L., 1884, p. 38,39),
le muid correspond donc à 341 litres 60.
(4) /frtd., 1591,fol. 5. — La môme personne peut cumuler deux
charges et deux traitements : ainsi, en 1609, Charles de Berry e^t à la
fois trésorier général de l'évéché avec 600 fr. et conseiller au bail-
liage avec le muid de sel (Ibid., 1609, fol. 195\
(5) Par règlement du 18 mai 1502, dit Guyot, Répertoire universel
et raisonné de jurisprudence, t. Vil (1784), in-4, p. 50.
(6) Plus lard, par règlements du 15 février et du 1" juillet 1637,
l'évêque fixera les rétributions dues aux greffiers et aux sergents pour
leurs opérations (ibid., 1633-38, fol. 225 v° et 284 v»), mais ceci n'a
rien de commun avec les épices dues aux juges — A défaut d'un ren-
seignement précis, nous pouvons faire une induction : au xvi' et au
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS ^80
le 15 avril 1598, révoque en régla ainsi la répartition entre
les intéressés :
Sur les remonstranoes qui nous auroient esté cy devant faictes de la
part de noz chers et féaulx les lieutenant général et conseilliers au
siège du bailliage de nostre évesché de Metz estably à Vie, de ce que
les deniers qui se payent par les partyes litigantes audict siège pour
leurs espices et sallaires se mectant comme l'on a faict dans une
boitte commune dont l'ouverture ne se faict qu'une fois l'an, ce qui s'y
trouve se distribuant à cbascun des dictz conseilliers par esgalle portion,
ceux qui rendent peu d'assiduyté audict siège, et n'assistent à la déci-
sion et vuidange des procès, se trouvans au jour de l'ouverture de
ladicte boitte, prennent autant d'esmolumens que ceux qui journelle-
ment vacquent à l'administration de la justice, nous ayant par mesme
moyen faict supplyer y vouloir ordonner telle provision que nous
trouverions raisonnable ; après avoir le tout bien et meurement consi-
déré, et recognoissant qu'il n'est raisonnable que ceux qui n'apportent
point de subjection audict siège y prennent autant de drois et émolu-
mens que ceux qui y sont assiduellement ; pour ces causes, et affin de
donner plus d'occasion à nosdictz conseillei s d'apporter la subjection
qui est requise pour l'advancement des procès, de l'advis des gens de
nostre Conseil, avons dict et ordonné, disons et oi*donnons par ces
présentes que doresnavant, et à commencer du jour de la publication
de ceste nostre présente ordonnance, tous les deniers prouvenantz
desdictes espices et taxes des procès seront distribuez et délivrez par
esgalle portion, dans huictaine après la prononciation des sentences et
jugementz, entre les conseilliers qui auront esté présens et assistans,
sans que les absens y puissent participer, desqueiz deniers les procu-
reurs des partyes obtenans gain de cause seront responsables en leurs
propres et privez noms, pour en faire la paye dans ladicte huictaine,
à peine de prompte exécution (1).
Tous ces officiers prêtent serment de bien remplir leur
office ; le bailli, le trésorier, le chancelier, le procureur
général, le lieutenant général entre les mains de Tévôque
lui-même, les simples conseillers entre les mains du bailli
xvn" siècle, on voit constamment de fort petites gens soutenir des
procès au bailliage de Vie ; c'est donc que les frais de justice étaient
très faibles, ou que les plaideurs pauvres en étaient dispensés.
(1) Sentences Vie, 1598, fol. 111 V.
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^90 ALPâONSE 1)E RAiifBERVILLERS
OU du lieutenant général, et d'habitude mention est faite
dans le registre, en marge du feuillet où est transcrite la
lettre de nomination, que cette formalité a été accom-
plie (1). Voici la teneur du serment prêté par le bailli :
Je jure et fais bon et loyal serment à Dieu et à monsieur le révéren-
dissime évesque de Dardanie, suffragant et administrateur de Tévesché
de Metz, sur les sainctes Evangiles que présentement je touche, qu'en
Testât et office de bailly dudict évesché duquel je suis pourveu par
mondict sieur, je m'y gouverneray sagement, prudemment et fidelle-
ment selon mon pouvoir ; qu'au siège du bailliage je jugeray touttes
affaires, causes et procès meus et à mouvoir selon le droict, équité,
ordonnances, status et louables coustumes du pays, sans avoir esgard
ny aucun respec à parenté, amitié ou inimitié, dons, proffictz et émo-
lumentz ny utilité quelconque, du riche non plus que du pauvre ; que
je ne donneray conseil, faveur, aide ny support en sorte que ce soit aux
partyes litigantes par devant moy, ne communicqueray ny révéleray à
personne, quelle elle soit, ce qui sera dict, traicté, conclud, arresté,
ordonné et jugé, tant au Conseil privé qu'audict siège, qui puisse
apporter préjudice à monseigneur mondict sieur, aux délibérantz ou
aux partyes, soit avant ou après sentence, décret ou ordonnance don-
nées. Pareillement je jure et promès soubz le mesmo serment que je
seray bon et loyal serviteur à mondict seigneur et à mondict sieur
pendant son administration en la charge de gouverneur et surintendant
dudict évesché ; que je soustiendray et advanceray de tout mon pouvoir
fidellement le bien, honneur, profiQct, authorité et grandeur de mondict
seigneur et de sondict évesché, le tout sans fraude ny déception (2).
On a dû remarquer que les différentes pièces que nous
avons transcrites ou citées dans les pages précédentes sont
toutes rédigées en français. Il en est ainsi pour tous les
documents provenant du bailliage de Vie, à Tépoque que
nous étudions : le français était la langue officielle, on
peut dire unique, de cette juridiction. Pas un mot de latin,
quoiqu'on fût en terre d'Eglise, et pas un mot d'allemand,
(i) lbi<L, 1609, fol. 193-196,240.
(2) Sentences Vie, 1620, fol. 161 V. — Au chapitre suivant, nous
donnerons le serment prêté par Alphonse de Rambervillers comme
lieutenant général.
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ALPHONSE bË HAMBëRVILLëRS 29l
bien que cette langue fût seule parlée dans une partie du
temporel de Tévêché. Depuis la mort de Georges de Bade
en 1484, tous les prélats qui s'étaient succédé sur le trône
épiscopal de Metz avaient été français, sinon de nationalité,
car plusieurs venaient du duché de Lorraine, du moins de
langue et d'éducation, et ils avaient fait prédominer notre
idiome. Lès dignitaires de Tévôché, les conseillers du bail-
liage ont tous des noms bien français, et si quelques-uns
savaient sans doute l'allemand, cette langue ne devait pas
être leur langue maternelle. Ceci n'était pas sans causer
quelque gêne, sans retarder parfois le cours de la justice :
en 1595, Thomas Kœnigsdorfer, châtelain à Vellange, qui
a un procès avec les habitants de Puttelange devant le
bailliage de Vie, est obligé de demander un délai pour
présenter sa défense, parce que, dit-il, il est « ignorant de
la langue françoise » (1).
***
L'organisation judiciaire et administrative dont nous
venons d'esquisser les grandes lignes était, semble-t il,
encore assez récente à l'époque envisagée. En 1554, les offi-
ces de chancelier et de lieutenant général étaient toujours
réunis sur une seule tête (2) ; les offices de procureur
général et de trésorier général furent créés dans le courant
du XVI® siècle (3). Vers le milieu de ce siècle, les sentences
du bailliage sont rendues par un nombre de juges assez
élevé, treize ou quatorze: le chef s'appelle lieutenant; les
autres sont dénommés maires, échevins, etc., sans que le
titre de conseiller paraisse ; de môme le bailliage n'a pas
(1) Sentences Vie, 4595, fol. 101 v». — Vellange, aujourd'hui Villing,
ancienne Moselle, cant. Bouzonville. Il y a deux Puttelange, tous deux
dans l'ancienne Moselle, l'un cant. Cattenom, l'autre cant. Sarralbe.
(2) Sentences Vie, 15o2-o4, fol. 120.
(3) Indication donnée par A. Bourgeois dans les Positions de sa
thèse précitée.
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292 ALi>HONSE DE RAMBKRVILLEUÔ
de greffier, mais un clerc juré (1). Au temps où Alphonse
de Rambervillers exerce ses fonctions (1593-1633), les tâton-
nements sont finis, et le bailliage possède la composition
qu'il gardera jusqu'à la fin de l'ancien régime, et que Ste-
mer a brièvement décrite en 1756 (2). Il n'y a plus que
huit juges, dont Tun, comme il a été dit, est en même
temps greffier, et ils portent tous un titre pareil et plus
honorifique, celui de conseillers. Nombre de registres de
ces années donnent la liste des membres du bailliage
consignée sur leur feuillet de garde : ces listes sont uni-
formes, sauf les changements inévitables des noms des
titulaires (3). Les noms des hauts fonctionnaires de Tévôché
y figurent aussi, et parmi eux nous voyons paraître, en
1627, 1630, un nouvel emploi, celui de commis de bailli,
dont les attributions ne sont pas marquées. Ces person-
nages, si élevés soient-ils, sont considérés comme faisant
partie du bailliage, et y rendent à l'occasion des services :
ainsi, le trésorier, le chancelier, siègent aux audiences et
sont parfois nommés commissaires pour étudier une cause
et en faire rapport.
Les registres du bailliage nous montrent assez bien où
se recrutaient ces magistrats. Leurs origines étaient fort
diverses: les uns avaient commencé par être avocats au
bailliage, et c'est ainsi que débuta Alphonse de Ramber-
villers lui même (4). D'autres étaient pris dans le clergé et
recevaient un siège de conseiller sans perdre leur bénéfice
ecclésiastique : tels Didier Petit et Christophe Didelot,
(1) Sentences Vie, 4535-38, fol. 135; 1552-54, fol. 49.
(2) Loco cit., p. 123.
(3) Nous donnons plusieurs de ces listes en appendice. — Par excep-
tion, on voit neuf conseillers en 1617, et jusqu'à onze en 1633 ; c'est
sans doute parce que des remaniements ont eu lieu dans le cours de
l'année, et qu'on a ajouté les noms des nouveaux conseillers sans
effacer ceux des anciens.
(4) Deux avocats deviennent conseillers en 1633 (Sentences Vie, 1633-
34, fol. 98 vMll).
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▲tPHONSE D£ RAMBËRVlLLEtiS 2d3
curé de Vie, Pierre Ytain, doyen de la collégiale de Vie,
Hugues de La Coste, promoteur de rofficialité diocésaine à
Vie (1). D'autres enfin s'étaient fait connaître et apprécier
dans divers emplois administratifs : c'est ainsi que devien-
nent conseillers au bailliage noble homme David Bour-
guignon, Paul Richard et Jean Martin, tous trois maires
de Vie, noble homme Jean Tri plot, gouverneur des salines
de Salone, noble Jean Dietreman, gruyer de Vie, Albes-
trofï, La Garde et Fribourg, enfin, ce qui est plus curieux,
Humbert Gilles, ancien « modérateur des écoles » de
Vie (2). Les laïques comme les clercs cumulaient parfois
Tancienne place et la nouvelle : par exemple, Nicolas
Guerrard était à la fois conseiller au bailliage et clerc juré
de la justice locale de Vie ; Jean Dietreman, nommé plus
haut, resta gruyer après sa nomination ; Jean Coignet
réunissait les trois places de conseiller au bailliage,
apothicaire et valet de chambre de l'évoque; enfin
Jean Aubertin, chancelier de Tévêché, était en même
temps garde du sceau du tabellionnage de la chàtellenie
de Vie (3). Il y eut sans doute alors bien d'autres cas de
cumul que ceux-ci, mais qui n'ont pas laissé de traces
écrites. Cette pratique du cumul permettait de n'affectera
chaque charge qu'un traitement fort modique, et de
n'avoir, contrairement aux apparences, qu'un assez petit
nombre de fonctionnaires ; en retour, elle obligeait à ne
pas être exigeant sur l'instruction professionnelle des
magistrats : beaucoup des conseillers dont il vient d'être
(1) Sentences Vie, 1583-84, fol. 113; 1633-38, fol. 169 bis, 236; 1614,
fol. 4 V.
(2) Ibid, 1595, fol. 52 v% 142 V; 1606, fol. 217 v»; 1609, fol. 240 V ;
1588, fol. 105 V ; 1614, fol. 4 V.
(3) Ibid., 1565-66, fol. 105 ; 1621, fol. 4 ; 1579-80, fol.14; 1587, fol. 7. — Cette
charge lucrative est donnée le 16 janvier 1587 à Jean Aubertin, sa vie
durant, et après lui à son fils Siméon, pour le récompenser de^ bons
services qu'il a rendus à l'évêque, spécialement en allant en Allemagne
mener des négociations ou prendre part à des diètes impériales.
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294 ALPHONSE DE RÀlSiBEHViLLERS
question ne devaient pas avoir fait d'études de jurispru-
dence, et un autre conseiller, Humbert Gilles, n'était
certainement pas non plus gradué en droit, puisque sa
nomination mentionne son titre de maître es arts, sans
plus (1).
Au bailliage de Vie, les fonctions d'avocats et de procu-
reurs étaient réunies dès le xvi® siècle, et le sont encore
au XVIII®, quand Stemer en parle. Leur entrée en charge
était entourée de certaines formalités et consignée sur le
registre de Tannée. Voici l'une de ces inscriptions:
Du mercredy 2* décembre 1598.
Maistre Jean Le Changeur a esté reccu au nombre et rang des advo-
cats de ce bailliage, suivant la rescription de honnoré seigneur Jean
de Porcellets, seigneur de Maillanne, etc., bailly et superintendant de
l'évesché de Metz, avec l'adveu du sieur procureur général et consen-
tement des sieurs lieutenant général et conseiliiers dudict bailliage ;
et à cet effect a preste le serment ordinaire des advocats qui se reçoib-
vcnt au Conseil d'iceluy bailliage (2).
Parmi ces avocats, plusieurs étaient nobles, comme
Alphonse de Rambervillers, qui débuta parle barreau, et
dontlanoblesseavaitunedatedéjàancienne; d'autres étaient
anoblis après leur entrée en fonctions, et à raison des ser
vices qu'ils y avaient rendus, comme Jean Drouart que ses
lettres de noblesse, datées du 16 juillet 1617, louent d'avoir
étudié le droit aux Universités de Pont-à-Mousson et de
Toulouse, et d'avoir toujours exercé au contentement des
juges et de ses clients (3). Il faut bien dire que les juges
n'étaient pas également contents de tous les avocats : plu-
sieurs de ceux-ci se laissaient aller à des violences de
langage, inséraient dans leurs plaidoiries des « trais
piquans, aigres et satiriques », ce qui dénotait « irrévé-
(!) Ibid., 1593, foL 4.
i2)lbid., 1598, fol. 179.
(3) Ihid,,' 1613-23, fol. 158.
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ALPHONSE DE RAMBEKVILLERS 295
rance du siège de justice ». Le bailliage fut obligé de leur
prescrire, sous des peines assez graves, de plaider « modes*
tement, révéremment, et avec respect» (1).
Il y a peu à dire des notaires, qui du reste entretenaient
avec le bailliage des rapports moins directs que les
avocats: dans une ordonnance du 31 juillet 1633 qui crée
des notaires dans les châtellenies de Hombourg et de Saint-
Avold, révêque de Metz expose que pour assurer la bonne
rédaction des contrats, ses prédécesseurs ont, il y a environ
60 ans, érigé dans chaque châtellenie de leurs domaines un
tabellionage en titre d'office, et il rappelle les bons résultats
de cette création(2). L*annéesuivante,révêque instituait un
garde-notes résidant à Vie, qui devait conserver les regis-
tres des notaires décédés de tout le temporel (3).
Enfin, le bailliage comptait un certain nombre de sfr
gents, que nous appellerions aujourd hui des huissiers,
qui prêtent serment et versent caution. Pour eux aussi le
cumul est en vigueur : Tun est messager à cheval du bail-
liage ; deux autres ont le titre de messagers ordinaires de
révôché et touchent des gages assez élevés, 103 fr. 4 gr.
de Lorraine par an ; Jacques Chamant, clerc d'Alphonse de
Rambervillers, alors lieutenant général, devient sergent
au bailliage en 1609 (4). Quelques règlements insérés dans
(1) Voir le texte de ce règlement de 1594 dans B. S. À. I., liK)6,
p. 2^. — Voici l'indication de deux autres règlements relatifs au métier
d'avocat-procureur : en janvier 1587, le bailliage ordonne aux procu-
reurs de faire inventaire de leurs pièces (Sentences Vie, 1587, fol. 14 v");
le 8 novembre 1614 le Conseil privé de l'évéque décide que les requêtes
devront être signées des avocats, ilbid.^ 1614, fol. 184.)
(2) Ibid., 1633-38, fol. 224. — Le notaire nouvellement installé prête
serment entre les mains du lieutenant général du bailliage u de bien,
dheuement et fidèlementconcepvoir et rédiger par cscript les contractz
que les parties stipuleront par devant luy ». (i&2d.,1588, fol. 88.)
(3) Ordonnance du 10 novembre 1634. {Ibid., 1633-34, fol. 245).—
Dans le duché de Lorraine, les gardes-notes avaient été établis dès le
2 avril 1619 (François de Neufchateau, Anciennes ordonnances de
lorraine, t. 1, p. 164).
(4) Sentences Vie, 1613-23, fol. 167 vo ; 1609, fol. 248-250.
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296 ALPHONSE DE RÂMBERVILLERS
les registres des sentences visent l'exercice de leur
profession : celui de 1583 leur enjoint de garder une copie
des commissions qui leur seront remises, et de se compor-
ter modestement en leurs exécutions; celui du 14 mars
1627 taxe les frais de ces exécutions ; celui du 4 décembre
1638 les oblige à s'acquitter sans délai des commissions
qu'ils reçoivent (1).
L'espace d'environ un demi-siècle que nous venons
d'étudier est le beau moment du bailliage de Vie : ce
tribunal est déjà arrivé à son plein développement, son
organisation devenue stable et régulière ; et, d'autre part,
il n'est pas encore limité et amoindri par la création de ces
envahissantes justices royales qui achèveront la réunion
à la France des Trois-Evôchés commencée par la force des
armes. En janvier 1633, sera créé le parlement de Metz qui
attirera à lui les appels des autres juridictions ; l'année
suivante, on essayera môme d'établir à Vie un bailliage
royal, à côté du bailliage épiscopal, et en opposition avec
lui (2). Combien était moins gênante la Chambre Impériale
de Spire, à laquelle les plaideurs obstinés eux-mêmes
n'appelaient qu'assez rarement, parce qu'elle était plus
loin, et en pays de langue allemande (3) !
{i)lbid., 1583-84, fol. 23 v% 37 V; 1627, fol. 153 v- ; 1633-38, fol.
423 V.
(2) Lepage, Statistique de la Meurthe, t. Il, p. 603
(3) En 1607, des bourgeois de Toul se plaignent qu'il faille traduire du
français en latin les actes que l'on envoie à Spire ; de plus, disent-ils,
les procédures de cette cour sont « longues et immortelles». (Pimodan,
La réunion de Toul à la France, Paris, 1885, iti-8, p. 364.)
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CHAPITRE II
Alphonse de Rambervillers jusqu'à sa nomination
de lieutenant général.
Comme Ronsard, Du Bellay, Baïf et autres poètes fran-
çais du xvi® siècle, le poète lorrain Alphonse de Ramber-
villers était de bonne et ancienne noblesse : sa famille
avait pris le nom de la petite ville, dépendant alors de
révêché de Metz, dont elle possédait la vouerie. On trouve
des Rambervillers dès le début du xii* siècle (1); mais, avec
la fin du XIV® seulement, on reconnaît qu'ils appartiennent
bien à une même famille, et, quand il obtiendra confirma-
tion de sa noblesse en 1617, Alphonse n'établira sa filia-
tion qu'à dater de 1383. Deux siècles de noblesse authen-
tique, c'était encore assez pour faire de lui le rejeton d'une
race sélectionnée et affinée, d'autant plus que, de bonne
heure, à côté des hommes d'épée, on voit dans cette mai-
son nombre d'hommes de plume : ecclésiastiques, magis-
trats, officiers municipaux, qui, même avant le début de
la Renaissance, devaient avoir quelque inclination aux
plaisirs de l'esprit (2).
Essaimant dans toute la région mosellane par-dessus les
frontières politiques, qui du reste à cette époque étaient
un si faible obstacle, cette famille eut assez tôt une de ses
branches fixée à Toul : Mengin de Rambervillers était pro-
cureur général de l'évèchéde Toul dans la première moitié
du XV® siècle; son fils, Nicolas-Mengin, devint maître-
(1) Léon Germaix, dans B. S. A. t., 4904, p. 78 : un acte de 1187 nous
fait connaître Thierry, voué de Rambervillers, et nous montre l'an-
cienneté de cette charge.
(2) Voir ibid. la liste des Rambervillers connus qu'a dressée M. Léon
Germain.
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298 ALPHONSE DE IlAMBERVILLERS
échevin de la ville (1). Enfin, au siècle suivant, Claude de
Rambervillers, écuyer,fut procureur général, non plus de
révèché, mais de la cité de Toul ; il avait du goût pour les
lettres et écrivit en latin divers ouvrages qui restèrent
inédits (2) ; il épousa Marguerite Boileau (3), et de leur
union naquit celui qui est l'objet de cette étude.
Dès le début, la vie du futur poète présente des obscu-
rités : si nous sommes certains qu'il est né à Toul (4), nous
ignorons en quel jour et quel mois, et nous ne sommes
même pas bien sûrs de Tannée. Il n'y a pas à les chercher
dans l'état civil de Toul, dont les plus anciens registres
ne remontent qu'à 1593. En 1749, un avocat d'Epinal,
H.-A. Regnard, qui par sa grand-mère descendait delà
famille de Rambervillers, envoya à dom Calmet, pour
servir à la préparation de sa Bibliothèque lorraine (qui
paraîtra en 1751), un Mémoire instructif sur l'histoire de
la vie de M, Alphonse de Ramberciilers (5) : il ignorait
(1) B,S. A. I., 1904, p. 81, 83.
(2) Son fils Alphonse les conserva pieusement, et les mentionne dans
son testament.
(3) De Braux, dans /. S. A. I., 1899, p. 197. — Un ms. de la Biblio-
thèque de SaintDié que nous allons citer appelle cette dame au
(ol. 54 Marguerite de Bribreau, et sur une pièce intercalaire entre les
fol. 53 et 54 Catherine de Bribseau. Un certain Mengin Boileau, fils de
Thomas, fut anobli en 1437 par Isabelle, duchesse de Lorraine (dom
Pblletibr, Nobiliaire de Lorraine, p. 61), armas : de gueules à 5 be-
sants d*argent, en chef un lambel et en pointe une étoile de même ;
il reconnaît en 1441 tenir du duc de Lorraine les fiefs de Gondreville,
Dombrot et Dommartin-sous-Amance (Arch. M.-et-M., B. 641, n* 24).
Nous ne savons si Marguerite Boileau ne se rattache pas à cette famille
noble. — Quant à Claude de Rambervillers, en 1586, il est ou mort ou
en retraite, car son neveu Regnault Du Pasquier lui succède dans sa
charge de procureur général de la cité de Toul. Voir les Mémoires de
Jean Du Pasquier, Toul, 1878, in^, p. 29.
(4) Dans son testament, il léguera 25 fr. à la cathédrale de Toul,
parce que, dit-il, cette ville est celle de sa naissance.
(5) Ce Mémoire est actuellement relié aux fol. 54 à 57 du ms 80-VII
de la Biblioth. de Saint-Dié, ms. qui ne figure pas au Calai, de cette
Biblioth. publié en 1861. Il a été signalé en premier lieu par Gaston
Save dans la Lorraine artiste de 1893.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 299
déjà la date exacte, et se contente de dire qu'Alphonse
naquit à Toul vers 1552. Autant que cette date, nous aime-
rions savoir les noms des parrains de Tenfant : ils expli-
queraient peut-être ce prénom d'Alphonse qui lui fut
donné, et qui paraît avoir été inusité en Lorraine au
moyen âge et au xvi* siècle (1).
La jeunesse d'Alphonse nous serait tout à fait inconnue,
comme les circonstances de sa naissance, s'il ne nous
apprenait lui-même, dans la première de ses lettres à Pei-
resc, qu'il fit son droit à Toulouse, où il eut entre autres
professeurs Roaldès, et parmi ses condisciples Guillaume
Du Vair, qui devait être plus tard garde des sceaux de
Louis XIII, et où il prit le bonnet de docteur en l'un et
l'autre droit (2). Il ne dit pas pourquoi ses parents l'en-
voyèrent si loin achever ses études, mais il ne pouvait
alors les terminer en Lorraine : l'Université de Pont-à-
Mousson ne fut fondée qu'en 1572, installée qu'en 1574, et
la faculté de droit ne s'ouvrit que plus tard encore, en
1582. Nous le perdons ensuite de vue jusqu'en 1587, où
nous le trouvons avocat-procureur au bailliage de Vie, Il
était appelé là par son oncle, Eucaire deRambervillers(3),
(1) Il n'est, ni dans la liste des prénoms usités à Metz, donnée par
Lorédan Larchey à la suite du Journal de Jean Aubrion, p. 501, ni
dans Les noms de personnes d'une ville lorraine par le d' Fournier
{Annales Soc. émul. Vosges, 1902). On sait que saint Alphonse, honoré,
le 23 janvier, fut évoque de Tolède au vu* siècle, et que son nom,
comme il est naturel, a eu surtout de la vogue en Espagne. Faut-il
supposer que quelque personnage espagnol passant ou séjournant à
Toul aura servi de parrain à l'enfant ? La Lorraine séparant deux
possessions espagnoles, la Franche-Comté et les Pays-Bas, était souvent
parcourue par des hommes de cette nation..
(2) Ch. Urbain, Un amateur lorrain, p. 16. — Dans sa thèse sur
Guillaume Du Vair, Paris [1908], in-8, M. Radouant écrit, p. 24 : « il
n'est pas douteux que Du Vair dut faire à Paris môme ces études juri-
diques «.Devant l'affirmation si nette d'Alphonse, ceci devient plus que
douteux. Du Vair était un peu plus jeuue que son condisciple lorrain •
son épitaphe le fait naître le 7 mars 1556.
(3) D'après M. de Braux, Eucaire était l'alné de trois frères ; le
second, Hugues, fut prévôt de Liverdun; Claude, le père d'Alphonse,
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300 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
qui y avait fait une brillante carrière : lui aussi avait
commencé comme procureur à Vie, et il est cité avec cette
qualité dès 1566 (1), puis il était devenu fonctionnaire
épiscopal, d'abord comme procureur général de Tévôché
de Metz (2), puis comme lieutenant général du bailliage et
membre du Conseil privé de l'évêque (3). C'est sans doute
alors qu'il occupait déjà cette haute situation, que son
jeune neveu vint s'installer à Vie et y débuter comme
avocat.
# *
Il semble que Vie devait être une triste résidence pour
un jeune homme qui avait fait ses études dans la grande
et brillante ville de Toulouse, qui était enthousiaste de
beaux-arts et de belles-lettres, composait des vers, peignait,
collectionnait les médailles et les objets antiques, éprou-
vait en un mot toutes les préoccupations intellectuelles si
variées de la Renaissance finissante. Vie est aujourd'hui
est le plus jeune (/. S. A. I., 1899, p. 196-7). Les Sentences de Vie de
1572-73, fol. 138 v% mentionnent noble écuyer Hugues de Ramber-
vilJers, demeurant à Rambervillers, mais ne renseignent pas autre-
ment sur lui.
(1) Sentences Vie, 1565-66, fol. 145. — Eucaire est mentionné encore
dans les registres des années suivantes, en particulier dans celui de
1572-73, où son nom parait à chaque feuillet. C'est lui sans doute qui a
écrit une longue lettre datée de Vie et du 24 janvier 1576, n. st., signée
de Ramberviller sans prénom, et adressée au comte Paul de Salm,
premier gentilhomme du duc de Lorraine, pour le renseigner sur ses
droits au ban de Gosselming, cant. Fénétrange (Arch.de M.-et-M.,R.
946, n- 32 )
(2) Au plus tard en décembre 1580, car il est mentionné alors avec
cette qualité dans le registre de 1579-80, fol. 194.
(3) Au plus tard en avril 1586, puisqu'on trouve alors un ordre
donné par lui, es qualités de lieutenant général, au premier sergent
du bailliage (Arch. de M.-et-M., H. 617). Il est qualifié pour la première
fois de conseiller de l'évêque dans le registre de 1588, fol. 6J. —
: Eucaire devait s'appeler aussi Balthasar, car une analyse de l'inven-
taire de Dufourny (B. N., ms. fr. 4884, p. 8941) cite une commission
du 19 avril 1587 donnée par Balthasar de Rambervillers, lieutenant
général.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 301
une petite ville dans toute la force du mot, simple chef-
lieu de canton, dont la population dépasse à peine
2000 habitants, sans animation, sans importance adminis-
trative ou économique, sans vie de Tesprit, toute de sou-
venirs; mais au temps d'Alphonse de Rambervillers, Vie
était à la tète d'un petit état féodal quasi indépendant, dont
rétendue égalait presque celle d'un département français
moyen. Nous n'essayerons pas d'évaluer sa population, les
éléments faisant défaut, et ce genre de calculs exposant
toujours à de graves erreurs ; mais son importance relative
est indiquée par ce fait que, le moulin banal ne suffisant
pas à la fournir de farine, Tévôque permit en 1596 à son
secrétaire, Adrien Poynet, d en bâtir un autre, qu'il lui
inféoda en fief noble et perpétuel (1). Nous avons dit ce
qu'était le bailliage épiscopal de Vie ; à côté de lui fonc-
tionnent d'autres rouages administratifs : c'est à Vie que
se réunit, sinon toujours, du moins fréquemment, le Con-
seil de l'évêque de Metz ; on le voit y siéger entre autres le
4 avril et le 19 septembre 1579, le 4 juillet 158H, le 11 août
et le 8 novembre 1614, le 10 mai 1615 (2). En 1562 se tient
à Vie un synode général du diocèse de Metz où viennent
300 ecclésiastiques (3). Les Etats du temporel s'y rassem-
blent également, par exemple en 1599, 1623, et, dans ce
cas, le prieur de Saint Christophe de Vie a le droit et le
devoir d'y assister, ce qui indique que ce lieu de réunion
était alors assez habituel (4). Les évêques de Metz frappent
monnaie à Vie, comme l'avaient fait autrefois les rois
d'Austrasie, et en 1624 encore, Henri de Bourbon- Verneuil
y émet une monnaie d'or (5) ; ils y résident aussi et, à l'épo-
(1) Sentences Vie, 1598, fol. 66, 68 v».
(2) Sentences Vie, 1579-80, fol, 14, 15, 40 ; 1583-84, fol. 120; 1614, fol.
162 v% 184 ; 1613-23, fol. 85 V.
(3) Histoire de Metz, t. III, p. 82.
(4) M. S. A. L., 1869, p. 533-534 ; Areh. de M.-et-M., B. 1429, fol. 248.
(5) LiPAGE, Statist. Mevrthe, t. II, p. 606.
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302 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
que qui nous occupe, ces séjours des évoques sont fré-
quents, parce que des conflits avec les gouverneurs français
de Metz les forcent, comme autrefois la turbulence bour-
geoise, à éviter cette dernière ville : le cardinal de Givry,
qui fut évêque de 1608 à 1612, et qui soutint contre le duc
d'Ëpernon une âpre lutte pour l'indépendance de son tem-
porel, passa les dernières années de sa vie à Vie, et embel-
lit le château épiscopal et son parc ; Coêffeteau, qui fut
suffragant du diocèse de 1617 à 1621, y habita à plusieurs
reprises (1). Tout aboutit à Vie et tout en part : on y porte
les comptes des nombreuses châtellenies épiscopales, qui
y sont vérifiés par la Chambre des Comptes, et quand,
dans une de ces châtellenies, doit avoir lieu une exécution
capitale, on s'adresse à Vie où réside le bourreau, et on le
fait venir assez loin, à Rambervillers, par exemple, pour
remplir son office (2).
Aussi Vie était avant tout une ville de fonctionnaires où
habitaient nombre d'hommes distingués et instruits avec
lesquels un lettré, comme Alphonse de Rambervillers,
pouvait avoir des relations attrayantes: nous avons vu
quel personnel multiple vivait dans le bailliage et autour
du bailliage ; à côté de cette juridiction laïque existait une
juridiction ecclésiastique, rofficialité ou cour spirituelle
de Vie, sur laquelle nous savons peu de choses, et qui
devait avoir elle aussi un personnel de quelque impor-
tance (3) ; puis, une juridiction inférieure, celle de la
châtellenie de Vie, dont les juges ne percevaient qu'un
(1) Ch. Urbain, Nicolas Coêffeteau, Paris, 1893, in-8, p. 96. — 11 y
vint par exemple le 24 février 162:2 pour la fondation du couvent des
dominicaines.
(2) Inventaire Sommaire des archives des Vosges, G. 2557, 2565, 26(^.
(3) Par mesure d'économie, elle l'empruntait en partie à une justice
voisine : ainsi, Jean Virion est à la fois échevin de la justice locale, et
greffier de l'officialité (Sentences Vie, 1606-12, fol. 108) ; Tofficial lui-
même est souvent le curé de Vie.
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ALPHONSE bE ÎIAMBERVILLERS 3Ô3
demi-muid de sel (1), moitié moins que ceux du bailliage,
mais ne devaient pas être moins considérés que ceux-ci,
car ils y passaient assez fréquemment par voie d'avance-
ment, et plusieurs d'entre eux possédèrent la noblesse, ou
bien la reçurent à raison de leur charge (2). Nobles aussi,
la plupart des maires de Vie, dont quelques uns sont en
même temps conseillers au bailliage (3). La présence de
cette juridiction supérieure assure à Vie plusieurs notaires
ou tabellions, alors que chaque autre châtellenie n'en pos-
sède qu'un seul (4), et la réunion dans cette ville d'une
nombreuse population bourgeoise lui vaut un corps médi-
cal sérieux : nommons les médecins Jean de La Piconne,
qui reçut en 1620 de l'évêque de Metz des lettres de
noblesse (5); Claude Ginet, un nancéien, docteur non
seulement en médecine, mais aussi en philosophie, dont
Alphonse de Rambervillers était l'ami et sans doute le
client, et sur lequel nous reviendrons (6); noble Dominique
(1) Registre de la justice locale de Vie, 1615-18, fol. 22.
(2) On trouve les noms de noble Claude Martin et de noble Domi-
nique Martiny, châtelains de Vie (Sentences Vie, 1615, fol. 2 v»; 1621,
fol. 142) ; par lettres du 25 avril 1598, l'évêque anoblit Jean Roydat,
maitre échevin en la justice locale de Vie depuis 12 ans ; ses armes
sont : un écu d'or à t hures de sanglier au naturel, la défense
d'argent embouchée de gueules en chef et en pointe, et en flanche
d'azur, à 8 gerbes de blé d'or, timbré de 8 éventoirs armoriés des
armes de Vécu, et au milieu une hure de sanglier au naturel, sup-
portée d'un armet morné d'argent, couvert d'un lambrequin aux
couleurs et métaux de Vécu, [Ibid., 1598, fol. 86 v).
(3) Noble Henri Pierson, maire de Vie (Ibid., 1583-84, fol. 126) ; noble
David Bourguignon, conseiller au bailliage, maire de Vie [Ibid., 1599,
fol. 8 V) ; noble Jean Martiny, conseiller au bailliage et maire de Vie
[Ibid., 1627, fol. 24).
(4) Nous relevons les noms de Jacquin Ferquel en 1576, Antoine
Poirson en 15S4, Adrien Poynet, jusqu'alors secrétaire de l'évoque,
nommé en 1588, à la place du sieur l>es Combles, Jean de Chaul-
denet nommé aussi en 1588, Didier Richier et Adam Chapelier en
1593, Nicolas Poirson en 1609.
(5) Publiées dans B. S. A. L. 1907, p. 64.
(6) Claude Ginet est encore mentionné en 1611. (Sentences Vie, 1606-
12, fol. 163 V). — Cf. le chap. IV.
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304 ALPHONSE D£ RAMBERVILLERS
Delosier, avec lequel il avait également des rapports affec-
tueux, puisqu'Alphonse fut parrain de sa fille en 1621 (1).
A côté d'eux exercent plusieurs chirurgiens (2) et apothi-
caires (3). Enfin, ce qui devait intéresser davantage une
homme passionné pour les beaux-arts et qui les pratiquait
lui-môme à l'occasion, Vie abritait des artistes et ouvriers
d'art : un peintre, Claude Dogoz, fixé à Vie dès 1611 (4),
qui y mourut en 1636, à 56 ans, avec le titre honorable de
peintre de Tévôque de Metz (5), un sculpteur, le sieur
Fiacre (6), enfin des orfèvres (7) qu'Alphonse de Ramber-
villers dut avoir plaisir à fréquenter, puisqu'il s'amu>
sait à émailler, et discutait volontiers sur la technique de
ce métier (8). Et n'oublions pas que Vie posséda quelque
temps un imprimeur, Claude Félix, auquel notre auteur
s'adressa en 1624 pour publier ses Actes de saint Livier, et
qui était l'imprimeur officiel de l'évêché de Metz (9).
(1) Etat civil de Vie.
(2) Mentions de Julien Bertrand en 1616, Jacques Tanneur en 1618,
Pierre Tazin en 1622, cette dernière dans l'obituaire de Vie. (Areh. de
M.-et-M., G. 896).
(3) Mentions de Pierre Cherron en 1599, François Âubertin et Thomas '
Leclere en 1620, Nicolas Baucourt en 1621.
(4) Sentences Vie, 1606-12, fol. 105, où on le nomme à tort Dogue ;
les textes cités dans les deux notes suivantes écrivent Dogoz.
(5) Voir son épitaphe publiée par Louis Benoit dans J. S. A. £.,
1873, p. 157.
(6) Ces deux artistes coopérèrent en 1633 à la construction d'un
maître- autel dans la collégiale Saint-Etienne de Vie : Fiacre reçut 900
francs de Lorraine pour la sculpture et la dorure, Dogoz toucha 300
francs pour la peinture du rétable. (Arch. de M.-et-M., G. 891, p. 24).
(7) Mentions de Guillaume Forget en 1573, Nicolas Thomas en 1577
et 1583, Claude Hannequel en 1633 (Ibid.^it. 19), noble Charles Roidat
en 1637.
(8) Voir ses lettres à Peiresc publiées par Urbain, dans Un amateur
lorrain, p. 31, 33, 39.
(9) Claude Félix imprima encore à Vie en 1626 un ouvrage du chirur-
gien Marion Rolland ; il se transporta à Metz en 1628, y devint impri-
meur de la ville et y mourut sans doute en 1646, lisons-nous dans une
plaquette s. 1. n. d. d'Arthur Benoit, V imprimerie à Vie au IVll^
siècle^ 2 pages in-8.
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ALPHONSE t)E RAMBERVILLERS 303
A Vie, les cadres ecclésiastiques n'étaient pas moins bien
remplis que les cadres judiciaires et administratifs. Cette
ville avait une seule paroisse, placée sous le vocable d'un
saint peu connu, saint Marien, et dont chaque curé joignait
àcettecbargeuneou deuxautres fonctions, officiai, chanoine
à la collégiale, conseiller au bailliage (1) ; mais on n'y
trouvait pas moins de cinq maisons religieuses fondées :
le prieuré bénédictin Saint-Christophe vers 1120, la collé-
giale Saint-Etienne avant 1212, le couvent des cordeliers
vers 1420, le couvent des capucins en 1613, le couvent des
dominicaines en 1619 (2). La collégiale était composée d'un
doyen et de douze chanoines (3); l'un de ceux-ci faisait fonc-
tion d'écolâtre et veillait sur les écoles de la ville dont le
maître avait le titre assez singulier de modérateur (4).
Enfin, un hôpital dont le « gouverneur » était un bour-
geois de la ville, remontait, comme la plupart des monas-
tères indiqués, au moyen âge (S). A proportion, Vie
(i) Voici la liste des curés de Vie au temps d'Alphonse de Ramber-
viilers : Didier Petit, mentionné dès 1577, meurt le 30 septembre 1591
(Arch. de M.-et-M., G. 896) ; il a pour successeur François Boucher,
natif de Verdun, qui meurt le 18 septembre 1617 (Ibid.) ; on trouve
ensuite Christophe Didelot, qui est, lui, chanoine du vieux Saint-Pierre
de Strasbourg (Sentences Vie, 1621, fol. 184 ; 1633-34, fol. 42 V).
(2) Après la mort d'Alphonse de Rambervillers s'établiront encore à
Vie deux autres couvents, celui des religieuses de la Congrégation en
1634, celui des Carmes en 1675. Cf. dans M. S. A. L., 1871, p. 200, une
étude de l'abbé Pierson, qui se trompe, en plaçant, d'après la Sta-
tisi. de la Meurthe la création de la collégiale vers 1240 : on a aux
Arch. de M.-et-M., G. 868, une charte s. d. de Bertram en sa faveur;
or cet évêque a occupé le siège de Metz de 1180 à 1212.
(3) Art. I des Statuts de 1526 {Ibid., G. 869) ; au xvil« siècle, ce
nombre sera réduit à six (Lepage, Statist. de la Meurthe, t. II, p. 604).
(4) Sentences Vie, 1593, fol. 85, 99. Le modérateur est alors Jean
Vincent, deux ans auparavant il s'appelait Humbert Gille (Ibid., 1591,
fol. 51 V») ; ce n'est qu'en 1747 que sera fondé à Vie un véritable collège
(Lepage, ibid., p. 603.)
(5) Il est cité dans un acte d'acensement du dimanche après l'octave
du Saint-Sacrement 1393 (Arch de M.-et-M., G. 882). Quand donc
Lepage, ibid., p. 604, parle de la fondation d'un hôpital en 1715, il faut
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306 ALPHONSE DE RAMBERVlLLEhS
n'avait pas moins d'établissements religieux que la ville
neuve de Nancy, dont on a pu dire que le duc Charles III
l'avait fondée pour des moines.
Et dans toutes ces maisons, comme dans la population
laïque elle-même, la vie religieuse était alors réelle et
intense, bien des faits rattestent : une confrérie du Saint-
Sacrement établie dans Téglise collégiale est mentionnée
dès 1581 (1). Cette collégiale bénéficie d'assez nombreuses
libéralités : en 1628, Didier Perrin, chanoine et officiai, y
fonde une solennité en Thonneur de saint Didier; elle
reçoit en 1620 un legs de 100 francs, en 1632 un legs de
1.200 pour construire ce maître-autel dont il a été ques-
tion plus haut (2). Renauld Liégeois, procureur général du
bailliage, et membre du Conseil privé de Tévéque, mort
avant 1599, avait laissé 240 francs à la paroisse, 600 à
rhôpital, 300 à la ville pour l'entretien d'une école (3),
fortes sommes pour le temps, et pour un pays où les
grosses fortunes étaient rares. On constate un réveil du
mysticisme: les pèlerinages de saint Christophe et du
bienheureux Bernard de Bade, qui se font d'ancienneté à
Vie, conservent toute leur vogue (4) ; à une lieue de là.
Salivai attirera des milliers de pèlerins en 1624, et une
profonde émotion secouera tout le pays au récit des
miracles qui s'y opèrent (5) ; une religieuse dominicaine
de Vie, morte en 1636, avait des visions (6).
entendre que, ruiné par les guerres du xvii» siècle, il a été alors
rétabli. En tous cas, il existait et fonctionnait au temps d'Alphonse,
car il est mentionné en 1617 par les Sentences de Vie 1613-23, fol.
155, qui donnent aussi le nom de son gouverneur, Jean Fournier.
(1) Arch. de M.-et-M., G. 889, fol. 16 \\
(2) Ibid., G. 896, aux 23 mai, M mars, 14 août.
(3) Sentences Vie, 1599, fol. 108 \\
(4) M. S. À. I., 1849, p. 70 ; 1862, p. 17-27.
/5) Voir le travail de M. René Harmand sur les miracles de Salivai
dans B.S.A. I., 1907, p. 190-19:).
(6) M. S. A. I., 1871, p. 208.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLëRS 30*?
Enfin, ce qui n'est pas moins significatif, la contre-réf or-
mation catholique qui opéra si puissamment dans toute la
Lorraine au début du xvii« siècle, faisait aussi son œuvre
à Vie : une mission qui y fut prêchée en 1620 par un
jésuite de Pont- à -Mousson eut des résultats durables en
amenant la conversion de beaucoup d'ivrognes et d'usu-
riers (1). Et, non contents de corriger leurs ouailles, les
clercs tâchent à se réformer eux-mêmes : à la collégiale
surtout, l'autorité est vigilante et sévère, et réprime des
manquements auxquels elle n'eût même pas fait attention
un demi-siècle plus tôt; elle punit un chanoine qui va à la
chasse, un autre qui est d'humeur hargneuse et a malmené
un de ses confrères ; elle prononce 15 jours de prison et
10 francs d'amende contre un troisième qui a logé chez lui
une fille de mauvaises mœurs ; le doyen même, Jacques
Hellot, qui est souvent absent et néglige ses fonctions, se
voitcondamnéà payer 400 francs d'indemnité(2). Alphonse
de Rambervillers, qui paraît avoir toujours été un
catholique très décidé, se fixait donc dans une ville pro-
fondément catholique. C'est sans doute dès le commence-
ment de son séjour à Vie qu'il a écrit, ou tout au moins
pensé et senti, les Dévots élancemens du poète chrestien, puis-
que la première édition de cet ouvrage est de 1600 ; c'est
alors certainement qu'il a composé l'épitaphe de Fouquet
de La Routte, le gouverneur ligueur de Marsal, tué en
1589 (3). Il n'est pas sans intérêt de constater que le milieu
où sont éclos ces vers de foi ardente vibrait à l'unisson
avec l'auteur.
*\
Mais la poésie ne fait pas tort au barreau, et le jeune
avocat au bailliage de Vie plaide continuellement : son
(1) Ch. Urbain, Nicolas Coëffeteau, p. 103.
(2) Arch. de M.-et-M., G. 890, p. 106, 110 bis, 114.
(3) PubUée par Aug. Digot, dans /. S. A. I., 1852, p. 118.
20
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308 ÀLPlÔONÔK DÉ RAMBBHVUXBRÔ
nom se lit à toutes les pages des registres du baillage, à
propos de rappel des affaires dont il est chaîné; cène sont
là d'ailleurs que de brèves mentions, les plaidoiries ne sont
pas transcrites ni même résumées, et rien ne nous fait
connaître la nature de son talent. Soit que ce talent fût
hors de pair, et fortifié d'une réelle science juridiqne, soit
que son oncle, lieutenant général du bailliage, le recom-
mandât aux principaux plaideurs, nous trouvons Alphonse
de Rambervillers pourvu presque toujours de causes
importantes, et défendant les intérêts de personnages
notables. Voici les noms de quelques-uns de ses clients :
dès 1587, Tannée, semble-t-il, où il se fixe à Vie, il plaide
pour le maire de cette ville, noble homme Henri Pierson,
contre Gaspard de Schomberg, et pour Marguerite de
Ludres, doyenne de Remiremont (1) ; en 1588, il plaide
pour les échevins des justices de Marsal et de Moyenvic,
le châtelain de Morbange, le garde des salines de Moyenvic
et le receveur de Rambervillers, tous fonctionnaires asse»
élevés de Tévêché de Metz, pour les communautés de Lor-
quin et de Cbâtel-Saint-Germain, pour Christophe de
Hassom pierre, seigneur d'Haroué, pour les seigneurs de
Cerney et de Pompinville, enfin pour deux hauts officiers
du roi, Jean Du Châtelet, gouverneur deLangres, et Fouquet
de La Routte, gouverneur de Marsal, le même dontil écrira
bientôt répitaphe(2) ; en 1589, il plaide pour le châtelain
de Moyen contre la corporation des cordonniers et tanneurs
de Rambervillers, enfin pour une personne de sa famille,
Nicole de Rambervillers, veuve de noble homme Louis
Fériet, demeurant à Salone (3) ; en 1590, il plaide pour
(1) Sentences Vie, 1587, fol. 30 v% 47, 128 v«. — Ce Schomberg était
depuis 1569 colonel général de la cavalerie allemande ; 11 prendra
part à la rédaction de l'édit de Nantes, et mourra à Paris en 1599.
(2) Ibid., 1588, fol. 5, 9 v%15, 33 V, 45 v% 67 V, 73 v», 79, 97.
(3) Ibid., 1589-90, fol. 3 v», 16, 75 ▼•, 96.
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ALPHONSE DE RAMBËRVlLLEaS 309
Tantique abbaye de Haute-Seille, pour le comte de Wes-
terbourg, seigoeur de Réchicourt-le-Château, et pour
David de Gaignières, capitaine de la garnison de Vie (1) ;
en 1591, il plaide pour la communauté de Cirey, pour le
rhingrave Otton, seigneur de Bey, pour la baronne de
Kœnigseck, veuve du comte d'Eberstein, pour André
de La Routte (2), tuteur des enfants de son frère Fouquet,
— il est décidément l'avocat attitré de cette famille, —
enfin pour Tabbé de Saint-Avold (3) ; en 1592, il plaide
pour Jean Du Hait, sergent-major, c'est-à dire chef d'état-
major, à Metz^ pour Balthasar Rennel, chancelier du duc
de Mercœur, pour les seigneurs de Bathelémont-lès-Bau-
zemont et de Jeandelaincourt, pour les gens de police de
Baccarat, pour le prieuré de Saint-Quirin (4) ; en 1593
enfin, il plaide pour les dames d'Haussonville et de
Pixerécourt, pour les communautés de Salone et d'Ars-
sur-Moselle, pour Jean Lignarius, abbé de Senones (5).
Défendre d'aussi sérieux intérêts mettait en vue Alphonse
de Rambervillers, lui créait des relations flatteuses, lui
assurait des appuis.
Aussi, lorsqu'Eucaire de Rambervillers, lieutenant
général du bailliage de Vie, remit sa démission, sans
doute pour raison d'âge (6), Tévôque de Metz, Charles de
(1) Ibid., fol. 97 V, 414 V, 126.
(2) Mort en 1620 ; cf. B. S. A. L. 1908, p. 281.
(3) Ibid., 1591, fol. 42 V, 47, 50 V, 57 V, 60 V, 62 v. — La:
dernière cause est une de ces affaires de sorcellerie alors si fréquentes
l'abbé de Saint-Avold et le sieur de Helmstadt se disputent une
nommée Brigide, inculpée de sortilège, et que chacun prétend avoir
seul le droit de juger ; elle ne nous apprend pas ce qu'Alphonse de
Rambervillers pensait des sorcières ; sans doute partageait-il à leur
égard les préjugés de tous ses contemporains.
(4) Ibid., 1592, fol. 27, 32, 66 V, 114. — C'est peut-être par Rennel,
son client, qu'Alphonse de Rambervillers aura été mis en rapports
avec le duc de Mercœur, qu'il célébrera bientôt dans trois opuscules.
(5) Ibid., 1593, fol. 12, 33,^41, 59, 72.
^6) II ne vécut pas longtemps dans la retraite, car en 1597 il es
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310 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
Lorraine, lui donna pour successeur son neveu, Alphonse,
par lettres patentes datées de Nancy et du 24 juillet 1593,
dont voici le passage essentiel :
Pour les bons tesmoingnages qui nous ont esté donnés de la personne
de nostre cher et bien amé maistre Alphonce de Ramberviller, doc-
teur en droictz, et advocat au siège du bailliage de nostredict évesché
de Metz, et de ses sens, suffisances, loyauté, preudhommie, expé-
rience, diligence et autres louables parties, qualités et mérites, à
iceluy, pour ces causes et autres bonnes et justes considérations nous
mouvans, avons donné et octroie, donnons et octroyons par ces présentes,
Testât et office de lieutenant général au siège du bailliage de nostredict
évesché de Metz, vaccant à présent par la libre démission et résignation
volontaire qu'en a faicte entre noz mains maistre Euchaire de Ramber-
viller, dernier possesseur dudict estât, pour par ledict Alphonce
de Ramberviller doresnavant l'avoir, tenir, posséder, exercer et en
joyr et user aux honneurs, auctorités, prérogatives, prééminences,
franchises, libertés, gages de trois cens frans, monnoie de Lorraine,
droictz, proffictz, revenus et esmolumens audict estât appartenant,
tout ainsy et en la forme et manière qu'en ont cy devant joy ses
prédécesseurs audict estât, mesme ledict Euchaire de Ramberviller, et
ce tant qu'il nous plaira. Si donnons en mandement à nostre très cher
et féal conseiller, le sieur de Mailhanne, bailly et superintendant de
nostredict évesché de Metz, à noz chers et féaulx, les gens tenans le
siège dudict bailliage, et tous noz autres justiciers et officiers qu'il
appartiendra, que, prins et receu par ledict sieur de Mailhanne dudict
Alphonce de Ramberviller le serment en tel cas requis et accoustumé,
iceluy mettent et instituent, ou facent mettre et instituer en possession
et saisine dudict estât de lieutenant général audict siège, et d'iceluy,
ensemble des honneurs, auctorités, prérogatives, prééminences, fran-
chises, libertés, gages, droictz, proffictz, revenus et esmolumens
dessusdictz, le facent, souffrent et laisse joyr et user plainement et
paisiblement sans luy faire ny souffrir lui estre faict, mis ou donné
aucun trouble, destourbier ou empêchement au contraire (1).
question de sa veuve, dame Prisce Touppet (Ibid., 1597, fol. 165).
Et d'après des copies d'épitaphes en français et en latin du ms. 259 de
la Biblioth. de la Soc. d'Archéol. lorr., fol. 15, il serait mort le 25 ou
le 27 juillet 1593, au moment même où son neveu était nommé à sa
place.
(1) Sentences Vie, 1593, fol. 73 v°. *
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 311
Le serment prescrit par Tacte de nomination fut prêté
par le nouveau titulaire quatre jours plus tard, entre les
mains du bailli, qui résidait alors à Nancy, où Alphonse
dut se rendre pour cette formalité :
Ce jourdhuy, vingt huictième jour de juillet mil cinq cent quattre
vingtz et treize, maistre Alphonce de Ramberviller, dénommé es lettres
de rautre part escriptës, a preste entre noz mains le serment de
bien fidellement et songneusement servir Monseigneur en Testât de
lieutenant général au siège du bailliage de l'éveschô de Metz. Faicl à
Nancy les an et jour que dessus. Ainsy signé : .1. Des Pourcelets
de Maillane, bailly de l'évesché de Metz (1).
Et le même jour, le bailli annonçait aux intéressés cette
nomination par une missive ainsi conçue :
A Messieurs, Messieurs du Conseil du bailliage de l'évesché de
Metz.
Messieurs, il a pieu à Monseigneur donner Testât de lieutenant
général à maistra Alphonce de Ramberviller, présent porteur, en
conformité de quoy j'ay ce jourdhuy reçeu son serment de bien et
fidellement se comporter en sa charge. Et aflin que la justice ne soil
retardée, et qu'il puisse octroier toutes provisions deppendans de son
estât pour le soullagement du publicque, vous ferés bien de vous
assembler au lieu de Taudiance, et faire publier ses provisions, et les
enregistrer selon la coustume. N'estant la présente à autre effect, je me
recommanderay humblement à voz bonnes grâces, et supplie Nostre
Seigneur vous donner, Messieurs, [en] toute prospérité les siennes
sainctes. De Nancy ce 28» juillet 1593. Vostre très affectionné amy à
vous servir : Maillane (2).
(1) Ce procès-verbal de serment était consigné au dos de l'original
scellé des lettres de nomination ; le greffier du bailliage Ta transcrit
sur son registre à la suite des lettres elles-mêmes.
(2) Cette pièce est transcrite sur le môme registre à la suite des pré-
cédentes. La hâte que met le bailli à installer son subordonné fait
penser que celui-ci a dû prendre sans délai possession de ses fonctions ;
néanmoins, Alphonse continua à s'occuper des causes qu'il avait en
mains : en septembre, il agit encore comme procureur de la dame de
Pixerécourt {Ibid. 1593, fol. 96 V).
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312 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
Il paraîtra surprenant qu'Alphonse de Rambervillers,
simple avocat-procureur au bailliage, soit arrivé d'emblée
à la charge de lieutenant général, sans passer d'abord par
celle de conseiller, mais cette manière de faire était assez
habituelle dans Tévêché de Metz : la dignité du procureur
général égalait en somme celle du lieutenant général,
puisque le traitement était le même : or précédemment,
Eucaire de Rambervillers, avocat au bailliage, était devenu
directement procureur général sans passer par les fonc-
tions de conseiller ou de substitut; et, dans la suite, trois
autres avocats seront élevés de la même façon à cet office
de procureur général, Balthasar Rouyer en 1596, Jean
d'Abocourt en 1609 et Thierry Dietreman en 1634 (1).
Alphonse de Rambervillers n'était donc pas l'objet d'une
grâce bien exceptionnelle; mais, à coup sûr, ce lui fut une
puissante recommandation d'être le neveu d'Eucaire de
Rambervillers, qui, en résignant son office, dut le signaler
à la bienveillance de Tévèque de Metz. A Viccomme ailleurs,
se formaient de véritables familles judiciaires où se trans-
mettaient les traditions du métier, et dans lesquelles le
souverain puisait de préférence pour pourvoir aux places
vacantes : outre Eucaire et Alphonse, la famille de Ram-
bervillers donnera encore deux des siens, Jean et Louis, au
bailliage de Vie, et ces derniers y entreront comme conseil-
lers quand Alphonse en sera encore lieutenant général.
A la même époque, nous voyons dans ce tribunal deux
Liégeois, Regnauld et César, deux Dietreman, Jean et
Thierry, deux Aubertin, Jean et Siméon (2). Alphonse
avait donc presque un titre à la place de lieutenant général
dans son étroite parenté avec le dernier titulaire, et
comme il avait fait ses preuves d'aptitude en plaidant
(1) Sentences Vie, 1596, fol. 97 ; 1609, fol. 240 ; 1633-34, fol. 223.
(2) Voir l'appendice I à ce travail. — - Liégeois est le nom primitif en
Lorraine de la famille d'Hoffelize.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 313
au moins six ans devant le bailliage, sa nomination
put n'étonner personne, et môme être accueillie avec
faveur (1).
(1) Remarquons, à titre de simple rapprochement, que cette même
année 1593 où il devint lieutenant général vit un autre Rambervillers,
Jean, élu évéque de Verdun par le chapitre ; il l'avait déjà été en 1587,
mais ni l'une ni l'autre de ces élections ne fut confirmée. (Roussbl,
Histoire de Verdun^ Paris, 1745, in-4, p. 478, 486.)
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CHAPITRE III
Alphonse de Rambervillers, depuis sa nomination
de lieutenant-général.
Le haut emploi qu'Alphonse de Rambervillers venait de
recevoir de la confiance de Tévêque de Metz, assurait son
existence matérielle, l'exemptait de toute préoccupation
d'avenir, lui donnait aussi plus de loisirs qu'il n'en avait
eus auparavant dans la profession d'avocat. Dès lors, il peut
se laisser aller sans scrupules à son goût pour les lettres,
et en particulier pour la poésie. Il commence par produire
des morceaux de circonstance, où il commente des événe-
ments récents, et où il se montre un peu bien courtisan ;
mais un débutant ne devait-il pas, pour attirer l'attention
sur lui, prodiguer quelque encens aux puissances ? C'est
ainsi qu'il célèbre la convalescence de ce cardinal de
Lorraine, évêque de Metz, dont il était le fonctionnaire
(1596) ; qu'il adresse ses adieux aux gentilshommes qui
vontcombattre lesTurcsen Hongrie (1597), et chante la mort
du baron de Boppart, tué dans cette campagne (1598) ;
qu'il déplore une autre mort, cette fois naturelle, celle du
comte de Salm (1600) (1) ; qu'une nouvelle expédition de
Hongrie se préparant, il versifie la prière guerrière que
prononcera avant de partir son chef, le duc de Mercœur
(1600), puis célèbre ce général qui a succombé à ses fati-
gues (1602) ; qu'il console de la mort d'un fils Jean Des
Porcelets de Maillane, bailli de l'évêché de Metz, son chef
direct, par conséquent (2). Il est même possible qu'il ait
(1) Jean, comte de Salm, baron de Vivier, maréchal de Lorraine,
gouverneur de Nancy, mort le 14 janvier 1600.
(2) Tous ces morceaux sont réunis à la fin des Dévots élancerhens^
édition de 1610, sauf les Larmes publiques sur la mort de Mercœur,
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 315
fait monter son encens plus haut, et cherché à se faire bien
venir à la fois de la cour de France et de celle de Lorraine :
le 31 janvier 1599 était célébré le mariage d'Henri, fils
aîné du duc Charles III, avec Catherine de Bourbon, sœur
d'Henri IV. Cet hymen, qui achevait de réconcilier deux
princes et deux Etats longtemps séparés par les guerres de
religion, fut chanté avec enthousiasme par les poètes du
temps et, entre leurs nombreuses productions, il en est
une, un sonnet anonyme, que Ton attribue à Alphonse de
Rambervillers (l) ; il est inscrit au bas d'une estampe allé-
gorique : trait d'esprit contestable, Testampe représente un
pont que les jeunes époux s'apprêtent à franchir, et le mot
pont revient dans chaque quatrain et dans chaque tercet,
parce qu'Henri de Lorraine avait le titre de marquis de
Pont-à-Mousson (2).
Un an plus tard, Alphonse réussissait àatteindre Henri IV
lui-même et à s'en faire connaître avantageusement. Il
avait achevé de composer Les dévots élancemens du poète
chrestien, quatre ou cinq mille alexandrins qui traitent de
la confession, de la communion, de la mort, et d'autres
sujets de piété. Il calligraphia de sa main une copie
luxueuse de ce poème sur cent feuillets de parchemin de
petit format (3), de manière qu'on pût le mettre en poche
qu'il faut chercher dans TéditioD de 1603 ; on en trouvera les titres
exacts au n** 3 de Tappendice au présent mémoire. Nous reviendrons
au chapitre IV sur les vers adressés à M. de Maillane.
(1) Aug. DiGOT, Bist. de Lorr., t. IV, p. 304, admet cette attribution,
puis la rejette, pour des raisons purement subjectives, par suite sans
grande valeur.
(2) Cette estampe très rare figure dans la collection Hennin de la
B. N. (t. XII, n" 1137-39) ; on n'en trouve aucun exemplaire dans les
collections publiques de Nancy, mais Teslampe et les vers sont repro-
duits dans le Magasin pittoresque de 1850, p. 81 ; nous devons cette
utile indication à notre obligeant confrère M. Robert Parisot. — Fréd.
Lachèvre ne signale pas ces vers dans sa Bibliographie des recueil^
collectifs de poésies publiés de 1397 à 1700, Paris, Leclère, 1901-1905,
4 in-4.
(3) Le ms. mesure 183 mm. de haut sur 115 de large; ce serait un
in-12 de peu de largeur.
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316 ALPHONSE DÉ RAMBERVILLERS
comme un livre d'heures : les feuillets 1 et 2, 6 à 92 sont
en parchemin blanc, et le texte qui les couvre est écrit à
Tencre noire, sauf les lettres initiales et les mots Dieu,
Saui^eur, Rédempteur, etc., qui sont en caractères d'or ; les
les feuillets 3, 4 et 5, contenant les stances dédicatoiresau
roi, sont en parchemin bleu et entièrement écrits en lettres
d'or ; les feuillets 93 à 100, où se trouve la prière pour les
âmes des morts, sont en parchemin noir et écrits en carac-
tères blancs, sauf les initiales et les mots consacrés, qui
sont en or comme sur les feuillets blancs. Le manuscrit
fut doré sur tranches et recouvert de fine toile bleue, semée
de fleurs de lis d*or, avec les armes de France et de Navarre
émaillées, et orné par Alphonse lui-même de nombreuses
et belles miniatures en rapport avec les sujets traités (1).
Pour rassurer la conscience timorée qu'il supposait au
royal destinataire, il demanda Tapprobation de l'autorité
ecclésiastique, et le sieur Fournier, docteur en théologie,
primicier de l'église de Metz, vice légat en Lorraine, libella
en dix lignes, au feuillet 91, un certificat daté de Vie et du
(1) Ce ms. existe encore sous len* 2ÎS.42d du fonds français de la B. N.,
mais sa couverture bleue a été remplacée par une reliure en maroquin
rouge aux armes de France. C'est le poète lui-même qui nous fait
connaître la reliure primitive dans une note (B. N , ms. fr. 9543, fol.
120), reproduite par M. Urbain, à la p. 9 d'Un amateur lorrain. —
Nous compléterons la description de ce curieux ms. en disant que
l'écriture en e^t parfaitement nette, et plus lisible assurément que les
mauvais caractères de l'édition de 1610; que les miniatures sont
analogues dans l'ensemble aux gravures de cette édition, mais en diffèrent
dans le détail ; que le poète a signé les stances dédioatoires en faisant
suivre son nom de ses titres de docteur en droit et de lieutenant-géné-
ral au bailliage, et qu'il a reproduit cette signature au feuillet 91 ; qu'en
haut des pages, il y a un titre courant, écrit en lettres rouges, sur l'un
et l'autre feuillet à la fois, et en abrégé, par exemple :
La disp. du péni — à la conf. sacr.
L'invoc. des âmes — bien-heureuses.
Laconsid. — de la mort.
Enfin, ce ms. ne contient ni les épltres liminaires, dont il sera ques-
tion au chap. IV, ni les pièces de vers de circonstance dont nous avons
parlé au début de celui-ci, et qui figurent dans les éditions avant et
après le texte des Dévots élancemens.
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ALPHONSE DE RAMÔERVILLERS 317
17 mars 1600, portant que Touvrage est conforme ô la
doctrine catholique, et peut servir à Tédification du peuple
chrétien (i). Et le volume étant ainsi irréprochable à tous
égards, Alphonse partit pour Paris : le jeudi saint, 30 mars
de Tannée 1600, il fut reçu par Henri IV au château de
Vincennes et lui ofirit le manuscrit qui était si pleinement
son œuvre, puisqu*il en avait composé les vers, calligraphié
les feuillets, dessiné et peint les miniatures (2). Il nous
rapporte lui-même (3), avec complaisance et peut-êtreavec
quelque exagération, le plaisir que ce cadeau fit au roi :
(( Durant le service du jeudy saint, il s'occupa à le lire, et
lorsqu'il rencontroit quelques stances qui luy venoient à
(1) Cette approbation est reproduite, suiyie de quatre autres, dans
Fédition de 1603, mais pas dans celle de 1610 (qui ne contient que trois
approbations, toutes empruntées à la précédente), sans doute parce que
Fournier (Antoine) était mort le fô noyembre de cette même année
{GaUia christiana, t. XIII, col. 810, 816).
(2) Notons ici qu'il existe à la Bibliothèque de l'Arsenal, sous le n*
3636, un autre ms. des Dé\)oU élancemens qui parait aussi un auto-
graphe de l'auteur, et qui est également de petit format, 193 mm. de
haut sur 138 de large. Bien moins luxueux que celui de la B. N., il est
doré sur tranches, relié en maroquin vert, sans armoiries, et compte
comme l'autre cent feuillets, mais en papier assez commun, au lieu
de parchemin, avec encadrements rouges. L'écriture est très nette,
tout entière à l'encre noire, avec les mots Dieu^ Sauveur^ etc., tracés
complètement en majuscules. Au lieu de miniatures, on a vingt dessins
lavés, reproduisant les mêmes sujets et signés A. de Ramb. inv. ou
AR tniK La teneur de ce ms. est la même que dans celui de la B. N. A
la fin (fol. 99 et 100), sont trois approbations : de Fournier, primicier de
Metz, 17 mars 1600 ; de Didier Priquet, docteur en théologie, doyen de
la collégiale de Vie, 16 mars 1600 ; de Claude Jenin, gardien des Corde-
liers de Toul, professeur en théologie, 16 mars 1600 (toutes trois repro-
duites dans l'édition de 1603, la seconde avec une autre date, celle du
22 décembre 1600). Ce ms. provient de la bibliothèque des dominicains
de Paris ; peut-être Alphonse l'aura-t-il exécuté pour l'offrir à un
religieux de cet ordre, et peut-être a-t-il fait encore d'autres copies de
son œuvre pour des amis. Il est assez curieux de constater que deux
autres volumes sont entrés dans la bibliothèque des dominicains de
Paris, après avoir appartenu à Alphonse de Rambervillers, un imprimé,
VOpticaregularium^ de Servais de Lairuels (cf. ScHMiT,dans J.S. 4.I.,
1868, p. 82), et un ms., les Heures de la Vierge (cf. Urbain, t6td., p. 6,
n. 1, et infra, chap. IV)
(3) Dans la note dont nous parlions plus haut, et qu'a publiée M. Urbain.
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318 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
goust, il partoit de sa place et les alloit lire et monstreraux
princes voisins qui estoyent lors Mgr le duc de Mayenne,
M. le Grand (1) et autres m ; et plus tard, Henri en fit présent
à la reine Marie de Médicis.
Bien entendu, Tau leur espérait être récompensé de sa
peine autrement que par des remerciements et des compli-
ments ; le Béarnais s'acquitta, mais en monnaie de Gascon:
tout d'abord, il eut l'idée ingénieuse de faire payer sa dette
par d'autres, et il écrivit à son «frère», le duc de Lorraine,
et à son «neveu», le cardinal de Lorraine, évêque de
Metz, des lettres où il leur annonçait le don des Dévots
élancemens et le plaisir qu'il en avait eu, et les priait de
gratifier l'auteur lorsque l'occasion s'en présenterait (2).
Quelque temps après, il promit de donner une abbaye de
Picardie au fils du poète, mais l'abbaye ne se trouva pas
vacante ; en 1603, Alphonse étant venu de nouveau à Paris,
évidemment pour solliciter, le roi lui fit don des droits de
quint et de requint, s'élevant à 5 ou 6.000 écus à prélever
sur la vente d'un fief, mais le fief ne fut pas vendu (3).
Est-ce le peu de succès lucratif obtenu par sa tentative
auprès du roi qui détermina Alphonse de Rambervillers à
chercher ailleurs un protecteur et un mécène ? On peut le
croire, car la même année il se tourne vers ce duc de
Mercœur qu'il avait déjà célébré en vers, et il écrit, mais
cette fois en prose, une courte relation de la campagne que
(1) Roger de Saint-Lary, marquis de Seurre, puis duc de Bellegarde
en 1619, grand écuyer de France.
(2) Alphonse de Rambervillers n'a pas manqué d'insérer ces lettres
si flatteuses pour lui, dans les éditions de 1603 et de 1610 (p. 162 et 163,
de cette dernière) des Dévots élancemens ; elles sont reproduites par
Berger de Xivrey au t. V, p. 218-9 du Recueil des lettres missives de
Henri /K, qu'il a publié dans la Collection de Documents inédits sur
l'histoire de France, — Aucune autre des innombrables lettres de
Henri IV publiées, soit par Berger de Xivrey, soit depuis, ne parle
d'Alphonse de Rambervillers.
(3) Alphonse raconte ces déconvenues dans la même note ; cf. Urbain,
ï^n amateur lorrain^ p. 10.
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ALPHONSE DE HAMBËRVILLERS 319
ce général a conduite en Hongrie, aux mois de septembre
et d'octobre de Tannée 1600 (1). Récit si précis et si topique
qu'il paraît Tœuvre d'un témoin oculaire : on est tenté de
croire qu'Alphonse aura quitté quelque temps ses pacifiques
fonctions pour suivre Mercœur, comme plus tard Racine
et Boileau, historiographes de France, suivront, un peu
malgré eux, Louis XIV au siège de Namur. Mais il n'en est
rien : un registre du bailliage de Vie (2) mentionne la
présence du lieutenant général à un jugement du 27
septembre 1600, alors que depuis quinze jours l'armée
chrétienne était entrée en Hongrie.
Ces travaux littéraires, soit en vers, soit en prose, ne
faisaient pas tort à la jurisprudence : le 6 avril 1601, les
Etats de l'évêché de Metz se réunirent à Vie pour la rédac-
tion des coutumes générales du temporel et des coutumes
locales de Rambervillers, Baccarat et Moyen; Alphonse,
en qualité de lieutenant-général, présida la commission de
cinq personnes qui fut chargée du travail effectif auquel
les Etats donnèrent leur approbation (3). Dans cette période
de sa vie, Alphonse est l'objet de marques de confiance
variées et déploie une réelle activité : il est notaire impé-
rial (4) ; quand Henri IV vient à Metz en mars 1603, les
habitants de Vie le chargent d'aller présenter leurs hom-
mages au roi (5) ; le 20 septembre 1610, il écrit aux habi-
tants de la petite ville de Rambervillers, dont sa famille
(1) Publiée la même année à Paris, chez P. Chevallier, in-12 de 16
pages (n» H. 337 du fonds lorrain de la Biblioth. de Nancy).
(2) Sentences d'appel de 1594 à 1600, fol. 155 v°.
(3) BouRDOT DE RiCHEBouRG, Nouvcau coutumieT général, Paris, 1724, 4
in-fol., t. II, p. 414-425. — Les autres membres de la commission sont
le procureur général au bailliage et un représentant de chacun des trois
ordres.
(4) La copie d'une charte del'évéque de Metz del'an 1000 pour l'abbaye
de Senones est signée par lui es dites quahtés (Arch. de M.-et-M., B.
488, n«» 3) ; cette copie n'étant point datée, nous ne savons pas au juste
, quand il reçut ce titre.
(5) Lepage, Stalist. de la Meurthe, t. II, p 602.J I ^
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320 Ali»I10NSE DE HAMBERVlLLËHS
avait pris le nom, pour les prier d'envoyer deux députés
qui exposeront les oppressions dont ils sont victimes (1).
Le cardinal Charles de Lorraine, qui l'avait nommé, étant
mort, son successeur, le cardinal de Givry, qui fut évoque
de Metz d'octobre 1608 à avril 1612, le maintint en place :
tout d'abord, par lettre du 18 mars 1609 il invita les fonc-
tionnaires du temporel à continuer leurs fonctions ; puis,
le 19 août de la même année, il donna à Alphonse une
nouvelle investiture, lui maintint son traitement de
300 francs, et reçut son serment (2). II ne s*en tint pas là
et eut avec le magistrat poète des rapports tout à fait ami-
caux, dont témoigne le cadeau qu'il lui fit d'un luth
d'ivoire et d'ébène (3).
Seulement, les honneurs n'allaient pas sans des ennuis
et des difficultés, et parfois même, la situation ambiguë où
se trouvait le temporel de Metz vis-à-vis de la France
exposait à de réels périls les hauts fonctionnaires de ce
petit Etat. Tant que Tévêché fut gouverné par le cardinal
Charles de Lorraine, fils d'un prince indépendant et assez
puissant pour devoir être ménagé, le gouvernement royal
se montra discret, mais Charles mourut le 24 novembre
1607, et fut remplacé par un sujet du roi, le cardinal
de Givry, précédemment évêque de Lisieux ; dès le
22 juillet 1609, Henri IV prescrivait que le gouverneur
français de Metz et son lieutenant feraient seuls fonctions
de gouverneurs dans toutes les places fortes de l'évêché,
et Louis XIII renouvelait cet ordre le 14 octobre 1613 (4).
C'était étendre à tout le temporel le régime d'annexion de
fait, établi à Metz seul depuis 1552. Cette même année 1613,
(1) Arch. commun, de Rambervillers, EE. 1.
(2) Sentences Vie, 1609, fol. 72, 193.
(3) Alphonse le mentionne dans son testament .
(4) Ces deux lettres patentes sont publiées dans le Jahrînich der
Gesellschaft fiir lothringische Geschichte und Àltertumskunde^ 1893,
2* partie, p. 195, 196.
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ALPHONSE DK HAMBERVUXEaS 321
le duc d'Epernon, gouverneur de Metz, rencoatrant de U
résistance chez les officiers de révoque, menaça le vice-
président et le procureur général de Tévéché de les faire
fouetter, ou même pendre (1), et, par ces procédés violents,
il obligea à lui prêter un véritable serment de fidélité les
chanoines qui administraient le diocèse au nom d'Henri
de Bourbon Verneuil, successeur encore enfant du cardinal
de Givry (2). Serment prêté à regret, car dès Tannée sui-
vante, 1614, se tint à Vie, en présence du comte de Zollon,
représentant de Tempereur, une assemblée des vassaux de
révêché pour protester contre les entreprises du duc
d*Epernon(3), et le lieutenant général au bailliage dut y
assister, peut-être même la présider (4).
Mal vu sans doute des agents du roi pour la part qu'il
prit à la résistance, Alphonse de Rambervillers était au
rebours l'objet d'attentions flatteuses dans des pays voi-
sins: il avait acquis, comme nousl'expliqueronb plus loin,
le fief de Forcelles en terre lorraine ; or, la coutume de ce
pays réservait aux nobles le droit de tenir des fiefs (5), et
on ne pouvait être admis à faire reprises, foi et hommage,
si on n'avait au préalable établi sa qualité de gentilhomme.
(1) Ibid.^ p. 192; l'auteur de ce travail, M. Saubrland, a le tort de ne
pas Indiquer où il a pris ces faits un peu surprenants ; VHistoire de
Metz n'en parle pas. — Il y a doute si par vioe-président il taut entendre
le lieutenant général, ou bien le bailli lui-même, qui devait être vice-
président du Conseil privé de l'évéque, et, par suite, nous ne bavons si
Alphonse de Rambervillers eut à entendre personnellement ces
menaces.
(2) Voir le texte de ce serment, ibid,^ p. 197.
(3) Lbpagc, Statut, de la Meurthe, t. Il, p. 602.
(4) Ce qui le fait penser, c'est que plus tard, en Juin 1627, il préside
â Vie une autre assemblée du clergé et de la noblesse, qui a pour objet
de répartir sur l'évôché une somme de 60.000 francs accordée à l'évoque
par ses vassaux pour réparer le château de Vio. Le temporel de Metz
compte alors 7972 conduits. (Arch. de la Lorraine, G. 2iQ', l'Inventaire-
Sommaire analyse inexactement cette pièce).
(5) Titre V, art. 2 : « roturiers ne sont capables de tenir fiefs en
propre ».
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322 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
Cette qualité pouvait être mise en doute pour Alphonse,
parce que, dit-il, depuis 80 ou 100 ans, ses ascendants
n'étaient plus domiciliés dans le duché ; il sollicita du duc
Henri II la reconnaissance de sa noblesse, et celui-ci, après
avoir fait examiner ses titres par le maréchal de Lorraine
et le maréchal du Barrois, déclara, dans ses lettres patentes
du 28 septembre 1617, qu'Alphonse était gentilhomme, issu
d'ancêtres qui depuis 1383 avaient vécu noblement, joui
du titre d'écuyers, tenu des fiefs, porté des armoiries à
timbre ouvert et grillé (1). A une date qui ne nous est pas
connue, il entrait de môme en relations, non plus comme
noble, mais comme artiste, avec l'infante Isabelle-Claire-
Eugénie, fille de Philippe II, qui fut la souveraine presque
indépendante des Pays Bas espagnols de 1598 à 1633, date
de sa mort : il lui avait envoyé pour son oratoire un
médaillon en cristal de roche, qu'il avait peut-être taillé
lui-même ; il en reçut en retour une chaîne d'or, que plus
tard il léguera à son fils aîné comme une preuve de
la bienveillance de cette princesse envers sa famille (2).
Et ce qui fait honneur à notre poète, c'est qu'aux mêmes
années de sa vie où s'accroissent ainsi sa situation sociale
et sa notoriété, il ne se désintéresse pas des affaires àe sa
petite ville : en 1615, il représente les habitants de Vie
pour l'achat d'une maison à l'abbé de Gorze (3). Un peu
(1) Ces lettres sont publiées dans /. S. A. L, 1899, p. 202-204, d'après
le registre B. 89, fol. 284 v* des Arch. de M.-et-M. — Le descendant
d\in cousin du poète, Regnard de Girongourt, dans un Mémoire
qu'il rédigea pour dom Calmet, nous apprend ce détail curieux que,
sur l'original en parchemin de ces lettres, Alphonse fit en miniature
le portrait d'Henri dans le jambage supérieur de YH initial. (Biblioth.
de Salnt-Dié, ms. 80-VII, fol. 54-57).
(2) Testament d'Alphonse. — L'infante vivait encore quand il le
rédigea, et mourut le 1" décembre 1633, quatre mois après lui.
(3) Lepage, Archives communales de la Meurthe, p. 274 ; nous
n'avons pas retrouvé ce document dans les archives de Vie en juillet
1906. — L'abbé de Gorze était décimateur à Vie et collateur de la cure
(Stemer, Département de Metz^ p. 125).
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ALPHONSE DE RAMBËRVILLERS 323
plus lard, quand se fonde à Vie un couvent de domim-
caines sous Tinvocation de Notre-Dame de Bethléem, il
signe comme témoin le contrat d'acquêt d'une maison
par ces religieuses, le 15 octobre 1618, puis l'acte du 16
février 1620 qui les exempte du payement d'un cens dû
par cette maison (1). Enfin, il compose et publie en 1624
deux petits volumes d'un intérêt tout local, les Actes admi-
rables du bienheuretix martyr sainct Livier, et la Vérification
des miracles dus à ce saint, où il raconte, plutôt sur le ton
de la légende que de l'histoire, la vie de ce Messin du v«
siècle, enterré près de Tabbaye de Salivai, à une lieue de
Vie, et énumère les guérisons opérées sur sa tombe en
1623 et 1624 (2), Le second livre est dédié au duc de
Lorraine, Henri II, auquel l'auteur devait la reconnaissance
de sa noblesse, et qui était venu lui même en pèlerinage
au tombeau de saint Livier, mais il est surtout écrit pour
la plus grande joie des prémontrés de Salivai qui desser-
vaient la chapelle du saint, et avec lesquels Alphonse avait
depuis longtemps, semble-t-il, de bonnes relations de
voisinage et d'amitié (3).
Les dernières années de cette vie longue et bien remplie
durent être assombries par des préoccupations politiques :
Alphonse, nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, était
un catholique fervent et sincère ; à ce titre, il avait pleine
(1) Àpch. de M.-et-M., H. 2721. — L'abbé Pierson, danâ son étude
sur ce monastère {M, S. À. I., 1871, p. 203), avance même que le pre-
mier acte fut dressé dans la maison d'Alphonse ; nous ne savons où il
a pris ce détail.
(2) Sur ces deux ouvrages et la polémique à laquelle ils donnèrent
lieu, voir l'étude de M. René Harmà.nd dans B. S. A. /.., 1907, p. 190-
212.
(3) D'après une note déjà citée de Sghmit (/. S. A. I., 1868, p. 82-
87), Alphonse était l'ami, peut-être même le parent de Mathieu
Bonnerbe, abbé de Salivai, mort bien avant ces faits, le 4 décembre
1610.
21
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324 ALPHONSE I)Ë HAMB^HVtU^EiHB
sympathie pour les puissances qui soutenaieot la cau69
catholique, TEspagoe, la Lorraine, TEmpire surtout (1),
doot il était du reste le sujet, et il avait composé un
poème en Thonoeur des victoires des Impériaux au début
de la guerre de Trente Ans (2). Or, la politique de Riche-
lieu, qui commençait à &e dessiner, était nettement dirigée
contre ces puissances, et n'hésitait pas à mettre en jeu d^s
alliances protestantes. Combien les accointances d'un car-
dinal de TËglise romaine avec Thérésie devaient scanda-
liser le pieux citoyen de Vie, puisque nombre de Français
de vieille souche leur furent toujours hostiles et ne com-
prirent jamais les profondes conceptions de Richelieu! Ce
fut la Lorraine, si voisine du temporel de Metz, qui reçut
les premiers coups, et Alphonse eut la douleur de voir de
ses yeux l'abaissement d'une dynastie à laquelle il était
très attaché, dont il avait reçu des bienfaits, et dont il
avait célébré naguère la valeur et la foi (3) : à la On de
(1) Cf. ses lettres à Pelresc publiées par M. Urbain, Un amateur
lorrain^ surtout aux p. 24, 25, 36. — Ces mêmes lettres, p. 38, 39, 41,
42, nous font voir du reste qu'il a autant de sympathie pour la France
quand celle-ci lutte contre l'hérésie : ainsi, en 1621, enthousiasmé par
la campagne de Louis Xlil contre les huguenots du xMidi, il projette
d'écrire une œuvre, sans doute en vers, où il glorifiera le roi dans la
personne de son ancêtre, saint Louis, et Peiresc lui envoie une édition
de Joinville pour l'aider dans ce dessein.
(2) Il nous apprend lui-même, dans une lettre à Peireso {ibid,, p. 43),
que l'impression de ce poème et la gravure des planches lui a coûté
2 ou 300 écus, mais qu'il a fait cela pour la gloire de Dieu. Ses convic-
tions étaient sérieuses, puisqu'elles allaient jusqu'à la bourse inclusi-
vement.
(3) Dans la prière qu'il avait composée en 1600 pour le duc de Mer-
cœur, prince d'une branche cadette de la maison de Lorraine, il lui
fait prononcer ces paroles qui montrent bien la nature des sentiments
du poète à l'égard de cette maison restée toujours si orthodoxe.
, . . • .
Je te loue et rends grâce, 6 Dieu, puisqu'il t'a pieu
Me faire naistre prince extrait du sang esleu
Des grands roys de Solyme et des ducs de Lorraine.
Je te rends grâce aussi que mon âme est espHse
Du soin qui bouillonnoit au cœur de mes ayeux,
Qui n'estoient en leur temps de rien ambitieux
Que de porter partout l'honneur de ton Église.
{DévoU élancemenSy édit. de 1610, p. 168).
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AtPHONSE DE RAMBERViLLERS 32^
1631, les maréchaux de La Force et de Schomberg s'empa-
raient de Vie, et, le 6 janvier de Tannée suivante, le duc
Charles IV venait y trouver Louis XIII et y signait un
traité qui sacrifiait l'indépendance diplomatique et mili-
taire à peu près complète dont son duché avait joui jus-
qu'alors (1). A dater de ce jour, la paisible petite ville sera
la place d'armes des troupes françaises , et c'est de
Vie que le maréchal de La Force partira en 1634 pour
envahir TAUemagne (2), Ce qui frappa plus directement
encore le vieux magistrat, ce fut la création du Parlement
de Metz par édit du 15 janvier 1633 ; elle portait atteinte
au prestige et à l'autonomie du bailliage de Vie, rendait les
appels des jugements de ce siège plus faciles, par suite plus
fréquents, et le soumettait donc à un contrôle perpétuel,
d'autant plus blessant que les magistrats tout français du
Parlement avaient une autre jurisprudence et une autre
procédure que ceux du bailliage. Alphonse dut s'opposer
de tout son pouvoir à cette création ; ce qui nous le fait
croire, c'est que, tant qu'il vécut, l'édit ne fut pas enregis-
tré au bailliage de Vie, et que cet enregistrement fut fait
sans diflScuUé par son successeur, dix jours après sa
nomination (3).
Aux soucis publics s'ajoutaient les soucis domestiques,
et ceci nous amène à dire le peu que nous connaissions
de la famille d'Alphonse de Rambervillers : il fut marié
deux fois ; sa première femme s'appelait Claude ou Clau-
dine Lallemant, et nous ne savons rien sur elle ni sur sa
famille (4). Nous sommes mieux renseignés sur sa seconde
(1) DioôT, Hnt.de Lorraine, t. V,p. 187-190.
(2) Recueil de documents sur Vhist. de Lorraine, 1867, p. 157.
(3) L'édit fut enregistré le 30 septembre 1633 (Sentences Vie, 1633-34,
fol. 105).
(4) Dans son testament, Alphonse parle de ses deux femmes, sans
nommer la première, mais nous trouvons le nom de celle-ci dans un
autre document contemporain et sûr, l'acte de profession religieuse
d'une de ses filles dont nous parlerons plus loin, et qui nous apprend
aussi que Claude vivait encore en 1604.
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Qoo^(^
326 ALPHONSE DE hAMBERVILLEKS
femme : elle se nommait Anne Raoul et était fille de Gérard
Raoul, marchand, demeurant à Lunéville, anobli par
Charles III le 7 février 1572 (i), et de Marie Lenerf (fille
elle-même de Lucas Lenerf, aussi marchand à Lunéville,
et anobli en 1556) ; Anne avait d*abord épousé Nicolas Ber-
man ou de Bermand, seigneur de Pulligny, Ceintrey et
Voinémont, dont elle n'avait pas eu moins de onzeenfants
entre 1587 et 1601 (2) ; son mari étant mort le 29 mars
1603 (3), elle se remaria à une date qui ne nous est pas
connue, mais sûrement avantl618, avec Alphonse de Ram-
bervillers (4) ; elle mourut la première puisque dans son
testament le poète demande à être enterré auprès d'elle.
Ce vœu, et le fait que le 28 juillet 1625 Alphonse signait
au contrat de mariage de Claude, Tune des filles d'Anne
Raoul (5), donnent à penser qu'il n'eut pas à se plaindre
d'elle et des enfants qu'elle avait de Nicolas Berman.
Il ne semble pas avoir eu autant à se louer de ses pro-
pres enfants : il en eut quatre, ou du moins il en avait
quatre vivants quand il rédigea son testament, où il
nomme ses deux fils, Louis et Nicolas ou Jean-Nicolas, et
ses deux filles, Marie-Charlotte et Anne Barbe-Aldegonde.
De celles-ci, il y a peu à dire ; leur père nous apprend
dans ce même tistament que la première est religieuse
professe au monastère de la Congrégation de la ville neuve
de Nancy, la seconde religieuse professe dans une congréga-
tion fondée à Luxembourg qu*il ne désigne pas plus expli*
(1) Arch. de M.-et-M., B. 42, fol. 274 ; dom Pelletier, Nobiliaire de
Lorraine^ p. 676.
(2) Enumérés par Charles Denis, Inventaire des registres de l'état
civil de Lunéville, p. 9-i3 ; elle n'avait sans doute plus tous ces
enfants quand elle se remaria, car alors beaucoup d'enfants mouraient
jeunes, faute de soins.
(3) Ch. Denis, ibid., p. 16.
(4) En effet, le 10 juillet 1618, elle est qualifiée sa femme dans un acte
de baptême où elle flgure comme marraine (Etat civil de Vie).
(3) Urbain, Un amateur lorrain, p. 5, n. 2.
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ALPHONSK DE RAMBERVILLERS 327
citement. Nous avons en outre Tinterrogatoire auquel dut
répondre, suivant l'usage, Marie-Charlotte, au moment de
faire profession au couvent de Nancy, le 29 août 1622 : elle
déclara être âgée de 18 ans (ce qui la fait naître en 1604),
être fille d'Alphonse de Rambervillers et de Claude Lalle-
mand, et porter Thabit depuis le 1«^ août 1621 (1). Jean-
Nicolas suivit la carrière militaire, rit,semble-t-il, ses pre-
mières armes en Bohême, dans Tarmée impériale, et prit
une cornette ennemie à la bataille de Prague le 8 novem-
bre 1620 (2) ; puis iJ passa au service du roi de France et,
en 1633, il appartenait à la compagnie des chevaux légers
de sa garde ; dans son testament, Alphonse sollicite encore
pour lui, et rappelle qu'il y a un an, à Pont-à-Mousson,
en juillet 1632, le roi lui a promis de récompenser ce jeune
homme (3).
Reste Louis, que nous prenons le dernier, bien qu'il fût
certainement l'aîné des fils (4). C'est sans doute à lui
qu'Henri IV aurait eu le dessein, en 1600 ou en 1601 de
donner une abbaye (5). Son père le poussa dans la même
carrière qu'il avait suivie, lui lit étudier le droit à Pont-à-
Mousson, à Fribourg-en-Brisgau, à Paris, à Orléans (6),
(1) Arch. de M.-et-M., H. 2571, fol 4 V.
(2) Lettre d'Alphonse à Peiresc, dans Urbain, îôid., p. 37.
(3) Selon M. de Gironoourt {B. S. À. L, 1899, p. 275), Jean-Nicolas
aurait pris une femme du nom de Marie Touppet le 26 septembre
1C33, d-iux mois après la mort de son père ; il serait le père d'Henri-
Livier, Jean-Auguste et Alphonse-Etienne qu'Alphonse de Rambervil-
lers désigne dans son testament comme ses petits-fils, et les aurait donc
eus d'un premier mariage. Mais le testament ne nomme pas le père de
ces trois garçons, et nous croyons qu'ils sont plutôt les enfants de
Louis, l'ainé des tils du poète, qui, nous allons le voir, était alors marié
depuis dix ans au moins.
(4) Alphonse le dit dans son testament, et dans une lettre à Peiresc.
(Urbain, tfeid., p. 18).
(5) D'après une note d'Alphonse publiée ibid.^ p. 10.
(6) Testament et lettre à Peiresc, ibid., p. 18. — Louis soutint en
Kil'.l â l'Université de Fribourg sa thèse de docteur en droit, qui est
écrite par Schmit dans J. S. A. I., 1875, p. 12-16. Il était resté quatre
dans et demi à Fribourg (Urbain, ibid.^ P-9.)
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328 ALPHONTE DE RAMBERVILLERS
lui fit apprendre rallemand, renvoya à Pelresc en janvier
1621 pour qu*il le poussât auprès du garde des sceaux de
France (1), et harcela son illustre correspondant desollici*
tations en faveur de ce jeune hoinme.Tous ces soinâ furent
inutiles ; Louis resta très peu de temps à Paris, car, au
mois de décembre de la même année 1621, on le voit à Viô
prêtant serment comme avocat au bailliage (2). On n*a pas la
peine de chercher à deviner ce qui s*était passé,le père nous
le laisse assez entendre : dans ses lettres à Peiresc, il parle dé
la prodigalité extrême de son fils, de son penchant â Tin
conduite, de la nécessité de le tenir d'une main ferme (3);
dans son testament, il rappelle avec quelque amertume les
fortes sommes que ce fils lui a coûtées pendant ses études,
le grand nombre de livresque Louis a achetés sans néces-
sité, — et peut-être pour les revendre, en sorte que le pro-
cédé ne daterait pas de notre siècle, — les admonitions
qu'il lui a prodiguées pour le salut de sonâme et Thonneur
de sa maison. Tout cela nous donne Timpression d'un fils
de famille qui a mal tourné, et d'un bourreau d'argent.
Revenu à la maison paternelle, Louis, par un arrangement
que Ton rencontre fréquemment dans l'ancienne société
française, épousa Anne Berman, fille de sa belle-mère (4),
et devint, par là seigneur de Pqlligny, Ceintrey et Voiné-
mont en partie (5). Cité encore comme avocat en 1627, en
(1) Ibid.
(2) Sentences Vie, 1621, fol. 328.
(3) Urbain, ibid., p. 18,30, 35.
(4) Il est donc fils de la première femme, puisqu'il épouse une fille
de la seconde. Nous avons vu qu'Anne-Charlotle, elle aussi, est fille de
Claude Lallemand ; quant aux deux autres enfants, rien ne nous indi-
que de quel lit ils sont. — Ce mariage était conclu avant le 25 juillet
1623, date où paraît comme marraine dans l'Etat civil de Vie Anne
Berman, femme de noble Louis de Rambervillers, avocat. — Dom
Pelletier, ibid., p. 48, indique cette union. Anne Berman est née le
3 juin 1596, d'après Ch. Denis, ibid., p. 12.
(5) De cette môme année 1623 date le dénombrement d'un gagnage
que Louis possède du chef de sa femme, et qui s'étend sur les bans de
Ceintrey et de Voinémont (Arch. de M.-et-M., H. 133). Anne Berman
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ALPHONSE DE HÂMBËHVILLER3 329
1630, Louis devint conseiller au bailliage avant 1633 (1) ; et
enfin, grâce au crédit dont il Jouissait auprès de Tévêque de
Metz, son père finit par lui assurer une situation au-dessus
de ses mérites peut-être : par lettres patentes du 13 mai
1633,révèque,ayantégardauxbonsserviceèqu'Alphonsede
Rambervîllers rend depuis plus de 40 ans, nomme èon fils
Louis,conseiller au bailliage,à l'office de chancelier de Tévê-
ché,exprime Tespoir qu'il s'efforcera d'imiter les vertus de
son père (2), espoir quele père lui-mêmene semble pas trop
partager, puisque dans son testament, rédigé un mois
auparavant, il lui prodigue encore les remontrances, et
l'adjure en termes pathétiques de les mettre courageuse-
ment à profit.
C'était là pour le père une cause réelle de chagrin, mais
non la seule : aucun de ses fils n'éprouvait ces préoccu-
pations intellectuelles qui avaient fait Thonneur et le
charme de sa vie ; il le note avec mélancolie dans son
testament, et dispose de ses collections en conséquence :
il lègue seulement ses armes et quelques livres d'art mili-
taire à Jean-NicolaS) le soldat ; quant à ses médailles et
antiques, il ordonne de les vendre à des amateurs et d'en
remettre le produit aux cordeliers de Vie pour la fondation
d'une messe basse quotidienne (3), « en quoy, ajoute-t-il,
possédait aussi un gagoage à Rehainviller, près de Lunéville {Ibid.^
H. 1^54), et il passa à Etienne de Ramberviller, son fils, le même sans
doute que cet Alphonse-Etienne nommé dans le testament, qui était
né à Lunéville, le 25 février 1630* (Ch. Denis, ibid., p. 23).
(i) 11 est nommé avec cette qualité dans l'état civil de Vie, le S jan-
vier 1633.
(2) Sentences Vie, 1633-34, foK 80; on voit là que Louis prête serment
à Paris, le 27 mai, entre les mains de l'évéque. — A cette date, Louis
de Rambervilters devait être veuf, car, peu après, il épousera Françoise
Ghamant, fille de Jean Ghamant, écuyer, conseiller au bailliage de Vio^
et leur contrat de mariage, daté du 17 janvier 1634, se trouve aux f(»l.
45-50 du ms. Rambervîllers conservé sous le n" 259 dans la Biblioth.
de la Société d'archéol. lorr. Un enfant issu de ce mariage^ Margue-
rite, est baptisé à Vie le 26 août 1647.
(3) L'inventaire de ces médailles est dans le même ms. 259, fol. 37-39 ;
nous en parlerons au chap. IV.
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330 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
je n'entend faire chose déplaisante à mes enfans, parceque
je n'ai reconnu qu'ils ayent aucunes inclinations à prendre
plaisir à telles choses » ; les livres non plus n'ont aucun
attrait pour eux, car il laisse ses livres de théologie à des
religieux, et ordonne de vendre le reste; il vend aussi ses
instruments de musique parce qu'aucun de ses enfants n'a
voulu apprendre à s'en servir. Ce père clairvoyant recon-
naissait donc, non sans tristesse, qu'il n'était compris
d'aucun des siens; et, pour ce motif et d*au très assurément,
il termine ses dispositions dernières en protestant solen-
nellement, devant Dieu et devant les hommes, qu'il a fait
pour l'éducation de ses enfants tous efiorts dépendant
d'un bon et charitable père, et que, si ses desseins n'ont
pas mieux réussi, ils en savent assez bien la cause. C'était
peut être la pire douleur que fût capable de ressentir un
homme de sa valeur morale, et, arrivé au terme de sa vie,
il pouvait, avec une plus amère conviction, répéter ces
beaux vers qu'il écrivait 30 ou 40 ans auparavant dans
V Invocation des âmes bienheureuses :
Comme hommes, vous pouvez avoir la souvenance
De ce que l'homme porte icy bas de souffrance,
Car vous l'avez souffert avant qu'entrer au port (1).
Quelques allusions voilées de ce testament, auquel nous
avons fait maint emprunt, et qui est une pièce longue et
intéressante (2), donnent à penser qu'Alphonse était déjà
(1) Dévots élancemenSy édit. de 1610, p. 122.
(2) On le trouve aux fol. 21 à 30 du ms. Rambervillers ; ce n'est pas
l'original, c'est une copie sur papier in4 datée du 10 août 1726, et fort
mauvaise: non seulement beaucoup de mots sont altérés, mais d'autres
et des membres entiers de phrases sont passés, ce qui rend certains
passages incompréhensibles, et nous empêche de le publier, comme
nous l'aurions voulu. Nous avons cherché, mais en vain, l'original aux
archives de la Chambre des notaires de Nancy, dans les minutes des
tabellions Mauljean et Bracard qui délivrèrent la copie de 1726. —
Ajoutons qu'Alphonse désigne pour ses exécuteurs testamentaires ses
deux neveux, Jean Changeur, conseiller au Conseil privé et trésorier
général de l'évèché de Metz, et noble Jean Drouart, licencié en droit.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 331
malade quand il récrivit, le 4 avril 1633. 11 mourut quatre
mois après, le 31 juillet 1633, âgé de plus de 80 ans, si
toutefois nous acceptons la date de naissance proposée
sans grande conviction par Regnard de Gironcourt. Il
n'y a pas lieu de chercher la date de sa mort dans Tétat
civil de Vie, qui remonte bien à 1591, mais^ comme il
arrive souvent, n'inscrit d'abord que les baptêmes, et où
les décès ne sont enregistrés qu'à dater de 1668 ; elle se
trouve dans un document tout aussi sûr, le nécrologe de
ce couvent des cordeliers de Vie auquel Alphonse avait
fait divers legs:
XXXI julii, anno 1633, ex hac vUa migravit, venerabills senectute,
vir nobilissimus, dominus Alphonsus de Rambervillers, episcopatus
Metensis a publicis sanctioribusque consiliis, et forensium controver-
sarium prsetor, qui, dum viveret benefactor ordinis minorum et
singularis conventus Vicensis, sepultus jacet in sacelio beat» Mari»
Virginis, cujus fundator extitit (1).
La chapelle mentionnée à la fin de ce bref éloge funèbre
l'est aussi, et plus longuement, dans le testament d'Al-
phonse : il l'avait fondée, sous le vocable de Notre-Dame
du Miracle, dans l'église des cordeliers ou observantins de
Vie, « mes chers voisins », comme il les appelle affectueu-
sement. Il y avait ménagé un caveau où reposait déjà sa
seconde femme, Anne Raoul, et il demandait à y être
enterré auprès d'elle, ajoutant que ses obsèques devaient
écuyer, seigneur de Daltroflf, lisez d'Allrofif (arr. Chôteau-Salins, cant.
Albestroff), et du Toupet (arr. Sarrebourg, cant. Réchicourt, comm.
Azoudange).
(1) Cet extrait du nécrologe nous est conservé dans le Mémoire de
Rrgnard DR GiRONCouHT de la Biblioth. de Saint-Dié, ms. 80-VII,
fol. 54-57: ce Mémoire était rédigé pour dom Calmet et lui fut adressé
en effet, comme le montre la lettre d'envoi du 17 septembre 1749, insé-
rée au même ms. entre les fol. 53 et 54 ; de plus, Calmet lui-même s'y
réfère k la fin de sa notice sur Alphonse de Rambervillers dans la
Bibliothèque lorraine. C'est donc par suite, ou d'une faute d'impres-
sion, ou d'une négligence inconcevable, que le bénédictin écrit dans cette
notice (col. 781) qu'Alphonse est mort le 13 juillet 1623.
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332 ALPHONSE DE RAMBERVILLER8
avoir lieu simplement^ sans fiste et au milieu de la nuit^
si toutefois Cela pouvait se faire sans scandale et murmure
du peuple, parcequ'il avait toujours eu aversion pour la
parade vaine. Le nëcrologe du monastère de Vie nous
apprend que le premier au moins de ces vœux fut exaucé.
La chapelle existait encore au xvui« siècle, à main droite
en entrant dans l'église, et, sur les vitraux, on voyait les
armoiries du pieux et noble fondateur (1).
(i) Mémoire de Rbonard de Gironcourt. — Par un motif de conve-
nance sans doute, il ne fut pas immédiatement pourvu à la charge de
lieutenant-général vacante par la mort d'Alphonse. C'est seulement le
20 septembre 1633 que l'évèque de Metz nomma Jean d'Abooourt père,
jusqu'alors procureur général de l'évêché, à cet office de lieutenant-
général, qui, dit-il, est un des plus importants dé son état. (Sentet&ces
Vie, lÔâ3-34, fol. 120).
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CHAPITRE IV
La fortune d'Alphonse de Rambervillers,
ses amitiés, sa renommée littéraire.
En dehors de ce que lui rapportait sa charge de lieute-
nant général au bailliage de Vie, Alphonse de Ramber-
yillers avait une fortune de quelque importance, sur
laquelle nous ne manquons pas de renseignements : tout
d'abord, il avait hérité de ses parents: et, comme cette
branche des Rambervillers était fixée depuis plusieurs
générations à Toul, c'est dans le temporel de cet évêché
qu'ils avaient leurs biens ; dans son testament, il indique
des gagnages patrimoniaux qu'il possède à Chaudeney et à
Bainville-sur Madon (1).
Ensuite, Alphonse hérita, semble-t-il, de son oncle,
Eucaire de Rambervillers, qui lui avait déjà laissé sa place
de lieutenant général au bailliage; mais Eucaire ayant
sans doute assuré l'usufruit de ses biensà sa femme, Prisce
Touppet (2), la succession ne s'ouvre qu'à la mort de
celle-ci, vers 1615, et en cette année, Alphonse et ses cohé*
ri tiers ont un procès au sujet de cette succession (3).
Vers la fin de sa vie, nous voyons Alphonse de Hamber-
villers qualifié de seigneur de Dalem et Vaucourt en par-
tie, deux fiefs situés dans le temporel de Metz, qui n'étaient
(1) Ces deux villages sont dans le canton de Toul-Sud, et faisaient
partie du domaine d(^s évèques de Toul.
(2) De Bhaux l'appelle Princeon et nous dit que Touppet n'est qu'un
surnom de la famille Herbel {J. S. A. I., 1899, p. 196). Le père de Prin-
ceon, Etienne Touppet, était trilleur à la saline de Dieuze. Princeon
épousera en secondes noces N. Lallemand (dom Pelletier, Nobiliaire^
p. 794).
(3) Sentences Vie, 1615, fol. 51
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334 ALPHONSE DE RAMBERVILLEIIS
qu'à trois et à quatre lieues de Vie (1) ; il est peu probable
qu'ils lui soient venus de ses parents ; ou bien il les aura
trouvés dans l'héritage de son oncle, Eucaire, ou bien il les
aura acquis à prix d'argent.
Il acheta de la sorte à la même époque un autre fief, mais
celui-ci dépendant du duché de Lorraine : par acte passé
à Vie le 20 avril 1615, Jean d'Ourches, seigneur de Delouze,
constitua un procureur spécial pour vendre à Alphonse,
moyennant 3.500 fr. barrois, tout ce qu'il possédait dans
le fief de Forcelles (2). Comme nous l'avons dit au chapitre
précédent, cette acquisition obligea le lieutenant général
à faire reconnaître sa noblesse par le duc de Lorraine, et
les lettres du 28 septembre 1617 qu'il reçut à cet effet nous
apprennent que le fief de Forcelles se composait de terres
et de rentes dans les villages de Romont, Saint-Maurice,
Haillainville, Damas-aux-Bois, Fauconcourt (3). Selon les
règles du droit féodal (4), le vassal devait faire reprises foi
et hommage de ses fiefs chaque fois qu'un nouveau prince
montait sur le trône ducal ; c'est ce qu'Alphonse fit en
personne pour ce fief de Forcelles le 30 juillet 1625, entre
les mains de Charles IV et de Nicole (5).
(1) Dalem, aujourd'hui Dalhain, Lorraine annexée, cant. Château-
Salins ; Vaucourt, M.-et-M., arr. Lunéville, cant Blâment. — Cf. Sen-
tences Vie, 1620, fol. 324 V.
(2) Arch. de M.-et-M., H. 2568, orig. parch. ~ Le franc de Lorraine,
ou franc barrois valant alors 1 fr. 72 en valeur intrinsèque (cf. de Rio-
couR, dans M. S. A. L. 1883, p. 102), cette somme équivaut à 6.020 fr.
de notre monnaie ; comme il faut multiplier au moins par 4 pour avoir
la valeur relative, le fief acquis par Alphonse représenterait environ
25.000 fr. de maintenant.
(3) Toutes ces communes sont dans les Vosges, arr. Epinal, cant.
Rambervillers et Châ tel-sur-Moselle.
(4) Coutume de Lorraine, litre V, art. 4, 10.
(5) \rch. de M.-et-M., B. 699, n» 90. — Les lettres de réversales, que
le vassal doit reineltre au suzerain, d'après l'art. 6 du même titre de
la Coutume, sont du 18 sept. 16^, et jointes aux lettres ducales ; dans
H. 2568 sont des copies de ces documents, et une pièce nous faisant
connaître que le reste de la seigneurie de Forcelles était possédé par le
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ALPHONSE DE UÂMBEKViLLEBS 335
Remontant plus haut, nous voyons que, par acte du
25 juin 1598, Claude Chaurgeon, jésuite, chargé des affaires
du séminaire de Pont-à-Mousson, laisse à bail à Alphonse
de Rambervillers les dîmes, de Grémecey et de Petton-
court (1), moyennant 350 fr. barrois par an, à payer à la
saint Martin d'hiver, et il déclare passer ce bail <( en
considération des bons offices qu'icelluy séminaire a receu
du sieur preneur et espère en recepvoir (2) ». Enfin, nous
dirons plus loin qu'il possédait un gagnage à Tarquimpol,
à quatre lieues de Vie (3). Et, dès lors, nous connaissons
sans doute toute la fortune territoriale de notre poète,
formée peu à peu, patiemment, dont une partie était située
tout autour et à proximité de sa résidence de Vie : à
Touest (Grémecey et Pettoncourt), au nord(Dalhain), à Test
(Tarquimpol), au sud-est (Vaucourt) ; dont le reste était
plus éloigné, aux environs de Toul et de Rambervillers,
mais toujours assez près pour qu'il pût veiller à la bonne
exploitation de son domaine.
Et, de fait, nous avons quelques actes d'administration
prouvantque, chez l'auteur des Dévots élancemens, la poésie,
même mystique, ne faisait pas tort au sens pratique : le 15
mars 1623, un tabellion de Rambervillers donne à cens en
son nom un terrain devant l'église du village de Saint-
Maurice ; le 13 jan/ier 1624, c'est Alphonse au contraire
qui prend à cens un bien à Romont ; le 4 mai 1626, il
amodie pour neuf ans à trois laboureurs de Romont tout
ce qu'il a sur le ban de ce village dépendant de la sei-
sieur de Bildstein de Magnières, et que le tout était indivis entre
Alphonse et lui ; dans cette même liasse, il y a encore un autre aveu
rendu par Alphonse le 8 juin 1627 pour des rentes qui paraissent
dépendre du même fief.
(1) Ces localités sont en Lorraine annexée, cant. Château-Salins,
toutes voisin 3S l'une de l'autre et à deux lieues de Vie.
(2) Arch. de M.et-M., B. 965, n» 161.
(3' Lorraine annexée, arr. Château-Salins, cant. Dieuze.
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336 ÂLPâONSE DE RAMBERVILLEBS
gaeurie de Forcelles, moyennaat 20 fouraux (1) de blé et
20 d*avoine qu'ils devront lui amener tous les ans à la
saint Martin, en son domicile de Rambervillers (2), contrat
curieux parcequ'ilnousapprendqu'Alphonse avait conservé
ou acquis une maison dans la petite ville qui était le ber-
ceau de sa famille. Et Tadage « qui terre a guerre a » étant
au moins aussi vrai au xvn« siècle qu'au xx^, nous consta-
tons encore que ces possessions valurent à leur maître
quelques tracas et contestations ; en 1614. il plaide devant
un siège lorrain, le bailliage d'Allemagne, contre Chris-
tophe et Jean Mussiel, seigneurs de Berg (3) ; en 1619 et
1620, il est en procès devant son propre bailliage avec
noble Balthasar Rennel, conseiller d'Etat de Son Altesse,
et président de la Chambre des Comptes de Lorraine (4) ;
en 1627, il se plaint au duc de Lorraine, que, bien qu'il
ait repris régulièrement le fief de Forcelles, et qu'en qualité
de vassal il ait été appelé et ait siégé aux Etats généraux
du duché, néanmoins le procureur général du bailliage de
Châtel a fait saisir ce fief (5) ,
A côté des revenus normaux et fixes, qui provenaient de
la propriété foncière, Alphonse de Rambervillers en avait
d'éventuels que lui valait son talent d'écrivain ; «ans nour-
(1) Le fourau, mesure spéciale à {lambervillere, vaut eovirop
27 litres.
(2) Ces trois pièces, comme d'autres que nous avons déjà indiquées,
sont dans la liasse H. ^68. faisant partie du fonds du çouveot de la
Congrégation de r^ancy ; une des filles d'Alphonse, Marie-Charlotte,
était religieuse dans cette maison, et sa part était sans doute imputée
sur ces biens, ce qui explique que les titres et contrats s'y rapportant
aient été remis au couvent.
(3) Arch. de M.-et-M., B. 932, n» 17. — Berg, Lorraine annexée, arr.
Thion ville, cant. Cattenom. Sur cet acte, Alphonse est qualifié par
erreur conseiller, au lieu de lieutenant général ; en 161^, il n'y a pas de
Rambervillers conseiller au bailliage de Vie,
(4) Sentences Vie, 1619, fol. 14 ; 1680, fol. iÇÔ v% 179 V. 196 V,
(5) Arch. de M -et-M., H. 2568 ; la supplique d'Alphonse n'est pas
datée, mais est suivie d'un ordre du Conseil au procureur de Châtel
de faire un rapport sur la question, et cet ordre est du 10 avril 1627.
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ÀLPâONSE t)E RAMBERVlLLERS 337
Hr son homme comme maintenant, la littérature était alors
déjà quelque peu rémunérée. Par mandement du 15 avril
1600, le duc Charles III lui alloua 25 écus sols, valant
118 francs 9 gros de Lorraine, pour Taider à imprimer 8^
Dévots élanoemens ; puis, par un autre mandement du
26 février 1603, il lui accorda encore pareille somme,
« dont pour ce coup nous luy avons faict don et ocfroy à
la présentation qu'il nous a fait d'un poème par luy com-
posé, intitulé Les déwtz eslancemens du poèus ehrestien (1) ».
Le duc Henri II, par mandement du 14 mai 1616, lui
accorda 200 francs e en considération des frais qu'il a
exposé au project qu'il auroit faict de mettre sur la presse
les pompes funèbres de feu Son Altesse (2) n. Ces généro-
sités de la maison de Lorraine dédommagèrent le poète du
peu de succès qu'il avait eu auprès de la maison de France.
Il dut recevoir des subventions analogues du duc de
Mercceur, au service duquel nous avons dit qu'il mit sa
plume en plusieurs occurrences, et comme ses livres se
vendaient bien, puisque les Dévots élancemms par exemple
eurent de son vivant quatre éditions, en 1600, 1603, 1610,
1617, il put encore trouver là des ressources appréciables.
Nous n'ajouterons que pour mémoire des recettes tout à
fait exceptionnelles, par exemple 150 résaux de blé et
autant d'avoine qu'Alphonse reçoit en 1604 à titre d'exé-
(i) Arch. de M.-et-M., B. 1264, fol. 31 V ; B. 1275. — H est probable
que le premier de ces maDdements se rapporte à l'édition de 1600 (Paris,
Pacard, in-12), signalée par Biauppâ dans ses Recherche» 6wr Les com-
mencements de l'imprimerie en Lorraine, Nancy, 1845, in-8, p. 228 ; le
second viserait plutôt l'édition de 1603 (Pont-à -Mousson, Melchior
Bernard, petit in-8, »• 11.336 du fonds lorrain de la 3ibUoth. de Nancy).
(2) lltia., B. 137i, fol. 264. — On sait que le Discours des cérémonies,
honneurs et pompe funèbre da Charles III, mort en 1608, a été publié
en 1609 par Claude de La Ruellb (n* 555 du fonds lorr.) ; nous igno-
rons si Alphonse de Rambervillers avait dès lors travaillé en concur-
rence avec lui, ou bien si, comme la date du mandement semble l'indi-
quer, il se mit à la tâche ultérieurement pour faire mieux. Quoiqu'il
en soit, son livre n'a jamais paru, et n'a peut-être même jamais été
entièrement écrit.
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338 ALPHONSE DE RÂMBËHVILLEAS
cuteur testamentaire du sieur de Haraucourt de Parroy,
capitaine de rartillerie ducale (1) ; trois pistoles que lui
assigne sa cousine, Catherine de Rambervillers, habitant
Lunéville, pour exécuter son testament daté du 6 mai
1630 (2) ; mais nous citerons encore un document, qui
permet d'apprécier dans l'ensemble sa situation de for-
tune : en août 1621, une de ses filles, Marie-Charlotte, était
entrée comme novice au couvent de la Congrégation de
Nancy, et son père avait promis de lui donner une dot de
5.000 francs de Lorraine (3) ; il avait déjà versé 1.400 francs
lorsque le passage de l'armée de Mansfeld aux environs
de Vie l'empêcha d'achever de s'acquitter, et le 29 août
1622, le jour même où sa fille fit profession, se présentant
devant les grilles du monastère, il constitua, en place du
surplus, une rente annuelle de 252 francs, et pour sûreté
du payement engagea aux religieuses son gagnage de
Tarquimpol (4). Enfin, dans ces mêmes lettres à Peiresc
où il se plaint un peu trop souvent de la grande dépense
qu'il a faite pour ses deux fils, où il gémit sur la prodiga-
lité de l'aîné, Alphonse ne laisse pas d'ajouter que, Dieu
merci, il n'est pas dans la nécessité, et parle négligem-
ment des 2 ou 300 écus qu'il a dépensés pour l'impression
de son dernier livre (5). De tout ceci, nous conclurons
qu'Alphonse de Rambervillers pouvait se livrer à son
goût pour les lettres sans être troublé par les soucis d'ar-
gent, que même il lui était loisible de satisfaire la passion,
en tout temps coûteuse, du collectionneur.
(1) Ibid.y B. 5750, fol. Hl. — Nous ne savons pourquoi ce payement
en nature lui est fait par le receveur ducal à Einville, sur ordre du duc
du 22 mars 1604. — Le résal valait 117 litres.
(2) Ibid., H. 1520. — La pistole valait alors 20 fr. 60.
(3) Ce qui ferait 8.600 francs de maintenant, valeur intrinsèque, et
environ 35.000 francs, valeur relative, à calculer comme plus haut.
(4) Arch. de M.-et-M., H. 2559.
(5) Urbain, Un amaleur lorrain, p. 30,36, 37, 34, 43.
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ALPHONSE DE KAMBëHVILLERS 339
Il ne s'en fit pas faute : l'analyse de son testament a déjà
renseigné sur ses collections de toute sorte; nous avons en
outre le catalogue de son médailler (1), où nous voyons
qu'il possédait vingt monnaies d'or et une centaine de
monnaies d'argent. Ces dernières sont toutes des monnaies
romaines; les pièces d'or sont aussi romaines, sauf quatre
que le catalogue qualifie gothiques (2), ce qui veut dire du
moyen âge, une médaille <c moderne de la reine mère »,
c'est àdire de Marie de Médicis, et « une autre vieille
monnaie ». Alphonse ne parait donc pas avoir recherché
les monnaies lorraines et messines. Quant à sa biblio-
thèque, nous n'en avons pas le catalogue, mais trois livres
qui en proviennent ont été retrouvés : à la Bibliothèque
Nationale est l'Optica regularium, seu commentarii in regu-
lam sancti Augustini de Servais de Lairuelz, sur le titre
duquel est écrit à la main le nom d'Alphonse de Ramber-
villers (3) ; à la bibliothèque Mazarine sont conservés un
plaidoyer de Sébastien Rouiilard, imprimé en 1628, et
signé de la même façon (4), et un volume plus précieux
encore, puisqu'il est manuscrit, les Heures de la Vierge en
latin, écrites au xv® siècle à l'usage du diocèse de Toul (5).
(1) n est placé à la suite de son testament, aux fol. 37-39 du ms.
259 de la Biblioth . de la Soc. d'archéol lorr. C'est une transcription
assez mal faite, terminée ainsi : a copié sur 6 feuillets d'écriture
gothique, qui sont aux archives des cordeliers à Vie, avec les autres
papiers de la chapelle de M. de Remberviller encor en 17H3 ».
(2) Alphonse emploie aussi ce terme dans une de ses lettres à Peiresc
(Urbain, Un amateur lorrain^ p. 31) ; cette même lettre et d'autres
Ibid.^ p. 33, 39) nous apprennent qu'il connaissait et pratiquait au
besoin la technique des monnayeurs et des émailleurs. Nous avons
déjà dit qu'il savait peindre et graver; enfin une lettre à Peiresc {Ibid.,
p. 23) nous le montre encore faisant une collection d'histoire naturelle.
(3) Voir au n* 4 de l'appendice.
(4) Indiqué par M. Urbain, ibid., p. 6.
(5) C'est le ms. 503 (854) de cette bibliothèque, in-18 de 113 feuillets
en parchemin ; il donne ainsi les noms de ses anciens possesseurs :
P. MUlinus, Hector de Rambervillers, Alphonse de Rambervillers,
Toussanus Rammillus. Le nom d'Alphonse est écrit une fois au début
22
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340 ALPHONSE UË RAMBËHViLLEKâ
Alphonse put également, grâce à cette même aisance,
faire des voyages dont beaucoup n'ont sans doute pas
laissé de traces, mais ceux que nous connaissons sont
encore assez nombreux. Il va à Metz en mars 1603 pour
saluer Henri IV au nom des habitants de Vie (1). Il est le
26 juillet 1600 à Saint-Nicolas de Port et y offre son Polé-
mologue au duc de Mercœur, qui part pour guerroyer
contre les Turcs (2). Il se rend à Nancy le 28 juillet 1593
pour prêter son serment de lieutenant général (3) ; il y va
encore le 10 juillet 1620 avec d'autres membres du bailliage,
et signe là des lettres patentes de Tévêque de Metz (4) ; il
y retourne le 29 août 1622 pour la prise de voile de sa fille
aînée (5), et les 30 juillet et 18 septembre 1625, 8 juin 1627,
pour les reprises de ses fiefs lorrains (6). Enfin, il a fait
])lusieurs fois le long voyage de Paris : il s'y est déjà rendu
en 1600, puisque le 30 mars de cette année^ jour du jeudi
saint, il assiste à la messe du roi au château de Vincennes,
et lui offre le précieux' manuscrit de ses Dévots élance-
mens (7) ; il y est de nouveau et salue encore le roi en
1603(8) ; dans une lettre de février 1622, il parle d'y
du ms. et deux fois à la fin. Â la fin également on voit de nouveau le
nom Toussanus Rammillus, précédé de « Plus penser que dire »,
devise de la ville de Bar-le-Duc. Quant à Hector de Rambervillers, son
nom est répété quinze ou vingt fois sur les feuilles de garde, en carac-
tères de diverses grandeurs et quelquefois ornés de dessins, mais il a
négligé d'ajouter qui il était et quand il vivait, et de notre côté, nous
n'avons rien trouvé sur ce personnage que M. Urbain, ibid., p. 6,
suppose à tort le père du poète. Ce ms. appartenait au couvent des
dominicains de Paris avant d'entrer à la Mazarine.
(1) Lepage, Statisl. de la Meurthe, t. II, p. 602.
(2) Dévots élancemens, édit. de i610, p. 167.
(3) Voir à la fin du chap. II.
(4) Sentences Vie, 1620, fol. 249 v».
(5) Arch. de M.-et-M., H. 2559.
(6) Ibid., B. 699, n- 90: H. ^68.
(7) Cf. Urbain, tbid.^ p. 9, et la Harangue imprimée à la suite du
titre des Dévots élancemens dans l'édit. de 1610.
(8) Urbain, ibid., p. 10.
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ALt>HONSE DE RAMBËRVILLERS 341
venir pour visiter Févêque de Metz qui y fait sa résidence
habituelle, et aussi pour s'entretenir avec Peiresc(l); nous
ne savons s'il donne suite cette année même à ce dessein,
mais en mai de l'année suivante, 1623, il est certainement
à Paris puisqu'il assiste au service funèbre de Coèffeteau (2).
Aussi connaissait-ii tout de la capitale, le mauvais aussi
bien que le bon : si dans une lettre il exprime sa joie de
s' a enfoncer aux délices des singularités et raretés que la
France fait abonder en cet Océan de merveilles >: (3), dans
d'autres il explique qu'il est c très dangereux d'envoyer
des jeunes gens en un lieu plain de corruption,... car la
corruption de Paris est si grande que je diray avec le
poète : omnia tuta timet (4) ». N'est-il pas curieux de cons-
tater que maintenant encore beaucoup d'étrangers portent
sur Paris ce môme jugement en partie double?
***
Quand on ouvre Les dévots élancemens du poète chrestien^
on y trouve, avec une pagination spéciale de 19 pages qui
aujourd'hui seraient marquées en chiffres romains,
d'abord la harangue et les stances dédicatoires adressées
par l'auteur au roi, puis treize petits morceaux en prose
ou en vers, en latin ou en français, émanant de dix
auteurs différents, qui font un éloge, souvent hyperbolique,
du poème et du poète. C'était l'usage, au xvi* et au
xvii«siècle, de placer en tête d'un livre ces épîtres liminaires,
de même qu'aujourd'hui l'écrivain obtient une préface de
tel ou tel personnage en vue, qui le recommande au public.
Nous trouvons donc là les noms des principaux amis
d'Alphonse de Rambervillers, formant ce qu'il y aurait
quelque prétention à appeler son groupe littéraire, et il
(1) Ibid., p. 44.
(2) Urbain, Nicolas Coëffeteau, p. 378.
(.3) Urbain, Un amateur lorrain, p. 23.
(4) ifttd., p. 21, 35.
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342 ALPHONSE DE RaMBEUVILLERS
est à propos de donner sur eux de brèves indications, en
les prenant dans l'ordre môme où ils sont placés dans
l'édition de 1610.
M. de Selve est qualifié conseiller d'État et chancelier
à Madame (1). 11 s'agit sans aucun doute de Lazare de
Selve, seigneur de Breuil et Marignan, qui était conseiller
du roi en son Conseil d'État et privé, fut nommé en
mars 1606 à cette charge de président royal à Metz, qu'avait
créée le roi en 1569 pour juger les différends entre les sol-
dats et les bourgeois, et mourut dans cette ville le 18 août
1623. Les bénédictins auteurs de VHistolre de Metz nous
disent qu' « il fut ferme à maintenir la police extérieure de
la religion catholique, quant à l'observation des fêtes et à
l'abstinence de viande aux jours prescrits. Il composa et
fit imprimer à Metz en 1607 des sonnets spirituels sur les
évangiles du carême (2). » Lazare de Selve avait donc tous
les motifs de se lier avec Alphonse de Rambervillers,
puisqu'il était comme lui magistrat, poète, et poète chré-
tien. Sa famille, originaire du Limousin, avait du reste
fourni à l'Église deux prélats, Jean-Paul de Selve, évêque
de Saint-Flour et ambassadeur à Rome sous Henri II, et
Georges de Selve, évêque de Lavaur, ambassadeur à
Venise, en Angleterre et en Espagne (3).
Jean-Jacques Boissard est aussi un étranger devenu mes-
sin d'adoption : né à Besançon en 1528, il s'établit à Metz
vers 1560, y publia de savants ouvrages d'archéologie
(1) La princesse à laquelle il était ainsi attaché est Catherine de
Bourbon, sœur d'Henri IV, qui épousa le 31 janvier 1599, Henri de
Lorraine, fils atné du duc Charles III, et mourut le 13 février 1604.
Cf. Annales de l*Est, 1901, p. 404.
(2) HisL de Metz, t. III, p. 184-185. Cf. Chronique de Buffet, publiée
par Aug. Prost, Paris, 1884, in-12, p. 82 ; Emmanuel Michbl, UisL du
Parlement de Metz, Paris, 1845, in-8, p. 11 ; abbé Poirier, Metz,
Documents généalogiques, Paris, 1899, in-4, p. 585.
(3) MoRÉRi, Dictionn. histor., t. VI, p. 404; Lettres de Catherine
de Médicis, dans la Collect. de doc. inéd. hist. France^ t. I, p. lli.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 343
classique^ mais malheureusement y fabriqua aussi nombre
d'inscriptions romaines fausses pour gagner de Tar-
gent (1), et y mourut le 4 octobre 1602 (2). Il avait adopté
la Réforme, sans doute pendant un long voyage qu'il fit
en Allemagne, où il suivit les leçons de Melancthon vers
1550, et c'est afin d'échapper à la persécution qu'il avait
quitté Besançon, ville espagnole, pour Metz, où les pro-
testants étaient nombreux et tolérés (3). Mais il semble
que ses convictions protestantes ne furent jamais bien
sérieuses (4), puisqu'elles ne l'empêchèrent pas, en 1556
et 1557, de s'attacher au cardinal Charles Carafla, et à la fin
de sa vie, de décerner un éloge complet, sans aucune
réserve, à ce livre ardemment catholique des Dévots élance-
mens, dans lequel la doctrine protestante est prise plu-
sieurs fois à partie avec quelque vivacité (5).
Jean Du Hait, qui a faitdeux piècesdevers à lui seul, se
qualifie simplement « gentilhomme messin ». Peut-être,
doit-on l'identifier à Jean Du Hait, sergent-major, c'est-à-
(1) Voir la longue étude que M. Keunr a Taite de ces faux dans le
Jahrbuch der Geaellschaft fiir lothringische Geschichte und Alter-
tumskunde, 1896, 1" partie, p. 1-118, en particulier aux p. 34-36, 48
et 112.
(2) C'est donc sans doute pour la première édition, celle de 1600, qu'il
a composé son épître liminaire, reproduite dans les éditions de 1603
et 1610.
(3) Il nous dit lui-même dans son autobiographie, qui a été publiée,
par M. Keune, ibid.^ p. 95-96, que « religionis gratia in periculum ve-
nions, patriam deserere coactus est ». Les inscriptions de son mariage,
des naissances de ses enfants et de sa mort dans les registres de la
communauté réformée de Metz (Ibid.^ p. 96-97) viennent à l'appui de
ce renseignement. Voir aussi abbé Poirier, ibid., p. 83, et Haag,
La France protestante, 2« édit., t. II, col. 704-718.
(4) C'est pour cela sans doute que les auteurs de VHist. de Melz^
t. III, p. 161, se demandent de quelle religion il était, mais ne se pro-
noncent pas, tandis que Moréri, lô/rf., t. I, p. 295, et dom Galmet,
Biblioth. Inrr., col. 130, 131, ne se posent même pas cette question.
Boissard manquait-il de sincérité dans les choses de la conscience
comme dans celles de l'érudition ?
(5) Entre autres à la p. 64, strophes 16 et 17 de l'édit. de 1610.
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Qoo^(^
.%4 ALPHONSE DE RAMBERV1LLERS
dire chef d'état-major de la garnison de Metz, mort le
8 mai 1610 (1) ou bien à an autre Jean Du Hait, écuyer,
cité en 1621 comme trésorier général de Tévâché de
Metz (2).
Siméon Aubertin lut nommé chancelier de cet évéché le
10 janvier 1602, à la place de Jean Aubertin, son père (3).
11 était donc le collègue d'Alphonse de Ramberyillers ; s'il
ne consacre que quatre vers latins à le louer, il le fait avec
emphase, puisqu'il le compare à Socrate pour la verta, à
Pindare pour le talent.
C'est encore à Pindare que pense Didier Marsal, bache-
lier en théologie, avocat au bailliage de l'évêché de Metz,
quand, en tète du sonnet qu'il a écrit, il place Tanagramme
d'Alphonse de Rambervillers : « l'embrasé Pindar re-
volé ». Nous ne savons rien sur ce personnage.
Nous sommes mieux renseignés sur Jean Hordal, qui
descendrait de Pierre d'Arc, troisième frère de la Pucelle :
né en 1542, docteur en droit, nommé professeur à la
faculté de droit de l'Uoiversité de Pont-à Mousson en
1587, conseillerd'État du duc de Lorraine, qui lui donna
confirmation de sa noblesse le 10 juillet 1596, il mourut le
10 août 1618, après avoir écrit en latin une histoire de
Jeanne d'Arc .4).
Servais de Lairuels est le seul qui ait écrit simplement
(1) Chron. de Buffet, p, 126-8. — Nous avons dit an ehap. I qu'en
1592 Alphonse plaidait pour ce personnage.
|2) Sentences Vie, Ifêl, fol. 185.
(3) Ihid., 1602, fol. 12 V.
(4) De BouTEiLLER et de Bhaux, La famille de Jeanne d'Arc, Paris,
1879, in-12, p. 107 ; abbé Eug. Martin, L'Université de Pont-à-Mous-
8on^ Nancy, 1891, in-8, p. 68. — Le premier ouvrage nous assure que
Jean Hordal (Jean P', pour le distinguer de son Gis et de son petit-
fils qui ont le même prénom) devint doyen de la faculté de droit, mais
le second ne le nomme pas dans la liste des doyens, p. 430. On aura
sans doute confondu avec Jean 111, qui fut doyen de 166<{ à 1691. — Le
livre d'Hordal sur Jeanne d'Arc a paru à Pont-à-Mousson en 1612,
in-4 (fonds lorr., n* 3454).
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 345
en prose française son épître liminaire : toutes les autres
sont en vers français ou latins. Abbé de Sainte Marie-
Majeure à Pont-à-Mousson, et réformateur de Tordre des
prémontrés auquel il appartenait, le personnage est trop
connu pourquoi soit nécessaire d'insister (1). Remarquons
simplement qu'entre le religieux prémontré etle lieute-
nant général au bailliage de Vie, il y avait échange de
politesse: lorsqu*en 1603, Servais fit paraître à Pont-à-
Mousson son Optica regularium, qu'il avait écrite pour
ranimer la ferveur primitive chez ses religieux, Alphonse
de Rambervillers lui envoya une épître liminaire en vers
latins, qui est imprimée en tête de ce volume (2).
Claude Ginet, qui n*a pas fait moins, à lui seul, de trois
pièces en vers latins, est qualifié docteur en philosophie
et en médecine, noble, Nancéien, ce qui veut dire qu'il
était né dans cette ville (3), car il habitait Vie (4), et rien
n'empôche de supposer qu'Alphonse de Rambervillers fût
son client, mais un client uû peu frondeur, et qui, déjà un
demi-siècle avant Molière, ne croyait guère à la médecine,
et proclamait qu'il fallait avant tout compter sur la na-
ture : en 1621, il exprime à Peiresc son regret « en ce que
vostre indisposition vous contraint de passer par les
mains des médecins et de souffrir l'examen de tant de
•
(1) Voir sur lui abbé Eug. Martin, Servais de Lairuels et la réforme
des prémontrés ^ Nancy, 1893, in-8. — Servais n'est pas né en Lorraine,
mais en Hainaut, vers 1562 ; il mourra le 18 octobre 1631 à Sainte-
Marie-au-Bois, son abbaye d'origine. Dans son épître, Il loue Alphonse
de Rambervillers d'avoir marié en son esprit les muses avec Bartole.
Bartole ouBarthole, né en Ombrie en 1313, mort en 1357,. est le plus
célèbre jurisconsulte du moyen âge ; ses œuvres complètes venaient
d'être réimprimées à Venise, 1590, 10 in-fol., et cette édition encore ré-
cente l'avait remis en honneur.
{2) Voir à l'appendice n* 4.
(3) Sa famille y était fixée, et en 1613, un autre Ginet Albert, obtint
l'autorisation de fonder une teinturerie de draps dans la ville neuve
(LsPAQB, Archives de Nancy ^ t. I, p. 319).
(4) Il est nommé à la date de 1611 comme exerçant à Vie (Sentences
Vie, 1606-12, fol. 163 V).
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346 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
sortes de médicamenset de remèdes, ayant recongnu par
expérience estre trop meilleur de s*en abstenir, et laisser
faire la nature, qui tâche à sa conservation, que non pas
de la surchar^r par tant d'artifice des hommes, qui se
trompent le plus souvent à la congnoissance des mala-
dies (1). Nous avons plaisir à trouver chez notre auteur
cette indépendance de jugement, assez rare alors, croyons-
nous, à regard de la médecine et surtout de la pharmacie
de son temps, et à l'entendre protester ainsi contre l'abus
des drogues.
Les deux derniers auteurs d'épîtres liminaires sont deux
religieux carmes, fr. Macé Trempler (2), et fr. Christophe
Leroy ; ce dernier avait le grade de bachelier de Paris.
Nous ne savons rien sur eux, et ils ne devaient pas habiter
Vie, car il n'y eut un couvent de carmes dans cette ville
qu'en 1675. Nous avons vu d'ailleurs que nombre des amis
littéraires d'Alphonse de Rambervillers étaient étrangers
à Vie.
A côté de ces dix personnages, laïques ou ecclésias-
tiques, qui se sont intéressés à la publication des Dévots
élancemens, Alphonse de Rambervillers avait sans doute
d'autres amis que nous ne connaissons pas tous. Nous
avons dit qu'il fut en relations épistolaires avec Fabri de
Peiresc, ce qui n'est pas pour surprendre : Peiresc, que
Bayle a qualifié le procureur général des savants de tous
(1) Urbain, Un amateur lorrain^ p. 32.
(2) Outre le sonnet qu'il a placé à la page liminaire 16, Trempler (ou
Templer) en a encore mis un autre à la page 2 de la pagination défini-
tive, pour servir d'introduction à la première partie des Dévots élan-
cements. Si l'on compte cette pièce parmi les épitres liminaires, le
nombre s'en élèvera à 14, celui des auteurs restant de 10. — Ce compte
est fait sur l'édition de 1610 ; dans celle de 1603, il y a 11 auteurs:
Lairuels et Christophe Leroy n'ont rien donné, et on trouve à leur
place Jean Le Changeur et Claude Breton, avocats au bailliage de
l'évèché de Metz, et Nicolas Romain, docteur en droit, secrétaire de
Mgr de Vaudémont ; de plus, ces épitres liminaires se suivent dans un
ordre un peu différent.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 347
pays, se liait très facilement avec les lettrés et les érudits,
plus encore pour leur rendre des services que pour leur en
demander. On possède seize lettres qu'Alphonse lui écrivit
en 1620, 1621, 1622; il dut y avoir un nombre à peu près
pareil de lettres du magistrat provençal au magistrat
lorrain, car le second en accuse réception au premier, et
il serait intéressant de les retrouver, si elles peuvent
encore Tétre. Dans ses missives Alphonse n'entretient
pas seulement Peiresc de questions de littérature et d'art ;
il lui donne aussi (les nouvelles politiques, et l'informe des
grands événements qui se passent alors en Allemagne, et
qu'il peut mieux connaître, grâce aux relations suivies de
la Lorraine et de Tévêché de Metz avec ce pays ; il lui
envoie même une gravure représentant la bataille de Pra-
gue, du 8 novembre 1620, où son fils cadet s'est trouvé (1).
Mais, en même temps, il n'oublie pas ses intérêts, et nous
devons reconnaître qu'il sollicite un peu trop: dès sa
première lettre, il prie son correspondant de le recom-
mander au garde des sceaux, et il revient à la charge dans
les lettres 2, 3, 4. 6, 7 ; puis, dans les lettres 10, 11, 12, 13, 15,
il demande à Peiresc de lui faire obtenir une récompense
du roi Louis Xliï. Et pourquoi cette récompense? Pour le
fameux manuscrit des Dévots élancemens^ calligraphié et
enluminé par lui, et qu'il avait ofiert le jeudi saint 1600 au
roi Henri IV. Réclamer encore le prix d'un cadeau donné
21 ans auparavant, c'est faire preuve de plus de persévé-
rance que de bon goût, et Alphonse paraît l'avoir au moins
soupçonné, car il s'en excuse en disant que « en ce temps
et en France, qui ne sollicite Irien n'a rien (2) », remarque
qui n'a peut être pas tout à fait cessé d'être vraie. Un
moment, Peiresc avait manifesté le dessein de faire un
voyage en Lorraine, et Alphonse ravi lui écrit le 6 novem-
(1) Urbain, Un amateur lorrain, p. 32. Voir aussi p. 36-38.
(2) Urbain, ibid,^ p. 33.
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348 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
bre 1620 : « Je ne penseroys recevoir jamais un plus grand
honneur que de vous voir, et vous avoir pour hoste en
mon petit logis, et alors j'auroys ce rare bonheur de jouyr
du doux fruit de vostre présence » (1) . Mais le voyage
n'eut pas lieu, et Alphonse ne vit jamais son ami, à moins
qu'il ne Tait rencontré en 1623 dans la capitale, pour
laquelle Peiresc quittait assez souvent sa résidence habi-
tuelle d'Aix.
On s'écrivait beaucoup au xvi« et au xvii* siècles, les
missives tenant lieu de journaux, et la correspondance
avec Peiresc n'est pas la seule qu'entretint Alphonse de
Rambervillers: il eut aussi avec lecomteHermann Adolphe
de Salm un échange de lettres, dont une seule, écrite par
le comte en 1622, nous est connue : elle parle de la guerre
et des négociations en cours, et nous fait regretter de ne
pas posséder les autres (2). Enfin, nous aimons à voir que
ce catholique convaincu et militant n'était pas du tout
exclusif, et qu'il avait un commerce d'amitié et de lettres
avec un érudit luthérien de Strasbourg, Jean-Jacques Luck,
dont il parle à plusieurs reprises à Peiresc (3).
A côté de ces amis, qu'il ne pouvait entretenir que par
écrit, Alphonse en avait d'autres plus rapprochés, qu'il
devait voir régulièrement : Metz où ses fonctions l'appe-
laient fréquemment était de son temps un centre intellec-
(1) Ibid,, p. 23.
(S) Cette lettre est pubUée par M. Urbain, ibid,, p. 45. — Ce comte
de Salm est souvent cité dans les Pièces sur la guerre de Trente Àfis
en Lorraine, publiées par Schmit dans le Recueil de doc. sur Phist.
de Lorraine, mais l'éditeur n'a pas pris la peine d'expliquer qui il était.
Son nom ne figure pas dans les généalogies de la maison de Salm de
dom Calmet {Hist. de Lorraine, 2' édit., t. VII, préllm., col. 179-200),
de Gaston Save (Ihill. de la Soc. philoni. voagienne, 1890-91, p. 77),
de Leur {Alsace noble, t. I, p. 339-361), de Moukri (Dictionn. histor.,
V* rhlngrave).
(3) Urbain, ibid.,^. 33,36. — Cette correspondance serait, elle aussi,
à retrouver, si toutefois elle n'était pas à la Bibliothèque de Strasbourg,
détruite par le bombardement de 1870.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 349
tue) assez vivant, plus vivant sans doute que Nancy. Nous
avons déjà dit que plusieurs de ceux qui s'inscrivirent en
tête de son poème y demeuraient ; à leurs noms, il faut
ajouter ceux de deux prélats, suflragants de Metz, c'est à-
dire faisant les fonctions épiscopales pour Henri de Bour-
bon Verneuil, trop jeune ou retenu à Paris: Nicolas
Coeffeteau, dominicain, évéque in partibus de Dardanie,
et Martin Meurisse, capucin, évêque in partibus de
Madaure. Tous deux étaient des hommes très lettrés, et
des écrivains féconds, dont le premier a surtout cultivé
réloquence et la théologie (1), le second Thistoire ; ils
furent certainement en relations avec le lieutenant général
au bailliage de Tévêché, et, pour Goêffeteau, ces relations
furent si intimes que, lorsqu'il mourut en 1623, Alphonse
composa en latin son épitaphe (2). Un peu au-dessous par
la situation sociale et par le talent, était André Valladier,
prédicateur et poète latin renommé à cette époque : le car-
dinal de Givry l'amena à Metz et en fit son grand vicaire,
puis il devint en 1611 abbé de Saint-Arnould de Metz,
et y mourut en 1638 (3).
La société laïque comptait peut- être moins d'hommes
(1) Il est assez bon écrivain pour que M. Urbain ait intitulé le livre
qu'il lui a consacré en 1893 : Nicolas Coëffeteau^ un des fondateurs de
la prose française.
(2) Publiée dans le livre de M. Urbain sur Goêffeteau, p. 378-380, —
Remarquer que Goêffeteau était aussi en rapports avec Peiresc ; il en
reçoit deux lettres datées de septembre 1621, c'est-à-dire de cette même
époque où Peiresc et Alphonse de Rambervillers entretenaient une cor-
respondance suivie (Tamizey db Larroque, Lettres de Peiresc, dans la
Collect.de doc. inéd. hist. France^i. VII, p. 962-963). Peut-être est-ce
l'un des deux qui aura mis l'autre en relations avec Peiresc.
(3) Sur ces trois auteurs, outre le livre de M. Urbain, voir la
Bibliothèque lorraine de dom Galmkt, qui cite 21 ouvrages de Valla-
dier. Remarquer qu'aucun n'est d'origine lorraine : Goêffeteau est né
dans le Maine, Meurisse en Picardie, Valladier en Forez. A Metz se
rencontraient donc alors des beaux esprits de diverses parties du
royaume, et ils s'y plaisaient assez pour y rester longtemps, ou jusqu'à
leur mort.
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330 ALPHONSE DE RAMBERV.ILLERS
de talent que TEglise ; nous ne citerons ici qu'un person-
nage, parce qu'Alphonse de Rambervillers paraît avoir eu
avec lui des rapports particulièrement affectueux : c'est
Jean Des Porcelets de Maillane, qui était bailli de Tévôcbé
de Metz, et en cette qualité devait résider plus ou moins
souvent à Vie (1). 11 possédait déjà cet office en 1593 quand
Alphonse fut nommé lieutenant général, et il reçut son
serment; à une date que nous ne connaissons pa^, mais
en tous cas antérieurement à 1603 (^), son fils, Paul, âgé de
18 ans, se noya par accident. Alphonse, qui paraît avoir
été très dévoué à ses amis, était toujours prêt, dans
Toccasion, à mettre son talent d'écrivain à leur service:
nous avons vu qu'il recommanda au public un livre de
Lairuels et qu'il fit Tépitaphe de Goéffeteau ; il voulut aussi
consoler le malheureux père de la mort de cet enfant, qui,
si on peut l'en croire, était un jeune homme accompli, et,
il s'y essaya dans une pièce de près de 300 vers. Au milieu
de l'éloge du fils, il insère l'éloge du père dans un passage
assez bien venu pour être cité ici :
(1) La famille Des Porceldts de Maillane est d'origine provençale et,
à la même époque, un de ses membres portant aussi le prénom de Jean
occupa le siège épiscopal de Toul de 4607 à 1624 ; la généalogie de
celui-ci est dans le J, S. A. L. 1878, p. 103, 152 et dans VHùt, du dioc.
de Toul de l'abbé Eug. Martin, t. II, p. 101, mais ne nous apprend pas
quelle pouvait être sa parenté avec le bailli messin. Ce dernier s'in-
titulait : « Jean Des Porcelets, seigneur de Maillane, Valhey, Gussain-
viUe, conseilbr d'Etat et chambellan de Son Altesse, bailli et superin-
tendant de l'évèché de Metz ». (Sentences Vie, 1602, fol. 15). Il est très
malaisé de se reconnaître parmi les Des Porcelets de ce temps, parce-
qu'ils portent tous les prénoms d'André et de Jean ; de plus, les
documents omettent souvent leurs prénoms, par exemple un acte du
4 janvier 1609, par lequel le duc Henri II nomme gouverneur de Marsal
le sieur de Valhey, bailli de l'évôché de Metz (Arch. de M. et M.,
B. 79, fol. i). Est-ce le même dont nous parlons ici, ou un autre, cet
André qui aurait aussi été bailli de cet évéché, d'après M. l'abbé
Martin ?
(2) En effet, la pièce de vers que nous allons citer figure déjà dans
ledit, de 1603 des Dévots élancemens^ mais elle n'est pas datée, comme
le sont les autres pièces de circonstance réunies à la suite de ce poème.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 351
Failloit-il donc, hélas ! qu'un si grand personnage
Fût ainsi poignardé sur le plus beau de l'âge
Par un désastre tel ? Auroit-il mérité
Par quelque sien mefifait d'estre ainsi visité ?
Non las ! Non, sa vertu est à nous trop notoire,
Son renom est trop clair, trop célèbre est sa gloire.
Car c'est ce b9n seigneur duquel la piété,
Le solide sçavoir, la pure intégrité,
La fervente justice et la prudence sage
Dissipe peu à peu les brouillars de notre âge ;
C'est ce vaillant esprit, qui en guerre et en paix
Soulage le public de notables bienfaictz (1).
Portrait flatteur, et qui, s'il est véridique, vaudrait à
Jean Des Porcelets de Maillane d'être mis par l'histoire
sur le même pied que son parent et homonyme, l'évêque
de Toul.
Ainsi, Alphonse de Rambervillers trouva, soit dans le
pays qu'il habitait, soit môme au dehors, un certain
nombre d'amitiés flatteuses et sûres parmi les écrivains en
renom, et il le méritait, mais il n'arriva pas à la grande
notoriété, peut-être parce qu'il avait le tort d'habiter une
très petite ville, à demi étrangère au royaume,et il ne fut
jamais qu'une gloire tout à fait provinciale. A part Peiresc,
homme universel et ami de tout le monde, comme nous
l'avons dit, tous les grands épistoliers de son temps sont
muets sur lui : Etienne Pasquier a laissé 22 livres de lettres
qui sont précieuses pour l'histoire de son temps (2), et où
il n'est pas question du poète lorrain, dont la principale
œuvre avait eu cependant trois éditions quand Pasquier
mourut en 1615. Malherbe est tout à fait le contemporain
d'Alphonse, puisqu'il a vécu de 1555 à 1628, et il n'en
(1) Dévots élancemens, édit. de 1610, p. 191.
(2) On les trouve dans l'édition complète imprimée à Amsterdam en
1723, 2 in-fol.
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352 ALt>HONSE DE RAMBERVILLERS
parle pas davantage dans ses nombreuseb et curieuses
lettres (1). Rien non plus dans les lettres de ceux qui,
ayant survécu à Alphonse de Rambervillers, ont pu
connaître tous ses livres et tout son mérite, Gui Patin mort
en 1672(2), Voiture mort en 1648 (3), Chapelain mort en
1674 (4), Guez de Balzac, mort en 1654 (5) ; le silence de
ce dernier est d'autant plus surprenant qu*il avait pn
connaître Alphonse de Rambervillers, ou tout au moins
entendre parler de lui : en effet, en mai 1618, le duc
d*Epernon, gouverneur des Trois Evéchés, avait amené à
Metz comme secrétaire Balzac alors âgé de 21 ans, et pen-
dant ce séjour, Balzac se lia avec Coéffeteau, qui, nous
Tavons vu, était lui-même en relations suivies avec
Alphonse (6). Tallemant des Réaux ne le nomme pas dans
ses Historiettes (7). Enfin, quand Alphonse meurt, la
Gazette de Théophraste Renaudot, si informée pourtant
de tout ce qui se passe en Lorraine, ne mentionne même
pas cet événement.
Et aussitôt disparu, le pauvre poète tombe dans l'oubli
le plus profond; les générations qui le suivent font plus
que le dédaigner, elles Tignorent. Il ne figure pas dans
ces utiles et copieux répertoires de notre littérature
(1) Edit. des Grands écrivains de la France (Hachette).
(2) Le premier volume de la nouvelle édition de ses lettres, donnée
par le D' Paul Triaire, Paris, Champion, 1907, in-8, s'étend de 1630 à
1649.
(3) Les œuvres de M. de Voiture, 4' édit., Paris, 1654, in-8. — Noter
que Voiture était venu en Lorraine avec Gaston d'Orléans à la maison
duquel il appartenait.
(4) Ses lettres, allant de 1632 à 1672, ont été publiées par Tamizbt
OB Larroque en 2 in- 4, 1880-83 dans la Collect. de doc. inéd. sur l'hist.
de France.
(5) Ses lettres se trouvent, partie dans l'édition de Paris, 1665, 2 in-
fol., partie dans les Mélanges historiques, t. I, 1873, publiés dans la
mémo Collection.
(6) Urbain, Nicolas Coéffeteau, p. 92.
(7) Edit. MoNMBRQU* et P. Paris, 1854-60, 9 in-8.
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ÀU^âONSË D£ hambërViLLers 353
ancienne ou récente (1) publiés par Charles Sorel (2),
Niceron (3), Rigoley de Juvigny(4), et encore bien moins
dans les grands dictionnaires de Trévoux, de Moréri, de
Pierre Bayle (5). Au moins, les historiens lorrains à qui
il est plus facile de n'omettre personne, puisque le cercle
de leurs recherches est plus limité^ le retrouveront-ils et
lui rendront-ils justice ? Lorsque dom Calmet publie la
première édition (1728) de son Histoire de Lorraine, il
lui accorde ces trois lignes dans le Catalogue alphabétique
des écrivains de Lorraine (6) :
Remberviller, Histoire de Saint Livier, composée par M. Rember-
viller, et dédiée au bon duc Henry.
ignorant donc et son prénom, et les dates de sa vie, et son
principal ouvrage, Les déwts élancemens, et le titre exact
de celui qu'il indique, Les actes admirables en prospérité,
en adversité et en gloire du bienheureux martyr sainct Livier,
gentilhomme d*Austrasie, et sa profession de magistrat. Il
s'en serait tenu là, car il reproduit ces quelques mots dans
sa seconde édition sans y rien changer (7), si Regnard de
(1) Nous avons dit au début de cette étude que GuiUaume GoLLBTtT
lui avait consacré une notice, malheureusement perdue, dans un
répertoire analogue, mais CoUetet, mort en lfô9, était encore à peu
près un contemporain d'Alphonse. 11 est le seul, à notre connaissance,
qui lui ait fait cet honneur.
(2) La bibliothèque française, Paris, 1664, in-12, où sont énumérés
les écrivains qui ont marqué, en prose ou en vers, depuis un siècle
environ.
(3) Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de la
république des lettres, 1727-45, 43 inl2.
(4) Nouvelle édition de la Bibliothèque françoise de La Groiz>du-
Maine, et de celle d'Antoine Du Vbrdibr, publiée avec additions à
Paris, 1772-73, 6 ln-4.
(5) Et ce dernier connaissait son existence, car, dans sa notice sur
Paul Ferri, il cite (t. Il, p. 1169, note G) la critique du Saint Livier
d'Alphonse de RamberviUers par cet érudit.
(6) Tome I, prélimin., col. 92.
17) Tome I (1745), prélim., col. 128. — Cependant, dans l'intervaUe
eotre ces deux éditions, Galmet a découvert le prénom, Alphonse, et
il le donne Ici.
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354 ALPHONSE t)£ RAMBËRVlLLERS
Gironcourt, descendant d'un cousin du poète, n'était pas
intervenu fort à propos en lui fournissant des renseigne-
ments détaillés (1) avec lesquels l'abbé de Senones rédigera
pour sa Bibliothèque lorraine {^^M) une notice assez convena-
ble, mais non exempte d'erreurs (2). Deux ans après, l'abbé
Goujet résume le travail de dom Calœet dans s^ Bibliothèque
françoise (3) : il énumère exactement les œuvres d'Alphonse,
mais sans donner sur elles la moindre appréciation, et il
est visible qu'il ne lésa pas lues. Et il est le seul à profiter
du travail de dom Calmet: ni les bénédictins auteurs de
V Histoire de Metz (4), ni Chevrier dans ses Mémoires pour
servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine (5), ni La
Harpe dans son volumineux Cours de littérature (6) ne
disent un mot de l'auteur des Dévots élancem^ns. Il est clair
qu'on ne le lit plus ; si on le lisait d'ailleurs, on ne le
comprendrait plus, et, pour simplifier, on l'ignore.
Avec ses goûts de recherches érudites, le xix** siècle lui
est un peu plus favorable. Il obtient quelques lignes résu-
mées de la Bibliothèque lon'aine dans la Biographie des
hommes marquants de l'ancienne province de Lorraine, par
Louis-Antoine Michel (7) ; quelques lignes, qui ne pro-
cèdent pas de la même source dans la Biographie du Par-
lement de Metz d'Emmanuel Michel (8) ; quelques lignes
(1) Voir au n* 2 de TAppendice une lettre de Regnard à dom Calmet.
(2) Nous avons dil qu'il se trompe de dix ans sur la date du décès
d'Alphonse, qu'il place en 1623 au;lieu de 1633. Cette notice occupe les
col. 780-78^ de la Bibliothèque, et les col. 84, B6 du supplément.
(3) Paris, 1741-56, 18 in-12; la notice sur Alphonse de Ramber-
villers est au t. XV (1753), p. 137-9 ; Goujet y reproduit la date
inexacte 1623.
(4) Metz, 1769-90, 6 in-4.
(5) Bruxelles, 1754, 2 inl2.
(6) Paris, 182;>-26, 18 in-8.
(7; Nancy, 1829,in-12, p. 436 (V Remberviller). — Fait surprenant
chez un auteur d'habitude fort inexact, Michel corrige l'erreur de
dom Calmet, et donne 16J3 comme date de la mort d'Alphonse.
(8) Metz, 1853, in-8, p. 446.— Emm. Michel signale les Actes de saint
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 355
encore exactes, mais insuffisantes, dans le tableau des
lettres au début du xvii« siècle de V Histoire de Lorraine de
Digot(l).Puis, cequi vaut mieux, ses ouvrages sont étudiés
de près, au point de vue bibliographique par Beaupré, et
les diverses éditions des Dévots élancemens comparées avec
la méthode et le soin habituels à cet excellent érudit (2).
Ces résultats sont reproduits par Brunet dans son Manuel
du libraire (3) et par Noël dans son Catalogue (4) ; enfin, un
quatrième bibliographe, Viollet-Le-Duc, le père, signalant
dans le catalogue de sa bibliothèque rédition de 1617 des
VéwUf élancemens, nous dit que « les vers ne sont pas beau-
coup plus mauvais que tant d'autres », ce qui est fort
injuste, et que Fauteur obtint remploi de lieutenant
général à la recommandation d'Henri IV, auquel il avait
présenté le manuscrit de ce poème, ce qui est une grosse
erreur (5).
On le voit, les ouvrages locaux et les ouvrages spéciaux
s'occupent plus ou moins heureusement d'Alphonse de
Livier, qui intéressent spécialement Metz où il habitait, mais ne parle
pas des Dévots élancemens, ni des autres livres d'Alphonse.
(1) Tome V (1856), p. 141 ; Alphonse est encore nommé au tome IV,
p. 299, 300, 304.
(2) Recherches sur les commencements de ^imprimerie en Lorraine,
Nancy, 1845, in-8, p. 227-231, 516-518; Nouvelles recherches de biblio-
graphie lorraine, Nancy, 1856, in-8, chap. III, p. 20-23.
(3) 5'édit., t. IV (1863), col. 1093-94 et suppl., t. II (1880), col. 390.—
Brunet signale une estampe de Gallot représentant saint Livler, qui,
dit-il, a peut-être été gravée pour le petit volume d'Alphonse de Ram-
bervillers sur ce saint. C'est sans doute celle qui fait partie de la
suite des Images de tous les saints et saintes, et des fêtes mobiles de
Vannée, et qui est cataloguée par Edouard Meaume dans ses Recherches
8wr la vie et les ouvrages de Jacques Callot, Paris, 1860, 2 in-8, t. II,
p. 191, n» 431.
(4) Catalogue raisonné des collections lorraines de M. Noël,
Nancy, 1850-55, 3 in-8, n» 4302. — Les indications que Noôl donne ici
sur le ms. des Dévots élancemens offert à Henri IV sont en partie
inexactes.
(5) Catalogue des livres composant la bibliothèque poétique de
M. Viollel'UDuc, Paris, 1843-47, 2 in-8, t. I, p. 390-381.
23
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356 ALPHONSE DE RAMBËRVILLERS
Rambervillers, mais les ouvrages d'ensemble, les grands
dictionnaires, que le xix« siècle a produits en si forte
quantité, le laissent résolument de côté: rien sur lui (1)
dans les vastes Biographies de Michaud et d*Hœfer, dans le
Dictionnaire des littératures de Vapereau, dans le Diclion-
naire historique de la France de Lalanne, dans La Grande
Encyclopédie et dans le Dictionnaire Larousse, ouvrages
qui, s'ils ne donnent pas la renommée, du moins la
consacrent. Rien non plus dans les publications de
nos nombreuses sociétés savantes lorraines, ou dans
les revues historiques et littéraires de la province, sauf
les courtes études du Journal et du Bulletin de notre
Société, et de la Lorraine Artiste^ que nous avons signa-
lées tout au commencement du présent mémoire. Ainsi,
Alphonse de Rambervillers a été très vite oublié, mé-
connu, dédaigné, bien à tort selon nous, car sa vie et
ses écrits auraient dû conserver son souvenir, et le pays
où il est né aurait quelque droit d'être fier de lui. Il est
donc nécessaire de le tirer de cet oubli, de le remettre en
lumière, non pas pour en faire un grand homme et un
écrivain du premier rang, mais pour montrer qu'il mérite
une place honorable parmi les auteurs du second ordre,
aussi bien et mieux que tant d'autres auxquels la postérité
a été plus indulgente.
(1) En cherchant à Rambervillers ou à Rembervillers.
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APPENDICE
I
LISTES DES MEMBRES DU BAILLIAGE DE VIC (1).
1602. — Noms et surnoms de Messieurs tenantz le siège au bailliage
de l'évesché de Metz.
Honnoré seigneur Jean Des Pourcellelz, seigneur de Maillane» Valhey,
etc., bailly et superintendant de l'évesché.
Monsieur Àlfonse de Ramberviller, lieutenant de bailly.
Jean Aubertin, conseiller d'Estat
Siméon Aubertin, chancelier de l'éyesché
Baltasar Royer, procureur général de l'évesché
Claude Lefebvre, trésorier de l'évesché
François Lescamoussier
César Liégeois
François Boucher
Jean Tripplot
flumbert Gilles
David Bourguignon (mourut le 12 de septembre 1602)
Didelot Didelot
Jean Chamant (le 25 septembre 1602 fut faict conseiller en la
place de David Bourguignon)
Jean Vauchier greffier
#**
1620. — Noms et surnoms de Messieurs du bailliage.
Honnoré seigneur Henry de Gournay, seigneur de Marchevllle, etc.,
bailly.
(1) Nombre des registres des sentences du bailliage ont sur leur
feuille de garde, immédiatement après la couverture, une liste des
personnes attachées à ce bailliage. Il serait inutile de les reproduire
toutes, puisque, d'une année à l'autre, il n'y a souvent aucune modifi-
cation dans le personnel. Nous donnons seulement les listes de 1602,
1620, 1633, qui montrent la composition de ce tribunal vers le^ début,
au milieu et à la fin de la période que nous avons étudiée. Ces listes
sont de plus en plus complètes : la première ne fait connaître que les
chefs du bailliage et les conseillers, la seconde ajoute les noms des
sergents, la troisième nomme en plus les avocats.
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858 ALPflONSE DE RÀMBERViLLERS
Messieurs : de Ramberviller, lieutenant
Aubertin, chanceiiier
d'Abocourt, procureur général
Du Hait, trésorier.
Liégeois (est allé de vie à trépas le vendredy 13 de mars 1620}.
Didelol Vauchier
Cbamant Martini
Gillet Tietreman
Sergents
Estienne Gremelz
Gaspar Goupdelance
Claude Recourt
Honnoré Guérin
Jacques Cbamant
Florentin Grandricbier
Jacques Dumoulin
Thiriet Thiriet, dict Bondieu
Jean Gossel
Daniel Ladroye
Noël David
»*#
1633. — Les noms et surnoms de Messieurs tenans le siège du bail-
liage de l'évescbé de Metz.
Honoré seigneur Pierre de Gournay, seigneur de Secourt, bailly et gou-
verneur de l'évescbé de Metz
Les sieurs : Alphonse de Ramberviller, lieutenant général
Jean d'Abocourt, procureur général
Jean Le Changeur, trésorier général
Jean d'Abocourt, conseiller
Jean Cbamant, o
Jean Martini »
Claude Serrier »
Jean de Ramberviller, conseiller
Claude Tabourel »
Louys de Ramberviner »
Gérard Vauchier »
François Gillet >
Jacques Battel »
Sébastien Didelot »
François de Bourgoing<
Jean Huin
Jean Derand
Jacques Battel (faict conseiller)
Jean Drouart
Jean Vitou
Advocatz.
Sébastien Didelot (faict conseiller)
Théodoriquo Dietreman
Gérard Vernesson
Jean Huin le jeune
Jean Vauchier
Jean Petitiean
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ALPHONSE DE RAMBEUVILLERS 359
Sergents.
Claude Recourt Claude Thiehay
Jacques Chaînant Henry Colin
Jean Gossel Nicolas Geronville
Gaspard Coupdelance Claude Brichoux
Honoré Guérin Marien Larcher
Florentin Grandrichier François Phiilpin
Jean Gérard César Rouyer
Toussaint Praquat Claude (illis.)
II
CORRESPONDANCE DE REGNARD DE GIRONCOURT AVEC DOM CALMET
AU SUJET d'aLPHONSE DE RAMBERVILLERS.
Nous devons à Regnard de Gironcourt une partie de ce
que nous savons sur Alphonse de Rambervillers, et c'est
grâce à lui, comme nous Ta vous expliqué, que dora Galmet
a pu consacrer au poète de Vie une notice assez étendue
dans sa Bibliothèque lorraine (1751). Il est donc nécessaire
de dire quelques mots de ce personnage.
Dans la lettre que nouspublionsplus loin, il signe H. -A.
Regnard : ses prénoms étaient Henri-Anioine, d'après
Arthur Benoit (1). Cet érudit a dressé sa généalogie, mais
il a voulu à tort le faire descendre d'Alphonse parles
femmes, et, pour cela, il donne son ascendant Jean de Ram-
bervillers, écuyer, conseiller au bailliage de Vie, comme
un fils de cet Alphonse, alors qu'il n'en était que le cou-
sin (2). Sa famille paternelle avait été anoblie par
Charles III (3). Il naquit à Bouzonville le 13 juin 1719, et
(1)/. s. A. L., 18^, p. 105-142.
(2) L'erreur a été signalée par M. A. de Gihoncourt, ibid., 1899,
p. 273-77.
(3) Voir ses armes et d'autres détails sur lui dans A. de Mahuet et
Ed. Des Robert, Basai de répertoire des ex-libris des bibliophiles
lorrains^ Nancy, 1906, in-4, p. 270. (Nous rectifions les lieux et date
de naissance donnés par cette ouvrage grâce aux indications orales de
notre confrère, M. A. de Gironcourt). Voir aussi Emm. Michel, Biogra-
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360 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
mourut à Varangéville le 10 janvier 1786. Il était seigneur
deVomécourt (1), fut avocat à Epinal, puis conseiller au
bureau des finances de Metz, et écrivit divers travaux sur
rhistoire de Lorraine (2). II devait avoir entre les mains des
papiers relatifs à Alphonse detRambervillers, et, choqué de
la légèreté avec laquelle dom Calmet parlait de cet écri-
vain dans son Histoire de Lorraine (3), il lui écrivit la let-
tre que voici (4) :
A Epinal, le 17 septembre 1749.
Monsieur,
J'ay l'honneur de vous envoyer un mémoire beaucoup plus circons-
tancié que celuy que je vous ay laissé à Senones touchant l'histoire'de
la vie de M. Alphonse de Ramberviller. Je ne crois pas que dans ce
mémoire il y ayt des inutilités : tout y est vray et conforme aux pièces.
Le public sera charmé de connoitre parfaitement un si grand homme ;
en tout cas je laisse le tout à vos savantes lumières, et me soumettray
toujours avec joye à la sagesse de votre critique.
Au sujet du diplôme de 1003 (5i dont j'ay eu l'honneur de vous lais-
ser les corrections, j'ay une délicatesse à vous proposer : je suis avo-
cat contre le chapitre d'Epinal ; j'ay relevé fortement l'infidélité du
titre qui vous a été communiqué en 1725, et qui se trouve imprimé
dans vos ddux éditions de l'Histoire de Lorraine -^^ày lieu de craindre
que si vous faites imprimer le second plus correct que je n*ay eu
l'honneur de vous communiquer, que pour pouvoir scavoir la raison
phie du Parlement de Metz^ Metz, 1853, in-8, p. 444, et une notice de
Justin Lamoureux dans la Biographie universelle de Michâud, t. XVI,
p. 590 91.
(1) Vosges, arr. Mirecourt. cant. Charmes.
(2) La Biblioth. de la ville de Nancy, et celle de notre Société possè-
dent plusieurs mss. de lui.
(3) Voir ce que nous en disons à la fin du chap. IV.
(4) Cette lettre se trouve dans le ms. 80- Vil de la Biblioth. de
Saint-Dié, entre les fol. 53 et 54 ; étant de format plus petit que le
reste du ms., elle n'est pas foliotée. Elle a été publiée en partie seule-
ment par Gaston Save dans la Lorraine-artiste^ 1893, p. 761. L'adresse
manque, mais les mentions de Senones et de l'Histoire de Lorraine
montrent bien qu'elle est écrite pour dom Calmet qui depuis juillet
1728 était abbé de Senones.
(5) C'est un diplôme de l'empereur Henri II pour l'abbaye d'Epinal,
imprimé par dom Calmet dans la 1" édit. de son Hist. de Lorr.^ t. I,
col. 564 des preuves, et dans la 2« éd., t. III, col. 105 des preuves.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 361
d'une si grande différence, le chapitre ne le trouve pas bon, et ne dise
malgré ma conduite innocente de quoy je me suis mêlé, n'ayant reçu
4e luy aucune commission pour faire cette correction. Je laisse cela,
Monsieur, à votre prudence. Je fais des recherches continuelles pour
enrichir votre nobilier. Je ne tarderay pas à avoir l'honneur de vous
renvoyer la brochure que vous avez eu la bonté de me confier. Je
fais décrire la liste des villes et villages de Lorraine, etc. Mille
nouveaux remercimens, Monsieur, des amitiés dont vous m'avez hon-
norez à Senones.
J'ay l'honneur d'être avec un très profond respect. Monsieur, votre
très humble et très obéissant serviteur.
H.-A. RSGNARD.
Vous m'obligerez infiniment si vous voulez bien, ainsi que vous
m'avez fait l'honneur de me le promettre, mettre l'annotation que vous
trouverez au bas de ces mémoires qui comencent par ces mots : ces
instructions.
J'ay l'honeur de vous envoyer la copie sincère des lettres reconoisant
la gentillesse d'Alphonse.
A Taide du mémoire annexé à cette lettre (1), fut rédi-
gée la notice consacrée à Alphonse de Rarabervillers dans
la Bibliothèque lorraine, mais Regnard de Gironcourt n*eû
fut pas satisfait, et, le 13 octobre 1751, il lui écrivit une
seconde lettre pour le prier d'insérer dans le supplément à
cette Bibliothèque des additions et des rectifications (2).
Dans cette lettre, Regnard de Gironcourt se plaint avec
quelque aigreur d'un M. Nicolas à qui il attribue la rédac-
tion de la notice et la responsabilité des erreurs et appré-
ciations fâcheuses qu'elle contient. Ce Nicolas est le libraire
de Nancy bien connu depuis la publication de son Journal
par M. Pfister (3) ; homme instruit, Jean-François Nicolas
ne se contentait pas de fournir au bénédictin des livres et
des documents : il collaborait avec lui, et c'est surtout à la
(i) Ce mémoire est dans le môme ms. de la Biblioth. de Saint-Dié,
fol. 54-57.
(2) Cette lettre a une adresse : à M. l'abbé de Senones; elle est entière-
ment publiée par G. Save, ihid.^ p. 761. — Les rectifications deman-
dées ont été faites par dom Calmet dans le supplément.
(3) M. S. A. L., 1899, p. 216-386.
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362 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
Bibliothèque lorraine que sa collaboration a été active (1) ;
il n'y a rien d'improbable à ce qu'il ait rédigé la biogra-
phie d'Alphonse, qui, nous l'avons dit à plusieurs reprisesi
ne fait pas grand honneur à son auteur.
m
TABLE DES (( DÉVOTS ÉLANCEMENS DU POÈTE CHRESTIEN )).
Une des raisons qui ont fait tomber cet ouvrage dans
l'oubli, en détournant les lecteurs de l'ouvrir, est la dispo-
sition (défectueuse de ses éditions, de celle de 1610 surtout.
Celle-ci est extrêmement difficile à lire ou à consulter : les
fautes d'impression y sont assez nombreuses et assez gra-
ves pour rendre parfois le texte inintelligible ; le caractère
est sans netteté et tellement fin que l'imprimeur est arrivé
à faire tenir jusqu'à 35 vers par page dans ce très petit
volume de 143 mm. de haut ; enfin, il n'y a pas de table
qui permette de se retrouver dans cet ensemble assez
complexe.
L'édition de 1603 est imprimée plus correctement et en
caractères un peu plus gros, en sorte que, le fognat étant
pareil, elle n'a que 30 vers par page, là où ces vers ne sont
pas répartis en strophes. Il y a quatre tables, une pour
chaque partie de l'ouvrage ; mais elles ne sont pas réunies
à la fin du volume, et chacune est placée en tête de la
partie à laquelle elle se rapporte, de manière qu'on a bien
de la peine à les découvrir et à en faire usage.
Il nous a paru utile de donner ici une table des Dévots
élancemens pour faire connaître les éléments dont ils se
composent, et le plan adopté par l'auteur. Nous faisons
cette table synoptique aux deux éditions de Pont-à-
Mousson, 1603, et de Toul, 1610, afin de montrer également
(i) Voir ce qu'en dit M. l'abbé Mangenot, ibid.j i900, p. 86.
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 363
en quoi ces deux éditions diffèrent, ce qui se trouvant dans
Tune manque à l'autre. L'exemplaire de 1603 se trouve à
la Bibliothèque de Nancy (n<> 11.336 du fonds lorrain);
celui de 1610 appartient à notre confrère M. Robert Pari-
sot, qui a bien voulu, avec une obligeance extrême, nous
le communiquer et le laisser entre nos mains, malgré sa
rareté, tout le temps fort long qu'ont duré nos recherches
sur Alphonse de Rambervillers.
Notons encore que l'édition de 1603 a une seule pagina-
tion du commencement à la fin du volume. CelU de 1610
en a deux, une première de 1 à 20 pour les stances dédi-
catoires, épitres liminaires, etc., et une seconde de 1 à 210
pour le texte même du poème (1) ; ces deux paginations
sont en chiffres arabes; mais, pour prévenir la confusion,
nous marquerons la première en chiffres romains, —
comme on le ferait du reste si le livre était imprimé
aujourd'hui, — dans le tableau qui suit :
ÉDITIONS DE
1603 1610
Harangue prononcée par l'autheur devant le roy,
luy présentant son œuvre au chasteau de Vin-
cennes le Jeudy saint de Tannée 1600 I-III
Stances dédlcatoircs [au roi] 5-8 V-VII
Epitres liminaires 9-21 VIHXVII
L'autheur aux lecteurs (en prose) 22-24 XVIIIXIX
Privilège du roi (résumé) XX
PARTIE I
Table de la première partie 27
La desplaisance du pécheur contrit 29 5
Les regrets du pénitent pour le péché réitéré . . 39 13
(1) L'incorrection typographique de cette édition s'étendant même à
la pagination, les dernières pages du volume sont numérotées 204,
105, 106, 107, 108, 109, 116.
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364 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
ÉDITIONS DE
1603
1610
51
23
59
31
67
39
La disposilion du pénitent à la confession sacra
mentale
L'esjouissance du pénitent confessé et absolut . . 59
La résolution du pénitent à la satisfaction . .
PARTIE II
Table de la seconde partie 79
L'acbeminement du pénitent à la saincte Eucha-
ristie 81 51
La ferveur du communiant adorant la saincte
Eucbaristie 91 61
La démission du chrestien sur le point de la com-
munion 103 71
Le contentement du communiant ayant receu son
Créateur 109 75
L'action de grâces du catholique demandant les
efïects de la saincte Eucharistie 119 85
PARTIE III
Table de la troisième partie 131
La consolation du chrestien affligé k soy mesme. 135 97
La subvention du catholique au repos de l'Eglise
en temps d'hérésies 147 109
L'invocation des âmes bienheureuses 161 121
L'intercession pour le soulagement des catholiques
deflfuncts 475 133
La considération de la mort 189 145
La parénôse 206 160
Lettres du roi de France au duc de Lorraine et à
l'évêque de Metz pour leur recommander l'auteur. 209-210 162-3
PARTIE IV
L'autheur aux lecteurs (en prose) 211 164
Table de la quatrième partie 215
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ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 365
ÉDITIONS DE
1603 1610
Le polémologue, ou prière guerrière de... Philippe-
Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, ...géné-
ral de l'armée impériale en Hongrie, allant en
guerre contre le Turc, à luy présenté par l'au-
theur à Sainct-Nicolas en Lorraine, le 26 juillet
1600 217 167
Advertissement au lecteur (en prose) 231-34
Les larmes publiques sur le trespas de feu ...
Philippe-Emanuel de Lorraine, duc de Mercœur. 2:^5
L'imprimeur au lecteur (en prose) 252 180
Sur la convalescence d'illustrissime et révérendis-
sime prince, Charles, cardinal de Lorraine,
évesque de Metz, Strasbourg, langraff d'Elsace,
etc., en l'année 1596 253 181
L'extaze sur le trespas de feu Paul Des Pourcelletz,
... flls second de ... Jean Des Pourcelletz, sei-
gneur de Maillane, Valhey, etc., bailly et surin-
tendant de l'évesché de Metz 258 185
L'adieu aux généreux seigneurs, gentilhomraes et
soldats allans en Hongrie contre le Turc en
l'année 1597 268 494
Stances funèbres sur le trespas de feu ... George,
baron de Boppart, seigneur d'Albe, Teintru, etc.,
colonel du régiment dos soldats Lorrains on la
guerre d'Hongrie contre le Turc, occis au siège
de Bude en l'an 1598 278 201
Les plaintes (1) de la Lorraine sur le trespas de
feB ... Jean, comte de Salm ... mareschal de
Lorraine, gouverneur de Nancy, etc., décédé le
14 janvier 1600 282 304
Approbations de théologiens 287-91 âOS-210
Privilèges du roi et du duc de Lorraine (in-extenso). 292-^
(1) L'édil. de 1610 écrit : Les larmes.
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366 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
IV
Vers latins écrits par Alphonse de Ramberyillers
POUR L' « OpTICA REGULARIUM » DE SERVAIS DE LaIRUELS.
Nous avons dit au chapitre IV qu'Alphonse de Ramber-
villers avait des relations amicales avec Servaisde Lairuels,
abbé de Sainte-Marie Majeure de Pont-à- Mousson et réfor-
mateur des prémontrés. En 1603, ce religieux imprima
à Pont-à -Mousson VOptica regularium, stu commentarii in
regulam sancti Augustini, petit in-4 de 422 pages, sans
compter la préface et les épîtres liminaires du début, qui
ne sont pas paginées, et la table des matières étendue qui
clôt Touvrage, et ne Test pas non plus (1). Selon l'usage du
temps, ses amis prirent la plume pour louer son ouvrage
et le recommander au public, en sorte qu*en tête de VOptica,
après la préface. Servais put imprimer vingt épîtres limi-
naires, toutes en vers latins, sauf la dernière qui est en
vers français. La quatrième est d'Alphonse de Ramber-
villers ; elle peut passer pour inédite, à raison de la rareté
de ce volume qui ne se trouve pas dans les bibliothèques
de Nancy (2), et c'est pourquoi nous la donnons ici. Ces vers
montrent qu'Alphonse de Rambervillers, comme tant de
ses contemporains du reste, était un latiniste distingué;
(1) Coïncidence k noter, Alphonse de Rambervillers imprimait la
même année, dans la même ville, et chez le même imprimeur, Melchior
Bernard, la seconde édition de ses Dévots élancemens.
(2) A la B. N., il est coté H. 5596. Diverses particularités de cet
exemplaire de la B. N. ont été étudiées par Schmit dans le /. S. A. L.,
1868, p. 82-87. Ce volume a appartenu à Alphonse de Rambervillers
lui-même, et lui est venu de la bibliothèque de Salivai, abbaye de
l'ordre de Prémontré : Schmit suppose qu'Alphonse était parent de
Mathieu Bonnerbe, alors abbé de Salivai, et l'aura eu par héritage ; il
nous parait plus probable que les religieux le lui auront offert pour le
remercier d'avoir écrit ses opuscules sur saint Livier et sur les guéri-
sons miraculeuses de Salivai.
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Qoo^(^
ALt>HONSE: t)Ë HAMBEKVlLLEtlS 367
,leur coupe rappelle beaucoup celle des vers d'Ovide, au
jugement de notre confrère M, Harmand. On remarquera
plusieurs allusions au vêtement blanc des religieux pré-
montrés, et, au 9« vers, le jeu de mot : servas, Servati.
Eidem pererudite de reformatione scribeoti, Alphonsns de Ramber-
viller, l.V.D. (1) et in episcopatu Metensi proprseses his versicnlis con-
grdtulatur.
Ordine pro niveo non est satis ergo pudicis
Moribus, et factis irradiare piis.
Non satis est populum doctis pavisse loquelis ;
Nec satis est dubias tôt remeasse vias.
Nunc caiamo pugnas novus ecce Athleta, novumque
Gondis opus, scriptis arinaque sacra moves
In vitium arma moves et dogmata prisca reducens
Praemonstratenses ad meliora Tocas.
Sic fratres servas, Servati, et candidus ordo
Lumine jam per te candidiore micat.
Perge, precor, lastus, cseptoque incumbe labori
Ut digna accipias prasmia, perge, precor.
Te geminata manet merces, te namque beabit
Gloria parta solo, gloria parla polo.
NOTES ICONOGRAPHIQUES.
M. de Braux a reproduit dans le J, S. A. L., 1899, p. 192,
le dessin d'une médaille qui représente Alphonse de
Rambervillers. et qui doit être un portrait fidèle, car
c'est lui-même qui l'avait fait frapper, à Metz sans doute.
Cette médaille est probablement la même que décrit dom
( 1) Juris utriusque doctor.
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368 ALPHONSE DE RAMBERVILLERS
Calmet dans le Supplément à la Bibliothèque lorraine,
col. 84.
Nous aurions voulu trouver un autre portrait du poète
à rapprocher de celui-là, et il est plus que probable qu'il
y en a eu, — bien que Soliman Lieutaud n'en indique pas
dans son catalogue (1), — car, à cette époque, tous les per-
sonnagesde quelque importancese faisaient reproduire, soit
en gravure, soit aux crayons. Mais nous l'avons en vain
cherché dans les collections publiques de Nancy, et à Paris,
dans le cabinet des estampes de la B. N., si riche en por-
traits du XVI® et du xvii® siècle, 'et où les effigies de per-
sonnages lorrains ne sont pas rares. Le jour où l'image
d'Alphonse serait découverte dans quelque autre dépôt
public, ou dans une collection particulière, il serait à
désirer qu'on la publiât pour qu'elle pût être comparée à
celle de la médaille reproduite par M. de Braux.
A défaut d'un portrait, nous donnons deux spécimens
de sa signature assez différents, parce qu'ils sont pris à
Jxy^a/iTixmmlwt
1598
près de trente ans de distance. La première, de décembre
1598, se trouve dans un de ces registres de Sentences du
bailliage de Vie qui nous ont fourni tant de renseigne-
(4) LUie alphabétique de portraits... de personnages nés en Lor-
raine^ pays messin.., 2» édit., Paris, 1862, in-8.
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i
ALPHONSE DE RAMBERVILLERS 3G9
ments (1) ; la seconde figure au bas d'un acte du 8 juin
1627 par lequel Alphonse avoue avoir repris du duc
Charles IV des rentes dépendant du fief de Forcenés (2). Il
y a des traits communs à ces deux signatures, mais
récriture n*a pas laissé de se transformer assez visible-
ment.
1627
La vue d'ensemble de la petite ville de Vie que nous
donnons en tête de ce travail provient de la Bibliothèque
municipale de Nancy (3). C'est une gravure exécutée sans
doute au xvii® siècle, et mesurant 0,14 de haut sur 0,32 de
large. On peut la rapprocher du plan de Vie qui se trouve
dans le petit atlas de Tassin (4).
Les frontispices de deux des ouvrages d'Alphonse de
Rambervillers, Les deooU élancemens du poète chrestien, édit.
de Pont-à-Mousson, 1603 et les Actes admirables de saint
Livier, Vie, 1624, sont reproduits dans le Trésor du biblio-
phile lorrain (5), planches 40 et 55.
(4) Registre de 1596, fol. 184.
(2) Arch. de M.-et-M., H. 2568, orig. papier.
(3) N» 3182 du fonds lorrain.
(4) Plans et profils des principales villes du duché de Lorraine^
Paris, 1633, in-12 oblong.
(6) Nancy, Sidot, 1889, grand in-4.
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370
ALPHONSE DE BAMBERVILLERS
Notre confrère, M. Edmond Des Robert, si expert en art
héraldique, a bien voulu dessiner les armes de la famille
de Rambervillers que nous donnons ici : d'azur à la fasce
d'argent, accompagnée de 3 glands montants d'or, posés 2
et 1.
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LE
T XJ 3></i: TU L XJ S
DU
BOIS DE SAINTE-MARIE
Forêt de Bezange-la-Grande
(Meurthe-et-Moselle)
PAR
Le O" J. beaupré
CORRESPONDANT DU MINISTÈHE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE
Quand on se rend de Moncel à BezaDge-la-Grande parla
route parallèle au cours d*eau appelée « la Loutre noire »,
on pénètre dans la forêt domaniale de Bezange par le bois
dit de (^ Sainte- Marie », qui est limité au Nord-Ouest et
à l'Ouest par le ruisseau nommé « Ruisseau des prés Thié-
haut ». A moins de deux cents mètres de la lisière, on
aperçoit sur la droite un tumulus dont les pentes orientales
viennent aboutir au fossé de la route. Son diamètre atteint
une vingtaine de mètres, et son relief environ 1°* 70 au-
dessus du sol environnant.
Il ne portait aucune trace de remaniements trahissant des
fouilles antérieures, mais il était aisé de voir, à de légers
affaissements, qu'on y avait extrait des souches. L'absence
de traces de remaniements ne prouve souvent pas grand'-
chose, car, dans les forêts domaniales, les préposés
24
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Qoo^(^
372 LE TCMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARÎÉ
forestiers tiennent la main à ce que le terrain soit remis
soigneusement en état et repiqué, chaque fois qu'il y a eu
extraction de souches ou autres travaux forestiers. Gomme
ces arrachages de racines sont quelquefois assez superfi
ciels, il était à espérer que la couche archéologique n'avait
pas été atteinte aux endroits où des travaux de ce genre
avaient laissé des traces. Dans tous les cas, selon toutes
vraisemblances, certaines parties du tumulus pouvaient
être demeurées indemnes Malheureusement, le mal était
plus grand qu'il n'y avait lieu de le craindre; à peu près
tout ce qui avait été dérangé dans les mobiliers funéraires
avait en outre été enlevé.
Comme d'habitude, le tumulus du bois de Sainte Marie
a été construit au moyen de matériaux recueillis au pied
même de ses pentes : l'emprunt est encore très visible à
rOuest et au Sud. Le terrain étant dépourvu de pierres, la
terre seule a été employée : elle est de coloration jaunâtre,
assez mêlée de sable gréseux, ce qui a rendu le travail
facile à ses constructeurs. Un pareil sol pouvait être, a
priori, considéré comme absolument défavorable à la
bonne conservation des ossements, et Ton était assuré
d'être, de ce fait, privé d'utiles matériaux pour la détermi-
nation des modes de sépulture, les orientations, etc.,
indépendamment de la perte de documents anthopologi-
ques précieux, parce qu'ils sont encore en très petit nom-
bre dans l'Est de la France.
Il était d'autant plus intéressant de fouiller ce tumulus
que j'avais exploré, en 1899, avec mon collègue, M. A. Poi-
rot, la station funéraire de Rosebois (1), distante de 3 kilo-
mètres, à vol d'oiseau, du tumulus du bois de Sainte-
Marie, dans la direction du Nord Ouest, et que la Société
(1) J. Beaupré. Compte-rendu des fouilles exécutées, en 1899, dans
des tumulus situés sur le territoire de Moncel-sur-Seilie. {Bulletin
delà Société d'archéologie lorraine, 488©.)
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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 373
d*histoire et d'archéologie lorraine de Metz avait fouillé
une autre station, que je lui avais signalée en Alsace-Lor-
raine, à 3 kilomètres également, dans la direction du
Nord Ouest. On pouvait se demander s'il n'existait pas une
communauté d'origine entre une partie au moins des sépul-
tures de ce groupe, dont aurait fait partie une autre sta-
tion non encore' exploitée, sise à la même distance, dans
une autre direction, et auxquelles on aurait pu rattacher
la station funéraire de Serre, explorée par moi en 1902.
On comprendra aisément combien il était important d'ob-
server, réunis pour ainsi dire sur un même point, des
vestiges de civilisations successives, assez séparés cepen-
dant pour qu'ils ne soient pas mêlés entre eux. La station
de Rosebois est hallstattienne ; les deux épées que nous y
avons trouvées ne laissent aucun doute à cet égard : ce
sont, en effet, de grandes épées de fer pistilliformes à soie
plate, avec trous de rivets, et à crans à la base de la lame.
La station des bois de Chambrey a donné des poteries
hallstattiennes, si mes souvenirs sont exacts. Quant à celle
de Serre, elle pourrait être attribuée en partie, à l'Age du
bronze, en partie aux époques de Hallstatt et de la
Têne.
Il semble que l'on ait utilisé, pour y élever le tumulus
du Bois Sainte-Marie, une légère ondulation de terrain.
*Dans sa partie centrale, l'amoncellement de matériaux
terreux atteint 1°^20 au dessus du sol en place : c'est la
hauteur vraie du tertre, car la différence entre ce chiffre et
le relief apparent de 1°»70, est constituée par la profon-
deur de l'excavation circulaire d'où proviennent les maté-
riaux de rechargement. Il en résulte que, dans un rayon
supérieur à 5 mètres, la masse terreuse n'a plus assez
d'épaisseur pour protéger efficacement des corps; les
recherches se trouvent, en conséquence, limitées à la région
centrale.
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374
LE TUMULLS DU BOIS DE SAINTE-MARIE
Dès les premiers coups de pioche, à 0™ 30 de profondeur,
on découvrit au point A un fragment de lame d'épée en
fer, long de 0°> 09. Ce fragment semble appartenir à une
cumufu^ du Jiûij de d^'^ÎÏÏazie.
Uhïtu lorooSzï
Fosse.
J^ûutc de ^cjan^e a Î7îûncc£
partie de la lame fort proche de la pointe; sa largeur est
de 0°» 035 à Tune des extrémités, et de 0°^ 03 à l'autre.
A la profondeur de 1 mètre, au point B, apparut un
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Q^oo^z
LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 375
grand morceau d'une épée de fer, posée horizontalement
et orientée du Nord-Ouest au Sud-Est, la poignée tournée
vers le Nord-Ouest, légèrement inclinée en contre-bas de
l'autre extrémité. En dessous, le sol a été manifestement
battu ou piétiné fortement, sur un espace long d'environ
2 mètres sur 0"* 80, orienté à peu près de TEst à TOuest.
Cette épée, où plutôt ce fragment d'épée, puisqu'il mesure
0°™ 45 seulement, et que toute la partie comprenant la
pointe manque, est dans un état de conservation fort mau-
vais : le métal est fortement oxydé. Il est néanmoins facile
de voir qu'elle est dans son fourreau, mais comme celui ci
est en grande partie détruit, on constate que la lame est à
double tranchant, large de 0"* 055 à la naissance de la soie.
A l'autre extrémité, à l'endroit de la cassure, elle mesure
0'" 05 de largeur. A la lame adhère encore 0™ 03 de la soie,
sous la forme d'une lige mince : le reste de celle-ci, cassée
en plusieurs morceaux, porte des empreintes du bois de la
poignée. Le bouton terminal de la soie a été également
retrouvé, ainsi que l'anneau servant à fixer le fourreau au
baudrier.
Le fourreau se composait d'une plaque de fer repliée,
dont les bords sont rapprochés vers le milieu d'un des
côtés de la lame. L'épaisseur de la plaque métallique pa-
raît avoir été de 0^^0015 seulement; aussi, est-elle en
grande partie détruite par la rouille.
Sur les deux faces, on remarque des morceaux de tissus
empâtés dans l'oxyde. Malheureusement, le fourreau ne
peut guère être observé que sur une face, et sur une lon-
gueur de 0'"15, le côté reposant sur le sol étant complète-
ment fragmenté.
Le tissu recouvrant la face supérieure est formé de fils
de 0^ 0015 de diamètre, semblant avoir été tressés.
Une empreinte longue de 3 à 4 centimètres existe sur un
fragment de la face inférieure du fourreau : c'est celle
d'une étoffe plus fine, d'une trame différente de la première.
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376 LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE
Ici, les fils, de moitié moins épais, sont tendus parallèle-
ment et maintenus en place par d'autres fils bien plus fins
qui leur sont perpendiculaires.
Cette epée est bien Tépée de la Téne, mais comme l'ex-
trémité du fourreau manque, il est impossible, d'après ce
qui en reste, de déterminer exactement à quelle période
de cette époque il y a lieu de la faire remonter.
Si l'on examine Tarme soigneusement, on s'aperçoit
qu'elle est légèrement courbée, comme si on avait fait un
effort pour la casser en deux. On est à se demander si c'est
avec intention que l'épée a été brisée, ou s'il faut voir là
l'effet d'une mutilation accidentelle provenant d'un rema-
niement du tumulus.
En premier lieu, il faut chercher à se rendre compte si
l'arme a jamais été déplacée.
Je ne le crois pas, et voici pourquoi. Il est de toute
vraisemblance que si l'épée avait été touchée, des parties
aussi abîmées que le fourreau, aussi fragiles que la soie et
l'anneau de suspension, auraient été séparées du reste. Or,
tout cela était bien à sa place : il faut donc écarter toute
idée de remaniement, en ce qui concerne cette partie de
l'arme.
Si le fragment dont nous venons de parler reposait sur un
sol dur, certainement non remanié, la partie manquante
correspondait au contraire à un endroit où le sol était fort
meuble. L'endroit de la cassure se trouvait à la limite des
deux terrains. 11 y a donc lieu de supposer que l'arme a
été cassée, soit par un coup de pioche, 'soit en faisant effort
pour la retirer avec la main, ce qui expliquerait du même
coup, sa mutilation et Ja présence d'un morceau de la
partie antérieure d'une lame d'épée au point A, et la légère
courbure du morceau demeuré en place, sans qu'il soit
besoin de recourir à l'hypothèse d'une cassure intention-
nelle de l'arme au moment des funérailles.
Cette hypothèse d'un remaniement est encore renforcée
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LÉ TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 377
par la découverte qui fut faite au point C, dans la terre
meuble, à 0°*10 en contre-bas du niveau de Tépée, de la
moitié d'un bracelet à tampon, àO°^10 en dessous duquel
on recueillit un petit anneau de bronze plat, large de
0"*003, épais de 0«»002, dont le diamètre intérieur est de
O^OOSll). Ce dernier reposait dans la couche archéologique,
tandis que le demi-bracelet ne se trouvait pas dans les
mêmes conditions.
En résumé, on aura arraché une grosse souche dont le
centre devait se trouver aux environs du point D. On est
tombé sur une sépulture de femme placée au point C, et à
laquelle appartenait la moitié de bracelet à tampon, et le
petit anneau. Ce dernier, grâce à sa petitesse n*a pas été
dérangé, mais il n'en a pas dû être de môme du reste du
mobilier qui devait être riche, étant donné la beauté du
demi bracelet qui a dû lui-même avoir échappé aux
recherches, ainsi qu'une petite boule de bronze provenant
d'un bracelet cassé.
Du même coup^ la sépulture du guerrier occupant à peu
près le centre du tumulus s'est trouvée en partie décou-
verte et a dû être partiellement saccagée.
Le bracelet incomplet se compose d'une tige ronde,
épaisse de 0°^005, ornée de légers renflements, larges de
0'"005, disposés à 0^007 les uns des autres, et formant
une saillie de 0°^0015. Le tampon terminal en forme de
clochette de même que les parties saillantes du bracelet,
porte des dessins gravés au trait.
Au point D, sous la bande de terre dure que j'ai signalée,
reposait sur le sol en placi un vase incomplet, brisé en un
grand nombre de morceaux, intentionnellement à ce qu'il
m'a semblé. Comme tous les morceaux ont été soigneuse-
(1) Comme ornementation, il porte gravées sur une de ses faces, des
ellipses coupées en deux, dans le sens de leur grand axe et légèrement
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378 LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE MAKIE
ment recueillis et rapprochés il est facile de se rendre
compte de l'état dans lequel il se trouvait primitivement.
Avant d'être mis hors d'usage, il devait mesurer 0™17 de
diamètre à la panse, 0"'045 à sa base, et 0M2 à son ori-
fice : la hauteur était de OHO. Le col atteignait 0°K)2
d'élévation. La pâte en est brune, assez irrégulièrement
cuite, d'inégale épaisseur. Il était recouvert en partie d'un
enduit noirâtre à reflet légèrement métallique. Sa décora-
tion consiste en deux traits gravés parallèlement d'une
façon peu soignée : ce motif se repète trois fois à 0""01
d'intervalle autour du vase, entre la partie la plus proémi-
nente et la base du col. Cette poterie me paraît être la
pièce la plus ancienne de toutes celles trouvées dans le
tumulus : elle était proche d'un petit fragment de fer très
plat, fortement oxydé, semblant avoir appartenu à un
rasoir brisé.
Au point L, à Oin,80 de profondeur, se trouvait dans un
sol très meuble un fragment de meule en porphyre quart-
zifère,de très petite dimension. Cette roche a servi à peu
près exclusivement dans l'Est, comme je l'ai signalé, à la
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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 379
fabrication des meules jusqu'à Tépoque de la Têne I
inclusivement. Le basalte n'a guère été mis en œuvre
qu'aux époques suivantes, d'après les observations que
j'ai pu faire jusqu'ici.
A O™40 de profondeur, au point F, se trouvait la moitié
d'un torque à tampon ; la cassure avait tous les carac-
tères d'une cassure assez ancienne. Il est fortement
attaqué par Toxydation.
Au point M, à 0^90 de profondeur, au niveau du sol en
place, on remarquait quelques morceaux de charbon, dont
un était épais de 0°^03 à 0™04, long de 0™20, large de
0"*09 environ. Ces charbons, comme tous ceux qui furent
recueillis, çà et là, dans le tumulus provenaient de bois
de chêne.
Au point F, à 0™ 73 de profondeur, il y avait un empla-
cement de foyer de forme ovale, dont le grand axe mesu-
rait 3 mètres de longueur et le petit axe 2 mètres environ.
Il portait la trace d'un feu intense, le sol étant cuit au
rouge sur une épaisseur de Qn^^O à 0™30. Toutes traces de
cendres et de charbons avaient disparu, sauf de très
rares parcelles charbonneuses. Ce foyer était orienté
suivant son grand axe du Sud-Ouest au Nord-Est.
Au point G, se voyait une sépulture, marquée par un
torque de bronze de formes grêles, à tampons, dont l'oxyde
avait assuré la conservation partielle de deux grosses
molaires humaines, dont l'émail seul avait échappé à
la destruction. Deux bracelets, également à tampons,
donnaient Torientation et la position du corps. En
effet, ils se trouvaient au Nord-Ouest du torque, et
par conséquent la morte était orientée les pieds au Nord-
Est, la tête au Sud-Ouest. Elle était couchée sur le côté,
car les bracelets au lieu de se trouver sur un même plan
horizontal, étaient sur un plan vertical. Les débris d'un
ressort de fibule se voyaient auprès du torque, à hauteur du
haut du sternum.
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380 LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE
Cette sépulture m'a paru fort ancienne, et remonter aux
débuts de la Tône : non seulement les formes du torque et
des bracelets sont archaïques, mais leur état de décom-
position est bien plus avancé que celui des autres objets
de bronze rencontrés sous le reste du tumulus.
Le torque se compose d'une tige de bronze épaisse de
0"0035, terminée par deux petits tampons très plats de
0°»009 de diamètre.
Sa décoration est assez simple, localisée aux environs
immédiats des tampons, autant qu'on en peut juger par
son état d'oxydation profonde. Gomme diamètre, il mesure
0°*15, et celui des bracelets 0'"055 et 0™047. Ces derniers
consistent en une tige de mêmes dimensions que celle du
torque, et terminée de la même manière. Ils sont en très
mauvais état de conservation. L*un d'eux était incomplet.
Au point P, on avait extrait récemment une souche, mais
certaines racines étaient demeurées en place. Néanmoins,
on ne découvrit pas autres choses que des charbons et de
menus éclats de poterie grossière. Ces débris se rencon-
trèrent surtout en profondeur.
Aux endroits désignés par les lettres K etO, on recueillit
dans les déblais deux petits morceaux d'os ayant subi
l'action du feu : ce sont des restes d'incinération. L'un est
un fragment d'occipital humain, et l'autfe un débris d'os
long, indéterminable. Comme ils ne furent pas aperçus
immédiatement, il est impossible de préciser avec exac-
titude l'endroit où ils se trouvaient en terre. On peut
dire cependant, qu'ils devaient provenir des couches
moyennes, et n'étaient pas ensemble. Ils avaient déjà été
dérangés à une époque antérieure.
Au point N, dans une couche de terre meuble, voisine
du sol en place, on voyait quelques débris d'une fibule.
Cet objet de petites dimensions, très peu épais de métal,
complètement oxydé, avait été cassé en morceaux dispersés
dans plus de soixante centimètres cubes de terre.
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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 381
Une inhumation se trouvait au point J, à environ Qn^GO
de profondeur, orientée Nord -Ouest, Sud-Est.
Le mobilier se composait d'un gros torque, de deux
bracelets et d'une fibule.
Le torque, dont la tige mesure 0"'0075 d'épaisseur, se
termine par deux tampons : son diamètre est 0°*12. Il est
d'une jolie ornementation, comme on peut le voir sur la
planches (fig. J).
Les bracelets se composent d'une tige épaisse de 0"^005,
garnie dans l'un de 25, et dans l'autre de 29 ailettes épaisses
de 0"^03, formant une saillie de 0'"0015 à 0"002 tout
autour de la tige, sur laquelle elles sont placées à 0'n004 de
distance les unes des autres. Des tampons terminent les
extrémités des tiges. Le diamètre de ces bracelets est de
0"*005. D'après leurs positions, le corps a dû être placé le
bras droit ramené vers les épaules, la main posée au-
dessus du sein. Le bras gauche était étendu le long du
corps, mais Tavant-bras était placé de telle sorte que la
main devait reposer sur les fausses côtes.
En découvrant le torque, nous constatâmes qu'il était au
milieu d'une masse relativement plus considérable que
d'ordinaire de débris injectés d'oxyde de cuivre. Je retirai
le tout en une seule motte et dégageai avec précaution la
masse verdâtre de son enveloppe terreuse.
En-dessous du torque se trouvaient une demi-douzaine
de dents, grosses et petites molaires, dont l'émail seul
était conservé, sauf celui de la couronne. Il y avait égale-
ment les restes d'une fibule.
Au-dessus du torque, en contact avec les tampons d'une
part, et de l'autre en surélévation de 0'^04 s'élevait un
conglomérat à surface légèrement bombée, long d'une
huitaine de centimètres, large de 4 à 5, formé de débris
imbibés fortement d'oxyde de cuivre. Ce sont des débris
végétaux : de la mousse recouverte d'écorce et de feuilles
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382 LE TUMULUS DU BOIS DK SAINTE MARIE
de chêne, parfaitement reconnaissables. Il est à supposer
qu'il se trouvait là quelque ornement de tête; probable-
ment une sorte de plaque mince ou un bandeau de
bronze (1).
Il résulte de cette observation que le corps avait été
recouvert de mousse et de feuilles de chêne. Je l'avais
remarqué à plusieurs reprises sur d'autres gisements, à
Chaudeney (2) et à Liverdun (3) principalement, mais je
n'avais pas encore de données aussi nettes.
Au point I se trouvait également une sépulture orientée
Nord Ouest. Sud-Est, comme l'indiquaient un torque, un
bracelet et trois fibules : ces dernières paraissent avoir été
placées comme d'ordinaire près des épaules. On peut en
conclure que le costume, alors porté par les femmes, était
analogue au costume grec ; ces fibules servaient à main-
tenir réunies la partie du voile tombant dans le dos à celle
qui couvrait la poitrine ; c'est le ^i7r).ot^tov que l'on voit
représenté sur les vases grecs de la même époque.
Le torque est très beau, et il est tout à fait extraordinaire
de voir une aussi belle pièce associée à un bracelet plutôt
modeste. Il est décoré de dessins en relief terminés par
une palmette alors que les autres portent plutôt des orne-
ments gravés au trait (4). Il se termine par des tampons
larges de 0°a03, épais de 0n^009 précédés d'un renflement
de la tige de O^^Ol de diamètre. Le diamètre du torque est
de 0H3, répaisseur de sa tige de O^OOS.
Le bracelet est épais de 0"^0045 au centre, et augmente de
(1) Le conglomérat, après avoir subi la préparation habituelle, a été
laissé tel qu'il a été recueilli. J'estime qu'en cet état, il présente plus
d'intérêt qu'un ornement, dont il ne reste peut être rien d'ailleurs.
(2) J. Beaupré. Compte rendu des fouilles exécutées en 1904 dans les
tumulus de Chaudeney {Mémoires de la Soc. d'arch. lorraine, 1904).
(3) J. Beauphé. La station funéraire de la Garenne à Liverdun [Mé-
moires de la Soc. d'arch. lorraine ^ 1907).
(4) Malheureusement ces dessins ne sont pas visibles sur la planche.
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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MAKIE 383
volume vers ses extrémités, terminées par des tampons de
0°ï008, sur lesquels on distingue quelques gravures fort
simples : son diamètre est de 0™052 et 0°û0045.
Sur les 3 fibules, deux sont en partie intactes ; la troi-
sième est non seulement incomplète, mais son arc est cassé
en plusieurs morceaux. L'une mesure 0°"06 de longueur,
elle est sans ornements ; l'extrémité du porte-agrafe,
indépendante de l'arc, est garnie d'une petite boule et se
termine en pointe aplatie au bout, de façon à s'appliquer
sur l'arc, sans cependant se souder avec lui.
Cela paraît être un type intermédiaire de fibule entre la
fibule typique de la Tône I et celui de la Tône II.
L'autre fibule est ornée de côtes transversales : elle est
un peu plus petite. L'extrémité du porte-agrafe complète-
ment oxydé n'a pu être recueilli. 11 était également indé-
pendant de l'arc.
Au point H, au niveau du sol vierge, mais dans un sol
remanié, on recueillit la moitié d'un torque volumineux,
terminé par un gros tampon avec dessins gravés : sa tige
est ornée de renflements sphériques assez espacés.
De l'ensemble de ces observations, nous croyons pouvoir
conclure, mes collègues (i) et moi, que l'on est ici en pré-
sence d'un tumulus dont quelques parties sont demeurées
en leur état primitif, mais dont beaucoup d'autres ont été
remaniées accidentellement, par suite de l'extraction de
souches ayant appartenu à de grands arbres. Ces remanie-
ments sont anciens et peuvent dater de plus d'un siècle,
comme l'atteste l'âge du chêne s'élevant entre les points
H, A, et M ; aussi ne faut-il pas s'étonner, si de mémoire
d'homme, on ne se souvient pas dans le pays que des trou-
vailles aient été faites dans le sol forestier, d'antiquités alors
(1) MM. A. de Novital et A. Poirot ont bien voulu me prêter leur
concours cette fois-ci encore, bien que cette exploration, ait eut lieu
en plein mois de décembre, et qu'elle ait duré 3 jours.
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384 LE TCMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE
considérées comme à peu près sans valeur, et que bien des
gens de la campagne ne ramasseraient môme pas de nos
jours.
On ne peut guère expliquer autrement la présence des
objets incomplets recueillis par nous, dans certaines par-
ties du tumulus correspondant à des affaissements de
sa surface encore assez apparents, au milieu d'un sol
dont le peu de consistance accuse l'existence d'un rema-
niement à des yeux exercés.
Je sais bien qu'on pourrait voir ici une pratique bien
connue de l'Antiquité, d'après laquelle les parents ou
amis du mort jetaient quelques objets dans la tombe
au moment de la dernière séparation. Mais alors, s'il en
avait été ainsi, pourquoi ces objets isolés n'ont-ils pas éga-
lement été rencontrés aux endroits ne portant aucune
trace deremaniement,comme par exemple aux alentours des
points I, J, G, F? Si nous avons eu quelques motifs de
croire à l'existence de cette coutume sur certains gise-
ments lorrains de la même époque, rien ne semble nous
autoriser à reconnaître la trace d'un semblable rite dans
le tumulus de la forêt de Bezange.
A mon avis, ici comme en beaucoup d'endroits, le
tumulus a primitivement servi d'abri à une sépulture pro-
bablement unique, d'une époque antérieure à l'ensemble
des autres sépultures, et dont l'existence me parait attes-
tée par les restes de vase découverts encore en place
au point D, c'est-à-dire au centre même du tumulus, et
à laquelle pourraient bien avoir appartenu les frag-
ments d'os humains, imparfaitement incinérés, recueillis
aux points K etO.
Cette sépulture, que je désignerai sous le nom de sépul-
ture D, me paraît hallstattienne, et par suite contempo-
raine de celles du groupe de Rosebois et de Chambrey.
Elle a été bouleversée en partie à l'époque de la Têne I
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LE TUMULUS DU BOIS DE SÀtNTE-MARIE 385
probablement, puisque c'est à cette dernière époque qu'on
s'est servi de la masse terreuse du tumulus pour y enseve-
lir divers personnages. A proprement parler on a encore
utilisé ici, un tertre déjà existant, uniquement parce
qu'il était facile à travailler, et peut être en a t-on un peu
augmenté les dimensions primitives.
Si un guerrier, sans doute un chef de quelque impor-
tance, a été inhumé au centre du tumulus à l'époque de
la Tône I, c'est à-dire dans l'espace de temps qui s'est
écoulé entre les années 450 et 250 avant J.-C, ce sont des
femmes qui^ à la même époque, ont été inhumées dans le
reste de la masse terreuse. La nature des mobiliers funé-
raires ne laisse aucun doute à cet égard.
La disposition de ces sépultures me semble avoir été la
suivante : à côté du guerrier, orienté face à l'Est, se trou-
vait une femme d(mt la tombe a été saccagée, et du mobi-
lier de laquelle provenait le petit anneau demeuré en
place, et la moitié du bracelet trouvée au point C. Les
autres corps étaient rangés en cercle, chacun à 4 mètres
environ du centre du tumulus. Gela ressort nettement de la
position des sépultures non remaniées découvertes aux
points G, J, I, et de la présence d'objets isolés trouvés
aux points H et E.
J ai dit que les deux fragments d'os à demi brûlés,
épars dans la masse terreuse du tumulus aux points K
et 0, devaient provenir d'une incinération. L'emplace-
ment du bûcher semblerait marqué par le grand foyer
reconnu au point F, et il est de toute vraisemblance, puis-
qu'il est sous le tumulus, au niveau du sol vierge, qu'il est
antérieur à la construction du tertre.
S'il y a corrélation entre l'existence de ce foyer et l'une
des sépultures, ce ne peut guère être qu entre lui et la
sépulture la plus ancienne. J'inclinerais à considérer ce
foyer comme hallstattien, et à supposer que la sépulture
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386 LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE
primitive, dont remplacement devait être au point D,
était une incinération datant aussi du Premier âge du fer.
Cette dernière aurait, comme je l'ai dit, été saccagée àTépo-
quede la Téne, ce qui expliquerait la présence de fragments
de poterie grossière aussi bien aux environs des points
D, A, etc.. qu'en beaucoup d'autres endroits, et à des
niveaux variés, comme aussi celle des deux débris d'osse-
ments aux points K et 0.
Bien qu'il ne soit resté aucune trace du corps du
guerrier de la Têne, cela n'implique nullement l'idée d'une
incinération. Je tiens à le faire remarquer. Dans un pareil
terrain, complètement décalcifié, les tissus osseux ne
laissent aucune trace de leur existence, qu'il s'agisse
d'incinérations ou d'inhumations. Nous l'avons toujours
observé, et je le répète encore, seuls sont conservés dans
une certaine mesure les ossements en contact immédiat
avec des objets métalliques ou des pierres calcaires. Or,
notre tumulus est presque absolument dépourvu de pierres,
et s'il en existait quelques-unes, de petites tailles, perdues
dans la masse terreuse, c'est à cette circonstance seule qu'il
faut attribuer la conservation des deux fragments d'os à
demi incinérés, qui se seront trouvés accidentellement
placés en contact avec quelques unes d'entre elles.
Nous avons constaté d'ailleurs qu'à part des dents, dont
rémail avait échappé à la destruction, grâce à l'action des
composés cuivriques, il ne restait aucune trace d'osse-
ments dans les sépultures demeurées intactes.
Dans un pareil milieu, l'examen attentif des matériaux
entourant les objets, et surtout l'observation à la loupe des
parties de ceux-ci encroûtées par l'oxydation, peuvent
seuls apporter quelque lumière. Or, en ce qui concerne la
sépulture du guerrier, nous n'avons d'autres sources d'in-
formation que l'épée. Bien examinée, celle-ci ne porte
aucunes traces de tissus osseux, ni de matières charbon-
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LE TUMULUS DU BOIS DE SAINTE-MARIE 387
neuses imprimées sur ses faces profondément oxydées ;
elle n'a donc pas reposé sur des restes d'incinération,
charbons ou fragments d'os. Par contre, nous avons
signalé à sa surface l'existence de deux étoffes, empâtées
dans Toxyde de fer. Il y a donc lieu de considérer ces
empreintes comme ayant été laissées par les vêtements
du guerrier, ce qui semble exclure toute idée d'inciné-
ration.
Pourquoi d'ailleurs supposer qu'on ait incinéré le guer-
rier, alors qu'on avait manifestement inhumé les femmes?
A moins d'indices contraires, on ne saurait admettre faci-
lement cette différence capitale.
Quoi qu'il en soit, c'est la première sépulture de guer-
rier de l'époque de la Tône I relevée d'une manière certaine
en Lorraine. Pour ma part, je n'avais en effet reconnu au-
cune sépulture de ce genre, sur aucun gisement du second
âge du fer; les nombreuses sépultures découvertes appar-
tenaient toutes à des femmes. Aussi est-il regrettable
qu'elle ait été en partie dérangée antérieurement à nos
fouilles.
Comme type d'objets composant les mobiliers funéraires,
il n'existe aucune différence entre ceux-ci et ceux des sta-
tions lorraines de la même époque. Mêmes formes de torques
et de bracelets, fibules semblables, mais par contre, absence
complète d'anneaux de bras et de jambes. Ici également
on ne rencontre aucune poterie dans les sépultures, à
l'inverse des observations faites en Champagne, où la pré-
sence de nombreux et riches vases, est un des caractères
de l'Époque marnienne. A quelle cause faut-il attribuer
cette curieuse différence ? Est-ce à une cause provenant
d'une divergence de conception des rites funéraires, ou
faut il en chercher l'explication dans la disparition des
poteries, occasionnée par la décomposition de leur pâte,
comme l'avait laissé entendre M. Fourdrignier? Je ne
saurais me rallier à cette dernière opinion, car des poteries
25
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388 LE TCMOLllS DO BOIS DB^^SAlNTEMARiË
aussi bien conditionûées que celles de la Têae ne sauraient
avoir disparu sans laisser de traces, quand celles de
rÉpoque de Hallstatt par exemple» et même de TAge du
bronze, ont, sinon complètement résisté, du moins ont
laissé des traces certaines {de leur présence dans les cou-
ches les plus profondes, comme aussi dans les plus super-
ficielles de nos tumulus lorrains*
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION
DE lA
PAR
Paul PERDRIZET
Parva quaedam Lotharingiae
delineatio.
Ni la Moselle d'Ausone, ni la description des Vosges écrite
vers 1260 par Richer, moine de Senones (1), ne peuvent
passer pour des descriptions de la Lorraine. Pouren trouver,
les lotharingistes descendaient jusqu'au Recueil et chro-
niques des histoires d'Austrasie composé en 1510 par le
lyonnais Symphorien Champier, au Traicté des singularitez
du parc d'honneur de Nicolas Volcyr, publié en 1530, et à
VElogium in laudem Lotharingiae {"2^) de Thierry Alix, com-
posé en 1565. Ils ignoraient la description qu'a faite de
leur province, au milieu du xiii® siècle, un des plus nota-
bles encyclopédistes du Moyen Age, Barthélémy l'Anglais,
minorité, au chapitre 92 du quinzième livre du Deproprieta-
tibus rerum. On trouvera plus loin tous les détails néces-
saires sur l'auteur et l'ouvrage. Je crois répondre à la
(1) Monumenta Germaniae. Scriptores^ t. XXV, p. 258.
(2) Publié par M. A. Gollwnon, dans les Mem. de la Soc. d'arcfieo-
logie lorraine, i898, pp. 501-510.
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390 LA PLUS ANaENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
curiosité du lecteur en lui mettant d'abord sous les yeux
le chapitre dont il s'agit. Outre le texte latin, établi
d'après les manuscrits de la Bibliothèque Nationale, grâce
à l'aide amicale de M. Gaston May, j'en donne la traduction
française, d'après la version faite pour le roi de France
Charles V par frère Jean Corbechon (1) et revue, au siècle
suivant, par frère Pierre Ferget ou Farget, pour Matthieu
Husz, l'imprimeur de Lyon (2).
Lotoringia Germanie est
quasi ultima et Jinalis promn-
ciaj rege Lotario nominata,
Hec ah oriente hahet Retiam
sive Brabantiam, a meridie
Renum et Alsatiam^ ah acci-
dente Galliam Senonensem, a
septentrione Galliam Belgi-
cam, Hanc Mosa flumus
preterjluit. In hac cioitas
Métis consistit. Est autem
regio in multis locis fructi-
fera^ mnifera, fontibus et
amnihus irrigua^ montuosa,
silcestris et nemorosa, ferisj
pecudibus et ar mentis fecunda.
Gens est mixta ex Gallis et
Germanis, Fontes habet mira-
biles et médicinales, ex quo-
Lorraine est ainsi comme la
dernière province d'Alemaigne
et est appelée Lorraine pour le
roi Lotharre qui y régna. Lor-
raine par devers orient a Bra-
bant, et par devers midy elle a
la rivière du Rin et le pays
d'Ausay, et par devers occident
elle a France. En Lorraine court
la riuiere de Meuse, et si y est
la cité de Metz qui est forte et
riche et puissante. Lorraine est
une région en aulcuns lieux
moult habondante en bledz, en
vins, en fontaynes et en riuieres,
et si y a moult de montaignes et
de bestes priuees et sauluaiges.
Les gens de Lorraines sont
mesles des Francoys et des
(i) Corbechon est la vraie forme du nom de ce traducteur, qui a été
souvent appelé Corbichon : deux manuscrits de la Mazarine (n* 181,
recueil de Postilles ; n» 849, quatrième livre des Sentences) portent un
ex-libris autographe ainsi conçu : iste liber est fratris Johannis Corbe
chon^ sacre pagine professoris. M. Franklin l'a reproduit en fac-
similé dans ses Anciennes bibliothèques de Paris, t. II, p. 112, et
M. LÉOPOLD Delisle l'a cité dans ses Recherches sur la librairie de
Charles F (Paris, 1907), t. I, p. 92.
(2) M. LÉOPOLD Delisle a traduit ce passage dans VHist, litt. de la
France, t. XXX, p. 359.
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 391
rum potu langorcs earii sa- Alemans. Et si y a fontaines
nantur, merueilleuses et medecinables
guérissant de diverses maladies
quant on en boyt (1).
Le lecteur qui n'est pas habitué à la sécheresse des textes
médiévaux, sera déçu par cette notice indigente. Il en
pensera d'abord ce qu'Antoine Le Pois pensait de la carte de
la Lorraine par Waldseemûller : parva quaedam Lotharin-
giae delineatio (2). C'est comme un de ces dessins archaïques
de l'album de Villard de Honnecourt: le contour en est
anguleux et raide. Evidemment nous sommes encore loin,
avec Barthélémy, de nos géographes d'à présent. Mais,
après tout, à quoi sert de comparer ces maigres lignes aux
pages où Vidal-Lablache, par exemple (3), a buriné
(1) Je cite la traduction de Corbechon d'après l'édition de 1487, dont
la Bibliothèque municipale de Nancy possède un exemplaire donné à
tort comme un exemplairede l'édition de 1555 par M. Gollionon, Mém.
de l'Acad. de Stanislas, 1907, p. 104. Voici Vexplicit de cette édition :
Cestuy livre de propriétés des choses fut trani<laté de latin enfran-
coys Van de grâce mil CGC Ixxii par le commandement de très puis-
sant et noble prince Charles le quint de son nom régnant en ce temps
en France paisiblement. Et le translata son petit et humble chap-
pellain frère Jehan Corbichon, de l'Ordre sainct Augustin, maistre
en théologie, de la grâce et promotion dudit prince et seigneur très
excellent. Et a esté revisité par vénérable et discrète personne Frère
Pierre Ferget, docteur en théologie du convenu des Auguslins de Lion.
Et imprimé audit lieu de Lion par honorable homme maistre Mathieu
Husz, maistre en l'art de impression le vii jour d avril, Van mil
CCCC Ixxxvii. Fergel, que d'autres explicit appellent Farget, était,
d'après Claudin {Hist. de V imprimerie en France au xv' et au xvi*
siècle, t. III, p. 202) « grand pourvoyeur de copie des imprimeurs de
Lyon ». On a supposé à tort (Mém. de la Soc. des antiquaires de
France, Yl" série, t. I, 1890, p. 380) que Pierre Ferget avait révisé la
traduction de Corbechon dans la première moitié du xv* siècle.
(2) Lettre du 25 mars 1575, à Abraham Ortelius. Cf. Abrahami
Ortelit epistulac, éd. Hessels (Cambridge, 1887), cité par Auerbach,
La carte de Lorraine sous le dxic Charles III, dans la Revue de géo-
graphie, 1898, II, p. 321.
(3) Histoire de France publiée sous la direction d'É. La visse, t. 1, 1,
pp. 188 210.
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392 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
rimage de la Lorraine ? Pour comprendre Tancienne
ébauche, il faut l'étudier en elle-même, et mettre à cette
étude de la bonne volonté, un peu de soi, et un peu, aussi,
de ce respect que méritent les très vieilles choses
naïves et candides. L'ébauche n'est pas exacte en tous
points, tant s'en faut: l'orientation en est fantaisiste; on
dirait d'une très vieille carte, comme celle de Peutinger.
Barthélémy dit bien que la Lorraine est bornée à l'O. par
la Gaule Sénonaise, c'est-à-dire par l'archidiocèse de
Sens, mais au lieu de dire qu'au S. elle est bornée par la
Gaule Séquanaise, c'est-à-dire par l'archidiocèse de Besan-
çon, il place de ce côté l'Alsace et le Rhin ; et il distingue,
on ne sait pourquoi, de la Gaule Belgique, au Nord de la
Lorraine, le Brabant (lu'il place à l'Est. Passons condam-
nation là-dessus. Le reste n'est-il pas vrai ? Ne dit-il
pas l'essentiel? Voici les cours d'eaux de la Lorraine,
regio fontihus et amnibus irrigua, et d'abord le plus grand
de tous, la rivière de Meuse. Voici Metz, antique capitale
et métropole de l'Àustrasie. Voici les productions du pays»
les chevaux et le blé du plateau lorrain, les vins de la
vallée mosellane, regio in multis locis fruclifera, mnifera^
pecudibus et armentis fecunda. Voici les grandes forêts rem-
plies de gros gibier, regio silvestris et nemorosa, ftris fecunda.
Au Midi et au Levant, à l'horizon, se profilent les monta-
gnes des Vosges, regio montuosa. Ce vaste terroir est, pour
son malheur, une marche entre France et Germanie, Ger-
maniae quasi ultima et finalis provincia. Une population à
double face y vit, romane à l'Ouest, germanique à l'Est,
agrégat d'Allemands et de Français, gens mixta ex Gallis
et Getmanis. Et, pour finir, voici les eaux merveilleuses,
les « fontaines médicinables, guérissant de diverses mala-
dies, quand on en boyt».
C'est peu de chose, sans doute, mais ce peu a, si je puis
ainsi dire, la valeur d'un germe. La description de la Lor-
raine par Barthélémy, avant de tomber dans l'oubli, a été
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 398
lue souvent. On verra plus loin quel a été le succès du De
proprietatibus : jusqu'au xvi« siècle, cette encyclopédie des
sciences naturelles fut classique dans les écoles; toute
bibliothèque en possédait un exemplaire Tcella du duc
Antoine en contenait un, en français (1), Il n'y a donc rien
d'étonnant à ce qu'en 1510, lorsque Synnphorien Ghampier,
médecin lyonnais, venu en Lorraine, comme y viendra plu*
tard Rabelais, pour soigner le mal deNaples, voulut intro-
duire dans ses Chroniques d*Au$tra$i0 une description delà
Lorraine, il se soit rappelé celle de Barthélémy, et en ait
reproduit le contour général et les traits caractéristiques,
en l'agréraenlant seulement de quelques détails nou-
veaux.
Lorrayne est une partie de Gaule Belgique et est appellée
Lorrayne pour le roy Lothaire, fils du roy de France Loys le
débonnayre, qui y régna.... De ceste province sortent plusieurs
nobles et grans fleuves comme Saune qui descent à Lyon et se
joing au Rosne, Meuse, Meselle, Marne et plusieurs aultres sans
lesquels plusieurs princes et cités auroyent grant indigence de
biens. Pareillement est ceste province magnifiquement décorée
de beaucoup de manières de fontaines, les qnea sont ebauldes.
Aux aultres sont trouvé perles belles a merveilles, lep auUro»
sont médicinales comme celles qui sont h Plumiere» (8). Et si y (i
moult de manières de mines, comme argent, asur et fer, pareil-
lement y a plusieurs fontaines sallees, desquelles est fait le sel
en ai grande habondanoe qu'il souffit à fornir tout Lorrayne,
barroys et une grande partie de Alemaigne, dont le prince a
grant revenu et en vivent plusieurs gens. La terre de Lorrayne
est très bonne à blé et vin et à porter divers fruitz, où il y a
aussi f^TBint habondance de bestes et grarnt multitude de cerfs et
d 'aultres bestes sauvaiges... Pource que leur terre moyenne entre
(1) Voir l'inventaire de cette bibliothèque, publié par F. db Chanteau
{Mém. de la Soc. d'archéol, lorraine^ 1880, p. 328) ; et Collignon, dans
les Mém. de l'Acad. de Stanislas, 1907, p. 204.
(2) P lumières = Plombières.
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394 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
France et Alemaigne, aussi du François ilz (les Lon-ains) tien-
nent humanité, libéralité et çolertie en guerre ; des Alemans,
corpulente force et ordre en guerre (1).
Cette description de la Lorraine par S. Champier a servi
de source principale au géographe flamand Abraham Œrtel
(Ortelius), pour la notice qui, dans le Iheatrum orbis, pu-
blié pour la première fois en 1570 et souvent réimprimé
depuis, en latin et en français, à Anvers, chez Plantln,
accompagne la carte de Lorraine (2). Ortelius se réfère à
« Symphorien Campegius, médecin lorrain, jadis de
grande renommée » (3). Campegius, c'est Champier, qui a
pris ce nom dans un de ses trop nombreux ouvrages, parce
que ce prétentieux polygraphe et fâcheux cacographe pré-
tendait à une parenté avec Tillustre famille bolonaise des
Campegi. Mercator (4) et Merula (5) empruntent aussi leurs
renseignements sur la Lorraine à Symphorien Champier,
soit directement, soit par l'intermédiaire du Iheatrum
or6î5. Or, comme Champier n'a fait que s'approprier, en
l'enrichissant de quelques détails, la notice de Barthélémy,
il en résulte que , jusque dans la première moitié du
xvii® siècle, la géographie descriptive de la Lorraine a été
tributaire du chapitre que lui avait consacré, trois cents
ans auparavant, le minorité anglais.
Le De proprietatibus rerum du minorité Barthélémy est
(1) Le recueil oucroniques des hyUoires des royaumes d'Austrasie...^
ch. I.
(2) Feuille 25.
(3) Ce témoignage a échappé au biographe de Champier, P. Alldt
(Etude biog. et bibliogr. sur Symphorien Champier, Lyon, 1869), mais
non à M. Auerbagh (voir son travail, cité ci-dessus : La Carte de la
Lorraine sous Charles III, dans ia Revue de Géographie, 1898, II,
pp. 321-333).
(4) Atlas, éd. d'Amsterdam, 1628, p. 317.
(5) Cosmographia, éd. d'Amsterdam, 162i, p. 483.
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 395
une encyclopédie en dix-neuf livres (1). Les trois premiers
traitent des êtres incorporés, Dieu, les anges, Tâme hu-
maine ; les suivants, de la nature corporée : le corps de
rhomme, avec ses maladies (1. IV-VII); le ciel (1. VIII); le
temps, les saisons et les mois (1. IX); la matière (1. X);
Tair (1. XI); les oiseaux, y compris les abeilles (1. XII);
reau (1. XIII) ; la géographie (1. XIV-XV) ; les métaux et les
pierres (1. XVI); les arbres et les plantes (1. XVII); les
animaux (1. XVIÎI) ; les propriétés des choses, couleurs,
odeurs, saveurs, plus la métrologie et la musique (1. XIX).
On voit que cette encyclopédie est assez mal nommée. Son
titre De proprietatibus rerum — d'où Ton a tiré, au xv® siè-
cle, pour les éditions de la traduction française, le titre de
Propriétaire, par analogie avec Bestiaire, Herbiaire, Volu-
craire. Lapidaire — ne convient vraiment qu'à une partie
du dernier livre.
Il n'est pas exact de dire (2) que le De proprietatibus soit
d'intention uniquement théologique et morale. L'auteur
ne semble pas avoir été de ces allégoristes à qui le monde
sensible apparaissaitcomme(( une forêt de symboles ». L'in-
tention allégorique est si faible dans tout l'ouvrage qu'on
éprouva le besoin, à la fin du xiii® siècle, de le « morali-
ser » (3), preuve qu'il était tout autre chose, sous sa forme
originale, qu'une moralizatio. Cette production, beaucoup
moins a bizarre » (4) qu'on ne l'a dit, somme toute plus
(i) Non pas en neuf, comme le dit M. Collignon {Mém. de l'Acad.
de Stanislas, 1907, p. 104).
(2) Comme l'a fait par exemple Pitseus suivi par Wadding (Annales
Minorum, t. VIII, p. 203), et de notre temps M. Dllisle {Hist. litt. de
de la France, t. XXX p. 356) ainsi que l'auteur de l'article Glanville
dans le Dictionary of national biography.
(3) Liber de proprietatibus rerum moralizatio, ouvrage franciscain
anonyme, que Narducci a cru la source de Barthélémy [Atti délia R.
Ace. dei Lincei, i8 janv. 1885) : la vérité, comme ra montré M. Delisle
{/. /., p. 334 sq), est exactement le contraire.
(4) Cette qualification est de M. Collignon, Mém, de l'Acad, de Sta-
nislas, 1907, p. 13.
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396 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
honorable qu'on ne pourrait croire, est à classer, non à la
symbolique religieuse, mais à l'histoire des sciences (4).
Elle a joui, dans les trois derniers siècles du Moyen Age.
d'un immense succès. C'était l'un des ouvrages classiques
dans les Universités, l'un de ceux que devaient tenir les
libraires de Paris et dont Valma mater Parisiensis avait
tarifé le prix de location (^). Dans le langage de la gent
écolière, le nom de l'auteur avait disparu devant le surnom
de magister de Proprietatihus (3), de même que le nom de
Pierre Lombard, l'auteur du Liber sententiarum, disparais
sait devant l'appellation de « maître des Sentences », ou
le nom de Pierre de Troyes, l'auteur de VHistoria scolcu-
tica, devant l'appellation de « maître des Histoires » (4). Le
De proprietatihus est pour l'histoire naturelle la source du
Roman d'Alexandre (5). Jacques de Varazze, qui écrivait
dans la deuxième moitié du xiii» siècle, paraît s'en être
servi pour sa Légende dorée (6).
{V Cf. E. Meyer, Geschichte der Botanik^ t. IV, p. 87 ; V, CARus,Eris(.
de la Zoologie^ trad. française (Paris, i880), p. 195-197. — Les remar-
ques de F. A. PoucHET (de Rouen), Histoire des sciences naturelles
au Moyen Age ou Albert le Grand et son époque (Paris, 1853), p. 485,
ne valent pas la peine d'ôtre lues.
(2) Denifle, Chartularium Univ. Paris. ^ t. I, p. 644 : Librorum
theologiae et philosophiae et juris pretium ab Universitate Parisiensi
taxatum quod debent habere librarii pro exemplari commodato
scholaribus... Item^ liber de Proprietatibus rerum^ continet C et ij
pecias : iiij sol.
(3) Ainsi dans Bibl. Nat., mss lat. 16785, fM72, col. 1 : explicit liber
septimus decimus Magistri de proprietatibus rerum. Cf. Pierre
Bersuire, Reductorium morale^ 1. VIII, ch. I : Item secundum Magis^
trum de proprietatibus^ pugnae sunt inter animalia et aves. Ces
deux indications sont données par Delisle, op. /., p. 266.
(4) Cf. LuDOLPHE DE Saxe, Vita Christi^ II, ch. 64 : dicit Magister
in Historiis, quod stabat diabolus supra brachium cruciSy donec
Christus expiravit.
(5) Cf. Barbier de Xivrey, Légendes tératologiques (Paris, 1836),
p. LIV et 445. Sur cet érudit et sur le peu de valeur de ses recherches
relatives à la légende d'Alexandre, cf. Paul Meyer, Alexandre le Grand
dans la litt. jr. du M. A., 1. 1, p. X.
(6) Ch. VI, p. 45 Grasse : ut Bartholomaeus^ in sua compilatione
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LA PLIS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 397
Les manuscrits latins (1) du De proprietatibus abondent
et aussi les traductions. En 1309, Vivaldo Belcalzar, de
Mantoue, en fait une traduction italienne, que Dante a dû
lire, et dont le manuscrit original est conservé au Musée
Britannique (2). En 1372, Jean Corbechon (^) en fait une
traduction française pour Charles V (4).
refert^ vineae Engaddi, quae proferunt balsamum^ floruerunt^ fruc-
tum protulerunt et liquorem dederunt,
(1) 18 exemplaires à la Bibl. Nat.énumérés par Delisle, op./., p. 364.
Ste-Gene7iè7e n» 1024. Arsenal, n» 696 (daté de 1321). Séminaire d'Au-
tun, n« 32. Pour les mss latins conservés en Italie, cf. Cun, dans
le Giornale storico délia litteratura italiana, suppl. n* 5 (Turin,
1902), p. 67.
(2) Cf. le travail de M. Cian, cité ci-dessus.
(3) Corbechon a une notice, par Du Petit-Thouars, d'après Moreri,
Du Verdier et La Croix du Maine {Les bibliotnèques françaiseSy
Paris, 1773, t. IV, p. 398», dans la Biographie universelle. Cette notice
serait à refaire. M. Léopold Df.lisle, dans ses admirables Recherches
sur la librairie de Charles V (Paris, 1907), t. I, p. 91 et 92, a signalé
deux documents concernant la biographie de Corbechon : le 6 février
1369, Urbain V le recommande au chancelier de Paris, comme faisant
depuis dix ans des leçons à la faculté de théologie (De.mfle, Chartul,
Univ. Paris., t. III, p. 186, n" 13;i3) ; ce document apprend que Corbe-
chon faisait partie de l'ordre, non des chanoines/ mais des ermites de
saint Augustin. Un compte de François Chanteprime mentionne à la
date de 1372 une gratification que le roi Ht donner à Corbechon pour
avoir traduit le De proprietatibus (Van Praet, Inventaire de l'ancienne
bibliothèque du Louvre, par Gilles Maret, p. 114).
(4) La Bibliothèque Nationale, à elle seule, possède 17 exemplaires
manuscrits de cette traduction : voir L. Delisle, Inventaire général et
méthodique des mss jr. de la Bibl. ,\at. (Paris, 1878), t. II, p. 170,
n" 1693 (cf. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles F, t. I,
p. 230), 216, 217, 9141 (cf. Durrieu, Revue de l'art ancien et moderne,
1906, t. XX, p. 21 sq.) 113;i2, 22531, 22534, 134, 135-136, 9140, 219-220,
22532, 22533, 221, 19091, 1115, :218. Sept ont été décrits par Paulin Paris,
Les mss français de la Bibl. du Roi, 1, p. 260-266 ; II, pp. 217-222.
Adde Martin, Cat. des mss de la Bibl. de l'Arsenal, III, p. 142, n" 2886;
KoHLER, Cat. des mss de la Bibl. Ste-Geneviève, 1. 1, p. 475, n* 1028 ;
Janvier, dans les Mémoires de la Soc. des antiquaires de France,
\V série, t. I (1890), pp. 373-392, à propos du ms. 399 d'Amiens ; Van
DEN Gheyn, Cat. des mss. de la Bibl. royale de Belgique, t. V, p. 356.
n" 2953 (DuRBiEu, dans Le Manuscrit, t. II, p. 164) ; Delisle, Recher-
ches sur la librairie de Charles V, t. 1. p. 232-235, t. II, p. 246 et 302.
Plusieurs de ces mss, notamment Bibl. Nat., fr. 9141, où M. Durrieu a
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398 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
A la même époque fut faite une version provençale, pro-
bablement pour Gaston Phébus, comte de Foix, mort en
1391(1). En 1398, Jean de Trévise en fait une traduction
anglaise. Au xv®siècle, l'ouvrage est traduit en espagnol (2)
et en hollandais (3). Une quinzaine d'éditions incunables
de l'ouvrage latin sant décrites par Hain(4)et Brunet(5),et
la liste n'est pas complète. La première est celle de Bâle
vers 1470. En 1609, le De proprietatibus trouvait encore un
éditeur à Francfort : certaines productions a gothiques »
continuèrent d'avoir des lecteurs, dans les milieux
attardés du catholicisme, jusqu'au xvii® siècle.
La première édition de la traduction française est celle
de Mathieu Husz, à Lyon (6), en 1482; d'autres éditions du
Propriétaire à Lyon en 1485, 1486, 1487, 1492, 1500, et
sans date chez Syber ; à Paris sans date chez Vérard, puis
en 1510, 1518, 1525, 1539, 1556 ; à Rouen en 1512. La
traduction anglaise de Jean de Trévise fut imprimée par
Wynkyn de Worde vers 1495, par Berthelet en 1535 et par
Thomas East en 1582, avec des additions de Batman. Douce
a montré que l'édition de Batman devait avoir été lue par
reconnu la main du Maître des Heures de Boucicaut, ou encore le ma-
nuscrit de Ste Geneviève (commencement du xv' siècle, enluminé par
Jehan de Nizières), celui d'Amiens (qui fut enluminé en 1447 par Etienne
Sauderat, d'Auxerre) et le n" 9140 de la Bibl. Nat. (enluminé à la fin
du XV* s. par Evrard d'Espinques), contiennent des miniatures remar-
quables.
(1) KoHLER, Cat. des mss de Sainte-Geneviève^ t. I, p. 476, n" 1029 ;
cf. Zeitschrift fiir roman. Philologie^ t. xni,p. 1225 ; Romania^ t. XIV,
p. 226; t. XVIII, p. 628.
(2) Traduction imprimée à Toulouse en 1498 et à Tolède en 1529.
Cf. Bruset, Manuels, t. Il, col. 1623, et suppl. I, col. 551.
(3) Traduction imprimée à Harlem en 1485. Cf. Brunets, t. II, col.
1623, et suppl., t. I, col. 551.
(4) Repertorium.n''^ 2504-2511.
(5) Manuel^, t. Il, col. 1619-23; suppl. I, col. 550-1.
(6) Sur les éditions lyonnaises du Propriétaire, cf. Claudin, Hist. de
l'imprimerie en France au XV^ et au XVI' siècle, t. III, p, 200-203,
246-249; 287-291.
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 399
Shakespeare (1) : par exemple, le couplet sur les abeilles
que débite Tarchevêque de Ganterbury dans King Henry V
(acte I, scène II), est certainement inspiré du XII® livre de
Barthélémy (2).
Ainsi, dans une histoire qui étudierait les œuvres litté-
raires, non pour leur valeur artistique, mais pour l'in-
fluence qu'elles ont eue sur la culture générale, le De pro^
prietatibus Ruraii une placeassez belle. On ne peut regarder
comme curieuses et vaines des recherches consacrées à un
auteur qui a été classique pendant trois cents ans.
A quelle date a-t-il vécu ? On est surpris qu'un manuel
aussi informé que celui de Grôber (3) ne se hasarde pas à
décider si Barthélémy est du xiii® ou du xiv" siècle ; ou que
Claudin (4) ait pu croire que le De proprietatibus était une
compilation faite au milieu du xiv® siècle, à l'aida surtout
du Spéculum naturale de Vincent de Beauvais. Les érudits
anglais du xvi® siècle, notamment John Pits (5), le fai-
saient fleurir vers 1360. Cette erreur, qui a passé dans la
Bibliothèque deFàhricius (6) et le Manuel de Brunet (7;, dans
le Répertoire bio-bibliographique de Chevalier, (8) et finale-
ment dans la notice de M. Collignon sur la bibliothèque du
duc Antoine (9), provient probablement de Tri thème (10),
(1) Francis Douce, llMstrations of Shakespeare and of anctent
manners, a new édition (Londres, 1839), p. 487.
(2) Alicb D. Greenwood, dans The Cambridge Bistory of English
Literature (1908), t. Il, p. 77.
(3) Grundriss der romanischen Philologie (Strasbourg, 1902), II, 1,
p. 257.
(4) Op. laud.,i. JII, p. 200.
(o) JoANNis PiTSEï Angli, sacrae theoiogiae doctoris, Liverduni in Lo-
tharingia decani, Relationum historicarum de rébus Anglicis^ t. I".
(Paris, 1619), p. 494.
(6) Bibliotheca latina (Padoue, 1754), I, p. 179.
(7) Manuel^, t. II, col. 1621.
(8) Bio-bibliographie^, t. I, col. 446.
(9) Mémoires de l'Académie de Stanislas, 1907, p. 13 et 104.
(10) Trithemils, Catalogus scriptorum ecclesiasticorum, édit. de
Cologne, 1531, f°CXVI r«.
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400 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
qui est, de l'aveu même de Pits (1), l'un des auteurs dont
celui-ci s'est servi. Trithème ne date pas Barthélémy,
mais la notice qu'il lui a consacrée est intercalée entre
celles de deux écrivains dont Tàx^Aiô est datée, pour Tuû
de 1350, pour l'autre de 1360.
Quétif et Échard (2) avaient pourtant, depuis longtemps,
remarqué que l'âge de plusieurs des manuscrits latins du
Deproprietatibtis iuterdit de placer Barthélémy au xiv« siè-
cle. Un manuscrit d'Oxford {Ashmolean, 1512), fut copié
en 1296; un manuscrit de la bibliothèque Sainte Geneviève
(n° 1029), date certainement du xiii^ siècle; des dix-huit
manuscrits de la Bibliothèque nationale, quelques-uns sont
de la fin de ce siècle (3). Nous avons déjà vu que la morali-
zatio du De proprietatibus remonte à la fin du xni« siècle, et
que la traduction italienne du mantouan Belcalzar est de
1309. D'ailleurs, Amable Jourdain a montré que Barthé
lémy lisait Aristote dans une traduction latine faite d'après
la version arabe, laquelle traduction latine fut abandonnée
dès 1260 environ (4), et que si Barthélémy cite les com-
mentaires aristotéliciens d'Albert le Grand, qui a ensei-
gné jusque vers 1248. il ne se réfère jamais aux grands
docteurs de la deuxième moitié du xiii® siècle, Vincent de
Beauvais, Thomas d'Aquin, Roger Bacon ou Gilles de Rome.
Voici d'autres preuves encore : d'abord, le témoignage du
chroniqueur parmesan, fra Salimbene, qui, en 1283, à
propos de l'éléphautde l'empereur Frédéric II, renvoie son
lecteur au De proprietatibus de Barthélémy : Horum anima-
lia in Aethiopia magna copia est, quorum natura et proprie-
tates f rater Bartholomaeus Anglicus, ex ordine Minorum, in
libro quem de proprietatibus rerum fecit^ sufficienter exposuit,
(1) Decerpsi non pauca ex Joanne Trithemio (Pits, op. I., p. 10).
(2) Scriptores ordinis Praedicatorum (Paris, 17i9), t. I, p. 486.
(3) Deusle, dans ïBist. litt. de la France, t. XXX, p. 364.
(4) Recherches critiques sur l'âge et l'origine des traductions latines
4' Aristote {Paris, 1819), p. 35, 398400.
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La PLV8 ANGtENNfi DESCRIPTION DE LA LORRAINE 401
quem etiam tractatum in XIX libellos divisit. Magnus clericus
fuit et totam Bibliam cursorie Parisius legit (1). Dans un
texte cité par Sbaralea (2), on voit Niccolô Boccasini, plus
tard pape sous le nom de Benoît XI, donner à un couvent
de Dominicains un exemplaire du De proprietatibus, « En
1329, écrit M. Delisle (3), le pape Jean XXII fait achètera
deux cisterciens de l'abbaye de Gandeil au diocèse d'Albi,
un exemplaire du Liber de proprietatibus rerum, qu'il paya
neuf florins d'or (4). Sous les règnes de Charles V et de
Charles VI, il y en avait au moins quatre copies dans la
librairie du Louvre (5). Un formulaire du xv® siècle
ûous a transmis le sauf conduit que Charles VI fit délivrer
à un franciscain de Londres, qui voulait emporter en An-
gleterre un exemplaire du De proprietatibus rerum acheté à
Paris (6). »
Dans un tarif de location imposé par TUniversité de
Paris à ses libraires, vers 1275-1286, figure le De proprieta-
tibus. La plus ancienne mention que nous ayons, sinon de
l'ouvrage, du moins de l'auteur, se trouve, à la date de
1231, dans les Annales Minorum de Wadding ; le ministre
général de TOrdre écrit au ministre provincial de France
de vouloir bien se priver du concours de frère Barthélémy
TAnglais, lequel doit aller en Saxe pour y professer la thé-
logie aux frères mineurs (7), Ainsi, l'auteur du De proprie-
tatibus appartient à la seconde génération franciscaine.
(1) Chronica Parmensis fr, Sambimbenis (Parme, 1857., p. 48.
(2) Supplementum ad Scriptores trium ordinum S. Francisci^
p. 113.
(3) HisL lUL de la France, t. XXX, p 363-4.
(4) Reg, Clem, F, t. I, p. cci.
(5) Delisle, Cabinet des mss^ t. III, p. 136.
(6) Bibl. Nat. ms. fr. 14371, fol. 111 V.
(7) T. II, p. 248 de l'éd. de Rome, 1732. Scripsit minister generalis
ad Franciae ministrum, ut fratrem Joannem Anglicum Saxoniae
administrationi, fratrem Bartholomaeum Anglicum lecturae praefi-
ciendum dimitleret. Cf. p. 274 : Missi koc anno (1231) a Iratre Jor-
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402 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
D'où était-il ? Les bibliographes et les historiens litté-
raires ont Thabitude invétérée de rappeler Barthélémy
Glaunville^ Glanville ou de Glanville. Pourtant, ici encore,
Quétif et Échard avaient, depuis deux cents ans, fait justice
de Terreur traditionnelle (1). « J'ignore, écrivait en 1836,
Paulin Paris, sur quelle autorité est fondé ce surnom de
Glanville qui a prévalu : toutes les leçons manuscrites que
j'ai pu consulter portent seulement Bartholomaeus Angli-
eus (2), )) C'est exactement la remarque de Quétif: i^ An
Glanvillani agnomen ei adhaeserit^ et si levions momenti sit
qua estio, hoc solum dico in nullo codice manuscripto me inve-
nisse sic prima manu scriptum. In quibusdam codicibus anglis
additur agnomen Glanville, sed dubium est an prima manu et
qua aetate » (3). Le nom de Glanville apparaît pour la pre-
mière fois dans Leland (4), qui ne l'appuie d'aucune réfé-
rence. Baie, en 1557, l'emprunte à Leland (5). John Pits (6)
reproche à Henry Willot (7) d'avoir changé Glaunvillus en
dano custode Thuringiae, in virtute potestaiis sibi factae a generali
ministro, frater Joannes de Penna ei frater Deodatus Luietiim ad
Franciae ministrum pro conducendis fratribus Joanne Anglico gene-
rali jam constituto Saxoniae ministro^ et Bartholomaeo item Anglico,
ut in eadem provincia fratribus sacram legerei theologiam ; qui
stalim concessi a Franciae ministro, provinciam Saxonicam egregie
décor arunt.
(4) Script. Ord. Praedicatorum (Paris, 1719), t. I, p. 486-7.
(2) Les mss. françois, t. 1, p. 261.
(3) Scriptores 0.,loc. laud.
(4) J. Lelandi antiquarii Collectanea (Londres, 1774), t. IV, p. 24,
inventaire sommaire de la bibliothèque de St Peter's Collège, Cam-
bridge : « frater Bartholomaeus de Glaunvyle Anglicus de ordine
Minorum scripsit justum voiumen de proprie latibus rerum ». Cf. du
même les Commentarii de scriptoribus Britannicis ex autographo
Lelandino nunc primus edidit Antonius Hall, t. III, p. 336 : « Bartho-
lomaeus Glennovillanus exnobilissimo, ut ego colligo, génère comitum
Sudovolcarum ejusdem appellationis originem duxit ». Leland est
mort en 1552.
(5) J. Bale, Opéra, éd. de Bâle, 1559, p. 461-2. Baie copie les Com-
mentarii de Leland, qu'il a dû lire en manuscrit.
(6) De rébus angli^As, p. 494.
(7) Athenae orthodoxorum sodalitii Franciscani, opéra rev. Ubnrici
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 403
Grauavisius. Tous ces compilateurs, Baie, Willot, Pits,
prétendent, à la suite de Leland, que Barthélémy Glaunville
tirait son origine de l'illustre famille des Suffolk, laquelle,
sauf erreur, ne date que du siècle suivant. Wadding (1) ne
manque pas d'emprunter à John Pits cette assertion, si
flatteuse pour Tordre séraphique, touchant l'origine aris-
tocratique de Barthélémy.
Ainsi, cette légende nobiliaire a sa source dans la phrase
de Leland (Bartholomaeus GlannovioUanus ex nobilissimo,
ut ego colligo, génère comitum Sudowlcarum), et je ne vois
pas qu'on puisse remonter plus haut, d'après les termes
mêmes de Leland, ut ego colligo, qui signifient sans doute,
non pas « d'après les documents que j'ai rassemblés >),
mais « d'après mes inductions ». L'origine aristocratique
de Barthélémy n'était donc pour Leland qu'une supposi-
tion vraisemblable ; ce n'était pas une vérité démontrée.
Concluons de tout cela que la généalogie aristocratique
prêtée à Barthélémy est tout juste aussi digne de foi et
aussi fâcheuse que celle dont les hagiographes ont gratifié
tant d'illustres personnages de l'histoire ecclésiastique ;
n'ont-ils pas fait descendre saint Antoine de Padoue tantôt
d'un roi des Asturies, tantôt de Godefroi de Bouillon, et
imaginé une parenté entre saint Dominique et Blanche de
Castille ?
Les manuscrits et les imprimés du De proprietatibi^ et
de ses traductions s'accordent avec les documents allégués
par Wadding ainsi qu'avec Salimbene et Trithème pour
attester l'origine anglaise de Barthélémy. Seul, M. Léopold
Delisle {2} s'est inscrit en faux contre cette tradition una-
WiLLOTf Belgae, theologi Parisiensis, ordinis Minorum, provinciale
Flandriae provincialis (Louvain, 1598), p. 57 : « Bartholomaeus Graun-
vyse^ familia comitum Sudovolgioruni origem ducens.,. (la suite
comme dans Leland et Baie).
(1) Annales Minorum, t. VIII, p. 202.
(2) Hist. lut. de la France, t. XXX, p. 354.
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404 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
nime. Mais il n'a pas expliqué comment elle aurait pu
naître et s'imposer. Aussi nts doit-on pas s'étonner que les
trois derniers érudits qui se soient occupés de Barthélémy
n'aient pas souscrit à la théorie proposée par M. Delisle(l).
Celui-ci se fondait sur le témoignage d'un franciscain
pisan, mort en 1401, Albizzi (2): BartholomaeuSy qui librum
edidit de proprietatibus rerum, deprovincia Franciae fuit {3).
Et il pensait trouver une preuve interne de l'origine fran-
çaise de notre auteur dans la précision des renseigne-
ments que donne le XV<* livre du De proprietatibus sur
quelques parties de la France.
En réalité, le texte d'Albizzi ne dit pas que Barthélémy
fut français de naissance ou sujet du roi de France, mais
qu'il était un moine mendiant, appartenant à la province
de France de l'ordre franciscain. Nous pouvons môme
préciser davantage. Barthélémy appartint à la province de
France seulement dans la première partie de sa vie, jus-
qu'en 1231. C'est avant cette date qu'il dut faire à Paris le
grand cours sur la Bible dont parle Salimbene : totam
Bibliam cursorie Parisius legit, 11 était venu à Paris attiré,
comme tant d'autres théologiens des ordres mendiants,
par les écoles de la montagne latine, parce que Paris était
alors le foyer le plus ardent de la vie intellectuelle. En
1231,1e général de son ordre le transféra de la province de
France dans celle de Saxe.
Assurément, le De proprietatibus contient, sur quelques-
unes de nos provinces, sur l'Ile de France et la Picardie,
(1) Miss TouLMiN Smith, dans le Dictionary of national biography
t. XXI (1890), s. V. Glanvilla. Alice Greenwood, dans The Cambridge
History of English Literature (1908), t. II, p. 71, 76, 444. Cian, dans le
Giornale storico délia litteratura italiana^ suppl. n» 5 (Turin, 1902),
p. 38.
(2) Cf. U. Chevalier, Bio-bibliographie du M. >4., 2* éd., s. v.
(3) Cité par Sbaralea, Supplementum et castigatio ad scriptores
trium ordinum S. Francisci a Waddingo aliisve descriptos (Rome,
1806), p. 115.
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tA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 403
sur la Flandre et la Lorraine, sur le château de la Rochelle
et les goitreux des Alpes, des renseignements précis qui
semblent bien avoir été recueillis par Tauteur lui-même,
des « choses vues », aurait dit V. Hugo. Mais pour les
recueillir, était-il nécessaire d'être né en France ? Rappe-
lons-nous ce qu'était au xiu® siècle la vie d'un de ces doc-
teurs des ordres mendiants. Nulle existence n'a été moins
sédentaire, nulle n'a moins ressemblé à celle de tant de
nos bureaucrates ou de nos professeurs d'aujourd'hui.
C'est de ces moines surtout qu'il est vrai de dire que le
Moyen Age a été gyrovague, toujours par routes et che-
mins, chemin de Rome ou de Paris, de Saint-Jacques ou
de la Terre Sainte, du jubilé ou du concile.
Il y a, de l'origine anglaise de Barthélémy, une preuve
bien curieuse, que l'on n'a pas encore remarquée.
En 1372, (( a la requeste et commandement de très puis-
sant et noble prince Charles, le Quint de ce nom, roy de
France, frère Jean Corbichon, de l'ordre de saint Au-
gustin, solennel maistre en théologie, translata, mist et
exposa le livre des proprietez des choses de latin en fran-
çois. » Ainsi s'exprime dans l'eo^p/ici^ du manuscrit de
l'Arsenal n^ 2886 (1), Jehan de Bihays, maître es arts, qui
en 1472 copia la traduction de Jean Gorbechon pour Nico-
las de Blanchecourt, barbier juré et bourgeois de Paris (2).
Jehan de Bihays dit encore : « L'auteur de ce livre des
proprietez des choses ne s'est point voulu nommer pour
son humilité, afin qu'il ne semblast aux lisans qu'il en
eust voulu avoir gloire, mais il appert par le langage <Vau-
(1) Cf. Martin, Cat. des.MSS de la Bibl. de l'Arsenal, t. UI, p. 142.
(2) Nicolas de Blanchecourt, en sa qualité de barbier, c'est-à-dire de
chirurgien, s'intéressait au Propriétaire, à cause dos livres IV-VII qui
traitent de l'homme et de ses maladies. Cf. dans Claudin, Hist. de
l'imprimerie en France, t. III, p. 203 et 289, la gravure extraite des
éditions illustrées, qui représente cinq docteurs en médecine occupés
à disséquer un cadavre d'homme.
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406 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
cuns des chapitres de ce livre qu'il estait natif du royaume
d'Angleterre, »
Il me paraît hors de doute que l'endroit du Deproprieta-
tibus où se décelait, selon Jean de Bihays, Torigine anglaise
de Tauteur, est, au livre XV, le chapitre sur l'Angleterre,
dont voici le texte latin, avec la traduction de Jean Gorbe-
chon, telle qu'on la lit, dans l'impression publiée par
Mathieu Husz, à Lyon, en 1487 :
De Anglia
Anglia Oceani est insula
maxinia^ quae circumfuso
mari a toto orbe undique est
dioisay quae quondam Albion
ab albis rupibus a longe circa
maris littora apparentibus est
cocata ; quam, succedente
tempore^ quidam proceres de
Trojas excidio discedentes^
facta classe, Palladisy ut fer-
tur, oraculoy ad praedictae
insulae littora percenerunt ;
qui cum gigantibus, qui tune
terram posscderunt, diutius
pugnantes, artepariter et oir-
tute, insulam, superatis gigan-
tibus, suo dominio subjecerunt,
et a Bruto, qui illius exercitus
erat princeps, terram voca-
verunt Britanniam, quasi in-
sulam a Bruto tune temporis
armis et potentia acquisitam;
a cujus Bruti prosapia reges
potentissimiprocesserunt quo-
rum opéra magnijica si quem
audire détectât historiam
Bruti légat. Illa autem insula,
post Tonga tem'pora, a Saxo-
De angleterre
Angleterre est une très grant
isle de mer qui est diaisee par
la mer qui l'environne. Angle-
terre fut iadis dicte albion pour
les blanches roches qui y appa-
roissent du loing au rivage de la
mer. Apres la destruction de
troie la grant aulcuns troyans
se mirent en la mer. Et par le
conseil de lung de leurs dieux
qui auoit nom palade ils appli-
quèrent au rivage de albion qui
estoit plaine de ieans. Et se
combatirent longuement contre
eulx et les vainquirent par art
et par force et mirent lisle en
leur subiection et lappellerent
bretaigne après brute qui estoit
prince de leur ost et de leur
compaignie. De ce brute yssirent
et de sa lignée aussi moult de
roys très puîssans desquelz les
noms et les fais sont en escript
en lystoire de bruth. Ceste ysle
fut après conquise des saxons
par plusieurs grandes et cruelles
batailles et tuèrent les bretons
et les enchâssèrent et puis par-
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 407
nibus Germanicis, muftis et
variis intercenientibus saeois-
simis praeliis, est acqulsita et
a suis posteris est possessa^
qui, Britonibus tel mortuis
vet exulatis^ insulam inter se
diviserunt^ et singulis procin-
ciis secundum linguae suae
proprietatem nomina impo-
nentes^ linguae et gentis suae
memoriam reliquerunt, oo-
cantes insulam Angliam^ ab
Angela regina, clarissimi du-
cis Saxonum Jilia^ quaeillani
insulam post multa praelia
posséda, Isidorus tamen dicit
Angliam ab angulo dictam,
quasi terram in fine vel quasi
mundi angulo consticutam.
Sed beatus Gregorius, videns
Anglorum pueros Romae ce-
nales tempore paganorum,
audiens quod essent Angli^
alludens patrioe cocabulo^
respondit : a Vere^ inquit, sunt
Angli, quia vultu nitent ut
angeli ; illis oportet verbum
annunciare salutis, » Nam^
ut dicit Beda, terrae nobili-
' ta? adhuc in puerorum nulti-
bus resultabat. De hac insula
dicit Plinius multa, similiter
et Orosius ; sed Isidorus sum-
matim tangit expressius quae
alii obscurius retulere, Bri-
tannia, sciâcet quae nunc
dicitur Anglia, est insula
tirent la terre entre eulx et
mirent noms a toutes les parties
du pais selon leur langue et
appellerent toute lisle angleterre
pour angblle la fille du duc de
saxonne qui eut la seigneurie
de celle ysle après moult de
batailles. Ysidore touttefoys si
dit que on lappelle angleterre
pource que cest la fin de la terre
et langlet dicelle, mais sainct
gregoire quant il vit a romme
les enfans de angleterre que on
vendoit ou temps quilz estoyent
payens et il ouit quon les appel-
Icyt angloys il dit vrayement
sont Hz angloys, car ilz ont
visage danges et a telz gens
conuient il prescher la parolle
de dieu, car si comme dit bede
la noblesse de germanie ou dale-
maigne dont ces enfans estoyent
estrais relusoyt en leurs visay-
ges. De ceste ysle dient ysi-
dore (1) et plinias moult de
choses, mais ysidore touche plus
clerement ce que les anciens
dient plus obscurément. Ysidore
dit que la grant bretaigne qui
maintenant est appellee angle-
terre est une ysle qui est assise
contre le regart de france et de
espaigne Ceste isle a de cercle
iiii cens et viii foys Ixxv lieues
du pays et y a moult de grandes
riuieres et de chaudes fontaines
et moult de manières de me-
(1) Sic. Corr. Oijosius.
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408 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
quae contra aspect uni Galltae
et Hispaniae est sita ; circui-
tus ejus ohtinet quadragles
octies LXXV milia; multa et
magna flumina sunt in ea ;
fontes calidi , nietallorum
etiam larga copia, Gagades
lapis ibi plurimus et marga-
rita. Gleha optima et dicersis
fructihus valde apta, Ibi oces
lanigerae in praecipua abun-
dantia ; ibiferarum et certo-
rum multitudo nimia inveni-
tur ; pauci lupi tel nulli in
insula reperiuntur, et ideo
oves quae ibi maxime abun-
dant tutius in caulis et in
pascuis sine custodia relin-
quuntur, ut dtcit Beda. Unde
quidam , describens insulam
A nglicanam , metrice sic dixit :
Ang lia terra ferax etfertilis
\angulus orbis,
Insula praedites, quae toto
[mx eget orbe.
Et cujus totiis indiget
[orbis ope ;
A nglia plena jocis, gens
[libéra f apta jo cari,
Libéra gens, cui libéra mens
[et libéra lingua,
Sed lingua melior
[liheriorque manv^,
Multos alias prosequitur
gentis et insulae dignitates,
quas hic interponere esset Ion-
gum,
(1) Sic. Lege Beda.
taulx. La y a grant copie de
pierres précieuses que on appelle
gagates et de perles aussi. La
terre y est très bone et able a
porter divers fruictz, la a grant
habondance de bestes a laine et
grant multitude de cerfz et de
bestes sauluaiges et en toute
lisle dangleterre il nia nulz
loupz, et pource les bestes y sont
plus seurement si comme dit
Ysidore (1). Ung versifieur mist
les perfections dangleterre en
vers dont vecy la sentence. An-
gleterre est vne terre qui porte
moult de biens et si est vng
anglet du monde. Cest vne ysle
moult ricbe qui peu a mestyer
du remenant du monde et tout
le monde a mestier de son ayde.
Angleterre est ung pais sola-
cieux et les gens sont enclins a
ioer et a esbastre. Les angloys
ont le cœur et la langue libérale
et la main encores plus. Le ver-
sifieur met plusieurs aultres
choses a la loange du pays et
des gens dangleterre qui moult
seroyent longues a raconter.
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 409
De tous les pays dont Barthéiémy nous parle dans sa
géographie, c'est à TAngleterre qu'il donne le plus de
louanges. Il tient pour véridique la fable accréditée
depuis un siècle par le Brut de Wace, d'après laquelle les
Bretons descendraient des héros de « Troye la grant ».
Il loue, après Isidore de Séville (1), les richesses natu-
relles de l'Angleterre, les eaux thermales (de Bath), les
mines (de Gornouaille), les vastes fleuves, les innombra-
bles troupeaux de bétes à laine, qui paissent sans peur
des loups, car il n'y avait plus de loups en Angleterre, ou
presque plus, au xiii® siècle (2). Il rapporte, d'après Bède le
Vénérable (3), les paroles du pape saint Grégoire l^^, dont
les yeux d'Italien furent un jour émerveillés par le frais
visage, les yeux bleus, les blonds cheveux de hoys an-
glais qu'un marchand d'esclaves vendait sur le marché de
Rome : Vere sunt Angl% quia vultu nitent ut Angeli ! Le
vieux pape, ce jour-là, pensa avoir vu le visage des anges.
Et son exclamation nous fait songer de ces ambassadeurs
anglais, si jeunes, si beaux, qui dans les fresques de Car-
paccio (4), viennent demander au roi de Bretagne la main
de la princesse Ursule, comme il est dit dans la Légende
Dorée.
(1) Etymolog, Xll.
(2) Cf. la note de Paul Meyer dans le Débat desi hérauts d*armes de
France et d'Angleterre (publication de la Société des anciens textes
français), p. 157.
(3) Bedae Venerabilis anglo-saxoni presbyteri Bistoria ecclesiastica,
II, 1 (MiGNE, Patrologie latine, XCV, 80) : Dicunt quia die quadam
cum advenientibus nuper mercatoribus multa venalia in forum
fuissent conlata, multique ad emendum conflaxiiisent, et ipsum
Gregorium inter alios advenisse, ac vidisse inter alia pueros vénales
positos^ candidi corporis, ac venusti vuUus, capillnrum quoque for-
ma egregia. Quos cum aspiceret, interrogavit, ut aiunt, de qua
regione vel terra essent adlati... Responsum. est, quod Angli vocaren-
tur. At ille : « Bene, inquit; nam et angelicam habent faciem, et
talis angelorum in cœlis decet esse coheredes. » Cf. la note do Paul
Meter dans le Débat des Hérauts d'armes, p. 156.
(4) Cf. LuDwiG ET MoLMENTi, VittoTc Carpaccio, p. 113 sq.
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410 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
Particulièrement curieux sont 'les vers que Barthélémy
cite à la gloire de TAngleterre et qui sont empruntés à une
suite de sept petites pièces élégiaques, écrites à la fin du
XII® siècle par un moine clunisien, Richard le Poitevin (1).
Que disent ces vers ? Ils louent les traits séculaires de la
race ; ils la louent d'être libérale, dans tous les sens du
mot, libéra gens cui libéra mens et libéra lingua.., liberiorque
manus. Et c'est justice: le libéralisme, le besoin et la pra-
tique de la liberté, sont des inventions anglaises (2), et la
libéralité de l'Angleterre n'est surpassée par nulle autre.
Ils la louent aussi d'être gaie (Anglia plena jocis, « tbe
merry England »), et encore de pouvoir se passer du reste
du monde, vivre dans un isolement splendide, alors que le
monde ne peut se passer d'elle : et c'est vrai qu'au moyen-
âge, pour la laine dont on faisait les draps, le continent
était tributaire de l'Angleterre (3).
Nos Français n'ont pas toujours reconnu avec impar-
tialité les mérites de leurs voisins d'outre-Manche. Mais
souvent leur anglophobie n'était que trop justifiée. Qu'au
milieu de la' guerre de Cent Ans par exemple, un Fran-
çais détestât les « coués », les «godons», personne ne
pourrait lui en faire reproche. Je n'en veux donc nulle-
ment à frère Jean Corbechon, solennel maître en théologie,
de s'être échauffé dans son harnais quand il traduisit lë-
loge de l'Angleterre que nous venons de rapporter. Il le
traduisit fidèlement, sans en rien retrancher, comme doit
(1) Publiées, d'après une copie de Pertz, par Wattenbach {Neues
ArchiVy t. I, p. 601) qui n'en savait ni l'auteur ni l'origine. C'est L. De-
LisLE qui les a restituées à Richard de Cluny : cf. préface du Débat des
Hérauts d'armes de France et d'Angleterre, p. XIV et Romania, XVIII,
p. 628, mais surtout Élie Berger, Richard le Poitevin^ moine de
Cluny, historien tit poète, p. 54 (dans le 6* fascicule de la Bibliothèque
des Ecoles d'Athènes et de Rome).
(2) Cf. Taine, Hist. de la litt, anglaise, 12* éd., p. 116 et suiv.
(3) Cf. Greene, a short hi^ory of the English people (Londres,
1898), p. 224
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 411
faire un bon traducteur. Mais le chapitre terminé, il ne
put se contenir: nous Tentendons interrompre son auteur,
non sans véhémence, mais non sans esprit:
A ce fait, fin lacteur quant à ce cha(pitre). Cest acteur monstre
bien en ce chapitre qu'il fut angloys, car il loue fort angleterre
a son cuider, car ilveult eschever la condicion du prestre qui fut
ars pource que il blasmoit ses reliques, mais il deust auoir pense
que loange de personne en sa propre houche enlaidist. Et pource
dit leuangile saint iehan que les iuifz disoient a ihesu crist que
son tesmoignaige nestoit pas vray pource que ildonnoyttesmoin-
gnaige de soy mesmes. Secondement il cuide louer le pays et '
il le blasme, car il dit que ilz descendirent premiers des iaians
et puis de bruth et de ceulx de troye la grant et puis des saxons
et en disant ainsi il les fait bastars en leur donnant plusieurs
pères. Tiercement il parle moult imperfectement en ceste ma-
tière, car il laisse la conqueste faicte par le duc guillaume et
par les normans qui si vaillamment conquesterent angleterre
que encores en demeurent les enseignes (1) en armes et encous-
tumes et ce ne fut pas a oublier, car moins de honte leur est
destre conquist par les francoys ou par les normans que destre
conquist par les saxons. Si deust auoir vergoingne ces con-
questes laisser pourcouurir leur honte ou se il le tient a honneur
il ne deuait pas oublier la conqueste du duc guillaume dont les
roys des angloys portent les armes avec vng peu daiouste-
ment.
Outre que ce passage me paraît achever de prouver que
Barthélémy était bel et bien Anglais, il prend un intérêt
singulier du fait qu'il fut écrit pour être lu à Charles V.
La traduction du livre des Propriétés fut exécutée, nous
Tavonsvu, (( par le commandement du roy Charles»:
ainsi s'exprime, notamment, l'incipit du beau manuscrit
de la Bibliothèque Nationale fr. 216 (ancien 6869) ; une
(1) Enseignes = signes, preuves, comme dans la locution à telles
enseignes. La phrase signifie : « il en reste des preuves flans les
armoiries et dans le droit coutumier. »
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412 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
miniature de ce manuscrit représente Charles V qui remet
Touvrage latin de Barthélémy à Jean Corbechon agenouillé
devant lui ; deux vers sortent de la bouche du roi :
Dtr livre les proprietez
En cler françois vous translatez (1).
L'addition anglophobe que nous avons relevée dans la
traduction de Corbechon nous apprend ce qu'on disait des
Anglais au Louvre et à l'Université de Paris, en pleine
guerre de Cent Ans, au moment des plus grands succès de
Charles V, Tannée où Du Guesclin reprend le Poitou et la
Saintonge (2). On croit y entendre l'écho de propos échan-
gés, dans la « librairie » du roi savant et sage, entre doc-
(1) Cité par Barbier de Xivry, Traditions tératologiques, p. LV. La
description de cette miniature dans Barbier étant inexacte, je saisis
l'occasion d'en donner une autre, que je dois à l'obligeance de M. Omont :
« Au fol. 13, début du texte, après la table, miniature à 4 comparti-
ments, occupant la moitié supérieure de la page (16 X 19 cent.).
1-2-3. Trois épisodes de la création du monde, avec les légendes
suivantes sur des banderoles tenues par le Christ nimbé (non Dieu le
Père, mais le Christ, conformément à la règle iconographique du
moyen âge) :
1. J'ai fait le ciel et la lumière
Pour estre à homme chamberiere.
2. J'ai fait le feu, l'air et la mer
Pour homme : bien me doit amer.
3. J'ai fait la terre bien garnie
Pour donner à homme la vie.
4. Jean Corbechon, Augustin, à genoux, présente son livre au roi de
France, assis sur son trône, avec trois personnages debout derrière
lui. Le roi tient une banderole sur laquelle on lit :
Du livre les proprietez
En cler françois vous translatez. »
Un frontispice analogue se trouve dans Bibl. Nat. fr. 16993, 2^33,
22534, Sainte-Geneviève 1028, Bruxelles 2953, et dans d'autres mss, sur
lesquels cf. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles F, t. I,
pp. 230-235.
(2) Co VILLE, dans La visse. Histoire de France, t. IV, p. 238.
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LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE 413
teurs et hérauts d'armes. C*est une page piquante de This-
toire des relations entre Français et Anglais (i).
Et c'est aussi, accessoirement, une bonne preuve de
l'importance qu'avait alors le blason, au moins dans des
milieux comme celui pour lequel Jean Corbechon tra-
duisit le livre du Propriétaire, Le blason faisait une large
part de l'instruction des nobles et des princes. D'ailleurs
Charles V, avant d'être roi, avait été duc de Normandie :
il devait connaître et approuver la tradition à laquelle
Jean Corbechon fait allusion, que les rois d'Angleterre
portaient les armes de Normandie « avec un peu d a-
joustement ». Les armoiries des rois d'Angleterre sont de
gueules à trois léopards d'or mis l'un sur l'autre ; et
celles de Normandie, de gueules à deux léopards d'or
mis l'un sur l'autre. On pensait que le duc Guillaume,
devenu roi d'Angleterre, avait ajoutée ses armes un troi-
sième léopard. Est il d'ailleurs besoin de rappeler qu'au
temps de Guillaume le Conquérant, l'usage des armoiries
n'existait pas encore ?
En somme, les deux grands érudits, aussi critiques que
savants, auxquels on doit l'Histoire littéraire des Domini-
cains, Quétif et Échard (2), voyaient juste quand ils soute-
naient, il y a deux cents ans : 1® que Barthélémy avait vécu
au XIII® siècle, non au xiv®; 2° qu'il était Anglais, non Fran-
çais ; 3® Franciscain, non Dominicain ; 4° qu'il s'appelait
Barthélémy tout court, non Barthélémy Glanville. Les
(1) Dans l'inventaire des tapisseries de Charles VI, prises au Louvre
et dispersées par les Anglais en 1421, ligure un tapis de haute lisse
nommé Le duc Guillaume qui conquist l'Angleterre. « Il avait, dit
M.Jules Guiffrey, un prix particulier peur les Anglais ))(Hist. de l'art
publiée sous la direction d'A. Michel, III, 1, p. 363). La vérité est
justement le contraire : c'est aux Français, aux princes de la maison
de France, que cette tapisserie devait faire plaisir. Un inventaire des
tapisseries de Philippe le Bon, rédigé en 1420, en indique une pareille
(/rf., p. 365).
(2) Scriptoreff ordinis Praedicatorum (Paris, 1719), t. I, p. 486.
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414 LA PLUS ANCIENNE DESCRIPTION DE LA LORRAINE
auteurs plus récents, bibliographes, compilateurs, ont
tout brouillé (1). « Très souvent, sciemment ou non, nous
revenons vers les sentiers de notre vieille école française.
Notre érudition^ nos découvertes sont du vieux neuf.
Savetiers, et non cordonniers (2). » Ainsi s'exprimait, il y
a quelque temps, M. Camille Jullian, notre bon maître.
(1) Je dois dire d'ailleurs que la soluUon vraie n'a pas échappé aux
plus récents historiens des lettres anglaises : « Bartholomaeus Anglicus
ifl. 1230-1250), sometimes eroneoulsy désigna ted BartholomewdeGlanvil
or Glanville, one of the friars minor, an English born scbolar of
Paris ». {The Cambridge history of Englùh literature, edited by Ward
and Waller, Cambridge, 1908, t. II, p. 444). Je dois dire aussi que
j'ai mis à contribution, pour préparer ce travail, la science obligeante
de mon ami R. Huchon, depuis quelques mois maître de conférences à
la Sorbonne, l'un des professeurs qui, par la solidité de son érudition
comme par la droiture de son caractère, ont le plus honoré notre
Faculté des Lettres dans les dernières années.
(2) Revue des études anciennes, 1908, p. 352.
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LA VERITABLE ORIGINE
DE
L'ËVÈQUE DE STRASBOURG WËRNER F
ET DE
LA COMTESSE ITA DE HABSBOURG
D'après M. Hermann BLOCH
(Note serrant de compliment aux ORIGINES DE LA HAOTE-LORRAINE)
PAR
Robert PARISOT
Dans le troisième des Appendices joints à nos Origines
de la Haute-Lorraine (2), nous avions cherché à prouver,
contrairement aux dires des Acta Murensia et de la Genea-
logia qui y est jointe, que ni Tévéque de Strasbourg
Werner, ni la comtesse Ita de Habsbourg (3) n'étaient les
enfants de Frédéric I«>^ de Haute -Lorraine et de Béatrice.
Notre argumentation avait été surtout dirigée contre
M. Harold Steinacker (4) qui, dans un travail fort remar-
(1) M. Hermann Bloch, longtemps attaché comme privatdocent à
l'Université de Strasbourg, est maintenant professeur à l'Université de
Hostock. Nous rappelons que c'est lui qui a publié, dans le Jahrb.
G. L. G. (10« année, 1898. p. 338-449, et 14* année, 190i, p. 48-150), les
anciennes chartes concernant l'abbaye Saint- Vanne de Verdun {Die àlle-
ren Urkunden des Klosters S. Vanne zu Verdun).
(2) Enfants et second mari faussement attribués à la duchesse
Béatrice (V. ci-dessus, p. 206-218).
(3) Rappelons qu'Ita avait épousé Radeboto, comte de Klettgau et
constructeur du château de Habsbourg.
(4) M. Stbinackbr est privatdocent à l'Université de Vienne. Nous
avions dit plus haut (p. 208-209) que, sur plusieurs points, M. Steinac-
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416 LA VÉRITABLE ORIGINE DE L*ÉVÊQUE WERNER I®'
quable du reste, avait essayé de défendre le témoignage de
la Chronique rédigée au xii® siècle par un abbé de Mûri.
Nos Origines étaient déjà complètement imprimées de-
puis quelques mois, quand la quatrième et dernière livrai-
son de la Zeitschrift fur die Geschichte des Oherrheins publia
un long article du professeur Hermann Bloch, intitulé
Veber die Herkunft des Rischofs Werner 1 von Habsburg und
die Quellen zur àltesten Geschichte der Habsburger (1).
Le savant professeur de TUniversité de Rostock combat,
lui aussi, en ce qui concerne la famille de Werner et d'Ita,
la théorie de M. Steinacker. Pour lui, comme pour nous,
ni la femme du comte Radeboto ni Tévéque n'ont rien
de commun avec la maison des premiers ducs de Haute-
Lorraine.
Toutefois, tandis que nous nous étions contenté de ces
résultats négatifs, la recherche des véritables origines de
Werner et d'Ita devant nous entraîner très loin du sujet que
nous avions à traiter, M. Bloch avait le devoir, auquel il
n'a pas failli, de s'appliquer à découvrir la ou les familles
dont faisaient partie ces deux personnages. D'après
M. Bloch, il convient de voir dans l'évêque, non point le
frère d'Ita, mais un Habsbourg; pour ce qui est de la
comtesse, elle se rattache, selon toute vraisemblance, à la
maison des comtes de Metz, maison dite d'Alsace qui,
avec Adalbert d'abord, puis avec Gérard, fut investie au
KER et M. H. HiRscH n'étaient pas d'accord. Cette divergence d'opinions a
suscité une polémique, d'ailleurs courtoise, entre les deux érudits,
dont chacun maintenait sa manière de voir. L'article de M. Hirsch,
intitulé Zur Kritik der Acta Murensia und der Stiftungsurkunde des
Klosters Muri^ a paru dans le Jahrbuch fur schweizerische Geschichte,
t. 31, 1906, p. 69-107. C'est à la Zft. G. OR. (N. F., t. XXIII, p. 387-
420), que M. Steinacker a donné sa riposte, Die àlteren Geschichte-
quellen des habsburg ischen Hausklosters Mûri. Nous ne faisons ici
que mentionner ces deux articles, où il n'est pas question des origines
de Werner et d'Ita.
(1) ZfU G. OR,, N, F., t. XXIII, 1908, p. 640-681.
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Et DE La comtesse ItA DIAPRES M. BLOCH 4l7
milieu du xi^ siècle du pouvoir ducal sur la Haute-Lor-
raine.
Il nous parait aussi intéressant qu'utile de résumer briè-
vement, sinon Tarticle entier de M. Bloch, du moins les
pages où cet érudit s'est occupé des origines de Werner et
d'Ita, soit qu'il combatte le système de M. Steinacker,
c'est à-dire celui des Acta Murensia, soit qu'il développe
ses propres bypothèses (1).
Son argumentation s'est, de préférence, portée sur Ita.
Pour démontrer que la comtesse est étrangère à la première
maison de la Mosellane, M. Blocb a employé quelques-uns
des arguments dont nous nous étions servi, et cette ren-
contre de deux érudits, qui ont travaillé loin l'un de
l'autre, sans se communiquer le résultat de leurs recher-
ches, mérite, croyons-nous, d'être signalée. D'autre part, il
y a chez M. Bloch des arguments auxquels nous n'avions
pas songé, de même que nous en avons formulé d'autres,
qui ont échappé à notre collègue.
Ainsi, M. Bloch relève comme nous le silence des sources,
lorraines et autres, au sujet de certaines assertions des
Acta concernant Béatrice, à savoir que la duchesse aurait
eu pour enfants de son premier mari Werner et Ita,
qu'elle se serait enfuie avec eux en Alsace, où elle aurait
épousé un comte bourguignon et donné le jour à un der-
nier fils, Chuno de Rheinfelden (2).
Ce qui appartient en propre à M. Bloch, c'est d'avoir fait
observer que l'âge d'Ita, dans l'hypothèse où elle serait
fille de Frédéric I^', ne s'accorde pas avec celui des enfants
qu'elle eut de Radeboto. Son plus jeune fils, le comte Wer-
ner de Habsbourg, ne mourut qu'en 1096. Pour qu'Ita, née
avant 979 (3), si elle a Frédéric pr pour père, puisse être
(1) Ueber die Uerkunft des Bischofs Werner I (Zft. G. OR., p. 648-
656, 680, 681).
(2) Ueber die Herkunft, p. 651.
(3) En admettant qu'Ita soit une fille posthume de Frédéric, sa
naissance se place au plus tard dans les premiers mois de 979.
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418 LA VÉRITABLE ORIGINE DE L'ÉVÊQUE WERNER l'^'"
sans invraisemblance la mère de Werner, il faut que ce
dernier îiit vu le jour vers 1020; dans ce cas, Werner aurait
eu, en 1096, 75 ou 76 ans. Mais l'abbé de Mûri, en relatant
la mort du comte, la qualifie de « prématurée ». C'est tout
au plus si pareille expression se comprendrait, appliquée
à un homme de 50 à 60 ans. Supposons que Werner ait eu
cet âge en 1096, il a dû naître alors entre 1035 et 1045; seu-
lement, dans cette hypothèse, Ita elle-même aurait eu de
57 à 67 ans, quand son dernier fils serait venu au
monde (1) !
En outre, deux des petits-enfants d'Ita, deux fils de sa
fille Richenza, moururent, l'un en 1030, l'autre en 1033;
comme, en 1086, ils étaient déjà des hommes, ils ont dû
naître aux environs de 1060-1065 ; mais, à cette date,
Richenza aurait été quadragénaire pour le moins. Ainsi,
comme le dit non sans ironie M. Bloch, le privilège d'avoir
des enfants, quand on avait dépassé la quarantaine, se
serait transmis héréditairement de Béatrice à ses descen-
dants en ligne féminine (2).
Par conséquent, si l'on s'obstine à introduire Ita parmi
les enfants de Frédéric l^^ et de Béatrice, on n*est plus en
mesure de concilier son âge avec ceux de ses enfants et de
ses petits-enfants.
Au contraire, dès que Ton renonce à faire d'Ita la fille du
premier duc de Mosellane, rien n'oblige plus à placer la
naissance de la comtesse avant 979 ; on peut l'avancer jus-
qu'au début du XI® siècle, et, dès lors, toutes les difficultés
tombent, toutes les invraisemblances disparaissent (3).
Nous l'avons dit plus haut, M. Bloch, non content
d'avoir prouvé que les Acta Murensia — et à leur suite
M. Steinacker — s'étaient trompés en donnant Ita pour
(1) Ueher die Herkunfl^ p. 651-632.
(2) Ibid., p. 652.
(3) Ibid., p. 653.
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ET DE La comtesse ITA d'aPRÈS M. BLOCH 419
fille à Frédéric !«' et à Béatrice, a émis Thypothèse que la
femme de Radeboto faisait partie de la maison des comtes
de Metz, dite d'Alsace, devenue en 1047 la seconde — ou
la troisième (1) — dynastie ducale de la Mosellane.
Suivant M. Blocti, on savait à Mûri, mais^^d'une façon
vague et imparfaite, qulta se rattachait à cette famille.
Les renseignements seraient venus à Mûri de la Haute-
Alsace, apportés par des frères convers originaires de
Roufiach, village voisin du château d'Eguisheim. L'abbé
de Mûri, auteur de la Genealogia et des Acta Murensia^
avait appris d'eux que son contemporain, le comte Ulrich
d'Eguisheim, avait pour père Gérard, comte de Vaudé-
mont et d'Eguisheim, pour grand-père Gérard, duc de
Haute-Lorraine. Il ne lui restait plus qu'à trouver le père du
duc Gérard, pour que la généalogie des Eguisheim eût dans
son travail autant de degrés que celles des Habsbourgs et
des Rheinfelden. Par malheur, l'abbé de Mûri, qui n'avait
aucune connaissance de Thistoire de la Mosellane, crut
pouvoir chercher le père de Gérard parmi les ducs prédé-
cesseurs de ce prince. Pourquoi choisit-il Thierry I^' de
préférence à d'autres ? Peut-être d'abord parce que le duc
Thierry P' se trouvait mentionné dans une Chronique uni-
verselle^ apportée de Saint Biaise à Mûri dans les premières
années du xii^ siècle. Une seconde raison est sans doute
que le fils et successeur de Gérard d'Alsace s'appelait
Thierry II (2).
Quoi qu'il en soit, nous devons regarder comme une mé
prise de l'abbé de Mûri le fait d'avoir donné Thierry l^^
comme père à Gérard d'Alsace, comme frère à Ita. Cette
dernière n'est point la fille de Frédéric I®' et de Béatrice,
pas plus que Béatrice elle-même n'est la mère de Chuno
(1) La troisième, si l'on lient compte de la maison de Verdun -- ou
d'Ardenne — dont deux membres, Gozelonet Godefroy le Barbu, furent
ducs de Haute-Lorraine.
(2) Ueber die Herkunft, p. 654. »
27
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420 LA VÉRITABLE ORIGINE DE l/ÉVÊQUE WERNER !«'
de Rheinfelden ; et nous n'avons nul besoin de gratifier,
contre toute vraisemblance, la veuve de Frédéric l^^ d'un
second mari et d'un dernier fils, alors qu'elle frisait la
cinquantaine (1).
Dans la Genealogia Thierry I^' doit donc céder la place
au comte de Metz Gérard (f 1046), père de Gérard d'Alsace
et fils lui-même d'un comte Adalbert, mort vers l'an
1033 (2).
A-ton le droit d'aller plus loin encore, et de prétendre
qu'Ita est la sœur du comte Gérard, la fille du comte
Adalbert, la tante par conséquent du duc Gérard? La
chose parait vraisemblable à M. Bloch, qui n'ose toute-
fois, vu l'obscurité dont se trouve encore entourée l'his-
toire des comtes de Metz (3), affirmer le fait ni assigner à
Ita un rang déterminé parmi les membres de cette famille.
L'âge probable d'ita, qui a dû naître au début du xi^ siècle,
semble faire d'elle une sœur du comte Gérard ; il se pour-
rait cependant qu'elle eût été — non la tante — mais la
sœur de Gérard d'Alsace (4).
Telles sont, au sujet d'Ita, les conclusions auxquelles
aboutit M. Bloch. Elles nous ont paru d'autant plus inté-
ressantes à signaler qu'elles rattachent la femme du fon-
dateur du château de Habsbourg à la seconde maison
ducale de la Haute-Lorraine, à notre ancienne dynastie
nationale (5).
(1) Ueber die Berknnft, p. 654-fô5.
(2) Ibid., p. 655.
(3) M. Bloch, p. 655, n. 4, estime que H. Witte, dans ses Genealo-
gische Untersuc/iungen [Jahrb G. L. G., 5*= année, 1893, 2* partie, p. 52
et suiv.), n'a pas réussi à faire la lumière complète sur la généalogie
de la maison dite d'Alsace ; peut-être, ajoute-t-il, les documents dont
nous disposons ne permettront- ils jamais d'obtenir des résultais meil-
leurs que ceux auxquels Witte est parvenu.
(4) Ueber die Herkunlt, p. 655-656, 680.
(5) M. Bloch, p. 680, rappelle qu'au xvin* siècle la maison d'Alsace
fournit un mari à la dernière et à la plus grande des Habsbourgs ; le
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ET DE LA COMTESSE ITA D* APRÈS M. BLOCH 421
Nous sera-t-il permis d'ajouter un argument à cqux — -
déjà très forts — que M. Bloch aaprésentés pour rendre
vraisemblable l'origine qu'il attribuait à la femme de
Radeboto ? Le comte Adalbert, qui serait d'après notre
collègue le père d'Ita, avait pour femme Juditha, Juditta
ou Juta (1). N'a-t-on pas le droit de rapprocher « Ita » de
« Juta » et de voir dans le nom de la comtesse de Habs-
bourg une déformation ;du nom de sa mère (2) ? Fait
encore plus significatif, le deuxième fils d'Ita fut appelé
A(da)lbert : c'est, à notre avis, une nouvelle raison de
regarder' la femme de Radeboto comme une fille du comte
de Metz Adalbert et de la rattacher à la maison d'Alsace,
où ce nom se présente fréquemment (3).
En ce qui concerne Tévêque Werner, M. Bloch n'a pas
essayé de montrer, ainsi qu'il l'avait fait pour Ita, que l'âge
du prélat s'opposait à ce qu'on le rangeât parmi les enfants
de Frédéric I®' et de Béatrice. Comme, dans le cas où
Werner aurait eu pour père le premier duc de Mos^Uane,
mariage de François III et de Marie-Thérèse serait en quelque manière
la contre-partie, à sept cents ans de distance, de celui que conclut Ita
avec Radeboto.
(1) La forme « Juta » est fournie par la fausse donation pour Saint-
Mathias de Trêves (1030), mise sous le nom de la femme du comte
Adalbert {MR. UB., t. I, n* 303, p. 355, cf. t. II, Regesten, n» 342, p. 644
et GoERz, Hittelrheinische Regesten, t. I, n» 1346, p. 352) ; la mère d'Ita
est au contraire appelée « Juditta » ddus deux chartes, également
apocryphes pour la même abbaye, l'une de l'archevêque de Trêves
Egbert (979), l'autre d'Adalbert et de Judith (1037) [MR, VB„ t. I,
n«« 250b et 309, p. :W et 363, cf. t. II, Regesten, n" 288 et 347,
p. 632 et 646, et Gcerz, Mittelrheinische Regesten, 1. 1, n«» 1064 et 1260,
p. 305 et 360] et « Juditha » dans les documents, de meilleur aloi à ce
qu'il semble, qui ont trait à la fondation de l'abbaye de Bouzonville
(1033?) [Calmbt, h. E. C, l., 1" éd., t. 1, pr., col. 543-546 et 2« éd.,
t. III, pr., col. LXXX-LXXXIV].
(2) Ou bien encore le nom de la comtesse de Habsbourg aurait été
mal transcrit par les copistes du moyen âge*
(3) Plusieurs membres de la maison de Habsbourg, dont deux souve-
rains allemands, s'appelèrent aussi Albert.
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Qoo^(^
422 LA VERITABLE ORIGINE DE L'ÉVÊQUE WERNER |or
il serait né avant 979 (1), il aurait fort bien pu en 1001-1002
monter sur le siège épiscopal de Strasbourg. Renonçant
donc à employer des arguments dépourvus de valeur,
M.Bloch s'est efforcé de prouver queWerner appartenait bien
à la maison de Habsbourg. Le Chronicon Ebersheimense,
source indépendante du faux Testamentum Wernheri épis-
copi et rédigée vers 1160, fait expressément un Habsbourg
de révéque Werner (2). D'autre part, ceux qui ont fabriqué,
entre 1120 et 1130, la fausse charte de Werner voulaient
restaurer sur Mûri, au profit des Habsbourgs, les droits
dont s'était dépouillé en 1086 le comte Werner, fils d'Ita :
pour donner de l'autorité à leur document apocryphe, ils
étaient tenus de le mettre au nom et sous le patronage d'un
membre authentique de la maison de Habsbourg ; s'ils
avaient agi autrement, ils auraient commis une insigne
maladresse (3). Quelques années plus tard, l'abbé de Mûri,
auteur des Acta Murensia, qui se proposait au contraire de
réduire les pouvoirs dos Habsbourgs sur son monastère,
devait nécessairement s'attaquer au Testamentum Wernheri:
pour affaiblir la valeur de cet acte, dont il semble avoir
admis l'authenticité, l'abbé jugea très habile de prétendre
que l'évéque n'était point un Habsbourg ; voilà pourquoi,
sous sa plume, Werner devint un frère d'Ita, un fils de la
duchesse Béatrice de Haute-Lorraine. Le témoignage des
Acta^ à l'égard des origines de Werner, est donc trop
(1) Ou dans les premiers mois de 979 au plus tard.
;2) Ueher die Herkunft, p. 640-645, 675.
(3) Ibid.y p. 669-670. M. Bloch, p. 670, oe croit pas non plus que le
eomte de Habsbourg Albert II, à l'instigation de qui, suivant cet érudit,
la fausse charte a été fabriquée, eût toléré que dans ce document on
attribuât à un étranger la construction du château de Hasbourg et la
fondation de Mûri, ni que l'on fit de cet étranger un membre de sa
propre famille. Nous avions déjà (voir ci-dessus, p. 210) présenté des
observations analogues, en les appliquant au comte Werner, auteur ou
complice supposé, d'après M. Steinacker, du faux mis sous le nom de
l'évéque de Strasbourg.
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ET DE LA COMTESSE ITA d' APRÈS M. BLOCH 423
suspect pour qu'on l'accepte (1). Aussi, pour M. Bloch, la
première maison ducale de la Haute-Lorraine n'est pas
fondée à revendiquer Werner, qui est un véritable Habs-
bourg, fils de Gontran, frère de Lancelin et oncle du comte
Radeboto (2).
Ajoutons en terminant que nous avons reçu, le mois
dernier, une lettre de M. Steinacker, où il nous disait entre
autres choses : « Je ne persiste plus à croire que Thierry !«'
soit le frère d'Ita et de Werner, mais je soutiens absolu-
ment, à rencontre de l'opinion admise par M. le professeur
Bloch, que Werner et Ita sont frère et sœur, que par
conséquent tous les deux appartiennent à la seconde maison
ducale de la Haute-Lorraine, et que Werner n'est pas un
membre de la famille des Habsbourgs, comme le prétend
la fausse charte de cet évêque (3). »
Ainsi, le principal défenseur de l'opinion qui voyait dans
Werner et dans Ita des enfants de Frédéric I«' et de
Béatrice a rendu les armes, et nous n'avons plus, en ce
moment, d'adversaire devant nous. A l'avenir, on peut
Tespérer, personne ne tentera plus d'ajouter indûment
révoque et la comtesse à la liste des enfants du premierduc
de Haute-Lorraine.
Quant aux conclusions positives de M. Bloch, nous venons
de voir qu'en ce qui concerne Ita elles sont acceptées par
M. Steinacker. Le débat entre les deux érudits ne porte
donc plus que sur l'évéque Werner, dont M. Bloch fait un
Habsbourg, tandis que son contradicteur, persistant a
regarder le prélat comme un frère d'Ita, voudrait mainte-
nant rattacher à la maison d'Alsace.
Il sera intéressant de connaître les arguments du savant
(1) Ueber die Berkunftj p. 660-609, 674.
(2) Ibid,, p. 677.
(3) La lettre de notre distingué coUègae porte la date da 7 décembre
1906.
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424 LA VÉRITABLE ORIGINE DE L*ÉVÊQUE WERNER I®r
professeur autrichieu et de suivre la polémique qui se
continuera sans doute entre lui et son collègue allemand ;
mais, quel qu'en soit le résultat, il ne touchera ni de près,
ni de loin, la première famille ducale de la Haute LtOrraine,
qui est dorénavant hors de cause.
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LISTE
DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET ÉTABLISSEMENTS
EN KAPPORT AVEC LA SOCIETE d' ARCHEOLOGIE LORRAINE (1).
Aix. — Bibliothèque uaiversitaire.
Albi. — Société des sciences, arts et belles lettres du dépar-
tement du Tarn.
. Alger. — Société de Géographie d'Alger et de TAfrique du
Nord.
iir Amiens. — Société des Antiquaires de Picardie.
Angers. — Société nationale d'Agriculture, Sciences et Arts
d'Angers.
Angoulême. — Société historique et archéologique de la Cha-
rente.
i^ Annecy. — Société florimontane d'Annecy.
Anvers. — Académie royale d'Archéologie de Belgique.
Arlon. — Institut archéologique du Luxembourg.
Arras. — Commission départementale des Monuments histo-
riques du Pas-de-Calais.
AucH. — Société archéologique du Gers.
AuTUN. — Société éduenne des lettres, sciences et arts.
AuxERRE. — Société des Sciences historiques et naturelles
de l'Yonne.
Avignon. — Académie de Vaucluse.
Bale. — Historische und antiquarische Gesellschaft
:Ar Bar-le-Duc. — Archives départementales de la Meuse.
(1) L'astérisque gras indique l'envoi simultané des Mémoires et du Bulletin;
l^astérisque ordinaire, Renvoi du Bulletin seul. Les Sociétés dont le nom n'est
précédé d*aucun signe reçoivent les Mémoire»^
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II
* Bar-lb-Duc. — Société des Lettres, Sciences et Arts de
Bar-le-Duc.
Bbauvais. — Société académique d'Archéologie, Sciences
et Arts du département de TOise.
Belfort. — Société belfortaine d'Emulation.
BESANÇON. — Société d'Émulation du Doubs.
Bordeaux. — Société archéologique de Bordeaux.
Bourges. — Société des Antiquaires du Centre.
Bruxelles. — Société royale de Numismatique.
Bruxelles. — Société d'Archéologie de Bruxelles.
^ Bruxelles. — Société des BoUandistes.
Bruxelles. — Fédération archéologique de Belgique.
Caen. — Société française d'Archéologie.
Chalons-sur-Mahne. — Société d'Agriculture, Commerce,
Sciences et Arts du département de la Marne.
Chambéry. —Académie des Sciences, Belles-Lettreset Arts
de Savoie.
Chambéry. — Société savoisienne d'Histoire et d'Archéologie.
Charleroi. — Société paléontologique et archéologique.
Chartres. — Société archéologique d'Eure-et-Loir.
Chateau-Thierhy. — Société historique et archéologique de
Château-Thierry.
CoLMAR. — Société d'histoire naturelle de Colmar.
*CoMPièoNE. — Société historique de Compiègne.
CoNSTANTiNE. — Société archéologiquo de la province de
Constantine.
CouRTRAi, — Cercle historique'et archéologique de Courtrai.
*Dax. — Société de Borda.
Dijon. — Commission des Antiquités du département de la
Côte-d'Or.
Epinal. — Société d'Emulation du département des Vosges.
EvREUx. — Société des sciences et d'agriculture.
Fontainebleau. — Société historique et archéologique du
Gâtinais.
Gand. — Société d'histoire et d'archéologie de Gand.
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m
GiESSEN (Hesse-Darmstadt). — Oberhessischer Geschichts-
verein.
Gray. — Société grayloise d'Emulation.
Grenoble. — Académie delphinale.
GuBRET. — Société des sciences naturelles et archéolo-
gique de la Creuse.
Havre (le). — Société nationale havraise d*Etudes diverses.
Helsingpors. — Société archéologique finlandaise.
:Ar Kœniosberg. — Alterturas-Gesellschaft Prussia.
KojETiN NA HoMÉ (Moravie, Autriche). — Société d'archéo-
logie de Moravie.
*Langres. — Société historique et archéologique de Langres.
Liège. — Institut archéologique liégeois.
Liège. — Société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège.
Lille, — Commission historique du département du Nord.
i^ Luxembourg. — . Institut grand-ducal de Luxembourg
(section des Sciences historiques).
Luxembourg. — Cercle historique, littéraire et artistique.
Maçon. — Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres.
Mans (le). — Société historique et archéologique du Maine.
*Maredsous (Belgique). — Abbaye de Maredsous.
Metz. — Académie de Metz.
^Metz. — Musée de la ville de Metz.
Metz . — Société d'Histoire et d'Archéologie de la Lorraine.
^ MoNs. — Société des Sciences des Arts et des Lettres du
Hainaut.
Montauban. — Société archéologique de Tarn-et-Garonne,
MoNTBÉLLiRD. — Société d'Emulatiou de Montbéliard.
^ MoNTBRisoN. — La Diana. Société historique et archéolo-
gique du Forez.
* MoNTMÉDY, — Société des Naturalistes et Archéologues du
Nord de la Meuse.
* Montréal (Canada). — Société de numismatique et d'ar-
chéologie.
Mulhouse. — Musée historique de Mulhouse.
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Namur. — Société archéologique.
i^ Nancy. — Académie de Stanislas.
i^ Nancy. — Archives départementales.
^ Nancy. — Archives municipales.
^ Nancy. — Bibliothèque pubUque.
* Nancy, — Bibliothèque universitaire.
it Nancy. — Société de géographie de TEst,
i^ Nancy. — Société lorraine de photographie.
Nantes. — Société archéologique de Nantes et de la Loire-
Inférieure.
Neufchatel. — Société neucbâteloise de géographie.
NÎMES. — Académie du Gard.
Orléans. — Société archéologique de TOrléanais.
Paris. — Académie des Inscriptions et Belles -Lettres.
Paris* — Musée Guimet.
Paris. — Bibliothèque de la Sorbonne.
Paris. — Société nationale des Antiquaires de France.
Paris. — Société des Etudes historiques.
^ Paris. — Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts.
* Paris. — Archives nationales.
Pau. — Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau.
PÉRiauEUx. — Société historique et archéologique du
Périgord.
PomERS. — Société des Antiquaires de TOuest.
Reims. — Académie nationale de Reims.
Rennes. — Bibliothèque universitaire.
Rome. — Commissione archeologica comunale di Roma.
* Rome. — Ecole française, palais Farnèse.
*RouBAix. — Société d'Emulation.
* Saint-Dié. — Société philomatique vosgienne.
Saint-Malo. — Société historique et archéologique de
Saint-Malo.
Sarrebruck. — Historischer Verein fur die Saargegend.
* Sedan. — Société d'Etudes ardennaises.
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* Semur-en-Auxois. — Société des sciences historiques et
naturelles.
Senlis. — Comité archéologique de Senlis.
SoussE (Tunisie), — Société archéologique de Sousse.
Stockholm. — Académie royale d'Histoire et d'Archéologie.
Strasbouro. ~ Société pour la Conservation des Monuments
historiques d'Alsace.
* Toulon. — Société académique du Var.
Toulouse. — Société archéologique du Midi de la France.
Tours. — Société archéologique de la Touraine.
Troyes. — Société académique de l'Aube.
Verdun. — Société philomatique de Verdun (Meuse).
Verviers (Belgique). — Société verviétoise d'archéologie
et d'histoire.
Zagreb (Agram). — Société croate d'Archéologie.
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LISTE DES MEMBRES
Dl LA SOGlfiTÊ DAIGHtOLOfill LOIKAMI
ET DU MUSÉE HISTORIQUE LORRALN
au 1" Février 1909
Bureao de la Société élo pour Fannoe
Président, Pierre Boyé.
Président honoraire, Charles Gliyot.
Vice-président, Justin Faviar.
Secrétaire perpétt^el, Léon Germain.
Secrétaire annuel, Edmond des Robert.
i Emile DiiTernoy.
Marcel Maure.
Bibliothécaire-Archiviste, Georges Goiiry
Bibliothécaire adjoint^ Charles Sadonl.
Trésorier, Julien Knecht.
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TU
Mu«ée liiatorique lorrain
Comité dm Matée
Président né, le Préfet de Meurthe-et-Moselle ; Vice-Président né,
le Maire de Nancy ; Membres de droit : Les Membres da Bureau
de la Société d* Archéologie ; Membres élus : G^* J. Beaupré ;
F. Bretagne, ancien contrôleur des contributions directes ; Char-
bonnier, architecte des monuments historiques ; 6. Demeufre ;
Panl Denis, archiviste de la ville ; Ch. Drouet ; Fayier, conser-
vateur de la Bibliothèque publique ; F. Genay, architecte ;
Gh. Gnyot, directeur de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts ;
P. de Lallemand de Mont, ancien secrétaire général de Préfec-
ture ; Loppinet, conservateur honoraire des Forêts ; R. Marts,
président de Chambre à la Cour d*appel ; Gh. de Meizmoron de
Dombasle; Mellier, inspecteur honoraire d'Académie; H. Mengin,
bâtonnier de l'Ordre des avocats ; Gh. Sadonl, directeur du Pays
lorrain et de la Revue lorraine illustrée ; L. Wiener.
CoMservmtioM da 11 asée
Administrateur, le Président de la Société d'Archéologie.
Conservateurs (1) : Périodes préhistorique, gallo-romaine et fran-
que, C^ Jnles Beaupré ; — Monnaies et médailles, René Marts ;
Mobilier ôt objets d'art, Georges Demenfre; — Estampes, livres
et sceaux, Georges Goury.
Conservateur honoraire, Lucien Wiener.
(1) Cbaean des conservateurs porte le titre de Comervateur tm Muêée hUto»
riquê lorrain. On est prié de s'adresser directement à ehaqae conservateur
pour ee qni concerne sa section.
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Commissions
Commission des finanees.
Le Présilent de la Société d'Archéologie, MM. F. Bretagne,
Ch. GuYOT, P. DB Lallemand de Mont, M. Maure.
Commission de rédaction da BuUetin,
MM. P. BoYÉ, P. Denis, E. Duvernoy, J. Favier.
Commission des excarsions.
MM. P. de Beaubïont, C^* J, Beaupré, H. Bernard, P. Collbsson,
: P. Denis, V. George, L. Lallbment, R. Martz, P.-EÎ, Masson,
Ch. Sadoul.
Commission des fonilies.
MM. C»« J. Beaupré, H. Bernard, B. Coureur, Ch. Droubt,
G. Goury, a. Grenier, P.-E. Masson, M. Maure, J. Noël,
A. de NoviTAL, A. Poirot.
Hiembres honoraires*
Berger (Philippe), membre de Tlnstitut, professeur au Collège
de France, 3, quai Voltaire, Paris.
Le Directeur de la Société française d'Archéologie (1).
Le Président de la Commission des Antiquités du département de
la Côte-d'Or.
— de la Société d'Emulation des Vosges.
. -r- de l'Académie de Metz.
— de l'Académie du Gard. ^
— de la Société archéologique de l'Orléanais.
— de la Société des Antiquaires de l'Ouest.
. .— 7 de la Société archéologique de Sens.
. -^ : ...de^ L'Institut grand-duçal de Luxenfibpurg (section
des sciences historiques). .
(1) La Société a conféré le titre de membre honoraire aux présidents des
Sociétés qui, après l'incendie du Palais ducal en 1871, ont bien voulu lui
donner des témoignages de sympathie, soit en souscrivant pour la reconstruction
de l'édifice, soit en envoyant la collection de leurs publications à la biblio-
thèque du Musée.
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TX
Membres perpétuels (!)•
Baaffremont (le prince de), 87, rue de Grenelle, Paris, VU».
BeaaTan. (le prince de), au château de Haroué.
Berlin (Roger), avocat, 25, rue de la Ravinelle.
t Biaemont (le comte Arthur de), ancien officier supérieur (Mort
à Albi, le 81 janvier 1905).
t Boar (Edouard), ancien secrétaire-adjoint de la Société (Mort à
Nancy, le 5 avril 1905) .
Boyc (Pierre), avocat à la Cour d'appel, membre de l'Académie
de Stanislas, 53, rue Hermite.
Conigrliano (Henri de), capitaîneeommandant au 18' Chasseurs,
Luné ville,
Coarcel (Valentin de), 20, rue de Vaugirard, Paris,
t Damast (le baron Prosper Cloerrier de), premier secrétaire
perpétuel de la Société (Mort à Nancy le 26 janvier 1883).
Floranf^e (Jules), 1, rue du Sud, Clamart (Seine).
Crermain (Léon), membre de l'Académie de Stanislas, 26,
rue Héré.
Cronry (Georges), avocat à la Cour d'Appel, 5, rue des Tier-
celins.
t Clooy (Jules), ancien magistrat, membre de l'Académie de
Stanislas (Mort à Nancy le 16 février 1892).
Cinyot (Charles), directeur de l'Ecole nationale des Eaux et
Forêts, membre de l'Académie de Stanislas, 12, rue Girardet.
t liang^lard, directeur d'assurances (Mort à Nancy le 29 juin 1899).
t liaprevotc (Charles), ancien secrétaire perpétuel de la Société
(Mort à Nancy le 12 juin 1886).
•{• liaprevole (Léon), ancien inspecteur des forêts (Mort à Nancy
le 23 octobre 1907j .
t liargraillon (le commandant) (Mort à Nancy le 19 janvier 1905).
(I) Le titre de membre perpétuel est acquis par le versement en une seule fois
d'une somme de 200 francs. Il donne droit à la distribution gratuite des
Mémoires et du Bulletin de la Société. (Arrêté ministériel du 16 juin 1891 auto-
risant cette disposition additionnelle au Règlement.)
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t liefebTre (Henri), ancien contrôlenr des contribntions directes
(Mort à Nancy le 18 février 1908).
Ijepmge (Henri), archiviste de Menrthe-et-Moselle, président de
la Société de 1851 à 1887 (Mort à Nancy le 29 décembre 188*7).
lioayot (l'abbé), professeur à TEcole Saint-Léopold.
Masson (Pierre-Eugène), 9, rue Sainte-Catherine.
Maure (Marcel), avocat, 8, cours Léopold.
t Heaume (Edouard), avocat, professeur à l'Ecole forestière (Mort
à Paris le 5 mars 1886).
Menirin (Henri), Bâtonnier de rOrJre des Avocats, membre
de TAcadémie de Stanislas, 49, rue Stanislas.
Morlaineoart (le lieutenant - colonel René de), Hériçourt
(Haute -Saône).
Parisot (l'abbé), aumônier, 4, rue de Saurupt.
t Pierson (Louis), mort à Mirecourt (Vosges), le 10 janvier 1899.
Robert (Edmond des), 6, place d* Alliance.
Rosières (Antoine de), conseiller général des Vosge?, à Mire-
court.
Rosières (Paul de), à Lunéville.
Sadoal (Charles), docteur en droit, directeur particulier de la
Compagnie d'assurances générales, 29, rue des Carmes.
Salm-Salm (S. A. S. le prince Alfred de), à Anholt(Westphalie).
t Sidot (Louis), libraire (Mort à Nancy le 18 mars 1896).
t Sidot (Nicolas), libraire (Mort à Nancy le 14 juillet 1905).
t Soabesmes (Raymond des Ctodlns de), ancien vice-président de
la Société (Mort à Nancy le 21 février 1902).
t Tliléry (Emile), artiste peintre (Mort à Nancy le 3 février 1895).
ll^lener (Lucien), conservateur honoraire du Musée historique
lorrain, 34, rue de la Ravinelle.
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X]
Membres titulaires (1).
Adam (le docteur Alexis), 2, rue de la Salpétriêre.
Aerts (Emile, notaire, 31, rue des Carmes.
Aimé (le docteur Henri), ancien conseiller général, 42-44, rue
Saint-Dizier.
* Alsace, priace d'Hénin (le comte d'), sénateur, au châleau de
Bourlémont, par Neufchâtcau (Vosges), et 20, rue Washing-
ton, Paris, VllK
* Ambroise (Emile), avocat, docteur en droit, 16, rue Gambetta,
Lunéville.
* André (Georges), notaire, place Léopold, Lunéville.
Arbois de Jubainiille (Paul d'), archiviste de la Meuse, 24, rue
Voltaire, Bar-le-Duc.
* Arth, directeur de Tlnstitut chimique, membre de TAcadémie
de Stanislas, 7, rue de Rigny.
* Asher et C*% libraire, 56, Uoter den Linden, Berlin. N. W.
* Aubry (René), commissaire de la Marine en retraite, 80, rue
Bassompierre.
* Aubry (Albert), 6, avenue Hoche, Paris, Vlll*.
Audiat, président de chambre honoraire à la Cour d*appel,
membre de l'Académie de Stanislas, 45, rue de la Ravinelle.
AYOUt (le vicomte Auguste d*), ancien magistrat, 14, rue de
Mirande, Dijon.
* Balland (Fabbé), curé de Bouxières-Bous-Froidmont.
* Barbas (le commandant), 8, rue de la Monnaie.
* Barbey (Adrien), 5, rue Sainte-Catherine.
Barbey (Georges), 5, rue Sainte-Catherine.
Barbier, dessinateur-autographe, 4, quai Choiseul.
Barbier (l'abbé), curé de Saint- Vincent-Saint-Fiacre, 7, impasse
Saint- Vincent.
(1) Les noms précédés d'un astérisque gras sont ceux des membres perpé-
tuels ; les noms précédés de l'astérisque ordinaire, ceux des membres abonnés
au Bulletin mensuel de la Société.
Les personnes dont le nom n'est suivi d'aucune indication de lieu, ont leur
résidence à Nancy. Les localités dont la situation n'est pas spécifiée, sont com-
prises dans le département de Meurthe-et-Moselle.
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XÏI
* Barrés (Maurice), de rAcadémie française, député de Paria, à
Charmes-Bur-Moselle (Vosges), et 100, boulevard Maillot, à
Neuilly- Paris.
^ Barthélémy (François), 2, place Sully, Maisons-Laffitte (Seine-
et-Oiie).
* Baseil (le docteur), à Fronard.
Bastien (Pierre), greffier en chef de la Cour d'appel, 11, rue
Désilles.
Baudesson (Jean), avocat à la Cour d*appel, 15, rue Hermite.
* Baudot (Jules), industriel à Bar-le-Duc (Meuse).
* Bauffremont (le prince ducde\ 87, rue de Grenelle, Paris, Vil*.
-^ Bauffremont (le prince de), 87, lue de Grenelle, Paris, YII*.
^ Baur (Victor), directeur de YEst forestier, 11, rue de Lorraine.
* Bauzée-Pinsart, sculpteur, place de THôtel-de- Ville, Montron
(Dordogne).
* Bazoche, notaire honoraire, à Gommercy (Meuse).
Beauchet, maire de la ville de Nancy, 11, me de la Ravinelle.
Beanmont (P. de), 4, rue de Lorraine.
* Beaupré (le comte Jules), 18, rue de Serre.
-^ Beanvan (le prince de), au château de Haroué.
Bécourt (£lugène), professeur honoraire au Lycée de Nancy,
12, rue de Toul.
* Bellefond (le colonel de), 6, rue Gallot.
* Benoît-Gény (Auguste), avocat, 9, rue Lepois.
Bentz, 17, rue de Nabécor.
Berger (V.), libraire, 13, rue Saint-Georges.
* Bergeret, imprimeur, 24, rue Lionnois.
Berlet (Charles), avocat à la Gour d^appel, 8, rue d'Alliance.
* Berlet (François), 8, rue d'Alliance.
* Bernard (Henri), avocat à la Cour, 21, rue Gambetta.
"^ Bernard de Jandin, ancien magistrat, 16, rue Montesquieu.
Bernard de Jandin (Henri), à Saint-Nicolas-de-Port.
* Bernardin (Léon), lieutenant au 149» régiment d'infanterie, 17,
rueBoulay-de-la-Meurthe, à Epinal.
^ Berthelé, archiviste de THérault, 11, impasse Pages, Montpellier.
Berthelin de DooleTant (Joseph), 4, rue des Loups.
* Bertier (Emile), ancien avoué à la Gour d'appel, 21, rue de
Thionville.
* Bertier (Georges)^ directeur de l'Ecole des Roches, Les Roches,
par Verneuil (Eure).
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Qoo^(^
^ Bertin (Charles), rue Lepois^ 6.
^ Bertin (Roger), avocat, 25^ rue de la Ravinelle.
* Beugnet (l'abbé), curé de Saiut-Nicolas, 42, rue des Qaatre-Eglises.
* Bibliothèque (la) de la Ville de Bar-le-Duc (Meuse). A la Mairie.
Bibliothèque (la) du British Muséum, à Loadres.
* Bibliothèque (la) de la Ville d*Epinal.
* Bibliothèque (la) de la Ville de Longwy.
* Bibliothèque (la) de la Ville de Lunéville.
Bibliothèque (la) de FUniversité, Cambridge.
Bigorgne, professeur au lycée Condorcet^ 2, rue Vauveuargues,
Paris, XVIIK
Bizemont (le comte Jean de), 8, rue Girardet.
Biaise -Derouz, Gerbéviller.
Bloch (J.)y Grand Rabbin du Consistoire Israélite, 18, rue de
TEquitation.
Blondlot, professeur «à la Faculté des sciences, membre de l'Aca-
démie de Stanislas, 8, quai Claude-le- Lorrain.
Bonnet (Adolphe), préfet de Meurthe-et-Moselle.
* Boppe (Auguste), conseiller à l'Ambassade de France à Constan-
tinople, 40, rue de Toul.
^ Boppe (Paul), ancien commandant de cavalerie, 40, rue de
Toul.
Bossert, ancien bijoutier, 18, rue Victor-Hugo.
* Bossu (Louis), avocat général près la Cour d'appel, 2, rue Fouc-
ques. Douai.
* Bœswilwald (Paul), inspecteur général des monuments histo-
riques, 6, boulevard Saint-Michel, Paris, V*.
Boulangé (Georges), pharmacien, à Pompey.
Boulyain (Aimé), directeur des Usines Solvay, Dombasle-sur-
Meurthe.
* Bourgeois (J.)» négociant à Sainte-Marie-aux-Mines (Alsace).
Bourgogne (Frédéric de), àLamarche (Vosges).
* Bourgon (Désiré), architecte, élève de !'• classe de l'Ecole des
Beaux- Arts, 6, cours Léopold.
* Boursier (Charles), notaire, 9, rue Saint-Nicolas.
i^ Boyé (Pierre), avocat à la Cour d'appel, membre de l'Académie
de Stanislas, 53, rue Hermite.
* Brabois (Louis Pierson de), au château de Brabois, Villers-les-
Nancy.
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IIY
* Braqnier (Léon), industriel, conseiller d^arrondiRsement, Verdtin.
Braan (Pierre), professeur agrégé au Lycée de Nancy, 1, rue
Saint-Julien.
* Bretagne (Ferdinand), ancien -contrôleur des contributions
directes, 55, rue de la Ravinelle.
* Brincourt (M°»«), 27, rue Sainte-Catherine.
* Briot (Fabbé), curé-doyen de la basilique Saint-Epvre, 6, rue
des Loups.
* Briquai (le docteur Paul), 32, rue de Viller, Lunéville.
Brouillon (Edouard), 12, rue des Dominicains.
Brun (Henry), directeur particulier de la Gpmpagnie d'assu-
rances générales sar la vie, 71 bis^ rue Isabey.
* Brunean (Kabbé), 169, rue de Strasbourg.
* Buffet (Louis), ancien ingénieur des Ponts-et-Cliaussées, à
Plainfaing (Vosges).
Buffet (Paul), 18, rue Cassette, Paris, VI».
* BuUier, avoué, 50, rue Stanislas.
Bussienne (Charles), propriétaire, à Dieulouard.
* Bnssiére, sculpteur, 9, rue de Metz.
* Gartier-Bresson (Charles), industriel, à CeUes-sur-Plaine (Vosges).
* Gaspard (Charles), 47, avenue de la Garenne.
* Gastara (Henri), maire de Lunéville, conseiller générai de
Meurthe-et-Moselle, Lunéville.
Gastez (le vicomte Maurice de), ancien officier d*état-major, 9,
rue de Penthièvre, Paris, V1II«.
Gerf, notaire, à Rosières- aux* Salines.
Gésar (Paul), brigadier-fourrier à la compagnie saharienne de la
Saoura, Beni-Abbès (Extrême Sud Oranais).
* Ghapelier (Fabbé Ch.), curé-archiprêtre de Mirecourt (Vosges).
Ghapuis (le docteur), député de Meurthe-et-Moselle, questeur de
la Chambre, Palais -Bourbon, Parie, VII«.
* Gharbonnier, architecte des Monuments historiques, 37, rue du
faubourg Saint-Jean .
* Gharlot (Alexandre), ancien magistrat, 5, rue des Dominicains.
* Châtelain (E.) , professeur honoraire au Lycée , 42, rue de
Boudonville.
A Ghatelain (l'abbé), ancien professeur de philosophie, curé de
Vatimont, par Baudrecourt (Als.-L.).
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XV
* Cbatton (Fabbé Ed.), curé de Soméyille» par MonceUsur Seille.
* Chatton (Fabbé Smile)» curé d*Hoévill6, par Biaville.
* Ghénin (Emile), professeur au Lycée, 86, rue de la République,
Orléans. (Loiret).
* Ghennt (Paul), 53, cours Léopold.
Chepfer (Georges), 53, rue Gaulaincourt, Paris, XVIII".
* Gherpin (l'abbé L.), 1, rue Saint- Ho aoré, Versailles.
Ghevalier (Pol)> avocat, maire de Bar -le>Duc, conseiller général
de la Meuse, Bar-le-Duc.
* GheveUe, ancien maire, juge de paix de Vaucouleurs (Meuse).
* Ghevrenx (Paul), inspecteur général des archives, 20, quai de
Bel hune, Paris, 1V«.
* Chrétien (Georges), agriculteur à Sfax (Tunisie).
* Ghrétien (le docteur H.), professeur à la Faculté de médecine,
4, place Garnot.
* Glanché (Fabbé), curé de Dieulouard.
Glaade (Henry), avocat à la Cour, 17, rue du Faubourg- Saint-
Jean.
* Glaudin (Eugène)^ lieutenant-colonel en retraite, 71 bis, rue
Isabey.
* Glond (Léon), ancien notaire, 3^ rue Grandville.
^ Cohen (Robert), licencié en histoire, étudiant à la Faculté des
Lettres, 7, boulevard Morland, Paris, 1V«.
* Celiez (Emile), docteur en médecine, à Longwy-Bas.
* Colin (Fabbé Eugène), curé de Groismare, par Marainviller.
* GoUenot (Félix), ancien magistrat, 9, rue d'Alliance.
Collesson (Pierre), 47, rue des Tiercelins.
CoUignon (Albert), professeur à la Faculté des Lettres, membre
de r Académie de Stanislas, 2 bis, rue Jeanne-d'Arc.
CoUignon, médecin-major de 1'* classe au 25* d'infanterie, 6, rue
de la marine, Gherbourg.
* GoUombier (Albert)^ ingénieur eivil^ 1, place Thiers.
* Comte, ingénieur des Ponts et Ghaussées, à Gommercy (Meuse).
ll^ Conlgrllano (Henri de), capitaine commandant au 18* Ghas-
seurs. Luné ville.
* Gorbin (J.-B.), 8, rue Mazagran
Corbin (Roger), 4, boulevard Saint-Martin, Paris, X*.
Gordier (Julien), avocat, ancien député, à Toul.
^ Coareel (Valentin de), 20, rue de Vaugirard, Paris, VIS
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XVI
* Conreur (Bernardin), 20, rue Laflize.
* Goarnaolt (Abel), La Donëra, Malzéville.
* Grépin-Leblond, imprimeur-éditeur, passage du Casino.
GreYoisier d'Hurbache (René de), avocat à la Cour d'appel,
7, rue Mably.
Cirny (l'abbé), à Bréménil, par Badonviller.
* Curé (Fabbé), vicaire à Saint- Epvre, 6, rue des Loups.
Dannreuther, pasteur de TEglise réformée, 3, quai Victor-Hugo,
à Bar-le-Duc (Meuse).
Dartein (Fabbé de)» ancien professeur à Fécole Saint-Sigisbert,
22, rue de Rigny.
* Dartein (Henri de), 22, rue de Rigny.
Dassigny, comptable, à Mirecourt (Vosges).
* Daum (Auguste), maître- verrier, ancien président du Tribunal
de Commerce, Verreries de Nancy.
Daupleiz, avoué, à Saint-Mihiel (Meuse).
David (Louis), à Vaucouleurs (Meuse).
David (Paul), ancien sous- préfet, 4, rue Hermite.
Débuisson (Eugène), à Bayon.
Degoutin (Maurice), château de Remonvaulx, près Bayonville, et
chez Mme de Résie, à Beaune (Côte-d'Or).
Delageneste, capitaine au 5« hussards, place des Dames, Remire-
mont (Vosges).
* Délavai (Paul), inspecteur à la Société Nancéienne, à Saint-Max-
lès-Nancy.
* Démange (Fabbé Modeste), curé de Lagney, par Toul.
* Demeufve (Georges), 4, rue des Michottes.
* Denis (Albert), avocat, maire de Toul, conseiller général de
Meurthe-et-Moselle, à Toul.
Denis (l'abbé), curé de Réméréville, par Saint-Nicolas de Port."
Denis (Paul), président honoraire du Tribunal, à TouL
* Denis (Paul), docteur d'Université, archiviste de la Ville de
Nancy, 4, rue du faubourg Stanislas.
* Deshaye (Ferdinand), maire de Mont-devant Sassey (Meuse).
Dessez (Charles), inspecteur d'Académ ie, membre de l'Académie
de Stanislas, 5, cours Léopold.
Deubel (Robert), avocat à la Cour d'appel, 6, rue de Serre.
n Didier-Laurent (Fabbé), curé de Monthureux-sur- Saône (Vosges).
Didion i^Fabbé Georges), curé de Vaudémont.
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XVI î
Didrit (l'abbé Théophile), curé de Charmes la- Côte, par Toul.
* Domange (Fabbé Louis-Emile), curé de Louppj-le-Château
(Meuse).
^ Domgermaiii (le comte de), château de Yessenges, par Nevers
(Nièvre).
* Donders (Charles), industriel^ président de T Association des
Aniis du Nouveau Nancy, 1, rue de la République.
* Donders (Ferdinand), ingénieur civil, 18, rue de Thionville.
Dory (Joseph), libraire, 31, rue des Carmes.
Douin (l'abbé Alexandre), curé de Delut, par Damvillers (Meuse).
* Drioton (Etienne), 12, rue du faubourg Stanislas.
Droit, notaire, 26, rue des Carmes.
* Dronet (Charles), 17, rue Isabey.
^ Dryander (Edgard), 34, rue de la Ravinelle.
* Dubois (S. G. Mgr), évêque de Verdun, 27, rue Chevert, Verdun.
* Dubois (Gustave), avocat, 8, rue de Rigny.
Ducrot (le capitaine), 59, rue Hermite.
* Dubuisson (Vabbé), curé de Marville (Meuse).
* Dulau et C®, libraire, 37, Soho-Square, Londres. W.
* Dumast (le baron de), 38, place de la Carrière.
* Dûment (Paul), docteur en droit, bibliothécaire universitaire,
10, place Carnot.
* Durand (G.), archiviste du département de la Somme, 22, rue
Pierre-l'Hermite, Amiens.
* Duval (Louis), négociant, 27, rue .des Ponts.
* DuYemoy (Emile), archiviste du département de Meurthe-et-
Moselle, membre de TAcadémie de Stanislas, 1, rue de la
Monnaie.
* Eauclaire (l'abbé), curé de Rosières-anx- Salines.
* Elle (Georges), capitaine de cavalerie en retraite, 4, rue du
Général-Drouot.
* Elle (Octave), ancien officier, 16,''rue des Glacis.
* Elie-Lestre, ancien officier de cavalerie, 43, cours Léopold.
* Etienne (Charles), professear au Lycée Voltaire, 10, rue Nicolas-
Flamel, Paris, IV«.
Etienne (le docteur Georges), professeur agrégé à la Faculté de
médecine^ 22, rue du Faubourg-Saint-Jean.
Evrard ^Charles), notaire, maire de Varennes-en-Argonne .
Evrard (JuleH), banquier, à Mirecourt (Vosges).
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tVtîî
Farnier (Henri), photograveur- imprimeur, avenue Marcel.
* Favier (Justin), conservateur delà Bibliothèque publique, membre
do l'Académie de Stanislas, 2, rue Jeanne-d*Arc.
"^ Fawtier (Robert), étudiant en histoire à la Faculté des lettres,
33, rue de Berlin, Paris, VIII«.
* Ferry, notaire, à Saint-Loup (Haute-Saône),
* Ferry (Gustave), à Lezy, par Cons-la-Grandville.
* Flayelle (M.), député des Vosges, 15, rue de Phalsbourg, Paris,
XVII*.
^ Flora DIT® (Jules), 1, rue du Sud, Clamart (Seine).
* Florentin (Alfred), notaire honoraire, vice président du Conseil
général de Meurthe-et-Moselle, Vézelise.
* Fontaine d*Hamonconrt Unverzagt (le comte Hubert de la).
Chambellan de S. M. l'Empereur d'Autriche, 59, Reisner
Strasse, Vienne, et Altenmarkt,prèsEriesting (Basse-Autriche).
* Fourier de Baconrt (le comte Etienne), 56, rue Cortambert,
Paris, XVP.
* Fonrmann (Fabbé), curé de Villers-en-Haye, par Dieulouard.
* Foumier (Paul), doyen de la Faculté de droit, correspondant de
rinstitut, Il bis, place Victur-Hugo, Grenoble.
* Frick (Guillaume), libraire, 27, Graben, Vienne (Autriche).
Fringant (rabbé), curé d'AUamps, par Vannes-le-Châtel.
Fringnet (Alphonse), inspecteur de l'Académie de Paris, 62,
rue Claude-Bernard, Paris, V.
Frœlich (Jules), chef de service à la maison Berger-Levrault,
38, rue Sellier.
Frœlich (le docteur R.), professeur agrégé à la Faculté de Méde-
cine, 22, rue des Bégonias.
* Fnuninet (Fabbé), curé-archiprêtre de Saint-Jacques, à Lunéville .
Fnrby, procureur général près la Cour d'appel, 26, rue Palissot.
Gand (H.), 19, rue de Metz.
Gandelet (le comte Albert), chambellan de S. S. Pie X, 5 bis^
rue d'Alliance.
Gantinotty (le docteur Léon), directeur de l'Assistance médicale
gratuite et de la vaccine, 38, rue des Carmes.
* Gardeil (Paul), 13, rue de la Commanderie.
Gamier (Georges), avocat, 8, rue Isabey.
Gamier (Jules), professeur à la Faculté de droit, 8, rue Isabey.
Garnier (Paul), ancien juge au Tribunal civil, 8, rue de la Source.
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XIX
* Gayet, professeur à la Faculté de droit, 52, rue des Tierceiins.
Gaudchanx-Picard (Erueet), conseiller à la Cour d'appel, 6, rue
Victor-Poirel.
* Gaujot (Gustave), médecin-inspecteur de Tarmée au cadre de
réserve, 26, rue du Montparnasse, Paris, VI*.
* Gegout (Edgard), conseiller à la Cour d'appel, 21, rue du faubourg
Saint-Jean.
Gegout (Emile-Bernard), rue Notre-Dame, à Vézelise.
* Genay (Ferdinand), architecte, inspecteur des édifices diocésains,
5, Terrasse de la Pépinière.
Génin (André), chef de bataillon au 91* dlnfanterie, 19, rue
Saint-Sauveur, Verdun (Meuse).
* Gény, entrepreneur, 47, rue Hermite.
* George (Amédée), 13, rue de Metz.
* Georgo (Emile), notaire, 48, rue Gambetta, Lunéville.
George (Victor), ancien négociant, 36, rue de la Ravinelle.
* George (l'abbé), curé de Saint -Max, près Nancy.
* Georgel (Paul), avoué, 25-27, rue de la Source.
* Gérard (Emile), adjoint au maire de Nancy, 64, rue du Montet.
Gérard (Charles), avocat à la Cour, 41, place de la Carrière.
* Germain (Edouard), 47, rue Isabey.
^ Ciermain (Léon), membre de l'Académie de Stanislas, 26,
rue Héré.
* Gilbert (l'abbé), curé de Gérardmer (Vosges).
* Gillant (l'abbé) , curé d'Auzéville , par Clermont-en-Argonne
(Meuse).
* Gillet, conseiller à la Cour d'appel, 2. rue Girardet.
* Gironcourt (de), conducteur principal des Ponts et Chaussées j
9, rue Désilles.
Gœpfert (E.), artiste-peintre, 6, rue d'Amerval.
Gomien (Paul), ancien sous-intendant militaire, 1, rue Sainte-
Catherine.
* Gossé (l'abbé), curé de Benney, par Ceintrey.
* Gourcy (le comte X. de), château de la Boulaye, Cerisy-la-Forôt
(Manche), et 25, rue de Grenelle, Paris, VII\
i^ Cronry (Georges), avocat à la Cour d'appel, 5, rue des Tierceiins.
* Gonry (Gustave), avocat à la Cour d'appel, 5, rue des Tierceiins,
* Goay de Bellocq-Feaqoières (Albert), ancien officier d'état-major,
3, rue d'Alliance.
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XI
* Grandclande (rabbé), 29, avenue de Boufflers.
* Greff (Henry), industriel, 44, rue de la Commanderie.
Grenier (Albert), maître de conférences à la Faculté dei lettres,
46 bis^ rae Jean-Lamour.
* Grillet (Oastoa), sons-chef du Cabinet dn directeur da Tassii-
tance publique, 19, rue Jean-Vaury, Paris, XIV«.
Grillon (Jean), député de Meurtbe-dt-Moselle, 3 bis^ rue Rota-
Bonhenr, Paris, X*.
* Greffe (Emile), huissier, Montfaucon (Meuse).
Grosdidier (René), député de la Meuse, maire de Commerey,
13, rue de Strasbourg, Paris, X«.
Grosjean (Henri), libraire, 20, rue Héré.
Gnérin (Edmond), 6, rue des Capucins, à Lunéville.
Gntton (Henri), architecte, 42, rue Gambetta.
Gnyot (A.), ancien receveur principal dés douanes, 19, rue de
Laxou.
i^ CSpyot' (Charles), directeur de TEcole nationale des Eaux et
Forêts, membre de TAcadémie de Stanislas, 12, rue Girardet.
* GyOry de Nadudyar (Arpad dé), archiviste de la Maison Impé-
riale et Royale, Minoritenplatz, Vienne (Autriche).
Hacqaard (Henri), commis à la Bibliothèque publique, 18, rue
de Thionville.
Baillant (Nicolas), secrétaire perpétuel de la Société d'émulation
du département des Vosges, 21, place de TAtre, Epinal.
* Balbin (labbé), curé de Senon, par Spincourt (Meuse).
Haldat du Lys (Henri de), 36, cours Léopold.
Hamant (l'abbé), professeur au Collège Stanislas, 32, rue Le-
courbe, Paris, XV*.
Hammer, administrateur de la Compagnie générale électrique,
58 bis, rue de Metz.
Harbulot (Gabriel), pharmacien à Bayon.
Harmand (l'abbé), supérieur de l'Orphelinat agricole, à Haroué.
* Harmand (René), professeur au Lycée, 7, rue des Chanoines.
Hausen (d'), château de Sainte-Marie, par Blâment.
* Haussonville (le comte d') , de l'Académie française , ancien
député, 41, rue Saint-Dominique, à Paris, VII«.
* Heitz, percepteur des contributions directes, à Comimont (Vosges).
* Bernard d'Adigny (Henri), à Belrupt, par Verdun (Meuse).
Hennesdl (le comte d'), à Villets-lès -Nancy.
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* Hennezel d'OrmoU (le vicomte J. de), château de Bourguignon,
par Mona-en-Laonnois (Aisne).
Henriet (Joseph), avocat, 11, rue des Michottes.
Henry, professeur à FEcole forestière, 5, rue Lopoia.
* Henry (Ernest), 30, faubourg du Ménil, Sedan.
* Hérisé> notaire, rue des Mars, 24 bis, Pont-à-Mousson.
* Honnoré (Gustave), trésorier- général honoraire, 4, me des Cha-
noines, Saint-Mihiel (Meuse).
* Houillon (l'abbé), curé de Barbonville, par Blainville-sur^rEau.
HonzeUe, instituteur, président de la Société des naturalistes et
archéologues du Nord de la Meuse, à Montmédy (Meuse).
Hobel, avoué à la Cour d'appel, 15, rue do Serre.
* Hnber (Emile), manufacturier, à Sarreguemines.
* Hubert (Lucien), rentier, à la Monnoyère, Longwy-Haut.
* Humbert (l'abbé Auguste), directeur du Grand Séminaire,
Verdun (Meuse.)
* Idoux (l'abbé), professeur à l'Institution Sainte-Marie, Ramber-
villers (Vosges).
Imhans (Gustave), imprimeur-éditeur, 86, avenue de la Garenne.
Inspecteur d'Académie (M. V), membre de droit de la Société.
* lohmanii, bijoutier, 32, rue des Dominicains.
Jacques (l'abbé Victor), agrégé de l'Université, ancien directeur
de la Malgrange, 23, rue de la Ravinelle.
Jacques (le docteur), professeur agrégé à la Faculté de médecine,
41, rue du faubourg Saint-Jean, Nancy.
* Jacquot (Albert), luthier, 19, rue Gambetta.
Jasson, architecte de la ville, 4, rue des Glacis.
* Jean (l'abbé Louis), curé de Châteauvoué, par Hampont (Lor-
raine).
* Jérôme (l'abbé), vicaire général de Nancy, membre de l'Acadé-
mie de Stanislas, 26, rue de la Pépinière.
Joachim, professeur agrégé au Lycée, 23, rue Sigisbert-Adam.
* Joffroy(R.). *79, rue des Qaatre-EgUses.
Joybert (le baron G. de), 48, rue Hermite.
Kalbach (Vabbé), curé de Villers-sous-Prény.
* Kasteuer (Jean), rue Liétard, Plombières- les- Bains (Vosges).
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XZII
* Kind (Augnste)^ villa des Sapins, impasse du Sapioi.
* Knecht (Julien), agent général de U Compagnie de St-Gobain^
8, rue de Serre.
Knecht (Marcel), licencié ès-lettres (Anglais), secrétaire perpé-
tuel du Couarail, 16, rue de Serre.
Koch (Camille), avocat à la Cour, 63, rue Hermite.
* Kœberlé (Mlle Eisa), quai Kléber, Strasbourg.
* Kools (Fabbé), curé de Lorquin (Lorraine).
Krantz (Camille), ancien ministre, député des Vosges, 226, bou-
levard Saint-Germain, Paris, Vil*.
* Krantz (Emile), doyen honoraire, professeur à la Faculté des
lettres, 21, rue des Dominicains.
* Kronberg, négociant, 83, boulevard Lobau.
* Krug (Alfred) industriel, 26, avenue de la Garenne.
Krug-Basse, conseiller honoraire à la Cour d*appel, 20, rue de
Toul.
Lacaille, avoué à la Cour d*appel, 35, place de la Carrière.
Laffitte (Louis), secrétaire général de la Chambre de Commerce,
directeur général de l'Exposition de Nancy, 40, rue Gambetta.
Lagrésille. conseiller à la Cour d'appel, 58, rue des Tiercelins.
La Lance (le commandant de), 98, place Saint-Georges.
* Lallemand de Mont (Pierre de), ancien secrétaire général de
Préfecture, 8, rue Isabey.
* Lallement (Léon), 34, cours Léopold.
* Lallement (Léopold), Vice-Président du Bureau de bienfaisance,
22, rue de Metz, Nancy.
* Lambel (le comte J. de), au château de Fléville, et 53, rue de
Ponthieu, Paris, VIII*.
* Lambert (l'abbé Augustin), curé de Notre-Dame d'Avioth,
par Montmédy (Meuse).
* Lambert (Jean), libraire, 8, rueRaugraff.
Lambert, avoué au Tribunal, 21, ru) Saint-Dizier.
* Lambertye (le marquis de), à Coos-la-Grandville.
* Landrian, baron du Montât (le comte de), 17, rue Bailly.
Landrian (Jean de), 17, rue Bailly.
Langenbagen (Ferdinand de)^ membre de la Chambre de com-
mercO; conseiller général de Meurthe-et-Moselle, Lunéville.
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xxrn
Langlois (le géaéral), séaateur de Meurthe-et-Moselle, 185, rue
de Vnugirard, Paris, XV*.
La Perrière (M"' Heori de), 20, rue d'Edimbourg, Paris, VIII».
* Lapisse (Charles de)^ à Moutîgny-devant-Sassey, par Dnn-
sur-Meuse.
* Laprevote (Paul), 14, rue Victor- Hugo.
* Lardemelle (le géuéral de), 7, rue du Manège.
La Rochethttlon (le géaéral comte de), conseiller général de
Meurthe-et-Moselle, à Clémery.
* La Ruelle (F. de), chef d'état-major de la 2* division de cavale-
rie, 5, rue des Chenus, Lunéville.
Latoache (le baron de), 8, rue Girardet.
* Laxzillière (Félix), conservateur des Eaux et Forêts, 35, rue du
faubourg Saint-Jean.
* Laurent (P.)> architecte^ 18, avenue Dutac, Epinal (Vosges).
* Laurent, maître de conférences à la Faculté des lettres, 12» rue
Jeanne-d'Arc.
* Le Bègue de Germiny (le comte Marcel), 41, rue d'Amsterdam,
Paris.
* Leblanc (Henri), marchand d'antiquités, 18, rue Héré.
Lebrun (Albert), député, président du Conseil général de Meur-
the-et-Moselle, 35, boulevard Raspail, Paris.
* Lecomte (Henri), juge d'instruction, 66, rue Charles-III.
Lederlin, doyen honoraire de la Faculté de droit, membre de
l'Académie de Stanislas, 12 bis, faubourg Stanislas.
* Lemaire (Jules), à Stenay (Meuse).
Lemoine (l'abbé Emile), curé de Pompierre (Vosges).
* L'Escale (E. de), 53, rue de Clichy, Paris, IK«.
* L'Escale (Louis de), 1, rue Daval, Montmorency.
L'Espée (le baron Jean de), colonel an 8* hussards, à Verdun.
Lespine (Louis), avocat à la Cour, 9, rue Callot.
Leyallois (Henri), bibliothécaire à la Bibliothèque nationale^ 7,
rue des Arènes, Paris, V*.
* Léyêque (l'abbé Louis), vicaire au Val-d'Ajol (Vosges).
* L'Héraule (de ), 27, place de la Carrière.
* L'hôte (l'abbé), professeur à l'école de théologie catholique, me
Haute, Saint-Dié (Vosges).
Lhuillier (l'abbé), curé d'Abreschwiller (Lorraine).
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XXIV
' Liébaut (l'abbé), curé d*Oatremécourt, par Soulaucourt (Haute-
Marne).
* Liégeois (le docteur), correspondant de l'Académie de médecine,
à Bainville-aux-Saules, par Dorapaire (Voiges).
Limon (Camille), juge honoraire, 23, rue de Metz.
* Loppinet» conservateur honoraire des forêts, 39 bis, rue du fau-
bourg Saint- Jean.
Lorta, directeur des contributions indirectes en retraite, 5 bis,
place du Panthéon, Paris, V*.
* Lonis (Charles), notaire, à Thiaucourt.
'A: lioayot (l'abbé), professeur à l'Ecole Saint-Léopold.
* Loyseau du Boulay (Joseph- Auguste), ancien conducteur des
Ponts-et-Chaussées, à Auzéville, par Clermont-en-Argonne
(Meuse).
* Ladre (le comte Fer ri de), député, château de Ludres, à Richard-
ménil, et 15, avenue Bosquet, Paris, VI1«.
Magot, avocat, à Pont-à-Mousson.
* Mahuet (le comte Antoine de), 38, rue Gambetta.
* Majorelle (Louis), industriel, 20, rue Saint-Georges.
Malgras (Léon), directeur du « Couarail », 50, rue Pasteur.
* Mandre (llené de), 9, rue du Marché- Saint-Honoré, Paris, I*^.
* Mangenot (l'abbé Eug.), professeur à l'Institut catholique,
88, rue du Cherche-Midi, Paris, Vl«.
* Marcot (Léopold), ancien maire de Réméréville, 13, Grande-Rue
Ville-Vieille.
Marcot (René), 19, rue de la Ravinelle.
* Marge (Gaspard), ancien membre de la Chambre de commerce,
10, rue des Tiercelins.
* Margo (Paul), avocat, 2, rue Victor-Poirel.
^ Marichal (Paul), archiviste aux Archives nationales» 11, avenue
de Paris, à Sceaux (Seine).
^ Marin (l'abbé), docteur ès-lettres, professeur au collège de la
Malgrange, par Jarville.
Marin (Louis), député de Meurthe-et-Moselle, 13, avenue de
rObservatoire, Parif, VI«.
Maringer, ancien maire de Nancy, 36, rue du Faubourg St-Jean,
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* Martin (Albert), professeur â la Faculté des lettres, ancien doyen,
correspondant de Tlnslitut, membre de TAcadémie de Stanis-
las, 9, rue Sainte-Catherine.
* Martin (l'abbé Eugène), docteur ès-lettres, membre de l'Acadé-
mie de Stani8las,26, rue de la Pépinière.
Marton (l'abbé), ancien aumônier militaire, 4, place d'Alliance.
* Martz (René), président de chambre à la Cour d'Appel, 30, rue
des Tiercelins.
* Marx (Roger), inspecteur des Beaux- Arts, 105, rue de la Pompe,
Paris, XVIe.
Massé (Henri), étudiant en histoire â la Faculté des lettres,
5, quai de Strasbourg, Lunéville.
Masson (Charles) adjoint au maire de Toul, conseiller général
de Meurthe-et-Moselle, Toul.
Masson (Charles), 8^ rue Mazagran.
^ Masson (Pierre-Eugène), 9, rue Sainte-Catherine.
Mathieu (l'abbé), à Frèsse- sur-Moselle (Vosges).
Mathieu (Germain), 24, rue Saint-Michel.
Mathieu (Ch.), capitaine en retraite, 26, rue de TouL
Mathiot (Paul), 6, rue de Metz.
Mathis (Marc), député des Vosges, 274, boulevard Raspail,
Paris, XIV.
ilC Maare (Marcel), avocat, 3, cours Léopold.
A Maurice (François)^ négociant, 42, rue des Carmes.
* Meizmoron de Dombasle (Charles de), membre de l'Académie
de Stanislas, 19, rue de Strasbourg.
* Meizmoron de Domhasle (Raoul de), château de Landreville,
par Bazancy (Ardennes).
Melin (Gabriel), avocat, chargé de coars â la Faculté de droit,
membre de l'Académie de Stanislas, 39, rue de Boudonville.
* Mellier (Emile), inspecteur d'Académie en retraite, membre de
l'Académie de Stanislas, 5, rue des Tiercelins.
Melnotte (l'abbé), curé de ChampigneuUôs.
it Meai^in (Henri), bâtonnier de l'Ordre des avocats, membre de
l'Académie de Stanislas, 49, rue Stanislas.
* Mercier, ancien inspecteur des forêts, 19, rue de Rigny.
Mesmin, ancien magistrat, 6, rue Sainte- Catherine.
* Messier (le docteur), conseiller général de Meurthe-et-Moselle,
à Badonviller.
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XXVI
Metz-Noblat (Aatoine de), membre de l'Académie de Staniilai ;
37, COUPS Léopold.
Meyer, rentier, 20, rue de Boudonvillo.
Mézières (Alfred), sénateur, membre de rAcadéœie française,
57, boulevard St-Michel, Paris, V*.
Michaut (Henri), ancien ingénieur des Ponts-et-Cha^aaées,
adjoint au maire de Nancy, conseiller général de Meurthe-et-
Moselle, 49, rue Hermite.
Michon (Alfred), général de brigade en retraite, à Toul.
* Migette (Armand), à Stenay (Meuse).
^ Millot (Charles), ancien chargé de cours â la Faculté des sciences,
membre de TAcadémie de Stanislas, 7, place Saint-Jean.
Misçault (de), 5, rue d'Alliance.
* Montbel (le baron de Thomassin de), sous -inspecteur des forêts,
67, rue de la Ravinelle.
* Montjoie (de), au château de Lasnez, près Villers-lès-Nancy.
* Moreau (Adolphe), 27, rue de Rome, Paris, VIII».
^ iforlaincourt (le colonel René de), directeur d'artillerie^
Belfort.
* Mongel (l'abbé Eugène), curé de Domèvre-sur-Durbion, par
Châtel (Vosges).
Mougenot (René), docteur en droit, vice-consul d'Espagne, 12, rue
de Metz.
Mougin (Stéphane), Remire mont (Vosges).
Hunier, ancien député, à Pont-à-Mousson, et 2, rue de U Sor-
bonne, Paris, V*.
Nachbaur, avoué, 2, rue Germiny, à Mirecourt (Vosges).
Nathan (Lazard), professeur, 23, rue de rEquitation.
* Nautrez (l'abbé Victor), curé de Hussigny.
* Nicolas (Maurice), 47, rue Plantamour, Genève (Suisse),
Nicolas (Eugène), avocat à la Cour d'appel, 80, place Saint-
Georges.
* Nicolas (l'abbé J.-P.), curé de Laneuville-sur-Meuse, par Stenay
(Meuse).
Noël (Abel), conseiller général de Meurthe-et-Moselle, 6, place
Carnot.
* Noël (Jean), à La Tour, commune de Saint-Max, près Nancy.
* Noël (Lucien), à La Tour, commune de Saint-Max, près Nancy
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XXYII
* NoTital (Albert de), 5, rue des Dominicains.
Novital (Paul de), aucien inspecteur des Eaux et Forêts, 5, rue
des Dominicains.
Oblet (l'abbé), curé de Saint-Georges, rue du faubourg Saint-
Greorges.
O'Gorman (le comte ûaëtan), route de Bareges^ à Pau (Basses-
Pyrénées).
Oleire (E. d'), libraire, 9, Mûnsterplatz, Strasbourg (Alsace) .
* Pacotte (A.), 2, rue de la Monnaie.
* Fange (le comte Jean de), arcbiviste-paléographe. 37, avenue
Montaigne, Paris, V11I«.
* Fange (le comte Maurice de), 29, faubourg Saint- Honoré,
Paris, V1I1-.
Faquel (Jean), 34, quai Claude-le-Lorrain.
* Fariset (Georges), professeur à la Faculté des lettres, membre de
l'Académie de Stanislas, 12, rue Saint-Charles.
^ Parisot (rabbé), aumônier, 4, rue de Saurupt.
Farisot (François), conducteur des PoDts.et- Chaussées, à Yézelise.
* Farisot (Robert), professeur à la Faculté des lettres, 15, rue
Sigisbert-Adam.
* Farpaite (Hippolyte), industriel àVillerupt.
* Fasserat (Hubert), inspecteur des domaines en retraite, 25, rue
Nationale, Bar-sur- Aube (Aube).
* Fan (le général), commandant le 20«' corpi d'armée, palais du
Gouvernement.
* Faul, ancien notaire, 4, rue de la Monnaie.
Fèlerin (A.), bibliothécaire à la Bibliothèque publique, 57,
faubourg Saint-Jean.
* Fèlerin (Casimir), conservateur-adjoint de la Bibliothèque publi-
que, 8, rue Paliisot.
if. Perdrizet (Paul), professeur-adjoint à la Faculté des lettres,
membre de TAcadémie de Stanislas^ 2, avenue de la Garenne.
* Feraot (l'abbé Charles) j curé de Gripport, par Bayon.
* Pernot(rabbé François J.-B.), curé d'Andilly, par Ménil-la-Tour.
* Femot (rabbé L.), curé de Germiny, par Colombey-les-Belles,
(Meurthe-et-Moselle).
* Pernot (Th.) propriétaire à Tramont-Eœy, par Vandeléville.
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XXYIII
* Perront (René), avocat, àEpinal.
Permchot, docteur en médecine, à Mellecey, par Givry (Saône
et-Loire).
* Petit, receveur de l'enregistrement en retraite, place d'Armes, 15,
à Verdun (Meuse).
* Petit (l'abbé), curé d'Augnj, prés Metz (Lorraine).
"^ Pfister (Christian), professeur à la Sorbonne, correspondant de
rinstitut, 72, boulevard de Port-Royal, Paris, V«.
Phasmann, maire de Saint-Mihiel, conseiller général de a
Meuse, Saint-Mihiel.
"^ Philippoteaux (Auguste), avocat, 3, rue Thiers, à Sedan.
* Pierfitte (Fabbé), curé de Portieux (Vosges).
Pierron (H.), docteur en médecine, à Pont-à-Mousson.
* Pierson (Auguste), adjudant d'infanterie de marine en retraite,
30, rae de la Hache.
Pillement (le docteur), 57, rae Saint-Jean.
Pillon (le docteur), 3, rue Gilbert.
* Pimodan (le marquis de), au château d'Ëchenay (Haute-Marne)
et 98, rue de l'Université, Paris, VII*.
* Pion (Henri), rédacteur au Contentieux du Crédit foncier, 38,
rue Juliette-Lambert, Paris, XVII*.
Pireyre (Léon), rédacteur à VEst Républicain, Malzéville.
* Plauche-Gillon (J.), avocat, 8, place de la Carrière.
Poincaré (Raymond), ancien ministre, sénateur de la Meuse, 26,
avenue des Champs-Elysées, Paris, XVIIl*.
* Poirot (Auguste), conducteur des Ponts-et-Chaussées, 16, rue
Claudot.
Potier (l'abbé), curé de Varangéville, par Saint-Nicolas.
* Poulet (Henry), maître des requêtes au Conseil d'Etat, 201, rue
du faubourg Saint-Honoré, Paris.
Prouvé, (Victor), Président de l'Ecole de Nancy, 6, avenue de
la Garenne.
Pnlly (Enguerrand de), avocat à la Cour, rue de Lorraine, Luné-
ville.
Purnot, ancien conseiller de préfecture, 9 bis, rue Hermite.
^ Puton (Bernard), procureur de la République, à Remiremont
(Vosges).
* Pnton (Pierre), substitut du procureur de la République, à Lara
(Haute- Saône).
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Rampont (E.), avoué au Tribunal, l, rue des Michottes.
Recteur de l'Académie (M. le), membre de droit.
* Régnier (le docteur), à Pont- Saint- Vincent.
Reibdl (le docteur), 47, place Dombasle.
* Remy (Justin-Joseph), 21, rue des Qoncourt.
* Renanld (Albert), avoué, à Bar-le-Duc (Meuse).
* Renanld (Kabbé Félix), chanoine titulaire de la Cathédrale,
5^, rue des Quatre-Eglises.
* Renanld, banquier, 21, rue Saint-Dizier.
Renss, inspecteur des forêts, 13, rue Carnot, Fontainebleau
(Seine-et-Marne).
* Rey (l'abbé), curé de Crépey, par Colombey-les-Belles.
Richard, notaire, 81, Grande-Rue, à Remiremont (Vosges).
* Riston (Victor), avocat, docteur en droit, membre de T Académie
de Stanislas, Val-au-Mont, Malzéville.
* Robert (Louis), dessinateur, 15, rue de la Poterne, à Pont-â-
Mousson.
^ Bobert (Edmond des), 6, place d'Alliance.
* Robert (F. des), membre de l'Académie de Stanislas, 25, fau*
boarg Saint-Jean.
Robert, ancien juge au Tribunal civil, 44, rue des Carmes.
Roche du Teilloy (Alexandre de), professeur honoraire au Lycée,
membre de l'Académie de Stanislas, 5, rue de Riguy.
Roche du Teilloy (Charles)^ négociant, 96, rue du Faubourg des
Trois-Maisons.
* Rossinot (l'abbé Eugène), curé de Minorville, par Noviant-
aux-Prés.
Rongieux (Antoni)^ architecte, 5, rue d'Alliance*
^ Rozières (Paul de), à Lunéville.
^ Rozières (Antoine de), conseiller général, à Mirecourt (Vosges).
* Ruch (l'abbé Charles), vicaire général de Nancy, 3, rue Gilbert.
^ liadoal (Charles), docteur en droit, directeur particulier de la
Compagnie d'Assurances générales, 29> ruo des Carmes*
* Saintignon (le comtQ F. de), maître de forges, à Longwy-Bas.
* Saint-Hillier (Henri de), capitaine-commandant au 17* chas^
seurs, Lunéville.
* Saint-Joire (René), avocat à la Cour d*appel, 25^ rue Saint-Dizier.
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XXX
* Saint- Piarremont (le baron de Finie de), château du Corpi-de-
Garde, à la Celle-Saint-Avant, par la Haye-Descartes (Indre-
et-Loire).
^ Salm-Salm (S. A. S. le prince Alfred de), à Anholt (Weitplia-
lie).
* Samain (Alexis), 16, rue de la Chèvre, à Metz.
Salmon-Legagnenr (Panl), avocat à la Cour d*appel, 11 bts, rue
Portails. Paris, VI II».
* Schandel, receveur principal des douanes, 43, rue Jeanne-d*Arc.
Schilf (Matbias), artiste- peintre, 29^ place de la Carrière.
* Sechehaye, (Henri), avocat à la Cour d'appel, 1, rue de la
Commanderie.
Seichepine, organiste et professeur de musique, Château-Salins
(Lorraine).
* Seillière (le baron Léon), 41, avenue de l'Aima, à Paris, VIII».
* Sibille (rabbéj, curé de Saint-Julien-lès-Metz (Lorraine).
Simonin (Armand;, avocat à la Cour d*appel 3, rue du Dôme^
Paris .
* Soyer (l'abbé), curé d'Aviotb, par Montmédy (Meuse).
* Staat, libraire de la Bibliothèque publique do Strasbourg, 27,
rue des Serruriers, Strasbourg (Alsace).
A Staemmel (l'abbé), chanoine titulaire de la Cathédrale, 27, cours
Léopold.
Stainville (Edmond), président de chambre honoraire â la
Cour d'appel, 20, place Carnot.
Stein, maire de la ville d'Ëpinal.
Steinheil, imprimeur-éditeur, 7, rue des Glacis.
Thiria, peintre- verrier, 50, place Saint -Louis, Metz.
Thomas (Gabriel), conseiller â la Cour d'appel, secrétaire
perpétuel de l'Académie de Stanislas, 82, rue Stanislas.
Thomassin (l'abbé), curé-archiprêtre de la Cathédrale, 19, rue
du Nord, Saint-Dié (Vosges).
* Thorion (le docteur Henry), à Hannonville (Meuse).
* Thouvenin (Paul), à Rosières-aux-Salines.
* Thouvenin (le docteur), maire de Vézelise.
* Thouvenin (le commandant), chef d'escadron du train territorial
des équipages militaires, 36 biSy rue Grandville.
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XXXI
Vagner (rabbé), chanoine titulaire de la Cathédrale, 6, rue du
Manège.
* Vagner (Victor), libraire, 3, rue Raugraff.
* Viansson-Ponté (l'abbô Paul), curé de Haucourt, par Lpngwy-
Bas.
* Viard (le baron Paul), 6, place Carnot.
* Vienne (Roger de), ingénieur, 4, rue Villaret- Joyeuse, Paris.
Vienne (Maurice de), 6, rue d'Alliance.
* Viller (le docteur), à Toul.
Voinier, vétérinaire principal en retraite, Sornéville.
* Voinot (le docteur), maire de Haroué.
* Walbock (l'abbé Louis- Gilbert), à Vatimont, par Bandrecouit
(Lorraine).
^ Warren (le comte Lucien de\ ancien commandant d'artillerie,
3, place de l'Arsenal.
* Weyd (Paul), inspecteur des Eaux et Forêts, Mende (Lozère).
^ l¥iener (Lucien), 34, rue de la Ravinelle.
Wiener (René), 21, place de la Carrière.
* Wolfram (le docteur), directeur des Archives, à Metz.
Xardel (René), avocat à la Cour d'appel, ancien bâtonnier, 18,
rue Montesquieu.
* Xardel (Pierre), étudiant, 50, rue des Tiercelins.
* Zsepflal (Ëdgard), ancien vice-président du Conseil de Préfecture,
10, place Carnot.
* Zeiller (Paul), 47, rue Charles -Laffite, Nenilly-sur-Seine (Seine).
Zilgien (le docteur), professeur agrégé à la Faculté de médecine,
4, rue Grandville,
XlOWmMWMXlIMMK^JWWXWMM»
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XXXlt
Membres correspondants
Jadart (Henri), secrétaire général do rAcadcmie de Reims.
Juillac (le vicomte de), ancien officier supérieur, secrétaire de
r Académie de Toulouse (Haute- Garonne).
Lory, bibliothécaire archiviste de la Commission archéologique de
la Côte-d'Or, à Dijon.
Werveke (Van), secrétaire de la section historique de Tlnstitut
Grand-Ducal, à Luxembourg.
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TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME
PAGES.
Les origines de la Baute-Lorraine et sa première maison
ducale {959'4053), par M. Robert Parisot (suite et fin) ... 5
Note sur la station funéraire de la Garenne, û Liverdun,
par M. A. Grenier 266
Alphonse de Rambervillers et le bailliage de Vie aux JFi* et
XV W siècles, par M. Emile Duvernoy 279
Le Tumulus du bois de Sainte-Marie, forêt de Bezange-la-
Grande {Meurthe-et-Moselle), ^ar M. le comte J. Beaupré. . 371
La plus ancienne description de la Lorraine, par M. ï^ul
Perdrizet 389
La véritable origine de Vévêque de Strasbourg Werner i«' et
de la comtesse Ita de Habsbourg, d'après M, Bermann Bloch
{Note servant de complément aux « Origines de la Haute-
Lorraine ))), par M. Robert Parisot 415
Liste des Sociétés savantes et établissements en rapport avec
la Société d'archéologie lorraine i à v
Liste des membres de la Société vi à xxxii
PLANCHES ET FIGURES
Tableaux généalogiques pour servir à l'histoire de la Haute-
Lorraine 238
Fac-similé du pseudo-original de l'échange conclu entre le
comte Rambaud et Saint-Martin de Metz 248
U Haute-Lorraine (Mosellane) de 959 à 1033 (carte) 260
Paire de bracelets brisés ; tombe villanovienne de Bologne . . 276
Vue ancienne de Vie 279
Signature d'Alphonse de Rambervillers, 1598 368
Signature d'Alphonse de Rambervillers, 1627 369
Armes de la famille de Rambervillers 370
Plan du tumulus du bois de Sainte-Marie 374
Poterie trouvée dans le tumulus 378
Objets trouvés dans le tumulus 386
Nancy. — A. Crépui-Leblond, imprimeur-éditeur, 2i, rue Sl-Dizier.
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•nu-
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TARIF
Des tirages à part pour MM. les membres de la Société
La feuille in-8", sur papier carré collé, 10 kil.,
tirée à 100 ex., sans nouvelle mise en pdges. 8 »
Avec nouvelle mise en pages 10 »
La même feuille tirée seulement à 50 ex '. . . . 6 »
La demi-feuille tirée à 100 ex. 5 50
Avec mise en pages nouvelle 6 50
La même, à 50 ex 5
Les couvertures imprimées sur papier raisin de
couleur, le 100 ^ 5 50
Les 50 couvertures 4 50
Le brochage d'une feuille tirée à 100 ex 1 50
— de 2 feuilles.. . 2 »
— de 3 feuilles. ..^ 2 50
— de 4 feuilles. : 3 »
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SOCIÉTÉ LrAHCnÈOLOGIti: LOBHAINE
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