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Full text of "Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts"

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MÉMOIRES  COURONNÉS 


ET 


AUTRES  MEMOIRES 


PUBLIES    PAU 


L ACADÉMIE  ROYALE 


DES  SriKNCES,   DES  LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS   HE  BEI.GIQrE. 


COI.I.i:CTIOi\'    IM-8».  —  TOME    XIKXII. 


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RUXELLES, 


F.    HAYEZ.    IMPRIMEUR    DE^   L  ACADÉMIE    ROYALE. 


Janvier  1  HHi 


MÉMOIRES  COURONNÉS 


AUTRES  MÉMOIRES. 


MÉMOIRES  COURONNÉS 


ET 


AUTRES  MEMOIRES 

PUBLIÉS    PAU 

l'académik  royale 

DES  SCIEKCES,   1)1  S  LETTRES  ET   DES  lîEAUX-ARTS  DE  UKLGiQUE. 
COLI.ECTIOPli   IN-S.  —  TOinE    X1K.3KII. 


BRUXELLES, 

F.    HAYEZ  ,    IMPRIMEUR    DE    LACADÉMIE    ROYALE. 

Janvier  1881.   ^ 


CI 


HISTOIRE 

DES 

CLASSES  RURALES  AUX  PAYS-BAS 

JUSQU'A  LA  FIN  DU  XVIII^  SIÈCLE; 

PAR 

M.  Victor  BRANTS, 

PROFESSEUR    A    l'uNIVERSITÉ    CATHOLIQUE    DE    LOUVAIN, 


DEVISE  : 

Libenter,  ardenter,  constanier . 


(Couronné  parla  Classe  des  lettres  dans  la  se'ance  du  10  mai  1880. 


Tome  XXXII. 


f^l 


c3; 


PKEFACE. 


La  Classe  des  lettres  de  l'Académie  royale  de  Belgique  a  rais  au 
concours  une  question  ainsi  conçue  :  Faire  l'histoire  des  classes 
rurales  en  Belgique  jusqu'à  la  fin  du  XV HP  siècle.  Étudier  leur 
manière  de  vivre,  et  déterminer  quelle  était  dans  les  campagnes 
la  constitution  de  la  famille  et  de  la  propriété. 

La  généralité  même  des  termes  de  la  question  nous  a  paru  un 
critère  de  la  vraie  pensée  qui  inspirait  la  Classe.  Ce  qu'elle  dési- 
rait, c'était  non  l'analyse  minutieuse  et  détaillée  de  tous  les 
faits  relatifs  à  notre  ancienne  vie  rurale ,  mais  un  travail  d'en- 
semble indiquant  à  grands  traits  la  marche  de  nos  progrès  dans 
cet  ordre  spécial  de  l'activité  nationale.  Les  pays  voisins  nous  ont 
donné  de  ce  genre  de  travail  des  exemples  mémorables.  Les 
œuvres  si  importantes  de  Langethal  et  d'Anton  pour  l'Allemagne, 
de  Doniol,  Dareste  de  la  Chavanne,  Leymarie,  Bonnemère  pour 
la  France,  sont  des  types  remarquables,  des  guides  sûrs  et  pré- 
cieux. 

Cependant,  il  était  impossible  de  faire  pour  la  Belgique  un  tra- 
vail semblable  au  leur.  D'importantes  et  nombreuses  monogra- 
phies, des  recherches  particulières  leur  permettaient  un  travail 
d'ensemble  que  l'état  actuel  des  sources  belges  rend  incommode 
et  difficile.  De  plus,  la  littérature  agricole  de  la  France  est  forte 
et  volumineuse.  Depuis  Jehan  de  Brie  jusqu'au  marquis  de  Tur- 


(4) 

billy,  nos  voisins  comptent  des  agronomes  de  haut  talent  et  de 
mérite  reconnu.  Nous  n'avons  ni  Charles  Estienne,  ni  Bellon,  ni 
Palissy.  ni  de  Serres.  Nous  n'avons  pas  de  livres  nous  rensei- 
gnant directement  sur  la  vie  de  nos  campagnes.  Nous  ne  pouvons 
donc  procéder  que  par  conjectures  et  inductions.  Cet  état  de  la 
science  est  éminemment  défavorable  à  la  composition  d'un  travail 
d'ensemble.  Il  faut  rechercher  les  détails  dans  des  œuvres  com- 
posées à  des  points  de  vue  tout  différents,  ou  recourir  aux  sources 
originales.  Hcureusemenlj  nous  sommes  dotés  d'une  quantité 
très-forte  de  documents  publiés.  Les  Bulletins  de  la  Commission 
royale  d'histoire,  les  publications  académiques,  celles  de  la  Société 
d'Émulation  de  Bruges  et  des  autres  sociétés  historiques  et 
archéologiques  du  pays  (Liège,  Mons ,  Waes,  Namur,  etc.),  les 
Analcclcs  pour  servir  à  l'hisloire  ecclésiastique  de  la  Belgique  et 
diverses  autres  collections  renferment  une  foule  de  pièces,  qui, 
jointes  aux  documents  anciennement  édités,  constituent  une  mine 
de  renseignements  inépuisable.  Enfin,  si  les  classes  agricoles  ont 
rarement  eu  le  privilège  d'attirer  l'attention  des  savants  auteurs 
dont  peut  se  glorifier  notre  pays,  il  n'y  en  a  pas  moins,  dans  leurs 
nomi)reiix  travaux,  bien  des  faits  intéressants  à  cueillir,  bien 
des  traits  curieux  à  glaner.  Les  histoires,  les  monographies  com- 
munales ont  à  cet  égard  une  importance  toute  spéciale.  La  Bel- 
gique ancienne  et  moderne  de  MM.  Tarlier  et  Wauters,  pour  le 
Brabant;  les  Communes  de  Flandre  de  MM.  J.  Broeckaert  et 
F.  De  Poltcr  pour  cette  dernière  province,  les  études  de  M.  l'abbé 
Daris  j)Ourle  pays  de  Liège  et  bien  d'autres  qu'on  retrouvera  dans 
les  notes  de  ce  travail,  sont  des  auxih'aircs  puissants  de  l'histo- 
rien des  classes  rurales. 

Cei)endant,  labsence  de  j)ublicolions  spéciales  antérieures  à  ce 
mémoire  nous  oblige,  dans  la  rédaction  des  notes,  à  recourir  à  un 


(3) 
système  que  réclame  toujours  un  travail  de  première  main.  Il  a 
fallu  reproduire  en  entier  la  plupart  des  textes  servant  de  base 
aux  arguments  du  corps  de  l'écrit.  Nous  avons  longuement  hésité 
à  hérisser  notre  travail  de  ces  citations,  nous  n'avons  pu,  tout  en 
réduisant  leur  chiffre  le  plus  possible,  les  supprimer  entièrement. 
N'ayant  aucun,  ou  presque  aucun  résultat  acquis  à  présenter  au 
lecteur,  nous  ne  pouvions  le  condamner  à  chercher  de  tous  côtés 
les  preuves  de  nos  assertions.  Nous  avons  donc  choisi  partout  le 
texte  renfermant  le  trait  décisif,  emportant  conviction,  nous  bor- 
nant à  indiquer  les  autres  et  nous  rapportant  pour  leur  contenu 
à  la  curiosité  du  lecteur  érudit. 

Nous  avons  cru  d'ailleurs,  nous  le  répétons,  répondre  à  l'inten- 
tion de  la  Classe,  en  ne  présentant  qu'une  vue  d'ensemble  sur 
notre  histoire  agricole,  ne  mettant  en  lumière,  dégagés  de  détails 
encombrants,  que  les  faits  propres  à  servir  de  base  ou  de  confir- 
mation à  des  théories  économiques  ou  sociales.  Ces  faits  seuls  sont 
dignes  de  l'attention  de  l'historien-philosophe  ;  il  néglige  les 
minima,  pour  saisir  le  fond  des  choses  et  leur  leçon  scientifique. 

Quant  au  plan  de  cette  étude,  deux  systèmes  distincts  se  pré- 
sentaient à  notre  choix.  Nous  pouvions  suivre  la  voie  historique 
reprenant  à  chaque  période  tous  les  points  de  la  vie  sociale  et 
économique.  Nous  pouvions  aussi  étudier  successivement  cette  vie 
sous  chacune  de  ses  faces  et  dans  toute  la  suite  des  siècles.  La 
conviction  que  ce  second  système  fait  saisir  plus  clairement  la 
filiation  des  situations  et  des  coutumes  diverses  relatives  aux 
points  multiples  de  notre  examen,  nous  l'a  fait  préférer  au  pre- 
mier. 

Cependant,  nous  avons  fait  une  exception  à  ce  système,  et  nous 
avons  étudié  séparément  la  partie  de  l'histoire  antérieure  au 
XI*  siècle,  sauf  pour  ce  que  j'appellerais  volontiers  la  partie 


(6) 
technique  de  ce  travail.  La  Belgique,  en  effet,  n'a  guère  eu  à  cette 
époque  d'institutions  distinctes,  de  développement  particulier. 
Nous  n'aurions  pu  ici  que  répéter  ou  réfuter  ce  qu'ont  dit  avant 
nous  tant  d'historiens  éminents.  La  première  alternative  était 
inutile;  la  seconde,  si  elle  n'est  présomptueuse,  nous  eût  au  moins 
entraîné  au  delà  du  cadre  d'un  sujet  spécial.  Nous  nous  sommes 
donc  décidé  à  ne  faire  que  les  résumer  très-sommairement  en 
quelques  pages.  Tout  en  présentant  à  l'Académie  un  aperçu  de 
notre  histoire  rurale  depuis  les  origines  jusqu'à  la  conquête  fran- 
çaise à  la  fin  du  XVIII*  siècle ,  nous  avons  naturellement  insisté 
davantage  sur  la  partie  la  plus  originale  de  cette  histoire,  la  moins 
connue,  mais  non  la  moins  digne  de  l'être. 


LV 


HISTOIRE 

DES 

CLASSES  RURALES  AUX  PAYS-RAS 

JUSQU'A  LA  FIN  DU  XVIIP  SIÈCLE. 
LIVRE   I. 

LES*CLASSES  RURALES  EN  BELGIQUE  DEPUIS  LES  ORIGINES 
JUSQU'A  L'ÉTABLISSEMENT  DE  LA  FÉODALITÉ. 

CHAPITRE  I". 
La  Belgique  aTant  e(  pendant  la  domination  romaine. 

L'intérêt  qui  s'attache  à  cette  période  de  notre  histoire  est 
plutôt  un  intérêt  d'archéologue  que  d'historien.  Ce  n'est  pas,  en 
effet,  dans  son  étude  qu'on  peut  trouver  les  principaux  facteurs  de  la 
future  civilisation  belgique.  Les  éléments  essentiels  de  cette  civili- 
sation, ceux  qui  Vin  formeront,  pour  employer  le  langage  philo- 
sophique, ne  se  trouvent  qu'à  la  seconde  période  de  notre  exis- 
tence nationale  :  ce  sont  l'élément  franc  et  l'élément  chrétien  ^ 
Cependant,  le  fond  de  population  sur  lequel  ils  vont  agir  ne 
laissera  pas  de  modifier  leur  influence.  Il  est  certain,  par  exemple, 
que  l'influence  des  West-Goths  en  Espagne  a  été  bien  différente 
de  ceUe  des  Saliens  dans  nos  provinces,  ou  du  moins  qu'à  cause 

*  Edmond  PouUet,  Histoire  politique  interne  de  la  Belgique,  p.  8. 


(8  ) 

de  la  diversité  de  la  civilisation  antérieure,  TEspagne  du  VI*  siècle 
est  toute  autre  que  la  Gaule  de  cette  même  époque. 

Il  importe  donc  de  décrire  à  grands  traits  l'état  de  nos  popula- 
tions au  moment  de  l'invasion  barbare  du  V*  siècle  et  de  réta- 
blissement des  royautés  franques. 

§  i.  Les  populations  primitives  et  l'élément  celtique. 

Sans  entrer  dans  la  grave  question  de  l'origine  des  diverses 
peuplades  qui  occupaient  notre  sol,  il  est  certain,  semble-t-il,  que 
toutes  n'avaient  pas  atteint  un  même  degré  de  civilisation.  L'atti- 
tude différente  qu'elles  prennent  vis-à-vis  du  conquérant  autorise 
cette  opinion.  Les  unes  s'éloignent  avec  soin  de  toute  relation  avec 
la  Province  romaine,  répudient  le  commerce  comme  nuisible  à 
la  virilité  des  caractères  par  le  luxe  qu'il  entraîne.  Les  autres 
accueillent  avec  faveur,  et  môme  avec  empressement,  les  envoyés 
de  César;  cette  conduite  fait  supposer  des  relations  antérieures 
avec  le  peuple  romain  *. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  conquérant  trouva  tous  les  Belges  très- 
éloignés  de  la  civilisation  romaine.  Chez  toutes  les  tribus  de  leur 
race  se  retrouvent  d'ailleurs  des  institutions  et  des  usages  presque 
identiques.  Le  régime  communautaire  de  la  propriété  est  claire- 
ment indiqué  par  César  ^  Ils  n'ont  pas, dit-il,  de  champs  séparés, 
ni  limités,  et  personne  ne  possède  en  propre  une  mesure  déter- 
minée de  terrain.  Chaque  année  le  magistrat  local  attribue  à 
chaque  famille  une  part  du  sol  cultivé,  que  l'année  suivante  elle 
doit  abandonner. 

Chaque  viens  a  son  administration  indépendante;  on  est  donc 
sous  le  régime  de  la  copropriété  de  village  qui  succède  à  celle 
de  la  tribu. 

*  Alph.  Waulers,  Les  libertés  communales,  p.  52. 

*  Bell.  galL,  VI,  22.  —  Dareste,  Histoire  des  classes  agricoles  en  France^ 
p.  14. —  Contra  Garsonnet,  Histoire  des  locations  perpétuelles,  p.  33.  Nous 
n'étendons  pas  à  toute  la  Gaule  le  système  de  la  communauté  de  village,  mais 
dans  nos  provinces  avoisinant  la  vallée  du  Rhin,  rinûuence  germanique  a  pu 
modifier  le  système  gaulois  delà  communauté  de  famille. 


(9) 

Nous  donnons  d'emblée  aux  textes  de  notre  historien  le  sens 
qui  précède;  inutile,  croyons-nous,  de  nous  arrêter  à  réfuter 
l'opinion  des  vieux  auteurs  (jui  condamnent  les  tribus  à  une 
migration  annuelle  *,  conception  bizarre  qui  organiserait  sur  un 
même  sol  une  sorte  de  chassé-croisé  perpétuel  des  diverses  peu- 
plades et  qui,  dailleurs,  est  contredite  par  toutes  les  analogies 
historiques. 

Nos  ancêtres  vivaient  donc  sous  le  régime  de  la  communauté 
de  village.  Inutile  d'insister  sur  la  raison  que  donne  César  de 
l'existence  de  celte  organisation.  L'auteur  des  lois  agraires  y  voit 
une  mesure  égalitaire.  Comme  le  firent  trop  souvent  les  auteurs 
romains,  il  assujettit  à  ses  idées  les  institiitions  des  peuples  qu'il 
décrit  2.  Les  anciens  Belges  vivaient  en  communauté  parce  que 
c'est  la  forme  primitive  naturelle  de  la  propriété  et  que  leur  état 
économique  n'en  comportait  pas  d'autre  ^. 

Quelle  était  dans  cette  période  l'économie  rurale  des  Belges? 

Ils  n'étaient  p!us  nomades,  mais  ils  étaient  pasteurs,  non  pas 
sans  doute  que  l'agriculture  leur  fîil  inconnue,  mais  le  bétail  libre 
constituait  la  grande  richesse  de  leur  nation  *, 

Plusieurs  historiens  font  produire  à  notre  sol  une  foule  de  fruits 
qui  firent,  d'après  eux,  les  délices  desRomains  et  que  ceux-ci  impor- 
tèrent en  Italie.  Ils  en  concluent  que  dès  lors  l'agriculture  était 
dans  un  état  assez  avancé  ^.  Nous  sommes  loin  de  contester  les 
respectables  témoignages  de  Pline  et  de  Strabon,  mais  nous  crai- 
gnons que  les  écrivains  belges  qui  les  invoquent,  ne  se  soient  ici 
laissé  entraîner  par  leur  patriotisme.  Pline  et  Strabon  parlent  de 
toute  la  Gaule  et  do  la  Gaule  de  leur  époque.  Cette  observation 
nous  engage  à  ne  pas  attribuer   aux  peuplades  belges  d'avant  la 

^  Du  Rondeau,  Mémoire  couronné  par  l'Académie  de  Bruxelles  Sur  la  civili- 
sation des  anciens  Belges,  p.  53.  1775. 

*  P.  Viollet,  Caractère  collectif  des  premières  propriétés  immobilières, 
/BiBLiOTH.  DK  l'École  des  Chartes,  f.  XX.\IIÏ,  pp.  -454  et  suiv.  1872. 

3  Ém.  de  Laveleye,  Des  formes  primitives  de  la  propriété.  1872. 

*  Dareste  de  la  Ghavanne,  Histoire  des  classes  agricoles  en  France,  p.  4. 

^  Eenens,  Mémoire  sur  la  fertilisation  des-^landes,  18-i9,  Coll.  des  Mém. 
COUR.  DE  l'Acad.  de  Brdx.,  t.  Il  de  la  série  in-8«.  Inlrod. 


(  10) 

conquête  tout  ce  que  ces  auteurs  nous  rapportent.  Nous  savons, 
d'ailleurs,  que  l'agriculture  n'était  pas  l'art  de  prédilection  de  nos 
pères  *.  Elle  était  probablement  restreinte  aux  environs  des  habita- 
tions, et  se  bornait  aux  besoins  alimentaires  des  habitants.  Que  cul- 
tivaient-ils? Il  est  difficile  de  le  préciser.  Probablement  produi- 
saient-ils les  fruits  qu'ils  exporteront  plus  tard,  mais  cela  d'une 
manière  très-extensive.  L'orge,  l'avoine,  l'épeautre,  peut-être  le 
seigle;  puis  aussi  des  panais,  des  oignons,  une  sorte  de  navets,  et, 
enfin,  des  fruits  ^.  Mais  il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  encore  une 
économie  rurale  régulière,  ni  à  coup  sûr  perfectionnée. 

11  est  un  autre  caractère  de  l'économie  rurale  des  anciens  Belges, 
qui,  quoique  mentionné  seulement  par  Strabon  et  Diodore  de 
Sicile,  doit  être  considéré  comme  prouvé  par  l'histoire  des  siècles 
suivants  et  par  les  vraisemblances  économiques.  C'est  la  quantité 
considérable  de  bétail  vivant  en  liberté  dans  les  forêts  et  les  pâtu- 
rages. Cette  assertion  est  probable  surtout  pour  nos  provinces 
couvertes  alors  d'épaisses  forêts  et  coupées  de  marais.  Chaque 
viens  avait  des  communs  ou  parcours  dont  personne,  sous  peine 
de  mort,  ne  pouvait  défricher  quelque  partie  ^. 

Les  habitations  des  Belges  étaient  aussi  simples  que  leurs  tra- 
vaux. Ce  sont  des  huttes  en  bois  ou  en  torchis  assez  semblables 
aux  cases  des  nègres.  Ils  y  mettaient  le  feu  quand  l'ennemi  appro- 
chait. Elles  n'étaient  généralement  pas  groupées  en  villages, 
mais  éparses  sur  le  territoire  du  vicies  d'après  les  avantages  de 
la  situation.  Cela  n'empêchait  pas  l'unité  communale  de  sub- 
sister *. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  de  l'organisation  sociale  des 
Celtes.  Quelque  intérêt  que  présente  au  point  de  vue  de  l'histoire 
générale  l'étude   du  clan,  son  importance  dans  les  institutions 

*  César,  loc.  cit.,  Agricullurœ  non  student. 

2  Dareste,  op.  cit.,  p.  9.  —  Eenens,  op.  cit.  Inlrod.  —  Schayes,  La  Belgique 
avant  et  pendant  la  domination  romaine,  t.  I,  p.  56  et  suiv. 

3  Schayes,  op.  cit.,  t.  I,  p.  62.  —  César,  B.  G.,  VI,  22. 

*  Tailiar,  Notice  sur  l'origine  et  la  formation  des  villages  du  nord  de  la 
France,  dans  les  Mém.  de  la  Société  d'agricultdre  de  Douai,  2e  série,  t.  VI, 
pp.  276  et  suiv. 


(H  ) 

belges  est  trop  minime  pour  pouvoir  nous  arrêter  ici  *.  Nous 
devons  signaler  cependant  la  condition  des  classes  populaires.  La 
plèbe  se  trouvait  dans  une  situation  intermédiaire  entre  la  liberté 
et  l'esclavage,  sorte  de  servage  assez  semblable  sans  doute  à  la 
clientèle  de  l'ancienne  Rome. 

§  2.  L'occupation  romaine. 

La  conquête  romaine  exerça  sur  l'état  social  que  nous  venons 
de  décrire  une  influence  incalculable.  Elle  mettait  les  peuples 
nouveaux  en  contact  avec  une  civilisation  arrivée  à  l'apogée  de  sa 
perfection,  et  qui  devait,  trois  siècles  durant,  conserver  sa  splen- 
deur économique  et  politique.  Ce  contact,  à  lui  seul,  eût  suffi  à 
romaniser  une  population  que  le  vainqueur  chercbait  à  s'assimiler 
plutôt  qu'à  détruire. 

En  effet,  l'ascendant  d'une  civilisation  policée  sur  les  peuples 
barbares  est  éminemment  absorbant  quand  elle  se  pose  en  bien- 
faitrice, non  en  ennemie  des  vaincus.  Or,  le  génie  conquérant  de 
Rome  était  tout  fait  pour  hâter  cette  absorption.  Rome  a  toujours 
cherché  à  absorber,  non  à  exterminer.  Pour  arriver  à  ce  résultat, 
elle  s'étudiait  d'une  part  à  multiplier  ses  relations  industrielles 
avec  les  provinces,  d'autre  part  elle  familiarisait  le  vaincu  avec  le 
conquérant  par  la  déduction  de  colonies  '^  Elle  respectait  d'ail- 
leurs les  mœurs,  les  institutions  et  la  religion  des  peuples  sou- 
mis. La  seule  chose  qu'elle  modifiât  complètement,  c'était  l'ad- 
ministration. Le  pays  conquis  était  aussitôt  réduit  en  province  et 
assujetti  à  un  système  uniforme,  administratif  et  financier  ^. 

Les  colonies  étaient  généralement  envoyées  dans  les  villes; 
c'étaient  des  occupations,  non  des  fondations.  Mais,  le  long  des 
routes  qui  les  reliaient,  de  riches  Romains  ou  des  soldats  récom- 
pensés s'installaient  à  la  campagne. 

*  Voir  entre  autres  :  de  Valroger,  Les  Celles,  leur  origine,  etc.  Paris,  1878. 

2  P.  Willems,  Le  droil  public  romain,  5«  éd.,  p.  575. 

^  A.  Waulers,  Lib.  comm.,  pp.  65  et  suiv.  —  Poullet,  Hist.  polit.,  citée,  p.  8. 
—  L.  Galesloot,  La  province  de  Brabant  sou»  f Empire  romain,  Revue 
HIST.  ET  ARCHÉoL. ,  t.  1,  p.  176,  Cl  de  iiombreux  articles  spéciaux. 


(  12) 

Ainsi  se  fixait,  dans  le  pays  conquis,  un  double  élément  :  l'un 
urbain,  le  monde  des  colons  et  des  fonctionnaires,  fond  stable  de 
l'occupation  romaine;  l'autre  rural,  libre  et  volontaire,  répandu 
dans  le  pays  et  y  faisant  circuler  partout  l'influence  italique.  Il  y 
avait  donc  tout  un  réseau  romain  dont  tous  les  points  se  soute- 
naient, mais  qui  finissait  par  devenir  inaperçu,  par  se  natura- 
liser. 

En  effet,  les  exemples  industriels  et  agricoles  des  immigrés 
excitaient  des  concurrences.  Les  Gaulois  fondaient  à  leur  exemple 
des  villœ  et  des  industries,  se  façonnaient  à  leur  manière  de 
vivre,  à  leur  architecture,  à  leur  langue,  en  un  mot  à  toute  leur 
tîivilisation  *. 

Cette  influence  générale  de  la  conquête  se  spécialisa  en  deux 
points  qui  intéressent  particulièrement  notre  sujet  :  l'agriculture 
et  la  condition  des  personnes. 

Les  immigrants  romains  importèrent,  en  Gaule  et  dans  nos 
provinces,  les  procédés  perfectionnés  delà  culture  italique  et  y 
développèrent  la  production  indigène.  Signalons  les  principaux 
résultats  de  leurvenue  au  point  devue  agricole.  D'abord,  les  débou- 
chés du  monde  romain  donnèrent  élan  et  profit  à  une  exploitation 
sérieuse  et  régulière  de  notre  sol,  en  même  temps  que  l'établisse- 
ment de  foyers  industriels  dans  les  villes  lui  ouvrait  sur  place 
un  marché  important.  Grâce  à  ces  causes,  on  y  adopta  avec  zèle 
les  procédés  agricoles  des  Romains,  notamment  l'assolement 
biennal  ou  vergilien  qui  se  substitua  sur  leurs  riches  terroirs  à  la 
culture  nomade  de  la  période  précédente  ^.  Cette  transformation 
agricole  eut  sur  le  régime  foncier  une  réaction  nécessaire.  La 
propriété  individuelle  se  consolida  et  la  forme  compliquée  de 
la  villa  romaine  se  substitua  aux  grossières  constructions  des 
indigènes. 

L'influence  romaine  fut  donc  considérable,  mais  l'Italie  elle- 
même  ne  fut  pas  sans  ressentir  le  contre-coup  de  la  conquête.  En 
effet,  Rome  n'avait  pas  soumis  toutes  nos  peuplades.  Plusieurs, 

*  E.  Levasseur,  Hist.  des  classes  ouvrières  avant  89,  t.  I,  p.  19. 
2  V.  Cancalon,  Histoire  de  l'agriculture  chez  les  Gaulois ,  tire  des  faits 
observés  des  conclusions  qui  nous  paraissent  inacceptables. 


(  13  ) 

restées  libres,  mais  alliées  du  peuple  romain,  avaient  subi  moins 
que  les  autres  l'influence  romaine;  elles  furent  cependant  en 
relation  avec  leur  terrible  ami,  et  développèrent  leur  industrie, 
mais  du  ne  manière  plus  originale.  C'est  ici  que  Pline  et  Strabon 
peuvent  nous  initier  à  leurs  procédés  nationaux.  Signalons  l'em- 
ploi de  la  marne,  les  semailles  de  printemps,  le  défoncement  pro- 
fond du  sol,  qui  sont  au  nombre  des  meilleurs.  En  un  mot,  si 
Rome  enrichit  la  Gaule  et  la  Belgique,  celles-ci  l'enrichirent  aussi 
de  produits  nouveaux  et  peut-être  même  de  procédés  jusqu'alors 
inconnus  en  Italie. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  indéniable  que  la  conquête  fut  pour 
nos  provinces  une  source  de  progrès  sérieux  qui  leur  fit  sauter 
plusieurs  degrés  de  la  marche  naturelle  des  progrès  de  l'opu- 
lence. 

L'influence  romaine,  favorable  au  point  de  vue  économique,  fut 
énergique  aussi,  mais  moins  heureuse  sur  l'état  social.  Basée  sur 
le  principe  de  la  communauté  de  famille,  la  société  gauloise  jouis- 
sait de  la  paix  sociale.  La  société  romaine,  au  contraire,  à  l'époque 
de  l'invasion  était  constituée  sur  un  tout  autre  type.  L'ancien 
clan  italique  avait  cédé  depuis  longtemps  devant  une  organi- 
sation plus  avancée,  mais  où  la  philosophie  païenne  avait  favorisé 
le  développement  graduel  de  l'esclavage. 

La  conquête  mettait  donc  en  présence  deux  états  sociaux  qui, 
partis  du  même  j)rincipe,  s'étaient  diversifiés  par  le  cours  des 
temps,  au  point  de  se  contredire  :  l'association  domestique,  l'es- 
clavage. 

Quelle  situation  allait  naître  de  leur  contact?  Cette  situation  sera 
complexe  :  la  fusion  des  institutions  fut  beaucoup  plus  lente  que 
celle  des  races.  Notamment  à  notre  point  de  vue,  l'œuvre  d'unifi- 
cation des  classes  rurales  inférieures  dura  jusqu'au  commence- 
ment de  la  période  féodale  sous  l'action  prépondérante  de  l'élé- 
ment germanique. 

La  population  agricole  ne  tarda  pas  à  se  diviser  en  trois  grandes 
catégories  de  personnes  :  les  hommes  libres ,  les  colons  ,  les 
esclaves. 

Les  esclaves  se  retrouvent  dans  toute  exploitation.   Aucune 


(  li  ) 

source  ne  nous  dit  si  leur  traitement  diffère  de  celui  des  esclaves 
romains.  Cela  est  peu  probable.  Les  renseignements  que  nous 
avons  sur  les  autres  provinces  ne  nous  autorisent  pas  à  le  con- 
jecturer. Tout  au  plus,  peut-être  le  souvenir  de  Tancienne  clien- 
tèle adoucissait-elle,  dans  les  villas  gauloises  de  type  romain,  la 
servitude  du  travailleur.  La  preuve  la  plus  certaine  d'ailleurs  de 
la  persistance  de  l'esclavage  absolu,  se  trouve  dans  la  longue  per- 
manence de  cette  institution  jusque  sous  la  période  féodale,  et 
dans  les  ventes  d'hommes  que  fit  faire  dans  nos  provinces  le  gou- 
vernement impérial. 

Cependant  l'esclavage  n'absorba  pas  tout  le  monde  des  travail- 
leurs. Il  se  forma  une  classe  intermédiaire  qui  s'appela  le  colonat. 
Nous  ne  reprendrons  pas  en  détail  la  grande  discussion  née  entre 
savants  sur  l'origine  de  cette  classe;  mais  nous  devons  expliquer 
en  quelques  mots  sa  naissance  *. 

Trois  systèmes  absolus  se  sont  formés  à  cet  égard.  Savigny  ne 
voit  dans  le  colonat  qu'un  adoucissement  de  l'esclavage;  Dareste 
le  fait  dériver  de  l'ancienne  clientèle  gauloise  ;  Wallon,  enfin,  en 
fait  une  création  administrative. 

Chacun  de  ces  trois  systèmes  a  du  vrai  :  nous  allons  en  rassem- 
bler les  éléments.  Si  dans  les  villas  de  type  romain  il  y  eut  un 
grand  nombre  d'esclaves ,  il  était  cependant  impossible  aux 
Romains  de  réduire  en  esclavage  toute  la  population  agricole. 
Cette  transformation  n'eût  pu  se  faire  que  par  la  violence  et 
celle-ci  n'était  pas  dans  le  caractère  de  Rome,  ou  par  l'action  du 
temps  sur  les  idées  indigènes.  Ce  dernier  moyen  eût  peut-être 
fini  par  triompher  des  idées  nationales,  si  la  situation  agricole  du 
monde  romain  n'eût  elle-même  poussé  à  l'émancipation  plutôt 
qu'à  l'oppression  des  travailleurs.  C'est  de  cet  ensemble  de  faits 
et  d'idées  que  naquit  le  colonat.  Le  recensement  des  Gaules,  sous 
Auguste,  contribua  peut-être  à  ce  mouvement,  en  considérant  les 
ouvriers  d'un  domaine  comme  attachés  à  son  sol.  Mais,  à  coup 

'  Sur  le  colonat  ont  paru  une  foule  d'études  remarquables  que  nous  ne 
pouvons  analyser  ici.  On  peut  en  trouver  l'analyse  et  la  critique  dans  Bernhard 
Heislerbergk,  Die  Enstehung  des  Colonats.  Leipzig,  1876,  et  Garsonnet, 
Hist.  des  locations  perpétuelles,  p.  158, 1879. 


(  13  ) 

sûr,  cette  mesure  n'eût  pas  suffi  à  créer  une  situation  juridique 
jusque-là  inconnue.  Ce  n'est  que  bien  plus  tard  que  les  lois  pré- 
cisèrent la  condition  des  colons,  qui  est  réglée  en  détail  dans  le 
Code  Théodosien,  mais  dont  plusieurs  lois  remontent  à  Con- 
stantin. 

La  condition  légale  du  colon  est  intermédiaire  entre  la  liberté 
et  Tesclavage.  C'est  une  sorte  de  servage  de  la  glèbe.  Le  colon 
est  libre  en  droit,  mais  il  n'est  pas  indépendant,  il  n'est  pas  sui 
jiiris,  son  status  est  incomplet.  Il  est  toujours  soumis  à  un 
patroniis  et  ne  peut  quitter  le  domaine  auquel  il  est  attaché,  mais 
il  a  les  droits  de  famille  et  de  propriété. 

Tel  que  le  colonat  existait  aux  premiers  siècles  de  la  conquête 
romaine,  on  ne  pouvait  y  voir  qu'un  progrès  sur  l'esclavage;  mais 
cette  situation  devint  aux  siècles  de  la  décadence  le  refuge  de  tous 
les  malheureux.  Ce  régime  n'était  pas  incompatible  avec  le  bon- 
heur social  et  la  paix  économique,  mais  l'administration  romaine 
de  l'Empire  allait  gâter  ce  qu'il  avait  de  bon  et  préparer  le  terrain 
à  l'invasion. 

La  Gaule  fut  atteinte  de  l'affaiblissement  général  qui  attaquait 
toute  la  constitution  impériale.  L'Empire  romain  succombait  à 
son  centre,  en  Italie,  au  mal  de  son  principe.  Les  mœurs  primi- 
tives avaient  quelque  temps  contre-balancé  son  action,  mais  la 
démoralisation  et  le  luxe  joints  au  despotisme  hâtèrent  la  ruine. 

Le  travail  méprisé  et  servile  ne  produisait  plus;  le  travail  libre 
avait  disparu.  La  populace  italique  devait  être  alimentée  par  ses 
greniers  :  les  provinces  *.  Un  tel  système  ne  pouvait  produire 
une  population  vigoureuse.  La  race  diminuait  et  s'affaiblissait  2. 
Rome,  l'Italie,  au  point  de  vue  de  la  défense  militaire  et  de  l'ali- 
mentation publique,  dépendaient  des  provinces.  Il  fallait  accabler 
celles-ci  d'impôts  et  de  levées.  La  guerre  et  la  fiscalité  sucèrent  le 
meilleur  de  la  fortune  et  du  sang  des  provinces,  les  dépeuplèrent, 
détruisirent  leur  agriculture  et  leur  industrie. 

'  Sur  la  situation  agricole  de  TEmpire  romain,  voir  le  curieux  travail  de 
P.  Allard,  Les  esclaves  chrétiens,  2^  édit  ,  p.  97.  —  Bureau  de  la  Malle,  Écon. 
polit,  des  Romains,  liv.  III,  ch.  XXL 

2  Comte  de  Champagny,  Les  Antonins,  2«  éd.,  t.  III,  pp.  261  et  suiv. 


(  J6  ) 

Les  ravages  de  la  guerre,  les  révoltes  locales,  l'insurrection  des 
Bagaudes,  les  luttes  des  empereurs  légionnaires  couvraient  la 
Gaule  de  sang  el  de  ruines.  Voyons  comme  l'orateur  Eumène 
peint  en  sombres  couleurs  l'aspect  des  campagnes  des  environs 
d'Autun  :  a  Les  champs,  dit-il  *,  dont  le  produit  ne  paye  pas  les 
frais  de  culture,  sont  nécessairement  abandonnés;  ils  le  sont  aussi 
à  cause  de  la  misère  des  cultivateurs.  Aussi,  tout  le  terrain  qui  a 
été  autrefois  habitable,  est-il  aujourd'hui  empesté  par  des  marais 
ou  hérissé  de  broussailles  ».  Constantin  pleura  à  la  vue  de  cette 
désolation  que  les  mesures  administratives  des  derniers  Césars 
de  Kome  avaient  essayé  vainement  de  conjurer. 

Si  la  guerre  ruinait  le  peuple,  l'impôt  ruinait  les  riches.  Faut-il 
reproduire  la  despotique  organisation  de  la  curie  municipale,  et 
les  cruautés  fiscales  de  l'administration  romaine-?  Ce  serait  nous 
écarter  de  notre  sujet.  Bornons-nous  à  en  signaler  les  consé- 
quences :  désertion  des  villes  par  les  décurions  et  partant  ruine 
de  l'industrie  urbaine;  abandon  des  campagnes  par  les  contri- 
buables et  par  conséquent  ruine  de  l'agriculture.  Si  l'on  se  défie 
des  récits  un  peu  déclamatoires  de  Lactance  et  de  Salvien,  on  ne 
récusera  pas  le  témoignage  des  lois  du  Bas-Empire  énumérant  les 
privilèges  du  fisc,  menaçant  ceux  qui  abandonnent  leurs  terres  et 
enfin  luttant  contre  les  patrocùiia  vicorum  ^.  11  est  important  de 
constater  ici  ce  mouvement  si  naturel  qui  porte  les  faibles  à  se 
réunir  sous  la  protection  des  forts.  C'est  le  principe  de  la  recom- 
mandation d'où  sortira  plus  tard  le  germe  de  la  féodalité,  qui 
donna  naissance  à  ces  premiers  patronages.  Les  petits  contri- 
buables, pour  échapper  à  l'impôt  foncier,  abandonnent  leurs 
biens  et  les  reprennent   en  jouissance  au  prix  de  leur  liberté. 


^  Gratiarum  actio,  eh.  VI,  VIL 

2  Pour  la  Gaule  :  Lehuërou,  Hist.  des  institutions  mérov.  el  carlov.,  t.  I, 
p.  120.  —  Wilbert,  Le  gouvernement  des  jJroviJices ,  Mém.  Soc.  Émulation  de 
Cambrai,  p.  97  etpassim,  1857.  —A.  Thierry,  La  Gaule  sous  l'administration 
romai7ie. 

5  Cod.  Tliéod.,  XI,  24.  Absliueant  palrociuiis  agricolœ,  —  Ut  qui  ruslicis 
palrocinia  prœbere  tempiaverit,  XV  lib.  auri  se  sciai  dispendium  pro  singu- 
lorum  fundorum  patrociuio,  subilurum.  Lebuerou,  op.  oit ,  p.  13G,  Analogies 
féodales. 


(47) 

C'était  le  colonat  qui  servait  de  base  à  ce  trafic,  caractéristique 
évidente  des  temps  de  misère  et  d'anarcliie  *. 

Ce  serait  exagérer  le  mal  de  la  situation  que  d'étendre  à 
toute  la  Belgique  les  faits  que  nous  venons  de  signaler.  La  misère 
des  provinces  gauloises  eut  sans  doute  sur  les  nôtres  une  fâcheuse 
influence.  Mais,  moins  soumises  à  Rome ,  elles  furent  aussi  moins 
maltraitées  par  elle.  Là  où  Rome  put  avoir  prise  sur  nos  ancêtres, 
ils  subirent  comme  tous  les  peuples,  les  effets  de  sa  domination. 
Mais  Rome  fut  toujours  loin  de  pouvoir  les  atteindre  tous  et 
d'être  à  même  de  s'établir  à  demeure  sur  le  territoire  entier  2. 
La  nature  du  sol,  marécageux,  boisé  ou  stérile,  fut  la  cause  prin- 
cipale de  cette  indépendance  relative.  Les  planteurs  romains 
n'étaient  guère  tentés  de  coloniser  dans  ces  régions.  L'occupation 
romaine  était  toute  militaire  :  il  y  avait  des  possessions,  il  n'y 
avait  pas  de  provinces.  Il  en  résulta  d'abord  que  les  institutions 
primitives  durèrent  là  plus  longtemps,  au  point  même  de  donner 
à  la  civilisation  de  certaines  contrées  une  tournure  toute  parti- 
culière. Il  en  résulta  aussi  que  ces  pleuplades  éprouvèrent  beau- 
coup moins  les  maux  de  l'Empire  :  Eumène,  dans  la  description 
que  nous  avons  reproduite,  en  limite  lui-même  l'exactitude  «  au 
coude  que  fait  la  route  de  Belgique,  »  et  s'écrie  ensuite  :  «  Que 
n'avons-nous  un  sol  fertile  comme  celui  des  Nerviens,  que 
n'avons-nous  leurs  infatigables  laboureurs  dont  les  travaux  sont 
amplement  récompensés  par  le  produit  de  leurs  champs  !  j>  Nous 
voyons  d'ailleurs  les  éclaireurs  de  Chlodion  faire  de  cette  contrée 
au  chef  franc,  un  brillant  éloge  ^. 

La  présence  des  Francs  aux  environs  du  pays  des  Nerviens 
nous  signale  une  troisième  conséquence  du  caractère  tout  super- 
ficiel de  l'occupation  romaine  dans  le  Nord.  C'est  la  colonisation 
germanique  de  cette  partie  de  notre  pays  ^  Ne  voulant  ou  ne 

*  Duc  de  Broglie,  VÉglise  et  Vempire  romain  au  IV"  siècle,  1^^  partie,  t. Il, 
p.  259,  i"=  éd. 

2  Poullet.  Hist.  polit.,  citée,  p.  12-13. 

^  Gesta  Francorum  per  Roriconem,  cité  par  Aug.  Tliierry.  Lettre  VI  sur 
Vhistoire  de  France. 

■*  Schayes,  op.  cit.,  t.  \,  p.  592  et  suiv. 

Tome  XXXII.  2 


(  18  ] 

pouvant  le  peupler  de  Romains,  les  empereurs  cherchèrent  à 
combler  par  des  populations  germaniques  les  vides  faits  par  la 
guerre  de  César.  Ces  colons,  sentinelles  avancées  des  Germains  en 
deçà  du  Rhin,  préparaient  la  voie  aux  migrations  futures.  Ils  for- 
maient la  population  liiiqiie ,  que  nous  verrons  reparaître  plus 
tard  :  elle  était  répandue  par  toute  la  Gaule ,  mais  ne  fut  nulle 
part  plus  agglomérée  que  sur  notre  territoire.  Lorsque  les  Francs 
Saliens  passèrent  le  Rhin,  au  IV'  siècle,  ils  trouvèrent  donc  des 
amis  et  des  alliés.  Depuis  quelque  temps  déjà,  les  tribus  avaient 
commencé  à  attaquer  les  confins  de  l'Empire;  les  mllas  brûlées 
sont  sans  doute  des  vestiges  de  leurs  exploits  *.  L'armée  d'occu- 
pation elle-même,  composée  de  mercenaires,  souvent  germains, 
pactisait  avec  ses  compatriotes.  L'Empire  succombait;  il  perdit 
d'abord  nos  provinces  du  Nord,  qui  ne  gardèrent  presque  aucune 
trace  du  passage  des  Romains. 


CHAPITRE  II 
Le    monde    franc. 

Déterminées  parla  pauvreté  du  sol  national,  l'augmentation  de 
la  population  des  tribus,  les  menaces  de  voisins  puissants  et 
remuants ,  attirées  d'ailleurs  par  la  richesse  des  provinces 
romaines  et  la  présence  de  nombreux  groupes  germains,  les  peu- 
plades de  cette  race  se  portèrent  au  commencement  du  V^  siècle, 
par  un  vaste  mouvement  de  migration,  vers  le  midi  et  l'occident 
de  l'Europe.  Nombreux  et  vainqueurs,  ils  devaient  se  faire  une 
place  dans  l'Empire,  y  assurer  leur  subsistance  et  leur  domina- 
lion.  L'invasion  devait  donc  nécessairement  créer  un  état  social 
nouveau,  et  établir  entre  le  conquérant  et  le  vaincu,  certaines 
relations  réelles  et  personnelles.  Comment  s'établirent  ces  rap- 
ports qui  devaient  préparer  l'avènement  d'une  civilisation  nou- 

1  J.  Habels,  Découvertes  d'antiquités  dans  le  duché  de  Limbourg ,  l.  I, 
p.  203  et  beaucoup  d'autres. 


(  19  ) 

velle?Nous  ne  pouvons  dire  qu'un  mot  de  l'action  des  Barbares 
sur  les  habitants  du  pays  conquis  et  sur  leurs  propriétés  *. 
Dans  l'ordre  foncier,  les  immigrants  appliquèrent  dans  leur  mode 
d'établissement  les  systèmes  les  plus  divers.  Les  Burgondes  et  les 
Wisigoths  recoururent  à  un  partage  partiel  des  propriétés  2,  les 
Lombards  à  une  espèce  de  location  forcée,  dite  hospitalitas  ^,  les 
Vandales  à  une  dépossession  complète;  tous,  en  un  mot,  à  une 
expropriation  totale  ou  partielle.  Les  Francs  seuls  semblent  s'être 
contentés  des  grands  domaines  du  fisc  impérial;  cette  race  ne  dé- 
pouilla pas  dans  son  immigration  générale  les  propriétaires  gallo- 
romains'^.  Mais  si,  dans  le  centre  de  la  Gaule,  les  Francs  respec- 
tèrent le  droit  établi,  il  en  fut  autrement  des  provinces  extrêmes 
du  Nord,  notamment  le  Brabant  et  la  Toxandrie.  Là  ils  avaient 
pénétré  par  des  conquêtes  partielles,  c'étaient  des  assauts  à  la 
frontière  romaine;  ils  traitèrent  donc  le  pays  en  pays  conquis,  le 
sol  en  butin  et  se  l'approprièrent  complètement.  D'ailleurs  maîtres 
depuis  longtemps  de  la  lisière  extrême,  ils  l'avaient  façonnée  à 
leurs  mœurs  et  à  leur  constitution  sociale  ^.  Il  n'y  eut  donc  au 
point  de  vue  territorial  aucune  confiscation  générale  des  terres 
dans  nos  provinces,  sauf  à  l'extrémité  septentrionale. 

Quant  aux  relations  personnelles,  la  situation  ne  fut  pas  non 
plus  brusquement  changée.  Les  Francs  n'asservirent  pas  les 
Gallo-Roraains  plus  qu'ils  ne  les  dépouillèrent.  Comme  ils  res- 
tèrent propriétaires,  les  vaincus  restèrent  libres.  Il  semble  même 
qu'il  y  eût  entre  germains  et  gallo-romains  une  sorte  d'égalité. 
Il  se  peut  sans  doute  que  dans  les  premiers  temps  beaucoup  de 
ces  derniers  aient  été  tués  et  spoliés,  mais  la  race  vaincue  ne  fut 
certainement  pas  asservie.  La  situation  sociale  des  Gallo-Romains, 
l'influence  qu'ils  exercèrent  dans  l'entourage   des   rois   francs 

1  G.  Prévost,  Les  invasions  barbares  en  Gaula  au  V^  siècle,  Revue  des 
QDESï,  HisT.,  p.  151,  juillet,  1879. 

^  J.  Havet,  Du  partage  des  terres  entre  les  Romains  et  les  Barbares  chez 
les  Burgondes  et  les  Wisigoths,  Revue  historiq  ,  l''^  partie,  p.  88, 1878. 

3  E.  Garsonnet,  Hist.  des  locations  'perpétuelles,  pp.  188  et  suiv. 

*  Waitz,  Deutsche  Yerfassungsgesch.,  t.  II,  pp.  29-30. 

°  Eichorn,  Deutsche  staats  u.  Rechtsgesch.,  t.  I,  p.  187. 


(  20  ) 

prouvent  assez  qu'ils  avaient  conservé  leur  fortune  et  même  leur 
considération. 

Cependant  ils  n'étaient  pas  absolument,  au  point  de  vue  civil  et 
politique,  traités  en  égaux  des  vainqueurs.  Le  tarif  de  leur 
wehrgeld  était  inférieur  à  celui  des  Francs;  et  ils  payaient 
au  fisc  royal  le  census  ou  impôt  foncier,  dont  ceux-ci  étaient 
exempts  *. 

Tels  furent  les  premiers  faits  de  la  conquête  dans  notre  pays; 
en  définitive,  l'ordre  des  relations  personnelles  et  réelles  en  fut 
assez  peu  affecté.  Mais  s'il  n'y  eut  pas  de  changement  consi- 
dérable dans  la  condition  privée  des  populations ,  l'immigration 
modifia  le  caractère  général  de  la  civilisation  gauloise.  L'arrivée 
des  Francs  en  Gaule  présentait  en  effet  un  phénomène  assez 
curieux  :  l'occupation  par  une  race  simple  d'un  territoire  dont 
les  habitants  étaient  parvenus  à  un  haut  degré  de  complication 
sociale  2. 

La  civilisation  romaine  était  industrielle  et  urbaine;  la  société 
germanique  était  patriarcale  et  agricole.  L'invasion  eut  donc  pour 
effet  général  de  rendre  la  vie  aux  campagnes,  et  d'y  constituer 
l'élément  prépondérant  de  la  société  nouvelle.  La  conquête  res- 
taura donc  l'ordre  rural,  qui  allait  rester  pendant  des  siècles  la 
base  de  toute  l'économie  sociale  ^.  Mais  le  mélange  de  deux 
sociétés  si  différentes  ne  pouvait  pas  se  traduire  par  la  supériorité 
absolue  de  l'un  de  ses  éléments,  fût-il  l'élément  conquérant,  sur- 
tout que  c'était  celui-ci  qui  se  trouvait  encore  à  l'état  de  simplicité 
primitive.  Le  phénomène  de  la  conquête  se  renouvelait  en  sens 
inverse  de  la  conquête  romaine.  Nous  allons,  dans  les  pages 
suivantes,  étudier  sommairement  le  nouvel  état  social  qu'il  va 
produire. 

^  Vuilry,  Régime  financier  de  la  France,  pp.  18  et  suiv.,  a  résumé  les  divers 
systèmes  sur  Toccupation.  ' 

2  Voir  la  caractéristique  des  races  simples  et  compliquées  dans  F.  Le  Play, 
Les  ouvriers  européens,  2'  éd.,  t.  I,  pp.  159  et  suiv. 

5  Réflexions  sur  ce  fait  :  C'^  de  Montalembert,  Les  moines  d'Occident,  t.  II, 
])  268,  4*^  éd.  Cf.  Guizot,  Hist.  de  la  civilisation  en  Europe,  2"^  leçon. 


(  21   ) 


SECTKiN  I.  —  Les  classes  sociales. 

La  nation  germanique  se  composait  d'une  triple  catégorie  de 
personnes  :  les  hommes  libres,  les  nobles  et  les  inférieurs  *.  Cette 
division  primitive  ne  fut  pas  modifiée  par  les  migrations  ^. 

Les  hommes  libres  formaient  le  corps  de  la  nation.  C'étaient 
tous  ceux  qui  descendaient  de  parents  libres.  Ils  avaient  le  droit 
de  porter  les  armes  et  d'assister  aux  conseils  de  la  nation.  La 
qualité  d'ingénu  était  personnelle,  mais,  dci)uis  la  fixation  des 
tribus,  la  propriété  était  une  condition  presque  indispensable  de 
l'exercice  de  ses  droits.  L'homme  libre  avait  comme  tel  la  pléni- 
tude delà  jouissance  des  droits  politiques;  mais  la  propriété  seule 
lui  en  assurait,  en  qualité  de  rachimbourg,  l'exercice  effectif^. 
L'homme  libre  petit  propriétaire,  roi  chez  lui,  fier  de  son  indé- 
pendance, devint  de  bonne  heure  assez  rare  dans  les  campagnes. 
La  liberté  complète  ne  se  retrouvait  guère  que  dans  la  noblesse. 
La  partie  la  moins  riche  de  la  catégorie  des  hommes  libres  tendait 
à  se  confondre  dans  les  classes  inférieures. 

La  noblesse  ne  constituait  pas  une  caste.  Les  nobles  germains 
n'étaient  que  les  premiers  entre  les  liberi.  Tant  que  la  tribu  fut 
nomade,  l'autorité  politique  et  sociale  se  confondit  dans  son  sein. 
La  vertu  seule  faisait  l'autorité,  l'autorité  faisait  la  noblesse  *.  La 
trustis  regia^  le  choix  d'un  homme  en  qualité  de  compagnon, 
fidèle  du  roi ,  le  faisait  noble  ^.  Les  familles  qui  comptaient  un 
certain  nombre  de  leurs  membres  dans  la  trustis  formaient  la 
noblesse.  Mais  dans  une  société  sédentaire  et  agricole,  les  offices 

*  «  Erat  gens  ipsa  iripartita  :  sunt  denique  qui  eorum  linguà  edelingi,  sunt 
qui  frelingi,  sunt  qui  lassi  dicuntur.  »  —  Hucbald,  Vita  S'  Lebuini ,  Pertz 
Script,  II,  p.  561. 

2  H.  Zoepfl,  Deutsche  Rechtsgesch.,  t.  II,  p.  32. 

3  F.  Walter,  Deutsche  Rechsgesch.,  t.  II,  n»»  434,  455. 

*  «  Reges  ex  nobililate,  duces  el  virtute  sumunt.  »  —  Tacite,  Germania, 
cap.  7. 

^  Les  fonctions  ministérielles  et  administratives  continuèrent  sous  le 
régime  franc  à  être  sources  de  la  noblesse.  —  G.  Waitz,  Deutsche  Verfas- 
sungsgesch.,  2^  éd.,  t.  II ,  p.  289. 


(22) 

publics  ne  peuvent  plus  être  l'unique  source  de  la  noblesse.  La 
possession  du  sol  confère  à  ses  titulaires  une  influence  qui  en  fait 
l'aristocratie  naturelle.  Aussi,  à  côté  des  antriistions,\es  proprié- 
taires de  latifundia,  les  magnais  formèrent-ils  une  puissance 
sociale.  Les  rois  comprirent  bientôt  que  cette  noblesse  nouvelle 
allait  supplanter  l'ancienne  en  influence  et  en  autorité.  Ils  recou- 
rurent au  système  bénéficiaire  qui,  en  donnant  aux  fidèles  la 
haute  situation  foncière,  leur  assurait  leur  rang  et  leur  impor- 
tance dans  l'État  *. 

Mais  entre  les  magnats  et  les  bénéficiaires,  il  existait  de  nom- 
breuses et  importantes  différences  que  le  temps  et  les  circon- 
stances devaient  faire  insensiblement  disparaître,  pour  confondre 
ces  deux  catégories  dans  la  classe  unique  des  seigneurs  féo- 
daux 2. 

Al  l'autre  extrémité  de  l'échelle  des  hommes  libres,  se  trou- 
vaient les  scmi-libcri  :  la  catégorie  nombreuse  des  liti,  des 
aldiones,  des  coloni.  On  a  longuement  discuté  les  différences  qui 
caractérisaient  ces  trois  classes  de  la  population.  Il  semble  admis, 
bien  qu'encore  douteux,  que  lites  et  aidions  sont  une  seule  classe 
sous  deux  noms  divers  ^.  Qu'en  est-il  de  la  différence  entre  les 
colons  et  les  lites?  Ici  encore  la  distinction  est  subtile;  les  uns  ne 
voient  entre  ces  deux  classes  qu'une  simple  différence  originaire 
de  nationalité  *;  d'autres  cherchent  à  découvrir  dans  les  textes 
une  différence  juridique  de  status.  D'après  ces  derniers  ^,  le  lien 
du  colon  serait  essentiellement  agricole  et  foncier;  celui  du  lite 
serait  un  engagement  personnel.  Cette  circonstance  le  mettrait 
évidemment  dans  une  condition  inférieure  au  colon.  Quoi  qu'il 

'  H,  Zoepfl,  op.  cit.,  t.  II ,  §  9,  pp.  35  et  suiv.,  expose  longuement  ce  mouve- 
ment curieux. 

»  Voir  plus  bas  section  III. 

5  Walter,  op.  cit.,  n»  419.  —  Waitz,op.  cit.,  p.  184.  Cependant  il  se  pourrait 
fort  bien  que  Ton  finisse  par  y  découvrir  des  différences.  —  Waller,  op.  cit., 
n">  415.  —  Guérard,  Proleg.  au  polypt.  d'h^minon,  §  140. 

*  E.  Garsonnet,  Hisl.  des  locations  perpétuelles,  p.  290,  —  Eichoren, 
Deutsche  Staats  u.  Bechtsgesch.^  §  49. 

5  Guérard,  op.  cit.,  §  141. 


(23) 

en  soit  de  cette  différence  fort  probablement  disparue  au 
IX'  siècle,  il  est  toujours  certain  que  le  colon  était,  pendant  la 
période  franque,  le  grand  ouvrier  agricole.  Sa  condition  était  fort 
supérieure  à  celle  du  serf;  c'était  un  tributaire  '.  De  même  qu'il 
jouissait  de  la  liberté,  mais  d'une  liberté  imparfaite,  de  même  il 
avait  la  jouissance  du  droit  de  propriété,  mais  d'un  droit  restreint 
et  conditionnel.  Le  caractère  foncier  des  colons  était  pour  eux  une 
grande  garantie,  une  source  de  prospérité  et  de  liberté.  Cepen- 
dant ils  n'étaient  pas  libres;  c'était  surtout  par  une  longue  série 
d'obligations  en  redevances  et  en  travail  qu'ils  se  trouvaient 
entravés;  et  l'affrancbissement  seul,  ou  la  prescription  pouvait  en 
principe  les  émanciper  2. 

Le  colonat  franc,  transformation  du  colonat  impérial,  n'était 
pas  une  condition  servile;  il  avait  au-dessous  de  lui  la  vaste  caté- 
gorie des  serfs,  étrangers  à  toute  loi  de  la  société  politique.  Les 
colons  et  les  serfs  répondaient  à  une  double  nécessité  écono- 
mique. Le  colon  était  en  définilive  un  petit  tenancier,  exploitant 
partie  pour  son  compte,  partie  pour  celui  de  son  patron.  Le 
colon  était  un  tenancier  jouissant  de  toute  la  liberté  que  pouvait 
comporter  l'état  économique,  et  n'ayant  sans  doute  dans  son 
manse  qu'un  bien  petit  degré  d'indépendance.  Maître  des  fruits 
ou  du  moins  d'une  partie  des  fruits  de  sa  tenure,  il  n'était  sans 
doute  que  surveillant  intéressé  des  travaux  dont  l'ordre  et  la 
nature  lui  étaient  prescrits  par  le  propriétaire.  Le  serf,  au 
contraire,  était  l'homme  de  la  main-d'œuvre;  c'était  l'ouvrier, 
le  domestique  rural  dans  la  pleine  acception  du  mot,  sans  ini- 
tiative ni  responsabilité.  Au  point  de  vue  économique,  le  serf 
du  monde  franc  fait  encore  partie  du  cheptel  ^.  Mais  il  a  comme 
travailleur  une  importance  indéniable.  Était-il  uniquement  valet 
de  ferme?  Sa  condition  n'était-elle  en  rien  supérieure  à  celle 
de  l'esclave  romain?  L'esclavage  germanique  fut  toujours  plus 
doux  que  celui  de  l'Italie.  Les  esclaves  germains  de  Tacite  sont 


^  Waitz,  op.  cit.,  pp.  185  et  suiv. 

^  Sur  le  colonat  :  Guérard,  op.  cit.,  pp.  116  et  suiv. 

3  Waitz,  op.  cit.,  p.  167.  —  Walter,  op.  cit.,  §12. 


(24) 

des  sortes  de  colons;  mais  après  l'immigration,  l'esclavage  ro- 
main qui  régnait  en  Gaule  eut  sans  doute  son  influence  sur 
l'état  social.  Les  Francs  occupant  le  sol  et  devenant  propriétaires 
comprirent  l'utilité  d'une  domesticité  rurale  qui  était  peu  connue 
en  Germanie.  Il  est  donc  probable  que  la  servitude  complète  et 
personnelle  exista  après  l'invasion  sur  les  domaines  des  proprié- 
taires francs.  Il  y  eut  donc  des  sei'vi  proprement  dits,  soumis  à 
tous  les  caprices  de  leur  maître. 

Mais,  de  bonne  heure,  on  voit  des  serfs  dotés  de  quelque  terre, 
soit  d'une  tenure  véritable  (mansuarii),  soit  simplement  d'une 
habitation,  pour  laquelle  ils  étaient  soumis  à  des  redevances  et  à 
des  corvées  (casati).  A  quoi  attribuer  la  naissance  de  cette  caté- 
gorie de  serfs  agricoles?  Soit  à  l'habitude  ancienne  des  Germains, 
soit  plutôt  à  l'insuffisance  de  la  classe  des  colons.  A  défaut  de 
colons,  on  met  des  serfs  dans  les  tenures  '  et  ce  pas  est  le  pre- 
mier que  fait  le  serf  vers  la  liberté.  Un  nom  commun  désigne 
dans  les  sources  le  colon  et  le  serf  agricole. 

Le  serf  est  étranger  au  droit  public  :  il  ne  fait  point  partie  de 
la  société  politique.  Il  n'y  touche  que  comme  dépendance  de  son 
patron.  Le  wehrgeld,  ce  tarif  social  des  conditions  du  monde 
franc,  ne  lui  appartient  pas;  c'est  son  maître  qui  en  bénéficie;  il 
n'a  donc  pas  de  droits.  Si  parfois  les  lois  s'occupent  de  lui,  c'est 
moins  pour  déterminer  ses  droits  à  lui,  que  pour  établir,  dans  l'in- 
térêt de  la  société  et  des  tiers,  la  valeur  des  actes  qu'il  pose.  Il  n'a 
donc  d'autre  loi  que  la  volonté  de  son  maître.  Mais  généralement, 
sur  un  même  domaine,  les  habitudes  se  fixaient,  créaient  une 
sorte  d'usage  ou  de  droit  domanial.  C'était  là  le  critère  des 
variétés  infinies  de  sa  condition  2. 

Telles  sont  donc  les  diverses  catégories  de  personnes  que  nous 
trouvons  sur  le  sol  national  au  lendemain  de  la  conquête. 

Cette  situation  ne  tarda  pas  à  se  modifier  sous  l'action  de 
diverses  causes  d'ordre  économique  et  social. 

*  Arg.  Guérard,  p.  281. 

*  Walter,  op.  cit.,  n»  587,  et  les  autres  sources  citées.  —  Guérard  a  analysé 
louguement  la  condition  des  serfs  et  leurs  variétés. 


{  25  ) 

Au  premier  rang  des  phénomènes  importants  que  nous  avons 
a  signaler,  se  trouve  l'extension  rapide  et  générale  de  la  recom- 
mandation {vassialicum)  '.  La  recommandation  est  l'acte  par 
lequel  une  personne  se  met  sous  la  protection  spéciale  du  Roi,  de 
l'Église  ou  d'un  laïque  ;  c'est  là  un  terme  générique  pour  dési- 
gner des  actes  bien  divers.  Certains  grands  propriétaires  entrèrent 
volontairement  dans  la  trustis  regia  2;  mais  ce  mode  de  recom- 
mandation était  rare;  les  magnats  préféraient  la  libre  position  de 
leur  puissance  allodiale.  Dans  les  classes  inférieures  au  contraire, 
ce  mouvement  fut  très-vif  et  très-actif.  Les  petits  propriétaires, 
incapables  de  tirer  parti  par  eux-mêmes  de  leur  sol  et  de  se  pro- 
téger militairement  au  milieu  des  guerres  de  l'époque,  cherchaient 
aide  et  protection  chez  quelque  voisin  puissant ,  se  recomman- 
daient à  lui.  Le  commendatîis  se  remettait  corps  et  biens  à  la 
merci  de  son  seigneur,  si  ce  qu'il  lui  apportait  était  peu  considé- 
rable; sinon,  il  stipulait  qu'il  aurait,  au  moins  sa  vie  durant  et 
parfois  héréditairement,  la  jouissance  de  ses  terres,  moyennant 
redevance.  Les  premiers  devenaient  serfs,  les  seconds  colons.  II  y 
avait  là  un  contrat  véritable,  obligeant  chaque  partie  à  certains 
devoirs.  L'abandon  des  biens  qui  se  faisait  par  la  commendatîo 
avait  pour  condition  l'obligation  pour  le  propriétaire  de  nourrir  et 
de  loger  ses  serfs,  de  protéger  ses  tenanciers.  Ce  mouvement  social 
eut  pour  conséquence  d'abaisser  la  condition  des  hommes  libres. 
Les  petits  propriétaires  n'étaient  guère  à  leur  place  dans  le  monde 
économique  du  VII^  et  du  VIII^  siècle.  Ils  devinrent  donc  tout 
naturellement  tenanciers.  Il  était  assez  rare  que  des  stipulations 
formelles  accompagnassent  la  commendatîo  j  le  contrat,  dès  lors, 
était  tacite,  et  se  réduisait  à  l'obligation  d'entretenir  et  de  pro- 
léger le  paysan. 

En  même  temps  la  condition  des  serfs  s'était  peu  à  peu  amé- 
liorée. Sous  l'influence  de  l'Eglise,  les  traitements  qu'on  employait 
à  leur  égard  s'étaient  adoucis;  et  ils  prenaient  rang  parmi  les 
personnes,  sinon  encore  en  droit,  du  moins  dans  l'opinion  et  la 

^  Zoepfl,  op.  cit.,  t.  II,  p.  69.  —  Garsonnet,  op.  cit.,  p.  210. 

*  Laboulaye,  Hist.  du  droit  de  propriété  foncière  en  Occident,  p.  320. 


(26  ) 

pratique;  aussi,  dans  la  réalité,  les  maîtres  avaient-ils  vis-à-vis 
d'eux  les  obligations  d'entretien,  et  ne  jouissaient  plus  des  droits 
abusifs  de  l'esclavage  primitif  K 

De  ces  circonstances  résulta  une  sorte  d'unification  dans  la 
condition  des  classes  inférieures.  Les  serfs  étaient  investis  d'une 
casa,  parfois  d'un  manse ;  et  les  obligations  qu'on  exigeait  d'eux 
s'étaient  en  fait  fort  tempérées.  Les  colons  et  les  lites,  cultivateurs 
soumis  à  des  obligations  assez  lourdes,  n'avaient  pas  vu  améliorer 
leur  situation  qui  n'avait  d'ailleurs  rien  d'immoral,  et  étaient  liés  à 
leur  exploitation.  Enfin  les  commendati  furent  tous  reçus  soit  en 
casaj  soit  en  manse.  De  sorte  que  les  trois  catégories  primitives  des 
hommes  libres,  des  colons,  des  serfs  tendirent  à  s'unifier  et  à 
former  la  vaste  classe  des  serfs  de  la  glèbe  où  domine  le  principe 
de  l'ancien  colonat  ^.  Tel  est  le  mouvement  général  qui,  en  mo- 
difiant le  régime  foncier,  changea  aussi  la  répartition  des  classes 
sociales. 

L'étude  du  caractère  de  ces  classes  nous  occupera  plus  loin; 
nous  y  trouverons  encore  une  multitude  de  différences  :  mais  ces 
différences  seront  plutôt  le  fait  des  tenures  et  de  leurs  services 
que  de  la  condition  originaire  du  tenancier.  Dès  le  iX*  siècle, 
cette  importante  remarque  trouvait  sa  vérification.  La  division 
des  manses  en  ingénuiles,  lidiles  et  serviles  correspondait  aux 
services  dont  ils  étaient  grevés,  peut-être  à  la  qualité  de  leur 
premier  occupant,  mais  était  indépendante  de  la  condition  de 
leur  détenteur  actuel  ^. 

Le  nombre  des  hommes  libres  alla  toujours  en  augmentant  ou 
en  diminuant,  selon  l'idée  qu'on  attache  à  ce  nom,  dit  Guérard  *; 
si  l'on  entend  par  liberté  l'état  des  personnes  qui  n'étaient  ni  des 
vassaux,  ni  des  colons,  ni  des  serfs,  les  hommes  libres  qui,  dans 
ce  cas,  ne  sont  autres  que  les  hommes  indépendants  furent  tou- 

*  Voir  plus  loin  :  Guérard,  op.  el  loc.  cit.—  Pour  la  Belgique  en  particulier  : 
J.  Heylen ,  Eistorische  verandeling  over  de  slaverny,  dans  les  Verandelingen 

OVER  DE  KemPEN,  p.  56. 

2  Wailz,  op.  cit.,  p.  171.  —  Leymarie,  Hist.  des  paysans,  1. 1,  p.  169. 
5  Waitz,  op.  cit.,  p.  189.  —  Guérard,  op.  cit.,  §  316. 

*  Op.  cit.,  p.  498. 


(27  ) 

jours  de  moins  en  moins  nombreux  et  finirent  par  disparaître  à 
peu  près  entièrement  au  X^  siècle.  Alors  presque  tout  le  monde 
était  l'homme  de  quelqu'un.  Mais  si  l'on  entend  par  hommes 
libres  tous  ceux  qui  n'étaient  pas  serfs  ,  la  classe  des  hommes 
libres  grossit  continuellement  sous  la  protection  de  la  religion 
chrétienne. 

Les  hommes  libres  qui  se  recommandaient,  tombaient  en  fait 
sous  l'influence  du  régime  local  de  la  terre  dont  ils  choisissaient 
le  mundium.  C'est  ainsi  que  se  généralisa  le  régime  coutumier, 
qui  allait  devenir  la  source  d'un  droit  privé  nouveau  *. 


SECTION  II.  —  Le  régime  foncier. 


§  \.  Répartition  du  sol. 

La  conquête  avait  fondé  d'une  manière  définitive  le  régime  de 
la  propriété  privative  et  de  ses  inégalités.  Un  grand  nombre  de 
germains  avaient  reçu  un  territoire  propre,  qui,  en  souvenir  de 
l'ancienne  propriété,  avait  pris  le  nom  àWlos.  C'était  le  proprium, 
la  terre  patrimoniale,  portant  chez  les  Francs  saliens  le  nom  spé- 
cial de  terre  salique.  Ces  alleux  étaient  tantôt  de  vastes  terrains 
incultes,  tantôt  de  fertiles  lopins  de  terres,  parfois  de  riches 
domaines.  Rien  de  fixe  dans  cette  répartition  à  laquelle  les  hasards 
de  l'occupation  ou  du  mérite  militaire  avaient  présidé  2.  Sans 
doute  la  propriété  était  née  probablement  dans  les  tribus  germa- 
niques avant  les  migrations  ^;  les  lois  barbares  distinguent  par- 


<  Nous  n'avons  pas  insisté  sur  l'action  du  christianisme  au  point  de  vue  des 
transformations  sociales  de  cette  période.  Nous  n'avons  voulu  qu'indiquer  ces 
transformations  elles-mêmes  dans  leur  marche  progressive.  L'élément  chrétien 
eut  une  influence  capitale  sur  ce  mouvement,  surtout  au  point  de  vue  de  l'uni- 
fication des  races  et  de  l'adoucissement  des  mœurs.  Nous  la  signalons  ici.  Son 
développement  appartient  à  l'histoire  générale  de  la  civilisation. 

^  Dareste,  Hist.  des  classes  agricoles,  pp.  89,  91  et  suiv. 

'  Trolz,  Jus  agrarium,  t.  1,  p.  89. 


(28  ) 

faiteraent  les  domaines  *;  mais  il  est  certain  que  la  conquête  en 
bouleversa  l'économie  et  en  accentua  l'inégalité. 

Il  y  eut  donc  des  domaines,  ou  alodes,  d'étendue  très-variée  et 
dont  la  constitution  différait  aussi  d'après  la  dimension  même.  En 
effet,  les  petits  alleutiers  ne  pouvaient  guère  profiter  du  champ 
qu'ils  avaient  occupé.  Il  leur  fallait  pour  l'exploiter  et  en  vivre, 
l'organisation  agricole  des  dorfen  germaniques.  Aussi  les  voisins 
ne  tardèrent  pas  à  s'unir  en  villages  et  à  reconstituer  la  marke, 
indispensable  à  leur  vie  agricole. 

Il  y  eut  donc  des  villages  libres  qui  restaurèrent  dans  nos  pro- 
vinces l'organisation  germanique  2.  Les  traces  en  parurent  surtout 
dans  le  Nord,  où,  comme  on  l'a  vu,  la  domination  germanique  fut 
complète  et  sans  mélange. 

Dans  le  reste  du  pays,  l'organisation  de  la  marke  n'exista  guère. 
Les  analogies  qu'on  y  découvre  résultent  des  nécessités  sociales, 
plutôt  que  d'une  filiation  historique  immédiate;  ces  nécessités, 
grâce  aux  habitudes  de  la  race,  ont  reproduit  dans  les  villages 
belges  des  coutumes  assez  semblables  à  celles  de  l'Allemagne  ^. 

A  côté  de  la  propriété  privée,  alleux  grands  et  petits  ,  et  des 
biens  communaux,  s'étendaient  les  vastes  domaines  du  fisc  royal, 
composés  de  terres  vagues,  de  villse  exploitées  et  d'un  grand 
nombre  de  tenures  qui  étaient  en  réalité  séparées  du  domaine. 
Ces  diverses  parties  portaient  le  nom  commun  de  fisc.  Les  exploi- 
tations domaniales  étaient  dites  flsci ,  et  ce  nom  était  donné  aussi 
aux  tenures  de  la  couronne  pour  les  distinguer  de  la  pleine  pro- 
priété allodiale. 

L'alleu,  pleine  propriété  juridique  dans  le  sens  romain  de  domi- 
nium  *,  était  régi  par  une  législation  sévère  et  conservatrice.  La 

*  E.  Langethal,  Gesch.  cl.  Deutsch.  Landwirth,!^  pp.  13,  71. 

2  Dareste,opcit.,  pp.  102  et  suiv.  Taillar,  Mém.  sur  la  formalion  des  vil- 
lages du  nord  de  la  France,  Mém.  soc.  d'agric.  de  Douai,  pp.  500  et  suiv. 

3  Voir  plus  bas  le  paragraphe  des  biens  communaux  et  la  noie  A  à  la  fin  du 
Mémoire. 

*  Walter,  Deutsche  Rechtsgesch,  t.  II,  n°  533. — Waitz,  Deutsche  Ferfassung, 
t.  II,  p.  222.  L'alleu  est  la  propriété  romaine,  le  bénéfice  est  une  conception 
toute  germanique.  /6id  ,  p.  225. 


(  29) 

possession  de  l'alleu  était,  comme  on  l'a  vu,  la  caractéristique  par 
excellence  de  l'homme  libre,  et  devint  de  plus  en  plus  rare  par 
l'effet  des  recommandations  muJtiples  que  nous  avons  signalées 
et  qui  le  transformaient  en  tenures  de  natures  diverses*.  La  con- 
stitution du  domaine  nous  expliquera  à  merveille  l'utilité  qu'il  y 
avait  alors  pour  les  petits  à  se  recommander  et  à  rentrer  dans 
l'organisation  générale  d'une  villa  seigneuriale.  Ils  ne  pouvaient 
sur  un  lopin  de  terre  faire  de  la  culture  extensive;  ils  n'avaient  ni 
les  connaissances,  ni  les  capitaux,  ni  les  débouchés  qui  leur  per- 
missent d'en  faire  d'une  manière  riche  et  intensive. 

Aux  VIP  et  VHP  siècles,  l'immense  majorité  des  terres  étaient 
déjà  réduites  en  tenures;  c'est  donc  à  l'examen  de  la  nature 
juridique  et  économique  de  celles-ci  que  se  résume  à  peu  près 
l'étude  du  système  foncier  de  l'époque  franque. 


§  2.  Modes  de  détention  de  la  terre. 

On  distinguait  très-nettement  deux  ordres  de  tenures  :  les 
tenures  libres  basées  sur  un  contrat,  les  tenures  serviles  consti- 
tuant une  pure  concession. 

Les  tenures  libres  sont  au  nombre  de  deux  :  la  précarie  et  le 
bénéfice,  bisons  un  mot  de  ces  deux  formes  de  délégation  du  sol  2, 
et  tâchons  d'en  fixer  les  traits  distinctifs. 

Li^précarîej  très-différente  du  précaire  romain,  prit  naissance 
dans  les  possessions  ecclésiastiques;  comme  nous  l'expliquerons 
plus  tard  5,  elle  consistait  dans  la  donation  faite  à  quelqu'un  de 
son  propre  fonds,  à  condition  de  le  reprendre  à  titre  précaire, 
soit  pendant  un  certain  temps,  soit  à  vie.  Nous  examinerons,  en 
parlant  des  amodiations  rurales,  les  conditions  de  cette  tenure, 
son  influence  économique  et  son  extension  aux  domaines  laïcs. 
Généralement  elle  était  subordonnée  à  l'obligation  de  servir  au 

*  A  Wauters,  Libertés  communales^  p.  20o. 

2  C'est  celle  délégation  :  dislinction  du  domaine  direct  el  du  domaine  utile 
qui  fait  le  fond  de  tout  le  système  foncier  germanique. 
^  Voir  plus  bas  le  paragraphe  des  amodiations  rurales. 


(  30  ) 

concédant  une  rente  ou  redevance  matérielle,  et  là  se  bornaient 
les  liens  qui  unissaient  le  précariste  à  l'autre  partie. 

Le  bénéfice  n'eut  à  l'origine  qu'une  différence  presque  insai- 
sissable avec  la  précarie  K  Les  propriétaires,  et  surtout  le  fisc, 
maîtres  de  grands  domaines,  aimaient  à  en  concéder  l'usufruit 
moyennant  certaines  conditions.  Bénéfice  et  précaire  s'em- 
ployaient même  indifféremment  dans  le  langage ,  et  il  était  fort 
difficile  de  saisir  la  qualité  spéciale  d'une  tenure  déterminée. 
Comme  la  précarie,  le  bénéfice  naissait  d'une  concession  directe 
ou  d'une  oblation  de  terres,  reprises  dans  les  deux  cas,  à  titre 
temporaire,  souvent  viager,  parfois  héréditaire.  Cependant,  si  la 
nuance  qui  séparait  les  deux  tenures  était  délicate  à  saisir  dans 
chaque  cas  particulier,  elle  n'en  existait  pas  moins  en  théorie.  La 
précarie  était  concédée  contre  la  prestation  d'une  redevance 
matérielle.  Dans  le  bénéfice,  les  liens  des  deux  parties  sont  plus 
étroits;  il  s'établit  entre  eux  une  solidarité  morale. 

Il  y  a  un  devoir  de  bienveillance  et  de  fidélité  réciproque  qui 
est  l'essence  même  de  la  concession  bénéficiaire  2.  Ce  bénéfice^ 
qu'on  veuille  le  remarquer,  n'est  pas  un  fief  dans  le  sens  attaché 
à  ce  mot  pendant  la  période  de  la  féodalité  politique.  C'est  une  pure 
concession  d'ordre  privé  établissant  entre  preneur  et  délégant, 
des  rapports  spéciaux  de  bienveillance  mutuelle. 

La  dénomination  de  fie/ne  changea  rien  à  la  nature  des  pre- 
miers bénéfices.  Longtemps  ils  restèrent  synonymes;  mais  la 
création  des  bénéfices  militaires  vint  donner  au  mot  fief  un  sens 
principal  qui!  conserva  dans  la  législation  et  l'histoire.  Les  minis- 
tériels, les  fidèles  du  Roi,  étaient  soumis  à  raison  des  grands  béné- 
fices qu'ils  recevaient,  à  des  obligations  spéciales  ^.  C'était  le  ser- 

1  Sur  l'histoire  primitive  de  la  précarie  et  du  bénéfice  et  les  transformations 
de  celui-ci,  Wailz,  op.  cit.,  t.  II,  p.  226,  éd.  1 870  ;  t.  VI,  pp.  1  à  40,  éd.  1875. 

2  Wailz,  op.  cit.,  t.  VI,  pp.  4-6.  —  E.  Garsonnet,  Hist.  des  locations  pet^pé- 
tuelles,  pp.2'2o  et  suiv. 

s  Ceci  explique  aussi  comment  pendant  la  féodalité  les  grands  offices  minis- 
tériels furent  toujours  attachés  à  un  fief.  ^Yaitz,  op.  et  loc.  cit.  Sur  Tinféoda- 
lion  des  offices  de  cour  sous  la  féodalité  voir  pour  la  Belgique,  l'état  de  la  Cour 
de  Hainaul,  ajouté  à  l'éd.  Periz  de  Gislebert  de  Hainaut,  celui  de  la  Cour  de 
Valenciennes,  dans  les  Arch.  hist.  du  département  du  Nord,  t.  II. 


(  51  ) 

vice  direct  du  souverain,  la  fidélité  {huldigimg),  se  caractérisant 
par  le  double  service  de  la  guerre  et  de  la  cour.  C'est  dans  ces 
bénéfices  militaires,  qu'il  faut  chercher  la  vraie  source  de  l'in- 
fluence politique  du  système  bénéficiaire  et  féodal.  C'est  à  lui  que 
s'appliquaient  et  une  législation  spéciale  et  des  droits  particuliers. 

L'avènement  des  bénéfices  militaires,  source  de  la  féodalité 
pohtique,  ne  détruisit  pas,  mais  relégua  au  second  plan  les 
bénéfices  ou  fiefs  purement  civils.  Ceux-ci  existaient,  et  conti- 
nuèrent à  exister,  mais  ils  étaient  oubliés  et  subissaient  par  ce 
fait  une  législation  qui  n'était  point  faite  pour  eux  ^. 

C'est  ainsi  que  du  régime  primitif  des  tenures  naquit  le  système 
de  la  féodalité  pohtique  et  militaire,  dont  nous  expliquerons  bientôt 
l'éclosion. 

Au-dessous  des  tenures  libres,  dans  l'ordre  économique,  figu- 
rent les  tenures  serviles  ^.  Celles-ci  étaient  des  occupations  de 
pure  tolérance;  le  propriétaire  du  sol  pouvait  à  son  gré  expulser 
les  gens  de  condition  inférieure  qui  les  occupaient.  Cependant,  en 
fait,  leur  situation  n'avait  pas  le  caractère  instable  que  ferait  de 
prime  abord  supposer  leur  condition  légale.  Si  le  propriétaire 
avait  le  droit  de  les  expulser,  il  était  de  son  intérêt  de  ne  pas  user 
de  ce  droit  et  de  garantir  à  ses  revenus  et  à  son  exploitation  la 
stabilité,  en  l'assurant  à  la  population  de  ses  domaines.  Les 
tenures  serviles  étaient  donc  héréditaires  de  par  les  coutumes 
locales,  de  par  ce  droit  patrimonial,  source  et  garant  des  premiers 
progrès  des  classes  rurales. 

§  5.  Constitution  des  doaiaines. 

Tels  étaient  les  divers  modes  de  détention  du  sol.  La  plupart 
des  concessions  foncières  avaient  pour  but  l'exploitation  du 
domaine.   Sans  entrer  dans  le  détail,  cherchons  à  examiner  la 

^  Voir  les  conclusions  et  la  portée  de  celte  théorie  plus  bas,  livre  II,  au 
paragraphe  de  la  Propriété  féodale.  Cf.  Wailz,  op.  cit.,  t.  VI,  pp.  9,  26,  50  et 
passim. 

^  Garsonnel,  op.  cit.,  pp.  269  et  suiv.  Sur  le  système  des  redevances,  voir 
plus  bas  au  livre  II,  ch.  I,  sect.  I,  §  1,  et  ch.  III,  secl.  IV. 


(  32) 

constitution  économique  d'un  domaine  àTépoque  franque.  L'unité 
d'exploitation  est  le  manse,  terre  d'étendue  variable  mesurée  sui- 
vant les  terroirs  de  manière  à  suffire  à  la  subsistance  d'une 
famille.  Les  manses  étaient  généralement  groupés  en  villœ.  La 
villa  était  dans  le  monde  frane  et  fut  pendant  tout  le  haut  moyen 
âge  la  principale  unité  agricole  *. 

Longtemps,  en  effet',  les  manses  se  fussent  trouvés,  sans  cette 
organisation,  incapables  de  remplir  leur  but  :  la  subsistance  du 
preneur.  C'était  l'association  qui  en  faisait  la  fertilité.  En  même 
temps  ce  régime  était  le  seul  qui  assurât  au  propriétaire  la  cul- 
ture de  son  propre  domaine.  Expliquons  en  deux  mots  ici  ce  que 
nous  exposerons  en  détail  dans  le  second  livre  de  ce  travail.  La 
villa  présentait  à  chaque  manse  les  avantages  des  communaux  de 
la  terre  seigneuriale,  indispensables  à  sa  propre  culture.  La  terre 
seigneuriale,  mansus  dominicus,  était  située  au  centre  de  la  villa  ; 
elle  était  ordinairement  plus  grande  que  chacune  des  tenures  et 
comprenait  plusieurs  bâtiments  :  outre  le  corps  de  logis  du 
maître,  la  sala  proprement  dite,  il  y  avait  une  foule  de  dépen- 
dances :  moulins,  fours,  brasseries,  pressoirs,  destinés  à  servir  de 
débouchés  aux  produits  des  manses  circonvoisins.  C'était  là  le 
type  de  la  villa  qui  ne  varia  guère  pendant  toute  la  durée  du 
moyen  âge.  On  comprend  les  avantages  que  son  organisation 
assurait  à  chaque  tenure. 

Mais  les  avantages,  avons-nous  dit,  étaient  réciproques.  En 
effet,  la  corvée  était  pour  le  propriétaire  le  seul  moyen  de  faire 
labourer  et  produire  son  sol.  Le  système  extensif  de  la  culture  de 
cette  époque  n'absorbait  pas,  loin  de  là,  tout  le  temps  des  tenan- 
ciers. En  répartissant  le  travail  de  ceux-ci  mi-partie  sur  les 
tenures,  mi-partie  sur  la  terre  dominicale,  toutes  les  terres  pou- 
vaient être  labourées  suffisamment,  tout  en  ne  surchargeant  pas 
de  travail  ceux  qui  devaient  les  cultiver.  On  parvenait  donc  à  uti- 
liser à  la  fois  tous  les  bras  et  toutes  les  terres. 

*  Sur  loule  l'organisation  des  Villœ  et  du  Manse  dominical,  Raepsaet,  ^na- 
hjse  de  l'origine  et  des  progrès  des  Belges,  liv.  III,  ch.  XIV,  n«'  184  et  suiv. 
Une  pièce  curieuse  citée  par  Wauters,  Hist.  des  environs  de  Bruxelles,  nous 
donne  quelques  détails  sur  celle  organisation  en  Belgique  (alleu  de  Leeuw, 
t.  I,  p.  77,  n"  1). 


(55) 

Cette  main-d'œuvre  suffisait  aux  besoins  de  toutes  les  exploita- 
tions; d'ailleurs,  pour  suppléer  à  son  insuffîsanee,  il  y  avait  tou- 
jours sur  les  domaines  une  catégorie  de  serfs  n'occupant  pas  de 
tenures,  et  que  nous  avons  signalés  sous  le  nom  spécial  de  Casati 
ou  Cossaeten  K 

Tels  sont  les  grands  traits  de  l'organisation  d'une  villa;  ils  se 
sont  conservés  à  peu  près  intacts  dans  les  siècles  suivants.  A 
1  époque  franquc,  sous  les  deux  premières  races,  nous  ne  con- 
naissons que  par  la  collation  de  textes  fragmentaires  l'organisation 
des  villœ  laïques;  mais  celle  des  villœ  monastiques  nous  est 
beaucoup  plus  connue,  grâce  aux  polyptiques  rédigés  de  très- 
ancienne  date  dans  les  abbayes  ^,  ainsi  que  celle  des  villœ  fisci, 
décrites  avec  détails  par  Charlemagne,  lui-même,  dans  le  célèbre 
capitulaire  de  villis.  Sauf  les  soins  particuliers  que  donnaient  les 
moines  à  leur  exploitation  agricole,  et  la  minutie  avec  laquelle 
l'empereur  organise  les  siennes,  le  principe  de  l'organisation  était 
identique  partout.  Nous  croyons  inutile  de  reproduire  ici  l'analyse 
intéressante,  sans  doute,  mais  si  connue,  du  capitulaire  de  81:^  ^. 
Au  point  de  vue  de  l'administration ,  cette  pièce  est  un  curieux 
monument  d'économie  rurale  et  domestique.  Quant  aux  détails 
de  culture  qu'elle  révèle,  il  est  probablement  téméraire  de  les 
généraliser.  Charlemagne,  à  tous  égards,  voulait  faire  des  fermes- 
modèles;  les  soins  personnels  qu'il  en  prend  le  prouvent  suffi- 
samment. La  villa  fiscale  est  administrée  par  un  Judex  et  un 
Maior.  Tous  deux  devaient  veiller  à  l'accomplissement  des  tra- 
vaux de  l'exploitation,  mais  le  Maior  n'avait  qu'une  position 
subordonnée;  le  Judex  joignait  à  sa  surveillance  l'exercice  de  la 
juridiction  patrimoniale  dans  la  villa. 

En  étudiant  au  second  livre  l'organisation  du  moyen-âge  pro- 
prement dit,  nous  aurons  l'occasion   de  revenir  sur  plusieurs 

<  Zoepfl,  Deutsche  Rechtsgesch.^  t.  Il,  p.  69. 

2  Guérard,  Polijptique  cl'Irminon,  ch.  II,  §§  7  à  17  explique  la  nature, 
la  tenue,  et  Tautorilé  de  ces  registres. 

*  Blauqui,  Hist.de  VÈconom.  polit.,  1. 1,  p.  157.—  A.  de  Villeneuve,  Hist  de 
l'Économ.  polit.,  p.  186.  —  Langelhal,  Gesch.  d.  deusch.  Landw.,  I,  p.  119. 
—  Waulers,  Libertés  communales,  p.  123,  etc.,  etc. 

Tome  XXXIl.  5 


(34) 

traits  que  nous  ne  faisons  qu'esquisser  ici.  C'est  là  que  nous 
ferons  l'histoire  des  redevances  dont  chaque  tenure  était  ordi- 
nairement grevée ,  et  du  genre  de  culture  qu'on  y  pratiquait  *. 


SECTION  III.  —  Le  régime  seigneurial. 

Il  nous  reste,  avant  de  pénétrer  dans  le  moyen-âge  proprement 
dit,  à  expliquer  rapidement  les  causes  de  ce  régime  féodal  qui  va 
dominer  dans  l'histoire  pendant  plus  de  huit  siècles.  Trois  faits 
principaux  signalent  la  transformation  du  régime  bénéficiaire  et 
monarchique  en  celui  du  morcellement  politique  féodal.  C'est 
d'abord  la  réorganisation  militaire;  c'est  ensuite  la  législation  des 
immunités;  c'est  enfin  l'hérédité  des  fiefs. 

Nous  avons  dit  déjà  que  c'était  dans  le  bénéfice  militaire  qu'il 
fallait  chercher  le  germe  de  la  féodalité  politique.  Or  le  service 
militaire  imposé  aux  grands  bénéficiers,  résultait  d'une  réforme 
générale  dans  le  régime  militaire  germanique.  Par  le  capitulaire 
de  807  et  celui  peu  postérieur  de  exercitu  promovendo  qui  ne 
porte  pas  de  date  fixe ,  le  service  autrefois  personnel  et  accompli 
à  la  convocation  des  comtes,  fut  tranféré  aux  seniores,  chargés 
et  obligés  désormais  de  présenter  à  l'armée  royale  un  certain 
nombre  de  guerriers.  La  translation  aux  seniores  d'une  partie  de 
l'autorité  militaire  était  un  premier  pas  vers  la  fusion  de  la  pro- 
priété et  de  la  souveraineté ,  en  créant  les  puissantes  et  redou- 
tables milices  territoriales  2. 

La  législation  des  immunités,  commencée  de  très-bonne  heure, 
contribua  largement  à  la  fondation  des  seigneuries  indépendantes. 
L'immunité  avait  pour  but  de  faire  échapper  un  territoire  à  la 
juridiction  ordinaire,  et  conférait  cette  juridiction  au  proprié- 
taire, sous  l'autorité  immédiate  du  roi.  C'était  donc  la  consé- 


*  Voir  pour  les  détails  le  magnifique  ouvrage  de  Guérard,  Prolég.  au  polypt . 
d'Irniinon.  Cf.  pour  le  X«  siècle  en  Belgique!.  Daris,  Abbaye  de  Maubeuge  : 
Analectes pour  servir  à  rhist.  ecclésiast.  de  Belg.,  t.  II,  pp.  44  el  suiv. 

2  Garsonnel,  Hist.  des  locations  perpétuelles,  pp.  247  et  suiv. 


(  55  ) 

cralion  d'un  privilège  accordant  au  senior  l'exercice  de  droits 
attachés  à  la  souveraineté  *. 

Ces  deux  premiers  faits,  d'une  importance  générale,  avaient 
rendu  presque  indépendants  en  fait  les  grands  seigneurs  terri- 
toriaux, bénéficiers  ou  alleutiers.  Une  seule  mais  importante  diffé- 
rence les  séparait  encore:  l'alleu  était  une  propriété  quiritaire  et 
héréditaire;  le  bénéfice  n'avait  pas  cet  avantage.  Sans  doute,  il  y 
eut  dès  l'origine  des  bénéfices  héréditaires ,  mais  les  grands  béné- 
fices offîciaux  et  militaires  ne  l'étaient  pas.  Or,  l'alleu  constituait 
la  partie  la  plus  restreinte  du  territoire;  la  noblesse  seigneuriale 
était  donc  par  le  principe  viager,  entièrement  soumise  à  la  royauté. 
Puissants  par  leur  position  territoriale,  par  le  nombre  de  leurs 
vassaux  et  arrière-vassaux,  les  seigneurs  fonciers  ordinaire- 
ment revêtus  des  fonctions  comtales,  souffraient  avec  impatience 
le  caractère  précaire  de  leur  situation  juridique.  Diverses  circon- 
stances favorisèrent  leur  établissement  définitif  et  héréditaire. 
Les  faibles  successeurs  de  Charlemagne  n'osèrent  résister  que 
timidement  aux  usurpations  et  aux  menaces,  et  continuèrent  tou- 
jours en  fait  les  fiefs  et  les  offices  au  descendant  capable  du  sei- 
gneur défunt.  L'avènement  d'un  homme  énergique  et  résolu, 
comme  Charles  le  Chauve  eût  pu  encore  émanciper  la  royauté 
des  entraves  politiques  des  feudataires;  mais  l'invasion  normande 
vint  porter  le  dernier  coup  à  la  puissance  monarchique.  Cantonné 
dans  sa  forteresse,  le  seigneur  foncier,  sous  prétexte  de  résister 
aux  Barbares,  consolidait  en  réalité  sa  puissance  contre  la  monar- 
chie ,  et  se  préparait  à  soutenir  ses  prétentions  par  les  armes. 

A  partir  de  ce  moment,  l'hérédité,  depuis  longtemps  dans  les 
mœurs  ,  fut  définitivement  reconnue  tant  pour  les  bénéfices  que 
pour  les  offices  comtaux.  Proclamée  solennellement  en  France  par 
le  capitulaire  de  Kiersy  en  877  2,  elle  ne  tarda  pas  à  être  con- 
quise aussi  isolément  par  les  officiers  et  seigneurs  de  l'Empire. 


*  Dareste,  Hist.  des  classes  agricoles,  p.  149.  —  E.  Laboulaye,  Hist.  de  la 
prophélé  foncière  en  Occident,  p.  522,  —  Zoepfl ,  Deutsche  Rechtsgesch., 
t.  II,  §9. 

*  Garsonnet,  op.  cit.,  p.  259. 


(56) 

Le  X*  siècle  signale  en  France,  par  l'avènement  de  Hugues  Capet, 
le  triomphe  définitif  du  régime  féodal,  et  à  la  fin  du  même  siècle, 
il  est  définitivement  établi  dans  toutes  les  parties  de  notre 
pays  K 

Ces  préliminaires  nous  amènent  à  cette  grande  et  importante 
période  historique  de  la  féodalité.  Nous  allons  pénétrer  dans  sa 
vie  intime,  cherchant  dans  la  mesure  du  possible  à  déterminer 
son  influence  sur  tous  les  éléments  de  la  civilisation. 


*  Ch.  Piot,  De  Vhérédité  des  hénéfices  en  Belgique  et  de  ses  effets,  Ann. 
Soc.  Émulation  de  Bruges, 3^  série,  t.  III,  p.  256. 


(  37 


LIVRE  II. 

L'ÉCONOMIE  SOCIALE  DE  LA  BELGIQUE  AU  MOYEN-AGE 
DEPUIS  LE  Xle  SIÈCLE. 


CHAPITRE  I". 
Les   classes    inférieures. 


SECTION  I.  —  Des  causes  qui  ont  provoqué  le  déyeloppement  progressif  de  la  liberté 
civile  au  sein  des  populations  rurales. 


§  i.  Marche  logique  de  ce  progrès  *. 

Il  ne  peut  être  question  de  refaire  ici  la  théorie  des  libertés 
nécessaires.  Sont  telles  les  seules  libertés  indispensables  à  l'ac- 
complissement de  la  destinée  de  l'homme.  Les  autres  libertés 
peuvent  être  bonnes  et  utiles  :  cela  dépend  de  l'état  social.  Le 
degré  de  leur  développement,  l'indépendance  plus  ou  moins 
grande  des  personnes  ou  des  propriétés,  constitue  la  différence 
qui  diversifie  les  nations  et  les  âges  de  1  humanité.  Si  les  libertés 
nécessaires  sont  imposées  par  le  droit  naturel,  les  libertés  utiles 
sont  l'œuvre  des  temps  et  des  circonstances,  de  ce  développement 
spontané  des  peuples  qui  forme  le  droit  des  gens,  dans  le  sens 
romain  de  ce  mot.  Du  moment  donc  où  la  liberté  primordiale  du 
devoir  est  accordée  à  l'homme,  toutes  les  variétés  et  toutes  les 

*  Les  idées  de  ce  paragraphe  sont  éparses  et  implicites  dans  Dareste  de  la 
Chavanne,  Hist.  desclasses  agricoles. — Henry  Doniol,^is^  des  classesrurales 
en  France,  Paris,  1863.  —  Ad.  Smith,  Weallh  of  Nations,  liv.  III,  ch.  I  et  II. 
—  ^oscher, Natio?ialôkonomik  des  Ackerbau es^  StnUgàri.  1875,  ch.  V  et  suiv. 
et  divers  autres. 


(38  ) 

phases  sociales  sont  également  conformes  au  droit  naturel.  La 
communauté  primitive  des  biens  est  une  organisation  aussi  régu- 
lière que  le  régime  de  propriété  privative  des  sociétés  civilisées. 
Le  servage,  respectant  la  personnalité  humaine,  n'est  pas  plus 
condamnable  en  droit  que  la  pleine  liberté  individuelle.  Est-ce  à 
dire  que  les  sociétés  que  nous  appelons  civilisées,  ne  soient  pas 
supérieures  aux  nations  barbares?  Nullement.  Cette  conclusion 
dépasserait  étrangement  nos  prémisses.  Mais  leur  supériorité 
consiste  dans  un  rapport  de  mieux  à  bie7i,  et  non  de  bien  à  mal. 
Elles  sont  supérieures,  mais  elles  ne  sont  pas  seules  bonnes.  Leur 
avantage  consiste  à  mettre  à  la  disposition  de  leurs  membres  plus 
de  moyens  utiles  pour  accomplir  leur  destinée;  d'être  mieux 
outillées  et  par  conséquent  plus  parfaites. 

Mais  quel  est  donc  le  ressort  qui  pousse  toute  nation  dans  cette 
voie  du  progrès  ?  Comment  se  fait-il  que  toute  société  s'enrichisse 
et  s'émancipe,  au  point  qu'on  ait  pu  créer  des  lois  historiques. 

L'observation  de  la  nature  humaine  répondra  à  cette  question 
et  nous  donnera  le  secret  de  la  marche  régulière  des  progrès 
parallèles  de  l'opulence  et  de  la  liberté. 

Quand  l'homme  travaille,  il  le  fait  par  devoir  ou  par  intérêt.  En 
principe  le  travail  ne  devrait  s'accomplir  que  par  devoir;  mais 
l'intérêt  subordonné  au  devoir  est  aussi  un  mobile  licite  et  naturel 
de  l'activité  humaine.  Il  est  plus  parfait  de  renoncer  à  ce  mobile, 
nous  verrons  le  travail  ainsi  pratiqué  dans  les  monastères  ;  mais 
le  commun  des  hommes  se  laisse  guider  par  des  considérations 
d'un  ordre  moins  relevé.  Il  faut  donc  en  général  qu'outre  l'idée 
du  devoir,  on  présente  au  travailleur  un  intérêt  proportionné 
d'une  façon  approximative  à  l'effort  qu'on  réclame  de  lui  *.  Ce 
principe  économique  et  moral  renferme  tout  le  secret  de  l'éman- 
cipation des  classes  rurales. 

Au  début  du  moyen-âge,  la  population  de  l'Occident  était  clair- 
semée. La  Belgique  notamment,  dépeuplée  par  les  guerres 
romaines  et  les  misères  de  l'époque  impériale,  par  les  ruines  des 

*  F.  Basliat,  Propriété  et  loi,  dans  les  Sophismes  économiqdes,  t.  IV, 
pp.  275  et  suiv.  des  œuvres  complètes,  éd.  Guillaumin. 


(59) 

migrations  barbares,  et  plus  tard  des  invasions  normandes,  ne 
comptait  que  peu  d'habitants  \  Le  tiers  à  peine  de  son  territoire 
livré  a  l'exploitation  suffisait  aisément  à  cette  population.  11  ne 
fallait  pour  y  subvenir  ni  grands  efforts  ni  fortes  impenses.  Une 
culture  extensive  et  superficielle  était  tout  ce  que  réclamait  la 
nation.  Or,  pour  un  pareil  travail,  l'assurance  de  la  nourriture 
était  plus  qu'il  ne  fallait  à  l'ouvrier:  on  vivait  sans  prévoir.  Tout 
promettait  que  la  subsistance  assurée  aux  contemporains  le  serait 
à  leurs  descendants. 

Ici  intervient  un  fait  économique  nouveau  :  le  progrès  de  la 
population  2;ce  phénomène  modifie  sensiblement  l'état  des  choses, 
et  le  modifia  rapidement  en  Belgique  où  la  race  fut  toujours 
exceptionnellement  prolifique  ^.  Le  système  du  travail  primitif 
devient  insuffisant.  Il  faut  pour  arracher  au  sol  l'alimentation 
d'un  surcroît  d'habitants,  un  surcroît  corrélatif  d'efforts  et  de 
capital.  Ce  surcroît  ne  se  développe  pas  seulement  en  propor- 
tion exacte  du  chiffre  de  la  population  :  il  faut  bien  plus  du 
double  d'impenses  pour  tirer  du  sol  le  double  de  la  production 
antérieure  *.  11  faut  dès  lors  qu'un  homme  entreprenne,  avec  le 
secours  d'un  capital,  l'alimentation  d'un  groupe  d'autres  hommes. 
Cette  entreprise  l'absorbe  ;  il  doit  donc  y  trouver  de  quoi  fournir 
aux  autres  nécessités  de  sa  vie  par  voie  d'échange,  avoir  même 
l'espoir,  en  augmentant  ses  efforts  et  sa  production ,  d'acquérir 
une  certaine  aisance  de  la  vie.  Or,  pour  cela,  il  doit  être  assuré  de 
conserver  le  fruit  de  son  entreprise  ou  de  sa  coopération,  et  de 
l'appliquer  à  ses  besoins.  L'entreprise  sera  d'autant  plus  fruc- 
tueuse que  l'entrepreneur  sera  mieux  assuré  d'en  percevoir  les 
profits.  Voilà  comment  avec  la  culture  intensive  croît  l'indépen- 
dance de  l'entrepreneur  agricole. 

Cependant  cette  indépendance  est  encore  entravée  par  une 
autre  raison  économique.  Pour  produire,  l'initiative  ne  suffit  pas, 

^  Voir  plus  haut. 

2  Périn,  La  richesse  dans  les  sociétés  chrétiennes ,  livre  IV,  eh.  II,  a  fort 
bien  expliqué  ce  phénomène. 
2  Ém.  de  Borchgrave,  Histoire  des  colonies  beUges.  lulrod.,  §  5. 
*  Rossi,  Cours  d'économie  politique,  éd.  Bruxelles,  t.  I,  p.  82. 


(40) 

il  faut  le  capital.  Leur  union  dans  le  même  chef  est  la  forme  la 
plus  féconde  de  la  constitution  de  l'atelier  rural,  mais  elle  suppose 
une  diffusion  de  richesses  longtemps  inconnue.  Les  premières 
exploitations  se  constituent  donc  sous  forme  d'association,  où  la 
part  de  l'entreprise,  d'abord  très-restreinte  au  profit  du  proprié- 
taire et  du  capitaliste,  se  développe  peu  à  peu.  La  classe  laborieuse 
fait  l'apprentissage  du  métier,  elle  apprend  à  diriger  et  à  prévoir. 
En  même  temps  elle  amasse  par  les  profits  de  son  œuvre,  un 
pécule  toujours  grandissant,  qui  lui  permet  de  réunir  entre  ses 
mains  le  capital  et  le  travail,  et  d'y  joindre  soit  la  propriété  elle- 
même,  soit  une  possession  stable  à  des  conditions  fixes,  qui  ait 
les  mêmes  effets. 

Appliquons  rapidement  ces  théories  à  l'ensemble  du  mouve- 
ment d  émancipation  des  classes  agricoles.  Les  grands  domaines 
du  haut  moyen-age  sont  peuplés  de  serfs  de  la  glèbe.  La  culture, 
nous  venons  de  le  dire,  ne  s'exerçait  que  sur  de  grands  espaces 
et  d'après  un  système  extensif  que  le  chiffre  de  la  population  com- 
portait. Le  serf,  casé,  logé  et  entretenu,  n'avait  aucun  intérêt 
au  succès  de  l'exploitation  qu'il  cultivait.  Mais  son  incurie  ne  nui- 
sait pas  au  travail  grossier  qu'il  devait  accomplir.  Mais  quand  la 
population  des  Vi7/(e  seigneuriales  commença  à  s'accroître,  la  situa- 
tion du  propriétaire  devint  désavantageuse,  et  le  contrat  de  ser- 
vage menaça  de  tourner  à  son  détriment. 

Les  serfs  ne  produisaient  pas  plus  qu'autrefois,  se  multipliaient 
et  devaient  être  nourris.  En  vain,  les  accablait-on  de  redevances, 
d'exactions,  de  corvées,  le  bilan  seigneurial  devait  se  solder  par 
un  déficit.  D'ailleurs,  comme  nous  le  verrons,  ces  mauvais  trai- 
tements faisaient  fuir  les  serfs  du  domaine  qui  demeurait  en 
friche.  Sans  ouvrir  toujours  les  yeux  à  la  vérité  économique 
qu'ils  comprenaient  mal,  la  désertion  de  leurs  terres  fit  recourir 
les  propriétaires  au  vrai  moyen  :  améliorer  le  sort  de  leurs 
hommes.  L'émancipation  était  donc  en  réalité  une  mesure 
toute  de  l'intérêt  des  seigneurs,  et  même  de  leur  intérêt  immé- 
diat. Elle  était  aussi,  cela  va  sans  dire,  de  l'intérêt  des  popula- 
tions, mais  pour  elles,  l'expérience  était  à  faire  et  elles  avaient 


(41  ) 

souvent  peur  de  la  liberté.  Aussi,  verrons-nous  des  villages  entiers 
s'insurger  contre  l'acte  que  leur  octroyait  la  franchise  *. 

D'ailleurs,  la  libération  par  sa  raison  même,  devait  être  gra- 
duelle et  mesurée.  Un  premier  pas  fut  fait  par  la  fixation  des  rede- 
vances, qui  introduisit  les  classes  rurales  dans  la  phase  juridique 
de  leur  histoire  2.  Plus  tard,  un  siècle  ou  deux  après,  naîtra  le 
contrat  libre  et  réciproque.  Le  rôle  du  contrat  est  vraiment  le  signe 
caractéristique  de  la  société  nouvelle  ^.  Nous  en  étudierons  plus  loin 
l'histoire  détaillée.  Ici  encore  la  même  grande  loi  domine  le  déve- 
loppement historique  des  amodiations  rurales  :  l'indépendance 
du  paysan  croît  à  mesure  que  le  capital  lui  appartient  davantage. 
C'est  ainsi  qu'il  devient  successivement  bailleur  à  rente,  métayer, 
fermier  et  petit  propriétaire. 

Nous  avons  indiqué  la  loi  qui  préside  aux  développements  que 
nous  allons  étudier.  Il  nous  faut  les  reprendre,  les  analyser  et 
montrer  dans  les  faits  la  justification  de  notre  principe. 

A  jeter  d'ailleurs  sur  notre  histoire  un  simple  coup  d'oeil  d'en- 
semble, nous  pouvons  déjà  constater  la  précocité  de  nos  libertés 
rurales  en  même  temps  que  le  développement  tout  à  fait  pré- 
maturé en  Europe  de  notre  agriculture  nationale. 

§  2.  Politique  de  l'émancipation. 

Nous  avons  à  examiner  sous  ce  nouveau  titre,  la  série  des 
causes  réelles,  ou  plutôt  des  circonstances  de  fait  qui  ont  pro- 
voqué les  divers  progrès  des  classes  rurales  belges.  Les  libertés 
rurales  font  seules  l'objet  de  notre  étude.  C'est  dire  que  nous 
n'avons  pas  à  étudier  l'origine  du  mouvement  communal  et  des 
libertés  bourgeoises,  mais  à  apprécier  seulement,  nous  le  ferons 
bientôt,  leur  influence  sur  l'état  du  plat  pays.  Cependant  il  est  un 

*  StuâTl-MiW,  Principes  d'économie  politique,  trad.  Courcelles,  l.  I,p.  283. 
—  BrâulSy  Études  d'histoire  rurale,  Revue  catholique  de  Louvain,  numéros 
de  janvier,  mai  et  novembre  1879. 

2  Doniol,  op.  cit.,liv.  III,  eh.  III,  §  3,  p.  147. 

5  H.  Summer  Maine,  L'ancien  droit  (The  ancienl  law),  eh.  IX,  p.  288  de 
la  trad.  franc,  de  Courcelles-Seneuil. 


(42) 

point  011  les  deux  ordres  municipal  et  villageois  sont  en  rapport 
intime.  La  transformation  sociale  dont  nous  sommes  témoins  du 
X*  au  XVIII"  siècle  est-elle  une  évolution  régulière  ou  une  brusque 
révolution?  Cette  question  très-débattue  pour  les  libertés  com- 
munales me  paraît  rationnellement  tranchée  en  ce  sens  que  les 
conquêtes  civiles  n'ont  jamais  précédé  le  mouvement  économique 
et  social;  qu'elles  ont  toujours  été  la  conséquence  naturelle  de 
l'état  de  la  richesse,  des  idées  et  des  mœurs.  Ce  qu'on  entend  par 
une  révolution,  c'est  le  soulèvement  général  et  spontané  d'un 
peuple  contre  des  abus  généraux  et  persistants  et  dans  un  but 
commun  et  unique.  Rien  de  pareil  ne  se  trouve  à  l'origine  de 
notre  liberté  nationale.  Sans  doute  il  y  a  eu  des  luttes;  mais  ces 
luttes  avaient  pour  objet  tel  ou  tel  point  spécial  et  local  plus  diffi- 
cile à  emporter. 

La  féodalité  absolue  est  tombée  pièce  à  pièce  sous  l'action  du 
temps,  des  idées,  des  influences  de  toute  nature;  elle  n'a  pas 
succombé  tout  entière  en  une  fois  sous  la  hache  des  commu- 
niers.  Il  y  a  eu  un  mouvement  communal,  des  insurrections:  il 
n'y  a  pas  eu  une  révolution  communale  ^  S'il  en  est  ainsi  dans 
les  villes  (civitates,  oppida),  il  en  est  encore  bien  plus  certaine- 
ment ainsi  de  l'avènement  des  libertés  rurales.  Une  raison  pre- 
mière en  est  que  l'influence  économique  est  ici  plus  énergique, 
que  la  nécessité  plus  évidente  au  seigneur,  le  dispose  mieux  à 
l'émancipation.  Il  y  en  a  une  autre  dans  le  caractère  énergique  et 
constant ,  mais  lent  et  patient  des  paysans  du  Nord.  Ils  soufi'rent 
longtemps  non  sans  se  plaindre,  mais  sans  songer  à  résister,  sur- 
tout à  résister  activement.  Enfin  le  bienfait  de  la  liberté  leur 
apparaissait  moins  évident  qu'aux  classes  plus  éclairées  des  villes. 
Il  leur  a  fallu  la  grande  réaction  du  mouvement  municipal  pour 
être  définitivement  dotés  de  la  liberté. 

Ces  préhminaires  nous  permettront  d'analyser  et  de  com- 
prendre l'action  simultanée  des  populations,  des  seigneurs,  et  de 
l'Eglise  dans  l'œuvre  de  l'émancipation  des  classes  rurales. 

*  Waulers,  Les  libertés  communales,  pp.  16  et  suiv.,  résume  les  divers  sys- 
tèmes. —  PouUet,  Histoire  politique  interne  de  la  Belgique,  pp.  130  et  suiv. 


(  43 


I,  Action  des  populations. 

Quoique  énergique,  l'action  des  populations  fut  généralement 
calme.  On  signale  rarement  de  vraies  insurrections  dans  les 
villœ',  il  est  surtout  fort  rare  de  les  voir  se  produire  avec  un  but 
déterminé,  et  l'on  n'en  signale  aucune,  pensons-nous,  avant  le 
XIP  siècle.  Alors  même  le  cri  révolutionnaire  que  Robert  Wace 
prête  aux  villageois  *  devait  se  faire  bien  rarement  entendre.  Ce 
n'est  pas  dans  les  campagnes  du  XII"  siècle  qu'on  songeait  à 
s'insurger  au  nom  de  l'égalité  naturelle  des  hommes  entre  eux; 
ce  n'est  surtout  pas  dans  les  campagnes  flamandes  qu'on  eût 
assisté  à  pareille  scène.  M.  Wauters  croit  ^  que  c'est  «  le  silence 
calculé  de  la  plupart  des  écrivains  »  qui  nous  a  fait  perdre  les 
témoignages  des  résistances  ouvertes  à  Voppression  féodale.  Nous 
ne  le  croyons  pas.  Nous  en  avons  indiqué  les  raisons  a  priori.  Il 
y  en  a  d'autres  qui  sont  historiques.  Les  annales  monastiques,  nos 
principales  sources,  signalent  parfois  des  mécontentements  vio- 
lents: Bellum  rusticanum  oritur^.  Mais  ce  sont  des  cas  isolés.  Les 
annalistes  en  citent,  leur  silence  n'est  donc  pas  systématique.  D'ail- 
leurs nous  allons  voir  que  les  populations  flamandes  savaient  se 
délivrer  des  misères  dont  elles  souffraient,  par  des  actes  de  résis- 
tance passive  tout  aussi  efficaces  et  plus  fructueux  que  la  rébellion 
à  main  armée. 

*  Roman  de  Rou,  v.  59-79  suiv. 

Pur  kei  nus  laissum  damagier?.. 
Nus  sûmes  homes  cum  il  sunt 
Tex  membres  avum  cum  il  ont.... 

[Dans  un  livre  qui  a  paru  depuis  la  rédaction  de  ce  mémoire,M.H.Pergameni 
fait  l'histoire  de  ce  qu'il  appelle  les  Jacqueries  flamandes  ;  ce  sont  les  luttes 
du  XIV«  siècle  qu'il  transforme  et  assimile  aux  Jacqueries  de  France  :  Les 
guerres  de  paysans,  Bruxelles,  1880,  p.  87.  Cet  aperçu  est  inexact.  Les  luttes 
du  XIV^  siècle  ne  sont  pas  des  guerres  de  paysans  contre  leurs  seigneurs;  mais 
un  épisode  important  et  curieux  de  l'histoire  communale,  voir  L.  Van  der  Kin- 
dere,  Le  siècle  des  Artevelde.] 

2  Op.  cit.,  p.  644. 

3  Annales  Novesienses,  ad  annum  1268,  ap.  Martène  et  Durand,  Amplis- 
sima  collectio,  IV,  574. 


(  44  ) 

Ces  actes  se  résument,  depuis  le  XI*  siècle  jusqu'au  milieu  du  XIIl% 
dans  le  grand  et  perpétuel  mouvement  de  migration  qui  anime  les 
populations  flamandes.  Chose  étrange  pour  qui  a  égard  à  nos 
habitudes  aujourd'hui  si  sédentaires,  nul  peuple  n'a  envoyé  plus 
loin  ses  enfants,  ni  peuplé  des  terres  plus  diverses.  Nul  peut-être 
plus  facilement  que  l'ancien  habitant  de  nos  provinces  ne  semble 
se  décider  à  quitter  le  lieu  natal  pour  chercher  ailleurs  fortune  et 
protection  ^ 

Les  premières  émigrations  furent  locales  et  revêtirent  plutôt 
le  caractère  des  sécessions  de  la  plèbe  romaine.  Les  ruraux  mécon- 
tents d'un  seigneur,  ou  épuisés  par  ses  guerres,  se  transplantaient 
corps  et  biens,  dans  une  seigneurie  voisine  et  parfois  rivale.  Ces 
faits  sont  signalés  dans  toutes  nos  provinces.  Les  cultivateurs 
préféraient  s'expatrier  qu'être  pillés  ou  ruinés  d'exactions. 
C'est  ainsi  que  dans  la  lutte  de  1132  entre  Thierry  d'Alsace  et 
Florent  de  Frise,  beaucoup  d'hommes,  surtout  de  la  campagne, 
s'avisèrent  de  quitter  la  Flandre  pour  les  provinces  de  Florent  ^ 
On  signale  à  la  même  époque  des  faits  analogues  en  Brabant  ^,  et 
dans  le  Cambrésis.  Ces  sécessions  n'étaient  sans  doute  pas  sans 
influence  sur  la  conduite  des  seigneurs.  Mais  au  XII"  siècle  com- 
mença l'époque  des  grandes  migrations.  A  partir  de  cette  date , 
il  y  a  un  mouvement  continuel  emportant  des  cultivateurs  belges 
en  Grande-Bretagne  et  en  Allemagne. 

Quelles  causes  assigner  à  ce  vaste  mouvement  qui  emporte  des 
essaims  de  Belges  jusqu'en  Poméranie,  en  Silésie,  sur  les  bords 
de  la  Vistule,  jusqu'en  Hongrie  et  en  Transylvanie?  Est-ce 
l'oppression  où  ils  gémissaient  dans  leur  pays?  Est-ce  un  simple 
surcroît  de  population  ,  comme  semblerait  le  prouver  le  chiffre  si 
extraordinairement  élevé  de  celle-ci?  M.  de  Borchgrave  y  assigne 
ces  deux  causes,  tout  en  faisant  à  la  seconde  la  part  la  plus 

*  Faut-il  perdre  tout  espoir  de  ressusciter  cet  esprit  pour  développer  les 
débouchés  de  notre  industrie  nationale?  Voir  E.  Van  der  Laat,  Moyens 
d'étendre  les  débouchés  de  r industrie  belge,  pp.  20  et  suiv.  1878. 

2  «  Plurimi  de  Comitatu,  maxime  rus tici ,  qui  se  nimis  opprimi  dolebant, 
consilium  inierunt...  »  Kluyt,  Hist.  critic.  Comit  Rolland,  et  Zeeland  Midel- 
burg,  t.  II,  p.  77. 

5  Dom  Bouquet,  ex  Auctario  Afflghemensi  ad  afin.,  il 59. 


(  45  ) 

importante  ^  Il  n'est  pas  nécessaire  d'ailleurs  de  recourir  à  l'op- 
pression pour  expliquer  le  départ  des  colons  belges.  Les  princes 
allemands  cherchaient,  en  effet,  par  les  offres  les  plus  splendides 
à  repeupler  leurs  territoires  abandonnés.  Les  Allemands  avaient 
vers  le  Nord,  de  vastes  territoires  à  conquérir  à  la  culture;  or,  à 
partir  du  XI^  siècle,  commence  sur  une  échelle  de  plus  en  plus 
grande,  la  germanisation  des  nouvelles  provinces  2.  Cette  œuvre 
enlevait  aux  seigneurs  de  l'intérieur,  une  partie  notable  et  sou- 
vent la  plus  robuste,  de  leur  population.  11  fallait  combler  ces  vides 
faits  par  l'émigration.  Un  moyen  très-naturel  était  d'appeler  dans 
leurs  terres  des  étrangers  et  de  leur  concéder  les  terres  aban- 
données. Mais  pour  les  y  amener  et  les  y  retenir,  il  fallait  leur 
accorder  une  position  privilégiée.  C'est  ce  que  firent  les  princes 
allemands.  Les  colons  flamands  et  hollandais  furent  de  leur  part, 
l'objet  de  prévenances  particulières  à  cause  des  dispositions 
agricoles  spéciales  reconnues  de  bonne  heure  à  leur  race.  Le 
mouvement  une  fois  lancé,  il  n'y  a  rien  d'extraordinaire  à  voir 
des  compatriotes  glisser  jusqu'aux  dernières  limites  de  la  con- 
quête germanique;  leur  vigueur,  leur  agriculture  perfectionnée 
rendaient  leur  concours  précieux  et  accéléraient  la  colonisation  des 
terrains  nouveaux.  Les  colons  belges,  dotés  de  libertés  particu- 
lières, constituant  le  Flemings  recht,  ou  jus  flandricum,  se  per- 
pétuèrent longtemps  dans  les  provinces  germaniques;  on  peut 
dire  que  c'est  à  nos  compatriotes  que  l'Allemagne  doit  le  premier 
et  principal  essor  de  son  agriculture  3. 

L'Angleterre  ne  faisait  pas  moins  d'efforts  pour  attirer  nos 
colons  sur  son  sol.  Ils  y  avaient  fait  leurs  preuves  en  défrichant 
au  XII^  siècle  une  partie  du  comté  de  Pembrok  ''.  Sans  doute,  les 

*  Histoire  des  colonies  belges.  lulrod.  Ce  mémoire  remarquable  esl  plein 
des  détails  les  plus  inléressanls  et  les  plus  variés  sur  noire  colouisaîion  alle- 
mande. 

2  E.  Langelhal,  Geschichte  des  teutschen  Landwirthschaft,  1. 1,  pp.  33-193. 
^  De  Borchgrave,  op.  cit.  —  Ém.  de  Laveleye,  Économie  rurale  de  la  Bel- 
gique,^. 14. 

*  E.  Van  Bruyssel,  Histoire  du  commerce  §n  Belgique,  t.  I,  p.  15-4.  — 
E.  Vareubergh,  Histoire  des  relations  diplomatiques  entre  le  comté  de  Flan- 
dre et  r Angleterre  au  moyen-âge,  pp.  25  et  suiv. 


(46  ) 

Anglais  recherchaient  plutôt  les  tisserands  que  les  laboureurs, 
mais  à  leurs  yeux  tout  cultivateur  flamand  est  un  homme  qui 
sait  faire  du  drap  et  combattre*.  L'émigration  vers  l'Angleterre 
dura  plus  longtemps  que  celle  vers  l'Allemagne;  elle  dura  pen- 
dant toute  la  lutte  industrielle  des  Anglais  contre  les  Flandres.  11 
est  curieux  de  voir  les  avantages  qu'offrait  au  XIV*  siècle,  Edouard 
d'Angleterre  aux  émigrés  flamands  2;  mais  c'est  là  de  l'histoire 
industrielle  qui  s'éloigne  de  notre  sujet  et  qui  est  sans  influence 
sur  les  libertés  rurales. 

Ces  grandes  émigrations  pouvaient  être  justifiées  par  le  chiffre 
de  la  population,  mais  il  n'en  est  pas  moins  incontestable  qu'elles 
dépassaient  le  trop  plein  de  la  mère-patrie.  Il  fallut  donc  chercher 
à  retenir  ce  monde  dans  le  pays,  ou  à  repeupler  celui-ci  de  colons 
nouveaux.  C'est  ici  que  se  manifeste  l'influence  de  l'émigration 
sur  la  liberté  nationale.  Il  fallut  recourir,  comme  l'avaient  fait  les 
seigneurs  allemands,  aux  chartes  de  colonisation,  appeler  des  lios- 
pites,  leur  accorder  des  privilèges  et  des  faveurs  ^.  Il  se  faisait  entre 
le  propriétaire  et  l'hospes,  un  véritable  contrat  de  défrichement, 
déterminant  les  droits  et  obligations  réciproques  des  parties.  Les 
seigneurs  promettaient  qui  l'érection  d'une  église  ,  qui  des  com- 
munaux j  ils  déterminaient  le  nombre  des  corvées  qu'ils  exige- 
raient, le  montant  des  redevances.  Les  hospites,  de  leur  côté, 
s'obligeaient  à  cultiver  à  ces  conditions  et  à  payer  une  redevance 
foncière  pro  ostilia  sua.  Les  seigneurs  recherchaient  les  colons  et 
annonçaient  les  concessions  qu'ils  voulaient  faire.  C'est  ce  que 
firent  notamment  de  puissants  barons,  Thierry  d'Alsace,  Henri  II 
de  Brabant,  Arnould  Berthoud,  sire  de  Grimbergen  et  d'autres  *. 

Les  hospites  et  colons  différaient  fort,  dans  le  principe,  de 

*  Moke,  Mœurs,  usages  et  coutumes  des  Belges,  1, 197;  II,  84,  87. 

^  FuUer,  Church  history,  cité  dans  Hallam.  L'Europe  au  moyen  âge,  t.  V, 
p.  62  delà  Irad.  de  Borghers.  <«  Les  plus  riches  cultivateurs  {yeomen)  d'An- 
gleterre ne  dédaignaient  pas  de  leur  donner  leurs  filles  en  mariage.  » 

3  Voir  sur  les  hospites  le  travail  magistral  de  Ch.  Duvivier:  Hospites.  Défri- 
chements en  Europe  et  spécialement  dans  7ios  contrées  aux  XI^,  XW  et 
Xllb  siècles,  dans  la  Revue  d'histoire  et  d'archéologie,  I,  pp  .74  et  131. 

^  Duvivier,  op.  oit ,  p.  79.  — Raepsaet,  Analyse,  n">  231. 


(47  ) 

l'ancienne  population  rurale  *.  A  eux  seuls  s'appliquaient  les 
bienfaits  du  contrat  de  concession.  Mais  cette  position  ne  pouvait 
rester  privilégiée.  Les  autres  rustici  exigèrent  bientôt  les  mêmes 
avantages.  Sans  doute  ils  ne  le  disaient  pas  hautement,  mais  il 
était  facile  de  voir  qu'ils  auraient  cessé  le  travail  ou  quitté  le  sol 
s'ils  ne  les  obtenaient  pas.  La  tolérance  donc  dut  s'étendre  à  tous, 
et  si  rien  ne  garantissait  son  maintien  en  droit,  l'intérêt  même 
du  seigneur  l'imposait.  La  tolérance  créa  l'usage.  L'usage  établi  fit 
loi.  Dès  lors  les  populations  rurales  avaient  conquis  la  fixation  des 
redevances  sinon  partout  en  droit,  au  moins  presque  partout  en 
fait.  11  ne  manquait  que  la  consécration  écrite  et  officielle,  qui  ne 
tarda  pas  à  garantir  l'usage  et  à  le  déclarer  «  ferme  et  estaule.» 
Alors  les  classes  inférieures  entrent,  comme  nous  l'avons  dit,  dans 
la  phase  juridique  de  leur  histoire;  armées  de  la  concession  sei- 
gneuriale ,  de  la  charte ,  mimimentiim  de  leurs  droits  ,  elles  ont 
une  position  défensable  au  nom  d'un  droit  positif^. 

La  taille  arbitraire,  la  corvée  à  merci  sont  abolies  et  remplacées 
par  des  obligations  lourdes  encore  mais  fixes.  Le  paysan  est  désor- 
mais sûr  de  son  avenir,  et  cet  avenir  lui  appartient. 

Le  texte  même  des  concessions  prouve  assez  que  la  limitation 
des  droits,  la  fixation  des  coutumes  est  alors  la  principale  ambi- 
tion des  ruraux  ^;  c'est  aussi  en  elle  que  les  contemporains  voient 
la  caractéristique  de  l'émancipation  '". 

*  Raepsaet,  op.  cit.,  n"  250  «  Servos  esse  homines  penilus  negaverunt,  et 
sese  tantum  bospites  et  colonos  confessi  sunt.  » 

2  L'évêque  Gérard  1  de  Cambrai  «  Hanc  legem  firmatam  instiluit ne 

amplius  exigaturab  Us,  1012-1048.  «—Gauthier  d'Avesnes  «  incolis  de  Her- 
rignies  . ..  scripli  hu']us munimentiim  liberaliter  tradidit,  1196.  «— Waulers, 
Libertés  communales,  Preuves.  —  Poullet,  Histoire  politique,  citée,  p.  180. 

^  Voir  la  noie  précédente.  De  même  «  In  hune  modum  pax  reformata  est 
(entre  S»*'  Waudru  et  les  habitants  de  Castres),  quod  omnis  census  lam  capi- 
tum  quam  terrarum  ad  niveliensem  monetam  perpetuo  rémanent  et  consis- 
tunt,  i'iil  ;  «dans  Gachard,  Documents  concernant  l'histoire  de  la  servitude  en 
Belgique  au  moyen-âge;  Bull,  de  la  Commiss.  roy.  d'hist.,2«  série, t. IV, p. 250. 

Beaucoup  de  chartes  moins  explicites  organisent  en  fait  la  fixation  des 
droits  :  redevances,  corvées,  meilleur  cattel,  etc.,  V.  infrà. 

*  Guibert  de  Nogent,  pariant  de  la  Commune ,  a  dit  «  pessimum  nomen  ut 


(48) 

En  même  temps  que  les  chartes  émancipaient  sub  censii  des 
villages  entiers,  le  servage  devait  nécessairement  disparaître 
insensiblement.  Les  charges  serviles  se  fixaient  et  s'atténuaient. 
Nous  examinerons  plus  loin  les  étapes  de  ces  progrès. 

Toujours  est-il  que  la  liberté  civile  grandissait  et  s'affirmait  au 
sein  des  classes  rurales. 

Le  mouvement  communal  devait  d'ailleurs  donner  à  ces  progrès 
un  élan  remarquable. 

Demandons-nous  donc  la  nature  et  la  raison  de  l'influence  des 
libertés  bourgeoises  sur  la  situation  du  plat-pays. 

Cette  influence  fut  surtout  indirecte.  Les  communes  représen- 
tant la  population  industrielle  se  préoccupaient  peu  du  sort  des 
campagnes  et  de  leur  libération.  La  commune  en  elle-même  n'était 
pas  une  alliée  des  campagnes.  C'était  un  seigneur  d'une  nature 
particulière,  une  seigneurie  corporative,  mais  qui  avait  ses  pro- 
priétés, ses  vassaux,  ses  milices  à  elle,  son  administration  et  ses 
agents  fiscaux  souvent  plus  tyranniques  et  plus  âpres  que  ceux 
des  seigneurs  particuliers  ou  du  domaine  ^  Les  communes  et  les 
barons  rivalisent  de  puissance  :  la  seigneurie  industrielle  et  la 
seigneurie  foncière  cherchent,  chacune  de  leur  côté,  à  étayerleur 
pouvoir  sur  des  bases  solides  et  durables.  Quels  effets  la  lutte  de 
rivalité,  parfois  très-pacifique  d'ailleurs,  qui  s'engage  de  seigneur 
à  commune,  va-t-elle  avoir  sur  les  campagnes?  C'est  ainsi  que  se 
pose  la  question  de  l'influence  du  mouvement  communal  sur  le 
plat  pays. 

Les  seigneurs  et  les  communes  avaient  dans  le  monde  féodal 
un  intérêt  commun  :  étendre  leur  propriété  et  avec  elle  leur  juri- 
diction [dominium  et  judicium).  En  effet,  les  communes  ,  à  l'ori- 
gine surtout,  rentraient  dans  la  hiérarchie  féodale;  l'étendue 
territoriale  était  donc  un  grand  élément  de  leur  puissance.  Or 
toute  commune  avait  juridiction  es  ville  et  banlieue.  Ville  et 
banlieue  constituaient  le  territoire  communal  2.  Sans  doute  il  y 

capile  censi  omnem  solilum  debilum  semel  in  anno  solvant,  »  Vie,  ch.  III.  — 
Cf. Daivesle, op. c\l.,T^A90.—Maugmn, Ifist.de  l'administrationdel'agricultiire 
en  France,  l.  1,  p.  35.  — Vuitry,  Régime  financier  de  la  France,  p.  270. 

*  E.Laiigelljal,  op.cit.,P,  p.9. 

a  Henaux,  Conslilution  ancienne  dupaijs  de  Liège,  p.  229. 


(  i!»  ) 

avait  souvent  là  des  enclaves  relevant  d'une  autre  juridiction  *, 
mais  en  jjrincipe  la  franchise  s'y  étendait  partout.  Les  villes 
avaient  donc  intérêt  à  étendre  ce  domaine  ;  elles  réussirent  sou- 
vent à  l'augmenter  considérablement  et  à  empiéter  sur  des  juri- 
dictions voisines.  Les  règlements  de  la  Ihve  (lieue)  banale, 
banmyle,  furent  l'objet  de  fréquentes  contestations  et  d'usurpa- 
tions nombreuses  ^.  Il  va  de  soi  que  les  communes  gagnaient  à 
ces  usurpations  une  extension  de  juridiction  en  même  temps 
qu'un  accroissement  de  revenus. 

Ces  territoires  de  la  franchise  municipale  devinrent  bientôt  le 
refuge  de  tous  les  mécontents  des  juridictions  seigneuriales. 
a  C'était  là  un  port  d'émigration  qui  se  trouvait  à  portée  immé- 
diate des  populations,  port  susceptible  d'être  atteint  sans  grandes 
peines  et  sans  grands  hasards  ''.  » 

La  proximité  de  cet  asile  était  une  menace  perpétuelle  pour 
les  seigneurs;  celte  émigration  nouvelle,  et  elle  se  faisait  en  masse, 
renouvelait  pour  eux  toutes  les  misères  de  l'émigration  étrangère; 
diminuait  leurs  revenus  et  dépréciait  leurs  domaines  en  les 
dépeuplant  ^.  En  vain  cherchèrent-ils  à  enrayer  le  mouvement 
ou  à  en  atténuer  les  conséquences.  Tantôt  ils  multipliaient  les 
interdictions  de  sortie  aux  tenanciers  et  les  peines  contre  la  déser- 
tion; tantôt  ils  entraient  en  arrangement  avec  la  commune  pour 
sauver  une  partie  de  leurs  droits  ^.  Mais  leurs  efforts  furent 
inutiles.  La  commune  défendait  hardiment  son  droit  d'asile',  et 
proclamait  hautement  que  jamais  personne  ne  serait  serf  dans 
ses  murs  ^.   Les    seigneurs,  soit   magnanimité,   soit  fatigue    de 

*  Warnkonig,  Histoire  de  Flandre,  trad,  Gheldolf,  t.  If,  p.  222.  —  Diericx, 
Mémoires  sur  la  ville  de  Garni,  t.  I,  p.  125. 

2  Tarlier  el  Waulers,  La  Belgique  ancienne  et  moderne,  Tirleinont,  p.  43. 
—  Borgnet  et  Bormans,  Cariulaire  de  Namur,  t.  II,  p.  70,  etc. 
5  Poullet,  Histoire  politique,  citée,  p.  2iL 

*  Miens ,  Charterboek,  t.  II,  p.  305. 

^  Voir  des  exemples  de  ces  diverses  mesures  dans  Warnkonig,  op.  cit., 
l.  II,  p.  226,  n«.  —  A.-J.  Hevlen,  Commenlar.  de  tertio  statu  ordinum 
ditcatus  Brabantiœ  (éd.  de  Ram  dans  la  Coll.  des  Mém.  couron.,  in-4°,  t.  XVj, 
pp.  3  et  suiv.,  lr^  —  Prat,  Histoire  d'Arlon,  t.  H,  p.  50,  etc. 

*  Les  échevins  d'Ypres  répondent  aux  habitants  de  S'-Dizier  :  «  Oncques 

Tome  XXXIL  4 


1  50  ) 

lutter,  soit  peur  ou  impuissance,  finirent  par  reconnaître  partout 
le  fameux  droit  d'an  et  jour.  Ce  privilège  communiquait  la  fran- 
chise à  tout  homme  résidant  an  et  jour  sur  le  territoire  com- 
munal '.  Or,  il  était  facile  de  se  cacher  pendant  ce  temps,  et 
d'échapper  aux  investigations  du  seigneur,  investigations  d'ail- 
leurs que  la  ville  elle-même  cherchait  à  entraver.  Il  serait  erroné 
de  voir  dans  l'af  tilude  des  communes  un  acte  d'humanité.  L'intérêt 
était  le  vrai  inspirateur  de  leur  politique;  et  nous  avons  vu  que 
c'était  en  cfTcl  leur  ialérêlbicn  entendu  d'augmenter  leur  domaine 
et  leur  population.  L'aptjàt  de  la  liberté  leur  donna  plein  succès. 
A  côté  de  ce  désir  de  la  franchise,  un  autre  motif  attirait  encore 
vers  le  teriitoire  municipal  une  population  considérable.  Les 
villes  étaient  alors  dans  nos  provinces,  le  foyer  d'une  vie  indus- 
trielle active,  dont  la  prospérité  relevait  la  condition  des  artisans 
qui  s'y  livraient.  La  perspective  des  salaires  industriels  influa 
donc  aussi  sur  ralïluence  des  familles  dans  la  banlieue  urbaine, 
et  donna  à  certaines  de  nos  grandes  villes  des  chiffres  de  popula- 
tion qui  étonnent  aujourd'hui  2.  L'organisation  industrielle  du 
temps,  cette  gilde  où  tout  est  calculé  pour  donner  à  l'artisan  une 
existence  digne  de  l'être  moral  et  d'une  personnalité  libre,  un 
régime  économique  basé  sur  la  fraternité  entre  travailleurs,  le 
patronage,  j'allais  dire  la  paternité,  des  maîtres,  le  succès  écla- 
tant de  nos  entreprises  industrielles,  tout  devait  attirer  le  paysan 
vers  la  ville,  vers  l'atelier  ^.  Préservé  par  les  idées  économiques 
du  temps  de  l'exaction  et  des  abus  de  la  concurrence  ;  sauvé  par 
la  loi  chrétienne  de  la  charité,  de  la  loi  d'airain  du  salaire  *,  il 

ij'avoDs  eu  de  gens  de  serve  condilion.  »  Olim,  éd.  Beugnot,  l.  II,  p.  770.  S'il 
est  difficile  de  prendre  à  la  lellre  celte  déclaration,  elle  montre  au  moins  les 
prétenlions  des  communes  sur  ce  point. 

^  Warnkonig,  ibid  ,  p.  257,  iv  2.—  Charte  de  Jean  d'Avesnes,  26  août  1295: 
Devillers,  Carlulaire  des  cens  et  rentes  dus  au  comte  de  Hainaut,  t.  If, 
p.  277. 

^  Coomans,  De  la  population  de  nos  grandes  cités  au  moijen-âge,  dans  la 
Paix,  1879. 

3  L.  Van  der  Kindere,  Le  siècle  des  Artevelde,  cli.  111,  explique  rorgauisation 
du  travail  et  ses  conséquences  sociales. 

*  J,  Janssen,  Geschichle  der  deutschen  Volkes,  1. 1,  p.  515  et  surtout  pp.  519 


1 


(   51   ) 

pourra,  libre  et  peut-être  riche  un  jour,  fonder  une  famille  et 
vivre  heureux. 

Le  mouvement  économique  des  villes  eut  sur  la  situation  du 
plat  pays  la  réaction  la  plus  puissante  et  la  plus  décisive.  L'indus- 
trie manufacturière  et  l'industrie  agricole  doivent  se  prêter  dans 
Tordre  économique  un  mutuel  secours,  s'olïrir  un  débouché  réci- 
proque. Leur  développement  parallèle  est  la  condition  normale 
de  la  prospérité  économique  d'une  société  civilisée  *.  Or  les  com- 
munes belges,  avec  leur  population  exubérante,  leurs  métiers 
florissants,  leur  commerce  étendu  qui  devait  bientôt  absorber 
celui  de  la  France,  leur  multitude  d'étrangers,  les  communes, 
disons-nous,  étaient,  pour  les  produits  agricoles,  un  débouché 
toujours  ouvert.  Ce  voisinage  si  fécond  de  la  grande  industrie 
devait  porter  l'aisance,  la  richesse  et  par  conséquent  la  liberté 
dans  les  campagnes  ^.  Quel  fut  en  fait  le  résultat  de  cette 
influence?  II  fut  triple  :  la  multiplication  des  villes  franches, 
l'abaissement  des  redevances,  le  développement  des  amodiations 
libres.  En  effet,  pour  retenir  les  populations  à  la  campagne,  il 
ne  restait  d'autres  ressources  que  de  leur  accorder  les  mêmes 
avantages  qu'à  celles  de  la  ville.  C'est  alors  que  commence  la 
grande  époque  des  chartes  rurales,  généralement  calquées  sur 
celle  de  quelque  grande  ville  ou  cité  importante  du  voisinage. 
Les  villœ  novœ  se  multipliaient  et  reproduisaient  en  miniature 
quelque  grand  type  de  constitution  urbaine  :  Anvers,  Louvain, 
Liège,  Saint-Trond,  Bruges,  Beaumont,  etc.  Mais  à  côté  de  ces 
villœ  franches,  il  subsiste  des  villages  non  libres,  non  émancipés, 

et  suiv.,  fait  connaître  l'idée-mère  de  celle  admirable  organisation  :  l'idée 
chrélienne. 

^  Ad.  Smilh,  op.  cit.,  liv.  111,  cii.  I.  —  F.  List,  Die  Théorie  des  nalionalen 
System  der  polilischen  Oekonomie,eX  le  comte  de  Thiinen,/,so///'/(?  Staat,  ont 
démontré  celle  vérité  par  l'histoire. 

^  E.  Levasseur,  Histoire  des  classes  ouvrières  en  France,  t.  î,  pp.  175  et 
suiv  ,  fait  entrevoir  cet  aperçu  sans  lui  donner  la  haute  importance  sociale 
qu'il  mérite.  —  Ang.  Thierry,  Essai  sur  Vhistoire  du  Tiers-État,  ch.  I,  p.  30 
(éd.  Gariiier),  le  néglige  complètement.—  Cf.  Taillar,  Histoire  de  Pa/franchis- 
sement  des  communes  du  Nord  de  la  France,  dans  les  Mém.  de  l\  soc.  d'Emo- 

LAIIOS  DE  CiMBRAI,    18.57,   p.   361. 


(  S2) 

soumis  encore  à  l'administration  directe  du  seigneur.  C'est  là  que 
se  remarquent  les  deux  autres  conséquences  de  l'esprit  de 
l'époque  que  nous  venons  de  signaler.  Nous  aurons  à  revenir  en 
détail,  plus  loin,  sur  chacune  de  ces  conséquences.  II  suflisait  ici 
d'en  indiquer  la  cause,  et  de  les  mettre  à  leur  place  dans  l'échelle 
générale  des  progrès  du  tiers-état  rural. 

Les  campagnes  participèrent  donc  largement,  du  XI'  au 
XV^  siècle,  au  mouvement  d'émancipation  qui  emportait  la 
société  tout  entière.  «  L'abolition  ou  l'atténuation  du  servage, 
dit  Wauters  *,  résumant  les  progrès  réalisés,  la  substitution  de 
rentes  et  de  redevances  déterminées  aux  exactions  arbitraires, 
l'adoption  de  lois  nouvelles,  calquées  en  général  sur  celles  des 
villes,  produisirent  d'heureux  résultats.  Les  mœurs  s'adoucirent, 
on  jouit  d'une  plus  grande  sécurité.  La  ville  franque  fait  place  à 
la  commune  rurale.  » 

Nous  avons  étudié  la  part  qui  revient  dans  ce  progrès  à  nos 
braves  populations;  il  nous  reste  à  examiner  l'action  des  seigneurs 
et  celle  de  l'Église. 


II.  Action  des  seigneurs  et  de  V Eglise. 

L'action  des  populations,  quelque  énergique  qu'elle  pût  être, 
eût  été,  sinon  vaincue,  du  moins  fort  entravée  si  l'action  seigneu- 
riale n'eût  fini  par  aider  à  l'émancipation  et  si  certains  faits  de 
l'histoire  des  seigneurs  n'eût  facilité,  à  certeiines  époques,  le 
mouvement  d'affranchissement.  Il  y  a  donc  dans  l'histoire  de 
l'émancipation  du  tiers -état  rural  une  action  des  seigneurs. 
3Iais,  chose  remarquable,  dans  tous  les  actes  qui  la  constituent, 
ils  semblent  toujours  s'inspirer  de  l'esprit  ecclésiastique,  se  sou- 
mettre aux  lois  de  l'Eglise  ou  céder  à  ses  exhortations.  En  consta- 
tant ce  fait,  qui  prouve  dès  l'abord  l'influence  bienfaisante  de 
l'autorité  religieuse,  nous  devons  nous  décider  à  étudier  simulta- 
nément la  politique  des  seigneurs  et  celle  de  l'Église  en  cette 

*  fJberlés  communales,  preuves.  Introd.,  p.  xxi. 


(  o5  ) 

matière.  Après  avoir  signalé  les  faits,  nous  cherclicrons  à  décou- 
vrir l'esprit  qui  les  a  inspirés. 

Trois  faits  importants  nous  arrêteront  ici  lour  à  tour;  la  paix  et 
trêve  de  Dieu,  les  croisades,  les  affrancliissements  et  les  chartes. 

Le  droit  de  guerre  privée,  attribut  de  la  souveraineté  féodale, 
était,  pour  les  populations,  la  source  de  misères  continuelles  et 
terribles.  En  donner  le  détail,  serait  sortir  de  l'histoire  sociale 
pour  entrer  dans  l'histoire  politique.  Bornons-nous  à  signaler 
l'importante  mesure  qui  en  atténua  les  conséquences.  L'institution 
de  la  paix  et  trêve  de  Dieu,  dont  le  principe  avait  été  posé  dès 
i031  au  concile  de  Limoges  ^  est  due  au  concile  de  Tuluge  en 
1041.  Mais  jurée  par  les  seigneurs  de  la  Gaule,  la  paix  ne  s'étendit 
pas  aux  autres  pays  de  la  chrétienté.  Elle  devait  y  être  fondée  et 
acceptée  tour  à  tour.  Malgré  les  objections  et  les  résistances  sou- 
vent étonnantes  qu'elle  rencontra  2,  la  paix,  décrétée  une  première 
fois  en  Flandre  par  Baudouin  le  Pieux  et  Drogon,  évêque  de 
Tournai  ^ ,  fut  jurée  solennellement  par  les  grands  du  pays 
réunis  à  Arras  en  1111  sous  Baudouin  à  la  Hache,  qui  eut 
l'énergie  de  la  faire  respecter''*.  On  constate  une  institution  ana- 
logue en  Brabant  et  à  Liège  ^,  mais  leur  filiation  et  leur  rapport 
avec  la  paix  de  Dieu  sont  moins  bien  établies.  Toujours  est-il  que 
la  paix  religieuse  en  fut  le  modèle  et  l'inspiratrice. 

Quelle  était  donc  la  portée  de  ces  institutions  ^  ?  La  paix  et 
trêve  de  Dieu  ecclésiastique  dérive  de  la  volonté  générale  de 
l'Église  de  maintenir  partout  l'ordre,   le  respect  des  droits  de 

^  Ernest  Sémichon,  La  paix  et  trêve  de  Dieu,  \^^  édit.  Didier,  1837.  Nous 
n'avons  pu  nous  procurer  la  '1^^  édit.  qui  a  modifié  un  peu  la  l»"^  —  A.  Du 
Boys,  Influence  sociale  des  conciles,  liv.  II.  —  M.  de  Drimond,  Urbain  II, 
liv.  II, eh.  IV. 

»  Chronique  de  Baldéric,  édit.  Le  Glay,  liv.  III,  ch.  XXII,  p.  275. 

3  Meyer,  Annales  Flandriœ  ad  ann.  1053. 

*  Warnkonig,  op.  cit.,  t.  I,  p.  166. 

^  Wauiers,  op.  cit.,  p.  356.  —  Le  même.  Ce  qu'on  appelait  en  Brabant  la 
trêve  du  Comte  et  à  ce  propos  de  la  Paix,  instituée  par  l'évêque  de  Liège, 
Henri  I",  Bulletin  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  2"  série,  t.  XXXI,  pp.  77  et 
suiv.  —  Polain,  Histoire  de  Vancien  pajs  de  Liège,  t.  I,  p.  290. 

*  Sémichon,  op.  cit.,  passim  et  surtout  pp.  18,  50  et  suiv. 


(54  ) 

tous,  en  un  mot  la  paix.  Mais  cette  paix  générale  était  incompa- 
tible avec  les  mœurs  des  premiers  temps  féodaux.  Sans  renoncer 
à  cette  paix  universelle,  elle  prend  des  vues  plus  pratiques,  pro- 
mulgue des  lois  qui  seront  mieux  obéies.  Elle  imagine  la  trêve  de 
Dieu;  mais  elle  ne  renonce  pas  à  la  paix.  Dès  lors^  il  existe  une 
paix  perpétuelle  et  inviolable  pour  les  gens  d'église,  les  enfants, 
les  pèlerins,  les  laboureurs  et  leurs  instruments  de  travail;  une 
trêve  limitant  rigoureusement  la  durée  de  la  guerre  pour  toulr 
autre  personne.  L'Église,  voulant  guérir  la  société  malade,  pro- 
portionnait ses  remèdes  à  la  force  du  patient.  Mais  qui  donc 
allait  faire  respecter  ces  lois?  Quelle  en  serait  la  sanction?  Il  n'y 
avait  pas  moyen  alors  d'établir  une  loi  générale;  les  désirs  de 
l'Église  se  traduisirent  donc  en  statuts  et  pactes  particuliers 
s'adaptant  aux  besoins  locaux  de  toutes  les  parties  de  la  catho- 
licité. Ces  pactes  sefaisiiient  sous  forme  d'association  assermentée 
des  seigneurs,  jurant  de  faire  respecter  la  paix.  Dès  lors,  la  paix 
était  sanctionnée  par  deux  puissances,  celle  de  l'association  et 
celle  du  pouvoir  religieux  :  l'excommunication.  On  voit,  dès  lors, 
le  rôle  que  jouent,  diins  l'histoire  des  paix  et  trêves  de  Dieu,  les 
réunions  et  les  actes  particuliers  cités  plus  haut. 

Rendant  la  sécurité  aux  campagnes,  l'intervention  de  l'Église 
eût  été  déjà  souverainement  bienfaisante.  En  l'absence  de  tout 
pouvoir,  elle  était  seule  capable  de  sauver  l'ordre  européen,  et 
par  l'ordre,  la  liberté  '.  Mais  les  services  de  la  Paix  ne  se  bor- 
nèrent pas  là.  Car  c'est  dans  les  statuts  et  les  associations  de  paix 
que  se  trouve  en  partie  le  germe  de  nos  libertés  publiques. 
Voici  comment.  Les  assemblées  réunies  pour  la  paix  ne  se  bor- 
nèrent pas  à  des  mesures  générales;  elles  ne  tardèrent  pas  à 
descendre  dans  le  détail  de  leur  but  et  à  organiser  la  paix  civile 
par  une  sorte  de  législation;  les  actes  de  [)aix  constituent  un 
code  à  peu  près  complet  de  police  et  de  législation  appropriée  à 
l'époque.  Cette  réflexion  explique  la  filiation  qui  existe  entre  la 
paix-Dieu  et  les  paix  seigneuriales  '^. 

*  Sémichon,  op.  cit.,  pp.  515  el  suiv.  —  Litlré,  Études  sur  les  Barbares 
et  le  moyen  âge,  p.  582. 

-  Voir  dan.s  Sémichou,  p.  51,  /es  Canons  du  concile  de  Tuiuyes  (1041). 


(55) 

L'association  des  seigneurs  pour  la  répression  des  brigandages, 
avait  été  la  source  de  ce  grand  progrès  :  l'exemple  était  donné.  Il 
était  naturel  que  les  classes  inférieures  s'associassent  aussi  pour 
leur  sécurité  et  leur  paix.  Les  associations  de  paix  donnèrent 
un  nouvel  essor  à  cet  esprit  d'association  germanique  si  vif  et  si 
actif.  Elles  firent  renaître  les  ghildes  et  créèrent  les  communes 
jurées  du  nord  de  la  France.  L'association  de  paix  se  fondit  dans 
la  ghilde,  doubla  sa  puissance,  épura  ses  statuts,  et  en  fit  une 
association  d'assurance  mutuelle  et  d'amitié,  fortement  orga- 
nisée. On  comprend,  à  ces  détails,  comment  la  paix  eut  en 
Flandre  une  influence  extrême,  et  comment  cependant  on  en 
parle  si  peu.  C'est  qu'elle  s'est  fondue  dans  la  gilde,  ancieime  et 
vivace,  mais  qui,  probablement  sans  elle,  fut  restée  politiquement 
impuissante.  De  là  vient  aussi  le  rapide  progrès  des  libertés 
rurales  de  la  Flandre.  La  gbilde  qui  s'y  était  toujours  maintenue, 
embrassait  bourgs  et  villas.  Le  principe  d'association  qui  avait 
fait  l'antique  prospérité  de  l'agriculture  flamande  continuait  ses 
énergiques  effets.  L'assistance  mutuelle,  la  fraternité  des  mem- 
bres, la  police  et  la  justice  des  élus,  tous  ces  éléments  si  précieux 
se  perfectionnèrent  en  se  cbristianisant.  Aussi  leurs  statuts 
n'eurent-iis  qu'à  être  confirmés  par  les  chartes  seigneuriales. 
Est-ce  à  dire  que  les  gildo?ies  n'ont  rien  gagné  au  grand  mouve- 
ment démancipation.  Ce  serait  nous  contredire;  les  gildones 
étaient  souvent  serfs,  tout  en  étant  confrères.  Les  cbartes  ont 
donc,  en  confirmant  leur  organisation,  émancipé  leurs  membres; 
mais  ceux-ci  ont  dû  à  la  gbilde  elle-même  la  précocité  de  leur 
liberté  comme  aussi  la  supériorité  de  leur  travail  *. 

Dans  les  autres  provinces  belgiques,  la  paix  fit  seule  son 
œuvre,  analogue  mais  plus  lente,  puisque  les  populations  y 
étaient  moins  préparées.  Mais  c'est  encore  la  paix  qui  est  la 
source  des  libertés  populaires  et  c'est  le  texte  des  paix  qui  entre 
dans  la  charte  et  qui,  de  statut,  devient  loi  ^. 

*  Voir  les  sources  et  un  aperçu  sur  l'origine,  les  développements  et  les  traces 
des  Ghildes,  en  noie  à  la  fin  du  Mémoire. 

*  Charte  de  Valenciennes  (1114)  dans  Jacques  de  Guise,  Annales  Hannoniœ, 
liv.  XVI,  ch.  XVI  (éd.  de  Forlia).  —  Tarlier  et  Wauters,  Belgique  ancienne 


(56) 

La  paix-Dieu  établit  une  première  répression  des  brigandages 
et  des  désordres  de  toute  espèce.  Elle  donna  aux  eampagnes  une 
première  sjarantie  de  justice  et  d'ordre  publie.  Or,  eette  garantie 
en  appelait  une  autre,  e'est-à-dire  des  chartes  données  par  les 
seigneurs.  Les  chartes  d'affranchissement  furent  pour  les  cam- 
pagnes ce  que  les  chartes  de  communes  étaient  pour  les  villes: des 
déclarations  de  droit  civil  et  des  règlements  administratifs. 

Avant  d'analyser  l'esprit  des  chartes  rurales,  nous  devons  nous 
arrêter  à  un  fait  qui,  produit  par  l'association  de  la  paix,  eut  sur 
l'avenir  de  toute  les  classes  de  l'Europe  une  influence  considé- 
rable. C'est  le  mouvement  des  croisades.  Grâce  aux  serments  de 
paix,  l'Église  avait  de  plus  en  plus  fait  pénétrer  dans  les  esprits  et 
les  cœurs  la  foi  chrétienne.  On  comprend  dès  lors  comment,  au 
concile  de  Clermont,  la  mâle  et  religieuse  éloquence  d'Urbain  II 
parvint  à  entraîner  vers  la  Terre-Sainte  des  milliers  d'hommes 
de  tous  les  rangs  '.  Nous  n'avons  pas  à  insister  ici  sur  les  faits  et 
l'esjirit  de  ces  grandes  expéditions,  mais  seulement  à  analyser 
leur  influence  sur  l'état  rural  du  pays.  Ces  expéditions  religieuses 
furent  un  utile  débouché  à  l'ardeur  entreprenante  et  à  l'esprit 
belliqueux  des  seigneurs.  Transférer  sur  un  autre  théâtre  leurs 
sauvages  exploits,  les  tourner  à  l'avantage  d'une  grande  et  sainte 
cause,  assurer  la  paix  du  continent  en  dirigeant  contre  les  ennemis 
de  la  foi  les  armes  dont  les  chrétiens  se  déchiraient  entre  eux, 
telle  fut  l'œuvre  générale  des  croisades.  Mais  leurs  effets  ne  se 
bornèrent  pas  à  ce  résultat  immédiat.  Elles  produisirent  des 
modifications  importantes  dans  la  distribution  de  la  propriété, 
dans  les  mœurs  et  dans  la  situation  industrielle  et  agricole  ^. 

et  mof/erne,  arrondissement  de  Nivelles,  1.  II,  p.  100.  La  trêve  du  comte,  treuga 
comitis,  se  trouve  dans  les  chartes  de  Louvain  (chap.  II),  et  de  tous  ceux  qui 
ont  eu  la  même  loi.  Les  constitutions  liégeoises  portent  le  nom  de  paix  du  pays. 
— Poullet,  Hisl.  polit,  citée,  p.  286.  —  Coomans,  Les  communes  belges,  p.  78. 

*  Sémichon,  op.  cit.,  pp.  110  et  suiv.— Comte  de  Mon taleml)ert,  les  mornes 
d'Occident,  t.  VII,  pp.  150  et  suiv.  —  Daresle,  Histoire  de  France,  t.  II. 
(Nous  n'admettons  pas  sans  réserves  les  appréciations  de  M.  Dareste) 

^  Heercn,  jE'ssaî  sur  Vinfluence  des  croisades. —  Les  principales  émigra- 
tions et  expéditions  des  Belges.  Mémoires  de  MM.  d'Hoop,  du  Chasteler.de 
Meersman,  Acad.de  Bruxelles,  ancienne  série.  Prix  de  1779. 


(  S-) 

Les  seigneurs  pour  entreprendre  le  voyage  de  Terre-Soin  te 
avaient  besoin  de  numéraire.  Ils  ne  parlaient  pas  seuls,  mais  avec 
de  fortes  escortes  qu'il  fallait  solder  et  défrayer.  La  plupart  furent 
donc  obligés  de  vendre  ou  au  moins  d'engager  leurs  domaines.  i)c 
plus,  un  grand  nombre  subissant  à  la  fois  l'empire  de  la  même 
nécessité,  ils  furent  contraints  de  les  céder  à  vil  prix.  Partout  on 
mettait  des  terres  en  offre,  et  la  concurrence  des  acbcteurs  n'était 
pas  grande.  L'argent  était  alors  fort  rare;  les  bourgeois  dont  le  com- 
merce naissait,  en  avaient  encore  peu;  les  juifs  n'étaient  pas  encore 
très-organisés;  les  abbayes  seules  avaient  des  trésors  en  espèces 
assez  considérables.  11  en  résulta  que  les  abbayes  avancèrent  beau- 
coup de  numéraire,  que  les  bourgeois  acquirent  quelques  parcelles 
de  terre  et  que  les  juifs  prirent  le  reste  en  engagère.  Cette  révolu- 
tion dans  la  propriété  foncière  est  un  événement  capital  de  l'époque, 
tant  au  point  de  vue  juridique  qu'au  point  de  vue  social.  A  ce  dernier 
égard,  nous  étudierons  plus  tard  le  premier,  il  eut  une  double  consé- 
quence. La  première  fut  d'augmenter  considérablement  les  biens 
du  clergé.  Or,  les  terres  monastiques  étaient  les  mieux  cultivées, 
celles  dont  les  populations  jouissaient  de  la  meilleure  condition  '. 
La  seconde  fut  d'ouvrir  aux  bourgeois  l'accès  à  la  propriété  fon- 
cière. Jamais  peut-être  l'bistoire  n'a  connu  une  circulation  fon- 
cière aussi  longue  et  une  dépréciation  aussi  sensible;  car  la  dépo- 
pulation diminuait  encore  la  valeur  des  propriétés.  On  comprend 
que  de  pareilles  circonstances  appauvrissaient  les  seigneurs  croi- 
sés. Aussi,  le  produit  de  leur  transaction  était-il  souvent  perdu 
pour  eux.  Ils  ne  pouvaient,  à  leur  retour,  s'ils  revenaient,  songer 
à  retirer  de  l'engagère  les  domaines  qu'ils  y  avaient  mis.  La  pro- 
priété se  consolida  donc  entre  les  mains  des  engagistes.  La  féoda- 
lité absolue  et  militaire  reçut  ainsi  de  son  principal  triomphe,  le 
premier  coup  qui  mina  sa  position  foncière  2. 

En  développant  le  mouvement  industriel,  les  croisades  rendi- 

*  Langelhal,  op.  cit.,  I^,  p.  103. 

^  Heeren,  op.  cit.,  p.  160.  —  Blanqui,  Histoire  de  Véconomie  politique,  i.  \, 
p.  I80.— Guizot,  Histoire  de  la  civilisation  en  Europe,  8«  leçon  (éd.  Bruxelles, 
p.  164),  constate  encore  la  concentration  des  fiefs,  c'est-à-dire  la  décadence 
des  petits  fiefs  ;  c'étaient  en  effet  les  moins  riches. 


(58) 

rent  à  la  cause  de  la  liberté  civile  un  nouveau  service.  Nous 
n'entrerons  pas  dans  le  détail  des  débouchés  et  des  chemins  nou- 
veaux qu'elles  ouvrirent  à  la  production  du  continent,  et  par  con- 
séquent des  richesses  qu'elles  y  firent  affluer.  Le  grand  essor 
commercial  qui  suivit  l'élan  militaire,  en  confirma  les  conséquences 
au  point  de  vue  foncier;  la  richesse,  en  effet,  s'accumula  chez  les 
bourgeois  et  ils  purent  songer  à  donner  à  leur  fortune  la  stabilité 
territoriale  K 

Enfin,  outre  la  réaction  favorable  que  devait  avoir  sur  l'agri- 
culture le  progrès  industriel,  la  classe  rurale  profita  directement 
de  l'expédition  de  la  Terre-Sainte.  Beaucoup  de  gens  du  peuple 
prirent  la  croix,  et  la  population  subit  une  diminution  considé- 
rable ^.  Il  fallut  lâcher  encore  une  fois  de  repeupler  les  domaines. 
On  le  fit  en  augmentant  les  libertés  des  habitants,  ou  en  aliénant 
les  terres,  car  le  mouvement  d'aliénation  une  fois  commencé  ne 
s'arrêta  plus,  soit  enfin  en  leur  accordant  des  baux  favorables. 
C'est  à  cette  époque  que  commencent  à  se  multiplier  les  censives 
et  les  baux  à  rente,  en  même  temps  que  paraissent  les  confirma- 
tions des  chartes  anciennes  et  les  concessions  de  lois  nouvelles  ^. 
Nous  étudierons  surtout  les  conséquences  foncières  des  croisades, 
et  ce  furent  les  principales,  en  traitant  du  régime  foncier  et  des 
ammodiations  rurales.  C'est,  en  effet,  aux  croisades  que  l'on  doit 
le  développement  de  la  classe  si  remarquable  des  tenanciers  ou 
censitaires  libres,  et  la  naissance  delà  propriété  roturière. 

Disons  enfin  que  les  croisés  et  surtout  les  moines  qui  les  accom- 
pagnaient, rapportèrent  d'Orient  des  cultures  et  des  procédés 
nouveaux  qui  vinrent  renforcer  l'agriculture  contemporaine  *. 

D'ailleurs  la  transformation  des  mœurs,  le  goût  du  luxe,  donna 

*  Les  précédents.  —  Levasseur,  op.  cit.,  1. 1,  p.  546.  —  Schérer,  Histoire  du 
commerce,  t.  I,  p.  151.—  F.  List,  Die  Lehren  der  handels-politischen 
Geschichle,  p.  2. 

2  Le  nombre  des  hommes  croisés  dépns?a  naliirellemenl  beaucoup  celui  des 
femmes  qui  suivirent  l'expédilion.  Le  marquis  du  Chasteler.  op.  et  loc.  cit., 
p.  73  en  tire  des  conclusions  qui  nous  paraissent  hasardées. 

'  F,  Laferrière,  Histoire  du  droit  français,  t.  IV,  p.  4.56. 

*  G.  Heuzé,  De  l'influence  des  croisades  sur  l'agriculture. 


(  59  ) 

un  débouché  a  toute  une  série  de  produits  nouveaux.  Mais  le  luxe 
n'était  encore  que  peu  développé,  ce  fut  le  privilège  des  grands 
seigneurs  et  des  cours. 

Nous  avons  réuni  ici  les  principaux  effets  des  croisades;  il  en 
est  plusieurs  dont  nous  reprendrons  le  détail  à  d'autres  chapitres; 
mais  il  était  utile  de  les  grouper  ici  parmi  les  conséquences  de 
l'action  combinée  de  la  noblesse  et  de  Téglise. 

Reprenons  maintenant  le  mouvement  de  l'affranchissement. 
Demandons-nous  à  quelle  influence  ont  obéi  les  seigneurs  dans 
leur  politique? 

Le  texte  des  chartes  nous  révèle  l'empire  d'une  double 
influence:  celle  de  l'idée  religieuse,  celle  de  l'idée  économique.  Il 
semble,  à  vrai  dire,  que  dans  la  plupart  des  cas,  les  seigneurs 
n'agirent  que  sous  l'action  unique  d'une  pensée  religieuse.  C'est 
pour  le  salut  de  leur  àme,  le  repos  de  celle  de  leurs  ancêtres, 
la  rémission  de  leurs  péchés,  en  réparation  des  maux  qu'ils 
ont  causés  aux  tenanciers,  qu'ils  leur  donnent  la  liberté  *.  Les 
théories  économiques  étaient-elles  trop  peu  comprises?  Les  motifs 
de  piété  {pietatis  intui(us)  devaient-ils  intervenir  et  étaient-ils 
réellement  les  principaux?  A  coup  sûr,  les  seigneurs  n'avaient 
pas  conscience  du  mouvement  qui  s'opérait  dans  la  société,  mais 
ils  constataient  que  l'ancien  état  de  choses  était  nuisible  à  leurs 
intérêts  et  qu'à  force  de  défendre  leurs  droits,  ils  finiraient  par 
en  perdre  l'objet.  Mais  cette  conviction  n'était  pas  dans  tous  les 
esprits.  Beaucoup  firent  un  vrai  sacrifice  en  modérant  leurs 
exactions;  d'autres  voulurent  sanctifier  par  l'intention  religieuse 
un  acte  que  leur  intérêt  même  leur  dictait;  quelques-uns  enfin 
proclamèrent  dans  leurs  chartes  qu'ils  agissaient  sous  la  pression 
des  circonstances  économiques.  Les  gens  de  mortemain,  disent-ils, 

*  Thierry  d'Alsace  (1 140),  Mole  peccnjninum  suorum  se  considerans.-  Gau- 
thier d'Avesiies  (1 19G),— Henri  de  Rumigny  (1215),  Tarn pro  salute  anime  mee 
quam  anlecessorum  meorum.  —  Godescalc  de  Montigny  (1233)  affranchit  ses 
sujets  «  en  retour  des  maux  que  lui  et  ses  ancêtres  leur  ont  causés.  «  —  VVauters' 
Libertés  communales,  preuves.— iMarguerite  de  Flandre  (1252),  «  intuitu  pie- 
tatis et  ul  Dominus  a  serviiutepeccati  nos  iiberet,  et  tradat  perpetuae  liber- 
tali.  »  Warnkonig,  op.  cil  ,  t.  I,  p.  559. 


(60) 

ne  travaillent  pas,  disant  (jue  c'est  pour  autrui  et  non  pour  eux 
qu'ils  se  donnent  la  peine,  ils  abandonnent  les  villœ  et  les  terres, 
les  dépeuplent  et  en  diminuent  la  valeur  et  le  revenu.  Mus  par 
ces  considérations,  ils  les  dégrèvent  et  les  affranchissent  K  Ces 
textes  suflîsent  à  démontrer  que  les  avantages  économiques  des  af- 
franchissements étaient,  au  moins  vaguement  compris  ^.  Ce  qui 
prouve  d'ailleurs  plus  sûrement  encore,  que  l'affranchissement  fut 
surtout  un  acte  seigneurial,  c'est  l'exemple  curieux  des  résistances 
à  l'émancipation.  Nous  n'avons  pas  rencontré  dans  les  actes  belges 
de  faits  de  ce  genre,  mais  nous  sommes  certains  qu'il  doit  s'en 
être  produit.  Les  serfs  préféraient  l'entretien  assuré  que  leur 
garantissait  la  servitude  aux  hasards  d'une  exploitation  moins 
dépendante  dont  une  partie  de  responsabilité  leur  incomberait: 
la  liberté  leur  faisait  peur.  Parfois  aussi,  sous  un  seigneur  bien- 
veillant et  généreux,  ils  préféraient  le  patronage  d'un  tel  maître  à 
l'émancipation  ^. 

Nous  avons  dit  que  les  chartes  s'inspiraient  souvent  de  motifs 
religieux.  C'est  aflirmer  en  cette  matière  une  action  énergique 
de  l'Église.  Quelle  fut  donc  la  politique  religieuse  de  l'émanci- 
pation. 

L'Église  fut  la  mère  de  la  liberté  en  Occident;  c'est  elle  qui  a 
favorisé  le  plus  puissamment  les  progrès  de  l'émancipation. 
Quel  fut  donc  son  rôle?  Ce  ne  fut  pas  de  proclamer  brusquement 
par  mesure  générale  l'égalité  civile  et  l'affranchissement  de  tous 
les  serfs.  C'eût  été  une  conduite  peu  sage  et  qui  eût  jeté  le  trouble 
dans  toute  la  société.  Une  multitude  d'hommes,  sans  initiative, 
sans  capitaux  n'eussent  pu  vivre  que  de  pillages  et  de  rapines.  Il 
fallait  que  la  contrainte  suppléât  à  la  stabilité  du  travail  volon- 
taire pendant  les  longues  périodes  d'apprentissage  des  classes 
rurales.  D'autre  part,  privés  de  leurs  ouvriers,  les  propriétaires 

*  Guillaume  de  Hollande  :  Mieris,  Charterbocck,  t.  II,  p.  305.  — Enguerrand 
de  Coucy  (1568)  :  Taillar,  Mém.  cilé  Sur  V affranchissement  des  communes, 
p.  217.  —  Jean  d'Avesnes  (1295)  :  Devillers,  op.  cit  ,  t.  II,  p.  279. 

*  Dareste,  Histoire  des  classes  agricoles,  p.  223. 

^  Doniol,  op  cit.,  pp.  96  et.  suiv.  -  Brants,  op.  et  loc,  cil.,  2-^  élude.—  Comte 
de  Monlalemberl,  Les  moines  d'Occident,  t.  VI,  p.  11. 


(  61   ) 

eussent  été  ruinés  eux-mêmes  et  la  société  eût  été  livrée  tout 
entière  à  la  misère  et  à  la  révolution.  La  Russie  ne  souffre-t-elle 
pas  de  la  généreuse  mais  trop  brusque  émancipation  de  1862? 

Les  États-Unis  ne  sont  pas  guéris  des  conséquences  de  l'impru- 
dente abolition  de  l'esclavage  du  Sud  lors  de  la  guerre  de  séces- 
sion *.  11  faut  à  l'humanité  un  développement  lent  et  progressif. 
Il  ne  faut  pas  que  la  liberté  devance  la  situation  économique. 
L'Église  n'a  jamais  imposé  l'émancipation  générale  avant  le  temps, 
ni  prêché  la  révolte  aux  serfs.  Mais  quand  les  circonstances  le 
permirent,  que  le  serf  devint  capable  de  pratiquer  la  liberté,  eile 
inspira  toujours  l'émancipation  et  veilla  à  ce  que  chaque  progrès 
se  réalisât  dès  qu'il  le  put  être  sagement.  Elle  commença  par 
prêcher  l'adoucissement  du  sort  des  serfs ,  par  en  donner 
l'exemple,  par  interdire  tout  ce  qui  dans  leurs  traitements  put 
violer  la  loi  naturelle  ou  divine  ^.  Puis  elle  revendiqua  pour  eux 
les  droits  et  la  liberté  de  la  famille  ^.  Enfin,  elle  conseilla,  l'esprit 
des  chartes  le  démontre,  la  modération  des  redevances  et  l'affran- 
chissement. Là  même  enfin  ne  s'arrêtera  pas  son  œuvre,  et  repre- 
nant dans  le  monde  moderne  sa  mission  protectrice  des  faibles, 
elle  prêchera  la  charité  dans  les  contrats,  comme  dans  les  rela- 
tions seigneuriales. 

Telles  sont  les  raisons  profondes  qui  déterminèrent  l'Église  à 
recommander  l'obéissanee  aux  serfs  et  à  ne  les  libérer  que  d'une 
manière  progressive.  Elle  a  veillé  à  ce  qu'à  chaque  moment  de  la 
civilisation  chrétienne,  le  peuple  fût  toujours  tout  ce  qu'il  pouvait 
être.  Elle  a  empêché  les  passions  brutales  ou  aveugles  d'entraver 
ses  développements.  Elle  a,  en  pénétrant  les  cœurs,  en  convain- 
quant les  esprits,  fait  marcher  les  nations  de  sa  foi  dans  la  voie 
des  progrès  parallèles  de  la  richesse  et  de  la  liberté  ^.  Ce  rôle 

*  Claudio  Jannet,  Les  États-Unis  contemporains. 

*  Voirie  chapitre  relatif  à  la  propriété  monastique. 

3  Gfrorrer,  Zur  Geschichte  deutscher  Volksrechte,  l  II,  passim. 

*  Balmès,  Protestantisme  et  catholicisme,  ch.  XVI,  XVII,  XVIII  et  LX.  — 
Cardinal  Pecci,  aujourd'hui  pape  Léon  XIII,  L'Église  et  la  civilisation.  Lettre 
pastorale.  —  Heltinger,  Apologie  du  cJiristianisjne,  t.  V,  p.  279  de  la  trad. 
française. 


(  02  ) 

de  l'Église  au  moyen -âge,  sa  haute  et  providentielle  sagesse 
sont  d'une  vérité  incontestable  et  d'ailleurs  reconnue  par  tout 
homme  impartial. 

SECTION  II.  —  État  légal  du  tiers  état  rural  au  moyen-âge. 

Nous  avons  étudié  jusqu'ici  les  causes  qui  favorisèrent  et 
assurèrent  les  progrès  de  nos  libertés  rurales.  Nous  avons  à  en 
exposer  le  progrès  réel,  à  en  signîder  rapidement  les  étapes,  à  en 
faire  connaître  enfin  le  dernier  état  dans  nos  provinces.  Or  le 
tiers  état  rural  comprend  dans  notre  histoire  une  triple  catégorie 
de  personnes,  les  serfs  proprement  dits,  les  gens  de  condition  ou 
de  poëste,  enfin  les  censitaires  libres.  Examinons  une  à  une  ces 
trois  classes  de  personnes. 

§  1.  Des  serfs  proprement  dits. 

Les  serfs  (mancipia,  dienslUeden)  étaient  la  catégorie  inférieure 
du  monde  rural  *.  C'étaient  des  hommes  de  corps  dans  la  mesure 
où  le  droit  chrétien  pouvait  en  tolérer  la  notion.  Leur  position  se 
caractérisait  par  une  triple  loi:  la  poursuite,  le  formariage,  la 
mainmorte. 

En  théorie,  le  serf  était  l'homme  de  son  maître  qui  devait  seu- 
lement respecter  en  lui  les  droits  de  la  personnalité  humaine.  Les 
trois  restrictions  que  nous  venons  d'indiquer  étaient  des  appli- 
cations de  cette  idée.  En  les  étudiant,  nous  tâcherons  de  montrer 
comment  elles  étaient  justifiées  par  les  circonstances  écono- 
miques. 

La  poursuite  est  le  droit  du  seigneur  de  réclamer  ou  de 
reprendre  son  serf  fugitif.  Le  serf  était  lié  à  l'exploitation  de  son 
maître;  il  ne  pouvait  la  (juitter,  comme  il  ne  pouvait  en  èlre 
séparé.  C'est  là  une  restriction  importante  au  «  droit  d'aller  et 
devenir»  que  constitue  la  liberté  individuelle  proprement  dite. 

*  Diericx,  Charterboekje.  Introduclion. 


(  65  ) 

Faut-il  se  récrier  contre  cette  restriction  et  y  voir  une  oppression 
odieuse?  A  examiner  les  choses  en  économiste  et  en  jurisconsulte, 
on  se  persuadera  aisément  de  sa  nécessité.  La  loi  de  la  glèbe, 
source  du  droit  de  poursuite,  se  réduit  à  une  loi  sur  le  domicile  *. 
C'est  un  domicile  légal  joint  à  une  résidence  forcée.  Or,  les  serfs 
du  X^  et  du  Xl^  siècle  étaient  des  hommes  exploitant  d'assez  vastes 
domaines  à  titre  de  redevance  ou  corvée.  A  cette  époque,  aucun 
intérêt  ne  les  attachait  à  cette  exploitation  dominicale  où  ils  tra- 
vaillaient. La  contrainte  seule  pouvait  les  y  maintenir,  et  la  con- 
trainte ne  pouvait  émaner  que  du  seigneur-propriétaire. 

Laisser  aux  serfs  la  liberté  individuelle,  c'eût  été  proclamer  le 
vagabondage  général,  l'abandon  de  toute  agriculture,  et  la  ruine 
de  la  jeune  civilisation  germanique. 

La  poursuite  était  nécessaire  tant  que  l'intérêt  ne  retenait  pas 
le  travailleur  sur  le  domaine.  Le  formariage  était  une  restriction 
analogue  par  son  but,  au  droit  de  poursuite.  C'était  la  défense  faite 
au  serf  de  se  marier  sans  le  consentement  du  seigneur,  hors  de  son 
domaine.  Le  formariage  eût  compromis  la  population  d'une  villa 
en  enlevant  à  celle-ci  la  postérité  de  ses  habitants.  De  plus  les 
mariages  mixtes  entre  serfs  de  seigneurs  différents  rendait  fort 
difficile  la  fixation  de  l'état  des  enfants.  Remarquons  d'ailleurs 
que  le  forismaritagium  n'était  pas  un  cas  de  nullité  de  mariage  : 
l'absence  de  congé  du  maître  n'était  évidemment  pas  un  empêche- 
ment dirimant  2. 

Il  ne  suffisait  pas  de  conserver  sur  le  domaine  la  population 
qui  le  cultivait;  il  fallait  aussi  y  maintenir  le  capital  d'exploita- 
tion, et  garantir  l'intégrité  du  mansc.  Ce  double  intérêt  écono- 
mique produisit  la  mainmorte,  ou  le  droit  du  seigneur  de 
reprendre  tout  l'avoir  du  serf  au  décès  de  celui-ci.  II  n'y  avait  pas 
de  saisine  servile,  rêvera  manus,  ici  est  possessio,  morliia  est. 

On  le  voit,  la  situation  économique  du  haut  moyen-àge  justifiait 
les  restrictions  apportées  à  la  liberté  de  la  personne  et  des  biens 

^  Branls,  Éludes  citées.  Les  hommes  de  corps,  Pievue  catholique, décembff 
1879. 
-  Daresie,  Histoire  des  classes  agricole!^,  p  205. 


(  C4  ) 

du  serf.  Ces  restrictions  seules  étaient  capables  de  garantir  au 
travail  agricole  son  indispensable  stabilité  *. 

Le  serf  proprement  dit  était  en  outre  soumis  à  la  taille  seigneu- 
riale. Il  était  taillable  et  corvéable  à  merci,  c'est-à-dire  que  ses 
obligations  n'étaient  pas  fixées;  on  pouvait  exiger  de  lui  toutes 
redevances  et  tous  services.  La  taille  à  merci  était  peut-être  la 
pire  de  ses  charges. 

En  effet  rien  de  plus  terrible  que  de  se  voir  toujours  sans 
garantie,  exposé  aux  exactions  du  maître,  exactions  dont  en  prin- 
cipe, le  taux  et  la  perception  étaient  également  arbitraires.  Ce 
sont  ces  exactions  qu'on  peut  leur  imposer,  occasione  servitutes, 
et  dont  le  premier  acte  d'émancipation  les  affranchira. 

Cette  servitude  à  merci ,  qui  ne  diffère  de  l'esclavage  ancien 
que  par  les  limites  que  la  religion  y  apporta,  disparut  de  très- 
bonne  heure  en  Belgique.  La  limitation  des  redevances  que  nous 
avons  signalée  fit  passer  les  serfs  de  corps  dans  la  catégorie  très- 
vaste  des  tenanciers  de  servile  condition  dont  nous  nous  occupe- 
rons bientôt. 

Mais  il  subsista  des  traces  du  servage  à  merci,  traces  plus  appa- 
rentes que  réelles  dans  les  propriétés  monastiques,  et  sans  doute 
aussi,  bien  que  nous  n'en  ayons  que  la  certitude  morale,  dans  les 
grands  domaines  laïcs.  Nous  trouvons  là  en  effet  une  catégorie  de 
serfs  dont  les  services  ne  sont  pas  déterminés;  qui  sont  logés  et 
nourris,  mais  qui  doivent  tout  ce  qu'on  leur  commande.  Ils  sont 
dits  hagastaldi  [haushaller).  Comment  exphquer  la  permanence 
de  la  condition  des  mancipia  dans  les  domaines  abbatiaux,  alors 
que  nous  avons  vu  l'Église  prêcher  l'émancipation  de  paroles  et 
d'exemples.  La  raison  économique  va  encore  nous  rendre  compte 
de  ce  phénomène.  Nous  avons  dit  au  début  de  ce  chapitre  que  le 
caractère  de  la  culture  avait  justifié  longtemps  le  faible  intérêt 
qu'avaient  les  travailleurs  à  son  succès.  Or  tous  les  grands 
domaines  impliquent  l'emploi  de  valets  de  ferme,  dont  l'œuvre 
reste  tout  à  fait  dans  les  conditions  de  l'exploitation  primitive. 
Avant  à  faire  un  travail  grossier  et  facile,  un  minime  intérêt  suffit 

^  Ibid.,  p.  203.  —  Brants,  op.  cil.,  Revue  cath.,  1879,  t.  I,p.  459. 


(  C5  ) 

à  le  leur  faire  accomplir.  C'est  le  cas  des  hagastaldi.  Les  moines 
s'occupant  surtout  de  défrichements  et  de  mise  en  valeur,  exploi- 
taient de  vastes  terrains  où  les  services  des  manouvriers  de  ce  genre 
étaient  nombreux  et  fréquents.  La  grande  culture  soit  novale,  soit 
perfectionnée,  dominait  dans  les  abbayes  *.  Il  en  est  résulté  que 
la  condition  de  leurs  domestiques  ruraux  n'a  pas  sensiblement 
varié. 

Heureux  sous  la  direction  des  moines,  traités  toujours  en  servi- 
teurs plutôt  qu'en  esclaves,  ils  n'avaient  pas  désiré  d'émancipation 
formelle,  et,libérésen  fait,  avaient  passé  directement  du  servage 
à  la  domesticité.  On  a  fait  observer  avec  raison  que  l'apparition  de 
la  domesticité  était  le  signal  de  l'abolition  du  servage  '^;  et  en  effet 
domestiques  et  serfs  remplissent  le  même  office  rural.  Voilà  donc 
commenl  le  servage  s'est  perpétué  en  apparence  et  transformé  en 
réalité  dans  la  condition  des  f'amuli  monastiques. 

Les  valets  et  domestiques  sont  la  classe  dans  laquelle  se  retrouve 
le  plus  tard  le  vestige  de  la  servitude  ^.  Il  leur  reste  en  effet  de 
commun  avec  les  serfs  ce  caractère  tout  spécial,  qu'ils  engagent  à 
leur  patron  leur  activité  tout  entière,  et  que  tantôt  casés  et  nour- 
ris, tantôt  salariés,  ils  n'ont  aucun  intérêt  au  domaine  sur  lequel 
ils  travaillent.  Aussi  a-t-on  dû  fort  longtemps  restreindre  leur 
liberté  pour  empêcher  une  sorte  de  vagabondage  qui  serait  désas- 
treux pour  les  exploitations.  Même  lorsque  toute  trace  de  servi- 
tude eut  disparu,  que  la  domesticité  résulta  d'un  contrat,  comme 
toute  autre  obligation,  les  lois  durent  se  montrer  plus  restrictives 
à  son  endroit.  N'ayant  aucun  intérêt,  les  valets  ruraux  cherchaient 
à  spéculer  sur  leurs  engagements,  à  quitter  au  moment  des  récoltes 
pour  aller  travailler  ailleurs  à  plus  fort  salaire.  Les  auteurs  nous 
montrent  longtemps  les  misères  des  propriétaires  avec  ce  genre 
(loservitcurSjCn  France  surtout  où  les  lois  n'intervenaient  pas  pour 

^  Branls,  op.  et  loc.  cit. 

*  L.  Delisle,  Les  classes  agricoles  en  Normandie,  eh.  I.  Voir  les  Famuli, 
Cari,  des  Dîmes,  passim;  Domeslici, G^sl.  abl).  Trud.  jih.  xmi,  apud  Perlz,  X, 
314  —  Domaine  laïc  :  sercientes  donieslici  :  acte  d'OUion  de  Cuyck  (1564), 
Cari,  de  S'-Trond,  t.  I,  p.  586. 

5  G.  de  Ghewiel,  Institules  de  droit  belgique,  1. 1,  p.  1 10. 

Tome  XXXU.  5 


(  66  ) 

les  protéger*.  En  Belgique  et  en  Allemagne, le  législateur  ordonna 
au  valet  de  servir  tout  le  temps  de  son  engagement  et  sanctionna 
cette  obligation  par  la  défense  de  servir  ailleurs  tout  le  temps  de 
son  premier  engagement,  et  par  une  amende  pécuniaire  2. 

De  nos  jours,  le  défaut  de  travailleurs  agricoles  est  la  grande 
plaie  des  campagnes. 

On  ne  peut  s'empêcher  de  comparer,  au  grand  désavantage  de 
notre  siècle,  la  solution  qu'il  donne  à  la  question  de  la  main- 
d'œuvre  rurale  et  celle  des  époques  antérieures.  En  plein  moyen- 
âge  quand  les  lois  restrictives  de  la  liberté  individuelle  étaient 
les  plus  énergi(|ues,  on  ne  se  croyait  pas  dispensé  de  donner  un 
certain  intérêt  au  serf.  On  le  casait,  il  avait  un  lopin  de  terre  pour 
sa  basse-cour,  il  avait  ordinairement  sa  vache  qui  paissait  sur  les 
communaux.  Il  avait  son  intérieur,  sa  famille,  son  feu.  En  même 
temps,  surtout  au  grand  moyen-âge,  la  charité  améliorait  les  rela- 
tions domestiques,  attachait  les  serviteurs  au  domaine  et  aux 
maîtres.  Aujourd'hui,  on  a  oublié  ces  préceptes  économiques  et 
sociaux.  11  n'y  a  plus  que  des  relations  de  contractant  à  contrac- 
tant; et  l'antagonisme  social  substitué  au  patronage  éloigne  des 
campagnes  une  population  que  trop  d'attraits  attirent  déjà  vers  les 
villes  ^. 

§  '2.  Des  gens  de  condition  ou  de  poeste. 

Il  n'y  a  pas  au  moyen-âge  de  classe  sociale  plus  vaste  que  celle 
des  gens  de  condition.  A  partir  du  jour  où  la  fixation  des  droits 
se  généralisa,  où  la  position  des  classes  rurales  devint  juridique,  il 
est  bien  diflîcile  d'établir  en  elle  des  catégories  nettement  tran- 
chées. Sans  doute,  il  y  a  dans  le  taux  de  leurs  charges  des  diffé- 
rences infinies,  mais  ces  différences  sont  presque  individuelles; 
souvent  un  même  homme  appartient  à  deux  degrés  différents,  car 

*  OUivier  de  Serres,  Théâtre  d'agriculture,  l*'''  livre,  eh.  VI. 

*  Steur,  Mém.  sur  l'administration  des  Pays-Bas  autrichiens ,  Méh.  de 
l'AcAD.  ROY.  DE  BRUXELLES,  t.  VI,  p.  188.  —  RosclieF,  Principes  d'économie 
politique,  trad.  Wolowski,  1. 1,  §  69.  —  Branls,  op.  et  loc.  cit. 

^  A.  de  Tocqueville,  De  la  démocratie  en  Amérique,  éd.  Lévy,  t.  III,  p  285, 
1874. 


(  07  ) 

les  charges  sont  proportionnées  aux  tenures,  et  un  homme  peut  en 
avoir  deux.  Cependant  nous  parvenons  à  distinguer  les  gens  de 
condition  des  censitaires  libres  proprement  dits;  les  premiers 
soumis  encore  à  certaines  redevances  serviles;  les  autres  absolu- 
ment libres  en  fait  et  en  droit.  Nous  distinguerons  donc  la  grande 
masse  des  tenanciers  ou  laelen  en  deux  classes,  les  mainmortables 
et  les  censitaires  ^ 

Les  mainmortables  qui  font  lobjet  de  ce  paragraphe,  sont 
affranchis,  c'est-à-dire  qu'ils  sont  tenus  à  des  redevances  fixes, 
et  exempts  de  la  taille.  Mais  ils  restent  soumis  d'ailleurs  aux  trois 
restrictions  juridiques  de  la  poursuite,  du  formariage  et  de  la 
raortemain  2.  Ces  restrictions  commandées,  nous  l'avons  vu,  par 
les  circonstances  sociales,  n'avaient  rien  de  déshonorant  pour  ceux 
qu'elles  atteignaient.  La  mainmorte,  par  exemple,  faite  pour  sau- 
vegarder l'intégrité  du  manse  et  du  cheptel  n'était  qu'une  loi 
d'investiture,  comme  les  terres  nobles  avaient  la  leur.  Il  n'y  avait 
là  rien  de  dégradant  :  Nihil  hic  ignominiosi,  ncc  adeo  viliorhaec 
species  ^. 

Cependant  les  cii'constances  se  modifièrent;  les  tenanciers 
acquéraient  un  intérêt  de  plus  en  plus  sérieux  dans  leur  exploi- 
tation; ils  y  apportaient  une  part  plus  ou  moins  grande,  parfois 
peut-être  la  totalité  du  cheptel.  Dès  lors  les  restrictions,  justes 
et  naturelles  autrefois,  devenaient  vexatoires  et  odieuses.  (7est 
l'histoire  de  beaucoup  de  droits  analogues  qui  ont  eu  le  tort  de  sur- 
vivre aux  circonstances  qui  les  justifiaient.  Or,  ceux-ci  ne  tardè- 
rent pas,  sinon  à  disparaître, du  moins  à  s'atténuer  et  à  se  modi- 

*  Warnkônig,  Flandrische  Staatsund  Redits  Geschichte,  t.  III,  Abth. },  !^  ô. 

'  Les  SL^rfs  étaieiil  parfois  l'objet  de  deux  affranchissements  successifs.  Voir 
deuxctiartes  marquant  Irès-bien  les  diverses  conditions  •  la  !•■«  de  125:2,  afiran- 
chissanl  les  hommes  du  pays  de  VVaes  «  ab  omni  taiia  sive  precaria  »;  la  2''  de 
1248,  les  affranchissant  «  ab  omni  servill  condilione  qua  nobis  tenebinUir 
adstricti  »,  citées  par  L.  de  Burbure,  Annales  du  Cercle  archéologique  du 
pays  de  Waes,  t.  VII,  pp.  29o  el  suiv.  —  La  charte  de  Marguerite  de  Fl.indre 
de  1^52,  (Warnkônig,  Histoire  de  Flandre,  irad.  G.,  t.  1,  p.  5o9)  n'opère  <iu(!  le 
premier  affranchissement.  —  A.  Monleil ,  Histoire  agricole  de  la  Fr~:n.:e , 
éd.  Louandre,  p.  80. 

^  H.  Trolz,  Jus  agrarium  fœderati  Belgii,  t.  II,  p.  526,  1752. 


(  68  ) 

fier  étrangement.  Les  supprimer  net  eût  été  accorder  en  même 
temps  et  la  liberté  individuelle  et  la  libre  disposition  des  biens. 
C'eût  été  en  allant  trop  vite,  diminuer  la  position  du  seigneur. 
Renonçant  à  une  servitude,  il  lui  fallait  au  moins  une  compensa- 
tion ^ 

Les  compensations  se  firent  en  redevances.  La  poursuite  se 
transforma  en  droit  de  congé  et  le  forma riage  en  droit  fixe  de 
maritagium.  La  mainmorte,  la  servitude  la  plus  importante  pour 
l'exploitation,  se  modifia  également.  D'abord,  au  lieu  de  porter 
sur  la  totalité  des  biens,  elle  ne  porta  plus  que  sur  une  part,  sans 
doute  proportionnelle  à  celle  que  le  seigneur  devait  ordinairement 
apporter.  Les  serfs  devinrent  alors  partaubles  ^.  Mais  cette  tran- 
sition elle-même  ne  fut  pas  générale,  et  Ton  voit  souvent  les  gens 
passer  immédiatement  de  la  mainmorte  à  la  simple  redevance 
mortuaire.  Celle-ci  rappela  longtemps  l'ancienne  coutume,  grâce 
à  sa  forme  spéciale  :  celle  du  meilleur  catleP.  Celte  redevance  con- 
sistait en  effet  en  la  contribution  de  quelque  belle  pièce  mobi- 
lière. Ici  c'est  une  tête  de  bétail,  là  le  meilleur  objet  du  mobilier 
proprement  dit  *.  Au  meilleur  catel  lui-même  était  parfois  joint 
une  taxe  en  espèces.  Cette  redevance  n'avait  plus  de  servile  que  le 
souvenir.  Elle  en  conservait  cependant  le  caractère  juridique^.  Mais 


^  Charte  de  Frasnes,  1 190.  Wauters,  Libertés  communales,  Preuves. 

*  Diericx,  Mémoires  sur  la  ville  de  Gand,  l.  I,  p.  116,  n°  2.  —  Gachard, 
Documents  concernant  r histoire  de  la  servitude  en  Belgique  au  moyen-âge, 
BuL!..  coMM.  ROY.  d'hist.,  2«  série,  l.  IV,  p.  259.— Charle  deTrazegnies  (I^ÎIO), 
Wauters,  Preuves,  p.  76.  —  Waulers,  Environs  de  Bruxelles,  t.  J,  p.  15,  etc. 

"•  E.  de  Facqz,  Ancien  droit  de  la  Belgique,  1. 1,  p.  257. 

^  Waulers,  Libertés  communales,  p.  109.  —  Arnoul  de  BrabaiU  1011. — 
\\ -.wiiers,  Arrondissement  de  Nivelles, «  quicquid  melius  elaboralum  vel  acqui- 
siiiim  ».  —  G-  d'Oudegherst,  Chronique,  ch.  III. 

2  II  y  eut  excepiionnellemenl  des  fiefs  grevés  du  Mélior  Cattel  dans  le  comté 
de  iNamur,  voir,  par  exemple,  le  fief  de  Vilier-la-Ville  dont  le  seigneur  doit  à  sa 
mort  «  le  meilheur  de  ses  chevals,  le  habierl  et  les  chaches.»  On  pourrait 
cependant  voir  là  un  droit  de  relief  {cf.  infra).  Toujours  esl-ilque  les  minis- 
tériels de  Namur  devaient  ce  droit,  et  le  comte  Philippe  dut  y  renoncer 
((  comme  injuste  et  contraire  a  l'honneur  de  la  chevalerie.  »  Miraeus,  1. 1,  p.  297, 
—  St.  Bormans,  Fiefs  du  comté  de  Namur,  p.  26. 


(  «i>  ) 

ce  n'était  plus,  en  réalité,  qu'un  simple  inipôl  sur  les  successions; 
rien  là  de  plus  honteux  que  le  relief  des  mutations  et  les  profits 
de  fiefs.  Souvent  même  d'ailleurs  la  taxe  en  espèces  remplaça 
immédiatement  l'exaction  de  mortemain,  et  les  laeten  furent  ainsi 
délivrés  de  tous  les  restes  de  la  servitude  personnelle  K 

Les  provinces  de  liberté,  lors  de  l'homologation  des  coutumes, 
n'admettaient  plus  sur  leur  sol  aucun  de  ces  vestiges.  La  coutume 
d'Anvers  l'exclut  formellement  ^.  Il  était  de  principe  que  le  serf 
mettant  le  pied  sur  le  sol  belge  devenait  libre.  Mais  toutes  les 
provinces  n'étaient  pas  également  pays  de  liberté  ^.  Le  servage 
se  conserva  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime  dans  certaines  parties 
de  la  Flandre  impériale,  dans  le  Hainaut  et  dans  le  Luxembourg. 
Les  serfs  du  pays  d'Alost  n'existaient  que  dans  quatre  localités 
dites  serve  plaetsen  et  faisant  partie  du  domaine  comtal.  Ils  ne 
sont  soumis  qu'à  la  mainmorte,  et  seulement  au  cas  de  mort  hors 
de  leur  lieu  de  naissance  *. 

Le  Luxembourg  était  tout  entier  sous  le  régime  allemand. D'ail- 
leurs le  développement  économique  y  était  très-arriéré  et  partant 
la  liberté  dans  l'enfance  ^.  On  y  distinguait  les  Zinsmannen  ou 
Freischafleuten  et  les  Dinstleuten.  Ceux-ci  étaient  soumis  au  ser- 
vage; ils  étaient  liés  à  la  Vogtei ,  ne  pouvaient  la  quitter,  ni  se 
marier  sans  le  consentement  du  seigneur  ^  Le  but  du  droit  de 
mainmorte  est  assez  nettement  indiqué  dans  les  coutumes  luxem- 
bourgeoises :  «  Ils  (les  serfs)  peuvent  marieclier  chez  eux  un  de 
leurs  enfants  agréé  du  seigneur,  et  qu'ils  peuvent  faire  leur  suc- 
cesseur esdit  biens.  Si  on  veut  faire  le  contraire,  il  est  au  pouvoir 
du  seigneur  de  casser  le  tout  et  de  les  priver  desdits  biens  7.  »  Le 

'  Acte  de  1227.  Gachard,  Documents  cités,  p.  253. 

2  Tit.  XXXVIII,  a  1,2.  —  Anseimo,  Tribonianus  belgicus,  ch  LXV. 

5  Britz,  Mémoire  sur  Vancien  droit  belgique,  p.  505. 

*  Coutumes  d'Alost,  1,  6,  7.— Defacqz,  loc.  cit.— Raepsael,  Atialyse^no  150. 

*  E.  delà  Fontaine,  Le  cadastre  en  Luxembourg.  Viihlicâlion  de  la  Société 

HISTORIQUE  DD  LUXEMBOURG,  t.  XVI,  p.  194. 

*  Briiz,  loc.  cit.  —  Leclercq,  Cou/umes  du  Luxembourg,  l.  l.  —  Pral,  His- 
toire d'Arlon,  t.  II,  p.  50. 

'  Coût,  gén.,  Titre  II,  art.  3. 


(  70  ) 

scis:neur  lient  donc  à  maintenir  le  mode  de  transmission  de  ses 
terres. 

En  Hainaut  des  restrictions  analogues  avaient  subsisté  pour  les 
serfs  de  coutume  dont  il  est  question  dans  les  chartes  *. 

Les  serfs  de  coutumes  du  Hainaut  sont  donc,  au  moment  de 
l'homologation,  à  peu  près  les  seuls  qui  subsistent  en  pays  vrai- 
ment belge,  mais  cette  condition  fut  longtemps  prédominante 
dans  le  pays.  Certains  auteurs  ont  cru  voir  là  des  restes  du  ser- 
vage de  corps,  mais  ce  sont  des  serfs  de  corps  affranchis  et  deve- 
nus hommes  de  condition.  Cette  dilTcrcnce  est  essentielle  2.  Le 
serf  de  coutume  est  un  homme  libre  soumis  à  des  redevances 
serviles  fixes  et  déterminées,  le  serf  de  droit  est  un  esclave  dans 
la  mesure  où  la  religion  peut  le  tolérer.  Suivant  la  coutume  on 
perçoit  un  droit  de  servage  ^;  en  droit  le  seigneur  absorbait  l'ac- 
tivité de  son  serf.  La  servitude  de  droit  avait  disparu  depuis  long- 
temps en  Belgique.  La  servitude  coutumière  était  à  peine  éteinte; 
en  Flandre,  nous  l'avons  dit,  elle  n'avait  pas  même  disparu. 

En  Brabant,  les  magnanimes  ducs  Henri  II  et  Henri  III  abolirent 
solennellement  la  mainmorte  dans  leurs  domaines  ^.  Cet  exemple, 
sans  doute,  influa  sur  les  autres  seigneurs.  Mais  malgré  ces  actes 
princiers,  on  retrouve  encore  au  XIV*  siècle  des  serfs  en  Brabant; 
sous  le  règne  de  la  maison  de  Bourgogne  et  de  ses  avides  comp- 
tables, on  remarque  nettement,  même  dans  le  domaine,  une  ten- 
tative de  restauration  des  droits  de  servage^.  La  révolution  seule 
les  abolit  radicalement,  car  Joseph  II  lui-même  n'abolit  pas  les 
droits  serviles  appartenant  au  domaine  royal  <^,  et  on  retrouve 
jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime  des  cas  de  mainmorte  et  de 
meilleur  eattel  7. 

*  Faider,  Chartes  générales  du  Hainaut,  q\\  CXXVllI. 

»  G.  de  Ghewiel,  Institutes  de  droit  Belgique,  éd.  Bru\.,  1. 1,  pp.  107  et  suiv. 
'  Chartes  générales  du  Hainaut,  ch.  CXXVllI,  a  1. 

*  Baron  de  ReitTenberg,  Sur  Vacte  des  deux  Henri  et  son  interprétation, 
dans  les  Nouveaux  Mém.  de  l'Acad.  de  Buuxelles,  t.  VI. 

6  Tarlieret  VVauters,  Belg.  anc.  et  mod.,  ÎSivelles  (ville),  p.  69. 

«  E.  Poullet,  Constitutions  belges  de  l'ancien  régime,  p.  1S6,  n"  4, 

7  L.  Van  der  Kindere,  Siècle  des  Artevclde,  p.  248.— E.  de!  Marmol,  Notice 
sur  Méhaigne ,  Am^ales  de  la  Soc.  archéol.  DENAMun,  t.  Il,  p.  187. 


(  71   ) 

D'ailleurs,  répétons-le  encore,  il  ne  faut  pas  juger  cette 
condition  d'après  les  idées  contemporaines.  La  condition  des 
hommes  de  poësle,  familia  censualis  et  ohedienSj  n'était  pas 
malheureuse;  elle  était,  au  contraire,  pennagni/lca  et  sin  jiiris 
contenta  *.  Comme  il  y  avait  eu  de  tout  temps  des  serfs  riches, 
il  y  eut  aussi,  et  même  beaucoup  de  censitaires  de  condition, 
prospères  et  heureux.  La  liberté  absolue  n'est  pas  plus  une 
condition  nécessaire  de  bonheur  qu'elle  n'est  un  droit  natureL 
C'est  ce  que  la  raison  proclame  en  philosophie  comme  en 
économie  sociale. 

Dans  la  vaste  catégorie  des  hommes  de  condition,  ou  si  l'on 
veut,  des  serfs  de  coutume,  rentre  l'intéressante  série  des  serfs 
d'église.  A  vrai  dire,  on  pourrait  presque,  avec  plus  de  raison,  les 
ranger  parmi  les  censitaires  libres;  ils  ne  sont,  en  effet,  soumis 
qu'à  une  capitMtion  et  à  quelques  minimes  redevances  dont  la 
perception  tomba  probablement  assez  vite  en  désuétude  ^.  Mais 
comme  à  l'origine  ils  sont  ordinairement  soumis  à  une  redevance 
commémorative  des  droits  de  servage,  et  qu'on  les  appelle  com- 
munément serfs  d'église,  nous  les  étudierons,  quoique  indûment, 
sous  cette  rubrique.  Les  serfs  d'église  dont  nous  entendons  ici  parler 
ne  sont  pas  les  serfs  de  droit  commun  appartenant  h  des  abbayes 
ou  à  des  chapitres  :  ceux-ci  n'ont  aucun  trait  juridique  particu- 
lier; ils  ne  se  distinguent  que  par  le  traitement  plus  favorable 
dont  ils  jouissent.  Les  serfs  d'église  étaient  une  population  com- 
posée d'une  double  catégorie  de  personnes.  Les  unes,  libres,  vou- 
lant se  renfermer  dans  une  abbaye,  en  devenir  tributaires,  y  vivre 
tranquilles  et  retirées,  et  se  soumettre  par  humilité  à  l'autorité 
des  moines  ^;  les  autres,  émancipées  et  offertes  à  l'auteL  Ces  der- 
nières étaient  généralement  offertes  à  sainteur  *,   à  charge  de 

*  Martène  el  Durand,  Historia  novientensis,  Thésaurus  anecdolorum,  t.  III, 
C.1128. 

'^  L.  de  Burbure,  Ann.  cercle  archéol.du  Pays  de  Waes,  t.  VII,  p.  29S. 
^  Ces  personnes  rentraient  plutôt  dans  la  classe  des  convers  ou  des  oblats, 
V.  infra. 

*  Acle  de  iZOS.  GAchnrd,  Documents  sur  la  servitude,  cités,  Bull,  de  la 
CoMM.  ROY.  d'hist.,  2«  séric,  t.  IV,  p.  83. 


(  "2  ) 

payer  à  l'abbaye  certaines  redevances  déterminées,  en  capitation, 
en  maritagium,  en  redevance  mortuaire  *.  11  est  clair  que  ce  genre 
de  serfs  était  libre,  bien  qu'il  y  eût  parfois  certaines  restrictions. 
Les  chartes  de  donation  étaient  même  considérées  comme  actes 
d'affranchissement,  Ca?'ta  donationis  vel  liberlatis  -.  Un  assez 
grand  nombre  de  personnes  libres,  mais  faibles,  venaient  aussi, 
aux  mémos  conditions,  implorer  la  protection  d'une  église.  Celte 
oblation  réelle  qu'une  personne  faisait  d'elle-même  et  de  ses 
biens  avait  pour  effet  de  la  soustraire  à  toute  juridiction  laïque, 
pour  la  soumettre  à  celle  de  l'église,  et  souvent  ainsi  améliorait 
sa  condition  ^.  Les  serfs  d'église  était  donc,  en  fait,  des  personnes 
libres.  Ils  nous  serviront  de  transition  naturelle  entre  les  gens  de 
condition  et  les  censitaires  libres. 


§  3.   Des  censitaires  libres. 

Posons  en  principe  que  sont  hommes  libres  ceux  qui  ont  la 
libre  disposition  de  leur  personne  et  de  leurs  biens  *.  Sans 
compter  ici  les  petits  alleuticrs,  il  faut  signaler  au  premier  rang 
tous  ceux  qui  ne  sont  plus  liés  au  seigneur  que  par  un  cens 
féodal  ou  foncier  {mannen  ofte  laelen),  sans  devoir  aucun  ser- 
vice. Ce  cens  peut  affecter  toute  forme  quelconque,  il  suffit  d'en 
constater  le  titre.  L'exposé  détaillé  de  la  condition  des  censitaires 
appartient  à  l'étude  du  régime  foncier,  nous  ne  devons  ici  que  les 
montrer  au  faîte  de  la  hiérarchie  du  tiers  état  rural.  Ces  tenan- 
ciers constituaient  la  bourgeoisie  rurale,  ou  plutôt  la  classe 
moyenne  des  campagnes  féodales^.  Investis  de  l'échevinat,  juges 
et  justiciables  de  leurs   pairs,  ils  puisaient  dans  la  participation 

*  Voir  de  nombreux  exemples  dans  Piot,  Carlulaire  de  S'-Trond ,  t.  I, 
pp.  16,  82,  89,  etc. 

«  ibid.,  p.  27. 
»  Ibid.,  p.  n. 

*  Exemple  :  Charle  de  Rasse  de  Gavre  (1:252),  dans  van  Lolieren,  Chronique 
et  carlulaire  de  S^-Bavon,  [)ièces  justificatives,  n"  59. 

^  Branls,  Élude. d' histoire  rurale,  1.  La  censive  féodale,  Revue  catholique 
DE  LouvAiN,  l.  J,  p.  45,  1879. 


{  75  ) 

aux  fondions  publiques,  dignité  et  importance.  C'est  à  ces  antiques 
fonctionnaires  ruraux,  dont  nous  étudierons  sommairement  les 
fonctions  plus  loin,  qu'on  doit  la  liberté,  la  sécurité  et  la  police 
des  campagnes.  C'est  aux  statuts  locaux,  dont  ils  sont  les  défen- 
seurs zélés,  beurcux  et  fiers,  que  nous  devons  aussi  la  liberté  et 
le  progrès  de  notre  agriculture.  Aussi  ne  le  cèdent-ils  guère  à  la 
petite  noblesse.  Possesseurs  tranquilles  de  leurs  biens,  il  n'est  j)as 
rare  d'en  trouver  qui  surpassent  les  nobles  par  l'élendue  de  leurs 
terres,  et  qui  marient  leurs  filles  à  des  hommes  d'une  noblesse 
reconnue  K  Cette  classe  de  paysans,  de  propriétaires-censitaires, 
constituait,  à  la  fin  du  moyen-âge,  la  grande  majorité  de  la  popu- 
lation rurale  belge.  Sans  doute,  les  campagnes  eurent  leurs 
époques  de  souffrances,  mais  la  liberté  de  nos  institutions  rurales 
fut  toujours  une  source  féconde  de  restauration  et  de  progrès. 

Nous  avons  étudié  la  condition  des  classes  rurales  et  les  causes 
de  leur  progrès.  Saluons,  avant  de  terminer  ce  cbapitre,  le 
splendidc  essor  de  nos  libertés  rurales.  Proclamons  l'énergie  et  la 
vigueur  de  nos  populations,  et  en  même  temps  l'esprit  sagement 
libéral  de  l'aristocratie  belge;  le  travail  et  la  liberté  corroborés 
par  la  moralité  et  la  religion  ont  fait  la  splendeur  de  la  civilisa- 
lion  de  nos  provinces. 


SECTION  111.  —  La  vie,  les  idées  et  les  mœurs. 

Rien  de  moins  éclairci  que  l'histoire  morale  et  même  maté- 
rielle des  classes  inférieures  du  moyen-age;  rien  de  plus  difficile 
que  d'en  tracer  un  aperçu  général  avant  que  les  monographies 
en  aient  suffisamment  mis  en  lumière  les  principaux  points. 
Cette  difficulté  existe  surtout  pour  les  classes  rurales, qui  n'entrent 
pour  ainsi  dire  pas  dans  le  mouvement  littéraire.  Les  livres  ne 
retracent  que  les  incidents  mémorables  de  l'histoire  des  cam- 
pagnes. Il  ne  nous  initient  guère  à  la  vie  intime  et  ordinaire. 
Les  idées  mêmes  qui  ont  présidé   au  développement  des  classes 

*  Trotz,  Jus  agrarium  fœderati  Belyii,  l.  II,  p.  528. 


(74  ) 

agricoles  doivent  se  conjecturer,  plutôt  que  se  trouver  dans 
les  œuvres  du  temps.  Cependant  l'histoire,  sans  les  idées,  serait 
un  cadavre.  Borner  les  causes  de  l'émancipation  aux  circonstances 
économiques,  serait  matérialiser  l'économie  sociale.  Elle  a  une 
âme  :  si  les  faits  économiques  déterminent  le  développement 
social,  ce  n'est  qu'à  la  condition  que  le  mouvement  des  idées  le 
corrobore  et  l'active 

Cherchons  donc  à  esquisser  le  mouvement  des  idées  qui  se  pro- 
duisit par  rapport  aux  classes  inférieures  pendant  la  période 
d'émancipation.  Celte  rapide  étude  nous  permettra  de  pénétrer 
un  peu  plus  avant  dans  le  secret  de  l'influence  religieuse  en  cette 
matière. 

Les  classes  inférieures  du  haut  moyen  âge  étaient  certes  dans 
une  condition  assez  misérable.  Le  serf  était  maigrement  nourri, 
couchait  sur  la  dure,  parfois  à  la  belle  étoile;  son  habitation, 
cabane,  casa,  en  bois  et  en  terre,  n'offrait  rien  de  confortable,  le 
vêtement  était  simple  et  grossier  *.  Mais  lelat  économique  du 
temps  ne  comportait  pas  mieux.  Il  ne  faut  pas  en  conclure  que  le 
serf  était  nécessairement  misérable  et  malheureux.  II  l'était  sans 
doute  quand  la  guerre  et  les  exactions  le  maltraitaient,  mais 
d'ailleurs  sa  situation  n'avait  rien  d'insupportable.  Il  y  eut  dès 
lors  des  serfs  riches,  possédant  eux-mêmes  d'autres  serfs  ^,  il  y 

*  Hoe  dat  eersie  vole  te  levene  plach  : 

«  Ende  haer  cleder,  dat  verslaet, 

En  hatlen  ander  werwe  noch  glievoech 

Dan  also  alst  scaep  droech. 

Men  vanl  sindacl,  bont,  noch  graeu 

Noch  root,  noch  groen,  noch  blaeu 

Bedde  noch  oorcussen 

En  nulle  l'fok  vieesch  noch  wyn 

Ende  lael  rusle  aise  zwyn 

Onder  die  borne  inl  gras.   » 

(Boendale,  Lekmspipge},  boec  I,  c.  XXXI,  v*  10,  éd.  de  Vries,  Leiden ,  1844). 

2  Chronique  et  cnrlulalre  de  Bergues  S^-Winon,  éd.  Al.  Pruvost ,  Brugest 
1875.  Introd. 

Il  y  eut  des  serfs  qui  parvinrent  à  cacher  leur  condilion  et  se  faufilèrent  dans 
l'industrie  libre  et  même  dans  la  chevalerie.  — Galbert,  Chronique  de  Charles- 
Ïe-Bon,  ch.  XII.  —  Waulers,  Libertés  communales,  p.  517. 


(  75  ) 

en  eut  qui  entrèrent  dans  l'administration  de  la  ville  et  s'agran- 
dirent comme  maires  ou  intendants.  Ceux-là  étaient  au-dessus  du 
commun,  mais  la  plèbe  rurale  elle-même,  logée  et  nourrie,  pou- 
vait être  heureuse.  Quelle  était  alors  la  doctrine  répandue  sur  le 
servage?  Cette  doctrine  était  celle  des  théologiens  catholiques  *  : 
elle  avait  pour  maxime  et  conclusion  qu'il  ne  fallait  réclamer  du 
serf  que  ce  que  les  circonstances  permettaient  de  réclamer  sans 
l'accabler.  Ce  principe  avait  pour  résultat  nécessaire  de  faire  con- 
sidérer comme  injuste  une  servitude  que  la  situation  générale  ne 
comportait  plus.  Comment  donc  ce  principe  avait-il  pénétré  les 
esprits?  Le  christianisme  avait  introduit  dans  le  monde  une  notion 
toute  nouvelle  du  travail  et  de  la  servitude.  Les  hommes  créés 
égaux  avaientpéchéet  avaient  été  condamnésàla  peine, au  travail. 
Le  travail  était  imposé  à  tout  homme  par  la  loi  divine  comme 
une  expiation  de  la  faute  adamique.  Ce  travail  était  considéré 
donc  comme  une  peine  commune  à  tous  les  hommes,  et  comme 
une  œuvre  méritoire  de  la  part  de  qui  l'accomplissait  volontiers. 
Le  travail  était  ainsi  remis  en  honneur.  Or  le  servage  n'est  qu'une 
forme  d'organisation  du  travail,  résultat  comme  lui  du  péché  de 
l'humanité.  Le  serf  était  donc  non-seulement  l'égal  du  maître  en 
nature,  mais  il  pouvait  lui  être  supérieur  en  vertu.  Si  donc  il 
devait  obéir  avec  soumission  à  son  maître  pour  toutes  les  œuvres 
matérielles,  il  en  restait  indépendant  pour  l'àme  et  la  conscience, 
comme  personne  libre  et  comme  chrétien.  D'autre  part,  le  maître 
lui  devait  la  charité;  il  devait  le  bien  traiter,  le  traiter  le  mieux 
possible,  et  par  conséquent  l'affranchir  dès  que  les  circonstances 
le  permettraient.  Telle  est  la  logique  des  idées  chrétiennes  en 
matière  d'émancipation,  idées  qui  imprégnèrent  les  esprits  au 
raoyen-âge  et  auxquelles  on  est  redevable  du  progrès  majestueux 
de  la  liberté  en  Occident. 

On  a  attaqué  les  doctrines  théologiques  sur  le  servage.  Nous  en 
avons  assez  dit  pour  ne  pas  reprendre  le  détail  de  ces  incrimina- 
tions. Disons  cependant  un   mot  en  ce  qui  touche  notre  pays. 

'  Voir  le  résumé  dans  J.  Balmès,  op.  cit.,  ch"  XVI,  Elle  est  admirablement 
iracée  par  Papôlre  S'  Paul,  Ep.  ad  Timotheum,  I,  6. 


(76  ) 

Tous  les  écrivains  ecch'siastiques  qui  ont  eu  quelque  influence 
dans  nos  provinces  professent  les  mêmes  doctrines.  Un  moine 
belge  de  haut  mérite,  abbé  de  Lobbes,  Ratbier,  a  tracé,  dans  un 
ouvrage  célèbre,  la  morale  des  divers  états  pour  le  combat  de  la 
vie  (agonisiicon).  Au  serf,  il  prêche  la  résignation,  lui  rappelle  sa 
qualité  devant  Dieu,  lui  conseille  la  soumission,  non  par  crainte 
servile,  la  charité  doit  écarter  la  peur  des  coups,  mais  par  la 
crainte  de  Dieu.  Sont-ce  là  les  paroles  d'un  sophiste,  d'un  pam- 
phlétaire, d'un  ennemi  du  peuple?  Nullement,  ses  avertissements 
aux  maîtres  le  prouvent  assez  :il  les  exhorte  à  la  modération,  leur 
rappelle  les  menaces  contre  ceux  qui  exploitent  les  travailleurs, 
l'égalité  ou  plutôt  la  co-servitude  de  tous  les  hommes  devant 
Dieu  ;  il  leur  défend  enfin  d'imposer  à  leurs  serfs  des  services 
au-dessus  de  leurs  forces  ^ 

Cette  doctrine  sur  le  servage,  nous  la  retrouvons  dans  sa  con- 
ception mystique,  chez  saint  Bernard,  l'apôtre  de  la  seconde 
croisade  2;  nous  la  retrouvons  tout  entière  chez  saint  Thomas 
d'Aquin,  le  docte  et  sage  conseiller  de  Henri  III  et  d'Alix  de  Bra- 
bant  5. 

^  Ralherii  opéra,  éd.  Vérone,  1765.  Agomsticum  seu  prœlogia,  Tit.  XIV  de 
servis  :^o\\  trislari  ...  audi  apostolum  diceiitem  :  «  servi  subdili  cstole  in 
omni  limore  domini.  »  Id  est  primum  Dei,  inde  lerreni  domini;  sive  primum 
limore  servili,  quem  caritas  foras  millil ,  videlicet  ne  flagelleris,  etc.,  adul- 
timum  ne  in  igiiem  œlernum  ducaris, 

Tit.X,  de  nobilibus:  Patronvs,s,\\e  ut  usitalius  a  mullis  dici  amhitur,  senior 
es?  audi  «  quaevullisul  facianl  vobis  liomines  et  vos  facile  illis  »...  aitende  .. 
ul  intelligas  homines  non  homnibus  sed  volaliiibus,  etc.,  esse  prœlatos 
omnesque  a  Deo  natura  aequales  conditos,  sed  inœqualitate  morum  faciente, 
aliis  altos  in  tantum  supposilos  ut  pleramque  aliqui  dominentur  eliam 
meliorihus.  » 

Til.  XIII,  de  dominis  :  Doniinus  es?  Noh*  extolli.  Mémento  te,  servum  unum 
habere  Dominum  et  idée  te  esse  censervuni  :  vide  ne  superponas  ei  (servo) 
aliquod  quod  ferre  non  possit,  aut  certè  difficile  poscat  servilium,  »  pp.  27  et 
suiv. 

Cf.  Vos,  Histoire  de  Lobbes,  l.  Il,  pp.  85  et  suiv. 

3  Opéra,  l.  l,col.  576,  1034. 

3  Summa,  ihéol  :  Origo  et  natura  ser vilulis,  1  ^  2=»  Q.  94 ,  art.  5  ad  3  -  2»  2*  Q.  57 
art.  3  ad  3  — Homo  servus  allerius  secundum  corpus,  non  autem  secundum 


(  77  ) 

Les  conseils  aux  maîtres  et  seigneurs,  nous  les  trouvons,  éner- 
giques et  vigoureux,  chez  Heincmar  de  Reims,  dans  le  haut 
moyen-âge;  nous  les  trouvons  plus  tôt  encore,  on  le  verra  plus 
loin,  chez  les  pères  de  l'institut  monastique  et  dans  les  écrits  des 
papes;  nous  les  trouvons  enfin  appliqués  dans  les  abbayes,  ces 
foyers  de  la  vie  catholique  '. 

Sans  doute,  ces  conseils  n'étaient  pas  toujours  suivis,  mais  ils 
|)énétraient  les  esprits,  et  nous  avons  vu  que  c'est  à  leur  con- 
science que  cédèrent  les  seigneurs  quand  ils  ouvrirent  la  grande 
ère  des  chartes  d'affranchissement. 

Nous  avons  exposé  le  mouvement  d'émancipation.  Quelle  était 
donc  au  XIIP  siècle  la  situation  d'un  paysan  de  nos  campagnes 
belges?  Prenons  le  type  de  cette  familia  censualis  et  obediens 
que  nous  avons  vue  permagnifica  et  sut  juris  contenta.  Le  censi- 
taire, mainmorlable  ou  non,  possède  sa  maison,  son  cottage^  ou 
plutôt  son  manse  2.  C'est  une  exploitation  dont  l'étendue  varie 
d'après  les  régions:  il  la  cultive  avec  sa  famille,  à  charge  de  quel- 
ques redevances  fixes  et  d'un  nombre  déterminé  de  corvées.  Dans 
In  mesure  de  ses  obligations,  il  est  là  libre  et  indépendant.  La 
famille  est  nombreuse,  le  chef  en  est  fier  et  heureux  ^.  La  femme 
soigne  le  ménage.  Elle  est  industrieuse  et  active;  c'est  le  mérite 
de  la  femme  belge;  la  mère  de  famille  aura  dans  toute  notre  his- 
toire une  place  importante  au  foyer  *.  Le  censitaire  et  sa  famille 

nientem  2^  '2^  Q.lOi,  art.  5,  corp.  el  ad  2.  —  La  lettre  de  S'  Thomas  d'Aquin  à 
la  duchesse  Alix  de  Brabaut,  quoique  couleslée,  est  insérée  au  l.  XVI,  p.  262 
de  réd.  de  Parme,  1864. 

•  Voir  plus  bas  le  chapitre  de  ia  propriété  monastique. 

2  l/anse  a  perdu  son  ancienne  signiflcalion  de  mesure,  si  jamais  elle  l'a  eue. 
C'est  devenu  le  nom  générique  de  toute  installation  rurale. 

3  «  Doe  was  ic  fier  ende  coene 
Van  minen  groten  geslachte  : 
le  haddejonger  sonen  achle 
Ende  jonger  dochlren  sevene 


Si  waren  aile  vet  ende  starc. 


{Reinaert  de  Vos,  \'  326,  éd.  Willems,  p.  U.)  ^ 

*  La  femme,  dit  Boendalc,  Lekempieghel,  h  1,  c.  XXXII,  est  une  des  [Ans 


(  78  ) 

cultivent  ensemble;  la  vie  de  famille  y  est  très-puissante.  Tout  le 
moyen-âge  a  compris  et  appliqué  ce  principe  que  la  famille  est 
l'unité  sociale  par  excellence.  La  famille  est  la  première  unité 
administrative.  Elle  est  la  base  du  recensement,  des  statistiques, 
des  impôts.  Chaque  famille  a  son  foyer,  le  foyer  est  Tunité  poli- 
tique. Ceux  qui  n'avaient  ni  terre  ni  ménage  ou  qui  vivaient  du 
pain  d'autrui  étaient  inconnus;  la  femme,  les  enfants,  les  domes- 
tiques constituant  la  familia,  faisaient  un  avec  le  père  dans  le 
ménage  '.  A  ce  ménage,  la  perpétuité  et  la  stabilité  étaient  garan- 
ties par  la  coutume  des  baux  perpétuels;  le  manse  était  ordinaire- 
ment héréditaire. 

Jouissant  d'une  liberté  relative  et  d'une  stabilité  presque 
assurée,  le  paysan  pouvait  s'enrichir  et  être  content  2.  Examinons 
donc  ce  manse  qu'il  possède.  C'est  un  corps  de  logis,  entouré 
d'une  cour  et  de  terres  arables;  plus  une  étable. 

Le  corps  de  logis  et  les  bâtiments  de  ferme  étaient  posés  au 
centre  de  Texploitation;  prœdium  est  le  nom  de  l'enceinte  réservée 
à  l'établissement  de  la  famille  5;  du  centre  de  ces  terres,  le  cul- 
tivateur veille  aux  travaux.  Ce  mode  de  constitution  trop  aban- 
donné aujourd'hui  était  de  tradition  dans  toute  la  race  germa- 
nique. On  n'y  connaît  guère  le  village  proprement  dit  *.  Toutes 
les  maisons  sont  séparées  et  les  exploitations  entourées  de  haies, 
ou  de  toute  autre  clôture.  L'obligation  d'entretenir  cette  hiiie 
rentre  dans  les  termes  de  toutes  les  concessions  et  le  qualificatif 

grandes  puissances  de  la  terre.  —  Spieghel  der  Nederlantscher  aiidJieyl, 
fol.  CVj  Ghendt,  \51i:.—Gu\cc\9ivd'm[,  Description  des  Pays-Bas  —S.  Demar- 
teau,  Les  femmes  liégeoises  au  moyen-âge,  Revue  générale  de  Bruxelles, 
pp.  579  et  suiv.,  1879.  —  Lecoy  de  la  Marche,  La  société  au  Xllt  siècle, 
5«  étude. 

^  Voir  la  noie  B  à  la  fin  du  mémoire. 

'  Taillar,  Essai  sur  le  droit  public  et  privé  du  Nord  de  la  France  au 
XII h  siècle,  p.cciv. 

^  Gianvil  (Barlbolomœus  anglicus),  Tractalus  des  proprie latihus  rerum, 
Liv.  Xlll,  eh.  XLIX  de  prœdio.  «  Et  csl  locus  a  quo  a  palrefamilias  in  medio 
agrorum  suorum  domicilium  preparalur.  )> 

*  Taillar,  Notice  sur  la  formation  des  villages  du  Nord  de  la  France, 
MÉM.  DE  L\  SOC.  d'agric.  DE  DouAi,  l.  VI,  pp.  276  ct  suiv. 


(  79  ) 

de  mansus  circumseptus ,  citstis  circumsepta  s'y  rencontre  à 
chaque  pas  ',  c'est  le  foyer  propre  de  la  fiimille,  où  elle  est  maî- 
tresse chez  elle.  La  maison  et  le  prœdîum  sont  remarqués  par 
Tacite  '^.  La  trace  s'en  conserve  encore  aujourd'hui  ^.  Ce  mode  de 
constitution  de  l'exploitation  semble  marcher  de  pair  avec  un  vif 
sentiment  de  la  vie  domestique,  de  l'unité  et  de  l'indépendance 
du  foyer.  On  le  retrouve  à  ce  titre  dans  l'Allemagne  du  moyen- 
âge  *.  Les  anciens  Grecs  et  Latins  respectèrent  religieusement 
l'enceinte  sacrée  de  la  divinité  domestique,  sup(;rslition  païenne, 
mais  qui  cachait  une  grande  vérité  sociale  défigurée  ^.  Le 
triomphe  de  la  vie  rurale  est  dans  la  famille.  Au  moyen-âge  tout 
tendait  à  la  consolider  et  à  la  per])étuer  ^. 

Tâchons  de  nous  figurer  un  de  ces  logis  ruraux;  nous  n'en 
avons  guère  de  descriptions  indigènes.  Songeait-on  alors  à  décrire 
ce  qu'on  avait  tous  les  jours  sous  les  yeux?  Mais,  on  le  sait,  nos 
ancêtres  ont  colonisé  l'Allemagne  ;  ils  y  ont  importé  leurs  usages.  Un 
auteur  allemand  décrit  ainsi  une  métairie  flamande  du  pays  de 
Brème  :  le  corps  de  logis  est  situé  autant  que  possible  au  centre  de 
l'exploitation.  Delà  cour  entourée  de  dépendances  et  au  milieu  de 
laquelle  gît  le  fumier,  on  entre  dans  l'aire  de  la  grange  qui  forme 
corps  avec  les  étables.  Au  fond  de  la  pièce  principale  flambe  dans 
l'âtre  un  grand  feu  au-dessus  duquel  se  balance  la  chaudière 
suspendue  au  mur  par  un  croc.  La  cloison  (jui  sépare  cette  pièce 
des  deux  autres  chambres  est  garnie  de  plats  reluisants,  d'assiettes 
et  d'autres  ustensiles  de  ménage.  Tout  y  est  d'une  propreté 
excessive  7. 

Le  logis  du  paysan  wallon  ressemblait  sans  doute,  sous  certains 

*  Voir  plus  loin,  au  paragraphe  des  amodialions  rurales. 

*  Mor.  Germ.,  c.  XVL  Necpali  inter  se  junclas  sedes.  Vicos  locant  non  in 
noslrum  morem  connexis  et  cohœrenlibus  œdiûciis  :  «  suam  quisque  domum 
spalio  cil  cumdat.  » 

^  E,  de  Laveleye,  Économie  rurale  de  la  Belgique,  p.  60. 

*  Janssen,  Gesch.  desd.  Volk'^s,  1. 1,  p.  280. 

5  Fuslel  de  Coulanges,  La  cité  antique,  S^  éd  ,  liv.  II,  ch  VI,  1870 

6  F.  Le  Play,  La  réforme  sociale,  ch.  XXV  et  XXXIV,  liv.  VI  ;  L'organi- 
sation du  travai',  §  67. 

7  Koster,  elle  par  de  Borchgrave,  flist.  des  colonies  belges,  p  165. 


(80) 

rapports,  à  celui-ci  ^;  la  propreté  y  est  peut-être  moins  grande, 
l'ameublement  moins  complet,  Voustillement  plus  négligé,  car  le 
paysan  y  est  moins  riche,  l'agriculture  moins  avancée,  la  popu- 
lation moins  civilisée  2. 

Près  du  logis  nous  trouvons  l'étable.  Tout  manse,  toute  case 
même  a  une  étable.  Le  moyen-âge,  en  effet,  n'a  pas  connu  le 
prolétariat  rural  ^.  Le  serf  le  plus  infime  avait  sa  maison  et  le 
droit  de  faire  paître  et  picorer  sur  les  communaux  de  la  villa.  Il 
avait  donc  son  bétail,  sa  basse-cour,  ressource  de  sa  famille,  intérêt 
fixe  de  son  travail.  Tout  paysan  avait  donc  quelques  têtes  de 
gros  ou  de  petit  bétail  et  une  basse-cour  assez  fournie.  La  preuve 
très-convaincante  en  est  dans  les  redevances.  Le  meilleur  catel 
est  presque  toujours  meliiis  armenium  ou  pccus  melius:  cela 
suppose  un  troupeau  et  une  installation.  Presque  toutes  les  rede- 
vances périodiques  comprennent  aussi  des  prestations  en  produits 
de  basse-cour  et  tout  ce  qu'on  appelle  communément  les  profits 
de  ferme,  œufs,  beurre,  fromage  * 

Il  est  presque  impossible  de  déterminer  le  mode  d'alimentation  ; 
il  est  probable  que  le  laitage  y  entrait  pour  beaucoup.  Le  pain, 
objet  naturel  de  consommation  générale,  était  de  la  qualité  que 
comportait  la  dominante  de  chaque  région,  cependant  le  pain  de 
seigle  était  très-répandu  ^;  la  bière  et  le  vin  du  pays  (landswyn) 

1  Hagemans,  Hifit.  du  pays  de  Chimay,  p.  166. 

*  Le  poêle  Remacle  d'Andeiine  parle  des  «  ruslicae  ac  poene  barbaroe  agri- 
colarum  cohortes  »  du  Namurois.  Épigr.  lat.,  liv.  II,  ép.  15. 

s  On  consacre  des  terres  à  l'établissement  des  laboureurs  pauvres,  1174: 
Walter  de  Dudsela  vallum  suum  terre  equare  voluil  ac  monuit....  tcrram  pro 
volunlate  monachoruni  dislributam  pauperibus,  ibidem  mansicunculas  erigere 
cupienlibus,  ut  per  haec  mansionem  mereretur  in  cœlis.  »  Chroniq.  et  cartul. 
de  r abbaye  des  Dunes,  éd.  Van  de  Putle,  charte  571,  p.  458.  Bruges,  1864. 

*  Voir  plus  loin  le  chapitre  des  redevances. 

5  Wronglen  wey  broot  ende  caes 

Dat  hcit  hi  al  den  dacli, 

(Chant  des  Kerols,  XI V^  siècle,  Oiidvlaemsclie  Hederen,  éd.  Carton,  LXXXV, 

p.  15i). 
Pain  de  seigle  et  fromage  sont  nécessaires  à  l'alimentation  des  hospites  :  «  in 


(81  ) 

arrosaient  le  repas  K  En  Flandre,  on  trouve  encore  le  porc  salé 
{bacon),  connu  en  France,  et  sans  doute  aussi  dans  le  reste  de  nos 
provinces  2,  La  viande  semble  peu  commune  dans  l'alimentation 
populaire:  mais  un  plat  de  viande  entre  dans  le  menu  plus  soigné 
du  repas  d'un  maire  ^.  En  définitive,  il  semble  que  l'alimentation 
ait  peu  varié.  Le  hareng  entrait  comme  partie  dans  l'alimentation 
côtière,  signalons  enfin  la  bouillie,  puimentiim,  qui  fut  dans  cer- 
taines provinces  la  base  de  l'alimentation  rustique. 

Le  vêtement  différait  davantage  de  celui  de  notre  temps.  Le 
paysan  se  couvrait  du  produit  de  son  industrie  domestique  :  la 
laine,  le  drap.  Nous  avons  dit  que  tout  paysan  flamand  savait  faire 
du  drap.  Ce  vêtement  était  généralement  assez  long  et  serré 
autour  de  la  taille  par  une  ceinture,  c'était  le  tabbaert. 

La  toile  était  alors  un  objet  de  grand  luxe.  Quelques  rede- 
vances comprennent  l'obligation  de  tisser  de  la  toile  (camsilcm 
facere),  mais  les  paysans  ne  songeaient  pas  à  s'en  vêtir;  la  che- 

necessariis  quantum  ad  prandendum  »  (1^49).  Les  famuli  reçoivent  eu 
moyenne  un  demi-pain  par  repas,  un  entier  s'il  n'y  a  qu'un  repas  par  jour. 
Warnkônig,  Flandr.  St.  u  Redits.  Gesch.,  t.  III,  p.  2,  pp.  51  el  55.  Que  com- 
portait un  tel  pain  ?  A  Cambron  on  en  faisait  huit  à  la  rasière  :  {Cart.  de  Cam- 
bron,  Monuments  pour  l'histoire  de  Namur,  etc.,  t.  II,  p.  216.) 

Watriquetde  Convins  plaint  «  li  poures  homs...qui  n'a  que  pain  noir.  »  On 
peut  conclure  hardiment  que  le  peuple  ne  connaissait  guère  que  le  pain  de 
seigle  en  Brabant  (Van  der  Kindere,  Siècle  des  Artevelde,  p.  252)  en  Flandre 
(v.  supra)  et  à  Anvers  (Gramaye,  Antiquilales  Flandricœ,  Lov.  1708,  p.  218). 
Guicciardini  nous  dit  aussi  que  le  manger  ordinaire  est  encore  de  son  temps 
du  pain  de  seigle,  el  qu'on  boit  beaucoupdelait.EnHainautetAr.lois.lefroment 
était  plus  commun  (Descrip.  des  Pays-Bas,  Descr.  générale.  —  Cf.  Gramaye, 
loc.  cit.).  A  S'-Bertin,  les  ouvriers  aux  champs  doivent  avoir  pain,  fromage  el 
cervoise  (1471).  Revenus  et  dépenses  de  l'abbé  de  S^-Berlin,  Revue  d'hist.  et 
archéol,  l  II,  p.  437.  —  Cf.  Duviver,  Les  hospites,  même  Revue,  t.  ï,  p.  149. 

'  Voir  les  paragraphes  concernant  la  production  du  vin  et  de  la  bière. 

2  Warnkônig,  op.  et  loc.  cit.,  p.  20. 

5  Menu  d'un  maire  de  l'abbaye  de  S'-Pierre,  Gand  en  1230.  Dîner  (maellyt)  ; 
un  cruchon  de  vin  (stoepe  wyns),  2  pains  d'auberge,  6  harengs  ou  8  œufs, 
un  morceau  de  viande  avec  eme  scotelen  pulments,  Diericx,  Cliartesbockje. 
p.  53. 

Tome  XXXII.  G 


(82) 

mise  était  inconnue  avant  le  XIV^  siècle,  au  moins  comme  usage 
général  K 

Ce  petit  coup  d'œil  sur  la  chaumière,  l'armoire  à  provision  et  la 
garde-robe  du  paysan  au  moyen-âge,  nous  démontrera  que  s'il 
était  loin  sous  certains  rapports  de  notre  paysan  moderne,  il  avait 
cependant  déjà  de  quoi  vivre  paisible  et  tranquille  sous  un  sei- 
gneur bienfaisant  2.  La  situation  du  tenancier  dépendait  de  lui, 
mais  ceci  n'était  pas  spécial  au  moyen-âge;  cela  est  vrai  de  tous 
les  temps. 

Un  des  points  les  moins  étudiés,  est  la  situation  intellectuelle  des 
classes  rurales  de  cette  époque.  Nous  ne  pouvons,  sans  élargir  outre 
mesure  notre  cadre,  entreprendre  son  examen  qu'il  serait  souhai- 
table de  voir  approfondir  bientôt^.  L'enseignement  populaire  était 
gratuit.  Il  se  donnait  dans  les  paroisses  et  plus  tard  sous  le  porche 
(ad  porlam)  des  abbayes  *.  Les  conciles  veillaient  à  l'accomplisse- 
ment de  ce  grand  devoir  de  miséricorde  spirituelle  ^.  Les  maîtres 
veillaient  à  l'instruction  et  à  l'éducation  de  leurs  élèves.  L'ensei- 
gnement religieux  en  était  la  base.  Mais  la  lecture,  l'écriture,  la 
grammaire,  le  chant,  le  calcul  en  faisaient  partie.  Les  seigneurs 
reconnaissaient  le  service  rendu  à  cet  égard  par  les  abbayes  à  la 


*  Voir  le  chapitre  des  redevances  pour  les  industries  accessoires;  pour  le 
costume,  les  tableaux  de  Memraling,de  Q.  Metsys  et  de  Van  Eyck.  — Cf.  Broec- 
kaert  et  de  Polter,  Gesch.vande  gemeenten  cler  provincie  Oost-Flaanderen, 
iste  reeks,  l^'^deel,  p.  5. 

2  Pour  la  France,  voir  Ténuméré  et  le  résumé  des  sources  dans  le  curieux 
travail  de  M.  ^rxin^ Annuaire  d'économie  sociale,  t.  IV,  pp.  106  el  suiv.  1879. 

3  On  trouverait  déjà  de  précieuses  indications  dans  Dom  Pitra,  Vie  de 
S'  Léger,  ch.  II  et  III.  —  De  Montalembert,  Les  moines  d'Occident,  t.  VI, 
pp.  172  et  suiv. — Léon  Maître,  Les  écoles  épiscopales  et  monastiques  en  Occi- 
dent, Paris,  1868,  pour  THisloire  générale  du  moyen-âge;  et  pour  la  Belgique 
en  particulier,  dans  Léon  Lebon,  Histoire  de  renseignement  populaire, 
Bruxelles,  1868.  —  Feys  et  Van  de  Casteele,  Histoire  d'Oudembourg.  Bruges, 
1878.  —  R.  du  Sart,  L'instruction  primaire  avant  89,  Revue  générale  de 
Bruxelles,  septembre  1878. 

*  Les  sources  précédentes,  Van  Lokeren,  Car^u/a/re  de  S^-Bavon,  p.  135. 
s  Voirie  Canon  XVI II  du  ù"  concile  de  Latran  de  1179. 


1 


(  85  ) 

moralité  et  au  dcvcloppemcnt  intellectuel  de  leurs  sujets  *.  L'in- 
struction populaire  était  loin  d!étre  négligée  sous  ce  régime  et  l'on 
peut  croire  qu'elle  eut  longtemps  sur  la  moralité  l'influence  la  plus 
salutaire. 

A  la  seconde  moitié  du  XIII''  siècle,  les  émancipations  s'étaient 
multipliées,  l'aisance  répandue  et  augmentée;  la  condition  que 
nous  avons  décrite  était  la  condition  moyenne  de  la  population 
rurale.  L'idée  de  Vinjustice  du  servage,  dont  nous  avons  expliqué 
la  genèse  philosophique  avait  pénétré  l'esprit  d'une  foule  de  sei- 
gneurs, qui  ne  manquent  pas  de  s'en  exprimer  parfois  énergi- 
quemcnt  dans  les  chartes.  Un  mouvement  analogue  se  manifestait 
dans  la  littérature  et  se  traduisait  en  invectives  et  en  récrimi- 
nations contre  l'état  social.  Le  mouvement  des  idées  ,  parti  de 
ridée  chrétienne  de  l'égalité  naturelle  des  hommes  entre  eux,  se 
transforme,  se  fausse,  s'exagère  et  aboutit  à  une  sorte  de  procla- 
mation révolutionnaire  des  droits  de  l'homme.  Rien  de  plus 
curieux  que  d'étudier  cet  étrange  phénomène  dans  les  œuvres  si 
remarquables  de  Jacques  de  Maerlant  ^.  Les  abus  de  la  servitude 
qu'il  attaque  disparaissent  presque  partout,  les  exceptions  seules 
justifient  encore  ses  invectives.  Les  seigneurs  prouvaient  depuis 
longtemps  par  leurs  actes  qu'ils  ne  considéraient  pas  les  vilains 
comme  gens  indignes  de  la  liberté.  Mais  emporté  par  son  idée,  et 
peut-être  par  les  idées  courantes,  Maerlant  dépasse  son  but.  Il 
veut  la  liberté  pour  tous,  presque  tous  l'ont  conquise;  mais  la 
paix  et  l'égalité  ne  se  trouvent  pas  encore  rétablies.  L'idéal  du 
penseur  ne  se  réalise  pas,  parce  que  les  vices  de  Ihomme  ne  per- 
mettent pas  de  le  réaliser;  et  à  cette  vue,  il  se  désespère,  croit  le 
monde  perdu,  s'en  prend  à  la  hiérarchie  sociale,  à  la  propriété 

*  Par  exemple  en  1 186  Jean  d'Avesnes  fait  certaines  concessions  à  Tabbaye 
(J'Haumont:  «  Quod  nimirum  hac  condilione  décerne  ut  scolaribus  pueris 
magislrum  grammaticse  arlis  semper  abbas  procuret,  qualenus  eadenti  domus 
alumnorum  suorum  scienli*  et  probitati  manuleneatur.  »  —  Duvivier,  Le 
Hainaut  ancien,  p.  650. 

^  J.  te  Winkel,  Maerlanlsiverken,  beschomvd  als  spiegel  van  de  dertiende 
eeuiv,  pp.  22!  et  275.  Leiden  1877. 


(84) 

privative,  et  du  pessimisme  tombe  dans  l'utopie  de  la  république 
communiste  et  égalitaire  K  II  est  vrai  qu'à  la  fin  du  XIII'  siècle, 
un  mal  nouveau  commençait  à  sévir,  mal  qui  justifiait  un  peu  les 
craintes  et  les  reproches  de  Maerlant  2.  La  prospérité  industrielle 
amenait  son  cortège  de  misères  inséparable  de  tout  bonheur 
humain.  La  richesse  a  ses  mauvais  côtés  ;  la  force  morale  doit 
croître  avec  les  dangers  qui  la  menacent;  elles  passions,  filles  de 
la  prospérité,  ébranlent  aisément  la  vertu.  C'est  ce  qui  rend 
compte  de  cette  douloureuse  loi  de  l'histoire,  qui  fait  de  la  gran- 
deur matérielle  d'un  peuple,  la  ruine  de  sa  grandeur  morale  et 
partant,  le  point  de  départ  de  sa  décadence.  Notre  civilisation 
éprouva  le  contre-coup  de  ses  propres  succès. 

Au  XIV^  siècle,  nous  trouvons  le  peuple,  même  le  peuple  rural, 
dans  un  état  relatif  de  bonheur,  d'aisance  et  de  liberté.  L'indus- 
trie est  à  l'apogée  de  ses  triomphes  et  répand  la  richesse  dans 
tout  le  pays.  Quelle  influence  cette  prospérité  exerça-t-elle  sur 
l'avenir  des  populations.  Un  analyste  soigneux  et  savant  des 
mœurs  allemandes  nous  l'a  récemment  exposé.  La  prospérité  dans 
les  villes  engendra  la  passion  du  luxe,  l'habitude  des  dépenses 
exagérées,  la  préférence  donnée  dans  l'économie  aux  choses  futiles 
sur  les  choses  nécessaires-  Les  campagnes  suivirent  le  triste 
exemple  des  villes  et  partout  la  profusion  remplaça  l'antique  fru- 
galité ^.  La  Belgique  ne  sut  pas  échapper  à  ces  tristes  consé- 


1  Of  dat  vole  al  conien  si 
Van  den  eersten  Adanie, 
Twi  es  dien  edel,  dander  vri, 
Die  derde  eyghijn  man  daer  bi 

[Wapene  Martyn,  v.  470). 

Dese  wereit  treet  len  ende 

{Leven  van  S^-Franciscus ,  init.) 

2  J.  teWinkel,p.277.— Cf  Maerlant,  LevenvanS' Fra7iciscus {12^0).  — \oyez 
à  ce  sujet  les  considérations  magistrales  de  M.  Le  Play,  Les  ouvriers  euro- 
péens, 1. 1.  p.  184  :  Les  inégalités  nécessaires,  légitimes  ou  condamnables. 

'  J.  Janssen,  Gesch.  der  deutsch.  Volkes,  t.  J,  pp.  366  et  372.  —  Voir  pour  la 
France  :  Albert  Babeau,  Le  village  sous  V  ancien  régime,  p.  323. 


Twe  worde  in  die  werell  syn, 
Dais  aliène  myn  ende  dxjn  ; 
Mocht  men  die  verdriven 
Pays  ende  vrede  bleven  fyn, 
Hel  ware  al  vri,  niemen  eyghyn 
Manne  melten  wiven. 
[Ibid.,  y.  612.) 


\ 


(8o  ) 

quences.  Les  lamentations  et  les  tableaux  de  Jean  Boendaele,  de 
Ruysbroeck,  récemment  reproduits  par  un  auteur  belge  *,  valent 
en  vigueur  et  surpassent  peut-être  en  grossièreté  ceux  de  Wim- 
pheling  et  de  Sébastien  Brant.  Les  campagnes  furent  atteintes  de 
ce  triste  fléau,  on  y  imitait  le  luxe  des  villes,  et  les  paysans  vou- 
laient mener  train  de  seigneur  2.  Le  peuple  belge  a  oublié  son 
antique  frugalité,  sa  sobriété  légendaire;  la  richesse  lui  a  tourné 
la  tête.  Aussi  Jacques  de  Meyere  se  garde-t-il  de  vanter  encore  la 
modération  de  ses  compatriotes.  Au  point  de  vue  matériel,  comme 
au  point  de  vue  moral,  les  temps  sont  bien  changés  ^. 

Le  petit  peuple  des  campagnes,  que  devient-il  sous  ce  régime? 
C'est  lui  qui  en  supporte  tout  le  poids;  il  est  opprimé  *  et  la 
littérature  reflète  le  revirement  qui  se  produit  dans  les  esprits. 
Pendant  cette  grande  période  de  luxe,  de  grandeur  matérielle  et 
de  désordre  moral  qui  signale  en  Belgique  le  passage  de  la 
maison  de  Bourgogne,  le  petit  est  méprisé,  il  est  considéré  comme 
un  être  inférieur,  incapable  de  la  dignité  et  des  sentiments  de  la 
fausse  chevalerie  du  temps  ^. 

Et  cependant  nous  n'avons  pas  eu  notre  guerre  des  paysans. 
La  jacquerie  nous  a  épargnés  !   Il  serait  long  d'en   étudier  les 


^  L.  Van  der  Kiudere,  Le  siècle  des  Artevelde,  p.  370, 
^  Chronique  de  J.  de  Dixmude,  éd.   Lambin,  p.  253,  an.  1379  :  Het  vole  al 
zo  wel  te  lande  als  in  de  steden,  waren  costeliker  ende  beter  ghecleel  dan  die 
edele,  etc.,  »  cité  parle  précédent,  p.  597. 

5  «  Och  hoe  verre  ist  nu  van  daer  »  s'écrie  lamentablement  l'auteur  du 
Spiegel  der  Nederlantschen  audlheyt ,  après  avoir  exposé  avec  amour  et 
édification  au  liv.  IV,  eh.  XXIX  «  Sommighe  oude  ghewoonten  »  de  ses 
compatriotes. 

*  Et  li  paures  bons  est  frappez 

Qui  n'a  que  pain  noir  et  batus 
Si  un  por  avant  s'est  embatuz 
Soillez  sera  et  malmenez, 
Ainssi  est  paures  démenez. 

(Walriquet  de  Couvins,  Dit  de  raison  et  mesure,  v=  147,  éd.  Scheler,  p.  363.) 
^  Les  poésies  de  Dire  Potter,  de  l'entourage  de  Jacqueline  de  Bavière,  citées 
par  P.  Fredericq,  Essai  sur  le  rôle  politique  et  social  des  ducs  de  Bourgogne 
dans  les  Pays-Has,  p.  75. 


(  86  ) 

raisons.  Cependant  on  peut  conjecturer  sans  trop  de  hardiesse 
que  notre  noblesse  foncière  fut  moins  pervertie  et  moins  dépravée 
que  celle  des  pays  voisins.  Seule,  cette  cause  peut  expliquer 
comment  nos  châteaux  ont  échappé  aux  assauts  qui  attaquaient 
les  maisons  du  patriciat  urbain.  La  domination  bourguignonne 
fut  trop  courte  pour  les  corrompre.  Cette  histoire  que  nous 
reprendrons  au  chapitre  suivant  prouve  une  fois  de  plus  pour  la 
paix  sociale  qui  régnait  dans  nos  campagnes.  Nos  villes  furent 
aussi  corrompues  que  les  villes  allemandes,  mais  les  bourgs  n'ont 
pas  complètement  suivi  leur  funeste  exemple. 

Dans  les  siècles  qui  suivirent,  l'histoire  populaire  des  cam- 
pagnes se  lie  à  celle  de  l'administration,  de  la  noblesse,  de  l'agri- 
culture. La  comparaison  fera  juger  de  leurs  progrès  sous  le 
régime  de  la  centralisation  politique.  L'aperçu  qui  précède  aura 
au  moins  esquissé  l'état  des  campagnes  pendant  la  période  qui 
porte  le  nom  spécial  de  moyen-age. 

Bornons-nous  à  reproduire  encore  en  l'abrégeant,  comme  terme 
de  comparaison,  le  petit  tableau  de  Guicciardin  K  «  Le  vivre  ordi- 
naire des  gens  de  ce  pays  en  leur  mesnage  est  sobre  et  modéré. 
Les  femmes  sont  habiles,  et  les  hommes  les  laissent  presque  tout 
faire.  Ils  boivent  communément  de  la  cervoise,  et  en  aucuns  lieux 
aussi  beaucoup  de  lait.  Leur  manger  ordinaire  est  pain  de  seigle 
et  en  aucuns  endroits  (principalement  en  Arthois  et  Haynault) 
pain  de  froment,  et  il  y  a  peu  de  maisons  (y  ayant  quelque  peu  de 
moyens)  qui  ne  fallent  tous  les  ans  un  bœuf  ou  deux  et  autant  de 
porcs;  et  font  ordinairement  provision  de  beurre  et  fromage,  de 
quoyils  s'entretiennent  et  nourissent  lapluspartde  l'an.  Ils  s'habil- 
lent fort  proprement  et  genlîment  de  vêtemens  bien  façonnés, 
tiennent  leurs  maisons  en  bon  ordre,  fornies  de  toutes  pieches 
d'ustensils  en  si  grande  abondance  que  c'est  chose  belle  à  regar- 
der 2.  »  Ce  jalon  confirmera  ce  que  nous  avons  dit  déjà  :  que  le 

*  Description  des  Pays-Bas.  Description  générale. 

'  Sur  Vapparatus  des  ustensiles  ruraux  on  trouve  un  texte  remarquable 
dans  les  Coutumes  d'Anvers.  Clirislyn,  Costuymen  van  Braband,  P^"  deel, 
p.  454. 


À 


(87  ) 

genre  de  vie  du  paysan  a  peu  varié  pendant  les  longs  siècles  de 
son  histoire.  C'est  chez  lui  surtout  que  se  révèle  et  se  conserve  le 
type  original  du  caractère  national. 


CHAPITRE  II. 

Les  classes  dirigeantes. 

Par  leur  situation  territoriale  et  par  leur  autorité  politique,  la 
noblesse  et  le  clergé  exerçaient  sur  la  société  et  l'économie  du 
moyen-âge  et  de  l'ancien  régime  une  haute  et  incontestable 
influence,  et  constituaient  dans  toute  la  pleine  signification  des 
termes,  les  classes  dirigeantes.  Tâchons  donc  de  pénétrer  dans  leur 
constitution  sociale,  dans  leurs  habitudes,  dans  le  caractère  de 
leur  action. 

SECTION  I.  —  La  noblesse. 

Rien  de  plus  simple  que  l'existence  des  premiers  seigneui-s 
féodaux.  Renfermés  dans  leurs  châteaux,  ils  n'en  sortent  que  pour 
combattre  ou  pour  remplir  près  du  suzerain  les  devoirs  de  la 
vassalité  '.  Là  est  le  siège  de  leur  influence,  la  sanction  de  leurs 
droits.  Le  château  élevé  sur  une  motte  naturelle  ou  artificielle, 
est  entouré  de  fossés  et  de  palissades.  L'habitation  du  maître  est 
au  centre  du  vcdlus  (wal);  l'entrée  est  en  face  du  pont-levis  qui 
défend  l'accès  de  l'enclos  ^.  Cette  demeure  isolée  est  la  citadelle 
du  seigneur.  A  la  faveur  des  invasions  normandes  leur  nombre 
s'est  multiplié  ^.  Chaque  magnat  a  le  sien;  de  là  il  domine  la  con- 
trée et  défie  le  voisinage.  Les  seigneurs  n'ont  guère  de  rapports 
entre  eux,  ils  ne  se  rencontrent  qu'à  la  lutte,  ou  à  la  cour.  Chacun 

*  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles.  Inlrod.,  p.  xxxv. 

^  Jean  de  Colmieu,  dans  les  Acta  Sanctoritm,  27  janvier. 

3  Paillart  de  S'  Aiglan,  De  Vinfluence  des  abbayes  et  des  invasions  des 
Norlhmans  sur  l'état  social  en  Belgique,  Mém.  codr.  de  l'Acad.  rot.  de  Belg., 
in-4o,  t.  XVI,  2e  partie. 


(88) 

vit  chez  soi  retiré,  ordinairement  pauvre,  du  revenu  de  son 
exploitation  et  des  redevances  de  ses  tenanciers.  La  châtelaine, 
dans  cette  retraite,  dirigeait  elle-même  le  travail  des  femmes  de 
service  occupées  à  la  confection  d'étoffes  et  de  vêtements  K  La 
famille  féodale  était  là  isolée  et  unie,  indépendante  et  forte.  La 
moMe  féodale  était  l'ancienne  sala  germanique  devenue  salle  de 
justice  et  manoir  seigneurial  2.  Cette  manière  de  vivre,  cet  isole- 
ment,resprit  du  temps,  tout  favorisait  la  puissance  de  la  famille.  La 
vie  intérieure,  les  mœurs  domestiques  i)rendront  nécessairement 
une  grande  prépondérance  ;  l'esprit  d'hérédité  et  de  perpétuité  y 
dominera.  La  famille  est  la  molécule  féodale,  l'unité  indissoluble 
et  nécessaire  de  l'ordre  féodal  ^.  Les  habitudes  domestiques,  l'es- 
prit de  l'époque,  les  nécessités  sociales  et  politiques  expliquent 
à  merveille  une  législation  toute  conçue  en  vue  de  la  conserva- 
lion  de  la  famille  et  qui,  nous  l'avons  dit,  n'a  pas  été  sans  contre- 
coup sur  la  vie  des  classes  inférieures. 

Le  seigneur,  disons-nous,  était  souvent  pauvre;  il  vivait  du 
produit  de  son  exploitation  et  des  redevances  de  ses  tenures. 

L'exploitation  seigneuriale  avait  son  centre  au  château,  dans 
lintérieur  même  du  wal.  Là  est  la  cour  (hof),  la  basse-cour 
(voorhof)  et  la  grange  (spycker)  *.  Au  bas  de  la  motte  s'étend  le 
domaine  propre  du  seigneur  {villa  indonmiicata,  mansus  indo- 
minicatiis),  il  la  cultive  propriis  aratris  et  siimptibus  ^  aidé  du 
travail  de  valets  et  des  corvées  de  ses  tenanciers.  Il  est  même  pro- 
bable qu'à  l'origine  les  corvées  suppléaient  à  tous  les  travaux 
nécessaires.  La  coutume  de  l'exploitation  dominicale  survécut  au 
temps  de  la  féodalité  militaire.  Les  seigneurs  flamands  ont  toujours 
donné  l'exemple  de  l'attachement  à  l'agriculture  et  ne  l'ont  jamais 

^  Alpert,  cité  par  Wauters,  Libertés  communales,  p.  214. 

^  Guérard,  Prolégomènes  au  polijptique  cClrminon,  p.  245. 

3  Guizot,  Histoire  de  la  civilisation  en  Europe,  A^  leçon,  p.  79,  éd.  Brux., 
1840. 

*  Raepsaet,  Œuvres,  l.  V,  p.  220. 

s  Acte  de  1 207  de  sire  Gérard  de  Jauche  :  «  Agriculturse  nostrse  quas  propriis 
aralris  excoli  facimus  et  animalia  propria  qiiae  in  curia  nostra  de  Jacea  nutriun- 
lur.  »  Wauters  et  Tarlier,  Belgique  anc.  et  mod.  Canton  deTirlemont,  p.  176. 


(  «9  ) 

dédaignée  *.  Autour  de  la  villa  domlnica  se  trouvent  les  tenures. 
Les  gens  qui  les  occupent  doivent  des  redevances  fixées  d'ordi- 
naire en  travail  et  en  nature.  Le  travail  se  faisait  sur  les  terres 
dominicales  et  servait  à  son  exploitation,  les  produits  étaient  des- 
tinés à  la  consommation  du  maître  et  de  sa  famille,  aux  dépenses 
de  son  hôtel.  Telles  étaient  les  ressources  du  budget  seigneurial  : 
la  difficulté  des  échanges,  la  rareté  du  numéraire,  les  besoins  de 
l'office  maintenaient  les  redevances  en  nature  qui  étaient  entassées 
dans  le  spycker,  et  qui  étaient  la  forme  primitive  des  revenus 
même  du  domaine  de  Flandre  2. 

L'ancien  seigneur  ne  quittait  guère  ses  domaines,  il  pratiquait 
donc  la  vie  rurale  ;  il  était  propriétaire  et  landlord  au  plus  haut 
degré  puisqu'il  était  souverain.  Nous  savons  bien  peu  de  chose  des 
rapports  des  seigneurs  avec  leurs  tenanciers.  Nous  ne  les  con- 
naissons que  par  les  chroniques  et  les  annales.  Or  celles-ci  ne 
racontent  guère  les  faits  de  la  vie  quotidienne  et  ordinaire,  le 
vivre  commun.  Seuls  les  abus,  les  exactions,  les  guerres  s'y  men- 
tionnent. Les  moralistes  ne  signalent  et  n'attaquent  que  les  vices. 
Les  excès  ont  toujours  excité  les  mêmes  plaintes  et  il  faut  se 
défier  des  exagérations.  De  ce  qu'on  attaque  et  combatte  de  nos 
jours  les  cruautés  de  l'industrialisme,  les  historiens  des  siècles 
futurs  seront-ils  fondés  à  croire  qu'il  n'y  eut  pas  de  patrons  faisant 

'  Nobilitas  in  Flandria  numerosa  existit...  Studium  pecuarium  agrorumque 
cultum  a  professione  sua  non  éliminât.  Jac.  Marchantius,  Flandria  descripta, 
lib.  I,p.  131,  éd.  Anvers,  1566. 

^  Raepsaet,  Origine,  etc.,  n""  245-246.  —  Rapport  ou  besogné  du  conseiller 
Rose  en  1602  sur  le  fait  des  espiers,  briefs  et  cens  de  Flandre.  «  Le  plus  an- 
chien  (brief)  de  Tan  1187  très  notable  en  ce  que  par  tous  le  discours  dMcelui 
et  quasi  de  receple  en  recepte,  se  déclare  et  manifeste  par  les  mots  de  granges, 
livreson  et  consumption  en  la  maison,  etc.,  que  les  espiers  du  commencement 
ont  serviz  à  renlrelènement  des  maisons  et  hostelz  des  comtes  de  Flandre  et 
qu'à  cest  effect,  les  redebvances  se  payaient  en  nature  »  dans  Gachard,  Invent. 
des  arch.  de  la  Cour  des  comptes,  t.  I,  p.  334.  —  «  Victui  nostro  specialiler 
députantes  sub  annuale  censu  agricolis  excolendam  donavimus.  »  Lettre  de 
Thierry  d'Alsace  (1161)  citée  par  Colinez,  Notice  sur  les  Reninges  et  les 
Espiers  en  Flandre,  Messager  des  se.  histor.'de  Gand,  p.  300,  1840.  — 
^Cf.  van  Lokeren,  Cartulaire  de  5'  Bavon,  p.  126. 


{  90) 

leurs  devoirs,  ni  de  propriétaires  comprenant  leur  mission.  Si  donc 
les  abus  décrits  par  les  contemporains  et  blâmés  par  eux  sont 
vrais,  il  ne  faut  pas  les  croire  universels.  Les  annales  monastiques 
nous  conservent  aussi  d'ailleurs  des  traits  de  vertu  de  la  noblesse 
féodale.  En  vue  de  tout  cela,  ce  serait  manquer  aux  premières 
règles  de  l'équité  historique  que  de  puiser  aux  sources  pour  y 
chercher  uniquement  les  excès  d'une  puissance  dont  on  ne  peut 
méconnaître  les  bienfaits  ^ 

D'ailleurs  l'Église  qui  imprégnait  la  société  féodale,  avait  su 
trouver  ici  encore  une  institution  remarquable  qui  devait  tourner 
vers  le  bien  et  l'utile  des  passions  ardentes  des  guerriers  féodaux. 

La  chevalerie  était  à  l'origine  la  consécration  religieuse  du  noble 
à  la  défense  de  l'Église  et  des  faibles  2.  Le  pontife  qui  bénissait 
le  nouveau  chevalier  invoquait:  «  Seigneur  très-saint...  qui  pour 
réprimer  la  malice  des  pervers  et  protéger  la  justice,  avez  permis 
l'usage  du  glaive  aux  hommes  sur  la  terre  et  voulu  l'institution 
del'ordremilitairepour  la  protection  du  peuple^...»  La  chevalerie, 
œuvre  de  l'Eglise,  est  en  rapport  intime  avec  le  serment  seigneu- 
rial de  la  paix  dont  nous  avons  signalé  la  salutaire  influence.  La 
chevalerie  était  donc  par  essence  et  par  droit  d'origine  une  asso- 
ciation à  la  fois  militaire  et  pacifique  dominée  par  les  préceptes 
de  la  justice  et  de  la  charité  chrétienne.  La  défense  et  la  protec- 
tion du  faible  y  était  la  loi  de  l'honneur.  En  un  temps  où  la  force 

*  Cf.  suprà. —  Comte  de  Montalembert,  Les  moines  d'Occident,  t.  VI,  passim. 
—  «  Palet  cunclis,  dit  Pierre  le  Vénérable  dans  une  épîlre  célèbre  (lib.  I,  ép.  ^8) 
qualiter  saecularesdomini  ruslicis  dominantur.Non  enim  contenti  sunteorum 
nsuali  et  débita  servitule...  praeler  solitos  census  1er  aut  et  qualer  in  anno 
bona  ipsorum  diripiunt,  innumeris  servitiis  afïligunt.  »  —  Cf.  Dareste,  Hisl. 
des  classes  agricoles  en  France,  p.  188.  Nous  avons  vu  d'ailleurs  les  exhor- 
tations de  l'Église;  les  châtiments  ecclésiastiques  frappaient  même  les  cou- 
pables. C'est  ainsi  que  l'archevêque  Thierry  de  Cologne  est  excommunié  par 
le  Pape,  comme  «  depravatus  »  et  «  ruslicos  et  monachos  indebitis  exactio- 
nibus  ulrosque  gravans.  »  Chroniq.  cVE.  de  Dijnter,  liv.  IV,  eh.  LXXVI,  l.  II, 
p.  149. 

^  Sémichon,  Paix  et  trêve  de  Dieu,  p.  297. 

^  Rohrbacher,  Hist.  univ.  de  V Église  catholique,  t.  X,  p.  472. 


i 


(91   ) 

matérielle  semblait  souveraine,  le  code  de  la  chevalerie  développé 
par  les  croisades,  fondait  la  charité  et  l'honneur  dans  la  guerre, 
constituait  le  point  de  départ  du  droit  de  la  guerre  dans  les  nations 
chrétiennes.  Mais  il  organisait  aussi  la  morale  de  la  noblesse  ])aci- 
fique  et  résidente;  définissait  ses  devoirs  de  patronage  et  de  cha- 
rité. Faiblesse  et  pauvreté  sont  titres  de  respect  et  de  protection. 
Vertu  seule  honore  et  honneur  vainc  tout.  Les  exemples  des 
nobles,  lors  de  l'éclat  de  la  chevalerie,  les  instructions  des  preux, 
la  littérature  de  l'époque  témoignent  des  hautes  vertus  de  l'ordre 
militaire,  et  partant  de  son  influence  sur  l'ordre  social  '.  Les  types 
si  glorieux  de  Louis  IX,  si  remarquables  d'honneur  et  de  vertu  de 
Bertrand  du  Guesclin  et  de  Bouciquault,  peuvent  nous  édifier  sur 
ce  point.  Mais  pour  rester  dans  notre  sujet,  demandons-nous  donc 
les  rapports  que  la  chevalerie  établissait  entre  le  seigneur  et  ses 
hommes,  le  rôle  qu'elle  assignait  aux  «  barons  et  autres  seigneurs 
de  grans  terres  et  peuples  à  gouverner,  de  quelque  état  qu'ils  soient, 
et  aussi  de  tous  autres  seigneurs  tant  soient  de  moyen  estât.  »  Le 
chevalereux  etprudhomme  Geoffroi  de  Charny  va  nous  répondre  : 
«  dont  furent-ils  fais,  dit-il,  es  livre  de  chevalerie  2,  pour  amer, 
doubter  et  servir  Dieu  et  toutes  ses  œuvres;  pour  faire  le  proffît 
du  peuple  avant  que  le  leur  singulier,  pour  garder  leur  peuple  sans 
rien  prendre  de  leur  fors  que  teles  droitures  comme  ils  estoient 
tenu  à  leurs  seigneurs,  et  non  mie  les  seigneurs  euls  enrichir  sur  la 
povreté  de  leurs  peuples  sans  cause  raisonnable;  pour  faire  raison 
et  justice  autant  au  petit  comme  au  grant  et  tout  droit....  »  Ces 
principes  si  admirablement  exprimés  dans  tout  le  beau  livre  que 
nous  venons  de  citer  sont  rappelés  plus  encore  lors  de  la  déca- 
dence de  l'ordre  par  ceux  qui  se  ressouviennent  de  sa  splendeur. 
Princes  et  nobles,  disent-ils,  maintenaient  autrefois  paix  et  ordre 
dans  leur  domaine,  protégeaient  les  petits,  les  sujets  et  surtout  les 
laboureurs  qui  nourrissent  tout  le  monde.  On  travaillait  tran- 


^  Baron  Kervyn  de  Letlenhove,  Œuvres  de  Froissart,  hitrod.  aux  chro- 
niques I^,  eh.  XIII,  pp.  189  et  suiv. 
^  Publié  par  le  baron  Kervyn  de  Leltenhove,  op.^it.,  I^  p.  465. 


(  92  ) 

quille,  et  chacun   était  plus  content  et  sage.  Ainsi  parlent  Gilles 
de  Tournay  et  Watriquet  de  Couvins  *. 

On  comprend  sans  peine  l'influence  sociale  que  devait  exercer 
sur  le  pays  cette  haute  morale  de  la  noblesse.  Elle  même  d'ailleurs 
s'y  retrempait  et  s'y  fortifiait.  La  famille  vertueuse  et  respectée 
était  nombreuse  et  puissante.  L'égard  à  la  sainteté  de  l'ordre  de 
mariage  relevait  et  multipliait  la  race.  «  Si  aucuns  se  marient,  dit 
encore  Geoffroi  de  Charny  2,  plus  par  amour  que  par  convoitise; 
et  ainsi  est  bon  le  mariage  pour  avoir  hoirs  et  pour  euls  garder 
de  péchié.  »  Aussi  les  rois  et  les  seigneurs  avaient-ils  beaucoup 
d'enfants  à  cette  époque  féconde  5,  et  si  nous  voyons,  à  la  mort 
de  Jean  II,  la  noblesse  brabançonne  décimée ,  c'est  que  les  guerres 
et  les  croisades  ont  moissonné  ses  plus  preux  chevaliers  *.  Dans 

1  «  Prince  poissant,  tout  noble,  soloient  maintenir 

Leurs  soubgès  tout  en  pais  ;  justice  soustenir  ; 
A  leurs  boins  heritaiges,  laisser  tous  revenir; 
Pais  et  tranquillilet  à  leurs  pooir  tenir. 

(Gilles  de  Tournay,  cité  par  Kervyn,  op.  cit.,  P,p.  424.) 

Sous  les  chevaliers  du  bon  temps  ancien  : 
a  En  doubtant  Dieu,  chascuns  vivait  du  sien. 


Et  li  peuples  labourait  en  simplesse, 
Chascun  esloit  content  de  son  office.   » 

(Eustache  Deschamps,  ibid  ,  p.  440.) 

Le  chevalier  :  a  porter  doit  à  preudomme  honnour 

Et  garder  le  laboureur 

Dont  vivres  est  appareillé 

Que  pour  chastel  ne  tour 

Ne  le  tonde » 

(Watriquet  de  Couvins,  Dit  de  l'orlie,  v^  391,  éd.  Scheler,  p.  150.) 
'  Livre  de  chevalerie,  loc,  cit.,  p.  516. 

^  A.  de  Noue,  Institut  archéologique  liégeois,  t.  XIV,  p.  473, 1879.  —  J.  De- 
marteau,  Les  femmes  liégeoises  au  moyen-âge,  Revue  générale  de  Bruxelles, 
p.  388,  1879. 

*  Brabantsche  Yeesten,  liv.  V  (cités  par  Galesloot,  Les  feudalaires  de 
Jean  IV,  préface,  p.  m)  : 

In  desetiden,  dat  dit  ghesciede 
Waeren  meest  die  edele  liede 
Soe  verstorven  in  Brabant, 
Dat  men  maer  XV  baenrotsen  vont. 


(  93  ) 

les  familles  d'alors,  avec  l'esprit  que  nous  venons  d'étudier,  la 
femme  devait  avoir  une  place  eminente.  Les  mères  de  famille  du 
temps  devaient  être,  comme  le  rapporte  leur  histoire  «  femmes 
vaillantes  et  de  grand  gouvernement.  »  Si  elles  savaient,  au  jour 
de  fête,  paraître  en  luxe  et  costume  riche,  on  ne  doit  pas  les 
croire  plongées  dans  la  fainéantise;  elles  savaient  être  aussi  dignes 
et  nobles  ménagères.  L'exemple  récemment  rappelé  de  la  noble 
dame  de  Gilles  Mauclerc  de  Heraricourt  n'est  pas  isolé  dans  les 
annales  de  la  noblesse  nationale  *. 

Cette  place  privilégiée  de  la  femme  dans  la  famille  féodale 
chrétienne  en  fit  la  reine  de  la  chevalerie.  Le  jeune  homme  de 
naissance,  avant  d'entrer  dans  la  chevalerie,  devait  servir  lui- 
même  sous  les  ordres  d'un  chevalier.  Les  châteaux  devinrent 
comme  autant  de  séminaires  de  chevalerie.  Les  habitudes  d'égard 
et  de  politesse  s'y  établissaient  sous  l'œil  de  la  châtelaine,  et  le 
respect  de  ces  habitudes  devint  un  devoir  nouveau  du  chevalier. 
Il  devait  être  non-seulement  chevaleureux,  mais  courtois.  Or  les 
premiers  égards,  la  première  courtoisie,  le  chevalier  les  devait  à 
l'associée  de  son  blason,  à  la  mère  de  ses  enfants,  à  sa  dame.  Saint 
Louis  ne  décidait  rien  sans  avoir  consulté  la  reine,  «  parce  qu'elle 
était  sa  dame  2.  »  Bientôt  tout  chevalier  eut  sa  dame;  et  l'amour 
joua  dans  sa  vie  un  rôle  inappréciable.  Ce  serait  nous  écarter  de 
notre  sujet  que  d'étudier  l'influence  de  la  dame  et  de  Vamour  sur 
la  morale  chevaleresque.  Toujours  est-il  que  ce  fut  par  là  que 
pénétra  dans  l'ordre  militaire  l'élément  de  la  décadence.  Le  Xll" 
et  le  XIIl^  siècle  furent  l'époque  d'éclat  et  de  splendeur  de  la  che- 

Ende  daer  cume  tôt  vyftienen 
Riddren  af  waren,  die  mochten  dienen. 

Cf.  sur  notre  opinion  :  La  bataille  de  Woeri7ige7i,  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  historique  du  Luxembourg,  l.  XVI,  lutrod.,  et  surtout  le  remarquable 
mémoire  de  M.  Benoislon  de  Chàteauneuf  Sur  la  durée  des  familles  nobles  en 
France,  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  nouv. 
série,  t.  V,  pp.  753  et  suiv. 

^  J.  de  Hemricourt,  Miroir  des  nobles  de  Hesbaye,  passim  :  article  cité  de 
M.  Demarteau,  Sur  les  femmes  liégeoises. 

2  Kervyn,  op.  cit.,  1*,  p.  190. 


(  94  ) 

Valérie.  Les  cours  de  Brabant  et  de  Hainaut,  les  deux  cours  de 
Flandre,  Bruges  et  Valencicnnes,  mais  les  premières  surtout  furent 
des  centres  brillants  et  glorieux  dont  les  cbàleaux  reproduisaient 
en  petit  les  fêles  guerrières  et  littéraires  *-  Mais  le  XIV®  signale  la 
décadence.  Le  luxe,  la  débauche  s'emparent  des  cours,  la  cheva- 
lerie dégénère.  Aux  fêtes  chevaleresques  des  Henri  de  Brabant, 
succèdent  les  fêtes  et  abus  des  cours  de  Wenceslas  de  Luxem- 
bourg et  de  Louis  de  Maie  2.  Aux  dames  ont  succédé  les  maî- 
tresses, la  galanterie  remplace  l'ancienne  courtoisie,  l'ancienne 
humblesse  des  preux  a  fait  place  à  un  luxe  insolent. 

Avant  de  pénétrer  dans  cette  triste  période,  faisons  ressortir 
l'influence  que  devait  donner  aux  maisons  seigneuriales  la  pra- 
tique des  vertus  dont  nous  avons  esquissé  le  tableau,  et  la  haute 
position  seigneuriale  qu'elle  devait  leur  créer  dans  le  pays.  Outre 
la  législation  essentiellement  conservatrice  qui  garantissait  la  per- 
pétuité de  leur  position  foncière,  leur  nombreuse  lignée,  les 
multiples  alliances  qui  en  résultaient,  formaient  sur  tout  le  pays 
un  puissant  réseau  de  seigneuries  hiérarchiques.  Redoutables 
avant  toutes,  même  pour  leurs  suzerains,  étaient  les  grandes  races 
baroniales,  les  Berthout,  les  d'Aa,  les  Crainhem,  les  d'Assclie  ,  les 
Gaesbeek  pour  ne  citer  que  celles  du  Brabant;  les  autres  seigneu- 
ries, fortes  aussi,  mais  se  mouvant  sur  un  moins  grand  théâtre, 
constituaient  cependant  des  forces  militaires  et  des  autorités 
sociales  ^.  Les  arrière-vassaux  et  leur  escorte,  lances  et  milices 
féodales  attachées  à  leur  suite,  leur  donnaient  de  l'importance  et 
de  l'audace.  Sous  leur  protection  on  labourait  tranquille,  on  vivait 
vertueux  en  suivant  leurs  exemples ,  on  bénéficiait  de  leur  pré- 
sence, de  leur  administration,  de  leurs  dépenses  mêmes.  Aussi 
était-on  ardent  à  leur  service,  fidèle  à  leur  bannière,  zélé  et 
dévoué  à  la  défense  de  leurs  droits.  Un  mémoire  de  1457  *  donne  à 

^  Kervyn,  op.  oit ,  l\  ch.  XII,  La  cour  de  Brabant. 

2  L.  Van  lier  Kindere,  Le  siècle  des  Arlevelde,  p.  408.  —  Gilliodts  van 
Severen,  Inv.  Arcli.  de  Bruges,  secl.  1,  série  I,  t.  111,  p.  400. 

3  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  I,  lulrod.,  p.  xliii. 

*  Reproduit  en  1609  dans  V Estât  et  Évaluation  du  comté  de  Namur,  par 
Jean  deSeur,  escuier,  greffier  et  receveur  j  dans  Gachard,  Inv.  des  arch.  de 
la  Cour  des  comptes,  1. 1,  p.  300. 


I 


(95  ) 

cet  égard  de  curieuses  particularités:  «  Quand  anciennement,  dit- 
il,  en  chascun  des  pays  de  nostredit  seigneur  (le  duc  de  Bour- 
gogne), avait  ung  seigneur  demeurant  en  sa  seigneurie,  il  tenait 
grand  estât,  faisait  bonne  dépense,  et  estait  au  devant  de  ses 
finances.  Iceux  seigneurs  et  princes  tenayent  leurs  seigneuries  et 
subjects  en  grande  justice,  estaient  prochains  de  leurs  revenus, 
communicquaient  en  personne  avec  leurs  officiers,...  applicquaient 
à  leur  domaine,  despensaient  en  leurs  hostelz  les  provisions  de 
leur  crcu,  avayent  bestaux  et  pastures  dont  leur  dispense  estait 
furnie,  et  si  eslayent  servis  et  accompagnés  des  nobles  hommes 
de  leurs  pays;  et  en  plusieurs  aultres  manières  vivayent  de  bien 
grande  provision  et  règle.  »  Aussi  est-on  tout  entier  à  leur  ser- 
vice, n'a-l-on  qu'eux  en  vue  dans  la  contrée  et  consacrerait-on 

tout 

Pour  sa  banière 

Garder  et  son  droit  héritage  ^ 

La  cour  eut  pendant  longtemps  peu  d'influence  surl'aristocratie 
foncière  belge.  Les  châteaux  particuliers  rééditaient  parfois  les 
fêtes  princières,  mais  les  cours  ne  furent  pas  en  général  un  foyer 
d'attraction  pour  la  noblesse.  Les  vieux //6er«  se  cantonnaient  fière- 
ment dans  leur  indépendance.  Presque  égaux  en  puissance  à  leurs 

*  Walriquel  de  Cou  vins,  Dit  de  l'ortie,  éd.  Scheler,  p.  137. 

Vs  121  Haus  bons  qui  a  en  son  mesnage 
Débonnaire  et  humain  visage 
Et  à  tous  monstre  bonne  chière 
Chascun  li  veut  son  avantage. 


Cil  que  tout,  mueble  et  héritage 
Et  cors,  de  volente  entière 
Materaient  pour  sa  banière  garder 
Et  son  droit  héritage. 


Cf.  J.  Boendale,  Lekenspiegel,  boec  I,  c.  XXXII. 

Ys  35.  Een  landshere  die  thuus  set 

Doet  sine  ghebode  en  sine  wet 
Houden,  ist  lief,  ist  leet     ^ 
Also  verre  als  syn  lant  gheel. 


(  96  ) 

suzerains  immédiats,  ils  n'avaient  à  chercher  dans  leur  entourage 
ni  grand  honneur  ni  grand  éclat.  Les  abus  qui  signalent  le  XIV* 
siècle  ne  furent  donc  pas  une  plaie  commune  à  toute  notre  vieille 
noblesse.  Sans  doute,  ily  eut  dès  le  XIII%  et  à  plus  forte  raison  au 
XIV*  siècle, des  seigneurs  luxueux  et  débauchés,  dont  le  cœut^  dur 
comme  une  pierre  devenait  insensible  aux  misères  des  vilains  *.  II 
y  eut  des  gentiz  qui  oublièrent  leur  rôle,  et  se  livrèrent  aux  excès 
de  la  débauche  et  de  la  table.  Mais  on  peut  croire  qu'alors  c'était 
là  l'exception  dans  la  noblesse  foncière.  3Iais  il  s'était  formé  depuis 
longtemps  une  classe  de  gens  vivant  noblement  dans  les  villes;  il 
y  avait  aussi  la  masse  toujours  grossie  des  officiers  de  la  cour,  qui, 
sous  le  faux  nom  de  chevalerie,  en  violaient  toutes  les  lois,  et  en 
déconsidéraient  l'antique  grandeur.  Ceux-là  vivaient  de  luxe  et 
de  débauches.  A  la  campagne,  fermes,  inébranlables  demeuraient 
la  grande  noblesse  territoriale,  et  aussi  la  petite  noblesse  foncière, 
vivant  de  dignité  et  de  tradition,  de  respect  et  d'amour,  mais 
souvent  pauvre  ou  du  moins  peu  fortunée  ^.  La  grandeur  politi- 
que des  seigneuries  avait  été  entamée  et  amoindrie  par  l'essor 
prodigieux  des  communes,  mais  leur  autorité  sociale  demeurait 
inébranlée. 

Pendant  la  période  bourguignonne  «  un  courant  nouveau  passa 
sur  l'aristocratie  belge.  »  Les  ducs  étaient  les  premiers  princes, 
féodaux  de  lOccident,  alliés  aux  races  royales,  rivaux  redoutables 
des  plus  grands  rois  de  la  chrétienté,  ils  avaient  un  prestige  qui 
facilitait  singulièrement  leur  politique  centralisatrice;  cette  poli- 
tique fut  l'inspiratrice  constante  des  deux  branches  des  Valois  et 
on  peut  reconnaître  qu'ils  n'ont  négligé  aucun  moyen,  quelle  qu'en 
soit  la  moralité,  pour  parvenir  à  la  couronner.  Détruire  l'influence 
sociale  de  la  noblesse  par  l'action  délétère  delà  cour  fut  le  moyen 

^  J.  de  Maerlant:  «  Soes  edele  herte  worden  sleen  »  [Wajjene  Martyn,\^9i). 

II.  Baudrillard,  Histoire  du  luxe  privé  et  public ,  a  parfaitement  exposé  les 
fatals  effets  du  luxe  sur  Tautorité  sociale  des  seigneurs,  liv.  I,  ch.  III,  IV  et  V 
et  surtout  eh.  IV,  §5,  t.  I,  p.  98. 

^  Exemples  dans  Tarlieret  Wauters,  Bclg.  anc.  et  mod.  Arrondissement  de 
Nivelles,  l.  I,  p.  67.  Canton  de  Tirlemont,  p.  152,  etc. 


(  i»?  ) 

identique  employé  par  les  Valois  de  France  et  de  Bourgogne  *. 
a  Frappés  par  le  feu  (Ven  haut  et  par  le  feu  tVen  bas,  l'action  des 
ducs  et  l'action  des  communes,  les  nobles  commençaient  à  se  sen- 
tir faibles  ^;  ils  commencèrent  surtout,  éblouis  par  le  prestige  de 
la  maison  de  Bourgogne,  à  rechercher  la  faveur  du  prince  et  à 
remplacer  par  de  vaines  et  faciles  grandeurs,  la  vraie  et  sérieuse 
puissance  que  donne  l'autorité  sociale.  »  Avons-nous  besoin  d'in- 
sister sur  les  conséquences  sociales  de  ces  tristes  changements? 
Le  patronage  rural  avait  disparu  du  jour  où  les  nobles,  fuyant 
leurs  domaines,  inauguraient  le  régime  des  intendances  et  de 
l'absentéisme  ^.  Le  luxe  et  les  dépenses  de  la  cour  entamaient  le 
patrimoine  des  seigneurs;  ils  devaient  reprendre  à  leurs  tenan- 
ciers tout  le  surplus  qui  leur  était  nécessaire.  La  dissolution  des 
mœurs  et  les  guerres  nombreuses  contribuaient  encore  à  ébranler 
leur  fortune  ^.  Les  campagnes  étaient  donc  abandonnées  aux  inten- 
dants et  pillées  par  eux.  «  Hz  ont,  dit  Commines  en  parlant  des 
seigneurs  ^,  ilz  ont  des  gouverneurs  à  qui  on  parle  de  leurs 
affaires,  à  eulx  rien,  et  ceulx-là  disposent  de  leurs  dictz  affaires.  » 
Souvent  même,  paraît-il,  ils  donnaient  cet  office  au  plus  offrant, 
ne  contrôlaient  pas  leurs  revenus,  et  laissaient  par  conséquent 
opprimer  leurs  tenanciers  ^. 

Les  visées  de  la  maison  de  Bourgogne  étaient  au  pouvoir  absolu. 
Affaiblir  la  noblesse  en  la  déconsidérant  et  en  la  ruinant;  diminuer 

^  De  Baranle,  Hist.  des  ducs  de  Bourgogne,  1. 1,  p.  58,  éd.  Bruxelles,  1859. 

*  Edm.  Poullet,  Sire  Louis  Pinnock,  Étude  de  mœurs  et  d'histoire  de  la 
période  bourguignonne,  cli.  V,  pp.  46  et  suiv. 

^  Le  Play,  La  réforme  sociale,  54,  XVIIL  —  Brants,  La  grande  propriété 
et  sa  fonction  sociale,  dans  I'Associatiox  catholique,  t.  I,  pp.  1  et  527,  p.  540. 
Paris,  1878  :  La  grande  propriété  en  Belgique. 

*  P.  Vveûeiicq,  Essai  sur  le  rôle  politique  et  social  des  ducs  de  Bourgogne 
dans  les  Pays-Bas,  pp.  109  et  suiv.  —  »  Prodigues  à  dépendre  en  vanités  et  en 
choses  non  utiles,  el  puis  rapineux  par  povreté  sur  les  subjets.  »  Cette  parole 
que  G.  Cliaslellain  (liv.  I,  eh.  VIII,  1. 1,  p.  67,  éd.  Kervyn)  applique  aux  princes, 
est  aussi  vraie  de  toute  la  noblesse. 

®  Mémoires,  lib.  I,  eh.  X. 

6  Jules  Colens,  Les  rentes  féodales  dans  la  Flandre,  p.  12S.  Année  1876. 
ÏOME  XXXIL  7 


(98  ) 

les  privilèges  des  communes,  tel  eût  été  l'idéal  de  leur  politique. 
Mais  l'esprit  et  la  coutume  de  la  liberté  étaient  trop  anciens  et 
trop  vivaces  chez  le  peuple  belge  pour  céder  au  premier  choc  du 
despotisme.  Nous  ne  pouvons  entrer  dans  une  discussion  géné- 
rale sur  le  caractère  de  la  politique  des  princes  bourguignons. 
Nous  la  croyons  au  premier  chef  anlinationale,  corruptrice  et 
despotique  ^  Cependant,  pour  nous  restreindre  à  l'histoire  de  la 
noblesse,  nous  devons  prévoir  une  objection.  L'élément  féodal, 
l'aristocratie  militaire  conserva  dans  le  gouvernement  une  place 
prépondérante.  Dans  le  gouvernement  central  comme  dans  celui 
des  provinces,  elle  garde  la  première  place,  ce  fait  est  incontes- 
table; mais  on  ne  modifie  pas  en  un  règne  tous  les  usages  d'un 
peuple.  La  centralisation  ne  fut  pas  immédiatement  complète. 

La  maison  de  Bourgogne  et  après  elle  les  Habsbourg  d'Espagne, 
continuèrent,  surtout  en  province,  à  s'appuyer  sur  l'autorité 
sociale.  Ce  système  était  d'accord  avec  les  nécessités  du  temps. 
Le  prestige  du  rang  était  encore  incontesté,  l'esprit  aristocratique 
était  miné  sans  doute,  mais  la  tradition  exigeait  encore  que  les 
grands  seigneurs  fussent  censés  diriger  le  pays  2.  On  ne  violentait 
pas  ces  traditions,  mais  on  tâchait  de  soumettre  la  noblesse  en 
l'alTaiblissant  de  plus  en  plus.  L'institution  de  la  Toison  d'or  est  ca- 
ractéristique à  cette  époque.  C'est  cet  ordre  désormais  qui  confère 
les  hautes  fonctions  et  l'influence  politique.  A  quoi  bon  ajouter  au 
prestige  du  rang  celui  d'un  litre  factice?  C'est  que  désormais  aux 
yeux  du  pouvoir,  la  noblesse  tient  de  lui  son  autorité  :  elle  ne 
lient  plus  sa  place  éminente  par  droit  divin  et  social,  elle  est  rede- 
vable au  prince  de  tout  ce  qu'elle  est  dans  le  pays.  La  Toison  d'or 
lui  donne  l'investiture  princière  :  elle  relève  du  prince  et  non 
plus  de  Dieu  et  de  son  épée. 

En  même  temps  qu'on  cherchait  à  enrégimenter  les  grands, 
les  réformes  militaires  supprimaient  le  rôle  de  la  petite  noblesse 
dans  la  vie  publique.  La  création  des  bandes  d'ordonnance,  germe 

*  P.  Fredericq,  op.  cit.,  eh.  III,  pp.  73  et  suiv.,  s'attache  à  le  démontrer. 

*  Edm.  Poullet,  Les  gouverneurs  de  province  dans  les  anciens  Pays-Bas 
catholiques,  Bdll.  de  l'Acad.  roy.  de  Belc,  2^  série,  t.  XXXV,  §  4. 


i 


(99) 

des  armées  permanentes,  renvoyait  les  seigneurs  ruraux  dans 
leurs  foyers  et  limitaient  désormais  leur  action  *. 

On  aurait  tort  de  s'imaginer  cependant,  qu'à  partir  duXV*=  siècle 
la  noblesse  belge  est  morte.  Demandons-nous  donc  ce  qu'elle 
devient  sous  les  Bourguignons  et  sous  les  Habsbourg. 

La  petite  noblesse  rurale  resta  généralement  insensible  aux 
attraits  de  la  cour  ducale.  Sans  doute  on  vit  alors  sortir  de  terre 
une  foule  de  familles  nouvelles,  de  simples  cbevaliers  comblés  de 
titres,  de  trésors  et  de  puissance  2;  mais  toutes  les  brandies  des 
anciennes  familles,  souvent  peu  fortunées,  qui  restèrent  fidèles  aux 
traditions  nationales,  se  résignèrent  à  la  position  retirée  et  secon- 
daire de  seigneurs  campagnards.  Leur  rôle  historique  s'amoin- 
drit, leur  influence  politique  disparaît,  leur  puissance  publique 
s'évanouit,  mais  elles  conservent  intactes  leur  autorité  sociale, 
la  dignité  de  leur  race,  l'indépendance  souvent  farouche  du  carac- 
tère féodal  ^.  Toujours  on  tint  à  honneur  de  se  rattacher  à  ces 
races  chevaleresques;  longtemps  même  elles  disputèrent  la  pré- 
séance aux  familles  les  plus  haut  placées  de  l'époque  *.  Les  guerres 
privées  n'étaient  pas  encore  éteintes  dans  les  campagnes,  il  était 
difficile  d'empèchcr  un  gentilhomme  de  se  venger  par  son  épée 
et  ses  paysans,  et  leur  turbulence  causa  souvent  au  gouvernement 
les  plus  grands  embarras  ^.  C'étaient  là  de  vrais  gentilshommes 
ruraux  exploitant  eux-mêmes  les  terres  de  leur  domaine.  Les 
gentilshommes  du  Namurois  en  particulier,  qui  conservèrent  jus- 
qu'à la  fin  de  l'ancien  régime  les  privilèges  accordés  aux  terres 
labourées  par  leurs  charrues  seigneuriales  ^,  nous  offrent  à  cet 

*  Major  Henrard,  La  politique  de  Charles  le  Téméraire,  rapport  du  baron 
Guillaume,  Bull  de  l'Acad.  boy.  de  Belc,  2^  série,  t.  XXXV,  pp.  555  et  suiv. 

^  Edm.  PouUet,  Sire  Louis  Pinnock,  loc.  cil. 

^  Baron  Kervyn  de  Leltenhove,  Œuvres  de  G.  Chastellain,  t.  1.  Notice  bio- 
graphique, pp.  ix-x.  —  Wauters,  Hist.  des  environs  de  Bruxelles^  1. 1.  Introd. 

p.  LXVIII. 

*  Voir  un  curieux  exemple  de  ces  querelles  dans  le  comte  de  Villermont, 
Ernest  de  Mansfeldt,  1. 1,  p.  57. 

s  Edm.  Poullel,  op.  cit.,  Sur  les  gouverneurs  de  province,  §  9. 
c  F.  de  Facqz,  Ancien  droit  belgique,  t.  II,  p.  246. 


(   iOO  ) 

égard  les  types  les  plus  remarquables  \  dont  les  autres  provinces 
d'ailleurs  n'étaient  pas  dépourvues  -. 

Une  partie  de  la  noblesse  était  aussi  venue  habiter  dans  les 
villes.  Mais  elle  ne  perdait  pas  pour  cela  l'amour  de  la  campagne. 
Elle  conservait  pied  à  la  campagne,  elle  savait  que  là  était  le  fon- 
dement de  sa  richesse  et  de  son  influence.  Le  patriciat  des  villes 
imitait  d'ailleurs  ici  son  exemple.  Tous  les  propriétaires  urbains 
conservaient  une  résidence  rurale j  et  nous  voyons  surgir  partout 
de  petits  châteaux,  des  gentilhommières  (ridder  hofsteden),  rési- 
dences non  féodales  de  la  noblesse  et  du  patriciat.  Ces  résidences, 
telles  qu'il  en  existait  depuis  longtemps^, se  multiplièrent  surtout 
au  XV^  siècle  d'une  manière  particulière  ^,  et  continuèrent  à 
s'élever  partout.  Les  nobles  construisirent  de  plus  en  plus  de  ces 
résidences  d'agrément  {palatia  ruralià),  qui  remplacèrent  bientôt 
partout  les  vieilles  forteresses  féodales  négligées  et  inhabitées  •», 

^  Comte  de  Villermont,  Les  Namurois  au  XVI^  siècle,  2«  partie  :  t/n  gen- 
tilhomme campagnard,  pp.  3  et  suiv. 

En  1554,  pendant  la  guerre  de  France,  «  les  gentilshommes  du  pais  d'enlre 
Sambre-e! -Meuse  ont  remontré  (à  l'empereur)  qu'à  cause  de  la  délenlion  de 
Mariebourg,  leur  est  impossible  habiter,  cultiver  et  remettre  sur  leurs  labeurs, 
n'est-il  qu'il  y  ail  garnison  pour  tuiiion  et  défense,  «  cité  par  Alb.  de  Robaulx 
de  Soumoy,  Notice  historique  sur  Philippeville ,  Annales  soc.  archéol.  de 
Namur,  t.  VI,  p.  163. 

^  Voir  l'exemple  curieux  d'un  chevalier  louant  des  biens  à  cens  et  «  s'obli- 
geant  à  habiter  la  dite  cour  avec  sa  famille  »  (1365).  C.  de  Bormau,  Cartul.  de 
S^-Servais  de  Maastricht,  Bdll.  de  la  Comm.  roy.  d'hist.,  3«  série,  t.  IX,  p.  76, 

5  Diericx,  Charterboekje,  p.  66,  décrit  le  c<  Manage  de  campagne  »  de 
damoiselle  de  Haley  en  1289. 

*  Edm.  Poullet,  La  juridiction  et  la  proimété  foncières  au  XV'^  siècle  dans 
le  quartier  de  Louvain,  Mém.  de  l'Acad,  rot.  de  Belg.,  in-8«,  t.  XVIll,  §  4.  — 
Ch,  Blommaert,  Les  maisons  de  campagne  aux  environs  de  Gand,  Messager 
des  se.  HisT.  DE  Gand,  1834,  p.  549.  «  La  plupart  datent  du  XV«  siècle,  »  ibid., 
p.  333. 

5  H.  Trotz,  Jus  ograrium  fœdcrati  Belgii,  t.  II,  p.  410.  Ce  sont  des  rési- 
dences «  extra  sedem  suam  »  (le  siège  féodal). 

CoUocat  hic  vacuos  locuples  in  pra'dia  nummos 
Et  bene  quœsitas  non  maie  perdit  opes. 

(Burmannus,  cité,  ibid.) 


(  101   ) 

et  auxquelles  l'édit  perpétuel  étendit  même  les  privilèges  nobi- 
liaires *. 

Outre  ces  résidences,  les  propriétaires  fonciers  se  réservaient 
dans  leurs  fermes  l'usage  d'un  appartement  où  ils  pussent  s'héber- 
ger lorsqu'ils  la  visitaient,  c'est  la  chambre  du  mailre /^  dont 
l'usage  est  réservé  dans  les  baux;  ou  bien  encore  ils  se  réservent 
le  droit  déloger  personnellement  avec  leur  suite  dans  le  domaine 
concédé. 

Enfin  la  grande  noblesse,  la  noblesse  politique,  celle  de  la  cour 
et  des  fonctions  conserva  assez  longtemps  son  influence  grâce  aux 
traditions  et  aux  fonctions  de  gouverneur  de  province. 

Les  grands  seigneurs  par  l'esprit  du  temps  étaient  encore 
landlords.  «  Dans  son  pays,  disait-on  encore  du  comte  d'Egmont, 
et  tous  ses  égaux  étaient  comme  lui,  on  ne  connaît  d'autre  roi  que 
lui  ^.  »  Mais  linlluence  de  la  cour  et  les  habitudes  du  luxe  détrui- 
saient peu  à  peu  leur  position.  11  ne  leur  suffît  pas  d'être  roi  des 
cœurs,  ils  voulurent  1  être  par  le  train  extérieur.  «  Les  seigneurs 
des  Pays-Bas,  dit  le  cardinal  de  Granvelle  ^,  voulaient  être  admis 
pour  rois  tenant  estats  hors  mesure,  qui  les  plongea  en  dcbtes;  » 
ils  furent  la  proie  des  usuriers,  «  mangèrent  leurs  pauvres  gens  » 
de  tenanciers  et  finirent  par  se  ruiner  totalement.  On  n'ignore  pas 
l'intluence  qu'eut  cette  situation  sur  les  désordres  du  XVI*'  siècle. 

A  l'entrée  des  luttes  du  XVP  siècle,  la  centralisation  existait 
encore  plutôt  en  droit  qu'en  fait  dans  nos  provinces.  L'influence 
du  pouvoir  central  sur  le  plat  pays  était  très-minime,  il  avait  peu 
d'action  sur  les  lords-licutenants,  moins  encore  sur  les  paysans, 
pas  du  tout  sur  la  petite  noblesse  rurale.  Il  devait  d'ailleurs 
compter  avec  les  Etats.  Les  Etats  furent  le  grand  rempart  de  nos 

*  Anseimo,  Ad  edict.  pcrpet.,  art.  22,  §  2. 

*  Edm.  Poullet,  Mémoire  cité,  Sur  la  propriété,  p.  41.  —  Acte  d'Othon 
de  Cuyck  de  Mierop  (1364)  :  Piot,  Carlulaire  de  S^-Trond,  t.  I ,  p.  386  — 
Broeckaert  et  De  Potier,  Gesch.  der  Gemeenten  Oost-Vlaanderen,  l^'e  reeks, 
2e  deel,  bail  de  14o0  de  la  famille  Utenhove  de  Gand,  pp.  8  et  suiv.  —  E.  de 
Laveleye,  Économie  rurale  de  la  Belgigue,  p.  180. 

'  Cilé  par  Poullet,  Mémoire  cilé.  Sur  les  gouverneurs,  §  lo. 

*  Cilé  par  de  Gerlache,  Histoire  des  Pays-Bas,  t.  T,  p.  44,  éd.  1839. 


(   '0^2  ) 

libertés  politiques  :  nous  verrons  bientôt  leur  influence  bienfai- 
sante sur  la  noblesse  nationale. 

Survint  donc  la  crise  du  XVP  siècle  :  la  guerre  religieuse.  Elle 
porta  le  dernier  coup  à  la  puissance  politique  de  la  noblesse.  Les 
campagnes  affaiblies  et  épuisées  par  la  guerre  n'étaient  plus  capa- 
ples  de  soutenir,  à  la  suite  des  seigneurs,  une  lutte  contre  le  sou- 
verain. La  petite  noblesse  elle-même  était  abattue.  Le  gouverne- 
ment avait  la  lutte  facile;  son  action  fut  énergique  et  l'aristocratie 
perdit  dès  lors  toute  la  réalité  de  son  influence  politique  dans  le 
gouvernement  ^  La  centralisation  gouvernementale  s'accentuait 
et  triomphait.  La  noblesse  n'était  plus  rien  dans  le  gouvernement, 
qu'allait  dès  lors  devenir  son  rôle  social? 

Autour  des  gouverneurs  continuait  à  se  presser  la  foule  des 
courtisans.  Désormais  on  recherche  avant  tout  la  faveur  des 
princes;  on  cherche  à  se  créer  des  attaches  dynastiques,  à  se 
mettre  en  grâce  par  des  alliances  espagnoles  ^.  La  faveur  est  doré- 
navant une  condition  absolue  de  tout  genre  d'autorité.  En  même 
temps  une  nombreuse  suite  espagnole  entoure  les  gouverneurs 
et  devient  une  camarilla  puissante.  Le  pouvoir  est  désormais  aux 
mains  de  l'étranger.  Les  seigneurs  nationaux  devaient  choisir 
entre  le  rôle  brillant  mais  vain  de  courtisans,  et  celui,  noble,  digne 
et  sérieux  de  landlords,  d'autorités  sociales. 

Deux  faits  décidèrent  notre  noblesse  à  pencher  vers  ce  dernier 
choix  :  la  réforme  morale  de  la  cour  et  l'action  politique  des 
États. 

La  réforme  fut  l'œuvre  de  ces  bien-aimés  archiducs  dont  la 
mémoire  est  restée  bénie  et  populaire  dans  nos  provinces  ^. 
«  L'archiduc,  dit  un  contemporain,  le  cardinal  Bentivoglio  *  peut 

*  Edm.  Poullet,  Mémoire  cité,  Sur  les  gouverneurs,  §  10. 

2  Edm.  Poullet,  ibid.  —  Mémoire  du  feld-maréchal  comte  de  Mérode  Wes- 
terloo,  p.  51.  —  Les  ouvrages  généalogiques  de  Goelhals,  comte  de  Steiu  d'Al- 
tenslein,  Poplimout,  etc. 

3  Nous  insistons  sur  cette  réforme  plus  que  sur  les  désordres  qui  la  précé- 
dèrent, parce  que  nous  la  croyons  à  la  fois  moins  remarquée  et  plus  digne  de 
rêtre. 

*  Cité  par  Namèche,  Histoire  nationale. 


(  lOi)) 

servir  de  modèle  non-seulement  à  tous  les  princes,  mais  encore  a 
tout  homme  privé;  quant  à  madame  Tlnfante,  que  sa  religion  et 
sa  piété  sont  touchantes!  On  dirait  que  ses  dames  vivent  non  dans 
le  grand  monde,  mais  dans  un  cloître,  tant  elles  sont  modestes.  Et 
pourtant  on  ne  saurait  citer  une  cour  plus  majestueuse  et  plus 
brillante  dans  les  fêtes  publiques  qui  rappellent  parfois  les  beaux 
jours  de  la  maison  de  Bourgogne.  »  Il  faut  le  reconnaître,  il  y 
avait  loin  du  caractère  sévère  et  imposant  des  fêtes  des  archiducs, 
aux  splendides  mais  libres  réjouissances  des  cours  des  XI V"  et  XV* 
siècles.  «  Sa  cour,  dit  un  autre  contemporain  \  était  très-magnifi- 
que, mais  elle  était  si  régulière  que  sans  cet  apparat  royal  on  l'au- 
rait prise  pour  un  monastère  réformé.  Comme  tous  les  vices 
étaient  bannis  du  prince,  les  courtisans  se  faisaient  un  devoir  de 
s'en  éloigner;  aussi  n'y  auraient-ils  pas  été  soufferts  sur  un  autre 
pied.  »  Cet  exemple  des  archiducs  fut  pour  la  noblesse  une  éner- 
gique prédication;  en  même  temps  d'ailleurs  qu'ils  faisaient  res- 
pecter la  vertu  dans  leur  entourage,  ils  appelaient  dans  le  pays 
de  nouvelles  corporations  religieuses,  et  il  est  facile  d'entrevoir 
que  leur  exemple  entrait  dans  le  calcul  des  princes  ^.  La  sévérité 
de  la  cour  devait  en  éloigner  ceux  qui  ne  cherchaient  que  l'orgueil 
du  faste  et  les  luxueux  excès  de  la  débauche.  Une  cour  qui  n'était 
plus  un  centre  de  plaisirs, mais  un  centre  d'affaires,  était  un  faible 
attrait.  La  réforme  trop  peu  remarquée  d'Albert  et  d'Isabelle 
rompait  avec  cette  corruption  systématique  de  la  noblesse  dont 
nous  avons  vu  chez  leurs  prédécesseurs  le  but  et  l'immorale  poli- 
tique. En  réagissant  contre  ces  précédents,  les  princes  comme 
Louis  XIII  de  France  ^,  essayaient  une  réforme  sociale  qui  devait 

*  Le  sire  de  Monlpleinchamp,  Histoire  de  l'archiduc  Albert,  éd.  de  Robaulx 
de  Soumoy,  dans  la  Collection  des  mé^,  sur  l'qist.  de  Belg.  et  de  la  Soc.  his- 
TORiQ.  de  Belg.,  p.  533.  Bruxelles,  1870.  —  Cf.  p.  524,  le  portrait  de  l'ar- 
chiduc. 

^  N.  Briavoinne,  Mémoire  sur  l'état  des  Pays-Bas  depuis  Albert  et  Isa- 
belle jusqu'à  la  fin  du  siècle  dernier,  Mém.  cour,  de  l'Acad.  roy.  de  Belg., 
iD-4M.  XIV,  p.  26. 

3  Le  Play,  L'organisation  du  travail,  p.  99  ;  la  réforme  sous  les  premiers 
Bourbons. 


(  lOi  ) 

avoir  plus  d'influence  et  de  durée  que  celle  du  vertueux  père  de 
Louis  XIV. 

Moins  distraite  et  moins  corrompue,  la  noblesse  songea  plus  à 
SCS  devoirs  et  à  ses  intérêts.  Les  traditions  nationales  étaient  faites 
pour  Tencourager  et  la  soutenir;  l'action  politique  exercée  en 
commun  par  les  trois  ordres  les  tenait  intimement  unis,  et  éta- 
blissait la  solidarité  dans  leur  vie  et  leurs  intérêts.  En  même  temps 
la  pratique  séculaire  de  la  vie  publique,  Tintervenlion  héréditaire 
dans  la  défense  des  intérêts  provinciaux  leur  inspirait  cet  esprit 
du  bien  public,  cet  amour  national  qui  est  le  plus  beau  caractère 
de  la  vraie  aristocratie  *.  Cette  noblesse,  constituant  le  second 
ordre  des  Etats,  où  elle  siégeait  en  la  personne  des  seigneurs  les 
plus  qualifiés,  résidait  ordinairement  à  la  campagne  ^  et  y  formait 
une  société  élevée  et  bienfaisante,  fière  de  ses  ancêtres,  de  ses 
droits,  et  plus  attachée  encore  à  ses  privilèges  sociaux  qu'à  ses 
droits  utiles.  Ils  tenaient  à  maintenir  la  dignité  et  le  respect  de 
leur  ordre.  Ils  s'indignaient  de  voir  conquérir  par  des  gens  sans 
mérite  les  honneurs  du  blason;  nobles  sans  noblesse  de  sang  ni  de 
caractère  venant  «  se  fourrer,  se  glisser  »  parmi  la  vraie  noblesse, 
et  former  une  sorte  de  vaine  aristocratie  dépourvue  d'autorité 
sociale.  Ils  réclamaient  avec  énergie  et  hauteur  leurs  privilèges 
traditionnels;  et  à  la  fin  de  l'ancien  régime,  devenus  de  plus  en 
plus  exclusifs,  ils  n'admettaient  plus  aux  Etats,  comme  vrais  gen- 
tilshommes, que  ceux  pouvant  prouver  un  certain  nombre  de 
quartiers,  en  appuyant  leur  droit  de  naissance  de  l'autorité  sociale 
que  donnait  la  possession  de  fiefs,  de  seigneuries  ou  de  terres  de 
justice  d'un  minimum  de  valeur  et  d'étendue  ^.  Il  est  curieux 
d'étudier  ces  dispositions  d'esprit  de  l'aristocratie  foncière  de 
l'époque,  dans  «  l'humble  remonstrance  sur  le  fait  de  noblesse  à 

*  Voir  sur  «  l'esprit  du  bien  public  "  chez  la  noblesse,  les  belles  pDges  de 
M.  Ch.  de  Ribbe,  Les  familles  et  la  société  en  France  avant  la  révolution, 
liv.  I,  ch.  V. 

2  Benlivoglio,  Histoire  des  guerres  de  Flandre,  p.  9,  Irad.  Loiseau.  Paris, 
1770. 

5  Edm.  Poullet,  Les  Constitutions  nationales  belges  de  Vancien  régime, 
Mém.  de  l'Acau.  ro¥.  de  Belg,,  in-S",  t.  XXVI,  p.  142. 


(  105  ) 

Messieurs  de  la  noblesse  du  pays  et  comté  du  Hainaut  »  datant  du 
commencement  du  XVII"  siècle  ^  «  L'ordre  de  la  noblesse,  y  est- 
il  dit,  estant  la  garde  et  defTencc  de  Testât,  il  est  nécessaire  d'avoir 
esgard  que  ses  franchises  soient  entretenues.  »  D'ailleurs  les  gen- 
tilshommes du  temps  se  montrent  dignes  de  leur  rôle:  ils  com- 
prennent leur  mission,  savent  rester  sur  leurs  domaines,  y  vivre 
en  prudhommes,  y  dépenser  leur  fortune  et  s'y  faire  aimer  2. 
Tel  est  l'exemple  du  prince  Charles  de  Croy.  Entré  en  ménage  en 
IGOo,  il  en  fait  lui-même  le  règlement  minutieux.  «  Scavoir  fai- 
sons, dit-il  en  son  préambule  ^,  que  comme  souvent  par  faute  de 
vouloir  tenir  trop  grand  train  et  mesnage  (rop  opulent,  tant  en 
nombre  de  personnes  que  autrement,  que  non-seulement  ceux 
qui  le  font  ainsy,  mais  aussy  leurs  biens  et  ceulx  y  déclarés  suc- 
cesseurs, viennent  tellement   à  s'engager  et  à  s'endebter  qu'ils 
viennent  à  la  parfin  à  se  ruiner,  perdre  et  aliéner,  qui  est  souvent 
la  cause  de  la  perle  totale  des  grandes  maisons  et  de  la  mémoire 
d'icelles,  »  il  se  décide  à  donner  des  conseils  à  sa  famille,  et  à 
donner  l'exemple  de  l'ordre  dans  sa  maison.  Lui  aussi  s'occupait 
d'agriculture  *;  nous  avons  déjà  parlé  des  gentilshommes  du  pays 
de  Namur.  Il  est  certain  que  Ihabilude  traditionnelle  de  la  vie 
publique,  entretenue  par  les  États  fut  pour  beaucoup  dans  cette 
heureuse  situation.  L'exemple  de  la  chute  des  anciens  Etats  pro- 

•  Publiée  dans  LdiCroix,  Invenlaire  des  archives  du  Hainaut,  p.  220. 

2  L.  de  Monge,  L'ancien  régime  en  Belgique,  Hevue  générale  de  Bruxelles, 
janvier  1877. 

3  Publié  par  Hagemans,  Histoire  du  pays  de  Chimay,  1. 1,  p.  282.  —  Cette 
série  de  conseils  a  quelque  analogie  avec  la  pratique  des  livres  de  raison, 
dont  M.  de  Ribbe  nous  a  révélé  le  contenu  si  vivement  intéressant.  Nous 
sommes  convaincus  que  notre  pays  doit  avoir  des  traces  de  ces  œuvres  de  tra- 
dition. Nous  en  avons  rencontré  quelques-unes.  Les  papiers  que  nous  avons 
trouvés  se  rapportent  à  des  classes  diverses  de  la  société;  nous  ne  pouvions  les 
insérer  ici  dans  le  texte.  L'intérêt  qu'elles  présentent  nous  engage  à  les  ajouter 
à  ce  mémoire.  Note  C. 

*  Ce  prince  de  Croy  avait  écrit  un  «  abrégé  touchant  l'agriculture,  recueilli 
et  mis  en  ordre  par  nous  Ciiarles,  syre  et  duc  de  Croy  et  d'Arschot,  dédié  à 
M""*  Dorothée,  duchesse  de  C  et  d'A,  notre  femme,  1606.  »  Hagemans,  ibid., 
ce  sont  des  extraits  d'OUivicr  de  Serres  et  de  Charles  Esliennes. 


(  106  ) 

vinciaux  de  France,  l'efiFet  qu'eut  à  la  fin  de  Tancien  régime,  dans 
ce  pays,  le  rétablissement  des  assemblées  provinciales  par  Necker 
sont  à  cet  égard  aussi  instructifs  que  concluants  *.  C'est  par  consé- 
quent aussi  à  cette  survivance  de  notre  vie  locale  que  nous  devons 
en  partie  la  supériorité  de  notre  agriculture  sur  celle  de  la  France 
à  la  veille  de  la  Révolution  2. 

En  effet  le  rôle  social  de  le  noblesse  belge  se  maintint  dès  le 
XVIP  siècle  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime.  La  centralisation 
gouvernementale  s'accentua  sous  le  gouvernement  autrichien, 
en  ce  sens  que  la  grande  noblesse  fut  tout  à  fait  écartée  de  la 
politique  ^,  tout  en  gardant  une  haute  place  dans  les  armées  et 
une  grande  influence  sociale.  Celte  influence  était  reconnue  par 
le  gouvernement  par  la  collation  de  places  administratives  très- 
honorifiques,  mais  sans  pouvoir  sérieux^.  L'aristocratie  nationale 
conservait  donc  sa  puissance  dans  le  pays  ;  elle  en  élait  fière.  Le 
gouvernement  de  Vienne  la  ménagea  trop  peu;  il  devint  antipa- 
thique et  odieux  à  la  noblesse  belge.  La  cour  de  Bruxelles  était 
le  théâtre  de  luttes  continuelles  de  préséance  entre  les  nobles  de 
la  suite  et  ceux  du  pays;  les  gouverneurs,  le  comte  de  Cobenzl 
en  particulier,  traitaient  la  noblesse  belge  avec  une  hauteur 
brutale  ^.  Le  gouvernement  ne  lui  ménageait  pas  les  procédés 
désobligeants  ^,  traitait  ses  réclamations  de  prétentions  vaines  et 
incommodes  ^.  Cependant  si  l'aristocratie  politique  et  féodale  avait 

'■  L.  de  Lavergne,  Les  Assemblées  provinciales  sous  Louis  XVI,  passim. 
—  Madame  de  Slaël,  Considérations  sur  la  révolution  française,  !»•«  parlie 
ch.  VI. 

^  A.  Young,  Voyage  en  France,  œuvres,  éd.  Paris,  1801,  t.  XVII,  pp.  63 
et  251.  —  L,  de  Lavergne,  Économie  rurale  de  la  France,  4^  éd.,  p.  70, 

3  Edm.  Poullel,  Mém.  cité  sur  les  gouverneurs  de  provinces,  p.  27. 

*  Ch.  Steur,  Mémoire  sur  l'administration  des  Pays-Bas  autrichiens, 
Mém.  de  l'Acad.  roî.  de  Belg.,  in-i",  t.  VI,  p.  50. 

^  Ch.  Roger  et  Ch.  de  Ch, Mémoires  et  souvenirs  sur  la  cour  de  Bruxelles 
et  sur  la  société  belge  depuis  le  règne  dé  Marie  Thérèse,  passim. —  Cf.  Gachard, 
La  cour  de  Bruxelles  sous  le  gouvernement  autrichien.  Revue  de  Budxelles, 
1841. 

«  Pouliet,  ibid. 

7  Galesloot,  Archives  de  la  cour  féodale  de  Brabant,  préface. 


(  107  ) 

vécu,  la  noblesse  était  encore  vivante  et  puissante;  on  en  trouve 
une  dernière  preuve  dans  le  peu  de  succès  que  le  régime  révolu- 
tionnaire eut  presque  partout  dans  nos  provinces. 


SECTION  11.  —  Le  clergé  et  les  moines. 

L'action  directe  du  clergé  sur  l'agriculture  se  résume  presque 
tout  entière  dans  l'histoire  de  l'institution  monastique  et  de  ses 
travaux.  Les  moines  participèrent  et  aidèrent  puissamment  à 
l'œuvre  sociale  de  l'église  catholique;  ils  accomplirent  aussi  dans 
l'ordre  économique  une  œuvre,  qui  pour  être  accessoire  n'en  fut 
pas  moins  éminente.  Les  moines,  on  l'a  dit  souvent,  ont  conquis 
à  la  culture  la  plus  grande  partie  de  l'Occident  :  notre  intention 
n'est  pas  d'analyser  leur  action  en  Belgique  dans  ses  détails  liislo- 
riques,  mais  seulement  de  chercher  à  rendre  compte  de  sa  raison 
d'être  et  son  système.  Le  travail  fut  pour  les  moines  comme  pour 
toute  l'humanité,  l'instrument  du  progrès  industriel,  mais  qu'est- 
ce  qui  donnait  à  ce  travail  une  fécondité  si  exceptionnelle?  La 
vocation  monastique,  par  essence,  est  l'appel  à  la  perfection  chré- 
tienne. La  réaliser  est  le  but  de  la  vie  et  des  efforts  |du  moine. 
Or  le  travail  rentre  dans  l'ordre  de  ces  efforts.  C'est,  nous  l'avons 
dit,  une  peine  et  un  commandement.  Les  moines  travaillaient 
donc,  mais  ils  le  faisaient  uniquement  par  esprit  de  devoir.  Leur 
labeur  était  œuvre  d'expiation  et  de  mérite,  non  une  spéculation, 
une  entreprise  d'enrichissement.  Et  par  le  but  général  de  sa  vie, 
et  par  le  texte  exprès  de  ses  règles,  le  moine  devait  donc  tra- 
vailler '. 

A  quels  travaux  les  moines  vont-ils  donc  se  livrer?  A  ceux  que 
leur  impose  l'état  économique  et  social  du  temps,  et  par  consé- 
quent à  ceux  qui  sont  les  plus  utiles  aux  contemporains  et  à  la 
société.  Reportons-nous  aux  débuts  des  monastères.  Au  sortir  des 

*  E.  Levasseur,  Histoire  des  classes  ouvrières  en  France  avant  89,  t.  I, 
p.  129.  Le  travail  dans  les  monastères.  —  Ch.  Duvivier,  Les  hospites,  §  6.  — 
Gesta  abbalum  gemblacensium,  apud  Pertz,  VIII,  pp.  555  et  suiv.,  n"  23. 


(  108  ) 

invasions  barbares,  dans  un  pays  tout  couvert  encore  d'épaisses 
forêts,  et  de  marais  profonds,  de   sables  et  de  bruyères  stériles, 
un  moine  pour  s'isoler  devait  arracber  au  sol  sa  propre  nourri- 
ture, un  couvent  ne  pouvait  s'établir  qu'en  forçant  cette  nature 
ingrate  à  entretenir  ses  nouveaux  babitants.  Sans  doute  au  temps 
des  fondations  monastiques,  il  y  avait  déjà  des  villœ  prospères, 
des  domaines  productifs  et  bien  exploités;  mais  une  partie  assez 
restreinte  du  sol  national  était  occupée  par  ces  exploitations.  Nos 
ancêtres  avaient  naturellement  clioisi  les  situations  les  plus  favo- 
rables, dont  le  terrain  conviait  à  la  culture,  où  les  cours  d'eau 
facilitaient  la  mise  en  valeur  du  sol.  On  a  prétendu  que  nos  pères 
avaient  mal  choisi  leurs  établissements;  c'est  là  une  erreur.  Les 
villages  dont  nous  connaissons  le  site  ancien  étaient  très-bien 
situés  au  point  de  vue  agricole.  Si  le  contraire  nous  paraît  aujour- 
d'hui, c'est  que  nous  oublions  que  la  plupart  de  nos  villes  doivent 
leur  origine  à  des  cloîtres.  Or  ceux-ci,  loin  de  rechercher  les  avan- 
tages de  la  situation,  les  approches  des  terres  habitées,  s'établis- 
saient de  préférence  en   des  endroits  inaccessibles  jusque-là   à 
toute  civilisation,  et  qui  n'étaient  que  le  refuge  des  bétes  fauves  K 
Là,  défrichant,  asséchant,  labourant  sans  souci  du  résultat  maté- 
riel, mais  pour  accomplir  leur  règle  et  suffire  à  leur  entretien,  les 
moines  importèrent  dans  ces  régions  barbares  les  procédés  per- 
fectionnés que  les  chefs  de  leur  ordre  leur  enseignaient  d'Italie. 
Ils  y  appliquaient  aussi  les  procédés  nouveaux  que  les  obstacles 
naturels  de  tout  genre  introduisirent  dans  leur  méthode  agri- 
cole 2. 

Nous  n'avons  pas  sur  le  mode  de  culture  des  premiers  éta- 
blissements monastiques  belges  de  renseignements  complets  ni 
précis.  Tâchons  cependant  de  nous  rendre  un  compte  sommaire 

*  J.  Thys,  Historische  verhandelingen  over  den  staet  van  het  Nederland, 
t.  I,  p.  140. 

^  Schayes,  La  Belgique  avant  et  pendant  la  domination  romaine,  t.  III, 
pp.  162  et  suiv.  —  Comte  de  Monlalembert,  Les  moines  d'Occident,  t.  VI, 
pp.  273  et  suiv.  Les  moines  ont  probablement  appliqué  très-anciennement  les 
procédés  de  drainage,  «  sublerraneos  aqueeductus  derivatus  :  »  Gramaye , 
Jntiquitales  Flandriœ,  p.  145,  1708. 


(  109  ) 

de  leur  système  ainsi  que  de  l'ensemble  de  leur  politique  écono- 
mique. 

Leur  agriculture,  comme  celle  de  toute  l'époque  que  nous  étu- 
dierons plus  loin,  était  basée  sur  un  système  compensateur  entre 
les  diverses  terres  :  terres  arables  et  prairies.  Mais  pour  arriver  à 
cette  constitution,  ils  devaient  défricher,  dessécher,  faire,  en  un 
mot,  un  travail  préparatoire  long  et  pénible.  II  fallait  à  une  opéra- 
tion de  cette  nature  le  travail  en  grand,  la  main-d'œuvre  énergique 
et  persévérante,  une  direction  commune,  des  frais  généraux,  de 
vastes  terrains,  une  longue  stabilité  d'exploitation.  Qui  se  sera 
pénétré  de  la  difficulté  que  présentait  la  transformation  des  forêts 
et  marais  en  terres  cultivées,  sera  convaincu  qu'elle  ne  pourrait 
être  opérée  que  par  le  travail  assidu  d'un  corps  permanent.  En 
effet  les  revenus  dun  tel  travail  se  font  longtemps  attendre;  ils 
sont  trop  lents  et  surtout  trop  peu  élevés,  pour  tenter  l'entreprise 
des  particuliers,  qui  cherchent  avant  tout  à  s'enrichir  et  à  tirer 
rémunération  de  leurs  labeurs;  les  institutions  monastiques  seules, 
exploitant  d'une  manière  continue  et  sans  esprit  de  lucre,  pou- 
vaient venir  à  bout  dune  œuvre  pour  laquelle  la  force  de  la 
spéculation  était  impuissante  '. 

Les  seigneurs  d'ailleurs  comprenaient  très-bien  cette  vérité,  ou 
du  moins  la  constataient  dans  les  faits.  Aussi  font  ils  sans  cesse 
aux  monastères  de  grandes  concessions  presque  gratuites  de  bois, 
de  marais  dont  ils  ne  savent  tirer  aucun  profit.  Ces  concessions  se 
font  généralement  à  litre  gratuit  ou  sous  une  redevance  dérisoire; 
mais  elles  constituaient  encore  un  bénéfice  net  pour  le  seigneur 
en  enrichissant  et  peuplant  le  pays,  ou  en  lui  servant  une  rente 
que,  si  minime  fût-elle,  il  n'eût  pu  obtenir  autrement.  Les  con- 
cessions portaient  cependant  une  condition,  celle  de  la  mise  en 
culture  pour  les  terres  vierges,  et  de  l'extraction  pour  les  marais: 
cette  condition,  d'ailleurs  superflue,  était  la  source  du  bénéfice  du 
donateur  -. 

*  Ch.  du  Trieu  de  Terûouck,  Mémoire  sur  les  défrichements,  Mém.de  l'Acad. 
roy.de  Belg.,  in-4",  t.  XXI,  p.  10. 

*  Van  Lokeren,  Cartulaire  de  S^-Baion,  p.Dl.  On  conslate  une  multitude 
de  concessions  de  moers  (marais,  terres  lourbifères),  à  condition  d'extraire  la 


(  no  ) 

Les  forêts  défrichées  se  transformaient  en  cultures,  les  marais 
desséchés,  les  moers  devenaient  prairies  *.  et  ainsi  se  constituait 
l'exploitation  générale  en  partie  double  :  la  culture  semi-pasto- 
rale de  l'époque. 

Si  dans  les  exploitations  communes,  le  pré  était  alors  un  élé- 
ment indispensable  de  toute  production,  on  comprend  aisément 
qu'il  en  était  à  plus  forte  raison  ainsi  dans  ces  terres  flamandes 
récemment  conquises  à  la  production.  Aussi  les  abbayes  soignè- 
rent-elles d'une  manière  spéciale  cette  partie  de  leur  domaine  qui 
devait  conserver  la  fertilité  à  la  partie  arable;  elles  devaient  donc 
développer  le  bétail.  Comment  les  moines  s'y  prenaient-ils  pour 
recruter  leur  bétail,  sans  y  mettre  de  capitaux  trop  élevés? 
D'abord  ils  en  élevaient  eux-mêmes  et  le  soignaient  avec  une 
diligente  attention  2;  en  outre  ils  encourageaient  leurs  ouvriers  à 
en  acheter  :  leurs  bêtes  pouvaient  pâturer  sur  le  pré  monacal  et 
les  profits  étaient  pour  eux^;  enfin  les  moines  admettaient  sur 
leurs  terres  des  bêtes  à  engraisser  :  sorte  de  commandite  agricole 
toute  à  leur  avantage  en  ce  sens  qu'ils  bénéficiaient  du  fumier; 
les  conventions  étaient  d'ailleurs  établies  de  manière  à  leur  en 
assurer  le  profit  *. 

tourbe.  Voir  ibicl,  p.  94.  —  Cartulaire  des  Dunes,  passim  ,  et  aussi  de  bruyères 
(woestynen,  waslina)  à  défricher.  —  Abbé  Van  de  Putle,  Esquisse  sur  la  mise 
en  culture  de  la  Flandre  occidentale,  Mém.  Soc.  émulation  de  Brdges,  ^^  série, 
t.  111. 

*  Ex  palude  in  solidam  conversa  lerram,  Mirœus,  Dipl.,  I,  G5. 

2  Thomas  de Gantimpré,  Bonum  universale  de  apibus{\2iO),p.  12o, raconte 
l'histoire  cuiieusedu  bœuf  gras  d'un  monastère. 
5  Piol,  Cartulaire  de  S^-Trond,  t.  1,  p.  73. 

*  La  commandite  de  bestiaux,  qui  donnera  naissance  au  contrat  de  cheptel, 
usitée  depuis  longtemps  chez  les  Wisigolhs,  est  réglée  par  leur  loi  (liv.  V,  til.  V, 
§§  1  et  5.  De  animalibus  in  custodiam  susceptis).  Elle  est  très-répandue  chez 
les  moines  du  moyen-àge.  Ils  se  chargeaient  moyennant  un  certain  prix  d'en- 
graisser le  bétail  des  propriétaires  voisins  «  equosad  sejornandum,  vaccas  et 
porcosad  incrassandum.  »  (Duvivier,  Hospites,  p.  14o,  n"  5.)  Un  acte  de  1203 
de  l'abbaye  de  Terbanck  y  signale  des  «  pecora  locala  vel  nutrienda.  »  {Ana- 
lectes  pour  servir  à  rhist.  ecclésiast.  de  la  Belg.,\.  VII,  p.  315).  Les  seigneurs 
abusèrent  même  parfois  de  cet  usage  en  faisant  engraisser  sur  les  terres  mona- 


(  m  ) 

Ces  domaines  et  ces  prés  du  manse  monacal  étaient  donc 
d'une  haute  utilité  agricole,  et  les  seigneurs  concédaient  volon- 
tiers aux  monastères  les  terres  nécessaires  au  pâturage  de  leurs 
bêtes  *. 

Lorsque  les  travaux  généraux  étaient  terminés,  les  moines 
n'abandonnaient  pas  l'exploitation  de  la  terre  mise  en  culture:  ils 
en  gardaient  la  régie.  Celle  mesure  était  sage.  Si  trop  tôt,  ces 
terres  72 oua/es  avaient  été  livrées  aux  tenanciers,  elles  eussent 
perdu  cette  fertilité  acquise  à  la  sueur  du  front  des  frères.  Ces 
terres  nouvellement  exploitées  étaient  trop  jeunes  pour  supporter 
les  cultures  épuisantes  d'un  sol  fait.  Il  fallait  les  ménager,  leur 
rendre  amplement  ce  qu'on  leur  enlevait  par  chaque  récolte. 
Or,  ces  conditions,  presque  autant  que  la  culture  première,  s'ac- 
cordent mal  avec  le  désir  du  gain  et  surtout  avec  le  défaut  de 
capital  des  paysans  de  l'époque.  D'ailleurs, les  terres  fertiles  elles- 
mêmes,  nécessitaient  des  restitutions  et  une  période,  assez  longue 
de  l'exploitation  riche  et  soignée  des  moines  en  rendait  la  pro- 
ductivité plus  assurée  et  la  récolte  plus  fructueuse.  Les  moines 
donc  préparaient  l'exploitation  des  tenanciers  laïques  par  un  long 
travail  et  enrichissement  du  sol. 

Les  terres  monastiques  étaient  divisées  en  villœ  comme  tous 
les  domaines  seigneuriaux.  Plusieurs  d'entre  elles  sont,  comme 
nous  venons  de  le  dire,  soumises  à  l'exploitation  directe  des 
moines.  C'est  d'abord  l'exploitation  abbatiale  elle-même.  Les 
âulrcs  villœ  en  régie,  dites  moiiickhoven,  sont  dirigées  par  un 
moine  avec  l'aide  des  convers,  des  ouvriers  de  l'abbaye  et  aux 

cales  les  aaimaux  destinés  à  leur  table  (Maghe,  Chron.  Bonœ  Spei,  p.  278).  Ces 
contrais  garantissaient  aux  moines  la  présence  de  ranimai  pendant  le  temps 
stipulé.  S'il  périssait  on  devait  le  remplacer  (Duvivier,  p.  146).  —  Tarlier  et 
Waulers,  Bel  g.  anc.  et  moderne.  Canton  de  Jodoigne,  p.  68.  —  Vincent  de 
Beauvais,  Spéculum  doctrinale,  lib  X,  cap.  CX,  CXI ,  explique  en  détail  ce 
contrat. 

^  Concession  de  Thierry  d'Alsace  à  l'abbaye  des  Dunes  (1129).  «  Quotcun- 
que  propriis  aralris  colère  ad  suos  usus  voluerunt  et  quantum  ad  pascui. 
suarum  bestiarum  opus  habuerint  una  cum  illà  quam  modo  inhabilant 
{Chron.  et  cartul.  des  Dunes,  éd.  Van  de  Putte,  p.  153.  Cf.  p.  443. 


(  112  ) 

frais  de  celle-ci  ^  Parfois  l'abbaye  louait  une  ferme  à  un  de  ses 
religieux  chargé  de  veiller  a  son  exploitation  et  à  la  diriger  fidèle- 
ment '^.  On  constate  parfois  dans  une  môme  ferme  la  suitcession 
des  trois  systèmes:  un  moine  villicus,  un  moine  fermier  et  enfin 
un  fermier  laïc  -.  Le  système  de  la  régie  était  d'ailleurs  le  prin- 
cipe monastique.  Nous  avons  admis,  disent  les  nouveaux  statuts 
de  l'ordre  Cistercien,  de  vivre  plutôt  de  Tagriculture  que  des 
revenus  d'autrui  ^  On  évitait  donc  d'aliéner  les  biens,  et  on  pré- 
férait exploiter  soi-même  ceux  qu'on  possédait.  Pour  procédera 
la  location  des  biens,  on  consultait  le  chapitre  général  de  l'ordre. 
Dans  une  de  ces  délibérations,  le  chapitre  conseilla  d'affermer  les 
terres  éloignées  et  les  moins  utiles  ^,  et  on  peut  considéreï"  cette 
solution  comme  étant  la  règle  de  ses  décisions.  La  nécessité  seule, 
le  défaut  de  capitaux,  par  exemple,  pouvait  déterminer  une  vente; 
elle  justifiait  parfois  une  concession  à  long  terme. 

Cependant  les  moines  ne  gardaient  pas  toujours  la  régie  de 
leurs  domaines.  Soit  que  tous  les  chapitres  n'eussent  pas  les 
mêmes  règles  que  celui  des  Cisterciens,  soit  que  le  nombre  des 
moines  ne  permît  pas  l'exploitation  des  biens  si  considérables 
qu'ils  possédaient,  soit  enfin  que  l'intérêt  du  monastère  ait  modifié 
parfois  les  appréciations  des  chefs  de  l'ordre,  il  arrivait  que  les 


^  «  Moris  fuit  omnibus  monasticis  prœcipuas  agrorum  suorum  posssesiones 
et  grangias  fratrum  conversorum  et  laicorum  colère  laboribus,  unde  et  munck- 
huyzen  dicta  sunt.  »  Trotz,  Jus  agrarium,  t.  I,  p.  55,  —  Cf.  Tarlier  et  Wau- 
lers,  Belg.  anc.  et  mod.  Arrond.  de  Tirlemont,  p.  154. 

2  Curlis  de  Bochout  à  Dikiielvenne  :  Un  moine  vilbcus  en  1252,  un  moine 
fermier  en  1476,  un  fermier  laïc  en  1555.  En  concluant  le  second  bail,  l'abbé 
déclare  livrer  sa  ferme  à  ce  religieux  «  omme  le  regeerne  ende  le  bewaerne 
wel  endre  gbelrouwelike.  Broeckaerl  et  de  Potier,  Gesch.  der  gem.  Oost- 
Vlaand,  ^i«r.,2ed.,  p.  9. 

3  a  Polius  de  agricullura  et  nutritura  animalium  quam  de  redditibus  alienis 
vivere  disposuimus.  »  Statuta  ordinis  cartusiensis  ;  stat.  anliq.,  p.  3, 
cap.XXXIll,éd.  Bàle,  1510. 

*  «  Terras  remolas  el  minus  utiles,  »  Cart.  des  Dunes  (1540),  p.  711.  Ce 
principe  est  fort  clairement  appliqué  dans  la  politique  économique  du  monas- 
tère de  MaroUcs  (1270-1570).  Ghesquière,  Acta  sanctorum  Belgii,  Vie  de 
S'-Humbert,  t.  IV,  pp  168  el  suiv.  Cf.  mfrà. 


(  M3  ) 

moines  cédaient  leurs  manses  à  des  laïcs.  Quand  les  terres  étaient 
suffisamment  aménagées,  qu'elles  étaient  capables  de  nourrir  une 
famille,  elles  étaient  livrées  à  l'exploitation  des  fermiers  K 

Comment  donc  était  constituée  l'exploitation  monastique  elle- 
même  ? 

La  population  monastique  comprenait  une  triple  catégorie  de 
personnes.  Les  moines  eux-mêmes,  membres  de  Tordre,  les  domes- 
tiques, familiares  ou  hagastaldi,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
et  enfin  les  convers. 

Ceux  ci  étaient  des  personnes  du  monde  qui  se  convertissaient 
à  Dieu  dans  un  couvent  et  se  liaient  à  Tordre  par  un  lien  reli- 
gieux. Ils  rentraient  dans  cette  vaste  catégorie  semi-séculière,  fon- 
dée à  Vallombreuse  par  Saint-Jean  Gualbert  et  par  le  célèbre 
abbé  Guillaume,  à  Hirschau,  au  Xl^  siècle  '^. 

Les  moines  et  leurs  aides  se  livraient  à  l'intérieur  de  l'abbaye  aux 
travaux  les  plus  divers  et  les  plus  multiples.  Ils  pourvoyaient  par 
eux-mêmes  à  toutes  les  consommations  industrielles  du  monas- 
tère. Il  y  avait  donc  à  côté  des  moines  agriculteurs ,  une  nom- 
breuse troupe  de  moines  artisans.  Nous  n'avons  pas  à  examiner 
la  constitution  industrielle  de  l'abbaye,  constatons  seulement 
l'existence,  en  son  sein,  d'une  vie  manufacturière  assez  active  ^. 

Le  plan  de  l'exploitation  est  tracé  en  général  sur  le  plan  ita- 
lien :  en  rassemblant  les  renseignements  épars  dans  les  chro- 
niques et  les  chartes,  on  est  parvenu  à  reconstituer  d'une  manière 
assez  complète  la  physionomie  des  bâtiments  d'exploitation  '\  Au 

*  G^i  Eenens,  Mémoire  sur  laferlilisation  des  landes,  Mém.  codr.  de  l'Acad. 
ROY.  DE  Belg  ,  in-8",  t.  Il,  p.  24i. 

2  Comte  de  Moulalembert,  Les  moines  d'Occident,  t.  VI,  p.  484.  —  «  Liceat 
vobis  quoque  clericos  et  laicos  liberos  et  absolûtes  a  seculo  fugienles  ad 
conversionem  recipere  et  eos  absque  ullius  coniradiclione  in  veslro  collegio 
relinere.  Pape  Alexandre  III  à  Tabbaye  de  Liessies  (1180)  :  Duvivier,  Rech. 
hist.  sur  le  Hainaut  ancien,  p.  628.  —  Le  comte  Godefroid  de  Namurel  son 
épouse  Ermesinde  en  furent.  «  Infirmorum  conversorum  professo  habitu,  oslen- 
lationis  faslum  depresserunt.  »  Annal  soc.  archéol.  de  Namur,  t.  V],  p.  598. 

'"  Levasseur,  op.  et  loc,  cit. 

*  Duvivier, //06pz7e>%  p.  148.  Cf.  Viollel-le-Due.  Diclionnaire  de  Parclii- 
tecture,  v»  abbaye. 

Tome  XXXII.  8 


(  n4  ) 

centre,  se  trouve  le  bâtiment  de  ferme  (curtis  ou  grangià),  soit 
une  succursale  de  l'abbaye  (ce//a);  soit  enfin  l'abbaye  elle-même 
(clauslrum,  domus,  mansiones  canonicorum  sive  infra  claustrum, 
sive  extra)  '.  Le  corps  de  ferme  était  ordinairement  bien  con- 
struit, spacieux  et  soigneusement  aménagé  ^.  La  porte  d'entrée 
se  trouvait  en  face  de  celle  qui  donnait  sur  la  curtis.  Là  se  trou- 
vaient les  autres  installations  nécessaires  ou  ordinaires,  granges, 
brasserie,  pressoir. 

En  debors  de  l'enceinte,  se  groupaient  les  habitations  des  co- 
lons; on  rencontrait  ensuite  le  moulin. 

A  la  porte  extérieure  de  l'enceinte  se  trouvait  l'hospice,  annexé 
ordinairement  à  l'abbaye  seule.  Elle  était  tantôt  comprise,  tantôt 
pas,  dans  le  territoire  monastique  proprement  dit. 

Passons  maintenant  aux  terres  non  exploitées  sous  la  direction 
des  moines  mêmes. 

Quand  ils  avaient  suffisamment  préparé  le  sol,  dit  l'abbé  Mann, 
ils  faisaient  bâtir  des  habitations  commodes,  et  y  établissaient  des 
fermiers  à  des  conditions  équitables.  Nous  ne  connaissons  pas  de 
détails  spéciaux  sur  ces  constructions;  il  est  probable  que  lin- 
stallation  de  ces  colons  ressemblait  à  celle  que  nous  avons  décrite 
plus  haut.  Chose  plus  importante,  c'est  que  le  capital  d'exploita- 
tion était  particulièrement  soigné. 

Les  renseignements  que  nous  avons  nous  montrent  de  nom- 
breux contrats  de  métayage  et  de  cheptel  ou  la  sumnia  sortis  est 
considérable  ^.  Les  moines  usaient,  vis-à-vis  de  leurs  tenanciers, 
de  procédés  très-favorables  et  conformes  à  cette  haute  idée  de  pa- 
tronage social,    devoir  des  grands  propriétaires.  Le  succès  du 


*  Duvivier,  Hainaut  ancien,  pp.  652-658, 

*  En  Belgique  on  conserve  la  grange  «  de  Ter  Doest.  »  Reusens,  Éléments 
d'archéologie.— Le  carlulaire  des  Dunes  comprend  la  description  et  les  me- 
sures de  la  ferme  (grange)  et  maison  manahle  de  Zinlhines.  La  construction 
en  est  faite  avec  un  luxe  sérieux.  Le  chêne  «  boin  et  vaillable  w  y  domine. 
La  maison  entre  deux  pignons  à  1 16  pieds  sur  52.  Bergeries,  boveries,  porche- 
ries, colombier,  elc.  {Carlulaire,  p.  768).  Celle  grange  appartient  à  l'abbaye 
de  Saint- Vaast,  1409. 

3  Voir  plus  loin  le  contrat  de  cheplel,  et  le  métayage. 


i 


(  113  ) 

travail  agricole  tient  à  la  sécurité  de  l'exploitation.  Or,  cette  sécu- 
rité ne  rentre-t-elle  pas  dans  l'assurance  qu'un  propriétaire  égoïste 
ne  soustraira  pas  tous  les  bénéfices;  n'est-elle  pas  augmentée  par 
cette  confiance  qu'il  saura  au  contraire  sacrifier,  s'il  le  faut,  une 
partie  de  ses  droits  pour  alléger  la  misère  de  ses  tenanciers?  La 
charité  seule,  la  grande  maxime  «  Vivre  et  laisser  vivre  »  en  est 
la  plus  sûre  garantie  '. 

Or,  telle  était  la  devise  des  moines;  car  telle  est  la  règle  chré- 
tienne rappelée  d'ailleurs  par  les  glorieux  chefs  de  l'Institut  mo- 
nastique, a  Comme  saint  Benoît,  nous  dit  l'illustre  historien  des 
moines",  Cassiodore  veut  que  les  cultivateurs  des  terres  monas- 
tiques aient  part  au  bien-être  temporel  et  spirituel  de  leurs 
patrons.  Instruisez  vos  paysans  aux  bonnes  mœurs,  dit-il,  et  ne 
les  grevez  pas  de  redevances  onéreuses  ou  nouvelles;  appelez-les 
souvent  à  vos  fêtes,  afin  qu'ils  aient  à  rougir,  sil  y  a  lieu,  de  vous 
appartenir  et  de  si  peu  vous  ressembler.  »  L'histoire  est  là  pour 
montrer  si  les  moines  ont  su  joindre  l'exemple  au  précepte.  Ils 
ne  pressuraient  pas  leurs  tenanciers  de  redevances  exagérées  ^, 
leur  accordant  des  remises  aux  années  difficiles  *,  et  parfois  pen- 
dant les  premières  années  de  bail,  pour  mettre  l'exploitation  en 
train  ^.  Les  abbayes  faisaient  prêter  serment  à  leurs  intendants 
de  ne  pas  opprimer  leurs  colons  et  réprimaient  les  abus  de  ceux 
qui  se  rendaient  coupables  de  malversations  ^.  Enfin,  ils  faisaient 
des  avances  de  graines  et  d'engrais  ^.  Tout  cela  diminuait  le  fer- 
mage et  ses  charges,  et  par  conséquent  augmentait  l'aisance  des 
habitants. 

Sans  doute ,  il  y  a  des  exemples  d'insurrections  dans  les  domaines 

*  Brants,  Ln  grande  propriété,  loc.  cit.,  p.  18. 

^  Comte  de  Montalembert,  Les  moines  d'Occident,  t.  Il,  p.  86.  Cf.  p.  158. 
^  T.  de  Bruyii,  De  l'influence  des  moines  sur  la  civilisation  en  Belgique, 
Mém.  de  la  Soc.  littér.  de  l'Université  de  Locvaiiv,  t.  X,  p.  202. 

*  A.  Heylen,  Historische  verandeling  over  den  landbouw  der  Kempen, 
p.  20. 

^  A.  Waulers,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  53. 
^  Promesse  soleunelle  de  ne  pas  «  quemquam  ur  villa  depredare  »  (1107), 
Cartulaire  de  S^-Dertin,  p.  5.  Cf.  infrà. 
^  Thys,  Staet  der  Nederland,  t.  I,  p.  149. 


(  116  ) 

monastiques  ';  il  arrive  qu'en  cas  de  lutte,  les  tenanciers  pren- 
nent partie  contre  les  moines;  mais  ce  sont  là  des  événements 
passagers  :  le  peuple  prend  aisément  parti  contre  ses  maîtres, 
et  un  mécontentement  accidentel  peut  occasionner  des  violences 
momentanées  2. 

Ce  qui  prouve  le  mieux  la  conduite  des  moines,  c'est  qu'ils 
n'ont  pas  dû  accorder  ces  chartes  d'affranchissement  que  les  sei- 
gneurs laïcs  prodiguèrent  au  XIP  siècle.  Les  moines  ont  su  suivre 
fidèlement  et  consciencieusement  les  exigences  du  mouvement 
économique.  Leurs  colons  se  sentaient  libres  et  avaient  confiance 
en  l'autorité  qui  les  gouvernait.  Nous  sommes  loin  de  prétendre 
cependant  que  l'administration  monacale  fut  toujours  irrépro- 
cliable.  11  y  eut  des  moines  prévaricateurs,  notamment  au  X*" siè- 
cle, avant  la  grande  réforme  de  Grégoire  VII;  il  y  en  eut  même 
après  lui,  car  le  moine  ne  dépouille  pas  la  nature  humaine  en 
revêtant  le  froc  monastique.  11  serait  long  d'énumérer  les  mal- 
heurs que  causèrent  aux  monastères  la  simonie  et  l'intrusion. 
Le  moine  Rodulphc,  abbé  lui-même  et  plus  lard  réformateur  de 
Saint-Trond,  nous  en  a  laissé  pour  cette  abbaye,  la  sombre  pein- 
ture, et  dans  l'abbé  Obbert  en  particulier,  le  type  de  l'intrus  ^. 
Lobbes,  à  la  même  date,  a  le  même  sort  sous  Arnulphc  ^.  Tous 
accablent  les  tenanciers  de  charges  et  de  redevances.  Les  annales 
monastiques  nous  font  assister  aussi  aux  luttes  des  abbés  contre 

'  Duvivier,  Hospites,  p.  143,  n°  5. 

2  «  Oppidani  nostri  omnes  illi  (hosli)  favorabiles  eraiit,  ut  polo  semper 
levissimus  ad  talia  popolus.  »  Rodulphus,  Gesta  abbat.  Triid.  apud.  Pertz, 
X,  1119. 

3  Rodulphus,  ibid.,  a°  1093,  «  Obbertus  abbas  in  parentibus  suis  et  cura 
domeslica  profluens  nimis  et  gloriosus,  plura  victus  et  vestiius effundebat  quam 
in  frairibiis  et  quœ  iûterdum  lolerare  non  poleranl  abbaliae  reditus,unde  et 
ruricolas  in  precariis  fréquenter  nimis  aggravabat,  »  p.  251.  Cl'.  Les  misères 
de  la  simonie  el  de  Vinlrusion,  ibid.,  pp.  281  et  suiv.,  a»  1099. 

*  Vos,  Histoire  de  Lobbes.  Lettres  des  moines  de  Lobbes  à  Obberl,  évêque 
de  Liège,  contre  Tabbé  Arnulphe  (t  1100).  «  Superabundaiis  fertililale  tempo- 
rum  nihil  providel  in  posterum,  nihil  nobis  reservans,  Ihesauros  suos  condidit 
marsupio  pertuso;  fiscatis  suis  solidos,  Oscis  fiscos  superaddens  et  solidos  ,  » 
1  II,  p.  454. 


(  117  ) 

(les  intendants  avides  et  rapaces  *.  Ces  luttes  sont  nombreuses; 
mais  le  ehroniqueur  les  rapporte  en  détail  :  ce  sont  les  petits 
drames  de,  la  vie  monastique.  Le  développement  général  de 
l'ordre  s'oppose  à  leur  généralisation.  Les  moines  n'eussent  pu 
rendre  à  aucun  pays  les  services  éminents  et  incontestés  qu'on 
leur  doit,  s'ils  eussent  été  des  despotes  et  des  exacteurs. 

Ce  qui  est  plus  éloquent  que  tous  les  raisonnements,  c'est  en 
effet,  le  témoignage  môme  des  faits  contemporains.  Or,  il  y  a  une 
série  de  faits  également  caractéristiques:  les  donations  multiples 
faites  aux  abbayes;  les  distributions  qu'on  fait  par  leur  intermé- 
diaire ;  les  émancipations  qu'on  accomplit  en  leur  offrant  les 
serfs  à  Sainteur  ^;  enfin  ,  les  villages  et  les  bourgs  qui  se  forment 
autour  de  leur  enceinte. 

On  donnait  aux  abbayes.  Pendant  tout  le  cours  du  moyen-âge, 
les  seigneurs  et  les  particuliers  firent  au  clergé  des  donations 
considérables  de  terres  et  de  biens  de  toute  nature.  Ils  avaient  la 
conviction  que  ces  donations  pieuses  étaient  un  acte  méritoire  et 
une  réparation  pour  les  crimes  de  leur  vie  ^.  Il  en  résultait  que 
les  possessions  monastiques  comprenaient  des  types  d'exploita- 
tion de  toute  nature.  Ces  manses  innombrables  qui  figurent  dans 
les  polyptiques,  ne  sontpas  des  fermes  constituées  parles  moines, 
d'après  le  système  que  nous  avons  esquissé.  Ce  sont  des  terres  à 
revenus  dont  les  moines  avaient  la  jouissance  ^.  Ils  répandaient 

*  Rodulphus,  ibid.,  a°  1117,  p.  289.  Villicus  «  redituum  villae  voiago  »i 
calamilas.  »  Le  tkf  lui  fui  enlevé,  sa  personne  et  ses  biens  adjugés  au  couveia 
après  de  longs  débals. 

2  Voir  plus  haut. 

3  Mirseus,  «  Codex  donaïunum  piaruln  »  el  passim  dans  tous  les  cartulaires. 
—  Hincmar  de  Reims  prévoyant  une  calomnie  éditée  plus  lard,  apostrophe 
énergiquement  ceux  qui  «  jam  sua  misericordialiler  largiunlur  sed  se  cubto- 
dire  a  peccalis  negligunl  el  venalem  Dei  justiliani  œstimant,  cuni  curant  pro 
peccalis  nummos  Iribuere  et  arbilranlur  se  posse  inulte  peccare.  Qui  quanti 
largiuntur  aspiciunt,  sed  quanta  rapiunl  non  perlendunt,  iu  pertuso  sacculo 
mercedes  miltunt.  »  De  cavendis  viliis  et  virlulibus  exercendis,  éd.  Paris, 
1045,  QEwtres,  t.  Il,  p.  45. 

*  Nous  croyons  inexact  l'aperçu  de  MM.  Feys  et  Van  de  Casteele,  Histoire 
d'Oudtnbourg,  t.  I,  p.  4 il,  sur  les  causes  pour  lesquelles  les  moines  n'exploi- 
laicnl  pas  tout  en  régie. 


(   H8) 

sans  doute  sur  ces  possessions  nouvelles  les  bienfaits  d'une  admi- 
nistration sage,  mais  ces  bienfaits  y  étaient  moins  sensibles  que 
dans  les  dépendances  immédiates  des  manses  monacaux. 

Ces  donations  enrichissaient  les  abbayes  ,  et  cette  richesse  ne 
pouvait  que  s'accroître  par  une  administration  sage  et  éclairée , 
rendue  bienfaisante  par  l'esprit  qui  l'inspirait.  Les  revenus  de 
l'abbaye  étaient  répartis  en  trois  parts;  l'une  destinée  à  la  pitance 
des  religieux,  l'autre  au  temporel  du  culte, la  troisième  au  secours 
des  indigents.  Les  donations  indiquaient  parfois  elles-mêmes  leur 
but  cbaritable.  Les  moines  étaient  les  intermédiaires  ordinaires 
non  pas  forcés,  des  libéralités  des  particuliers.  La  confiance  qu'on 
avait  en  eux  les  faisait  naturellement  choisir  comme  exécuteurs 
de  pareilles  volontés  *,  et  leur  perpétuité  assurait  la  stabilité  de 
la  fondation. 

Les  biens  des  abbayes  étaient  administrés  par  l'abbé  ;  mais  il 
avait  sous  lui  divers  chefs  de  travaux  préposés  aux  diverses  sec- 
lions  du  travail  monastique  et  spécialement  le  prieur,  intendant 
général  des  biens  du  couvent.  Cette  administration  sagement 
réglée,  faisait  de  l'abbaye  une  mine  d'argent  inépuisable  2,  dont 
la  richesse  se  répandait  sur  le  pays  environnant,  tant  par  sa 
communication  volontaire  et  charitable,  que  par  sa  communica- 
tion naturelle  et  économique.  Les  richesses  de  Tabbaye  ne  fai- 
saient d'ailleurs  que  s'accroître.  Leurs  acquisitions,  à  titre  gratuit, 
ne  tarissaient  pas,  et  elles  étaient  la  source  d'augmentation  con- 
stante de  leurs  revenus  parles  achats  directs,  la  hausse  naturelle 
de  la  valeur  du  sol,  les  prêts  et  engagères.  Cette  source  était 
féconde  aussi  :  les  moines  avaient  la  plus  grande  fortune  de 
répoque,ils  étaient  les  banquiers  et  acheteurs  indiqués  à  qui- 
conque se  trouvait  dans  le  besoin^.  L'administration  des  abbayes 

^  Teslamenl  de  Goswin  de  Gossencourt  (1346).  Hujus  mei  testamenli  seu 
ultime  niee  voluntalis  eligo  et  constituo  nieos  veros  et  legitiaios  exsecutores 
et  maiiufideles  discrelas  personas  dom.  :  les  moines  de  l'abbaye  d'Heylissem» 
cité  par  Waulers,  Be!g.  anc.  et  moi.,  art.  Heylissem. 

*  «  Mons  argenleus  indeficiens,  «  dit  de  Tabbaye  des  Dunes,  l'abbé  Nicolas 
deBailleul  (1-226-1255),  Chronique  des  Dunes,  p.  XVIII. 

^  Voir  plus  bas  le  crédit. 


(  il9  ) 

ne  fut  cependant  pas  toujours  très-heureuse.  On  les  voit  endet- 
tées, faire  des  emprunts,  recourir  même  à  des  aliénations.  Mais 
ces  moments  de  détresse  étaient  vite  réparés  quand  un  adminis- 
trateur intelligent  reprenait  la  direction  des  affaires  ^ 

Les  biens  des  fondations  charitables  étaient  confiés  dans  l'ab- 
baye à  un  fonctionnaire  spécial.  Cette  administration  consis- 
tuait  le  service  de  la  Porte.  Son  chef  était  le  portier  qui  dans 
beaucoup  de  couvents  portait  le  nom  plus  expressif  d'aumônier 
{ekemosynarius)  2.  La  Porte  {porta)  n'était  autre  chose  que  le 
porche  extérieur  du  monastère  où  se  réunissaient  les  pauvres,  et 
où  se  présentaient  les  voyageurs  et  les  malades  ^.  Le  service  de 
charité  était,  par  excellence,  dans  l'esprit  de  l'institut  monastique; 
aussi  alla-t-il  toujours  en  se  perfectionnant  à  mesure  qu'augmen- 
taient les  ressources  mêmes  des  monastères.  Dès  816,  le  concile 
d'Aix-la-Chapelle  ordonnait  aux  couvents  d'avoir  près  de  la 
porle,  un  lieu  de  réception  pour  les  arrivants  et  un  hôtel  et  hôpi- 
tal pour  voyageurs  et  malades  ^.  L'histoire  des  progrès  de  la 
charité  monastique,  parallèlement  avec  ses  ressources  financières, 
est  très-clairement  exposé  dans  un  remarquable  mémoire  du 
couvent  de  Postel,  adressé  en  1600  au  roi  d'Espagne  ^.  Le  mo- 
nastère, dit-il,  par  les  termes  de  sa  fondation,  doit  être  ouvert  à 
tout  venant,  avoir  un  hospice  de  pauvres,  et  héberger  indistinc- 
tement tous  les  étrangers  ,  en  les  traitant  d'après  leur  rang. 
D'abord  on  ne  donnait  aux  pauvres  qu'un  pain  et  un  pot  de 
bière.  Quand  on  devint  plus  riche  ,  tant  par  les  donations  pieuses 
que  par  l'administration  diligente  des  proviseurs,  on   parvint  à 

'■  Presque  toutes  les  chroniques  présentent  de  ces  alternatives.  Alors  les 
moines  se  décident  à  vendre.  Voir  plus  haut.  Item,  Hildegonde,  abbesse  de 
Thor,  «  Sciant  omnes  quod  nos  gravi  onere  debitorum  occupati,  in  tantum  eliam 
ut  intolerabiles  imininerent  usurae,  lali  urgente  necessitate...  »  vend,  elc. 
(1245).  Gramaye.  Antùi.  Bridanœ.  Diplomata,  p.  33. 

2  C'est  à  lui  qu'on  adresse  parfois  les  legs  charilables,  «  portario  de  Tho- 
san  ad  usum  pauperum  ad  portam  supervenientum  »  (1217),  Cartul.des  Dunes, 
p.  49i. 

^  Pertz,  Porta  ad  quam  suscipiuntur  hospites,  X,  p.  232. 

*  A.  du  Boys,  Influence  sociale  des  conciles,  p.  lOi. 

^  Heylen,  VerJvmdeJincjen  over  de  Kempen,  p.  48. 


(  120) 

améliorer  les  traitements.  On  donna  à  chacun  un  pain  d'une  livre 
et  demie,  un  pot  de  bière  et  un  morceau  de  viande.  II  en  arrive 
ainsi  un  millier  par  semaine.  En  outre,  trois  fois  par  semaine, 
500  à  400  pauvres  viennent  recevoir  bière  et  pain  à  la  porte  du 
couvent.  A  Averbode,  ce  chiffre  montait  parfois  jusqu'à  1,200  par 
jour  '. 

Inutile  d'insister  sur  les  immenses  avantages  économiques  et 
sociaux  que  |)résenlaieiît  ces  institutions  en  qui  se  résume  pendant 
plusieurs  siècles   toute  l'histoire  de  la  charité  2.   Indépendam- 


'  Ibid.,  p.  41. 

2  A  côlé  de  la  charité  moiiaslique  existait  cependanl  la  cliarité  paroissiale. 
Chaque  paroisse  avait  le  devoir  de  secourir  les  iudigenls  de  sa  communaulé. 
(Thomassin,  Dict.  des  se.  ecclésiast.,  v"  |)auvres).  Ce  devoir  était  rempli  par 
les  tables  des  pauvres  ou  tables  du  S^-Esprit  {de  Tafefe).  L'administration  de 
ces  bureaux  de  bienfaisance  paroissiale  partagea  dans  l'histoire  le  sort  des 
fabriques  d'église  auxquels  ils  étaient  annexés.  Le  clergé  paroissial  surveillait 
les  opérations,  et  des  laïcs  de  la  paroisse,  ordinairement  les  magistrats  muni- 
cipaux, faisaient  partie  du  conseil  en  qualité  de  momàocren  (mambours\ 
(Waulers,  Tirlemont-vi'.le,  p.  165.—  Rapport  du  cardinal  d'Alsace  à  Clé- 
ment XII  (1750),  n"  80.  Annlecfes  pour  servir  à  VHist.  ecclésiast.  de  f'elg., 
t.  XII,  p.  127).  Ces  tables  étaient  enrichies  par  des  donations  pieuses  et  avaient 
leurs  revenus  piopres  gérés  par  un  proviseur  {onder-momboer). 

11  y  avait  aussi  de  nombreuses  institutions  de  charité  privée,  fondées  «  elee- 
mosynis  fidelium  »  avec  l'autorisation  du  prince  ou  du  seigneur.  11  y  en  avait 
un  très  grand  nombre.  Charles  V  fil  en  1551  un  essai  de  centralisation  des 
secours,  mais  il  ne  réussit  pas  complètement.  jNous  n'avons  pas  même  à 
esquisser  une  histoire  de  la  charité,  mais  nous  espérons  que  la  question  que 
l'Académie  a  posée  à  ce  sujet,  trouvera  les  amateurs  qu'elle  mérite.  Les  tra- 
vaux de  MM.  Tarlier  et  Wauters  nous  prouvent  la  fécondité  de  la  charité  de 
nos  ancêtres.  Le  curieux  tableau  tracé  en  1042  par  un  Récollet  de  Cambrai 
constitue  une  page  intéressante  de  son  histoire.  (L'osliel  Diev  ov  il  est  traiclé 
de  l'antiquité  et  noblesse  de  l'hospitalité  et  des  plus  fameux  hôpitaux  des 
Pays-Das,  par  le  V.  P.  David  Charlal.  Dovay  16^5).  Les  archives  paroissiales 
et  d'assez  nombreuses  monographies  nous  édifient  d'ailleurs  étrangement  sur 
le  zèle  charitable  des  siècles  passés.  Le  gouvernement  prit  des  mesures  géné- 
rales de  bienfaisance,  parmi  lesquelles  il  faut  signaler  avant  tout  l'élablisse- 
meut  des  monts- de-piété,  organisé  par  Coberyher.  (P.  de  Decker,  Histoire  des 
monts- de-piété)  ;  et  une  longue  série  de  règlements,  assez  peu  eflQcaces  contre 
la  mendicité.  (Piot,  Le  règne  de  Marie-Thérèse,  ch  II  et  III.)  Voir  dans  Kern- 


{  121   ) 

ment  des  bienfaits  qu'elles  répandirent  sur  les  eonlrées  qui  les 
environnaient,  les  hospices  qu'elles  construisirent,  ces  hôtelleries 
ouvertes  à  tout  voyageur,  furent  de  la  plus  haute  importance  au 
point  de  vue  des  relations  commerciales.  En  ces  temps  où  les 
roules  étaient  peu  sûres,  les  voy.iges  longs  et  fatigants,  les  habi- 
tations encore  rares,  l'Iiôlcllerie  du  monastère  était  pour  le  voya- 
geur un  refuge  et  un  abri.  Les  couvents,  asiles  du  marchand 
inquiet  et  fatigué,  furent  les  protecteurs  du  commerce  en  même 
temps  que  les  bienfaiteurs  de  l'humanité  souffrante  '. 

Les  monastères  sont  un  centre  religieux  et  économique,  c'est  ce 
que  nous  avons  cherché,  et  espérons-le,  réussi  à  établir.  A  ce 
double  litre  ils  attiraient  presque  continuellement  une  foule  nom- 
breuse. Cette  aiïluencc  était  assez  régulière;  elle  augmentait  con- 
sidérablement la  consommation  locale  et  devait  provoquer  la 
création  de  groupes  industriels.  En  même  temps  les  solennités 
religieuses  attiraient  à  des  époques  fixes  un  concours  de  monde 
encore  plus  considérable.  Ces  fêtes  étaient  le  rendez-vous  naturel 
de  gens  habitant  à  des  distances  éloignées;  aussi  ne  tardèrent-elles 
pas  à  constituer  des  foires  et  des  marchés,  et  devinrent  ainsi 
la  cause  du    développement  d'un   grand   nombre  de  villages  '^. 

peneers,  De  oude  vryhcid  Montenaken,  t.  II,  p.  407,  l'organisation  détaillée 
d'une  Table  du  S'-Esprit  (1767). 

^  Schérer,  Histoire  du  commerce,  t.  1,  p.  143.  —  Périn,  La  richesse  dans 
les  sociétés  chrétiennes,  t.  I,  p.  412,  2<"  éd.  —  A  la  fin  du  XVIII'  siècle  Thos- 
piialilé  des  religieux  de  S'-IIubeit  était  encore  l'unique  ressource  de  ceux  qui 
allaient  du  Brabant  à  Luxembourg.  Verhoeven,  Mémoire  sur  les  constitu- 
tions de  la  îiation  belge,  Liège  1790,  p.  65.  —  Paillart  de  S*-Aiglan,  Mémoire 
cité,  Sur  rinflut  nce  des  moines,  p.  7S. 

^  Paillart,  ibid.  — Godefroid,  comte  de  Louvain,  Charte  de  Mont  S^-Guihert. 
«  Gaudebam  meo  consilio  unde  mihi  in  Gemblacensi  Cenobio  esset  ad  Deuni 
frequenlior  oralio,  et  unde  vicinis  non  perturbatio  sed  animarum  et  corporuni 
esset  consolalium,  cumque  propter  pacis  el  concordise  unilatem  multi  illuc 
convenerunl  ut  ad  habitandum  sibi  domos  construerent,  »  apud  Perlz,  t.  VIII, 
p.  oo4.  Geslaabbat.  Gemblac.  —  Ilem.,  Chronique  de  S^-Berlin.  Villa  nostra 
AIras  inqua  Odlandussedemjstatuit,  eamque  omni  nobililate  nobililavit;  ibique 
utplurimuni  negolia  tractans,  ab  iiiquirenti  frequentabatur  populo.  Marlène, 
Thésaurus  uovus,  l.  III,  col.  500. 

Sur  les  villages  d'origine  monastique  voir  pour  le  Brabant,  Tarlier  et  Wau- 


(  122  ) 

L'histoire  industrielle  et  commerciale  est  donc  intimement  liée  à 
celle  des  couvents;  c'est  à  leur  abri,  sous  leur  protection  que  sont 
nées  dans  l'Occident  les  premières  institutions  commerciales.  Les 
habitants  venaient  chercher  sur  leurs  territoires  la  paix  et  la 
prospérité. 

Les  bienfaits  des  couvents  et  le  respect  qu'inspirait  la  vertu  de 
leurs  habitants,  furent  cause  d'un  grand  nombre  de  privilèges 
dont  ils  furent  dotés  par  les  princes  et  les  seigneurs,  et  qui,  con- 
stitués par  la  volonté  solennelle  de  ceux-ci,  furent  ensuite  garantis 
et  confirmés  par  la  sanction  pontificale.  Au  nombre  de  ces  privi- 
lèges, il  faut  signaler  comme  spécialement  important  l'exemption 
des  novales  et  de  toute  redevance  pour  les  exploitations,  et 
Texemption  de  tonlieux  ou  droits  de  passage,  pour  les  hommes  et 
marchandises  en  destination  ou  de  la  provenance  du  monastère*. 
Les  biens  et  les  privilèges  monastiques  étaient  inviolables.  L'Eglise 
fulminait  l'anathème  contre  ceux  qui  y  touchaient,  et  l'excommu- 
nication était  en  ces  siècles  de  foi,  une  arme  plus  puissante  que 
le  fer. 

Cependant  les  princes  séculiers  ne  respectèrent  pas  toujours 
les  droits  des  couvents;  et  surtout  leurs  agents  se  permirent  vis- 
à-vis  d'eux  de  fréquents  abus.  Le  renouvellement  continuel  des 
confirmations  pontificales  prouve  assez  qu'il  fallait  rappeler  sou- 
vent les  droits  religieux  et  la  sanction  qui  les  protégeait. 

Le  droit  qui  servait  le  plus  fréquemment  de  prétexte  aux 
exigences  laïques,  était  le  droit  de  gîte.  Ce  droit  obligeait  l'abbé  à 
héberger  le  seigneur  et  sa  suite  tant  en  hommes  qu'en  animaux, 
et  fut  souvent  l'objet  des  protestations  énergiques  des  couvents  ^. 
Certains  monastères  étaient  aussi,  par  droit  de  fondation  restés 
soumis  à  des  redevances  spéciales,  devaient  aux  seigneurs  des 
droits  ou  des  corvées,  et  les  agents  fiscaux  se  permettaient  parfois 

ters,  Belg.  anc.  et  moderne  ;  le  Hainaut  :  Duvivier,  Bech.  histor.  sur  le  Hai- 
naul  ancien;  le  Luxembourg  :  Prat,  Histoire  d'Arlon,  t.  II;  la  Flandre: 
Warnkônig,  Histoire  de  Flandre,  irad.Gheldolf,  t.  Il,  p. 555;  la  Flandre  fran- 
çaise :  Taillar,  Mémoire  cité,  Sur  les  villages,  p.  579. 

*  Voir  plus  loin  les  charges  foncières  et  le  commerce. 

2  Van  Lokeren,  S^-Bavon,  p.  97. 


i 


(123) 

de  charger  les  gens  d'église  sans  scrupule  '.  Enfin  les  princes 
eux-mêmes  allaient  parfois  jusqu'à  faire  des  sortes  d'emprunts 
forcés  aux  abbayes  de  leur  territoire  2.  [Mois  ce  fut  surtout  à 
partir  de  la  centralisation  du  pouvoir  que  leur  position  fut  battue 
en  brèche  par  le  gouvernement,  et  cela  notamment  par  la  fameuse 
législation  des  biens  de  main-morte  ^.  Les  formalités  et  défenses 
d'acquisition  souvent  rééditées  et  toujours  éludées  n'enpcchèrent 
pas  cependant  les  abbayes  de  continuer  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien 
régime  leur  œuvre  charitable  et  humanitaire.  Sans  doute,  à  la  fin 
de  l'ancien  régime,  les  monastères  n'avaient  plus  le  monopole  de 
l'instruction  populaire  ni  de  la  bienfaisance  publique,  mais  ils 
répandaient  encore  le  bien  être  autour  d'eux,  et  leur  suppression 
fut  en  beaucoup  de  régions  une  cause  de  ruine  et  de  misère. 


CHAPITRE  III. 

Le  régime  foncier. 

Je  ne  me  propose  pas  de  transformer  ce  chapitre  en  un  traité 
complet  de  droit  féodal.  Ce  serait  méconnaître  et  le  but  de  ce  tra- 
vail et  les  règles  les  plus  élémentaires  de  la  proportionnalité  des 
matières.  Après  plusieurs  mémoires  remarquables  qui  ont  analysé 

*  Voir  la  charte  de  Jean  III  de  Brabant  de  1556  et  celle  de  1358  sur  les 
redevances  de  corvées  lui  dues  par  les  abbayes,  dans  A.  Pinchart,  Inv.  arch. 
de  la  Cour  des  comptes,  l.  IV,  p.  102,  et  Tordonnance  d'Aubert  de  Bavière  de 
159o  sur  les  corvées  abusives  imposées  aux  gens  d'église,  dans  Faider,  Cou- 
tumes générales  de  Hainaut,  l.  1,  p.  Go.  «  Ils  sont,  dit-il,  domaigiés  et  mo- 
lestés de  corvées.  » 

^  Wauters,  Histoire  de  Jean  I<'^,  duc  de  Brabant,  Mé.w.  de  l'Acao.  de  Brux., 
n  8",  t.  XIII.  —  Cf  Broeckaert  et  de  Potter,  Drongen,  t"*^  reeks,  S^i^  deeb 
p  105,  ne  i. 

'  Britz,  Mémoire  sur  l'ancien  droit  belgique,  p.  505.  —  P.  Claessens,  Les 
Liens  ecclésiastiques  dans  ^ancienne  Belgique,  Re>de  cathol.  de  Louvain. 
Juillet,  1880. 


(    124  ) 

les  principes  juridiques  du  moyen-âge,  nous  pouvons  nous  borner 
ici  à  faire  apercevoir  les  points  qui  ont  exercé  sur  le  mouvement 
économique  et  social  l'action  la  plus  considérable.  Celte  élude 
nous  révélera  dans  l'ordre  foncier,  un  progrès  parallèle  à  celui  que 
nous  avons  suivi  dans  le  développement  de  la  liberté  personnelle 
des  classes  rurales.  Le  principe  de  la  ruralilé  au  moyen- âge  c^t 
essentiellement  restrictif.  La  propriété  et  le  travail  sont  soumis  à 
une  foule  de  limitations.  Le  régime  féodal  basé  sur  la  propriélé 
foncière,  est  un  régime  exclusif  de  toute  liberté  de  la  propriété; 
dénombrements,  inaliénabilités,  retraits,  système  successoral  sont 
autant  de  règles  sévères  et  probibitives.  L'bomme  de  fief  est  lié  de 
mille  entraves  que  nous  sommes  portés  à  juger  tracassières.  Le 
vilain  dans  les  amodiations  rurales,  n'est  pas  beaucoup  mieux 
partagé.  Le  bourgeois  seul  aura  la  libre  disposition  de  ses  biens; 
mais  ces  biens  sont  urbains  ou  censés  tels. 

Que  fait  donc  au  régime  qui  gouverne  les  biens  leur  qualité 
urbaine  ou  rustique?  Cette  distinction  est  capitale,  car  elle  nous 
donne  le  secret  de  la  différence  entre  le  régime  du  code  Napoléon 
et  celui  du  droit  ancien.  Pendant  tout  le  moyen-âge  la  propriélé 
urbaine  et  rustique,  confondues  aujourd'hui  sous  une  législation 
uniforme,  furent  l'objet  de  règles  diverses,  même  opposées.  Celte 
distinction  est  éminemment  logique.  Les  exigences  de  la  législa- 
tion rurale  sont  en  effet  toutes  différentes  de  celle  de  la  législa- 
tion urbaine.  La  fortune  rurale  a  besoin  de  stabilité,  d'unité, 
d'uniformité;  la  fortune  industrielle  doit  être  libre,  mobile,  circu- 
lante, divisible.  De  ce  caractère  si  opposé  doit  naître  un  régime 
différent.  Cette  différence,  la  loi  du  moyen-âge  la  consacrait  '. 

Ces  réflexions  nous  expliquent  le  caractère  général  du  droit 
ancien.  Le  principe  foncier  du  haut  moyen-âge  était  complètement 
restrictif.  La  raison  toute  simple  en  est  que  la  domaniaiité  pvé- 
dominait  alors  d'une  manière  absolue  et  exclusive.  Depuis  l'inva- 
sion  des  Barbares,  les  campagnes  l'avaient  emporté  sur  les  villes; 
et  le  régime  bénéficiaire  auquel  succéda  la  féodalité  avait  fondé  la 
hiérarchie   publique  sur  l'ordre  rural.  Toute  la  législation  qui 

*  Uovilhors,  Études  sur  les  origines  et  le  principe  de  la  ruralité,  Revoe 

HISTORIQUE  DE  DROIT  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGER,  t.   I,  pp.  389  Cl  SUiv.,  1855. 


(  125  ) 

sortit  de  cette  situation  fut  donc  dirigée  en  vue  de  la  conserva- 
lion,  de  la  sauvegarde,  du  développement  de  la  puissance  foncière. 
Il  n'y  avait  vie,  richesse,  puissance  que  dans  tout  l'ordre  rural; 
il  devient  donc  la  base  et  le  but  de  tout  Tordre  public  et  civil. 

Quand  est  née  l'industrie,  quand  la  fortune  urbaine,  commer- 
ciale s'est  fait  jour,  on  a  vu  se  former  une  législation  nouvelle, 
issue  des  besoins  de  la  situation  et  des  relation^.  Ainsi  est  ne 
le  droit  statutaire  ou  coutumier  qui  fait  sa  part  naturelle  aux 
exigences  de  l'industrie  *. 

Les  bourgeois  eurent  donc  la  libre  disposition  de  leurs  biens; 
mais  s'ils  acquerraient  un  fief,  cette  propriété  essentiellement 
rurale,  ils  devaient  pour  cette  part  de  leur  patrimoine  se  sou- 
mettre à  la  législation  féodale.  Le  fief  alors,  nous  le  verrons,  n'est 
plus  qu'une  propriété  ordinaire,  mais  soumise  à  un  régime  s])é- 
cial  :  celui  des  biens  rustiques. 

Ces  quelques  aperçus,  que  nous  tâcherons  de  justifier  à  chaque 
page  du  présent  chapitre,  démontrent  que  le  régime  foncier  au 
moyen-àge,  comme  celui  des  droits  personnels  est  la  résultante 
logique  et  naturelle  des  circonstance  où  il  était  en  vigueur. 

Est-ce  à  dire  que  nous  blâmons  l'œuvre  d'unification  des  deux 
droits,  ou  plutôt  la  suppression  du  droit  féodal  ou  rustique  par  le 
législateur  de  1804? 

Nous  admettons  volontiers  que  les  contraintes  qui  pesaient  sur 
le  régime  foncier  devaient  disparaître  ,  et  que  la  liberté  de  la  per- 
sonne devait  se  communiquer  à  la  terre,  à  partir  du  jour  où 
l'homme  devenait  capable  et  digne  d'en  disposer.  La  liberté  de  la 
propriété  est  la  caractéristique  d'une  civilisation  développée.  La 
législation  nouvelle  a  donc  fait  œuvre  régulière  en  débarrassant  le 
sol  des  charges  et  des  restrictions  juridiques  qui  le  grevaient. 
Mais  en  vertu  même  de  ce  principe  de  liberté,  nous  eussions 
voulu  que  le  Code  civil  en  eût  compris  autrement  les  consé- 
quences, organisé  différemment  l'application.  En  effet,  la  liberté 
(le  la  propriété  ne  détruit  pas  la  distinction  du  droit  rural  et  du 
droit  bourgeois.  Pour  être  capables  l'un  et  l'autre  de  gérer  leurs 

'  Ceci  explique  pourquoi  dans  cet  essai  sur  l'histoire  des  classes  rurales 
nous  n'avons  pas  à  trailer  eœ  professa  de  la  législation  slatulaire. 


{    126  ) 

biens,  l'industriel  et  le  propriétaire  foncier  sont-ils  forcés  d'avoir 
les  mêmes  intérêts?  Nous  ne  le  croyons  pas.  La  loi  pouvait  sup- 
primer les  différences  des  deux  droits;  elle  pouvait  ne  plus  inter- 
préter par  voie  d'autorité  les  intérêts  de  chaque  patrimoine;  mais 
ces  différences  elle  devait  les  laisser  renaître  sous  le  régime  de  la 
liberté.  Au  lieu  d'organiser  comme  autrefois  le  partage  forcé  des 
fortunes  industrielles  ou  bourgeoises  et  la  conservation  forcée  des 
patrimoines  fonciers;  au  lieu  d'imposer  comme  elle  l'a  fait,  par 
mesure  générale  le  partage  de  tous  les  biens  de  quelque  nature 
qu'ils  soient,  elle  eût  du,  pour  bien  faire,  laisser  au  père  de  famille 
désormais  capable  de  comprendre  ses  intérêts,  le  soin  et  la  liberté 
de  les  interpréter  à  son  gré.  Le  régime  actuel  est  pour  la  propriété 
rurale  aussi  despotique  que  l'ancien  peut  le  paraître;  il  est  en 
outre  destructif  de  sa  constitution  et  contraire  à  ses  intérêts  les 
plus  évidents.  En  présence  de  l'importance  de  la  fortune  commer- 
ciale ,  méconnue  cependant  ailleurs,  on  a  imposé  son  régime  à  la 
fortune  agricole.  C'est  cela  que  nous  trouvons  condamnable.  L'an- 
cien droit  garantissait  légalement  à  chaque  patrimoine  le  respect 
de  ce  qu'il  croyait  être  ses  intérêts.  Nous  voudrions  que  le  droit 
moderne  laisse  au  moins  à  l'agriculture  la  liberté  de  sauvegarder 
les  siens. 

SECTION  1.  —  La  propriété  féodale  *. 

Le  contrat  de  fief  ou  inféodation  comprenait  deux  actes  dis- 
tincts :  la  foi  et  hommage  et  l'investiture.  Par  le  premier  le 
vassal  promet  de  remplir  les  obligations  inhérentes  au  fief;  par 
le  second,  il  en  acquiert  la  possession.  L'essence  de  ces  obligations, 

*  Sur  l'ensemble  du  syslème,  il  faut  recourir  naturellement  aux  feudisles 
contemporains  de  chaque  période  et  aux  textes  existants  des  lois  féodales. 
Nous  croyons  inutile  d'y  renvoyer  pour  chaque  trait.  Nous  nous  bornerons 
aux  renvois  caractéristiques. 

Pour  le  droit  spécial  de  nos  provinces,  voir  parmi  les  modernes  :  Warnkônig, 
Flandrische  Staats  u  Redits,  gesch.,  t.  III.  —  Galeslool,  Inventaire  des  ar- 
chives de  la  cour  féodale  de  F.rabant.  —  La  Perrière,  Histoire  du  droit  frcn- 
çais,  liv.  VII,  ch.  V,  sect.  1  et  [Coutumes  de  la  Flandre  et  du  Hainaut),  t.  VI, 
init.  —  Taillar,  Recueil  d'actes  en  langue  romane.  Inlrod.  sur  le  droit  public 
et  privé  de  la  Flandre  au  XIII*^  siècle.  —  Brilz ,  de  Ghewiel ,  de  Facqz,  op.  cit. 


(  127) 

la  féaulë  ou  fidélilé,  est  la  base  de  toute  la  hiérarchie  féodale. 
Celte  fidélité  comprenait  certaines  obligations.  11  fallait,  pour 
garantir  l'ordre  général,  veiller  a  ce  que  leur  service  put  toujours 
s'accomplir.  Cette  nécessité  créa  pour  les  fiefs  une  législation  loute 
particulière.  Cette  législation  résultait  du  caractère  même  des 
services  féodaux.  Les  principaux  étaient  les  services  d'osl  et  de 
cour.  Il  fallait  donc  que  le  feudataire  fut  toujours  capable  d'ac- 
complir ces  deux  services.  Il  devait  donc  cire  mâle  et  majeur.  Mais 
il  ne  suftisait  pas  que  le  feudataire  pût  accomplir  en  personne  le 
devoir  féodal.  Il  fallait  que  son  service  fût  proportionnel  à  l'éten- 
due de  son  fief.  Le  suzerain  conservait  toujours  un  droit  sur  son 
domaine  concédé  et  on  ne  pouvait  V abréger  indûment.  De  ce 
princi])e  résulta  la  législation  foncière  du  fief  et  notamment  la 
règle  de  l'indivisibilité  qui  la  domine  toute  entière. 

11  y  a  donc  ici  un  double  principe  à  combiner  :  celui  delà  capa- 
cité et  celui  de  l'indivisibilité.  Ces  deux  principes  sont  corrélatifs; 
ils  s'appliquent  surtout  en  matière  de  transmission  du  fief.  En 
cette  matière  le  principe  féodal  exigeait  que  le  fief  passât  tout 
entier  aux  mains  d'une  personne  capable  d'en  faire  le  service.  La 
première  conséquence  de  ce  principe  était  celui  de  la  masculinité. 
Le  fief  appartient  au  mâle,  seul  capable  du  service  K  Mais  cette 
règle,  si  elle  fut  jamais  absolue,  ne  se  maintint  pas  longtemj)s  dans 
sa  rigueur.  Une  compensation,  la  garde  noble  ou  maimbournie, 
garantit  au  suzerain  la  conservation  de  ses  droits  dans  les  |>a}s  du 
Midi  2. 

Mais  si  les  femmes  étaient  parfois  admises  au  droit  féodal,  le 
mâle  conservait  toujours  sur  elle  le  droit  de  préférence. 

Les  mâles  n'avaient  pas  encore  droit  égal  au  fief.  Le  principe  d'in- 
divisibilité venait  limiter  leurs  droits  et  créer  le  droit  d'aînesse; 
celui-ci  est  d'origine  toute  féodale  ^. 

'  Le  fils  hérite  des  fiefs  «  om  dat  hy  es  mans  persoon  »  dit  l'ancien  texte  du 
droit  brabançon,  Galesloot,  loc.  cit.,  p.  50. 

^  La  garde  noble  est  inconnue  en  Brabant.  Dans  les  coutumes  féodales  du 
Nord,  les  femmes  furent  dès  Tabord  capables  à  défaut  de  (ils,  La  Perrière, 
loc.  cit. 

2  La  raison  en  est  très-bitn  expliquée  dans  Van  Leeuwen,  Censura  foren- 


(  128) 

11  y  avait  là  toute  une  série  de  restrictions  réglant  le  sort  des 
biens  dans  la  famille  qui  les  possédait.  Une  autre  série  de  dispo- 
sitions prévenait  la  sortie  des  biens  de  la  famille.  Le  fief  en  prin- 
cipe était  inaliénable.  Cette  loi  était  sauvegardée  par  les  règles  du 
retrait  féodal.  Il  importait  en  effet  de  conserver  dans  une  famille 
l'influence  sociale,  sur  laquelle  reposait  alors  tout  le  régime  poli- 
tique. 

Tel  était  le  régime  de  la  féodalité  primitive  et  absolue.  Mais  ces 
règles  se  modifièrent  avec  le  caractère  même  du  fief.  Le  contrat 
d'inféodation,  qui  d'abord  était  un  lien  personnel  établi  entre 
les  contractants,  s'étendit  bientôt  ;  la  foi  et  bommage  d'essentielle 
qu'elle  élait  devint  accessoire.  Elle  constitua  une  sorte  de  forma- 
lité *.  Le  principal  fut  Tinvestiture  ou  la  cession  d'un  droit  réel. 
L'inféodation  devint  donc  une  espèce  de  contrat  réel,  le  fief  devint 
un  genre  de  propriété. 

Quelle  fut  la  cause  qui  opéra  ce  changement  et  quelles  en  furent 
les  conséquences? 

La  cause  principale  fut  l'acquisition  des  terres  par  les  roturiers. 
Nous  avons  signalé  au  moment  des  Croisades,  l'espèce  de  liquida- 
tion foncière  qui  se  produisit.  Dans  ce  mouvement  foncier,  les 
roturiers  acquirent  des  terres  féodales.  Or  les  roturiers  étaient 
incapables  des  services  féodaux.  Ils  devaient  donc  stipuler  des 
redevances  à  la  place  du  service  militaire.  Ce  fait  modifia  complè- 
tement le  caractère  du  fief.  Il  introduisit  notamment  le  principe 
du  rachat  du  service  militaire  inconnu  avant  lui.  Le  fief  de  contrat 
personnel,  gratuit,  honorifique,  politique,  prenait  le  caractère  de 
contrat  réel,  pécuniaire,  civil.  Ainsi  commençait  la  révolution  qui 
transforma  la  féodalité  en  une  institution  purement  civile  :  la 
concession  du  domaine  utile  à  certaines  conditions  déterminées  2. 


sis,  liv.  II,  eh.  XX,  n"  3.  —  Cf.  C.  du  Royer,  Histoire  du  droit  de  disposer 
par  testament,  p.  159.  Paris,  1870. 

'  Celle  formalilé  demeura  cependant  la  caractéristique  du  fief.  V.  infi^à. 

2  E.  Garsonnel,  Histoire  des  locations  perpétuelles,  pp.  572  et  suiv  ,  ex- 
plique très-bien  cetle  Iransformalion  dans  les  divers  pays  féodaux.  —  Voir 
aussi  sur  l'hisloire  économique  du  régime  féodal  el  de  ses  transformations, 
le  remarqualDle  a{)erçu  de  Don  F.  de  Cardênas,  Ensayo  sobre  la  historia  de 
la  proprietad  territoriale  en  Espâna,  lib.  I,  cap,  7,  l.  1,  p.  60.  Madrid,  1875. 


(  129  ) 

La  conséquence  immédiate  de  cette  tranformation  fut  de  modi- 
fier les  services  féodaux  eux-mêmes.  L'ancienne  féaullé  ne  com- 
portait, si  j'ose  ainsi  parler,  que  des  services  immatériels.  Désor- 
mais les  profits  du  fief  prennent  naissance.  Les  fiefs  non  militaires 
doivent  des  services  pécuniaires  K 

Il  en  résulte  ainsi  que  le  fief  est  désormais  une  chose  qui  est 
dans  le  patrimoine  du  fcudataire.  Mais  s'il  peut  en  disposer  il  ne 
le  peut  qu'à  certaines  conditions;  le  dernier  étal  du  droit  belge 
exige  encore  certaines  formalités  pour  l'aliénation  et  la  transmis- 
sion des  fiefs,  devant  certaines  cours,  mais  en  général  ils  étaient 
de  libre  disposition  sauf  des  droits  pécuniaires. 

Le  fief  continua  donc  à  se  distinguer  de  tout  autre  contrat  par 
l'obligation  de  foi  et  hommage  et  par  la  législation  spéciale  qui 
en  régissait  les  fonds.  Cette  législation  ne  fut  pas  maintenue  sans 
quelque  peine.  Les  juridictions  urbaines  étendaient  assez  naturel- 
lement le  cercle  de  leurs  pouvoirs.  Aussi  prenait-on  l'habitude  de 
trafiquer  des  fiefs  devant  les  cours  échevinales.  Cette  innovation, 
si  elle  avait  pu  s'invélércr,  eût  bientôt  supprimé  entre  les  biens 
roturiers  et  féodaux  toute  différence  apparente.  La  juridiction  des 
cours  féodales  se  fut  éteinte  par  désuétude  si  les  princes  n'eussent 
veillé  au  respect  de  la  législation  féodale  2. 

Les  acquisitions  de  biens  féodaux  par  des  roturiers  se  multi- 
plièrent de  plus  en  plus  avec  le  développement  de  la  fortune 
industrielle.  Le  patriciat  urbain  acquerrait  les  terres  qui  échap- 
paient aux  anciennes  familles.  Celles-ci  avaient  vu  diminuer  le 
produit  de  leurs  rentes  par  la  baisse  des  prix  de  toutes  choses, 
elles  avaient  dû  se  résoudre  à  des  aliénations  et  c'étaient  les  bour- 
geois qui  s'enrichissaient  de  leurs  dépouilles  et  cherchaient  à 
constituer  une  aristocratie  financière. 

Cette  transformation  que  nous  venons  de  signaler  n'a  certaine- 

*  Ainsi  naquirent  les  profils  de  fief.  Mâlécot  et  B\m,  Précis  de  droit  féodal, 
pp.  196  61209. 

^  Voir  ces  tentatives  dans  Waulers,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  1S4.  — 
Jean  111  résista  à  ce  mouvement,  mais  il  fallut  pour  le  vaincre  Tintervenlion 
énergique  de  Philippe  le  Bon  (ordonnance  Philippine  de  1446)  et  de  Charles  V 
(édit  de  lo25j.  Galesloot,  loc.  cit.,  p.  xxxiii. 

Tome  XXXH.  9 


(  150  ) 

ment  rien  eu  de  subit.  Longtemps  il  a  subsisté  côte  à  côte  une 
féodalité  militaire  et  une  féodalité  civile.  Il  serait  difficile  de  pré- 
ciser le  moment  où  la  première  a  été  vaincue.  Sous  Jean  III ,  les 
iiefs  militaires  sont  les  plus  rares;  le  fief,  il  est  facile  de  le  constater, 
a  tout  à  fait  dégénéré;  il  est  détourné  de  sa  signification  pre- 
mière *.  Au  XIV*  siècle,  les  livres  féodaux  du  pays  de  Waes  expri- 
ment ouvertement  le  droit  de  racbat  du  service  militaire  ^.  Mais 
il  y  a  eu  pendant  longtemps  un  enchevêtrement  et  une  sorte  de 
confusion  des  deux  principes  qui  se  combattaient.  Il  est  curieux 
de  constater  cette  lutte  d  idées  juridiques  à  propos  d'une  question 
assez  intéressante  de  capacité  féodale.  Fallait-il  être  gentilhomme 
pour  acquérir  un  fief?  Après  ce  que  nous  avons  dit  jusqu'ici  il 
semble  que  poser  la  question  soit  la  résoudre.  Il  n'en  est  rien. 
La  joyeuse  entrée  de  Brabant  proclamait  encore  le  droit  exclusif 
des  chevaliers  à  l'acquisition  des  terres  nobles  ^-  N'y  a-t-il  pas  là 
une  flagrante  contradiction?  Sans  croire  que  le  texte  soit  toujours 
resté  sans  application  *,  ne  pourrait-on  pas  conjecturer  qu'il  ne 
s'appliqua  qu'aux  fiefs  seigneuriaux  et  militaires?  La  distinction 
des  deux  espèces  de  fiefs  n'a  jamais  été  consacrée  par  des  lois; 
elle  était  inconnue  au  haut  moyen- âge,  elle  l'était  redevenue  à  la 
fin  de  l'ancien  régime  ;  mais  il  y  eut  un  moment  où  elle  fut  vivante 
dans  les  faits;  dès  lors  on  aurait  tort  de  la  méconnaître  ^. 


^  Galesloot,  ibitl.,  et  Le  livre  des  feudataires  de  JeanlII. 

^  Peut-on  interpréter  autrement  robligalion  d'un  feudataire  à  un  cheval  de 
c  Skilliiige?  Chevalier  de  Schoutèle  de  Tervarent,  Le  livre  des  feudataires 
du  pays  de  Waes,  p.  2  et  passim  (1385).  —  Cf.  Britz,  Ancien  droit  belgique, 
p.  583. 

5  Edm.  Poullet,  Mémoire  sur  la  Joyeuse  Entrée  de  Brabant,  p.  202. 

■*  Comme  le  pense  Wauters,  Histoire  du  règne  de  Jean  I^^,  p.  i267. 

On  a  interprété  dans  le  sens  d'un  privilège  de  capacité  féodale,  un  usage 
de  la  ville  de  Gand  qui  défendait  aux  bourgeois  d'acquérir  des  biens  extra 
promœria,  sauf  s'ils  étaient  nobles  (Heuterus,  Rer.  burg..  —  Trotz,  Jus  agra- 
rium,  1. 1,  p.  50).  Jean-sans-Peur,  au  dire  du  chroniqueur  leva  cette  interdic- 
lion.  J.  de  Meyere  nous  explique  cet  usage  :  il  avait  pour  but  d'éviter  la  multi- 
plicité des  .pa/e6i«r9'er,  bourgeois  non  résidents.  Les  nobles  seuls  pouvaient 
être  dotés  de  la  bourgeoisie  dans  ces  conditions  {Annales  Flandriœ,  ad. 
a.  1202). 

s  Nous  avons  exposé  plus  haut,  livre  I,  p.  oS,  la  naissance  et  la  longue  per- 


(  131  ) 

Quelles  furent  les  conséquences  de  la  transformation  du  prin- 
cipe féodal?  La  principale  fut  la. consécration  de  laliénabililé  des 
fiefs.  C'est  elle  qui  a  eu  les  résultats  sociaux  les  plus  considé- 
rables. En  effet  ce  fut  le  signal  de  la  décadence  des  anciennes 
maisons  seigneuriales,  et  cela  à  divers  titres.  La  propriété  foncière 
avait  été  jusque-là  la  source  exclusive  de  la  supériorité  sociale. 
Le  chef  héréditaire  d'un  domaine  était  de  plein  droit  le  chef  de 
la  contrée.  Cette  domination  n'était  pas  seulement  juridique,  elle 
était  réelle  et  morale.  Grâce  aux  droits  seigneuriaux,  à  la  tradi- 
tion, à  Tesprit  public,  cette  autorité  était  incontestée.  Mais  l'essor 
de  la  fortune  industrielle  devait  ébranler  cette  position  privilégiée. 
11  créait  à  côté  des  seigneuries  foncières,  la  seigneurie  communale  et 
en  son  sein  des  familles  opulentes  constituant  une  force  nouvelle  : 
la  ploutocratie.  L'avènement  de  cette  puissance  devait  modifier 
toute  la  constitution  de  la  société.  D'abord  elle  devait  diminuer 
la  position  financière  de  la  noblesse  :  celle-ci  avait  pour  revenus  les 
cens  fonciers  des  tenanciers;  or  comme  nous  le  verrons,  ces  con- 
cessions étaient  héréditaires  et  leur  taux  était  fixe.  La  multiplica- 
tion de  la  puissance  productive,  Taugmentalion  et  la  dépréciation 
du  numéraire  diminuaient  de  plus  en  plus  la  valeur  de  ces  rentes 
anciennes  soit  en  nature,  soit  en  espèces.  Dans  cette  situation  la 
noblesse  n'avait  qu'un  petit  nombre  de  partis  à  prendre.  Elle 
pouvait,  comme  elle  le  fit  souvent,  vivre  pauvre  à  la  campagne,  ou 
bien  chercher  à  lutter  avec  les  familles  industrielles.  Celles  qui 
prirent  ce  dernier  parti  désertèrent  la  campagne  et  vinrent  habi- 
ter la  ville,  soit  pour  y  vivre  noblement,  soit  pour  se  livrer  à  l'in- 
dustrie *.  Chacune  de  ces  deux  alternatives  devait  faire  bientôt 
circuler  les  fiefs  dans  les  familles  roturières.  Pour  vivre  noble- 
ment, il  fallait  avoir  des  revenus  élevés,  surtout  pour  rivaliser  de 
train  avec  le  patriciat  urbain;  cette  nécessité  occasionnait  les 
ahénations  foncières  2.  Or  tout  bien  aliéné  tombait  en  roture.  Le 

sislance  des  bénéfices  ou  fiefs  ruraux  ou  non  militaires.  En  fait,  au  point  de 
vue  économique,  ils  revenaient  à  la  censive  ;  en  droit,  ils  subissaient  la  loi  féo- 
dale. Celle  coexistence  si  bien  expliquée  par  Waitz  (voir  plus  haut)  explique 
bien  des  phénomènes  du  droit  féodal. 

*  J.  te  Winkel,  Maerlants  iverken,  p.  251. 

^  Waulers,  Histoire  de  Jean  I^'-,  pp.  267  el  561. 


(  132) 

patriciat  comprenait  instinctivement  qu'une  puissance  écono- 
mique et  sociale  sérieuse  ne  s'établit  que  par  la  possession  du  sol. 
Aussi  était-il  très-avide  de  terres,  très-empressé  aies  acquérir  *. 
Mais  cette  transmission  se  faisait  plus  souvent  par  voie  indirecte. 
Les  nobles  à  court  d'argent  engageaient  leurs  domaines  pour  une 
somme  déterminée  à  des  banquiers  juifs  ou  autres,  avec  obliga- 
tion de  remboursement  à  date  fixe  et  parfois  clause  pénale  de 
commise  au  premier  protêt.  Or  un  bien  engagé  était  presque 
toujours  un  bien  exécuté.  Les  banquiers  alors,  en  vertu  de  leur 
contrat,  relevaient  le  fief  engagé  et  celui-ci  passait  bientôt  de  leurs 
mains  à  celles  de  quelque  bourgeois  opulent  ^. 

Les  alliances  avaient  fait  aussi  passer  certains  fiefs  en  mains 
patriciennes  ^.  Les  familles  nobles  de  la  ville,  surtout  celles  qui 
se  livraient  à  l'industrie,  s'étaient  fondues  avec  la  haute  bour- 
geoisie; les  alliances  fréquentes  avaient  uni  ces  familles,  dont  la 
fusion  constitua  ce  qui  porte  le  vrai  nom  de  patriciat  urbain,  le 
corps  des  lignages. 

Cet  ensemble  de  circonstances  devait  ébranler  l'importance  du 
droit  féodal.  Le  bien  roturier  et  le  fief  figuraient  côte  à  côte  dans 
une  même  patrimoine. 

Ce  premier  résultat  devait  entraîner  des  modifications  dans  le 
régime  juridique  des  biens  féodaux. 

L'inaliénabilité  avait  disparu,  l'indivisibilité  devait  être  bientôt 
compromise.  L'indivisibilité  avait  un  bouble  but  :  garantir  au 
suzerain  la  prestation  des  services  féodaux,  et  maintenir  la  gran- 
deur de  la  famille  en  assurant  son  unité.  Ce  principe  avait  donné 
naissance  à  la  théorie  du  miroir  de  fief.  Au  décès  d'un  feudalaire, 
les  fils  se  partageaient  sa  succession,  mais  l'un  d'entre  eux,  ordi- 
nairement l'aîné,  représentait  le  fief  entier  vis-à-vis  du  suzerain; 
la  portion  échue  à  l'aîné  se  transformait  en  fief  dominant  vis-à- 
vis  de  celles  de  ses  puînés.  Cette  théorie  avait  pour  conséquence 

^  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  16.  «  Oppidani  illas 
(heridilales)  eliam  valde  préciose  emere  consueverant.  » 

^  Voir  plus  bas,  Crédit  foncier. 

3  Accord  de  1396  relatif  aux  propriétés  des  bourgeois  de  Bruges.  Gilliodts- 
van  Severen,  Inv.  Arch.  de  Bruges,  1"  sect.,  1"  série,  t.  III,  p.  413. 


(  135) 

un  privilège  dans  le  chef  de  l'aîné,  privilège  non  plus  seule- 
ment seigneurial,  mais  réel  et  foncier.  Celait  un  préciput.  La 
valeur  de  ce  préciput,  plutôt  récognitif  de  supériorité  hiérarchi- 
que et  sociale,  que  collatif  de  droits  réels  sérieux,  fut  toujours 
assez  minime,  et  finit  par  devenir  insignifiante.  Ce  qu'il  y  avait 
d'essentiel  dans  la  législation  successorale  c'était  la  reconnaissance 
officielle  de  l'aîné  comme  chef  de  la  famille.  En  cette  qualité  il 
avait  donc  droit  aux  titres  et  droits  seigneuriaux,  et  au  manoir 
féodal  signe  matériel  du  titre  politique.  Le  droit  féodal  ne  consa- 
crait donc  pas  l'indivisibilité  patrimoniale  du  fief;  mais  son  indi- 
visibilité seigneuriale.  A  l'exemple  de  l'ordonnance  de  1209  en 
France,  la  théorie  du  miroir  de  fief  disparut  dans  nos  provinces; 
et  les  puînés  relevèrent  directement  du  suzerain.  C'était  une  pre- 
mière et  triste  brèche  au  régime  féodal.  Le  principe  de  l'ordon- 
nance de  1209  en  supprimant  le  lien  hiérarchique  entre  les  frères, 
enlevait  l'unité  de  la  famille  féodale  et  la  disloquait  au  profit  du 
pouvoir  central.  Ces  divisions  furent  la  cause  de  la  multiplication 
des  seigneuries;  les  fiefs  sont  souvent  très  petits;  le  partage  entre 
les  descendants  si  nombreux  des  familles  belges  en  est  la  cause 
évidente. 

Si  l'autorité  féodale  de  l'aîné  succombait,  son  privilège  hono- 
rifique subsista.  Dans  tout  le  régime  féodal  des  successions,  l'aîné 
conserve, avec  les  droits  seigneuriaux,  la  maison  paternelle;  il  est 
reconnu  le  chef  de  la  famille.  La  part  avantageuse  qu'il  reçoit  est 
bien  minime  dans  le  dernier  état  du  droit;  ici  c'est  le  vol  du 
chapon,  là  c'est  le  château  avec  son  enceinte.  Mais  la  famille  con- 
serve en  lui  son  chef  avoué  et  reconnu. 

A  la  fin  de  l'ancien  régime,  ou  plutôt  pendant  tout  l'ancien 
régime  proprement  dit,  la  vraie  nature  du  fief  a  disparu  *.  C'est 
une  propriété  soumise ,  eu  égard  à  son  importance  et  a  celle  de 
ses  posseseurs,  à  des  règles  spéciales.  Mais  ces  règles  sont  devenues 
de  plus  en  plus  larges  ;  la  libre  disposition  des  fiefs  est  proclamée 
presque  partout  2;  la  part  avantageuse  est  réduite  à  une  propor- 

'  G.  de  Ghewiet,  t.  I,  p  20a. 

^  Coutumes  de  Brabant,  de  Luxembourg,  etc.,  ceJle  de  Flandre  conserve  des 
reslriclions.  Brilz,  Galesloot,  loc.  cit.  —  Cf.  Messager  des  se.  histor.  de  Bel- 
gique, pp.  24,  44  et  55.  1852. 


(  134  ) 

tion  infime.  Le  fief  n'est  plus  qu'un  domaine  dont  la  législation 
garde  encore  quelques  traces  plus  apparentes  que  réelles  de  son 
ancien  caractère  conservateur  et  restrictif. 

L'alleu  noble  avait  suivi  les  vicissitudes  de  l'histoire  des  fiefs, 
comme  il  en  partageait  la  législation.  D'ailleurs  il  était  rare;  et 
les  vrais  liberi,  fiers  de  leur  noblesse  exemple  de  toute  servitude, 
se  paraient  avec  orgueil  de  ce  titre  envié  et  honoré  *.  L'alleu  rotu- 
rier, au  contraire,  suivait  le  régime  bourgeois.  Cette  espèce  d'alleu 
a  en  Belgique  une  grande  imj)ortance  dans  l'histoire  de  la  pro- 
priété foncière;  car  presque  toutes  nos  coutumes  étaient  allo- 
diales,  appliquant  le  principe  :  Nul  seigneur  sans  titre.  Le 
Hainaut  seul  était  pays  de  droit  féodal  ^,  aussi  constatons-nous  une 
infinité  d'alleux  dans  les  transactions  que  nous  révèlent  les 
chartes. 

On  aurait  tort  de  confondre  la  propriété  féodale  avec  la  grande 
propriété.  Ces  deux  termes  ne  sont  nullement  corrélatifs.  Le  régime 
que  nous  avons  esquissé  prouve  assez  que  l'étendue  des  fiefs 
pouvait  être  réduite  indéfiniment  du  moment  que  la  motte  féodale 
était  respectée.  La  dimension  de  la  propriété  féodale  n'est  donc 
pas  garantie.  La  preuve  de  fait  en  existe  d'ailleurs  dans  les  livres 
de  fiefs  qui  nous  sont  conservés.  Les  fiefs  dont  il  est  fait  hom- 
mage descendent  parfois  à  la  limite  de  la  toute  petite  propriété  ^. 
La  terre  féodale  suit  le  mouvement  général  de  la  propriété;  son 
étendue  diffère  de  province  à  province,  de  seigneurie  à  seigneurie. 

Mais  qu'est-ce  donc  dans  le  dernier  état  du  droit  qui  distingue 
le  fief  de  toute  autre  location  perpétuelle?  Le  fief  est  un  domaine 
utile,  dont  la  jouissance  est  grevée  de  certaines  charges,  c'est  même 
à  la  fin  de  l'ancien  régime  une  sorte  de  propriété;  mais  ce  n'est 

*  Waulers,  Libertés  communales,  p.  206;  Environs  de  Bruxelles,  t.î,p.  7. 

^  Britz,  loc.  c  ,  p.  î)91.  —  Sur  les  alleux, Rnepsaet,  Analyse,  liv.  III,  eh.  XV. 

3  Voir  infrà  el  le  livre  des  feudataires  de  Jean  IH,  éd.  Galeslool;  le  livre 
des  fiefs  du  pays  de  Waes,  éd.  chev.  de  Schoutèle  de  Tervarent;  le  livre  des 
fiefs  de  Jean  d'Arkel  (Looz),  éd.  chev.  C.  de  Borman;  les  fiefs  du  comté  de 
A^amur,  éd.Bormans  et  Borgnet;  le  Leenboek  d'Anvers  Siux  Archives  commu- 
nales de  celle  ville.  Il  y  avait  là  un  grand  nombre  de  feoda  ruralia  ou  béné- 
fices non  militaires,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 


(  135  ) 

pas  une  propriété  libre,  et  le  titre  de  sa  servitude,  pour  employer 
le  mot  d'un  jurisconsulte  belge  *,  c'est  la  foi  et  hommage.  Là 
reste  toujours  la  différence  essentielle  de  son  type  juridique. 


SECTION  II.  —  Les  amodiations  rurales  ^. 

Les  amodiations  sont  les  modes  divers  de  concession  par 
lesquels  un  propriétaire  permet  à  un  exploitant  de  détenir  une 
partie  du  sol.  L'histoire  des  amodiations  rurales,  nous  l'avons 
déjà  dit,  est  intimement  liée  à  celle  des  progrès  économiques.  Au 
commencement  du  moyen-âge,  l'amodiation  proprement  dite 
était  inconnue.  II  n'y  avait  pas  de  contrats,  mais  des  concessions 
libres  dont  l'usage  seul  garantissait  la  possession;  c'étaient  les 
tenures.  Le  manse  occupé  par  un  serf  pouvait  lui  être  retiré.  Le 
strict  droit  le  permettait.  Mais  en  fait,  l'usage  constant  avait  garanti 
à  chacun  la  perpétuité  de  sa  tenure  ^.  Dans  ces  temps,  l'intérêt 
commun  des  propriétaires  et  des  tenanciers  était  la  stabilité  de 
l'exploitation.  Un  seul  contrat  était  connu  :  c'était  la  précarie*. 
La  précarie  était  un  acte  par  lequel  une  personne  offrait  ses  biens 
à  une  autre,  à  charge  de  les  reprendre  d'elle  à  titre  précaire. 
C'était  une  espèce  de  contrat  de  rente  viagère.  Le  stipulant  en  effet 
abandonnait  son  bien,  quitte  à  en  jouir  tranquillement  sa  vie 

*  Anselmo,  Tribonianus  helg.  v»  feodum. 

'  Sur  l'ensemble  de  la  théorie  économique  des  contrats,  au  point  de  vue 
historique,  voir  Dareste,  Histoire  des  classes  agricoles,  p.  248.  —  fl.  Doniol, 
Hisl.  des  classes  rurales,  pp.  167  à  207  et  249.— L.  Delisle,  l/ist.  de  la  classe 
agricole  en  Normandie,  ch.  IL  —  Turgot,  Réflexions  sur  la  formation  et  la 
distribution  de  la  richesse,  §  19,  Œuvres,  1. 1,  pp.  16  et  suiv.  —  0»^  de  Gas- 
parin.  Le  métayage,  ch.  XIII,  p.  81.  —  L.  Garsonnet,  Ifist  des  locations  per- 
pétuelles, passim.  —  Roscher,  Nationalokonomick  des  Ackerhaues ,  ch.  V, 
p.  185,  etc.,  etc. 

^  Guérard,  Prolégomènes  au  poJyplique  d'Irminon,  t.  I,  p.  248. 

*•  Guérard,  ibid.,  1. 1,  pp.  567  et  suiv.—  La  Ferrière,  IlisL  du  droit  français, 
t.  IV,  p.  4.Ô0.  Voir  le  texte  de  deux  prestaries  belges,  l'une  dans  Warnkônig, 
ffist.  de  Flandre,  trad.  G.,  t.  II,  p.  524,  émanée^  d'Eginard;  l'autre  dans  le 
Cartulaire  de  la  commune  de  Fosses,  éd.  Borgnet,  p.  2. 


(  136  ) 

durant  *.  La  précarie,  contemporaine  des  bénéfices,  avait  le  même 
principe  qu'eux.  Les  petits  propriétaires  incapables  de  se  main- 
tenir libres  et  tranquilles  au  milieu  des  troubles  de  l'époque,  pré- 
féraient renoncer  à  leur  indépendance  pour  obtenir  la  protection 
d'un  plus  fort.  C'était  là  une  mesure  intermédiaire  entre  le  béné- 
fice et  le  contrat  de  servage.  Cette  recommandation  semble  s'être 
surtout  faite  à  l'église.  Souvent  celle-ci  ajoutait  de  son  propre 
bien;  elle  avait  tout  intérêt  à  favoriser  un  contrat  qui  augmentait 
gratuitement  ses  possessions.  Le  précariste  était  soumis  à  des 
obligations  ordinairement  minimes;  mais  la  sanction  de  ces  ser- 
vices est  très-sévère  :  la  commise  immédiate. 

La  précarie  ne  tarda  pas  à  pénétrer  dans  l'ordre  laïc.  Les  pro- 
priétaires se  trouvant  trop  riclies  en  terres,  et  ne  pouvant  les 
exploiter,  prirent  le  parti  de  les  concéder  contre  des  redevances 
déterminées.  Cette  concession  spontanée  ne  pouvait  s'appeler 
précarie  :  on  l'appela  censive  ou  terre  censile,  de  la  redevance, 
census,  qui  la  grevait.  Ces  charges  étaient  minimes,  comme  le  rap- 
port même  du  sol,  mais  la  sanction  sévère  de  la  précaric  s'y 
retrouvait.  Une  diiïércnce  cependant  les  distinguait,  c'est  qu'en 
principe  celle-ci  était  viagère.  Mais  elle  ne  tarda  pas  sans  doute 
comme  toutes  les  tenurcs  à  devenir  perpétuelle.  La  précaric  et  la 
terre  censile  se  confondirent  donc  et  donnèrent  naissance  à  la  cen- 
sive du  moyen-âge  ^. 

La  censive  est  la  concession  faite  par  un  seigneur,  du  domaine 
utile  d'une  terre,  à  charge  d'une  redevance  ^.  Le  bail  à  cens  avait 

*  Cette  spéculation  se  retrouve  souvent  dans  l'histoire;  mais  plus  tard  on 
reprit  les  biens  à  cens  ou  à  ferme.  Exemple  :  concession  de  terre  au  chapitre 
de  la  collégiale  de  S'-Paul-Liége  à  condition  de  fermage  (lantsage)  au  dona- 
teur et  à  ses  hoirs  (1575  et  1595.)  Cartul.  de  la  collégiale,  pp.  325  el  555.  — 
Donation  Ghislelles  (12G9)  de  quelqu'un  «  een  miel  vri  lant,  eghin  lant  ende 
quilelant  te  senen  vrien  eghendome...  ende  (les  donateurs)  zyn  worden  erve- 
like  chensers  van  desen  vorseiden  lande;  »  La  Flandre,  p.  569,  1878. 

*  Garsonnet,  op.  cit ,  pp.  251  et  suiv. 

3  Surraccensement  voir  les  sources  générales.  —  Pothier,  Trailé  des  cens, 
et  les  autres  jurisconsultes  anciens.  —  Giiliodls-van  Severen,  Inventaire  des 
chartes  de  la  ville  de  Bruges.  Introd.  p.  5o8.  —  Brants,  La  censive  féodale, 
Revue  catuoliqde  de  Lodvain,  t.  I,  p.  41,  1879.  —  Tractatus  de  reditihus 


(  157  ) 

le  même  caractère.  Ces  deux  contrats  sont-ils  identiques?  Censivc 
el  bail  à  cens  sont  essentiellement  la  concession  perpétuelle  du 
domaine  utile  d'un  bien  ;  l'accensemcnt  est  base  sur  la  distinction 
féodale  du  domaine  direct  et  du  domaine  utile.  La  structure  de  la 
société  féodale  excluait  l'idée  de  l'aliénalion  complète  de  la  pro- 
priété. Directe  et  justice  étant  intimement  unies,  on  avait  natu- 
rellement réservé  la  directe  dans  tout  contrat  foncier.  Cette 
directe  devait  être  reconnue  par  un  signe  extérieur.  Ce  signe 
était  le  census,  la  redevance  qu'elle  qu'en  soit  la  nature.  Le  cens 
était  essentiellement  récognitif  de  la  directe  seigneuriale  ou  doma- 
niale. 

Quelle  était  dans  ce  contrat  la  situation  respective  des  deux 
parties? 

Le  censitaire  ou  preneur  à  cens  était  maître  de  la  terre  con- 
cédée. Il  en  avait  la  propriété  complète,  libre  et  héréditaire.  Il 
pouvait  donc  disposer  du  fonds,  l'exploiter  à  sa  guise,  le  trans- 
former ;  il  avait  en  un  mot  la  totalité  du  domaine  utile  sans  que 
le  droiturier  pût  intervenir  dans  son  exercice. 

Les  textes  sont  très-expressifs  dans  la  concession  de  ces  terres 
et  accentuent  le  caractère  indépendant  du  titre  censal. 

Cependant  ce  n'était  pas  là  une  pleine  propriété,  et  la  directe 
devait  être  reconnue.  Elle  l'était  parle  service  du  cens,  et  par  cer- 
tains droits  accessoires  de  relief  et  mutation  *. 

annuis,  anonyme,  manuscrit  de  1623,  Biblioth.  nationale,  MS.  n»  15562. 

A  côlé  de  la  censive  se  maintient,  presque  confondu  avec  elle  le  fief  rural, 
dont  nous  avons  signalé  l'existence  et  le  caractère. 

*  Acte  transformant  xmepossessio  en  census  perpetuus  (1225),  Cart.  des 
Dunes,  p.  519. 

Caraclère  :  Jean  11  (1295)  confirme  la  cession  de  «  bonaquœ  rniles  in  hœre- 
ditalem  juslam  sub  annuo  censu  tenens  erat,  «  Analectes  pour  servir,  etc., 
t.  V,  p.  3G7.—  Haaredilas  sub  censu  (1180),  ibid.,  ix,  p.  45.  —  Acte  de  1251 
»  Terram  a  ?zo6/s  jure  hœredilario  tenebunt  et  nobis  exinde  persolvunt  nomine 
census,  Cari.  Parc,  les  Daines,  fol.  53.—  Acte  de  Rasse  de  Gavre  (1291)  «  con- 
ferimus  hœvas  in  veram  et  puram  haeredilatem  sub  annuo  censu  perpetuo 
tenendas  et  possidendas,  niliil  juris  retenenles  prseter  annuum  cênsum  et 
dominium  altae  juslitiae  si  resplendeatde  eisdem.  «tiramaye,  Anliq.  bredanœ. 
dipL,  p.  44.  —  Acte  de  1251  «  Terra  censualis  quam  hœriditatem  vocant.  » 
Waulers,  Environs  de  Bruxelles,  t.  1,  p.  xlvi,  etc. 


(  158) 

La  redevance  censière  ne  constituait  pas  dans  l'idée  du  concé- 
dant un  prix  de  location;  d'ordinaire  elle  était  trop  minime  pour 
cela  *.  Cependant,  il  arrivait  que  le  but  en  fut  différent  et  qu'à  la 
redevance  rccognitive  vint  s'ajouter  une  sous-rente  ayant  un  vrai 
caractère  de  fermage. 

Nous  nous  sommes  demandé  tout  à  Theure  si  censive  et  bail  à 
cens  étaient  termes  identiques.  L'essence  des  deux  contrats  est  la 
même,  mais  leur  nature  diffère.  La  censive  est  d'ordre  seigneurial 
et  féodal;  le  bail  à  cens  d'ordre  domanial  et  privé.  L'importance 
de  cette  distinction  gît  dans  le  caractère  de  la  redevance.  La  cen- 
sive, appelée  fief  ccnsuel  ou  fiof  roturier,  participe  à  toute  la 
législation  féodale.  Retenu  noblement  par  le  seigneur,  le  titre  cen- 
suel  suit  le  titre  féodal;  il  est  comme  lui  indivisible  et  impres- 
criptible '^.  Les  litres  des  cens  seigneuriaux  passent  a  l'aîné  comme 
ceux  des  fiefs,  et  sont  impartagcables.  Cette  théorie  à  naturelle- 
ment sa  réaction  sur  la  tenure  elle-même.  Le  litre  ne  peut  être 
partagé;  il  en  résulte  que  l'unité  du  cens  subsiste  malgré  le  par- 
tage des  terres.  Souvent  même  les  terres  ne  se  partageaient  pas; 
et  c'est  à  cause  de  cela  que  se  formèrent  en  France  les  nombreuses 
communautés  de  famille  qui  y  jouèrent  un  si  grand  rôle  au  moyen- 
âge  ^.  Ces  communautés  sont  inconnues  dans  nos  provinces.  Et  en 
effet  le  partage  des  biens  censaux  était  admis  par  le  droit  belge 
sans  autorisation  seigneuriale. 

*  Acte  de  1220  «  conlnlit  sub  annuo  censu  terram  hseriditarie  possidendam, 
quia  vcrro  lerra  majoris  est  precii  quam  census  prenoniinalus,  lam  ipse  quam 
poster!  nobis  ad  homagium  lenenlur  adstricli,  »  Cart.  de  Bergues-S^-Winoc, 
1. 1,  p.  207.  Ce  texte  signale  fort  bien  la  différeûce  de  la  censive  avec  le  fer- 
mage et  le  bail  à  rente. 

*  Ce  caractère  reconnu  par  tous  les  jurisconsultes  (voir  les  sources  géné- 
rales), a  été  rappelé  encore  à  la  fin  de  l'ancien  régime  par  ordonnance  du 
5  octobre  17oG,  publiée  le  17  mars  1780,  Liste  chronolog.  des  ordonn.,  etc., 
des  Pays-Bas  autrichiens,  II',  p.  82,  II-,  p.  47.  —  Acte  de  il  71,  une  terre  de 
l'abbaye  des  Dunes  payera  annuellement  jure  censuali  un  cens  au  cellerier 
de  Bergues,  «  et  sic  ul raque  ecclesia  Indissolubili  caritatis  vinculo  connexa 
gaudebit.  »  Cart.  de  Bergues-S^-Winoc,  p.  loi. 

'  Daresle  et  Doniol,  op.  cit.  —  Troplong,  Préface  au  contrat  de  société.— 
E.  de  Laveleye,  Les  formes  primitives  de  la  propriété. 


(  139  ) 

Le  cens  seigneurial,  par  sa  nature  même  était  exclusif.  Une 
même  terre  ne  pouvait  relever  à  litre  censuel  de  deux  seigneurs 
différents;  le  censitaire  lui  même  ne  pouvait  concéder  un  arrière- 
cens  car,  tenant  le  bien  h  titre  roturier  il  était  incapable  d'un 
droit  seigneurial. 

L'accensement  domanial  au  contraire  échappait  à  la  loi  féodale. 

A:  quoi  attribuer  la  différence  de  ces  deux  contrats  ?  Pourquoi 
ici  la  directe  est-elle  seigneuriale,  là  simplement  privée?  Une 
observation  historique  nous  expliquera  ce  phénomène.  La  censive 
prédomine  dans  les  pays  de  droit  féodal;  le  bail  à  cens  dans  les 
pays  de  franc-aleu  '.  En  Belgique  notamment  nous  trouvons  la 
censive  très-répandue  en  Hainaut,  pays  féodal,  sous  le  nom  de 
mainferme  ^.  C'est  donc  à  la  maxime  fondamentale  du  droit 
régional  qu'il  faut  se  rapporter  pour  expliquer  la  prédominance 
d'un  des  deux  contrats.  Ici  nulle  terre  et  partant  nul  censitaire 
sans  seigneur.  Là  nul  seigneur  sans  titre,  prédominance  du  droit 
privé,  allodial  et  roturier.  Pour  être  seigneurial  il  devait  être 
stipulé  et  prouvé  tel  ^. 

Le  cens  imposé  à  un  individu  comme  reconnaissance  d'une 
directe  spéciale  sur  tel  fonds,  ou  imposé  à  tout  un  village  en  aveu 
de  seigneurie  pour  des  biens  communaux,  ne  différait  pas  de 
caractère.  Faite  à  une  personne  ou  à  une  iiniversilas,  la  conces- 
sion était  la  même;  la  redevance  fixe  que  devait  chaque  habitant 
d'un  village  et  celle  que  doit  un  particulier  à  chef  de  cens  sont 
identiques.  Seulement  la  redevance  concédée  par  charte  à  un  vil- 
lage est  toujours  seigneuriale.  La  similitude  de  ces  concessions 
prouve  leur  commune  origine,  et  l'empire  des  circonstances  ana- 
logues qui  les  ont  fait  naître  *. 

*  E.  Garsonnet,  op  cit.,  p.  406. 

^  E.  de  Facqz,  Ancien  droit  belgiqup,  l.  II ,  p.  74.  —  Britz,  op.  cit.,  p.  591. 

'  Polhier,  Traité  des  cens,  chap.  prél ,  sect.  1,  art.  1,  §  5  le  dit  expressé- 
ment —  Wynanls  coûfirme  celle  opinion.  W.  sur  LegranJ,  pp.  127  el  197. — 
Cf.  Brilz,  p.  192d. 

*  La  Perrière,  Hisloire  du  droit  français,  t.  IV,  p.  439.—  Exemple  :  con" 
cession  des  religieux  de  Corbie  aux  Communitales  villarum  de  MoU  (1582), 
Anal,  pour  servir,  elc,  t,  V,  p.  57.  —  Voir  la  curieuse  conces.sion  de  polders 


(  140  ) 

Les  seigneurs  qui  voulaient  faire  exploiter  leurs  terres,  les  don- 
naient à  cens;  mais  il  ne  leur  convenait  pas  toujours  d'émanciper 
du  coup  leur  homme  et  d'en  faire  un  libre  tenancier.  Ils  devaient 
aussi  songer  à  se  réserver  le  revenu  de  leur  terre.  Aussi  leur  con- 
cession prenait-elle  souvent  la  forme  d'une  location,  c'est-à-dire 
qu'au  cens  récognitif  de  la  directe  se  joignait  un  surcens  repré- 
sentant le  prix  du  revenu  de  la  terre  '.  Ce  surcens  parfois  distinct 
du  chef-cens  était  souvent  confondu  avec  lui  et  en  suivait  le  sort. 
C'était  notamment  le  cas  de  la  tenure  en  champart.  Le  surcens 
comportait  donc  ou  une  redevance  en  espèces,  ce  qui  était  rare,  ou 
souvent  des  revenus  en  nature,  ou  enfin  une  part  fixe  des  revenus 
du  sol. 

Qu'est-ce  qui  déterminait  à  cet  égard  le  choix  du  concédant? 

Les  redevances  en  espèces  étaient  les  plus  rares,  à  cause  du 
défaut  de  numéraire.  Le  métal  circulait  peu,  et  il  était  peu 
nécessaire,  car  les  transactions  étaient  rares, et  les  échanges  directs 
encore  fréquents.  Les  redevances  en  nature  étaient  donc  imposées 
par  les  circonstances,  d'autant  plus  qu'elles  étaient  destinées  à  la 
consommation  directe  du  seigneur,  de  sa  famille  et  de  ses  gens. 
Ce  genre  de  redevance  pouvait  s'imposer  à  tous  les  fonds;  car  tout 
censitaire  pouvait  se  procurer  aisément  les  oies,  chapons  et  gelines 
dont  il  était  grevé,  et  même  les  muids  de  blé,  prix  fréquent  des 
concessions  foncières.  Mais  quand  une  terre  était  déjà  livrée  à  la 
culture,  le  propriétaire  voulait  s'en  assurer  un  revenu  plus  fixe  et 
plus  sûr.  11  voulait  bénéficier  du  produit  de  ce  sol  dont  il  connais- 

faite  parla  dame  d'Hoboken  aux  habitants  de  celte  commune  (1260).  Kuyl, 
Hohoken,  p.  250.  —  Toutes  les  concessions  de  chartes  ou  fixation  de  rede- 
vances sont  des  actes  du  même  genre  faits  par  mesure  générale.  Charte  d'Oisy 
(1216).  Taillar,  Becueil  d'actes  en  langue  romane,  p.  53. 

*  Le  cpns  une  fois  concédé  ne  pouvait  plus  être  majoré  (E.  Boutaric, 
Louis  IX  et  Alphonse  de  Poitiers,  p.  281.  Cf.  p.  229).  Le  surcens  devait  donc 
être  sti[)ulé  de  prime  abord.  Mais  les  censitaires  pouvaient  céder  leur  censé  à 
ferme  ou  à  rente  (pas  en  arrière-cense)  ;  et  imposer  de  ce  chef  un  surcens.  Ces 
Iransaclionse.xpliqueiit l'origine  des  doubles  cens  et  leur  caractère  différent. — 
Cf.  Giliiodts-van  Severen,  op.cil ,  p.  561.— Acte  de  1547  imposant  «une  sous- 
rente  deseure  la  souvraine  renie  et  sans  le  sou\'riène  rente  de  rien  ameinrir.  » 
Cartulaire  de  l'abbaye  de  Groeninghe  à  Courtrai,  éd.  Van  de  Putle,  p.  48. 


(  141  ) 

sait  déjà  la  valeur  et  la  fertilité.  S'il  donnait  voloriders  à  cens  les 
novales  et  les  terres  vagues,  il  se  résignait  plus  difficilement  à 
abdiquer  ses  droits  sur  une  récolle  assurée  et  peut-cire  luxuriante. 
Or  quel  meilleur  moyen  avait-il  que  de  se  réserver  toujours  une 
part  fixe  de  celte  récolte  annuelle?  Il  ne  concevait  pas  encore 
d'autre  moyen  de  placer  sa  terre  à  intérêt  (ccnsus  seu  rcdditus), 
que  d'en  abdiquer  le  domaine  utile;  il  inventa  donc  le  cliampart 
qui  lui  donnait  le  plus  de  garanties  *.  Dans  la  législation  de  ce 
contrat  on  aperçoit  bien  les  préoccupations  du  propriétaire.  Il  a 
soigné  SCS  intérêts.  Le  cbampart  est  infiniment  plus  sévère  et  plus 
restrictif  que  la  censive;  en  effet,  et  ce  point  déjà  est  important, 
la  lenure  en  champart  obligeait  à  cultiver.  Le  possesseur  ne  pou- 
vait, sans  le  consentement  du  seigneur,  modifier  la  destination  du 
sol,  ni,  par  exemple,  transformer  une  terre  à  blé  en  bois  ou  en 
pâturage.  Si  le  tenancier  négligeait  la  culture,  la  coutume  de 
Hainaut  permettait  même  au  seigneur  de  faire  cultiver  lui-même 
la  terre  concédée  de  manière  à  prendre  sa  part  des  fruits.  Cette 
part  variait  d'ailleurs  beaucoup.  Elle  était  tantôt  de  moitié,  tantôt 
de  la  troisième  (terres  tiercbales),  de  la  quarte,  delà  septième 
gerbe  ^.  Sans  oser  ériger  notre  opinion  en  certitude,  nous  serions 
assez  porté  à  croire  que  le  cbampart  fut  le  mode  de  concession 
presque  unique  des  terres  exploitées.  L'accensement  proprement 
dit  n'eût  été  alors  que  le  résultat  d'une  recommandation,  un  acte 
d'émancipation  individuelle,  ou  la  concession  d'un  fonds  encore 
inculte.  Le  cbampart, en  effet,  semble  comporter  la  contribution 
du  seigneur  à  l'exploitation.  Or  cette  sorte  d'association  élail  indis- 
pensable en  un  temps  ou  les  capitaux  étaient  encore  trop  peu 
répandus  pour  permettre  à  un  tenancier  une  exploitation  auto- 
nome et  lucrative  ^. 


*  Sur  le  champart,  voir  les  Anciens,  et  Britz,  p.  625.  —  Raepsaet,  Analyse, 
iiv.  IV,  eh.  IV.  —  E.  de  Facqz,  l.  II,  p.  155. 

^  Livre  des  feudataires  du  pays  de  Waes,  passim,  éd.  chev.  de  Schoutèle  de 
Tervarent.  —  Léop.  Deviller.s,  Carlulaire  des  cens  el  rentes  dus  au  comte  de 
Hainaut,  t.  I,  p.  166;  t.  II,  p.  16o.  —  Schoonbroodt,  Inv.  des  chartes  de 
S'-Martin  de  Liège,  n»  483. 

'  Raepsaet,  ibid.,  n°  249.  Acle  de  l'abbaye  de  Marchiennes  (1089),  «  coloni 
ad  medielalem  per  omues  saliones  faciant  et  excolant.  » 


(  H2  ) 

Les  acccnscmenls,  quelle  qu'en  soit  la  forme  ou  la  redevance, 
consliluaient  de  véritables  concessions.  Elles  étaient  à  certains 
égards  unilatérales  :  le  concessionnaire  n'était  pas  obligé  de  res- 
ter sur  le  fonds;  il  pouvait  toujours  se  débarrasser  de  toutes  ses 
obligations  en  abandonnant  le  fonds,  en  déguerpissant. 

De  bonne  heure  le  contrat  vint  modifier  cette  situation.  C'est 
dans  le  contrat  d'hoslise  qu'il  apparaît  d'abord.  Le  contrat  d'hos- 
Ure  a  son  origine  dans  les  grands  contrats  de  défrichement  du 
XI'  siècle.  Ceux-ci,  nous  l'avons  vu,  obligeaient  les  hospites  à  se 
fixer  sur  une  terre,  à  la  défricher,  sauf  à  payer  certaines  rede- 
vances et  à  jouir  de  certains  avantages  déterminés  *.  Or,  ce  con- 
trat conclu  d'abord  avec  des  groupes  d  hommes,  ne  tarda  pas  à 
s'appliquer  aussi  à  des  tenanciers  particuliers.  H  devint  alors  le 
vrai  contrat  d'hoslise  ou  d'établissement.  Ce  contrat  obligeait  le 
concessionnaire  à  se  fixer  sur  la  terre,  à  la  cultiver  et  à  y  con- 
struire une  habitation.  Ce  système  était  un  véritable  progrès,  car 
il  garantissait  la  persévérance  du  travail  et  la  stabilité  de  l'ex- 
ploitation. En  même  temps,  il  accordait  déjà  par  les  obligations 
qu'il  comportait,  une  certaine  indépendance  au  preneur.  Celui-ci 
ne  pouvait  abandonner  l'exploitation  ^,  mais  il  y  avait  déjà  sa 
propriété  et  une  certaine  direction.  Ce  contrat  d'établissement 
survécut  à  toutes  les  modifications  ultérieures  des  locations.  Au 
XV^  siècle  il  était  très-fréquent,  et  les  agronomes  du  XVIII*  nous 
parlent  de  l'empressement  du  paysan  à  obtenir  ces  sortes  de 
baux.  L'habitation  elle-même  constituait  d'ailleurs  pour  le  pro- 
priétaire une  garantie  sérieuse  de  ses  droits  ^.  Le  contrat  d'hos- 

'  Voir  plus  haut.  Ch.  Duvivier,  Les  hospites,  loc  cit. 

*  Ils  étaient  obligés  de  rester  cultiver  le  sol;  aussi,  bien  que  libres,  les  ven- 
dait-on avec  lui.  L.  Delisle,  Les  classes  agricoles  en  Normandie ,  ch.  I.  — 
Cf.  Carlulaire  de  Bergues-S'-Winoc  (1208  à  1218),  p.  199.  -  Ch.  Duvivier 
Le  Haiiiaut  ancien  (l  180),  p.  652.  «  Hospites  cum  terra.  » 

=  Warnkonig,  Flandr.  St.  et  R.  Gesc/i.,  B^  III,  ablh.  2,  p.  42  ;  a»  1 168-1207 
«  abbaii  S' Pelri  (Gand)  licebit  necquiquam  lerrae  conferre  hominibus  ut  eam 
excoiant  aut  ibidem  mansionem  faciant.—  Piot,  Carlulaire  de  S^-Trond,  t.  1, 
p.  253;  a°  1250  «  Wansionarii  (de  Henri  évéque  de  Liège)  qui  incullura  seu 
arabili  lerra  ipsius  edificaruut,  vel  ad  edificandum  aliquam  parlem  dicle  cul- 
ture receperunl.  »  —  J.  de  Smel,  Carlulaire  de  Vabbarje  de  Cambron,  Mo.xum- 


(143) 

lise  hii-même  d'ailleurs  revêtait  les  diverses  formes  de  redevances 

que  nous  avons  signalées. 

Le  contrat  était  né.  On  était  sous  le  régime  des  obligations  bila- 
térales. 

Leur  avantage  était  trop  évident  pour  ne  pas  leur  donner  aus- 
sitôt la  supériorité  sur  les  concessions  anciennes. 

L'accensement  devient  de  plus  en  plus  rare,  et  fait  place  au 
bail  où  à  l'arrentement. 

L'arrenlcment  est  une  aliénation  véritable  de  propriété.  Le 
progrès  des  villes  avait  acclimaté  l'idée  dune  transmission  com- 
plète de  la  propriété.  Le  droit  de  superficie,  sorte  d'acccnsement 
bourgeois,  s'était  bientôt  transformé  en  un  véritable  transport 
de  domaine  '.  Mais  la  dilTusion  de  la  propriété  rencontrait  dans 
les  campagnes  un  obstacle  sérieux  dans  le  manque  de  capitaux. 
Le  paysan  ne  pouvait  prélever  sur  son  bien  le  prix  d'acquisition 
de  la  terre.  Cela  n'était  possible  qu'aux  bourgeois  qui  acbctaicnt 
à  tout  prix  les  ricbcs  terres  de  la  banlieue  circitm-urbaine.  11 
fallait  donc  recourir  à  un  autre  expédient;  ce  fut  d'échelonner 
le  payement  du  prix  de  vente.  Le  prix  fut  stipulé  sous  forme  de 
rente  perpétuelle  ou  viagère.  Les  rentes  étaient  privées  ou 
seigneuriales  d'après  leur  titre  constitutif.  Par  leur  essence  elles 
étaient  un  droit  réel,  que  le  concédant  se  réservait  sur  le  fond,  et 
consistant  en  une  prestation  périodique.  Le  bail  à  rente  qui 
serait  inutile  aujourd  hui  que  les  capitaux  se  sont  répandus,  et 
que  la  propriété  est  divisée,  fut  éminemment  utile  dans  les 
siècles  passés,  car  elle  joignait  aux  avantages  de  la  petite  pro- 
priété, ceux  du  crédit  foncier.  Le  grand  obstacle,  en  effet,  qui 

poDR  SERVIR  A  l'histoire  DE  Namur,  Ldxemrourg.  ctc,  t.  II,  p.  168;  a"  1293 
Cession  d'un  journal  de  terre  à  bail  et  «  si  doit  Jehans  faire  maison  sur  la  terre 
suffisant  pour  contrepan  devant  deux  ans  à  venir.  »  —  E.  Pouilet,  Sire  Louis 
Pinnock,  eh.  I,  p.  3  pour  le  XV^  siècle.  —  Le  marquis  de  Chasleler,  Lettre 
relative  aux  grandes  fermes,  Mém.  Acad.  de  Bruxelles,  l.  VI,  p.  256,  1875 
pour  leXVIlI'^  siècle. 

*  L.  Van  der  Kindere,  Le  siècle  des  Artevelde,  p.  219.  —  Britz,  pp.  1022  et 
suiv.  —  Schoonbroodi,  Inv.  des  chartes  de  S'-Màrlin  de  Liège,  w  225.  — 
Polhier,  Le  bail  à  rente.  —  Gilliodts-van  Severen,  op.  et  loc.  cit. 


(  144  ) 

empêche  très-souvent  l'acquisition  du  sol  par  le  paysan,  c'est  que 
ses  ressources  ne  lui  permettent  pas  de  dépenser  à  la  fois  le 
capital  d'achat  et  le  capital  d'exploitation.  Le  bail  à  rente  préve- 
nait cet  inconvénient  en  échelonnant  les  payements  qui  devenaient 
moins  lourds  par  leur  division.  Ce  contrat,  dans  les  circonstances 
économiques  actuelles  serait  contraire  aux  intérêts  du  proprié- 
taire, et  ne  peut  plus  servir  qu'aux  grandes  spéculations  foncières. 
Mais  alors  que  le  bail  à  ferme  était  encore  peu  connu,  et  que  les 
placements  de  capitaux  étaient  encore  difficiles,  il  constituait  une 
ressource  précieuse  pour  le  propriétaire  et  l'acquéreur. 

Le  bail  à  rente,  remarquons-le  encore,  était  alors  la  seule  forme 
licite  de  crédit  agricole  à  des  propriétaires.  Les  prêts  ne  pou- 
vaient se  faire  que  de  propriétaire  à  tenancier;  pour  en  faire  à 
un  tiers,  il  fallait  recourir  au  contrat  de  rente  ^ 

Ces  utilités  du  contrat  de  bail  à  rente  en  avaient  multiplié 
l'application;  quand  les  circonstances  qui  l'avaient  fait  naître 
eurent  diminué  ;  que  les  capitaux  furent  devenus  plus  nombreux, 
le  bail  à  ferme  plus  usité,  les  placements  financiers  plus  faciles, 
on  se  vit  dans  la  nécessité  de  limiter  ses  effets.  Les  rentes  avaient 
été  pour  la  plupart  créées  à  perpétuité.  Or  les  rentes  foncières 
étaient  irrachetables ,  c'est-à-dire  que  le  débit-rentier  ne  pou- 
vait se  débarrasser  du  service  de  la  rente  en  payant  le  capital. 
Ceci  résultait  de  la  nature  même  de  l'arrentement.  Il  constituait 
au  profit  du  crédit-rentier  un  droit  réel  sur  le  fonds  aliéné.  Ce 
droit  jiassail  avec  le  fonds  de  main  en  main.  Ce  droit  devait  avoir 
pour  conséquence  normale  de  diminuer  la  valeur  foncière  de 
l'héritage,  car  c'était  là  une  dette  qui  en  grevait  le  revenu. 
Or  quand  les  transactions  s'étaient  multipliées,  chaque  vendeur 
avait  pris  pour  habitude  de  se  réserver  une  rente  sur  le  fonds. 
Les  terres  et  toutes  les  propriétés  se  trouvaient  ainsi  grevées  de 
rentes  non  rachetables,  qui  dépassaient  parfois  leur  revenu. 
L'arrentement  avait  fait  son  temps  et  son  abus  devenait  un  mal. 
Les  terres  étaient  à  ruine  et  abandonnées  de  leurs  jjropriétaires 
qui  ne  pouvaient  en  payer  le  service.  II  fallut  déclarer  les  renies 

*  Voir  plus  loin  le  Crédit  foncier. 


(  145  ) 

rachetables.  Ce  que  fit  Charles  V  par  rordonnance  de  1S28  qui 
fixa  le  taux  de  rachat  au  denier  30  *. 

L'époque  moderne,  avons-nous  déjà  dit,  se  distingue  par  la 
place  éminente  qu'y  occupe  le  contrat.  C'est,  en  effet,  le  contrat 
rural  qui  commence  à  prédominer  dans  le  régime  des  amodia- 
tions, à  partir  du  XIll^  siècle  en  Belgique. 

Le  régime  du  contrat,  tel  qu'il  se  présente  à  nous  dans  cette 
phase  de  notre  histoire  économique,  a  pour  base  l'équilibre  d'obli- 
gations bilatérales  ^,  Le  paysan  est  arrivé  au  degré  d'initiative  et 
de  fortune  suffisant  pour  être  entrepreneur.  Mais  il  y  a  loin 
encore  des  premiers  contrats  au  régime  moderne  des  amodia- 
tions rurales.  Le  premier  pas  dans  la  voie  de  la  liberté  d'exploi- 
tation fut  le  régime  du  pacte.  Le  tenancier  n'est  plus  seulement 
un  mansionnaire  travaillant  sous  la  surveillance  du  villicus,  mais 
un  entrepreneur  rural  ayant  dans  une  certaine  mesure  la  direc- 
tion de  ses  travaux ,  et  la  responsabilité  de  ses  obligations.  Le 
contrat  ainsi  fait,  sur  la  base  de  la  réciprocité,  était  généralement 
très  long.  L'usage  consacrait  l'hérédité  des  tenures  ;  aussi  beau- 
coup de  contrats  ruraux  furent-ils  perpétuels  et  héréditaires  ^; 
mais  à  mesure  que  le  mouvement  économique  et  agricole  se 
développait,  sans  enfreindre  l'usage,  on  commença  à  se  réserver 
le  droit  de  résiliation.  Le  contrat  rural  devenait,  de  plus  en  plus, 
un  contrat  personnel,  une  entreprise  industrielle.  Sa  durée  fut 
donc  limitée  en  ce  sens  que  l'hérédité  d'usage  était   exclue.  En 

*  Il  y  avait  exception  pour  les  rentes  féodales  et  celles  constituées  en  laveur 
du  service  divin  et  des  pauvres.  Van  Lokeren,  Cartulaire  deS'-Bavon,  p.  166. 

2  VVarnkônig,  Flaiid.  St.  u.  R.  Gesch.,  h'^  IH,  abth.  2,  p.  23,  a"  1266  «  acee- 
perunt  terras  quas  clebent  excolere,  et  debent  habere...  Tenentur  dicti,  etc., 
obligations  fixes.  Les  tenures  commencent  à  se  concéder  ad  pactum;  nomine 
firmae,  vel  pacti,  vet  trecensus.—  Piot,  Carf.  f/eS'-rronc/,  1. 1,  p.  506;  a°  1202. 
«  Concedimus  sub  bac  lege  et  conditione.  »  —  Cart.  de  Cambron,  t.  II,  p.  iOI , 
a°  1180.  —  On  voit  qu'il  y  en  a  des  exemples  antérieurs  au  XIII^  siècle.  Cela 
ne  nuit  en  rien  à  la  succession  logique  des  contrats.  Aucune  de  ces  évolutions 
ne  s'est  faite  brusquement  et  les  formes  diverses  ont  toujours  longtemps 
coexisté.  Le  dernier  acte  cité  est  probablement  une  emphytéose.  Cf.  infrà. 

s  Bail  de  Jean  de  Cuyck  (1564),  «  ad  firmam  seu  accensam  perpeluam  » 
Piot,  Cart.  de  S'-Trond,  t.  î,  p.  578. 

Tome  XXXIL  10 


(   146  ) 

fait  sans  doute,  les  cultures  restèrent  perpétuelles;  mais  cette 
hérédité  n'était  plus  qu'une  tolérance  reconnue  comme  telle  par 
les  deux  parties  *. 

Ce  progrès  dans  le  régime  des  amodiations  se  manifesta  d'abord 
dans  les  propriétés  ecclésiastiques  qui  furent  toujours,  nous 
l'avons  dit,  à  la  tête  du  perfectionnement  agricole.  3Iais  il  est 
déjà  très-avancé  à  la  fin  du  Xlll^  siècle,  même  dans  les  domaines 
seigneuriaux. 

Les  contrats  agraires  comprennent  de  multiples  variétés,  leurs 
stipulations  peuvent  varier  indéfiniment,  cl  elles  suivent  dans 
leur  histoire  le  progrès  de  la  capacité  et  du  capital  des  classes 
rurales. 

Nous  ne  nous  permettrons  pas  de  faire  ici  à  propos  d'histoire, 
la  comparaison  intéressante  d'ailleurs,  du  métayage  et  du  bail  à 
ferme.  Mais  nous  devons  constater  la  place  qu'occcupe  dans 
notre  ancienne  économie  chacun  de  ces  contrats  et  la  raison  du 
rôle  qu'ils  y  ont  joué. 

Au  début  du  régime  contractuel,  le  paysan  n'avait  pas  encore 
amassé  assez  d'épargnes  pour  entreprendre  une  culture  produc- 
tive et  sérieuse  avec  ses  seules  ressources;  il  fallait  l'association 
du  propriétaire;  celui-ci  devait  fournir  une  partie  notable  du 
capital,  non-seulement  du  capital  d'installation,  mais  même  du 
capital  circulant.  Propriétaire  et  tenancier  coopèrent  donc  à 
l'œuvre  de  la  production. 

Le  sol  et  le  capital  sont  encore  dans  les  mêmes  mains;  le  ca- 
pital passera  de  plus  en  plus,  aux  mains  de  rcntreprcncur  par 
les  bénéfices  successifs  de  son  entreprise  et  ses  persévérantes 
épargnes.  Or,  si  propriétaire  et  tenancier  contribuent  à  la  forma- 
tion du  capital,  ils  doivent  partager  proportionnellement  les  béné- 
fices de  l'exploitation.  De  là  naît  le  métayage.  Ce  contrat  qui  par- 
tage les  fruits  en  nature  proportionnellement  aux  contributions, 

<  Au  lieu  de  concéder  «  ad  paclum  antiuum  hcredilario  jure,  '^  on  concède 
«  ad  paclum  annuum  ad  3,  6,  etc.  annos.  «  Cari,  de  S^-Trond,  l.  1,  p.  260. 
u  Terrae  ad  cerlum  îempus  ceosilori  Iradiiœ.  »  Cart  de  Camhron,  t.  II,  p  258, 
«0  1531.  Manse  mulabilis,  Kempeneer,  Oude  vryheid  Monlenaken,  t.  II, 
p.  401. 


i 


(  H-7  ) 

est  à  la  fois,  dans  cet  état  économique,  le  plus  juste  et  le  plus  sur. 
Le  plus  juste,  cela  est  clair;  le  plus  sûr,  car  en  assurant  au  pro- 
priétaire un  droit  immédiat  sur  les  fruits,  il  lui  assure  la  seule 
garantie  de  payement  qui!  puisse  trouver  chez  un  tenancier 
pauvre. 

Ces  raisons  expliquent  la  longue  existence  du  métayage,  sa  pré- 
sence dans  l'histoire  agricole  de  tous  les  pays,  et  enfin  l'applica- 
tion de  son  principe  dans  toutes  les  formes  de  concessions 
foncières,  sous  les  noms  divers  de  terrage,  champart  et  métayage 
ou  colonat  partiaire.  II  en  fut  en  Belgique  comme  partout  ailleurs. 
Du  XIP  au  XV^  siècle,  les  métayers  sont  très-nombreux  dans  tous 
les  documents.  Les  baux  ad  partem ,  à  moiturie,  te  helfwinninghe, 
te  halven  grane,  se  trouvent  en  masse  dans  les  titres  de  cens  et 
rentes  des  abbayes  et  des  seigneurs  *. 

D'ailleurs  le  métayage  et  le  fermage  ont  longtemps  coexisté.  Il 
serait  difficile  de  préciser  la  date  de  l'origine  de  ce  dernier  con- 
trat^. Sa  réapparition  est  sans  doute  ancienne,  mais  il  ne  se  répan- 

^  Le  métayage  semble  avoir  été  moins  rare  en  Belgique  qu'on  ne  l'avait 
cru.  E.  de  Laveleye,  Économie  rurale  de  la  Belgique,  p.  274.  «  Cullura  here- 
ditaria,  ita  quod  nos  medielalem  seminis  ejusdem  terrse  providere  tenemur, 
dictus  vero  B  residuam,  frucluum  vero  média  pars  in  nostros  usus,  et  média 
cedit  in  u.sus  illius  (1200),  Cart.  de  Vabhaye  de  la  Cambre. — Wauters, 
Belgique  anc.  et  moderne  (canton  de  Tirlemont),  Wilkhringen,  pp.  85  et  177. 

—  En  1220  l'abbaye  de  S'-Bavon  possédait  un  nombre  considérable  de  mé- 
tayers. Van  Lokereu,  Cart  de  S'-Bavon,  p.  93.  —  Bail  à  métairie  de  la  dame 
de  Perwez  :  «  Segeles  vel  bladus  equalibus  porlionibus  inter  nos  et  eos  divi- 
delur  (1260),  Messager  sciences  histor.  de  Belg.,  p.  107, 1872.  —  Item,  bail  à 
colonage  de  la  curtis  de  Longuesaulx  dans  Duvivier,  Les  hospites,  annexe  II. 

—  Dans  la  Campine  le  métayage  fut  irès*longlemps  la  forme  des  baux  «  Colo- 
nus  N,  habebit  culturam  Ter  Locht  ad  medietalem  crescentium  »  (1587). 
J.  Heylen,  Verhandelingen  over  de  landbouiv  in  de  Kempen,  p.  12.  —  Ce 
contrai  est  fondé  sur  le  même  principe  que  le  champart,  Léop.  Delisle,  Les 
classes  agricoles  en  Normandie ,  p.  50. 

^  Ducange  signale  le  plus  ancien  eu  1080.  —  Nous  en  trouvons  un  pour  la 
Belgique  en  1095  «  possessio  cum  servis  et  ancillis,  farmario  et  camba...  » 
Analectes  pour  servir,  etc  ,  t  IV,  p.  596.  Mais  nous  avouons  être  un  peu  incré- 
dule à  son  égard,  ce  «  cum  farmario  et  camba  »  est  étrange  :  si  nous  avions 
pu  voir  le  texte  original  peut-être  aurions-nous  lu  «  furnario.  » 


(  U8  ) 

dit  pas  aussitôt;  on  voit  même  pendant  longtemps  exister  une 
sorte  de  contrat  intermédiaire  entre  le  métayage  et  le  fermage; 
c'est  le  contrat  de  cheptel.  Dans  ce  contrat,  l'entrepreneur  agri- 
cole exploite  à  ses  frais  '  ;  il  fournit  le  capital  circulant,  mais  la 
totalité  ou  une  grande  partie  du  capital  d'exploitation  ne  lui 
appartiennent  pas;  meubles,  bestiaux,  instruments  lui  sont  cédés 
avec  le  fonds.  Il  doit  les  reproduire  intacts  à  la  sortie  du  bail.  Cette 
avance  porte  le  nom  de  sujnma  sortis,  car  il  y  a  dans  ce  contrat 
en  même  temps  qu'un  avantage,  une  aléa  pour  le  fermier  2. 

En  même  temps,  la  redevance  contractuelle  conserve  encore 
parfois  la  forme  proportionnelle  du  métayage.  Ceci  est  une  mesure 
de  garantie.  Dans  le  contrat  de  cheptel,  les  garanties  du  bailleur 
sont  presque  nulles;  il  se  réservait  donc  son  droit  de  prélèvement 
sur  la  récolte  du  locataire  ^. 

Le  métayage  proprement  dit  ne  disparut  pas  cependant;  on  ne 
le  trouve  pas  régi  par  les  coutumes,  mais  sa  persistance  encore 
de  nos  jours,  prouve  assez  que  son  application  n'a  pas  été  inter- 
rompue. Aujourd'hui  encore  on  en  trouve  des  traces,  bien  que  de 
plus  en  plus  rares,  dans  la  région  des  Flandres  *. 

Le  métayage  n'est  pas  seulement  une  forme  primitive  de  con- 
trat agraire,  il  exige  encore  une  surveillance  à  peu  près  constante 
du  propriétaire  sur  l'exploitation.  Cette  surveillance  utile  au  point 
de  vue  des  rapports  de  bienveillance  et  de  patronage  de  seigneur 

*  Celle  différence  est  bien  marquée  dans  le  texle  suivant  (1210)  :  «  Inler 
ipsos  (l'abbaye  de  Waulsort  et  son  tenancier),  ita  amicabililerfuit  compositum 
quod  dictus  C  et  ejus  successores  terras  illas  jiropriis  sumptibus  omnino 
excolent  et  de  fructibus  earumdem  terciam  partem  reddent  ecclesie  memo- 
rale.  »  Anal,  pour  servir,  etc.,  p.  54,  1879. 

"  «  Omnibus  bestiis  aliisque  mobilibus  quse  monaslerio  perlinere  et  colonis 
coDcedi  solebant.  »  Thésaurus  anecd.,  t.  III,  c.  1304.  —  Heylen,  op.  cit.,  p.  10. 
—  Broeckaert  et  F.  de  Potier,  Gesch.  d.  gem.  Oost-Vl.,  l.  II,  2*^  d.,  Afsnée, 
p.  5.  Prêt  d'une  summa  sortis  à  rendre  en  espèce  ou  en  staldieren. 

3  Voir  plus  loin  les  garanties  du  bailleur. 

*  E.  de  Laveleye,  Écon.  rur.  de  la  Belg.,  p.  34.  —  L'agriculture  belge. 
Rapport  au  Congrès  inlernational  de  Paris,  1878,  p.  lxxxvi.  —  On  concède  les 
terres  »  ad  parlem,  vel  ad  firmam  »  d'après  les  circonstances  (1290)  Cart.  de 
Cambron,  t.  II,  p.  8G2. 


(m  ) 

a  tenancier,  ne  compense  j)as  cependant  les  avantages  économi- 
ques du  bail  à  ferme.  Celui-ci  surtout  devint  même  socialement 
supérieur  au  colonat  partiairc  du  jour  où  l'absentéisme  commença 
à  sévir  en  Belgique.  Le  métayage  en  effet  exigeait  alors  la  néfaste 
surveillance  des  intendants.  L'économie  sociale  a  depuis  longtemps 
condamné  le  triste  système  des  middlemen.  Aussi  les  métairies 
avaient-elles  au  XVIIP  siècle  presque  disparu  du  domaine  agricole 
de  la  Belgique  *. 

Le  triomphe  définitif  appartient  au  bail  à  ferme.  Dans  un  pays 
où  le  paysan  est  capable  et  riche,  ce  genre  de  contrat  combine 
admirablement  les  avantages  des  deux  parties.  Le  tenancier  est 
maître  de  son  exploitation,  la  dirige  à  son  gré,  sans  avoir  à  rendre 
compte  à  personne  de  ses  travaux  et  de  sa  gestion.  C'est  un  entre- 
preneur soumissionnant  une  opération  à  des  conditions  fixes  en 
vue  de  son  profit  et  sous  sa  responsabilité  personnelle.  L'agricul- 
ture, reconnue  majeure,  devient  sous  ce  régime  une  industrie 
spéciale  et  autonome.  L'entrepreneur  n'est  plus  soumis  qu'à  la 
condition  fixe  d'une  rente  annuelle.  Cette  fixité  est  la  plus  sûre 
garantie  de  son  indépendance  2. 

De  son  côté  le  propriétaire  dans  le  bail  temporaire  peut  faire 
suivre  à  ses  revenus  une  marche  lentement  progressive,  suivant 
l'augmentation  de  la  valeur  du  sol,  et  celle  de  ses  produits  ^. 

Dès  le  XIll^  siècle  on  voit  de  fréquents  exemples  de  bail  à 
ferme  *;  mais  la  durée  en  est  variable;  généralement  elle  est 
réglée  d'après  les  travaux  de  la  culture;  aussi  avait-elle  pour 
base  trois,  ou  un  de  ses  multiples  :  trois  était  le  terme  de  rota- 
lion  ;  neuf,  celui  des  grandes  fumures;  douze,  le  terme  de  marne 
dans  certaines  terres  ^.  On  rencontre  souvent  les  baux  de  trois, 
six,  neuf,  douze,  dix-huit  ans.  Mais  les  plus  longs  sont  rares.  On 

*  Comte  de  Gasparin,  Métayage,  p.  27.  —  A.  Young,  Voyage  en  France. 
OEuvres,  éd.  Paris  1801,  l.  XVII,  p.  251. 

'  «  A  mercede  certa  et  firma  quœ  promitebalur,  coulractus  dictus  est 
firma,  »  cité  par  Trop  Ion  g,  Traité  du  contrat  de  louage,  p.  273,  n«  651. 
5  Sur  le  prix  des  baux,  voir  la  noie  D  à  la  fin  du  mémoire. 

*  Wauters,  Libertés  communales,  p.  6o3. 

^  Voir  plus  loin  le  Régime  agricole  et  la  production  des  céréales. 


(  150  ) 

trouve  exceptionnellement  les  baux  de  trente  ans,  mais  alors  con- 
clus de  dix  en  dix  ans  *.  On  suivait  d'ailleurs  en  tout  ceci  les  usages 
locaux  et  ils  variaient  indéfiniment.  Ces  termes  stipulés  n'étaient 
pas  fatals.  On  admettait  la  tacite  reconduction,  et  cela  par  périodes 
cuUurales.  Quand  un  preneur  continue  à  travailler  le  sol  après  le 
terme  de  bail,  il  y  a  rénovation  tacite  de  celui-ci  pour  un  nou- 
veau terme  de  rotation,  jusqu'au  moment  où  la  terre  se  trouve  en 
même  sole  ,  période  et  saison  2.  H  semble  même  que  Ibérédité 
soit  restée  dans  les  mœurs,  et  que  les  propriétaires  aient  eu  de  la 
peine,  le  cas  écliéant  à  expulser  leurs  locataires.  On  signale  à  cet 
égard,  notamment  en  Hainaut,  une  résistance  passive  des  tenan- 
ciers connue  sous  le  nom  de  mauvais  cjré  et  qu'on  ne  parvint 
pas  sans  peine  à  vaincre  ^. 

Le  bail,  tout  en  consacrant  dans  le  chef  de  l'entrepreneur  agri- 
cole une  liberté  supérieure  à  celle  des  régimes  antérieurs,  était 
loin  cependant  encore  de  lui  garanlir  une  indépendance  absolue. 
Le  propriétaire  tenait  à  conserver  sur  l'exploitation  de  ses  terres 
une  sorte  de  haute  surveillance  qui  se  traduisait  par  les  stipula- 
tions mêmes  du  contrat.  Le  concédant  cherchait  à  faire  améliorer 
son  sol,  tout  au  moins  à  ne  pas  le  laisser  épuiser.  De  là  les  obliga- 
tions imposées  au  fermier  et  qui  offrent  beaucoup  d'analogie  avec 
celles  qu'on  stipule  encore  aujourd'hui. 

Une  première  stipulation  que  domine  l'ensemble  du  contrat  est 
de  ne  pas  céder  le  bail;  ceci  est  naturel,  car  les  capacités  et  les 
capitaux  sont  variables  *.  Mais  il  si>it  pour  l'exploitation  même  du 

*  Certaine  terre  «  Stelit  ad  censam  in  manibus  colonorum  trigenla  annis 
et  amplius  ila  quod  de  decennioin  decennium  dicta  censa  renovatur  et  singulis 
annis  emolumentuni  sive  censa  recipitur  »  (1340),  Cart.  des  Dunes,  p.  711. 

^  Coutume  de  Louvain,  eh.  XI,  art.  12.  —  Christyn,  Cost.van  Brabandt, 
t  I,  p.  28.  «  Te  weten  tôt  dat  de  landen  weder  syn  in  suleken  aerde,tyde  ende 
saisoene  ghelyck  die  syn  verhuert  glieweest.  » 

^  Lefort,  Le  droit  de  marché,  Bdllet.  Acad.  des  sciences  morales  et  poli- 
tiques. Compte-rendu  de  Vergé,  nouvelle  série,  t.  VII,  pp.  87  et  498,  1877.  — 
Vallelte,  Le  mauvais  gré  en  Hainaut,  Ibid  ,  p.  533.  —  F.  Malezieux,  Études 
agricoles  sur  la  Grande-Bretagne,  p.  570.  — Wauters,  Environs  de  Bruxelles, 
l.  I,  p.  193. 

^  Cb.  Duvivier,  Les  hospites,  p.  133.  —  PouUet,  Juridiction  et  propriété 
foncières  au  XV"  siècle. 


I 


(   131   ) 

sol  une  série  de  règles  restrictives.  Le  preneur  ne  doit  pas  seule- 
ment bien  cultiver  ^,  mais  il  doit  respecter  les  lois  de  la  culture 
tracées  par  son  bailleur  dans  leurs  traits  généraux  et  même  dans 
leur  menu  détail  -.  Enfin  il  doit  aussi  augmenter  l'étendue  pro- 
ductive du  domaine,  et  est  dans  l'obligation  de  mettre  périodique- 
ment une  cerlaiîie  étendue  de  terres  en  culture  •^. 

On  voit  que  dans  le  bail  à  ferme,  il  y  avait  encore  moyen  de 
restreindre  la  liberté  du  cultivateur.  D'ailleurs  l'usage  quotidien 
le  prouve  assez  ;  môme  au  XIX^  siècle  on  n'a  pas  confiance  en  l'ex- 
périence de  l'exploitant.  On  lui  trace  encore  minutieusement  ses 
règles  et  il  faut  reconnaître  que  nous  avons  fait  à  cet  égard  bien 
peu  de  progrès  depuis  le  XV*"  siècle  ''*. 

Malgré  les  progrès  du  bail  à  ferme,  les  concessions  perpétuelles 
n'avaient  pas  disparu.  L'empbytéose  qui  de  tout  temps  était  restée 
très-usitée,  surtout  dans  les  domaines  ecclésiastiques,  subsistait 
encore  ^;  elle  était  même,  comme  nous  l'avons  dit,  très-enviée  des 
paysans  sous  la  forme  d'une  espèce  de  contrat  d'bostise.  Ce  con- 
trat se  retrouvait  en  Hollande  sous  le  nom  de  hehlemming ,  et 
reproduisait  tout  a  fait  l'ancien  contrat  d'bostise.  Il  était  déjà 
anciennement  très-usité  en  Grôningue  et  en  Frise  ^. 

La  petite  propriété  rurale  n'était  pas  inconnue  sous  l'ancien 


^  Bail  de  J.  délie  Chièvre,  bourgmestre  de  Liège,  receveur  de  Tévèché 
donnant  à  ferme  {à  stiiil)  ,  sous  cette  condition  (UOo).  Schoonbroodt, 
Archives  du  Val  S^-Lamhert,  t.  I,  n»  909.  —  Item  (1733).  Kempeneers,  Oude 
vryheid  Monlenaken,  t.  Il,  p.  427. 

2  Voir  plus  loin  la  Culture. 

5  Poullet,  Mémoire  cité  snv  La -propriété  foncière. 

^  Comte  de  Gasparin,  Le  fermage,  p.  180,  donne  un  type  de  bail  moderne 
qui  diffère  fort  peu  des  anciens.  —  Cf.  G.  Heuzé,  Les  assolements,  p.  240, 

s  L'emphytéose  se  distinguait  de  l'accensement  et  de  l'arrentement  en  ce 
qu'ellecomporlait  pour  l'emphytéote 'l'obligation  d'entretenir  en  I)on  état.  C'est 
probablement  par  elle  que  l'idée  du  contrat  s'est  maintenue,  puisrépandue  dans 
les  amodiations  rurales.  Cfv. supra,  p.l43, notel,un  acte  de  1180.—  Item. une 
empliylèose  de  1460  avec  une  foule  de  stipulations  et  l'histoire  d'un  procès  à 
son  propos,  Cartulaire  de  Fabbaye  de  Groeninghe  à  Courtrai,  p.  79. 

6  Trotz,  Jus  agrarium,  l.  II,  p.  538.  —  E.  de  Làveleye,  Les  formes  primi- 
tives de  la  propriété,  p.  254. 


(  152  ) 

régime.  L'antique  censive  s'était  transformée  peu  à  peu  en  pro- 
priété entre  les  mains  de  ses  possesseurs.  Grevée  dès  longtemps 
d'une  rente  fixe  en  argent  ou  en  nature,  la  valeur  de  cette  rente 
avait  fini  par  s'amoindrir  et  devenir  dérisoire.  La  censive  donc 
était  une  propriété  libre  *.  Elle  circulait  comme  telle,  et  la  plu- 
part des  détenteurs  déterre  censales  les  avaient  acquises  deniers 
comptants^.  La  propriété  était  donc  alors  beaucoup  plus  répandue 
qu'on  ne  le  croit.  Le  paysan  lentement  enrichi  avait  de  quoi  consa- 
crer à  sa  terre  le  double  capital  d'achat  et  d'exploitation.  Dès  lors 
il  désire  être  maître  du  sol  ;  le  démon  de  la  propriété  Ta  saisi, 
moins  vivement  qu'en  France  où  la  possession  du  sol  pouvait  seul  le 
sauverdes  misères  de  l'ancien  régime,  mais  de  manière  cependant 
à  lui  faire  payer  de  sa  terre  un  prix  souvent  supérieur  à  sa  valeur. 
Ce  n'étaient  pas  seulement  les  bourgeois,  c'étaient  les  paysans  qui 
faisaient  celte  concurrence  ^.  L'augmentation  du  capital  foncier 
ne  les  effraye  pas;  ils  sont  assez  riches  et  soigneux  dans  leur  cul- 
ture pour  espérer  un  intérêt  supérieur  au  revenu  normal  du  sol. 
Maîtres  de  leur  lopin  de  terre  ,  ils  sont  fiers  et  indépendants  *. 
Le  petite  propriété  riche  est  le  triomphe  de  l'agriculture  intensive. 

Un  mouvement  parallèle  à  celui  de  la  liberté  des  contrats,  se 
manifeste  dans  la  dimension  des  exploitations.  Mais  son  explica- 
tion ne  peut  se  concevoir  qu'après  Tétude  de  la  constitution  du 
domaine  agricole.  Nous  devons  donc  étudier  d'abord  les  méthodes 
agricoles  de  l'ancienne  économie  nationale. 

Nous  avons  taché  de  donner  jusqu'ici  un  aperçu  général  des 
progrès  du  peuple   belge  dans  le   régime  foncier,  par  rapport 

1  Branls,  La  censive  féodale,  loc.  cit.,  p.  47.  —  Raikem,  Discours  de  ren- 
trée, p.  Al,  185;2. 

*  Vente  d'un  demi-bonnier  de  pré  censal  pour  20  écus  d'or  (1332). 
Schoonbroodt,  Arch.  de  S'-Martin  de  Liège,  n"  236,  etc. 

^  «  Quand  on  met  quelques  bonniers  en  vente,  les  paysans  les  achètent.  » 
Bacon,  Commercedcs  Pays-Bas  en  1105,  MS.  de  la  Bibliolh.  royale,  coll.  van 
Hullhem,  cité  par  N.  Briavoine,  Mém.  sur  Vétat  des  Pays-Bas,  Mém.  de 
l'Acad.  de  Belg.;  in-i",  t.  XIV,  p.  180.  —  Sur  les  prix,  voir  la  note  D  à  la  fin 
du  mémoire. 

*  L'abbé  Mann,  Mém.  sur  les  grandes  ferines,  Méï.  de  l'Acvd.  de  Baux., 
l.  VI,  pp.  21 4  et  suiv.,  n«  17. 


(  153  ) 

aux  modes  juridiques  de  détention  du  sol.  Nous  l'avons  vu  d'abord 
sous  le  régime  d'apprentissage  agricole ,  de  la  tenure  soumise  et 
surveillée  el  du  travail  à  la  corvée.  De  là  il  est  monté  aux  amodia- 
tions réelles,  concessions  unilatérales  dont  le  texte  consacrait 
l'ancien  usage  héréditaire.  Mais  il  y  est  encore  surchargé  de  rede- 
vances, limité  dans  sa  liberté.  A  ce  système  succède  celui  du  con- 
trat bilatéral,  caractérisé  par  des  obligations  juridiques  et  une  res- 
ponsabilité personnelle.  Enfin,  les  contrats  eux  mêmes  deviennent 
de  plus  en  plus  libres  et  égaux  à  mesure  que  le  capital  s'amasse 
entre  les  mains  du  paysan;  celui-ci  est  enfin  maître  du  sol  et  de 
son  exploitation ,  soit  comme  possesseur  juridique  et  fermier ,  soit 
comme  plein  et  libre  propriétaire. 

Cherchons  maintenant  à  préciser  ces  traits  généraux,  à  ana- 
lyser dans  chaque  régime  la  position  respective  du  propriétaire 
et  du  tenancier,  leurs  obligations,  leurs  garanties  et  leurs  droits. 


SECTION   III.  —  Droits  el  obligalions  des  tenanciers. 

Entrons  dans  le  détail  de  la  situation  juridique  que  font  à  l'ex- 
ploitant les  divers  régimes  que  nous  avons  présentés  au  lecteur; 
et  tâchons  de  définir  par  le  menu  les  charges  qui  pèsent  sur  lui 
vis-à-vis  de  son  seigneur.  Ceci  se  résumera  dans  l'exposé  des 
redevances  et  services  et  de  leur  régime  juridique.  Les  obliga- 
lions du  tenancier  se  résument  en  ces  deux  termes,  redevances  et 
services  *.  Ne  prenant  notre  point  de  départ  qu'au  moment  où  les 
classes  agricoles  acquièrent  des  droits  positifs, nous  pouvons  poser 
comme  règle  générale  que  la  redevance  n'est  pas  arbitraire.  On 
le  sait,  le  principe  primitif  du  monde  féodal  était  celui  de  la  taille 
à  merci.  Les  stipulations  des  contrats  de  concession  foncière  s'é- 
tendirent peu  à  peu  et  substituèrent  à  ce  système  celui  de  la  rede- 
vance fixe. 

Les  redevances  sont  de  deux  espèces.  Les  unes  foncières,  basées 
sur  l'occupation  d'un  fonds  de  terre;  les  autres  personnelles,  frap- 
pant toute  personne  par  voie  de  capitation,  ou  indirectement  à 

*  Guérard,  Prolégomènes  au  polyptique  cVIrminon,  1. 1,  p.  657,  n»  745. 


(  154  ) 

l'occasion  de  tel  ou  tel  acte  de  sa  vie.  Ces  redevances  au  moyen- 
âge  revêtent  le  double  caractère  d'impôts  et  de  rentes.  Le  census 
et  le  reddilus,  très-distincts  en  doctrine,  sont  confondus  j)ar  le  fait 
même  de  la  fusion  de  la  propriété  avec  la  souveraineté  '  ;  cepen- 
dant à  y  regarder  de  près  on  pourra  constater  que  dans  les  rede- 
vances payées  au  seigneur,  les  unes  sont  plus  permanentes  et  plus 
fixes  que  les  autres;  ce  sont  les  foncières.  Ceci  prouve,  et  les 
sources  le  confirment ,  que  les  seuls  impôts  reconnus  comme  tels, 
les  aides  féodales,  se  répartissaient  généralement  dans  les  seigneu- 
ries par  voie  de  distribution  personnelle.  Le  cens  foncier  compre- 
nait donc  une  part  d'impôt,  mais  d'impôt  local  et  seigneurial; 
tandis  que  la  contribution  personnelle  était  l'assietle  ordinaire  de 
l'aide  féodale.  Nous  n'en  parlerons  donc  qu'en  traitant  de  l'impôt. 
Quant  aux  droits  personnels  autres  que  la  capitation,ce  sont  aussi 
des  droits  seigneuriaux. 

La  redevance  foncière  était  naturellement  réelle;  elle  était 
liée  et  proportionnelle  au  fonds  qu'on  détenait.  C'était  la  terre 
et  non  fliomme  qui  en  devait  la  redevance  ^.  Ces  redevances 
étaient  très-diverses,  et  se  soldaient  en  nature,  en  espères,  ou  en 
travail. 

Le  cens  en  numéraire  était  de  loin  le  plus  minime.  Nous  avons 
expliqué  les  raisons  monétaires  qui  en  empêchaient  l'extension. 
Cependant  de  prime  abord,  il  y  eut  presque  partout  une  part  du 
cens  payable  en  espèces  ;  cette  part  est  à  peu  près  fixe  partout; 
en  général  6  deniers  par  bonnier  ^.  Ailleurs  il  subissait  une  gra- 
dation différente.  On  ne  trouve  pas  d'explication  claire  de  la  signi- 
fication de  ce  cens  uniforme.  On  serait  tenté  de  croire  que  c'est 
la  part  récognitive  de  seigneurie,  l'impôt  ;  tandis  que  le  reste  serait 
la  rente  foncière.  Cette  conjecture  étendrait,  et  cela  sur  une  base 
facile,  la  distinction  du  menu  cens  et  du  gros  cens  des  censives 
particulières.  Cet  impôt  fixe,  succédant  à  l'ancien  arbitraire,  serait 

1  A.  Vuitry,  Études  sur  le  régime  financier  de  la  France  avant  89,  pp.  41 
à  97. 

2  VVarnkonig,  Histoire  de  Flandre,  trad.  G.,  t.  II,  p.  GO. 

3  Chev.  de  Schoutele,  Livre  des  feudataires  de  Waes  —  Carlulaires  des 
Dunes  et  de  S'-Trond,  cités,  passim. 


(  153  ) 

la  forme  générale  de  la  redevance  qu'on  trouve  parfois  imposée 
en  nature  sous  le  nom  de  gerba  libertdtis  '. 

La  redevance  en  nature,  qui  serait  dès  lors  le  revenu  foncier 
proprement  dit,  est  généralement  en  rapport  avec  les  produits 
mêmes  du  sol  exploité  2;  c'est  grâce  aux  cahiers  de  redevances 
que  nous  connaissons  les  dominantes  agricoles  de  chaque  partie 
de  notre  domaine  rural.  Les  manses  ou  censés  étaient  grevés  de 
prestations  en  céréales  ou  en  produits  de  cultures  industrielles. 
Les  petits  établissements,  les  cases,  devaient  surtout  les  produits 
de  ferme  qui  étaient  leur  seule  ressource.  Enlin  on  leur  imposait 
souvent  des  produits  de  l'industrie  domestique,  comme  la  laine  et 
la  toile,  ou  de  l'industrie  agricole,  un  brassin  de  bière,  du  vin,  du 
pain,  ou  des  produits  locaux.  Dans  certains  cas  on  remarquait 
mêmes  des  prestations  bizarres,  comme  une  ])aire  de  bottes  ou  de 
pantoufles;  ou  d'autres  choses  parfois  tout-à-fait  excentriques. 
On  ne  peut  expliquer  ce  dernier  genre  de  redevances  que  par  le 
seul  désir  d'émanciper  totalement  un  censitaire  en  ne  gardant  que 
le  symbole  extérieur  le  plus  minime  possible  de  la  supériorité 
seigneuriale  ^. 

La  prestation  en  travail  ou  corvée,  consistait  primitivement  dans 
l'obligation  pour  le  mansionnaire  de  cultiver  la  terre  dominicale. 
Cette  obligation  consistait  soit  dans  la  culture  complète  d'une  terre 
d'après  le  système  prescrit,soit  dans  l'assistance  à  la  culture  de  l'ex- 
ploitation seigneuriale  pendant  un  temps  ou  pour  un  travail  déter- 
miné'^.  A  partir  de  la  fixation  des  redevances,  chaque  village  eut  des 

*  Raepsaet,  4na/)/.se,  no231.  Cette  contribution  serait,  d'après  lui  le  cens 
payé  par  chaque  ménage  pour  l'usage  des  communaux. 

2  Ex.  Acte  de  fondation  dugraud  béguinage  de  Namur  (1235),  «.  Defructi- 
bus  dictseterrae  solventur  census  ipsius  terrae.  »  Ann.soc.  arch.  de  Namur, 
t.  VI,  p.  47.  —  Nous  ne  donnerons  pas  d'exemples  des  diverses  prestations 
reprises  dans  le  texte;  ils  sont  extrêmement  abondants  et  aucun  n'étant  spé- 
cialement caractéristique,  ne  mérite  l'honneur  d'une  citation  particulière.  Tous 
les  carlulaires  et  toutes  les  histoires  locales  en  fourmillent.  Nous  en  tirerons 
au  chapitre  de  la  production  les  conclusions  que  de  droit. 

3  E.  Boutaric,  Louis  IX,  p.  229. 

^  Le  premier  genre  s'appelait  riga,  le  second  curvada,  les  deux  réunis 
aratura^  Guérard,op.  cit.,  §§  345-349. 


(  156  ) 

servitia  consueta  *.  Les  corvées  d'usage  étaient  assez  minimes  et 
fixes.  Réparties  entre  tous  les  tenanciers  d'une  villa,  elles  étaient 
peu  sensibles  à  chacun  d'eux;  c'était  le  meilleur  moyen  pour  le 
seigneur  de  faire  cultiver  son  domaine.  Le  système  des  corvées 
s'alliait  pour  l'ouvrier  rural  avec  la  conservation  de  sa  tenure 
propre  et  l'exploitation  de  son  champ.  La  question  de  la  main 
d'œuvre  agricole  était  résolue  de  l'unique  manière  dont  elle  pou- 
vait rétre  alors. 

La  corvée  annuelle  de  chaque  vilain  comprenait  ordinairement 
un  travail  de  neuf  jours  répartis  en  trois  termes,  les  deux  labours 
et  la  moisson.  Cette  organisation  est  la  plus  commune,  mais  non 
pas  générale.  L'époque  des  semis, des  fumures,  des  engrangements 
amène  aussi  ses  travaux  2.  Outre  la  grande  corvée  des  travaux 
du  sol  et  de  la  récolte,  il  y  a  encore  une  série  de  journées  exigées 
pour  des  œuvres  particulières.  En  première  ligne  faut-il  signaler 
les  servitudes  de  transport,  obligeant  à  mettre  à  la  disposition  du 
.seigneur  des  chevaux  ,  des  hommes  et  des  véhicules  pour  certains 
services  spéciaux  ^.  Enfin  en  cas  extraordinaire,  les  tenanciers 
devaient  aider  à  la  réparation  des  murs,  clôtures,  haies  ou  fossés 
du  manse  dominical. 

Nous  n'avons  pas  à  insister  sur  les  détails  de  chacune  de  ces 
charges;  l'état  actuel  des  recherches  scientifiques  ne  permet  pas 
encore  d'en  fixer  la  valeur  comparative.  La  seule  et  grande  utilité 
qu'en  présente  l'analyse,  c'est  de  connaître  l'ordre  des  travaux 
rustiques.  C'est  par  la  stipulation  des  corvées  que  nous  sommes  le 
mieux  et  même  à  peu  près  uniquement  instruits  des  méthodes 
agricoles  de  nos  laborieux  ancêtres. 

L'avènement  des  contrats  modifia  très-peu  de  choses  à  l'ensem- 
ble des  charges  que  nous  avons  énumérées.  Les  trois  genres  de 
prestations  demeurèrent  en  usage  ;  mais  le  payement  en  espèces 
prit  de  plus  en  plus  d'extension,  pour  prédominer  presque  abso- 
lument a  partir  du  XVP  siècle.  Le  numéraire  s'était  multiplié,  la 


*  Diericx,  Charterboekje.  Inlrod. 

'  Voir  plus  loin  les  travaux  du  sol. 

3  Les  services  de  transport,  Carroperœ,  sont  souvent  très-onéreux. 


(  157) 

circulation  fiduciaire  était  active,  les  baux  à  terme  prévenaient 
les  dangers  de  la  dépréciation. 

Les  redevances  en  nature  et  en  travail  ne  disparaissent  pas  ce- 
pendant tout  à  fait.  Les  propriétaires  tiennent  encore  longtemps 
à  se  faire  servir  directement  par  leurs  tenanciers  les  choses  de 
leur  consommation  personnelle,  de  celle  de  leur  ménage,  leur 
provision  de  bois,  de  fruits  etc.,  *.  En  outre  les  anciennes  rentes 
en  nature  subsistent  toujours  et  doivent  se  servir  régulièrement. 

Les  prestations  en  travail  restèrent  très-tard  en  usage.  Jusqu'à 
la  fin  de  l'ancien  régime  on  réservait  dans  les  baux  deux  ou  trois 
jours  de  corvée  par  an,  mais  souvent  la  corvée  se  réduisait  à  une 
obligation  insignifiante,  comme  celle  de  conduire  une  fois  par  an 
en  voiture  le  propriétaire  de  sa  demeure  à  l'exploitation  qu'il  va 
visiter  2. 

Quelle  était  l'organisation  usuelle  ou  légale  du  service  de  ces 
diverses  charges?  Que  devait-on  payer,  comment  le  devait-on 
faire;  qui  en  était  chargé. Quelles  étaient  les  garanties  du  payement 
et  la  procédure  d'exécution? 

Le  payement  en  espèces  devait  se  faire  en  monnaie  coursable  : 
mais  les  monnaies  des  différentes  provinces  étant  souvent  fort 
différentes,  on  stipulait  généralement  dans  les  contrats  celle  dans 
laquelle  on  voulait  être  payé  ^.  Mais  ces  précautions  étaient  loin 
(d'être  toujours  suffisantes.  Il  fallait  se  prémunir  contre  les  chan- 
gements arbitraires  dans  la  proportion  des  métaux  ^,  contre  les 
diminutions  du  titre  monétaire.  Les  seigneurs  se  permirent  sou- 
vent des  amenuisations  monétaires  qui,  en  les  enrichissant  aux 
dépens  de  leurs  sujets,  jetaient  le  trouble  dans  les  relations  com- 
merciales et   détruisaient  l'équilibre  des  fortunes  du   pays.  Ces 

*  Ex,  Broeckaert  et  de  Polter,  Gesch.  der  Gemeenten  Oost.-Vl.,  Deurle, 
p.  8,  etc. 

2  Les  mêmes.  Boeclvhout,p.  12;  Aelsl,  t.  11,  p.  556. —  E.  de  Facqz, ^nc/en 
droit  belgique,  t.  II,  p.  218. 

'  Ordinairement  argent  français  ou  impérial. 

•*  Propcrticii  de  VoràVargent  en  Pays-Bas  (1250-1698),  Biblioth  nation. 
MS.  n»  6314.  Ce  MS.,  fol.  435  donne  les  proportions  réelles  des  deux  mctaux 
pendant  quatre  siècles  dans  nos  provinces. 


(  1K8) 

mesures  socialistes  que  Jean  P'  de  Brabant  ne  dédaigna  pas  ^ 
et  dont  Louis  de  Nevers,  et  Louis  de  Maie  furent,  à  l'exemple  de 
leur  protecteur,  les  tristes  coutumiers  2,  nécessitaient  surtout  pour 
les  rentes  perpétuelles  de  grandes  et  minutieuses  précautions. 

Énumérons  les  principales.  On  déterminait  dans  le  contrat  la 
taille  au  marc  de  la  monnaie  qu'on  stipulait  ^;  on  déclarait  vouloir 
être  payé  en  argent  fort,  c'est-à-dire  de  l'aloi  reçu  lors  du  con- 
trat-*; on  exigeait  payement  en  bon  or  ou  son  équivalent  ^;  enfin  on 
recourait,  ressource  précieuse,  au  payement  de  banque.  On  sti- 
pule le  payement  au  change;  les  tables  de  change  existaient  pres- 
que partout  et  la  monnaie  de  change  devint  commune  dans  les 
stipulations. 

Le  changeur  était  libre  d'apprécier  les  monnaies  qu'il  voulait 
accepter.  Les  créanciers  avaient  donc  leur  banquier  qui  faisaient 
leursrecettes.  Chose  remarquable,  les  receveurs  des  villes  por- 
taient le  même  nom ,  et  remplissaient  le  même  office  pour  les 
recettes  des  finances  communales  ^. 

*  -A.  Wauters,  Hit.  de  Jean  /"^  pp.  357  et  suiv.— Cf.  R.  Clialon,  Les  monnaies 
des  comtes  de  Hainaut,  p.  75. 

2  Gérard,  lieclierches  sur  les  monnaies,  elc,  Mèm.  de  l'Acad.  de  Bruxelles, 
l.  V.  Partie  historiq.,  p.  162.  La  convention  du  16  juillet  158i  entre  Philippe 
le  Hardi  et  Jeanne  de  Brabant  rétablit  l'ordre  dans  le  système  monétaire,  — 
A  la  tin  du  XV1<=  siècle  on  se  plaint  encore  amèrement  des  falsiûcalions  moné- 
taires. «  De  viliori  argentiœ  monetœ  dicli  anni  mixlura  nihil  dico  nisi  quod  adeo 
sit  varia  ac  fucala  ut  me  non  rare  bac  in  re  Reipublicœ  pudeat  pigeatque... 
luopes  imbccillesque...  signatum  aurum  et  argenlum  invectentes,  ac  vilioris 
metalli  nixmia  motione  (foris  obducto  fuco)  corrumpentes ,  populum  expilant, 
bonasque  constituliones  avaritia  sua  pervertunt.  «  P.  Heuterus,  Declaralio 
valons  monetœ,c'Ap.  X,  Anvers,  1600. 

2  Vente  (126-i)  proMCL  marchis  bonorum  et  legalium  Sterlengorum,  duo- 
decim  solidis  pro  qualibet  marcha  computandis.  Piot,  Cart.  de  S^-Trond,  t.  I, 
p.  3U. 

*  Van  Lokeren,  Hist.  de  S'-Bavon,  p.  115.  «  Moneta  fortis,  debilis.  » 

5  Concession  ad  annuam  pensionem  (1572)  de  seize  verges  de  pré  pro 
duobus  scudalis  antiqui  au  ri  boni  et  justi  ponderis,  vel  ipsorum  valorem  in 
alià  bona  moneta,  in  cambio.  »  C.  de  Borman,  Livre  des  feudataires  de  Jean 
d'Arckel  à  Looz,  p.  128. 

*  Voir  plus  loin  le  crédit. 


(  159  ) 

Le  dictamen  des  changeurs  en  matière  monétaire  faisait  loi  et 
on  stipulait,  léguait,  contractait  en  or  de  caméra,  moneia  in 
cambio  *. 

Les  stipulations  en  nature  échappaient  à  ces  difficultés;  elles 
étaient  fixées  par  mesures  connues.  Mais  le  but  de  l'indication  en 
nature  était  souvent  de  parer  aux  dépréciations  éventuelles;  et 
les  redevances  elles-mêmes  se  payaient  souvent  par  é(piivalcnt. 
Soldées  en  nature  ou  non,  comment  devait-on  s'en  ac(]uitter?  Si 
elles  étaient  payables  par  sacs  et  mesures ,  il  fallait  déterminer  la 
qualité  de  la  denrée  promise.  Les  anciens  actes  sont  encore  ici  très 
minutieux  dans  leurs  indications.  Ils  stipulent  la  meilleure  qua- 
lité, une  qualité  bonne,  loyale  et  marchande,  la  meilleure  après  la 
semence  ^.  Comment  donc  apprécier  cette  qualilé?  Faut-il  voir 
dans  les  énonciations  des  actes  la  preuve  de  l'existence  ancienne 
des  mercuriales  ^? 

Nous  en  doutons  :  nous  nous  croyons  tout  au  plus  autorisés  à 
conclure  qu'on  se  référait  pour  cette  appréciation  au  marché  le 
plus  proche  ,  soit  celui  du  lieu  du  contrat,  soit  celui  de  la  mesure 
indiquée  dans  l'acte  *.  S'il  y  avait  contestation,  le  différend  devait 

<  Jnlerpigniis  de  300  écus  (1581)  boni  auri  ac  monelse  imperatoris  aul 
régis  seu  in  valore  eorum  in  aliâ  moneta  aurea  ad  dictamen  campsorum, 
Livre  des  feiidataires  de  Looz,  cité,  p.  227..  —  «  Moneta  concambianorun7,  » 
Miraeus,  Diplom  ,1.1.  754.  —  Legs  de  30,000  ducats  d'or  de  Caméra  par  le 
prince  de  Croy  (i564),  Wauters,  Hist.  des  environs  de  Bruxelles.  1. 1,  p.  491. 

Il  y  avait  parfois  des  contestations  à  ce  sujet,  le  débiteur  prétendant  pou- 
voir se  libérer  en  toute  monnaie  coursable  (que  communiter  in  bursà  curreret) 
(1341),  Bull,  de  la  Comm.  roy.  dliist.  de  Belg.,  5^  série,  t.  IX,  p. 64. 

2  Bladi  melioris  (1230),  Cart.  de  Cambron,  l.  II,  p.  840,  etc.,  «  boni  et 
pagabiliSj  boni  at  solubilis,  goeds,  custbaers  of  comans  goed,  »  Piot,  Cart.  de 
S'-Trond,  l.  I,  p.  306,  a»  1262,  p.  258,  ««  12o3;  Cart.  des  Dunes,  p.  762, 
a»  159o),  de  meliori  post  semenlem,  du  meilleur  après  la  semence  {Carl.de 
Cambron,  t.  II,  p.  120,  a«  1236.  —  L.  Devillers,  Cart.  de  S^-Denis  en  Bro- 
queroie,  Axn.  cercle  archéolog.  de  Mons,  t.  X,  1'"''  partie,  p  140,0"  1225), etc. 

5  Comme  le  fait  M.  Deiisle,  Hist.  des  classes  agricoles  en  Normandie , 
pp.  o87  et  759. 

*  Cela  semble  contirmé  par  le  texte  suivant  (1255)  «  Secundum  quod  unum 
sextarium  de  meliori  siligine  apud  Dyst  valere  polerlt  ad  unumdenarium  prope, 
meliorem  siliginem  nobis  lenebuntur,  ^)  Cart.  de  S'-Trond,  1. 1,  p.  261. 


(  160  ) 

se  vider  devant  les  cours  foncières  qui  avaient  les  rentes  et  rede- 
vances dans  leur  compétence  *.  Il  en  était  de  même  sans  doute 
quand  il  fallait  constituer  des  équivalents.  Aux  briefs  de  Flandres, 
c'était  le  chancelier,  président  de  la  chambre  des  Renenghes,  qui 
fixait  le  cop  d'après  les  renseignements  du  receveur  et  le  cours 
des  marchés  2.  Dans  la  plupart  de  communes,  les  échevins  fixaient 
aussi  le  prix  des  denrées  ^  ;  mais  ces  taxations  particulières 
n'excédaient  pas  le  territoire  des  communes.  Les  propriétaires 
particuliers  abusaient  souvent  de  leur  droit  de  taxation  arbi- 
traire; il  en  fut  surtout  ainsi  quand  les  offices  d'intendants  se 
multiplièrent  et  devinrent  vénaux.  On  n'avait  plus  égard  au  prix 
de  marché.  Ces  abus  provoquèrent  des  plaintes,  mais  qui  ne 
furent  que  bien  tardivement  écoutées.  A  la  suite  d'une  ordonnance 
de  1667  imposant  la  constitution  des  mercuriales  *,  le  conseil 
souverain  de  Tournai  décida  que  dorénavant  la  taxe  des  rentes 
en  nature  serait  faite  par  des  hommes  spéciaux,  d'après  la 
moyenne  des  trois  marchés  qui  suivraient  l'échéance  des  rentes  ^. 
Ce  système  sauvegarda  à  l'avenir  l'intérêt  et  la  justice  pour  les 
deux  parties. 

Le  mode  d'exécution  des  travaux  et  corvées  était  parfois  exacte- 
ment stipulé.  A  défaut  d'énonciations  on  suivait  à  cet  égard  l'usage 
deslieux^;  on  admettait  aussi  que  les  corvées  ne  se  devraient  prê- 
ter que  par  ceux  qui  le  pourraient  faire  sans  frais,  et  par  con- 
séquent qu'on  n'imposerait  à  quelqu'un  que  les  corvées  de  son 
métier  7.  Il  y  eut  souvent  des  corvées  rachetables.  Elles  étaient 
cotées  a  prix  fixe,  Jean  III  en  1586  permit  aux  abbayes   de  se 

^  Ex. pour  la  France  dansMouteW, IIisl.desFrançais,XÏ\''  siècle,t.l,p.ll8. 

2  Colinez,  Notice  sur  les  Renenghes,  Mess,  des  se.  hist,  Belg.,  1840,  p.  500. 

'  Règlement  administratif  de  Brux  ,art.i>0,  dans  Chrislyn,t.  I  ,pp.  199et243. 

*  L.  Torfs,  Les  mercuriales  dans  les  Fastes  des  calamités  publiques;  Les 
famines,  p.  247. 

s  Jules  Colens,  Les  rentes  féodales.  Flandre,  1876,  p.  125. 

^  «  Ainsi  qu'il  a  useit  couslumeement  aler  aval  le  paiis  raisonnablement  » 
(1338),  Bormans,  Les  fiefs  du  comté  de  Namur,  U'^  11  v.,  p.  14. 

7  Raepsaet,  Analyse  n»  248.  «  Chascune  corvée  de  ce  mesme  labeur  dont  il 
vit,  »  Charte  d'Oisy  (1216).— Taillar,  Recueil  d'actes,  p.  54.  —  Cf.  Laugbethal, 
Gesch.  d.  teutsch.  landw.,  P,  p.  250. 


(  161  ) 

libérer  des  journées  de  charriage  qu'elles  lui  devaient  au  prix  de 
12  gros  tournois  *.  Les  corvées  non  exécutées  se  résolvaient  en 
dommages  intérêts.  Une  décision  de  1389  les  fixe  à  10  deniers  par 
jour  de  travail  2. 

Comment  fallait-il  payer  ces  diverses  charges?  Payées  au  titu- 
laire de  la  redevance,  à  son  délégué  ou  à  son  banquier,  les  rede- 
vances en  espèces  sont  portables.  Les  redevances  proportionnelles 
devaient  être  contrôlées  par  l'ayant  droit  avant  la  levée  des 
gerbes  et  conduites  à  la  grange  champarteresse  ^. 

Ce  payement  des  redevances  n'était  pas  sans  compensation  et 
il  servait,  comme  encore  aujourd'hui,  à  entretenir  de  bonnes  rela- 
tions entre  fermier  et  seigneur.  Les  tenanciers  qui  viennent  payer 
leur  redevance  sont  nourris  pendant  leur  séjour  chez  le  proprié- 
taire; l'abbé  de  Saint-Pierre  à  Gand  leur  donne  en  outre  quatre 
nummi  par  jour  ^.  Ce  payement  se  faisait  aux  époques  stipulées, 
dont  les  termes  variaient  d'après  les  contrées. 

Les  rentes  en  nature  se  payaient  après  la  récolte.  Le  fermier 
ne  pouvait  alors  se  libérer  par  caution  et  devait  faire  payement 
réel. 

Les  corvées  aussi  n'étaient  pas  entièrement  gratuites;  les  sei- 
gneurs entretenaient  les  travailleurs  pendant  leur  travail ,  leur 
donnaient  la  nourriture  ordinaire,  ou  un  vêtement  en  compensa- 
tion de  leur  peine. 

Si  on  ne  leur  donne  pas  assez  ils  ne  doivent  pas  travailler  avant 
d'être  restaurés.  Tel  est  le  principe  admis  de  très-bonne  heure  ^. 


^  Charte  de  l."538,  A.  Pinchart,  Inv.  Arch.  Cour  des  comptes,  t.  IV.  p.  192. 

^  1389,  Cart.clesDunes,\).7Q0.—Li\  loi  deWalincourt(1516)  donne  le  tarif 
suivant:  Le  manouvrier  doit  8  deniers,  cel  ke  a  un  keval  doit  3  sols.  Blin, 
Notice  hist.  sur  W.,  Mém.  de  la  Soc.  d'Émulation  de  Cambrai,  t.  XXXI,  2«  par- 
tie, p.  128. 

^  Britz,  op.  cit.,  p.  623. 

1  Warukônig,  FI.  St.  u  R.  Gesch.,  B<i  III,  ablh.  2,  p.  88. 

^  Acte  du  IX^  siècle,  «  débet  arare  unum  diem  ila  ut  liabeat  panem  et  cere- 
visiam  ad  sufBcienliam  ;  quod  si  non  datur  panis  et  cervesia,  non  serviat  prius- 
quam  restauretur.  >  Wauters,  Environs  de  Bruxelles,  t.  J,  p.  77.  —  Cf.  plus 
haut  ce  que  nous  avons  dit  de  l'alimentation  populaire. 

Tome  XXXII.  H 


(  162  ) 

Quelles  étaient  donc  les  garanties  et  les  sanctions  de  ces  obli- 
gations? 

Les  plus  anciens  accensements  étaient  garantis  en  général  par 
une  clause  pénale  résolutoire  *.  Ce  régime  si  radical  fut  insensi- 
blement remplacé  par  un  taux  d'amende  par  jour  de  retard;  c'est 
le  taux  de  chaque  ban.  Cependant  l'usage  de  la  clause  résolutoire 
ne  disparut  pas;  une  législation  spéciale,  celle  des  spycker- 
renten  renouvelée  par  l'ordonnance  de  1602  maintient  pour 
l'exécution  de  ces  rentes  anciennes  une  sanction  très-énergique. 
Le  champart,  nous  l'avons  dit,  conférait  à  son  titulaire  le  droit 
de  cultiver  lui-même  le  bien  grevé  et  d'en  retirer  son  droit. 
Celte  rigueur  était  tempérée  par  l'esprit  de  charité  qui  faisait 
remettre  aux  obligés  les  redevances  en  des  temps  difficiles.  Celte 
tolérance  était  parfois  même  consignée  dans  les  contrats  ^. 

Les  baux  comprenaient  d'ailleurs  divers  genres  de  garanties, 
notamment  la  caution  et  l'hypothèque.  Un  genre  spécial  de  caution, 
dit  voorhuur,  consiste  dans  le  payement  anticipé  d'une  somme  d'ar- 
gent par  le  fermierentrant^.  L'hypothèque  n'était  pas  une  garantie 
normale,  car  le  censier  pouvait  n'avoir  pas  d'immeubles,  mais  il 
arrivait  que  le  propriétaire  ajouta  au  bail  la  clause  de  bâtir  sur 
le  sol  concédé.  La  bâtiment  servait  alors  de  centrepan  *.  Parfois 
le  bail  concédait  au  propriétaire  le  droit  en  cas  de  non-payement, 
de  s'emparer  d'emblée  d'une  terre  du  locataire  ^. 

Mais  la  garantie  qui  domine  toutes  les  autres  par  sa  généralité, 
est  le  privilège  du  bailleur,  tel  qu'il  est  entendu  par  l'article  20  de 

*  «  Ul  qui  negligil  censum  perdal  agrum,  »  Raepsaet,  Analyse,  n^  246. 

*  Vente  d'une  censé  (16il)  moyennant  rente  «  bien  entendu  que  s'il  écheoit 
temps  de  g.uerre,  la  dite  rente  ne  se  doibt  pas,  »  comte  de  Villermont,  Cou- 
vin  el  sa  châtellcnie,  p.  257. 

3  Acte  de  1261,  Cart.  de  S'-Trond,  t.  I,  p.  502. 

*  Voir  plus  haut  les  amodiations  et  le  contrat  d'hoslise. 

s  Acte  de  1341,  Bull,  de  la  Comm.  roij.  d'hist  de  Belg.,  3«  série,  t.  IX,  p.  6. 
Parfois  le  propriétaire  stipulait  la  solidarité  quand  il  y  avait  plusieurs  locataires 
fermiers.  Ex.  Bail  curieux  du  sire  de  Borre  à  quatre  tenanciers  associés  (1311), 
«  So  hcbben  gheloeft  dese  vorseide  persoene  ende  elc  over  al,  etc.  »  Les  sti- 
pulations sont  très-longues,  Brocckaeri  et  de  Potier,  Gesch.  der  gem.  Oosl- 
Vlaend.,  Afsnee,  p.  5,  l''«  reeks,  \'^'  deel. 


(  165  ) 

la  loi  du  d5  novembre  I85L  II  porte  sur  tout  le  mobilier  de  la 
ferme,  les  invecla  et  illata.  Ce  privilège  cesse  quand  le  proprié- 
taire a  pris  caution  *. 

Telles  étaient  les  redevances,  et  les  moyens  légaux  qui  en  garan- 
tissaient le  service  au  titulaire.  Mais  le  tenancier,  de  son  côté,  ne 
pouvait  être  dépourvu  de  toutes  garanties,  pour  les  termes  mêmes 
de  son  bail  et  la  conservation  de  son  capital. 

Pour  assurer  au  colon  la  durée  de  son  exploitation,  de  manière 
qu'il  soit  sûr  de  ne  pas  travailler  et  dépenser  pour  autrui,  l'an- 
cien droit  féodal,  la  loi  de  la  court,  lui  garantissait  l'hérédité. 
Il  y  avait  là  pour  lui  une  sorte  de  droit  réel  consacré  par  l'usage 
et  qui  le  fut  par  les  termes  mêmes  des  concessions  d'accense  et 
de  bail  a  rente  translatives  du  domaine.  Plus  tard,  quand  le  droit 
réel  du  censitaire  fit  place  au  droit  personnel  du  fermier,  l'ancien 
principe  germanique  conserva  sa  prépondérance  sur  le  principe 
romain.  Les  coutumes  consacrèrent  énergiquement  la  préférence 
due  au  bailleur  sur  le  nouvel  acquéreur  de  la  propriété  ^. 

Si  la  législation  garantit  la  durée  du  bail,  le  capital  agricole  est- 
il  aussi  protégé?  Lorsque  les  baux  sont  temporaires,  il  y  a  natu- 
rellement lieu  à  des  entrées  et  sorties.  Or  il  importe  de  régle- 
menter les  droits  et  obligations  des  fermiers  entrants  et  sortants 
pour  maintenir  intact  le  cheptel,  et  éviter  les  abus  d'exploitation 
du  dernier  terme.  Les  obligations  du  fermier  sortant  se  résumaient 
ordinairement  dans  les  points  suivants  :  obligation  de  laisser  libre 
le  tiers  de  l'exploitation  afin  que  le  nouvel  entrant  puisse  aussitôt 
semer  ce  qui  lui  est  le  plus  nécessaire;  obligation  de  laisser  sur 
le  fonds  le  tiers  de  la  paille  et  du  fumier;  ce  droit  était  remplacé 
en  Hollande  par  le  droit  de  troisième  gerbe  du  propriétaire. 
Celui-ci  prélevait  sa  part,  puis  la  laissait  sur  le  fond.  En  compen- 
sation, le  fermier  sortant  devait  être  indemnisé  des  impenses 
faites  sur  le  sol  et  des  améliorations  non  épuisées.  Or  dans  la  pri- 
sée de  ces  indemnités,  on  suivait  des  règles  particulières  dites 

*  Britz,  p.  953.  —  G.  de  Ghewiet,  t.  II,  p,  20. 

^  Huere  gaat  voor  çoop  ende  sterfdach  en  breekt  gheene  buere,  Coul.  de 
Louvain,  ch.  XI,  a.  1  ;  Coût,  de  Bruxelles,  a.  116;  Coût.  gén.  de  Hainaut, 
ch.  CXXII,  a.  lo. 


(  164  ) 

pachters-7'egt  et  très-variables  de  province  à  province.  Les  con- 
ditions de  cette  indemnité  furent  réglées  en  particulier  par  acte  du 
M  octobre  1761  *. 

Remarquons  d'ailleurs  que  toutes  les  dispositions  relatives  aux 
baux  à  ferme  n'avaient  qu'un  caractère  supplétoire,  c'est-à-dire 
que  la  libre  volonté  des  parties  pouvait  toujours  y  déroger  2. 

Le  gouvernement  autrichien  prit  des  mesures  spéciales  pour 
empêcher  le  fermier  sortant  de  se  venger  par  hame  de  censé  sur 
celui  qui  reprenait  les  terres  à  sa  place  ^. 

Tel  est  l'ensemble  de  la  condition  juridique  des  parties  sous 
l'ancien  droit  belgique.  Il  semble  que  les  intérêts  de  chacune  y 
soient  sauvegardés.  Les  époques  malheureuses  que  traversèrent 
nos  populations  rurales  proviennent  bien  plus  des  abus  des 
hommes  que  des  vices  ou  des  lacunes  de  la  loi.  Ce  sont  des  excep- 
tions qui  n'ont  pu  enrayer  le  progrès  de  la  Uberté  et  l'augmentation 
du  capital  au  sein  des  classes  agricoles. 


SECTION  lY.  —  Conditions  économiques  communes  aux  diverses  exploitations. 


§  1.  Des  charges  publiques. 

Pendant  tout  le  moyen -âge  ,  avons-nous  dit,  les  redevances 
avaient  un  caractère  privé.  Il  n'y  a  que  des  revenus  seigneuriaux 
dont  le  peuple  était  parvenu  insensiblement  à  conquérir  la 
fixation.  Mais  dans  les  chartes  de  ce  genre  il  ne  faut  nécessai- 
rement pas  comprendre  la  répartition  de  l'aide  féodale,  que  les 
devoirs  inhérents  à  la  féodalité  obligeaient  le  vassal  à  payer  à  son 

*  Voir  toute  celte  législation  dans  Sieur,  Adminisiralion  des  Pays-Bas 
autrichiens,  Mém.  de  l'Acad.  roy.  de  Belg.,  in-4o,t.  VI,  pp.  185  et  suiv.  —  Sur 
le  pachlers-regt ,  Eenens,  3Iém.  cité  sur  la  fertilisation  des  landes,  Mém. 
DE  l'Acad.  roy.  de  Belg.,  in-S",  t.  II.  Introd.,  et  E.  de  Lavelcye,  L'agriculture 
belge,  Rapport  au  Congrès  de  Paris,  1878,  p.  lxxxii. 

2  Coût.  gén.  de  Hainaut,  eh.  CXXII  ,  a.  15;  Coût,  de  Deurne,  a.  582, 
«  indien  by  de  huercedielle  daer  af  gbeen  andere  condilie  en  is  gbemaekt.  » 

3  Piot,  Le  règne  de  Marie-Thérèse,  p.  251. 


(  165  ) 

suzerain.  Celui-ci,  de  son  côté,  lorsqu'il  accordait  des  franchises 
ou  des  immunités,  avait  toujours  soin  d'en  réserver  expressément 
le  droit.  Quant  aux  bourgeois,  ils  furent  longtemps  taillables  ; 
mais  les  princes,  en  accordant  les  franchises  aux  bourgs,  limitèrent 
aussi  aux  cas  féodaux  leur  droit  de  levée  sur  leurs  sujets.  Cette 
déclaration  faite  par  Henri  II,  renouvelée  par  Jean  I,  fut  méconnue 
et  violée  *.  La  charte  de  Cortenberg  la  consacra  enfin  définitive- 
ment, et  depuis  lors  elle  fut  toujours  respectée.  En  dehors  des 
limites  de  l'aide,  aux  quatre  ou  aux  sept  cas  d'après  les  contrées, 
le  droit  d'impôt  était  inconnu.  Le  principe  financier  de  l'ancien 
régime  faisait  du  domaine  la  ressource  première  des  princes;  le 
droit  de  levée  n'était  qu'accessoire,destiné,dans  les  circonstances 
exceptionnelles,  à  venir  en  aide  à  un  budget  obéré  ^.  Mais  ce 
caractère  exceptionnel,  le  besoin  d'argent,  n'était  pas  abandonné 
au  jugement  arbitraire  du  prince;  il  devait  être  contrôlé  par  les 
contribuables.  Il  fallait  le  consentement  des  intéressés.  Ce  prin- 
cipe a  été  reconnu  et  consacré  par  tous  les  anciens  monuments 
du  droit  public  belge.   La   Belgique   fut  toujours   un  pays,  non 

^  Henri  II,  dnns  son  testament;  Jean  I",  y  ajoiile«  Sauf  le  consentement  des 
barons  »  «  quando  barones  terrae  Brabantise  homines  suos  nobis  concesseriut 
lalliandos.  w  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  61 .  Mais  jusque-là  les  ducs 
avaient  continué  la  taille  arbitraire  a  Ciaus,  dit  Jean  pr  (1293)  que  nous  et 
nos  ancesseurs  avous  taillé  jusque  à  ores  à  nos  volonté,  »  A.-J.  Heyien,  Com- 
menlar.  de  terlio  statu,  Mém.  de  l'Acad.  rot  de  Belg.,  in-4»,  t.  XV,  p.  22. 
Henri  [Il  et  la  duchesse  Alix,  sa  veuve,  en  avaient  assez  profité.  Elle  écrivit  à 
S'  Thomas  d'Aquin  pour  lui  demander  s'il  lui  était  permis  de  lever  des  impôts. 
Le  sage  conseiller  lui  répondit  qu'elle  se  souvînt  que  les  princes  sont  faits 
pour  le  bonheur  des  peuples.  Que  si  leurs  revenus  étaient  insuffisants,  ils  pou- 
vaient sans  doute  lever  des  taxes,  «  quae  si  non  sunt  immoderalae  absque  pec- 
cato  exigi  possunt,  »  mais  que  les  impositions  exorbitantes  étaient  certaine- 
ment illicites.  {Divi  Thomœ  opéra,  éd.  Parme,  t.  XVI,  p.  292.)  Les  conseils  du 
célèbre  docteur  ne  furent  pas  sans  influence  sur  nos  libertés  civiles  consacrées 
dans  la  charte  de  Cortenberg  du  27  septembre  1512.  A  partir  de  là,  le  prince, 
pour  les  besoins  extraordinaires,  dut  recourir  au  vote  de  ses  sujets.  Cf.de 
Baranle,  Hist.  des  ducs  de  Bourgogne^  éd.  1839,  p.  49. 

'  Edm.  PouUet,  Hist.  politique  interne  de  la  Belg  ,  p.  400.  —  C'est  encore 
le  principe  de  la  Constitution  anglaise.  Laferriète  et  ^dXbiQ^  Les  Constitutions 
d'Europe  et  d'Amérique,  p.  437. 


(  166  ) 

d'impôt,  mais  de  subside.  Chaque  fois  que,  dans  le  cours  de  l'his- 
toire, les  seigneurs  suzerains  ont  dû  recourir  à  ces  levées,  le  con- 
sentement des  contribuables  est  accompagné  d'actes  exprès  de 
non-préjudice  proclamant  très-haut  que  c'est  là  moins  un  impôt 
voté  qu'un  don  octroyé  ,  accordé  de  pure  grâce  *.  Avec  de 
telles  garanties,  corroborées  par  l'inaliénabilité  du  domaine  prin- 
cier 2,  le  peuple  et  les  seigneurs  ne  risquaient  rien  à  la  levée  des 
impôts.  On  ne  pouvait  imposer,  il  fallait  demander,  et  les  ducs  de 
Bourgogne  reconnurent  expressément  ce  principe  de  notre  droit 
public  ^.  Il  fut  loin  cependant  de  constituer  une  garantie  absolue 
contre  les  abus  des  levées  publiques.  Les  dépenses  de  luxe  et  de 
guerre  se  multipliaient  et  il  fallait  faire  face  aux  exigences  d'un 
budget  qui  croissait  toujours.  Ces  besoins  nombreux  et  perma- 
nents, tout  en  respectant  l'ancien  principe  financier,  le  relé- 
guèrent bientôt  dans  le  domaine  de  la  théorie.  S'il  restait  vrai 
que  le  domaine  était  la  grande  ressource  du  trésor,  il  était  vrai 
aussi  en  fait  que  toujours  elle  était  insulTisanle  et  que,  à  chaque 
exercice,  il  fallait  des  aides.  Extraordinaires  en  droit,  elles  devin- 
rent donc  ordinaires  en  fait  *.  D'ailleurs  les  princes  avaient 
trouvé  moyen  d'éluder  les  anciennes  rigueurs  constitutionnelles. 
Le  domaine  inaliénable  était  engagé,  il  servait  de  garantie  à  des 
emprunts  souvent  considérables  dont  il  fallait  servir  les  intérêts. 
Ces  emprunts  escomptaient  les  aides  à  venir;  et  celles-ci  durent 
devenir  permanentes  pour  payer  les  créanciers  de  la  dette 
publique  ^. 

Cène  fut  pas  sans  peine  que  les  ducs  de  Bourgogne  parvinrent 
à  constituer  un  budget  annuel  et  régulier.  Ils  éprouvèrent  bien 
des  résistances,  essayèrent  bien  des  objurgations,  endurèrent  bien 
des  plaintes.  Mais  s'ils  réussirent  dans  l'œuvre  si  difficile  de   la 

'  Voir  les  exemples  groupés  par  Edm.  Poullet,Le5  Constitutions  nationales 
de  Vancien  régime,  Mém.  de  l'Acad.  roy.  de  Belg.,  in-S»,  t.  XXVI,  p.  425. 

2  Ibid,,  p.  419. 

'  E.  de  Facqz,  Ancien  droit  belgique,  t.  II,  pp.  224  et  suiv.,  expose  en  détail 
les  principes  et  le  mécanisme  de  nos  finances  publiques  sous  l'ancien  régime. 

*  Henné  et  Wauters,  Jïist.  de  Bruxelles,  t.  II,  p.  492. 

î>  Wynants,  Traité  des  aides  {m2in\iscni).]ntTod. 


(  167  ) 

constitution  financière  monarchique  et  régulière,  ils  ne  chan- 
gèrent pas  le  principe  de  droit  public  qui  subordonne  au  vote  des 
contribuables  dans  les  Etat>,  la  levée  des  aides  et  subsides.  A  la 
différence  de  la  France,  nous  n'avons  jamais  connu  limpôt  royal  *. 

Ce  n'est  pas  à  dire  cependant  que  nos  privilèges  financiers 
n'aient  jamais  été  battus  en  brèche.  Il  semble  acquis  aujourd'hui 
que  les  légistes  du  gouvernement  autrichien  ont  essayé  de  les 
amoindrir  et  de  les  renverser.  Mais  l'opposition  énergique  des 
Étals  rendit  vaines  les  prétentions  despotiques  des  Prié  et  des 
Joseph  II,  et  la  déclaration  léopoldine  du  traité  de  La  Haye  recon- 
nut sans  restrictions  les  principes  du  vieux  droit  national  ^. 

Tels  étaient  les  principes;  inutile  d'en  relever  la  haute  impor- 
tance économique  pour  les  classes  rurales.  Montesquieu  nhésite 
pas  à  proclamer  que  les  pays  les  plus  riches  sont  les  plus  libres, 
qu'ils  sont  cultivés  à  raison  de  leur  liberté  ^  et  le  triste  écho  des 
plaintes  du  paysan  français  de  l'ancien  régime  est  trop  significatif 
pour  qu'il  ne  suffise  pas  h  le  démontrer  '*. 

Les  aides  se  levaient  donc  à  la  suite  d'une  demande,  d'une 
prière  {hede)  faite  aux  Etats.  Sans  entrer  dans  le  détail  de  l'orga- 
nisation financière  du  moyen-âge,  nous  devons  dire  un  mot  de  la 
question  si  importante  de  l'assiette  des  contributions  et  de  leur 
répartition.  Une  première  répartition  devait  se  faire  entre  les 
villes  et  les  seigneuries.  Celle-ci  en  général  se  renouvelait  à  chaque 
levée.  En  Flandre,  elle  était  réglée  par  le  Transport  de  Flandre  ^. 

*  L'aide  féodale  étant  essentiellement  un  don  gracieux,  il  nous  semble  dif- 
ficile d'y  voir  avec  M.  \u\iry  {Régime  financier  de  la  France,  pp.  417  el  suiv.), 
l'origine  de  l'impôt  royal.  Nous  préférons  en  voir  la  source  avecM.  Caliery 
[L'impôt  royal  dans  Vancienne  monarchie,  Revde  des  quest.  histor.,  octobre 
1879,  pp.  419  à  492)  dans  la  transformalion  du  service  militaire  en  redevance 
pécuniaire. 

2  Edm.  Poullet,  Les  Constitutions  nationales,  pp.  423  et  suiv. 
5  Esprit  des  lois,  Liv.  XVII L  ch.  III. 

*  Voir  les  Économistes  français  du  XVII«  siècle  :Vauban,Boisguilbert,  etc. 
et  rexcellenl  exposé  de  l'étal  des  finances  françaises  à  la  fin  de  l'ancien  régime 
dans  L.  de  Poncins,  Les  cahiers  de  89,  pp.  201  et  suiv. 

^  Le  mode  réglé  d'abord  sous  Robert  de  Bélhjme  fut  revisé  sous  Jean  de 
Bourgogne  et  sous  Cbarles  V. 


(  168  ) 

Puis  venait  la  sous-répartition.  Nous  savons  mal  comment  elle  se 
faisait  dans  les  terres  seigneuriales,  cependant  nous  en  connais- 
sons quelques  traits.  Des  fonctionnaires  seigneuriaux  divisaient 
les  charges  par  villa  avec  le  consentement  du  seigneur,  et  trans- 
mettaient la  cote  à  chaque  village,  probablement  au  villicus  *. 
Dans  chaque  village,  la  cote  était  répartie  entre  les  habitants  par 
voie  de  capitation  ou  par  voie  réelle.  Nous  avons  dit  que  l'unité 
administrative  était  la  famille,  le  feu,  le  manage;  la  capitation 
prenait  donc  la  forme  spéciale  du  fouage.  De  très-bonne  heure 
cependant,  chaque  village  eut  ses  fonctionnaires  financiers  spé- 
ciaux chargés  de  la  sous-répartition.  Ce  sont  les  bedesetters.  Leur 
principale  fonction  était  de  répartir  entre  les  habitants  la  cote  des 
aides  qui  leur  incombait.  Ces  personnages  étaient  nommés  par  la 
communauté,  soit  directement,  soit  indirectement,  pour  un  an;  et 
ils  ne  pouvaient  refuser  de  remplir  ce  mandat.  Ils  constituaient 
les  setboekeu  ou  rôles  de  contribution  d'après  lesquels  on  conti- 
nuait d'ordinaire  à  lever  les  charges  ^. 

C'étaient  les  États  qui,  en  votant  le  subside,  en  fixaient  aussi  l'as- 
siette. A  l'origine,  le  pied  personnel  ou  la  voie  de  contribution  do- 
mina^; plus  tard, on  préféra  l'impôt  réel;  mais  il  n'y  avait  là  rien 
de  fixe  ni  de  stable.  Tout  dépendait  des  idées  du  moment.  Les  sous- 
répartiteurs  devaient  se  soumettre  sur  ce  point  à  la  décision  des 
États.  Seules,  les  villes  échappaient  a  cette  obligation.en  la  rache- 
tant, en  s'abonnant;  cet  acte  leur  donnait  le  droit  de  lever  tel 
subside  ou  taxe  que  bon  leur  semblait,  quitte  à  solder  au  trésor 
princier  le  chiffre  de  la  cote  imposée  *. 

Le  principe  de  la  liberté  des  États  en  matière  d'assiette  des 
aides  était  absolu  :  les  États  y  tenaient  et  surent  le  maintenir.  Il 
semble  cependant  peu  contestable  que  dans  un  pays  dont  l'admi- 

'  Lindani  de  Teneramundà^  libri  III,  cap.  IV. 

^  Sur  la  sous-répartilion,  voir  E.  de  Facqz,  op.  et  loc.  cit.  —  Poullet,  Con- 
stitutions nationales,  loc.  cit.  —  W  auters,  Hist.  des  environs  de  Bruxelles, 
1. 1,  pp    Lxi  et  3o. 

Cf.  le  régime  français  dans  A,  Babeau,  Le  village  sous  l'ancien  régime,  p.  ^OQ. 

3  Warnkônig,  Histoire  de  Flandre,  trad.  G.,  t.  II,  pp.  436  et  439. 

*  Henné  et  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  II,  p.  607. 


(  169  ) 

nistralion  est  unique,  l'uniformité  du  pied  des  levées  ne  fût  pré- 
férable. Aussi  le  gouvernement  essaya-t-il  de  le  réaliser.  11  s'y 
prit  malheureusement  par  un  mauvais  moyen.  C'était  sous  le  gou- 
vernement du  duc  d'Albe,  au  moment  où  le  peuple  était  accablé 
des  misères  de  la  guerre  et  de  lourdes  charges  financières.  Le 
duc,  à  court  d'argent,  voulut  arracher  aux  États  l'impôt  célèbre 
du  centième  denier  sur  la  valeur  des  biens,  du  dixième  sur  les 
transactions  mobilières  et  du  vingtième  sur  les  transactions  immo- 
bilières. Cet  impôt  exorbitant  dans  son  principe,  embarrassant  et 
tracassier  dans  sa  perception,  était  ruineux  pour  une  nation  com- 
merçante. Aussi  provoqua-t-il  un  toile  général  dans  toutes  les 
provinces.  Mais  si  l'impôt  ne  valait  rien,  l'idée  de  son  unification 
était  remarquable.  La  diversité  des  impôts,  disait  le  duc  dans  ses 
lettres  patentes  sur  le  dixième  denier,  est  une  source  perpétuelle 
de  luttes  et  de  querelles  entre  les  États.  Le  nouvel  impôt  suc- 
comba parce  qu'il  entravait  le  commerce,  frappait  les  gens  du 
peuple,  haussait  le  prix  des  denrées.  Mais  la  tentative  resta 
comme  précédent  ^  Le  gouvernement  ne  la  renouvela  plus,  mais 
les  États  se  chargèrent  eux-mêmes  d'unifier  l'assiette  de  l'impôt 
dans  les  Pays-Bas.  Le  pied  réel  fut  successivement  adopté 
presque  partout.  L'usage,  le  meilleur  des  législateurs,  réalisa  ce 
qu'un  édit  n'avait  pu  accomplir  ^. 

Les  États,  avons-nous  dit,  opéraient  la  première  répartition  ; 
celle-ci  se  faisait  d'après  les  capacités  des  communautés;  la  sous- 
répartition  était  faite  par  les  fonctionnaires  locaux.  Les  opérations  de 
la  distribution  et  de  la  perception  des  aides  avaient  été  régularisées 
par  les  ducs  de  Bourgogne  grâce  à  la  surveillance  des  chambres 

*  Sur  ce  fait  financier  voir  Bakhuizen  van  den  Brink,  Notice  sur  le  dixième 
denier,  Messager  des  se.  hist.,  1849.  —  Namêche,  Cours  abrégé  d'histoire 
nationale,  t.  II,  p.  327.  —  Cardinal  Beutivoglio,  Ifist  des  guerres  de  Flandre, 
liv.V,  a"  lo69(analyse  minutieuse  des  débats  qui  surgirent).—  Protestation  des 
États  du  Hainaul  en  leur  tenue  du  20  août  1571  dans  Lacroix,  Inv.  des  arch. 
du  Hainaut,  p.  112  (exposé  très-net  des  dangers  économiques  de  cet  impôt); 
enfin  les  textes  officiels  aux  Placards  de  Brabant,  t.  IIÏ,  Ordonnances  des 
18  janvier  1334,  6  avril  1570,  31  juillet  1371,  21  novembre  1576. 

^  Wynants,  Traité  des  aides.  En  Flandre  cependant  on  conserva  le  pied 
personnel  de  la  taille.  —G.  de  Ghewiet,  1. 1,  p.  194.  —  E.  de  Facqz,  op.  cit., 
t.  Il,  pp.  237  etsuiv. 


(  170  )       . 

des  comptes  '.  Mais  au  sein  des  guerres  civiles,  cette  action  s'était 
affaiblie  et  le  désordre  s'était  glissé  dans  ces  opérations  2.  En 
1G86,  on  fit  un  essai  de  statistique  foncière  qui  pût  servir  à  la 
levée  des  aides  sur  le  pied  réel.  Ce  système  était  insuffisant  à 
cause  de  la  confection  défectueuse  de  ce  registre  lui-même.  Il  se 
bornait,  en  effet,  à  classer  les  terres  d'après  leur  nature,  mais 
non  d'après  leur  valeur.  Quelques  villages  constituèrent  isolé- 
ment des  cadastres  sérieux ,  mais  cette  tentative  était  isolée. 
Répartition  et  sous-répartition  étaient  donc  très -mauvaises;  les 
États  eux-mêmes  n'étaient  pas  toujours  impartiaux  5.  Les  asséeurs, 
gens  corruptibles,  se  laissaient  induire  à  modifier  le  pied  de  l'as- 
siette, à  faire  des  faveurs  et  à  créer  des  exemptions  illégales. 
C'était  un  désordre  provoqué  évidemment  par  le  manque  de  sur- 
veillance de  l'administration  centrale  *.  On  discutait  alors  le 
mode  d'intervention  qui  lui  était  possible.  On  proposait  à  la  fois 
la  création  d'un  ministère  des  finances  et  la  constitution  d'un 
cadastre  général  et  officiel  ^.  Nous  n'avons  pas  à  examiner  la  pre- 
mière de  ces  mesures  qui  se  traduisit  par  l'érection  de  la  jointe 
des  administrations  et  des  offices  de  subsides  ^.  Quant  à  la  seconde, 
elle  a  un  caractère  économique  et  foncier  très-intéressant.  On 
discutait  au  XVIII^  siècle  les  avantages  de  la  fixité  des  cotes  fon- 
cières. Les  uns,  partant  du  principe  de  la  justice  distribulive,  et 
songeant  aux  intérêts  du  trésor  public,  réclamaient  une  péré- 
quation régulière  des  cotes  cadastrales.  Les  autres  se  disaient 
que  l'impôt  était  incorporé  dans  le  revenu  foncier;  que  les  terres, 
en  cbangeant  de  mains  étaient  payées  d'après  leur  revenu  réel, 
déduction  faite  des  charges  publiques. 

*  Gachard,  Notice  historique  sur  la  Cour  des  comptes.  En  lêle  de  TInvent. 

DES  ARCH.  DE  LA  CoDR  DES  COMPTES. 

'  Rescription  de  la  Chambre  de  comptes  au  conseil  des  finances,  1625, 
Gachard,  Inv.,  elc.,t.  lil,  p.  iv. 

'  Réclamation  des  villes  du  Hainaut,  1 7S9,  dans  Lacroix,  Arch.  du  Hainaul, 
p.  266. 

*  VVynants,  op.  cit.,  p.  85. 

^  Rapport  du  prince  de  Kaunitz  à  Marie-Thérèse,  1764,  dans  Gachard,  Ana- 
lectes  belgiques,  1. 1,  p.  401. 
^  Par  décret  du  prince  Charles  de  Lorraine,  13  octobre  1764 


(  171    ) 

Ce  fui  le  premier  principe  qui  remporta  dans  l'esprit  des  réfor- 
mateurs des  finances  au  XVIII*  siècle,  MM.  de  Cobenzl  et  de 
Kaunilz;  les  matricules  surannées  et  défectueuses  de  1686  nui- 
saient par  leur  application  à  la  caisse  impériale.  Aussi,  chercha- 
t-on  à  les  renouveler;  pour  faciliter  ce  travail,  des  commissions 
dites  des  charges  publiques,  furent  installées  dans  toutes  les  pro- 
vinces, et  celles  du  Limbourg  et  du  Luxembourg  ne  tardèrent 
pas  à  constituer  pour  ces  parties  des  Pays-Bas  des  cadastres  com- 
plets et  réguliers  indiquant  contenance,  qualité,  valeur  et  revenu 
des  biens  qui  y  étaient  repris  '. 

Les  aides  et  subsides  n'étaient  pas  les  charges  uniques.  11  y 
avait  aussi  des  contributions  personnelles  proportionnelles  au 
revenu  et  soldées  en  travail  ou  corvées  ^.  On  les  levait  d'après  la 
fortune  mobilière.  C'étaient  des  charges  imposées  aux  commu- 
nautés et  réparties  entre  leurs  habitants.  Il  fallait  habiter  la  com- 
mune pour  en  être  atteint.  Ces  charges  étaient  peut-être  les  plus 
lourdes  à  cause  de  leur  répartition.  En  effet,  malgré  les  efforts 
des  fonctionnaires  locaux,  le  gouvernement  ne  permettait  de 
frapper  que  les  domiciliés;  or,  il  arrivait  que  ceux-ci  fussent 
la  partie  la  plus  pauvre  qui  se  trouvait  ainsi  très-lourdement 
grevée  ^.  Ce  n'est  qu'à  la  fin  du  XVII^  siècle  que  les  charges 
furent  réparties  sur  un  pied  mi-réel,  mi-personnel.  Cela  permit 
d'atteindre  les  étrangers,  les  forains  et  d'égaliser  la  répartition  *. 

Tel  est  par  aperçu  l'ensemble  des  charges  publiques  financières 
qui  grèvent  le  paysan  de  l'ancien  régime.  II  y  eut  des  moments 
ou  ces  charges  l'accablèrent,  notamment  pendant  la  triste  période 
des  guerres  de  religion  et  pendant  les  guerres  avec  la  France; 

*  Ch.  Piot,  Le  règne  de  Marie-Thérèse,  p.  93.  —  Prat,  Histoire  d'Arlon, 
t.  Il,  p.  306.  —  De  la  Fontaine,  Introduction  dans  le  Luxembourg  du  cadastre 
des  biens- fonds,  clans  les  publications  de  la  Société  historique  du  Grand 
duché  de  Luxembourg,  l.  XVI,  p.  197. 

*  Wynants,  op. cit. 

^  Tarlier  et  Wauters,  Belg.  anc.  et  moderne,  canton  de  Tirlemont,  Haut- 
Heylissem,  p.  107. 

*  G.  de  Ghemel  Jnstitîttes  du  droit  belgique,^  I,  p.  194.  Ces  principes 
étaient  appliqués  aussi  en  matière  de  taille  personnelle. 


{  172  ) 

mais  si  les  Etats  cédèrent  aux  dures  nécessités  que  certaines  situa- 
lions  leur  imposèrent,  ils  surent  conserver  intact  leur  droit  con- 
stitutionnel et  sauver  nos  populations  des  excès  de  l'arbitraire 
administratif. 

§  2.  De  la  dîme. 

Aux  charges  publiques  proprement  dites,  il  faut  joindre  une 
imposition  qui  pesait  uniformément  sur  tous  les  fonds  nationaux  à 
litre  de  redevance  ecclésiastique  :1a  dîme.  Dans  un  travail  qui  ne 
doitétre  qu'une  esquisse  de  l'existence  et  des  progrès  de  nos  classes 
rurales,  il  serait  hors  de  cadre  de  faire  un  examen  détaillé  de 
l'organisation  de  cette  institution.  Sans  entrer  dans  la  question 
si  débattue  de  son  origine,  ni  dans  l'exposé  déjà  fait  de  sa  légis- 
lation dans  nos  provinces  *,  disons  un  mot  de  sa  nature  et  de  son 
influence  économique. 

La  dîme  ancienne,  réelle  et  solite,  c'est-à-dire  celle  qui  se 
prélève  sur  les  fonds  labourés  et  sur  leur  production  ordinaire, 
ainsi  que  sur  les  animaux,  était  la  principale.  Elle  frappait  le  plus 
clair  de  la  richesse  agricole  du  pays,  mais  elle  ne  frappait  en 
principe  que  les  cultures  proprement  dites. 

Le  produit  des  terres  non  labourées  n'y  était  soumis  que  si  un 
usage  notoire  en  consacrait  la  perception.  La  dîme  solite  ou  inso- 
lite, constituait  dans  le  chef  de  son  titulaire  un  droit  réel,  dis- 
tinct du  fonds  et  qui  ne  suivait  pas  l'aliénation  du  domaine  de 
celui-ci  2, 

La  dîme  ainsi  entendue  était  une  charge  générale,  appartenant 
au  clergé;  nous  disons  au  clergé  sans  spécifier.  En  effet  la  dîme 
qui  avait  surtout  pour  but  initial  de  satisfaire  aux  besoins  maté- 
riels du  clergé  des  paroisses,  s'était  insensiblement  amortie  et 
avait  passé  presque  tout  entière  aux  institutions  religieuses  ou 
aux  chapitres  ecclésiastiques.  Le  curé  et  le  décimateur  étaient 
donc  très-souvent  des  personnes  distinctes.  La  dîme  ainsi  s'était 
écartée  de  son  but  primitif.  Cependant  les  obligations  des  déci- 

*  Britz,  op.  cit.,  p.  626. 

'  Britz,  ibid.  —  G.  de  Ghewiet,  1. 1,  p.  130.  Cf.  infrà. 


(  173  ) 

raateurs  compensaient  un  peu  cette  transformation.  Le  titulaire 
de  la  dîme  était  obligé  de  payer  la  portion  congrue  aux  vicaires 
et  clercs  des  villages,  si  la  dîme  des  curés  primitifs  ne  suffisait  pas 
à  cet  effet.  Cette  obligation  des  décimateurs  était  présumée  sauf 
usage  contraire  *.  La  coutume  y  ajoutait  souvent  le  devoir  de  par- 
ticiper à  l'entretien  et  à  la  réparation  des  édifices  religieux  de 
l'endroit  2.  Quoi  qu'il  en  soilde  ces  compensations,  elles  ne  satis- 
faisaient pas  tout  à  fait  les  habitants.  La  dîme  a  été  l'objet  de 
beaucoup  d'attaques;  elle  fut  souvent,  semble-t-il ,  payée  avec 
répugnance;  sa  transformation  ne  fut  sans  doute  pas  étrangère  à 
cette  disposition  des  esprits.  Le  peuple  se  voyait  à  regret  obligé 
de  payer  une  part  de  sa  récolte  pour  le  clergé,  quand  cette  con- 
tribution n'améliorait  pas  la  situation  du  prêtre  qu'il  connaissait 
et  qui  se  dévouait  chaque  jour  à  ses  intérêts  spirituels  et  tem- 
porels ^. 

La  dîme  en  elle-même  ne  paraît  pas  avoir  été  une  charge  bien 
truelle.  Remarquons  d'abord  que  la  dîme  est  un  impôt  foncier, 
qui,  comme  tous  les  impôts  de  cette  nature,  s'était  fondu  depuis 
longtemps  dans  le  revenu  foncier.  La  dîme  quelle  qu'en  fût  le  taux, 
souvent  inférieur  à  la  dixième  gerbe,  était  une  charge  ancienne, 
et  le  prix  foncier  s'était  depuis  longtemps  réglé  en  vue  de  cette 
contribution  *. 

11  est  incontestable  cependant  que  peu  d'impôts  ont  été  l'objet 
d'invectives  plus  énergiques.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux 
causes  morales.  Nous  en  avons  signalé  une;  le  progrès  de  cer- 
taines idées  philosophiques  en  est  une  autre,  et  ce  n'est  pas  la 
moins  importante.  Mais  la  dîme  en  elle-même  prêtait-elle  à  ces 
réclamations.  Par  sa  nature,  non.  Était-ce  par  sa  perception?  La 
dîme  était  un  prélèvement  absolument  privilégié.  Les  agents  du 
décimateur  venaient  faire  sur  place  le  dénombrement  des  gerbes 
avant  leur  mise  en  tas,  et  levaient  la  part  de  l'ayant  droit  ^.  Ceci 

«  Brilz,  p.  629.  —  G.  de  Ghewiet,  t.  I,  p.  159. 
2  Ibid. 

5  A.  Babeau,  Le  village  sous  V ancien  régime,  p.  134.  —  L.  de  Poncins,  Les 
cahiers  de  89,  p.  179. 

*  Ad.  Smith,  Richesse  des  nations,  éd.  Guillaumin,  t.  III,  p.  198. 

5  Règlement  de  Charles  V,  1520,  Placards  de  Brahant,  t.  I,  p.92.  — Inter- 


(  174  ) 

était  absolu,  et  le  dëcimateur  pouvait  même  passer  sur  les  champs 
cultivés  pour  conduire  son  charriot  de  gerbes  jusqu'à  la  voie  pu- 
blique *.  Cette  perception  sans  doute  était  assez  désagréable; 
mais  il  nous  paraît  douteux  qu'elle  ait  suffi  à  motiver  tant  de 
récriminations.  Le  champart  s'exerçait  de  la  même  manière  et  n'a 
pas  soulevé  tant  de  plaintes.  Or,  les  percepteurs  ecclésiastiques 
étaient  généralement  moins  exigeants  que  les  agents  laïcs.  Nous  ne 
prétendons  pas,  nous  l'avons  déjà  dit,  que  l'administration  du 
temporel  ecclésiastique  fût  toujours  exempte  de  tout  reproche  2. 
Il  y  eut  des  intendants  qui  méconnurent  leurs  devoirs ,  il  y  eut 
surtout  des  percepteurs  infidèles.  Dans  la  principauté  de  Liège 
en  particulier,  l'usage  d'affermer  la  perception  des  dîmes  était 
très-répandu.  Les  cartulaires  des  chapitres  sont  remplis  d'amodia- 
tions de  dîmes  à  des  prix  très-élevés  ^.  Or,  des  perceptions  entre- 
prises en  de  pareilles  conditions  ne  pouvaientêtrequenuisiblesaux 
exploitants  grevés.  Elles  étaient  faites  dans  un  esprit  de  spécula- 
lion  et  d'entreprise  très-nuisible  aux  débiteurs.  Le  principal  dan- 
ger de  cette  perception  stricte  et  financière  était  d'écarter  tout 
moyen  d'accorder  au  producteur  remise  ou  exemption  de  sa  rede- 
vance. Nous  avons  signalé  les  principes  qui  guidaient  les  religieux 
dans  leurs  exploitations;  sans  en  avoir  trouvé  jusqu'ici  d'exemple 
positif,  nous  pouvons  conjecturer  qu'ils  les  étendaient  à  la  per- 
ception de  la  dîme.  Leur  application  était  peut-être  ici  spéciale- 
ment nécessaire;  la  dîme  en  effet  se  percevait  sur  ce  produit  brut, 
sans  aucune  déduction  des  frais  de  production,  indépendamment 
de  toutes  autres  charges  d'ordre  privé  ou  public  *.  Il  importait 
donc  beaucoup  en  cas  de  mauvaise  récolte  que  ses  exigences  fus- 
sent modérées.  C'est  sans  doute  ce  qui  arrivait  presque  toujours. 
Ces  remises,  jointes  à  la  proportionnalité  essentielle  à  ce  système, 
ont  fait  que  si  les  dîmes  ont  été  gênantes,  parfois  même  oné- 

prétatiou  15:23.— Lettre  de  mandement  du  souverain  bailli  de  Hainaut,  1558. 
Lacroix,  Inv.  des  arch.  du  Hainaut,  p.  14. 

*  Cart.  de  Bergues-S'-Winoc,  t.  I,  p.  220. 
^  Voir  plus  haut  Les  moines. 

^  Schoonbroodt,  Çai^t.  du  chapitre  de S^-Martin,  passim. 

*  Brilz,p.630. 


(  173  ) 

reuscs,  elles  n'ont  cependant  jamais  ruiné  personne.  Il  y  eut  en 
rëaliié  des  protestations ,  des  soulèvements  ,  même  des  ligues 
contre  le  payement  de  la  dîme  *,  mais  il  y  en  eut  contre  toutes 
les  redevances.  Un  droit  fiscal  prélevé  sur  un  village  tout  entier 
par  un  corps  étranger,  quelque  bénin  qu'en  soit  l'exercice,  est 
toujours  désagréable  et  de  nature  en  bien  des  circonstances  à 
provoquer  des  plaintes,  voire  même  des  résistances  2. 

Que  dire  enfin  des  procès  et  des  contestations  qui  surgirent  à 
propos  de  la  dîme?  C'étaient  là  les  conséquences  naturelles,  néces- 
saires de  la  nature  même  de  ce  droit.  Il  était  lucratif  et  assez  mal 
défini.  Lucratif,  il  devait  occasionner  des  dissentiments  entre  les 
ayants  droit  et  en  effet  beaucoup  de  différends  sont  vidés  entre 
prétendants  par  des  partages  de  droit  sur  le  produit  de  certaines 
dîmes  ^.  Mal  défini,  il  y  avait  souvent  lieu  de  se  demander  si  telle 
terre,  ou  telle  culture  y  était  ou  non  soumise  *.  Nous  ne  voyons 
dans  ces  usages  rien  qui  soit  spécialement  onéreux  pour  l'agricul- 
ture, contraire  à  ses  progrès.  Recommencer  aujourd'hui  contre 
cette  institution  le  procès  qu'on  lui  fit  au  XVIII'  siècle,  faire  un 
tableau  des  oppressions  dont  elle  fut  la  source,  serait  faire  œuvre 
de  polémiste  et  non  d'historien. 

Les  dîmes  ont  eu  leur  mauvais  côtés,  elles  ont  eu  leurs 
abus;  nous  ne  le  nions  pas;  quelle  institution  n'a  pas  eu  les 
siens?  Mais  quel  fut  son  principal  abus?  Ce  fut  d'être  détour- 
née de  son  but  réel  et  primitif;  ce  n'est  pas  dans  ses  rap- 
ports avec  l'agriculture  qu'il  faut  le  chercher.  Les  dîmes  ne 
sont  pas  le  meilleur  moyen  de   subvenir  au  temporel  du  culte; 

*  Ch  Duvivier,  La  dîme  au  moyen-âge,  Revue  d'hist.  et  d'archéol.,  t.  II, 
p.  180,  1860. 

^  A.  de  Tocque ville,  L'ancien  régime  et  la  révolution,  liv.  II,  ch.  ï,a  parfaite- 
temenl  démonlré  celte  thèse  pour  les  droits  seigneuriaux. 
2  Actes  épars  dans  les  Carlulaires  des  Dunes,  etc. 

*  Ex.  :  pour  la  dîme  de  la  pomme  de  terre,  Baron  J.de  Saint-Génois,  Z)ir7ie 
de  la  pomme  de  terre  en  Flandre,  Mess,  des  se.  hist.de  Belg,,  p. 472,  18S2. — 
De  la  Fontaine,  La  fomme  de  teire  en  Luxembourg,  Société  hist.  du  Grand- 
Duché,  l.  VII,  p.  189.—  Dîme  des  navets,  (l^Sl-lSôO),  Cart.  de  Bergues- 
S'^-Winoc,  1. 1,  pp.  594,432. 


(  176  ) 

cette  opinion  semble  prouvée  par  leur  histoire;  mais  cette  ques- 
tion importe  peu  aux  classes  agricoles;  ce  qu'il  faut  constater, 
c'est  que  cet  impôt  comme  tel,  en  tant  que  charge  foncière, 
ne  fut  pas  plus  ruineux,  le  fut  même  moins  que  beaucoup 
d'autres. 

Les  dîmes  étaient  de  diverses  espèces;  sans  avoir  à  entrer  dans 
leur  détail,  bornons-nous  à  les  énumérer  *.  C'étaient  d'abord  les 
grosses  dîmes  ou  celles  des  fruits  qui  se  récoltaient  en  grand, 
blés,  foins,  vignobles;  puis  les  dîmes  menues  ou  dîmes  vertes, 
concernant  les  récoltes  de  petite  culture  et  des  plantes  indus- 
trielles, légumes,  sainfoin,  chanvre,  et ,  semble-t-il ,  de  tout  ce 
qu'on  a  appelé  les  fruits  de  jachère  (braekvruchte?i).  En  outre, 
les  grosses  dîmes  portaient  sur  le  bétail,  et  les  menues  sur  les 
troupeaux  domestiques.  L'usage  qui  faisait  la  règle  à  cet  égard 
était  assez  arbitraire,  et  la  distinction  assez  vague.  Elle  n'était 
cependant  pas  sans  importance,  car  gros  et  petits  décimateurs  ne 
levaient  pas  toujours  au  même  taux. 

C'étaient  là  les  redevances  ecclésiastiques  levées  sur  les  terres  an- 
ciennes. A  côté  d'elles  nous  trouvons  la  dîme  novale,  droit  spécial  de 
prémices  sur  les  terres  nouvellement  défrichées.  Les  monastères , 
qui  se  livraient  aux  principaux  défrichements,  étaient  exemptés 
des  novales  sur  les  terres  qu'ils  réduisaient  en  culture  2. 

Telles  étaient  les  dîmes  réelles  ou  prédiales.  C'étaient  les  prin- 
cipales. Les  dîmes  personnelles  ne  vécurent  pas  longtemps;  mais 
il  y  eut  toujours  certaines  dîmes  qui,  par  l'objet  qu'elles  frappaient, 
avaient  un  caractère  mixte,  portant  sur  un  produit,  obtenu  par  le 
concours  des  forces  de  la  nature  et  du  travail  de  l'homme.  Telle 
était  la  dîme  du  miel,  de  la  cire,  du  lait.  On  pourrait  peut-être 
aussi  y  comprendre  la  dîme  des  harengs,  usitée  sur  les  côtes  et 
qui  occasionna  d'interminables  procès  ^. 

Les  réflexions  qui  précèdent,  on  le  voit,  écartent  entièrement 
la  question  de  l'origine  des  dîmes.  La  discussion  de  ce  point  quel- 

*  Voiries  sources  supra.  E.  de  Facqz,  Ancien  droit  belgique,  t.  II,  p.  139. 

*  Trolz,  Jus  agrarium,X.  I,  p.  33,  et  les  innombrables  privilèges  et  confir- 
mations épars  dans  les  cartulaires. 

5  Cart.  des  Dunes,  de  Groeninghe,  près  Courlrai,  etc. 


(  177  ) 

que  vif  que  puisse  êlre  son  intérêt,  ne  peut  rentrer  dans  notre 
cadre  *.  Nous  avons  donc  pris  pour  point  de  départ  l'opinion  la  plus 
répandue  malgré  de  nombreuses  divergences  :  celle  de  l'origine 
commune  des  diverses  dîmes  existant  à  la  fin  de  l'ancien  régime. 
Nous  n'entendons  pas  par  là  trancher  la  question  en  ce  sens.  Ne 
la  discutant  pas,  nous  posons  en  hypothèse  l'opinion  de  la  majo- 
rité. Nous  tenons  à  faire  ces  réserves  pour  prévenir  toute  objec- 
tion. En  effet,  celte  hypothèse  est  la  plus  défavorable  à  l'opinion 
que  nous  avons  soutenue.  Nous  avons  défendu  l'innocuité  de  la 
dîme,  redevance  ecclésiastique.  Nous  n'avons  jamais  prétendu  que 
toutes  les  redevances  seigneuriales  fussent  également  inoffen- 
sives. S'il  y  a  donc,  ce  que  nous  ne  voulons  pas  décider,  s'il  y  a 
à  distinguer  entre  dîmes  laïcales  et  paroissiales,  dîmes  d'origine 
spirituelle  ou  d'origine  seigneuriale,  cette  distinction  ne  ferait 
sans  doute  que  confirmer  notre  argumentation. 

Quelle  que  soit  l'origine  des  dîmes,  il  est  certain  qu'aux  derniers 
siècles  on  distinguait  entre  dîmes  ecclésiastiques  et  dîmes  seigneu- 
riales ou  séculières;  mais  c'était  là  une  distinction  de  fait;  le  nom 
de  la  dîme  dépendait  uniquement  du  caractère  laïc  ou  religieux 
de  celui  à  qui  on  la  payait. 

Les  dîmes  de  toute  nature  furent  abolies  par  la  révolution,  soit 
par  l'article  5  du  décret  du  21  août  1789,  soit  par  la  loi  du  i7 
juillet  1795,  publiés  en  Belgique  en  exécution  d'un  arrêté  du 
d4  brumaire  an  IV  (3  novembre  1795)  2. 

§  3.  Biens  et  usages  communaux. 

Les  villœ  possédaient  en  indivis  certains  droits,  dont  l'exercice 
était  réservé  à  leurs  membres.  Ces  droits  étaient  de  diverse 
nature.  Il  y  avait  des  propriétés  communales  et  des  communaux 
proprement  dits.  Les  premières  étaient  des  droits  réels  apparte- 
nant à  la  communauté  comme  corps  moral,  comme  universitas; 
et  dont  elle  peut  disposer  en  suivant  les  règles  de  la  tutelle  finan- 

*  Résumé  des  théories  émises  jusqu'ici  en  Belgique,  dans  Warnkonig, 
Hist.  de  FlancL,  trad.  G,,  l.  II,  p.  382. 
2  E.  de  Facqz,  op.  cit.,  t.  Il ,  p.  147. 

Tome  XXXIL  12 


(  178) 

cière.  Les  communaux  étaient  des  domaines  soumis  au  profit  des 
communiers  à  certaines  usances  et  servitudes  déterminées.  Ces 
deux  catégories  d'immeubles  sont  tout  à  fait  distinctes  en  théorie; 
sans  doute  les  propriétés  des  communes  peuvent  être  en  même 
temps  des  communaux,  mais  cette  coïncidence  n'est  ni  générale, 
ni  nécessaire,  et  le  régime  juridique  des  deux  genres  était  fort 
différent  *. 

Nous  n'avons  à  parler  ici  que  des  communaux  proprement  dits. 
II  y  avait  au  moyen-âge  une  idée  fortement  enracinée  dans  l'esprit 
populaire,  c'est  que  l'herbe,  l'air,  l'eau  et  le  bois,  dons  gratuits  de 
la  nature,  devaient  être  aussi  livrés  à  la  jouissance  gratuite  de 
tous  les  hommes  2.  Ce  principe  était  celui  de  la  marke  germanique. 
Les  terres  incultes,  landes,  prairies  naturelles,  bois,  étaient, 
comme  de  droit  naturel,  abandonnés  à  l'usage  des  habitants.  Ce 
principe  demeura  très-vivace  pendant  tout  le  moyen -âge.  Les 
seigneurs  cependant,  en  vertu  de  leur  souveraineté,  n'avaient  pas 
tardé  à  empiéter  sur  les  droits  des  vilains.  Ils  avaient  diminué, 
réglementé,  même  supprimé  certains  usages  et  transformé  leurs 
bénéfices  en  droits  seigneuriaux.  Ces  terres  vagues  dont  ils  cher- 
chaient à  s'assurer  ce  domaine,  ils  les  rétrocédaient  à  cens  aux 
communautés,  ou  parfois  à  des  particuliers.  Restaurer  à  leur 
profit  et  moyennant  redevance  les  jouissances  communales,  était 
le  seul  avantage  que  les  seigneurs  pouvaient  retirer  de  leur  usur- 
pation. En  effet  la  constitution  agraire  du  moyen-âge  réclamait 
impérieusement  l'existence  de  pâturages  communs.  C'était  un 
élément  indispensable  du  régime  agricole  du  temps  ^.  Toutes  les 
chartes  de  colonisation  doivent  promettre  aux  colons,  outre  des 
terres  à  cultiver  personnellement,  du  bois  et  des  prés  dont  ils 
puissent  user  pour  leurs  installations  et  leur  bétail.  Les  seigneurs, 
propriétaires  et  souverains,  ne  manquaient  donc  jamais  de  con- 

^  Stockmans,  Decisiones  Brahantinœ,  Dec.  87  les  confond.  —  Cf.  Raepsael, 
Analyse,  liv.  IV,  eh.  X,  n^^  276  et  suiv. 

'  Wauters,  Libertés  communales,  p.  253.  —  Guérard,  Cart.  de  S^- Père  de 
Chartres,  p.  172. 

3  Raikem,  Discours  de  rentrée,  p  63,  1853.  —  Kempeneers,  Onde  vryheid 
Montenaken,  t.  1,  p.  S6. 


{  179) 

céder  des  usages  de  ce  genre.  3Iais  ces  concessions  ne  leur  enle- 
vaient pas  leur  droit  de  propriété  sur  ces  biens. 

Telle  était  donc  la  situation:  les  seigneurs  propriétaires  concé- 
daient aux  communes  la  jouissance  des  terres  vagues,  bois  et  prés 
utiles  à  leurs  habitants. 

On  a  longuement  discuté  l'origine  des  biens  communaux.  Les 
uns  les  ont  tous  fait  dériver  de  concessions  seigneuriales  *.  D'autres 
n'y  ont  vu  que  la  persistance ,  sous  une  forme  moins  radicale  ou , 
si  l'on  veut,  une  transformation  de  l'ancienne  copropriété  germa- 
nique 2.  Ce  dernier  système  nous  paraît  démontré  pour  l'Alle- 
magne, ou  le  régime  des  dorfen  ne  s'est  modifié  que  par  évolutions 
insensibles.  La  marke,  copropriété  sacrée  et  indivise  des  habi- 
tants, a  persisté  pendant  tout  le  moyen-âge,  et  ce  sont  les  atteintes 
portées  par  les  seigneurs  à  ses  privilèges  inviolables  qui  ont  servi 
de  premier  prétexte  à  la  guerre  des  paysans  ^.  Mais  dans  nos  pro- 
vinces, il  nous  paraît  difficile  d'admettre  comme  générale  la  vérité 
de  cette  opinion.  Le  type  germanique  du  village  a  eu  chez  nous 
sur  la  constitution  des  domaines,  une  influence  beaucoup  moindre 
qu'en  Allemagne.  En  admettant  que  ce  type  fût  celui  de  nos 
villages  primitifs,  l'invasion  romaine  en  a  considérablement  mo- 
difié l'organisation;  les  migrations  germaniques  ne  l'ont  restauré 
que  dans  son  principe  nécessaire,  non  dans  son  organisation 
réelle  *.  H  y  a  donc  eu  chez  nous  de  tout  temps  des  villages  ayant 
des  jouissances  communales;  mais  leur  territoire  était  délimité 
par  les  concessions  royales  ou  particulières;  l'organisation  agraire 
de  nos  provinces  s'est  formée  évidemment  d'après  les  exigences 
économiques  du  temps;  mais  elle  a  été  constituée  ainsi  artificiel- 

^  Wauters,  Libertés  communales,  p.  251.  —  Ch.  Duvivier,  Les  hospites.  — 
Raepsaet,  loc.  cit.,  n»  278  et  les  sources  y  citées.  —  Dareste,  Hist.  des  classes 
agricoles,  p.  372.  —  Trotz,  Jus  agrarium,  t.  1,  p.  24. 

*  E.  de  Laveleye,  Les  formes  primitives  de  la  propriété.  —  G,  von  Maurer, 
Gesch.  der  Dorfverfassung  in  Deulschland.  —  L.  Vander  Kindere,  Notice 
sur  l'origine  des  magistrats  communaux  et  sur  Vorganisation  de  la  marke 
dans  nos  contrées  au  moyen-âge,  Bdll.  de  l'Acad.  rot.  de  Belg.,  2*=  série, 
t.  XXXVIII. 

3  G.  von  Maurer,  op. cit.  — E.  Langethal,  Gesch. derTeutsch.Landw.,P,p.^i. 

*  Taillar,  Mémoire  sur  la  formation  des  villages. 


(180) 

lement  et  non  par  voie  de  formation  naturelle  et  insensible.  Ces 
usages  communaux  nés  spontanément  dans  une  tribu,  supposent 
le  développement  d'une  nation  passant  insensiblement  de  la  vie 
pastorale  à  la  vie  sédentaire,  mais  sont  incompatibles  avec  le  fait 
d'une  conquête  et  d'une  brusque  appropriation  du  sol,  Ce  n'est 
qu'à  l'exlréme-nord  de  notre  pays,  dans  ce  littoral  flamand  où 
s'élevèrent  les  gildes  indépendantes,  que  ce  système  peut  s'être  et 
s'est  probablement  vérifié. 

Que  conclure  de  ces  réflexions  ?  Que  les  communaux,  sans  être, 
sauf  dans  le  littus  saxonicum,  la  transformation  de  la  rnarke 
primitive,  sont  cependant  l'application  du  même  principe,  la  con- 
séquence des  mêmes  nécessités  sociales.  Rien  d'étonnant  donc  à  ce 
qu'on  y  retrouve  les  mêmes  idées,  les  mêmes  règlements,  les 
mêmes  usages  que  dans  la  marke  elle-même,  dont  le  village  belge 
n'est  que  la  reconstitution. 

Quels  étaient  donc  les  droits  des  communiers  ^  ?  Ces  droits 
étaient  loin  d'être  absolus  et  illimités. 

La  première  condition  de  leur  jouissance  était  d'appartenir  à 
la  communauté;  c'était  un  avantage  réservé  aux  manants^  mais 
tous  les  communiers  participaient  à  l'usage  des  prés  et  des  bois 
communaux.  En  quoi  donc  consistait  cet  usage? 

Pour  le  fait  des  prés,  dans  le  droit  de  pâturage.  Tout  membre 
de  la  communauté  peut  envoyer  son  bétail  sur  le  pâturage  com- 
mun. Cependant  ce  droit  lui-même  est  soumis  à  certaines  restric- 
tions. Il  fallait  que  le  bétail  appartînt  au  manant,  ou  du  moins,  si 
c'était  du  bétail  commandité,  qu'il  l'ait  hiverné  ^.  Il  ne  pouvait, 
par  exemple  pour  les  bois,  acheter  des  pores  à  la  saison  des  glands 
et  les  revendre  aussitôt  après.  S'il  outrepassait  ses  droits,  une 
amende  le  frappait. 

Pour  le  fait  des  bois,  les  droits  consistaient  dans  la  glandée  pour 
les  porcs;  à  partir  de  l'époque  où  les  tailles  avaient  atteint  cinq 
ou  sept  ans;  dans  le  droit  de  maisonnage,  ou  droit  de  prendre  ce 

^  VaLder  Kiudere,  op.  et  Icc.  cit.,  p.  29  (du  tiré  à  pari), 

^  Nus  ne  putt  avoir  aise  es  près  ne  es  pâtures  s'il  n'eslmauans  en  Tavotirie 
est  si  puent  prendre  bustes  a  Nourechon  s'il  les  puenl  avoir  et  si  les  evernunt 
et  aulrcmenl  ueei.t.  »  Loi  d'Onnaing,  cité  par  le  précédent. 


(  181   ) 

qui  est  nécessaire  à  la  construction,  raais  celui-ci  était  soumis  à  une 
autorisation  préalable  et  à  une  fixation  ;  enfin  dans  le  droit  de 
prendre  le  bois  nécessaire  à  la  consommation  du  ménage  '. 

Tel  est  l'ensemble  des  droits  communaux,  qui  étaient  d'ailleurs 
soumis  dans  cbaque  localité  ù  des  réglementations  très-variées  ^. 
Ces  droits  existaient  presque  partout,  non-seulement  dans  les  vil- 
lages, mais  même  dans  les  villes.  Les  ayants  droit  y  attacbaient  une 
très-liaute  importance  et  les  soins  très-spéciaux  donnés  à  leur  admi- 
nistration en  seraient,  à  défaut  d'autres,  une  preuve  suffisante. 

Cet  atlachcment  à  la  jouissance  des  communaux  était  justifiée 
parla  situation  économique.  Nous  en  avons  dit  la  raison  ;  ce  sont 
les  exigences  de  la  culture  semi-pastorale  de  cette  époque. 
L'existence  de  ces  droits  a  donné  lieu  à  de  grandes  controverses 
sur  leur  utilité.  Elles  ne  peuvent  se  trancber  qu'en  distinguant 
les  époques  et  les  périodes  culturales.  Sans  doute  dans  un  régime 
agricole  encore  incomplètement  intensif,  ces  jouissances  sont  un 
grand  élément  de  bien-être  pour  ragriculteur.  Non-seulement 
il  y  trouve  un  secours  pour  son  exploitation,  mais  il  en  tire 
des  utilités  gratuites  très-précieuses.  La  science  agricole  ne  lui 
permet  pas  encore  de  mettre  utilement  ces  terres  en  culture; 
il  en  tire  donc  par  ce  raode  de  jouissance  le  meilleur  parti  pos- 
sible. Mais  quand  l'agriculture  se  développe,  que  les  circon- 
stances permettent  utilement  le  défricbement  de  ces  terres, 
il  est  plus  utile  au  pays  et  à  cbacun  de  ses  babilants  de  leur 
donner  un  emploi  plus  productif.  Si  les  communaux  ont  été  utiles, 
ils  ne  le  sont  plus.  Leur  existence  est  toujours  contemporaine  d'une 
situation  économique  encore  incomplète  ^. 

1  E.  Borgnet,  Cartul.  de  Fosses,  p.  106.  —  Hagemans,  Hist.  de  Chimay: 
Ordonnance  du  conseil  de  Hainant  sur  les  bois,  p. 575.  —  Bormans,  Les  fiefs  de 
iVami/r, passim,  Ireiiv.  —  Mémoiremanuscrit  sur  Tadministralion  forestière  au 
XV«  siècle.  Arch.  de  la  Soc.  d'Émulation  de  Liège  (section  agricole).  —  Comte 
de  Villermont,  Couvin  et  sa  châlellenie,  pp.  47  el  suiv.  Règlement  très-res- 
trictif. 

*  On  mesurait  les  terres  primitivement  d'après  le  nombre  de  brebis  qui 
pouvaient  y  paître,  les  bois  d'après  les  porcs  qui  pouvaient  s'y  nourrir  (sagi- 
nari).  Ex.  Cart.du  Mont  Blandin,  édil.  Van  den  Pulle,  p.  71. 

3  L.  de  Lavergne,  Les  assemblées  provinciales  sous  Louis  XVI,  p.  82  et 
passim, reproduit  à  cet  égard  les  curieuses  délibérations  de  ces  assemblées. 


(  182  ) 

Si  cela  est  vrai  des  prés  et  des  terres  vagues,  il  serait  peut-être 
inexact  d'étendre  aux  terrains  boisés  une  appréciation  si  absolue. 
Les  communes,  corps  moraux  et  perpétuels  sont  les  meilleurs 
conservateurs  des  forêts  que  la  spéculation  particulière  dérode 
au  grand  détriment  de  l'intérêt  général.  Or  rien  ne  s'opposerait  à 
laisser  persister  dans  les  bois  communaux  des  usances  qui  sans 
leur  nuire  augmenteraient  gratuitement  l'aisance  des  habitants  *, 

A  mesure  que  l'agriculture  progressait,  les  terrains  commu- 
naux étaient  l'objet  d'emprises  plus  considérables.  Mais  de  tout 
temps  ces  emprises  avaient  été  soumises  à  l'usage  commun  pen- 
dant les  saisons  mortes,  c'est-à-dire  après  la  première  coupe  pour 
les  prés,  après  la  récolte  et  pendant  l'année  de  jachère  pour  les 
terres  arables.  La  servitude  de  ces  propriétés  était  dite  vaine 
pâture,  par  opposition  à  la  dépaissance  ou  grasse  pâture  sur  les 
terrains  communaux.  Ce  droit  était  encore  très  en  vigueur  lors  de 
la  rédaction  des  coutumes  et  Ton  en  trouve  plus  d'une  trace  dans 
leur  texte;  les  jurisconsultes  et  les  placards  s'en  occupèrent 
également  2. 

La  vaine  pâture  n'était  pas  dominée  par  les  mêmes  principes 
que  la  dépaissance  communale.  Celle-ci  n'appartenait  qu'aux 
manants;  le  droit  à  la  première  était  basée  sur  la  réciprocité.  Le 
droit  d'aller  sur  les  terres  de  ses  voisins  n'était  fondé  que  sur 
l'obligation  de  souffrir  le  même  exercice.  Il  suffisait  donc  d'être 
propriétaire.  Mais  le  droit  de  tout  exploitant  n'était  pas  indéfini. 
La  mesure  du  droit|,  le  nombre  de  têtes  qu'on  pouvait  envoyer 
en  pâture  était  déterminé  d'après  le  nombre  de  bonniers  qu'on 
cultivait  ^. 

Comment  apprécier  cette  institution?  En  elle-même  et  pendant 
longtemps  elle  ne  fut  pas  nuisible,  mais  quand  de  nouveaux 
procédés  agricoles  commencèrent  à  se  faire  jour,  elle  devint 
gênante  pour  leurs   progrès.   En  effet  la  pâture  constituant  un 

*  F.  Le  Play,  La  réforme  sociale,  liv.  IV,  chap.  XXXV. 

*  Législation  dans  E.  de  Facqz,  Ancien  droit  belgique,  t.  II,  p.  131. 

3  Steur,  L'administration  des  Pays-Bas  autrichiens,  p.  190.  —  Henrion 
de  Pansey,  Des  biens  communaux,  ô"  éd.,  p.  369.  —  Pardessus,  Traité  des 
servitudes,  n»  132. 


i 


(  183  ) 

droit  des  voisins,  on  ne  pouvait  sans  le  violer  en  limiter  l'exercice. 
Or  les  cultures  de  jachères  et  les.culturcs  dérobées  devaient  néces- 
sairement restreindre  le  temps  de  libre  pâturage.  Celui-ci  en  clfet 
détruisait  toute  culture. 

Il  en  était  de  même  pour  les  prairies  artificielles.  La  pâture 
commençant  communément  aussitôt  après  la  fenaison,  absorbait 
toute  la  seconde  herbe,  enlevait  à  l'exploitant  le  bénéfice  du 
regain,  et  par  conséquent  diminuait  son  revenu  et  la  valeur  de 
sa  terre. 

Cette  servitude  était  donc  pour  les  progrès  agricoles  une  enirvivc 
sérieuse;  non-seulement  elle  en  diminuait  les  bénéfices,  mais  elle 
en  compromettait  le  succès  et  empêchait  toute  modification 
sérieuse  à  la  culture  des  domaines. 

Aussi  de  bonne  heure  des  restrictions  furent  apportées  à  celte 
servitude  elle-même.  Pour  expliquer  ces  restrictions,  il  faut 
remonter  à  l'origine.  La  vaine  pâture,  avons-nous  dit,  avait  existé 
de  tout  temps  sur  les  emprises  communales,  et  probablement 
même  sur  toutes  les  propriétés  de  la  cojnmune.  Elle  était  née  d'un 
usage  tout  naturel,  souvenir  de  l'ancienne  communauté,  et  justifiée 
par  ce  principe  qu'on  peut  user  d'une  chose  quand,  en  le  faisant, 
on  ne  nuit  pas  à  son  propriétaire.  La  vaine  pâture,  utile  aux  com- 
n.unautés,  sans  préjudice  pour  le  propi  iclairc,  avait  naturelle- 
ment passé  dans  les  mœurs.  Il  résulte  de  celte  origine  que  la  vaine 
pâture  ne  constituait  pas  un  droit  véritable  de  la  communauté, 
mais  une  simple  faculté  autorisée  par  la  tolérance  des  proprié- 
taires K  Quelle  que  soit  la  vérité  historique  de  cette  théorie,  il 
était  cependant  diiïicile  aux  particuliers  d'échapper  à  une  servi- 
tude consacrée  par  un  usage  immémorial.  Aussi  fallut-il  que  des 
mesures  générales  vinssent  les  libérer.  Ce  fut  à  propos  de  l'aban- 
don du  systèfne  de  jachères  que  commença  son  afiranchissement, 
qui  fut  partiellement  réalisé  par  les  coutumes  de  Ruremonde  et 
d'Alost.  Mais  le  grand  mouvement  économique  ne  se  fit  sentir  que 
vers  le  milieu  du  XVIII*  siècle  et  aboutit  presque  en  même  temps  à 
diverses  ordonnances  consacrant  la  liberté  des  propriétaires  dans 

*  DuDod,  Traité  des  prescriptions^  l""*  partie,  eh.  XI f. 


(  184  ) 

loiile  l'étendue  de  nos  provinces,  par  le  droit  de  clôture  des  héri- 
tages, droit  dont  le  seul  exercice  délivrait  le  domaine  de  la  vaine 
pâture  communale. 

Cette  législation  accordait  aux  cultivateurs  le  moyen  de  garantir 
la  liberté  de  leur  culture;  elle  rendait  à  la  vaine  pâture  son  vrai 
caractère  juridique  de  libre  tolérance  *.  Mais  cette  tolérance  pou- 
vait avoir  été  abdiquée  par  une  concession  formelle  fondée  sur  un 
litre.  L'édit  de  Louis  XV  en  avait,  dans  ce  cas,  ordonné  le  respect. 
La  loi  ou  code  rural  de  1791  abolit  même  cette  dernière  exception 
et  ne  laissait  plus  au  droit  de  clôture  qu'une  seule  exception  : 
celle  où  la  vaine  pâture  entre  parlicuUers  était  fondée  sur  un 
litre;  encore,  dans  ce  cas,  était-elle  rachetable^. 

La  liberté  des  fonds  froissait  incontestablement  quelques  inté- 
rêts individuels,  mais  elle  contribuait  au  bien-être  général  en 
facilitant  les  progrès  de  la  culture.  D'ailleurs  le  code  de  1791  n'agit 
pas  en  cette  matière  d'une  manière  violente.  li  ne  supprima  pas 
brusquement  un  usage  ancien,  mais  en  confirmant,  comme  les 
actes  législatifs  antérieurs,  le  caractère  précaire  de  cet  usage,  il  en 
favorisa  la  disparition  graduelle  par  l'effet  du  mouvement  écono- 
mique. Ce  but  se  réalisa  en  effet;  grâce  à  une  meilleure  intelli- 
gence des  intérêts  agricoles,  à  rexercice  fréquent  du  droit  de 
clôture,  la  vaine  pâture  est  en  pleine  décroissance  en  Belgique,  et 
le  moment  n'est  pas  éloigné  où,  par  la  seule  action  du  temps,  elle 
aura  disparu,  sans  qu'il  faille  pour  la  supprimer,  l'intervention  du 
législateur  ^. 

*  Toute  celte  théorie  est  clairement  démonlrée  dans  le  rapport  magistral 
de  M.  Th.  Smolders  sur  le  litre  I,  ch.  IV-VI  du  projet  de  Code  rural,  Docu- 
ments parlementaires,  session  1878-1879. 

^  Nous  ne  faisons  que  signaler  ici  la  seconde  exception  prévue  à  l'article  11, 
section  IV  du  Code  rural.  Le  texte  et  la  portée  de  cet  article  exigerait  des  dé- 
veloppements juridiques  trop  étendus. 

^  Qu'on  nous  permette,  à  la  veille,  de  la  révision  du  Code  rural,  d'ex- 
primer le  désir  qu'on  s'abstienne  en  celte  matière  de  mesures  brusques  et 
radicales  et  qu'on  laisse  l'action  du  lemps  et  du  progrès  faire  son  œuvre. 
Ce  principe  demodéralion  aélécelui  du  Code  rural  de  1791, œuvre  intelligente 
d'un  homme  remarquable,  économiste  et  agronome,  Heurtaull  de  Lamerville, 
député  de  la  noblesse  du  Berry.  —  Cf.  L.  de  Lavergne,  Économie  rurale  de 
la  France,  4^  éd.,  p.  422. 


{  185  ) 

Une  association  naturelle  d'idées  nous  conduit  à  dire  un  mot 
ici  d'une  servitude  rurale  existant  sur  les  propriétés  non  en  faveur 
de  la  communauté,  mais  en  faveur  des  pauvres.  C'est  le  glanage. 
Quand  les  récoltes  sont  mises  en  tas,  le  propriétaire  ne  peut 
glaner  ni  par  lui-même  ni  par  ses  gens.  Il  faut  que  les  pauvres 
puissent  y  venir  chercher  leur  part.  C'est  une  sorte  de  charité 
légale.  Les  glaneurs,  de  leur  côté,  ne  peuvent  que  ramasser  les 
épis  épars  sur  le  sol;  ils  ne  peuvent,  sous  aucun  prétexte,  s'ap- 
procher des  tas,  et  le  temps  du  glanage  est  strictement  limité.  Le 
code  rural  de  1791  a  aboli  l'obligation  du  propriétaire  de  ne  pas 
glaner,  mais  il  réglemente  l'exercice  du  glanage  de  la  part  de  ceux 
qui  voudraient  en  profiter  *. 

§  4.  Le  crédit  foncier  et  agricole  2. 

L'agriculture  a  besoin  de  capitaux;  or  le  travail  et  le  capital  ne 
sont  pas  toujours  réunis  dans  les  mêmes  mains.  Il  en  était  surtout 
ainsi  au  moyen  âge.  Le  capital  ne  s'est  amassé  que  lentement  par 
les  épargnes  des  classes  laborieuses.  Comment  donc  le  travail 
agricole  obtenait-il  ses  capitaux?  Au  début  de  cette  période  de 
l'histoire,  nous  l'avons  dit,  le  capital  d'exploitation  du  manse 
appartenait  tout  entier  au  seigneur;  celui-ci  le  reprenait  à  la  mort 
de  son  tenancier  par  droit  de  mainmorte.  Mais  quand  commen- 
cèrent à  naître  les  exploitations  séparées  et  les  diverses  tenures, 
il  n'en  fut  plus  ainsi.  L'histoire  des  amodiations,  on  l'a  vu,  est 
l'histoire  même  du  capital  rural.  Rappeler  leur  succession,  c'est 
donc  aussi  analyser  les  phases  du  crédit  agricole.  Or  nous  voyons 
l'un  après  l'autre  s'appliquer  dans  les  tenures  le  principe  du 
métayage,  du  cheptel,  du  fermage.  Quelles  conditions  financières, 
quel  état  de  crédit  révèlent  ces  formes  diverses?  Le  métayage, 
c'est  la  société  proprement  dite  avec  responsabilité  égale  et  par- 

*  E.  de  Facqz,  op.  cit.,  t.  II,  p.  149. 

*  Au  point  de  vue  historique.  Doniol,  Hist.  des  classes  rurales,  p.  214.  — 
Daresle,  Hist  des  classes  agricoles,  p.  521.  —  L.  Delisle,  Les  classes  agric. 
en  Normandie,  ch,  VIII. 


(  i8«  ) 

tage  de  bénéfices  entre  propriétaire  et  tenancier.  Le  cheptel,  c'est 
la  commandite,  le  capital  confié  par  le  propriétaire  à  son  tenan- 
cier sous  la  responsabilité  et  aux  risques  de  celui-ci.  Le  fermage, 
c'est  l'indépendance  du  tenancier  entrepreneur  et  capitaliste; 
mais  obligé  de  chercher  les  avances  et  le  crédit  en  dehors  de  ses 
rapports  fonciers  avec  le  bailleur  *.  On  voit  donc  clairement,  dans 
cette  histoire  même  des  tenures,  celle  des  progrès  des  capitaux 
chez  le  paysan.  Le  métayage  et  le  cheptel  sont  les  formes  par 
excellence  du  crédit  rural  dans  les  temps  ou  les  pays  où  le  capital 
du  tenancier  se  trouve  insuffisant.  Ils  présentent  un  double 
avantage.  Le  premier  est  de  se  faire  en  nature,  c'est-à-dire  en 
objets  directement  utiles  à  l'industrie  agricole  et  à  l'exploitation 
même  à  laquelle  ils  sont  attachés.  Le  second  avantage  est  d'être 
conclus  de  propriétaire  à  tenancier,  c'est  à-dire  entre  les  per- 
sonnes qui  ont  le  plus  grand  intérêt  commun  à  la  conservation  du 
capital  et  de  l'exploitation  tout  entière.  Le  propriétaire  est  le  ban- 
quier naturel  de  ses  tenanciers;  les  avances  aux  exploitants  de 
son  domaine  font  partie  du  grand  rôle  économique  et  social  qu'il 
est  appelé  à  jouer  dans  le  monde.  Enfin  le  métayage  et  le  cheptel 
présentaient  encore,  pour  leur  temps,  cette  grande  garantie 
qu'ils  permettaient  au  propriétaire-bailleur  de  veiller  de  près  à 
l'emploi  de  sa  terre  et  de  ses  capitaux;  chose  précieuse  en  un 
temps  où  ceux-ci  étaient  rares  et  chers,  l'expérience  agricole 
encore  minime,  et  les  garanties  du  bailleur  d'ailleurs  dérisoires. 

C'est  donc  par  voie  d'association  et  de  commandite  que  se  ré- 
vèlent les  premiers  essais  du  crédit  agricole.  Cette  forme  de  crédit 
était  d'ailleurs  maintenue  par  l'interdiction  de  toutes  les  autres. 

Cette  interdiction  canonique  et  légale  fut  un  bienfait  social, 
puisqu'elle  maintint,  par  son  influence,  les  formes  de  crédit 
vraiment  adaptées  à  la  situation  économique  de  l'époque  ^.  Alors 
plus  que  jamais  il  eût  été  vrai  de  dire  que  paysan  grevé  était  paysan 
ruiné  ;  car,  pour  se  libérer  et  se  relever,  il  lui  eût  fallu  bien  plus 

*  Troplong,  Préfaces  aux  traités  du  contrat  de  louage  et  du  contrat  de 
société. 

*  Claudio  Jannet,  Le  prêt  à  intérêt  et  les  lois  ecclésiastiques.  Noie  au  cha- 
pitre XXVIII  des  Lois  économiques  par  A.  de  Metz-Noblat,  S^éd.,  p.  293. 


I 


à 


(  187  ) 

de  travail,  de  profits,  d'épargne  qu'aujourd  liui.  Le  prêt  à  intérêt, 
forme  de  crédit  d'une  société  arrivée  à  l'apogée  de  sa  prospérité 
et  de  son  activité  industrielle,  était  incompatible  avec  les  lents 
progrès,  les  minces  profits,  la  circulation  difficile  qui  caractéri- 
saient l'état  économique  du  haut  moyen-âge.  LEglise  ne  tolérait 
pas  lintérêt  sans  société;  le  prêt  lui-même  devait  être  gratuit, 
c'était  le  miituum  ou  prêt  de  charité. 

Quand  le  bail  à  ferme  commença  à  se  répandre,  les  prêts  gra- 
tuits en  nature  durent  augmenter  aussi;  mais  la  gratuité  du  prêt 
était  un  acte  de  charité,  de  bienfaisance;  on  chercha  donc  à  se 
créer  un  intérêt  *.  Ce  fut  l'origine  du  contrat  de  constitution  de 
rente '^.  Ce  contrat  consistait  dans  l'abandon  d'un  capital  en  pleine 
propriété  contre  le  service  d'une  rente  perpétuelle  ou  tempo- 
raire. L'essence  de  ce  contrat,  la  cause  de  sa  licéité  était  Tinexigi- 
bilité  du  capital.  Le  bailleur  de  fonds  ne  pouvait  jamais  réclamer 
sa  somme,  il  l'avait  donnée  en  mutuinn  ^;  mais  le  débi-rentier, 
l'emprunteur  était  toujours  admis  à  se  libérer.  Inexigible,  le 
capital  était  toujours  remboursable.  C'était,  pour  propriétaire  et 
tenancier,  une  forme  précieuse  de  crédit,  toute  à  l'avantage  de 
l'exploitation  de  Temprunteur.  En  effet,  le  prêt  est  indéfini,  le 
cultivateur  n'a  donc  pas  h.  craindre  de  se  voir  inopinément  récla- 
mer un  capital  qu'il  a  immobilisé  dans  le  sol  et  qu'il  ne  peut 
rendre  qu'en  vendant  son  exploitation.  Le  prêt  à  long  terme  est 
un  desideratum,  aujourd'hui  presque  irréalisable,  du  crédit  agri- 
cole. On  voit  que  le  moyen-âge  en  avait  trouvé  une  parfaite  réali- 
sation. En  même  temps  qu'elle  était  avantageuse  au  tenancier,  la 
constitution   de  rente  l'était  aussi   à   l'exploitation  même,   car, 

^  Le  crédit  gratuit  disparaissait.  «  Il  d'v  a  plus  de  charité  parmi  les 
hommes,  »  dit  le  préambule  de  TordonnaDce  des  Archiducs  du  8  mai  1600. 

*  Tractatus  de  reditibus  atinuis,  1625,  Bibl.  nat.,  MS.  n»  io562,  ch.  I  ellIL 

Le  taux  légal  auquel  on  pouvait  constituer  une  rente,  était  à  Liège  et  en 
Flandre  du  denier  20  (o  %),  en  Hainaut  du  denier  16  (6.25  ^  o).  Britz,  op.  cit., 
p.  602.  —  Cf.  Tractatus,  cité,  ch.  VIll  :  «  Quod  sit  juslum  pretium  redituum 
annuorum. 

3  Acte  dellôo  «  Cum  1res  marcas  mutuo  acceptas  constiiissent,  sex  fru- 
menli  modios  usuris  solvebat.  »  —  Piol,  Cart.  de  S^-Trond,  1  I,  p.  46. 


(  188) 

obligé  de  fournir  la  rente,  l'emprunteur  était  obligé  aussi  d'em- 
ployer le  eapital  à  la  terre  et  d'en  tirer  profit.  Enfin,  dernier 
avantage,  si  ces  profits  étaient  considérables,  il  pouvait  à  son  gré 
se  libérer  et  rembourser  le  capital  constitué  *. 

La  constitution  de  rente  était  un  crédit  mobilier  ;  une  autre 
combinaison  juridique  analogue  créa  le  crédit  foncier  pour  les 
petits  propriétaires.  C'est  le  contrat  de  rente  foncière,  l'arrente- 
ment  dont  nous  avons  expliqué  plus  baut  les  avantages  écono- 
miques. Ces  avantages  réunirent,  à  tous  ceux  de  la  constitution 
de  rente,  celui  d'une  garantie  supérieure,  celle  du  sol,  quand 
Cbarles  V  eut  proclamé  leur  rachetabilité  générale  2. 

Ces  contrats,  dont  la  licéité  avait  d'abord  été  révoquée  en 
doute,  furent  évidemment  permis  depuis  la  célèbre  déclaration 
de  Martin  V  et  de  Calixte  III  ^.  Cet  acte  pontifical  révèle,  une  fois 
de  plus,  l'esprit  de  la  législation  ecclésiastique  en  matière  de  prêt 
à  intérêt.  L'Église  ne  tolérait  pas  l'exploitation  du  faible  par  le 
fort,  du  pauvre  par  le  riclie.  Elle  ne  voulait  d'intérêt  que  pour 
autant  quil  fiît  justifié.  Or  il  ne  lui  semblait  justifié  que  si  le 
capital  engagé  courait  un  risque,  ou  si,  pour  l'avancer,  le  prêteur 
se  privait  d'un  bénéfice  certain.  Or,  dans  ce  contrat  de  rente, 
il  y  avait  un  risque  très-clair,  celui  de  perdre  son  capital,  qui  était 
réellement  aliéné  et  inexigible.  Il  y  avait  là  sacrifice,  risque  et, 
partant,  cause  de  compensation.  Avant  d'examiner  les  crédits  illi- 
cites, disons  donc  un  mot  du  caractère  économique  de  la  doctrine 


*  Acte  de  1229.  Vente  de  biens  pour  racheter  une  rente  annuelle  de 
24  marcs,  Waulers,  Table  chronologique  des  diplômes  imprimés ,  t.  IV,  p.  83. 

Parfois  le  service  de  la  rente  portait  amortissement  du  capital.  Acte  de  1285, 
Bull,  de  la  Comm  roy.  hist.,  3«  série,  t.  XIII,  p.  55. 

2  Exemples  dans  L.  Vander  Kindere,  Siècle  des  Artevelde,  p.  220.  — 
Schoonbroodl,  Arch.  du  Val  S^-Lamberl,  t.  I,  n»  640.  a»  1363.  —  Kempe- 
neers,  Oude  vryheid  Montenaken,  t.  II,  p.  521,  donne  comme  suit  le  taux  des 
rentes  pour  celle  région  : 

1587  9  «/o   1643  5  «/q    1724  5  «>/o     1749  S  «/o 
1640  15  o/o   1694  5  «»/o    1728  2  V-2  o/o  1756  3  ^j-i   <>/„. 

3  Tractatus,  cité,  ch.  III. —  CIj.  Jourdain,  L'économie  polilique  au  moyen- 
âge,  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscript,  et  Beiles-Lettres,  t.  XXVIII,  p.  14,  1874. 


i 


(  189  ) 

de  l'Église.  Nous  venons  d'en  noter  le  principe.  Ce  principe,  il  faut 
le  reconnaître,  est  l'application  d'une  loi  de  l'économie  politique. 
L'intéi'ét  hausse  ou  baisse  d'après  les  risques  que  court  le  capital 
et  la  fortune  du  prêteur.  Or  comment  celle  fortune  peut-elle  être 
compromise?  Quand  l'industrie  est  active,  elle  l'est  parla  perte 
ou  rimproduclivité  du  capital;  quand  l'industrie  est  peu  déve- 
loppée, quand  le  capital  est  un  amas  de  denrées  ou  d'écus  qui  n'a 
pas  réellement  le  caractère  de  capital,  de  fonds  de  reproduction, 
la  fortune  du  préteur  ne  peut  être  entamée  que  par  des  risques 
spéciaux  de  perte  :  par  une  responsabilité  assez  étendue.  11  en 
résulte  que,  dans  ce  dernier  cas,  la  société  seule  justifie  un  béné- 
fice, tandis  que  dans  le  premier  un  intérêt  est  naturel.  L'acte  de 
Martin  V  marque  une  étape  du  mouvement  économique,  une 
autre  est  fixée  par  l'Encyclique  vix  pervenit  de  Benoît  XIV,  et 
enfin  dans  la  décision  des  congrégations  romaines  ex»  1850.  Ce 
n'est  pas  la  discipline  de  l'Église  qui  a  changé,  ce  sont  les  condi- 
tions extérieures  de  la  société  qui,  en  changeant,  ont  modifié  la 
portée  des  anciens  contrais  juridiques  '. 

Tel  était  l'état  normal  du  crédit  dans  la  théorie  et  dans  la  pra- 
tique; reprenons  maintenant  le  crédit  illicite  et  occulte  et  le  prêt 
à  intérêt  véritable  depuis  son  apparition  jusqu'au  jour  où  la  tolé- 
rance lui  donna  une  quasi-licéité. 

De  bonne  heure  des  spéculateurs  et  notamment  des  Juifs  et  des 
Lombards  entreprirent  de  prêter  à  intérêt  en  dépit  de  la  législa- 
tion  canonique  et  civile  2.  Les  tables  de  prêt  s'étaient  multipliées 
très-rapidement;  il  y  en  avait  non-seulement  dans  les  villes, 
mais  jusque  dans  les  villages  ^.  Us  y  tenaient  à  la  fois  comptoir  de 

^  Voir  un  résumé  de  la  théorie  catholique  dans  Ch.  Périn,  «  Considérations 
sur  r usure,  »  a[)pcndice  à  la  richesse  dans  les  sociélés  chrétiennes,  2^  éd., 
t.  II,  p.  489.  Cette  théorie  a  donné  lieu  a  une  foule  de  publications.  Voir  leur 
énuméiation  et  celle  des  actes  pOitiiicaux  dans  J.  Carrière,  De  conlractibus, 
D"Mlil  et  suiv. 

^  P.  de  Decker,  Étude  sur  r  histoire  des  monts-de-piété  en  Belgique. ïniro- 
duction.  —  Cf.  comte  L.  Cibrario,  L'économie  politique  du  moyen-âge,  tra- 
duction de  Wolowski,  liv.  III,  ch.  VI. 

^  Wauters,  Jean  h',  p.  362,  en  signale  dans  4es  villes  et  même  dans  ks 
bourgades  (Giimberghe,  Lennick,  Wavre,  etc.].  Un  acte  de  1247  signale  un 


{  190  ) 

change  et  de  prêt,  et  étaient,  nous  l'avons  vu,  les  banquiers  des 
seigneurs  et  des  villes,  chargés  de  la  recette  de  leurs  rentes  et  fer- 
mages *.  Les  princes  chrétiens,  sous  l'empire  des  circonstances, 
les  avaient  tolérés  à  condition  de  ne  se  livrer  à  aucune  entre- 
prise usuraire,  de  se  borner  aux  opérations  de  change  et  aux  prêts 
de  commerce.  Ce  fut  le  système  proposé  en  Brabant  par  le  duc 
Henri  III  dans  son  testament  en  12G0,  et  appliqué  en  1261  par 
Guy  de  Dampierre  en  Flandre  ^. 

Mais  si  la  nécessité  imposait  la  tolérance,  il  était  dangereux  de 
permettre  l'exercice  du  prêt  aux  spéculateurs  étrangers;  ils  ne 
s'abstenaient  jamais  des  fœnus  illicitum',  les  pauvres  et  les  grands 
en  souffraient  également. 

Les  étrangers  ou  leurs  associés  avaient,  nous  l'avons  dit,  établi 
des  tables  dans  presque  toutes  les  localités  tant  soit  peu  impor- 
tantes du  pays;  or  là,  ils  étaient  à  même  de  prêter  aux  gens 
pauvres  de  façon  à  s'enrichir  à  leurs  dépens. 

Telle  était  la  triste  pratique  des  prêts  à  la  semaine  qui  ruinaient 
le  cultivateur  et  que  cependant  il  recherchait  si  aveuglément. 
C'était  le  petit  peuple  rural  qui  pâtissait  de  ces  marchés  onéreux, 
où  la  courte  échéance,  au  lieu  d'être  un  motif  de  gratuité,  deve- 
nait, au  contraire,  un  moyen  d'usure  ^.  C'était  surtout  dans  les 


usurarius  dans  le  village  de  Somzée,  Anal,  pour  servir,  etc.,  t.  IV,  p.  416.  — 
Galesloot,  Le  livre  des  feudataires  de  Jean  III,  pp.  97,  140.  —  P.  de  Decker, 
op.  cit.  —  Les  comptoirs  de  change  d'Anvers.  Thys,  ffist.  des  rues  et  places 
publiques,  p.  74.  —  «  Domus  que  vocatur  caméra  cambitorum,  »  Cart.  de 
S'-Trond,  t.  I,  p.  509,  etc.  —  Gand.  Gilllods  Van  Severen ,  op.  et  loc.  cit.,  p.  130. 

*  Payement  d'une  emphytéose  «  in  oppido  S'>  Trudonis  in  cambio  ipsius 
domini  (1372).  »  C.  de  Borman,  Les  livres  de  fiefs  de  Looz,  p.  128.  — Changes 
des  villes  :  "Wauters,  Hist.  de  Bruxelles,  t.  II,  p.  605  (plus  tard  on  créa  une 
chambre  de  receveurs).  —  Cart.  van  Loven,  kap.V,art.  S.  — Droit  de  Nampte 
et  otiice  de  chambgeur,  Borgnet,  Cart.  de  Ciney,  p.  118,  etc. 

Cf.  Gilliodls-van  Severen,  Inv.  des  Arch.de  Bruges,  secl.  1,  sér.  1,  t.  III, 
p.  64. 

*  P.  de  Decker,  op.  et  loc.  cit.,  p.  xvi.  Les  juifs  furent  cependant  souvent 
persécutés  par  les  princes. 

3  Philippe-Auguste,  dans  son  «  règlement  des  usures  privées  »  avait  spé- 
cialement interdit  de  prêter  aux  laboureurs  de  bras  (agricolae  qui  non  habent 


(  19«  ) 

mauvaises  années  que  la  tyrannie  des  usuriers  s'exerçait  sur  les 
malheureux  paysans;  alors,  ne  pouvant  rentrer  dans  leurs  fonds 
au  terme  stipulé,  ils  aggravent  les  charges  de  leurs  débiteurs  et 
les  forcent,  sous  la  foi  du  serment,  à  doubler  leurs  obligations  *. 
Aussi  l'usurier  était-il  dans  le  peuple  qualifié  de  l'épithètc  terrible 
et  significative  d'évcoigéliste  de  Lucifer  2;  c'était  l'exécuteur  des 
propriétés  et  des  ménages,  le  mangeur  des  récoltes.  Ajoutons  que 
pour  augmenter  l'amour  des  fermiers  envers  le  changeur^  c'est  à 
lui,  comme  on  l'a  vu,  que  se  payaient  les  rentes  au  compte  du  sei- 
gneur. Or  le  seigneur  grevé  de  dettes  lui-même,  était  exigeant.  Les 
seigneurs  mangent  les  povrez  gens,  dit  un  dicton  du  XV"'  siècle.  Il 
leur  fallait  rattrapper  ainsi  les  dépenses  et  le  luxe  de  leur  vie.  Le  dic- 
ton ajoute  en  effet  aussitôt:  les  lombards  mangent  les  seigneurs  ^. 
La  noblesse  était  grevée  de  dettes  considérables.  Le  numéraire 
était  rare,  or  il  en  fallait  pour  les  satisfactions  du  luxe,  comme 
autrefois  pour  les  expéditions  militaires.  Alors  c'étaient  les 
abbayes  qui  avaient  servi  de  banquiers  et  avaient  fourni  aux  sei- 
gneurs les  fonds  nécessaires  aux  croisades.  Mais  plus  tard  «  les 
spéculateurs  leur  offrirent  leurs  services  intéressés  *,  »  et  ce  facile 
moyen  de  faire  de  l'argent ,  les  entraîna  dans  des  dépenses 
funestes  à  leur  prestige.  Ils  contractèrent  une  foule  d'emprunts 
onéreux  et  engagèrent  leurs  patrimoines,  opération  dont  les  princes 

hœreditales  vel  mobilia  unde  possent  sustentari,  nisi  propriis  raanibus).  Doniol, 
op.  et  loc.  cit. 

'  Fœneralores  debilores  suos  omnibus  modis  gravani  et  dum  die  dicta 
pecunias  suas  nou  recipiunt,  bas  die  reddita  subfideetsacramento  duplicant. 
Gesta  abbat.  gemblac.  apud  Pertz.  script,  viii,  n"  61,  p.  347. 

2  Een  woekereer,        Eeu  wisseleer, 

Een  meuleneer,        Een  lolleneer. 

Zyn  de  vier  evangelisten  van  Lucifer  (cité  par  de  Decker,  op.  cit.,  p.  xxv). 

^  Dicton  inscrit  sur  un  registre  de  la  Haute  cour  de  Namur.  Messager  des 
sciences  histor.,  pp.  63  et  suiv.,  1831.,  Ann.  de  la  Soc.  arcfi.  de  Namur,  t.  IV, 
p.  300. 

*  Ordonnance  d'Albert  de  Bavière  (1386),  Faider,  Chartes  du  Hainaut, 
l.  I,  p.  43.  —  Aux  Brabansche  Yeesten,  est  annexée,  1. 1,  p.  760  éd.  acad., 
une  curieuse  consultation  des  docteurs  de  Paris,  sur  le  fait  de  l'usure  en  Bel- 
gique (1319). 


(  192  ) 

ne  leur  donnaient  que  trop  le  funeste  exemple  •.  Les  engagères 
étaient  des  contrats  par  lesquels  on  vendait  des  biens-fonds  avec 
faculté  de  rachat  pendant  un  temps  déterminé.  Ce  délai  expiré, 
le  créancier  devenait  propriétaire  au  prix  de  la  vente  2.  Or,  bien 
peu  étaient  en  mesure  de  servir  le  remboursement.  Celui-ci 
devait  se  faire  à  date  fixe,  soit  au  change,  soit  à  personne,  soit 
au  porteur.  Remarquons  en  passant  celte  circulation  du  titre 
d'engagère,  idée  mère  des  institutions  du  crédit  foncier.  Le  pre- 
mier protêt  justifiait  la  mainmise,  et  l'adjudication  du  fonds  au 
créancier  ^.  De  cette  manière,  les  nobles  étaient  privés  de  leurs 
patrimoines,  leurs  familles  déconsidérées,  et  les  spéculateurs  con- 
quéraient les  titres  seigneuriaux.  Enfin  les  privilèges  des  préleurs 
frustraient  les  autres  créanciers  du  débiteur,  car  a  par  deniers 
empruntez,  leur  hiretaigcs  et  possessions  sont  du  tout  exécutez  *.  » 
Les  mesures  législatives  étaient  peu  efficaces  pour  réprimer  ces 
abus.  Quelque  inconvénient  social  qu'elle  présente,  l'usure  est  un 
de  ces  rares  fléaux  qui  sont  provoqués  et  réclamés  par  leurs  vic- 
times. Les  lois  sur  l'usure  ne  servaient  donc  qu'à  aggraver  le  mal 
et  à  faire  payer  par  les  emprunteurs  les  risques  légaux  qu'ils  fai- 
saient courir  à  l'usurier.  L'usure  est  un  de  ces  maux  qu'il  faut  sur- 
tout réprimer  par  des  peines  spirituelles,  1  Eglise  catholique  l'a  tou- 
jours fait,  et  par  la  moralisation  des  diverses  classes  de  la  société  ^. 

*  Voir  plus  haut,  les  impôts;  Cf.  BuU.  de  la  comm.  roij.  dliisL,  2^  série, 
t  IV,  pp.  37,  81  et  passim. 

*  Britz.op  cit.,  p.  891. 

3  Ex.  BormaDS  et  Borgnet,  Cari,  de  Namur,  t.  II,  p.  27,  acte  de  1556.  — 
C.  de  Borman,  Fiefs  de  Looz,  acte  de  1367.  —  Wauters,  Environs  de  Bruxelles, 
t.  I,  p.  191  et  passim.  —  Brabantsche  Yeesten,  t.  II,  p.  633. 

*  Ordonnance  citée  d'Aubert  de  Bavière,  loc.  cil.  --Baudouin,  comle  de 
Flandre  tt  de  Uainaut  interdit  les  usures  (1198)  «  quoniam  ex  usurà  multa  el 
infinita  scaturiunt  mala,  videlicet  ecclesiarum  destructiones,  nobilium  et 
ignobilium,  principum  et  magnalum  exhseredationes.  «  Namèche,  HisL  natio- 
nale, t.  V. 

s  Wurlb,  Discours  de  rentrée  à  la  Cour  d'appel  de  Gand,  pp.  15  et  suiv., 
1864^,  donne  un  aperçu  sommaire  de  la  législation  belgique  sur  l'usure  ;  mais 
nous  ne  pouvons  admettre  tout  le  comnicutaire  qu'il  en  fait. 

Il  ne  faut  pas  conclure  de  notre  texte  que  nous  réprouvions  tout  acte  législatif 
en  matière  d'usure.  Il  faut  toujours  tenir  compte  de  la  situation  particulière 
de  chaque  société. 


(  i93  ) 

Nous  n'avons  vu  jusqu'ici  que  des  exemples  de  crédit  parti- 
culier; n'y  eut-il  donc  aucune  institution  de  crédit  collectif  en 
faveur  de  l'agriculture.  Nous  n'avons  pas  h  insister  sur  les  avan- 
tages bien  connus  des  institutions  séparées  de  crédit  foncier, 
prêtant  à  long  terme  et  à  petit  intérêt  aux  agriculteurs.  Le  bien- 
fait des  banques  de  Prusse  et  de  Pologne,  dans  leurs  différentes 
organisations,  en  serait,  à  défaut  d'arguments  théoriques,  une 
preuve  pratique  très-suffisante.  Nos  provinces  ne  furent  pas 
dotées  pendant  l'ancien  régime  d'institutions  analogues. 

Nous  n'avons  en  ce  genre  qu'un  projet,  resté  sans  exécution,  mis 
au  jour  par  Pierre  d'Oudegherst  *  el  portant  constitution  d'une 
caisse  hypothécaire.  L'auteur  proposait  la  fondation  de  «  tré- 
soryes  publiques  obligées  de  secourir  un  chacun  de  telle  somme 
d'argent  qu'il  demandera  moyennant  6  p.  %  de  bonnes  rentes  par 
an  et  bien  hypothéquées  et  assurées.  »  Ce  projet  qui,  d'ailleurs, 
était  très-peu  agricole,  ne  fut  pas  adopté  par  le  Conseil  d'État  à 
cause  de  la  dépréciation  générale  des  rentes  qui  ne  permettait 
plus  d'en  créer  utilement  de  nouvelles  pour  la  circulation.  Les 
rentes  sur  le  domaine  royal  notamment  avaient  cours  à  la  moitié 
du  taux  de  constitution.  Cette  situation  fit  avorter  le  projet  du 
gentilhomme  flamand,  projet  qui  ne  se  représenta  plus  et  n'eut 
plus  d'analogue  avant  l'époque  moderne. 


CHAPITRE  IV. 

I.e  Tillage  ou  la  communauté  rurale. 

Lr  villa  constitue  une  unité  corporative;  ses  membres  vivent 
d'une  vie  commune  et  cela  dans  une  intime  solidarité.  Cette  soli- 
darité, cette  vie  communale  est  un  élément  essentiel  de  l'état 
social.  Les  familles  sont  les  monades,  mais  on  ne  peut  se  figurer 
complètement  leur  action  sans  jouir  du  spectacle  de  leur  activité 

1  P.  De  Decker,  op.  cit.,  ch.  V. 

Tome  XXXII.  13 


(  19^*  } 

dans  la  sphère  ordinaire  où  elle  se  déploie.  Nous  devons  donc  dire 
un  mot  des  institutions  locales  du  plat  pays  au  moyen-âge,  qui 
différaient  généralement  de  celles  des  agglomérations   urbaines, 

Le  mécanisme  de  ces  institutions  se  composait  de  deux  ressorts 
principaux,  le  maire  et  le  corps  scabinal  et  d'un  troisième,  devenu 
accessoire  à  la  fin  de  l'ancien  régime:  l'assemblée  des  habitants  *. 

Le  maire  est  l'officier  villageois  le  plus  ancien,  il  est  dans  la 
villa  le  représentant  par  excellence  du  pouvoir  seigneurial.  Le 
maire  (maïor,  judex,  villicus)  était  revêtu  dans  la  villa  de  la  plé- 
nitude de  l'intendance;  il  remplaçait  tout  à  fait  le  seigneur  dans 
Tordre  foncier.  11  en  résultait  que  cet  agent  était  revêtu  à  la  fois 
d'une  mission  administrative  et  d'une  autorité  judiciaire.  Au 
moyen-âge,  en  effet,  propriété  et  souveraineté  étaient  confondues, 
le  droit  de  régir  entraînait  donc  le  droit  de  contraindre  2.  Le  vil- 
licus cumulait  donc  les  fonctions  du  judex  et  du  custos  des 
domaines  mérovingiens,  et  se  rapprochait  beaucoup  du  judex 
des  villœ  de  Charlemagne  ^. 

Quel  était  donc  à  ces  titres  divers  l'office  du  villicus  féodal  ? 
Ses  fonctions  administratives  sont  celles  d'un  intendant;  il  doit 
veiller  à  ce  que  les  tenanciers  exécutent  les  corvées  et  apportent  les 
redevances  seigneuriales;  il  doit  les  avertir  du  payement  à  faire, 
veiller  aussi  à  ce  qu'ils  soient  fidèles  aux  clauses  de  leurs  conces- 
sions :  défoncements,  fumures,  assolements;  enfin  opérer  la  répar- 
tition des  amendes  entre  ceux  qui  ont  manqué  à  leurs  obligations''*. 

Dans  un  ordre  plus  élevé,  il  est  chargé  de  la  police  locale;  de 
veiller  comme  l'ancien  judex  à  ce  qu'il  ne  se  commette  aucun 
délit  dans,  la  villa.  Enfin,  il  préside  à  l'administration  économique 
de  la  communauté,  par  exemple  en  surveillant  les  aisances  com- 
nmnales,  répartissant  les  côtes  d'imposition,  etc.  ^.  A  ces  fonctions 
administratives  se  joignaient  des  attributions  judiciaires;  au  régle- 

^  Edm.  Poullet,  Les  Constitutions  nalionales,  p.  339. 
2  E.  Boularic,  Louis  IX,  p.  155. 

^  Guépard,  Prolég.  au  polypl.  d'Irminon,  pp.  216  et  suiv. 
^  Cart.  du  Mont  Blandin,  p.   141,  a«    1176.  —  Van  Lokeren,  Hist.  de 
S^-Bavçn,  pièces  juslificat.,  n«  93,  etc. 
»  Voir  plus  haut,  passim. 


I 


(  195  ) 

ment  il  joignait  la  contrainte.  Les  pouvoirs  judiciaires  du  maire 
ne  peuvent  être  déterminés  d'une  manière  générale.  Il  avait  tou- 
jours, comme  minimum,  la  juridiction  contentieuse  et  gracieuse 
en  matière  foncière,  ce  qui  constituait  dans  la  hiérarchie  judi- 
ciaire, la  basse  justice.  Celle-ci  comprenant  en  général  toutes  les 
matières  des  droits  patrimoniaux,  le  maire  avait  la  plénitude  de 
la  juridiction  civile  dans  le  village  K  La  moyenne  et  la  haute 
justice  criminelle  échappaient  seules  à  son  intervention. 

Le  maire  n'exerçait  pas  gratuitement  ces  diverses  fonctions.  Il 
avait  des  privilèges.  En  général,  la  place  de  maire  comportait  la 
concession  du  mansus  dominkatus  dans  la  villa  qu'il  devait  régir; 
en  outre  il  avait  parfois  droit  personnel  à  des  redevances  spé- 
ciales, et  comme  détenteur  du  ehef-manse,  il  profitait  des  corvées 
que  les  tenanciers  devaient  y  accomplir  2. 

Les  maires  étaient  ordinairement  choisis  dans  la  villa  même  ; 
il  arrivait  qu'ils  fussent  serfs,  au  moins  à  l'origine  ^.  Cela  n'avait 
rien  d'étrange.  Nous  avons  vu  qu'il  y  avait  des  serfs  riches  ayant 
eux-mêmes  des  serfs  et  de  l'influence.  Mais  l'importance  de  ces 
fonctions  ne  tarda  pas  à  émanciper  leurs  titulaires.  Ils  grandirent 
à  mesure  que  la  liberté  et  la  richesse  se  répandaient  dans  leur 
villa  *.  Ce  qui  favorisa  leur  agrandissement  c'est  que  très-sou- 
vent leurs  fonctions  devinrent  héréditaires  et  furent  inféodées. 
Dès  lors,  bénéficiant  pour  leur  oflîce  de  l'hérédité  et  de  la  légis- 
lation féodales,  ils  devinrent  non-seulement  libres,  mais  puis- 
sants ^.  Les  seigneurs  n'eurent  guère  à  se  féliciter  de  cette 
transformation  qui  fut  presque  générale.  Les  maires,  riches  et 
feudataires,  devinrent  des  «coqs  de  villages,  »  d'autant  plus 
redoutables  que,  investis  des  pouvoirs  seigneuriaux,  tantôt  ils  en 
abusaient  à  leur  profit  ^,  tantôt  les  négligeaient  complètement  et 

^  Raepsaet,  Analyse,  n"  224.  —  PouUet,  Hist.  polit,  de  Belg.^  p.  563. 
2  Cart.  de  S'-Trond^  t.  I,  p.  67,  etc. 

5  Guérard,  op.  cit.,  p.  223. 

*  Diericx,  Cliarterboekje.lnirod.  p.  vi. 

^  Devillers,  Cart.  des  renies  du  comte  de  Hainaut,  passim  :  i^Iaires  yre- 
laules.  —  Laiigelhal,  Gesch.  der  deustch.  La?idw.^P,  p.  208, 

6  Voir  plus  haut  la  section  relative  à  l'administration  monastique,  p.  116. 


(  196  ) 

faisaient  cause  commune  avec  les  tenanciers  *.  Alors  commença 
une  lutte  longue  et  difficile  des  seigneurs  contre  l'arbitraire  et 
l'insubordination  de  leurs  agents.  Malgré  leur  hommage  d'inves- 
titure, le  serment  qui  confirmait  leur  fidélité  et  la  promesse 
solennelle  de  ne  léser  personne  ^,  ils  avaient  des  allures  violentes 
et  prétentieuses.  Des  plaintes  nombreuses  surgirent  contre  leurs 
usurpations.  Tantôt  le  seigneur  ou  l'abbé  délibérant  sur  les 
moyens  à  prendre,  se  décidait  à  menacer  l'office  de  commise  et 
de  refus  d'investiture.  Tantôt,  pour  éviter  des  conflits  et  des 
maux  pires  encore,  il  entrait  en  composition  avec  les  maires 
et  procédait  à  l'amiable  à  une  définition  de  pouvoirs  ^.  Parfois 
cependant  les  seigneurs  frappaient  de  plus  grands  coups;  fai- 
saient prononcer  condamnation  et  dépossession  de  l'exacteur  en 
cour  féodale,  ou  même  réclamaient  l'intervention  du  suzerain. 
C'est  ainsi  que  fempereur  Conrad  III  intervint  dans  la  querelle  de 
l'abbé  de  Stavelot  avec  ses  villici  et  subordonna  la  conservation 
de  leur  office  à  l'accomplissement  régulier  de  leurs  devoirs  *.  La 
luite  contre  les  maires,  le  désir  d'amoindrir  leur  position  dans 
les  communautés  rurales,  ne  furent  peut-être  pas  étrangers  à  la 
création  des  baillis  de  Flandre,  qui  supprimait  définitivement 
leurs  attributions  judiciaires  ^. 

A  une  époque  difficile  à  préciser,  mais  au  plus  tard  au  XIP  siè- 
cle, le  maire  reçut  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  des  assesseurs, 
choisis  dans  la  population.  L'institution  de  la  cour  des  tenants  ou 
laethof,  qui  devint  l'échevinage,  se  répandit  surtout  du  XII^  au 
XIV^  siècle,  époque  où  on  peut  la  dire  générale.  Comment  naquit 
celte  institution?  Elle  sortit  pour  ainsi  dire  de  la  force  des  choses. 
Les  maires  du  haut  moyen-âge  ne  jugeaient  pas  seuls,  par  eux- 

*  Wauters,  Libertés  communales,  p.  644. 

2  Fidelitatem  sacramento  firmare  (1146),  Cart.  de  S'-Trond,  t.  I,  p.  72.  — 
Promesse  solennelle  de  ne  pas  «  quemquam  in  \illa  depredare  »  (1107), 
Cart.  de  S^-Berlin  de  Fumes,  p.  5. 

3  Exemples  nombreux  dans  les  chroniques  réunies  apud  Periz,  scriplores, 
VIII,  X,  XII,  passim. 

*  Guérard,  op.  cit.,  p  226. 

3  Wariikonig,  Ifist.  de  Flandre,  irad.  G.,  t.  II,  p.  161. 


(197) 

mêmes.  Dans  tout  l'exercice  de  leur  juridiction,  gracieuse  et 
contentieuse,  ils  étaient  assistés  de  la  population  de  la  villa.  Nous 
examinerons  tout  à  l'heure  l'organisation  des  plaids.  Ces  réunions 
très-utiles  comme  rouage  accessoire,  comme  contrôle  public,  sont 
insuffisantes  comme  rouage  principal,  et  leur  intervention  était 
inefficace  contre  les  abus  de  pouvoir  des  viliici.  Il  fallait,  tout  en 
respectant  leur  existence,  donner  à  la  communauté  des  garanties 
dans  l'exercice  même  de  l'autorité  active.  De  plus  à  mesure  que 
la  population  augmentait,  le  service  judiciaire  des  plaids  devenait 
absorbant  et  onéreux.  Comment  donc  naquit  l'échevinage,  héri- 
tier des  anciens  plaids?  Les  serfs  affranchis  sub  censu,  sans 
échapper  à  la  juridiction  seigneuriale,  bénéficiaient  depuis  leur 
émancipation  du  grand  principe  .du  jugement  de  chacun  par  ses 
pairs.  De  cette  circonstance  résulta  la  constitution  d'une  cour 
censalcj  analogue  à  la  cour  féodale,  composée  de  tenanciers  ou 
censitaires,  et  exerçant  sous  la  présidence  du  maire  la  juridiction 
foncière  et  censale.  Il  y  avait  dès  lors  dans  la  communauté  deux 
pouvoirs  distincts,  ayant  leur  juridiction  particulière  :  le  laethof, 
les  tenanciers  jurés,  d'une  part;  le  maire  de  l'autre  K  Quand  les 
seigneurs  s'aperçurent  de  l'immense  avantage  résultant  pour  les 
bourgeoisies  de  leur  administration  propre,  ils  songèrent  natu- 
rellement à  doter  les  villœ  des  mêmes  causes  de  prospérité  ^^. 
Mais  comment  organiser  l'administration  villageoise?  Le  moyen 
était  simple,  on  le  choisit.  Les  cours  de  tenants,  avec  le  maire, 
exerçaient  la  juridiction  foncière.  Il  n'y  avait  qu'à  étendre  leurs 
attributions  et  à  conférer  désormais  aux  tenanciers  jurés,  sous 
la  présidence  du  maire,  l'ancienne  juridiction  et  l'autorité  admi- 
nistrative jadis  réservées  à  lui  seul.  Du  coup  les  tenanciers  deve- 
naient échevins  ^.  La  communauté  dès  lors  participait  activement 
et  efficacement  à  la  direction  de  ses  affaires  et  de  ses  intérêts;  elle 
avait  une  vie  publique;  sa  loi,  son  magistrat  émanaient  d'elle. 
Cette  part  prise  par  la  communauté  à  la  vie  publique,  à  la  gestion 


*  Raikem,  Discours  de  rentrée  i8o^,  p.  64. 

^  Wauters,  Environs  de  Bruxelles,  Inlrod.  p. -lu. 

2  E.  de  Facqz,  Ancien  droit  belgique,  1. 1,  pp.  42  et  suiv. 


(  198  ) 

des  intérêts  communs;  l'exercice  des  fonctions  échevinales;  la 
pratique  continuelle  d'une  liberté  limitée  mais  réelle,  entretenaient 
dans  les  villœ  le  patriotisme,  l'amour  du  bien  public,  et  l'esprit  de 
tradition  *.  Les  cbarges  communales  étaient  un  lionneur  apprécié 
et  envié  ^  ;  leur  bonne  gestion,  un  titre  à  la  recormaissance  de  la 
communauté;  aussi  les  campagnes  belges  furent -elles  mieux 
administrées  que  celles  d'aucun  autre  pays,  par  des  hommes 
dévoués,  au  courant  des  intérêts  locaux  et  capables  de  les  satis- 
faire, A  défaut  d'autres  preuves,  cette  foule  de  bans  municipaux 
sur  la  police  des  champs  conservés  dans  les  archives  de  nos  éche- 
vinages,  ne  suiïiraient-ils  pas  à  le  démontrer  ^. 

Il  ne  peut  entrer  dans  notre  cadre  de  retracer  l'organisation 
de  nos  échevinages  ruraux.  Bornons -nous  aux  grands  traits.  Les 
échevins  étaient  pris  dans  la  population  de  la  communauté  et 
nommés  par  le  seigneur.  Quoique  sortis  du  «  comuns  peuple,  » 
ils  étaient  les  représentants  de  l'autorité  seigneuriale.  Parfois  le 
choix  du  seigneur  était  limité,  mais  en  général  il  était  libre  dans 
ses  nominations  ^.  Il  n'y  avait  exception  que  pour  les  villages 
dotés  de  la  loi  de  Beaumont  qui  conférait  à  la  communauté  l'élec- 
tion directe  de  son  corps  échevinal  ^.  Une  autre  exception  impor- 
tante concerne  les  franchises.  Celles-ci  sont  des  communautés 
rurales  calquées  sur  le  type  des  organisations  urbaines,  et  élisant 
librement  tout  le  magistrat  ^.  Ces  variétés  seraient  importantes  et 
curieuses  dans  une  histoire  générale  des  échevinages  qui,  espé- 
rons-nous, paraîtra  bientôt.  Elles  ne  peuvent  nous  arrêter  ici. 
Marie-Thérèse  abolit  la  première;  la  seconde  avait  presque  dis- 
paru au  XV^  siècle.  La  chose  essentielle  à  noter  ici  c'était  le  choix 

*  CoDsidéralions  analogues  pour  la  France,  dans  Ch.  de  Ribbe,  Les  familles 
et  la  société  avant  la  révolution,  ch.  IV.  La  famille,  les  instilulions  elles 
libertés  locales. 

*  Trotz,  Jus  agrarium,  t.  II,  p.  528. 

3  Boulhors,  Les  origines  de  la  ruralité,  Revue  hist.  de  droit  français  et 

ÉTRANGER,  t.  I,  p.  381. 

*  E.  de  Facqz,  op.  cit.,  t.  I,  p.  44. 

^  L'abbé  Defourny,  La  loi  de  Beaumont. 

®  Kempeneers,  De  oude  vryheid  Montenaken,  t.  I,  p.  63. 


(  199  ) 

de  l'ëchevinat  clans  le  sein  de  la  communauté.  C'est  ce  qui  a  fait  sa 
grandeur  et  son  importance  sociales.  L'échevinage  dans  sa  juri- 
diction n'était  pas  indépendant;  il  doit  juger  selon  la  loi  et  l'usage; 
mais  il  est  parfois  obligé  de  se  rendre  d  chef-sens  à  un  échevi- 
nage  supérieur  ou  à  une  cour  féodale,  et  à  droiturer  d'après  leur 
enseignement.  Cette  précaution  était  indispensable  au  moyen-âge. 
Bien  que  l'instruction,  comme  nous  l'avons  dit,  fût  assez  répandue, 
il  arrivait  que  dans  les  villages  de  rang  inférieur  la  justice  fût 
rendue  par  des  hommes  trop  peu  instruits  pour  comprendre  et 
remplir  leur  mission.  Très-capables  d'administrer  les  intérêts  de 
leur  village,  ils  ne  l'étaient  pas  toujours  d'appliquer  convenable- 
ment les  lois.  «  Tous  juges,  disait  en  I57ii,  le  prince  de  Groesbeek 
dans  sa  réformation  de  la  justice,  devront  être  gens  de  bien,  de 
mariage  légitime,  sachant  lire  et  écrire,  s'ils  sont  recouvrables.  « 
Les  qualités  morales  se  retrouvaient  assez,  mais  l'instruction  suf- 
fisante n'était  pas  aussi  garantie  ^  Quels  que  puissent  être  les 
inconvénients  de  ces  juridictions  inférieures,  il  est  toujours  cer- 
tain que  leur  intervention  a  épargné  au  peuple  bien  des  tracas  et 
des  lenteurs  dans  les  causes  ordinaires  de  leur  compétence,  et  l'a 
fait  échapper  souvent  aux  frais  dévorants  des  grandes  procédures 
judiciaires  ^.  Aussi,  par  respect  pour  le  privilège  antique  des 
ëchevinages,  et  pour  l'essence  même  de  leur  institution,  quand 
le  prince  Charles  de  Lorraine  fit  son  enquête  pour  la  réforme  de 
la  justice,  aucun  conseil  ne  proposa  de  leur  enlever  leur  juridic- 
tion traditionnelle  ^. 

L'avènement  des  ëchevinages  n'avait  pas  exclu  la  communauté 
de  toute  participation  aux  affaires  publiques. 

L'usage  des  réunions  générales  du  commun  subsista  longtemps 
à  côté  du  collège  scabinal,  et  se  perpétua  dans  certaines  provinces 
jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime.  Ces  réunions  portaient  le  nom 
antique  de  plaids. 

*  E.  de  Facqz,  op.  et  loc.  cit. 

*  Ces  frais  étaient  considérables.  De  Damhoudere,  «  Declamatio  in  pro- 
cessuum  voracitatem,  »  en  lête  de  la  Praxis  rerum  civiîium,  éd.  Anvers,  1567. 
—  Cf.  Le  taux  des  frais  de  procédure  devant  ies  échevins  de  Mille  en  1784. 
Tarlier  et  Waulers,  Belgique  anc.  et  mod.,  canton  de  Jodoigne,  p.  168. 

^  Edm.  PouUel,  Les  Constitutions  nationales,  p.  341. 


(  200  ) 

La  réunion  des  plaids  était  périodique  '.  Elle  se  tenait  sous 
la  présidence  du  maire  et  des  échevins,  et  se  composait  de  tous  les 
pères  de  famille  de  la  communauté.  Pour  y  participer,  il  fallait 
éire  parler fatrtilias,  chef  de  raesnage,  homme  ou  femme.  Nous 
avons  déjà  fait  remarquer  l'importaniîe  sociale  accordée  aux 
moyen-âge  à  la  famille.  Nous  en  trouvons  ici,  au  point  de  vue  poli- 
tique, une  preuve  nouvelle  et  convaincante.  Telle  était  la  tradition 
antique.  A  la  fin  de  l'ancien  régime,  on  voit  naître  le  principe  du 
cens.  L'édit  de  1756  n'accorde  droit  de  vote  qu'aux  propriétaires, 
et  à  défaut  à  leurs  fermiers,  en  proportion  du  terrain  qu'ils  pos- 
sèdent. Ce  n'est  plus  exclusivement  sur  la  mission  sociale,  c'est 
sur  la  fortune  que  se  règle  le  droit  politique. 

Le  plaid  est  convoqué  par  cri  ou  au  son  de  la  cloche,  par  an- 
nonce au  prône  ou  à  la  sortie  de  la  messe ,  après  avertissement 
particulier,  et  cela  à  la  semonce  du  maire.  Après  l'office,  les 
hommes  se  réunissent,  souvent  en  plein  air,  ou  en  quelque  lieu 
«  décent  et  convenable.  »  Là  l'universalité  des  communiers  est 
présente,  elle  le  doit  sous  peine  d'amende;  c'est  un  service  public. 
Autrefois  elle  délibérait  sur  tous  les  intérêts  communs;  plus  tard 
chacun  y  est  admis  à  faire  valoir  des  plaintes  sur  la  gestion  muni- 
cipale. C'est  là  un  contrôle  réel  qu'exercent  les  habitants  sur  l'ad- 
ministration locale.  Ils  continuent  à  s'intéresser  aux  affaires  com- 
munes et  à  y  exercer  une  action  qui  n'est  pas  sans  influence.  Les 
plaids  de  ce  genre  n'étaient  pas  fréquents;  il  y  en  avait  deux  ou 
trois  par  an.  Outre  ces  plaids  généraux,  on  connut  longtemps 
aussi  les  plaids  ordinaires,  sortes  de  séances  publiques  où  le 
peuple  était  admis  devant  les  échevins,  à  se  présenter  et  à  récla- 
mer justice  sommaire  entre  parties  présentes.  Ce  sont  en  quelque 
sorte  des  séances  de  justices  de  paix,  débarrassées  des  formalités 

'  Pour  les  détails,  voir  les  notices  sur  les  villages  namurois,  par  Eug.  del 
Marmol,  Ann.  de  la  Soc.  arch.  de  Namur,  l.  I,  pp.  28-4,  317;  t.  II,  p.  185; 
t.  IV,  p.  219.  —  Ann.  du  Cercle  archéol.  de  Mons,  passim.  —  Taillar,  Recueil 
d'actes  en  langue  romane.  Inlrod.  sur  le  droit  public  et  privé,  p.  cxcix.  — 
Sur  les  plaids  généraux,  voir  un  curieux  document  de  1531  relatif  à  la  com- 
mune de  Roux-Miroir,  dans  Tarlier  et  Wauters,  Belgique  anc.  et  mod.  (canton 
de  Jodoigne),  p.  114. 


(  201  ) 

de  la  procédure  judiciaire,  et  auxquelles  les  populations  sem- 
blaient attacher  assez  de  prix  *. 

Les  grands  plaids  se  retrouvent  surtout  à  la  fin  de  l'ancien 
régime  dans  le  pays  de  Liège,  le  Namurois,  le  Limbourg  et  une 
partie  du  Hainaut.  Ce  sont  les  provinces  voisines  de  la  France  qui 
en  ont  le  mieux  conservé  les  habitudes  locales.  Ces  plaids  ser- 
vaient encore  de  mode  de  publication  des  édits  et  ordonnances; 
on  y  délibérait  sur  l'administration  des  biens  communaux;  sur  le 
moyen  de  subvenir  aux  impôts  que  devait  payer  la  commune  ;  sur 
les  limites  du  village,  etc.  On  y  procédait  à  la  nomination  des 
agents  communaux,  sergents  et  taxateurs.  Leurs  décisions,  por- 
tant le  nom  de  recez,  étaient  consignées  en  un  registre  spécial. 

Dans  la  principauté  de  Liège,  les  plaids  étaient  le  droit  com- 
mun de  l'organisation  rurale.  Le  magistrat,  en  efFet,  était  élu 
directement  par  la  communauté.  11  y  avait  à  côté  du  maire  et  des 
échevins,  pouvoir  judiciaire,  des  bourgmestres  et  un  conseil 
communal,  pouvoir  administratif.  Ce  système  se  rapprochait 
beaucoup  plus  que  celui  des  autres  provinces,  de  notre  régime 
actuel,  à  cause  du  principe  de  la  séparation  des  deux  pouvoirs. 
Le  corps  échevinal  était  nommé  par  le  prince;  le  conseil  com- 


*  Diericx,  Charterboekje,  Introd.  p.  lxvi,  distingue  trois  espèces  de  plaids 
{gaudingen,  gau-thing).  Les  placita  generalia,  réunions  obligatoires  de  tous 
les  habitants  pour  délibérer  sur  les  intérêts  communs.  Les  générale  waer- 
heden,  ou  enquêtes  plénières  (voir  leur  règlement  dans  Warnkônig.  FLSI.  u. 
R.  Gesch.,  t.  m,  Abth.  II,  p.  126.  —  Cf.  Fredericq,  Les  ducs  de  Bourgogne, 
p.  169).  Enfin  les  placita  ordinal  ia,  gewoenhjke  dinghe  dagen.  Justice  som- 
maire des  échevins  entre  parties  présentes  (Defacqz,  op.  cit.,  t.  I,  p.  48). 
L'existence  de  ces  diverses  sortes  de  plaids  est  tout  à  fait  distincte.  Il  nous 
semble  qu'on  les  a  jusqu'ici  trop  peu  séparées.  Le  plaid  général  est  une  réu- 
nion des  habitants,  le  plaid  ordinaire  n'est  qu'une  séance  d'un  uabunal 
jugeant  par  procédure  sommaire.  Les  documents  anciens  les  distinguent  très- 
nettement  {Coût,  de  Limbourg,  n"'  154,  166,  Cartul.  de  Ciney,  pp.  84,  100). 
Les  séances  des  plaids  ou  gedinge  élaient  distinctes  de  celles  des  cours  ou 
hoven.  C'est  ainsi  qu'au  livre  des  feudataires  du  pays  de  Waes  est  ajouté  à 
l'exposé  des  fiefs  :  «  Men  is  ghehouden  ende  ghecostumeerd  up  dese  leenen 
te  houdene  hof  ende  ghedinghe,  »  et  autres  énoncés  semblables  (éd.  chev.  de 
Schoutete  de  Tervarent,  pp.  240,  249,  etc.). 


(  202  ) 

munal,  élu  par  la  communauté  en  ses  plaids.  Tout  manant  chef 
de  famille  était  électeur  à  condition  de  posséder  dans  la  juridic- 
tion cinq  verges  de  terres  avec  une  maison;  l'élection  se  renou- 
velait chaque  année  en  tenue  générale  du  grand  plaid  ^ 

Que  la  commune  rurale  soit  une  franchise,  un  échevinage,  ou 
une  communauté  liégoise,  on  voit  clairement  qu'elle  vivait  d'une 
vie  propre  et  autonome.  Les  libertés  locales  ont  été  dans  toute 
notre  histoire,  vivaces  et  florissantes.  Les  régimes  les  plus  centra- 
lisateurs ont  eu  le  mérite  de  les  respecter.  La  communauté  avait 
son  activité  politique;  les  populations  s'y  préparaient  à  participer 
au  grand  mouvement  des  affaires  publiques.  La  commune  est 
récole  primaire  de  la  liberté  2;  nos  classes  rurales  n'ont  jamais 
été  privées  de  cette  importante  éducation  sociale.  Elles  ont  joui 
des  mêmes  principes  et  des  mêmes  usages  que  les  communautés 
françaises,  mais  elles  n'ont  pas  eu  à  subir  la  même  campagne 
centralisatrice  ^.  L'administration  du  ressort  rural  par  le  domaine 
n'atteignait  pas  les  privilèges  ruraux.  La  division  fiscale  du  terri- 
toire était  tout  à  fait  indépendante  de  la  tutelle  administrative  *. 
Celle-ci,  à  la  fin  de  l'ancien  régime,  était  réalisée  par  la  surveil- 
lance des  hauts  fonctionnaires  du  ressort  rural.  A  la  tête  de  ce 
ressort  figurait  un  bailli  ou  drossart ,  dont  l'institution,  déjà  an- 
cienne en  Flandre,  s'était  généralisée.  Mais  la  plupart  des  com- 
munautés rurales,  soumises  au  pouvoir  seigneurial,  échappaient 
à  l'action  du  souverain  ^.  Ces  restrictions,  et  les  principes  de  la 
tutelle   administrative  et  financière    des  communautés  du  plat 

1  Edm.  Poullet,  Constit.  nat,.  p.  3od.  —  Hénaux,  Constitution  du  pays  de 
Liège,  p.  8-4.  —  Borgnet,  Introd.  à  une  histoire  des  instit.  polit,  de  l'ancien 
pays  de  Liège.  —  Le  même,  Cart.  de  Fosses,  Introd.  pp.  lui  et  suiv.  — 
Carlul.  de  Ciney,  pp.  en  et  suiv. 

2  A.  de  Tocqueville,  La  démocratie  en  Amérique,  éd.  Lévy,  t.  I,  pp.  93  et 
suiv. 

^  Ch.  de  Ribbe,  op.  et  loc.  cit.  —  A.  Babeau,  Le  village  sous  Vancien 
régime,  liv.  I  •  La  communauté.  —  A.  de  Tocqueville,  La  révolution  et  Van- 
cien régime,  liv.  II,  ch.  III  et  VI. 

*  Edm.  Poullet,  Constit.  nat.,  p.  20. 

5  Edm.  Poullet,  ibid.,  p.  479.  —  Steur,  L'administration  des  Pays-Bas 
autrichiens,  p.  56. 


{  203  ) 

pays,  nous  n'avons  pas  à  les  étudier  ici.  Il  nous  suffisait  de  voir 
nos  anciens  habitants  des  campagnes  jouir  d'une  administration 
autonome,  et,  en  un  mot,  des  bénéfices  si  sérieux  de  la  décentra- 
lisation administrative. 


CHAPITRE  V. 

lie  régime  agricole. 

SECTION  I.  —  Production  des  céréales. 

Malgré  la  fertilité  d'une  partie  de  son  terroir,  le  travail  assidu 
et  la  capitalisation  généreuse  de  ses  cultivateurs,  la  Belgique  ne 
parvint  jamais  à  nourrir  annuellement  de  ses  propres  produits  la 
nombreuse  population  qui  la  couvrait  *.  Pendant  toute  l'histoire 
économique  de  notre  pays,  nous  constatons  la  nécessité  perma- 
nente des  importations  alimentaires.  Les  provinces  françaises 
voisines  de  notre  pays  lui  vendaient  du  blé;  le  Hainaut  et  l'Artois 
pouvaient  aussi  en  fournir  au  reste  des  Pays-Bas,  mais  les  rela- 
tions commerciales  de  la  Hanse  étaient  pour  eux  une  ressource 
plus  précieuse.  Le  Levant  était  le  grenier  de  nos  provinces;  et  le 
retard  de  ses  arrivages  pouvait  suffire  à  provoquer  la  famine  sur 
notre  sol.  Les  famines  en  Belgique!  L'histoire  en  est  triste  et 
longue;  elle  est  une  preuve  trop  palpable  de  l'insuffisance  rela- 
tive de  notre  production  nationale  2.  Nous  sommes  donc  néces- 
sairement, au  point  de  vue  alimentaire,  tributaires  de  l'étranger. 

*  «  Frumenlum  domeslicum  sœpe  lantœ  multitudini  non  est  nutriendoe 
absque  subsidiario  exlernorum.  »  Marcbantius,  Flandria  descripta,  p.  14.  — 
Témoignages  conformes  de  Meyere  et  de  Machiavel,  cités  par  E.  de  Laveleye, 
Écon.  rur.  de  la  Belg.,  p.  17.  —  Ch.  van  HuUhem,  Discours  sur  l'état  ancien 
et  moderne  de  l'agriculture  dans  les  Pays-Bas,  p.  26. 

^  E.  Van  der  Meersch,  Notice  sur  les  famines  c/ui  ont  désolé  la  Belgique, 
Mess,  des  se.  hist.  de  Belg.,  p.  247,  1847.  —  L.  Torfs,  Fastes  des  calamités 
publiques.  Les  famines,  etc. 


(  204  ) 

Nous  l'avons  toujours  été.  Cette  vérité  conduit  à  une  conclusion, 
sur  laquelle  nous  reviendrons,  mais  qui  à  l'heure  actuelle  a  son 
importance  toute  spéciale  ;  c'est  que  la  Belgique  ne  vit  que  du 
libre  échange.  Elle  en  a  besoin  au  point  de  vue  alimentaire  pour 
pouvoir  importer  le  montant  de  son  déficit  annuel.  Elle  en  a 
besoin  au  point  de  vue  industriel:  ce  n'est  en  effet  qu'en  ayant  à 
l'extérieur  un  libre  débouché  pour  les  produits  d'une  manufac- 
ture florissante  qu'elle  aura  de  quoi  payer  à  l'étranger  la  contri- 
bution annuelle  qu'elle  lui  réclame.  La  vie  même  des  populations 
est  donc  intéressée  au  libre  échange  de  nos  produits.  C'est  ce  que 
nos  ancêtres  ont  toujours  compris  *,  c'est  ce  que  nous  ne  devrions 
pas  oublier:  cependant  tous  les  auteurs  s'accordent  à  proclamer 
le  développement  tout  à  fait  prématuré  de  notre  agriculture  en 
Europe,  grâce  à  l'énergie  de  notre  caractère  national,  grâce  aussi 
sans  doute  à  cette  exubérance  de  population,  aiguillon  le  plus 
actif  du  progrès  économique.  C'est  de  ce  progrès  que  nous  allons 
tâcher  d'analyser  la  marche  historique  dans  la  mesure  ou  le 
permet  l'état  actuel  de  la  science. 

§  4.  Les  périodes  culturales  2. 

L'époque  que  nous  étudions  s'ouvre  sous  la  période  pacagère. 
L'agriculture  a  abandonné  le  système  pastoral,  mais  la  part  de 
culture  céréale  a  encore  besoin  d'être  appuyée  sur  un  usage  très- 
considérable  des  forces  naturelles.  Ce  principe  que  nous  avons 

'  Jl  est  curieux  de  voir  à  cet  égard  la  politique  des  Belges  En  1538  le  roi 
de  France  cherche  à  détacher  les  Flamands  de  l'Angleterre.  «  Vray  est,  répon- 
dent-ils, que  des  Français  nous  viennent  bleds;  mais  il  convient  avoir  de  quoi 
acheter  et  paier;  et  muy  de  bled  a  denier  dolent  celui  qui  ne  l'a.  Mais  d'En- 
gleterrenous  viennent  laines  et  grands  prouffitz  pour  avoir  les  vivres  et  tenir 
grands  étaz  et  du  pais  de  Haynau  nous  venrait  assez  bleds,  nous  a  eux  d'ac- 
cord. »  E.  Varenberg,  Histoire  des  relations  diplomatiques  entre  le  comte  de 
Flandre  et  l'Angleterre  au  moyen-âge,  p.  1 1.  Le  dernier  point  de  la  réponse 
est  contestable  et  invoqué  sans  doute  pour  les  besoins  de  la  cause. 

2  Roger,  L'agriculture  allemande,  18^7.  —  Roscher,  National  œkonomik 
des  Ackerbaues,  kap,  II.  —  Lecouleux,  Cours  d'économie  rurale,  t.  II,  ch.  VU 
et  IX,  etc. 


(  205  ) 

déjà  énoncé  se  caractérise  dans  l'application,  par  la  constitution 
en  partie  double  du  domaine,  et  le  système  arable  avec  alternat 
de  jachères.  La  constitution  en  partie  double  divisait  le  domaine 
en  terres  de  pâturage  et  en  terres  de  labour.  La  prairie  était  alors 
partie  intégrante  et  indispensable  de  toute  exploitation.  C'est 
grâce  au  bétail  qui  y  vivait,  au  fumier  qu'il  produisait,  qu'on  sou- 
tenait la  partie  cultivée  du  domaine.  On  ne  connaissait  pas  la 
culture  à  coups  de  capitaux;  elle  eût  été  peu  lucrative,  car  la 
richesse  générale  de  la  société  ne  lui  eût  pas  offert  un  débouché 
rémunérateur.  On  devait,  dans  l'état  économique  du  temps,  pro- 
duire à  peu  de  frais;  le  développement  de  la  richesse  générale 
accentue  les  progrès  des  méthodes  agricoles.  Il  ne  faut  pas,  en 
fait  d'agriculture,  employer  des  procédés  dont  l'état  économique 
de  l'époque  ne  comporte  pas  l'application.  Ces  procédés  d'ailleurs 
étaient  inconnus;  et  pour  faire  un  peu  de  culture  céréale,  il  fallait 
restituer  largement  au  moyen  des  forces  naturelles  dont  on  dis- 
posait. Le  pré  était  donc  un  élément  essentiel  de  toute  exploi- 
tation. On  comprend  dès  lors,  à  cette  époque,  la  haute  importance 
économique  des  biens  communaux,  où  tous  les  habitants  d'un 
village  pouvaient  chercher  la  nourriture  de  leur  bétail,  la  matière 
première  de  leur  fumier.  Outre  les  dépaissances  communes,  l'ex- 
ploitation particulière  elle-même  comprenait  le  pré  et  la  terre 
arable  *.  Tantôt  cette  répartition  était  fixe,  tantôt  le  pré  se  com- 
posait successivement  des  diverses  parties  du  domaine;  ce  der- 
nier système  est  le  moins  fréquent.  Les  prés  arables  constituent 
une  exception;  ce  sont  des  terres  soumises  à  un  labour,  puis 
rendues  à  l'état  de  végétation  naturelle.  Ces  terres  rompues  une 
première  fois,  puis  abandonnées,  étaient,  à  leur  reprise,  assimilées 
à  de  nouvelles  emprises  2.  Parfois  cependant,  l'état  pacager  et 
l'état  de  culture  s'alternent  assez  régulièrement;  alors  l'abandon 
des  terres  après  culture  ne  constitue  plus  qu'une  longue  jachère, 

*  Presque  toutes  les  concessions  comportent  une  certaine  étendue  «  Tarn 
lerrœ  quam  prali.  «  Cependant  l'usage  des  communaux  y  suppléait  quelque- 
fois. —  Abbé  Van  de  Putte,  Esquisse  sur  la  mise  en  culture  de  la  Flandre 
occidentale,  Mém.de  la  Soc.  d'émulation  de  Brdges,  Ire  série,  t.  IIL 

^  Voir  plus  haut  les  Navales. 


(  206  ) 

nécessaire  dans  les  lerres  nouvellement  défrichées,  et  dans  la 
période  agricole  la  plus  primitive  et  la  plus  pauvre  K  En  général 
donc  le  pré  constituait  une  partie  fixe  du  domaine  exploité.  La 
séparation  définitive  des  deux  parties  du  sol  fut  consommée  par 
l'avènement  de  l'assolement  triennal  2. 

Les  débuts  de  l'agriculture  régulière  sont  caractérisés  par  le 
système  agricole  de  l'alternat  romain,  virgilien  ^;  alternat  de  blés 
d'hiver  et  de  printemps.  L'alternat,  ne  donnant  aucun  repos  à  la 
terre,  exigeait  la  constitution  en  partie  double,  et  aussi,  pour 
donner  son  dimanche  à  la  terre,  la  succession  du  pré  et  du  labour 
sur  le  même  sol.  Mais  la  rotation  :  céréales  d'automne,  cérales  de 
printemps,  jachère,  rendait  cette  alternance  inutile,  tout  en  ayant 
encore  un  besoin  impérieux  du  voisinage  constant  des  terres 
pâturées  *. 

L'assolement  triennal  est  le  système  généralement  usité  au 
moyen-âge.  Il  se  substitua  assez  tôt  au  système  biennal.  On  ne 
sait  en  fixer  exactement  l'époque,  mais  il  était  au  IX^  siècle  en 
usage  en  Belgique,  comme  le  prouvent  notamment  les  registres 
de  l'abbaye  du  mont  Blandin  ^. 

Ce  système  prédomina  pendant  une  grande  partie  du  moyen- 
âge.  On  en  a  la  preuve  dans  des  textes  formels  ^,  ainsi  que  par 
des  renseignements  partiels  qui  en  sont  la  confirmation  évidente. 
Ces  preuves  se  tirent  de  diverses  inductions.  Nous  avons  dit  que 

»  WarnkoDig,  F/and.  sL  u.  R.  Gesch.,  l.  111,  Abth.  II,  p.  51,  (1249).  Le  pré 
arable  est  cultivé  pendant  irois  ans  puis  remis  en  pâlure  et  ainsi  de  suite.  — 
Coutumes  de  la  mairie  de  Crombrugghe  (1264),  Dierlcx,  Charferhoekje, 
p.  74. 

2  G"'-  Eenens,  Mémoire  sur  la  ferlilisation  des  landes.  Introd. 

3  Georgiq,  1, 82. 

*  Voyez  la  coexistence  des  deux  systèmes  dans  Guérard,  Polypt.  d'Irminon, 
Prolég,  p.351. 

5  Chronique  du  Mont  Blandin,  p.  72.  —  G.  Heuzé,  Les  assolements  et  les 
systèmes  de  culture,  p.  11. 

6  Abb.  de  S'-Amand,  «  De  his  (XV  buonariis)  seminantur  de  sigali  ad  hiber- 
nalicum  buon.  V,  ad  œstivum,  buon.  V  »  dans  Guérard,  Polypt.  d'Irminon, 
Prolég.  l.  I,  p.  926.  —  Les  terres  sont  divisées  en  pièces  ki  sunt  a  blet,  lière  à 
march,  gaskière.  L.  Devillers,  Cartulaire  du  comté  de  Hainaut,  t.  II,  p.  230. 


(  207  ) 

les  redevances  se  payaient  d'ordinaire  sur  les  fruits  mêmes  de 
l'exploitation.  Or  toute  exploitation  complète  doit  redevance  en 
deux  sortes  de  grains  :  d'aulomn«  et  de  printemps. 

A  côté  des  domaines  entiers,  on  rencontre  parfois  des  demi- 
exploitations.  On  a  conjecturé  que  c'étaient  là  des  lopins  de  terre 
soumis,  vu  leur  petite  étendue,  au  système  biennal.  Les  rede- 
vances semblent  encore  confirmer  cette  opinion  puisque  nous 
constatons  que  les  demi-charrues  ne  payent  redevances  qu'en 
une  espèce  de  céréale,  chaque  année  '.  Enfin,  quand  dans  le 
métayage  les  obligations  des  parties  sont  analysées,  la  présence 
simultanée  des  deux  espèces  de  grains  est  clairement  constatée  ^. 
Aux  redevances,  joignons  les  corvées  réparties  entre  les  deux 
cultures;  et  nous  aurons  une  série  d'inductions  venant  à  l'appui 
de  textes  précis  pour  démontrer  que  les  deux  sortes  de  grains 
sont  cultivées  chaque  année  dans  la  majeure  partie  des  exploi- 
tations du  pays. 

Le  choix  de  ces  cultures  n'est  pas  partout  le  même,  et  les 
mêmes  sources  nous  feront  connaître  les  dominantes  agricoles. 
L'examen  rapide  des  chartes  des  diverses  provinces  démontre 
en  général  la  prédominance  sur  le  froment,  du  seigle  en  Flan- 
dre, dans  le  Brabant  et  le  pays  d'Anvers;  de  l'épeautre  à  Na- 
mur  et  dans  le  pays  de  Liège;  et  d'autre  part  la  prédominance 
de  l'avoine  sur  l'orge   dont  la  culture  semble  assez  rare.  C'est 

*  Texte  expressif  d'un  acte  de  1247:  «  Qui  carrucam  habebit  integram  tene- 
bitur  annuatim  duas  garbas;  unam  siliginis  vel  spellœ,  aliam  avense.  Qui  vero 
dimidiam  carrucam  habebit  unam  siliginis  vel  speltse.  Analectes  pour  ser- 
vir, etc.,  t.  IV,  p.  416.  —  L.  Delisle,  Histoire  des  classes  agric.  en  Normandie, 
p.  297.  Cependant  parfois  la  différence  ne  consistait  que  dans  le  nombre  de 
gerbes,  ce  qui  ne  diminue  rien  de  la  vraisemblance  de  la  conjecture.  «  Quilibet 
burgensis  dabit...  Si  tenuerit  unum  curtile  duos  mencaudos  avense,  et  qui 
dimidium  tenuerit,  dabit  unum  mencaudum.  »  Jacques  d'Avesnes,  Charles  de 
Landrecies,  XI^  S.  dans  Namêche,  Hisloire  nal.,  t  111,  p.  119. 

2  «  Ad  lerram  lotalem  singulis  annis  totum  semen  dabit  medietate  siliginis 
et  medietate  avenœ.  »  Van  Lokeren,  Cartulaire  de  S'-Bavon,  pièces  justifie, 
no  65.  —  Cf.  Contrat  de  métayage  cité  de  la  dame  de  Perwez,  3Iess.  des  se. 
hist.,  p.  107, 1852.—  DeLaveleye,  Écon.  rur.  deja  Belg.,  p.  274.— «  De  censà, 
44  modios  grani  cujus  média  pars  débet  esse  bladi  et  alla  avenœ,  1282,  Cari, 
de  Camhron,  t.  II,  p.  863,  etc. 


(  208  ) 

donc  en  général  l'avoine  qui  alterne  avec  le  seigle  ou  l'épeautre  *. 
Il  y  avait  donc  deux  parts  du  sol  occupées  par  les  grains;  que 
devenait  la  troisième?  Pour  réaliser  l'assolement  triennal,  il  faut 
prouver  qu'elle  était  vide,  c'est-à-dire  en  jachère.  Cette  preuve 
est  bien  facile  ;  mais  pour  l'administrer,  il  faut  distinguer  le 
caractère  même  de  la  jachère.  La  jachère  primitive  est  le  repos 
delà  terre  dans  sa  notion  absolue;  c'est  un  vrai  dimanche  qu'on 
lui  accorde;  on  lui  permet  de  reconstituer  ses  forces  productives 
sous  l'action  de  l'atmosphère.  Le  tiers  du  sol  doit  rester  vide  et  sans 
culture  2.  Tel  est  le  principe  de  cette  agriculture  primitive.  Mais 
ce  système  n'est  pas  long;  on  ne  tarde  pas  à  profiter  du  tiers  an 
pour  travailler  le  sol  et  faciliter  ainsi  l'action  des  éléments,  des 
agents  naturels  ,  et  à  aider  leur  œuvre  par  l'emploi  de  reconsti- 
tuants. Il  y  a  un  travail  et  une  fumure  de  jachère.  C'est  la  jachère 
améliorante,  premier  et  notable  progrès  de  l'économie  rurale. 
Les  baux  imposent  clairement  le  travail  de  jachère,  qui  y  est 
signalé  comme  usuel  et  de  pratique  générale  ^.11  est  à  remarquer, 
d'ailleurs,  que  les  obligations  imposées  aux  tenanciers  de  fumer, 
chauler,  marner  leurs  terres,  sont  toujours  fixées  à  un  terme 
d'années  multiple  de  trois,  c'est-à-dire  à  une  époque  de  jachère. 

*  Voir  passim  tous  les  cartulaires  et  inventaires  d'archives  déjà  cités.  Le  mot 
frumentum  ne  doit  pas  toujours  se  traduire  par  froment.  Frumentum  est  le 
ternie  usité  pour  la  céréale  dont  on  se  nourrit,  dont  on  fait  le  pain  (quo  frui- 
mur)  le  brodfrucht.  Langetlial,  Gesch.  der  deusch.  Landio.,  t.  I,  p.  25.  — 
F.  Le  Play,  Les  ouvriers  européens,  2°ie  éd.,  t.  I,  p.  293.  Le  froment  c'est 
irilicum,  tarwe.  Il  est  fort  difficile  de  faire  l'histoire  des  plantes  alimentaires. 
Dareste,  Hist.  des  cl.  agric,  p.  9.  Voir  à  ce  sujet  un  travail  général,  trop 
ancien  mais  encore  curieux  de  C.-G.  Heyn ,  «  Origines  pannificii  frugumque 
inventarum  initia.  Opuscula  academica,  Gotlingen,  t.  I,  p.  350,  1785. 

2  Le  tiers  bonier  de  le  tière  doit  être  vuide  et  nient  colturé  :  chou  est  a 
savoir  hrake.  Usages  de  Crombrugghe  cités.  —  Cf.  Duvivier,  Les  hospites, 
p.  147. 

3  «  Brake  debent  relinquere  légitime  cultam  »  1266,  Warnkënig,  op.  cit., 
t.  III,  Abth.  II,  p.  23.  —  L'abbaye  des  Dunes  rendra  «  xviii  '/g  mensuras  terre 
avenis,  et  xv  vissaliis  oneratas  et  advestitas,  necnon  xxxv  Va  terre  benè  et 
sufficienter  ad  gasqueram  laboratas,  »  1416.  —  Cartulaire  des  Dunes,  p.  769. 
Enfln  il  y  a  des  corvées  de  jachère.  Devillers,  op.  cit.,  t.  I,  p.  57,  3  corouees 
l'an,  une  al  march,  une  al  waim,  et  une  al  gaskière,  et  passim. 


(  209  ) 

Ce  système  triennal  comportait  nécessairement  la  division  de  la 
partie  arable  de  l'exploitation  en  trois  soles,  sur  chacune  des- 
quelles se  succédaient  les  trois  ternies  delà  rotation,  de  façon 
que  chaque  domaine  comprenne  constamment  une  sole  de 
chaque  espèce.  Ces  soles  n'étaient  pas  divisées  mathématique- 
ment; on  tenait  compte  des  avantages  locaux,  des  qualités  du  sol, 
de  son  homogénéité  *  ;  ce  sont  là  des  règles  élémentaires  qu'on 
applique  instinctivement  de  très-bonne  heure.  Rotation  et  asso- 
lement étaient  obligatoires;  il  n'était  pas  permis  aux  concession- 
naires d'un  terrain  de  le  cultiver  à  son  gré,  de  changer  le  cours 
normal  des  cultures  2;  il  ne  peut  «  desroiier  ni  deffroisser  »  le 
sol  ^.  Aussi  le  fermier  sortant  doit-il  laisser  la  terre  dans  l'état  où 
il  l'a  reçue,  avec  un  tiers  sans  culture. 

La  jachère  improductive  resta  très-longtemps  en  usage  dans  nos 
provinces.  Au  XVIII^  siècle,  on  cultive  encore  à  blé,  à  mars  et  à  ver- 
saine  ^;  la  servitude  de  la  vaine  pâture  ne  fut  peut-être  pas  étran- 
gère à  sa  longue  persistance.  Cependant  de  bonne  heure,  une  série 
de  cultures  nouvelles  vint  changer  le  caractère  de  la  jachère  et 
préparer  le  système  de  la  rotation.  Nous  assistons  successivement 
à  l'avéncment  du  navet,  du  trèfle,  de  la  pomme  de  terre,  qui  pro- 
duisent chacun  une  révolution  heureuse  dans  l'économie  rurale, 
comme  de  nos  jours  la  betterave  en  a  réalisé  une  nouvelle  ^. 

*  Voir  à  la  note  précédente  la  distribution  dans  la  terre  de  Zinlhines  (abbaye 
de  S'-Vaasl,  cédée  à  celle  des  Dunes).  —  Cf.  celle  de  la  forme  d'Havre  (abbaye 
de  St-Denis  en  Broqueroye).  L,  Devillers,  Cartulaire  de  cette  abbaye,  AnJi. 
du  Cercle  archéol.  de  Mons,  t.  X,  l^e  partie,  p.  214,  \\^  2  —  Celle  de  la  ferme 
de  Cappendael  en  Brabant  (abbaye  d'Heylissem),  Tarlier  et  Wauteis,  Belg. 
anc.  et  mod.  (cant.  de  Tirlemont),  etc.  —  Ferme  de  Walencourt,  Polin,  Notice 
hist.  sur  Walencourt,  Mém.  de  la  Soc.  d'Émulation  de  Cambrai,  p.  173, 1872. 

^  Extra  cursum  solitum,  —  »  exigemus  et  recepiemus  ab  eo  corporale  jura- 
mentum  quod  durante  termino  dictge  censae  terras  nostras  extra  cursum  soli- 
tum non  excolet  »  (!295),  Cartulaire  de  Cambron,  Monum.  pour  l'hist.  dk 
Namdr,  etc.,  t.  II,  p.  86o, 

^  Duvivier,  Les  hospitcs.  Annexes:  Baux  de  1278,  pp.  164  et  170,  etc. 

^  Déclaration  du  conseil  de  Brabant,  1754,  citée  dans  les  Publications  de  la 
Soc.  hist.  du  Grand-Duché  de  Luxembourg,  t.  VII,  p.  190. 

^  Sur  les  progrès  successifs,  Eenens,  op.  et  loc.  cit.—  Jules  Nollée  de  Nodu- 
ToME  XXXll.  14 


(  210  ) 

Le  navet  est  très-anciennement  connu  dans  nos  provinces,  et 
était  employé  dès  l'origine,  paraît-il,  à  l'alimentation  du  bétail  *. 
Mais  son  importance  agricole  ne  pouvait  encore  se  pressentir. 
C'est  au  pays  de  Waes  que  nous  le  trouvons  le  plus  ancienne- 
ment employé  ;  il  y  existe,  sa  culture  y  est  florissante  dès  le 
XIV^  siècle  ^,  el  l'on  peut  sans  témérité  y  voir  le  premier  essai 
de  jachère  vive  ou  productive.  La  jachère  productive  est  dans 
l'histoire  agricole  un  des  points  les  plus  importants;  appliqué 
(l'une  manière  inconsciente,  ce  système  porte  en  lui  la  prochaine 
réalisation  de  la  rotation  complète.  L'expérience  démontre  dans 
une  province  qu'une  série  de  cultures  différentes  peuvent  se 
suivre  sur  le  même  sol;  que  les  céréales  et  les  fruits  de  jachère 
[braakfruchien)  ^  s'alternent  sans  inconvénients.  Dès  lors  la  res- 
tauration du  sol  pai'  le  repos  doit  perdre  de  plus  en  plus  dans  la 
pratique.  On  applique  sans  la  connaître  la  grande  et  féconde 
lliéorie  des  restitutions.  L'expérience  détruit  la  jachère,  la  science 
s'emparera  de  ce  fait  qui  sera  le  point  de  départ  de  progrès 
immenses. 

Les  fruits  de  jachère  se  multiplièrent.  Au  navet  se  joignit  le 
trèfle.  Le  trèfle  dont  nous  n'avons  pas  à  analyser  les  vertus  ali- 
mentaires, eût  réalisé  définitivement  la  rotation  régulière  s'il  avait 
réussi  partout,  s'il  avait  pu  réussir  tous  les  trois  ans.  On  dut  mo- 
difier la  rotation  générale  comme  on  le  fit  en  Flandre,  ou  recourir 
aux  plantes  fourragères  en  créant  des  prairies  artificielles. 

Au  XVI^  siècle,  la  culture  des  fruits  de  jachère,  vivant  de  l'air 
plus  que  du  sol,  s'était  fort  étendue  en  Belgique;  depuis  longtemps 

wez,  Journal  de  la  Soc.  centr.  agric.  de  Belg.,  p.  194,  1879.  Sur  la  pomme  de 
terre,  voir  les  sources  citées  à  propos  de  la  dîme  et  J.  Coliin,  Quelques  (rails 
de  l'Imt.  de  la  pomme  de  lerre  dans  la  Rev.  cath.  de  Louvaiiv,  1. 1,  p.  509, 1880. 

*  Pline,  Hisloire  nat.,  XIX,  50. 

^  Le  pays  de  Waes  porte  le  navet  dans  son  écusson,  Phil.  de  l'Espinoy, 
Rech.  des  antiq.et  nobl.  de  Flandre,  éd.  Douai  1631,  p.  99.  Le  sobriquet  de 
ses  habitants  est  Raepelers.  (Ed.  de  Dene,  de  Langen  Adieu,  1361,  Belgisch 
MusEDM,  t.  IV,  p.  102).  —  Cf.  Eenens,  op.  cit.,  p.  68.  —  J.  De  Smet,  Notice 
historique  sur  le  pays  de  Waes,  Mém.  de  l'Acad.  roy.  de  Belg.,  in-d»,  l.  XXI, 
pp.  D  et  suiv. 

^  Braakloof,  Eenens,  op.  cit.,  p.  62.  Plac.  de  Flandre,  t.  lil,  p.  415. 


(  2H  ) 

elle  en  avait  importé  la  culture  en  Allemagne  ',  comme  elle  devait 
au  XV 11^  siècle  la  populariser  en  Angleterre.  Dans  l'intervalle  il  est 
vrai,  Tarello  avait  posé  les  bases  scientifiques  de  l'assolement  ^, 
et  Ollivier  de  Serres  avait  vulgarisé  la  théorie  et  la  pratique  des 
prairies  artificielles  ^.  L'influence  scientifique  du  sage  conseiller 
de  Henri  IV  ne  put  manquer  de  s'étendre  sur  un  pays  mieux 
j)réparé  qu'aucun  autre  à  en  apprécier  l'importance  et  la  vérité 
pratique  *.  Aussi  l'assolement  flamand  se  régularise  et  se  com- 
plète. Les  fruits  de  jachère  perdent  ce  nom  contradictoire;  la 
rotation,  l'assolement  alternatif  règne  en  Flandre.  On  se  trompe- 
rait cependant  si  on  étendait  à  toutes  nos  provinces  le  mouve- 
ment de  progrès  rapide  que  nous  venons  de  signaler.  Adoptées 
et  appliquées  depuis  longtemps  par  les  paysans  flamands,  la 
jachère  productive  et  la  prairie  artificielle  rencontrèrent  de  Top- 
position  dans  d'autres  provinces  ^.  Les  propriétaires  brabançons 
du  XV^  siècle  limitent  strictement  dans  les  baux  le  terrain  qu'on 
pourra  y  consacrer  ^.  Ils  ne  l'interdisent  pas  tout  à  fait.  C'est  la 
lutte  du  tenancier  qui,  par  expérience,  a  compris  ses  intérêts 
contre  la  théorie  encore  arriérée  du  propriétaire,  qui,  jaloux  de 
la  fertilité  de  son  sol,  craint  qu'on  ne  l'épuisé  par  cette  conti- 
nuelle production.  La  jachère,  la  jachère  améliorante,  bien  entendu, 
se  perpétua  donc  dans  la  plupart  de  nos  provinces;  les  fruits  de 


*  Janssen,  Gesch.  dsr  deiitsch.  Voîkes,  t.  I,  p.  285.  —  Sur  l'influence  agri- 
cole des  Flamands  en  Allemagne,  Ém.de  Borchgrave,  Hist.des  colonies  belges, 
p.  550. 

^  Grégoire,  Essai  historique  sur  Vagriculture.  En  tète  du  U  I,  de  l'éd.  de 
1804  des  OEuvres  d' Ollivier  de  Serres,  p.  lxxxviii.  —  H.  Donioi,  Hisloiredes 
classes  rurales,  p.  541 .  —  Monteil  et  Louandre,  Hist.  agricole  de  la  France, 
p.  lo9. 

^  Théâtre  d'agriculture  ou  mesnage  des  champs,  livre  IV,  eh.  II  et  III, 
éd.  1804,  t.  l,p.  o04.  —  A  Poirson,  Histoire  du  règne  de  Henri  IV,  éd.  1866, 
t.  III,  p.  177.  Sur  les  relations  des  Flamands  avec  la  France  sous  Henri  IV, 
voir  ibid  ,  p.  220. 

*  Il  semble  que  ce  soit  à  la  fin  du  XIV«  siècle  que  la  prairie  artificielle 
soit  entrée  en  usage.  L.  Van  der  Kindere,  Le  siècle  des  Arlevelde,  p.  251. 

s  Edm.  Poullet,  Juridiction  et  propriété  foncière  au  XV^  siècle,  p.  51.  — 
L'abbé  Mann,  Mémoire  sur  les  grandes  fermes,  n"  15. 


(  212  ) 

jachère  sans  y  être  inconnus,  y  étaient  peu  employés.  La  routine 
a  conservé  dans  le  système  condrusien  moderne  l'ancien  système 
de  l'assolement  triennal;  et  ce  n'est  qu'au  début  de  ce  siècle  que 
Mondez  parvint  par  son  exemple  à  introduire  l'agriculture  fla- 
mande dans  la  Hesbaye  ^  L'Angleterre  avait  élé  plus  pressée 
d'emprunter  à  la  Flandre  le  secret  précieux  de  sa  richesse  agricole. 
Au  XVII'  siècle  elle  commença  à  cultiver  en  grand  le  navet  et 
le  trèfle.  L'emploi  des  fruits  de  jachère  lui  était  indispensable 
pour  nourrir  la  population  exubérante  de  ses  industries.  Mais  le 
système  flamand  complet,  assolement,  travail,  fumures,  ne  fut  pas 
Importé  aussitôt.  Exposé  par  Hartlib,  favorisé  par  Cromwell,  pré- 
conisé par  Arthur  Young,  il  était  réservé  à  lord  Leicester  de  l'ap- 
pliquer dans  les  domaines  du  Norfolk  et  de  fonder  l'assolement 
célèbre  qui  porte  ce  nom  '^. 

Les  libertés  locales  de  la  Flandre,  le  caractère  énergique  et  cou- 
rageux de  ses  habitants,  la  population  exceptionnellement  dense 
qui  l'habitait,  les  succès  et  la  prospérité  de  son  industrie  et  par 
conséquent  le  développement  de  ses  agglomérations  urbaines 
avaient  transformé  son  sol  en  une  raine  de  produits  qu'on  eût 
crue  intarissable.  Le  génie  fécond  de  ses  cultivateurs  sut  découvrir 
un  perfectionnement  nouveau  et  hardi,  que  seuls  encore  ils 
appliquent  aujourd'hui.  La  terre  menace  de  ne  plus  nourrir  ses 
habitants;  cette  terre  ils  retendront  artificiellement;  ils  lui  feront 
produire  deux  récoltes  par  an  sur  près  du  tiers  de  l'étendue  de 
chaque  domaine.  C'est  le  système  célèbre  des  cultures  dérobées, 
consistant  à  faire  produire  la  même  année  sur  la  sole  des  céréales 
de  printemps,  une  récolte  intercalaire  d'anciens  fruits  de  jachère. 
«  Les  champs  de  la  Flandre  ne  reposent  jamais.  Les  récoltes  de 
l'été  ne  satisfont  pas  le  fermier;  à  peine  la  moisson  est-elle  faite, 
la  terre  reçoit  dans   son  sein  de  nouvelles  semences  qui  fournis- 

^  E.  de  Lavtleye,  Économie  rurale  de  la  Belgique,  '2"  éd.,  pp.  150,  183  — 
Mondez,  Su7-  la  deslruciion  de  la  jachère  et  les  avantarjes  de  V arjriciilture 
flamande,  1780. 

2  F.  Malézieux,  Études  agricoles  sur  la  Grande-Bretagne,  p.  260.  —  E.  de 
Laveleye,  op.  cil.,  p.  14.  —  Grégoire;  Essai  cité,  p.  cxxiii.  —  L.  de  Lavergue,] 
Économie  rurale  de  V  Angleterre,  4*  éd.,  p.  6:2. 


(  215  ) 

sent  de  nouveaux  végétaux,  lesquels  couvrent  les  champs,  automne 
et  hiver,  jusqu'à  ce  que  le  printemps  avertisse  de  préparer  la  terre 
pour  la  saison  suivante.  *  »  De  quand  date  la  culture  dérobée? 
C'est  ce  que  nous  ne  pourrions  déterminer  avec  exactitude.  La 
pratique  en  était  générale  en  Flandre  à  la  fin  de  l'ancien  régime  ^ 
mais  elle  ne  s'étendait  guère  au  delà  de  cette  |)rovince  qui  est 
encore  de  nos  jours  un  type  célèbre  de  supériorité  agricole  ^. 

Ces  aperçus  nous  permettent  de  dire  un  mot  de  l'étendue  des 
exploitations.  Pendant  le  premier  moyen-âge,  on  avait  pour  prin- 
cipe de  ne  concéder  que  les  domaines  suftîsant  à  l'alimentation 
d'une  famille.  Ces  domaines  avaient-ils  une  dimension  fixe?  On 
la  longtemps  soutenu, en  assignant  au  manse  l'étendue  de  douze 
bonniers.  Il  semble  qu'il  n'y  ait  rien  eu  dans  ce  chiffre  de  général 
ni  de  régulier.  Le  chiffre  de  douze  bonniers  fut  assigné  comme 
minimum  par  Charles  le  Chauve,  à  l'étendue  du  manse  paroissial. 
Mais  le  manse  ordinaire  pouvait  s'éloigner  de  ce  chiffre.  Les 
mansi  et  les  lioven  avaient  donc  la  dimension  que  réclamait  le 
degré  de  fertilité  du  sol  ou  ils  étaient  situés  *.  D'ailleurs  le  prin- 
cipe même  ne  tarda  pas  à  perdre  de  sa  rigueur,  et  l'on  vit  appa- 
raître bientôt  des  demi-manses.  Le  manse  demeura  une  sorte 
d'unité  d'exploitation,  mais  on  le  divisa  souvent.  Manse  et  culture 
d'abord  synonymes  se  diversifient  considérablement.  L'étendue 

*  Shaw,  Essai  sur  les  Pays-Bas  autrichiens,  p.  85. — Voir  le  curieux  tableau 
de  l'agriculture  flamande  dressé  par  le  comle  François  de  Neufchateau,  inséré 
dans  réd.  Grégoire  du  Théâtre  d'agriculture  d'Ollivier  de  Serres,  Paris,  1804, 
t.  I,  p.  18-2.  Résumé  p.  202. 

2  Anhur  Young,  Voyage  en  France,  OEuvres,  l.  XVII,  p.  145. —  Cf.  Van 
Isperen,  Les  progrès  agricoles  des  Flamands  et  des  Brabançons,  Mém,  de  la 

Soc.  DES  SCIENCES  DE   HaRLEM,  t.  XII. 

^  On  a  cependant  essayé  de  naturaliser  ce  système  en  Hesbaye.  J.  Carluy- 
vels,  Le  rôle  des  récoltes  dérobées  dans  V économie  des  cultures  industrielles 
de  la  Hesbaye. 

*  Sur  le  manse:  Guilmot,  Mémoire  sur  les  anciennes  habitations  rurales, 
sur  les  terres  qui  étaient  attachées  à  chacune  d'elles  et  sur  la  diversité  de 
leurs  mesures,  Arcb.  hîst.  dd  nord  de  la  France,  t.  II.  —  Guérard,  Prolég. 
au  polypt.  d'frminon,  t.  I,  p.  609. 

Nous  avons  exposé  plus  haut  (livre  I,  p.  33)  l'organisation  de  la  villa. 


(  214  ) 

moyenne  des  exploitations  est  fort  différente  d'après  les  sols  des 
diverses  provinces;  cette  étendue  d'ailleurs  est  toujours  indépen- 
dante de  la  pâture.  Dans  les  villages,  les  communaux  procuraient 
aux  fermes  cette  ressource  nécessaire,  aussi  ne  faut-il  pas  con- 
clure de  la  toute  petite  exploitation  à  l'avènement  de  la  haute 
culture  intensive  *.  31ais  abstraction  faite  du  voisinage  des  prés 
communs,  la  dimension  des  cultures  elles-mêmes  était  très- 
variable.  Constatons  d'abord  que  la  culture  dominicale  était  d'or- 
dinaire plus  grande  que  les  tenures  environnantes;  cependant 
elle-même  était  souvent  fort  petite.  Les  fiefs  suivaient  assez  géné- 
ralement le  mouvement  économique  de  la  culture.  Nous  avons  vu 
que  leurs  terres  et  leurs  hommages  se  divisaient  souvent,  ce  qui 
devait  dans  des  familles  nombreuses,  diminuer  considérablement 
leur  étendue  territoriale.  On  peut  donc  prendre  même  pour  base 
d'appréciation  des  cultures,  l'étendue  des  petits  fiefs  qui  ne  des- 
cendaient jamais  au-dessous  de  la  limite  minima  qu'indiquaient 
les  conditions  agricoles.  Or  à  réunir  tous  les  éléments  des  chartes 
et  des  divers  documents  sur  la  propriété  et  la  culture,  il  semble 
prouvé  que  le  morcellement  est  très-ancien  dans  notre  pays, 
surtout  dans  les  provinces  flamandes.  Dans  le  Brabant,  sous 
Jean  III,  le  livre  des  fiefs  nous  signale  partout  de  petites  tenures 
d'un  journal  à  quatre  bonniers  du  pays;  encore  les  petites  terres 
sont  très-divisées  et  les  exploitations  d'un  gazon  signalées  comme 
exceptionnelles  II  en  est  de  même  dans  le  pays  d'Anvers,  où  l'on 
trouve  par  exception  une  terre  de  6  ^/a  bonniers.  Dans  le  pays 
de  Waes,  la  moyenne  des  exploitations  du  XIII*'  au  XIV«  siècle 
est  d'un  bonnier  à  une  mesure  du  pays.  Au  Limbourg  elle  est  d'un 
ou  de  deux  des  bonniers  locaux.  Dans  la  partie  wallonne  de  la  Bel- 
gique, les  tenures  ne  sont  pas  aussi  petites.  Les  cultures  namuroises 
sont  grandes;  nous  y  trouvons  une  bonne  moyenne  de  25  bonniers 
pour  les  cultures  dominicales.  En  Hainaut,  il  est  probable  aussi 
que  les  fermes  étaient  très-grandes;  sans  doute,  l'unité  du  cortil 
n'y  est  que  d'un  peu  plus  de  onze  ares;  mais  c'était  là  l'habitation 
du  manant  et  non  l'exploitation  du  tenancier.  Dans  les  provinces 

*  Tous  les  détails  suivants  sont  tirés  yar  moyenne  des  sources  déjà  citées. 


C  2)5) 

wallonnes  la  division  des  terres  ne  se  fit  que  fort  tard,  et  à  la  vue 
des  effets  bienfaisants  qu'elle  avait  produits  dans  les  provinces 
flamandes.  Ce  ne  fut  guère  qu'au  XVI 11'=  siècle  que  commença  le 
morcellement.  Encore  celui-ci  doit-il  être  attribue  plutôt  au  désir 
des  paysans  d'avoir  une  exploitntion  indépendante  qu'à  une  vraie 
révolution  économique.  D'ailleurs  ce  désir  même,  provoqué  jjar  la 
capacité  matérielle  et  intellectuelle  de  le  réaliser,  est  le  plus  sûr 
garant  des  résultats  d'une  exploitation  moins  étendue.  C'est,  nous 
l'avons  dit  déjà,  la  vraie  raison  économique  de  la  réduction  pro- 
gressive des  domaines,  et  de  la  supériorité  intensive  de  la  petite 
culture  sur  la  grande  exploitation  ^  Le  mouvement  ne  fit  que 
s'accentuer  de  plus  en  plus  dans  nos  provinces;  les  agronomes 
du  XVlIh  siècle  le  favorisaient  hautement  de  leurs  conseils  et  de 
leurs  exemples. 

§  2.  Police  et  commerce  des  guains. 

Intimement  liée  à  l'importante  question  de  l'alimentation 
publique,  celle  du  régime  des  grains  préoccupe  toujours  haute- 
ment les  gouvernements.  Ce  régime  présentait  une  importance 
toute  spéciale  dans  un  pays,  qui  comme  le  nôtre,  avait  besoin  de 
combler  par  des  importations  périodiques  le  déficit  de  la  produc- 
tion nationale  ^  Le  commerce  des  grains  était  donc  une  des  pro- 
fessions qui  intéressaient  le  plus  le  public.  Ce  commerce  était 
généralement  libre;  c'est-à-dire  que  son  exercice  n'était  pas  en 
temps  normal,  soumis  à  une  surveillance  particulière.  Mais  dans 
les  temps  de  crise  alimentaire  intervenaient  parfois  des  règle- 
ments sévères  sur  l'accumulation  des  denrées.  Ces  mesures,  lois 
d'accaparement  aggravées  parfois  de  lois  de  maximum  ^,  se  ren- 

*  N.  Briavoine,  L'état  des  Pays-Bas,  p.  115.  —  De  Pontécoulant,  Mémoire 
statistique  du  département  de  la  Dyle,  an  X.  —  Abbé  Mann,  Mémoire  cité 
sur  les  grandes  fermes.  —  Marquis  de  Chasleler,  Lettre  sur  les  grandes 
fermes.  —  Shaw,  Les  Pays-Bas  autrichiens,  pp.  83  et  suiv. 

*  Sur  l'ensennble,  L.  Torfs,  lets  over  den  graenhandel,  Belgisch  Mdsedm, 
t  IX,  p.  566. 

5  Gualbert,  Vie  de  Charles  le  Bon;  Le  Comte^  avait  défendu  les  amas  de 
grains  et  édicté  un  maximum.  L'exécution  de  cet  édit  fut  le  prétexte  de  son 
assassinat,  d'après  le  chroniqueur. 


(  246  ) 

contrent  surtout  sur  les  marchés  locaux,  émanant  du  magistrat 
des  villes.  Celui-ci,  en  face  d'une  disette,  défendait  à  tout  le  monde 
de  conserver  chez  soi  plus  de  blé  qu'il  n'en  fallait  pour  la  con- 
sommation de  son  ménage.  Cette  défense  était  corroborée  par 
l'ordre  donné  au  producteur  de  vendre  tout  au  marché.  La  spé- 
culation sur  les  grains  était  interdite  ^  Le  peuple  d'ailleurs  s'en 
prenait  avec  violence  à  ceux  qui  amassaient  les  denrées;  accusant 
comme  il  le  fit  toujours,  les  marchands  de  grains  de  s'enrichir 
aux  dépens  de  la  vie  du  pauvre  ^.  Ces  règlements  d'ailleurs  se 
retrouvent  dans  les  actes  de  l'administration  générale  ^,  comme 
dansThistoire  particulière  des  villes;  et  l'édit  de  1699  condamne 
comme  «  ennemis  du  bien  public  et  sangsues  du  pauvre  peuple  » 
ceux  qui  spéculent  à  la  hausse  des  blés  quand  elle  dépasse  un  taux 
naturel. 

Ces  mesures  diverses  étaient  prises  dans  d'excellentes  inten- 
tions; mais  leur  grand  mérite  était  d'apaiser  les  inquiétudes 
populaires.  Les  importations  du  Levant  étaient  plus  précieuses 
pour  prévenir  les  disettes.  Elles  ne  firent  d'ailleurs  pas  défaut 
et  le  commerce  alimentaire  de  la  Hanse  dans  les  Pays-Bas  fut  de 
bonne  heure  considérable  *.  Mais  si  l'importation  internationale 
était  encouragée  depuis  le  grand  essor  commercial  du  XU'' siècle, 
le  commerce  intérieur  était  gêné  par  ces  tracasseries  multiples  et 

^  Sur  les  mesures  locales,  Torfs,  Fastes  des  calamités  publiques  :  Les 
famines,  pp.  145  à  241 ,  passim.  —  Henné  et  Waulers,  Histoire  de  Bruxelles, 
t.  I,  p.  259  et  passim. 

^  Histoire  d'une  spéculalion  manquée  et  d'une  émeute  à  Tournai  à  propos 
du  prix  des  grains  dans  les  Mémoires  de  Pasquier  de  la  Barre,  éd.  Ale.x.  Pin- 
chart,  t.  ï,  pp.  40,  114,  etc.,  ann.  1565-1566  :  «  Pillage  du  château  rouge, 
ainsi  appelé  parle  même  et  pauvre  peuple  voulant  par  ce  donner  à  entendre 
que  ledit  Baudelet  avait  fait  ériger  ladicte  maison  des  deniers  qu'il  avait 
prouffitez  au  renchérissement  des  grains,  lesquels  deniers  étaient  venus  et 
procédez  de  la  sueur  et  sang  des  pauvres  gens.  » 

2  Liste  chronologique  des  édits  et  ordonnances.  —  Livre  des  Placards , 
passim. 

*  L.  Torfs,  lets  over  den  graenhandel,  loc.  cit.  En  1567  il  arrivait  à  Anvers 
du  Levant  30,000  hectol.  par  an.  —  Sur  notre  commerce  en  Orient,  cf.  L.  Van 
den  Bussche,  Une  question  d'Orient  au  moyen-âge,  La  Flandre,  p.  187, 1878. 


(  217  ) 

assez  inutiles.  A  la  fin  de  l'ancien  régime,  le  gouvernement  autri- 
chien comprenait  fort  bien  que  «  tout  ce  qui  gène  la  vente  et 
Tachât  des  grains,  tend  à  gêner  la  circulation,  à  la  resserrer,  à 
faire  plutôt  augmenter  le  prix  qu'à  le  faire  baisser,  en  même 
temps  que  le  cultivateur  se  décourage  et  que  la  nation  qui  vit  de 
l'agriculture  en  reçoit  de  l'affaiblissement  *  ».  Mais  malgré  l'avis 
des  hommes  d'État,  il  n'osait  en  pratique  refuser  satisfaction  aux 
réclamations  populaires  et  renouvelait  les  édits,  en  même  temps 
que  les  interdictions  commerciales.  Quel  était  donc  tant  à  l'inté- 
rieur qu'à  l'extérieur,  le  régime  commercial  des  grains  sous  Tan- 
cien  régime? 

Le  commerce  intérieur  était  entravé  depuis  longtemps  par  la 
vieille  organisation  des  tonlieux. 

Le  tonlieu  n'était  à  l'origine  qu'un  tribut  payé  pour  les  pas- 
sages d'eau,  mais  dans  le  cours  du  moyen-àge,  et  déjà  sous  les 
Francs,  son  sens  fut  étendu  aux  passages  de  terre  2.  C'était  là  un 
droit  domanial  par  excellence  résultant  du  droit  incontestable 
qu'a  tout  propriétaire  de  mettre  à  prix  le  droit  de  passer  sur 
sa  terre  ^.  Ce  droit  se  percevait  dans  tous  les  domaines,  de  tous 
les  marchands  non  privilégiés,  sur  toutes  les  marchandises, 
voyageant  par  eau  ou  par  terre,  fussent-elles  mêmes  en  simple 
transit  ''*. 

Le  tout  évidemment  comportait  des  variétés  locales  d'après  les 
diverses  juridictions.   On  peut  donc  accepter  cette  définition  du 

^  Avis  du  conseil  privé  (1771)  émis  dans  ime  consullatioii  du  conseiller 
Kulberg.  Il  faut  avouer  cependant  que  cette  jurisprudence  n'était  pas  fixe,  car 
en  1765,  par  l'organe  du  conseiller  de  Cock,  la  même  assemblée  avait  émis  un 
avis  difTérent.  Gachard,  La  législation  des  grains  en  Belg.  au  XVIII"  siècle, 
Bdll  de  l'Acad.  ROY.  BE  Belg.,  t.  XVII,  l»"*  partie,  p.  28. 

^  Teloneum.  «  Tribulum  de  mercibus  marinis  circa  liltus  acceptum.  « 
Ducange,  v»  teloneum.  —  Suc  terre.  Id.,  v  teloneatus,  capit.  Chlotar,  619, 
an.  9. 

'  Marlinez,  Hetrecht  domaniael  van  Drahant. 

*  Sur  la  généralité  de  ce  droit  voir  divers  textes,  notamment  :  Actes  de 

l'empereur  Olhon,  Cartulaire  des  Dunes,  p.  179.  —Angleterre  : et  (rans- 

verso  {lransil}.lb\Ci.,i).  177.  —  1222,  Bdll.  dela-Comm,  roy.  d'hist.,  5«  série, 
l.  XIII,  p.  31. 


(  218  ) 

tonlieu:  c'est  un  ancien  droit  domanial  imposé  sur  l'entrée  et  la 
sortie  des  marchandises,  même  sur  celles  allant,  dans  l'intérieur 
du  pays,  de  l'une  province  à  l'autre  K 

Le  tarif  du  tonlieu  variait  donc,  mais  il  était  généralement 
proportionnel  au  poids  et  à  la  valeur  de  l'objet  transporté  ^. 

A  l'époque  féodale  les  tonlieux  étaient  ordinairement  concédés 
ou  inféodés,  mais  les  concessionnaires  devaient  se  soumettre  aux 
termes  de  leur  commission  ^.  Dans  celle-ci  le  concédant  prenait 
des  précautions  spéciales  pour  empêcher  que  les  entrepreneurs 
n'entravent  le  commerce  par  leurs  exigences  outrées.  Le  rèi^le- 
ment  du  tarif  était  imposé  même  aux  feodati;  l'acceptation  des 
•pots  de  vin  leur  était  interdite;  quand  ils  n'avaient  que  la  con- 
cession pour  medietas,  les  seigneurs  et  eux-mêmes  exerçaient 
simultanément  les  recettes,  sauf  récompense  le  cas  échéant.  Enfin, 
si  le  concessionnaire  était  indigne,  exerçait  des  violences  ou  des 
exactions,  il  pouvait  être  dépossédé  par  jugement  de  ses  pairs  s'il 
était  feodatus,  révoqué  s'il  était  simple  commissionnaire.  Parfois 
la  perception  du  tonlieu  imposait  au  concessionnaire  des  obliga- 
tions accessoires  telles  que  la  police  du  passage,  l'entretien  de  la 
route  sur  les  revenus  de  la  perception.  Les  tonlieux  particuliers 
existaient  encore  à  la  fin  de  l'ancien  régime. 

Les  tonlieux  du  prince  étaient  les  plus  importants  et  rentraient 
dans  l'administration  générale  du  domaine.  Leur  perception  était 
confiée  en  Brabant  au  receveur  du  domaine,  présidant  une  chambre 
de  tonlieux  devant  laquelle  se  vidaient  les  affaires  contentieuses 

1  De  Nény,  Mém.  hist.  et  polit,  sur  les  Pays  Bas  autrichiens,  t.  H  ,  p.  144. 

^  Règlemeût  du  tonlieu  de  Mods.  L.  Devillers,  Cartulaire  du  cens  du  comte 
de  Hainaut,  1. 1,  p.  19.  —  Voir  divers  tarifs  dans  les  pièces  justificatives  de 
Warnkônig,  Histoire  de  Flandre,  trad.  G  ,  t.  II.—  Les  marchandises  sujettes  à 
tonlieu  ne  pouvaient  y  échapper  en  prenant  un  autre  chemin  ,  et  cela  sous 
peine  d'amende  {\iOi),  Brab.  Yeesten.i  II,  p.  723,  éd.académ. 

'  Exempt.  :E.  de  Dynter,  Chron.duc  Brab.,\\v.  IV,  ch  LXXVI.,éd.  académ., 
t.  II,  p.  149.  Henri  duc  de  Lorraine  concède  en  fief  le  tonlieu  de  l'Escaut  à  Gode- 
froid  de  Breda  (1212).  —  G.  de  Borman,  Un  cartulaire  du  chapitre  deS'Ser- 
vais  de  Maeslricht,  Bull,  de  la  Comm.  roy.  de  Belg.,  5«  sér.,  t.  (X,  p.  69.  Com- 
mission de  Jean  de  Relte,  nommé  par  le  cliapitre,  thelonarius  de  Lipperen 
(1360). 


I 


(  219  ) 

de  cette  nature  *;  elle  était  composée  de  marchands  et  de  juris- 
consultes 2.  En  Flandre  cette  branche  du  contentieux  rcssorlissait 
comme  toute  Tadminislration  à  la  chambre  de  rencnghes.  Le 
nombre  des  chambres  de  tonlieux  n'était  jjas  fixe;  toute  ville 
pouvait  en  réclamer  la  fondation.  Le  règlement  général  des  ton- 
lieux  dans  les  Pays-Bas  unifiés,  est  arrêté  dans  les  additions 
successives  à  la  Joyeuse  Entrée  de  Brabant.  Il  prescrit  notamment 
la  tenue  d'un  livre  de  droits,  indiquant  les  exempts  et  la  taxe 
des  non-exempts,  la  réparation  civile  des  marchands  surtaxés, 
et  plusieurs  autres  précautions  qui  sont  plutôt  du  ressort  d'une 
histoire  administrative  ^.  Les  chambres  de  tonlieux  étaient  sou- 
mises à  la  surveillance  de  la  chambre  des  comptes,  arbitre  suprême 
des  questions  financières,  et  plus  tard  du  conseil  des  finances.  En 
1583,  une  chambre  de  tonlieu  fut  fondée  en  Flandre,  et  cette 
juridiction  fut  ravie  à  la  chambre  des  renenghes.  Une  chambre 
supérieure  de  tonlieux  était  établie  à  Bruxelles  et  recevait  appel 
des  autres  chambres  de  Brabant.  Elle-même  était  soumise  à  l'appel 
du  conseil  de  Brabant*.  Ce  régime  administratif  dura  jusqu'en 
1685.  Alors  la  perception  des  tonlieux  fut  avec  toutes  les  recettes 
du  domaine,  mise  à  ferme  par  le  gouvernement  pour  un  certain 
terme.  Le  système  d'amodiation  confia  naturellement  aux  fer- 
miers la  perception  de  ces  droits  ^.  La  juridiction  des  chambres 
se  maintint  jusqu'à  l'établissement  des  juges  des  entrées  et  sorties 
en  1G94.  L'analogie  eut  alors  pour  etTet  naturel  de  soumettre  le 
contentieux  des  tonlieux  aux  nouveaux  juges  domaniaux.  Les 
chambres  de  tonlieux  conservèrent  leurs  autres  attributions, 
notamment  la  police  de  la  voirie  ^. 


*  E.  de  Facqz,  Ancien  droit  belgique,  1. 1,  p.  104.  —  Marliuez,  op.  cit.  t.  I, 

*  Koepluylen  of  thollenaers.  Il  y  en  avait  six,  plus  six  jurisconsultes,  mais 
ces  chiffres  étaient  variables  Tarlier  et  Waulers,  Belg.  anc.  et  mod.,  Tirle- 
mont  (ville). 

5  Edm.  Poullet,  Consfit.  nat.,  p.  421. 
*•  E.  de  Facqz  et  de  Nény,  op.  et  loc.  cit. 

s  A.  Pinchart,  Arch.  de  la  Cour  des  comptes,  t.  IV,  init.  —  Placards  de 
Flandre,  t.  III,  p.  846. 

*  De  Neny,  op.  cit.,  t.  II,  p.  132.  —  Pinchart,  ibid.,  p.  93,  n«  2. 


(  2-20  ) 

A  côté  des  tonlieux  domaniaux,  subsistaient  les  tonlieux  parti- 
culiers et  ceux  des  villes  K  Celles-ci  avaient  souvent  profité  de 
leurs  finances  pour  racheter  les  impôts,  et  on  leur  octroyait  alors 
le  droit  de  lever  la  taxe  à  leur  manière.  Le  plus  souvent  elles 
frappèrent  des  charges  indirectes.  C'est  ainsi  que  la  législation  des 
octrois,  donna  naissance  aux  octrois,  tels  qu'on  les  entend  aujour- 
d'hui, c'est-à-dire  aux  droits  perçus  à  Tentrée  et  à  la  sortie  des 
portes  des  villes  "^. 

Cette  charge  de  la  circulation  avait  ses  exempts;  ainsi  la  plupart 
des  grandes  villes,  les  monastères,  et  enfin  les  marchands  se  ren- 
dant en  foire  franche  ^  en  étaient  libérés. 

Les  tonlieux  grevaient  beaucoup  le  transport  et  embarrassaient 
le  commerce.  C'était  là  un  vrai  réseau  d'obstacles  à  des  transac- 
tions que  l'intérêt  général  commandait  en  vain  d'affranchir  *.  Les 
charges  qui  en  résultaient  étaient  assez  lourdes,  et  nous  avons  vu 
que  le  peuple  rangeait  aussi  le  percepteur  des  tonlieux  au  nom- 
bre des  évangélistes  de  Lucifer.  Les  tonlieux  d'ailleurs,  qui  s'ex- 
pliquaient à  certains  égards  quand  les  diverses  parties  des  Pays- 
Bas  appartenaient  à  des  princes  différents,  n'étaient  plus  depuis 
leur  unification,  qu'une  vexation  pour  le  commerce.  Mieux  aurait 
valu  cent  fois  comme  mesure  fiscale,  frapper  un  impôt  direct, 
«  car  plus  un  peuple  est  à  son  aise  pour  le  commerce,  et  plus  il 
est  en  état  de  satisfaire  aux  emprunts  et  tailles  du  souverain  ^.  » 
Ils  subsistèrent  cependant  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime,  quoi- 
que fort  réduits  par  la  multiplicité  des  exemptions. 

^  Prat,  Hist.  d'Arlon,  t.  II,  p.  298. 

^  Gachard,  Essai  sur  la  législation  des  octrois.  —  Henné  et  Wauters, 
Histoire  de  Bruxelles,  t.  II,  p.  613.  —  Tarlier  el  Waulers,  Belg.  anc.  et  mod. 
Tirlemonl  (ville). 

^  Y.  Gaillard,  Les /ojres,  Messager  DES  se.  Hrsroa.  de  Belg.,  pp.  193  et  suiv., 
1851. 

*  P.  de  Decker,  Origine  des  douanes  en  Belgique,  Bull,  de  l'Acad.  roy. 
DE  Belg.,  2^  série,  l.  XXXV,  p.  256.  —  A.  Wauters,  Un  essai  du  système  du 
libre  échange  en  Belgique  au  XVIl"  siècle,  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belg., 
a»- série,  l.  XXII,  p.  181. 

^  Mémoire  pour  la  suppression  des  tonlieux  dans  les  Pays-Bas,  Bibl.  nat., 
MS.no  12548. 


(  221  ) 

Une  entrave  tout  aussi  vexatoire  pour  le  commerce  alimen- 
taire, consistait  dans  le  droit  d'étape  K  C'était,  en  général,  le  pri- 
vilège qu'avait  une  ville  de  faire  arrêter,  étaler,  et  offrir  en  vente 
les  marchandises  étrangères  passant  chez  elle,  à  moins  que  celui 
qui  les  transportait  ne  préférât  rehrousser  chemin.  C'était  une 
sorte  de  droit  d'entrepôt  réel,  mais  exagéré  par  le  droit  de  vente 
puhlique.  Bruges,  factorerie  hanséatique,  avait  ce  privilège  pour 
toutes  les  marchandises  en  vertu  d'un  acte  de  Louis  de  Créey  K 
Dordrccht  avait  des  privilèges  analogues.  Il  y  avait  un  certain 
nombre  d'étapes  spéciales  pour  le  hlé  :  Amsterdam  pour  la  Hol- 
lande et  la  Zélande,  Anvers  pour  le  Brabant,  Douai  pour  l'Artois  elle 
Hainaut,  Gand  pour  la  Flandre.  La  base  de  ce  privilège  dont  l'ori- 
gine est  immémoriale,  ne  peut  être  que  dans  les  nécessités  d'ap- 
provisionnement de  la  ville.  Les  villes  furent  de  bonne  heure  le 
rendez-vous  naturel  des  producteurs  des  environs,  ou  plutôt  c'est 
le  marché  même,  provoqué  par  quelque  circonstance,  qui  donna 
naissance  à  la  prospérité  de  la  ville.  Les  seigneurs,  voyant  les 
avantages  économiques  de  ces  réunions,  en  concédèrent  souvent 
l'érection.  Le  droit  de  se  réunir  en  marché  était  précieux;  la  ville 
en  profitait  autant  que  les  producteurs.  Quand  les  relations 
s'étendirent  et  se  facilitèrent,  les  marchés  devinrent  moins  néces- 
saires; les  villes  qui  y  trouvaient  un  avantage,  cherchèrent  à  les 
conserver  ^,  et  leur  puissance  leur  permit  toujours,  soit  d'impo- 
ser l'étape  à  tous  les  producteurs  de  la  banlieue,  soit  même  d'ar- 
racher le  privilège  d'étape  sur  la  circulation  générale,  aux  princes 
du  territoire. 

A  Gand,  dont  nous  prendrons  ici  le  régime  pour  type,  le  blé 
déposé  à  l'étape,  y  restait  pendant   huit  ou   quinze  jours.  Les 

^  V.  Gaillard,  Anciennes  institutions  commerciales.  Privilège  d'étape, 
Mess,  des  sciknces  hist.  de  Belg.,  p.  252,  1849.  —  Daion  de  ReilTenberg, 
V état  du  commerce,  etc.,  des  Pays-Bas  au  A7P  siècle,  passim. 

2  En  15^3,  confirmé  par  Louis  de  Maie  en  1358,  Texte  dans  Gilliodts-van 
Scveren,  Inv  des  arch.  de  Bruges,  sect.  i,  série  1 ,  t.  III,  p.  12.  —  Cf  Dlanqui, 
Hist.  de  r économie  politique,  l.  I,  p.  2:20. 

5  G.  de  Molinari,  art.  Céréales,  du  Dictionnaire  d'économie  politique  de 
Coquelin  et  Guillaumin,  t.  1 ,  p.  334,  éd.  1853. 


(  222  ) 

bourgeois  pouvaient  venir  s'en  approvisionner  pour  leur  con- 
sommation, mais  non  pour  le  commerce.  Après  ce  terme  la  vente 
et  le  transport  redevenaient  libres.  Ce  privilège,  respecté  long- 
temps par  les  princes,  grâce  aux  réclamations  des  intéressés,  fut 
insensiblement  réduit  par  des  règlements  successifs.  Enfin  en  1734 
un  règlement  administratif  de  Gand  supprime  comme  inutile  l'of- 
fice de  garde-étape  ^ . 

En  dehors  de  ces  restrictions,  le  commerce  était  libre.  L'article  6 
de  la  Joyeuse  Entrée  de  Brabant  consacre  pour  tout  Brabançon 
la  liberté  du  commerce.  «  Chacun  peut  commercer  librement  et 
paisiblement  en  payant  son  tonlieu  légitime  ^.  »  Ce  principe  ne 
fut  pas  toujours  respecté,  mais  il  resta  néanmoins  un  principe, 
auquel,  en  général,  on  ne  touchait  qu'à  regret. 

Tel  était  le  régime  normal  du  commerce  des  grains  à  l'inlérieur 
des  Pays-Bas  ;  quel  était  le  régime  extérieur;  quelles  furent  les  res- 
trictions apportées  au  libre  commerce  des  grains  avec  l'étranger? 

Deux  principes  dominaient  à  cet  égard  notre  régime  commer- 
cial avant  le  XVP  siècle.  Le  premier  :  que  le  commerce  avec  les 
étrangers  est  libre  et  quitte  de  toute  imposition;  le  second,  issu 
du  droit  des  gens  :  que,  en  cas  d'hostilités  avec  une  puissance  voi- 
sine, tout  rapport  mercantile  se  trouvait  interrompu  entre  elle 
et  la  Belgique  ^.  Cette  liberté  avait  existé  pour  tout  le  commerce, 
et  notamment  pour  le  commerce  des  grains,  sauf  quelques  dispo- 
sitions temporaires  des  ducs  de  Bourgogne,  jusqu'à  l'ordonnance 
de  1522  pour  la  Flandre  ^.  «  Vu  la  disette  et  la  cherté  des  den- 
rées, disait  Charles-Quint  en  son  préambule,  vu  les  fréquentes  et 
fortes  exportations,  vu  les  achats  faits  au  plat  pays  par  des  spécu- 
lateurs en  vue  de  conserver  ces  grains  jusqu'au  moment  où  ils 
pourront  satisfaire  leur  avidité  déréglée,  nous  défendons  l'expor- 
tation des  grains  et  leur  achat  hors  du  marché.  »  Cette  ordonnance, 
sans  doute  mal  observée,  fut  renouvelée  plusieurs  fois,  et  Phi- 

'  V.  Gaillard,  op.  et  loc.  cit. 

"^  Edm.  Poulie t,  La  Joyeuse  Entrée  de  Brabant,  p.  7i. 
^  Conseiller  Delplanck,  Mémoire  sur  les  douanes,  MS.  ci  lé  par  P.  De  Dec- 
ker, op.  cit.,  p.  256. 

*  Placards  de  Flandre,  1. 1,  p.  652,  liv.  II,  rubr.  19. 


(  223  ) 

lippe  II  en  étendit  le  dispositif  à  tout  le  pays  en  1575  '.  Les  grains 
étaient  donc  francs  à  l'entrée,  mais  la  sortie  en  était  interdite. 
Les  considérants  de  l'ordonnance  impériale  de  1522  révèlent 
l'esprit  qui  la  dicta.  Ce  sont  les  intérêts  supposés  des  consom- 
mateurs nationaux  qui  j)réoccupaient  le  législateur.  On  semblait 
ne  pas  comprendre  encore  que  personne  n'est  tenté  d'exporter  le 
grain,  quand  le  marché  national  lui-même  offre  au  vendeur  un 
prix  rémunérateur. 

Une  institution  célèbre  allait  bientôt  altérer  complètement 
l'esprit  de  notre  régime  commercial.  Philippe  II,  suivant  d'ail- 
leurs l'ancien  principe  national,  avait  établi  l'interdiction  de 
sortie  vers  le  pays  ennemi  pour  toutes  les  marchandises,  pendant 
les  guerres  qui  signalèrent  son  règne.  Mais,  il  crut  devoir  y 
apporter  un  tempérament  et  permettre  la  sortie  sauf  à  obtenir 
de  l'administration,  concession  de  passe-port  ou  licente,  pour  un 
droit  fixe.  Les  grains  n'étaient  pas  soumis  à  ce  régime.  Leur 
exportation  n'était  pas  prohibée  seulement  en  pays  ennemi,  mais 
par  toute  frontière  et  par  mesure  d'intérêt  publie.  On  ne  pouvait 
donc  racheter  le  droit  de  les  exporter  ^.  Philippe  II,  sur  ce  point 
eut  de  la  peine  à  faire  exécuter  ses  ordonnances;  les  fraudes  se 
faisaient  sur  un  grand  pied  avec  la  complicité  des  fonctionnaires  ^. 
La  prohibition  de  sortie  des  grains  semble  cependant  être  restée 
le  principe,  sauf  à  être  plus  ou  moins  sévèrement  maintenue 
dans  la  pratique  d'après  le  prix  des  denrées  alimentaires.  Quand 
les  prix  baissaient  on  tolérait  l'exportation,  mais  si  la  cherté  re- 
paraissait, on  republiait,  rappelait  les  anciennes  ordonnances 
pour  les  remettre  en  vigueur*. 


1  Placards  de  Brahant,  t.  I,  p.  390,  liv.  III,  lit.  III,  eh.  I. 

Le  système  commercial  de  Philippe  II  et  ses  édits  sont  vantés  par  Jean 
Bodin,  au  point  de  vue  des  intérêts  cationaux.  Les  six  livres  de  la  République, 
livre  VI,  eh.  II.  Beaudriiiard,  Jean  Bodin  et  S07i  temps,  p.  485. 

^  «  Graen  in  fuytvaeren  verboden,  ende  innecomen  vry  »  dit  l'ordonnance 
du  51  août  1597  organique  des  licentes.  Placards  de  Brabant,  t.  I ,  p.  416. 
Ce  système  était  né  sous  Charles-Quint,  en  l'édit  de  1542.  A.  Wauters,  Un 
essai  de  libre  échange,  loc.  cit.,  p.  185. 

5  A.  Pinchart,  Inv.  arch.  de  la  Cour  des  comptes,  t.  IV,  rubr.  Licentes. 

*  Ordonnance  du  15  novembre  1630.  Les  anciens  édits  contre  l'exportation 


(  224  ) 

Mais  si  la  sortie  resta  en  principe  prohibée,  l'entrée  ne  demeura 
pas  franche.  C'est  ici  que  nous  allons  voir  se  produire  la  modifi- 
cation importante,  qui  en  changeant  nos  principes  économiques, 
vint  grever  l'importation  des  grains.  La  guerre  entre  l'Espagne  et 
les  Provinces-Unies  était  la  raison  apparente  du  maintien  des 
licentes.  Par  leur  nature  et  par  les  déclarations  des  princes,  créées 
pour  la  durée  de  la  guerre,  elles  devaient  cesser  avec  elle.  Malgré 
les  protestations  des  États,  la  continuation  des  hostilités  donnait 
à  ce  régime  un  air  de  légitimité.  Mais  dans  le  fond,  la  protection 
du  commerce  n'était  que  le  prétexte,  c'était  le  revenu  qu'on  pour- 
suivait. Et  de  fait,  ce  revenu  était  considérable.  Le  traité  de 
Munster,  signé  le  50  janvier  1G48,  supprima  le  prétexte,  et  sur 
les  réclamations  des  États  belgiques,  trois  déclarations  de  la 
même  année  suspendirent  les  licentes  '. 

Cette  suppression  fut  de  courte  durée.  Nous  ne  pouvons  entrer 
dans  le  détail  des  débats  constitutionnels  et  des  démarches  diplo- 
matiques auxquels  donna  lieu  cette  intéressante  question  '^.  Sa 
solution  seule  importe  au  commerce  des  grains.  Cette  solution  est 
consignée  tout  entière  dans  le  célèbre  placard  de  Philippe  IV, 
du  12  octobre  1CS4.  Le  roi  considère  que  la  surcéance  des  droits 
n'a  pas  abaissé  le  prix  des  denrées,  que  le  commerce  n'en  a  pas 
bénéficié,  que  la  suppression  profite  surtout  aux  sujets  étrangers, 
puisque  les  États  voisins  lèvent  des  droits  analogues  et  que  la  réci- 
procité est  manifestement  un  droit,  enfin  que  ces  droits  sont  une 
source  de  profits  considérables  pour  l'État,  et  compensent  ainsi  par 
une  contribution  équitable  et  facile  à  lever,  une  foule  de  charges 
lourdes  et  parfois  immodérées,  a  Ce  serait,  dit-il,  choquer  les 
principes  de  la  conservation  des  États,  de  retrancher  un  moyen 
public,  si  ancien,  si  invétéré  et  si  peu  onéreux  aux  sujets  ^.  » 

L'ordonnance  royale,  on  le  voit,  était  un  ])laidoyer  en  faveur 

a  Sullen  wordeii  van  nieuws  ghepublieeri  ende  vercondicht;  ende  gheproce- 
deerd  tegen  de  transgresseurs.  »  Placards  de  Prabant,  1. 1.  p.  324. 

*  P.  De  Decker,  op.  cit.—  Comte  de  Wynants,  Origine  des  licentes  et  droits 
d'entrée,  1750.  Bibliothèque  nationale,  MS.  n«  12541, 

2  Texte  dans  De  Decker,  ibid. 

5  A.  Wauters,  Un  essai  de  libre  échange,  loc.  cit.,  relate  les  démarches  du 
magistrat  d'Anvers  en  faveur  de  la  liberté. 


(  225  ) 

des  impôts  indirects,  qu'elle  promettait  d'ailleurs  de  lever  avec 
modération.  Il  est  incontestable  que  ses  arguments  ont  un  fond 
sérieux  de  vérité  économique.  Sans  doute,  Philippe  IV  violait  les 
franchises  de  nos  provinces  en  s'attribuant  la  faculté  de  lever  à 
son  gré  les  droits  de  douane;  mais  s'il  a  eu  tort  de  faire  un  coup 
d'État  au  point  de  vue  du  vote  de  ces  charges,  on  ne  peut  le  blâ- 
mer de  les  avoir  maintenues  et  d'avoir  introduit  dans  le  budget 
ordinaire  des  ressources  royales  ces  impôts  de  consommation 
qu'on  considère  à  bon  droit  comme  les  plus  conformes  aux  grands 
principes  économiques. 

Malheureusement,  et  ce  fut  son  erreur,  le  gouvernement  ne  se 
borna  pas  selon  sa  promesse,  à  frapper  la  libre  consommation, 
«  les  inutiles  venant  du  dehors.  »  Il  imposa  l'entrée  et  la  sortie 
des  choses  de  première  nécessité  '.  Ce  fut  l'occupation  française 
que  le  fit  entrer  dans  cette  voie  funeste.  Quelle  était  avant  cette 
époque  l'idée  économique  qui  présidait  à  la  distribution  des  taxes  ? 
A  l'idée  de  remplacer  les  anciennes  charges  par  des  impôts  indi- 
rects, se  joignait  semble-t-il  l'application  d'un  principe  commer- 
cial; ce  principe  est  énoncé  très-clairement  dès  1632  dans  une 
instruction  de  Philippe  IV  au  Cardinal-Infant.  »  Modérer  les 
droits  de  licentes  sur  les  matières  crues  (matières  premières),  qui 
viennent  du  dehors  pour  être  travaillées  au  pays,  et  augmenter 
celles  qui  en  sortiront  pour  être  travaillées  ailleurs  au-dessus  des 
licentes  des  premières;  modérant  aussi  les  manufacturés  du  pays 
pour  l'étranger  et  augmentant  ceux  qui  viennent  du  dehors,  dont 
le  pays  peut  se  passer  en  usant  de  ceux  qui  se  fabriquent  2.  » 

*  A,  Waulers,  ibid.,  p.  188.  «  Sur  les  victuailles  nécessaires  au  peuple,  dit 
le  mémoire  cité  des  magistrats  d'Anvers,  il  est  bon  d'y  mettre  nulle  ou  petite 
imposition,  le  tout,  afin  que  pouvant  vivre  à  bon  marché,  il  puisse  tout  meil- 
leur marché  donner  des  aunages  et  pour  par  ce  moyen  en  avoir  bonne  isçue, 
aultant  ou  plus  que  ses  voisins.  »  On  voit  que  les  industriels  du  XYII*  siècle 
comprenaient  les  lois  économiques. 

2  1632.  Texte  dans  N.  Briavoine,  Mémoire  sur  l'état  des  Pays-Bas,  p.  31. 
Cette  théorie  avait  été  préconisée  dans  l'adresse  du  magistral  d'Anvers,  qui 
la  faisait  dériver  de  la  célèbre  doctrine  de  la  Balance  du  Commerce.  Wauters, 
ibid.,  p.  187. 

Tome  XXXII.  15 


(  226  ) 

C'était  l'application  exacte  du  principe  économique  de  Colbert. 
Louis  XIV  envahissant  nos  provinces  ne  fit  qu'en  accentuer  la 
rigueur  en  édictant  le  tarif  général  de  4G70  qui  servit  de  base  à 
toute  la  législation  ultérieure  ^  Ce  tarif  frappait  les  grains  de 
droits  trés-élevés.  C'est  un  vrai  régime  de  protection.  On  lui  fit 
subir  bientôt  d'importantes  modifications.  On  comprit,  dans  les 
régions  officielles,  qu'il  était  de  l'intérêt  de  l'agriculture  d'avoir 
pour  ses  produits  un  grand  débouché;  on  favorisa  «  le  débit  et 
traite  foraine  des  grains  qui  sont  en  grande  abondance.  »  Ces  prin- 
cipes firent  concéder  à  peu  près  complètement  la  libre  sortie  des 
grains,  par  l'ordonnance  de  dG8G,  inpiréc  par  le  marquis  de  Cas- 
lanaga,  qui  montra  toujours  une  sagace  intelligence  des  intérêts 
de  nos  provinces.  Le  tarif  de  1697  proclama  la  franchise  des  grains 
à  la  sortie;  mais  l'entrée  resta  imposée.  L'abondance  cependant 
ue  dura  pas  toujours.  La  cherté  revint.  On  sentit  la  nécessité 
d'une  augmentation  de  denrées  sur  le  marché  et  on  en  revint  à 
Tancien  système  des  Habsbourg  :  liberté  d'importation,  interdic- 
tion de  sortie,  par  les  édits  combinés  de  1709  et  1745.  Charles  VI 
voulait,  disait-il,  permettre  aux  habitants  du  pays  de  s'approvi- 
sionner à  des  prix  modérés  et  empêcher  les  étrangers  de  venir 
s'approvisionner  sur  notre  marché  2. 

A  partir  de  cette  époque  les  principes  économiques  ne  se  modi- 
fièrent plus.  Le  gouvernement  appliqua  une  sorte  de  régime 
d'échelle  mobile,  ouvrant  ou  fermant  les  portes  d'après  les  prix 
des  grains.  Sous  Marie-Thérèse,  on  se  réglait  sur  le  prix  moyen 
du  marché  de  Bruxelles,  et  si  le  froment  dépassait  le  'prix  rai- 
sonnable de  G5  à  70  sous  la  rasière,  on  l'arrêtait  aux  portes  ^. 

Joseph  II,  pénétré  des  idées  économiques  de  son  temps,  dis- 
ciple de  l'école  des  physiocrates,  voulut  la  liberté  absolue.  Ce 
prince  fut  le  Turgot  des  Pays-Bas.  Arrêté  quelque  temps  par  les 
conseils  du  prince  de  Kaunitz,  il  rendit  enfin  sa  célèbre  ordon- 
nance de  1786.  a  Pleinement  convaincu,  dit-il  en  son  préambule, 

*  J,-M.  Wouters,  Livre  des  tarifs,  ou  des  placards  émanés  depuis  1670  pour 
la  conservation  des  droits,  etc.  Bruxelles  1737. 
-'  Ibid.,  pp.  292,  302,  29**. 
3  Gachard,  Législation  des  grains  au  XVIII"  siècle  en  Belgique,  loc.  cit. 


(  227  ) 

qu'une  entière  liberté  dans  le  commerce  des  grains  est  le  seul 
moyen  d'entretenir  constamment  dans  le  pays,  le  prix  le  plus 
avantageux  de  cette  denrée,  tant  pour  le  })ropriétairc  et  le  culti- 
vateur que  pour  le  consommateur,  »  il  proclame  la  pleine  liberté 
pour  chacun,  d'acheter  et  de  vendre  les  grains  où  bon  lui  semble- 
rait. Mais  la  transition  était  trop  brusque;  dès  l'année  suivante  la 
liberté  fut  limitée;  restaurée  un  instant  par  Trautmansdorf,  elle 
fut  restreinte  définitivement  par  trois  édits  de  1789  qui  restèrent 
en  vigueur  jusqu'à  la  conquête  française. 

§  5.  L'industrie  meunière. 

Le  premier  procédé  de  mouture  fut  la  trituration  à  la  roue 
manuelle.  On  a  trouvé  des  traces  de  moulins  à  bras  dans  les 
fouilles  archéologiques  de  nos  provinces  K  Les  Francs  appor- 
tèrent l'usage  du  moulin  à  eau  2.  Enfin  les  moulins  à  vent  s'éle- 
vèrent à  partir  du  XII^  siècle,  mais  ils  furent  pendant  longtemps 
assez  rares  ^.  Les  seigneurs  s'empressèrent  d'élever  des  moulins 
dans  chacune  de  leurs  villœ.  C  était  là  que  les  cultivateurs  des 
environs  venaient  moudre  leur  blé  *.  L'usage  du  moulin  seigneu- 
rial leur  était  indispensable  :  aussi  le  seigneur  faisait-il  payer  une 
redevance  pour  le  service  qu'il  rendait  à  tous.  Le  seigneur  en 
érigeant  son  moulin  faisait  acte  de  sage  administration  ;  il  est  en 
effet  dans  le  rôle  économique  du  propriétaire,  d'ériger  des  usines 
où  les  cultivateurs  trouvent  un  débouché  pour  leurs  matières 
premières.  Le  seigneur  conservait  parfois  son  moulin  en  régie  ; 
plus  souvent  il  l'inféodait  et  l'affermait  avec  le  droit  exclusif  de 
moudre  sur  ses  domaines.  Les  concessionnaires  étaient  tenus  de 

^  Belpaire,  Mémoire  sur  les  changements  de  la  côte  d'Jnvers  à  Boulogne, 
MÉ.ir.  DE  l'Acad.  de  Bnux.,  t.  VI,  p.  36.  —  Galeslool,  Le  Brabant  sous  Vempire 
romain,  Revue  d'histoire  et  d'archéologie,  t.  I,  p.  188. 

^  Les  moulins  à  eau  devaient  être  l'objet  de  concessions  seigneuriales, 
parce  que  les  cours  d'eau  étaient  censés  appartenir  au  seigneur.  Taillar, 
Recueil  d'actes.  Introd.  p.  ccxlvii. 

3  A.  Waulers,  Jean  I^'',  p.  342, 

*  Raepsaet,  Analyse,  n»»  253  et  suiv. 


(  228  ) 

respecter  les  usages  du  moulin,  et  de  se  contenter  d'une  quotité  du 
grain  qu'on  portait  à  la  mouture  *. 

A  l'origine  l'érection  du  moulin  banal  avait  été  un  service  rendu 
aux  populations;  mais  quand  les  moulins  libres  s'érigèrent,  que 
les  communications  devinrent  plus  faciles,  la  banalité  se  trans- 
forma en  un  monopole  odieux  et  gênant.  C'était  encore  une  fois 
un  privilège  purement  gratuit  qui  ne  rémunérait  plus  aucun 
service.  11  n'y  avait  jamais  eu  là  d'usurpation;  mais  la  raison 
d'être  du  droit  ayant  disparu,  il  était  naturel  qu'il  disparût  avec 
elle.  Aussi  cherchait-on  à  s'y  soustraire  par  tous  les  moyens  et  les 
cours  foncières  évitaient  d'en  consacrer  le  droit  2.  H  subsista 
cependant  quoique  battu  en  brèche  de  tous  côtés  et  sans  doute 
souvent  éludé,  jusqu'à  l'abolition  des  droits  seigneuriaux. 


SECTION  II.  —  Production  do  vin  ^. 

La  production  du  vin  est  aujourd'hui  une  des  industries  les 
moins  importantes  de  notre  pays.  Autrefois  cependant  elle  n'était 
pas  la  dernière.  On  ne  pourrait  préciser  la  date  de  l'introduction 
dans  nos  provinces  de  la  culture  des  vignobles.  Elle  semble 
inconnue  aux  premiers  habitants  de  nos  contrées.  Non-seulement 
Varron  atteste  que  la  vigne  ne  croissait  pas  au  nord  des  Gaules, 
mais  César  dit  que  les  Nerviens  ne  permettaient  pas  même  l'im- 
portation du  vin,  de  peur  que  son  usage  n'énervât  leur  vigueur. 
Domitien  ordonna  d'arracher  tous  les  vignobles  des  Gaules;  cette 
défense  fut  levée  en  282  par  Probus.  Peut-être  pourrait-on  attri- 
buer à  la  réaction  que  provoqua  cet  édit  la  plantation  de  vignobles 

*  Exemple.  Infeodalion  :  1302,  à  tel  mouture  qu'il  est  useit  et  accoustumeet 
kemunement  en  Haynnau,  ains  au  vintieme.  Devillers,  Cartulairedu  comte  de 
Hainaut,  t.  II,  p.  287.  —  Bail  :  mouture  au  seizième.  F.  de  Potter,  Gesch.  der 
gem.  Oost.  Fland.,  p.  12.  Deurle  (1561).  —  Cf.  Taillar,  Recueil  d'actes,  etc., 
pp.  412,  430,  452.  —  Namêche,  Histoire  nation.,  t.  III,  p.  119. 

2  Comte  de  Villermont,  Couvin  et  sa  châtellenie,  p.  163. 

'  L.  Torls,  Fastes  des  calamités  puUiques,  p.  279.  Les  vignobles  en  Bel- 
gique. —  A.  Schayes,  Sur  la  culture  de  la  vigne  en  Belgique,  Mess,  des 
Sciences  historiques  de  Belgique,  1833  et  1843. 


(  229  ) 

jusque  clans  les  provinces  les  plus  éloignées.  Nous  n'avons  guère 
de  détails  sur  les  premiers  progrès  de  celte  culture;  nous  en  con- 
statons la  présence  au  IX"  siècle,  au  monastère  de  Mont-Blandin  à 
Gand  ^  Les  abbayes  flamandes  continuèrent  cette  exploitation 
qui  était  pour  elles  d'un  très-grand  rapport;  l'exemption  de  ton- 
lieux  dont  jouissait  en  Allemagne,  l'abbaye  de  Saint-Bavon  lui 
avait  même  assuré  le  monopole  du  commerce  des  vins  à  Gand, 
commerce  qui  s'exerçait  par  commissionnaires  2.  La  vigne  entrait 
pour  beaucoup  dans  la  culture  des  terres  de  Saint-Bavon  ;  les 
tenanciers  devaient  même  parfois  payer  en  redevance  une  cer- 
taine mesure  de  vin  récolté  sur  leur  domaine  ^.  Cette  culture  avait 
été  étendue  aux  domaines  du  comte  par  Baudouin  le  Pieux  ^. 

Le  Brabant  fut  célèbre  au  moyen-âge  par  ses  vignobles.  Il  en 
existait  certainement  dès  le  Xl^  siècle  ^,  et  dès  leXÏI'à  Louvain 
et  à  Bruxelles.  Cette  dernière  ville  en  faisait  un  grand  commerce 
au  XIV  siècle,  et  dès  lors  on  s'ingéniait  à  le  frelater,  ce  qui  pro- 
voqua les  lois  pénales  les  plus  sévères  ^.  Les  crûs  de  Louvain  et 
de  Bruxelles  figuraient  avec  honneur  à  la  table  des  ducs;  et 
d'ailleurs  le  vin  du  pays  (landsivyn)  était  d'un  usage  très- 
répandu. 

Ces  vins  étaient-ils  bons?  Il  serait  difficile  de  le  dire,  mais  cela 
est  peu  probable.  Sans  doute,  les  ducs  s'en  servaient,  mais  ce 
pouvait  être  pour  encourager  l'industrie  nationale.  Rohault  le 
dit  rude  et  verdelet,  et  Ortelius  assure  que  le  vin  de  Louvain 
nest  pas  dangereux  pour  le  cerveau  des  élèves  de  l'Université. 

A  partir  du  règne  de  Charles-Quint,  on  s'aperçut  qu'il  était  plus 
avantageux  de  cultiver  le  grain  que  la  vigne.  Les  vignobles  furent 
donc  extirpés  insensiblement;  au  XVIP  siècle,  ils  le  sont  presque 

*  Chronique  du  Mont  Bîandin,  édition  Van  de  Putte,  pp.  71-86. 
^  Warnkônig,  Histoire  de  Flandre,  trad.  G.,  t.  II,  p.  560. 

3  Van  Lokeren,  Histoire  de  S^-Bavon,  p.  169. 

*  Baron  Kervyn  de  Lettenhove,  Histoire  de  Flandre,  2«  éd.,  1. 1,  p.  125. 

*  L.  Galeslool,  Le  Brabant  sous  l'empire  romain,  1\evde  d'hist.  et  d'arch., 
1. 1,  p.  363.  —  Cf.  Tarlier  et  Wauters,  Belgique  ancienne  et  moderne,  canton 
de  Tirlemonl,  pp.  9,  144  et  passim. 

^  Henné  et  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  161. 


(  230) 

partout.  Il  n'en  reste  plus  guère  que  dans  la  province  de  Namur, 
parce  que  le  terrain  où  on  les  conserve  n'est  pas  propre  à  la  cul- 
ture des  grains  *.  En  effet  le  produit  de  ces  vignes  était  très- 
incertain,  les  frais  étaient  considérables;  leur  culture  dut  cire 
abandonnée  dès  que  la  facilité  et  la  sécurité  des  communications 
permit  aux  vins  étrangers  d'entrer  sans  grands  frais  de  transport 
dans  le  pays  ^. 

Les  essais  de  reconstitution  des  vignobles  ont  depuis  lors  tou- 
jours échoué  ^. 

SECTION  111.  —  Production  du  Létail. 

Rien  de  plus  obscur  que  son  histoire.  A  l'origine  de  notre  civi- 
lisation, le  bétail  vivait  en  abondance  à  l'état  libre,  presque  sau- 
vage. A  l'époque  de  la  grande  culture  intensive  des  premières 
races,  les  troupeaux  constituaient  la  grande  richesse  nationale'*.  Les 
lois  barbares  comminent  en  effet  des  peines  sévères  contre  ceux 
qui  entament  cette  richesse,  contre  ceux  en  particulier  qui  volent 
des  animaux  ^\  et  surtout  des  reproducteurs.  Toute  idée  d'élevage 
proprement  dit  n'était  pas  étrangère  aux  Francs  ^.  Nous  voyons 
que  le  choix  des  étalons  est  pour  eux  une  question  importante  et 

^  Lettre  de  M.  de  Nény,  1758,  dans  la  Paix,  1878. 

2  E.  de  Laveleye,  Économie  rurale  de  la  Belgique,  p.  277. 

3  La  bière  remplaça  bientôt  le  vin  dans  la  consommation  usuelle.  Elle  fut 
très-répandue  dès  longtemps.  A  chaque  manse  dominical  était  annexée  une 
camba  (brasserie).  Nous  ne  pouvons  pas  ici  analyser  les  méthodes  de  fabrica- 
tion de  ce  breuvage.  Nous  devons  le  signaler  parce  qu'il  fait  partie  intégrante 
du  régime  populaire  et  que  sa  composition  en  fait  un  objet  de  l'industrie 
agricole.  Les  méthodes  belges,  depuis  les  lemps  anciens,  ont  été  analysées  par 
Vrancken,  De  cerevisiœ  elaborandœ  arle.  —  Cf.  J.  Carluyveis  et  Stammer,  La 
bière  et  le  malt.  Introduction. 

*  Ut  jam  trans  fluviuni 

Pascal  helga  pecus,  mediumque  ingressa  per  alvuin 
Gallica  francorum  montes  armenta  perrerant 

Claudien,  De  landib.  Stilicon.,  liv.  I,  v.  224. 
s  Moke,  Belgique  ancienne,  p.  402. 
^  E.  Langethal,  Gesch.  der  deutsch.  landwirth,  t.  I,  p.  33. 


(  231  ) 

que  les  propriétaires  de  troupeaux  s'associent  même  pour  s'en 
procurer  *.  Les  riches  magnats  de  l'époque  franque  veillaient 
avec  un  soin  jaloux  à  l'entrelien  de  leurs  troupeaux,  et  leurs  fils 
eux-mêmes  étaient  parfois  chargés  de  les  garder  ^. 

Quand  l'agriculture  devint  intensive,  qu'on  entra  dans  la 
période  semi-pastorale  ou  pacagère,  nous  avons  expliqué  comment 
le  bétail  conserva  toute  son  importance,  tant  en  lui-même  que 
pour  la  restauration  des  terres  cultivées.  Son  entretien  et  sa  mul- 
tiplication étaient  plus  faciles  en  Flandre  que  dans  le  reste  du  pays, 
car  elle  avait  en  abondance  les  riches  et  gras  pâturages.  Aussi 
était-elle  couverte  de  bétail  :  bœufs,  moutons,  chevaux  ^.  La  race 
flamande  avait  dès  lors  le  type  qui  la  caractérise  encore  aujour- 
d'hui ^.  Il  y  avait  en  Flandre  de  très-nombreux  marchés  de  bes- 
tiaux, et  de  Bruges  on  exportait  beaucoup  de  chevaux  ^. 

Les  Flamands  ne  se  servaient  guère  que  de  chevaux  pour  la 
culture  ;  mais  ceux-ci  étaient  recherchés  comme  chevaux  de  guerre 
pour  leur  taille  et  leur  force  ^.  Les  bêtes  à  cornes,  outre  leur 
utilité  générale  dans  l'économie  rurale,  servaient  à  la  production 
du  lait.  L'industrie  laitière  et  fromagère  était  une  des  grandes 
richesses  de  la  Flandre,  et  le  commerce  du  beurre  et  du  fromage 

1  Lex  salica,  lit.  III,  art.  7.  «  Si  quis  taurum  gregem  regentem  furaveril 
qui  de  tribus  villis  communes  vaccas  teauerit,  hoc  est  trespeliius...  » 

^  TdiWhr,  Mémoire  sur  la  formation  des  villages,  p.  335.  —  Bollandistes, 
mars,  t.  III,  p.  559  ;  juin,  t.  II,  p.  82. 

3  «  Terra  pascuis  uberrima  et  armentis  et  pecudibus  plena.»  Bartholomœus 
anglicus  (Glanvil),  Tractatus  de  proprietatibus  rerum,  liv.  XV,  eh.  LVIII. — 
»  Multis  in  locis,  pascuis  Flandria  ac  pratis  quara  arvo  meiior  est.  »  —  Meyerus, 
Berum  Flandric,  lom.  X,  p.  39,  Bruges,  1531,  —  Bohault ,  Descriplion  univ. 
des  Paijs-Bas,  1608. 

*  Rohaull,  ibid.  Le  pays  abonde  en  bestial  domestique  de  toute  espèce. 
Les  bœufs  y  sont  très-grands,  spécialement  en  Hollande,  où  on  dit  y  en  avoir 
qui  pèsent  2,000  livres.  —  En  Hollande,  Frise,  Gueldre  et  Flandre,  sont  des 
chevaux  en  grande  abondance,  grands,  robustes  et  forts,  principalement  pour 
la  guerre. 

^  Verhoeven,  État  de  l'industrie  et  du  commerce  en  Néerlande,  Mémoire 
DE  l'Acadé>iie  DE  BRUXELLES.  Prix  dc  1777,  p.  128. 

^  Voir  la  no[e  4.  —  Joinville  avait  à  la  Croisade  d'Afrique  un  «  ronciu  » 
(roussin)  flamand.  Vie  de  S^ Louis,  éd.  de  VVailly,  n"  229. 


(  232  ) 

était  international  au  moyen  âge  K  Les  troupeaux  de  mouton 
servaient  la  matière  première  aux  métiers  de  drapiers,  soit  dans 
les  villes  voisines,  soit  à  la  ferme  même,  car  cette  industrie  fut 
longtemps  domestique  ^. 

Le  Brabant  eut  plus  de  peine,  vu  la  nature  de  son  sol,  à  con- 
stituer un  bétail  riche  et  suffisant  ^.  Nous  avons  vu  comment  les 
abbayes  ont  contribué  aux  progrès  du  bétail,  des  procédés  d'éle- 
vage, et  comment  elles  s'y  prenaient  pour  remplir  leurs  étables 
à  l'avantage  général  *.  L'usage  des  prés  communs  permit  aussi 
à  beaucoup  de  petites  exploitations  d'avoir  une  étable  assez  bien 
montée,  et  nous  avons  dit  déjà  que  peu  de  manses  étaient  privés 
du  grand  avantage  qui  en  résultait  ^.  Mais  si  beaucoup  de  petites 
tenures  jouissaient  du  bénéfice  d'une  étable,  et  des  profits  qui  en 
sont  inséparables,  il  leur  était  impossible  d'entretenir  un  repro- 
ducteur. Aussi  fallait-il  pourvoir  d'une  manière  générale  à  cette 
nécessité  de  l'élevage.  Nous  voyons,  en  effet,  le  seigneur  se  réser- 
ver parfois  le  droit  de  garder  dans  son  étable  un  taureau,  qui 
pourrait  parcourir  librement  toutes  les  terres  de  la  seigneurie, 
mais  qui  en  compensation,  servirait  à  la  monte  des  vaches  de  la 
commune.  Ce  droit  appartenait  tantôt  au  seigneur,  tantôt  au  déci- 
mateur  ^.  Il  y  avait  là  sans  doute  un  privilège  pour  le  propriétaire 

*  E.  de  Laveleye,  Économie  rurale  de  la  Belgique,  p.  17.  —  «  Flandre, 
terre  de  lait  et  de  beurre.  »  Abbé  Mann,  Hist.  nat.  des  Pays-Bas  marilimes, 
n"  4,  MÉMOIRE  DE  l'Académie  roy.  de  Bruxelles,  t.  IV,  p.  126  — Warnkonig, 
Fland  st.  u.  R.  gesch.,  Bd.  III,  ablli.  II,  p.  65  (1170).  Le  monastère  d'Arden- 
boiirg  constitue  une  rente  en  beurre  au  chapitre  de  S^-Marlin  de  Tournai. 
Considérants  très-curieux. 

2  II  en  était  de  même  du  tissage  de  la  toile.  Cartulaire  du  Mont  Blandin, 
p.  7:2.  Obligation  de  Camsilem  facere.  —  Van  den  Abeele ,  Gesch.  der  stadt 
Deinze,  p.  53.  —  Raepsaet,  Notice  sur  Vorigine  de  la  fabrication  des  toiles 
de  lin.  Mess,  des  Sc.hist.de  Belg.,  p.  213, 1827-1828. 

»  A.  Wauters,  Environs  de  Bruxelles.  Introd.,  t.  I,  p.  xxii. 

*  Voir  plus  haut  la  section  relative  aux  moines,  p.  107. 

s  Voir  plus  haut  les  sections  relatives  aux  communaux  et  aux  périodes 
agricoles  pp.  177  et  204. 

6  Wauters,  Environs  de  Bruxelles,  Introd.,  t.  I,  p.  xlviii,  n^  3.  —  Ana- 
lectes  pour  servir,  etc ,  t.  I,  p.  342.  —  Cartulaire  de  S^-Trond,  t.  I,  p.  71. 


(  233  ) 

qui  nourrissait  son  taureau  pour  rien,  une  charge  pour  les  tenan- 
ciers dont  les  récoltes  pouvaient  être  menacées  de  certaines  ava- 
ries par  la  libre  pâture  de  cet  animal,  mais  il  y  avait  aussi  pour 
eux  un  avantage  immense  à  avoir  à  leur  disposition  un  étalon, 
capable  de  fortifier  la  race  animale  qui  était  une  partie  impor- 
tante de  leur  pécule  agricole. 

Les  soins  d'amélioration  de  la  race  n'étaient  d'ailleurs  pas 
négligés.  Les  seigneurs  ne  l'oubliaient  pas.  C'est  à  Thomas  de 
Savoie  que  nous  devons  l'acclimatation  en  Hainaut  de  la  race  des 
bœufs  savoyards,  qu'il  fit  transporter  à  l'état  sauvage  dans  la 
foret  de  Mormal  '.  C'est  de  cette  importation  du  XIII^  siècle,  que 
date  sans  doute  notre  commerce  de  bestiaux  avec  la  Savoie  dont 
on  retrouve  la  preuve  deux  siècles  plus  tard  dans  le  transport  de 
bœufs  et  vaches  de  Savoie  en  Hainaut  pour  compte  du  duc  Phi- 
lippe le  Bon  2. 

L'engraissage  était  une  industrie  particulière,  qui  donnait  lieu 
aussi  à  un  commerce  de  bestiaux  avec  l'étranger.  Ainsi  au 
XVIl^  siècle,  nous  constatons  le  transport  de  bœufs  maigres  du 
Danemark  vers  les  Pays-Bas,  d'où  on  les  exporte  ensuite  engrais- 
sés 5.  Aussi  en  vertu  du  principe  commercial  de  Colbert,  que 
nous  avons  vu  appliquer  dans  nos  provinces,  faisait-on  au  point 
de  vue  des  tarifs  une  différence  entre  l'entrée  des  bestiaux 
maigres  ou  gras.  A  la  fin  du  XVIP  siècle  l'importation  était  deve- 
nue considérable.  Par  ordonnance  de  1652, «Son  Excellence  étant 
informée  que  l'introduction  du  grand  nombre  de  bétail  à  cornes, 
provenant  des  pays  étrangers,  a  tellement  diminué  le  prix  et  rap- 
port des  pâturages  et  terres  de  ces  provinces  qu'elle  avilirait 
entièrement  la  valeur  d'icelles  au  préjudice  de  l'État,  et  dési- 
rant de  donner  moyen  aux  sujets  du  Roy  de  jouir  de  l'utilité , 
delà  multiplication  et  nourriture  du  même  bétail,  »  frappe  de 
droits  d'entrée  assez  élevés  le  bétail  importé.  Cette  ordonnance, 

*  Jacques  de  Guyse,  t.  XIV,  p.  478,  cité  par  Ch.  Duvivier,  Recherches  his- 
toriques sur  le  Hainaut  ancien,  p.  63,  Xin«  siècle. 

2  Comte  de  Laborde,  Les  ducs  de  Bourgogne,  t.  II,  p.  xi,  n^  2  . 

3  LeUre  du  conseil  des  finances  165o,  dans  A.  Pi^nchart,  Inv.  des  arch.  de  la 
Cour  des  comptes,  t.  IV,  p.  82. 


(  254) 

renouvelée  l'année  suivante,  stipulait  cependant  que  le  bétail 
maigre  ne  payerait  que  pendant  les  quatre  derniers  mois  de  l'an- 
née *.  Pendant  tout  l'ancien  régime,  le  gouvernement  se  montra 
fort  soucieux  des  intérêts  de  l'élevage.  Le  comte  de  Wynants  en 
exposant  les  principes  de  répartition  des  charges  personnelles  2, 
recommande  «  qu'on  prenne  garde  de  ne  pas  décourager  ceux 
qui  nourrissent  le  bétail,  car  le  bétail  fait  une  partie  de  la  richesse 
du  village.  » 

L'épizootie  de  la  race  bovine  et  la  maladie  des  chevaux,  connue 
sous  le  nom  de  morve,  envahirent  nos  provinces  à  la  suite  des 
guerres  du  règne  de  Charles  VI.  Elles  donnèrent  l'occasion  de  se 
manifester,  à  la  sollicitude  de  l'administration  centrale  ^.  Le  pre- 
mier acte  de  police  sanitaire  émana  de  Charles  VI  en  1714.  Il 
exigeait  de  tout  animal  vendu  un  certificat  d'origine  et  de  santé. 
Marie-Thérèse,  reprenant  la  lutte  administrative  contre  le  fléau, 
provoqua  en  même  temps  des  mesures  sévères  pour  le  combattre, 
et  l'étude  des  moyens  propres  à  le  vaincre.  L'ordonnance  de  1744 
fut  complétée  pour  les  Flandres,  par  le  remarquable  édit  addi- 
tionnel de  d  770,  vrai  code  de  police  sanitaire,  renfermant  les  dis- 
positions les  plus  minutieuses  et  les  plus  eflicaces  pour  l'abattage 
des  bêtes  atteintes,  la  désinfection  de  tout  ce  qui  était  capable  de 
transmettre  la  contagion,  le  pacage  des  bestiaux  sains  dans  les 
lieux  non  infectés,  les  défenses  d'entrée  ou  de  sortie.  En  même 
temps  les  travaux  de  l'abbé  Needham,  du  médecin  van  Elsaeker, 
de  de  Berg,  éclairaient  le  comité  chargé  de  l'exécution  de  l'édit  *. 
La  législation  sanitaire  austro-flamande  fut  très-complète  et  très- 
sage.  Il  est  probable  que  c'est  elle  qui  a  inspiré  les  rédacteurs  des 
ordonnances  françaises  contemporaines,  dont  les  Français  eux- 
mêmes  ne  méconnaissent  pas  l'infériorité  ^. 

*  Woulers^  Livre  des  tarifs  depuis  4670. 

2  Traité  des  aides,  MS.  fol.  165. 

3  Ch.  Piot,  Le  règne  de  Marie-Thérèse^  p.  2d3. 
'  Ibid. 

s  Mauguiii,  Études  historiques  sur  l'administration  de  Vagriculture  en 
France,  t.  I,  p.  238,  n^  1  expose  et  compare  longuement  les  deux  législations. 


(  255 


SECTION  lY.  —  Du  régime  de  la  chasse  <. 

Les  abus  du  droit  de  chasse  n'ont  pas  été  un  des  moindres  soucis 
des  cultivateurs  du  moyen- âge.  Nous  devons  donc  examiner  si 
en  Belgique  ces  abus  ont  été  graves  et  ruineux  pour  les  cam- 
pagnes. 

A  l'origine  de  la  féodalité,  le  droit  de  chasse  était  un  acces- 
soire de  la  propriété  foncière,  mais  il  ne  tarda  pas  à  être  considéré 
comme  un  attribut  de  la  hauteur  et  seigneurie.  Cependant  ce 
droit  ne  reçut  pas  dans  toutes  nos  provinces  une  organisation 
identique. 

En  Brabant,  on  en  sait  peu  de  chose  avant  la  Joyeuse  Entrée 
de  Jeanne  et  de  Wenccslas,  de  1555.  Il  semble  qu'il  fut  un  acces- 
soire du  domaine  direct,  et  que  les  vassaux  ne  pussent  en  jouir 
que  moyennant  une  concession  spéciale.  Cette  charte,  au  con- 
traire, accordait  à  tout  Brabançon  le  droit  de  chasse  à  litre  per- 
sonnel. Ce  droit  n'était  restreint  que  par  le  privilège  de  garenne. 
Garenne  était  l'étendue  de  terrain  que  le  souverain  ou  le  seigneur 
réservait  à  sa  chasse  personnelle.  Or  les  souverains  pouvaient 
concéder  indéfiniment  des  érections  de  garenne  à  des  particuliers. 
Ces  concessions  eussent  détruit  le  privilège  des  Brabançons,  aussi 
Antoine  de  Bourgogne,  en  sa  Joyeuse  Entrée  de  1406,  promet  de 
ne  laisser  de  garennes  que  celles  qui  étaient  de  droit. 

Les  garennes  ne  compromettaient  pas  seulement  le  fameux 
droit  des  Brabançons;  elles  étaient  encore  préjudiciables  à  l'agri- 
culture :  le  gibier  des  garennes  se  répandait  dans  les  campagnes 
environnantes  et  en  rongeait  à  merveille  les  récoltes.  Philippe  le 
Bon  ne  maintint  les  garennes  que  «  pourvu  que  les  gens  n'en 
souffrent  pas  un  dommage  déraisonnable,  »  et  introduisit  le  prin- 
cipe des  indemnités  pour  le  dommage  causé  aux  champs  par  le 
gibier. 

^  A.  Faider,  Histoire  du  droit  de  chasse  et  de  la  législation  sur  la  chasse, 
MÉMoinE  COUR.  DE  l'Acad.  de  Belg.,  in-8",  t.  XXVII.  Ce  Mémoire  étant  exlrê- 
mement  complet,  nous  n'avons  pu  mieux  faire  que  d'en  extraire  les  notes 
générales  utiles  à  notre  sujet. 


(  236  ) 

En  Hainaut  malheureusement  la  situation  était  moins  belle. 
Les  seigneurs  pouvaient  chasser  en  toute  leur  seigneurie. 
Le  droit  de  chasse  était  exclusif  et  les  laboureurs  éprouvaient 
même  à  son  occasion  les  plus  lourdes  exactions.  En  Flandre,  la 
chasse  se  présente  plutôt  sous  la  forme  de  droit  régalien.  En  prin- 
cipe, le  droit  de  chasse  n'y  appartenait  à  personne  sauf  autorisa- 
lion  du  prince. 

La  situation  de  principe  différait  donc  de  province  à  province; 
mais  en  fait,  sauf  le  privilège  brabançon,  elle  se  ressemblait  par- 
tout. Dans  la  réalité,  jouir  de  la  chasse  et  de  la  pêche  faisait 
partie  des  droits  utiles  des  seigneurs  hauts-justiciers.  La  conces- 
sion devait  émaner  d'eux,  mais  la  seule  chose  qui  leur  fût  inter- 
dite, c'était  de  concéder  à  quelqu'un  la  chasse  sur  le  territoire 
d'autrui.  En  un  mot  le  droit  de  chasse,  régalien  en  principe,  était 
seigneurial  en  fait  et  s'exerçait  d'une  façon  plus  ou  moins  éten- 
due selon  la  qualité  de  la  personne  qui  en  usait.  Le  seigneur  jus- 
licier  chassait  par  toute  sa  seigneurie,  le  vassal  ne  le  pouvait  hors 
des  limites  de  sa  juridiction. 

Nous  ne  pouvons  entrer  ici  dans  le  détail  de  l'histoire  et  de  la 
législation  du  droit  de  chasse.  Disons  seulement  deux  mots  des 
mesures  dont  il  fut  l'objet  en  faveur  de  l'agriculture  pendant 
l'ancien  régime.  La  chasse  exerçait,  nous  l'avons  dit,  des  ravages 
sérieux  sur  les  propriétés  rurales,  tant  par  la  voracité  du  gibier 
que  par  les  courses  des  veneurs  dans  les  champs. 

Le  gouvernement,  qui  n'oubliait  pas  que  la  chasse  était  un 
droit  régalien  dont  il  permettait  l'exercice,  prit  diverses  mesures 
protectrices  de  l'agriculture  dont  «  l'intérêt  a  droit  à  la  sollicitude 
des  gouvernants  *.  »  Nous  avons  signalé  la  garantie  contre  les 
dégâts  du  gibier.  Une  autre  mesure  importante  limite  le  temps  de 
la  chasse,  primitivement  libre.  La  chasse  était  interdite  pendant 
que  la  terre  était  couverte  de  ses  fruits.  Cette  durée  variait  de 
province  à  province.  Le  terme  moyen  en  était  du  i5  mars  au 
do  août.  Des  peines  sévères  frappaient  les  personnes  chassant  en 
temps  prohibé. 

»  Placard  du  26  juillet  1677. 


(  257  ) 

Le  droit  de  chasse  des  seigneurs  avait  d'inévitables  inconvé- 
nients. Ils  le  protégeaient  avec  un  soin  jaloux  et  parfois  avec 
cruauté.  Sans  doute  la  répression  ne  se  faisait  pas  attendre,  mais 
les  faits  mêmes  étaient  exorbitants.  Ces  faits,  il  est  vrai,  devinrent 
de  plus  en  plus  rares  dans  nos  provinces.  Le  gouvernement  cen- 
tral sut  prendre  de  bonne  heure  une  attitude  énergique  et 
répressive.  L'abolition  du  droit  de  chasse  par  la  législation  révo- 
lutionnaire, ne  fut  donc  pas  pour  notre  pays  un  soulagement  très- 
appréciable.  Dans  le  régime  définitif  établi  par  le  droit  nouveau, 
le  principe  sans  doute  est  changé.  Le  droit  de  chasse  est  devenu 
patrimonial,  mais  la  pratique,  la  réglementation  et  la  police  ont 
été  bien  peu  modifiées. 


(  238  ) 


NOTES  JUSTIFICATIVES. 


A .  -  LES  GILDES  K 

On  a  signalé  depuis  longtemps  l'esprit  d'association  comme  un 
des  traits  caractéristiques  de  la  civilisation  germanique.  Les  gildes 
furent  une  de  ses  plus  importantes  et  plus  curieuses  manifesta- 
lions.  Les  peuplades  qui  se  fixèrent  sur  le  littoral  flamand  étaient 
constituées  en  groupes  de  familles,  liées  par  la  religion  et  obligées 
de  s'entr'aider  dans  toutes  les  difficultés  et  dans  tous  les  dangers. 
Cette  union  de  familles,  souvenir  de  l'ancienne  vie  patriarcale, 
était  tout  à  la  fois  une  alliance  militaire  et  une  société  de  secours 
mutuels.  Dans  les  cantons  du  littoral,  les  Flandres  proprement 
dites  et  le  mempiscus  pagitSj  la  défense  contre  les  inondations,  la 
construction  et  la  réparation  des  digues,  étaient  les  objets  les 
plus  importants  de  leur  assurance  réciproque. 

Ces  unions  n'avaient  rien  de  professionnel;  elles  étaient  d'ail- 
leurs antérieures  à  la  division  des  industries.  Elles  se  composent 
d'un  certain  nombre  de  familles  n'ayant  d'autre  but  que  de 
s'unir  et  de  s'entr'aider  ^.  En  y  entrant,  les  nouveaux  affiliés  pro- 
mettaient de  se  soumettre  à  la  loi  commune,  et  de  contribuer,  par 
un  versement  quelconque,  à  l'existence  matérielle  de  l'association. 
De  cette  contribution  {gilclan,  geld)  naquit  le  nom  de  gilde  ^. 

La  gilde  est  une  institution  plus  spécialement  saxonne;  c'est  à 

*  Voir  p.  55. 

2  Ces  gildes  n'ont  que  le  nom  de  commun  avec  les  gildes  industrielles. 
11  y  a  entre  elles  de  très-grandes  différences  et  aucun  rapport  de  filiation. 
Pycke,  Mémoire  sur  les  corporations  connues  sous  le  nom  de  métiers,  Mém. 
DE  l'Acad.  Roy.  DE  Bkuxelles,  t.  YI,  p.  16. 

^  Moke,  La  Belgique  ancienne,  p.  267. 


(  239  ) 

ce  titre  que  nous  la  retrouvons  clans  les  vieux  poëmes  Scandi- 
naves *,  que  l'Angleterre  en  fut  couverte,  et  que  nous  la  voyons 
puissante  et  combattue  dans  le  Litliis  saxoîiicunif  pays  des  Fle- 
mengs,  d'où  elle  se  répandit  dans  le  Nord  de  la  Gaule  ^. 

Cette  institution  étrangère,  secrète,  païenne,  consacrée  par  le 
serment,  fit  peur  aux  rois  francs.  Charlcmagne  et  Louis  le  Débon- 
naire la  condamnent  avec  énergie,  et  surtout  interdisent  sévère- 
ment la  prestation  de  serment  aux  gUdones.  Le  second  de  ces 
princes  charge  expressément  les  seigneurs  d'empêcher  leurs  serfs 
de  contracter  de  pareils  liens  ^.  Cette  politique  était  toute  diffé- 
rente de  celle  des  rois  anglais.  Loin  de  chercher  à  détruire  les 
gildes,  ils  les  avaient  protégées  et  christianisées  *.  Il  faut  recon- 
naître que  les  princes  Anglo-Saxons  connaissaient  intimement  la 
nature  de  ces  unions;  tandis  que  les  rois  Francs  luttaient  en 
aveugles  contre  un  ennemi  mal  connu. 

Les  gildes,  par  la  naissance  du  régime  agricole  et  sédentaire, 
avaient  pris  un  caractère  foncier.  L'association  de  familles  était 
devenue  en  même  temps  une  association  de  voisins.  Soumises  aux 
mêmes  règles  que  les  gildes  primitives,  les  gildes  agricoles  avaient 
leurs  magistrats,  leurs  règlements,  leurs  juges,  leurs  propriétés. 
La  gilde  était  en  même  temps  une  bourgade.  Les  gildes  libres  du 
littoral  flamand  firent  renaître  naturellement  dans  cette  région 
le  système  germanique  de  la  marke.  Gilde  et  marke,  dans  l'ordre 
foncier,  sont  deux  termes  faits  pour  être  unis.  Il  y  eut  donc  dans 
les  Flandres  des  types  de  la  marke  germanique.  C'est  là  que  la 
propriété  communale  a  revêtu  le  type  germanique  primitif.  Mais 

*  E.  ùeLAseXç-^jn,  Les  sagas  des  Niehelungen,  passim.  Wilda,  Das  gilden 
wesen  im  Mitlelalter. 

^  C'est  toujours  en  Flandre  qu'elles  furent  le  plus  vivaces,  maison  en  trouve 
ailleurs.  Kempeneers,  De  oudevryheid  Montenaeken,  t.  II,  p.  240.  —  A.  Wau- 
ters,  Libertés  communales,  p.  137.  — A.  Thierry,  Considérations  sur  la 
France,  ch.  V. 

^  Les  actes  législatifs  sont  cités  dans  Wauters,  op.  cit.,  pp.  158  et  139. 

^  Hallam,  L'Europe  au  moijen-âge,  Irad.  Borghers,  éd.  Bruxelles,  1840, 
t.  III,  pp.  233  et  suiv.  —  E.  Varenbergh,  Histoire  des  relations  diploma- 
tiques entre  le  comté  de  Flandre  et  V Angleterre  au  moyen-âge,  pp.  34  et 
suiv. 


(  240  ) 

toutes  les  gildes  n'étaient  pas  des  gildes  libres;  il  y  eut  des  serfs 
qui  en  formèrent.  Les  serfs  des  villœ  flamandes  s'organisèrent  en 
gildes  assermentées  ^ 

Nous  ne  pouvons  pas  entrer  dans  le  détail  de  l'organisation  des 
gildes.  Trois  traits  les  caractérisaient.  Association  jurée.  Règle- 
ment commun.  Magistrature  administrative  et  judiciaire,  propre 
et  élective.  Cette  institution  résista  aux  législations  impériales. 
Impuissance  ou  plutôt  tolérance,  les  seigneurs  la  laissèrent  sub- 
sister 2.  Sans  aucun  doute,  ce  secours  mutuel,  cette  administra- 
tion propre  devaient  faire  aux  gildones  une  situation  supérieure  à 
celle  des  serfs  des  contrées  voisines;  mais  cette  organisation  ne 
leur  assurait  pas  la  liberté.  Pour  être  gildones,  les  paysans 
n'étaient  pas  moins  des  serfs.  Nous  avons  vu  les  circonstances  qui 
vinrent  donner  aux  gildes  territoriales  une  puissance  nouvelle  et 
un  essor  extraordinaire.  Le  mouvement  d'émancipation  eut  pour 
résultat  d'émanciper  les  gildones,  et  de  garantir  en  outre  par 
charte,  les  anciens  règlements  de  leurs  associations.  La  gilde, 
modifiée  et  fortifiée  par  l'association  de  paix,  devint  donc  le 
germe  de  la  commune  jurée. 

C'est  ainsi  que  la  gilde  devint  commune;  elle  a  gagné  à  cette 
transformation,  l'émancipation  personnelle  de  ses  membres,  et  la 
consécration  officielle  de  ses  heures. 

Le  mouvement  communal  ne  détruisit  pas  la  gilde;  il  ne  fit 
que  l'émanciper  et  la  reconnaître.  La  comparaison  des  statuts  avec 
les  chartes  est  à  cet  égard  d'une  démonstration  convaincante  ^. 
La  gilde  se  survit  donc  à  elle-même  dans  la  commune.  Nous  ne 
pouvons  l'y  suivre,  et  y  analyser  le  développement  de  ses  institu- 

'  Capitulaire  de  821  de  Louis  le  Débonnaire  :  «  De  conjurationibus  servo- 
rum.  »  —  Cartulaire  du  Mont  Blandin,  p.  73.  Une  terre  avec  50  geldingi. 
*  Dans  le  Roman  de  Rou,  les  milices  rurales  sont  appelées  gildons,  v.  1307. 

La  furent  li  boen  chevalier 


Li  boen  archier,  li  boen  geldon. 


3  Raepsaet,  Analyse,  n"  428.  —  Hallam  et  Thierry,  op.  el  loc.  cit.  —  Baron 
Kervyn  de  Lelieuho\e,  Histoire  de  Flandre,  éd.  1874,  t.  I,  p.  146. 


(  241    ) 

lions,  qui  tantôt  se  fondent  dans  les  institutions  communales, 
tantôt  et  presque  partout,  coexistent  à  côté  d'elles. 

La  solidarité  et  l'association  intime  des  membres  de  la  gilde  se 
maintint  aussi.  Celte  solidarité,  ce  secours  mutuel,  avait  été  pour 
beaucoup  dans  le  premier  développement  économique  de  la 
Flandre.  Grâce  à  elle,  à  l'union  des  travailleurs,  la  population 
flamande  a  réussi,  aux  époques  primitives,  à  lutter  avec  avantage 
contre  les  éléments,  et  a  se  préserver  des  inondations  qui  mena- 
naçaient  son  sol. 

C'est  sans  doute  à  cette  union  aussi,  a  cette  entente  dans  les  tra- 
vaux, accrue  peut-être  par  sa  propre  nécessité  locale,  que  nous  de- 
vons les  premiers  progrès  de  notre  agriculture  flamande.  C'est  par 
elle  que  s'est  formée  cette  race  forte  et  vaillante,  à  laquelle  nous  de- 
vons la  mise  en  culture  des  sauvages  terrains  du  littiis  saxonicum. 

Cette  solidarité  des  paysans  flamands  se  manifesta  notamment 
au  moyen- âge,  par  l'existence  dans  nos  campagnes  de  sociétés 
d'assurance  mutuelle  pour  les  cas  d'incendie,  d'épizootie,  dont 
nous  trouvons  des  traces  au  XIIP  siècle  dans  le  pays  de  Furnes  '. 

Les  chartes  d'émancipation  n'avaient  pas  toujours  respecté 
exactement  les  anciennes  divisions  des  gildes  rurales.  Plusieurs 
d'entre  elles  s'étaient  souvent  réunies  en  une  gilde  supérieure, 
dont  elles  reconnaissaient  la  loi,  tout  en  eonserviint  leur  existence 
distincte  et  particulière.  C'était  cette  grande  gilde  qui  était  dotée 
de  la  keure  2.  Mais  l'existence  locale  des  gildes  partielles  ne  dis- 
parut pas;  des  traces  en  subsistèrent  longtemps.  Warneton  a 
conservé  ses  sept  gildes  locales  ^,  et  dans  les  voisinages  de  Gand 
qui  ont  survécu  à  toutes  les  transformations  de  notre  régime 
municipal,  on  est  tenté  de  retrouver  un  souvenir  des  anciennes 
gildes  locales,  dont  l'union  aurait  fondé  la  grande  cité  flamande*. 

^  Wauters,  Libertés  communales,  p.  139,  n*  2. 

^  Baron  KervjD  de  LeUenhove,  op.  cit.,  1. 1,  p.  144. 

^  Wauiers,  op.  cil.,  p.  140,  ne. 

-*  E.  Vaienbergl),  Notice  sur  les  voisinages  de  Gand,  Bull,  de  l'Acad.  rot. 
DE  Belg.,  2e  série,  t.  XXVI,  p.  564.  —  Cf  Klimralh,  Histoire  du  droit  public 
et  privé  de  la  France,  1. 1,  p.  445. 


To5iE  XXX IL  16 


(  242  ) 


B.  -  LA  FAMILLE  CONSIDÉRÉE  COMME  UNITE  SOCIALE  *. 

La  famille  est  la  vraie  unité  sociale.  C'est  elle  qui  fut  le  berceau 
de  l'humanité;  c'est  d'elle  que  la  société  naît  et  renaît  chaque  jour. 
L'homme  ne  se  forme  que  dans  son  sein.  Par  elle  surtout  il  a  une 
influence  sociale.  Elle  est  donc  vraiment  l'unité,  la  monade  du 
corps  social.  Nous  avons  dit  que  le  moyen-âge  avait  compris  cette 
vérité,  et  que  les  détails  administratifs,  comme  les  habitudes 
sociales  démontrent  que  l'esprit  de  famille  et  le  respect  du  foyer 
y  dominaient.  Nous  étudierons  bientôt  quelques-unes  de  ces  habi- 
tudes de  famille  qui  prouvent  la  vigueur  de  la  tradition.  Au  point 
de  vue  administratif,  signalons  un  fait  remarquable,  qui  prouve 
que  l'individu  isolé,  le  prolétaire  était  au  moyen-âge  politique- 
ment inconnu.  La  distribution  de  l'impôt  et  le  recensement  se 
font  par  feux  ^.  Le  feu  est  le  foyer,  le  siège  de  la  famille.  La 
capitalion  proprement  dite  est  inconnue,  comme  la  statistique 
individuelle.  Pour  être  une  unité  numérique  et  contribuable,  il 
faut  avoir  intérêt  à  la  conservation  sociale.  Il  faut  être  attaché  à 
la  patrie  et  à  son  sol,  par  les  liens  matériels  et  autres  du  foyer 
domestique.  Tant  de  foyers,  tant  d'unités.  On  ne  comprend  pas 
au  moyen-âge  d'autre  statistique;  le  chiffre  des  personnes  occu- 
pant chaque  foyer  importe  peu,  la  communauté  a  autant  de 
centres  de  vie,  d'activité,  d'intérêts;  c'est  l'essentiel,  c'est  ce  qui  se 
compte. 

Quelle  est  donc  la  composition  de  la  famille,  de  l'unité  sociale? 
Constitue  une  unité  tout  ménage  vivant  ensemble  du  même  pain. 
Il  ne  faut  pas  croire  que  le  moyen-âge  conçoive  la  société  indé- 
pendamment des  intérêts  spirituels.  Au  contraire;  l'esprit  social 
y  est  éminemment  chrétien.  Aussi  le  ménage  se  conçoit-il  en 
dehors  du  mariage;  le  célibat  voué  au  culte,  à  la  religion  donne 
à  l'homme  ou  à  la  femme  un  caractère  supérieur,  qui  le  rattache 


*  Page  92. 

*  Voir  la  section  relative  aux  charges  publiques. 


(  243  ) 

aux  intérêts  majeurs  de  la  société.  Le  prêtre,  les  communautés 
religieuses,  les  familles,  voilà  donc  les  unités  sociales. 

La  famille  se  compose  de  son  chef  naturel  et  de  tous  ceux  qu'il 
abrite  et  nourrit  sous  son  toit.  La  famille,  c'est  le  consortium.  Cesi 
l'unité  de  vie  et  d'intérêts  qui  en  constitue  la  communion.  Le  père 
et  la  mère  de  famille  ne  font  qu'un  avec  les  jeunes  garçons  et  les 
jeunes  filles  qui  sont  restés  au  foyer  de  la  famille.  Si  même  les 
enfants  se  marient  et  s'établissent  au  foyer  paternel,  s'ils  sont 
héritiers  associés,  c'est  encore  l'unité  du  foyer  qui  fait  l'unité 
civile.  Il  n'y  a  qu'un  foyer;  il  n'y  a  donc  qu'un  *.  C'est  ce  prin- 
cipe qui  a  favorisé,  en  France,  la  constitution  des  communautés 
de  famille  si  nombreuses  et  si  vivaccs  au  moyen-âge.  Là  tous  les 
enfants  mariés  ou  non,  avec  leur  postérité  restaient  ensemble  au 
foyer  paternel,  et  formaient,  sous  la  direction  du  père  de  famille, 
de  l'aîné  des  frères  à  son  décès,  une  communauté  fraternelle. 
Cette  société  se  constituait  de  diverses  manières,  mais  notamment 
par  an  et  jour  de  vie  commune,  en  compagnie^  c'est-à-dire  en 
«  vivant  ensanble  à  un  pain  et  à  un  pot.  »  Ces  sociétés  paisibles, 
réunissaient  les  capitaux  et  les  forces  de  toute  une  famille  sur 
une  exploitation  étendue,  étaient  soumises  à  une  charge  unique, 
et  échappaient  à  la  mainmorte  par  leur  caractère  de  perpétuité  ^. 

Existait-il  en  Belgique  des  communautés  de  ce  genre?  Jusqu'ici 
on  n'en  a  pas  signalé;  il  n'y  a  dans  les  sources  que  de  rares  et 
vagues  allusions,  qui  ne  peuvent  autoriser  une  conclusion  géné- 
rale. Peut-être  arrivera-t-on  à  en  constater  l'existence  :  peut-être 

*  Chascun  feus«  délie  ville  doit ....  sauf  les  vives  dames  qui  n'ont  point  de 
terre,  le  varlelet  les  damoiselles  à  marier.  Bormans,  Livre  des  fiefs  du  comté 
de  Namur,  1"  livr.,  p.  56.  —  Redevance  à  |)ayei'  par  «  femina  omnis  de  pane 
proprio  vivens  (1207),  Bull,  de  la  Comni.  roij.  hist.  de  Belg.,  2*=  série ,  t.  IV, 
p.2St.  —  Chaque  consortium  (ménage)  paye  un  cens  :  à  savoir  ceux  «  qui  pro- 
prlum  panem  comederint,  »  non  pas  ceux  «  qui  ad  unum  focum  manserint, 
vel  panem  communem  manducaverint  «  (1222),  A.  Wauters,  Libertés  com- 
munales. Preuves. 

^  Dareste,  op.  cit.,  p.  231.  —  H.  Doniol,  op.  cit.,  pp.  74  et  177.  —  E.  de 
Laveleye,  Des  formes  primitives  de  la  propriété.  —  Troplong,  Introd.  au 
traité  du  contrat  de  société.  —  Beaumanoir,  Coutumes  de  Beauvoisis,  édition 
Beugnol,  1. 1.  lulrod.  p.  xx.  —  Compagnie  (cum  panis). 


(  244  ) 

aussi  cette  forme  transitoire  du  travail  agricole  n'a-t-eile  pas 
paru  dans  nos  provinces.  Faut-il  attribuer  cette  différence  à  la 
trempe  énergique  de  notre  caractère  national,  qui  a  su,  au  sein 
même  du  servage,  développer  sa  richesse  et  son  initiative?  La 
marche  rapide  de  nos  libertés  civiles,  la  perfection  tout  à  fait 
prématurée  en  Europe  de  notre  agriculture,  semblent  confirmer 
cette  réponse  toute  à  l'honneur  de  la  vieille  patrie  belge  *. 
Le  chef  de  famille,  le  père  ou  à  son  défaut  la  mère  qui,  nous 
l'avons  vu,  occupe  un  rang  élevé  et  respecté  au  foyer,  voilà  l'unité 
statistique,  administrative,  civile,  même  politique  2. 

Nous  avons  dit  que  le  célibat  religieux  était  aussi  honoré.  Les 
institutions  de  mainmorte  réunissaient  ceux  qui  y  étaient  voués. 
Nous  ne  pouvons  nous  étendre  ici  sur  la  haute  portée  sociale  de  ces 
asiles  religieux.  Abstraction  faite  de  leur  action  religieuse,  des 
congrégations  apostoliques  et  militantes,  les  asiles  offraient  un 
refuge  pieux,  une  vie  sérieuse  et  respectée  aux  célibataires  que  la 
vocation  religieuse  n'entraînait  pas  dans  le  cloître  ou  que  les  cir- 
constances éloignaient  de  leur  famille. 


C.  —  LES  PAPIERS  DOMESTIQUES  \ 

Aucune  source  plus  précieuse  pour  l'histoire  interne  des 
familles,  et  partant  pour  celle  de  la  société  tout  entière  que  les 
archives  privées.  Cette  mine  de  renseignements  sur  la  vie  privée, 
sur  les  idées,  sur  les  habitudes,  sur  la  vie  quotidienne  du  foyer 
avait,  aux  siècles  passés,  un  caractère  que  les  papiers  contempo- 
rains sont  loin  de  présenter.  Autrefois  ou  voyait,  dans  les  notes 
domestiques,  se  retracer  la  vie  de  famille  clle-mcme;  on  y  voit 
les  événements  qui  la  troublent,  les  accidents  économiques  heu- 

*  Branls,  La  mainmorte  féodale, 'Retve  cxtuoli^ve  de  Louvain,!.!,  p.  462, 
1879. 

2  E.  del  Marmol,  Notice  sur  Warisaulœ,  Ann.  de  la  Soc.  arch.  de  Namdr, 
t   IV,  p.  258. 

5  Pase  105. 


(  243  ) 

reux  on  malheureux  qui  s'y  passent,  l'influence  qu'y  exercent  les 
faits  extérieurs  militaires  ou  politiques.  Aujourd'hui  les  archives 
ne  se  composent  plus  guère  que  d'actes  otïiciels  ou  de  papiers 
timbrés  constatant  un  fait,  ou  garantissant  un  droit  dans  le  style 
monotone  des  officiers  publics.  Il  est  certain  que  cette  différence 
en  dénote  une  plus  importante  dans  Tesprit  même  des  familles. 
Sans  exagérer  les  conclusions.,  tâchons  d'analyser  la  composition 
des  archives  de  quelque  famille  de  l'ancien  régime. 

Nous  y  trouvons  d'abord  des  notes  et  chroniques  faites  par 
quelques  membres  de  la  famille.  Avant  la  découverte  de  l'impri- 
merie, et  même  longtemps  après,  dans  les  familles  patriciennes 
ou  bourgeoises,  on  possédait  des  chroniques  du  pays  ou  de  la 
ville.  Ces  chroniques  étaient  souvent,  pour  les  commencements,  la 
copie  de  quelque  chroniqueur  local.  Puis  venaient  s'y  joindre  une 
continuation  et  des  réflexions  personnelles  du  copiste,  pour  les 
faits  dont  il  avait  lui-même  le  souvenir.  De  là  viennent  ces 
innombrables  chroniques  de  nos  villes  si  répandues  partout  *. 
Mais  les  particuliers  ne  donnaient  pas  toujours  à  leurs  relations 
la  forme  savante  et  régulière  d'un  mémorial.  Nous  trouvons  aussi 
de  nombreuses  annotations  éparses  sur  divers  registres.  Ce  sont 
là  des  chroniques  pour  le  fond,  mais  dont  les  éléments  sont  épar- 
pillés sans  ordre  ni  trame.  Les  notes  sont  inscrites  soit  dans  les 
livres  de  comptes,  soit  en  marge  de  quelque  livre  usuel  de  l'indi- 
vidu qui  les  écrit,  soit  même  souvent  dans  les  registres  publics 
dont  la  rédaction  lui  est  confiée.  Elles  se  rapportent  soit  à  l'his- 
toire locale,  soit  aux  incidents  économiques  ou  atmosphériques; 
contiennent  des  réflexions  sur  les  faits  et  les  hommes,  l'expres- 
sion des  sentiments  divers  qui  animent  leur  auteur,  et  enfin  des 
faits  de  sa  vie  privée  et  domestique  2.  Ces  notes,  qui  doivent  se 

•  P.  Ruelens,  Bull,  de  la  Comm.  roy.  cVhist.  de  Belg.,  3«  série,  t.  IX,  p.2o2. 
C'est  surtout  au  moyen  de  ces  petites  cfironiques  que  L.  Torfs  a  composé  ses 
Fastes  des  calamités  publiques . 

^  L.  Torfs,  op.  cit.,  passim.  —  J.  Borgnet,  Cart.  de  la  commune  de  Fosses, 
annexe  IV,  p.  325.  Ces  petites  chroniques  sont  mélangées  de  pièces  de  vers, 
sentences, boularJes  que  les  auteurs  consignaient  là,-ne  disposant  pas  des  faciles 
moyens  de  publicité  que  nous  possédons  aujourd'hui.  —  Cf.  Eug.  Van  Damme, 


(  246  ) 

trouver  en  grand  nombre,  pourraient  faire  l'objet  d'une  élude 
bien  curieuse.  Rien  ne  vaudrait,  pour  la  connaissance  de  l'esprit 
d'une  époque,  le  dépouillement  de  ces  réflexions  journalières 
faites  sous  l'impression  de  quelque  événement,  exprimées  sans 
réticence  et  sans  détours.  Ce  sont  là  des  sources  précieuses  pour 
l'histoire  économique,  morale  et  même  politique  des  localités. 

Mais  si  les  papiers  domestiques  sont  précieux  pour  l'histoire 
locale,  ils  le  sont  surtout  pour  l'histoire  de  la  famille  elle-même. 
Étudier  les  familles  dans  leur  vie  intime  et  quotidienne;  analyser 
les  sentiments  qui  inspirent  ses  membres;  c'est  le  seul  moyen  de 
connaître  une  société  et  une  époque,  de  la  faire  revivre  et  de  la 
juger  sagement.  Ce  sont  les  archives  privées  qui  rerifcrment  ces 
trésors  qu'elles  conservent  avec  un  soin  trop  jaloux.  En  France 
un  publiciste  éminent  est  parvenu  à  y  puiser  à  pleines  mains,  et 
ses  patientes  mais  fructueuses  recherches  ont  ouvert  à  la  science 
sociale  des  horizons  nouveaux  ^  La  Belgique  posscde-t-elle  de  ces 
richesses?  Nous  n'en  pouvons  douter,  mais  elles  sont  encore 
inconnues  du  public.  Tâchons  de  dire  en  quelques  mots  ce  qui 
existe  et  peut  faire  espérer  de  trouver  encore. 

Au  premier  rang  des  papiers  domestiques,  citons  les  cachereaux. 
Le  cachereau  est  un  registre  où  le  chef  d'une  famille  annole  ses 
dépenses  et  ses  recettes.  C'est  le  livre  de  raison  [liber  rationum) 
dans  sa  notion  primitive.  Mais  en  Belgique  le  livre  de  raison 
semble  n'avoir  jamais  existé  qu'à  l'état  élémentaire.  Voici  ce  que 
nous  y  trouvons  de  plus  caractéristique  :  En  tête,  un  résumé 
généalogique  qui  porte  le  nom  de  slock,  sans  réflexion  ,  ni  his- 
toire. Parfois  cependant  le  fils,  en  commençant  son  registre, 
retrace  sommairement  les   grands  traits  de   la  vie   de  son  père. 

Histoire  de  Chiny  et  d'Orval,  p.  23.  —  M.  de  Ribbe  a  signalé  des  écrits 
curieux  d'un  genre  analogue,  Un  Nostradamus  du  XV'^  siècle. 

Le  poêle  Adrien  Wils,  d'Anvers  (1600),  annotait  dans  ses  manuscrils  de 
poésies  les  naissances  et  décès  des  membres  de  sa  famille.  Dibliolhèque  royale, 
MS.  n«  13663.  (Coll.  Van  Hullliem,  200.) 

1  M.  Ch.  de  Ribbe,  Les  familles  et  la  société  en  France  avant  la  Révolution  ; 
La  vie  domestique,  ses  modèles  et  ses  règles;  Une  famille  au  XVI''  siècle; 
Le  livre  de  raison. 


(  247  ) 

Viennent  ensuite  les  recettes  et  dépenses  journalières  selon 
l'ordre  de  leur  date.  Mais  à  ces  renseignements  sont  entremêlées 
des  indications  de  famille  et  en  particulier  l'état  civil  de  ses 
membres.  Naissances,  mariages,  décès  y  sont  consignés  ainsi  que 
les  faits  principaux  intéressant  chacun  d'eux  '. 

Dans  les  familles  nobles,  on  tenait  souvent  des  livres  de  famille 
spéciaux;  c'étaient  là  de  vraies  annales  domestiques  dont  les  tri- 
bunaux, à  défaut  d'autres  renseignements,  admettaient  quelque- 
fois l'autorité  -. 

Cet  usage  de  tenir  ses  comptes,  et  de  faire  l'état  civil  de  sa 
famille  prétait  naturellement  à  la  rédaction  de  cahiers  qui,  par 
leur  forme,  leur  contenu  très-hétérogène,  le  caractère  parfois 
original,  parfois  édifiant  de  leur  rédaction,  devenaient  de  vraies 
histoires  intimes  de  la  famille,  en  relatant  les  joies  et  les  misères, 
les  fêtes  et  les  drames.  Cependant  les  exemples  en  sont  rares  dans 
nos  provinces,  ou  du  moins,  il  y  en  a  peu  de  connus. 

Prenons  un  exemple.  Le  livre  de  compte  du  ménage  s'ouvre  le 
jour  du  mariage.  On  y  inscrit  la  date,  le  nom  de  la  mère  de  famille, 
le  montant  de  sa  dot.  L'un  de  ces  livres  s'ouvre  ainsi ^  :  «  Ilonori 
previa  vir tus  (devise  de  la  famille).  1691.  Sit  nomen  Domini  bene- 
dictum.  Nous  nous  sommes  mariés  le  jour  des  âmes  à  midy,  à 
l'église  paroissiale  de  Sainte-Gudule.  Dieu  bénisse  notre  mariage 
que  nous  avons  contracté  à  son  honneur  et  de  la  Vierge.  »  Sui- 
vent les  dispositions  ou  covenances  de  mariage  que  Tautcur 
accorde  avec  son  beau-père  «  à  la  bonne  foi  et  devant  Dieu.  »  Il 
énumère  ensuite  la  série  de  ses  enfants:  il  a  laissé  à  cet  effet  un 
espace  libre  en  tète  du  mémorial,  qu'il  remplit  au  fur  et  à  mesure 
des  naissances.  Le  corps  du  livre  comprend  l'histoire  économique 
de  la  famille;  le  récit  est  entrecoupé  de  comptes  et  de  calculs. 
Cette  histoire  est  très-dramatique.  La  succession  de  son  beau- 
pèrc  est  l'objet  de  mille  difticullés  qui  prouvent  peu,  il  faut  en 

*  Sources  aux  Archives  privées  :  Familles  de  T.;  de  F.;  de  N.  de  P.;  elc. 
Cf  le  catalogue  des  MS.  généalog.  du  fonds  Goelhals  à  la  Bibliothèque  royale. 

^  Baron  de  Reiffenberg,  Essai  sur  la  statistique  ancienne  de  la  Belgique, 
Mém.  de  l'Acad.  ro\.  de  Belg.,  in-4",  t.  IX,  p.  51 .    - 

^  Livret  de  Ch.de  B.,  de  Bruxelles,  Bibl.  roy.,  Fonds  Goelhals,  n»  1913. 


(  248  ) 

convenir,  pour  la  paix  qui  régnait  dans  la  famille.  L'auteur  de 
notre  mémorial  est  seul  victime  des  injustices  de  ses  coparta- 
geants  et  il  supporte  son  malheur  avec  une  chrétienne  résigna- 
tion. «  Après  cela,  dit-il,  est  venue  l'horrible  tempête,  quand 
tous  ensemble  voulurent  la  (sa  femme)  faire  sortir  de  la  maison 
paternelle  avec  une  rente  de  22  florins  par  an.  Qui  nous  a  fait  ce 
tort,  nous  a  fait  une  tempête  si  cruelle  que  nous  ne  pensions  pas 
comment  cela  pourrait  tomber  en  tête  à  un  barbare.  Cependant 
sit  nomen  Domini  bencdictum.  Deus  providebit.  » 

Ce  manuscrit  d'un  grand  bourgeois  de  Bruxelles  du  XVII^  siècle 
respire  les  sentiments  chrétiens  et  pieux.  Mais  par  son  histoire, 
il  semble  que  ses  contemporains  n'aient  pas  tous  même  piété  ni 
même  désintéressement. 

Quels  étaient  a  cette  époque  les  sentiments  de  la  noblesse. 
Nous  avons  signalé  au  commencement  du  même  siècle  le  remar- 
quable exemple  du  prince  Charles  de  Croy  écrivant  lui-même  le 
minutieux  règlement  de  son  ménage.  Le  mémorial  de  deux  sei- 
gneurs flamands,  intitulé  livret  par  ses  auteurs  ^,  nous  fournit 
quelques  traits  intéressants.  Le  père  se  marie  en  1590  «  et  ses 
nopces  furent  franches  nopces.  »  Il  prie  Dieu  de  bénir  son  union. 
«  Le  Seigneur  Dieu  donne  la  grâce  que  soit  au  nom  du  Seigneur 
Dieu  et  au  salutaire  de  notre  âme.  »  Mais  ces  formules  religieuses 
contrastent  étrangement  avec  les  relations  du  fond,  et  nous 
font  apparaître  sous  un  jour  bien  curieux  la  société  noble  du 
XVl^  siècle.  Mais  si  la  vie  privée  n'est  pas  sans  tache,  il  semble 
que  ces  fautes  ne  soient  que  bagatelles;  l'aveu  n'en  coûte  pas,  et 
la  bonhomie  qu'y  met  l'auteur  prouve  qu'il  n'y  avait  là  rien  d'ex- 
traordinaire à  son  époque.  La  foi  subsistait  cependant;  et  le  vieux 
soldat  qui  écrit  le  livret  invoque  avec  piété  les  patrons  de  ses 
enfants.  «  Mon  fils,  dit-il  à  la  naissance  de  son  aîné,  mon  fils 
portait  le  nom  de  mon  grand'père  lequel  je  prie  Dieu  qu'il 
veuille  garder  de  mal  et  fortune,  et  lui  vouloir  faire  participant  de 
sa  sainte  grâce  au  royaume  des  cieux.  » 

*  Messires  Marcus  de  C,  mnriéen  1390,  el  Engelberl  de  C,  marié  en  1646. 
Tous  deux  sont  Brugeois.  Archives  privées. 


(  249  ) 

Dans  le  livret  de  son  fils,  pas  de  traces  religieuses;  l'auteur  du 
second  livret,  quoique  conseiller  au  conseil  de  Brabant,  nous 
offre  un  type  curieux  d'incroyance  superstitieuse.  L'astrologie, 
faut-il  croire,  était  de  mode  parmi  les  incrédules  du  grand  monde 
au  XVII^  siècle,  à  moins  que  l'attention  qu'y  accorde  le  docte 
magistrat  ne  constitue  chez  lui  une  manie  peu  juridique.  Tou- 
jours est-il  qu'à  la  naissance  de  ses  enfants,  il  substitue  au 
nom  des  patrons  la  mention  détaillée  de  l'état  du  ciel  au  jour  de 
la  naissance,  du  signe  sous  lequel  ils  sont  nés,  de  la  disposition 
du  firmament;  il  a  soin  d'indiquer  pour  l'un  d'eux  que  «  Vénus, 
Jupiter  et  le  Soleil  sont  en  trigone  et  qu'on  est  sous  le  signe 
du  Sagittaire.  »  Ce  livret  n'est  sans  doute  qu'une  curiosité  dont 
il  y  a  peu  d'éditions  et  son  auteur  nous  paraît  atteint  de  bizar- 
rerie. Rien  là  qui  ressemble  au  mémorial  simple,  mais  calme  et 
digne,  d'un  autre  magistrat,  vivant  un  siècle  plus  tôt,  avocat 
au  grand  conseil  de  Malines  *  qui  commence  en  1558  par  des 
annotations  qui  se  rapprochent  du  type  que  nous  avons  analysé 
d'abord. 

L'habitude  des  mémoriaux  nous  est  attestée  au  XV^  siècle  par 
des  annotations  retrouvées  sur  des  registres  publics,  mais  qui 
constituent  à  coup  sûr  les  éléments  d'un  livret,  car  ils  nous 
initient  aux  détails  intimes  de  la  vie  privée  de  leur  auteur  2.  Aux 
traits  de  sa  vie  domestique,  joignons  la  relation  du  départ  de  son 
frère.  Elle  nous  montrera  dans  les  familles  plus  d'union  que 
n'en  révèlent  les  querelles  successorales  de  notre  auteur  bruxel- 
lois du  XVII^  siècle.  «  In  nomine  Domini.  Le  merquedy,  IS**  jour 
de  février,  l'an  1447,  Lambillon,  fils  légitime  de  feu  Noël,  cui 
Dieu  pardoint,  se  party  de  la  maison  son  frère  où  il  avoit  de- 
mouré  depuis  le  trespas  de  son  dit  père,  pour  s'en  aller  demourer 
en  la  ville  de  Bruges  et  illec  apprendre  et  proufiter  au  mieulx 
qu'il  pourra.  Notre  Seigneur-Dieu,  par  sa  saincte  et  digne  grâce, 

*  Gérard  le  Prince,  Arch.  jud.  de  Mons,  cité  par  Alex.  Pincliart,  Mess,  des 
se.  HisT,  DE  Belg.,  p.  228,  1851. 

^  Jehan  Taiilefier  de  Fleriux,  greffier  de  réchevinage  de  Namur,  aux  registres 
aux  transports  de  la  Haute  Cour  de  Namur,  cité  par  J.  Borgnet,  Mess,  des  se. 
hisl.  de  Belg.,  pp.  60  et  suiv.,  I80I . 


(  250  ) 

le  veuille  conduire  et  préserver  et  garder  de  mal  et  de  tous 
périls.  Amen,  amen,  amen.  » 

On  voit  qu'il  y  a  dans  les  papiers  domestiques  des  trésors 
d'histoire  sociale?  De  quelques  traits  épars,  on  ne  peut  rien  con- 
clure, mais  Tabondance  de  renseignements  analogues  constituerait 
le  fond  d'une  histoire  morale  aussi  remarquable  qu'utile,  telle 
que  celle  dont  déjà  des  études  semblables  ont  doté  la  France. 
Quelle  est  donc  l'importance  des  livres  de  tradition  au  point  de 
vue  social.  Quel  esprit  révèle  dans  une  famille  l'habitude  même 
d'en  posséder?  Nous  ne  voulons  pas  exagérer  nos  conclusions. 
Les  notes  généalogiques  étaient  d'une  grande  utilité  au  moyen- 
âge  quand  les  archives  publiques  et  l'état  civil  mal  organisés 
faisaient  courir  aux  particuliers  le  danger  de  manquer  de 
preuves  *. 

La  relation  des  comptes,  des  actes,  des  recettes  et  dépenses 
avait  des  avantages  analogues,  quoique  moins  considérables,  car 
les  registres  des  cours  féodales  et  les  actes  scabinaux  furent  de 
bonne  heure  tenus  avec  grande  régularité,  comme  le  prouvent 
ceux  que  nous  conservons. 

Si  donc  les  circonstances  expliquent  dans  certaine  mesure  la 
tenue  des  recueils  que  nous  signalons,  celle-ci  cependant  démontre 
aussi  la  vivacité  de  l'esprit  de  famille  et  une  préoccupation  con- 
stante de  ses  intérêts.  Le  contenu  des  archives  prouve  à  cet  égard 
les  sentiments  de  leurs  auteurs,  et  l'utilité  même  de  leur  rédac- 
tion n'enlevait  pas  à  leur  usage  leur  influence  sur  l'esprit  de 
famille.  Quand  chaque  membre  de  la  famille  est  obligé  pour 
conserver  ses  droits  ou  du  moins  pour  les  assurer,  d'en  consigner 
par  lui-même  les  preuves  et  d'en  rassembler  les  éléments,  il  se 
pénètre  naturellement  davantage  de  l'esprit  même  de  la  famille. 

^  Sur  l'état  civil.  Baron  de  Reiffenberg,  op.  el  loc.  cil.  Une  importante  étude 
de  L.  Gilliodts-van  Severen,  Inv.  des  arch.  de  Bruges  Introd.  pp  283  et  suiv. 
—  En  France,  A.  Babeau,  Le  villnge  au  moyen-âge.  —  Une  curieuse  élude 
sur  les  registres  paroissiaux  dans  la  Bévue  des  questions  historiques,  avril 
1879.  —  Sur  les  registres  paroissiaux  régularisés  en  Belgique,  par  édit  du 
28  mai  1567.  P.  Claessens,  Des  paroisses  dans  Vancienne  Belgique ,  Bevde 

CATHOLIQUE  DE  LoUVAIN,  t.  II,  p.  443,   1879. 


(  ^^31  ) 

II  s'y  attache.  Forcé  d'être  prévoyant  pour  certaines  choses,  il 
l'est  aussi  pour  toutes  les  autres. 

Une  preuve  remarquable  de  cet  esprit  se  trouve  dans  les  tes- 
taments; les  pères  considèrent  comme  une  sorte  de  devoir  de 
veiller  à  la  sauvegarde  de  leur  patrimoine.  Comme  les  Romains 
des  premiers  siècles,  ils  ne  veulent  pas  mourir  intestat  '.  Quel 
est  donc  le  but  de  leur  testament.  C'est  d'éclairer  leurs  héritiers 
sur  les  vrais  intérêts  de  la  famille  et  du  })atrimoine,  et  de  réparer 
par  les  actes  de  dernière  volonté  les  injustices  qu'ils  auraient  pu 
commettre  dans  leur  gestion.  Dans  les  testaments  on  retrouve 
parfois  la  pensée  sociale  qui  présidait  à  la  rédaction  des  vrais 
livres  de  raison.  Nous  connaissons  quelques  testaments  liégeois, 
a  Acte  religieux  considéré  comme  l'accomplissement  d'un  devoir 
sacré,  le  testament  porte  l'empreinte  de  ce  double  caractère  2.  > 
Il  commence  au  nom  de  Dieu  à  qui  on  recommande  son  âme 
à  l'entrée  de  l'éternité  ^,  puis  on  ordonne  la  réparation  de 
tous  les   torts  qu'on  peut  avoir  causé  *  sans  restriction  et  sans 

^  Messire  G.  de  F.,  ue  voulant  mourir  inteslat....  (17^6).  Archives  privées. 
—  «  Cupiens  ne  intestatusdecedat.  »  Testamonl  de  maître  H.Welleiis  (1453), 
Analcctes  pour  servir,  etc ,  t.  VII,  p.  225.  —  On  met  presque  sur  la  même 
ligne  l'obligation  de  tester  et  celle  de  se  confesser  avant  de  mourir.  E.  de 
Ryckman,  Le  testament  cV après  les  faits,  Axndaire  de  l'économie  sociale, 
t.  III,  p.  191. 

^  E.  de  Ryckman,  Un  testament  liégeois  au  XVh  siècle  ;  Essai  sur  la  pra- 
tique de  la  liberté  testamentaire.  Revue  catholique  de  Louvaux,  1877. 

^  Ceci  était  commun  à  presque  tous  les  testaments.  Mais  si  la  formule  était  : 
«  In  nomine  Domini;  »  les  formes  diverses  que  les  testateurs  donnent  souvent 
à  cette  pensée,  prouvent  qu'ils  pensaient  à  ce  qu'ils  disaient.  Testament,  cité 
de  M.  Wellens.  —  Testament  de  Nicolas  de  Esche  (1502),  «  lu  N.  D.  N.  J.  G. 
Imprimis  animam  meam  pecatricem  infinitae  bonilati  .  .  omnipolentis  Dei 
commendo,  «  Analectes  pour  servir,  etc.,  t.  VII,  p.  383.  —  Testament  d'Anne 
Gérard,  servante  (1626),  «  recommande  son  àme  a  Dieu  le  Créateur,  à  la 
benoîte  Vierge  Marie,  à  Madame  S'^Anne  sa  palronesse  et  à  toute  la  cour 
Céleste,  »  Ann.  de  la  Soc.  archéol.  de  Namur,  t.  VI,  p.  81.  —  Beaumanoir. 
Coutumes  de  Beauvoisis^éâ.  Beugnot,  t.  I,  p.  209  donne  la  formule  générale 
des  testaments. 

*  E.  de  Ryckman,  op.  cit.,  Testament  de  Jean  Uuche,  bourgeois  de  Namur 
V1518}.  «  Je  velts  et  dévisse  qne  me  detes  soient  paiées  et  mi  tor  faitrendut,  si 


(  28-2  ) 

même  recourir  aux  exceptions  du  droit  civil  *.  Puis  en  règle  au 
point  de  vue  des  intérêts  spirituels,  on  descend  à  l'ordonnance  du 
patrimoine,  que  le  Seigneur  a  voulu  aussi  qu'on  gère  fidèlement 
et  avec  diligence  Dans  ce  nouveau  règlement  on  a  en  vue  le  bien 
et  la  prospérité  de  la  famille.  Le  testateur  cherche  avant  tout  à 
maintenir  le  respect  et  l'autorité  au  foyer  domestique,  en  faisant 
à  la  mère  de  famille,  la  compagne  de  sa  vie,  l'associée  de  son 
blason,  la  mère  de  ses  enfants,  Théritière  de  ses  devoirs  et  de 
ses  droits,  en  lui  faisant  une  position  digne  et  élevée.  Nous  l'avons 
vu,  les  mères  de  l'ancien  régime  étaient  dignes  de  leur  rôle.  On 
veillait  à  ce  qu'elles  pussent  le  remplir  2. 

Le  testateur  ensuite  disposait  de  quelques  biens  «  pour  Dieu  et 
en  pure  aulmône  »,  c'est  la  part  des  pauvres,  celle  de  l'Église; 
puis  en  faveur  de  divers  légataires.  S'il  avait  des  enfants,  il  par- 
tageait les  biens  entre  eux  ^:  à  Liège  souvent  on  créait  un  fidéi- 
commis  destiné  à  maintenir  le  nom,  la  dignité,  la  splendeur  de 
sa  maison  ^.  Nous  ne  pouvons  entrer  dans  le  détail  de  ces  der- 
nières dispositions  ^.  Bornons-nous  à  les  signaler  avec  l'esprit 

nus  en  y  ai,  selon  se  forme  et  à  rensengnement  de  sainte  église,  »  Analectes 
pour  servir,  etc.,  t.  Vil,  p.  496.  —  J.  Bélhune,  Un  testament  au  XI F^ siècle, 
Mess,  des  se.  hist.de  Belc.  p.  io,  1879. 

*  Messire  G.  de  F.,  Testament  cité,  défend  d'opposer  l'exceplion  de  prescrip- 
tion. —  On  voit  souvent  dans  les  actes,  les  contractants  renoncer  aux  arguties 
de  légistes  pour  faire  annuler  éventuellement  le  contrat.  «  Omnibus  cavilla- 
tionibus,  cautelis  et  sublerfugiis  «  (1280),  Cartulaire  de  S^-Berlin  de  Pope- 
ringlie,  p.  126.  —  Ibid.,  passim  renoncent  à  toute  exception  d3  dol,  violence 
ou  lésion.  Remarquons  que  ces  renonciations  impliquent  un  accord  presque 
général  et  probablement  une  certaine  complicité  des  magistrats  du  premier 
ressort. 

-  E.  de  Ryckman,  op.  et  loc.  cit. 

^  Les  avis  de  père  et  mère  jouaient  ici  un  grand  rôle.  Ils  sont  éminemment 
utiles  à  prévenir  les  difficultés  successorales.  Sur  Timportance  des  partages 
d'ascendants  :  Claudio  Jannet,  appendice  à  VOrganisation  de  la  famille  de 
M.  Le  Play,  2^  éd.,  p.  523. 

*  Fidéicommis  liégeois,  Méan.  Obs.  649,  n"  4.  Voira  cet  égard  les  mémoires 
juridiques  récents  relatifs  à  une  affaire  de  fidéicommis  devant  la  Cour  d'appel 
de  Liège,  L.  de  Wonge,  Mémoires  1878  et  1879. 

^  Une  histoire  complète  du  régime  testamentaire  et  un  examen  détaillé  de 


(  2S3  ) 

qu'elles  révèlent,  et  espérons  que  nos  vieilles  archives  s'ouvriront 
pour  édifier  les  contemporains  par  les  beaux  exemples  qu'elles 
nous  pourraient  révéler. 


».  -  APERÇU  STATISTIQUE. 

La  statistique  éclairée  par  le  raisonnement  et  l'observation 
sociale  est  le  clou  de  jauge  des  progrès  économiques  d'une  société. 
Malheureusement  sa  constitution  pour  les  siècles  passés  exige 
une  série  de  travaux  longs  et  difficiles,  qui  n'ont  pas  encore  été 
entrepris  pour  notre  pays.  Pour  établir  la  corrélation  nécessaire 
entre  le  prix  de  la  main-d'œuvre,  celui  des  denrées  et  la  valeur 
des  métaux  précieux,  il  faut  connaître  exactement  la  valeur  rela- 
tive des  types  monétaires  qui  circulaient  aux  diverses  époques  de 
l'histoire.  Aux  travaux  de  Gérard  i,  de  Heylen,  de  Gaillard  2,  de 
Chalon  ^  et  autres  savants  *,  il  manque  un  complément  écono- 
mique et  synthétique  fixant  cette  relation  de  valeur  entre  les 
monnaies  successives  ^.  La  déterminer  est  l'œuvre  d'un  numismate 
économiste,  et  nous  espérons  que  l'éminent  M.  Chalon  voudra 
bien  un  jour  en  doter  son  pays.  En  présence  de  l'insuffisance  des 
études  de  ce  genre  sur  les  antiquités  monétaires  des  provinces 

nos  actes  privés  fourniraient  les  élémenls  d'une  admirable  et  instructive  his- 
toire du  droit  et  de  la  société  belgiques.  Notre  cadre  ne  nous  permet  ici  que 
de  les  signaler. 

*  Recherches  sur  les  monnaies  des  Pays-Bas,  Mém.  de  l'Acad.  de  Brux., 
t.  V,  parlie  historique. 

^  Recherches  sur  les  monnaies  des  comtes  de  Flandre. 
5  Les  monnaies  des  comtes  de  Hainaut,  elc. 

*  Voir  les  articles  épars  dans  la  Revve  de  numismatique  belge.  Nous  avons 
exposé  plus  haut  quelques-unes  des  diflficultés  de  la  question. 

s  Sur  le  système  employé  avec  tant  de  succès  en  France,  voir  notamment 
Guérard,  Polypt.d'Irminon.  —  Leber,  Essai  sur  l'évaluation  de  la  fortune 
privée  au  ?7iO(/en-d<7e.— Deiisle,  Les  classes  agricoles  en  Normandie. — 
Cibraris,  ^économie  politique  au  mor,en-âge,  pour  Tltalie,  et  le  résumé  de  la 
théorie  par  P.  Clément,  Jacques  Cœur  et  Charles  VII  ou  la  France  au  Zr« 
siècle,  1. 1,  pp.  Lxi  et  suiv. 


(  254  ) 

belgiques,  on  comprendra  sans  peine  pourquoi  notre  aperçu 
statistique  est  nécessairement  incomplet  et  pourquoi  il  présente 
des  difficultés  d'évaluation  et  de  comparaison.  Ceci  posé,  réunis- 
sons les  renseignements  principaux  que  nous  avons  recueillis. 

Le  prix  des  terres,  leur  valeur  localive,  et  le  taux  du  revenu 
foncier  nous  sont  mal  connus. 

Au  XIIP  siècle,  le  bonnierde  terres  arables  se  vendait  10  marcs 
en  Flandre  *,  le  prix  du  bonnier  de  pré  était  triple  2.  Quel  revenu 
représentait  le  bonnier?  A  Namur,  au  XIll'^  siècle  le  rapport  du 
journal  de  pré  était  évalué  à  4  sous  esterlins  ^.  Au  siècle  suivant, 
en  Brabant,  le  bonnier  de  terre  cultivée  valait  10  livres  et  don- 
nait au  propriétaire  un  revenu  d'un  muid;  or  le  muid  se  payait 
20  sous  ou  1  livre  *.  Le  revenu  était  donc  de  10  p.  "/o  du  capital 
foncier;  ce  qui  est  considérable.  Au  XIIP  siècle  encore,  la 
moyenne  des  cens  dus  au  comte  de  Hainaut  s'élève  à  5  setiers 
d'avoine  et  3  chapons  ^  au  demi-bonnier  ^,  tandis  que  dans  le 
pays  de  Waes  la  moyenne  est  de  6  sous  de  Flandre  au  bonnier  7. 
Au  XV*  siècle,  on  décide  dans  le  pays  de  Gand  que  la  verge  ne 
pourra  être  évaluée  plus  de  6  deniers  de  revenu  imposable  ^  ;  le 
prix  de  location  est  alors  de  7  sous  gros  le  bonnier  en  Brabant, 
de  1  livre  gros  en  Flandre;  dans  le  quartier  de  Louvain  en  par- 

*  Serruro,  Cartulaire  de  S'-Bavon,  pp.  215,  214,  a»  1251, 

2  1250.  Wauters,  Table  chronologique,  a"  cit.  —  De  Smet,  Corpus  chronic. 
Flandr.,  t.  II,  p.  861. 
s  S.  Bormans,  Les  fiefs  de  Namur,  l^^'  liv.,  p.  26. 

*  A.  Wauters,  Le  règne  de  Jean  /"  de  Brabanl,  pp.  357  et  suiv..  passim. 
s  L.  DevillerSj  Cartulaire  des  cens  et  rentes  du  comte  de  Hainaut,  passim, 

t.  1,  p.  59. 

6  Le  chapon  est  évalué  de  i  à  10  deniers. 

'  Chevalier  de  Schoutete  de  Tervarent,  Liv7^e  des  feudataires  de  Waes, 
passim. 

8  Van  Lokeren,  Cartulaire  de  S^-Bavon,  p.  1 45. 

Wauters  donne  pour  le  Brabant  les  chiffres  suivants: 

XIII^  siècle.  ...       10  marcs  de  Cologne  ou   16  livres. 
XVIe  siècle.   .   .   .     150  florins, 
Joseph  II 600  à  1,800  florins, 

[Environs  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  xvin.) 


(  2oS  ) 

ticulicr  l'hectare  semble  avoir  rapporté  4  */2  muid  de  seigle  au 
propriétaire,  soit  27  à  50  sous  '. 

En  Flandre  le  prix  de  location  de  10  escalins  la  mesure,  semble 
avoir  peu  varié  du  XV^  au  XVIP  siècle. 

Le  prix  de  la  mesure  étant  de  8  à  1:2  livres,  il  en  résulte  que  le 
revenu  foncier  était  au  chilTre  encore  élevé  de  5  p.  °/o  2.  A  partir 
du  XVI''  siècle,  il  semble  descendre  à  5  ou  4  p.  "/„;  ce  revenu 
même  ne  se  maintint  pas  et  au  XVIIF  siècle  il  n'était  plus  que  de 
2  '/2  à  3  p.  °/o  3.  Mais  cet  abaissement,  comme  dans  tout  pays 
prospère,  se  manifeste  par  l'augmentation  rapide  de  la  valeur 
foncière. 

Pour  juger  sainement  des  progrès  de  la  valeur  locative  des 
terres,  il  faut  comparer  les  baux  successifs  d'un  même  domaine. 
Nous  en  possédons  de  très-rares  éléments  ^;  il  serait  à  désirer 
qu'à  l'avenir  les  auteurs  des  monographies  s'attachassent  à  ce 
point  de  vue  spécial  de  l'histoire  locale  '^. 

Dans  le  pays  de  Liège  au  XIV'  siècle  on  loue  le  bonnier  un  florin 
d'or  ^  et  on  le  vend  40  écus  ^  ;  au  XVI*=  siècle,  notamment  dans 
la  franchise  de  Montenaken,  le  prix  moyen  du  bonnier  est 
d'un  muid;  relevé  au  XVIIP  siècle  à  1  '/s  ^^  presque  2  muids.  Le 

'  Edm.  Poullet,  S/re  Louis  Pinnock,  ch.  VIII,  p.  110. 

2  Tresoir  van  de  Maten:  sorte  d'annuaire  staiislique,  éd.  1590.  Cf.  E.  de 
Laveleye,  Économie  rurale  de  la  Belgique,  p.  275  ;  éd.  1668,  p.  501. 

5  Bacon,  Commerce  de 3  Pays-Bas  en  1165,  MS.  de  la  Bibliothèque  royale, 
cilépar  Briavoine,  Mémoire  sur  l'état  des  Pays-Bas,  p.  120. 

*  Ex.  Ferme  de  Bochoute,  louée  en  1476  pour  24  livres  j  en  1533  pour  58, 
J.Broekaert  et  de  Potier,  Gesch.  der  gem.  Oost-Vlaanderen,  1^'^  reek,  l^^^  deel. 
Dikkel venue,  p.  9.  —  Item.,  ferme  dite  Goet  ten  Broeke,  louée  en  1375  pour 
50  livres  parisis,  au  XV^  siècle  pour  27  nobles,  en  1650  pour  66  livres  gros, 
en  1778  pour  70  livres  gros;  ibid.,  Afsnée,  p.  4. 

^  Un  exemple  remarquable  de  ce  travail  a  été  donné  en  Frauce  pour  la 
ferme  de  Villeroy,  appartenant  à  rhospice  de  Sens  par  M.  Lallier,  Bulletin  de 
la  Soc.  archéolog.  de  Sens,  1857.  Cf.  Mauguin,  Histoire  de  l'administration  de 
l'agriculture  en  France,  t.  IV,  p.  369.  —  Marquis  de  Dampierre.  Rapport  fait 
à  TAssembiée  nationale,  en  1873,  Sur  la  création  d'une  École  supérieure 
d'agriculture,  Annales  de  l'Institut  aguonoiique  de  Paris,  t.  I,  p.  51. 

«  Bail  de  1564.  Piot,  Cartulaire  de  S'-Trond,  1. 1,  p.  578. 

'  Acte  de  1332.  Schoonbroodt,  Chartes  de  S^-Martin,  n°  236. 


(  256  ) 

prix  courant  est  monté  à  70  ou  100  ëcus  et  le  prix  de  location 
à  20  ou  30  '. 

Nos  renseignements  relatifs  au  produit  brut  sont  encore  moins 
précis,  car  les  chartes  ne  nous  en  parlent  pas  même  indirecte- 
ment. 11  n'y  a  que  quelques  indications  éparses.  Le  règlement  des 
usages  de  Crombrugghc,  au  XIP  siècle,  porte  que  l'on  y  sème 
4  liaelslers,  soit  15  litres,  au  bonnier  ^,  mais  nous  ignorons  le 
rendement  total.  Au  XVI''  siècle,  la  mesure  flamande  donnait 
7  Va  fioet  de  blé  ^,  mais  ce  produit  n'était  pas  uniforme,  car 
d'autres  indications  le  rabattent  à  5  hoet  *.  La  petite  culture 
devait  d'ailleurs  donner  un  produit  brut  plus  fort  que  la  grande. 

Nous  trouvons  épars  dans  divers  ouvrages  des  tables  du  prix 
des  choses  aux  diverses  époques  de  l'ancien  régime  ^.  Avant  la 
confection  du  travail  monétaire  dont  nous  avons  signalé  l'utilité 
scientifique,  il  ne  peut  être  que  d'un  intérêt  assez  médiocre  de 
consulter  ces  tarifs.  Le  fait  le  plus  saillant  qui  ressort  de  la  statis- 
tique des  denrées  agricoles,  est  la  violence  des  fluctuations  qu'eut 
à  subir  leur  prix.  Ce  fait,  nous  l'avons  déjà  signalé;  et  nous  lui 
avons  assigné  ses  causes  probables  Espérons  que  l'on  pourra 
bientôt  tirer  des  conclusions  plus  étendues  des  tarifs  conservés, 
et  apprécier  plus  exactement  l'état  de  la  fortune  privée  au 
moyen-âge  belge. 

*  Kempeneers,  Montenaken,  t.  I,  p.  223;  t.  II,  p.  426,  n^ 

2  Diericx,  Charterboekje,  p.  7i. 

3  Tresoirvan  de  Maten,éô.  1590. 
i  Ibid.,  éd.  1668. 

s  SignalODs  parmi  les  tarifs  imprimés  :  Le  prix  des  choses  à  Louvain  (1143- 
1427),  éd.  B»"^  de  ReifTenberg,  Messager  des  sciences  historiques  de  Belgique, 
p.  119, 1840.  —  Prix  des  grains  à  Gaud,  Bruges,  etc.  (1384-1404),  éd.  Gérard, 
Recherches  sur  les  monnaies  des  Pays-Bas,  Mémoire  de  l'Académie  de 
Bruxelles,  l.  V,  Partie  hist.,  p.  178. —Tarif  des  grains  à  Bruxelles  (1500- 
1699),  éd.  Chrislyn,  Cosluymen  van  Braband,  t.  I,  p.  242.  —  Luxembourg 
(1595-1873),  éd.  Prat,  Histoire  d'Arlon,  t.  II,  p.  596.  —  Marché  de  Courlrai 
(1692-1794),  éd.  J.  Colens,  La  Flandre,  p.  125,  1876,  etc.,  etc. 


(W); 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Abbayes.  64,  407  et  suiv. 
Absentéisme,  97.  Voir  Résidence. 
Administration;  —  romaine,   if>;   — 

monastique,  116,  176; — communale, 

-198.  Voir  Villages. 
Aldions,  22. 
Alimentation,  80,  119. 
Alleu,  27,  i;^4. 

Amodiations  rurales,  133  et  suiv.,  186. 
Archiducs  (Les)  Albert  et  Isabelle,  lOl. 
Asile  (Droit  d'),  49. 
Assolements,  12,  loi,  204,  212.  Voir 

Culture. 

B. 

Banalités,  227. 

BANQUE.Voir  Cr^V//7,  Chanfje  ; — Banque 

foncière,  198. 
Beklemmingrecht,  loi. 
BÉNÉFICE,  29,  30.  Voir  Fief. 
Bétail,  9,80, 110,  181,230. 
Bois  (Usages  dans  les),  180. 
Bourgeoisie  rurale,  72. 
Bourgogne  (Maison  de),  96. 

C, 

Cadastre,  170. 

Celtes,  8. 

Censive,  136. 

Centralisation,  97, 101,202. 

Céréales,  203  et  suiv.  Voir  Grains, 
Produits. 

Change.  Voir  Banque,  Crédit,  Mon- 
naies. 

Charité,  119, 120. 

ÏOME    XXXII. 


Chartes  seigneuriales,  59. 

Chasse,  23o. 

Chevalerie,  90. 

Clan,  10. 

CoLONAT  romain,  14, 17;  —franc,  23. 

Colonies,  système  romain,  11  ;— moyen- 
âge,  43. 

Commerce  intérieur,  21o  ;  —  extérieur. 
222  ;  —  en  général,  oO,  120. 

Communal  (Mouvement),  48  et  suiv. 

Communautés  de  famille,  de  village,  8, 
193.  Voir  Marke,  VilUujes. 

Communaux,  177. 

Communisme,  42,  83. 

Constructions  rurales,  114,  Voir  Ha- 
bitation. 

Contrats,  110. 114.  \o\r  Amodiations. 

Corvées,  loo. 

Cour,  son  influence,  96  et  suiv. 

Crédit,  185. 

Croisades,  56. 

Culture,  107,  204  et  suiv.  Voir  Asso- 
lements. 

». 

DÎMES,  172. 

Domaines  francs,  33.  Voir  Villa;  — 
du  moyen-âge,  78;  -  seigneuriaux, 
83;  -  monastiques,  110.  Voir  Ex- 
ploitations. 

Domestiques,  65. 

Douanes,  225. 

K. 

Échevinages,  196. 

Église,  son  influence  sur  lemancipa- 
tion,  52.  60. 

17 


(  258  ) 


ÉMANCIPATION  (ses  causes),  41  et  suiv. 
ÉMIGRATION,  43.  Voir  Colonies. 
Emphytéose,  451. 
Enseignement,  82. 
Esclavage,  13. 
ÉTAPE  (Droit  d'),  221. 
États  (Influence  sociale  des),  104 
Exploitations,   Voir    Domaines;    — 
leur  étendue,  214. 


Famille,  77,  88,  92,  242. 

Femme,  77,  90. 

Fermages,  147, 149.  Voir  Prix. 

Fief,  30,  35;  —  régime  féodal,  126  ei 

suiv. 
Fisc,  28. 
Foires,  121. 
Formariage,  63. 

G. 

GiLDES,  55, 238. 
GÎTE  (Droit  de),  122. 
Grains,  159.  Voir  Céréales,  Culture, 
Commerce. 

H. 

HABITATION,  10, 12,  74,  79. 
HOSPITALITAS,  19. 

HosTiSE,  46, 142. 
Hypothèque  du  bailleur,  162. 


Idées  du  moyen-âge  sur  la  liberté,  73. 

Immunités,  34. 

Impôts,  164  et  suiv.  (Principe,  assiette, 

répartition^  perception). 
Industrie  manufacturière,  50. 
Intérêt  (Prêt  à).  Voir  Crédit. 

J. 

Jachère,  208. 

Liberi,  21,  26. 

Liberté,  sa  notion  philosophique   et 

historique,  37;  —  idées  du  moyen- 

àge  sur  elle.  Voir  Idées. 


LiCENTES,  Voir  Douanes. 
Lites,  18,  22. 
Luxe,  59,  84. 

M. 

Mainmorte  (Droit  de),  63,  67  ;  —  (biens 
de),  123. 

Maires,  194. 

Manse,  32,  213. 

Mariage  des  serfs,  63;  —  dans  la  no- 
blesse, 92. 

Marke,  22, 179.  Voir  Communaux. 

Meilleur  catel,  60.  Voir  Mainmorte. 

Mercuriales,  159. 

Métayage,  146, 148. 

Métiers,  52. 

Meunerie, 

Mobilier,  74. 

Monastères.  Voir  Abbatjes. 

Monnaies,  157,  253. 


M. 


Noblesse  franque,  21  ;  —  féodale,  52, 
87  et  suiv. 


Ordonnances  (Bandes  d'),  98. 
Outillage,  79,  86, 


Pachtersrecht,  163. 

Papiers  de  famille,  105, 244. 

Partage  des  terres  par  les  Barbares, 
19;  —  des  successions.  Voir  Succes- 
sions. 

Patronage  rural,  115. 

Patrocinia  vicorum,  16. 

Personnes  (État  des),  sous  les  Romains, 
14;  —  sous  les  Francs,  21;  —  au 
moyen-âge,  62. 

Plaids,  200. 

Polyptiques,  33. 

Population,  39,  50. 

Précarie,  29, 135. 

Prix  des  choses.  Voir  Statistique. 

Produits  agricoles,  9,  10.  Voir  Cé- 
réales, Grains. 


(  259 


Propriété,    son  histoire,  8,  o9,  K^8  et 
suiv.  ;  —  la  petite  propriété,  loi. 


Rapports  sociaux  de  propriétaire  et 

tenancier,  89,  92. 
Recommandation,  16,  25. 
Redevances,  47,  140,  io3  et  suiv. 
Rentes,  143,  187. 
RÉSIDENCE  des  propriétaires,  89,  9o, 

100.  Voir  Absentéisme. 
RÉVOLUTION  rurale,  42. 

S. 

Seigneuries,  84. 
Semi-liberi,  22. 
Serfs.  Sous  les  Francs,  28;  —    au 

moyen-âge,  serfs  proprement  dits,  62. 

—serfs  de  coutume, 89 ;—d'église,7i. 
Sources  générales,  8. 


Statistique,  25;i 
Successions  (Régime  des),  126. 


Testament.  Voir  Successioîis. 

Théologiens,  73.  Voir  Église. 

tonlieux,  217. 

Toison  d'or,  98. 

Tradition.  Voir  Papiers  de  famille  et 

famille. 
Travail.  Voir  Corvées. 
Trêve  de  Dieu,  53. 


Vaine  pâture,  182. 

Vêtements,  81. 

Villages  francs,  33;  —  monasti  ques 

121  ;  —  constitution  des  villages,  193 

et  suiv. 
Vin  (Production  du),  228. 


{Uo) 


(W) 


TABLE  DES  MATIERES. 


Pages. 

PRÉFACE 5 


LITRE  I". 

les  classes  rurales  en  belgique  depuis  les  origines 
jusqu'à  l'Établissement  de  la  féodalité. 

CHAPITRE  Ie^  —  La   Belgique   avant   et    pendant   la   domination 

romaine ■    .  7 

§  \.  Les  populations  primitives  et  l'élément  cel- 
tique    8 

§  ±  L'occupation  romaine 11 

CHAPITRE  II.  —  Le  monde  franc 18 

Section    I.   Les  classes  sociales 21 

Section  II,   Le  régime  foncier     .         27 

§1.  Répartition  du  sol ib. 

§  2.  JVIodes  de  détention  de  la  terre 29 

§  3.  Constitution  des  domaines 51 

Section  III.  Le  régime  seigneurial 34 


(  262  ) 


E.ITRK  II. 

l'économie    sociale    de    la    BELGIQUE    AU    MOYEN-AGE 
DEPUIS    LE   XI*    SIÈCLE. 

Pages. 

CHAPITRE  I".  —  Les  classes  inférieures 37 

Section  I.  Des  causes  qui  ont  provoqué  le  dévelop- 
pement progressif  de  la  liberté  civile  au  sein 

des  populations  rurales ib. 

§  1 .  Marche  logique  de  ce  progrès ib. 

§  2.  Politique  de  l'émancipation 41 

I.  Action  des  populations 43 

II.  Action  des  seigneurs  et  de  l'Église  ...  52 

Section  II.  État  légal  du  tiers  état  rural  au  moyen- 
âge    62 

§1.  Des  serfs  proprement  dits t6. 

§  2.  Des  gens  de  condition  ou  de  poeste    ...  66 

§  3.  Des  censitaires  libres 72 

Section  III.  La  vie,  les  idées  et  les  mœurs   ...  73 

CHAPITRE  II.  —  Les  classes  dirigeantes 87 

> 

Section    I.  La  noblesse ib. 

Section  IL  Le  clergé  et  les  moines 107 

CHAPITRE  III.  -  Le  régime  foncier 123 

Section    L  La  propriété  féodale 126 

Section  IL  Les  amodiations  rurales 135 

Section  III.  Droits  et  obligations  des  tenanciers.    .  153 
Section  IV.  Conditions  économiques  communes  aux 

diverses  exploitations 164 

§  1 .  Des  charges  publiques ib. 

§  2.  De  la  dîme 172 

§  3.  Biens  et  usages  communaux 177 

§  4.  Le  crédit  foncier  et  agricole 183 

CHAPITRE  IV,  —  Le  village  ou  la  communauté  rurale 193 


(  263  ) 

Pages. 

CHAPITRE   V.  —  Le  régime  agricole 203 

Section   I.  Production  des  céréales 203 

§1.  Les  périodes  culturales 204 

§  2.  Police  et  commerce  des  grains 215 

§  3.  L'industrie  meunière 227 

Section  IL  Production  du  vin 228 

SectionIII.  Production  du  bétail 230 

Section  IV.  Du  régime  de  la  chasse 235 


NOTES  JUSTIFICATIVES. 

A.  —  Les  gildes • 238 

B.  —  La  famille  considérée  comme  unité  sociale 242 

C.  —  Les  papiers  domestiques 244 

D.  —  Aperçu  statistique 253 

Table  analytique 257 


Il) 


GESCHIEDENIS 


VAN   DEK 


BELGISCHEN  BOERENSTAND 


TOT     OP    HET    EINDE    DER    XVHIe    EEUW 


ÎRANS  DE  POTIER  en  JAN  BROECKAERT. 


KtN-pREUK  :  Nosce  pairiaui. 


(Bekroond  met  de  gouden  eermedaille  door  de  Klas  der  Lettcren  der  koninklijke 
Académie  vaii  België,  in  zitting  van  '10  Mei  1880.) 


Tome  XXXII. 


m 


GESCHIEDENIS 


VAN  DEN 


BELGISCHEN    BOEREWSTAND. 


IMLEIDIMG. 

Nosce  patriam!  Met  reclit  meenen  wij  deze  spreiik  te  mogen 
aan  bel  hoofd  stellen  dezer  vcrhandeling,  waarin  de  lotgevallen 
worden  beschrevcn  van  het  aanzienlijkste  dcel  onzcs  volks,  het- 
welk  tôt  heden  zoo  weinig  bestudeerd,  zoo  weinig  gekend  is.Zon- 
dcrling,  voorwaar  î  duizenden  geslacbten,  millioerien  familiën 
bebben  elkaar  op  bet  veld  en  in  bet  boscb,  aan  moeras  en  duin  op- 
gevolgd,  met  dezelfde  strevingen  als  de  stedebewoners,  deelende 
met  ben  in  den  roem  der  overwinning  op  uitbeemscb  geweid, 
genietende  de  vnicbten  derzelfde  bescbaving,  door  bun  gemeen- 
scbappeb'jk  vernuft  verworven,  en  de  zegeningen  der  vrijbeid,  met 
allerlei  rampen,  Iranen  en  bloed  gekocht;  men  beeft  aile  boeken 
van  't  verledene  streng,  nauwkeurig  onderzocht;  doorgedrongen 
in  de  duistere  middeleeuwen.  ja,  de  versle  tijdstippen  der  gebeim- 
zinnige  aloudbeid  getracht  te  doorgronden  en  de  levenswijze  en 
zeden  der  allereerste  bewoners  van  ons  vaderland  tôt  aan  den  biii- 
sebjken  baard,  we  willen  zeggen  tôt  in  bet  naakte  bergboI,dat  bun 
lot  scbuilplaats  diende,  zorgvuldig  uitgepluisd;  «  er  is  gecn  piint 
scbier  van  't  veelbewogen  leven  onzer  voorvaderen,  betwelk  niet 
langs  zijne  verscbillige  zijden  is  onderzocbt  en  opgebelderd  ; 
wij  kennen  de  gescbiedenis  onzer  onderscbeidene  gewesten, 
kastelnijen  en  steden ,  kloosters  en  beerbjkbeden,  neringen  en 
gilden  ;  wij  lezen  bet  verbaal  van  groote  veldslagen  en  woedende 
volksoploopen,  van  scbitterende  ridderfeiten  en  scbandelijke  ver- 
woestingen;  maar  tôt  beden  beeft  geen  enkele  scbrijver  zicb  ter 
take  gesteld  meer  bcpaald  de  bewoners  der  velden  in  bun  doen 
en  verlangen,  in  bunnen  strijd  der  eeuwcn  na  te  sporcn.  » 

En  nocbtans  —  boewel  éen  van  slreven  met  lietandcrc  dccl  des 


(4  ) 

volks,  lecfdeii  de  landbouwende  geslaclitcn  niet  in  dezelfde  om- 
standighcden  als  de  poorlers  der  steden,  genoten  zij  dezelfde 
vciligheid  niel  als  dezc ,  die  door  vestingen  en  bolwerken  ver- 
schanst  en  door  miiren  en  poorten  ingesloten,  sleeds  aan  nieer- 
dere  weelde,  pracht  en  gemak  gewend  waren.  Beider  handelwijzc 
en  behoeften  waren,  gelijk  zij  allijd  zijn  zullen,  zeer  verschillig. 
zoodat  die  levensbeschouwing  ook  den  wijsgeer  en  denker  geen 
gering  belang  niag  opleveren. 

Oppervlakkig  ingezien,  zou  het  allicht  anders  voorkomen  en 
scbijnen  dat  de  gescbiedenis  van  den  boerenstand,  allijd  de  rus- 
tigste  van  aile,  even  eenlonig  is  aïs  de  gewone  daglaak  ,  die  hij  te 
vervullen  lieeft;  maar  men  vergeté  niet  in  welk  innig  verbandbij 
staat  met  de  niachtige  stad,  die  den  toon  geeft,  en  met  den  vorst, 
die  de  wet  voorschiijft.  Het  dorp  is  niet  enkel  de  gemeente  :  't  is 
ook  de  parocbie.  en  was,  zelfs  voor  deze  onlstond,de  becrlijkbeid 
of  eenig  deel  daarvan;  —  ziedaar  zijne  aaneenscbakeling  met  de 
kroon  en  met  bel  overige  des  lands.  —  Zet  men  't  onderzoek 
voort,  dan  onldckt  men  de  trapsgewijze,  langzame  onlwikkeling 
des  dorps,  lot  den  dag,  waarop  het,  nagenoeg  aan  de  slad  gelijk  in 
recht  en  vrijbeid,  rijp  is  geworden  voor  de  ontvoogding. 

Onder  bloot  sloffelijk  opzicbt  zelfs  biedt  de  gescbiedenis  van  het 
builenvolk  cen  grool  belang  aan.  Is  het  niet  leerrijk,  nutlig  en 
aangenaam  levens  te  weten,  hoe  de  menschelijke  kiinst  hier  de 
woeslc,  onvruchtbare  natuur  heeft  overwonnen  ,  daar  hare  shii- 
merende  kracht  wist  op  le  wekken  en  lot  rijkere  oogslen  wist 
dienslbaar  le  maken?  is  de  landbouw,  eindelijk,niel  bij  ieder  volk 
de  hoofdbron  aller  wclvaart,  en  ondersleiint  deze  niet  ten  krach- 
tigsle  de  beschaving?  Ja,  is  t  geen  overal  waar  le  nemen  ver- 
schijnsel,  dal  in  die  landen,  waar  de  akkerbouw  op  gelukkige  wijze 
wordl  beoefend,  de  algemeene  verlichling  niet  achlerwege  blijft? 

De  gescbiedenis  van  het  land  zal  niet  volkomcn  gekend  zijn, 
als  men  die  der  landbouwklasse  —  de  lalrijkste  —  verwaarloost. 
lieeft  de  adel  heerlijke  tijden  beleefd  en  zich  door  glansrijke 
daden  beroemd  gemaakl;  vcrhief  zich  de  burgerij,  eerst  na  den 
hoogen  en  lagen  sland  opgekomen,  door  onverpoosde  werkzaam- 
heid  en  de  beoefening  aller  welenschappcn  lot  eene  noggrootere 
hoogle  —  ook  de  boerenstand  had  zijne  vcrdienslen,  zijne  glorie. 


(  ^  ) 

«  De  geleerden  (zoo  erkent  Le  Play  in  zijne  Réforme  sociale),  die 
den  voormaligen  tocstand  der  Europeesche  boeren  liebben  bestu- 
deerd,zonder  zicli  te  laten  inisleidcn  door  de  staatkundige  driften 
onzer  dagen  ,  zijn  allen  tôt  hctzelfde  besluit  gekonîcn.  Dcze  ge- 
trouwe  tafereelen  van  't  verledenc  toonen  ons  de  boeren ,  zelven 
uitspraak  doende  over  Iiiinne  burgerh'jke  en  erimineele  zaken, 
geringe  lasten  belalende  en  zonder  toezicht  de  taksen  vaststellende 
betrekkelijk  de  plaatselijke  uitgaven  ;  hebbende,  eindelijk,  jegens 
hunne  heeren  eene  zekere  onafhankelijkheid,  als  welke  gcene  an- 
dere  kkisse  des  vastekinds  tbans  tegenover  deEuropeeselie  bureau- 
cratie zou  diirven  nemen.  »  —  Zoo  is't,  en  wij  zullen  in  den  loop 
van  onswerk  meerdan  ecns  de  gelegenbeid  bebben  aan  te  toonen, 
dat  de  boer  ten  onzent,  reeds  gedurende  de  middeleeuwen,  het 
oneindig  beter  had  en  in  beschaving  verder  was  gevorderd  dan 
zekere  schrijvers,  zonder  het  minste  bewijs,  hebben  bewecrd. 

Meer  redenen  zullen  er  wel  niet  noodig  zijn,  dunkt  ons,  om  de 
belangrijkheid  te  bewijzen  van  het  onderwerp,  door  de  konink- 
lijke  Académie  tôt  prijsvraag  gesleld,  en  ook  om  onze  verwonde- 
ring  te  wettigen,  dat  er  tôt  hiertoe  geene  geschiedenis  is  geschre- 
ven  van  den  boerensfand  in  België,  waar  de  landbouw  van  vôor 
honderden  jaren  reeds  een  zoo  schitterend  standpunt  heeft  gc- 
nomen,  dat  hij  door  tal  van  geleerde ,  bevoegde  raannen  anderen 
volken  tôt  voorbecld  is  gesteld  geworden.  Het  ontbrak  ons  noch- 
lans  niet  aan  opwekking  :  Frankrijk  ,  INoord-Nederland,  Duitsch- 
land  en  Engeland ,  om  maar  van  de  rijken  te  gewagen,  welke  in 
onze  nabijheid  liggeh,stapten  ons  voor  en  kennen  reeds,  de  eencn 
volledig,  de  anderen  op  tamelijk  voldoende  wijze,  het  verledcne 
hunner  landbouwers.  Zoo  kunnen  wij  onder  de  voornaamste  uit- 
gegeven  schriften  van  dien  aard,  of  met  het  onderwerp  onmid- 
dellijk  in  verband  staande,  opnoemen  : 

J.-B.  RouGiER  DE  LA  Bergeuie  ,  IHstoire  de  l'agriculture  fran- 
çaise, considérée  dans  ses  rapports  avec  les  lois,  les  mœurs  et  le 
commerce,  précédée  d'une  notice  sur  l'empire  des  Gaules  et  sur 
ragriculture  des  anciens.  Paris,  Huzard,  1815,  in-S". 

—  Histoire  de  ragriculture  des  Gaulois,  Paris,  1829. 

Grégoire,  Essai    historique   sur   Vétat   de    l'agriculture   au 


(  c) 

XV r  siècle  (p.  Lxxxiii-CLxv  du  tome  du  Théatke  d'agriculture 
d'Olivier  de  Serres,  publ.  en  1804). 

De  Marivault,  Précis  de  l'histoire  générale  de  l'agriculture. 
Paris,  1857,  in-8°. 

C.  Dareste  de  la  Chavanne,  Histoire  des  classes  agricoles  en 
France,  depuis  saint  Louis  jusqu'à  Louis  XIV.  Paris,  Guillauinin 
et  C'%  1834,  in-8%  XV,  o27  bl. 

Léop.  Delisle,  Étude  sur  la  condition  de  la  classe  agricole  en 
Normandie.  Evreux,  1851,  in-8'',  LI,  758  bl. 

WiLBERT,  Des  anciennes  coutumes  du  Nord  de  la  France  et  de 
leur  influence  sur  la  première  organisation  communale  de  ces 
contrées.  Lille,  1846,  in-8°,  24  pp. 

E.  BoNNEMÈRE,  Histoive  des  paysans,  depuis  la  fin  du  moyen 
âge  jusqu'à  nos  jours  [1 200-1850)  précédée  d'une  introduction, 
an  50  avant  J.-C.  jusqu'à  1200  après  J.-C.  Paris,  1876,  in-8% 
2  vol.  Seconde  édition  (illustrée),  1877,  Paris,  librairie  de  la  Sor- 
bonne,  1  vol.  iii-4°  à  2  col.,4G4  pp. 

C.  Louandre,  Du  travail  et  des  classes  laborieuses  dans  l'an- 
cienne France  (Revue  des  Deux  Mondes,  1850,  IV.) 

BouTHORS,  Études  sur  les  origines  et  le  principe  de  la  ruralité 
(Revue  historique  du  droit  français  et  étranger,  I,  1855). 

—  Les  sources  du  droit  rural,  cherchées  dans  l'histoire  des 
communeux  et  des  commîmes. 

LoYSEAu,  De  l'abus  des  justices  de  village. 

A.  Leymarie,  Histoire  des  paysans  en  Fra?ice.  Paris,  1849,2  vol. 
ia-8°(2«édit.,  185C). 

J.  Simonnet,  Coup  d'œil  sur  l'histoire  de  la  classe  agricole  en 
France.  Paris,  1857  (Le  Correspondant,  nouvelle  série,  V). 

H.  DoNiOL ,  Histoire  des  classes  rurales  en  France  et  de  leurs 
progrès  dans  l'égalité  civile  et  la  propriété.  Paris,  1857,  in-8°. 

V.  Cancalon,  Histoire  de  l'agriculture  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'à  la  mort  de  Charlemagne.  Limoges,  1857,  in-8°. 

Terrier  de  Lorav,  Histoire  des  paysans  (3^  édition).  Paris, 
Leclère  et  C'%  1877,  in-24,  155  pp. 

A.  BabeaUjZc  village  sous  l'ancien  régime.  Deuxième  édition, 
revue  et  augmentée.  Paris,  librairie  académique  Didier  et  C'^, 
in-12,  593  pp. 


(7  ) 

Louis  de  Baecker,  Histoire  de  l'agriculture  flamande  en  France 
depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'en  1789.  Lille,  Danel, 
1858,  in-8%  158  pp. 

Ortille,  Coup  d'œil  sur  la  vallée  de  la  Lys. 

Arthur  Young,  Voyage  en  France. 

Mengy,  Essai  de  géologie  pratique  sur  la  Flandre  française. 

H.-J.  KoENEN,  De  Nederlandsche  boerenstand,  historisch  beschre- 
ven.  Haarlem,  Kruseraan,  1858,  VIII  —  156  bl. 

G.-H.  VAN  SoEST,  Geschiedenis  van  fiet  cultuurstelsel,  18G9, 
2  deelen  iii-S". 

Anton,  Geschichte  der  Deutschen  Lantwirthschaf't,  von  den 
àltesten  Zeiten  bis  zum  Ende  des  15""  Jahrhunderts.  Gosl.,  ITOQ- 
ISOI,  5  B'^Mn-S''. 

Jacobi,  De  rébus  rusticis  veterum  Germanor.  Lips.,  1 833,  in-8". 

Garve,  Ueber  den  Charakter  der  Baueren  und  ihr  Verhàltniss 
gegen  den  Gutsherrn  und  die  Regierung.  Bresl.,  1786. 

L.-A.  Sloet,  Overzicht  van  den  landbouw  in  Duitschland,  van 
de  vroegste  tijden  tôt  het  midden  der  IX'  eeuw  (in  Nijhoffs 
BiJDRAGEN,  VIII,  bL  81  en  vig.) 

A.  VON  Wersebe,  Ueber  die  Niederlândischen  Colonien.  Hano- 
ver,  1816. 

E.  Langethal,  Geschichte  der  Teutschen  Landivirthschaft.iena, 
1850. 

Ersch  en  Gruber,  Encyclopédie.  Art.  :  Bauernstand,  VIII,  160  fF. 

Thaer,  Einleitung  zur  Kenntniss  der  Englischen  Landwirth- 
schaft,  3B^  Hann.,  1816  *. 

In  België  — 't  zou  onrechtvaardig  zijn  het  te  verzwijgen  —  zijn 
in  deze  orde  van  gedachten  ook  reeds  verschillige  proeven  gele- 
verd  ;  eenigewetenschappelijkemannenhebbenbijdragenbezorgd 
voor  de  geschiedenis  van  ons  landvolk  en  van  onzen  landbouw, 
en  van  de  meeste  mag  men  getuigen,  dat  zij  niet  zonder  verdiensle, 
verscheidene  zclfs,  in  hunnen  aard,  belangwekkend  zijn.  Onder 
deze  noenien  wij  : 

^  Verscheidene  der  hooger  opgenoemde  vverken,  zelfs  de  voornaamsle,  heb- 
ben  wij  in  geene  enkele  openbare  bibliolheek  onzes  lauds  kunueu  aantreffen. 


(8) 

Dv  Ro^^DExv,  Mémoire  sur  tes  questions  :  quel  était  l'habillement, 
le  langage,  l'état  iV agriculture,  du  commerce,  des  lettres  et  des 
arts  chez  les  peuples  de  la  Belgique  avant  le  VIP  siècle.  Bruxelles, 
1774,  ia-4°.  —  Iletzelfde  werk  overgezet  in  Iiet  Vlaainscli. 

Adr.  Heylen,  Hislorische  verhandeling  over  de  voornaemste 
opkomste  en  voortgang  der  landbouwkonst  inde  Kempen.  's-Hcr- 
togenbosch,  1789.  —  Tweede  uitgave,  onder  den  titel  :  Hislori- 
sche verhandeling  over  de  Kempen.  Turnliout,  Brepols  en  Dirckx, 
1837,  in-8",  237  bl. 

J.TiiYS,  Historische  verhandeling  over  den  staet  van  het  Neder- 
land.  Mechelen,  1809,  i2  deelen  in-8°. 

Stephen,  Essai  sur  l'état  de  la  culture  belgique  et  sur  les 
moyens  de  la  perfectionner.  Londres,  1784,  in-S". 

Pu.  AuBRY,  pastoor  te  Bellevaux,  in  Luxenibiirg,  scbreef  in  't 
begin  dezer  eeinv  vij'f  verbandelingen  over  den  landbouw,  waar- 
onder  een  Aperçu  du  progrès  que  l'agriculture  avait  réalisé  de- 
puis cinquante  ans  dans  le  duché  de  Bouillon  (1808).  —  Gezon- 
den  naar  een  landbouwkundig  Gcnootscbap  van  Parijs  en  in  Hs. 
gebleven. 

A.-G.-B.  ScHAYEs,  Recherches  sur  les  causes  du  développement 
de  l'agriculture  et  sur  celles  de  l'origine  et  de  l'accroissement  des 
villes  de  la  Belgique  (La  Belgique  et  les  Pays-Bas,  2^  voL,  app.). 

—  Notice  sur  le  défrichement  des  bruyères  et  sur  la  formation 
des  colonies  agricoles  dans  les  Ardennes  (Mémoires  et  publica- 
tions de  la  Société  des  sciences  du  Hainaut,  V-VI). 

H.  Eltz,  Ueber  den  frûheren  Kulturzustand  der  Ardennen, 
und  das  geschichtliche  Leben  des  Landmannen  im  Luxemburger 
Lande.  Luxemburg,  1865,  in-4''. 

J.-F.  de  Lichtervelde,  Mémoire  sur  les  fonds  ruraux  du  dé- 
partement de  l'Escaut.  Gand,  1815,  in-8°. 

—  La  Bêche  ou  la  mine  d'or...  182G. 

Ch.  Steur,  Précis  historique  du  régime  des  campagnes  en  gé- 
néral... (Mémoires  de  l'Académie,  1827,  VI). 

A.  Eenens,  Mémoires  sur  la  fertilisation  des  landes  de  la 
Campine  et  des  Dunes.  Bruxelles,  Hayez,  1849,  330  bl.  in-8''. 

C.-A.  LiNCKEjD/e  belgische  und  flanderische  Landwirthschaft... 
Leipzig,  1843,  in-8''. 


Em.  de  Laveleye,  Essai  sur  l'économie  rurale  de  lu  Belgique. 
(Overgczet  in  het  Vlaamscli  do.or  F.-A.  Boone,  ondcr  dcn  lilel  : 
De  landbouivkunst  in  de  Xederlanden.  België.  Uilgavc  van  Iiet 
Willemsfonds,  n''  oO.) 

Edm.  Poullet,  Les  juridictions  et  la  propriété  foncière  au 
quinzième  siècle  dans  les  quartiers  de  Louvain  (iMémoires  de 
l'Académie  royale  de  Belgique). 

A.  DE  HooN,  Mémoire  sur  les  poldres  de  la  rive  gauche  de  l'Es- 
caut  et  du  littoral  belge.  Bruxelles,  Ilaycz,  1853,  in-8°,  1 14  pp. 

J.-L.  VA\  Aelbroeck,  L'agriculture  pratique  de  la  Flandre. 
Paris,  1830,  in-8°.  —  Supplément.  Paris,  1855.  (Overgezetonder 
den  titel  :  Werkdadige  landbouivkunst  der  Vlamingen.) 

i.-^.ScHWERTZ,  A nleilung  zur  Kenntniss  der  Belgischen  Land- 
ivirtlischaft.  Halle,  1807-181 1,  3  B^^S  in-8''. 

Cu.  VAN  HuLTHEM,  Discours  sur  l'état  ancien  et  moderne  de 
l'agriculture  dans  les  Pays-Bas,  2^  e'dilion.  Gand,  Van  der  Hac- 
ghen ,  1857,  in-8°,  76  pp. 

P.  PoDESTA,  La  Flandre  occidentale. 

H.  Kervyn,  Entretien  d'un  instituteur  avec  ses  élèves,  par  un 
ami  de  l'enseignement  primaire  et  de  l'agriculture.  Gand,  H.  et 
I.  van  der  Poorten,  1869,  in-S*'. 

Samiel  Hartlib,  a  discourse  of  husbandrg  iised  in  Brabant 
and  Flandres,  shewing  ivonderfull  improvement  of  land  there 
and  serving  as  a  pattern  for  our  practice  in  ihis  common 
ivealth.  London,  1650,  in-4*'. 

—  His  Icgacie  or  an  enlargement  of  tlie  discourse  ofhusbaU' 
dry  vsed  in  Brabant  and  Flanders. 

Gelijk  men  bij  den  eerslen  oogslag  ziet,zijn  de  meeste  schriften 
over  de  Belgische  toestanden  hoofdzakelijk  aan  den  bodem  en  de 
teeltwijze,  niet  aan  de  landbouwers  toegewijd.  Wij  weten  bet  : 
voor  't  schrijven  zulker  gescbiedenis  komen  vêle  moeilijkbeden 
voor  :  de  oorkonden,  waarop  men  steunen  moet,  zijn  op  verre  na 
zoo  veelvuldig  nietals  bij  voorbeeld  die  dersteden,  waar  mendoor- 
gaans  eene  menigtc  cbarters,  privilèges,  rekeningen  en  andere 
documenten  aanlreft,  die  over  elke  zijde  van  't  gemeenteleven 
licht  verspreiden.   Wie   de   gescbiedenis   van   den   boerensland 


(  10  ) 

schrijven  wil,  kan  zich  iiiet  toi  ecn  enkel  gevvest  bepalen,  maar 
hoeft  wijd  en  zijd  opzoekingcn  te  doen,  't  geheele  land  te  door- 
kruisen  en  ailes  te  vereenigen  wat  strekken  kan  om  het  tafereel 
van  de  gebeurtenissen,  van  den  aard  en  de  zeden  des  volks  zoo 
volledig  mogelijk  te  maken.  Wij  hebben  getracht  zulks  te  doen 
en  durven  betrouwen  op  de  welwillendbeid  onzer  rechters. 

Voor  bet  eerste  tijdvak  —  bet  voorbislorische,  dat  wij  meenden 
niet  te  mogen  achterwege  laten,  zijn  volstrekt  geene  gescbrevene 
oorkonden,maar  wij  hebben  ons  bediend  van  een  ander  slag  van 
geluigenissen,  door  de  wetenschap  in  onzen  tijd  uit  onderaard- 
sche  grottcn  en  spelonken  aan  het  Hcht  gebracht.  Wat  het  leven 
en  den  arbeid,de  uitspanningen  en  de  beschaving  onzer  Keltische 
en  Gcrmaansche  voorzaten  betreft,  daartoe  heeft  men  de  geschied- 
verhalen  van  C^sar  ,  Tacitus,  Strabo  en  anderen,  en  zoo  komt 
nien  tôt  de  Frankische  overheerscbing  en  Karel  den  Groote,  na 
wien  de  bronnen  allengs  milder  en  tah'ijker  wordcn.  Eene  daar- 
van  hebben  wij,  tôt  betere  kennis  der  toestanden  in  de  middel- 
eeuwen,  bij  voorkenr  geraadpleegd,  nameh'jk  de  aloude  wetge- 
ving  van  de  verschillige  gewcsten  onzes  lands.  Wij  beschouwden 
deze  aïs  eene  der  zuiversle  en  zekersle  bronnen  voor  de  geschie- 
denis  des  volks,  daar  men  in  de  wetten  den  geest,  den  trap  van 
beschaving  in  iedere  eeuw,  de  zeden  en  begrippen  der  natie  on- 
vermomd  terugvindt.  Het  onderwerp  alzoo  behandelende,  is  er 
mogelijkheid  zelfs  van  den  nederigen  boercnstand  een  belang- 
wekkender  beeld  te  schetsen  dan  door't  bloote  verhaal  van  gebeur- 
tenissen is  te  bekomen.  Eindelijk  hebben  wij  ook  hier  en  daar 
het  woord  gelaten  aan  schrijvers,  die  buiten  het  historische  vak 
werkten,  te  weten  aan  de  dichters,  w  icr  hekelingen  of  loftuitingen 
veelal  niels  zijn  dan  de  weergalm  van  de  uilingen  der  inenigte,  en 
dezer  neigingen  en  behoeften ,  even  klaar  aïs  de  geschiedschrij- 
vers,  veropenbaren. 

Wij  achten  onnoodig  er  bij  te  voegen  dat  wij  ook  in  de  voor- 
naamste  archiefvcrzamelingen  des  lands  de  stukken  hebben  op- 
gezocht,  welke  wij  dachten  ter  behandeling  van  het  onderwerp 
niet  te  kunnen  onlberen. 


iH) 


EERSTE  HOOFDSTUK. 


Bewoners  van  Bclgië  in  de  verste  oudlieid.  —  Keltisch  tijdvak.  —  Germaansch  tijd- 
vak.  —  België  onder  de  Romeinsche  overheersching;  —  onder  de  Franken.  — 
Invoering  des  Christendoms, 


§  I.  —  Bewoners  van  België  in  de  verste  oudlieid. 

Het  is  gekend  dat  Bclgië  ettclijke  eeuwen  voor  de  tcgenwoor- 
dige  lijdrekcning  recds  bewoond  was.  Hoc  diclit  het  lloers  ook 
zij,  dat  ovcr  dca  grijzen,  gelieimzinnigen  voortijd  gespanncn 
hangt,  toch  schemert  er  hier  en  daar  ecii  flauwc  lichtstraal 
door,  genoegzaam  om  den  opletlenden  navorscher  toc  te  laten 
ecnen  hhk  te  werpen  op  het  huiselijk  en  openbaar  leven  der  aller- 
cerste  bewoners  onzes  vaderlands. 

Dank  aan  de  voorhistorische  wetcnsehap  ',  sedert  eenige  jaren 

*  Men  kent  het  onlstaan  der  eveugemelde  weieuschap;  deze  dagteekenl 
siechts  van  1829,  wanneer  D""  Schmerling,  eeu  der  geleerdsle  natuuronder- 
zoekers  onzer  eeuw,  zijne  merkvvaardige  oiitdekkiugen  in  de  rotskloven  van 
het  Luiksche  begon  en  er,  onder  eene  menigte  dierenbeenderen  en  vuurslee- 
nen,  deoverblijfselen  van  den  mensch  aantrof,  hier  geleefd  hebbende  in  eenen 
tijd,  welken  men  overeengekomen  is  het  tijdvak  van  den  mammouth,  van  het 
rendierof  hel  steenen  tijdvak  te  noemen. 

De  opzoekingen  in  de  grotten  der  provincie  Namen,  ten  jare  1864,  op  lasl 
van  het  Belgische  Slaaisbestuur,  door  eenen  anderen  beroemden  geoloog, 
M.-E.  DupOM,  oudernomen,  kwamen  helstelsel  van  D»"  Schmerling  bevesti- 
gen.  De  drie  groiten,  door  hem  aanvankelijk  onderzocht,  waaronder  degene 
ten  dorpe  van  Furfooz,  op  vijf  kilomelers  ten  zuiden  van  Dinant,  aan  de  boor- 
den  der  rivier  de  Lesse,  leidden  tôt  de  ontdekking  in  vier  opeenvolgende 
aardiageu,  van  eenaanlal  Keitisclie,  Romeinsche  en  Gallischeoudheden,  over- 
blijfselen  van  dieren-  en  menschenbeenderen,  welker  iigging,  te  midden  van 
eenen  hoop  steenen,  geweldig  door  de  kracht  eens  watervioeds  dooreenge- 
schud,  het  onomstoolelijkbewijs  opleverde  dat  hier  het  menschelijk  geslacht 
leefde  op  het  tijdslip  dat  eene  laatsle  overstrooming  den  bodem  gansch  van 
gedaante  veranderde. 

Andere  bergholten,  in  de  zoo  bij  uitstek  schilderachtige  onistreken  van 


(  12) 

hier  te  lande  met  gelukkig  gevolg  beoefend,  zijn  wij  inderdaad  er 
toe  gekomen  liet  vaderlandsche  geschiedboek  met  een  geheel 
nieuw  hoofdstiik  verrijkt  te  zien.  Met  behulp  der  ontdekkingen 
op  dit  gebied,  waarvan  de  uitslagen  eene  vvezenlijke  omwente- 
ling  in  de  studie  der  geschiedenis  en  oudheidkunde  hebben  te 
weeg  gebracbt,  zijn  de  duisternissen  van  het  verledene  gedeelte- 
lijk  opgeklaard  en  hebben  wij  leeren  kennis  maken  met  het 
geslacht,  dat  in  overoude  tijden,  toen  westelijk  Europa  nog  in 
zijnen  oorspronkelijken  naluurslaat  lag,  den  Belgischen  bodem 
bewoonde. 

Wij  laten  het  wetenschappehjk  vraagpunt,  tôt  welk  ras  de 
eerste  bewoners  onzes  vaderlands  behoorden,  ter  zijde,  om  ons 
alleenlijk  met  de  van  hen  gekende  bijzonderheden,  in  verband 
met  hunne  levenswijze,  hunne  zeden  en  gewoonten,  bezig  te 
houden.  Dit  volk  was  ruw  en  onbeschaafd  in  den  vollen  zin  van 
hetwoord;  het  had  geene  andere  schuilplaats  dan  de  donkere 
holen  onzer  bergen,  kende  noch  landbouw,  noch  veeteelt  en 
leefde  bijna  iiitsluitelijk  met  de  opbrcngst  van  de  jacht,  zonder 
van  wat  de  natuiir  hem  verder  aanbood  het  minste  denkbeeld  te 
hebben.  Hunne  wapens  bestonden  aanvankeHjk  in  niets  anders 
dan  scherp  gemaakle  kei-  of  vuursteenen  (silex),  van  verschilli- 
gen  Yorm  en  grootte,  alsmede  van  rendierhoornen,  in  houten 
stelen  gevat,  waarmede  zij  zich  niet  ontzagen  de  vreeselijkste 
dieren  der  wildernis,  aïs  den  béer,  de  hyena,  het  everzwijn,  den 
rhinocéros,  tôt  zelfs  den  reusachtigen  oHfant  aan  te  vallen.  De 
boog  schijnt  hun,  althans  in  het  cersle  tijdvak,  evenais  het  metaal, 
onbekend  te  zijn  geweest. 

Dinanl,  werden  opvolgendiijk  met  hetzelfde  doel  opgespoord  en  brachlen 
eene  verbazende  menigte  voorwerpen  aan  het  licht,  vvelke  het  eventijdig 
beslaan  van  den  mensch  en  den  mammouth,  hel  rendier  en  andere  sederl  lang 
uitgestorvene  of  uitgewekene  diersoorlen  in  België  ten  overvioede  aantoon- 
den.  't  Zijn  de  uitslagen  dezer  geologische  vvaarnemingen,  door  genoemden 
geleerde  in  zijn  werk  :  l'Homme  pendant  les  âges  de  la  pierre  dans  les  envi- 
rons de  Dinanl-sur-Meuse ^  bekend  gemaakt,  welke  ons  de  stoffe  leveren  voor 
dit  deel  onzer  verhandeling  over  de  levenswijze  der  allereersle  bewoners  onzes 
vaderlands. 


(  13  ) 

Zoodra  liet  (lier  gedood  was,  gaven  zij  zicli  niet  cens  de  moeite 
het  naar  hiinne  spelonk  te  sleuren  ;  zij  sneden  het  ter  plaats  met 
hunne  vuiirsteenen  messen  in  stukken,  droegen  allecnlijk,  boven 
het  vleesch,  de  huid,  den  kop  en  de  mergbeendercn  mede,  en 
lieten  al  liel  overige,  als  hiin  geen  mit  kunncnde  opieveren, 
onaangeroerd.  Het  merg  der  bcenderen  en  de  hersenen  waren 
liun,  gelijk  thans  nog  bij  de  Laplanders  en  de  Groenlanders,  eene 
geliefkoosde  lekkernij.  De  aanwezigheid  van  talrijke  dierenover- 
blijfselen  in  de  grolten  van  Monlaigle,  onder  andere,  door  den 
oudheidkundige  Dupont  vastgesteld,  geeft  ons  te  kennen  op 
welke  wijze  de  aldaar  verbleven  liebbende  wilden  het  merg  uit 
de  beenderen  wisten  te  halen;  zij  bedienden  zich  daarloe  van 
snijdcnde  en  pletterende  werktuigen,  eveneens  van  steen,  welke 
beenderen,  door  eenen  geweldigen  hamcrslag  van  hun  bovendeel 
ontdaan,  zij  daarna  openkliefden  en,  na  geledigd  le  zijn,  ordeloos 
in  hunne  nabijheid  overhoop  lieten  liggen.  Of  zij  't  vleesch  rauw 
of  door  't  vuur  gczengd  opaten,  is  niet  nauwkeurig  kunnen  wor- 
den  opgeraaakt;  de  kracht  van  het  vuur  allhans  was  voor  hen 
geen  geheira,  daar  in  mccr  dan  écne  grot  ovcrbhjfsclcn  van 
haardsteenen  en  verkoolde  beenderen,  te  gelijk  met  hoopen  asch, 
zijn  ontdekt,  onwedcriegbare  getuigcnisscn  dat  de  raensch  van 
dit  tijdvak  zijn  verblijf  in  de  bergholtcn  hicld. 

Hoc  cllendig  het  gcstcld  was  in  zulke  woningen,  beroofd  van 
het  vriendelijkc,  opvvekkcnde  zonnclicht,  hoeven  wij  ons  slechts 
voor  te  slcllen.  Onder  dit  opzicht  Iccfden  onze  voorzaten  al  niet 
bêler  dan  thans  nog  de  van  aile  beschaving  vcrslokene  Eskimo's, 
't  is  te  zeggen  in  den  siaat  van  den  mensch  der  natuur,  wien 
geene  andere  behoeflen  bckend  zijn  dan  zich  le  voeden  en  zich 
te  verdedigen  legen  de  vleeschvrelende  dieren  der  woudslreck. 
Hunne  spclonkcn  te  reinigcn,  door  de  overblijfselen  hunner 
maaltijden  builen  te  werpen,  daarmede  bekrcunden  zij  zich 
niet,  hierin  als  het  ware  gelijk  aan  de  dieren  zelve,  welke  noch- 
tans  bêler  dan  de  mensch  tegen  de  verpestende  uilwaserain- 
gen  van  rotte,  in  onlbinding  zijnde  dierlijke  overblijfscls  gchard 
zijn.  Ook,  ware  't  niet  welenschappelijk  bewezen  dat  de  zomers 
hier  toen  minder  heet  waren  dan  tegenwoordig,  derwijze  dat  die 


(  ii  ) 

uitwasemingcn  door  ecnen  koudercn  luchlstroom  gctcmperd 
werden,  zou  het  verblijf  in  zulke  sombere  holen  niet  uit  te  hou- 
den  zijn  geweest.  Of,  gelijk  sommige  schrijvers  hebben  beweerd, 
onze  grotbewoners  zich  vergastten  aan  menschenvlecsch,  zal  wel 
mocilijk  te  bewijzen  zijn. 

Hetgeslacht,  dal  hier  in  die  verwijderde  eeuwen  zulk  leven 
leidde,  was  klein  van  gestalte  en  kleedde  zich  met  de  huiden  der 
wildc  dieren,  op  de  jacht  huit  gemaakt;  het  vervaardigde  deze 
kleeding  bij  middel  van  bcenen  naalden  en  peesachtige  draden, 
getrokken  uit  de  beenpijpen  van  het  rendier,  vermoedelijk  ook 
wel  met  paardenhaar,  en  benuttigde,  denkt  men,  het  merg  als  vet- 
achtige  zelfstandigheid  orner  de  huiden  medete  beslrijkenen  deze 
aizoo  zachter  te  maken.  Het  schier  onnoemelijk  getal  vuursteenen 
krabbers,  in  de  verschillige  rotskloven  gevonden,  leidt  tôt  de 
veronderstelling  dat  die  gebruikt  werden  om  de  vellen  te  ont- 
haren,  waardoor  hunne  kleederdracht  een  minder  dierlijk  uitzicht 
vertoonde.  De  huidenbereiding  zal  derhalvc  een  hunner  eerste 
nijverheidstakken  geweest  zijn. 

Te  oordeelen  naar  de  in  overvloed  ontdekte  versieringsvoor- 
werpen,  als  doorboorde  schelpen,  spiegelsteenen  en  tanden, 
waarmede  zij  zich  optooiden,  waren  zij  in  hooge  mate  pronkzuch- 
tig,  helgeen  overigens  bij  de  meeste  wilden  vvordt  waargenomen, 
terwijl  't  voor  bewezen  te  houden  is,  dat  zij  zich  het  Hchaam  met 
rood  ijzerstof  beschilderden,  —  een  gebruik  nog  len  huidigen 
dage  bij  de  Indianen  van  JNoord-Amerika  bestaande. 

Ook  de  eigenlijk  gezegde  huiselijke  voorwerpcn  waren  aan  de 
wilde  bewoners  van  ons  vaderland  niet  ten  eenemalc  onbekend, 
alhoewel  de  kennis  der  kleibewerking,  ter  vervaardiging  van  pot- 
werk,  bij  hen  eerst  opkwam  gedurende  het  rendierentijdvak,het- 
welk  op  dat  van  den  mammouth  reeds  van  ecnen  zekcren  voor- 
uitgang  geluigt.  Het  staat,  inderdaad,  vast  dat  hunne  wapens  en 
andere  gcrecdschappen  toen  recds  beter  waren  en  van  meer 
onderscheidene  vormcn,  wij  gingen  haast  zeggen,  gemaakt  met 
eene  zekere  kunst,  welke  zij  op  hunne  tochten  naar  Champagne, 
alwaar  zij  hunne  vuursteenen  haalden,  zullen  geleerd  hebben. 
Zelfs  kent  men  uit  het  evengcmclde  lijdvak  ecnige  voorwerpen 


(  io  ) 

met  ruw  doch  niet  onaardig  snijwerk,  welkete  rcclit  de  aandacht 
der  oudheidkundigen  liebben  opgewekt  en  als  de  oudste  bewijzen 
van  de  beoefening  dezer  kunst  mogen  aangemerkt  worden. 

Te  gclijk  met  hiinnc  gebeclilbeid  aan  den  huiselijken  haard 
(want  een  zwervend  Icven  scliijncn  zij  niet  geleid  te  bebben), 
hadden  onze  grotbewoners  eenen  grooten  eerbied  voor  liunne 
dooden;  zij  begroeven  die  in  de  diepte  der  eene  of  anderc  rots- 
kloof,  afgezonderd  van  liunne  gewone  schuilplaats,  en  hielden 
daarbij  zekere  plecbtigheden,  waaruit  mcn  geneigd  is  af  te  leiden 
dat  zij  op  een  toekomslig  leven  hoopten  en  derbalve  ecnig  bcgrip 
van  de  godbeid  badden.  De  Voorboofdbeen-grot  (7Voî^  du  frontal)^ 
in  de  nabijheid  der  Nutonsgrot  op  bet  grondgebied  van  Furfooz 
aangetroffen,  levert  de  duidelijkste  kenteekens  eener  dergebjke 
grafplaats  op,  volkomen  gelijk  aan  degenc  van  Aurignac,  dépar- 
tement der  Haute-Garonne,  in  Frankrijk  ^  Men  vond  er  niet  min 
dan  zestien  menschelijke  geraamten,  overbb'jfselen  van  mannen, 
vrouwen  en  kinderen,  en  daarnevens,  te  midden  van  een  aantal 
vuursteenen  en  mergbeenderen,  potwerk  en  doorboorde  scbel- 
pen,  eenen  dikken  platten  steen,  die  gebeel  en  al  in  de  opening 
der  grot  paste.  De  ligging  dezer  voorwerpen  in  eene  plaats  die 
oogenscbijnlijk  niet  tôt  het  verblijf  van  den  mensch  diende,  laat 
inderdaad  vermoeden  dat  deze  alleenlijk  bestemd  was  voor  de 
b'jkplecbtigbeden,  waaronder  bet  doodenmaal  is  te  rekenen,  bet- 
welk  men  in  aile  tijden  en  bij  aile  volkeren  terugvindt. 

Naarmate  bet  rendierentijdvak  ten  einde  liep,  om  vervangen 
te  worden  door  dat  der  gepolijsle  steencn,  ontstond  er  in  de 
levenswijze  der  oudstgekende  Belgiscbe  bevolking  eene  nog  al 
merkelijke  verandering.  Het  waren  nu  niet  meer  uitsiuitelijk  de 
bergboltcn,  die  den  menscb  tôt  verblijf  verstrekten;  de  gesebikt- 
sle  plaatsen  in  de  opene  lucbt,  meestal  de  verbevenste,  omtrent 
ccne  rivier,  werden  met  dit  doel  door  bem  uitgckozen  en  bij 
wijze  van  verscbansing  ingericbt,  zooals  in  Condroz ,  ahvaar  niet 
min  dan  tien  zulker  standplaatsen  zijn  ontdekt,  ongeniinderd 
eene  menigte  andere,  in  de  verscbillige  gedeelten  van  België,  tôt 

(')  H.  Lehon,  L'homme  fossile  en  Europe^  5^  édition,  bl  79. 


(  ^0  ) 

zclfs  aan  dcn  boord  dcr  Sclielde  te  Rupelnionde,  opgespoord  K 
Dcze  omstandiglicid,  gevocgd  bij  de  botei  e  bewerking  dcr  vuur- 
slcencn,  in  groolen  getale  uil  laatstgcmcld  tijdvak  loi  ons  geko- 
mcn,  laat  met  grond  vcrinoeden  dat  een  nieuwc  volksslam,  geliecl 
en  al  van  levenswijze  met  die  onzer  grolbewoners  vcrschiilende, 
zich  middelerwijl  in  dcze  gewcstcn  was  komen  nedcrzetten.  Of 
dcze  nicuwe  bevolking,  welkc  weldra  de  macliligsle  was  en  de 
spelonkniannen  ondcrwierp,  zoo  nict  iiilrocidc,  hier  dcn  akkcr- 
bouw  en  den  lluisdiercnk^Yeck  invocrde,  is  met  geenc  zckerbeid 
le  l)cpalcn,  cvenmin  of  zij  tôt  bel  bijna  fabelacbtigc  gcslacbt  der 
Cimnieriërs  beboorde,  wclke  als  de  eerste  l)c\voncrs  van  noorde- 
lijk  F.uropa  doorgaan.  Hare  vcsliging  in  de  vlakten,  gevocgd  bij 
de  ontdekking  aldaar  van  verscbcidcne  voorwcrpcn  ,  met  de 
bewerking  des  gronds  in  verband  slaande,  laten  evcnwcl  toc  te 
vcronderslcllcn  dat  de  jacbt  en  de  visclivangst  haar  nict  iiitsliii- 
telijk  bezig  bieldcn,  maar  dat  zij,  door  de  kennis  van  de  kracbt 
des  bodems,  dezen  lot  baar  Hcbaamsondcrboud  zal  bebben  weten 
te  benulligcn,  waardoor  de  ccrslc  ])aan  op  bct  gebied  des  mcn- 
scbebjkcn  vooruitgangs  langzaam  niaar  zeker  gcbroken  werd. 


§  II.  —  Keltisch  tijdvak. 

Vcrscbillige  streken  onzes  vadcrlands  waren  alzoo  gedurende 
ellclijke  eeiiwcn  reeds  bewoond  geweest,  locn  uil  bct  noorden 
van  Azië  een  onlzaglijke  volksslam  naar  Kuropa  afzakte  en  zicb 
in  bct  wijd  uilgcslrckle  land  tusscben  den  Rijn,  den  Oceaan,  de 
Middcllandsebe  zec,  de  Alpen  en  de  Pyrenccën  nedcrsloeg.  Dit 
volk,  onder  den  algemeenen  naam  van  Keilcn  of  Gallcn  bekend, 
nam  bijgcvolg  ook  bezit  van  de  streck,  bel  legcnwoordigc  België 
uitmakende,  en  Icgdc  er,  boc  barbaarscb  ook  men  't  bcbbe  afge- 
scbildcrd,  de  grondslagen  cener  lot  dusver  onbekend  geblevene 
besebaving. 

De  Voorzienigbcid,  die  dcze  machlige  iiitwijkelingcn  bct  verre 

*  J.  VAN  Raemddnciv,  L'j  pays  de  Waai  préhislorlque,  bl.  111. 


(  17) 

Oosten  had  doen  verlaten,  kon  lien  voorzckcr  naar  gcene  gun- 
stiger  plaats  licbbcn  geleid  voor  de  ontwikkeling  van  ecn  groot 
volk,  en  mcn  kan  het  hiin  niet  euvel  opnemen  dat  zij  zich 
meestcr  maakten  van  ecnen  grond,  welks  bewoners  weinig  of 
niets  gedaan  liadden  om  eenige  aanspraak  op  bezit  to  kunnen 
doen  gelden. 

De  Grioksche  en  Romeinsche  schrijvcrs,  bij  welke  men  nioet 
te  rade  gaan  om  over  hunne  levenswijze  te  worden  ingelichl, 
stellen  ons  de  Kelten  voor  als  een  bij  uitstek  strijdzuchlig,  fier  en 
kioekgebouwd  volk,  in  hunne  weergalooze  stoutmoedigheid  door 
geene  hinderpalen  legcn  te  houden ,  en  van  zoo  groot  eene 
gestalte,  bij  schrikver^Yekkenden  aanblik,  dat  zij  als  de  verdel- 
gers  dcr  mcnschhcid  werden  aangezien  *.  Hunne  buitengcwone 
lichaamskracht  wordt  door  CiïSAR  bijzonderlijk  toegescbreven 
aan  de  eenvoudigheid  van  hun  voedseJ,  de  gedurige  oefeningen, 
waaraan  zij  zich  overgaven,  hunne  kuischheid  en  de  onbeperkte 
vrijheid  hunner  handehngen  van  in  de  eerste  jaren  huns  levens. 
De  vrouwen  waren  merkwaardig  van  schoonheid  en  even  kloek 
en  dapper  als  de  mannen  2. 

Wat  het  karakter  der  Kelten  betreft,  dit  was,  volgens  de  even- 
geraelde  schrijvers,  eene  zonderlinge  mengeling  van  goede  en 
slechte  hoedanigheden.  Zij  waren  hoovaardig  en  trotsch,  licht- 
geraakt  en  gramnioedig,  gierig,  onbescheiden  en  bijgeloovig.  Hoc 
groot  hun  moed  ook  was,  wanneer  zij  de  bovenhand  hadden, 
zag  men  hen  niet  zelden  bij  den  minsten  tegenslag  tôt  moede- 
loosheid  vervallen,  gelijk  het  mede  van  hen  gezeid  wordt  dat  zij 
in  zekere  mate  zouden  meineedig  geweest  zijn,  arglistig  en  wis- 
pelturig,waardoor  zij  zicii  bij  de  vreemdelingen  halelijk  maakten. 
Een  ander  hun  eigen  groot  gebrek  was  de  dronkenschap;  die 
drift  was  bij  hen  zoo  diep  ingeworteld,  dat  zij  voor  eene  kruik 
wijn  soms  niet  alleenlijk  eenen  slaaf,  maar  zelfs  hunne  eigene  vrij- 
heid afstonden;  ook  verhalen  Titus  Livius  en  Plutarchus  van  de 
Kelten  dat,  toen  zij  de  eerste  raaal  den  wijn  van  Italie  hadden 

^  An>/Ei  Flom,  Epilome^  lib.  I,  cap.  15. 
^  DiODOR.  SicLL.  lib.  V,  cnp.  3:2, 

Tome  XXXll.  2 


(  18  ) 

gcproefd,  dcze  hun  zoo  vcrieidend  voorkwam,  dat  zij  zo  nder 
vcrtocf  in  dichte  gclederen  naar  dit  land  optrokkcn,  en  het  ten 
grootsten  deele  vcroverden  *.  De  nciging  tôt  den  drank  was  hun 
in  mcer  dan  ëcn  gcval  ten  uitcrste  noodlottig. 

Van  ccnen  anderen  kaiit  onttrekt  men  hun  den  lof  niet,  dat  zij 
gocdhartig,  edehnoedig  en  van  eenc  groote  eenvoudigheid  van 
zcden  waren;  herbergzaamheid  oefenen  aanzagen  zij  als  eenc 
nnluurlijke  plieht  en  verlcenden  zij  aan  iedcreen,  zondcp  te 
vragcn  wie  hij  was  of  waar  hij  heenging;  ook  was  de  vreemde- 
ling,  dien  zij  aldus  hadden  onlhaald,  zoo  heilig  in  hunne  oogen, 
dat  zij  hem  bij  zijn  vcrtrek  door  cenen  of  meer  der  hunnen  deden 
vcrgezellen,  orn  hem  tegen  allen  vijandeh'jken  aanval  te  verde- 
digen,  en  er  bestond  zelfs  eene  wet,  die  den  moord,  op  ecnen 
vreemdeling  begaan,  met  de  dood  strafte,  terwijl  dergehjke  mis- 
daad  jegens  eenen  inboorling  maar  de  verbanning  van  den  dader 
voor  gevolg  had  ^. 

Nîîast  deze  aartsvadcHijke  deugd  der  Kelten,  die  tegen  de 
grootste  hunner  gcbreken  ruimschoots  opwoog,  roemt  men  nog 
liiinne  onderlinge  verkleefdhcid  en  hunne  vriendentrouw  ,  die 
lien  aanzette  tôt  de  edelste  zelfopofFering.  Wars  van  bedrog  en 
onrecht,  duldden  zij  niet  den  minsten  smaad,  hunnen  bloedver- 
wantcn  of  vrienden  aangedaan,  en  zoudcn  zij  zich  onteerd  geacht 
hebbcri.  dien  ongewroken  te  laten.  Een  ongelukkige  in  het  lijden 
te  zien  noopte  hen  tôt  hulp  en  bijstand,  terwijl  men  voorbeelden 
aangehaald  vindt  dat  zij  zelfs  tegenover  hunne  vijanden  in  het 
ongeluk  grootmoedigheid  toonden. 

Maar  waardoor  zij  zich  onder  al  de  volkeren  der  oudheid 
onderscheidden,  was  hunne  onversaagdheid  in  den  strijd,  de 
builengewone  dapperheid  en  raoed,  welke  zij  aan  den  dag  legden 
wanneer't  hunne  vrijheid  en  onafhankelijkheid  gold;  dan  ont- 
vlamdc  in  hunne  ziel  het  vuur  der  heiligstc  vaderlandsliefde  en 


1  TiT.  Liv.,  V,  35.  —  Plutarch.  m  Camillo. 

2  DiODOR.  SicuL.  V.  —  Nicolas  Damas,  apud  Strob.eum,  Anlhol.  scrm.  145. 
—  ScHAYES,  La  Belgique  et  les  Pays-Bas,  I,  loi . 


(  19  ) 

zwoeren  zij  niet  te  riisten,  vooraleer  ovcr  Iiunnc  vijanden  te 
hebbcn  gezegepraald. 

In  den  beginne  droegen  de  Kelten,  zoo  het  schijnl,  geene 
anderc  kleeding  dan  dierenvellen.  Later,  evenwcl,  tocn  zij  de  wol 
en  het  vlas  hadden  leeren  bewerken,  vervaardigden  zij  zich  klee- 
dcrcn  van  weefsels,  die  de  bcvvondering  der  meer  bcschaafde 
Yolkcren  van  hetZuiden  gaande  maakten.  Hunne  gewone  draclit 
werd  van  dan  af  de  sagum  of  krijgsmantel,  dien  zij,  met  eenen 
haak  of  gesp  vastgehecht,  om  de  schouders  wierpen;  daaronder 
kwam  de  kleurenrijke  borstrok,  gainabis,  iiit,  terwijl  hunne 
becnen  in  de  hracca  staken  en  hun  schoeisel  uit  houten  voct- 
zolcn  bestond,  welkc  zij  met  lederen  riemen  om  den  voet  bonden. 
Het  hoofdhaar,  waaraan  zij  met  pommade  van  geitenvet  en  beu- 
kenasch  eene  glansrijke  tint  wisten  te  geven,  zwierde  hun  in 
lange  golven  over  de  schouders. 

De  kleeding  der  vrouwen  was  die  der  raannen  nagenoeg  gelijk, 
met  dit  verschii  dat  hun  onderkleed  iels  langer  was  en  van  eene 
fijnere  stof,  gewoonlijk  linnen,  met  bloemen  en  stikwerk  vcr- 
vaardigd  ;  de  mannen  beschilderden  hun  aangezicht  in  het  blauw, 
de  vrouwen  bestreken  het  met  eene  soort  van  gist  of  bierschuim, 
om  er  meer  glans  aan  te  geven,  wat  hunne  pronk-  en  praalzucht 
doet  uitschijnen,  hoczeer  ook  door  de  natuur  onder  't  oj.zicht 
der  huidskleur,  die  uitermate  wit  was,  bevoorrecht.  Het  hoofd- 
deksel  der  Kelten  bestond  in  eene  puntachtige  muts  of  kap,  in 
't  latijn  hardocucullus  geheeten. 

De  aanzienlijken  uit  den  stam  vcrgenoegden  zich  echler  met 
de  bovenbeschreven  kleeding  nict,  maar  verrijkten  die  met  aller- 
hande  kostelijke  versieringen,  aïs  gouden  armbanden  en  ringen, 
halssnoeren  en  dergelijke;  ongetwijfeld  zullen  deze  bewijzen  van 
hun  schoonheidsgevoel  niet  zonder  invloed  op  hunne  verdere 
ontwikkeling  geblcven  zijn.  Eindelijk  zijn  de  geschiedschrijvers 
het  ecns  om  hunne  zindelijkheid  te  piijzen,  zoodat  het  eene  zeld- 
zaamheid  was  iemand,  hoe  arm  ook,  in  lompen  te  zien  gehuld 
gaan  *. 

*  Ammian.  Marcell.,  lib.  XV,  cap.  12. 


(  20) 

Toondcn  zich  de  Kelten  pronkzuchlig  en  aan  zekere  weelde  ver- 
slaafd,  hunne  woningen,  daarcntegen,waren  uiterst  eenvoudig  :  't 
waren  luittcn  van  bout  en  leem,  met  een  punlachtig  slroodak,heb- 
bende  nocb  verdiep  nocb  vensters,  dan  allcenlijk  cène  deur,  langs 
welke  bet  licht  binnendrong,  in  't  gebeel  bijna  voikomen  gelijk 
aan  degene  der  negers  en  wilden  van  Amerika  ^.  Hunne  optim- 
mering  cischte  niet  veel  arbeid,  daar  Strabo  verzekcrt  dat  twee 
dagen  daartoe  voldoende  waren.  Huisgcrief  was  er  niet  veel  in 
ann  le  treffen;  eenige  aarden  potten,  zitbanken  en  kieine  boutcn 
tafcls,  en  voor  slaapsteden  op  den  grond  uitgespreide  dierenvellen 
of  eenige  bussels  stroo,  ziedaar  ailes,  indien  men  op  het  woord 
van  den  evengenoemden  gescbiedschrijver  mag  voorlgaan  ^. 

De  biitten  stonden  van  elkander  afgezonderd,  gewoonlijk  te 
midden  der  onmeelbare  bosscben,  waarmede  België  te  dien  tijde 
en  nog  lang  daarna  overdekt  was;  ook  wel  in  de  nabijbeid  eener 
bron,  beek  of  rivier,  om  niet  op  te  verren  afstand  bet  onmisbare 
water  te  moelen  balen;  't  is  genoeg  te  zeggen  dat  er  toenmaals 
geene  steden  bestonden,  zooals  door  sommigen  is  gemeend  gc- 
worden,  ten  ware,  bemerkt  Schayes,  men  diebenaming  wilde  toe- 
])assen  aan  de  vornilooze  vereeniging  van  ellendige  woningen, 
zonder  de  minste  rcgelmatigheid  bier  en  daar  opgebouwd,  naar- 
voigens  het  in  den  zin  kwam  der  bevolking  die  voor  baar  vcrblijf 
uit  te  kiezen.  In  tijden  van  oorlog  was  het  wat  anders  :  toen  trok 
icder  met  ailes,  wat  hem  toebeboorde,  naar  eenc  veiligc  schuil- 
plaats,  beschut  door  paalwerk  en  grachten,  soms  wel  door  eene 
dubbeie  rij  steenen  muren,  en  welke  alzoo  eene  wezenlijke  ver- 
sterking  uitmaakte,  door  C^sar  en  anderen  met  den  naam  van 
oppidum  bestempeld,  maar  die  spoedig,  zoodra  het  gevaar  gewe- 
ken  was,  verlaten  werd  ^. 

Naar  de  getuigenis  van  de  meeste  schrijvers  over  de  Kelten 
was  de  landbouw,  die  hoofdbron  der  menschelijke  beschaving, 
nh  roeg  een  hunner  voornaamste  bestaanmiddels  geworden.  Dit 

*  Schayes,  Hist  de  Varchilecture  en  Belgique^  1,  7. 

2   StRAUO,  IV.  —  POLYB.  II,  17.  —   DiOD.  Sic.  V,  2. 

'  Schayes,  La  Belgique  et  les  Pays-Bas,  I,  70. 


(21  ) 

is  zoo  waar,  dat  Pmnius,  die  hcn  op  zijnc  reizcn  door  Galiië 
bezocht  (schoon  het  noordelijk  gcdeelte  tocn  reeds  door  de 
Germancn  was  ingenomen),  met  deri  mcestcn  lof  van  Iiiinne 
landbouwkennis  gewaagt.  Een  bewijs  van  de  waarlieid  dezes 
gezegden,  hetwelk  wij  des  te  gereedelijker  op  de  Keltische  bcvol- 
king  van  Eîelgië  toepassen,  daar  de  vruchtbaarheid  van  dcn 
bodem  hier  niet  zooveel  krachtinspanning  vorderde,  is  de  ver- 
standige  manier,  hun  uitsluitelijk  eigen,  om  bij  middel  van  den 
mergel,  de  kalk  en  de  assche  den  grond  te  bemesten;  ook  is 
't  bekend  dat  de  Romeinen  meer  dan  éene  wijze  van  bebouwiiig 
hiinner  velden,  aïs  beter  en  verkieslijker,  navolgden,  Zij  waren 
insgehjks  bedreven  in  het  aanleggen  van  weiden,  gaan  door  als 
de  uitvinders  van  den  ploeg,  de  egge  en  de  sikkel,  en  waren 
bekend  met  verscheidene  andere  landbouwgereedschappen,  als 
de  kar,  den  buidel,  de  pik,  den  vlegel  en  een  ander  door  Plinius 
beschreven  werkluig  op  wielen ,  waarmede  't  graan  werd 
geoogst  *.  De  voornaamste  hiinner  veldvruchten  bestonden  in 
tarwe,  rogge,  gerst,haver,  spelt  en  boekweit;  himne  boomgaardcn 
leverden  vooral  appels  {spadonia),  krieken,  mispels  en  pcrzikcn 
op,  terwijl  hunne  groenseiplanten  uit  ajnin,  pastenaken,  knolra- 
pen,  roode  worteis,  melde  en  salade  bestonden. 

Eenen  goeden  veestapel  te  bezitten  stond  bij  de  Keiten  hoog 
aangerekend.  Zij  bezaten  koeien,  stieren,  geitcn  en  schapen, 
hadden  uitmuntende  paarden,  doch  hielden  het  meest  van  var- 
kens,  welke  zij  niet  eens  opsloten,  maar  met  groote  benden  in  de 
bosschen  h'cten  loopen.  Het  vrijgeweid  was  in  streng  bcpaalde 
grenzen  omschreven,  en  wie  't  schenden  dorst  werd  met  de 
dood  gestraft  ^. 

Doch  niet  alleen  de  akkerbouw  en  de  veeteelt  was  bij  de  Gal- 
iische  bevolking  hoog  in  aanzien  geslegen  :  ook  verscheidene 
andere  nijverheidstakken  en  handgedaden  waren  haar  bekend, 
als  het  zout-  en  zeepmaken,  de  metaalbewerking,  de  glasver- 
vaardiging,  de  scheepsbouw  enz.,  maar  bijzondcriijk  het  linncn- 

'  Plim us,  XVIII,  50. 

^    DiODOR.  SlCLL.  V, 


(22) 

en  wollevveven,  waarin  zij  naar  de  getuigenis  van  Plinius  en 
anderen  uitmuntlen  *.  Alleen  in  't  potbakken  schijnen  zij  niet 
zeer  gevorderd  te  zijn  geweest. 

Wij  repten  hooger  reeds  een  woord  over  hunne  spijzen;  deze 
bestonden  voornamelijk,  behalve  in  liet  wiid  en  den  visch,  dien 
zij  door  de  jacbt  en  de  viscbvangst  opdeden,  in  gezouten  var- 
kensvleesch,  nielk,  brood  en  honig,  alsmede  in  de  groenten  en 
boomvrucbten,welke  zij  hadden  leeren  aankweeken.Zij  zaten  ojj 
geene  stoelen,  maar  plat  op  den  grond,  't  zij  op  hooi  of  vellen 
van  wolven  of  andere  wiide  dieren,  en  bracbten  biinne  spijzen 
eenvoudig  aan  den  mond  met  de  handen,  zonder  zicb  van  eenig 
ander  gerief  te  bedienen  dan  kleine  messen,  die  zij  in  eene 
scbeede  aan  den  gordel  droegen.  De  gerecliten  werden  opgediend 
in  grootc  aarden  schotels,  bij  de  rijken  in  zilveren  of  vertinde 
koperen,  veelal  ook  in  tinnen  korven,  en  smaakten  hun  opper- 
best,  hocwel  ze  met  boter  nocb  olie,  slecbts  met  zout  en  azijn 
waren  gcreed  gemaakt.  Als  't  feest  was,  of  eene  groote  piechtig- 
beid  ben  vereenigde,  dronken  zij  elkanders  gezondbeid  uit  cenen 
buffelshoorn,  ofwel  uit  de  bekkeneelen  bunncr  vijanden,  die  zij 
van  't  slagveld  hadden  medegenomen.  Die  zonderlinge  drinkschaal, 
met  wijn  of  bier  {cervisia)  gevuld,  ging  rond  van  de  eene  hand 
lot  de  andere,  te  beginnen  met  den  voornaamste  des  gezelschaps, 
en  dit  bleef  gewoonlijk  aanhouden  tôt  allen  in  staat  van  dronken- 
schap  verkeerden  ;  dan,  bij  't  minste  verwijt,  vielen  zij  elkaar  wel- 
eens  aan  het  lijf  en  gingen  tôt  bloedige  worstelingen  over.  De 
grooten  uit  den  stam  deden  zich  bedienen  door  jonge  knapen  en 
jneisjes  en  waren  aan  tafel  geschikt,  ieder  volgens  zijnen  rang  en 
zijne  waardigheid.  Elke  gast  was  vergezeld  van  twee  zijner 
wapenlieden  [soldurii),  waarvan  de  eene  achter  hem  recbt  stond 
en  zijn  sehild  vaslhield,  terwijl  de  andere  rechtover  zijnen 
meester  zat,  met  dezes  lans  in  de  hand  ^. 

In  al  de  groote  aangelegenheden  des  levens  speelden  de  ban- 
ketlen,  als  bij  ons  nog,  eene  voorname  roi  ;  zclfs  de  huwelijken 

'  PLiMi.lib.  XIX,  cap.  1.  —  DiODOR.SicuL  lib.  V,  cap.  30. 
^  Ahen^i,  Dipnosoph,  V,  13.  —  Diodor.  Sicul  ,  V,  20. 


< 


(  23  ) 

werden  aan  tafel  beslotcii.  Gebeurcle  hel  dat  verscheidcne  jonge- 
lingen  naar  de  hand  ecner  zelfde  dochter  dongcn,  zoo  werden 
allen  door  dcn  vader  ten  zijnent  uitgenoodigd,  en  de  eerste,  wien 
zij  den  nap,  gevuld  met  water,  te  drinkcn  aanbood,  was  de  uil- 
verkorene.  Van  dan  af  ook  was  de  verloving  aïs  voltrokken 
beschouwd  en  werd  de  dag  bepaald  op  welken  de  plecblige 
vereenigina;  zou  gevierd  worden.  De  daarmede  \ergezcld  gaande 
plechtigheden  zijn  ons  niet  bekend,  doc  h  men  weet  dat  de 
dochter  eenen  bruidschat  van  haren  vader  ontving,  waarbij  de 
man  gehouden  was  evenveel  le  voegen,hetwelk  het  gemeenschap- 
pclijk  bczit  uitmaaktCjdat  met  de  aanwinsten  tijdens  het  huwelijk 
verkregen, werd  geërfd  door  dcn  langstlevende  '.De  vrouw  at 
nooit  met  dcn  man  en  bleef,  gezamenlijk  met  de  kinderen,  onder 
dezes  streng  uilgeoefende  voogdij.  Ook  was  het  bij  de  Kelten,  in- 
zonderheid  bij  degenen  langs  de  boorden  van  den  Nederrijn  geves- 
tigd,  een  gebruik,  dat  de  mannen  dezen  vioed  raadpleegden  om  le 
weten  of,  in  geval  van  verdenking,  hunne  vrouwen  hun  getrouw 
bleven  :  zoodra  hem  een  kind  geboren  werd,  legde  de  echtgenoot 
het  op  zijn  schild  en  trok  er  mede  naar  het  water;  indien  't  kind 
bovendreef,  was  't  een  teeken  dat  hij  er  de  vader  van  was,  zoo 
niet,  dan  liet  hij  't  maar  onderzinken,  als  onwaardig  om  in  den 
schoot  des  gezins  te  worden  opgenomen  ^.  Alleen  den  grooten 
schijnt  het  tocgelaten  te  zijn  geweest  meer  dan  ëene  huisvrouw 
le  beziiten. 

Zoolang  de  kinderen  niet  in  staat  waren  de  wapens  te  behan- 
delen,  mocht  de  vader  er  niet  mede  in  't  openbaar  te  voorschijn 
komen.  Middelerwijl  leerde  hij  hen  te  paard  rijden  en  de  werp- 
spies  sHngeren,  met  meer  andere  krijgskundige  verrichtingen,  en 
eerst  wanneer  zij  daarin  genoegzaam  geoefend  waren,  gespte  hij 
hen  om  de  lenden  het  zwaard,  dat  hen  tôt  in  de  hoogste  jaren 
des  levens  bijbleef.  De  grootste  betrachling  der  moeders  was  hare 
zonen  eenen  heldendood  te  zien  stervcn. 

*  C^SAR,  lib.  VI,  cap.  19. 

2  Claudian.  m  Rufmum,  lib.  111,  v.  110-112.  —  Anlhologiœ  Grœcœ  Epigr. 
XXXII,uitg.  Jacobs,  IV,  127. 


(24  ) 

Er  waren  vier  standen  in  den  stam  :  de  prieslers  of  druiëden, 
de  vrijen  en  de  slaven;  de  twee  eerste  hadden  ailes  te  zeggen  en 
hicldcn  de  teugels  van  het  bewind;  het  volk  was  aan  allerlei 
lasten  onderworpen  en  geheel  en  al  in  de  macht  der  bestuurders. 

leder  der  talrijke  volksstammen  was  verdeeld  in  een  meer  of 
min  aanzienlijk  gelai  kantons,  en  bestuurd  door  eenen  overste 
of  koning,  aan  eenon  of  twee  kiesbare  opperhoofden  {principes) 
ondergcscbikt.  Dit  opperboofd,  dat  men  vergobret  noemde,  mocht 
gedurende  zijne  ambtsbediening  zich  buiten  de  grenzen  zijns 
lands  niet  begeven,  en  in  oorlogstijd  oefende  hij  een  onbeperkt 
gezag  uit. 

De  fédéra tiegeest,  dien  wij  later  toi  eenen  zoo  hoogen  graad  bij 
de  Germanen  zullen  ontwikkeld  vinden,  maakte  bel  voornaamste 
macblbestanddeel  derKelten  uit.Elke  volksstam  leefdegewoonlijk 
onder  zijne  eigene  wetten  ;  maar  dreigde  hen  een  nakend  gevaar, 
aanstonds  werden  er  tusschen  de  verscbillige  takken  der  nalie 
uitgebrcide  bondgenootscbappen  gcsloten. 

Alvorens  den  veldtocht  te  openen,  vereenigden  de  bondgenooten 
zich  in  algcmeene  vergadering  oin  het  mannental  te  bepalen,  dat 
clke  stam  ter  gemeene  verdediging  op  de  been  te  brengen  had. 
Al  de  manspersonen,de  jaren  hebbende  om  dewapens  te  dragen, 
waren  gehoiiden  die  vergadering  bij  te  wonen,  en  wie  er  de 
laatstc  aankwam,  werd,  in  tegenwoordigheid  der  vereenigde 
raenigte,  zonder  genade  ter  dood  gebracbt.  Het  was  ook  daar 
dat  men  de  legerhoofden  koos.  Het  voorzitterschap  dezer  veree- 
nigingcn  beboorde  aan  de  druiëden,  en  de  orde  werd  er  gehand- 
haafd  door  een  soort  van  provoost,  die,  met  het  zwaard  in  de 
liand,  het  reeht  had  de  stilzwijgendheid  op  te  leggen  aan  hen,  die 
dengene,  welke  het  woord  bekomen  had ,  onderbraken  of 
sloorden  *. 

De  druiëden  waren,  zoo  uit  hoofde  hunner  heilige  bedicning 
als  der  wereldlijke  macht,  welke  zij  uitoefenden,  van  groot  aan- 
zien  en  zeer  invloedrijk  :zij  verrichtten  de  ofTeranden,  bewaarden 
de  geheimen  van  den  godsdienst,  dcden  voorspellingen  uit  de 

»  C^ESAR,  lib.  V,  66.  —  Strabo,  Mb.  IV. 


(23  ) 

ingewanden  vnn  geslacbte  diercn,  bcoefcnden  de  stcrrenkijkerij 
on  mecr  andcre  wclenschappen,  en  voerdcn  de  weltcn  en  het 
gerccht  uit.  Wanncer  een  veroordeelde  weigerde  zicli  aan  hunne 
uitspraak  te  gedragen,  werd  Iiem  niet  alleen  in  het  vervolg 
aile  recht  ontzegd,  maar  tevens  verboden  nog  ooit  deel  te 
nemen  aan  hunne  ofîerandenj  hetgeen,  zcgt  C/Esar,  de  grootste 
straf  was  welke  ieniand  kon  worden  opgelegd.  Die  deze  ver- 
dienden,  werden  aanzien  als  goddeloozen,  als  booswichten  en  van 
iedereen  verlaten,ja  verafschuwd,  alsof  zij  door  eene  besmet- 
lende  ziekte  waren  aangedaan.  Dieven  en  baanstroopers  werden 
verbrand,  moordenaars  uit  het  land  gebannen. 

Eene  der  voornaamste  leeringen  der  druiëden  was  de  onster- 
felijkheid  der  ziel  en  de  vcrhuizing  van  de  zielen  der  afgestor- 
venen  in  andere  menschelijke  lichamen.  De  hemellichten  en 
hunne  bewegingen,  de  grootte  der  aarde,  de  natuur  der  dingen, 
de  macht  der  onsterfelijke  goden,  dit  waren,  ver\olgt  C^sar,  de 
voornaamste  onderwerpen  huns  onderrichts. 

Hebben  wij  het  noodig  te  zeggen  dat  een  volk  met  zulke  denk- 
beelden  uitermate  dweepzuchtig  was?  In  de  ernslige  ziekten,  voor 
het  gcveeht,  of  in  welk  gevaar  ook,  ging  hunne  dweeperij  zoo 
verre,  dat  zij  menschen  slachtofîerden  of  de  gelofte  aflegden  hun 
eigen  leven  ten  offer  te  brengen. 

De  slachtofferingen  van  dieven  of  andere  groote  misdadigers 
werden  als  de  aangenaaraste  aan  de  goden  besehouwd,  maar  bij 
gebrek  aan  zulke  werden  er  ook  onschuldigen  geslacht  *. 

Evenals  de  meeste  volkeren  der  oudheid  vereerden  de  Kelten 
verscheidene  goden,  welke  in  twee  groepen  waren  gesplitst  :  de 
oppermachtige  goden  en  de  ondergeschikte.  De  hoogste  godheid 
was  Tliens  of  Tlieulates,  de  uitvinder  der  kunsten,  de  geleider 
der  reizigers  en  de  beschermer  der  kooplieden;  daarop  volgden 
ffesus,  de  geduchte  of  de  oorlogsgod;  Bel  of  Beleniis,  die  de  zon 
verpersoonlijkie;  Tar«??,  de  dondergod;  Dis  of  Dit,  de  god  der 
duisternissen;  O^/mm,  zinnebeeld  van  de  kracht  der  welspre- 
kendheid,  en  Beliscina,  de  godin  der  wijsheid,  der  kunsten  en 

'  C^SAR,  lib.  IV. 


(  26  ) 

nijverlieden.  Hunne  mindere  goden  waren  Andarla,  Epona, 
Nehalennia,  Nefyd,  Ardiiinna^  Cernunnos  en  meer  anderen.  Zij 
haddeii  ook  hunne  goede  en  kwade  gecsten  [dîisii),  vereerden 
boomen  en  waterbronnen  en  richtten,  ter  bediening  hunner 
godsdiensUge  plechtigheden,  groote  sleenen  altaren  op,  vvelke 
onder  den  naam  van  dolmen,  of  liunnehedden,  Ihans  nog  in  ver- 
scheidene  slreken  van  Nederland,  iiizonderheid  in  't  landschap 
Drenlhe,  vrij  talrijk  worden  aangetroffen  *. 

Hunne  lijkdiensten  waren  prachtig  en  kostelijk.  Ailes  wal  de 
overledene  bemind  had,totde  dleren  loe,  werd  daarbij  verbrand; 
ja  liet  gebeurde  niet  zelden  dat  ook  slaven  en  vrijgemaakte 
slaven  met  zijn  lijk  in  het  vuur  werden  geworpen,  en  dat  zijne 
naaste  magen  en  vrienden  zich  vrijwiilig  te  midden  der  vlammen 
wierpen  om  den  afgestorvene  op  zijne  reis  naar  de  eeuwigheid  te 
vergezellen  2. 

Wat  de  geestesontvvikkeling  der  Kellen  betreft,  deze  scliijnt 
vôor  de  Romeinsche  overheersching  niet  ver  gevorderd  te  zijn 
geweest.Zij  konden  noeh  lezen  noch  schrijven,maar  hunne  bardeii 
vervaardigden  gezangen,  die  zij,  onder  begeleiding  van  de  harp  of 
chrotta^  in  hunne  vergaderingen  en  bij  feesten  zongen  en  de 
geschiedenis  van  hun  land  of  den  lof  hunner  helden  en  goden 
ten  ondervverp  hadden. 

§  III.  —  Germaansch  tijdvak. 


Wij  hebben  uit  de  geschiedenis   geleerd  hoe  de   Kellen   of 
Gallen,  na  gedurende  een  drietal  eeuvven  onze  gewesten  bewoond    m 
te  hebben,  voor  eenen   anderen   machtigen  volksstam,  de  Ger- 

ï  In  Bflgië  schijiien  zulke  sleenen  min  dan  elders  te  zijn  opgericlit  geweest; 
ook  kan  men  er  siechts  een  drietal  van  opnoemen,  le  welen  :  de  beroemde 
Brunhildestten  {inerre  Bnuiehaull)  op  het  grondgebied  van  Ilollain,  nabij 
Doornik  ;  de  Duivelsteen,  vvdke  nog  goene  halve  eeuw  geleden  le  Namcn 
werd  gezien,  en  de  derde  te  Braye,  bij  Rinche,  vernieligd  in  1755. 

2  PoMP.  Mel.,  lib.  III,  cap.  2. 


(  27  ) 

nianen,  de  plants  moeslen  ruiincn.  De  eerste  innikking  Jezer 
zwervende  voIkctcii  had>  vo!gens  sommigcn,  plaats  omirent  het 
jaar  450  na  de  slichting  van  Rome  (3:24  voor  Chrislus);  volgens 
anderen  siechts  in  't  jaar  280  voor  de  tegenwoordige  tijdrc- 
kening. 

Toen  ongeveer  60  jaren  voor  Christus,  Julius-Cœsar  hier  op 
zijne  beurt  gewa})enderhand  invicl  en,  na  eencn  hardnekkigen 
tegenstand,de  bcvolkinggrootstcndeels  lot  onderwcrping  dwong, 
was  de  streek  lusschen  den  Rijn,  de  Seine,  de  Marne,  den 
Oceaan  en  de  Waal  gelegen,  door  vier  en  Iwintig  versclùllige 
volksstammen,  aile  van  Germaanschen  oorsi)rong,  bewoond  , 
welke  men  Belgen  noerade,  en  die  door  Iiunne  dapperheid  ondcr 
al  de  volkeren  van  Gallië  uitmuntten.  De  voornaainsle  dczcr 
volksslammen,  in  het  hedendaagsche  België  gcvcstigd,  waren  : 
de  Eburonen,  op  de  boorden  der  Maas,  in  het  Limburgsche  en 
Luiksche;  de  Atuutieken,  aan  de  hoogere  Maasoevers,  in  het 
Luiksche  en  Namensche;  de  Trevieren,  in  het  Luxcmburgsche; 
de  Nerviërs,  ten  oosten  der  Schelde  lot  aan  de  Samber,  in  Hene- 
gouw,  Brabant  en  het  land  van  Aalst,  en  de  Menapiërs,  lusschen 
Maas  en  Schelde,  in  de  Kempen,  en  lusschen  de  Schelde  en  de 
Noordzee,  in  Vlaanderen. 

Zooals  wij  bij  Tacitus  en  andere  schrijvers  der  oudheid 
geboekt  vinden,  was  de  levensvvijze  dezer  verschillige  voiker- 
schappen,  op  enkele  uilzonderingen  na,  geheel  anders  dan  die 
hunner  voorgangers;  vooral  hunne  slaatkundige  inrichting, 
gegrondvest  op  de  beginseîs,  die  door  de  werking  der  eeuvven 
heen,  thans  nog  onzen  maatschappelijken  staat  bcheeren,  was  die 
van  een  vrij  en  zelfstandig  volk,  zoodat  zij  de  Kclten,  ondanks 
dezer  betrekkelijk  raeer  gevorderde  bcschaving,  oneindig  vooruit 
waren.  Ook  waren  zij  nict  weinig  trotsch  op  hunne  afkomst  en 
hechtlen  zij  het  grootste  bclang  aan  het  behoud  hunner  eigene 
wetten  en  gebruiken,  welke  de  alverwinnende  arenden  van  Rome 
niet  bij  machte  geweest  zijn  te  veranderen. 

Wat  de  Grieken  en  de  Romeinen,  toen  zij  voor  de  eerste  maal 
een  Germaansch  léger  zagen,  het  meest  vcrbaasde,  was  de 
rcusachtige  lichaamsbouw^  dier  manncn   van  't  Noorden,  tegen 


{  28  ) 

wolkc  de  kleinc  gestaltc  (1er  zuidervolkercn  zonderling  afstak  K 
Zij  waren  niet  min  merkwaardig  door  de  blanklieid  hanner  huid, 
de  levendigheid  hnnner  blauwc  oogen,  en  inzonderheid  door 
hun  blond  en  goudgeel  haar,  dat  hen,  evenals  bij  de  Kelten, 
onafgesneden  op  den  riighing  of  in  den  nek  of  op  het  hoofd  met 
eenen  knoop  was  vastgebonden. 

Hun  woest  karakter  en  dreigende  blik  boezemde  eenen  zoo 
grootcn  schrik  in,  dat,  verhaalt  C.ï:sar,  versebeidene  zijner  krij- 
gers,  vooraleer  tegen  hen  op  te  rukken,  bunnen  laatsten  wil 
lieten  opstellen,  zeker,  als  zij  bijna  waren,  het  tegen  hen  niet  le 
kunnen  volhouden  ^.  Geen  wonder  dan  ook,  dat  de  slerkte  en  de 
hooge  gestalte  dier  mannen  aanleiding  gegeven  hebben  tôt  de 
traditie,  dat  wij  van  renzen  zijn  voortgekomen  :  geen  ander  volk 
op  aarde  kon  hen  in  moed  en  onversaagdheid  evenaren. 

Of,  zooals  door  Pomponius  Mêla  en  Tacitus  bevestigd  wordl,  de 
kindcren  der  Germanen  gewoonlijk  naakt  gingen  en  de  volwasse- 
nen  zelven  in  hnnne  woningen  ongekleed  waren,  is  een  punt,  dat, 
met  inachtneming  van  ons  klimaatjgrootelijks  le  betwijfelen  valt. 
De  meesten  trokken  dierenvellen  om  het  lijf  of  eenen  korten 
mantel,  dien  zij  met  eenen  haak  of  doorn,  gelijk  de  Kelten,  vast- 
maakten.  Bij  sommigcn  was  de  huid  van  den  kop  der  dieren 
derwijze  over  hun  hoofd  getrokken,  dat  zij  door  de  ooggaten  uit- 
zagen.  Zij  gingen  veelal  met  ongedekten  hoofde,  droegen  voet- 
zolen  van  bout  of  leder  en  eene  soort  van  broek,  die  slechts  tôt 
aan  de  knieën  kwam.  De  vermogendsten  onderseheidde  men  aan 
eene  om  't  lijf  geslotene  kleeding,  vervaardigd  van  grof  linnen  en 
gekleurd,  terwijl  zij  in  't  midden  eenen  gordel,  aan  den  wijsvinger 
elker  hand  eenen  ring  en  om  den  bals  eene  ijzeren  of  koperen 
ketting  droegen.  De  kleeding  der  vrouwen  was  nagenoeg  gelijk 
aan  die  der  mannen;  alleenlijk  lieten  zij  den  bals  en  de  armen 
gebeel  naakt  en  droegen  zij  linnen  van  purpere  kleur. 

Evenals  de  Kelten  besleedden  de  Germanen  eene  uiterste  zorg 
aan  het  boofdbaar,  dat  zij  voor  niets  ter  wereld    zouden  hebben 

^  CiESAR,  II,  50. 
«  kl ,  1, 39. 


(29) 

afgesneden,  daar  de  dracht  van  lang  haar  bij  lien  een  teeken  van 
vrijheid  was;  daarentegen  hiclden  zij  den  baard  altijd  kort,  zich 
allecnlijk  bepalcnde  bij  groote  neerhangende  snorrcbaardcn, 
vvelke  er  niet  wcinig  toe  bijdroegen  om  bun  mannelijk  uitzicbl 
nog  vreesebjker  te  maken.  Hunne  wapens,  welke  zij  schicr  nooil 
aflegden,  waren  voornamebjk  :  bet  sparum,eene  soort  van  lange, 
lichte  werpspies;  bet  gesum  (scbicbt),  de  oorlogsbiji  en  bet 
zwaard.  Hun  scbild,  uit  geviocbten  wissen,  boombast  of  bout 
bestaande  en  met  eene  dicrenbuid  overtrokken,  niet  zelden  met 
allerlei  afbeeldingen  van  dieren  bescbilderd,  was  lang  genoeg  om 
bet  gebeele  licbaam  te  bedekken. 

Wat  wij  van  de  woningen  der  Kelten  zegden,  is  op  die  der 
Germanen  mede  toepasselijk;  't  waren  voor  de  meeslen  eenvou- 
dige  butten  van  bout  en  stroo  uit  dunne  païen,  met  rijs  door- 
strengeld  en  met  blinkende  kleiaarde,  soms  van  verscbillige  kleur, 
bestreken,  nauwelijks  groot  genoeg  om  de  leden  van  't  gezin  eene 
plaats  om  den  baard  te  verscbaffen,  en  die,  voor  den  vorm,  niet 
slecbt  aan  eenen  grooten  bijënkorf  geleken.  De  eenen  bouwden  ze 
aan  den  boord  of  te  midden  der  bosscben;  de  anderen,  vooral  de 
iMenapiërs,  op  door  de  natuur  of  menscbenbanden  gevormde 
boogten,  terpen  of  torpen,  naderband  vliebergcn  gebeeten,  ten 
einde  zicb,  bij  gebrek  aan  dijken,  daardoor  te  beveiligen  tegen 
den  vioed,  en  vooral  tegen  de  overstroomingen,  waaraan  deze 
landen  gedurig  onderbevig  waren.  De  but  bestond  slecbts  uit 
éen  vertrek,  en  bad  nocli  vensters  nocb  scboorsteen,  daar  zij 
veelal  maar  diende  tôt  nacbtverblijf  of  bij  guur  wcdcr,  en 
't  gezin  meest  in  de  opene  lucbt  vertoefde.  Zij  badden  ook  kuilen 
in  de  aarde,  waarin  zij  bunnen  voorraad  konden  bcrgen  en  zicb 
desnoods  verschuilen  *.  Het  is  genoeg  te  zeggen  dat  de  Ger- 
manen, welke  men  beeft  afgescbetst  als  in  den  beginne  een 
zwervend  leven  te  bebben  geleid,  nu  bier  dan  daar  buiine  butten 
opslaande,  noch  steden  nocb  eigenlijk  gezegde  dorpen  badden, 
en  dat,  wat  C.ïsar  aanvoert  van  de  opp^da  der  Nerviërs  en  der 
Atuatieken,  deze  enkellijk  bestonden  uit  in  tijd  van  oorlog  opge- 

*  Tacit.,  Mor.  Germ.,  cap.  IG. 


(  30  ) 

richte  vcrschansingen,  bestemd  om  er  hunnc  vroiiwcn,  kinderen 
en  grijsaards,  huisraad  en  vce  in  op  te  sluiten,  terwiji  de  slrijders 
tegcn  dcn  vijand  optrokken.  «  Oppida  ut  circumdala  retiis  busta 
declinuîil,  zegt  âmmianus  Marcellinus.  Dit  woord  van  den  Romcin- 
schen  geschiedschrijver  bevestigt  tcn  voile  datgene  van  Tacitus^ 
wannccr  hij  schrijft  :  «  Nullas  Germanorum  populis  urhes  habi- 
iiiri  salis  nolum  est,  ne  pati  quidem  inter  se  junctas  sedes;  colunt 
discreli  ac  diversi,  ut  fons,  ut  campus,  ut  nemus  placuit.  » 

Inlusschen  leefden  de  Germanen  hier,  niettegenstaande  hunne 
afzondering,  in  geraeenschap  met  de  leden  van  hunnen  volks- 
stam  en  met  de  nabiirige  volkeren.  Geene  natie  was  ooit  guller  in 
gastvrijheid  en  onthaal;  ieder  huismeester  nam  den  aanklop- 
penden  reizigcr  in  en  dischte  op  naar  zijn  verraogen.  De  kuisch- 
Iieid  stond  op  hoogen  prijs,  en  wie  daartegen  zondigde,  werd 
noch  om  jeiigd  noch  om  schoonheid  verontschuldigd.  Hadden  de 
aanzienlijkcn  meer  dan  éene  vrouw  (veel  min  uit  welliisligheid, 
dan  om  den  wille  van  hunnen  hoogen  stand,  waarmede  zekere 
grootsehheid  gepaard  ging),  de  huwelijkstrouw  werd  streng  nage- 
leefd.  Nooit  gingen  zij  echtverbintenissen  aan  met  vreemde  vol- 
keren, en  het  was  ecne  misdaad  slechts  een  bepaaid  gotal  kin- 
deren te  willen  hebben  en  nieuwgeborenen  om  't  leven  te 
brengen.  Zij  waren  ongevcinsd,  rondborstig  en  hadden  maar 
éen  w  oord.  Daarbij  hadden  zij  eene  groote  liefde  voor  de  vrijheid 
en  den  geboortegrond,  en  lieten  zij  zich  eerder,  gelijk  de  Ner- 
viërs,  tôt  den  laatsten  man  in  stukken  kappen,  dan  zieh  te  onder- 
werpcn. 

Daarentegen  hadden  zij  ook  wcl  andere  dan  prijsbare  hoeda- 
nigheden  :  zij  waren  uitermate  bijgeloovig,  beminden  de  werke- 
loosheid  en  sleten  gaarne  den  tijd,  buiten  de  jacht,  met  slapen, 
elen,  drinken  en  spelen.  Soms  brachten  zij  dag  en  nacht  in  den 
drank  over,  zonder  zich  dit  tôt  schande  te  rekenen,  hierin  gelijk 
met  hunne  voorgangers,  welke ,  gelijk  wij  gezien  hebben,  zoo 
zeer  aan  die  ondeugd  waren  verslaafd,  dat  zij  van  den  drank,  aïs 
't  w^are,  hunnen  god  hadden  gemaakt.  Met  de  teerlingen  en  de 
bikkelen  spelen  was  hun  grootste  vermaak;  daar  gaven  zij  zich 
zoo  driflig  aan  ovcr,  dat  zij,  na  al  hun  bezit  vcrloren  te  hebben, 


r  31  ) 

somiijds  hunne  vrijhcid  zclvc  vcrtuischten,  hoewcl  zij  die  meer 
achttcn  dan  het  levcn.  Dcze  drifl  naar  drank  en  spel  was  oorzaak 
dat  er  dikwerf  hevigo  twistcn  ondcr  hcn  oprezcn,  waarin  men 
gewoonlijk  van  woorden  lot  daden  overging,  en  waaruit  niet 
zelden  doodslagen  volgden. 

De  disch,  noclitans,  waarbij  icder  zijnen  eigcn  slocl  en  tafel 
had  ',  was  eenvoudig  en  zuinig;  het  voedsel  bestond  mecstal  uit 
wilde  vriichten,  vlcescli,  visch,  eicren  en  gcstremde  melk,  doch 
hunne  meest  gcliefkoosde  spijs  was  varkensvlecsch.  Moeskruiden 
of  groenten  schijncn  hun  zooveel  als  onbekend  te  zijn  geweest, 
en  wat  hunne  dranken  betreft,  deze  bestonden  uit  ecn  afkooksel 
van  garst  of  koorn,  dal  naar  ons  hier  geleek  ;  uit  mee,  voortko- 
mende  uit  de  gisting  van  honig,  geraengd  met  water,  en,  naar  men 
V,  il,  ook  uit  jenever  ^. 

Het  gebruik,  uit  buffelshorcns  te  drinken,  ofwel  uit  de  sche- 
dels  van  verslagene  vijanden,  was  bij  de  Germanen  insgelijks  in 
zwang;  zij  lieten  ook  nooit  na  hunner  gasten  gezondheid  voor  te 
stellen  onder  het  uitsprekcn  van  :  wacht  heil!  drink  heil  !  en 
men  had  hun  smaad  aangcdaan,  daarbij  niet  eerst  van  den  aan- 
geboden  drank  te  proevcn,ten  teeken,  waarschijnlijk,dat  er  noch 
verraad  noch  bedrog  onder  schuilde. 

Hoewel  niet  van  gcestesgaven  ontbloot,  maakten  zij  weinig 
werk  van  verstandelijke  oefeningcn  ;  zij  kenden  noch  kunsten 
noch  wetenschappcn;  het  gros  des  volks  leerde  noch  lezen  noch 
schrijven,  maar  van  kindsbeen  af  hardden  zij  hun  lichaam  tegen 
de  vcrmoeinissen  en  de  guurheid  des  weders.  Zij  hielden  veel  van 
zwemmen,  te  paard  rijden,  jagen  en  de  speer  werpcn.  Bij  deze 
en  dergelijke  oefeningen  bepaaide  zich  geheel  hunne  oefening. 

Zoolang  de  zonen  der  Germanen  minderjarig  waren,  telden  zij 
voor  niets  in  de  maatschappij;  zij  stonden  ondcr  het  toezicht  van 
dcn  vader,  die  hen  in  den  wapenhandel  oefende;  doch  cens  den 
vereischten  ouderdom  bereikt  hcbbendc,  leiddc  men  hen  in  de 
volksvergadering  en  ontvingcn  zij  schiW  en  lans,  waardoor  zij 

'  Tacitus,  Mor.  Gcrm.,  cap.  22. 

^  Anton,  Geschichte  der  Deulschen  La7idwirlhscliaft,  I,  32. 


(  52) 

opliielden  alleen  den  gezinne  te  behooren  en  mondig  werden 
verklaard. 

Nietvoor  de  jongeling  twinlig  jaren  was  geworden  en  getooud 
had  in  staat  te  zijn  om  het  vaderland  te  verdedigen,  koos  hij,met 
goedvinden  zijner  ouders,  eene  echtgenoote,  waarbij  deugd  en 
onschuld  vooral  zijne  aandaclit  vestigden.  De  docliters  liadden 
geene  vrije  keuze,  maar  moesten  zich  den  jongeling  lalen  welge- 
vallen,  dien  hare  ouders,  of  na  dezer  overlijden,  liare  broeders  of 
yerwanten  haar  oplegden.  Ook  bracht  de  vrouw  geenen  briiid- 
schat  aan  den  man,  maar  deze  aan  de  vrouw.  Deze  bruidschat 
beslond  gewoonlijk  in  cen  opgetuigd  paard.een  paar  ossen,bene- 
vens  een  scbiid  met  framei  en  zwaard.  Hierdoor  kon  de  vrouw 
zich  steeds  het  mannelijk  bestuur  herinneren,  waaraan  zij  zich 
onderwicrp  en  waarnaar  zij  luisteren  moest,  evenals  een  gctoomd 
paard  naar  zijnen  berijder;  den  arbeid,  welken  zij  met  haren 
man,  tôt  onderhoud  van  het  gezin  te  verrichlen  had,  evenals 
een  koppel  ossen,  die  le  zamen  den  plocg  irekken,  en  eindelijk 
het  gevaar  dat  zij,  zoowel  als  de  genoegens,  met  hem  te  deelcn 
had,  zonder  hem  daarin  te  verlaten.  Door  het  wapentuig,  dat  de 
vrouw  dan  ook  gemeenlijk  aan  den  bruidegom  gaf,  werd  deze 
daarenlegen  herinnerd  wat  zijne  roeping  was,  en  wat  zijne 
gezellin,  die  zich  aan  hem  oveigaf  en  toevertrouwde,  van  hem 
cischen  en  verwachtcn  kon  *.  Eens  de  overeenkomst  gesloten, 
had  de  trouwbelofie  of  onderli'ouw  plaats,  hetgecn  gcschiedde 
met  de  verwisseling  der  ringen,  waarna  ten  bepaalden  dage  de 
echt  werd  gevierd  in  't  mallum  of  gouwding,  ten  bijwezen  der 
magen  en  vrienden  van  de  verloofden. 

's  Anderdaags  gaf  de  echtgenoot  aan  de  vrouw  een  geschenk, 
gcheeten  morgengave^  en  kwamen  bloedverwanten  en  vrienden 
liaar  insgelijks  met  geschenken  vereeren.  Zoohaast  de  vrouw  die 
ontvangen  had,  werd  heur  haar  gevlochten  en  opgebonden;  van 
dan  af  begon  hare  laak  van  huisvrouw  en  blecf  zij  haren  man  in 
ailes  ondergeschikt. 

^  Van  der  Aa,  Aardnjksliundig  woordenhoek  der  Nederlaiiden,  I,  alge- 
meen  overzii^t,  bl.  6. 


(53) 

Het  schijnt  niet  dat  voor  de  invoering  des  christendoms  onze 
Germaansche  vooroiiders  de  trouwbelctselen  kendcn  :  immers 
nog  in  554  zien  wij  Rad\vig,koningder  Warners  (ecn  heidensclie 
volksstam  in  Fricsland),  zijne  sclioonmocder  liuwen,  tcrwijl  nog 
in  de  X*"  ceuw  de  bewoners  van  't  eiland  Walcliercn  met  hunne 
zuster,  en  ja  met  hunne  eigene  moeder  trouwden  '.  Ilct  gebeurde 
zeiden  dat  de  huwelijksplichten  overtreden  wcrden  :  wanneer 
dit  bij  de  vrouw  plaats  bad,  onderging  zij  dan  ook  cène  voor- 
bceldige  bestrafïing  :  de  ecblgenoot  sneed  haar  de  haarlokken  af 
en  joeg  haar,  in  de  tegenwoordigheid  harcr  bloedverwanten, 
gansch  naakt  uit  den  huize,  zonder  er  nog  naar  om  te  zien.  De 
echtseheiding  kon  niet  dan  om  zware  rcdens,  als  overspel, 
onvmchtbaarheid  dcr  vrouw  en  onvermogen  des  mans,  soms 
ook  wel  door  den  vrijen  wil  beider  echtgenoolen,  worden  uilge- 
sproken.  Het  was  zeldzaam  dat  de  vrouw,  weduwe  geworden,  een 
tweede  huwcb'jk  aanging. 

Er  waren  dric,  of  liever  vier  standen  bij  de  Germanen  :  de  adel, 
de  vrijgeborenen,  de  vrijgemaakten  en  de  lijfeigenen.  Het  opper- 
hoofd  of  de  koning,  die  een  zeer  bcperkt  gezag  uitoefende,  werd 
uit  den  adel  gekozen,  en  wel  voornamelijk  uit  diegenen,  welke 
door  schranderheid,  beleid  en  doorzicht  boven  anderen  uit- 
blonkcn.  Zoodra  de  keuze  gedaan  was,  werd  de  verkozene  op  een 
scbild  gezet  en  door  uitgelezene  jongelingen  in  de  hoogte  gchcven. 
De  daarop  volgende  oversten  droegen  den  naam  van  hoofdrech- 
ters  of  opperhoofden;  deze  hadden,  ieder  in  zijne  landslrcek, 
le  beslissen  over  zaken  van  gewoon  belang,  terwijl  de  groote  aan- 
geiegenheden  wcrden  verhandeld  op  landdagen  of  volksverga- 
deringen,  waar  ieder  vrijgeborene  spreken  en  stemmen  mocht. 
Dcze  vergaderingen,  welker  bijwoning  niet  verplichlend  was. 
wcrden  in  de  opene  îucht,  bij  nieuwe  of  voile  maan,  gehouden,cn 
eindigdcn  gewoonlijk  met  een  gastmaal.Aan  iederender  genocmde 
boofdrechters  wcrden,  op  dezelfde  wijzc,  bonderdmannen  (cenle- 
narii)  toegevocgd,  die  een  rechtsgebied  van  minderen  omvang 
hadden,  hun   tcvcns  tôt  raden   verstrekten  en  hunne  vcrricli- 

'  Wage.naar,  Vaderlandsche  historié,  I,  316. 

Tome  XXXH.  5 


(34  ) 

lingen  gezag  bijzetteden.Dcze  laatsten  dienden  den  opperhoofden 
in  vrcdesfijd  tôt  luister,  en  in  tijden  van  oorlog  tôt  bcscherming, 
want  elk  ijverde  om  het  naast  bij  zijn  opperhoofd  te  zijn  en  hem 
in  manhaftigheid  te  evenaren,  zoo  niet  te  overtrefTen. 

De  vrijgeborenen  hadden,  als  de  edelen,  de  uitgestrektste  pcr- 
soonlijke  vrijheid  en  onafhankelijkheid;  allcn  hadden  gelijke 
rcchten  en  gelijk  stemrecht  in  de  volksvergaderingcn,  behalve 
dat  de  edelen  na  den  koning  het  woord  voerden  en  de  bestuur- 
lijkc  ambten  hiin  bij  voorkeur  werden  opgedragen.  Deze  stand, 
die,  evenals  de  edelen,  geene  belasting  betaalde,  maakte  de  aan- 
zienlijkste  raacht  der  natie  uit. 

De  vrijgemaakten  waren  zulken,  die  slaaf  geweest  waren  en 
hunne  vrijheid  bekomen  hadden,  't  zij  om  bijzondere  getrouwig- 
heid  of  om  eenige  uitstekende  daad  in  den  krijg.  Zij  mochten 
geene  getuigenis  afleggen  noch  openbare  ambten  bedienen,  en 
vormden  alzoo  eene  klas  tusschcn  de  vrijen  en  de  lijfeigenen, 
nagenoeg  gehjk  aan  de  lidi  der  Salische  wet  en  aan  de  laten  der 
middeleeuwen. 

De  slaven,  of  lijfeigenen,  eindelijk,  waren  zondcr  rang  in  de 
samenleving.  Alhoewel  geheel  en  al  in  de  macht  hunncr  meesters, 
zonder  wier  toestemming  zij  zelfs  niet  mochten  in  den  echt 
treden,  waren  zij  echter  niet,  gelijk  bij  de  Griekcn  en  de 
Romcinen,  aan  ruwe  mishandelingen  blootgesteld.  Zij  verrichtlen 
den  huisdienst  of  het  landwerk,  bewoonden  afzonderlijke  hutten 
in  de  nabijheid  van  de  hoeve  hunner  eigenaars  en  wisten  voorts  wat 
zij  dezen  in  vergelding  der  hun  overgelatene  gronden,  in  koorn, 
vee  of  kleedingstukken,  hadden  op  te  brengen.  Het  waren  der- 
halve  geene  slaven  in  den  vollen  zin  van  het  woord,  maar  veeleer 
dienstbaren,  aan  hun  kort  gesneden  haar  en  bijzondere  kleeding 
van  de  vrijen  en  de  vrijgemaakten  te  onderscheiden.  Dusdanigen 
waren  de  kinderen  der  onvrijen;  de  krijgsgevangenen;  dcgcnen 
die  door  spel,  hongersnood  of  andere  ongelukken  hunne  vrijheid 
verloren  hadden,  alsmede  dezulken,  die  hun  verschuldigd  weer- 
geld  niet  konden  betalen. 

Gelijk  men  eenige  regelen  hooger  gezien  heeft,  was  de  volks- 
macht  bij  de  Germanen  zeer  uitgebreid.  Dit  uitvloeisel  hunncr 


(35  ) 

vrijheidszuclit  blonk  vooral  iiit  op  de  aîgemeene  landdagen, 
waarop  vrede  en  oorlog  of  andcre  belangrijke  zaken  aan  hct 
gemeen  goedvinden  onderworpcn  werdcn.  Indien  liet  gedane 
voorstcl  misliaagde,  werd  dit  met  algemeen  gcmor  afgekeurd; 
bcliaagde  hct,  dan  werd  zulks  door  het  schiidden  der  speren  aan- 
getoond.  De  door  lien  gekozene  oversten  liadden  geen  ineerder 
gezag  dan  de  onderdanen,  maar  moesten  zich  naar  de  mccrder- 
heid  voegen;  zelfs  den  koning  werd  geen  meerder  voorrcclit  toe- 
gekend  dan  hen  ten  oorlog  te  geleiden  en  hiinne  vergadcringen 
voor  te  zitten;  zoodat  hunne  politieke  inrichting,  nagenoeg  gelij- 
kende  aan  die  van  Zwitserland,  aïs  de  grondsiag  onzer  hedcndaag- 
sche  instellingen,  beheerscht  door  het  princiep  der  volkssouve- 
reiniteit,  mag  worden  aangemerkt. 

Wij  zien  in  de  boeken  van  C^sar  en  Tacitus  dal  de  grondei- 
gendom  bij  de  Germanen  door  gansch  andere  wetlen,  als  later 
Icn  onzent  in  voege  gekomen,  beheerd  werd.  Niemand  van  hen, 
zegt  C^SAR,  had  vaste,  bepaalde  akkers,  maar  elk  moest  zich  te 
vreden  houden  met  hetgeen  de  kantonrechters  jaarh'jks  onder  de 
verschilh'ge  familiehoofdcn  ter  bebouwing  aanwczen.  indervocge 
dat  dczelfde  grond  nooit  gediirende  Iwee  achtereenvolgendc  jaren 
in  iemands  bezit  bleef.  De  oorzaak  van  dit  gebruik  schrijft  bij 
daaraan  toe,  dat  men  wilde  belctten  dat  het  volk,  zich  te  veel  aan 
het  plaatselijke  levcn  der  landbouwers  hechtende,  zijnen  oorlogs- 
geest  zoude  verhezen;  dat  de  toenemende  vergrooting  cens 
grondeigendoms  eindigen  zou  met  de  rijken  machtig  genoeg  te 
niaken  om  de  armen  te  verdrukken,  en  dat  de  bezitlingsgeest,  tôt 
ecne  noodlottige  begeerhjkheid  aanleiding  gevende,  twisten  en 
oneenigheden  zou  doen  ontstaan  en  het  gevoel  der  gehjkheid  ver- 
nictigen  *. 

Naarmate  een  volksstam  zich  in  eene  onbewoonde  landstreek 
kwam  nederzetten,  kreeg  elk  hondcrdtal  famihën,  waaruit  de 
gemeente  was  samengesteld,  een  deel  grond,  dat  in  loten  of 
kavels  gesplitst,  tusschen  ieder  van  hen  werd  onderverdeeld. 
Deze  loten  waren  min  of  meer  beduidend,  volgens  het  aanzien 

^  C.ïSAR,  VI,  22. 


{  30  ) 

en  dcn  rang  der  familiehoofdcn,  wclke  ze,  op  hunne  beurt,  aan 
hunne  dienstlieden  ol' lijfeigenen  afstonden,  om  door  dezen,  mits 
de  hooger  aangeduide  vergelding,  tôt  den  vruchtenkweek  te 
worden  aangewcnd  '. 

Het  aldus  verworven  eigendorasrecht  kon  niet  worden  ver- 
vreemd  dan  met  inachtneming  van  streng  nageleefdc  bepalingrn. 
Kwam  de  vader  te  stervcn,  zoo  vervicl  zijne  bezitting  van  rechls- 
wege  op  dcn  oudsten  zoon  of,  indien  hij  geene  raannelijke  erfge- 
namen  achlerliet,  op  den  naasten  vaderlijken  bloedverwant,  want 
de  vrouwen  waren  van  aile  bezitrecht  uitgesloten.  In  vergoeding 
>verden  aan  de  andere  zonen  nieuwe  loten  in  de  gemeentegronden 
afgestaan,  waardoor  zij  gelijke  rechien  in  den  Staat  verkregen  en 
bijgevolg  gclijkelijk  bedeeld  wcrdcn"^.  Het  opvolgingsrecht  was  in 
voîkomene  overcensteraming  met  de  inrichting  der  familie;  bel 
had  zijnen  grondslag  in  het  princiep  dal  de  onroerende  gocderen 
om  zoo  te  zeggcn  eene  massa  uitmaakten,  wclke  toebeboorden  aan 
de  familie,  als  gerechtelijke  gemeenle  bcschouwd.  Binncn  zijn  leven 
kon  de  bezitter  dezer  goederen  er  niet  vrijlijk  over  beschikkcn  ; 
de  bloedverwanten  hadden  het  recht  zich  legen  de  ontvrecin- 
dingcn,  die  hij  zonder  hunne  loestemming  deed,  te  verzcltcn. 
Na  zijne  dood  kwam  het  bezitrecht  zich  in  den  persoon  van  den 
erfgenaam  vcrcenigen,  met  de  rechten,  die  hem  te  voren,  in  zijne 
boedanigheid  van  lid  der  familie,  waren  toegekend.  Hij  volgdeden 
overledene  op  in  zijne  goederen,  gelijk  hij  hem  opvolgde  in  de 
plichten  van  beschcrmingen  familiewraak,  die  ermede  vcrbonden 
waren  ^. 

Het  strafstelsel  der  Germanen  was  even  weinig  ingewikkeld  en 
gansch  in  ovcreenkomst  met  hunne  staalkundige  inrichting. 
Alleen  tegcn  de  verraders,  de  overloopers,  de  lafaards  en  de 
eervergetenen,  zcgt  Tacitus,  werd  de  doodstraf  uitgesproken;  al 
de  andere  misdrijvcn  en  overtredingen  werdcn  slechts  als  per- 
soonlijke  belccdigingcn  aangczien,  w^elker  beslraffing  men  over- 


*  Tacitls, 3/or.  Germ  ,  cap.  26. 

2  Ph.  Blommaert,  Aloude  Geschiedenis  der  Delgen,  480. 

3  Ganser,  Le  droit  coutumier  (Delg.  jud.,  X,  150). 


i 


(  37  ) 

liet  aan  degenen,  die  in  hunnen  pcrsoon  of  goederen   waren  le 
kort  gedaan.  Het  was  zelfs  eene  plicht  voor  iedcreen  hct  hem 
toegebrachte  leed  niet  ongevvroken  te  laten ,  gclijkmede  voor  elk 
lid  dcr  familie  van  den  beleedigde  het  recht  van  wraakneming, 
dat  men  faidha  noemde,  uir  te  oefenen.  Dat  hier  misbruiken  iiit 
sproten,  is  te  begrijpen,  en  't  was  dan  ook  om  die  le  keer  te  gaan, 
dat   de   Germaansche  wet  op   den  duur  een  bevredigingstelsel 
invoerde,  door  de   zaken   van    dien   aard  aan  het   oordeel  der 
rechters  te  onderwerpen.  Deze  bepaalden  derhalve  het  bedrag  der 
I)oete,  door  den  misdadige  op  te  brengen,  en  waarvan  de   Iwee 
(lerden,  of  het  eigenlijke  weergeld,  aan  den  verongelijkte  of  dezes 
famille,  het  overig  derde  aan  àcn  vorst  of  aan  den  slaat  toekwam. 
De  grootste  misdaden,  als  doodsiagen,  brandslichtingen  en  dief- 
stallen  konden  aizoo,   gelijk  de  lichle   belcedigingcn,  door   het 
weergeld  worden  afgekocht,  maar  de  verzoeningsprijs  verschilde 
natuurlijk  naar  gelang  van  het  misdrijf  of  de  overtreding.  Wan- 
neer  de  boetplichtige  niet  voldoen  kon,  bleef  ei^  hem  niets  anders 
over  dan   met  zijne  vrouvv   en    kinderen    in    dienslbaarheid   le 
Ireden,  of  wel  gebruik  te  maken  van  het  hem  toegestane  vour- 
rechl,  de  hem  opgelegde   plicht  «  van  zijnen  nek  te  schudden  » 
en  er  zijne   naastbestaanden  mede  te  belasten.   Dit  zonderling 
gebruik,  chrenecliriida  geheelen,  en  dat  eerst  in  595  door  koning 
(]hildebert  kon  worden  afgeschaft,   bestond  hierin  :  de  veroor- 
deelde  riep  zijne  bloedverwanten  bijeen,  nam  met  de  linkerhand 
een  weinig  aarde  uit  de  vier  hoeken  zijns  huizes,  ging  zich  ver- 
volgens  op  den  drempel  der  woonst  plaatsen,  met  het  gelaal  naar 
binnen   gekeerd,   en  wierp  de    aarde  over  de    schouders   zijns 
naasten  blocdverwants,  die  daardoor  met   de  belaling  van   het 
weergeld  belast  bleef.  Daarna  ontkleedde  hij  zich  lot  op  het  hemd, 
sprong  blootshoofds  en  barvoels,  met  eenen  stok  in  de  hand,  over 
de  haag,  die  zijn   eigendom  afsloot,  na   vôor  twaalf  getuigen  te 
hebben  gezworen  dat  hij   boven   of  onder  de   aarde  niets   mecr 
bczat,  dan  hij  had  aangeboden.  Dit  gedaan,  kon  hij  voor  de  op  hem 
•  drukkende  boete niet  meer  vervolgd  worden,  tenware  de  verschil- 
lige  leden  zijner  familie,  op  welke  hij  alzoo  beurlelings  de  chrene- 
chruda  loepaste,  niet  betalen  konden,  in  welk  geval  de  boel- 


(  58  ) 

plichlige,  na  viermaal  door  den  klager  te  zijn  aangemaand  gcweest, 
de  doodstraf  onderging  *. 

Alhocwel  heidenen,  liechtten  onze  voorouders  een  groot  belang 
aan  hunne  godsdienslige  plechligheden;  zij  oefendendiebij  voor- 
keur  op  de  heuvels  en  in  het  dichtste  der  wouden,  aan  bronnen  of 
rivieren,  en  hadden  een  zeer  hoog  begrip  van  de  godheid,  welke 
zij,  gelijkTACiTus  ons  leert,  niet  vatbaar  geloofden  om  in  tempels 
te  worden  opgesloten.  Evenals  hunne  hutten  was  de  offerplaats 
afgeslotcn  door  een  gracht  of  paalwerk,  en  daar  te  midden,  naar 
de  oostzijde,  stond  het  ou  ter  van  steenen  blokken,  hetwclk  door- 
gaans  rond  en  bedekt  was.  Rondom  deze  plaats  vvaren  loofhulten 
van  boomtakken  met  banken,  waar  men  de  godsdienslige  feest- 
malen  hield.  Dat  zij  naderhand  ook  tempels  bouwden,  blijkt  uit 
de  ievensbeschrijving  van  St.  Elooi,  waarin  men  vindt  dat  deze 
geloofsprcdiker,  in  Menapië  gekomen,  daar  vêle  tempels  ver- 
nielde  :  fana  nonnulla  deslruxit,  waar  Thor,  Woden  en  Freyr 
werden  aanbeden. 

Hunne  godenleer  was  niet  min  uitgebreideningewikkeld  als  de 
mythologie  der  Grieken.  Hun  grootste  god  was  Woden,  bij  C^sar 
en  andere  Romeinsche  schrijvers  door  J/ercMn'Msaangewezen,en, 
als  de  schepper  van  het  lieelal  en  het  menschelijk  geslaeht,  ook 
wel  Alfador,  Alfadur,  Alvader  %(inoQmà.  Daarop  volgden  Thor, 
de  god  des  donders  en  der  luchtgesleldheid,  en  Freya,  Wodens 
echtgenoote,  als  de  godin  der  liefde,  des  huwelijks  en  der  vrucht- 
baarheid  vereerd.  Voorts  hadden  zij  JVîord,  den  god  der  winden, 
der  zee  en  des  vuurs;  Tyr  of  Dys,  in  de  Edda  als  de  dapperste 
der  goden,  naast  Woden,  beschreven;  Bragi,  beroemd  wegens 
zijne  wijsheid  en  welsprckendheid;  Hehndallrj  ook  de  witte  god 
genoemd,  van  wien  men  zegt  dat  de  negcnde  niaand  (November) 
hem  is  toegewijd;  Baldet,  Vidar,  Loki  en  meer  andere  goden, 
ascn  en  asinen,  die  ieder  de  eene  of  andere  deugd  of  hoedanigheid 
verpersoonlijkten.  Ook  wil  men  dat  de  nog  tegenwoordig  bij  ons 
gebruikt  wordende  namen  van  de  dagen  der  week  aan  de  namen 
hunner  godheden  onllcend  zijn.  De  twee  eerste  waren,  namelijk, 

*  ScHAYES,  La  Belgique  et  les  Pays-Bas,  I,  258. 


(59) 

nan  de  Zon  en  de  Maan,  door  lien  mede  als  godheden  vereerd, 
toegewijd  ;  de  derde  werd  naar  Dijs,  dcn  dapperen  strijdgod, 
genaamd;  de  vierdc  naar  Woden;  de  vijfde  naar  Thor;  de  zesde 
naar  Freyr  of  Freya,  terwijl  de  laatste,  naar  men  wil,  zou  afgeleid 
zijn  van  de  Romcinsche  godheid  Saiin^nus,  die  ook  bij  de  Kellen 
werd  vereerd. 

Het  Walhalla  was  de  plaats,  waar  de  zielen  der  op  't  slagveld 
gesncuvelden  door  zekere  goddelijke  raaagden  of  witte  vrouwen, 
Nornen  en  \Yalkuren  gchceten,  werden  opgenomen  :  aldus  eene 
soort  van  lieldenhemel,  in  tegenstelling  met  HeÂheim^  de  ondcr- 
aardsche  verblijfplaats  van  de  zielen  der  anders  gcstorvenen. 

Boonien,  waterpoelen  en  bronncn,  ja  tôt  kocien,  paarden  en 
vogelen  werden  door  onze  ^oorouders  insgelijks  vereerd;  inzon- 
derheid  den  eik,  dit  zinnebeeld  van  macht  en  grootheid,  schreven 
zij  eene  gebeimnisvolle  kracht  toe;  zij  bescbouwden  hem  als  den 
stamvader  der  menschen  en  des  menschelijken  geslachts,  in  wiens 
kruin  zich  de  godheid  bij  voorkeur  verborgen  hield,  en  voor 
niets  ter  wereld  zoiiden  zij  hunne  bijl  erhebben  aangeslagen,  zelfs 
dan,  wanneer  bij  door  oiiderdom  vergaan  was  of  een  slorm  hem 
had  neergeveld. 

Ter  verricliting  der  godsdienstige  plechtigheden  had  men 
priesters,  zangers  en  priesteressen;  de  eerstgenoemden,  met  eene 
buitengewone  macht  bekleed  en  bijzonder  invloedrijk,  waren 
de  offeraars  bij  gewone  feesten  en  vergaderingen,  raadpleegden 
de  goden  bij  algemecne  onheilen  en  landsrampen,  bewaarden  de 
onschendbaarheid  der  heilige  woudenenofferplaatsen,  hielden  de 
orde  in  de  volksvergaderingen  en  bij  het  léger  en  voerden  de  dood- 
vonnissen  iiit.  De  zangers  of  skalden  zongen  den  lof  der  goden, 
beiirden  door  hunne  liederen  den  strijdlust  bij  het  volk  op  en 
maakten  deel  van  den  geestelijken  stand;  terwijl  de  priesteressen 
oî  alrunen  niet  alleenlijk  profezeerden,  maar  ook  de  geneeskunde 
bcocfenden.  Eene  dergelijke  priesterin  was  Velleda,  die  in  den 
krijg  der  Belgen  tegen  de  Romeinen,  oiider  Civilis,  haren  land- 
genooten  heil  en  Romes  ondergang  voorspelde.  —  Wichelaars  en 
waarzcgslers  bezaten  ook  grooten  invloed,  dewijl  deze  in  aile 
belangpijke  omstandigheden  werden  geraadpleegd. 


(  iO) 

De  offers  bestondcn  in  aile  slag  van  vec  en  gevvassen,  vooral 
paarden,  ossen  en  slieren,  welker  vleesch  gczoden  en  onder  de 
gildegenooten  (want  de  Germanen  waren  tôt  gezamenlijke offerande 
en  wederzijdsche  verdediging  genoolschappelijk  vereenigd)  werd 
iiitgedeeld.  Het  bloed  van  het  geslachte  dier  werd  in  bekkens  of 
vaten  verzameld,  waarmede  men  den  heiligen  disch  en  het  outer 
bestreek  en  de  deelnemers  besprengde.  De  eerste  beker  werd 
Woden  toegedronken  voor  des  konings  zege  en  het  landsheil;  dan 
1er  eer  van  Niord  en  Freya,  voor  den  zegen  over  de  vruchten  der 
aarde  en  den  vrede;  de  andere  bekers,  ter  gedacbtenis  van 
beroemde  helden  of  der  afgestorvene  bloedverwantcn.  De  wijze, 
waarop  onze  Gerraaansche  voorvaderen  bij  het  ofFeren  te  werk 
gingen,  was,  zoo  men  ziet,  eenvoudig  en  stichtend,  en  niet  zoo 
wreed  als  bij  de  Gallen,  die  hunnc  offers  op  eene  waarlijk 
onmenschelijke  wijze  ombrachten.  *  Het  dient  evenwel  niet  ver- 
zwegen  te  worden,  dat  groote  misdadigers  of  gevangenen  somtij'is 
ook,  tôt  bedaring  van  den  toorn  der  goden,  werden  geslachtofferd. 

Even  eenvoudig  doch  indrukwekkend  was  hunne  begravings- 
wijze.  Nadat  het  lijk  gedurende  drie  dagen  en  drie  nachlen  door 
magen  en  vrienden  bewaakt,  en  de  overledene  door  lofliederen 
wasbezongen  geworden,droegmen  het  naar  de  grafplaats,dichtbij 
het  gewijde  woud.  Daar  werd  het  lijk  op  eenen  houtstapel  lot 
assche  verbrand  en  de  asch  in  eenen  aarden  pot  of  lijkbus  ver- 
zameld, welke  men  daarna  met  graszoden  overdekte.  Dit  gedaan 
zijnde,  hield  men  het  doodenmaal  en  dronk  de  zoon  sin  faders 
minne;  hoe  meerdaaraan  medehielpen,  hoe  grooler  eer  den  over- 
ledene bewezen  werd.  De  lijkbrand  hadgewoonlijkplaats  bij  onder- 
gaande  zon,  wanneer  het  tôt  weemoed  stemmend  tafereel  der  in 
rust  zijgende  natuiir  nog  den  indruk  van  het  treurige  tooneel  kon 
vergrooten.  Bij  den  lijkbrand  van  vorsten  of  andere  aanzienlijkcn 
des  geslachts  verbrandde  men  ook  de  voorwerpen,  die  de  afgestor- 
vene meest  had  gelicfkoosd,  als  zijn  paard,  den  bond  en  soms  den 
slaaf  van  den  hcld.  Wceklachten  en  tranen  hielden  spoedig  bij 
hen  Oj). 

*   DiODOR.  SlCDL.  lib.  V. 


(  41   ) 

Vcclvuldig  waren  de  plaatsen,  waar  de  vcrbrande  overblijfsclen 
derovcriedenen  aldiis  werden  hijgezet.  Die  grafheuvclcn  (tumuli), 
zooals  men  er  hier  te  lande  thans  nog  verscheidene  aantreft  *, 
waren  gewoonlijk  eenen  halven  lot  vier  voet  hoog  en  liadden  van 
()  tôt  20  schreden  in  den  omvang.  Nevens  de  gemelde  asch-  en 
beenderurnen  werden  sonilijds  kleinere  geplaatst  met  spijs  en 
drank  voor  de  afgestorvenen,  niet  zelden  ook  met  allerlei  andere 
voorwerpen,  als  :  metalen  ringen,  armbanden,  halsversiersels  en 
dergelijke. 

Wij  zegden  liooger  dat  onze  Germaansche  vooroudersongcmeen 
bijgeloovig  waren.  De  antwoorden  hunner  waarzeggers  werden 
aïs  godspraken  geëerbiedigd;  men  gaf  acht  op  het  geluid  en  het 
vliegcn  der  vogelen  en  op  het  gehinnik  van  witte  paardcn,  tôt  dat 
einde  in  eene  afzonderlijke  plaats  gevoed.  Zocht  men  den  uitslag 
van  eenen  moeilijken  oorlog  te  kenncn,  men  liet  eenen  vrcemden 
krijgsman  met  eenen  eigen  landgenootin  het  strijdpcrk  gaan  en  de 
lîitslag  wcrd  als  een  voortecken  opgenomen.  Het  vuur  kende  men 
eene  heilzame  kracht  toe;  zelfs  de  rook  had  een  wonderbaar  ver- 
mogen,  terwijl  de  asch  met  de  handen  weggcdragen  en  op  de  akkers 
gestrooid  werd,  in  de  hoop  van  eenen  goeden  oogst  te  bckomen. 

Onderlusschen  geloofde  men  vrij  algemeen  aan  een  opper- 
wezen  en  aan  zijne  alomtegenwoordighcid  ;  men  verwaehtte  een 
onstcrfelijkleven  in  Wodens  paleis,  het  prachtigc  Walhalla,  waar 
de  zaMgen  oud  hier  zouden  drinkeniiit  de  schedelsder  verslagene 
vijanden,  hetgeen  ons  de  twec  groote  trekken  van  den  aard  der 
Germancn  te  kennen  geeft  :  eene  voortreffelijkc  gave  —  de  dap- 
perheid;  eene  groote  ondeugd  —  de  dronkenschap. 

Aangaande  liunne  godsdicnstige  feesten  is  't  een  opgemerkt 
feitjdat  die  levens  als  volksvermaken  waren  ingericht.  Die  feesten 
hadden  vooral  den  eerdienst  der  naluur  lot  grondslag  en  de  jaar- 
gelijden  speelden  daarin  de  hoofdrol.  Dusdanig  waren  de  vier 
groote  jaarlijksche  feesten  of  ofTerdagen  onzer  voorouders,  welke 

*  Namelijk  in  de  omslreken  van  Ronse,  te  Roeselare,  SL-Denijs-Wes!rem, 
Merendre,  Melle,  Dikkelvenne,  Mespelare,  Waasmunster,  Baasrode,  Aslenc 
(in  Vlaanderen),  te  Rethy,  bij  Postel  (Anlvverpen),  le  Savenlhem  (Brabant),  le 
Ampvin,  Avesnes  (Luik)  enz. 


(  42  ) 

nog  heden  len  dage  omirent  dezelfde  tijdstippen,  doch  onder 
andere  benamingen  en  met  anderc  slrekkingen,  gevierd  worden. 
De  eerste  dezer  pleclitighedenjhet  Joel-of  Midwinlerfeestgenaamd, 
was  verreweg  de  belangrijkste  en  ingesteld  ter  verlicerlijking  der 
nieuwe  zon,  waarbij  de  goden  op  de  aarde  neerdaalden  om  den 
menscben  heil  en  vreugde  aan  te  brcngen.  Zij  ving  aanwanneer 
de  zon,  aan  den  zuiderkeerkring  gekomen,  hare  terugreis  tôt  ons 
schijnt  te  bernemen,  dus  in  den  nacbt  van  den  21  Deceraber, 
waarmedc  de  eerste  maand  des  jaars  begon  en  een  nieuw  licbt  en 
levcn  opging.  Dit  feest,  dat  bij  de  invoering  van  't  Christendom 
in  't  Kerstfeest  overging,  duurde  twaalf  dagen  en  werd  op  de 
luidrucbligste  wijze,  onder  zingen,  spelen  en  drinken,  bij  naclite- 
lijke  vreugdevuren  en  feestmalen  gevierd.  Den  dertienden  dag 
werd  bet  gesloten,  en  die  dag  werd  daarom  Dertiendag  genoemd, 
zooals  nog  beden  in  vêle  streken  Driekoningendag,  de  dertiende 
dag  na  Kerstdag,  Dertiendag  wordt  geheeten.  Gedurende  bet  Joel- 
feest  werd  aile  grof  werk  opgescborst  ;  de  misdadigers  waren 
alsdan  voor  de  vervolgingen  des  gerecbts  bevrijd,  en  aile  twist  of 
gcvecbt  werd  uitgesteld.  Men  braoht  zijncn  vrienden  bezoeken, 
deed  elkaar  gescbenken,  en  zoo  men  met  iemand  in  oneenigbeid 
bad  geleefd,  men  poogde  zicli  weder  te  verzoenen. 

Hct  Iweede  groote  feest,  dat  gevierd  werd  bij  de  lenteëvening 
en  met  den  voornaamsten  der  algemeene  landdagen  samenviel, 
droeg  den  naam  van  bet  Oosterfeest.  Dan  voerde  men  bet  beeld 
des  doods  of  des  winters  naar  den  vloed  of  de  grens  van  de  gouw 
en  bracbt  bet  sierlijk  gebulde  beeld  der  herlevende  natuur  jube- 
lend  in  de  plaats. 

Het  derde,  dat  Midzomerfeest  werd  gebeeten,  viel  op  bet  tijd- 
stip  dat  de  zon  baar  hoogste  standpunt  aan  den  bemel  bereikt, 
dit  is  rond  20  Juni.  Dien  dag,  evenals  op  bet  Oosterfeest,  werd 
bet  Noodviiur  aangestoken,  ter  berinnering  aan  den  dood  van 
Balder  en  den  wereldbrand. 

Ilet  vierde  der  groote  jaarlijkscbe  feesten,  eindelijk,  bad  plaats 
bij  de  berfstevening  en  droeg  den  naam  van  bet  Oogstfeest. 

De  Germanen  voerden  ook  in  pleehtige  optocbten  hunne  goden 
door  de  gouwen  rond,  opdat  ze  bun  eenen  rijken  oogst  zouden 


(  43  ) 

schenken  en  andere  gunsteii  en  voordeelen  aanbrengcn.  Dit 
geschiedde  op  den  gewijdcn  wagen,  die  overdokt  was  met  cen 
kleed  en  voortgetrokken  werd  door  witle  paardcn,  of  somtijds 
door  koeien,  als  't  symbool  der  vruchtbaarheid. 

Een  onniisbaar  vcrmaak  bij  de  Germaanschc  fcesten  was 
't  dansen  om  vuren  en  't  springen  door  of  over  de  vlammen;  ook 
liaddcn  zij  hunne  scbouwspelen,  docb  niaar  van  ëcne  soort,  te 
weten  den  zwaardendans  :  naaktc  jongelingen  wierpen  zicb  met 
eenen  sprong  tiisscben  zvvaardcn  en  dreigende  frameeën,  en  badden 
van  die  oefening  eene  kiinst  gemaakt,  wclke  met  bcvalligheid 
gepaard  ging.  *  Dat  zwaarddansen,  gebjk  wij  verder  zullen  zien, 
bleef  tôt  het  einde  der  middeleeuwen,  ja  in  Vlaanderen  tôt  aan 
onzen  tijd  nog  in  den  smaak,  al  sprong  men  niet  meer  naakt  en 
op  't  einde  door  stokken  of  liouten  zwaarden. 

Onder  de  andere  spelen,  die  tôt  lichaamsbeweging  en  tijdverdrijf 
strekten,  waren  bet  steenwerpen,  't  spiesslingeren  en  't  springen 
de  meest  geliefkoosde,  en  de  vrouwen  vermaakten  er  zicb  mede 
zoowel  als  de  mannen.  Koningin  Brnnehilde,  in  't  Nevelingenlied, 
was  in  die  spelen  zoo  bebendig,  dat  zij  geenen  vorst  tôt  echtge- 
noot  begeerde,  of  bij  moest  haar  daarin  overtreffen.  Nog  hadden 
de  Germanen  de  bolspelen,  wedloopen  en  't  klimmen,  ongeliik- 
kiglijk ,  zoo  wij  zegden,  ook  het  dobbelspel,  waarbij  zij  zelfs,  als 
ailes  verspeeld  was,  hunnen  eigenen  pcrsoon  op  bet  spel  zetteden. 

Om  nu  deze  schets  van  de  zeden  en  gewoonten,  het  huiselijk 
en  openbaar  leven  onzer  Germaansche  voorouders  te  volledigen, 
boeven  wij  er  nog  eenige  woorden  bij  te  voegen  in  verband  met 
het  hoofdzakelijkste  deel  dezer  verbandeling  :  himne  landbouvv- 
kennis  en  hunne  handels-  en  nijverheidsbetrekkingen. 

Dat,  in  de  eerste  tijden  hunner  bezetting  van  onzen  grond,  de 
Germanen  zich  niet,  gelijk  hunne  voorgangers  de  Kelten,  op  den 
akkerbouw  toelegden,  is  een  punt  dat  ons  door  de  oude  schrijvers 
te  wel  is  bewezen,  om  het  te  mogen  in  twijfel  trekken.  Om  hen 
echter,  gelijk  men  gedaan  heeft,  af  te  schetsen  als  geenen  land- 
bouw  drijvende,  of  ten  minste  als  zicb  daar  weinig  mede  ophou- 

*  Tacitus,  3Ior.  Germ.,  cap.  24. 


(  44  ) 

dcnde,  zouden  wij  gegronde  redens  raoeten  hebben  om  de 
getuigenis  der  ouden  legcn  te  spreken.  Inderdaad  wij  lezen  bij 
C^SAR,  dat  de  Belgenzichin  onze  gewesten  iicderzettcndc,  daartoe 
waren  aangelokt  door  de  vnicbtbaarhcid  van  dcn  bodem  :  propter 
loci  fertilitalemj  en  tocn  Tituriiis  en  Cotta  hunne  legioenen  in  de 
gouwen  der  Menapiërs  leidden,  wordt  er  gezeid  dat  zij  de  korcn- 
velden  verwoestten,  terwiji  dezcifde  CiESAR  verhaalt  dat  hij,  het 
overrijnsche  Germanie  ontvluchtende,  waar  zijn  léger  gebrek  aan 
Icvensmiddelen  zou  gehad  hebben,  zijne  troepen  op  de  vruchtbare 
velden  der  Ebiironen  en  Ncrviërs  tcrugbracht. 

Een  ander  geloofwaardig  schrijver,  Plinius,  na  gemeld  le 
hebben  lioe  zij  hunne  korenlanden  bewerkten,  voegt  er  bij  dat  de 
Trevieren,  toen  hun  koren  in  eenen  buitengewoon  strengen 
winter  door  de  geweldige  koude  bevrozen  was,  hunne  landen 
in  de  maand  Maart  opnieuw  bezaaiden  en  aldus  eenen  zeer  rijken 
oogst  bekwamen.  Eindelijk  Cerealis,zooaIs  Tagitus  schrijft,  noemt 
diizell'deland,  en  Gallia  Belgicain  't  algemeen, /<:ectmrf/s  simum 
solum;  bewijzen  genoeg,  nieenen  wij,  dat  de  velden  van  Vlaan- 
deren,  Brabant,  Limbiirg,  Henegouw  en  Luxemburg,  hoevvel 
doorsneden  door  uitgestrekte  bosschen  en  moerassen,  voor  cen 
groot  deel  door  de  bebouwing  waren  vruchtbaar  gemaakt. 

Wij  willen  aannemcndat  de  landbouw  toen  echlor  nog  maar  in 
zijne  kindsheid  was  :  de  aangehaaide  oude  schrijvers  bewijzen 
het;  doch  waar  rogge,  garst,  baver,  vlas,  boekweit  en  meer 
andere  veldvruchten  groeiden  en  een  aanzienlijke  veestapel  de 
voornaamste  rijkdom  der  natie  uitmaakte,  zulk  land,  neen,  kan 
nict  worden  voorgcsteld  aïs  eene  wildernis,  en  de  verschillige 
volksstammen,  die  er,  onder  de  schaduwe  der  vrijheid,  hunnen 
zctel  hadden  opgeslagen,  kunnen  geene  barbaren  geweest  zijn. 

Onder  de  hooger  genoemde  volkeren  van  den  Germaanschen 
stanijdie  in  C/Esar's  tijd  België  bewoonden,  waren  de  Menapiërs 
de  meest  be>chaafden,  en  degenen  die  een  min  zwervend  leven 
leidden.  Allioewel  in  een  bij  uitstek  ongunstig  oord  gevesligd 
bebouwden  zij  hunne  velden  met  zorg  en  kunde  en  hadden  geleerd 
het  slijk  en  de  mergelder  rivierenmet  het  dorre  zand  van  duin  of 
heide  lot  meerdere  vruchtbaarmaking  le  vermengen.  Zij  gingen 


(43  ) 

nit  op  de  jacht  en  op  de  vischvangst  en  vcrzorgden  eene  aanzicn- 
lijke  gnnzcn-  en  vceteelt.  De  ganzen  zonden  zij  met  gelieelc 
kudden  naar  Rome,  ahvaar  die,  evcnals  het  rund-  en  varkcn- 
vleeseh,  dat  zij  bijzonder  smakelijk  wisten  te  bcrciden  en  te 
rooken,  als  lekkernijen  gezocht  werden.  Zij  drcven  handcl  met  de 
bevolking  der  kusten  van  Groot-Briltanië,  en  bezigden  daartoe 
schepen,  gelimraerd  van  eiken  balken,  die  door  groote  ijzcren 
nagels  waren  bevestigd  en  voorzien  van  ankers,  kettingen  en 
zeilen,  —  deze  laaste  gemaakt  uit  goed  bereide,  slappe  dieren- 
vellcn.  De  vrouwen  sponnen  de  wol  der  schapen,  weefdcn  Iaken, 
vervaardigden  de  kleederen  en  voorzagen  in  de  buiselijke  be- 
hoeften. 

De  Nerviërs,  daarentegen,  bemoeiden  zicli  zooveel  niet  met  den 
landbouw  en  dreven  in  het  geheel  gecnen  koophandel;  zij  ge- 
doogden  zelfs  op  hun  grondgebied  de  tegenwoordigheid  niet  van 
vreemdc  kooplieden,  uit  vrees  dat  de  wijn  en  de  pracht  hunne 
krijgers  zouden  bederven  en  verweekelijken. 

Ten  opzichte  der  geheele  natie  was  de  nijverheid  nog  in  harc 
wieg  en  bepaaide  zicli  bij  het  maken  der  voorwerpen  van  aller- 
eersle  noodzakelijkheid.  De  vervaardiging  hunner  wapenen,  van 
liunne  nog  onvolmaakte  landbouwwerktuigen,  van  grove  stoffen 
voor  hunne  klceding  en  van  wat  huisgerief,  waaronder  grof 
poltenwork,  eeaige  gclijkenis  aanbiedende  met  dat  wat  ons  van 
hunne  voorgangers,  de  Kelten,  is  ovcrgebleven,  ziedaar  waarin, 
vôor  de  Romeinsche  overheersching,  de  nijverheidsvJijt  der 
Germaansche  Belgen  bestond,  terwijl,  wat  hunnen  koophandel 
betreft,  builen  dengenen,  dien  wij  hiervoren  hebben  geschetst 
van  de  Menapiërs  en  de  Morienen,  deze  zich  insgehjks  bepaaide  bij 
de  eerste  levensnoodwendigheden,  althans  ons  niet  genoegzaara 
Lekend  oni  er  meer,  dan  wij  hier  doen,  over  uit  te  weiden. 


(  46 


§4.  —  België  onder  de  Romeinsclte  overheersching  ;  — onder 
de  Franken.  —  Invoering  des  Christendoms. 

De  in  de  voorgaande  bladzijden  geschetste  zeden  en  gebriiiken 
onzer  Gerraaansche  voorouders  bleven  voor  het  grootste  deel  in 
zwang  onder  en  zelfs  nog  na  de  heerschappij  der  Romeinen,  die 
België,  gelijk  men  weet,  eene  halve  eeuw  voor  de  tegenwoordige 
tijdrekening  veroverd  en  in  eene  Romeinsche  provincie  her- 
vormdhadden.De  pogingcn  vankeizer  Augustusen  zijne  opvolgers 
om  deze  gewesten  geheel  en  al  op  zijn  Romeinsch  in  le  richten, 
sluitten  op  de  diep  gewortelde  gehechlheidhunner  bewoners  aan 
ailes,  wat  hun  eigendommelijk  was,  en  hadden  alleenlijk  voor 
gevolg  ben  in  zekere  mate  te  bedwingen,  zonder  de  aloude  zucbt 
naar  vrijheid  en  zelfstandigheid  in  bunne  ziel  te  versmacbten. 

De  meeste  schrijvers  zijn  bet  op  dit  punt  volkomen  eens,  dat 
de  Romcinscbe  besebaving  bier  te  lande  weinig  of  niet  doordrong; 
len  lioogste  scbijnt  zij  barcn  invloed  meer  of  min  te  bebben  doen 
gevoelen  in  de  groote  centrums  der  bevolking,  als  te  Trier,  te 
Bavai,  le  Doornik  en  te  Tongeren,  gelijkmede  misscbien  in  bet 
oostelijk  en  zuidelijk  gedeelte  des  lands,  alwaar  de  bewoners  met 
de  er  zich  nedergezet  hebbende  Romeinen  in  aanraking  kwamen 
en  dczer  meer  gevorderde  beschaafde  levenswijze  van  lieverlede 
zullen  bebben  aangenomen;  overal  elders,  zoowel  ten  noorden  als 
in  't  westen  van  België  ondergingen  de  voorouderlijke  zeden 
sellier  geene  verandering  en  bleef  de  Germaanscbe  volksgeestzijn 
eigenaardig  karakler  bebouden. 

De  aardrijkskundige  Strabo,  die  omirent  70  jaren  na  de 
verovering  van  Gallië  scbreef,  schildert  de  Belgen  nog  onder 
dezelfde  trekken  af  als  de  groote  Romeinsebe  veldbeer-gescbied- 
scbrijver.  In  Tacitus,  die  eene  balve  eeuw  na  Strabo  leefde  en  in 
wiens  keurige  gescbiedenis  zoovcel  merkwaardige  bijzondcrbeden 
over  Belgisch  Gallië  en  zijne  bewoners  voorkomen ,  treft  men 
siechts  eene  enkele  plaats  aan,  waar  van  bet  toenmalig  bijzondcr 
leven  der  Belgen  wordt  gewag  gemaakt,  dâar,  namelijk,  waar  bij 


{  47  ) 

van  den  Germaanschen  oorsprong  der  Nerviërs  en  Trevicrcn 
sprekende,  le  kennen  geeft  dat  hct  wocst  karakter  en  de  ruwheid 
van  de  zeden  der  voorouders  nog  bij  de  afstammelingen,  althans 
voor  een  gedeelte,  wordt  tcruggevonden. 

En  dit  is  niet  te  verwonderen,  wanneer  men,  met  de  cvcnlijdige 
schrijvers  in  de  hand,  eenen  blik  werpt  op  de  geheele  Bclgische 
landstreek,  welke  slechts  eeuwen  na  den  val  van  het  Romeinsche 
rijk,  ten  gcvolge  van  ganscli  andere  oorzaken  dan  de  maclit  der 
wapenen,  van  uitzicht  begon  te  veranderen.  Strabo  en  Plinius,  en 
na  hen  Dio  Cassius,  schilderen  Vlaanderen  af  als  een  armoedig, 
onvruchlbaar  en  verlaten  gewest,  gebuld  in  nooit  opklarende 
nevelen  en  koude,  onvoorzien  van  groote  volkrijke  stedcn  en 
vlekken,met  hier  en  daar  wat  ellendige  hulten  in  heide  en  moeras, 
waar  de  jager,  de  herder,  de  visscher  of  de  landbouwer  zich  zeker 
over  geen  benijdenswaardig  lot  verheugen  mocht.  Nog  in  de 
IV*  eeuw  hing  de  H.  Paulijn  geen  ander  tafereel  op  van  Menapië; 
Iweemaal  daags  bedekten  de  zecgolven  de  lage  vlakte  lot  verre  in 
het  land,  zoodat  de  bewoners  dier  streek  lelkens  genoodzaakt 
waren  zicli  op  hoogten,  door  de  natuur  of  menschenhanden 
gevormd,  te  beschutten.  Het  oude  land  der  Nerviërs  vertoonde 
gedurende  de  geheele  Romeinsche  overheersching  éene  woeste, 
moerassige  landstreek,  met  hier  en  daar  cenige  openliggende 
bouwlanden  in  de  nabijheid  der  rivicren,  terwijl  Taxandria  en 
orastreken  bijna  éene  heivlakte  uitmaakte  en  het  overige  des 
Belgischen  bodems  schier  geheel  en  al  door  het  Koolwoud  {Silva 
Carbon  aria)  was  bedekt. 

De  staatkundige  inrichting  en  de  maatschappelijke  toestand  der 
bevolking  w  erden,  het  is  waar,  merkelijk  gewijzigd.  Niet  alleen 
legden  de  overheerschers  de  hand  op  eene  groole  iiitgestrekthcid 
laiiderijen,  de  beslc  welke  zij  maar  konden  aantrefFen,  en  die  zij 
ten  voordeele  van  den  Staat  verhuurden,  of  ter  belooning  van 
bewezene  diensten  aan  hunne  vrienden  en  beamblen  wegschon- 
kcn;  niet  alleen  werd  de  bloem  der  jongclingschap  bij  de 
Romeinsche  légers  ingelijfd  en  kwam  de  lijfeigenschap,onder  den 
vorm  eener  wezenlijke  slavcrnij,  lot  stand;  maar  geheel  't  inwen- 
dige  besluur,  de  ziel  der  nalie,  werd  op  vreemden  leest  geschoeid, 


(  48  ) 

ongeminderd  een  gansch  hatelijk  stelsel  van  belastingen,  welke 
toi  onderhoud  der  légers  en  bezoldiging  der  talrijke  bedienden 
mocslen  wordcn  opgebracht. 

Deze  belastingen  bestonden  vooreerst  uit  het  boofdgeld,  of  de 
schalting  op  de  ingezetenen  ten  voordeele  van  den  keizer,  van 
welke  allecn  de  onderjarigenen,naar  'tscbijnt,  ook  de  ouderlingen 
warcn  vrijgesteld.  Dit  boofdgeld,  door  den  veroveraar  van  Gallië 
het  eerst  in  voege  gebracht,  belicponderhet  stadhouderschap  van 
Jiilianus  tôt  niet  min  dan  2G  goudslukken  per  persoon,  helgeen 
in  bedendaagsche  geldwaarde  op  ongeveer  500  franken  neer- 
komt.  Vervolgens  had  raen  den  grondlast,  ofjugeratio,  die  volgens 
een  nauwkeurig  kadaster  in  ieder  gewest  geregeld  was  en  geliclil 
werd  op  al  de  landen  zonder  onderscheid,  zelfs  op  die  welke  door 
den  Staat  waren  verpacbt,  deze  laatste  voor  den  jaarlijkschen 
cijns  van  het  tiende  deel  der  veldvruchten,  van  het  vijfde  deel  der 
boomcn  en  van  eenen  geslelden  prijs  voor  iederen  kop  van  groot 
of  klein  vee  in  de  weilandstreken.  Waar  noch  geld  noch  bouw- 
land  was,  geiijk  bij  de  Friezen,  werd  de  toi  gesteld  op  het  vee  en 
belaaide  men  met  ossenhuiden.  Doch  nog  drukkender  belastingen 
waren  die  op  het  zout  en  de  verschillige  eet-  en  koopwaren,  op  de 
erfgoederen,  op  de  beroepen  en  ambachten,  in  éen  woord  op  ailes 
wat  eenige  waarde  had  of  arbeid  verlegenwoordigde.  Aile  vreemde 
waren  mocslen  inkomende  reehten  geven,  welke  soms  lot  het 
achtsle  der  gansche  waarde  klommeri  :  al  de  grenzen,  al  do 
riviercn,  al  de  groote  banen  waren  bezet  met  tollenaars.  Voor  de 
eetwaren,  op  de  openbare  markten  gebracht,  bctaalde  men  soms 
den  honderdsten,  soms  den  veertigslen  penning;  de  soldalcn 
alleen  waren  daar  vrij  van,  voor  zooveel  echter  zij  niet  méer 
kochlen  dan  voor  hun  gebruik  noodig  was.  Men  voege  daarbijde 
reehten  op  nalalenschappen  en  de  ergiften  (5  ten  honderd),  bel 
vijf  en  Iwinligste  gedeelle  der  koopsom  van  iederen  slaaf  en  het 
honderdste  voor  aile  andere  verkochtc  goederen  —  dit  ailes  uit- 
wijzens  een  tarief,  voor  de  overwonnene  provinciën  in  Gallië 
vaslgesleld  *,  en  men  zal  zich  een  gedacht  kunnen  vormen  van 

1  Des  RoceeSj  Hist.  ancienne  des  Pays-Bas,  II,  209-302. 


r  49  ) 

het  ontzaglijk  inkomen  cler  Romeinsche  schatkist,  ten  nadeele 
onzer  bevolking,  en  ^an  de  gegrondlieid  der  klachten,  welkc  een 
dergelijk  regeeringstelsel,  gegrondvest  op  liet  recht  van  den 
sterke,  iiit  den  schoot  der  verdrukten  deed  opstijgen. 

Van  eenen  anderen  kant ,  wij  zouden  ongelijk  liebben  het  niet 
te  bekennen,  voerden  de  Romeinen  hier  verscheidene  werken  van 
openbaarnut  uit,  welke  het  algemeen  uitzicht  des  lands  eeniger- 
wijze  verbeterden.  Zoo  rezen  er  in  talrijke  plaatsen,  versterkte 
posten  en  villas  op,  betrokken  door  Romeinsche  veldoversten 
en  bestuurders,  en  legden  deze,  het  land  door,  groote  en  gemak- 
kelijke  wegen  aan,in  verbinding  met  de  volkrijkste  steden  en 
vlekken,  die  van  heverlede  opkwamen  —  het  eenig  wezenHjk 
beschavingselement,  zegt  een  schrijver  *,  door  hen  ten  onzent,  al 
was  't  ook  meest  maar  met  een  krijgskundig  doel ,  ingevoerd. 

Daarenboven  bewezen  de  keizers,  met  het  oog  de  onder  hun 
gebied  staande  volkeren  aan  de  vreemde  meesterschap  te  gewen- 
nen,  wel  hier  en  daar  eenige  persoonlijke  voordeclen,  door  onder 
andere  aan  de  voornaamste  familiën  het  Roomsch  burgerschap 
te  verleenen,  met  het  recht  van  openbare  ambten  te  mogen 
bekleeden,  —  eene  gunst,  welke  zij  zoo  vrijgevig,  daar  ze  hun 
niets  kostte,  uitdeelden,  dat  omtrent  het  midden  der  eersteeeuw, 
onder  keizer  Claudius,  al  de  vrije  inwoners  van  Gallië  dit  burger- 
schap bekomen  hadden. 

Ook  schijntde  Romeinsche  overheerschingonzenlandbouw  niet 
ongunstig  te  zijn  geweest;  het  gebruik  van  den  ploeg,  den  vlegel 
en  de  pik,  dat  zij  mogelijk  van  de  Kelten  hadden  geleerd,  werd 
door  hen,  misschien  met  eenige  verbetering,  voortgezet.  In 
westehjk  Europa,  en  bepaaldehjk  in  ons  vaderland  ook,  scliijnen 
de  voornaamste  woorden  op  landbouw  en  veeteelt  betrckking 
hebbende  aan  de  taal  der  Romeinen  ontleend  ,  het  zij  deze  wezen- 
hjk  die  voorwerpen  hebben  ingevoerd  ,  het  zij  ze,  die  aantref- 
fende  bij  de  Gallen,zulke  benamingen  gegeven  hebben  2.  Zoo  werd 

^  L.  Hymans,  Hist.  pojmlaire  de  la  Belgique,  bl.  21. 

2  Grimm  {Geschichte  der  Deutschen  Sprache,  I,  S.  15  ff.,  28  ff.,  55-70), 
bewijst  dat  er  vroeger  echt  Germaansche  bewoordingen  voor  landbouw  en 
veeteelt  in  gebruik  waren:  «  P/^'igen  und  malen  (zegt  hij)  haben  Deutsche  uiid 
Tome  XXXII.  4 


(  oO  ) 

het  Latijnsche  ager  tôt  onzen  akker  ;  zoo  hoort  men  't  Romeinsche 
satum  in  ons  zadd  ;  de  furca  der  Romeinen  werd  onze  hooivork; 
hunjugum  ons  jiik;  't  oude  vannus  klinkl  nog  weer  in  ons  wan; 
van  't  flagelliim  der  ouden  maakte  men  ons  dorschvlegel,  van 
hun  secula  onze  sikkel,  en  van  hun  spatha  onze  spade.  «  Zoo 
ook,  merkt  Koenen  aan,  schijnen  de  West^rsche  benamingen  van 
graa?i  [granum),  wikken  {vicia),  kool  {caiilis)  en  andere  voort- 
brengselen  van  onzen  land-  en  luinbouw,  met  de  kunst  van  die  te 
kweeken,  tôt  de  nieuwere  volkeren  te  zijn  overgekomen.  » 

De  teelt  der  tarwe  en  eenige  andere  gewassen  werd  bier  zoo 
goed  verzorgd,  zegt  ergens  een  scbrijver,  dat,  twee  eeuwen  na  de 
verovering,  onze  landbouw  geene  mindere  achting  genoot  dan  die 
van  Italie.  Geheel  Gallië,  volgens  de  getuigenis  van  Strabo,  bracbt 
eene  aanzienb'jke  boeveelbeid  tarwe,  gerst  en  eikelen  op  en  was 
heinde  en  ver  om  zijnen  veekweek  bekend.  De  vlasteelt  werd 
niet  rainder  op  prijs  gestcld  en  maakte  van  dan  af  een  der 
bijzonderste  bestanddeelen  uit  van  den  nationalen  rijkdom.  Ook 
verscbeidene  nieuwe  soorten  van  tuinvruchten  en  fruitboomen 
werden  onder  de  Romeinen  hier  uit  vreemde  streken  overgeplant, 
lerwijl  men  bij  Plinius  gewag  gemaakt  vindt  van  den  plataan, 
die  vooral  gekweekt  werd  bij  de  Morienen,  en  er  zelfs  reeds  ten 
tijde  van  Augustus  pogingen  werden  aangewend  om  hier  den 
wijngaard  te  doen  wortel  schieten. 

Deze  uilbreiding  van  den  landbouw  moet  echter  niet  in 
te  hoogen  zin  worden  opgenomen.  De  uitdelgingsoorlog,  door 
C^SAR  ondernomen  ,  had  het  land  een  groot  deel  zijner  bevolking 
doen  verliezen,  tôt  zooverre  dat  zijn  opvolger  de  gebeele  ver- 
latene  streek  tusscben  Maas  en  Rijn  ter  wederbevolking  aan 
andere  Duitsche  volksstammen  afstond,  hetgeen  later  opzichtens 
andere  gedeelten  van  België,  ten  voordeele  van  Romeinen,  meest 
uitgediende  soldaten,  plaats  had.  Ook  mag  deze  colonisatie  der 
vruchtbare  streken  onzes  vaderlands  door  de  Romeinen  als  een 


Slaven  weder  von  einander  noch  von  Rômern  iind  Griechen  erlernt,  aber  neue 
Arien  des  Getraides,  volkommnere  Weisen  der  Ackerbestellung  môgen  durch 
Mittheilung  dahin  und  dorthin,  friiher  oder  spàter,  verbreitet  worden  sein.  » 


(  SI  ) 

hunner  grootste  werken  worden  beschouwd,  welke  op  de  ontwik- 
keling  onzer  bevolking  en  ja,  voor  de  beschaving,  niet  zonder 
invioed  gebleven  zijn.  Doch  de  eigenlijk  gezegde  klas  der  laiid- 
bouwershad  er  niet  het  minste  voordeel  bij;  immers,  met  het  ver- 
lies  hunner  onafhankelijkheid  en  de  berooving  van  wat  hun 
rechtmatig  had  toebchoord,  al  bestond  dit  slcchts  uit  het  onont- 
beerhjke  om  door  de  w  ereld  te  geraken,  waren  de  oude  bewoners 
des  lands,  die  niet  tôt  de  begunstigden  behoorden,  werktuigen 
geworden  in  de  handen  hunner  nieuwc  meeslers,  oprechte  slaven, 
wier  taak  het  was  den  grond,  aan  welken  zij  ora  zoo  te  zeggen 
waren  vastgekluisterd  en  die  methen  werd  verkocht,  voor  hun- 
nen  arbeid  te  bevruchten ,  zonder  voor  al  hun  zwoegen  en  zweet 
eenige  aanspraak  op  belooning  te  mogen  doen  gelden.  Van  de 
vreemde  meesters  toch  was  geene  lotsverzachling  te  verhopen. 
Zegde  de  Romeinsche  wet  niet  :  «  Non  tam  vilis  quam  nullus  » 
—  de  slaaf  is  zelfs  niet  vil,  hij  is  niets?  Nu,  dit  beginsel  was  enkel 
de  bekrachtiging  van  den  tijdgeest,  uitgedrukt  in  de  schriften  van 
de  wijssten  en  vroomslen  der  oudheid.  Aristoteles  leerde  immers 
dat  er  vrije  menschen  waren,  en  schepselen,  voor  welke  het 
nuttig  en  rechtvaardig  is  in  slaafschheid  te  leven,  daar  deze 
maar  van  de  dieren  verschillen  door  het  begrip,  dat  zij  bezitten, 
van  't  verstand  bij  de  vrije  mannen ,  zonder  voor  hen  zelven 
daarvan  't  gebruik  te  hebben.  Cato  ,  de  deugdzaamste  man  der 
oudheid,  raadde  aan,  de  oude  slaven,  gelijk  een  oud  paard,  te 
verkoopen,  en  Plato  zelf,  die  verhevene  denker,  schreef  dat  de 
slavernij  door  God  gevesligd  was,  terwijl  de  dichter  Lucanus,  in 
een  bekend  vers  uitriep  :  a  Het  menschelijk  geslacht  is  gemaakt 
voor  enkele  mannen!  »  —  Met  dergelijke  begrippen  in  eene 
machtigingerichtemaatschappij,konden,  eilaasîdeoverwonnenne 
en  dienstbaar  gemaakte  volkeren  geene  hoop  hebben  op  ver- 
zachting  van  hun  lot,  en  zij  lieten  dan  ook  geene  pogingen  onbe- 
proefd  om  het  dwangjuk  van  zieh  af  te  schudden,  getuigen  de 
onlusten  ,  door  Julius  Florus,  een  Trierenaar,  onder  keizer  Tibe- 
rius  verwekt,  en  bijzonderlijk  de  opstand  der  slaven,  laten  en 
cijnsplichlige  landbouwers  in  't  midden  van  Gallië,  welke  door  het 
onderdrukkend  bestuur  der  Romeinsche  machthebbers  getergd, 


(  S2) 

de  hoofden  te  zamen  staken  en,  onder  den  naam  van  Bagauden , 
in  dorpen  en  steden  eene  ijselijke  verwoesting  aanriehtten. 

Doch,  evenals  aile  menschelijke  instellingen,  begon  het  reuzen- 
gebouw  der  Romeinsche  overmacht  weldra  op  zijne  grondvesten 
te  wankelen  om  al  spoedig  in  duigen  te  storten.  Met  de  derde 
eeuw  onzer  jaartelling  geraakte  geheel  Europa  in  eenen  bajerl 
van  verwarring  door  de  invallen  der  Barbaren.  Ontelbare  zwer- 
men  van  woeste  volken ,  uit  het  noordwesten  van  Azië  afgezakt, 
vielen  als  een  stortvloed  op  Europa  neder ,  ailes  op  luinnen 
doortocht  verwoestende  en  verdelgende.  Alom  vernielden  zij  de 
gedenkstukken  van  kunst  en  wetenschap ,  alom  w  erden  de  oude 
bewoners  of  uitgeroeid  of  verdrongen  ,  en  de  overblijfselen  ver- 
smolten  onder  de  overwinnaars.  De  stad  Rome  zelve  viel  in  de 
handen  der  Barbaren ,  en  toen  tegen  het  einde  der  V^  eeuw  deze 
geduchte  omwenteling  voltooid  was ,  bleef  er  van  het  ontzagwek- 
kend  Romeinsche  rijk  nog  slechts  eene  schaduwe  over. 

Ook  in  ons  vaderland  had  er  intusschen  een  geheele  omkeer 
in  de  bestaande  orde  van  zaken  plaats  gegrepen.  De  gelegenheid 
te  baat  nemende,  welke  de  verzwakking  van  Rome  zoo  gelukkig 
aanbood,  hadden  een  groot  getal  Duitsche  en  Kimbersche  volks- 
stammen,  in  de  geschiedenisbekend  onder  den  naam  vanFranken, 
een  verbond  aangegaan  om  het  j  uk  der  Romeinsche  overheersching 
af  te  schudden.  Zij  toefden  niet  hunne  verdrukte  broeders  in 
Gallië  ter  hulp  te  snellen  en  bezit  nemende  van  den  grond,  die 
voortaan  hun  nieuw  vaderland  bleef,  mochten  zij  er  in  gelukken 
den  gemeenen  vijand  uit  zijne  bezittingen  te  jagen. 

De  vestiging  van  het  rijk  der  Franken  ,  dat  nu  begon,  kon  niet 
anders  dan  door  de  inboorlingen  met  vreugd  en  hoop  op  eene 
betere  toekorast  onthaald  worden;  immers  de  eenen  zoowel  als 
de  anderen  waren  van  hetzelfde  bloed,  loten  van  denzelfden 
Germaanschen  stam,met  dezelfde  neigingen,  zeden  en  gewoonten, 
en  het  viel  derhalve  het  nieuwe  bewind  gemakkelijk  zijne 
heerschappij  over  deze  gewesten  als  eene  weldaad  te  doen 
beschouwen. 

Het  ligt  in  ons  bestek  niet,  hier  de  staatkundige  hervorming  te 
doen  kennen,  welke  de  opneming  van  ons  land  in  het  Frankische 


(  33) 

rijk  voor  gevolg  had.  Deze  had  overigens  een  gansch  Gerraaansch 
karakter,  gegrond  op  den  geest  van  vereeniging  en  wederzijdsche 
bescherming,  die  de  Germaansche  volkeren  zoo  in  het  oog  loopend 
kenmerkt,  en  had  voop  bijzonder  uitwerksel  op  eene  bijna 
volledige  wijze  de  slavernij  te  vernietigen,  op  den  voet,  zooals  zij 
door  de  Romeinsche  wetgeving  was  ingevoerd  geworden.  Men 
zag  zelfs  welhaast  onder  dit  nieuw  beheer  de  landbouwklassen 
een  deel  van  den  politieken  invloed  herwinnen ,  dien  zij  op  een 
ander  tijdstip  bezeten  hadden,  en  eene  meer  of  min  overwichtige 
roi  spelen  in  de  gebeurtenissen,  die  alsdan  voorvielen. 

Waren  niet  al  de  leden  der  natie  onder  de  Franken  gelijk, 
hunne  maatschappelijke  inrichting  toch  draagt  de  sporen  van 
eenen  zekeren  democratischen  geest  en  huldigde  het  princiep  der 
volkssouvereineteit ,  waardoor  het  gezag  des  konings  aan  streng 
bepaaide  rechten  en  plichten  onderworpen  was.  Evenals  onder  de 
Germanen  voor  de  Romeinsche  overheersching  had  ieder  gewest 
of  kanton  {pagus)  zijne  bestuurders,  gekozen  door  de  vrijen  of 
stemgerechtigden ,  en  welke  de  zoogenoemde  rechtbanken  der 
raclumburgi  uitmaakten,  voorgezeten  door  eenen  overste,  met 
den  titel  van  graaf  (co»ies),  als  vertegenwoordiger  des  konings,  en 
die  door  dezen  naar  willekeur  modit  worden  afgezet.  De  uitoefe- 
ning  der  reehterlijke  en  burgerlijke  justilie  was  aan  de  zorgen 
dezer  bestuurders  opgedragen,  terwijl  er  ook,als  bij  de  Germanen, 
algemeene  volksvergaderingen  bestonden ,  waarop  ailes,  wat  tôt 
nut  en  voordeel  des  lands  strekte,  verhandeld  werd. 

De  invoering  der  Salische  wet  *,  die  de  Nederduitsche  Franken 
,of  Saliërs  beheerde,  droeg  er  niet  weinig  toe  bij  om  de  uitoefe- 

*  De  Salische  wet  dagleekent  van  vôor  de  bekeeiing  der  Franken  tôt  het 
Christendom,  vermoedelijk  tijdens  de  regeering  van  Clovis.  Naar  de  meeste 
waarschijnlijkheid  werd  zij  opgesteld  in  Brabant,  waar  de  eersle  Salische 
Franken  woonden,  en  zoo  was  België  niet  alleen  de  wieg  der  Frankische 
monarchie,  maar  ook  de  bakermat  hunner  nationale  wetgeving.  Deze  wet 
draagt  de  sporen  eener  ontkiemende  beschaving  bij  een  volk,  dat  nog  maar 
weiuige  wetten  bezat.  De  crimineele  strafbepalingen  zijn  er  overheerschend  : 
GuizoT  telt  er  345  zulker  artikels  in,  en  enkel  63  nopens  andere  onderwerpen. 
Het  eigenlijk  burgerlijk  recht  was  bij  de  Franken  nog  in  de  wieg.  Uitwijzens 


(34) 

ning  der  justitie,  en  in  het  algemeen  de  raaatschappelijke  rechten 
der  bevolking,  op  vaste  grondslagen  te  vesligen,  gelijk  de  nieuwe 
inrichting  tevens  het  bezitrecht  des  grondeigendoms  regelde,  tot- 
dan  toe  bij  de  Germanen  verwaarloosd,  zoo  niet  verstooten 
gebleven. 

Er  waren  drie  soorlen  van  grondgoederen  bij  de  Franken  :  de 
allodiaUf  of  onafhankelijke  gocderen,  de  bénéficiaire  en  de 
cijnsbare  goedercn. 

De  allodiale  eigendom ,  die  uitsluitelijk  in  handen  der  grooten 
was  en  het  volkomen  beschikkingsrccht  over  grond  en  bodem  , 
met  het  hooge  en  lage  gerecht  over  de  er  op  wonenden  begreep, 
kon  alleen,  als  nauw  met  het  landsbestuur  verbonden  en  lot  den 
krijgsdienst  verplichtende,  den  vrijen  in  den  Staat  toebehooren 
en  mocht  door  den  bezilter  verkocht  of  op  aile  andere  wijze  ver- 
vreemd  worden,  zonder  de  toestemming  van  eenigen  overheer  te 
moetcn  inroepen.  De  vrouwen  waren  van  het  bezitrecht  zulker 
gronden  uilgcslolen. 

De  bénéficiaire  landgoederen ,  welke  later  onder  den  vorm  van 
leenen  overgingen,  waren  zulke,  die  door  den  vorst,ter  belooning 
zijner  getrouwen,  werden  weggeschonken,  en  keerden  gewoonlijk 
Da  den  dood  des  begiftigden  tôt  de  kroon  terug,  hierin  gelijk  met 
de  ambten  en  waardigheden,  welke  onder  dezelfde  voorwaarden, 
dit  is  onder  den  titel  van  bénéfice,  werden  uilgegeven. 

De  cijnsbare  gronden,  eindelijk,  waren  landerijen,  welke  de 
grootegrondeigenaars  aan  de  lijfeigenenofook  wel  aan  landbou- 
wersjdievrij  waren,  tegenzekere  lasten  en  verplichtingen  ten  titel 
van  cijns  afstonden.  De  houders  van  zulke  gronden  ,  welke  de 
groote  klas  der  landbewerkers  vormden,  noemde  men  laten  of 
gasten,  in'tLatijn  /iospi7es.  Sommigen  hunner  moesten  dehelft  der 
vruchtcn  van  hunnen  akkerbouw  afstaan;  anderen  hadden  een 
schaap,  een  varken,  een  hoen,  een  dozijn  eieren,  een  brood  of 

de  korte  inleiding  dier  wel  blijkt,  dat  de  Salische  wet  door  het  volk  zelf  werd 
opgesteld,  en  namelijk  door  hunoe  rechters  (proceres),  die  er  zieh  minder  op 
toelegden  een  eigenlijk  vvetboek  samen  le  brengen,  behelzende  al  de  deelen 
van  bel  rechl,  in  eene  logische  orde,  dan  wel  de  beslaande  oude  costumen 
na  elkander  te  schrift  te  slellen. 


andere  voorwerpen  van  dicn  aard  te  leveren  ;  ecnigen  slonden 
ten  karweidienste,  moesten  spitten,  maaien,  voeren;  het  meeren- 
deel  echter  waren  slechts  gehouden  tôt  de  betaling  van  eenen 
geringen  jaarcijns,  die  van  lieverlede,  naarmate  de  waarde  van 
het  geld  verminderde,  onbeduidend  werd*.  De  betaling  geschiedde 
gewoonlijk  tweemaal  's  jaars  :  in  de  lente  en  in  den  herfst ,  ten- 
zelfden  tijde  als  de  groote  volksvergaderingen ,  wanneer  den 
vorst,  naar  oud  landsgebruik,  geschenken  werden  aangebracht  ^. 

De  zoo  even  vermelde  uitgiften  van  beneficiën  en  grond- 
vercijnzingen  werkten  gunstig  op  den  landbouw  en  hadden  de 
vermeerdering  der  hoeven  {mansi)  voor  gevolg,  welke  in  mansi 
ingenuiles  en  maiisi  servîtes  bestonden  en  over  't  algenieen  twaalf 
bunder  gronds  bevatten,  toereikend  om  eenen  ploeg  met  twee  tôt 
vier  ossen  of  evenveel  paarden  aan  den  gang  te  houden.  De 
gewone  manse  derFrankische  soldaten  {mansus  ingenuis)  hestond 
uit  eene  woning,  eene  schuur,  stallingen  en  andere  gebouwen,  in 
de  oude  oorkonden  bekend  onder  den  naam  van  castica,  en  met 
de  omliggende  landerijen  binnen  hagen  en  grachten,  gelijk  bij  de 
Germanen,  bcsloten.  Er  waren  evenwel  ook  hoeven  van  mindere 
uitgestrektheid,  ten  gebruike  der  onderhoorigen  van  den  grond- 
bezitter,  en  welke  uit  dien  hoofde  dan  ook  minder  dan  de  andere 
in  de  rijksschattingen,  die  weldra  in  voege  kwamen,  werden  aan- 
geslagen.  Deze  landbouwgebruiken  hadden  gewoonlijk  zes  bunder 
grootte  en  stonden  in  de  nabijheid  der  mansus  dominicatus,  de 
woning,  het  hof  {ciirtis,  aida,  ook  de  zaal ,  vroonhof,  dinghof 
genaamd)  des  landsheeren,diena  verloop  van  tijdzijne  bezittingen 
op  eene  aanzienlijke  wijze  zag  aangroeien. 

Ongelukkiglijk  voor  den  landbouwenden  stand,  was  deze  ver- 
meerdering van  den  rijkdom  der  grooten  de  oorzaak,  dat  zij  tôt 
een  wezenlijk  misbruik  van  gezag  werd  aangewend.  Nog  was  de 
herinnering   aan    den    grooten    Clovis,    den    grondlegger    der 

*  A.  DE  Vlaminck,  De  stad  en  de  heerlijkheid  van  Dendermonde,  in  de 
Gedenkschriften  van  den  Oudheidkundigen  Kring  der  stad  en  des  vGorma' 
ligen  Lands  van  Dendermonde,  IV,  19. 

"  Blommaert,  Aloude  Geschiedenis  der  Belgen,  bl.  184. 


(  36  ) 

Frankische  monarchie,  niet  uitgestorvcn ,  of  het  land  werd  in 
verscliillige  burgeroorlogen  gewikkeld,  die  't  in  zijnen  zoo  heil- 
zaam  begonnen  vooriiitgang  tegenhielden  en  't  besluur  met  ver- 
lamming  sloegcn.  Hiervan  gebruik  makende,  eigenden  de  heeren 
zich  met  eene  weergalooze  onbeschaamdheid  allerlei  rechten  en 
voorrechten  aan,  welke  de  regeering,  die  met  lien  had  te  rekenen, 
scheen  te  gedoogen,alt]ians  niet  bij  machte  was  h  un  te  ontnemen. 
Schier  overal  werdcn  de  veldbewoners  door  de  rijke  grondeige- 
naars  ongestraft  beleedigd  en  verstoolen,  met  belastingen  gekwol- 
len  en  ten  onder  gebracht,  zoodat  liet  arme  landvolk,  door  zijne 
wettige  beschermers  verlaten,  op  den  duur  geene  de  minste 
rechten  noch  vrijheden  meer  bezat  en,  met  de  berooving  zijner 
zuurgewonnen  liave ,  welhaast  voorgoed  in  de  ketenen  der  dienst- 
baarheid  werd  gekionken... 

Midderwijl  was  er  in  het  Oosten  een  beschavingslicht  opgegaan, 
dat,  beter  dan  de  zegepralende  wapenen  der  Romeinen,  ook  het 
volk  van  deze  gewesten  uit  de  barbaarscbheid  zou  trekken  en 
zijne  toekomst  verbeteren.Wij  bedoelen  de  stichting  des  Christen- 
doras,  die  grool,e  gebeurtenis  in  de  geschiedenis  der  menschheid. 
Het  staat  niet  met  voile  zekerheid  aangeteekend  wanneer  de 
godsdienst  van  Cbrislus  het  eerst  in  België  is  bekcnd  gemaakt; 
alleenlijk  schijnt  het,  dat  de  Belgen  de  eerste  begrippen  des 
gcloofs  ontvingen  van  de  Christene  soldaten,  welke  zich  onder  de 
légers  bevonden  die  Rome,  op  de  oevers  des  Rijnstrooms  ,  tegen 
de  invallen  der  Duitschers  onderhield.  Wat  er  van  zij ,  stellig  is 
het,  dat  reeds  in  de  tweede  eeuw  eenige  kerkgemeenten  in  het 
oosten  onzes  lands  bestonden,  en  dat  men  in  de  derde  eeuw, 
niettegenstaande  de  vervolgingen  der  Romeinsche  prefccten,  het 
Christendom  in  de  voornaamste  slreken  van  België  gevestigd 
vindt.  Tôt  de  bekende  geloofspredikers  van  dien  lijd  behoorden 
de  heiligen  Piatus  en  Eubcrtus,  bij  de  Ncrviërs,  en  Chrisolius,  in 
West-Vlaanderen.  Zij  vielen  aïs  marteiaren  voor  de  edele  zcnding 
welke  zij  zich  hadden  opgelegd.  Ongelukkiglijk  deed  de  Christe- 
lijke  lecr  gedurende  de  vier  eerste  eeuwcn  weinig  voortgang  en 
werd  de  godsdienst  in  het  begin  der  V^  eeuw  door  de  invallen 
der  Barbaren  zoo  goed  als  uitgedoofd. 


(57  ) 

't  Was  ook  eene  lastige,  bijna  oniiitvoerbare  taak  de  Belgen  tôt 
eenen  anderen  godsdicnst  te  bekeeren  ;  immers,  wij  hebben  gezien 
met  welke  hardnekkigbcid  zij  aan  hunne  voorouderh'jke  zeden  en 
gewoonten  gehecht  waren,  en  welke  moeite  de  hen  overheer- 
schcnde  vreemdeb'ng  te  vergeefs  inspande  om  hen  van  levenswijze 
te  doen  verandcren ,  de  kiemen  eener  mildere  beschaving  in 
hunne  harten  te  doen  opschieten;  ook  stonden  zij  schier  overal 
op  tegen  de  missionnarissen  ,  die  hun  het  woord  van  't  Evangeîie 
kwamen  brengen,  en  aanvaardden  zij  dit  eerst  voorgoed  onder  de 
regeering  van  Dagobert  en  zijne  opvolgers  ,  die  de  heilverkon- 
digende  leeraars  van  Christus  in  hunne  zending  krachtdadig 
ondersteunden.  Zoo  noemt  de  schrijver  der  St.-Medardslegende 
de  Menapiërs,  welke  het  slechts  den  H.  Amandus,  omstreeks  628, 
gelukte  tôt  het  Christendom  te  bekeeren,  een  woest  volk  ,  hard- 
nekkig  aan  den  dienst  zijner  afgoden  vcrkleefd  *.  Deze  getuigenis 
wordt  in  de  volgende  eeuw  vernieuwd  door  St.  Ouaan  opzichtens 
de  bewoners  der  strcek  van  Antwerpen ,  en  door  de  levens- 
beschrijvers  van  den  H.  Ursmar  voor  de  bevolking  van  Luxem- 
burg  en  het  omliggende.  De  H.  Livinus  ,  die  in  dezelfde  eeuw 
zijnen  apostolieken  iever  met  den  marteldood  bekocht,  schetst  de 
inwoners  van  den  pagus  Brachatensis  af  als  Barbaren  ,  gedom- 
peld  in  de  duisternissen  van  het  heidendom,  zich  kenmerkende 
door  allerlei  ondeugden  en  buitensporigheden ,  als  het  overspel, 
den  doodslag  en  den  roof,  door  geweldenarijen,  meineedigheden 
en  andere  hatelijke  misdaden,  welke,  zoo  schreef  bisschop  Boni- 
facius,  slechts  door  hunne  wetten  en  landsgebruiken,  die  er  hen 
toe  machtigden,  eenigcrwijze  kunnen  gerechtvaardigd  worden  ^. 
Nog  in  de  gemelde  eeuw  waren  de  heidensche  dweeperij  en  de 
ruwheid  der  Taxandriërs  zoodanig  dat  niet  éen  Christen  geloofs- 
prediker,  vôor  den  H.  Lambertus,  bisschop  van  Tongeren ,  dit 


1  «  Ferocem  Flandrensium  gentem  suae  noviomensi  ecclesiae  sociavit.  — 
Erat  enim  gens  ipsa  fera  et  indomilabilis,  durae  cervicis  populos  et  implaca- 
bilis.  pravis  adniodum  subdilus  obsequiis  idolorum  et  cum  multa  obslinatione 
suorum  defendens  culturum  deorum.  »  (Fortunat  ,  Vita  S.  Medardi.) 

2  Acta  SS.,  II,  438-459. 


(S8) 

ongastvrij  gewest ,  welks  inwoners   als  onhandelbare   barbaren 
worden  afgeschilderd,  had  durven  bezoeken. 

Deze  volharding  van  het  meerendeel  der  Belgen  in  den  gods- 
dienst  hunner  vaderen ,  ondanks  de  strenge  bevelen  door  de 
Christenc  keizers  tegen  het  heidendom  uitgevaardigd  en  in  554 
door  Childebert  vernieuwd  ,  zou  alleen  toereikend  zijn  om  den 
geringen  invioed  te  bewijzen  dcr  Roraeinsche  denkbeelden  in  een 
gpoot  gedeelte  van  noordelijk  Gallië,  en  de  soort  van  onafhanke- 
lijkheid,  die  er  de  bevolking  weten  te  bewaren  had.  Ook  zou  die 
afkeer  onzcr  voorouders  voor  de  nieuwe  begrippen  nimmer  over- 
wonnen  geweest  zijn  indien,  gelijk  wij  zeiden,  de  wereldiijke 
macht  er  niet  ware  tusschen  ge^omen.  De  waarheid  behaalde 
echter  in  dezen  strijd,  vol  van  opofFeringen  en  geduld ,  de  zege- 
praal;  doeh,zoo  de  Belgen  er  eindelijk  in  toestemden  den  eer- 
dienst  hunner  goden  te  verzaken  en  kinderen  der  beschaving  ver- 
spreidende  kerk  van  Christus  te  worden,  niet  al  hunne  godsdien- 
stige  gebruiken  en  bijgeloovigheden  konden  worden  uitgeroeid. 

De  bekende  herderlijke  aanspraak,  door  St.  Eh'gius  tôt  de 
bewoners  van  de  legenwoordige  provinciën  Antwerpen  en  Vlaan- 
deren,  moge  dit  bevcstigen  ;  hoe  groot  ook  zijn  apostolieke  iever 
was,  toch  gelukte  de  moedige  bisschop  er  niet  in  de  heidensche 
gewoonten  uit  te  wortelen,  en  de  geloofspredikers ,  die  na  hem 
kwamen,hadden  dezelfde  bijgeloovigheden,  vooral  de  eikvereering 
en  den  boomdienst  in  het  algeraeen  te  bestrijden.  De  canons  van 
't  in  745  gehouden  concilie  van  Leptines  (bij  Binche)  treffen  met 
den  banvloek  eene  menigte  bijgeloovige  volksgebruikcn,  waarom- 
trent  men  het  document,  getiteld  :  Indiculus  super stitionum  et 
paganiarum,  door  Schayes  en  door  de  schrijvers  der  Histoire  des 
Carolingiens  bekend  gemaakt ,  met  vrucht  raadplegen  kan.  Ook 
Karcl  de  Groote  en  verschillige  pauzen  moesten  er  tcgen  ijveren, 
doch  konden  evenmin  ten  voile  in  hunne  pogingen  gelukken.  Nog 
op  het  einde  der  XIII*  eeuw,  zegt  Lodewijk  van  Velthem,  was  een 
eik  tusschen  Sichem  en  Diest  het  voorwerp  der  openbare  veree- 
ring,  hetgeen  niet  te  verwonderen  is,  als  men  weet  dat  nog  in  onze 
eeuw  eenvoudige  buitenlieden  in  ons  land  zekeren  boomen  eene 
bijzondere  heilkracht  toeschrijven.  Het  land  van  Chimay,  onder 


(  S9  ) 

andere,  schijnt  gedurende  verscheidene  eeuwen  na  de  prediking 
des  Christendoras  de  aloude  overleveringen  bewaard  te  hebben, 
terwijl  de  meeste  onzer  tegenwoordige  feesten  op  den  buiten,  aïs 
het  Vastenavondfeest,  het  St.-Pietersvuurmaken  en  dergelijke,  in 
het  heideHdom  onzer  voorouders  hunnen  oorsprong  vinden. 


(W 


IP  HOOFDSTUK. 


Sedert  de  vestiging  van  het  Christendom  lot  aan  de  verbrokkeling  des  rijks  van  Karel 
den  Groote.  —  Vrijmaking  der  dienstbaren.  —  Staat  der  beschaving.  —  De 
kloosters  leggen  den  grondslag  van  den  akkerbouw  in  ons  land.  —  Bestuur  van 
de  landelijke  bevolkingen. 

Het  lot  der  lijfeigenen  ging  onder  den  onweerstaanbaren 
invloed  der  edelmoedige  gedachten,  door  Christus  in  de  wereld 
verspreid  ,  verzachten.  Welke  rechtschapene  ziel,  welk  edelden- 
kend  mensch  zou  weerstand  hcbben  geboden  aan  eene  leering, 
die  't  licbt  bracbt  in  de  duisternis  des  verstands,  die  broeder- 
lijkheid  en  liefde  predikte,in  plaats  van  onderdrukkingengeweld, 
en  van  wiens  verkondiger  de  wereld  wist  dat  zijne  onmetelijke 
liefde  voor  de  menschbeid  met  een  weergaloos  lijden  en  eenen 
schandigen  dood  was  bezuurd.  Hoe  zouden  vooral  de  ongeluk- 
kigen,  die  verreweg  ^t  grootere  getal  uitmaakten,  dien  scbit- 
terenden  dageraad  eener  gansch  nieuwe  wereld  niet  met  geest- 
drift  hebben  begroet ,  wanneer  hun  uit  den  mond  der  predikers 
van  't  nieuwe  geloof  de  blijde  mare  toekionk  :  «  Er  zijn  onder  u 
geene  Joden  en  Grieken ,  geene  vrijen  en  slaven ,  maar  gij  allen 
zijt  éen  in  Christus.  »  Geen  wonder,  dat  door  dergelijke  beginselen 
de  grondslagen  der  heidensche  samenleving ,  welke  niets  kende 
dan  macht  en  slavernij,ondermijnd  en  ten  laatste  geheel  verdelgd 
raoesten  worden. 

Het  werk  vorderde  echter  maar  langzaam,  ja,  er  zouden  eeuwen 
noodig  zijn  alleer  de  laatste  slaaf  tôt  den  stand  van  een  vrij  raan 
zou  verheven  zijn;  maar  den  gang  der  gedacbte  te  stremmen,  het 
vermolmd  gebouw  der  vroegere  maatschappij  redit  te  houden  — 
daartoe  zou  al  de  macht  van  een  harteloos  dwangbestuur  niet  in 
staat  zijn.  En  al  kostte  het,  ookin  ons  vaderland,  menigen  verkon- 
diger der  blijde  tijding  het  leven,  uit  het  bloed  der  gemartelden 
schoot  het  zaad  der  nieuwe  beschaving  veelvuldig  en  welig  op. 

De  Kerk  ging  niet  met  overhaasting,  maar  met  wijze  omzichtig- 


I 


(  ei  ) 

heid  te  werk.  De  canonieke  wetten  verzekerden  den  lijfeigene 
opvolgendlijk  de  vrije  uitoefening  zijner  persoonlijke  rechten,  en 
ook  het  burgerlijk  gezag  moest,  van  zoohaast  het  de  richting 
volgde,  behoedzaam  te  werk  gaan.  De  banden  der  lijfeigenschap 
toch  waren  vroeger  uit  staatsbelang  vastgesnoerd ,  en  deze  nu  in 
eens  los  te  maken  kon  niet,  zonder  de  maatschappelijke  inrichting 
in  gevaar  le  brengen.  Wij  zien  dcrhalve  in  de  III^  en  IV^  eeuw 
onzer  jaartelling  nog  een  aanzienlijker  getal  dienstlieden  dan 
vrije  raannen  ,  raaar  deze  laatsten  waren  omirent  het  einde  der 
V*  eeuw  reeds  merkelijk  vermeerderd.  Toen  St.  Remigius, 
bisschop  van  Reims,  ten  jare  48d  Clovis  geluk  wenschte  over 
zijne  verhefîing  op  den  Frankischen  troon,  schreef  hij  hem  :  a  Zie 
u  thans  in  het  bezit  van  geheel  de  fortuin  uws  vaders  (Chilperik); 
bedien  er  u  van  om  slaven  le  koopen  en  hun  de  vrijheid  te 
schenken  K  »  En  de  Kerk,  de  daad  voegende  bij  bel  woord,  ont- 
voogde  een  aanzienhjk  getal  hjfeigenen ,  waarvan  velen  lot  den 
geestehjken  stand  werden  opgeleid,  de  anderen  aan  den  landbouw 
bleven. 

Er  was  bij  de  Franken  eene  tweede  klasse  van  dienstbaren,  die, 
hoezeer  aan  den  grond  gekluisterd,  zoo  men  't  heet,  toch  eenige 
vrijheid  genoten  en  zelfs  de  wapens  mochlen  dragen.  Eene 
derde  klasse  bestond  uit  mannen,  die,  aanvankelijk  vrij,  wegens 
misdaad  lot  slavernij  waren  veroordeeld.  Deze  laatsten  noemde 
men  «  lijfeigenen  van  den  fiscus  »  ;  ook  zij  beploegden  het  veld 
of  arbeidden  aan  de  openbare  wegen. 

Wil  men  den  toestand  der  landbouwers  van  dit  tijdvak  kennen, 
dan  is  't  noodig  eenen  blik  te  werpen  in  de  wetten,  welke  lien 
beheerden.  Een  Capitularium  van  koning  Childebert ,  van  S95, 
bepaalt  in  het  15°  artikel,  dat  de  lijfeigene  van  de  kerk  of  van  den 
fiscus,  voor  't  verhelen  eener  diefte,  gestraft  zal  worden  met  de 
dood;  dat  het  zondagswerk  zou  te  keer  worden  gegaan  met  eene 
boete  van  5  gouden  stuivers  (ongeveer  50  fr.  onzer  huidige  munt), 
en  bij  gebrek  van  betaling,  met  de  geeseling.  —  De  capitularia 

^  Ddbos,  Histoire  critique  de  l'établissement  de  la  monarchie  française 
dans  la  Gaule  (Paris,  GifFart,  1741,  IV,  320). 


(62) 

van  630  bepalen  in  't  440*  artikel,  dat  de  lijfeigene ,  die  zijnen 
meester  aanklaagt  van  eene  niisdaad,  welke  strafbaar  is  met  de 
dood,  op  staanden  voet  zou  worden  omgebracht.  —  Eene  lijfeigene 
dochter,  bij  charter  of  vôor  de  kerk  in  vrijheid  gesteld,  en  nadien 
trouwende  met  eenen  lijfeigene,  valt,  door  dit  huwelijk,  weder 
in  dienslbaren  staat  (18*  hoofdstuk).  —  Wat  de  lijfeigenen  in 
voile  dienslbaarheid,  de  slaven,  betreft,  met  dezen  mochten 
geene  zaken  aangegaan  worden  (74®  hoofdstuk)  *. 

Bij  de  Franken  omirent  den  Rijn  werd  de  lijfeigene,  overtuigd 
van  diefstal,  gehangen,  maar  een,  die  's  nachts  had  brand  gesticht, 
ontkwam  het  met  eene  boete  van  36  gouden  stuivers  (ongeveer 
600  fr.  onzer  munt),boven  deherstelling  der  schade.Daarentegen 
werd  degene,  die  eenen  lijfeigene  van  't  leven  beroofde,  tôt  gelijke 
boete  veroordeeld,  en  mocht  een  vrij  man  zijnen  dienstbaren 
niel  meer  dan  drie  slagen  toebrengen,  Voor  elken  slag  meer 
betaalde  men  eene  boete  van  1  gouden  stuiver,  terwijl  de  geeste- 
lijke  of  koninklijke  bediende,  wegens  zulke  overtreding,  drie- 
maal  meer  moest  betalen.  Eindelijk  eenen  lijfeigene  't  been  te 
breken  werd  beboet  met  9  gouden  stuivers  (nagenocg  145  fr.) 

Wanneer  men  deze  strafbepalingen  vergelijkt  met  de  voile 
meestcrschap,  welke  de  slavenbezitters  onder  't  Romeinsch  beheer 
genolen,  mag  men  zeggen  dat  de  Franken  in  de  VI*  en  VII*  eeuw 
het  lot  hunner  lijfeigenen  merkelijk  hadden  verzacht.  Men  deuke, 
onder  andere,  aan  het  res  mancipi,  waar  de  Romeinsche  slaaf 

staal  ingeschreven  nevens  de  huisdieren Overigens,  hier  hadden 

de  lijfeigenen,  hoezeer  ook  vernederd  en  bedwongen,  het  recht 
des  huwelijks  en  het  genot  der  familie. 

De  bezorgdheid  van  den  Frankischen  wetgever  voor  den  land- 
bouw  blijkt  duidelijk  uit  de  Salische  wet,  waarbij  in  het  48*  arti- 
kel den  bezitters  van  vrij-eigene  goederen  (alleuds)  wordt  ver- 
boden  de  plaats,  welke  zij  bewoonden  en  lot  cultuur  brachten,  te 
verlaten,  ten  einde  daardoor  den  lijfeigenen  geen  slecht  voorbeeld 
le  stellen.  Indien  bijgevolg  de  bezitter  eens  vrijcn  gronds  zijne 
verblijfplaats  verliet  en  naar  een  ander  oord  ging  wonen ,  werd 

2  Baluzius,  I,  50-62. 


(  63  ) 

hij  gestraft  met  eene  boete  van  30  stuivers,  en  bicef  bij  in  zijne 
nieuwe  woonplaats,  de  boete  verboogde  ,  tenzij  er  wederzijdsche 
overeenkomst  bestond  {de  villa  ad  villam).  Om  dezelfde  rcden 
was  bel  in  't  algemeen  den  grondbezitters  verboden  bunne 
lijfeigenen  te  verkoopen  met  bet  doel  zich  elders  te  gaan  vestigcn. 

De  verzacbting  van  den  toestand  der  landbouwers  gedurende 
het  Frankiscbe  tijdvak  blijkt  nog  duidelijker  uit  het  57*  artikel 
der  boogergemelde  wet ,  bepalende  dat  een  eigenaar  zijnen 
dienstbaren  de  vrijbeid  mocbt  scbenken  vôor  den  koning  *,  betzij 
door  zich  zelven ,  betzij  door  eenen  derde ,  op  voorwaarde 
nochtans  dat  bet  goed  des  ontvoogden  aan  de  scbatkist  komen 
zou,  ingeval  bij  kinderloos  kwam  te  sterven.  Dit  verraogen  om 
slaven  vrij  te  maken  was  evenwel  nog  onder  Karel  den  Groote, 
ingevolge  zekere  bepalingen  van  't  Romeinscb  recht,  beperkt  ^. 

Hocveel  prijs  er  aan  de  bevrijdingderlijfeigenen  werd  gehecbt, 
blijkt  uit  de  plecbtigbeden,welke  daarbij  plaats  vonden.  Beboorden 
de  dienstbaren  toi  de  kerk  of  verlangden  zij  in  den  dienst  der 
kerk  te  treden,  dan  werden  zij  doorgaans  in  eene  taiiijke  verga- 
dering  van  geestelijken  gebracbt,  of  in  den  tempel,  ten  bijwezen 
des  bisscbops,  van  priesters  en  edelen,  vrijgemaakt.  De  vrijbrief, 
gewoonlijk  vôor  bet  altaar  gegeven,  moest  bezegcld  zijn  niet 
alleen  door  den  kerkvoogd,  die  de  plecbtigbeid  voorzat,  maar  door 
al  de  aanwezige  beeren,  priesters  en  leeken,  en  den  naam 
beheizen  van  dengene,  die  ontvoogd  werd.  Gescbiedde  de  vrijma- 
king  namens  den  koning  of  eenen  aanzienlijken  leek,  dan  bracbt 
men  den  lijfeigene,  naar  inboud  der  Salische  wet,  voor  den  vorst; 
daar,  recbtstaande  of  knielende,  bood  bij  eenen  penning  aan  tôt 
afkoop  of  rantsoen  der  slavernij,  welke  penning  de  koning  of  ecn 
zijner  dienaren,  of  de  eigenaar  des  dienstbaren,  bem  uit  de  band 
sloeg,  aldus  te  kennen  gevende  dat  de  slavernij  vernietigd  was. 
Daarop  verleende  de  vorst,  of  de  voormalige  meester,  eenen 
vrijbrief,  die  aanving  met  eene  vrome  aanroeping  '. 

*  Baluzius,  I,  40. 

•  Idem,  I,  260. 

5  «  In  nomine  S.  Trinilatis,  Odo...  rex...  notum  sit  omnibus.,,  quia  nos 
ob  anorem,Deo  aeternorumque  remuneralionem...  servum  jt^ris  nostri,  nomine 


(  64  ) 

Het  verleenen  eener  beperkte  vrijheid  geschiedde  met  minder 
plechtigheid.  Den  lialf  ontvoogden  werd  in  de  hand  of  op  het 
hoofd  gelegd  eene  charter,  inhoudende  dat  zij  wel  ontslagen 
waren  van  dienstbaarheid,  raaar  tôt  andere  in  't  schrift  uitge- 
drukte  diensten  verpHcht  bleven.  Doorgaans  had  de  vrijmaking 
van  Hjfeigenen  plaats  op  godsdienstige  feestdagen,  ofwel  op 
heughjke  tijdstippen  van  't  famiheleven,  zooals  ter  gelegenheid 
van  een  huwehjk,  eene  geboorte,  of  door  kranken  op  hun 
doodsbed.  Zoo  raoet  het  niet  verwonderen ,  dat  de  charters  der 
vrijmakingen  meest  eene  godsdienstige  bevveegreden  daartoe 
opgeven,  zoo  als  :  «  pro  remedio  animae,  pro  retributione  aeternaj 
pro  remissione  peccatonim,  »  voor  de  zaligheid  der  ziel ,  voor  de 
eeuwige  belooning,  voor  de  vergiffenis  der  zonden.  Edoch,  er 
kwamen  voor  't  bevrijdingswerk  ook  andere  gcdachten  op.  De 
ervaring  had  geleerd  ,  dat  de  arbeid  der  vrijen  beter  was  dan 
deze  dermannen,  die,  aan  den  grond  gekluisterd,  noch  recht, 
noch  levensgeluk  kenden,  maar  weinig  beter  dan  't  redelooze  dicr 
werden  behandeld  en  derhalve  niets  kenden  dat  hunne  eigen- 
liefde  en  moed  tôt  aanprikkehng  kon  dienen.  Gedwongen,  met 
gelieimen  weerzin,  vervulde  de  dienstbare  de  zware  dagtaak, 
onbewust  of  hij  geene  mishandelingen  zou  bekomen  in  stede 
van  belooning,  zonder  de  minstc  vergelding  voor  't  meedeelen  en 
toepassen  van  zijne  waarnemingen  en  bevindingen  omtrent  de 
gesteltenis  van  bodem  of  lucht,  de  behoeften  der  staldieren ,  de 
inschuring  of  bevvaring  der  oogsten,  al  hetwelk  den  eigenaar 
alleen  voordeelen  verzekerde.  De  meester  wist  het  :  liefde  doet 
wederliefde  ontstaan;  door  mildere  behandeling  zijncr  Hjfeigenen 
verkreeg  hij  meer  en  beter  werk,  overvloediger  vruchten,  rijkere 
winsten,  en  dit  ailes  vermeerderde  naarmate  de  landbouwer 
daarvan  een  grooter  deel  verkreeg.  Zoo  geleidde  de  vrijmaking 
der  mannen  tôt  die  van  den  bodem,  en  de  grondafstanden,  na  in 
den  beginne  gansch  voorwaardelijk  en  beperkt  geweest  te  zijn, 

N....  astantum  in  conspectu  nostro  et  fidelium  procerumque  nostrorum  manu 
propria  e  manu  ejus  excutientes  denariùm  secundum  legem  salicam...  liberlum 
facimus  atque  ad  onini  vinculo  servitulis  absolvimus....  praeciplentes  charta 
an,  887....  »  (Dccange,  V,  manumissio). 


(  (>'i  ) 

(zooals  bij  voorbeeld  voor  ecnen  zekcrcn  tijd,  met  bcpaling  van 
't  cleel  dcr  opbrengst  van  dcn  landboiiwer)  veranderdcn  van 
licverledc  in  het  voile  bezit,  legen  betaling  van  cencn  jaarlijk- 
schen  eijns  en  cnkelc  dienstplichten ,  welke  nien  karweien 
heette.  Het  onderscbeid  lusschen  den  vorigen  toestand  en  den 
iiieuwen  was  dus,  dal  de  lijfeigene,  die  het  hofgoed  zijns  races- 
ters  had  bevverkt,  maar  éenen  dag  1er  week  bad  voor  de  verzor- 
ging  zijncr  eigene  zaken,  lerwijl  de  vrijgemaakte  gebouden  was 
twee  of  drie  maal  's  jaars  zijn  werk  op  den  akker  of  de  boeve  te 
ondcrbrcken  ,  om  de  beerlijkc  karwci  te  gaan  kwijten.  Dit  was 
en  blcef ,  nog  eeuwen  lang,  eene  berinnering  aan  den  staat  der 
slavernij,  een  overblijfsel  van  het  recht  des  meesters  om  alléen 
over  den  arbeid  des  lijfeigenen  te  beschikken  ,  maar  de  nieuwc 
toestand  bracbt  eene  te  groote  lotsverzacbting  mee  dan  dat  de 
licbte  dienst.  welke  van  den  ontvoogde  gevergd  werd,  niet  met 
gediild  —  wat  zeggen  wij  ?  —  niet  met  erkentcnis  en  genoegen 
zoii  verricbt  worden. 

Zelfs  de  onvolledige  vrijbeid,  na  den  staat  van  volkomene 
dienslbaarbeid,  was  den  landboiiwenden  staat  allerbeilzaamst. 
Vooitaan  recbtstreeks  belang  hebbende  in  de  meerdere  op- 
brengst van  den  bodem  en  het  grootere  getal  staldieren,  zal  bij 
zijne  besle  licbaamskracbten  en  al  de  gaven  van  zijnen  geest  te 
werk  stellcn  om  het  best  mogelijke  resultaat  te  bekomcn.  ]\u 
eerst  begint  voor  hem  het  huiselijke  leven  in  de  volbeid  der 
genietingen,  want  bij  weet  nu,  voor  wie  bij  zwoegt,  terwijl  de 
liefde  voor  zijne  huisgenooten  zijne  kracbt  en  nioed  verdubbelt; 
nu  eerst  heeft  de  plaats,  waar  bij  geboren  is  of  bij  zijnen  rang 
verkrijgl  naast  de  andere  slervelingen,  voor  hem  eene  blijvende 
waarde,  vcrmits  bij  weet,  dat  geene  wet  of  recht  hem  er  uit  mag 
drijven,  en  bij  die  mag  overlaten  aan  zijne  kinderen.  En  tenzelf- 
den  tijde  met  het  huisgezin  ontstaat  opvolgendlijk  het  buurtgilde, 
de  gemeente  en  de  kerkelijke  parocbie,  met  nicuwe  welteii, 
nieuwe  rechlcn,  veclal  ook  met  privilèges  en  andere  gunslen, 
die  nieuwe  middelen  van  stoffclijkcn  vooruitgang  doen  ontslaan 
en  alzoo  wccr  den  grond  leggen  tôt  eene  meerdere  bcscbaving. 
De  arme  veldeling  staat  niet  langer  afgczonderd;  deel  makeiide 
Tome  XXXII.  5 


(  66  ) 

van  een  talrijk  ovcr  de  vlakte  verspreid  gezin,  begint  voor  hem 
het  niaatschappelijke  leven  ,  streeft  hij  met  honderden  of  duizen- 
den  natuiirgenooten  naar  een  zelfde  doel,  met  hem  in  dezelfde 
vreugde  en  denzelfden  zegen  verbonden,  deelgenoot  van  de 
eigene  rampen  en  beproevingen  ,  met  allen  te  weer  in  den  eigen 
nood.  Op  zijne  heurt  gevoelt  de  landbouwer  dat  hij  een  vader- 
land  heeft. 

De  ontvoogding  der  lijfeigenen  was  niet  enkel  een  zegen  voor 
den  landbouw,  voor  de  veeteelt  en  hijgevolg  voor  de  volksvoe- 
ding,  maar  de  overvloed  der  veldvruchten  en  de  hehoefte  aan 
talrijke  voorwerpen  voor  de  landbewerking  deden  weldra 
nieuwe  nijverheden  geboren  worden  en  eenen  uitgebreiden  han- 
del  ontstaan,  al  hetwelk  vroeger  door  de  lijfeigenen  meest  op 
rekening  van  hunnen  meester  werd  verricht.  De  middelstand^ 
die  zonder  den  kleinen  eigendom  onmogelijk  was  geweest,  kwani 
op  deze  manier  te  voorschijn. 

Maar  met  welketrageschreden  de  maatschappelijkehervorming 
ook  g'^komen  was,  toch  vond  zij  al  de  raannen,  die  zij  bevoordee- 
ligde,  er  niet  ganseh  rijp  voor.  Bij  velen  waren  geaardheid  en 
zeden  niet  verheterd ,  wat  pogingen  ook  de  moedige  geloofszen- 
delingen  in  ors  land  aanwendden  om  meerdere  beschaving  te 
vcstigen.  Het  oud  Germaansche  gilde  heerschte  nog  in  zijne  voile 
kracht,  en  de  offerdagen  gaven  dikwijls  aanleiding  tôt  groote 
uitspattingen  en  zedeloosheid ,  zelfs  tôt  samenzweringen  tegen 
het  gevestigde  gezag.  Dat  daardoor  de  arbeid  minder  geregeld 
en  niet  zoo  goed  verricht  werd  als  wel  behoorde,  zal  men  licht 
bcgrijpen.  Vooral  in  de  VIII'  en  IX*"  eeuw,  toen  de  Carlovingische 
heerschappij  zoo  uitgeslrekt  en  moeilijk  te  beheercn  was,  zag  het 
bewind  zich  genoodzaakt  strenge  maatregelen  tegen  de  gilden  te 
nemen  en  Karel  de  Groote  eindigde  met  ze  ten  eenenmale  te 
verbieden,  zelfs  diegene,  welke  een  menschlievend  doel  betracht- 
ten  en  de  deelgenooten  tegen  brand  en  schipbreuk  verzekerden. 
Dit  verbod  werd  vernieuwd  in  een  capitularium  van  794,  en  ook 
door  het  concilie  van  Nantes  en  den  aartsbisschop  van  Reims, 
Hincmar.  Edoch,  't  was  moeilijk  het  gilde  te  dempen.  Nog  in 
821   moest  Lodewijk  de  Goedige  er  tegen  opkomen  in  't  capitii- 


I 


(67) 

larium  van  Diedenhoven  (Thionville),  rechtstreeks  gericht  tegen 
de  bewoners  van  Menapië,  aan  de  Vlaamsche  zeekust.  Daar 
leefde,  inderdaad,  een  Saksische  stam,  samengesteld  uit  landbou- 
wers,  visschers,  wevers  of  handelaars,  waarvan  de  meesten  zich 
nooit  tôt  dienstbaarheid  liadden  verlaagd,  en  die  zich  nu  en  dan 
vereenigden  in  samenzweringen,  die  uitliepen  op  onlusten  en 
miiiterijen  tegen  de  vorstelijke  ambtenaren  ^  In  de  geschiedenis 
bekend  onder  den  naam  van  KerelSy  leefden  zij  onder  eigene 
wetten,  onderhielden  hunne  oud-Gerraaansche  zeden  en  wilden 
aanvankelijk  niets  weten  van  het  christen  geloof,  hoewel,  reeds 
in  745,  de  kerkvergadering  van  Leptines  voor  hen  eene  formuul 
tôt  afzwering  van  het  heidendom  en  van  't  giide  had  opgesteld  2. 
Lodewijk  de  Goedige  beval  den  oversten  dier  weerspannige  heden 
elk  ^erbond  of  gilde  onder  deze  te  beletten,  hen  zelven  dreigende 
met  eene  boete  van  60  stuivers,  ingeval  er  eene  overtreding 
mocht  vastgesteld  worden  ^. 

Het  waren  evenwel  de  Kcrels  alleen  niet,  die  de  heidensche 
gebruiken  bleven  aanhangen  :  verreweg  het  meeste  getal  bewo- 
ners onzes  vaderlands,  hoewel  christen  gedoopt,  schijnen  er  aan- 
vankehjk  niet  te  hebben  kunnen  van  afzien.  Dit  geldt  vooral  het 
doodenmaal ,  hetwelk  magen  en  vrienden  op  het  graf  van  de 
afgestorvenen  plachten  te  vieren.  De  vêle  misbruiken,  daaruit 

*  Pertz,  Ié^^es,238.  — Baluz.,  I,  773. 

-  Uit  dit  formuul  blijkt  dai  de  Saksen  de  Dietsche  taal  spraken  : 

«  Ec  forsacho  diabolae  end  allum 
(Ik  verzake  den  duiyel  en  alleu 
diabol-geldey  end  allum  diaboles  toercutn, 
duivelsgilde,  en  allen  duivels  werken, 
Thunaer  ende  Woden,  end  Saxonote  end  allem 
Thor  en  Woden,  en  Saksenot  en  aile 
them  unholdum,  the  ira  genotas  smt.  » 
de  onheiligen,  die  hunne  genooten  zijn.) 

(Lebrocqdy,  Analogies  linguistiques.  Bruxelles,  1845,  52bis.) 

5  Pertz,  Monumenta  Germania  historîca,  I,  230.  —  A.  Wauters,  Les 
gildes  communales  au  Xb  siècle  (Bulletins  de  l'Académie,  2^  série, 
t.  XXXVII). 


(  68) 

gesproten,  hadden  recds  in  598  het  concilie  van  Karthago,  in 
566  en  567  hefgene  van  Tours,  in  745  dat  van  Leplines,  bewo- 
gen,  om  met  kracht  daartegen  op  te  komen;  maar  toen  Karel  de 
Groole  de  onmogelijkheid  zag  van  gemeld  gebruik  uit  le  roeien, 
poogde  liij  er  eene  godsdienstige  kleur  aan  te  geven  door  de 
bevelcn,  dat  er  maar  ëen  doodengerecht  zou  zijn,  namelijk  ten 
dagc  der  iiitvaai't,  en  dat  dit  zou  worden  voorafgegaan  van  missen 
voor  de  zielsrust  des  afgestorvenen  *.  Bovendien  moest  de  keizer 
verbiedcn  licht  te  ontsteken  vôor  boomen,  stcencn  en  bronnen, 
waar  men  eene  goddelijke  kraclit  aan  tockende,  en  andere 
gebruiken  uit  den  tijd  des  beidendoms.  Men  moet  niet  verwon- 
derd  zijn  over  dit  standbouden  van  veroudcrd  geloof,  dewijl  dit 
op  verscbillige  tijdperken  in  de  Iiand  was  gevverkt,  vooreerst  door 
de  invallen  der  Franken,  nadien  door  de  vestiging  van  Saksische 
koloniën  in  onderscbcidene  gewesten  van  Bclgië,  en  waar  men 
bardnekkig  aan  bet  oude  versiaafd  bleef.  Leefdcn  rceds  in  de 
IV*  ceuw  (uitwijzens  eene  oorkonde  van  keizer  Tbeodosius)  de 
boogcrgemelde  Saksen  aan  de  westergrens ,  welke  van  hen  bare 
benaming  verkreeg  (littus  Saxonicum) ,  lalcr  kwamcn  er  andere 
stammen  omirent  de  zuidoostebjke  grens ,  bcpaaldebjk  in  de 
Ardcnnen,  waar  bun  spoor  leruggevonden  wordtin  verscbeidene 
plaalsnamen,  zooals  Sassenheim ,  Sachsenhaiizen  cnz.  Hier  en 
daar  worden  nog  overbbjfselen  van  volksfeesten  uit  die  lijden 
opgcmerkt.  Lovpville  (provincie  Luxcmburg)  was  onder  't  Ro- 
meinscb  belieer  eene  villa,  en  rceds  op  't  einde  der  VIII*  ceuw 
een  dorp  met  ccnc  kerk,  zooals  in  eene  bulle  van  paus  Léo  III 
(795-81 C)  is  te  zien.  Te  dier  plaatse  is  ecn  iumidas,  la  Hoquette 
(booglc,  beuvel)  gebeeten,  en  waar  tôt  op  bet  laatst  der  vorige 
ceuw  ieder  jaar  een  volksfecst  v/erd  gevierd ,  dat  opklinit  tôt  dcn 
nacbt  des  tijds.  Op  den  kermisdag  namelijk  vcrcenigde  zicb  al 
Iict  volk  der  gcmeente  rond  den  grafbeuvel,  en  danstc  er,  wat 
men  de  Hoquette  noemde.  SpccUiedcn  en  dansers  kregen  er, 
scdert  onbeuglijken   lijd ,  eene  gift,  die  verstrekt  werd  uit  bet 

^  Vandaar  de  dertigste,  alsook  de  missen,  welke  in  de  Vlaamsche  streiien 
de  derde  en  zevende  worden  genoemd. 


(69  ) 

inkomen  der  kerk.  Deze  jaarlijksche  dans  Iiieid  maar  op  met  de 
Fransche  revolutie,  wanneer  de  gift  niet  langer  werd  betaald. 
Geen  twijfel,  of  dit  gebruik  dagteekende  van  de  voorchristelijke 
tijden ,  en  zal,  gelijk  menig  ander,  door  de  Kerk  moeten  gedoogd 
geworden  zijn  nadat  nien  't  eene  cliristelijke  bediedenis  liad 
gegeven.  En  echter,  Karel  de  Groote  vervvaarloosde  niets  om  de 
bescbaving  te  verbreiden,  zelfs  onder  de  geringste  volksklasse. 
Vôor  bem  waren  er  geene  andere  dan  geestelijke  scbolen,  boofd- 
zakelijk  bestemd  tôt  de  opleiding  van  priesters  en  andere  kerk- 
dienaren;  de  beroemde  vorst  legde  er  zicb  vooral  op  toe,  de 
letterkunde  en  de  wetenschap  algemeener  te  maken.  Bij  zijn 
capilularium  van  789  noodigde  bij  namelijk  de  bisscboppen  uit 
om  Iwee  soorten  van  scbolen  te  boiiden,  de  eene  voor  't  leeren 
lezen  en  scbrijven  aan  de  kinderen  ,  de  andere  voor  't  onderwijs 
der  Nviskunde,  taalkunde  en  den  psalmzang.  Dat  hieraan  gevolg 
gegeven  werd  bewijst  bet  capitulariiim  van  Theodolf,  bisschop 
van  Orléans,  tôt  de  bem  onderhoorige  geestelijkbeid  gericht, 
waarbij  bij  baar  aanmaant  openbare  scbolen  op  te  ricbten, 
niet  alleen  voor  de  bewoners  der  steden ,  maar  ook  voor  die 
der  buitengemeenten.  «  De  priesters  (zoo  scbreef  bij  daarbij) 
zullen  scbool  bouden  in  de  steden  en  dorpen,  en  zoo  een  der 
geloovigen  bun  zijne  kinderen  wil  toevertrouwen  om  ben  in  de 
letteren  te  bekwamen,  dat  zij  ben  niet  weigeren  te  ontvangen  en 
te  onderwijzen,  maar  daarentegen  ze  met  eene  volmaakle  liefde 
opleiden,  zicb  berinnerende  dat  er  gescbreven  staat  :  zij ,  die 
geleerd  zullen  geweest  zijn,  zullen  scbitteren  gelijk  de  starren 
des  firmaments;  en  zij,  die  er  velen  in  den  weg  der  recbtvaar- 
digbeid  zullen  ondervvezen  bebben,  zullen  in  aile  eeuwigbeid 
blinken  als  starren.  »  De  kinderen  leerende,  zal  men  daarvoor 
geene  vergelding  vragen  en  niets  aanvaarden  dan  't  geen  de 
ouders  bun  vrijwillig  en  uit  genegenbeid  geven  zullen  ^.  » 

De  groote  keizer  bepaalde  zicb  niet  tôt  bet  sticbten  en  begif- 
tigen  van  scbolen,  maar  maakte  van  de  geleerdheid  eene  aanbe- 
veling  tôt  bet  bekomen  van  eerambten.  Hervormer  op  geheel 

'  Theod.  Capit.  §  50. 


(  70) 

het  verstandelijk  gebied,  verbeterde  hij  ook  de  bijzondere  wetten 
en  de  rechtspleging,  strenge  straffen  bepalende  voor  misdaden, 
welke  totdan  loe  met  geld  waren  geboet  geweest.  In  ailes  lict 
hij  zich  richten  door  den  geest  des  Christendoms,  overtuigd  dat 
die  godsdienst  niet  enkel  een  doel,  maar  ook  een  middel  was  om 
de  barbaarsche  volkeren  te  beschaven  en  te  verzedelijken  ^ 

Als  het  eerste  en  nuttigste  voertuig  der  beschaving  werd  door 
Karel  den  Groote  de  volkstaal  vereerd.  Deze  vaste  regelen  te 
geven,  haar  te  verbeleren  en  te  verfijnen ,  met  het  oog  op  een 
volkomen  begrip  der  wetten,  was  hem  eene  aangename  taak. 
Hij  stelde  zelf  eene  spraakkunst  op,  gaf  Dietsche  namen  aan  de 
twaalf  raaanden  des  jaars  en  aan  de  windstreken,  welke  hij  in 
twaalf  verdeelde,  en  legde  alzoo  den  grond  niet  alleen  van  het  let- 
terkundige  Dielsch ,  maar  meteen  van  het  eigendenkend  geestes- 
leven  zijner  land-  en  stamgenooten  2. 

Eindelijk,  den  lust  voor  de  eigen  taal  nog  meer,  en  op  eene 
bestendige  wijze,  willende  bevorderen  ,  deed  hij  de  helden- 
zangen  en  volksHederen  der  onde  Germanen  opzoeken  en  te 
schrift  stellen,  trachtende  daarmede  de  groote  deugden  der  voor- 
gangers  in  den  geest  der  nakomeHngschap  te  bewaren  ^.  Jammer, 
dat  de  Capitularia  van  latere  Frankische  koningen  niet  alleen 
den  geestelijken,  maar  ook  den  leeken  het  zingen  van  wereldsche 

'  Warnkoenig  et  Gérard,  Histoire  des  Carolingiens,  T,  372, 

*  'l  Is  ongeveer  van  dien  tijd,  of  weinig  vroeger,  dat  onze  gemeenten  en 
gehuchten  hunne  benaming  kregen,  hetzij  naar  een  dier,  het  zij  naar  eene 
beek  of  rivier,  berg  of  dal,  veld  of  laar,  broek  of  weg,  doorgaans  in  den  uit- 
gang  aangeduid.  Voorbeelden  zijn  hiervan  :  Beveren ,  Evere ,  Bosmeer,  Wol- 
verthem,  Wambeek,  Lippeloo,  Buggenhout  {beukenhosch)^  Lindeti,  Eikevliel, 
Assche  (Esch),  St-Lievens-Essche ,  Boondale ,  Moere,  Boermond,  Schelde- 
rode,  Koekelberg,  Scherpenheuvel,  Zoetendale,  Ertvelde,  Zandvliet,  Edelare 
en  dergelijke  meer. 

Het  sele  (in  Zèle,  Bekkerzeel,  enz.)  wijst  lerug  op  een  oud  sala  of  kasleel  ; 
hem  of  heim  (in  't  Fr.  hameau)  duidt  eene  woonplaats  aan,  bepaald  door 
't  eerste  deel  des  woords  ;  ing^  overeenkomstig  met  het  Fransche  ignies 
(Bouvigjiies),  ognies  {Gognies),  egnies  [Trazegnies)  en  met  het  agne  en 
ogneàev  Ardennen  (Mortagne  en  Bastogne),  hedieôl  gemeenteweide,  enz. 

^  EiNH.,  Vita  Karl,  imp.,  c.  29. 


(  71   ) 

liederen  verbood;  dat  Lodewijk  de  Goedige,  door  al  te  viirigcn 
godsdienstijver  aangezct,  de  gezangen  der  voorchristelijke  voor- 
ouders  deed  vernietigen  en  uit  de  scholen  verbande,  alzoo  elke 
recbtstreeksche  gemcenschap  met  de  Germanen  der  vorige 
eeuwen  afbrekende  en  voor  altijd  de  bron  dempende,  waaruit  de 
voile  kennis  van  hun  leven,  karakter,  zeden  en  begrippen 
onvervalscht  en  onvervreemd  vloeide. 

Dit  is  de  oorzaak,  dat  slcchts  weinige  Nederduitsche  gedichten 
uit  de  verre  tijden  tôt  ons  gekomen  zijn,  en  zonder  de  boeken 
der  Scandinaviscbe  godenleer,  de  Edda,  zou  men  heden  weinig 
of  niets  van  de  begrippen  en  den  graad  van  besehaafdheid  onzer 
heidensche  voorouders  weten,  tenzij  uit  de  schriften  van  Romein- 
sche  geschiedverhalcrs,  wier  gegevens  zeker  niet  aile  den  toets 
der  waarheid  kunnen  onderstaan.  Een  stuk  nochtans,  geîukkiglijk 
een  hoogst  merkwaardig,  kwam  tôt  ons,  ten  minste  wat  den 
geest  betreft,  maar  de  vorm  (eene  Hoogduitsche  vertaling  uit  het 
Dietscb)  behoort  tôt  de  XIII^  eeuw.  Wij  willen  spreken  van  de 
Goedroen,  in  hoofdzaak  neerkomende  op  het  volgende  : 

Goedroen,  eene  koningsdochter,  levende  op  het  eiland  Wulpen, 
aan  de  Vlaamsche  kust,  wordt  geschaakt  door  eencn  koning  der 
Noordmannen;  de  maagd  blijft  evenwel  getrouw  aan  den  geliefde 
uit  eigen  slam,  verduurt  liever  aile  vernederingen  en  ontberingen 
dan  meineedig  zieh  over  te  leveren  aan  den  woesten  sehaker,  en 
wordt  ten  laatste  door  haren  broeder  en  haren  verloofde,  aan  de 
spits  eener  groote  heirmacht,  bevrijd  en  aan  hare  betrekkingen 
terug  gegeven.  —  Ziedaar  een  trefFend  beeld  van  de  zuiverheid 
en  trouw  der  Germaansche  vrouw! 

Het  bestaan  van  dichteriijke  tradiliën  onder  de  Franken  van 
Zuid-Nederland  wordt  nog  bewezen  door  't  even  bekende  JVeve- 
lingenlied ,  geboren  aan  den  Nederrijn,  doch  hetwelk  in  tegen- 
stelling  der  zachte  gevoelens,  welke  in  Goedroen  de  overhand 
hebben,  kracht,  haat  en  woestheid  ademt. 

Na  de  vernietiging  der  oude  letterkunde  werd ,  een  tijd  lang, 
eene  nieuwe  beoefend,  namelijk  in  de  kloosters;  want  de  monni- 
ken,  na  den  grond  te  hebben  gelegd  van  den  huidigen  landbouw, 
lieten  van    lieverlede  de  bebouwins   hunner   akkers   over  aan 


(  72  ) 

leekebroedcrs  of  andcre  dicnstlieden,  ofwel  zij  gaven  de  door 
hen  ontgonnen  gronden  in  cijnspacht  uit  om  zich  toe  te  leggen 
op  de  ontginning  van  een  ander  veld,  dat  nog  nieer  zorg  ver- 
eischtc,  niaar  gcen  minder  rijken  oogst  voor  de  samenleving 
zou  opleveren;  het  menschelijk  verstand  zou  door  hen  ontwik- 
kcld  wordcn  en  de  vruchten  hunner  ernstige  studie  als  nieuwe 
zaden  voor  wetenschap  en  beschaving  heinde  en  verre  verbreid 
wordcn. 

Was  de  aloude  volkspoëzie  vernietigd,  eene  nieuwe  moest  in  de 
plaats  treden,  en  't  was  de  geestelijkheid,  die  ze  leveren  zou; 
maar  in  hare  lianden  kon  die  geene  andere  dan  de  kerkelijke 
richting  volgcn.  lîier  nochtans  deed  zicli  eene  groole  mocilijkheid 
voor  de  nieuwe  volksschrijvers  op  :  wei  was  er  eene  gesprokene, 
ecbter  niet  eene  geschrevene  taal,  altbans  nog  geene,  die  voor  de 
letterkunde  gescliikt  was.  Die  te  vormen  koslte  vecl  moeite, 
omdat,  gelijk  D""  Jonckbloet  te  recbt  opmerkt,  de  geestelijken,  die 
ze  scbrijven  wMldcn,  in  hunne  Latijnsche  geleerdbeid  niet  eens  de 
noodige  teekens  vonden  om  de  Duitsche  klanken  uit  te  drukken 
en  uit  dien  boofde  genoodzaakt  waren  eerst  de  taal  zelve  te 
leeren  ^  Overigens,  de  spraakkunst  van  Karcl  den  Groote  zal  wel 
niels  dan  eene  procf  geweest  zijn,  onvolmnakt,  daar  na  liem  de 
Benedietijnermonnik  Otfried,  der  abdij  van  Weisenburg,  die  ver- 
beteren  moest. 

Omtrent  hetzelfde  tijdperk  werd  ook  bel  Romaanscli  gevormd. 
Uit  de  mengebng  van  deze  taal  in  het  Dietsch  was  de  taal  der 
Franken  ontstaan,  of  het  Fransch,  betwelk  op  den  duur  het 
Dietseh  in  een  deel  van  Noord-Frankrijk  vcrdreef;  dit  Fransch,  in 
zijnen  oorsprong  ruw,  gaf  zelf  het  aanzijn  aan  ondersclioidene 
dialeeten,  namelijk  hetWaalsch,  dat  de  sporen  beliield  van  zijne 
Keltische,  Latijnsche  en  Dietsche  oorsprongen  2, 

De  vruchten  der  nieuwe  letterkunde  werkten  heilzaam  op  het 
gemocd  des  volks;  zij  bevorderden,  van  den  eenen  kant,  het 
onderwijs  van  den  godsdienst,  door  eene   menigte  schriften   lot 

1  D'  .JoNCKRLOET,  Gpscfiierlenis  der  midden-Nederlandsche  letterkunde,  I. 
^  Wachter,  Gloss.  Germ.  prœfatio,^  49,  —  Ernst,  Histoire  du  Limboiirg,  1. 


(75) 

verbreiding  en  opwekking  des  geloofs,  terwijl  zij,  van  den  anderen 
kant,  den  sniaak  louterden  en  door  zachtere  gevoelens  de  aange- 
borene  rnwheid  van  't  Gerraaansch  karakter  temperden.  In  deze 
orde  van  gedachten  zullen  wij  ons  bepalen  te  wijzen  op  het  oudst 
bekende  sluk,  waarin  men  den  Nederlandschen  taalvorm  teriig- 
vindt,  namelijk  eene  prozavertaling  der  psalmen  ,  opklinimende 
tôt  den  tijd  van  Karel  den  Groote,  en  op  den  Hêljand  [Heliand , 
Heiland)  een  fragment,  wil  men,  eener  volledige  bijbelvertaling, 
door  Lodewijk  den  Vrome  aan  eenen  Saksischen  dicbter  opge- 
dragen.  Uit  dit  tijdvak  hebben  wij  nog  een  volksgezang,  in  Vlaan- 
deren  door  eenen  monnik  ter  eere  van  Lodewijk  III  vervaardigd, 
en  handelende  over  de  schitterende  zege  diens  konings,  in  881  bij 
SaucoLirt  en  Vimeux  behaald.  Hier  ziet  men,  hoe  groot  de  weg 
reeds  is,  op  verstandelijk  en  zedelijk  gebied  sedertde  voorcbriste- 
lijke  tijden  door  het  volk  algelegd.  De  ruwe  Germaansche  toon  is 
verdwenen;  den  dicbter  bezieit  geen  woeste  strijdliist,  geen  dorst 
naar  wrake  meer;  Lodewijk  zegepraalt  omdat  hij  zijn  vertrouwen 
op  God  steit,  en  God  de  weezen  in  zijne  hoede  neemt.  Vergelijkt 
men  daarbij  een  oud  Scandinaafsch  heldenlied  over  Ragnar 
Lodbrog,  den  beroemden  bevelhebber  der  Denen,  welk  een  ver- 
schil  neemt  men  waar!  De  heidensche  zanger,  de  wapenfeiten  der 
noorderbenden  in  de  velden  van  Vlaanderen  {j  Flœmingja  veldi) 
verbeffende,  eindigt  met  den  kreet  van  woeste  vreugd  :  «  Den 
wolven  werd  veel  voedsel  gegeven!  »  [môrg  thà  or  tafu  fèkst 
vorguni);  het  Lodeivijkslied  daarentegen  sluit  met  een  gebed  : 
«  De  Heer  behoude  hem  (Lodewijk)  door  zijne  genade  !  »  {Gehalde 
inan  truhlin  bi  sinan  ergrehtin.) 

Omtrent  dien  tijd  moet  ook  Iiet  Roelandslied  {la  Chanson  de 
Roland,  la  chanson  de  Ronceveaux)  gedicht  zijn ,  een  algemeen 
gekend  en  geliefkoosd  volksgezang  der  middeleeuwen,  dat  de 
Frankisch-Germaanscbe  heldendeugd  in  Karel  den  Groote  ver- 
eeuwigt  en  door  de  innigheid  van  't  godsdienstig  gevoel,  dat  er  in 
uitgestort  is,  den  vromen  geest  der  pasbekeerde  heidensche 
bevolkingen  in  hooge  mate  bevredigen  kon.  Eeuwen  lang  zou  dit 
lied  in  de  Dietsche  en  Fransche  taal,  gelijk  in  't  Hoogduitsch, 
door  minnestreelen  bewerkt  en  opgesierd,  tôt  de  nakomelingen 


(  74  ) 

der  koene  Germanen  spreken  van  de  eer  en  groothcid  hunner 
helden  : 

«  De  Carlemagne  et  de  Rolant 
Et  d'Olivier  et  des  vassaux 
Qui  moururent  en  Rainscevausc.  » 

Wat  de  Romansche  lettcrkunde  betreft,  de  oudste  stukken  in 
deze  gaan  ook  tôt  de  IX*'  eeuw,  maar  van  gedichten  is  er  eerst 
sprake  in  de  XP  eeuw. 

Dat  de  volkstaal  wezenlijk  beoefend  en  in  de  scholen  van  de 
plattelandsgemeenten  uitsluilelijk  aangeleerd  werd,  is  men  ge- 
neigd  op  te  maken  uit  het  feit,  dat  de  kennis  van  't  Latijn  in  de 
IX^  eeuw  ten  onzent  zoozeer  verrainderd  was,  dat  de  kerkver- 
gaderingen  (onder  andere  die  van  Tours,  in  813)  den  pastoors 
bevolen  onder  de  mis  het  epistelen  het  evangelie  aan  degeloovigen 
voor  te  lezen  in  de  taal,  door  het  volk  gesproken.  Overigens,  het 
Latijn  werd  dan  nog  enkel  beoefend  in  de  kloosters  en  stede- 
scholen,  maar  niet  meer  zooals  voorheen.  De  taal  van  Rome  ver- 
basterde  hier  weldra  tôt  de  zoo  geheetene  basse  latinité,  in  welk 
dialect  voortaan  de  charters  met  betrekking  tôt  kloosters,  parochie- 
kerken ,  gemeenten  of  lijfeigenen  werden  opgesteld,  een  gebruik 
dat  algemeen  in  zwang  zou  blijven  tôt  het  midden  der  XIIP  eeuw. 

Als  maatstaf  derFrankische  beschaving  onder  stoffelijk  opzicht, 
en  van  de  huiselijke  weelde,  hebben  wij  een  vrij  aanzienlijk 
getal  sieraden,  welke  in  begraafplaatsen  van  dien  tijd  ontdekt 
zijn.  Uit  menige  tumuli  werden ,  benevens  landbouwwerktuigen 
en  wapens,  voorwerpen  opgegraven,  die  laten  zien  dat  de 
Romeinsche  zeden  in  Haspengouw  evenzeer  als  in  Vlaanderen 
haddenwortel  geschoten.  De  wet  der  XII  tafelen,waarbij  verboden 
was  gouden  of  zilveren  voorwerpen  bij  de  asch  der  aflijvigen 
neer  te  leggen,  werd  stiptelijk  nageleefd,  maar  mcn  treft  er 
daarentegen  andere  voorwerpen  van  pracht  en  weelde,  uit  Italie, 
Griekenland  of  zelfs  uit  Egypte  hier  aangebracht,  in  groote  hoe- 
veelheid  aan,  benevens  fleschjes  in  gekleurd  glas,  vergulde 
bronzen  vazen,  lampen,gelijkende  aan  degene  welke  men  bezigde 
ij  den  eeredienst  van  Appolo,  munten,  drijfwerk  met  figuren, 


I 


(73  ) 

waarvan  de  oogen  met  zilver  waren  geïncrusteerd  enz,  *.  Elders 
treft  men  kralen  aan  van  rooden  amber,  die  dienden  voor  halsban- 
den,  en  ongelijk  van  vorm  en  grootte;  witglazen  perels  met  sporen 
van  verguldsel,  oorringen  van  wit  glas,  in  den  vorm  eener  peer,  en 
meer  bewijzen  van  de  ijdele  praalzucht  der  menschenkinderen  2. 
Tevens  gaf  de  lust  naar  weelde  zieh  bij  de  Franken  lucht  in  't 
oprichten  hiinner  grafplaatsen,  die  grootscb  en  duurzaam  waren 
integenstelling  der  eenvoudigvan  aardc  cngraszoden  opgeworpen 
terpen,  w  aaronder  men  de  asch  der  oiidere  Germanen  terugvindl. 

Deze  meerdere  weelde  doet  natuiirlijk  het  vermoeden  ontstaan, 
dat  in  de  tweede  belft  der  VIII''  en  de  eersle  der  IX"^  eeuw  de 
bevolkingen  onzes  lands  onder  stoffelijk  opzicbt  tôt  een  zeker 
welzijn  waren  gekomen.  Inderdaad,  Karel  de  Groote  had  niet 
enkel  getracbl  verbetering  te  brengen  op  verstandelijk  gebied, 
maar  zijne  bezorgheid  uitgestrekt  tôt  den  landbouwenden  stand. 
Het  groofste  deel  zijner  bezittingen  uit  groote  hoven  [curtes) 
bestaande,  wilde  liij  dat  daar  de  woonplaatsen  der  veldwerkers, 
alsook  de  stallen,  schuren,  bagen  en  grachten  sleeds  goed  onder- 
houden  werden  ,  en  ieder  hof  voorzien  zou  zijn  van  een  bed  met 
pluimmatras  en  dekens,  onverminderd  kleine  bedden  voor  de 
kinderen,  lakenen  kleeren,  tafels  en  zitbanken.  —  Zou  de  geringe 
boer  der  XIX^  eeuw  het  wcl  veel  beter  hebben  dan  zijn  voor- 
ganger  van  over  duizend  janr? 

De  huizen  der  hoeven  waren  van  bout  getimmerd  en  bestreken 
met  klei;  de  verblijven  der  dienstliedcn,  stallen  en  schuren  waren 
bezijden.  De  grootere  hoeven  {villae)  in  welke  men  den  oorsprong 
der  latere  dorpen  en  steden  te  zoeken  heeft,  bevatten  akkers, 
weiden ,  bloemperken  en  eenen  boomgaard.  Men  vond  er  aile 
slag  van  werklieden,  althans  volgens  de  Capitularia  van  den 
keizer,  de  villis ^  moesten  er  in  de  hoven,  van  de  kroon  afhan- 
gendejhoef-en  goudsmeden,  kleermakers,  wagenmakers,  draaiers, 
wapensmeden,  brouwers  van  hier  en  mee,  bakkers,  vogelvangers, 
zeepmakers  enz.  gevestigd  zijn. 

Gemeld  eapitularium  de  villis ,  hetwclk  te  recht  de  bewonde- 

*  Aldus,  0.  a., te  Walsbets  (Hemelrijk),te  Monlenaken  en  op  audere  plaatseu. 
2  Gelijk  te  Yedrin  (prov.  Namen),  te  Lede  (Oost-VlaaDderen)  enz. 


(  76  ) 

ring  van  [Montesquieu  heeft  gaande  gemaakt,  is  inderdaad  ten 
hoogste  belangrijk  om  den  staat  des  landbouws  in  het  begin  der 
IX'  ecuw  te  doen  kennen.  Men  vindt  er  naiiwkeurig  eene  opgave 
van  al  de  voorlbrengselen  in  graangewasscn,groenten,huisdieren, 
wild  enz.,  welke  op  bevel  des  grooten  keizers  ter  markt  moesten 
gebracht  worden  en  ook  te  dien  tijde  de  voornaamste  inkomsten- 
bron  des  rijks  uitmaakten. 

Reeds  ten  tijde  van  Karel  den  Groote  had  de  ooftteelt  hier 
eene  groote  uitbreiding  verkregen.  Op  zijn  bevel  werden  in  de 
villas  verschillige  soorten  van  appelen,  peren,  pruimen,  per- 
ziken  en  kersen  aangekweekt,  ook  niispels ,  kwee,  hazel- en 
walnoten.  In  794  deed  de  vorst  den  prijs  vastellen  der  voor- 
naamste gewassen,  en  dit  wel  op  den  volgenden  voet  :  1  mud  baver 
werd  gesteld  ten  prijze  van  1  denier;  1  mud  garst  op  2  deniers; 
l  mud  rogge  op  5  deniers;  1  mud  boekweit  op  4  deniers;  twaaif 
brooden  van  boekweitmeel  kostten  zooveel  aïs  15  van  rogge, 
20  van  garst  en  25  van  baver  '. 

Het  vee  stond  niet  boog  in  prijs.  Bij  de  Ripuarische  Franken  , 
bij  voorbeeld,  had  een  gehoornde  os,  gezond  en  niet  biind, 
dezelfde  waarde  als  een  schild  en  een  lam,  en  zes  maal  minder  dan 
een  goed  harnas  of  een  afgerichten  valk;  eene  gezonde  koe  werd 
geschat  op  de  helft  van  eenen  os,  welke,  uitwijzens  een  capitula- 
rium  van  't  einde  der  VIII"  eeuw,  10  scheliingen  gold  ,  gelijk- 
staande  met  60  mud  koorn.  Volgens  de  wet  der  Rijnfranken  gaf 
men  eenen  goeden  hengst  in  ruiling  tegen  eenen  versierden 
helra  of  twee  harnassen  ,  of  tegen  eenen  valk  ,  waarmee  men  op 
jacht  kon  gaan  naar  den  kraanvogel.  Een  merriepaard  had  de 
helft  dezer  waarde.  Omirent  dienzelfden  tijd  gaf  men  twee  hennen 
voor  eene  gans,  twee  ganzen  voor  een  speenvarken,  drie  kalveren 
voor  eene  koe  enz. 

Ook  de  geestelijkheid  trok  zich  het  lot  der  landbouwers  aan. 
Wij  weten  reeds  hoe  zij  ijverde  voor  de  vrijmaking  der  lijfeige- 
nen  ;  in  858  had  er  eene  vereeniging  plaats  van  bisschoppen  der 

*  Tijdens  eenen  hongersnood  in  806  werd  per  mud  betaald  :  haver,  2  de- 
niers; garst  en  spelt,  3  deniers;  rogge  4,  en  boekweit  6  deniers. 


(77  ) 

provinciën  Reims  en  Rouaan  (onder  welke  kcrkvoogden  verschei- 
dcne  lot  in  onze  geweslcn  geestelijk  gebied  hadden),  en  daar  werd 
met  toestemming  deskonings  vastgesteld,dat  de  vorstelijkcambte- 
naren  zieh  bepalcn  moesten  te  w  aken  op  den  landboiiw  en  de  aan 
den  fiscus  toebeboorende  gronden,namelijk  op  zulke  wijze,  datde 
werkzaamlieden  bij  tijds  konden  verricht  worden  en  de  opgelegde 
taak  de  gcscbiktiieid  of  de  kracbten  der  arbeiders  niet  te  boven 
mochten  gaan  (14^  artikel). 

Hadden  de  eersle  landontgingers  bij  voorkeiir  de  vruchtbaarste 
plaatsen  uitgekozen ,  bepaaldelijk  zulke,  welke,  dooisneden  van 
beken  of  in  de  nabijbeid  cener  rivier  of  kreek,  en  omtrenteen 
bosch,  den  meester  het  genot  van  jacbt  en  vischvangst  verze- 
kerden,  gebeel  anders  gingen  doorgaans  de  kloosters  te  werk,  die 
reeds  op  't  cinde  der  Romeinsebe  heerschappij ,  docb  voorna- 
melijk  in  schuts  der  Frankiscbe  koningen  opgekomen,  liefst  de 
woeste,  dorre  en  afgelegene  plaatsen  opzocbten  K  Zoo  geraakten 
aile  streken  van  ons  vaderland  langzamerband  bevolkt.  Het  taaie 
geduld  der  monniken ,  afgezonderd  van  't  gewoel  en  de  zorgen 
der  wereld,  geene  andere  bekomraering  kennende  dan  met 
betrekking  lot  hunne  dagelijksche  taak,  gelukte  er  overal  in  om 
de  aanvankelijk  woeste  natuur  te  herscbeppen  lot  vriicbtbare 
akkers  en  lachende  weiden ,  hier  en  daar  bezet  met  zindelijkc 
gebouwen,  welke  van  lieverlede  vermenigvuldigd,  lot  dorpen,  en 
vele  zelfs  toi  steden  zijn  uitgebreid  ^^ 

Over  het  algemeen  mag  men  zeggen,  dat  de  boer,  die  klooster- 


*  De  eersle  kloosters  in  ons  land  schijnen  opgericht  te  zijn  in  de  IV^^  eeuw, 
door  St.  Vitricius,  Jeerling  van  Sl.Marten,  en  namelijk  in  hel  zuidweslelijk  deel 
der  streekj  die  la  1er  Vlaanderen  werd  genoemd. 

^  Men  denke  slechts  aan  de  kloosters  van  Sint-Truiden,  Sinl-Omaars,  Fosses, 
Leuze,  Ronse,  Gent,  Nijvel,  Marchiennes,  Lobbes,  Saint-Ghislain,  Soignies, 
Bergen,  Maubeuge,  Aulnes,  Malmédy,  Doornik,  Siavelol,  Sithiu  (Sint-Berlijn) 
cnnienige  andere,  in  den  loop  der  VII«  eeuw  lot  sland  gekomen. 

^Yat  de  dorpen  belreft,  deze  waren  reeds  talrijk  in  de  FX"  eeuw  :  men  vindt 
er  versclieidene  houderden  opgenoemd  in  de  lijsl  der  plaalsnamen  van  'l  eersle 
deel  der  Table  chronologique  des  chartes  et  diplômes  imprimés,  publiée  par 
Alph.  Wauters. 


(  78   ) 

land  beploegde,  daar  verschillige  voordeelen  bij  vond,  welke 
andere  pachters  misten;  wij  zullen  hier  enkellijk  wijzen  op  de 
gunstige  omstandigheid,  dat  hij  geene  veranderirig  van  eigenaar 
had  te  duchten,  en  zijne  pacht  derhalve  duurzaam  was.  Het 
klooster  toch  wist  hij  een  bezitter  te  zijn,  die  nooit  stierf  ;  hij  was 
zeker,  dat  de  eiken  van  het  bosch,  toen  deel  makende  van  schier 
elke  groote  landhoeve ,  in  Brabant  en  Vlaanderen  evenzeer  als 
in  de  Ardennen  of  het  Henegouwsche ,  niet  bedreigd  waren  door 
de  bijl  van  eenen  geldzuchtigen  of  spiizieken  eigenaar,  en  zoo 
werd  de  huraar  nooit  gekwollen  door  een  ontmoedigend  voor- 
uitzicht,  eene  kwellende  onzekerheid,  welke  den  ijver  en  de  zorg 
van  andere  pachters  dikwijls  verlammen  moest.  Wic  «  onder  den 
staf  »  wilde  arbeiden,  mocht  zich  zelf  als  't  ware  bezitter  achten 
van  het  landgoed  ,  dat  hij  bewerkte,  in  dezen  zin  ,  namelijk,  dat 
hij  er  blijven  raocht  voor  geheel  zijn  leven  ,  althans  zoo  lang  de 
toestand  zijns  gezins  en  de  bevrijding  van  groote  rampen,  die  niet 
kunnen  voorzien  of  vermeden  worden,  hem  zouden  vergunnen 
de  voorgeschrevene  plichten  te  kwijtcn.  De  kloosterlingen,  niets 
voor  lien  zelven  mogende  bezitten  of  anderen  opdragen  ,  als  ver- 
bondcn  door  den  eed,  het  eigendom  der  Kerk  tegen  elke  ver- 
vreemding  of  berooving  te  zullen  beschutten,  waren  dus  maar 
enkel  vruchtgebruikers  van  het  goed,  dat  der  instelling  was 
geschonken,  en  't  is  aan  deze  omstandigheid  te  danken,  dat  meer 
dan  éenc  en  dezelfde  famille  honderdjaren  en  meer  het  klooster- 
goed  bewoonde,  hetwelk  vier  of  vijf  opvolgende  geslachten  van 
eigen  bloed  met  hun  zweet  hadden  bevochtigd. 

Er  blijft  ons  nu  nog,  aleer  dit  tijdvak  te  sluiten,  te  spreken 
over  de  bestuurlijke  en  rechterlijke  inrichting,  welke  de  Franken, 
vooral  onder  Karel  den  Groote,  behccrde. 

Tôt  aan  dczes  komst  was  er  aan  het  bestuur  in  de  rechtsple- 
ging  weinig  verandering  toegebracht.  De  pagi  bestonden  nog  ; 
de  graven,  oudtijds  eenigerwijze  oversten  van  den  stam,  waren 
allengs  agenten  des  opperbestuurs  geworden,  in  wier  handen  de 
krijgsmaeht,  de  politie  en  het  bestuur  uitsluitelijk  vereenigd 
waren ,  en   die  tcvens  de  rechterlijke  macht  uitoefenden ,  ten 


(  79  ) 

minste  daarop  het  hooge  toezicht  hacldcn.  In  vcrgelding  daarvan 
hadden  zij  het  gcnot  van  ecnig  landgoed  of  domein  ^ 

Karel  de  Groote  bracht  aan  de  inrichting  der  justitie  gewichtige 
veranderingen  toe,  namelijk  door  het  instellen  van  het  schepen- 
dom.  Wel  is  waar  vindt  men,  hoewel  slechts  enkele  malen,  reeds 
vôor  hem  melding  gemaakt  van  schepenen  '^;  maar  eigenlijk  weet 
men  niet  wat  soort  van  bediening  deze  uitoefenden.  Stelh'g 
was  't  de  groote  keizer,  die  het  collège  of  de  bank  van  schepenen, 
als  bestendig  rechterlijk  korps,  in  voege  bracht,  en  wel  ter  ver- 
vanging  der  voormalige  rachimhurgi  van  elk  pagus.  De  oorzaak 
dezer  hervorming  is  niet  onbekend  gebleven.  Een  capitularium 
van  Lodewijk  den  Vrome  (829)  zegt  iiitdrukkelijk  dat  de  vica- 
rissen  en  honderdmanncn  de  gedingen  te  zeer  hadden  vermenig- 
vuldigd  ^,  veeleer  iiit  begeerlijkheid  naar  de  boetgelden  der  afwe- 
zigen,  dan  in  het  belang  der  gerechtigheid  ;  nu,  om  dit  misbruik 
te  keer  te  gaan  en  het  volk  van  langduriger  kwellingte  bevrijden, 
verbood  hij  tôt  die  gerechtszittingen  op  te  roepen  al  wie  er  geene 
zaak  te  verhandelen  had  ,  ter  uitzondering  der  zeven  schepenen, 
die  er  altijd  moesten  aanwezig  zijn.  De  wijziging  in  't  justiciebe- 
heer  was  derhalve  eene  nieuvve  weldaad  van  Karel  den  Groote, 
waarbij  hij,  steeds  met  het  oog  op  het  welbegrepen  volksbelang, 
nog  bepaalde  dat  geen  graaf  ter  gerechtsplaats  zou  komen,  tenzij 
nuchter  zijnde  en  kalm  van  zin  *  ;  dat  de  zittingen  niet  te  kort- 
stondig  mochten  zijn  en  de  graaf  er  't  genot  der  jacht  en  der  tafel 
voor  verschuiven  moest  ^;  dat  ieder  bisschop,  abt  of  graaf  eenen 
goeden  grilïier  zou  hebben,  schrijvende  eene  leesbare  letter  ^. 


'  Zie  het  capitularium  van  803,  cap.  V,  c.  19. 

-  De  geleerde  Warnkoenig  ontdekte  in  het  staatsarchief  van  Cent  eene 
charter  van  745,  voorlkomslig  van  de  Sint-Bertijnsabdij,  en  waarin,  naast 
andere  handleekeningen,  die  is  le  lezen  van  Gumharii  scauuini  (zie  :  Flcin- 
drische  Staats-und  Rechtsgeschichte^  I,  appendice^  9-11,  en  de  Fransche  uit- 
gave  (met  een  fac-similé). 

5  Baluzius,  I,  671. 

*  Capit.  Caroli  Magni,  anno  805,  cap.  15,  ap.  Baluzius,  bl.  393. 

s  Idem  ann.  807,  cap.  4  ;  ibidem,  I,  459. 

^  Idem,  ann.  805,  c.  4;  ibidem,  bl.  421. 


(  80) 

Eindelijk,  de  iiilvoering  van  deze  en  mcer  andere  wijze  verordc- 
ningen  ^^illende  verzekeren ,  stelde  Karel  de  missi  dominici  in, 
die  tôt  last  liadden  vierniaal  s'jaars  de  verschillige  graafschappen 
des  rijks  le  doorloopen ,  de  misbruiken  van  allen  aard  te  verbe- 
lereii  en  hem  verslag  le  doen  van  hunne  bemoeiingcn  '. 

De  missi  kregen  eene  bepaalde  macht,  toen  Karel  de  keizers- 
kroon  had  opgezet.  Het  land  vverd  verdeeld  in  groote  dislricten, 
waarvan  ieder  verschillige  graafschappen  en  dioceezen  bevatte. 
Onmiddeliijke  vertcgenwoordigers  van  den  vorst,  krcgcn  zij  een 
uitgestrekt  gezag,  niet  alleen  over  de  graven,  maar  zelfs  over  de 
bisschoppen,  ablen  en  abdissen,  wier  openbaar  en  bijzonder  leven 
zij  moeslen  Irachten  te  onderzoeken.  Tevens  was  hun  opgclegd  , 
te  waken  op  de  goede  a  erslandhouding  der  burgerlijke  en  geeste- 
lijke  overheden,op  het  goed  van  kerken  en  kloosters,  dat  zij 
tegen  de  aanmaligingen  der  booze  inpalrners  en  legen  de  aan- 
slagcn  van  rinve  over\\eldigers  beschutten  moeslen.  Vooral  was 
hun  aanbevolen  een  oog  in  'l  zeil  te  houden,  opdat  de  graven 
goed  rechl  zouden  oefenen  ,  en  waar  dit  niet  geschiedde,  zelven 
rechl  le  plegcn  lotdat  de  graaf  zijncn  j)lichl  weer  kwijten  zou  ^. 
Ook  de  missi  plachten  vier  maal  's  jaars  zitling  te  houden,  waar 
zij  de  klachten  des  volks  aanhoorden  en  recht  verschaften. 

Boven  deze  inrichting  stond  de  regeering,  welke  Hincmar,  aarts- 
hisschop  van  Reims,  volgenderwijzc  naar  de  bekende  beschrijving 
van  Adalhard  doet  kennen  : 

Het  hooger  of  iniddcnbestnur  bestond  uit  den  keizer,  bijgcslaan 
door  zijnen  bijzonderen  raad  en  door  eene  algemeene  vergade- 
ring  :  placila  generaliaoï  gencrales  conventus.  Deze  bijeenkomsl 
had  tweemaal  in  het  jaar  plaats,  te  wclen  in  de  lenle  (Mei)  en  in 
den  hcrfst,  en  werd  verdeeld  in  Iwee  sectiën  :  eene  voor  de  gecsle- 
lijke,  de  andere  voor  de  burgerlijke  zaken.  De  bijzondere  raad 
zetelde  beslendig. 

Op  de  herfstvergadering  bracht  men  de  gil'ten  bijeen  voor  den 


*  Capit.  Caroli  Magni^  ann.  802,  c.  25.  —  Baluzius,  I,  370.  —   Pertz, 
Leges,  I,  96;  II,  10. 
2  Warnkoemg  et  Gérard,  Histoire  des  Carolingiens,  1,540-341. 


(81  ) 

vorst;  raen  onderzocht  er  de  zaken  voor  het  volgcnde  jaar,  aïs 
't  noodig  was,  en  de  inissi  kwamen  er  versiag  doen  van  ailes,  wat 
zij  namens  den  vorst  hadden  verricht  of  wat  zij  belangrijks 
hadden  opgemcrkt.  Deze  placita  waren  de  voorloopers  der  Alge- 
nieene  Staten,  later  opgericht,  alsmede  van  de  parlementaire 
instellingen,  welke  nog  heden  in  voege  zijn. 

De  algemeene  vergaderingen  werden  op  verschillige  plaatsen 
gchouden.  Tijdens  de  regeering  van  Karel  den  Groote  telde  men 
er  vijf  en  dertig,  waaronder  evenwel  slechts  twee  op  Belgischen 
bodem  :  in  771  te  Valcnsijn  (later  aan  Henegouw  ontweldigd)  en 
in  812  te  Boulogne  (nadien  van  Vlaandercn  afgescheiden). 

Zooals  wij  tôt  nu  toe  den  toestand  van  het  landvolk  deden 
kennen  —  veiligheid  voor  hâve  en  goed,  verzekering  van  recht, 
rust  in  het  binnenland,  bescherming  van  den  arbeid  —  zou 
men  allieht  tôt  het  besluit  komen  dat  het  lot  des  landbouwers  in 
de  VHP  en  IX^  eeuw  gunstig,  ja  benijdenswaardig  was.  En  even- 
wel, den  toestand  goed  onderzoekende,  vindt  men  eene  keer- 
zijde....  Er  waren  toen  ook  openbare  lasten,  die  de  menigte, 
vooral  op  het  platteland,  tegen  de  borst  moesten  stooten,  omdat 
ze  vooral  op  haar  drukten.  De  bisschoppen  en  abten  waren 
gehouden  den  keizer  en  zijn  talrijk  gevolg  op  zijne  veelvuldige 
reizen  te  herbergen,  eene  verplichling,  die  ook  den  graven  was 
opgelegd,  doch  welke  laatsten  in  zulke  gevallen  zorgden,  zich 
door  den  armen  boer  te  doen  vergoeden.  De  belasting,  hun  uit 
dien  hoofde  gevraagd  en  de  adventu  régis  geheeten,  was  ongeluk- 
kiglijk  de  eenige  niet,  die  van  de  vruchten  des  nijveren  land- 
bouwers werd  afgeperst;  ook  het  voeder,  noodig  voor  de  uittrek- 
kende  krijgslieden,  moest  door  hen  worden  verschaft  en  ver- 
moedelijk  ook  wel  de  wagens  en  't  gespan,  om  het  te  vervoeren. 
Hoe  zwaar  deze  bclasling  toen  reeds  op  den  geringen  man  drukte, 
kan  men  afmelen  naar  de  bittere  klachtcn,  die  in  de  volgende 
eeuwen  tegen  de  dikwijls  herhaalde  opeischingen  van  dien  aard 
door  de  buitenlieden  werden  geslaakt. 


Tome  XXXli. 


LÎ5.; 


III*  HOOFDSTUK. 

Verdrukking  van  het  landvolk.  —  De  zwakken  zoeken  bescherming  bij  de  kloosters.  — 
Ontwikkeling  der  persoonlijke  vrijheid,  gevolgd  door  de  ontvoogding  der  gemeenten. 
—  Uitbreiding  van  den  landbouw.  —  Verbetering  van  zeden  en  beschaafdheid. 

Toen  Karel  de  Groote,  na  een  langdurig  streven  ten  nutte  der 
nienschheid,  liet  moede  hoofd  ter  rust  had  gelcgd,  openbaarden 
zieh  twee  richlingen  in  den  staat,  ganscli  strijdig  met  elkander. 
Aan  den  eenen  kant  de  zucht  om  het  geringe  volk  uit  de  banden 
der  lijfeigenschap  los  te  raaken,  aan  den  andercn  eene  bepaalde 
strekking  onder  een  aantal  machtige  grondbezitters  om  zich  ten 
koste  des  armen  landzaats  door  allerlei  afpersingen,  zelfs  door 
geweld  en  misdaad,  le  verrijken  en  weder  onder  't  juk  tebrcngen. 
Beide  stroomen  gingen  naast  elkanderop,  verwarring  brcngcnde 
in  de  hooge  en  lage  slanden  der  samenleving,  terwiji  ook  in  de 
regeeringskringen  begon  wanorde  te  komen.  De  wijze  wetten, 
door  Karel  den  Groote  uitgevaardigd,  werden  niet  loyaal  uitge- 
voerd  of  bleken  niet  aile  doeltreffend  te  zijn.  De  openbare  ambte- 
naren  hadden  een  uitgebreid  gezag,  hetvvelk  zij  gemakkelijk  tôt 
eene  volstrekte  meeslerscbap  wisten  te  maken,  doordien  bun,  te 
gelijk  met  hunne  bediening, groote landgoederen  warenafgestaan; 
de  instelling  der  missi  dominici  was  onloereikend  om  de  uit- 
voering  der  wetten  te  verzekeren  en  de  orde  te  bandhaven;  de 
nationale  vergaderingen  waren  slecht  ingericbt,  hunne  betrek- 
kingen  met  het  koninklijk  gezag  al  te  onbepaaid.  Verschillige 
opperhoofden  streefden  om  zich  onafbankelijk  te  maken  van  de 
kroon  en  zieh  in  het  bun  toeverlrouwde  gewest  als  vorst  te  doen 
erkennen.  Deze  en  nieer  andere  oorzaken  werktcn  medc  om  de 
ontbinding  des  weleer  zoo  machligen  rijks  le  verhaastcn,  die 
eindelijk  plaats  had  ten  jare  843. 

Karel's  opvolger  had,  na  vier  en  twintig  jaren  zonder  glans  te 
hebben  geregeerd  en  op  't  iaatst  door  zijne  eigcne  kinderen,  die 
zich  tegen  hem  gewapend  hadden,  gevangen  te  zijn  genomen, 
drie  zonenachtergelatcn,diehetkeizerrijk  in  drie  deelen  splitsten. 


(  85  ) 

Lodewijk  krcrg  de  landen  tcn  wcsten  van  den  Rijn;  Karel 
bekwam  degene  ten  wcsten  dcr  Schelde,  en  geheel  de  streek 
tusschen  beide  rivieren  viel  te  beurt  aan  Lotharius,  die  aldushet 
gebied  verkreeg  over  de  meeste  onzer  provinciën. 

Ondertusschen  viclen  andere  gebeurtenissen  voor,  die  eenen 
tijd  lang  aile  pogingcn  om  aan  de  wanorde  in  den  staat  een  einde 
te  stellen,  dwarsboomdcn.  De  noordsebe  barbaren,  de  zwakheid 
der  regeering  en  de  verdeeldbeid  onder  't  volk  te  baat  neraende, 
waagden  nieuwe  invallen  in  ons  land  en  vonden  geenen  ernstigen 
tegenstand.  Had  Karel  de  Groote  lien  aanvankelijk  door  de  kracht 
der  wapenen  gestuit,  zijne  afstammelingen  paaiden  ben  met 
gond....  Hierdoor  stouter  geworden,  verdubbelden  zij  bunne 
invallen,  maakten  zich  meester  van  al  de  steden  en  abdijen,  welke 
van  bunne  kostbaarbeden  werden  beroofd  en  daarna  in  ascb 
gelegd,  en  ranlsoeneerden  of  verdreven  de  veldbewoners,  alom 
schrik  en  verdelging,  dood  en  rouw  verspreidende.  Die  bacbelijke 
loestand  duurde  nagenoeg  eene  balve  eeuw,  namelijk  totdat  de 
Noordmannen  omirent  Leuven  eene  bloedige  neerlaag  leden  en 
bunne  slrooptocbten  opbielden. 

Die  betrekkelijk  lange  aanwezigbeid  der  barbaarscbe  benden 
op  den  bodem  van  België  was  zeker  niet  gescbikt  om  bet  werk 
der  vrijmaking  te  bevorderen:  integendeel,  de  woestaards,  die  in 
dezen  benardcn  tijd,  en  lang  nog  nadien.  bet  arme  volk  van  den 
buiten  op  allerlei  wijzen  onderdrukten,  volgden  m.aar  in  bunne 
geringe  omgeving  na  wat  de  Noordmannen  op  breede  scbaal 
hadden  verricbt;  en  mogelijk  waren  er  onder  de  bewoners  der 
kasteelen,  die  op  menig  punt  van  België  ter  verdediging  der 
bevolkingen  na  de  eerste  invallen  waren  opgericbt.  ruwe  zonen 
uit  bet  noorden  zelven,  die  de  oorspronkelijke  bezilters  badden 
verjaagd  of  gedood  en  van  uit  de  overrompelde  sterkten  bet  weer- 
looze  landvolk  ongenadig  onder  bet  ijzeren  juk  bielden.  Daaruit 
onlstond,  in  de  XP  eeuw,  eene  algemeene  zucbt  naar  vrijbeid, 
het  rusteloos  woelende  gedacbt  der  menscbelijke  gelijkbeid,  dat 
nog  in  onze  dagen  naar  eene  oplossing  zoekt.  Maar  zware  binder- 
palen  kwamen  de  zelfs  gedeeltelijke  uitvoering  dezes  ontwerps 
verijdelen.  Geene  pen  zal  ooit  bij  macbte  zijn  in  bet  gescbiedboek 


(  84  ) 

der  menschheid  de  hopelooze  pogingen  en  bittere  crisissen  aan  te 
teekenen,  welke  dien  harden  langdurigen  kamp  kenmerkten. 
Reeds  in'tjaar  1000  stippen  de  kroniekschrijvers  samenscho- 
lingen  aan  van  boeren,  aan  wie  het  onverdraagzame  juk  der 
grooten  zal  lierinnerd  hebben,  dat  ook  zij  raenschen  waren,  met 
de  vorsten  en  rijken  der  aarde  gelijk  vôor  God,  zooals  het  Evan- 
gelie  leert.  Elke  proef,  nochtans,  sluitte  op  de  sterkere  macht  en 
't  geweld  der  gebicders,  en  er  bleef  dcn  ongelukkigen  niets  anders 
over  dan  dcn  geboortegrond  vaarwel  te  zeggen,  waar  zij  noch 
rceht  noch  vrijhcid  genoten,  en  waar  van  den  anderen  kant 
onophoudchjke  overstroomingen,  herhaaide  pestziekten,  honger- 
snood  en  andere  volksrampen  het  leven  allerlastigst  niaakten. 

In  't  midden  der  XP  eeuw  gingen  Vlaamsche  landbouwers  zich 
vestigen  op  de  grenzen  van  Walles  en  Schotland,  dàar  geroepen 
door  Willem  den  Rosse.  Onder  de  regeering  van  den  Luikschen 
bisschop  Wazon  begaven  honderden  Luikenaren,  vluchtende  voor 
den  hongersnood,  zich  naar  Hongarije,  alwaar  koning  Andréas  1 
hun  ten  jare  1046  eene  vruchtbare  landstreek  in  't  diocees  van 
Erlau  tôt  vaste  woonpiaats  had  aangewezen. 

De  faara  der  Vlaamsche  landbouwers  was  aldaar  in  den  bcginne 
der  XII^  eeuw  reeds  in  verre  landen  en  over  de  zee  verspreid. 
Hendrik  Beauclerc  lokte  er  een  groot  gelai  naar  de  graafschappen 
van  York  en  Pembroke,  terwijl  nagenoeg  op  hetzelfde  tijdstip 
Nederlandsche  boeren  waren  uitgeweken  naar  't  bisdom  van 
Bremen,  in  Holstein,  naar  Meisen,  Mecklemburg  en  andere  gewes- 
ten  van  Duitschland,  ja  naar  't  comitaat  Zips,  waar  zij  door  konin- 
gin  Helena  geroepen  waren,  alsmede  naar  't  comitaat  Ugocsa  enz. 

Maar  ofschoon  de  vreemde  vorsten  onzen  boeren  groote  voor- 
deelen  deden  aanbieden,  ten  einde  de  uitgestrekte  heidegronden 
van  hun  rijk  door  ervarene  en  wakkere  handen  op  korten  tijd  in 
vruchtbare  akkers  en  lachendeweiden  herschapen  te  zien,denken 
wij  toch  dat  er  eene  sterkere  drijfveer  moet  hebben  gewerkt  om 
de  Belgen  zoo  ver  uit  het  land  hunner  geboorte  te  lokken  en  hun 
cen  hcil  te  doen  zoeken  te  midden  van  bevolkingen,  van  welke 
zij  door  laal  en  zeden  gansch  verschildcn. 

En  evenwel  waren  onze  uilgewekene  landgenooten  niet  allen 


(  85  ) 

gelukkig,  vooral  de  Vlamingen  die  zieh  niet  uilsluitelijk  aan  den 
landbouw  hielden,  raaar  niet  vergeten  konden  dat  zij  afstamden 
van  dappere  krijgers.  Zij  vcrleenden  in  Duilschland  onderstand 
aan  de  Saksen  en  Turingers,  tegen  de  Slaven,  en  in  Engeland 
aan  de  Anglo-Normandièrs  tegen  de  Galliërs,  maar  eilaas!  ten 
kosle  van  hiinne  rust  en  geluk.  Zij,  die  op  uitnoodiging  van 
Hendrik  van  Saksen,  loen  deze  een  groot  deel  der  Ballische  kust 
had  overweldigd  (1161),  zich  aldaar,  en  in  andere  hem  toebe- 
hoorende  gewesten,  gingen  neerzetten  *,  werden  eenigen  tijd 
nadien  door  een  Slavisch  opperhoofd  te  Mecklemburg  onvoor- 
ziens  overvallen.  Zich  niet  willende  overgeven  met  verlies  van 
hâve  en  goed,  werd  de  plaats  belegerd,  ingenomen,  in  asch 
gelegd,  nadat  al  de  weerbare  mannen  vermoord,  de  vrouwen  en 
kinderen  als  slavinnen  weggevoerd  waren...  ^ 

De  Vlamingen,  die  zich  in  't  diocees  van  St. -David  hadden 
gevestigd,  hadden  eenen  harden  kamp  uit  te  staan  tegen  de  oude 
bewoners  van  dat  gewest;  de  Galliërs  kwamen  in  opstand  tegen 
Hendrik  I  en  verwoestten  het  grondgcbied ,  door  de  Vlamingen 
belrokken  ^. 

Wat  degenen  betreft,  die  in  't  vaderland  gebleven  waren,  aan 
tegenstand  was  niet  te  denken  ;  overigens  het  lot  der  Fransche 
boeren  kon  zekerlijk  weinig  geschiktzijn  om  de  onzcn  tôt  gewa- 
pend  verzet  aan  le  sporen.  Dâar  was  elke  opstand  tegen  verdruk- 
king  bloediggekastijd  geworden  en  een  verschrikkelijk  voorbeeld 
gegeven,  vooral  aan  de  bewoners  van  Normandie  en  Bretanje. 
De  Norraandische  kroniekschrijver  Guillaume  de  Jumièges  eene 
dier  pogingen  tôt  bevrijding  verhalende,  hangt  van  de  straf  het 
volgende  ijzingwekkend  tafereel  op  : 

«  Ten  jare  997  vereenigden  zich  de  boeren  op  verschillige 
plaatsen  en  besloten  algemeenlijk  te  leven  volgens  hunnen  wil, 
verklarende  dat  zij,  zonder  bekommernis  aangaande  hetgeen  door 

*  ....  «  Qui  eliam  de  Flandria  adduxit  mullitudinem  populorum  et  collo- 

cavit  eos  in  Magkeienburg  et  in  omnibus  terminis  ejus...  » 

(Hermanni  Corneri,  Chronicon,  bl.  719.) 
"  Idem,  bl.  723. 

3  Zie  Ordericus  Vitalis,  Hisloria  ecclesiaslica,  kal.  941. 


(  86  ) 

de  wet  was  verboden,  zich  zelven  naar  eigene  wetten  beheeren 
zouden,  en  ten  einde  deze  te  bekraclitigen,  zond  elke  groep  van 
dit  woedende  volk  twee  afgevaardigden  naar  eene  algemeene 
vergaderingder  stamnien,om  die  wetten  aldaar  te  erkennen.Maar 
niet  zoodra  was  dit  feit  ter  ooren  gekomen  van  den  hertog  of 
bij  zond  graaf  Rudolf  en  eene  menigte  krijgslieden  tegen  de 
boeren  op,  met  last  dezen  opstand  te  dempen  en  bet  landvolk 
uiteen  te  drijven.  De  graaf  maakte  zich  meester  van  al  de  afge- 
vaardigden des  volks  en  vêle  andere  liedcn,  deed  bun  banden  en 
voeten  afkappcn  en  zond  die  ongelukkigen  alzoo  naar  bunne 
stamgenoolen  terug,  om  dezen  te  ontraden  nog  dergelijke  proef 
te  wagen  en,  door  bun  droevig  voorbeeld,  ben  voorziebtiger  te 
maken,  opdat  bun  niets  ergers  zou  overkomcn.  De  boeren,  op 
zulke  vreeselijke  wijze  onderricbt,  zagen  inderdaad  van  bun  ont- 
werp  af  en  keerden  terug  tôt  den  ploeg  ^  » 

In  België  nocbtans  was  er  een  stam,  die  niet  kon  ten  onder 
gebracbt  worden.  In  den  uitersten  weslboek  leefden  nog  altijd  de 
ruwe  Kerels,  wier  trots  en  overmoedigbeid,  even  groot  als  bunne 
zucbt  voor  vrij  en  onafbankelijk  bestaan,  zelfs  de  weerwraak  der 
leenbeeren  moet  bebben  gaande  gemaakt,  tôt  zoo  verre  dat  deze 
tegen  ben  een  lied  dicbtten,  betwelk  over  Vlaanderens  vlakten 
als  een  scberpe  oorlogskreet  den  stouten  Saksenkinderen  zal 
bebben  in  't  oor  gedreund  : 

«  Wi  willen  van  den  kerele  zinghen  : 

Si  sijn  van  quader  aert; 
Si  willen  de  ruters  dwingen; 

Si  draghen  enen  langhen  baert. 
Haer  clcedren  die  zijn  al  ontnait; 

Een  lioedekin  up  haer  booft  ghecapt, 
tCaproen  staet  al  verdrayt, 

Haer  cousen  ende  haer  scoen  ghelapt. 
Wronglen,  wey,  broot  ende  caes, 

Dat  eit  hi  al  den  dach  ; 
Daer  omme  es  de  kerel  so  daes, 

Hi  êtes  meer  dan  hijs  macb.  » 

*  Collection  de  chroniques  nationales,  Guill.  de  Jdmièges,  livre  V,  ch.  II. 
—  Traduction  de  Guizot. 


(87) 

Uit  deze  strophe  Iceren  wij  den  (oestand  der  Kcrcls  kennen. 
Schilterend  was  die  voorwaar  niet  :  gelapte  kleederen,  sobere 
spijs,  maar  loch  moed,  zelfs  overniocd  en,  mogen  wij  den  adel- 
lijken  zanger  of  den  zanger  van  den  adel  gelooven,  eene  neiging 
om  de  toeii  zoo  machtige  hceren  de  wet  te  stellen.  Moet  dit  niet 
strekken  tôt  een  bctoog,  dat  in  die  tijden  de  strijd  tusschen  kapi- 
taal  en  arbeid,  tusschen  bczit  en  gebrek  al  even  vinnig  was  als 
tegenwoordig? 

«  Enen  groten  rucghinea  cant 

Es  barde  wel  sijn  ghenouch, 
Die  neimt  hi  in  sijn  hant 

Als  hi  wil  gaen  1er  plouch. 
Dan  comt  tôt  hem  sijn  wijf,  de  vule, 

Spinnende  met  enen  rocke, 
Een  sleter  entrent  haer  mule, 

Ende  gaet  sijn  scuetle  brocken...  » 

Dit  deze  en  de  overige  strophen  blijkt  hoe  diep  de  afkeer  was, 
welke  de  adel  voor  den  minbeschaafden,  niet  te  bedwingen  Kerel 
koesterde.  Er  waait  uit  deze  verzen  waarlijk  geen  milde  walni  van 
liefde  en  mededoogen  voor  den  man,  die,  zonder  zijne  schuld, 
nagenoeg  aan  de  laagste  sport  der  maatschappehjke  ladder  stond. 

«  Ter  kermesse  wil  hi  gaen, 

Hem  dinct  datti  es  een  grave; 
Daer  wil  hijt  al  omme  slaen, 

Met  sinen  verroesten  slave. 
Daer  gaet  hi  drincken  van  den  wine, 

Stappans  es  bi  versmoort  ; 
Dan  es  de  werelt  sine, 

Siede,  lant  ende  poort...   b 

De  Kerel  ging  dus,  in  minachting  voor  de  wet,  gewapend.  «  Een 
verroeste  stave,  »  maar  zeker  wel  sterk  genoeg  om,  als  't  nood 
deed,  den  ridder  daarmee  door  't  harnas  te  slaan.  Als  't  feest  was, 
had  hij  't  bêler,  dan  dronk  hij  ook  zijnen  beker  wijn.  't  Neder- 
landsch  spreekwoord  :  «  Eënmaal  kermis  is  niet  altijd  armoê,  » 
zou  tôt  den  lijd  der  Kerels  wel  kunnen  opklimmen. 


(88) 

«  Wi  willen  de  kerels  doen  greinsen, 

Al  dravende  over  tvelt; 
Hets  al  quaet  dat  si  peinsen, 

le  weetse  wel  bestelt. 
Men  salse  slepen  ende  hanghen, 

Haer  baert  es  al  le  lanc; 
Sine  connens  niet  ontganghen, 

Sine  dochten  niet  sonder  bedwanc...  *  » 

Deze  laatste  strophe  getuigt  van  eene  woestheid  en  wraakzucht, 
die  zekerlijk  niet  slroken  met  den  verheven  geest  der  wetten, 
welke  den  middcleeuwschen  ridder  voor  al  zijne  daden  waren 
voorgeschreven.  Onze  dichter  spreekt  van  vervolgen  en  ver- 
delgen—  omdat  de  armeKerel  mogelijk  wat  trotschwasen  onhan- 
delbaar,  nu  en  dan  zicli  in  den  wijn  vergat  —  maar  zeker  toch 
niet  meer  dan  de  cdelman?  —  en  in  dien  toestand  nog  minder  te 
temmen  was.  Edoeb,  zou  de  middelecuwsche  slotheer  in  't  uur 
der  dronkenscbap  minder  baldadig  geweest  zijn  dan  de  arme 
dorper,  dien  bij  wenscbte  uit  zijncn  weg  te  drijven? 

«  Sine  docbten  niet  sonder  bedwanc,  »  zoo  besluit  de  dichter. 
't  Ran  waarheid  geweest  zijn,  maar  «  slepen  en  hangen  »  is  het 
werk  van  barbaren,  niet  van  menschen. 

Er  was  nocbtans  cen  schild  tegen  het  geweld  der  grooten,  en  dit 
vonden  onze  voorouders  in  de  scbuts  der  kloosters.  Wel  is  waar 
moesten  zij  zich  afhankelijk  maken  van  het  slicbt,  in  welks  hoede 
zij  begeerden  te  staan,  doch  dit  bad  niets  vernederends  ;  ware  het 
zoo  geweest,  er  zouden  van  de  VIII'  tôt  in  de  Xllh  eeuw  niet 
zooveel  lieden  geweest  zijn  die  zich  cijnsplichtig  maakten  van 
eene  abdij,  en  men  zou  de  nadeelige  voorwaarden  wel  in  de  aklen 
van  opdracht  terugvinden.  De  oudstbewaarde  oorkonde  van  dien 
ag,P(j  —  deze,  waarbij  zekere  Erembert  twee  zijner  lijfeigenen 
afstaat  aan  de  abdij  van  St.-Pieter,  te  Cent  ^,  verschilt  in  vorm  en 

»  Nederlandsche  Dichterhalle,  volgens  dichlvakken  en  ouderdom  gerang- 
schikt  door  J.-F.-J.  Heremans,  I,  57. 

Dit  lied  behoort,  wat  den  vorm  betreft,  lot  de  Xl\'  eeuw,  maar  ongelwij- 
feld  leefde  heltoen  reeds  lang  in  den  mond  des  volks. 

*  Zie  A.  VAN  LoKEREN,  Chartes  et  documents  de  Vabhaye  de  Saint-Pierre, 
I,  23. 


(89) 

bepalingen  weinig  van  de  latere,  en  de  opdrachtcn  en  afslanden 
hielden  ongeveer  drie  honderd  jaren  aan.  Bedoelde  akten  behel- 
zen  niets  dat  doet  denken  aan  slavcrnij,  of  zelfs  aan  karwei; 
maar  degcne,  die  door  zijnen  gebieder  aan  cen  klooster  werd 
afgestaan  of,  reeds  vrij  zijnde,  zich  zelven  onder  de  schuts  eener 
godsdienstige  vereeniging  slelde,  had  enkel  eenen  jaarlijkschen 
cijns,  somtijds  (doch  dit  was  zeldzaam)  een  bepaald  deel  zijner 
veldvruchten  jaarlijks  op  te  brengen.  Daarvoor  was  hij  zeker  van 
zijne  veiligheid  en  die  zijner  buisgenooten  en  goederen,  wanl  het 
klooster  stond  onder  de  hoedc  en  bescberming  van  pauzen  en 
vorsten,  en  de  middeleeuwsche  overweldigers  dachten  er  twee- 
maal  aan  aleer  zich  den  banvloek  der  eenen  en  de  strenge 
kastijdingen  der  anderen  door  't  aanslaan  van  kerkelijke  goede- 
ren op  den  bals  te  laden. 

Zoo  weinig  vernederend  was  het  toen  zich  afhankelijk  le 
maken  van  den  slaf,  dat  vermogende,  ja  zelfs  adellijke  lieden 
openlijk  daartoe  overgingen  '.  Het  doel  is  klaar  en  duidelijk 
uitgedrukt  in  eene  akte  van  opdracht,  ten  voordeele  van  gemelde 
St.-Pietersabdij  te  Gent  ten  jare  1155  afgeleverd;  raen  leest 
daarin  namelijk,  dat  eene  vrouw  zich  cijnsplichtig  had  gemaakt 
pro  indefmenti  libertate  optinendâ.  Geen  Iwijfel  dus,  of  de 
toevlucht  tôt  een  klooster  was  toen  schier  noodzakelijk  om  zich 
eene  volkomene  vrijheid  te  verzekeren  2,  hoewel  er  enkele  voor- 
beelden  zijn  aan  te  balen  van  oneerlijke  grooten,  die  zich  meester 
raaakten  van  cijnsplichtigen,  tienden  of  andere  bezittingen  der 
abdijen,  zoodat  de  kloostervoogden  weleens  genoodzaakt  waren 


*  Oorspronkelijk  stuk  in  'l  Staatsarchief  te  Bergen,  gedrukt  in  de  Bulle- 
tins de  la  Commission  roijale  cVhistoire,  2^  série,  IV,  bl.  257. 

Voorbeelden  hiervan  zijn  genoeg  voorhanden.  Wijzen  wij  slechts  op  de 
volgende:  «  Hec  ego  Vergioe  de  Wenlina  altendens  cum  ex  ingenuiset  nohi- 
libus  parentibus  procreata  essem...  »  —  Vrouwe  Geertruid...  «  quod  quedam 
nobilis  malrona  Gertrudis  nomine...  cum  esset-libera  et  liberis  parentibus 
oriunda,  iribuiarium  se  consliluit...,  »  benevens  veie  andere,  inzonderheid 
gedurende  deXtlI^  eeuw.  (Zie  Van  Lokeren's  beroepen  werk). 

*  Zie  Van  Lokeren,  Chartes  et  documents  de  l'abbaye  de  Saint-Pierre, 
1,23. 


(  90  ) 

het  ontweldigde  vôor  de  vierschaar  le  gaan  opeischen,  hun  redit 
bezwerende  op  de  Evangeliën.  Alzoo  deed,  onder  anderen,  de  abt 
van  St.-Pieter  ten  jare  H70,  loen  de  nakomelingen  van  zekere 
Gerlinde,  die  zicli  onder  de  bescherraing  van  dat  kloostcr  gesteld 
bad,  namens  den  graaf  van  Vlaanderen  Pbilip  van  den  Elzas 
waren  afgevorderd;  alzoo  moest  diezelfde  vorst  in  1183  aan  de 
abdij  van  St.-Bavo  een  aantal  lijfeigenen  afstaan,  welke  bij  zich 
bad  aangemaligd,  docb  die  beweerden  vrije  lieden  te  wezen  ^ 

Ten  bewijze,  dat  het  vvel  de  zwakbeid  was,  die  bescberming 
zocbt  bij  den  raachtige,  kan  dienen  dat,  op  weinige  uitzonde- 
ringen  na,  al  de  bedoelde  afstanden,  welker  akten  men  aantreft 
in  de  cbarterboeken  der  abdij  van  St.-Pieter,  gedaan  werden  door 
of  namens  vrouwen. 

Het  is  nog  altijd  meest  in  naam  van  den  godsdienst,  of  voor 
't  geestelijk  welzijn  der  bevrijders,  dat  de  opdracbt  aan  een 
klooster  of  altaar  geschiedt.  Jan,  béer  van  Lens  (Brabant),  stelde 
zijne  lijfeigenen  den  vrijdag  vôor  «  Pâques  fleuries  (1304,  o.  s.)... 
pour  Dieu  et  en  aumousne...  »  (zegt  bij)  «  pour  le  salut  de  mon 
asme  et  la  remission  de  mes  pecbies  et  de  mes  ancisseurs,  »  in  de 
boede  van  «  Dieu  et  medame  saincte  Waldrut  de  Mons  ^.  »  Bou- 
dewijn,  ridder  en  béer  van  Fontaines,  twee  lijfeigenen  de  vrijbeid 
scbenkende  in  1327,  verkiaart  dit  te  doen  «  pour  Dieu  et  pour 
le  salut  de  nostre  ame  et  de  nos  ancisseurs  et  a  le  prière  de  noble 
dame  no  Ires  cbiere  et  amee  compaingne  medame  Alyneor  de 
Kevrens.  »  —  De  vrijmaking  van  drie  lijfeigenen  door  Willem, 
graaf  van  Henegouw  en  Holland,  ten  jare  1334  (o.  s.)  ten  voor- 
deele  der  abdij  van  Hasnon,  gaat  vergezeld  van  de  verklaring  dat 
het  gebeurt  «  pour  Dieu,  purement  et  en  aumosne  et  à  le  pryere 
nobles  hommes  le  signeur  de  Boussut  et  Henry  de  Liedekerke, 
chevaliers  ^  » 

*  Serrure,  Cartulaire  de  l'abbaye  de  St-Bavon,  64,  05. 

*  Bij  de  plechligheid  dezer  bevrijding  waren  aanwezig  Izabella  de  Wal- 
lenghien,  Izabella  de  Gupigni,  Margareta  de  Barbenchon,  Joanna  de  Bayus, 
Gatharina  de  Wildeberghe  ea  Joanna  d'Angherial,  kanunnikersen  van 
S»«'-Walburga  te  Bergen,  benevens  vier  leenmanneu  van  graaf  Willem. 

5  Er  zijn  meer  voorbeelden  op  le  noemen  dat  vorslen  zelven  de  veiligheid 


(91  ) 

Van  des  te  meerdere  waarde  raoest  de  bescherming  ecner 
raachlige  abdij  den  zwakken,  wcerloozen  lieden  zijn,  daar  er,  in 
wedervergelding,  zoo  wcinig  van  hen  gcëischl  werd.  Inderdaad, 
de  hiin  opgelcgde  belasting  was  licht  ora  dragen;  de  drie  lijfei- 
genen,  door  genoemden  graaf  Willem  aan  de  kloostergemeente 
van  Hasnon  afgestaan,  waren  enkel  verplicht  twee  deniers  in 
't  jaar,  en  bij  den  dood  zes  deniers  aan  den  abt  op  te  brengen. 
Welk  verschil  er  ook  in  de  op  te  brengen  som  was,  deze  was  toch 
overal  gcring,  en  't  erfcnisrecht,  dat  de  vrije  lieden  van  onzen 
tijd  den  Staat  geven  moeten,  drukt  zeker  wel  zwaarder  en  is  niet 
minder  hatelijk  dan  de  zoogenaamde  «  sterfcoop.  » 

Hel  is  natuurlijk  dat  de  vrijgemaakten,  opgeleid  tôt  de  priester- 
lijke  bediening,  van  aile  cijnsbelasting  onlslagen  waren  ;  maar 
ook  leeken,afliangende  van  eene  geestelijke  genieenschap,  werden 
op  den  duur  bevoordeeligd.  De  boeren  van  Xhoris,  namelijk,  die 
cijnspliclitig  waren  van  de  abdij  van  Stavelot,  zagen  ten  jare  932 
de  hiin  opgelegde  belasting  verminderen  *,  en  van  zulke  edel- 
moedige  trekken,  ook  vanwege  leeken,  zijn  verschillige  voor- 
beelden  aan  te  halen.  De  gedachte  :  de  toestand  der  geringe 
klasse  raoet  verbeterd  worden,  won  dagelijks  veld;  er  bestond 
sleehls  verschil  in  de  manier  om  die  tôt  daad  te  maken.  Wanneer 
Margareta  van  Constantinopel  in  1245  het  lot  harer  onderhoo- 
rige  dienstbaren,  in  hare  avouerie  van  Henegouw,  verbeterde, 
besprak  zij  voor  zich  en  hare  nazaten  het  beste  voorwerp,  dat  in 

erkenden,  welke  de  lieden,  afhangende  van  de  klooslers,  genolen.  Reeds  in 
954  had  Adela,  gravin  van  Vlaanderen,  Iwee  harer  dienslbaren  mils  eenen 
jaarlijkschen  cijns  aan  de  abdij  van  St.-Pieter  te  Genl  afgestaan  (Diericx, 
Appendice  aux  mémoire^  sur  la  ville  de  Gand,  bl.  72,  in  nota);  in  1130 
geschiedde  de  opdracht  van  een  groot  gelai  lijfeigenen  aan  't  sticht  van  den 
H.  Bavo  ter  genoemde  stad,  door  graaf  Dirk  van  den  Elzas.  Laatstgemelde 
afsland,  beginnende  met  de  aanroeping  :  «  Sanclus  Livinus...  »  was  gedaan 
«  ob  memoriam  et  salutem  meam  et  praedecessorum  meorum  quedam 
raancipia  mea  quorum  nomina  subscribunlur  cum  omni  sobole  sua  et  poste- 
ritate  sancto  Livino  precioso  martyr!  in  Gandensi  ecclesia  sancli  Bavonis 
libéra  et  absolula  traditione  coram  bominibus  et  baronibus  meis  praesente 
abbate...  »  (Serrure,  Cartulaire,  bl.  54). 
*  RiTz,  Urkunden  zur  Geschichte  des  Niederrheins,  bl.  27. 


(  92) 

't  sterfhuis  van  elken  dier  lijfeigenen  zou  worden  aangetroffen, 
wat  eene  aanzicnlijke  verzachling  voor  de  weinig  begoeden  was, 
daar  zij  vroeger,  bij  het  overlijden,  de  heift  hunner  goederen  aan 
den  vorst  moesten  afstaan  *.  Minder  edelmoedig  ging,  in  1304, 
gemelde  Jan,  lieer  van  Lens,  te  werk;  de  verkiaring  afleggende 
dat  hij  voor  altijd  afzag  van  aile  soort  van  dienstbaarheid  en  afper- 
sing  len  voordeele  van  drie  zijner  lijfeigenen,  vorderde  hij  van 
hen  2  blanke  deniers  's  jaars,  12  stukken  van  dezelfde  munt  bij 
hun  huwelijk  en  evenveel  bij  den  dood,  ailes  ter  giinste  van  de 
Ste-Waltrudiskerk  te  Bergen. 

Aangaande  de  lijfeigenen,  welke  nog  niet  tôt  het  genot  der 
vrijheid  werden  geroepen.  ook  dezer  toestand  verzachtte  onder 
den  invloed  der  machlige  beweging,  die  aan  aile  zijdcn  tôt  de 
ontvoogding  aanspoordc.  «  Ter  uitzondering  van  een  klein  getal 
(zegt  A.  Wauters)  2,  die  tôt  den  huisdienst  bestemd  waren,  en 
wier  bestaan  meer  afhing  van  de  grilligheid  des  meesters,  was  de 
groote  meerderheid  aan  't  bewerken  van  den  akker  en  enkel 
met  eenen  bepaalden  cijns  belast;  zij  konden  niet  aan  den 
geboortegrond  ontrukt  noch  aan  den  vreemde  verkocht  worden; 

*  Ziehier  een  uittreksel  uil  de  daart.oe  belrekkeîijke  charter,  verleend 
door  Margareta  in  uitvoering  der  begeerle  van  hare  zusler,  de  gravin  Joanna, 
uitgedrukt  «  en  sa  plaine  santé  «  : 

...  «  Ke  lûtes  les  gens  de  sainleur  {servitude)  de  tote  la  terre  de  Hainau, 
ki  esloient  de  s'avoerie,  qui  ele  avoit  partis  a  moitiet  à  le  mort,  fuscent  al 
mellor  chatel  à  le  mort,  kar  preudomnie  li  avoient  soventes  fois  dit  ke  partir 
ne  pooit  seurement  tels  gens,  ne  al  salut  de  s'ame.  Et,  por  çou  ke  nos  tro- 
vames,  al  consel  de  nos  haus  homes  de  Hainau,  à  qui  nos  en  demandâmes  por 
le  chose  plus  fermement  assummer,  ke  tôt  cil  de  sainleur,  sicom  il  mius 
creoient,  dévoient  eslre  al  mellor  chalel  à  le  mort,  et  ke,  par  acoustumance 
de  balliiis  plus  ke  par  autre  droit,  avoient  esté  parti  des  chi  a  ore,  nos,  par  le 
volente  et  la  promesse  nostre  chiere  seur  Jehane  devant  dite  a  acomplir,  et 
par  nostre  greanche  {gré)  et  nostre  assentement  ke  nos  très  donc  a  ceste 
chose  avuec  sa  volenle  mesimes,  et  encor  i  metons,  por  nos  et  por  nos  oirs 
ki  après  nos  venront,  volons  etc..  » 

(Oorsproukelijk  sluk  in  het  Staatsarchief  te  Bergen,  medegedeeld 
door  Gachard  in  de  Bulletins  de  la  Commission  royale  d'his- 
toire, 2«  série,  IV,  255-236.) 

'  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  II,  10. 


(95) 

wel  is  w  aar  leverde  hun  bestaan  niets  schitterends  op,  en  was  er 
voor  hen  geene  lioop  tôt  lotsverzachting,  maar  dank  aan  bet 
nationaal  karakier  en  dcn  invloed  van  den  godsdicnst,  gevvende 
men  zich  er  aan,  hen  op  zachte  wijze  le  behandelen.  Somtijds 
zelfs  bezaten  zij  grondgoederen  en  werden  zij  bekwaam  en 
waardig  geacht  om  in  de  plaats  van  hunnen  meester  in  openbare 
plechtigheden  op  te  treden.  »  —  Inderdaad,  wij  lezen  bij  Hemri- 
couRT  {Guerre  d'Awans  et  de  Warous,  §  5,  bl.  529)  van  eene 
b'jfeigene  yrouw,  levende  in  de  XIl^  eeuw,  «  et  qui  estait  riche  de 
moibles  et  d'yretage,  »  terwijl  ten  jare  4093  een  dienstbaar  man, 
Sleypo  geheeten,  in  naam  van  zijnen  afwezigen  meester  eene  gift 
overbrengt  aan  't  klooster  van  Jette.  Voor  't  overige  men  vergeté 
't  niet  :  de  dienstbaarheid  is  geene  vinding  der  middeleeuwen, 
gelijk  al  te  lang  beweerd  werd,  maar  eene  merkeb'jke  verzachting 
der  slavernij,  die  bet  beidendom,  bij  de  Kelten  en  de  Germanen 
evenzeer  als  bij  de  Romeinen,  bad  tôt  stand  gebracht.  Dienstbaar 
of  enkel  cijnsphchtig,  was  de  landman  in  de  vroege  middeleeuwen 
ten  onzent  niet  ongelukkig,  althans  bij  had  bet  beter  dan  in  menig 
ander  rijk  van  Europa,  waar  de  lijfeigene  minder  edelmoedig 
werd  bejegend  en,  bij  gémis  van  burgerlijke  rechten,  enkel  de 
rechten  der  menscbelijkbeid  kon  inroepen,  welke  hem  nog  niet 
altijd  waren  gegund.  Hier  was  de  vrijheid  van  den  hiiiselijken 
haard  gewaarborgd,  en  als  de  Luiksche  poorter  in  1200  met  trots 
liet  hooren  :  «  Povre  homme  en  sa  maison  roy  est,  »  sprak  hij 
een  woord,  dat  weldra  voor  schier  de  algemeenheid  der  Belgen 
zou  waarheid  worden. 

Alzoo  beschouwd,  komt  het  eenigszins  vreemd  voor,  dat  Jacob 
VAN  Maerlant,  die  in  de  XIIP  eeuw  leefde,  den  val  der  oude  feo- 
daliteit  of,  wil  men,  van  de  macht  der  slotheeren,  beschouwde 
als  eene  groote  overwinning,  een  oordeel,  dat  later  werd  bijge- 
stcmd  door  verreweg  het  meeste  getal  geschiedschrijvers,  die  tôt 
op  onzen  tijd  de  féodale  inrichting  als  eenen  vioek  voor  het  volk 
brandmerkten.  Waar  Maerlant  het  oude  stelsel  als  eene  strek- 
king  tôt  tirannij,  zelfzucht  en  ongelijkheid  der  menschen  afkeurde, 
was  hij  zeker  niet  gansch  bezijden  de  waarheid;  imraers  de  feoda- 
liteit  herschiep  het  land  in  geen  Eldorado,  voerde  de  boeren  niet 


(94) 

temg  totden  gulden  herderstijd,zoo  gemoedclijk  door  Theokriet 
in  de  oudheid  en  door  Gessner  in  de  vorigc  eeuw  bezongcn;  het 
kasteel,  ja,  beheerschte,  met  de  kerk,  gansch  het  dorp,  en  weer- 
klonk  weleens  van  den  jammcrkreet  eens  ongenadig  verdrukten 
dorpers.  Maar,  onverlet  gelaten  dat  de  landbouwer  het  idealisch 
leven  nog  in  onze  XIX*  eeuw  niet  heeft  gevonden,  mag  men,  bij 
de  beoordeeling  van  middelecuwsche  toestanden,  niet  uit  het  oog 
verh'ezcn  dat  onder  de  scliuts  der  schietgaten  van  die  geduchte 
sloten  eene  massa  dorpehngcn  leefde,  en  daar  bij  vijandelijken 
aanval  niet  enkel  hiinnen  persoon,  maar  ook  hun  goed  bevei- 
ligen  moehten;  dat  de  adel,  door  zijnen  ridderlijkcn  geest,  veel 
heeft  bijgedragen  tôt  verzachling  der  zeden,  ter  bevordering  van 
beschaving,  en  aan  het  hoofd  der  middeleeuwschc  gemecnten 
staande,  onzeghjk  veel  heeft  meegewrocht  om  deze  in  macht  en 
slerkte  en  luisler  op  te  voeren,  totdat  eindelijk  het  uur  der  bur- 
gerij  zoude  slaan. 

En  de  beweging  voor  de  volksontvoogding  werd  inderdaad  zoo 
groot,  dat  niets  in  staat  was  dien  stroom  van  richting  le  doen 
veranderen  of  te  stutten  ;  het  zijn  nu  niet  langer  alleenstaande 
personcn  meer,  met  een  betrekkelijk  gering  vermogen  en  invloed 
in  de  samenleving,  die  de  zoete  vruchten  der  vrijheid  aan  mede- 
menschen  te  gcnieten  geven,  ook  de  Staat  aeht  het  uur  gekomen 
om  de  machligc  beweging  te  volgen,  en  aan  geheele  bevolkingen, 
gansche  gemecnten  wordt  ineens,  de  eene  na  de  andcre,  hetbur- 
gerlijk  recht  geschonken,  minder  uit  eenen  geest  van  godsdiens- 
tigheid,  gelijk  weleer,  dan  in  't  belang  der  landheeren,  of  wcl  om 
staatsredenen.  't  Was  onder  de  groote  regeering  van  Boudewijn 
van  Rijsel  (1056-1067),  een  even  slerken  en  dapperen  als  vromen, 
wijzen  en  zachtzinnigen  vorst,  dat  de  Vlaamsche  steden  begonnen 
onlvoogd  te  worden,  maar  't  zou  eerst  in  de  volgende  eeuw  zijn, 
dat  aan  de  dorpen  van  dit  gewest  de  vrijheid  werd  vergund.  De 
beweging  strekte  zich  uit  tôt  de  verste  streken  van  het  noorden. 
Ten  jare  1171  komen  een  groot  getal  bisschoppen  te  Armagh 
(lerland)  samen,  en  verkiaren,  in  den  name  Gods,  al  de  slaven 
van  hetland  vrij.  Eene  halve  eeuw  te  voren,  bepaaldelijk  in  1125, 
had  de  prins-bisschop  van  Luik  dezelfde  verklaring,  in  voordeel 


I 


(  93) 

van  al  de  mannen  ondcr  zijn  gebied  en  dat  zijner  geestelijkheid 
staande,  met  zijn  zegel  bekrachligd.  Uitwijzcns  eene  overeen- 
komst,  in  't  jnar  1212  tusschen  Ilendrik,  hertog  van  Brabant,  en 
Godfried  van  Breda  geslolen,  werd  kort  te  voren  de  dienstbaar- 
heid  afgescliaft  in  Oosterwijk,  Arendonk,  Herenlhals^  Turnhoul, 
Hoogstraten,  Biisk  (?),  Lier  en  Sichem  *.  Onder  degemeenten  van 
het  Waalsche  land,  welke  al  vroeg  tcenemaal  van  dienstbaarheid 
werden  ontslagen,  is  Frasne  te  noemen,  een  groot  dorp  op  onge- 
veer  drie  iiren  van  Cbarleroi.  Godfried  III,  hertog  van  Lotha- 
ringen  en  graaf  van  Leuven,  gaf  die  plaats  in  4160  een  aantal 
rechten,  welke  zelfs  raenige  opkoraende  stad  haar  toen  benijden 
mocht  2.  Haspres,  in  Henegouw,  kreeg  zijnc  keure  in  1176,  en 
werd  daardoor  met  eene  schepenenbank  begifligd  ^.  Arnout  Lan- 
dras,  heer  van  Eine,  bij  Oudenaarde,  bevrijdde  al  zijne  lijfeigenen 
in  't  jaar  1222;  Aleida  van  Boelare  de  hare  op  Witten  Donderdag 
1258;  Hugo,  kastelein,  en  zijne  gemalin  ontvoogden  hunne  dienst- 
baren  uit  het  land  van  Waas  ten  jare  1245,  en  Godfried  van  Breda 
de  zijne  in  1246  *. 

In  dit  edel  werk  waren  de  landheeren  doorgaans  de  vorsten 
voor,  en  deze  laatsten  schijnen  de  beweging  maar  al  tastende, 
met  aarzeling  gevolgd  te  hebben;  allhans  het  Vrije  van  Brugge 
bekwam  zijne  keure  maar  in  1224,  en  toen  Margareta  van 
Constantinopel  in  1268  de  bewoners  van  Desteldonk,  Sleidinge 
en  Lovendegem  met  eene  keure  begifligde,  zonderde  zij  van  de 
vrijmaking  hare  cigene  lijfeigenen  uit  ^.  Het  moet  evenwel  gezeid 
zijn  dat  deze  vorstin  cenige  jaren  vroeger,  bepaaldelijk  in  1252, 
het  lot  harer  lijfeigenen  merkelijk  verzacht  had  ^.  Ook  enkele 
landheeren  handelden  op  weinig  edelmoedige  wijze. 

Ogy  en  Isières,  in  Henegouw,  verkregen  hunne  keure  in  1283. 
Arnout,  die  ze  voor  deze  zijne  heerlijkheden  bekrachtigde,  was 

*  MiRiELSj  Opéra  diplomatica,  I,  565,574. 

*  Annales  de  l Académie  d'archéologie  de  Belgique,  XI,  64. 
^  Jos.  DE  Saint-Genois,  Monum.  anciens,  479. 

''•  MiRyEus,  Opéra  dipL,  II,  51o,  321,  75o,  764. 
»  DiERicx,  Mém.  sur  la  ville  de  Gand,  I,  117. 

6   WARNKœNIG,  I,  558. 


(96) 

zoon  van  Gijzelbrecht  van  Oudenaarde  en  van  Richilde  van  Mor- 
lagne,  doch  't  was  niet  zonder  legenstand  dat  de  heer  van  Oude- 
naarde de  vrijheden  vergunde;  men  moest,  om  dezen  afstand  van 
hem  te  bekomen,  een  arbitraal  vonnis  uitlokken  van  de  kerk  van 
Kamerijk,  waarhij  deze  hare  rechten  op  genoemde  plaalsen  deed 
gelden  *. 

De  geheeleXIII^  eeuw  was  geluigc  van  den  ongestuitcn  voort- 
gang  der  volksontvoogding,  in  't  noorden  als  in  't  zuiden,  in 
't  oosten  gelijk  in  't  westen  van  België;  wij  willen  hier  een  bewijs 
van  bijbrengen  door  de  aanhaling  van  een  aantal  bevrijdingsakten 
uit  dit  tijdvak,  ten  voordeele  van  dorpen  afgeleverd  en  waaronder 
vêle  vergezeld  waren  van  eene  keure  2. 

d09*.  Steenwerk,  door  graaf  Robrecht  den  Jonge  (vernieuwd  in  1160 

door  Dirk  en  Philip  van  den  Elzas;  00k  voor  Berkin). 
1154.  Brogne,  in  't  graafschap  Naraen. 

1159.  Mont-Saint-Guibert,  door  Godfried,  hertog  van  Lotharingen. 

1160.  Frasnes  en  Baisy,  door  denzelfde. 

1161.  Reninghelst,  door  Dirk  en  Philip  van  den  Elzas. 
1163.  St-Amand,  door  Philip  van  den  Elzas. 

1174.  Favril. 

1175.  Brusthem,  door  Geeraard  III,  graaf  van  Loon. 

1178.  Oberchicourt  en  Pocquencourt,  door  Boudewijn  van  Henegouw. 
1180.  QuESNOY  (Kanoot),  door  Albert  van  Beieren. 

*  De  oorkonde,  gedagleekend  van  21  Januari  1233,  besluilaldus  : 
«  ...  Pronontiamus,  ut  ecclesia  B.M.  Camer.  possidet  altam  et  bassam  super 
hospites,  suos  in  villis  de  Ogy  et  de  Isier  justiciam  itae  possideat  ipsum 
D.  Arnulphum  super  perturbalione  praedicta  per  eamclem  sententiam  con- 
dempnantes  et  inhibentes  eidem  Arn.  de  Aldenardis  ne  possessionem  ipsius 
ecclesiae  in  alta  et  bassa  justicia  apud  Ogy  et  apud  Isier  de  caetero  perturbet, 
ducendo  hospites  ecclesiae  in  angarias,  vel  in  exeritum,  vel  leges  aut  bannos 
super  hospites  ecclesiae  proponendo  vel  instituendo,  sed  ipsam  ecclesiam  sua 
possessione  altae  et  bassae  justiciae  super  hospites  apud  Ogy  et  apud  Isier 
hbere  et  paciflce  gaudere  pcrmittat...  » 

{Bulletins  de  la  Société  historique  et  littéraire  de  Tournai,\]  (1860), 
^  Hierbij  zijn  een  aantal  plaatseu  uit  bet  noorden  vau  Frankrijk,  weleer 
deel  makende  van  een  der  zuidelijke  Belgische  gewesteu.  Wij  troflfen  ze  aan 
bij  Arth.  Dinaux,  Archives,  3«  série,  10. 


(97) 

4191.  Ramousée,  door  Wouter,  heer  van  Avesnes. 

119o.  Ten  Hamere,  bij  Biervlict,  door  Hendrik,  brocdcr  des  graven  van 

Vlaanderen. 
1197.  Haspres  (Henegouw),  door  Boudewijn,  graaf  van  Henegouw. 
1202.  SoLESMES,  door  Walter,  voogd  van  Solesmcs. 
1204.  3IarilleSj  Lij  Geldenaken,  door  Hendrik  I,  hertog  van  Brabant. 
120o.  DÉCHY  en  Férin,  door  de  abdij  van  Sint-Amand. 
1206.  Halen,  door  Hendrik  I,  hertog  van  Brabant. 
1209.  Beauraixg,  door  Thiebault,  graaf  van  Bar. 
1211.  Neerijsche,  door  Hendrik  I,  hertog  van  Brabant. 
12**.  Croisettes,  door  de  abdis  van  Meesen. 

»       Ham-lez-Lillers,  door  den  abt  van  Ham. 

«       Harnes,  Annay,  Loison,  door  den  abt  van  St.-Pieters,  te  Gent. 
1213.  VoRST  (Forest),  door  den  hertog  van  Brabant. 

»       Leeuw  of  Zout-Leeuw  (Léau),  door  denzelfde. 

1215.  Jamoigne,  door  Hugo  de  Rumigny,  heer  van  Florennes. 

1216.  OisY,  door  Jehan,  heer  dier  plaats. 

»  Dongelberg,  door  Hendrik  I,  hertog  van  Brabant. 

1218.  Frévent,  door  G.  van  Châlillon,  graaf  van  St.-Pol. 

1219.  Po\T-DE-Loup  en  ChÀtelet,  door  Boudewijn,  avoué  van  Châtelet. 
»  SoMMAiiVG,  door  de  abdij  van  Cisoing. 

1220.  Trazegnies,  door  Otto,  heer  dier  plaats. 

1222.  Chapelle-lez-Herlaymont,  door  Otto,  heer  van  Trazegnies. 
x>       Rosières,  bij  Wavre,  door  Hendrik  I,  hertog  van  Brabant. 

V       Fauquemberge,  door  Willem  IV,  kastelein  van  St.-Omaars. 

1223.  AviOTH,  door  Lodewijk,  heer  van  Chiny. 

1225.  Grimbergen,  door  Geeraard,  heer  dier  plaats,  en  Agnete,  zijne 

vrouw. 

1226.  Incourt  (bij  Geldenaken),  door  den  hertog  van  Brabant. 
»       Dlisberg,  door  denzelfde. 

1228.  Gouy-en-Ternois,  door  Hugo  van  Châtillon,  graaf  van  St.-Pol. 

«       CouRiÈRES  (deel  van  Farailleureux),  door  Hendrik  I,  hertog  van 
Brabant. 
122* .  Geel,  door  Hendrik  Berthout,  heer  dezer  plaats. 

1229.  Hénin-Liétard,  door  Boudewijn  II,  heer  van  Hénin. 

»       Baasrode  (Mariakerke),  door  Hugo,  kaslelcin  van  Gent. 
1250.  La  Hulpe,  door  Hendrik,  hertog  van  Lotharingen. 
»       RiCHEBouRG,  door  Jan,  abt  van  St.-Vaast. 

Tome  XXXII.  7 


(98) 

i231.  Neufville  en  St.-Amand,  door  Fernand  van  Portugal  en  Joanna 

van  Constantinopel. 
1232.  St.-Oedenrode  (Rode),  door  Hendrik  I,  hertog  van  Brabant. 
1253.  RocouRT,  door  denzelfde. 
1234.  IJsscHE,  door  denzelfde. 
J236.  Gedinine,  door  Boiidewijn,  heer  van  Orchimont. 

1237.  Valincourt,  door  dcn  heer  dier  plaats. 

1238.  VicQ  en  Escaupont,  door  Gillis,  heer  dier  plaatsen. 
»       Marquion,  door  den  heer  van  Oisy  en  Marquion. 

»  Breux  en  Esclapy,  door  Arnout,  graaf  van  Loon  en  Chiny,  en 
Hebrant  de  Breu. 

1239.  MoNTMÉDY,  door  Lemzone,  heer  dier  plaats. 

1239.  Beeringen,  door  Arnout,  graaf  van  Loon  en  Chiny. 

1240.  Piètre,  door  Bertoiil,  heer  van  Belle. 

»       Charvency,  door  Arnoiil,  graaf  van  Loon  en  Chiny. 
«       CuRAiNGE,  door  Arnold^  graaf  van  Loon. 

1241.  Famiers  en  Curlu  (?),  door  de  hecren  dier  plaatsen  en  denabt  van 

Arouaise. 

»       Revogne,  door  Robrccht,  bisschop  van  Luik. 

«       Wymi,  door  Walter,  heer  van  Avesnes. 

»  Kapruke,  door  Thomas  van  Savooieen  Joanna  van  Constanti- 
nopel. 

»       Het  Land  van  Waas,  door  dezelfden. 

1242.  Corbion,  door  Hugo,  ridder,  heer  van  Corbion. 
«       Proisi,  door  Hugo,  abt  van  Mouson. 

»  De  Vier  Ambaciîten,  samengesteld  uit  de  dorpen  Assenede,  Ert- 
vclde,  Kluîzen,  Wachlebeke,  Winkel,  Zelzate,  Hertinge,  Huger- 
sluus,  Moerkerke,  Nieuwerkerke,  Pereboom,  Steeland,  Vroondijk, 
Willemskerke  ;  —  Boekhoute,  Bassevelde^  Oost-Eekloo  ^  Pieté  j 
Wevelswale,  Koudekcrke  ;  —  Axel,  Zuiddorpc,Moere,  Westdorpe, 
Beoostenhlijdej  Zaamslag,  Othenee^  Aandijke,  Trinileit,  Terneu- 
zen,  Boschkapclle  ;  —  Hulst,  Hontenisse,  Ossenisse,  Heinsdijk^ 
St.-Pauluspolder ,  Lamswaarde,  Namen. 

1243.  SiRAULT,  door   den  abt  van  St.-Amand,  met  tusschenkomst  van 

Willem  van  Brakel  en  andere  heeren. 
1245.  Marvilles,  Taismères,  Noyelle-sur-Sambre,  Morbaix. 

«  Lalleu,  door  den  abt  van  St.-Vaast,  te  Atrecht,  en  Robrecht  vàn 
Bethune,  avoué  van  St.-Vaast. 


.{^9) 

i  245.  OuDEGEM,  bij  Dendermonde,  door  Robrecht,  heer  van  Bethune  en 
Dendermonde. 

1246.  Ellegnies,  door  Jacob  van  Condé,  heer  van  Belle. 

1247.  Onnaing  en  Qi'arouble,  door  't  kapittel  van  Kamcrijk. 

»      VLOEDGAT(bij  Oost-Duinkerke),  door  Margareta  van  Constantinopel. 

1248.  LoMBARDziJDE,  door  dezclfde. 

»       Berg  en  Neder-Okkerzeel,  door  den  hertog  van  Brabant. 
«      EsTROEUNGT,  door  Jan  van  Avesnes  en  zijne  vrouw  Alix. 
»      Langle  (land  van),  door  Robrecht  II,  graaf  van  Artois. 
12**.  (!«  helft),  Waalhem,  door  de  Berlhout's,  heeren  van    Duffel  en 

en  Geel. 
1251.  Merchtem,  door  den  hertog  van  Brabant. 
1233.  Montigny-sur-Sambre,  door  Godschalk,  heer  van  die  plaats. 
1258.  Saucoive,  Geonsan,  Morthomme  en  Nessoulaix,  door  den  abt  van 
Orval. 

1260.  Saint-Mard  en  Vieux-Virto\  ,  door  Arnout  en  Lodewijk,  graven 

van  Loon  en  Chiny. 
»      MexNthon  en  Clémency,  door  Arnout,  graaf  van  Loon  en  Chiny. 
126*.  HoBOKEN,  door  de  heeren  van  dit  dorp. 

1261.  Zaffelare,  door  den  abt  van  St.-Pieters,  teGent. 

1263.  GnLL\,  door  Nicolaas  van  Condé. 

»       Arleux-en-Gohelle,  door  't  kapittel  van  St.-Pieters,  te  Rijsel. 

1264.  Moorsel,  Gevergem,  Wieze,  door  Robrecht,  heer  van  Bethune  en 

Dendermonde. 
»      SiGNY,  Vaux,  Montlibert,  door  Lodewijk   V  en  Jan,  prior  van 
Vaux-lez-Moines. 

1265.  Ziesele,  door  Margareta  van  Constantinopel. 

»       Pieté,  bij  Boekhoute,  door  den  abt  van  St.-Pieters. 

1266.  Baàsrode  (St.-Amands-),  door  Robrecht,  zoon  des  graven  van 
Vlaanderen,  den  abt  van  St.-Amand  en  Léo  van  Aa,  heer  van 
Grimberge. 

1268.  De  dorpen  van  de  kastelnij  des  Oudenburchts,  omtrent  Gent. 

»      Desteldonk,   Sleidinge   en    Lovendegem,   door   3Iargareta    van 
Constantinopel. 

0       Orges  en  Herbeumoivt,  door  Jan  van  Rochefort. 
1271.  Moiry,  door  Geeraard,  heer  van  Chavency. 
1273.  Bonne-Espérance,  door  Jacob,  heer  van  Chaumont. 
1275.  Marquain,  door  Jan,  heer  van  Mortagne. 


(  100  ) 
1280.  OiGNiEs,  door  Hugo  van  Anloing,  heer  van  Epinoy. 

1283.  LiEDEKERKE. 

1284.  Vance,  door  Aubert,  heer  van  Vance,  met  zijne  beide  zonen. 
»       Olizy,  door  Geeraard  van  Loon,  heer  van  Chauvency. 

1 291 .  Bray,  Estinnes-au-Val  en  Estinnes-au-Mont,  door  Jan  van  Avesnes. 

1301.  ToRGNY  (Luxemburg),  door  Hendrik,  graaf  van  Luxemburg. 

1302.  SicnEM,  door  Godfried  van  Brabant. 

1503.  Waalwuk,  door  Jan  II,  hertog  van  Brabant. 

1304.  Meerhout,  door  denzelfde. 

1323.  MoiLLY,  door  Raoul  van  Chauvency,  heer  van  Moilly  en  Olizy. 

1331.  Belleren  (Haut-Bellain),  door  Jan  den  Blinde. 

1344.  ToNNELETiL,  ToNNELLE  en  Bavier,  door  Arnout,  graaf  van  Loon 
en  Chiny. 

1366.  Herbevaux,  door  Wenceslaus  van  Bohemen,  hertog  van  Luxem- 
burg enz. 

In  den  loop  der  XIIP  eeuw  hadden  Brabant,  Limburg,  Vlaan- 
deren  en  Luik  van  de  dienstbaarheid  niets  bewaard  dan  den  cijns, 
eenige  banaalrechten  voor  molens,  markten,  brouwerijen  enz. 
Hier  en  daar,  nochtans,  waren  door  de  heeren  bij  't  verleenen  der 
vrijheid  en  keure  zekere  bepalingen  gemaakt,  die  bewijzen  dat 
zij  niet  gemakkelijk  van  de  verouderdc  denkbeelden,  de  voile 
nieeslerschap  konden  afzien.  Zoo  leest  men  in  de  akte  waarbij 
Lodewijk,  graaf  van  Chiny,  en  Jan,  prior  van  Vaux-lez-Moines,  de 
dorpbewoncrs  van  Signy,  Vaux  en  Monllibert  onllrekken  aan  de 
wet  van  Beaumont  *  en  stellen  onder  die  van  Montmédy,  dat  dit 
duren  zal  «  tant  que  le  comte  de  Chiny  le  vouldra  souffrir;  »  zoo 
verbiedt  de  ontvoogdingsbrief  voor  Malendry  aan  de  ingezetenen 
dier  heerlijkheid  le  gaan  wonen  «  en  aulcune  ville  ou  chasteau 

^  De  keure  van  Beaumont  is  bijzonder  merkwaardig  door  hare  mildheid 
en  duidelijkheid;  ook  werd  zij  door  versebeidene  vreemde  steden,  slaande 
onder  't  rechtsgebied  van  den  aartsbisschop  van  Reims,  aauvaard.  Men  vindt 
ze  ingeschreven  in  't  register  der  charters  van  't  hertogdom  Luxemburg, 
(Januari  1600,  n°  3,  litl.  pp.  fol.  367)  en  in  afschrift  ter  Bibliotheek  van 
Burgondië,  n"  12,376;  zij  Avcrd  gedrukt  in  de  Histoire  de  Lorraine,  door 
D  Calmet,  II,  537,  en  o.  a.  besproken  door  Merlin,  Répertoire  (art.  Loi  de 
Beaumont). 


{m  ) 

appartenant  au  comte  de  Chiny,  »  en  Aubert,  heer  van  Vance, 
schreef  voor,  dat  diegenen  zijner  onderhoorigcn,  welke  gehuwd 
waren,  in  het  dorp  verblijven  moesten;  dat  al  degenen,  welke 
zich  elders  wilden  vestigen,  voor  hun  vertrek  hun  goed  verkoopen 
of  afstaan  moesten  aan  andere  ingezetenen,  en  dat,  bij  vcrzui- 
menis  daarvan,  de  goederen  van  den  vertrokkene  ter  beschik- 
king  zouden  bb'jven  van  meier  en  scbepenen.  De  heer  van  Vance 
behield  zich  't  gebruik  voor  van  de  bosschen  en  weiden  zijner 
heerh'jkheid,  voor  't  geen  zijn  huis  of  veckudde  mochtcn  noodig 
hebben,  met  de  bepaling,  evenwel,  dat  bijaldien  zijn  vee  eenig 
nadeel  zou  veroorzaken  aan  't  goed  of  de  vruchten  zijner  boeren, 
hij  dit  vcrlics  zal  vergoeden  zonder  nochlans  te  kiinnen  geboet 
worden.  De  heciiijkheid  bleef  onder  de  afhankelijklieid  der  graven 
van  Bar  en  Chiny,  aan  wie  de  heer  van  Vance  de  hclft  der 
rechten  en  der  boelen  voor  misdaden  en  overtredingen  afstond;  — 
van  hunnen  kant  verbonden  zich  de  beide  graven,  met  tocstem- 
ming  van  den  heer  van  Vance,  de  dorpehngen  in  't  genot  te  laten 
der  hun  toegekende  privilèges,  zelfs  tegen  den  heer  van  Vance  '. 
Gelijk  de  vrijmaking  van  eenen  enkelen  landman  doorgaans 
moest  vergolden  worden  met  eenen  jaarlijkschen  cijns,  zoo  werd 
dit  ook  gevraagd  bij  de  ontvoogding  van  eene  gansche  gemeente; 
edoch,aan  menige  plaats  werd  daarbij  het  een  of  ander  voorrecht 
geschonken,  zooals  het  vrije  genot  eener  weide,  van  een  bosch  enz. 
De  hertogen  van  Brabant  en  de  heeren  van  Aa,  te  Anderlecht, 
gaven  daar  een  schoon  voorbeeld  van.  Hendrik  van  Brabant, 
Iweede  van  dien  naam,  gaf  in  Maart  1228  (o.  s.)  den  inwoners 
van  Anderlecht  den  eigendom  van  een  moeras,  of  liever  van  eene 
weide,  zich  uitstrekkende  tôt  aan  Kuregem  2.  Wanneer  Jan  van 
Avesnes,  graaf  van  Henegouw,  de  lijfeigenschap  afschafte  voor  de 
dorpen  Bray,  Estinnes-au-Val  en  Estinnes-au-Mont,  verleende  hij 
den  bewoners  dezer  plaatsen  een  vrij  geweid,  en  de  graaf  van 
Henegouw  vergunde  in  't  jaar  J200  aan  de  gemeenten,  welke 

*  Annales  de  Vlnslitut  de  Luxembourg,  X,  233-237. 
^  Archieveu   der   Rekenkamer.   Reg.  n»   433  (gedrukte  Inventaris).  — 
A.  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  1,  32. 


(  102  ) 

't  zoo  geheeten  Alloé't  de  Binche  vomiden,  het  recht  van  gebruik 
te  niaken  van  al  de  bosschen,  in  genoemde  heerlijkheid  gelegen. 
De  heer  van  Wiltz  deze  gemcente  in  1437  —  laatlijdig  genoeg!  — 
de  vrijheid  gevende,  ontsloeg  haar  van  de  verplichling,  de  muren 
en  wallen  der  sterkte  aldaar  te  herstellen  en  le  onderhouden;  hij 
verbond  zich  om  nooit  iemand  tôt  den  staat  van  dienstbaarheid 
te  zullen  terugbrengen,  tcnzij  met  toestemming  van  den  burge- 
ineester,  van  de  schepenen  en  liet  volk;  gaf  iedereen  op  zijn 
heerlijk  goed  het  recht  van  te  gaan  wonen,  waar  't  hem  lustte,  en 
beloofde  geenen  ingezetene  van  Wiltz  in  hechtenis  te  zullen  nemen 
of  zijne  goederen  aan  te  slaan  tenzij  den  gevatten  persoon 
onmiddellijk  aan  zijne  natuurlijke  rechters  te  zullen  overleveren. 
Alzoo  kwam,  met  langzame  schreden,  de  vrijheid  in  aile 
gewesten  en  gouwen  van  ons  land  zich  vestigen,  hier  minzaara, 
daar  met  achlerdocht,  elders  met  tegenzin  onlhaald,  maar  toch 
vroeger  dan  in  de  ons  omringende  landen,  waar  de  bevol- 
king  nog  lang  nadien  om  verzachting  naar  haar  lot  zou  wachten. 
Dat,  inderdaad,  van  hier  iiit  de  weg  werd  gebaand  tôt  de 
ontvoogding  des  volks  in  westelijk  Europa,  is  door  de  geschiedenis 
bewezen  en  door  de  geleerden  reeds  lang  erkend.  «  Les  Flamands 
ont  été  nos  maîtres  »  (zegt  Bouthors,  een  Franschman,  in  zijne 
Étude  sur  les  origines  et  le  principe  de  la  ruralilè,  waar  hij 
gewag  maakt  van  de  opkomst  der  gemeenten);  «  nos  pères  ont 
appris  d'eux  à  conquérir  les  privilèges  de  la  liberté  civile,  mais  ils 
n'ont  pas  su  les  imiter  dans  la  colonisation,  la  protection  des 
intérêts  ruraux.  » 

En  dat  is  waarheid  î  Met  de  ontvoogding  der  gemeenten  ging 
gepaard  de  uitbrciding  van  den  landbouw,  en  de  XIIl^  eeuw  was, 
ook  in  de  bloot  stofîelijke  orde,  een  tijdvak  van  verbazende 
ontwikkeling  en  bloei. 

Wij  hebben  gezien  hoe  Vlaanderen  in  de  eerste  ecuwen  onzer 
tijdrekening  het  uitzicht  cener  woeste,  armoedige,  schier  onbe- 
woonbare  streek  aanbood,  bedekt  met  bosschen  en  moerassen, 
terwijl  de  zee  bij  iedere  hooge  tij  de  laag  gelegene  gronden 
onder  water  zettc.  Oorkonden  uit  de  vroege  middeleeuwen  schii- 
deren  dit  gewest  met  geene  mindere  sombere  kleuren  af,  tôt 


i 


(  105  ) 

zooverre  dat  het  dcn  weiiiig  vleicnden  naam  van  «  Woud  zonder 
genade,  »  bevolkt  met  roovers,  ontving  '.  Gansch  de  streek 
tusschen  Gcnt,  Brugge  en  TorhoiU,  alsook  omirent  Maldegcm, 
was  nog  in  de  VIP  ecuw  een  ondoordringbaar  boscb,  en  de  zuid- 
kant  niets  dan  znndige  heidc  en  kreupclhout.  Het  woud  van 
Wijnendale  grensde  aan  dat  van  Torhout,  en  tusschen  IJperen 
en  Popcringe  strekte  zich  het  Thigiihusca  uit,  begrensd  door  moe- 
rassen  ;  in  't  oostelijke  deel  van  Vlaanderen  en  in  Brabant  had  men 
de  bosschen  van  Liedekerke,  Mechelen,  Rotsbergen  en  andere, 
zich  uitstrekkende  tôt  liet  ontzaghjke  Ardennerwoud,  terwiji 
andere  vlakten  ook  liier  gedurigaan  overslroomingen  blootgesteid 
waren^.  Zoo  was  het  ook  in  't  Namensche  en  in  een  groot  deel  van 
Limburg,  Luik  en  Luxemburg.  De  gcdichten  van  Venantius  For- 
TUNATUS,  in  de  Vl^  ceuw  geschreven,  noemen,  aïs  de  Ardennen 
bevolkende  :  den  béer,  den  eland,  dcn  w  ilden  stier,  os  en  ezel, 
en  geen  twijfel  of  dcze  dieren  werden  loen  ook  in  de  andere 
boschstrekcn  van  België  aangetroffen.  Wat  de  Kempen  betreft,  die 
op  sommige  plaalsen  reeds  in  de  IV^  eeuw  door  raenschen  waren 
bcwoond,  dit  gewest  Avas  gedurende  de  acht  eerste  eeuwen 
onzcr  jaartelhng  nog  eenzamer  en  treuriger  dan  Vlaanderen  en 
Brabant. 

Dcze  droevige  toestand  was  omtrcnt  het  tijdstip  van  de  vrijma- 
king  der  gemeenten  reeds  aanzienhjk  verbcterd,  ja  het  land  der 
aloude  Belgische  volksstammen  gansch  van  uitzicht  veranderd. 
Niet  alleenhjk  daar,  waar  in  de  jongstverloopen  eeuw'en  een 
geestelijk  sticht  was  opgerezen,  werd  nu  groei  en  bloci,  leven  en 
beweging  waargenomen,  maar  de  monniken,  oin  de  talrijke  arms, 
waarover  zij  beschikken  konden,  te  benutligen  en  hun  ontgin- 
ningswcrk  te  spoediger  te  kunnen  voortzetlen,  hadden  op  vêle 
plaatsen,zelfs  verre  van  hun  kloosterjCene  groote  hoeve  gebouwd, 
eene  kapel  daarnaast,  en  w'cldra  eene  proosdij  of  priorij  aldaar 
ingericht,  waar  rondom  eene  blociende  gemeente  was  tôt  stand 

*  MiLO,  Vita  metrica  S.  Amandi^  Boland.,  I,  Febr.  880. 
2  Ruishroek,   Melsbroek,  Willebroek  enz.  herinneren   ons  de   vroegere 
gesteltenis  dezer  plaatsen. 


(  i04  ) 

gekomen  K  Uitgestrekle  bosschen  waren  langzamerhand  verdwe- 
nen  2;  heiden  heploegd,  moerassen  droog  gelegd,  het  geweld  der 
Zee  bedwongen,  ja  de  Zee  achteruit  gedreven!  Eene  lange  slrepe 
lands,  ongeveer  twee  uren  breed  ,  werd  op  de  zoute  golven 
afgewonnen  en  herschapen  in  polders,  die  de  rijkste  beeraden  en 
de  weelderigste  akkers  werden.  En  dieper  in  het  land,  waar  het 
zeewater  bij  elkc  hooge  tij  over  de  vlakte  gestroomd,  en  kreken, 
poelen  en  meren  gevormd  had,  werden  deze  afgedijkt  en  door 
grondige  kennis  en  aanhoiidende  arbeid  tôt  een  land  vol  zegen 
gemaakt. 

Deze  groote  werken,  bestuurd  door  mannen  van  kennis,  moed 
en  volharding,  uitgevoerd  als  plicht  en  regel  ^,  deden  den  vader- 

*  Men  denke  hier  slechts  aan  de  proosdijeii  van  Papingloo,  te  Maldegem; 
van  Eename,  te  Kluizen;  van  Drongen,  te  Nevele  en  Tusschenbeke;  van 
Sl.-Amand,  te  Korîrijk;  van  Corbie,  te  Huise;  aan  de  priorij  van  Kluizen,  te 
St.-Gillis,  en  de  groote  klooslcrlioeven  van  St.-Pielers,  te  Cent,  opgericht  in 
Vlaanderen,  nanielijk  te  Idegem,  Smeerhebbe,  Mater,  Dikkele,  Letterhouten, 
Crombrugge  (Merelbeke),  Desselgem,  Meilegem.  De  monniken  van  Terka- 
meren,  bij  Brussel,  hadden  eene  groote  hoeve  te  Houthem  enz. 

In  de  proosdijen  en  priorijen  waren  't  meest  broeders,  die  de  gronden 
bewerkten  en  zelfs  aan  de  groote  vrouwenkloosters  waren  dergelijke  broe- 
ders-landbouwers  verbonden. 

Toen  de  H.  Bernard  us  in  de  XI1«  eeuw  den  bisschop  Stephanus,  van 
Doornik^  verslag  deed  over  zijnen  toclit  in  Vlaanderen,  schreef  hij...  «  ivi 
apud  sanctum  Amandum,  ubi  inveni  patres,  non  multum  amabiles,  tum 
adivi  Frigidum  montem,  ubi,  vide,  Frigidos  fralres.  >.  Deze  Frigidi  fratres, 
gezonden  naar  Froidmont,  in  't  Doorniksebe,  waren  niet  anders  dan  broeders- 
landbouwers. 

^  Uit  een  capitularium  van  Lodewijk  den  Goede  (825)  blijkt  dal  de  uit- 
roeiing  der  bosschen  bij  de  koningen  van  het  eerste  en  tweede  ras  een  voor- 
werp  van  groote  bezorgdheid  was.  Reeds  in  650  had  Dagobert  aan  de  abdij 
van  St.-Amand  het  bosch  van  Elnon  (Pevele)  ter  oniginning  afgestaan. 
(MiRiEUs,  Opéra  diplom.  I,  123;  II,  1158,  1240).  Koning  Sigebert  droeg  aan 
de  abdij  van  Sl.-Remacle  de  landen  en  bosschen  op  van  Malmédy  enz.  —  Het 
ontginningswerk  werd  onafgebroken  voorlgezet.  De  abdij  van  Cambron 
begon  ten  jare  1177  de  ontginning  van  het  woud  van  Geterlau,  bij  Lombi- 
sœul  (Henegouw),  alsook  de  zeer  beboschle  omstreken  der  gemelde  plaats. 

'  De  regel  van  St.  Benedictus,  hier  aanvankelijk  in  de  kloosters  gevolgd, 
bield  een  kapittel  in,  getiteld  :  De  labore  maniium  quolidiano. 


(  los  ) 

landschen  akkerbouw  met  reuzenstappen  vooruitgaan.  De  oude 
werkwijze  werd  verbeterd,  de  vcrdceling  der  vruchtwinning 
geregcld,  de  oude  waterwegen  hersteld  en  nieuvve  geopend,  en, 
dank  aan  de  kruisvaarten,nieuwe  gewasscn,groenten  en  vruchten 
ingevoerd  *.  De  noodzakelijkheid  der  \ctle  werd  hoe  langer  zoo 
meer  gewaardeerd  en  aïs  bestanddeel  eener  goedecultuur  overal 
aangcwend.  De  oude  charters  leeren  ons,  dat  de  Cisterciënsers, 
die  landbouwers  bij  uitmuntendheid,  aanzienlijke  kudden  onder- 
hielden,  welke  natuurlijk  eene  groote  hoeveelheid  voortreffe- 
lijken  mest  verschaflen  ^,  terwijl  de  ervaring  hun  al  de  voor- 
deelen  had  doen  kennen,  welke  uit  de  acclimatcering  van  goede 
dierenrassen  voortspruit.  Wijd  en  zijd  over  Europa  verspreid, 
gedurig  met  elkaar  in  betrekking,  was  't  hun  gemakkelijk  zich 
de  diersoorten  te  verschalTen  en  verder  wonende  broeders  aan 
te  bevelen,  die  onder  't  opzieht  van  voorlteling,  gezond  en  sma- 
kelijk  vîeesch,  melkopbrengst  cnz.,  de  meesle  voordeelen  ople- 
verden. 

Toen,  op  't  laatsteder  XIIP  eeuw,  de  groote  dichter  Dante  niet 
langer  de  lessen  aan  de  Parijzer  Sorbonne  van  zijncn  beroeraden 
meester  Zeger  van  Kortrijk  (of  van  Brabant)  mocht  hooren,  deed 
hij  eene  reis  naar  Vlaanderen  en  zag  daar  de  schoone  en  breede 
dijken,  die  de  lage  landen  tegen  de  overstroomingen  van  zee  en 
rivieren  beschutten.  Hij  kon  zich  niet  weerhouden  zijne  bewon- 
dering  uit  te  drukken  over  zulk  aanzienlijk  werk,  dat  het  génie 
der  Vlaamsche  landbouwers,  in  strijd  met  de  krachten  der  natuur, 
zoo  heerlijk  deed  uitschijnen,  en  die  kamp  tegen  de  golven  trof 
hem  zoo  zeer,  dat  hij  hem  grootsch  genoeg  achtte  ora  te  dienen 

*  Tôt  het  tijdvak  der  kruistochten  doet  men  de  invoering  in  België  opklim- 
men  van  de  boekweit,  door  Dodoens  flos  Constanlinopolitanus  geheeten. 
Eene  oude  traditie,  door  Faipoult  herinnerd  in  zijn  Tableau  statistique  du 
département  de  r Escaut,  wil  dat  in  de  kerk  van  Zuiddorpe  het  gebeente  rusl 
van  eenen  kriiisvaarder,  die,  uit  Azië  teruggekeerd,  zijn  vaderland  met  de 
kostelijke  boekweit  begifligde. 

'  In  de  middeleeuwen  waren  er  abdijen,  die  toi  1,000  schapen,  SOO  koeien, 
3,000  zwijnen,  geiten  en  paarden  in  evenredigheid  op  stal  hadden.  {Études 
sur  les  abbayes  Cisterc.  des  XII^  et  Xllb  siècles.) 


(  10G  ) 

tôt  een  beeld  in  cenc  zijner  heerlijkste  besehrijvingen  van  zijn 
ontslerfelijk  gewrocht  : 

«  Quale  i  Fiamminghi  tra  Guzzante  '  e  Bruggia, 
Temendo  'I  fiolto,  che  in  ver  lor  s'avventa. 
Fanno  lo  schermo  perche  '1  mar  si  fuggia, 
E  quale  i  Padovan  lungo  la  Brenta, 
Per  difender  lor  ville,  e  lor  caslelli, 
Anzi  che  Chiarentana  il  caido  senta...  -   » 

De  beschaving  bield  gelijkcn  tred  met  de  vrijheid  en  de  ontwik- 
kelingvan  dcn  landbouvv;  hiervan  bebben  wij  een  schoon  bewijs 
in  den  uitslag,  aan  de  grens  van  westelijk  Vlaanderen,  verre  van 
groote  steden,  bekomen.  Daar  bad  in  ^1107  een  vrome  beremiet 
het  klooster  van  de  Duinen  gesticbt,  op  eene  plekke  gronds, 
onophoudelijk  door  de  baren  der  zee  bestookt  en  te  midden  van 
eene  echt  barbaarsche  bevolking,  die  de  Romeinscbe  dicbter  de 
meest  verachterde  van  de  wereld  nocnide...  Eene  eeuw  was 
nauwebjks  sedert  de  slichting  vervlogen,  of  de  abt  der  Duinen, 
Nicolaas  van  Belle,  getuigde  :  «  Ecclesia  de  Dvnis  est  quasi  nions 
argenteus  indeficiens si  tamen  a sapienlibus gubertietor.  s  En  inder- 
daad,  dank  aan  de  vrucbtbare  bcdrijvigbeid,  welke  't  kenmerk  is 
der  groote  Cisterciënserskloosters,  was  er  te  midden  vandat  woeste 
voik,  in  eene  uiterst  zandige  streek,  een  brandpunt  van  weten- 
schap  en  bescbaving  gekomen,  en  er  is  niet  aan  te  twijfelen,  of  de 
daar  overbecn  verspreide  menigte  zal  den  lieilzamen  invloed  van 
dit  edel  werk  bebben  onderstaan.  Toen  waren  er  niet  min  dan 
honderd  twintig  monniken  en  twee  bonderd  veerlig  broeders,  die 
allen  ijverig  en  arbcidzaam,  de  meest  verscbeidene  werken  uiloe- 
fenden.  De  meesten,  landbouwers,  maakten  de  dorre  zandvlaklen 
vrucbtbaar;  andere  verwerklen  bout  of  ijzer  of  zaten  aan  het 
weefgetouw  om  de  gemeensebap  van  kleeren  te  voorzicn.  Pbilip 
van  den  Elzas  en  andere  Vlaamscbe  vorsten  stonden  bun  moeren 
af,  tusschen  Veurne  en  Bergen,  en  verlrouwden  bun  't  bestuur 

^  Guzzante  of  liever  Gazzante,  Cadsaud,  volgens  Glicgiardini. 
2  Uit  den  XV'^°  zang  der  Bel. 


(  107  ) 

der  sluizen  toe,  op  het  grondgcbicd  van  Vcurne  en  Nieuwpoort 
gebouwd  ^  Ditwas  cen  geliikkig  gedacht.  Om  de  duincn  vrucht- 
gevcnd  te  maken  was  er  water  noodig,  en  de  mocren  moeslen 
drooggelegd  zijn  om  er  den  ploeg  te  kunnen  op  slellen.  Er  was 
dus  enkel  't  overtollige  water  uit  de  meren  en  poelen  naar  de 
zandstreek  te  leiden,  waar  er  ontbrak,  en  't  evenwicht  was 
hersteld.  De  monniken  begrepen  het,  en  de  heerlijkste  uitslag 
bekroonde  hunne  pogingcn.  Het  water  der  moeren  decd  gras  in 
de  duinen  opschieten;  de  w^eide  werd  bevolkt  met  vee,  het  vee 
leverde  mest,  en  door  behulp  van  den  mest  verkreeg  men  de 
rijkste  oogsten.  Overvioed  en  weelde  vervingen  aldus,  op  nau- 
welijks  honderd  jaren,  de  onvruchlbaarheid  en  de  armocde,  tôt 
zooverre,  dat  een  geschiedschrijver  de  pracht  en  de  buitensporige 
uitgaven  van  den  abt,  in  1265,  vermeldt. 

De  vorsten  ook  toonden  zieh  zeer  genegen  voor  den  landbouw^ 
niet  alleen  door  den  af'stand  van  iiilgestrekte  hciden,  moeren  en 
bosschen  aan  de  kloostcrs,  welke  zij  w  isten  die  woeste  gronden  op 
korten  tijd  te  zullen  veranderen  in  vruchtbare  landouwen,  niaar 
tevens  door  onlginningen  op  eigcn  last  uilgevoerd.  Zoo  ken- 
merkten  zich  de  graven  van  Vlaandcren  Dirk  en  Philip  van  den 
Elzas,  in  de  tweede  helft  der  XII*'  eemv,  door  verschillige  edel- 
moedige  daden  ten  beste  van  land  en  volk.  De  streek  Vinje?!  of 
s'  Wallen  vrijeti,  in  de  kastelnij  van  Veurne,  vormde  toen  nog 
eene  uitgestrekte  woeslijn,  die  door  genoemde  vorsten  in  11G1 
werd  afgestaan  aan  ieder,  die  er  zich  vestigen  wilde,  vragende 
alleenlijkeenennederigen  cijnsin  haveren  hofgevogehe.  Zij  riepen 
er  ook  lijfeigenen  van  heeren  uit  het  omh'ggende,  voor  wie  zij  de 
vrijheid  verzochlen  en  die  zij  kwijtscheldinggaven  van  aile  lasten 
en  diensten,  waartoe  de  overige  bevvoners  der  domeingronden 
gehouden  waren,  hiervan  alleenlijk  de  heirvaart  tôt  's  lands  ver- 
dediging  uitzonderende  2.  Acht  jaren  nadien  beval  Philip  van  den 
Elzas  werken,   tusschen  Watten  en  Burburg,  die  de  openbare 


»  MiR^us,  Opéra  dipL,  111,01;  IV,  211. 

'  Sanderus,  Flandria  illuslrata,  III,  126.  —  Mallebranche,  de  Morinis, 
lib.  II,  c.  89. 


(  108) 

gezondheid  en  de  uitbreiding  der  landbebouwing  hoogst  moesten 
bevorderen  :  een  moeras  van  niet  minder  dan  758  hectaren  uitge- 
strektheid,enwaar  geen  ploeg  kon  op  gebracht  worden,werd  door 
hem  lot  uitmuntend  land  en  weidc  gemaakt  ten  koste  van  zware 
geldsommcn  en  lastigen  arbeid  :  «  feci  sumptibusmeis  cum  expensa 
multisudoris,  »  gelijkde  begiftigingscharter  zich  uitdriikt.  —  Geen 
twijfel,  of  overal  waar  zulke  noeste  vlijt  werd  aangetrofFen  en 
zulke  schoone  voorbeelden  van  overleg  en  werkzaamheid  gegeven 
werden,  heerschle  orde,  naast  stoffebjke  welvaart,  en  had  de 
beschaving  geene  raoeite  om  in  de  menigte  door  te  dringen. 


L"p 


IV^  HOOFDSTUK. 


De  boerenstand  onder  't  leeustelsel  gedurende  de  middeleeuwen.  —  Betrekkingea 
tusschen  heeren  en  leeimiannen.  —  Wet  en  justitie. 


Inraiddels  had  de  feodaliteit,  met  of  korts  iia  Karel  den  Groote, 
in  de  maatschappelijke  betrekkingen,  vooral  der  veldbewoners, 
eene  groote  omwenteling  gebracht.  Zij  werd  voor  verscheidene 
eeuwen  de  sociale  wet  in  Europa,  en  hoel't  uit  dien  hoofde  hier  in 
hare  wording,  wezen  en  werking  met  vluchtige  trekken  geschelst 
te  worden. 

Ten  einde  zieh  zelven  en  hunnen  nakomelingen  de  oppermacht 
te  verzekeren,  hadden  de  Frankische  koningen  de  gronden,  die 
weleeraan  de  Romeinen  of  hunne  aanhangers  hadden  toebehoord, 
mils  zekere  verplichtingen  onder  hunne  vrije  weermannen  ver- 
deeld;  edoch,  de  verdeeling  was  zoo  willekeurig  geschied  en  had 
tôt  zulke  groote  ongelijkheid  onder  de  Franken  aanleiding 
gegeven,  dat  daaruit  langdurige  twisten  ontstonden,  die  eindigden 
met  de  onderwerping  der  zwakken  aan  de  sterkeren,  welke 
laatsten,  op  hunne  heurt,  eenen  nog  machtigeren  grondbezitter, 
den  vorst  zelven,  als  heer  en  beschermer,  te  erkennen  hadden. 
Uit  die  staatsinrichting  sproot  dan  de  feodaliteit, ofhet  leenstelsel, 
waarbij  de  eene  mensch  ondergeschikt  was  aan  den  anderen, 
echter  niet,  zooals  men  lang  geschreven  heeft,  op  eene  verlagende 
of  onteerende  wijze.  Integendeel,  die  toestand,  beschouwd  van 
't  standpunt  der  vroege  middeleeuwen,  toen  hij  in  't  leven  werd 
geroepen,  is  veeleer  aïs  eene  weldaad  te  beschouwen,  daargelaten 
de  misbruiken  en  buitensporigheden,  die  deze  instelling,  gelijk 
welke  andere  ook,  hebben  gekenmerkt. 

Augustin  Thierry,  in  zijne  Considérations  sur  l'histoire  de 
France,  crkent  zonder  omwegen  dat  het  feodaal  beheer,  kalm  en 
onpartijdig  onderzocht,  te  achten  is  «  comme  une  révolution 
»  nécessaire,  comme  un  lien  naturel  de  défense  entre  les  seigneurs 


(  110  ) 

»  et  les  paysans  voisins,  lien  qui  avait  pour  origine  le  don  et  la 
»  reconnaissance,  le  serment  et  la  fidélité.  » 

LiTTRÉ  geeft  ook  eene  gunstige  getuigenis  over  de  feodaliteit, 
waar  hij  zegt  :  «  Il  est  digne  de  remarque  que  l'origine  de  la 
»  féodalité,  ainsi  que  le  prouvent  les  documents,  avait  laissé  dans 
»  le  peuple  des  souvenirs  favorables.  »  Een  andere  Fransche 
schrijver,  Dareste,  verklaart  «  que  la  féodalité  a  commencé  par 
être  populaire  et  que  cela  est  fort  simple;  car  le  système  féodal, 
dans  les  circonstances  où  il  a  eu  lieu,  loin  d'avoir  été  une  oppres- 
sion, fut  plutôt  une  délivrance.  »  Eindelijk  de  feodaliteit,  volgens 
de  alleszins  gepaste  uitdrukking  van  Alph.  Wauters,  vormde  in 
de  Xlll^  eeuw  a  un  réseau  immense,  qui,  partant  des  sommités  de 
la  société,  s'élargissait  sans  cesse  à  mesure  qu'il  descendait  vers 
les  classes  inférieures  '.  » 

Het  hoofdbeginsel  van  het  leen  was  eene  overeenkomst  van 
wederzijdsclien  bijstand  en  getrouwheid;  al  de  verplicbtingen, 
waartoe  die  overeenkomst  den  vazal  voor  dcn  dienst  van  zijnen 
leenheer  onderwierp,  gingen  samen  met  plicbten  van  bescher- 
ming,  door  den  leenheer  jegens  zijnen  leenman  te  vervullen. 

De  bezitter  der  heerlijkheid  of  van  een  groot  leen  bewoonde 
op  den  buiten  een  bof  of  kasteel,  bevatlende  de  heerenhuizing  en 
't  neerhof  voor  den  pacbter.  Aanvankelijk  waren  beide  woningen 
slechts  van  bout  getimmerden  door  paalwerk  en  wallen  beschut; 
raaar  in  de  XlPeeuw  werden  die  liclit  verdelgbare  woningen  ver- 
vangen  door  sleviger  gebouwen,  ecbte  kasteelen  met  torens  en 
ophaalbruggen  en  andere  verdedigingsmiddelen.  Zelfs  het  neerhof 
werd  eenigerwijze  versterkt,  hier  met  een  of  meer  torentjes  op  de 
hoeken  en  insgelijks  door  eenen  wal  beschut.  De  ambtmannen  en 
dienstlieden  van  den  heer  woonden  rond  het  kasteel  en  leefden 
doorgaans  van  de  opbrengst  der  landen,  hetzij  deze  hun  op  cijns 
of  in  leen  gegeven  waren  ^. 

Uit  de  bescherming,  welke  deleenman  van  den  leenheer  genoot, 

*  Le  duc  Jean  et  le  Brahant  sous  le  règne  de  ce  prince,  1267-1294  {Mém. 
couronnés  de  VAcad.  (m-8»,  XIII,  246). 
^  A.  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  I  (Introduction). 


(  m  ) 

en  uitde  hulde,  die  deze  van  gcnen  onlving,  sproten  voor  beiden 
zware  vcrplichtingcn.  De  beschermer  had  de  voogdij  over  de 
mindcrjarige  kinderen  des  bescbermden,  alsmede  het  recht  dezes 
dochter  uit  te  buwclijken;  hij  mocht  zijne  onderhoorigen  nocli 
krenken,  noeh  vernederen,  nocb  verdrukken,  terwijl  de  Icenman 
verplicbt  was  zijnen  heer  bij  te  staan  met  raad  en  daad,  hem  in 
den  oorlog  te  volgen,  tcnzij  er  w  ettebjk  beletsel  mocht  zijn,  en  bij 
de  eerste  opeisching  verschijnen  moest  voor  het  leenhof,  vvaar 
aile  zakcn  met  betrekking  tôt  de  leenroerigheid  geoordeeld 
werden. 

De  wijze,  waarop  in  de  middeleeuwen  de  féodale  pliehl 
tussclien  den  leenhecr  en  den  leenman,  bij  de  inbezitneming  van 
het  goed,  werd  gekweten,  is  meldenswaardig.  De  leenman  ver- 
seheen  voor  hem  met  ontdekten  hoofde  en  gekleed  metden  maliën- 
kolder;  op  de  knie  gezeten,  Icgde  hij  zijne  handen  in  die  van  den 
leenheer,  die  hem  den  mondzoen  gaf,  tenzij  de  vazal  een  monnik, 
of  het  leen  in  bezit  was  eener  vrouw.  Daarop  sprak  de  leenman  : 
a  —  Heer,  ik  breng  u,  als  een  trouw  vazal,  hulde  voor  mijn 
leven.  »  —  «  Ik  aanvaard  die,  »  gaf  de  leenheer  ten  antwoorde,  en 
sloeg  den  vazal  op  den  schouder,  of  legde  eene  greep  aarde  of  een 
stuk  bout  in  zijne  hand,  als  zinnebeeld  van  't  afgestane  leen.  Dan 
sloot  de  leenman  de  plechligheid  met  de  woorden  :  «  Van  heden 
af  Word  ik  uw  man,  van  lid  en  leven,  tôt  aardscher  eere,  en  zal  ii 
getrouw  zijn  en  loyaal.  »  Van  zijnen  kantbeloofde  de  heer  zijnen 
leenman  in  ailes  te  zullen  beschermen  K 

In  bezil  komende  van  een  leen,  betaalde  men  kamerlinggeld, 
of  recht  voor  's  leenheeren  kamerling,  en  een  ander  voor  het 
leenverhef  bij  't  feodaal  hof,  welk  laatste  doorgaans  bestond  in  de 
opbrengst  van  ëen  jaar  of  een  deel  van  't  jaar.  Wat  het  cijnsgoed, 
ook  erfelijk  goed  geheelen,  betrcft,  hiervoor  betaalde  men  enkel 
eenen  jaarlijkschen  cijns,  die  dubbel  was  bij  't  overlijden  van 
dengene  die  't  bezette. 

Aan  zekere  leenen  waren  verpiichiingen  gehecht,  welker  zon- 
derlingheid  het  vreemd  of  vroolijk  karakter  hunner  bezitters  doet 

*  Capefigue,  Histoire  de  Philippe- Auguste,  I,  50, 


(  412  ) 

kennen;  andere  waren  uilerraate  geschikt  om  goede,  ja  rainzame 
betrekkingen  tusschen  den  lecnheer  en  den  vazal  te  onderhouden, 
wat  voornamelijk  geschiedde  op  de  buitengeraeenten. 

Een  der  drolligste  leenen  van  België  was  dat  vanHeduint,afhan- 
gende  van  Templeuve  en  Dossemetz,  in  het  Doorniksche.  Ondcr 
andere  verplichtingen,  den  leenhouder  voorgeschreven,was  deze, 
dat  hij  bij  't  verhef  van  zijn  goed  den  heer,  aan  tafel  zittende, 
eene  hesp  van  Metz,  met  gesuikerden  mostaard  gekookt,  moest 
aanbieden,  onder  't  zingen  van  een  zedeloos  lied,  getiteld  RegnauU 
de  Montauhan  ^ 

Het  dorp  Momalle,  in  Haspegouw,  afhangende  van  't  kapiltel 
van  St.-Lambert,  was  verplicht  ieder  jaar  het  oudste  en  leelijkste 
wijf  der gemeente,  meteene  gans,  naar  de  kapittelheeren  te  zenden, 
welke  zij  eenige  oogenblikken  verlustigen  moest  door  het  trekken 
van  drollige  gezichten.  Verschillige  leenen  van  den  graaf  van 
Vlaanderen,  te  Boezinge,  in  de  kastelnij  van  IJperen,  verplichtten 
tôt  het  geven  van  een  paar  handschoenen  en  een  paar  wiltc 
sporen,  andere  tôt  drie  schachteny  of  tôt  eene  lans,  eenen  pijl  en 
eenewerpspies.  —  Te  Vinderhoute  (bij  Cent)  was  een  leen  van  twee 
gemeten  land,  waarvan  de  houder,  op  St.-Jansmisse,  den  heer  dier 
plaats  de  beste  vruchten  en  eenen  rozenhoed  moest  brengcn, 
namelijk  wanneer  de  leenheer  op  gezegd  tijdstip  in  Vlaanderen 
was.  —  Den  heer  van  Coppensdamme,  le  Evergera,  moesten  ver- 
scheidene  laten,  op  zijne  gronden  gevestigd,  telken  jare  een  mes, 
eenen  riem  en  een  paar  zokken  geven,  «  alzulc  als  de  heeren  van 
Loos  draghen.  »  —  Te  Aalter  was  een  leen,  bestaande  uit  akkers  en 
vijvcrs,  en  dat  bij  ieder  verhef  twee  pond  wassen  tafelkaarsen  gaf. 
—  De  abdij  van  Echternach  gaf  weiden  in  leen,  die  jaarlijks  de 
aanzienlijke  som  van  1,500  tôt  2,000  pond  opbrachlen  en  den 
houder,  onder  andere  verplichtingen,  dwong  tôt  het  plaatsen  en 
wegruimen  der  zetels  van  den  abt  en  zijne  monniken,  telkens  dat 
de  eerste  plechtstatig  officieërde  2.  —  In  de  gemeente  Zingem  was 


*  Registre  iatitulé  :  Rapports  et  dénombrements  des  fiefs  tenus  de  la  salle 
de  Lille  i\6l^),\).  130. 
^  Frans  de  Potter,  Aardigheden  uit  den  ouden  tijd. 


(  113  ) 

een  kampioenleen  der  St.-Pie(ersabdij,  dat  wil  zeggen,  dat  de 
bouder  daarvan  verplicht  was  de  kampioen  te  zijn  van  den  prelaat 
des  genoemden  stiehts,  wanneer  deze  \6or  't  krijt  was  geroepen  *. 
Dezelfde  abt  bezat  te  Merelbeke  «  diverscbe...  schoone  leenen, 
waervan  dat  den  erfachtigen  scbuldigb  is  soo  wanneer  mijnbeere 
den  prelaet  uytsent  volck  van  waepenen  met  onscn  gbeduchten 
becre,  ofte  anderssins,  den  balliu  van  de  mannen  een  paer  nieuwe 
taraeb'jcke  spooren  te  spannen  2.  » 

De  leenverplicbtingen  verscbilden  tôt  bet  oneindige,  om  zoo  te 
zeggen,  ai  naar  de  gril  des  leenbeeren,  of  naar  de  behoeften  der 
plaats,  of  naar  de  omstandigbeden  van  den  tijd,  waarop  zij  eerst 
ingesteld  vverden.  Le  livre  des  f'eudataires  des  comtes  de  Flandre 
au  pays  de  Waes,  auxXlV%  XV'  et  XV P  siècles,  uitgegeven  door 
den  ridder  de  Schoutheete  van  Tervarent,  toont  aan  dat  den  leen- 
mannen  in  die  streek  meest  wapens  en  iiitrustingen  voor  mannen 
en  paarden  werden  gevraagd.  Deze  moest  dienen  «  met  eenen 
paerde  van  m  liber  parisis,  ende  met  eenen  zweerde  ende  met  eenen 
porpointe;  met  eene  plate,  met  een  bec*keneele,  met  eenen  baerde 
en  met  twee  ijseren  anscoen,  aise  de  heere  oorlogbet  met  sinen 
mannen  ^;  »  gène  moest  dienen  «  met  eenen  paerde  van  stave,  met 
twee  scapenen  anscoen  -*;  »  een  derde  diende  «  met  eenen  paerde 
van  100  scbellingben  parisis  ende  met  eenen  boedc,  met  eenen 
baerde  ende  met  eenre  jacken  ^;  »  een  andere  moest  «  sijn  bedient, 
soe  wanneer  de...  grave  oorlogbet  met  sijnen  mannen,  met  eenen 
paerde  van  100  scbellingben  parisis,  met  eenen  breydel  ende  met 
eenen  sadele  6;  »  elders  was  't  «  met  eenen  ijseren  boede  ende  met 
twee  crabben  »  enz. 

Dergelijke  verplicbtingen  vinden  wij  in  de  kastelnij  van  IJperen 
op  de  leenen,  die  den  graaf  van  Vlaanderen  tôt  béer  erkenden. 
In  Paschendale,bij  voorbeeld,  moeslen  een  aantal  laten  bera  in  den 

'  Spieghel  derEenv.  prelaelen  van  St.-Pieters.  Hs.  in't  Staatsarch.  te  Cent. 

-  Idem. 

3  Le  livre  des  feudataires  enz.,  bl.  3. 

*  Idem,  bl.  6. 

5  ldem,h\.  61. 

«  Idem,  bl.  136. 

Tome  XXXII.  8 


(  144  ) 

krijg  volgen  met  een  paard  en  eenen  baisberg  [haubert,  harnais); 
te  Boezinge  waren  de  mansebappen  scbuldig  ieder  jaar  drie 
schacbten  {javelot,  dard,  flèche),  een  paar  handscboenen  en  een 
paar  blanke  sporen.  —  Anderen  gaven  op  Nieuwjaarsdag  een 
paar  handscboenen  van  sebapenleer  en  in  den  oorlog  twee  paarden 
«  om  zijn  harnasch  te  voerne.  » 

Er  zou  een  boek  te  vullen  zijn  met  de  opsomming  der  zonder- 
linge  leenplicbten  tijdens  de  raiddeleeiiwen,  vooral  van  buiten- 
lieden  gevergd,  en  die  niets  anders  bewijzcn  moeten  dan  dat  de 
heeren  in  dien  tijd  nog  al  bielden  van  de  prêt,  voorzek^î  maar 
ook,  dat  op  bet  einde  der  niiddeleeuwen  de  feodaliteit  al  den 
glans  bad  verloren,  waar  zij  bij  baren  oorsprong  mee  praalde, 
loen  al  de  leenen  uit  seboone  landen  en  beerlijkbeden  beslonden. 
Le  livre  des  feudataires  de  Jean  III,  duc  de  Brabant,  door  Gales- 
LOOT  in  't  licbt  gegeven,  bebelst  er  een  groot  getal,  die  vrij 
aardig  zijn;  andere  waren  vooral  profijtig  voor  den  becr.  Het  bof 
van  Auwen  moest  jaarlijks  teLuxemburg  22  malder  rogge  leveren 
voor  «  weebterborn  »  (slot-  of  torenwacbters?)  en  6  voeder  bout 
aan  't  Griinewald  ten  dienste  der  kalkovens. 

Te  Beauffort  moest  iedere  burger,  door  den  heer  opgcëiscbt 
op  't  kasteel  komen  waken  gedurende  zes  weken  en  drie  dagen,  en 
was  de  béer  in  den  krijg  gevangen  genomen ,  dan  moesten  de 
ingezetenen  bem  belpen  en  rantsoeneeren.  —  De  meier  van  Monte 
genoot  bet  recbt  in  die  gemeente,  kracbtens  zijne  bediening, 
welkebij  in  leen  bield,  gedurende  ganscb  bet  jaar  eenen  béer  en 
stier  te  laten  rondloopen,  iets  waarmee  de  boeren  natuurlijk 
bitter  weinig  in  bun  scbik  konden  zijn,  en  de  vrouwen  en  kin- 
deren  evenmin.  De  laten  van  Cbacoux,  Nassogne,  Ulez,  Linciaux 
en  Tiègnes  (Namen)  moesten  de  ten  strijde  trekkende  burgers  van 
Ciney  voorzien  van  eenen  wagen,  bespannen  met  een  boorndier 
en  vier  paarden,  om  bonne  mondbeboeftcn  te  vervoeren  *.  —  De 
heer  van  Familleureux  (Henegouw)  eisebte  Iwce  onde  grootcn  en 
een  paar  handscboenen  van  elk,  die  zich  op  zijn  gebied  in  't  buwe- 
lijk  bcgaf,  een  rccbt  dat  nog  den  50  December  1623  door  de  scbe- 

*  Cartulaire  de  Ciney,  bl.  10. 


(  M3  ) 

penen  van  Nijvel  werd  bekrachtigd.  —  De  lieer  van  Sebourg  had 
jaarlijks  van  elke  haardstede  ongeveer  't  achtste  deel  van  eencn 
hectoliter  haver,  en  ieder  stuk  land,  waar  zooveel  graan  op  werd 
gezaaid,  was  den  heer  eene  belasting  scbiildig  van  12  blanken  ; 
wie  niinder  land  beploegde  stond  aangeschreven  voor  12  deniers, 
welkc  som  nog  op  de  helft  verminderd  was  voor  den  boer,  op 
wiens  land  enkel  een  balf  wittel  kon  worden  gezaaid,  en  zoo  in 
evenredigheid  voorts.  Ziedaar  eene  gunst,  den  kleinen  eigendom 
reeds  in  de  XIIP  eeuw  toegestaan  *. 

lets  bijzonder  kluchtigs  was  de  leenplicbt,  waartoe  zekere 
Lodewijk  Varin,  heelmeester  te  Crèvecœur,  gehouden  was  jegens 
den  kastelein  dier  plaats,  ridder  Jacob  van  Montmorency.  Deze 
verleende  hem  namelijk  den  18  Juli  1606  een  stuk  grond,  twee 
peertsen  lang  en  evenzoo  breed,  met  last  er,  binnen  den  tijd  van 
twee  jaren,  een  huis  op  te  bouwen,  en  daags  voor  Kerstfeest  en 
Paschen  de  baarden  en  het  haar  van  den  kastelein  en  zijne  edel- 
lieden  te  komen  snijden.  Deze  dienst  was  verplichtend  voor  al  de 
opvolgers  van  den  leenman  en  slechts  door  eene  boet  van 
12  deniers  te  ontgaan  ^. 

•  «  Ly  sires  a  à  touttes  maisons  où  on  fait  le  feu,  le  mois  d'Aoust,  se  franc- 
quise  ne  l'en  hoste,  un  wiltel  davaine  de  poursoing. 

»  Chascune  wittclee  de  terre,  hormis  les  francques,  ou  jugement  de 
Sebourg,  doit  au  seigneur  douze  blans  de  taille  à  le  quinzaine  de  led'.  Remy. 
Et  quiconcques  n'a  tant  de  terres  que  pour  paier  xii  blans  de  taille,  il  est  a 
XII  deniers  des  dousaiues;  et  qui  n'en  auroit  que  demis  wittel,  il  ne  seroit 
que  a  vi  deniers,  et  ensy  de  desoubt  et  de  deseure  en  deseure.  » 

{Staatsarchief  van  Bergen.) 

2  «  A  tous  ceux  qui  ces  lettres  verront  ou  orront,  R.  Lommelon,  sieur  de 
la  Patoudière  et  de  la  Vrillaye,  garde  du  sel  aux  obligations  de  la  vicomte 
d'Auge ,  salut .  Savoir  faisons  que  pardevant  Jehan  Manchon  et  Gilles 
Lecharlier,  tabellions  royaux  en  ladite  vicomte  au  siège  de  Crèvecœur,  fut 
présent  hault  et  puissant  seigneur  messire  Jacques  de  Montmorency,  cheva- 
lier, etc..  seigneur  et  châtelain  de  Crèvecœur  en  Aulge,  lequel  de  sa  franche 
et  libérale  volonté  bailla  en  pure  vraie  et  perpétuelle  fieffé  et  rente,  afin 
d'héritage  tant  pour  lui  que  pour  ses  hoirs,  à  honnête  homme  maestre  Loy 
Varin,  chirurgien,  demeurant  au  bourg  dudit  lieu  de  Crèvecœur,  présent 
preneur  pour  lui ,  ses  hoirs  et  ayant  cause ,  c'est  à  scavoir  une  portion  de 
terre  assise  audit  bourg,  contenant  deux  perches  de  long  et  deux  perches 


(  116  ) 

Vêle  dcr  middelceuwsche  leenpiichten  doen  ons,  mannen  van 
beschaafder,  verlichter  lijden,  schokschouderen;  edoch  't  getal 
derzulke,  welke  als  vernederend  of  hatelijk  voor  den  vazal  waren 
te  beschouwen,  telde  men  niet  vecl,  en  verrewcg  de  meeste 
werden  in  de  XVP  eeuw  door  eenen  geld-  of  vruchtencijns  ver- 
vangen  *.  Aan  vcrscliillige  leengoederen  daarcntegen  waren  ver- 
plichlingen  vcrbonden,  die  eenen  gelukkigen  invloed  moestcn 
hebben  op  bet  karakter  en  de  levenswijze  des  landmans,  door 
bem  veeltijds  in  betrekking  te  stellen  met  zijnen  landheer,  en, 
daardoor,  bem  zedelijke  genocgens  en  ook  wel  stoffelijke  voor- 

ou  viron  de  large  :  jouxte  d'un  côté  et  d'un  bout  ledit  seigneur,  d'autre  côlé 
Jean  Gilles,  maréchal  et  dans  la  rue  dudit  lieu;  à  la  charge  par  ledit  Varin 
d'y  faire  construire  et  baslir  une  maison  dedans  deux  ans  de  cejourd'hui. 
»  La  présente  fiefife  faite  pour  le  prix  et  somme  de  sept  sols  six  deniers 
tournais  et  ung  chappon...  à  la  charge  aussi  par  ledit  Varin  de  faire  la  barbe, 
cheveux  dudit  seigneur  et  de  ses  gentilshommes  deux  fois  l'an,  à  savoir, 
aux  vigilles  des  jours  de  Noël  et  Pasques,  et  en  cas  qu'il  y  auroit  fille  de 
chambre  ou  auîre  servante  pucelle,  demeurant  audit  château,  icellui  Varin, 
chirurgien,  sera  tenu  le  jour  que  cette  fille  de  chambre  ou  servante  sera 
mariée...  *  et  à  faute  de  faire  la  barbe,  cheveux  dudit  seigneur  et  de  ses 
gentilhommes,  icellui  Varin  sera  tenu  de  payer  de  rente  audit  seigneur  par 
chacun  an  au  terme  de  Noël,  douze  deniers... 

«  Ce  fut  fait  et  passé  au  château  dudit  lieu  de  Crèvecœur,  avant  midi,  le 
13''  jour  de  juillet  l'an  mil  six  cont  et  six.  «    {Charterboek  van  Crèvecœur.) 

*  Menige  adellijke  leenman  zelfs,  afhangende  van  eenen  machtigen  leen- 
heer,  werd  onder  't  feodaal  stelsel  vernederd.  Een  voorbeeld  moge  volstaan 
cm  dit  te  bevvijzen  : 

Jan,  heer  van  Oudenaarde,  bekomt  in  1248  van  Albert,  abt  van  Ende,  een 
goed  in  Woodeke  en  Kain,  omdat  hij  erkend  heeft  man  der  abdij  te  wezen 
en  van  haar  in  leen  te  houdeu  de  avouerie  van  Ronse,  Kain,  Hoorebeke, 
Eizele,  Brakel,  Woodeke  en  Acren.  De  leenhouder  krijgt  tôt  last,  elkeu  nieu- 
wen  abt,  die  naar  Vlaanderen  komt,  te  begeleiden  van  uit  zijn  sticht  iiaar  de 
stad  Ronse  en  hem  aldaar  hulde  le  doen,  terwijl  de  abt  te  paard  gezeten  is. 
Als  de  prelaat  van  't  paard  komt,  moet  de  heer  van  Oudenaarde  den  stijg- 
beugel  houden,  dien  hij  bekomt  tôt  belooning,  terwijl  zadel  en  breidel  voor 
den  abt  zijn.  {Eerste  Charterboek  van  Henegouw,  n»  112.  — 

Rood  Charterboek,  bl.  72  ) 

*  De  hier  volgende  bepaling  lalen  w  ij,  uit  eerbied  voor  onze  lezers,  weg. 


(117) 

(leelen  te  verzelvercn.  Aldus  bezat  de  abdij  van  Sint-Baafs  te  Rijs- 
bergen  (meierij  van  Breda)  cenc  kleine  liccrlijkbcid  en  proosdij, 
met  name  Sombckc  ;  den  25  Oclobcr  van  ieder  jaar  was  de  proost, 
of  ecn  vertrouwd  nian,  vcrpliclit  met  zes  paarden  zich  naar  Zun- 
dert  te  begcven,  ten  cinde  daar  de  laten  af  te  halen,  met  v^clke  de 
recbtszitting  zou  gehouden  worden.  De  proost  moest  die  manncn 
daaronthalen  op  een  goed  banket,  samcngesteld  iiit  al  de  spijzcn 
des  seizoons,  begolcn  met  eenen  behoorlijken  teiig  wijn.  Den 
volgenden  ocbtend  was  het  de  beurt  van  den  proost  of  van  zijnen 
gezant,  om  op  een  lekker  maal  te  worden  vcrgast;  was  bij 
gekomen  met  Iionden  en  vogelen,  wat  bij  doen  mocht,  ook  deze 
kregen  bun  kermismaal,  en  opdat  de  zes  paarden  't  bunne  zouden 
hebben,  werd  bun  een  viertel  Brabantsclic  gerst  voorgezet.  Na 
den  discb  ontving  de  proost  18  stuivers,  Lovensclie  munt,  waarop 
men  naar  Rijsbergen  reed,waar  de  rossen  gestald  werdcn  en  ieder 
van  ben  eenen  roggcschoof  ontving.  De  pacbîer  of  leenbouder 
van  bet  bof  te  Rijsbergen  diende  dan  cène  aan  't  spit  gebraden 
gans  op,  met  twee  brooden  en  eenen  stoop  bier,  boven  18  deniers 
zakgeldvoor  den  proost.  Na  afloop  der  zitting  te  Rijsbergen  keerde 
men  met  paarden,  vogelen  en  bonden  des  avonds  teriig  naar 
Zundert,  alwaar  den  lalen  dezelfde  spijzcn  als  daags  te  voren 
werden  opgediscbt  *. 

*  In  Sente  Scverijns  daghe,  de  welke  valt  op  den  XXIIIst'n  dach  van 
October,  es  te  vaerne  de  proest  van  Sombeke  ofte  siin  seker  bode  lote  Zon- 
dert,  met  ses  parden,  dar  es  Gherart  van  Tiechelt,  Byxtus  sRoden....  ende 
dandre  laîe,  diere  tce  behoeren  haren  cost  te  doene  savons  ende  hereleke 
tonlfane  beide  van  ^vine  ende  van  spisen  ende  van  andren  dinghen  als  men 
elken  goeden  man  es  te  doene.  Op  den  andren  dach  sniorghiins  es  de  proests 
ofte  sine  boede  te  varne  tote  den  persoen  met  vi  parden  ende  met  haren 
wert,  dar  sij  tsnachts  mede  laghen,  ende  de  persoen  es  hem  den  proest  ofl 
sinen  boede  ende  haren  wert  heerleke  tontfane  van  wine  ende  van  spisen, 
alsoe  alsemen  elken  goeden  man  esie  doene  al  quame  hij  met  vogelen  ende 
met  hondeu,  dat  hii  doen  mach  of  hii  wille.  Als  men  gaet  eten  es  men  scul- 
dich  te  phevene  sinon  parden  ene  virtaele  ghersten  van  dien  lande;  als  men 
gheten  heeft  es  de  persoen  hem  te  ghevene  xviii  st.  lovensche.  Dan  sitsij  up 
ende  varen  ten  goede  te  Rijsberghe;  dar  set  men  hare  parde  in  den  stal; 
dar  es  men  sculdech  te  ghevene  elken  parde  enen  rugghen  scoef.  Dat  goed 


("8  ) 

De  meeste  groote  abdijen  onzes  lands  hadden  leenhouders  of 
pachters  waar  zij,  op  hunne  reizen  afstaptcn,  dcn  maaltijd  namen 
en  voor  ëenen  of  meer  nachten  uitruslten.  Naar  hiin  voorbeeld 
werden  door  de  edelen  en  rijke  poorters  ook  zulkc  besprekken  in 
de  huurcontracten  of  leendenombrementen  bepaald,  en  op  die 
wijze  verkregen  de  bctrekkingen  tusschen  den  nederigen  land- 
boiiwer  en  den  machtigen  grondbezilter  eene  innigheid,  die 
scdert  lang  niet  meer  bestaat. 

De  boer,  zijnen  heer  dienende  met  al  den  eerbied,  dicn  dezes 
stand  en  vermogen  vergde,  in  voile  vertroiiwelijkbeid  met  bem 
ncergezeten,  had  aldus  eens  of  mcermaals  's  jaars  gelegenbeid  om 
zijne  naarstigbeid  en  zorg  voor  't  bem  toevertrouwde  land  te  doen 
waardeeren,  terwijl  van  zijnen  kant  de  béer  al  de  wenscbelijke 
verbeteringen  aan  buis  en  bof  doorzicb  zelven  Icerde  kennen. 

De  boer  zag  in  den  dorps-  of  ieenbeer  niet  enkel  eenen  gebieder, 
bekleed  met  gezag  en  vermogen,  maar,  gelijk  wij  reeds  de  gele- 
genbeid baddcn  op  te  raerken,  eenen  bcscbermer  in  aile  nooden; 
hij  wist  dit  niet  alleenlijk  door  de  bepaling  der  féodale  wettcn, 
maar  telkens  dat  een  iiieuwe  heer  in  't  dorp  werd  iiigebuldigd 
klonken  bem,  bij  eene  indrukwekkende  plccbtigbeid,  gevierd  met 
al  den  liiister  der  Kerk,  de  beloften  van  bescherming  van  't  altaar 
Icgen,  terwijl  op  sommige  plaatsen  deze  verplicbting  zelfs  ten 
boofdc  der  costumen  gcscbreven  stond.  Zoo  Icest  men  op  de 
eerste  bladzijde  van  de  Usages  de  la  ville  et  de  la  terre  de 
Sehourg  en  HaynauU  \  suivant  une  charte  de  la  contesse  Mar- 


es  dan  sculdech  te  gevene  eue  gans  rou  ghepluct  ane  enen  sptl  ende  ii  broet 
ende  enen  stoep  biers,  ende  xviii  den.  lovensche  ;  Isavonts  so  varsij  weder  te 
Zondert  up  de  laie  met  haren  parden  ende  met  haren  voghelen  ende  met 
haren  honden,  dar  sij  de  vorseide  late  haren  cost  sculdech  te  doene  gelikers 
wijs  dat  sine  tsavons  te  voren  daden;  als  enech  van  desen  laten  oft  enech 
van  den  laten,  dieu  behoreu  te  desen  goede,  sterft,  soe  es  men  sculdech  dat 
goet  te  versoukene  ane  den  proest  van  tSompeke,  ofte  ane  sinen  sekeren 
boede  tôt  iSompeke,  gheliker  wijs  dat  andre  laten  van  tSompeke  hare 
goed  versouken  ane  den  proost  van  tSompeke  ofte  ane  sinen  sekeren 
boede...  »  {Archieven  van  Sombeke.) 

'  Sebourg,  een  zeer  oud  dorp  en  heerlijkbeid  tusschen  Valensijn,  Bavai 


(  119  ) 

gheritte  (XÏII«  eeiiw)  :  «  Premiers,  est-il  assavoir  que  quant  les 
hoirs  qui  doit  estre  sires  de  Sebourg  se  voelt  apparoir  et  nionstrer 
comme  sires,  il  le  doit  laissicr  seavoir  à  Sebourg,  par  aucuns  de 
ses  lieutenans,  à  une  journée  nommée  qu'il  luy  plaist  à  y  estre. 
Et  à  cellui  journée  doit  estre  tous  li  communs  de  le  ville  de 
Sebourg  assemblez  au  mouslier  {église)  ou  en  l'attre  {cimetière) 
de  cellui,  et  chiux  qui  doit  estre  leur  sires  avecq  yaulx  {eux). 

«  Liquels  sires  doit  aller  au  grant  auteel  du  moustier,  et  jurer 
sour  les  sains  et  evangilles  et  par  se  foy,  qu'il  maintenra  les  gens 
de  ce  lieu,  tant  qu'il  en  sera  sires,  bien  et  par  loy,  et  à  tous  les  bons 
usages,  comme  ont  fait  sy  devantrin.  Et  sy  homme  le  doivent 
recevoir  a  seigneur  et  jurer  qu'il  lui  seront  bon  homme  et  léal.» 

Moge  de  féodale  baad  op  sommige  plaatscn  meer  dan  op  andere 
gekneld  hebben,  dit  hing  meer  af  van  de  grillen  of  geaardheid  des 
leenheers  dan  wel  uit  de  wet  zelve,  en  er  zijn  voorbeelden  dat,  in 
voile  feodaliteit,  dorpen  zich  aan  't  gezag  van  leenheeren  wisten 
te  onttrekken,  zich  voorrechten  deden  geven,  ja  zich  vrij  maakten 
van  aile  belastingen  jegens  wie  ook,  al  heetle  de  vorst  of  graaf  van 
Henegouw,  of  hertog  van  Brabant,  of  prins-bisschop  van  Luik. 

Virginal  of  Verzenault,  op  de  grens  van  Brabant  en  Henegouw, 
nauwelijks  een  honderdtal  bunder  groot  en  drie  tôt  vier  honderd 
ingezelenen  tellende,  was  zulk  eene  gemeente,  en  had,  metsleed- 
sche  fierheid,  die  overwinning  in  haar  wetboek  —  haar  eigen  wet- 
boek  !  —  ingeschreven,  hoevvel  aanvankelijk  twee  machtige  ge- 
bieders,  in  plaats  van  éen,  voor  zulk  gering  plekje  gronds  elkaar 
het  gezag  hadden  betwist  '.  Men  leest  daar,  inderdaad  : 

«  Tous  et  chacuns  bourgeois  sont  esté  de  tout  temps  immé- 

en  Quiévrain.  Deze  plaats  heeft  hare  geschiedenis  :  Histoire  de  la  terre  et 
vicomte  de  Sebourg,  jadis  possédée  par  les  comtes  de  Flandre  et  de  Hai- 
nault...  par  Pierre  le  Boucq,  Bruxelles,  J.  Mommaert,  1645,  in-4o. 

*  In  633  werd  het  dorp  door  S'«  Reinilde  gegeven  aan  de  abdij  van 
Lobbes.  De  prelaat  van  dit  sticht  benoemde  eenen  avoué  om  de  rechten  der 
abdij  op  Virginal  te  bewaren,  maar  van  lieverlede  eigenden  de  avoués  zich 
zelven  heerlijke  vermogens  toe,  zoodat  ten  slotte  de  jurisdiclie  tusschen  de 
abten  en  de  avoués  verdeeld  was.  De  toestand  werd  in  1543  door  eene 
wederzijdsche  overeenkomst  bekrachtigd. 


(  120  ) 

morial  francq  de  toutes  tailles,  gabelles,  mandements  du  roi, 
princes,  dueq  de  Brabant,  comte  de  Haynault  ou  aultres  provinces 
qu'on  pourroit  nommer  (§  47).  » 

«  Sy  sont  encoire  lesdits  mannants  et  bourgeois  du  mesme  lieu 
francqz  et  exempts  des  morte  mains  et  de  congé  aux  deux  sei- 
gneurs, ne  les  recognoissant  seulement  que  de  leurs  cens  et 
rentes  seigneuriales  et  foncières  sur  les  biens  de  chascuns  bour- 
geois, en  conformité  de  leurs  registres  et  cartulaires  pour  les  dits 
cens  faits  (§  56)  *.  » 

Ziedaar  wel  een  echt  democratiscb  beheer,  en  geen  uitzon- 
derlijk  geval.  Erkende  men  op  de  meeste  plaatsen  de  recliten  van 
den  heer,  betzij  deze  tôt  dcn  gecstelijken  of  tôt  den  leekenstand 
behoorde,  elders  had  het  volk  zich  zelven  weten  te  beheeren  en 
aile  beerlijkevoogdij  van  de  handgewezen.  Zoo  geschiedde,  onder 
anderCjte  Pologne  (Veulen)  in  Limburg,  en  in  verscbeidene  andere 
plaatsen  van  dit  gewest.  De  ingezetenen  vergaderden  er  telken 
jare  hetzij  op  de  openbare  plaats,  hctzij  in  't  welhuis,  en  kozen 
eenen  dorpsmcester  en  vier  sehatmannen  (raadsbeeren).  De  bur- 
gemeestcr  ontving  de  belastinggelden  en  deed  de  gestemde  uit- 
gaven,  na  ieder  dienstjaar  openbaarlijk  rekening  doende  van  zijn 
beheer.  Het  genot  dezer  gemeentelijke  vrijheden,  lot  het  uiterste 
gebracht,  hield  slechts  in  1796  op. 

Dat  de  leenroerighcid  den  toestand  der  vrije  mannen  zeer  moet 
gewijzigd  hebben,  daaraan  valt  niet  te  twijfelen,  maar  het  is 
geoorloofd  te  denken  dat  in  de  Vlaamsche  gewesten  de  eigenaars 
van  kleine  vrije  goederen  (alleux),  gelijk  er  overal  werdcn  aan- 
getroffen,  zich  vroegtijdig  hebben  moeten  vereenigen  om  het 
gevaar  af  te  wenden,  waaraan  hunne  afzondering  in  de  nieuwe 
staatsinrichting  hun  blootstelde.  Indien  men  op  verschillige 
plaatsen  personen  ontmoet,  die  niets  hadden  op  te  brengen,  dit 
spruit  voort  uit  de  omstandigheid  dat  een  aantal  vrije  mannen, 
zich  vereenigd  hebbende  om  eene  bcpaalde  streek  te  ontginnen  of 
tegen  't  zeewater  af  te  dammen,  van  de  vorsten  privilèges  hadden 

^  Het  geheele  stuk  komt  voor  in  de  Histoire  de  Virginal,  par  Stroobakt 
(1858). 


(121   ) 

bekonicn  ter  vergocding  van  de  aanzienlijkc  gelden,  welke  die 
waarlijk  rcusachtige  werkeii  van  openbaar  mit  haddcn  verslondcn. 
Van  zulkc  vereenigingen  zijn,  inderdaad,  menige  voorbeeldcn 
aan  te  halcn  :  de  polder  van  Kalloo,  in  de  XIV''  ccuw  door  eene 
groote  overstrooming  geteistcrd,  wcrd  in  d43l  luringcdijkt  door 
Joost  Triest,  Jan  Vijt,  Simon  van  der  Banc,  Colaard  Lefebvre, 
Jan  Losscbacrt,  Jacob  Bicse,  Pbiiip  Wiltebroot  en  anderen;  de 
polders  van  Melsele  en  Beveren  werdcn  in  de  ecrste  jaren  der 
XV*  eeuvv  aan  de  wateren  onlweldigd  door  eene  verecniging, 
samengesteld  iiit  Steven  van  Liedekerke,  Lodewijk  van  der  Moere, 
Pbiiip  Steenlant,  Jan  Scrsanders,  Joost  Vijt,  Hendrik  Symoer, 
Geeraard  Brijssinc  en  Jan  Oste. 

Wij  weten  het,  er  is  eene  scbaduwzijde  van  bet  Icenstelsel;  het 
was  niet  allijd  bescherming,  die  de  boer  vanwege  zijncn  béer 
genoot;  er  was  geene  vrijbeid  om  den  eigen  akker  tegen  de  vraat- 
zucbt  van  bet  beerlijke  wild  te  vrijwaren,  boewel  in  zekere 
gewesten   toch  meer  dan  tegenwoordig  ^;  de  banmolen   dwong 

*  In  Brabant,  onder  audere,  geuoot  het  volk  een  waarlijk  uitzonderlijk 
voorrecht  in  zake  van  jacht.  De  blijde  incomste  van  13o5  verzekerde  iedereen 
het  recht  te  jagen  «  bayr  met  hayr  ende  pluym  met  pluym,  »  wat  men  zegde 
te  zijn  :  «jagen  op  pdele  wijze.  »  Men  leest  aldaarin  de  29^  en  50'^  artikelen  : 

«  item,  accordoDs  à  los  sujets  brabançons  que  chacun  puisse  garder  ou 
faire  garder  ses  biens  propres,  et  dans  ce  but,  avoir  des  chiens  les  jarrets 
non  raccourcis,  sans  caleoge;  et  s'il  arrivait  qu'un  chien  tuât  ou  blessât 
quelque  pièce  de  gibier,  qu'on  laisse  ladite  pièce  sur  les  lieux;  et  si  le 
chien  la  mange,  que  le  propriétaire  ne  soit  pas  inquiété  de  ce  chef. 

»  Et  accordons  que  tout  homme  puisse  chasser  aux  lièvres  et  aux  renards 
par  tout  le  Brabant  sans  être  calengié.  » 

Een  ander  arlikel  dezer  gulden  keure  liet  elkeen  loe  te  jagen  naar  hazen 
en  vossen,  maar  't  groote  wild  was  alleen  voor  de  edelen,  behoudens  in  de 
vrije  warandeu,  welke  waren  de  bosschen  van  Soniën,  Saventerloo,  Groot- 
heist  en  Meerdale. 

Krachtens  eene  charter  van  1553,  verleend  door  hertog  Jan  III,  was  geheel 
het  dorp  ^Yillebri^gen,  in  zijne  païen  tusschen  Meldert,  Op-  en  Neervelp, 
Beauvechain,  Vertrijk  en  Kumptich,  tôt  eene  bijzondere  jacht  of  garenne 
gemaakt,  waar  Jacob  van  Limminge  en  zijne  erfgenamen,  hunue  jagers 
en  ook  de  hertog  van  Brabant  en  zijne  officieren  't  uitsluitelijk  recht  hadden 
te  jagen.         (Tarlier  et  Walters,  Géogr.  et  hist.  de  la  Belgique,  I,  266.) 


(  122  ) 

hem,  elders  niet  dan  dâar  zijn  koorn  te  doen  nialen;  er  was  op 
vêle  plaatsen  ook  eene  banaaibrouwerij,  of  een  banaaloven,  waar 
hij  't  bier  en  't  brood  zijner  lafel  moest  halen  ^  ;  duiven  moeht  hij 
niet  bouden;  de  visscherij  op  gansch  het  heerlijk  gebied  behoorde 
uitsluitelijk  den  bcer;  beambten,  zelfs  leengoederen,  hadden 
't  recht  oni  eenen  stier,  eenen  os  of  béer  (zwijn)  vrij  en  vrank  op 
al  het  land  der  heerlijkheid  te  laten  rondloopen  2;  er  waren 
lienden  en  karweien... 

Het  hooge  justitierecht  ging  doorgaans  gepaard  of  was,  zoo  men 
wil,  gekenmerkt  door  bot  recht  van  den  heer  op  de  nalatenschap 
der  vreemdelingen,  op  't  gebied  der  heerlijkheid  overlijdende;  op 
het  goed  dei'  bastaarden,  slervende  zonder  afstammelingen;  op  de 
openstaande  goederen,  de  voorwerpen  op  den  oever  der  zee  of 
rivicren,  zijne  heerlijkheid  bespoelende,  gestrand;  op  de  schatten, 
in  de  heerlijkheid  uit  den  grond  gedolven  enz.  Ook  was  het 
bedrag  der  boeten,  in  de  vicrschaar  uitgesproken,  le  zijnen  voor- 
deele,  alsmede  het  verbeurd  verklaarde  goed  der  misdadigers; 
doch  de  kosten  der  justilie  waren  te  zijnen  lasle.  Dit  was  reeds 
veel,  maar  echter  nog  maar  't  geringste  deel  van  het  hoogheerlijk 
vermogen.  Wie  de  justilie  in  den  boogsten  graad  oefende,  had  het 
recht,  polilieverordeningen  af  te  kondigen;  karwei  te  vragen  aan 
zijne  onderhoorigen;  zich  eigenaar  te  noemen  der  wegen  en 
daarop  geplante  boomen;  toi  te  heiïen  te  water  op  aile  vaartuigen, 
en  doortochtrecht  te  lande  op  voetgangers,  rijtuigen  en  koop- 
waren. 

Zekerlijk,  verscheidene  van  deze  rechten  moesten  der  platte- 
landsbevolking  zeer  onaangenaam  zijn,  en  slrooklen  in  't  geheel 
niet  met  den  geest  van  vrijheid  en  zelfslandigheid ,  welke  de 
gemeente  beheerschle  en  in  de  keure  was  uitgedrukt;  doch,  ver- 
scheidene van  die  impopulaire  wetsbepalingen  werden  langzamer- 

*  De  heerlijkheid  van  Schubbeke  te  St.-Pieters-Rode  had  zulken  banaal- 
oven; ook  in  't  Luxemburgsche  waren  er  verscheidene. 

*  H  Hof  te  Sichem,  bij  Leuven,  bezat  zulk  een  recht,  in  de  leendenombre- 
menten  uitgedrukt  :  «  Deen  jaer  eenen  verre  ende  dander  jaer  eenen  béer 
op  de  gemeynte  gaende.  »      {Register  des  leenshofs  van  Brahant,  n°  92.) 


(125  ) 

hand  minder  drulvkcnd,  gelijk  de  banaalrecliten,  die  met  den 
aangroei  der  bevolking,  met  de  verbetering  en  de  ontwikkeb'ng 
der  gemeenschapswegen  moeilijk  konden  gehandhaafd  worden. 
Voor  't  overige,  nog  beden,  in  onzen  zoo  bescbaafden,  verlicbten 
lijd  zijn  al  de  heerbjke  rechten  nict  tecnemaal  afgescbafl,  niet  al 
de  grieven  geweerd,  waarover  de  middeleeuwscbe  landbouwer 
zich  met  reden  bedroefde.  —  Bestaat  er  heden  eene  vrije  jacht, 
eene  vrije  vischvangst?  Geniet  ëen  Belgische  biirger  thans  liet 
recht,  dat  de  Brabander  in  't  raidden  der  XIV*  eeuw  verkreeg? 

En  de  karwei  —  de  reebtsgeleerde  Raepsaet  merkte  het  reeds  in 
't  begin  dezer  eeuw  op  :  indien  cr  een  heerlijk  recht  is,  waartegen 
lang  en  luid,  als  een  barbaarseb  dwangmiddcl,  werd  uitgevaren, 
dan  is  't  zeker  wel  de  karwei,  die  men  bescbouwde  als  een  teeken 
van  ontcerende  dienstbaarheid.  En  evenwel  vergat  men,  dat  de 
karwei  juist  een  bewijs  van  onlslaving  was,  eene  overeenkomst 
tiisschen  den  bevrijder  en  den  vrijgemaakte,  tusscben  den  grond- 
eigenaar  en  den  pacbter;  men  dacbt  er  niet  aan,  dat  in  geval  de 
laatste  weigerde  den  gevergden  dienst  te  verriehten,  in  verreweg 
de  meeste  plaatsen  de  heer  niets  daartegen  vermocht,  maar  de 
uitspraak  aan  de  natuurlijke  rechters  van  den  landbouwer  loe- 
kwam;  men  vergat  dat  de  karwei  eene  belasting  was,  welke  de 
boer  oneindig  liever  met  zijnen  arbeid  (of  met  zijne  vruchten, 
gelijk  de  liende)  kwijt,  dan  met  klinkende  penningen;  vooral 
hicld  men  geene  rekening  van  de  omstandigbeden,  onder  welke 
de  karwei  was  ingevoerd.  Ilad  de  heer  die  aanvankelijk  gevraagd 
uit  willekeur  en  tirannij,  om  zijn  recht  of  macht  te  slaven,  om 
den  onderhoorige  de  herinnering  te  doen  bewaren  van  zijnen 
dienstbaren  staat?  Geenszins.  Toen  de  edelman  in  't  bezit  kwam 
van  het  dorp,  en  daar  nog  zoo  menige  uitgestrekte  plek  gronds 
bemerkte,  die  woest  en  dor  en  onbeploegd  lag,  last  bijbracht 
in  stede  van  voordeel,  toen  lustte  het  hem,  natuurlijk,  die  te  ont- 
ginnen,  eensdeels  om  daardoor  eene  meerdere  vrucht-  of  cijns- 
winst  te  bekomen,  anderdeels  om  zijn  domein  aangenamer, 
gezonder,  beter  te  maken  en  de  bevolking  er  te  zien  aangroeien. 
Nu,  hoe  dit  gedaan  in  de  vroege  middeleeuwen,  wanneer  de 
kanden  zoo  schaarsch,  de  arbeid  zoo  duur  waren?  Geen  beter,  of 


(  124  ) 

liever  geen  ander  middcl  om  de  vruchtbnarmaking  des  bodems  te 
bevorderen  dan  de  opgelegde  dienst,  de  licht  le  donne  karwei,  de 
minst  impopulaire  bclasting  die  toen  kon  ingcvoerd  worden. 
Zonder  dit  niiddel  was  de  vaderlandsclie  landbouw  gedurende 
de  middeleeuwen  stellig  niet  zoo  vooniitgegaan,  dat  hij  loen 
reeds  den  lof  der  beschaafdc  wereld  verdiendc;  ja  zouden  nog 
lieden  in  menige  stieck  van  België  even  dorre  en  wocste  plaatsen 
worden  aangetrolïen  als  men  vindt  in  het  Kempenland. 

Beschouwt  men  de  karwei  van  dichtbij,  het  is  mocilijk  er  dat 
hatelijk  karakter  aan  toe  te  kennen,  hetwelk  een  lichtvaardig 
oordeel  er  aan  gegeven  heeft.  Laten  wij  ze  in  't  kort  cens  onder- 
zoeken. 

Onder  het  Frankisch  bcheer  was  elke  hoeve  van  't  alleud  te 
St.-Pieters-Leeuw  (boven  de  jaarlijksche  belasting  van  5  stuivers, 
een  mud  haver,  eene  hen  en  zeven  eieren)  verplicht  tweemaal 
's  jaars  vier  mud  tarwe,  of  vijf  mud  rogge,  of  zcs  mud  haver  te 
voeren  tôt  aan  de  Zennebrug,  te  Î3rus3el,  uit  welke  brug  een  balk 
werd  gcschoven  om  door  de  opening  het  graan  te  gieten  in  vaar- 
tuigen,  welke  de  opbrengst  vervoeren  mocsten  naar  Keulen 
(St.-Pieterskerk).  Nog  waren  de  bewoners  van  gezegd  domein  ieder 
jaar  verpHoht  gedurende  éenen  dag  de  landen  te  helpen  bezaaien 
en  cenen  anderen  dag  te  helpen  inoogsten.  Voor  degenen,  die  de 
landen  bewerkten  (te  weten  negen  dagen  :  drie  in  de  lente,  drie 
in  den  zomcr  en  drie  in  den  herfst)  was  de  op  hun  hof  gelegde 
cijns  verminderd  tôt  50  deniers.  Al  de  arbeiders  kregen  op  de 
karweidagen  brood  en  hier  in  genoegzame  hoeveelbeid  om 
behoorlijk  gevoed  te  zijn  ;  weigerde  men  hun  dit  loon,  dan  mocht 
de  arbeid  onlzegd  worden  '. 

Ogy  en  Isier,  twee  dorpen  van  welke  wij  reeds  gesproken 
hebben,  hadden  volgens  hunne  keure  van  1234  drie  karweidagen 
's  jaars,  namelijk  in  Mei,  Juni  en  Juli.  Op  elk  van  deze  tijdstippen 
moest  de  landbouwer,  die  geen  paard  gebruikte,  éenen  dag  voor 
den  dorpsheer  werken,  te  weten  van  zonsop-  tôt  zonsondergang. 
De  boer  met  ploeg  en  paard  was  insgelijks   daartoe  verplicht; 

*  Alph.  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  I,  85. 


(  425  ) 

doch  niemand  mocst  in  persoon  verschijncn,  iedcr  had  het  recht 
of  eenen  arbeider,  of  een  paard  met  plocg  ter  aangeduide  plaats 
te  zenden.  Dezc  laatste  omstandigheid  was  recds  cène  merkelijke 
verzachting  voor  den  opgelegden  dienst,  raaar  zelfs  van  dàt  kon 
mcn  zich  ontslaan  :  mitseene  geringe  belasting  (vcrmoedelijk  den 
huurprijs  van  man,  paard  en  plocg  vcrbccldendc),  was  mcn  van 
't  een  of 't  andcr  vrij.  Mcn  gaf  voor  clke  karwci,  te  verrichten 
zondcr  paard,  5  deniers,  Arteziscbe  munt;  de  beziltervan  paarden, 
al  haddc  bij  cr  vier  of  mecr  op  stal,  gaf,  naar  vcrbouding  van 
zijn  vcrmogen,  van  5  tôt  18  deniers.  Mcn  zict,  cr  bestaat  in 
't  geheel  geen  dwang,  geenc  de  minste  willckcur,  geene  onge- 
lijkheid;  de  rijkste  boer  der  gcmeente  werd  opgeroepcn  evenals 
de  armste  dorper  *. 

Schier  altijd  en  overai,  uitgezonderd  in  't  Luxcmburgsche,  was 
de  karwei  gevraagd  in  't  belang  van  den  landbouw,  te  weten 
voor  't  werk  met  den  niest,  met  den  plocg  (zomer-  en  winter- 
koorn)  bet  hooi,  den  boutvoorraad;  enkele  malen  vindt  mcn  ook 
gewag  gemaakt  van  dorscbcn,  't  bediencn  van  den  metser,  schalie- 
dekker  of  timmerman,  werkende  aan  't  pacbtbof  enz.  De  laten 
des  heeren  van  Ncvcle  (Oost-Vl.)  waren  zekere  dagen  in  't  jaar 

*  «  Jo  Ernols  arai  trois  coruees  en  lan  des  ostes  de  le  glise  a  Ogi  et  a 
Ysier  teuans  maisnie,  lune  en  mai,  lautre  ghieskerech  (juin)  et  iautre  en 
fenerech  (juillet),  en  tel  manière  ke  li  hom  kl  nara  point  de  keval  doit  servir 
à  mi  un  jor  en  mai,  un  jor  en  ghieskerech  et  le  tiers  en  fenerecli  et  mouvoir 
de  sen  ostel  de  soleil  levant  et  repairier  a  sen  ostel  de  soleil  luisant.  Et  se  li 
hom  ne  velt  u  ne  puet  servir  en  se  propre  persone,  u  par  autre  soufisant,  il 
me  doit  doner  einc  deniers  artisiens  a  chascun  jor  kil  devroit  faire  la  coruee; 
et  se  li  hom  a  kerue,  de  se  kerue  me  doit  servir  un  jor  en  may,  un  jor  en 
gieskerech  et  un  jor  en  fenerech  chascun  an  ;  se  li  hom  ne  veut  u  ne  puet 
çou  faire,  il  me  doit  donner,  par  le  jor  quil  ne  voira  servir,  dis  wit  deniers 
artésiens,  sil  a  quatre  kevaus,  por  lui  et  por  ses  kevaus;  et  sil  a  mains  de 
kevaus,  il  en  paiera  mains  au  vaillant,  fors  tant  ke  cil  a  un  keval,  sil  ne  veut 
u  il  ni  puet  aler,  il  paiera  cinc  deniers  artésiens  por  lui  et  por  sen  keval.  Et 
quant  je  deverai  avoir  les  coruees,  ci  com  dit^  est,  mes  serjans  le  dira  au 
serjant  de  le  glise,  et  li  sergans  de  le  glise  les  semonra  et  fera  ens  venir,  si 
com  il  est  devant  dit...  » 

{Bulletins  de  la  Société  historique  et  littéraire  de 
Tournai,  VI  (1860). 


(  126  ) 

verplicht  met  wagen  en  paard  hem  te  dienen,  zoo  voor  het  uit- 
vocren  van  den  mest  als  voor  het  inoogsten  van  het  hooi  en 
't  verzamelen  van  het  brandhout.  De  laten,  die  wagen  noch  paard 
bezaten,  moesten  den  mest  helpen  laden  en  op  't  land  uitwerpen, 
het  hooi  verzorgen  enz.  Op  elken  karweidag  was  de  heer  van 
Nevelehun  eenen  maallijd  schuldig  *. 

De  boer,  die  in  België  den  heer  op  zijn  land  diende,  had  het 
doorgaans  beter  dan  in  Frankrijk,  waar  de  werker  gewoonhjk 
zelf  voor  zijne  voeding  te  zorgen  had  en  daarom  dikwijls  tegen 
den  heer  in  procès  ging.  De  parlemenlen  van  Parijs,  Metz  en  Tou- 
louse moesten  in  de  XVIP  eeuw,  wanneer  de  meeste  karweien 
len  onzent  al  lang  waren  afgeschaft,  lusschen  beiden  treden,  ten 
einde  de  heeren  te  verplichten  de  op  hunne  akkers  of  hooivelden 
zwoegende  laten  spijs  en  drank  te  verschaffen  2. 

In  't  graafschap  Wiltz  (Luxemburg)  moesten  de  karweimannen 
den  wijn,  op  de  heerenvelden  gewonnen,  voeren  van  de  Saar  en 
Moezel  tôt  aan  het  kasteel  te  Wiltz.  Op  hunne  beurt  waren  de 
gemeenten  Goesdorf  en  Heiderscheit  verplicht  de  wegen,  langs- 
waar  de  wijnoogst  vervoerd  moest  worden,  in  goeden  staat  te 
houden.  —  Het  dorp  Asselburg  verzorgde  den  weg,  dienende  tôt 
het  vervoer  der  tiendevruchten  van  den  graaf  naar  Linster,  en  de 
karweiers  gingen  insgelijks  den  wijn  opladen,  dien  de  heer  te 
Diekirch  op  de  Moezel  en  de  Saar  oogstte.  Voor  het  laatste  werk 
ontvingen  zij,  bij  't  vertrekken,  een  brood  voor  den  voerman  en 
eenen  bundel  baver  voor  het  paard.  —  De  boeren,  die  daar  aan 
den  mest  werkten  op  't  land  des  heeren,  ontvingen  eene  «  sop, 
und  eine  schussel  mit  musz.  »  't  Was  weinig,  maar  wanneer  er  aan 
den  oogst  te  werken  was,  hadden  de  boeren  het  beter;  des 
morgens  ontvingen  zij  «  ein  sop,  ein  stuck  kees  und  ein  stuck 
brots  geleich  den  kees  grosz,  und  ein  bêcher  mit  hier;  nacht- 
mittages  aber,  einem  jeden  ein  schussel  mit  musz,  ein  schussel 
mit  erbesen,  ein  stuckelgen  spccks,  ein  stuck  kees,  jederem  ein 
weisz  und  ein  rocken  miitsch,  den  stalen  gleich  so  man  von  alters 

*  Geschiedenis  van  Nevele,  door  De  Potter  en  Broeckaert. 

*  Aldert  Babeau,  le  Village  sous  l'ancien  régime,  bl.  1 88. 


(  127  ) 

hat  ^  Item  einera  jederen  ein  bêcher  mit  biers  und  ein  bêcher 
mit  weins  und  weiters  nicht...  ^  » 

Dit  was  nu  bijzonder  wel,  ja  we  zijn  geneigd  te  gelooven,  dat  de 
boeren  van  Asselburg  naar  dcn  heerhjken  karweidag  verlangden 
als  naar  eene  dorpskermis!  't  Is  waar,  overal  ging  het  niet  zoo 
wel.  Te  Marner,  bij  voorbeeld,  gaf  't  klooster  van  St.-Maximijn 
alleenlijk  «  ihrc  zemlich  kost  als  arbeitsleutten  eignet  5.  »  — 
Te  Lintgen  gaf  het  klooster  aan  de  karweiers  de  spijs  «  und  borns 
genug*.  »  —  Wie  te  Lorentzweiler  voor  de  abdij  van  Echternach 
arbeiddcjwerdbehandeld  naarvolgens  de  volgende  stichlsverordc- 
ning  :  «  Ein  herr  zu  Echternach  sei  einem  jeden  pflugh  und 
darzu  gehorenden  fronern  ein  brott,  wie  man  dasseîb  den  hirten 
auszer  dem  golleshaus  Echternach  zu  geben,  in  gewohnheit  zu 
handtreichen  verpflicht.  » 

De  ingezetenen  van  Wiltz  waren  verplicht  den  heer  niet  enkel 
in  bepaalde  gevallen  van  oorlog,  maar  zelfs  op  de  jacht  ten  dienste 
te  staan.  Dit  was  de  karwei  van  't  nuttige  en  noodige  landbouw- 
werk  uitgestrekt  tôt  het  enkel  genot  van  den  heer;  maar  de 
heeren  van  Wiltz  vergden  nog  meer  van  hunne  laten  :  deze 
moesten  aanvankelijk  ook  het  kasteel  en  de  omheining  des  parks 
onderhouden.  Zijne  hooiers  kregen  twee  pond  brood  en  ëen  pond 
kaas,  of  twaalf  stuivers  :  zeker  een  hoog  dagloon  voor  dien  tijd. 
Dit  deze  en  vorenstaande  mededeelingen  leeren  wij  de  gewone 
voeding  der  boeren  kennen,  in  den  tijd,  dat  er  nog  geen  sprake 
was  van  aardappelen. 

Wanneer  de  karweiers  van  Rollingen  in  't  hooi  wrochten  voor 
den  heer  van  Schœnfeltz,  gaf  deze  hun  eenen  sackpfeiffer,  wien  hij 
voeding  verschaftc.  De  dorpelingen  hadden  tôt  plicht  de  schapen 
van  den  heer  te  wasschen  en  te  scheren,  maar  't  scheersiijpen  was 
ten  koste  van  den  heer. 


1  Dit  is,  de  mitsch  moest  zco  grcot  zijn  aïs  'l  modcl,  dat  vanouds  op  het 
kasteel  werd  bewaard. 

2  Weistiiumer,  bl.  443. 
2  Idem,  bl.  476. 

*  Prof.  Weis. 


(  128  ) 

In  't  Liixeraburgsche  waren  karweien  van  bijzonderen  aard, 
welke  elders  in  België  weinig  werden  aangetroffen.  Zoo  moeslen 
de  boeren  van  St.-Jansberg  *,  die  hecrb'jk  goed  beploegden,  het 
bout  en  de  ladder  bijbalen  wanneer  de  heer  het  hoog  gerecht 
uitoefende;  zoo  waren  de  ingezetenen  van  Greescb  verplicht  elken 
ter  doodveroordeelde  tegeleiden  tôt  aan  de  brug  van  Ansemburg, 
waar  andere  laten  bem  in  bunne  boede  namen  en  bracblen  tôt  op 
de  strafplaats  van  Luxemburg. 

In  de  gemelde  beerlijkbeid  van  St.-Jansberg  was  nog  eene 
andere  karwei,  welke  wij  niet  zoo  zwaar  in  Brabant,  Liniburg  of 
Vlaanderen  bebben  aangetroffen.  Wanneer  de  heer  ten  strijde 
trok,  of  uitreed  ter  sleebting  eener  veete,  waren  de  Icenbouders 
genoodzaakt  bem  gedurende  zes  weken  en  drie  dagen  met  wapens 
en  paard  te  volgen,  maar  de  voeding  was  ten  koste  van  den  heer. 
Had,  na  verloop  van  dien  tijd,  de  heer  nog  bunne  bulp  noodig, 
dan  waren  zij  verpHcht  bij  hem  te  blijven  «  parmi  les  gages  qu'on 
donne  à  d'autres  soldats.  »  Verders  waren  al  de  onderboorigen, 
niemand  uitgczonderd,  gehouden  de  kasteelen  van  Dudelingen  of 
St.-Jan  te  bewaren,  welke  verplicbting  ieder  gezin,  waar  eene 
haardstede  was,  kon  afkoopen  mits  20  beiers  in  't  jaar.  Eene 
weduwe  betaalde  maar  de  helft  zooveel  ^. 

Gaan  wij  nu  naar  't  graafscbap  Namen,  wij  vindcn  daar  andere 
karweien,  zelfs  door  vrouwen  te  doen,  hetgeen  ons  doet  ver- 
onderslellen,  dat  daar  nog  minder  mannelijke  werklieden  te 
bekomen  waren  dan  elders;  allbans  wij  lezen  in  een  record  nopens 
de  hecrlijke  rechten  van  Geeraard  van  Bossu,  als  proost  van 
Couvin,  op  't  jaartal   1454  : 

«  Item  at  desus  ledit  seigneur  corrueez  de  cbevalz  à  tous  les 
ahanniers^  de  Boussut.  C'est  assauvoir  à  chescun  ahannier  ii  eor- 

^  De  heerlijkheid  van  St.-Jansberg  bestond  uit  de  dorpen  Dudelange, 
Burange,  Budersberg. 

2  De  feodaliteit  drukle  zwaarder  in  't  Luxemburgsche  dan  in  de  Vlaamsche 

gewesten.  Bovengemelde  vcrplichting  werd  nog  vernieuwd  ten  jare  1575, 

{Publications  de  la  Société  pour  la  recherche,  etc.,  des  monuments 

historiques  dans  le  Grand-Duché  du  Luxembourg,  II,  55-56.) 

'  Ahanniers,  landbouwers.  Dit  woord  komt  van  ahannière,  Waalsche  uit- 


(  129  ) 

rueez  de  wayen  [regain)  l'an,  de  otteil  puissance  de  chevalz  de 
quoy  ils  font  leur  labeur.  Et  ossy  se  aulcuns  en  y  auroit  qui 
eusisse  chevalz  ung  ou  deux  se  dige  qui  doyent  corueez  comme 
les  ahanniers.  Et  tous  aultres  bourgois  doyent  corueez  de  bras 
unne  l'an,  et  les  femmez  pareillement  de  teille  mestier  qui  se 
mellent  ^  » 

In  de  heerlijkbeid  Celles  (Namen)  vinden  wij,  boven  eene 
belasling  op  don  ploeg,  de  verplichting  om  voor  den  heer  in  het 
hooi  te  werken;  de  boeren,  die  de  vracht  naar  't  kasteel  voerden, 
kregen  vier  brokken  brood  en  een  stuk  kaas;  zij,  die  't  hooi  in 
den  meersch  verzorgden,  een  stuk  kaas  en  twee  stukken  brood. 
Maar  beide  gemeenlen  haddcn,  bij  't  instellen  van  de  karwei, 
van  den  heer  een  voordeel  bekomen,  dat  wel  tegen  den  last  des 
arbeids  kon  opwegen  :  zij  hadden  namelijk  eene  gcmeene  weide 
tôt  hun  gebruik  gekregcn  met  het  daaraan  palende  water,  voor 
den  geringen  cijns  van  zes  blanke  deniers  's  jaars^. 


drukking,  \vaarmee  men  bediedt  een  beluik,  palende  aan  't  pachthof,  en 
bestemd  voor  de  teelt  van  teere  groenlen  en  gewassen. 

^  Comte  de  Villermont,  Essai  historique  sur  Couvin  et  sa  châiellenie, 
in  de  Annales  de  la  Société  archéol.  de  Namur,  XÏI. 

2  «  Chesque  charues  du  village  de  Gendron  doibvent  au  seigneur  de  Celle 
XÏIII  palars  et  I  gros  escheans  à  payer  iceulx  chacun  an  au  jour  St.  Remy, 
premier  jour  doctobre  qu'on  dit  les  grandes  assizes,  saulf  ceux  qui  doivent 
masuuage;  iceulx  doibvent  seulement  pour  et  à  raison  dudit  masuuage 
XI  patars  et  III  gros,  et  à  faulte  de  payement  audit  jour,  pouvoir  par  le  ser- 
geant  dudit  lieu  faire  déférer  leur  errer*;  et  ne  pondront  faire  aucune- 
ment labourer,  n'est  que  premièrement  ils  ayent  payé  et  satisffaict  ladite 
assize... 

«  Les  manans  et  habitans  de  Gendron,  excepté  les  laboureurs,  doibvent  au 
susdit  seigneur  par  chacun  an,  chacun  un  pattar  et  demy...  Les  laboureurs 
du  village  de  Gendron  doibvent  par  chacun  an  charier  et  mener  aux  fenaulx 
mois  en  la  grange  du  château  dudit  Celle  les  foing  des  deux  preitz  de  des- 
soubz  Weve. 

«  Et  les  autres  mannans  aussy  dudit  Gendron  sont  tenus  les  fenner  de 

*  C'est-à-dire  enlever  le  fer  de  leur  charrue  (errer)  pour  qu'ils  ne  puissent  plus 
s'enservir. 

Tome  XXXIL  9 


(  430  ] 

In  de  Brabantsche  streken  waren  de  meeste  karweien  toege- 
past  op  den  landbouw.  Te  Diegem,  Etterbeek,  Machelen,  Peuthy, 
Melsbroek,  Nosscgem,  St.-Slcvens-  en  St.-Lamberts-Woluwe,  waar 
de  hertogen  van  Brabant  aanzienlijke  eigendommcn  bezaten, 
waren  delaten,  die  met  paard  en  wagen  werkten,  verplicht  eene 
vracbt  hooi  le  vocren  naar  Brussel,  Tcrvuren  of  Vilvoorde;  de 
andere  landbouwers  moesten  éénen  dag  in  't  jaar  aan  den  hooi- 
oog^t  wcrken  *. 

In  het  herlogdom  Limburg  herinneren  verscbeidene  karweien 
aan  den  wijnbouw,  welke  gedurende  de  middeleeuwen  aldaar  veel 
werd  uitgeoefend.  Tôt  de  erfelijke  diensten,  door  de  bewoners 
der  bank  \an  Gclcen  voor  den  heer  van  Valkenberg  te  verricbten, 
behoorde  dat  de  landbouwers,  «  die  wagen  ende  peerd  hebben, 
sciildich  sijn  le  voeren  die  wyngartstekken  van  den  bossche  ^ 
naer  den  wyngart,  soe  vêle  als  men  daertoe  verorbert  ^.  » 

De  béer  van  Scbourg,  in  Henegouw,  mocht  er  zich  in  de 
XVIIP  eeuw  op  beroemen,  nagenoeg  de  meeste  karweidagen  te 


bon  temps  et  heure,  tellement  que  le  dit  seigneur  n'y  ait  intérest,  autrement 
seront  tenus  restituer  audit  seigneur  autant  de  foing. 

»  Les  mannans  et  habitans  du  village  de  Weve  sont  tenus  de  les  mettre 
en  la  grange  dudit  Celle,  et  entasser  les  devant  dits  foings,  parmy  par  ledit 
seigneur  donnant  aux  d!ts  lab3ureurs  mennans  lesdits  foings  à  chacun 
quattre  rn'ches  de  pain  avec  chacun  une  pièce  de  fromage,  et  aux  fenneurs 
fennans  les  foings  desdits  deux  preitz  chacun  deux  miches  et  chacun  une 
pièce  de  fromage. 

»  Les  laboureurs  de  la  terre  de  Celle,  exceptés  ceux  de  Gendron,  sont 
tenus  mener  et  charier  en  la  grange  du  chàleau  dudit  Celle  les  foings  d'un 
preit  communément  nommée  et  appelle  «  le  preit  al  saulx,  »  etc. 

...  »  Encore  avons  nous  donnet  et  donnons  ces  poëstez  des  dites  villes,  pour 
leur  commun  usaige,  Houduintries,  les  pastures  enlour  atenans  et  ajoignans 
Il  auwe  et  les  aa'sem9ns  des  dittes  poëstez  absolutement,  a  tenir  de  nous  et 
de  nos  hoirs  contes  de  Haynnau  perpétuellement,  parmy  six  deniers  blans 
de  cens  a  payer  à  nous  chascun  an  à  la  Nativité  Sainct  Jehan  Baptiste.   » 

{Annales  du  Cercle  archéolog.  de  Mons,  XV,  191.) 

*  Alph.  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  98. — Zie  ook  bl.  84. 

2  Bosch,  's  Heerenbosch,  nu  Ravenboscli,  bij  Valkenburg. 

"  Oorkonde  in  het  Rijksarchief  te  Brussel. 


(  131   ) 

hebben,  te  weten  ncgen,  buitcn  de  maanden  Maart,  Juni  en 
Augustus,  voor  al  de  mannen  zijns  gebicds.  De  dienst  was  evenwel 
af  te  koopen,  naar  bcliefte  van  den  heer,  en  degene,  die  met  kar 
en  paard  opgeroepen  werd  tôt  de  karwei  mocht,  de  gestelde  dag 
hem  te  on  passe  komende,  het  werk  den  daarop  volgenden  dag 
verrichten.  Kwam  hij  dan  evenwel  niet,  zoo  mocht  de  heer  een 
gespan  huren  gelijk  aan  dit,  hetwelk  gevraagd  was,  en  dat  de 
afwezigc  betalen  moest.  De  karwei  mocht  maar  zoo  lang  duren  dat 
de  arbcidcr  nog  bij  zonnelicht  op  zijn  hof  kon  terug  zijn  K 

Hooger  dcden  wij  reeds  eene  karwei  kcnnen  uit  de  Vlaamsche 
streek;  ziehier  nog  eene  andere,  welke  bewijst  dat  de  arbeid  voor 
den  heer  aldaar  ook  gcvorderd  werd  in  't  belang  van  den  akker- 

*  «  Ly  sires  a  à  tous  les  manouvrlers  qui  sont  manœvres  de  leurs  bras, 
ou  jugement  de  Sebourg,  hormis  mardi,  wain  {foin,  oogstlijd)  et  laoust,  trois 
coruwez  lan,  se  prendre  les  woelt;  et  sil  est  que  ly  manouvriers  ne  puist  ou 
voeille  aller  à  la  coruwée,  ly  sires  puet  faire  prendre  wage  {gage)  pour 
chascune  journée,  dont  le  manouvrier  seroit  en  deffaulte,  de  quattre 
bians. 

»  Ly  sires  a  encores  trois  coruweez  Fan,  hormis  aoust,  mardi  et  wain... 
{de  tous  ceux)  qui  se  sceunt  mesler  d'aucune  marchandise  ;  et  sy  ne  le 
puelleul  racatler,  se  ly  sires  ne  voell.  Et  se  chil  manouvrier  et  chil  marchant 
nen  sont  poursievyl  dedens  l'année,  on  ne  les  puet  jamais  poursuivyr  ne 
demander  nulle  chose  de  chou  que  passel  seroit. 

»  Ly  sires  a  encores  a  tous  cheulx  qui  sont  ou  jugement  de  Sebourg,  qui 
ont  clievaulx  trayans,  m  coruweez  lan,  hormis  mardi,  aoust  et  wain,  de  le 
campz  que  on  ahanne. 

»  Et  s'il  est  ainsy  que  ungs  preudommes  ait  clievaulx,  et  ly  lieutenans  du 
seigneur  viengue  et  l'appelle  par  son  nom  et  lui  die  :  il  vous  convient  demain 
venir  à  le  coruwée  le  seigneur  ?  Ly  preudous  poel  dire  s'il  voelt  :  je  ne  puis 
demain  aller.  Se  ly  lieuxtenans  du  seigneur  lui  dise  dont  :  y  venez  après 
demain;  se  chiux  ne  va  à  le  coruwée,  ly  sires  peut  leuwer  ung  harnais 
{attelage)  ossy  souffissant  que  chiux  a;  et  le  doit,  chix  qui  fauroit  {manque- 
rait} à  le  coruwée,  payer. 

»  Et  sy  ne  poelt  li  sires  tous  harnas  qui  vont  à  ses  coruweez,  ne  tous 
autres  manouvriers  et  marchans,  se  besongne  eu  avoit,  mener  sy  loncq,  ne 
tenir  tant  qu'il  ne  puissent  revenir  de  solleil  luisant  en  leur  maison.  Et  sil 
ne  sont  poursuiwoit  devens  {dans)  l'année,  ensy  que  dit  est  pardevant,  on  ne 
les  puet  jamais  poursieuwer  de  l'année  qui  passée  seroit.  » 

{Staatsarchief  te  Bergen.) 


(  152  ) 

bouw  en  niel  ondoenlijk  was.  Tergemeenle  Afsneê  was  eene  heer- 
lijkhcid,  met  name  Darupt,  gering  van  omvang  (zij  had  slechts 
dO  blinder  140  roeden)  en  bewoond  door  laten,  die  penning-, 
lioender-  en  eene  kleine  rogge-of  kapoenrent  hadden  op  te  bren- 
gen.  Dezewaren  vrij  van  karwei,  maar  de  landbouwers,  die  jaarlijks 
55  halster  rogge  moesten  leveren  —  dus  de  raeestbegoeden  — 
waren  voor  ieder  mud  in  den  mest-  of  oogsttijd  verpiicht  éenen 
dag  met  paard  en  wagen  te  arbeiden,  of  de  waarde  van  dezen  dienst 
te  betalen,  volgens  keuze  van  den  heer.  Bovendien  bad  deze, 
uitwijzens  het  dénombrement  zijner  beerlijkbeid,  eenmaal  's  jaars 
recbt  op  «  twee  maeyers  ende  de  dry  deelen  van  eenen  maeyer; 
vier  hooyers  ende  de  dry  deelen  van  eenen  hooyer;  dry  waeghe- 
diensten  ende  de  dry  deelen  van  eenen  waegbedienst  in  de 
meslaede,  elcken  waegben  met  twee  paerden  ende  eenen  meslae- 
dere  '.  » 

Karweien,  aan  gebeele  districten  en  't  jaar  door  opgelegd,  waren 
ook  niet  zeldzaam.  Zoo  beslond  er  eene  in  de  ambachten  van 
Assenede  en  Boekboute,  volgens  welke  al  de  landbouwers  dezer 
streken  verpiicht  waren  elken  maandag  den  graaf  van  Vlaanderen 
te  dienen  met  paard  en  wagen,  zeker  geen  geringe  last  in  eene 
streek,  alwaar  de  wegen  in  de  middeleeuwen  slccbt  of  niet 
gebaand  waren.  Dcze  uitzonderlijke  karwei  werd  ten  jare  1242 
door  Thomas  van  Savooie  en  Joanna  van  Constantinopel,  tôt  groot 
genoegen  van  de  Vier-Ambachtsche  boeren,  afgeschaft  ^. 

Uit  al  het  bovenstaande  heeft  men  gezien,  dat  de  tijdstippen 
en  het  getal  dagen  voor  de  karwei  om  zoo  te  zeggen  van  beer- 
lijkbeid tôt  beerlijkbeid  verschilden. 

Te  Oisy  (Namen)  was,  volgens  de  keure  van  April  1216,  elke 
ingezetene  verpiicht  tôt  zes  dagen;  elders  was  't  eenige  meer  of 
eenige  min.  In  Luxeniburg  moest  de  karwei  den  boer  lastig  zijn; 
immers  dit  land  bracht  niet  genoeg  voor  zijne  eigene  beboeften 
op,  uit  hoofde  der  uitgestrekte  bosschen  en  woeste  gronden, 
welke  men  er  aantrof,  en  van  't  klein  getal  arbeiders,  waardoor 

1  Geschiedenis  van  Afsneê,  door  De  Potter  eu  Broeckaert,  bl.  28. 
'^  Zie  het  laatste  §  der  keure,  bij  Scarp,  Geschiedenis  van  Axel. 


(  133) 

nieuwe  ontginningen  gedureiide  verscheidene  eeuwen  onmogelijk 
waren.  Ook  is  er  op  te  merkcn  dat  de  karwci,  voor  werken  van 
openbaar  of  plaatselijk  belang  gevorderd,  met  minder  genoegen 
werden  verricht  dan  zulke,  die  in  't  belang  van  den  dorpshcer 
gevorderd  waren,  mits  in  dit  laatste  geval  de  arbeiders  schier 
allemaal  de  voeding  kregen,  bij  oude  keuren  of  verordeningen 
vastgesteld.  Dit  mocht  beschouwd  worden  als  eene  verzachling, 
die  teenemaai  ontbrak  wanneer  er  hoefde  gewrocht  te  worden  aan 
straten,  beken,  bruggen  of  gebouwen. 

Ten  overige,  er  was  recht  voor  degenen  die  onbelioorlijk  wer- 
den behandeld.  De  Brabantsche  boeren  hadden  in  't  begin  der 
XV^  eeiiw  reden  tôt  klagen,  en  Antoon  van  Burgondië,  de  mis- 
bruiken  der  karwei  willende  beteugelen,  bepaalde  bij  charter  van 
9  Juni  1404  «  om  de  ondersaten  vanden  platten  lande  in  rusten 
ende  in  vreden  te  hoiiden,  »  dat  er  geene  karwei  ineer  mocht 
opgelcgd,  maar  deze  door  geld  zou  afgekocht  worden  i. 

Ziedaar  eene  korte,  doch  onzes  inziens  voldoende  schets  van  de 
heerlijke  karwei  in  de  verschillige  gewesten  van  België.  Vindt 
men  daarin  over  hct  algemeen  zooveel  hatelijks,  zooveel  ver- 
lagends  en  onteerends  voor  de  bevolkingen,  die  er  aan  onder- 
worpen  waren?  Onze  voorouders  beschouwden  die  met  zulke 
leede  oogen  niet  als  wij,  ja,  wel  verre  van  daar  kwaad  in  te  zien, 
aanvaardden  zij  de  karwei  in  hunne  pachtakien  voor  goederen, 
die  niels  feodaals  hadden,  zooals  wij  verder  gelegenheid  hebben 
zullen  te  bewijzcn.  Waren  dergelijke  voorwaarden  toen  inderdaad 
hatelijk  geweest,  het  is  zeker  dat  de  landboiiwer  al  het  niogelijke 
zou  beproefd  hebben  om  er,aan  te  ontkomen,  dut  de  grondeige- 
naar  zou  getracht  hebben  dergelijke  diensten  door  andere  mid- 
delen  te  verkrijgen. 

De  maatschappelijke  toestand  der  boeren  gedurende  de  mid- 
deleeuwen  wns  dan  ook,  zoo  al  niet  benijdenswaard,  dan  toch 
minder  droevig  dan  men  langen  tijd  heeft  gemeend,  Delisle 
erkent  dit,  onder  andere,  in  zijne  schoone  Étude  sur  la  condition 
de  la  classe  agricole  en  Normandie,   waar  bij  zegt  :  «  A  part 

^  Register  van  charters  der  Rekenkamer,  te  Brussel,  n»  C,  13". 


(  154  ) 

quelques  faits  isolés,  nous  avons  vainement  cherché  dans  la  Nor- 
mandie les  traces  de  cet  antagonisme  qui,  suivant  les  auteurs 
modernes,  régnait  entre  les  diverses  classes  de  la  société  au 
moyen  âge.  Les  rapports  des  seigneurs  et  de  leurs  hommes  n'y 
sont  point  entachés  de  ce  caractère  de  violence  avec  lequel  on  se 
plaît  trop  souvent  à  les  décrire.  De  bonne  heure,  les  paysans  sont 
rendus  à  la  liberté;  des  le  onzième  siècle,  le  servage  a  disparu  de 
nos  campagnes.  A  partir  de  cette  époque,  il  subsiste  bien  encore 
quelques  redevances  et  quelques  services  personnels  ;  mais  le  plus 
grand  nombre  sont  attachés  à  la  jouissance  de  la  terre.  Dans  tous 
les  cas,  les  obligations  tant  réelles  que  personnelles  sont  nette- 
ment définies  par  les  cbartes  et  les  coutumes.  Le  paysan  les 
acquitte  sans  répugnance;  il  sait  qu'elles  sont  le  prix  de  la  terre 
qui  nourrit  sa  famille,  il  sait  aussi  qu'il  peut  compter  sur  l'aide  et 
la  protection  de  son  seigneur.  » 

Wat  meer  is,  wij  zcgden  't  reeds  :  indien  de  hcer  rccbten  mag 
doen  gelden,  hecft  hij  ook  plicbten  te  vervullen;  hij  is  bulp  en 
bescherming  verschuldigd  aan  zijnen  leenman,  en  de  feodaliteit 
onderhicld  tusschen  al  de  leden  van  den  Staat,  van  den  eersten  tôt 
den  laatsten,  van  den  vorsttot  den  armsten  dienstbaren  laat  eene 
beslendige  wederzijdsche  wisseling  van  bewezcn  en  ontvangen 
diensten.  Zijn  de  laten  verplicht,  om  redenvan  den  grond,  welke 
zij  ter  bebouvving  ontvangen,  een  gedeelte  van  hun  koorn,  van 
hun  vee  of  van  hunnen  arbeid  aan  den  béer  te  geven,  deze  is  op 
zijne  heurt  gehouden  hunne  akkers,  \vijnbergen,kudden,  hunnen 
eigenen  persoon  en  familie  te  verdedigen,  en  hen  in  hunne  ver- 
liezen,  rampen  en  ongelukken  bij  te  staan. 

Wij  kennen  tôt  hiertoe  den  toestand  der  landbouwers  ten 
opzichte  van  den  leenheer,  maar  er  blijft  nog  eene  andere  zijde 
van  zijn  openbaar  Icven  te  beschouwen,  namelijk  in  welke  ver- 
houding  hij  stond  tôt  het  bestuur  der  heerlijkheid  en  der  justitie, 
hoe  beide  op  het  dorp  werden  uitgcoefend. 

Elk  volk,  dat  het  land  bewerkt,  trek-  en  andere  diercn  onder- 
houdt  en  voor  de  bewaring  zijner  oogsten  zorgt,  heeft  wetten 
noodig  voor  den   eigcndom,  de  openbare  orde  en  tucht.  De  lan- 


(133  ) 

delijke  wetten  zijn  nagenoeg  zoo  oiid  aïs  de  menschheid;  men 
vindt  er  sporen  van  in  oud-Egypte,  en  Pastoret  duidt  in  zijne 
Histoire  de  la  législation  (III,  283  en  volgg.)  Israëlitische  veror- 
deningcn  aan  voor  drinkputten,  fonteinen,  wcgcn,  ectwarcn,  jacht 
en  vischvangst.  Gecn  wonder  derhalve  dat  de  Frankcn  cr  ook 
hadden,  niet  verzameld  in  geschrevene  wclboekcn  —  maar  ons 
land,  gelijk  de  plakkaten  zeggen,  was  «  coiilumier,  »  in  andere 
woorden  :  de  justilie  werd  er  van  oudslier  geocfend  naar  een 
aantal  gebruiken  (costumen),  welke  door  eene  lange  reeks  van 
uitspraken  verplichtcnd  waren  geworden.  De  gebruiken  van 
gewest  tôt  gcwest,  van  district  tôt  district  verschillcnde,  zoo  is 
't  niet  te  verwonderen  dat  de  wettelijke  voorschriftcn  daarora- 
trent  niet  overal  gelijk  waren.  Zij  droegen  (gelijk  De  Gryse  op- 
merkt)  den  slempel  hunncr  afkomst  en  verbeeldden  door  hunne 
eigenaardigheid  de  verscbilligheid  der  streken,  waar  zij,  gelijk 
planlen  uit  den  grond  ontschoten  en  gegroeid  waren  K 

Aanvankelijk  waren  de  Costumen  dus  niet  te  sclirift  gesteld; 
het  gebeugen  der  recbtsplicbtigen,  de  getuigenis  der  oudsten  van 
het  volk  dienden  den  recbteren  in  twijfelacblige  zaken  tôt  richt- 
snoer.  Daaruit  volgde,  dat  ailes  onbepaald  bleef,  zoowel  de  vorm 
der  overecnkomsten  als  de  uitlegging  en  uitvoering  der  wet.  In 
HenegouNV,  waar  men  reeds  in  de  V^  eeuw  sporen  van  costuura- 
recht  ontmoet,  moet  men  afdalen  tôt  de  inrichting  der  pairs  te 

*  Eene  rechtsqueslie  van  vaderlandsch  belang.  —  Op  de  algemeene  wet 
die  de  Fracken  beheerde  (de  Salische  wet)  hoeven  wij  hier  niet  terug  te 
komen.  Buiten  deze  was  er  nog  eene  voor  een  gedeelte  van  Beigië,  namelijk 
de  wet  der  Ripuaires  of  Oosi-Franken,  die  de  Rijuoevers  bewoonden  en 
welke  tusschen  de  jaren  511-554  werd  opgesteld.  Deze  wet  getuigt  reeds 
van  eene  meer  gevorderde  beschaving;  het  burgeiiijk  recht  beeft  er  eene 
ruimere  plaals  dan  in  de  Salische  wet,  en  zelfs  vindt  men  er  eenige  schik- 
kingen  in,  onlleend  aan  't  Romeinsch  recht.  Heylen  (Mém.  sur  F  usage  du 
droit  romain  en  Belgique^  1782),  D'Hoop,  in  zijne  verhandeiing  over  het 
recht  in  België  gedurende  de  VlI-XIile  eeuwen  (1776)  en  Raepsaet  (ill,  IV,  V) 
betoogen  klaar  dat  de  wetten  der  Salische  en  der  Oost-Franken  hier  tôt  de 
XIl*"  eeuw  kracht  hadden,  ja  dat  de  keuren  en  costumen  van  ons  land, 
inzonderheid  voor  Vlaanderen,  sporen  van  't  oud  Frankisch  recht  ver- 
toonen. 


(  136) 

Bergen,  onder  Richilde  (1080),  ten  einde  de  eerste  regelmatig 
ingestelde  rechtbank  te  ontdekken  *. 

Wanrieer  een  rechtsgebruik  of  costuum  niet  door  eene  lange 
en  aanhoudende  praktijk  als  rechtsleer  was  erkcnd,  moest  het, 
om  een  onbetwist  gezag  te  kunnen  hebben,  eerst  en  vooral  door 
eene  turbe  (tiirba^  menigte)  goedgekeurd  zijn.  Dit  gebruik,  den 
Romeinen  nageieerd,  bestond  hierin,  dat  tien  of  twaalf  der  oudste 
en  vrocdste  mannen  der  plaats  of  des  kantons  bunne  zienswijze 
nopens  het  betwiste  punt  deden  kennen;  echter  was  de  proef  niet 
volkomen,  zoolangde  beslissing  niet  door  eene  uitspraak  in  gelij- 
ken  zin  bekraclitigd  was. 

Wic  deed  die  uitspraak,  wie  gaf  het  vonnis  in  de  eerste  tijden? 
Ongetwijfeld  eene  rechtbank,  insgelijks  samengesteld  uit  ouder- 
lingen,  die  erkend  waren  aïs  wijze  en  rechtvaardige  lieden.  Der- 
gelijke  volksuitspraak,  men  beseft  het  licht,  moest  in  menig  geval 
gebrekkig  en  wilickeurig  zijn,  want  in  dien  tijd,  gelijk  op  onze 
dagen,  liet  de  menigte  zieh  licht  door  bekrompene,  eenzijdige 
beweegrcdeneii  leiden.  Er  kwamen  dus  misbruiken,  om  welke  te 
voorkomcn  en  te  verijdelen  men  in  de  XII"  eeuw  het  besluit 
nam  de  oude  costumen  te  schrift  te  stcllen. 

Deze  eerste  proef  moet  natuurlijk  zeer  onvolmaakt,  maar  toch 
een  vooruilgang  geweest  zijn  op  het  rechtsoefenen  volgens  tra- 
ditie.  En  nog  geschiedde  dit  maar  in  Henegouw  en  Vlaanderen, 
op  last  van  Boudewijn  van  Conslantinopel  (1194-1204).  Weinig 
lijds  nadien  bracht  de  wetenschap  aan  het  Belgisch  costuum- 
recht  eene  groote  onlwikkeling  toe  door  de  invocring  van  het 
Roraeinsch  rccht. 

Onder  den  invloedder  staatsinstellingen  konden  de  gemeenten 
zich  goedontwikkclen.  De  steden  bekwamen  uitgebrcide  rechten 
en  privilèges,  doch  de  vorst  bleef  meestcr  om  hun  die  te  ontne- 
men;  de  dorpen  verkregen  geenc  gemeentecharters  of  keuren, 
maar  de  hecren,  die  er  gezag  over  voerden,  badden  hun,  bij  de 
afschalïing  der  dienstbaarheid,  min  of  meer  belangrijke  voordee- 
len  afgestaan,  zooals  eene  sehepenenbank  om  hen  te  besturen  en 

*  Declèves,  Historique  de  la  législation. 


(157  ) 

te  oordeelen,  niet  in  name  der  wet,  luaar  van  den  hcer.  Niet  elk 
dorp  of  stad  stond  op  zich  zelve;  men  vond  er,  die  afhingen  van 
den  vorst,  eene  abdij  of  eenen  bijzondere,  en  die  gezamenlijk  of 
éene  heerlijkheid  uitraaaktcn  of  in  't  gemccn  door  eigene  niagis- 
traten,  naarvolgcns  eene  keure,  wcrden  bclieerd.  Zoo  liad  men 
in  Brabanl  de  schependommen  van  Zandhoven  en  Ukkel  *,  van 
St.-Pieters-Leeuw  '^,  het  rechtsgebied  van  Wezemaal  ^  enz.  ;  in 
Vlaanderen,  Veurne-Ambacht  en  de  Vier-Ambachten  (Assenede, 
Boekhoute,  Axel  en  Hulst). 

Ook  kon  een  geheel  district  {pagus)  onmiddellijk  afhangen  van 
den  vorst,  en  in  zulk  geval  vormde  het  eene  gemeenschap,  wel- 
ker  inrichting  nagenoeg  overeenstemde  met  die  der  steden,  zooals 
het  Vrije  van  Brugge,  'l  Land  van  Waas  enz.  * 

De  meeste  dorpen  hadden  eenen  heer,  wiens  erfgenaam  hem 
opvolgde  en  die  't  recht  had  de  heerhjkheid  te  vervreemden. 
Voor  de  bereddering  der  burgerlijke  zaken,  gelijk  voor  't  uitoe- 
fenen  der  justiiie,  had  men  eene  schepenenbank,  met  den  baijuw, 
als  vertegenwoordiger  van  den  heer,  tôt  opperhoofd,  namelijk 
nadat  de  rondreizcnde  rechtbanken  van  vroeger,  gckend  onder 
den  naam  van  duerginghe,  doorgaende  waerlieyt,  waren  afge- 
schaft.  Uit  de  overgeblevene  dorpskeuren  der  middeleeuwen 
leeren  wij  gemakkeh'jk  de  betrekkingen  kennen,  welke  tusschen 
den  heer  en  de  oiiderhoorigen,  opzichtens  de  wet,  bestonden.  Zien 
wij,  onder  andere,  de  Usages  de  la  ville  et  de  la  terre  de  Sebourg 
en  Haytiault,  suivant  une  charte  de  la  comtesse  Margheritte 

*  Het  schependom  van  Ukkel  bevatte  de  ammanij  van  Brussel,  l)ehoudens 
eenige  dorpen,  waar  men  de  costumen  van  St.-Pieters-Leeuw  en  Rode,  van 
Nijvel,  Brussel  of  Leuven  volgde,alsmede  eenige  dorpen  van  Waalsch-Brabant 
en  't  kwartier  van  Leuven  (A.  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles, 
III,  606. 

^  't  Oud  schependom  van  St.-Pieters-Leeuw  bestond  uit  deze  gemeente, 
met  Vlesenbeek,  St.-Laurens,  Berchem,  Oudenliken  en  Elingen  {Idem). 

5  Samengesteld  uit  Wezemaal,  Weslerloo,  Toelen,  Zoerle,  Gindel  en 
Hulshout  (Ed.  Poullet,  Les  juridictions  et  la  propriété  foncière  au  XV^  siècle 
dans  le  quartier  de  Louvain.  (Mém.  de  l'AcadfImie,  in-S»,  t.  XVIII). 

*  Zie  Warnkoenig,  I,  307. 


(  158) 

(XIIP  eeuw),  wij  vinden  daar  de  manier  bcschreven  op  welke  het 
magisti'aat  uit  het  volk  gckozen  werd  : 

«  Et  tantost  apries  ce  fait  [de  inhiddiging  van  den  nieuwen 
dorpsheer)  ly  Sires  doit  appeler  ung  homme  souiïisant  à  faire 
maieur.  Chiux  maires  doit  eslre  mis  à  serment  et  jurer  par  le  foy 
de  son  corps  quil  wardera  les  droix  le  seigneur  et  les  droix  de  le 
ville,  lophéae  (l'orphelin),  le  vesve,  et  fera  loy  hastive  à  len- 
sengnement  des  esquievins,  à  tontes  les  fois  qu'il  en  sera  requis. 

y  Et  quant  chiaux  maires  sera  faix,  ly  sires  doit  appeler  deux 
de  ses  homes  de  le  ville,  preudommes  souiïisans  a  faire  eschevins 
chil  doy  {deux)  cskievin  doivent  estre  mis  a  serment  qu'il  war- 
deront  les  droix  le  seigneur  et  les  droix  de  le  ville,  lofene  et  le 
vesve;  et  feront  loy  hastive  avoeq  leurs  compagnons,  du  plus  tost 
quil  en  seront  sage. 

»  Et  quant  chil  doy  esquievin  sont  fait,  ly  sires  ne  sen  doit  plus 
mesler;  ains  doivent  chil  doy  esquievin,  par  le  conseil  ly  ungs  de 
lautre,  appeler  ung  homme  preudomme  de  le  ville,  soulTisant 
pour  eslre  eskievins,  et  faire  faire  otlel  serment  que  li  autre 
esquievin  ont  fait  pardevant. 

»  Et  quant  chieux  tiers  esquievins  est  faix,  il  doit  appeler  ung 
aultre  homme  de  le  ville  par  le  conseil  de  ses  compagnons. 

»  Et  quant  chiux  quors  esquevins  est  faix,  il  doit  appeler  le 
chincqysme  esquievin  par  le  conseil  de  ses  compagnons. 

»  El  quant  chiux  chincqysme  esquievins  est  faix,  il  doit  appeler 
le  VI*  esquievin,  preudomme  souiïisant,  par  le  conseil  de  ses 
compagnons. 

»  Et  quant  chiux  vi*  esquievins  est  faix,  il  doit  appeler  le  vn®  es- 
quievin, preudomme  souiïisant,  par  le  conseil  de  ses  compagnons. 

)>  Et  doivent  faire  chil  esquievin  ottel  serment  que  ly  doy  pre- 
mier cskievin.  Et  leur  doit  le  sire  faire  avoir  tels  hommes  que 
ledit  esquievins  avisent  pour  le  mieulx.  Et  ne  puet  nuls  hommes 
le  seigneur  refuser  à  y  eslre  esquievins;  mais  li  maires  le  refuse 
bien  sil  voelt...'.  » 

Men  mag  dus  voor  Sebourg  zeggen,  dat  het  magistraat  uit  en 

*  Staatsarchief  van  Bergen. 


(  139  ) 

door  bet  volk  werd  gckozen.  Hetzelfde  liad  nagcnoeg  plants  in  het 
noorden  van  Vlaandcrcn.  In  de  Vier-Ambachtcn  mocht  nicmand 
dezer  streek  zelvc  tôt  baljinv  of  onderbaijuw  aangestcld  worden. 
Het  schcpcndom  werd  cr  jaarlijks  volgondcr  wijze  vcrnieuwd  : 
degraaf  van  Vlaandcren  benocmdc  vier  mannen  uit  de  gcmeldc 
ambachlen,  die  zich  bij  hem  moesten  begeven  en  zweren,  ieder 
eenen  anderen  persoon  te  zullen  kiezen  «  die  heiirlieden  oorboir- 
lixt  ende  prouffitelixt  dincken  totter  olïicie.  »  Wie  een  jaar  sehe- 
pene  geweest  was,  mocht  biiinen  de  drie  volgciide  jaren  niet 
weder  benoemd  worden.  Elk  ambacht  had  zeven  schepenen.  Kon 
men  iemand  door  drie  schepenen  overtnigen  dat  hij  de  bedie- 
ning  had  verkregen  door  omkooi)ing,  hij  werd  gestraft  met  eene 
boetc  van  10  pond  (eene  bctrekkelijk  zware  som  voor  dicn  tijd) 
en  mocht  daarna  niet  meer  in  bediening  komen.  Niemand  mocht 
zijn  ontskng  geven  gedurende  zijn  schcpcndom,  maar  degene,  die 
bevonden  werd  een  vaisch  vonnis  te  hebben  gegeven,  werd  door 
zijne  medegezellen  afgesteld. 

Uit  deze  mededeeling  mag  blijken,  dat  de  landman  der  Vier- 
Ambachten  tegen  willekeur  en  onrccht  in  't  uitoefenen  des 
bestiuirs  en  der  justitie  voldocnde  gewaarborgd  was;  de  keure 
houdt  daaromtrent  zelfs  een  bijzonder  artikel  in,  vaststellende 
dat  bijaldien  een  ingezetene  door  den  baljuw  «  tscependom  ghe- 
weygert  oft  ontzeyt,  »  en  zulks  bekend  was  aan  drie  schepenen, 
de  geheele  wet  van  't  ambacht  moest  <t  uphouden  ende  cesseren 
van  recht  te  doene,  totter  tijt  dat  dieghene,  die  tscependom  ont- 
zeyt was,  dat  vercreghen  zal  hebben.  »  Laten  wij  het  maar  be- 
kennen  :  zoovcel  Avaarborg  van  goed,  degcHjk  recht  geniet  de 
burger  der  XIX^  eeuw  niet  ! 

Uit  het  vorenstaande  zien  wij  dat  de  justitie  op  het  dorp 
gansch  in  de  handen  was  van  den  heer,  die  den  baljmv  of  opper- 
sten  ambtenaar  benoemde,  naar  goeddunken  afstelc.e,  en  deze 
bediening  of  voor  eenigen  tijd  verkocht  of  in  pacht  gaf.  Maar 
niet  iedere  groote  leenheer  bezat  het  voile  justilievermogen,  dat 
is  het  hoog,  middelbaar  en  laag  gerecht;  de  eene  had  enkel 
't  laatste,  of  grondrecht,  dit  wil  zeggen  dat  hij  alleenlijk  zaken 
mocht  beoordeelen  welke  betrekking  hadden  met  den  grondei- 


(  140  ) 

gendom  en  strafbaar  waren  met  geldboeten;  een  andere  had 
daarbij  het  middelbaar  of  correctionneel  recht,  namebjk  over 
civiele  zaken,  ook  strafbaar  met  geldboeten,  benevens  over  per- 
soneele  en  recelé  acliën;  eindclijk  de  groote  leenheer  bezat  bij  de 
twee  gemelde  reehtsgraden  daarbij  de  hooge  justitie,  te  weten 
«  waer  lijf  ende  let  an  cleeft,  »  dit  is  :  waarvoor  gestraft  werd 
met  het  verlies  van  een  lid  des  lichaams  of  met  de  dood,  «  door 
put  ende  galghe.  «»  Hier  echter  waren  eenige  misdaden  uitgezon- 
derd  en  de  uitspraak  overgelaten  aan  den  vorst,  als  te  weten  : 
brandstichting,  schaking  of  verkrachting  van  vrouwen,  moord 
en  diefstal,  onder  de  generieke  benaming  van  causae  arduae  in 
de  oude  doeumenten  aangediiid. 

Wat  de  beliandeling  der  bloot  bnrgerlijke  zaken  betreft,  zooals 
het  sluiten  van  wettelijke  overeenkomsten  aangaande  het  ver- 
koopen,  verpachlen,  berenten  of  wegschenken  van  onroerende 
goederen  (bij  testament  of  inter  vivos),  deze  geschiedde  nu  eens 
voor  de  schepenenbank,  dan  vôor  het  laat-  of  cijnshof  :  de  aard 
der  gronden  wees  de  bevoegdheid  van  het  hof  aan. 

De  bcërving  of  onterving  van  een  allodiaal  of  vrij  goed  gebeurde 
vôor  den  vorstelijken  of  heerlijken  beambte  en  de  schepenen, 
bijgestaan  door  Iwee  andere  allodiale  pairs.  Eindelijk  bel  belee- 
nen  van  grond  werd  verricht  in  't  feodaal  hof,  door  den  heer  of 
zijnen  baljuw,  in  bijzijn  der  leenmannen,  met  al  de  oude  plech- 
tigheden  van  huldc  en  mansehap  *. 

Met  betrekking  lot  de  bestuurakten  op  den  buiten  mogen  wij 
niet  vergeten  melding  te  maken  van  de  wettelijke  pleegvormen 
en  gebruiken,  die  bij  't  verkoopen  of  afstaan  van  een  eigendom 
waren  in  acht  te  nemen.  Dit  geschiedde  namelijk  met  zinncbeel- 
dige  teekenen,  iets  wat  men  't  symbolisch  recht  of  de  poëzie  van 
't  recht  zou  mogen  noemen,  en  dat  ook,  althans  gedeellelijk,  tôt 
het  laatst  der  vorige  eeuw  is  bewaard  gebleven. 

Volgens  de  Salische  wet  moest  een  onroerend  eigendom  in  het 
plechtig  goudîng  of  in  de  vergadering  van  de  besturen  der  kan- 
tons,  waarin  deze  eigendom   lag,  verkocht   worden.  Er  waren 

*  PouLLET,  Les  juridictions  et  la  propriété  foncière  au  XV^  siècle  etc. 


(  141   ) 

daartoe  drie  zittingen  en  drie  werpingen  noodig.  Was  er  geen 
tegenzeg  gedaan  en  achtte  men  den  aangeboden  prijs  billijk  en 
vergoedend,  dan  werd  de  koop  met  eenen  hamcr  of  stok  toege- 
slagen.  Die  slag  of  klop  mocst  evenwel  van  al  de  aanwezigen  kun- 
nen  gehoord  worden,  dewijl  er  geene  geschrevene  overeenkomst 
van  dien  overgang  des  bezits  werd  opgemaakt.  De  slag  of  klop 
was  dus  eigenlijk  de  verkoopakte,  en  aanstonds  bracht  de  aanne- 
mer  een  offer  aan  de  goden,  opdat  die  overeenkomst  door  hen 
moebt  beschermd  worden.  Voor  kleine  eigendommen  bestond 
dit  offer  doorgaans  in  het  plengen  of  drinken  van  den  eenen  of 
anderen  drank. 

Voor  het  invoeren  der  scbriftelijke  overeenkomsten  (welke 
siechts  van  de  XIIP  eeuw  dagteekenen)  waren  bij  de  verkooping 
van  groote  eigendommen  een  zeker  getal  getuigen  noodig,  waar- 
onder  eenige  kinderen,  welke  laatste  men  gewoonlijk  eene  bui- 
tengewone  behandeling,  hetzij  goede  of  slechte,  deed  ondergaan, 
opdat  het  feit,  waarbij  ze  tegenwoordig  waren,  beter  in  hun  ge- 
heugcn  zoude  geprint  blijven. 

De  verschillige  symbolen  bij  de  overdracht  eens  eigendoms 
waren  niet  willekeurig,  maar  veranderden  volgcns  den  aard  van 
het  teverkoopen  voorwerp.Wildc  iemand  zijne  familie  onterven  of 
zijne  goederen  «  uter  warmer  hant  »  wegschenken,  dit  geschiedde 
vôor  den  rechter  van  het  gouw  in  plechtige  vergadering.  De  ont- 
erver  verscheen  er  met  vier  kleine  elzen  stokjes,brak  die  op  zijn 
hoofd  in  vier  stukjes  en  wierp  deze  in  't  midden  der  zittingszaal. 
Was  dit  rechtsgebruik  volbracht,  men  beschouwde  den  onterver 
als  vreemd  aan  zijne  familie,  die  bijgevolg  geene  aanspraak  op  het 
bezit  van  den  eigendom  meer  maken  kon.  Vandaar  het  spreek- 
woord  :  de  vriendscliap  hreken^  met  nog  meer  andere  uitdruk- 
kingen  van  alouden  oorsprong,  tôt  heden  bij  ons  volk  in  zwang 
gebleven. 

De  bedoelde  symbolen  kunnen  omtrent  de  XIP  eeuw,  w  anneer 
de  kennis  van  hunnen  oorsprong  vcrloren  geraakt  was,  willekeu- 
rig geworden  zijn;  toch  werden  ze,  volgens  de  getuigenis  van 
D.  Devaines  in  zijn  Dictionnaire  diplomatique,  meestal  zorg- 
vuldig   in   't   archief  der   parochiekerk   bewaard.    Men   toonde 


(  142) 

aldaar  de  graszoden,  stokjes,  stroohalmen,  boomtakken,  hand- 
schoenen,raessen,  ringen,  kelken,kruisen,  kandelaren  en  wat  dies 
meer,  die  bij  de  eigendomsoverdrachten  gebruikt  gcweest  waren. 
Die  symbolen,  zegt  Ducange,  strekken  tôt  bewijzen  der  traditie. 

De  mceste  symbolen  bleven  ook  na  de  invoering  der  scbrifte- 
lijke  akten  in  zwang.  Op  sommige  plaatsen  werden  er  verscbei- 
dene  te  geb'jk  in  acbt  genomen,  zooals,  onder  andere,  bij  eenen 
verkoop  van  gronden  te  Ertvelde,  in  het  jaar  1405,  vermeld  staat: 
«  ....  Aldaer  es  comen  Ileindric  Plasch,  cnde  es  te  buten  ghegaen 
van  al  deser  voors.  erfven,  mcrscben  ende  landen,  met  handen  *, 
met  monde  -,  met  halme  ^  ende  met  werpinghe...;  in  Brabant  «  met 
russche  ende  met  rijse,  ochte  met  clepele  ende  metclinken.  » 

Hetzelfde  grcep  plaats  in  de  beerlijkbeden  toebcboorende  aan 
de  macbtige  St.-Pietersabdij  van  Cent,  zooals  wij  zien  uit  het 
charterboek,  n°  o,  bl.  90  :  «  Sij  ghinghens  ute  ende  worpens 
ende  daden  d'toe  met  cdm,  hande  ende  monde,  al  dat  sij  sculdich 
waren  te  doene  om  bemlieden  daeraf  tontervene.  » 

De  oude  wijze  om  koopen  symbolisch  toe  te  slaan  is  hehouden 
door  de  Vlanmsche  notarissen,  die  voor  elke  toewijzing  zeggen  : 
eenwerfj  anderiverf,  derdewerf.  Ook  bij  openbare  veiiingen  van 
roerend  gocd  wordt  nog  in  vêle  plaatsen  elke  koop  met  den  hamer- 
slag,  en  die  tussrlien  bijzonderen  met  den  handslag,  bevestigd. 

Sehepene  zijn  op  een  dorp  was  eene  belangrijke,  gevvichtige 
bediening,  waartoe  al  de  begoede  en  vroed  erkende  ingezetenen 
om  zoo  te  zeggen  bij  beurt  werden  opgeroepen.  Het  getal  was  in 
de  denombrementen  der  hecrlijkheid  doorgaans  aangeduid  :  drie, 
vijf,  zeven  of  negen.  Er  waren  echter  ook  eenige  plaatsen,  waar 
eigenlijk  geenc  scbcpcnen  met  den  schout  of  baljuw  te  recht  za- 
ten,  en  daar,  gelijk  de  kcure  kiidt:  «  ghebiedt  »  de  boogc  ambte- 
naar  zijne  «  drie  mannen,  »  welke  bij  noodig  heeft.  «  Gcbieden  » 
is  het  woord.  De  eerste  de  beste,  die  hij  vinden  kon,  deed  hij 
«  manen,  »  zonder  te  vragen  of  zij  te  huis,  of  op  den  akker,  of  aan 


*  Met  handslag. 
2  Met  eenen  zoen. 
5  Oud  charterboek. 


(U5  ) 

de  brouwkiiip,  of  op  dcn  molcii  gcmist  konden  wordcn.  Natuur- 
lijk  viel  de  keus  doorgaans  op  de  besten  en  vroedsten  van  't  ara- 
baclit,  en  wie  opgcroepen  was,  moest  verschijnen  op  zware  boete, 
juist  aïs  tegenwoordig  de  gezworenen  onzcr  assiscnboven.    , 

Maar  niet  alleen  de  begoede  liedcn  der  dorpen  warcn  door  de 
wet  verplicht'de  belangen  van  bet  algemccn  ter  bartc  te  neraen, 
ook  de  geringste  landman  was,  op  boete,  daartoe  gcbouden.  Te 
Mébaigne  (Namen),  om  gcene  andere  plaatsen  op  te  noemen,  had 
driemaal  's  jaars  de  algcmcene  volksvergadcring  plaats,  aangekon- 
digd  op  den  predikstocl,  alsmedc  door  't  geluid  der  klok,  en  nadat 
al  de  ingezetenen  te  hunnen  huize  waren  verwiltigd  geworden. 
Gevvoonlijk  ving  de  zilling  aan  met  de  ondervraging  der  aanwe- 
zigen  of  zij  eenige  klacht  wisten  voor  te  brengen,  hetzij  van 
bijzonder  beiang,  zooals  betrekkeb'jk  den  staat  der  wegen,  politie, 
drinkbuizcn  enz.  De  klacht  mocbtmondelijk  en  schriftclijk  gedaan 
worden;  zelfs  door  tusschenkomst  van  de  zonen  of  vrouwen  der 
kkigers.  Ziedaar  wcl  niet  de  volksregeering,  maar  toch  eeniger- 
wijze  de  declneming  van  't  algemeen  in  't  bestuur  der  openbare 
zaken,  —  en  dit  in  de  XIII^  eeuw  ^  î 

Het  geding  werd  meest  gehouden  op  den  dinsdag,  maar  toch 
was  dit  niet  uitsiuitelijk  zoo;  men  gaf  acht  op  't  beiang  der  par- 
lijen,  en  iedere  dag  der  week  was  even  goed  om  rechtszitting  te 
houden  als  de  dinsdag.  Men  vergaderde  ten  minste  eens  op  de 
veertien  dagen,  een  gebrnik  dat  opklimt  tôt  de  verste  oudheid  2. 
De  scliepenen  van  Ukkel  vergaderden  den  vrijdag,  volgens  de  akte 
van  Philip  den  Goede,  gedagteekend  van  1451. 

De  heerhad  van  zijne  schepenen  niet  te  duchten  dat  er  tegen 
zijn  beiang  of  dat  de  verplichligen  eenige  samenspanning  zou 
gebeiiren;  in  schicr  al  de  schependommcn  was  't  regel  en  wet, 
dat  niemand  langer  dan  een  jaar  moest  schcpen  zijn,  en  weder- 

^  Omirent  het  midden  der  voorgaande  eeuw  hadden  de  algemeene  welsver- 
gaderingen  le  Méhaigne  plaals  in  de  schepenenkamer.  (Zie  Eug.  del  Marmol, 
Notice  sur  le  village  de  Méhaigne,  in  de  Annales  de  la  Société  d'archéologie 
de  Namiir,  II.) 

^  Tacitus,  de  Mor.  Germ.  cap.  II, 


(  144  ) 

keerig  kon  niemand  van  zijne  bediening  afgezet  worderi  tenzij 
voor  gevallen,  als  hooger  vermeld.  —  Zoo  bezat  het  geringste 
dorpje  van  ons  land  wat  de  geleerden  der  oudheid  beschouwden 
als  de  beste  inrichting  eener  gcmeente  ^  :  de  krachlige  leiding 
door  ëenen,  den  raad  der  besten  en  bekwaamsten,  en,  in  hoogst 
gewichtige  bestuurzaken  (als  voor  't  verdedigen  des  grondge- 
bieds  tegen  den  vijand  en  't  heffen  van  nieuwe  belastingen)  de 
beslissing  door  al  de  ingezetenen  bevestigd,  en  afgekondigd  door 
het  van  allen  gcëerbiedigde  hoofd,  den  vorst  of  diens  plaatsver- 
vanger  2. 

Nu  denkt  men  allicht  :  zekerlijk,  niemand  verdiende  meer  ver- 
trouwen  voor  rcchterlijke  uitspraken  dan  de  meestbegoede,  de 
onafhankelijke  lieden  van  het  dorp,  bekend  als  van  rijpen  rade  en 
ondervinding  te  wezen;  maar  —  waar  bleef  de  rechtswetenschap? 
Was  elke  boer,  hoe  rijk  bemiddeld  en  eerlijk  00k,  «  de  eerste 
de  gereedste,  »  bevoegd  om  in  een  gewijsde  tusschen  te  komen? 

De  rechtswetenschap  was  in  de  meeste  gevallen  totaal  overbo- 
dig.  Imraers,  er  was  toen  geen  diploom  gevergd,  bewijzende  dat 
men  den  lecrgang  eener  hoogeschool  bijgewoond  en  met  goed 
gevolg  de  examina  afgelegd  had,  om  als  openbare  beschuldiger, 
taalman,  verdediger  of  rechter  plaats  te  nemen  in  de  groene 
vierschaar;  de  kennis  van  't  Latijn  was  nict  noodig,  want  de 
leengebruiken  hadden  met  de  Romeinsche  wetten  niets  gemeens. 
De  schepencn  kenden  de  plaatselijke  «  costuymen  »  en  dit  was 
genoeg  voor  de  beslissing  der  eenvoudige  zaken,  die  in  't  dorp 
geschiedden  :  Je  keure  had  nagenoeg  ailes  voorzicn.  En  was  er 
al  een  punt,  hetwelk  twijfelachtig  voorkwam,  of  «  dat  men  niet 
vroed  »  was,  men  ging  te  rade  bij  het  algemecn  of  het  landrecht, 
ofwel  men  riep  de  loffelijke  gewoonte  van  een  naburig  baljuw- 
schap  of  van  eene  daartoe  aangeduide  schepenenbank  in  ^. 

*  CiCERO,  de  Re  publ.  lib.  I,  cap.  29,  39, 49  enz.  —  Tacitls,  de  Mor.  Germ. 
cap.  II,  7. 

*  H.-A.  Van  Berkel,  Een  holîandsch  dorp  in  de  XIV''  eeuw. 
5  Idem. 

De  schepenen  der  Vier-Ambachten  mochton  «  advijs  halen  »  bij  die  van 
Cent;  maar  de  reiskosten  waren  le  hunnen  laste. 


(  145  ) 

Langen  lijd  hadden  de  dorpsheerlijkheden  geen  eigenlijk  raad- 
luiis,  tenzij  alleeri  cenc  archievenkamer  in  cène  hcrberg  of  ten 
huize  des  grifïiers;  op  velc  plaatsen  waren  de  oudc  oorkonden 
geborgen  en  bewaard  in  eenen  koffer,  slaande  op  den  loren  of  in 
de  sacrislij  der  kerk;  de  gerechtsziitingen  geschiedden,  zelfs  lang 
nadat  er  voor  de  andere  bijeenkomsten  der  magislraten  een  raad- 
huis  was  0|)gericbt  %  op  het  kerkhof,  gelijk  le  Belsele  nog  iii 
1507,  te  Ukkel  en  te  Meerbeke,  bij  Ninove  (in  dcze  laatste  plaats 
nog  ten  jare  1220)  2,  te  Sinaai  nog  in  1361  {inter  duas  portas 
monasterii  de  Bodelo),  of  in  de  scbaduwe  \an  eenen  oiidcn 
breedgetaklen  lindenboom,  die  't  sieraad  en  de  roem  was  van  het 
dorp  of  gehucht  en  veelal  oprees  tusschen  de  zetels  van  het  twee- 
derlei  gezag  :  het  geesleh'jk  en  het  burgerlijk,  nanielijk  de  kerk 
en  't  heercnslot.  Daar  ook  kwaraen  des  avonds,  na  de  afgezwoegde 
taak,  de  ouderh'ngen  der  gerneente  bijeen  om  in  vriendelijk 
gekout  algemcene  of  bijzondere  belangen  na  te  gaan,  of  vond  de 
dartelzieke  jeiigd  een  groen  en  lustig  dak  om  vrij  en  vroolijk  het 
oude  danslicd  te  zingen  of  't  spel  van  het  seizoen  te  spelen.  Zoo 
had  raen  in  het  Land  van  Waas  den  Schaùboom  j  die  zich  op 
's  heeren  motte  verhicf,  en  de  oefenplaals  en  te  gehjk  het  zinne- 
beeld  was  der  justilie.  Daarom  ook  waren  beide  onschendbaar, 
diep  geëerbiedigd,  en  volgens  de  Wasche  keure  onvervreemd- 
baar,  in  dczen  zin,  dat  zij,  evenals  het  opperhuis  of  de  zetel 
der  heerhjkheid,  evenals  de  steenen  duivenkeet,  dat  ander  ken- 
leeken  van  feodaal  vermogen,  bij  den  dood  des  vaders  buiten  de 
verdeeling  der  grondgoederen  moesten  blijven  en  den  oudsten 
zoon  als  opvolger  in  'l  heerhjk  recht  toekwamen  ^. 

Dat  rechtsocfenen  onder  den  blooten  hemel  had  zekerhjk  zijne 
gebreken,  en  wij,  kindcren  der  meer  beschaafde  XIX*  eeuw,  ge- 
woon  aan  al  de  gemakken,  welke  de  w  eelde  heeft  uitgevondcn, 
wij  kiinnen  ons  raoeilijk  voorstellen  hoe  't  spannen  van  de  vier- 


*  Op  sommige  dorpen  lot  in  1793. 

2  Henné  et  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles,  I,  54.  —  A.  Wauters,  Histoire 
(les  environs  de  Bruxelles,  ï,  512. 
^  Costumen  van  het  Land  van  Waas,  Rubr.  II,  §  19. 

Tome  XXXII.  iO 


(  146  ) 

sehaar  in  opene  lucht  gedurende  zoo  langen  tijd  heeft  kunnen  in 
zwang  blijven;  daar  toch  waren  rechlers  en  verdcdigers,  evenals 
getuigeii,  belicliten  en  nieuwsgierigen,  bloofgesteld  aan  al  de  guur- 
lieid  en  de  wissclvalligheden  van  het  weder.  Maar  had  men  dan 
geen  prachlig  justiliepaleis,  versierd  met  kunslige  zinnebeelden 
der  eeiiwige  Gerechtigheid;  geen  zoo  grootsch  toestel  van  de 
openbare  macht,  en,  in  bijzonder  belangrijke  of  recht  afschuw- 
wekkende  gedingen,  geen  «  nitgelezen  piibliek  » ,  dat  op  «  voorbe- 
boudene  plaatsen  »  met  koortsige  spanning  de  debalten  volgt  en 
den  tweestrijd  van  welsprekendheid  lusseben  de  belichling  en 
verdediging  —  tocb  bezat  de  dorpsjustitic  in  hare  naakte  armoede 
en  uiterslen  eenvoud  iels  dat  te  prijzen  valt,  namelijk  de  groote 
openbaarbeid  met  welke  zij  geschiedde.  Wie  wilde,  was  er  bij,  en 
in  den  breedcn  kring  geschaard,  kon  men  ailes  booren  en  ailes 
zien  ;  de  valscbe  getiiigenis  was  minder  te  vreezcn  dan  legen- 
woordig,  daar  gansch  bet  dorp  gereed  stond  den  meineedige  op 
staanden  voet  te  logenstraffen,  waar  't  zaken  gold,  die  nagenoeg 
van  algemeene  bekendbeid  waren.  «  Houd  uwe  schare  bare!  *  » 
klinkt  bet  in  't  volkslied  der  drie  Lanlslieren,  en  onze  middel- 
eeuwscbe  voorouders  verzuimden  niet  dien  wijzen  raad  na  te 
ieven,  ook  al  kostte  't  bun  bijwijlen  wat  mcer  bille  of  koii  dan 
zij  onder  een  scbaliën-  of  ticheldak  zouden  bebben  gewaar  ge- 
worden. 

Neen,  de  boer  bad  in  ons  land  geene  reden  om  de  groote  stad 
lianr  pracbtig  gcbouw,  met  van  fraai  beeldwerk  en  gcscbilderde 
glasramen  voorziene  zalen  te  benijden  ;  hem  moet  bet  wel  ter 
ooren  gekomen  zijn  lioe  ginds,  aebter  bet  fluweelen  of  saaien 
kleed  der  trotsebe  reebters  —  adellijke  beeren  of  rijkbegoede 
poorlers  —  soms  een  bart  schuilde  dat  niet  aUijd  voor  reclitvaar- 
digbeid  en  waarbeid  klople,  maar  bczield  met  veete  en  parlijscbap, 
gedreven  door  gouddorst  of  wraakzuclit,  de  onscbuld  bevlekle  en 
schaamteloos  onrecht  pleegde.  Men  dcnkc  siechts  aan  de  klaehten 


*  Schare,  voor  vierschare;  bare  voor  openbaar.  —  Zie  het  stuk  in  de 
Gedichten  uit  de  verschillige  tijdperken,  door  J.-A.  Alberdingk  Thijm, 
l'^  bundcl,bl.  152. 


(  147  ) 

derBrugsche  «  meentucht  »  van  d280  tegen  de  schepenen  dier 
stad  '  ;  ann  de  bedroevende  openbaring  gcdaan  door  Boendale  in 
der  Leeken  Spiegliel  (1530)  over  misbruikcn  in  bet  gerechtsbof, 
welke  waarlijk  erg  moelen  hceten  : 

«  Daer  die  raeds  manne  altoos  spien 
Om  haers  selfs  winnen  ende  baten, 
Ende  ghemenen  oorbaer  achter  laten  : 
Want  ghemenen  oorbaer  waerlike 
Es  voor  arme  ende  voor  rike, 
Ende  wie  dit  le  brekene  beghaert 
En  heeft  die  slat  lief  noch  waert  : 
Ende  die  en  soude  ^,  vrooch  noch  spade, 
Ghenaken  der  slat  rade.  » 

Nog  scherperis,  onder  dit  opzicbtjdeklacht,  omirent  denzelfden 
lijd  uilgebracbt  door  Jan  de  Weert,  den  dichter  van  die  Niwe 
Doclrinael.  Deze  zegt  : 

«  Die  ooc  beleit  hebben  van  steden, 
Ende  dan  bi  nachte  van  gierichede 
Nuwe  assisen  ende  scalke  ockelten 
Op  tfolc  visiren  ende  insetten 
Opdal  sire  af  ghenielen  mocjhen  ; 
Of  van  den  heleyders,  die  daer  poghen 
Dat  si  der  ghemeenlen  goet  van  der  poort, 
Dat  lolten  ghemeynen  orboer  hoert, 
An  haer  selves  bâte  legghen...  ^  » 

Was  op  den  biiiten  ailes  dan  altijd  ricbtig?  gebeurden  er  geene 
misbruikcn,  geene  willekeur,  geene  builensporigheden?Zekerlijk, 
en  te  lichter  kon  dit  plaats  hebben  dewijl  daar  de  wethouders 
dikwijls  menschen  waren  met  weinige  of  geene  geleerdheid,  die 
den  zitdag  weleens  bcsclioiiwden  als  eenc  gelegenheid  om  vroolijk 
samen  te  zijn  en  den  beker  te  laten  rondgaan.  Maar  daarom  was 
in  vêle  costumen  voorgescbreven  het  recht  te  oefenen  voor  den 
middag.  Die  van  Stavelot,  onder  andere,  maande  den  schepenen 

*  Zie  Warxkoenig  en  Gheldolf,  Histoire  de  Flandre,  IV,  2o3. 

2  Soiul',  voor  moest. 

5  Voormeld  werk,  v.  513-521. 


(  148  ) 

aan  om  aile  manier  van  overdaad  te  vermijden,  zitting  te  houden 
in  behoorlijke  plaatsen,  en  niet  in  diinkhuizen  of  tusschen  dron- 
kaards,  «f  comme  souventes  fois  entendons  arriver  *.  » 

De  mceste  costumen  bestonden  nog  tôt  in  de  XW  eeuw  maar 
in  't  geheugen  der  menigle,  boewel  de  bcrtogcn  van  Burgondië 
herbaaide  keeren  getracbt  badden  ze  te  doen  bocken.  Karel  V 
dacbt  er  ernstig  aan,  toen  bij  door  zijne  ordonnanlie  van 
7  Oclober  1531  voorscbreef  de  costumen  te  scbrift  te  stellen,  en 
de  bundel,  te  Brussel  den  4  5  Maart  4553  afgekondigd,  gaf  aan 
eenige  dier  wetten  eenen  bepaalden  vorm,  wel  is  waar  onvol- 
maakt,  maar  tocb  voldocnde  om  ze  met  vrucbt  te  raadjjlegen.  De 
meeste  gemeenten  nocblans  badden  de  vorstclijke  verordening 
alweer  in  den  wind  geslagen ,  mogelijk  denkende  dat  bet  een 
nutteloos  werk  was  in  scbrift  te  brengen  wat  reeds  eeuw  bij  eeuw 
met  goed  gevolg,  volgens  traditie,  was  gedaan  en  wat  eenieder 
zoo  goed  kende;  misscbien  ook  wel  bcducbt  dat  er  acbter  die 
herbaaide  aanmaningen  een  of  ander  plan  scbuilde,  strekkende 
om  't  voorvaderlijk  recbt  te  kortwieken.  Wat  er  van  zij,  negen 
jaren  nadien  verscbeen  er  eene  andere  ordonnantie  van  keizer 
Karel,  berinnerende  zijne  eerste  opzicb.tens  bet  boeken  der  costu- 
men, «  betwelck  overal  niet  gheobserveert,  gheacbtervoigt  nocbte 
gbedaen  en  is  gbeweest.  »  Deze  nieuwe  oproep  werd  almede 
maar  weinig  beantwoord,  en  er  zouden  een  aantal  jaren  van  de 
volgcnde  eeuw  verloopen  eer  de  meeste  Belgiscbe  costumen 
zouden  gescbreven,  eenige  gedrukt  zijn. 

Er  zijn  weinig  zekerder  bronnen  voor  de  kennis  der  zeden  en 
bescbaving  op  bet  platte  land  dan  die  plaatselijke  wetten;  willen 
wij  weten  hoe  de  openbare  orde  en  tucbt  onderbouden,  de  per- 
sonen  en  eigendommen  bcschermd,  de  overlreding  en  bet 
misdrijf  gekastijd  werden,  wij  zijn  verplicbt  die  bronnen  te  onder- 
zoeken  en  met  de  strengbeid  der  strafbepalingen  de  diepte  van 
het  beerscbende  kwaad  te  meten. 

De  gebeele  landelijke  wet  in  al  bare  vertakkingen  voor  ieder 
misdrijf  te  doen  kennen,  is  bier  niet  noodig,  maar  al  wat  tôt  bet 


(  1^9  ) 

openbaar  leven   in   het  dorp   behoort,   zullen   wij  uit  de  vooi- 
naamste  costumcn  ophalen  '. 
Beginncn  wij  met  de 

Openbare  zedelijkheid,  rust  en  goede  orde. 

In  de  kastelnij  van  IJper  was  het  niet  gcoorloofd  herberg  te 
houden  op  weinig  bewoonde  pleJ^ken,  maar  wel  rondom  het 
kerkhof,  en  ter  plaatse  waar  minslens  acht  huizen  bijeen  stonden 
of  waar  vanouds  getapt  wcrd  '^. 

Overal  was  het  drinken  in  de  herbergen  verboden  tijdens  de 
hoogmis  en  vespers  op  zon-  en  heiligdagen  ;  in  't  IJpersche,  alsook 
in  eenige  andere  streken,  waren  hicrvan  iiitgezonderd  reizende 
Ueden,  en  zulke,  die  drank  noodig  hadden.  Herbergier  en  drin- 
kers  werden  in  geval  van  overtreding  geboet  ^.  —  Gediirende 

<  Men  tek  in  België  meer  dan  honderd  verschillige  costumen.  Brabant  en 
Vlaanderen  hadden  er  meest  :  daar  had,  om  zoo  lezeggen,  iedere  gemeente  of 
groep  van  gemeenten  haar  welboek,  tcrwijl  er  maar  éene  algemeeiie  keure 
was  voor  't  prins-bisdom  van  Luik,  het  land  van  Slavelot,  de  hertogdommen 
van  Luxemburg  en  Limburg,  Bouillon  en  Gelderland,  de  graafschappen 
Henegouw,  Nanien  en  Loon  (Defacqz,  Ancien  droit  Belgique).  —  Er  is 
evenwel  rekening  te  houden  van  eenige  keuren,  door  abdijen  of  heeren  van 
verschillige  plaatsen  verleend,  en  politieverordeningen  bevaltende.  Tôt  deze 
soort  behoorden,onder  andere,  de  kenre  der  heerlijkheid  de  la  Rosière,  gegeveu 
door  de  abdij  van  Cambrai  ;  die  van  Sebourg  enz. 

*  «  Que  dors  en  avant  on  ne  tiendra  taverne  en  aucuns  lieux  dans  le  chastel- 
lenye  que  seulement  au  cimelière  [kerckhof)  et  au  lieu  ou  d'ancienneté  on  a 
tenu  taverne  et  aussy  aux  lieux  où  il  y  a  un  amas  de  huit  maisons  ou  plus,  à 
poine  de  l'amende  de  111  liv.  par.  et  chacun  qui  y  boira  111  llv.  par.  » 

(Loix,  cousiumes,  ordonnances  etc.  de  la  cliaslellenie 
d'Y  près,  ch.  CXXIV  ) 

'  «  Item  que  personne,  tel  qu'il  soit,  ne  boira  en  quelque  taverne  ou  hotel- 
lery  que  ce  soit  pendant  les  temps  de  la  grand'messe  ou  des  vespres,  tant  aux 
jours  de  dimanche  qu'aux  jours  de  fesles  de  con>mandemenl  {sondaeghs  noch 
op  heylige  geboden  misdagen)  sy  ce  n'estoil  des  gens  passans  ou  aïant  besoing, 
à  poine  de  111  liv.  par.  à  encourir  par  j'hostelier,  et  chaque  buveur  à  poine 
de  XX  sols  par.,  ny  pareillement  ne  joura  aux  fuseaulx  à  la  paulmè  ny  autres 
jeu  ou  jeux  à  peine  de  semblable  amende.  »  (Loi^reic,  rf'Fpres,  chap.  Il,  art.  I.) 


(  150) 

de  wintermaanden  bleef  de  herbcrg  niet  langer  dan  tôt  zeven,  in 
den  zomer  lot  negen  ure  's  avonds  open  *. 

«  Quaede  herberghe  »  mocht  men  ncrgens  houden,  «  by  daeghe 
noch  by  nachte,  »  zegt  de  keure  van  Nevele.  Wat  men  daardoor 
verstond  leeren  ons  ook  de  costumen  van  't  IJpersche  :  «  Loger  des 
gens  bannis,  des  ruffîens  (putliers),  des  femmes  de  léger  estât 
{vrouwen  van  lichtcn  stale,  van  lichten  levene)  ou  de  conditions 
douteuses,  des  belistres  et  d'autres  mauvaises  compagnies  ^.  » 
Dergelijke  gasten  waren  dan  ook  in  de  hcerlijklieid  van  Nevele 
volstrekt  niet  gedoogd;  van  zoohaasl  men  ze  lierkende,  moesten 
zij  voort  ^. 

Overigens  was  de  politie  der  drinkhuizen  met  zorg  gercgeld. 
«  Die  anderen  bcgote  met  wine,  met  bière  ochte  met  enigen 
dranke,  al  willens,  lii  es  om  X  se.  »  geboet,  zegt  de  keure  van 
St.-Pieters-Leeuw,  opklimmende  tôt  1284- ;  en  bij,  «  die  anderen 
slaet  met  enen  potte,  hi  es  om  III  pont;  bloede  bi,  bijs  om  C  se.  ^  » 

Het  hooge  bcdrag  dezer  laatsle  boete  laat  vermocdcn  dat  het 
vechten  vroegerlijds  gecne  zeldzanmlieid  was;  en  inderdaad  de 
ruwe  aard  der  oude  Belgen  was  in  de  XIIP  eeuw  nog  weinig  ver- 


*  «  Item  que  personne  tel  qu'il  soit,  ne  s'avanture  de  rester  ny  de  boire  en 
aucune  taverne  à  scavoir  depuis  la  St  -Bavon  jusques  à  Pasques,  plus  tard  que 
jusques  à  sept  heures  du  soir,  et  depuis  Pasques  jusques  à  la  St.-Bavon  plus 
tard  que  jusques  a  noeuf  heures  du  soir,  et  quiconque  feroit  le  contraire, 
chaque  buveur  ou  restant  en  seroit  à  l'amende  de  III  liv.  par.  et  Thoste  ou 
l'hoslesse,  cabarctier  ou  cabarelière  à  semblable  peine.  Et  sy  lesdis  buveurs 
restent  beuvans  plus  tard  qu'il  est  dit  cy  devant,  malgré  le  cabaretier  ou  la 
cabaretière,  ils  paieront  les  deux  amendes  de  III  liv.  par,  » 

{Luix  etc.  d'Ypres,  chap.  Il,  art.  2.) 

*  Loix  etc.  d'Ypres,  ch.  CXXII. 

5  «  Item  dat  de  rybauwen  ende  rybauwessen,  hoeriers  ende  putliers  Irecken 
uter  vrihede  van  Nevele  binnen  zonneschine,  ende  waert  zoo  dat  zij  boven 
dien  daer  binnen  bevonden  worden,  dat  ware  up  haer  upperste  cleet,  aizo 
dicwels  ais  zy  daerinne  bevonden  worden. 

»  Item  dat  niemandl  ribauvven  noch  ribauderessen,  hoeriers  noch  putliers  en 
herberghe, ende  waerl  dat  alzoyemandldade, dat  ware  upde  boeie  van XX  s. p., 
alzo  dicwels  ende  menichvvaerf  a!s  zy  daerinne  bevonden  worden.  » 

*  Belyisch  Muséum,  1842,  bl.  299. 


(  151  ) 

zacht,  in  Brabant  gclijk  in  Vlaanderen,  in  Luik  gelijk  in  Hene- 
gouw  K 

lemand  met  wapenen  treffen,  vooral  kwelscn  met  hct  zwaard, 
werd  slreng  gestraft  2.  Te  Desteldonk  en  le  ZnfTolarc  (Oost-Vi.) 
was  raen  bijzonder  wrced  voor  het  toebrengcn  van  wonden  :  «  So 
wie  dat  yemene  wont  met  knivc  ofte  met  torkoise,  kolve  ofte 
boghe,  met  schiblen  of  piken,  zal  verliesen  een  hanl^  en  si  dat 
bise  verdirighe  sgraven  gbenade;  maar  bi  moct  teerst  gbcnouch 
doen  den  gbewonden,  na  de  groole  vander  wonden,  na  scepenen 
wîjsingbe  ^.  » 

Elders  was  mcn  genadiger,  maar  dit  sproot  voort,  dcnkelijk, 
uit  de  omstandigbcid,  dat  men  daar  niet  zooveel  met  bet  mes  of 
den  kolf  spcelde.  Te  Sebourg  betaaldc  iedcre  vecbler  de  boele  van 
10  stiiivers;  twee  vecbters,  die  bloed  vergoten,  60  stuivcrs,  nage- 
noeg  gelijk  in  de  beerlijkheid  van  la  Rosière,  loebeboorende  aan 
de  abdij  van  Cambron  *.  In  de  beerlijkbeid  van  Loon  werd  een 

*  «  Item  quiconque  frape  un  autre  avec  les  poings  ou  des  mains  en  son 
visage,  ou  le  presse  sur  la  poitrine  à  mauvais  dessein,  ou  le  pousse  avec  le 
pied,  le  lire  par  les  cheveux,  le  mouille  de  boisson  (begieten  met  drank)  et  à 
vouloir  le  faire  boire  malgré  lui,  et  contre  sa  volonté,  sera  en  l'amende  de 
III  liv.  par.  {Loix  etc.  d'Ypres,  ch.  XL). 

«  Die  enen  andren  sloege  met  enen  stock,  sonder  bloet  reysen,  lii  waers 
om  XX  se.  versloghe  hi  ne  oie  ler  eerden,  sonder  bloet,  lii  waers  om  XXX  se.  ; 
ende  bloede  hi  sonder  mincsele,  ochte  been  uten  hoefde  te  doene,  hi  waers  om 
III  pont;  vermincl  bine,  ochl  gaen  bem  been  uten  hoefde  van  die  colveslhage, 
hi  waers  om  C  se.  »  {Keure  van  St.-Pieters-Leeaw.) 

^  «  Wie  een  zweert  trocke,  andren  mede  te  veine,  sonder  daet,  hi  waers 
om  XX  se. 

»  Waer  dat  hire  iemene  mede  sloege,  dat  hi  bloede,  sonder  mincsele,  hie 
waers  om  C  se. 

»  Ware  oie  dat  sake  dat  iemene  anderen  vermincle,  sonder  met  verloefde 
wapene,  sonder  let  te  verliesene,  hi  waers  jegen  den  hère  om  VII  pont.  » 

{Keure  van  St.-Pieters-Leeuw.) 

5  Keure  van  Desteldonk.  —  In  de  Vier-Ambaditen  enz.  Avas  dilook  zoo. 

*  «  Item  quiconque^  mettera  main  par  ire  sur  aullruy,  sans  arme  esmolue, 
ou  baston  affaiclié,  il  escherra  envers  ladicle  église  en  trente  solz  blancs  de 
loix;  et  se  s'est  d'arme  esmoiues  et  de  baston  affaiclié,  soit  quil  y  ayt  sang  ou 
non,  soixante  solz  blancs...  » 

(Perkamenten  rolle  in  't  rechlcrlijk  archief  te  Bergen.) 


(  132) 

vuistslag  bcboet  met  7  schellingen,  ten  profijtc  van  den  heer,  en 
met  eene  bedevaart  naar  St.-Joost,  ter  voldoening  van  den  gesla- 
gene.  —  Ecne  «  zijpende  wonde  »  strafte  men  daar  met  eene 
bedevaart  naar  St.-Joost,  voor  den  heer,  en  met  eene  andere  naar 
Vendôme,  voor  de  beleedigde  parlij.  —  Was  er  «  wieekende 
wonde,  »  men  betaalde  7  rijnsgulden  aan  den  heer  en  men  moest, 
ter  voldoening  des  getrofTenen,  eene  pelgrimage  doen  naar  Roc- 
Amadour. —  Eene  verminking(«  vinger  ofl  teen  aff  »)v\'erd  gestraft 
met  8  rijnsgulden  voor  den  heer  en  eene  bedevaart  naar  St.-Jacob 
(van  Compostella?);  en  was  een  hand  of  voet  afgeslagen,  of  bleef 
iemand,  ten  gevolge  der  mishandelingen,  mank  of  kreupel,  dan 
eischte  men,  namens  den  heer,  een  tocht  naar  St.-Jacobs  en 
naraens  de  parlij  eenen  anderen  naar  Cyprus.  —  Verre,  lastige 
reizen?  Ja,  en  de  arme  was  wel  verplicht  den  staf  te  nemen  en 
de  bedelnap,  land  en  familie  te  verlaten  voor  wcken  of  maanden, 
zonder  te  welen  of  hij  onderweg  niet  van  ontbering  of  door  onheil 
zou  omkomen.  Daarloe  was  de  arme  boer  verplicht,  zeggen  wij; 
maar  de  bcmiddelde  kon  die  bedevaarten  afkoopen  naarvolgens 
een  bepaald  larief.  Voor  'l  gemelde  Loon  was  de  «  lantsoene  »  of 
pelgrimage  vasigesleld  :  naar  St.-Jacobs,  op  20  realen;  naar  Ven- 
dôme, op  S  realen;  naar  St.-Joost,  op  3  realen;  naar  Roe-Amadour, 
op  10  realen;  naar  't  eiland  Cyprus,  op  40  realen  (elke  reaal  gere- 
kend  aan  50  sluivers)  ^ 

Over  't  algemeen  nochtans  gold  hier  het  woord  van  Mozes  : 
«  Oog  voor  oog,  tand  voor  tand,  »  gelijk  men  in  verscheidene 
keuren,  bij  voorbeeld  die  van  Desteldonk,  zict  uilgedrukt  :  «  Die 
yemene  hant,  ofle  voete,  ofte  oghe,  ofte  let  afslaet,  hij  es  sculdich 
een  alsulck  le  verliesene,  dat  es  let  iegen  let,  oghe  iegen  oghe.  ï 
Te  St.-Pielers-Leeuw  ging  't  nog  erger  :  «  Ware  dat  sake  dat  hi 
dlet  verlore,  Ici  jegcn  let;  slorve  hi,  lijf  jegen  lijf  ende  't  goet 
sheren  wille,  half.  d  Zoo  ook  bepaalden  de  keuren  van  Incourt, 
Waalhem,  La  Hulpe  en  Gaasbeek. 

Ook  le  Sebourg  was  doodstraffe  voor  doodslag,  «se  francquise 
ne  l'en  hosle,  »  maar  met  verbeuring  van  al  de  meubelen  desgenen 

*  Costumen  van  Loon. 


(  153  ) 

«  qui  seroit  homicides.  »  Hier  kon  men  zcifs  de  woning  des  moor- 
denaars  docu  verdwijnen  :  «  Et  si  il  a  la  maison  mannuauble,  on 
lui  art  {brûle)  se  ly  sires  voelt.  » 

De  groote  afstand,  die  den  middeleeuwschen  boer  van  den 
edelman  seheidt,  is  duidelijk  te  zien  in  de  onderstaande  arlikelen 
der  Brabanlsche  keure,  Avaarbij  straffen  worden  vaslgesleld  voor 
het  dooden  of  mishandclen,  ook  zonder  bebulp  van  wapens, 
van  adellijke  personen.  Men  leest  daar  namclijk  voor  het  eerste 
geval  : 

«  Ende  doet  {doodt)  ecn  dorpman  eenen  ridder,  hi  ees  orn  hon- 
dert  sccllinge,  ende  doet  een  dorpman  eenen  cnape*,  die  van  rid- 
ders  aerde  comen  es,  ende  noch  es  cnape,  hi  ees  om  XX  scellingc.  » 

Wat  het  mishandeien  belreft  :  «  Sloc  die  dorpman  enen  ridder 
mit  handen,  hi  hadde  die  hant  verloren.  Sticte  bine  mit  voete,  bi 
hadde  den  voet  verloren.  Ende  sloege  een  dorpman  enen  cnape 
die  van  ridders  aerde  comen  es  ende  noch  es  cnape,  ochte  stiele 
mellen  voete,  hi  waers  om  C  scellinge.  Viele  die  cnape  ter  eerden 
van  dien  siaghe,  ochte  stote  die  dorpman,  waers  om  VU  pond 
ende  X  scellinge.  Bloede  die  cnape  van  dier  daet,  die  dorpman 
waers  om  X  pont.  » 

Er  waren  verscb illige  wapens,  welke  het  nict  geoorloofd  was 
te  dragen;  in  Brabant  droegeii  zij  den  naam  van  knij/'{eene  soort 
van  lange  messen);  gepinde  slave  (slaaf  met  pinnen;  gocde-dng?)  ; 
gescliut  (band- en  voelboog):  handaks;  spafuul  o(  paffimt  (soort 
van  biji);  giserme  (de  bipennis  der  Romcinen);  schild  met  prie- 
men,  dien  men  op  den  armen  droeg  enz.  —  De  keure  van  Destel- 
donk  noemt  nog  :  turkoyse  en  pike,  terwijl  in  degene  van  Rupel- 
monde  melding  gcmaakt  wordt  van  «  daggben,  pijcken,  gîaiven, 
boghen  met  scerpen  ghcscutle  ende  hacben  of  valckebeckcn.  » 

De  talrijke  slrafbepalingen  voor  gewelddadcn,  welke  men  in  de 
keuren  der  Xlil^  eeuw  ontmoet.  bewijzen  wat  wij  booger  zegdcn  : 
dat  de  zeden  gediircndc  de  middeleeuwen  nog  ruw  waren,  in 
Brabant  vooral.  Dâar  mocht  men  «  in  dbetveede  »  [doodveete)  en 


*  De  knaap  (edelknaap)  was  de  gezel  van  den  ridder  en  deelde  met  hem 
liefen  leed. 


(  154  ) 

«  butcn  vrcden  »  allerlei  wapens  dragen  tcn  einde  elk  oogenblik 
gerecd  te  wezen  zijn  leven  te  verdcdigcn  *.  De  wet  van  Beau- 
mont  eischle  de  procf  met  het  water  voor  ieder,  die,  iii  geval  van 
zelfverdediging,  cenen  doodslag  beging  (17'^  art).  Hij,  die  eenen 
vrede  verbrak,  «  sal  mcn  in  vieren  deelen,  »  ende  vier  stucken 
van  't  lichaam  «  sal  men  doen  setten  op  vier  radere,  »  te  planten 
aan  de  vier  boeken  der  heerlijkbeid  2. 

Diefstal  en  brandstichting  werden  met  niet  minder  strengbeid 
te  kecr  gegaan.  Beliep  het  bedrag  van  't  gestolene  boven  de 
5  scbellingen,  dan  was  de  plicluige  «  in  shcercn  niacbt  van  live 
en  van  goed,  »  beboudens  dat  zijne  vrouw  de  helft  der  bczitting 
bebield.  Diefstal  van  min  dan  5  scbellingen  werd  te  St.-Pieters- 
Leeuw  zelfs  met  brandmerk  gevonnist  ^.  In  het  graafscbap  Cbiny 
(Luxemburg)  en  overigens  in  al  de  dorpcn,  beheerd  door  de  wet 
van  Bcaumont  '%  werd  ieder,  die  van  diefstal  was  beticbt,  onder- 
worpen  aan  de  proef  van  bct  water. 

Het  koopen  van  gestolen  goed  werd  dan  evenmin  toegelaten 
als  tegcnwoordig;  wie  zicb  daaraan  plichlig  maakte  werd  zelf  als 
dief  gevonnist  ^.  In  sommige  streken,  zooals  in  het  bertogdom 
van  Bouillon,  waren  al  de  ingczetenen  verplicht  de  dieven  en 
moordenaars  acbterna  te  zetten  ^. 

Een  misdrijf,  betwelk  in  de  middeleeuwen  veel  gestraft  moest 
worden,  was  de  lastertaal  en  't  kwaadspreken.  Te  St.-Pieters- 
Leeuw  betaalde  eene  boete  van  5   scbellingen  ieder  «  wie  ande- 

*  «  Voort  es  te  wetene,  dat  elken  loebehoort  zinen  lichame  bescermene  ende 
noodvveerene,  sonder  eenich  mesdaet,  als  bij  dat  doet  sonder  verbodene 
wapene.  » 

2  Keure  van  St.-Pieters-Leeuw. 

3  «  Die  slale  beneden  V  se.  men  soudene  tekenen  ;  van  de  menne  geteekent, 
ende  anderwarven  slale,  hi  hadde  dlijf  verboerl.  Stalene  iemen  boven  V  se,  hi 
hadde  dlijf  verboert  ende  half  tgoet  sheren  wille.  » 

^  «  Si  quelcqu'ung  est  accusé  de  larcin  sont  conné,  es  s'il  ne  proeuve  au 
contraire  par  la  déposition  de  deux  hommes  non  réprochables,  sera  submis  au 
jugement  de  l'eau...  »  (45^  art.) 

s  Keure  van  Zaffelare. 

6  Règlement  pour  les  mayeurs  de  village  (21  févr.  1322). 


(  155  ) 

ren  logestreept  *  ochte  seget  :  Godsat  hebdi!  ^  ochte  :  Geonneerd 
werdi!  ochte  :  Glu  sijt  een  quaet^  met  felheiden...  »  De  costumen 
van  Beaumont,  die  de  wet  werden  van  een  groot  golal  Waaische 
gemeenten,  hielden  voor  de  beleediging  eene  strafbepaling  in, 
ontleend  aan  de  Carlovingische  zeden,  en  volgens  welke  de  vrouw, 
die  wegens  't  bcleedigen  eener  andere  vrouw  veroordeeld  was 
geworden  tôt  boete,  en  dcze  niet  bctaaldc,  gcdwongcn  was  den 
zondag  in  de  processie  te  gaan,  gekieed  in  haar  bcmd,  en  beladen 
met  sleenen,  waarvan  de  zwaarte  in  verhouding  was  met  het 
bedrag  der  boete. 

Geenc  orde  is  er  in  de  maatschappij  mogelijk  tenzij  het 
magistraat  geëcrbiedigd  wordc;  daarom  werd  het  kwandspreken 
van  schepenen  op  de  meeste  plaatsen  door  groole  geldboeten 
gestraft.  «  So  wie  scepenen  wederseghet,  aise  dat  zij  quact  von- 
nesse  gheseit  souden  hebben,  ofte  dat  hem  ne  gheene  wet  was 
ghedaen,  ofte  cenich  leelic  woort  ofte  zwaer,  hi  boet  elken  sce- 
penen III  pont,  ende  den  grave  Xpont.  »  —  Te  Dcurne  en  te  Kiel 
was  de  boete  bepaaid  op  6  gulden  en  op  kastijding  vanwcge  den 
heer,  indien  de  wethouders  uit  hoofdc  hunncr  bcdiening  waren 
gehoond  geweest.  —  Mindcr  nochtans  was  't  in  de  heerh"jkheid  van 
La  Rosière  :  «  Item  (fuiconques  desdira  à  son  tort  Tcdict  et  ordon- 
nanche  renduz  par  les  echevins,  il  escherra  en  six  solz  blancs.  » 

De  straffen,  uitgesproken  tegen  de  godslasteraais,  zullen  nie- 
mand  verwonderen  die  weet,  in  welke  innige  gemcensciiap  Kerk 
en  Staat  vroeger  leefden.  Toen  de  vrouwe  van  Hoboken,  Félicitas 
van  Traynel,  bij  akte  van  8  December  d260  hare  polders  aan  de 
ingezetenen  van  genoemde  gemeente,  mits  eencn  jaarcijns  van 
10  pond  afstond,  besprak  zij  daarbij  eene  boete  van  12  deniers 
telkenmale  in  eenen  twist  het  vloekwoord  Golschat  zou  gesproken 
worden,  namelijk  6  deniers  voor  den  heer  der  plaats  en  C  voor 
den  pcrsoon,  tegen  wien  het  vloekwoord  was  uitgebracht  ^. 


*  Logenstrepene,  anders  :  logeiislroopen,  bij  Kiliaan  :  arguere  sive  insi- 
mulare. 

2  Gods  haat  heb-di. 

3  Sladsarch.van  Anlw.  :  Privilegiehoek,  I,  '215'^.  —  Kvyl,  Hoboken,  230-231. 


(  156  ) 

Te  Deiirne  werden  de  vloekers  gestraft  met  eene  boete  van 
20  stuivers;  was  de  blaspliemie  gezegd  tôt  de  schepenen,  men 
betaalde  het  dubbel  dier  som,  en  door  icmand  van  buiten  het 
dorp,  80  stuivers. 

In  de  beerlijkheid  Lummen  betaalde  men  voor  eene  godslaste- 
ring  ook  20  stuivers,  maar  men  was  daarbij  verplicht  in  de  kerk 
gedurende  don  zondagdienst  twec  toortsen  te  laten  branden  *. 
Die  straffc  was  dubbel,  wanneer  men  in  't  misdrijf  herviel,  en  voor 
de  derde  maal  was  bepaald  «  twelff  uren  aen  de  kaek  te  staen 
oft  een  gloyen  eyser  door  syn  tonge  gesteekcn  te  worden.  »  leder, 
die  hoorde  blasphemeeren,  mocst  bij  de  justitie  aanklacbt  doen. 

Strcnger  nog  was  de  straffe  in  bel  IJpersche;  danr  betaalde  men 
voor  de  ecrste  maal,  dat  men  van  «  sweeren  ofte  blasphemeeren  » 
overtuigd  was,  de  boete  van  10  pond  parisis  en  «  arbitraire 
correctie»  naar  gocddunken  der  recbters;  de  tweede  maal  dubbel, 
en  de  derde  maal  werd  men  op  een  scliavot  gebracht  en  de  tong 
meteen  glocicnd  ijzcr  doorstoken,tenzijdc  schepenen  eene  andere 
voorbceldige  straffe  nutlig  oordeeklen.  In  gemelde  landstreek  was 
de  godslasteraar  niet  meer  toegelaten  totden  eed,  tenzij  na  reha- 
bilitatie  2. 

Wat  altijd  vecl  aanleiding  gaf  tôt  twist  en  krakeel,  was  het 
tuischspel;  ook  spreken  de  meeste  costumen  en  keurcn  boeten 
iiit  tegen  degenen,  die  zich  plichtig  maakten  aan  «  dobbel-, 
keghel-  ende  queecspel,  »  en  dubbel  wanneer  het  's  nachts  was 
gebeurd. 

Ook  het  doen  van  koopmanschap  tusschen  kan  en  beker  had  de 
bezorgbeid  van  den  rechter  gaande  gemaakt  ;  immers  in  dergelijke 


*  Cueren  ende  Statuten...  van  Lummene,  l*^  arlikel. 

*  «  Quiconque  jurera  ou  blasphémera  le  nom  de  Dieu,  de  Marie,  sa  sainte 
Mère,  ou  de  ses  Saints,  en  vain,  encourera  l'amende  de  x  liv.  parisis  pour  la 
première  fois  qu'il  en  sera  repris,  et  de  plus  d'eslre  puni  arbitrairement  à  la 
discrétion  du  juge.  Pour  la  seconde  fois  double  amende,  et  autre  punition  plus 
sévère  arbitraire,  el  pour  la  troisième  fois  d'eslre  mis  sur  un  esschaffaut  et 
d'avoir  la  langue  persée  d'un  fer  rouge  et  ardent  ou  d'estre  autrement  puni  à 
la  discrétion  de  la  loy  et  déclaré  inhabile  d'estre  receu  à  serment,  sans  réha- 
bilitation. »  {Loix  etc.  d'Ypres,  chap.  VI.) 


(  <S7  ) 

gevallen  gebeurde  het  meermaals  dat  de  eene  of  andere  partij, 
of  ook  wel  bcide  te  gelijk,  iiet  voile  besef  hunner  handcling  niet 
meer  hadden.  In  de  kaslelnij  van  IJper  was,  volgcns  de  keure, 
aile  koopmanschap  in  de  hcrberg  onder  dronkene  liedcn  gesloten, 
nietig  verklaard,  fenzij  de  parlijen  drie  dagen  nadien,  in  nuchteren 
toesland,  den  gedanen  koop  hadden  goedgekeurd  *. 

De  enkele  bedreiging  van  mishandeling  en  geldafpersing  door 
bedreiging  werd  in  't  JJpersche  streng  gestraft  ^.  De  Brabantsche 
landkeuren  gingen  evenwel  zoo  ver  niet.  Onderscheiden  in  woor- 
delijke  en  wezcnlijke  bcdreigingcn,  beschouwde  mon  daar  de 
eerste  als  de  gevaarlijkste  en  dicnden  deze  in  sommige  gevallen 
tôt  een  vermoeden  van  plicbtigheid.  De  keure  van  La  Hulpe, 
bijvoorbeeld,  veroordeclde  als  brandslicliter  den  man,  die  eenen 
anderen  met  vuur  had  gedreigd,  namelijk  wannecr  bij  den  be- 
dreigde  een  brand  uilbarstle  (5®  art.).  De  landkeuren  van  Brabant 
en  de  keure  van  Gaasbeek  waren  misschien  de  eerste,  die  de  woor- 
delijke  bedreiging  kaslijdden  met  boeten  van  10  pond,  den  plich- 
tige  dwingende  zijnen  legenstrever  veiligheid  en  waarborg  te 
geven  (art.  CI). 

Misdaden,  welke  in  de  raiddeleeuwen  ten  onzent  veel  gepleegd 
werden,  waren  de  vrouwenschaking  enverkrachting;  zij  gesehied- 
den  mogelijk  meer  uit  woestheid  van  aard  dan  uit  bedorvenheid 
en  wulpschen  drift,   niaar  de  gekende  zuiverheid  der  oudger- 

*  «  Item  par  ce  qu'il  arrive  journellemeDt  que  beaucoup  de  sortes  de  marchés 
sont  faits  dans  les  tavernes  d'où  il  en  provient  souvent  des  conteslaiions  et  des 
procez,  parcequ'ils  ne  pou  voient  s'entendre  l'un  l'autre  que  fort  mal  au  moïeu 
de  ce  que  de  tels  marchés  sont  faits  pour  la  plus  part  après  que  les  deux 
partyes  sont  prinses  de  boisson,  il  est  ordonné  et  statué  que  dores  en  avant 
tels  contracls  et  marches  faits  dans  la  taverne  ou  yvresse  seront  tenus  pour 
nuls,  sy  ce  n'est  que  les  contractants,  dans  le  troisiesme  jour,  estans  à  jeun, 
ratifient  et  conforment  les  dits  conlracts  et  marchés.  » 

{Loiœ  etc.  d'Ypres,  chap.  III.) 

*  «  Item  quiconque  seroit  trouvé  qui  menaçât  quelqu'un,  li  fil  craindre,  ou 
luy  fit  donner  quelque  argent  ou  autre  chose  par  menace,  ou  luy  fit  paier  son 
es  cot  (syn  ghelagh  doen  belalen)  ou  autrement,  en  quelque  manière  que  ce 
fut,  ce  seroil  a  estre  puni  criminellement  ou  arbitrairement  de  la  loi  sous 
laquelle  cela  seroit  arrivé.  »  (Eod.  ch.  XIV.) 


(   ISS) 

maansche  zeden  was  in  onze  wctgeving  overgegaan,  met  dit 
onderscheid  dat  de  enkele  sebaking  niet  overal  even  strenggestraft 
werd  als  de  verkrachting.  Te  Zaffclare  sprak  men  levenslange 
baliingschap  iiit  tegen  elke  vrouw,  die  plichtig  was  bevonden  van 
verleiding  \an  jeugdige  meisjes.  De  keure  van  St.-Pieters-Leeuw 
strafte  de  medeplicbligheid  aan  sebaking  met  verbeuring  van  lijf 
en  goed.  De  sebaking  strafte  men  te  Zaffelare  met  iOO  pond  boete 
ten  voordeele  van  den  graaf,  dOO  pond  aan  de  ouders  der  ont- 
voerde  maagd,  en  200  pond  aan  bem,  die  er  verbes  door  leed, 
waardoor  vermoedebjk  de  verloofde  of  de  briiidegom  werd  be- 
doeld.  In  de  Vier-Ambacbten  werden  verkracbting  en  sebaking 
gebjkelijk  gestraft  met  verbeuring  van  bjf  en  goed  '.  In  Brabant, 
evenwel,  werd  de  verkracbting  op  de  wreedste  wijze  te  keer 
gegaan;  wie  zicb  aan  dat  euvel  pHcblig  raaakte  zaagde  men,  met 
eene  plank,  bet  boofd  af  ^. 

In  geval  van  sebaking  was  de  toestemming  der  vrouw  geene 
oorzaak  van  verontseliuldiging;  bleef  zij  bij  den  ontvocrder,  al 
baar  goed  kwam  aan  den  fiscus,  en  dit  voor  zoo  lang  als  de  onge- 
oorloofde  betrekking  duurde.  Na  baren  dood  viel  baar  goed  te 
beurt  aan  bare  naaste  blocdverwanten,  ter  uilsbiiting  nocbtans 
van  de  kinderen,  welke  zij  bij  den  scbaker  bad  gewonnen.  Deze 
bepaHngcn  waren  zeker  uiterst  streng,  maar  men  tracbtte  daar- 
mede  den  bandel  te  niet  te  doen,  aandruiscbende  tegen  de  wet 
en  vooral  tegen  de  openbare  zedeHjkbeid. 


Landbouwbelangen. 

De  groote,  de  bijna  eenige  nijverbeid  op  bet  platte  land  moest 
in  de  keure  en  costumen  bijzondcrlijk  bescbermd  zijn;  geen 
wonder  dus  dat  de  welsverordeningen  der  XiPeeuwrecds  bepa- 
lingen  bevatlen,  door  welke  de  eigendom  en  de  arbeid  des  land- 
bouwers  tegen  boosaardigen  aanslag,  scbennis  en  roof  werden 
bescbermd.  In  de  keure  van  Ukkel  ontmoet  men  bepalingen  met 

*  De  Potter  en  Broeckaert,  in  de  geschiedenis  der  gemelde  gemeenten. 
^  Landkeureu  van  1292,  art.  14.  —  Keure  van  Waalhem  enz. 


(  459  ) 

betrekking  lot  het  koopcn  en  verpachten  van  land;  in  die  van 
St.-Pielers-Lceuw  slaan  boetenbepaaldvoor't  kappenvan  boomen, 
't  breken  van  bofafsluitingen,  't  slelcn  van  hooi,  koren  of  andere 
veldvrucliten,  't  niisliandclen  van  vee,  en  zelfs,  wat  wij  in  gcene 
andere  hebben  teruggevonden,  een  arlikel  aangaande  't  ondcr- 
kruipen  in  zake  van  landwinning  K 

De  grootste  bezorgdheid  des  wctgevers  in  het  noorden  van 
Vlaanderen  was  geweest  deze  streek  tcgen  doorbraak  van  duin  en 
dijk  te  bescbiilten  ;  niets  nafuurlijker,  dcwijl  dergeiijkc  onge- 
vallen  onberekenbare  verliezen  plachten  te  veroorzaken,  uitge- 
strekte  landen  gcdurende  vêle  jaren  aan  landbouw  en  veeteelt 
onttrokken  en  ontzaglijke  somrnen  gclds  vorderden  om  het 
overstroomde  weer  droog  te  maken.  De  keure  dcr  Vier-Ambachten 
(rubriek  :  «  nootsakelickheden  van  den  lande  »)  bepaalt,  dat  er 
voor  schepenen  vervolg  mocht  ingespannen  worden  wegens  het 
verwaarloozen  van  «  dijken,  delven,  hcrstralen,  sluysen,  water- 
ganghcn  uutselten,  insetten  ende  van  diergelijke  saken,  »  daar 
waar  ook  de  dijkwerken  niet  aan  't  oordeel  van  kastelein  of  graaf, 
raaar  aan  dat  der  schepenen  waren  onderworpen.  Gemelde  keure 
erkcnt  het  recht  van  visschen  aan  al  de  personen,  door  wierland 
een  watergang  werd  gedolven,  tenzij  ze  op  eene  andere  manier 
vergoeding  hadden  gckregen. 

In  geval  van  dijkbreuk  was  icdereen  in  Vlaanderen,  die  in  de 
Vier-Ambachten  geen  land  bezat,  verplicht  aldaar  te  gaan  werken 
met  de  spade,  te  weten  drie  dagen  op  hunne  eigene  kosten,  en, 
was  een  langduriger  arbeid  noodig,  dan  ten  koste  dergenen,  die 
in  de  Vier-Ambachten  grond  hadden.  Ter  vergoeding  van  dien 
arbeid  mocht  ieder,  die  in  gemelde  Ambachten  geen  land  bezat, 
aldaar  vrijelijk  gaan  visschen  en  gebruik  maken  van  al  de  wegen, 
leidende  naar  de  weiden,  wat  den  grondbezitters  aldaar  niet 
geoorloofd  was  ^. 

*  «  Voert  willen  wi  Heinrec  van  Lovene,  hère  ^an  iïerstal,  dat  {die)  pointe 
ende  die  gewoente,  die  glieweest  heeft  in  elcken  dorpen  van  onsen  lande  te 
Leuwe  ende  elre,  van  iaulwiunioglien  deen  den  anderen  londer  gane,  dat  dal 
blive  staende  ter  selver  niisdaet,  diere  men  lote  hare  geplogen  heefl.  » 

^  De  Poïter  en  Broeckaert,  Geschiedenis  van  Assenede. 


(  i60  ) 

De  dorpswciten  schreven  ook  voor,  de  straten  en  wegen  op 
hunne  behoorlijke  breedte  en  in  goeden  staat  le  houden.  De  keure 
van  Lummene,  onder  andere,  zegt  in  't  \  4^  artikel  :  «  Aile  gebuerten 
sullcn  t'  samen  der  bandt  comen  aile  saferdagben,  ten  tijde  alst 
gecondigtsal  wordcn,  omme  de  straten  te  maccken.  »  Mcn  begon 
daaraan  's  namiddags  om  twee  ure,  op  't  geluid  der  bel  en  onder 
behoorlijke  leiding. 

Voor  goede  hofafsluiting  werd  ook  overal  gezorgd.  «  Aile 
heymselen  ende  thuynen  (zeggen  de  costumen  van  Kiel  en 
Deurne)  tusschcn  twee  gebueren  erven  staende,  syn  gemeyn 
ende  moeten  ten  gclycken  coste  op  de  gerechtigbe  paelen  van 
de  twee  erffven  gemaeckt  ende  onderhouden  worden,  ten  waere 
dat  bleecke  van  eenighe  servituyt  ter  contrariën...  »  (X*  titel, 
1**  art.). 

Andere  strafbepalingen,  den  akkerbouw  betreffende,  zullen 
verder,  ter  plaatse  waar  wij  meer  bepaald  den  toestand  des 
pachters  onderzoeken,  beter  te  pas  komen  ;  zeggen  wij  hier,  dat 
de  keuren  en  costumen  nagenoeg  al  de  gcwone  misdrijven  en 
overtredingen  verbandclden,  en  dat,  van  zijnen  kant,  de  rechts- 
plichtige  waarborg  had  voor  goede  juslitie.  Was  men  van  den 
eenen  kant  verplicht  de  uitspraak  des  recliters  te  eerbiedigen, 
van  den  anderen  kant  vindt  men  ook  strenge  straffen  tegen  de 
schepenen,  wanneer  bet  bewezen  kon  worden  dat  deze  onrecht- 
vaardig  vonnis  badden  gestreken.  De  wet  van  Bcaumont,  onder 
andere,  veroordeelt  zulke  ambtenaren,  in  't  bewuste  geval,  tôt  de 
aanzienlijke  boete  van  100  sluivcrs.  —  Op  die  manier  toch  was 
en  de  onafhankelijkheid  der  recbtcrs  verzekerd  en  bet  misbruik 
dier  onafhankelijkheid  te  keer  gegaan. 

Niet  aile  dorpswetten,  evenwel,  bleken  proefhoiidend  te  zijn; 
er  waren  er  onder,  die  niet  duidelijk  de  rcchlen  en  overtredingen 
vaslstelden  en  den  weg  openlieten  tôt  misverstand  of  wiilekeur. 
Zulk  eene,  onder  andere,  was  de  costume  van  Ilelkijn  en  St.-Denijs, 
twee  dorpen  die  in  de  XIIl^  ceuw  afhidgen  van  den  bisschop  van 
Doornik,  en  die  zoo  duister  schijnt  geweest  te  zijn...  «  selonc 
lequel  usage  li  houns  pierdoit  une  queriele  par  aucune  raison,  et 
par  celi  meisme  raison  wangnoit  uns  autres  une  semblant  querile 


(  \6\   ) 

et  moult  de  gens  se  plainsiscent  por  eau...  *.  De  bisschop  van 
Doornik,  liet  volk  dcr  gcnocmde  dorpcn  gehoord  liebbende, 
scbafte  de  oude  costumen  af  bij  brief  van  28  Oclober  1235. 

Wij  kenncn  nog  eene  andcre  costume,  die  omirent  dcnzclfden 
tijd  werd  gewijzigd,  namelijk  degene  van  Sirault,  docli  biertoe  gaf 
de  weerspannigbeid  der  bevolking  tegen  den  abt  van  St.-Amand, 
loen  deze  de  avouerie  des  dorps  had  gckoclit,  aanleiding.  Tôt 
boeverre  't  verzet  en  de  gewelddaden  der  bevolking  jogens  den 
prelaat  van  een  macbtig  slicbt  gingen,  kan  men  zien  uit  de  onder- 
staande  oorkonde,  boogst  merkwaardig  voor  de  kennis  der  mid- 
deleeuwscbe  zeden;  de  mannen  van  Sirault  baalden  even  weinig 
voordeel  als  eer  van  hunnen  tegenstand,  want  zij  boetlen  dien  met 
bet  verlies  van  'l  gebruik  der  abdijbosscben,  waar  zij  placblen 
bun  vee  te  laten  grazen,  en  met  eene  niet  in  luin  voordeel 
gewijzigde  keure  2. 

*  A.  Wauters,  De  Vorigine  et  des  premiers  développements  des  libertés 
communales  en  Belgique...  bl.  130. 

^  «  Saceni  tout  cil  ki  siint  et  ki  avenir  sunt  ke  en  lan  del  Incarnaiion  Nostre 
Seignenr  M.  CC.  et  XXXVII,  li  abbesWatiers  de  Saint  Amand  vint  a  Syrau  a  se 
maison  a  Forest,  la  manda  il  les  homes  de  le  ville  et  il  i  vinrent;  li  abbés  lor 
uionstra  quil  avoit  acquise  lavoerie  de  Syrau  al  seigneur  de  Jauchequi  avoes 
en  est  et  pour  lor  bien  lavoit  il  acquise  et  moult  li  avoit  cousleit.  Si  lorrequist 
quil  li  fesissent  aie  a  cel  acat.  Il  respondirent  communalment  kil  nen  feroient 
nient;  dont  lor  defFendi  li  abbes  devant  dis  kil  nalassens  plus  en  ses  bos  ne  en 
SOS  estpules,  se  il  ne  pooivent  monstrer  raison  par  le  quele  il  i  deussent  aler. 
Il  alerent  a  conseil  et  quant  il  revinrent,  il  disent  ke  \i  bos  estoit  leur  et  pour 
cou  kil  avoient  clamé  le  ireffons  Saint  Amant.  Li  abbes  lor  demanda  kil  don- 
nassent pièges  damender  le  clain  kil  avoient  fait  del  treiïons  Saint  Amant  u  de 
poursivre  loi;  il  disent  kil  nen  donroierit  nul.  Li  abbes  les  volt  arrester,  et  il 
efVorcierent  labbe  et  laidengierent  et  ferirent  après  lui,  ensi  kil  ferirent  s"n 
palefroi,  sour  quoi  il  estoit,  et  brisierenl  son  paufit  et  a  force  en  alerent.  Li 
abbes  pour  cest  forfait  les  Hst  aiourner  a  Syrau  el  moustier,  en  iour  de 
diemence,  par  ses  homes  a  quinsaine  a  Saint  Amant  au  kief  liu,  ensi  com  il  est 
acostume  danciennele.  Li  abbes  warda  sen  iour;  il  ni  vinrent  nient;  il  furent 
raiourné  autre  fie  et  tierce  et  quarte,  et  bien  ^varda  li  abbes  sis  iours  duskes 
a  loi;  et  il  ni  vinrent  ment.  Quant  ce  vint  al  quint  iour,  li  abbes  coniura  ses 
homes  kil  li  desissent  kel  en  avoit  a  faire;  li  home  disent  ki  ne  le  savoient 
dire;  mais  il  en  forchast  se  court,  u  il  les  fesist  mener  au  sens  del  pais; il 
Tome  XXXIÏ.  H 


(  ^62  ) 

Over  't  algemeen  niag  er  gezcgd  worden,  dat  de  dorpswctten, 
geschoeid  op  den  lecst  der  stadswetten,  gelukkige  iiilslagen 
opievcrden  en  meer  orde,  veiligheid  en  rust  aan  den  landbou- 
wenden  stand  verzekerden. 

Eenige  woorden  ihans  over  de  bfdastingen.  die  in  de  middel- 
eeuwen  op  den  grondeigendom  en  den  landbouw  drukten. 

Zooals  nu,  waren  er  gewone  en  buitengewone  laslen.  De 
gewonc  noemde  nicn  :  bede  {aide);  de  buitengewone  :  hulpgeld 
(subside);  edoch  toen,  evenals  nu,  hadden  de  buitengewone  lasten 
veelal  niets  dan  den  naam  er  van  en  werden  zij  allengs  bestendig. 
Men  noemde  die  ook  :  iwinligste,  omdat  zij  in  bel  begin  geschat 
waren  op  bet  twintigsle  deel  van  't  inkoraen.  Het  aandeel  van  iedere 
gemeentc  wcrd  vastgesleld  door  de  vorslelijke  ambtonaren  van 
't  gewest;  in  Brabant  bedesellers,  in  Vlaanderen  pointers  ende 
setters  gebeeten.  Voor  laatslgerneld  gewest  was  de  verdeeling 
onverandeilijk  bepaald  volgens  den  zoogenaamden  «  transport 
van  Vlaanderen,  »  die  geniaakt  was  in  bel  begin  der  XI V^  eeuw. 

De  Icengoederen  waren  tôt  aan  de  inrichting  der  bestendigc 
légers  van  de  belasling  uitgezonderd,  onder  voorwendsel  dat  elke 
leenbouder  verplicbt  was  tôt  krijgsdienst;  ook  waren  van  belas- 
ling onlslagen   de    heiden   en   woestijnen,    onlangs    lot   eultuur 

i  furent  mené  et  contèrent  le  fait  tel  ke  devant  est  dis.  Li  eonsaus  kerka  con  les 
devoil  fonrjugier  de  cors,  de  loi  et  davoir,  et  mist  bors  ciaus  ki  adont  erenl 
hors  del  pais,  se  pius  ne  se  raloierent  a  iaus...  Li  home  revinrent  a  Saint 
Amant  et  li  abbes  lor  misl  iour  de  rendre  lenqueste  ;  li  home  vinrent  a  cest 
iour  et  li  abbes  les  coniura  kil  desessent  loi  et  il  disent  :  Nous  foriugons  les 
homes  de  Syrau  por  le  forfait  devant  dit,  de  cors,  de  loi  et  davoir,  hors  cels 
ki  erenl  adonl  fors  del  pais,  se  puis  ne  se  raloierent  a  els... 

«  Et  quant  cils  Jugement  fu  ensi  rendu,  il  aviut  ke  li  abbes  a  se  maison  a 
Syrau,  la  vinrent  li  home  de  le  vile,  et  quant  il  virent  kil  erent  foriugiet  de 
cors,  de  loi  et  davoir,  ensi  com  dit  est,  il  se  misent  en  le  volonlet  labbe  del 
tout,  et  quant  il  si  furent  mis,  li  abbes  lor  deffendi  kil  nalassent  plus  en  son 
bos  con  apele  des  Braies,  ne  menassent  lor  besles.  Et  pour  chou  ke  li  abbes 
vit  ken  le  loi  de  Syrau  avoit  a  amender,  il  lamenda  ensi  com  il  est  escrit 
après...  »  (A.  Wauters,  De  l'origine  et  du  développement  des  libertés 

communales  en  Belgique,  bl.  142-143.) 


(163  ) 

gebracht;  de  polders  van  Brabant  en  Vlaanderen,  gewonnen  o\) 
de  schorren  van  Schelde  en  Zee;  oude  stokgoederen  en  gronden, 
toebchoorcnde  aan  kerken  en  geestelijke  gemeenschappen,  regel- 
matig  geamorliseerd,  alsmede  zekcre  ambtenaren,  die  daarvoor 
al  de  exploiten  ter  inning  van  de  geiden  kosteloos  nioesten  ver- 
richten.  De  poldergronden  bleven  vrij  van  belasting  gedurende 
eenen  meer  of  min  langen  tijd,  bepaald  in  het  daarloe  vereischt 
zijnde  vorstelijk  octrooi. 

De  lasten,  die  meer  in  't  bijzonder  op  den  grondeigendom 
drukten,  waren  van  onderscheiden  aard.  De  féodale,  waartoe 
de  verpliehte  krijgsdienst  bchoorde,  hadden  hunnen  oorsprong 
genomen  in  de  bevrijding  des  bodems  en  der  dienslbare  laten,  en 
werden,  aile  misbriiiken  daargelaten,  geheven  le  wettelijken 
litel;  bieronder  waren  begrepen  de  renten  in  hoenderen, 
kapoenen,  ganzen,  eiers,  baver,  inlandscbe  wijn,  penningen,  de 
derde,  vierde  of  vijfde  schoof,  of  de  belftwinning,  wat  de  naam 
genoeg  te  kennen  geeft  *. 

Dan  bad  men  nog  de  lasten  voortspruitende  iiit  oude  overeen- 
komsten,  zooals  berenlingcn  en  andere  scbulden,  en  deze  waren 
zeertalrijk;  men  mag  zeggen  dat  de  meeste  gronden,  vooral  in 
Brabant  en  Vlaanderen,  den  eenen  of  anderen  last,  betzij  ten 
voordeele  der  bcboeftigcn,  betzij  aan  een  klooslcr,  kerk  of  gods- 
buis,  betzij  anderszins,te  kwijlen  badden.  Deabdij  vanSt.-Truiden 
bad  sedcrt  onbeuglijken  tijd  in  verscbillige  dekenijen  van  Luik 
eenen  jaarlijkscben  cijns  van  eenen  penning  op  iedercbaardstede, 
welke  belasting,  ook  in  zekere  gedeelten  van  Brabant  gebeven, 
aldaar  veel  tegenstand  ontmoette.  Te  Neerlinter  wilde  bet  volk  er 
van  af  geraken  en  stond  met  dit  doeî  een  bunder  land  af,  dat  met 
7  sUiivers 's  jaars,  Leuvensebe  miint,  werd  belast. 

De  belasting,   welke  scbier  altijd  en   overal  in  natiira  werd 

^  De  bijzondere  lasten  bestonden  aauvankelijk  in  natura,  bppaaidelijk  lot 
de  XIII'"  eeuw;  loen  was  het  geld  minder  schaarsch  gewordea  en  begon  men 
overal  de  laksen  van  aile  slag  leeischen  in  nuint.  Wat  de  doode  hand  belreft, 
deze  hatelijke  belasting  werd,  evenals  het  niet  minder  gehale  verbod  van 
trouwen  builen  deheerlijkheid,indeXII<"  eeuw  in  een  eenvoudigmulatiereclif, 
en  eene  ûskale  schalling  veranderd. 


(  164  ) 

gekweten,  was  de  zooveel  besprokene  tiende.  De  bollandist  Victor 
DE  BucK  ziet  daarin  een  overblijfsel  van  de  contributiën,  hier 
door  de  Romcirien  ingevoerd  en  later  door  de  Frankische  vorsten 
in  voege  gehouden,  terwijl  andere  schrijvers  de  invoering  er  van 
toeschrijven  aan  Karel  den  Groole,  ten  einde  de  geestelijkheid 
een  behoorlijk  bestaan  te  vcrschaffen.  Hoe  het  zij,  de  beroenide 
keizer,  die  reeds  in  779  en  794  de  betaling  der  tiende  verplich- 
tend  had  vcrkiaard,  deed  ze  door  eene  ordonnaniie  van  801  in 
drie  deelen  splitsen,  waarvan  'teene  voor  de  behoeftigen,  't  andere 
tôt  het  ouderhoud  en  versiering  der  kerken,  't  derde  voor  den 
dienstdoenden  priester  was  bestemd  *. 

Wanneer  men  al  de  hooger  opgenoemde  lasten  te  zamen  neerat 
ziet  men,  dat  de  iniddeleeuwsche  landbouwer  eene  harde  korst  te 
bijten  had;  doch  er  is  in  aanmerking  te  nemcn  dat  niet  al  deze 
lasten  op  éene  en  dezeifde  streek,  op  den  dorp,  op  elke  hoeve 
wogcn  ;  dat  er  ora  zoo  te  zeggen,  buiten  de  gewone  contributie, 
—  w  elke  slechts  drukkend  werd  wanneer  de  oorlog  zware  opoffe- 
ringen  kwam  vergen,  of  uitzonderlijke  rampen  een  gansch  gewest 
kwamen  beproeven,  —  verschil  was  van  vorstendom  tôt  vorsten- 
dom,  van  heerlijkheid  tôt  heerlijkheid,  en  dat  de  landman  over  het 
algemeen  het  niet  zooslecht  hadalsraen,oppervlakkigbeschouwd, 
zou  meencn. 

Dit  hoofdstuk,  dat  te  lang  zou  kunnen  wordcn,  eindigende, 
zullen  wij,  ter  vollooiing  van  de  schets  des  dorpslevens  ondcr 
bestuurlijk  opzicht,  nog  zeggen.  dat  het  volk  een  groot  aandeel  had 
in  het  bestiiur,  en  \  sel fgover ment  ten  onzent  reeds  in  de  middel- 
eeuwen  een  aangewonnen  rccht  was.  De  schepenen  waren  uit  het 
volk  gekozcn;  ieder  dorp  had  zijne  eigene  inkomsten  en  goe- 
deren;  de  rekeningen  der  genieente,  en  voor  vêle  parochie- 
kerken,  moesten  in  't  openhaar  worden  voorgedragen;  de  kerk- 
meesters  werden  niede  door  het  volk  aangeduid;  de  belastingen 
onder  al  de  ingezetenen  door  eigene  bedeelers  vastgesteld.  De 
behoeftigen  genolen  onderstand  uit  de  H.-Geestlafel  of  den  Disch, 
samengestcld  uit  bcgoede  ingezetenen  der  genieente,  met  den 

*  Baluzius,  Capilularia  regum  francorum,  I,  259. 


(  465  ) 

pastoor  lot  hoofdman;  de  scliool,  schier  overal  opgericht,  stond 
onder  het  toezicht  des  herders,  waar  ze  niet  door  hem  zelven 
was  gehouden;  vêle  dorpen  bezaten  een  godshuis  of  hospitaal, 
bediend  door  leeken,  met  eenen  kapelaan,  ofwel  door  klooster- 
lingcn;  in  't  kort,  er  was  doorgaans  in  aile  groole  behoeften  des 
maatscliappelijken  levens  voorzien. 


ilU) 


V«  HOOFDSTUK. 


Famille  en  eigendom,  volgens  de  oude  keuren  en  costumen. 

De  groote  grondeigendom,  dien  wij  in  'l  koninkrijk  der  Frankea 
hebben  opgemerkt,  was,  zoo  wij  zagen  in  de  vorige  bladzijden, 
overgcgaan  in  lieerlijkheden,  welke  gcdeeltelijk  in  eenvoudige 
leenen  werden  verbrokkeld.  Wat  dus  aanvankelijk  toebehoorde 
aan  den  hcer,  en  lot  hem  moest  terugkeeren,  was  in  handen  des 
leenhouders  erfelijk  geworden,  en  deze,  met  zijnc  kindercn  en 
kleinkindcren,  vormde  als  't  ware  eene  associalie  van  landbou- 
wers,  die  't  vruebtgebruik  des  boderas  genoten.  Slicrf  hct  hoofd 
des  gezins,  niets  was  veranderd  :  het  recht  des  overledenen  ging 
over  tôt  de  nagelalene  betrckkingen.  Edoch,  lot  verdere  ver- 
brokkeling  des  eigendoms,  evenmin  als  lot  scheiding  der  familie, 
leende  zich  de  feodaliteit  nief. 

Familie  en  eigendom  hangcn  aan  elkaar  en  zijn  nict  te 
scheiden;  als  wij  deze  doen  kennen,  dan  zal  men  ook  een  begrip 
hebben  van  de  samenstelling  van  gène. 

De  invloed  der  christene  denkbeelden  op  de  welten,  die  de 
familie  gcdurcnde  de  middeleeuwen  beliecrschten,  blijkt  duidelijk 
uit  den  loestand  der  vrouw,  wier  rechl  en  vermogcn  als  mocder 
erkend  waren.  Wees  bel  Romeinsch  recht  't  gezag  over  de  kin- 
deren  uitsluitelijk  den  vader  loe,  de  costumen  zeiden  :  de  kinderen 
zijn  en  blijven  in  de  macht  en  onder  't  beheer  van  hunnen  vader 
en  moeder  lot  hun  vijf  en  twintigste  jaar,  of  lot  den  dag  hunner 
ontvoogding  *.  Gedurcnde  het  huwciijk  werd  dit  recht  door  den 
vader  allcen  uitgeocfend,  als  hoofd  des  huisgezins.  —  Een  andcr 
bewijs  van  den  heilzamen  invloed  der  christene  gcdachtcn  op  wet 
en  samcnleving  was  de  bepaling  dat  de  vrouw  niet  gehcel  meer 

*  Costumen  van  7  Land  van  Dendeimondc  (Rubr.  XIII,  1«  art.) 


i 


(  167) 

uit  de  vaderlijke  erfenis  geslotcn  bleef,  wat  men  voor  Brabani  zien 
kan  uit  de  cosliimen  van  St.-Pieters-Lecuw  en  Rode  en  deze  van 
Nijvel.  De  huwelijksovereenkomst  was  niet  allecnlijk  vôor,  maar 
in  vêle  slrekcn,  ondcr  andere  in  Brabant,  zclfs  na  bet  sluiten  van 
den  echt  locgekalen.  In  het  bisdom  van  Luik  moest  bet  contract 
niet  eens  gescbrcven  zijn. 

De  statu Icn  voor  't  prinsdom  van  Stavelot  legden  de  verplich- 
ting  niet  op,  bet  contract  te  doen  goedkeuren;  de  verzuimenis 
dier  i^ocdkcurinijf  was  nocb  in  bet  bisdom  van  Luik  nocli  in  bet 
graafscbap  Nanicn  eene  reden  tôt  nieligbeid,  maar  zij  bcroofdc  de 
contractantcn  enkellijk  van  't  wczcnbjke  recbt  op  de  goederen, 
ovcr  wclke  de  overeenkomst  bescbikt  bad. 

De  ecbtgenoot  was  de  nnluurlijke  voogd  zijner  vrouw.  bad 
recht  op  't  bebeer  harer  goederen,  zonder  die,  builen  bare  toe- 
stemming,  le  mogen  verkoopen,  en  vorderde,  zonder  daartoe 
door  baar  le  moelen  gemacbligd  zijn,  de  baar  verscbukligde 
gelden  in  *. 

De  vrouw  mocbt  geene  scbuld  leggen  op  bel  goed  des  ecbtge- 
noots  2,  maar  met  dezes  toestemraing  was  't  baar  tocgelalen  baar 
eigen  goed  te  vervreemden  ^.  In  bet  prinsdom  van  Stavelot 
nocbfans  bad  de  man  bet  recbt  om  de  onroerende  goederen 
zijner  vrouw  zonder  bare  goedkeuring  te  geldc  te  maken  ^,  wat 
niet  gedoogd  was  in  Luxemburg,  't  graafscbap  Bouillon  en  't 
kwarlicr  van  Leuven  ^. 

*  «  Item  dal  de  man  altijts  is  momboir  van  sijnder  huysvromve,  ende  dat  hij 
vermach  aile  heur  schulden,  aclie  ende  credieten  met  redite  te  heysschene 
ende  le  vervoighene,  sonder  authorisaîie  oft  consent  vander  huysvrouwe, 
ten  waere  dal  deselve  man  insolvenl  en  waere  bedegen,  ende  voor  .suick  hem 
voor  sijiie  scliuldenaeren  hadde  verborgen,  ofl  dat  hij  andersints  in  prodiga- 
Uleyt  en  waere  gestelt...  » 

{Costumen  der  heerlijkheid  van  Kiel,  Vile  litel,  l*'art,) 
^  «  Gherns  mans  wijfen  mach  maken  commer  op  hâve  en  op  erve  sonder 

haren  wellegen  man,  »  -  {Heure  van  Ukkel.) 

'  «  Een  vrouwe  mach  haer  ontgoeden  op  dat  haer  man  willecoert  voer  de 

welh,  mol  vremden  momboer.  »  (Idem.) 

*  Nam(  lijk  lot  in  1716,  wanneer  bij  een  edict  anders  werd  bepaald. 

*  Costumen  van  Luxemburg,  S^  titel,  7*  art. — Idem  van  Bouillon,  11«  kap. 
8«  art.  —  Idem,  van  Leuven,  12*=  kap.,  8^  art. 


(  i68  ) 

Er  bestond  op  de  meesle  plaatsen  gcmcenschap  van  goedercn 
tusschen  man  en  vrouw,  zoowel  van  r  >erende  als  van  onroe- 
i-ende;  in  verscheidene  coslumen  was  er  CiiIlcI  gemecnschap  voor 
het  goed,  gedurcnde  het  huwelijk  aangcworven  *,  en  hetgcen  de 
echtelingen  bezaten  vôor  hunne  vereeniging  bleef  ieders  bijzonder 
eigendom. 

Dit  laatste  gold  niel  in  't  prinsbisdom  van  Luik  :  daar  brachten 
de  coslnmen  al  bet  vrouwelijk  goed  onder  de  meesterschap  des 
mans  2;  ja,  vermeerderden  dezer  verniogen  tôt  op  de  bescbik- 
kingen  uit  lioofde  van  het  overbjden  der  vrouw.  Evenvvel  had, 
volgens  de  meeste  costumen,  de  echtgenoole  baars  mans  toe- 
stemming  niet  noodig  om  bij  uilerslen  wil  over  baar  goed  te 
bescbikken  ^. 

In  't  graafschap  Henegouw  was  de  nian  niet  de  lijdelijke 
hezitter  van  de  goedcren  zijner  vrouw;  bij  kon,  na  de  onlbinding 
des  huwclijks,  die  bekomen  door  verjaring. 

In  eenen  tijd,  dat  de  onroerende  goederen  't  voornaamste 
élément  van  den  rijkdom  der  familiën  uitmaakten,  wcrd  bunne 
bestemming  op  't  oogenblik  der  buwelijksonlbinding  bepaaid.  De 
overlevende  echtgenoot  verkreeg  bet  genot  van  beider  crfgoed, 
docb  kon  zelfs  niet  over  zijn  eigen  goed,  ton  nadeele  bunner 
kinderen,  bescbikken. 

Er  was  dus  voor  den  overlevenden  eebtgenoot  eenigermale 
onteigcning.  In  de  meesle  costumen  was  die  evenwel  maar  voor- 
waardelijk  en  bing  zij  af  van  't  overleven  der  kinderen  of  bunner 
nakomelingen  *. 

In  't  Luxemburgscbe  beboorden  den  overlevenden  echtgenoot 

»  Costumen  van  Limburg,  9«  litel,5e  arl;  12e  m^i^  ge  art.;  lô*  lit.,  S^art.— 
Idem  van  Namen,  51^  art.  —  Idem  van  Luxemburg,  8«  tilel,  ô*'  art.  —  Idem, 
van  Leuven,  12<"  kap.,  7^  arl.  —  Idem  van  Stavelot,  11«  kap.,  IS^  art.  — 
Record  van  19  Mei  1705  voor  'l  graafschap  Loon. 

'  Costumen  van  Luik,  le  kapiltel,  1^  art. 

'  Costumen  van  Limburg,  8^  litel,  3^  art.— /rfem  van  Luxemburg,  10"  tilel, 
7«  art.  —  Idem  van  Leuven,  12^  kap.,  4^  art. 

*  Costumen  van  Limburg,  11^  tiiel,  5*  en  4^  art.  —  Idem  van  Leuven, 
U«kap.,  Ile  art. 


(  ^69  ) 

al  de  rocrende  goederen  der  geraeenschap,  alsook  het  vrucluge- 
Lruik  dcr  onroerendc  goederen,  hetzij  er  kindcrcn  warcn  of 
niet,  a  parniy  entretenant  lesdits  enfaiis  bonnesleinent,  selon  ses 
facultés,  et  les  mariant  quand  ilz  seront  venuz  en  cage  eonipclant, 
et  en  payant  les  debles  et  funérailles  du  premier  trespassé,  et 
entretenant  lesdits  biens  en  bon  père  de  famille  et  payant  le  cours 
des  cliarges  réelles  d'iceux.  » 

Anders  was  't  volgens  de  costumen  van  Namen  en  Siavelot:  in 
die  gesvesten  bad  de  overlevende  ecblgenoot  enkel  't  vrucbtge- 
bruik  zijner  cigene  goederen,  en  vverden  de  kinderen  cr,  bij  de 
ontbinding  des  buwclijks,  eigenaars  van.  De  costumen  van  Rode 
en  Leeuw,  in  Brabant,  kenden  den  overlevenden  gemaal  bel 
vrucbtgebruik  toc  van  de  eene  belft  der  goederen  van  de  gemeen- 
scbap,  terwijl  de  andere  helft  onmiddeHijk  't  eigendom  werd  van 
de  erfgenamen  des  overledenen  *.  Te  Desteldonk  (Oost-Vlaan- 
deren)  kwamen  de  kinderen  maar  in  't  bezit  van  de  belft  der 
goederen  als  zij  meerderjarig  waren.  Elders  volgden  de  kinderen 
op  in  den  blooten  eigendom  zoowel  der  eigene  goederen  van  den 
overledene  aïs  in  de  belft  der  aangeworvene.  Dit  recbt  kon  men 
afstaan  en  overdragen,  uitgezonderd  in  't  graafscbap  van  Loon 
en  't  prinsbisdoni  van  Luik  ^. 

Dé  vrouw,  in  't  graafscbap  Henegouw  baren  ecbtgenoot  over- 
levende, maar  geene  kinderen  bebbende,  genoot  bet  vrucbtge- 
bruik niet  der  goederen,  den  overledene  eigen.  Door  de  cos- 
tumen van  Rode  en  Leeuw  komt  bet  oudersbuis  1er  bescbikking 
van  den  langstlevende  der  ecblelingen,  ter  uitzondcring  nocb- 
tans  van  de  verslerkle  plaats  «  (tgbelegbe  sonder  forteresse).  » 

Won  de  overlevende  der  echtelingen  eenig  goed  na  de  buwe- 
lijksonlbindiiig,  dit  vormde  een  nieuw,  bijzonder  erfgoed,  bet- 
welk,  in  geval  van  een  tweede  buwelijk,  't  aandeel  werd  der 
kinderen  van  bet  tweede  bed,  die  niet  erfden  in  't  onroerend 
goed  van  de  eerste  vereeniging  '^. 

*  Gemelde  Coslumen,  5«  art. 

'  Record  dcr  scliepenen  van  Yliermaal,  van  27  Oclober  1057, 

3  Costumen  van  Luik,   11«"  kap  ,  28<'-o0t'  art.  —  Records  van  Leuven, 


■       ( 170  ) 

Onder  Vlaaiidercns  costuumrecht  maakten  de  lecnen,  tijdens 
het  huwelijk  aangeworven,  geen  deel  der  gemeenschap,  maar 
waren  eigen  aari  dengene  der  eclitelingen,  die  cr  in  't  bezit  van 
werd  gestcld.  Hetzelfde  costuumrecht  begrecp  de  leengoederen 
niet  in  de  algcmeene  schikking  van  al  de  goederen. 

Te  Lceuw  ging  een  goed,  dat  de  man  alleen  gckocht  had,  na  zijn 
overlijden  en  wanneer  liij  geene  kinderen  had,  onmiddellijk  over 
aan  zijnc  bloedverwanten  of  vrienden  ;  maar  het  door  de  gemcen- 
schap  aangeworven  goed  kwamdcn  weduwnaar  in  het  voile  bezit, 
tervvijl  de  weduwe  er  niets  van  kreeg. 

De  ongelijkheid  die  men,  in  zake  van  erfenis,  tusschen  man 
en  vrouw  waarnam,  beslond  ook  onder  de  kinderen.  Voor  al  de 
leengoederen  was  de  lilel  van  mannelijkheid  en  van  eersigeboorte 
het  hcerschcnd  bcginsel  der  erfrcchts.  Hier  zag  men  den  oudslen, 
elders  dcn  jongstcn  zoon  boven  de  andere  kinderen  bevoordee- 
ligd.  Aan  den  oudsle  kcnden  de  coslumen  van  Lnon,  bcliah  e  zijn 
aandeel  naast  de  broedcrs  en  zusters,  het  ouderlijke  huis  toc,  met 
eene  slrepe  gronds  daar  rondom,  waarop  cen  ladder  kon  staan 
om  het  dak  te  kunnen  hcrstcllen,  en  met  eenen  behoorlijken  moes- 
tuin '.  Dit  doelt  op  de  stokgoederen,  welke  dczelfde  coslumen 
volgendcrwijze  omschrijven  :  «  Item  soe  wes  dat  coempt  vnn  aider 
vader  ende   mocder   oft  van  vader  ende  moedi'r,  dat  hielt  hien 

voor  stockgoct »  (2i^  arlikel).  —  Slokgocderen  kcerdcn  terug 

naar  dcn  slam,  wanrvan  zij  gekomen  waren,  maar  te  Kiel,  Dcurne 
en  op  eenigc  andere  plaatsen  mocht  de  eigenaar  cr  anders  over 
beschikkcn  bij  uiter.>len  wil  2. 

gedagteekend  16  April  IGlô,  10  Juli  1629,  10  Sepiember  1650,  7  Februari 
1680.  —  Costumen  van  Slavelot,  11«  kap.,  5^  art.  —  Idem  van  Limburg, 
12»  lit.,  -i«  en  o^  art.  —  Idem  van  Namen,  11^  art. 

^  «  lleni  als  gesusteren  ende  gebruederen  deylen  stock  goederen,  alsoo  verre 
daer  holTi'ijsiiighe  is  {huis  met  hof)....  een  allsle  broeder  sal  die  hoffrijsinghe 
voor  uyl  hebben,  alsoo  verre  het  gaet  die  plaetsen  eender  ledder,  daer  men 
die  daecken  mede  decken  niach,  ende  ooek  eenen  rcdelijcken  wermoeslioff , 
ende  voorts  sullen  sij  die  erfîguederen  gelijck  deylen.  » 

{Coslumen  van  Loon,  ^G*"  art  ) 

*  «  Item  dai  atle  erffelijeke  goeden  succederen  endegaen  len  slruycke  waerts 


(  171   ) 

De  cosliimeii  der  hecrlijkheid  van  Mechelen  zeggen  :  «  Den 
outsten  sone  volglit  de  hcerlijckheyt  mette  sterckc  forlrcssen, 
coJlaliën  ende  gbiftcn  van  olïîlicn  ende  tvoorder  bedrijiï  van  de 
heerlijckiic}  t,  daertoe  behoorende,  midsgadcrs  de  twee  derden 
deelen  vaii  de  sekcre  ende  ordinarisse  innecomen,  blijvende 
treslcrende  deel  tôt  behoeff  van  de  andere  sonen  gelijckelijck  ^  » 

Dit  cerstgcboorterecht  was  in  de  meeste  landebjke  welboeken 
volkomen  ;  in  t  Luiksche,  onder  andere,  hadden  de  jongere  broe- 
ders  geen  dcel  in  de  féodale  erfenis  2,  maar  in  andere  plaalsen 
werd  bet  bcginscl  der  onverdeeibaarbeid  enkel  toegcpast  op  't 
oudersbuis  en  de  daaraan  verbonden  recblen  ^.  —  Waren  cr  in  't 
graafscbap  Namen  verscheidene  Icengoederen  te  erven,  dan  had 
daar  de  oudsle  zoon  slecbts  de  cersle  kcuze,  en  ieder  der  ovcrige 
kindercn  na  hem,  in  orde  van  Iceftijd.  Al  de  docbters,  evenwel, 
waren  iiit  de  lecngoederen  gesloten,  ook  al  telde  men  van  deze 
meor  dan  't  getal  zonen  bedroeg  *. 

De  costumen  van  Stavelot  kenden  't  leen  toe  aan  den  oudsten 
zoon,  maar  deze  moest  de  andere  kinderen  beboorlijk  ver- 
goeden  ^. 

De  ongclijkbeid  tusschen  de  kinderen  was  geheel  anders  te 
Rode,  St.-Pieters-Leeuw,  Laken,  Ukkel,  Valensijn  en  Grimbergen. 
Hier  had  niel  de  oudsle,  maar  wel  de  jongsle  zoon  bet  buis,  waar 
vader  en  moedcr  gestorven  waren,  tenzij  de  erfenis  zoo  gering 
was,  da(  dit  huis  zelf  moest  in  verdeeling  worden  gebracbt.  De 
daarbij  gcvocgde  grond  mocbt  eene  uitgestrektbeid  bebben  van 
ecn  haïr  bunder,  wanneer  de  erfgenaam  lot  den  sland  der  meys- 
seniers   bchoorde,  en  van   een  dagwand ,  indien   bij   onder  de 

van  daer  die  gecomen  zijn,  (en  waere  dat,  bij  disposilie  teslamenlaire  van  den 
proprielaris,  de  selve  achtergelaeten  hebbende,  {anders)  en  vvare  gedispo- 
neerl.  »  {Costumen  der  genoemde  dorpen,  4^  arl.) 

^  3e  litel,  le  art. 

'  Costumen  van.  Lw'k,  13»  hoofdst.,  1«  art. 

5  Costumen  van  Luxemburg,  12e  titel,  2e  art.  —  Idem  van  Bouillon^ 
18e  hoofJst.,  Ile  en  12e  art.  —  Idem  van  Limburg,  18e  liig]^  \e  en  2e  art. 

*  Idem  van  Namen,  lOoe  art. 

^  Gtnielde  Costumen,  lie  hoofdst.,  le  art. 


(  172  ) 

cossaten  was  gerangschikt  ^  Deze  begunstiging  van  den  jongsten 
zoon  legt  men  uit  door  de  omstandigheid,  dat,  aangczien  in  het 
féodale  stelsel  icdere  leenman  tôt  krijgsdienst  was  verplicht,  de 
jongste  zoon,  in  de  nieeste  gevallen  de  zwaksle,  bêler  geschikt 

was  ter  bewaking  van  de  voorvaderlijke  woonst  en daarmee 

ook  de  minste  roern  te  winnen  was  ^.  Van  den  andcren  kant 
was  de  oudste  zoon  door  de  féodale  wet  bevoorreeht  in  't  genot 
van  de  Iwce  derde  deelen  der  vaderlijke  goederen  en  in  gansch 
het  rechlsgebicd  ^. 

Hceft  de  féodale  wetgever  niet  bij  voorkeur  de  ongelijkheid 
betracht?  Men  zou  betzeggen,  wanneer  men  de  honderd  verschil- 
lige  bepalingen  in  zake  van  grondeigendom,  door  bem  gemaakt,  in 
aandacht  neenit.  Zicbicr  nog  eene  andere  :  de  a  meysseniers  »  in 
Brabant  badden  het  vruchlgebruik  van  al  het  roerend  goed  der 
erfenis;  de  cossaten,  daarentegcn,  genoten  slechls  de  belft  van  de 
meubelen  der  gemcenscbap,  en  werd  liet  hun  tocgestaan  de 
andere  lielft  gedurende  hun  leven  te  behouden,  dan  waren  zij 
genoodzaakt  borg  le  slellen  *. 

Kon  de  begunstigiiig  des  oudsten  zoons  onder  \  opzicht  van  't 
behoud  des  stams  en  van  zijnen  glans  eenigermate  gebillijkt 
worden  in  eenen  lijd,  dat  men  zulk  eenen  boogen  prijs  bechtte 
aan  afkomst,  naam  en  blazoen,  de  naluur  roept  al  de  kinderen 
van  betzelfde  bloed  lot  de  ouderlijke  nalalenschap,  en  het  bur- 
gerrecbt  van  schier  al  de  bescbaafde  volken  ging  daar  niet  tegen 
in.  In  de  vrije  goederen  (en  hieronder  begreep  men  ook  de  allo- 

*  De  meysseniers  en  cossaten  waren  eertijds  de  bewoners  eener  heerlijk- 
heid.  Eersigenoemden,  de  opvolgers  van  den  ouden  mansionarius  (van 
wanst/s), hadden  een  landbouwbedrijf  van  12  bunder;  de  cossaten{âe  cassati 
der  oude  oorkonden)  wier  naam  is  afgeleid  van  casa  (hul)  waren  de  dagloo- 
ners,  de  boeien  van  den  laagslen  stand,  die  gewoonbjk  land  bebouwden  voor 
eigene  rekening,  maar  in  daghuur  gingen  arbeiden. 

2  Metlerlijd  werd  deze  bepaling  niet  overal  meer  in  acht  genomen.  In 
Brabant,  onder  andere,  was  hel  oude  voorrechl  des  jongsleu  broeders  in  de 
XVIP  eeuw  nog  slechts  te  Griml)ergen  en  te  Laken  in  zwang. 

'  Costumes  féodales  de  Brabant,  art,  21. 

*  Costumen  van  Rode  en  Leeuiv,  art.  7  en  25. 


(  i73) 

dialc)  Iiad  ieder  kind  een  gelijk  aandeel  *  ;  in  de  leenen  —  wij 
zagen  rceds  hoe  de  niannelijke  erfgenamen  daar  bedeeld  werden. 
Maar  nog  erger  stond  het  met  de  dochters  ;  overal ,  waar  deze 
naast  mannelijke  hoirs  van  denzelfden  graad  stonden,  werden  zij 
ongenadig  uitgesloten.  Het  aandeel  eener  zuster  in  de  onderlijke 
bezitting  bedroeg  Iwee  derden  van  dat  eens  brocders,  wat  nien  in 
de  costumcn  van  Loon  in  de  volgende  woorden  omschreven  ziet  : 
«  Voorts  meer  in  deyiinge  tusschen  susters  ende  brocders,  twee 
gebroeders  alsoo  veel  scbuldigh  syn  te  hebben  als  dry  gesusters, 
dat  is  te  verstaen  ;  een  broeder  anderbalff  deyiinge  tegen  syn 
sus  ter  2.  » 

De  dochter  verkreeg  geene  grondgocderen,  volgens  de  cos- 
tiiraen  van  Rode  en  Leenw,  maar  wcl  koornrenten,  en  in  stede 
van  huizen,  weiden,  meerschen,  bosschen  of  vijvers,  bekwam  zij 
gclden  bezet  op  een  deel  der  erfenis  ^.  —  In  de  verdeeling  der 
nieubels  krecg  ieder  kind,  zonder  dat  het  geslacht  in  aanmerking 
kwam,  een  gelijk  deel. 

Ukkel's  keure  erkent  aan  de  dochters  geen  hoegenaamd  recht 
op  cijnsgronden,  en  dit  gold  ook  voor  't  prins-bisdom  Luik  *.  In 
Henegoiiw  was  men  milder  jegens  de  vrouvvelijke  erfgenamen  : 
daar  konden  de  leenen,  met  toestemming  van  vader  en  mocder, 
ook  aan  meisjes  overgezet  worden,  en  in  Zandhoven ,  zeggen  de 
costumen  dezes  dorps  :  als  vader  of  moeder  niets  dan  lecngoe- 
deren   nalieten,  en   zij   evenwel  kinderen,    zonen    of  dochters 

^  a  Ttem,  dat  naer  de  doot  van  vader  ende  moeder  aile  de  kinderen,  bij  de 
selvc  twee  gehuysde  achtergelaeten,  succederen  even  ende  hoofigelijcke  in 
aile  de  goederen,  soo  patrimoniale  als  geconquesteerde,  bij  den  selven  vader 
ende  moeder  achtergelaeten.  »  {Costumen  van  Kiel,  12^  iitel,5e  art.) 

«  Les  alleux  étaient  primitivement,  au  pays  de  Liège  conmie  ailleurs,  des 
biens  libres  de  redevances.  Et  quoique  des  seigneuries  fussent  comprises  dans 
les  biens  allodiaux,  il  n'y  avait,  à  l'égard  de  celles-ci,  ni  droit  de  masculinité 
ni  droit  d'aînesse.  Tous  les  enfants  succédaient  également  à  cette  sorte  de 
biens  sans  distinction  de  sexe  ni  de  primogéniture.  » 

(Defacqz,  Ancien  droit  belgique). 

*  Costumen  van  Loon^  28^  art. 
3  29''  artikel. 

*  Raikem,  Coutumes  du  pays  de  Liège. 


(  174  ) 

hadden,  mochten  deze  bij  middel  van  leenen,  bij  rade  van  bloed- 
verwanten  en  vrienden ,  en  volgens  rechlerlijke  uitspraak,  be- 
hoorlijk  begiftigd  worden  *. 

De  uitsluiling  der  dochters  uit  de  erfenis  der  leenen  was  evenwel 
meer  in  schijn  dan  in  wezenlijkheid;  de  ongelijke  verdeeling  der 
goederen  onder  de  kinderen  van  eenen  zelfden  vader  en  eene 
zelfdc  nioeder  werd  zoo  weinig  gunstig  beoordeeld,  dat  de  belofle, 
aan  éender  kinderen  gedaan,vo]doende  was  opdat  allcn  eengelijk 
deel  bekwamen. 

Evenals  er  ongelijkheid  bestond  onder  de  mannelijke  erfgcna- 
men,  was  er  op  verscheidene  plaatsen  ook  onder  de  vrouwelijke. 
De  féodale  costiimen  van  Meclielen  bepaalden  dat,  bij  aldien  in  't 
sterfbuis  niets  dan  docblers  waren ,  de  oudste  dezer,  ten  nadeele 
harer  zuslers,  écn  of  meer  lecngoedcren  erven  mocht,  in  dezelfde 
verhouding  als  bet  voordcel,  dat  eenen  ondsten  zoon  was  tocge- 
kend. —  Stierf  in  genoemde  heerlijkbeid  de  oudste  zoon  ofondste 
dochter,  't  goed  werd  onder  de  andere  broeders  en  zusters  «  totten 
leslen  loe  »  verdeeld.  (Art.  8.) 

De  rechten  der  kinderen  van  verscbillig  bed  waren  niet  overal 
dezelfde.  De  costumen  van  Leuven  sloten  de  kinderen  van  het 
tweede  bed  ten  voordeele  dergene  van  het  eerste  huwelijk,  wan- 
neer  de  tweede  echt  door  bunnen  vader  was  aangcgaan;  niaar 
had  de  overlevende  vrouw  een  tweede  huwelijk  aangegaan,  dan 
volgden  al  de  kinderen,  gesproten  uit  de  verschillige  vereenigin- 
gen,  hunne  moeder  te  gelijken  titel  op  2. 

Te  Ukkel  volgde  men  andere  gebruiken  :  «  Kinder  van  II 
bedden ,  al  dat  versterft  van  den  eersten  bedde  hebbcn  deersie 
van  vadcrlcken  erve  alsoe  lange  als  enich  leeft.  »  —  Verders  : 
«  Brueder  en  suster  van  II  bedden,  dat  eerst  compt  uyt  zijnen 
struckCjdat  volght  de  struyck  dacr  uyt  comen  es,  al  slervet  sonder 
oer,  dat  ghecrijcht  uyt  vremder  liant,  dat  deyit  dechterste  metlen 
eersten.  »  — Eindelijk  vinden  wij  daar  nog  de  bepaling  :  «  Van 
vader  erve  en   blijfl  den  echtersten  kinderen  nijet   no  van  der 

*  Gemelde  Costumen,  94«  art. 

2  H--  hoofdsluk,  n^  en  13«  ariikel. 


(  I7S  ) 

vorsten  kirideren,  al  storven  zij  aile  van  den  gocdc,  dat  van  den 
vadcT  compt.  » 

Wij  hebben  lioogcr  gezien,  dat  de  kinderen  eigenaars  werden 
van  'tgoed,  door  vader  of  moedcr  achtergelaten.  Weinige  cos- 
tumen  bepalen  den  tijd  daartoe;  volgens  die  van  Zandhoven 
moest  de  scheiding  in  verdeeling  des  nagelalenen  eigendoms 
door  den  overlevenden  echteling,  wanneer  liij  daarloe  aanzocht 
was,  geschieden  binnen  de  zes  weken  na  het  overlijden. 

Gehuwde  kinderen,  van  deze  wereld  sclieidcnde  zonder  af- 
slammelingen,  werden  in  't  bezit  hunner  goederen  door  hunne 
ouders  opgevolgd,  en  waren  deze  overleden,  door  hunne  nabe- 
staanden  K 

Wanneer  de  kinderen  stierven  zonder  afstammelingen,  vôor 
eenen  dcr  overlevende  ouders,  dan  zetteden  zij  geen  erfrecht  van 
den  overledenen  ouder  voort,  wiens  bezit  in  dat  geval  verdeeld 
werd  als  had  hij  nooit  kinderen  in  't  huwelijk  gehad. 

Bij  ontslentenis  van  opklimmende  lijn  werden  broeders  en 
zusters  lot  de  erfenis  geroepen ,  maar  de  voile  ncef  sloot  de 
inaagschap  van  vaders  en  moeders  zijde  uit.  Dit  voorrecht  des 
dubbelen  bands^,  welk  raen  niet  in  het  Gallo-Romeinsch  recht 
noch  in  de  Frankische  wetgeving  terugvindt,  was,  zegt  Defacqz, 
het  uilwerksel  van  den  familiegeest,  ingevoerd  1er  bchoudenis 
van  de  eigene  goederen  aan  den  eigen  stam.  Aldus  was  de  voor- 
keur  voor  de  «  naerhede  van  den  bloede  »  {retrait  lignager) 
verleend  aan  den  vollen  broeder,  waaruit  de  voorkeur  voor  het 
erfdeel  sproot. 

Ouder^ooze  minderjarigen  werden  door  de  schepenen  voor- 
zien  van  eenen  voogd;  de  wettige  voogdij  der  Romeinen,  dit  is  :  de 
voogdij  ingesteld  kraclitens  voile  recht  en  zonder  tusschenkomst 
der  welhouders,  bestond  in  Vlaanderen  niet. 

De  minderjarigheid  duurde  doorgaans  lot  het  25^  jaar,  «  ten- 
waere  dat  sij  {de  kinderen)  eer  tôt  eenigen  geestelijcken  of  weire- 
lijckenstaet  gecomen  en  waeren,oftandersinlsdat(s?}'  bij)  de  v^eih, 
door  atleslatie  van  heure  naeste  vrienden  ende  macgen,  bevonden 

*  Keure  van  Desleldonk. 


(  176  ) 

werdcn  bequaem  ende  grootelijcx  hen  proffîjt  te  wesene  hunne 
goeden  zclve  te  administereren  *.  » 

De  wet  van  Virginal  bepaalt  de  minderjarigheid  op  24  jaren, 
na  welken  leeflijd  de  jonge  lieden  luin  goed  mochtcn  ver- 
vreemdcn,  tenware  hun  zulks  bij  testament  of  buwclijkscontract 
verboden  ware  2.  Voor  Leeuw  en  Rode  ving  de  meerderjarigheid 
zeer  vroeg  aan,  te  weten  op  het  15^  of  16'' jaar  voor  de  jonge- 
lingen  en  op  bet  14^  en  15^  jaar  voor  de  meisjes. 

Dit  was  een  overblijfsel  der  wet  van  de  Frankiscbe  Rijnbewo- 
ners,  betgeen  niet  verwonderen  zal  wanneer  men  weot,  dat  de 
kerk  van  Keulenomtpcnt  Brussel  groote  landgoederen  bezat  en  zij 
den  bewoners  van  deze  eene  wet  zal  bebben  verleend,  in  verscbil- 
lige  deelen  overeenkomende  met  degene,  die  aan  de  oevers  van 
den  Rijn  in  zwang  was  ^. 

De  ecrste  costumen  in  België  hadden  eveneens  de  meerderja- 
rigbcid  op  bet  voile  j  5^  jaar  bepaald,  welk  lijdstip  00k  de  féodale 
ontvoogding  medebracbt;die  leeftijd  was  bebouden  door  de  natio- 
nale wellen  der  XIV^  en  XV^  eeuw,  en  zou  door  Karel  V,  bij  zijne 
ordonnanlie  van  7  Juli  io5l,  op  bet  20^  jaar  worden  gebracbt, 
alibans  wat  den  leenman  betreft.  De  wet  van  5  Juli  1572  ver- 
scboof  bet  tijdstip  der  meerdcrjarigbeid  tôt  bet  25"  jaar. 

Eeniedcr  moebt  over  zijn  eigendom  bescbikken  bij  testament, 
bctzij  voor  de  scbcpenen,  betzij,  in  latcr  lijd,  voor  notaris.  Te 
Wodecq,  in  Henegouw,  mocbt  geen  jongeling  beneden  de  18, 
geen  meisje  beneden  de  16  jaar  eenig  goed  bij  uitcrsten  wil 
toewijzen  "*.  In  't  land  van  Liiik  mocbt  men  niet  over  zijne 
bezittingen  bescbikken  tenzij  voor  de  justitieboven  ;  evenwel 
mocbt  bet  ook  op  het  doodsbed  gebcuren.  Lag  de  vrouw  in  den 
uilersten  nood ,  dan  was  bet  den  man  niet  gcoorloofd  een  testa- 
ment te  maken,  zelfs  al  bad  de  vrouw,  gezamentlijk  met  bcm, 
scbikkingen  gemaakt;  immers  de  vrouw  kon  niet  bescbikken  over 


*  Coslumen  van  Kiel.  I3<'tilel,  7'^  art. 
'  Idem  van  Virginal,  2<^  art. 

3  A.  Wauters,  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  I,  85. 

*  Costumen  van  Wodecq,  9«  titel,  2e  art. 


(  177  ) 

eene  crfenis,  tenzij  liaar  echlgenoot  haar  daartoe  geraachtigd  had 
vôor  het  hof  van  hetwelk  die  erfenis  afhing.  Zulke  vcrklaring 
moest  de  man  aflcggen  voor  het  bevoegde  hof,  in  voile  gezondlieid. 

Eene  wet  van  12  Oclober  1353  wijzigde  de  bovenstaande  bopa- 
lingen  in  dezen  zin,  dat  ook  het  testament,  gemaakt  in  voile  ge- 
zondheid,  geldig  was. 

De  costumen  van  Wodecq  lieten  niemand  over  meer  dan  een 
derde  deel  zijner  bezittingen  bij  uitersten  wil  beschikken;  was  er 
meer  besproken,  het  werd  tôt  het  derde  deel  verminderd  ^ 

De  wet  van  Loon  liet  toe,  dat  men  zijn  erfgoed  aan  éen  kind, 
ter  uitsluiting  der  andere,  vermaakte,  edoch  de  schijn  moest 
bijgebracht  worden  als  had  men  voor  het  benadeelde  bloed  toeh 
iets  over  :  de  vader,  die  zulk  testament  maakte,  moest  namelijk 
«  alsullich  kint  yet  cleyns  uyt  sijn  erve  laeten ,  oft  bij  moet  in 
syn  testament  redenen  allegeren,  waerom  bij  alsullich  kint  niet 
laetende  is  2.  »  't  Moest  waarlijk  eene  bittere  spotternij  wezen, 
voor  het  achtergestokene  kind ,  wanneer  het  't  sterfhuis  verliet 
met  de  kleinigheid,  een  voorwerp  van  geene  of  uiterst  geringe 
waarde,  terwijl  broeders  en  zusters  rijk  bedeeld  waren! 

In  't  graafschap  Loon  mocht  men  ook  al  zijne  erfgenamen  bui- 
tensluitcn,  want  (zegt  de  costume)  «  een  iegelijck  is  heer  over 
dat  sijne.  » 

Natuurlijke  kinderen  waren  van  geenen  tel,  maar  in  Loon 
mochten  zij  begiftigd  worden;  zouden  zij  echter  het  hun  toege- 
kende  deel  of  de  gift  genieten,  dan  moest  die  onmiddellijk  gedaan 
en  den  bastaard  in  de  gelegenheid  gesteld  worden  jaar  en  dag 
eigenaar  te  zijn,  anders  Hep  bij  de  kans  door  de  wettige  erfge- 
namen onteigend  te  worden.  —  Men  mocht  er  ook  een  natuur- 
lijk  kind  iets  achterlaten  bij  uitersten  wil,  doch  onder  beding 
van  wederschat,  dat  wil  zeggen  :  dat  de  bastaard  't  goed  bezitten 
mocht  tôt  zoolang  de  wettige  erfgenaam  hem  den  wederschat,  of 
de  waarde  van  't  geschonkene  goed,  had  bctaald.  Was  de  som  niet 
bepaald,het  testament  werd  nietig  en   de  bastaard  kreeg  niels. 

*  3«^  en  ¥  ariikel. 
2  47"^  ariikel. 

Tome  XXXIL  42 


(  178) 

Een  testament  mocht  verbroken  en  door  een  ander  vervangen 
worden.  Het  46*  artikel  der  keure  van  Loon  steit  daaromtrent  het 
volgcnde  vast  : 

€  Item  oft  eenich  man  sijn  testament  gemaeekt  hadde,  ende  ten 
heyligen  gesworen  dat  hij  sijn  testament  niet  vvederroepen  en 
soude,  ende  hij  daer  over  sijn  testament  broecke  ende  wederriepe, 
ende  Het  een  deel  sijnre  goederen  die  geestelicheyt,  ende  ontsettc 
die  sijne  erven,  questie  es  wellicht  testament  van  werde  soude 
gehalden  worden,  dat  eerste  oft  dat  leste?  Antwort  is  :  dat  leste, 
want  nieniant  hem  soo  hertelijck  verbinden  kan,  hij  en  mach 
wel  sijn  testament  hermaecken,  ende  dat  voorste  wederroepen, 
ende  der  geesthcheyt  laeten  om  sijn  siele  te  versien  oft  hij  dies 
vergeten  hadde.  » 

Den  bastaard  was  't  niet  gegund  uiterste  wilsbeschikkingen 
te  maken  :  daartoe  was  een  oclrooi  noodig  van  den  vorst.  — 
Naluurlijke  kinderen  werden  uit  voile  recht  wetlig  door  het  latere 
huwelijk  van  hunnen  vader  en  moeder. 

Onder  het  oude  recht  was  de  opzoeking  der  vaderschap  niet 
verboden  en  men  kon  den  staat  van  wettig  kind  inroepen  om  te 
voorzien  bij  't  gémis  van  de  aanduiding  des  vaders  in  de  geboor- 
teakte  of  bij  gérais  der  erkenning  door  dczen. 

De  kinderen  tôt  tegenslrijdig  betoog  ondersleld  zijnde  wettig 
te  wezen ,  zoo  was  het  bewijs  des  huwelijks  van  vader  en  moeder 
niet  noodig,  mits  in  eene  openbare  akte,  en  in  't  bijzonder  in 
degene  voorikomende  van  den  priester,  het  kind  erkend  was  als 
voortgesproten  uit  eenen  vrijen  man  en  eene  vrije  vrouw. 

Vêle  punten  onzer  oude  wetgcving  moeten  ons  heden  niet 
weinig  zonderling  toeschijnen,  maar  niet  min  zonderling  is,  dat 
eerst  op  het  cinde  der  XVI 11^  eeuw  de  rechtsleer  zooveel  voort- 
ganghad  gedaan,  of  wil  men,  machtig  genoeg  was  geworden  om, 
met  behulp  van  de  staatkundige  reden,  de  burgerlijke  wetten  lot 
eenheid  te  kunnen  brengen  en  te  ontdoen  van  die  eindelooze 
verscheidenheid  van  vormen ,  die  de  rcchtswetenschap  vroeger 
nagenoeg  gelijk  moest  maken  met  eenen  schier  onuitkombaren 
doolhof. 


up 


VP  HOOFDSTUK. 


Pachters,  pachten  en  landbouw  gedurende  de  middeleeuwen.  — 
Andere  dorpsnijverheden. 


Wij  kennen  reeds  den  toestand  der  landbouwers  onder  het 
opzicht  der  leenroerigheid,  maar  de  schets  welke  wij  \an  hen 
ophingen,  zou  onvolledig  blijven,  indien  wij  de  betrekkingen  niet 
deden  kennen  welke  buiten  die  wet  tusschen  eigenaars  en  pach- 
ters bestonden.  Om  daarin  te  beter  te  slagen  en  ook  den  toestand 
des  akkerbouws  te  doen  uitschijnen  hebben  wij  de  voorwaarden 
opgespoord  van  een  aantal  pachlhoven  uit  Brabant  en  Vlaanderen, 
waar  de  landbouw  te  allen  tijde  niet  alleen  dien  der  overige  stre- 
ken  van  België,  maar  zelfs  der  andere  Europeesche  natiën  vooruit 
was.  Maar  vooreerst  een  woord  over  de  verschillige  manieren,  op 
welke  de  gronden  door  hunne  bezitters  aan  de  bewerkers  werden 
overgeleverd. 

Aanvankelijk  schijnen  de  meeste  landen  door  de  heeren  in 
cijns  te  zijn  uitgegeven,  hetzij  voor  geheel  het  leven,  hetzij  in 
erfpacht,  hetzij  voor  eenen  bepaalden  termijn,  aan  akkerlieden 
van  vrijen  stand.  In  den  beginne  konden  de  gronden,  evenmin 
als  het  bénéfice,  overgedragen  worden,  maar  toen  't  bénéfice 
ophield  een  levenslang  vruchtgebruik  te  zijn,  werden  zij  erfelijk. 
Zoo  lang  het  bezit  tôt  het  leven  des  gebruikers  was  beperkt, 
waren  de  bedoelde  gronden  enkel  maar  onderworpen  aan  de 
gewone  bepalingen  van  den  pacht,  maar  wanneer  zij  bestendig, 
overdrachtelijk  en  erfelijk  geworden  waren ,  moesten  in  de  con- 
tracten  een  aantal  bepalingen  worden  gevoegd  :  1°  van  burgerlijk 
recht,  tôt  regeling  van  't  vermogen  om  er  over  te  beschikken, 
voor  de  erfopvolgingen  derechten  desoverlevenden  echtgenoots; 
2°  van  fiscale  wetten,  tôt  aanduiding  der  rechten  van  dengene, 


{  ^80) 

die  den  grond  afstond,  en  van  hetgeen  hij  bij  de  mutatie  van  eige- 
naar  vorderen  mocht;  5"  van  staatkundige  wctten,  len  einde  de 
diensten  en  verplichlingen  (e  verzekeren  waartoe  deze  bezitlers 
zouden  staan  ten  opzichte  van  den  heer,  of  jegens  elkander.  De 
groote  plicht  was,  dat  de  bezitter  zulke  gronden  zelf  bewonen  en 
bebouwen  moest  '. 

Dat  de  vastheid  der  rent  een  krachtig  raiddel  was  ter  begunsti- 
ging  van  den  landbouw,  zal  men  licht  begrijpen  wanneer  men 
nagaat  dat  al  de  verbeteringen ,  welke  den  landen  toegebraclit 
werden,  ten  uitsluitelijken  voordeele  bleven  van  den  bebouwer. 
De  kruisvaarten  bracliten  veel  bij  om  de  erfpachten  mils  vaste 
rent  te  vermenigvuldigen  en  alzoo  den  algemcenen  toestand  der 
landbouwers  ongemeen  le  verbeteren,  ja  al  langer  zoo  voordce- 
liger  te  maken,  doordien  de  waarde  van  bet  geld  gedurigaan 
verminderde  en  de  opbrengst,  naarmate  van  de  vlijt  des  bewer- 
kers  en  den  aangroei  der  bevolking,  bestendig  vermeerderde  Zoo 
werd,  op  den  duur,  de  eenmaal  vastgeslelde  prijs  eene  waarlijk 
bespoltelijke  vergoeding  voor  den  uilgcver.  Men  betaalde,  bij 
voorbeeld,  eenige  deniers  per  dagwand  als  onverjaarbare  en  onaf- 
koopbare  renie.  Zulke  loestand  moesl  denondergangder  grondei- 
genaars,  die  niet  zelven  bij  machlewaren  hiinne  landen  te  doen 
beplocgen,  ten  gevolge  hebben  ,  en  men  liet  ten  laatste  dit  stelsel 
varen  om  den  eigcnlijken  pacht  in  te  voeren,  welks  prijs  aanvan- 
kclijk  deels  in  spcciën ,  deels  in  vruchlen  te  betalen  was,  ofwel 
men  voerde  't  bcheer  der  zoogcbeeten  tcrrage  in ,  onder  helwelk 
de  landbouwer  de  vrucbten  van  den  hem  toevertrouwden  bodcm 
deelde  met  den  eigenaar,  in  eene  verhouding,  die  volgens  plaats 
en  omslandighcden  verschilde,  maar  schier  altijd  in  vcrband  was 
met  de  wezenlijke  waarde  der  oogsten.  Ook  dit  laatste  stelsel 
moest  den  landbouwer  zcer  profijtigzijn;  altbans  in  de  voorbecl- 
den,  welke  wij  cr  van  aangelroffen  hebben,  had  gcene  enkele  ter- 
rage  meer  dan  het  zesde  deel  der  vruchtenopbrengst  aan  den 
eigenaar  der  gronden  te  Icveren  2. 

*  BoLTHORS,  Élude  sur  les  origines  et  le  principe  de  la  ruralité,  I,  381. 
'  Zie  Delisle,  Études  sur  la  condition  des  classes  agricoles  et  l'état  de 
l'agriculture  en  Normandie  au  moyen-âge. 


(   181  ) 

Reeds  op  het  cinde  der  XII*  eeuw  waren  de  verpachtingcn  in 
Vlaanderen  en  Brabant  de  hoofdzaak;  ongelukkiglijk  zijn  ons  uit 
dien  tijd  en  van  vroeger  weinige  oorkonden  overgebleven,  waaruit 
de  toestand  der  pachters  is  op  te  raaken.  Een  der  oudslbcwaarde 
voorscbriften  betrekkelijk  den  akkerbouw  in  ons  land  wordt 
ons  bekend  gemaakt  doop  den  beroeraden  Eginhard,  in  zijnen 
brief  aan  de  monniken  der  St.-Pietersabdij,  te  Gent ,  en  waaruit 
wij  zien,  dat  destijds  zekere  Foderik  te  Dordonet  eene  hoeve 
gebruikte,  waarvoor  bij  jaarlijks  20  brooden,  30  pinten  bier,  een 
varken,  het  derde  van  een  pond  vlas,  eene  hen,  5  eieren  en  eene 
mud  baver  moestgeven.  Men  ziet,  hier  is  geene  quaeslie  van  munt, 
die  in  de  IX"  eeuw  nog  uiterst  schaarsch  was.  —  Dit  stuk  is  't 
eenige  van  dien  aard  uit  de  vroege  middeleeuwen ,  dat  te  onzer 
kennis  is  gekomen,  en  van  dan  tôt  bel  bcgin  der  XIIP  eeuw  is  ons 
niets  van  belang  in  't  ooggevallen.  Ten  jare  1210  gaf  de  abdij  van 
St.-Baafs,  te  Gent,  een  bunder  weide  en  't  derde  deel  van  een  bun- 
der  zaailand,  te  Wondelgem,  in  buur,  en  vroeg  daarvoor  3  trach- 
ters  (2  hectoUters)  tarwe  en  3  kapuinen,  boven  de  helft  van  't 
hooij  dat  van  den  meersch  zou  komen  ^ 

Eene  andere  oorkonde  der  XlIP  eeuw  wordt  ons  medegedeeld 
door  A.  VAN  LoKEREN,  in  zijne  Histoire  de  l'abbaye  de  St-Bavon 
(91-912);  wij  leeren  daaruit,  dat  deabdijen,  tôt  beter  beheerhun- 
ner  uitgestrekte  landgoederen,  in  de  dorpen  meiers  {majores) 
hadden  aangcsteld,  die  mede  gelast  waren  met  de  rechlspleging 
namens  de  kloosterheerlijkheid  en  met  de  handhaving  der  alge- 
meene  rust.  De  bedoelde  oorkonde  heeft  betrckking  tôt  den  meier 
van  Gijzenzele  en  dagteekenl  van  23  Juni  i214;  de  beambte  moest 
de  abdijgronden  aldaar  op  eigene  verantwoordelijkheid  doen  ont- 
ginnen  en  bebouwen,  de  kosten  van  het  zaaigraan,  van  den  mest 
en  het  dagloon  der  arbeiders  betalen  en  de  helft  der  vriichten 
afstaan  aan  de  abdij,  met  beding,  dat  dezer  vruchlen  vôor  de  zijne 
moesten  gedroogd  en  ingeschuurd  worden.  Ter  vergelding  voor 
die  zorg  en  moeite  mocht  de  meier  de  laten  der  abdij  bezigen  tôt 

*  Zie  Em.  de  Laveleye,  De  Landbouwkunst  in  de  Nederlanden^  \,  233 
en  237, 


(   182  ) 

den  veldarbeid  en  had  hij  geene  tienden  te  betalen.Evenwelstond 
het  den  abt  vrij  naar  goeddunken  tebeschikken  overdebeploegde 
landen  en  hem  diegene,  welke  slecht  verzorgd  bleken  te  zijn,  te 
ontnemen.  De  meerschen  moesten  door  gezegden  amblenaar 
onderhouden  en  door  hagen  en  grachten  omringd  worden,  ailes 
ten  uitslnitelijken  profijte  der  abdij.  't  Huis,  dat  de  abt  hem  Het 
bewonen,  moest  hij  zorgvuldig  doen  onderhouden,  den  tuin  en 
boomgaard  afsluiten  met  hagen  en  grachlen  enz. 

Eene  andere  oorkonde  uit  dit  lijdvak,  voortkomende  van  de 
machtige  en  rijke  abdij  van  St.-Pieters,  te  Gent,  handelt  over  de 
meierij  van  Krombrugge,  te  Merelbeke,  alwaar  ook  de  vertegen- 
woordiger  des  kloosters  denlandbouwopgroote  schaal  uitoefendc. 
Hier,  nochtans,  vinden  wij  andere  voorwaarden,  hoewel  het  stuk 
mede  tôt  de  XIII'' eeuw (1203)  behoort.  De  meier  van  Krombrugge 
mocht  op  het  kloostergoed  een  huis  bouwen  of  herstellen,  voor 
eigene  woning  bestemd,  en  eene  schuur  optimmeren;  de  abdij 
zou  hem  in  dit  geval  de  twee  derde  deelen  der  kosten  vergoeden  ; 
het  slroo,  noodig  om  huis  en  schuur  te  dekken,  zou  ook  voor  de 
twee  derde  deelen  geleverd  worden  door  de  abdij;  het  slroo,  op 
't  goed  gewonnen,  mocht  niet  verkocht,  maar  moest  ten  gemeenen 
profijte  van  't  hof  gebruikt  worden;  de  abdij  levert  den  meier 
twee  paarden ,  welke  uitsluitelijk  dienen  moeten  om  't  land  van 
Krombrugge  te  bewerken ,  maar  de  ambtenaar  moet  een  derde 
paard  leveren,  van  gelijke  w^aarde  als  degene,  welke  de  abt  zal 
zenden  ;  het  zaad,  voor  de  bezaaiing  der  landen  noodig,  is  te  leve- 
ren door  den  abt;  éen  bunder  gronds  moet  met  garst,  een  ander 
met  baver  bezaaid  worden,  beide  ten  voordeele  eencr  prébende 
in  genoemd  stichl,  terwijl  een  derde  bunder,  ook  tôt  die  prébende 
bestemd,  braak  zal  blijven.  Wanneer  in  oogsttijd  de  korengarven 
op  het  veld  zullen  staan,  zal  de  dienstknecht  of  beambte  van  den 
abt  dit  deel  garst  en  haver,  loekomende  aan  den  meier,  aanwijzen. 
Tôt  het  hof  der  meierij  behooren  zes  bunder  meersch,  waarvan 
de  helft,  gedurende  drie  opeenvolgende  jaren,  door  de  laten  der 
meierij  moeten  bezaaid  worden  met  zaad,  hetwelk  insgelijks  door 
den  abt  moet  geleverd  worden,  terw  ijl  de  wederhelft  moet  blijven 
om  tôt  weide  te  kunnen  dienen.  Dit  moet  gedaan  worden  op  zulke 


(  183  ) 

wijze,  dat  elke  drie  bunder  van  drie  tôt  drie  jaren  in  akkcr  of 
weide  verandere.  Het  liende  deel  van  cçeheel  dcn  oogstis  ten  voor- 
deele  des  meiers,  doch  hij  raoet  daarora  het  hooi  maaien,  't  koorn 
pikkcn ,  in  de  schiiur  tassen  cnz.  De  boomcn  en  slruiken,  was- 
sende  op  de  nabij  het  hof  gelegene  heide,  die  twee  blinder  uitge- 
strektheid  had,  moet  de  meier  bezigen  tôt  afsluiting  der  landen 
en  andere  benoodigdheden;  is  het  noodigdaarop  een  halsterzaad 
uit  te  strooien,  dan  moet  dit  door  den  abt  geleverd  worden.  De 
vruchten,  voor  't  klooster  bestemd,  moeten  in  dezes  schuur  wor- 
den gebracht;  de  mest,  die  er  verzameld  wordt,  moet  strekken 
tôt  vetle  voor  't  hofiand  en  der  prebendebunders.  De  meier  moet 
twee  dorsehers  in  de  schuur  hebben,  en  een  derde  dorsclier  moet 
geleverd  worden  door  eenen  anderen  man ,  die  uit  dezen  hoofde 
reeht  heeft  op  een  tiende  der  opbrengst.  Eindelijk  bespreekt  de 
abt  dat  hij  eenmaai  's  jaars,  op  den  dag  zijner  keuze,  de  herberg- 
zaamheid  in  het  meiershof  genieten  mag,  maar  dat  de  twee  der- 
den  der  kosten,  welke  daaruit  voortspruiten  zullen,  uit  zijne  heurs 
te  vergoeden  zijn  ^  —  Deze  akte  betrekkelijk  de  meierij  van 
Krombrugge  is  vooral  hierdoor  merkwaardig,  dat  zij  verscheidene 
bepalingen  vervat,  die  in  de  latere  middeleeuwsche  pachtakten  in 
stand  zijn  gcbleven  en  misschien  de  grondslagis  geweest,  waarop 
het  elgenaarsrecht  en  de  pachtersplicht  in  Vlaanderen  gevestigd 
werden. 

a  Helftwinningen  »  waren  te  dien  tijde  niet  schaarsch.  Walter  en 
Lennoot,  zonen  van  Willem  Corthals,  te  Gent,  gaven  ten  jare  1215 
aan  Arnout  en  Boudewijn,  zonen  van  Onuif  van  Lanclare,  in  helft- 
winning  20  bunder  2  gemeten  land  te  Stekene,  mits  51  stuivers, 
Vlaamsche  munt,  in  't  jaar,  en  onder  de  nagemclde  bepalingen  : 
op  éen  bunder  mogen  de  pachters  hun  huis  bouwen  en  Woiiter 
en  Lennoot  eene  schuur;  ailes,  wat  de  pachters  op  dat  bunder 
zaaien  zullen,  behoudens  groenten  en  vlas,  zal  tôt  de  helftwinning 
gcrekend  worden  ;  wat  de  overige  gronden  betreft,  op  deze  zullen 
de  pachters  ieder  jaar  minstens  de  helft  zomer-  en  de  helft  win- 
tcrzaaiing  doen,  onder  parlijen  te  vcrdeelen  2. 

'  A.  VAN  LoKEREN,  Cliartes  et  documents  de  V abbaye  de  St.- Pierre^  I. 
^  Charters  der  abdij  van  Boudeloo. 


(  i84  ) 

De  abdij  van  St.-Pieters  schijnt  den  landbouw  ongemeen  bevor- 
derd  te  hebben,  wat  lichtelijk  te  verstaan  is,  doordien  zij  zulke 
iiitgestrekte  grondgoederen  in  bezithad  en  haar  belang  vorderde 
die  eene  rijke  opbrengst  te  doen  geven.  Eene  anderc  harer  oor- 
konden  van  de  eerste  helft  der  XIIl^  eeuw,  bepaaldelijk  van  't  jaar 
1246  en  betrekking  hebbende  met  een  grool  pachtbof  te  Planken, 
bij  Overboelare,  leert  ons  hoe  ditsticht  toen  zijne  landen  in  hiiur 
gaf.  De  duur  des  pachts  was  vijftien  jarcn  en  de  vruchten  moesten 
lusscben  den  abt  en  den  pachter  verdeeld  worden,  met  bepaling, 
dat  bel  aandeel  des  klooslers  door  zij nen  afgevaardigde  zou  gekozen 
worden.  De  inschuring  moest  verricht  worden  door  den  pacbler 
en  den  scbuurmeester  van  't  Hof  le  Mushole,  in  Deftinge  (land 
van  Aalsl),  en  wcl  op  laatstgenoemde  plaals.  De  landen  moesten 
bezaaid  worden  met  het  zaad  des  hiiraars,  die  tijdens  den  duur 
van  zijnen  pacht  eene  uitgestrektbeid  van  vijf  bunder  velten 
moest  met  mergelaarde  en  ieder  jaar  een  half  bunder  met  mest; 
jaarlijks  moest  bij  op  't  Hof  te  Mushole  acht  razieren  tarwe 
leveren,  geteeld  op  den  «  opstal,  »  die  vroeger  door  zijnen  vader 
was  bewerkt  geweest.  Voorts  moest  bij  er  al  de  boomen  planten, 
welke  men  er  noodig  zou  oordeelen ,  gcene  uitroden  en  enkcllijk 
de  knotwilgen  uilsnoeien  om  't  kloosterland  op  beboorlijkc  wijze 
af  te  sluiten  K 

Gcmelde  abdij,  die  te  Hollain  uitgestrekte  eigcndommen  bad, 
gaf  aldaar  in  1269  een  pacbthof  in  huur  voor  den  tijd  van  vier 
en  Iwintig  jaren,  mits  de  som  van  214  pond  parisis  's  jaars,  vijf 
mud  graan  en  een  sluk  linnen  van  14  ellen  ^.  Omirent  eene  eeuw 
later  was  de  pacbtprijs  reeds  gekiommen  tôt  500  pond  parisis, 
een  klaar  bewijs  van  den  voorlgang  des  akkerbouws  en  de  ver- 
meerdering  der  vrucbtwinning. 

Pacblakten  van  de  XIV^  eeuw  zijn  nog  niet  veelvuldig  voor- 
handen,  omdat  de  meeste  scbepenenboeken  van  't  grootste  deel 
dezes  tijdvaks  niet  bewaard  zijn,  maar  men  treft  er  eene  groote 
hocveelheid  van  aan  in  de  scbepenenregisters  der  XV^  eeuw  en 

'  Derde  Charterboek  der  abdij ^  bl.  72  v». 
*  iO'^  Charterboek  van  Sl.-Pieters,  hl  34. 


(  185) 

laler.  Niet  alleen  vinden  wij  hier  menige  punten  van  vergelijking 
tusschen  de  toestanden  der  verscbillige  gewesten,  maar  men  raag 
zeggen  door  die  akten  ook  de  welenschap  te  hebben  van  't  geen 
eene  eeuw  vroeger  onder  dalzelfde  opzicht  werd  geplogcn,  daar 
die  hiiurcontracten,  op  wcinige  bepalingen  na,  gedurende  langen 
tijd  dezelfde  zijn  gebleven.  Wij  onlleden  derhalve  cen  tiental 
pacbtakten  iiitgemeenten  van  de  tegenwoordige  provinciën  Ant- 
werpen,  Brabant,  Oost-  en  West-Vlaanderen,  denkende  hiermede 
genoegzaain  de  gebruiken  en  gewoonten  onzer  boeren  aan  't  licht 
te  kunnen  brengen  *. 

De  middeleeuwsche  hofsteden,  waarvan  de  meeste,  die  eene 
belangrijke  uitgestrektheid  hadden,  van  de  mindere  door  eenen 
bijzonderen  naam  onderscheiden  waren,  bestonden  gewoonlijk 
uit  «  winnende  lant,  meersch,  bosch,  water,  ettinge  ende  heet  » 
{heide),  dikwijls  ook  uit  de  tienden  dier  landen,  en  met  «  woon- 
huus,  schuer,  stallinghe,  »  met  de  «  cathylen,  »  waarbij  de  oude 
pacbtakten  somtijds  eene  duivekeet  en  bakhoven  noeraen. 

De  pacbt  werd  aangegaan  voor  eenen  meer  of  min  langen  ter- 
mijn,  uiterst  zelden  voor  drie  of  zes,  maar  doorgaans  voor  negen, 
twaaif  of  meer  jaren.  De  twee  laatstgemelde  termijnen  komen 
veelvuldigst  voor  (in  't  kwartier  van  Leuven  raeest  twaaif  jaren), 
en  zijn  in  de  liuurvoorwaarden  van  't  Gentsch  kwartier  duidelijk 
nitgedrukt  door  de  bewoordingen  :  «  negben  vromen  heffende 
ende  neghen  pachten  geldende  ^.  »  Omirent  Mecbelen  ging  men 
zelfs  tôt  1 8,  ja  tôt  24  jaren.  't  Goed  Oudenberge,  te  Schille,  werd  in 

'  De  slukken  over  de  Antwerpsche  dorpen  zijn  afgeschreven  in  't  archief 
van  Anuverpen  ;  degene  over  Brabant  zijn  ontleend  aan  de  verdienstvolle  ver- 
handeling  van  Edm.  Polllet,  Les  juridictions  et  la  propriété  foncière  au 
XV*"  siècle  dans  le  quartier  de  Louvain;  diegene  over  Oost-Vlaanderen 
deelden  wij  mede  in  onze  Geschiedenis  van  de  gemeenlen  der  provincie 
Oost-Vlaanderen ,  of  iroffen  wij  aan  in  andere  openbare  archievendepots ; 
eindelijk  eenige  slukken  over  Wesl-Vlaanderen^ijn  onlleend  aan  verscbillige 
uilgaven  over  dil  gewesl,  1er  beboorlijke  plaals  aangeduid. 

"^  Statistische  verhandeling  over  den  voormaligen  en  hedendaagschen 
sto/felijken  en  zedelijken  toestand  der  gemeente  Nazareth,  door  De  Potter 
en  Broeckaert,  bl.  35. 


(  i8C  ) 

1595  voor  6  jaren,  een  pachlhof  te  Deurne  in  1394  voor  H  jaren 
in  huur  gegeven  *.  Zelfs  zijn  er  voorbeelden  dat  de  pacht  ver- 
leend  werd  voor  't  gehecle  leven  des  bewerkers,  doch  dergelijke 
afstand  werd  scliier  alleenlijk  gedaan  door  de  kloosters  2. 

In  't  Leuvensche  behielden  beide  parlijen  zicb  het  rccbt  voor, 
den  pacht  op  half  termijn  te  breken,  niits  de  eene  den  anderen 
daarvan  bericht  te  geven  zes  maanden  of  éen  jaar  te  voren.  Het 
87*artikel  der  costumen  van  Loon  eischte  dat  le  Gors-op-Leeuw 
de  pachter  zijn  land  opzegde  vôor  St.-Andriesmis,  op  straffe  van 
den  nieuw  ingeganen  termijn  te  moeten  betalen. 

J)e  huur  gingin  ofwel  met  de  maand  Mei,  ofwel  met  St.-Jans- 
dag,  ofwel  te  Kerstavond.  Gebeurde  het,  dat  de  eigenaar  eenen 
pachter  ontmoette,  die  de  middelen  niet  bezat  om  een  zoo  uitge- 
strekt  goed  als  't  zijne  te  bewerken,  of  dat  hem,  beginnehng,  de 
noodige  ahu  ontbrak  om  met  voordeel  den  arbeid  te  kunnen  aan- 

*  De  akten  worden  verder  medegedeeld. 

^  «  Kenlic  zij  etc.  dat  broeder  Loy  Jacops,  als  prioer  vanden  convente  vanden 
Auguslioen  in  Ghend,  broeder  Jan  de  Kersmaker,  onderprioer,  broeder  Lievin 
Slorm,  procurateur,  broeder  Jan  van  Biervliel,  als  costre,  ovcr  e  de  in  den 
name  vanden  ghemeenen  convente  vanden  Auguslinen  in  Ghend,  sijn  comnien 
voer  scepenen  enz.  ;  kenden  ende  hden  dal  sij  hebl)en  ghegheven  in  loyalen 
lijfpachte  omme  nutscap,  orbore  ende  proffijt  vanden  voorn  ghe>meenen  con- 
venl,  haerlieder  goed,  gheleghen  in  de  prochie  van  Nazareth,  groot  sijnde 
entrent  28  bunre  lettel  min  of  meer,  onder  lant,  mersch,  bosch,  eltinghe  ende 
heet,  alsoet  Siraoen  Alaerl  te  besitlene  plach,  sonder  andere  leveringhe,  mel 
allen  den  huusinghen  ende  calheylen  diere  up  ghestaen  ende  gheleghen  sijn, 
ten  live  van  Janne  Boye,  fs  Jans,  van  Eecke,  ende  Willeme  ende  Godeverde, 
aile  beede  sijne  kinderen,  omme  hembeden  le  ghebrukene  haerlieder  leven 
lanc  ghedurende,  ende  den  lancslen  levende  van  hem  drien  gheel  behoudende 
ende  geheelen  pacht  ghevende...  ende  voert  so  es  voerwaerde,  waeri  dal  Jane 
sijne  vors.  iwee  kinderen  ontstorven  ofle  onlwilderden,  dat  hij  Iwee  andere 
van  sijnen  kinderen  stellen  mach  in  die  stede,  ende  so  wanneer  dat  Jan  ende 
beede  sijne  kinderen  sullen  sijn  ghevaeren  van  live  ter  dool,  so  sal  tvoorn. 
convenl  hant  slaen  aen  haerlieder  vors.  goed,  alsoel  zij  dan  vinden  sullen,  met 
allen  den  caltheylen  diere  op  wesen  sullen,  herlvast  ende  naghelvast...  Actum 
XXIII  die  Maij  anno  XIIII^XIIII.  » 

{Jaarregùler  van  Cent,  1414-1416,  bl.  73.  —  De  Potter 
en  Broeckaert,  Geschiedenis  van  Nazareth,  bl.  9.) 


(  187  ) 

vangen,  de  grondhcer,  bekend  met  de  iiaarstigheid,  vlijt  en 
braafheid  van  den  aaiivrager,  verstrekte  dezen  ofwel  geld  om 
't  een  of  't  ander  te  koopcn,  ofwel  leverde  hem  liet  ontbrekende 
gereedschap. 

De  pachter  van  't  Goed  ter  rooder  Meeren,  te  Lede,  kreeg  in 
1450  van  den  eigenaar  twee  paarden,  een  veulen,  drie  koeien, 
dric  kalveren,  een  wagen,  eene  ploeg  enz.,  lot  een  bedrag  van 
6  pond  4  schellingen  groole,  te  betalen  op  twce  termijnen  :  de 
helft  drie  maanden  na  de  ingebruiklreding  des  goeds,  de  vveder- 
Iielft  vier  maanden  nadien  *.  —  Jan  van  Hoedevelde,  wien  in  1 592 

^  «Kenlic  zij  allen  lieden  dat  Jan  Vilse,  Jaiis  zone,  heeft  genomen  in  zekert-n 
voorwaarde  en  loyalen  pachte  ieghen  Dieric  den  Vremde  zijn  goed  1er  roeder 
meeren,  gheleghen  in  de  prochie  van  Lede,  groot  zijnde  in  winnende  lande, 
meersscbe,  bosschp,\valre  en  weede  XXXII  buendre  iullei  meer  of  min,  daerof 
dal  zij  eens  zijn  van  den  maten,  ende  dit  eenen  lermijn  van  neghene  jare 
lanc...  omme  de  somme  van  XI  ponden  gr.  tsiaers,  le  belaelne  aile  jare  le  iwee 
payemenleii  le  wetene  te  Kerssavondeover  deen  beelft  ende  isinle  Jansmesse 
midszomer  over  dander  heelfl...  Ende  de  vors.  Dieric  houd  uute  aile  de  bos- 
schen.broukeende  watre,die  den  vors.  goede  toebehooren,  zonder  den  pachter 
eenich  recht  daeran  ihebbene,  noch  ande  weeden  vanden  bossche,  uulgesle- 
ken  de  weeden  vande  bosschen  ten  windgate,  ande  nieugrachl,  ande  breed- 
strate  neven  Piet  van  der  Hulsl,  voor  Clans  Moens  ende  vanden  bossche  en- 
trent hof;  es  ook  voorwaerde  dat  de  voorn.  pachler  zijne  beesten  te  welene 
hoerenbeeste  ende  scapen  niet  en  zal  laien  gaen  in  de  bossche  als  zij  gehouwen 
zullen  zijn  voor  dat  de  scole  oud  zulien  zijn  twee  jaer,  ende  de  voorn.  pachter 
zal  dit  vors.  goed  moeten  laten  len  hende  van  zijnen  termine  ghelijc  dat  hijt 
vant  isijnen  ancomene,  te  wetene  een  half  buendre  up  den  contre  te  Spexaert 
waert  dat  Griele  van  den  Breemt  was,  item  een  dachwant  ende  een  half  boven 
tSmolsputte  in  den  hove  dat  her  Piets  van  Bussche  was.  Item  Vg  dachwant 
op  sNeckersdal,  dat  ooc  svors.  her  Fiels  was,  Ilem  7^  dachw.  ende  XXV  roeden 
anden  Ghalghedriesch,  dat  Zeghers  Eghaelt  was,  item  LX  roeden  op  den  Heve- 
ricxpulle  in  een  ('p  {sic)  ove  half  buendre  ande  Herlsaghe,  al  besayt  met  tarre- 
wen,  item  drie  dachwant  in  den  Heimrix  putte,  een  half  buendre  in  de  putten 
te  Soleghem,een  half  dachwant  dat  Matthijs  Scrijnmakers  was,  een  dachwant 
op  de  Haemsche  vorre  dat  's  vors.  her  Piels  was,-LX  roeden  ande  Herlsaghe, 
LXXV  roeden  anl  Steene  Stichele,  ende  VI  dachwant  XV  roeden,  al  besaj't 
met  mestelluyn  ende  met  rogghe  na  den  heesch  vanden  lande....  Item  zal  de 
vors.  pachlere  eens  binnen  zijnen  termine  houwen  de  canlhout  hiernaer  vol- 
ghende....  Item  moet  de  pachler  aile  jare  zelten  zijnen  lermijn  gheduerende 


{  188  ) 

het  Goed  ter  Biezen  te  Nazareth  toehoorde,  leende  zijnen  pachter 
de  sora  van  3  pond  groote,  Vlaamsche  munt,  welke  hij  slechts  in 
de  laalste  zes  jaren  van  zijne  huur  mocst  teruggeven  *.  Ook  uit 
de  pachtvoorwaarde  van  't  Goed  's  Riken,  le  Nazareth  (eene  hof- 
stede  van  60  tôt  70  hunder  uitgestrektheid),  bhjkt  dat  men  aan- 
zienhjke  landgoederen  kon  huren  zonder  bemiddeld  te  zijn.  Doar 
ontving  de  pachter,  tegelijk  met  het  hof,  ailes  wat  er  noodig  was 
aan  staldieren  om  de  exploitatie  te  beginnen  :  twee  paarden,vier 
koeien,  vier  kalveren,  eenen  wagen,  ploeg  en  harnassuur,  IShoen- 
deren,  en  boven  dit  ailes  nog  de  som  van  2  pond  46  schellingen 

XXXI  polten.Ende  dit  naervolghende  zija  de  thuine  ende  beheyninghe....  Item 
ivors.  wintercoorne  moet  de  pachler  lalen  met  viere  ghelideghen  voore  wel 
bedreven  en  horelic  ghemesl  ghelijc  dat  hijl  vaut  tsijnen  ancomene.  Noch  es 
voorwaerde  dat  de  vors.  pachter  nieuwers  en  zal  moghencomen  noch  houwen 
binnen  zijnen  termine  an  eenich  upgaende  houl.  Item  moet  de  pachter  noch 
gheven  aile  jaren  IIII  sleene  vlas,  IIII  steen  boteren,  een  val  boene,  een  vat 
erwelen,  een  hondert  eyeren,  een  lam  ende  II  mandele  slroes,  dies  moet  hem 
zyn  meesler  gheven  elx  jaers  viere  keerels,  of  voor  elken  keerle  V  s.  gr.  Item 
de  voorn.  Dieric  houd  Ihemwaert  zijn  camere  met  de....  ende  zijnen  lochting 
ende  de  vivere,den  rijstal  met  datter  loebehoorl....  Item  zal  Dieric  hebben  half 
de  duven  die  up  't  duufhuus  vallen  zuUen  ende  de  pachter  dander  heelft,  dies 
moet  de  pachler  de  duven  tetene  gheven  zonder  Diericx  cost ..  Moet  ooc  de 
pachter  dit  voorn.  goed  bevvaren  van  strate,  waterganghe,  balleuke  ende  dat 
daer  toebehoort...  ende  gheschiede  eenighe  scade  up  dit  goed  bi  onghevalle  van 
brandeuut  verwaerloosheden  vanden  pachter,  zijne  wijve,bode  ofgheselscepe, 
dat  soude  deselve  pachter  uplegghen  ende  restilueren  ten  zegghene  van  goeden 
lieden....  Item  de  vors.  pachter  heeft  gecochl  de  voorn.  Dieric  zijne  meester 
Il  peerde,  een  vuelen,  drie  coyen,  111  caivers  gheheelen  jaerlinghe,  eenen  \va- 
ghen,  een  plouch  met  aile  hueren  toebehoorlen,  omme  de  somme  van  VI  1. 
IIII  s  gr.  te  beîaeine  deen  helfi  teBamesse  eerstcomende  ende  dander  helft  ten 
Vrouvvedaghe  Lichlmesse  naervolghende.  Item  noch  heefi  denzelven  pachter 
ghecocht  jeghen  den  voorn.  Dieric  honderd  ende  XXX  scape  te  XVII  gr.  tstuc, 
draecht  de  somme  JX  I.  IIII  s.  II  d.  gr.,  die  hij  beloofl  heeft  te  belaelne  te  twee 
payementen  enz...  Actum  XXVII  Junij  1450.  » 

{Schepeiienboek  van  Aalsl,  UoO,  bl.  18.) 

*  «  Ende  Jan  van  Hoedevelde  heeft  gheleend  Willeme  voorn.  drie  pont 

gr.  in  Vlaemscher  nobelen,  ende  die  sa!  Willem  betalen  binnen  den  achter- 
slen  ses  jaren,  elcx  tsjaers  lien  sceli.  gr.  den  nobel  over  neghen  scell.  gr.  of 
andersins  in  advenante.  » 


(m) 

6  deniers  groote  in  klinkende  penningen  —  ailes  zonder  intrcst  *. 
Het  gcld  werd,  wel  is  waar,  doorgaans  maar  gegeven  mits  inlresl, 
doch  daarmede  was  het  iedereen,  bemiddeld  of  niet,  maar  de 
vereischte  bedrevenheid,  raoed  en  ondernemingsgcest  bczittende, 
mogelijk  cen  aanzienlijk  landbouwer  te  worden. 

De  hofhuizing  moest  door  den  pachtcr  in  goeden  staat  gehou- 
den  worden.  Het  onderstegedeelte  was  op  vêle  plaaisen  aan  zijne 
zorg  overgelaten,  maar  de  groote  herstellingen,  gelijk  het  dak, 
bleven  ten  laste  des  eigenaars  in  Vlaanderen ,  evenwel,  ook  ter 
verzorging  van  den  pachter.  Omirent  Gent  schijnt  het  onder- 
houd  der  huizing  algemeen  ten  laste  geweest  te  zijn  van  den 
pachter,  ten  minste  in  het  begin  der  XIV^  eeuw,  want  als  de 
eigenaar  van  't  Goed  ter  Beke,  in  't  dorp  Afsneê,  ten  jare  1323 
eenen  nieuwen  pachter  aanvaardde,  schreef  hij  in  de  voorwaarde 
dat  die  «  de  husinghe  houden  {sal)  te  ghereke  up  sinen  cost 
alsoe  de  pachtre  sculdich  es  te  houdene  metten  rechte.  »  Elders, 
gelijk  in  't  kwartier  van  Leuven,  betaalde  de  eigenaar  het  dag- 
loon  der  arbeiders,  voor  't  herstel  gebezigd,  maar  was  de  bewoner 
verpHcht  het  bout  of  andere  bouwstoffen  bij  te  halen  en  den 
werklieden  eten  te  geven.  Men  duidde  dit  algemeenlijk  aan  met 
de  woorden  «  te  houdene  in  goeden  ghereke  van  dake  ^  »  of  «  te 
ghereke  vanvursten  ^.  »  Vêle  pachtakten  houden  de  bepaling  in, 
dat  er  door  den  huuraar  op  het  goed  geene  huizen  mochten  ge- 
timmerd  worden  of,  ingeval  dit  geschiedde,  de  bezitter  des 
gronds  er  eigenaar  van  bleef  *.  De  schade,  aan  't  huis  toegebracht, 


^  « Corat  de  somme  zeven  lib.  viertien  s.  gr.,  welke  prise  de  vors.  pach- 

tere  belalen  sal  ten  afscheedene  van  sinen  pachle  ter  weerden  dal  hijtontfaen 
heeft....  « 

^  Pachtvoorwaarde  van  't  Goed  Oiidenberge,  te  Schille. 

s  Akte  voor  't  Goed  te  Scheldevelde,  le  Nazareth,  in  onze  hooger  vermelde 
Statislische  verhandeling. 

*  «  Kenlic  zij  allen  lieden  dat  comen  es  voor  scepenen  vander  stede  van 
Aeist  Arendl  Doyens  gheseyt  de  Ledersnijdere ,  kende  ende  verclaerde  bij 
zijnen  vrijen  dancke  ende  eyghenen  wille  hoe  dat  hij  in  loialen  pachte  ende 
voorwaerden  ghenomen  hadde  jeghen  eerwcerdeghe  in  gode  vrauwe  Mar- 
griete  van  Liedekerke,  abdesse  des  godshuus  van  Vorst  bij  Bruessele,  deszelfs 


(  190  ) 

was  door  den  pachter  te  vergoeden  *  ;  «  geschiede  an  de  husin- 
ghen  eeneghe  scade  van  brande  bi  den  toedoene  van  den  pachter 

godshuus  hof  geheeten  thoff  le  Meerhem  oft  van  Doorne,  metten  huusen, 
schuren  ende  stallen,  metoocden  duufhuse  daerop  slaende.  melten  ihienden, 
laoden,  bosschen,  meersschen  ende  allen  anderen  zijnen  loebehoorten ,  ghele- 
ghen  in  de  prochie  van  Lede  in  den  lande  van  Aelst,  metooe  eenre  ihienden 
in  de  prochie  van  Hofstade  gheleghen ,  alzo  verre  als  die  den  godshuuse  loe- 
behoort, dat  es  le  wetene  deen  derdendeel  derzelver  thienden,  daeraf  incgenste 
deel  der  capeirijen  van  Hofstade  loebehoort,  ghelijck  tselve  hof  met  zijnen 
voors.  loebehoorten  Govaert  van  Miggherode  gheheeten  Govaerls  ghehouden 
heeft...  eenen  lermijn  of  spalie  van  twaelf  jaren...  omme  vier  en  t^vinlich  pon- 
den  gr.  vlaemsch...  met  voorwaerden  ende  condilien  merckelicke  hierinne 
ondersproken,  dat  de  voors.  pachler  aile  Islroo  vanden  lande  des  voors.  hofs 
ende  ooc  vander  ihienden  jaerlix  commende,  sal  moeten  bringhen  in  tselve 
hof  ende  dal  met  zijnen  beesten  slijlen  ende  niesl  daarafmaken,  ende  dat 
daerenthenden  vueren  opl  landl  desselfs  hoofs  len  meesten  proffijle,  alzo  wel 
op  iversie  vanden  hove  als'l  naeste  gheleghen.  Item  en  mach  de  voors.  pach- 
lere  gheen  landl  den  voors.  hove  toebehoorende  binnen  den  lesten  drie  jaren 
verandsaden  of  lalen  verandzaden;  ilem  zal  de  voors.  pachtere  laten  int  hende 
van  zijnen  voors.  termijn  de  goede  den  voors.  hove  loebehoorende  inde  ma- 
nieren  hiernaer  volghende...  Item  sal  de  voors.  pachtere  hebben  ende  ghe- 
bruycken  tvoors.  hof  melten  toebehoorlen  met  alsulcke  vrijheden  als  daer 
loebehooren,  te  wetene  tselve  hof  metten  bijvanghe  vrij  van  vleeschlhienden, 
ilem  ivoors.  vvinnende  landt  zo  verre  dal  leyl  in  Lede  vrij  van  thienden  op 
denXXXII«°  scoof,  ilem  ende  dandere  landl,  zo  verre  dat  leyt  in  Hofstade  op 
voile  thiende  behoudelic  hem  des  godshuus  deel  in  dezelve  thiende  ghelijc 
voors.  es  Item  moet  hij  jaerlicx  belalen  op  zijnen  costen  alsulcken  pachl  ende 
rente  als  tgodshuus  zelve  zoude  moelen  betalen  ,  te  wetene  den  honden  van 
Vlaenderen  twee  sacke  evenen  ende  XX  gr.  vlaemsch.  Item  en  mach  hij  ooc 
iselve  goedl  in  al  of  in  deele  nyemende  overgheven  noch  verpachlen  zonder 
orlof  ende  consent  van  mer  voors.  vrauwen  of  hueren  proost  len  tijde 
wesende.  Ilem  aile  de  stralen,  weghen  ende  walerloopen  tolen  voors.  goeden 
behoorende  zo  verre  die  ligghen  buyten  den  scependomme  van  Aelst  moet  de 
voors.  pachtere  maken,  ruymen  ende  onderhouden  zonder  tgodshuus  cost. 
Item  in  de  opgaende  houlen  die  nu  ter  tiji  op  de  voors.  goeden  staen  of  bin- 
nen desen  termijne  daerop  wassen  zuUen,  en  sal  dese  pachtere  gheen  ghezach 
hebben.  Item  de  Iruncboomen  ende  ooc  Iscaerhout  van  den  bosschen  mach  hij 
truncken  len  behoorlicken  tijde  omme  die  le  lalene  len  eynde  van  den  ter- 
mijne ghelijc  die  voren  ghescreven  zijn.  Item  zo  waer  hij  eenighen  verdrooch- 
*  Zie  de  akte  van  't  Hof  te  Meerhem  of  ten  Doorne. 


(  191  ) 

of  in  tocoison  van  hem,  of  bi  roukeloosheden  van  sinen  mcsnie- 
den,  die  scade  soude  die  pachtre...  moelen  betalen  ende  iiprech- 
ten  bij  prise  van  goeden  lieden  vanden  ghebueren,  die  sij  an 
beede  sijden  daertoe  kiesen  souden...  *.  »  Voor  't  kloostergoed 
van  Vorst  waren  tôt  de  prijzij  noodig  «  goeden  mannen,  hem 
dies  verstaende.  »  Maar  geraakte  de  huizing  in  brand  door  't  bhk- 
semvuur  of  door  den  moedwil  van  oorlogslieden,  dan  was  de 
schade  te  vergoeden  door  den  eigenaar,  die  in  deze  gevallen  dik- 
wijls  ook  de  beschadigde  veldvruchten  betaalde,  zelfs  tôt  beloop 
van  cen  jaar  pachtsom.  Deze  bij  uitstek  edehnoedige  voorwaarde 
hebben  wij  alleenhjk  voor  kloostergoederen  aangelroffen,  gelijk, 
onder  andere,  voor  't  Goed  le  Scheldevelde,  te  Nazareth  :  «  Vielt 
so  dat  de  husinghen  vanden  goede  of  de  vruchten  yet  messchiede 
bij  horloghen,  tempeesten  of  van  vlighenden  viere,  deraf  soude 
de  aeiraoesenier  den  pachter  instaen  ghelijc  costumen  ende  land- 
recht,  maer  niet  voorder  dan  de  pacht  van  cen  jare  ghedraeght^  » 

den  boom  afhuwet  daervore  moet  hij  iwee  polen  vanden  zelven  aerde  planten 
ende  die  houden  groeyende.  Item  daerenboven  moet  de  selve  pachtere  binnen 
dcsen  lermijiie  planlen  op  den  voors.  goeden  len  minsleu  hondert  opgaande 
poten  abbeelen  ofte  eycken  ende  die  laten  wassende  ten  eynde  van  desen  ler- 
myne.  Item  de  vloeghe  moet  bij  laten  wel  gberect  van  nesten  en  gespijst  met 
hondert  paer  duyven.  Item  den  scaepstal  moet  bij  laten  ommegacns  metlen 
scaepsbennen  ende  ooc  van  schelfbouten  al  wel  overschelft.  Item  waut  aile 
de  husinghen  opt  voors.  goede  wesende  den  godshuuse  toebehoorende,  zo  es 
voorwaerde  dat  de  voors.  pachtere  op  dezelve  goederen  gheenderhande  huy- 
sen  en  maken  mach,  ende  of  hij  daerop  eenrghe  huus  maecte  dat  die  huusen 
zullen  blijven  den  godsbuuse  zouder  rastoir  of  belalinghe  dacraf  te  doene.... 
Hem  gheviele  eeneghe  scade  van  biande  int  voors.  hof,  dat  God  verhueden 
wille,  die  toequame  bij  ocsuyne  van  den  voors.  pachtere  of  zijnder  famiiien, 
die  scade  zoude  dezelve  pachtere  den  voors.  godshuuse  moeten  betalen  na 
lauxatie  van  goeden  mannen  hem  des  verstaende,  ende  desghelijcx  ghesciedde 
daer  eeneghe  scade  van  brande  die  toequame  van  des  voors.  godshuus 
weghen,  die  scade  zal  iclooster  den  voors.  pachter  insgelijcx  moeten  beta- 
len, ende  van  ghemeene  orloghen  ende  tempeesteti  op  dat  eeneghe  gheviele 
daeraf  sal  Igodshuus  den  voors.  pachter  voorsien  enz...  Den  XX'*'»  dach  van 
Meije  XV«  XVI.  »  {Schepenenhoek  van  Aalst,  1516,  bl.  10.) 

^  Akte  van  1410  voor  'l  Goed  's  Riken,  te  Nazareth. 

^  Akte  voor't  Goed  te  Scheldevelde,  1430. 


(  192  ) 

Voor  zulke  vergoedingen  raadpleegde  men  doorgaaiis  de  plaatse- 
Jijke  gebruiken. 

't  Is  ook  zeer  natuurlijk  dat  de  iever  des  pachlers,  waardoor 
't  hofgoed  onder  zijn  behcer  verbeterd  was,  werd  vergolden. 
De  Laveleye,  in  zijn  voortreffelijk  werd  over  de  Landbouwkunst 
in  de  Nederlanden  {België),  zegt  dat,  zoo  verre  men  bij  de  op- 
zoekingen  in  bet  verledene  opklimt,  men  in  het  Vlaamsche  land 
een  gebruik  in  zwang  vindt,  dat,  door  de  oude  costumen  bekrach- 
tigd,  den  landbouwers  eenige  zekerheid  nopens  de  vergoeding 
voor  hunne  moeite  en  arbeid  geven  moest,  namelijk  het  pach- 
tersrecht.  Wij  bebben,  inderdaad,  zulke  voorwaarden  gevonden 
in  de  akten  van  'tLeuvensch  kwartier,  gelijk  in  die  van  Antwerpen 
en  van  Vlaanderen;  schier  overal  vindt  men  ten  minste  dat  be- 
sprck,  dat  de  pachter  bij  zijn  afscheid  't  land  «  moet  laten.... 
besaedt  ende  ghewonnen  als  hijt  vant  tsinen  aencommene  *.  » 
Maar  «  liele  hijt  argher,  dat  soude  bij  iiprechten;  liete  hijt  beter, 
daeraf  soude  hem  sijn  meester  inslaen  ende  uprechten  alsoet 
behoeren  sal.  » 

Met  betrekking  tôt  de  betaling  der  pachtsom  vindt  men  in 
eenige  keuren  bepalingen,  die  niet  ten  nadeele  van  den  boer  zijn. 
Aldus,  bij  voorbeeld,  luidt  het  86^  artikel  der  keure  van  Loon,  dat 
een  pachter,  die  een  hof  gedurende  vijf,  zes,  zeven  of  acht  jaren 
bewoond  en  den  pachter  vergolden  had  nu  cens  in  muntspe- 
ciën,  dan  cens  in  vruchten,  niet  verplicht  was  daarvan  zijnen 
meester  de  rekening  te  doen,  wanneer  dcze  er  eene  mocht  verlan- 
gen,  tenzij  alleenlijk  van  de  drie  laatste  jaren  des  pachts.  Had  de 
boer  twaalf  jaren  't  hof  bewoond,  zonder  dat  de  eigenaar  hem 
de  rekening  vroeg,  dan  was  bij  niet  genoodzaaktdie  over  te  bren- 
gen  en  moest  de  heer  zich  voldaan  toonen,  aangezien  bij  't  gansch 
den  duur  van  den  pachtwas  geweest. 

De  prijs  van  den  pacht  was  in  de  middeleeuwen  niet  altijd 
in  éene  som  gelds  voor  gansch  het  goed  vastgesteld;  in  't  kwar- 
tier van  Leuven  vindt  men  in  de  voorwaarden  zorgvuldig  aange- 
teekcnd  wat  de  weide,  het  bosch  of  de  vijver  jaarlijks  hadden  op 

*  Akte  voor  H  Goed  1er  Galeyden,  te 'Nazareth,  in  onze  gescbiedenis  van 
dit  dorp. 


(  193) 

te  brengen  *;  voor  Vlaanderen  licbbcn  wij  zulke  bespreken  niet 
ontraoet,  tenzij  in  de  pacbtvoorwanrde  van  't  Goed  ter  Galeyden, 
te  Nazaretb,  waar  men  leest,  dat  «  de  businghcn,  iip  tgoed  staende, 
uutgesteken  de  scbuere,  behoiren  dcn  paclitere  toe  ende  mach  er 
sijnen  willc  mede  doen.  »  Wij  gissen,  dat  er  bier  sprake  is  van 
een  siecht,  vervallen  getimmerte,  betwelk  de  boer  naar  goeddun- 
ken  tôt  zijn  geraak  herstcllen  of  berbouwen  mocbt. 

Evenals  aanvankelijk  de  belastingen,  mocbt  de  boer  zijnen 
pacbtprijs  in  voortbrengelen  van  den  bodem,  in  stroo,  fruit,  stal- 
dieren,  boenderen,  eiers  enz.  voor  een  nog  al  merkwaardig  deel, 
betalen.  In  de  middeleeuwen  was  bet  geld  nog  scbaarscb,  tcrwiji, 
van  den  anderen  kant,  de  beeren  en  rijke  poorters  toen  bunnen 
boogsten  trots  stelden  in  't  onderbouden  van  een  groot  gelai  die- 
naren  en  in  welbezette  stallingen. 

De  buurcontracten  waren  doorgaans  zoo  gerekend,  dat  de  rijke 
grondeigenaar  uit  zijn  land  al,  of  een  aanzienlijk  deel  van  't  stof- 
felijk  onderboud  zijner  farnilie  en  dienstboden  trok  2.  De  pacbter 
van  bet  Goed  ten  Torre,  le  ZafTelare,  was  verplicbt  lelken  jare 
aan  zijnen  meester,  den  abt  van  St.-Pieters,  te  Gent,  te  leveren 
twee  niud  baver,  1,000  rniitsaards,  een  vet  varken  (of  de  som  van 
10  grooten)  eenen  pot  room  en  26  pond  40  scb.  groote.  —  Te 
Deurne  betaalde  de  pacbler  van  't  mcergemelde  goed  aldaar  in 
1594  met  0  zester  rogge,  iO  motoenen,  27  gulden  Vlaamscb  voor 
den  motoen,  5  kapuinen  en  4  hoenders.  —  Den  eigenaar  van 
't  hofte  Oudenherge,  te  Scbille,  was  de  buuraar  in  1593  verplicbt 
telken  jare  te  geven  4  zester  rogge,  4  zester  ruwe  baver,  1  balster 
boekweit  en  eene  rent  van  60  scbellingen,  waarmede  't  goed  be- 
zwaard  was  ^.  In  't  kwarlier  van  Leuven   vrocg  men   den  boer 

'  PouLLET  liaalt  er  een  voorbeeld  van  aan  :  de  pachler  van  den  Leeuwer- 

driesch,  te  Tildonk,  had  zijn  land  in  liuur  voor  lo  razieren  rogge;  zijne 

«  eenselen  »  voor  8  gulden  van  42  «  plekken  »;  'l  ^voonlluis  voor  2  mud  rogge. 

{Schepenenhoek  van  Leuven,  1434,  !«  kamer.) 

2  Edm.  Poullet,  Les  juridictions  et  la  propriété  foncière  au  AT«  siècle 

dans  le  quartier  de  Louvain. 

5  «  Jan  Drake  van  Sciile  verhuerdeendegaf  tepachteWouterenTymmerman 
van  sGravenvvesele  tgoed  gheheeton  Oudenberghe  inde  prochie  van  Sciile  met 
Tome  XXXII.  15 


(  194  ) 

allerlei  granen,  maar  ongedorschen  :  «  mel  walmen  ende  vederen 
wel  bereit.  »  Eindelijk  in  Franscli-Vlaanderen  bedroeg  de  pacht- 
prijs  van  het  hof  der  abdij  van  Flines,  te  Coustices,  sleclits  5  mud 
Iiaver,  «  acqiiitable  à  censé  et  à  rentes,  »  doch  de  pachter  moest 
daarbijdeop't  bof  gevesligdelasten  kwijten*,  eene  bepalingwelke 
wij  schier  altijd  in  deVlaamsche  huurcontracten  terugvinden. 

De  verpachting  der  weiden,  bosseben  en  «  eenselen  »gescbiedde 
in  't  kwartier  van  Leuven  voor  muntspeciën  van  aile  waarde,  veel- 
al  herleid  in  stuivers  van  5  plekken  Brabanlscb.  In  't  zelfde  ge- 
west  moest  de  boer  de  pachtsom  in  natura  leveren  op  St.-An- 
driesdag;  de  geldsom  opSt.-Martensdag(winter).Omtrent  Anlwer- 
})en  leverde  men  den  rogge  te  Kerst-  of  te  Lichtmisse,  't  geld 
gedeeltelijk  op  eerstgemeld  tijdstip,  gedeeltelijk  op  St.-Jansdag 
«  midsomere.  »  Dit  laatste  feest  was  ook  bepaald  voor  de  leve- 
ring  van  't  hofgevogelte  2.  De  Vlaamscbe  boer  betaalde  doorgaans 

huysioghen ,  hoven,  gronde,  lande  ende  dat  daer  toe  hoert,  van  Meye  ingaende 
yerstcomende  VI  jaere  lanc  gheduerende,  tsamen  omme  IIIJ  sisler  roghs 
omme  IIIJ  sisler  ruw  evenen  ende  omme  I  halsler  bocweyden,dandum  Nalalis 
vel  Purificationis  ombegrepen  ,  tAnlwerpen  te  leverne  daer  Jan  Diake  liefst 
sal  hebben.  Daer  loe  soe  ghelyc  hi  Wouler  dese  jaerscharen  lanc  aile  jaere  le 
betaelue  LX  oude  scillingen  die  de  vrou  van  Liedekerke  daer  op  heeft  ende  Jan 
Draken  daer  af  ontheffen  ende  wel  quiten  sonder  Jans  pacht.  Voerdane  soe 
ghelyc  hi  de  huysinghen  die  op  tvors.  goed  slaen  sine  jaerscharen  lanc  te 
houdene  in  goeden  ghereke  van  dake  ende  van  weeghen  ende  dlant  in  sine 
ghercchte  laghe  ende  alsoe  le  latene  ten  eynde  van  sinen  jaerscharen  ghelyc 
ende  in  al  dier  manieren  dat  een  goed  laet  sculdich  es  te  doene  ende  dlant 
ende  de  heyninghen  wel  gheloken  ende  bevreedt.  Det  es  vorweerde  dal  hi 
Woutere  ane  de  bossche  oft  ane  dopgaende  houlgheen  recht  hebben  sal.  Ende 
omme  aile  dese  vorweerde  ende  ghelyc  dese  jaerscharen  lanc  wel  ende  volco- 
melic  le  houdene  ende  te  voldoene  in  aider  manieren  voers  soe  heeft  de  vors. 
Wouler  daer  vore  verbonden  ende  te  pande  gheset  hem  selven  ende  aile  syn 
goed  welkerhandt  dadl  es,  dat  hi  heeft  ende  ghecrigen  mach.  XVIIJ  die  Marcii 
(anno  XCV".)  {Scabinale  protocollen  der  slad  Anticerpen^  1394-1408, 

bl.  10G%  in  't  stedelijk  archief  aldaar.) 

*  Zie  bijlage  n»  i. 

2  «  Rynier  van  Ypere  gaf  te  pachte  Gielys  den  Boc  sijn  hoeve  ende  goed 
binnen  Doerne,  mel  huysinghen,  schueren,  lande,  hove,  gronde  ende  met  al 
daller  toehoert,  van  Sint  Jans  daghe  yerstcomende  XJ  jare  lanc  daerna ,  tsamen 


I 


(  193  ) 

op  Kerstmis  en  op  St.-Jansfecst,  ofwel  op  laatstgenicld  tijdpcrk  en 
«  't  Onzcr  Vi'oiiwcn  Lichtmcsse,  »  Iclkens  bij  liclfl.  Belioorde  hct 
liof  aan  cen  kloostcr  loe,  dan  was  de  tijd  vastgeslcld  waarop  het 
koorn,  't  stroo,  't  gevogcllc,  de  vetlc  zwijnen  of  scliajx'n  moeslcn 
ingcbracht  wordcn,  't  gecn  vcelal  inviel  met  een  van  die  banket- 
ten,  welke  men  in  de  middelecuwen  bij  de  groolen,  leeke  of  gees- 
lelijke  persoonen,  zoo  kosteb'jk  wist  in  te  richten.  Hel  geld  moest 
altijd  len  huize  des  grondoigenaars  en  in  zijne  banden,  of  in  die 
zijns  rentmeesters,  wordcn  overgeteld;  maar  't  koorn  ging  gc- 
woonlijk  naar  't  kasteel  of  de  stadswoonst  van  den  lieer,  of,  gelijk 
de  eigenaar  van  't  Gocd  te  Oudenbercfe  vordcrde,  «  lAnlwerpen... 
daar  bi  licfst  sal  bebbcn.  »  De  kloostervoogden  dcden  sonitijds 
Iiet  koorn,  t  brandbout  enz.  voeren  of  naar  de  abdij  zelve  of 
naar  bel  refugebuis. 

De  middeleeuwscbc  pacbtakten  leeren  ons,  welke  vrucblen  in 
(lien  tijd  gewonnen,  bijgevolg  welke  de  gewone  voeding  van  den 
boer  en  steeman  was.  Guicciardini  scbrijft  ergens  dat  de  Bra- 
banders  in  de  XVl"  eeuw,  buiten  de  granen,  geene  andere  gewas- 
scn  kenden  dan  de  erwten,  boonen  en  vitsen  ;  dit  is  zeker  mis. 


onime  VJ  sistcrroghs  Xmoloenen,  XXVIJ  guldenen  VIecms  vore  den  moloei», 
oft  de  wecrde  daer  af  glielyc  dal  aiidcre  laïc  harcn  paehihccren  voro  ghelikeu 
moloen  gheven  sullen,  onde  omme  V  capocnc  ciulc  I1I.I  hoondero,  dandum  den 
rogglic  le  Kersmisse  ofl  ter  Lichlmisse  omhegrepen,  eiule  lialf  tghell  le  Kers- 
misse,  ende  de  capoene  ende  hoendere  ende  dander  lielft  vanden  gelde  tSinl 
Jansmisse  lAnlwerpen  le  lieerenchys.  Ende  allen  andcren  commer  die  daer 
meer  uut  syn  mach  die  sal  Reynier  betalen  ende  Gielys  daer  af  onlheflen  alsoe 
dat  hl  niet  meer  dan  den  vors.  pacht  Jaerlic  daer  af  gh(!V(Ui  en  sal.  Voerdane 
es  vorweerde  dal  Reynier  dese  \ors.  liuysinghen  die  opl  gnet  staen  den  lael 
leveren  sal  custbaerlec  te  ghereke  van  dake  ende  van  weeghen  ende  alsoe 
glielyc  Gielys  sine  jaerscharcn  lanc  te  houdeuc  ende  te  latenc  ten  eynde  van 
sineu  jaerscharen,  ende  ten  eynde  van  sinen  jaerscbaren  sal  hi  lalen  tder- 
dendeel  in  braken  vanden  besten  noch  vanden  archsten,  ende  aise  hi  vanden 
goede  scheydt  op  diersle  jaer  soe  sal  hi  opt  goed  lalen  XJ«  hoepe  stroes.  Ende 
omme  aile  dit  voldoene  soe  verbinl  hi  hem  sclven  ende  aile  syn  goed  ende  aile 
de  bave  die  hi  op  tvors.  goed  bringht  oft  heeft,  ende  Igoed  hanteren  alsne 
1  goed  laet.  Op  alderkinderen  dach  (anno  XCIIIJ).  « 

{Scabinale  protocollcn  enz.,  bl.  58'.) 


(  196  ) 

Het  is  wel  waar,  dat  de  oorkonden  van  dien  tijd,  in  betrekking 
met  den  landbouw,  voornamelijk  of  zoo  men  wil  alleenlijk  spre- 
ken  van  rogge,  tarwe,  garst,  spelt,  erwten,  boonen,  rapen,  kool- 
zaad  en,  onder  't  opzicbt  van  vruchten,  appelen,  peren  en  krie- 
kcn  noemen  *,  maar  't  is  buiten  kijf  dat  reeds  ten  jare  1510  te 
Assche  koolen  werden  gekweekt  :  «  ortus  ibidem  rétro  jacens,  in 
quo  caulœ  excohintur  2.  »  Verraoedelijk  echler  waren  de  nioes- 
kruiden  en  kleine  groenten  toen  weinig  in  gebruik  en  werden  zij 
alleenlijk  geteeld  hetzij  op  den  boomgaard,  hetzij  in  't  hofje  bij  de 
huizing,  derhalve  op  geringe  schaal;  althans  de  boonen  en  erwten 
bleven  (met  den  haring  sedert  het  einde  der  XIV^  eeuw)  tôt  den 
tijd  dat  de  aardappel  hier  werd  ingevoerd  en  zijne  groote  popu- 
lariteit  verwierf,  de  voornaamste  voedingsmiddelen  in  dorp  en 
stad. 

De  pacht  der  wijngaarden  werd  gewoonlijk  geheel  in  natura 
betaald,  namelijk  op  het  tijdstip  van  den  oogst,  met  een  gedeelte 
daarvan  ^ 

*  Volgens  een  door  Diericx  medegedeeld  exlract  {Mém.  sur  la  ville  de 
Gand,  II,  119)  verkocht  men  te  Genl  op  de  fruitmiirkt  in  de  XV^  eeuw 
appelen, geheelen  «  oegelinghen,  crolrettinghen,groeninghen  en  slininghen;  » 
peren ,  onder  den  naam  van  «  huvviers ,  craypeeren ,  keyserpeeren  en  Nevel- 
sche  surreelen.  » 

^  Charlerboek  der  ahdij  van  Affligem,  I,  294  {Rijksarchief  te  Brussel). 

3  De  wijnleelt  behoorde  \an  de  vroegste  middeleeuwen  toi  het  gewone 
landbouwbedrijf  in  een  groot  gedeelte  van  België.  'IWas,  beweren  eenige 
geschiedschrijvers,  keizer  Probus  die  den  wijnstok  in  Gallië  invoerde,  terwijl 
wij  van  den  anderenkant  welen,dat  devaderder  Belgische  beschaving,Karel 
de  Groote,  in  al  zijne  hoven  en  landgoederen  wijuplantingen  beval.  't  Oud 
vaderlandsch  bier  werd  éditer  niet  verloochend,  maar  de  wijn,  hoe  gering 
van  hoedanigheid  00k,  verkreeg  den  voorrang  bij  plechtige  omstandigheden. 
Inderdaad ,  onze  middeleeuwsche  volksliederen  spreken  in  den  regel  weinig 
van  bier,  nooit  van  jenever,  maar  bij  voorkeur  van  den  «  koelen  wijn  »  en 
van  den  «  nieuwen  most.  »  Koelen  wijn  werd  de  onze  geheelen  om  hem  le 
onderscheiden  van  de  producten  des  Franschen  en  Bovenrijnsehen  druif- 
kweeks. 

De  voornaamste  wijnlanden  w  aren  aan  de  3Iaas,  in  Luik,  Namen  en  Luxem- 
burg;  men  trof  er  ook  aan  in  de  orastreken  van  Beaumont  (Luxemburg),  als- 
medein  't  kwarliervan  Leuven  (alste  Roeselbergen,  Galgeuberg,  Doreuberg, 


(  107  ) 

Niet  zelden  deed  de  eigenaar  door  zijnen  pachter  een  varken 
of  cen  lam  vetten,  dat  hem  weleens  op  voorhand  betaald  werd  '  ; 
\  oor  't  Goed  ten  Torre,  te  Zaffelare,  was  de  levering  van  't  varken 
bcgrepen  in  den  pachtprijs.  De  monniken  van  St.-Pieters,  te  Gent, 
vorderden  van  den  pachter  van  hun  Goed  te  Berchem  ieder  jaar, 
voor  Kerstavond,  niet  min  dan  vier  vetle  zwijnen,  maar  hij  moeht 
er  den  prijs  van  eischen,  die  in  1465  vastgesteld  was  ter  somme 
van  24  deniers  parisis  ^.  Eiders,  namelijk  in  't  kwartier  van  Leu- 

Kesselbergen,  Loobergen,  Wezemaal,  Neerijsche,  Ste-Agatha-Rode).  Eene 
charter  der  abdij  van  St.-Pieters,  le  Gent  (9  Juli  942)  gewaagt  van  wijnbergen 
aldaar,  lerwjjl  in  verschiHige  andere  documenten,  hier  kortheidshalve  on- 
vermeld  gelaten,  genoegzaam  le  zien  is  dat  ook  in  't  nevelige  en  vochlige 
Vlaanderen  de  druif  geteeld  en  tôt  wijn  werd  gemaakt.  Een  brief  van  Gerva- 
sius,  aartsbisschop  van  Reims,  aan  graaf  Boudewijn  V  (omirent  1060),  prijst 
dezen  vorst  voor  zijne  pogingen  om  den  landbouw  in  Vlaanderen,  en  zegt 
onder  andere:  «  't  Is  ute  danken,dat  het  voik  de  gaven  van  Bacchus,\velke  hem 
vroeger  onbekend  waren.  heeft  leeren  waardeeren.  »  Hieruit  zou  men  mogen 
opmaken  dal  Boudewijn  V  den  wijnslok  deed  planlen  in  'l  westelijk  deel  van 
Vlaanderen. 

De  schrale  bergen  in  den  omlrek  der  slad  Diest  leverden  reeds  in  de 
XI1I«  teuw  eene  groote  hoeveelheid  wijn  op.  De  kannunik  Heylen  verzekert, 
dal  er  in  't  land  van  Diest  nog  ten  jare  1512  niet  min  dan  72  wijnakkers  wer- 
den  geteld,  onder  andere  op  de  hooglen  van  Oostmaal,  Mariënberg,  Lange- 
berg,  Lazarijberg,  Kluisberg  enz. 

Nog  in  't  midden  der  XV«  eeuw  was  de  landwijn  in  België  het  voorwerp  van 
eenen  niet  geringen  handel.  't  Schepenenboek  van  Aalst  over  het  jaar  1454 
rept  0.  a.  van  den  verkoop  van  100  amen  «  landwijns,  »  ten  prijze  van 
1 2  schellingen  groote. 

Men  weet,  dat  er  nog  inlandsehe  wijn  wordt  gebouwd  in  't  Walenland, 
alsmede  in  de  abdijen  van  Westmalle,  Tongerloo,  Averbode  en  Postel. 

^  PouLLET  haait  zulk  een  voorbeeld  aan  uit  het  schepenenboek  vanLeuven, 
IMiamer  (Akte  van  1  Februari  1433). 

2  «  Kenlic  zij  ailen  lieden  dat  comen  es  voor  scepenen  Pieter  Calleboul, 
kende  ende  lijdde  dat  hij  ghenomen  hadde  ende  heeft  in  zekeren  voor- 
waerde  ende  loialen  pachte  jeghen  minen  heere  den  prelaet  ende  convente  des 
cloosters  van  Ste  Pielers  bi  Ghendt  huerlieder  goed  te  Berchem,  nietter  ua- 
teî^mol(7ie  ende  allen  zijnen  anderen  toebehoorten ,  also  dat  ghestaen  ende 
gheleghen  is,  eenen  lermijn  van  XII  jaeren  lanc  gheduerende  deen  dacder 
eenparelic  vervolghende,  omme  XXV  lib.  X  s.  gr.  ende  VIIJ  mudden  lar- 


{  198) 

ven,  was  er  cen  eigenaar  die  tôt  beding  maakte  dat  hij  zal  «  tôt 
sijnder  gelieften  moegen  seynden  aile  jare  op  sijn  voors.  hof  XVII 

we...  boven  de  rente  ende  den  comere  uute  voors.  goede  gaende  ende  die  de 
pachlers  gheplogben  hebben  te  belaelne,  te  betaelne  den  voors.  ghepacht  te 
twee  payemenlen  te  vvetene  deen  helft  teiken  kerssavonde  ende  dander  helft 
lelken  Sent  Jansmesse,  danof  deersle  payement  vallen  zal  enz  ..  item  de  voors. 
VIIJ  niudden  larwen  te  leveren  int  voors.  clooster  tSente  Pieters  IX  IIIJ  d. 
van  der  bester  teiken  kersavont....  Item  zal  de  voors.  pachter  boven  dezen 
noch  leveren  int  voors.  clooster  ten  voors.  kerssavond  een  mudde  arweten, 
item  zal  myn  voors.  heere  den  prelaet  hebben  int  voors.  goed  elx  jaers  IIJ 
ghislen  als  hij  se  nemen  wille  en  te  ontfane  zine  boden  of  dienaren  met  alsul- 
ken  spise  als  eenen  pachter  toebehoort.  Item  moet  de  vors.  pachter  jaerlix 
leveren  voor  kerssavond  naer  vrome  viere  vette  varkenen  weert  wezende 
XXIIIJ  d.  p.  of  XXIIIJ  d.  p.  daervore,  XII  ellen  amelakenen  ende  XII  ellen 
dwalen  suffisant  wesende  te  mi.jns  heeren  lafele  of  XII  d.  p.  daervoren,  ende 
*/2  C  ghehuys  van  XXX  coorden.  Item  moet  de  vors.  pachter  onderhouden 
ende  maken  de  brugghen  ende  straten  voor  thof  ende  meer  ander  't  sinen 
co<te  ende  insghelijx  de  dijken  jeghen  dwatere  vanden  moleu,  dies  moet 
heme  miju  voors.  hcer  gheven  ende  doen  vvijsen  te  halen  thout  dat  men  ter 
voors.  brugghen  orboren  zal.  Item  moet  de  vors.  pachter  voort  onderhouden 
Ihof  van  den  vors.  goede  naer  loiaien  pacht  ende  den  molen  van  aile  reparatie 
diere  an  behooren  zullen  binnen  zijnen  termijne  tôt  V  s.  p.  ende  onder,  tsine 
costen,  maer  up  dat  anden  zelven  molen  eenighe  meerdere  coslen  an  ghedaen 
woiden,  dat  sal  wezen  ten  coste  van  minen  voors.  heere,  uutghesteken  den- 
ghene  dat  loiaien  pachter  toebehoort.  Item  en  zal  de  vors.  i)achter  binnen 
zijnen  termijne  gheen  stroo  of  mes  van  desen  goede  comende  uuten  zelven 
goede  vueren,  vercoopen  noch  ontvremden,  nemaer  moet  dat  slilen  ende 
veranboren  up  tvoors.  goed  te  meesten  profijte.  Noch  en  zal  de  vors.  i)achter 
binden  lesten  III  jare  van  zinen  termine  tvoors.  goed  niet  moghen  veranzaden. 
Item  moet  de  vors.  pachter  len  afscheedene  van  zinen  termine  laten  XII 
bunder  bezaedt  met  goeder  tarwen  ende  V  bunder  met  mestelune  al  bedreven 
met  IIIJ  ghetidighen  voren  ende  ghemest  alzoot  behoort,  item  XV  buudere 
met  evene,  II  bundere  met  vilsen,  boone  ende  arweten  naer  den  heesch  van 

den  lande,  al  bedreven  met  twee  ghetidighen  voren Item  ne  mach  ooc  de 

voors.  pachter  dit  goed  niemende  voort  verpachten,  ten  ware  bi  consente  van 
minen  vors.  heere.  Ende  omme  den  vors.  minen  heere  den  prelaet  ende  gods- 
huse  van  Sente  Pieters  wel  bewaert  le  zine  van  hueren  pacht  in  allen  voor- 
waerden  voorsch.  zoo  heeft  de  vors.  Pieter  daervoren  in  zekere  ende  conter- 
pande  ghestelt  de  perceelen  van  eerven  hiernaer  gescreven  :  eerst  eene  stede 
groot  zijnde  Va  dachwant  metten  husen  ende  woonsten,  schuren  ende  stallen 
daerup  wesende,  gheleghen  te  Nieuwerkerken  binden  scependomme  van 


(   199  ) 

oft  XX  capuynen,  om  aldair  te  moegcn  gaen,  behalvcn  dat  liij  se 
sal  doen  nieden  met  sijnen  granc...  *.  » 

Boter,  kaas  en  eieren  waren  ook  veel  gevraagd,  laatstgcmelde 
niet  alleen  van  dcn  pacliter,  niaar  insgelijks  van  den  Icenliouder. 
Alph.Wauters  spreekt  in  zijnc  Histoire  des  environs  de  Bruxelles 
(III.  695)  van  eene  heerlijkhcid,  welke  in  de  XIV'^  eeuw,  onder  an- 
der  inkomen,  58  kapuinen  en  2,600  eieren  had.  De  abdij  van 
Park  genoot  ieder  jaar  iiit  haar  Hof  van  's-Hertogendaal  niet 
min  dan  500  «  liantcasen  »  en  ccnen  pot  boter  van  52  sluks  (elk 
stuk  wegende  7  pond).  Het  Hof  ter  Meeren,  te  Afsneé,  leverde 
zijncn  eigenaar  in  1417  ieder  jaar  2  steenen  boter;  't  Hof 's  Riken, 
te  Nazarelb  ,  6  steenen;  't  Goed  te  Axele  ,  terzelfde  gemeente, 
16  steenen  enz.  't  Goed  ter  Rooder  Meeren^  te  Lede,  was  onder 
andere  jaarlijks  gesteld  op  100  eieren,  een  vat  erwten,  een  vat 
boonen,  vier  steenen  boter  enz.  Willem  van  Munte,  die  in  14i8 
bel  Goed  te  Pelkem  bezat  ter  gemeente  Gijzegem,  vroeg  jaarlijks 
van  zijnen  pachter  onder  andere  zes  steenen  ingelegde  boter,  te 
leveren  in  Speltraaand.  Zulke  bepalinghebben  wij  elders  niet  ge- 
vonden.  Omtrent  Leuven  bespraken  sommige  eigenaars  ook  eene 
zekere  hoeveelheid  rapen,  boonen,  erwten  en  koolzaad  ^. 

In  Vlaanderen  vinden  wij  eene  gansch  uitzonderlijke  voor- 
waarde,  volgens  welke  de  eigenaar  van  't  Goed  te  Brakele,  te 
St.-lVfartens-Laathem,  telken  jare  aan  zijnen  pachter  «  50  ton- 
harincxendeSOdroeehharincx  »  leveren  moest^.  Debedoeldepaclit 
werd  aangegaan  in  1422,  dus  weinige  jaren  na  de  onschatl)are 
vinding  van  Willem  Beuck|lsz,  die  aan   de  Nederlanden  eene 

Aelst...  item  ^a  bunder  land  gheleghen  up  den  berch...  item  1  dachwant  land 
gheheelen  Trighelvelt...  item  1  oud  dachwant  up  tmolenvelt...  Item  zo  heeft 
Jan  Callebout  gheleent  den  vors.  Pielren  zinen  broeder  ende  in  zekere  ghe- 
stelt  1  dachwant  lant  luttel  min  of  meer,  gheleghen  up  Hovervelt....  item 
^2  dachwant  lant  gheleghen  upHeeiiinghevelt  e^is...  Aclu m  IIII  Junij  1465.  « 
(Schepenenboek  van  Aalst,  1465,  bl.  18^.) 

^  Edm.  Poullet,  voormeld  werk. 

2  Schepenenboek  van  Leuven,  1^  kamer,  akte  van  7  Januari  1455. 

5  Geschiedenis  van  St-Marlens-Laathem,  door  De  Potter  en  Broeckaert, 
bl.  4. 


(  200  ) 

overvloedige  spijs  en  den  handel  eene  onuitputtelijke  goudmijn 
had  verschaft. 

Hct  fruit,  dat  in  de  middeleeuwen  evenzeer  gesniaakt  was  als 
tegenwoordig,  inoest  natuurlijk  elken  eigenaar,  dieop  eene  keurige 
tafel  was  gesteid,  voor  een  deel  in  de  hand  komen.  Een  groot  getal 
pachtaklen  van  't  meergemeld  tijdvak  houden  dan  ook  de  bepa- 
ling  in  dat  de  helft  van  't  op  den  boomgaard  wassende  ooft  den 
eigenaars  moest  worden  toegezonden,  zooals  ten  opzichte  van  het 
Goed  ter  Borch,  te  Vinkt,  voor  het  Goed  te  Rehage,  te  Wonter- 
gem,  voor  liet  Goed  ter  Hellen,  te  Zaffelare  enz.,  terwijl  de  ver- 
huurders  eener  hofslede  te  Deurle  in  1450  zorg  liadden  te  bespre- 
kcn  dat  de  paehler  hun  éen  of  twee  fruitplukkers  moest  leveren. 
Hier  en  daar  eischte  een  lekkerbek  ook  iets  raeer  om  te  snoepen  : 
de  molenaar  van  Beaucaire,  in  de  heerlijkheid  van  Moriensart, 
was  verplicht  jaarlijks  op  karnavaltijd  aan  den  meier  Lodevvijk 
Pynnock  eenen  koek  (wastrau)  te  zenden. 

De  groote  hoeveelheid  duiven,  welke  vroeger  door  onze  heeren 
en  boeren  gekweekt  werden,  laat  ons  toe  te  onderstelien  dat 
zulk  een  gebraden  diertje  mede  tôt  de  lekkernijen  behoorde.  De 
voorwaarde  van  vele  pachthoven  bepaalden  het  getal  duiven, 
welke  de  boer  te  onderhouden  had,  gehjk  die  voor  't  Hofte  Meer- 
hem  of  ten  Doorne,  te  Lede,  waar  nien  leest,  dat  de  «  vloeghe  » 
(keet)  moest  gelaten  worden  «  wel  gherect  van  nesten  ende  ghe- 
spijst  met  hondert  paer  duyven.  » 

De  echtgenoote  van  den  heer  besprak  ook  haar  aandeel  in  de 
voortbrengsl,  namelijk  een  deel  van  't  vlas;  dit  zegt  genoeg  dat 
de  adel-  en  rijke  poortersvrouwen,  zelfs  diep  in  de  XV^  eeuw,  het 
zich  niet  toi  schande  rekenden  het  spinnewiel  te  draaien,  net  als 
hunne  grootmoeders  hadden  gedaan.  Het  vlas,  inderdaad,  was, 
gelijk  wij  gezien  hebben,  in  België  reeds  zeer  vroeg  een  voor- 
naam  deel  van  den  akkerbouw;  eene  oorkonde  van  't  jaar  1087, 
voorkomende  in  het  Chronic.  Alde?ib.,  bl.  84,  rept  reeds  van  eene 
vlastiende,  en  't  moel  wel  zijn  dat  er  veel  meer  verwerkt  dan  ge- 
teeld  werd,  aangezien  de  Oosterlingen  er  sedert  de  XIIP  eeuw  in 
Vlaanderen  brachten.  De  pachter  van  't  Goed  te  Steeland,  bij 
Kortrijk,  moest  in  1448  zijnen  meesler  twee  sleenen  vlas  opbren- 


(  201   ) 

gen  voor  ieder  jaar  zijns  pachts',welke  hoeveelheid  ook  le  leveren 
was  door  eenen  boer  omstreeks  Leuven,  met  dit  onderscheid  dat 
hij  zelf  geen  vins  bouwde,  maar  dit  op  de  markt  der  gczegde  stad 
koopen  moest  2.  Dâar,  waar  gewevcn  werd,  vroeg  de  meester 
somlijds  eenige  ellen  weefgoed,  gelijk  bepaald  was  in  de  pachtakte 
voor  't  hof  te  Hollain,  hooger  gemeld,  alsmede  voor  't  mcerge- 
melde  Goed  te  Berchem  :  «  XII  ellen  amelakenen  ende  XII  ellcn 
dwalen  suffisant  wesende  te  niijns  heeren  tafele.  »  Dat  de  stoffe 
bier  goed  moest  zijn  zal  men  lichtelijk  gelooven,  wanneer  met 
weet  dat  de  eigenaar  van  't  hof  niemand  anders  was  dan  de  rijke 
prelaat  der  abdij  van  St.-Pieters;  maar  was  de  boer  nict  op 
't  weven  gesteld,  of  voldeed  het  aangeboden  goed  niet,  dit  mocht 
ten  prijze  van  12  deniers  parisis  worden  vergoed. 

Het  stroo,  dat  den  heeren  moest  geleverd  worden,  diende  niet 
alleenlijk  voor  de  slallen,  maar  tevens  voor  het  dekken  der  wo- 
ningen,  ook  in  steden.  De  abdij  van  Park  vroeg  ieder  jaar  van  den 
pachter  van  's-Hertogendaal  800  bussels  stroo  ^.  In  Vlaanderen 
nochtans  was  dit  besprek  minder  ingevoerd,  dewiji  de  meeste 
pachters  zclven  met  het  onderhoud  der  daken  gelast  waren. 

Nu  hebben  wij  nog  het  bout;  aan  't  opgaande,  of  de  booge  boo- 
men,  had  gewoonlijk  de  pachter  niets;  aldus  in  't  kwartier  van 
Anlwerpen  gelijk  in  dat  van  Leuven,  in  Vlaanderen  gelijk  elders. 
«  't  Es  vorweerde,  »  zegt  de  akte  van  Schille,  dat  de  pachter 
a  ane  de  bossche  oft  ane  dopgaende  bout  gheen  recht  hebben  en 
sal.  »  De  keure  van  Ukkel  bepaalde  den  tijd,  waarop  de  boomen 
van  verschillig  gewas  behoorden  gesnoeid  te  worden;  wilgen 
tronkte  men  het  derde  jaar  na  de  planting,  eiken  het  zesde,  't  els- 
bosch  het  negende  en  't  eikenbosch  het  twaalfde  jaar.  Te  Naza- 
reth mochten  de  wilgen  na  drie,  maar  de  eikenboomen  na  vijf 
jaren  met  bijl  en  snoeimes  worden  gedund  *.  Te  Astene  moest  de 

1  Fr.  De  Potter,  Geschiedenis  van  Korlrijk,  I,  70. 

2  «  Item  es  voerweerde  dat  de  wijnne  der  liuysvrouwe  des  voirs.  Jans 
jairlijks  sullen  coepen  te  Loven,  op  de  merckt,  twee  sleenen  goets  vlas.  » 

{Schepenenboek  van  Leuven,  2«  kamer,  akte  van  23  Januari  1496.) 

3  Schepenenboek  van  Leuven^  1^  kamer,  akte  van  17  Mei  1484. 

*  Akte  van  't  Goed  ter  Biezen,  1410,  bij  De  Potter  en  Broeckaert. 


(  202  ) 

pachter  't  bout  «  onderhouwen  met  ghetideghen  houwe  also 
verre  alser  haecx  ende  houmes  over  gheloepen  heeft,  dats  te 
wetene,  eekinhout  te  acht  jaren,  elshout  te  seven  jaren  ende 
wulghout  te  drien  jaren  ^.  »  Overal  wordt  den  pachter  opgelegd 
rondom  zijne  akkers  en  weiden  eiken,  witte  of  Italiaansche  pop- 
pelen  of  wilgen  of  abeelen  te  planten,  soms,  gelijk  voor  't  Hof  te 
MeerJiem  te  Lede,  tôt  minstens  100  opgaande  abeelen  of  eiken 
poten.  De  pacbter  der  abdij  van  Flines,  te  Couslices,  bad  er  zelfs 
niet  min  dan  2,000  te  planten  «  sur  les  waresques  ou  es  plus 
nécessaires  lieux,  et  [les]  tenir  verdes  tant  quelles  soient  bien 
reprises  2.  » 

Waar  de  pacbter  eenen  dooden  boom  uitroeide,  moest  bij  Iwee 
poten  van  betzelfde  gewas  in  de  plaats  stellen  en  aan  den  groei 
houden;  maar  't  dorre  bout  was  voor  bem.  Aan  vele  pacbters 
was  't  opgelegd  bun  vee  niet  te  laten  in  de  bosscben  gaan  vôor 
dat  de  loten  twee  jaren  oud  waren. 

Ook  de  boomgaard  was  bet  voorvverp  van  de  aanboudende 
bezorgdbeid  des  eigenaars.  In  't  kwartier  van  Leuven  moesten 
de  wortels  der  fruitboomen  om  de  drie  jaren  ontbloot  en  met 
mest  belegd,  daarna  weer  gedekt  worden  zooals  't  beboorde. 
Dit  bemestingstelsel  onderbield  men  te  Nazaretb  ook,  met  dit 
onderscbeid,  dat  bet  er  aile  jaren  werd  verricbt,  wat  minder 
verwonderen  zal  als  men  de  dorbeid  van  den  bodem  dier 
gemeenle  in  acbt  neemt  ^. 

Te  Eeke,  op  't  Goed  ien  Bossche,  en  in  andere  plaatsen  mocbt 
de  pacbter  in  den  boomgaard  «  locbtinen  metten  spade,  sonder 
ploucb  ende  sonder  beesten  eenegberbande  der  in  te  doene^.  » 

Deze  groote  zorg  voor  de  boomen  boeft  niet  te  verwonderen  : 
altbans  de  buizen  waren  in  dien  tijd,  in  de  steden  evengoed  als 
op  bet  platte  land,  scbier  aile  van  bout  getimmerd  en  eene  andere 
brandstof  werd  weinig  gebezigd. 

'■  Geschiedenis  van  Astene,  door  De  Potter  en  Broeckaert,  bl.  d. 
2  Voormelde  pachtakte  van  1424  (1^  bijiage). 
'^  Geschiedenis  van  Nazareth,  door  De  Potter  en  Broeckaert. 
*  Id.xan  Eeke,  hl  5  {iiOi). 


{  203  ) 

De  wegen  en  waterloopen  op  en  rondom  het  pachlhof  moesten 
door  den  boer  gocd  onderhouden  worden;  dit  werd  hem  herin- 
nerd  in  denzelfden  volzin  dcr  pachtvoorwaarde,  die  't  onderhoud 
der  daken  bcval.  Men  zonderde  liiervan  alleenlijk  uit  die  wegen, 
welke  op  last  der  gemeente  of  des  lands  moesten  gereinigd  en 
hersteld  worden  *. 

De  huurcontracten  vermelden  ook  dikwijls  hoeveel  stuks  vce 
men  op  't  hof  onderhouden  moest,  en  onder  dit  opzicht  deelt 
PouLLET  in  zijn  vorenaangehaaid  werk  een  voorbeeld  mee,  dat 
nagenoeg  de  verhouding  doet  kennen,  welke  in  't  Leuvensche 
tusschen  't  getai  staldieren  en  de  grootte  der  ciiltuur  was  aan- 
vaard.  Jan  van  Nelken  (zegt  genoemde  schrijver)  verphchtte  ten 
jare  4455  zijnen  pachter,  die  een  hof  van  46  bander  bewerkte, 
cm  altijd  ten  minste  vijftien  hoornbeesten  op  stal  te  hebben, 
benevens  100  schapen,  5  goede  paarden  en  de  andere  dieren  naar 
zijn  goeddunken  '^. 

Over  't  algemeen  werd  het  belang  van  eenen  goeden  veestal 
door  de  boeren  der  Vlaamsche  gewesten  goed  begrepen.  De  wel- 
stellende  boer  had  een  tiental  ossen  op  stal,  paarden  naar  even- 
redigheid,  een  twaalftal  koeien,  een  groot  getal  schapen,  ver- 
scheidene  varkens  en  een  talrijk  hofgevogelte.  't  Spreekwoord  : 

Armoede  op  stal, 
Armoede  overal, 

is  oud  en  gansch  inheemsch,  en  elk  legde  er  zich  op  toe  om  het 
verwijt  en  teeken  van  minachting,  daarin  opgesloten,  te  ont- 
komen. 

De  groote  hoeveelheid  mest,  op  het  hof  vergaard,  kwam  den  boer 
des  te  meer  te  stade,  aangezien  overal,  waar  heidegronden  te  vinden 

*  «  Item  de  voors.  wijone  sal  de  vlieten  veghen  ende  ruymen  tôt  sijnen 
laste,  alsoet  ghewoenlic  is,  het  en  ware  dat  sonderlinghe  gebode  quame  van 
ons  genade  heeren  weghen,  dat  sal  Willem  {de  pachter)  doeu  repareren  ende 
de  voirs.  jouffrouw  {de  eigenares)  sait  hem  cortlen  ten  yerslen  termijne,  die 
hij  sculdich  sal  sijn.  »  {Schepenenboek  van  Leuven,  1484,  1«  kamer, 

akte  van  6  September.) 

*  Schepenenboek  van  Leuven,  1433, 1*^  liamer,  akte  van  17  Januari. 


(  204  ) 

waren,  den  pachter  de  verplichting  was  opgelegd  ieder  jaar  eene 
zekere  hoeveelheid  grond  te  ontginnen.  De  abt  van  Parkeischte 
van  zijnen  huraar  te  Lubbeek,  dat  hij  jaarlijks  een  gemet  heidc 
tôt  vruchtgevend  land  zou  omwerken;  een  ander  schrcef  in  het 
huui'contract,  dat  de  pachter  ieder  jaar,  gedurende  acht  dagen, 
eene  woesle  plek,  weike  hem  aangewezen  werd,  zou  ontginnen. 
Te  Nazareth,  zoo  lezen  wij  in  de  geschiedenis  van  dit  dorp,  werd 
den  pastoor  in  1259  door  de  abdij  van  St.-Pieters  eene  voorwaarde 
verleend,  met  het  beding  dat  hij  ieder  van  de  negen  jaren  zijns 
pachts  twee  bunder  heide  zou  in  cultuur  brengen  en  wel  bemes- 
ten,  waarvoor  de  abdij  hem  jaarlijks  3  pond,  Vlaamsche  munt, 
zou  betalen.  Plaatsen,  welke  door  water  dienden  bevochtigd  le 
werden,  moest  de  pachter  doorsnijden  van  grachten  :  «  elcx 
siaers  doen  delven  LXX  roeden  grachts  ten  meesten  profïijle  ende 
orbuere  van  den  selven  goede;  ende  bij  alsoe  dat  Iiij  hieraf  in 
ghebrekc  ware  een  jaer,  dat  hij  dan  den  jaere  daernaer  doen 
soude;  ende  bij  also  dat  de  pachter  meer  doive  dan  de  LXX  roe- 
den, so  soude  [men  hem  dat)  betalen  deen  heelt  '.  » 

Om  te  beter  de  bemesting  te  verkrijgen  en  den  boer  daartoe  te 
dwingen,  bevolen  de  eigenaars  dat  al  het  stroo,  op  't  hof 
gewonnen,  ook  daarop  met  zijne  dieren  «  gesleten  »  en  alzoo  tôt 
mest  gemaakt  moest  worden  ^.  In  't  Gentsch  kwartier,  evenwel, 
bijzonderlijk  op  plaatsen,  welke  meer  of  min  vette  bodems  had- 
den,  is  dit  bevel  beperkt  tôt  de  laatste  drie  jaren  van  den  pacht  : 
«  al  dat  God  up  dachterste  drie  jaer  verleenen  sal  up  tgoed,  dat 
moeten  sij  {de  pachters)  up  tgoed  verteeren  ende  te  messe  brin- 
ghen  met  haren  beesten»  ^,  Van  den  pachter  te  Deurne  eischte 
men  dat  hij  bij  't  afscheid  600  bundels  stroo  op  't  goed  moest 
achterlaten,  terwijl  de  nieuwe  pachter  van  't  Goed  ter  Beken,  te 
Afsneê,  in  1523  «  te  sinen  incomene  »  vond  «  twaelf  hondert 
s.  stroos  ende  caf  deraf,  »  wat  hij  ook  op  't  goed  laten  moest  «  te 
sinen  utfaerne,  »  met  «  een  bintvoeder  boys.  » 

*  Akte  voor  't  Goed  te  Axele,  le  Nazareth  (1450),  medegedeeld  in  onze 
geschiedenis  dier  gemeente. 
2  Akte  \oor  'l  hof  te  Meer  hem  of  ton  Doorne,  te  Lede. 
5  Voorwaarde  voor  'l  Goed  ten  Bossche,  le  Eeke  (1405). 


(  205  ) 

Bij  't  verbod  van  stroo-uitvoeren  was  in  de  hcerlijkheid  van 
Montenaken  nog  bepaald,  dat  er  geen  verbrand  moclit  worden. 
De  keure  dier  plaats  zegl  daaromtrent  :  «  Dat  men  egheender 
hande  vetgien  van  stroy,  van  thienden  noch  van  anderen,  noch 
mest  vercopen  sal  (om)  buyten  der  vrijheyt  te  vueren,  ende  dat 
noch  briers  (brouwers),  noch  beckers,  noch  teppers  gheen  winter- 
slroy  in  den  oefven  verbernen  en  sullcn.  » 

De  hoeveelheid  mest  verschilde  natuurlijk  volgcns  de  hocda- 
nigheid  van  den  bodem.  Voor  een  hof  te  Nazareth  moest  men  in 
de  XV^  eeuw  op  éen  bunder  land  van  't  Goed  ter  GaUrjden  niet 
min  dan  zes  en  dertig  voeren  mest  uitstrooien.  Maarmen  bezigde 
nog  ander  mest  :  het  slijk,  door  de  vroege  bewoners  van  ons 
vaderland  tôt  bevruchting  hunner  akkers  gebezigd,  was  nog  in 
de  XV^  eeuw  van  tel,  ja  zeer  gemeen,  bijzondcrlijk  in  't  kwartier 
van  Leuven,  waar,  volgens  Poullet,  de  nieesle  eigenaars  hunnc 
pachlers  bevolen  een  zeker  getal  dagwand  van  mergel  te  voor- 
zien.  Die  vette  werd  betaald  door  den  heer,  doch  de  pachter 
moest  ze  op  zijne  kosten  gaan  halen  en  op  't  land  uitbreiden.  — 
hi  't  Leiivensche  waren  verscheidene  mergelputten,  onder  andere 
le  Lubbeek. 

Uit  deze  voorschriften  blijkt  genoeg  dat  de  boer  het  hem  toe- 
vertrouwde  land  niet  mocht  laten  versiechten,  maar  wel  «  altoes 
te  beterne  ende  niet  te  aergheren  *  ;  »  ook  was  't  hem  op  de 
meeste  plaatsen  verboden  het  pachlhof  aan  andere  personen  te 
verhuren,  zonder  toestemming  van  den  meesterjwas  hem  dit 
geoorloofd,  bij  bleef  verantwoordelijk  voor  de  schade,  die  er  aan 
't  hof  mocht  toegebracht  werden. 

Overal  vond  men  in  de  middeleeuwen  braakland  en  zaaide  men 
veel  in  de  stoppelen  van  den  vorigen  oogst;  die  geschiedde  echter 
maar  op  zulke  gronden,  die  niet  teiken  jare  moesten  gevet 
worden.  De  pachtvoorwaarde  voor  't  hof  te  Deurne  schrijft  voor, 
het  derde  deel  braak  te  laten  «  van  den  besten  noch  van  den 
archsten,   »    terwijl  Poullet    eene   akte   aanduidt,   waarbij    de 

*  Pachtakte  voor 't  Goed  1er  Augustijnen,  te  Nazareth  (U14),  in  onze 
geschiedenis  van  dit  dorp. 


(  206  ) 

pachler  verplicht  wordt  tijdens  den  duurzijns  termijns  iederstuk 
land  twcemaal  te  bemesten  en  eens  om  de  twaalf  jaren  te  beraer- 
gelen  '.  In  Afsneé  vinden  wij  len  jare  1523  een  uitgestrekt  hof, 
waar  de  tocn  nieuw  opkomende  pachter  «  vant...  ghemest  ende 
ghesayet  seven  hondert  roeden  en  al  dander  land  so  vant  hij 
brake,  »  hetgeen  hij,  zegt  de  pachtakte,  «  sculdech  es  te  latene 
tcn  hende  van  sinen  pachte  ^.  » 

In  't  Walenland  was  de  groote  cultuur  gedurende  de  middel- 
ceiiwen  verdecld  in  een  derde  winlerzaaiing,  een  derde  zomer- 
zaaiing  en  't  ovcrige  in  braakiand,  steeds  met  elkaar  afwisse- 
lend,  zoodat  ieder  dcel  opvolgendiijk  met  koorn,  met  haver  of  in 
braak  stond.  De  aldus  gercgelde  landen  noemde  men  roieSj  of 
stukken  met  cène  vore  doorploegd,  van  't  eene  eindnaar  't  andere 
des  akkcrs  getrokken  ^. 

Het  gctal  voren,  tusschen  welke  iedere  graansoort  moest 
gestrooid  vvorden,  was  zorgviildig  in  de  Vlaamsche  gewesten 
bepaald  of  herinnerd  :  a  vier  ghetidige  voren  »  waren  gevergd 
voor  de  larwe  en  masteluin  op  't  Goed  te  Berchem  en  in  't  kwar- 
tier  van  Leuven;  drie  voren  voor  de  garst  enz.  ^.  Ook  de  vvijze 
om  bij  de  trekking  der  voren  met  den  ploeg  om  te  gaan  wordt  in 
sommige  aklen  aangeduid,  zooals  in  degene  betrekkebjk  't  bof 
der  abdij  van  Flines,  te  Coustices,  alwaar  staat  dat  de  pachter 
zijne  landen  met  rechte  voren  te  beboiiwcn  had  :  «  maintenir  les 
terres  à  droite  roye,  ainsi  que  elles  ont  esté  accoustumées  a  coppcr 
a  droite  coppe  et  en  saison.  » 

In  sommige  slreken  vroegen  de  meesters  ook  karweien  van 
hunne  paclitcrs,  verschillende  weeral  volgens  de  plaatselijke 
beliocften.  In  't  kwartier  van  Leuven  zond  mcn  de  boeren  met 

^  Schepenenboek  van  Leuven,  2«  kamer;  akte  van  6  Auguslus  1497. 

2  DiERicx,  Gentsch  Charterhoekje,  bl.  195. 

5  Dit  gebruik  scliijnl  nog  hedenin  eeu  deel  vau  Luxemburg  te  bestaan. 

*  «  llcm  sal  de  voirs.  wijnne...  de  voirs.  landen  wel  ende  loflijc  wijnnen, 
werven  ende  besaeyen  op  sine  gelide  voeren ,  dat  es  te  weten ,  den  rogge  ende 
de  lerwen  op  vier  ghetidegen  voeren,  den  gherste  op  drie  voeren  ende  de 
cueren  op  twee  voeren.  » 

{Schepenenboek  van  Leuven,  \^  kamer;  18  Mei). 


(207  ) 

paard  en  wagen  toi  aan  Liiik  om  kolen  le  lialen,  want  loen  waren 
cr  geenc  openbare  voerdienslen  zooals  nu.  De  eigenaar  van 
't  Goed  te  Meerem,  in  Afsneê,  schreef  ten  jare  1417  in  hetliuur- 
contract  dat  de  pachler  hem  driemaal  's  jaars  mel  zijn  gespan  in 
eencn  omkring  van  zeven  mijlen  voeren  moest,  ter  plaalse,  waar 
't  hem  lustle,  maar  buiten  zaad  en  oogsttijd.  Op  een  ander  pacbt- 
hof  van  gelijken  naam,  te  Nazareth,  was  de  boer  in  1450  verplicht 
«  Iw  ee  waerf  siaers  van  Ghend  te  Nazareth  ende  weder  thuus  te 
voeren  met  zijne  waghene  ende  perde,  sonder  ('s  eigenaars)  cost.» 
DcrgeHjke  voorwaarden  moetcn  in  Vlaanderen  veel  in  gebruik 
geweest  zijn;  de  pachter  van  't  Goed  's  Riken  moest  zijnen 
meester  «  ende  sijn  gheselscip  eenwarf  siaers  halen  ende  weder 
thuus  brenghen  vanden  goede  mel  sijnen  waghene  ende  peerden, 
aist  (deti  eigenaar)  ghelieven  sal,  »  dus  om  't  even  in  welk 
seizoen.  Deze  voorwaarde  is  van  1417,  maar  later  eischte  de 
meester  hem  «  le  dienene,  hem  ende  sin  huusghesine,  oft 
deghene,  diet  hem  believen  zal,  te  voerne  met  eenen  waghene 
ende  twee  perden,  vier  daghe  in  ele  jaer,  behouden  de  costen 
vanden  pachter  ende  zine  perden,  »  die  ten  laste  bleven  van  den 
eigenaar.  Dergehjke  bepalingen  doen  veronderstellen  dat  in  de 
middeleeuwen  vêle  pachlhovcn  toebehoorden  aan  poorters,  die 
er  geen  gespan  op  nahielden,  en  nu  en  dan  met  hunne  familie 
of  vrienden  zich  op  den  buiten  kwamen  verlustigen.  Zoowerden 
de  belrekkingen  inniger  tus^chen  heeren  en  pachters,.die  gewoon- 
lijk  een  tijdje  bij  elkaar  bleven  :  de  heer  van  't  Iiof  te  Meerem,  in 
Afsneê,  behield  voor  zijn  eigen  gebruik  «  den  grooten  sleen,  » 
den  nieuwen  stal,  de  poort  bij  den  wal,  den  oven  enz.;  die  van 
een  pachlhof  te  Deurne  alleenlijk  de  poort  (vermoedelijk  met  een 
kamertje  daarboven)  en  den  paardenstal  (1450);  de  eigenaar  van 
't  Goed  's  Riken,  te  Nazareth,  «  de  nedercamere  metten  man- 
tele,  den  solre  daerboven  ende  de  sponde  tsinen  aysemenle,  » 
terwijl  de  heer  van  't  Goed  ter  Beken,  in.  Afsneê,  in  1523  «  eene 
camere,  eenen  solre  ende  eene  stede  in  de  scure  »  koos  *.  Ja,  de 
middeleeuwsche  poorters  hielden  zich  op  den  buiten  met  weinig 

*  \i\i.v,\cx,GentschCharterhoekje,\)\.  193. 


(  208  ) 

te  vreden  en  de  lust  bekroop  hen  niet  om  naast  het  kasteel  van 
den  dorpsheer  een  slot  te  bouwen,  waarop  ieder,  die  in  onzen  tijd 
fortuin  bezit,  licht  is  gesteld. 

De  kleinere  diensten,  welke  de  middeleeuwsche  boer  zijnen 

heer  placht  le  bewijzen,  werden  door  dezen  ook  met  uiterlijke 

leekenen  van  dankbaarheid  vergolden  :  telken  jare,  of  om  de 

Iwee  jaren,  krecg  de  pachter  van  den  eigenaar  een  bovenkleed  of 

keerle,  gelijk  zijne  dienstboden   droegen,   eene   livrei  die  den 

Viaamschen  boer  niet  tegen  de  borst  moet  geslooten  hebben, 

aangezien  het  gebruik  eeuwen  lang  in  zvvang  bleef.  Een  der 

oudste  voorbeelden  daarvan  vinden  v^^ij  aangebaald  in  de  geschie- 

denis  van  't  dorp  Astene,  waar  den  pachter  van  zekere  hofstee  ten 

jare  1591  bij  de  voorwaarde  beloofd  werd  «  elcx  jaers  een  froc- 

laken  ende  spachters  wijf...  telken  tween  jaren  viere  ellen  lakens 

van  sestien  groten  délie  '.  »  Een  <(.  froc  van  den  saisoene  »  werd 

in  1404  toegezegd  aan  eenen  der  pachters  van't  Goed  ten  Bossche, 

te  Eeke,  terwijl  de  tweede  er  eenen  mocht  doen  vervaardigen 

«  vanden  selven  teekene,  up  sijns  sellefs  cost.»  Mogen  deze  laatste 

woorden  niet  voluit  beteekenen  dat  het  door  den  landbouwer  der 

middeleeuwen  raecr  als  eene  eer  dan  als  eene  vernedering  werd 

beschouwd,  een  kleed  te  dragen  dat  zijne  ondergeschiktheid  aan 

een  vermogend  man  maest  betoonen?  En  dat  er  hier  wezenlijk 

quaestie  was  van  eene  Hvrei  blijkt  genoeg  uit  de  omstandigheid, 

dat  in  vêle  akten  (o.  a.  voor  't  meergcmelde  Goed  te  Steeland) 

duidelijk  staat  uitgedrukt  dat  de  keerle,  door  den  meester  te 

leveren,  geheel  gelijk  was  aan  't  kleed,  welk  diens  bedienden 

droegen.  De  eigenaar  van  't  hof  ter  rooder  Meeren,  te  Lede,  gaf 

in  1450  niet  min  dan  vier  kerels  of  opperkleeren  voor  elk  jaar  van 

den  pacht,  of  5  schellingen  parisis  voor  ieder,  terwijl  in  d432  de 

pachter  van  't  Goed  ten  Bossche,  te  Afsneé,  eenen  «  keerle  vanden 

saeysoene  »  der  toenmalige  eigenaars  ontving,  of  daarvoor  de  som 

van  6  schellingen  groote  mocht  vorderen.  't  Kleed  was  overal  voor 

den  zon-  en  feestdag,  waarom  de  pachter  van  't  Goed  te  Axele, 

te  Nazareth,  in  1451  dan  ook  «  vier  ellen  scoone  lakene  »  besprak. 

*  Geschiedenis  van  Astérie,  door  De  Potter  en  Broeckaert,  bl.  3. 


(  209  ) 

Om  met  de  pachtakten  te  eindigen  zullen  wij  nog  zeggen,  dat 
de  eigenaren  overal  eene  goede  borgstelling  eischten.  Te  Deurne 
verbond  zicli  de  pachter  «  hem  selvcn  ende  aile  sijn  goed  ende 
aile  de  hâve,  die  hi  op  tvoors.  goed  bringht  oft  heeft,  ende  tgoed 
hanteren  alsoe  een  goed  laet  ;  »  te  Schilde  «  soe  heeft  de  vors.  Wou  ter 
daervore  verbonden  ende  te  pande  gheset  hem  selven  ende  aile 
sijn  goed  welkerhandt  dadt  es,  dat  hi  heeft  ende  ghecrighen 
mach;  »  te  Nazareth  beloofde  de  pachter  de  aangegane  voor- 
waarde  «  wel  te  vulcomene,  up  hem  ende  al  tsijne,  »  of  «  up  al 
zijn  goet,  waert  ghestaen  ende  gheleghen  es.  »  Vceltijds  ook 
werden  twce  of  meer  begoede  lieden  gevraagd  om  voor  den 
nieuwen  pachter  borg  te  blijven,  zelfs  tôt  acht,  gelijk  voor 
't  Goed  te  Groeningen,  ten  dorpe  van  Nazareth  (1416). 

Uit  al  het  voorgaande  zien  wij  duidelijk  welke  verplichtingen 
de  middelecuwsche  boer  ten  onzent  had  waar  te  nemen  en  hoe  't 
met  den  akkerbouw  toen  gesteld  was.  Maar  wij  mogen  ook  niet 
vergeten  op  te  merken  dat  de  groote  grondeigendom  en  de  groote 
cultuur  hoe  langer  hoe  meer  verminderden,  of,  om  juister  te  spre- 
ken,  dat  de  groote  eigendom  wel  gebleven,  maar  met  den  voort- 
gang  der  vrijheid  en  der  beschaving  de  landbebouwing  ongemeen 
verdeeld  was  geworden.  Van  deze  verbrokkeling  getuigen  bijzon- 
derlijk  de  menigvuldige  benamingen  van  perceelen  gronds,  die 
men  aantreft  in  akten  van  goederenverdeeling ,  verpachting, 
berenting  en  veiling,  in  de  oude  land-en  rentboeken  der  voorma- 
lige  kloosters  en  heerlijkheden.  Die  verbrokkeling  wordt  niet 
slechts  op  de  cijns,  —  maar  ook  op  deleenroerige  en  féodale  gron- 
den  waargenomen.  Poullet  haalt  eene  schepenenakte  van  Leuven 
aan,  gedagteekend  van  1  December  4485,  en  waaruit  te  zien  is 
dat  eene  groote  hoeve  te  Humelgem  destijds  verdeeld  was  in 
9  dagwand  il  roeden  op  't  veld,  geheeten  de  Mere^  liggende  in 
onderscheidene  perceelen,  en  in  25  ^2  dagwand,  mede  verbrok- 
keld,  op  't  ffoogvelt  j  een  dagwand  in  Nosseghemvelt  j  36  */2  dag- 
wand, weer  gesplitst  in  verschillige  stukken,  op  Borchvelt  ;  een 
half  dagwand  op  Hocquenseele  velt;  4  ^2  dagwand  op  Wijnloirs- 
velt  enz.  Meer  dan  honderd  jaren  vroeger,  te  weten  in  1353, 
Tome  XXXII.  14 


(  240  ) 

trefîen  wij  omirent  Nieuwpoort,  ter  zijde  van  eenen  «  arveliken 
weghe  »  een  groot  gelai  perceelen  lands  aan  van  verschillige 
grootte  en  aan  verschillige  eigenaren  toebehoorende,  bewijs  dat 
reeds  dan  de  verbrokkeling  der  gronden  in  die  streek,  op  groote 
schaal  gedaan,  een  mogelijk  lang  voltrokken  feit  was  *.  Kcerden 

*  Wij  vindenin  de  desbetreffende  akte  namelijk  : 

«  Een  slickelkiii  lants,  twelcke...  Jan  die  Keghelare  cochte  jeglien  Jan 
Urbane... 

»  Capelrie  lant,  comende  vanden  heere  Salemoen  Verdeboude  .. 

»  Dabdt  en  de  convent  {van  St.-Nicolaas)...  sa)  weghen  over  desen  vorseiden 
wech  ..  met  vichliene  ghemele  een  Une  ende  vicbtich  roeden  lants,  eude  aile 
diegene  dies  ghelike  navolgliende... 

»  Heinric  van  Meelkerken  vorseit  mel  elleve  gheraeten... 

»  Jan  Willard  mel  twee  ghemete lants. 

»  Willem  van  den  Brouke  met  neghene  ghemete... 

»  Michiel  Vardeboul...  met  viii  ghemete... 

«  Jacnb  Zigher,  met  xii  ghemete... 

»  Clais  Simoen,  met  vu  ghemete... 

»  Maerlijn  Buninc,  met  viu  linen  lanls. 

»  De  weduwe  Jan  Urbaens  met  vu  ghemete  lants... 

»  Jan  Schierinc,  met  twee  ghemete  eude  een  half... 

»  Wouter  Volkeraven,  met  een  ghemete... 

»  Heinric  Ghisebrecht...  met  viere  ghemete... 

»  Pieter  Baert,  mel  een  ghemete  lants... 

»   Frans  Zegheman,  met  vijf  linen  lants. 

»  Jan  die  Teghelaere,  met  een  half  ghemet... 

»  De  weduweende  die  kindre  Pielers  Ghiberts,  met  twee  ghemete... 

»  Roebrecht  Vardebout...  mel  een  half  ghemele. 

»  Jacob  die  Roemer,  met  drie  ghemete... 

»  Die  kinder  Willem  Kuckuuts,  meteen  ghemete. 

»  Clais  die  Wreede,  mel  viii  ghemele. 

»  Pieter  Scierinc,  een  ghemete.  , 

»  Jan  Jans  sone,  mel  m  ghemele. 

»  Jan  Pikepau,  met  drie  ghemete  ende  een  half. 

»  Jan  die  Zwaertvaghere,  met  drie  ghemete. 

»  'i  Gaslhuus  van  der  Nieuwerpoort,  met  drie  ghemete... 

»  Den  d;sch  van  der  Is'ieuwer  poort,  met  un  ghemete. 

»  Die  wedue  ende  die  kindre  Jan  Vocx,  mel  m  ghemete. 

»  Die  disch  van  Ooslduunkerke  met  anderhalf  ghemete.  » 

{Chronicon  et  Carlularium  abbatiae  S''  Nicolai  Furnemis,  169-170.) 


(  211  ) 

wij  nog  verder  in  do  tijdcn  Icriig,  gcen  twijfel  of  wij  vonden  rceds 
in  de  XIII^  eeuw  dcn  grond  te  allen  kantc  verbrokkcld;  en  dit 
gold  niet  alleen  de  landen,  niaar  zclfs  de  pachthoven  welke,  geiijk 
de  huizen  in  de  stad,  soras  in  verschillige  declen  waren  gcsplitst 
en  verschilligen  cigenarcn  tochoordcn.  Ilalen  wij  ten  bewijze 
daarvan  éen  voorbeeld  onder  vêle  aan  :  Nicolaas  de  Vleeschouder 
en  zijne  vroiiw  Elizabeth  bezaten  in  1420,  te  zamen  met  Willem 
van  Mooregbem,  bel  vierde  deel  van  dcn  goede  ten  Dale,  te  Viie- 
derzcle  en  Zonnegem,  en  verkochten  dit  aan  Boudewijn  de 
Griitere,  «  ghelijc  dat  toebeboorende  was  dcr  {clen  heer)  Laiiwc- 
rijns  de  Maech,  pbr.  »  De  andcre  drie  dcelen  van  gomcld  pacbt- 
hof  waren  destijds  in  't  bezit  van  Jan  van  der  Hoegbenhuiis ,  die 
ook  zijn  paarl  aan  gezegdcn  Boudewijn  afslond  '. —  Drie  ceuwen 
waren  nauweb'jks  noodig  geweestom  de  ontzaglijke  domeinen  der 
Frankische  koningen  in  een  eindeloos  getal  perceelen  te  verbrok- 
kelcn,  en  biertoe  badden  binnenlandscbe  oorlogen,  kruistocblen, 
't  fcodaal  stelsel,  begiftigingen  van  klooslers,  bospitalen,  kerken 
en  armendisscben  kracbtig  medegewerkt,  terwiji,  met  de  ont- 
wikkeling  dcr  kleinc  cultuiir,  de  vernieerdering  der  dorpsbevol- 
king  daardoor  ongcmeen  in  de  hand  was  gewerkt.  Wij  bocven 
nauwelijks  te  zcggen  dat  aan  die  verdeeling  van  den  bodem  onze 
velden  bunne  groote  vrucbtbaarbcid  verscbuldigd  zijn. 

Zekerbjk,  de  pacbters  van  die  tijden  badden  zware  verplich- 
tingen  na  te  komen ,  groote  lasten  te  torscben ,  zuren  arbeid  uit 
te  staan,  maar  zooveel  arnioede  aïs  later,  en  vooral  op  onzen  Icef- 
tijd,  Irof  men  op  den  buiten  zelden  aan.  De  boer  was  niet  teene- 
maal  ovcrgelaten  aan  de  ongenadige  bardbeid  van  betlot  en  onge- 
val;  bier  en  daar,  zoo  wij  gczien  bebbcn,  kreeg  bij  vcrgoeding  in 
groote  rampen,  en  op  verscbillige  punten  van  Vlaandcren,  dat 
men  niet  ontkennen  mag  gedurende  de  middeleeuwen  aan  de  spits 
derBclgiscbe  volksstammen  te  bebben  vooruitgcstreefd  in  de  baan 
der  bescbaving,  vindt  men  in  de  XIII^  eeuw  onloochcnbare  sporen 
van  onderlinge  verzekering  tegen  brandgevaar.  en  ja!  tegcn  't 
verbes  van  staldieren.  Eene  cbarter  van  1241,  welke  wij  overge- 

^    Schepenenboek  van  1420-1422,  bl.  27,  in  't  stadsarchief  van  Aalst. 


(  212  ) 

sclireven  vonden  in  het  Cartularium  ahbatiae  S"  Nicolai  Fur- 
nensis,  leert  ons  dat  graaf  Thomas  van  Savooie  en  zijne  echtge- 
noote  Joanna,  met  toestemming  der  schepenen  en  «  ceurheers  » 
van  Veurne,  aan  de  St.-Nicolaaskerk  aldaar  dezelfde  voorwaarden 
en  dezelfde  bescherming  verleenen  als  de  leeken  in  de  kastelnij 
van  Veurne  genoten,  wat  betreft  de  branden,  welke  tegen  den 
wil  des  eigenaars  plaats  grepen,  mits  genoemd  sticht,  in  verbou- 
ding  zijner  bezittingen,  wilde  bijdragen  tôt  herstelling  der  schade, 
door  anderen  geleden  ^.  —  Wat  de  onderlinge  verzekering  aan- 
gaat  tegen  het  verbes  van  vee,  eene  charter  van  1292  laat  ons 
duidelijk  zien  dat  al  de  ingezetenen  van  Veurneambacht  ver- 
plicht  waren  daartoe  bij  te  dragen  :  «  11  soit  costume  et  usaigie 
dedens  le  dit  tieroir  de  Furnes...  que  tout  chil  qui  i  diraorent 
et  aparlienent  doivent  payer  Hamelmgh.  »  Het  verlies  van  de 
staldieren  werd  door  de  opbrengst  dezer  belasting  gedekt,  en 
deze  moest  toen  reeds  wel  dagteekencn  van  overlang,  aangezien 
de  abt  van  St.-Nicolaas  in  de  beroepen  oorkonde  verzekerde 
dat  zij  gestort  hadden  in  de  kas  der  «  hamelinghen  de  sy  loing- 
tains  dont  il  n'est  mémoire,  et  en  ont  argent  paiet  et  leveit  et 
en  sont  bien  chartreit  de  nos  très  chiers  contes  et  contesses  de 
Flandre  2.  » 

Deze  twee  allernultigste  inslellingen  verwonderen  ons  niel  : 
Veurne  lag  immers  in't  hart  van  't  Kerelsland,waar  de  Germaan- 
sclie  geest  van  bond  en  gilde  in  de  XIIP  eeuw  nog  niet  kon  uilge- 
doofd  zijn.  Misschien  bestond  er  aldaar  eene  derde  onderlinge 
verzekering  onder  de  boeren,  namelijk  ten  opzichte  van  't  verha- 
gelen,  verschroeien  of  in  brand  geraken  van  het  koorn;  immers 
eene  charter  van  d275  maakt  ons  bekend  met  eene  belasting, 
Musepeneghe  geheetcn,  en  te  betalen  aan  den  Spijker  van  Veurne  : 
«  Ce  est  a  savoir  a  chascun  des  trois  termines  de  la  recepte,  de 
chascun  hoet  de  fourment  quatre  deniers,  et  de  chascun  hoet  da- 
voine  deux  deniers  de  nostre  mouoie  de  Flandres  ^.  » 


*  Zie  de  charlers  in  't  Cartularium,  blz.  99,  109  en  193. 

2  Zie  de  charter  van  1292,  bl.  195. 

3  /d.,bl.  110. 


(  213  ) 

De  boer,  evengoed  als  de  burger  en  de  edelman,  had  in  de  mid- 
deleeuwen  het  voile  bewustzijn  van  zijne  waarde  en  nultigheid 
in  den  Staat.  Fier  tocli  klinkt  bel  XlVeeuwscbe  lied  van  de  Edele 
lantman  : 


«  Als  ic  aenmercke  al  dat  de  werelt  hout  bevaen 
So  gaet  die  landtman  verre  le  boven 
So  mij  dunct  naer  mijn  verstaen 
Hij  is  seer  duechdelic  van  seden. 
Dus  moel  hi  prijs  van  mi  onlfaen, 
Want  nacien,  landen,  sloten,  sleden, 
Voet  hi  met  sine  sweetige  leden. 

»  Den  goeden  landtman  tôt  aider  duecht  verhit 
So  loyael  diet  wel  onlknochte, 
Hi  eert,  hi  delft,  hi  haect,  hi  spit, 
Als  menich  edelman  leet  op  sijn  bedde  sochte, 
Peynst,  of  die  landtman  niet  en  wrochte, 
Wie  soude  ons  dan  met  trooste  laven  ? 
Pausen,  coninghen,  princen,  graven, 
SuUen  si  leven  hi  moet  beslaven...  » 


Eigenlijke  daglooners  kende  men  in  de  middeleeiiwen  hier 
wcinig,  althans  de  docunientcn  zwijgen  er  van,  en  de  prijs  van 
hun  dagwerk  is  niet  aangestipt.  Wie  een  hof  beboiiwde,  hoe  ge- 
ring  ook,  kon  met  vlijt  en  spaarzaamheid  de  twee  einden  aan 
elkaar  knoopen,  zoo  men  't  heet,  ja  zelfs  grondeigenaar  worden, 
gelijk  wij  genoeg  zien  uit  de  oudste  staten  van  goed  en  testa- 
menten.  Arme  pachters  vond  men  overal  —  ze  zijn  hedendaags, 
voorwaar,  geene  zeldzaamheden?  —  maar  in  den  tijd,  dien  wij 
bespreken,  had  men  ook  velc  buitenlieden  die  langzamerband 
in  aanzien  wonnen  en  in  goed,  en  wier  afstammelingen  later  den 
kleinen  landadeldom,  of  vervallen  of  uitgestorven,  vernieuwen 
zouden. 

En  daar  wij  hier  spreken  van  edelen ,  mogen  wij  niet  nalaten 
op  de  diensten  te  wijzcn,  welke  deze  den  landbouw  gcdurende 
de  middeleeuwen  bewezen.  Men  dcnke  toch  niet  dat  de  heeren 
en  ridders  van  die  dagen,  zooals  meermaals  werd  gcschrcven, 
zich  enkellijk  bekommcrden  met  den  wapenhandel,  gedurig  uit- 


(  214  j 

trokken  op  oorlog  en  tournooi,  of,  toen  deze  ontbraken,  op  jacht 
gingeii  naar  avonturen  en  dcn  ecncn  of  anderen  adellijken  buiir- 
man  voor  de  poort  van  zijn  slot  gingen  uitdagen  en  in  't  krijt 
roepen.  Aanvankelijk  kunnen  er  wel  zoo  geweesl  zijn,  die  elke 
andere  bezigbeid  dan  met  lans  en  zwaard  veracbtten  —  inaar  de 
meeste,  allhans  in  de  XIV^  eeuw,  en  vroeger  misschien  ook  — 
wissclden  de  kunst  van  oorlogen  en  vernielen,  't  bedrijf  van  bar- 
baarscbheid,  af  met  de  bescbavende  kunst  om  de  dorre  naluur  te 
bedvvingen  en  hare  krachten  grooter  en  dienstbaarder  te  makcn 
aan  de  samenleving.De  béer  van  Naslc  (bij  Bergen),  ton  jare  1357 
overleden,  was  een  dier  edellieden,  welke  zicb  niet  schaamden 
aan  't  boofd  te  staan  van  eene  uitgebreide  landbebouvving,  in  dier 
voege,  dat  hij  op  zijn  bof  te  Beauvoir  acbterlicl  :  67  schapen, 
68  hamelen,  21  lammeren,  14  koeien,  2  vaarzen,  i  stier,  6  veu- 
lens,  2  wagens  met  al  hunne  toebehoorten,70  stuks  hofgevogelte, 
200  pond  boter,  150  kazen,  eene  aanzienlijke  boeveelbeid  wolle, 
10  mud  4  razieren  koorn  cnz.  Te  Anderlues,  Bièvene  en  Ever- 
beke  liet  dezelfde  edelman  op  de  hem  aldaar  loehoorende  land- 
gocderen  eene  groote  boeveelbeid  graan  van  aile  slag  acbtcr  ^ 
Mcn  ziet  bet  :  de  béer  van  Naste  was  een  landedelman  in  de 
voile  kracht  des  woords,  en  gclijk  bij  was,  trof  mcn  er  op  aile 
punten  des  lands  aan. 

De  gelukkigste  onder  de  landbouwers  waren  de  baag-  of  bui- 
tenpoorters,  gelijk  men  de  vrije  boeren  beette,  die  't  poortcrs- 
recbt  verwierven  in  eene  stad,  maar  hun  verblijf  namen  te  lande, 
en  de  stedelingen,  welke  zicb  buiten  de  païen  van  bun  sebependom 
gingen  vestigen,  maar  tocb  hun  stadsrecht  bebielden.  Waarom 
zij  de  voorkcur  gaven  aan  't  verblijf  op  den  buiten  is  licbt  te 
raden.  't  Leven  was  er  rustiger,  beterkoop,  gezonder  dan  binnen 
de  enge  stadsmuren  en  ongekasseide  straten,  terwijl  de  binnen- 
poorters  vanouds  bet  voorrecbt  bezaten  allerlei  bedrijf  te  mogen 
uitoefenen  in  den  kring  van  eén  uur  rondom  hunne  stad.  Dit 
werd  zoo  zeer  op  prijs  gesteld  dat  bet  getal  baagpoorters  op  kor- 
ten  tijd  aanzienlijk  toenam  en  de  leenheercn  begonnen  te  vreezen 

'  Zie  bijlage  n°  2. 


i 


(  213  ) 

door  hen  op  den  diiur  over  't  hoofd  te  zuilcn  gezien  wordeii. 
Inderdaad,  door  hunnen  handel  of  nering  vcrwierven  zicli  de 
stadslieden  rijkdom  geiioeg  om  uitgestrekte  grondgoederen  te 
koopen,  waartoe  zij  dan  ook  geene  gelegcnhcid  licten  oiUsnap- 
pen;  hoe  meer  dit  geschieddc,  des  te  nadeeliger  werd  liet  voor 
de  dorpelingen,  aangezien  de  poorters,  gelijk  de  geestelijken,  in 
zake  van  belastinggrooten  vrijdom  van  rechten  gcnotcn,  en  der- 
halve  hct  aandeel  van  ieder  dorp  te  zwaarder  driikte  op  lien, 
die  niet  waren  bevoorrecht.  Zoo  kwam  het,  dat  de  stadsburger 
langzamerhand  meester  werd  van  een  groot  gedeelte  des  bodcins 
op  den  biiiten,  ook  in  Brabant,  ofschoon  daar  eenige  beperking 
aan  gcsteld  werd  door  de  keure  van  Gaasbeek  (l!284),  welke  de 
burgers  verbood  in  die  heeriijkheid  grondgoederen  te  koopen 
zonder  toeslemming  van  den  béer  •. 

De  Antwerpscbe  biiitenpoorter  genoot  al  de  vrijheden  dcr  bin- 
nenpoorters,  ter  uitzondering  van  de  vrijbcid  van  loi  en  wagen 
in  Brabant,  en  van  drie  der  beden. 

Wat  de  baagpoorters  van  Gent  betreft,  dezer  getal  werd  in  de 
X[V^  eeiiw  merkelijk  vermeerderd  nadat  graaf  Lodewijk  van 
Nevers,  op  verzoek  van  Brugge  ,  IJper  en  Gent,  den  «  vrijen 
steden  van  wette  »  alléen  toestond  het  weefambaeht  iiit  te  oefe- 
nen,  zoodat  een  aanzienlijk  getal  wevers,  in  de  dorpen  gevestigd, 
gedwongen  was  ofwel  hunne  nering  te  laten  varen,  ofwel  het 
steedsche  poortersrecht  aan  te  werven,  ofwel  te  arbeiden  voor 
rekening  van  eenen  vrijen  wever.  De  Gentenaars  gelukten  er  in, 
de  strengheid  van  bedoelde  verordening  te  verzachten  door.  ten 
voordeele  hunner  wevers,  liunncn  omkring  gedurig  iiit  te  brei- 
den,  't  geen  ook  werd  gedaan  voor  de  volders  en  molenaars  ^, 
maar  zij  toonden  zicb  weinig  edelmoedig  jegens  hunne  landge- 
nooten  op  de  dorpen  buiten  gezegden  omkring,  die,  nu  en  dan 
het  vorstelijk  verbod  overtredende,  daarvoor  herhaalde  keeren 
werden  aangevallen.  De  dorpswevers  meendcn  te  meer  rechl  te 
hebben  hun  bedrijf  te  blijven  uitoefenen,  daar  zij  zegden  al  het 

*  Alph.  Wauters,  Hist.  des  environs  de  Bruxelles. 
2  Zie  Meyerus,  Annal.^  an.  1342. 


(  216  ) 

laken,  dat  van  hun  getouw  kwara,  ter  markt  te  brengen  van  de 
slad,  welke  er  dus  't  voordeel  van  genoot.  De  Gentsche  wevers, 
len  hoogste  naijverig  op  hun  privilège,  zonden  eenige  hunner 
mannen  gewapend  naar  buiten,  met  last  de  weefgetouwen,  welke 
zij  er  zouden  vinden,  aan  stukken  te  slaan  of  op  wagens  te  laden 
en  naar  Gent  te  voeren,  J.  Huyttens  geeft  in  zijne  Recherches  sur 
les  corporations  gantoises  uit  de  stadsrekeningen  de  lijst  van  die 
gewapende  tochten  in  de  eerste  helft  der  XIV*  eeuw,  en  wij  zien 
er  uit,  dat  de  wevers  telkens  vergezeld  waren  door  eenen  of  nieer 
schepenen,  den  hoog-  of  onderbaljuw ,  eenige  volders  of  droog- 
scheerders  enz.  Het  Land  van  Aalst,  de  Vier-Ambachtcn,  het 
Land  van  Waas,  de  streek  tusschen  Brugge  en  Gent  waren  meer 
dan  eens  getuige  van  zulke  gewelddaden. 

Elders,  waar  het  weven  nict  verboden  was,  werd  dit  uitge- 
oefend  op  de  dagen,  dat  het  landwerk  stil  lag,  en  die  tweede 
hoofdnijverheid,  wijd  en  zijd  vermaard  wegens  de  deugdelijkheid 
en  de  wanrde  van  het  product,  trok  eenen  regen  van  gond  over 
onze  gewesten ,  die  aanhoudend  door  de  groote  kooplieden  van 
Europa  bezocht  werden. 

Eindigen  wij  dit  hoofdstuk  met  eenige  regelen  over  de  andere 
nijverheden,  welke  de  Belgische  buitenlieden  eertijds  bcoefen- 
dcn. 

In  het  vdormalige  Brabant  en  Limburg,  alsook  op  Vlaanderens 
moerasgronden,  placht  het  laiidvolk  zich  veel  bezig  te  houden 
met  het  turfstcken,  en  daaruit  ontstond,  bijzonderlijk  in  de  Ant- 
werpsche  Kempen,  zooveel  bezigheid  en  eene  zoo  groole  handcls- 
beweging,  dat  verscheidene  dorpcn  er  hunnen  oorsprong,  andere 
de  uitbreiding  hunner  bevolking  aan  te  danken  hadden. 

Tusschen  Nispen,  Kapellen  en  Wuustwezel  strekte  zich  een 
ontzaglijk  heideveld  uil,  afhangende  van  de  heerlijkheden  van 
Kalmj)thout  enEsschen,  't  huidige  dorp  Rozendaal  en  de  Holland- 
sche  gemeente  Nispen.  In  4299  verzekerde  de  hertog  van  Bra- 
bant aan  de  abdij  van  Tongerloo  het  voile  bezit  van  de  allodiale 
plaatscn  Kalmpihout  en  Esschen,  de  ingezetenen  en  leenhouders 
der  raonniken  ontslaande  van  de  belastingen,  welke  zijne  andere 


(  217  ) 

onderdanen  hem  verschuldigd  waren  *.  Krachtens  dit  privilège, 
dat  la  ter  herhaalde  keercn  door  de  opvolgers  van  genoemden 
vorst  bekrachtigd  werd,  verleende  't  sticht  in  de  XV*  eeuw  oorlof 
aan  verscheidene  personen  om  turf  te  sleken  uit  het  moeras  van 
Esschen,  alsook  watergangen  aldaar  te  delven,  ten  einde  langs  deze 
de  producten  der  nieuwe  nijverheid  op  platte  vaartuigen  verder- 
op  in  Brabant,  naar  Rozendaal  en  Breda,  te  vervocren  2.  Wij  hoe- 
veii  zeker  niet  te  zeggen  hoe  uiterst  voordeelig  die  vaarten  voor 
de  Kerapen  zijn  geweest;  men  bedenke  slechts,  dat  het  turfste- 
ken  cen  groot  getal  arbeidcrs  naar  de  streek  moest  lokken,  te 
meer  daar,  boven  de  gelegenheid  van  een  bestaan  te  vinden,  het 
levcn  er  minder  hard  was  uit  hoofde  der  gemelde  voorrechten. 
Alzoo  kwamen  de  gchuchlen  Wildert,  Achterbroek,  Nieuwmoer 
en  Gooreind,  raisschien  00k  Wiekevorst,  tôt  stand. 

Tusschen  Berg  en  Nederokerzeel  was  een  groot  turfbroek,  dat 
in  1238  door  Hendrik  III  van  Brabant  aan  de  bevolking  dier  streek 
werd  afgestaan.  Uitgestrekte  turfputten  en  moeren  vond  men  00k 
in  't  noorderdeel  van  Vlaanderen.  De  gravin  Margareta  van  Con- 
stantinopel  verkocht  ten  jare  1278  een  groot  moeras  tusschen 
Wulfsdonk  (Moerbeke)  en  Kalve  (Wachtebeke)  aan  de  St.-Baafs- 
abdij  5;  graaf  Robrechts  oudste  zoon^  in  1299,  niet  minder  dan 
180  bunder  2  gemeten  141  roeden  moer  ter  beide  laatstge- 
noemde  plaatsen  en  te  Assenede,  aan  zekeren  poorter  van  Gent, 
mci  name  Woitin  van  derMeere.  Laler  (1350)  kocht  de  abdij  van 
St.-Baafs  25  bunder  grond  te  Moerbeke,  om  turf  te  steken  *. 

Dit  ailes  vergde  veel  arbeid,  vêle  handen,  zoodat  elk,  die  ge- 
zond  van  lijf  en  leden,  geen  vijand  was  van  den  arbeid,  in  de  turf- 
landen  gemakkelijk  bezigheid  kon  vinden.  Eene  aanteekening  in 
't  handboek  des  heeren  van  Ncvele,  wel  is  waar  van  latere  dag- 
teekening,  maakt  ons  bekend  dat  de  stekers  of  delvers  van  turf, 
1er  vergelding  van  hunne  moeite,  recht  hadden  op  de  helft  van 

*  WiLLEMS,  in  de  Brabantsche  Yeesten,  l,  690. 

*  Analectes,  X,  255. 

3  .los.  DE  Saint-Genois,  Monuments  anciens. 

*  A.  VAN  LoKEREN,  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Bavon,  118. 


(  218  ) 

den  turf,  dien  zij  voortbrachten.  Geen  twijfel  of  dit  loon  was  vol- 
doende  tôt  het  onderhoiid  der  werkcrs. 

Nog  belangrijker  moet  de  steennijverheid  geweest  zijn,  welke 
inen  niet  alleen  in  de  Waalsche  gewcsteii,  niaar  ook  in  Brabant, 
Limburg  en  zelfs  in  Vlaanderen  van  diep  in  de  middeieeuwen  uit- 
geoefend  ziet.  De  groeven  van  Diegem  leverden  twee  soorten 
van  steenen,  namelijk  voor  fondatiën  van  gebouwen,  en  hardere, 
voor  dijkherstellingen  ;  te  Oudergem  wrocht  men  op  't  einde  der 
XIV*  eeuw,  te  Pamele  reeds  in  de  XII1%  in  groeven,  die  bouw- 
steen  leverden;  ouder  nog  zijn  de  groeven  van  Meldert,  bewcrkt 
in  de  XIPeeuw,enwier  voortbrengselen  naarHollanden  Dtiitscli- 
land  werden  gezonden  tôt  in  het  midden  der  XVIII*  eeuw.  De  steen 
van  Grimbergen  diende  voor  't  bouwen  van  verschillige  monu- 
menten,  als  de  kerkvan  St.-Rombout,  te  Meehelen,  terwiji  de  pro- 
ducten  der  groeven  van  Affligem  onder  andere  gebezigd  wer- 
den tôt  de  oprichting  der  O.-L.-Vrouwekerk  van  Antwerpen,  de 
St.-Pieterskerk  te  Leuven,  het  stadhuis  van  Aalst  enz.  De  oudst- 
bekende  groeven  schijnen  die  van  Loo,  in  Brabant,  te  zijn;  im- 
mers men  vindt  geschreven  dat  ze  de  Gallen  reeds  benulligden. 
Voorts  had  men  nog  de  groeven  van  Elsene  en  St.-Gillis,  lot  het 
maken  van  kalk  en  't  kappen  van  steen  voor  gebouwen  en  dij- 
ken;  van  St.-Stevens-Woluwe,  Asbeek,  Rotselare,  Saventhem, 
Dielbeek  en  Vilvoorde,  in  Brabant;  in  Vlaanderen  :  Balegem,  met 
welker  steenen  de  voornaamste  monumenten  der  stad  Gent  ge- 
bouwd  werden,  Vlierzele,  Oosterzeele  en  Lede;  in  Limburg  :  de 
groeven  der  omstreken  van  Maastricht;  in  't  Walenland  :  de  groe- 
ven van  Avesnes,  die  den  sleen  leverden  voor  ons  middeleeuwsch 
beeldwerk,  van  St.-Denis  (Henegouw),  Castiau,  Doornik,  Ecaus- 
sines  en  meer  andere. 

De  kolennijverheid  vergde  ook,  alvroeg,  een  groot  getal  wer- 
kers,  gelijk  zij  aanleidinggaf  tôt  eenen  uitgestrekten  handel.  't  Is 
bekend  dat  die  kostelijke  brandstof  omtrent  M9S  len  dorpe  van 
Plainevaux  werd  gevonden  door  zekeren  hoefsmid,  met  name 
Hullos,  wien  men  deswege  de  volgcnde  légende  toedicht. 

Een  grijsaard  met  sneeuwvvitten  baard  en  praehtig  kleed  wan- 
delde  voor  de  smidse  eens  armen  hoefsmids,  dezen  den  goeden 
dag  en  eene  goede  winst  wenschende. 


(  219  ) 

—  Winst,  zegde  de  sraid,  wilt  gij  dat  ik  overlioude?  Ailes  wat 
ik  met  mijn  lastig  wcrk  verdien,  wordt  opgeslorpt  door  den  ann- 
koop  der  lioutskolen,  die  tlians  schromelijk  duiir  zijn. 

—  Goede  vriend,  zei  de  grijsaard,  ik  weet  raad  voor  u.  Ga  naar 
den  Monniksberg,  krab  de  opperviakte  van  den  grond  weg  en 
neeni  de  zwarte  steenaarde,  die  gij  er  vindt.  Dat  is  de  beste  brand- 
stof,  die  gij  wenscben  kunt. 

De  smid  dacht  nos  aan  't  sezei^de  van  den  onbekenden  ouder- 


'O    """      "   Ô^'^^O 


ling,  toen  bij  bemerkte  dat  dezc  verdwenen  was,  zonder  te  weten 
hoe  of  langs  waar.  Ganscb  verbaasd  en  over  die  wonderbare  ver- 
schijning  en  over  de  woorden  des  onbekenden,  begaf  de  smid  zich 
naar  de  aangeduide  plaats,  begon  er  te  gravcn,  baalde  inderdaad 
eene  steenacbtige  aarde  uit  den  grond  en  ging  er  de  proef  mee 
nemen.  De  uitsiag  was  al  wat  bij  kon  wenscben.  't  Goede  nieuws 
vverd  aan  buren  en  vrienden  raedegedeeld  en  op  korten  tijd  was 
eene  nieuwe  nijverbeid,  een  nieuwe  handelstak  voor  't  volk  van 
't  land  van  Luik  geboren.  Het  moet  ter  eere  onzer  middeleeuw- 
sche  voorgangers  gezegd  worden  :  vrouwen  werden  niet  door  ben 
in  de  mijn  toegelaten,  maar  enkellijk  aan  de  opperviakte  gebe- 
zigd. 

De  aanzienlijke  ontwikkeling  van  de  nijverbeid  in  de  XIV^  en 
XV^  eeuw,  eensdeels  te  danken  aan  den  bloei  en  voorspoed  der 
macbtige  gemeenten,  anderdeels  aan  de  vermenigvuldiging  der 
groote  jaarmarkten,  kon  niet  nalaten  eenen  beilzamen  invloed 
op  den  toestand  der  dorpen  uit  te  oefenen.  Dit  bracbtecbter  ook 
zijn  kwaad  mee.  Overbevolking  was  er  op  den  buiten  nergens, 
zoodat,  bij  de  invoering  elker  nieuwe  nijverbeid,  bij  de  opening 
van  elken  nieuwen  bandelsweg  van  belang,  arms  werden  onttrok- 
ken  aan  den  akkerbouw,  die  er  nooit  genoeg  bad.  Zoo  kwam  bel 
dat,vooral  na  eenen  oorlog,  welken  de  dorpsbewonerseener  streek 
op  de  vlucbt  gedreven  en  de  cuituur  tegengehouden  bad,  de  ian- 
den  aldaar  druk  waren  bezocbt  van  wolven  en  andere  schadelijke 
dieren,  die  de  pogingen  der  akkerlieden  verlamden  wanneer,  na 
de  dagen  van  gevaar  en  beproeving,  een  nieuw  tijdperk  van  werk- 
zaambeid  en  viijt  was  aangebroken.  De  overbeid  loofde  wel  pre- 
miën  uit  aan  ieder,  die  eenen  wolf  of  kraai  vangen  en  inbrengen 


(  220  ) 

wilde  *,  doch  hiermede  verminderde  de  overlast  van  't  roofge- 
dierte  weinig.  Niet  alleen  in  de  Ardennen,  waar,  tijdens  de  mid- 
deleeuwen,  de  meerderc  helft  des  bodems  met  bout  bezet  was  en 
tôt  scbuilplaats  diende  der  wilde  dieren,  maar  ook  in  Brabant  en 
Vlaanderen  werd  de  boer  door  de  onwelkome  viervoeters  bitter 
op  de  proef  gesteld.Het  Soniënbosch  (zegt  Alph.  Wauters)  was  in 
de  middeleeuwen  bevolkt  met  wilde  ossen,  beren,  wolven,  zwij- 
nen,  herlen  en  reebokken  ^.  Het  Briigscbe  Vrije  was  op  bet  laatste 
der  XIV*  en  in  gebeel  de  XV^  eeuw  verontrust  door  een  aanzien- 
lijk  getal  wolven  en  kraaien,  die  den  landbouwer  van  die  streek 
eene  onnoemlijke  sebade  deden  ^. 

*  Men  leest  in  het  Groot  Gemeyn-boeck  der  stad  Loven  op  het jaartal  1433  • 
«  Van  den  woljfpanden.  Inder  manière  hierna  bescreven  es  getaxeert,  bider 
stad  RaJde,  xxix  daghe  in  April,  in  tjaer  XIIlIc  XXXIIJ,  den  cost  ghedaen  aen 
de  wolfspande  liggende  te  Wesemale,  die  beliep  op  cj  gripe,  xl  plecken  voir 
elkgripe,  op  vueghe  wouder  enich  van  den  dorpen  hiernae  bescreven  hen 
met  den  voirscreven  panden  om  wolve  te  vaen  behulpen,  dat  sij  die  te  Wese- 
male selen  mogen  halen,  ende  hoeren  oiber  gedaen  sijnde,  daer  wederbrin- 
ghen,  op  dats  elc  van  hen  daer  weten  moghe  te  vijnden. 

«  lerst  in  't  dorp  van  Wesemaele  op.    .  x  gripen. 

Holsbeke x  » 

Cortelke X  » 

Rode X  » 

Nuwerode Vlii  » 

Hondert X  » 

Rotselair X  » 

Gheelrode un  » 

Wiltsele iiii  » 

Herent  ende  Oesterhem v  » 

Lynden m  » 

Libbeke •  'Vii  » 

Lovengoel un  » 

Cortbeke  over  Loe m  » 

Pellenberch m  » 

«  Ilem,  want  dit  der  ghemeynder  dorpen  orber  is,  soe  hebben  dese  vu 
{laalste)  dorpen  mede  ghegouden  ten  onderwise  ende  beede  van  der  Stat, 
behoudelic  enen  yegenliken  sinen  rechten.  » 

'  Alph.  Wauters,  Ifist.  des  environs  de  Bruxelles,  I,  372. 

3  De  bestuurders  der  genoemde  kastelnij  reikten  ook  belooningen  uit  aan 


(  221  ) 

Nu  zou  nog  de  vraag  kunnen  gesteld  worden  :  welk  was  de 
tocstand  der  armen  en  gebrekkelijken  op  den  buitcn?  Was  er, 
naast  de  bron  van  voorspoed,  den  door  't  lot  begunstigden  man 
ontsioten,  ook  eene  toevlucht  voor  den  zwaarbeproefde  in  de 
dagen  van  ontbering,  ellende  en  ziekte? 

't  Is  moeilijk  op  eene  nauwkeurige  en  volledige  wijze  den  toe- 
stand  der  behoeftige  klasse,  vooral  van  het  platte  land,gedurende 
de  middeleeuwen  te  schetsen ,  maar  was  baar  lot  in  verhouding 
met  den  staat  der  vermogenden  van  dien  tijd,  dan  zal  het  zeker 
ellendig  zijn  geweest.  Er  blijkt  uit  de  feiten  en  omstandigheden, 
door  de  geschiedenis  bekend  gemaakt,  dat  de  eenvoudige  burger 
onzer  dagen  een  meerder  zedelijk  en  stoffelijk  welzijn  genoot  dan 

de  personen,  die  roofvogelen  of  wilde  boschdieren  vingen.  Wij  lezen  in  de 
rekeningen  van  't  Land  van  den  Vrije,  berustende  in  't  Slaatsarchief  te 
Cent,  hieromlrenl  de  volgende  poslen  : 

1309.  «  Ten  selven  jaere  wierden  ghevangheu  elf  wulfven,  vijf  wulfvinnen 
ende  xxv  wulfve  jonghen. 

1403.  »  In  desen  jaer  ghevanghen  twaelf  wulfven,  een  wulfvinne  ende  xxv 
wulfve  jonghen. 

141 1-1412.  »  Ten  voorschreven  jaer  wierden  ghevanghen  veerthien  wulfven, 
veerlhien  wulfvinnen  ende  zeven  wulfven  jongen. 

1419.  »  Ten  selven  jaer  wierden  ghevanghen  thien  oude  wulfven,  achtoude 
wulfvinnen  ende  xxi  wulfve  jonghen. 

1420-1421.  »  Ten  selven  jaere  wierden  ghevanghen  elf  oude  wulfven,  ses 
oude  wulfvinnen,  drije  jaghende  wulfven  ende  xxiiii  jonghe  wulfven. 

1422.  »  Ten  selven  jare  wierden  ghevanghen  acht  oude  wulfven,  ses  oude 
wulfvinnen,  derthien  wulfve  jonghen, 

1423.  »  ...  seven  oude  wulfven,  seven  oude  wulfvinnen. 

1424.»  ...  acht  oude  wulfven,  vijf  oude  wulfvinnen,  vier  jaghende  wulfven 
ende  twaelf  wulfven  jonghen. 

1425.»  Raeckende  de  wulfven  ende  wulfvinnen  en  sal  voortaan  gheene 
mense  hier  ghemaeckt  worden  ende  es  tselve  hiervoren  gheschiedt  tôt 
belhoone  van  de  woestijne  des  lants. 

1480.  »  Nota,  dat  ten  desen  jaer  wierden  ghevanghen  xix'nv'=iiii"x  crayen 
(19,590)  ende  mengaf  voor  elck  hondert,  zesthi^n  stuvers. 

1 481 .  »  In  desen  jare  wierden  ghevanghen  thien  duysent  ende  dry  en  tzeslich 
crayen. 

1482.  »  Nota,  dat  ten  desen  jaere  ghevanghen  wierden  acht  duysent  drij 
hondert  ende  zeventhien  crayen.  » 


(  222  ) 

een  landheer  van  oudtijds  ;  dat  de  boer  het  zelfs  beter  had  dan  de 
op  zijne  vrijheid  en  voorrechten  zoo  fiere  stadsbewoner.  De  hon- 
derd  gemakken  van  het  leven  waren  onzen  vooroudercn  schier 
niet  bekend;  het  tafelgereedschap,  althans  de  vork,  bestond  niet, 
de  slralen  dcr  steden  waren  meestal  zonder  steenen ,  verzame- 
lingen  van  vuilnis,  moerassig  in  het  regenseizoen,  eng,  donker  en 
verviild  met  bedorvene  lucht.  Eene  eenvoudige  roetkaars  was  nog 
in  de  XIV^  eeuw  een  artikel  van  weelde.  De  slechte,  ongezonde 
toestand  der  groote  bevolkingsplaatsen  gaf  gedurig  aanleiding  tôt 
groole,  besmelteh'jke  ziekten,  die  duizenden  en  lienduizenden 
wcgmaaiden,  gelijk  de  hongersnood  na  jaren  van  oorlog  en  on- 
vruchtbaarheid.  De  geschiedenis  haalt,  onder  de  versehrikke- 
lijkste  pestziekten.  welke  in  de  middeleeuwen  ons  land  teisterden, 
diegene  aan  van  het  jaar  1036  in 't  graafschap  Hencgouw  ;  van 
4094.  die  de  Iwee  dcrdcn  der  bevolking  wegraaaide;  van  H29, 
4150, 4192  et  1226,  die  vooral  in  Hencgouw  lang  woedden;  van 
1272  en  1273,  in  hetzelfde  gewest  en  die  den  landbouwenden 
stand  zwaar  beproefde  door  't  verlies  der  staldieren  *  ;  van  1313 
en  151 G  in  't  markgraafschap  van  Antwerpen  ;  van  1549,  wanneer 
het  vijfde  deel  van  Europa's  bevolking  door  de  zwarte  pest  werd 
weggerukt;  van  1539,  wanneer  te  IJper,  in  drie  maanden  tijds, 
niet  min  dan  4,000  personen  stierven;  van  1409,  toen  de  stad 
Doornik  en  het  omliggende  zwaar  werden  beproefd  enz.  2. 

De  hongersnooden  waren  niet  niinder  talrijk,  hetgeen  niet  ver- 
wondert  als  men  bedenkt,  dat  ons  land  geen  koorn  genoeg  op- 
bracht  om  zijne  bewoners  te  voeden.  In  de  XP  eeuw  werden 
gcwesten  niet  min  dan  zeven  maal,  gedurcnde  de  XII^  eeuw  tôt 
elfmaal  toe  door  grooten  hongersnood  geteisterd. 


a  Mil  ce  cens  L\  et  douse 
Vint  une  mors  laide  et  hidouse 
Qui  pani  (par)  ces  pays  passa 
Dont  mains  riches  hom  trespassa 
Et  des.vacches  laulre  an  apries 
Fu  li  mortories  [mortalité]  tout  clii  pries.  » 

{Oude  handschriftelijke  kroniek  van  Doornik.) 

Zie  ToRFS,  Fastes  des  calamités  publiques,  1859. 


(  225  ) 

Ten  jare  1196,  onder  andere,  vicl  er  zoovcel  regen,  dat  de 
vriu'hlen  in  de  aarde  bedierven  en  de  prijs  der  levensmiddelen 
lot  cenc  recht  fabelachtige  hoogte  slegen  :  de  maat  koorn,  die  in 
gewone  jaren  ten  prijze  van  5  of  6  sclicllingen  te  koopen  was, 
gold  er  toen  50  of  60,  zoodat  de  arme  lieden  het  brood  missen 
lïioeslen,  en  ratten,  muizen  en  slechte  kniiden  al  hun  voedsel 
uilmaakten. 

In  de  XlIP  eemv  was  bet  gelukkiglijk  onder  dit  opzicht  beter 
gesteld;  doeb  in  de  XIV*'  eeuw  telt  men  alweder  niet  min  dan 
vijfgroote  hongersnooden,  waaronder  degene  van  1315  zoo  ramp- 
spoedig  was,  dal  een  overgroot  getal  «  scbamele  lieden  zom  ibuys, 
zom  up  straten,ende  eencgbe  ooc  in  die  portalen  van  der  kercken 
van  peuren  bonglier  ende  gbebreke  smolten  ende  jammerliek 
vergbinghen,  dat  Gode  claghelick  was  '.  » 

De  bedclarij  moest  alvroeg  door  weltelijke  verordeningen  be- 
teugeld  worden.  Dit  deed,  onder  andere,  Karel  de  Groote,  die  de 
rijksgraven  verplicbtle  de  noodlijdenden  bijsland  te  verleenen. 
Ook  bestond  toen  reeds  de  armentaks.Na  de  ontslaving  der  dienst- 
bare  mannen  nam  de  armoede  ongemeen  toe;  de  beboeftige 
dorper,  onlvoogd,  maar  alleen  staande  in  de  wereld,  zonder  goed, 
zondcr  bescherming,  verloor  met  zijnen  meester  het  bij  dezen 
gewaarborgde  brood ,  betwelk  bij  voortaan  zoeken ,  doeb  niet 
altijd  vinden  zou. 

Bij  de  beteugeiing  der  bedelarij  gingen  aile  vorsten  evenwel 
niet  met  edelmoedigheid  te  werk.  In  den  keiirbrief  voor  de  stad 
Brugge  op  bet  einde  der  XII^  eeuw  door  Pbilip  van  den  Elzas  ver- 
leeîid ,  lecst  men  :  Indien  een  bedelaar  ol"  bedelares  {scîirra)^  die 
bij  u  de  gastvrijbeid  becft  genoten,  weigert  daags  nadien  uit  uw 
buis  te  vertrekken,  bet  is  geene  misdaad  hem  te  verdrinken.  — 
Dit  was  nu  eigenlijk  geene  nieuwigheid  :  bij  de  oude  Germanen 
werden  degenen,  die  te  lui  waren  om  te  werken,  in  't  water 
geworpen. 

Op  het  laatste  der  middeleeuwen  deed  de  ellende  de  zwervende 

*  Despars,  Cronijcke  van  den  lande  ende  graefscepe  van  Vlaenderen,  II, 
197. 


(  224  ) 

bedelarij  ontstaan,  die  zelfs  eene  maatschappelijke  kwaal  werd. 
In  dorpen  en  steden  zag  men  een  groot  getal  armen  ronddolen, 
die  huis  en  arbeid  hadden  verlaten  om  ten  koste  der  welheb- 
benden  le  leven.  Regeering  en  plaatsclijke  besturen  zagen  zich 
genoodzaakt  strenge  verordeningen  uit  te  vaardigen  en  hen  zelfs 
uiterlijkekenteekens  van  hunnen  staat  te  doen  dragen. 

Philip  de  Goede  was  de  eerste  onzer  vorsten,  die  zich  het  vraag- 
stuk  van  het  paupérisme  ernstig  ter  harte  trok.  Zijne  ordonnantie 
van  14  Augustus  1439  schijnt  evenwel  machteloos  geweest  te 
zijn  om  de  kwaal  uit  te  roeien,  doch  bracht  te  weeg  dat  verschei- 
dene  kaslelnijbesturen  op  hunne  beurt  raaatregelen  namen,welke 
evenwel  door  het  steeds  toenemend  getal  bedelaars  en  landloo- 
pers  in  de  meeste  plaatsen  zonder  uitwerksel  bleven. 

In  die  algemeenerampen  bleef  deehristelijke  liefdadigheid  niet 
werkeloos;  de  armendisch ,  in  iedere  parochie  des  lands  met  de 
kerk  zelvc  opgericht,  kreeg  talrijke  giften  en  bezetten  en  reikte 
al  de  aalmoezen  uit,  waarover  hij  mocht  beschikken,  terwijl,  in 
prangenden  nood,de  blok  en  de  schaal  in  den  tempel  en  de  omha- 
ling  ten  huize  het  te  kort  geheel  of  gedeeltelijk  aanvulden. 

Een  groot  getal  dorpen  werd  begiftigd  met  een  hospitaal  voor 
arme  lijders  ofwel  zij  bouwden  hutten  voor  de  ongelukkigen,  die 
met  de  ongenadige,  verschrikkelijke  ziekte  der  melaatschheid 
besmetj  niet  met  de  gezonden  in  aanraking  mochten  komen  en 
de  wezenlijke  parias  der  middeleeuwen  zijn  geweest  ^ 

'  Melaatscîien  werden,  uit  hoofde  hunner  afzondering  op  het  veld,  ook 
akkerzieken  geheeten. 

Enkele  woorden  zullen  volstaanomden  toestand  dier  oDgelukkigen  te  doen 
kennen.  Niel  alleen  was  hun  't  eigen  huis,  maarook  de  kerk  ontzegd.  De  melaat- 
schen  werden  eenigerwijze  builen  de  wet  gesteld.  De  leden  der  Grafelijke 
Audientie  in  Vlaanderen  bezegelden  ten  jare  1372 eene  verkIaring,inhoudende 
dat  eene  akte,  door  eenen  lazaruszieke  onderleekend,  zooals  opzichlens 
groudgoedereD,  rentenenz.  van  geener  waarde  kon  zijn. 


iu^ 


VII«  HOOFDSTUK. 


Beschaving  en  zeden  gedurende  de  middeleeuwen. 

Een  wonderbaar  feit  Ireft  den  denker,  die  de  vadcrlandsche 
geschiedrol  voor  het  tijdvak  der  middeleeuwen  doorloopt.  Geen 
was  zoo  bevvogen  door  inheemsche  onlusten,  bloedige  volksop- 
loopen,  muilerijen  en  oorlogen  van  allen  aard,  waarbij  steden  en 
dorpen  ontvolkt,  geheele  landstreken  verwoest  en  verpestendc 
ziekten  verspreid  w  erden  ;  geen  ander  tijdvak  was  door  het 
gémis  aan  veib'gbeid  en  rust  minder  gunstig  ter  ontwikkeling 
van  beschaving,  geleerdheid  en  kunst,  ter  uitbreiding  van  nijver- 
heid  en  handel  en  wat  dit  ailes  dienstbaar  kon  zijn  —  en  niet 
te  min  is  er  bezwaarlijk  een  tijdperk  te  noemen  waarop  elke 
kracht  van  den  menschelijken  geest  zoo  hoog  te  klimmen  en  zoo 
ver  zich  uit  te  breiden  wist.  De  schilderkunst,  de  architectuur, 
de  schoonschrijfkunde,  de  beeldhouwkunst  schiepen  wonderen, 
waarvan  menige  in  de  nieer  verlichte  tijden  niet  overtrofTenjZelfs 
niet  geëvenaard  zijn.  Diehters  stonden  op,  edele  waarheidpre- 
dikers,  die,  groot  van  harten  hoog  van  moed,  het  verongelijkte 
volk  den  weg  der  wijsheid  en  der  vrijheden  wezen  ;  kroniek- 
schrijvers,  die  de  glansrijke  wapenfeiten  in  de  volkstaal  te  boek 
stelden;  wijsgeren,  die  den  naam  van  hun  vaderland  op  vreem- 
den  bodem  beroemd  maakten  en,  glansrijke  lichten  der  Sorbonne, 
te  Parijs,  voor  himnen  leerstoel  de  wijssten  onder  de  denkers  en 
de  geniaalsten  onder  de  diehters  —  eenen  Dante  Alighieri  zelf  î 
—  zich  zagen  komen  neerzelten  Alom  werden  scholen  voor  de 
volkskinderen  en  voor  de  studieminnende  jongelingschap  opge- 
richt;  godgeleerdheid,  wijsbegeerte,  genees-en  rechtsleer  werden 
grondigonderwezen  ;  in  éen  woord  :  de  beschaving,  door  hetwa- 
pengerammel  en  de  woestheid  der  opgeruide  menigte  herhaai- 
delijk  verdreven,  werd  ook  telkens  teruggevoerd,  en  de  bewoners 
Tome  XXXII.  15 


(  226  ) 

onzer  verschillige  landstreken  gaven  in  iedere  eeuw  bewijs  van 
eene  onbegrensde  zucht  tôt  kennis  en  veredeling,  gelijkmede  van 
volstandighcid  en  geduld,die  aile  wederwaardigheden  verachtten 
en  met  glans  te  boven  kvvamen.  De  Belgen  gingen  op  bloot  ver- 
standelijk  gebied  le  werk  gelijk  de  kust-  of  rivierbewoner  die,  na 
al  zijne  bave  en  goed,zijn  huis  en  dorp  door  de  toomlooze  golven 
te  hebben  zien  aanranden  en  verzwelgen,  na  de  eerste  Iranen  van 
wee  geschreid  en  bel  snerpendsle  leed  der  ontbering  uitgestaan 
te  bebben,  met  verjongden  moed  en  verscbe  kracbt  de  spade  in 
de  hand  nam,  bet  vernielend  élément  acbteruitdreef ,  't  land  bem 
voet  voor  voet  betwistte,  totdat  eindelijk  zijne  noeste  vlijt  be- 
kroond  en  de  spade  in  den  bodem  was  geplant  ter  plaatse  van  de 
oude  afdamming,  zoo  niet  verder  op  't  vrocgerc  watergebied. 

Was  België  de  bakermat  van  duizenden  kunstenaren  en  geleer- 
dcn,  tevens  mag  het  de  wieg  heeten  van  miilioenen  helden.  Geen 
plekje  gronds  toch,  hoe  gering  ook,  dat,  inzonderheid  gcdurende 
de  middeleeuwen,  niet  getuige  geweest  is  van  den  heiligen  kamp 
voor  vrijbeid  en  recbt;  dat  niet  het  bloed  heeft  gedronken  van  de 
strijders  en  geheiligd  is  geweest  als  't  graf  eens  martelaars  voor 
de  goede  zaak. 

Men  kan  in  dit  geschiedkundig  overzicht  van  onzen  boeren- 
stand  niet  vergen,  dat  wij  het  lafereel  zouden  schetsen  van  al  de 
oorlogen,  waarvan  onze  velden  getuigen  zijn  geweest;  edoch, 
zullen  wij  de  hooge  beteekenis  van  den  verstandelijken  vooruit- 
gangtijdcnsde  middeleeuwen  op  behoorlijkewijzcdoenuitkomen, 
zoo  mogen  wij  niet  nalaten  in  enkele  breede  trekken  de  voor- 
naamste  feiten  te  doen  kennen,welke  sedert  den  inval  dcr  Noord- 
mannen  totaan  betbegin  der  nieuwere  tijden  bij  machte  geweest 
zijn  dien  te  stutten  of  tegcn  te  werken. 

Het  eerste  feit,  dat  wij  in  deze  orde  te  vermelden  hebben,  is  de 
inval  der  Hunnen  of  andere  barbaren,  die  omtrent  het  midden 
der  X*  eeuw  in  het  zuidelijke  deel  des  lands  het  verdelgingswcrk 
der  Noordmannen  vernieuwden.  Omtrent  dienzelfden  tijd  was 
Lorreinen  het  tooneel  van  eenen  hardnekkigen  burgeroolog 
lusschen  twee  partijen,  waarvan  de  eene  Fransch-,  de  andere 
Duitschgezind  was.  Nauwelijks  was  de  XI®  eeuw  aangebrokcn,  of 


(  227  ) 

in  Vlaanderen  ontslond  ecn  krijg  lusschen  den  vorst  van  dit  ge- 
west  en  den  keizer  van  Duitschland,  tervvijl  eene  bctwisting  over 
Lorreinen  de  Brabanders  en  Hencgouwers  tegen  Godfried  van 
Ardennen  in  't  harnas  joeg.  Een  veertigtal  jarcn  nadien  ontstond 
er  een  nieuw  geschil  over  dezelfde  landstreck  tusschen  hcrtog 
Godfried  den  Moedige  en  keizer  Hcndrik  III,  een  oorlog  die  ge- 
voerd  werd  tôt  in  Vlaanderen,  welks  vorst  tegen  den  laatstge- 
noemde  in  verbond  was  gegaan.  Toen  voigden  de  bloedige  twist 
over  Richilde  van  Henegouw,  en  de  kruistochten  naar  het  Ooslen, 
welke  de  beste  krachten  des  lands,  de  dappersle  en  vermogendste 
heeren  en  ridders  met  duizenden  wakkere  landbouwers  den  ge- 
boortegrond  deden  verlalen. 

De  XU^  eeuw  was  voorai  een  tijdvak  van  oorlog  en  veete.  Zij 
zag  eenen  strijd  tusschen  Brabant  en  Limburg,  eenen  anderen 
tusschen  Brabant,  Namenen  Luik,  en  de  achttienjarige  veete  tus- 
schen de  Bertiiolds,  heeren  van  Mechelen  en  Grirabergen,  en  den 
Brabanlsclien  vorst;  daarbij  kwamen  nog  een  oorlog  tusschen 
Vlaanderen  en  Duitschland;  de  woeling  in  Vlaanderen,  veroor- 
zaakt  door  den  moord,  gepleegd  op  Karel  den  Goede;  de  krijg  tus- 
schen Godfried  111  van  Brabant  en  den  graaf  van  Namen  en 
Luxemburg,  verbonden  met  den  graaf  van  Vlaanderen;  tusschen 
Dirk  van  den  Elzas  en  Boudewijn  IV  van  Henegouw;  tusschen 
Philip  van  den  Elzas  en  den  koning  van  Frankrijk,  eenerzijds, 
en  de  hertogen  van  Brabant  en  Limburg,  anderzijds.  Een  twist 
tusschen  Boudewijn  van  Henegouw  en  Hugo  van  Edingen ,  door 
Godfried  III  aangevuurd,gaf  aanleiding  tôt  eenen  oorlog  tusschen 
den  eerste  en  den  laatstgenoemde,waaraan  de  vorstcn  van  Vlaan- 
deren, Namen  en  Luxemburg  deel  namen  ;  eindelijk  trokken  Dirk 
van  Holland  en  de  hertog  van  Brabant  tegen  elkander  op  en  ge- 
raakten  de  graaf  van  Vlaanderen  en  de  koning  van  Frankrijk 
opzichtens  het  bezit  van  Artois  slaags. 

Ook  de  XIIP  eeuw  bracht  veel  oorlogsw&e  en  jammeren  over  't 
land.  De  Franschen  vielen  in  Vlaanderen,  bcmachtigdcn  het  schier 
geheel  en  haalden  duizenden  strijders  onder  den  kling  Braban- 
ders en  Luikcnaren  trokken  tegen  elkander  het  zwaard.  Een  ver- 
bond  tegen  Frankrijk,  nadat  koning  Philip-August  schreeuwende 


(  228  ) 

geweldcnnrijen  had  gepleegd,en  in  hetwelk  Brabant,  Luik,  Vlaan- 
deren  en  Duilschland  vereenigd  oplraden,  eindigde  rampspoedig 
in  de  vlaklen  van  Boiivines.  Dan  volgde  de  twist  tusschen  de  Dam- 
pierre's  en  Avesnes,  waarin  men  eenen  zoon  de  wapens  zag 
opheffen  tcgen  zijne  raoeder,  terwijl  de  vorsten  van  Namen  in 
dit  tijdvak  gedurig  door  de  graven  vanLuxeniburg  en  Vlaanderen 
waren  bedreigd,  en  ten  laatste  genoodzaakt  waren  het  gewest  aan 
Gwijde  van  Dampierre  te  verkoopen.  De  diefstal  eencr  koc  ver- 
wekte  omtrent  dien  lijd  eenen  geweldigen  krijg  in  't  zuidoosten 
van  België  en  stortte  bet  edelste  bloed  der  Luxemburgers,Namen- 
schen,  Luikenaren  en  Brabanders,  len  getale  (zcgt  de  kroniek) 
van  J  5,000...  Korts  nadien  ontstond  tusschen  Reinout  van  Gel- 
deren  en  Jan  I  van  Brabant  over  het  hertogdom  Limburg  een 
oorlog,  die  ook  de  Luxemburgers  in  het  harnas  joeg  en  te  Woe- 
ringen  ter  eere  van  den  Brabantschen  vorst,  maar  ook,  geluk- 
kiglijk,  ter  ontwikkeling  der  volksvrijheden  eindigde. 

De  XIV"  eeuw,  het  glansrijkste  tijdpunt  voor  de  Belgische 
gewesten,  begon  in  Vlaanderen  geh'jk  de  XIII^  eeuw  had  geëin- 
digd  :  met  jammeren  en  beproevingen;  —  maar  weldra  werd  het 
groote  pleit  tusschen  defeodaliteit  en  de  gemeentemacht  beslecht 
op  't  onvergetelijke  Groeningerveld.Dan  kwam,  na  nieuwe  pogin- 
gcn  tôt  onderdrukking,  een  man  uit  het  Kerelsland,  de  dappere 
Zannekin,  die  niet  in  zijne  edele  poging  gelukte  maar  met  zijne 
makkers  den  dood  der  heldcn  stierf  op  den  Kasselbcrg. 

Ook  aan  martelaren  voor  de  volkswelvaart  zou  't  niet  ontbre- 
ken  :  tegenover  den  Franschgczinden  vorst  van  Vlaanderen  ver- 
rees  de  grootste  burger  van  dit  gewest,  Jacob  van  Artevelde,wijs 
en  beraden,  kloek  en  onbeschroomd,  maar  die  eilaasî  zijne  volks- 
en  vrijlieidsliefde  met  eenen  verraderlijken  dood  moest  bezuren. 

In  't  bisdom  van  Luik  woelden  de  partijschappen  der  Awans 
en  Waroux ,  van  1297  tôt  4  555,  gelukkiglijk  ook  met  dit  gevolg, 
dat  uit  dien  kamp  de  heeren  verzwakt,  maar  de  burgerij  met 
grootere  macht  lerugkeerden.  Brabant  werd  geteisterd  door  de 
Linfars,  eene  bende  landroovers,  die  het  gewest  prijs  gaven  aan 
verdelging  en  aile  wegen  onveilig  maakten.  Hieruit  ontstond  een 
oorlog   tusschen    Brabant  en   Gulik ,  alsmcde  tusschen  laatstge- 


(  229  ) 

noemde  en  Wenceslaus  van  Luxemburg,  die,  gevangen  en  op 
ranlsoen  gcsteld,  Iiet  geld  eisclilc  van  zijne  onderdanen  en  daar- 
door  zware  onlusten  verwekle.  Dan  had  Brabant  nog  cenen 
oorlog  tegcn  den  vorst  van  Gelderen,die  in  de  Kempen  viel,  «roo- 
vende  endc  blaeckende,  beroovende  het  arme  lantvolck.  »  Ein- 
delijk  in  Vlaanderen  deden  zieh  zware  onlusten  op  onderLodewijk 
van  Maie,  gekenmerkl,  onder  anderc  gmwelen,  door  de  moor- 
derij  der  IJpersche  burgcrs  en  door  den  ongelukkigen  veldslag 
van  Rozebeke,  waar  Philip  van  Artevelde  en  duizenden  Gente- 
naren  het  leven  liclen . 

Even  rampspoedig  was  het  tijdvak,hetweik  nu  volgde.  De  strijd 
ora  de  erfstaten  van  Jacoba  van  Beieren  en  waarin  de  Braban- 
ders,  Luikenaren,  Henegouwers  en  Vlamingen  gcmengd  werden  ; 
de  oorlog  tusschen  Frankrijk  en  Engeland,  waarbij  de  herfogen 
van  Burgondië  vvaren  betrokken,  zeker  niet  len  voordeele  van 
Vlaanderen;  de  opstand  der  boeren  van  't  graafschap  Loon  die, 
onder  den  naain  van  Cluppelstaghers,  moegetergd  door  afpersing 
en  willekeur,  in  1461  hunne  lang  verkropte  woede  kwanien  bot- 
vieren  te  Loon;  de  sluwe,  verraderlijke  staatkunde  van  Philip  den 
Goede,  die  de  kioekste  en  onverschrokkenste  kampioenen  voor 
de  gemeentevrijheid  op  het  slagveld  door  vreemde  huurbenden 
deed  vermoorden,  of  naar  't  schavot  dced  siepen  of,  zooals  in  't 
Land  van  Waas,  zijne  tegenstrevers  van  kasteel  tôt  kasteel,  van 
hutte  tôt  hutte  acht  dagen  lang  ging  opzocken,  hen  over  de  kling 
halende  en  hiiizing  en  oogsten  vernielende;  eindelijk  de  val  van 
Gent,  de  machtigsle  en  beroemdste  onzer  middeleeiiwsehe  ge- 
raeenten  —  ziedaar,in  welke  droeve  omstandigheden  de  zon  dier 
diepberoerde  tijden  ten  ondergang  neeg. 

Wat  al  jammercn,  wat  al  weeî 

Voorwaar,  er  zijn  stroomen  bloeds  vergoten,  oogen  blind  ge- 
weend,  gansche  familiën  en  gchuchten  weggemaaid,  steden  ont- 
volkt,  dorpen  uitgebrand  en  uitgemoord  in  die  eeuwen  van 
barbaarseh  geweld ,  wanneer  duizenden  en  lienduizenden  nien- 
sehenlevens  harteloos  aan  de  heerschzucht  of  den  gril  der  groo- 
ten  werden  opgeolïerd. 

En  toch,  hoeveel  moed  heeft  het  volk  van  Maas  en  Schelde,  van 


(  250  ) 

Haine  en  Rupel,  van  Ourthe  en  Nelhe  aan  den  dag  gelegd  om  de 
hooge  plaals,  die  het  in  de  rij  der  volkeren  had  gewonnen,  te 
handhaven  of  weer  te  winnen! 

Wat  veel  daartoe  bijdroeg  was  de  ontvvikkeling  van  liet  onder- 
wijs,  vooral  sedert  het  concile  van  Latran,  in  1215,  waarop  hct 
decrcet  werd  uitgevaardigd  dat  de  behoeftige  kinderen  van  de 
weldaad  des  onderwijzes  niet  mochlen  verstoken  blijven,  en  dat, 
overal  uitgevoerd,  de  volksschool  niet  alleen  in  de  stcden,  maar 
ook  in  de  groole  dorpen  deed  tôt  stand  komen.  Ook  leckedichters 
spoorden  daartoe  aan.  Jacob  van  Maerlant  voegt  in  Aristoteles'' 
leer  dcn  vorsten  toe  : 

«  In  sleden  dire  mogenlhede 
mac  scolen,  ende  doe  ieren  mede 
de  kinder  van  dinen  lande  i.  » 

De  boerenjeugd  kon  zich  dus  in  de  meeste  plaatsen  bckwamen 
in  de  onmisbaarstekennissen,  terwiji  degenen,  die  gedreven  waren 
door  zucht  naar  studie,  de  kennis  van  het  Lalijn  en  het  hooger 
onderwijs  konden  bekomen  in  de  goedbezochte  kloosterscholen. 
De  burgerlijke  besturen  slonden  de  Kerk  in  harc  poging  bij  ;  zij 
verleenden  ondcrstand  hetzij  aan  den  leek,  die  onderwijs  gaf, 
helzij  aan  Av.  uitstekcndsten  onder  de  leerlingen,  die  de  middelen 
niet  bezatcn  in  den  vreemde  hunne  sludiën  voorl  te  zelten;  en 
om  de  kinderen  der  volksklas  naar  school  te  krijgen,  gaf  mcn  hun 
op  vêle  plaatsen  (zooals  nog  heden,  onder  andere  bij  de  Trap- 
pisten,  te  Westmalle,  geschiedt)  het  middagmaal.Zoo  verre  slrekle 
zich  de  zorg  voor  de  arme  jeugd  uit,  dat  Udalrik,  in  het  IIl"  bock 
der  Coutumes  de  Cluni/j  verklaart,  dat  het  moeilijk  zou  geweest 
zijn  cenen  koningszoon  in  zijn  paleis  met  meer  zorg  op  te  voeden 
dan  te  Cluny  het  laatste  der  behoeftige  kinderen  was.  Die  toe- 
stand  was  geene  iiitzondering  ter  gnnste  van  Frankrijk  :  ook  in 
ons  land  wcrden  gedurende  de  middelceuwen,  langen  tijd  nog  na 
Karel  den  Groote,  de  kinderen  der  landwerkers  en  dorpcrs  met 
die  der  edelen  op  de  schoolbank  vermengd. 

»  Vs.  725. 


(  251  ) 

Men  ontkent  liet  niet  :  de  godsdienst  mag  in  dit  werk  van 
vercdeling  op  ecn  ruim  aandecl  bogcn;  waar  men  spreekt  van 
«  geloovige  nnddeleeuwen  »  zegt  men  eene  waarheid,  die  de  even- 
tijdige  schrijvers  bevesligen.  Hel  volk  geloofde  diep  en  de  geest 
des  chrislendoms  behecrscbte  aile  inriclitingen  en  aile  onder- 
nemingen.  De  liefdadigheid  verrichtte  wonderen  van  zelfopoffc- 
ring;  icdcre  mensclielijke  ellende  werd  verzorgd  en  iiit  de  sticb- 
lingsbrieven  van  bospitalen  en  godsliiiizen  blijkt  duidelijk  genocg 
dat  de  onlelbare  weldadeii  vooral  aan  den  geest  van  vroomheid 
zijn  te  danken.  Jan  Boendale,  die  in  de  eerste  jaren  der  XlVeeuw 
bloeide,  leert  ons  die  ontwikkeling  van  den  godsdienstzin  tege- 
lijk  met  de  meerderc  eerbiediging  van  de  wet,  in  de  volgende 
verzen  : 

a  ...Men  siet  Ifolc  bal  gaen  ter  kerken 
Ende  te  sermone  daghelijx  nu 
Dant  noyt  dede,  dat  segghic  u, 
Ende  ten  aflaet  wert  lopen, 
Ende  oec  missen  horen  met  hopen, 
En  bringhen  haer  offerande 
Met  devotien  tspriesters  hande 
Dant  hier  voeriuaels  ye  ghedede. 
Aelmoessen  gheeft  men  oec  mede 
In  allen  steden  wel  ter  core, 
In  kerken,  1er  straten  ende  ter  dore, 
Ende  kerken  in  elke  stat 
Sietmen  versieren  ende  maken  bat, 
Ende  capellen  ende  nuwe  outare 
Siet  men  fonderen  hier  ende  daer  ; 
Nuwe  gasthuse  ende  capellen 
Machmen  in  lanc  so  meer  tellen 
Beyde  in  dorpen  ende  in  steden, 
Dit  duncken  mi  al  salighe  seden. 
tFolc  en  was  nie  so  wel  beset 
Beyde  int  ghelove  ende  in  die  wet 
Alst  heden  es  op  desen  dacli...  *  >> 

Het  was,  wij  hcbben  't  hooger  reeds  gczien,  bet  christendom 
geweest,  dat  de  vrijbeid  der  dienslbare  laten  bevorderde  en  de 
verbefïïng  der  vrouw  bad  bewerkt;  onverminderd  de  stoffelijke 

*  Jans  Teesteye ^uiigegexcn  door  Snellaert,  vu.  471-492. 


(  232  ) 

voordeelen,  wclke  daaruit  voor  de  begunstigden  ontstonden,  was 
er  ook  eene  meerdere  zedelijkheid  uit  voortgesproten  en  eene 
verfijning  van  geaardheid  en  karakter.  Foulques,  bisscliop  van 
Toulouse,  in  de  cersle  jarcn  der  XlIP  eeuw  naar  het  land  van 
Luik  gekomen  om  er  tegen  de  Albigcnzen  te  prediken,  kon  den 
kardinaal  Jacob  van  Vitry  zijne  bewondering  voor  de  deugden 
en  bel  geloof  der  vrouwen  van  't  Luiksche  niet  verzwijgcn,  en 
eene  vergelijking  makende  lusschen  de  Luikscbe  en  Fransche 
vrouwen,  verklaarde  bij  bet  prins-bisdom  «  bet  beloofde  land 
der  vrouwelijke  deugden  »  te  zijn. 

Men  denke  nu  evenwel  nict,  dat  de  niiddeleeuwscbe  saraen- 
leving  de  volniaaktbeid  bad  bereikt  of  nabijkwam.  Er  is  eene 
scbaduwzijde  aan  bet  beeld,  dat  wij  zooeven  voorstelden;  naast 
de  deugden,  die  ons  volk  uit  die  lijden  kenmerkten,  zijn  ook 
Icelijke,  groote  gebrcken  te  vernielden.  Tegenover  bet  geloof 
stond  bet  bijgeloof,  dat  den  geest  verstompte  en  de  ziel  bcdierf; 
tegenover  de  reine  rnaagd,  die  in  de  enge  kloosterpanden  biddend 
en  boclend  omdwaalde  of  aan  bet  veege  bed  der  lijders  een 
levenslang  offcr  van  verzoening  plengde,  bad  nien  de  zooge- 
noemde  tooverbeks,  verdaebt  met  de  belscbe  geesten  om  te  gaan 
en  door  martelpijn  en  scbandedood  gekastijd  ;  tegenover  de 
verengelde  menscbenliefde,  die  waakle  op  den  nood  en  't  lijden 
der  bedrukten,  bad  men  nog  de  recbterlijke  proeve,  overblijfsel 
uit  de  tijden  van  barbaarscbbeid,  en  die  duizenden  onscbuldigen 
moct  overladen  bebben  met  onecr  en  in  den  dood  gejaagd  ;  ook 
bel  domme,  barbaarscbe  kampgevecbt,  betwclk  te  beslissen  bad 
in  menige  veete,  gescbil  en  recbterlijke  betwisting,  en  waartegen 
de  Kcrk  en  de  burgerlijke  macbt  bcide  langen  tijd  te  vergeefs 
moesten  worstelen  ^ 

*  In  de  charter,  waarbij  Jan  I,  hertog  van  Brabant  (gedagteekend  van  1277, 
o.  s.)  aan  den  ridder  Jan  van  Lier  hel  dorp  Wommelgem  in  leen  geeft,  vinden 
wij  het  bewijs,  dat  te  dien  tijde  het  rechlerlijk  tweegevecht  nog  volop  in 
zwang  was.  Ziehier  hoe  de  vorst  zich  daaromlrcnt  uitlaal  : 

•*  Et  sest  asavoir  sil  avient  chose  que  bataille  de  champ  soit  apelleie  ou  prise 
en  la  ville  de  Womelghem  devant  dite,mesires  Jehaus  devant  diz  doit  et  puet 
ce  camp  mener  par  jugement  de  ses  eschlevins  juskes  au  conbaclre.  Et  quant 


(255  ) 

De  oorspronkelijk  ruwc  geaardheid  van  ons  volk  was  oorzaak, 
dat  de  beschaving  nog  allijd  maar  met  traagzame  schreden  vor- 
derde.  Gevechteii  en  doodslagen  —  wij  zagen  't  vroeger  iiit  de 
strafbepalingen  der  keiiren  —  waren  hier  gedurende  de  raiddcl- 
eeuwen  nict  zekizaam.  Boendale  spreekt  cr  van  in  zijn  Teesteye, 
cenigerwijze  met  verscbooning,  als  volgt  : 

«  ...Dat  tfolc  nu  ghewapent  gael 
Ende  deen  den  andren  verslaet, 
Ende  vanden  cledren  de  selsene  sneden  *, 
Ende  meneghe  andre  selsene  seden, 
Diermen  nu  pleeght  op  desen  dach, 
Waendi  dalmen  die  noyt  en  sach 
Hier  voermaels  nocli  noyl  eer  ? 
Jaet,  VVouter,  vêle  raeer... 
In  vechten,  in  slriden  noch  in  doetslaen 
So  en  ligghen  niet,  sonder  waen, 
Verradenesse,  valscheyt  no  loesheyt, 
Maer  onghelemperde  haestecheyl  ; 
Want  heeft  mi  een  man  raesdaen, 
Ende  gae  ic  dan  heymelike  slaen, 
Verholenllike  vroech  ende  spade, 
Na  sijn  ère,  sijn  lijf,  sijn  scade, 
Dat  es  vêle  meerre  valschede 
Dan  of  icken  selve  bestrede 
Ende  doet  sloeghe  int  openbaer...  2  » 

De  schuld  van  de  voortdiiring  dezes  toestands  wijt  Boendale 
aan  de  heeren  en  rechters,  die  de  onde  keuren  niet  met  streng- 

ce  venra  au  conbaclre,  mesires  Jelians  devant  diz  nous  doit  livrere  les  cham- 
pions a  coron  de  sa  ville  devant  dite,  et  nous  les  ferons  conhactre  sour  le 
nostre.  »  {Hcg-  n**  95,  bl.  24o,  Leenhof  van  Brabant. 

—  Rijksarchief.) 

De  keure  van  Desieldonk,  uitgevaardigd  in  1268,  bevvijst  dal  het  tweege- 
vecht  ook  in  Vlaanderen  in  zwang  was.  Men  leest^daar  namelijk  :  «  Nieraant 
ne  orlooft  andren  binnen  scependomme  te  beroupene  te  campe,  en  si  bi 
harer  beeder  vville.  » 

'  Selsene,  zeldzame,  zonderlinge. 

2  Jans  Teesteye,  voormelde  uitgave,  vn.  678-700. 


(  254  ) 

heid,  tôt  verminking  des  lichaams  en  doodstraf  toe,  toepasten,  en 
zich  door  geld  lielen  verzoencn  : 

«  ...Die  gierecheyt  der  heren 
Die  doet  den  volke  leren 
Doet  slaen,  roven  ende  vechten, 
Om  dat  si  niet  wel  en  rechten. 
Namen  si  lel  voer  let  ende  lijf  om  lijf, 
Ende  niet  en  spaerden  des  mans  no  wijf, 
Ofte  dat  si  meer  int  lant  en  quamen 
Ende  gbeen  glielt  daer  vore  en  namen, 
Het  sticht  nu  menech  overmoet 
Die  hem  verlaet  op  sijn  goet, 
Hi  soude  dan  vêle  ghemater  sijn  *.  » 

De  groote  schuld  lag  aan  de  heeren  : 

«  ...Ende  sider  dat  oec  dat  ghesciede 
Dat  de  wel  gheboren  liede 
Quade  knechte  over  droeghen, 
Die  tfolc  transeneerden  ende  sloeghen, 
Ende  die  hilden  over  hare  maghe, 
So  sijn  ghemeerret  die  doelslaghe; 
Want  dien  knechlen  dunct  wel  dat, 
Dat  sijs  ghemint  sijn  te  bat  - 
Van  haren  riken  maghen 
Dan  ofle  sijs  niet  en  plaghen.  ^  » 

Toch  was  er,  in  den  aanvang  der  XIV''  eeuw,  eene  groote 
beternis  gekomen  in  den  toestand  des  boerenvolks.  Hoort  hoe 
BoENDALE  in  zijn  Boec  vander  Wraken  (ï,  740-762)  den  voorma- 
ligen  toestand  schetst,  die  dan  had  opgehouden  : 

a  Vormaels  doen  daer  int  lant  saten 
Mechteghe  liede  uterniaten, 
Aise  ridders  ende  knapen  menegherande 
Die  daer  saten  inden  landen, 

*  Jans  Teesteye,  vn.  704-714. 

*  Bat,  beter,  meer. 

'  Jans  Teesteye,  vn.  716-72o. 


(  235  ) 

Verdructen  si  die  mate  also 

Dat  sijs  dicke  waren  onvro. 

Haddc  yeman  vanden  gheburen, 

Hoe  zere  dat  lien  werl  te  suren 

Een  vet  scaep  ofte  een  swijn, 

Dat  raoeste  mijns  heren  sijn. 

Aise  dwijfken  boter  sloech, 

So  waest  mire  vrouwen  ghevoech  ; 

Ja,  waest  kieken  ofte  gans, 

Dat  moesle  aen  mire  vrouwen  dans. 

Dus  sat  dat  volxken  daer 

Sere  verladen  menech  jaer 

Onder  die  mechteghe  heren...  » 

Kon  liel  anders,  dat  cr  misbruiken  en  misdrijven  ondcr  't  volk 
bleven,  als  degrooten  't  voorbeeld  gaven  en  de  steden  aan  groote 
ongebondenbeid  waren  overgegeven?  Dâar  toch,  zelfs  in  de  beste 
farailiën,  Iieerschte  zedcloosheid  en  trof  nien  een  groot  gelai  on- 
ecbte  kinderen  aan,  tôt  zoo  verre  zelfs  dat  niemand,  de  priester 
niet  uitgezonderd,  scbaamle  had  vôor  de  scbepenen  te  ver- 
scbijnen  om,  door  wetlelijke  akten,  giften  en  geschenken  aan 
zijne  natuurlijke  kinderen  te  doen  *.  In  dien  lijd  waren  geheele 
straten  der  groote  steden  aan  de  ontuclit  overgelaten,  als  bewoond 
door  «  vrouwen  van  lichten  ende  oneerbaren  levcne,  »  «  femmes 
communes  ou  filles  de  folle  vie,  »  die  onder  sclierp  toeziclit  inoes- 
ten  gebouden  worden  2.  Overigens,  de  weelde,  het  uitvlocisel  en 

^  Op  den  buiten  deed  mcn,  schijnl  het,  heel  aoders.  Er  is  eeue  scheids- 
rechlerlijke  uilspraak  bekend  nopens  de  verpiichlingen  der  abdijen  en  kloos- 
lers  van  Aywiers,  Florival,  Valduc,  Lerines  en  la  Ramée,  ten  opzichte  van  de 
pasgeboren  kinderen,  welke  aan  de  poort  dier  klooslers  werden  te  vinden 
gelcgd  (1265).  Het  misdrijf  moesl  veel  gepieegd  worden  daar  het  de  welte- 
lijke  overheid  noodzaakle  maatregelen  tegeu  de  gevolgen  le  nemen  (Zie  de 
Annales  de  V Académie  d'archéologie  de  Belgique^  XI,  65-66). 

^  Reeds  in  de  XIII*  eeuw  was  de  gravin  Margareta  verplicht  de  ontucht  in 
de  stad  Bergen  le  beleugelen  (Vinchant,  Annales  du  comté  de  Hainaut 
VI,  37).  Te  Antwerpen,  Cent  en  andere  groole  sleden  beval  men  den  onlueh- 
tigen  vrouwen  hun  verbiijf  le  vestigen  op  daarloe  aangewezene  plaalsen. 
Zoo  verre  gingde  zedeloosheid  onder  de  regeering  van  Philip  den  Goede,  dat 
deze  vorsl,  bij  bevelschrift  van  5  Juni  1438,  uilgevaardigd  op  verzoek  der 
schepeuen,  der  twce  dekens  en  der  drie  leden  van  de  slad  Cent,  strenge  straf- 


(  256  ) 

eenigermate  de  spiegel  der  beseliaving  zijnde,  mag  men  daaraan 
den  algemeenen  loestand  des  lands  in  de  middeleeuwcn  beoor- 
deelen,  de  uitspattingeii  des  volks  aan  het  slofTelijk  welvaren 
loeschrijven.  Onze  oude  kroniekschrijvers  erkennen  dan  ook 
zonder  omwegen  dat  bet  weclderige  leven  bet  peil  der  openbare 
zedelijkheid  deed  zinken.  Men  leest  in  de  Mémoires  van  Philippe 
DE  CojiMiNEs  (bl.  6),  waar  deze  schrijver  bandelt  over  't  middcn 
derXV^  eeuw  : 

«  Pour  lors  (1464)  avaient  les  sujets  de  cette  maison  de  Bour- 
gogne grandes  ricbcsses,  à  cause  de  la  longue  paix  qu'ils  avaient 
eue,  pour  la  bonté  du  prince,  sous  qui  ils  vivaient,  lequel  peu 
tailliait  {imposait)  ses  sujets,  et  me  semble  que  pour  lors,  ses 
terres  se  pouvaient  mieux  dire  terres  de  promission  que  nulles 
autres  seigneuries  qui  fussent  sur  la  terre.  Ils  étaient  comblés  de 
richesses  et  en  grand  repos,  ce  qu'ils  ne  furent  oncques  depuis, 
et  y  peut  bien  avoir  25  ans  que  cecy  commença.  Les  dépenses  et 
habillement  d'hommes  et  de  femmes  grands  et  superflus;  les 
convis  et  banquets  plus  grands  et  plus  prodigues  qu'en  nul  autre 
lieu,  dont  j'ai  eu  connoissance;  les  baignoiries  et  autres  festoye- 
ments  avec  femmes,  grands  et  désordonnés  et  à  peu  de  honte.  Je 
parle  des  femmes  de  basse  condition.  En  somme  ne  sembloit  pour 
lors  aux  gens  de  cette  maison  que  nul  prince  ne  fust  suffisant 
pour  eux,  au  moins  qu'il  les  sçust  confondre  et  en  ce  monde  n'en 
connais  aujourd'hui  une  si  désolée.  » 

Wat  Philippe  de  Commines  zegt  van  de  buitcnsporige  wcelde  in 
de  kleederdracht  sloeg  inderdaad  over  toi  zoo  groote  buitenspo- 
righeid,  op  den  buiten  evenzeer  als  in  de  stad,  dat  de  vorsten 
zich  meer  dan  cens  verplicht  zagen  verordeningen  daartegcn 
uit  te  vaardigen.  Jan  de  Weert,  cen  IJperling,  die  omirent  het 

bepalingen  voorscheef  legen  degenen,  die  eene  vrouw  zouden  schaken  of  ontee- 
ren,  aangezien  (zegt  hij)  «  pluseurs  prinses,  ravissemens,  efforcemens  et 
violences  de  pucelles  et  autres  femmes  aient  esté  soubz  umbre  de  mariage 
failles  et  commises  par  aucuns  en  noslre  ville  de  Gand,  par  convoitise  davoir 
leurs  chevances  et  autrement,  dont  mauix  et  inconveniens  irréparables  se  sont 
ensuivis  et  porroienl  encoires  plus  faire,  se  provision  et  remède  convenable 
ny  estoit  par  nous  mis,  si  comme  ilz  dienl...  » 


(  237  ) 

niidden  der  XIV*  eeuw  zijnen  JViwe  Doctrinael  schreef,  meldt 
ons  uit  zijnen  tijd  : 

«  Men  vint  vêle  lude,  die  plien 
Dat  si  ghemeine  costumen  ^lien, 
Ende  ordineren  niewe  dinghen 
Omdat  si  willen  sonderlinghen 
Dat  niewe  te  kennen  geven, 
Om  daer  bi  te  sine  verheven, 
Ende  prise  ende  siet  hem  na...  i  » 

't  Was  ook  zoo  in  Brabant  en  elders.  Boendale  sprak  in  dcr 
Leken  Spieghel  van  lieden,  die  : 

a   ...  in  die  kerke  staen  ghepoyt, 
Ghelijc  dat  hem  vrouwen  poyen  - 
Met  hoornen  ende  met  sloyen  ^, 
Haer  hooftslop  ■*  zo  wide 
Dat  men  in  elke  zide 
Hare  lijf  scouwet  an...  » 

De  boeren  bleven  bij  dit  vertoon  van  weelde  en  pracht  niet 
ten  achter,  maar  hulden  zich  in  rijke  stoffen,  die  zij  voerden  met 
bont,  gesneden  als  voor  de  heeren  der  stad  en  der  kasteelen;  in 
't  kort  —  zij  Irachtten,  geb'jk  een  Fransch  dichter  der  eerste 
helft  van  de  XIV^  eeuw  zegde, 

<•  Pour  les  bien  nobles  ressembler,  » 

gevoelende  dat  zij  vrij  en  rijk  waren. 

De  beschaving  werd  ongemeen  in  de  hand  gewerkt  door  de 

*  Uilgave  van  Ph.  Blommaert  [Oudvlaemsche  Gedichten,  III,  77,  v.  222- 
228. 

2  Poyen,  opsieren. 

5  Sloyen,  soort  van  vleugels  of  waaiers,  van  achter  uitstekende  aan  de 
zoogenaamde  hoornen,  en  met  deze  het  hoofdhulsel  der  middeleeuwsche 
vrouwen  uilmakende.  Zulke  hoofdsieraden  ireft  men  nog  aan  bij  de  boerin- 
nen  van  zekere  streken  in  Brabant  en  Vlaanderen. 

*  De  cpening  van  een  vrouwekleed,  waaronder  het  hoofd  gestoken  wordl, 
dus  de  hais  van  't  kleed. 


(  258  ) 

beoefening  der  dichtkunst  in  de  beide  talen  des  lands.  Het  Latijn 
had,  in  't  midden  der  XI IP  eeuw,  schier  overal  als  taie  des  be- 
sluurs  uitgediend  *,  en  't  Franscb  was  reeds  in  1  197,  het  Dietsch 
in  oorkonden  van  1249  ^  door  onze  wethoudersgebezigd.  Dit  was 
te  danken  aan  den  invloed  der  burgerij,  ondersteund  door  den 
kleinen  adel,  en  aan  't  gebriiik  der  volkstalen  door  de  dichters 
van  dien  tijd. 

Een  gansche  ommekeer  was  in  de  lelterkunde  gekomen.  Op  de 
heldensagen  der  oude  barden  en  de  Karlovingische  zangcn  was 
de  berijmde  roman  of  épopée  en  't  minnelied  gevolgd,  zoowel  in 
bel  Dietsch  als  in  het  Franscb,  maar  meest,  althans  wat  de 
gedachte  betreft,  van  zuidelijken  oorsprong.  Die  zangen  verheffen 
bel  avontuurlijke  leven  en  de  dappere  daden  der  ridderen,  bene- 
vens  de  liefde,  en  maakten  de  schoone  kunne  tôt  een  voorwerp 
van  diepe  vereering.  Ongevcer  twee  honderd  jaren  bleef  deze 
letterkunde  in  bloei,  maar  uitsluitelijk  voor  den  adel  gescbapen  en 
beoefend,  den  boorder  of  lezer  voerende  naar  eene  overdrevene, 
onnatuurlijke  gedachtenwereld,  kwamen  de  geestelijke  stand  en 
de  verstandige  leeken  ten  laatste  tegen  haar  in  verzet,  en  er  ont- 
stond  cène  nieuwe  scbool,  welke,  meer  dan  bloote  uitspanningvan 
de  edele  dichtkunst  vorderende,  het  idéale  of  denkbeeldige  leven 
verving  door  eene  alledaagsche,  praclische  werkclijkbeid.  De 
nieuwe  scbool  leverde,  onder  andere  merkwaardige  gewrocbten, 
Reinaerl  de  Vos,  geschreven  in  't  ecrste  vierde  der  Xll*"  eeuw, 
een  ecbt  mcestergewrocbt,  waar  geene  vrcemde  lelterkunde  iets 
evenwaardigs  vermag  tegen  te  stellen.  Ook  Fransche  dichters 
bewerklen  de  oude  dierensage,  en  le  Couronnement  de  Renart, 
alsook  Renart  le  Novel,  erkent  mcn  als  allervoortreffelijkst. 

*  Behalvc,  evenwel,  voor  de  sladsrekeningen,  welke  meest  lot  het  einde  der 
XIII ^  eeuw  in  't  Latijn  opgesteld  bleven.  Maar  misschien  was  dit  eerder  aan 
de  gemeenteklerkeu,  al  mannen  van  studie  in  dien  tijd,  te  wijten? 

^  Zie  B.  DuMORTiER,  Notice  sur  Vépoque  de  l'introduction  de  la  langue 
française  dans  les  actes  publics  au  moyen-âge,  voorkomende  in  de  Archives 
Tournaisiennes,  30:2-504.  —  Zie  ook  de  oudstgekende  Fransche  en  Vh\amsche 
charter  bij  Serrure,  Geschiedenis  der  Nederlandsche  en  Fransche  lelter- 
kunde in  Vlaanderen. 


.      {  239  ) 

Met  Jacob  van  Maerlant  vooral  (geboren  omirent  1220, 
gestorven  in  1300),  verkrceg  die  diciiterlijke  Icerschool  eenen 
grooten  invloed  en  deed  de  beschaving  in  ons  land  met  reuzen- 
schreden  vooruifgaan.  Hetzij  «  de  vader  dcr  Dietsche  dichter  al 
gader  »  de  veder  opvat  om  te  onderwijzen,  of  den  roskam  om  te 
hekelen,  of  een  vroom,  stichtend  lied  aanlieft,  overal  komt  liij 
voor  als  een  groote  denker,  een  warme  vricnd  des  volks,  een 
voorvecliter  van  waarheid,  wetenschap  en  wijsheid.  Vooral  was 
't  zijne  betrachting,  de  menigte  te  onderrichlen  en  den  kcnnis- 
schat  te  ontsluiten;  de  wetenschap,  verborgen  in  de  Latijnsche 
schriften,  en  alleen  voor  geestelijken  en  eenige  weinige  andere 
uitverkoornen,  mede  te  deelen  aan  't  geraeen  door  behulp  der 
moedertaal;  den  evenmensch  zedelijk  te  verbeteren.  Andere  dich- 
ters  schreven  rijmkronieken  *,  welke  te  zamen  met  de  opkomende 
tooneelstukken  van  ernstigen  en  boertigen  aard  (de  eerste  aan- 
vankelijk  onder  de  godsdienstige  plechtigheden  vertoond)  aan- 
zienlijk  bijdroegen  tôt  vermeerdcring  der  kennis  van  de  ker- 
kelijke  en  wereldsche  geschiedenis.  De  Vlaamsche  schrijvers 
inzonderheid  beseften  hunne  maatschappebjke  zending  volko- 
raen,  en  hunne  kloek  uitgewerktc  poëzie  had  den  heilzaamsten 
invloed  op  de  vorming  van  liet  mannelijk,  krachtig  karakter  der 
poorterij,  die  de  macht  der  edelen  wist  te  fnuiken.  Zoo  is  het  niet 
te  verwonderen  dat  de  democratische  geestten  onzen  zoo  levendig 
werd,  ja  dat  de  strijd  tegen  't  onrecht  wcleens  aanleiding  gaf  tôt 
groote  ontevredenheid  en  denkbeelden  deed  onlstaan,  welke  zich 
lucht  gaven  in  schriften  tegen  de  rijken.  Zelden  toch  werden 
harder  woorden  gezegd  dan  door  den  Waalschen  dichter  eener 
satyre  van  de  XIV^  eeuw,  die  eenen  goochelaar  en  monnik  spre- 
kend  tôt  elkander  doet  optreden,  en  schinipt  en  gceselt,  en 
hoewel  hij  zijne  uitvallen  door  den  priester  doet  verzachten, 
toch  zegde  wat  hem  op  het  hart  lag;  geen  enkele  stand,  zelfs 


*  Noemen  wij  enkel  Jan  vais  Heelu,  die  den  Slag  van  Woeringen  schreef; 
âeGrimbergsche  oorîog;  de  Brabantsche  Yeeslenen  Vandenderden  Edward, 
door  BoENDALE,  onder  de  Vlamingen;  Jean  en  Gilles  le*  Bel,  Jean  d'Outre- 
MEusE,  Gilbert  de  Tournai  enz.,  onder  de  Walen. 


(  240  ) 

de  boerenstand  niet,  vond  bij  hem  genade.  —  «  Sire  (zegt  de 
dichter  tôt  den  pater)  : 

«  —  Sire,  raisons  est  morte,  ne  m'en  parlés  jamais 
Car  je  prains  loyauté  et  tricherie  lais  * 
Chevir  ^  ne  me  porroie,  car  il  n'est  clers  ne  lais 
Qui  ne  soit  bareterres  ou  en  dis  ou  en  fais. 

»  —  Amis,  tu  dis  péchié;   trop  seroit  grand  damage 
S'il  n'estoit  des  preudomes.  S'uns  fox  dit  son  outrage, 
Ne  pren  pas  garde  à  lui,  mais  aies  bon  corage  : 
Ensi  conquerras-tu  dou  saint  ciel  l'iretage. 

i;  —  Par  foi,  je  vous  croiroie,  se  me  saviés  nommer 
Mestier  dont  je  me  puisse  chevir  sans  baréter 
—  Ge  te  l'ensaignerai  :  se  te  vés  labourer 
En  terres  ou  en  vignes,  bien  te  porras  sauver. 

»  —  Certes  se  vous  crérie,  trop  seroie  musart. 
Païzant  de  village  scèvent  plus  de  renart  5 
Que  nulle  gent  qui  vivent  :   trop  sont  de  maie  part. 
Vilain  *  seront  preudome,  quant  chien  venderont  lart. 

»  —  Amis,  il  ne  sont  mie  tout  d'une  volenté. 
Les  loiax  laboureurs  taigne  s  Diex  en  sainte  ! 
Quant  de  ce  ne  me  crois,  je  me  sui  apenlés, 
Que  boulengiers  de  viegnes  plain  sont  de  loiauté  6.  » 

Dezelfde  gevorderde  denkbeelden  vinden  wij  terug  bij  eenen 
kroniekschrijver,  te  Âalh  geboren  in  de  XIV*'  eeuw,  en  die  den 
armen,  deugdzamen  boer  verheft  boven  den  ondeugenden  edel- 
man  : 

«  11  te  vault  mieulx  d'ung  vilain  estre 

Engendré  sage  et  vertueux, 
Que  d'ung  noble  home  avoir  prins  estre 

Et  estre  fol  et  vicieux. 
Le  fils  d'ung  noble  home  est  ignoble 

Et  vilain,  s'il  vit  vilement; 
Mais  le  fils  d'un  vilain  est  noble 

Et  gentil,  s'il  vit  noblement.  » 

^  Lais,  je  laisse. 

'  Chevir,  acquérir,  se  servir,  s'aider. 

'  Renart,  ruse. 

*  Vilaiîi,  dorper. 

5  Taigne,  tienne. 

6  Hs.  N»  10,576  der  Burgondische  Bibliotbeek  te  Brussel. 


(  U\   ) 

Gedachten  van  enkele  ontevredenen  warcn  dit  niel  :  de 
schriften  van  vêle  onzer  middelceuwsclic  dichters  bevatlen,  zoo 
niet  zulke  bepaaid  socialistische  beginselen,  als  hier  staan  uit- 
gedrukt,  dan  toch»  bij  Maerlant  onder  andere,  uitvallen  tegen 
de  grooten,  ontstaan  uit  de  heilige  zucht  naar  recht  en  recht- 
vaardigheid,  en  die  meer  dan  eens  onze  voorouders  de  wapens  in 
de  hand  hebben  doen  nemen  om  verdrukking  en  willekeur  le 
doen  ophouden. 

Intusschen,  was  de  tijd  der  middeleeuwen  onder  stoffelijk 
opzicht  somber  en  droef  geëindigd,  gebeel  anders  was  het  op 
verstandelijk  gebied  :  het  eerste  vierde  der  XV^  ceuw  had  de 
rijke  bron  van  algemeene  verlichting,  de  boekdrukkunst,  zien 
geboren  worden  een  nieuwe  dageraad  brak  voor  de  bescha- 
ving  aan. 


i 


TosiE  XXXII.  IG 


(2f^; 


VHP  HOOFDSTUK. 


NieQwere  tijden.  —  Algemeene  oogslag.  —  Religietwisten.  —  Toestand  van  den 
landbouw  in  de  XVI'=  eeuw,  —  Zeden  en  bescliaving.  —  Gilden.  —  Rederij- 
kers.  —  Dorpskermissen,  —  Kleederdracht. 


Nicuwe  tijden,  nieuwe  bcgrippcn,  nicuwe  loestanden;  weldra 
nieuwe  ommekeer  in  de  maatschappij.  Wij  liebben  den  naeht  der 
barbaarschhcid  zien  opklaren  voor  de  koesterende  zon  der  chris- 
tene  bescbaving;  de  fcodaliteit  zien  wijken  voor  de  opkomende 
niacbt  der  genieenten  ;  den  ijzeren  arni  van  den  gebieder  zien 
neervallen  voor  de  liefelijke  verscbijning  van  de  Vrijbeid;  niaar 
nu  wij  nog  slecbls  de  sebira  en  scbaduw  voor  onze  oogen  bebben 
van  de  groole  maclit,  die  eeuwen  lang  de  samenleving  bebecrscbte 
en  ricblte,  kost  bel  ons  niets  te  erkennen  dat  zij  ook  goeds 
plecgde  en  bare  zending  in  de  vvereld  beeft  vervuld.  Wij  mogen 
het,  inderdaad,  der  feodaliteit  danken,  dat  zij  de  samenleving 
hoedde  voor  regeeringloosheid  en  den  weg  des  vooruilgangs  ont- 
sloot;  dat  zij  den  familiegeest  en  't  eigendomsrecbt,  die  twee 
groote  grondslagen  der  maalscbappij,  versterkte,  en  elkecn  bet 
bescf  gaf  zijncr  kracbt,  waardigbeid  en  vrijbeid,  betgeen  de 
vorige  tijden  niet  vermocliten.  Door  baar  waren  de  buiselijke 
zeden  en  meteenen  bet  sociale  leven  gelouterd  en  ontwikkeld, 
allbans  de  wapenlicden  van  boogen  stand,  die  't  gebied  badden 
en  de  Iciding,  bad  zij  den  degcn  onigegord  en  't  barnas  aange- 
gespt  oni  de  zwakbeid  en  bet  redit  te  verdedigen,  teiwijl  zij  't 
gevoel  van  eer  tôt  bet  boogste  punt  opvoerde.  Zijn  't  belere 
tijden,  die  wij  nu  zien  aanbreken?  Gaat  de  nieuwe  bescbaving 
eene  meerdere  ontwikkeling  aan  de  vrijbeid  geven,  zal  de  volks- 
welvaart,  tijdens  de  middelecuwen  ten  toppunt  gekiommen, 
vooruitsnellen  met  de  gedacbtc? 

Heteerste,  wat  wij  nu  opmeiken,  is  de  builengewone  versler- 
king  der  vorstelijke  macbt,  de  inricbling  ccner  besluurlijke  cen- 


(  245  ) 

iralisatie,  waarvan  nien  in  de  middeleeuwen  schier  geen  gedacht 
Iiad.  Wij  hoeven  niet  meer  te  zeggen  om  te  doen  zien  dat  de 
bloeitijd  der  groote  gemeentcn  icii  einde,  de  gang  der  vrijhcid 
hierdoor  raerkelijk  gestremd  was. 

De  beschaving,  lot  hiertoe  uitsluitelijk  gcsteund  en  voorgelicht 
door  liet  christendom,  slaat  nieuwe  wcgen  in.  Wonderbare  zaak! 
De  berstelling  van  de  letterkunde  der  Grieken  en  Romcinen,  door 
de  kloosters  voorgestaan  en  verbreid  tcn  gevolge  der  duizenden 
afschriflen,  die  daarvan  gemaakt  werden,  bracht  de  zoogeheelen 
«  renaissance  »  le  wecg,  niet  enkel  in  de  kunsten  en  fraaie 
lelteren,  maar  tevens  terugwerkende  op  staatkunde  en  zeden, 
en  ten  laatste  allerwege  den  invloed  der  paiizen  verzwakkende. 
De  hervorming  lag  in  bet  genioed  van  velen  lang  voor  zij  een  feit 
werd ,  en  't  is  eene  crkende  waarbeid  dat  zelfs  de  Roomscbe 
geestclijkheid  den  weg  voor  haar  baande  :  in  de  hooge  sferen 
(zegt  een  kalhoHeke  scbrijver)  door  het  gémis  aan  grondige  studie  ; 
in  de  mindcre  rangen  door  bedorvenbeid.  Ailes  sebeen  er  toe 
mee  te  werken  ;  de  vorsten ,  loldan  loe  door  den  geesteb'jken 
scbepter  van  Rome  in  bun  gezag  gekorlvviekt,  slreefden  naar 
onbeperkt  gezag;  de  leiders  vonden  eenen  macbligen  steun  in 
de  boekdrukkunst,  het  uitstekendsle  middel  van  propagande; 
terwijl  de  rcderijkerskringen  zicb  door  den  stroom  der  nieiiwe 
denkbeelden  lieten  medcslepen  en  er  misscbien  de  meesle  van 
al  loe  bijdroegen  om  de  gemoederen  lot  de  nieuwe  geestesom- 
wenteling  voor  le  bereiden. 

De  bervorming  bad  evenwel  niet  alleen  met  de  Spaanscbe  Iroe- 
pcn  en  vêle  gemeenlelijke  wetbouders  te  worstelen,  ook  de  boe- 
rensland  toonde  zicb,  voor  verreweg  bel  grootsle  deel,  vijandig 
aan  de  denkbeelden,  welke  ganscb  bet  stclsel,  waarondcr  bij  tame- 
lijk  vrij  en  gelukkig  bad  geleefd,dreigden  in  dengrond  te  boren  '. 


*  «  Peri,'entes  tameu  illos  (iconomitchos)  infestîs  armisundique  sggrediun- 
tur  ruslici,  cxsisque  corum  pluribus,  reliquos  fugant.  »  Zoo  scbrijit  Strada, 
{de  Dello  Belgico,  I,  231).  Reeds  vroeger  had  hij  ten  aaiizien  der  omstrcken 
van  Rijsel  geschreven  :  «  Obvi  Seclinenses  aliique  ejus  viciniœ  coloni,  raptis 
undique  telis,  paratos  sese  ad  propulsandam  religionis  injuriam  oslendunt.  » 


(  244  ) 

Wanneerde  Statcn  van  Rolland  nog  in  1587  de  verklaringafleg- 
den,  dat  gccn  liende  deel  der  ingezetenen  de  hervormde  icer 
aankleefden  (in  de  dorpen  vermoedelijk),  dan  was  zulke  verliou- 
ding  der  Belgische  boeren  tôt  die  der  stedcn  zcker  nog  grooler  *. 

Dien  ontzagwekkenden  kamp  te  besclirijven  valt  niel  in  ons 
j)lan  ;  cenieder  toch  wcet,  hoe  gcweldig  de  schokkcn  zijn  geweest 
die  het  vadcrland  er  door  ondervond,  maar  wat  misschien  min- 
der  is  gekcnd  is  de  toesland,  dien  hij  voor  de  plattelandsehe 
bevolking  in  het  leven  riep.  De  rampen,  welke  vroeger  op  ver- 
schillige  plaatsen,  wel  is  waar  dikwijls  herhaald,  maar  toch  meestal 
slechts  voor  korlen  tijd  de  bevolkingen  hadden  neergcdrukt, 
hieldcn  nu  meer  dan  twintig  jaren  schier  onafgebroken  aan  en 
wel  ovcr  gansch  de  uitgestreklheid  van  België....  Wij  nioeten,  om 
een  denkbeeld  van  dcn  toesland  te  geven,  ons  bepalen  lot  eenige 
breede  trekken  en  enkele  vluchtige  schetsen,  hier  en  daar  uit  de 
jïienigvuldige  voorbeelden,  die  bij  de  hand  liggen,  gekozen. 

Niet  zoodra  was  het  volk  in  beroering  gekomen,  of  gewapende 
benden  liepen  het  land  af,  verwoestende  niet  alleen  de  kerken  en 
kloosters,  met  al  de  gedenkstukken  der  middeleeuwsche  kunst 
en  de  onschalbare  handschriften,  welke  de  gescliiedenis  der 
cerste  tijden  van  ons  volk  behelsden;  maar  plunderden  en 
beroofden  ook  het  arme  landvolk  en  verjoegen  het  van  't  ouder- 
lijke  erfgoed  als  de  minste  poging  werd  gewaagd  om  eigendom  of 
personen  le  beschermcn.  Dan  kwaraen  de  koninklijke  soldaten, 
(lie  evcnvecl  geweld  pleegden  en  door  allerlei  afpersingen  het  lot 
der  buitcnlicden  nog  honderdmaal  erger  maakten.  Wanorde  in 
den  staat,  schrik  en  angst  in  elke  gemeente,  onrust  en  jammer 

'  Zie  Groen  van  Prinsti:rer,  Handboek  van  de  geschiedenis  des  Vader- 
lands,  §  199.  Het  bewijs  Liervan  is  te  zoeken  in  de  vervolgiDg  der  Hollandsche 
boeren  door  Sonoy,  breedvoerig  bij  Hooft  aangeteekend ,  alsook  in  de 
omstandigheid,  dat,  toen  de  Staatschen  ten  jare  1581  de  boeren  in  Friesland 
onder  't  krijgsvolk  in  slagorde  stelden,  zij  bij  de  ontmoeting  met  de  Renne- 
bergschen,  zonder  slag  of  slool  af  te  wachten,  met  wapens  en  al  over  de  sloo- 
len,  beken  en  grachten  sprongen  en  zelfs  de  overige  manschappen  in  liunne 
vlucht  medesleepten.  (Van  Meteren,  Nederlanisclie  Geschiedenissen,  III  > 
b02.) 


(243) 

aan  elke  haardstede,  verval  en  verwoesting  alom  —  ziedaar  in 
weinige  woorden  de  geschiedenis  van  liet  hachelijke  tijdvak, 
welke  gansche  boekdeelcn  beslaat,  waarin  nien  niets  ontwaart 
dan  Irancn,  bloed  en  vuur,  galgcn  en  brandstapels,  slachtcrijen 
op  grootc  en  kleine  schaal,  liaat,  verdelging  en  vloek  ! 

De  schroraclijke  belastingen,  door  al  de  parlijen  geëischt,  en 
de  gednrig  herhaalde  strooptochten  der  zwervende  krijgsbenden 
hadden  aile  kassen  uitgcput;  maar  er  was  nog  eene  andere 
onistandigheid,  welke  den  toestand  der  dorpelingen  oneindig 
vcrergerde,  nanielijk  de  krijgskarwei,  duizendmaal  hatelijkerdan 
de  minst  populaire  dienstplicbt  der  vroege  middeleeuwen.  leder 
dorp  moest  bestendig  voorzien  zijn  van  legerwagens,  paarden  en 
voerliên  om  't  reisgoed  der  troepen  van  de  eene  plaats  tôt  de 
andere,  ja  van  't  eene  eind  des  lands  toi  het  andere  te  voeren,  en 
niet  zelden  vvaren  de  boeren  nog  van  den  eenen  tocbt  niet  terug- 
gekeerd  als  reeds  een  ander  bevel  toekwam  om  nieuwe  benden 
te  volgen.  Waren  de  troswagens  niet  gereed,  dan  kwamen  de 
soldaten  geweld  plegen,  het  dorp  op  schatting  stellcn  en  de 
boeren,  't  mes  op  de  keel  en  de  tromp  op  de  borst,  dwingen  om 
spoed  te  maken.  Welhouders,  landlieden,  geestelijken,  de  nota- 
belste  ingezetenen  der  gcmeenle  werden  veelmaals  als  gijzelaars 
weggevoerd  en  moesten  dan  te  duren  prijze  door  de  overgeble- 
venen  worden  afgekocht  *.  In  dien  toestand,  men  begrijpt  hei- 
licht,  gingen  duizenden  en  duizenden  landlieden  op  de  vlucht, 
om  in  de  eene  of  andere  stad  persoonlijke  veiiigheid  en  meerdere 
rust  te  vinden;  ook  waren  de  meeste  steden  vol  buitenlieden, 
die  daar  al  Iiun  lilbaar  gocd  en  hun  vee  gingen  beveiligen,  maar 
ook  somtijds  daar  zoo  veel  overlast  veroorzaakten  dat  zij  door  de 
wethouders  vverdcn  gedwongen  eene  andere  toevluchtsplaals  te 
gaan  opzoeken. 

Niets  mcer  bezittende,  kon  de  boer  niet  voldoen  aan  de  hem 
opgelegde  belastingen  en  was  de  regeering  wel  verplicht  de 
gemeenten  gedurig   geheele  of  gedeeltelijke  vermindering  van 

*■  KuYL,  Hoboken,  51.  De  boeren  van  deze  gemeente  werden  ten  jare  1572 
tôt  in  Vlaanderen  en  Friesland  gezonden. 


(  246  ) 

contribuliën  te  vcrleenen.  Verzockschriften,  door  de  dorpen  van 
Brabant  aan  de  Slaten  dezes  gcwestes  met  ziilk  doel  den  12  De- 
cember  1587  toegestuurd,  hangen  een  waarlijk  treurig  tafereel 
op  van  de  ellende,  waar  toen  het  platteland  in  gevallen  was. 
Ziehier  den  toesland  van  eenige  gemeenten  : 

Esschen  had  geenen  enkclen  inwoner  meer. 

Kaimpthout,  wa&r  voor  't  uilbarsten  der  religietwisten  750  com- 
raunicantcn  waren,  telde  nu  geene  6  huisgezinnen  meer. 

Westmalle  had  van  de  300  huisgezinnen  er  nogslechts  24,  die 
schuilplaats  gekregen  hadden  op  't  kastcel. 

Zandlioven  telde  maar  40  bewoners  meer. 

Halle  [St-Marten]  was  onbebouwd  sedert  \  579,  na  welk  tijd- 
stip  er  nog  1G  dorpelingen  werden  geteld,  die  hun  verblijf  hadden 
raoeten  nemen  in  de  kerk. 

Oostmalle  had  zijne  bevolking  van  550  communicanten  zien 
vcrsmeUen  tôt  55  schamele  huisgezinnen. 

Lille,  met  700  communicanten,  had  er  geene  60  meer. 

Voorscholen  (Viersel)  was  gansch  afgebrand  en  verlaten. 

Massenhoven  telde  nog  enkel  6,  Herenthout  nog  60  bewoners. 

Gansch  de  bevolking  van  Wechel-ter-Zancle  bestond  uit 
40  zielen. 

Kasterle  en  Loenhout  waren  zoozeer  door  plundcring  en  brand 
geteisterd,  dat  mcn  er  met  moeite  eenige  dorpelingen  aantrof. 

Wtnistwezel  had  nog  eenige  ingezetenen,  die  huis  moesten 
houden  in  de  kerk. 

Meer  had  de  vier  vijfde  gedeelten  zijner  bevolking  verloren. 

Minderhoul  bestond  nog  uit  vijf  zcer  schamele  hutten. 

Worlel  en  verscheidene  andere  gemeenten  waren  gansch  een- 
zaam  en  verlaten... 

Bij  Van  Grasen  [Handschriftelijke  kroniek),  lezen  wij  verdcr, 
dat  de  Staatschen  den  4  Augustus  1585  een  groot  gctal  pacht- 
hoven  en  schuren,  vol  graan  gelast,  te  Hoevcn  en  Boekhout, 
alsmede  de  dorpskerk  van  Vremde,  in  brand  stakcn.  't  Jaar 
nadien,  zegt  dezelfde  schrijver,  verergcrdcn  de  soldaten  hunne 
aklen  van  barbaarschheid  door  een  echt  beuienwcrk  :  zij  staken 
't  vee  in  de  stallen  dood  of  voerden  't  mec,  braken  de  huizen  af, 


(  247  ) 

beroofdcn  de  licden  van  kleeren  en  lijnwaad,  sloogen  eenigen 
armen  en  beenen  aan  stukken,  of  vclden  ze  ter  plaatse  dood,  en 
pleegden  op  vrouwen  en  dochlers  delaagste  misliandeIingen...Den 
10  Juni  verbrandden  de  Staatsclien  de  kerk  van  Broekhem,  den 
molen  van  Vremde  en  schicr  al  de  liofsteden  daaromtrent.  Den 
24  Augustus  werd  Duffel  aan  de  vlammcn  overgeleverd  en  vêle 
i[igezetenen  doodgeslagen.  Het  jaar  nadien  werd  de  kerk  van 
Heist-op-den-Berg  afgebrand  en  bleef  ook  daar  veel  volk  dood. 
Eindelijk  den  26  iMei  1589  staken  dezelfde  troepen  't  vuur  aan  de 
kerk  en  den  molen  van  Wommclgcm,  waarbij  weeral  een  groot 
getal  boercn  hun  leven  en  bun  goed  verloren. 

Dit  ailes  gesebieddc  in  gcmoenten,  welke  zeker  niet  onder  de 
rijkste  des  lands  te  tellen  waren  ;  wat  moct  bet  dan  geweest  zijn 
in  de  plaatsen,  waar  bet  volk  door  eeuwenlange  werkzaambeid 
tôt  eencn  boogen  trap  van  welvaart  was  gekomen  en  de  boer  er 
«  warm  »  in  zat?  Het  antwoord  op  deze  vraag  vinden  wij  gedeel- 
telijk  in  den  toestand  van  't  bloeiende  Land  van  Waas,  waarom- 
trent  de  kroniekscbrijvers  verkiaren  dat  die  streek  gedurende  al 
den  lijd  der  onliisten  de  groote  voorraadscbuur  was  van  de  lé- 
gers, welke  van  Vlaanderen  naar  Brabant  of  Zeeland  trokken 

Een  niet  min  batelijke  dienstplicht  als  bet  gedwongen  vervoer 
der  legerbeboeften  was  bet  wacbtbouden  in  beslotene  steden  of 
aan  de  grens,  den  landlieden  opgelegd,  terwijl  de  dorpelingen 
wisten  dat  middclerwijl  bun  eigen  goed  weerloos  was  overgela- 
ten  aan  de  roofzucbt  der  tuebtelooze  troepen,  bunne  ecblgenoo- 
ten  en  docbters  aan  de  woestbeid  der  eervergetene  krijgsbenden. 
Dergelijke  verplicbting  werd,  onder  andere,  in  1577  opgelegd 
aan  de  bevolking  van  Couvin  en  Boussu,  welke  laatste  weigerde, 
docb  dit  verzet  beziiren  moest  met  bet  verlies  van  a!  bet  vee,  dat 
er  in  de  stallen  gevonden  werd. 

Een  Brabanlsch  klooster,  dat  altijd  veel  zorg  bad  besteed  aan 
zijn  uilgestrekt  landbouwbedrijf,  nanielijk  de  priorij  van  Belb- 
leëm,  le  Herent,  was  door  de  partijcMi  zoo  zeer  geplunderd  gewor- 
den,  dat  de  scboone  inricbting  scbier  te  niet  was  geraakt.  Jan  de 
Cokere, prior^  stelde  daarover  in  \o9i  de  volgende  verklnring  op: 

«  In  den  yersten  nopende  ende  aengaende  die  bertsteden  die 


(  248  ) 

ghclcyhen  zyii  int  syn  quartier  oft  gehuecht  van  Oesterhem. 
rontsomme  liet  clooster  van  Bethieeni,  onder  Herent  gheleghen, 
in  den  gooden  tyt,  wcl  gcweest  te  hebben  XVll  huysghesinne  en 
is  cnde  daller  int  selve  gheliuclit  doen  ter  tyt  waren  onder  die 
voorsclireve  huysghesinne  wel  drye  ploegen,  daer  nu  niet  een  en 
is.  Ende  dit  selffste  godshuys  doen  ter  tyt  hadde  drye  ploegen 
daer  sy  nu  maer  een  en  hebben,  qualyck  gespannen. 

»  Item,  't  voerschreve  godshuys  hadde,  in  den  voerschreven 
goeden  tyt,  wel  of  daerontrent  neghentich  verckens,  soe  groel, 
soe  cleyn,  nu  niet  een. 

»  Ilem,  noch  doen  ter  tyt  wel  Iwee  honderd,  somtyds  drye  hon- 
derd  scapen,  nu  niet  een. 

j>  Item,  noch  doen  ter  tyt  wel  achlhien  borne  beesten,  nu 
maar  XII. 

»  Item,  noch  doen  ter  tyt  wel  hondert  en  XL  hinne  en  hanen, 
nu  maer  sesse. 

»  Item,  noch  daerenboven  hadde  ons  godshuys  doen  ter  tyt 
drye  treffelycke  duyffhuysen  die  jaerlyck  wel  uitbrachtcn  hon- 
dert duyveii,nu  lecnemael  ghedestrueert  ende  verbrant,  soe  dal- 
ter  niet  een  duyffhuys  en  is  *.  » 

Het  dorp  Linden  was  in  1397  geheel  en  al  ontvolkt.  De  meier 
Jan  van  Vlasselaer  getuigde  in  een  openbaar  schrift  «  voer  de 
rcchtveerdige  waerheyt,  dat  binnen  den  voerschreven  dorpe  ende 
heerlycheyt  van  Linden  tegenwoordelycke  niet  en  syn,  noch  in 
vêle  jaeren  niet  en  hebben  geweest,  cenige  huysen  ot  inwoonde- 
ren  derselve,maerdat  alleen  dcliuyssen  binnen  den  voerschreven 
dorpe  ende  heerlycheyt,  voer  de  troublen,  syn  ail  te  samen  gehee- 
lyck  ende  gansscheIyckaffgebroecken,vervoert  ende't  houtdaer- 
alî  gecomen  verbrant  byden  soldaten,  ten  tyde  van  't  groot  garni- 
soen,annoLXX VIII  ende  LXXIX (1578-79)  binnen  dcr  stadtLoven 
gelegen  hebbendc  ;  sulx  dat  Iselve  dorp  is  gchcelyck  ende  ganssche- 
lyckgedepopuleert  vanallen  ingesetenen  ende  onbewoont,in  sulc- 
kervucgcn  dat  in  Iselve  dorp  niet  meer  en  is  staende  dan  een  huys 
van  plaisance,  toebehoirende  joncker  Peeler  van  der  Tommen, 

»  Van  Even,  Mengelingenvoor  de  Gescliiedenis  van  Brabant,  bl.  77-78. 


(  no  ) 

gnnsschelyck  geruineert  ende  uytgebrokcii,  sulcx  dnt  tselve  is 
Oîibewoonbacr,  mede  eene  dcsolale  affgcbraiulo  kercke  ofte  ca- 
|)clle...i.  » 

Heverle,  Oud-Heverlc  en  Eigenhoven  bodcn  op  't  ciiide  der 
XVh  ecuw  ook  niets  dan  puin  en  wildernis  aan.  Daar  waren, 
iiilwijzens  de  vcrklaring  der  wetboiidcrs  van  1598,  negen  en 
twinlig  bofstedcn  <r  geheelyck  geruineert;»  aeht  brouwerijen, 
zes  herbergen,  vier  en  zeslig  buizen  van  nering  en  bandel,  «  ten 
gronde  geruineert,  »  benevcns  een  papierniolen  en  luslhuis. 
Vôor  't  uitbreken  der  troebelen  leefden  daar  in  betrekkeb'jken 
welstand  ooO  communicanten,  nu  waren  er  enkele,  die  schuilplaals 
bndden  gevonden  op  bel  beerensiot  of  in  ellendige  hutten  ver- 
toefden.  De  zeven  kudden  scbapcn  van  vroeger  waren  vermin- 
derd  tôt  éene,  het  groot  getal  pacbtboven  lot  twee  2.  Moesten  wij 
de  gesehiedenis  van  Vlaanderen  raadplegen,  slellig  vonden  wij  nog 
droeviger  naricblen  omirent  den  loestand  des  plalten  lands;  éene, 
aangehaaid  door  Kehvyn  van  Lettenhove  in  zijne  gesehiedenis  van 
Vlaanderen,  moge  dienen  toi  een  staal  daarvan:  le  Vinkeni  waren 
nog  drie,  te  Wulveringem  in  1584  nog  siechts  vijf  ingezclenen; 
van  Zomergem  lot  aan  Brugge  was  gansch  het  gewest  ver- 
la  lenî  3 

Uit  deze  enkele  voorbeelden  is  genoeg  het  diepe  verval  des 
landbouws,  den  bedroevenden  loestand  der  boeren  in  de  tweedc 
belfl  der  XVI^  eeuw  op  te  maken.  Een  gevolg  daarvan  was,  dat 
gedurende  dien  tijd  en  lang  daarna  de  sehaarsch  aan  te  Ireffen 
akkerlieden  door  eene  groole  menigte  wolven  en  andere  bosch- 
dieren  groolelijks  werden  veronlrust  en  erg  beschadigd,  vooral 
wat  de  slaldieren  en  't  hofgevogelte  betrof.  In  de  Kempen  waren 
de  wolven  zoo  zeer  vermenigvuldigd,  dat  mcn  er  de  premiën 
voor  't  aanbrengen  dezer  dieren  verminderen  moesl;  zelfs  meldt 
ons  Van  Grasen  dat  zij  de  dieren  ongedeerd  lieten,  maar  bij  voor- 
keurde  menschen  op  bel  lijf  vielen.  De  bevestiging  van  dit  feit 

*  Van  Evex,  voormeld  werk,  bl.  79-80. 

«  Idem,  hl  1 00- 158. 

3  Kervyn  VAi\  Lettenhove,  VI,  341. 


(  250  ) 

vinden  wij  in  de  Geschiedenis  van  Vlaanderen,  door  Kervyn  van 
Lettenhove,  waar  men  leest,  dat  er  te  Lokeren  op  éen  jaar  niet 
min  dan  zeventien  menschcn  door  wolven  werden  verslonden  \ 
alsmede  onder  de  brieven  van  den  Raad  van  Vlaanderen  (28  Ja- 
nuari  1586),  waar  er  gesproken  wordt  van  «  velc  wilde  ende  fclle 
dieren,  als  onder  ander  meniehte  van  wolven,  veslinghende  {sic) 
peerden,  coeyen,  scapcn  ende  ander  bestial,  tselfs  jonge  kinderen 
ende  volwassen  persoonen,  niannen  ende  vrauwen.  »  Zoo  groot 
werd  betgevaar  inde  kastelnijen  van  Oudenaarde  en  Kortrijk  en 
in  het  Land  van  Aalst  en  Geeraardsbergen,  dat  het  eeuwenoude 
jachlrecht  der  heeren  en  van  de  kroon  voor  den  tijd  van  drie 
raaanden  moest  opgeschorst  worden  en  elkeen  vergund  werd 
op  boschdieren  en  roofvogelen  jacht  te  maken  2.  Nog  baatte 
het  niet  veel,  want  voor  het  einde  des  jaars  moest  door  het  kas- 
telnijbestuur  van  Oudenaarde  eene  groote  kiopjacht  ten  dorpe 
van  Ansegem  bevolen  worden.  Zij  had  plaats  den  19  Oclober  1586 
en  staat  in  eene  handschriftelijke  nota  van  D'  D.-J.  Van  der 
Meersch  volgenderwijze  aangeteekend  : 

«  De  heeren  Hoogpointersder  Casselrye  van  Oudenaerde,  reeds 
menigvuldige  klaglen  ontfangcn  hebbende  over 't  quaed,  twelke 
door  de  wolven  en  wilde  swynen  gepleegd  wierd  op  verscheyde 
prochien  van  hun  grondgebied,  hadden  besloten  een  générale 
wolvejagt  te  doen,  om  op  eenmael  de  rustige  landslieden  van  het 
bezoek  dezer  schadelyke  dieren  te  verlossen  ;  ten  dien  eynde 
wierden  aile  de  brakeniers  of  jagers  der  casselrye  uilgcnoodigt  om 
zig  op  hedcn  te  lalen  vinden  in  't  bovengemclde  dorp  (Ansegem). 
Het  getal  jagers  die  aldaer  byeenquamcn  beliep  tôt  70,  met  on- 
lrent200  iiytgelczene  honden.  De  jagt  wierd  aengevangen.  Boven- 
loobosch  en  andere  omliggcnde  bosschen  wierden  doorkruyst  : 
het  gedruys  der  hoorens  en  hetgeblaf  der  honden  was  verbazend 

'  Kervyn  van  Lettenhove,  Vf,  341. 

2  Dergelijke  vergunuingeu  weiden  wel  meer  verleend.  De  boeren  der 
Vlaamsche  duinstreek  in  1477  buitengewoon  gekwoUen  door  de  wilde 
konijnen,  kregen  van  Maria  van  Burgondië  'l  redit  om  gemelde  dieren  van 
hun  land  le  jagen  en  hunne  lioUen  le  stoppen  (Gilliodts-Van  Severen,  Cou- 
tumes du  quartier  de  Bruges,  II,  89;. 


(  25.1  ) 

groot  en  joeg  zoodanig  den  sclirik  aen  dcze  wilde  dieren  dat  zy 
hunne  schuylplacls  verlieten  en  aldiis  de  gewenschle  prooy  wier_ 
den.  Men  schoot  op  dien  dag  11  volwassen  wolven  en  21  jongcn, 
benevens  7  wilde  swynen.  Dezc  vernieling  was  ecn  waerlyk  be- 
langryke  feest,loen  men  ook  de  landslieden  in  zoo  groote  vreugde 
zag,  want  velc  peerden,  koeyen,  schapen,  verkens,  vvaeren  door 
deze  razende  gediertens  verslonden  geweest  *.  » 

Ware  het  iand  niet  gedurende  twintig  jaren  doop  den  biirger- 
oorlog  geleisterd  geweest,  mogelijk  zou  in  geene  eeuw  de  akker- 
boiiw  zooveel  voortgang  gedaan  bebben  als  gedurende  de  XV 1% 
uit  hoofde  van  de  maatregelen,  door  de  regeering  en  verschei- 
dene  heeren  genomen  om  de  groote  nijverheid  te  beschermen. 

Dit  doel  wordt  bereiktlangs  verscbillende  wegen,  maar  aile  zijn 
de  rechte  niet;  in  de  vorige  eeuwen  dacht  men  den  landbouw  te 
begunsligen  door  het  stelsel  van  verbod  van  uitvoer  en  door  eene 
tôt  het  uiterste  gedreven  regeling  van  al  de  daarmede  verbonden 
belastingen.  Sederl  heeft  de  staathnishoiidkunde  groote  vorde- 
ringen  gemaakt  en  de  middelen  afgekeurJ,  welke  voorheen  als 
doeltreffend  werden  beschoiiwd.  Wij  hoeven  noch  de  eene  noeh 
de  andere  te  onderzoeken,  maar  bepalen  ons  te  doen  kennen  wat 
ten  onzent  geacht  werd  als  het  boerenbedrijf  gunslig  te  wezen. 

Uitvoer  van  verbod  van  granen,  groenten,  vee,  paarden  enz. 
werd  bepaald  telkens  dat  er  gevaar  was  ëen  dczer  artikelen  te 
kort  te  bebben;  ook  verplichtte  men  de  boeren  met  al  hun  koorn 
en  vee,  dat  zij  verkoopen  wilden,  naar  de  markt  te  komen.  Biii- 
len  deze  bepalingen  waren  er  ook  andere  wezenlijk  nuttig  en 
voordeelig  en  niemand  hinderlijk.  Het  toebrengen  van  akker- 
schade  en  de  schennis  van  't  boschhout  werd  bij   plakkaat  van 

*  De  aanwezigheld  van  't  groot  getal  boschdieren  in  de  kastelnij  en  van 
Oudenaarde  en  Kortrijk  wordt  nader  bevestigd^door  de  rekeningen  dier 
gewesten,  welke  nog  in  't  jaar  1599  uitgaven  inhouden,  gedaan  om  de  boeren 
van  die  lastige  en  gevaarlijke  bez,oekers  te  bevrijden  (  Zie  de  rekening 
n»  33,812,  bl.  31,  Rekenkamer,  in  't  Rijksarchief  te  Brussel).  —  De  wolven 
vermindertlen  naarmate  dat  de  landbebouwing  weer  toenam;  daar  werden 
er  evenwel  nog  gevangen  in  voile  XVIP  eeuw. 


(  252  ) 

7  DccembeT  1536,  uitgevaardigd  door  Karel  V,  en  bij  een  later 
van  !1  Januari  1548,  met'boete  geslraft.  Pbilip  II  toonde  zich  ook 
niet  onverschillig  aan  den  vooruitgang  des  landbouws;  in  1564 
liet  hij  eene  ordonnantie  afkondigen,  waarbij  de  verkoop  der 
assche,  in  de  kastelnij  van  Kortrijk  gebezigd  tôt  het  vettcn  der 
landen,  geregeld  werd,  en  een  plakkaat  van  25  Maart  1581,  dat 
den  landbouw  hoog  aanbeval  en  prees,  stelde  de  bocren  in  de  be- 
scherraing  en  hoede  des  konings,  de  soldaten,  die  hen  geweld  of 
overlast  aandeden,  bedreigende  met  de  galg.  Wij  weten  het:  deze 
laatste  verordening  baatte  ons  landvolk  weinig,  en  de  schuld  er 
van  mag  wel  aan  Philip  H  geweten  worden,  wiens  tegenwoor- 
digheid  in  België,  tijdens  de  bloedige  jaren  van  ornwcnteling  en 
oorlog,  mogclijk  vêle  rampen  hadde  kunncn  vermijden.  De  regee- 
ring  beproefde  verder  de  treurige  verlalenis  der  dorpen  te  doen 
ophouden  door  bij  plakkaat  van  25  Maart  1581  uitzonderlijke 
voordeelen  toe  te  &taan  aan  ieder,  die  onbebouwde  landen  wilde 
bewerken,  en  liet  hun  die  geheel  en  al  over;  zcs  jaren  later  ver- 
scheen  een  ander  plakkaat,  hetwelk  verbood  de  wcgens  civiele 
zaken  vervolgde  veldwerkers,  die  vagc  landen  lot  cultuur  brach- 
ten,  in  hechtenis  te  nemen. 

Dergelijke  maatregelen  waren  te  meer  noodig,  daar  ons  land 
zich  nog  altijd  bij  vreemde  natiën  voor  het  ontocreikendc  zijner 
oogsten  nioest  voorzien.  De  Meyere  erkent  dit,  waar  hij  zegt  dat 
een  groot  gedeelte  van  Vlaanderen  te  zijnen  tijde  meer  tôt  weide 
dan  tôt  akker  was  geschikt,  en  men  daarom  toevlucht  nam  tôt 
Artois,  Verinandois, het  Kamerijksche  enz.  Er  kwam  ook  koorn  uit 
Denemark,  Engeland  en  Spanje;  maar  de  baver,  garst,  boonen,  vit- 
sen,  kemp,  vlas  enz.  wasten  in  Vlaanderen  in  genoegzame  hoe- 
veelheid,  zelfs  in  overvloed.  Men  maakte  olie  van  vlaszaad,  noten 
en  knolrapen.  Frankrijk  leverde  ons  zout,  maar  de  Vlamingen 
verkochten  't  geraflineerd.  Zoutziederijen  waren  er  vanouds 
aan  de  Vlaamsche  zeekust.  Holland  leverde  ons  velc  paarden, 
Friesland  en  Normandie  ossen,  hoewel  de  Vlaamsche  paarden 
eenen  goeden  naara  hadden  en  in  Frankrijk  zeer  waren  gezocht*. 

^  Rerum  Fland.,  39. 


(253  ) 

Men  herinnert  zich  liet  vers  van  den  Gentschen  dichter  Jacob  van 
Zevecote  : 

«  Naer  Drongen  mette  schuyt 
Te  varen  heeft  nu  uyt, 
Rontom  de  groenc  weyen, 
Daer  d'ossen,  die  het  lant 
Van  Denemarcken  sant, 
Haer  vetten  en  vermeyen,  » 

Het  was  ook  in  de  XVI^  eeiiw  dat  het  dagloon  der  veldarbei- 
ders  werd  vastgesteld,  een  maatregel  die  zoowcl  het  voordcel  der 
boeren  als  der  daglooners  tôt  doel  had  *. 

'  Onder  de  ons  bekende  wettelijke  voorschriften  van  dezenaard  deelen  wij 
hier  degene  mee  van  1588,  betrekkelijk  de  raaaiers,  dorschers  en  werkiieden 
van  allen  aard  : 

«  Manouvriers,  moissonneurs  et  autres. 

»  Les  paysans  soieront  et  ameubliront  les  bledz,  soilles,  scorions,  entilles 
et  bosche  ainsi  qu'ilz  ont  accoustumé  de  faire  de  tous  temps  et  ancienneté  et 
ne  pouront  exiger  plus  grands  salaires  que  le  dixielme  ou  unziesme,  selon 
'l'ancien  usage  de  chascun  lieu  où  ilz  besongneront, 

»  Et  pour  salaires  d'amasser  les  avoines,  ne  pouront  demander  plus  grand 
salaire  que  trois  garbes  à  chascun  cent,  ou  au  lieu  de  ce  se  contenteront  de 
deux  boysseaux  de  bled  pour  chascune  pair  de  moissonneurs. 

»  Pour  faucher  les  avoines  ne  se  pourra  exiger  pour  la  mencaudée.  Quant 
icelles  se  fauceronl  par  ceux  qui  soient  et  moissonnent  les  bleds  des  censiers, 
plus  de  V  s. 

»  El  quand  elles  se  faucheront  par  autres,  non  soians  lesdits  bleds,  pour  la 
mencaudée  vi  s. 

»  Et  au  regard  de  ceux  que  on  y  voudra  emploier  à  journée  ne  pouront 
demander  plus  de  xii  sols. 

»  Faucheurs  de  foin  pour  jour  six  sols vi  s. 

»  Et  pour  la  mencaudée x  s. 

»  Fouisseurs  de  terre  par  jour vi  s. 

))  Les  batteurs  en  grange  n'exigeront  plus  grand  gaignage  que  le  xx,  xxi 
ou  XXII,  selon  qu'ils  sont  accouslumez  gaigner  es  lieux  où  ils  besoigneront. 

»  Et  en  besoignant  à  la  journée v  s. 

»  Le  jardinier  par  jour ^ vi  s. 

»  Et  généralement  pour  tous  autres  manouvriers  par  jour  .    .     un  s. 

»  Faiseurs  de  glos  de  bonne  gauge  de  chacun  cent     .    .    .    .    xn  den. 

»  Et  besoignant  par  jour  tant  ausdits  glos  qu'autres  bois  .  .  vi  sols.  » 
{Gedrukl  te  Dowaai,  bij  de  wed.  Boscard,  1588.) 


(  254  ) 

Naarhet  voorbeeldderregeering  werkten  ookvele  dorpsheeren 
en  gcinecntelijke  welliouders  tôt  de  uitbreiding  en  verbeleringof 
wel  lot  bescherining  des  landbouws  mede.  Plaatselijke  keuren  of 
politieverordeningeii  [Politieke  ordonnanliën  noemde  men  die) 
geluigen  daarvan.  Pbilip,  béer  van  Croy  en  hertog  van  Aarscbot, 
deed  in  1571  een  règlement  op  de  «  champiage  »  afkondigen  in 
bet  Henegouwscbe  dorp  Rai>ce,  vvaarin  wij  onder  andere  lezen  : 

a  ...  Seniblablement  deffendant  à  tous  fermiers,  censiers, 
laboureurs  de  vendre  ny  transporter,  ny  mener  au  debors  dudit 
village  aucuns  fourrages. 

»  Pareillement  est  probibé  d'abbattre  ny  coeiller  pommes  et 
poires  sauvages  avant  les  termes  pour  ce  limités  et  désignés,  si 
comme  pour  les  poires  avant  le  mois  d'aoust,  pour  les  pommes 
avant  la  St.-Remy  *.  »  —  De  wilde  vruchten,  biervoren  vermeld, 
dicnden  doorgaans  toi  bet  vervaardigen  van  cider  of  appeldrank. 

Dank  aan  de  uitgebrcide  betrckkingen,  welkeonze  middeleeuw- 
scbe  bandel  met  de  verslgelegene  landen  van  Europa  onderbield, 
alsook  de  reizen,  welke  vcrmogende  lieden  uit  bloote  nieuws- 
gierigbcid  en  zucht  naar  meerdere  kennis  tôt  in  andere  wereld- 
deelen,  ondernamen  ,  was  in  de  XV 1^  eeuw  de  moesbof  met  ver- 
scbeidene  nieuwe  groenten  verrijkt,  die  de  ontwikkeling  der 
landbcbouwing  bevordcrden,  gelijk  zij  de  tafel  der  grooten  met 
nieuwe  spijzen  vcrrijkten.  Op  de  groene  kool  van  Milanen  badden 
onze  boercn  de  spruitlaten  wassen,  die,  naar  andere  landen  zelfs 
vervoerd,  voor  ben  eene  nieuwe  bron  van  winst  werd.  Brabant 
leverde  reeds  ten  jare  1597  de  beste  snijboonen,  bier  ingebracbt 
door  kooplicden,  die  in  betrckking  waren  met  Turkije. 

Het  scborseneerzaad  werd  bier  ingevoerd  uit  Spanje  op  bet 
einde  der  XV^  eeuw.  In  1597  bracbt  men  te  Anlwerpen  bet  zaad 
van  den  konkommer  en  de  zurkel.  Daarentcgcn  vroeg  Engeland 
ons  op  bet  laatst  der  XV*"  eeuw  zaad  van  articbokken,  rneloenen, 
koolen,  salade,  benevens  stekelbezië-  en  abrikoosplanten. 

De  andijvie  werd  bier  gekweekt  voor  1548,  maar  de  aardappel, 
in  1588  door  Pbilip  van  Sivry,  béer  van  VValbain  en  gouverneur 

^  Annales  du  Cercle  archéologique  de  Mons,  VIII,  208. 


(  255) 

van  Bergen,  aan  Clusius  gegeven  en  door  hem  bekend  gemaakt, 
zou  nog  ongeveer  Iw  ee  eeuwen  moctcn  wachten  vooraleer  het 
brood  der  armen  te  worden  *. 

Was  in  de  XVP  eeuw  de  loesfand  van  den  leenhouder  jegens 
den  leenheer  al  veel  veranderd,  tcn  voordeele  van  eerslgcnoemde, 
de  betrekkingen  tusscben  eigenaar  en  huraar  bleven  nagenoeg 
gelijk  als  in  de  XV*  eeuw.  Eene  pachlakte  van  1559  betrekkelijk 
eene  bofstede  te  Erondegem,  en  die  samengestcJd  was  uit  land, 
bosch  en  nieersch,  ter  grootte  van  44  bunder,  geeft  op  als  buur- 
waarde  2  godspenningen  en  150  Karolusgulden  's  jaars,  iOO  pond 
boler,  ingelegd  in  looftijd,  vier  steenen  vlas,  en  een  vet  lam  te 
Pascben  of  le  Sinksen,  1er  begeerte  van  den  eigenaar.  De  betaling 
moesl  gedaan  worden  bij  helft,  te  weten  op  St.-Jans-en  op  Licht- 
misdag.  De  eigenaar  bebield  tôt  zijn  gebruik  de  kamer  boven  de 
vont  en  gelastte  den  pachter  met  de  herstelling  en  't  ondcrhoud 
van  stakcn  en  leem ,  waaruit  men  mag  opmaken  dat  toen  nog  aan 
de  boerenbuizing  geen  baksteen  werd  gebczigd.  leder  jaar  moest 
de  paehler  de  daken  beleggen  met  100  pond  stroo  en  '(  bout  der 
opgaande  boomen  mocht  door  bijl  noch  door  snoeimcs  worden 
verminderd.  Op  bemest  land  mocht  de  pachter  niet  meer  dan 
iwee  opvolgcnde  vruchlen  lelen,  en  ten  einde  den  houtkweek  te 
begunstigen  werden  hem  2  schellingen,  Parijzische  munt,  loege- 
zcgd  voor  icder  eiken  of  wilgen  plantsoen,  dat  bij  slellen  zou.  De 
nfgaande  pachter  leverde  zijnen  opvolgcr  zeven  bunder  bezaaid 
met  koorn,  gewonnen  in  brake  en  in  niest,  alsmede  zeven  bunder 
linzen,  gewonnen  in  rogge  stoppels  ^. 


*  De  pauselijke  legaat  had  ivvee  aardappelen  aan  genoemden  heer  gegeven, 
en  Clusils  maakle  deknollen  door  de  gravuur  in  eene  beschrijving  bekend. 
(Zie  Ch.  Morren,  Notions  des  sciences  naturelles,  4^  partie,  Butauiqve,  82. \ 

"^  «  Den  11*^1  dach  van  hoymaenl  anno  XV'^  ende  XXXIX  zo  vei  huerde  Jan 
Tytgat  doude  an  Audries  Boston  f^.  \V.,  een  zyn  goel  ligghende  in  Heede- 
ghem,  grool  XLIII  bunderen  onder  landt,  busch  endc  meersch  ende  emmer 
alzool  Clays  Vierick  ghebruucl  heefl  met  Iwee  godspenuinghen,  eenen  pacht 
van  XVIII  jaeren  wesende,  twee  pachten  elc  van  neghen  jaeren,  wanof  dese 
iwee  pachlen  innegaeu  zullen  te  Meye  anno  XV"  een  en  veertich  eerslconi- 


(  256  ) 

In  't  kort,  de  mecstc  raiddeleeuwsche  voorwaarden  vindt  men 
in  de  pachtaktcn  dcr  XVI*  eeuw  weinig  of  niet  veranderd  terug, 
tenzij  dat  de  hiiurwaarde  lioe  langer  zoo  meer  in  muntspeciën 
werd  gevraagd.  Een  pacht  van  verschillige  partijen  land  bij  Me- 

mende,  ende  alzo  voortsde  voorn,  XVIII  jaeren  lanck  gheduerende,  eude  dalle 
oiTime  de  somme  van  hondert  ende  vichlich  karoius  guldens  Isiaers,  eicken 
guldenen  van  werde  van  veertich  scell.  par.,  istick,  hondert  ponden  bueter 
innegheleyt,  in  de  raepe  looftyl,  vier  steenen  vlas  ende  een  vet  lam,  le  betae- 
lene  desen  pacht  ten  tween  payementeninelcjaer,te  wetene  lelcken  St.-Jans- 
messe  ende  lichtmesse,  wanof  deerste  payement  vallen  ende  verschinen  zal 
le  lichtmesse  anno  XVc  ende  een  en  veerlich  leerste,  ende  dander  payement 
le  St.-Jans  messe  W'^  iwee  en  veertich  daernaer  volghende,  ende  alzo  voorts 
van  payemente  te  payemente ,  XVIII  vromen  heffende  ende  XVIII  pachlen  ghel- 
dende,  te  betaelene  ende  leverne  de  voors.  hondert  pont  bueter  in  den  raeptyt 
ende  llam  le  Paeschen  of  Sinxene  ten  wille  vanden  voorn.  Jan  Tytgat,  dies  es 
bespreck  dat  den  voorn.  Tylgal  of  zyn  huusvrouw  ofte  zyn  hoirs  ende 
naercommers  thueren  wille  uulhauden  de  camere  boven  de  vaute,  den 
voorn.  pachtere  moet  houden  ende  onderhouden  aile  de  huusen  ende  slallen 
wesende  op  tvoorn.  goet  van  staken  ende  leeme  souffisautelic  alzoot  behoorl, 
moet  ooc  legghen  aile  jaere  op  de  voors.  huuse  hondert  larwen  geleys  oncost 
den  voorn.  Tylgat,  den  vcorn.  pachler  en  mach  niet  hauwen  met  haex 
noch  haumes  an  eenige  opgaende  bomen  wesende  op  't  voorn.  goet,  den 
voorn.  pachter  en  mach  maer  sayen  Iwee  vromen  in  een  mes,  den  voorn. 
Tydgal  zal  de  huusen,  boomen  ende  hau  den  pachter  leveren  ten  aengaene 
van  den  pachte,  die  hy  thenden  pachte  zo  goet  ende  den  nombre  leveren 
moet  by  gelale,  den  voorn,  pachter  zal  hebben  van  eicken  plantsoene  isy 
eecken  ofte  wulghen  die  hy  planten  oft  zal  op  laelen  groeyen  synen  pacht 
gheduerende  op  tvoorn.  goet  zal  dacof  belalinghe  hebben  van  den  voorn. 
Tylgat  ofte  zyne  hoirs  ende  ancommers  II  s.  p.  van  eicken  plantsoene  becle- 
ven  zynde,  die  hem  afslach  doen  zullen  thende  pachte  in  minderinghe  van 
zynder  somme  die  hy  sculdich  wert  ter  causen  vanden  voorn.  pachte,  den 
voorn.  afgaenden  pachter  zal  leveren  den  voorn.  Andries  Boston  in  leeninghe 
den  nombre  van  zeven  bunderen  coorens  wel  ghewonnen  in  brake  ende  in 
messe  ende  VII  bunderen  lenten  ghewornen  in  cooren  stoppele,  zal  hebben 
ende  ontfaen  al  de  vetle  in  den  messincput  tsynen  proufryt,zal  ooc  den  voors. 
afgaenden  pachter  laeten  VI  of  Vil  bunderen  landtsghescyfelt  alzoot  behoort, 
iwelcke  den  voorn.  pachter  Ihendcn  voorn. XVIII  jaeren  zo  goet  leveren  moet 
alzoot  behoort  ghelyck  voors.  es,  met  condiiien  erde  bespreken  indien  den 
voorn.  pachter  in  ghebreke  waere  ende  sculdich  zynde  twee  gheheele  jaeren 
vul  ghevallen  ende  onbelaelt,  in  dat  cas  zo  hef  fi  den  voorn.  Jan  Tylgat  ver- 


(  257  ) 

chelen  werd  ten  jare  1524  aangegaan  voor  den  diiur  van  vier  en 
tvvintig  jaren,  met  besprek  (in  vêle  akten  van  den  onitrek  der 
genoemde  stad  voorkomende),dat  de  huraardaarop  geene  huizen 
mocht  tirnmeren;  dat  de  pachter  of  zijnenakomelingen  de  grach- 
ten  der  weiden  bchoorlijk  onderboudcn  en  afsluiten  mocst  enz.  *. 

huerder  ofte  zijne  hoirs  ende  naercommers  cause  ende  aclie  hebbende  den 
voorn.  pachter  te  priverene  van  zynen  voorn.  pachte  ende  ohcie  den  voorn. 
pachter  te  doen  verhuusene  indient  hemlieden  beliefde,  aïs  dien  by  hem  ver- 
huert  hebbende.  Dit  was  ghedaen  ter  presenlie  van  Willem  Bosloen,  Geeraert 
van  den  Ende  ende  van  den  voorn.  Andries,  Gilles  Willems,  Jan  de  Jonghe, 
f'.  Joos,  Jan  Noppe;  hier  of  zo  es  borghe  bedeghen  den  voorn.  Willem  Bostoen 
nopende  den  voorn.  pacht  ter  presentie  van  Andries  Nemegher  ende  Pieter 
Willems,  scepenen  van  Haerlebeke.  »        (Schepenenboek  van  Aalst,'[^o9.) 

*  «  Opten  XXIll  dach  van  Octobre  annoXY^XUlF  soo  heeft  Jacob  Robbyns 
voer  hem  selven  synen  hoys  ende  na  commeliughen  gheliuert  ende  te  pachte 
ghenomen  jeghen  heeren  Aerde  van  Diest,  heeren  Janne  vander  Aa,  riddere, 
ende  Janne  Staes,  aile  rentmeesters  van  de  stede  van  Mechelen,  alsulcken 
diversche  partseelen  ende  plecken  van  vvijnnende  lande  gheleghen  opten  pas, 
met  oock  eenen  beempdeken  gheleghen  neven  dbollewerck ,  aandie  beke 
aldaer,  ende  oock  met  eenen  cleynen  stucxken  vvynnens  lants  gheleghen  over 
de  brugghe  aldaer,  ende  es  driehoukich,  ende  dat  in  aile  der  manieren  alsoo 
wylen  Jan  Wouters  dat  te  liouden  ende  te  bedreven  plach,  eenen  termyn  oft 
spacien  van  vier  en  twintich  jaren  lanck  gheduerende,deen  naer  den  anderen 
vervolghende,  elcx  tsiaers,  voor  ende  omme  sesse  peeters,  elcken  peeter  voer 
IIII  s.  d.VIBrab.  gherekent  altijts  vallende  ende  verschinende  tôt  Kersmisse, 
daer  af  dat  ierste  jaer  vallen  ende  verschinen  sal  tôt  Kersmisse  int  jaer  XV" 
ende  vyfthiene  ende  alsoe  vervolghende  de  voorts.  XXV  jaren  lanck  ghedue- 
rende,  met  vorvvaerde  ende  condicien  hier  inné  bevorweert  ende  onderspro- 
ken,  als  dat  de  voers.  Jacob  Robbyns  ende  sine  nacommeliughen  gheene 
huysen  en  sullen  moghen  setlen  oft  doen  maken  op  dat  voers.  lant,  noch  oock 
voer  dat  lant  op  der  heeren  strate;  item  voorls  soe  sullen  de  voers.  Jacob 
ende  syn  nacommelinghen  ghehouden  syn  aile  dat  voers.  lant  ende  beempde- 
ken te  doen  beheynen  ende  begraven  tôt  haerlieder  coste  ende  lasle,  alsoe  sy 
daer  af  prouffyt  willen  hebben,  sonder  der  stad  cosle  ende  last;  item  soe  es 
vorwaerde  vvaert  bij  alsoe  dat  in  toecomende  tijden  de  regeerders  oft  rent- 
meesters van  der  stad  voers.  eenighe  stercten-vvouden  maken  aen  den  pas 
voers.  of  daer  omirent,  ende  men  daerloe  behouven  soude  eenighe  van  den 
voors.  plecken  lanls  oft  dbeemdeken,  dat  sullen  de  voers.  rentmeesters  daer 
toe  moghen  aenveerden  van  der  siad  weghen,  daervore  af  cortende  dat  rede- 
lyck  syn  sal,  altoes  tôt  der  discretien  van  den  rentmeesters  voers.;  item  es 
Tome  XXXII.  il 


(  258  ) 

Nagenoeg  al  hetzelfde  vinden  wij  in  de  pachtakte  van  't  Goed  te 
liij/wve,  omirent  Ninove,  en  dat  ten  jare  1566  door  Frans  van  de 
Kethulle,  een  der  beruchte  aanleiders  der  Gentsche  hervormers, 
toebehoorde.  Buiten  de  reeds  vermelde  voorwaarden  met  betrek- 
king  lot  huizing  en  land  eischte  de  béer  van  zijnen  pachter  dat 
bij  bem  tweemaal  's  jaars  met  paarden  en  wagen  lialen  en  dan 
weer  te  buis  voeren  zou,  op  den  tijd,  dien  de  eigenaar  beliefde  te 
kiezen.  Het  pachtersrecbt  was  besproken,maar  daarentegen  kreeg 
de  biiraar  last  om  de  onvoltooide  ingangpoort  van  't  bof  te  doen 
voltrekken  en  daarboven  een  kamertje  te  bouwen,gelieel  en  al  op 
eigene  koslen.  Eene  andere  voor  den  boer  ongunstige  bepaling 
luidde,  dat  na  zijn  overlijden  zijne  vrouw  nocb  kinderen  op  het 
hof  mocbten  blijven  K 

oock  voerwaerde  soe  wanneer  dalmen  opNeckerspoeleoft  daer  omirent  stee- 
weghen  wille,  dal  men  als  dan  aldaer  sal  nioghen  savel  halen  aen  deen  syde 
daer  men  dal  ghecoslumeerl  entle  gheplogen  heeft  te  halen,  ende  om  dat 
memorie  sijn  soude  voer  den  toecomenden  lijt  vander  voers.  hueringhe,  soe 
hebben  wy  rentmeesters  voers.  dil  doen  leekenen  te  jare  ende  daghe  voerg. 
in  den  regisler  glieheelen  troolboeck.  » 

(Reg.  N°  852,  bl,  112,  in  'l  stadlsarcliief  van  Mechelen.) 
'  «  Allen  denghonen  die  dese  présente  lettren  zuUen  zyen  ofte  hooren 
lesen,  scepenen  ende  raedt  der  slede  van  Gheudt,  saluai,  met  kennessen 
der  waerheden  doen  le  wetene  dat  hedent  date  deser  hieronder  gheuoopl, 
voor  ons  commen  ende  gliecompareerl  zyn  in  persoone,  Franchois  vander 
Kcllmlle,  over  een  zyde,  ende  Joos  de  Mets,  filius  Cornelis,  pachtere  vvonende 
upl  Goedl  te  Ryliove,  inl  landt  van  Nyenhove,  1er  andere,  de  voorn.  Fran- 
chois vander  Kelhulle  keude  ende  verclaersde  in  ioyalen  pachle,  hueringhe 
ende  voorAvaerde  ghegheven  ende  verhuert  hebbende,  ende  de  voorn.  Joos 
de  Mets  ghenommen  hebbende  Ivoorn.  pachlgoedl  in  aider  manieren  dal 
Iselfs  gheslaen  ende  gheleghen  es  in  huusen,  hove,  winnende  landen,  niersch 
ende  hetlinghe,  melgaders  een  half  bunder  ende  twinlich  roeden  die  plochle 
le  hauden  Jan  Coppins,  metlen  zelven  goede  ghevouchl,  met  noch  een 
dachwanl  gbecocht  vvesende  by  mejoncvrouwe  vander  Kelhulle,  Franchois 
joncvr.  moedere,  van  vvelcke  gronden  de  voorn.  Joos  de  Mets  hem  le  vreden 
haiidl,  ende  ditle  eenen  Icrniyn  van  neghen  jaeren  ,  danof  hel  eersle  jaer  in- 
neghynck  alf  maerle  zesse  en  Izeslich,  ende  hel  eerstejaer  naer  vrome  vallen 
zal  te  bamesse  XV^  zevcn  en  izeslich,  belalende  elc  jaer  in  zuveren  ghelde, 
den  voorn.  pachl  gheduerende,  vier  en  veerlich  ponden  groolen  Isiaers,  van 


(  259  ) 

Gaan  wij  nu  iiaar  West-Vlaanderen,  dan  vinden  wij  daar  nage- 
noeg  al  helzelfdc,  althans  wat  de  hoofdvoorwaarden  helveh/iGoed 
te  Wingene,  ter  gemeente  Mouden  (Moen),  eene  grootte  hebbende 
van  24  bunder,  werd  in  de  XVP  eeuw  verpacht  voor  de  som  van 

welcke  XLIIII  1.  gr.  hem  afslach  doen  zullen  Iwintich  scellinghen  groolen 
tsiaers,  uuten  zelven  goede  gaende,  ten  proffyle  vander  capelrye  van  Pamele, 
le  betalen  ofle  beweghen  waer  dat  hy  vvonachlich  of  residerende  wcrdt,  zon- 
der  zynen  cost,  te  betalene  lelcken  bamesse,  up  pachlbrake  indient  den  ver- 
huerdere  beliefde,  met  zulcken  ghelde  aïs  teicken  termyne  cours  ende  ganck 
hebben  zal  binnen  der  stede  van  Ghend tende  G.  Ma',  betaeit  zal  zyn  van 
zynen  demainen.  Es  oick  bespreken  dat  de  voorn.  pachlere  leveren  moet  den 
wyn  die  men  oirboren  zal  omme  drie  messen  in  elcke  weke,  van  ouder  fon- 
dacie,  die  men  celebreert  in  de  cappelle  vanden  voorn.  hove,  al  spachters 
coste,  ende  voorls  de  messen  besurgen  dat  danof  gheen  ghebreck  en  ghe- 
buere.  Item  moet  de  pachtere  aile  de  vromen,  die  onse  heere  God  verleenen 
zal  up  het  voors.  goedt  doe  bringhen  up  tzelve  goedt  ende  al  istroo  le  messen 
bringhen  omme  te  voerene  up  tselve  goedt  ten  meesten  proffyte  vanden  zel- 
ven, Jlem  de  pachtere  en  mach  dit  goedt  niet  veransaden  binnen  den  leste 
drie  jaeren.  Ilem  en  mach  dit  goedt  niet  splyten  noch  oock  eenighe  sticken, 
voorts  verhueren  nochte  tselve  gheel  goet,  zonder  het  consent  vanden  ver- 
huerere.  Item  de  pachtere  moei  oock  wachten  Igoedt  van  aile  schade  van  be- 
heymene,  quade  strate  ende  dierghelycke,  ailes  tselfs  pachters  cost.  Itrm 
moet  planten  vande  snoyeliughen  redelick  ende  tamelick  zonder  den  cost 
vanden  verbuerere,  zonder  oock  de  pachter  eenich  redit  thebbene  an  dezelve 
upgaende  boomen.  Item  moet  de  pachtere  tvoors.  goedt  laten  te  zynen  aff- 
scheedene  in  dricht,  zade ,  messe,  hoirten  ende  hoye  de  somnie  van  zesthien 
ponden  grooten,  ende  bovendien  de  grachten  in  de  merschen  redelick  ghe- 
ruumt.Itemghetydeghe  luynenendeghetydeghelueken.  Item  moet  de  pachtere 
voorts  doen  al  dat  loyalen  pacht  inhoudt  ende  begrypt.  Item  moet  de  pach- 
tere onderhouden  te  zynen  coste  ende  zonder  afslach  aile  de  huusinghen  van 
reparatien,  hoedanich  die  zyn  ofte  ghebueren  mochten,  tenware  dat  eeneghe 
vande  voors.  huusinghen  by  ongheweerle  ofte  dierghelicke  bedorven  worden, 
zo  dat  men  se  niet  en  mochle  helpen,  dat  zoude  wesen  ten  lasle  vanden  ver- 
buerere, ende  indien  de  pachtere  neggligent  waere  van  dezelve  huusinghen  le 
onderhoudene,  zo  zoude  de  verbuerere  den  pachtere  daertoe  moghen  bedwin- 
ghen  ofle  tselve  doen  doen  spachters  coste,  ende'inden  ghevalle  dat  eeneghe 
vande  voorn.  huusinghen  by  de  scult  ofte  verzwynthede  vanden  pachtere  ofte 
zynen  huusghezinne  by  brande  te  nieuten  ghynghe,  dat  zoude  de  pachtere 
moeten  innestaen  ten  zegghene  van  goede  mannen,  hemlieden  dies  ver- 
staende,  die  zy  van  beede  de  zyden  daertoe  zoude  moeten  nemen,  twelck  byder 


(  260  ) 

9  pond  groole,  vijftien  razieren  tarwe,  vier  steenen  vlas,  of,  in 
plaats  van  dit  laatste  arlikel,  het  vierde  deel  van  liet  op  't  hof  was- 
send  fruit.  Te  Heestert  verhuurde  Joost  van  de  Maie  in  1557  zijn 
hof  mils  de  volgende  voorwaarden  :  het  derde  deel  des  fruits  is 
voor  den  eigenaar,  te  leveren  in  zijn  huis  te  Kortrijk,  benevens 
eene  zekere  hoeveelheid  vlas  en  hout,  200  halster  stroo,  vijf 
vcntstoopen  warme  melk,  le  leveren  op  St.-Martensavond,  op 
Nieuwjaar-,  Paasch-  en  Sinksenavond,  vermoedelijk  voor  eenen 
wafelbak  of  rijslpap.  De  meesler  besprak  voor  zich  het  oostdeel 
van  het  huis,  boven  en  beneden,  en  eischle  van  den  pachter, 
boven  de  verplichting  van  geen  ander  land  in  huur  te  nemen,  dat 

gratien  Godts  gheen  noot  wesen  en  zal.  Item  voorls  zo  moet  de  voors.  pach- 
lere  iweew^aerf  isiaers  commen  halen  den  verhuerere  met  zynder  huusvrouwe 
ende  met  znik  gheseiscap  alsl  hem  believen  zal,  met  waghene  ende  peerden, 
ende  hemlieden  Ihuus  bringhen  ende  voeren  zonder  eenich  verghell  Iheb- 
bene.als  den  pachlere  daertoe  versochl  zal  wesen.  Item  hier  nemende  desen 
paclU  zo  quyt  de  pachlere  aile  zulcke  repaiatie  als  hy  up  tvoors.  goedt  zoude 
moghen  ghedaen  hebben,  oick  transpoiteert  aile  de  huusinghen  zo  zy  ghe- 
legheii  zyn,weder  scade  weder  bâte  es,  zonder  prisantie,  metgaders  dat  hy 
ghehouden  es  up  te  doen  maken  de  poorte  die  hy  begonst  heeft  met  een  camer- 
kin  daerboven,  zonder  daeraf  eenighe  recompense  te  begheeren.  Item  een 
reke  kerseleers  in  een  slraelkin  gheplanl  by  den  zelven  pachlere,  die  zullen 
commen  sverhuerers  proffyte  als  gaende  metten  zelven  goede.  Item  indien 
de  verhuerere  van  zynne  waere  up  het  voors.  goedt  eenich  liuus  ofle  temme- 
raige  le  maken,  zo  zoude  de  pachlere  ghehouden  zyn  dezelve  materialen  te 
voeren,  ende  vermach  oock  den  verhuerere  te  beplantene  tselve  goedl  waerl 
hem  believen  zal.  Ende  indien  de  voorn.  pachlere  overlede  deser  werelt  voor 
lexpireren  van  zynen  voorn.  pacht,  zo  zoude  den  pacht  gheexpireert  zyn  ende 
zyn  weduweende  hoyrs  daeranne  niet  langer  recht  hebben  dan  lotalf  maerte 
naer  spachters  overlyden,  betalende  den  pacht  vande  voorledene  vrome  ende 
jaerschaere.  In  tonderhouden  ende  vulcommen  van  alwelcke  de  voorn.  hue- 
rere  verbonden  heeft  zynen  persoon  ende  goedinghen,  présent  ende  toecom- 
mende ,  belovende  oick  voor  tinhouden  van  desen  zeker  souffisant  te  stel- 
lene,  dies  van  zynen  meeslere  versochl  zynde,  int  vulcommen  van  a!  welcken 
scepenen  voorn.  deze  voors.  comparanten,  ihuerl.  verzouck  ende  begheerle, 
ghecondempneert  hebben  ende  condempneren  by  desen.  Ghegheven  in  kennes- 
sen  der  waerheden  onder  den  zeghele  van  zaken  der  voors.  stede  van  Ghendl, 
den  eersten  Juny  XV^  zessentzestich.  » 

{OorspronkeHjk  stuk  op  perkament,  in  ons  bezit.) 


(  261  ) 

hij  geen  mest,  op  't  hof  gewonncn,  wcgvocren,  en  twee  magere 
varkens,  die  hij  hem  zou  zenden,  vetten  zou  *. 

De  karwei  was  nog  niet  teenemaal  vergcten  en  afgeschaft. 
Wanneer  ten  jare  1489  hel  Goed  te  Meerhem,  te  Afsnce,  werd 
in  hiiur  gegeven,  eischte  de  meester  van  zijnen  pachter  «  hem 
ende  sin  huusghesine  le  dienene,  oft  deghone,  diet  hem  beheven 
zal,  te  vaerne  met  eenen  wagene  ende  twee  peerden,  vier  daghe  in 
elc  jaer...  behouden  de  eosten  van  den  pachter  ende  zine  perden  », 
die  ten  laste  des  eigenaars  bleven.  Ook  hier  was  't  gebruik  in 
zwang  gebleven  van  't  geschenk  des  kleeds,  van  zulke  kJeur  aïs 
de  eigenaar  jaarhjks  zijnen  dienaar  gaf,  of  6  schellingen  groole. 
Dit  gebruik  schijnt  zelfs  op  verscheidene  plaatsen  nog  uitbreiding 
te  hebben  bekomen,  zoo  als  wij  o.  a.  zien  voor  't  Goed  ter  Aleren, 
te  Nazareth,  waar  de  pachtersvrouw  ieder  jaar  van  den  meester 
vier  «  curslakene  »  kreeg,  of  de  waarde  daarvan,  bestaaade  in 
6  schellingen  groote  voor  ieder  kleed  ^, 

^  Schepenenboek  van  Korlrijk,  1357.  —  Stadsarchief. 

-  Zie  onze  Geschiedenis  van  Nazareth,  bl.  13.  —  De  verdienstelijke 
scbrijver  van  de  Landbouwkunsl  in  de  Nederlanden^  Em.  de  Laveleye, 
deeli,  naar  aanleidiiig-  eeuer  stalistische  uitgave  van  1590,  eenige  belangrijke 
opgaven  mede  nopens  den  iandhouw  in  Vlaanderen  gedurende  de  XVIeeeuw. 
«  Een  gemet  (44  aren)  lichten  grond,\vel  gelegen,  werd  in  1375  verkocht  tegen 
8  a  12  pond  (heUpond  =  10  fr.  88  c).  De  larwegold  een  pond  (10  fr.  88  c.)  per 
hoel  van  Brugge,  bevaltende  170  liters,  dit  is  6fr.  per  hectoliter. 

«  Hel  gemet  van  44  aren  werd  verhuurd  tegen  10  schellingen  (o  fr.  44),  dit 
is  een  weinig  min  dan  de  waarde  van  1  hectoliter  tarwe.  Deze  prijs  is  lager 
dan  de  tegenwoordige,  wanneer  men  rekening  houdl  van  de  kerkelijke  laslen, 
die,  gelijk  men  zien  zal,  het  beloop  der  rente  overtreffen. 

«  De  koslen  voor  een  bezaaid  gemet  kwamen  op  20  schellingen  (10  fr.  88) 
voor  vette  en  bewerking.  Men  zaaide  er  eene  mud  en  ^/g  (60  liiers),die  7  schel- 
lingen 6  deniers  (4  fr.  05)  waard  waren.  Men  gebruikl  tegenwoordig  nog 
dezelfde  hoeveelheid. 

»  Twee  paarden  beploegden  op  eenen  dag  1  ^j  gemet  (59  aren),  en  men 
betaalde  het  gespan  met  den  knecht  tegen  6  sch.,  dat  is  4  '/a  sch.  (2  fr.  45) 
per  gemet.  Men  gaf  dus  voor  het  werk  van  2  paarden  een  weinig  meer  dan 
eenen  halven hectoliter  tarwe,  wat  aan  dentegenwoordigen  gemiddelden  prijs, 
11  a  12  fr.  zou  wezen.  Het  is  nog  juist  de  som,  die  men  ihans  beiaalt. 

»  Het  gemet  gaf  300  schooven,  die  opbrachlen  7  hoeten  en  half  (12  hect. 


(  262  ) 

Naast  den  landbouw  ontwikkelden  zicli  voortdurend  anderc 
dorpsnijverheden,  lioewel  de  eerste  altijd  gebrek  aan  handcn  had. 
't  Zal  altijd  zôo  gaan  :  niet  alleen  doen  nieuwe  behoeften  en 
nieuwe  vindingen,  nieuwe  bedrijven  en  handelstakken  ontstaan, 
maar  er  zijn  overal  lieden  wien  de  ouderlijke  nering  misvalt  en 
die  zieh  toeleggen  op  iets  anders,  dat  zij  met  hartelust,  en  zeer  dik- 
wijls  met  voordeel  waarnemen.  Hoegaarden  en  Leeuw  brouwden 
iiilmuntend  bier;  La  Bassée  (Fransch-Vlaanderen),  Keiem,  Hervé, 
Upen,  Borchloon  en  meer  andere  dorpen  waren  bekcnd  om 
hunne  weverijën;  Hoeke,  Muiden  en  Monnikereede  hadden  tal- 
rijkè  visschers,  handelaars  in  scheepsmasten,  zout  en  granen; 
menige  dorpen  van  Henegouw  en  Luik  leverden  zich  over  aan  den 
handel  in  ijzer,  steenen,  lood,  glas,  kalk  enz.  In  Namen  en  Luxem- 
burg  wrocht  men  op  een  aantal  dorpen  aan  schaliën,  marmer  en 
andere  delfstoffen;  in  Vlaanderen  (te  Bazel),  aan  de  steenbakke- 
rijën  enz.,  terwijl  de  stcengroeven  in  Brabant  en  Vlaanderen  nog 
steeds  aan  talrijke  arbeiders  bezigheid  gaven. 

In  de  XVl^  eeuw  waren  de  zeden  en  levenswijze  der  buiten- 
lieden  weinig  bij  die  der  vorige  veranderd.  Wel  was  de  diep  gods- 
dienstige  zin  onder  de  menigte  der  geloovige  middeleeuwen  hevig 
geschokt,maar  de  overbeid  liet  geene  gelegenheid  voorbijgaan  om 
den  volke  tôt  bet  oude  geloof  terug  te  brengen.  Een  edict  der  Ber- 
gensche  wethouders,  uitgevaardigd  in  1515,  na  't  woeden  eener 
hevige  pest,  geeft  van  die  strekking  een  juist  begrip.  Men  leest 
daar  namelijk  :  «  Considérant  que  ladicte  contagion  ne  prend  fin, 
il  est  ordonné  à  cbascun  de  s'occuper  en  œuvres  de  miséricorde, 
jeusner,  exercer  aulmones  et  prières,  faire  supplications  publicques 
et  rien  ne  obmettre  qui  soit  prouffitable  à  leur  salut,  x» 

Intusschenhaddcbedelarij  eene  geducbte  uitbreiding  genomen, 

80  lit.).  De  Kerk  nam  hiervan  50  schcoven,dat  is  1  hect.  8  lit.  lanve,  geldende 
15  schell.  (8  fr.  10),  wat  maakt  een  vierde  meer  dan  de  eigenaar.  De  iand- 
bouwer  betaalde  dus  aan  de  Kerk  en  aan  den  grondbezilter  ongeveerS  hectol., 
dat  is  tegen  den  tegenwoordigen  prijs,  42  fr.  het  gemet  of  nagenoeg  100  fr.  per 
hectare.  Men  zaaide  er  2  mudden  en  half  tarwe  (1  liecl.  8  lit.).  Men  beploegde 
met  4  paarden  en  iwee  knechten  tegen  den  prijs  van  20  sch.  « 


(  263  ) 

tôt  zoo  verre  dat  lieden,  die  gcmakkelijk  met  den  arbeid  hunner 
handen  hun  brood  konden  vcrdienen,  zich  aan  bedelen  over- 
gaven.  Wuts,  in  een  bock  over  de  kwaal,  dat  ten  jare  d526  in  't 
licht  kwam,  getuigt  dat  de  meesters  in  de  sleden,  noch  de  boeren 
op  het  land  genoeg  gezcUen  konden  vinden  oni  het  werk  te  doen 
verrichien;  de  dienslboden,  die  van  hunne  meesters  vaderlijk 
behandeld  werden,  gingen  wcg  en...  aan  't  schooienî  Die  gewaandc 
armoede  werd  een  maatschappelijk  problema,  dat  dringend  oplos- 
sing  eischte. 

Wilde  de  samenleving  rust,  veiliglieid  en  orde  genieten,  dan 
moest  het  misbruik,  op  korten  tijd  algemeen  geworden,  dadaiijk 
en  krachtig  worden  te  keer  gegaan.  Vlaanderen,  dat  er  meest 
door  schiJMt  gcleden  te  hebben,  was  er  ook  het  eerst  tegen  gevva- 
pend.  De  wethouders  der  stad  IJper  gaven  in  1S50  eene  veror- 
dening  over  't  onderhoud  der  bedelaars  uit,  welke  weldra  door 
een  groot  getal  gemeenten,  en  't  jaar  nadien  door  de  regeering 
voor  gcheel  het  rijk  aangcnomen  werd.  Het  parochiaal  armen- 
besluur  en  een  bestendig  toezicht  werden  ingericht  of  liever  vol- 
ledigd;  eene  kas  tôt  stand  gebracht  om  in  het  te  kort  van  den 
disch  te  voorzien  enz.  De  regeering  had  de  voorschriften  der 
IJperlingen  nagenoeg  geheel  en  al  tôt  de  hare  gemaakt,  met 
bijvoeging  evenwel  van  enkele  bepalingen,  welke  den  geest  des 
tijds  en  de  naïeveteit  der  regeerders  betoonen.  De  arme  lien  (zegt 
de  bedoelde  ordonnantie)  mogen  ook  weleens  in  de  herberg  gaan  : 
«  aucunes  fois  par  récréation...  boyre  un  pot  de  cervoise  avec 
leurs  femmes,  sans  toutesfoys  eux  enyvrer.  »  Overigens,  de 
behoefligen,  die  onderstand  kregen  uit  eene  openbare  kas, 
droegen  een  uiterlijk  herkenningsteeken  :«  Ilem  que  tous  povres 
vivans  de  ladite  aumosne  de  la  charité  seront  tenuz  de  porter 
une  marque  sur  leurs  robes,  à  l'ordonnance  des  dis  commis.  » 
Het  waren  éditer  niet  alleen  de  schaamtelooze  armen,  die  de 
bezorgdheid  des  welgevers  gaande  maakten  ;  ook  degenen  die 
niemand  hunnen  nood  dorsten  klagen,  mocliten  op  hulp  en  bij- 
stand  rekenen.  De  ordonnantie  van  Karcl  V,  gedagteekend  1S3I, 
schrijft  voor  dat  «  quiconcque  sçaura  qu'aucunes  personnes  de 
honte  ou  par  simplesse  n'ossassent  découvrir  leur  nécessité,  ils 


(  264  ) 

cil  avertiront  les  commis  à  ce  qu'informacion  par  eux  sur  ce  prise, 
ils  pourvoyent...  »  Waarlijk  cen  edelmoedig  voorschrift,  waarom 
men  Karel  V  prijzen  mag. 

De  religielroebelen  waren  zekcr  niet  geschikt  cm  de  bedelarij 
te  beteugelen;  ook  wcrd  loen  't  gctal  schooiers,  op  den  builen 
gclijk  in  de  stad,  grooter  dan  ooit,  en  't  zullen  wel  lieden  van  zulk 
slag  geweest  zijn,  die  bij  de  uilbarsling  der  onlusten  gereed 
waren  om  in  kerken  en  kloosters,  hospilalen  en  burgerswo- 
ningen  de  vcrwoeslingcn  te  plegen,  door  welke  die  lijden  geken- 
merkt  zijn. 

Mochten,  bij  de  gelukkige  verdwijning  der  nielaatscbbcid,  de 
meeste  leprozenbuizen  bier  te  lande  gedurende  de  XVI"  eeuw 
opgebeven  en  tôt  eene  andere  bestcmming  aangewend  worden, 
de  pest,  die  in  de  vorige  eeuvven  zoovele  slacbtoffers  gemaakt 
had,  bleef  in  de  verschillige  gewesten  van  België  met  eene  ijzing- 
wekkende  bevigheid  voortwoeden.  Inzonderheid  in  de  Kcmpen, 
waar  de  vreeselijke  ziekte  andermaal  verscbeen  in  1503  en  er 
gedurende  20  jaren  lang  bcerscbte,  werden  een  groot  gelai  per- 
sonen  er  door  aangelast.  Ten  bewijze  biervan  zullen  wij  slechts 
aanbalen  dat  van  1518  tôt  1321  in  de  Vrijbeid  van  Turnbout 
alleen  niet  min  dan  10,000  ingezetenen  ten  gevolge  van  de  pest 
ten  grave  daalden.  Ook  in  verschcidene  andere  plaatsen  dom- 
pelde  zij  de  bevolking  in  de  uiterste  verslagenlieid,  met  des  te 
m  er  reden  dat  de  wetenscbap  scbier  geene  bulpmiddclen  kende 
om  de  kwaal  te  doen  opbouden.  Waar  ze  verscbeen  werden  door 
het  bestuur  evenwcl  eenige  meer  of  min  docltreffende  maat- 
regelen  genomen.  De  «  gisle  Gods  »  in  't  Land  van  Waas  zicb 
bebbende  vertoond,  vaardigden  de  wetbouders  der  gemeente 
St.-Pauwels  in  1557  eene  ordonnantie  uit,  die  't  verkeer  der 
gezonde  met  de  besmette  lieden  verbood,  de  buisgenooten  van 
dcze  laaste  verplichtte  op  slraat  te  gaan  met  eene  lange  witte  roede 
in  de  band,  en  uit  de  woning,  waar  een  of  meer  zieken  lagen, 
gedurende  zes  weken  eenen  bussel  stroo  le  bangen.Ook  werd  er 
bevolen,  de  dooden  gedurende  den  nacbt  ter  aarde  te  bestellen, 
geen  bloed  of  pleisters  in  gracbten  of  op  straat  le  werpen  enz. 
Deze  maatregelen,  zoo  men  ziet,  mag  men  zeggen  ingcgeven  te 


(  263) 

wezen  door  de  voorzichligheid,  niaar  weinig  cdelmoedig  was  de 
bepaling,  dat  de  ingezetene,  die  na  de  zes  wcken,  gedurende  welke 
de  bussel  stroo  aan  't  besmette  buis  gcbangcn  had  en  daarin 
trad  om  dat  buis  te  bewaken,  vcrplicbt  werd  daar  »  te  bliven 
zonder  uit  te  gane  veerlbien  dagben  lanc  gedurende,  om  niemant 
anders  te  bederven  oft  besmetten  ^ 

De  XVP  eeuw  levert  nog  andere  bekiaaglijke  feiten  op,  welke, 
ongelukkiglijk,  nog  lang  nadien  tôt  bedroevende,  ergerlijke  too- 
neelen  zouden  aanleiding  geven.  Was  het  oud  geloof  verzwakt, 
het  bijgeloof,  vooral  aan  heksen  en  tooveraars,  won  onder  de 
geringe  klasse  van  den  buiten  veld.  In  elke  oude,  beboeftige, 
eenigszins  afgezonderd  levende  oude  vrouw  zag  bet  volk  eene 
tooverbeks,  vooral  wanneer  zij  leelijk  was  en  misvorrad.  De  bij- 
geloovige  menigte  scbreef  aan  die  dubbel  ongelukkige  wezens 
doorgaans  ecn  bovennatuurlijk  scbadcnd  vermogen  toc,  terwijl 
de  vrouw,  door  baar  teeder,  zenuwacblig  gestel,  alsniede  door  de 
licbtbeid,  waarmee  hare  inbeelding  tôt  overspanning  en  ontvlam- 
ming  geraakt,  bij  aile  volken  en  in  aile  tijden  voorkwam  om  de 
droomcn  des  bijgeloofs  voedsel  te  geven.  Geen  gewest  van  België 
bleef  aan  die  beillooze  dwaling  vreemd,  en  mag  men  geloof 
hecblen  aan  ecne  oorkonde,  die  in  't  arcbief  der  stad  Gent  wordt 
bewaard,  dan  zouden  de  beksenprocessen  in  ons  land  de  ver- 
scbrikkelijkste  gevolgen  gebad  bebben.  Men  leest  in  bet  bedoelde 
document,  gedagteekend  van  i4  November  1G64,  docb  op  vorige 
tijden  terugziende  :  «  De  irreguliere  proceduren  in  het  stuck  van 
tooverye  zyn  voor  een  groot  deel  gbevonden  van  sulck  een 
quaede  ghevolgh,  dat  men  beeft  ghesien  ghebeele  gemeenten 
uytbranden  ende  de  eerlyckste  ende  onnooselste  persoonen  in 
perykel  stellen  2.  y>  Er  is  stellig  overdrijving  in  deze  woorden, 
raaar  tocb  moet  de  kwaal  groot,  de  vervolging  versebrikkclijk 
zijn  geweest,  aangezien  de  scberprecbler  van  Duinkerke,  met 
name  Jan  Noorman,  in  een  open  scbrift  verklaarde  «  wel  gbevi- 

^  Annalen  van  den  Oudheidkundigen  Kring  van  'tLand  van  Waas,lW,'26l. 
2  Aangehaaid  in  eene  notice  van  Em.  van  den  Bussche,  gelileld  :  Un  procès 
de  sorcier  de  Bailleul,  en  1659  {La  Flandre, 'i''  série,  I). 


(  266  ) 

siteert  ende  ghejusticiert  te  hebben  ontrent  de  vyf  ofte  zes  hon- 
dert  tooveraers  ofte  tooveressen,  »  en  eene  ordonnantie  van 
Philip  den  II,  gedagteekend  8  November  1595,  de  verklaring 
aflegde,  dat  de  «  pratiques  diaboliques  étaient  tellement  répan- 
dues dans  les  Pays-Bas,  qu'on  pouvait  compter  dans  certains 
villages  de  quinze  à  seize  sorcières  exécutées  par  la  justice.  »  De 
gemeenten,  waar  zulke  bekiagenswaardige  feilen  plaats  grepen, 
zijn  ons  niet  al  bij  name  bekend,  maar  wij  weten  dat  er  te  Angre 
en  te  Roisin  (Henegouw)  ten  jnre  1565  negen  van  tooverij  betichte 
personen  op  den  brandstapel  gebracht,  te  Hollain,  in  1590,  zeven 
andere  door  strenge  kastijdingen  gctroffen  werden.  In  1585  was 
eene  tachtigjarige  weduwe  te  Kasterlé,  beschuldigd  van  omgang 
met  den  duivel,  op  de  pijnbank  gelegd  en  zoo  vreeseiijk  gemar- 
teld,  dat  zij  aan  de  gevolgen  daarvan  bezweek.  In  't  kort,  de 
registers  der  crimineele  scntentiën  onzer  voormalige  vierscharen 
en  hoogere  gerechtshoven  zijn  vervuld  met  vonnissen,  die  zooge- 
naamde  tooveressen  veroordeelen  tôt  levenslange  ballingschap  of 
tôt  den  brandstapel,  schier  aile  na  door  de  ijselijkste  folteringen 
der  pijnbank  eene  schuldbekentenis  afgeperst  te  zijn.  Hoe  zeer 
steken  deze  sombere  tooneelen  af  tegen  de  anders  veel  verzaclite 
strafwetten  der  middeleeuwen,  toen  men  nog  volop  radbraakte 
en  veroordeelde  *,  en  't  zoogeheeten  «  oordeel  Gods  »  of  rechter- 
lijk  tweegevecht,  hoe  fel  door  geestelijke  en  burgerlijke  overhedcn 
bekampt,  nog  de  oorspronkelijke  ruwheid  van  't  Germaansch 
karakter  al  te  zeer  herinnerde. 

Maar  wenden  wij  de  blikken  naar  bemocdigcnder,  aangenamer 
tafereelen,  waar  wij  den  landman  zien  verpoozen  van  zijnen 
harden  arbeid  en  drukke  zorg,  en  waar  hij  verademing  en  nieuwe 
krachten  gaat  zoeken  om,  na  de  enkele  dagcn  van  ontspanning 
en  vermaak,  weer  met  frisschen  moed  en  verlevendigde  hope  de 
taak  te  hervatten;  volgen  wij  den  boer  op  de  parochiekermis, 
waarvan  hij,  nog  min  dan  de  steedsche  poorter  en  de  edelman, 
een  vijand  is. 

*  In  de  XVIe  eeuw  nog  slechls  zelclen;  op  vêle  plaalsen  paste  men  de  dood- 
straf  meest  toe  met  het  zwaard. 


(  267  ) 

GuicciARDiNi  bevestigl,  dat  men  het  te  zijnen  tijde  zoo  hoog  op 
had  met  die  jaarlijksche  feesten,  dat  men  eene  reis  deed  van  25, 
50  uren  en  meer,  om  op  eene  bepaalde  plaals  zicli  in  't  gezel- 
schap  van  goede  vrienden  le  verlustigen  *.  Laat  dit  nu  ook 
eenigszins  overdreven  zijn  —  het  reizen  ging  in  de  XVI''  ceuw 
zoo  gemakkelijk  niet  als  heden  —  't  is  toch  waar  dat  onze  ker- 
missen  druk  werden  gevierd,  soms  eene  week  lang,  ja,  dat  de 
wetgever  er  dikwijls  met  beperkende  bepalingen  moest  tussclien- 
komen  om  de  baldadigheden,  die  er  veellijds  't  gevolg  van  zijn, 
te  keer  te  gaan.  Zoo  zullen  wij  wijzen  op  eene  ordonnantie  van 
Karel  V,  gedagteckend  7  October  1531,  en  waarin  men  een  artikel 
leest,  dat  duidelijk  de  noodzakelijkheid  der  bemoeiing  van  de 
overheid  aantoont  : 

<r  Conséquemment  pour  remède  aux  desordonnées  beuveries 
et  yvrogneries  qui  se  font  en  nos  Pais  de  par  deçà  en  divers 
cabarets,  tavernes  et  logis  qui  se  tiennent  en  lieux  détournez  hors 
villes,  bourgs  et  villages,  au  dehors  des  grands  chemins  et  en 
autres  lieux  en  dedicasses,  festes  et  kermesses,  et  pour  remédier 
aux  débats  d'homicides  et  autres  inconvénients  qui  en  procèdent. 
Nous  avons  statué  et  ordonné,  statuons  et  ordonnons  que  toutes 
les  festes,  kermesses  et  dedicasses,  en  chacun  de  nos  dis  païs,  se 
tiendront  sur  un  mesme  jour,  tel  que  par  Nous  ou  par  très  chère 
et  très  amée  sœur  la  Royne  régente  en  Nostre  absence,  vu  l'advis 
des  gouverneurs,  consaulx  et  juges  provinciaux  d'iceux  païs,  leur 
sera  en  dedans  quatre  mois  aujourd'huy  déclaré  et  ordonné  et  que 
les  dites  dedicasses  et  kermesses  ne  dureront  qu'un  seul  jour,  à 
peine  pour  ceux  et  de  chacun  d'eux  qui  tiendroient  lesdites  ker- 
messes et  dedicasses,  hors  et  plus  longtemps  que  le  jour  à  ce 
ordonné,  comme  ceux  qui  se  trouveroient,  et  sy  souvent  que  ce 
aviendroit,  de  XXX  liv.  par.  pour  chacun  contrevenant.  » 

De  beleugeling  der  dronkenschap  en  andere  baldadigheden  was 
een  wijs  werk,  maar  het  bevel  om  al  de  parochiekermissen  van 
een  geheel  gewest  op  eenen  en  denzelfden  dag  te  houden,  onver- 
standig,  in  dezen  zin,  dat  het  hoogst  nadeelig  was  aan  den  handel 

'  Descrittione  di  tutti  Paesi  Bassi. 


(  268  ) 

en  de  belangen  van  iedere  gemeente,  onverminderd  nog  dat  de 
gewoonten,  sedert  de  oudste  tijden  bestaande  en  trots  aile  weder- 
waardigheden,  lotsbestemmingen  en  toevallen  in  zwang  gebleven, 
niet  uit  de  roeien  zijn.  Het  bevel  deswege,  nog  bij  placcaat  van 
22Junii589  vernieuwd,  kon  evenmin  steek  houden  aïs  toen 
omirent  het  einde  der  XVIII^  eeuw  keizer  Jozef  II  eene  gelijke 
verordening  uitvaardigde. 

En  't  was  niet  enkel  op  de  kermisdagen,  dat  het  er  ongemeen 
lustig  en  vroolijk  toeging,  maar  bij  ieder  bijzonder  feest  in  't 
gezin  wisten  de  boeren  uiterst  goede  sier  te  raaken,  te  spelen  en 
te  dansen,  te  zingen  en  te  brassen  dat  het  een  aard  had.  Ook 
hiertegen  moest  de  wetgever  herhaalde  keeren  de  stem  doen 
hooren,  wilde  bij  de  openbare  tucht  en  orde  niet  in  gevaar  zien 
koraen.  Voor  de  kastelnij  van  IJper  schreef  men  daarom  in  de 
oude  costumen  een  beperkend  en  beteugclend  artikel  van  den 
volgenden  inhoud  : 

«  Item  que  dores  en  avant  dans  la  chastellenye  d'Ypres,  on  ne 
tiendra  aucune  assemblée  soit  de  noces,  de  ventes,  de  jeux  du 
soir  (avondspelen),  de  jeux  de  jour,  de  distributions  de  pain  {spin- 
derijen)  ou  autre  assemblée  sans  le  consentement  du  bailly,  à 
peine  de  l'amende  de  III  livr.  parisis,  saulf  qu'aux  nopces  le  père, 
la  mère,  les  frères,  les  sœurs  de  chascun  coslé  et  les  proches  pou- 
ront  y  venir  et  s'assembler  ^  »  Het  verbod,  meer  dan  twintig 
personen  tôt  een  bruiloftsfeest  uit  te  noodigen,  bestond  voor 
geheel  het  land,  gelijk  men  ziet  uit  de  ordonnantie  van  1551  : 

a  Que  ceux  qui  tiendroient  nopces  par  tous  nos  pais  et  sei- 
gnouries  de  par  deçà  ne  pouront  prier  que  leurs  plus  proches 
parents  et  amis  d'un  costé  et  d'autre  et  ce  au  nombre  de  xx  per- 
sonnes au  plus  haut,  et  que  la  feste  desdites  nopces  ne  pourra 
durer  plus  que  le  principal  jour  d'icelles  nopces,  et  lendemain 
jusqu'après  midy,  à  peine  d'encourir  par  ceux  qui  feroient  le 
contraire,  tant  ceux  qui  tiendroient  les  nopces  que  ceux  qui  y 
viendroient  en  plus  grand  nombre  et  ne  seroient  les  plus  pro- 
chains parents  et  aussi  ceux  qui  y  seroient  plus  longtems  que  dit 
est,  par  chacun  d'eux  l'amende  de  XX  carolus  d'or.  » 

^  Rubr.  XXIII,  art.  1-d. 


(  269  ) 

Wanneer  wij  ceneii  blik  worpen  op  de  kermisvrougd  onzcr 
XVI*  eeuwsclic  voorvaderen,  dan  kennen  wij  ook  de  verschillige 
spelen,  die  hiin  deslijds  lot  oefening  en  uitspanning  dienden, 
want  de  lappers  van  dien  lijd  waren  niet  onbehendiger  dan  die 
onzer  dagen,  en  vvisten,  vooral  op  de  kermis,  het  volk  naar  zich 
le  lokken  door  't  uithangen  van  prijzen,  met  liet  een  of  ander 
spel  te  verdienen.  Gaan  wij  dan  eens  rond  in  de  parochie,  waar 
op  den  toren  de  traditionneele  «  mey  »  uitsteekt  en  de  speelraan 
de  vedel  doet  kiinken. 

't  Voornaamsle,'t  deftigste  vermaak,  dat  den  baljuw,  de  vvethou- 
ders,  zelfs  den  kapelaan,pasloor  en  dorpsheer  bij  elkander  brengt, 
is  dat  met  den  boog,  hetzij  men  naar  de  gaaien  scbiet  op  de  hooge 
stang,  helzij  men  met  den  zwaren  voetboog  naar  de  doelen  mikt. 
Het  gilde  trekt  er  heen  met  trom  of  fifer,  met  vliegend  vaandel, 
geschiiderd  blazoen,  en  wie  er  eenen  zot  op  nahoudt,  wordt  bet 
nieest  door  jong  en  oud  toegejuicht.  Onze  groole  dorpen  hadden 
meestal  een  schuttersgilde,sommige  zelfs  van  in  de  middeleeuwen, 
en  wel  voornamelijk  daar,  waar  een  heer  zijn  kasteel  had  en  bij 
gaarne  met  leenhouders  en  pachters  in  betrekking  was.  Op  vêle 
plaatsen  was  er  zelfs  een  Iweede  gilde,  ontstaan  in  den  schoot  van 
't  onde,  en  hoewcl  samengesteld  iiit  jonkheden  (waarom  men  het 
noemde  :J07ig  gilde),  onder  bet  toezicbt  der  oudere  schutters. 

Wat  verder,  op  de  dorpsplaats  (maar  niet  op  het  kerkhof,  dat 
verbieden  de  keuren  streng!)  wordt  de  bal  geslagen.  Dit  spel  is 
ouder  dan  de  XVl"  eeuw,  maar  't  werd  in  dit  tijdvak  meer  alge- 
meen,  vooral  op  den  buiten  *.  Dit  placht  doorgaans  't  gelief- 
koosde  spel  te  zijn  van  de  jonkheid  met  kloeke  armen  en  vereelde 
handen,  want  er  is  kraeht  en  sterkte  noodig  om  den  bal  goed  uit 
te  werpen  en  vooral  om  dien  goed  terug  le  slaan  : 

«  Voorwaar  een  aardig  tijdverdrijf 
Tôt  oefening  van  koude  leden.  » 

rijrat  Westerop  in  zijn  Hoorns  Buitensingel. 

*  De  heldeii  van  Homerus  verlusligden  zich  met  den  bal,  en  de  Romeinen 
ook,  die  't  -vermoedelijk  leerden  aan  onze  Germaansche  voorouders.  Vinchant 
{Annales  de  Hainaut)  zegt  dat  het  in  dit  gewest  reeds  bekend  was  in  de 


(  270  ) 

Op  't  pleinlje  vôor  of  achler  de  tapperij  (zelden  langs  den 
heirweg)  zijn  de  bedaagdcr  mannen  te  zamen  met  dczulke,  die 
nict  van  te  groote  vermoeienis  houden,  en  zij  staan  rond  de  bolle- 
baan.  Medc  een  oud  spel,  want  in  't  Boeck  dcr  exploicten  vcm 
justiiien  int  lant  van  Walrelos  (1440-1460)  staat  er  te  lezen  : 
a  hij  cam  (quam)  te  Doornicke,  daer  hij  ghijnc  spelen  in  de  bolle- 
bane...  »  De  prijsbollingen  waren  in  de  XVl^  eeuw,  even  goed  als 
de  rederijkersbijeenkomstcn  en  anderc,  verdacht,  en  daarom 
schrecf  de  ordonnantic  van  den  boogbaljuw  des  Lands  van  Waas, 
in  ]596,  aan  zijnen  stadhouder  gericbt  :  «  Item  en  suit  niet  toe- 
laeten  dat  men  sal  eenighe  schietspelen  om  prijs,  bollerijen,  lote- 
rijen  oftc  andere  ghelicke  saeckcn  doen,  daer  vcrgadcringhe  van 
volcke  gheschiet,  tenzij  bij  consente  van  den  bove...  »  Dan  was 
de  overheid  daar,  ora  verboden  redevoeringen  en  gesprekken  te 
beletten,  raaar  op  de  kermis  is  die  voorzorg  noodeloos  ;  de  boeren 
geven  dan  den  bras  van  politieke  twistcn. 

Ginder  is  eene  andere  kermisvreugd,  als  men  't  redelijk  zoo 
mag  noemen  :  liet  scboone,  teedere  geslacht  vermaakt  er  zicb  met 
gansknuppelen,  —  rijden  of  trekken.  Een  touvv  is  gespannen 
tusscben  Iwee  boomen,  en  aan  die  touw  hangt,  den  kop  naar 
beneden,  eene  levende  gans.  Is  er  quaestie  van  trekken,  dan 
besmeert  men  den  uitgerekten  bals  van  't  arme  dier  met  vet,  en 
al  loopende  trekt  elke  mededingster  de  gans  bij  bals  of  kop  —  als 
zij  kan.  Moet  men  slaan,  dan  gescbiedt  dit  met  cenen  goeden 
knuppel,  die  een  fatsoenlijk  man  niet  gaarne  op  bet  hoofd  zou 

krijgen Is  er  nu  eene  der  mededingsters  —  tôt  dit  spel  waren 

onze  XVI"  en  XVI P  ceuwscbe  grootmoeders  bekwaam  ■ —  zoo 
«  gelukkig  »  den  kop  af  te  trekken,  dan  wordt  er  eene  tweede 
gans  opgebangen,  en  zoo  voorts,  wel  tôt  vijf  of  zes. 

Daarnaast  staat  een  kramer,  reeds  beescli  geschreeuwd, 
omringd  van  eene  menigte  kindercn  tusscben  de  zeven  en  de 
Iwintig  jarcn  oud.  Hier  is  een  koek  te  kappen  met  een  mes, 
maar  in  cens,  en  wie  dat  kan  (na  eerst  zijnen  duit  op  de  kapbank 
gelegd  te  bebben)  krijgt  den  koek;  en  die  mislukt?  wel  de  kramer 

XV^  eeuw.  In  al  de  groote  steden  waren  a  caelsspelen  »,  pleinen  of  huizen, 
tvaar  men  zich  ging  oefenen. 


(271  ) 

moet  ook  levcn  !  —  Dit  spel  beliaagdc  de  wcthouders  niet  overal  ; 
imraers  het  Geboclboek  van  Antwerpcn  (anno  1004)  houdt  eene 
ordonnantie  in,  bevclende  «  cremers  met  pcperkoek  niet  voorts 
le  staen  noch  te  lalcn  kappen  op  de  Meire,  op  de  vesten  of  andere 
publieke  plaetsen.  »  Geen  twijfel  of  't  koekkappen  werd  ook  wel 
op  vêle  dorpen  verboden,  want  «  een  ongeluk  is  gauw  gekomen  « 
zegt  de  voikswijsbeid,  en  met  «  messen  spelen  is  gevaarlijk.  » 

Meer  lawijt  en  geroep  gaat  er  op  aan  de  kegel-,  bciigcl-  of 
kolfsbaan.  't  Kegelspel  is  niet  ouder  dan  de  XV%  en  werd  gemeen 
in  de  XVP  eeuw;  't  is  een  aardig  spcl,  dat  ook  veel  kijkers  uit- 
lokt  en  gejuich,  als  de  middelste  kegel,  de  «  koning,  »  getrofTen 
neerstort;  maar  men  moest,  vooral  in  Brabant,  eene  niet  gemeen 
sterke  hand  hebben  ora  den  zwaren,  grooten  bal  behoorlijk  te 
kunnen  doen  vooruitgaan.  Limburg,  Brabant  en  Vlaanderen 
hielden  daar  veel  van  en  de  kegelaars  vereenigden  er  zich  in 
genootscbap,  juist  als  de  rederijkers  en  de  scbutters.  Maar  in  de 
kastelnij  van  IJper  was  het  streng  verboden  *. 

In  sommige  slreken  van  Brabant  en  Limburg  speelde  men  ook 
op  de  beiigelbaan  om  't  gelag,  dat  te  zamen  werd  uilgedronken. 
Tergouw  verzekert  dat  men  in  de  genoemde  gewesten  «  vroeger 
geen  herberg  vond,  die  baar  beugelbaan  niet  had  ^.  »  't  Ging 
daar,  zooals  een  «  rijmer  »  van  1G26  beschrijft  : 

«  In  het  raidden  staal  een  beugel 
Die  met  een  gestaelde  vleugel 
Vasl  geplant  is  in  der  eerd, 
En  aen  aile  kanlen  keert. 
Groote  met  haer  groote  slelen 
Konsliclî  door  den  beugel  spelen, 
Maer  de  kleynljes  in  't  gemeyn 
Bruyckea  spaentjes  kort  eu  kleyn.  » 

^  «  Item  que  nulles  personnes  ne  liendronl  ni  poseront  des  quiles  {queeken 
cncle  kegelen)  ou  ne  les  feront  mettre  ou  tenir  en  aucun  lieu  dans  la  chastelle- 
nye,  à  poine  de  l'amende  de  X  liv.  paris.  Chaque  teneur  de  quiles  ou  chaque 
joueur,  à  poine  de  111  livr,  par.,ef  de  cecy  nuls  ofSciers  n'en  pourront  donner 
consentement  dans  la  chastellenye  sous  poine  de  pareille  amende  de  X  liv,  par. 
envers  son  seigneur  suzerain.  »  (CXIII^  hoofdst.) 

2  Tergouw,  De  Volksvermaken^  535. 


(  272  ) 

't  Kolfspel  is  meer  een  Hollandsch  vermaak,  en  werd  buiten  't 
noordelijk  deel  van  Limburg  weinig  beoefend. 

In  't  herbejigje  ginder,  aan  den  uitkant  en  verscholen  acbter  de 
linden,  wordt  weinig  gerucbt  vcrnomen;  men  viert  de  kermis 
daar  op  eene  bijzondere  wijze;  daar  zitten  de  tuischers  stil  bijeen, 
oin  de  opmerkzaambcid  niet  gaande  te  maken  van  den  baljuw  of 
anderen  dienaar  des  gereclits;  immers  er  staat  boete  op  het 
oneeiiijke  spel,  en  de  lieden,  die  meest  aan  't  verboden  spel 
verslaafd  zijn,  hebben  doorgaans  't  minste  geld.  Toch  is  het  te 
vreezen  dat  er  gedruisch  zal  komen,  want  de  mannen  drinken 
als  Tempeliers  en  hiervan,  gelijk  van  het  tuischen,  komt  door- 
gaans gekijf  en  gevecht.  Dan  verschijnt  de  openbare  macht, 
vertegenwoordigd  door  eenen  meier,  schoiit  of  anderen  officier, 
en  't  spel  zal  eindigen  voor  de  vierschaar  K 

In  West-Vlaanderen  was  een  bijzonder  spel,  dat  op  en  buiten 
kermistijd  veel  beoefenaars  vond  :  't  was  de  zoogenoemde  baar- 
loop,  dat  men  gemeend  heeft  te  beteekenen  :  «  loopen  achter  de 
baar,  »  dus  begrafenis,  begrafenisraaal  enz.,  maar  dat  door  eene 
oorkonde,  berustende  in  het  stadsarchief  van  IJper  en  gedag- 
teekend  1527,  heel  anders  word  uitgelegd;  men  leest  daar  inder- 
daad  dat  er  te  IJpcr,  buiten  de  Meezenpoort,  een  vrije  baarloop 
oî  worstelspel  plaats  had  «  tusschen  verscheyde  mannen  van  eere 
en  jonghe  ghesellen.  »  't  Slond  dus  in  verband  met  den  oud  Ger- 
maanschen  zwaardendans  of  't  zwaardrijden,  tegenwoordig  in 
gemeld  gewest  tôt  eenen  onnoozelen  «  koekezondag  »  of  prijs- 
spel  met  de  kaart  overgegaan. 

Als  't  avond  begint  te  worden,  dan  stemt  de  speelman  zijne 
vedel  of  fluit  en  roept  de  danslustige  jonkheid  onder  den  linde- 
boom  of  de  leeggemaakte  schuur  bijeen;  wie  niet  van  deze  prêt 

*  «  Item  d'autant  qu'il  arrive  chaque  jour  plusieurs  batteries  et  des  désor- 
dres aux  nopees  et  dans  les  festes  de  villages  dites  dédicasses,  il  est  ordonné 
que  quiconque  sebattera  aux  nopees  et  dans  les  dédicasses,  l'agresseur  sera 
en  l'amendedeLXIiv.par.el  chaque  complice  deXliv.  par.  en  cas  qu'il  ne  s'en- 
suive point  d'effusion  de  sang;  et  au  cas  que  l'effusion  de  sang  s'ensuyve,  cha- 
cun des  complices  encourera  aussi  LX  liv.  par.  » 

[Costumen  der  Kastelnij  van  IJper,  LI"  hoofdsluk.) 


(  273  ) 

houdt,  en  licver  op  't  gemak  zijne  kan  ledigt  (al  is  die  ook  nienig- 
maal  opnieuw  gevuld),  die  vormt  met  de  eensdenkenden  een 
«  tafeltje  »  en  zingt  de  oude  of  nieuwe  kcrmisdeuntjes;  Gebrek  is  er 
niet!  Wie  in  't  naastbijzijnde  klooster  ter  school  Iieeft  «  gelegen,  » 
hield  een  liedjcsboek  bij,  waar  al  wat  moois  en  aardigs,  dat 
gezongen  kan  worden,  opgeschreven  is;  hier  en  daar  is  er  al  een, 
die  eenen  gedrukten  bundel  uit  den  zak  te  voorschijn  brengt,maar 
dat  is  in  dezen  tijd  nog  weelde  en  alleen  in  de  handen  van  rijke 
boerenzonen,  die  ofwel  den  steedschen  boekhandelaar  of  wel  den 
Antwerpschen  schipper  daarvoor  hebben  aangesproken.  3Iaar  wat 
men  zingt,  't  is  meest  deftig,  en  al  konit  er  in  van  vrijen  en 
trouwen  (twee  zaken,  welke  nooit  uit  het  gebruik  ziilien  gaan) 
de  deernen,  die  mee  aan  tafel  zitten,  zullen  er  weleens  om  lachen, 
nooit  om  blozen  moeten. 

Op  eene  andere  plaats  van  het  dorp  zijn  de  rederijkers  ver- 
gaderd  om  hunnen  vrienden  en  voorstanders  eene  nog  edeler 
tijdkorting  te  geven.  Welke  verandering  aan  het  toonecl  sedert  de 
voorgaande  eeuwen  !  't  Spel  in  de  kerk  is  reeds  lang,  alihans  op 
de  raeeste  plaatsen,  opgehouden;  in  de  processie  gaat  het  maar 
zelden  meer  mee.  Men  vertoont  het  nu  meest  op  wagens,  op  de 
straat,  in  de  herberg  op  eene  tafel  of  in  eene  overdekle  tent. 
Brabant  en  Vlaanderen  zagen  recds  eene  menigte  tooneellievende 
gezeischappen  tôt  stand  komen,  ook  in  de  dorpen,  want  bij  den 
strijd  der  gedachlen  op  godsdienstig  en  staatkundig  terrein  vinden 
zij  stoffe  genoeg  voor  hun  vernuft  en  voor  hunnen  haat  of  liefde... 
Na  de  bevrediging  des  lands  gaat  het  echter  heel  anders  :  gcene 
spotternijen  meer  tegen  Rome,  tegen  de  monniken,  tegen  de 
plechtigheden  als  voor  den  beeldenstorm  in  de  sleden,  groote  en 
kleine,  placht  te  geschieden.  Ailes  is,  meer  dan  ooit  te  voren,  aan 
toom  en  band,  ten  einde  de  godsdienstige  overtuiging  der  burgers 
en  den  godsdienst  van  den  Staat  geenen  aanstoot  te  geven.  Het  gilde- 
wezen  wordt  niet  gestremd,  maar  mag  zich  vrijelijk  ontwikkelen, 
want  de  godsdienst  beheerscht  elk  genootschap,  helzij  van  nut, 
hetzij  van  uitspanning,  en  heeft  den  voorrang  in  al  zijne  feesten  ; 
van  zijnen  kant  vereert  het  gilde  elke  godsdienstige  plechtigheid 
met  zijne  tegenwoordigheid,  voorzien  van  al  zijne  teekenen  van 
TOME  XXXII.  iS 


(  274  ) 

eere;  ook,  overal  waar  de  nieuwe  school  van  volksbeschaving  en 
kennis  oprijst,  wordt  zij  door  pastoor  en  dorpsheer,  door  wet- 
houder  en  boer  om  te  zeerst  beseherrad.  Er  is,  na  de  bevrediging 
der  religietwisten,  geen  gevaar  meer  dat  de  stukken  kettersche 
denkbeelden  en  leerstellingen  zullen  verkondigen  :  de  pastoor 
ziet  het  handschrift,  aleer  't  van  buiten  wordt  geleerd,  nauw- 
keurig  na.  Verscheidenbeid  is  er  genoeg,  te  meer  daar  de  voor- 
stellingen  gedurende  het  jaar  niet  talrijk  zijn.  Nu  eens  wordt 
een  eshattemetit  opgevoerd,  dat  de  middeleeuwsehe  boerte  ver- 
vangt,  en  gispt  en  hekelt,spot  en  smaait  met  dwaling  en  misbruik, 
lot  en  toeval;  dan  wordt  men  gestiebt  en  onderricht  door  een 
sinnespel,  waarin  soras  een  wijsgerig  denkbeeld  ter  sprake  komt. 
De  «  gesellen  vander  conste  »  vinden  veel  bijval  en  worden  hoe 
langer  hoe  meer  populairj  ook  komt  men  van  de  naburige 
gemeenten  om  het  te  zien,  gelijk  men  uit  het  dorp  zelf  naar  de 
stad  zal  trekken,  wanneer  daar  het  «  spel  op  den  wagen  is  ^.  » 

Ziedaar  eene  kleine,  vluchtige  schets  van  de  vreugden,  welke  de 
XVP  eeuwsche  boerenkermis  te  genieten  gaf  ;  maar  wij  vergeten 
nog  iets  :  de  kleederdracht,  welke  op  die  pronkdagen  zeker  wel 
iets  merkwaardigs  moest  aanbieden?  Minder  dan  men  denken  zou, 
want  Sluper,  geboortig  van  Herzele  en  die  in  4572  eene  reeks  van 
kleederdrachten  bezorgde,  gedriikt  en  gesneden  te  Antwerpen, 
leert  ons  dat  de  Vlaming  van  dien  tijd  geheel  en  al  onverschillig 
was  aan  de  nieuwe  snee  : 


Si  du  flamand  veut  scavoir  la  vesture 
Sa  courte  robe,  et  sa  manière  aussy, 
Tu  le  verras  par  ceste  pourtraicture 
Changer  d'iiabit  ce  n'est  point  son  soucy. 


*  «  De  guldebroeders  van  Ihelich  Gheestgilde  alhier  verchierende  de  pro- 
cessie  met  diversche  verthooninghen  uyler  heyiige  Scriflure,  waer  duere 
diversche  lieden  van  buyten  alhier  vergaderen,  in  hoofschede  ghepresenteert 

IX  11b.  XII  s.  p.  » 

(Rekening  van  Oudenburg  (West- VI.),  1560.—  Medegedeeld 
door  Edm.  van  der  Straeten,  Le  Théâtre  villageois  en 
Flandre.) 


(273  ) 

Hoe  was  die  kleeding?  Sluper  beschrijft  ze  volgendcrwijzo  : 
«  Effenlijf,  uitgaande  in  een  ondcrkleed,gesloten  aan  de  lenden 
met  eenen  riem;  eene  korte  pijpkraag,  ondersteund  door  eenc 
andere,  kleinere  kraag;  baard  en  knevels  net  afgesneden  ;  't  haar 
kort,  bedekt  met  eene  platte  voiiwmuts;  spannende  korte  broek, 
opgaande  tôt  onder  het  onderkleed  tôt  aan  de  heupen  ;  spannende 
mouwen,  aan  't  einde  met  een  geplooid  bekleedsel  versierd. 
't  Bovenkleed  gestoffeerd  en  open,  met  blaasmouwen,  aan  den 
elleboog  gespleten,  om  den  arm  en  voorarm  te  laten  zien;  't 
overige  der  valsche  mouw  met  het  bekleedsel  van  passement- 
werk  naar  onder  vallende.  Tôt  schoeisel  eene  lederen  zok,  ietwat 
over  den  voet  gehaald  in  den  vorm  eener  muil.  » 

Dit  was  nu  zeker  't  kermis-  of  zondagskleed  van  den  Vlaam- 
schen  man,  want  voor  het  werk  was  de  oude  eenvoudige  kerel 
wel  genoeg.  Maar  zien  wij  ook  cens  naar  de  vrouw  : 


Au  vif  tirée  est  ceste  pourtraicture 
D'une  flamande  ainsi  expressémeut, 
Et  sur  les  lieux  vous  n'allez,  sa  vesture 
Est  peinte  ici  laborieusement.  » 


't  Is  het  beeld  der  Vlaamsche  boerin  ;  zij  draagt  «  eenen  langen 
rok,  eenen  witten  voorschoot,  een  hoog  opgaande  en  aan  den  hais 
gesloten  keurslijf;  ter  nauwernood  ziet  men  er  eene  kleine  pijp- 
kraag boven  uitsteken;  aan  de  borst  is  hij  gehaakt  met  ring- 
kussens  aan  de  knoopsgaten.  Verders  linnen  mouwen,  opgevuld, 
bekleed  met  kleine  aan  de  handgewrichten  toegesnoerde  hand- 
mouwtjes;  lijfsnoeren  met  hangstukken  van  voren  ;  kleine  platte 
muts,  puntig  op  het  voorhoofd  staande  met  twee  vleugelen,  die  de 
ooren  bedekken.  > 

In  de  kleederen  was  verscheidenheid  en  schilderachtigheid 
door  de  kleur  en  de  stoffe,  en  hierin  kwam  weelde.  De  rijke  boer 
en  boerin  konden  iramers  niet  te  voorscliijn  komen  in  't  zelfde 
pak  als  het  gezin  van  den  armen  dorper,  die  maar  éene  magere 
koe  op  stal  had?  Dit  was  nog  al  natuurlijk,  maar  dan  was  er  ook 
schier  geen  afstand    meer   tusschen   den   rijken   boer  en   don 


(  276  ) 

landedclman,  en  ook  dat  mocht  niet  gedoogd  worden;  een  plak- 
kaat  van  27  Mei  1550  verbood  den  dorpsbewoneren  zijden  klee- 
deren  le  dragen.  Met  dergelijke  bepalingen  waren  vermoedelijk 
de  sleedsche  zijdehandelaars  al  even  weinig  in  hun  schik  als  de 
pronk-  en  behaagzuchtige  boerenvrouwen. 


(^;?; 


IX«  HOOFDSTUK. 


De  landbouw  en  de  landbouwers  in  de  XVIIe  en  XVIIIe  eeuw.  —  Het  geheele 
land  door  de  vreemde  légers  uitgebuit.  —  De  Boerenkrijg. 

Eene  vrij  belangrijke  wijziging  wordt  in  den  toestand  onzer 
landelijke  bevolking  van  de  XVIP  en  XVII I*  eeuw,  vergeleken  bij 
dien  der  vorige  eeuw,  opgemerkt.  Zachter  zijn  de  zeden,  hooger 
is  de  trap  van  ontwikkeling,  beter  de  huishoudelijke  toestand, 
al  is  er,  over  't  algemeen,  weinig  in  het  lot,  gelijk  in  het  openbaar 
leven  der  boeren,  veranderd.  Buiten  de  zon-  en  feestdagen,  op 
welke  nog  altijd  veel  gedronken  wordt,  voeren  zij  eene  sobere, 
men  zou  zeggen  strenge  levenswijze,  minder  uit  reden  van 
armoede  dan  uit  eenen  geest  van  zuinigheid,  die  overal  aïs  een 
eerste  inkoraen  wordt  beschouwd.  De  taak  is  even  zwaar  en  lastig 
als  voorheen;  —  de  oorlogen  —  wij  moeten  er  straks  van 
gewagen  —  zijn  langduriger,  verwoedender,  uitputtender  dan 
ooit;  maar  de  landman  vindt  thans,  zoo  niet  eene  vertroosting  of 
bemoediging,  dan  toch  eene  reden  minder  om  bittere  klachten  te 
uiten,  wetende  dat  hij  niet  alleen  meer  aan  zware  beproevingen 
onderworpen  is;  dat  ook  de  stadsbewoner,  hoewel  in  mindere 
mate,  lijdt  in  den  algemeenen  nood,  en,  zoo  hij  de  bHkken  wendt 
naar  de  kasteelen  van  zijn  dorp,  ook  daar  niet  ailes  voorspoed, 
rijkdom,  vergenoegdheid  en  zegen  is.  Opbeurend  is  het  thans  voor 
hem  te  weten,  dat  de  vruehten  van  zijnen  arbeid  niet  strekken 
om  den  kasteelheer  te  verrijken,  maar  het  vaderland  voor  schan- 
delijk  verval,  ondergang  en  vreemde  overheersching  te  behoeden. 

Gaat  men  de  geschiedenis  van  dit  nieuwe  tijdvak  na,  dan  doet 
zich  een  belangrijk  verschijnsel  op.  De  wakkere,  voorzienige  boer, 
niettegenstaande  oorlogsrampen  zonder  einde,  weet  den  welstand 
te  handhaven  of  zelfs  uit  te  breiden,  terwijl  men  een  ta)  van 
edele,  féodale  familiën  ziet  stappen  naar  hunnen  ondergang.  Vêle 


(  278  ) 

omstandiglieden  werkten  tôt  dit  laatste  mede.  In  de  eerste  piaats 
de  vermindering  der  inkorasten,  door  het  onvermogen  der  kleiiie 
pachtersom  de  verplichtingen  van  het  huurcontract  na  te  Jeven; 
verder  de  schier  jaarlijks  herhaalde  krijgscontribiitiën,  brand- 
schattingen  enz  ;  de  hooge  justitiekosten,  door  den  leenheer  te 
dekken  zonder  dat  het  heerhjk  inkomen  in  dezelfde  verhouding 
stijgt;  het  onderhoud  der  wegen  en  bruggen  op  vêle  plaatsen 
zelfs,  waar  een  deel  der  tienden  in  wereldlijke  handen  is  overge- 
gaan  ;  't  onderhoud  der  kerk,  lerwijl  het  dubbel  verblijf —  stad  en 
dorp  --  de  verzorging  en  de  opleiding  der  kinderen  enz.  't  beste 
deel  der  inkomsten  opslorpen,  ja  vele  heeren  noodzaken  hun 
erfgoed  met  scbuld  te  bezwaren.  Wel  is  waar,  't  vroeger  bestaande 
verbod  aan  den  adel,  om  handel  te  drijven,  is  afgeschaft  ^,  raaar 
de  handel  is  niet  meer  wat  hij  in  de  XVP  eeuw  was  en  —  drijft 
geene  koopmanschap  w  ie  wil.  Menige  familie, in  de  onmogelijkheid 
den  alouden  rang  op  te  hoiiden,  beducht  van  eenen  aanstaanden 
val,  zendl  hare  zonen  naar  het  leger,de  dochters  naar  hetklooster, 
en  slerft  uit. 

Maar  hoe  weinig  gunstig  de  omstandigheden  waren  oin  de 
stoffelijke  ontwikkeling  te  bevorderen,  toch  verzuimde  de  regee- 
ring  geene  gelegenheid  om  de  belangen  der  landbouwers  voor  le 
staan.  De  vroeger  afgekondigde  ordonnantie  nopens  het  bescha- 
digen  der  akkervruchten  werd  door  haar  vernieuwd  den  i9  No- 
vcmber  1G05,  en  de  straffe  bij  decreet  van  5  November  4  629  en 
50  Januari  1744  telkens  vcrdubbeld.  De  akkerdieven  werden 
volgens  een  plakkaat  van  50  Juli  4740  als  straatroovers  gestraft, 
namelijk  met  de  dood  ^.  Het  verbod  van  uitvoer  kreeg  in  tijden 
van  oorlog  en  schaarschte  nieuwe  bekrachligingen,  bepaaldelijk 
den  6  Februari  i694  voor  de  boonen,  vitsen,  erwten  enz.;  den 

17  Deeember   1711    voor  de   garst;  den   15  October  1740   en 

18  Januari  1757  voor  de  aardappels;  den  12  Januari  1755  voor 
de  houtassche  (Vlaanderen),  en  den  20  September  1741  voor  de 
boler.  —  De  regeling  der  pachtersrechten  werd  in  de  kastelnij 

*  Decreel  van  30  November  1690, 15  Juni  1756  en  11  Deeember  1754. 
2  Zoo  was  ook  bevolen  door  Karel  V,  den  30  Juni  1546. 


(279  ) 

van  den  Oudenburg  in  1671,  voor  't  Land  van  Aalst  in  1675 
afgekondigd;  die  der  navette  door  kalkassche,  in  de  kastelnij 
van  Kortrijk,  werd  bepaald  bij  decreet  van  1703,  terwiji  eene 
verordening  van  15  November  1712  het  bouden  van  schapen 
regelt  in  't  Land  van  Aalst,  de  kastelnijcn  van  Kortrijk  en  den 
Oudenburg,  eene  andere,  van  13  Augustus  1621,  betrekking  heeft 
met  de  boppe,  een  gewas,  dat  toen  reeds  voor  Vlaanderens  land- 
bouw  bet  grootste  belang  opieverde.  Meiden  wij  in  deze  orde  van 
gedacbten  nog  eene  schikking  opzicbtens  de  maatregelen,  tijdens 
't  woeden  van  veeziekten  in  aclit  te  nemen  :  voor  Veurne-Ambacht 
in  1744,  voor  't  bisdoni  van  Luik  in  1755.  In  't  kortj  geen  belang 
van  eenigszins  algemeenen  aard  kon  in  gebreke  of  gevaar  komen 
of  de  regeering  waakte  oni  zooveel  mogelijk  ieders  verplicbting 
te  bepalen. 

Het  bertogdom  van  Bouillon,  onderhoorig  aan  den  bisscbop 
van  Luik,  genoot  het  reeht  van  vrije  jacht  en  visehvangst,  wat  den 
burgers  dier  stad  en  rijke  boeren  wel  zeer  aangenaam,  maar  den 
geringen  landbouwer  ten  hoogste  scbadelijk  en  hinderlijk  was. 
Reeds  had  men  de  vrije  jacht  verschillige  keeren  verboden,  raaar 
zonder  gevolg,  daar  de  wethouders  van  Bouillon  ijverden  voor  't 
behoud  des  ouden  privilèges.  Eindelijk  toch  werd  het  in  1675 
afgescbaft  en  de  desbetreffende  verordening  van  den  bisschop 
getuigt  van  eene  levendige  belangstelling  in  het  lot  der  kleine 
landbouwers  :  «  pour  le  plaisir  de  quelques  particuliers,  »  leest 
inen  daar,  «  il  ne  doit  point  être  fait  préjudice  au  pauvre  labou- 
reur et  nuire  à  ses  labours.  » 

De  pachtvoorwaarden  zijn  op  de  meeste  plaatsen  gewijzigd  in 
dezen  zin,  dat  de  huurprijs  doorgaans  in  klinkende  penningen 
wordt  gevorderd  ^  de  heer  afziet  van  't  gebruik  van  een  deel  des 

*  In  H  VValenlancl  niet  overal.  De  laleii  der  heerlijkheid  van  Celles  moesteu 
in  de  XYII"  eeuw  aan  huniien  heer  jaarlijks  opbrengen  :  2  mud  haver;  die  van 
het  daarvan  afhangend  dorp  Haibaiile  9  relz  (?);  die  van  Tressoigne  1  mud  enz. 
«  à  raison  du  paslurage  des  vaches  es  bois  oiidit  seigneur.  »  De  cijnzen  en  ren- 
len  bestonden  aldaar  nog  meest  in  natura  :  hoenders,  kapuinen,  spelt,  vlas, 
haver  enz.     {Rijksarchief  le  Brasse!^  Cartulaires  et  manuscrits,  n"  928  B). 

Bij  den  verkoop  of  de  verpachliug  van  landgoederen  werd  doorgaans  een 


(  280  ) 

pachthofs,  geene  dieren  ter  verzorging  zendt,  het  onderhoud  der 
gebouwen  op  zich  ncemt,  geene  zoo  langdurige  pachttermijnen 
gelijk  vroeger  toestaat.  De  Waalsche  gewesten  zijn  onder  menig 
opzicht  verre  bij  de  Vlaamsche  provinciën  ten  acliter.  Hier  toch 
is  schier  nergens  spraak  meer  van  eene  bijzondere  erkenning 
des  beerlijken  vermogens,  door  middelen,  welke  men  uitzon- 
derlijk  mag  noenien;  in  Limbiirg  en  Luxemburg  houdt  de  karwei 
nog  stand,  zelfs  lot  bet  einde  der  XVIII^  eeuw.  Een  der  droUigste 
leenplichten,  die  wij  voor  België  bebben  kunnen  opsporen,  en 
welke  men  zou  zeggen  uit  de  lucht  gegrepen  te  zijn  —  zoo  onge- 
hoord  komt  liet  voor  —  wordt  nog  in  de  XVIP  eeuw  geëischt 
door  den  abt  van  St. -Hubert,  als  heer  van  Ansererame,  telkenmale 
dat  bij  aldaar  op  't  hcerlijk  slot  vernachten  komt  : 

«  Est  à  scavoir  quà  cbasque  venue  du  seigneur  tous  et  chascun 
manants  d'Anscresme  sont  tenus,  à  la  semonce  et  commandement 
de  l'oiTicier  ou  sergeant,  d'apporter  en  la  mayson  seigneuriale  le 
meilleur  lict,  traversin,  oreillier,  linceulx  et  couverte  qu'il  ont, 
pour  coucher  la-dessus  ledit  seigneur  et  ceulx  de  sa  suite,  pour 
tant  et  si  longtemps  qu'il  y  séjournera. 

ï  Item  que  ceulx  qui  tiennent  la  terre  au  raynes  {grenouilles), 
ou  partie  d'icelle,  comme  les  représentans  Léonard  Blanche,  sont 
tenus  de  battre  l'eaue  pour  faire  taire  les  raynes  {grenouilles)  afïin 
de  laisser  dormir  le  seigneur  quand  il  est  au  lieu,  et  qu'il  leurs 
faict  commander  par  le  sergeant  K  »  Misschien  kwam  de  abt  van 
St.-Hubert  niel  veel  naar  Anseremmes?  't  Was  wel  te  hopen  voor 
de  boeren  dier  plaats,  want  als  zijn  eerwaarde  gaarne  rustig  sliep 
—  zijne  laten  ook,  mag  men  veronderstellen? 

geschenk  voor  den  eigenaar,  zijne  echtgenoote  of  dienaars  besproken.  Con- 
stant van  Schynghem,  lieer  van  Singelbaanst,  handelende  over  zijne  raoeder, 
verpachlle  in  1705  aan  Norbert  de  Bree  'l  Goed  van  Coudenberg^  groot 
1 14  gemelen,  in  Eggewaartskapelle,  Avekapelle  en  Pervijze,  mits  de  somme 
van  19  dobbelen  «  te  Gode  »  (godspenning),  1  palacon  voor  ien  knecht  des 
eigenaars,  2  pislolen  voor  een  hofkleed  en  1 1  pond  Parijzische  munt  's  jaars, 
boven  aile  laslen. 

*  Registre  des  Cenlz,  rentes,  etc.  de  l'église  et  monastère  de  St.-Hubert... 
à  Anseremmes  (1639).  —  Archief  der  Société  d'archéologie  de  Namur. 


(  281  ) 

Te  Veulen  (Pologne),  in  Limburg,  treffen  wij  nog  eene  karwci 
aan,  ook  geheel  overeenkomstig  met  degene  die  gediirende  de  mid- 
deleeuwen  in  zwang  waren.  Het  leenregister  dier  plaats,  dagtee- 
kenende  van  1G21,  maakt  ons  bekend  dat  in  geval  de  heer  door 
den  vorst  ten  krijgdienste  wordt  geroepen,  zijne  laten  o\)  hunnc 
heurt  hem  dienen  moesten  «  met  vier  goeder  peerden,  cm  des 
heeren  van  Veulen  tente  daerop  te  voeren.  »  Verder  vinden  wij 
er  de  hepalingen  : 

«  ...  Soe  wanneer  den  heere  van  Veulen  eerstwerf  heer  wordt, 
ridder  geslagen,  of  een  wyf  neemt,  in  houwelycke  jaere,  oft  oock 
gevangen  wordt,  alsdan  syn  hem  syne  ondersaeten  schuldig  cen 
redelyeke  bede  te  geven. 

»  Item  aile  degene  die  ackerpeerden  hebben  tôt  Veulen  syn 
sculdig  een  voeder  coleii  elcken  waegen  te  doen  aile  jaere,  sooals 
wanneer  sulcx  hun  geboden  wordt  metten  schautet  oft  metlen 
vorster,  ende  den  lieere  van  Veulen  thuys  te  brengen,  en  wie  dat 
niet  en  dede  als  hun  bevolen  waere,  die  soude  verbeuren  aen 
den  heere  een  rhynsgulden,  alsoo  dickwerf  als  sy  ongehoorsaem 
waeren;  maer  den  heer  moet  hun  den  redelyken  kost  doen.  » 

Eindelijk  waren  de  boeren  van  Veulen  nog  tôt  den  hooidienst 
verplicht  :  wie  paard  en  wagen  had,  moest  het  heerenhooi  naar 
de  schuur  voeren;  de  anderen  arbeidden  op  het  veld. 

Ook  te  Gedinne  (Luxemburg)  werd  het  heerenrecht  gelijk  in 
voile  middelecuwen  uitgeoefend,  en  zelfs,  wat  wij  nergens  elders 
aangetroffen  hebben,  jegens  kinderen,  die  nog  aan  de  borst  lagen  : 

«  Item  {le  seigneur)  a  droit  de  reunion  dans  laditte  terre  de 
Gedinne  et  de  faire  partager  les  bois  contre  ses  subjets;  chacun 
bourgeois  en  laditte  terre  de  Gedinne  doit  au  jour  St.  Estienne 
deux  chapons  et  neuf  liards  et  un  gigot  de  bourgeoisies,  excepté 
que  ceux  de  Patigny  et  Malvoisin  doivent  dix  liards  de  bour- 
geoisies et  pour  fournage  payent  de  trois  testes  un  patars  jusques 
aux  enfans  à  la  mamelle  ^  » 

Wij  mogen  't  echter  zeggen  :  verplichtingen  als  deze,  zelfs  in 

*  Dénombrement  der  heerlijkheid  van  Gedinne  (1693).  —  {Annales  de  la 
Société  archéologique  de  Luxembourg,  IV.) 


(  282  ) 

het  Walenland,  behoordcn  tôt  de  zeldzaamheden,  en  over  't  alge- 
meen  was  de  toestand  der  landbouwers  zeer  voldoende,  in  alleu 
gevalle  oneindig  beter  dan  in  de  naburige  landcn,  waar  de  wel- 
stand  op  de  dorpen  verre  te  zoeken  was. 

Dan,  de  toeneming  der  bevolking  tijdens  de  rustige  régeering 
van  Albert  en  Izabella  (1599-1 635),  niaar  vooral  in  de  XVIll^eeuw, 
deed  uitzien  op  de  aanwinst  van  nieuwe  gronden  voor  landbouw 
en  veeteelt.  De  gesteltenis  der  Kempische  en  andere  Brabantsche 
dorpen  wekte  bijzonderlijk  de  aandacht  des  bestuurs,  en  de  sta- 
tistieken  uit  dien  tijd  bewijzen,  dat  die  bezorgdheid  alleszins 
gegrond  was.  Naarvolgens  eene  oorkonde  van  1398  lagen  te  Rot- 
selaar  «  ledich  bat  dan  twee  hondert  bunderen  beempt,  weyde, 
enssels,  daervan  geen  profyt  en  is  commende,  doer  dien  allen 
deselve  allen  d'jaer  deur  staen  int  water,  ende  meeslendeel  niaras 
zynde,  beset  met  les,  hegghe,  hagben  enz.,  daervan  men  bet  waler 
nyet  en  can  doen  afïloopen,  deor  dien  de  beempden  en  landen 
liggende  te  Rymenam,  Meerbeeck,  Hevere  ende  daer  ontrint,  nyet 
en  worden  gekuyst,  nocb  de  grechten,  walerloopen  noch  revieren 
dier  ane  liggende  nyet  en  worden  uytgeleet. 

»  Item  zijn  onder  Rotzelaer  quaede  schavyen  ende  savelach- 
tige  landen  ende  bosschen  bat  dan  bondert  bunderen,  daeraff 
oock  geen  proffyt  en  is  commende,  nocb  en  can  gecommcn,  toe- 
behoerende  Zyn  Excellencie  den  Hertoghe  van  Aersschot  *.  » 

De  landbouwer  lecd  in  die  streke  nog  bet  nawee  der  vorige 
beroerten.  Wij  lezen  in  betzelfde  document  nog  : 

«  Staet  aîsnoch  te  considereren  dat  alhier  zyn  gesteltXLIXploe- 
ghen,  dewelcke  naer  het  out  gebruyck  maer  en  behoiren  genomen 
te  worden  voer  de  bellicht  vande  ploegben,  doordien  men  in  den 
voorgaenden  goeden  tyt  met  een  ploecb  meer  landt  te  labeur 
brocbten  ende  pachters  in  labeur  badden  dan  men  alsnu  doet 
met  twee  ploegben,  daertoe  oock  dat  de  persoonen  twee  peerden 
hebbende  hen  meestendeel  gheneren  om  loon  te  varen,  soe  van 
bout  aen  te  voeren  als  der  goeder  lieden  landt  voer  loon  te  belpen 
opdryven  2.  s 

*  Ed.  vanEven,  Mengelingen,  bl.  105. 
2  Idem. 


(  285  ) 

Wij  leeren  den  loestand  van  het  Antwerpsche  Kempenland 
kennen  iiit  eene  andere  oorkonde,  behoorende  tôt  de  XVII^  eeuw 
en  zijnde  eene  opgave  van  de  uitgestrektheid  der  bouw-  en  wei- 
landen,  bosschen,  bciden,  vijvers,  moeren  enz.,  voor  de  gemeenten 
der  a  zeven  quartieren  van  Antwerpen.  »  Deze  belangrijke  bij- 
drage  lot  de  kennis  der  genoemde  streek  laat  zien  dat  te  dien  tijde 
in  een  groot  getal  dorpen  bet  derde  of  vierde  deel  der  geheele 
uitgestrektheid  onbeploegd  lag  ^ 

Kracbtige  niaatregelen  1er  ontwikkeling  van  den  landbouw 
werdcn  in  de  provinriën  Antwerpen  en  Limburg  in  deXVIPeeuw 
niet  genomen,  en  de  pogingen,  die  honderd  jaren  later  met  dat 
doel  bcproefd  werden,  gevoegd  bij  betgeen  in  onze  eeuw  door 
edebîioedige  menscbenvienden  werd  verricbt,  bebben  de  Kempen 
nog  niet  gemaakt  zooals  men  ze  gaarne  zoude  zien. 

Op  een  ander  punt  des  lands  was  eene  groote  uitgestrektheid 
stilstaand  water,  namehjk  tusschen  de  steden  Veurne,  Duinkerke 
en  St.-Winoksbergen ,  en  vormende  twee  raeren,  waar  men 
schepen  met  voile  zeilen  zag  heen-en  vveervaren.Een  Antwerpsche 
bouwmeester,  Wenceslas  Coeberger,  beproefde  die  watervlakte, 
voor  de  gezondheid  der  bewoners  van  't  omliggende  boogst 
nadeelig,  droog  te  malen  en  den  landbouw  met  een  nieuw  veld  te 
verrijken.  Zijne  pogingen  gelukten;  begonnen  len  jare  1G20,  was 
de  Moere  —  gelijk  men  de  plaats  heette  —  twee  jaren  nadien  reeds 
grootendeels,  in  1627  geheel  en  al  in  't  vruchtbaarste  wei- en 
akkerland,  ter  grootte  van  ruim  7,098  gemeten,  gewonnen  2.  Dit 
reusachtig  werk  was  het  eenige  niet,  dat  in  Vlaandcren  in  de 
twee  laatste  eeuwen  ter  ontwikkeling  van  den  akkerbouw  tôt 
sland  werd  gebracht;  de  bertog  van  Arenbcrg,  wien  een  aanzien- 

*  Ziebijiagen'-  3. 

^  Nadien  niaakle  de  zee  zich  verscheidene  malen  van  deze  vlakte  meesler, 
ouder  andere  in  't  laatste  vierde  der  XVIII«  eeuw,  wanneer  de  gebroeders 
Herwyn  bel  gedeelle  der  moeren  op  Belgischen  bodem  gelegen  en  nagenoeg 
1,000  hectaren  groot,  weder  aan  bel  water  onlweldigden.Opnieuw  met  grool 
voordeel  bebouwd,  kwam  de  vlakte  in  1794,  lijdens  de  belegering  van  Nieu- 
poorljonder  water,  de  nieuwgebouwde  bofsleden  en  pas  aangelegde  bosscben 
gansch  vernielende.  Toen  bleef  de  bebouwing  er  twaalf  jaren  opgeschorst. 


(  284  ) 

lijk  deel  der  Wasche  polders  toebehoordc,  maakte  in  1785  en 
1786  meer  dan  600  bunder  moeras  tôt  uitstekend  bouwland, 
hetgeen  hem  meer  dan  600,000  gulden  kostte. 

In  de  andere  provinciën  onzes  lands  werd  de  ontginning  der 
bestaande  beiden  en  houtkanten  eerst  omirent  hct  midden  der 
XVIII^  eeuw  ernstig  aangevangen.  Voor  Henegouw  had  de  regee- 
ring  in  de  jaren  1755,  1757  en  1762,  voor  Brabant  in  1772  en 
1773  maatregelen  voorgeschreven,  die  de  landelijke  besturen 
verplichtten  de  beiden  en  vage  landen  te  gelde  te  maken,  aan- 
zienlijke  voorrecbten  verleenende  aan  de  koopers  die  ze  zouden 
in  cultuur  brengen,  zooals  in  Henegouw  vrijdom  van  belasting 
gedurende  tien,  en  van  tienden  gedurende  twintig  jaren;  in 
Brabant  vrijdom  van  een  en  ander  voor  niet  min  dan  dertig  jaren 
en  de  helft  daarvan  gedurende  dertig  andere  jaren.  De  verdeeling 
was  niet  gelijk,  ziet  men,  maar  de  Kempen  hadden  ook  op  verre 
na  zooveel  hulpmiddelen  niet  als  van  bemesting,  vervoer,gemeen- 
schap  enz. 

Evenveel  wenschte  bet  staatsbestuur  te  doen  voor  de  onbe- 
ploegde  landen  in  de  provincie  Namen,  bij  de  voordeelen,  aan 
Brabant  beloofd,  nog  een  ander  voegende,  hetv^^elk  wel  van  aard 
was  om  den  ijver  der  boeren  op  te  wekken.  Een  edict  van  1 5  Sep- 
tember  1773,  namelijk,  stelde  vast,  dat  in  ieder  dorp  de  tôt 
cultuur  te  brengen  plaatsen  verdeeld  zouden  worden  in  perceelen, 
door  bet  lot  onder  de  buisgezinnen  te  verdeelen;  dat  deze  recht- 
matige  eigenaars  zouden  zijn  der  aldus  toegewezen  gronden,  op 
beding  evenwel  deze  te  ontginnen  binnen  de  tien  jaren  na  den 
afstand;  dat  de  ontgonnen  landen  vrij  zouden  wezen  van  tienden 
en  contributiën  gedurende  de  dertig  eerste  jaren,  en  voorts  van 
tienden,  gedurende  de  dertig  daaropvolgende  jaren. 

Hoe  aanlokkend  deze  voordeelen  ook  waren,  de  bijval  was 
maar  gering.  Vêle  dorpen  wilden  van  de  voorstellen  niet  liooren, 
uit  vrees  dat  zij  't  weirecbl  zouden  verliezen  op  de  ontgonnen 
gronden,  en  zoo  moesten  de  Staten  van  Namen  zeven  en  twintig 
jaren  later  (namelijk  tijdens  den  opstand  der  Belgen  onder 
Jozef  II)  bet  bedoelde  edict  intrekken,  evenwel  zonder  terug- 
werkende  kracbt. 


-     (  285  ) 

In  Vlaanderen  ging  de  akkcrbouw  gocd  vooruit,  maar  't  kostte 
veel  moeite  om  de  gevolgen  der  langdurige  twistcn  en  verlatenis, 
tijdens  de  vorige  beroerten,  te  boven  te  komen.  Het  taaie  geduld 
van  den  Vlaamschen  boer  gelukte  er  in  aile  hinderpalen,  belem- 
raeringen  en  lasten,  zoo  uitnemend  zwaar  in  de  XVIP  eeuw,  het 
hoofd  te  bieden,  en  zoo  mocht  dit  gewest  den  roem  verwerven, 
België,  gedurende  de  verscliillige  oorlogen,  welke  op  zijn  grond- 
gebied  werden  gevoerd,  door  den  rijkdom  zijner  oogsten  van 
eenen  gewissen  ondergang  te  redden.  En  toch  Avas  een  aanzienlijk 
deel  der  genoemde  provinciën,  Veiirne-Ambacht  vooral,  uithoofde 
zijner  nabijheid  aan  de  duinen,  in  de  eerste  jaren  der  XVIF  eeuw 
evenzeer  als  op  het  einde  der  XVI%  door  wolven  en  kraaien 
geteislerd  ^,  terwijl  't  clders,  gelijk  in  't  kwartier  van  Leuven, 
krioelde  van  vossen  2. 

Toen  Dérival  in  de  jaren  1782-1785  zijne  rcisbrieven  over 
België  in  't  lieht  gaf,  vond  hij  den  toestand  van  onzen  akkerbouw 
schier  overal  uitmuntend  en  spaarde  er  dan  ook  zijnen  lof  niet 
voor.  Die  getuigenis  van  eenen  vreemdeling  mogen  wij  inroepen, 
want  zij  brengt  de  bevolking  van  ons  platteland  de  raeest  onge- 
veinsde,  de  bestverdicnde  hulde.  Van  Brabant  sprekende  zegt  de 
schrijver  : 

<i  Les  terres  de  Brabant  ne  se  reposent  jamais;  elles  ne  sont 
pas  généralement  grasses,  mais  elles  sont  toutes  fertiles,  parce 
qu'elles  sont  toutes  cultivées  avec  le  plus  grand  soin  et  fumées 

*  Uit  de  kastelnijrekening  van  Veurne-Ambacht,  voor  1600-1601,  blijkt 
dat  er  dat  jaar  gevangen  werden  een  40lal  wolven  en  ongeveer  8,000  kraaien. 
—  Men  kan  denken  welke  verwoesting  deze  dieren  op  het  land  en  op  het 
neerbof  van  den  Veurschen  boer  hebben  aangericht,  aleer  in  't  net  of  onder 
het  schot  van  de  jagers  le  komen. 

Op  het  einde  der  XVII^  eeuw  werd  het  duinland  ook  bezocht  door  wilde 
zwijnen;  voor  éen  zulker  schadelijke  dieren  werd  door  het  bestuur  in  1692 
de  som  van  56  p.  p.  betaald. 

2  «  In  dit  jaer  eenen  sekereu  landtsman  niel  verre  van  Loven  heeft  soo  vêle 
vossen  ghevanghen  en  gheschoten,  dat  hy  met  het  geldt  van  de  vellen  ghe- 
coghl  heeft  een  alf  bunder  landts  »  (16^24). 

{Handschriflelijke  kroniek  van  Justus  Billet,  loebehoorende 
aan  baron  Philip  Kervyn  van  Volkaarsbeke.) 


(  286  ) 

avec  la  plus  grande  profusion.  Les  légumes  qu'on  cultive  dans  le 
Brabant  sont  excellents;  ils  ont  plus  de  goût  et  de  saveur  que 
ceux  des  environs  de  Paris  *.  » 

De  hooge  verdienste  van  den  boer  uit  Vlaanderen  ontging  den 
opmerkzamen  geesl  van  den  Franschen  schrijver  niet  : 

«  Les  terres  sont  généralement  bien  cultivées  dans  toute  la 
Flandre  autrichienne;  si  elles  sont  d'un  bon  rapport,  quoique 
beaucoup  plus  chargées  d'impôts  que  celles  des  autres  provinces, 
c'est  que  celles-ci  n'ont  pas  autant  de  débouchés  pour  les  produc- 
tions de  leurs  terres  qu'en  a  la  province  de  Flandre.  L'assurance 
qu'a  le  cultivateur  Flamand  de  vendre  avantageusement  les  pro- 
ductions de  sa  terre,  l'encourage;  il  est  laborieux,  mais  il  man- 
que d'industrie;  il  en  a  moins  que  le  cultivateur  brabançon  et  est 
aussi  plus  que  lui  attaché  à  ses  anciens  procédés;  pour  les  lui  faire 
abandonner,  il  ne  faut  pas  avoir  recours  au  raisonnement;  il  faut 
faire  ce  qu'on  veut  qu'il  fasse,  et  s'il  voit  que  la  nouvelle  manière 
qu'on  emploie  réussit,  il  abandonne  la  sienne  pour  prendre  celle 
qui  auparavant  lui  repugnoit  le  plus... 

»  Les  cultivateurs  flamands  laissent  rarement  reposer  leurs  terres, 
mais  aussi  ils  leur  prodiguent  les  engrais.  Celui  du  fumier  et  des  cen- 
dres de  tourbe  sont  ceux  dont  ils  font  un  plus  grand  usage.  La  grande 
quantité  de  bestiaux  qu'ils  élèvent  leur  donne  une  grande  abon- 
dance de  fumier  et  dans  les  cantons  où  la  tourbe  forme  leur  chauf- 
fage, le  cultivateur  a  une  grande  quantité  d'excellentes  cendres.  » 

Wij  mogen  voile  verlrouwen  slellen  in  deze  regelen  :  het  oor- 
deel  over  den  boer  uit  Vlaanderen  "komt  met  den  aard  en  het 
karakter  van  dien  landzaat  gansch  overeen.  Het  is  juist,  wat 
Dérival  zegt  :  de  veldeling  der  Lei-  en  Scheldeboorden  wilde 
nooit,  al  was  't  ook  zedelijkerwijze,  gedwongen  worden  deze  of 
gène  doenwijze  te  laten  varen  en  door  eene  andere  te  vcrvangen; 
overpraten  liet  hij  zich  weinig,  maar  ervaring  van  anderen  wist 
hij  zich,  zonder  overijling,  wijselijk  te  nutte  te  maken.  Zoo  is, 
over  't  algemeen,  de  Belgische  boer  ook  in  zijne  genegenheid  : 
door  bluf  zal  hij  zich  zeldcn  laten  overrompelen  en  overtuigen; 

*  Dérival,  Le  voijageur  dans  les  Pays-Bas  autrichiens,  I,  127. 


(  287  ) 

de  vriendschap  wordt  langzaam  bij  hem  aangekweekt,  maar  is  die 
eenmaal  in  zijn  hart  vastgeworleld,  zij  is  even  duurzaam  als  oprecht. 

Dérival  zegt  nog  van  Vlaanderen  dat  er  daar  elk  jaar  een  derde 
rneer  vruchten  werd  gewonnen  aïs  voor  de  voeding  van  dit  gewest 
noodig  waren,  en  dat  er  een  ontzaglijke  veeslapel  bestond.  De 
boeren  gingen  magere  staldieren  koopen  in  Artois  en  Picardie, 
aan  kleine  prijzen;  lieten  de  dieren  vetten  en  maakten  er  dan 
groot  geld  van.  De  overvloed  van  melk  liet  toe  eene  aanzienlijke 
hoeveelheid  boter  te  vervaardigen,  die  naar  aile  gewesten  des 
lands,  ja  naar  den  vreemde  verzonden  werd. 

Opzichtens  het  Land  van  Waas  maakt  de  schrijver  bekend,  dat 
deze  streek,  voor 't  groote  deel  samengesteld  uit  magere,  door 
zich  zelf  onvruchtbare  gronden,  meer  granen  en  vlas  opbracht 
dan  eenige  provincie  van  Nederland  —  een  heerlijke  triomf,  door 
de  kunde  en  vlijt  van  de  boeren  dier  streek  op  de  dorre  natuur 
behaald. 

Dérival  maakt  weinig  melding  van  de  groenten,  en  nochtans 
werden  hier,  sedert  de  XVIl^  eeuw,  allerlei  moeskruiden  met 
voordeel  aangekweekt.  De  tabaksplant  was  hier  ingevoerd  om- 
trenl  1600;  eene  halveeeuw  nadien  vinden  wij  in  een  vonnis  van 
den  Raad  van  Vlaanderen  tegen  de  abdij  van  St.-Pieters,  te  Cent  ^ 
opgenoemd  :  salade,  spinagie,  warmoes,  radijs,  ajuin,  wortelen, 
pastenaken,  koolen  en  de  aloude  boonen,  erwten  en  rapen.  — 
De  teelt  van  den  moerbeziënboora  en  der  zijdewormen  werd 
beproefd  onder  Maria-Theresia,  rond  het  midden  der  XVllI' eeuw, 
en  door  Karel  van  Lorreinen  opnieuw  aangewakkerd,  terwijl  de 
hoppekweek  in  de  aan  Brabant  palende  dorpen,  zoo  wel  als  om- 
strecks  Poperinge,  met  goed  gevolg  vooruitging  en  tôt  eenen 
zeer  belangrijken  handelstak  in  die  gewesten  aanleiding  gaf. 

Een  Fransch  advocaat,  die  in  1617  eene  reis  deed  in  België, 
Bergeron,  spreekt  in  zijn  reisverhaal  van  de  Mechelsche  krieken, 
door  de  boeren  van  't  omliggende  gekweekt  en  naar  al  de  gewes- 
ten van  Nederland  verzonden  :  «  Tout  es  environs  de  Malines  ce 
ne  sont  que  cerisaies  qui  fournissent  des  cérisses  tout  le  reste  des 

*  A.  VAN  LoKEREN,  Chavtes  et  documents  dé  l'abbaye  de  St.-Pierre,  II. 


(  288  ) 

Païs-Bas.  »  Ook  in  't  Brugsche  was  in  die  fiuitsoort  ecn  aanzien- 
lijke  handel. 

De  vorderingen  van  den  akkerbouw  waren  in  Waalsch-Bra- 
hant,  Henegouw  en  Namen  niet  zoo  groot  als  in  de  evengemelde 
provinciën;  men  hield  zich  daar  niaar  al  te  zeer  aan  't  nuttelooze 
braakiand,  terwijl  de  gronden,  die  van  natuur  vruchlbaarder 
waren  dan  die  in  Vlaanderen,  slechter  bebouwd  en  rainder  ge- 
mest,  dan  ook  geringer  oogsten  opleveren. 

Alboewel,  sedert  de  middeleeuwen,  de  grondeigendom  van  ons 
land  altijd  meer  en  meer  was  verbrokkeld  geworden,  bestonden 
er  in  de  XVII''  en  XVIIP  eeiiw  nog  zeer  vêle  landbouwgebruiken 
van  groote  uitgcstrektheid,  en  de  openbare  besturen  ijverden 
onopboudclijk  lot  eene  vermindering  van  deze  en  van  zooveel 
gelijkheid  mogelijk  bij  de  verdeeling  te  wege  te  brengen.  Eene 
verordening  van  Maria-Theresia,  van  2  Deceraber  1755,  bepaalt 
aldus  op  GO  bunder  zaailand  en  40  bunder  meerseb,  elsbosch  en 
moestuin,  die  in  het  Henegouwsche  door  eenen  enkelen  pachter 
moebten  gebriiikt  worden.Meer  andere  voorbeelden  zouden  daar- 
van  tôt  staving  kunnen  worden  aangeliaald.  Zoo  mocht  een  pacb- 
tcr,  die  niet  ten  niinste  iO  bunder  land  hield,  geene  duiven  liou- 
den,  en  was  liet  allen  landbouwer,  die  niet  een  zeker  getal  bunder 
land  ondcr  den  ploeg  bad,  verboden  sehapen  te  kweeken.  Dit  feit 
wordt  ons  bewezcn  door  een  schriftstuk  van  de  XVIII'  ecuw, 
waarin  door  landbouwers  van  zekere  gemeente,  met  het  oog  op 
misbruiken,  die  daaromlrent  moesten  ingeslopen  zijn,  het  advies 
van  rechtsgeleerden  gevraagd  wordt.  Dit  advies  luidde  :  dat  «  nie- 
mand  en  vemocht  met  sijne  sehapen  te  weyden  op  de  straten  ten 
sij  hij  houdt  9  bunder  labeur  binnen  de  procbie,  als  wanneer  hij 
mach  houden  50  sehapen,  en  dcgone  48  bunder  labeur  hou- 
dende,  mogen  weyden  met  iOO  sehapen,  en  alsoo  augmenterende 
naer  advenante  van  50  sehapen  van  elke  9  bunder,  in  welck  cas 
sij  geen  consent  van  den  heer  en  moeten  versoecken  noch  reco- 
gnitie  betalen  *.  » 

^  Men  zie  deswege  het  Règlement  ende  Ordonnantie  raecb-nde  het  houden 
van  schaepen  (17  Juni  1647),  voorkomende  in  de  Coslumen  van  Eekloo,  Gent, 
P.  de  Goesiii,  1775,  bl.  159. 


(  289  ) 

Inlusschcn  >vas  er  ten  onzent  ecn  nicuw  voedings-  en  handels- 
artikel  gekomen,  bestcmd  om  ccnc  volkomcnc  omwentcling  in  de 
volksspijzing  tôt  stand  te  brcngen  :  de  aardappel  was  eindelijk, 
vooral  sedert  1750,  op  groote  schaal  gckweekt  en  verdrong  aloni 
de  erwten  en  boonen,  totdan  de  dagelijksche  tafelspijs  van  werk- 
man  en  burger  *.  Eene  eerste  plaag  onder  deze  kostebjke  knol- 
vrucht  ontstond  in  17822,  maar  schijnt  gelukkigb'jk  geencn  groo- 
ten  invloed  gebad  te  hcbben  op  den  prijs  der  levensmiddelen, 
Erger  was  't  met  de  veeziekte,  in  1769  uit  Holland  naar  de  Lim- 
burgscbe  Kempen  overgebracht  en  van  daar  in  gebeel  Brabant  en 
Viaanderen  verspreid;  deze  deed  ongelukkiglijk  een  onlzaglijk 
getal  staldieren  verloren  gaan  en  zonder  de  krachtige  tussehen- 
komst  der  regeering  ware  mogelijk  de  gebeele  Belgiscbe  veesta- 
pel  verloren  geweest.  Dank  aan  de  door  baar  genomen  maatrege- 
len,  in  decreten  en  plakkaten  aangeduid,  «  werd  den  wortel  van 
deze  plaeg  gebeel  weggenomen  langs  de  kanten  van  Antwerpen, 
in  den  omvang  van  Diest,  in  bet  Land  van  Waes,  omirent  Gend, 
in  de  Casselrijen  van  den    Aiiderburg,  alsook  in    het  Land  van 

*  In  1700  Nvas  de  aardappel  nog  weinig  geacht;  men  teekle  dien  in  de 
hoven  eeniger  Brugsche  rijken.  De  pachter  Autoon  Verhulsl,  door  vaderland- 
scheu  ijver  gedreven,  deelde  kosteloos  eene  groole  hoeveelheid  aardappeleu 
uit  aan  verschillige  boeren,  onder  beding  dat  zij  zouden  meewerken  om  den 
knol  te  verspreideu.  Dit  doel  \verd  bereikt  en  men  ondervond  dat  de  aardap- 
pel goed  was  voor  menschen  eu  dieren.  De  eersie  aardappelen  yerschenen  op 
de  markt  in  1740  en  sedertdien  deed  de  kweek  aanhoudenden  voortgang.  De 
Engelsche  soldaten  alen  hier  de  anrdappelen  reeds  in  1715,  maar  konden 
't  gewas  niel  populair  maken/t  Waren  de  monniken  van  St.-Pieters,  le  Genf, 
die  de  knollen  in  groolere  acliting  bracliten  door  hunne  pachters  te  bevelen 
hun  de  lienden  in  aardappelen  op  le  brengeu,  die  regelmatig  op  hunne  tafcl 
kwamen. 

-  Wij  kennen  ze  slechts  door  eene  brochure,  te  Dordrecht  gedrukt  bij 
Elusse  en  zoon,  onder  den  titel  ;  Prysverhandeling  om  de  ontaerding  der 
Aerd-apyelen,  dat  is  den  aerd  en  oorsprong  verklaerd  van  het  quaed,  ivaer- 
door  het  loofvan  den  Aerdappel  zig  inkrimpt,  ofte  krolt,  benevens  den  hulp- 
middel  om  dezelve  te]  verbeteren,  op  koste  der  kasselnje  van  Audenaerde 
door  de  Keyserhjke  en  Koninglyke  Académie  van  Wetenschappen  te  Brus- 
sel  in  het  jaer  1779 met  den  dobbelen  Eer-Prys  beschonken,  door  P.-J. 

VAN  Baveghem. 

Tome  XXXII.  49 


(  290  ) 

Aelsl,  in  welke  plaetsen  dese  plaege  geenen  voortganck  meer 
gehad  heeft  *.  » 

Het  groote  middel,  door  de  overheden  aanbevolen,  was  het 
afmaken  der  besmette  dieren;  maar  de  boeren  van  West-Vlaan- 
deren,  bijzonderlijk  der  kastelnij  van  Veurne,  wilden  van  dit 
middel  niet  hooren  en  de  plaag  zette  er  hare  verwoestingen  voort. 
Zoo  was  ook  de  nalatigheid  der  boeren  van  St.-Pieters-Leeuw,  om 
de  beginselen  der  ziekte  te  bevecbten,  oorzaak,  dat  het  groolste 
gedeelte  van  Brabant  zijne  stallen  aangetast  zag. 

Dat  ondertusschen  de  voortreffelijke  uitslagen,  door  onze  boe- 
ren en  den  landbouw  verkregen,  voortdurend  door  den  vreemde- 
ling  waren  gewaardeerd,  zal  niemand  verwonderen.  Al  de  reizigers, 
welke  ons  land  bezochten,  maakten  als  om  strijd  de  lofrede  van 
't  geen  zij  op  onzen  buiten  bewonderen  mochten;  de  faam  der 
Vlaamsche  en  Brabantsche  boeren  werd  de  beschaafde  wereld 
door  verbreid  en  België  geroemd  als  het  klassieke  land  des  akker- 
bouws.  Hadden  de  Engelschen  in  deXVP  eeuwhunne  landwinning 
geheel  en  al  naar  de  onze  ingericht,  in  de  XVIP  en  XVIIP  toonden 
zij  op  de  hoogte  te  willen  blijven  van  de  vorderingen,  ten  onzent 
indeonontbeerlijksteallerwetenschappen  gedaan.  Samuel  Hartlib, 
in  1650  2,  Arthur  Youngh,  in  de  vorige  eeuw,  bewezen  hun  vader- 
land  eenen  gewichtigen  dienst  door  het  de  werkwijze  onzer  boe- 
ren bekend  te  maken. 

Was  de  landelijke  bevolking  in  de  Waalsche  gewesten  bij  die 
van  't  overige  des  lands  onder  landbouwopzicht  ten  achter,  bij 
haar  werd  eene  groote  uitbreiding  waargenomen  der  andere  nij- 
verheden  in  betrekking  met  het  mijnwezen.  De  eerste  hooge 
smeltovens,  waar  de  ijzererts  in  geutijzer  werd  veranderd,  en 

*  Verhael  van  den  oorsprong  en  voortgank  der  behaelyke  siekte  onder  het 
Hoornveein  de  Oostenrijksche  provincien  der  Nederlanden. 

^  Hartlib  gaf  o.  a.  uil  :  A  discourse  of  hushandry  iised  in  Brabant  and 
Flandres,  shewing  iconderfull  improvement  of  land  tliere  and  serving  as  a 
pattern  forour  practice  in  tins  common  wealth  (London,  1650,  m-4°). —  His 
legacie  or  an  enlargement  of  the  discourse  of  hushandry  used  in  Brabant 
and  Flanders  (LondoD,  1631,  in-i").  —  Zie  verder  de  Bibliotheca  botanica 
van  Seguier,  's-Hage,  1740,  bl.  367. 


(  -291   ) 

gcdiirende  de  XVP  ecuw  eerst  gebouwd,  vcrmenigvuldigden 
alom.  De  mijnen  van  Henegouw  kregen  mcer  belang  in  de 
XVIP  eeuw  en  lokten  de  niedewerking  uit  van  groote  kapitalis- 
len.  Van  dergelijke  ondernemingen  wordt  er  zeer  omstandig  ge- 
sproken  in  eene  statistiek,  opgemaakt  krachtens  bevel  van  Lode- 
wijk  XIV.Maar  te  dien  tijde  waren  de  koolmijnen  in  de  omslreken 
van  Cliarleroi  nog  niet  in  exploitatie  gebracht;  slechts  geschiedde 
dit  op  eene  uitgestrektheid  van  7  mijlen  lengte  op  2  breedte,  tus- 
schen  Quiévrain  en  Mariemont.  Een  reiziger  van  de  XVII'=  eeuw, 
pater  Du  Mollnet,  der  orde  van  de  régulière  kanunniken  van 
St.-Augustijn,  bezocht  in  1682  ons  land  en  verliet  de  stad  Luik 
niet  zonder  hare  koolmijnen  bezocht  te  hebben,  die  toen  reeds 
voor  de  hoofdstad  van  't  prins-bisdom  eene  der  voornaamste 
bronnen  van  Iiaren  rijkdom  waren.  «  Ce  que  j'y  remarquai  de 
particulier,  »  merkt  de  reiziger  op,  «  c'est  la  pompe  qui  en  ex- 
trait l'eau,  qui  se  meut  par  le  moyen  d'un  moulin  que  la  rivière 
fait  aller,  qui  est  quelquefois  à  plus  de  500  pas  de  la  pompe.  »  De 
kalksteen,-  leer-  en  sclialiënijverheden  wonnen  mede  hoe  langer 
lioe  meer  in  belang. 

De  lakenweverij,  die  weleer  in  Brabant  en  Vlaanderen  zoo 
welig  tierde,  maar  door  de  oorlogen  deels  verjaagd,  door  de 
Engelsche  raededingiiig  deels  gedood  was,  hernam  gedurende  de 
XVIIl''  eeuw  in  de  provincie  Limburg,  waar  toen  meer  dan 
50,000  personen  daarmee  hun  brood  verdienden.  De  vervaardi- 
ging  van  «  groote  gemeyne  laeckens,  »  aldaar  in  1715  vervallen, 
werd  vervangen  door  die  van  fijnere  stoffe,  welke  men  verfde, 
en  waartoe  bekwame  droogscheerders  uit  Holland,  Saksen  en 
Frankrijk  werden  ontboden.  In  de  heerlijkheid  van  Eupen  telde 
men  ongeveer  400  zulker  vreemde  w  erkgasten  en  hunne  pro- 
ducten  kwamen  zoo  zeer  in  gunst  dat  de  fijne  Limburgsche  lakens 
niet  alleen  in  geheel  Nederland,  maar  in  Duitscliland  en  zelfs  in 
Italie  als  de  beste  artikelen  der  markt  waren  geprezen.  Ondcr 
stoffelijk  opzicht  beleefden  Eupen  en  't  omliggende  toen  waarîijk 
goede  dagen,  maar  de  vreemde  gasten,  meest  jong  en  ongehuwd, 
gaven  zich  dikwijls  over  aan  buitensporigheden  en  werkstaking. 
Zij  hadden  (zegt  eene  oorkonde,  deel  makende  van  't  hooge  hof 


(  292  ) 

van  Limburg)  «  somwylen  seekere  schaedelycke  maximen  en 
nolanles  als  wanneer  sy  sonder  redenen  de  winckels  van  de  koop- 
licden  vuyl  syn  raaeckende  en  tôt  dien  eynde  hun  te  saemen  ver- 
gaderen  en  imponeren  groote  straffen  van  tien,  twintig  tonnen 
hier,  van  daerop  te  wercken,  »  wat  beteekenen  wil,  dat  de  werk- 
stakers  in  dien  tijd  niet  alleen  andere  gezellen  verboden  aan  den 
arbeid  te  gaan,  maar  deze  tamelijk  zware  boeten  oplegden  in 
geval  zij  't  wagen  dorsten  zich  van  de  oproerige  bende  los  te 
scheuren.  Het  was  na  cène  dier  werkstakingen  in  de  fabriek  van 
de  heeren  Fey  en  Pois,  om  nietige  redenen  begonnen,  en  toen 
de  juslitie  eene  vervolging  had  ingespannen,  zag  men  dat  meer 
dan  500  wevers  uit  Eupen  vertrokken,  en  de  andere  dreigden 
hetzelfde  te  doen,  wanneer  de  vervolgingen  niet  gestaakt  werden. 
De  burgemeester  zelf  zag  zich  gcnoodzaakt  cen  dergelijk  verzoek 
toi  de  juslitie  le  doen,  tcn  einde  dcr  gemeente  geen  nadeel  te 
berokkenen,  dat  niisschien  onherstelbaar  zoii  zijn  gewecst. 

De  handel  op  de  dorpen  nam  in  dit  tweehonderdjarig  lijdvak 
ook  eene  groote  onlwikkeling;  op  vêle  plaatsen  was  ecne  week- 
of  jaarmarkt,  waar  men  van  verre  naarloc  stroomde  lievcr  zelfs 
dan  naar  de  stadsmarkten,  aangezien  (zegt  de  Gentscbe  kroniek- 
schrijver  JusTus  Billet)  men  in  de  dorpen  hceft  «soelen  transport 
oft  quote,  vrij  van  soldatcrije,  van  waglilcn,  tocbten,  niet  onder- 
worpcn  aen  Isluytcn  der  poorten  cnde  andere  last,  dicmen  in 
beslotene  sleden  moet  ondcrstaen.  » 

De  trap  van  onlwikkeling,  waarloe  de  boer  in  ons  land,  dank 
aan  zijne  inspanning  en  vlijl,  gekiommen  was,  ware  echter  nog 
aanzienlijk  hooger  gewecst  indien  Bcigië  in  dit  lijdvak  niet  de 
ijselijke  rampen  des  oorlogs  hadde  moctcn  verduren.  De  reeks 
twisten,  welke  om  en  op  den  Belgischen  bodcm  door  bel  vuur  en 
bet  zwaard  moesten  worden  geslecbt,  is  aîlecn  vo!doende  om  cen 
volk  eene  gcschiedenis  le  gcvcn,  rijk  aan  feiten  van  bet  grootste 
gewicbt,  maar,  eilaas,  ook  aan  jammcren  en  cllenden  van  allcn 
aard.  Inderdaad,  niet  zoodra  was  de  eene  oorlog  Icn  einde,  of  ecn 
andere  begon. 

Van  1051  lot  1648  wocdde  ecn  kiijg  lusscbcn  Spanje  en  Frank- 


(  29Ô  ) 

rijk  met  HoIIand,  die  beslolen  werd  door  dcn  vrcde  van  Munster, 
welke  aan  laatstgenoemd  rijk  de  op  ons  bcniacluigde  steden  ver- 
zekerde. 

Van  1G48  toi  1658  vocht  Spanje  legen  Frankrijk  voort,  en  het 
traktaat  der  Pyreneeën,  waarmedc  het  geschil  eindigde,  had  voor 
gevolg  dat  een  groot  deel  van  ons  grondgebied,  waaronder  ver- 
scheidene  grensstedcn  van  Vlaanderen,  Henegouw  en  Luxcmburg, 
aan  Frankrijk  werden  afgeslaan. 

Nieuwe  oorlog  van  1667  lot  1668  tusschen  Spanje  en  Holland 
tegen  Lodewijk  XIV,  die  beweerde  recht  te  hebben  op  het  bezit 
van  Brabant.  Hoewel  tegengehouden  door  de  mogendheden  van 
het  Noorden,  bekwam  hij  door  't  verdrag  van  Akenhct  meesle  deel 
der  steden,  die  hij  had  overweldigd. 

Een  gelijke  oorlog ontstond  in  1672  en  duurde  tôt  in  1678;  het 
traktaat  van  Nijmegen,  welk  er  op  volgde,was  weeral  den  Fransch- 
man  gunstig,  daar  weer  verscheidene  plaatsen  van  ons  land  hem 
werden  overgelaten. 

Van  1688  tôt  1697  voerde  Lodewijk  XlVandermaal  krijg  tegen 
Spanje,  verbonden  met  Holland  en  Engeland;  door  den  vrede  te 
Rijswijk  werd  een  deel  van  het  vroeger  op  ons  veroverde  weder 
afgestaan,  terwijl  een  aantal  gemeenten  van  't  Doorniksche  de 
hezittingen  van  Frankrijk  andermaal  vermeerderdcn. 

De  Erfenisoorlog  tusschen  Frankrijk  en  Spanje,  van  1700  tôt 
1715,  eindigde  met  het  traktaat  der  Barrière,  door  hetwelk  België 
werd  afgestaan  aan  Oostenrijk,  en  Holland  de  vergunning  kreeg 
in  een  aantal  grenssteden  van  ons  land  bezctting  te  leggen. 

Andermaal  ontstond  een  twist  in  1 722,  bepaaldelijk  tusschen 
de  regeering  onzes  lands  en  Holland  over  de  stichting  der  Oos- 
tendsche  Handeiscompagnie;  hij  duurde  tôt  1731  en  eindigde 
met  het  Weener-traktaat,  hetwelk  gemelde  vereeniging,  tôt  stand 
gebracht  om  den  handel  van  Beîgië  groote  uitwegen  te  openen,  te 
niet  deed. 

Van  1  757  tôt  1759  oorlogde  Oostenrijk  tegen  Turkije.  Ons  land, 
rechtstreeks  in  dien  twist  niet  bctrokken,  was  echter  verplicht 
den  keizer  met  zware  hulpgelden  hij  te  staan.  Zoo  ook  gescbiedde 
vnn  1740  tôt  1748,  terwijl  Maria-Theresia  tegen  Spanje,  Sardinië, 


(  294  ) 

Priiisen,  Frankrijk,  Polen  en  den  keurvorst  van  Beieren  te  \  ecliten 
had.  Eindelijk,  tôt  bekroning  van  zooveel  bloedige  geschillen, 
hadden  onze  vaderen  de  beroerde  rcgeering  van  Jozof  II  (1780- 
1 790),  de  bctwisting  nopens  de  Schelde,  den  inval  en  overrom- 
peling  van  België  door  de  Fransche  republikeinen.  —  Zoo  was, 
twee  honderd  jaren  lang,  geen  enkel  geslacht  van  België  vrij  van 
't  oorlogswee;  men  streed  ten  onzent  of  rantsoeneerde  ons,  en 
was  de  kamp  verre  van  hier,  onze  vaderen  moesten  een  aanzienlijk 
deel  daarvan  bekostigen  :  allijd  was  ons  land  het  slagveld  en  de 
prijs  der  viclorie. 

De  scliets  van  den  toestand  der  landelijke  bevolking  zou  niet 
volledig  zijn,  indien  wij  de  onheiien,  welke  die  onopboudelijke  ge- 
schillen over  ons  land  riepen,  stilzwijgend  voorbijgingcn.  Eenige 
tooneelen  uit  deverwoestende  plundertochten,gepaard  met  afgrij- 
selijko  gruwelen  op  het  weerlooze  boerenvolk  zelf,  door  rnwe 
krijgsknechlen,  die  in  den  waan  verkeerden  dat  hun  ailes  vrij 
stond  tegen  de  vijanden  van  den  «  zeer  christelijken  koning,  »  zul- 
len  den  lezer  best  in  staat  slellen  te  bescffen  in  welke  diepe  cllende 
de  akkerbouw  en  veeteelt  gedurcnde  al  dien  tijd  verzonken  lagen. 
In  den  eersten  grooten  krijg,  hierboven  vermeld,  werdcn  de 
boercn  van  het  Kempenland  op  eene  ongehoorde  wijze  door  de 
troepen  des  prinsen  van  Oranje  geplunderd,  op  fourrageering 
gesteld,  en  wat  nog  erger  was,  op  reeht  onmenschelijke  wijze  niis- 
handeld.  De  nood  was  algemeen,  de  droefheid  en  vvanhoop  ten 
hoogste;  vier  jaren  had  de  geesel  geduurd,  toen  de  billijke  ver- 
ontwaardiging  des  volks  zich  lucht  gaf  in  verschillige  schriften, 
w^aarin  de  overmoed  en  baldadigheid  der  vreemde  stroopbenden 
in  krachlige  bewoordingen  zijn  uitgedrukt.  Zoo  zegt  een  boer  in 
den  Ombijt  van  Loven  (1055)  over  den  prins  van  Oranje  : 

a  't  Is  een  koey-dief  in  zijn  hert, 
Een  brant-slichter  van  sleden, 
Nochtans  van  'l  Frans  verovert  wert 
In  schelmery  van  zeden. 
't  Is  waer,  hy  heeft  Thienen  verbraal 
Haer  huysen  en  haer  kercken  : 
Maer  't  Fransken  lieeft  de  vrou  vermant 
De  maeght  vercracht  in  't  perck.  » 


(  295  ) 

De  schrijver  durft  de  griiwelen  niet  verhalen,  die  liet  peil  der 
Fransche  zedeloosheid  moeten  doen  kennen,  maar  de  weinige 
woorden,  welke  hij  er  over  mcedeelt,  zijn  ontzeltend  van  boos- 
heid  en  woestlieid.  Alzoo  spreekt  hij  van  «  dorpen  bloot  »  en  van 
lienjarige  raeisjes,  dood  gcvonden  —  «  waerom?  kont  ghy  wel 
raercken.  »  —  Nog  bitterder  weeklachten  worden  aangebeven 
door  den  dichter  van  Een  droevigh  beklagh  van  eeti  Thiensche 
Maeght,  over  de  Tiranny  van  de  Fransoisen  ende  Hollanders, 
aile  hun  schehnstucken  verhalende  met  bloedighe  tranen  (1635). 
Hier  leest  men  niet  alleen  van 

...  0  Maeghdekens  van  thien  en  elf  jaeren  » 

die  't 

...  «  helsch  ghebroet  noch  gheensins  willen  spaeren  » 

maar  zelfs  van  «  nonnekens,  diegheen  aen  Godt  hadden  belooft 
haer  suyverheyt,  »  werden  door  de  baldadigen  onteerd;ja, 

«  Dit  was  hun  niet  genoech,  noch  dese  fielen  dorsten 
»  't  Onnoosel  kinders  bloet  al  aen  des  nioeders  borsten, 
»  Sy  wierpen  se  oni  hoog  en  vinghens  op  hun  pyck.  » 

Nooit,  merkt  de  schrijver  er  bij  op  : 

«  Noyt  hoordraen  tiranny  van  Turcken  dees  gelijk.  » 

Even  bitter  laat  zich  de  schrijver  uit  der  Boeren-Litannie,  o/'te 
Claclite  der  Kempensche  Land-lieden  over  de  ellenden  van  dese 
lanckdurighe  Nederlandsche  oorloglie,  geschreven  in  1640,  dus 
negen  jaren  na  het  uitbreken  des  oorlogs  : 

«  Ach  wee  ons  arm  Land-volck  !  waer  sullen  wij  ons  keeren 
In  desen  langhen  crygh  ?  Sal  't  noch  geen  eynde  syn  ? 
Sal  de  vremde  soldaet  dan  steeds  ons  bloet  rotteeren 
End  roepen  :   Or  sa,  Jehan   Vilain,  or  sa  coquin  ! 

»  Soo  wie  hun  dan  niet  flucks  van  ailes  voor  en  slellen, 
Wy  worden  met  de  lout  gedreyght,  in  brant  gestelt, 
Oft  moeten  slracks  tôt  boet  hun  een  cluyt  oft  twee  tellen. 
EIck  onder  syn  telloor,  ende  coopen  soo  met  gelt. 


(  296  ) 

»  lut  sweet  ons  aengesichts  wy  d'armen  cost  hesuren 
Na  d'aerde  vroegh  en  laet  neerbuygend'  onsen  neck, 
Docli  voor  den  vreradeling  wy  tassen  onse  scburen 
Ja  selfs  ons  huysgesind  lydt  dickmaels  brootsgebreck. 

»  Het  dorre  Kempen-land  met  pyne  wy  bevrucbten 
Tôt  's  eygenaers  genot  end  noot  van  wyf  end  kindt, 
End  hopend,  op  het  lest  te  beuren  onse  vruchten 
Eylaes  !  het  slaet  ons  mis,  want  ailes  slracks  verslindt....  » 

Toen  de  krijg  in  Brabant  had  uitgewoed,  begwi  de  verwoesting 
in  Vlaanderen.  De  prins  van  Oranje  niaakte  zich  gereed  met  zijn 
léger  daarheen  te  trekken  en  de  enkele  aankondiging  van  dien 
inval  was  genoeg  om  schier  de  gansche  bevolking  des  Lands  van 
Waas  naar  Antvverpen  en  Gent  te  doen  vluchten...  Ook  hier  was 
de  verwoesting  ontzaglijk,  evenals  in  de  kastelnij  van  Kortrijk, 
waar  de  troepen  des  konings  van  Frankrijk  in  1645  en  1646  de 
gruwelijkste  buitensporigheden  bedreven.  Eene  offîciëele  opgave 
der  verliezen,  door  de  dorpen  van  die  streek  onderstaan,  komt  lot 
het  cijfer  van  6  millioen  866,557  pond,  waarin  voor  Harelbeke 
283,304  pond,  «  ce  quint  causé  la  totale  ruine;  »  1,750,038  pond 
voor  Kuurne;  146,060  pond  voor  Zwevegem;  108,081  pond  voor 
Waregem;  121,521  pond  voor  Ingehnunster;  223,172  pond  voor 
Tielt,  waar  de  oogst  vernield,  en  de  kerk,  benevens  een  zestigtal 
huizen,  werden  in  brand  gestoken;  272,000  pond  voor  Meulebeke, 
waar  ook  de  kerk  en  25  huizen  door  de  vlammcn  werden  ver- 
nield; 264,100  pond  voor  Ruiselede,  waar  de  soldaten  van  den 
«  kalholieken  »  koning  insgelijks  de  kerk  en  een  groot  getal 
gebouwen  verwoestten.  Voorts  leed  Wakken  een  verlies  van 
1 16,564  pond;  Kanegem  116,000  pond;  St.-Baafs-Vijve,  112,957 
pond;  Aarsele,  270,400  pond;  de  stad  Deinze,  164,000  pond;  Gul- 
legem,  100,654  pond;  Wevelgem,  185,124  pond;  Geluwe,  11 7,000 
pond;  Izegem,  282,500  pond  enz.  Verscheidcne  millioenen,  op 
nauwelijks  twee  jaren  tijds,  in  een  gcwest  van  nauwelijks  enkele 
uren  omvang  verloren! 

Twee  jaren  nadien  was  Luxemburg  het  tooneel  des  oorlogs.  Dit 
gewest  had  twaalf  jaren  te  voren  rceds  het  bezock  der  Franschen 
gehad  en  zijne  bevolking  met  honderd  duizend  menschen  door 


(  297  ) 

hongersnood  en  zicktc  zien  wcgmaaien.  De  provinciale  Raad  had 
in  April  1636  den  gouverneur  des  lands  een  ijzingwekkend  ver- 
toog  van  den  toestand  des  gewestes  meegedecld,  waarin  men  o.  a. 
leest  :  «  ...  Tout  est  en  brigandaigc  et  pillaigc,  corps  et  biens  des 
subietz,  pis  que  ne  pourroient  faire  les  plus  inhumains  ennemys 
sans  souey,  sans  respect,  sans  retenue,  ombre  ny  apparence  d'aul- 
cune  justice...  y^  Het  verhaal  der  mishandelingen,  die  de  Luxem- 
burgsche  boeren  te  onderstaan  hadden,  komt  schier  ongelooflijk 
voor,  zôo  afschuwelijk,  zôo  barbaarsch  was  het  gcdrag  der  troepen 
tegenover  gansch  weerlooze  lieden....  «  Le  paysan  (leest  men 
verder)  par  tous  les  quartiers  n'a  plus  ni  grains,  ni  fourraiges, 
outils  d'agriculture,  chevaulx,  bœufs,  vaches,  brebis,  agneaux,  ni 
aulcune  sorte  de  bestail,  vestement  ny  habit,  ny  aultres  meubles, 
nul  moyen  de  faire  labouraige.  .  et  n'y  a  ainsy  apparence  de 
semaille  en  l'automne  suyvant  '.  » 

Even  verschrikkelijk  is  het  tafereel,  dat  de  gedepuleerden  van 
de  Staten  dezer  provincie  in  1648  den  landvoogd  aartshertog 
Leopold  voorhangen,  en  waarin  de  toestand  met  de  somberste 
kleuren  is  afgeschilderd.  Men  leest  daarin  dat  «  le  pauvre  peuple 
de  cette  province  est  sy  exténué  et  sy  bas  qu'il  est  très  difficile  de 
le  pouvoir  assé  exprimer,  quoyque  peult  estre  des  personnes  non 
pas  informées  de  Testât  puisse  faire  entendre  le  contraire,  nous 
ayans  esté  tesmoings  oculaires,  comme  ung  chascun  aussy  l'at  veu, 
et  est  notoire  que  des  l'an  1656  la  province  endura  une  désolation 
sy  horrible  par  une  multitude  démesurée  de  gendarmerie  qui 
furent  jettes  sans  règle,  que  par  la  famine,  peste  et  maladies,  qui 
s'en  suivirent,  il  y  moururent  misérablement  des  personnes  par 
cent  et  cent  mille  et  ny  resta  pas  la  dixième  ame  vivante;  tous 
biens  et  bestaille  furent  enlevez,  perdus  et  destruicts,  et  depuis  le 
petit  reste  qui  est  demeuré  à  continuellement  esté  travaillé,  fatigué 
et  surchargé  par  des  armées  entières,  passages,  séjours,  camps, 
contributions,  corvées,  fournissement  d'esleuz,  eniretenement  de 
gens  de  guerre,  par  dessus  les  brandschatz,  voleries  et  ravages  de 
l'ennemi,  et  est  chose  de  très  grande  compassion  de  veoir  et  en- 

^  Reg.  0,  594,  51 6-51 7.  —  Archief  van  't  Groothertogdom  Luxemburg. 


(  298  ) 

tendre  leurs  misères,  les  désolations,  plainctes  et  doléances;  avecq 
se  trouvent  encore  affligez  par  le  fléau  de  la  famine  en  la  |)résente 
année,  en  laquelle  parceste  extraordinaire  continuation  des  pluyes 
sont  faillyz  les  graines  en  ceste  province  et  tous  autres  fruicts  de 
la  terre,  tellement  que  l'on  commence  deia  à  crier  la  faim  et  de 
vivre  d'avoine  et  de  légumes....  '  » 

Het  verzoek,  in  dit  schrift  uitgedrukt,  werd  niet  ingewilligd; 
enkel  beloofde  men  der  bevolking  dat  de  troepen  niet  langer  dan 
drie  maanden  in  't  Luxemburgsche  zouden  gebleven  zijn.  Drie 
maanden  nog  van  diepe  ellende,  plundering,  brandschatting  en 
misbandeling  ! 

Het  volgende  jaar  was,  eilaas!  niet  bêler...  Het  graan  ontbrak, 
de  bongersnood  beerscbte  in  gansch  Luxemburg,  vêle  menschen 
bezwekcn  van  ontbering,  en  al  haalde  men  bet  graan,  dat  rijke 
lieden  en  koopbandelaars  op  zolder  en  in  magazijn  hielden,  daar- 
uit  cm  ter  markt  verkocht  te  worden,  de  nood  was  weinig  ge- 
lenigd,  want  geld  was  er  schier  niet  meer. 

Ook  'i  jaar  1650  was  voor  genoemd  gewest  een  tijdstip  van 
ellende.  De  legerkorpsen,  die  er  verbleven,  vooral  der  Lorrei- 
ners,  alsmede  de  gedurige  afpersingen  door  den  gouverneur  van 
Thionville,  deden  andermaal  den  nood  ten  boogste  klimmen.  De 
Lorreiners,  aangevoerd  door  graaf  de  Longeville,  verwoestten  de 
Moezeldorpen,  plunderden  die  teenemaal  leeg  van  vee,  voeder  en 
granen,  en  dreven  ten  slotte  de  geruineerde  boeren  van  hun  erf. 
Te  vergeefs  zond  de  provinciale  Raad  een  in  krachtige  bewoor- 
dingen  vervat  smeekschrift  tôt  den  bevelhebber  der  barbaarsche 
krijgshorden  2;  Longeville  bleef  doof ,  liet  de  plunderaars  onge- 
stoord  hunnen  gang  gaan  en  bracht  alzoo  gansch  de  streek  tus- 
schen  deMoezel  en  de  Jaar  tôt  de  uiterste  armoede,  tôt  degrootsle 
verlatenis.  Eindelijk  riep  de  provinciale  Raad  de  tusschenkomst  in 
des  gouvernements  s,  en  kwam  er  uit  Brussel  een  bevel  om  de 
verwoestingen  te  doen  staken. 

<  Publications  de  la  section  historique  de  V Institut  de  Luxembourg,  XXX, 
205-206. 
^  Reg.  R,  75  (14  Juli  1650)  in  't  archief  vau  't  Groothertogdoni  Luxemburg. 
^  Reg.  R,  80  (50  Juli  1630).  (Id.) 


(  299  ) 

Ziedaar  handelingen  van  troepen ,  welkc  uilgezondcn  wareii 
om  onze  voorouders  te  beschulten  en  le  beschcrnicn  ;  wanncer 
deze  zich  aan  zulkc  henieltergende  gruwelen  plichtig  maakten, 
wat  moesten  dan  de  vijanden  des  lands  ondcrnemen? 

De  Franschen,  nu  ook  in  Luxemburg  gevalien,  zetteden  inder- 
daad  het  werk  der  verdelging  voort.  Hoe  erg  het  ging  kan  men 
opmaken  uit  het  volgende  vertoog,  den  2  April  1650  door  den 
provincialen  Raad  van  Brabant  aan  den  Staatsraad  toegestuurd. 
Het  document  heeft  te  veel  belang  oni  het  hier  niet  nagcnoeg 
geheel  over  te  neraen  : 

«  ....  Les  misères,  calamitez  et  oppressions  publiques  et  conti- 
nuelles du  pauvre  peuple  de  ce  pays  qu'il  patit  par  les  extorsions 
et  violences  des  gens  de  guerre  ont  donné  occasion  à  ceux  des 
trois  États  de  ceste  province  de  les  représenter  à  vos  seigneuries, 
et  pour  le  devoir  de  noz  charges,  mesmes  de  leur  réquisition  ne 
pouvons  obmettre  d'y  adjouster  que  par  la  licence  et  liberté  des 
soldats  et  officiers  de  guerre  le  peu  de  suiets  qui  restent  tant  ez 
petittes  villes  que  du  plat  pays,  sont  reduicts  à  une  telle  extrémité 
qu'après  que  l'on  leur  a  extorqué  des  sommes  excessives  en 
argent,  qu'ils  ont  ramassé  de  ça  et  de  là  par  la  vente  de  leurs 
biens,  ravy  et  enlevé  les  chevaulx  et  bestail,  consommé  leurs 
petites  provisions  de  grains  et  fourages  et  raaltraicté  leurs  per- 
sonnes, tant  hommes  que  femmes  et  filles  qu'ilz  ont  esté  con- 
straincts  la  plus  part  d'abandonner  leurs  maisons  et  se  retirer 
dans  les  bois  et  entre  les  rochers,  où  ils  ont  enduré  la  rigueur  du 
tems  et  la  famine,  en  sorte  que  grande  partie  d'entre  eux  accablez 
d'ennuyz  et  de  misères,  meurent  l'un  sur  l'autre,  ainsi  que  l'on 
nous  at  informé  que  dans  la  seule  mayerie  du  costé  de  St.-Vith  il 
y  en  a  mort  plus  de  soixante  personnes  depuis  un  mois  en  ça,  et 
les  autres  tous  sont  denuez  de  tout  entretien,  mesmes  n'ont  le 
simple  pain  d'avoine  à  manger,  et  avons  entendu  qu'une  femme 
ayant  ramassé  un  peu  de  grains  pour  sa  nourriture  et  de  ses 
enfants,  et  icelluy  grains  luy  estant  ravy  par  un  soldat,  elle  jeta 
ses  enfants  dans  la  rivière  et  puis  s'y  précipita  elle  mesme  :  de 
sorte  que  c'est  une  chose  déplorable  et  digne  de  compassion  de 
veoir  et  entendre  la  misère  du  peuple  poussé  par  les  inhumanités 


(  300  ) 

et  dérèglements  des  gens  de  guerre  logez  en  eeste  province,  notam- 
ment de  ces  trouppes  estrangères  qui  n'ayans  pour  but  que  la  paye 
et  point  d'attention  pour  Sa  Majesté,  ni  pour  le  peuple,  ny  pour  le 
publicque,  ne  songent  qu'a  deslruire  et  ravager  et  secouent  toute 
obeyssance,  s'accoustumans  par  le  libertinage  à  faire  les  reveches 
aux  temps  et  occasions  que  l'on  aura  le  plus  besoing  de  leur 
employ,  et  estans  tels  ny  aura  guerres  d'apparence  de  pouvoir 
tirer  d'eux  service  qui  vaille;  outre  les  passages  et  rentrées  des 
trouppes  Lorraines  qui  tousiours  se  conduisent  à  l'eur  ordinaire  et 
les  invasions  de  l'ennemy  en  divers  endroicts  du  pays  :  Mais  le 
plus  par  les  désordres  de  noz  soldatz  propres  qui  se  gouvernent 
comme  dict  est  et  les  excès  sont  aussy  notables  aux  principaux 
officiers,  lesquels  n'ayans  point  le  tiers  des  soldats  qu'il  font  passer 
par  les  monstres, lèvent  et  exigent  sur  les  pauvres  gens  et  mesmes 
en  leurs  bourses  toutes  ces  excessives  rations,  deniers,  avoines  et 
fourrages.  Outre  ce,  constraignent  le  peuple  de  donner  la  nourri- 
ture aux  soldats  contre  les  ordres  et  réglemens  de  S.  A.  R.  Et  de 
plus  intimidans  les  officiers  et  gens  de  loy  du  pays,  se  font  pro- 
mettre et  donner  audessus  de  tout  cela  des  sommes  excessives 
sousle  tittre  et  prétexte  de  service,  les  uns  de  cent  patacons  par 
mois,  outre  de  deux  cens  patacons  et  mesme  jusqu'à  demander 
vingt  patacons  par  jour,  soubs  ombre  de  service,  outre  que  desia 
logez  et  proufitantz  de  tous  les  excès  des  places  vacantes  ou 
volantes  de  soldats  non  efïectifs,  avec  menaces  et  rudoyemens  qui 
espouvantent  les  personnes  et  les  contraignent  de  passer  par  leur 
volonté,  tellement  que  l'on  ne  peut  rien  venir  de  plus  triomphant 
en  ces  temps  déplorez  que  les  coronels  et  tels  officiers  qui  tien- 
nent trains  et  table  de  prince,  n'ayans  cependant  rien  de  leur 
patrimoine.  Et  d'avantaige  susent  de  constrainctepar  la  force  des 
soldats,  lesquels  ils  envoyent  manger  sur  le  peuple,  soubs  prétexte 
et  tittre  d'exécution  militaire,  que  l'on  n'at  oncques  veu  ny  ouy, 
moins  pratiqué  par  le  passé.  Ces  exéeutaires  sont  de  vrais  rava- 
geurs qui  dévorent  et  mangent  les  pauvres  gens,  destruisent  tous 
ou  ilz  entrent,  havissent  les  chasteaux  et  biens  et  se  font  payer  a 
tittre  de  vaccalion  autant  de  deniers  qu'ils  veuillent,  comme  pour 
sallaire  de  leurs  exploicls.   Les  vols  sont  en  pleine  licence,  les 


(  501  ) 

outrages,  pilleries ,  batlitiires ,  meurtres  se  commettent  sans 
aucun  chastoy  j  il  n'y  a  nulle  discipline  ny  ombre  de  justice,  les 
chemins  partout  occupez  et  infestez,  tout  ce  qu'ils  rencontrent 
est  volé;  les  églises  violez  et  forcez,  enlèvent  les  chevaulx  de 
labeur,  ostent  l'agriculture  et  le  moyen  et  espoir  de  grains  et  de 
moisson,  voires  tuent  et  massacrent  les  pauvres  gens  par  pure 
meschanceté  et  les  traictent  pis  que  na  faict  l'ennony,  lorsqu'il  a 
faict  irruption  et  invasion  dans  le  pays ,  le  tout  inipujiement  sans 
chastoy,  correction  et  sans  aucun  remède,  nonobstant  toutes  les 
plaintes  qui  se  font. 

a  Le  pauvre  peuple  est  désolé  et  abandonné,  accablé  de  tant 
de  maulx,  se  met  au  desespoir;  les  uns  meurent  et  périssent  de 
fatigues,  travaulx,  famine  et  mesaises;  les  autres  se  sauvent  du 
pays,  lequel  ils  achèveront  de  déserter....*  » 

De  klacht  ])racht  geen  voordeel  bij  ;  de  raad  zond  een  nieuw 
vcrtoog  den  4  Juni  daaropvolgende,  doch  weeral  zonder  uitslag. 
Nukwamen  de  ruiterijregimenten  van  Turenne  de  dorpen  Limerlé 
en  Steinbach  bezelten,  bleven  er  29  dagen,  en  roofden  cr  ailes 
wat  kon  weggcdragen,  weggevoerd  of  weggesleept  worden  :  tôt 
zelfs  de  meubels  der  boeren,  de  oude  schapraai,  de  nedcrige  bed- 
koets,  de  tinnen  tellooren,  ailes  moest  mee.  De  geschiedenis,deze 
schier  ongelooflijke  feiten  door  menschen  op  menschen  gepleegd 
brandmerkende,  bevestigt  dai  de  helft  der  ingezetenen  moesl  gaan 
bedelen  î 

Ilet  harl  krimpt  ineen  van  verontwaardiging  en  toorn,  wan- 
neer  men  al  de  omstandigheden,  die  dcze  afschuwelijke  gebeurte- 
nissen  vergezelden,  nagaat,  en  men  vraagt  bij  elke  sehrede,  die 
men  verder  in  het  onderzoek  doet,  of  de  ijselijke  rampen,  welke 
ons  vaderland  in  die  dagen  van  diepen  rouw  te  verduren  had, 
ook  de  natuurlijke  beschermers  van  het  arme  volk  gevoelloos 
hadden  gemaakt  voor  al  zijne  jammcren. 

Vêle  klachten  bleven  te  Brussel  onverhoord,  of  't  duurde  lang 
cer  een  antwoord  kwani ,  dat  al  wcinig  tevrediging  stichtte.  De 
ongelukkige  bewoners  van  Limerlé  en  Steinbach  smcckten  den 

*  Reg.  R,  37,  iu  'l  archicf  van  't  Groothertogdom  Luxemburg. 


(  302  ) 

I 

provincialen  raad  om  voor  Iwce  jaren  vrij  te  zijn  van  den  ]\rijgs- 

dieiist  ^  ;  deze  vraag,  zoo  billijk,  iiit  hoofde  van  de  weergalooze 
ellende,  die  al  de  huisgezinnen  dier  genoemde  plaatsen  ter  neder 
drukte,  kon  niet  worden  inge^^illigd,  op  grond  dat  gansch  het 
gewest  door  even  zw;ire  beproevingen  was  bezocht.  Het  antwoord 
op  den  smeekbricf  hicld,  o.  a.,  in  :  «  Vu  que  la  riiyne  est  générale 
et  esgale  avec  ceulx  de  tous  aultres  sujets  du  pays,  tant  francs- 
hommes  qu'autres  indifféremment  et  sans  exception  et  tant  par  le 
faict  desdites  trouppes  que  par  autres  amyes  et  ennemys,  qui 
depuis  deux  ans  n'ont  cessé  de  ravager  ceste  province  et  tous  les 
endroits  et  particulièrement  cette  année  plus  que  jamais,  car  les- 
dites  troupes  Turenaises  se  sont  gouverné  en  effet  hostilement 
en  tous  les  endroits  du  quartier  wallon  depuis  l'entrée  du  castel 
de  Namur  jusques  à  la  rivière  de  la  Saur  et  toute  la  largeur 
depuis  les  frontières  de  la  France  jusques  aux  terres  de  Stavelot 
et  plus  haut. 

«  Eta?tt  obligé  le  peuple  de  vivre  quatre  mois  entiers  clans  les 
bois  comme  sauvages,  la  plupart  sa?is  pain,  ny  autres  viande  que 
celles  des  bestes.  Et  en  tous  les  aultres  quartiers  y  at  en  trouppes 
allantes  et  venantes  et  tousiours  nouveaux  ravages,  en  sorte  que 
de  tout  le  peuple  restant  au  pays,  il  n'y  a  pas  le  quart  qui  depuis 
deux  mois  ayt  eu  le  pain  à  manger.. .2  » 

Deze  waarlijk  akelige  toestand  duurde  nog  op  het  einde  van 
1650.  Honderden,  ja  duizenden  Luxemburgers  verlieten  het  land 
hunner  vaderen,  waar  zij  geen  bestaan,  geen  brood,  zelfs  geen 
onderkomen  meer  vonden.  Een  verzoekschrift  door  de  kloosler- 
lingen  van  Munster  den  gedeputeerden  van  de  Staten  van  Luxem- 
burg  op  i  Februari  1652  toegezonden,  vervat  een  beknopt  tafe- 
reel  der  geledene  verliezen,  der  bedroevende  gesteltenis  van  de 
dorpen  der  provincie.  Wij  zien  daaruit,  dat  te  Rekingen  en  Roet- 
gen,waar  voor  den  oorlog  16  onderhoorigen  der  abdij  verbleven, 


^  Recueil  de  chartes  concernant  le  Luxembourg^  publié  par  M.  Wurth- 
Paquet,  Ms.,  ad  anno  1651. 

^  Cart.  francs-hommes  de  Bastogne;  Wurth-Paquet,  ad.  an.  1651.  {Ar- 
chieven  van  't  Groolhertogdom  Luxemburg.) 


(  305  ) 

er  nu  maar  S  nieer  waren,  waaronder  5  gecn  brood  haddcn.  Holt- 
zem,  vroeger  met  aclu  onderhoorigen,  telde  er  nog  5,  maar  deze 
waren  gansch  geruineerd,  met  de  omstandiglicid,  dal  de  troepen 
van  Don  Estauer  Gamarra  hen  uitgcklecd  en  gelaten  hadden  «  in 
puris  naluralibus.  »  Verder  verkiaarden  de  kloosterlingen  dat 
zij  vroeger  te  Mamern  6  onderhoorigen  hadden,  nu  nog  cen ,  die 
bedelen  moest;  te  Jarnich,  vroeger,  7,  nu  nog  écn;  te  Merll,voor- 
lieen  55,  ihans  niemand  meer;  te  Ham,  waar  vôor  den  oorlog  elf 
huizen  stonden  van  de  abdij ,  was  ailes  vernield;  te  Rodenborn 
had  het  sticht  vroeger  17  onderhoorigen,  nu  nog  5,  waaronder 
4  bedelaars;  te  Osselt  et  Ruh"ngen  telde  zij  er  weleer  17,  nu  nie- 
mand meer;  te  Waldbredimus  was  er  ook  geen  van  de5  mannen; 
te  Roeth  waren  er  nog  2  van  6,  en  éen  doodarm;  te  Contern  2 
van  7,  twee  behoeftige  weduwen,  die  met  hunne  kinderen  om  de 
aalmoes  gingen  ;  te  RoUingen  en  Mersch  schoten  er  nog  2  over 
van  27;  te  Ermsdorff,  2  arme  lieden  van  9;  te  Elvingen  2  van  7, 
en  een  der  overgeblevenen  moest  om  zijn  brood  gaan  bidden  ;  te 
Gandren  was  er  niemand  van  de  5  onderhoorigen  der  abdij  te 
vinden;  te  Enscheringen  en  Entringen,  waar  het  sticht  vroeger 
80  manschappen  telde,  waren  er  nog  15  of  44  in  de  gevangenis 
van  Thionville  opgesloten.  Eindelijk  de  pachthoeven  van  Burll, 
Hoendorff  en  Kroetelschener  lagen  geheel  en  al  verwoest. 

Die  toestand  duurde  voor  Luxemburg  schier  zonder  onderbre- 
king  tôt  4656,  maar  toen  waren  de  tweederden,  andpren  zeggen 
de  drievierden  der  bevolking  of  uitgestorven  of  in  den  vreemde 
omzwervend  met  den  bedelstaf. 

In  1657  was  Luxemburg  andermaal  onder  het  beheer  van  den 
sabel,  en  vierden  de  regimenten  van  den  prins  van  Condé  er  hunne 
woeste  driften  bot.  Een  in  Frankrijk  geschreven  lied,  voorkomendc 
in  de  Carabinage  et  matoiserie  soldatesque,  door  Drachier  d'Ar- 
M0RNY(Parijs,1616)  werd  door  de  Fransche  krijgsliedcn  toen  veel 
gezongenen  drukt  in  eene  schaamtelooze  rpndborstigheid  de  denk- 
beelden  uit,  welke  hen  in  hunne  strooptochten  bezielden  : 

«  Tant  que  la  guerre  durera 
Le  paysan  nous  nourrira, 
Mais  que  le  moule  du  pourpoint  n'y  demeure, 
Mais  que  le  moule  du  pourpoint  n'y  demeure  point. 


{  504  ) 

j)   Si  le  paysan  a  du  lion  vin 
Son  bon  vin  est  nostre, 
Le  vaisseau  à  l'hoste, 
Mais  que  le  moule  etc. 

»  Si  le  paysan  a  des  poulets, 
Les  poulets  sont  nostres, 
Et  la  plume  à  l'hoste, 
Mais  que  le  moule  etc.  » 

Nu  éditer  was  liet  geduld  van  het  klein  getal  overgeblevene 
Luxemburgers  Icn  einde.  De  boeren  hadden  niets  meer  te  ver- 
liezen  dan  het  leven;  zij  konden  nog  de  eer  redden  van  hun  land 
en  hunnen  naara.  Zij  grepen  naar  de  wapens,  gelijk  de  Holland- 
sche  dorpelingen  plachten  te  docn  wanneer  's  lands  algemeen 
belang  een  kloek  verzet  tegen  den  vijand  vorderde.  Waar  Huy- 
GHENS  den  boer  uit  de  noordelijke  Nederlanden  levendig  en  aan- 
schouwelijk  afschilderde,  daar  gaf  hij  ook  eene  trouwe  scbets  van 
den  Luxemburger  akkerman  in  1G37  : 

«  Dan  scliept  hy  uyt  den  nood  het  hert  van  wederspannen, 
Door  boeren-buerenhulp.  Soldaeten,  kiest  de  wyck  ! 
Elck  vlegel  wordt  een  roer,  en  elcke  pois  een  pyck. 
De  wraek  sit  in  syn  hert,  de  wanhoop  in  syn  handen  ; 
En  elck  in  yeder  oogh;  dan  wenscht  hy  in  syn  tanden 
Noch  room  noch  schaepenkaes  voor  menschenvleis  en  bloet. 
Soo  wreed  is  die  het  is  omdal  hy  't  wesen  moet  !  *  » 

Het  volk  der  heerlijkbeden  van  Sept-Fontaines  en  Everlange, 
Vianden  en  Neuersburg  stond  in  't  geweer  en  toog  de  vreemde 
verdrukkers  te  gemoet.  Het  bloed  stroomde  in  geheel  de  pro- 
vincie,  en  toen  in  Januari  1659  eene  lelling  werd  gedaan  der 
haardsteden,  bevond  men  dat  1525  doi^pen  totaal  verlaten  waren, 
betgeen  met  de  boeven,  die  mede  onbewoond  stonden,  te  zamen 
580  ledige  plaatsen  uitmaakte.  Op  bet  eijfer  der  bevolking  van 
bet  jaar  1C24  bad  men  nog  slecbts  een  derde  of  een  vierde,  in 
vcrscbcidene  gcmeenten  nauwclijks  bet  tiende  der  zielen  over. 
Luxemburg  was  anderlialve  eeu\v  vervallen  en  vcrarmd! 

*  Korenbloemm^  II,  151. 


(  305  ) 

En  hoe  was  het  inmiddels  in  Vla;indcren  gesteld?  Ook  dit 
gewest  verkecrde  in  cenen  hachelijken  toesland,  welke  iiog  verei- 
gerde  in  de  jaren  '60.  De  landbouwwas  op  vele  plaatsen  verwaar- 
loosd;  tusschcn  Gent  en  Brugge  bleven  talrijke  woningcn  onbe- 
trokken  ;  in  verscheidene  straten  ,  waar  vroeger  drukke  handcl 
werd  gedrcven,  graasden  de  paarden  ;  6,000  Gentsche  huisvaders 
ontvingen  pasport;  de  vcrmogende  lieden  gingen  vrede  en  rust 
zoeken  aan  de  overzijde  van  Schelde  en  Maas. 

Ten  jare  1675  deed  de  markies  d'Humières  eenen  inval  in  l 
Land  van  Waas,  dat  reeds  verschillige  keeren  door  den  markies 
van  Chamilly  doorioopen  en  gepkinderd  was  geworden.  Hij  ver- 
brandde  er  meer  dan  2,000  huizen  en  kasteelen  en  Irok  niet 
eer  verder  dan  nadat  hij  er  niets  meer  le  vernielen  vond. 

Dat  helsch  verwoestingswerk  herbcgon  in  1677  op  bevel  van 
Louvois,  minister  van  Lodewijk  XIV.  Koelbloedig,  aïs  gold  bel 
eene  alledaagsche,  gansch  natiuirlijke  zaak,  ja,  met  trots  en  zell- 
voldoening  lieten  de  Fransche  opperbevelbebbers  der  regeering 
weten  tôt  welken  staat  van  ellende  zij  bet  werkzaamsle  en 
bloeiendste  gewest  der  wereid  hadden  gebrncbt. 

«  Nous  brûlâmes  au  nord  de  Gand  les  plus  beaux  villages  qui 
se  [)uissentvoir  au  monde.»  — Zoo  scbieef  de  markies  d'Humières 
aan  Louvois,  weinige  dagen  na  de  inneming  der  stad  Gent  door  de 
Franscbe  troepen.  Die  woorden  waren,  eilaas!  geene  Fransche 
grootspraak  om  den  minister  van  Lodewijk  XIV  te  believen , 
niaar  voile  waarhcid.  Een  spoor  van  blocd  en  vuur  doorslingerde 
al  de  dorpen  van  de  Gentsche  kastelnij  :  kerken,  kasteelen,  boe- 
renhoven  en  molens,  schuren  en  oogsten  te  velde,  ailes  werd  vei  - 
woest  en  verdelgd;  overal  waren  rookende  puinen,  onlvolkle 
dorpen  of  jammerende  bevolkingen.  De  verliezen  worden  niet 
geschat  op  honderd  duizenden,  maar  op  millioenen  en  millioenen 
gulden. 

Men  vindt  de  bevestiging  der  verschrikKclijke  mededeeling  van 
den  markies  d'Humières  in  onze  Geschiedeîiis  van  de  Oost-Vlacm- 
dersche  gemeenten ,  althans  wat  de  dorpen  betreft  in  de  omstre- 
ken  van  Gent.  De  cijfers  der  aangericbte  schadezijn  ontzeltend 
hoog,  andere  verliezen  onberekenbaar  : 

Tome  XXXI  L  20 


(  506  ) 

Melle.  De  Franschen  steken  hier  den  27  September  4677  drie 
liuizen  in  brand  ,  en  gunnen  daarna  den  dorpelingen  't  vermogen 
om  zich  van  verdere  verdelging  vrij  te  koopen.  De  boeren  geven 
aan  den  vijand   400,000  gulden. 

Zaffelare.  Reeds  was  dit  dorp  gedeeltelijk  in  brand  gestoken 
tcn  jare  4675.  Vier  en  iwintighuizen  en  hofsteden  kwamen  in  de 
vlaminen  om  op  25  Augustus  4676,  nadat  men  40,000  gulden 
had  betaaid  als  brandschatting;  vervolgens  nog  4  36  huizen,  't 
wethiiis,  tal  van  andere  gebouwen  en  gansch  den  oogst  (28  Sep- 
tember 4677).  Er  bleven  slechls  vier  of  vijf  huizen  in  gansch 
liet  dorp  recht. 

Evevgem  en  Sleidinge.  In  4679  verbrandden  de  Franschen  het 
meesle  deel  der  huizen  en  hofsteden.  De  ingezetenen  wenden  zich 
versch  illige  keeren  tôt  de  regeering  ten  einde  vrijdoni  van  belas- 
ling  te  bekomen;  er  wordt  hun  inderdaad,  uit  hoofde  der  onder- 
stane  rampen  ,  eene  groote  vermindering  toegestaan. 

Loocliristi.  De  oogsten  worden  vernield,  de  hofsteden  geheel 
geplundcrd  en  daarna  in  brand  gestoken.  De  voornaamste  inge- 
zetenen worden  gevangen  en  weggeleid  naar  Doornik. 

Heusden.  In  den  nacht  van  7  October  4675  staken  de  Fransche 
troepen  't  vuur  aan  de  huizen  des  dorps  en  vernielden  400  ge- 
bouwen. 

Wondelgem.  De  kerk  en  een  groot  deel  des  dorps  worden 
gansch  leeggeplunderd  in  4678. 

Sleidinge.  Grootendeels  door  brand  verteerd  in  4678. 

Desfelbergen.  Tweemaal  geplunderd  en  door  de  Franschen  ten 
jare  4675  in  vuur  gesteld,  werd  dit  dorp  den  29  September  4677 
lolaal  vernield.  De  kerk,  de  kapel  van  Bervelde  en  de  prachtige 
kasteelen  der  baanderheeren  van  Rode,  van  Notax  en  andere 
werden  in  deze  verwoesling  ten  grootslen  deele  vernietigd. 

Hansbeke.  De  troepen  van  den  markies  de  Créquy  plunderen 
hct  dorp  en  de  omstreken  ten  jare  4  668.  De  ondergang  is  volle- 
digd  door  allerlei  krijgscontributiën. 

Landegem  ondergaat  een  dergelijk  lot. 

Afeigem.  De  Fransche  soldaten  beroovcn  al  de  boerenhoven  en 
voeren  ailes  mee. 


(  307) 

Vosselare.  Den  18  Auguslus  1G84  kwamen  0,000  Fransclic 
riiilers  zich  alhier  en  in  de  omstreken  nederslaan,  om  de  ingeze- 
tcnen,  die  met  het  opbrengen  hunner  belastingen  verachlerd 
waren ,  tôt  betaiing  te  dwingcn.  De  vijand,  onder  bevel  van  den 
markies  de  la  Tronche,  vernielde  gebeel  den  oogst  en  veroor- 
zaakle  onder  de  ingezetenen  eenen  zoo  grooten  sclirik,  dat  zij  met 
menbelen  en  vee  naar  de  stad  Gent  vbiebtten  en  er  op  zolders  en 
stalien  \erbleven,  totdat  de  Franschen  waren  afgetrokken.  In 
1688  werd  de  kerk  lot  tweemaal  toe  en  in  1691  en  1696  door 
de  troepen  van  Villeroy,  die  toen  zijn  kamp  in  de  omstreken  van 
Deinze  had,  uitgeplunderd. 

Bachte-Maria-Leerne.  Door  de  Franschen  in  1696  schier  totaal 
uitgeplunderd. 

St.-Martens- Leerne.  Dit  dorp  was  in  1676  zoodanig  uil- 
gebuit  dat  het  geene  hoegenaamde  belastingen  meer  kon  opbren- 
gen. In  1697  zat  de  burgenieester  reeds  sedert  verscheidene 
jaren,  als  gijzelaar,  in  het  gevang,  en  waren  de  voornaamste 
ingezetenen  of  in  de  uiterste  armoede  gedompeld,  of  op  de 
vlucht. 

Lovendegem.  De  Franschen  roo\ en  hier  gedurende  verscheidene 
jaren  en  leveren  in  1691  de  kerk  aan  plundering  en  verwoesting 
over. 

Mendonk.  In  dezegemeente  en  daaromtrentworden  400huizen 
de  prooi  der  vlammen  (1675).  Het  jaar  nadien  versiaan  de  Fran- 
schen de  Hollanders  bij  de  Vaart  van  Terneuzen  en  steken  op- 
nieuw  2,000  liuizen  in  brand  in  de  richting  van  Mendonk,  Zaffelare 
enSinaai. 

Desteldonk.  Dorp  en  kerk  worden  den  28  Septembcr  1677 
volkomen  vernield.  De  Franschen  laten  hier  slechts  vier  huizen 
recht  staan. 

Moerbeke.  441  huizen  worden  in  1670  in  assche  gelegd. 

Oostakker.  Gansch  het  dorp  is  verwoest,  de  kerk  geplunderd 
en  gebroken  door  de  Franschen,  die  ze  doen  dienen  tôt  staliing 
voor  hunne  ruiterij. 

Wachtebeke.  Het  grootste  gedeelte  door  brand  vernield  na  den 
doortocht  der  Franschen   te  Terdonk,  in  1676,  De  brandstich- 


(  308  ) 

tingcn  volgden  elkaar  op  van  Terdonk  tôt  aan  Zaffelare,  zoodat 
er  nieer  dan  2,000  huizen  en  hofsteden  werden  verdelgd. 

Winkel  onderstond  hetzelfde  lot  op  hetzelfde  tijdstip.  De  pas- 
lorij  behoort  tôt  de  afgebrande  huizen. 

Aalter.  Onder  de  oorlogen  van  Lodewijk  XIV  worden  talrijke 
pachthoven  en  schuren  in  brand  gestoken.  De  geraeente  verliest 
de  helft  harer  bevolking. 

Zomergem.  Tijdens  dcn  Erfenisoorlog  vernieien  de  Franschen 
door  het  vuur  gansch  het  deel  der  gemeente,dat  zich  ten  noorden 
der  Vaîirt  van  Brugge  uitstrekt,  en  dit  uit  wraak  oradat  de  bevol- 
king zich  met  de  betaling  der  krijgscontributiën  niet  had  ge- 
spoed. 

3Ialdegem.  In  December  1G85  aan  de  vlammen  overgeleverd, 
onmiddcllijk  na  de  schier  volkomcne  vernietiging  van  Zomergen 
en  Waarschoot. 

Waarschoot.  De  vijand  komt  de  weeriooze  bevolking  over- 
vallen  en  schier  al  de  huizen  der  dorpsplaals  aan  de  vlammen 
overleveren.Eene  aanleekening  van  den  evenlijdigen  pastoor  van 
Waarschoot  verzekert  dat  er  vari  aan  de  kerk,  tôt  een  kvvart  uurs 
in  't  ronde,  geen  enkel  huis  gespaard  was  gebleven,  ter  uitzon- 
dering  van  een  a  geneverhuis,  waerin  de  soldaeten  met  dranck 
ghepaeit  werden.  » 

Knesselure.  Hier  verbrandden  de  Franschen  huizen  en  schu- 
ren tôt  beloop  eener  waarde  van  5,481  pond,  terwijl  de  leve- 
ringen  van  graan,  vee  en  voeder  niet  min  dan  5,026  pond 
bedroegen.  Op  min  dan  twee  jaren  werd  er  door  de  gemeenten 
Knesselare,  Oostwinkel,  Waarschoot,  Sleidinge  en  Evergem  in 
dien  hachelijken  tijd  53:2,223  pond  betaald  *. 

*  «  Frais,  despends  et  desgats  souffert  par  le  Vieuxbourg  de  Gand. 
Frais  et  pertes  des  villages,  couverts  des  rivières  : 

Par  l'incendie  aux  villages  d'Oostwincle,  Knesselaer,  Waerschoot,  Sleydinghe, 

Everghcm  et  autres,  au  mois  de  Décembre  4683 310,623 

Payé  pour  leur  accord  à  la  France 90,000 

A   REPORTER.     .     .     .       400,623 


(  509  ) 

Oostivinkel.  Ook  dit  dorp  word  door  de  Franschen  omirent 
4684  geplunderd  en  in  brand  gestoken. 

Ziedaar  het  lot  van  siechts  een  klein  getal  dorpen;  kenden  wij 
dat  der  overige  gemeenten  uit  die  dagen,  hoeveel  verschrikkelijker 
zou  het  tafereel  der  verwocsting  en  ellende  zijn  !  Alom ,  waar  de 
Franschen  verschenen,  deden  zij ,  gelijk  het  volk  zoo  schilder- 
achtig  zegt,  «  den  rooden  haan  kraaien  »,  en  hieven  zij  hetjuich- 
lied  der  victorie  aan  in  't  schijnsel  van  eenen  ontzaglijken  vuur- 
gloed. 

Was  er  ergens  een  winterkwartier  zonder  strijd  ?  Ailes,  wat  de 
boer  voor  zijn  huisgezin  had  gespaard  :  't  beste  linnen,  de  hoen- 
ders,  eieren  en  boter,  't  vleesch  in  de  kuip,  het  geld  in  de  kas , 
bestemd  voor  den  hofheer,  voor  den  koning  of  voor  den  oiiden 
dag,  ailes  werd  opgeëischt,  opgespoord,  gestolen,  en  de  ongeluk- 
kige  boer  was  verplicht  de  barbaren  te  onderhouden,  die  hem 
lot  arraoede  brachten  en  soms  voor  een  woord  van  ongeduld, 

Report.  .  .  .  400,623 
Logements,  passages  et  repassages  des  troupes  de  Sa  Maj'^  au  mesine 

quartier 7o,600 

Levé  à  crédit  pour  payer  le  subside  courant   .    .    .    .    • 44,000 

Payé,  par  exécution  militaire  selon  l'ordre  de  monsieur  l'Intendant  sur 

le  mesme  subside 12,000 

532,223 

Frais  du  quartier,  qui  est  hors  de  l'accord. 

Pour  le  fourrage  au  camp  d'Harlebecq  au  mois  d'Octobre  1683,  livraison 

des  vaches,  chariots,  campemeus  et  pillages  jusques  au  mois  d'avril  1684.  244,987 

Payé  pour  contribution  et  représailles  en  argent dol,000 

Courses  des  gens  de  guerre  pour  le  moins 50,000 

445,987 
Autres  prétentions  de  la  France  à  la  charge  dudicl  quartier. 

La  France  prétend  encor  pour  la  seconde  contribution 86,270 

Les  quinze  mandemens  des  représailles  portent  .  \ 550,542 

636,812 


Total 1,615,022 

[Papieren  van  deu  Ouden-Burcht  in  't  Rijksarchief  te  Cent.) 


{  310  ) 

ceneri  blik  van  veracliling  of  eenen  verkeerd  bcgrepen  wenk  mis- 
handelden,  uit  zijn  huis  jaagden  of  doodsloegen. 

In  vollcn  vrede,  naraelijk  gedurende  de  jaren  1680  en  1081, 
zocht  Lodewijk  XIV  het  Spaansch  gouvernement  zijne  overweldi- 
gingen  te  doen  erkennen,  en  zond  met  dit  doel  eene  sterke  ruiterij 
over  de  Belgische  grens,  met  bevel  iederen  aanval,  tegen  haar 
gericlît,  af  te  slaan,  en  in  afwachting  breed  te  leven  op  kosten 
van  den  boer.  Eenige  maanden  nadien,  in  Augustus  1682,  komen 
35,000  man  in  ons  land  met  de  bedreiging,  dat  bij  het  eerste  vuur, 
uit  weerwraak  ontstoken  op  Fransch  grondgcbied,  de  raaar- 
schalk  d'Humières  vijftig  dorpen  rondom  Brussel  lietzelfde  lot 
zou  hcbben  doen  ondergaan.  Vlaanderen  werd  eene  belasting 
opgelegd  van  5  millioen  gulden. 

Lodewijk  XIV  had  niet  alleen  de  overmacht  der  wapenen  te 
zijnen  dienste  tôt  uitvoering  zijner  veroveringsplannen,  nog  een 
ander  middel  beval  hij  te  gebruiken,  dat  hij  meende  evenzeer  te 
zullen  baten:  hij  wilde,  namelijk,  gehecl  België  prijs  geven  aan  de 
verwoesting,  en  wel  zoodanig,  dat  het  voor  langen  tijd  niets  zou 
kunnen  opbrengen  aan  den  Spaanschen  landvoogd,  hetgeen,  vol- 
gens  't  woord  van  Louvois,  «  ne  se  peut  faire  qu'en  y  faisant  beau- 
coup de  désordres.  »  Wij  zagen  reeds  hoe  't  inzicht  van  den 
harteloozen  Franschman  bij  voorbaat  was  gediend  geweest,  en 
Louvois  zou  voor  't  vervolg  eene  volkomene  vokloening  erlangen. 
Uit  eene  oorkonde  van  1081  zien  wij,  «  que  ces  pauvres  paysans 
furent  persécutés  jusques  au  fond  des  plus  grandes  forêts  et  déserts 
de  l'Ardenne  pour  leur  quitter  la  dernière  bouchée  de  pain  ;  il  y 
eut  des  paysans  bâtonncs  depuis  la  tête  jusqu'aux  pieds,  jusqu'à 
leur  arracher  la  barbe,  les  pendre  h  la  cheminée,  leur  brûler  les 
plantes  des  pieds.  » 

De  armoede  van  den  buiten  was  zoo  groot,  dat  volgens  een 
schiijvcn  van  den  prins  van  Chimay,  gouverneur  der  provincie, 
gedurende  negen  maanden  geen  enkele  zak  koorn  in  de  stad 
Luxemburg  was  binnengekomen  '.  En  toen  deSpaansche  troepen 

*  Zie,  voor  nieer  hijzonflerheden,  den  bedoeldeu  brief,  gedruklin  de  Bul- 
letins de  la  Commission  roxjale  d'histoire,  ô"  série,  X,  361-370. 


(  3H  ) 

die  eerlooslieden  hadden  beantwoord  door  op  Franschcn  bodem 
krijgsschattingen  te  gaan  lichten,  verbood  Lodewijk  XIV  zijnon 
onderdanen  de  geëischtegeldsommen  te  betalcn,  op  straffe  van  de 
galei,  en  beval  hij  vooreerst  vijftig  ,  vervolgens  honderd  dorpcn 
ingloed  te  stellen  voor  ieder,  dat  door  de  Spanjaards  zou  in  brand 
zijn  gelegd. 

Nog  in  1681  werd  de  kastelnij  van  Kortrijk  op  liare  beurt 
verwoest  en  uitgeplunderd ,  omdat  de  Spanjaards  weerstand 
boden  in  Luxemburg.  Twee  jaren  nadien  onderstonden  geheel  de 
streek  ten  noorden  der  Brugsche  Vaart  en  de  dorpen  van  het 
Brugscb  kwarticrde  ijselijkheden  van  den  verdelgingskrijg  Hon- 
derden  boeren  werden  gevangen  genomen  en  op  onmensche- 
lijke  wijze  mishandeld  ;  kortom,  de  Franschen  verdienden  maar  al 
te  vvel  den  naani  van  «  Christene  Turken,  »  gelijk  de  Vlamingen 
van  dien  tijd  hen  noemden. 

Een  nieuw  middel  om  het  land  te  rantsoeneeren  was  door  den 
gouverneur  van  Maubcuge  uitgevonden.  Deze  had,  namelijk,  de 
dorpen  wisselbrieven  doen  onderteekenen  en  gijzelaars  gevraagd 
totdat  de  afgeperste  verplichtingen  waren  voldaan.  Louvois 
schrijft  een  woord  van  lof  aan  den  gouverneur,  maar  daar  de 
betaling,  uit  hoofde  der  uiterste  armoede,  niet  spoedig  genoeg 
naar  den  zin  des  vijands  gedaanwerd,  schreef  hij  hem  :  «Sa 
Majesté  trouvera  bon  que  vous  envoyiez  encore  enlever  d'autres 
pour  faire  compagnie  aux  précédents  otages.  » 

Een  Fransche  schrijver,  Rousset,  wien  wij  enkele  dezer  bijzon- 
derheden  onleenen,  voegt  er  bij  dat,  indien  de  buitengewone  hulp- 
middelen  langs  de  kanten  van  den  Rijn  dag  aan  dag  voor  het  Fran- 
scheleger  verminderden,  de  bron  vloeienbleef  uitVlaanderen,met 
den  overvioed  van  eenen  stroom.  De  markies  van  Boufflers,  een  der 
veldheeren  in  dit  gewest,  was  onverraoeilijk.  Er  was  geene  week, 
of  de  eene  of  de  andere  landstreek  werd  door  hem  verwoest  of 
geplunderd  ;  't  waren  geene  verkenningen  meer  van  enkele  benden, 
geheele  legerkorpsen  rukten  vooruit,  gereed  om  slag  le  leveren. 
De  Gazette  de  France  kondigde  den  Parijzenaars  aan  dat  de  markies 
van  Boufflers  met  13,000  voetknechten,  6,000  paarden  en  lOstuk- 
ken  geschut  uit  IJper  was  vertrokken;  dat  hij  't  klein  fort  van 


(  312  j 

Plasschendalc  ingenomen  en  vernield  had,  de  Brugsche  Vaart  was 
0 verges tok en,  eene  der  Gentsche  voorsteden  in  assche  gelegd  en 
gansch  het  rijke  Land  van  Waas  op  schatting  gesteld  had.  Die 
uittocht  alleeii  bracht  als  buitengewone  hulpmiddelen  de  som  op 
van  i  raillioen  800,000  pond. 

De  andere  gewesten  van  België  bleven  niet  verschoond.  Van 
1672  tôt  l()77  waren  de  Liinburgsche  boeren  aan  de  beiirt  om  de 
weeën  des  oorlogs  te  onderstaan.  Franschen,  Hollanders,  Span- 
jaards  en  Duitscliers  schcnen  le  wedijveren  in  hetwerk  van  ver- 
woesting  en  mensc.henmarteling. 

Brabant  leed  niet  minder.Zonder  ons  ook  voor  dit  gewest  bezig 
te  houden  met  de  overweldigde  en  op  schatting  geslelde  steden, 
zallen  wij  ons  bepalen  bij  de  vermelding  van  eenige  dorpen,  die 
in  't  laatste  vierde  der  XVII^eeuw  te  lijden  hadden.  Zelhk  onder- 
stond  in  de  maand  Juni  j  673,  bij  den  doortocht  des  Franschen 
légers,  eene  schade  van  11,135  gulden,  terwijl  de  troepen  der 
verbondcne  mogendheden  er  in  1675  en  1676  nogmaals  al  de 
hulpmiddelen  der  bevolkingte  niet  deden  en  het  dorp  van  1691 
lot  1697  bestendig  werd  gefourrageerd.  Den  18  Januari  1684 
werd  door  de  Frnnschen  de  belangrijke  gemeenle  Assche  aan  de 
vlammen  overgeleverd  :  van  80  huizen  bleven  nog  slechts  de 
muren  en  grondvesten  over  en  het  meeste  deel  der  ingezetenen 
was  op  de  vlucht  gegaan. 

Leeuw  en  andere  Brabantsche  dorpen  ondergingen  de  verwoes- 
ling  in  168i,  en  't  is  nog  een  spreekwoord  in  Leeuw,  dal  de 
boeren  nlsdan  van  de  zeven  oogsten  ervier  door  de  troepen 
ontnomen  werden.  Den  25  September  1689  werden  Knpelle-ten- 
Bossche,  Humbeek,  Wolverthem,  Steenhuffel,  Hamme,  Maxen- 
zeel,  Meldert,  Baardegem,  Hekelgem  en  Esschene  door  eene 
bende  van  10,000  Fransche  ruiters  in  asch  gelegd,  en  twee  jaren 
nadien,  den  7  Juli  1691  hadden  dezelfde  droevige  gebeurtenis- 
sen  plaats  te  Esschene,  Hekelgem,  Meldert,  iMaxenzeel,  Molhem, 
Kobbegem,  Bijgaarden  en  Brussegem.  Assche  werd  eene  iweede 
niaal  verbrand,  le  weten  in  den  nacht  van  13  lot  14  September 
deszelfden  jaars,  door  de  krijgslieden  van  den  maarschalk  van 
Luxemburg;    52    huizen    geraaklen   in   deze    verwoesting   len 


(  313  ) 

gronde,  tepwijl  verscheidcne  ingezetenen  als  gijzelaars  werden 
weggevocrd  '. 

Limbnrg  en  Vlaanderen  werden  omirent  dien  tijd  andermaal 
zvvaar  geteisterd.  Het  dorp  Berg,  bij  Tongercn  ,  werd  aan  plun- 
dering,  de  kerk  aan  verwoesting  prijs  gegeven  ;  al  de  oogsten,  de 
hoornbeesten  en  sehapen,  ter  uitzondering  van  een  vijftiglal, 
trokken  de  soldaten  met  zich  mede;  in  't  kort ,  de  boeren  waren 
zoozeer  van  ailes  ontbloot,  dnt  de  pastoor  Jan  van  den  Boscb 
hun  kwijtschelding  geven  moest  der  pachtgelden,  aan  de  kerk  voor 
dejaren  1693  en  1694  verschuldigd. 

En  in  Vlaanderen— daar  werden  al  degruwclen  van  twintig  jaren 
te  voren  herbegonnen!  De  meeste  dorpen  van  dit  gewest  moesten 
de  Fransche  légers  onopboudelijk  van  al  hunne  behoeften,  de  olïi- 
cieren  van  ailes  wat  de  gril  en  de  begeerlijkheid  lien  ingaven, 
voorzien.  De  kasteelen  en  boerenhuizen  werden  geplunderd  en  in 
brand  gestoken;  de  oogsten  op  den  akker  platgelrappeld  en  de 
schuren  geledigd  ;  de  arme  landslieden,  als  gijzelaars,  weggevoerd, 
raishandeld  of  doodgeschoten  ;  meisjes  en  vroiiwen  onteerd  en 
op  gruwelijke  wijze  vermoord... 

Voorai  de  geraeenten  der  kastelnijen  van  Kortrijk  en  Oiide- 
naarde  hadden  droeve  dagen  te  beleven!  In  1695,  o.  a.,  zien  wij 
hen  den  bisschop  van  Doornik  verzoeken  om  bij  den  Franschen 
koningbescherming  te  vragen  tegen  de  soldaten,  voorai  der  ko- 
ninklijke  lijfwacht,  die  gedurende  dezen  veldtocht  de  meeste  pas- 
torijen  badden  uifgeroofd,  benevens  een  aantal  kerken ,  gelijk 
degene  van  Harelbeke,  Helkijn  en  Moen.  De  pen  weigert  de  gru- 
welen  te  besehrijven,  door  de  soldaten  van  Lodewijk  XIV  in  ons 
vaderland  gepleegd...  De  naam  van  Franscbman  was  bier  dan 
ook  in  de  tweede  helft  der  XVII^  eeuw  zoo  diep  verafschuwd  en 
gehaat,  dat  bij  iedereen  in  de  ooren  klonk  als  een  vloek.  Met 
opgehevene  banden  bad  bet  volk  in  kerk  en  kapel  om  tocb  van 
dien  zwaren  geesel  verlost  te  raogen  woRden ,  gelijk  het  voorge- 
slacbt  der  X®  eeuw  de  bevrijding  van  de  Noordsche  barbaren  bad 
afgesraeekt. 

*  Zie  de  Histoire  des  environs  de  Bruxelles  ,  door  A.  Wauters,  III.  in  de 
beschrijving  der  aangehaalde  dorpen. 


(  314) 

In  't  Land  van  Dendermonde  was  't  nict  beter  gesteld  :  de  op- 
soraming  der  contributiën,  logementskosten,  levering  van  graan 
en  voeder,  den  genieenten  dier  streek  opgelegd  van  1689  tôt  1  Fc- 
bruari  IG94  bereikt  het  ontzaglijke  cijfer  van  2  milliocn  64,502 
gulden.  De  gebeele  schade,  door  de  Franschen  en  de  troepen  der 
verbondenen  gedurende  hetzelfde  tijdslip  in  bet  grooste  gedeelte 
van  Vlaanderen  aangericbt,  bedroeg  niet  mirider  dan  27  millioen 
251,546  gulden....  Van  28  Februari  1694  tôt  bet  einde  des  jaars 
1695  werd  dezelfde  landstreek  andermaal  door  deoorlogvoerende 
partijen  verwoest,  geplunderd  en  uilgebuit.  De  alleen  door 
de  verbondenen  toegebrachte  scbade  beliep  :  in  't  Land  van  Aalst 
lot  4  miboen  185,711  gl;  in  't  Land  van  Waas  tôt  578,254  gl.;  in 
dat  van  Dendermonde  tôt  829,645;  in  't  ambacbt  van  Assenede 
tôt  154,747  gk;  in  de  kastelnij  van  Oudenaarde  tôt  1  millioen 
440,161  fr.  ;  voor  de  stad  Ninove  en  omliggende  dorpen  tôt 
166,585  gl.  Eindelijk  betaalde  het  Land  van  Waas  sedert  21  April 
1689  tôt  1694,  als  krijgscontributie,  de  som  van  144,458  gl.  *. 

Zoo  was,  gedurende  bet  grootste  gedeelte  der  XVII«  eeuw,  België 
cen  slagveld,  waar  bet  afgematte  Spanje  zijne  laatste  kracht  ver- 
spilde  en  bet  nooit  verzadigde  Frankrijk  eene  reuzenmacht  ont- 
plooide  om  ons  vaderland,  brok  voor  brok,  onder  zijn  gebied  le 
krijgen.  Van  de  Maas  tôt  den  User,  van  de  Ourtbe  tôt  de  Scbelde 
was  bet  land  verwoest  en  uitgeput  en  snakten  de  bewoners,  le 
vergeefs!  naar  een  weinig  verademing,  vrede  en  vrijheid. 

Het  klaaggescbrei  van  duizend  uitgebrande  dorpen  mocbt  nog 
niet  opbouden:  de  Erfenisoorlog  begon  met  deXVIlP  eeuw,  dit  is 
te  zeggen  :  nieuwe  verdelging,  nieuwe  afpersingen  ,  nieuwe  mis- 
handelingen.  Eene  oorkonde  zal  voldoende  zijn  om  den  lezer  te 
laten  oordeelen  over  de  ontzetlende  rampen,  welke  deze  nieuwe 
krijg  over  ons  ongelukkig  vaderland  Irok.  Ditmaal  is  't  geene  be- 
scbuldiging  tegen  vijandiijke  benden,  maar  eene  biltere  klacbt  van 
den  landzaat  over  de  hemeltergende  geweldenarijen,  door  Oosten- 
rijksche  bulptroepen  op  onze  boeren  gepleegd.  Ziehier  dit  stuk: 

*  Rijksarchief  te  Brussel,  Reg^e^s  n»*  1284,  1285  en  1286  der  Reken- 
kamer. 


515  ) 


a  Alderglienadichste  Heer. 

»  Dat  onophoudelyck  en  voortbrekende  lantverderf,  jammer, 
ellende,angst  ende  noot  dat  van  de  rampsalige  Cosacken  en  ander 
Uwer  Majesleyts  volck  met  rooven,  moorden,  j)lunderen,  branden, 
nederhouwen  ende  andere  barbarische  grouwelcngepleecht  wort, 
veroorsaect  ons  van  wegen  onse  principalen  ende  het  gansche 
lant,  onse  toeviucht,  naest  Godt,  nocb  eens  tôt  Uwe  iMajesteyt  te 
nemen  ende  onse  voorige  overgegeven  klachte  weder  over  te 
geven,  ende  om  alderghenadighste  bescherraing  onderdanighlyk 
te  versoecken. 

»  Want  of  wel  Uwe  Majesteyt  menighraael  is  geclaeght  hoe 
het  lant  in  't  gemeen  verdorven,  heeren  ende  lantluyden  geplun- 
dert,  de  huysluyden  ten  deele  verslaghen,  van  huys  en  hofver- 
jaeght,  de  wyngaert  en  't  gewas  vertreden,  de  neeringh  den 
arnien  man  onltrokken,  deugd,  tucht,  eerbaerheyd,  politie,  reeht 
en  gerechtigheid  ende  menighvuldige  zonde,  schande  ende  lasten 
van  de  soldaten  bedreven  worden  ende  Uwe  Majesteyt  ons  die 
ghenadighste  vertroostinghe  ghedaen  heeft  sulcx  met  allen  ernst 
te  willen  beletten  end  daerover  aen  de  veltoversten  bevel  gegeven 
beeft,  soo  moelen  wy  doch,  nyt  grooten  noot,  Uwe  Majesteyt  oot- 
moedighlyk  ende  met  weenen,  claghen  dat  soodanighe  insolenlien 
niet  alleen  op  en  houden ,  maer  daghelyks  hoe  langher  hoe  meer 
wassen  en  toenemen,  ja  zulke  barbarisehe,  onehristelycke  en 
onmenschelycke  grouwelen  begaen  worden,  dat  wy  schricken  als 
wy  daer  aen  ghedencken ,  ende  ons  byna  ontzien  Uwe  Majesteyt 
te  openbaren. 

»  Maer  dewyl  die  onghereghelde  soldaten  dierghelyeke  onghe- 
hoorde,  schrickelycke  daden  te  pleghen  haer  niet  ontsien,  maer 
daerin  voorl  varen,  ende  wy  daer  beneffens  vernemen  dat  sooda- 
nighe clachte  Uwe  Majesteyt  van  andere  oock  verthoont  sal 
worden,  soo  ist  dat  wy,  ghenoechsaem  yande  saecke  versekert 
synde,  met  goede  conscientie  niet  en  konnen  stilswyghen,  dewyl 
ons  die  ellende  ende  smerten  ten  hooghsten  bedroeft  en  wy  ons 
seer  geerne  geholpen  sagen  ,  soo  verhopen  wy  dat  Uwe  Majesteyt 
ons  niet  ten  qiiaden  sal  afneraen  dat  wy  Uwe  Majesteyt  in  eeni- 


(316) 

ghen  manicren  verhael  doen  van  de  grouwelen,  daermedc  uwc 
onderdaenen  geplaeght  worden ,  alleenlyck  tôt  dien  eynde  opdat 
Uwe  Majesteyt  aïs  een  christelyck  potentaet  en  een  sachtmoedigh 
hecr  des  hiiysOostenrycs  des  te  meer  tôt  bequame  remedien  ende 
voorcominglie  van  sodaenich  quaet  beweecht  mag  worden, 

»  Ghelyck  als  nu  de  Waloenen  en  andere  vreeinde  soldaten  dat 
rooven  en  pliinderen,  moorden  en  branden  gaiit>  ghcnioen  ,  ja, 
maerals  een  beghinsel  van  haer  volghende  quaet  begonnen  heb- 
ben,  alsoo  heeft  geen  daet  soo  schrickelyck  noch  onmenscbelyck 
nict  connen  wesen,  tweick  sy  niet  en  hebben  met  aile  moetwil, 
bloeddorstigh  bedpeven,want  gheheele  dorpen,  vlecken  en  steden 
bebben  sy  in  brandt  gesteken,  der  heeren  en  huysluyden  sloten 
en  huysen  ingbenornen,verdorven  en  gheplundert,de  provianden 
niet  alleen  van  bare  buysen  gbenomen,  rnaer  oock  de  arme  onder- 
danen,die  sy  tôt  arbeyden  en  scbantsen  ghehuert  badden,  gbeen 
stuck  broot  gbegbeven,  maer  van  bouger  slerven  laten,  mannen 
en  vrou-persooneUj  naer  sebrickelycke  schendingen,  weghghe- 
voert,  de  hiyden,  jongh  en  out,  vrou  en  man,  op  allerley  onge- 
boorde  wyse  gemartert,  met  coorden  ghebonden,  met  maten 
gheperst,  met  tangben  het  vleescb  van  't  lyf  geruct,  in  't  aensiebt, 
scbeenen  en  kniën  gbeboort,  aen  balscn,  banden  en  voeten  opgbe- 
banghen,  oude  en  jonge,  van  boogeu  en  legen  staet,  geestlycke 
ende  werelllycke  persoonen,  sonder  onderscbeyt,  overvvcldigt  en 
veel  duysent  onscbuldige  scbrickelyck  vermoort,  sommige  in  bare 
kasteelen  jammerlyck  omgebracbt,  sommigbe  met  bare  vrouwen 
en  kinderen  tôt  op  het  bemde  uytgetrocken.  't  Volck  in  tvelt  gbe- 
vlucbt  synde,  beeft  daer  nict  connen  seker  zyn,  maer  syn  van  de 
soldaten  besprongben  ende  jammerlyck  verslagben,  ende  wat  van 
soodanigbe  ongbeboorde,  onmenscbelycke  bandebngben,  grou- 
welen en  daden  meer  syn,  die  wy  liever  voor  Uwe  Majesteyt 
verberghen,  sooveel  wy  doen  moeblen,  als  wytioopicb  verbalen. 

»  Dcwyl  wy  dan  weten  dat  Uwe  Majesteyt  aen  dese  sebricke- 
lycke wercken  geen  gevallen  beeft,  maer  veel  meer,  gelyc  aile 
christen,  daerover  schricken  en  sicb  bcdroeven,ende  te  besorgben 
staet  indien  Uwe  Majesteyt  niet  eerstdaeghs  ende  gbenadicblyck 
op  ons  versoeck  goede  antwoordt  gbeeft,  ende  ordre  stelt,  dese 


(  317  ) 

grouwelon  geen  eynde  sullen  iiemen,  inacr  liet  gansche  landt  toi 
(len  gronde  verderven,  heercn  ende  oiiderdaiicii  in  de  nylterste 
ellende  tôt  Uwe  Majesteyt  en  des  gansschen  loffelycken  liuys  Oos- 
tenrycs  achtcrdcel  ende  onverwinnelycke  sehadc  geslelt  vverden, 
bidden  derhalve  Uwe  iMajebteyt  oni  de  barmherticheyt  Godtsende 
dierbare  wonden  Onses  Heeren  Jesu  Christi,  met  aile  ootnioedic- 
heyt  ende  eerbiedinghe,  naer  aengheborne  beroenideOostenryck- 
sebe  ende  keyserlycke  niildigbeydt,  desen  noot,  ellende  en  jamnier 
dyner  getrouwe  onderdanen  ende  inwoonderen  aldergbenadig- 
Jykst  te  erbai  inen,  soo  sal  Uwe  Majesteyt  bierdoor  bare  voorhcb- 
bende  lusL  lot  vrede  ende  welstandt  selfs  bevorderen ,  syn  vol- 
cornen  gbenoeghen  ende  eeuwighen  lof  by  de  nacommelingben 
beeomen,  ende  de  gbetrouwe  onderdanen  sullen  baer  met  beboor- 
lycke  trou  en  gbeboorsaembeyt  vvcderom  bevlytigben  *.  » 

De  Erfenisoorlog  duurde  lot  in  1715  en  was,  bijzondeilijk  voor 
Brabant  en  VIaanderen,rampspoedig.  Eene  opgave  der  «  oncoslen 
en  scbaeden,  «  door  de  Franscbe  légers  aan  de  dorpen  omstreeks 
Gent  veroorzaakt,  en  len  jare  1708  opgemaakl,  geeft  het  cijfer  op 
van  05,54:2  gl.  voor  levering  van  wagens,  paarden,  bout,  «  sauve- 
gardes »  enz.,  onverniinderd  eene  som  van  2  niillioen  514,:2()1  gl. 
il  st.  aan  fourrageering,  plunderingen,  braak  van  buizen  en 
vernieling  van  boutgewas,  lervvijl,  lijdens  betbelcg  van  genoemde 
stad  in  gemeld  jaar,  in  de  gemeenten  Oostakker,  Drongen,  Loo- 
ehrisli,  ZalTelare,  Mendonk,  Heusden,  Destelbergen  en  Zeveneeken 
door  de  troej)en  der  verbondenen  eene  scbade  van  53o,(]21  gl, 
werd  aangericbl  2. 

De  inval  der  Franscben  in  België  ten  jare  1744,gedurende  den 
oorlog,  dien  Maria-Tberesia  tegen  Pruisen,  Beieren  en  Frankrijk 
bad  vol  le  bouden,  berokkende  onzey  provineiën  alweer  ontzag- 
lijke  nadeelen.  Om  maar  enkele  feiten  aan  te  balen  zullen  wij 
zeggen,  dat  op  't  einde  van  Scptember  1746  de  maarscbalk  van 
Saksen  «  het  gcheel  landt  van  Luyck  tôt  op  de  frontieren  van  die 


*  Vlugschrift  van  dieu  lijd.  —  Bibliolheek  der  stad  Gent. 
2  De  Potter  en  Broeckaert,  Geschiedenis  van  de  gemeenten  derprovincie 
Oost-Vlaanderen. 


(  518  ) 

Luyxe  Kempe  »  al  het  baver  en  liooi,  dat  op  het  platle  land  en  in 
de  stadsmagazijnen  le  vinden  was,  «  in  abundantie  moesten  bij- 
brengen,  »  en  de  vrachten  waren  zoo  groot  en  talrijk  «  met  tros- 
sen  van  allerleye  graeii ,  sonder  exeeptie,  so  somergoet  als  win- 
tervriichten,  »  dat,  zcgt  de  aanteekenaar  op  bet  Register  van 
Sint-Jacobs  gasthuys  hinnen  Tongeren,  uit  betwelk  wij  deze 
bijzonderheden  overscbrijven ,  «  men  met  rechl  soude  connen 
seggen  bebben  : 

«  Soo  menigh  perdt  met  syne  Irosse 

Soo  meenige  wandelende  nieyte  van  graan.  *  » 

De  biiit  moet  inderdaad  ontzaglijk  geweest  zijn,  want  de  locht 
geschiedde  in  drie  Icgerkorpsen  met  meer  dan  40,000  paarden  en 
eene  macht  van  wagens  en  karren.  De  dorpen  Berg,  's-Heeren- 
Elderen  en  degene  langs  de  Tricbterbaan  werden  vooral  van  hun- 
nen  voedervoorraad  beroofd.  De  volgende  dagen  gescbiedde  bet- 
zelfde  in  de  licbling  van  Hasselt,  St.-Truiden,  Diest ,  Maastricbt, 
Bree  enz.,  en  wanneer  uit  Limburg  niets  meer  op  te  balen  was, 
dan  baaiden  de  Fransehen  hun  baver,  booi,  meel  enz.  uit 
Brabant  en  Vlaanderen. 

Aleer  deze  scbets  van  de  opeenvolgende  ooriogen  le  sluiten, 
zullen  wij  er  bijvoegen  dat  de  Belgiscbe  ]andbouw  nog  meer  dan 
door  stoffebjke  verwoesting  werd  gebinderd.  Niet  alieen  eisebte 
LodewijkXIV  den  scbat  onzer  openbare  kassenen  onzer  scburen, 
maar  ook  manscbappen  om  onder  zijne  vlag  te  dienen,  en  was 
daardoor  onze  eigene  regeering  genoodzaakt  tôt  hetzelfde  niiddel 
toevlucbt  le  nemen  2.  Alzoo  werden  in  de  XVIl^  en  XVIII^  eeuw 


1  De  aanteekenaar  is  Ant.-Gregory  de  Harzé;  'l  handschrifl  berust  in  'l  ar- 
chief  van  het  burgeiiijk  hospitaal  der  genoemde  slad. 

2  Onder  de  stukken  met  betrekking  toi  de  mililie,  welke  ons  in  de  hand 
gekomen  zijn,  is  eeu  uiltreksel  uil  de  rekening  der  stad  Aalst,  over  het 
ja;îr  1701  :  Hel  luidt  : 

«  Item  betaelt  aen  burghmeesler  eude  schepenen  den  ontfangher  pension- 
naris  ende  twee  greffiers,  tsamen  in  ghelalle  van  derthiene,  ieder  de  somme 
van  dry  guldens,  over  de  revue  by  hun  gedaen  tôt  het  opnemen  van  aile  de 
jongmans  dcser  stede,  omme  inghevoighe  van  Syne  M»"  ordre  ende  placcale 


(  519  ) 

duizenden  en  duizenden  jongelingen  onttrokken  aan  den  rustigen 
vcldaibcid,ingelijrd  bij  de  légers,  vanwaar  de  meesten  nietterug- 
keerden ,  of ,  indien  zij  die  kans  hadden,  het  akker-en  buiten- 
leven  gansch  ontwend  waren  en  't  getal  behoeftigen  in  de  steden 
gingen  vermeerderen.  Het  gcbrek  aan  veldarbeidcrs  werd  dan  op 
den  buiten  grooter  dan  ooit. 

Van  1748,  toen  de  vrede  van  Aken  werd  geslolen,  toi  1789, 
vooral  gedurende  de  regeering  der  volksgeliefde  keizerin  Maria- 
Theresia,  genoot  het  vaderland  rust  en  voorspoed.  Het  openbaar 
welzijn  groeide  merkelijk  aan,  wat  bewezen  wordt  door  de  ver- 
meerdering  van  bevolking,  de  iiitbreiding  der  gemeenschapswe- 
gen  en  van  's  lands  inkomsten,  alsmede  door  den  overvloed  der 
kapitalen  '.  Minder  voorspoedig  ging  het  onder  de  regeering  van 
Maria-Theresia's  opvolger.  In  strijd  met  den  geest,  het  karakter, 
de  traditiën  en  neigingen  des  lands  voerde  keizer  Jozef  II  hervor- 
mingen  in  op  staatkundig,  rechterlijk,  maatschappelijk  en  zelfs 
godsdienstig  gebied,  die,  zooals  genoeg  gekend  is,  aanleidinggaven 
lot  de  Brabanlsche  omwenteling  in  den  zoogenoemden  Patriot- 
tentijd.Aan  deze  bewegingnamen  al  de  boeren  onzes  lands  leven- 
dig  (lecl.  Geen  dorp ,  geen  gehucht  van  België,  waar  niet  een 
coraiteit  van  weersland  en  een  korps  van  vrijwilligers  lot  stand 
kwam.  leder  oefende  zich  onverwijld  in  den  wapenhandel;  geld 

het  lot  le  Irecken  ende  le  vinden  de  quota  deser  stede  in  de  bataillons  van 
Vlaenderen.  » 

Een  plakkaat  van  1704,  namens  den  koning  van  Frankrijk  in  onze  gewes- 
len  uitgevaardigd,  beval  «  te  maecken  eenighe  soldaelen  by  lottinghe  van  de 
jonghraans,  so7ider  imant  exempt  te  laeten.  «  Bij  een  ander  plakkaat  werd 
evenwel  bepaald  «  dat  de  jonghmans,  die  alleene  huys  houden,  ofle  die  van 
huyshouden  van  de  moeder  onderhaut,  vry  sulleu  syn  van  lottinghe  ofte 
dienst.  » 

Lodewijk  XIV  vroeg  in  1746  aan  Brabant,  Henegouw,  Namen  en  Vlaanderen 
4,928  mannen  en  riep  daartoe  ter  loting  op  al  de  jongmansvan  18  tôt  40  jaren. 
De  gemeenlen  mochlen  eveuvvel  de  loting  daa^r  laten,  maar  moesten  in  dit 
geval  plaatsvervangers  leveren  en  deze  onderhouden.  Hetonderzoek  van  een 
aantal  dorpsrekeningen  heeft  ons  bewezen  dat  vêle  gemeenten  van  dit  ver- 
mogen  ruimschoots  gebruik  maakten,  maar  't  was  te  duren  prijze! 

*  Briavoinne,  De  Vindustrie  en  Belgique^  I,  84. 


(  520  ) 

werd  bijecngebraclu  tôt  dekking  der  ooilogskosteii  en  wapens; 
zelfs  de  vroiiwen  vormden  op  dcn  bnitcn  compagnies,  en  men 
zag  er  vcrsclieidene,  met  sabel  en  geweer  gewapend,  met  vaandel 
en  trom  naar  de  sieden  trekken  om  ook  den  eed  van  getrouw- 
iieid  aan  de  nicuwc  orde  van  zaken  te  zweren  en  daarna  hunne 
gemeente,  in  de  al'wczigheid  van  de  naar  bet  léger  of  steedsch 
garnizoen  uitgelrokken  mannen,  te  bewaken.  Gelukkiglijk  duurde 
de  koortsige  spanning,  in  welke  geheel  België  toen  verkeerde, 
maar  ongeveer  éen  jaar  en  volgde  op  den  dood  van  Jozef  II  de 
verzoening  met  zijnen  opvolger  en  de  binnenlandsche  vrede. 

De  rust  was  jammerlijk  van  korten  duur  :  op  bet  losbarsten 
der  Franscbe  revolulie  volgde  een  nieuwe  inval  van  onzen  zuider- 
buur...  Wij  hoeven  de  gesehiedenis  van  die  droeve  dagen  niet  te 
schrijven;  zij  is  algemeen  gekend,  gebjk  de  feiten,  welke  haar 
kenmerkten,  gewaardeerd  en  geoordeeld  zijn. 

In  Frankrijk  bestonden  eenige  misbruiken,  zware  grieven, 
welke  gemakkelijk  het  ontstaan  der  omwenteling  uitleggen.  In 
dat  land  had  de  vrijbeid  nog  niet  ailes  verkregen,  wat  de 
gevorderde  staat  der  besebaving  sedert  lang  noodzakelijk  bad 
gemaakt,  iioewel  de  adel  en  de  geestelijkheid  vele  bunner  privi- 
lèges badden  tcn  ofFer  gebracht  om  voldoeniiig  te  gcven  aan  den 
onweerstaanbaren  drang  der  openbare  denkwijze.  Maar  aïs  de 
Fransche  republikeinen,  ons  land  overrompclende,  in  de  bkiffe- 
rige  taal  bunner  manifesten,  redevoeringen  en  dagbladen  den 
Belg  lieten  booren  dat  zij  bera  de  welvaart  en  de  vrijbeid  bracb- 
ten  op  den  punt  bunner  bajonnetten,  dan  spraken  zij,  misscbien 
uit  onkunde  met  onze  toestanden,  onwaarheid.  Tusschen  Frank- 
rijk en  België  was  een  heraelsbreed  verschil  ;  ginder,  vooral  op 
het  platte  land,  heerschte  ellende,  nood  en  veel  willekeur  ;  ten 
onzent  genoot  de  boer  eene  zekere  welvaart  en  leefde  bij  onein- 
dig  veiliger  en  geruster  onder  't  bebeer  van  milde  wetten.  Ge- 
grond  is  deopmerking  van  eenen  Franschen  schrijver  onzer  dagen, 
die,  over  de  laatste  jaren  der  XVIIP  ecuw  handelende,  onbewim- 
peld  zegt  :  «  De  vrijbeid  was  in  Frankrijk  eene  overwinning;  in 
België  was  mcn  er  aan  gewend.  » 

Met  ons  zelfbestaan  en  vrijbeid  ging  onze  welvaart  onder.  De 


(  321  ) 

republikeinen  brachten  ons  niets  dan  vernedcring,  ongeluk  en 
dwang.  Alomvernam  men  van  strooptoclilcn,  plundcringen,  brand- 
schattingen  en  gewelddaden ,  als  waren  de  inrukkendc  bendcn 
door  de  bloedige  verlialen  van  den  «  triumf  »  hunncr  voorzaten 
begeestcrd  en  bezield.  Na  den  veldslag  van  Jcnimappe  in  179^ 
doorkruiste  de  generaal  de  Beaulieu  met  8,000  man  de  slreek 
omirent  Aarlen  en  Neufcbâteau,  de  boeren  allcn  denkbaren  over- 
last  aandoende.  Deze  hadden  goed  bunne  klachten  aan  den  gene- 
raal zelf  toe  te  stiiren,  er  werden  hun  wel  beloften  van  bescher- 
ming  gedaan,  maar  ook  niets  meer.  ïoen  het  decreet  der  Nationale 
Conventie  van  20  Augustus  1795  zijne  uitwerking  over  België  bad 
gebad,  gelijk  een  vulkaan  over  ons  land,  en  namelijk  400,000 
man  op  onze  grenzen  bad  gebracbt,  waarbij  85,000  aan  den 
Moezel,  wcrd  de  toestand  onuitstaanbaar,  en  de  Franscbe  krijgers 
voerden  het  woord  van  den  verschrikkelijken  Danton  :  «  C'est  à 
coups  de  canon  qu'il  faut  signifier  la  constitution  à  nos  ennemis,  » 
naar  de  letter  uit. 

Zouden  wij  in  bijzonderbeden  treden?  Wij  vinden  er  in  hon- 
derden  documenten,  aile  uiterst  goed  gescbikt  om  de  weinige 
recbtzinnigheid  der  republikeinsche  leus  :  «  Vrijheid  en  broeder- 
lijkbeid  »  te  doen  uitkomen  ;  bepalen  wij  ons  tôt  éen  feit,  dat 
genocgzaam  aantoont  welk  een  verscbrikkelijk  lot  onze  boeren  in 
de  laatste  jaren  der  XVIII*  eeuw  te  verduren  badden. 

De  dorpen  Dudelange,Burangeen  Budersberg(voormalige  heer- 
lijkheid  vanSt.-Jansberg),  na  totaal  uitgeplunderd  te  zijn  gewcest, 
grepen  de  wapens  op,  den  dood  aan  ellende  en  slavernij  verkie- 
zende.  De  Franscben  stormden  er  op  los,  namen  bezit  van  de 
gemeenten,  verdreven  bet  klein  getal  maarheldhaftigeverdedigers 
en  vingen  daarna  eene  klopjacht  aan  in  het  bosch,  waarhcen  de 
ongelukkigen  gevlucht  waren.  Achterna  gezet  als  wilde  dicren , 
omsingeld,  langs  aile  kanten  vooruitgedreven  tôt  een  grasplein  in 
bet  bosch,  vielen  op  dit  punt  allen,  éen  voor  éen  .  onder  't  schol 
der  achter  de  boomen  verscholen  soldaten.  De  avondschemcr 
daalde  op  twee  en  veertig  lijken,  waaronder  verscheidene  vi'ouwen 
enkinderen...De  generaal-bevelhebber  kwam  eindelijk  ter  plaalse 
en  deed  de  laffe  slachling  ophouden;  edoch,  daags  nadien  dwong 
Tome  XXXII.  21 


(522) 

raen  de  krijgsgevangen  gemaakte  boeren  hun  eigen  graf  te  del- 
ven  en  werden  zij  al  te  zamen  door  de  kogels  der  republikeinen, 
ijverende  voop  de  «  vrijheid  »  en  de  «  broederlijkheid  »  neerge- 
veld... 

De  zon  bescheen  dien  morgen  de  b'jken  van  74  mannen,  welke 
hunne  haardstede,  familie  en  vaderland  hadden  verdedigd. 

Eene  ten  staatsarchieve  van  Âarlen  bewaarde  oorkonde,  betrek- 
kelijk  de  verliezen,  doorLuxembiirgsche  dorpen  van  42  Augustus 
179^  tôt  28  Januari  4  793  geleden,  geeft  onder  andere  op  voor 
Larabermont  de  som  van  104,102  pond,  en  voor  Watrinsart  de 
som  van  57,872  pond,  Wij  kiezen  deze  plaatsen  ait  omdat  zij 
zoo  onaanzienlijk  waren  :  nu  bezit  Lambermont  nauwelijks  400, 
Watrinsart  ongeveer  200  zielen.  Wat  was  het  dan  in  grootc  dor- 
pen, waar  welstellende  boeren  woonden!  hoe  ontzaglijk  groot 
inoeten  de  verliezen  geweest  zijn,  welke  België  in  die  jammer- 
volle  jaren  had  te  lijden  *! 

Herinneren  wij  ten  slotte  nog  de  krijgsbelasting,  welke  voor 
gansch  ons  land  tôt  het  cijfer  van  80  millioen  beliep.  Eene  depu- 
tatie  uit  Cent  begaf  zieh  naar  Parijs  om  tegen  die  ongehoorde 
contribulie  te  protesteeren,  en  in  den  schoot  der  Nationale  Con- 
ventie  deed  zij  deze  woorden  klinken,  welke  wij  aanhalen  als  een 
nieuw  bewijs  dat  de  landbouw  altijd  als  de  voornaamste  bron  van 
den  nationalen  rijkdom  werd  beschouwd  : 

«  La  disette  augmente  à  un  point  qui  effraye;  la  contribution 
imposée  à  notre  commune  surpasse  dix  années  de  subsides  extra- 
ordinaires ;  tandis  que  Robespierre  même  ne  la  fixa  qu'à  deux  fois 
le  revenu  annuel  des  contributions  perçues  par  l'ancien  gouver- 
nement. On  dit  quelquefois  :  le  Belge  est  riche!  mais  on  se 
trompe;  le  Belge  est  économe  et  laborieux  :  ce  n'est  ni  l'or  ni  l'ar- 
gent qui  font  sa  richesse;  c'est  la  culture,  ce  sont  les  soins  et  le 
travail  assidu  qui  lui  donnent  une  certaine  aisance;  son  sol  ne 
produit  pas  dix  récoltes  par  an;  il  ne  peut  donc  payer  dix  années 
de  subsides  à  la  fois.  » 

*  De  omslandige  opgave  (voor  Luxemburg)  komt  voor  in  de  Annales  de 
l'Institut  archéologique  de  Luxembourg,  IX. 


(  323  ) 

Hoî  protest  baatte  niet;  ons  land  zou  andermaal  uitgebuit  wor- 
den  en  zijne  laatste  hulpmiddelen,  gelijk  weldra  de  bloem  der 
jongelingschap,  hem  zien  ontrukkcn. 

De  vereeniging  van  ons  vaderland  met  de  Fransche  republiek  , 
door  het  verdrag  van  Campo-Formio,  ondanks  de  onbctwist- 
baarste  rechten  der  Belgen  voltrokken,  beantwoordde  gecnszins 
aan  hiinne  wenschen,  en  het  moet  aïs  hunne  eerste  grief  tegen 
het  vreemde  beheer  aangemerkt  worden,  dat  deze  vereeniging 
werd  tôt  stand  gebracht  zondcr  dat  de  voornaamste  belangheb- 
benden  daaromtrent  op  wettige  vvijze  waren  geraadpleegd  gewor- 
den.  a  Het  is  stellig  (zoo  schreef  een  Brusselsch  dagblad  van  dien 
tijd)  dat  de  wensch  dier  vereeniging  niaar  is  gedaan  geworden 
door  eenige  betaaide  wapenknechten  van  Dumouriez  en  zijne 
volgelingen.  » 

Eene  andere  reden  tôt  misnoegen  kwam  zich  aanstonds  bij  de 
eerste  voegen.  De  Belgen  werden,  op  zekere  wijze,  gedurende 
twee  jaren  buiten  de  wet  gesteld,  daar  in  dien  tusschentijd  al  de 
kiesbare  ambtenarcn  door  het  slaatsbestuur  benoemd  werden  en 
de  eerste  kiezingen  raaar  in  1797  plaats  hadden.  Middelerwijl 
hadden  de  vervolgingen  tegen  de  personen,  verdacht  van  konings- 
gezindheid,  den  Belgen  reeds  nieuwe  stof  gcgeven  tôt  ontevre- 
denheid ,  toen  de  wet  van  7  Vendémiaire  VP  jaar  der  republiek, 
waarbij  al  den  ambtenaren  en  geestelijken  de  eed  van  getrouw- 
heid  aan  de  Republiek  en  haat  aan  het  Koningdom  werd  opgelegd, 
andermaal  het  gansche  land  in  opschudding  bracht. 

Te  vergeefs  poogden  het  départementale  bestuur  en  de  stede- 
lijke  raad  van  Brussel,  benevens  menigvuldige  andere  gemeente- 
besturen  des  lands,  de  nutteloosheid  van  dezen  maatregel  bij  het 
gouvernement  te  doen  uitschijnen ,  hunne  pogingen  hadden 
siechts  voor  gevolg  de  ontbinding  dier  besturen  en  de  afstelling 
der  ambtenaren,  die  het  gewaagd  hadden  tegen  de  uitvoering  der 
wet  eenige  aanmerking  in  te  brengen. 

De  geëischte  eed  werd  geweigerd  door  schier  al  de  priesters, 
maar  de  republikeinsche  straf  volgde  op  dit  verzet;  de  onbeeë- 
digde  geestelijken  werden  van  hunne  bediening  afgesteld,  aïs 
kwaaddoeners  opgezocht,  in  de  gevangenissen  geworpen  en  nnar 


p 


(  524  ) 

vreemde  afgclegene  streken,  bijzonder  naar  de  eilanden  Rhé  en 
Oléron,  vervoerd.  Daarenboven  wcrd  aan  aile  onbeeëdigde  pries- 
lers  verbod  gedaan  in  bet  gebeim  of  in  bet  openbaar  de  godde- 
lijke  diensten  uit  te  oefenen.  De  kerken  werden  gesloten,  de  kos- 
telijkste  kerkmeubelen  verkocbtof  aangeslagen  en  naar  Frankrijk 
weggevoerd. 

Het  volk,  van  aard  godsdienstig,  zag  met  stomme  verontwaar- 
diging  deze  gewelddaden  aan;  vooral  de  landelijke  bevolking,  aan 
bare  voorouderlijke  zeden  en  gewoonten,  aan  den  godsdienst  en 
zijne  bedienaars  gebecht,  kon  de  scbending  barer  tempels  en  de 
misbandelingen  der  priesters  maar  met  moeite  verkroppen.  Het 
wegrooven  der  klokken,  het  verbod  van  de  viering  der  zon-  en 
feestdagen  en  andere  dwangbevelen  van  dien  aard  waren  geens- 
zins  gescbikt  om  de  ontevredenbeid  der  menigte  te  stilien.  Wan- 
neer  men  bij  deze  tergende  maatregelen  nog  voegt  de  sluiting 
der  kloosters  en  de  verbeurdverkiaring  bunner  goederen  ;  de  ge- 
welddadige  verjaging  der  nonnen  en  kloosterlingen;  de  gedurige 
aanslagen  tegen  al  de  vrijheden,  die  den  Belgen  lief  waren  geble- 
ven,  aanslagen  tegen  de  vrijbeid  van  vereeniging,  van  bel  onder- 
wijs  en  der  driikpers;  wanneer  men  daarbijvoegtde  steeds  druk- 
kende  belastingen,  en  de  uitbuitingen  der  Fransche  bedienden, 
waarmede  bel  land  overslroomd  was,  boe  kan  bet  dan  anders  of 
bet  misnoegen  der  Belgen  moest  steeds  booger  en  booger  stijgen 
en  niet  zelden  lot  vermetcle  daden  der  verdrukten  tegen  bunne 
verdrukkers  overslaan. 

En  dit  gebeurde  ook  zoo;  de  gisting,  vooral  op  den  builen,  was 
algemeen,  de  gemoederen  waren  ten  boogste  opgewonden,  en  de 
minsle  nieuwe  maatregel  van  gewcld  zou  gewis  de  landelijke 
bevolking  in  opstand  brengen. 

Die  maatregel  liet  zicb  niet  lang  wacbten  ;  bij  beslond  in  de 
invoering  der  wet  op  de  mililie:  de  conscriptie,  die  aile  jonge- 
lingen  van  twintigjarigen  ouderdom  toi  den  krijgsdienst  ver- 
plicbtte  en  door  het  volk  te  recbl  met  den  naam  van  «  bloedwet  » 
bestcmpeld  werd.  Deze  wet,  den  15  September  4798  te  Parijs 
gestemd,  werd  reeds  den  28  derzelfde  maand  te  Brussel,  en  ver- 
volgens  in  andere  gemeenten  des  lands  afgekondigd  en  aange- 


(  52S  ) 

plakt,  en  onmiddellijk  werd  de  dag  bepaald,  waarop  de  dienst- 
plichtige  jongclingen  aan  de  krijgsoverheden  moesten  worden 
overgeleverd.  Eene  algemeene  opschudding  was  hier  het  gevolg 
van  en  de  geest  van  opstand  verspreidde  zich  over  het  geheele 
land. 

Het  volkslied,  dat  ten  onzent  altijd  de  zaak  der  vrijheid  en  van 
het  recht  gediend  had,  gceselde  weer,  als  in  de  slechte  dagen  van 
voorheen,  den  trotschen ,  overmoedigen  drijver  en  hitste  maar 
iramer  de  menigte  op  tôt  verzet.  Op  iedere  markt  des  lands  klonk 
het  lied  van  rouw  en  smarte;  de  verontwaardiging  klom  met  elken 
dag  : 

«  Adieu,  plezier   van  't  Nederland, 
Adieu,  plezier  in  al  de  steden, 
Zoowel  in  Vlaendren  als  Braband, 
Adieu,  jongheyd  vol  van  schoonheden. 
Gy  die  in  't  blopyen  van  uw  jeugd 
Zyt  in  het  schoonste  van  uw  daegen, 
Genegen  tôt  de  min  en  vreugd, 
Moet  nu  door  dwang  de  waepens  draegen. 

>>  De  ouders  komen  by  nialkaer 
Ja  met  de  traenen  in  de  oogen; 
Zy  zeggen  ;  wy  zyn  in  't  misbaer 
Moet  men  dit  spel  nog  lang  gedoogen. 
Voor  ons  is  het  adieu,  plezier, 
Wy  zyn  al  t'saemen  in  't  verzeeren, 
Ons  kinders  moeten  gaen  in  't  vier 
Of  God  moet  het  zeer  hard  verkeeren. 

»  Helaes,  helaes,  ja  dezen  lyd 
Is  te  beklaegen  met  hert  en  zinnen. 
In  plaels  van  God  gebenedyd 
Aenbldden  zy  daer  een  godinne  : 
Een  maegd,  gemaekt  van  aerde  en  stof, 
Onderworpen  aen  zoo  veel  gebreken, 
Die  geven  zy  nu  eer  en  lof 
En  van  God  mag  men  niet  meer  spreken  *.  » 

Dergelijke  liederen,  gezongen  en  verspreid  onder  een  volk  dat 
zoo  diep  godsdienstig  was,  gelijk  de  Belgische  boerenstand  op 

*  Bundel  Fransche  en  Vlaamsche  liederen  in  de  Burgondische  Bibliotheek, 
te  Brussel. 


(  3i>G  ) 

'tlaatslderXVlIi'  ecuwjkondeiionmogelijk  zonderiiivloedblijven 
bil  den  algemeenen  afkeer,  welken  derepublikeinscheweltcn  hier 
hadden  verwekt.  Al  spoedig  werd  in  Brussel  de  tijding  verspreid, 
dat  in  hetSoniënbosch,  hetwelk  reeds  van  het  begin  af  der  Fran- 
sche  overheersching  de  schuilplaats  was  geweest  van  gewapende 
benden,  vijandig  aan  het  nieuw  regiem,  zich  aanzienlijke  drora- 
men  gewapende  landlieden  hadden  gevormd,  die  nien  met  den 
naara  van  brigands  bestempelde,  en  dat  de  commissarissen  van 
bel  Fransch  bewind  alom  in  de  uitvoering  der  wet  de  hevigste 
tegenkanting  ontmoetten. 

En  inderdaad,  eene  menigte  geraeentebesturen,  uit  vrees  van 
opstand,  weigerden  de  wet  en  de  bevelen  van  het  hooger  bestuur 
aan  te  plakken  en  af  te  kondigen;  andere  onthielden  zich  de 
naanilijsten  der  dienstplichligen  op  te  maken.  Fransche  com- 
missarissen, afgczonden  om  de  gemeentebesturen  te  vervangen  en 
de  wet  met  strengheid  toe  te  passen,  zien  de  aangeplakte  offi- 
cieële  berichten  voor  hunne  oogen  bemodderen  en  aan  stukken 
scheuren,  of  worden  door  de  opgewondene  menigte  weggejaagd 
en  achtervolgd  met  geweerscholen. 

In  veîe  plaatsen  werden  oproerige  schriften  aangeplakt  en 
vereenigden  zich  de  jonge  Heden,  tôt  den  krijgsdienst  geroepen, 
in  benden,  die  gewapend  de  dorpen  afliepen  en  anderen  door 
woord  en  voorbeeld  tôt  tegenstand  aan  de  wetten  opwekten.  Zij 
werden  ondersteund  en  geleid  door  priesters;ahhans  zoo  beweert 
zekere  bespieder,  met  name  Lonhienne,  die  uit  Brussel  de  Bataaf- 
sche  republick  nopens  de  verrichtingen  van  de  boeren  inlichtin- 
gen  zond. 

De  vertegenwoordigers  van  het  opperbestuur  waren  aan  het 
beramen  van  nieuwe  en  strengere  middelen  om  den  opkomcn- 
den  tegenstand  der  boeren  te  keer  te  gaan,  toen  in  Brussel  de 
tijding  aankwam  dat  de  gemeenten  Overmere,  Kalken  en  ver- 
scheidene  andere  omliggende  plaatsen  in  vollen  opstand  waren. 
Eene  talrijke  menigte  jongelingen  had  zich  daar,  inderdaad,  ge- 
wapenderliand  vereenigd  en  was  onder  het  geroep  van  :  «  levé 
de  Keizcr!  »  het  dorp  Overmere  binnengerukt,  had  met  geweld 
de  kerk  geopend  en  de  alarmklok  doen  luiden  om  het  volk  onder 
de  wapens  te  roepen. 


(  327  ) 

Eene  cerste  poging,  door  de  krijgsmacht  uit  Dendermonde, 
Gent  en  Aalst  afgezonden  om  den  opsland  te  dempen,  mislukte, 
daar  de  boeren  haar  met  geweerschoten  en  doodsbedrcigingcn 
terugdreven.  Derhalve  besloot  de  militaire  overhcid  tegcn  de  op- 
standelingen  eene  vliegende  kolom  paardenvolk  af  le  zenden; 
doch  ook  deze  maatregel  was  niet  meer  bij  macbte  het  oproer  te 
bedaren,  dat  zich  met  de  snelheid  van  den  wind  over  bct  gansche 
Land  van  Waas  uitbreidde.  Vooral  omstrceks  Kemzeke  en  St.-Pau- 
wels  hadden  zich  talrijke  benden  vergaderd,die  onder  het  geleide 
van  zekeren  Macharis  Rheyns,  en  versterkt  door  eene  menigte 
achtergeblevene  soldaten  van  het  Oostenrijksche  léger,  na  twee 
herhaalde  pogingen,  St.-Nicolaas  bezetteden,  terwijl  andere  ben- 
den, insgelijks  van  St.-Pauvvels  komende,  de  richting  van  het 
noordvvesten  volgden  en  de  steden  Hulst,  Axel  en  Sas-van-Gent 
innamen,  overal  de  vrijheidsboomen  neerhouwende,  de  gemeen- 
tepapieren  verbrandcnde  ende  de  bureelen  der  douanen  plunde- 
rende. 

De  republikeinen  trachtten  de  beweginghatelijk  te  maken  en 
wisten  geen  beter  middel  daartoe  dan  de  deeinemers  aan  den  op- 
stand  voor  te  stellen  als  brigands.  Den  1  Brumaire  VIP  jaar  ver- 
scheen  in  de  dagbladen  en  werd  op  de  straten  een  manifest  aan- 
geplakt,  onderteekend  door  het  bestuur  van  het  département  der 
Schelde,  dat  aanving  met  de  woorden  :  «  Sedert  eenige  dagen  is 
er  eenen  opstand  in  dit  département  uitgeborsten;  men  heeft  er 
ongehoorde  schelmstukken  bedreven,  en  alhoewel  de  daders  ten 
meerderen  deele  gevallenzijn  onder  hetzweird  van  onze  manhaf- 
tige  beschermers,  eenige  van  die  Baenstroopers  verspreiden  zig  in 
verscheyde  communen,  doen  daer  de  klokken  kleppen,  vervoegen 
zig  met  andere  sc/ie/me?i  en  durven  alzoo  eenen  crimineelen  we- 
derstand  bieden  aen  onse  Iroupen...  » 

De  scheldnaam  liet  de  boeren  onverschillig,  en  wel  verre  dat 
de  bedreigingen  der  republikeinen  hen^ouden  hebben  bevreesd 
gemaakt,  breidde  de  opstand  zich  uit  in  Assenede,  Ertvelde  en 
omliggende  plaatsen;  de  slormklok  werd  geluid,  de  trommel  ge- 
slagen  en  eene  talrijke  bende  boeren  rukte  het  dorp  Assenede 
binnen,  waar  zij  den  commissaris  der  Fransche  republiek,die  zich 


(  328  ) 

doop  zijne  viipige  gehechtheid  aan  het  vreemde  beheer  had  hate- 
lijk  gemaakt,  onder  de  oogen  zijner  echtgenoote  en  kinderen  vcr- 
moordden. 

Na  de  inneming  van  St.-Nicolaas  was  een  deel  der  opstandelin- 
gen  van  daar  naar  Hamme  en  Zèle  getrokken,  in  welkc  laatste 
gemeente  zij  de  huizen  der  openbare  ambtenaren  plunderden  en 
insgelijks  dcn  coiiimissaris  van  het  gouvernement  omhals  brach- 
ten.  OnderwijI  waren  de  boeren,  komende  van  Overmere,  langs 
dien  kant  de  stad  Lokeren  binnengerukt,  terwijl  talrijke  benden, 
komende  uit  dezelfde  streek,  te  Wetteren  over  de  Schelde  trok- 
ken  om  den  opstand  in  het  Land  van  Aalst  uit  te  breiden,  de  ste- 
den  Aalst  en  Oudenaarde  bedreigden  en  tôt  in  het  Henegouwsche 
doordrongen.  Loochristi,  ZafFelare,  Moerbeke  en  de  omliggende 
plaatsen  werden  insgehjks  door  gewapende  benden  bezocht,  die 
er  de  vrijheidsboomen  neerhakten,  de  driekleurige  vlag  ver- 
scheurden  en  de  gelden  uit  de  kassen  der  openbare  ambtenaars 
roof den. 

Eene  aanzienlijke  schaar  boeren,  komende  uit  het  Brabantsche, 
waar  insgelijks  het  oproer  was  uitgeborsten,  maakte  zich  meester 
van  Dendermonde,  en  onderwijl  waagde  eene  bende  Wazenaren 
eenen  aanslag  op  het  Vlaamsch-Hoofd,  die  echter  niet  gelukkig 
afliep.  Edoch,  zoo  ras  als  het  vuur  des  opstands  zich  in  het  Land 
van  Waas  had  uitgebreid,  even  zoo  ras  ook  was  het  er  uitge- 
bluscht,  daar  de  krijgsoverheid  nu  sterke  kolommen  ruiterij  en 
voetvolk,  goed  gewapend  en  van  kanonnen  voorzien.  afzond, 
waartegen  de  boeren,  ongeoefend,  oningericht  en  slecht  gewa- 
pend als  zij  waren,  onmogelijk  eenen  ernstigen  en  langdurigen 
tegenstand  konden  bieden. 

Desniettemin  werd  er  in  verscheidene  plaatsen,  onder  andere 
le  Kalken  en  te  St.-Nicolaas,  door  de  opstandelingen  tegen  de 
republikeinsche  legerbendcn  gevochten. 

De  verdrijving  der  opstandelingen  uit  het  Land  van  Waas 
bracht  echter  geenszins  de  demping  van  het  oproer  mede,  dat 
intusschen  in  Brabant  en  in  de  Kempen  eene  uitbreiding  had 
genomen,  die  het  Fransche  bestuur  nict  zonder  reden  veront- 
rustte.  De  boeren,  uit  het  Land  van  Waas  verdreven,  kwamen 


(  5'^9  ) 

zich  gedceltclijk  bij  de  Brabantsche  opstandelingen  voegen,  of 
zakten  dcn  Joop  van  den  Deiider  af,  waar  zij  de  benden  der  om- 
streek  van  Aalst  gingen  verslerken.  De  voornaamste  middelpun- 
ten  van  den  opstand  in  Brabant  en  de  Kempen  bcvonden  zich 
omstreeksHerenthals,Diest,AarschotenTurnliout,inwelkelaatste 
plaats  zekere  Corbeels,  een  stoutmoedig  raan,  zich  aan  het  hoofd 
der  oproerigen  stelde  en  poogde  deze  op  eenigszins  miHtairen 
voet  in  te  richten. 

Van  den  beginne  af  bedreigden  de  opstandelingen  ook  de  stad 
Mechelcn  en  Waalhem,  waardoor  de  gemeenschap  tusschen  Brus- 
sel  en  Antvverpen  zoude  worden  afgesneden.  Generaal  Bcguinot, 
dit  gevaar  bemerkende,  toog  met  gansch  zijne  beschikbare  macht 
uit  Brussel  tegen  de  boeren  op,  trok  door  Mechelen  om  Waalhem 
le  bezetten,  gezamenlijk  met  eene  kolom,  die  van  Antwerpen  was 
afgezonden,  doch  had  nauwelijks  Mechelen  verlaten,  toen  de 
opstandelingen,  uit  Vlaanderen  en  van  Duffel  komende,  zich  ach- 
ter  zijnen  rug  van  deze  stad  meester  maakten  en  er  een  aanzien- 
lijk  krijgsmaterieël,  waaronder  verschcidene  kanonnen,  beraach- 
tigden. 

Echter  deze  gemakkelijke  zege  was  maar  van  korten  duur.  De 
Fransche  krijgsmacht  keerde  onverhoeds  terug,  drong  langs  twee 
zijden  te  gelijk  in  de  stad,  trof  er  de  opstandelingen  aan,  terwijl 
zij  zich  nog  volop  aan  de  vreugde  bunner  overwinning  overga- 
ven,  en  dreef  hen  met  aanzienlijke  verliezen  op  de  vlucht,  een 
groot  getal  krijgsgevangenen  makende. 

Des  anderdaags  reeds  poogden  de  opstandelingen  de  stad  te 
hernemen  en  bestormden  ze  langs  drie  zijden  te  gelijk,  doch  zij 
werden  bij  gebrek  aan  oorlogstuig  en  goede  leiding  andermaal 
met  verlies  aehteruit  gedreven.  De  boeren,  die  in  deze  gevechten 
met  de  wapens  in  de  hand  waren  gevangen  genomen,  werden 
voor  den  krijgsraad  gebracht  en  nog  denzelfden  avond  den  en 
veertig  van  hen  door  den  kop  geschoten. 

Dit  waren  de  eerste  ernstige  ontmoetingen  in  dezen  strijd,  dien 
raen  te  recht  met  den  naam  van  Boerenoorlog  of  Boerenkrijg 
heeft  beliteld,  daar  de  oproerige  benden  bijna  uitsluitelijk  uit 
landlieden  waren  samengesteld. 


(  530  ) 

Van  dan  af  waren  bijna  al  de  pogingen  der  opstandelingen 
tegen  de  steden  van  minderen  rang  gericht.  Oudenaarde  werd 
beurtelings  door  de  boeren  ingenomen  en  door  eene  vliegende 
kolom,  komende  van  Gent,  hernoinen,  na  een  gevecht,  waar  een 
veerligtal  landlieden  het  leven  lietcn.  Ninove,  Hal,  Edingen,  Diest 
en  Aarschot  vielen  mede  in  de  handen  der  opstandelingen,  ter- 
wijl  zij  tevens  ten  platten  lande  overal,  belialve  in  eenen  kleinen 
omtrek  rond  de  groote  steden,  meester  bleven. 

Na  eenige  krijgsverricbtingen  oinstreeks  Leuven  en  Diest,  om 
die  steden  te  bevrijden  en  die  de  opstandelingen  van  de  oevers 
der  Demer  meer  noordwaarts  de  Kempen  indrongen,  zond  gene- 
raal  Beguinot  eene  kolom  van  400  man,  welke  bem  uit  Frankrijk 
lot  versterking  was  toegestuurd,  tegen  de  steden  Hal  en  Edingen 
af,  devvijl  de  gemeenschap  tussclien  Brussel  en  Parijs  aldaar  door 
talrijke  benden  bedreigd  werd.  Eene  afdeeling  ruiterij,uit  Bergen 
komende,  oadersteunde  den  aanval.  De  opstandelingen,  op  de 
groote  markt  van  Edingen  in  slagorde  gescbaard,  wachtten  moedig 
den  strijd  af,  en  weken  niet  achteruit,  dan  na  twee  bevige  aan- 
vallen  te  bebben  afgeslagen.  Doch  de  republikeinen,  zich  aan  zul- 
ken  tegenstand  niet  verwacbtende,  trokken  zieh  op  bunne  beurt 
terug  om  Hal  te  gaan  overrompelen.  Hoewel  gansch  op  het  onver- 
wacbts  aangegrepen,  verdedigden  zich  de  boeren  hier  even  moe- 
dig als  te  Edingen,  doch  werden  ten  slotte  uiteengedreven,  de 
stad  en  de  omstreek  met  bunne  lijken  bezaaid  latende. 

Daarna  gingen  de  overwinnaars  de  Waalsche  gemeente  Hérin- 
nes,  waar  de  boeren  zich  versterkt  hadden,  aanvallen  en  verdre- 
ven  er  de  opstandelingen  uit  bunne  schuilplaats. 

Ondertusschen  zetteden  de  vliegende  kolommen,  die  Leuven, 
Diest  en  Mechelen  badden  bevrijd,  bijgestaan  door  eenige  afdee- 
lingen,  die  bun  uit  Antwerpen  en  Holland  waren  ter  bulp  gezon- 
den,  onverpoosd  bunne  krijgsverricbtingen  voort  en  leverden 
bijna  dagelijks  nieuwe  gevechten  tegen  de  boeren.  Devoornaamste 
ontmoeting  had  echter  plaats  te  Herentbals,  te  dien  tijde  als  het 
boofdkwartier  der  opstandelingen  aangezien,  en  waar  3,000  boeren 
gedurende  24  uren  stand  hielden  tegen  drie  talrijke  Fransche 
kolommen,  voorzien  van  artillerie  en  ruiterij,  en  het  slechts  opga- 


(  351  ) 

ven  nadat  de  repiiblikcincii  de  lielft  des  dorps  liadden  in  brand 
geschoten,  en  de  opslandelingen  GOO  nian  aan  dooden,  eene  me- 
nigte  gekwetsten  en  krijgsgevangenen,  benevens  twee  hunner 
vaandcis  hadden  verloren. 

DcFranschen  hadden  hier  insgehjks  aanzienlijkeverHezcn  gcle- 
den,  daar  zij  veertien  vvagens  noodig  hadden  om  hunne  dooden 
weg  te  voeren. 

Deze  gedeeltelijke  overwinningen,  hoe  dikwijis  zij  zich  ook 
herhaalden,  waren  echter  weinig  afdoende  voor  de  Fransche  wa- 
penen.  De  versiagene  benden  vereenigden  zich  telkens  op  andere 
plaatsen  opnieuw,  sterker  en  vooral  hardnekkiger  en  strijdvaar- 
diger  dan  te  voren  ,  weshalve  het  opperbewind  uit  Parijs  het 
bevel  afzond  deze  nuttelooze  gevechten  te  staken,  totdat  er  eene 
voldoende  krijgsmacht  zoude  bijeengebracht  zijn  om  den  opstand 
ineens  te  bewingen.  Trouwens,  totdan  toe  had  de  krijgsover- 
hcid  siechts  over  geringe  strijdraachten  te  beschikken  gehad, 
daar  de  Fransche  légers  zich  loen  vooral  ophielden  aan  den  Rijn, 
waar  zij  eenen  terugkeer  der  Oostenrijkers  voorzagen ,  aïs  ook  in 
Holland  en  omstreeks  Oostende,  waar  zij  de  ontscheping  der 
Engelschen  en  Russen  vreesden. 

Doch  nu  werden  talrijke  krijgsafdeelingen  uit  die  streken  naar 
het  tooneel  des  opstands  afgezonden,  en  generaal  Coland  werd 
uit  Parijs  naar  België  gestuurd  om  de  opstandelingen  te  straffen. 
Deze  strenge  krijgsman  verklaarde  aanstonds  de  departementen 
der  Dijle,  der  beide  Nethen  en  der  Schelde  in  staat  van  beleg  en 
begon  onmiddellijk  zijne  krijgsverrichtingen  tegen  de  boeren,die 
zich  iutusschen  insgelijks  versterkt  en  meer  geoefend  hadden. 

De  eerste  aanvallen  hadden  plaats  tegen  de  benden,  welke  onder 
het  geleide  van  zekeren  Rollier,  van  Londerzelejdie  zich  den  titel 
van  generaal  toeeigende,  de  gemeenten  Willebroek,  Kapellen  en 
andere  bezetteden.  Daar  werden  gedurcnde  de  eerste  dagen  woe- 
dende  gevechten  geleverd  en  verscheidene  dorpen  in  brand  ge- 
schoten. Na  eene  verdediging,  die  de  Franschen  menigmaal  had 
doen  achteruitwijken,  werden  de  opstandelingen  gedwongen  ach- 
terwaarts  te  trekken  en  zich  met  de  Kempische  benden  te  ver- 
eenigen. 


(  552  ) 

Nu  rukte  geheel  de  Fransche  macht  legen  de  Kempen  op,  waar 
zekere  Van  Gansen  het  bevel  over  de  opstandelingen  voerde. 
Verscheidene  kolommen  te  gelijk  stelden  zich  in  beweging.  Dage- 
lijks  hadden  hevige  gevechten  en  schermutselingen  plaats,  waarin 
de  Franschen  op  verre  na  niet  altoos  de  zege  behaalden,  en,  zoo- 
wel  als  de  opstandelingen,  aanzienlijkeverliezen  leden.  Westerloo, 
Geel,  Meerhout  en  meer  andere  plaatsen  waren  het  tooneel  van 
zulke  ontmoetingen.  Den  di  November  maakten  de  opstandelin- 
gen, aangevoerd  door  zekeren  Eelen,  van  Scherpenheuvel,  zich 
stormenderhand  meester  van  de  stad  Diest,  waar  zij  zich  ver- 
sterkten,  en  die  van  dan  af  het  voornarae  bolwerk  der  boeren 
werd.  Men  schat  op  6,000  man  de  opstandelingen,  die  zich  daar 
met  hiinne  opperhoofden  bij  de  afdeeling  van  Eelen  kwamen 
voegen. 

Onmiddellijk  werden  de  Fransche  kolomraen  nu  tegen  de  stad 
aangevoerd.  Verscheidene  aanvallen  werden  door  de  opstande- 
lingen afgeslagen,  die  zelfs  meer  dan  eens  de  belegeraars  buiten 
de  stad  met  kracht  kwamen  aanvallen  om  zich  van  hunne  kanon- 
ncn  meester  te  maken. 

Intusschen  ontvingen  de  Franschen  dagelijks  nieuwe  hulpben- 
den,  zoodat  de  stad  Diest  welhaast  als  met  eenen  ijzeren  band 
was  omsloten.  Zij  werd  langs  aile  kanten  met  grof  geschut  aan- 
gevallen  en  de  Fransche  troepen  maakten  zich  na  hevige  gevech- 
ten meester  van  de  voornaamste  poorten. 

De  boeren,  ziende  dat  hun  moedige  tegenstand  wcinig  ver- 
mocht  tegen  de  van  aile  krijgstuig  voorziene  republikeinsche 
legerbenden,  rukten  den  volgenden  nacht  uit  de  stad  om  zich  aan 
eene  volkomene  nederlaag  te  onttrekken.  De  Franschen  vervolg- 
den  hen,  en  verscheidene  honderden  boeren  werden  neergesabeld 
of  verdronken  in  den  Demer  en  in  de  moerassen,  die  de  stad  om- 
ringden. 

Daarmede  was  echter  de  opstand  niet  voorgoed  bedwongen. 
De  boeren  namen  hunne  vorige  standplaatsenin  de  Kempen  terug 
en  leverden  de  Franschen  nog  veel  werks.  Geel,  Moll,  Meerhout 
en  Kapellen  werden  andermaal  het  tooneel  der  bloedigste  gevech- 
ten, terwijl  andere  benden,  waarbij  zich  eene  menigte  Waalsche 


(  533  ) 

opstandelingen  wareii  komen  voegen,  na  verscheidene  ontmoe- 
tingen  in  het  vlakke  veld,  gedvvongen  werden  naar  Hasselt  af  te 
zakken. 

't  Is  daar  dat  welhaast  het  laatste  bcdrijf  van  dezen  bloedigen 
opstand,  welken  men  in  zekercn  zin  aan  dien  der  Vendeeërs 
heeft  vergeleken,  afliep.  De  boeren,  Lings  verscheidene  zijden  aan- 
gevallen,  werden  er  vcrplettcrd  onder  de  overmacht;  zeven  tôt 
acht  honderd  der  hunnen  bleven  op  het  slagveld,  en  de  rest,  door 
de  Fransche  ruiterij  vervolgd,  werdlangs  aile  kanten  verstrooid  ^ 

De  hooger  gemelde  Lonhienne  verzekert,  in  zijn  schrijven  aan 
de  Bataafsche  republiek,  dat  de  gewapeade  boeren  in  Brabant  en 
Limburg  i2  a  15,000  in  getal  waren,  maar  dat  het  hun  man- 
gelde  aan  gescliut  en  leiding.  Het  waren  niet  enkel  boeren  of  ge- 
meene  lieden;  de  voor-  en  achterhoede  der  drie  benden  in  Bra- 
bant waren  samengesteld  uit  2  a  300  welstellende  huisvaders,  die 
den  blauwen  kiel  droegen  en  pistolen  en  dolken  tôt  wapens  had- 
den.  Het  was  vooral  in  het  tweede  korps,  hetwelk  4  a  5,000  man 
telde,  dat  vêle  oud-soldaten,  douaniers,  onbeëedigde  priesters  en 
vooral  monniken  bevatte,  maar  alleen  het  derde  Brabantsche 
korps  heette  aldaar  de  kolom  der  hranders  of  de  brigands,  omdat 
zij  overal,  waar  zij  verschenen,  de  hand  sloegen  aan  de  openbare 
kas.  De  Franschen,  die  onze  weerspannige  landgenooten  dien  ver- 
achtelijken  naam  naar  het  hoofd  wierpen,  waren  zeker  vergeten 
op  welke  wijze  zij  zelven  in  elke  overweldigde  plaats  te  werk 
gingcn  2? 

Intusschen  eindigde  de  XVHP  eeuw^  voor  onze  vaderen  in  de 
droevigste  omstandigheden  en  ving  de  nieuwe  eeuwkring  onder 
de  somberste  vooruitzichten  aan. 


*  Zie,  voor  meer  bijzonderhedeii,  Aug.  Orts,  La  Guerre  des  Paysans. 
^  Zie  den  brief  van  Lonhienne  in  de  Bulletins  de  la  Commission  royale 
d'histoire,  3<=  série,  VIL 


^^U) 


X«  HOOFDSTUK. 


Zeden  en  beschaving  in  di-  XVII«  en  XYIII^  eeuw.  —  Bijgeloof  en  onderwijs,  — 
Familiegeest.  —  Lof  dcr  Belgische  boeren,  gemaakt  door  vreemdelingen.  — 
Besluit. 

Waar  de  krijgstrom  wordt  geroerd  en  de  legerdroramen  over 
de  vlakte  dravenjheeftde  beschaving  weinigvermogenen  invioed; 
ook  zoo  lang,  in  de  XVIP  en  XVIII''  eeuw,  op  onzen  bodem  strijd 
werd  gevoerd ,  moesten  wetenschap,  kiinst  en  volksonderwijs 
achterblijven,  die  enkel  maar  bloeien.  kunnen  bij  vrije,  rustige 
en  welvarende  natiën.  Maar  buiten  oorlogstijd  was  de  toestand 
des  volks  bevredigend,  het  taaie  geduld  onzer  vaderen  weldra  de 
gevolgen  der  verledene  rampen  te  boven  komende  en  door  hunne 
onvermoeilijke  werkzaamheid  telkens  eenen  nieuwen  rijkdom 
scheppende. 

Wij  vinden  hiervan  een  ontegensprekebjk  bewijs  in  den  toe- 
stand ,  waarin  ons  vaderland  tijdens  de  regeering  van  Albert  en 
Izabella  verkeerde,  toen  zoo  vêle  geleerden  in  ieder  vak  van 
wetenschap  en  zoo  menige  groote  kunstenaars  te  voorschijn 
traden  en  de  vroeger  gestremde  koophandel  en  nijverheid  eene 
nieuwe  ontwikkeling  verkregen.  Op  enkele  punten  des  lands  was 
de  welstand  nochtans  minder  groot,  maar  dit  vloeide  voort  uit 
gansch  bijzondere  oorzaken,  welke  met  den  algemeenen  toestand 
des  lands  eigenlijk  niet  in  verband,  maar  aan  bestuurlijke  mis- 
bruiken  te  wijten  waren.  Aldus  vinden  wij  aangeteekend  dat  de 
Henegouwsche  boeren  in  4632  grooten  nood  hadden  uit  hoofde 
van  de  ongelijkheid  der  belastingen  en  twintigsten ,  door  hen  op 
te  brengen,  terwijl  de  adel  en  de  geestelijkheid,  krach tens  oude 
privilèges,  daarvan  ontheven  waren,  en  de  hooge  ambtenaren 
zich  allerlei  afpersingen  veroorloofden  en  een  aantal  karweien 
aan  de  boeren  hadden  opgelegd  K 

*  Sommaire  de  r Estât  général  du  pays  de  Haynaut  en  mars  4632  (Rijks- 
archief  le  Brussel  :  Faria,  fonds  du  président  Roose). 


(  335  ) 

De  armoede,  welke  gcdurende  de  tweede  bclft  der  XVIPeeuw 
in  Brabant  en  Vlaanderen  heerschte,  was  het  gevolg  van  den  lang- 
durigen  oorlog.  Een  beeld  van  dezcn  droevigen  toestand  vinden 
wij  in  de  gemeente  Aalter,  tusschen  Briigge  en  Gent,  destijds  ver- 
vallen  «  tôt  soo  eenen  ellendigen  staet,  mitsgadcrs  tôt  soo  quade 
reputatie  gekomen,  »  dat  in  de  cerste  belft  der  verledene  eeuw 
niet  min  dan  negentig  paardenhofsteden  in  puin  waren  gevallen, 
terwiji  de  landen,  bij  gebrek  aan  bebouwing,  tôt  hunnen  oorspron- 
kelijken  staat  waren  gekeerd,verwoest  en  met  onkruid  begroeid, 
als  hadde  nooit  een  mensch  daar  den  voet  op  gedrukt.  Geen  enkel 
sterfhuis  bijna  viel  toen  open,  «  daer  bâte  was,»  scbrijfteeneoude 
kroniek,  en  voor  eenen  spotprijs  hadde  men  alsdan  schier  gansch 
de  gemeente  gekocht. 

Deze  gesteltenis  was  in  de  jaren  '80  algemeen,  en  vestigde  de 
aandacht  der  staathuishoudkundigen  en  bestuurders;  verschei- 
dene  schriften  werden  in  't  licht  gegeven  om  er  de  oorzaken  van 
op  te  sporen  en  de  middelen  ora  verbetering  te  bekomen.  Een 
dezer  :  den  Oorspronck  van  de  Ruine  en  Aermoede  der  Spaensche 
Nederlanden  (Luyck,  Geraert  Chokier,   1686),  erkent  dat  «  de 

lantsneeringhe nu  geheel  onder  den  voet  ghesmeten  »  is  en 

meende  dat  te  kunnen  verhelpen  door  al  de  vreerade  granen,vee, 
vleesch,  botcr,  kaas,  brandhout  en  kolen  bij  den  invoer  te  belasten, 
want  (zegt  bij)  onze  boeren  zelven  zijn  niet  vrij  van  rechten, 
«  dewijl  dat  zij  voor  het  ghebruyck  van  hiinne  landen  diversche 
omstellinghen  en  prochie-kosten  moeten  betaelen.  »  De  redenee- 
ring,  gelijk  men  ziet,  is  zeer  flauw;  maar  de  schrijver  hoopte  dat 
zijn  voorstel  veel  goeds  zou  hebben  te  weeg  gebracht  : 

<£  Den  Landtsman  sal  ooek  opgheweckt  worden  omme  dies  te 
meer  Beestiaelen  aen  te  queecken ,  te  vetten  en  te  overwinteren, 
waerdoor  ghebeuren  sal  dat  hy  niet  alleene  daerdoor  mcrckelicke 
sommen  van  penninghen  sal  profitéren,  maer  daerenboven  sal 
sooveel  te  meer  Mest  ofte  Vette  winnen  en  vergaedcren ,  waer- 
mede  dat  by  sal  Vetten  ofte  3Iesten  sijne  Landen,  soodaenigh  dat 
de  selve  Landen  dobbel  Vruchten  sullen  voortbren^hen,  ende  by 
ghevoigh  sal  den  Landtsman  ooek  dobbel  fouragie  hebben  om 
andermael  noch  meer  Beesten  te  overwinteren  ende  alsoo  van 


(  336  ) 

jaer  tôt  jaer  in  sijn  Landt-Bauw  ende  Neeringhe  voorderen,  ende 
meer  en  meer  daeraen  profitercn,  daer  als  nu  integendeel  den 
Lantsman  sonder  Mest  ofte  Vetle  labourérende,  niet  en  kan 
opdoen  als  schacde  en  verloren  acrbeyt,  ghemerckt  de  seven 
deelen  van  aclil  generalyck  deser  Landen  ten  minstcn  aile  dry 
Jaeren  cens  ghcmest  ofle  ghevet  nioet  worden.  » 

De  sehrijver  doell  hier  vermoedelijk  op  hem  bekende  gronden, 
die  van  aard  zwaar  en  vruchtbaar  moeten  geweest  zijn;  althans 
't  waren  zeker  maar  magere  gewassen ,  welke  geteeld  werden  op 
dorre  gronden,  die  maar  éens  om  de  drie  jaren  mest  kregen  *  ? 

Wat  den  toestand  in  cen  groot  gedeelte  der  XVII^  eeuw  zeker- 
lijk  niet  deed  verbeteren,was  de  zucht  tôt  bedelarij,  welke,  gelijk 
vroeger,  een  groot  getal  gemeene ,  maar  tôt  arbeid  bekwame  lie- 
den  bezielde.  Een  plakkaat,  door  Albert  en  Izabella  afgekondigd, 
erkent  duidelijk  het  hernemen  dier  groote  maatschappelijke 
kwaal.  ce  Vêle  arabagtsghesellen  (wordt  daarin  gezegd),  knapen 
van  labeure  en  andere  alzulcke  ledighghangers  ende  vagabon- 
den,  levende  op  hun  plesier  en  ledigheyt  zonder  le  werken ,  ver- 
laetende,  om  hun  te  volgen ,  hunne  ambachten,  diensten  ende 
]abeuren,waer  door  de  pachters  ende  andere  goede  lieden  qualyck 
connen  crygen  knapen,  wercklieden  ende  dienstboden,  lot  hunne 
labeuren,  neeringhen  ende  diensten.  » 

De  rcgccring  had  goed  met  strenge  stralFen  te  dreigen,de  bede- 
larij verminderde  niet  en  nog  in  de  tweede  helft  der  XVIIP  eeuw, 
wanneer  het  land  eenen  grooten  welstand  genoot,  was,  volgens  de 


*  Het  slelsel  van  bescherming,  welke  de  schrijver  voor  's  lands  producten 
inriep,  was  hem  ingegeven  door  hel  voorbeeld  van  Engeland,  waar  te  dien 
tijde  de  doodstraf  was  bepaald  voor  elk,  die  uit  dit  rijk  wolle  zou  hebben  uit- 
gevoerd,  terwijl,  bij  den  Invoer,  het  linnen  belast  was  met  4  st.  de  Engelsche 
geerde  of  el.  De  hoppe,  veel  uit  Nederland  naar  Engeland  gevoerd,  was  daar 
alsdan  belast  met  een  recht  van  12  gulden  de  100  pond  (meer  dan  't  dubbel 
derwaarde!);deNederlandsche  kant  of't  speldenwerk,  de  schilderijen  enz., 
mochten  evenmin  in  Engeland  worden  ingevoerd  op  straffe  van  groote  boeten 
en  verbeurle  van  't  aangeslagen  goed.  Eindelijk  de  uit  Engeland  gevoerde 
kolen  waren  daar  belast  met  19  shellings  voor  ongeveer  10  Oostensche  ra- 
zieren. 


(  5Ô7  ) 

oflîciëele  statistieken,  geheel  Bclgië  door  bcdelaars  overstroomd. 
Betreurenswaardig  feit,  hetwelk  meer  dan  éeneii  geschiedschrij- 
ver  omirent  den  wezenlijken  tocstand  des  lands  in  de  bedoelde 
tijden  in  dwaling  heeft  gebracht. 

Dat  de  gocde  zeden  daardoor  veel  te  lijden  hadden  hooven  wij 
nauwelijks  te  zeggen.  De  bedelaars  waren  juist  niet  in  nood  ;  zij 
dronken  hun  glas  bij  tijds...  en  meer  nog  ten  ontijde,  en  maakten 
veelal  krakeel  en  ruzie.  Overal  was  't  getal  berbergen,  waaronder 
vele  wijnhuizen,  aanzienlijk  vermcerderd  en  reeds  den  2'2  Juni 
1589  had  de  regeering  een  plakkaat  moeten  uitvaardigen  om  bet 
getal  tapperijen,  en  zelfs  de  plaats  van  deze  voor  iederc  parochie, 
te  bepalen  —  een  decreet,  dat  den  i  Juli  1G16  was  vernieuwd 
geworden.  Een  nicuw  plakkaat  over  de  berbergen  versebeen  in 
1G82,  en  moest  reeds  vijf  jaren  naderband  vernieuwd  worden. 
Ditmaal  was  er  voornamelijk  quaestie  te  verbieden  «  ongeboude 
docbters  baer  te  vinden  in  de  vergaederyngbe  van  de  jongbmans, 
in  ofte  omtrentde  berbergben,om  aldaer  te  drincken  ofte  dansen 
op  sondaegben  ende  beyligbdaegben  ende  werckedaeghcn.  »  't 
Scbijnt,  dat  dit  verbod  in  de  Kempen  goed  werd  nageleefd,  al- 
tbans  toen  Jacob,  graaf  van  Perlb  ,  ten  jare  1693  eene  reis  door 
België  deed  en  de  Kempen  bezocbt,  woonde  bij  in  eene  berberg 
eene  boerenbruiloft  bij,  waar  geen  speelman  of  dans  te  zien  was, 
omdat  de  pastoor  en  de  baijuw  kracblens  boogergemeld  decreet 
dat  niet  gedoogden.  Te  meer,  evenwel,  werd  er  wit  bier  gedron- 
ken,  rijstpap,  kalfs-  en  gebraden  ossenvleescb  gcëlen  en  wcl  zoo, 
dat  er  de  vreemdeling  verbaasd  op  stond  te  kijken. 

Dâar  ging  ailes  ricbtig,  maar  't  scbijnt  dat  de  boerenjeugd  der 
Kempen  in  de  XVIIl^  eeuw  juist  geen  toonbeeld  van  zedelijkbcid 
opleverde.  In  1750  klaagden  J.-S.  Heyendal,  drossaart  van 
Walboorn,  en  de  scbepenen  zijner  vicrscbaar  aan  den  Raad  van 
Brabant  over  verscbilligemisbruiken,  die  te  Walboorn  bestondcn, 
wclke  noodig  waren  uitgeroeid  te  wezen.  De  Raad  verleende  den 
1 3  Juli  des  gemelden  jaars  eene  ordonnantic,  vcrbiedende  «  dat  de 
vrouwen  en  de  jonge  docbters  ten  tijdc  van  bet  brecken  van  den 
kemp  in  de  meergemelde  bancke  aen  nicmand  meer  sullen  de 
schoencn  wisscben  ;  ordonneert  bun  voordcrs  van  bun  ten  selven 
Tome  XXXII.  22 


(  558  ) 

tyde  te  gedragen  gelyck  eerlycke  ende  deugdsame  persoonen 
toebehoort;  verbiedt  aen  aile  jongmans  der  voorscreve  bancke 
en  aen  degbene  daeronitrent  woonende ,  te  gaen  vinden  's 
avonds  de  jonge  dochters  in  de  buysen,  alwaer  sy  den  kemp 
gebroken  of  geswongen  bebben,minder  van  aldaer  eenige  vilaine 
en  scandaleuse  spelen  te  spelen  en  ander  insolentien  le  bedryven, 
aldaer  overnacbl  blyvende  en  alsdan  de  voorseyde  jonge  docbters 
naer  huys  te  convieeren...*  »  Dat  decreet,  te  Walhoorn,  Kettenis, 
Hergenraad,  Racren  en  Einatten  afgekondigd,  laat  de  sebaduw- 
zijde  zien  van  het  beeld  der  Kempiscbe  deerne  uit  die  dagen, 
welke  men  zicb  weleens  anders  placht  voor  te  stellen. 

Het  groot  gelai  drinkbuizen  werd  in  de  voorgaande  eeuw  door 
al  de  kastelnij-  en  dorpsbestnren  als  een  onheil  bescliouwd.  De 
baljuws  der  ambacbten  van  Assencde  en  Boekhoute,  de  niagis- 
traten  der  kastclnijen  van  den  Oudenburg,  Oudenaarde,  Kortrijk 
en  Aalst  brachten  bij  vcrtoog  van  26  April  1777  aan  bet  gouver- 
nement in,  dat  groote  ongeregeldheden  en  wanorders  ten  platten 
lande  plaats  grepen  en  elken  dag  een  ernstiger  karakter  namen, 
wat  enkel  te  wijten  was  (verklaarden  zij)  aan  't  groot  getal  kroe- 
gen  en  laveernen,  waar  kansspelen  en  schouwtooneelen  gegeven 
wcrden  om  bet  volk  aan  te  lokken  en  op  die  wijze  losbandigheid 
en  ontucht  werden  begunstigd;  vooral  duidden  zij  de  kanlienen 
aan,  waar  niets  dan  brandewijn  en  andere  sterke  dranken  werden 
getapt,en  dronkensebap,de  moeder  van  twist,  gevecht  en  moord, 
bij  dag  en  bij  nacbt  beerschte. 

De  regeering  kon  of  wilde  dien  toestand  niet  langer  gedoogen 
en  deed  bierover  een  ontwerp  van  règlement  opstellen,  betwelk 
ten  onderzoeke  gezonden  aan  den  Raad  van  Vlaanderen  en 
gevolgd  werd  door  bet  besluit:  dat  de  verkoop  van  sterke  dran- 
ken enkel  maar  zou  toegelaten  zijn  in  de  geoorloofde  of  geoc- 
trooieerde  berbergen  ;  dat  al  de  kantienen  moesten  gesloten  wor- 
den;  dat  de  overtredingen  strcng  moesten  toegepast  en  de  wijze 
verordeningen  van  22  Juni  d588  en  van  i  Juli  1616  getrouw 
moesten  nageleefd  worden.  —  In  bet  ambacht  van  Assenede  (leest 

*  Archief  vau  't  hooggerechtshof  van  Limburg. 


(   559  ) 

men  in  onze  nionograj)liie  dier  plaals)  moetcn  de  ongeregeldheden 
erg  zijn  gewecst,  aangezicn  het  bestuurvan  dat  gewest  meteenen 
had  voorgesteld,  de  vastenavondvreugde  te  verbicden,  die  er 
hoofdzakelijk  bestond  uit  het  «  gans-,  catte-  ofte  cacs  te  ryden, 
waeruyt  resulteren  scliadelycke  vcrgaderynglien  cnde  différente 
ongelucken  ;  »  alsmede  in  gansch  't  ambaebt  de  wijkkerniissen 
af  te  schaffen,  behoudende  alleen  de  dorpskermissen. 

Uit  het  bovenstaande  zal  men  gcnoeg  zien  dat  er  noodzakelijk- 
heid  beslond  om  de  herbergen  des  avonds  vroeg  te  doen  skiiten, 
wat  een  plakkaat  van  1779  dan  ook  beval  ;  in  den  zomer  mochten 
de  drinkhiiizen  tôt  negen  ,  gedurende  den  winler  tôt  acht  ure 
geopend  blijven.  Het  gekiep  der  klok  gaf  het  sein  om  te  sliiiten. 

De  meeste  vreemdelingen,  welke  ons  land  bezochten,  gewagen 
van  de  neiging  onzer  voorouders,  om,  na  den  verrichlen  arbeid,  in 
de  herberg  samen  te  komen.  Barentin,  intendent  van  Viaanderen 
onder  Lodewijk  XIV,  schreef  daarover  : 

«  Ils  aiment  à  boire  les  uns  avec  les  autres,  et  à  faire  leurs 
affaires,  sans  avoir  l'imagination  vive;  c'est  ce  qui  fait  qu'on  les 
trouve  grossiers  et  stupides  dans  la  conversation,  mais  ils  sont 
habiles  dans  les  affaires  qu'ils  font  avec  réflexion  et  trompent 
quelquefois  ceux  qui  s'imaginent  être  plus  fins  qu'eux.  Ils  sont 
fort  attachés  à  la  religion  catholique...;  ils  fréquentent  les  sacre- 
ments et  sont  exacts  à  entendre  la  messe  et  le  sermon,  mais  tout 
cela  sans  préjudice  du  cabaret,  qui  est  une  de  leurs  passions  domi- 
nantes...^  » 

Wij  gelooven  deze  kleine  schets  juist  te  zijn  ;  althans  de  meeste 
oorkonden  uit  de  vorige  eeuwen,  welke  wij  nopens  dit  puntgeraad- 
pleegd  hebben,  stemmen  met  de  woorden  van  Barentin  overeen. 

Het  is  niet  te  verbloemen  :  't  was  de  geringe  stand  alleen  niet, 
welke  de  herberg  opzocht:  onze  voorouders,  welke  ook  hunne  be- 
trekking  in  de  maatschappij  was,  hielden  over 't  algemeen  van 
de  gezelligheid  onder  het  drinken  van.  een  glas,  en  hadden  de 

*  Mémoires  des  généralités  de  France,  Hs.  in-fol.  (ten  jare  1700  in  de 
Koninklijke  Bibliotheek  le  Parijs).  Zie  J.  Lelong,  Bibliothèque  historique  de 
France  (Paris,  1762),  I,  107. 


(  340  ) 

grooten  in  de  XVIP  eeuw  hun  «  goede  paryse  in  een  fyn  Veneets 
cristallynen  glas,  »  of  eenen  goeden  beker  Rijnsch  «  in  eenen 
sehoonen  Keulenschen  roomer,  »  de  boer  en  burger  hielden  't 
met  de  oudvaderlijke  aarden  kruik  of  tinnen  kan,  en  het  bier 
smaakte  hun  al  zoo  zoet.  De  middelstand,  onder  Albert  en  Iza- 
bclla  door  voorspocdigen  handel  en  nering  rijk  geworden,  volgde 
in  kleeding  den  edelman  en  drocg  «  caffo  vloerte  ofte  cofferiche, 
salyn  ende  herrcmosijn,  »  wat  allengs  zoo  gemcen  werd  dat  de 
boerinnen  er  «  lijvekens  »  van  droegen.  Het  satijn  was  wit  of 
rood,  en  de  gespen  en  riemsloten  waren  van  zilver,  evenals  de 
hecht  der  messen,  die  't  mansvolk  droeg  *. 

Het  mes,  waarvan  de  kroniekschrijver  gewag  maakt,  was  inder- 
daad  de  onafscheidelijke  gezel  van  den  Vlaming,  inzonderheid  op 
den  buiten.  Bij  de  Walen  was  er  zelfs  een  spreekwoord  daarvoor, 
hetwelk  hun  tôt  verwittigirig  diende  en  genoeg  laat  oordeelen  dat 
onze  boeren  er  een  veelvuldig  gebruik  van  maakten  : 

«  Qui  va  en  Flandre  sans  couteau 
11  perd  de  beurre  maint  morceau.  « 

Ja,  van  't  steken  schijnen  de  Vlaamsche  buitenlién,  vooral  die 
van  Fransch-Vlaanderen,  een  handje  gehad  te  hebben,  want  toen 
Lodewijk  XIV  dat  land  had  ingepalmd  vond  hij  zich  genoodzaakt 
een  edict  uit  te  vaardigen,  waarbij  bevolen  werd  dat  al  de  tafel-en 
andere  messen  binnen  de  drie  dagen  al  boven  moesten  rondge- 
slej>en  zijn...2  Dat  zulk  bevel  niet  zonder  hooge  noodzakelijkheid 
werd  uitgevaardigd  blijkt  uit  de  beweegredens,  waarop  het  werd 
gesteund,  en  waaruit  men  ziet  hoe  erg  en  gevaarlijk  het  misbruik 
was  geworden  ^. 

*  Handschriflelijke  kroniek  vanJusTUs  Billet,  in  de  bibliotheek  van't  stads- 
archief  le  Gent. 

2  Dit  edict  is  gedagleekend  uit  St.-Germain-en-Laye,  Juûi  1669. 

5  Men  leest  daar  o.  a.  :  «  Depuis  que  l'heureux  succès  de  nos  armes,  la 
justice  de  nos  prétentions  (!)  et  le  Iraicté  conclu  à  Aix-la-Chapelle  nous  ont 
acquis  plusieurs  villes  et  diverses  chàtellenies,  tant  en  Flandre  que  dans  les 
autres  provinces  des  Pays-Bas,  nous  avons  employé  tous  nos  soins  pour  y 
faire  régner  la  justice  et  pour  y  faire  jouir  nos  sujets  du  repos  et  de  la  tran- 


(  341  ) 

Er  kwain  een  tijd  —  en  't  was  nog  in  de  XVII'  eeuw  —  dal  liet 
«  vechten  met  messen  en  sweerden  »  ophield  en  de  boeren  begon- 
nen  «  malcanderen  met  penne  en  inct  te  keere  te  gaen  ende  le 
procedeeren,  van  boven  ncdcre  om  luinncn  moet  te  koelen.  > 

De  Vlaamsche  boer  (vooral  van  't  westebjk  gedeelle,  zegt  de 
evenlijdige  kroniekschrijver)  «  proeedeerde  in  den  Raed  van  Vlaen- 
deien  uytmode,  »  en  wie  geen  procès  had  met  zijnen  buurman, 
of  wie  ook,  was  van  geenen  tel.  Men  hoorde  in  de  herberg  schier 
niets  anders  dan  van  procureurs  en  advocaten ,  recbters  en  ge- 
tuigen,  en  wie  daarvoor  "t  meeste  geld  had  verscholen  voerde 
ook  den  hoogsten  toon.  Was  't  uit  twistzieken  aard,  wrevel,  ge- 
brek  aan  vriendscbap,  dat  men  elkaar  naar  de  vierschaar  drong? 
Geenszins,  evenmin  als  de  haat  of  boosaardigheid  naar  bet  zakmes 
haddcn  doen  grijpen.  «  Hunne  beenen  en  eonden  de  weelde  niet 
draeghen,  ende  dese  boeren  door  pracht  en  overdacd  maeckten 
de  borgbers  van  de  beste  steden  confus  ende  beschaempt,  zoo  in 
cleeren,  lywaetjziher  ende  gaudt  an  hun  licbaem  aïs  van  provisie 
van  wijn  en  bier  '.  »  Ja,  dan  was  't  een  recht  gulden  tijd  voor 
België,  de  tijd  der  «  Vlaamsche  kermissen,  »  op  het  doek  vereeu- 
wigd.  Kan  er  beter  betoog  van  den  welstand  onzer  Brabantsche 

quillité  de  la  paix;  et  voyant  qu'elle  ii'estoit  troublée  que  par  les  fréquentes 
querelles  et  démêlez  qui  arrivent  entre  les  habitans  desd.  villes  et  chàtelleuies, 
dans  la  chaleur  desquels  ils  se  portent  à  de  tels  excès  qu'ils  se  frappent,  se 
blessent,  et  souvent  s'enlre-luenl  à  coups  de  couteaux,  nous  aurions,  pour 
prévenir  ces  inconvénients,  par  noire  ordonnance  du  12  Janvier  1668,  défendu 
le  poit  et  l'usage  des  couteaux  pointus  à  toutes  sortes  de  personnes  tant  des 
villes  que  du  pk:t  pays,  de  quelque  qualité  et  conditions  qu'elles  fussent,  à 
peine  d'amerde...  désirant  y  apporter  les  remèdes  convenables,  et  ne  rien 
omettre  de  ce  qui  peut  contribuer  au  repos  et  sûreté  de  nos  sujets,  scavoir 
faisons  que. .  nous  statuons  et  ordonnons  ce  qui  suit  :  que  si  au  préjudice  de 
nos  défenses,  aucun  est  si  osé  de  porter  des  couteaux  pointus  et  de  les  tirer 
à  dessein  d'en  frapper,  encore  qife  le  coup  ne  soit  suivi  d'aucune  blessure, 
voulons  que  pour  la  première  fois  il  soit  condamné  au  carcan  ou  banni  de 
LOtre  royaume,  et  en  cas  de  récidive  condamné  à  la  plus  grosse  peine  corpo- 
relle à  l'arbitrage  des  juges...  » 

(Zie  het  stuk  bij  A.  Dinalx,  Archives  du  Nord  de  la  France,  Xlll,  5«  série, 
III,  bl.  112.) 

*  Voonnelde  handschriflelijke  kroniek  van  Justus  Billet. 


(  542  ) 

en  Vlaamsche  boeren  gegeven  worden  dan  die  geestige,  vroolijke 
tafereelcn,  door  eene  meesterhand  naar  de  natuur  gepenseeld  en 
waarop  ons  boerenvolk  zoo  joviaal,  gulhartig,  levenslustig  is  afge- 
beeld?  Zie  maar  eens  naar  dit  schilderstuk  van  onzen  TENiERS,die 
onze  dorpsfeeslen  schilderde  gelijkRoTGANS  ze  in  Holland  bezong. 
Aan  de  herberg  bangt  de  vlag  iiit  —  een  zeer  oud  gebruik.  — 
Voor  de  deiir  is  een  strooien  afdak  gemaakt,  waaronder  de  oudjes, 
die  niet  dansen,  zitten  te  drinken;  naast  bet  afdak  is,  voor  den 
vedelaar  en  den  doedelzakblazer,  op  eene  ton,  de  jonkbeid,  die  bij 
't  eeiste  gekras  en  bij  't  eerste  gepiep  der  speeltuigen  opspringt 
en  aan  't  flikkeren  gaat.  Maar  't  zijn  juist  nietaltemaal  jonge  kna- 
pen  en  meiden,  die  't  been  uitsteken;  men  treft  bier  en  daar  ook 
wel  een  ond  paartje  aan  :  Koba  en  Stine  lieten  baren  Tijs  noch 
Tennis  gerust,  of  zij  moesten  —  al  vvas  't  dan  ook  maar  voor  een 
paar  minuutjes  —  meespringen,  en  waarlijk!  die  oudjes,  scboon 
ze  al  zeven  kruiskens  acbter  den  rug  bebben,zouden  nog  menige 
jonge  deerne  bescbamen!  Er  wordt  geminnekoosd  onder  den 
dans,  aan  de  wel  opgedischte  tafel  en  onder  't  groen  van  de  eeu- 
wenoude  linde,  die  daar  vôor  de  berberg  hare  booge  kruin 
Irotsch  ten  hooge  beurt,  en  die,  als  zij  spreken  kon,  de  getuigenis 
zou  afleggen  dat  bet  kermisvieren  lot  de  oudste  traditiën  des 
lands  beboort.  —  Zagen  wij  den  iniddelceuwscben  Kerel  ook  niet 
«  ter  kermisse...  gaen  ^■>  en  «  drinken  van  den  wine?  » 

En  zietocb  eens  naar  die  welgebouwde  niannen  altemaal,  met 
hunne  dikke,  bollige  wangen,  blozend  van  gezondheid  en  kracbt, 
het  vuur  in  de  oogen,  de  vreugde  in  elken  trek  des  gezichts ,  los 
en  onbedwongen  van  boiiding,  even  vrij  en  onbekommerd  aïs  de 
vogel  op  zijnen  tak.  Morgen?  Ei,'t  is  morgen  nog  kermis,  en  over- 
morgen  ook,  en  gebeel  de  week  !  Dat  is  boerengedoen,  en  't  mag 
wel,  want  de  akkerzorg  is  grool,  de  arbeid  lastig...  Het  gaat  er, 
wel  is  waar,  onder  al  de  kermisgaslcn  niet  altijd  even  rustig  toe 
en  welgezind  :  de  drank  verbit  bet  bloed ,  de  tapper  is  bandig 
en  vlug  om  te  bedienen  en  —  de  Vlaming  beeft  niet  veel  noodig 
om  in  vlam  te  scbieten...  Wceral  gelijk  in  den  Kerelstijd  : 

a  Stappans  es  lii  versmoori, 
Dan  es  al  de  werelt  tsine...  » 


(   ^54^  ) 

Maar  zie  !  ruziemakcrs  passen  nict  bij  de  kcrmisjjrcl,  daar 
komt  een  paar  flinke  gaslen,  vattcn  de  dronken  dullemans  bij  de 
kraag  en  —  weg  zijn  ze ,  't  bofbekken  buiten.  Het  spcl,  écn 
oogenblik  opgeschorst,  gaat  nu  weer  zijnen  gang,  en 

«  Hier  klinkt  een  mannenkoor  van  meer  dan  deiiig  keelen 
Een  wildzang  zonder  zin,  verniinkt  in  aile  deelen.   » 

Wat  wil  men"?  Onze  boercn  zijn  juist  gcene  meesierzangers,  en 
aïs  er  maar  lawijt  is,  op  kermis  vooral,  dan  is  't  wel. 
Daarnaast  zit  men  ook  niet  te  droomen  : 

«  Onze  ooren  worden  doof  van  't  kloppen  van  de  kannen.   » 

En  dat  tôt  den  avond  toe.  Ja  Rotgans,  wat  gij  scbrijft  voor  Hol- 
iand  beeft  het  penseel  van  Tenieus  bevestigd  voor  onze  slreken  : 
onze  voorouders  hielden  zeer  van  de  kermis  en  wisten  er  goed 
weg  mee.  Ook  genoot  het  boerenfeest  reeds  in  dien  tijd  de  eer, 
door  rijke  stedehngen  bezocht  te  worden.  De  schilder  maalt  ze  er 
af,  gekomen  op  hunne  paardenjmet  een  gezelscliap  van  jonkvrou- 
wen,ora  eens  te  zien  hoe  de  boeren  zich  vermaken,  wantvan  zulke 
vreugd  en  vroohjkheid,  als  te  lande  wordt  waargenomen,  heeft  de 
stadsman  geen  gedacht,  en  daar  ziet  hij  ook  de  bevestiging  van  de 
oude  volksspreuk  : 

«  De  welghevoede 
Is  de  welghemoede.   » 

Het  moest  in  Vlaanderen  juist  geen  kerk-misdag  zijn  ,  die  loch 
maar  éens  in  't  jaar  kwam,  oni  feest  te  houden  ;  gedurende  de 
herneming  van  's  Jands  welvaart,  in  de  tweede  helft  der  voor- 
gaande  eeuw,  hielden  de  boeren  van  't  Meetjesland  (te  Zomcrgem, 
NYaarschoot  en  Lovendegem)  op  zon-  en  heiiigdag  eene  taerte/'eeste, 
waartoe  de  vrienden  uit  het  dorp  en  van  elders  werden  uitgenoo- 
digd.  Dit  was  nu  eene  kermis  van  eenen  gansch  bijzonderen  aard; 
iedere  deelnemer  betaalde  zijn  gelag.  Bij  eenige  boeren  wcrd  ook 
vlecsch  opgediend,  en  de  drank  was  meê  en  jenever.  Het  mee- 
rendeel  der  «  tractanten  »  deden  hun  feest  den  zondag  na  de 
vroeg-en  hoogmis  len  kerkstichel  aankondigen  in  dezer  voegen  : 


(  54i  ) 

a  N.  N.  sal  vandaege,  naer  de  vesperen ,  laertekermisse  houdcn. 
Die  geit  hecft  can  daer  naer  toe  gaen.  »  Somtijds  was  er  ook  bol- 
spel  bij,  maar  «  nooyt  bas  ofte  vioole.  »  Een  der  boeren  —  mon 
vindt  er  zoo  allijd  —  wilde  cens  meer  doen  dan  een  ander,  en  gaf 
bouillon,  met  wittebrood  daarin,  boven  bet  vleesch  en  de  taart. 
De  soepkelel  bing  ganscb  den  namiddag  over  't  vuur,  «  len  ge- 
rieve  dergene.die  daer  naer  vraegen.  i»  Deze  «  divertissementen  » 
waren  eenvoudig  en  eerbaar,  leest  men  in  bet  enquest  nopens 
eene  zulker  vcrgaderingen,  waartegen  de  baijuw  van  Zomergcm, 
w  ij  weten  niet  oui  welke  reden,  een  vervolg  bad  ingcspannen  K 

Wij  zegden  't  reeds  vroeger  :  de  herberg  is  juist  geene  scbool 
van  bescbaafdbeid  en  wellevendheid,  en  de  gevolgen  van  't  over- 
nialig  drinken  moesten  door  dorps-  en  gildewetten,  ja  door  alge- 
meene  decreten  meer  dan  cens  beteiigeld  worden.  Die  verorde- 
ningcn  scbijnen  opde  menigte  eenen  beiizamen  invloed  le  bebben 
uilgcoefend.  Een  plakkaat  van  TSeplember  1632,  il  Aiigustus  IG88 
en  18  Decemberl701  verbood  «  aen  aile...  ondersaten  ende  andere, 
banterende  dese  landen ,  mans-  ende  vrouwpersoonen,  van  wat 
stact  of  conditie  sy  mogen  wesen,  te  sweiren,  blaspbemeren  ende 
verloocbenen  den  Naem  Gods ,  van  syne  glorieuse  Moeder  ende 
andere  Heyligen,  gelyck  oock  te  doen  andere  vervloecktc  eeden.  » 
—  In  de  rederijkers-  en  scbultersgilden  werd  bet  minste  onbe- 
tamelijk  woord  met  boete,  de  herneming  somtijds  met  banning  uit 
bel  genootsebap  voor  zekeren  tijd  of  voor  altijd  gestraft;  zoo  verre 
ging  ondcr  dit  opzicbt  de  nauwgezelheid  onzer  voorouders,  dat 
de  woordcn  :  duivel,  droes  en  andere  van  die  soort  niet  lijdens 
de  oefeningen  of  andere  bijeenkomsten  van  't  gilde  mocblen  uit- 
gesproken  worden  2. 


*  Slaatsarchief  te  Gent. 

^  «  Item  soowiein  de  caemer  spreekt  eenige  vuyle  ofte  oneeibaere  woor- 
den,  ofte  is  sweirende  bij  Gode  ofie  sijn  heyligen,  ofle  oock  bij  zijnder  ziele, 
tsij  bij  costume  ofte  vergelenlheydl,  sal  verbeiiren  telcker  reyse  de  boete 
van  Iwaelf  mijten  ten  proftijte  alsboveii.  » 

(Règlement  van  H  rederijkersgilde  van  Elversele  (16H)  in  onze  geschie- 
denis  dier  gemefnte.) 

«  By  soo  verre  eeniglie  guldebroeders,  schietende  op  den  hof  tusschen  mis- 


(  345  ) 

De  ongeregeldheid  in  den  drank  leidde  op  sommige  plaatscn  tôt 
misbruiken  en\vanordelijkheden,diesomtijdsnog  al  verre  gingen. 
Een  paar  voorbeeldcn  hicrvan  zullen  ons  doen  zien,  dat  er  in  de 
XVII^  eeuw  nog  iets  van  de  ruwheid  der  oude  Bclgen  was  over- 
gebleven. 

De  abdij  van  Park,  bij  Leuvcn,  deelde  icdcr  jaar,  den  laatslen 
karnavalsdag,  den  armen  van  Rolselaar  en  Wezcmaal  brood,  spek 
en  bier  uit,  gewoonlijk  voor  de  kloosterpoort  opgediend.  Na  den 
disch  begon  het  lied  en  vervolgens  de  dans,deze  laatste  ingesteld 
door  den  Vastenavondheer ,  gekozen  onder  de  jongelingen  van 
Rolselaar,  en  door  de  Vastenavonddame,  gekozen  onder  de  meis- 
jes  van  Wczemaal,  die  aile  gekleed  vvaren  als  zotten.  Niet  zelden 
ontstonden  er  daarbij  twist  en  wanorde,  zooals  ten  jare  1621, 
wanneer  men  een  deel  des  kerkportaals  vernietigde  en  de  jonge- 
lingen dreigden  't  jaar  nadien  nog  erger  baldadigheden  te  zullen 
plegen.  De  kloosterzusters  dienden  eene  klaclit  in  bij  den  Raad 
van  Brabant,  en  dezc  gaf  den  20  Januari  1622  een  vonnis  tegen 
de  plichtigen,  die  later,  evenwcl,  de  Zusters  van  Park  nog  zoo- 
veel  werks  leverden  dat  zij  op  den  duur  verplicht  waren  met  de 
jonkheid  eene  overeenkomst  te  skiiten. 

Eene  raoedwilligheid  van  een  ander  slag  had  wortel  geschoten 
te  Séclin,  waar  de  pastoor  en  de  boeren  van  Avelin  sedert  langen 
lijd  zich  't  recht  hadden  aangeraatigd  oni  op  Drieviildiglieidsdag 
le  paard  in  de  kerk  te  komen  en  er  rond  en  over  en  weder  het 
koor  te  rijden.  Men  noemde  dat  :  «  servir  Saint  Pial.  »  Vende- 
ville,  bisschop  van  Doornik,  verbood  dat  misbruik,  maar  verloor 
vôor  't  gerechtshof  van  Rijscl  het  procès,  dat  de  boeren  hem  lot 
behoud  van  hun  oud  recht  hadden  aangedaan. 

Het  rid  werd  dan  in  de  kerk  van  Séclin  voortgezet,  tôt  groote 
ergernis  der  geloovigen  en  lot  diep  leedwezen  van  den  deken  en 
hetkapittel  van  St.-Piatus.  die  zich  bij  verzoekschrift  lot  den  bij- 

saelen  efle  om  den  gaey,  of'le  ooek  in  huys  ofte  andere  vcrgaderinghen,  Godt 
ofle  sijne  heyligen  blasphemerende  uyt  opgeset'en  willeofle  andere  onrede- 
lijcke  ofte  ongebronide  {sic)  woorden  uyt  Imnnen  niondt  lieten  gaen,  die  sul- 
len  elcke  reyse  verbeuren  ses  sluyv(  rs...  » 

(Staluten  van  't  St.-Sebasliaansgilde  van  Haasdonk. 


(  34G  ) 

zonderen  raad  des  konings  wendden,  «  remonstrant  la  malséancc 
de  voir  en  leur  église  tel  disrespect  au  moyen  des  chevaux  y  en- 
trant et  laissant  leurs  immondices  et  ordures.  «  L'affaire  ayant 
été,  zegt  DuLaury  (11,56),  examinée  au  conseil  privé  (à  Bruxelles) 
le  5  octobre  1642,  défenses  ont  été  faites  auxdits  d'Avelin  d'en- 
trer à  cheval  en  ladite  église,  sous  peine  arbitraire,  avec  ordre 
qu'un  député  du  chapitre  leur  donneroit  à  baiser  le  reliquaire 
accouslumé,  étant  à  cheval  au  devant  du  Grand  Portail.  » 

Een  bedroevend  bccld  van  het  leven  der  boeren  in  de  twee 
laatste  eeuwen  is  nog  altijd  de  bijgeloovigheid,  die  overal  heer- 
schen  blijft  en  de  geesteskracht  van  den  anders  wakkeren  mensch 
verlamt.  Des  winters,  als  't  gezin  onder  den  breeden  schoorsteen- 
mantel  is  vereenigd  en  de  dansende  vlam  van  't  knetterend  hout- 
vuur  met  het  weifelend  licht  der  kleine  steenen  lamp  een  flauw 
licht  in  de  groote  huiskamer  verspreidt,  dan  roept  Grootje  haar 
geheugen  te  harer  hulpe  en  haalt  de  sprookjes  op,  waarmee  hare 
eigene  moeder,  zestig  of  zeventig  jaar  geleden,  haar  in  den  win- 
teravond  wakker  wist  te  houden,  maar  ook  ten  hoogsfe  bang.  Nu 
is  't  van  Osschaart,  die  bij  nacht  en  ontijd  voor  den  eenzaam  naar 
huis  keerenden  man  verschijnt,  hier  zoohoog  als  een  boom,  daar 
in  de  gedaante  van  eenen  bond,  ter  grootle  van  eenen  ezel,  en 
den  voorbijganger  dwingende  hem  op  de  schouders  tôt  aan  zijn 
huis  te  dragen,  al  wordt  de  last  ook  met  elken  stap  zwaarder  en 
zwaarder.  Dan  vertelt  de  oude  van  't  Wit  konijn,  dat  van  den 
mensch  niet  weggaat  dan  door  't  lezen  van  't  Sl.-Jans-Evangelie; 
of  van  de  Katten  van  Ravels  *,  alwaar  in  den  waterkuil  elken 
nacht,juist  ten  twaalven,eene  bende  tooverlieksen  in  de  gedaante 
van  katten  vergadert,  en  waarmee  niet  te  spotten  valt,  want  't 
gebeurde  eens,  dat  een  boer  de  wedding  had  aangegaan  om  in  den 
kuil  eenen  stok  te  gaan  steken.  Hij  deed  dit,  maar  zie,  nauwelijks 
kwam  hij  terug  of  't  schecn  hem  toe,  dat  eene  der  katten  hem 
altijd  volgde,  en  sedertdien  zag  hij  die  tooverheks  altijd  aan  zijne 
zijde,  toldat  hij  van  schrik  den  adem  uitbiies...  Op  eenen  anderen 
dag  vertelt  Groolje  van  den  Brandenden  Heiirst, dal'is  de  historié 

*  Een  dorp  bij  Turnliout. 


(  347  ) 

van  dcn  godvcrgeten  bocr,  die  zelfs  op  den  heiligcn  dag  van 
Kerstmis  met  zijnen  heurst  naar  't  veld  reed  om  afgekapte  boo- 
men  naar  huis  te  voercn.  IVIaar  hij  had  er  geene  bâte  bij  :  wcinig 
tijds  nadicn  stierf  degoddelooze  boer,  en  nog  jaarlijks  ,  op  Kcrst- 
dag,  ziet  het  landvolk  hem  met  zijnen  heurst  over  't  veld  rijden, 
maar  geheel  in  vlamnien,  gelijk  zijn  ros  en  zijn  lieurst.  En  als 
Grootje  dan  nog  verteld  heeft  van  den  Wandelenden  Doom,  die 
statig  en  stil  over  de  velden  stapt;  en  van  de  KaboutermannekenSj 
die  op  't  hof,  waar  zij  wat  te  eten  vinden,  des  nachts  het  huis- 
werk  verrichlen;  of  van  de  Vler  Zivarte  Hoenders,  die  in  't  Land 
van  Aaist  omirent  middernacht  op  de  vier  hoeken  van  elke  kruis- 
straat  komen  zitten  om  met  de  eerste  morgenschemering  weer  te 
verdwijnen  —  dan  begint  er  een  ander,  hctzij  de  pachtersbaas, 
die  't  in  zijne  jeugd  ook  hoorde  uit  moeders  mond,  hetzij  de  naaste 
buurvrouw,  die  straks  was  binnengekomen  om  iet  of  wat  te  ver- 
nemen ,  en  't  vertellen  gaat  voort.  —  Weet  gij  iets  van  de  Kallen 
van  den  Groenen  Dijic?  —  Neen!  —  Luister.  Op  den  Groenen 
Dijk  placlit  er  elken  nacht  eene  vergadering  te  zijn  van  katten, 
die  daar  op  't  gras  dansten  en  sprongen,  ja  zongen,  net  als  men- 
sehen  : 

«  Poot  aan  pool, 
Steert  aan  steert, 
Katjes,  laat  ons  dansen  î  » 

En  dan  volgen  twintig  andere  sagen,  waar  de  leelijke  Osschaart 
toch  meest  de  hoofdrol  in  speelt,  en  die  de  kleine  en  groote 
kinderen  zoo  bang  maakt  dat  ze  in  den  donkere  alléen  niet 
durven  blijven ,  en  's  nachts  door  de  verschrikkelijkste  droomen 
worden  bezwaard. 

't  Geloof  aan  spoken  en  tooverheksen  was,  voornamelijk  in  de 
XV IP  eeuw,  mogelijk  sterker  dan  ooit  te  voren,  echter  niet  alleen 
in  België  :  ook  in  de  protestantsche  landen,  HoUand  en  Duitsch- 
land.  was  het  bijgeloof  groot.  In  Ilollaing  (Henegouw)  werden  ten 
jare  1621  zes  vrouwcn  wegens  tooverij  veroordeeld  ^  In  1613 
had  er  te  Roermond  en  in  't  omliggende  eene  vervolging  plaats 

^  A7inales  du  Cercle  archéologique  de  Mons,  II. 


(  348  ) 

legen  tooveraars,  die,  zeggen  de  processtukken,  meer  dan  duizend 
menschen  hadden  omgebracht  en  wel  zes  duizend  beesten,  zonder 
de  vernieling  van  geheele  streken  koorn  en  weiland,  talrijke 
boomgaarden  en  bosschen.  Van  24  September  tôt  in  November 
1613  werden  niet  min  dan  vier  en  zestig  tooveraars,  als  schuldig 
aan  die  feiten,  gebangen  en  verbrand...^ 

De  schepenen  van  Sassenbroch  (Luxemburg)  deden  in  1611 
zekere  Maria  Guyens ,  mede  van  tooverij  belicht,  op  de  pijnbank 
leggen  en,  na  vonnis,  verworgen.  Te  St. -Hubert  werd  in  1615 
eene  vrouw  wegens  geiijk  misdrijf  geworgd,  wat  ook  in  1657 
geschiedde  met  vier  vrouwen  van  Sugny.  Den  1  Februari  1631 
veroordeelde  de  Raad  van  Vlaanderen  eenen  omtrent  Kortrijk 
wonenden  wever,  met  name  Rogier  Notholf ,  tôt  de  geeseling  en 
vijftig  jaar  ballingschap  uit  Vlaanderen,  om  vêle  menschen  en 
dieren  te  hebben  onttooverd  ^.  Jan  Vindevoghele,  van  Ooike, 
werd  in  16d;2  levend  verbrand  om  zijne  ziel  aan  den  duivel  \er- 
kocht  te  hebben,  en  Matthijs  Stoop,  van  Zingem,  onderstond 
wegens  gelijke  beschuldiging  dezelfde  straf  ten  jare  1657. 

Er  was  geen  gewest  in  België,  waar  de  betichtiging  van  tooverij 
niet  waargenomen  werd,  en,  geiijk  men  uit  de  pasvermelde  en 
verder  volgende  voorbeelden  ziet,  waren  't  altijd  vrouwen,  die 
men  aanklaagde.  Te  Hameau  (heerlijkheid  van  Monceau)  werd  in 
1649  zekere  Margareta  Gcrardeain  veroordeeld  «  a  estre  conduict 
au  lieux  de  supplice  pour  estre  attachée  à  un  posteau  pour  y  estre 
estranglée  tant  que  la  mort  s'ensuive  et  son  corps  reduict  en 
cendre  à  l'exemple  d'autres  ^.  »  Op  dezelfde  plaats  stond  ten  jare 
1670  eene  zestigjarige  vrouw,  Francisca  Leveau ,  te  recht,  be- 
schuldigd  door  haren  man  ,  die  haar  haatte  en  in  t  verderf  zocht 
te  stooten.  Deze,  gelukkiglijk  —  eilaas,  waarom  waren  er  zoo 
weinige  uitzonderingen?  — bekwam  hare  vrijheid,  nadat  de  gees- 
tclijkbeid  hare  verdediging  op  zich  genomen  en  verkiaard  had  dat 


1  ScHELTEMA,  GescMedenis  der  Heksenprocessen. 

^  Zie  het  vonnis  bij  V.  Gaillard,  Archives  du  Conseil  de  Flandre,  SOS,  en 
overgezetin 't  Fransch  in  La  Belgique  judiciaire,  1875,  bl.  1120. 
5  Revue  dliisloire  et- d'archéologie,  IV. 


(  ôiO) 

de  beschuldigde  te  achten  wasals  eene  brave,  deugdzanie  vrouw  *. 
Te  Mëlin  (Henegouw)  hadden  in  1681  ook  verschillige  strafuit- 
voeringen  plaats  voor  tooverij  en  nog  in  het  laatste  vierde  der 
XVIII*^  eeuw  werden  le  Kortessem  (Limburg)  geradbraakt  of  op 
den  brandstapel  gebracht  twintig  bewoners  van  Wellen,  leden 
eener  rooversbende,  beticht  van  met  den  duivel  een  verbond  te 
hebben  gesloten. 

Zoo  veel  bijgeloof  onder  bct  volk  mag  ons  bedroeven,  echtcr 
niet  verwonderen.  Scbreef  Lecouvet  niet  dat  nog  in  1859  de  inge- 
zetenen  van  Hollaing  zeer  bijgeloovig  waren?  En  wie,  die  met  de 
bewoners  van  den  buiten  goed  bekend  is^weet  niet  dat  Osschaart 
en  Kludde  nog  niet  zijn  vergeten,  dat  de  veezickte  en  't  raislukken 
van  de  veldgewassen  nog  op  enkele  plaatsen  weleens  aan  betoove- 
ring  toegeweten  worden  ? —  Overigens  in  de  XVIPeeiiw  ging  toch 
in  Duitschland,  waar  de  heksenprocessen  vcelvuldiger  waren  dan 
hier,  de  stem  eens  geleerden  op  om  dat  misbruik  te  niet  te  doen, 
de  stem  namelijk  van  pater  Frederik  von  Spee,  der  Jezuïetenorde, 
die,  zijne  eeuw  vooruitloopende,  de  vooroordeclen  van  zijnen 
tijd  bestreed  en  op  de  ergerlijke  dwalingen  wees,  welke  in  't 
rechtsgeding  tegen  tooveraars  en  heksen  werden  begaan  2. 

Om  het  bijgeloof  uit  te  roeien  was  de  school  voorzeker  een 
goed  middel;  maar  daarvoor  was  er  in  de  Laatste  tijden  weinig 
gczorgd,  de  aanboiidende  oorlogen  onoverkomebjke  beletselen 
gcweest  zijnde  om  vêle  nieuw^e  scholen  te  stichten  of  de  bestaande 
te  verbeteren.  En  toch,  leest  men  de  gemeentcrekeningen  van 
dit  tijdvakjsebier  overal  ziet  men  de  dorpsmagistraten  den  scbool- 
mcester  zedelijke  en  geldelijke  ondersteuning  verleenen,  en  bij 
't  openstaan  eener  leeraarsplaats  toevlucht  nemen  tôt  de  gazette 
der  provincie-hoofdplaats,  ten  einde  eenen  bekwamen  leider  der 
jeugd  te  vinden.  Over  het  algemeen  mag  er  gezcgd  worden  dat 
de  ouders  hunne  plichten  goed  begrepen  en  hiinne  kinderen  naar 


'  Revue  d'histoire  et  d'archéologie,  IV. 

2  Zie  de  lijst  zijner  werken  in  't  11*^^  deel  der  Bibliothèque  des  Écrivains  de 
la  Compagnie  de  Jésus,  par  Alg.  et  Al.  De  Backere,  S.  J  Ken  zijner  werken 
werd  in  't  Fransch  overgezet  (1610). 


(  550  ) 

school  zonden;  het  bewijs  daarvan  treft  men  aan  in  de  protocol- 
len  der  notarissen  van  de  XVW  en  XVIIP  eeuw,  waarhet  zelden 
is,  vooral  bij  lieden,  die  eenig  onroerend  goed  le  koopen  of  le  ver- 
koopen  hadden,  het  traditionneele  kruiske  in  plaats  van  het  hand- 
teeken  te  onlmoelen.  Stelh'g  zou,  bij  minder  ongunstige  omslan- 
digheden,  het  volksonderwijs  ten  onzent  gehjken  tred  gehouden 
hebben  met  den  landbouw  en  den  koophandel,  dewijl  onze  voor- 
ouders  dagelijks  de  ervaring  konden  opdoen  dat  de  cène  en  de 
andere  best  met  kennis  en  geleerdheid  gebaat  waren.  Edoch,  nam 
het  volksonderwijs  in  België  niel  meer  uitbreiding  onder  het 
Spaansch  en  Oostenrijksch  beheer,  wij  kennen  geen  enkel  woord 
dal  er  tegen  wcrd  uitgesproken  en  mogen  ons  onder  dit  opzicht 
gelukkiger  achlen  dan  de  Franschen,  waar  verscheidene  schille- 
rende  vernuften  der  XVIII*'  eeuw  gedachten  uitdrukten,  welke 
ons  le  recht  verbazen  mogen  ^ 

Wij  mogen  evenwel  niet  ondankbaar  zijn  en  de  strevingen 
vergeten,  welke  ten  bcste  des  volks  in  ons  land  gedaan  wer- 
den.  De  kanunnik  Baudescot,  te  Leuze,  stichlte  eene  school  lot 

1  Rousseau  schreef  :  «  N'instruisez  pas  l'enfant  du  laboureur,  il  ne  mérite 
pas  d'être  instruit.  «  La  Chalotais,  procureur-generaal  bij  bel  parlement  van 
Rennes,  onderleekende  met  zijnen  naam  de  volgende  regelen  :  «  Le  peuple 
même  veut  étudier;  des  ];.boureurs,  des  artisans  envoient  leurs  enfants  dans 
les  collèges  des  petites  villes...  Le  bien  de  la  société  demande  que  les  con- 
noissances  du  peuple  ne  s'étendent  pas  plus  loin  que  ses  occupations...  » 
{Essai  d'éducation  nationale,  bl  25-26.)  Eindelijk  Voltaire  keurde  dit  stelsel 
volkomen  goed  wanneer  hij  aan  La  Chalotais  schreef  :  «  Je  trouve  toutes 
vos  vues  utiles.  Je  vous  remercie  de  proscrire  l'étude  chez  les  laboureurs. .  » 

Dergelijke  gedachten  waren  niet  uitzonderlijk.  In  1760  bekiaagde  zich  een 
Fransche  schrijver,  dat  het  onderwijs  kosleloos  was  :  «  dit  maakt  den  boer 
trolsch ,  overmoedig,  lui  en  pleilziek.  {Essai  sur  la  voierie,  in  L'Ami  des 
Hommes,  V,  164-192.  —  Een  andere  Fransche  schrijver  drukt  nagenoeg  de- 
zelfde  meening  uit  :  «  de  gelelterde  boer  is  boven  zijnen  stand  en  kan  er  zich 
geenen  anderen  verschaffen.  »  {La  noblesse  telle  qu'elle  doit  être  (1738, 
bl.  173).  Des  te  meer  komen  dergelijke  gedachten  vreemd  voor,  daar  Terrisse 
ten  jare  1746  in  de  Académie  van  Rouen  eene  verhandeling  gelezen  had,  ge- 
liteld  :  Est-il  avantageux  ou  préjudiciable  au  bien  de  VÉtat  que  les  gens  de 
la  campagne  sachent  lire  et  écrire?  —  De  verlichte  schrijver  beslool  ter 
gunste  van  het  onderwijs. 


« 


(  551   ) 

vorming  van  onderwijzeressen  te  Aalh,  de  eerste,  denken  wij , 
waarraedeons  land  werd  begifligd.  Bij  plakkaatvan  51  Augustus 
1608  bekrachtigden  Albert  en  Izabella  bet  decreet  des  concilies, 
dat  het  vorige  jaar  te  Mecbelen  was  gebouden,  en  waarin  werd 
erkend  dat  het  welzijn  van  den  Staat  ten  grooten  dcele  afhangt 
van  de  goede  opvoeding  en  't  onderwijs  dcr  jcugd,  en  belwelk  het 
bevel  inbield  aan  geestelijkheid  en  wetbouders  om  overal,  waar 
nog  eene  dagelijksche  of  zondagschool  ontbrak,  er  onmiddellijk 
eene  tôt  stand  te  brengen,  alsmede  te  zorgen  voor  't  jaarlijksch 
onderboud  des  meesters. 

De  provinciale  raad  van  Limburg  vaardigde  den  5  December 
1771,  op  verzoek  der  geestelijkheid  van  Stavelot,  een  decreet  af 
over  het  volksonderwijs,  dat  den  ingezetenen  van  gemelde  pro- 
vincie  verplichtte  hunne  kinderen  op  den  leeftijd  van  acht  jaren 
naar  school  te  zenden  en  minstens  tôt  aan  hunne  eerste  commu- 
nie, dit  is  tôt  het  Iwaalfde  of  veertiende  jaar.  Dit  onderwijs 
duurde  echter  maar  van  November  tôt  Paschen,  dus  vijf  a  zes 
maanden,  de  overige  tijd  door  de  kinderen  moetende  besteed 
worden  aan  het  veldwerk.  Maar  in  1781  werd  door  den  pastoor 
van  Lavigsur  eene  poging  aangewend  om  de  kinderen  't  gansche 
jaar  door  ter  school  te  doen  gaan  en  in  de  verschillige  leervakken 
te  doen  bekwamen.  De  provinciale  raad  van  Luxemburg,  door 
het  gouvernement  nopens  dit  voorstel  geraadpleegd,  drukte  de 
meening  uit  dat  het  eenen  landman  meer  dan  genoeg  was  de 
beginselen  te  kennen  van  den  godsdienst  en  te  kunnen  lezen  en 
schrijven  *. 

Deze  pogingen  tôt  verbetering  van  het  onderwijs  bewijzen,  dat 
het  in  vêler  wenschen  lag  de  baan  des  vooruitgangs  beraden  in 
te  stappen.  Die  beweging  doet  zich  nog  duidelijker  voor  in  het 
stichten  van  een  aanlal  bijzondere  scholen  in  dorpen  en  steden, 
zooals  te  Chassepierre  (twee  verschillige);  te  St. -Hubert;  te  Kort- 
rijk  (de  stichting  van  Van  Daele  en  Amerlynck);  te  Ingelmunster, 
Antwerpen,  Brussel  en  elders;  alsmede  in  de  oprichting  van  ver- 
scheidene  gestichten  van  middelbaar  onderwijs  op  den  buiten, 

*  Lebon,  Hist.  de  l' enseignement  populaire  en  Belgique. 


(  552  ) 

gelijk  le  Gistel  (West-Vlaanderen)  omirent  i785,  waar  raen 
Franscb,  Engelsch  en  den  koophandel  leerde. 

Een  middel,  dat  veel  moet  meegewerkt  hebben  om  de  zucht 
naar  't  onderwijs  te  bevorderen  is,  ongetwijfeld,  het  tooncel,  dat 
gedurende  de  XVII 1  eeuw  in  Brabant  en  Vlaanderen  eene  onge- 
meene  uitbreiding  nam.  Honderden  gemeenten  kregen  eene,  som- 
mige  zelfs  verscheidene  kamers  van  Rethorica,  wier  vertoonin- 
gen  zoo  druk  werden  bijgewoond  dat  éen  en  hetzelfde  stuk 
doorgaans  vijf,  ja  tôt  tienmaal  toe  vverd  opgevoerd. 

Het  XV^eeuwsche  «  sinne-  »  en  «  mysteriespel  »  bestond 
scbier  niet  meer,  maar  nam  al  langer  hoe  meer  eene  romantische 
richting  en  stelde,  in  de  ernstige  stiikken,  doorgaans  eenen  held 
der  kerkelijke  of  wereldiijke  gesebiedenis  voor,  met  ^(  vertoogen 
van  veldslagen,  militaire  optochten,  vliegwerken  »  enz. 

De  waarde  dier  stukken  is  zeker  niet  groot;  doch  hierdoor 
leerde  bet  volk  de  letterkundige  voortbrengselen  van  dien  tijd 
kennen  ;  de  leeslust  vn  erd  aangekweekt  tegelijk  met  de  zucht  lot 
taaloefening  en  de  licfde  voor  vaderland  en  deugd.  Wat  vverkt  er 
kracbtiger  op  't  gemoed  der  menschen  dan  bet  taforeel  der  drif- 
ten  en  hartstochten,  opgewekt  door  verbevene  of  onleerende 
drijfveren? 

Op  den  buiten  stond  het  tooneel  gebeel  en  al  onder  den  in- 
vloed  van  pasloor  en  magislraat,  en  beide  overheden  begunstig- 
den  het.  Gebeel  anders  was  bet  in  Holland,  waarde  predikanten 
zicb  bepaald  verkiaarden  tegen  die  «  schole  des  satans.  »  Had 
VoNDEL  ook  gezongen  : 

«  De  schouburgh  plant  en  slampl  de  zeden  in  de  jeiighr,  » 

men  antvvoordde  hem  :  ja, 

«  De  slechle  zeden,  niaer  geen  godsvruclit  en  geen  deugt  ',  » 

De  leeslust,  zegden  wij,  werd  door  bet  tooneel  opgewekt.  En  dit 
is  waar,  want  in  de  XVII*'  eeuw,  vooral  in  de  XV1II%  begon  de  ga- 

*  Zie  over  dezen  twist,  Vondel's  Tooneelschilt,  en  Schotel,  Tilburgsche 
avondstowlen. 


(  555  ) 

zet,  ook  op  den  biiiten,  populair  te  wordcn.  De  welstcUende  bocr 
inaakte  zicli  gewoon  het  nieuwsblad  te  lezcn,  dat  in  de  lioofd- 
{)laats  zijner  provincie  —  elders  waren  er  toen  geene  —  ^^e^d 
gedriikt,  en  vond  hij  er  ook  weinig  in  met  betrekking  tôt  zijn 
land  of  de  streek  zijner  inwoning,  bij  kon  er  locb  de  aankondi- 
ging  aantrcffen  der  openbare  veilingen,  de  oproeping  van  erfgc- 
namen,  de  feesten  van  rederijkers  en  scbutters.  Ook  bad  de 
Vlaaniscbe  boer  nu  en  dan  gelegenbeid,  en  zelfs  beboefte,  oni 
een  boek  te  koopen,  nanielijk  een  ahnanak,  die,  doorscboten  van 
wit  papier  in  den  dagwijzer,  zijn  hand-  en  aanteekeningboek 
werd  voor  leveringen,  aankoopen  enz.,  en  waarin  ook  al  't  een 
en  't  ander,  zijn  bedrijf  rakende,  naast  algemeene  regelen  van 
gezondbeid.  een  kliiobtig  of  leerzaam  vers,  de  aanduiding  van 
tboren  en  jaarmarkten  enz.  waren  te  vinden  ^  Vcrgeten  wij  ook 
de  nog  al  talrijke  blauwboekjes,  volks-  en  oude  romans  niet,  noch 
bet  «  boek  van  Cats,  »  die  in  de  XVII^  en  XVIII^  eeuw  door  onze 
welbebbende  boeren  veel  gelezen  werden. 

Ja,  lezen  was  den  boer  een  nutlig  tijdverdrijf  en  kan  in  die 
dagen  wel  bet  berbergbezoek  bebben  tegengewerkt.  Want  hoe- 
zeer  ook  de  bcrberg  in  de  volksgunst  gekiommen  was,  bet 
familieleven  was  verre  van  uitgedoofd.  Nog  bestond  de  ge- 
lieclilbeid  aan  bet  ouderbjke  huis,  de  liefde  voor  de  bloedver- 
wanten  even  sterk  aïs  vroeger.  Wij  zien  dit  klaar  uit  de  tesla- 
menten,  die  't  overheerscbend  karakteren  den  geest  des  lijds  ver- 
openbaren;  uit  de  begiftigingen  tusschen  magen,  ook  gedurende 
bet  leven  en  toen  zoo  groot  in  getal;  uit  de  buwebjkscontracten, 
waarbij  de  ouders  van  bruid  en  bruidegom,  naar  stand  en  ver- 
niogen,  bonne  kinderenmet  teedere  bezorgdheid  en  warme  liefde 
voorzien.  Iloe  gemakkelijk  viele  het  ons,  de  gegrondheid  dezer 
woorden  te  staven  door  eene  menigte  documenten,  waar  de  fami- 

*  Wij  noemen  slcchts  :  Almanach  ofle  waer-zegginghe  (Gent,  B.  Manilius, 
1655  en  volgende  jaren)  ;  Almanach  ofte  oprechten  Vcncliaenschen  Hemel- 
meter  (bij  denzelfde,  1668  en  volgende  jaren);  Nederlantschen  Sterrekijcker 
(Gent,  Max  Graet,  1663  enz.);  den  Groolen  Gendschen  Comploir-Almanach 
(Gent,  bij  denzelfde,  168o  enz.) 

Tome  XXXII.  23 


(  334) 

liegeest  helder  doorblinkt  î  maar  aile  zijn  nagenoeg  aan  elkaar 
gelijk,  betraclîten  hetzelfde  doel  :  de  liefde  van  vader  en  moeder, 
het  welzijn  der  kinderen,  de  begeerte  van  den  familienaam  met 
eere  voort  te  zetten.  Éen  zulker  documenten  zal  voorzeker  hier 
niet  overbodig  geacht  worden  :  't  is  eene  begiftigingsakte  van 
eenen  Waalschen  pachter  uit  Couvin,ten  voordeele  zijner  tweede 
dochter,  die  op  't  punt  was  den  ecbtknoop  te  sluiten  : 

Bertrand  Denis  geeft  zijne  dochter  Joanna  ten  huwelijke  aan 
Etienne  Moreau  des  Géronsards.  Deze  brengt,  als  aandeel  in  't  ge- 
meenschappelijk  goed  :  «  maison,  jardins,  prés  et  terres,  appen- 
dices et  appartenances  qui  lui  est  éschu  ou  à  éschoir,  après  la  mort 
de  Catherine,  sa  mère,  avec  bestiaux  convenables.  »  Van  zijnen 
kant  belooft  Denis  «  accoustrer  et  ameubler  sa  fille  selon  son  état 
de  capacité.  Item  lui  donne  deux  vaches  et  aultres  meubles  étant 
en  sa  maison,  réservé  un  lit  et  ses  appartenances.  Item  lui  donne 
la  moitié  des  maisons,  estableries,  granges,  jardins,  prés  et  appen- 
dices qu'il  at  au  lieu  dit  Pernelle,  à  l'encontre  de  Jean  de  Roly, 
qui  a  espouzé  Anne  sa  fille  plus  aisnée,  pour  en  jouir  par  ledit 
Etienne  incontinent  le  mariage  consommé,  le  tout  par  égale  por- 
tion, bien  entendu  que  ledit  Etienne  devra  posséder  ledit  bien 
libre  deux  ans  et  par  après  rendre  pour  sa  mitant  part  audit 
Bertrand,  pour  une  rente  vitale  et  ses  ususfruils,  quinze  florins 
par  an...  et  quand  à  la  maison,  où  ledit  Bertrand  réside  en  la  dite 
ville  joindans  aux  murailles,  si  ledit  Bertrand  n'en  fait  aulcune 
aliénation,  entens  et  veult  qu'elle  soit  partye  avecq  ses  aultres 
enfants  par  égale  portion  ^  » 

Laten  wij  de  teedere  bezorgdheid  opmerken  van  den  vader  om 
al  zijne  kinderen  een  gelijk  aandeel  in  't  bezit  te  verzekeren,  eene 
bezorgdheid,  welke  men  weervindt  in  de  testamenten  en  bepaal- 
delijk  voor  de  goederen  die  niet  het  voorwerp  eener  bijzondere 
begiftiging  zijn.  —  Voortreffelijk  middel  om  de  eendracht  onder 
de  erfgenamen  te  behouden. 

*  Medegedeeld  door  graaf  de  Villermont,  in  zijne  monographie  :  Couvin 
et  sa  seigneurie.  {Ajmales  de  la  Société  de  Namu)\  XIII,  bl.  189.) 


(  555  ) 


Wij  komen  aan  het  einde  onzer  take. 

Uit  de  mededeelingen,  in  de  voorgaande  bladzijden  gedaan,  blijkt 
genoegzaam  dal  de  twee  laatste  eeuwen  niet  de  onbelangrijkste 
en  ongunstigste  geweest  zijn  in  de  geschiedenis  van  den  Belgi- 
schen  boerensland,  en  dat,  zonder  de  verschrikkelijke  rampen, 
door  de  oorlogen  over  ons  land  getrokken,  onze  boeren  onge- 
tw  ijfeid  den  boogsten  trap  van  wclvaart  zouden  hebben  bereikt 
en  eene  ruime  ontwikkeling  op  verstandelijk  gebied  ook  niet 
achterwege  zou  gebleven  zijn. 

Wij  verbloemen  het  niet  :  menige  donkere  zijde  is  te  bespeu- 
ren  op  het  tafcreel,  dat  den  bloei  van  vaderland  en  volk  te  aan- 
schouwen  geeft;  betreurlijke  dwalingen,  grove  ondeugden  en 
gebreken  worden  onder  de  menigte  opgemerkt,  maar  zij  namen 
veeleer  hunnen  oorsprong  uit  weelde  dan  uit  ingevvorteld  zede- 
bederf. 

De  aangeboren  gaven  van  ons  volk  :  arbeidzaamheid,  overleg, 
zedeh'jkheid  en  geduld,  weinig  verzwakt  of  verbasterd  door  de 
betrekkingen  met  de  vrecmde  indringers,  maakten  het  mogelijk 
dat  na  elke  beproeving,  hoe  zwaar  die  ook  geweest  was,  dadehjk 
weer  opbeuring  kwam;  maar  in  dit  werk  van  herstelhng  en  voor- 
uitgang  heeft  ook  de  regeering  —  men  zou  ongebjk  hebben  het  le 
miskennen  —  haar  aandeel.  Waren  van  dien  kant  de  pogingen 
tôt  verbetering  van  akkerbouw  en  handel  niet  lalrijk  ^  het  gou- 

*  De  opening  van  nieuwe  vaarten,  de  verbetering  en  uitbreiding  van  banen 
en  vvegen,  in  de  XYIl^  en  XYIIl^  eeuw,  waren  voorzeker  loffelijke  pogingen, 
het  landbouwbedrijf  en  den  koophandel  alleszins  voordeelig.  Het  edict  van 
3  Maart  1764  had  eene  onschalbare  verbetering  tôt  gevolg  der  openbare  wegen 
en  waterloopen.  In  min  dan  drie  jaren  tijds  bracht  het  Vlaanderen,  waar  de 
wegen  een  groot  gedeelte  des  jaars  onbegaan-  en  ouberijdbaar  waren  en  de 
polilie  op  de  openbare  wegen  vergeten  was,  tôt  den  staat  van  voorspoed,  in 


(  356  ) 

vernement  was  de  lianden  geboeid  door  de  ontzaglijke  onkosten 
van  anderen  aard,  wclke  in  de  eerste  plaats  gedekt  moesten  wor- 
den,  en  Iict  volk  toonde  zich  in  't  algemeen  over  het  openbaar 
bestuur  te  vreden. 

Ook  dan  waren  misbruiken,  maar  welke  maatscbappij  is  er 
vrij  van?  Het  ernstigste,  dat  wij  hebben  kunnen  opsporen,  beeft 
betrekking  met  de  justitie,  en  bewijst  dat  onder  dit  opzicht  de 
lijd  gekomen  was  oni  de  feodaliteit  in  hare  laatste  verschan- 
singen  aan  le  vallen.  Wij  zegden  vroeger  dat  de  kosten  van  de 
uiloefening  der  justitie  ten  laste  waren  van  den  dorpsheer,  ieder 
voor  't  gebied  zijner  heerlijkheid;  dit  was  een  groot  gebrek  in 
de  rechterlijke  inrichting,  aangezien  de  heer  er  belang  bij  had, 
die  kosten  zooveel  mogelijk  te  vermijden  en  den  baljuvv  aan  le 
manen  om  't  oog  te  sluilen  voor  de  begane  overtredingen  en  mis- 
drijven...  De  baljuw,  begerig  om  zijnen  heer  le  dienen,  en  gansch 
van  hem  afhangende,  deed  derhalve  in  menig  geval  alsof  er 
niets  gebeurd  was,  en  wanneer  hij,  ten  gevolge  der  groote  rucht- 
baarheid,  welke  een  misdadig  feit  bekomen  had,  zich  gedwongen 
zag  een  vervolg  in  le  spannen,geschiedde  dit  veelal  derwijze,  dat 
er  niets  ontdekt  werd,  of  gaf  men  den  helichte  lijd  en  gelegenheid 
om  de  vlucht  le  nemen  ^.  Het  kon  niet  anders  of  zulk  schreeu- 
wend  misbruik,  nadeelig  aan  de  algemeene  rusl,  orde  en  veilig- 
heid  moest  het  laatste  overschot  der  feodaliteit  ten  gronde  helpen. 

Builen  deze  orde  van  gedaehlen  valt  er  ook  nog  't  een  en  't  an- 
der  op  le  merken  in  zake  van  plaalselijk  bestuur.  Sommige  magis- 
traten  slelden  zich  legenover  hunne  ondergeschiklen  veeleer  als 
gebieders  dan  als  beschermers  aan,  en  deden  klachten  onlslaan, 
die  weleens  scherp  en  bitler  waren.  Een  dorp  in  West-Vlaande- 
ren,  Ingelmunster,  schijnt  onder  dit  opzicht  in  't  midden  der 
XVIP  eeuw  redens  lot  misnoegdheid  gehad  te  hebben,  als  blijkt 


welken  wij  dit  gewest  gevonden  hebben,  door  voor  den  landbouw  eu  den 
koophandel  al  de  wegen  te  openen,  welke  zij  voor  hunne  behoeften  en  belrek- 
kingen  noodig  hadden.  De  voorzilter  van  den  Raad  van  Vlaanderen,  ridder 
Diericx,  die  't  opstelde,  verdiende  hierdoor  den  eeuwigen  dank  des  lands. 
*  Derival,  Le  voyageur  dans  les  Pais-Bas  autrichiens,  V,  412-414. 


(  557  ) 

uit  het  «  Nieii  Liedekeiij  gediclit  op  5  Febriiarij  1656  (op  de 
wyse  :  Schynckl  my  te  drincken  naer  mijnen  dorst).  »  De  aanlief 
daarvan  luidt  : 

a  0  Ingelmunster,  gliy  soete  pleyn, 
Hoe  liglil  gliy  nu  dus  in  henauwen, 
Daer  ghy  hier  voorniaels  waert  cerleyn 
Een  peerel  scboon  om  te  aensehauwen. 
De  Inwoonders  claghen  nu  met  verflauwen 
In  dorpen,  sleden,  verre  ende  naer, 
Dat  die  regeerders  hun  opknauwen, 
Ja  maken  twist  en  groot  beswaer. 

«  Men  sach  hier  voormaels  hel  magisfraet 
Met  de  inwoonders  eenvoedich  leven, 
EIck  wandelde  naer  synen  staet, 
iGaet  nu  al  verre  boven  schreven. 
Nu  willen  sy  soo  hooghe  sweeven, 
Al  syn  sy  dickwils  van  stamme  cleen  ; 
Merckt  often  rechten  als  is  vercreghen 
Al  isl  alsoo  gheschart  byeen  *.  » 

Wat  bewijst  echter  deze  klacht?  Dat  liet  magistraat  van  Ingel- 
munster  —  wannecr  daar  wezenlijke  grieven  bestonden  en  de 
dichter  niet  slechts  de  tolk  was  van  eene  persoonlijke  meening 
of  van  een  klein  getal  —  gebrekkig,  onvolmaakt  was,  gelijk  welk 
ander,  en  misschien  ook  al  den  moeilijk  le  weerstanen  invloed 
der  weelde  onderging.  Van  den  anderen  kant  moeten  wij  ook 
bekennen  dal  de  dienstbaarbeid,  met  de  middeleeuwen  grooten- 
deels  verdwenen,  nog  in  onderscheidene  gewesten  van  ons  land 
sporen  had  nagelaten,  en  in  Luxemburg,  onder  andere,  niet  voor 
1795  totaal  was  afgeschaft.  Men  vindt  daar  de  uitdrukking  van  in 
verschiUige  denombremcnten  van  leenen,  afbangende  van  beer- 
lijkheden  in  genoemd  gewest,  ecbter  niet  voor  de  domaniale  be- 
zittingen  ^. 

*  Bundel  Fransche  en  Vlaamsche  liederen,  in  de  Burgondische  Bibliotheek 
te  Brussel. 

^  De  la  Fo>'taine,  Hist.  de  V introduction  dans  le  duché  de  Luxembourg 
sous  le  gouvernement  autrichien,  du  cadastre  des  bien-fonds. 


(  ,^58  ) 

Wij  mogcn  herhalen,  wat  wij  vroeger  gezegd  hebben  :  in  het 
algemeen  was  hct  Belgische  volk  over  het  bestuur  te  vreden,  en 
genoot  het  rcchten,  die  andere  natiën  hem  benijden  mochten. 
Tôt  in  bel  geringste  dorp  des  lands  noodigde  men  bij  voorbeeld 
ieder  jaar  de  ingezetenen  iiit,  hetzij  door  verwittiging  op  den 
prediksloel  of  kerkstiehel,  hetzij  ten  huize,  of  door  middei  van 
een  plakkaat,  tôt  het  bijwonen  der  lezing  van  de  geraeentereke- 
ning,  op  bepaalden  dag  en  uur.  Die  lezing  geschiedde  met  luider 
stemme  en  opene  deur,  en  de  rekening  werd  goedgekeurd  en 
bekrachligd  in  tegenwoordigheid  van  den  baljuw,  de  notabelen 
en  de  voornaamste  belanghcbbenden  van  ieder  dorp.  Zoo  oefende 
het  volk  het  toezicht  uit  op  het  finantieël  beheer  der  gemeente  en 
was  bel  invoeren  of  handhaven  van  misbruiken  moeilijk  '. 

Wij  denken  ons  werk  niet  beter  te  kunnen  eindigen  dan  door 
cène  schets  van  den  algemeenen  toestand  des  lands  gedurende  de 
beidelaatsteeeiiwen,  naar  getuigenissen,van  welke  niemand  zeg- 
gen  zal  datzij  bevooroordeeld  waren.  Vreemdelingen  (reizigers  en 
ambtenaren)  die  België  bezochten  en  onze  zeden,  gebruiken  en 
instellingen  waarnamen,  in  vergelijking  met  degene  van  hun  eigen 
land,  liadden  er  immers  gecn  belang  bij  om  te  overdrijven  wat 
zij  hier  opmerkten,  en  ons  volk  ecnen  lof  toe  te  zwaaien  die  on- 
verdicnd  zou  geweest  zijn.  Welnu,  die  lof  werd  in  ruime  mate 
gegeven;  eeiie  onverbloemde  hulde  werd  gebracht  aan  de  vlijt,  de 
kennis,  de  zucht  naar  onderwijs  der  XVIP  en  XVlIFeeuwsche 
Belgische  boeren,  door  vreemde  bezoekers  van  versohilligcn  stand 
en  gezindheid.  Hunne  schets  moge  het  tafereel,  dat  wij  getracht 
hebben  er  van  televeren,  volledigen  en  er  het  zegel  der  waarheid 
op  drukken. 

Bergeron,  dien  wij  vroeger  reeds  aanhaalden,  merkt  op  dat  al 
de  bewoners  van  Antwerpen  en  't  overige  van  Brabant  «  sont 
curieux  de  diverses  langues,  qu'ils  parlent  d'ordinaire,  comme  alle- 
mand, françois,   italien,  espagnol;  »   zeggende  verder  «  que  le 

*  Extrait  d'un  rapport  de  la  Jointe  des  administrations  et  des  affaires 
des  subsides,  adressé  aux  gouverneurs  généraux,  le  7  décembre  1784. 

(Rijksarcliief  te  Brussel). 


(  359  ) 

flamand,  le  françois  et  l'espagnol  sont  communs  à  Bruxelles  ^  » 
Wat  bewijst  dit?  Dat  men  in  1G17  een  vollediger  en  beter  taal- 
onderwijs  liad  dan  heden,  en  dat  er  onder  de  jeugd  ook  meer 
ijver  bestond  om  te  leeren. 

De  Fransclie  kolonel  Duplessis  l'Escuyer,  die  in  i650  eene 
Voyage  dans  les  Pays-Bas  espagnols  et  l'évêché  de  Liège  op- 
stelde  '^,  laat  zicli  over  de  nijverheid  van  Waalscli-België  in  zeer 
gunstige  bewoordingen  uit  : 

«  Le  pays  et  comté  de  Namur  est  très-meslé  de  plaines  et  de 
montagnes;  le  plat  pays  est  très  fertil  en  bleds,  notamment  celuy 
qu'ils  appellent  de  la  péautre,  qui  y  croist  abondamment;  les 
montagnes  y  sont  en  grand  nombre  et  outre  ce  qu'elles  sont  char- 
gées de  foirests  et  arrouzées  au  pied  de  fontaines  et  ruisseaux; 
elles  ont  des  mines  de  fer  et  de  divers  marbres  et  principalement 
de  noir  et  un  autre  d'une  couleur  rousatre  mellée  de  blanc,  qu'on 
peut  appeler  jaspe.  Ils  ont  aussy  une  pierre  noire  qu'ils  appel- 
lent de  la  houille,  dont  ils  se  servent  pour  brusler.  »  De  reiziger 
was  een  man  van  stand,  en  daarom  klinkt  dit  laatste  woord 
vreemd;  de  Luiksche  koolmijnen  waren  reeds,  zoo  wij  zagen,  in 
exploitatie  sedert  het  begin  der  XIII*'  eeuw;  die  van  Namen  in 
't  midden  der  XVIP  volop  in  werking,  en  evenwel  spreekt  de 
Fransche  hoofdoiïicier  van  de  steenkolen,  als  waren  die  in  zijn 
land  met  moeite  bekend.  Waren  de  Belgen ,  onder  dit  opzicht, 
hunne  zuiderburen  inderdaad  zoo  verre  vooruit? 

De  kolonel  Duplessis  spreekt  verder  van  de  Leuvensche  wijn- 
gaarden  en  van  de  Luiksche  velden  aan  de  boorden  der  Vesdre, 
«  remply  de  quantité  de  bois.  »  Als  bijzonderheid  haalt  hij  aan 
dat  genoemde  rivier  vcel  visch  opleverde,  «  surtout  des  truites 
en  très  grande  quantité  et  grosses  comme  des  saulmons  et  tache- 
tées de  rouge...  Les  pasturages  y  sont  très  propres  pour  engres- 
ser  le  bestial  et  particulièrement   proche  le   village   de  Hevre 

*  Itinéraire  Germano-heUjiquc ,  contenant  un  voyage  du  S''  Bergeron, 
par  les...  Flandres,  Brabant,  Hainaut...  en  4611. 

(Hs.  ter  Nationale  Biblioiheek  le  Parijs). 
*^'t  Hs.  berustin  de  Burgondische  Bibliotheek  {Fonds  Van  Hulthem). 


(  560  ) 

(Hervé),  où  se  fait  d'excellens  fromages  et  qu'on  envoyé  par  tous 
les  Pays-Bas.  Il  s'y  sème  aussy  un  bled  qu'on  appelle  de  la  péau- 
tre,  dont  l'on  faict  de  très  bon  pain.  Il  y  a  plusieurs  mines  de  fer 
et  de  plomb,  et  s'y  thire  aussy  de  très  beau  marbre.  » 

F.  Larchier,  die  in  d681  uilgaf  Les  Voyages  d'un  Jwmme  de 
qualité  faites  en  Angleterre,  Flandre^  Brabant,  Zèlande  etc. 
(Lyon,  194  bl.  in-24)  schetst  ons  een  gansch  ander  tafereel  ;  deze 
leidt  ons  binnen  op  het  Vlaamsche  pachthof  en  toont  ons  de  boe- 
renmeid  van  dien  tijd,  liefhebster  van  een  glas  wijn,  nagcnoeg  te 
gelijken  titel  als  de  mannen  : 

«  Les  Flamandes  sont  belles,  mais  d'une  beauté  qui  passe  avant 
qu'elles  ayent  trente  ans.  Elles  aiment  un  peu  le  vin.  On  ne  scau- 
roit  convier  une  jeune  fille  à  boire  qu'elle  ne  soit  preste  à  faire 
raison,  et  le  plus  souvent  sitost  que  vous  arrivez,  la  fille  du  logis 
la  plus  agréable  et  la  plus  gentille  vient  avec  de  la  bière  ou  du  vin 
vous  prier  de  boire  à  vos  dépens  et  sans  beaucoup  de  cérémonie 
met  la  première  le  nez  au  pot.  C'est  à  vous  de  faire  continuer  la 
feste,  autrement  ceseroit  une  incivilité.  » 

De  net- en  zindelijkheid  onzer  boeren  werd  vroeger  meer  dan 
cens  opgemerkt  en  bewonderd;  den  Franschen  inzonderheid 
moest  dat  treffen,  dewijl  de  landelijke  bevolking  aldaar  onder  dit 
opzicht,  zelfs  heden  nog,  aanzienlijk  te  wenschen  laat.  Mad.  du 
BoccAGE,  die  in  1750  eene  reis  naar  Holland  ondernam,  door 
Vlaanderen  trekkende,  spreekt  van  de  voorouderlijke  zindelijk- 
heid onzer  boerinnen  als  volgt  : 

«  Des  endroits  où  l'on  marche  y  sont  plus  propres  en  tous 
temps  que  la  vaisselle  la  mieux  lavée.  Les  femmes  y  transportent 
sur  le  dos  leurs  maris,  quand  elles  n'ont  point  de  pantouffles  à 
leur  donner  pour  les  empêcher  de  salir  le  plancher.  On  écure 
jusqu'aux  étables  à  vaches,  où  leur  queue  est  retroussée  de  peur 
qu'elles  ne  la  salissent.  Les  servantes  ne  voudroient  pas  d'un 
maître  qui  ne  permettroit  pas  de  porter  le  samedi  tous  les  meu- 
bles au  grenier,  pour  laver  la  maison  de  haut  en  bas,  et  chaque 
jour  les  vitres,  les  murailles  dedans  et  dehors.  » 

Het  bewijs,  dat  de  Belgische  landman  het  in  de  vorige  eeuw 
merkelijk  beter  had  dan  de  Fransche,  ja,  dat  de  republiek  niet 


(3C1  ) 

naar  België  mocst  komen  om  onze  grootvaders  gelukkig  en  vrij  le 
maken,  vinden  wij  in  de  gctuigenis  van  eenen  anderen  Fransclicn 
schrijver,  de  rceds  beroepene  Dérival,  die  onmiddellijk  voor  de 
komst  derFranschen  en  de  invoeringvanbun  regeeringstclscl  ons 
land  bezocht.  «  Waarom  (zegt  bij  ten  jare  1785),  waarom  zijn  de 
landslieden  van  België  gelukkiger  dan  de  Franscbe?...  Ora  van. 
Parijs  naar  hier  {de  Nederlanden)  le  komen,  heb  ik  Picardie  en 
't  Land  van  Kales  moeten  doorlrekken.  In  de  steden  zag  ik  rijk- 
dom  in  overvioed,  te  lande  armoede.  De  velden  zijn  slecbt  be- 
ploegd;  en  hoe  zou  het  anders  zijn?  De  menscben,  die  ze  bewo- 
nen,  zijn  wandelende  geraamten,  bedekt  met  schamele  lompen. 
Hun  voedsel  bestaat  iiit  eenige  groenten,  met  melkspijs  en 
roggen  brood,  zwart  en  afzichtelijk  als  't  brood  van  Neder-West- 
falen.  De  landen  laten  niets  anders  zien  als  bel  vereenigd  ^  er- 
toog  van  lijdende  naluiir  en  lijdende  raenschbeid.  Zoo  gaat  het 
niet  in  de  Nederlanden.  » 

Laten  wij  aannemen  dat  dit  oordeel  eenigszins  overdreven  zij, 
en  dat  Dérival  in  de  gedachten  deelde,  welke  te  dien  tijde  naar 
de  overhand  in  den  Staat  streefden  ;  maar  de  grond  der  opmer- 
king  is  juist,  en  een  Engelscbe  reiziger,  Shaw,  die  enkeie  jaren 
nadien  België  bezocht,  driikle  zich  niet  anders  uit  : 

«  In  België  zijn  de  velden  overal  verrukkend  schoon;  men  ziet 
er  niets  anders  dan  akkers,  overdekt  met  overvloedige  oogsten; 
weiden,  waar  talrijke  kudden  op  wemelen;  nette  en  gemakkelijke 
hofsteden,  hier  eenzaara,  daar  in  w^ijken;  dorpen  vol  inwoners  en 
omringd  door  boomen,  op  kleine  afstanden  van  elkander.  Te 
midden  dier  bekoorlijke  landschappen  ziet  men  in  Vlaanderen  en 
Brabant  rivieren  kronkelen  en  vaarten  loopen.  De  bodem,  overi- 
gens  zeer  vruchtbaar,  is  naar  recht  en  reden  verdeeld  onder  de 
menigvuldige  bewoners  der  streek.  Het  gelaat  des  landmans,  zijn 
gezond  voedsel,  de  zindelijkheid  zijnerwoningbewijzen  dat  bij  zelf 
in  de  weelde  deelt,  welke  zijne  nijverheid  over  de  velden  strooit. 
De  akkerbouw  bloeit  in  Brabant  en  Henegouw,  doch  't  is  vooral  in 
Vlaanderen,  dat  deze  kunst  tôt  hare  volmaaktheid  is  gebracht  ^  » 

^  Essai  sur  les  Pays-Bas  autrichiens,  par  Shaw.  Londres,  1788. 


(  362  ) 

Welke  heerlijke  verovering  deed  de  Fransche  republiek  aan 
onze  Belgische  provinciën!  Hare  agenten,  reeds  in  1792  naar  aile 
oorden  van  ons  land  gezonden  om  het  terrein  voor  te  bereiden, 
de  gemoederen  gunstig  voor  eene  inlijving  te  stemmen,  het  volk 
diets  te  maken  dat  de  republiek  waarlijk  onschatbare  zegenin- 
gen  in  haren  vruchtbaren  schoot  voor  ons  over  had;  die  agenten, 
zeggen  vvij,  keerden  allen  naar  Parijs  terug  vol  geestdrift  voor 
het  merkwaardige  dat  zij  hier  aangetroffen  hadden  en  dat  in 
Frankrijk  onbekend  was.  Chaussard,  om  er  maar  éenen  te  noe- 
men,  die  in  1795  het  verslag  overzijne  waarnemingen  en  onder- 
zoek  liet  drukken,  bekende  niet  minder  openhartig  als  zijne 
andere  landgenooten,  die  met  eene  zending  naar  hier  waren 
afgezakt,  de  waarde  en  verdienste  van  den  Belgischen  landman  : 

«  Des  plaines  vastes,  prolongées,  fertiles,  des  sites  riants,  une 
végétation  active,  une  culture  soignée,  tel  est  le  tableau  qu'étale 
au  premier  regard  la  Belgique.  « 

Chaussard  vond  maar  iets  bij  de  Belgen  af  te  keuren,  en  dit 
was  hunne  godsdienstigheid,  door  hem,  aanhanger  van  de  philoso- 
phische  denkbeelden  dier  dagen,  beschouwd  als  dweepzucht  en 
bijgeloof:  * 

«  Le  fanatisme  sombre,  semblable  à  un  oiseau  de  proie,  est  venu 
faire  son  nid  au  sein  de  ces  riches  habitations.  La  superstition  est 
comme  la  chenille,  qui  s'attache  aux  plus  beaux  fruits.  Cepen- 
dant le  caractère  belge  a  surtout  un  point,  qui  peut  servir  d'anse 
à  la  liberté;  il  a  conservé  la  vertu  de  ses  ancêtres,  la  vertu,  sœur 
de  l'égalité,  compagne  de  tous  les  sentiments,  bons  et  honnêtes, 
qui  crée  et  qui  conserve  les  mœurs.  Suivez-le  au  sein  des  cam- 
pagnes ;  s'il  n'a  pas  la  politesse  des  manières,  il  a  celle  du  cœur. 
N'effarouchez  point  sa  naïve  simplicité;  Français,  ne  l'accablez 
point  de  la  pétulance  et  de  toute  la  supériorité  de  vos  idées! 
Sachez  pardonner  quelques-unes  de  ces  erreurs,  pour  qu'il  par- 
donne les  vôtres;  et  cet  homme  grossier,  mais  bon,  vous  offrira 
son  lit,  sa  coupe,  son  toit...  » 

Dit  onsamenhangend  mengelmoes  van  bluf  en  sluwheid,  ge- 
veinsdheid  en  beleediging  hield  toch,  gelijk  men  ziet,  eene  lofrede 
voor  den  Belg  in,  aan  wiens  deugd,  brave  zeden,  vlijt  en  edelmoe- 


(  363  ) 

digheid  de  Franschman  verplicht  was  liulde  te  brengen.  Overi- 
gens,  de  gewaande  nieesterschap  der  Franschen  op  onze  vaderen 
wordt  ganscli  legengesproken  door  Lefebvre,  van  Nantes,  wiens 
zending  in  België  dagtcekent  van  1793.  In  de  zitting  der  Natio- 
nale Conventie  van  9  Vendémiaire,  IV'' jaar,  hield  deze  over  België 
de  volgendc  scliitterende  lofspraak  : 

«  La  Belgique  est  le  pays  le  plus  riche  et  le  plus  cultivé  de  tous 
les  pays  de  V Europe.  Elle  renferme  généralement  des  hommes 
éclairés  et  instruits.  Le  peuple  des  campagnes  est  plus  moral  et 
plus  éclairé  dans  ces  pays  que  celui  du  nôtre.  La  bonne  foi,  la 
probité  et  tous  les  rapports  sociaux  y  sont  parfaitement  observés. 
Il  est  ami  des  lois  justes  autant  qu'il  est  impatient  des  institu- 
tions arbitraires...  En  agriculture  comme  en  administration  les 
Belges  sont  nos  maîtres  ^  i> 

Hier  zouden  wij  kunnen  sluiten,  maar  wij  hebben  nog  eenige 
getuigschriften,  die  meer  bijzonder  den  Belgischen  landbouvv- 
stand  betreffen,  en  welke  wij  meenen  niet  te  mogen  onverlet 
laten.  Wij  bedoelen  de  verslagen  over  den  tocstand  der  Belgische 
departementen,in  de  eerste  jaren  van  't  Fransche  keizerrijk  (1804 
en  1805),  door  de  prefecten  (Franschmans)  in  't  licht  gegeven,  en 
welke  natuurlijk  terugzagen  naar  het  einde  der  XVIII^  eeuw,  de 
loestand  op  beide  tijdstippen  geene  de  minste  verandering  aan- 
biedende.  De  prefect  van  't  département  der  Dijle  (Brabant)  hangt 
liet  volgende  tafereel  op  van  den  algemeenen  toestand  des  akker- 
bouws  in  dit  gewest  : 

a  De  pachthoeven,  die  van  't  Waalsche  land  uitgezonderd,  zijn 
over  't  algemeen  van  geringe  uitgestrektheid,  en  ik  geloof,  dat 
deze  verdeeling  der  eigendommen  eene  der  oorzaken  is  van  den 
voorspoed  dezes  arrondissements.  In  eene  kleine  hoeve  ontvangt 
ieder  dcel,  onmiddellijk  aan  het  toezicht  der  meesters  onderwor- 
pen,  het  slag  van  cultuur,  dat  hem  eigen  is;  de  armen  van  den 
pachter  en  van  zijne  kinderen  kunnende  voldoen  aan  de  dagwer- 
ken,  is  hij  niet  verplicht  loevlucht  te  nemen  tôt  daglooners  die, 

*  Moniteur  universel^  1795,  n°  14. 


(  564  ) 

zonder  belang  in  den  oogst,  er  geen  slellen  moeten  in  de  ciiltuiir.. 
De  voordeelen  van  dit  stelsel  troffen  de  naburige  provinciën  zoo- 
zeer,  dat  de  Stalen  van  Henegouw  in  i7G0  de  uilgestrektheid  der 
pachlhoeven  door  eene  wet  beperkten  tôt  hoogstens  iSO  acres 
bouvvland.  Na  twintig  jaren  was  de  landbouw  merkelijk  verbe- 
terd,  de  bevolking  grootelijks  aangegroeid. 

«  't  Voorbeeld,  doop  Vlaanderen  gegeven,  door  Henegouw 
gevolgd,  was  op  het  punt  ook  in  Namen  en  Brabant  aangenonien 
te  worden,  waar  de  Staten  zich  bezig  hielden  met  den  opstel 
eener  wet,  strekkende  tôt  vermindering  der  landbouwgebruiken, 
toen  de  eerste  kenteekens  der  onlusten,  in  J788  uitgeborsten, 
hen  aan  dezen  arbeid  kwamen  onttrekken. 

«  Indien  België  het  oudstbebouwde  land  van  Europa  is,  't  is 
ook  het  land  waar  de  boer  sedert  lang  in  vrijen  en  gclukkigen 
staat  leeft.  Van  in  de  verste  tijden  der  moderne  geschiedenis 
vereenigd  aan  de  werkzaamheden  der  kloosterHngen,  die  de  uit- 
gestrekte  wouden,  welke  de  gewesten  overdekte,  ontgonnen,  ont- 
snapten  zij  in  die  hcih'ge  schuts  aan  het  geweld  en  de  stroope- 
rijen,  welke  die  eeuwen  van  barbaarschheid  kenmerklen. 

«  ....  Het  verval  van  den  koophandel  in  dit  land  heeft  dien  des 
akkerbouws  nict  te  weeg  gebracht,  omdat  de  eerste  pogingen? 
welke  groote  middelen  vereischten,  gedaan  waren  en  de  kunst 
reeds  hare  volmaaktlieid  had  bereikt.  De  nationale  nijverheid,  in 
de  steden  beperkt,  ontwikkelde  zich  met  meerder  kracht  op  den 
buiten;  deze  verrijkte  zich  met  de  kapitalen,  vroeger  door  den 
handel  benuttigd,  en  de  toestand  des  landbouws  werd  er  nog- 
maals  door  verbeterd  *.  » 

De  prefect  der  Dijle  gaf  eindelijk  eene  kleine  schcts  van  den 
Belgischen  boer  in  de  volgende  bewoordingen  : 

«  Verkleefd  aan  den  grond,  waarop  hij  is  geboren,  dapper,  zon- 
der den  oorlog  te  beminnen,  vijand  van  elke  verandering,  van 
aile  nieuwigheid,  zoo  is  de  Belgische  landraan  en  z6o  is  ook  nage- 
lioeg  het  denkbeeld,  dat  Julius  C^sar  van  het  karakter  der  oude 
bewoners  dezer  gewesten  geeft.  » 

*  Statisiique  du  Département  de  la  Dyle. 


(  5Gd  ) 

De  prefect  van  het  département  der  Leie  (West-Vlaanderen), 
C.  ViRY,  erkent  ook  den  voorspoed  van  het  platte  land,  de  voor- 
treflFelijkheid  van  den  akkerbouw  en  de  zedelijklieid  des  buiten- 
volks  : 

«  De  bewoners  van  't  platte  land  vereenigen  zicli  niet  zoo 
dikwijls  in  de  herbergen  aïs  die  der  stad...  't  Is  vooral  op  de 
kermissen,  dat  hunne  neigingen  het  best  uitschijnen...  De  bewo- 
ner  van  't  département  der  Leie  is  openhartig,  eerlijk  en  spaar- 
zaam;  hij  is  geen  vijand  van  den  arbeid.  De  zeden  zijn  zuiver; 
zoo  is  't  niet  met  den  stedeling... 

a  De  landbouwers  met  groote  boerderijen  leven  goed  en  leggen 
in  hunne  huishouding,  alsraede  in  hunne  kleeding,  eene  zekere 
pracht  aan  den  dag.  De  kleine  landbouwers  hebben  niet  wei- 
nig  moeite  om  door  hunnen  arbeid  hun  gezin  in  stand  te  houden, 
en  nioeten  dikwijls  hunne  toevlucht  nemen  tôt  de  openbare  liefda- 
digheid;  hunne  voeding  is  siecht,  hunne  woningen  in  't  algemeen 
slecht  gebouwd  en  onvoorzien  van  het  noodzakelijkste  huisgerief.  » 

Genoemde  prefect  spreekt  ook  van  den  invloed  der  vereeniging 
onzes  lands  met  Frankrijk  :  «  Gemakkelijk  is  het  te  begrijpen  (zegt 
hij)  dat  de  Franschen  niet  met  dezelfde  bereidwilligheid  als  de 
andere  natiën  zijn  onthaald  geworden.  Maar  sedert  het  VIII^  jaar 
wordt  het  bestuur  beter...  Telken  jare  wordt  er  vooral  onder  de 
landbouwers  van  Frankrijk  en  Vlaanderen  eene  wederzijdsche 
wisseling  gedaan  van  kinderen  van  8  lot  iO  jaren,  met  het  doel 
aan  de  eenen  het  Vlaamsch,  aan  de  anderen  het  Fransch  te  leeren. 

«  Het  valt  te  belwijfelen  dat  de  bevolking  der  dorpen  is  aan- 
gegroeid  ten  koste  van  die  der  steden...  De  oorzaak  hiervan  ligt 
niet  alleenlijk  in  de  verlatenis  der  steden,  zij  moet  ookgrooten- 
deels  worden  toegeschreven  aan  den  welstand,  welken  de  afschaf- 
fing  der  tienden  en  de  prijsverhooging  van  ailes,  wat  zij  ter  stads- 
markt  brengen,  hebben  verschaft.  Die  welstand,  eerlijds  maar 
verkregen  op  het  einde  hunner  dagen  (?),  laat  hun  thans  toe,  veel 
spoediger  hunnen  kinderen  een  bestaan  te  verschaffen  *.  » 


^  Mémoire  statistique  du  Département  de  la  Lys,  par  C.  Viry,  préfet.  Paris, 
an  XII. 


(  566  ) 

Het  verslag  van  deii  prefect  der  beide  Nethen,  d'HERBOuviLLE, 
spreekt  vooral  van  de  geaardheid  en  het  karakier  der  ingezetenen  : 

«  De  inwoners  der  beide  Nethen  hebben  eenen  karaktertrek  die 
hun  met  al  de  Belgen  gemeen  is,  namelijk  de  liefde  voor  de  onaf- 
hankelijkheid.  Wars  van  aile  juk,  staan  zij  moeilijk  iets  toe  tenzij 
men  hen  door  overtuigende  middelen  daartoe  w  ete  over  te  halen. 
Slechte  behandeling  verbittert  hen,  het  onrecht  verwekt  hunne 
verontwaardiging.  Zij  zijn  traag  om  hun  vertrouwen  te  schen- 
ken;  maar  wanneer  men  het  heeft  kunnen  bekomen,  kan  men 
op  de  duurzaamheid  hunner  verkieefdheidstaat  maken.Zij  valten 
licht  eenen  haat  op,  en  dit  gevoel  is  bij  hen  even  duurzaam  als 
de  vriendschap.  Zij  zijn  trouw  in  hunnen  handel,  eenvoudig  in 
hunne  manieren,  in  hunne  huishoudens.  De  familiën  zijn  talrijk, 
de  kinderen  genieten  eene  groote  vrijheid;  zelden  ziet  men  on- 
eenigheid  onder  hen. 

«  De  werkiieden  zijn  arbeidzaam,  geduldig,  schrander.  Aile 
kunsten  kunnen  bij  hen  gedijen,  dewijl  zij  er  in  zich  de  kiem 
van  dragen...  Evenals  aile  volkercn  houden  de  inwoners  sterk 
aan  hunne  oude  gewoontcn.  Tôt  in  hunne  vermaken  toe  zijn  zij 
afkeerig  van  aile  nieuwigheid. 

«  De  Kempenaars  hebben  misschien  een  scherper  geteekend 
karakter.  De  ruwheid  hunner  gewoonten,  hun  plomp  leven  maken 
hen  tôt  gansch  onafhankelijke  menschen.  Hunne  gewone  spijs  is 
een  kooksel,  dat  zij  pap  noemen;  't  is  een  mengsel  van  ongebui- 
deld  boekweit-  en  roggemeel,  dat  zij  in  botermelk  beslaan.  Slechts 
tweemaal  s  jaars  eten  zij  vleeseh  (?).  De  botermelk  is  hun  ge- 
wone drank.  Hunne  kleeding  is  grof,  hunne  gestalte  middelmatig, 
maar  zij  zijn  gespierd  en  sterk,  en  hun  ruw  uitwendig  verbergt 
eene  onafhankelijke  en  fiere  ziel.  Zij  zijn  geduldig,  maar  koen  en 
meer  dan  cens  hebben  zij  bewijzen  van  hunne  dapperheid  ge- 
geven  ^  » 

Uit  de  statistiek  van  het  département  der  Neder-Maas  (Luik) 
nemen  wij  eenige  regelen  over,  betrekkelijk  de  voeding  van  den 
Waalschen  boer  op  het  einde  der  vorige  eeuw  : 

'  Mémoire  statistique  des  Deux  Nèthes,  par  d'HERBOUviLLE,  préfet. 


(  567  ) 

a  Het  gebruik  van  wit  brood  is  eerst  sedert  korten  tijd  in  de 
steden  opgekomen;  men  eet  overal  roggebrood,  en  de  welgestelde 
lieden  zijn  er  zoodanig  aan  gewoon,  dat  zij  bet  uit  smaak  boven 
aile  ander  verkiezen.  De  aardappclen,  de  koolen  en  al  de  soorten 
van  groenten  maken  het  boofdzakebjke  deel  der  voeding  uit;  de 
veldbewoner  bereidt  ze  met  een  weinig  spek,  de  gegoeden  zor- 
gen  om  aile  jaren  ëen  of  meer  varkens  te  kweeken  en  te  vetten. 
De  armste  werkiieden  eten  slecbts  roggebrood  en  groenten.  Het 
koffîedrinken  is  algemeen.  De  bewoners  der  Neder-Maas  hebben 
ten  andere  achtingswaardige  hoedanigheden;  zij  zijn  werkzaam, 
huishoudelijk,  geduldig  en  eerbiedigen  de  wetten;  zij  munten 
vooral  uit  in  den  akkerbouw  K  » 

Eindebjk  het  verslag  van  Faipoult  over  het  département  der 
Schelde  (Oost-Vlaanderen).  Deze  geeft  eene  nagenoeg  voliedige 
schets  van't  gewest  en  zijne  bewoners,  onder  zijn  beheer  gesteld, 
even  onpartijdig  en  welwillend  gelijk  zijne  amblgenooten  : 

«  Het  huisehjk  leven  op  den  buiten  (zegt  Faipoult)  is  uiterst 
kalra;  dit  karakler  wordt  zelfs  te  midden  der  vermakelijkheden 
opgemerkt.  Inderdaad,  men  ziet  op  hunne  veldfeesten  ofkermis- 
sen  die  lichte  dansen  niet,  noch  hoort  er  die  losse  gezangen,  welke 
degene  van  Provence  en  Languedoc  verlevendigen;  men  danst  er 
wel,  maar  't  is  het  grootste  getal  der  aanwezigen  niet.  Men  vindt 
er  mannen  en  vrouwen  rondom  de  tafel  gezeten  vôor  een  aantal 
potten  hier;  men  drinkt,kout,  speelt  met  de  bol,  maar  lacht  wei- 
nig (?).  Men  is  tamelijk  ernstig  aangekomen,  en  men  gaat  in  de- 
zelfde  stemming  heen.  Maar  uit  dit  bezadigd  en  stil  karakter 
vloeit  voort  dat  de  Belgen  bedacht  en  aanhoudend  zijn  in  hunne 
genegenheid  en  in  de  uitvoering  hunner  plannen. 

»  ....  Bij  de  familiedeugden,  welke  de  Vlamingen  kenmerken, 
mag  men  nog  voegen  de  oprechtheid  en  eenvoud  van  hunne  be- 
doeling;  daarvan  gevenzij  bewijs  telkenmaledat  zij  nietgedreven 
worden,  noch  door  gevaarlijkc  raadgevingen.  noch  door  eenige 
gevoelens  van  vijandlijkheid.  » 

^  Statistique  du  Département  de  la  Meuse  Inférieure,  par  Cavexne,  iagé- 
nieur  des  Ponls  et  Chaussées. 


(  368  ) 

Faipoult  wijst  in  zijn  verslag,  en  te  reeht,  op  de  medewerking 
der  rijke  familiën  van  Vlaanderen,  ten  einde  den  nkkerbouw 
vooriiit  le  lielpen.  Meer  bepaaid  den  Vlaming  van  de  Schelde- 
boorden  willende  doen  kennen,  bezit  deze  (zegt  hij)  een  kloek  en 
juist  oordeel,  en  tevens  een  bestendig,  vredelievend  karakter;  hij 
is  rondborstig,  getrouw  aan  zijne  verbintenissen,  jaloersch  van 
zijne  reciiten,  van  zijne  vrijheid  en  van  zijne  godsdienstige  ge- 
woonten. 

«  Ongetwijfeld  nioeten  de  veldcn  van  dit  gewest  sedert  eeuwen 
bevolkt  geweest  zijn,  zooals  nu,  door  werkzanie,  eenvoudige  man- 
nen,  maar  vernuftige  opmerkers  der  natuur  en  harer  wetten  be- 
trekkelijk  de  voortteeling  der  gewassen.  Men  heeft  er,  inderdaad, 
weinig  over  den  landbouw,  over  de  ontginningskunst,  de  werk- 
wijze,  de  velte,  de  zaaiingen,  de  verscheidenheid  en  orde  der 
cultuiir  geschreven,  en  nochtans  ziet  men  overal  den  man  des 
velds  onderriclit  van  die  noodzakelijke  voorschriften,  welke,  op- 
volgendlijk  door  de  opmerking  van  eene  lange  reeks  van  seizoe- 
nen  gevesligd,  van  den  vader  tôt  de  kinderen  is  overgegaan,  met 
dien  verstande,  dat  elk  geslacht  er  de  gepaste  uitbreiding  aan 
gaf  en  het  volgende  dit  bij  cnkele  traditie  ontving. 

«  Men  vindt  op  de  dorpen  eenvoudige,  ongeletterde  lieden,  die 
de  beroemde  Arthur  Youag  als  zijne  meesters  beschouwde.  Ailes 
verwonderde  hem  hier  :  hij  zag  eenen  zandachtigen,  natuurlijk 
dorren  bodem,  zonder  onderbreking  bedekt  met  rijke  oogsten; 
hij  bestudeerde  de  oorzaken  van  dit  heerlijk  wonder;  hij  zag  dat 
al  de  hulpmiddelen,  welke  de  mensch  gebruiken  kan  om  den 
grond  vruchlbaar  te  maken,  op  de  boorden  der  Schelde  ontdekt 
en  in  toepassing  waren  gebracht;  zelfs  bekende  hij  dat,  helgeen 
er  gedaan  werd  om  die  heilzame  vruchtbaaiheid  tôt  stand  te 
brengen,  niet  getrouwelijk  kon  wordeii  geschreven;  dat  men 
iedere  gemeente  zou  moeten  bestudeeren  om  de  onderscheidene 
werkwijzen  te  kennen,  welke  er  in  zwang  zijn;  dat  deze  verschei- 
denheid van  mcthoden,  verre  van  't  uitwerksel  van  blinden, 
plaatselijken  slenler  te  wezen,  dat  der  wijsheid  was...  » 

«  Vroegertijds  (gaat  Faipoult  voort)  bepaalde  de  handelsvraag 
zich  nagenoeg  lot  lakens  en  linnen;  maar  deze  beide  handgedaden 


(  569  ) 

hebben  een  bijzonder  voordeel,  dat,  namclijk,  den  veldeling  en 
geheel  zijn  gezin  tôt  dit  werk  te  roepen.  » 

Sprekende  van  het  volksonderwijs,  erkent  Faipoult  «  que  nul 
pays  n'offrit  peut-être  plus  de  petites  écoles,  où  les  enfans  du 
peuple  apprenoient  à  lire,  à  écrire  et  à  compter.  »  Het  aanzien- 
lijk  getal  zulker  «  kleine  scholen,  »  zegt  de  prefect,  bewijst  wel- 
ken  hooge  prijs  de  ouders  stellen  in  het  welzijn  hunner  kinderen 
—  en  geeft  meteenen  't  peil  der  grootc  welvaart  in  de  dorpen, 
die  in  de  omliggende  landen  niet  is  gekend.  » 

Ten  laatste  mcrkt  Faipoult  op,  boe  onder  elke  vreemde  over- 
heersching  de  Vlamingen  Vlamingen  wisten  te  blijven,  altijd  een 
cigcnaardig  volk  uitmakende,  dat  zijne  taal,  gewoonten  en  zeden 
bcwaarde  ^ 

Onze  vaderlandscbe  hoogmoed  mag  gestreeld  zijn  door  den  on- 
gebedelden  lof,  welke  in  zoo  onbewimpelde  taal  aan  ons  land  en 
zijne  bewoners  door  de  vreemdelingen  in  elke  eeuw  werd  toege- 
sluurd.  Wij  kennen  geene  natie,  over  welke  onder  zedelijk  en 
stoffelijk  opzicht  zooveel  goeds  is  gezegd,  als  over  de  Belgen,  ge- 
lijk  er  in  Europa  geen  ander  volk  is,dat  zijnen  hoogen  rang  in  de 
wereldgeschiedenis  in  minder  gunstige  omstandigheden  beeft 
vcrworven  en  gehandhaafd. 

De  historié  van  den  Belgischen  boerenstand  is  rijk  aan  lessen 
voor  de  volgende  geslachlen;  wij  leeren  er  in,  vooreerst  :  dat  de 
akkerbouw  stellig  de  voornaamste,  zekerste  en  duurzaamste  bron 
is  van  den  overvloed  en  den  rijkdom  van  den  Staat;  dat  hij  het 
is,  die  in  de  middeleeuwen  den  grondslag  beeft  gelegd  van  den 
bluei  onzes  vaderlands,  gelijk  hij  toen  ook,  en  nog  in  de  moderne 
tijden,  het  land  van  eenen  gewisscn  ondergang  beeft  mogen  red- 
den;  voorts  zien  wij  uit  die  geschiedenis  dat  overal,  waar  de 
akkers  best  verzorgd  en  waar  er  minst  onbeploegde  landen  wa- 
ren,  juist  die  gewesten  te  allen  tijde  op  het  krachligst  aan  de 
algemeene  rampen  weerstand  hebben  geboden  en  de  volkswel- 
vaart  daar  het  boogste  kiom. 

*  Mémoire  statistique  du  Déparlement  de  VEscaut.  Paris,  an  XIII  (I8O0). 
Tome  XXXII.  24 


(370) 

Nog  eene  andere  les,  van  even  groote  beduiding,  doet  de  ge- 
schiedenis  der  landbouwersklasse  oiis  aan  de  hand.  leder  onzer 
gewcsten  liad,  in  elke  eeuw,  zijne  eigene  beroeringen,  zijne  on- 
geregeldheden  en  wanordc,  zijne  bloedige  onlusten;  de  groote 
steden,  begiftigd  met  rechten  en  privilèges,  trotsch  op  bunne 
niachl,  bcdwelmd  door  bunne  sterkte,  afgunstig  de  eene  van  de 
andere,  onbuigzaam  en  bardnekkig  tegenover  het  vorstelijk  ge- 
zag,  vooral  wanneer  dit  er  op  uit  was  een  redit  le  korlwieken, 
werden  ook  veeltijds  verscheurd  door  inwendige  veeten,  die 
legen  elkaar  aanbotsten  ,  schennis  van  eigendom  pleegden,  het 
bloed  deden  stroomen  langs  de  stralen,  en  somtijds  gansch  bel 
gewest  prijs  gaven  aan  ruwe  baldadigbeid. 

Nu,  welk  scbouwspel  bood  in  die  droeve  dagen  ons  landvolk 
aan? 

Wij  zagen  bet  rustig  blijven,  kalm  en  bedaard  op  den  gruwe- 
lijken  broederkamp  toezien,  zicb  niet  latende  medeslepen  door 
het  verleidelijke  sirenenlied  der  woedende  partijschappen,  noch 
zicb  zelfs  verbitterende  wanneer  deze,  door  verlies  en  nederlaag 
getcrgd  of  door  bijval  en  vietorie  brooddronken  gemaakt,  in  tuch- 
telooze  benden  over  de  velden  liepen,  de  oogslen  plat  trappelden, 
huizen  en  kasteelen,  molens  en  schuren  in  brand  slaken  en 
overal  ellende  en  janimer  verspreidden.  Lijdzaam  stonden  zij  die 
verwoestingen  door,  gepleegd  door  stam-  en  landgenooten,  aldus 
een  aanzienlijk  offer  plengende  op  't  altaar  des  vaderlands  ten 
einde  dit  voor  zwaardere  rampen  te  hoeden. 

Neen!  Geene  enkele  klas  was  ooit  zoo  innig  verkleefd  aan  de 
openbare  orde  als  die  der  boeren,  want  de  voortduring  (zegt 
SiMOiNDE  DE  SisMONDi)  verbindt  zicb  wonderwel  met  haren  staat.  En 
wij  voegen  er  bij  :  van  geene  andere  mag  er  gezegd  worden  dat 
zij  het  vaderland  zoo  lief  heeft  gehad;  niet  met  die  vurige,  barts- 
tochtelijke  liefde,  die  onbedacht  voortvaart  en  soms  ailes  op  spel 
zet ;  maar  met  die  beradene,  berekende  liefde,  die  behoudt  en  redt  ! 

En  nochtans  was  de  Belgische  boer  geen  lafaard.  Wij  ontmoe- 
ten  hem  overal,  waar  volk  of  land  in  gevaar  verkeerde,  dwang 
en  tirannij  le  bevechlen  waren  :  op  de  vlakte  van  Bouvines  en  op 
de  weide  van  Groeningen;  op  den  Pevelberg  en  te  Rozebeke;  te 


(  371  ) 

Gaver,  tcgcn  den  overraachtigen  Hertog  van  het  Wcsten,  en  on- 
der  de  muren  van  Gent  tegcn  don  trotschen  Keizer,  op  wiens 
staten  de  zon  nooit  onderging.  Wij  vinden  hem  ook  —  ja,  hier 
is  eene  uitzondering  :  de  Belgische  boer  heeft  cenraaal,  zonder 
medehulp  van  steden  of  besturen ,  uit  eigen  bewcging,  de  wa- 
pens  gegrepen  en  opstand  gemaakt;  maar  de  Boerenkrijg  was 
enkel  een  verzet  tegen  den  overmoedigen  vreemdeling,  die  ailes, 
wat  met  onzen  landaard  strookte,  ja  ons  zelven,  als  nalie,  zocht 
te  vernietigen.  Die  poging  moge  men  onzinnig  noemen  —  geene 
vaderlandsche  pen  zal  de  gevoelens  wraken,  door  wclke  dit  klein- 
tah'ge,  maar  slecht  ingerichle  léger  was  bezicld. 

De  Staat  heeft  groole  verplichtingen  aan  den  landbouw,  maar 
wij  mogen  het  met  voldoening  zeggen  :  over  het  algemecn  heeft 
België,  vooral  in  de  laalste  dertigjaren,  de  roi  begrepen,  welke 
de  ecrste  onzer  nijverheden  in  den  Staat  heeft  te  vervuUen.  Steen- 
en  spoorwegen  zijn  overal  aangelegd  geworden,  nieuwe  water- 
gemeenschappen  geopend,  woeste  gronden  in  de  Kempen  en  in 
de  Duinen  ontgonnen;  scholen  voor  land-  en  hofboiiw  gesticht; 
prijskampen  voor  veldgewassen  en  veeteelt  ingericht  —  kortom, 
een  geheel  stelsel  van  aanraoedigingen,  die  onbetwistbaar  veel 
goeds  hebben  tôt  stand  gebracht. 

Bijzondere  pogingen  bleven  ook  niet  ten  achter.  In  de  Kempen, 
onder  andere,  werden  honderden  hectaren  heide  in  vruchtbaar 
bouwland  herschapen,  inzonderheid  door  toedoen  van  eenen 
wakkeren  Vlaming,  Ed.  Jaequemyns,  een  man  van  even  diepe 
wetenschap  als  van  groote  volharding,  en  wiens  bewonderens- 
waardig  werk  den  dank  van  België  verdient.  Niet  alleen  deden 
zijne  kennis  en  geduld  rijke  oogsten  komen  op  gronden,  vroeger 
beschouwd  als  hoegenaamd  niet  voor  den  akkerbouw  geschikt, 
maar  hij  bouwde  den  werklieden  zijner  ontginning  en  de  daarbij 
opgerichte  steenbakkerij  doelmatig  ingerichte  hofsteden  en  luch- 
tige,  nette  woonsten,  welke  overal  elders  tôt  model  zouden  mogen 
dienen.InVlaanderen  werd,  door  toedoen  van  den  baron  de  HirFch 
de  Gerenth,  onder  het  bestuiir  van  den  ingénieur  Th.  Leyscn,  het 
groote  Berlaarbroek  droog  gemaakt  en  alzoo  eene  uitgestrekthcid 
van  150  hectaren  voor  den  landbouw  gewonnen. 


(  372  ) 

Op  aile  piinten  van  België  is,  sedert  het  einde  der  vorige  eeuw, 
de  waarde  der  gronden  en  der  producten  in  ontzaglijke  verhou- 
dingen  geklommen.  Heeft  de  landbouwer  het  tegenwoordig  onder 
elk  opzicht  zoo  goed  als  vroeger?  Laten  wij  aile  middelen  beproe- 
ven  om  hem  op  te  beuren  ;  geene  gelden,  geene  moeite  gespaard 
cm  dit  docl  te  bereiken!  Nu  nog,  gelijk  weleer,  zal  elke  crisis, 
hoe  zwaar  ook,  gemakkelijker  en  spoediger  doorgeworsteld  zijn, 
als  de  landbouw  bloeien  mag;  nu  nog,  gelijk  weleer,  zal  elke  ver- 
betering,  op  dit  gebied  verwezenlijkt,  strekken  tôt  vermeerde- 
ring  van  de  algemeene  welvaart. 


{i)3) 


BIJLAGEN. 


BIJLAGE  1N°   1,   BL.  194. 


Arrentement  a  Jehan  Francquerue,  de  XV  bonniers  de  terre, 
sans  le  lieu  et  le  bosquet,  gisans  a  Coustices. 

Sacent  tout  que  par  devant  sage  et  honnorable  homme  Gille  de  Tangry 
bailli  a  très  révérends  et  discrètes  dames,  mesdames  les  religieuses  abbesse 
et  couvent  de  leglise  et  abbeie  del  honneur  nostre  Dame  dales  Flines.  del 
ordene  de  Chistiaux  ou  diocèse  dArras,  et  pardevant  les  eschevins  de  la  ville 
de  Coustices  et  pluseurs  juges  cottiers  aux  dictes  religieuses  chi  après  nom- 
mes, se  comparu  en  sa  personne  Nicaise  Bauget  comme  procureur  aux  dites 
religieuses,  liquelz  monstra  au  dicts  bailli,  eschevins  et  juges  une  procura- 
tion saine  et  entière  venant  de  la  dicte  egUse,  scellée  des  dites  religieuses 
abbesse  et  couvent  pour  faire  tout  che  que  chi  après  sera  déclare,  laquelle 
procuration  contenoit  la  fourme  que  chi  après  sensuit.  Nous  soer  Margherite, 
humble  abbesse  del  église  et  abbeye  del  honneur  Nostre  Dame  daleis  Flines 
del  ordene  de  Chistiaux  ou  diocèse  dArras  et  tout  li  couvens  de  cel  meisme 
lieu,  faisons  scavoir  a  tous  que  nous  avons  fait,  mis,  institue  et  eslably,  et  par 
le  teneur  de  ces  letres  faisons,  mettons,  instituons  et  establissons  Gilles  de 
Tangry  no  bailli,  Nicaise  Bauget  et  Leurens  de  Wallignies,  nos  procureurs 
generaulx  et  certains  messagers  especiaulx  et  chascun  par  luy  et  pour  le 
tout,  portant  ces  lettres  pour  baillier  el  donner  a  rente  a  tous  jours  herita- 
blemeut  a  Gilles  Francquerue  ou  a  son  command  comme  hoirs,  successeurs, 
hoir  ou  aians  cause  en  ceste  partie  de  feu  Grart  de  le  Barre,  que  Dieux 
pardoinsl,  ung  manoir  amaset,  et  certains  heritaiges,  tant  en  gardins,  bos- 
ques,  yauwes  et  terres  ahanables,  et  tous  les  hiretaiges,  appartenant  audit 
manoir  aveuc  deux  rasières  de  terre  gisans  en  le  Cocquerie,  tous  gisans  en  le 
paroisce  de  Coustices  au  lieu  cou  dist  au  Brut  excepte  le  motte  el  fosses  den- 
tour  de  le  dicte  motte  de  mollin  du  Brut;  de  le  quelle  motte  nous  ne  voilons 
faire  nulle  allienaiion,  tous  iceulx  hiretaiges  tenus  de  nous  et  de  no  dicte 
église,  et  parmi  faisant  par  icellui  ou  son  command  certains  aboulz  a  déclarer 
plus  a  plain  es  lettres  qui  pour  le  aheritement  se  fera  de  ce;  et  autres  amen- 
dements, et  furent  iceulx  hiretaiges  jadis  Millon  de  Douai,  et  le  tient  ou  temps 
de  sa  vie  feu  Grard  li  Jouenes  homs,  que  Dieux  pardoint,  ausquelz  nos  procu- 
reurs dessus  nommez  et  a  chascun  de  eulx  a  par  lui  portans  ces  lettres,  avons 


(  374  ) 

donne  et  donnons  plain  pooir,  autorite  et  mandement  especial  de  werpir  et 
ahireter  ledict  Gilles  et  de  recepvoir  tous  les  aboulz,  convenences  et  seuretes 
que  li  dis  Gilles  ou  son  command  voira  et  devera  faire,  et  avons  et  tenons 
pour  ferme  et  estable  tout  ce  que  par  nos  devandis  procureurs  ou  lun  deulx, 
porlans  ces  lettres  ou  cas  dessusdit,  sera  fait,  werpit  et  ahiretet,  et  procuret 
autant  que  se  présentes  y  estiesmes  en  nos  propres  personnes,  et  sans  jamais 
aller  allencoutre.  Et  par  obligation  de  nos  biens  presens  et  futurs  se  mestier 
est.  En  lesmoing  de  ce,  nous  abhesse  et  couvens  dessusdis  avons  ces  pré- 
sentes lettres  seelees  de  no  propres  seaulx.  Faictes  et  données  le  X1I«  jour,  de 
Novembre  en  lan  mil  CGCC  vingt  quatre.  Et  après  icelle  procuration  ainssy 
lieute,  recongnut  et  confessa  ledict  Nicaise  Bauget  comme  procureur  des 
dictes  religieuses  avoir  bailliet  a  rente  a  Jehan  fils  de  Gilles  Francquerue,  a 
tousjours  liiretablement  qui  ainsi  le  congneut  avoir  pris,  ung  manoir  amaset 
de  maison,  grange,  marescauchies,  fournil  et  autres  hosteulx,  aveuc  bosquet, 
chaingle,  annois,  gardins  qui  furent  Millon  de  Douay,  gisans  en  la  paroisce  de 
Couslices,  ou  lieu  con  dist  le  Brut,  aveuc  deux  rasieres  de  terre  gisans  es 
camps  de  la  Goquerie,  tenant  a  le  terre  qui  fu  Jehan  Garlon  dune  part,  et  au 
quemin  qui  va  de  Douay  a  Orchies,  dautre  part.  Hem,  une  masure  appellee  le 
masure  Saintain,  gisans  vers  le  Brut,  ou  demeure  a  présent  Jehan  de  Buvry 
le  joune,  conlenans  tous  iceulx  hiretaiges,  manoirs,  gardins,  bos,  chaingles, 

aulnois  et  pastures,  tout  en  somme bonniers  ou  environ,  sans  en  faire 

autre  mesure,  dont  lidis  Jehan  Francquerue  tous  les  ans  doibt  rendre  et  payer 
aux  dictes  religieuses  a  tousjours  hiretablement,  de  tous  les  hiretaiges  des- 
susdits, chinq  muys  davaine,  et  livres  au  four  de  la  dicte  église  a  ses  propres 
coustz  et  frais,  au  jour  Nostre  Dame  Candeler  a  le  mesure  de  Coustices;  et  le 
dicte  avaine  acquitable  a  censé  et  a  renies.  Lesquels  V  muis  davaine  dessus- 
dis, lidis  Jehan  Francquerue  a  enconveni  lealment  et  en  bonne  foy  de  bien 
payer  aux  dictes  religieuses  dan  en  an  comme  dit  est.  Et  en  plus  grant  seu- 
Fete  de  bien  payer  la  dicte  rente  dan  en  an  a  tousjours  hiretablement,  lidis 
Jehans  Francquerue  sera  tenus  de  faire  aboult  sur  lesdis  hiretaiges  ou  en 
aullre  usaige  au  los  du  conseil  de  la  dicte  église  toutes  les  fois  quil  en  sera 
sommez  et  requis,  de  la  somme  de  vingt-quatre  frans  trente  trois  solz,  mon- 
noie  de  Flandres  pour  chascun  francq,  coursable  en  la  ville  dOrchies  et  au 
pays  environ.  Item,  encores  est  et  sera  tenus  lidis  Jehans  Francquerue,  de 
retenir  bien  et  souffissamment  le  maison,  grange  et  tous  les  hosteulx  qui  sont 
a  présent  sur  ledict  manoir  tant  de  bos  comme  de  couverture,  de  placque- 
ment  et  de  fiestissure,  ainsi  que  a  arrentement  hirretier  appertient,  sans  mal 
engien.  Item,  doibt  lidit  Jehan  Francquerue  planter  II  milliers  de  plantes  sur 
les  waresques  contre  lesdits  héritages  ou  es  plus  nécessaires  lieux,  et  tenir 
verdes  tant  quelles  soient  bien  reprises;  et  se  doibt  lidis  Francquerue  acqui- 
ter  tous  les  hiretaiges  dessusdis  de  toutes  tailles  et  débites  ou  aullres  rede- 
vances par  quelconque  manière  que  on  les  polroil  demander  ne  avoir,  a  ses 


» 


(  '^■^o  ) 

propres  coustz  et  frais  comme  dessus  est  dit,  sans  riens  compter  ne  demander 
a  le  dicte  église  de  quelconque  manière  qui  y  peuist  venir.  Item,  esi  con- 
dicione  audit  marquet  que  lidis  Franquerue,  si  hoir  ou  aians  cause  ne  doi- 
vent point  défaire  ne  rabatre  le  motte  du  mollin  que  on  disl  du  Brut,  ne 
censir,  ne  louer,  ne  arrenter  a  nulle  personne;  mais  sil  plaisoit  a  medicle 
dame  et  au  couvent  de  ledicte  église  de  Flines,  faire  y  porroient  I  mollin  u 
molins,  ung  ou  plusieurs  et  en  faire  tous  leurs  bons  usaiges  comme  de  leur 
bon  propres  herilaiges;  et  se  mes  dictes  dames  ny  font  point  de  molin,  goir 
en  doit  ledis  Francquerue,  pour  semer,  planter  et  ahenncr  sans  le  dicte  motte 
despescliier  ne  abalre  ne  les  fosses  raemplir  comme  des  autres  herilaiges. 
Item,  et  si  fu  condicionne  en  ceslui  arrentement,  que  ou  cas  ou  le  dit  Jehan 
Francquerue  seroit  en  aulcune  defaulte  de  paiement  ou  aultres  condicions 
devant  dictes  tant  quil  convenist  que  les  dis  heritaiges  fussent  rattrais  ou  en 
voie  destre  saisis,  il  a  esleu  domicile  pour  lui,  ses  hoirs  ou  aians  cause  audit 
lieu,  pour  faire  toutes  sommations  de  loy  en  ce  appartenant  en  présence  des 
eschevins  et  juges  devant  dis,  et  en  oultre  plus  ne  poet,  ne  pourra  lui  ne  ses 
aians  cause,  vendre,  alouwer  empeschier  de  plus  granl  cherge  que  chi  dessus 
nestoit  devisé,  les  dits  hiretaiges  ne  partie  diceulx  a  quelconcque  personne 
que  ce  soit,  qui  ne  voist  lousjours  de  lui  a  ses  hoirs,  a  telz  conditions  que 
dessus  sont  devisees,  ne  avoir  plus  granl  chairge,  se  nest  par  le  gre  et  consen- 
tement de  la  dicte  église  ou  de  leur  procureur,  et  maintenir  les  terres  a  droite 
roye,  ainsi  que  elles  ont  este  accouslumees  a  copper  a  droite  coppe  et  en  sai- 
son et  retenir  plïincques,  appoielles,  chemins,  cours  diauwes,  esseus  et  touties 
aultres  choses  nécessaires  a  faire  sans  le  coustz  ne  frail  de  le  dicte  eglize.  Et 
sil  advenoil  que  ja  naviengne  que  ledit  Francquerue,  si  hoirs  ou  aians  cause 
fussent  en  deifaulle  de  bien  paier  le  dicte  rente,  le  procureur  de  le  dicte  église, 
ou  le  porteur  de  ces  lettres  se  porroit  traire  aux  dits  hiretaiges  et  aboultz, 
comme  a  leur  bon  et  propre  hiretaige  de  le  dicte  église;  et  aussy  sil  avoit 
faulte  aucune  desdicles  conditions,  fust  es  hosteulx  retenir  u  es  plantes  ou  es 
autres  choses  u  aucun  mesus  amender  le  doibt  li  dis  Francquerue  ou  ceulx 
qui  liretaige  lenroient  par  loy  et  eschevins  de  Couslices  ou  par  le  loy  de 
leglise  ou  par  boins  preudommes  a  ce  cognissans,  lequelque  mieulx  plairoit  a 
mesdittes  dames.  Toutes  les  choses  et  convenances  dessus  dit  les  a  le  dis 
Francquerue  enconvent  pour  lui  et  pour  ses  hoirs  et  aians  cause,  a  tenir  et 
raemplir  par  le  manière  que  dessus  est  dict  et  deviset,  et  en  faire  bonnes 
lettres  selonc  leur  fourme  et  devise,  et  les  dictes  convenences  du  dit  marc- 
kiet.  Item  doivent  mesdites  dames  conduire  et  garandir  audit  Francquerue, 
ses  hoirs,  ou  aians  cause,  le  dit  marquiet  pour  lui  en  faire  joir  a  lousjours  et 
a  toutes  nuis  de  tous  empeschemens  qui  de  par  elles  ou  de  leur  dicte  église  y 
porroit  naistre  ne  venir  tousjours,  sauve  a  le  dicte  église  les  convenences 
devant  dictes  les  condicions,  devises  comme  dit  est;  ledit  procureur  rapporta 
les  disherilaiges  par  ram  et  par  baston  bien  et  a  loy  en  le  main  dudict  bailly 


(  5"?6) 

pour  ahireter  le  dit  Jehan  Franquerue  en  jurant  par  la  foy  et  serment  que 
procureur  poet  faire  ou  nom  de  le  dicte  église  que  aux  dis  hiretaiges  il  ne 
scavoit  ne  avoit  fait  aboult  assenemeni,  convenence  ne  empêchement  quel- 
conques, fors  cestui  présent  markiet  et  arrentement  en  promettant  a  garan- 
dir  par  le  vertu  de  la  dicte  procuration  contre  tous  et  envers  tous,  ainsi  que 
a  bon  arrentement  appartient. 

Ce  fait  comme  dit  est,  le  dit  bailli  transporta  les  dits  hiretaiges  hors  de  sa 
main  et  en  ahireia  le  dit  Jehan  Franquerue,  lequelz  Franquerue  rapporta  les 
dils  hiretaiges  en  la  main  dudit  bailli  pour  ahireter  le  dit  procureur  pour  joir 
et  possesser,  par  lui  ou  nom  de  la  dicte  église,  a  tous  jours  herilablement  ou 
cas  que  ledit  Jehan  Francquerue  seroit  en  defaulle  de  payer  la  dicte  rente  et 
accomplir  toutes  les  convenances  et  condicions  devant  dites;  lors  ahireta  le 
dit  bailli  le  dit  procureur  des  heritaiges  dessus  dis  par  manière  daboul  de 
payer  la  rente  chy  dessus  déclarée;  liquelz  procureurs  represta  audit  Jehan 
Franquerue  tous  lesdits  hiretaiges  par  main  de  seigneur  tant  et  si  longhe- 
ment  qu'il  paiera  bien  la  dicte  rente  et  non  plus;  et  furent  faictes  par  faict  de 
loy  toutes  sollennites  qui  en  tel  cas  sont  accoustumees  de  faire  et  toutes 
droitures  de  seigneur  eschevins  et  juges  payes  tant  quil  fu  dict  par  loy  et  par 
lesdis  eschevins  et  juges  que  ledict  procureur  avoit  si  soufBssammeut  rap- 
porte lesdits  heritaiges  en  sa  main,  comme  en  main  de  seigneur  que  pour 
souffir  à  loy  et  que  ledit  Jehan  Franquerue  en  estoit  et  est  si  soufTissau- 
menl  saisis,  vestis  et  ahireles  par  les  condicions  devisees,  que  pour  joir  et 
possesser  a  lui  et  a  son  hoir  a  tousjours  hiretablement  sauf  tous  drois,  et 
toutes  bonnes  convenences.  Et  ce  fu  dit  par  loy  en  oultre  que  ledit  procureur 
estoit  bien  ahireles  de  tous  le  hiretaiges  dessus  déclares  par  manière  daboult 
ou  cas  que  ledict  Jehan  Francquerue  seroit  en  defaulte  de  paier  la  dicte  rente, 
et  accomplir  les  conditions  devant  dictes,  la  quelle  rente,  condicions  et  con- 
venences dessus  dictes,  il  a  couvent  de  paier  et  accomplir  a  lui  et  au  sien 
ainsi  que  chi  dessus  es  dit.  En  renonchanl  par  ledit  Franquerue  a  tout  ce  qui 
aidier  ou  valoir  lui  porroit  en  cestui  cas  et  audit  procureur  ou  nom  des  dictes 
religieuses  et  de  le  dicte  église  grever  ou  nuirre  alencontre  de  cestui  couvent 
Aux  choses  dessusdictes  faire  et  passer  par  fait  de  loy  comme  dit  est,  fui 
comme  bailli  aux  dictes  religieuses  de  Flines,  Gilles  de  Tangry  dessus  nomme, 
et  comme  eschevins  de  la  dicte  ville  de  Coustices,  Williame  de  Raisse,  Jakes 
de  Cantin,  Jehan  Leurin  dit  Bienrois,  Jacques  de  le  Planque  et  Mikiel  de 
Housse! ;  et  comme  juges  cotiers  aux  dictes  religieuses,  Willame  de  Raisse, 
Jehan  Couvreur,  bourgois  dOrchies,  et  Jehan  de  le  Barre.  Ce  fut  fait  le  X«  jour 
du  mois  de  janvier  en  l'an  de  grâce  mil  quatre  cens  et  vingt  quatre. 

{Archives  départementales  du  Nord.—  Fonds  de  l'abbaye  de  Flines' 
Registre,  parchemin,  n"  33ÎJ8,  années  1234  à  1623,  folio  151  v".) 


(  r>77  ) 
BIJLAGE  N°  2,  BL.  214. 


«  Chesonl  tout  li  meule  que  messires  de  Naste  dont  Dius  ait  l'ame  avoit  et 
pooit  avoir  en  quelconques  manière  que  che  fust  au  jour  de  sen  trespas,  qui 
fu  le  nuit  de  le  Magdelaine,  par  1  lundi  en  l'an  mil  III^  XXXVII,  liquel  meule 
ont  estet  prisiet  par  les  preseurs  sairmentés  de  le  ville  de  Mons  tout  à  I  com- 
pengnon  pour  XVI  d.tourn.,  s'il  n'i  a  autre  monnoie  expressee. 

BIACTOIR. 

Chi  apries  s'enssuit  li  inventoires  des  meules  trouvés  à  Biauvoir. 

Premiers,  lxvit  brebis  prisiet  cascune  pieche  v  s.  vi  d.  valent,  xviii  Ib,  viii  s.  vi  d. 

Item  XXI  agniel  prisiet  le  pièche  m  s.  tournois  montent .    .  LXiii  s. 

Item  Lxviii  moutons,  prisiet  le  pièche  viii  s.  tournois  montent,  xxvii  Ib.  un  s. 

Item  iiii  vackes  prisies ix  Ib. 

Item  m  vackes  prisies vil  Ib. 

Item  II  vackes  prisies C  s. 

Item  II  geniches  et  i  bouvelet  prisiet cv  s. 

Item  I  tor  prisiet -    .    .    .  Lxv  s. 

Item  m  vakes  prisies M  Ib.  x  s. 

Item  II  autres  vakes  prisies •    .    .    .  un  Ib.  vu  s. 

Item  II  gumens  prisies IX  Ib. 

Item  II  autres  jumens  prisies es. 

Item  II  autres  jumens  prisies LX  s. 

Item  II  cars  fiérés,  i  beaiel  fieret,  m  aireules,  m  binoirs,  plu- 
seurs  yerces,  vi  gohoriaus  et  tout  autre  harnas  de  kierue,  prisiet 

tout  ensanle ix  Ib. 

Item  Lxx  glinnes  et  autre  volille  prisiet XL  s. 

Item  viii  kiultelettes ,  les  linchus  et  les  couvertoirs  prisiet 

tout  ensanle es. 

Item  iiii  vieses  nappes un  s. 

Item  m  pos  de  keuvre,  m  payelles,  i  noir  caudron  et 

llil  sayauls  de  fust  fiérés,  i  trepier  et  une  caudiere  prisiet.  xlvi  s. 

Item  11  petis  escringnes  prisies xii  s. 

Item  une  demi  rasiere  prisie v  s. 

Item  ii<=  Ib.  de  bure  et  \i^^x  fromages  de  presse  prisies  .    .  vi  Ib.  Ull  s.  iili  d. 

Item  vil"  et  un  viaures  de  lainne  et  d'agnelin  des  agniaus 
et  des  coussin,  et  les  coussin  des  lainnes,  si  ent  trouvet 
vie  Lxxiiii  livres  de  lainne  prisiet  cascune  livre  xiiii  d.  et 
XX  livres  d'agnelin  prisiet  xx  d.  le  livre  et  des  coussin,  qui  fu 

prisies  xxxii  s.  c'est  en  somme  que  cesti  prisie  monte    .    .    .  xl  Ib.  xx  d. 


{  378  ) 

Item  avoit  en  le  dite  maison  de  Biauvoir,  au  jour  dou  trespas 
le  devant  dit  signeur  de  Naste  si  que  par  Phelippres  le  Fèvre, 
varlet  del  dit  ostel,  fu  adont  raportet  xvi  muis  et  un  rasieres 
de  blet,  prisiet  et  vendut  cascun  mui  XL  s.  montent    ....    xxxm  Ib.  vi  s.  viii  d. 

xix^  somme  ii"  vi  Ib.  xiiii  d. 

HAYIiriVECHITE;i.l.ES     (a    ANDERLCEs). 

CM  apries  s'enssuit  H  inventores  des  meules  trouvés  à  Haijnnechuelles. 

Premiers,  y  trouva  on  xvii  muis  ii  rasieres  et  demie  d'avainne,  prisie  le  rasiere 

XX  d.  montent viii  Ib.  xiiii  s.  il  d. 

Item  111  muis  deus  rasieres  et  demie  despillon  prisie  x  s.  le 

muy  montent xxxiiii  s.  ii  d. 

Item  II  muis  et  v  rasieres  d'espiautre  prisies xxviii  s.  un  d. 

Item  vies  fuerre  prisiet iiii  Ib. 

Item  IX  vaissiaus  d'els  à  nourechon  et  à  parchon  estimes 

puissedy  a ;  L  s. 

Item  I  keval  de  molin  et  le  harnas  prisies lx  s. 

Item  V  pourchiaus  prisies es. 

Item  II  cramillons  prisies m  s. 

Item  une  demy  rasière,  1  charlet  et  i  demie  charlet,  prisies.  iiii  s.  vi  d. 

Item  iiii  sas  prisies vi  s. 

Item  x  aulnes  de  toile  escrue,  prisie viii  s.  vi  d. 

Item  une  huge  prisie,  parmi  4  vies  escring m  s. 

Item  1  noir  caudron  prisiet xii  s. 

Item  dist  Jehans  de  le  Wale,  maire  et  recheveres  de  Hayn- 
nechuelles,  que,  au  jour  dou  trespas  doudit  signeur,  il  avoit  à 
Haynnechuelles  dou  monsigneur  xxxii  muis  et  ii  rasieres  de 

blet  ;  se  fu  vendue  et  prisie  cascune  rasiere  vu  s.  i  d.  montent,  lxviii  Ib.  xiiii  s.  il  d. 

Item  y  avoit,  si  comme  lidis  Jehans  dist  m  muis  et  demy 

rasiere  de  blet,  prisiet  le  rasiere  vi  s.  ix  d.  montent    .    ,    .    .  vi  Ib.  un  s.  x  d. 

Item  y  avoit  un  rasieres  de  soile  prisie  cascune  rasière 

V  s.  vil  d.  montent xxii  s.  un  d. 

xxvi«  somme  cm  Ib.  xiiii  s. 

Chi  apries  s'enssuit  H  inventores  des  meules  trouvés  à  Biévène 
et  à  Evrebeke. 

Premiers,  y  trouva  on  xi  muis  et  un  rasieres  de  blet  vendut  vu  s.  vni  d.  le  rasiere, 

c'est  en  somme xxvi  Ib.  xvi  s.  un  d. 

Item  XLix  muis  v  rasieres  et  demie  de  blec  vendut  vn  s.  vi  d. 

le  rasiere  montent cxii  Ib.  vi  s.  ni  d. 

Item  xxviii  muis  et  n  rasieres  d"avaine  vendut  xxv  d.  le  ra- 
siere, montent xvn  Ib.  xiiii  s.  n  d. 

Item  un  rasieres  de  pois  vendut  vin  s.  le  rasiere  montent   .  xxxii  s. 

Item  VI  rasieres  et  demie  d'orge  vendut  v  s.  vi  d.  le  rasiere 

montent xxxv  s.  ix  d. 

xxvii*  somme  des  meules  trouvés  à  Biévéne  et  à  Evrebecque  vii"xix  Ib. 

xviii  s.  vil  d.  »  {Slaatsarchief  te  Bergen.) 


% 


(  379) 
BIJLAGE  N"  3,  BL.  283. 


Notitie  (1er  grootte  van  de  dorpen  der  zeven  quartieren 
van  Antwerpen. 


QUARTIER  VAN  HERENTHALS. 

Molle   .   . {Uitgestrektheid)    2028  Bunder  267  Roeden. 

Saeylant 676  Bunders    82  Roeden  à  11  gi 

8  st.  't  bunder, 
Weyden,  bemden,  dries- 

schen,  enssels  en  ge- 

braeckten 703  »  183  R.  à  15  gi  10  st. 

Vijvers 15  »  ....  à    3  » 

Heyden 534  »  ....  à    1  » 

Moeren 100  »  ....  à    2  » 

Preueflf.  2028  B.  267  R. 

Baelen 1423  B.  181  R. 

Saeylanden 679  B.  161  R.  à  11  guld.  8  st. 

Bemden,  weyden  enz.  .  482   »     20   »    à  11      »     5  » 

Vijvers 4  »...  à    8      » 

Heyden 258    »...  à    1      » 

1423  B.  181  R. 

Oessel 866  B.  251  R. 

Saeylanden 281  B.  251  R.  à  10  gi. 

Weyden 289  »     ...  à    7  »  10  st. 

Vijvers 4  »     ...  à    7  »  10    « 

Heyden 286  »     ...  à    1  « 

860  B. 
Noch  heyden,  litigien  .   .        6  B, 

866  B.  251   R. 


(  580  ) 

Morchoven 272  B.  83  R. 

Saeylanden 141  B.  240  R.  à  10  :  10 

Weyden 57    »  57    »  à    8  :  10 

Bossen 5  »  200   »  à    5  : 

Heyden 67   »  160   »  à    1  : 


272  B.    85  R. 


Worderwijck. 


Saeylanden 343  B.  225  |  R.  à  10  g» 

Bemden  enz 132   »  273  ]•   »   à    8  » 

Heyden 199   »  346  f   »   à    1   » 

Preuve.  678  B.  168  R. 


678  B.  168  R. 


Hersselt 2356  B.  260  R. 

Saeylanden 656  B.  384  R.  à  9  :  15  st. 

Weyden  enz 717  »...    à  6  :  16    » 

Vijvers 9  »    333  R.  à  4  : 

Bossen 399  »    300  »    à  7 

Heyden 573  »    133  »    à  1 


18 


2356  B.  260  R. 


Oliuen, 


Saeylanden 303  B.    17  R.  à  11 

Bemden  etc 278  »    334  »  à  12 

Bossen 5  »    345  »  à    5 

Vijvers  ofwauwers.   .   .  5   »...  à    4 

Heyden 86  »    351    »  à     1 


679  B.  247  R. 


679  B.  247  R. 


Thlelen 


Saeylanden 238  B.    38    R.  à  11  :  15 

Bemden  enz 220   »    150  i  »    à  10  :  15 

Heyden 112   »      29  i  »    à     1  : 


Plantagîe 


570  B.  210  R. 
11   » 

581  B.  218  R. 


581  B.  218  R. 


(  381  ) 

Tongerloo 1255  B.  3o0  R. 

Saeyianden  met  het  encla- 
vement van 'tklooster.  561  B.  196  R. 

Bemden  etc 172  »    342    ^> 

Schaerbossen 74   »    300   » 

Opgaende  bossen   ...  61    »    312    » 

Heyden 383   « 

1235  B.  350  R. 

Meerbeeck 303  B.  360  R. 

Saeyianden 49  B.  175  R. 

Weyden  etc 243  »    187    » 

Heyden 13   « 

503  B.  360  R. 


Herenthout 1262  B. 

Saeyianden 576  B.    70  R. 

Weyden  etc 355   »    381   » 

Bossen 50  »    131    » 

Heyden 280  » 

Planlagie 36  » 

1262  B. 


^rickevorst 418  B.  273  R. 

Saeyianden 190  B.     38  R. 

Weyden  elc 88  »      46  » 

Bossen 13  »    110   » 

Heyden 127  »      79   » 

418  B.  273  R. 

Casferle 959  B.  279  R. 

Saeyianden 399  B.  132  R. 

Bemden  elc 509  »    147  » 

Bossen 51    » 

959  B.  279  R. 


(  382  ) 

Eynthoutham 155  B.  78  H. 

Saeylanden 77  B. 

Weydeii  etc 31   »      63  R, 

Bossen 6   »    153   » 

Heyden. 18  »    260    » 

133  B.    78  R. 

Poederle 621  B.   125  R. 

Saeylanden 219  B.  139  R. 

Weyden  etc 316  »    194  » 

Heyden 85  »    392  » 

621  B.  123  R. 

Kethlj 1477  B.  269  R. 

Saeylanden S49  B.  206  R. 

Bemden  etc 482  »      63  » 

Vijvers 11   » 

Heyden 405  »^ 

1447  B.  269  R. 

Lichtaert 627  B.  178  R. 

Saeylanden 328  B.  123  R. 

Weyden 289  »      33  » 

Bossen 4  » 

Heyden 6  » 

627  B.  178  R. 


QUARTIER  VAN  GEEL. 

Geel 4310  B.  218  R. 

Saeylanden 1811  B.  267  R. 

Bemden 121  »    267  >; 

Broeekagien 611  »    267  « 

Enssels 459  » 

Bossen 6  » 

Heyden 1142  »    217  » 

Vijvers 158  » 

4310  »    218  R. 


(  585  ) 

Blareudouck  en  IVatereynde 15:2  B. 

Saeylandeu 42  B.  100  R. 

Bemden 43   »    200    » 

Broeckagien d    »    100    » 

Schaerbossen 6   «    106   » 

Opgaende  bossen.   ...  2   » 

Ëesterbos 0    »    100   » 

Heyden 57   » 

152  Bunders. 

Tarendonck 84  B.  16  R. 

Saeylanden 35  B.  151  R. 

Bemden 29  »      79   « 

Opgaende  bossen.   ...       2  «    130  » 

Schaerbossen 3   »    256  » 

Heyden 14   » 

84  B.  16  R. 

Belle 148  B.  50  R. 

Saeylanden 76  B.  200  R. 

Bemden,  \veyden,enssels.      54  » 

Broeckagien 17   » 

Vijvers G   »    250  R. 

Plantagien 0   »    200   » 

148  B.     50  R. 

Eynthout 359  B.  100  R. 

Saeylanden 140  B. 

Bemden  oft  weyden  .    .  17   » 

Enssels 61   »    200  R. 

Schaerbossen  19  d 

Opgaende  bosch  ....  1    » 
Noch  opgaende  bosch,  en 

Vyvers 1    »    300  R. 

Heyden 56   » 

296  B.  100  R.  (sic) 

Oevel 415  B.  515  R. 

Saeylanden 249  B.  315  R. 

Broeckagien 9  » 

Heyden 157   » 

415  B.  315  R. 


(  584  ) 

Soerle-Parwijs 136  B.  300  R. 

Saeylanden 96  B. 

Bemden  en  broeckagien .      27  »    300  R. 

Bossen 5   » 

Enssels 8  » 

136  B.  300  R. 

^««*''« 673  B.  38  R. 

Saeylanden 267  B.  260  R. 

Bemden 23  »      44  » 

Enssels 5  »    130   » 

Heyenssels 73  »    382   » 

Noch  enssels 7  »      74  » 

Bossen 30   »    154  » 

Broeckagien 55  »    250   » 

Heyden 164   »    344   » 

673  B.    38  R. 

Echelpoel 105  B.  100  R. 

Saeylant 49  B.  200  R. 

Bemden  en  weyden.    .    .  8  » 

Enssels 22  »    200  R. 

Schaerbossen 2  »    200    » 

Heyden 23  »    100    » 

105  B.  100  R. 

IrVestmeerbeeck 266  B.  133  K 

Saeylanden 112  B. 

Weyden  etc 62  » 

Broeckagien 42  » 

Bossen 7   »    133  R. 

Noch  bossen 10   » 

Blommen 33  » 

266  B.  135  R. 
«Ole» 895  B.  225  R. 

Saeylanden 409  B.  317  R. 

Wcijden  en  beemden  .    .  155  »    250  » 

Broeckagien 30  i»     58  » 

Heyden 300  »    200  » 

895  B.  225  R. 


(  385  ) 

Torsselaer  aen  't  Zant 1235  B.  145  R. 

Saeylanden 454  B. 

Bemden,\vey  den,  broecka- 

gien  en  enssels.    .   .   .  267   »      51  R. 

Bossen 33   »      97   » 

Heyden 481    »      1 7  » 

1235  B.  145  R. 

Bulshoue 367    B.  18  R. 

Saeylanden 194  B.  266  R. 

Weyden  en  driessen    .    .  39  »  328  » 

Bemden 12  »  31  » 

Broeckagiën 38  »  129  » 

Bossen 43    »  266  » 

Moeren 3  »  266  » 

Heyden 34  »  122  » 

367  B.     18  R. 

Houtvenne 221   B. 

Saeyiant 81  B. 

Bemden, driessen,  weyden  25  » 

Broeckagiën 6  » 

Enssels 30   « 

Bossen 32  » 

Heyden 47  » 

221  B. 

^Vesterloo 1294  B.  10  R. 

Saeylanden 482  B.  100  R. 

Broeckagiën,  bemden  en 

enssels 330   »    300  » 

Bossen 39   »    300  » 

Moeren 8    »    190  » 

Heyden 413   » 

Noch  saeylanden,  bemden 

en  enssels 20  »       7  R.  in  massa. 

1294  B.     10  R. 
Tome  XXXII.  25 


(  586 


QUARTIER  VAN  ARCLE. 


itertselaer 743  B. 

Saeylanden 598  B. 

Bossen 145  » 


43  B. 


Rijuienam 774  B.  249  R. 

Saeylauden 405  B.  249  R. 

Bemden  en  weyden.    .    .     249  » 

Bossen 112  » 

Vennen 8   » 

774  B.  249  R. 

5§chelle 541   B.  14  R. 

Saeylanden 364  B.    70  R. 

Bemden 20  »    258  w 

Geroyde  landen    ....       19  »    114  » 

Bossen 136  »      92  » 

541  B.     14  R. 

Beerselbusch 362  B. 

Saeylanden,  weyden.  .   .     140  B. 

Geroyde  bossen 14  » 

Schaer-  en  blockbosch.  .       96  » 

Quade  landen 112  » 

562  B. 

Onse  li.  Vrouw-"Wavre 985  B.  200  R. 

Saeylanden 703  B.  200  R. 

Bossen  ende  houtkanlen  .     282  » 

985  B.  200  R. 
Puttc 1191  B.  323  R. 

Saeylanden 680  B.  323  R. 

Bossen 244  » 

Schommen 178  » 

Heyden 89  » 

1191  B.  323  R. 


(  387  ) 

Berlaer 1749  B.  200  R. 

Saeylanden,    weyden  en 

bemden 1588  B.  200  R. 

Bossen  en  houtcanten  .   .     161  j  » 

1749  B.  200  R. 

l¥aerloos 324  B.  200  R. 

Saeylanden    en    geroyde 

bossen 244  B.    70  R. 

Bossen 80  »    130  » 

324  B.  200  R. 


Schrieck  en  Grootloo 553  B.  100  R. 

Saeylanden,\veyden,  dries- 

sen,  vague  landen  en 

uitgeroyde  bossen.  .   .     309  B.  100  R. 
Bossen 244  » 

533  B.  100  R. 


Bonheyden 647  B.  39  R. 

Saeylanden 495  B.  39  R. 

Bemden 98  » 

Bossen 54  » 

647  B.  39  R. 

Keeth 603  B. 

Saeylanden 328  B. 

Bossen 195  » 

Uitgeroyde  bossen    ...      80  « 

603  B. 

Miel 335  B.  326  R. 

Saeylanden 180  B.  326  R. 

Bemden 25  » 

Bossen 130  » 

335  B.  326  R. 


(  388  ) 

Duffel  onder  Arcle 672  6. 

Saeylanden 531  B.  200  R. 

Bemden 24  » 

Bossen 96  »    200  » 

672  B. 


QUARTIER  VAN  RHIJEN. 


Deurne 870  B.  267  R. 


Saeylanden 847  B.  267  R. 

Laeren 23  » 


870  B.  267  R. 


Borgerhont 178  B.  30  R. 

Saeylanden, weyden,  bem- 
den  164  B.  210  R. 

Laeren 15  »    240    » 


178  B.     50  R. 


^Vnstwesel 1410  B,  256  R. 

Saeylanden 686  B.    18  R. 

Bemden 119  »    228  « 

Weyden  en  ettingen    .   .  244  »     1 22  » 
Schaerbossen  en    swarte 

moeren 5  »    286   » 

Noch  moeren 5  » 

Uyigedolffde  moeren.  .  .  50  » 

Heyden 300  » 


1410  B.  256  R, 


Essche  ende  Caimpthout 2440  B.  330  R. 

Saeylanden,  weyden   en 

bemden 1941  B.  333  R. 

Bossen 11    »    200   » 

Heyden 385   » 

Swarle  moeren 58  »    100   » 

Wi  lie  moeren 44  »    100   » 

2440  B.  330  R. 


(  589  ) 

Schllde S69  B.  86  R. 

Saeylanden 320  B.  164  R. 

Bemden 39  »     40  » 

Weyden 194  »  306  » 

Bossen 14  »  376  » 

369  B.     86  R. 

Moortsel 483  B. 

Saeylanden,  bemden   en 

weyden 467  B. 

Bossen 16  » 

483  B. 

Wijnesem ^479  B.  125  R. 

Saeylanden,  bemden  en 
weyden  en  bossen.  Sa- 
men 479  B.  123  R. 

Edigem 610  B. 

Saeylanden  en  weyden.  .  592  B.  35  R. 
Bossen 17  »  365  » 

610  B. 

Hove 411  B.  150  R. 

Saeylanden,  weyden  en 

bemden 393  B.  300  R. 

Bossen 17  »  150  » 

411  B.  150  R. 
Bouchont 950  B. 

Saeylanden  en  weyden.  .     913  B.  200  R. 
Bossen 36  »    200  » 

950  B. 

Contick 1706  B.  354  R. 

Saeylanden  en  weyden.  .  1392  B.  360  R. 
Bossen 313  »    394  » 

1706  B.  354  R. 


(  590  ) 

Vremde 413  B.  66  R. 

Saeylanden  en  weyden.  .     407  B.  200  R. 
Bossen 7  »    266   » 

415  B.    66  R. 

Wllrijck 1068  B.  158  R. 

Saeylanden  en  weyden.  .    935  B.  308  R. 
Bossen 132  »    250  » 

1068  B.  158  R. 

Berchem 417  B.  340  R. 

Saeyland  en  weyden.  .   .    412  B,  140  R. 
Bosschen 5  »    200   » 

417  B.  340  R. 


QUARTIER  VAN  SANTHOVEN. 

Pnlle 365  B.  114  R. 

Saeylanden 258  B.  24  R. 

Weyden 95  »  68  » 

Bemden 87  »  105  » 

Heyden 111   »  81   » 

Bosschen 13  »  226   » 

565  B.  114  R. 

^l^ommelgem 931  B.  226  R. 

Saeylanden 910  B.  346  R. 

Bemden 15  »    280  » 

Bosschen 3  » 

931  B.  226  R. 

Oelesem 706  B.  278  R. 

Saeylanden 367  B.  75  R. 

Bemden 70  »  45  » 

Weyden 112  »  212   » 

Bossen 19   »  252   » 

Uilgebaggerde  velden  .   .  19  »  239  » 

Schommen 117  »  525   » 

706  B.  278  R. 


(  591  ) 

Oostmalle 514  B.  506  Va  R- 

Saeyianden 267  R.  353  R. 

Bemden 53  »    382  » 

Weyden  en  driessen  ...  65  »    278  » 

Bossen 43  »      71    >> 

Heijden  ........  84  »      20  » 

5i4  B.  306  Va  R- 


Broechem 


841  B.  200  R. 


Saeyianden,  bemden,  wey- 
den   762  B.  358  R. 

Bossen 18  «    242   » 

Replante  vrinten  ....  60  » 


841  B.  200  R. 


AlassenhOTen 


181  B.  258  R. 


Saeyianden 131  B.  165  R. 

Remden 4  «    160  » 

Weyden  en  driessen.  .   .  1 9  »   302   » 

Bossen 8  »    137  » 

Heyden 17  » 


181  B. 

258  R. 

Ouvren  en  Grobbendonck. 

.   .   .   .  1027  B.  183  R 

Saeyianden 326  B. 

123  R. 

Bemden 77  » 

84  » 

Weyden  en  driessen.  .  .     199  » 

7    » 

Opgaende  bossen ....         3  » 

280    » 

Schaerborssen 27  » 

282  » 

Heyden 60   » 

1027  B. 

183  R. 

Bouvrel 

....   286  B.  256  R 

Saeyianden 147  B.  158  R. 

Bemden 13  »    221    » 

Weyden 38  »    281    » 

Bossen 9  »      82  » 

Heyden 77   »    314  » 

286  B.  256  R. 


(  392  ) 

«chooten 1652  B.  45  R. 

Saeylanden  en  weyden.  .  844  B.    15  R. 

Blockbossen  ......  12  » 

Schaerbossen 12  » 

Plantagie 1  »    100   » 

Heyden 625  »    221   « 

Rinckvennen,  saeylanden 

en  wyden 50  » 

Noch  heyden 26  »    149  » 

1652  B.    45  R. 

S^-Job  in  H  Goip 142  B.  100  R. 

Saeylanden 89  B.  iOO  R. 

Bemden 32   » 

Weyden 19   » 

140  B.  100  R. 
Plantagien 2  » 

142  B.  100  R. 

Toorschooten 287  B.  14  R. 

Saeylanden 147  B.  318  R. 

Bemden 65  »    365   » 

Weyden 31    »    260  m 

Bossen 3  «    176  » 

Heyden 11    »      95   » 

287  B.     14  R. 

S'GraTenwesel 532  B.  200  R. 

Saeylanden,  weyden   en 

bemden 440  B. 

Heyden 19  »    200  R. 

Noch  heyden 73  » 

532  B.  200  R. 

JianthoYen 666  B.  95  R. 

Saeylanden 389  B.     12  Va  R. 

Weyden  en  bemden  -   .   .  141    »      89       » 

Bossen 8  »    369       » 

Heyden 127   »      24  y^  » 

666  B.    95  R. 


(  395  ) 

Boi'sbeke 309  B.  500  R. 

Saeylanden  en  weyden.  .     309  B.  138  R.    ♦ 
Bosscn 162  » 

309  B.  300  R. 


ealle 712  B.  197  R. 

Saeylanden 237  B.  283  R. 

Bemden 36  »    368   » 


Weyden 69  » 

Bosschen 8  »    140 

Heyden 348  »    350 


a    » 


701  B.    33  R.  (sic). 


Pulderbosch 499  fe.  170  R. 

Saeylanden 223  B.  392  R. 

Bemden 70  »    300    » 

Weyden 50  »    360  » 

Bossen 100  » 

Heyden 128  »    248   i» 

499  B.  170  R. 


Ranst  en  Mlllegem 707  B.  353  R. 

Saeylanden  etc 678  B.  253  R. 

Bossen 39  )>    100  » 

707  B.  353  R. 


Westmalle 799  B.  281   R. 

Saeylanden  etc 324  B.  264  R. 

Bemden  etc 127   »    341   » 

Bossen 31    »    151    »     " 

Vyvers 6  » 

Heyden (sic). 

799  B.  281  R. 


594  ) 


!Soersel 

.    ...  1113  B  247  R 

Saeylanden 

246  B.  241  R. 

Bemden 

45   »    2o3   » 

Weyden  en  driessen .  .  . 

70   » 

Bemden  vau  S'-Bernard  . 

120   »    288   » 

Opgaende  bossen  van  selve 

139   »      50   » 

Heyden  

139  V    127  » 

Noch  heyden 

333  » 

Bosch 

18   » 

1113  B.  247  R. 

Duffel  onder  Santhoven 

.    ...    618  B.  159  B, 

Saeylanden 498  B.  308  R. 

Bemden 43  »    117  » 

Bossen 63  »    352   » 

Heyden 12   »    182  o 


618  B.  159  R. 


Itlerxein  en  Dambrugge. 637  B.  146  R. 

Saeylanden  en  weyden.  .  348  B.  146  R. 
Noch  saeylanden  en  bem- 
den.   . 269  » 

Bossen 20  » 


637  B.  146  R. 


QUARTIER  VAN  HOOGHSTRAETEN. 


Hooghstraten 519  B.  100  R. 

Saeylanden  en  weiden.   .     324  B.  200  R. 

Bossen 41    » 

Heyden 153  »    300   » 

519  B.  100  » 


UijckeTorsel 757  B. 

Saeylanden,  weyden,  groe- 
sen  en  visserijen  .   .   .     757  B. 


(  595  ) 

Meer 673  B.  20  R. 

Saeylanden,  \veyden,bem- 
den,  bossen  enmoeren.     673  B.  20  R.  a  11  gl. 

Meerle 473  B. 

Saeylanden,  driessen,  wey- 

den  en  bemden  ....     468  B. 
Bossen 5   » 

473  B. 

Alinderhout 322  B. 

Saeylanden,    weyden    en 

bemden o  284  B. 

Bossen 21    » 

Heyden 17  » 

322  B. 

Wortel 274  B.  18  R. 

Saeylanden,   bemden   en 

driessen 240  B.     18  R. 

Bossen 28   » 

Heyden 6  » 

274^B.     18  R. 

Brecht 1440  B.  106  R. 

Saeylanden 856  B.  106  R. 

Weyden  en  groesen .   .   .    549  »    266  » 
Bossen 34  »    134  » 

1440  B.  106  R. 


Loentaout 992  B.  199  R. 

Saeylanden,  weyden,  bem- 
den en  broecken  ...     952  B.  199  R. 
Bossen 40  » 

992  B.  199  R. 


(396  ) 

Hoboken 609  B. 

Saeylanden,   weyden  en 

schorren. 238  B.  226  R. 

Noch  saeylanden  ....  320  »    274  » 

Bossen 50  » 

609  B. 


Hemiflisem  sonder  d'abdije 344  B.  362  R. 

Saeylanden 263  B.  242  R. 

Bemden 8  »      34  » 

Bossen 73  »     86  » 

344  B.  362  R. 


Keerbergen 1003  B. 

Saeyland  en  bemden.   .    .  640  B. 

Bossen  en  houtcanten  .   .  84  »    200  R. 

Vljvers,  vennen 25  » 

Heyden 253  »    200  R. 

1003  B. 

Uegem 514  B.  150  R. 

Saeylanden,  bemden,  wey- 
den, driessen  en  bossen    514  B.  150  R. 

Eeckeren 2597  B    266  R. 

Saeylanden  en  weyden.  .     993  B. 
Noch  saeylanden,  bossen 
en  weyden 1604  B.  266  R. 

2597  B.  266  R. 

Austrnweel 1017  B. 

Saeylanden  en  weyden.  .     1017  B. 

Oorderen 98  B. 

Saeylanden  en  weyden.  .     98  B. 


(  397) 

Santvilet 599  B.  287  R. 

Saeylanden  en  weyden.  .     293  B.  133  R. 

Moortcant IM  »    ISi  » 

Noch  saeyl.  en  weyden   ,     152  » 

599  B.  287  R. 

Beirendrecht 581  B. 

Saeylanden  en  weyden.  .  256  B. 
Noch  saeylanden  en  wey- 
den   259  » 

Heyden 66  » 

581  B. 
Lilloo 992  B.  597  R. 

In  saeylanden  en  weyden    992  B.  397  R. 

QUARTIER  VAN  TURNHOUT. 

De  Vrijheyt  van  Turnhout 2070  B.  283  R. 

Saeylanden,  bemden,  wey- 
den, driessen,  enssels, 
vyvers 1793  B.  283  R. 

Heyden 277   » 

2070  B.  283  R. 

Bosscbe  Tan  Grootenhaut 69  B. 

In  bosch  bestaende. 

Arendonck 658  B.  129  R. 

Saeyl.,  weyden  en  bemden 

als  driessen 598  B.  129  R. 

Wauwers  oft  vijvers  .    .       14  » 

Heyden 46  » 

658  B.  129  R. 

Poeppel 405  B.  66  R. 

Saeylanden,  bemden,  wey- 
den en  driessen  ....     355  B.  66  R. 
Heyden 50  » 

405  B.  66  R. 


(  398  ) 

Welde 463  B.  200  R. 

Saeylanden,weyden,  bem- 
den.enssels,  driessen  .     463  B.  200  R. 


Bavels 391  B.  247  R. 

Saeyianden,  driessen    .   .     339  B.  247  R. 
Heyden,  enssels 32  » 


391  B.  247  R. 


li¥echelersande  eu  Tlimmeren .  335  B. 

Bestaende  in  saeyianden, 
bemden,  weyden  ende 
enssels 335  B. 


Lille 671  B.  50  R. 


Saeyianden, weyden, bem- 
den ende  driessen.  .    .     597  B.  50  R. 
Hevden 74  » 


671  B.  50  R. 


Baerle-Hertoghe 195  B.  366  R. 

Saeyianden,  weyden, bem- 
den ende  driesen  ...     195  B.  366  R. 


Glerle 658  B.  273  R. 


Saeyianden,  weyden,  bem- 
den, driessen 499  B.    33  R. 

Heyden 159  »    240  » 


658  B.  275  R. 


Beerse 532  B.  275  R. 

Saeyianden  :  W  :  B  :  ende 

driessen 419  B. 

Heyden 113  »    275  R. 


532  B.  275  R. 


(  599  ) 

Slersplas 470  B. 

Saeylanden,  B  :  W  :  ende 
driessen ,  enssels ,  moe- 
ren  ende  bossen  .   .   .     470  B. 

Vosseler 287  B.  575  R. 

Saeyl  :  W  :  B  :  ende  dries- 
sen      193  B. 

Heyden 94  »    375  R. 

287  B.  375  R. 
Rnmpst 706  B. 

Saeylanden,  bemden  ende 

weyden 524  B. 

Bemden  en  schorren    .   .  42  » 

Bossen 140   » 

706  B. 

Boom  . 505  B.  200  R. 

Saeylanden 308  B.  200  R. 

Bemden 7   » 

Bossen 150   » 

Roy  bossen 40   » 

505  B.  200  R. 
^Tiliuersdonck 495  B. 

Landen 272  B.  a  24  gl. 

Landen 223  »    a  21  gl. 

495  B. 

Staebroeck 1045  B.  135  R. 

Saeylanden  ende  weyden    569  B.  135  R.  à  19  gl. 
Saeylanden  ende  weyden.     415  »  à    8  gl.  10  st. 

Heyden 61   »  à    1  gl. 

1045  B.  133  R. 


K4(^) 


ERRATA. 


Bladz,  439.  Lees  achter  den  4en  regel  aldus  :  de  uittredende  schepenen  benoem- 
den  vier  a  eerbare  mannen  »  uit  de  gemelde  ambachten,  die  zich  vervolgens  tôt  den 
vorst  begaven  en,  onder  eed,  diegenen  aanduidden  «  die  heurlieden  oorboirlixt  ende 
prouffitelixt  dincken  totter  officie.  » 

Bladz.  266,  22^  regel,  staat  :  veroordeelde,  lees  :  vierendeelde. 

—  2t0,  20e  regel,  staat  :  die  touw,  lees  :  dit  touw. 

—  285,  in  de  nota,  staat  :  Veurschen,  lees  :  Veurnschen. 

—  287, 13«  regel,  staat  :  zich  zelf,  lees  :  zichzelven. 

—  .  295,  27e  regel,  staat  :  rotteeren,  lees  :  wtteeren. 


iH-ol) 


INHOUD 


i  INLEIDING Bladz.  8 

De  algemeene  geschiedenis  des  lands  is  genoegzaam  gekend,  die  der  landbouwers 
niet,  5.  —  Belangrijkheid  van  het  onderwerp,  4,  5.  —  Opgave  der  schriften,  in  Frank- 
rijk,  Duitschland  en  Noord-Nederland  over  den  landbouwenden  stand  uitgegeven,  o, 
6,  7.  Idem  in  België,  en  werken  van  vreemde  schrijvers  over  den  Belgisclien  land- 
bouw,  7,  8,  9.  —  Welke  bronnen  te  benuttigen  zijn  voor  de  aloude  geschiedenis  ouzes 
volks,  10. 

I*^    HOOFDSTUK. 


I.  Bewoners  van  België  in  de  versle  oudheid  :  voorhistorisch  tijdvak,  10-1(5, 

II.  Keltisch  tijdvak  :  Levenswijze,  aard  en  karakter  der  Kclten,  16-19.  —  Hunne 
kleeding,  19.—  Hunne  woningen,  20.  —  Hunne  landbouwkunst,  20-21,  —  Andere, door 
hen  geoefende  nijverheden,  21.  —  Eetmalen  en  feesten  bij  de  Kelten,  22.  —  Huise- 
lijke  aangelegenheden,  23.  —  Verschillige  standen,  24.  —  Strijdkunst  en  goden- 
dienst,  24-26. 

III.  Germaanscli  tijdvak  :  Levenswijze  der  Germancn,  27,  —  Hunne  kleeding  en 
opschik,  28.  —  Hunne  wapens,  29.  —  Hunne  woningen,  29.  —  Zedelijke  toestand  der 
Germanen,  80.  —  Dischgewoonten,  31.  —  De  famille  bij  de  Germanen,  32,  33.  —  Ver 
schillige  standen,  33,  35.  —  Verdeeling  van  het  volk  ter  bebouwing  van  den  grond,  3o. 

—  Recht  van  eigendom  en  opvolging,  36.  —  Strafstelsel,  36,  37,  —  Godsdienstige 
plechtigheden  en  godenleer,  38-42.  —  Feesten  en  spelen  bij  de  Germanen,  43,  44. 

—  Hunne  landbouwkennissen,  44,  45. 

IV.  België  onder  de  Romeinsche  overheersching  :  Akelige  toestand  des  lands,  47. 

—  Het  bestuurstelsel  der  Romeinen  hier  ingevoerd,  47-49.  —  De  Romeinsche  over- 
heersching was  niet  nadeelig  aan  de  ontwikkeling  van  den  landbouw  in  België,  49,50. 

—  Toestand  der  landbebouwers,  51.  —  Hoe  de  wijzen  der  oudheid  over  den  wcrkers- 
stand  dachten,  52.  —  Vestiging  van  het  rijk  der  Franken,  52.  —  Salische  wet,  53.  — 
Maatschappelijke  inrichting,  53-54.-  Verdeeling  der  grondcn,  54-55.  —  Invoering  des 
Christendoms,  56.  —  Zeden  en  geaardheid  der  Belgen  in  de  VIF  en  VIII«  eeuw,  57-59. 

Tome  XXXII.  26 


(  402  ) 


rie    HOOFDSTUK. 


Sedert  de  vestiging  des  Christendoms  tôt  aan  de  verbrokkeling  des  rijks  van  Karel 
de  Groote  :  Lot  der  lijfeigenen,  60-63.  —  Hunne  ontvoogding  door  de  Kerk,  61  66.  — 
Het  gilde,  vooral  dat  der  Kerels,  in  Vlaanderen,  66-67.  —  Gehechtheid  aan  de  aloude 
heidensche  gebruiken,  67-69.  —  Karel  de  Groote  ijvert  tôt  uitbreiding  der  bescha- 
ving  door  het  oprichten  van  volksscholen,  69;  door  de  beoefening  der  moedertaal,  70; 
door  de  aanwakkering  der  vaderlandsche  dichtkunst,  70-74.  —  Aloude  en  nieuwere 
volkspoëzie,  71-73.  -  Vorming  van  het  Romaansch  dialect,  72.  —  Vruchten  der  nieuwe 
letterkunde,  73,  —  Door  de  beoefening  der  volkstaal  wordt  het  Latijn  verdrongen,  74 . 

—  Overblijfselen  van  Fransche  beschaving,  74.  —  Wat  men  in  de  Ville  en  IX«  eeuw 
zoo  al  vond  op  een  boerenhof,  7S.  —  Nieuwe  ontwikkeling  van  akker-  en  hofbouw,  76. 

—  De  kloosterlingen  brengen  de  meest  woeste  en  verlatene  streken  van  België  tôt  staat 
van  vruchtbaarheid,  77.  —  Gelukkig  lot  van  den  boer,  werkende  in  de  schuts  van  een 
kloostcr,  78.  — Bestuurlijke  en  rechterlijke  inrichting  onder  de  Frankische  overheer- 
sching,  78-81. 


Ille    HOOFDSTUK. 


Verbrokkeling  des  rijks  van  Karel  de  Groote,  82.  —  Inval  der  Noordsche  barba- 
ren,  83.  —  Uitwijkingen  van  Vlaamsche  landbouwers,  84-8o.  —  De  grooten  verdrukken 
het  landvolk,  86.  —  Het  lied  der  Kerels  maakt  ons  bekend  met  den  toestand  van  de 
Vlaamsche  kustbevvoners,  86-88.  —  De  zwakken  zocken  bescherming  bij  de  kloosters, 
88.  —  Zich  in  dienstbaarheid  stellen  van  de  Kerk  hicld  niets  vernederend  in,  89-90.  — 
Langzame  verbetering  van  den  toestand  der  werkende  klassen,  91,  92.—  De  lijfeigen- 
schap  had  geene  armoede  tôt  gevolg,  93.  —  De  volksontvoogding,  door  de  Kerk  begon- 
nen,  door  den  adel  voortgezet,  wordt  verder  gebracht  door  den  Staat,  94-97.  —  Dorpen 
uit  de  Belgische  provinciën,  van  de  XI^  tôt  het  midden  der  XIV"  eeuw,  met  vrijheden 
of  privilèges  begiftigd,  96-102.  —  In  zake  van  vrijheid  waren  de  Vlamingen  op  de 
omringende  natiën  verre  vooruit,  102.  —  Groote  landbouwwerken  werden,  vooral  door 
de  kloosters,  ondernomen,  103-104.  —  De  Belgische  boercn  verbeteren  den  grond  door 
goede  bemesting,  105.  —  Dante  verheft  de  pogingen  der  Vlaamsche  akkerlieden,  105- 
106.  —  Vorderingen  der  beschaving,  106.  —  Vruchtbaarmaking  van  het  Vlaamsche 
duinland,  107-108. 


IVe    HOOFDSTUK. 

De  boerenstand  onder  't  leenstelsel  gedurende  de  middeleeuwen  :  De  feodaliteit  is 
geen  vloek,  maar  veclcer  een  zegen  voor  het  volk  geweest,  109-110.  —  Leenstelsel, 
leenroerige  plichten,  110-115.  —  Hoe  de  feodaliteit  heeren  en  laten  in  vriendelijke 
betrekkingen  bracht,  116-118.  —  Deleenheer  was  niet  enkel  een  gebieder,  maar  ook 


(  405  ) 

een  beschermer,  118.  —  Ilcerlijke  rcchten,  strijdig  met  de  vrijheid  en  onafhanke- 
lijkheid;  maar  vêle  dezer  bestaan  nog  heden  onder  aiulere  vormen,  i21-l!2!2.  —  De 
karwei  niet  zoo  hatelijk  als  nieii  ze  voorgesteld  hccft,  l'I'S.  —  Verschillige  soorten 
van  kanveien,  124-183.  —  De  maalschappclijke  toesland  der  Belgische  boeren  was  in 
de  middeleeuweu  niet  zoo  ongunstig  aïs  nien  lang  gemeend  lieeft,  133-184.  —  Inrich- 
ting  dcr  justitie,  135-140.  —  Wcttelijke  pleegvormen  en  gebruiken  bij  't  verkoopen  of 
afstaan  van  een  eigendom,  140-U'2.  —  De  magislratuur  in  't  bereik  van  al  de  begoeden 
(  n  vroeden  des  dorps,  142.  —  Rechtspleging,  143.  —  Rechtswetenschap  in  de  middel- 
eeuwen  niet  noodig  om  vonnis  le  vellen,  144.  —  Men  oefende  aanvankelijk  redit  onder 
den  bloolenhemel,  143.  —  Openbaarheid  der  vierschaar,  146.  —  Erge  misbruiken  in 
het  steedsch  gerechtshof,  147.  —  De  costumen  en  anderc  plaatselijke  wcttcn,  zekere 
bronnen  voor  de  kennis  van  zeden  en  beschaving,  148.  —  Openbarc  zedeiijkheid,  rust 
en  goede  orde  :  politie  dcr  herbergen,  149-130.  —  Straffen  voor  do  vcchlcrs,  131-132. 
—  Onderscheid  gemaakt  door  de  middclceuvvsche  strafvvet  tusschcn  edelman  en 
boer,  133.  —  Ongeoorloot'de  wapens,  133.  —  Diefstal,  brandstichting,  lastertaal,  134- 
135.  —  Godslasteraars,  153-136,  —  Koopmanschap  tussclien  kan  en  beker,  136.  — 
Bedreigingen,  137.  —  Vrouwenschaking  en  verkrachting,  137-138.  —  Landbouwbe- 
langen  :  dijken,  straten,  sluizen  enz,  mogen  niet  verwaarloosd  worden,  139.  —  In 
Vlaanderen  moet  alleman,  buiten  de  Vier-Ambachten  verblijvende,  meèwerken  tôt  het 
herstel  der  dijkbreuk,  139.  —  Onderhoud  der  straten  en  wegen,  160.  —  Hofafsiuiting, 
160.  —  De  boer  had  waarborg  voor  goede  justitie  in  de  middeleeuwen,  160.  —  Belas- 
tingen  op  den  grondeigendom,  162-163.  —  Ten  onzent  was  het  self-government  in  de 
middeleeuwen  een  aangewonnen  recht,  164. 


Ve   HOOFDSTUK. 

Famille  en  eigendom  volgens  de  oude  keuren  en  costumen  :  Recht  des  vaders,  166. 
—  Het  huwelijkscontract,  167.  —  Man  en  vrouw  vôor  de  wet,  167-168.  —  Goederen 
der  gemeenschap,  168-169.  —  De  kinderen  zijn  niet  gelijk  vôor. de  wet;  voordeelen 
voor  den  eerstgeborenen  zoon,  170-171.  —  De  dochters  erven  niet  zooveel  als  de 
zoons,  173-174.  —  Rechten  der  kinderen  van  verschillig  bed,  174.  —  Verdere  erfre- 
geling,  173.  —  Tijdstip  der  meerderjarigheid  in  de  verschillige  gewesten,  196.  — 
Recht  van  uiterste  wilsbeschikking,  176-178. 


Vie  HOOFDSTUK. 


Pachters,  pachten  en  landbouw  gedurende  de  mWdeleeuwen  :  Atstand  der  gronden 
voor  cijns,  voor  gedeeltelijke  vruchtgeving,  180;  —  bij  verpachliug,  181.  —  De  meier, 
beheerder  der  uitgestrekle  laudgoederen,  181-182.  —  Helftwinuing,  183.  —  Pachters- 
plichten  te  Deftinge,  te  HoUain,  184.  —  Duur  van  het  pachtcontract,  183.  —  De  pach- 
ter  bekomt  onderstand  van  den  eigenaar,  186-188.  —  Wie  onderhoudt  de  landelijkc 


(  404  ) 

huizing  ?  189-191.  —  Pachtcrsreclit,  192  —  De  pachtprijs  mag  gekv.elen  wordcn  deels 
in  vruchtcn,  deels  in  munt,  193-195,  199.  —  Vruchtcn,  in  de  middelceuwen  de  gewone 
volksvoeding  uitmakende,  495-196.  —  De  eigenaars  laten,  tôt  hun  gebruik,  door  den 
pachtcr  zwijnen,  kapoenen  enz.  vetten,  497.  —  Het  fruit,  op  den  boomgaard  wasscnde, 
wordl  doorgaans  gcheel  of  gedeeltelijk  door  den  eigenaar  voor  zijne  cigcne  tafel  voor- 
behoudcn,  200.  —  Vlas,  linnen  en  stroo  te  leveren  aan  den  eigenaar,  204.  —  De  snoei 
der  boomen  gercgeld,  204-202.  —  Onderhoud  van  wegen  en  waterloopcn,  203,  —  Het 
belang  van  eenen  goeden  veestal  door  de  Vlaamsche  bocren  erkend,  203.—  Bemesting 
dcrlanden,  204-205.  —  Verdeeling  en  wijze  der  bebouwing,  205-206.  —  Karweien  op 
den  buiten,  in  de  XV^  eeuw,  207.  —  De  eigenaar  levert  zijncn  pachter  jaarlijks  éen  of 
meer  klecdcren  «  kcrels  of  frokken,  »  208.  —  Waarborg  voor  don  grondeigonaar,  209. 
—  Verbrokkcling  der  grondcn,  209-214.  —  Ondcrlinge  verzekering  bij  de  Vlaamsche 
boeren  tegen  brandgevaar  en  verlies  van  staldiercn,  244-212.  —  Lof  van  den  XV» 
ecmvschcn  landbouwcr,  243. —  Tocstand  der  middeleeuwsche  pachters,  243.  —  Edel- 
liedcn-landbouwers,  243-244.  —  Haagpoorters,  244-245.  —  Wevers  op  het  platteland, 
215.  —  Nict  gedoogd  door  de  groote  steden,  216.  —  Andere  dorpsnijvcrheden  :  Turf- 
stekcrs,  247.  — -  Steendelvcrs,  248.  —  Kolenmijners,  249.  -  Nadcelige  gcvolgen  der 
oorlogen  voor  den  landbouwcr,  249-220.  —  Toestand  dcrarmcn  op  den  buiten,  224.  — 
Besmettelijke  ziekten,  222.  —  Bedelarij,  223-224. 


Vile  HOOFDSTUK. 


Beschaving  en  zeden  gcdurende  de  middeleeuwen  :  Vooruitgang  der  kunsten  en 
letteren,  225-226.  — Gestremd  door  de  verschillige  oorlogen,  227-230.  —  Ontwikkeling 
van  het  onderwijs,  230.  —  Christenzin  en  christelijke  licfdadigheid,  231.  —  Misbrui- 
ken  en  dwalingen  in  de  middeleeuwsche  samenleving,  232-236.  —  Zedelijke  toestand, 
239.  — Weelde  en  pracht,  238.  —  De  vaderlandsche  lelterkunde  gedurende  de  middel- 
eeuwen, 238-239.  —  Gevorderde  denkbeelden  bij  de  Vlaamsche  en  Fransche  'dich- 
ters,  239-241. 


Ville   HOOFDSTUK. 


Nieuwere  tijden  :  Algemeene  oogslag,  242-243.  —  Toestand,  door  de  religietwistcn 
voortgebracht,  244.  —  Ellende  der  dorpen,  246-251.  —  Maatregelen,  door  de  regeering 
genomen  ter  begunstiging  van  het  boerenbedrijf,  254-252,  254.  -  Handel  en  nijver- 
heid.  Het  dagloon  der  veldarbeiders  vastgesteld,  253,  —  Betrekkingen  tusschen  Icen- 
houder  en  leenheer,  255-261.  —  Dorpsnijvcrheden,  262.  —  Uitbreiding  der  bede- 
larij, 262-263.  —  Besmettelijke  ziekten,  264.  —  Geloof  aan  heksen  en  toovcraars; 
heksenprocessen,  265-267.  —  Vlaamsche  dorpskermissen  in  de  XVIc  eeuw,  266  273. 
—  Oude  vaderlandsche  volksspelen  ,  272.  —  Spel  der  redcrijkcrs,  273.  -  Klcedcr- 
drachl  der  Vlaamsche  landliedcn,  274-275. 


(  405  ) 


IXo    HOOFDSTUK. 


De  landbouw  en  de  landbouwcrs  in  de  XYII*"  en  XVIlIc  ccuw,  277.  —  Maatregelen, 
door  de  rcgeering  in  't  belang  van  don  landbouw  gcnomen, 278-279,  288.  —  Pachtvoor- 
waarden  in  dit  lijdvak,  279  280.  —  Zondcrlinge  Icenplichtcn,  280-281.  —  Nog  vele 
hciden  in  de  Kempen  en  eldcrs  in  Brabant,  282.  —  Droogmaling  der  nioeren  in 
Veurne-Anibacht,  288.  —  Ontginning  van  heidcn  en  houtkanton  in  Hcnegouw,  281  — 
Idem  in  Namen,  284.  —  Voortgang  van  den  akkerbouw  in  Vlaanderen  en  Brabant,  28o- 
288.  —  Verbreiding  der  aardappelteelt,289.  —  Verschrikkelijke  plaag  onder  het  hoorn- 
vee,  289-200.  —  De  Engelscben  richtcn  hunne  landwinning  in  naar  de  onze,  290.  — 
Dorpsnijveibeden  in  't  Walenland,  290-291.  —  In  Brabant  en  Vlaanderen,  291-292.— 
Oorlogen  in  de  XVII«  en  XYIII^  ecuw,  292-294.  —  Hollandcrs  en  Franschen  in  de 
Kempen,  294  295.  —  Idem  in  Vlaanderen,  296.  —  De  Franschen  in  Luxcmburg,  297- 
30S.  —  De  Franschen  in  Vlaanderen,  305-809,  311,  313-818.  —  Ellende  in  het  land, 
310-3H.  —  De  Franschen  in  Brabant,3I2.  —  Invoering  der  militie,  318.  —  Palriotlen- 
beweging  tegen  Jozef  II,  319.  —  De  Fransche  republikeinen  in  België,  820.  —  De 
1  uxemburgsche  boeren  staanop  tegen  de  republikeinsche  benden,  321.  —  Ellende,  ten 
gevolge  van  den  republikeinschen  inval,  822.  —  Het  Belgische  volk  is  niet  voor  eene 
vereeniging  met  Frankrijk,  823.  —  Misnoegdheid  der  Belgen,  823-326.  — -  Boerenkrijg 
in  't  Land  van  Dendermonde  en  Waas,  326-828.  —  In  Brabant,  329-830.  —  In  't  kwar- 
tier  van  Antwerpen,  830.  —  Gevechten  in  de  Kempen,  331-332.  —  Einde  van  den 
boerenkrijg  in  Limburg,  333. 


Xe    HOOFDSTUK. 


Zeden  en  beschaving  in  de  XVII^  en  XVIIIc  eeuw  :  Armoede  in  het  land,  nasleep 
van  de  langdurige  oorlogen,  334-336.  —  Herneming  der  bedelarij,  336-337.  —  Bepa- 
ling  van  het  getal  dorpsherbergen,  837.  —  Kempische  bruiloft,  337.  —  Zedeloosheid  in 
de  Kempen,  837  388.—  Ongeregeldheden  in  de  dorpsherbergen  van  Vlaanderen;  maat- 
regelen daartegen,  338-839.  —  De  Vlamingcn  zijn  groote  vrienden  van  hot  drink- 
huis,  389.  —  Weelde  van  het  Belgisch  volk  onder  Albert  en  Izabella,  8i0.  —  Steken 
met  het  mes,  3i0.  —  De  Vlaamsche  boer  gaat  aan  't  procedcerer,,  841.  —  Vlaamsche 
dorpskermissen ,  842-343.  —  Zondagsvermaken,  348-844.  —  Onbeschoftheid  in  de 
gilden  gestraft,  844.  — Ongeregeldheden  onder  de  Brabantsche  jonkhcid,345.  -  Onder 
de  boeren  van  Séclin,  345.  -  Bijgeloovigheid,  846-847.  —  Nog  de  heksenproccssen, 
347-348.  —  Protest  daartegen  door  den  Jezuïet  Fred.  von  Spee,  349.  —  Zorg  der 
dorpsmagistraten  voor  het  volksonderwijs,  349-351.  —  De  Fransche  wijsgercn  der 
XVIIIe  eeuw  willen  den  boer  in  domheid  houden,  350.  —  Bijzondcre  scholen,  351.  — 
Het  tooneel  in  de  XVlIIc  eeuw,  352.  -  Leeslust  onder  iict  volk,  352-353.  —  Famielic- 
zucht,  353-354.  —  Stoffelijke  verbeteringen  ten  gcrieve  des  landsbouws,  355.  —  Mis- 
bruiken  der  féodale  justitie,  356-857.  -  Het  volk  had  zijn  deel  in  't  plaatselijk  be- 


(  406  ) 

stuur,  357-358.  -  Hulde  van  vreemde  schrijvers  aan  de  Belgische  boeren,  358-363. 
—  Idem  van  de  Fransche  departementsprefecten,  363-369.  —  Wat  de  geschiedenis 
van  den  Belgischen  boerenstand  ons  leert,  370. 


BIJLAGEN. 


^.  Arrentement  à  Jehan  Francquerue,  de  xv  bonniers  de  terre,  sans  le  lieu  et  le 
bosquet,  gisans  à  Coustices,  373. 

2.  Wat  er  op  't  pachthof  van  eenen  landedelman  in  de  XIV«  eeuw  te  vinden 
was,  377. 

3.  Notilie  der  grootte  van  de  dorpen  der  zeven  Quartieren  van  Antwerpen  [medege- 
deeld  ter  aanduiding  van  de  heiden  en  andere  onbeploegde  landen  in  de  Kempen, 
tijdens  de  XVU^  eeuw),  379-400. 

Errata,  400. 


TABLE 


iMÉMOIRES  CONTENUS  DANS  LE  TOME  XXXIl 


LETTRES. 


1.  Histoire  des  classes   rurales  aux  Pays-Bas  jusqu'à  la   fin  du 
^'  XVIIP  siècle  [Mémoire  couronné);  par  M.  V.  Brants. 

2.  Geschiedenis    van    den    Belgischen    Boerenstand   [Bekroomk 

memorîe);  door  Frans  de  Potier  en  Jan  Broeckaert. 


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