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Full text of "Mémoires couronnés et autres mémoires, Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique"

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MEMOIRES  COURONNES 


ET 


AUTRES  MÉMOIRES 


PUBMKS  PA  K 


L ACADÉMIE  ROYALE 


DES  SCIENCES,  DES  LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS  DE  BELGIQUE, 


C'OIjIjECTIOW  IM-8”.  — TOME  XIII. 


BRUXELLES, 

M.  BAVEZ,  IMPRIMEUR  DE  U ACADÉMIE  ROYALE. 

1862. 


erQA- 


MÉMOIRES  COURONNÉS 


ET 


AUTRES  MÉMOIRES. 


MÉMOIRES  €01  RONNËS 

ET 

AUTRES  MÉMOIRES, 

PUBLIÉS  PA  K 


l’académie  royale 

DES  SCIENCES,  DES  LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS  DE  BELGIQUE. 


COLLECTION  IN-90.  — TOJME  *I8S 


BRUXELLES , 


M.  H AYEZ.  IMPRIMEUR  UE  l’aCADÉMIE  ROYALE. 


1 862. 


LE  DLL  JEAN  1 


ET 

LE  BRABANT  SOLS  LE  RÈGNE  DE  CE  PRINCE 

(1267-1294); 

PAR 

Alphonse  WAUTERS, 

ARCHIVISTE  DE  LA  VILLE  DE  BRUXELLES,  ETC. 


( Mémoire  couronné  le  ü mai  1859.) 


Ecce  Brabantorum 
Üiix  mililiae , leu  dictas 
Et  ücus  armormi. 

( Jean  de  Tiueerode.  ) 


Tome  XIII. 


1 


•INTRODUCTION. 


I. 

Le  règne  de  Jean  1er  forme  îa  plus  belle  époque  de  l’histoire  de 
l’ancien  duché  de  Brabant.  Pendant  vingt-sept  années  (de  1267  à 
1294),  ce  riche  pays  parcourut  une  période  qui  ne  fut  pour  ainsi 
dire  marquée  par  aucun  désastre,  tandis  que  de  nombreux  succès 
augmentait  la  réputation  de  vaillance  de  ses  habitants.  La  victoire 
de  Woeringen,  une  des  plus  éclatantes  dont  l’histoire  du  trei- 
zième siècle  fasse  mention , couronna  une  longue  série  de  cam- 
pagnes et  de  négociations,  heureusement  conduites  à travers  des 
intrigues  sans  nombre.  Les  villes  et  les  campagnes  du  duché  vé- 
curent tranquilles  sous  l’égide  d’un  bras  redouté;  si  elles  payèrent 
cette  sécurité  par  d’énormes  subsides,  elles  virent  du  moins  l'au- 
torité ducale  s’étendre  jusqu’aux  bords  du  Rhin  , le  pays  grandir 
aux  yeux  de  l’étranger,  le  commerce,  l’industrie,  l’agriculture 
prospérer;  la  législation , les  arts  et  les  lettres  naître  à une  vie  nou- 
velle. Il  manquait  au  héros  un  poëte  digne  de  le  chanter  : dix  ans 
après  Woeringen , les  vers  de  Van  Heelu  mirent  le  sceau  à la  gloire 
de  Jean  Ier. 

Six  générations  de  grands  princes  s’étaient  succédé  sur  le 
trône  ducal  de  la  basse  Lotharingie,  depuis  que  la  politique  ver- 
satile de  Henri  de  Limbourg  avait  fait  perdre  à sa  famille  l’hé- 
ritage des  anciens  comtes  d’Ardenne.  Malgré  la  défiance  des 
Empereurs,  qui  parurent  toujours  disposés  à restreindre  les  pré- 


rogativcs  de  leur  dignité,  malgré  la  jalousie  et  les  efforts  des 
princes  leurs  voisins,  les  ducs  de  la  Lotharingie  inférieure  surent 
se  maintenir  dans  une  position  honorable. 

Sous  leur  gouvernement,  le  domaine  des  anciens  comtes  de 

Louvain  et  de  Bruxelles,  leur  patrimoine,  accru  de  nouveaux 

territoires,  subit  une  transformation  complète.  Il  se  forma,  au 

? 

centre  de  la  Belgique,  un  Etat  puissant,  dont  le  territoire  se  cou- 
vrit de  châteaux,  de  villes  et  de  monastères.  Autour  de  la  ban- 
nière des  ducs  se  groupa  une  nombreuse  chevalerie , attachée  à 
ses  chefs  héréditaires  par  une  législation  féodale  peu  oppressive  l. 
A Limitation  de  ce  qu’on  remarquait  dans  les  contrées  rhénanes 
et  la  Flandre,  les  bourgeoisies  se  multiplièrent  jusque  dans  les 
déserts  de  la  Campine,  où,  avant  la  fondation  de  Bois-le-Duc  par 
Godefroid  III,  il  n’existait  pas  une  seule  bourgade  importante. 
Des  colonies  de  religieux,  principalement  de  Prémontrés,  ornè- 
rent les  campagnes  de  grandes  fermes;  elles  donnèrent  à l’agri- 
culture une  impulsion  analogue  à celle  que  l’industrie  reçut  dans 
les  cités. 

Ces  tendances  civilisatrices , dont  nos  ducs  secondèrent  les  dé- 
veloppements dans  leurs  Etats,  ils  s’en  firent  également  les  propa- 
gateurs au  dehors. 

Quand  les  communes  belges  commencèrent  à prendre  ce  déve- 
loppement excessif  qui  donne  à l’histoire  de  notre  pays  un  carac- 
tère tout  particulier,  les  ducs  de  Brabant  recherchèrent  leurs 
sympathies.  A Gand,  en  effet,  à Saint-Trond,  à Liège,  et  mémo  à 
Aix-la-Chapelle  et  à Cologne,  leur  intervention  fut  plus  d’une 
fois  réclamée  comme  un  bienfait. 

Godefroid  Ier  avait  eu  longtemps  à combattre  le  duc  de  Lim- 
bourg,  à qui  l’empereur  Lothaire  de  Saxe,  attaché  à une  politique 
toute  différente  de  celle  de  ses  prédécesseurs,  avait  rendu  la 
dignité  ducale;  Godefroid  II  ne  fit  que  passer  sur  le  trône,  et  Go- 
defroid III  dut  employer  toute  la  première  partie  de  son  règne  h 

1 Le  droit  féodal  de  Drabant  n’excluait  pas  les  tilles  d’une  manière  absolue 
de  la  succession  de  leurs  parents;  elles  succédaient  à défaut  de  fils.  L’applica- 
tion de  celle  disposition  fut  souvent  réclamée  dans  les  contrées  voisines. 


dompter  ses  principaux  vassaux,  les  Bertïiout  de  Grimberghe.  Un 
rôle  plus  éclatant  était  réservé  à Henri  Ier,  que  son  père  Godc- 
froid  III  associa  de  bonne  heure  au  partage  de  l’autorité.  Pendant 
plus  de  soixante  années,  il  fut  mêlé  à presque  tous  les  événements 
qui  agitèrent  l’Europe  occidentale.  Les  rois  d’Angleterre,  de  France 
et  d’Allemagne  recherchèrent  son  amitié,  et  après  avoir  contribué 
à défendre  les  prétentions  d’Othon  IV  au  trône  impérial,  il  conçut 
l’espoir  de  le  supplanter.  Sa  valeur  se  déploya  en  Palestine  comme 
en  Belgique;  si  la  fortune  ne  lui  sourit  pas  toujours,  il  sut  con- 
server intact  son  patrimoine,  et  le  bien-être  de  ses  sujets  fut  l’objet 
constant  de  sa  sollicitude,  ainsi  que  l’attestent  des  centaines  de 
chartes.  Son  fils  Henri  II  et  son  petit-fils  Henri  III  continuèrent  son 
oeuvre.  Tous  deux  héritèrent  de  la  considération  dont  il  jouissait  : 
le  premier  refusa  l’Empire  que  son  père  avait  ambitionné;  le 
second,  dont  le  règne  fut  trop  court,  termina  souvent,  comme 
médiateur,  les  querelles  qui  divisaient  les  princes  belges. 

Pendant  le  règne  de  ce  dernier,  une  période  nouvelle  s’ouvre 
dans  notre  histoire  : les  débats  qui  s’étaient  élevés  entre  le  saint- 
siège  et  l’Empire  amènent  ou  facilitent  en  Europe  des  change- 
ments de  la  plus  haute  importance.  L’autorité  de  la  cour  de  Rome, 
après  avoir  atteint  son  apogée  sous  Innocent  III  et  Grégoire  IX, 
après  avoir  abattu  à la  fois  Frédéric  II  et  les  Stadingues,  ne  tarde 
pas  à s’affaiblir,  et  l’excommunication,  arme  terrible  dont  les 
souverains  pontifes  et  leurs  délégués  ont  trop  usé,  perd  son  ancien 
prestige.  Partout  la  foi  ardente,  la  foi  enthousiaste  diminue  et 
s’éteint.  Les  croisades,  détournées  de  leur  but  primitif,  sont 
impuissantes  à reconquérir  la  Palestine;  Saint-Jean  d’Acre,  le  der- 
nier rempart  des  chrétiens  de  Syrie,  tombe  enfin  aux  mains  des 
mahométans.  Les  biens  immenses  accumulés  par  les  établisse- 
ments monastiques  deviennent  pour  eux  une  cause  de  vexations, 
en  même  temps  que,  partout,  on  semble  s’attacher  à en  prévenir 
l’accroissement  ultérieur. 

Tandis  que,  dans  la  seconde  moitié  du  treizième  siècle,  la  voix 
des  chefs  de  l’Eglise,  tout  en  restant  écoutée  et  respectée,  cesse 
d’être  dominante,  la  puissance  impériale  s’affaiblit  également.  Son 
premier  amoindrissement  avait  eu  pour  cause  le  trop  fréquent 


séjour  des  Empereurs  en  Italie  et  les  guerres  intestines  qui  suivirent 
la  mort  de  Henri  VI.  Le  second , qui  fut  plus  considérable,  com- 
mença le  jour  où  la  plupart  des  princes  ecclésiastiques  de  la  basse 
Allemagne  refusèrent  d’obéir  à Frédéric  II,  et  élevèrent  au  trône 
Henri,  landgrave  de  Thuringe,  puis  Guillaume,  comte  de  Hol- 
lande. Durant  plus  de  soixante  ans,  le  sceptre  passa  à des  princes 
qui  n’étaient  pas  même  électeurs,  et  dont  les  efforts,  secondés 
quelquefois  par  de  grandes  qualités,  échouèrent  devant  l’audace 
des  grands  et  la  turbulence  du  peuple. 

L’anarchie,  en  Allemagne,  favorisa  les  prétentions  de  la  no- 
blesse, qui  bientôt  ne  reconnut  plus  d’autre  loi  que  la  violence. 
En  abandonnant  à leurs  propres  forces  les  villes  habituées  à servir 
avec  dévouement  les  Empereurs,  malgré  la  répugnance  de  ceux-ci 
à écouter  leurs  réclamations,  elle  ne  fit  qu’enflammer  le  courage 
de  leurs  citoyens,  qui  sentirent  la  nécessité  de  redoubler  d’ardeur 
pour  la  défense  de  leurs  privilèges.  La  confédération  des  cités  du 
Rhin  aurait  produit  de  féconds  résultats,  si  presque  toutes  les 
bourgeoisies  n’avaient  été  alors  menacées  dans  leur  développement 
par  un  germe  de  discorde,  qui  fut  fatal  à la  plupart  d’entre  elles  : 
la  scission  qui  se  manifesta  à cette  époque,  entre  les  riches  et  les 
pauvres,  entre  les  marchands  et  les  artisans,  ou , suivant  une  ex- 
pression consacrée  par  l’usage,  entre  les  patriciens  et  les  plé- 
béiens. 

Dans  le  domaine  intellectuel,  c’est  encore  l’Église  qui  règne. 
Saint  Bonaventure,  saint  Thomas  d’Aquin,  Henri  de  Gand  de- 
vancent de  bien  loin  leurs  contemporains,  les  naïfs  historiens  et 
les  poètes  au  style  léger  et  lascif,  mais  ces  grands  athlètes  n’au- 
ront pas  de  successeurs  à leur  taille.  Le  quatorzième  siècle,  livré 
entièrement  à de  nouvelles  préoccupations,  verra  s’ouvrir  de  nou- 
veaux horizons.  Le  Dante,  Pétrarque,  Boccace,  Froissard  inau- 
gureront le  réveil  des  littératures  modernes. 

Jean  Ier  appartient  déjà  à la  seconde  époque  du  moyen  âge.  Et 
cependant  son  père  représente  encore  un  de  ces  vieux  barons, 
qui  n’écoutaient  qu'avec  respect  la  voix  du  chef  de  la  chrétienté 
et  dont  le  dernier  vœu  était  d’achever  leur  vie  au  pied  du  tom- 
beau du  Christ.  Henri  111  guerroie,  il  est  vrai,  contre  l’évêque  de 


Liège,  mais  est-ce  un  prêtre  que  cet  Henri  de  Gueldre,  dont  les 
mœurs  souillent  le  siège  épiscopal  des  Lambert  et  des  Notger? 
Il  s'approprie  les  dîmes  novales,  c’est-à-dire  les  dîmes  des  terres 
récemment  défrichées,  mais  un  bref  du  pape  l’y  a autorisé.  11 
prend  l’argent  où  il  le  trouve,  mais,  en  mourant,  il  confirme  en 
faveur  de  son  peuple  les  généreuses  résolutions  de  Henri  IL  Le 
caractère  de  son  fils  offre  plus  d’une  nuance  différente  : la  Pales- 
tine l’intéresse  médiocrement,  il  a trop  de  querelles  à vider  en 
Belgique,  et  dans  ces  querelles,  peu  lui  importe  que  son  adver- 
saire soit  consacré;  il  saura,  au  besoin,  supporter  le  poids  de 
l’anathème.  A défaut  de  combats,  il  court  aux  tournois  et  se  pas- 
sionne pour  eux  autant  que  pour  les  belles  demoiselles  h S’il 
protège  le  commerce  de  ses  sujets,  s’il  leur  accorde  des  privi- 
lèges, il  sait  aussi  les  pressurer.  Enfin  sa  mort  est  digne  de  sa 
vie  : il  tombe  frappé  dans  une  joute.  Au  demeurant,  courtois, 
libéral,  loyal,  digne  d’être  célébré  dans  l’histoire  et  chanté  par 
les  poêles. 


Le  landgrave  de  Thuringe  Henri  Raspon,  que  les  ennemis  de 
l’empereur  Frédéric  II  et  de  son  fils  Conrad  appelèrent  au  trône, 
en  1245,  n’avait  pas  survécu  à ses  premiers  succès. 

Le  pape  Innocent  IV,  l’énergique  défenseur  de  sa  cause,  offrit 
alors  la  dignité  impériale  à plusieurs  princes  et,  en  particulier,  au 
duc  de  Brabant  Henri  II,  qui  la  refusa,  et  qui  lui  conseilla  de 
choisir  son  neveu  Guillaume  II,  comte  de  Hollande,  âgé  seulement 
de  vingt  ans.  Ce  jeune  prince  fut  en  effet  proclamé,  dans  une 
grande  assemblée  qui  se  tint  le  5 octobre  1247,  à Neuss,  ou,  selon 
d’autres  auteurs,  à Wocringcn.  Mais  plusieurs  villes  rhénanes  lui 
opposèrent  une  énergique  résistance,  et  il  ne  réussit  pas  à do- 
miner dans  la  haute  Allemagne,  quoique  Frédéric  II  fût  mort  et 
son  fils  Conrad  parti  pour  l’Italie  (décembre  1251). 

1 Henri  III  était  également  passionné  pour  les  tournois.  Voyez  à ce  sujet 
Van  Veltbem,  Spiegel  historiaal,  liv.  II,  c.  40. 


La  grande  querelle  des  d’Avcsncs  et  des  Dampierre,  qui  atteignit 
alors  son  degré  extrême  d'intensité,  retint  longtemps  en  Belgique 
le  nouveau  roi,  dont  les  États  héréditaires  furent  un  instant  me- 
nacés. La  sentence  de  Louis  IX,  roi  de  France  , qui  avait  adjugé 
le  Hainaut  à Jean  d’Avesnes  et  la  Flandre  à Guy  de  Dampierre, 
n'avait  pas  contenté  le  premier;  il  sollicita  et  il  obtint  du  roi  Guil- 
laume la  Flandre  impériale,  c’est-à-dire  les  pays  d’Alost  et  de 
Waes,ies  Quatre-Métiers  et  la  suzeraineté  des  îles  de  la  Zélande. 
Ses  réclamations  et  la  mort  de  Guillaume  de  Dampierre,  qui  périt 
dans  un  tournoi,  à Trazegnies,  le  G juin  4251,  portèrent  au  comble 
la  colère  de  la  comtesse  Marguerite  de  Constantinople.  Dans  sa 
haine  pour  les  enfants  qu’elle  avait  eus  de  Bouchard  d’Avesnes, 
elle  ne  craignit  pas  de  leur  attribuer  la  malheureuse  lin  de  son 
liîs  préféré.  Ardente  à se  venger,  elle  attaqua  les  domaines  de  leur 
protecteur,  le  roi  Guillaume;  elle  fit  envahir  la  Zélande,  où  ses 
troupes  furent  vaincues,  à West-Capeîle  (4  juillet  1253).  Elle  se 
détermina  alors  à céder  le  Hainaut  à Charles  d’Anjou,  frère  de 
Louis  IX.  Accueilli  avec  peu  de  sympathie  par  les  habitants  de 
ce  pays,  et  notamment  par  les  fiers  bourgeois  de  Valenciennes, 
Charles  d’Anjou  dut  bientôt  le  quitter,  à l’approche  d’une  armée 
nombreuse,  commandée  par  le  roi  Guillaume. 

Le  roi  de  France,  revenu  d’une  malheureuse  campagne  en 
Égypte,  se  rendit  immédiatement  en  Flandre  pour  y rétablir  la 
paix,  et  réussit  à faire  déposer  les  armes  aux  princes  belligérants. 
Cette  intervention  ne  pouvait  arriver  plus  à propos  pour  les 
d’Avesnes,  car  la  mort  du  roi  Guillaume , qui  fut  massacré  dans 
une  invasion  en  Frise,  le  26  janvier  1256,  les  privait  de  leur  plus 
puissant  appui.  Ils  renoncèrent  à leurs  prétentions  sur  la  Flandre, 
tandis  que  Charles  d’Anjou  abdiquait  ses.  droits  au  Hainaut.  La 
pacification  de  la  partie  occidentale  de  la  Belgique  fut  complétée 
dans  un  congrès  tenu  à Bruxelles  sous  la  présidence  du  duc 
Henri  III,  qui  semblait  aspirer  à imiter,  dans  une  sphère  plus 
modeste,  le  noble  exemple  que  lui  offrait  le  monarque  français. 

C’étaient  les  passions  dénaturées  d’une  marâtre  et  des  haines  fra- 
ternelles, où  semble  revivre  l’antique  lutte  d’Atréeet  de  Thyeste, 
qui  déchiraient  la  plus  belle  partie  de  nos  contrées;  sur  les  bords 


de  la  Meuse  et  du  Rhin , des  discordes  non  moins  sanglantes 
étaient  provoquées  par  l’amour  naissant  du  peuple  pour  la  liberté. 
Pour  mieux  se  défendre  contre  le  clergé,  avec  lequel  ils  avaient 
eu  plus  d’une  contestation,  les  échevins  de  Liège  appelèrent  aux 
fonctions  de  maître  à temps,  un  de  leurs  concitoyens  qui  jouissait 
d’une  grande  popularité,  Henri  de  Binant,  et,  de  concert  avec 
lui , ils  organisèrent  la  bourgeoisie  en  vingtaines  ou  troupes  de 
vingt  hommes  b Ils  ne  tardèrent  pas  à s’apercevoir  qu’ils  avaient 
contribué  à élever  une  puissance  qui  devait  contrebalancer  la 
leur. 

Lorsque  l’élu  de  Liège  , Henri  de  Gueldrc,  voulant  marcher 
contre  Marguerite  et  Charles  d’Anjou,  réclama  des  Liégeois  le  ser- 
vice militaire,  les  échevins  s’empressèrent  de  l’accorder,  mais  la 
commune  le  refusa,  à 1 instigation  du  nouveau  chef  de  la  com- 
mune. Peu  de  temps  après,  à la  suite  de  nouveaux  débats,  l’élu 
et  la  majeure  partie  du  clergé  quittèrent  la  ville,  et  les  échevins, 
mis  par  Henri  de  Binant  en  demeure  de  se  prononcer,  prirent  le 
même  parti. 

La  ville  de  Liège,  confédérée  avec  celles  de  Binant,  de  Huy  et 
de  Saint-Trond,  engagea  contre  ses  ennemis  une  guerre  où  elle 
obtint  quelques  succès  (1254),  mais  elle  fut  moins  heureuse  l’année 
suivante;  Saint-Trond  fut  repris,  les  Huitois  vaincus  (lOaoût  \ 255), 
et,  dans  une  scène  pompeusement  arrangée,  une  sentence  de 
proscription  fut  lancée  contre  Henri  de  Binant  et  ses  principaux 
adhérents.  Après  des  négociations  inutiles,  les  Liégeois  eux-mêmes 
réclamèrent  la  paix  à grands  cris.  Le  27  septembre  1255,  l’élu 
rentra  triomphant  dans  sa  capitale,  et  une  nouvelle  sédition,  qui 
y éclata  l’année  suivante,  trouva  les  échevins  mieux  préparés  à la 

1 Sur  la  foi  de  Hocsem  (c.  5,  apud  Chapeauville,  Gesta  pontificum  Leoclien- 
sium,  l.  II,  p.  286)  et  d’Outremeuse,  que  M.  Polain  a suivi  ( Histoire  de 
l’ancien  pays  de  Liège , 1. 1,  p.  359),  on  attribue  ordinairement  ces  réformes  à 
Henri  de  Binant  seul;  mais  Jean  Presbyler  ( apud  Chapeauville,  l.  c.,  p.  282) 
s’exprime  autrement  , et  nous  le  suivrons  de  préférence  , parce  qu’il  était  con- 
temporain , ou  peu  s’en  faut,  de  ces  événements.  Ce  qui  prouve  qu’il  a senti  la 
portée  de  son  récit,  c’est  la  réflexion  dont  il  l’accompagne  : Hoc  scabini  ad 
conculcandum  Cleruni  faciebant , sed  relortum  est  in  caput  eorum. 


( 10  ) 

résistance.  Victorieux  cette  fois,  ils  satisfirent  leur  soif  de  ven- 
geance. Les  maisons  des  chefs  du  peuple  forent  détruites;  l’un 
d’eux,  le  sellier  Gérard  Bassiers,  fut  pendu,  et  la  porte  Sainte- 
Walburge,  isolée  des  remparts,  devint  une  citadelle  redoutable. 
D’autres  villes  de  l’évêché  s’étaient  soulevées;  elles  furent  sévè- 
rement punies  : Dînant  paya  une  forte  amende,  et  on  supprima 
la  commune  qui  s’était  organisée  à Saint-Trond.  Le  duc  de  Bra- 
bant, que  cette  ville  avait  reconnu  pour  avoué,  ne  put  que  stipuler 
pour  les  bourgeois  proscrits  le  droit  d’y  rentrer. 

A Cologne,  il  y eut  aussi  des  luttes  assez  vives  entre  l’arche- 
vêque Conrad  et  la  ville;  là  elles  furent  plutôt  causées  par  des 
conflits  de  juridiction  entre  les  éehevins  et  le  prélat,  et  ce  dernier 
y défendit  énergiquement  les  prétentions  des  métiers.  Après  avoir 
guerroyé  contre  la  principale  ville  de  ses  domaines,  en  1254  et 
1252,  Conrad  en  vainquit  de  nouveau  les  bourgeois,  coalisés 
avec  un  grand  nombre. de  princes  allemands,  dans  une  sanglante 
bataille  (14  avril  1254).  La  victoire  de  Conrad  était  un  échec  pour 
l’autorité  du  roi  Guillaume,  car  ces  deux  personnages  s’étaient 
brouillés.  Le  prélat,  « voulant  fuir  le  vice  de  l’ingratitude  et  re- 
» connaître  les  bienfaits  des  comtesses  Jeanne  et  Marguerite , qui 
» jadis  l’avaient  fait  sortir  de  prison  b,  » s’était  déclaré  ouverte- 
ment pour  Charles  d’Anjou  contre  les  d’Avesnes,  tandis  que  tous 
ses  voisins  se  prononçaient  en  leur  faveur  2. 

Les  dangers  et  les  exactions  auxquels  étaient  exposés  les  mar- 
chands, au  milieu  de  ces  guerres  sans  cesse  renaissantes,  cau- 
sèrent un  tort  immense  au  commerce.  Fatiguées  de  1 abandon  où 
les  laissait  la  puissance  royale,  les  villes  rhénanes  résolurent  de 


1 II  rappelait  ici  le  souvenir  de  sa  captivité  dans  le  château  du  comte  de 
Juliers , en  1245.  Acte  du  mois  d’août  1254,  dans  Saint-Génois,  Monuments 
essentiellement  utiles , p.  579. 

2 Pour  ce  qui  concerne  le  comte  de  Juliers,  consultez  un  traité  du  15 oc- 
tobre 1254,  où  l’archevêque  et  le  comte  se  réservent  chacun  la  faculté  d’assis- 
ter le  comte  d’Anjou  ou  les  d’Avesnes  (Lacomblet,  Urkunclenbuch  fur  die 
Geschichte  des  Niederrheins , t II , p.  217).  Pour  l’élu  de  Liège  la  question 
n’est  pas  douteuse.  Quant  au  comte  de  Gueldre,  l’année  qu’il  promit  au  roi  lui 
valut  une  augmentation  de  l’engagère  de  Nimègue  jusqu’à  concurrence  de  cinq 
mille  marcs  (1er  juin  1254,  Lacomblet,  t.  II,  p.  216). 


( Il  ) 

se  confédérée,  et  de  conquérir  à îa  pointe  de  l’épée  la  sécurité 
qui  leur  était  refusée.  Dirigées  par  un  Mayeneais  nommé  Wal- 
bodon,  à qui  elles  durent  la  première  idée  de  cette  union,  elles 
abolirent  par  la  force  les  tonlieux  qui  entravaient  le  négoce, 
forcèrent  les  princes  et  les  nobles  à adhérer  à leur  ligue,  et  jurèrent 
l’observation  d’une  paix  qui  devait  durer  dix  ans,  à partir  du 
jour  de  la  Sainte-Marguerite,  20  juillet  i 254. 

Quoique  confirmée  h plusieurs  reprises  par  le  roi  Guillaume, 
et  acceptée  par  la  plupart  des  princes  dont  les  États  bordaient  le 
Rhin,  la  ligue  rencontra  de  nombreuses  difficultés  et  ne  vécut  que 
péniblement.  Elle  ne  fut  acceptée  par  aucun  duc  ou  comte  de  la 
Belgique  ou  de  la  Lorraine,  ni  par  aucune  ville  à l’ouest  d’Aix-la- 
Chapelle.  Bientôt,  dans  les  pays  où  elle  paraissait  jouir  de  îa  plus 
grande  faveur,  elle  n’inspira  plus  de  respect,  et,  peu  d’années 
après,  on  vit  éclater  de  toutes  parts  des  discordes  et  s’arrêter 
le  développement  de  la  confédération,  qui  se  divisa  depuis  en 
deux  grandes  branches  : la  ligue  hanséatique,  composée  des  cités 
saxonnes  et  westphaliennes,  et  la  ligue  rhénane,  formée  de  celles 
du  Rhin. 

Le  roi  Guillaume  assista  pour  ainsi  dire  en  spectateur  désinté- 
ressé à toutes  ces  grandes  manifestations  de  l’opinion  publique,  et 
put  bientôt  s’apercevoir  qu’il  avait  accepté  une  mission  au-dessus 
de  ses  forces.  Sa  femme  Elisabeth,  fille  du  due  de  Brunswick,  fut 
arrêtée  par  un  petit  seigneur  de  l'archevêché  de  Trêves,  qui 
ne  la  relâcha  qu’après  l’avoir  dépouillée  de  ses  bijoux.  Guillaume 
lui-même  faillit  périr  à Cologne;  à Utrecht,  une  main  inconnue 
lui  lança  une  pierre.  Parti  furieux  de  cette  dernière  ville,  avec 
laquelle  il  avait  toujours  entretenu  des  relations  amicales,  il  alla, 
à la  faveur  d’un  fort  hiver,  se  jeter  sur  le  pays  des  Frisons,  où 
îa  glace  se  rompit  sous  le  poids  de  son  coursier  bardé  de  fer,  et  le 
livra,  sans  défense,  aux  coups  des  plus  acharnés  ennemis  de  sa 
race  (29  janvier  1250). 

Le  trône  impérial,  doublement  vacant  par  la  mort  du  roi  Con- 
rad, fils  de  Frédéric  11,  et  par  celle  de  Guillaume  de  Hollande, 
devint  l'objet  de  honteuses  intrigues.  On  vit  alors  se  produire  les 
négociations  déplorables  dont  S élection  de  Charles-Quint  donna 


( 12  ) 

plus  tard  le  triste  spectacle.  Richard,  comte  de  Cornouailles,  frère 
de  Henri  ï II , roi  d’Angleterre,  passait  pour  le  prince  le  plus  riche 
du  temps.  Ce  fut  à lui  qu’on  s’adressa,  par  l’intermédiaire  de  Jean 
d’Àvesnes  h Celui-ci  fut  parfaitement  accueilli  par  lui,  puis  re- 
tourna en  Allemagne,  où  plusieurs  princes  vendirent  leurs  suf- 
frages à Richard. 

Le  jour  de  l’élection,  pendant  les  octaves  de  l’Epiphanie  1256- 
1257,  les  partisans  de  ce  prince  le  proclamèrent  roi,  tandis  que 
l’archevêque  de  Trêves,  Arnoul,  se  disant  autorisé  par  le  roi  de 
Bohême,  le  duc  de  Saxe  et  le  marquis  de  Brandebourg,  donna  la 
couronne  au  roi  Alphonse  de  Castille,  neveu  du  roi  de  Bohême 
et  du  duc  de  Brabant.  Alphonse  rallia  quelques  partisans  en  Bel- 
gique; mais  il  y fut  soutenu  avec  peu  de  vigueur.  Ainsi,  tandis 
que  Guy  de  Dampierre  se  déclarait  en  sa  faveur,  Marguerite  de 
Constantinople  négocia  avec  Richard.  Quant  au  duc  de  Brabant, 
qu’Alphonse  nomma  gardien  et  défenseur  des  pays  s’étendant  du 
Brabant  au  Rhin  et  du  diocèse  de  Trêves  à la  mer,  et  de  toute  la 
Westphalie 1  2 *,  son  dévouement  se  borna  à accepter  20,000  livres 
tournois  5.  Seul,  l’archevêque  Arnoul  combattit  vaillamment  au 
nom  du  roi  de  Castille;  mais  il  mourut  en  1259,  et  l’absence 
d’Alphonse,  de  qui  le  duc  de  Lorraine  ne  put  obtenir  qu’une 
vague  promesse  de  venir  dans  les  deux  années  en  Allemagne, 
porta  à sa  cause  un  coup  mortel. 

Cependant  son  rival  triomphait.  De  Dordrecht , où  il  débarqua 
le  5 mai  1257,  il  se  rendit,  par  la  Gueldre  à Aix,  où  lui  et  sa 
femme, la  belle  Sanchie,  sœur  du  seigneur  de  Fauquemont,  furent 
couronnés  par  l’archevêque  Conrad,  le  17  mai  1257. 

Le  nouveau  roi  suivit  principalement  les  conseils  de  Conrad.  Il 
accorda  également  sa  confiance  à l’évêque  de  Cambrai,  Nicolas  4, 

1 L’historien  Thomas  Wikes  ( Chronicon , apud  Gai e , Renm  anglicarum 
scriptores  veteres , t.  Il,  p.  51  ) lui  donne  le  nom  indéchiffrable  de  Jean  de 
A ttenicis. 

2 1 6 octobre  1257,  Willems , Brabantsche  Yeeslen , t . 1 . p.  G55.  — De  Dynter, 
t,  11 , p.  417  , oh  cet  acte  est  mal  daté  de  1255. 

5 Butkens,  1. 1,  Preuves,  p.  95  (20  octobre  1258). 

4 Le  26  décembre  1256,  le  roi,  étant  encore  à Londres,  approuva  les  con- 


qu’il  créa  son  chancelier,  et  à Jean  cTAvesnes,  dont  il  fit  son  séné- 
chal. Ce  dernier  ne  jouit  pas  longtemps  de  sa  faveur,  et  mourut 
la  veille  de  Noël,  en  1257,  laissant  entre  autres  un  fils  du  même 
nom,  qui  devint  également  un  des  agents  de  Richard.  Dans  l’entrc- 
temps,  l'archevêque  de  Mayence  dégagea  le  château  royal  de  Bop- 
pard,  que  son  confrère  de  Trêves  assiégeait,  et  Richard  put 
paisiblement  remonter  le  cours  du  Rhin.  Mais  son  voyage,  tout 
pompeux  qu’il  fut,  ne  dut  pas  l’encourager  dans  ses  projets.  Des 
murmures  s’élevèrent  contre  les  Anglais  qui  l’avaient  accompagné, 
et  il  fut  forcé  de  s’en  séparer  4.  Enfin,  lorsqu’il  arriva  à Baie,  la 
plupart  des  princes  l’abandonnèrent,  sans  cacher  qu’ils  l’avaient 
suivi  jusque-là  pour  son  argent  2.  Bientôt  il  se  lassa  d’un  rôle 
ingrat,  et,  en  1259,  il  retourna  en  Angleterre. 

Le  roi  s’était  empressé  de  confirmer  les  privilèges  des  villes. 
Conrad,  toutefois,  jugea  le  moment  opportun  pour  attaquer  de 
nouveau  les  bourgeois  de  Cologne.  Au  bout  de  trois  mois,  cette 
cité,  se  trouvant  isolée,  consentit  à soumettre  le  différend  à cinq 
arbitres,  parmi  lesquels  figura  le  dominicain  Albert  le  Grand. 

Dans  l’écrit  où  il  expose  la  justice  de  sa  cause,  l’archevêque 
s’étend  longuement  sur  la  nature  de  sa  juridiction;  il  se  plaint 
des  alliances  de  la  ville  avec  ses  ennemis,  de  la  protection  que  les 
citoyens  riches  et  puissants  accordent  à des  hommes  du  peuple 
appelés  Muntmannen  ou  monnayeurs,  des  prétentions  des  bour- 
geois à juger  de  l’usure,  des  faux  serments,  des  adultères,  des 
mariages,  des  fausses  mesures,  etc.,  matières  dont  il  revendique  la 
connaissance  exclusive  pour  la  justice  ecclésiastique;  il  réclame 
également  contre  les  impôts  et  corvées  que  les  maîtres  des  citoyens 
imposent  aux  marchands,  et  contre  les  exactions  nouvelles  que  les 

veinions  que  l’évêque  de  Cambrai  et  Jean  d’Avesnes  avaient  conclues,  le  15  du 
même  mois,  avec  Conrad,  pour  son  élection.  On  s’était  engagé  envers  ce 
prélat  à le  réconcilier  avec  le  saint-siège  et  avec  le  légat  Pierre  Capuce  [Co- 
dex epistolaris  Rudol/i  l,  Romanonm  regis , Leipsik,  1806,  pp.  505-512, 
Lacomblet,  t.  if,  p.  252). 

1 Mathieu  Paris,  Historia  major. 

2 Fragmentum  historicum,  Tritheim,  etc.,  cités  par  Struvius,  Corpus  lus - 
loriae  Cermanicae , etc.,  1. 11. 


( ü ) 

majores  ou  notables  font  peser  sur  les  métiers.  Les  bourgeois, 
de  leur  côté,  reprochent  au  prélat  l’arrestation  illégale  et  Fem- 
prisonnement de  certains  d’entre  eux  et  de  quelques  juifs,  la  levée 
de  taxes  sur  les  chemins,  la  falsification  des  monnaies,  l’octroi 
à des  marchands  étrangers  de  la  permission  de  naviguer  libre- 
ment sur  le  Rhin,  au  détriment  de  leur  ville,  qui,  d’après  eux, 
devait  former  entre  les  deux  parties  du  fleuve  une  étape  infran- 
chissable. 

La  sentence  des  arbitres  porte  la  date  du  28  juin  1258;  elle 
réforma  les  abus  que  l’on  avait  signalés  de  Fun  et  de  l’autre  côté , 
et  exigea,  notamment,  la  remise  de  l’administration  financière  de 
la  cité  à une  commission  composée  de  quelques  échevins,  de  quel- 
ques membres  des  métiers  et  de  quelques  bourgeois,  que  l’on  as- 
sujettit à rendre  compte  de  leur  gestion  quatre  fois  par  an.  Les 
patriciens  paraissent  avoir  été  irrités  au  dernier  point  de  ces  inno- 
vations. Ils  prirent  les  armes  et  se  répandirent  dans  la  ville  « en 
» déployant  des  drapeaux  ennemis.  » Mais  leurs  tentatives  échouè- 
rent, et  leur  audace  fut  réprimée  par  une  série  de  mesures  vigou- 
reuses, arrêtées  de  concert  entre  l’archevêque,  d’une  part,  « les 
» consuls,  les  fraternités  (ou  corps  de  métiers),  le  peuple  de  la 
» commune  et  généralement  toute  l’universalité  de  la  cité.  » 

Les  monnayeurs,  qui  possédaient  leur  office  à titre  héréditaire 
et  que  l’on  appelait,  sans  doute  pour  cette  raison,  die  IJüsge- 
nossen , furent  déclarés  indignes  et  dépouillés  de  leurs  fiefs  et  de 
leurs  privilèges  (24  mars  4258-1259).  Le  maître  des  citoyens  et 
quinze  échevins,  sauf  Bruno  Crantz,  qui  avait  mérité  d’être  épar- 
gné, furent  destitués,  et  on  les  remplaça  par  vingt-cinq  autres 
personnes,  nommées  à vie,  et  dont  les  successeurs,  au  fur  et  à 
mesure  des  vacatures,  devaient  être  désignés  parles  échevins  res- 
tants, l’archevêque  et  les  corps  de  métiers.  Vingt-cinq  autres  bour- 
geois, qui,  après  quatre  citations  successives,  de  quinzaine  en 
quinzaine,  n’avaient  pas  comparu,  furent,  le  17  avril  1259,  pro- 
scrits et  dépouillés  de  leur  avoir.  Pour  mieux  prévenir  une  réac- 
tion, l’archevêque  et  la  commune  resserrèrent  leur  alliance  le 
15  avril  de  l’année  suivante,  puis  se  partagèrent  par  moitié  les 
moulins  sur  le  Rhin  et  les  maisons  des  bannis,  maisons  qui  au- 


( IS  ) 

raient  dû  être  détruites,  et  que  l’on  épargna  afin  de  ne  pas  enlaidir 
l’aspect  de  Cologne  (17  décembre  1260)  b 

La  révolution  opérée  par  Conrad  justifie  les  tentatives  du  tri- 
bun liégeois  Henri  de  Dinant,  en  condamnant  l’état  d’infériorité 
dans  lequel  on  maintenait  les  artisans  dans  la  plupart  des  villes 
belges,  mais  elle  survécut  à peine  à son  auteur.  Son  triomphe  ne 
pouvait  être  que  momentané,  car  le  temps  n’était  pas  encore  ar- 
rivé où  les  hommes  de  métiers,  devenus  dominants  dans  les  com- 
munes, devaient  dépasser  de  bien  loin  les  patriciens  en  courage 
et  en  patriotisme.  Leur  première  victoire  à Cologne  servit  plutôt 
l’autorité  des  archevêques,  qui,  de  leur  côté,  s’aperçurent  qu’ils 
ne  pouvaient  plus  espérer  de  maintenir  leur  domination,  qu’à  la 
condition  de  s’assurer  l’appui  de  l’une  ou  l’autre  des  fractions  de 
la  bourgeoisie. 


III. 

Peut-être  nous  accusera-t-on  d’avoir  laissé  dans  l’ombre  le  duc 
Henri  III,  le  père  de  notre  héros?  Mais,  au  milieu  d’une  époque 
si  agitée,  un  prince  pacifique  devait  nécessairement  s’effacer 1  2. 
Henri  eut  à peine  occasion  de  prendre  les  armes,  si  ce  n’est  pour, 
puis  contre  l’élu  de  Liège  2.  La  chevalerie  brabançonne  ne  conquit 
de  lauriers  qu’à  l’étranger  : Arnoul  le  Brun , de  la  famille  des 
Trazegnies,  parvint  à la  dignité  de  connétable  de  France,  et  le 
vaillant  bâtard  de  Wesemael,  sire  Francon,  s’illustra  en  défendant 
pendant  deux  ans  le  château  de  Namur,  qu’il  ne  rendit  au  comte 
de  Luxembourg  que  lorsqu’il  n’y  resta  plus  assez  de  pain  « pour 
apaiser  les  cris  d’un  enfant  affamé.  » 

Poursuivant  la  politique  de  ses  ancêtres,  qui  s’étaient  toujours 

1 Voyez  Ernst  ( Histoire  du  Limboury,  t.  IV)  et  les  pièces  diplomatiques 
dans  l’ouvrage  intitulé  : Securis  acl  radicem  posita  (Bonn,  1729,  in-fol.), 
et  dans  Lacomblet. 

2 Le  duc  fut  encore  choisi  pour  arbitre  en  1259,  par  l’évêque  d’Utrecht  et 
le  comte  de  Gueldre  (Willems,  Brabansche  Yeesien,  1. 1,  p.  657),  et  en  1260, 
par  ce  dernier,  d’une  part,  le  comte  de  Elèves  et  ses  fils  Thierriet  Thierri 
Loef  (Lacomblet,  1. 11,  p.  272). 


( 16  ) 

efforcés  d’accroître  leur  influence  dans  les  domaines  des  églises, 
Henri  III  empiéta  sur  les  droits  du  chapitre  de  Nivelles;  il  profita 
d’une  occasion  favorable  pour  occuper,  par  engagère,  Malines, 
Hougarde,  Beauvechain,  qui  appartenaient  à l’église  de  Liège;  il 
essaya  également  de  dominer  à Saint-Trond.  De  plus,  sous  le  pré- 
texte que  son  père  avait  laissé  des  dettes  considérables,  et  afin  de 
pouvoir  appuyer  plus  énergiquement  le  roi  Guillaume,  il  obtint 
du  pape  Innocent  IV  le  droit  de  percevoir  les  dîmes  novalcs,  à 
charge  d’en  remettre  un  tiers  aux  recteurs  des  paroisses  où  ces 
dîmes  se  levaient  h 

On  ne  sait  pas  au  juste  à quelle  époque  Henri  III  se  maria.  Une 
lettre  du  roi  d’Angleterre,  en  date  du  21  janvier  1251,  nous  ap- 
prend qu’il  se  refusait  alors  aux  propositions  que  ce  monarque  lui 
avait  fait  transmettre,  à moins  que  celui-ci  ne  lui  assurât  le  paie- 
ment d une  somme  de  10,000  marcs  et  d’une  rente  annuelle  de 
500  livres.  Un  religieux,  P...  (sans  doute  Pierre)  de  Savoie,  qui 
s’était  chargé  de  la  négociation  du  mariage,  n’étant  pas  encore 
revenu  de  Bourgogne,  le  roi,  dans  l'impossibilité  de  prendre  une 
décision  à ce  sujet,  réclama  du  duc  un  délai  jusqu’à  la  fin  du  mois 
qui  suivrait  la  fête  de  Pâques  prochaine,  il  promit  de  lui  faire 
alors  connaître  ses  intentions,  et  il  demanda  pour  cette  date  l’en- 
voi de  députés  chargés  de  terminer  la  négociation 1  2. 

Le  duc  épousa,  probablement  dans  le  courant  de  l’année  1252, 
Aleydc  de  Bourgogne,  hile  du  duc  Hugues,  mort  en  1272,  et 
d’Yolcndc  de  Dreux.  Aleyde  donna  à son  époux  trois  fils  et  une 
fille,  outre  un  premier  enfant  mort  en  naissant  : Henri,  Jean, 
Godefroid  et  Marie.  Henri  et  Marie  virent  le  jour  à Louvain,  les 
deux  autres  à Bruxelles  3.  Le  plus  âgé  d’entre  eux  avait  au  plus 
huit  ans  lorsque  leur  père  mourut,  et  Jean  sept  ans  seulement, 
car  il  doit  être  né  en  1254. 


1 Bref  daté  de  Pérouse  ; le  5 des  ides  ou  1 i mars  1255,  dans  Miræus,  Opéra 
cliplomatica , t.  II , p.  1255. 

2 Rymer,  Foedera,  litterae  el  acta  publica,  l.  I,  p.  270. 

3 Chronicon  Nivellense,  à la  suite  du  Faux  Childebrand  de  Chifïïel  (1659, 
in-4°),  f°  155. 


( 17  ) 

Au  goût  de  Ja  poésie  et  à la  galanterie,  le  due  unissait  une  ex- 
trême piété.  Elle  lui  valut,  en  1260,  une  participation  entière  aux 
prières  et  aux  bonnes  œuvres  de  l’ordre  de  Prémontré.  En  lui  accor- 
dant cette  faveur  spirituelle,  l’abbé  et  le  chapitre  général  procla- 
ment « que  tous  les  hommes,  nés  de  notre  premier  père,  sont 
» égaux  » , sauf  que , selon  les  décisions  des  anciens  docteurs  de 
» l’Église,  une  noblesse  particulière  échoit  en  partage  à quel- 
» (pics- u ns  h » 

Henri  III  expira  le  28  février  1260-1261.  « Adenez,  dit  M.  de 
» ReifFenberg,  raconte  que  la  mort  de  ce  duc  excita  les  regrets  de 
» tous  ses  sujets.  Le  poète  fait  l’éloge  de  son  bon  cœur  et  le  dé- 
» peint  comme  un  prince  vertueux,  charitable,  compatissant  et 
» juste.  Il  rapporte  qu’avant  de  mourir,  il  commanda  d’ouvrir  les 
» portes  de  son  palais  à tous  ceux  qui  voudraient  venir  le  voir, 
» ayant  fait  mettre  beaucoup  d’or  et  d’argent  près  de  lui,  afin  de 
» le  donner  aux  pauvres.  Ce  trait  touchant  n’est  pas  suspect  dans 
» la  houchc  d’un  contemporain,  qui  parlait  de  ce  qu’il  avait  vu 
» comme  tout  le  monde 1  2.  » 

A Limitation  de  son  père , qui  avait  signalé  ses  derniers  mo- 
ments par  l’abolition  de  la  mainmorte,  Henri  III  scella,  deux 
jours  avant  de  mourir,  une  charte  où  l’on  remarque  un  caractère 
religieux  très-prononcé,  à côté  de  tendances  progressives.  Il  s’y 
oblige  à payer  4,000  livres  de  Louvain,  au  profit  de  la  croisade 
contre  les  infidèles,  si  la  mort  l’empêchait  de  remplir  son  vœu 
d’aller  en  Palestine,  et  il  lègue  une  rente  annuelle  de  2,000 livres, 
pour  indemniser  ceux  dont  il  aurait  lésé  les  intérêts.  Ensuite,  il 
exempte  les  hommes  (ou  habitants)  du  Brabant  de  toute  taille, 
exaction  ou  précaire , si  ce  n’est  dans  des  cas  déterminés.  Il  or- 
donne en  outre  de  restituer  les  dîmes  novales  aux  églises  et  aux 
personnes  ecclésiastiques  à qui  elles  revenaient  de  droit,  et  de 
rendre  de  même,  avec  une  indemnité  pour  les  véritables  proprié- 

1 Licet  omnes , a primo  parente  progeniti , eandern  adhitc  nobilitatem 
sorciantur,  tamen , secunduni  antiquorum  patrum  approbata  décréta,  in 
quibusdam  nobilitas  locum  optinet  potiorem.  Cartulaire  de  Brabant  B.,  aux 
Archives  du  royaume,  f°  108. 

- Introduction  à la  Chronique  de  Philippe  Mouskcs,  l.  I,  n.  clxxx. 

Tome  XIII.  2 


( 18  ) 

taires,  les  eaux  l,  les  bruyères  et  les  biens  communaux,  dont  il 
avait  usurpé  la  possession.  Enfin,  pour  obéir  à cette  répulsion 
que  les  chrétiens  de  l’époque  affectaient  à l’égard  des  juifs  et  des 
usuriers  généralement  désignés  sous  le  nom  de  Cahorsins,  parce 
que  certains  d'entre  eux  étaient  originaires  de  Cahors,  il  ordonne 
de  les  expulser  du  duché  s’ils  ne  consentent  à y vivre  comme  les 
autres  marchands,  en  renonçant  au  prêt  et  à l’usure.  Deux  domi- 
nicains : frère  Gérard  de  Huldenberg  et  frère  Gérard  de  Trêves, 
le  frère  mineur  Pierre,  de  Louvain,  et  le  seigneur  de  Bruech, 
Gérard  de  Marbais,  furent  chargés  d’accomplir  les  intentions  du 
bon  duc  2.  Henri  III  ne  décida  rien  au  sujet  de  la  tutelle  de  ses 
enfants;  il  ne  se  doutait  pas  qu’on  la  disputerait  à sa  veuve  et  que 
ses  Etats  seraient  en  proie,  pendant  plusieurs  années,  à l’anarchie 
et  à la  discorde. 

1 Wariscapii , c’est-à-dire  waterschap , aquagium  ou  aquaeductus.  M.  de 
Ram  ( Chronique  des  ducs  de  Brabant  par  De  Dynter  t.  II , p.  205  ) suppose 
à tort  que  ce  mot  signifie  ici  terrains  publics. 

2 Butkens,  t.  1 , Preuves,  p.  99.  — Luyster  van  Brabant , lste  deel,  p.  46. 
— Opéra  diplomatica,  t.  I,  p.  207.  — De  Dynter,  t.  II,  p.  204.  — De  Reiffen- 
berg,  Remarques  sur  deux  actes  de  Henri  II  et  de  Henri  III,  dans  les  Nou- 
veaux mémoires  de  l'Académie  de  Bruxelles , t.  VI. 


LE  DUC  JEAN  I 


ET 

LE  BRABANT  SOUS  LE  RÈGNE  DE  GE  PRINCE. 


CHAPITRE  PREMIER. 

MINORITÉ  DES  ENFANTS  DU  DUC  HENRI  III.  — AVENEMENT 
DE  JEAN  Ier  AU  TRÔNE  DUCAL. 


I. 

Les  premiers  embarras  contre  lesquels  la  duchesse  eut  à lutter 
furent  des  questions  d’argent,  soit  que  son  mari  lui  eût  laissé  des 
domaines  grevés  de  dettes,  soit  qu’Aleyde  eût  aggravé  par  des 
dépenses  de  luxe  la  situation  financière  du  duché.  Les  nécessités 
dans  lesquelles  elle  se  trouva  se  trahissent  dans  les  questions 
qu’elle  adressa  à saint  Thomas  d’Aquin.  Elle  lui  demande  si  elle 
peut  vendre  au  plus  offrant  les  emplois,  tels  que  ceux  de  bailli  et 
de  maire;  le  savant  théologien  répond,  avec  raison,  par  la  néga- 
tive : si  l'on  agissait  autrement,  ajoute-t-il,  on  livrerait  les  fonc- 
tions publiques  aux  hommes  cupides.  Il  engage  aussi  la  duchesse 
à obliger  ses  officiers  à restituer  l’argent  qu’ils  se  seraient  pro- 
curé au  moyen  d’extorsions;  à son  avis,  il  n’est  pas  permis  d éta- 
blir des  taxes  pour  des  causes  futiles,  mais  uniquement  pour  faire 
face  aux  besoins  ou  à la  défense  du  pays,  les  princes  étant  insti ~ 


( 20  ) 

tués  par  Dieu,  non  pour  leur  propre  avantage , mais  afin  de 
procurer  le  bien-être  au  peuple.  Enfin,  saint  Thomas  insiste  éner- 
giquement pour  que  les  juifs  soient  traités  avec  indulgence  et  avec 
équilé  h 

Les  monastères,  dont  les  richesses  s’étaient  accrues  dans  des 
proportions  énormes  depuis  le  commencement  du  siècle  , et  que 
l’on  prenait  l'habitude  de  pressurer 1  2 *,  furent  aussi  accablés 
d’exactions.  La  duchesse  fit  placer  des  gardiens  dans  les  fermes 
de  l’abbaye  de  Foret,  sans  doute  afin  de  punir  la  communauté 
d’un  refus  de  contribuer  dans  les  impôts;  quelques  ecclésiastiques, 
par  ordre  de  l’évêque  de  Cambrai,  se  rendirent  auprès  d’AIeydc, 
à Louvain,  afin  de  l’engager  à révoquer  ses  ordres,  mais  ils  ne 
purent  pénétrer  dans  le  château  et  ce  fut  devant  ses  portes  qu’ils 
accomplirent  la  formalité  de  lancer  l’interdit  sur  le  Brabant  et  sur 
sa  souveraine  5. 

La  maison  des  Templiers,  de  Vaillampont  près  de  Nivelles  4,  et 
l’abbaye  de  Gembloux  eurent  aussi  à se  plaindre.  A la  prière  des 
moines  de  ce  dernier  monastère,  un  religieux  de  Villers,  Goberl 
d’Aspremont,  qui  jouissait  d’un  grand  renom  de  sainteté,  se 
chargea  d’appuyer  leurs  réclamations.  Son  cheval  l’ayant  jeté  à 
terre,  il  se  présenta  devant  Aleyde  dans  un. état  pitoyable,  cou- 
vert de  sang  et  de  boue,  et,  sans  ménagements,  l'accusa  d’avoir  été 
elle-même  la  cause  de  l’accident  par  lequel  il  avait  failli  perdre 
la  vie 

1 Nouvelles  archives  historiques  cle  M.  de  Reiffenberg,  t.  I,  p.  17. 

2 Voyez  ce  que  dit  à ce  sujet  le  père  Maghe  , dans  la  Chronicon  ecclesiae 
Bonae  Spei. 

5 Le  diplôme  de  l’évêque  porte  la  date  du  18  octobre  1261  (M.  Willems, 
Brabantsche  Yeesten,  t.  I , p.  660).  Il  a été  publié,  ainsi  que  la  déclaration 
des  délégués  du  prélat,  dans  le  Messager  des  sciences  historiques,  année 
1856,  p.  409. 

1 11  y eut  entre  les  templiers  de  Vaillampont  et  la  duchesse  des  contestations 
qui  lurent  portées  devant  l’archidiacre  d’Amiens,  Barthélemy,  chapelain  du 
pape.  Le  Cartulaire  de  Brabant  B .,  f°  77,  contient  à ce  sujet  un  acte  où  l’on 
en  rappelle  un  autre  en  date  du  1er  décembre  1265. 

5 Le  bienheureux  Gober  t mourut  en  1265.  Fisen,  Historia  ecclesiae  Lco- 
diensis,  pars  II , p.  15. 


{ 21  ) 

Los  villes  furent-elles  plus  ménagées?  Il  est  permis  d’en  douter, 
en  voyant  la  recrudescence  de  vie  politique  qui  se  manifesta  alors 
chez  elles  et  qui  fut  provoquée,  on  peut  le  supposer,  par  des  at- 
teintes portées  aux  libertés  séculaires  des  bourgeoisies  braban- 
çonnes. Sans  une  nécessité  pressante,  Louvain  aurait-elle  demandé 
la  confirmation  de  ses  privilèges  au  chef  suprême  de  la  chrétienté? 
Cette  intervention  insolite  n’annonce-t-elle  pas  une  situation  ex- 
ceptionnelle? Si  l’on  voit  Alexandre  IV  défendre  de  citer  les  Lou- 
vanistes  hors  de  leur  ville,  aussi  longtemps  qu’ils  seraient  prêts  à 
comparaître  devant  leurs  juges  ordinaires  *,  si,  en  termes  plus  gé- 
néraux, le  même  pontife  confirmé  toutes  les  libertés  que  cette  cité 
devait  aux  papes,  aux  rois,  aux  princes,  aux  comtes  2;  c’est  que 
la  situation  réclamait  des  garanties  exceptionnelles.  Le  recours  à 
l’autorité  pontificale  était,  à cette  époque,  trop  onéreux,  trop  dif- 
ficile, pour  que  l’on  s’en  servît  sans  une  nécessité  pressante. 

Les  cités  du  Brabant  ne  se  bornèrent  pas  à réclamer  une  inter- 
vention puissante , mais  éloignée.  Leur  principale  force  résidait 
dans  une  union  intime  ; elles  le  comprirent.  Déjà,  de  concert  avec 
quelques  communes  étrangères,  elles  s’étaient  garanti  mutuelle- 
ment leur  tranquillité,  en  proscrivant  les  hommes  de  métier,  et 
particulièrement  les  tisserands  et  les  foulons,  qui  troubleraient 
l’ordre  à l’intérieur  de  l’une  d’elles3;  déjà  leurs  magistrats  s’étaient 
empressés  de  témoigner  en  faveur  de  la  ville  d’Anvers  à laquelle 
on  disputait  l’étape  du  sel  4.  L’année  même  de  la  mort  du  duc 
Henri  III,  par  le  premier  de  ces  actes  énergiques  que  depuis  elles 
posèrent  si  souvent,  elles  contractèrent  une  alliance  solennelle. 
« Regrettant  que  l’audace  de  quelques  insensés  ait  autrefois  excité 
entre  elles  la  discorde  et  la  haine,  et  reconnaissant  les  suites  fu- 
nestes de  ces  dissensions,  elles  déclarent  avoir  arrêté,  après  de 
nombreuses  délibérations,  les  moyens  d’entretenir  la  paix,  comme 
il  convient  à toutes  personnes  honnêtes  et  surtout  à des  com- 
patriotes. Elles  mettent  à néant,  en  sœurs,  toutes  haines  et  tous 

1 Bref  du  2 juillet  1261,  Opéra  diplomatica,  t.  II , p.  1254. 

2 Id.  du  5 du  même  mois.  Ibid. 

3 Vers  1249,  Iïenne  et  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles , t.  I,  p.  62. 

1 En  1259.  Ibidem , p.  65. 


C 22  ) 

dissentiments,  et  se  jurent  amitié  et  alliance.  Après  avoir  décidé 
que  les  querelles  s’élevant  entre  des  habitants  de  deux  villes  diffé- 
rentes, seraient  jugées  par  les  échevins  et  jurés  des  deux  parties, 
elles  se  garantissent  le  maintien  de  leurs  droits  contre  tous,  sauf 
l’autorité  du  duc  et  de  ses  héritiers.  Enfin,  elles  s’engagent,  dans 
le  cas  où  l’étendue  du  duché  ou  les  droits  du  souverain  seraient 
amoindris,  à prévenir  le  duc  qu’il  peut  compter  sur  leur  aide,  et 
à protester,  jusqu’à  réparation,  contre  ces  usurpations  qui  doivent 
être  considérées  comme  des  torts  particuliers  causés  à toutes  les 
villes.  » 

Des  conventions  de  ce  genre  furent  conclues  : le  24  juillet  1261, 
entre  Bruxelles  d’une  part,  Louvain,  Tirlemont,  Anvers,  Lierre, 
Hérentlials,  Sichem,  Jodoigne,  Haelen,  Vilvorde,  Léau,  Nivelles, 
Incourt,  Aerschot,  Gembloux,  Turnhout  l;  le  29  janvier  1261- 
1262,  entre  Louvain,  d’une  part,  Anvers,  Jodoigne,  Gembloux, 
Haelen,  Herk  (Lierre?  il  y a ici  une  erreur),  Iléren thaïs,  Léau, 
Tirlemont,  Turnhout,  Incourt,  Sichem  2;  le  même  jour,  entre 
Léau,  d’une  part,  Anvers,  Bruxelles,  Haelen,  Hérentlials, 
Lierre,  Louvain  et  Tirlemont,  d’autre  part  3;  le  même  jour,  entre 
Turnhout,  d’une  part,  Anvers,  Louvain,  Bruxelles,  Lierre4 5 6;  le 
2 février,  entre  Anvers,  d’une  part,  Turnhout,  Lierre,  Héren- 
thals,  Tirlemont,  Léau,  Louvain  et  Bruxelles,  d’autre  part 
le  jour  de  la  Trinité  1262,  entre  Bruxelles  et  Nivelles  c. 

A côté  de  ce  fait  général , partout  surgissent  des  épisodes  lo- 
caux, dont  la  signification  commune  est  la  même;  ils  trahissent 
une  aspiration  nouvelle  à la  liberté,  l’esprit  de  résistance  à l’op- 
pression, le  désir  d’abolir  des  privilèges.  A Bruxelles,  on  voit  re- 

1 Hernie  et  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles , p.  66. 

2 Rapport  sur  l' administration  et  la  situation  des  affaires  de  la  ville  de 
Louvain,  année  1855,  p.  26.  — Piot,  Alliances  des  communes  du  duché  de 
Brabant  (. fylessager , année  1841,  p.  464). 

5 Archives  de  Léau  aux  Archives  du  royaume. 

4 Opéra  diplomatica  , t.  1 , p.  428. 

5 Mertens  et  Torfs,  Geschieclenis  van  Antvverpen , t.  II,  pp.  47  et  531. 

6 La  ville  de  Nivelles  ayant  perdu  ses  chartes , demanda  à la  ville  de 
Bruxelles  une  copie  de  cet  accord,  qui  lui  fut  délivré  en  1504,  le  lundi  après 
le  dimanche  où  Ton  chante  jubilate.  Cartulaire  de  la  ville  de  Nivelles , f°  26. 


( 23  ) 

paraître  les  jurés,  qui  probablement  avaient  été  abolis  sous 
Henri  II  ou  sous  Henri  III,  par  l’influence  des  échevins,  jaloux 
de  toute  influence  qui  aurait  pu  contrebalancer  la  leur,  dans  la 
commune  b Des  jurés  se  montrent  aussi  à Anvers,  pour  la  pre- 
mière fois 1  2 *,  et  le  chapitre  de  cette  cité  est  menacé  dans  la  pos- 
session de  ses  vieilles  franchises  5.  A Léau,  les  maire,  échevins, 
conjurés  (pour  jurés)  et  autres  bourgeois  déclarent  que  si  une 
personne  du  voisinage  ou  un  étranger  cause  quelque  préjudice 
aux  habitants,  le  maire  et  les  échevins,  ainsi  que  le  maître  de  la 
commune  et  les  jurés,  feront  sonner  la  cloche  et  sortiront  en 
armes,  à la  recherche  de  l’offenseur  4.  Mais  en  deux  endroits  sur- 
tout des  tendances  révolutionnaires  se  manifestent  : «à  Louvain  et 
a Nivelles. 

Dans  la  première  de  ces  villes  se  formèrent  deux  factions  : les 
Colvers  ( Colveren , Clavarii)  et  les  Blanckaerts  ( Blanckarde , 
Blancardi ),  ainsi  nommées,  dit  Butkens,  du  nom  de  leurs  capi- 
taines s.  Elles  étaient  divisées  par  la  haine  la  plus  cruelle  et  leurs 

1 Voyez  à ce  sujet  Y Histoire  de  Bruxelles,  1.  c.,  p.  65,  note  3. 

2 L’acte  de  confédération  entre  Anvers  et  Turnhout,  fut  contracté  par  les 
échevins , jurés  et  bourgeois  de  ces  deux  villes. 

5 Voyez  plus  loin , chap.  X. 

1 Le  bourgeois  qui  refusait  de  suivre  ses  magistrats,  à moins  de  motifs 
sérieux,  était  puni  par  une  amende  de  20  livres,  ou  par  la  perte  d’une  oreille, 
ou  par  le  bannissement  d’un  an  ; on  en  usait  de  même  à l’égard  de  celui  qui 
causait  du  tumulte  ou  qui  sonnait,  sans  motifs,  la  cloche  d’alarme  (octobre 
1263).  Piot,  Notice  sur  la  ville  de  Léau  ( Messager , année  1843,  p.  365). 

5 Voyez  Van  Heelu,  livre  5,  vers  215  et  suiv.  — Van  Velthem,  chap.  41. 
Selon  M.  Willems,  qui  cite  à ce  propos  un  ouvrage  intitulé  . Meyer  s , borge- 
meesteren,  schepenen , enz.,  publié  en  1667,  les  Colvers  fournirent  à la  ville 
de  Louvain  plusieurs  échevins  de  1234  à 1257.  — Evrard  Colvere  occupait  ces 
fonctions  en  1249,  et  Evrard  Blanckart  en  1272  ( Car  tulaire  de  Parc  les 
Dames , passïm). 

La  famille  Blancart,  selon  Hemricourt,  portait  d’or  aux  trois  pals  d’azur,  au 
chef  de  gueules,  chargé  d’une  croix  échiquetée  d’argent. 

Les  deux  factions  avaient  de  puissantes  racines  dans  la  population  louva- 
iriste,  puisqu’elles  formaient  encore,  en  1360,  deux  lignages,  dans  lesquels 
étaient  exclusivement  pris  les  sept  échevins,  les  vingt-deux  jurés  et  les  huit 
doyens  de  la  gilde.  11  fut  alors  stipulé  qu’on  ne  choisirait  plus  parmi  les  palri- 


( 24  ) 

débats  ensanglantèrent  fréquemment  les  rues  de  Louvain.  Toute- 
fois, lorsque  quelques  années  plus  tard,  les  Colvers  vainquirent, 
grâce  à l’appui  du  sire  de  Wesemael,  ce  fait  constitua  plus  que 
le  triomphe  d’une  coterie.  Ils  furent  probablement  obligés  de 
payer  par  des  concessions  le  concours  des  corps  de  métiers,  qui 
reçurent  alors  une  organisation  militaire.  La  commune  donna  à 
chaque  corporation  deux  chefs,  qui  obtinrent  sans  doute  le  droit 
de  siéger  dans  le  conseil  de  la  cité,  et  établit  vingt-cinq  porte- 
bannières  l. 

Le  mouvement  qui  s’était  manifesté  à Nivelles  avait  plutôt  une 
tendance  nationale.  Le  bourg  antique  qui  avait  grandi  à l’entour 
du  temple  dédié  à sainte  Gertrude,  constituait  à cette  époque 
une  localité  considérable,  dont  Tunique  paroisse  avait  été  divisée 
en  onze  parties,  en  l’année  1251  2.  Mécontents  d'être  assujettis  à 
l’autorité  d’une  femme  et  livrés  à une  administration  sans  force, 
les  habitants  s’étaient  organisés  en  commune,  et  avaient  réclamé 
l’intervention  des  ducs  de  Brabant  3.  Ces  princes  ne  se  contentant 
plus  d’être  les  avoués  du  chapitre,  voulaient  diriger  ce  corps; 
dans  ce  but  ils  demandèrent  aux  empereurs  la  possession  de  l’ab- 
baye de  Nivelles,  c’est-à-dire  le  droit  d’en  conférer  les  dignités, 
principalement  la  dignité  abbatiale.  Des  décisions  contradictoires 
leur  confirmèrent  et  leur  enlevèrent  tour  à tour  l’objet  de  leur 
convoitise  4;  toutefois,  favorisés  par  les  événements,  secondés  par 
la  population , ils  réussirent  enfin  de  la  manière  la  plus  complète. 
Henri  II,  consommant  les  empiétements  de  ses  prédécesseurs, 
reçut  le  serment  des  jurés  ou  magistrats  de  la  commune  (leséche- 

ciens  que  quatre  échevins;  deux  Blanckarde  et  deux  Colvere;  onze  jurés: 
cinq  Blanckarde  et  six  Colvere;  et  quatre  doyens  : deux  de  chaque  lignage. 
M.  Willems,  Brabantsche  Yeesten,  t.  11,  p.  57t. 

1 Vin  cum  signaculis  qui  vulgariter  Pincekelene  dicuntur.  Charte  de  l’an- 
née 1267.  Ibidem , 1. 1 , p.  665. 

2 Opéra  diplomatica , 1. 111 , p.  705. 

5 Charte  sans  date,  mais  qui  doit  appartenir  à la  seconde  moitié  du  dou- 
zième siècle.  M.  Jules  de  Saint-Génois,  Histoire  des  avouer ies  en  Belgique , 
p.  207  ; — Willems,  Brabantsche  Yeesten , 1. 1,  p.  616. 

1 Consultez,  à ce  sujet,  les  diplômes  que  Butkens  a fait  connaître  et  dont 
la  discussion  exigerait  un  travail  spécial. 


( 25  ) 

vins  restant  à la  nomination  du  chapitre)  et  confia  aux  bourgeois 
la  garde  des  remparts  et  des  portes  ]. 

Ap  rès  la  mort  de  Henri  III,  les  Nivellois  secouèrent  tout  à fait 
le  joug  de  l’obéissance,  pour  nous  servir  des  termes  mêmes  de 
l’évèque  de  Liège.  Ils  exercèrent  toutes  les  prérogatives  dont  l’ab- 
besse réclamait  la  possession.  Se  confédérer,  s’imposer  chacun  à 
un  certain  taux,  avec  une  réserve  fictive  des  droits  de  l’abbesse 
et  du  chapitre,  réorganiser  l’administration  de  la  justice  après 
avoir  destitué  les  justiciers  et  le  forestier  en  fonctions,  se  faire 
graver  un  nouveau  sceau,  emprisonner  dans  une  nouvelle  prison, 
promulguer  des  statuts  comminant  contre  les  contrevenants  la 
peine  de  la  mort  ou  de  la  confiscation,  voilà  les  griefs  que  les 
adhérents  de  l’abbesse  eurent  bientôt  à leur  reprocher.  Ils  se  li- 
vrèrent encore  à de  plus  graves  excès.  L’entrée  de  la  maison  de 
sainte  Gertrude  (de  la  maison  abbatiale,  pour  mieux  dire)  fut 
forcée  et  le  peuple  en  emporta  et  détruisit  les  portes.  Les  clefs 
des  portes  de  la  ville  furent  enlevées , les  gardes  de  ces  portes  , 
qui  étaient  à la  nomination  du  maire  et  des  échevins,  maltraités 
et  destitués,  le  produit  du  péage  que  l’on  y percevait,  con- 
fisqué. On  brisa  les  serrures  qui  défendaient  l’accès  des  tours  de 
la  collégiale  et  on  apporta  à ces  dernières  de  grands  change- 
ments. 

L’abbesse  et  le  chapitre,  ayant  porté  leurs  plaintes  au  roi  Ri- 
chard de  Cornouailles,  qui  se  trouvait  alors  en  Brabant,  ce  prince, 
par  un  diplôme  daté  de  Louvain,  le  5 juillet  1262,  confia  le  soin 
de  terminer  ce  différend  à l’évêque  de  Liège.  Henri  convoqua  à 
Fleurus  les  prêtres  de  toutes  les  localités  ressortissant  au  concile 
ou  doyenné  de  ce  nom,  leur  ordonna  de  menacer  d’interdit  les 
membres  de  la  commune,  et  les  chargea  d’inviter  ceux-ci  à se 
soumettre,  en  omettant  d’abord  la  sentence  d’excommunication. 
S’ils  persistaient,  ils  seraient  excommuniés;  s’ils  continuaient 
pendant  huit  jours,  les  plébans  ou  curés  de  Nivelles  étendraient 
rexcommunication  aux  familles  des  bourgeois,  et  huit  autres  jours 
plus  tard,  l’administration  des  sacrements  (sauf  le  baptême  des 


1 Chronique  manuscrite  de  Nivelles,  à la  Bibliothèque  royale,  n°  16,596. 


( 26  ) 


enfants  et  les  secours  de  la  religion  aux  mourants)  cesserait  tout 
à fait  L 


Quelque  sévère  que  fût  cet  ordre  du  prélat,  la  ville  se  refusa  à 
obéir.  Pendant  deux  ans,  elle  continua  la  lutte,  elle  conserva  ses 
nouvelles  franchises.  Enfin  elle  céda.  En  1265,  le  jour  de  la  divi- 
sion des  apôtres,  quatre  délégués  : Hugues  de  Rougnon , Rodol- 
phe de  la  Porte  Brûlée  (de  Combustà  porta),  Simon  de  Postito  et 
Emorandus  se  présentèrent  en  son  nom  devant  l’official  de  Liège, 
B.  de  Bossut,  en  présence  d’un  grand  nombre  de  clercs,  de  che- 
valiers et  d’autres  personnes.  Conformément  à ce  qui  avait  été 
convenu , ils  renoncèrent  à la  ligue  que  les  membres  de  la  com- 
mune avaient  formée  entre  eux,  et  remirent  à l’official  et  à l’abbé 
de  Sainte-Gertrude  de  Louvain  le  sceau  de  la  ville,  qui  fut  immé- 
diatement détruit.  Quelques  jours  après  l’évêque  approuva  tout 
ce  qui  s’était  fait 1  2.  Les  habitants  de  Nivelles  s’engagèrent  aussi  à 
restaurer  la  maison  abbatiale  et  fondèrent  en  outre  une  chapel- 
lenie dotée  de  cent  livres  3.  Leur  soumission,  cependant,  doit 
n’avoir  été  que  temporaire , car  en  l’année  1267,  ils  figurèrent 
encore  au  nombre  des  villes  du  Brabant  et  parmi  celles  qui  pos- 
sédaient un  sceau  particulier  4. 

Le  seul  acte  des  premières  années  de  la  régence  d’Aleyde  qui 
soit  relatif  aux  relations  du  duché  avec  les  pays  voisins  est  un  ac- 
cord conclu,  pour  un  terme  de  cinq  années,  commençant  à la  fête 
de  la  Purification  1261  (2  février  1262,  nouveau  style),  entre 
elle  et  la  comtesse  de  Flandre  Marguerite.  Les  deux  princesses  s’in- 


1 Diplôme  daté  du  jeudi  avant  la  nativité  de  la  vierge,  en  1265.  Cartidaire 
du  chapitre  de  Nivelles , f°  527. 

2 Le  dimanche  suivant,  l’official  fit  part  delà  soumission  des  Nivellois  à 
l’évêque  ( Cartulaire  cité,  folios  205,  256,  419) , qui  ratifia  le  même  jour  le 
traité  conclu  par  ses  soins  (f°  55). 

5 Au  mois  de  septembre  1275,  l’abbesse  Isabelle  reconnut  avoir  reçu 
soixante  livres  sur  les  cent  que  la  ville  devait  pour  doter  cette  chapellenie, 
ainsi  que  cela  avait  été  décidé,  « quant  on  fait  paix  du  débat  entre  madame 
» Odain , jadis  abbesse  de  Nivelles,  et  les  bourgeois  de  la  commune.  » Ibidem , 
f°  266. 

4 Voyez  plus  loin  , § 4. 


( 27  ) 

terdisent  la  faculté  de  donner  asile  aux  malfaiteurs  qui  seraient 
bannis  de  leurs  domaines  respectifs.  Une  seule  exception  est  faite, 
en  faveur  des  hommes  de  fief;  encore  ne  pouvait-on  les  accueillir 
s’ils  étaient  en  guerre  contre  leur  suzeraine,  et  devaient-ils  res- 
tituer ce  qu’ils  auraient  enlevé  [. 

L’histoire  intérieure  manque  également  de  clarté.  Outre  que  le 
pays  fut  agité  par  les  commotions  dont  plusieurs  villes  donnè- 
rent le  spectacle,  outre  les  rivalités  qui  s’agitèrent  au  sujet  de 
la  régence,  les  haines  et  les  vengeanees  particulières  se  satisfi- 
rent sans  crainte,  faute  d’un  pouvoir  assez  fort  pour  les  préve- 
nir et  les  réprimer.  Godefroid  et  Jakemon  ou  Jacques  de  Fleppe 
(ou  Velp)  furent  assassinés  par  Guillaume  de  Bcrgynes,  Bau- 
douin, son  frère,  Iwain  de  Fleppe  et  Nicolas  d’Udengyen  ou  lTdc- 
kem.  Ce  meurtre  occasionna  entre  les  coupables,  d’une  part,  et 
les  parents  des  victimes,  Arnoul  de  Fleppe,  Jakemon  de  Cler- 
mont et  la  famille  de  Beau  fort,  de  longues  querelles,  qui  ne  furent 
terminées  qu’en  1264.  On  condamna  les  meurtriers  à aller  à la 
terre  sainte,  d’où  ils  ne  pouvaient  revenir  qu’à  l’invitation  de  la 
partie  adverse;  déplus  on  confisqua  les  fiefs  que  les  deux  Bergynes 
tenaient  de  Godefroid  de  Fleppe 1  2. 


Les  restes  mortels  de  Henri  III  avaient  à peine  reçu  la  sépul- 
ture que  ses  proches  se  disputèrent  la  tutelle  de  ses  enfants  et 
l’administration  de  ses  États.  Le  droit  naturel  et  un  usage  presque 
universel  attribuent  aux  veuves  le  soin  de  veiller  à la  sûreté  et 
à l’éducation  de  leurs  enfants;  mais,  en  cette  occasion,  cette  sûreté 
ne  pouvait  être  garantie  que  par  l’intervention  d’un  ou  de  plu- 
sieurs chevaliers,  illustres  par  leur  naissance  et  leur  valeur.  Ce- 

1 Déclaration  d’AIeyde,  du  mardi  après  Quasimodo  1262.  Saint-Génois, 
Monuments  essentiellement  utiles , p.  597. 

2 Cette  paix  fut  faite  à Louvain,  devant  le  château,  Bulletins  de  la  Com - 
mission  royale  d’histoire,  lTe  série,  t.  IX,  p.  49. 


( 28  ) 

pendant  la  duchesse  Lu  (garde  avait,  dit-on,  gouverné  le  Brabant 
pendant  la  minorité  de  Godefroid  III *,  et  Blanche  de  Castille  avait 
régné  en  France  durant  les  jeunes  années  de  Louis  IX.  Mais,  tout 
récemment,  un  conflit  s’était  élevé  à ce  propos  en  Hollande,  où  on 
avait  contesté  à la  comtesse  Alice  la  tutelle  des  fils  qu’avait  laissés 
son  beau-frère,  le  roi  Guillaume.  L’orgueil  des  nobles  répugnait  à 
servir  sous  une  femme,  de  quelque  rang  qu’elle  fût.  Dans  des 
circonstances  de  ce  genre,  le  choix  d'un  tuteur  ou  d’un  premier 
conseiller  constituait  donc  un  acte  de  la  plus  haute  importance. 

Il  existait  plusieurs  descendants  males  du  duc  Godefroid  III, 
comme  on  peut  s’en  convaincre  en  jetant  les  yeux  sur  le  premier 
tableau  généalogique,  placé  à la  suite  de  notre  travail.  Quelques- 
uns,  comme  les  enfants  de  Hollande,  n’avaient  pas  encore  atteint 
leur  majorité;  d’autres,  notamment  le  seigneur  de  Perwez,  étaient 
séparés  par  un  certain  nombre  de  degrés.  Il  n’y  en  avait  guère 
que  deux  dont  les  prétentions  eussent  des  chances  d’être  accueil- 
lies : Henri  le  jeune,  landgrave  de  Thuringe,  et  Henri  de  Lou- 
vain, seigneur  de  Ilerstal,  le  premier,  frère  , le  second,  cousin  du 
duc  Henri  III. 

Par  malheur  pour  lui , le  landgrave  ne  se  trouvait  pas  en  posi- 
tion de  faire  valoir  scs  droits.  Scs  propres  États  étaient  livrés  à 
une  guerre  civile,  qui  se  perpétuait  depuis  la  mort  de  son  oncle 
maternel,  le  landgrave  Henri.  Ce  dernier,  qui  est  connu  dans 
l’histoire  sous  le  nom  de  Roi  des  prêtres , était  mort  le  IG  février 
1247.  Plusieurs  de  ses  vassaux  appelèrent  à lui  succéder  sa  sœur 
Sophie,  la  seconde  femme  du  duc  Henri  II  de  Brabant.  Bientôt 
privée  de  son  mari,  Sophie  ne  put  se  faire  reconnaître  que  dans 
une  partie  de  la  Hesse.  Son  cousin,  Henri,  marquis  de  Misnie,lui 
enleva  la  Thuringe,  et,  fatiguée  d’une  lutte  malheureuse,  elle 
retourna  en  Brabant.  Plus  tard,  elle  voulut  revendiquer  le  patri- 
moine de  ses  aïeux  pour  son  fils  Henri  dit  l’Enfant.  Ses  efforts 
n’eurent  pas  plus  de  succès.  Albert  de  Brunswick,  qui  commandait 

1 L’approbation  de  Lutgarde  à certains  actes  posés  du  temps  de  la  minorité 
de  Godefroid  III,  témoigne  de  la  déférence  et  du  respect  que  ce  prince  avait 
pour  elle.  Quant  aux  quatre  tuteurs  imaginés  par  le  chantre  de  la  guerre  de 
Grimberghe , ils  n’apparaissent  avec  ce  titre  dans  aucun  document. 


( 29  ) 

son  année,  lui  vaincu  et  pris  à Wettin,  le  20  octobre  1205,  et, 
pendant  sa  captivité,  Sophie  et  Henri  signèrent  l’abandon  défi- 
nitif de  la  Thuringe  au  marquis  et  à ses  fils  l. 

La  fortune  qui  poursuivait  Henri  au  delà  du  Rhin,  ne  lui  fut 
pas  plus  favorable  en  Brabant.  La  duchesse  Aleyde  parvint  à faire 
écarter,  par  les  états  du  duché,  ce  prétendant  à la  régence,  qui 
d’ailleurs  sortait  à peine  de  la  tutelle,  car  il  était  né  le  24  juin 
1244.  Toutefois  on  lui  paya  une  somme  d’argent,  peut-être  ces 
mille  marcs  pour  lesquels  le  comte  de  Gueldre  se  porta  caution 
envers  Sophie,  le  11  septembre  1202  2.  Henri  continua  à se  qua- 
lifier, sur  son  sceau,  de  tuteur  du  duc  de  Brabant  ou  de  tuteur 
de  Lotharingie  et  de  Brabant  7\  mais  sans  participer  à l’adminis- 
tration du  duché.  Seulement,  en  1260,  il  figura  le  premier  parmi 
les  seigneurs  qui  signèrent  l'alliance  conclue  entre  Aleyde  et  le 
comte  de  Clèves  4 * *,  et  parmi  ceux  qui  s’engagèrent  à faire  ratifier 
par  l'héritier  du  Brabant,  « lorsqu’il  aurait  atteint  l’âge  eom- 
» pètent  »,  la  donation  au  seigneur  d Heynsberg,  par  la  duchesse 
Aleyde  , d’un  fief  d’argent  3.  Puis  il  ne  reparut  dans  le  duché  qu’en 
1279.  Suivant  une  déclaration  qu’il  scella  à Bruxelles,  le  25  no- 
vembre, il  avait,  disait-il,  réclamé  une  part  dans  le  patrimoine 
de  son  père,  à l’instigation  de  ses  conseillers.  Mieux  informé,  il 
avait  acquis  la  conviction  du  peu  de  fondement  de  ses  prétentions, 
et  il  y renonçait  complètement,  en  promettant  de  renouveler  sa 
renonciation  par  devant  le  roi  d’Allemagne  Rodolphe  et  partout 

1 Voyez  Struvius,  Corpus  historiae  Germanicae , t.  IL 

2 Déclaration  du  comte  de  Gueldre,  du  il  septembre  126:2.  Ces  mille  marcs 
devaient  être  employés  à acheter,  c’est-à-dire  à désengager  la  terre  de  Rhode- 
sur-Dyle  ou  Rhode-Sainte-Agathe  ; si  cette  somme  n’est  pas  payée  par  Aleyde 
à Sophie  ou  à son  (ils , le  comte  promet  d’assigner  à ceux-ci  une  rente  de  cin- 
quante livres  de  Louvain  sur  ses  revenus  à Nodenbeke,  c’est-à-dire  Nodebais 
près  de  Grez , et  non  pas  Rodenbeke,  comme  l’avance  à tort  M.  Willems, 
Brabantsche  Yeesten  , t.  1,  p.  661. 

3 C’est  ce  que  dit  M.  de  Reiffenberg , dans  son  Mémoire  sur  quelques  an- 

ciennes prétentions  à la  succession  du  duché  de  Brabant , p.  8 ( Nouveaux 

Mémoires  de  l'Académie , t.  XI). 

i Voyez  plus  loin  § 5. 

3 Ibidem. 


( 50  ) 

où  le  duc  le  jugerait  convenable  *.  Nous  abandonnerons  ici  le 
landgrave,  en  nous  bornant  à ajouter  qu’il  vécut  jusqu’en  1508 1  2 *. 

Quant  à Henri  de  Louvain,  qui,  à son  titre  de  parent,  joignait 
celui  de  possesseur  des  belles  terres  baroniales  de  Herstal  et  de 
Gacsbeek5,  il  réclama  également  le  gouvernement  du  pays,  et, 
dans  le  principe,  ses  droits  furent  reconnus.  Mais  le  comte  de 
Gucldre  Othon  et  son  frère  Henri,  évêque  de  Liège,  après  s’être 
montrés  disposés  à le  favoriser,  adoptèrent  une  opinion  tout  à fait 
contraire.  Eux  aussi  étaient  des  petits-fils  du  duc  Henri  Ier,  par  leur 
mère  Marguerite  de  Louvain , femme  du  comte  Gérard  de  Gueldre. 

Aleyde,  trop  faible  pour  tenir  tête  à la  fois  à tant  d’adversaires, 
entreprit  de  mettre  à profit  leurs  rivalités.  Les  princes  gueldrois 
voulaient  supplanter  le  sire  de  Herstal  ; elle  resserra  ses  relations 
amicales  avec  eux,  puis,  à la  tète  de  ses  vassaux  et  accompagnée 
en  outre  de  Henri  et  d’Othon,  elle  dévasta  le  pays  de  Gaesbeck 
et  força  Henri  de  Louvain  à fuir.  On  ne  possède  qu’un  acte  relatif 
à cette  courte  querelle.  Le  roi  des  Romains  Richard  y intervint 
comme  médiateur,  ainsi  que  le  reconnaît  le  seigneur  de  Herstal 
dans  un  acte  en  date  de  l’année  1202  4.  Il  paraît  que  dès  l’année 

1 M.  de  Reiffenberg , 1.  c.,  p.  10,  d’après  Kopp,  Jus  succedendi  in  Braban- 
liam,  a donné  de  cet  acte  un  texte  meilleur  que  Butkens(t.  I,  Preuves,  p.  H 2). 

2 Butkens,  t.  Ier,  p.  «592.  Il  fut  enterré  à Marbourg,  dans  l’église  consacrée 

à son  aïeule,  sainte  Elisabeth  de  Hongrie,  dans  le  même  tombeau  que  sa 
mère,  près  de  laquelle  il  est  représenté,  encore  enfant.  Namêche,  Cours  d'his- 

toire nationale,  t.  V , p.  560. 

5 Butkens,  t.  1er,  p.  593. 

1 « Jou  Ilenris  deLouvaing,  sires  de  Herstal,  facli  savoir  à tout  ceaus  ki 
ces  letres  verront  et  orront , ke  je  loue  et  grée  le  respit  ke  li  rois  de  Ale- 
maingne  a prys  sour  lui  de  me  dame  la  duchoise  de  Brebant,  et  de  mi,  ehi 
à dimenche  après  la  division  des  aposteles  de  mi  et  de  miene  et  che  dimense 
tout.  En  tesmoing  de  mes  letres  pendans  saielées  de  mon  saiel.  Che  letres 
furent  donneies  en  l’an  del  incarnation  Nostre  Signeur  M.  CC.  sissante 
deus,  le  demarkes  après  le  jour  Saint  Martin  le  boillant.  » Cartulaire  de  Bra- 
bant B .,  f°  62.  — Remarquons  à ce  sujet  que  le  roi  Richard  se  trouvait  à 
Gand  le  2 juillet  1262  (Saint-Génois,  Monuments  essentiellement  utiles, 
p.  598),  le  4 du  même  mois , à Bruxelles , où  il  déclara  avoir  reçu  l’hommage  de 
la  régente  de  Hollande,  Aleyde,  veuve  de  Jean  d’Avesnes  {Ibidem,  p.  414),  et 
le  lendemain  à Louvain  (voyez  plus  haut,  p.  25). 


( 31  ) 

1264,  ce  dernier  s’était  réconcilié  avec  sa  souveraine,  puisque  le 
sire  de  Perwez  le  pria,  en  même  temps  que  la  duchesse,  d’ap- 
prouver son  testament. 

Si  nous  en  croyons  les  historiens  brabançons  *,  Aleyde  serait 
ensuite  parvenue  à écarter,  à prix  d’argent,  ses  deux  redoutables 
alliés.  Elle  aurait  elle -même  gouverné,  avec  l’assistance  de  deux 
nobles  du  premier  rang  et  également  alliés  à la  famille  ducale  : 
Godefroid,  sire  de  Perwez  et  de  Grimberghe,  arrière-petit-fils  de 
Godefroid  III,  et  Walter  Berthout , sire  de  Malines,  qui  avait 
épousé  une  cousine  de  Henri  III,  Mathilde,  fille  de  Guillaume, 
comte  d’Auvergne,  et  d’Aleyde  de  Louvain.  Guillaume  étant  mort 
en  1265,  la  duchesse  l’aurait  remplacé  par  Henri  de  Boutersheem 
ou  Bautersem 1  2.  Les  expressions  dont  se  servent  les  mêmes  histo- 
riens pourraient  faire  supposer  que  les  princes  de  Gueldre  aban- 
donnèrent complètement  l’autorité  qu’ils  revendiquaient  en  Bra- 
bant 3.  C’est  là  une  erreur  profonde,  comme  en  témoignent  les 
actes  nombreux  auxquels  ils  prirent  encore  part,  et  dont  voici 
quelques-uns  : 

En  1265,  le  lundi  avant  la  Saint-Clément,  ils  contribuent  à 
réconcilier  le  chapitre  et  les  notables  d’Anvers  5. 

Le  jour  de  l’Ascension,  en  1264,  Henri  intervient,  de  concert 


1 Le  seul  auteur  presque  contemporain  qui  parle  de  ces  querelles  pour  la 
tutelle  est  Van  Heelu  (livre  1er,  vers  110  et  suivants)  que  Van  Velthem  a 
certainement  copié  (livre  1er,  chap.  LX),  à moins  qu’ils  n’aient  puisé  tous 
deux  à une  source  commune.  Selon  De  Dynter  (t.  Il,  p.  418),  Aleyde  négocia  à 
la  fois  avec  l’évêque  Henri,  le  comte  Othon  et  le  landgrave,  qui  renoncèrent 
en  sa  faveur  à leurs  prétentions;  puis  elle  gouverna  pendant  sept  ans,  sous 
le  nom  de  son  fds  Henri , encore  mineur , et  avec  le  consentement  des  trois 
états  de  Brabant.  Butkens  a entrevu  la  vérité , car  il  a avancé  que  le  gou- 
vernement resta  quelque  temps  entre  les  mains  du  comte  Othon  (t.  I, 
p.  279). 

2 Henri,  seigneur  de  Bautersem,  conserva  une  grande  influence  jusqu’à  sa 
mort,  arrivée  en  1285.  En  1262 , le  dimanche  après  la  Sainte-Lucie,  il  occu- 
pait les  fonctions  importantes  de  sénéchal  ( Nobili  et  lionesto  Henrico,  domino 
de  Boutershem , dupifero  Brabantie,  disent  en  s’adressant  à lui  l’écoutète  et 
les  échevins  d’Anvers , Car  lui.  de  Brabant  B.,  f°  54). 

3 Voyez  plus  loin,  chap.  X. 


( 52  ) 

avec  Aleyde,  dans  la  querelle  causée  par  le  meurtre  des  seigneurs 
de  Yelp  1 ; 

Le  14  janvier  1264-1265,  l’évêque  et  Othon,  apres  mûre  déli- 
bération avec  les  nobles,  grands  et  puissants  du  duché  : le  sei- 
gneur de  Perwez,  Walter  Berthout,  Léon,  châtelain  de  Bruxelles; 
Arnoul,  seigneur  de  Rotselaer;  Arnoul,  seigneur  de  Walhain; 
Henri,  seigneur  de  Bauterscm,  et  quelques  habitants  des  villes, 
désignent  les  chevaliers  Lihcrt  de  Dus  et  Robert  Brise-tête  2 3 *,  pour 
assigner  à la  duchesse  Aleyde  le  douaire  que  son  mari  lui  avait 
promis,  savoir  : trois  mille  livres  de  Louvain  dans  la  ville  et  le 
bailliage  de  Jodoigne,  et  cinq  cents  dans  la  ville  de  Genappc  et  les 
lieux  voisins.  Les  chevaliers  Thicrri,  sire  de  Bierbeek,  et  Gosuin 
Boc,  furent  chargés  de  contrôler  cette  opération,  dans  l’intérêt  des 
enfants  de  Brabant 5 ; 

A la  lin  de  l’année  1265,  le  6 décembre,  l’évêque  se  trouvait 
encore  en  Brabant,  à Vilvorde.  II  gratifia  de  vingt  jours  d’indul- 
gence ceux  qui  aideraient  à achever  la  chapelle  du  béguinage  en 
cette  ville 

Aucun  écrivain  ne  s'est  occupé  de  celte  époque  de  la  vie  de 
Henri  de  Gueldre,  qui  va  de  la  dernière  fuite  du  tribun  Henri  de 
Dinant  jusqu’à  la  prise  de  la  citadelle  de  Sainte-Walburge  par  les 
citoyens  de  Liège,  si  ce  n’est  pour  dire  quelques  mots  de  scs 
guerres  contre  le  Brabant.  Lacune  malheureuse,  car  Henri  de 
Gueldre,  cet  Henri  tant  et  si  justement  flétri,  fut  un  instant  l’ar- 
bitre de  la  Belgique  presque  entière.  L'évêché  de  Liège  subissait 
respectueusement  sa  domination  ; étroitement  uni  à son  frère 
Othon,  Henri  régnait  par  lui  dans  la  Gueldre,  le  domaine  de  leurs 
aïeux,  et  en  Hollande  où  une  faction  avait  appelé  le  comte  à la 


1 Voyez  plus  haut,  p.  27. 

2 Ce  Robert  Brise-tête  avait  un  château  au  lieu  dit  As  Manaujes,  sur  Se- 
neffe;  il  y fonda  une  chapelle  oii  la  célébration  du  service  divin  fut  autorisée 
par  Nicolas,  évêque  de  Cambrai,  en  1262,  le  mercredi  après  Quasimodo. 

3 Brabantsche  Yeesten,  t.  1 , p.  662.  — Dans  le  principe,  Aleyde,  paraît-il 

avait  possédé  certains  droits  à Leel'dael  et  aux  environs.  Voyez  mon  Histoire 
des  environs  de  Bruxelles , t.  III,  p.  437. 

5 histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  II , p.  504. 


( 33  ) 

régence.  Depuis  l’année  1238  environ , la  riche  abbaye  de  Stavelol 
le  reconnaissait  pour  son  abbé.  La  comtesse  de  Flandre  et  de  Hai- 
naut,  Marguerite  de  Constantinople,  après  avoir  lutté  contre  lui, 
après  avoir  donné  asile  à Henri  de  Dinant,  qui  exerçait  encore 
en  1203  les  fonctions  de  bailli  de  Lille  J,  la  comtesse  Marguerite, 
dis-je,  était  revenue  à d’autres  sentiments,  et  avait  pris  de  lui  en 
fief  les  francs-alleux  qu’elle  possédait  dans  la  Flandre  impériale, 
c’est-à-dire  la  ville  de  Grammont  et  la  terre  de  Bornhcm 1  2 3.  Le  fils 
de  Marguerite,  Guy  de  Dampierre,  ayant  acquis  le  comté  de  Na- 
mur,  s’empressa  également  de  relever  de  l’évêque  le  château  de 
Samson  s.  Enfin,  à la  même  époque  où  le  prélat  semblait  absorbé 
par  des  préoccupations  sans  nombre,  il  consentit  à intervenir 
comme  médiateur  dans  la  longue  querelle  des  habitants  de  Cologne 
et  de  leur  nouvel  archevêque. 


III. 


Quel  événement  vint  rompre  la  bonne  harmonie  qui  semblait 
régner  entre  le  Brabant  et  le  pays  de  Liège?  Les  princes  guel- 
drois,  comme  le  dit  Van  lieclu,  s'indignèrent-ils  de  ce  qu’on  ne  les 
acceptait  pas  pour  mambours  4?  Cette  assertion  est  démentie  par 
les  faits  que  nous  venons  d’exposer.  A en  croire  d’autres  auteurs, 
un  débat  avait  surgi  à propos  de  Malines,  Hougaerdc  et  Beauve- 
chain,  et  l’évêque  Henri  avait  remboursé  à la  duchesse  les  treize 
mille  marcs  pour  lesquels  ces  territoires  avaient  été  engagés  à 
son  époux,  et  demandé  le  rétablissement  de  son  autorité.  Mais  les 
Malinois  résistèrent,  à l’instigation  de  Walter  Berthout,  qui  avait 


1 Acte  du  mois  de  juillet  1263,  Saint-Génois,  Monuments,  p.  601. 

2 Acte  du  mois  de  mai  1263.  Walter  Berthout  et  Godefroid  de  Perwez  in- 
tervinrent comme  témoins  à la  prestation  de  cet  hommage,  ainsi  qu’à  l’acte 
Auquel  se  rapporte  la  note  suivante.  Saint-Génois,  Monuments , p.  600. 

3 Veille  du  jour  de  saint  Jacques  apôtre,  24  juillet  1263.  De  ReitFenberg,  Mo- 
numents pour  servir  à l' histoire  des  provinces  de  Namur,  etc.,  t.  Ier,  p.  149. 

1 Vers  277  et  suivants,  et  d’après  lui  Van  Velthem,  chap.  XL!  et  XLli. 
Tome  XIII.  5 


( 54  ) 

constamment  accru  l’influence  dont  il  jouissait  dans  leur  ville  et 
s’en  était  constitué  le  véritable  seigneur  L Et  en  effet,  Henri  et 
Berthout  se  querellèrent  bientôt  au  sujet  de  Malincs. 

La  comtesse  Marguerite  et  son  fils  Guy,  les  comtes  de  Gueldre 
et  de  Juliers,  pris  pour  arbitres,  ordonnèrent  aux  deux  parties  de 
comparaître  à Binche,  le  lendemain  de  la  nouvelle  année  (2  jan- 
vier 1266-1267).  Là,  questionné  sur  le  choix  de  l’évêque  de  Cam- 
brai en  qualité  d’arbitre  définitif,  Ilenri  répondit  négativement  et 
partit1 2 3.  Bientôt  la  lutte  fut  transportée  sur  un  autre  terrain. 

Le  château  de  Falais  situé  près  de  la  Mchaigne,  entre  Huy  et 
Hannut,  relevait  du  duché;  l’évêque,  après  avoir  vainement  essayé 
d’en  faire  l’acquisition,  alla  l’assiéger.  A cette  nouvelle  Berthout 
appela  tous  les  Brabançons  aux  armes  ; il  n’était  pas  arrivé  à 
Hannut,  que  l’évêque,  dont  l’armée  n’était  sans  doute  pas  assez 
nombreuse  pour  lui  permettre  d’accepter  le  combat,  se  décida  à 
battre  en  retraite  5. 

Cet  échec  augmenta  sa  haine  contre  Berthout.  Pour  mieux  se 
venger  de  lui,  il  appela  à son  secours  « maint  baron,  maint  haut 
» homme  d’au  delà  et  d’en  deçà  du  Rhin,  ducs  et  comtes,  pauvres 
» et  riches.  » Seuls,  Thierri  de  Fauquemont  et  ses  parents  lui  re- 
fusèrent leur  appui.  La  comtesse  de  Flandre,  qui  lui  devait  le  ser- 
vice féodal  à double  titre,  pour  le  comté  de  Hainaut  d’abord,  puis 
pour  Grammont  et  Bornhem,  se  prépara  à l’appuyer,  et  concentra 
ses  vassaux  sur  les  bords  de  l’Escaut,  entre  Bornhem  et  Bupel- 
monde  4. 

Selon  Jean  d’Outrcmcusc 5,  l’évêque,  accompagné  des  comtes  de 
Gueldre,  de  Juliers,  de  Berg,  de  Nassau  et  de  Looz,  et  suivi  de 
soixante  mille  hommes,  détruisit  successivement  Hannut,  Landen, 
Tirlemont  et  Viivorde.  Les  Brabançons  ne  parlent  pas  de  ces  succès 

1 Fisen , Historia  ecclesiae  Leodiensis , pars  II , p.  16. 

2 Déclaration  des  arbitres,  en  date  de  la  nuit  de  l’apparition  (ou  Épiphanie) , 
en  1266,  Saint-Génois,  Monuments , p.  611. 

3 Van  Heelu , /.  c.  — Le  romancier  d’Oulrenieiise  attribue  le  siège  de  Falais 
à la  folle  passion  de  l’évêque  pour  la  dame  de  ce  château. 

4 Van  Heelu. 

3 Cité  parM.  Willems,  Van  Heelu,  p.  19. 


( 35  ) 

de  Henri  de  Gueldre,  succès  qu’on  essaierait  difficilement  de  con- 
tester, car,  sans  les  avoir  obtenus,  le  prélat  n’aurait  pu  pénétrer 
jusqu’à  Malines,  et  sans  avoir  assuré  sa  retraite,  ne  se  serait  pas 
engagé  si  loin  de  ses  domaines.  Un  bref  du  pape  Clément  IV, 
que  nous  citerons  plus  loin,  nous  fournit  quelques  détails  sur 
l’expédition  de  Henri.  Suivant  le  souverain  pontife,  qui  se  base 
sur  les  plaintes  formulées  par  la  duchesse,  l’évêque,  du  consente- 
ment du  doyen,  du  grand  chapitre  et  des  autres  églises  de  Liège, 
avait  réuni  les  chanoines  et  les  vassaux  de  l’évêché,  avait  attaqué 
le  Brabant,  sans  motifs  raisonnables,  et,  sans  écouter  les  propo- 
sitions de  la  duchesse,  il  y avait  causé  de  grands  dégâts,  pillé 
plusieurs  villages  et  un  monastère  et  incendié  d’autres  localités, 
notamment  une  église,  où  des  hommes  et  des  femmes  avaient 
cherché  un  refuge. 

Malines  n’avait  alors  d’autre  défense  que  la  vaillance  de  scs  habi- 
tants; son  ancienne  enceinte  étant  devenue  insuffisante,  ses  quar- 
tiers extérieurs  n’étaient  protégés  que  par  des  barrières  ou  bar- 
ricades (en  flamand  hameyden)  J.  Berthout  les  occupait  avec  des 
troupes  nombreuses,  mais  se  montrait  peu  soucieux  de  com- 
battre l’évêque,  son  suzerain.  Henri,  au  contraire,  désirait  une 
bataille,  parce  qu’il  comprenait  le  danger  de  sa  situation,  au  mi- 
lieu d’un  pays  ennemi,  où  son  armée  souffrait  du  manque  de 
vivres,  où  l’on  s’efforcait  de  toute  manière  à lui  couper  ses  com- 
munications. 

Pendant  trois  jours  les  deux  armées  restèrent  en  présence, 
n’attendant  qu’un  signal  pour  commencer  la  lutte.  Dans  l’entre- 
temps,  les  alliés  de  l’évêque,  entre  autres  la  comtesse  Marguerite, 
travaillèrent  à ménager  une  trêve.  Pour  donner  une  satisfaction 
apparente  à Henri  de  Gueldre,  qui  avait  juré,  par  saint  Lambert, 
d’entrer  dans  Malines,  on  l’autorisa  à y venir,  mais  seulement 
avec  une  suite  de  trois  personnes.  Le  prélat  approcha  en  effet  de  la 

1 En  1268,  le  samedi  avant  la  Saint-Thomas  d’hiver,  Berthout  céda  à la 
gilde  de  Malines,  l’eau  et  les  poissons  du  fossé  entourant  cette  ville,  pour 
l’utilité  de  celle-ci.  Dans  notre  opinion,  il  s’agit  ici  de  l’ancien  fossé,  qui  était 
devenu  inutile  par  suite  de  l’accroissement  de  Malines.  La  commune  fut  au- 
torisée à l’utiliser,  à la  condition,  sans  doute,  d’en  creuser  un  nouveau. 


( 36  ) 

ville,  mais  il  se  borna  à appuyer  sa  main  sur  la  barrière,  comme 
pour  témoigner  qu’il  prenait  possession  de  son  domaine  b 
Irrité  du  pauvre  résultat  d une  entreprise  annoncée  avec  tant 
de  bruit,  il  retourna  en  hâte  dans  ses  Etats,  puis  il  se  rendit  à 
Maestriclit,  où  il  entra  à main  armée.  Il  y fit  abattre  les  potences, 
où  l’on  pendait  les  coupables  condamnés  par  les  officiers  du  duché 
de  Brabant,  et  renverser  le  banc  de  justice  (dingebank) , où  les 
écbevins  siégeaient  sous  la  présidence  de  ces  officiers;  ceux  des 
habitants  qui  étaient  sujets  du  duc  durent  aussi  prêter  serment  de 
fidélité.  Puis  il  alla  attaquer  la  tour  qui  protégeait  à Wyck  le  pas- 
sage du  pont  sur  la  Meuse.  Les  Brabançons  avaient  envoyé  à la 
garnison  un  renfort  de  trois  cents  hommes,  commandés  par  le 
sire  de  Fauquemont;  l’attaque  des  Liégeois  fut  si  impétueuse,  que 
la  tour  fut  prise  avant  l’arrivée  de  Fauquemont.  On  la  détruisit 
de  fond  en  comble,  et  on  en  employa  les  débris,  dit  d’Outre- 
meuse,  à réparer  le  château  de  Montfort,  le  séjour,  ou  plutôt  le 
repaire  favori  de  Henri 1  2. 


1 Van  Heelu  et  Van  Velthem.  — Hocsem  convient  que  l’évêque  fut  obligé 
de  se  retirer.  Selon  les  annalistes  de  Bois-le-Duc,  les  bourgeois  de  celle  ville 
se  conduisirent  si  vaillamment  en  celle  occasion,  que  les  Malinois  leur  offri- 
rent le  corps  de  saint  Rombaud.  Sur  leur  refus,  il  fut  décidé  que  lorsque  des 
habitants  de  Bois-le-Duc  assisteraient  à Malines  à la  procession  de  la  ker- 
messe (ou  ommegang) , il  leur  serait  permis  d’aider  à porter  les  reliques  véné- 
rées du  saint  patron.  Cette  coutume  était  encore  observée  en  1563  (Van 
Heurne,  Historié  vcin  S'IIertoijenbosch  , t.  1,  p.  151  , édit,  de  1776,  d’après 
Oudenhoven). 

Le  plus  grand  nombre  des  historiens,  d’après  Hocsem  (chap.  Vil,  dans 
Chapeauville , t.  II,  p.  296),  place  le  siège  de  Malines  en  1267,  tandis  qu’ail- 
leurs  (Fisen,  et  alibi),  on  le  rejette  en  1266.  Cette  discordance  peut  être 
attribuée  aux  différents  modes  de  compter  les  années  dont  on  se  servait  en 
Belgique.  D’Outremeuse  place  l’expédition  de  l’évêque  vers  la  Saint-Denis,  ce 
qui  n’explique  rien,  car  il  y a plusieurs  saints  de  ce  nom;  Fisen  parle  du 
Ier  octobre  1266.  C’est  trop  tôt.  11  faut,  je  crois , préférer  les  premiers  et  non 
les  derniers  mois  de  1267.  C’est  pour  n’avoir  pas  admis  ce  système  que  le 
savant  Ernst  s’est  trouvé  dans  l’embarras  (t.  V,  p.  269).  D’après  la  narration 
de  nos  anciens  auteurs,  cette  expédition  a précédé  la  renonciation  au  trône 
du  jeune  duc  Henri,  qui  eut  lieu  au  mois  de  mai  1267. 

2 Van  lleelu,  Van  Velthem,  Hocsem. 

r ■ ' ' . 


L’élu  assiégea  encore  et  emporta  le  château  de  Hierge,  dont  le 
seigneur,  Gérard,  sire  de  Jauche,  informa  la  duchesse  Aleyde,  le 
lendemain  de  la  mi-Carème  de  l’année  1268,  qu’il  renonçait,  à son 
grand  regret,  à l’hommage  qu’il  lui  devait  pour  la  terre  de  Jau- 
che b 

Nos  auteurs  se  taisent  tous  sur  la  manière  dont  se  terminèrent 
ces  débats,  parce  qu’ils  n’ont  pas  connu  trois  actes,  dont  un  n’a  été 
publié  que  récemment  par  M.  le  professeur  David,  et  dont  un  autre 
est  resté  inédit.  Le  souverain  pontife,  dont  l’intervention  avait  été 
invoquée  par  Aleyde,  avait  enjoint  à trois  dignitaires  de  l’église  de 
Reims  d’évoquer  l’affaire,  d’en  décider  sans  admettre  d’appel,  et 
de  rejeter  toute  bulle  contraire  qui  leur  serait  présentée 1  2.  Sur  les 
instances  des  seigneurs  de  Herstal,  de  Wesemale,  de  Diest,  de 
Rotselaer,  de  Bautersem  et  de  Walhain,  et  du  chevalier  Henri  de 
Duffel,  Berthout  consentit  à accepter  un  arbitrage.  Gérard,  chan- 
tre de  Liège,  Walter  de  Lu  de  et  Fastré  de  Ferme,  chevaliers,  nom- 
més par  l’évêque,  Baudouin  d’Eechove,  doyen  de  Malines,  les  sires 
de  Duffel  et  de  Bautersem,  choisis  par  Berthout,  reçurent  la  mis- 
sion d’examiner  les  droits  respectifs  des  deux  parties  et  de  décider 
la  contestation  d’une  manière  absolue,  « sans  fracas  de  paroles  3.  » 
Si,  à la  nativité  de  saint  Jean-Baptiste,  ils  ne  s’étaient  pas  mis 
d’accord,  leur  mission  serait  dévolue  aux  abbés  de  Saint-Trond  et 
de  Saint-Feuillen;  enfin  si  ces  derniers  ne  se  prononçaient  pas 
dans  les  deux  mois,  ils  étaient  tenus  d’aller  à Huy  et  d’y  rester 
jusqu’à  ce  qu’ils  se  fussent  entendus,  le  tout  aux  frais  des  parties 
(4  décembre).  Les  seigneurs  cités  plus  haut  ratifièrent  cet  arran- 
gement et  se  soumirent  également  à séjourner  à Huy,  si  Berthout 
manquait  à ses  engagements. 

Au  sujet  des  «bastens»  (ou  débats),  qui  existaient  entre  Henri, 
d’une  part,  la  duchesse  et  scs  enfants,  d’autre  part,  par  suite  des 
saisies  que  le  premier  avait  exercées  sur  les  rentes  et  biens  des 

1 Butkens , t.  lrr , Preuves , p.  101 . 

2 Bref  daté  de  Viterbe , le  31  janvier  1 268 , Martene  et  Durand , Amplmima 
collectio,  t,  I,  col.  1554. 

5 Sine  strepitu  advoca forum , David,  Geschieclenis  van  Mechelen,  pp.  445 
et  446. 


( 38  ) 

seconds,  depuis  la  fête  des  saints  Simon  et  Jude  de  l’année  1207, 
et  par  suite  des  « lois  et  amendes  » réclamées  au  nom  du  prélat 
parce  que  l’interdit  jeté  sur  le  Brabant  et  ses  habitants  n’avait 
pas  été  observé,  le  sire  de  Bautcrsem  et  Rase  de  Cortessem,  châ- 
telain de  Calmont,  désignés  pour  négociateurs,  mirent  entièrement 
à néant  les  unes  et  les  autres,  sans  préjuger  du  fondement  des 
réclamations  des  deux  parties  G 

Le  Brabant,  depuis  le  milieu  de  1207,  obéissait  à un  nouvel  et 
vaillant  seigneur.  Cette  circonstance  détermina  peut-être  Henri 
de  Gueldre  à se  montrer  accommodant,  car  ailleurs  ses  armes 
étaient  victorieuses  ; un  succès  signalé , remporté  au  delà  du 
Rhin  sur  l’archevêque  de  Cologne,  allié  du  Brabant,  lui  permet- 
tait de  conduire  une  seconde  fois  ses  troupes  dans  ce  dernier 
pays. 

Au  moment  où  ses  relations  avec  Henri  de  Gueldre  devenaient 
difficiles,  évidemment  dans  le  but  de  se  créer  des  appuis  contre 
lui,  Aleyde  avait  ouvert  d’actives  négociations.  Elle  assigna  à 
Thierri,  sire  de  Heynsberg,  un  fief  de  cent  livres  de  Louvain,  et 
promit,  de  concert  avec  Henri,  landgrave  de  Thuringe,  les  sei- 
gneurs d’Enghien  et  de  Malines  et  Henri  de  Bautersem , que 
cette  donation  serait  approuvée  par  l’héritier  du  Brabant,  lorsqu’il 
serait  arrivé  à l’âge  compétent.  Quand  Heynsberg  servirait  la  du- 
chesse, de  ce  côté  de  la  Meuse,  vers  le  Brabant,  on  devait  l’indem- 
niser de  ses  dépenses,  et  lui  payer  suivant  une  taxation  à l’amiable, 
les  chevaux  qu’il  perdrait.  Les  parties  contractantes  s’engagèrent 
à se  soutenir  mutuellement  et  à ne  pas  conclure  de  paix  sans  leur 
consentement  mutuel  G 

Quelques  jours  après,  d’autres  alliances  offensives  et  défensives 

1 Lundi  avant  la  Saint-Marc,  1269,  Cartulaire  de  Brabant  B.,  f°  70. 

2 Heynsberg  avait  d’abord  reçu  en  fief  une  rente  sur  Maestricbt,  mais  par 
l’acte  où  nous  puisons  ces  détails  et  qui  est  daté  du  mercredi  après  la  Saint- 
Remi  1266,  Berthout,  le  sire  de  Bautersem,  Adam  de  Haren  et  Godefroid 
Luscus,  furent  chargés  de  lui  assigner  d’autres  revenus  en  garantie.  On 
hypothéqua  la  rente  en  question  sur  les  revenus  de  la  halle  au  blé  et  sur  les 
tonlieux  dit  Pont-Tol  et  Clawiren  (sic)  à Louvain.  Acte  en  date  du  mercredi 
avant  la  Saint-Jean-Baptiste  1267.  Cartulaire  de  Brabant  B.,  f°  24. 


( 39  ) 

furent  contractées  entre  la  duchesse,  d’une  part,  l’archevêque  de 
Cologne  Engelbert  et  le  comte  de  Clèves,  d’autre  part.  Par  un  traité 
qui  devait  durer  jusqu’à  la  fête  de  Pâques  1271,  Engelbert  s’en- 
gagea à protéger  Aîeyde,  puissamment  et  ouvertement,  contre 
tout  homme,  sauf  contre  l’empire  romain;  si  elle  était  attaquée  et 
si  elle  demandait  des  secours,  il  lui  enverrait,  à ses  propres  frais 
(sauf  que  la  duchesse  leur  devait  des  vivres  si  elle  guerroyait  au 
delà  de  la  Dendre),  deux  cents  cavaliers  armés,  chevaliers  ou  fils 
de  chevaliers,  pour  la  servir  aussi  longtemps  qu’elle  le  jugerait 
nécessaire.  Le  comte  de  Clèves,  Gérard,  comte  de  Nuenare,  les 
seigneurs  Thierri  de  Fauquemont,  Thierri  de  Heynsberg,  Brunon 
de  Brunsberg,  Gérard  de  Wiîdenberg,  Guillaume  de  Hohenstein, 
Waleram,  fils  du  seigneur  de  Fauquemont,  et  Henri,  écoutête 
d’Andernach,  scellèrent  cet  accord  et  s’engagèrent  à en  recom- 
mander l’observation  à l’archevêque  h Dans  le  traité  avec  le  comte 
de  Clèves,  Aleyde  promet  à ce  prince  un  secours  de  cent  cava- 
liers, auxquels  son  allié  fournira  des  vivres  s’il  les  conduit  au 
delà  du  Rhin 1  2 *. 

Aleyde  comptait  encore,  parmi  ses  défenseurs,  le  frère  de  l’ar- 
chevêque, le  brave  Tbierri,  seigneur  de  Fauquemont,  qui  devint 
son  vassal  pour  une  rente  de  deux  cents  livres  de  Louvain,  à pré- 
lever sur  les  revenus  du  pont  de  Maestricht  5.  Lorsque  cette  ville 
fut  prise  par  Henri  de  Gueldre,  Tbierri,  en  s’engageant  à guer- 
royer contre  cet  évêque  et  contre  ses  alliés,  promit  de  faire  tous 
ses  efforts  pour  la  reprendre,  et  fut  autorisé,  s’il  réussissait,  à la 
garder  pour  lui , c’est-à-dire  à en  percevoir  les  revenus  à son  pro- 
fit, pendant  une  demi-année  4. 

Toutes  ces  négociations,  tous  ces  préparatifs  n’aboutirent  qu’à 

1 Brabantsche  Yeesten , t.  1,  p.  663. 

2 Ce  traité  fut  scellé,  à la  demande  de  la  duchesse,  par  son  cher  frère, 
Henri,  landgrave  de  Thuringe,  sire  de  Hesse,  les  sires  d’Enghien  et  de  Matines, 
Henri,  frère  de  celui-ci,  Henri  d’Assche,  Arnoul  de  Rotselaer,  Arnoul  de 
Wesemale,  Arnoul  de  Walhain,  Henri  de  Bautersem,  Cartulaire  de  Brabant 
B.,  f°  47. 

5 12  juin  1267,  Butkens,  Preuves,  p.  103. 

4 18  octobre  1267.  Ib.  Id.,  /.  c. 


( 40  ) 

de  cruels  mécomptes.  L’archevêque  Engclbert,  loin  de  pouvoir 
marcher  au  secours  de  la  duchesse  de  Brabant,  fut,  après  une 
latte  terrible,  vaincu  et  pris  par  ses  implacables  adversaires,  et 
son  frère  perdit  la  vie  en  essayant  de  le  délivrer.  Les  épisodes 
de  cette  guerre  se  lient  trop  intimement  à notre  sujet  et  sont  trop 
peu  connus  en  Belgique  pour  que  nous  n’en  présentions  pas  un 
résumé. 

Quelque  temps  après  son  avènement  à l’épiscopat,  Engelbert 
exigea  la  remise,  entre  ses  mains,  des  clefs  des  portes  de  Cologne, 
et  fit  élever  deux  tours  aux  extrémités  de  cette  ville,  afin  d’en 
contenir  les  bourgeois  dans  la  soumission.  Il  se  manifesta  aussitôt 
parmi  le  peuple  un  grand  mécontentement,  que  la  levée  de  nou- 
velles impositions  fit  éclater.  Les  bourgeois  prirent  d’assaut  les 
deux  tours  (8  juin  1262).  Engelbert,  à la  tête  de  ses  vassaux, 
s’avança  vers  la  ville,  qu’il  espérait  surprendre,  mais  son  at- 
tente fut  déçue.  Toutefois  les  Colonais  consentirent  à payer  une 
amende  de  6,000  marcs;  de  son  côté,  le  prélat  pardonna  aux 
bourgeois  que  son  prédécesseur  Conrad  avait  proscrits  (16  juin 
1262). 

A en  juger  par  ces  événements,  l’élément  aristocratique  de  la 
bourgeoisie  avait  alors  ressaisi  le  pouvoir  à Cologne.  C’est  pour- 
quoi l’évêque  de  Liège,  qui  avait  eu  de  si  rudes  combats  à soute- 
nir contre  la  commune  de  la  ville  de  ce  nom,  s’efforçant  à deve- 
nir démocratique,  embrassa  avec  chaleur  la  cause  des  Colonais, 
et  ses  querelles  avec  les  Brabançons  n’eurent  peut-être  pas  d’autre 
cause  qu'une  divergence  complète  d’idées  sur  l’administration  in- 
térieure des  villes.  En  Brabant  aussi  le  peuple  voulait  restreindre 
le  pouvoir  exorbitant  des  échevins;  ces  tendances,  qu’Henri  avait 
combattues  dans  ses  Etats,  devaient  nécessairement  lui  être  partout 
antipathiques.  Au  surplus,  meilleure  était  la  position  d’une  cité, 
mieux  on  pouvait  y organiser  fortement  la  partie  notable  de  la 
bourgeoisie.  L’immense  commerce  dont  Cologne  était  le  centre  y 
enrichissait  une  foule  de  marchands,  de  banquiers,  de  proprié- 
taires, aux  intérêts  desquels  se  rattachait  l’existence  d’une  partie 
nombreuse  des  classes  inférieures.  On  peut  ainsi  s’expliquer  com- 
ment cette  ville  put,  au  treizième  siècle,  malgré  le  mécontente- 


( « ) 

ment  des  hommes  de  métiers,  soutenir  si  longtemps  et  avec  tant 
[le  gloire,  des  luttes  continuelles. 

Malgré  un  nouvel  accord,  la  défiance  continua  à régner  entre 
l’archevêque  et  les  Colonais,  et  un  jour  que  le  prélat  présidait  sa 
20 u r de  justice,  il  fut  pris  avec  quelques-uns  de  ses  principaux  par- 
tisans comme  coupable,  dit-on,  d’avoir  voulu  se  rendre  maître  de 
la  cité  et  d’y  avoir  introduit  des  hommes  d’armes  dans  ce  but. 
Les  amis  du  prélat  négocièrent  sa  délivrance  (IG  décembre  1263), 
[nais  le  pape  Urbain  IV  annula,  comme  extorqué  parla  violence, 
l’accord  qui  avait  été  conclu,  et  l’archevêque  recommença  la 
guerre.  Il  était  parvenu  à attirer  dans  son  parti  le  peuple,  mécon- 
tent de  quelques  lois  somptuaires  et  du  taux  excessif  des  assises. 
Une  fête  organisée  par  un  de  ses  partisans  provoqua  une  lutte 
mtre  les  hommes  de  métiers  et  les  principaux  bourgeois,  mais 
2eux-ci  en  sortirent  victorieux  et  un  complot  formé  pour  ouvrir 
les  portes  à l’archevêque  ne  réussit  pas  davantage.  En  vain  Engel- 
bert rassembla  une  armée  formidable  avec  laquelle  il  parut  devant 
Cologne,  le  5 septembre;  dix  jours  après,  il  dut  lever  le  siège  de 
?ette  ville.  De  nouvelles  négociations  ramenèrent  la  paix  (8  mars 
1264-1263)  et  rendirent  au  prélat  une  partie  de  son  ascendant. 
Vlais  il  n’en  profita  que  pour  raviver  la  haine  qu’on  lui  portait. 

Le  comte  de  Juliers,  en  qualité  d’avoué  de  l’église  de  Cologne, 
Vit  appelé  pour  opérer  une  réconciliation;  n’ayant  pas  réussi  à 
"amener  Engelbert  à d’autres  sentiments,  il  se  déclara  contre  lui 
3t  aida  les  bourgeois  à chasser  de  la  ville  les  épiscopaux , qui  du- 
rent se  retirer  à Bonn.  Ces  événements  furent  le  signal  d’une 
scission  générale  parmi  les  princes  de  la  basse  Allemagne.  L’ar- 
•hevêque  se  ligua  avec  les  évêques  de  Paderborn  et  d’Osnabruck, 
e duc  de  Li  ni  bourg,  la  duchesse  de  Brabant,  le  comte  de  Clèves, 
e sire  de  Fauquemont;  le  comte,  de  son  côté,  fut  appuyé  par  les 
ïvêques  de  Liège,  d’Utrecht  et  de  Munster,  les  comtes  de  Gueldre, 
le  Berg,  de  Juliers,  Gerlac  d’Isenbourg,  et  un  grand  nombre  d'au- 
tres seigneurs.  Engelbert  attaqua  le  comté  de  Juliers  et  s’empara 
;îe  Sintzig;  mais,  atteint  par  scs  ennemis  dans  la  plaine  de  Ma- 
rienwald,  entre  Zulpich  et  Lechenich,  il  y éprouva  une  défaite 
complète,  et  resta  au  pouvoir  du  vainqueur  avec  les  deux  évêques 


( 42  ) 

ses  alliés,  le  grand  prévôt  de  Mayence  et  pins  de  mille  autres 
guerriers  (18  octobre  1267)  h 

Le  comte  de  Juliers,  si  l’on  en  croit  les  écrivains  du  temps,  se 
déshonora  par  le  traitement  barbare  qu’il  infligea  à son  malheu- 
reux parent.  Non  content  de  le  garder  chargé  de  chaînes,  à Nidce- 
ken,  dans  un  cachot  affreux,  il  faisait  parfois  attacher  au  dehors 
de  cette  prison  une  cage  de  fer,  où  le  prélat  devait  rester  aussi 
longtemps  que  le  comte  l’ordonnait.  Les  démarches  que  l’on  fît 
pour  obtenir  sa  délivrance,  restèrent  longtemps  infructueuses. 
Quand  on  parlait  au  comte  de  cet  objet  : « Ce  n’est  pas  un  prélat, 
» disait-il , que  je  tiens  enfermé,  mais  un  oiseau  de  proie  que  j’ai 
» pris  sur  mes  terres.  >•  11  brava  audacieusement  les  menaces  et 
les  foudres  du  pape,  et  Engelbert  ne  fut  relâché  qu’en  1271, 
quand  il  eut  fait  sa  paix  avec  les  Colonais,  par  l’intermédiaire 
d’Albert  le  Grand,  ex- évêque  de  Ratisbonne,  alors  lecteur  du 
couvent  des  dominicains  de  Cologne. 

Dans  l’entretemps,  le  duc  de  Limbourg  tenta  de  surprendre 
Cologne.  Des  partisans  du  prélat  avaient  déterminé  le  nommé 
llaveneil  à pratiquer  une  ouverture  sous  Une  arcade  voisine  de  la 
porte  Saint-Ulric.  Le  duc  de  Limbourg  promit  d’accourir  à leur 
aide,  à la  tète  de  cinq  cents  hommes;  il  pénétra,  en  effet,  dans 
la  ville,  et,  en  attendant  ses  alliés,  il  rangea  sa  troupe  dans  le  jar- 
din de  l’abbaye  de  Saint-Pantaléon.  Là  il  fut  aperçu  par  un  nommé 
Herman  Vinckelbaert.  L’alarme  ayant  été  donnée,  les  bourgeois 
accoururent  en  foule.  Après  un  combat  terrible , la  plupart  des 
assaillants  furent  pris  ou  tués,  ainsi  que  Thierri  de  Heusdcn,  et 
Waleram,  fils  du  sire  de  Fauquemont.  Celui-ci,  Jean  de  Ileusden, 
frère  de  Thierri,  Henri  et  Albert  de  Herpene,  et  Arnoul  de  Jule- 
mont,  périrent  les  armes  à la  main  (15  octobre  1268).  Le  duc  fut 
relâché  au  bout  de  trois  mois  et  treize  jours.  Ce  ne  fut  toutefois 

1 Cette  date  n’est  pas  celle  que  donne  Ernst  (t.  I V,  p.  299),  mais  le  raison- 
nement de  ce  savant  historien  tombe  à faux,  car,  dans  la  déclaration  précitée 
du  chapitre  de  Cologne,  du  25  octobre  1267,  on  rappelle  déjà  la  défaite  et  la 
captivité  de  l’archevêque.  La  bataille  de  Marienwald  (ou,  comme  le  dit  De 
Dynter,  t.  II,  p.  427,  de  Marienholtz)  se  livra  donc  le  18  octobre  et  non  pas 
le  14  décembre. 


( *3  ) 

qu’en  1275  qu’il  se  réconcilia  avec  les  Colonais.  Il  cessa  alors 
d’être  un  des  vassaux  de  cette  belliqueuse  bourgeoisie,  à laquelle 
il  accorda  le  droit  de  traverser  librement  la  ville  de  Duysbourg. 

Le  pape  avait  également  excommunié  les  Colonais , et  son  légat, 
Bernard  de  Castaneto,  les  avait  sommés  de  comparaître  à Bonn, 
en  leur  enjoignant  de  renoncer  à leur  vicieux  mode  d’administra- 
tion (regimen  adulterinum) , de  bâter  la  délivrance  du  prélat  et 
de  ne  rendre  compte  qu’à  lui  des  revenus  de  l’archevêché.  Mais , 
le  25  septembre  1270,  les  magistrats  de  la  grande  cité,  par  l’or- 
gane  de  leur  clerc,  maître  Godefroid  Hagene,  l’historien-poëte, 
protestèrent  énergiquement  contre  les  accusations  du  légat. 

Les  armes  spirituelles  restant  impuissantes  aussi  bien  que  les 
temporelles,  le  prélat  fut  forcé  de  souscrire  à ce  que  l’on  exigeait 
de  lui.  Il  pardonna  aux  bourgeois  de  sa  capitale,  s’engagea  à ne 
bâtir  aucun  nouveau  château  aux  environs  et  à les  maintenir  dans 
leur  exemption  de  tonlieux,  et  les  autorisa  à lever  une  assise  aussi 
longtemps  qu’elle  serait  nécessaire.  Quelques  infracteurs  de  la 
paix  devaient  être  bannis  du  pays,  et  d’autres  personnes,  sus- 
pectes de  trahison,  rester  éloignées  jusqu’à  ce  qu’elles  fussent 
réconciliées  avec  les  Colonais  (16  avril  1271).  Toutefois,  ces  actes 
ne  reçurent  pas  la  sanction  du  pape,  et  le  souverain  pontife,  mé- 
content de  voir  ses  ordres  méprisés,  libéra  l’archevêque  des  enga- 
gements qu’il  avait  contractes  avec  le  comte  de  Juliers  (6  septem- 
bre 1272)  !. 

1 Kremer,  Academische  Beilràge,  t.  III,  Urkunde,  p.  153.  — La  narra- 
tion qui  précède,  pour  ce  qui  concerne  les  guerres  des  archevêques  de  Cologne 
contre  leur  ville  métropolitaine,  est  en  grande  partie  empruntée  au  savant 
ouvrage  du  père  Ernst,  que  nous  avons  contrôlé  à l’aide  des  nombreux  docu- 
ments inédits  dont  l’archiviste  Lacomblet  a publié  le  texte. 


( « ) 


IV. 

Le  moment  approchait  ou  Aleyde  allait  devoir  renoncer  au  gou- 
vernement, scs  (ils  étant  au  moment  d’atteindre  leur  majorité. 
La  princesse  redoutait  ce  moment,  car  elle  avait  vu  se  réaliser  une 
prédiction  qui  datait  de  l’époque  de  son  mariage.  « Votre  premier 
» né,  lui  avait  dit  le  médecin  de  son  père,  mourra  immédiatement 
» après  avoir  reçu  le  baptême,  et  le  second  n’aura  qu’une  faible 
» complcxion;  quant  aux  autres,  ils  seront  tels  qu’une  mère  peut 
» le  demander  h » Le  prince  Henri,  en  effet,  était  si  débile,  si 
dépourvu  d’intelligence  et  de  capacité,  qu’on  ne  pouvait  songer  à 
lui  confier  le  pouvoir  2.  Son  frère  Jean,  au  contraire,  réunissait 
aux  grâces  de  sa  personne  les  qualités  qui  séduisent  et  qui  atta- 
chent les  cœurs.  Dès  sa  jeunesse,  il  donna  les  plus  belles  espé- 
rances. 

Sa  mère  avait  pour  lui  une  préférence  marquée;  aussi  résolut- 
elle  de  lui  assurer  la  succession  de  son  père,  et  cet  avis  fut  partagé 
par  la  plupart  des  nobles,  principalement  par  Walter  Berthout. 
Il  y avait  en  Brabant  un  personnage  qui  voyait  avec  jalousie  l’in- 
fluence dont  jouissait  le  sire  de  Malines,  et  qui  se  dépitait  de 
n’avoir  pu  occuper  le  premier  rang  parmi  les  conseillers  d’Alcydc, 
ou,  comme  le  disent  nos  vieux  chroniqueurs,  parmi  les  tuteurs 
du  Brabant.  C’était  Arnoul  de  Wesemale,  maréchal  de  Brabant. 
Son  union  avec  une  princesse  du  sang  ducal,  Aleyde  de  Louvain, 

1 Cantimpré,  de  A pib  us  , 1.  11,  cliap.  XLlf! , § 6. 

s Ende  die  gone 

Was  soe  onmachtich  van  leden  , 

Ende  van  sinne  soe  onbesneden 

Ende  soe  dwaes 

(Rrabanlsclte  Yeesten , t.  Ier,  p.  598.) 

Ex  fi  de  dignorum  relatione  didicimus , quod  illuslris  sive  spectabilis  Hen- 
rieus,  lune  dux  Brabantie  appellatus,  nature  donis  sit  usque  adeo  destitutm , 
utpote  corpore  imbecillis  existens,et  virtutibus  animi,  saler  tia , providentia 
quoque  ita  deficiens , etc.  Diplôme  du  roi  Richard,  en  date  du  5 juin  1267, 
ubi  infra. 


( 4S  ) 

rendit  plus  blessante  pour  son  orgueil  la  préférence  qu’on  accorda 
sur  lui  à des  seigneurs  de  son  rang.  11  se  retira  dans  la  ville  de 
Louvain,  où  il  aida  les  Colvcrcn  à chasser  les  Blankarde. 

De  concert  avec  les  Colvcrcn , Wesemalc  se  déclara  le  protec- 
teur du  jeune  Henri,  accusant  la  duchesse  d’avoir  intrigué  avec 
Berthout  pour  dépouiller  l’aîné  de  scs  enfants  d’un  droit  incontes- 
table. 11  guerroya  avec  tant  d’ardeur  contre  les  partisans  de  la 
duchesse,  que  les  orphelins  de  Henri  III  ne  pouvaient  voyager 
dans  leurs  Etats  sans  une  escorte  b 

Appuyé  par  ses  deux  frères,  Godefroid,  sire  de  Perck,  près  de 
Vilvorde,  et  Gérard,  sire  de  Quabeke,  Arnoul  abusait  de  sa 
puissance  pour  s’approprier  des  droits  qui  ne  lui  appartenaient 
pas.  Bien  qu’il  n’aimât  pas  les  bourgeoisies,  c’était  surtout  aux 
établissements  ecclésiastiques  qu’il  en  voulait.  On  le  vit,  notam- 
ment, usurper  les  domaines  de  l’abbaye  de  Nivelles  à Wambeck. 
Arnoul  et  Gérard  tentèrent  d’annihiler  la  juridiction  du  chapitre 
de  Saint-Barthélémi  de  Liège  sur  le  village  de  Lincent,  où  Arnoul 
était  avoué  du  chapitre.  Ils  défendaient  au  maire  et  aux  échevins 
du  chapitre  de  rendre  la  justice,  aux  habitants  de  cultiver  les 
terres  des  chanoines  et  de  leur  payer  la  dîme;  ils  firent  emporter 
plus  de  500  muids  d’épeautre  qui  appartenaient  à eette  corpora- 
tion. Vainement  le  grand  chapitre  de  Liège  mit  à néant  leurs 
usurpations 1  2 *;  l’officier  des  Wesemalc,  Quarlilottus,  défendit  aux 
habitants  d’obéir.  Commencée  en  1259,  la  contestation  était  à son 
maximum  d’intensité  en  1205  et  en  12GG.  Les  Wesemalc  avaient 
alops  leur  domicile  à Louvain  5,  où  les  mandataires  du  chapitre 
de  Liège  n’osèrent  se  rendre,  à cause  de  la  grande  puissance  de 
ces  seigneurs  4. 

Dans  une  expédition  dirigée  contre  le  village  d’Erps,  dont  les 
habitants  avaient  pris  parti  pour  les  Blankaert,  les  Louvanistes 

1 Van  Heelu  , v.  215. 

2 Jeudi  avant  les  Rameaux  (26  mars)  en  1265. 

5 Ubi  ad  presens  dicuntur  domicilium  habere,  dit  l’acte  cité  à la  note  qui 
précède. 

i Nec  ad  villam  de  Lovanio  propter  eorum  polenciam  aitsi  fuimus  accé- 

der e.  Déclaration  datée  du  samedi  après  Quasimodo  (10  avril  ) 1266. 


( 46  ) 

essuyèrent  un  grave  échec  et  furent  chassés  de  l'église  h Une  in- 
vasion des  domaines  de  Berthout  ne  leur  réussit  pas  davantage. 
Conduits  par  Wesemale,  ils  y exerçaient  de  grands  dégâts,  lors- 
que Berthout,  ayant  réuni  de  nombreux  vassaux,  marcha  contre 
eux,  les  chassa  devant  lui  et  les  atteignit  enfin  en  un  lieu  nommé 
Leeps,  à mi-chemin  entre  Louvain  et  Malines  2.  Après  un  combat 
acharné,  les  habitants  de  Louvain  prirent  la  fuite,  laissant  entre 
les  mains  du  vainqueur  un  grand  nombre  de  prisonniers,  qui 
furent  conduits  à Malines  et  à Erps  5,  notamment  les  deux  frères 
du  seigneur  de  Wescmale  : Godefroid  et  Gérard. 

Pour  terminer  ces  différends  et  ramener  en  Brabant  la  tran- 

1 Van  Velthem,  Spiegel  historiaal,  1. 1,  chap.  XLlli,  p.  59. 

2 In  de  Leeps  ( Brabantsche  Yeesten , lVme  livre,  v.  1194).  Apud  Leepsle 
(De  Dynter , t.  11,  p.  426).  — Entre  Wespelaer  et  Louvain,  dit  une  chronique 
inédite  (MS.  de  la  Bibliothèque  royale,  n°  18,001).  On  appelle  encore  du  même 
nom  (de  Leeps ) un  ruisseau  qui  sépare  les  communes  de  Wespelaer  et  de 
Thildonck. 

Divæus  (Rerum  Lovaniensium  librilV,  1. 1,  p.  10  ) accumule  dans  son  récit 
les  épisodes.  D’après  cet  historien , les  Blanckaert  accusèrent  les  Colveren  de 
conspirer  avec  le  sire  de  Wesemale  et  déterminèrent  la  duchesse  à chasser 
leurs  adversaires.  L’année  suivante,  dit-il,  ils  furent  expulsés  à leur  tour, 
deux  ails  avant  le  combat  de  Leeps.  Butkens  place  ce  combat  en  l’année  1264, 
mais  cette  date  est  difficile  à admettre,  il  est  certain  qu’en  cette  année  et  en 
1265,  Wesemale  ne  s’était  pas  encore  séparé  des  autres  barons  brabançons, 
lorsque,  le  lundi  après  vocem  , en  présence  de  ses  échevins,  vassaux  et  censi- 
taires de  Wesemale,  et  du  consentement  de  sa  femme,  Élisabeth  (il  avait 
donc  perdu  sa  première  épouse,  Aleyde  de  Brabant),  et  de  ses  frères  Gode- 
froid  et  Gérard,  il  céda  aux  religieuses  de  Parck-les-Dames  treize  bonniers  et 
demi  dans  le  marais  (palus)  de  Wesemale;  cet  acte  fut  scellé  par  les  seigneurs 
de  Rotselaer  et  de  Bautersem  (Cartulaire  du  couvent  de  Parcq-les-Dames , 
fos  158  et  suiv.).  Dans  la  confirmation  de  la  dime  de  Boclit  à Saint-Michel , en 

1265,  on  voit  figurer  l’un  près  de  l’autre  la  famille  de  Wesemale  et  des  habi- 
tants de  Malines  et  de  Bruxelles  (Butkens,  Preuves , p.  100).  D’autre  part,  il 
est  certain  qu’au  commencement  de  l’année  1266,  les  Wesemale  étaient  tout- 
puissants  à Louvain  (voyez  note  4 ci-dessous);  d’autre  part,  comme  Arnoul 
fut  un  des  témoins  du  traité  conclu  avec  le  comte  de  Clèves,  le  18  novembre 

1266,  sa  soumission  doit  avoir  eu  lieu  avant  cette  dernière  époque. 

3 Variante  des  Brabantsche  Yeesten,  cité  dans  le  Van  Heelu  de  M.  Willems , 
p.  401. 


( 47  ) 

quillité,  on  convoqua  à Cortenberg  un  parlement  ou,  pour  nous 
servir  d’une  dénomination  d’origine  plus  récente,  une  assemblée 
des  états.  Là  vinrent  les  députés  des  grandes  et  des  petites  villes, 
les  chevaliers  et  les  autres  possessionnés  J.  La  ville  de  Louvain  se 
soumit.  Wescmale  en  fit  autant,  et  le  jeune  duc  Henri  céda  à son 
frère  Jean,  librement  et  spontanément,  par  donation  entre  vifs, 
tout  le  droit  qu’il  pouvait  prétendre  au  duché  de  Brabant  et  ses 
dépendances,  sous  quelque  nom  que  celles-ci  fussent  comprises. 
Il  s’en  dessaisit  fguerpivitj , puis  en  investit  son  frère.  Il  jura  en- 
suite sur  les  saints  Évangiles,  qu’il  n’élèverait  jamais  aucune  ré- 
clamation contre  cette  cession,  et  il  déclara  absous  de  l’hommage 
qu’ils  lui  avaient  prêté  tous  ses  vassaux,  tant  absents  que  pré- 
sents, en  leur  demandant  de  considérer  Jean  comme  leur  seigneur. 
Enfin,  à la  réquisition  de  celui-ci , les  vassaux  présents  lui  jurèrent 
fidélité,  les  uns  individuellement,  les  autres  collectivement. 

Ce  fut  le  14  mai  1267  que  les  échcvins,  les  jurés  et  la  com- 
mune de  Louvain  proclamèrent  leur  renonciation  à toute  querelle 
contre  leur  illustre  dame,  la  duchesse  de  Brabant,  ses  fils  et  leurs 
adhérents,  et  leur  abandon  de  toute  plainte  pour  les  torts  qu’on 
leur  avait  causés.  A leur  demande,  leur  charte  fut  aussi  scellée 
par  les  seigneurs  d’Enghien,  de  Malines,  de  Diest,  le  châtelain  de 
Bruxelles,  Jean  Brine,  seigneur  de  Linter;  le  chevalier  Henri 
d’Assche,  les  villes  de  Bruxelles,  de  Tirlemont,  de  Léau,  d’An- 
vers , de  Nivelles,  de  Jodoigne,  de  Gembloux  et  de  Lierre  -.  Selon 
Divaeus,  la  première  de  ces  localités  déploya  un  zèle  tout  parti- 
culier en  faveur  de  sa  voisine,  et  les  Colveren  ne  furent  punis 
que  par  une  exclusion  temporaire  des  emplois  A L’orgueil  de  la 

1 Te  Cortenberghe  dede  men  comen  , 

Die  stade  van  Brabant  clein  ende  groole, 

Ende  daer  toe  riddere  ende  genote  , 

Ende  al  die  ghene  daer  macht  aen  lacb. 

Ainsi  s’expriment  Van  Heelu  ( I , c.  VI , v.  550  ) , et , d’après  lui,  Van  Veltliem. 
Genote  ne  signifie  point  pairs,  comme  l’avance  M.  Willems  d’après  Raepsaet, 
mais  possessionnés,  possesseurs.  C’est  un  dérivé  de  genieten,  jouir. 

2 Van  Heelu,  édit.  Willems , p.  595. 

5 Divæus,  Rerum  Lovaniensium  libri  IV,  pp.  10  et  99. 


( 48  ) 

famille  de  Wesemaie  lut  aussi  abaissé;  une  sentence  arbitrale 
avait,  dès  le  mois  de  janvier,  condamné  les  prétentions  de  Gérard 
sur  le  village  de  Lincent,  et,  à la  suite  d’un  bref  impératif  du 
pape  Clément  IV,  daté  de  Yitcrbc,  le  16  juin  1207,  ce  seigneur 
promit  de  lever  les  défenses  qu’il  avait  faites  aux  habitants  du 
village,  relativement  aux  biens  du  chapitre  de  Saint-Barthélemi  L 
Quant  à Arnoul,  son  frère,  il  devint  le  vassal  dévoué  du  nouveau 
duc,  mais  il  ne  tarda  pas  à quitter  la  chevalerie  séculière  pour 
entrer  dans  le  redoutable  ordre  des  Templiers,  où  nous  le  retrou- 
verons, mêlé  aux  affaires  les  plus  importantes  du  temps. 

Les  nobles  et  les  villes  du  Brabant,  qui  semblent  avoir  formé 
à cette  époque  les  seuls  ordres  des  états,  quoique  les  abbés  des 
monastères  assistassent  quelquefois  les  dues  et  les  assemblées  na- 
tionales de  leurs  conseils,  envoyèrent  à Cambrai  une  députation 
nombreuse.  Là,  le  2 a mai,  l’évêque  Nicolas  et  les  députés,  savoir  : 
les  abbés  Henri  d’Afflighem,  Bernard  de  Villers,  Alard  de  Parc, 
l’abbesse  de  Nivelles,  Élisabeth,  Baudouin  d’Avesnes,  sire  de  Beau- 
mont, les  sires  d’Enghien  et  de  Malines , Arnoul  de  Wesemaie,  Ar- 
noul de  Walhain,  Rigaud  de  Falais,  détaillèrent,  dans  un  acte 
solennel,  les  circonstances  de  la  renonciation  du  prince  Henri 1  2 3 *. 
Comme  cet  abandon  devait  être  revêtu  de  la  sanction  du  roi  des 
Romains,  qui  se  trouvait  alors  en  Angleterre,  la  duchesse  Alcyde 
et  son  père,  le  duc  de  Bourgogne,  s’adressèrent  à ce  prince,  qui 
chargea  son  chancelier,  l’évêque  de  Cambrai , et  son  parent,  le  sire 
de  Beaumont,  de  vérifier  l’exactitude  des  faits  qu’on  lui  avait  ex- 
posés, et,  dans  l’affirmative,  de  recevoir,  en  son  nom,  l’hommage 
du  due  Jean,  à la  condition  que  celui-ci  renouvellerait  cet  hom- 
mage à sa  personne  lorsqu’il  se  trouverait  dans  le  royaume  d’Al- 
lemagne, et  à sa  première  réquisition  5. 

Les  deux  délégués  du  roi  ayant  eux-mêmes  participé  aux  actes 
posés  à Cortcnherg,  leur  opinion  ne  pouvait  être  douteuse.  Cepen- 

1 Jour  de  l'Invention  de  saint  Étienne,  5 août  1267. 

2 De  Dynter  , t.  Il,  p.  422;  — Butkens  , t.  Ier,  Preuves  , p.  101  ; — Opéra 
diplomatica , t.  1er,  p.  455  et  suiv. 

3 Acte  daté  du  camp  de  Stafford,  près  de  Londres , dans  De  Dynter,  /.  c., 

p.  420;  — Butkens , l.  c.,  p.  101  ; — Opéra  diplomatica , 1.  c. 


( 4!)  ) 

dant,  par  suite  de  1 absence  prolongée  de  Richard,  Jean  Ier  ne 
lui  fit  hommage  que  le  !G  août  1208.  Ce  jour-là,  l’abandon  du 
duché  par  Henri  fut  définitivement  approuvé  J,  et  le  20  du  mois 
suivant,  le  roi  confirma  les  dispositions  prises  pour  la  constitu- 
tion de  la  dot  d’Aleyde  2. 

L'infortuné  Henri,  en  faveur  de  qui  aucune  voix  ne  s’éleva  plus 
désormais,  se  rendit  en  Bourgogne,  où,  après  un  an  de  noviciat, 
il  fit  profession  dans  l'abbaye  de  Saint-Étienne  de  Dijon,  de 
l’ordre  de  Saint-Augustin  (1er  octobre  1209)  3.  Là  il  vécut,  non  pas 
en  moine,  mais  plutôt  en  homme  noble.  On  lui  laissa  une  suite 
de  sergents  et  de  serviteurs,  et  on  lui  assigna  pour  sa  demeure 
de  beaux  appartements  , où  il  était  servi  avec  luxe  4.  On  ne  sait 
quand  s’éteignit  ce  rejeton  déshérité  de  la  famille  de  Louvain. 
Une  ombre  de  grandeur  et  un  profond  oubli  furent  son  partage, 
tandis  qu’une  brillante  auréole  de  gloire  entourait  le  nom  de 
son  heureux  frère. 

1 A Cambrai.  De  Denier,  l.  Il,  p.  424; — Willems,  Van  Heelu,  p.  594. 

2 Celte  confirmation  eul  lieu  à Cambrai,  eil  présence  des  seigneurs  d’En- 
ghien,  de  Matines,  de  Wesemale,  de  Henri,  frère  du  sire  de  Matines,  de 
Henri  d’Àssche , de  Henri , sire  de  Dutïèl , d’Égide  Berthout , qualifiés  de 
magnates  Brabanliae , de  Guillaume  de  Lierre,  de  Robert  Briseteste,  elc. 
De  Dynter,  t.  il , p.  425; — Bulkens,  l.  J,  Preuves , p.  102; — Opéra  diplo- 
iriatica,  1.  c. 

5 Opéra  diplomatica,  t.  Ier,  p.  436; — Fyot,  Histoire  de  Saint-Étienne  de 
Dijon , Preuves , p.  158.  ■-  De  Dynter,  p.  426,  prétend  à tort  qu’il  aurait  été 
abbé  de  ce  monastère  ; Henri  n’obtint  pas  de  dignité  supérieure  au  rang  mo- 
deste d’acolyte,  comme  nous  l’apprend  la  Gallia  christiana  (t.  IV,  col.  758). 

4 Van  Heelu,  livre  I<r,  v.  574  et  suivants. 


Tome  XIII. 


4 


( 50  ) 


CHAPITRE  II. 

ALLIANCES  MATRIMONIALES  ENTRE  LE  BRABANT,  D'UNE  PART,  LA  FLANDRE, 
LA  FRANCE  ET  L’ANGLETERRE  d’âUTRE  PART.  — RELATIONS  AVEC 

l’empire. 


I. 

A l’avénement  de  Jean  Ier,  une  grande  partie  de  la  Belgique 
parut  reprendre  des  habitudes  d’ordre  et  de  tranquillité.  Des 
traités  de  paix  ou  des  trêves  assoupirent  pour  quelque  temps  les 
diseordes  auxquelles  notre  pays  était  en  proie.  Le  Brabant,  le  pays 
de  Liège,  l’archevêché  de  Cologne,  entrèrent  de  nouveau  dans 
une  période  de  tranquillité.  Ces  moments  de  répit  devaient  être 
très-courts  et  aboutir,  sur  les  bords  de  la  Meuse,  à cette  funeste 
guerre  de  la  Vache,  dans  laquelle  périrent  tant  de  milliers 
d’hommes;  sur  les  bords  du  Rhin,  à cette  fameuse  querelle  des 
comtes  de  Juliers  contre  la  ville  d’Aix-la-Chapelle  et  contre  l’ar- 
chevêque de  Cologne,  Sifroi,  qui,  en  cette  occasion,  vengea 
cruellement  les  infortunes  de  ses  deux  prédécesseurs. 

Avant  d’en  arriver  au  récit  de  ces  luttes  mémorables,  avant 
aussi  de  raconter  les  graves  événements  dont  la  Hollande  devenait 
le  théâtre,  nous  montrerons  les  alliances  matrimoniales  que  la 
dynastie  brabançonne  contracta  avec  la  France  et  l’Angleterre, 
ainsi  que  les  principales  circonstances  de  l’avénement  au  trône 
du  premier  des  Habsbourg. 

Henri  de  Gueldrc  n’avait  pas  encore  renoncé  à attaquer  le  Bra- 
bant, ni  contribué  à accabler,  dans  les  plaines  de  Marienholtz, 
les  défenseurs  des  droits  de  l’archevêché  de  Cologne,  qu’une  autre 
bataille  dénouait  la  querelle  des  comtes  Henri  de  Luxembourg  et 
Thihaud  de  Bar,  querelle  qui  avait  été  provoquée  par  l’inféoda- 
tion à Henri  de  la  ville  de  Ligny  en  Barrois.  Le  comte  de  Luxem- 


( 51  ) 

bourg  fut  appuyé  par  le  roi  de  Navarre,  comte  de  Champagne, 
et  par  le  duc  de  Lorraine,  tandis  que  son  ennemi  se  liguait  avec 
l’évêque  de  Metz,  Guy  de  Dampierre,  comte  de  Namur;  le  comte 
de  Looz,  etc.  L’évêque  de  Metz  ayant  assiégé  la  petite  ville  de 
Prény  ou  Pigny,  près  de  Pont-à-Mousson,  le  comte  de  Luxem- 
bourg accourut  pour  en  faire  lever  le  siège,  mais  le  sort  des 
armes  ne  lui  fut  pas  favorable  (17  septembre  1206).  11  fut  pris, 
ainsi  qu’un  grand  nombre  de  ses  vassaux  , notamment  Philippe 
de  Vianden , qui  était  devenu  seigneur  de  Pervvez  et  de  Griin- 
berghe , par  suite  de  son  mariage  avec  Alice  de  Perwez  h Grâce 
à l’intervention  amicale  et  respectée  du  grand  roi  Louis  IX , la 
paix  fut  conclue  peu  de  temps  après,  et  les  deux  comtes  ne  tar- 
dèrent pas  à s’unir  par  un  traité  d’alliance.  Ce  dernier  acte  nous 
offre  une  preuve  de  plus  des  relations  d’amitié  qui  existèrent 
longtemps  entre  le  Brabant  et  le  Barrois 1  2.  Thibaud  s’engage  à 
secourir  Henri  contre  tous  ses  ennemis,  sauf  contre  la  duchesse 
de  Brabant,  le  duc  son  lils  et  les  bourgeois  des  grandes  cités, 
pour  ainsi  dire  constituées  en  républiques,  de  Metz  et  de  Verdun3. 

Les  sujets  de  Jean  Ier,  retenus  dans  leur  patrie  par  les  hosti- 
lités qui  ne  cessèrent  qu’en  1208,  n’avaient  pas  pris  une  part 
active  à cette  contestation.  De  meme,  leur  attention  ne  put  être 
que  médiocrement  excitée  par  deux  expéditions  lointaines  où  la 
valeur  des  Belges  eut  occasion  de  se  distinguer.  Nous  voulons 
parler  de  la  conquête  du  royaume  de  Naples  par  Charles  d’Anjou, 
et  de  la  septième  et  dernière  croisade,  celle  de  Saint-Louis  contre 
Tunis.  Robert,'  fils  de  Guy  de  Dampierre,  fut  l’un  des  chefs  de 
l’armée  que  Charles  conduisit  contre  le  roi  Manfred  4 5,  et  parmi 

1 Consultez  pour  l’histoire  de  la  famille  de  Vianden,  Bertholet,  Histoire 
du  duché  de  Luxembourg , t.  V. 

2 En  l’année  1255,  lorsqu’un  comte  de  Bar  fut  fait  prisonnier  à la  bataille 

de  West-Capelle,  en  Zélande,  le  duc  de  Brabant  contribua  à lui  faire  rendre 
la  liberté.  De  leur  côté,  au  quatorzième  siècle,  les  comtes,  devenus  ducs  de 

Bar,  prirent  plus  d’une  fois  les  armes  pour  défendre  les  frontières  du  duché. 

5 Bertholet,  /.  c.,  pp.  162  et  suiv.  — Brussel,  Usages  des  fiefs , pp.  557  et 
suiv.  — Les  deux  sentences  du  médiateur  portent  la  date  de  1268.  Quant  à 
Philippe  de  Vianden , il  était  déjà  mis  en  liberté  en  mai  1267.  Voyez  X Histoire 
des  environs  de  Bruxelles,  t.  II,  p.  185. 

* En  1265. 


( 52  ) 

les  guerriers  qui  accompagnèrent  en  Afrique  le  roi  de  France 
figura  le  comte  de  Luxembourg,  à qui,  à la  mort  du  pieux  mo- 
narque, on  confia  le  commandement  de  Farinée  chrétienne  L 

Au  nombre  des  Brabançons  qui  prirent  la  croix  en  cette  der- 
nière occasion  , il  n’en  est  qu’un  dont  on  cite  le  nom  : c'est  Béatrix 
de  Brabant,  la  veuve  de  Guillaume  de  Dampierrc;  et  encore  ob- 
tint-elle du  légat  du  pape,  le  cardinal  Simon  de  Lally,  une  dis- 
pense d'accompagner  l’expédition,  à la  condition  d’envoyer  en  sa 
place  des  combattants  bien  armés 1  2 3.  Des  guerriers  du  duché  qui 
suivirent  Robert  de  Flandre,  on  ne  connaît  que  Gilles  Le  Brun,  de 
la  noble  famille  de  Trazegnies , et  Alard,  seigneur  de  Rêves  et 
de  Bourgelles,  qui  se  rendirent  célèbres,  le  premier  par  l’huma- 
nité avec  laquelle  il  traita  des  dames  nobles  qui  étaient  tombées 
entre  ses  mains;  le  second,  par  sa  fermeté  à défendre  son  ami  5. 

A en  croire  Van  Velthem  4,  qui  place  ces  événements  en  l’année 
du  mariage  du  roi  Edouard  d’Angleterre,  un  grand  nombre  de 
bergers  du  Brabant,  du  Rainant  et  des  contrées  voisines  prirent 
alors  la  croix,  et  partirent  pour  aller  à la  délivrance  du  saint 
sépulcre.  Mais  cette  fois  encore,  ils  éprouvèrent  le  même  sort 
que  les  autres  multitudes  que  l’enthousiasme  religieux  et  un  zèle 
irréfléchi  avaient  jetées,  en  désordre  et  sans  armes,  sur  les  routes 
de  1 Orient.  Rs  ne  pouvaient  espérer  de  réussir  là  où  tant  de 
braves  capitaines,  tant  de  vaillantes  armées,  avaient  échoué,  ils 
ne  parvinrent  même  pas  à s’embarquer  sur  la  Méditerranée,  et 
périrent  tous,  décimés  parles  privations  elles  maladies. 

Un  des  premiers  soins  de  la  duchesse  Aleyde  fut  de  donner  une 
compagne  au  jeune  duc  de  Brabant.  Déjà,  plus  de  treize  ans  au- 
paravant, elle  et  son  mari  avaient  négocié  le  mariage  de  leur  liîs 
aîné  Henri  avec  Marguerite  de  France,  fille  du  roi  Louis  IX, 
qui,  à cette  occasion,  leur  paya  immédiatement  une  somme  de 

1 Eli  î 270 , Ernst , t.  IV  , p.  80. 

2 2 avril  1267,  an  111  du  pape  Clément.  M.  Kervyn  de  Letlenhove  , Bea- 
trix de  Brabant  ( Bulletins  de  l’Académie  royale  de  Belgique,  t.  XXI, 
Umc  partie,  p.  408). 

3 Chronica  Ægidii  Li  Muisis , dans  De  Smet,  Corpus  chronicorum  Flan- 

driae,  t.  II,  p.  157. 

* Liv.  II,  chap.  XXI. 


( 33  ) 

quinze  mille  livres,  remboursables  dans  le  cas  où  le  mariage  ne 
s’effectuerait  pas  b Après  avoir  remplacé  son  frère  sur  le  trône, 
Jean  IC1  le  remplaça  aussi  auprès  de  sa  fiancée.  Louis  IX  donna  à 
sa  fille  dix  mille  livres  tournois  et  Jean  Ier  lui  assigna,  sur  ses  do- 
maines de  Tcrvueren  et  d'Yssclic,  lin  douaire  de  six  mille  livres 
par  an1 2 3,  au  lieu  de  celui  de  quatre  mille  livres  qui  avaitété  stipulé 
en  4 257.  Cette  union  fut  contractée  au  mois  de  février  de  l’an- 
née 1270-127!,  mais  elle  ne  dura  qu’un  an  environ,  Marguerite 
étant  morte  à Paris,  au  mois  de  septembre  1272,  en  donnant  le 
jour  à un  (ou,  suivant  d’autres,  à deux)  enfants,  qui  expirèrent 
en  naissant  5. 

Jean  Ier  ne  tarda  pas  à choisir  une  nouvelle  épouse.  Il  s’allia,  au 
mois  d’août  1275 , à Marguerite  de  Flandre,  fille  de  Guy  de  Dam- 
pierre,  héritier  du  comté  de  Flandre,  et  de  Mathilde,  dame  de 
Béthune  et  de  Termonde.  L’aïeule  de  la  nouvelle  duchesse,  Mar- 
guerite de  Constantinople,  réclamait  encore  de  Jean  1er,  une  partie 
du  douaire  de  la  tante  de  ce  prince,  Beatrix  de  Brabant,  veuve 
de  Guillaume  de  Dampierre  4;  à cette  occasion  elle  en  donna  quit- 
tance au  gendre  de  son  fils  préféré  s.  Marguerite  ne  vécut  avec 
son  mari  que  douze  années.  Elle  expira  le  5 juillet  1285  et  fut 
ensevelie  dans  le  couvent  des  Récoîlets  de  Bruxelles. 

1 Butkens,  t.  I,p.  270. 

2 Id.,  p.  552. — De  Dynter,  t.  It,  p.  455.  — Le  Nain  de  Tillemont,  Vie  de 
saint  Louis  , Paris,  1847,  t.  Y , p.  415. 

3 Van  ïïeelu,  1.  c.,  v.  628  et  suiv.  — Van  Velthem,  l.  c.,  chap.  XLIIIJ.  — 
Chronicon  ducum  Brabantiae , publiée  dans  les  Antiquités  belgiques  (Anvers , 
1855),  t.  Ier,  p.  284.  — Le  chapitre  de  Liteaux  décida  qu’un  anniversaire  so- 
lennel serait  célébré  pour  la  duchesse  et  pour  sa  sœur  la  reine  de  Navarre. 
Le  Naiÿ  de  Tillemont,  l.  c. 

4 Sur  ce  douaire,  qui  s’élevait  à la  somme  de  douze  mille  livres  parisis  , il 
était  encore  dù , à la  date  du  50  novembre  1271 , trois  mille  cinq  cent  douze 
livres,  que  Jean  1er  avait  pris  à sa  charge,  le  lundi  après  les  octaves  de  la 
Saint-Martin  d’hiver,  en  1268  ( Cartulaire  de  Brabant  B,  f°  85.  — Jules  de 
Saint-Génois,  Inventaire  des  chartes  de  Flandre , p.  51  ). 

t 

3 Le  14  septembre  1274,  le  duc  Jean  donna  quittance  à la  comtesse  Mar- 
guerite de  deux  mille  livres  tournois  qu'elle  lui  devait  du  chef  de  ce  mariage  , 
et  il  pria  cette  princesse  de  payer  pour  lui  cette  somme  au  roi  de  France, 
Van  Heelu,  p.  400, 


( 54  ) 

Le  23  octobre  1275  mourut  la  duchesse  Aleyde , dont  l'in- 
fluence sur  son  fils  était  restée  fort  grande.  Cette  princesse  avait 
hérité  de  l’affection  de  son  époux  pour  l’ordre  de  Saint-Domi- 
nique. Dans  le  couvent  de  Louvain,  où  Henri  III  avait  choisi  sa 
sépulture,  et  où  elle  se  rendait  souvent  pour  le  pleurer,  elle  fit 
élever  une  habitation,  qu’elle  légua  aux  religieux,  pour  en  jouir 
après  sa  mort,  et  qu’elle  reprit  d’eux  à cens,  conformément  aux 
usages  locaux  et  moyennant  un  denier  de  Louvain,  par  an  b C’est 
à elle  qu’on  dut  la  fondation  de  Val-Duchesse,  cloître  modeste, 
situé  dans  une  situation  admirable,  un  peu  au  nord  du  village 
d’Auderghem  , à l’entrée  de  la  forêt  de  Soigne,  sur  les  bords  en- 
chanteurs de  la  petite  rivière  la  Wolnwe.  Aleyde  y établit  une 
communauté  de  Dominicaines,  la  première  que  la  Belgique  ait 
possédée  et,  après  l’avoir  comblée  de  bienfaits,  lui  légua  son 
cœur  2. 

Les  liens  qui  unissaient  le  Brabant  et  la  France,  un  instant  dé- 
noués par  la  mort  de  la  duchesse  Marguerite,  se  resserrèrent 
bientôt,  lorsque  le  roi  Philippe  111  s’allia  à Marie  de  Brabant, 
sœur  de  Jean  Ier,  princesse  dont  un  contemporain  exalte  la  sa- 
gesse, la  beauté  et  l’attachement  pour  sa  famille  5.  Son  contrat  de 
mariage  fut  arrêté  au  château  de  Vincennes,  le  21  août  1274,  et, 
elle  reçut  la  couronne  royale  le  24  juin  1273,  dans  la  Sainte- 
Chapelle,  au  palais  de  Paris,  dans  ce  merveilleux  édifice  où  éclate 
le  génie  de  Pierre  de  Montreuil,  et  qu’une  munificence  éclairée  a 
rétabli  plus  imposante  et  plus  splendide  que  jamais.  Un  long  cor- 
tège de  barons  et  de  chevaliers,  couverts  de  vêtements  de  pour- 

1 Le  lendemain  du  jour  de  Pâques,  en  1263.  — Ce  couvent  de  dominicains 
était  installé  à Louvain  depuis  près  de  quarante  ans.  Dès  l’année  1233,  Jean 
d’Àppia,  évêque  de  Liège,  lui  accorda  des  privilèges.  Henri  111  ne  Je  fonda 
pas,  comme  le  dit  Butkens,  p.  268,  mais,  en  1258,  lui  abandonna  YOsse- 
nem  velt , plaine  (area)  contiguë  au  jardin  des  religieux  et  qui  était  située 
entre  la  Dyle  et  l’Aa  ( Opéra  diplomatica , t.  1er,  p.  426). 

2 Voyez  Y Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  111,  p.  346.  — L’anniver- 
saire de  la  duchesse  Aleyde  se  célébrait  à Sainle-Gudule  le  23  octobre;  la 
fabrique  de  cette  église  payait  à cet  effet  une  rente  de  vingt  sous,  petite  mon- 
naie. 

3 Hocsem,  chap.  XVI,  dans  Chapeauville,  t.  II. 


( 55  ) 

pre,  de  nobles  dames  et  demoiselles,  aux  tuniques  tissées  d'or  et 
remarquables  par  leurs  manches  énormes,  accompagnait  les  deux 
époux.  Pendant  huit  jours,  le  peuple  de  Paris  vécut  en  fêtes  per- 
pétuelles, et  les  maisons  de  la  capitale  de  la  France  restèrent 
ornées  de  draperies  de  différentes  couleurs  b Mais  bientôt  des 
nuages  assombrirent  l'horizon  de  gloire  et  de  bonheur  qui  s’était 
ouvert  devant  Marie. 

« La  reine,  dit  Guillaume  de  Nangis  »,  dont  nous  reprodui- 
sons ici  la  narration  traduite  et  arrangée  par  Sismondi 1  2 * *,  « était 
belle,  sage  et  excellente,  et  le  roi  l’aimait,  ainsi  qu’il  le  devait, 
avec  la  plus  tendre  affection.  Comme  elle  gagnait  tous  les  jours  sa 
faveur  et  son  amour,  Pierre  de  la  Brosse  ou  des  Brosses,  cham- 
bellan de  Philippe  111,  qui  avait  captivé  tellement  la  familiarité 
de  son  seigneur  que  chacun  lui  rendait  plus  d’honneur  qu’à  aucun 
autre  à la  cour,  commença  à s’alarmer,  à ce  qu’on  assure,  de 
l’amour  du  roi  pour  la  reine,  car  c’était  un  homme  envieux  et 
qui  maigrissait  du  bien  d’autrui.  Il  craignit  que  , par  sa  pru- 
dence, cette  femme  n'arrivât  à le  connaître  et  à lui  faire  perdre 
la  faveur  royale;  et  des  lors,  à ce  que  quelques-uns  ont  dit,  il 
conçut  l'iniquité  dans  son  cœur,  et  il  chercha  de  jour  en  jour 
comment  il  pourrait  aliéner  le  roi  de  la  reine.  Ce  Pierre  de  la 
Brosse,  quand  il  vint  à la  cour,  fut  d’abord  chirurgien  de  saint 
Louis,  père  du  roi  Philippe;  c’était  un  pauvre  homme,  né  en 
Touraine.  Après  la  mort  de  Louis,  il  fut  fait  chambellan  de  Phi- 
lippe 5,  et  le  roi  l’aima  tant,  se  confia  tant  à lui  en  toute  chose, 

1 Gesta  Philippi regis,  par  Guillaume  de  Nangis,  clans  Duchesne,  t.  V,p.529. 
— Grandes  chroniques  de  France , publiées  par  M.  Paulin  Paris,  t.  Y,  p.  58. 

2 Histoire  des  Français , t.  V,  p.  575. 

5 Tout  ce  récit  est  entremêlé  d’invraisemblances  et  d’erreurs  et  il  faudrait 
un  travail  spécial  pour  éclaircir  les  ténèbres  que  l’on  a répandues,  comme  à 
plaisir,  sur  cette  ténébreuse  affaire.  Pierre  de  la  Brosse  n’était  pas  d’une  ori- 
gine obscure  ou  ignoble.  Son  père,  nommé  comme  lui  Pierre,  appartenait  à 
une  famille  noble,  dite  de  la  Brocc , d’après  un  fief  qu’elle  possédait  en  Tou- 
raine. Il  fut  sergent,  puis  chambellan  de  Louis  IX.  Le  fils  n’exerça  jamais  la 
profession  de  chirurgien  ou  barbier.  Il  était  dès  1264  châtelain  de  Nogent-le- 

Roi  ; dès  1269  chevalier  et  il  devint  aussi  chambellan  II  fut  comblé  de  dons  en 

terres,  en  rentes,  etc.,  non-seulement  par  son  royal  protecteur,  mais  par  ceux 


( 56  ) 

et,  l’éleva  si  haut,  que  tous  les  barons,  les  prélats  et  les  chevaliers 
du  royaume  de  France  lui  témoignaient  le  plus  profond  respect 
et  lui  apportaient  souvent  de  riches  présents.  En  effet,  ils  le  crai- 
gnaient fort,  assurés  que  tout  ce  qu’il  voulait  du  roi,  il  l’obtenait 
toujours.  Les  barons  éprouvaient  en  seeret  beaucoup  de  dégoût 
et  d’indignation  de  lui  voir  exercer  tant  de  puissance  sur  le  roi  et 
le  royaume.  A l’aide  de  cette  puissance,  Pierre  avait  obtenu  qu’un 
frère  (il  faut  dire  un  cousin)  de  sa  femme,  maître  Pierre  de  Bevais 
fût  faitévëque  de  Baveux.  En  même  temps  il  mariait  ses  fils  et  ses 
filles  à qui  il  voulait  et  il  satisfaisait  tous  ses  caprices. 

» Isabelle  d’Aragon , première  femme  de  Philippe  le  Hardi,  avait 
donné  quatre  fils  à son  mari.  Marie  de  Brabant  n’eut  qu’un  fils 
(Louis,  depuis  comte  d’Evreux)  et  deux  filles,  Pierre  de  la  Brosse 
chercha  de  bonne  heure  à alarmer  le  roi  sur  les  projets  que  pour- 
raient concevoir  une  marâtre  contre  des  enfants  qui  privaient  les 


jalousie,  à la  haine,  au  mépris  d'une  cour  orgueilleuse  qui  n'obéis- 
sait qu’en  frémissant  à un  homme  sorti  des  derniers  rangs  de  la 
société.  En  1270,  le  prince  Louis,  l’aîné  des  fils  du  roi,  vint  à 
mourir,  et  l’on  prétendit  reconnaître  dans  sa  maladie  des  symp- 
tômes de  poison. 

» Le  favori  prit  à tâche  de  diriger  les  soupçons  du  roi  contre  la 
reine,  il  employa  encore  à envenimer  l’esprit  de  Philippe  l’évêque 
de  Bayeux.  On  connaissait  alors  trop  mal  la  médecine  et  la  chi- 
rurgie pour  chercher  les  preuves  d’un  empoisonnement  dans 
l’observation  du  cadavre  ou  dans  l'analyse  des  substances  qui 
avaient  été  administrées  au  défunt.  On  croyait  ne  pouvoir  dé- 

qui  préparèrent  sa  ruine,  entre  autres  par  !e  comte  d’Artois,  et  par  un  tîls  de 
Guy  de  Dampierre,  Robert  de  Béthune.  La  Brosse  laissa  un  riche  héritage, 
dont  on  ne  laissa  qu’une  partie  à ses  enfants;  l’autre  fut  confisquée,  et  la 
terre  de  Damville,  notamment,  donnée  à Mathieu  de  Montmorency.  Voyez 
les  documents  publiés  par  M.  Jubinal,  à la  suite  de  La  complainte  et  le  jeu 
de  Pierre  de  la  Broce , Paris,  Techener,  1835. 

1 Pierre  de  Bevais,  et  non  de  Benais,  avait  été  d’abord  chantre  de  l’église 
de  Reims';  il  était  à cette  époque  doyen  de  Bayeux.  La  femme  de  La  Brosse 
s’appelait  Philippine  de  Saint-Venant.  Jubinal,  1.  c. 


couvrir  un  crime  qu'en  torturant  les  prévenus  ou  au  moyen 
d’opérations  magiques.  Pour  connaître  la  cause  de  la  mort  du 
prince,  on  consulta  ceux  que  l’on  considérait  alors  comme  doués 
du  pouvoir  de  lire  dans  l’avenir.  Le  vidante  de  l’église  de  Laon,  un 
très-mauvais  sarabaïte  ],  et  une  béguine  de  Nivelles,  tous  trois 
jouissant  d’une  réputation  de  sainteté,  passaient  pour  avoir  des 
révélations 1  2.  Ils  contribuèrent  d’abord,  paraît-il,  à accréditer  les 
bruits  répandus  contre  la  reine,  car  Guillaume  de  Nangis,  dans 
son  style  ampoulé  et  obscur,  accuse  La  Brosse  de  les  avoir  gagnés. 
Philippe,  voulant  obtenir  des  renseignements  plus  précis,  chargea 
Mathieu,  abbé  de  Saint-Denis,  et  l’évêque  de  Bayeux,  d’aller 
interroger  la  béguine.  Que  se  passa-t-il  alors?  On  ne  le  sait  trop, 
car  la  narration  de  Nangis  est  des  plus  singulières  : 1 évêque  de 
Bayeux,  ayant  prévenu  l’abbé  auprès  de  la  fausse  prophétesse , 
prétendit  qu’elle  s’était  confessée  à lui,  mais  refusa  de  révéler  sa 
confession;  de  son  côté  la  béguine  ne  voulut  rien  dire  à l’abbé  : 
Philippe  se  montra  fort  irrité  de  ces  réticences.  Il  envoya  à Ni- 
velles de  nouveaux  délégués,  l’évêque  de  Dol,  et  un  personnage 
qui  a déjà  figuré  dans  notre  récit,  Arnoul  de  Wcsemale,  alors 
chevalier  du  Temple.  Cette  fois,  et  grâce  sans  doute  à la  présence 
d’Arnoul,  qui  n'était  pas  un  homme  dont  on  put  se  jouer,  la 
béguine  eut  peur.  D’après  sa  déclaration  formelle  le  roi  ne  devait 
rien  croire  de  ce  qu’on  tenterait  de  lui  insinuer  au  désavantage  de 
sa  femme,  car  elle  était  bonne  et  fidèle,  et  elle  aimait  de  tout 
son  cœur  lui  et  les  siens.  Le  roi  comprit  alors  qu’il  avait  auprès 
de  lui  des  serviteurs  perfides. 

» Dès  ce  moment  la  position  du  puissant  chambellan  devint 
périlleuse.  Philippe  dissimula  ses  sentiments.  Son  favori  parut 
garder  son  influence,  mais  les  grands  et  notamment  Robert  d’Ar- 
tois, la  sapaient  sans  relâche.  Près  de  deux  ans  se  passèrent  jus- 
qu’au jour  où  un  moine  apporta  au  roi,  à Melun,  des  lettres 
scellées  par  La  Brosse,  et  qu’un  messager  mort  dans  son  couvent 
y avait  laissées.  Le  roi  ne  montra  ces  lettres  qu’à  son  conseil 


1 Sarabaïta  pessimus.  On  appelait  Sarabaïtes  les  religieux  vivant  isolés, 
sans  reconnaître  des  règles. 

2 Qui  nu! la  religione  approbali , Deo  mentiti,  per  arctam  vitam  qttam 
deforis  ostendebant,  habere  prophetiae  spiritum  dicebantur. 


( 58  ) 

secret  : une  première  fois  à Melun,  une  seconde  fois  à Vineennes. 
La  Brosse  fut  arrêté,  puis  emprisonné,  d’abord  à Paris,  puis  à 
Janvillc  en  Bcauce,  Traduit  devant  une  commission  composée  du 
duc  de  Bourgogne,  du  duc  de  Brabant,  son  neveu,  et  du  comte 
d’Artois,  cousin  de  Jean  Ier  1 , et  qui  l avait  déjà  accusé,  La  Brosse 
avait  peu  de  faveur  à attendre  de  pareils  juges,  animés  par  le 
désir  de  venger  leur  parente  commune  et  qu’un  profond  secret 
sur  la  nature  même  de  l’accusation  mettait  à l’abri  de  toute  res- 
ponsabilité. Il  fut  condamné  et  pendu  au  gibet  de  Montfaucon, 
le  50  juin  1278.  » 

Le  récit  de  ces  événements  a été  singulièrement  altéré  par  nos 
chroniqueurs,  même  par  ceux  que  l’on  peut  en  quelque  sorte 
qualifier  de  contemporains.  Selon  Van  Veltbem,  la  reine  Marie, 
accusée  par  La  Brosse,  fut  enfermée  dans  un  château,  en  même 
temps  que  sa  camériste.  Le  duc,  secrètement  averti,  prit  immé- 
diatement conseil  de  scs  barons,  et  s’empressa  de  partir  pour 
Paris,  accompagné  seulement  d’un  écuyer  nommé  Godekin  Van- 
denstalle 1  2 3 et  qui  était,  est-il  dit  ailleurs,  du  village  de  Meerbeke, 
dans  la  mairie  de  Campenhout  5.  Arrivé  au  château  où  sa  sœur 
était  gardée,  il  lui  annonça  qu’il  allait  la  venger  ou  mourir.  La 
Brosse  apprit  bientôt  son  arrivée  et  obtint  du  roi  des  promesses 
formelles  de  protection,  mais  les  pairs  de  France  appuyèrent  les 
plaintes  du  duc  , et  le  monarque  se  vit  forcé  de  consentir  au  sup- 
plice de  son  favori.  D’autres  écrivains,  exagérant  encore  ces  dé- 
tails peu  admissibles,  nous  montrent  la  reine  menacée  d’être 
brûlée  vive,  si  un  défenseur  ne  combat  pour  elle  en  champ  clos. 
Pendant  deux  jours  personne  ne  se  présente;  enfin,  le  troisième, 
un  redoutable  chevalier,  le  duc  lui-même,  entre  en  lice.  La  Brosse 
n’ose  tenter  le  jugement  de  Dieu,  et  périt  attaché  à la  tour  du 
château  de  Vineennes  4. 


1 Le  père  du  comte  Robert,  frère  aîné  de  saint  Louis,  et  premier  comte 
d’Artois,  avait  épousé,  en  1257,  Mathilde,  fdle  du  duc  de  Brabant  Henri  III. 

2 Van  Veltbem,  L.  II  , chap.  XL  à XLIL  — Van  ïteelu  ne  dit  que  quel- 
ques mots  de  l'affaire  de  La  Brosse,  L.  Ier,  v.  1568  et  suiv. 

3 Fragment  d’un  manuscrit  des  lirabantsche  Yeesten,  publié  dans  le 

Van  Heelu  de  Willems , p.  546. 

1 Les  Annales  Colma rieuses  placent  son  exécution  vers  le  1er  juin  1278.  Le 


( S9  ) 

A la  première  nouvelle  de  l’arrestation  de  son  parent,  l’évêque 
de  Baveux  s’enfuit  à Rome.  Le  roi  envoya  au  pape  Nicolas  III  le 
templier  Arnoul  de  Wesemalc  1 , pour  demander  la  déposition  et 
la  punition  du  prélat.  La  réponse  du  souverain  pontife  est  remar- 
quable : en  témoignant  son  affection  à Philippe  III,  il  déclare  ne 
pouvoir  procéder  contre  le  prélat,  Arnoul  ayant  refusé  de  se 
porter  partie  contre  lui,  soit  en  son  nom  propre,  soit  au  nom 
du  monarque.  D’ailleurs,  aucune  rumeur,  aucune  circonstance  ne 
l’accusent.  Il  termine  en  recommandant  au  roi  la  prudence,  en 
lui  faisant  observer  que  personne  ne  songeait  à soupçonner  la 
reine.  En  même  temps  le  pape  engage  celle-ci , « elle  issue  d’une 
si  haute  lignée,  » à mépriser  des  attaques  qui  ne  pouvaient  l’at- 
teindre. Ces  sages  observations  ne  furent  pas  accueillies  comme 
elles  le  méritaient  La  cour  de  France  désirait  la  punition  de 
l’évêque,  elle  s’indignait  de  le  voir  vivre  auprès  du  pape,  non- 
seulement  en  sûreté,  mais  entouré  de  considération.  Au  commen- 
cement de  l’année  1279,  les  trois  juges  de  la  Brosse  demandèrent 
encore  au  souverain  pontife,  comme  une  faveur  qui  était  due  à 
leur  rang,  la  punition  d’un  homme  qui  n’avait  pas  craint  de  les 
offenser.  Au  bas  de  leur  lettre,  ils  ajoutèrent  de  la  main  de  l’un 
d’entre  eux  : « que  leur  cœur  ne  serait  jamais  en  paix,  tant  que 
» l’affaire  resterait  sur  le  même  pied.  » Mais  le  pape  répondit 
avec  fermeté,  le  9 juin  : « Qu'il  n’accorderait  jamais  à l’un,  comme 
» un  bienfait,  le  malheur  de  l’autre,  et  que  tout  le  crédit  des  en- 
« nemis  de  l’évêque  ne  prévaudrait  pas  contre  son  innocence  2.  » 

récit  de  la  Chronique  de  saint  Magloire  ( fabliaux  de  Barbazan . t.  II,  p 228), 
où  on  représente  les  barons  comme  ayant  fait  une  sorte  de  violence  au  roi  pour 
lui  arracher  son  consentement  à la  mort  de  La  Brosse,  est  évidemment  un 
écho  des  mêmes  bruits  que  ceux  dont  on  trouve  la  trace  dans  Van  Velthem. 

L’aventure  de  la  reine  Marie  resta  populaire;  elle  inspira  à un  écrivain 
français  du  moyen  âge  la  complainte  et  le  jeu  de  Pierre  de  la  Broce,  que 
M.  Achille  Jubinal  a publié  en  1855.  On  a édité  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
de  F histoire  de  France,  année  1844,  deux  documents  qui  renferment  de 
nouveaux  détails  sur  l’affaire  de  La  Brosse , mais  nous  n’avons  pas  dans  l’au- 
thenticité de  ces  pièces  une  foi  assez  robuste  pour  oser  nous  en  servir. 

1 Rinaldi  l’appelle  de  Ursamala. 

2 Rinaldi,  Annales  ecclesiastici , t.  III,  pp. 460,  502,  852. 


( 60  ) 

Pierre  de  Revais  resta  à Rome,  et  rentra  en  possession  de  son 
siège  après  la  mort  de  Philippe  1 ï I L 

La  reine  Marie  survécut  longtemps  à son  mari,  car  elle  n’ex- 
pira que  le  10  janvier  13:21 , trente-six  ans  après  lui.  Les  écrivains 
français  et  brabançons  ont  chanté  à Terni  ses  louanges,  mais  une 
voix  sévère  proteste  contre  leurs  adulations,  et,  en  étudiant  les 
détails  de  ses  démêlés  avec  La  Brosse,  plus  d’un  lecteur  impartial 
la  soupçonnera,  avec  Dante  Alighieri,  d’avoir  fait  périr  par  envie 
Je  malheureux  chambellan,  et  s’associera  au  vœu  que  manifeste 
le  grand  poète,  lorsqu'il  parcourt  en  imagination  le  purgatoire  : 
« Puisse  la  dame  de  Brabant,  pendant  qu  elle  vit  encore,  pourvoir 
» à ne  pas  être  un  jour  rangée  dans  une  plus  coupable  troupe.  » 
La  reine  habitait  à Paris  1 hôtel  de  Flandre,  qui  devait  à l’évêché 
de  cette  ville , comme  elle  le  déclare  en  1 51 8 , un  cens  de  six  livres 
parisis  ~2.  Son  cœur  fut.  porté  au  couvent  des  Dominicains,  et  son 
corps  reçut  la  sépulture  aux  frères  mineurs.  Non  contente  d’enri- 
chir des  établissements  religieux  ou  charitables  de  France,  elle  en 
fonda  un  en  Brabant  , en  reconnaissance  sans  doute  du  témoignage 
solennel  qu’avait  rendu  de  son  innocence  la  béguine  prophétesse. 

La  ville  de  Nivelles,  où  suivant  un  ancien  légendaire,  l’institut 
des  béguines  prit  naissance  et  attira  jusqu'à  deux  mille  adeptes, 
en  comptait  surtout  un  grand  nombre  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Cyr.  Là,  au  nord  de  la  ville,  à peu  près  à l’endroit  où  se  trouve 
aujourd’hui  la  station  du  chemin  de  fer,  la  reine  Marie  fit  com- 
mencer un  somptueux  édifice,  destiné  à recevoir  les  béguines 
pauvres  et  malades.  Au  mois  de  mars  1280-1281,  il  n’existait 
encore  qu’à  l’état  de  projet r>,  mais  il  s’éleva  bientôt,  quoique  avec 
lenteur  4 5.  L’évêque  de  Liège  et  le  pléban  de  la  paroisse  conscnti- 


4 Gallia  christiana,  t.  X,  co!.  570. 

2 Sauvai,  Des  redevances  dues  et  des  présents  faits  aux  rois  et  reines  de 
France  de  la  troisième  race  ( Lc-ber , Choix  de  dissertations , t.  Vil,  p.  454.) 

5 Acte  du  mercredi  après  le  jour  du  grand  carême  , en  mars  1280.  Cartu- 
laire  du  chapitre  de  Nivelles , f°  457. 

4 Approbation  par  l’abbesse , d’un  don  fait  à « l’hospital  noviaul  de  S.  Soire 
» ou  aux  pauvres  béghines  doudit  lieu,  si  ledit  hospital  naloil  en  avant.  » 
Acte  daté  de  la  nuit  de  madame  Sainte-Gertrude,  en  mars  1281  ( 1282  nou- 
veau style.  ) Ibidem , f°  458  v 


( 'il  ) 

rent  à ce  que  l'on  y célébrât  l’ofïice  divin  , mais  seulement  deux 
ou  trois  fois  par  semaine,  et  les  jours  non  fériés  1 , et  l'abbesse  de 
Nivelles  en  approuva  la  fondation  et  en  retint  la  « warde  et  sou- 
veraineté 2.  » Mais,  faute  de  revenus  suffisants,  on  dut  recourir 
pour  l’achever  aux  aumônes  des  fidèles  3.  Malgré  sa  noble  origine4 5, 
malgré  son  titre  pompeux  de  Maison  de  la  Reine,  ou  Maison  de 
la  Royauté  ce  ne  fut  jamais  qu’un  pauvre  établissement,  qui 
disparut  à une  époque  inconnue.  En  1787,  ses  revenus,  que  l’ab- 
besse de  Nivelles  employait  en  pensions  destinées  à récompenser 
de  pauvres  veuves  ou  filles  de  bonne  vie  et  mœurs,  ne  s’élevaient 
plus,  y compris  ceux  des  béguinages  de  Goutissau  et  Duquettc, 
qu’à  la  modique  somme  de  1 785  florins. 

Bien  que  constamment  occupé  dans  ses  propres  États , au  milieu 
des  embarras  que  lui  causaient  scs  guerres  dans  le  pays  de  Liège 
et  entre  le  Rhin  et  la  Meuse,  Jean  Ier  épousa  deux  fois  les  que- 
relles des  rois  de  France.  En  1270,  de  concert  avec  le  comte  de 
Juliers,  le  comte  de  Bar  et  d’autres  princes  allemands6,  il  alla  re- 
joindre l’armée  que  Philippe  111  conduisit  pour  défendre  ses  ne- 

1 La  veille  de  l’Ascension  el  le  jeudi  avant  celle  fête,  en  1281.  Ibidem , 
f°  460.  — En  1282,  le  dimanche  après  la  circoncision  (2  janvier),  l’évêquf? 
permit  de  célébrer  une  messe  par  jour , in  novo  hospital  i beghinarum  S.  Siri , 
et,  en  1288,  son  official  permit  aux  mambours  de  l’hôpilal  d’y  pendre  une 
cloche,  ibidem,  fos  461  et.463. 

2 En  mai  1281,  mercredi  après  i’ Ascension.  Ibidem , l‘°  461. 

5 Attestation  en  date  du  lundi  avant  le  dimanche  Invocavil  me  1285. 
Ibidem , f°  461 . 

A Que  domus  fuerat  construcla  ab  illustrissima  domina  Dei  gratin 

quondam  Francie  Regina,  in  qua  pauperes  Beguine  commorabanlur 

De  ordinatione  et  eleemosinis  serenissime  domine , domine  Marie,  Dei  per- 
missions regine  Francie , elc.  Acte  cité  à la  note  précédente. 

Hospitale  pauperum  Beghinarum  S.  Spiritus , in  parrochia  S.  Siri  in 

Nivella,  de  domo  qui  dicitur  unius  illustrissime  regine  Francie quod  de 

novo  reedi ficari  cèpit  opéré  sumptuoso.  Acte  émanant  de  l’abbé  de  Liteaux, 
du  mois  d’août  1284.  Carlulaire  cité,  f°  462  v°. 

5 Li  maison  condist  le  Roine,  ki  est  en  la  parroche  de  S.  Soire,  ki  est 
maisons  de  pouvres  beghines.  Acte  cité  à la  note  2.  — Domus  regine  apud 
Nivellam , 1286. — La  Royauleit  de  Saint  Syre.  1534.  Carlulaire  cilé,  passim. 

G De  regno  Allemaniae  , Resta  Philippi  111  regis , 1.  c.,  p.  855. 


( 62  ) 

veux,  les  enfants  de  La  Cerda,  contre  leur  oncle,  don  Sanche  de 
Castille.  Mais,  en  arrivant  à Salvatierra,  les  troupes  du  roi  n’y 
trouvèrent  pas  de  vivres,  et  se  virent  dans  l’impossibilité  d’avan- 
cer. Ce  fut  au  retour  de  cette  expédition  malencontreuse,  que 
Jean  Ier  et  son  frère  Godefroid  furent  armés  chevaliers,  à Paris  *. 

Quelques  années  après , une  nouvelle  guerre  vint  diviser  la 
France  et  l’Espagne.  Les  Vêpres  Siciliennes  ayant  délivré  une 
partie  du  royaume  de  Naples  du  joug  des  Français,  et  le  roi 
d’Aragon  ayant  pris  parti  pour  les  révoltés,  le  roi  Philippe  III 
arma  en  faveur  de  son  parent,  le  roi  de  Naples,  Charles  d’Anjou. 
Nous  n’entrerons  pas  dans  le  détail  des  péripéties  qu’offrit  cette 
lutte.  Nous  nous  bornerons  à rappeler  qu’il  fut  un  instant  ques- 
tion de  vider  la  querelle,  le  1er  juin  1285,  par  un  combat  singu- 
lier de  cent  chevaliers  contre  cent  autres,  parmi  lesquels  figure- 
raient d’une  part,  Charles  d’Anjou,  et,  de  l’autre  part,  Pierre 
d’Aragon.  La  cour  de  France  et  le  pape  jugèrent  trop  périlleux  2 
cet  expédient , qui  était  tout  à fait  dans  les  moeurs  de  l’époque. 
Un  Brabançon,  le  célèbre  bâtard  sire  Franco  de  Wesemale,  et 
trois  hesbignons:  le  sire  de  Hemrieourt,  sire  G.  de  Hanelfe  et 
sire  Walter  de  Mommale,  furent  compris  parmi  les  champions 
auxquels  Charles  d’Anjou  voulut  confier  la  défense  de  scs  droits  5. 
Les  négociations  n’ayant  pas  abouti,  le  roi  de  France  résolut 
d’envahir  les  États  du  roi  d'Aragon.  Il  passa  les  Pyrénées,  au  mois 
de  juin  1285,  avec  une  armée  redoutable,  où  l’on  comptait,  dit- 
on,  quatre-vingt  mille  fantassins  et  vingt  mille  cavaliers,  et  que 
secondait  une  flotte  de  cent  vingt  vaisseaux.  Le  roi  d’Aragon, 
alors  délaissé  par  son  allié  le  roi  de  Castille,  abandonné  même  par 
une  partie  de  ses  sujets  qui  s’étaient,  soulevés  contre  lui,  ne  se 
découragea  pas.  La  ville  de  Gironc  fut  assiégée  et  prise,  mais  les 

1 Butkens , t.  Ier,  p.  288  — A l’occasion  de  cette  expédition,  le  roi  de  France 
prêta  au  duc  6,000  livres  tournois  , dont  celui-ci  donna  quittance  à Vincen- 
nes,  le  16  janvier  1278-1279.  Willems,  Van  Heelu , p.  403. 

2 Lettres  du  doyen  de  Caen  à Béatrix  de  Brabant  , dame  de  Courtrai.  Jules 
de  Saint-Génois,  Inventaire , p:  106. 

5 Iloesem , l.  c.,  c.  XIV. 


( 65  ) 

chaleurs  excessives  accablèrent  l’armée  française  et  y occasion- 
nèrent une  grande  mortalité.  Le  roi  Philippe  en  mourut,  au  mois 
d’octobre,  et  le  duc  Jean  tomba  malade,  au  point  que  l’on  craignit 
pour  ses  jours.  Plusieurs  de  ses  barons  et  chevaliers  : Henri  de 
Louvain,  sire  de  Herstal;  Léon,  sire  de  Bautersem;  Jean,  sire  de 
Rotselaer;  Jean,  sire  de  Wavre;  Jean  de  la  Hutte  et  son  fils,  Jean 
Vanden  Bossche,  Herman  de  Brustene,  Pinchard  de  Fresin,  Gilles 
de  Harduemont  et  Henri  de  Rixensart  y perdirent  la  vie;  d’autres, 
tels  que  le  sire  d’Aerscliot,  Guillaume,  sire  de  Hemricourt,  Franco 
de  Wesemale,  etc.,  échappèrent  à la  contagion  l.  Gérard  de 
Luxembourg,  sire  de  Durbuy,  et  Rase  de  Gavrc,  sire  de  Liecle- 
kerke,  étaient  aussi  de  l’expédition  d’Aragon;  le  duc  leur  avait 
promis,  au  premier,  trois  mille  cinq  cents;  au  second,  trois  mille 
livres  tournois,  à condition  de  l’y  accompagner  et  de  le  servir  pen- 
dant un  an,  chacun  avec  quatre  autres  chevaliers2. 

Les  rapports  d’amitié  qui  avaient  existé  entre  le  Brabant  et  le 
royaume  de  France,  continuèrent  après  la  mort  du  royal  beau- 
frère  de  Jean  Ier.  Philippe  le  Bel,  fils  de  Philippe  III,  témoigna 
aussi  une  grande  affection  à notre  duc,  et  lui  en  donna  une  preuve 
éclatante  en  décidant  en  sa  faveur  la  fameuse  querelle  au  sujet 
du  duché  de  Limbourg.  Les  alliances  qu’avaient  contractées  la  fa- 
mille de  Louvain  avec  plusieurs  grandes  races  baroniales  de 
France  : les  comtes  d’Artois , les  comtes  de  Saint-Pol,  les  Châtillon , 
qui  en  plus  d’une  circonstance  vinrent  combattre  sous  la  ban- 

* Van  Veltliem,  l.  c.,  c.  XL11I  et  XLIX.  — Butkens,  t.  1er,  p.  305.  — Les 
bruits  les  plus  ridicules  circulèrent  en  Allemagne  au  sujet  de  cette  expédi- 
tion. Suivant  YHisloria  Australie  (citée  dans  Freher,  Rerum  Gennanicarum 
Scriptores , t.  1er,  p.  477),  le  duc  de  Brabant  y périt;  le  duc  de  Lorraine  et 
son  frère  l’évêque  de  Metz  échappèrent  à grand’peinc  à la  mort.  Outre  ces 
princes,  les  comtes  de  Flandre,  de  Hollande,  de  Picardie  et  le  duc  de  Bour- 
gogne accompagnaient  l’expédition. 

2 1er  et  G mars  1285,  Van  Heelu , p.  454  et  suiv.  Nous  remarquerons  ici 
que  des  troubles  éclatèrent  à Lille,  dans  l’église  Saint-Étienne,  lorsqu’on  y 
prêcha  la  Croix  d’Aragon.  Les  ecclésiastiques  qui  voulurent  appeler  Je  peu- 
ple aux  armes  furent  insultés.  Le  1er  mai  1285,  le  comte  Guy  de  Dampierre 
pardonna  aux  reward,  échevins  et  commune  de  Lille,  et  leur  lit  remise  des 
amendes  qu'ils  avaient  encourues  Saint-Génois,  Monuments , p.  729. 


( 64  ) 

iiicrc  brabançonne,  lui  assuraient  d’ailleurs  des  amis  dévoués 
dans  les  conseils  des  descendants  de  saint  Louis.  Jean  Ier  resta 
donc  leur  allié.  Mais,  pendant  la  dernière  partie  de  son  règne, 
scs  affaires  l’appelèrent  et  le  retinrent  plus  fréquemment  sur  les 
bords  de  la  Meuse,  et  des  négociations,  entamées  à une  époque 
où  les  cours  de  Paris  et  de  Londres  vivaient  dans  une  entente 
parfaite,  préparèrent,  avec  la  participation  de  son  fils,  le  renou- 
vellement de  l’ancienne  ligue  de  l’Angleterre  et  des  princes  des 
Pays-Bas  contre  les  empiétements  et  l’ambition  de  la  France. 


Au  milieu  du  treizième  siècle,  la  puissance  anglaise  n’exerçait 
plus  sur  le  continent  l’ascendant  qu’elle  avait  dû  à la  politique 
des  rois  PJanlagcnets.  On  ne  voyait  plus,  comme  dans  la  grande 
époque  de  Henri  11  et  de  Richard  Cœur  de  Lion,  et  comme  on  le 
vit  encore  sous  Edouard  111,  les  souverains  de  l’Angleterre  porter 


la  terreur  jusqu’aux  portes  de  Paris.  La  vieille  île  des  Bretons  était 
déchirée  par  les  plus  violentes  commotions  politiques.  Les  nobles, 
en  travaillant  sans  relâche  à défendre  leurs  droits  contre  les 
monarques,  en  appelant  les  communes  à leur  aide,  préparaient 
l’établissement  de  cette  constitution  vigoureuse  qui  devait  donner 
à leur  patrie  tant  de  siècles  de  grandeur.  Pendant  que  la  France 
respirait  sous  le  sceptre  d’un  monarque  sage  et  bienveillant, 
Henri  111  ne  s’était  maintenu  sur  le  tronc  qu’au  prix  de  luttes  et 
de  concessions  alternatives  : trop  faible  pour  gouverner  par  lui- 
meme,  trop  inconséquent  pour  choisir  des  ministres  habiles. 

Déjà  avant  de  monter  sur  le  trône,  son  bis  Édouard  promettait 
un  meilleur  avenir.  Le  respect  qu'il  avait  montré  pour  la  foi 
jurée,  son  caractère  chevaleresque,  son  expédition  à la  Terre 
Sainte,  son  dévouement  et  sa  fidélité  à son  père,  lui  avaient  at- 
tiré l’affection  de  ses  sujets  et  l’admiration  des  étrangers  L Faut-il 


1 Malheureusement  les  qualités  d’Édouard  étaient  ternies  par  son  avidité 
insatiable,  et  on  peut  lui  re[ rocher  aussi  la  cruauté  avec  laquelle  ii  traita  le 


( «S  ) 

s’étonner  qu’un  prince,  dont  le  caractère  offrait  tant  de  ressem- 
blance avec ‘le  sien,  ait  éprouvé  Je  désir  de  nouer  avec  lui  des  rela- 
tions intimes? 

Le  désir  de  prouver  sa  vaillance  conduisit  Jean  Ier  à un  grand 
tournoi  qui  se  donnait  en  Angleterre.  Bien  qu’une  partie  de  ses 
compagnons,  entre  autres  Waleran  de  Fauqucmont  et  le  comte  de 
Luxembourg,  eussent  accepté  l’offre  de  combattre  avec  le  comte 
de  Clarc  , il  maintint  son  défi  de  combattre  contre  tous  ceux  qui 
se  présenteraient  dans  la  lice.  Mais  le  roi  Edouard,  jugeant  sans 
doute  la  partie  irop  inégale,  mit  sous  ses  ordres  six  des  meilleures 
bannières  de  son  royaume.  Les  prouesses  de  Jean  Ier  firent  l’ad- 
miration des  spectateurs  du  tournoi,  et  bientôt  on  ne  parla  plus 
que  de  lui  en  Angleterre  *.  C’est  alors  qu’on  arrêta  le  mariage 
de  Jean,  Fds  de  Jean  Ier,  et  de  Marguerite  d’York,  fille  aînée  du 
roi  Edouard.  Les  conditions  dont  on  convint  furent  solennelle- 
ment approuvées,  à Westminster,  le  2b  janvier  1277,  par  la  reine 
Eléonore,  Robert,  évêque  de  Baa  et  de  Galles;  Edmond,  frère  du 
roi;  le  comte  de  Champagne,  Edmond,  comte  de  Cornouailles; 
Guillaume  de  Valence , comte  de  Pembroke;  Henri  de  Lascy,  comte 
de  Nichoîe  et  connétable  de  Chester,  et  Antoine  Bek  2. 

Les  deux  enfants  étant  encore  fort  jeunes,  leur  union  ne  put 
se  réaliser  de  sitôt.  C’est  pourquoi,  sans  doute,  les  clauses  du 
contrat  ne  reçurent  que  plus  tard  la  sanction  des  parties  contrac- 
tantes. Le  duc  envoya  en  Angleterre,  comme  ambassadeurs, 
l’abbé  de  Saint-Bernard,  le  sire  de  Bautersem,  Jean,  son  « se- 
cret chapelain;  » Henri,  son  aumônier,  qui  était  commandeur  de 
la  « baillerie  » ou  bailliage  du  Temple  en  Brabant,  et  Francon  de 
Louvain,  chevalier  de  son  hôtel5.  Le  roi  s’engageait  donner  au 
duc  cinquante  mille  livres  tournois,  payables  : vingt  mille  à Paris 
un  mois  après  la  conclusion  du  traité,  et  le  restant  à Bruxelles, 

prince  de  Galles  David,  qui  s’était  révolté  contre  lui  (voyez  Chronicon  Tho- 
mae  Wikes , apitd  Gale,  t.  11,  p.  111 , ad  annum  1282). 

1 Yan  Velthem,  I.  11 , c.  XLV. 

2 Cartulaire  de  Brabant  B.,  f°  89. 

3 Acte  daté  du  jour  de  la  Tiphaine  ou  Epiphanie  1278.  Rymer,  Foedera , 
lilterae  et  acta  publica,  t.  II , pp,  5-19  et  suivantes  , édit,  de  Londres,  1816. 

Tome  XIII.  5 


un  tiers  à la  Saint-Jean-Baptiste  suivante,  un  tiers  à la  Noël  d’en- 
suite et  le  dernier  tiers  lors  du  mariage  des  deux  jeunes  gens. 
Jean  Ier  était  tenu  de  restituer  au  roi  quarante  mille  livres,  si  le 
mariage  ne  pouvait  avoir  lieu,  et  vingt-cinq  mille  livres  seule- 
ment, si  l’un  des  conjoints  décédait  sans  enfants  après  leur  union. 
Pour  sa  part  dans  la  dot  du  jeune  couple,  il  consentait  à lui  assi- 
gner trois  mille  livres  de  revenu,  qui,  à sa  mort,  seraient  aug- 
mentées de  mille  autres  livres. 

De  nombreuses  ratifications  vinrent  valider  cette  importante 
transaction,  dont  on  était  loin  alors  de  prévoir  toutes  les  consé- 
quences. Le  duc  lui-même,  se  trouvant  à Londres,  l’approuva, 
ainsi  que  son  frère  Godefroid,  les  sires  dellerstal,  de  Malines,  de 
Marbais,  de  Bréda  (Arnoul  de  Louvain),  de  Diest,  de  Bauter- 
sem  1 ; ses  ambassadeurs  remplirent  aussi  la  même  formalité  2 3.  A 
quelque  temps  de  là,  Jean  se  rendit  à Compiègne,  où  le  traité 
fut  de  nouveau  sanctionné  par  lui,  puis  par  Godefroid,  les  sires 
de  Ilerstal,  de  Marbais,  de  Malines,  de  Bréda,  de  Bautersem,  de 
Walbain , et  Walter,  fils  aîné  du  seigneur  de  Malines5.  Là,  les 
chevaliers  Henri  de  Lascy,  Jean  de  Yescy  et  Othon  de  Grauntsons 
lui  ayant  garanti  qu’ils  feraient  tous  leurs  efforts  pour  assurer 
l’exécution  des  conventions  précitées,  et  le  premier  en  ayant  fait 
serment  sur  les  Evangiles,  « en  larme  du  roi,  » en  vertu  des 
pleins  pouvoirs  qu’Êdouard  lui  avaient  donnés  de  sa  bouche  et 
par  lettres  patentes  4,  le  duc  Jean  jura  de  même,  en  présence 
des  chevaliers  anglais  que  nous  venons  de  nommer  et  de  maître 
Robert  de  Beauvoir,  clerc  b. 

La  duchesse  de  Brabant  ajouta  sa  confirmation  à la  sienne  et, 
à la  demande  de  leur  prince,  les  maires,  éclievins  et  communes 
de  Louvain,  de  Bruxelles,  d’Anvers,  de  Tirlemont  et  de  Léau  se 
portèrent  caution  pour  lui,  s’obligèrent  « eux  et  leurs  hoirs,  » 
pour  tous  ceux  de  leurs  biens  qui  seraient  trouvés  à l’étranger, 

1 Rymer , /.  c. 

2 Acte  en  date  du  lundi  avant  la  conversion  de  saint  Paul  1278.  Ibidem. 

3 Actes  du  mardi  avant  la  Purification.  Ibidem.  ■> 

1 Acte  en  date  du  dimanche  après  la  Purification.  Cartulaire  de  Brabant  cité. 

* Acte  du  même  jour.  Rymer,  l.  c. 


( «7  ) 

notamment  dans  les  États  des  rois  de  France,  d’Angleterre, 
d’Écosse,  des  comtes  de  Champagne  et  de  Flandre,  sur  terre  et 
sur  mer,  et  autorisèrent  le  roi,  en  cas  où  le  duc  manquerait  à 
ses  obligations,  à s’emparer  de  ces  biens  et  à les  faire  vendre, 
jusqu’à  concurrence  des  sommes  stipulées  par  les  parties  con- 
tractantes h 

Dès  le  lundi  après  la  Sainte-Marie-Madeleine  1286,  Jean  Ier 
donna  quittance  entière  des  cinquante  mille  livres  que  lui  devait 
son  nouveau  parent 1  2.  Mais  comme  il  était  toujours  en  besoin 
d’argent,  il  ne  se  montra  pas  très-pressé  de  remettre  à son  fils  et 
à sa  bru  leur  dot,  qu’il  avait,  il  est  vrai,  portée  à six  mille  livres, 
outre  deux  mille  qui  seraient  données  à la  princesse  dans  le  cas 
où  elle  deviendrait  veuve  3.  A sa  demande,  le  roi  lui  abandonna 
la  jouissance  de  ces  revenus,  pour  un  terme  de  trois  années  com- 
mençant à la  Noël  1290,  à la  seule  condition  d’y  renoncer,  si  lui, 
le  roi,  partait  pour  la  terre  sainte4 5.  Tout  en  accordant  cette  con- 
cession, Édouard,  aussi  précautionneux  qu’avide,  chargea  le  clerc 
Guillaume  de  Carleton  et  le  chevalier  Roger  de  Tilmanston  d’as- 
sister à l’assignation  des  cinq  mille  livres  de  revenus  ajoutées  par 
le  duc  au  montant  primitif  de  la  dot  du  jeune  couple.  Le  mariage 
de  Jean  et  de  Marguerite  se  célébra  en  grande  pompe  à West- 
minster, le  dimanche,  veille  des  octaves  de  Saint-Jean,  en  l’an- 
née 1290.  Il  y eut  à cette  occasion,  dit  un  historien  anglais,  un 
festin  incomparable3. 

1 Actes  du  mois  de  mars.  Ibidem. 

2 Acte  daté  de  Londres,  le  dimanche  après  la  fête  de  SS.  Pierre  et  Paul, 
en  1290,  avec  l’approbation  des  seigneurs  d’Aerschot,  de  Walhain,  de  Ber- 
laer,de  Liedekerke  et  Breda,  de  Cuyck  , de  Diest,  de  Gramines  (Jean  Ber- 
thout),  de  Walhain  (Arnoul) , de  Berghes,  de  Botselaer  et  d’Assche. 

3 Actes  du  mardi  avant  Pâques  1290  et  du  7 juin  1291  , Ibidem,  pp.  751 
et  750. 

1 Lettre  datée  de  Torpel , le  8 septembre  1290.  Ibidem,  p.  739.  Le  roi 
Édouard  y promet  de  garder  le  duc  de  tout  dommage,  « suivant  la  pourpar- 
lance  qui  fut  entre  son  frère  Edmond  et  le  duc,  » et  prie  ce  dernier  d’ajouter 
foi  à ce  que  lui  diront  ses  envoyés,  au  sujet  du  duché  de  Limbourg. 

5 Chronicon  Thomae  Wikes , dans  les  Scriptores  liistoriae  anglicanae , de 
Gale,  t.  II  ,p.  121. —Marguerite y est  à tort  appelée Béatrix. C’est  également  à 


( 08  ) 

Déjà,  quelques  années  auparavant,  le  roi  anglais  avait,  négoeié 
le  mariage  de  son  fils  Alphonse  avee  Marguerite  de  Hollande;  puis, 
cette  alliance  ayant  avorté  par  suite  de  la  mort  des  deux  fiancés, 
il  avait  uni  sa  fille  Élisabeth  à Jean,  1 héritier  du  comté  de  Hol- 
lande. La  cérémonie  qui  s’accomplit  à Westminster  en  1290,  lui 
assura  sur  le  continent  un  nouvel  allié;  plus  tard,  persistant  dans 
la  même  ligne  de  conduite,  il  y accroissait  encore  son  influence, 
lorsque  arriva  la  mort  de  Jean  lir,  dont  la  vaillance  aurait  singu- 
lièrement secondé  ses  desseins. 


III. 


On  s’étonnera  sans  doute  que  nous  ne  nous  soyons  pas  occupé 
plus  tôt  des  relations  du  Brabant  avec  l'Empire.  Mais,  outre  que  les 
dues  affectèrent  toujours  de  jouer  le  rôle  de  princes  indépendants 
et  de  rester  éloignés  des  diètes  et  des  armées  des  Hohenstauffen, 
Jean  1er  arriva  au  trône  et  l’occupa  pendant  une  époque  de  dés- 
ordres et  d’anarchie.  A la  faveur  des  événements,  il  put  agrandir 
librement  son  autorité  et  son  influence,  sans  rencontrer  d’autres 
obstacles  que  sa  propre  modération  et  les  efforts  ostensibles  ou 
cachés  des  princes  ses  voisins. 

Richard  de  Cornouailles,  dont  le  nom  était  entouré  en  Angle- 
terre d’une  grande  popularité  et  qui  possédait  en  abondance  un 
des  meilleurs  moyens  d’action  en  politique,  l’argent,  aurait  peut- 


toi't  que  Butkens  tixe  au  2 janvier  129-i  la  date  de  ee  mariage.  M.  .Van  Bruyssel 

a publié,  dans  les  Bulletins  de  la  Commission  royale  d’histoire , llmc  série, 
* , 
t.  Xîl,  p.  49,  une  gracieuse  lettre  du  jeune  prince  au  roi  Edouard.  Après 

avoir  demandé  à son  futur  beau-père  de  ses  nouvelles  et  lui  avoir  annoncé 

qu’il  se  trouvait  en  bonne  santé,  le  lils  du  duc  ajoute  qu’il  souhaite  beaucoup 

le  voir:  « Chier  sire,  dit-il  ensuite,  je  vous  prie  ke  vous  meteis  conseil  ke  je 

v espouçe  tost,  car  je  le  désire  moût  (beaucoup)  et  me  commandes  adès  vo 

» volontei  comme  à vostre  fille.  » Jean  11  était  alors  fort  jeune,  car  cette 

lettre,  qu’il  scella  du  sceau  de  sa  mère,  faute  d’en  avoir  un,  doit  être  de 

l’année  l28o  au  plus  lard,  époque  delà  mort  de  Marguerite  de  Flandre. 


( G9  ) 

être  rendu  de  Péclat  et  de  Ja  force  au  pouvoir  impérial,  sans  les 
discussions  interminables  qui  s’élevèrent  en  Angleterre  entre  son 
frère,  le  roi  Henri  III,  et  ses  barons.  A peine  couronné  roi  des 
RomainsL,  il  était  retourné  dans  sa  patrie,  où  les  événements  le 
retinrent  presque  constamment.  Après  un  court  séjour  en  Alle- 
magne pendant  l’année  1262  *,  il  regagna  son  pays  natal  et  y resta 
jusqu’au  4 août  1208.  Le  plus  grand  désordre  régnait  sur  les 
bords  du  Rhin,  où  les  nobles,  retranchés  dans  leurs  forteresses 
inexpugnables,  se  livraient  impunément  aux  plus  grands  dés- 
ordres, et  entravaient  la  navigation  du  fleuve,  cette  source  de 
prospérité  pour  la  contrée,  en  la  grevant  constamment  de  nou- 
veaux péages.  Richard  convoqua  a Worms,  en  1209,  une  grande 
assemblée  où  l’on  décréta  derechef  la  suppression  de  tous  les 
péages,  sauf  de  ceux  de  Boppard  et  de  Kayserswerth,  qui  devaient 
être  réservés  pour  le  trésor  royal.  Puis,  touché  par  la  suprême 
beauté  de  la  fille  du  vaillant  Thierri  de  Fauquemont  fci,  Richard 
s’allia  à elle  en  secondes  noces  (16  juin).  A peine  les  fêtes  de  cette 
union  étaient-elles  achevées  que  les  deux  époux  prirent  le  che- 
min de  l’Angleterre,  où  ils  débarquèrent,  à Douvres,  le  5 août 1 2  3. 
Le  roi  ne  revint  plus  en  Allemagne  et  mourut  le  2 avril  1271-127 2, 
à Berkamstead  4. 

Richard  parait  avoir  adopté,  dans  ses  États  électifs,  une  poli- 
tique de  transaction.  Nous  avons  vu  qu’il  approuva,  sans  diffi- 
cultés, la  cession  du  duché  de  Brabant  à Jean  Ier.  La  captivité  de 
l’archevêque  de  Cologne  et  l’accord  qui  s’en  était  ensuivi  n’avaient 
pas  rétabli  la  paix  sur  les  bords  du  Rhin.  Le  roi,  dont  les  sym- 
pathies étaient  acquises  aux  villes  plutôt  qu’à  leurs  adversaires, 
resta  étranger  aux  querelles  de  la  famille  de  sa  nouvelle  épouse , et 

1 Richard  quitta  l’Angleterre  le  24  juin  et  y rentra  le  10  février  de  l’année 
suivante.  ChroniconTh.  Wikes,  dans  les  Scriptores  historiae  anglicanae , de 
Gale , t.  II , pp.  56  et  57. 

2 Falkemonte , c’est  ainsi  qu’il  faut  traduire  le  nom  de  Falkemorite  (ri  a 
été  mal  lu  pour  n),  donné  à la  famille  de  la  reine.  Ernst,  t.  IV,  p.266,  a par- 
faitement établi  ce  fait. 

5 Wikes , Le.,  p.  86  et  suiv . 

4 Annales  Waverleienses , dans  Gale,  h c.,  t.  II , p.  226. 


( 70  ) 

s’engagea,  par  un  acte  claie  de  Wallingford , à assister  les  Colonais, 
si  le  prélat,  qui  était  pourtant  son  oncle,  les  inquiétait,  contrai- 
rement au  serment  qu  il  avait  prêté  lors  de  sa  délivrance  L 

La  mort  du  roi  Richard  laissa  un  libre  cours  aux  intrigues  des 
princes.  Son  compétiteur  vivait  encore;  mais,  trop  occupé  dans 
ses  États  héréditaires,  trop  éloigné  de  l’empire  qu’il  convoitait, 
Alphonse  de  Castille  ne  comptait  plus  de  partisans  en  Allemagne. 
L’autorité  suprême  semblait  un  bien  si  peu  désirable  qu’aucun 
des  grands  feudataires  n’y  aspira.  Lorsque  les  électeurs  s’assem- 
blèrent à Francfort  pour  choisir  le  nouveau  chef  de  l’État,  leurs 
suffrages  tombèrent  sur  un  gentilhomme  d’une  haute  naissance 
et  d’une  valeur  éprouvée,  mais  dont  l’élévation  inattendue  causa 
une  surprise  générale  (29  septembre  1275). 

Les  contemporains  de  Rodolphe,  comte  de  Habsbourg,  le  consi- 
déraient comme  un  condottierri  habile  et  heureux  plutôt  que 
comme  un  prince  destiné  à devenir  la  souche  d une  des  plus  illus- 
tres dynasties  de  l'Europe.  Lorsqu'il  reçut  la  nouvelle  de  son  élec- 
tion, il  guerroyait  contre  la  ville  de  Rôle,  dans  l’intérêt  de  la 
faction  des  nobles,  qui  en  avait  été  exilée.  Assiégeants  et  assiégés 
montrèrent  à la  fois  un  étonnement  facile  à concevoir  et  une  joie 
également  vive.  Rodolphe  offrit  la  paix  aux  Bâlois  et  ceux-ci  s’em- 
pressèrent de  lui  adresser  leurs  félicitations. 

Il  y avait  parmi  les  électeurs  un  prince  qui  voyait  avec  joie  la 
fin  de  l'interrègne,  et  qui,  cependant,  n’était  pas  sans  craintes 
pour  l’avenir.  Nous  voulons  parler  de  Louis,  due  de  Bavière, 
comte  palatin  du  Rhin.  Dans  sa  jeunesse  il  avait  épousé  Marie, 
sœur  du  duc  de  Brabant  Henri  III.  Cette  princesse  entretenait  des 
relations,  qui  n’étaient  peut-être  pas  criminelles,  avec  un  seigneur 
de  la  famille  des  Raugraves.  Un  jour  que  le  duc  était  retenu  dans 
le  palatinat,  sa  femme  écrivit  à la  fois  à tous  deux.  Son  messager, 
sans  doute  par  inadvertance,  ayant  donné  à Louis  la  lettre  qui  ne 
lui  était  pas  destinée,  fut  la  première  victime  de  sa  maladresse. 
Le  duc  crut  remarquer  dans  cette  lettre  des  expressions  équivo- 
ques, et  le  tua  sur  place.  Puis,  partant  pour  Donawerth,  il  frappa 

4 20  mai  1271.  Lacomblet,  t.  Il,  p.  361. 


( 71  ) 

cle  même  le  châtelain  de  cette  ville,  ainsi  que  la  gouvernante  et 
quelques  dames  de  la  duchesse.  Celle-ci , jetée  en  prison,  périt 
par  la  main  du  bourreau  (18  janvier  1250). 

A cet  accès  de  rage  succédèrent,  chez  le  duc  Louis,  de  profonds 
regrets.  Dans  l’espace  d’une  nuit,  sa  barbe  tomba,  ses  cheveux 
blanchirent.  Il  fit  publiquement  pénitence  de  son  crime,  en  de- 
manda pardon  aux  parents  de  Marie,  ordonna  de  célébrer  en 
grande  pompe  ses  funérailles,  et  fonda  en  son  honneur  la  char- 
treuse de  Furstenfeld,  près  de  Munich.  Ces  démonstrations  écla- 
tantes n’auraient  peut-être  pas  suffi  pour  détourner  de  sa  tête  le 
courroux  du  nouveau  roi,  s’il  ne  s’était  empressé  de  conjurer  le 
danger.  Avant  de  contribuer  à lélévation  de  Rodolphe,  il  de- 
manda au  burggrave  de  Nuremberg  de  lui  garantir  sa  sécurité  et 
de  lui  assurer  la  main  d’une  fille  de  Rodolphe.  Le  burggrave 
négocia  cette  alliance,  et  dès  lors  Louis,  qu’on  n'appelait  plus  que 
Louis  le  Sévère,  agit  ouvertement  en  faveur  du  prince  qui  allait 
unir  son  sang  au  sien  b 

Rodolphe  fut  solennellement  couronné  à Aix-la-Chapelle,  par 
rarchcvêque  de  Cologne  Engelbert,  le  21  octobre,  en  présence 
des  archevêques  de  Mayence  et  Trêves,  des  évêques  de  Liège,  de 
Paderborn  et  de  Spire,  du  duc  de  Bavière,  de  Jean , duc  de  Saxe, 
de  Jean,  marquis  de  Brandenbourg,  qu’il  appelle  ses  chers 
princes,  et  de  nobles  hommes,  le  comte  de  Juliers,  Gérard  de 
Luxembourg,  les  comtes  de  Furstemberg,  de  Wertheim,  de 
Luxembourg,  de  Spanheim,  etc. 1  2.  Jean  Ier  paraît  n’avoir  pas 
assisté  à la  cérémonie,  pour  ne  pas  rencontrer  le  duc  de  Ba- 
vière 3.  Cependant  il  était  à Aix , accompagné  du  comte  d’Artois, 

1 M.  de  Ram  a réuni  des  détails  circonstanciés  sur  la  mort  de  Marie  dans 
une  note  à De  Dynter  (t.  Il , p.  177). 

2 Voyez  l’acte  de  confirmation  des  privilèges  d’Aix-la-Chapelle , dans  La- 
comblet,  t.  Il,  p.  573  ; — Quix,  Codex  diplomalicus  Aquensis,  t.  I,  p.  139. 

3 Un  auteur  contemporain  raconte  que  le  duc  de  Bavière  s’étant  rendu  à 
un  tournoi  qui  devait  se  célébrer  devant  Rodolphe  à Cologne,  il  s’y  présenta 
aussi  cent  chevaliers  portant  tous  sur  leur  écu  l’image  d’une  femme  décapitée. 
Le  roi , prévoyant  une  lutte  terrible , reprocha  à Louis  son  imprudence  et 
ordonna  à l’assemblée  de  se  séparer.  Chronicon  Alberti  Argentinenms,  p.  104. 


( 72  ) 

et,  le  27,  il  fit  hommage  à Rodolphe,  de  qui,  le  même  jour,  il 
reçut  une  confirmation  solennelle  de  tous  les  droits,  libertés, 
concessions  et  privilèges,  que  l’empereur  Frédéric  II  et  scs  prédér 
cesseurs  avaient  accordés  aux  ducs  de  Brabant  et  à leurs  sujets  L 

Fort  de  l’appui  que  lui  prêta  Grégoire  X,  l’un  des  plus  sages 
pontifes  qui  aient  occupé  le  siège  de  saint  Pierre,  n’ayant  aucun 
ennemi  extérieur  à redouter,  Rodolphe  put  se  vouer  entièrement 
au  rétablissement  de  la  paix  dans  l’empire.  Mais  sa  tâche  était 
rude.  La  plus  grande  partie  des  possessions  et  des  droits  dont 
avaient  joui  les  empereurs  saxons  et  souabes  avaient  été  dilapidés 
pendant  les  troubles  dont  l’Allemagne  souffrait  depuis  plus  de 
trente  années.  Les  électeurs  et  les  autres  princes  de  premier  ordre 
s’étaient  habitués  à exercer  sur  leurs  Etats  une  autorité  pour  ainsi 
dire  illimitée;  les  autres  nobles  se  guerroyaient  sans  scrupule,  les 
villes  aspiraient  ouvertement  à l’indépendance.  Une  anarchie  sans 
frein  couvrait  le  pays  de  meurtres  et  de  ruines. 

Rodolphe  fut  longtemps  en  lutte  contre  l’orgueilleux  Otlocare, 
roi  de  Bohème,  qui  refusait  de  le  reconnaître  et  qui  détenait  les 
domaines  des  anciens  archiducs  d’Autriche  2.  Un  de  ses  premiers 
soins  fut  l’annulation  de  tout  ce  qui  avait  été  fait  par  les  rois  ses 
prédécesseurs,  depuis  la  déposition  de  l’empereur  Frédéric  II , 
et  sans  le  consentement  de  la  majorité  des  électeurs  3.  Le  roi  s’at- 
tacha aussi  à détruire  les  forteresses  dont  le  sol  de  certaines  pro- 
vinces était  couvert,  à établir  la  paix  publique,  c’est-à-dire  à faire 
jurer  aux  seigneurs  et  aux  villes  qu’ils  n’exerceraient  les  uns 
contre  les  autres  aucune  violence,  mais  qu’ils  s’efforceraient  de 
régler  leurs  différends  à l’amiable  par  les  voies  juridiques.  Ses 
efforts,  toutefois,  n’aboutirent  à aucun  résultat  dans  la  basse 
Allemagne;  on  ne  le  vit  plus  revenir  dans  ces  contrées  qui  ne 


x Butkens , 1. 1 , p.  287.  — De  Dynter,  t.  H,  p.  431. 

2 C’est  à' tort,  suivant  nous  , qu’on  accepte  comme  authentique  le  traité  de 
paix  conclu,  en  1271,  entre  le  roi  de  Bohême  Ottocare  et  le  roi  de  Hongrie 
Etienne,  et  dans  lequel  on  cite  les  ducs  de  Brabant  et  de  Limbourg  parmi  les 
alliés  d’Ottocare.  Rinaldi,  Annales  ecclesiaslici , t.  III,  p.  183. 

5 Déclaration  solennelle,  datée  de  Nurenberg  le  9 août  1281,  Pertz , 
Monumenta , Leges,  t.  If,  p.  455. 


{ 75  ) 

' cessèrent  d’être  en  proie  à des  guerres  terribles  : la  guerre  de  la 
Vache,  celle  qui  suivit  le  massacre  des  princes  et  des  chevaliers  de 
Juliers  à Aix-la-Chapelle,  et  la  lutte,  plus  célèbre  encore,  dont  la 
bataille  de  Woeringen  forme  le  plus  brillant  épisode.  Rodolphe 
semble  avoir  redouté  de  s’aventurer  parmi  les  populations  si  bel- 
liqueuses des  rives  du  Rhin  et  de  la  Meuse,  et  d’exciter,  par  une 
intervention  trop  directe  ou  trop  énergique,  la  jalousie  des  arche- 
vêques de  Cologne,  si  puissants  et  si  redoutés,  quoique  si  malheu- 
reux à la  guerre,  ou  du  duc  de  Brabant,  dont  la  jeune  ambition 
nourrissait  l’espoir  de  commander  sans  partage  à toute  la  basse 
Lotharingie. 

Dans  toutes  les  questions  politiques  qui  agitèrent  nos  contrées, 
Rodolphe  de  Habsbourg  déploya  constamment  de  la  duplicité  et 
de  la  mollesse.  Ainsi , il  se  montra  à la  fois  favorable  aux  Colonais 
et  à leur  archevêque  î à ce  dernier  il  donna  en  engagère  les  villes 
de  Kayserswcrth  et  de  Dortmund  *,  et  il  promit  de  le  soutenir 1  2; 
aux  autres,  sous  prétexte  qu'ils  avaient  juré  d’observer  la  paix  gé- 
nérale, il  accorda  la  faveur  d’être  compris  dans  cette  paix  3,  puis 
une  charte  de  protection  pour  leurs  députés,  avec  confirmation  de 
leur  droit  de  lever  des  impositions  et  de  percevoir  des  assises  4. 
A peu  de  temps  de  là,  l’archevêque  Engelbert  mourut  et,  ainsi  se 
termina  la  lutte  qui  durait  depuis  près  de  douze  ans. 

En  Hollande,  le  jeune  Florent  V,  fds  du  roi  des  Romains  Guil- 
laume Ier,  était  le  seul  rejeton  mâle  de  l’ancienne  lignée  des 
comtes.  En  127(>,  Rodolphe  donna  à la  fois  l’expectative  de  sa 
succession  à un  neveu  et,  à un  beau-frère  de  Guillaume  : à Jean 
d’Avcsnes,  l’héritier  désigné  du  comté  de  Hainaut,  fds  de  Jean 
d’Avesnes  et  cl’Aleyde  de  Hollande,  et  à Herman,  comte  de  Hen- 
neberg,  époux  de  Marguerite  de  Hollande.  Quelques  années  après, 
ce  dernier  renonça  à ses  droits  au  profit  de  Jean  d’Avesnes  s,  qui , 
en  effet,  devint  plus  tard  comte  de  Hollande,  de  Zélande  et  de  Frise. 

1 26  octobre  1273.  Lacomblet,  t.  J1 , p.  375 

2 Le  28  du  même  mois.  Ibidem. 

5 1er  mars  1274.  Ibidem,  p.  383. 

4 Le  2 du  même  mois.  Ibidem  , p.  386. 

3 Huydecoper  , Uym-Kronyk  van  Métis  Sfoke , t lit  , p.  500. 


( 74  ) 

Cedant  aussi  aux  conseils  ambitieux  de  Jean  d’Avesnes,  qui  ne 
cessait  de  réclamer  la  possession  de  la  Flandre  impériale,  que  saint 
Louis  avait  adjugée  à son  oncle  Guy  de  Dampierre,  Rodolphe 
réveilla  sans  nécessité  une  fâcheuse  querelle.  La  dame  de  cette 
contrée,  Marguerite  de  Constantinople,  la  mère  dénaturée  qui 
fut  la  cause  première  de  ces  dissensions  et  qui  a été  justement 
flétrie  par  l’histoire  du  nom  de  Zwarle  Margriet , n’était  pas 
encore  descendue  au  tombeau  lorsque  Rodolphe  de  Habsbourg 
défendit  aux  nobles  de  l’empire  de  donner  aide  et  appui  à Guy  de 
Dampierre  (29  mai  1275)  L La  guerre  de  la  Vache,  qui  éclata  à 
cette  époque  entre  le  Namurois,  un  des  domaines  de  Guy,  et  le 
pays  de  Liège,  donna  lieu  sans  doute  à cet  ordre,  par  lequel  se 
trahissaient  déjà  les  préférences  de  Rodolphe.  Disons  toutefois 
que  le  roi  fut  mal  obéi,  car  Guy  obtint  l’appui  de  ses  gendres,  le 
duc  de  Brabant  et  le  comte  de  Luxembourg,  et  ce  dernier,  ainsi 
que  maint  noble  homme,  et  notamment  Louis,  fils  du  comte  de 
Looz,  et  Waleram,  sire  de  Fauquemont,  briguèrent  à cette  époque 
l’honneur  de  devenir  ses  vassaux.  Le  comte  prit  de  lui  en  fief  le 
château  de  Poil  vache  et  ses  dépendances,  qui  jusqu’alors  avaient 
constitué  un  franc-alleu  (2  mars  1281)  ‘1 2. 

Ainsi  appuyé  par  la  fleur  de  la  chevalerie  belge,  Guy  brava  les 
sentences  que  porta  contre  lui  la  cour  impériale.  Lorsque  Rodol- 
phe, après  avoir  cassé  l’inféodation  de  la  Flandre  impériale  faite 
à Marguerite  et  à Guy  parle  roi  Richard  (.5  août  1281  ),  investit 
de  cette  contrée  Jean  d’Avesnes,  celui-ci  ne  put  s’y  faire  recon- 
naître pour  seigneur,  et  ceux  qu’il  chargea  de  cette  mission,  fu- 
rent chassés»  L’évêque  de  Cambrai  s’étant  présenté  au  nom  dü 
roi  à Grammont,  les  habitants  lui  fermèrent  les  portes  de  la 
ville,  et  à Alost  on  lui  fit  une  réception  plus  hostile  encore.  La 
noblesse,  sauf  Jean  d’Audenarde  et  le  sire  de  Sotteghem , resta 
également  fidèle  à la  maison  de  Dampierre.  Il  s’en  suivit  une 
sentence  de  proscription  contre  Guy,  ses  vassaux  et  ses  villes 
(15  juin,  24  novembre  et  15  décembre  1282).  Guy  s’en  émut 

1 De  Reiffenberg,  Monuments , t.  I,  p.  368. 

2 Saint-Génois,  Monuments  , p.  689, 


( 7b  ) 

peu,  et  se  borna  à appeler  au  Saint-Siège.  Le  duc  Jean  n’inter- 
vint dans  ce  débat  que  comme  médiateur.  A sa  prière,  les  deux 
comtes  conclurent  une  trêve  (15  octobre  1282),  et  acceptèrent 
ensuite  pour  arbitres  le  duc  lui-même,  le  comte  de  Nevers,  Guil- 
laume de  Flandre,  son  frère;  Jean,  sire  de  Dampierre;  Florent 
de  Hainaut,  et  Guillaume,  prévôt  de  l’église  de  Cambrai,  ces  deux 
derniers  frères  de  Jean  d’Avesnes,  qui  promirent  d’aider  celle  des 
deux  parties  qui  se  soumettrait  à leur  décision  et  de  se  déclarer 
au  contraire  contre  celle  qui  la  repousserait  (juillet  1283)  L 
Plus  tard,  évidemment  à cause  de  la  position  que  prit  Guy  dans 
la  querelle  pour  le  Limbourg,  Jean  Ier  négligea  cette  affaire.  Une 
nouvelle  sentence  de  proscription  lancée  par  Rodolphe  et  une 
décision  du  légat  du  Saint-Siège  (25  mai  1287)  ajournèrent  encore 
une  résolution  définitive;  Jean  de  Flandre,  évêque  de  Liège,  et 
Bouchard  d’Avesnes,  évêque  de  Metz,  furent  alors  pris  pour  ar- 
bitres, et  les  villes  d’Alost  et  de  Grammont  se  portèrent  cautions 
de  l’exécution  de  leur  sentence  (février  1287-1288) 1  2. 

Nous  avons  condamné  plus  haut  la  politique  de  Rodolphe.  Il 
eut  tort  de  permettre  le  renouvellement  de  ces  débats  stériles, 
ou,  s’il  croyait  à la  .nécessité  d’intervenir,  il  devait  se  prononcer 
ouvertement,  nettement,  et  appuyer  par  une  démonstration  vi- 
goureuse, la  décision  qu’il  avait  prise.  Mais,  et  c’est  ce  qui  expli- 
que ses  irrésolutions,  ses  projets  n’étaient,  pas  proportionnés  à 
ses  forces;  il  pouvait  agiter  les  Pays-Bas,  et  non  y commander  en 
maître. 

1 Willems,  Van  Heelu,  pp.  411  et  413. 

2 Jules  de  Saint-Génois,  Inventaire,  p.  139.  Les  sources  où  on  peut  puiser 
les  détails  cpii  précèdent  sont  très-nombreuses  et  généralement  très-connues. 


( 76  ) 


CHAPITRE  III. 


RELATIONS  DU  BRABANT  ET  DU  PAYS  DE  LIEGE,  DE  1270  A 1290. 


I. 

Le  pays  de  Liège  fui,  sans  contredit,  la  partie  de  la  Belgique 
dont  la  situation  attira  le  plus  fréquemment  l’attention  du  due 
Jean.  Pendant  vingt  années,  il  le  visita,  quelquefois  en  ennemi, 
plus  souvent  en  médiateur.  Cette  contrée  et  le  Brabant  étaient 
tellement  en  rapport  que  leurs  intérêts  se  confondaient  pour  ainsi 
dire.  D’ailleurs,  à part  les  questions  relatives  à la  personne  du 
prince,  les  préoccupations  des  différentes  classes,  dans  l’un  et 
l’autre,  se  ressemblaient  en  tout  point. 

A Liège  même,  l’autorité  épiscopale  fut  de  nouveau  méconnue 
et, "cette  fois,  avec  l’assentiment  commun  des  patriciens  et  des 
plébéiens.  Nous  avons  vu  que  la  défaite  de  Henri  de  Dînant  avait 
rendu  aux  premiers  leurs  prérogatives.  L’élu  qui,  à Cologne, 
combattait  aussi  pour  les  droits  des  patriciens,  paraît  les  avoir 
respectés,  en  maintenant  les  taxes  qui  se  percevaient  sur  les  den- 
rées au  détriment  des  immunités  du  clergé 

Mais  un  événement  fortuit  vint  tout  à coup  ébranler  sa  puis- 
sance. La  garnison  du  fort  qu’il  avait  fait  élever  à la  porte  Sainte- 
Walburge,  confiante  en  la  situation  inexpugnable  de  son  asile, 
accablait  les  Liégeois  de  vexations.  Elle  en  sortait  sans  cesse  pour 
leur  extorquer  de  l’argent  et  des  vivres.  C’est  pourquoi  toute  la 
cité  de  Liège  avait  la  forteresse  en  horreur  et  en  désirait  ardem- 

1 C’est  à quoi  fait  allusion  ce  passage  de  la  célèbre  lettre  adressée  à Henri 
par  le  pape  Grégoire  : Saeculares , ac  etiam  religiosos  , clericos  atque  laicos, 
indebitis  eœaetionibus  aggravas. 


( -1  ) 

ment  Ja  destruction.  Un  jour  1 qu’on  célébrait  les  noces  du  maître 
à temps  Jean  de  Marois  avec  la  belle  Aiglctine,  fdle  de  l’échevin 
Alard  Pagnois  2 3,  les  gardes  de  la  citadelle  se  rendirent  à la  fêle, 
en  abandonnant  les  clefs  à une  femme,  qui  leva  après  eux  le 
pont-levis.  Les  chefs  de  la  cité,  avertis  de  cette  circonstance,  en- 
voyèrent au  fort,  comme  pour  en  faire  cadeau  à la  garnison,  lin 
panier  de  raisins,  mais  la  gardienne,  fidèle  à la  consigne,  refusa 
de  baisser  le  pont.  Le  messager,  sans  paraître  formalisé  de  tant 
de  méfiance,  déposa  son  panier  près  de  la  porte,  et,  feignant  de 
partir,  alla  se  cacher  derrière  un  coin  de  10c.  La  gardienne  crut  le 
danger  disparu  et  sortit  pour  prendre  le  panier,  mais  elle  n’eut 
pas  le  temps  de  regagner  sa  retraite.  Le  messager  l’atteignit,  la 
dépassa  et  courut  baisser  le  pont-levis.  A ses  cris,  toute  la  popu- 
lation accourt,  entre  dans  le  fort,  et  le  détruit  de  fond  en  comble. 

L’évêquc,  irrité,  appelle  ses  vassaux  aux  armes;  mais  Saint- 
Trond , Huy,  Binant,  épousent  la  querelle  des  Liégeois.  Alors 
commence  une  guerre  nouvelle  dont  les  ravages  sont  arrêtés 
par  la  médiation  de  la  comtesse  de  Flandre,  qui  se  trouvait  alors 
à Namur  5.  Arnoul  de  Los,  prévôt  de  Cologne;  Gilles  Langius  ou 
Le  Long  et  Jean  d’Eppe,  chanoines  de  Saint-Lambert;  des  frères 
dominicains  et  des  frères  mineurs,  les  chevaliers  Henri  de  Her- 
malle  , Eustache  Persan  de  Hanneffe,  Henri,  avoué  de  Huy,  et 
quelques  bourgeois,  furent  chargés  de  conclure  la  paix  que  l'on 
surnomma  île  Sainte- Mar  guérite,  probablement  d’après  le  jour 
où  elle  se  signa.  Une  amnistie  générale  fut  proclamée,  ainsi 
qu’une  restitution  mutuelle  des  prisonniers;  les  quatre  villes  con- 
fédérées payèrent  à l’évêque  une  indemnité  de  quatre  mille  marcs, 
pour  la  destruction  du  fort;  et  les  Liégeois  consentirent  à rebâtir 
la  maison  de  l’évêque  à Nivelles  4,  s’il  était  prouvé  qu  ils  avaient 
allumé  l’incendie  dans  lequel  elle  avait  péri  5. 


1 Le  25  octobre  J 269,  selon  Fisen. 

2 Foullon,  Historia  Leodiensis , t.  I,  p.  557,  (pii  emprunte  ces  noms  à des 
chroniques  en  vers  romans. 

3 Hocsem , c.  Vil. 

4 Nivelle,  entre  Liège  et  Maestricht. 

3  Fisen,  /.  c.,  p.  19.  — En  1271 , le  dimanche  des  saints  Pierre  et  Paul , une 


( 78  ) 

Ainsi  que  presque  toutes  les  villes  rhénù-mosanes,Ia  cité  de  Liège 
avait  un  magistrat  supérieur  portant  le  nom  d’avoué  et  chargé 
principalement  du  commandement  militaire.  Ces  fonctions,  que 
l’on  doit  éviter  de  confondre  avec  celles  d’avoué  de  Saint-Lambert 
ou  du  chapitre  cathédral,  constituaient  un  franc-alleu,  tenu  à titre 
héréditaire  et  non  en  fief;  peut-être,  comme  le  conjecture  Hemri- 
court,  les  évêques  avaient-ils  été  obligés  de  l’abandonner  aux  éclie- 
vins,  à la  suite  de  quelque  débat  L L’avoué  de  Liège  percevait,  à 
son  profit,  le  tiers  de  l’impôt  sur  le  pain  et  la  bière,  le  tiers  des 
amendes  de  loi  et  le  cinquième  des  amendes  sans  loi2.  Un  seigneur 
nommé  Baudouin  en  était  propriétaire  en  125j,  mais,  non  sans 
contestation  5,  et  peu  d années  après,  le  jeune  duc  de  Brabant 
essaya  de4c  supplanter,  et  à ce  titre  s’immisça  dans  la  querelle 
des  Liégeois  et  de  leur  prince.  Les  chroniques  ne  nous  apprennent 
rien  de  cette  intervention.  Elle  est  cependant  certaine,  car  au  mois 
de  novembre  (le  jeudi  après  la  Sainte-Catherine)  1269,  les  maîtres 
des  citoyens,  les  écbevins,  les  jurés  et  la  commune  de  Liège,  en 
présence  du  duc  de  Limbourg  et  de  ses  chevaliers,  du  châtelain 
de  Daelhcm  et  d’autres  chevaliers  du  duc  de  Brabant,  reconnu- 
rent ce  dernier  pour  avoué  héréditaire  de  la  cité  et  déclarèrent 
qu’il  pourrait  y entrer  quand  et  aussi  souvent  qu’il  le  voudrait  L 

Le  duc  prit  encore  une  fois  les  armes  contre  l’évêque.  Étant 
encore  fort  jeune,  mais  déjà  façonné  au  métier  des  armes,  à cause 


vingtaine  de  chanoines  du  chapitre  de  Saint-Lambert  approuvèrent  cet  accord 
et  promirent  de  veiller  à ce  qu’il  fût  observé.  Foullon. 

1 De  Villenfagne  , Recherches  sur  l’histoire  du  ci-devant  pays  de  Liège  , 
1. 1,  p.  406. 

2 Déclaration  des  maire,  échevins,  maîtres  de  la  cité  et  autres  chevaliers 
et  bourgeois , du  mois  d’avril  1241.  Saint-Génois,  Les  pairies  du  Hainaut, 

p.  268. 

5 Voyez  à cet  égard  un  ordre  émané  de  Henri  de  Gueldre  et  enjoignant  de 
laisser  jouir  ce  seigneur  de  ses  droits.  Acte  daté  de  Beaumont,  le  jeudi  avant 
la  fête  de  saint  Jacques  et  de  saint  Philippe.  Ibidem. 

4 Bulkens,  Preuves,  p.  104.  — DeDynter,  t.  il , p 428.  — Leduc  se  trouvait 
encore  dans  le  pays  de  Liège  en  1270,1e  o mai.  Voyez  Wolters,  Codex  diplo- 
maticus  Lossensis , p.  15o.  A cette  date  il  scella  un  diplôme  à Saint-Trond, 
dans  la  maison  du  bourgeois  Robin  Prent. 


( 79  ) 

des  périls  qui  avaient  entouré  sa  jeunesse,  il  résolut  de  se  venger 
de  son  ancien  ennemi.  Soutenu  par  un  grand  nombre  de  seigneurs 
français,  notamment  par  le  comte  d'Artois,  il  envahit  le  pays  de 
Liège  à la  tète  de  toutes  les  milices  du  duché,  et  alla  camper 
près  du  lac  de  Léau  *,  entre  cette  ville  et  Saint-Trond.  Ses  sol- 
dats bridèrent  Houtain  - l’Évêque 1  2 3,  dont  1 incendie  éclaira  les 
murailles  et  les  tours  de  Saint-Trond , où  Henri  de  Gueldre  avait 
réuni  quelques  troupes.  Mais  deux  nouvelles  que  Jean  1er  reçut 
presque  en  même  temps  le  déterminèrent  à abandonner  son  en- 
treprise. La  mort  de  la  duchesse  Aleyde  le  rappela  dans  ses  États , 
et  le  couronnement  de  Rodolphe  de  Habsbourg  nécessita  sa  pré- 
sence à Aix-la-Chapelle  (1275).  Bientôt  d’ailleurs,  il  fut  débarrassé 
de  son  puissant  voisin. 

Les  débauches  honteuses  de  Henri  de  Gueldre,  qui  amenèrent 
sa  déposition,  lui  avaient  aliéné  les  cœurs  de  ses  plus  obstinés 
défenseurs.  En  1265,  il  avait  fondé  à Liège  une  communauté 
nommée  la  maison  Tire-bourse , où  l’on  suivait  une  règle  presque 
semblable  à celle  qui  régissait  les  béguines  5,  mais  qui  n’était 
en  réalité  qu’une  maison  de  prostitution,  un  sérail.  Le  viol  de 
Berthe,  fille  de  Conrad  Cocn  dit  le  Frison,  exaspéra  la  noble 
famille  des  Des  Près,  dont  Conrad  portait  les  armoiries  4;  enfin 
lorsque,  dans  une  réunion  du  chapitre  de  Saint-Lambert,  il  frappa 
du  pied  l’archidiacre  d’Ardenne,  Thibaud  de  Plaisance,  il  signa 
lui-même  la  sentence  de  sa  condamnation.  Ce  Thibaud  était  un  des 
ecclésiastiques  les  plus  instruits  et  les  plus  vénérés  du  temps.  On 
le  connaissait  vulgairement  sous  le  nom  de  Tyard.  Après  une  croi- 
sade en  Palestine,  où  il  s’était  rendu  avec  Edouard,  prince,  et 
depuis  roi  d’Angleterre  il  fut  désigné  par  saint  Bonaventure 

1 Vinne  (Van  Heelu , 1.  I , v.  655  et  suiv.  ; — Van  Veltbem , 1. 1 , c.  XLIV). 

2 Vrihoutheem  (Van  Heelu),  c’est  Houtain-rËvêque,  dans  la  province  de 
Liège. 

5 Fisen,  Historia  ecclesiae  Leodiensis,  pars  I,  p.  250. 

K La  Chronique  de  Tongres.  dans  Chapeauville,  t.  Il,  p.  298,  fixe  la  date 
de  ce  viol  au  10  mai  1271  , à tort,  si , comme  elle  le  dit,  ce  viol  fut  suivi  de  la 
prise  du  fort  Sainte- Walburg’e. 

3 Chronicon  Th.  Wikes,\.  c.,  p.  96. 


( «O  ) 

comme  le  plus  digue  de  monter  sur  le  trône  de  saint  Pierre. 
À peine  intronisé  (1272,  le  0 janvier)  sous  le  nom  de  Grégoire  X, 
lin  de  ses  premiers  soins  fut  d inviter  l’évêque  Henri  à changer  de 
vie.  Cité  à Rome  (Ilocsem  dit  à tort  à Avignon),  ce  prélat  y trouva 
des  députés  de  ses  villes  qui  réclamaient  sa  déposition.  Se  croyant 
toujours  certain  de  l'impunitc,  il  s’était  borné  à communiquer  le 
bref  du  souverain  .pontife  au  chapitre  de  Liège,  en  lui  annonçant 
qu’il  ne  tarderait  pas  à revenir,  pour  tirer  vengeance  de  ses  en- 
nemis. Mais  le  pape  ne  balança  pas  à frapper  cet  indigne  pasteur. 
La  lettre  qu’il  lui  adressa  pèse  sur  la  mémoire  de  Henri  de  Gueldre 
comme  un  stigmate  écrasant  de  réprobation.  Simoniaque  et  volup- 
tueux, l’évêque  y apparaît  avec  tous  ses  vices,  rendus  plus  odieux 
encore  par  son  cynisme.  On  aura  une  idée  de  la  dépravation  de 
son  caractère  par  ce  seul  fait,  qu’il  se  vantait  hautement  d’avoir 
procréé  quatorze  fils  dans  l’espace  de  vingt-deux  mois  L 

Lorsqu’il  fut  déposé  (ce  qui  se  fit  au  concile  de  Lyon,  en 
1274),  le  brigandage  devint  son  délassement  favori.  Retranché 
dans  le  château  de  Nieustadt  (Novinn  oppühtmj , près  de  Rure- 
monde  il  tentait  de  fréquentes  excursions  dans  son  ancien 
diocèse,  sous  prétexte  qu'il  lui  était  du  une  somme  assez  forte. 
En  1278,  comme  il  avait  dévasté  le  pays  de  Francliimont,  on 
lui  déclara  la  guerre.  Waleram  de  Fauquemont  assiégea  et  prit 
Montfort  et  les  Liégeois  mirent  sa  tète  à prix 1 2  3.  Dans  le  but  ap- 
parent de  négocier  un  arrangement,  le  noble  brigand  invita  à une 
conférence  son  successeur,  Jean  d’Enghien.  Celui-ci  se  trouvant  à 
Brûle , dans  une  maison  entourée  d’eau  , dépendante  de  la  paroisse 
de  Hougarde,  y fut  surpris  pendant  la  nuit  par  les  soldats  de 
Henri,  qui  le  placèrent  sur  un  cheval  et  l’entraînèrent  avec  eux. 
Gêné  par  une  selle  trop  élroite,  suffoqué  par  la  rapidité  de  la 
course,  le  malheureux  prélat  fut  abandonné  à la  porte  de  l’abbave 
d’Heylisscm  et  mourut  accablé  de  fatigue  ( le  jour  de  saint  Bar- 
thélemy, 1281  ),  sans  qu’une  voix  s’élevât  pour  flétrir  un  pareil 

1 Hocsem. 

2 Henri  énumère  les  biens  qu’il  possédait  à litre  viager,  dans  un  acte  du 
4 août  1277.  Bondam,  Cliarterboek , t.l , p.  609.  Voyez  le  même,  p.  626. 

5 Fisen , pars  II , p.  27. 


( «I  ) 

guet-apens,  sans  qu'un  bras  s’armât  pour  punir  le  meurtrier  L 
Henri  de  Gueldrc  continua  à figurer  sur  la  scène  politique,  mais 
en  seconde  ligne,  et  mourut  en  paix  en  1284  2. 


II. 

Pendant  l’épiscopat  de  Jean  d Enghien,  le  pays  de  Liège  eut  à 
soutenir  une  guerre  terrible,  dans  laquelle  le  duc  Jean  se  rangea 
parmi  ses  ennemis,  circonstance  curieuse  et  que  l’on  s’explique 
difficilement,  car  plus  tard  nous  le  verrons  presque  constamment 
combattre  à la  tète  ou  â côté  des  milices  des  communes.  Quelle  cause 
motiva  ce  changement  dans  sa  conduite?  Faute  de  documents,  nous 
ne  tenterons  pas  une  explication  qui  ne  pourrait  être  que  hasardée. 

Voici  comment  on  raconte  l’origine  de  la  guerre  dite  de  laVache. 
Des  joutes  solennelles  réunissaient  à Andenne  une  nombreuse 
noblesse.  Un  paysan  de  Jalain  ou  Jalhct,  village  voisin  de  Na- 
mur,  dans  la  terre  de  Gosnes,  y vint,  emmenant  un  bœuf  qu’il 
avait  volé  à un  bourgeois  de  Ciney:  celui-ci  le  reconnut,  et,  à sa 
demande,  le  bailli  du  Condroz,  Jean  de  Halloy,  attira  le  voleur  à 
Ciney,  où  il  le  fit  arrêter  et  pendre.  Pour  venger  la  mort  de  son 
serf,  Jean,  seigneur  de  Gosnes,  réunit  ses  vassaux  et  se  jeta  sur 
les  environs  de  Ciney,  où  il  porta  la  dévastation.  Le  bailli,  à son 
tour,  brûla  Jalhet.  Trop  faible  pour  résister,  le  seigneur  appela 
à son  secours  ses  deux  frères,  Henri  (et  non  pas  Rase),  sire  de 
Beaufort,  etRigaud  (et  non  Richard)  sire  de  Falais,  qui  s’empres- 
sèrent de  lui  porter  aide  et  assistance,  bien  qu‘ils  fussent  vassaux 
de  l’évêché  (mi-septembre  1275).  Ces  trois  seigneurs  étaient  cou- 
sins de  Jacques,  seigneur  de  Celles,  cl  parents  des  Sponlin,  et 
tous  avaient  pour  cri  de  guerre  Beafor , Beafor. 

Les  Iïuitois  pressèrent  alors  Jean  d Enghien  de  soutenir  les 
bourgeois  de  Ciney.  Comme  le  prélat  détestait  la  guerre,  il 
montra  peu  d’empressement  à prendre  les  armes.  Le  prévôt  de 

J Hocsem,  c.  XII. 

2 Ibidem. 

Tome  XIII.  fi 


Liège,  Burchard  de  Hainaut,  fut  créé  mambour  (7  octobre),  se 
rendit  aussitôt  à Iluy,  y convoqua  la  bourgeoisie,  emporta  une 
petite  maison,  propriété  de  Jean  de  Gosnes,  située  dans  un  ma- 
rais à Tihange,  et  enfin,  prit  et  brûla  Gosnes  J.  Malgré  les  ri- 
gueurs de  Fliiver,  les  milices  de  Iluy  allèrent  entourer  Beaufort, 
et  les  bourgeois  de  Liège  plantèrent  leurs  étendards  au  pied  des 
murs  de  Falais.  Tandis  que  Rase  (ou  plutôt  Henri)  bravait  ses 
ennemis  du  haut  du  rocher  escarpé  où  s’élèvent  encore  les  ruines 
de  Beaufort , son  frère  Richard  (ou  plutôt  Rigaud),  peu  confiant 
dans  la  force  de  son  manoir  de  Falais,  partit  pour  Namur  avec 
son  fils  Rigaud  et  vingt  cavaliers;  mais  atteint  dans  sa  fuite  par 
le  bailli  de  Ilesbayc,  il  périt  avec  douze  de  ses  compagnons.  Le 
jeune  Rigaud  parvint  à se  réfugier  en  Brabant,  où  il  obtint  la 
protection  du  duc,  en  se  déclarant  son  vassal;  l’approche  d’une 
armée  brabançonne  délivra  sa  forteresse,  tandis  que  ses  oncles 
s’assuraient  de  la  même  manière  l’appui  du  comte  Guy  de  Dam- 
pierre 

Les  Huitois  et  les  Dinantais  ayant  dévasté  le  Namurois,  tous 
les  princes  voisins  assaillirent  presque  en  même  temps  l’évêché. 
Le  duc  de  Brabant  pilla  Meffe.  Le  comte  Guy  s’avança  jusqu’à  War- 
nant,  où  il  resta  trois  jours,  ravageant  et  détruisant  tout  ce  qui 

1 Mansiunculam in  palude  juxtci  Tytantiam.  Hocsem , c.  XI.  — Tihange , 

commune  de  l’arrondissement  et  à 4/2  lieue  au  nord-est  de  Iluy. 

2 On  connaît  un  acte  daté  duôOaoùt  1273,  parlequelle  sire  de  Beaufort,  Henri, 
porte  au  bailli  de  Namur,  Musart,  mandataire  du  comte,  tous  ses  alleux  dans 
la  terre  de  Beaufort  : à Bens,  à Gievers,  à Vilers , à Louvignies,  à Ahiens , à le 
Vakerèche,  à Solières , etc.,  et  les  relève  en  accroissement  de  son  fief,  le  château 
de  Beaufort  et  « le  diarlière  » de  Marsines  (De  Reiffenberg , Monuments , 1. 1, 
p.  160).  Cet  acte,  où  l’on  voit  qu’au térieurement  déjà  le  château  de  Beaufort 
constituait  un  fief  du  comté  de  Namur,  contredit  les  assertions  des  Contem- 
porains, dont  les  récits  d’ailleurs  ne  concordent  pas  avec  les  actes  officiels. 

Henri,  sire  de  Beaufort,  était  aussi  seigneur  d’Opprebais,  près  de  Jodoigne, 
et , en  cette  qualité,  il  donna  quittance  à l’abbaye  de  Villers,  le  jour  de  saint 
Vincent  1267, de  quatre-vingt-sept  livres  de  Louvain,  qui  lui  étaient  dues  pour 
six  bonniers  de  terres.  En  1263-1264,  il  vendit  à l’abbaye  d’Afflighem  ses 
biens  de  Berthem  près  de  Louvain,  tenure  féodale  relevant  de  Heverlé,  et  il 
promit  la  ratification  de  celle  vente,  au  nom  de  son  frère,  qui  était  alors  en 
prison. 


( 85  ) 

se  trouvait  aux  environs.  Le  mambour  avait  appelé  les  vassaux  et 
les  sujets  de  l’évêché  à se  réunir  en  armes  à Wanghe,  mais  quel- 
ques bourgeois  de  Huy  répondirent  seuls  à son  appel,  le  comte 
Guy  ayant,  à ce  que  prétendent  des  récits  populaires,  corrompu 
les  notables  des  villes.  Bouchard  fut  donc  forcé  de  se  retirer.  La 
veille  de  rineendie  de  Méfié,  le  comte  de  Luxembourg  prit  Ciney, 
dont  les  habitants  se  défendirent  avec  courage,  et  périrent  pres- 
que tous  dans  l’église  collégiale  de  Notre-Dame,  qui  fut  brûlée, 
avec  une  grande  partie  de  la  ville  ( 18  avril  1270)  i. 

Quoique  attaqués  pour  ainsi  dire  par  toute  la  féodalité  belge, 
les  habitants  du  pays  de  Liège  persistèrent  à soutenir  la  lutte,  qui 
leur  devint  plus  favorable.  Le  sire  de  Modave,  maréchal  de  l’évê- 
ché, vengea  le  sac  de  Ciney  par  l’incendie  de  trente  villages  de  la 
Rendarche  ( 1 1 mai  1270  ) ; le  mambour  Bouchard  pénétra  dans  le 
Brabant  jusqu’à  Tirlemont;  les  Dinantais  enfin,  conduits  par  Jac- 
quet, frère  de  leur  avoué,  le  sire  de  Rochefort,  frappèrent  lesNa- 
muroisd’un  coup  terrible,  le  premier  des  épisodes  qui  signalèrent 
les  longues  et  fâcheuses  querelles  de  leur  cité  et  de  Bouvignes.  A 
rapproche  d’une  armée  envoyée  par  Guy  de  Dampierre,  ils  simu- 
lèrent une  fuite  précipitée;  les  ennemis,  acharnés  à les  suivre, 
ayant  pénétré,  au  nombre  de  quatre-vingts,  dans  Dinant,on  baissa 
derrière  eux  la  herse  de  la  porte  et  on  les  tua  jusqu’au  dernier  2. 

L'intervention  du  roi  de  France  mit  un  terme  à cette  guerre 

1 Les  écrivains,  je  devrais  plutôt  dire  les  poètes  brabançons,  emploient, 
à l’occasion  de  cette  guerre,  leur  style  vague  et  ampoulé.  Van  Vellliem  parle 
d’un  incendie  de  sept  maisons  situées  près  des  frontières,  à la  suite  duquel 
Jean  1er  prit  les  armes;  puis  d’un  parlement,  dont  les  deux  parties  sortirent 
mécontentes  l’une  de  l’autre,  et  après  lequel  on  accorda  cependant  satisfaction 
au  duc  (L.  2 , c.  XL1V).  Van  Heelu  (vers  975  et  suiv.),  nous  montre  d’abord  le 
comte  Guy  guerroyant  contre  les  Liégeois , puis  ajoute  que  ce  prince  n’osa  che- 
vaucher dans  le  pays  ennemi  qu’après  s’être  assuré  l’appui  du  duc  ; celui-ci  se 
présenta  avec  des  forces  tellement  imposantes  que  personne  n’osa  entrer  en 
lutte  contre  lui.  Cette  vanterie  de  Van  Heelu  ne  paraîtra  plus  aussi  extrava- 
gante, lorsqu’on  remarquera  que  dans  cette  guerre  le  comte  Guy  ne  combat- 
tait pas  comme  possesseur  ou  héritier  de  la  Flandre,  mais  seulement  comme 
seigneur  du  Namurois. 

2 Cet  événement  arriva,  suivant  Hoesem , le  1 1 , et  suivant  Fisen,  le  26  mai. 


( 84  ) 

déplorable , qui  avait  amené  des  désastres  incalculables  et  causé 
la  mort  de  plusieurs  milliers  de  personnes.  Philippe  III  provoqua 
la  conclusion  de  trêves,  qui  furent  plusieurs  fois  prorogées  L Les 
comtes  de  Flandre  et  de  Luxembourg,  le  fils  de  ce  dernier,  Henri, 
alors  comte  de  la  Roche,  et  son  oncle,  le  sire  de  Durbuy,  ne  se 
réconcilièrent  que  plus  tard  avec  les  Liégeois. 

Une  réunion  eut  lieu  dans  l’abbaye  de  Bonne-Espérance,  le 
mardi  avant  le  jour  de  Pâques  fleuries,  en  avril  1277-1278.  Là, 
en  présence  du  frère  templier  Arnoul  de  Wesemale  et  de  maître 
Wauthier  de  Chambli,  archidiacre  de  Meaux,  les  quatre  princes 
précités  et  l’évêque  de  Liège  s’en  remirent  à l’arbitrage  de  Pierre, 
prévôt  de  l'église  de  Béthune,  de  Gérard  Daules  ou  de  Dave,  de 
Walter  Berthout  le  père  et  de  Guillaume  de  Petcrsem,  chanoine 
de  Liège.  Gobert  d’Aspremont  fut  invité  à se  joindre  à eux,  pour 
le  cas  ou  ils  ne  pourraient^ s’accorder,  et  il  leur  fut  enjoint  de 
prendre  une  décision  finale,  également  à Bonne-Espérance,  avant 
la  fête  de  la  Vierge,  à la  mi-août  de  la  même  année 1  2 *.  Le  sire  de 
Durbuy  eut  encore  avec  l’évêque  quelques  débats,  dans  lesquels 
Jean  Ier  intervint  comme  médiateur  5.  Si  l’on  en  croyait  les  histo- 
riens Liégeois,  les  seigneurs  de  la  maison  de  Beaufort  durent, 
comme  auparavant,  tenir  leurs  alleux  du  chapitre  de  Saint-Lam- 
bert 4;  cette  assertion  est  inexacte  : Palais  resta  ce  qu’il  était  an- 

1 Notamment  le  4 août  1276,  pour  deux  mois  et  demi,  de  l’Assomption  à la 
Toussaint,  Ernst,  t.  IV,  p.  89,  note  1,  citant  Saint-Génois,  Monuments. , t.  J, 
pp.  656  et  664. 

2 L’acte  est  imprimé  dans  Reifïenberg,  l.  c.,  p.  14;  ,cet  auteur  a fait  res- 
sortir (p.  522)  la  difficulté  que  présente  la  date  de  cette  pièce.  Voyez  aussi 
Ernst  et  Saint-Génois,  /.  c. 

5 Ernst. — Après  un  combat  livré  à Rahiermont,  le  duc  Jean , pris  pour  ar- 
bitre, adjugea  le  village  de  Paulle  ou  Pailhe  à l’évêque,  à la  condition  qu’il 
paierait  au  comte  huit  cents  livres  tournois  (Liège,  le  9 septembre  1280); 
puis,  il  s’engagea  envers  le  prélat,  qui  avait  payé  une  partie  de  celte  somme, 
à le  faire  adhériler,  c’est-à-dire  mettre  en  possession  de  la  localité  contestée 
(Willems,  Van  Heelu , p 463.  — Ernst,  t.  IV,  p.  98).  Plus  tard,  le  25  janvier 
1289,  un  autre  accord  fut  conclu  entre  les  mêmes  parties  contractantes. 
Ibidem , et  Saint-Génois,  Monuments , p.  777. 

4 Brusthein. 


( 83  ) 

térieurement , un  fief  brabançon;  Gosncs  et  Beaufort  continuèrent 
à relever  de  Na  mur. 

A travers  les  obscurités  dont  est  entouré  le  récit  de  la  guerre 
de  la  Vache,  on  y aperçoit  distinctement  deux  grandes  luttes  : les 
villes  combattent  la  féodalité  encore  puissante  des  rives  de  la 
Meuse;  la  raee  des  d’Avesnes  dispute  aux  Dampierre  le  gouver- 
nement de  la  vieille  cité  Liégeoise.  Qui  défend  le  patrimoine  de 
Saint-Lambert?  Un  frère  du  jeune  Jean  d’Avesnes,  un  rejeton  de 
cette  famille  d'Enghien  , si  dévouée  aux  intérêts  de  Jean  d’Avesnes 
le  père.  Quels  princes  combattent  dans  les  rangs  opposés,  à côté 
du  comte  Guy?  Le  duc  Jean  et  le  comte  de  Luxembourg,  ses 
gendres.  Le  duc  de  Brabant  ne  resta  pas  longtemps  dans  la  ligue  : 
puissant  et  ambitieux,  craignant  sans  doute  de  se  traîner  à la 
remorque  du  remuant  Guy  de  Dampierre,  il  renoua  son  alliance 
avec  les  Liégeois,  sans  que  l’on  puisse  lui  attribuer  des  relations 
intimes  avec  les  d’Avesnes,  avec  qui  *11  n’eut  jamais  des  rapports 
très-fréquents  L 

i Hocsem , quoique  exact  dans  son  récit  de  la  guerre  de  la  Vache , y commet 
d’étranges  fautes,  comme  celle  de  distinguer  la  personnalité  du  comte  de  Namur, 
de  celle  du  comte  de  Flandre.  Voyez  aussi  Fisen,  Foullon  (t.  II,  p.  360),  et 
Zantfliet  (p.  115,  dans  Galliot,  t.  I,  p.  326.  — Quant  à d’Outremeuse , il  se 
permet  les  plus  grandes  excentricités  historiques,  et  ces  excentricités  sont 
encore  admises  par  plusieurs  de  nos  écrivains.  Sur  les  bancs  de  l’école  on  nous 
apprend  que  Jean  Ier  n’atteignit  sa  majorité  qu’en  1267  ; néanmoins  des  his- 
toriens, d’après  d’Outremeuse,  le  gratifient  d’un  fils  nommé  Henri,  qui  combat 
(avec  un  sabre  de  bois  sans  doute)  pendant  la  guerre  de  la  Vache,  et  qui  suc- 
combe dans  une  bataille  imaginaire.  La  première  femme  de  Jean  Ier  étant 
morte  sans  enfants  et  ce  prince  ne  s’étant  remarié  qu’en  1275 , ce  prétendu  fils 
aurait  reçu  la  mort  au  champ  d’honneur  à l’àge  de  deux  ans  environ  ! — On  a ré- 
cemment publié  à Bruxelles  un  poëme  héroï-comique  en  vingt-quatre  chants  : 
la  Cinéide  ou  la  Vache  reconquise  (par  De  Weyer  de  Streel,  M.  le  curé  Duvi- 
vier,  de  Liège;  Goemaere,1854,  un  volume  in-12). 


( 86  ) 


III. 


Après  la  mort  déplorable  de  Jean  d’Enghien,  que  nous  avons 
racontée  plus  haut,  le  chapitre  de  Saint-Lambert  se  partagea  en 
deux  factions  : l’une  choisit  Bouchard  d’Avesnes,  l’autre  Guillaume 
d’Auvergne.  Ces  deux  prétendants  se  rendirent  à Rome  pour  y 
défendre  leurs  droits.  Le  pape  ne  donna  raison  à aucun  d’eux, 
mais,  à la  sollicitation  du  comte  Guy,  il  conféra  l’évêché  de  Liège 
à un  des  fils  de  ce  prince,  qui  était  déjà  évêque  de  Metz,  et  pour 
consoler  Bouchard,  il  lui  confia  ce  dernier  diocèse  1 2. 

Lorsque  Jean  de  Flandre  fit  son  entrée  dans  Liège  (la  veille  de 
la  Toussaint,  51  octobre  1282),  le  siège  épiscopal  était  vacant 
depuis  plus  d’un  an.  Un  vaillant  seigneur  brabançon  de  la  race 
ducale,  Henri  de  Louvain,  seigneur  de  Herstal,  en  avait  été  élu 
mambour  -,  sans  y avoir  aucun  droit,  mais  par  le  libre  choix  du 
chapitre  de  Saint-Lambert,  ainsi  qu’il  le  déclara  lui-même  3.  Il 
dépensa  dans  l’exercice  de  ces  fonctions  deux  mille  marcs  liégeois, 
qui  lui  furent  remboursés  peu  de  temps  après.  On  lui  donna  en 
outre  des  sommes  d’argent,  à tenir  en  fief  de  Saint-Lambert. 

Jean  de  Flandre  n’eut,  pour  ainsi  dire,  pas  de  luttes  extérieures 
à soutenir,  mais  ses  Etats  furent  presque  constamment  agités  par 
des  commotions  intérieures.  Il  trouva  d’ailleurs  le  trésor  obéré  et 
se  vit  souvent  forcé  de  recourir  à la  bourse  de  son  père,  qui  ne 
lui  procurait  de  l’argent  qu’en  prenant  des  garanties.  C’est  ainsi 
que  le  château  de  Bouillon  fut  remis  à Guy  comme  gage  de  plu- 
sieurs sommes  pour  lesquelles  ce  prince  se  constitua  caution 

1 Hocsem , l.  c. 

2 Et  non  le  comte  de  Looz,  comme  le  dit  Fisen,  pars  11,  p.  28,  d’après  le 
chroniqueur  Warnant.  A en  croire  celui-ci,  le  pays  refusa  la  manbournie  au 
comte  de  Looz  parce  qu’il  était  complice  de  la  mort  de  Jean  d’Enghien;  de  là 
une  guerre  qui  dura  deux  ans  et  ne  se  termina  qu’en  1285.  Consultez  à ce 
sujet  Polain,  Histoire  de  V ancien  pays  de  Liège , t.  II,  p.  400. 

3 Charte  du  11  septembre  1281  (jeudi  après  la  Nativité  Notre-Dame). 
Chartes  de  l’église  de  Saint-Lambert  aux  Archives  de  l’État  à Liège. 


( 87  ) 

envers  Nicolas  de  Condé,  sire  de  Morialmé,  et  Simon  Malet,  bour- 
geois de  Douai  L Le  comte  de  Flandre  occupa  encore  de  la  même 
manière  Methyn,  Marbais,  Gosées , Marcinelle  , Epiers,  Jambes, 
lorsqu’il  s’engagea  à payer  à des  marchands  de  Lucques,  pour 
l’évêque,  douze  mille  cinq  cents  livres  de  gros  tournois  noirs 1  2. 
Mais  pendant  qu’il  abandonnait,  pour  ainsi  dire,  à son  astucieux 
père  une  partie  de  ses  États,  Jean  s’appuyait  surtout  sur  Jean  Ier, 
moins  peut-être  par  sympathie  ou  de  plein  gré  que  parce  qu’il 
existait  entre  les  bourgeoisies  brabançonnes  et  les  bourgeoisies 
liégeoises  une  communauté  d’intérêts  dont  il  devait  suivre  l’im- 
pulsion 3. 

En  1283,  l’élu  de  Liège  et  le  duc  Jean  resserrèrent  étroitement 
leur  alliance.  Celui-ci  comprenait  la  nécessité  de  s’assurer  l’appui 
de  l’évêché  de  Liège  pour  ses  opérations  militaires  au  delà  de  la 
Meuse.  L’évêque  regardait  l’épée  du  duc  comme  la  seule  qui  fût 
assez  puissante  pour  défendre  les  domaines  de  Saint-Lambert 

1 Le  26  juin  1283,  Baudouin  d’Avesnes  déclara  que  le  comte  de  Flandre 
lui  avait  confié  ce  château.  Jules  de  Saint-Génois,  Inventaire,  p.  104.  — 
Voyez  aussi  des  actes  du  2 novembre  1284  dans  le  même,  p.  111. 

2 Dans  cette  somme , fraction  de  vingt-trois  mille  livres  que  devait  l’évê- 
que , figuraient  trois  créances  à chargede  Jean  d’Enghien  : six  mille  livrés  dont 
il  était  redevable  au  saint-siège  pour  des  décimes,  mille  marcs  liégeois  dus 
au  duc  de  Brabant,  neuf  cents  marcs  dus  pour  achat  du  village  de  Paule 
ou  de  Pailhe  (et  non  pour  fourniture  de  paille)  au  seigneur  de  Durbuy.  Ce 
dernier  avait  encore  à toucher  quatorze  cents  marcs  pour  dépenses  faites 
pendant  la  vacance  du  siège.  Acte  du  22  septembre  1284  dans  Jules  de  Saint- 
Génois,  1.  c.,  p.  110. 

3 Hues  de  le  Ruele  (Hugues  de  la  Ruelle,  peut-être  un  des  ancêtres  du 
célèbre  et  infortuné  bourgmestre  de  ce  nom) , citoyen  de  Liège,  semble  avoir 
été  à Liège  l’agent  le  plus  actif  du  duc,  avec  qui  nous  le  voyons  conclure  plu- 
sieurs transactions.  En  1280,  le  jour  de  la  division  des  apôtres,  il  reconnut 
devoir  lui  payer  huit  cents  livres  de  Louvain  à la  Saint-Remi,  si  Jean  Ier  ne 
rachetait  pas  Huardes  (ou  Hougarde).  Dans  la  suite,  il  prêta  cent  quarante 
marcs  de  Liège  à notre  prince  et  au  seigneur  de  Herstal,  qui  s’engagèrent  à 
le  rembourser  à la  Saint -André  suivante  et  lui  donnèrent  pour  cautions 
les  chevaliers  Guillaume  de  Hemricourt,  Walter  de  Warfusée  et  Iwain  de 
Meadrege,  et  Guillaume  Lambute  (samedi  après  la  Saint-Remi,  1283),  Car- 
tulaire  de  Brabant  B,  fos  30  et  117  v°. 


contre  ses  nombreux  ennemis.  Jean  Ier  lui  promit  de  ne  laisser 
séjourner  dans  ses  domaines  aucun  malfaiteur  liégeois,  «ki  n’osast 
» ou  ne  vosist  droit  attendre , par  bonne  véritei  ou  par  loïal  en- 
» queste , » en  la  terre  de  l’évêque , et  de  ne  le  défendre  en  au- 
cune façon  contre  l’évêque  ou  les  siens  L 

Depuis  de  longues  années , les  deux  pays  étaient  en  contestation 
au  sujet  de  l’hommage  que  le  souverain  de  Brabant  devait  à l’église 
de  Liège.  Pour  terminer  ce  débat,  Jean  I'r  reconnut  tenir  en  fief 
de  l’évêché  Hakcndeure,  avec  ses  dépendances  (Hackendover,  près 
de  Tirlemont),  et  davantage,  si  on  lui  prouvait  que  ses  obligations 
étaient  plus  étendues 1  2 *.  Tous  deux  s’engagèrent  à nommer  deux 
arbitres  qui  devaient  terminer  tous  les  débats  existants  entre  eux 
ou  qui  viendraient  à surgir  pendant  la  durée  de  leur  vie,  et  en 
conséquence  le  duc  désigna,  le  4 novembre,  Pierre,  prévôt  de  Bc- 
tliune,  et  l’évêque  choisit,  le  18  du  même  mois,  le  chevalier  Ber- 
trand de  Lies  5. 

Quoique  ami  de  l’évêque,  le  duc  s’appuyait  de  préférence  sur 
les  habitants  notables  de  sa  capitale,  comme  en  témoignent  suffi- 
samment les  épisodes  du  différend  qui  se  termina  par  la  paix  des 
clercs , en  1287. 

Lorsque  Rodolphe  de  Habsbourg  monta  sur  le  trône,  tous  les 
privilégiés  avaient  recouru  à lui,  tous  les  particuliers,  toutes  les 
communautés,  dont  les  droits  avaient  souffert  du  développement 
des  libertés  communales,  avaient  sollicité  son  intervention.  C’est 
ainsi  que  le  clergé  de  Liège  obtint  la  confirmation  de  ses  libertés 
et,  notamment,  de  son  droit  de  juridiction  sur  ses  serviteurs  et  scs 
sujets,  et  la  ratification  de  la  charte  de  l’année  1107,  émanée  de 
l’empereur  Henri  V 4.  La  vieille  lutte  au  sujet  du  jugement  des 

1 21  octobre  1285.  Willems,  Van  Heelu,  p.  422. 

2 20  octobre  1285.  Ibidem,  p.  421. 

5 Cartulaire  des  ducs  de  Brabant  B , f°  05  v°,  67,  68.  — Willems,  Van 
Heelu  , pp.  422  et  425.  — D’autres  négociations  s’ouvrirent  en  même  temps 
au  sujet  de  la  juridiction  respective  que  prétendaient  à Maestricht  le  duc  et 
l’évêque  et  au  sujet  des  limites  du  Brabant  vers  le  comté  de  Looz.  (Voyez 
plus  loin,  cliap.  IX.) 

4 Acte  de  Rodolphe  du  10  septembre  1275.  Fisen,  pars  II,  p.  20.  — Cha- 

peauville,  t.  II,  pp.  504  et  506.  — Pertz,  Monumenta , Leges , t.  II , p.  405. 


( 89  ) 

querelles  et  au  sujet  de  la  levée  des  assises , s’étant  renouvelée 
plus  vive  que  jamais,  huit  délégués  furent  choisis,  en  1283,  pour 
proposer  un  arrangement  *.  Ils  statuèrent  l’année  suivante 1  2 * *,  mais 
le  déhat  ne  tarda  pas  à recommencer. 

En  1285,  les  patriciens  liégeois  ( insignes  Leodienses)  réta- 
blirent une  maltotc  ou  assise  sur  les  denrées,  malgré  le  clergé  et 
le  peuple.  L’évèque  se  voyant  dans  l’impossibilité  de  réprimer 
leurs  usurpations,  partit,  accompagné  de  sa  cour  et  des  ecclésias- 
tiques, pour  Huy,  où  il  séjourna  vingt-deux  mois,  à partir  du 
jour  de  la  Saint-Denis  5.  Les  patriciens  liégeois  tinrent  bon,  assu- 
rés qu’ils  étaient  de  l’appui  des  villes  brabançonnes  et  notamment 
de  Louvain,  de  Bruxelles,  d’Anvers,  deTirlemont  et  de  Léau,  que 
l’on  voit  intervenir,  le  5 août  1280,  dans  un  traité  d’alliance 
conclu  entre  eux  et  le  duc  Jean  Ier  4.  Ce  prince  leur  donna  des 
promesses  formelles  de  secours. 

lies  échcvins  avaient  warclê , c’est-à-dire  mis  en  garde  de  loi  ou 
statué  que  tout  laïque,  hormis  les  varlets  des  clercs  ou  prêtres 
demeurant  dans  les  hôtels  de  ceux-ci,  devaient  payer  les  taxes 
établies  pour  l’entretien  des  murs,  ponts,  etc.  Jean  Ier  déclara 
que  si  l’évêque  ou  le  clergé  cherchait  querelle  à la  ville  à ce  sujet, 
il  aiderait  les  bourgeois  de  toute  manière  et  les  défendrait,  au 
besoin , par  la  force.  En  cas  de  discordes  dans  la  cité,  le  duc  s’en- 
gageait à se  ranger  à l’opinion  des  deux  maîtres  de  la  cité,  à venir 
à leur  réquisition , ou  à leur  envoyer,  à leur  demande,  des  con- 
seillers ou  des  gens  armés  ou  sans  armes.  Si  le  duc  était  cité  devant 
des  juges  ecclésiastiques,  pour  arrêt  mis  sur  des  biens  du  clergé 
à la  réquisition  des  maîtres  de  la  cité,  il  devait  lui  être  payé  une 
rente  annuelle  de  cent  livres  de  petits  louvignois.  Jean  Ier  fut  de 

1 Ces  délégués  étaient  : Joris  de  Wege  et  Henri  d’Haloz  , chanoines  de  Saint- 
Lambert;  Gilon  de  Kemexke,  doyen  de  Saint-Paul;  Ernut  de  Stavelot,  cha- 
noine de  Saint-Denis;  Jean  de  Saint-Martin  et  Thierri  de  Saint-Servais , 
échevins;  Louis  de  Palechude  et  Walter  de  Hannut,  clerc  et  juré.  Foullon, 
t.  II,  p.  473. 

2 Idem , 1. 1 , p.  478. 

5 Hocsem,  /.  c.,  c.XV. 

i Cartulaire  de  Brabant  II,  f°  66,  dans  Willems,  Van  Ficela,  p.  441. 


( 90  ) 

nouveau  reconnu  pour  avoué  et  les  magistrats  liégeois  lui  pro- 
mirent une  rente  de  trois  cents  livres  ou,  s’il  achetait  les  droits 
d’avouerie  de  Baudouin  de  Beaumont,  une  somme  de  trois  mille 
livres. 

A en  croire  certains  récits  .1,  le  peuple,  ameuté  par  Gérard  de 
Grez,  s’indigna  de  l’absence  du  premier  ordre  de  l’état  et  du 
manque  des  sacrements;  il  prit  les  armes  et  occupa  le  marché  ; les 
riches,  qui  n’avaient  rien  prévu  de  semblable,  se  retirèrent  dans 
leurs  hôtels  et  bientôt  la  paix  se  rétablit,  grâce  à l’intervention  de 
quelques  ecclésiastiques. 

Le  duc,  le  premier,  renoua  ses  relations  d’amitié  avec  Jean  de 
Flandre,  à des  conditions  assez  onéreuses  pour  celui-ci.  L’évêque 
devait  avoir,  dans  son  conseil  « assermenté  »,  un  membre  du 
conseil  du  duc,  et  remplacer,  au  besoin , tout  officier  qui  essaierait 
de  semer  la  zizanie  entre  eux.  Jean  Ier  promit  d’engager  le  cha- 
pitre cathédral  à permettre  à l’élu  d’emprunter  huit  mille  livres 
parisis,  rachetables  par  huitièmes,  et  consentit  à emprunter  lui- 
même  sept  mille  livres,  pour  lesquelles  il  se  constituerait  garant. 
Chacun  des  deux  princes  reconnut  devoir  fournir  à son  allié  deux 
cents  et  même  cinq  cents  armures  de  fer,  « de  bonnes  gens  »,  qui 
seraient  payées  par  celui  qui  aurait  besoin  de  leurs  services;  toute- 
fois Jean  de  Flandre  ne  pouvait  être  astreint  de  marcher  contre 
son  père,  le  comte  Guy,  ni  contre  ses  frères,  à moins  qu’ils  n’en- 
trassent dans  des  querelles  qui  ne  leur  fussent  pas  « propres  ». 
Ce  traité,  qui  stipule  encore  la  remise  à deux  arbitres  des  débats 
qui  pourraient  surgir  entre  le  duc  et  le  prélat  et  l’interdiction 
mutuelle  de  recevoir  à bourgeoisie  leurs  sujets  respectifs,  fut  signé 
le  15  avril  1287,  et  suivi,  le  lendemain,  d’une  déclaration  par 
laquelle  Jean  de  Flandre  s’engagea,  sous  peine  de  dix  mille  livres 
de  petits  tournois  noirs , à exécuter  les  alliances  conclues  par  lui 
avec  le  souverain  du  Brabant  2. 

Jean  Ier  se  porta  ensuite  médiateur  entre  l’évêque  et  la  ville  de 
Liège,  que  la  paix  dite  des  clercs  réconcilia  momentanément  (15 

4 Fisen,  /.  c.,  p.  30. 

2 Willems , Van  Heelu,  pp.  4i9  et  451. 


( !>f  ) 

août  1287).  La  fermeté  ou  assise  fut  alors  déclarée  abolie  à jamais. 
Toutefois,  pour  indemniser  la  cité  des  travaux  qu’elle  avait  fait 
exécuter  aux  murs,  aux  portes,  aux  chaussées,  elle  fut  autorisée 
à prélever,  pendant  dix-huit  ans,  huit  deniers  sur  toute  aime  de 
cervoise  ou  bière  consommée  dans  la  cité  de  Liège  et  dans  les 
bans  d’Àvroy,  de  Saint-Laurent,  d’Ans,  de  la  Bouverie,  à la  seule 
condition  de  payer  au  clergé  cinquante  marcs  par  an.  A l’expira- 
tion des  dix-huit  années  (c’est-à-dire  en  1505),  la  taxe  à percevoir 
pour  l’entretien  des  ouvrages  de  la  cité  devait  être  réglée  de  com- 
mun accord  par  six  ecclésiastiques  et  six  bourgeois,  élus  chaque 
année,  et  qui  rendraient  compte  en  sortant  de  fonctions.  Les  ma- 
gistrats communaux,  observe  un  ancien  historien,  ne  se  soucièrent 
guère  de  ces  restrictions , et  le  seul  ouvrage  public  dont  ils  do- 
tèrent Liège,  fut  le  pavement  du  marché  et  la  construction,  au 
centre  du  marché,  d’une  belle  fontaine  en  forme  de  tourelle,  où 
l’eau  était  amenée  par  des  tuyaux  de  plomb.  Telle  fut  l’origine 
du  perron,  ce  noble  emblème  de  la  liberté  liégeoise  h 

La  paix  de  1287  agrandit  l’étendue  du  territoire  et  la  franchise 
de  Liège.  Le  quartier  de  la  Sauvenière  y fut  réuni,  moyennant 
trois  cents  marcs  que  la  ville  paya  au  prévôt  et  à l’église  de  Saint- 
Lambert;  d’autre  part , les  immunités  dont  jouissaient  les  maisons 
des  bourgeois  furent  étendues  aux  « encloistres  » et  aux  maisons 
des  clercs,  et  des  prérogatives  particulières  réservées  aux  trois 
marliers  (ou  sacristains)  de  Saint-Lambert  et  à sept  fieffés  qui 
étaient  chargés  de  garder  le  corps  de  ce  saint. 

Les  règles  de  procédure  relatives  aux  délits  et  aux  crimes  com- 
mis par  les  maisniers  ou  mansionnaires  des  églises,  furent  alors 
déterminées.  Sept  bourgeois  jurés,  demeurant  à Liège,  et  choisis 
par  les  églises,  procéderaient  d’abord  aux  enquêtes.  S’il  s’agissait 
d’un  délit  commis  à l’égard  d’un  bourgeois  ou  d’un  maisnier  de 
bourgeois , ils  jugeaient  de  concert  avec  sept  des  échevins  désignés 
parles  églises.  Une  plainte  contre  un  tenancier  de  chanoine  devait 

1 Hocscm,  l.  c.,  c.  XV.  Il  est  à remarquer  que  dès  1155,  il  existait  à Huy, 
sur  le  marché,  un  perron  qui  avait  au  moins  cinq  marches.  Chronique  d’Al- 
béric , ad.  a.  1155. 


( 92  ) 

sc  porter  au  maire  de  l’évêque  ou  au  sergent  ou  maire  du  prévôt 
de  Saint-Lambert,  par  devant  les  sept  échevins  et  les  sept  jurés 
précités.  Ces  quatorze  personnes,  après  avoir  mis  la  plainte  en 
warde,  procédaient  à l’enquête,  déterminaient  la  peine  dont  la 
loi  punissait  le  délit,  sommaient  le  coupable  de  satisfaire  à la  loi, 
sous  peine  de  bannissement,  et  en  cas  de  désobéissance  soumet- 
taient l’affaire  à la  haute  justice  de  l’évêque.  Quand  il  s’agissait 
d’un  cas  de  mort,  d’honneur  ou  de  membre  à perdre,  la  justice 
de  l’évêque,  « à la  chaîne  en  Gerardrie  j*  (sans  doute,  la  cour  féo- 
dale), en  était  saisie;  seulement,  quand  le  méfait  était  commis  sur 
un  bourgeois,  les  sept  échevins  et  les  sept  jurés  en  connaissaient. 
Si  le  coupable  était  un  bourgeois , la  juridiction  appartenait  à la 
haute  justice  de  l’évêque  (c’est-à-dire  au  corps  écbevinal).  Le  droit 
de  grâce  fut  reconnu  au  prélat,  mais  sous  réserve  d’une  compo- 
sition à payer  à la  partie  lésée.  La  loi  muée  *,  ou  législation  intro- 
duite à la  suite  de  ce  traité,  modifia  considérablement  les  coutumes 
restées  jusqu’alors  en  vigueur. 

L’article  20  de  la  Paix  des  clercs  offre  un  des  premiers  exem- 
ples connus  de  l’emploi  des  pèlerinages  comme  pénalités.  Pour 
plaie  ouverte  faite  devant  une  église,  la  punition  consiste  en  un 
voyage  à Saint-Jacques  en  Galice;  pour  coup  sans  plaie  ouverte, 
on  est  envoyé  à Roquemandour;  pour  coup  sans  sang  à Vendôme. 
« Celui  qui  met  à mort,  doit  mort  recevoir;  celui  qui  à autrui  a 
» tollu  membre,  doit  perdre  membre,  et  pour  affoulure  sans 
» membre  tollu , on  en  iroit  en  avant  sur  son  honneur,  soit  tollu 
» ou  non  le  malfaiteur.  » Le  principe  fondamental  de  cette  loi  est 
donc  la  loi  du  talion  : plus  de  composition  pécuniaire,  mais  mem- 
bre pour  membre,  mort  pour  mort;  puis  un  système  d’amendes, 
emprunté  à l’ancien  droit  franc  et  assez  conforme  à celui  que  l’on 
retrouve  dans  les  heures  des  villes  flamandes  et  brabançonnes. 

« Selon  la  loi  salique,  la  réalité  du  fait  s’établissait  par  des 


1 « On  appela  depuis  loi  muée  une  loi  que  nous  les  églises  et  la  cité  avons 
» obtenue  de  l’évêque  pour  durer  cinq  cents  ans  entre  nos  varlets  des  cha- 
» noines,  résidant  en  nos  hôtels,  et  nous  les  bourgeois  et  les  maisniers  rési- 
» dans  en  nos  hostels,  sauf  que  l’évêque  nous  a autorisés  à la  corriger  et 
» amender  quand  cela  nous  semblera  profitable.  » 


( 93  ) 

épreuves  et  par  le  serment  des  conjurateurs;  la  loi  muée  changea  ce 
mode  de  procéder.  On  devait  dorénavant  procéder  à l’enquête  con- 
cernant un  délit  à l’endroit  même  où  ce  délit  avait  été  perpétré 
ou  dans  le  lieu  le  plus  proche.  Le  plaignant  jurait  qu’il  ne  pro- 
duirait aucun  faux  témoin,  et  le  faux  témoignage  était  puni  d’une 
peine  semblable  à celle  qui  aurait  été  prononcée  contre  l’accusé, 
si  ce  témoignage  avait  été  admis  comme  véridique.  Le  moyen  de 
contrainte  adopté  pour  assurer  l’exéeution  des  pénalités  consistait 
dans  le  bannissement  b » 

L’intervention  des  Brabançons  dans  les  affaires  du  pays  de 
Liège  contribua  évidemment  à l’établissement  de  la  loi  muée . 
Celle-ci,  en  effet,  n’a  pas,  que  nous  sachions,  d’analogue  dans  les 
contrées  Rhéno-Mosanes,  tandis  qu’en  Brabant,  deux  des  grands 
vassaux  de  Jean  Ier  avaient  déjà  gratifié  leurs  sujets  de  keurcs  cri- 
minelles. La  nouvelle  loi  n’anéantit  pas  le  droit  du  plus  fort,  legs 
funeste  de  la  féodalité  à l’Europe.  La  guerre  des  Awans  et  des  Wa- 
roux  prouva  bientôt  à quel  point  les  nobles  liégeois  tenaient  à 
venger  eux-mêmes  leurs  querelles  personnelles;  pour  dessiller  les 
yeux  de  la  chevalerie  de  l’évêché  sur  cette  funeste  coutume,  il  lui 
fallut  pour  ainsi  dire  subir  de  ses  propres  mains  une  extermina- 
tion complète. 

L’obligation  d’observer  la  paix  de  1287  fut  imposée  aux  cha- 
noines et  aux  magistrats.  La  partie  qui  y contreviendrait  fut  décla- 
rée passible  d’une  amende  de  mille  marcs  de  Liège , payable  moitié 
à l’autre  partie,  moitié  à l’évêque1 2.  Cependant  le  chapitre  de  Saint- 
Lambert  ne  tarda  pas  à manifester  son  mécontentement.  Deux  de 
ses  mandataires  soumirent  au  tribunal  du  roi  Rodolphe,  à Erfurt, 
la  question  de  savoir  si  une  cité,  une  ville  ou  une  personne, 
quel  que  fut  son  rang,  pouvait  établir  un  péage,  un  tonlieu,  un 
impôt  quelconque,  sous  prétexte  de  subvenir  à la  construction 
d’un  édifice,  sans  le  consentement  du  chef  de  l’empire.  La  réponse 
des  princes,  barons,  comtes  et  nobles  présents,  basée  sur  des 


1 Voyez  à ce  sujet  Warnkonig,  lhilracje  zur  GescMchte  und  Quellenkunde 
der  Lütticher  Gewohnheitsrechts.  Fribourg,  ]838,in-8°.  — Polain,  1. 11,  p.  17. 

2 Foullon,  t.  II, p.  399. 


( 94  ) 

décisions  de  Frédéric  11  et  de  Rodolphe  lui-même, fut  négative,  et, 
en  conformité  de  cette  décision , l’empereur  défendit  à la  cité  de 
Liège,  mais  selon  toute  probabilité  sans  succès,  de  percevoir  le 
droit  de  ehausséage  J.  Dans  le  but  d’empêcher  l’immigration  des 
paysans  dans  les  villes  ou  leur  affiliation  à la  bourgeoisie,  défense 
fut  également  faite  à la  cité,  au  nom  du  roi,  d’admettre  dans  son 
sein  tout  individu  qui  n’y  demeurerait  pas 1  2. 

Les  révolutions  de  Liège  eurent  leur  contre  coup  à Saint-Trond. 
Pour  « satisfaire  aux  réclamations  continuelles  des  bourgeois,  et 
» afin  de  réprimer  les  crimes  et  les  délits  qui  se  commettaient 
» impunément  dans  cette  ville,  » l’évêque  de  Liège  et  l’abbé  de 
Saint-Trond,  Guillaume  de  Malines,  après  « avoir  pris  l’avis  d’un 
» grand  nombre  de  personnes,  sages  et  prudentes  »,  y instituèrent 
une  commune.  A en  juger  par  les  restrictions  dont  ils  entourèrent 
leur  concession,  on  doit  reconnaître  qu’ils  ne  l’accordèrent  qu’à 
regret  et  qu’ils  aspiraient  au  moment  de  pouvoir  l’annuler;  s’ils 
octroient  l’établissement  de  la  commune  , c’est  en  se  réservant  le 
droit  de  l’abolir , dès  que  cela  leur  paraîtra  convenable.  Deux  rec- 
teurs : Jean  de  Namur  et  Guillaume  de  Speculo  ou  Yanderspiegel, 
de  concert  avec  huit  conseillers  : Jean  Mens,  Adam  de  Landcne, 
René,  fils  de  Sara,  Henri  de  Pcdude  ou  Vandenbroecke,  Jordan 
de  Laça  ou  Vanden  Poele,  Walter,  fils  de  Wotgher,  Stasmann 
Cornes  ou  Grave,  et  Walter  Welnere  furent  désignés  par  eux  pour 
la  diriger.  Ces  magistrats  jurèrent  qu’ils  ne  quitteraient  « jamais 
» le  sentier  de  l’équité,  pour  argent,  pour  récompense,  par  haine 
» ou  par  faveur.  » Ils  devaient  recevoir  un  traitement  global  de  dix 
liv  res  de  Liège,  à prendre  sur  les  revenus  des  deux  seigneurs,  et 
rester  en  fonctions  pendant  un  an,  à moins  qu’ils  ne  fussent  desti- 
tués; leurs  successeurs  ne  pouvaient  se  refuser  à prendre  leur 
place,  sous  peine  de  vingt  marcs  d’amende.  Tous  les  statuts  donnés 
antérieurement  à la  ville  furent  révoqués  pour  aussi  longtemps 
que  durerait  la  commune;  celle-ci  abolie,  la  ville  rentrait,  de  plein 
droit,  dans  la  situation  où  elle  se  trouvait  auparavant  (jour  de 


1 Janvier  1290.  Pertz,  Monumenta , Leyes,  t.  11,  p.  454. 

2 20  janvier  1290.  Fisen,  l.  c.,  p.  52. 


( S>3  ) 

Saint-Marc,  en  a\ril  1288  L Cette  charte,  qui  réorganisa  la  com- 
mune créée  révol utionnairement  en  1253,  puis  détruite  par  Henri 
de  Gueldre,  témoigne  de  l’agitation  dont  se  ressentait  alors  le 
pays  de  Liège.  La  principauté,  restant  en  relations  pacifiques  avec 
ses  voisins,  employait  toutes  ses  forces  à s’organiser  intérieure- 
ment, et  n’exerçait  à l’extérieur  qu’une  action  purement  passive. 


CHAPITRE  IV. 

SOULÈVEMENT  DES  PAYSANS  HOLLANDAIS  ET  FRISONS  ET  RÉVOLUTIONS 

d’üTRECHT. INFLUENCE  QUE  CES  ÉVÉNEMENTS  EXERCENT  EN  BRABANT 

ET  EN  FLANDRE.  GUERRE  DES  HABITANTS  D’AIX  - LA  - CHAPELLE 

CONTRE  LA  FAMILLE  DE  JULIERS,  ETC.  (l2G8-I282.) 


I. 

Pendant  le  treizième  siècle,  un  mouvement  qui  ne  cessa  de 
grandir  entraîna  la  petite  bourgeoisie  dans  une  lutte  ouverte 
contre  leurs  concitoyens  plus  fortunés.  Ceux-ci  avaient  largement 
profité  de  l’émancipation  des  communes  : en  influence,  en  consi- 
dération, en  puissance  même,  ils  rivalisaient  avec  les  membres 
de  la  noblesse,  en  même  temps  qu’ils  les  effaçaient  par  leur  luxe. 
Legrand  commerce,  et  par  conséquent  l'industrie,  qui  ne  peut 
rien  sans  lui,  étaient  tout  entier  entre  leurs  mains.  Les  artisans 
n’ayant  pu  suivre  la  même  progression,  il  en  était  résulté,  entre 
les  deux  classes,  une  scission  qui  grandit  continuellement  à partir 

1 Gachard,  Documents  inédits,  t.  I , p.  112;  — Goethals,  Histoire  des  let- 
tres, t.  I,  p.  45. 


( 96  ) 

du  jour  où  elle  se  manifesta.  La  morgue  et  l’arrogance  des  uns,  la 
haine  et  la  jalousie  des  autres  alimentèrent  une  querelle,  qui  fut 
encore  envenimée  par  les  intrigues  des  ennemis  de  la  prépondé- 
rance des  villes. 

Les  révolutions  tentées  dans  un  sens  que  l’on  pourrait  qualifier 
de  démocratique  : à Liège,  sous  la  direction  de  Henri  de  Dinant; 
à Cologne,  avec  l’appui  des  archevêques  Conrad  et  Engelbert,  ne 
furent  pas  étrangères  aux  tendances  que  l'on  remarqua  dans  le 
Brabant  et  principalement  à Louvain,  après  la  mort  de  Henri  III. 
3Iais  la  Belgique  occidentale  fut  surtout  remuée  par  une  violente 
tempête  qui  éclata,  vers  la  même  époque,  en  Hollande,  et  qui  fail- 
lit y engloutir  la  féodalité,  dont  les  assises  étaient  en  ce  pays  mal 
affermies. 

Après  la  mort  de  Florent,  frère  du  roi  Guillaume,  qui  fut  frappé 
d'un  coup  de  lance  dans  un  tournoi  donné  à Anvers  le  26  mars  1 2b8 , 
la  tutelle  des  enfants  du  roi  avait  été  revendiquée  par  Alice  ou  Adé- 
laïde, sœur  de  Guillaume  et  de  Florent,  veuve  de  Jean  d’Avesnes. 
Une  partie  de  la  noblesse  ayant  appelé  à la  régence  le  comte  de 
Gueldre  Othon  et  son  frère  l’évêque  de  Liège,  cette  princesse  pria 
le  duc  de  Brabant  de  l’aider  de  ses  conseils  et  de  son  épée.  Le  duc 
répondit  à son  appel  et  fut  chaudement  accueilli  par  les  Zélan- 
dais  *,  mais  il  s’aperçut  sans  doute  qu’il  maintiendrait  difficilement 
l’autorité  d’Alice  et  il  retourna  dans  ses  États,  où  il  mourut  peu 
de  temps  après.  A la  suite  d’une  lutte  assez  longue,  Alice,  qui 
réclamait  au  nom  de  ses  enfants  une  partie  du  patrimoine  de  ses 
pupilles,  perdit  une  bataille  à Vcrnoutszée,  dans  le  Sud-Bevcland, 
et  renonça  à la  régence 1  2. 

1 Le  jeudi  après  les  octaves  de  Pâques,  en  1238,  Godefroid  , sire  de 
Cruyningen,  devint  le  vassal  du  duc,  et  au  mois  de  mai  suivant,  Gerolf  et 
Henri  de  Cats  promirent  à ce  prince  de  l’appuyer  aussi  longtemps  que  les 
enfants  du  roi  Guillaume  ne  seraient  pas  majeurs.  Butkens,  t.  J,  Preuves,  p.  07. 

2 Par  un  acte  daté  de  Bruxelles,  le  4 juillet  1262,  le  roi  des  Romains  Ri- 
chard reconnut  Alice  en  qualité  de  tutrice  de  ses  enfants,  pour  leur  part  dans 
les  comtés  de  Hollande  et  de  Zélande.  Saint-Génois,  Monuments , p.  414.  — 
Au  mois  de  juillet  1263,  Othon  et  Henri  étaient  tuteurs  des  deux  comtés, 
Bondam,  Charterboek  van  Getdertand , t.  Ier,  p.  562. 


( »?  ) 

Othon  et  son  frère  Henri,  mêlés  à toutes  les  grandes  querelles 
de  la  basse  Allemagne,  pouvaient  difficilement  échapper  à la 
destinée  commune  à tous  les  dominateurs  étrangers,  qui  est  de 
provoquer  des  mécontentements,  parfois  uniquement  à cause  de 
leur  origine.  Aussi,  tandis  qu’ils  se  réconciliaient  avec  l’évêque 
d’Utrecht  1 et  avec  le  comte  de  Clèves  2,  tandis  qu’ils  pouvaient 
se  croire  à l’abri  de  toute  opposition  venant  du  dehors,  il  se  pré- 
para un  orage  bien  plus  difficile  à dissiper  que  tous  ceux  par 
lesquels  ils  avaient  été  auparavant  assaillis. 

On  sait  que  la  Frise,  ou  pour  mieux  dire  la  majeure  partie  du 
royaume  actuel  des  Pays-Bas,  se  refusa  longtemps  à subir  le  joug 
du  régime  féodal.  La  vie  y resta  plutôt  patriarcale  que  militaire; 
longtemps  l’autorité  des  grands  y emprunta  à la  simplicité  des 
mœurs  une  modération  qui  la  rendit  plus  supportable  et  plus 
respectée.  On  ne  trouvait  pas  en  Frise  tous  ces  impôts  qui,  au 
moyen  âge,  pesaient  surtout  sur  le  pauvre,  et  notamment  la  dime. 
Les  prêtres  mêmes,  chez  qui  Je  mariage  était  encore  toléré,  vi- 
vaient entièrement  confondus  avec  la  population.  Mais  ces  habi- 
tudes cédaient  la  place  peu  à peu  aux  coutumes  patronées  par  les 
corporations  ecclésiastiques  et  par  les  comtes  de  Hollande.  Par- 
tout s’élevaient  des  châteaux,  dont  les  possesseurs  étendaient  in- 
sensiblement leurs  droits  et  leurs  prérogatives  , ce  que  pratiquaient 
aussi  les  habitants  des  villes. 

Après  des  guerres  sans  cesse  renouvelées  et  presque  toujours 
fatales  aux  Frisons,  les  seigneurs  de  Vlaardingen,  devenus  comtes 
de  Hollande,  avaient  fait  reconnaître  leur  autorité  depuis  le 
llont  jusqu’au  Texcl.  Toute  la  Zuyd  - Holland  , parsemée  de 
villes  et  de  manoirs,  leur  obéissait  respectueusement,  et  la  Zé- 
lande avait  également  répudié  son  antique  esprit  d’indépendance. 
Mais  la  Noord-IIolIand  : le  Kennemerland,  au  milieu  duquel  Ilar- 

1 Othon  et  l’évêque  se  confédérèrent  le  27  juillet  1265.  Bondam , t.  I, 
p.  572. 

2 Le  duc  de  Brabant,  Henri  111,  avait  négocié  entre  les  deux  comtes  une 
alliance  matrimoniale,  qui  fut  conclue  à Bois-le-Duc,  le  15  mai  1260.  Ibidem, 
1. 1,  p.  541 . — Toutefois,  ils  redevinrent  plus  tard  ennemis , et  ne  se  réconciliè- 
rent que  le  24  mars  1271.  Ibidem , t.  I , p.  609. 

Tome  XII 1. 


7 


( 98  ) 

lem  s’élevait  comme  une  citadelle;  la  Westfrise  (Hoorn,  Enkhuy- 
sen,  Medemblick)  et  le  Waterland  (Purmerend,  Edam,  leTexel), 
restait  frisonne.  Elle  avait  résisté  victorieusement  au  roi  Guil- 
laume; elle  voulut  profiter  de  la  désorganisation  que  produisirent 
les  querelles  pour  la  possession  de  la  régence  du  comté  de  Hol- 
lande et  des  difficultés  qui  entourèrent  les  premières  années  du 
règne  du  comte  Florent,  afin  de  mettre  son  indépendance  à 
l’abri  de  nouvelles  tentatives. 

En  1268  l,  les  Kennemers,  irrités  des  prétentions  et  de  l’or- 
gueil toujours  croissant  de  la  noblesse,  se  soulevèrent  en  masse, 
détruisirent  plusieurs  châteaux  qui  se  trouvaient  dans  leur  pays 
et  forcèrent  les  nobles  à se  retirer  dans  Harlem. 

Exaltés  par  leurs  premiers  succès,  ils  résolurent  de  former  une 
seule  communauté  libre  de  tout  le  diocèse  d’Utrecht,  et,  dans 
ce  but,  appelèrent  à leur  aide  les  Frisons  occidentaux  et  les  habi- 
tants du  Waterland.  Toutes  ces  populations  formèrent  une  armée 
redoutable,  tant  par  l’esprit  qui  l’animait  que  par  le  nombre.  Le 
premier  canton  qu’elle  envahit  fut  le  pays  de  l’Amstel  ou  Amstel- 
land,  dont  Amsterdam  était  la  capitale.  Le  jeune  Giselbert,  qui  en 
était  seigneur,  loin  d’oser  lutter  contre  elle,  lui  jura  fidélité  et,  de 
concert  avec  ses  chevaliers,  entra  dans  la  ligue,  dont  il  devint  le 
chef  suprême.  Voulant  profiter  de  la  puissance  que  l’on  mettait 
entre  ses  mains  pour  anéantir  ses  ennemis  particuliers,  il  court 
immédiatement  assiéger  le  château  de  Vredeland  ou  Vreelant, 
qui  avait  été  bâti  pour  arrêter  les  incursions  de  ses  prédécesseurs 
dans  l’évêché  d’Utrecht.  Mais  bientôt  il  conçoit  un  projet  plus 
hardi  : à son  instigation  les  Kennemers  lèvent  le  siège  du  châ- 
teau à l’improviste;  pendant  la  nuit,  ils  pressent  leur  marche  et 
paraissent  avant  le  lever  du  jour  devant  les  remparts  d’Utrecht, 
que  leurs  bandes  entourent  d’une  formidable  ceinture.  Les  gardes 
terrifiés  s’imaginent  apercevoir  les  Tartares  dont  le  nom  inspirait 
alors  une  frayeur  indicible  dans  la  chrétienté,  et  se  répandent  en 
clameurs.  En  un  instant,  les  Trajectins  armés  garnissent  les  rem- 
parts de  leur  cité.  Tout  à coup  un  colloque  s’établit  entre  eux  et 

1 Heda.  — Van  Loon,  Aloude  regering  van  Holland , t.  IV,  p.  200. 


( 99  ) 

les  assiégeants  : « Amis,  s’écrie  l’un  de  ceux-ci,  la  nation  libre  des 
» Kennemers  vous  salue;  elle  vous  engage  à proscrire  les  nobles, 
» les  oppresseurs  de  la  commune  et  à distribuer  leurs  richesses 
» aux  pauvres.  » Ces  mots,  qui  répondent  aux  sentiments  de  la 
majorité  des  bourgeois,  suffisent  pour  faire  éclater  une  révolu- 
tion. Les  riches  sont  dépouillés  des  fonctions  municipales  , qui 
sont  dévolues  à des  personnes  choisies  parmi  les  métiers,  sous  le 
nom  d’ O udermannen  ou  Anciens.  Les  nouveaux  magistrats  signent 
aussitôt  un  traité  d’alliance  avec  les  Kennemers , et  cet  exemple 
est  suivi  par  les  habitants  d’Amersfort  et  par  ceux  de  l’Eemland. 

Menacés  d’être  dépouillés  à leur  tour,  les  princes  voisins  de 
l’évêché  d’Utrecht  se  seraient  certainêment  coalisés  pour  rendre 
au  prélat  son  pouvoir,  s’ils  n’avaient  eu  d’autres  préoccupations. 
Toutefois,  le  comte  de  Gueldre,  qui  était  le  plus  menacé,  n’hésita 
pas  à conduire  sa  chevalerie  au  secours  de  l’évêque,  Jean  de 
Nassau.  Leur  armée  s’avança  jusqu’à  Zeist,  où  elle  rencontra  les 
Kennemers,  mais  ceux-ci  étaient  à tel  point  supérieurs  en 
nombre  que  les  princes  n’osèrent  risquer  une  bataille  et  regagnè- 
rent le  Veluwe. 

La  révolution  fut  bientôt,  sinon  étouffée,  du  moins  poussée  dans 
une  période  de  décroissance.  Maître  d’Utrecht,  Amstel  avait  di- 
rigé la  fureur  de  ses  auxiliaires  contre  les  forteresses  de  Giselbert 
d’Abcoudc,  de  Guillaume  de  Risenburch  et  d’Hubert  de  Vianen; 
il  les  avait  ensuite  engagés  à retourner  dans  leurs  foyers,  parce 
que  la  saison  des  vendanges  approchait,  et  à remettre  à l’année 
suivante  la  conquête  de  la  Gueldre.  A peine  de  retour,  les  Kenne- 
mers coururent  assiéger  Harlem,  et  livrèrent  à cette  ville  des 
assauts  furieux  et  multipliés,  sans  pouvoir  vaincre  la  résistance 
des  nobles  et  des  bourgeois.  Décimés  et  fatigués,  ils  étaient  dis- 
posés à se  séparer  lorsqu'ils  aperçurent  au  loin  quelques-uns  de 
leurs  villages  consumés  par  le  feu.  C’était  le  chevalier  Jean  Persyn, 
qui,  sorti  à l’improviste  de  Harlem,  avait  effectué  cette  diversion. 
Ils  se  retirèrent  alors  sans  ordre  et  furent  poursuivis  avec  achar- 
nement par  les  assiégés,  qui  en  tuèrent  et  prirent  un  grand 
nombre. 

Aussitôt  que  cette  nouvelle  fut  connue,  l'évêque  d’Utrecht  et 


( 100  ) 

J^'  comte  de  Gueldre  réunirent  toutes  leurs  forces,  et,  le  21)  août, 
vinrent  camper  devant  Utreeht;  toutefois  ils  se  retirèrent  six  jours 
après  ; ils  s’étaient  aperçus  que  leur  entreprise  ne  pourrait  être 
conduite  à bonne  fin  qu'à  grands  frais  et  au  moyen  d’énormes 
machines  de  guerre.  Ils  déchargèrent  leur  fureur  sur  Amersfort, 
qu’ils  détruisirent  après  avoir  reçu  sa  soumission,  puis  ils  se 
quittèrent  : le  comte  regagna  ses  Etats,  où  il  s’efforça  de  détruire, 
autant  que  possible,  les  sujets  de  mécontentement  que  pouvaient 
avoir  ses  peuples  l;  l’évêque  courut  de  ville  en  ville,  de  château 
en  château,  solliciter  des  secours  en  hommes  et  en  argent  2 * *,  et 

fixa  sa  résidence  dans  ses  domaines  de  rOveryssel. 

& 

Deux  ans  après,  le  10  septembre  1270,  un  chevalier  hollandais 
d’une  grande  bravoure,  Sweder  de  Buzinehem  ou  Boesinchem, 
escalada  pendant  la  nuit  la  ville  d’Utrecht,  s’en  empara  après  un 
combat  sanglant,  et  couronna  son  triomphe  par  l’expulsion  des 
chefs  du  peuple  et  le  rétablissement  des  anciens  magistrats  5. 

Cependant,  ajoutc-t-on,  les  séditieux  reprirent  la  ville.  Leur 
seconde  domination  dura  encore  moins  que  la  première.  Nicolas 
de  Cats,  tuteur  de  Florent,  comte  de  Hollande,  part  immédia- 
tement avec  cinq  cents  cavaliers;  arrivé  devant  Utreeht,  il  en 
brise  les  portes  à coups  de  hache , et  condamne  au  bannissement 
mille  quarante  citoyens.  Depuis  cette  époque,  le  gouvernement 

1 Par  un  diplôme  daté  d’Arnhem,le  5 mars  1271,  de  l’avis  de  « son  oncle, 
))  l’évêque  de  Liège;  de  son  parent,  l’évêque  d’Utrecht;  de  ses  conseillers, 
')  fidèles  et  ministériels,  » le  comte  rétablit  « ses  aimés  bourgeois  d’Arnhem  » 
dans  toutes  leurs  libertés  et  particulièrement  dans  leur  exemption  de  tonlieux 
à Lobbede;  son  père  Olhon  avait  injustement  violé  leurs  immunités,  mais 
s’en  était  repenti  à son  lit  de  mort.  Bondam,  t.  I,  p.  607. 

2 L’évêque  reçut  en  prêt  de  Jean  , sire  de  Cuyck,  « à Cologne,  au  temps 

» de  la  persécution  qu’avait  fait  éprouver  à lui  et  à son  église  la  comniu- 

» nauté  de  la  terre  d’Utrecht  et  de  Hollande  » une  somme  de  2,000  marcs 
sterlings  (à  12  sous  le  marc),  pour  laquelle  il  lui  engagea  le  château  de  Ilorst 
elle  tonlieu  et  la  juridiction  de  Rheenen.  Voyez  une  charte  du  25  juin  1277 
dans  Van  Mieris,  Charterboék  van  Holland , t.  I , p.  392. 

5 C’est  en  récompense  de  cet  exploit  que  l’évêque  accorda  à Sweder  le 
droit  de  tenir  deux  foires  franches,  près  de  son  château  de  Viane  (7  décem- 
bre 1272).  Ibidem,  1. 1 , p.  566. 


(101  ) 

de  la  cité  resta  aux  mains  de  l’aristocratie  bourgeoise,  jusqu’aux 
premières  années  du  quatorzième  siècle. 

Ce  qui  précède  constitue  la  version  adoptée  par  les  historiens 
hollandais;  elle  pèche  malheureusement  par  l’incertitude  de  la 
chronologie  et  par  le  manque  de  clarté,  qui  se  remarquent  surtout 
dans  la  fin  de  la  narration. 

Par  les  documents  nous  apprenons  que  le  parti  populaire  était 
encore  dominant  à Utrecht  en  1274.  Le  2o  juillet,  un  traité  de 
paix  et  d’alliance  réconcilia  entre  eux  le  comte  de  Hollande,  d’une 
part,  et,  d’autre  part,  l’écoutète,  les  échevins,  les  consuls  et  les 
autres  citoyens  d’Utrecht,  le  conseil  et  la  communauté  des  con- 
jurés de  Muyden , Amstel,  Mydrecht,  Lonen  et  leurs  adhérents. 
L’élu  d’Utrecht  entra  dans  la  meme  voie,  car  ce  fut  au  comte 
qu’il  confia,  le  19  septembre  suivant,  la  décision  de  ses  différends 
avec  les  habitants  de  sa  capitale,  Giselbert  d’Amstel,  etc.  b Quatre 
ans  plus  tard,  les  circonstances  ont  changé.  Ce  sont  des  bour- 
geois riches  qui  mettent  la  ville  entre  les  mains  du  comte,  et  à 
qui  celui-ci  promet  à son  tour  appui  et  protection  2.  Au  28  juillet 
1279 3, aucune  réconciliation  ne  s’était  encore  opérée  entre  les 
bourgeois  bannis  et  leurs  adversaires. 

Dans  ses  États  aussi,  ce  fut  d’abord  à l’aide  de  concessions  que 
l’autorité  de  Florent  se  rétablit.  Quand  il  gratifie  les  habitants 
d’Amsterdam  d’une  complète  exemption  de  tonlieux,  c’est  afin  de 
les  dédommager  des  torts  que  lui  et  ses  vassaux  leur  ont  causés  4. 
Aux  habitants  d’Akkersloot,  après  leur  avoir  assuré  le  maintien  du 
droit  des  Kennemers  (c’est-à-dire  des  coutumes  en  vigueur  chez 

1 Mieris , L c.,  pp.  375  et  576. 

2 Cette  promesse  est  faite  par  Sweder  de  Zuylen,  Zweder  de  Boesinchem 
et  Guillaume  de  Ryswyck,  chevaliers,  au  nom  de  Gérard  le  Frison,  Tydeman 
Vrenkin,  Herman,  fds  de  dame  Arnolde;  Krien  (sic)  Vrederyck  Soldenbagh, 
Jacques,  iils  de  sire  Frédéric;  Lambert  le  Frison,  Jacques  , fds  desire  Jac- 
ques, et  leurs  amis.  Charte  en  date  du  28  août  1278.  Ibidem,  p.  397. 

3 Ce  jour-là,  l’évêque  promit  au  comte  que  si  cette  réconciliation  s’opérait , 
la  moitié  de  la  composition  que  payeraient  les  bannis  lui  serait  allouée.  En 
1278,  le  comte  lit  alliance  avec  l’écoutète,  les  échevins,  le  conseil  et  la  ville 
d’Utrecht.  Ibidem  , p.  598. 

* Charte  du  27  octobre  1275.  Ibidem,  p.  379, 


( 102  ) 

cf*  peuple),  et  leur  avoir  accordé  un  pardon  complet,  ainsi  que  la 
remise  des  peines  qu'ils  avaient  encourues  4,  il  les  exempte  du  scol 
(ou  taille)  annuel  et  des  tonlieux , afin  qu’ils  s’opposent  plus  volon- 
tiers aux  Frisons  et  à leurs  alliés  2.  Dans  la  réconciliation  des 
hommes  de  Waterland  et  de  leur  seigneur,  le  chevalier  Jean  Per- 
syn , celui-ci  semble  faire  amende  honorable.  Après  avoir  fixé  le 
taux  des  redevances  annuelles  qui  lui  étaient  dues  et  des  compo- 
sitions pour  meurtres  et  blessures,  il  déclare  que  ses  vassaux  ne 
seront  plus  tenus  à marcher  contre  les  Frisons  ni  contre  aucun 
autre  ennemi,  mais  seulement  à défendre  leur  seigneur  contre 
toute  attaque;  il  promet  de  ne  plus  annuler  les  sentences  portées 
par  les  échevins  ou  les  autres  juges  constitués  par  lui,  et  s’engage 
à conserver  aux  prêtres  de  ses  domaines  les  franchises  des  prêtres 
frisons  et  à ne  plus  rebâtir,  ni  en  pierre,  ni  en  bois,  le  château  de 
Swanenburg  3. 

Florent,  sorti  des  embarras  qui  avaient  entravé  le  début  de  son 
règne,  couvrit  de  quelque  gloire  les  derniers  jours  de  sa  dynastie. 
Son  alliance  avec  l’Angleterre,  l’ascendant  qu’il  sut  conquérir  et 
conserver  dans  Utrecbt 4,  ses  victoires  sur  les  Frisons,  à qui  il  en- 
leva les  dépouilles  mortelles  de  son  père  5,  et  la  guerre  heureuse 
qu’il  fît  à deux  seigneurs  turbulents  : Giselbert  d’Amstel  et  Her- 
man de  Woerden,  entourèrent  son  nom  d’un  certain  éclat.  De  son 
temps  les  villes  hollandaises  grandirent  encore  en  importance  et 
leur  commerce  prit  de  nouveaux  développements. 

Florent  n’entra  qu’assez  tard  en  contestation  avec  le  comte 

1 Charte  du  13  mars  1274.  Ibidem,  p.  375. 

2 12  janvier  1276.  Ibidem  , p.  580. 

3 30  décembre  1273.  Ibidem,  p,  379.  — JeanPersyn  se  réconcilia  également 
avec  ses  vassaux  de  Sevenvanc,  le  17  juillet  1277.  Publications  de  la  Société 
historique  d’Utrecht , Kronyk , t.  VI , p.  223. 

* Dès  le  3 mars  1277,  le  comte  avait  promis  de  soutenir  le  prélat,  à la  con- 
dition que  celui-ci  suivrait  les  conseils  de  sire  Jean  de  Cuyck  et  de  sire  Giselbert 
d’Amstel.  Le  23  juillet  1279,  l’évêque  abandonna  entièrement  à Florent  l’ad- 
ministration de  ses  domaines,  dont  il  lui  engagea  ensuite  plusieurs  parties 
importantes.  Voyez  Van  Mieris,  pp.  588, 599  et  suiv. 

3 La  grande  victoire  en  Drechterland  date  de  l’année  1282;  une  partie  de 
la  Frise  se  soumit  en  1284,  une  autre  en  1288  seulement. 


( 105  ) 

de  Flandre,  au  sujet  de  l’hommage  que  celui-ci  réclamait  pour  la 
Zélande.  Dans  le  principe  il  évita  de  le  froisser.  Le  25  mai  1278, 
il  signa  avec  lui  une  ligue  offensive  et  défensive,  contre  tous, 
sauf  contre  les  princes  auxquels  il  devait  le  service  féodal  et 
sauf  qu’aucun  des  deux  contractants  ne  pourrait  défendre  contre 
l’autre  le  duc  de  Brabant  et  ne  devrait  marcher  contre  ce  prince 1 2 3  4. 
Mais  bientôt  ces  dispositions  amicales  changèrent.  Le  comte  de 
Hollande  s’était,  déjà  rapproché  du  comte  de  Hainaut,  ennemi 
de  Guy  de  Dampierre;  le  51  août  1282,  il  lui  promit  aide  et  se- 
cours, sauf  les  conventions  négociées  avec  le  duc  de  Brabant, 
et  sauf  qu’il  ne  serait  obligé  à soutenir  Jean  d’Avesnes  contre  Guy 
de  Dampierre  que  pour  le  cas  où  celui-ci  ne  voudrait  pas  rendre 
justice  au  premier  2.  Les  relations  entre  Florent  et  les  d’Avesnes 
avaient  quelque  temps  souffert  de  ce  que  Florent  de  Hainaut,  au 
mépris  de  l’autorité  du  comte,  avait  élevé  plusieurs  forteresses 
dans  la  Zuyd-Holland  5,  et  s’en  était  fait  donner  par  d’autres  sei- 
gneurs. 

Avec  le  Brabant,  les  relations  restèrent  toujours  cordiales,  sauf 
quelques  différends  passagers,  à peine  dignes  de  mention.  En  1275, 
un  débat  de  ce  genre  fut  terminé  par  le  bailli  de  la  Zuyd-Holland, 
Nicolas  de  Subburch,  de  l’avis  du  conseil  du  comte  et  principale- 
ment de  Nicolas  de  Cats,  et  à la  demande  de  sire  Egide  Berthout 
et  des  autres  vassaux  du  duc.  Le  bailli  déclara  recevoir,  sous  son 
sauf-conduit  et  jusqu’à  la  fête  prochaine  de  Saint-Jean-Baptiste, 
tous  les  Brabançons  qui  viendraient  en  Hollande  4. 

Dans  un  tournoi  donné  à Bois-le-Duc,  en  janvier  1277,  Jean  Ier 
donna  à Florent  l’accolade  de  la  chevalerie;  plus  tard,  celui-ci 
prouva  à son  vaillant  initiateur  sa  reconnaissance  par  l’appui  qu’il 
lui  donna  pendant  la  guerre  contre  la  Gueldre  à propos  du 
Limbourg. 

1 Saint-Génois,  Monuments , p.  640. 

2 Idem,  p.  637,  où  l’on  donne  au  traité  la  date  erronée  du  51  août  1272; 
à cette  époque  Jean  d’Avesnes  n’était  pas  comte  de  Hainaut. 

3 Voyez  le  traité  d’alliance  du  comte  Florent  et  de  l’évêque  d’Utrecht,  du 
5 mars  1277,  cité  plus  haut. 

4 Acte  du  5 décembre  1275.  Cartulaire  du  Brabant  B.,  f°  86. 


( 104  ) 

C’est  a cette  guerre  seule  qu’on  doit  attribuer  la  rupture  de 
l'ancienne  alliance  de  la  Gueldre  et  du  Brabant,  alliance  qui  durait 
depuis  le  temps  de  Henri  Ier  et  qui , après  Woeringcn,  ne  se  renoua 
jamais  d’une  manière  durable. 

En  1274,  les  sujets  de  querelle  existant  entre  Jean  Ier  et  le 
comte  Renaud  avaient  été  soumis  à l’arbitrage  de  six  nobles  : les 
sires  de  Malines  et  de  Bautersem,  sire  Robert  de  Heusden, 
Guillaume,  sire  de  Broncliorst,  Gérard,  sire  de  Batenbourg  et 
Guillaume,  sire  de  Iferven.  A la  suite  du  meurtre  d’un  Brabançon, 
René  de  Ilese,  par  le  chevalier  Albert  de  Wilre  et  ses  complices, 
Jacques,  son  parent,  et  Thierri  de  Lente,  le  comte  promit  de  pro- 
scrire ceux-ci,  s’ils  ne  se  soumettaient  au  jugement  des  arbitres 
précités  G 

Tout  en  maintenant  la  paix  sur  ses  frontières  septentrionales, 
Jean  Ier  prit  soin  de  fortifier  la  seule  position  qu’il  possédait  au 
nord  de  la  Meuse,  nous  voulons  parler  de  la  commerçante  ville  de 
Thiel.  Le  chevalier  Jean  Coc,  du  consentement  de  sa  femme  et  de 
ses  héritiers,  lui  céda,  moyennant  indemnité,  son  habitation, 
qu’il  avait  agrandie  par  l’achat  de  trois  maisons  contiguës,  fait 
entourer  de  murs,  et  convertie  en  forteresse,  et  Jean  Ier  la  lui 
rendit  pour  la  tenir  en  fief,  à condition  que  lui  et  les  siens  pour- 
raient toujours  y entrer  et  en  sortir,  et  s’en  aider  contre  qui  que 
ce  fût1 2.  Peut-être  faut-il  voir  dans  cette  transaction  un  indice  de 
la  crainte  qu’avait  inspirée  le  soulèvement  des  Kennemers  en 
l’année  1208. 

1 Acte  du  15  avril  1274,  daté  de  Bois-le-Duc.  Cartulaire  cité,  f°  83  v°.  — 
Poutanus,  Historia  Gelrica , p.  151,  raconte  qu’eu  1270  Jean  1er  fit  percer 
les  digues  voisines  de  Thiel , afin  de  protéger  cette  ville  contre  les  Gueldrois, 
qui  s’en  emparèrent  cependant  , sous  la  conduite  du  comte  Othon , père  de 
Renaud.  L’histoire  du  Brabant  est  muette  sur  ces  différends,  auxquels  se 
rapporte  peut-être  la  charte  par  laquelle  Jean  1er  reconnut,  le  17  mai  1274, 
devoir  1500  livres  de  Louvain  au  comte  Renaud.  Willems,  Van  Heelu , p.  397. 

2 Actes,  au  nombre  de  deux  et  en  date  du  21  octobre  1274.  Bondarn, 
p.  G15.  Willems,  Van  Heelu,  p.  399. 


( 105  ) 


II. 

Les  dangers  auxquels  les  tumultes  populaires  exposaient  les 
bourgeoisies  aristocratiques  des  Pays-Bas  eurent  pour  effet,  à ee 
qu’il  semble,  de  déterminer  celles-ci  à resserrer  leurs  alliances  et 
à se  prémunir  ainsi  contre  les  dangers  dont  elles  étaient  menacées. 

Le  moment  était  favorable  : aux  querelles  pour  la  tutelle  en 
Brabant,  et  en  Hollande  : aux  luttes  des  Liégeois  contre  le  gouver- 
nement tyrannique  de  Henri  de  Gueldre  et  des  Colonais  contre 
les  tentatives  d’Engclbert  de  Fauquemont,  succédèrent  quelques 
années  de  calme.  C’est  à cette  époque,  qui  vit  se  terminer  l’inter- 
règne de  l’empire  d’Allemagne,  que  se  rapportent  un  grand 
nombre  de  traités  conclus  entre  différentes  villes. 

L’audace  et  les  prétentions  des  tisserands,  des  foulons  et  des 
autres  hommes  de  métier  inspirant  de  nouveau  des  craintes,  les 
magistrats  de  Gand  échangèrent  avec  les  villes  de  Louvain,  de 
Bruxelles,  de  Lierre,  de  Malines,  de  Tirlemont,  d’Anvers  et  de 
Léau  des  promesses  d’expulser  l’artisan  qui  se  réfugierait  dans 
une  de  ces  localités,  et  une  défense  de  l’héberger  plus  d’un  jour, 
sous  peine  d’une  amende  de  vingt  sous  *. 

On  peut  supposer  à priori  que  les  artisans  durent  être  l’objet 
d’autres  mesures  répressives  ou  restrictives.  En  Brabant,  aucun 
fait  positif  ne  trahit  l’antagonisme  de  la  classe  inférieure  et  de  la 
classe  supérieure,  et  cependant  il  est  incontestable.  Les  métiers 
de  Louvain  qui,  en  4267,  sont  autorisés  à s’assembler  quand  bon 
leur  semble,  reçoivent,  en  1282,  la  défense  de  se  réunir,  sinon  en 
présence  de  l’officier  du  prince;  la  caisse  des  tisserands  d’Anvers 
est  confisquée  au  profit  du  trésor  communal,  la  levée  d’assises,  qui 
ailleurs  avait  soulevé  tant  de  récriminations,  est  en  Brabant,  sinon 
introduite,  du  moins  généralisée  et  réglementée. 

Pour  la  Flandre,  où  les  documents  abondent  davantage,  on 

1 Promesses  datées  du  24  mai  et  20  juin  4274.  Van  Duyse,  Inventaire  des 
chartes  de  la  ville  de  Gand,  p.  37. 


( 106  ) 

connaît  mieux  ce  qui  se  passa.  Vers  l’année  1275,  un  très-vif 
mécontentement  se  manifesta,  à Gand,  contre  la  prodigalité  des 
magistrats,  qui  s’appelaient,  comme  on  sait,  les  Trente-Neuf.  Le 
roi  de  France,  Philippe  III,  pris  pour  arbitre,  envoya  d’abord 
deux  commissaires  pour  entendre  les  parties,  et  porta  ensuite 
sa  sentence,  qui  fut  favorable  aux  Trente-Neuf  (22  juillet  1277). 

Le  comte  Guy  de  Dampierre,  qui  cherchait  tous  les  moyens 
possibles  d’étendre  sa  juridiction  aux  dépens  de  celles  des  villes, 
obtint  du  même  roi  une  ordonnance  qui  obligeait  les  échevins  et 
autres  administrateurs  de  ses  domaines  à rendre  compte  de  leur 
gestion  à lui  et  au  peuple,  mais  cette  prétention,  qui  était  nou- 
velle, amena  entre  lui  et  les  Gantois  une  querelle  interminable. 
Les  Trente-Neuf,  après  avoir  acheté  la  paix  moyennant  une 
somme  de  dix-huit  mille  livres  et  l’abandon  au  comte  du  droit  de 
nommer  les  percepteurs  des  assises,  après  avoir  été  condamnés  à 
une  amende  de  quarante  mille  livres , pour  avoir  appelé  à tort 
des  décisions  de  la  cour  du  comte  à la  cour  du  roi,  furent  pour- 
suivis, forcés  de  fuir,  et  enfin  rétablis,  grâce  seulement  à l’ap- 
pui de  l’étranger  l 2. 

Les  autres  communes  semblent  avoir  prévu  qu’un  recours  ju- 
ridique n’apporterait  aucun  allégement  à leurs  souffrances  et  avoir 
préféré  la  triste  ressource  de  l’émeute. 

La  Kokerulle  d’Ypres  éclata  à la  suite  d’ordonnances  qui  mé- 
contentèrent les  drapiers.  Ceux-ci,  soutenus  par  les  autres  métiers, 
se  livrèrent  aux  excès  les  plus  condamnables.  Ils  pillèrent  et  brû- 
lèrent les  maisons  des  échevins,  et  ne  respectèrent  ni  les  églises 
ni  les  monastères.  Le  comte  se  bâta  de  rassembler  un  bon  nombre 
de  mercenaires  allemands.  Sa  sentence  donna  tort  aux  deux  par- 
tis : les  échevins  d’une  part,  les  drapiers,  tisserands,  foulons  et 
tondeurs,  d’autre  part,  furent  également  punis  pécuniairement 
(1er  avril  1281)  *. 

1 Consultez  à ce  sujet  les  beaux  travaux  qui  ont  paru  récemment,  sur 
l’histoire  de  Flandre  : les  ouvrages  de  MM.  Warnkônig,  Kervyn  , Le  Glay , Van 
Duyse. 

2 Jules  de  Saint-Génois,  Inventaire,  p.  87. 


( 107  ) 

Les  délégués  de  Guy  s’étant  rendus  à Bruges  pour  assister  à 
une  reddition  de  comptes  communaux,  le  peuple  courut  aux 
armes  et  livra  dans  la  ville  un  combat  sanglant  Robert  de  Bé- 
thune, qui  remplaçait  son  père  absent,  réunit  une  armée,  entra 
dans  Bruges,  fit  décapiter  les  chefs  de  la  révolte  et  condamna  la 
commune  à une  amende  de  cent  mille  livres,  outre  une  redevance 
de  mille  livres,  et  quatre  mille  qui  furent  employées  à payer  des 
indemnités  aux  victimes  de  l’émeute  (27  mai  1281).  De  grandes 
restrictions  furent  en  outre  apportées  aux  franchises  des  Bru- 
geois,  qui  se  soulevèrent  une  seconde  fois,  tuèrent  un  officier  du 
comte,  nommé  Thierri  Vrankesone,  et  furent  de  nouveau  punis 
d’une  amende  de  vingt  mille  livres  (17  septembre  1281).  Ce  se- 
cond épisode  révolutionnaire  est  connu  dans  l’histoire  sous  le 
nom  de  Morlemay , sans  doute  d’après  le  cri  de  ralliement  des 
révoltés  h 

A Poperinghe  aussi,  à Douai,  à Tournai,  les  ouvriers  en  laine 
se  soulevèrent.  Dans  la  dernière  de  ces  villes , leur  chef,  nom- 
mé Roussian  li  Kos,  fut  écartelé  et  pendu  en  1281 1  2 *.  Tous  ces 
mouvements  insurrectionnels,  qui  datent  des  aimées  1280  et 
suivantes,  s’influencèrent  l’un  l’autre  et  eurent  des  ramifications 
ui  loin.  Ce  qui  le  prouve,  c’est  qu’à  Middelbourg  le  comte  au- 
torisa les  échevins  à bannir  les  artisans  et  nommément  les  tis- 
serands et  les  foulons  5,  et  que  cette  époque  abonde  en  mesures 
restrictives  adoptées  à l’égard  des  métiers. 


m. 


La  plus  grande  partie  des  contrées  qui  s’étendent  entre  Aix-la- 
Chapelle  et  Cologne  formaient  jadis  un  comté  qui  empruntait  son 
nom  à sa  capitale,  Juliers.  Voisin  des  domaines  de  rarchevêque  de 

1 Warnliônig , Histoire  de  la  Flandre , t.  IV. 

2 Li  Muisis,  dans  De  Smet,  Corpus  Chronicorum  Flandriae , t.  II,  p.  170. 

5 15  mars  1281.  Van  Mieris,  1. 1,  p.  434. 


( 408  ) 

Cologne,  dont  le  chef  y exerçait  l’autorité  spirituelle,  ce  petit  État 
ne  vécut  longtemps  que  d’une  vie  sans  éclat.  Mais,  au  treizième 
siècle,  ses  maîtres  essayèrent  d’agrandir  leur  puissance,  en  pro- 
fitant des  luttes  que  les  archevêques  de  Cologne  eurent  constam- 
ment à soutenir,  tantôt  contre  l’autorité  impériale,  tantôt  contre 
les  princes  leurs  vassaux,  ou  contre  les  bourgeois  de  leur  ca- 
pitale. 

Tour  à tour  vainqueurs  ou  vaincus,  les  comtes  virent  leurs 
États  s’arrondir  et  se  morceler,  selon  que  le  sort  des  combats  leur 
fut  favorable  ou  funeste.  L’archevêque  Conrad,  après  avoir  été 
leur  prisonnier,  leur  imposa,  le  1er  février  1254,  un  traité  désa- 
vantageux. Vers  l’an  1270,  les  nombreux  échecs  éprouvés  par  le 
prélat  Engelbert  leur  avait  rendu  une  influence  considérable, 
qu’ils  perdirent  encore,  mais  pour  quelque  temps  seulement. 

Leur  conduite  dans  la  ville  d'Aix  paraît  avoir  été  la  source  de 
leurs  malheurs.  Ils  y étaient  avoués  inférieurs  ou  écoutètes,  et  en 
cette  qualité  c’était  à eux  de  présider  le  tribunal  royal  de  cette 
ville  ou  tribunal  des  échevins,  et  de  convoquer  les  plaids  géné- 
raux des  personnes  soumises  à cette  juridiction,  plaid  que  l’on 
désignait  sous  le  nom  de  Voitdinghe  (pour  Voigtgedinghé)  l. 
Lorsque  le  couronnement  du  roi  Rodolphe  sembla  promettre  aux 
contrées  du  bas  Rhin  une  nouvelle  ère  de  tranquillité,  ce  qui 
leur  avait  fait  défaut  depuis  plus  de  trente  années,  les  Aixois  de- 
mandèrent une  confirmation  de  leurs  privilèges  2 3 et  obtinrent 
une  charte  pleine  de  menaces  contre  ceux  qui  les  spolieraient  ou 
les  attaqueraient  5.  Le  comte,  de  son  côté,  devint  le  vassal  du 
roi  pour  les  châteaux  de  Lydeberg , de  Kastere  et  de  Woring 
ou  Woeringen , qu'il  tenait  auparavant  comme  une  propriété 
libre  4. 

1 Voyez  une  sentence  portée  à Aix,  le  jour  des  octaves  de  l’Épiphanie , en 
1 2G9.  Quix , Codex . p 157. 

2 Veille  des  SS.  Simon  et  Jude,  1273.  Ibidem  , p.  139. 

3 Charte  de  Rodolphe,  datée  de  Haguenau,  le  20  février  1273.  Ibidem, 
p.  140. 

4 Charte  du  même,  donnée  à Cologne,  le  24  novembre  1273.  Kremer, 

t.  III,  Urkunden,  p.  141. 


K 


( 109  ) 

La  tranquillité  fut  lente  à reparaître  et  les  Aixois  multiplièrent 
leurs  négociations.  Ils  se  créèrent  ou  s’achetèrent  partout  des 
protecteurs.  L’archevêque  de  Cologne,  Sifroi,  le  successeur  d’En- 
gelBert,  s’engagea  à les  défendre,  particulièrement  dans  la  contrée 
qui  s’étend  entre  le  Rhin  et  la  Meuse,  et  depuis  Andernach  jus- 
qu'à Neuss,  le  long  du  premier  de  ces  fleuves;  de  Liège  à Rure- 
monde,  le  long  des  rives  du  second.  Lui  et  les  bourgeois  devaient, 
dans  ces  limites,  se  secourir  mutuellement  contre  leurs  ennemis 
quels  qu’ils  fussent,  le  roi  des  Romains  excepté  L Le  duc  de 
Limbourg  prit  également  rengagement  de  s’armer  contre  les  mal- 
faiteurs qui  désolaient  les  chemins  allant  de  la  Meuse  au  Khin  et 
dont  la  garde  lui  était  confiée  par  une  concession  des  empereurs; 
par  contre,  ceux  d’Aix  étaient  tenus,  quand  ils  guerroieraient  avec 
le  duc,  de  fournir  à ses  cavaliers  des  vivres,  de  la  boisson  et  du 
fourrage,  et  de  1 indemniser  s’il  souffrait  quelque  dommage;  le 
duc,  moyennant  le  payement  d’une  somme  de  cinq  cents  marcs 
et  d’une  rente  de  cent  marcs,  renonça  aussi  au  tonlieu  qu’il  le- 
vait à tort  sur  les  Aixois  2.  Enfin,  pour  une  somme  égale  et  pour 
une  rente  de  trente  marcs,  le  sire  de  Fauquemont  leur  vendit 
encore  une  exemption  des  tonlieux  qu’il  avait  exigés  d’eux,  au  mé- 
pris des  édits  des  empereurs,  et  sa  protection  contre  leurs  enne- 
mis, ses  suzerains  et  quelques-uns  de  ses  amis  exceptés  5. 

L’archevcque  de  Cologne  mit  également  à profit  la  courte 
période  de  paix  qui  s’écoula  après  son  élection  pour  raffermir  la 
domination  de  son  siège  métropolitain  et  s’assurer  des  alliés. 
Plus  politique  que  son  prédécesseur,  il  pardonna  aux  Colonais, 
en  vertu  de  l’autorité  que  lui  avait  donnée  le  pape,  la  captivité 
d’Engelbcrt  et  leur  alliance  avec  Je  comte  de  Juliers  4.  Puis  il  se 
confédéra  successivement  avec  le  duc  de  Limbourg5,  avec  le  comte 

8 14  juin  1275.  Ernst , t.  VI , p.  290.  — Quix , Codex,  p.  150. 

2 Août  1275.  Quix , p.  146. 

5 Dimanche  après  les  octaves  de  saint  Mathieu , septembre  1275.  Ernst, 
t.  VI,  p.  526. 

4 2 juin  1275.  Lacomblet,  t.  Il , p.  575.  Le  5,  il  leur  confirma  leurs  privi- 
lèges et  leurs  coutumes.  Idem,  l.  c. 

5 24  août  1275,  à Neuss.  Lacomblet , t.  Il , p.  595. 


( HO  ) 

de  Juliers  *,  avec  le  comte  de  Hollande  Telle  était  à cette  époque 
l’influence  des  bourgeoisies  que  l’on  voit  cinq  bourgeois  de  Co- 
logne figurer  parmi  les  arbitres  choisis  par  le  prélat  et  par  le 
comte  de  Juliers,  à côté  de  trois  ecclésiastiques,  du  sénéchal  de 
Rhinberg  et  de  trois  autres  nobles;  deux  d’entre  eux,  il  est  vrai, 
étaient  chevaliers. 

Les  négociations  dont  ces  arbitres  étaient  chargés  n’aboutirent 
pas;  une  rupture  éclata  entre  l’archevêque  et  le  comte.  Dès  l’année 
1276,  le  pape  Innocent  V invoqua,  contre  ce  dernier,  l’autorité 
du  roi  Rodolphe.  Le  duc  de  Brabant  essaya  de  s’interposer  entre 
Sifroi  et  Guillaume;  il  chargea,  mais  en  vain, du  soin  de  proposer 
une  trêve  le  sire  de  Bautersem,  et  Wolfard,  chevalier  de  l’ordre 
teutonique,  à qui  Sifroi  donna  le  même  mandat  (17  février  1277  ). 

Quelques  jours  après,  l’archevêque  écrivit  aux  villes  de  Louvain 
et  de  Bruxelles  5.  Après  les  avoir  informées  qu’il  voulait , à l’imita- 
tion de  scs  prédécesseurs,  assurer  à leurs  habitants  et  aux  autres 
marchands  étrangers  paix  et  tranquillité,  il  les  informe  que  le 
comte  de  Juliers , qu’il  gratifie  du  titre  de  « protecteur  public  des 
brigands  et  des  voleurs 1 2 *  4 »,  a attaqué  l’archevêché  et  l’église  de  Co- 
logne, incendié,  dévasté  et  ravagé  leurs  domaines,  massacré  leurs 
sujets,  sans  respect  pour  le  sexe  ni  pour  l’âge,  et,  « ce  qui  est 
absolument  déraisonnable  »,  envahi  et  dépouillé  à main  armée  un 
monastère  de  l’ordre  de  Citeaux.  Afin  d’établir  la  vérité  de  ses  allé- 
gations, Sifroi  avait  consenti  à accepter  pour  juge  le  duc  de  Bra- 
bant, à cause  de  son  amour  pour  la  paix.  Mais  les  efforts  de  ses 
deux  envoyés  n’ayant  pu  vaincre  l’obstination  du  comte,  l’archevè- 
que  priait  les  villes  du  Brabant  de  le  remercier  en  son  nom  de 


1 17  mars  1276,  à Neuss.  Lacomblet,  t.  II,  p.  408. 

2 11  avril  1276.  Saint-Génois  , les  pairies  du  Hainaut , 1. 1 , p 198.  Dans 
ce  traité  on  trouve  une  stipulation  singulière  : Quand  Sifroi  ira  au  secours  du 
comte,  celui-ci  devra  venir  à sa  rencontre  jusqu’à  Emmerich. 

5 Judicibus,  scabinis , consulibus  et  universis  burgensibus  Lovanien- 
sibus , Bruxellensibus  et  aliorum  oppidorum.  Le  mot  de  consuls,  usité  dans 
les  villes  rhénanes,  traduit  celui  de  juré  ( gesworen ),  plus  en  usage  en  Bra- 
bant. 

4 Praedonum  et  latronum  publicus  defensor. 


( 1H  ) 

son  intervention  et  leur  renouvelait  l’assurance  formelle  de  son 
attachement  à leurs  intérêts  L 

C’est  alors  que  Jean  Ier  confirma  le  pacte  conclu  par  ses  prédé- 
cesseurs avec  l’église  de  Cologne.  Il  reconnut  que  l’alliance  de 
Sifroi  « pouvait  considérablement  lui  venir  en  aide  dans  certains 
embarras  » et  promit  de  l’aider  contre  tous  ses  ennemis , quels 
qu’ils  fussent2.  L’archevêque  se  confédéra  encore  avec  douze  autres 
seigneurs,  tandis  que,  de  son  coté,  Guillaume  de  Juliers  se  coali- 
sait, à Deutz , avec  trente-cinq  comtes  et  seigneurs,  contre  le  prélat 
et  contre  tout  autre,  sauf  le  roi,  qui  attaquerait  l’un  d’entre  eux. 
Simon,  évêque  de  Paderborn,  tuteur  du  seigneur  de  la  Lippe; 
Henri,  landgrave  de  Hesse;  Guillaume,  comte  de  Juliers,  et  Guil- 
laume, son  fils  aîné;  Adolphe,  comte  de  Berg;  Henri  de  Windeck, 
son  frère;  Godefroid  de  Seyne,  Othon,  comte  de  Nassau;  Engel- 
bert,  comte  de  la  Marck;  Godefroid,  son  fils;  Godefroid  d’Arns- 
bergh,  Louis,  son  fils;  Tbierri  Loef  de  Clèves,  Henri  et  Jean  de 
Spanheim,  Henri,  comte  de  Kessele;  Guillaume  de  Salm,  Henri  de 
Virnembourg,  Frédéric  de  Rietbergh,  Othon  de  Teklembourg, 
Tbierri,  comte  de  Limpourg  ou  de  Lim bourg  sur  la  Lenne; Tbierri 
d’Heymersbergh  ou  Heynsberch,  Henri  d’Ysenburch,  Gerlac  et 
Louis,  ses  fils;  les  deux  Bertokl  de  Buren,  Frédéric  de  Ryferscheyt 
et  Henri,  son  frère;  Waleram,  sire  de  Fauquemont;  Rupert  de 
Virnembourg,  Othon  de  Waldeck,  Simon  de  La  Lippe  et  Othon  de 
Wikerode  formaient  cette  confédération  redoutable  3. 

Mais  la  commune  d’Aix  se  prononça  de  la  manière  la  plus  solen- 
nelle en  faveur  de  la  ligue  brabançonne-colonaise;  elle  déclara  par 
l’organe  de  ses  magistrats  : juges,  échcvins,  consuls,  maîtres  des 
citoyens,  que  les  dues  de  Brabant  avaient  été  depuis  un  temps  im- 
mémorial et  devaient  être  son  avoué  supérieur,  après  le  roi  ou  em- 
pereur 4. 

5 Cette  lettre  est  datée  de  Legonich  (Lechenich) , le  7 des  calendes  de  mars 
ou  23  février,  mais  sans  indication  d’année  ( Cartulaire  de  Brabant  B.,  f°  58). 
Elle  ne  peut  être  postérieure  à l’année  1277. 

2 31  mars  1277.  Lacomblet,  t.  11 , p 409.  — Willems,  Van  Heelu,  p.  401. 

5 7 avril  1277.  Kremer,  1. 111,  Urkunden,  p.  150.  — Ernst,  t.  IV,  p.  334. 

4 50  mai  1277.  Quix , p.  451.  — Butkens,  1. 1,  p.  290,  et  Preuves , pp.  108  et 
109  ; — De  Dynter,  p.  432. 


(112) 

Cette  manifestation  fut  sans  doute  ee  qui  détermina  le  comte  de 
Julicrs  à tenter  de  surprendre  une  ville,  dont  l’inimitié  lui  était 
préjudiciable  au  plus  haut  degré  et  où  il  croyait  avoir  le  droit  de 
gouverner,  grâce  à son  titre  de  sous-avoué.  Il  était  déjà  en  grand 
désaccord  avec  les  habitants  1 , soit,  selon  les  uns,  parce  que  le 
roi  lui  avait  hypothéqué  Aix,  pour  faire  face  aux  frais  de  son 
couronnement,  et  qu’il  ne  pouvait  s’y  faire  obéir  2 *;  soit,  comme 
le  disent  d’autres,  à cause  d’une  prétention  qu’il  élevait  sur  le 
Scapulenbosch,  qu’il  maintenait  lui  avoir  été  cédé  en  gage,  avec 
la  sous-avoucrie,  par  le  roi  Richard  Ce  qu’il  y a de  certain,  c’est 
que  le  comte  avait  des  partisans  dans  Aix,  et  qu’il  comptait  sur 
leur  concours  pour  y rétablir  son  autorité. 

Pendant  la  nuit  de  Sainte-Gertrude,  du  16  au  17  mars  1277- 
1278,  à la  tète  de  trois  cent  soixante  huit  chevaliers  4 et  autres 
nobles,  il  entra  dans  la  ville  par  une  porte  que  ses  complices  lui 
avaient  ouverte.  Il  s’avança  sans  résistance  jusqu’à  la  grand’place, 
où  il  comptait  être  rejoint  par  ses  partisans  au  cri  de  : Juliers, 
Juliers-JYotre-Dame.  Il  se  vit  au  contraire  assailli  par  les  bour- 
geois, qui  avaient  couru  aux  armes.  Un  combat  à outrance  s’en- 
gagea; enfin,  accablé  par  le  nombre  et  ayant  perdu  presque  tous 

1 Chronicon  Sampetr.  Erfiirl.,  dans  Menckenius,  Scriptores  rerum  Ger- 
manicarum,  t.  III,  p.  271.  — Gesta  archiepiscoporum  Trevirensium,  § 271, 
dans  Martene,  A mplissima  collectio,  1.  IV,  p.  556. 

2 Ollocarede  Horneck,  Rerum  Auslriacarum , c.  280,  dans  les  Scriptores 
rerum  Austriae  de  Pez,  t.  III,  p.  254. 

8 Petrus  a Beck,  Aquisgranum,  p.  121; — les  habitants  soutenaient,  au 
contraire,  que  le  roi  Richard  leur  avait  engagé  ce  bois  pour  la  somme  de 
sept  cents  marcs. 

-1  Ou  trois  cents,  selon  les  G esta  Trevirorum  integra  (t.  II,  p.  119) , où 
l’heure  de  l’attaque  est  fixée  à neuf  heures , sans  ajouter  si  c’est  du  matin  ou 
du  soir.  Le  passage  suivant  contient  des  erreurs  que  nous  croyons  inutiles  de 
relever:  Cornes  Juliaccnsis , dum  ad  expeditionem  régis  Romanorum  se 
praepararet  et  ad  civitatem  Aquensem  usque  pervenisset , et  exactionem , 
qaam  ci  rex  Rodulphus  ordinaverai , a civibus  exiger  et,  subito  lile  exor  ta, 
suadente  pestifero  consilio , cum  duobus  liber is  suis,  ducentis  militibus  ac 
fere  mille  aliis  hominibus  ante  ecclesiam  Deatae  Virginis  est  occis  us  {Hislo- 
riae  Australis  pars plenior,  apud  Ficher). 


( 113  ) 


les  siens,  l’infortuné  comte  chercha  à sc  sauver  dans  le  cou- 
vent des  Dames  blanches,  et  déjà  il  en  approchait  lorsqu’il  fut 
tué  avec  son  fils  aine  et  un  ou  deux  de  ses  bâtards,  par  des  bou- 
chers, qui  ne  l’avaient  pas  reconnu  h Waleram  de  Fauquemont 
avait  essayé  de  le  détourner  de  son  projet,  en  lui  rappelant  le 
triste  résultat  de  l’entreprise  semblable  tentée  à Cologne  par  son 
père  Thierri  de  Fauquemont  et  par  le  due  de  Limbourg,  puis, 
voyant  ses  conseils  repoussés,  avait  refusé  de  suivre  le  comte  à 
une  mort  certaine 


Le  désastre  de  Guillaume  de  Juliers  causa  une  si  grande  joie  à 
l'archevêque  de  Cologne,  qu’en  actions  de  grâces  de  ce  mémorable 
événement  , il  moula  à l’autel  dans  sa  cathédrale  et  entonna  l in- 
troït  de  la  messe  de  Saint-Pierre  aux  liens  : « Je  sais  maintenant 
» que  le  seigneur  a envoyé  son  ange  et  m’a  délivré  de  la  puissance 
» d Ilérode.  » Vaillamment  soutenu  par  les  Colonais  5,  il  entra  à 
main  armée  dans  le  pays  de  Juliers,  délit,  le  21  mars  4,  scs  enne- 
mis qu’il  accabla  par  le  nombre,  prit  l’ancienne  résidence  du  comte 
défunt  et  en  renversa  le  château  de  fond  en  comble.  11  força  en- 


suite les  autres  places  fortes  du  comté 1 2  3,  excepté  les  châteaux  de 
jNidecken  et  de  Ilambach  ou  Ilengebach,  et  lit  démolir  les  fortifi- 
cations de  plusieurs  d’entre  elles,  tandis  qu’il  abandonnait  les 
campagnes  à la  rapacité  des  siens,  et  cela,  disait-il,  pour  venger 
les  trois  ans  et  demi  de  captivité  que  le  comte  Guillaume  avait 
fait  essuyer  à son  prédécesseur  G. 

Dès  le  4 avril  1277,  l’avoué  Anselme,  les  éehevins,  les  consuls, 
les  maîtres  jurés  et  les  autres  habitants  de  Duren,  lui  prêtèrent 


1 Annales  Novesienses  dans  Marient; , Amplissima  collectio , t.  IV,  p.  575, 

— Baudouin  de  Ninove,  dans  Hugo,  Annales’ Prœmonstratenses , t.  II , p.  188. 

— Vieille  chronique  de  Cologne , l'°  238  v°.  — Joannes  à Leydis,  Chronicon 
Belgicum , p.  200.  — Quix.  t.  Il , p.  48. 

2 Hocsem , apud  Ghapeauville  , /.  c.,  c.  XI. 

3 De  Dynter,  p.  454. 

1 Chronicon  archiepiscoporum  Coloniensium , publiée  par  M.  de  Wurdl- 
wein,  et  cilée  par  Ernst,  t.  IV,  pp.  539  et 540. 

3 Duren  et  vingt-cinq  forteresses,  suivant  la  Magnum  Chronicon  l'elgicum. 
G Levold  à Norlhof , Chronicon  comitum  de  MarUa. 

Tome  Xîll. 


8 


( H*  ) 

serment  et  promirent  de  lui  obéir,  comme  ils  l’avaient  fait  jus- 
que-là au  comte  de  Juliers  1 ; les  habitants  de  Sintzig  se  mirent 
sous  sa  protection  et  obtinrent,  à ce  prix,  la  confirmation  de  leurs 
anciens  droits  2. 

La  conduite  de  l’archevêque  mécontenta  au  plus  haut  degré  le 
duc  de  Limbourg,  qui , dans  le  but  de  venger  la  maison  de  Ju- 
liers, entra  dans  la  coalition  contre  le  prélat,  en  même  temps  que 
les  comtes  de  Luxembourg,  de  Clèves,  de  Gueldre,  de  Looz,  les 
sires  de  Born,  de  Heynsberg,  etc.  Ces  princes  reconquirent  une 
grande  partie  du  comté  de  Juliers,  se  jetèrent  sur  l’archevêché,  où 
ils  mirent  tout  à feu  et  à sang,  et  ravagèrent  le  territoire  d’Aix-la- 
Chapelle,  dont  les  habitants  eurent  énormément  à souffrir.  Ils  ne 
purent  cependant  emporter  Zulpich,  dont  Sifroi  les  força  à lever 
le  siège,  et  bientôt  une  diversion  puissante  vint  en  aide  au  belli- 
queux prélat. 

Pour  punir  des  seigneurs^  limbourgeois  qui  avaient  pillé  des 
marchands  du  Brabant,  le  duc  Jean  apparut  sur  le  théâtre  de  la 
guerre  3,  accompagné  des  comtes  de  Flandre  et  d’Artois.  Si  l’on 
s’en  rapportait  à un  auteur  autrichien  4,  dont  les  expressions  sont 
ridicules  à force  d’être  exagérées,  l’armée  ducale  aurait  été  réelle- 
ment formidable.  « Le  duc  de  Brabant,  dit-il,  son  gendre  le  comte 
» de  Flandre  et  vingt  autres  grands  comtes  réunirent  une  armée 
» immense  et  d’une  force  inconnue  jusqu’à  notre  temps  {comme 
» en  témoignent  des  lettres  qui  furent  adressées  au  roi  Rodolphe , 
» et  que  nous  avons  vues,  nous  et  plusieurs  autres).  A la  tète  de 
» 1,200,000  hommes  [duodecies  cenlum  milita),  ils  s’avancèrent 
» jusqu’à  Cologne,  mais  leurs  desseins  n’étaient  connus  que  de 
» quatre  d’entre  eux.  Ils  ne  tentèrent  aucune  entreprise  et  retour- 
» lièrent  chez  eux.  » 


5 Lacomblet,  t.  il,  p.  415. 

2 Acte  donné  in  castris  apud  Bonnam,  le  vendredi  après  saint  Géréon , 
en  1277.  Kremer,  t.  111,  Urkunden,  p.  152. 

3 Van  Heelu,  1.  I,  v.  1005.  — Les  Annales  Colmarienses  placent  celle 
expédition  en  1276,  et  Butkens,  en  1277. — Voyez  Ernst,  t.  IV,  p.  541. 

* Historiae  Australis  pars  plenior,  ad.  ann.  1278 , dans  Freher,  Renan 
Gernianicarum  scriplores , 1. 1,  p.  474. 


1 113  ) 

Les  historiens  brabançons  sont  plus  explicites  au  sujet  de  cette 
démonstration.  La  ville  de  Bois-le-Duc  avait  eu  à se  plaindre  des 
torts  que  causait  à son  commerce  le  sire  de  Heusden  ; le  drossard 
de  Brabant  parut  immédiatement  sous  les  murs  de  ce  château  et, 
d’un  autre  côté,  le  comte  de  Hollande  se  prépara  à entrer  en  cam- 
pagne; mais  Jean  Ier,  averti  du  danger  de  son  lieutenant,  rassembla 
une  armée  si  forte  que  les  ennemis  se  dispersèrent,  « comme  des 
oiseaux  à l’approche  de  lépervier»,  et  on  lui  livra,  sans  tenter 
une  résistance  inutile,  la  seigneurie  et  la  forteresse  de  Heusden, 
qu’il  restitua  depuis  à leur  possesseur  h Le  duc  remonta  ensuite  la 
Meuse  jusqu’à  Kessel,  puis  alla  traverser  ce  fleuve  à Maestricht. 
La  force  de  son  armée  inspira  une  si  grande  terreur  que  ni  le 
comte  de  Clèves,  ni  aucun  autre  prince  n’osa  lui  résister,  et  ce  fut 
sans  rencontrer  d’obstacles  qu’il  assiégea,  prit  et  détruisit  le  châ- 
teau de  lthinberg  ou  Rimbourg,  près  de  Rolduc,  appartenant  au 
sire  de  Mulrepas,  drossard  de  Limbourg. 

Au  mois  d’août  1279,  la  paix  se  conclut  entre  les  différents 
princes  belligérants.  Par  rentremise  des  comtes  de  Flandre  et  de 
Luxembourg,  le  duc  de  Brabant  se  réconcilia  avec  le  duc  de  Lim- 
bourg, pour  lequel  le  comte  de  Luxembourg,  les  sires  de  Durbuy 
et  de  Fauqucmont  se  portèrent  garants 1  2.  Le  jour  précédent,  le 
comte  de  Gueldre  reconnut  que  le  comte  de  Clèves  devait  mille 
huit  cent  vingt  livres  de  Louvain  à des  sujets  de  Jean  Ier  et  s’en- 
gagea, en  son  nom,  à payer  cette  somme  sur  le  produit  du  tonlieu 
de  Lobbede  3. 

Afin  d’assurer  au  commerce  la  sécurité  qui  lui  est  nécessaire, 
le  duc  de  Brabant,  l’archevêque  Sifroi  et  les  comtes  de  Gueldre  et 
de  Clèves  conclurent,  à Wanken  ou  Wanckum,  près  de  Venloo, 
un  traité  qui  devait  durer  trois  ans.  Ils  se  promirent  de  pour- 

1 L'attaque  de  Heusden  était  une  hostilité  contre  le  comte  de  Clèves,  de  qui 
la  terre  de  Heusden  était  tenue  en  fief.  Ce  n’est  qu’à  la  fin  du  treizième  siècle, 
paraît-il , que  les  seigneurs  de  Heusden  relevèrent  la  ville  de  ce  nom  des 
comtes  de  Hollande.  Voir  dans  Van  Mieris,  t.  I,  pp.  505  et  564,  deux  actes, 
l’un  du  51  mai  1290,  l’autre  du  1er  février  1295. 

2 8 août  1279,  Butkens,  t.  1,  p.  292,  et  Preuves,  pp.  111  et  112. 

5 7 août  1279.  Willems , Van  Heela,  p.  404. 


( lie  ) 

suivre  de  commun  accord  tous  ceux  qui  spolieraient,  maltraite- 
raient ou  emprisonneraient  qui  que  ce  fût  entre  la  Dendre  et  le 
Rhin  et  de  forcer  les  coupables  à indemniser  leurs  victimes  et  à 
payer  une  amende  aux  quatre  confédérés.  L’archevêque  et  le  comte 
de  Clèves  renoncèrent  au  droit  de  conduite  qu’ils  percevaient,  le 
premier  à Woeringen , à Urdingen  et  à Bercke ; le  second,  à Orsoy. 
Le  comte  de  Gueldre  promit  de  se  contenter  de  son  tonlieu  habi- 
tuel. Le  péage  illégal  que  le  duc  de  Limbourg  levait  à Duysbourg 
et  les  droits  excessifs  que  Henri  de  Lecke  exigeait  à Smith usen  de- 
vaient être,  le  premier  aboli,  les  derniers,  réduits  à leur  ancien 
taux,  et,  dans  ce  but,  les  quatre  alliés  convinrent  d’employer  au 
besoin  la  force.  Tout  prince,  laïque  ou  ecclésiastique,  tout  noble, 
toute  cité  du  pays  borné  d’un  côté  par  la  Dendre,  de  l’autre  par 
le  Rhin,  pouvait  entrer  dans  la  coalition,  mais  seulement  avec  le 
consentement  des  quatre  contractants.  Toutefois,  les  deux  comtes 
étant  en  querelle  avec  les  villes  d’Aix  et  de  Cologne,  ne  voulurent 
pas  les  admettre  dans  la  paix  avant  de  s’être  réconciliées  avec 
elles  L 

Peu  de  temps  après,  le  comte  de  Seync  parvint  à conclure,  à 
Pinsheim,  près  de  Lechenich,  un  accord  entre  l’archevêque  de 
Cologne,  d’une  part,  le  duc  de  Limbourg  et  la  maison  de  Juliers, 
d’autre  part.  Celle-ci  avait  alors  pour  chefs  la  comtesse  Richarde, 
et  ses  fds  : Waleram,  prévôt  d’Aix;  Othon,  prévôt  de  Maestricht, 
et  Gérard.  La  comtesse  et  ses  fils  résignèrent  entre  les  mains  de 
Sifroi  la  propriété  de  la  ville  de  Zulpich  et  du  territoire  qui  en 
dépendait,  jusqu’aux  quatre  pierres  les  plus  voisines,  ainsi  que 
celle  du  château  de  Lydeberg.  Les  bourgeois  de  Zulpich  furent 
exemptés  de  se  rendre  aux  plaids  qui  se  tenaient  sur  le  Sehifel- 
berg;  les  deniers  censaux  et  le  droit  nommé  Pelenze  devaient 
se  lever  dans  cette  ville  au  profit  de  l’archevêque,  à qui  on  re- 
connut le  droit  de  la  fortifier.  A Lvdeben?,  Sifroi  fut  autorisé  à 
détruire  la  nouvelle  ville  (novum  oppidum]  fondée  près  du  château 
et  à en  combler  les  fossés.  La  famille  de  Juliers  obtint  la  faculté  de 

1 28  août  1279.  Willëms , Y an  Heelu , p.  404.  — Ernst,  l.  IV,  p.  544,  et 
t.  VI,  p.  298.  — Laeomblet , t.  11 , p.  428. 


( H7  ) 

réédifier  Castere  et  Nidecken,  mais  à la  condition  de  tenir  celle 
dernière  forteresse  en  fief  de  rarchevêché,  comme  cela  se  prati- 
quait du  temps  de  Philippe  de  Heynsberg  (vers  l’an  1180).  Les 
citoyens  de  Cologne  et  les  autres  alliés  du  prélat  furent  compris 
dans  le  traité,  mais  non  les  Aixois,  avee  lesquels  le  comte  de 
Seyne  promit  d’entrer  en  négociations,  et  que  l’archevêque  se  ré- 
serva la  faculté  de  secourir  L 

Au  commencement  de  l’année  1280,  le  duc  Jean  revint  dans 
Fentre-Meuse  et  Rhin.  Il  se  trouvait,  le  lundi  de  Pâques,  22  avril 1  2, 
à Daelhem,  où  des  députés  d’Aix,  au  nom  des  juges,  des  éehevins, 
des  consuls,  des  maîtres  des  citoyens  de  cette  résidence  royale 
vinrent  encore  une  fois  le  reconnaître,  lui  et  ses  descendants,  pour 
les  hauts  avoués  de  leur  cité,  comme  l’avaient  été  ses  ancêtres,  et 
promirent  de  l'assister  dans  toutes  ses  querelles,  sauf  contre  le  roi. 
En  compensation , le  duc  et  son  allié,  l’archevêque  de  Cologne, 
leur  assurèrent  leur  protection  contre  tous,  dans  tous  les  cas  où 
ils  voudraient  suivre  leurs  conseils  et  leurs  ordres.  Deux  jours 
après,  Jean  1er  renouvela  en  particulier  cette  promesse  3. 

Ce  ne  fut  qu’à  la  fin  de  l’été  que  se  scella,  avec  le  consente- 
ment de  Henri  de  Gueldre,  ex-évêque  de  Liège,  de  Renaud,  comte 
de  Gueldre  et  duc  de  Limbourg,  des  princes  luxembourgeois,  du 
comte  de  Looz,  des  sires  de  Fauquemont,  d’IJeynsberg  et  d’Oyc, 
l’acte  de  réconciliation  des  Aixois  et  de  la  maison  de  Juliers.  Les 
bourgeois  consentirent  à payer  quinze  mille  mares  anglo- bra- 
bançons et  à fonder  quatre  autels  dotés  d’un  revenu  annuel  de 
dix  livres  sterling  pour  l’âme  du  comte  Guillaume.  En  retour,  la 
comtesse  et  ses  trois  fils,  tant  en  leur  nom  qu’au  nom  des  enfants 
de  Guillaume  le  Jeune,  prêtèrent  le  serment  à'Urvede  ou  de  rc- 

1 14  octobre  1279.Kremer,  t.  III,  Urkunden,  p.  155.  — Ernst,  t.  IV,  p.  546, 
et  t.  VI,  p.  300.  — Lacomblet,  t.  II,  p.  429. 

2 Le  Crastinum  resurrectionis  disent  Miræus,  Opéra  diplomatica,  t.  I , 
p.  208,  et  De  Dynter,  p.  432. 

3 Le  mercredi  après  Pâques.  Quix,  pp.  150  et  151.  — Butkens,  t.  I,  p.  293  , 
et  Preuves,  pp.  112  et  113.  — Ernst , t.  IV,  p 351 , note  5.  — Le  duc  de  Brabant 
se  déclara  encore  en  1282  (à  Aix,  la  veille  de  saint  Marc  l’évangéliste)  l’avoué 
et  le  protecteur  des  Aixois.  Quix,  p 156.  — De  Dynter,  p.  432, 


( II»  ) 

nonciation  à toute  vengeance  et  le  firent  prêter  h leurs  vassaux  et 
autres  sujets.  Ceux  qui,  de  part  et  d’autre,  avaient  perdu  des 
biens,  y furent  rétablis,  et  les  prisonniers  recouvrèrent  la  liberté, 
à la  seule  condition  de  jurer  le  traité.  On  n’exclut  de  cet  accord 
que  le  chevalier  Jean  Schefart  de  Rode  (ou  Mérode) , je  ne  sais 
pour  quelle  raison  l. 

Pendant  les  années  suivantes,  il  se  passa  dans  la  maison  de  Ju- 
liers  des  incidents  que  l’on  ne  peut  s’expliquer.  Guillaume  le  Jeune 
avait  laissé  des  enfants,  entre  autres,  le  célèbre  prévôt  de  Maes- 
tricht,  Guillaume  de  Juliers,  dont  le  courage  se  signala  maintes  fois 
pendant  l’héroïque  lutte  des  Flamands  contre  Philippe  le  Bel,  roi 
de  France,  et  qui  disparut  mystérieusement,  à la  fin  de  la  bataille 
de  Mons  en  Puelle.  Le  comté  de  Juliers  n’échut  pas  à cet  héritier 
direct;  son  oncle  Waleram  le  gouverna  avec  le  simple  titre  de 
prévôt  d’Aix  et  ne  s’intitula  comte  qu’ après  la  journée  de  Woerin- 
gen.  Son  neveu  ne  se  montra  pas  satisfait  des  arrangements  que 
l’on  avait  pris  au  sujet  du  patrimoine  de  son  aïeul  ; c’est  pourquoi, 
en  1289,  nous  voyons  le  sire  de  Fauquemont  promettre  au  comte 
de  Flandre  de  contribuer  à faire  rendre  justice  au  jeune  Guillaume 
de  Juliers  2. 

Sifroi  victorieux  s’occupa  sans  relâche  de  l’affermissement  de 
son  autorité.  A sa  demande,  les  chapitres  de  sa  capitale  reconnu- 
rent que  leur  déclaration  de  l’année  J 207,  contre  son  prédécesseur, 
leur  avait  été  extorquée  par  la  violence  5,  et  le  « noble  homme  » 
Jean  d’Arberg  (ou  Arenberg),  son  vassal,  lui  vendit  le  burggraviat 
de  Cologne,  pour  la  somme  de  six  cents  marcs  4.  Ses  entreprises  et 
ses  acquisitions  l’obligèrent  à contracter  pour  deux  mille  marcs  de 
dettes,  mais  il  sortit  de  ses  embarras  en  abandonnant  temporaire- 
ment la  gestion  de  ses  revenus  à l’écolâtre  de  la  cathédrale,  au 

' Traité  conclu  à Schônau,  près  d’Aix,  le  20  septembre  1280.  Kremer, 
t.  III,  Urkunden,  p.  162.—  Bondam,  p.  648.—  Ernst,  t.  IV,  p.  548,  et  t.  VI, 
p.  505.  — Quix,  p.  152. 

2 Voyez  Willems , Van  Heelu , p.  482. 

5 15  mai  1278.Lacomblet,  t.  II,  p.422. 

4 16  août  1279.  Hamm,  Burggraviatus  Urbis  Agrippinensis , p.  90.  — 
Securis  ad  radicem  posita  , p.  185.  — Lacomblet , t.  II,  p.  426. 


( H9  ) 

prévôt  de  Saint-Séverin,  à son  sénéchal  Rupert,  et  à trois  bour- 
geois de  Cologne  h Après  la  conclusion  de  la  paix  dont  nous 
venons  de  parler,  il  conclut  des  traités  d’alliance  avec  l’archevê- 
que de  Mayence  ”J,  avec  le  duc  de  Bavière,  comte  palatin  du  Rhin  5, 
avec  le  duc  de  Brabant.  Ce  dernier  devait  aider  le  prélat  entre  la 
Meuse  et  le  Rhin,  en  aval  de  l’Ahr,  et  de  même  le  prélat  était 
tenu  de  protéger  entre  les  deux  fleuves  les  frontières  et  les  droits 
du  duc.  Au  besoin,  Jean  Ier  s’obligea  à fournir  à Sifroi  deux  cents 
cavaliers,  qui,  s’ils  allaient  combattre  au  delà  du  Rhin,  serviraient 
aux  dépens  de  l’archevêque.  Il  fut  stipulé  que  les  deux  princes  se 
partageraient  par  moitié  la  rançon  des  prisonniers  et  les  frais 
de  construction  et  de  garde  des  forteresses  qu’ils  bâtiraient  dans 
l’alleu  de  Saint-Pierre,  c’est-à-dire  dans  les  biens  du  chapitre  de 
Cologne 1 2 3  4. 

Le  duc  recherchait  avidement,  à cette  époque,  l’occasion  de 
s’établir  fortement  dans  le  pays  au  delà  de  la  Meuse,  où  il  ne  pos- 
sédait encore  que  le  comté  de  Daelhem,  la  tour  de  Wyck,  près 
de  Maestricht,  et  l’avouerie  d’Aix.  C’est  évidemment  dans  ce  but 
qu’il  fit,  en  1283,  l’acquisition  du  duché  de  Limbourg  et,  en  l’an- 
née précédente,  celle  du  château  et  de  la  terre  de  Kerpen,  entre 
Aix-la-Chapelle  et  Cologne,  que  Wenemar  de  Gimnich  et  Jeanne 
sa  femme  avaient  achetés  à leur  sœur  Béatrix  de  Kerpen,  peu  de 
temps  auparavant  [\  Comme  l’attestent  ses  relations  multipliées 

1 3 décembre  1279.  Lacomblet,  t.  II,  p.  432. 

2 23  avril  1281.  Ibidem , p.  444. 

3 22  septembre  1281.  Ibidem , p.  446. 

1 17  décembre  1282.  Willems,  Van  Heelu , p.  411. 

s Par  un  acte  en  date  du  16  mai  1281,  le  roi  Rodolphe  confirma  à We- 
nemar la  possession  de  ses  châteaux.  (Cartulaire de  Brabant  B , f°  8.)  Après 
l’achat  fait  par  le  duc,  Béatrix  éleva  quelques  réclamations,  au  sujet  des- 
quelles Jean  Ier  et  le  très -sage  (vir  sapienlissimus)  Gér.ard,  sire  de  Mar- 
bais,  furent  reconnus  pour  arbitres  et  prononcèrent  une  sentence,  la  veille  de 
l’invention  de  la  Sainte-Croix  invincible  (m  crastino  inventionis  victoriosis- 
simecrucis ) 1282 .Ibidem , f°  103.  — Les  lettres  d’investiture  accordées  au  duc 
par  Rodolphe  portent  la  date  du  11  février  1284.  (Voyez  Butkens,  t.  I,  p.  302. 
— De  Dynter,  t.  II,  p.  458.  — > Opéra  diplomatica,  t.  II,  p.  951.)  Les  frères 
Alexandre  et  Arnoul  de  Bewecswelt  semblent  s’être  querellés  avec  le  duc 


( 120  ) 

avec  les  villes  de  Liège,  d’Aix-la-Chapelle,  de  Cologne,  notre  due 
avait  surtout  en  vue  la  constitution  d’un  État  dont  les  villes  com- 
mercantes et  populeuses  des  contrées  situées  entre  l’Escaut  et  le 
Rhin  auraient  constitué  la  base,  et  dont  la  puissance  devait  néces- 
sairement éclipser  celle  des  souverainetés  environnantes  (Juliers, 
Clèves,  la  Gueldre,  etc.).  Jean  Ier  étendit  ses  vues  jusque  sur  Ni- 
mègue,  que  le  roi  Philippe  de  Souabe  avait  donnée  à son  aïeul 
Henri  Ier  en  1204,  et  qui  depuis,  en  1248,  avait  été  engagée  au 
comte  de  Gueldre. 

Le  roi  Rodolphe  manifesta  un  instant  l’intention  de  réunir  cette 
ville,  ainsi  que  celle  de  Duysbourg,  au  domaine  impérial;  mais, 
gagné  probablement  à prix  d’argent,  il  ajourna  la  réalisation  de 
ses  projets.  L’engagère  de  Nimègue  au  comte  de  Gueldre  fut  pro- 
longée de  cinq  années  1 , et  la  revendication  de  Duysbourg  ren- 
voyée à une  autre  époque  2.  Cette  dernière  contestation  apparaîtra 
ravivée  dans  notre  chapitre  VIImc;  quant  à la  première,  elle  fut 
oubliée,  à la  fois,  par  l’Empire  et  le  Brabant,  et  Nimègue  ne  cessa 
plus  d’appartenir  à la  Gueldre,  dont  elle  constitua  la  véritable 
capitale , la  cité  la  plus  importante. 

Plaçons  ici  un  épisode  qui  reproduisit  dans  d’autres  conditions 
et  d’autres  localités  l’épisode  du  faux  Baudouin.  En  1 284,  un  paysan, 
nommé  Tile  Kolup,  propagea,  d’abord  dans  le  plus  grand  mystère 
et  sous  le  sceau  du  secret,  puis  de  la  façon  la  plus  ostensible,  le 
bruit  qu’il  était  le  grand  empereur  Frédéric  IL  On  le  jeta  en 
prison,  mais  il  persista  dans  ses  dires.  On  l’exposa  sur  le  marché 
de  Cologne,  au  haut  d’un  échafaud,  la  barbe  rasée  et  la  tète  cou- 
ronnée d’un  diadème  de  la  valeur  d’une  obole.  Quoique  accablé 
d’insultes  et  d’outrages,  il  s’obstina  a répéter  : « Je  suis  le  roi 

Jean  IPr,  à propos  du  château  de  Kerpen.  Ce  sera  à ce  sujet  qu’une  réconcilia- 
tion aura  eu  lieu  entre  eux  {super  reformatione  pacis  et  concordiae).  Le  duc 
leur  paya  cent  marcs  de  deniers  anglo- brabançons,  dont  il  lui  fut  donné  une 
quittance  scellée  par  Alexandre  et  par  son  oncle  ( avunculus) , sire  Wenemar 
de  Gimnich  (vendredi  avant  la  chaire  de  saint  Pierre,  en  1282.  Cartulaire  de 
Brabant  B , f°  21  ). 

1 19  juin  1282.  Bondam,  Charterboekvan  Gelderland , 1. 1,  p.  677, 

- Même  jour.  Lacomblet , t.  II,  p.  451.  • 


( *21  ) 


Frédéric  L » Chassé  comme  insensé,  il  se  rendit  à Neuss,  on  les 
habitants  l’accueillirent  avec  les  plus  grands  honneurs,  le  comblè- 
rent de  dons  et  refusèrent  de  le  livrer  à l’archevêque  Sifroi,  à qui 
ils  fermèrent  les  portes  de  leur  ville.  Haguenau,  Colmar  et  d’au- 
tres villes  reconnurent  également  l'autorité  du  faux  empereur.  La 
vanité  de  cet  aventurier  le  perdit.  Après  avoir  défendu  au  comte 
de  Hollande  de  continuer  ses  agressions  contre  la  Frise2,  et  sommé 
le  roi  Rodolphe  de  le  reconnaître  pour  souverain  légitime  de  l’em- 
pire, il  se  mit  en  route  vers  Francfort,  en  annonçant  l’intention 
d’y  convoquer  une  diète.  Le  malheureux  fut  pris  à Wetzlar,  par 
l’archevêque  Sifrid,  qui  ordonna  de  le  brûler  vif,  comme  con- 
vaincu de  fourberie  et  d’hérésie.  A la  demande  de  l’archevêque, 
le  roi  Rodolphe,  de  l’avis  de  ses  princes,  déclara  les  habitants  de 
Neuss  passibles  de  la  même  peine,  et  autorisa  le  prélat  à leur  ôter 
ou  à leur  conserver,  à son  gré,  leurs  privilèges  Mais  le  prélat, 
alors  en  guerre  avec  Jean  Ier,  et  peu  certain  déjà  de  la  fidélité 
des  Coloriais  , ne  voulut  pas  s’aliéner,  à ce  qu’il  semble,  une  ville 
dont  le  dévouement  avait  toujours  été  acquis  à lui  et  à ses  prédé- 


cesseurs. 

Cet  imposteur  avait  à peine  rendu  le  dernier  soupir  qu’il  en 
parut  un  second,  né,  à ce  qu’il  disait  lui-même,  des  cendres  du 
premier,  après  trois  jours.  Il  avait  promené  ses  folles  prétentions 
dans  les  villes  de  la  Belgique,  lorsqu’il  fut  pris  à Gand,  dans  le 
cimetière  de  Saint-Bavon,  et  jeté  dans  les  fers  par  ordre  du  bailli 
de  Gand;  délivré  ensuite,  il  fut  incarcéré  de  nouveau,  et  enfin 
pendu  , à Utrecht  4. 


1 Rex  moriar  Fridericus. 

2 Van  Mieris , l.  c.,  p.  495. 

3 Gesta  Trevirorum  integra,  t.  I,  p.  124.  — Sentence  du  roi  Rodolphe, 
du  7 juillet  1285.  Lacomblet,  t.  II,  p.  478. 

4 L’abbé  Vande  Putte,  Annales  abbatiae  S.  Pétri  Blandiniensis , p.  21 , 
ad  annum  1285. 


( 122  ) 


CHAPITRE  Y. 

COMMENCEMENTS  DE  LA  GUERRE  POUR  LE  DUCHÉ  DE  LIMBOURG. 


I. 

Depuis  la  guerre  d’Aix-la-Chapelle,  les  seigneurs  d’entre  la 
Meuse  et  le  Rhin,  mais  principalement  ceux  issus  de  la  famille 
ducale  de  Limbourg,  nourrissaient  une  haine  profonde  pour  le 
souverain  du  Brabant.  Leur  animosité  était  si  grande  qu’elle  écla- 
tait jusque  dans  les  tournois,  où  jadis  ils  aimaient  à accompagner 
Jean  Ier  en  grand  appareil,  et  où  ils  s’étaient  acquis  beaucoup  de 
gloire,  en  joutant,  à sa  suite,  contre  la  chevalerie  française. 

Sur  les  limites  du  duché  du  Brabant  et  du  comté  de  Looz , entre 
la  petite  ville  de  Haelen  et  la  bourgade  de  Herck,  se  trouvait  alors 
une  bruyère  « que  Ton  appelle  communément  werissal ; » ce 
bien  appartenait  à l’église  de  Saint-Lambert  à Liège,  mais  les 
ducs  de  Brabant  en  avaient  l’avouerie  et  à ce  titre  ils  présidaient 
aux  combats  simulés  dont  les  seigneurs  belges  donnaient  fré- 
quemment le  spectacle  en  cet  endroit.  Un  jour  les  Limbourgeois 
vinrent  à une  fête  de  ce  genre  en  aussi  grand  nombre  que  possi- 
ble, tant  chevaliers  qu’écuyers,  et  par  familles  entières.  Le  duc 
de  Brabant  s’y  rendit  aussi,  mais  dans  un  simple  but  d’amuse- 
ment. Il  remarqua  bientôt  chez  ses  adversaires  un  appareil  inac- 
coutumé et,  pour  déjouer  leurs  projets,  il  lit  dissoudre  l’assem- 
blée; toutefois,  aussi  généreux  que  brave  et  prudent,  il  indemnisa 
Conon  ou  Conrad  Werner,  chevalier  de  la  haute  Allemagne,  et 


1 Voyez  plus  loin,  chapitre  IX. 


( 1 25  ) 

d’autres  étrangers,  des  dettes  qu’ils  avaient  contractées  afin  de 
pouvoir  entreprendre  leur  voyage. 

Cependant,  entraîné  par  son  goût  excessif  pour  les  tournois, 
il  ne  manqua  pas  de  se  trouver  à celui  qui  se  tint  bientôt  après  à 
Sicgberg,  au  delà  du  Rhin.  Les  princes  limbourgeois  : les  comtes 
de  Gueldre,  de  Luxembourg  et  de  Clèves  et  le  seigneur  de  Fau- 
quemont,  en  étaient  les  tenants.  Les  libéralités  du  duc  lui  atta- 
chèrent les  chevaliers  de  la  Westphalie  et  de  l’Allemagne  supé- 
rieure, à la  tète  desquels  il  combattit  les  Limbourgeois,  mais  ses 
nouveaux  alliés  furent  presque  tous  désarçonnés.  Comme  le  dit 
Van  Heelu,  les  chevaliers  d’entre  le  Rhin  et  la  Meuse,  et  princi- 
palement les  princes  du  sang  de  Limbourg,  étaient  considérés 
comme  les  plus  braves  guerriers  du  royaume  d’Allemagne.  Si 
Jean  Ier  parvint  à rétablir  le  combat  et  à triompher,  ce  fut  grâce 
à sa  bravoure,  et  grâce  aussi  au  dévouement  de  son  frère  Gode- 
froid,  son  infatigable  compagnon  d'armes , et  au  courage  de  ses 

chevaliers  brabançons  *. 

«* 

Les  deux  partis  eurent  bientôt  occasion  d’entamer  une  lutte 
plus  sérieuse.  La  querelle  au  sujet  de  la  mort  du  comte  de  Juliers 
était  à peine  assoupie,  qu’il  s’en  éleva  une  autre,  où  la  vaillance  et 
la  persévérance  du  duc  Jean  furent  mises  à de  plus  rudes  épreuves. 

Dès  le  commencement  de  l’année  1280,  Waleram,  duc  de  Lim- 
bourg, avait  laissé  ses  domaines  à son  enfant  unique,  Ermen- 
garde,  femme  de  Renaud,  comte  de  Gueldre.  L’époque  de  sa  mort 
et  de  l’avénement  de  ses  héritiers  au  trône  ducal  est  précisée  par 
la  charte  dans  laquelle  Renaud,  se  qualifiant  de  comte  de  Gueldre 
et  de  duc  de  Limbourg,  et  sa  femme  Ermengarde  énumèrent,  en 
les  confirmant,  les  libertés  de  la  vilie  de  Duysbourgi 2.  Par  malheur 

i Van  Heelu,  v.  1189-1367. 

^ 22  mars  1279-1280.  Lacomblet , t.  II,  p.  433.  — Ernst,  t.  IV,  p.  334, 
a établi  que  Waleram  mourut  entre  le  14  octobre  1279  et  le  11  mai  1280. 
Waleram  s’était  successivement  marié  à Jutte  ou  Judith,  tille  de  Thierri, 
comte  de  Clèves,  et  de  Mathilde  de  Dinslaken,  qui  mourut  vers  l’année  1275, 
et  à Cunégonde  de  Brandebourg.  Van  Spaen,  t.  IV,  p.  326,  et  Ernst,  t.  IV, 
p.  358,  dotent  celle-ci  d’un  second  mari,  Arnoul  de  Julémont.  Mais  leur  opi- 
nion ne  s’étale  que  d’un  acte  mal  interprété,  à notre  avis. 


( m ) 

les  deux  époux  ne  devaient  pas  rester  longtemps  unis;  nous  di- 
sons par  malheur,  car  leur  alliance,  si  elle  avait  subsisté  et  si 
elle  avait  été  féconde,  aurait  probablement  été  favorable  aux  deux 
pays  entre  lesquels  elle  établissait  de  nouveaux  liens.  Le  Lim- 
bourget  la  Gueldre  auraient  formé  un  État  qui  pouvait  encore  se 
développer,  et  dont  la  puissance  assurait  la  tranquillité  et  la  pros- 
périté des  contrées  situées  entre  la  Meuse  et  le  Rhin  Au  contraire, 
rattaché  comme  il  le  fut  au  Brabant,  le  Limbourg  ne  constitua 
jamais  qu’une  annexe  de  ce  dernier  pays,  annexe  trop  éloignée 
pour  être  facilement  défendue,  entourée  de  trop  de  voisins  puis- 
sants, turbulents  et  jaloux,  pour  conserver  un  long  repos. 

Le  18  juin  1282  , le  roi  Rodolphe,  en  investissant  Ermengardc 
des  fiefs  qui  lui  étaient  dévolus  par  la  mort  de  son  père,  déclara 
que  si  elle  mourait  avant  Renaud,  celui-ci  jouirait,  à titre  viager, 
de  tout  le  patrimoine  de  sa  femme.  On  prévoyait  déjà,  sans  doute , 
la  mort  prématurée  de  la  duchesse  qui  arriva,  en  effet,  l’année 
suivante,  peut-être  même  en  1282,  pendant  que  se  préparait,  à 
Worms,  l’acte  dont  nous  venons  de  parler.  Ermengarde  fut  ense- 
velie au  couvent  de  S’Gravendael,  près  de  Goch,  en  Gueldre. 

Aucun  enfant  n’étant  né  du  mariage  de  Renaud  et  d’Ermen- 
garde,  la  succession  de  cette  princesse  était  ouverte,  caria  charte 
impériale  citée  plus  haut  ne  pouvait  avoir  qu’un  effet  temporaire; 
elle  ne  portait  aucune  atteinte  aux  droits  des  autres  membres  de 
la  famille  de  Limbourg,  qui  comprenait  trois  branches  princi- 
pales, dont  il  convient  de  dire  ici  quelques  mots. 

Un  frère  aîné  du  duc  Waleram  de  Limbourg,  appelé  Adolphe, 
avait  eu  pour  sa  part  dans  l’héritage  paternel  le  pays  de  Berg, 
situé  à l’est  de  Cologne  et  du  Rhin;  cette  contrée  n’avait  pas, 
comme  le  Limbourg,  le  titre  de  duché,  mais  elle  était  plus  popu- 
leuse, mieux  cultivée,  mieux  située  pour  le  commerce,  et  plus 
richement  dotée  de  villes  et  de  monastères.  Un  fils  d'Adolphe,  du 
même  nom  que  lui,  en  avait  hérité,  et  était,  sans  contestation, 
l’héritier  le  plus  direct  de  sa  cousine  Ermengarde. 

Waleram  III , duc  de  Limbourg , l’aïeul  d’Adolphe  Ier  et  de  Wa- 
leram, avait  été  marié  deux  fois.  Sa  première  femme  Cunégonde, 
avait  eu  pour  père,  à ce  qu’il  semble,  Gosuin,  seigneur  de  Fau~ 


( 125  ) 

quemont,  mort  en  1214.  La  seconde,  Ermesinde,  veuve  de  Thi- 
baud,  comte  de  Bar,  était  l'unique  héritière  de  Henri  l’Aveugle, 
comte  de  Namur,  de  Luxembourg  et  de  Durbuy.  Un  instant  on 
vit  la  race  de  Limbourg  dominer  dans  toute  l’Ardennc,  depuis  les 
portes  de  Metz  et  de  Trêves  jusqu’à  celles  de  Maestricht  et  de 
Ruremonde,  sur  les  bords  de  la  Moselle  comme  sur  les  rives  de 
l’Üurte  et  de  la  Rocr.  Mais  la  féodalité  donna  cette  fois  encore  une 
preuve  de  son  impuissance  à rien  constituer  de  durable.  Les  fils 
de  Waleram  morcelèrent  les  Etats  de  leur  père  comme  s’il  s’était 
agi  de  l’avoir  d'un  particulier;  chacun  eut  son  lot,  et  le  fractionne- 
ment qui  s’opéra  dans  cette  circonstance  émietta  les  domaines 
de  la  famille  de  Limbourg,  au  détriment  de  la  branche  aînée  de 
cette  race.  Des  deux  lils  nés  de  Waleram  et  de  Cunégonde,  Lun, 
Henri  IV,  obtint  le  duché  de  Limbourg;  l’autre,  Waleram,  fut  sei- 
gneur de  Fauqucmont.  Deux  autres  de  leurs  frères,  nés  d’Ermc- 
sinde , reçurent,  le  premier,  le  comté  de  Luxembourg,  accru  du 
marquisat  d’Arlon,  qui  fut  alors  démembré  du  Limbourg  ; le  se- 
cond, le  comté  de  Durbuy.  Quant  au  comté  de  Namur,  le  premier 
mari  d'Ermcngarde  en  avait  vainement , comme  chacun  sait,  re- 
vendiqué la  possession. 

Waleram  le  Long  ou  le  Jeune,  sire  de  Fauqucmont,  fut  un 
guerrier  redouté,  ainsi  que  son  père  et  presque  tous  ses  descen- 
dants. De  lui  naquirent  Engelbert  II,  cet  archevêque  de  Cologne 
qui  lutta  si  longtemps  et  si  malheureusement  contre  les  bourgeois 
de  sa  ville  métropolitaine,  et  Thierri,  sire  de  Fauqucmont,  qui, 
toujours  dévoué  à la  cause  de  son  frère,  fut  fait  prisonnier  à 
Cologne  en  1205  ou  1264’,  vaincu  par  les  milices  colonaises  le  18 
octobre  1267,  et  tué  enfin  dans  l’attaque  nocturne  dirigée  contre 
Cologne,  l’année  suivante.  Thierri  laissa  un  héritage  grevé  de 
dettes  énormes  à son  fils  Waleram,  qui  n'avait  que  seize  ans  à la 
mort  de  son  père.  Comme  celui-ci , Waleram  se  montra  d'abord 
le  vassal  dévoué  du  duc  Jean  Ier,  mais  plus  tard  il  joua  le  rôle  d’un 
prince  indépendant.  On  le  vit  maintes  fois  intervenir  en  qualité  de 
médiateur  dans  les  querelles  des  princes  belges.  Après  la  mort  du 
comte  de  Juliers,  il  obtint  du  roi  Rodolphe  la  sous-avouerie  d’Aix- 
la-Chapelle,  qui  lui  assura  une  influence  considérable  dans  la  cité 


( 126  ) 

de  Charlemagne.  Waleram,  selon  Hocsem,  surpassait  en  beauté 
tous  les  hommes  de  son  temps;  il  en  était  aussi  un  des  plus  vail- 
lants et  des  plus  habiles.  Après  le  comte  de  Berg,  nul  n’avait  plus 
de  droits  à hériter  du  Limbourg,  mais  il  n’aftîclia  jamais  scs  pré- 
tentions, soit  qu’il  voulût  s'effacer  devant  ses  puissants  parents, 
les  comtes  de  Luxembourg,  soit  qu'il  tint  à cœur  de  ne  pas  déjouer 
les  projets  de  Renaud  de  Gueldre,  dont  il  avait  épousé  la  sœur, 
Philippine,  dame  de  Susteren. 

Les  fds  de  Waleram  de  Limbourg  et  d Ermesinde  commencèrent 
une  branche  de  la  famille  de  Limbourg  qui  devait  donner  des 
empereurs  à l’Allemagne  et  à l’Italie,  des  rois  à la  Bohème,  des 
généraux  renommés  à la  France.  L’aîné,  Henri,  surnommé  le 
Blond,  porta  d’abord  la  qualification  de  sire  de  Durbuy,  d’après  la 
seigneurie  de  ce  nom,  qu’il  céda  à son  frère  Gérard  le  25  juin  1247. 
En  1270,  après  la  mort  du  roi  saint  Louis,  devant  Tunis,  il  prit 
le  commandement  de  l’armée  chrétienne  et  remporta  un  brillant 
succès  sur  les  Sarrasins.  Depuis  un  siècle,  le  comté  de  Namur 
avait  provoqué  de  sanglantes  luttes  entre  les  comtes  de  Flandre 
et  de  Hainaut  d’une  part,  et  les  deux  époux  et  les  descendants 
d’Ermesinde,  d'autre  part.  Pour  terminer  cette  longue  querelle, 
on  négocia  le  mariage  de  Guy  de  Dampierre  avec  une  des  sœurs  de 
Henri,  Isabelle,  et  Henri  lui-même  consentit  à prendre  en  fief  de 
son  beau-frère,  en  l’année  1280,  le  château  de  Poilvaclie,  près 
de  Dinant,  qui  avait  été  démembré  du  comté  de  Namur,  soixante 
ans  auparavant.  Henri  le  Blond  ne  vivait  plus  lorsque  la  guerre 
du  Limbourg  commença.  11  avait  laissé  ses  domaines  à ses  fils  : 
Henri,  que  l’on  qualifia  longtemps  de  sire  de  la  Roche,  et  Wale- 
ram, sire  de  Roussy,  le  fondateur  de  la  branche  de  Luxembourg- 
Ligny. 

Les  collatéraux  de  là  maison  de  Limbourg  n’hésitèrent  pas  à 
faire  valoir  leurs  droits.  La  dignité  ducale  tenta  leur  ambition  et 
ils  entreprirent,  pour  s’en  mettre  en  possession,  une  des  guerres 
les  plus  longues  et  les  plus  sanglantes  dont  l’histoire  des  Pays-Bas 
au  moyen  âge  présente  le  tableau. 

Le  comte  de  Berg,  sans  perdre  de  temps,  s’adressa  au  duc  de 
Brabant.  Le  5 août  1285,  il  lui  envoya  frère  Erwin,  commandeur 


( 127  ) 

de  l’ordre  teutonique,  et  le  chevalier  Engelbert  Russelpass,  pour 
lui  demander  l’investiture  du  fief  que  les  ducs  de  Limbourg  rele- 
vaient de  son  duché.  Cette  démarche  éveilla  l’attention  des  autres 
prétendants;  les  sires  de  Fauquemont  et  de  Heynsberg,  les  comtes 
de  Luxembourg  et  de  Juliers , qui  étaient  issus  de  la  maison  de 
Limbourg,  les  uns  par  les  hommes,  les  autres  par  les  femmes, 
commencèrent  à débattre  entre  eux  leurs  droits  respectifs.  Ils 
reconnurent  pour  arbitres  les  sires  de  Fauquemont  et  de  Heyns- 
berg et  tous  promirent,  le  8 septembre,  de  prêter  foi  et  hom- 
mage à celui  d’entre  eux  qui  serait  proclamé  le  plus  proche 
héritier  d’Ermcngarde.  Ils  ne  firent  aucune  mention  du  comte 
Adolphe;  si  l’on  en  croit  Yan  Heelu,  ce  prince  les  avait  invités 
à se  joindre  à lui  pour  déposséder  Renaud,  et , de  leur  côté,  ils 
lui  avaient  demandé , sans  succès , une  part  de  la  succession  con- 
testée. 

Adolphe,  prévoyant  qu’il  tenterait  vainement  de  dissoudre  une 
ligue  aussi  redoutable,  se  décida  à vendre  ses  droits,  et,  dans  ce 
but,  il  s’adressa  au  seul  prince  belge  qui  fut  assez  audacieux  pour 
braver  des  ennemis  nombreux  et  assez  puissant  pour  les  vaincre. 
Par  donation  entre  vifs,  et  en  considération  du  mariage  projeté 
(mais  qui  ne  s’effectua  pas) , entre  la  nièce  d’Adolphe,  Marguerite, 
fille  de  Henri  de  Berg,  sire  de  Windeck,  et  Godefroid,  fils  aîné 
de  Jean  Ier,  le  comte,  avec  le  consentement  de  ses  frères,  trans- 
porta au  duc  de  Brabant  le  duché  de  Limbourg,  et  tout  ce  qui  en 
dépendait  (13  septembre)  b Suivant  les  historiens  du  temps,  celte 
cession  fut  faite  pour  le  prix  de  trente-deux  mille  marcs 1  2 3 *;  on 
sait,  du  moins,  que  Jean  Ier  paya  successivement  au  comte,  de 
1283  à 1293,  six  mille  vingt-cinq  livres,  plus  quatre  mille  trois 
cent  quatre-vingt  et  un  marcs  5. 

1 Ernst,  t.  IV,  p.  408;  — Butkens,  1. 1,  Preuves,  p.  HS.  — Willems,  Van 
Heelu,  p.  416.  — Les  fiancés  moururent  tous  deux  jeunes. 

2 Gesta  Henrici  arch  iepiscopi  Trevirensis , § 275,  dans  Martene  et  Durand  , 
t,.  IV,  p.  541.  — Gesta  Boëmundi  archiepiscopi , Ibidem,  p.  547. — Gesta  Tre- 
virorum , t.  Tl , p 136. 

3 Butkens,  t.  1,  Preuves , p.  115;  — Ernst,  t.  IV,  p.  412.  — Cartulaire 

de  Brabant  B.  f°  114  v°. 


( 128  ) 

Selon  Van  Heelu  , le  duc  Jean , dont  le  comte  de  Gucldre  était  à 
la  lois  le  parent  et  le  vassal,  ne  voulut  pas  rompre  avec  lui  sans 
tenter  un  accommodement.  11  l’invita,  dit  son  panégyriste,  à lui 
faire  connaître  les  conditions  de  son  mariage  et  la  nature  des 
droits  qu’il  croyait  avoir  sur  le  patrimoine  de  sa  femme,  offrant, 
en  cas  de  dissentiment  entre  eux,  de  porter  la  contestation  devant 
le  tribunal  du  roi.  Mais , ajoute  le  poète,  le  comte  s’emporta  et 
rejeta  les  propositions  de  Jean  I". 

Les  dissensions  entre  les  prétendants  au  duché  firent  naître  ou 
favorisèrent  la  naissance  de  querelles  entre  les  seigneurs  du  Lim- 
bourg.  Il  y existait  deux  factions,  dont  la  haine  saisissait  toutes  les 
occasions  de  se  nuire  mutuellement.  C’étaient,  d’une  part,  les 
Scavedris  ou  Schaeffdriessche,  et,  d’autre  part,  les  Mulrepas,  à 
qui  s’étaient  joints  les  Witthem,  qui  étaient  cependant  les  parents 
des  premiers.  Un  événement  fortuit  ralluma  leurs  querelles. 

Le  due  Renaud  avait  ôté  la  charge  de  sénéchal  ou  drossard  du 
Limbourg  au  chevalier  Mulrepas  pour  la  conférer  au  chef  des 
Schaeffdriessche,  Conon  ou  Conrad  Snabbe,  sire  de  Lontzen  ou 
Loncin  : il  refusa,  en  outre,  de  payer  aux  Witthem  une  somme 
qui  leur  était  due.  Aussi,  dès  que  cette  famille  eut  connaissance 
de  l’acquisition  du  duché  par  le  duc  Jean,  elle  se  rangea  de  son 
côté,  et  l’invita  à entrer  en  armes  dans  le  Limbourg.  Le  duc  n’y 
lit  toutefois  qu’une  courte  apparition  et  se  borna  à ravager  et  à 
incendier  quelques  villages.  Sa  conduite  lui  aliéna  plus  d’un  sei- 
gneur du  pays  et  eut  pour  résultat  immédiat  la  formation  d’une 
grande  ligue  pour  la  défense  de  l’autorité  de  Renaud. 

L’archevêque  de  Cologne,  peu  de  temps  auparavant,  avait  con- 
tracté, avec  Jean  Ier,  une  alliance  offensive  et  défensive  contre 
tous,  sauf  contre  leur  suzerain  commun,  le  roi  Rodolphe  (22  jan- 
vier 1282-1285);  mais,  par  antipathie  sans  doute  pour  le  comte  de 
Berg,  qui  venait  de  le  forcer  à démolir  deux  tours  bâties  près  du 
Rhin  l,  il  se  déclara  contre  le  prince  brabançon.  Tandis  qu'il  lui 
refusait  l’investiture  des  fiefs  mouvants  de  réalise  de  Cologne,  il 


1 Annales  Novesienses , ad  annum  1282,  dans  Martene  et  Durand,  Am- 
plissima  collectio , l.  IV,  p.  576. 


( 129  ) 

l’accorda  au  comte,  non  toutefois  sans  élever  quelques  difficultés 
(traité  conclu  à Wannele,  le  22  septembre  1285).  On  conclut,  en 
même  temps,  et  cela  en  prétextant  l’invasion  faite  dans  le  Lim- 
bourg  par  le  duc,  une  alliance  offensive  et  défensive  entre  le 
comte,  rarchevèque  et  leurs  alliés,  contre  Jean  1er,  le  comte  de 
Berg  et  leurs  adhérents,  en  exceptant  seulement  le  roi  des  Ro- 
mains. « Aucun  de  nous,  y est-il  dit,  ne  fera  de  paix  particulière, 
» et  celui  qui  violera  cette  convention  sera  regardé  comme  par- 
» jure  et  comme  un  ennemi  à qui  nous  ferons  conjointement  la 
» guerre.  Quelles  que  soient  les  chances  des  combats  , nous  reste- 
» rons  unis  et  nous  ne  nous  séparerons  jamais.  » Le  prélat,  pour 
mieux  appuyer  les  efforts  de  son  nouvel  allié,  lui  fit  une  avance 
de  huit  mille  marcs,  et  reçut,  en  garantie  du  payement  de  cette 
somme,  la  ville  de  Wassenberg. 

L’archevêque  et  Renaud  s’étaient  déjà  coalisés  avec  le  comte  de 
Clèves  ',  à qui,  deux  mois  après,  Renaud  céda  les  biens  que  son 
beau-père  avait  possédés  à Huinippe  et  à Ilunf,  en  déclarant 
qu’après  sa  mort  les  biens  qu’avaient  acquis  en  commun  Waleram 
et  sa  première  femme  , Juttc  de  Clèves , écherraient  à la  famille  de 
cette  dernière,  pour  autant  que  de  droit  (15  octobre  1285). 

De  son  coté,  le  duc  de  Brabant  resserra  son  alliance  avec  le 
comte  de  Hollande  et  l’évêque  de  Liège.  Pour  mieux  assurer  les 
liens  qui  Punissaient  au  premier,  il  renonça  à l'hommage  qui  lui 
était  dù  pour  une  partie  de  la  Zuyd-Ilolland,  à savoir  pour  la 
contrée  s’étendant  au  nord-est  de  la  Zélande,  entre  l’Escaut  et  la 
Meuse;  en  outre,  il  s’engagea  à soutenir  ce  prince  contre  tous, 
le  roi  Rodolphe  et  le  comte  de  Flandre  exceptés  (10  octobre  1285). 
A l’évêque  de  Liège,  avec  lequel  il  contracta  le  même  engage- 
ment dix  jours  après,  et  qui  réclamait  la  propriété  de  Rolduc,.dc 
Simpelvclt  et  d’autres  localités,  que  ce  prélat  prétendait  être  échues 
à son  église  par  la  mort  de  la  dernière  héritière  directe,  la  prin- 
cesse Ermengarcle,  il  promit  de  remettre  ces  biens  lorsqu’il  les 

1 Le  11  août  1283  , à Neuss.  — Le  26  février  1284,  Sifroi  donna  en  lief  à 
Thierri  Luyf  ou  Loef  de  Clèves  la  forteresse  de  Brüche  ou  Grevenbroich , en 
se  réservant- la  faculté  de  la  racheter  pour  deux  mille  marcs.  Fahne,  Codex 
diplomaticus  Salnio-Rei/ferscheidanus , p.  49. 

■ Tome  XIII. 


9 


( 130  ) 

aurait  conquis,  à moins  qu’il  ne  pût  établir  que  ses  droits  étaient 
mieux  fondés  que  ceux  de  l’évêque. 

Enfin , Jean  Ier  attira  encore  dans  son  parti  un  des  princes 
luxembourgeois  : Gérard,  sire  de  Durbuy.  Il  constitua  en  sa  faveur 
et  en  faveur  de  sa  femme,  Mathilde  de  Brabant,  une  rente  de  trois 
cents  livrées  de  terre  (mercredi  après  la  fête  de  Saint-Luc,  en 
1285),  en  remplacement  de  laquelle  il  leur  céda,  le  29  juin  de 
l’année  suivante,  le  village  de  Mielens  ou  Melin,  près  de  Jodoi- 
gne,  et  ce  qu’il  possédait  à l’Écluse,  près  de  Tirlemont.  Le  ven- 
dredi après  les  Pâques  de  1285,  il  ajouta  à cette  seconde  donation 
celle  d’une  rente  de  deux  cents  livres.  Par  contre,  Gérard  fit  aban- 
don au  duc  de  scs  droits  sur  le  Limbourg , et  demanda  au  roi  d’en 
accorder  l’inféodation  à Henri,  landgrave  de  Hesse,  que  le  duc  et 
lui  avaient  choisi  pour  mandataire  (24  janvier  1284-1285).  Pour 
mettre  sa  seigneurie  à l’abri  d’une  saisie,  il  eut  la  précaution  de 
la  céder,  à titre  d’engagère,  au  sire  d’Agimont,  qui  en  était  encore 
possesseur  en  1 290  1 . 

Ainsi,  appuyé  par  deux  puissants  alliés,  ayant  dans  ses  inté- 
rêts le  sire  de  Durbuy,  la  ville  d’Aix-la-Chapelle  et  plusieurs  sei- 
gneurs du  pays  voisin,  pouvant  compter  sur  l’aide,  éloignée  il  est 
vrai,  du  comte  de  Berg,  du  landgrave  de  Hesse  et  de  maint  autre 
noble  westphalien  ou  franconien,  certain  de  ne  pas  être  attaqué 
par  les  Flamands  ou  les  Hennuyers,  Jean  Ier  ne  recula  pas  devant 
la  lutte  qui  s’engageait.  D’ailleurs,  s'il  comptait  beaucoup  d’en- 
nemis, déclarés  ou  secrets,  dans  la  chevalerie,  les  bourgeoisies  lui 
étaient  dévouées.  A Saint-Trond,  à Maestricht,  à Liège,  à Aix-la- 
Chapelle  et  même  à Cologne,  on  désirait  son  triomphe.  Sa  victoire 
devait  garantir  au  commerce  des  communications  faciles  entre  le 
Rhin  et  la  mer,  et,  en  agrandissant  ses  possessions  ultra-mosanes, 
lui  permettre  de  frapper  plus  facilement  les  tyrans  féodaux  qui  y 
pressuraient  les  marchands  et  les  voyageurs. 

Si  l’autorité  impériale  avait  conservé  quelque  force,  elle  aurait 
évoqué  l’affaire  devant  son  tribunal  et  porté  une  décision;  mais 
Rodolphe  de  Habsbourg  adopta  le  parti  le  plus  facile,  le  moins 

1 Bertholet , Histoire  du  duché  de  Luxembourg  , t.  VI , p.  40. 


( 131  ) 

compromettant  : il  fit  des  promesses  à tout  le  monde  et  évita  soi- 
gneusement de  se  prononcer. 

Dès  l’année  1282,  sa  politique  tortueuse  est  facile  à constater. 
11  promet  d’abord  qu’il  n’introduira  aucun  changement  dans  le 
pays  entre  le  Rhin  et  la  Meuse , sans  l’avis  et  le  consentement  du 
comte  de  Gueldre,  des  enfants  de  Juliers,  des  seigneurs  de  Fau- 
quemont  et  de  Heynsberg  *.  Cette  déclaration,  et  les  faveurs  que 
Rodolphe  accorda  à cette  époque  à Renaud,  attestent  chez  lui  une 
tendance  marquée  à favoriser  le  comte.  Mais  l’année  suivante,  la 
chance  tourne  : c’est  le  compétiteur  de  Renaud  qui  est  le  préféré. 
Rodolphe  promet  de  défendre  le  duc  fidèlement  et  toujours,  contre 
ceux  qui  insultent  à ses  droits,  à ses  honneurs  et  à ses  titres;  il 
lui  assigne  une  somme  de  trois  mille  marcs  esterlings , pour  laquelle 
il  lui  engage  toutes  les  rentes  (ou  revenus)  de  la  monnaierie  d’Aix; 
enfin,  il  proclame  que  les  droits  jadis  octroyés  à ses  prédéces- 
seurs, et  particulièrement  au  duc  Henri  1er  par  le  roi  Philippe  de 
Souabe,  sur  la  ville  de  Nimègue,  sur  la  ville  de  Nivelles  et  sur 
une  redevance  de  soixante  chariots  de  vin  du  Rhin , ne  recevraient 
aucun  préjudice  du  silence  que  Jean  Ier  gardait  à ce  sujet,  à la 
réquisition  du  roi.  Les  trois  actes  dans  lesquels  ces  concessions 
sont  spécifiées  portent  respectivement  la  date  du  18,  du  17  et  du 
10  février  1285.  On  semble  y acheter  le  silence  du  duc;  non- 
seulement  on  se  garde  de  le  blesser,  mais  on  cherche  à prévenir 
les  réclamations  qu’il  pourrait  élever. 

Quand,  plus  tard,  la  guerre  prit  une  tournure  favorable  à 
Jean  Ier,  le  comte  de  Berg  informa  ses  vassaux,  ministériels,  châ- 
telains ou  gardes  de  château  (castrenses) , fieffés  et  hommes  du 
duché  de  Limbourg,  de  la  cession  qu’il  avait  faite  au  duc  de  Bra- 
bant, et  pria  le  roi , ainsi  que  les  autres  seigneurs  de  qui  relevaient 
quelque  tenure  possédée  par  les  ducs,  d’en  investir  ce  prince  2; 
cette  démarche  fut  encore  inutile.  Si  Rodolphe  s’occupa  de  la 
question  du  Limbourg,  ce  fut  sans  esprit  de  suite  et  sans  énergie. 

1 Ernst,  t.  V,  p.  279. 

2 29  mai  1287.  Bulkens,  1. 1,  Preuves , pp.  115  et  116  (où  cet  acte  porte 
erronément  la  date  de  1282).  — Bondam,  I.  c.,  p.  670  (où  la  date  est  1284, 
également  par  erreur).  — Voyez  Ernst,  t.  IV,  p.  409. 


( 152  ) 

L'acte  par  lequel  Cunégonde  de  Brandebourg,  la  seconde  femme 
du  dernier  due  de  Limbourg,  transporte  ses  droits  à Jean  Ier,  en 
considération  de  la  munificence  que  ce  prince  avait  exercée  à son 
égard,  date  du  même  temps  l. 


II. 

Le  due  de  Brabant,  ayant  vainement  tenté  un  rapprochement, 
se  décida  à recourir  à l’emploi  de  la  force.  En  1284,  il  entra  dans 
le  pays  de  Fauquemont,  et  s’v  empara  du  château  de  Limale,  qu’il 
fit  raser  2.  En  ce  moment,  l’archevêque  de  Cologne,  les  comtes  de 
Gueldre,  de  Clèves,  de  Juliers,  de  Scyne,  de  Nassau,  de  Solms, 
de  Spanheim,  de  Salin,  de  Nuwenare,  le  duc  de  Lorraine,  pres- 
que tous  les  princes  et  seigneurs  du  pays  entre  la  Meuse  et  le 
Rhin,  à la  tête  d'une  armée  considérable,  s’approchèrent  pour  le 
combattre.  Jean  1er  les  attendit  en  ordre  de  bataille  à Gulpen  ou 
Galoppe,  sur  la  Geule,  où  il  fut  rejoint  par  l’évêque  de  Liège  et 
par  le  landgrave  de  Thuringe,  ce  dernier  accompagné  seulement 
de  six  hommes.  Les  ennemis  du  duc  s’avancèrent  d’abord  avec 
beaucoup  d’audace;  mais  le  voyant  prêt  à les  recevoir,  ils  hésitè- 
rent à commencer  l’attaque.  Cependant  le  sang  allait  couler,  quand 
des  frères  mineurs,  en  courant  d’une  armée  à l’autre,  parvinrent 
à ménager  un  accord,  à faire  reconnaître  comme  arbitres  du  dif- 
férend les  comtes  de  Flandre  et  de  Ilainaut. 

C’est  à cette  occasion  que  les  annales  du  Brabant  mentionnent 
pour  la  première  fois  les  milices  des  villes  du  duché.  A Gulpen, 
elles  manifestèrent  le  plus  vif  enthousiasme  et  demandèrent  la 
bataille  à grands  cris.  Le  duc  avait  obtenu  de  ses  sujets  qu’ils  cn- 

1 15  avril  1288.  Willems,  Van  Heelu,  p.  456.  — Le  9 juin  1292,  le  duc 
Jean  déclara  avoir  reçu  du  comte  de  Flandre  cinq  mille  cinq  cents  livres 
tournois,  en  payement  de  ce  que  réclamaient,  à charge  du  comte  de  Gueldre 
la  duchesse  de  Limbourg  et  Àrnoul  le  jeune  de  Julémont.  Ibidem , p.  557. 

2 Selon  Van  Yellhem,  p.  156,  Limai  dépendait  de  la  seigneurie  de  Was- 
senberg. 


( 153  ) 

tretiendraient  à leurs  frais  des  troupes  pour  le  soutenir  dans  la 
querelle  où  il  était  engagé.  11  fut  forcé  d’imposer  son  au  toril  é 
pour  obliger  les  Brabançons  à modérer  leur  ardeur  b 

La  sentence  portée  par  Guy  de  Dampierre  fut,  selon  Van  Ileelu  , 
plus  favorable  au  comte  qu’au  duc.  Les  comtes  de  Flandre  et  de 
Iïainaut,  sans  rien  stipuler  au  sujet  des  prétentions  de  Jean  IPr. 
reconnurent  «à  Renaud  le  droit  de  posséder  le  Limbourg  aussi 
longtemps  qu'il  vivrait.  En  attendant,  le  château  du  même  nom 
devait  être  confié  à quatre  chevaliers  choisis  par  le  comte  de 
Flandre  (18  juillet).  Les  deux  comtes  décidèrent,  le  51  du  même 
mois , que  tous  les  alliés  du  duc  seraient  compris  dans  la  paix,  et 
que  les  citoyens  d’Aix-la-Chapelle  y auraient  part,  pour  toutes 
les  querelles  nées  de  la  guerre. 

Le  roi  d’Angleterre,  Edouard  Ier,  s’était  efforcé,  de  son  côté,  de 
hâter  la  réconciliation  des  princes  belges.  L’évêque  de  Dunelme 
ou  Durham,  Jean  de  Vescy,  Jean  Lunetot  et  Thomas  de  Suding- 
ton  reçurent,  le  20  juin,  ordre  d’aller  de  sa  part  agir  en  ce  sens 
auprès  des  princes  belges.  Leurs  sollicitations  amenèrent,  entre 
les  comtes  de  Hollande  et  de  Gueldre,  la  conclusion  d’une  trêve 
qui  devait  durer  un  an,  à partir  du  15  août.  Le  roi  Edouard  fut 
accepté  pour  médiateur,  et  l’examen  de  toutes  les  prises  et  extor- 
sions, dont  les  deux  princes  avaient  mutuellement  à se  plaindre, 
remis  à quatre  arbitres  qui  pourraient  s’en  adjoindre  un  cin- 
quième. Dans  l’entretemps,  on  devait  restituer  les  prisonniers, 
rendre  les  biens  confisqués,  admettre  à l'hommage  les  vassaux 
qui  auraient  servi  à la  guerre  le  parti  contraire  2. 


• Maer  die  ghemeinle  van  Brabant 
Moeste  men  met  gliewout  weren. 

Soe  coenlike  wouden  si  striden  gaen 
Dat  se  moeste  weder  slaen 
Die  hertoge  selve  , met  crachte 
Eer  lii  se  stille  staende  braehte 
Tote  dat  die  soene  was  ghesproken. 

(Wii.lebs,  Van  Ileelu,  1.  I,  v.  1749  et  suivants.) 


2 Utrecht,  le  9 août  i284.  Rymer,  p.  234.  — Bondam,  p.  696.  — Mieris,  1. 1 , 
p.  457.  De  cette  époque  doit  dater  la  lettre  par  laquelle  Renaud,  se  qualifiant 


( 154  ) 

Mais  ces  négociations  n’en  empêchèrent  pas  d’autres,  dont  le 
but  était  tout  différent.  Le  jugement  des  arbitres  avait,  en  effet, 
déplu  aux  deux  parties,  et  le  duc  de  Brabant,  notamment,  se 
plaignait  de  ce  qu’ils  avaient  trop  légèrement  examiné  la  question. 
Une  rupture  devint  imminente.  Le  K»  août  1284,  le  comte  Re- 
naud promit  d’assister  l'archevêque  « ouvertement  et  puissam- 
ment » (patenter  et  patenter J , de  toutes  ses  forces  et  à ses  frais, 
pendant  toute  sa  vie  et  à la  première  réquisition,  contre  tous,  spé- 
cialement contre  Jean  Ier,  les  comtes  de  Berg,  de  Windeke  et  de 
la  Marck.  Le  roi  Rodolphe  fut  seul  excepté.  En  outre,  le  comte 
stipula  que  si  le  prélat  guerroyait  contre  un  de  ses  parents,  au 
deuxième  ou  au  troisième  degré,  il  se  réservait  le  droit  de  prendre 
connaissance  de  la  querelle  et  de  la  décider,  et  si  son  parent  ne 
se  soumettait  pas  à la  sentence  qu’il  aurait  rendue,  de  se  joindre 
à l’archevêque  (acte  daté  de  Vennebruck,  le  soir  de  l’Assomp- 
tion ). 

Afin  de  mieux  défendre  le  duché  de  Limbourg,  et  particulière- 
ment les  châteaux  et  villes  de  Limbourg  et  de  Rode  ou  Rolduc, 
Renaud  en  confia  la  garde  à Waleram  de  Luxembourg,  en  l’auto- 
risant à conserver  tout  ce  qu’il  pourrait  conquérir  (à  l’exception 
toutefois  des  châteaux  et  villes),  et  à retenir  les  compositions  et 
amendes  qui  seraient  payées  par  des  étrangers  non  résidents  dans 
le  duché.  Par  contre,  il  devait  gouverner  à ses  dépens,  sauf,  en 
cas  d’insuffisance,  à recourir  au  jugement  de  quatre  arbitres,  dont 
l’un  était  Winand,  maréchal  du  Limbourg.  Le  choix  du  fonction- 
naire (ofjiciatusj  chargé  de  percevoir  les  revenus,  fut  laissé  au 
comte  (25  août). 

De  pareils  préparatifs  n’annonçaient  pas  des  intentions  paci- 
fiques. En  effet,  la  guerre  ne  tarda  pas  à se  rallumer.  Le  séné- 
chal du  Limbourg,  Conrad  Snabbe,  entra,  le  fer  et  le  feu  à la 
main,  dans  le  comté  de  Daelhem,  appartenant  au  duc  de  Brabant. 

de  comte  de  Gueldre  et  de  duc  de  Limbourg , promet  au  roi  d’Angleterre  de 
maintenir  l’accord  conclu  entre  lui  et  le  duc  de  Brabant,  bien  que  ce  dernier 
n’en  ait  pas  respecté  les  clauses,  en  retenant  des  prisonniers  qui  auraienl  dù 
être  relâchés.  Bulletins  de  la  Commission  royale  d’histoire,  IIme  série,  t.  XI f , 

p.  40 


{ 133  ) 

Mais  le  chevalier  René  de  Visé,  châtelain  de  Daelhem,  le  ren- 
contra près  de  Warsage,  le  battit  et  le  fit  prisonnier  avec  plusieurs 
des  siens,  que  l’on  conduisit  à Genappe. 

Le  sire  de  Fauquemont  ayant  brûlé  une  maison  aux  portes  de 
Maestricht,  les  gens  de  métier  de  cette  ville  coururent  aux  armes, 
saisirent  leurs  piques  et  leurs  massues,  et  marchèrent  à l’ennemi, 
sous  les  ordres  de  Jean  de  Mille,  écoutète  nommé  par  l’évèque  de 
Liège.  Au  contraire,  l’avoué  Oger,  sire  de  Haren  4,  refusa  de  les 
accompagner,  et  resta,  avec  d’autres  cavaliers,  à la  porte  de  la 
ville,  sous  le  prétexte  assez  frivole  de  garder  la  cité,  mais  plutôt 
afin  d’abandonner  à ses  propres  forces  la  petite  bourgeoisie,  dont 
les  prétentions  croissantes  causaient  à cette  époque  un  effroi 
général.  Un  combat  s’engagea  et  tourna  au  désavantage  des  bour- 
geois, qui  tombèrent  presque  tous,  ainsi  que  leur  chef,  entre  les 
mains  du  sire  de  Fauquemont,  Celui-ci  tira  grand  profit  de  leur 
rançon,  comme  le  remarque  naïvement  le  chantre  de  Jean  Ier. 

Le  duc  se  bâta  d’envoyer  des  renforts  à Maestricht  et  à Aix-la- 
Chapelle,  pour  mettre  ces  villes  à l’abri  d’une  surprise.  Sire  We- 
nemar  de  Gimnicb , seigneur  de  Hoogstraeten,  l’un  des  meilleurs 
capitaines  de  la  chrétienté,  prit  à son  tour  l’offensive.  Quelques 
jours  avant  la  Noël,  il  pénétra  dans  la  seigneurie  de  Fauquemont, 
qu’il  parcourut  dans  tous  les  sens  en  y portant  la  dévastation  ; il 
conduisit  ensuite  ses  troupes  devant  Rolduc,  qu'il  comptait  em- 
porter d’assaut,  mais  où  il  ne  trouva  que  la  mort. 

Les  princes  confédérés,  réunis  à Neuss  par  les  soins  de  l’arche- 
vêque, résolurent  de  profiter  de  leurs  succès,  quelque  médiocres 
qu’ils  fussent,  pour  tenter  la  prise  de  Maestricht,  ou  plutôt  celle 
deWyck;  le  pont  qui  ferme  la  communication  entre  ces  deux 
localités  n’existant  plus  par  suite  d’une  rupture,  il  devenait  diffi- 
cile de  transporter  une  armée  au  delà  de  la  Meuse.  Jean  Ier  eut, 
par  bonheur,  connaissance  de  ce  projet,  dont  la  réalisation  lui 
aurait  été  très-funeste;  il  s’empressa  d’envoyer  des  troupes  fraî- 

* En  1318,  le  château  de  Ilaren  , dont  les  châtelains  causèrent  de  grands 
torts  à la  ville  de  Maestricht,  fut  assiégé,  pris  et  détruit  par  les  milices  de 
l’évêché  et  de  la  cité  de  Liège.  De  Dynter,  t,  II,  p 497. 


( 1 56  ) 

clies  à Maestrichty  sous  la  conduite  de  Henri  de  Louvain  et  d’Ar- 
noul,  sire  de  Diest,  et  ees  capitaines  firent  passer  ce  fleuve  à leurs 
soldats  au  moyen  d’arbres,  c’est-à-dife  de  radeaux.  Lorsque  les 
alliés,  arrivés  sous  les  murs  de  Wyck  au  son  des  tambours  et  des 
flûtes,  livrèrent  un  rude  assaut  à ce  faubourg,  ils  rencontrèrent 
une  résistance  insurmontable.  Le  sire  de  Fauquemont,  furieux, 
se  vengea  sur  le  comté  de  Daelhcm,  puis  il  courut  incendier 
Lommel , en  Campine,  où  il  pénétra  par  surprise. 

Le  duc  de  Brabant  déploya  bientôt  une  égale  ardeur  et  une 
égale  inhumanité.  La  garnison  de  Hervé  avait  contribué  à piller 
le  pays  de  Daelhem;  elle  fut  attaquée  par  Jean  Ier  qui  la  força 
dans  son  repaire,  malgré  les  larges  fossés  et  les  palissades  dont 
elle  avait  entouré  la  ville,  malgré  les  murs  épais  de  la  tour  de 
l’église,  où  elle  s’était  réfugiée.  Le  duc  fit  ensuite  démolir  cette 
tour,  puis  réduisit  en  cendres  la  ville  et  les  villages  environnants. 

L’hiver  entier  fut  consacré  à ces  brigandages.  Les  alliés  en  vou- 
laient surtout  aux  bourgeois  d’Aix-la-Chapelle,  qui  depuis  dix 
années  n’avaient  cessé  de  rester  fidèles  au  duc,  leur  protecteur, 
et  parmi  lesquels  on  cite  comme  s’étant  distingué  par  son  atta- 
chement à sa  cause  un  particulier  influent,  nommé  Seriveel  ou 
Serveel.  Les  confédérés  ravagèrent  cruellement  les  environs  et 
bloquèrent  la  cité  si  étroitement  que  la  famine  s’v  fit  sentir. 
Toutefois,  quelques  barons  du  Brabant  parvinrent  à y introduire 
un  convoi,  que  Henri  de  Louvain,  son  frère  Arnoul,  sire  de 
Breda,  les  vaillants  Berthout,  le  père  et  le  fils;  les  sires  de 
Cuyck,  de  Diest,  de  Berlaer,  de  Heusden,  de  Rotselaer,  de  Wal- 
hain,  de  Wesemael,  à la  tète  de  douze  cents  cavaliers,  remirent 
aux  Aixois,  qui  étaient  venus  à leur  rencontre. 

Si  Aix  n’avait  plus  à craindre  les  ennemis  du  dehors,  au  dedans 
des  intrigues  actives  semaient  des  germes  de  mécontentement.  Un 
parti  y maudissait  la  domination  ducale;  peut-être  se  composait-il 
de  la  petite  bourgeoisie,  qui  devait  voir  avec  déplaisir  l’union  du 
duc  avec  les  patriciens  de  ces  contrées.  L’écoutètc  organisa  une 
conspiration,  en  semant  le  bruit  qu’elle  aurait  au  besoin  l’appui 
du  roi  Rodolphe.  Au  jour  désigné,  le  tocsin  rassemble  les  bour- 
geois; déjà  ils  se  préparent  à attaquer  les  Brabançons,  lorsque 


( 157  ) 

Louis,  sire  de  Bautersem,  s’élance  au  milieu  d’eux  et  tue  de  sa 
main  leurs  chefs,  Tielman  Yan  Lenke  et  son  gendre.  Ce  coup  hardi 
ayant  décontenancé  les  conjurés,  les  soldats  du  duc  les  dissi- 
pèrent facilement.  L’écoulète  se  réfugia  dans  une  église,  avec 
quelques-uns  de  ses  partisans,  et  parvint  ainsi  à s’échapper.  Qui 
était  cet  écoutète?  Les  historiens  ne  le  nomment  pas,  mais  il 
s’agit  ici,  encore  une  fois,  du  sire  de  Fauquemont,  car  la  sous- 
avouerie  ou  écoutèlerie  constituait  le  même  office.  Peut-être  ma- 
chinait-il ces  complots  lorsqu’il  signa  la  déclaration  par  laquelle 
il  promet  au  duc  de  Brabant  qu’aussi  longtemps  qu’il  posséderait 
l’écoulèteric  d’Aix,  il  maintiendrait  les  droits  du  duc  dans  cette 
ville  et  il  veillerait  à l’observance  des  conventions  conclues  entre 
lui  et  les  bourgeois  J. 

Le  duc  ne  réussit  pas  également  à conserver  le  château  de 
Kerpen,  dont  il  avait  fait  augmenter  les  fortifications.  Les  défen- 
seurs de  cette  place,  Jean  Sccifaert  de  Mérode  et  Walter  Van 
Winde,  furent  contraints  de  l’abandonner,  les  assiégeants  y ayant 
mis  le  feu  au  moyen  d’une  machine  construite  expressément  pour 
ce  siège.  Par  les  ordres  de  l’archevêque  Sifrid,  Kerpen  fut  démoli 
de  fond  en  comble.  Walter  ayant  été  pris,  fut  forcé  de  payer  une 
rançon  considérable.  Le  prix  de  ses  meubles  ne  suffît  pas  pour 
le  libérer,  et  comme  il  restait  redevable  de  cent  soixante-quinze 
livres  de  Louvain,  il  se  présenta  devant  le  maire,  les  hommes  de 
fief  et  les  échevins  de  Tirlemont,  pour  obtenir  l’autorisation 
d’aliéner  son  patrimoine,  ce  qui  lui  fut  accordé,  mais  à la  con- 
dition d’acquérir  d’autres  biens  tenus  en  fief  du  duc,  si  celui-ci 
lui  accordait  quelque  grâce 1  2. 

Au  commencement  de  l’été,  les  alliés  entreprirent  le  siège 
d’Aix-la-Chapelle,  après  avoir  détruit  une  tour  d’église  à Berge 
et  Horen,  et  vaincu  les  bourgeois.  Leur  but  était  de  forcer  le 
duc  à entrer  en  campagne.  Celui-ci  rassembla,  en  effet,  toutes  ses 

1 2 mars  1284-1285.  Le  10  novembre  1284,  Waleram  de  Fauquemont, 
sans  doute  afin  de  se  concilier  les  Aixois,  leur  avait  confirmé  l’exemption  de 
tonlieux  qu’il  leur  avait  accordée  neuf  années  auparavant.  Ernst,  t.  IV,  p.  446, 
et  t.  VI , p.  526.  — Quix,  p.  156. 

2 Acte  du  mois  de  mai  1287.  Cartv taire  rte  Brabant  B,  f°  104  v°. 


( 158  ) 

forces,  et  passa  la  Meuse  à Maestricht,  à la  tête  d’une  armée  où 
figuraient  quelques  nobles  hollandais  et  plusieurs  princes  français, 
notamment  le  comte  de  Bourgogne,  Othon  dit  Ottenin;  Hugues, 
comte  d’ A vallon,  frère  du  duc  de  Bourgogne;  Hugues,  comte  de 
la  Marche  et  d’Angoulême;  Jean,  comte  de  Soissons;  Guy,  comte 
de  Saint-Pol;  Jean,  comte  de  Vendôme;  Gauthier,  seigneur  de 
Châtillon ; Mathieu,  seigneur  de  Montmorency;  Maurice,  sire  de 
Craon,  etc.  Les  alliés  ayant  reçu  des  renforts,  se  dirigèrent  vers 
Galoppe,  où  ils  campèrent  à l’endroit  où  les  deux  armées  s’étaient 
déjà  rencontrées,  l’année  précédente. 

Une  bataille  était  imminente  lorsque  survint  le  connétable  de 
France,  Raoul  de  Clermont,  sire  de  Nesle,  qui,  au  nom  du  roi, 
son  souverain,  parvint  à négocier  une  trêve.  Si  l’on  en  croit  Van 
Heelu,  le  duc  et  le  comte  Renaud  plaidèrent  alors  leur  cause  de- 
vant les  rois  de  France  et  d’Angleterre,  mais  bien  que  le  bon  droit 
du  duc  eût  été  établi  à l’évidence,  les  deux  monarques  ne  purent 
influencer  le  comte  Renaud,  qui  refusa  obstinément  de  renoncer 
à ses  prétentions. 

Le  duc  avait  promis  au  roi  de  France  de  l’accompagner  dans 
son  expédition  en  Aragon;  avant  de  partir,  il  résolut  de  frapper 
un  coup  terrible  sur  scs  ennemis.  Une  irruption  qu’il  fit  en  Guel- 
dre  fut  si  désastreuse,  que  dans  tout  le  pays  situé  entre  le  Bom- 
melerweert  et  Weenle  ou  Venloo,  il  ne  resta  pas  une  seule  maison. 
Après  avoir  défait  les  Gueldrois  près  de  cette  dernière  localité, 
Jean  Ier  entra , bannières  déployées,  dans  l'archevêché  de  Cologne, 
qu’il  traita  avec  la  même  barbarie.  Scs  troupes  répandirent  la  ter- 
reur depuis  Frieslieim  jusqu’à  Blaetseem  ou  Blatsheim,  et  péné- 
trèrent jusqu’à  Lechenich.  Il  revint  enfin  sur  ses  pas  , puis  il 
partit  pour  la  France,  laissant  le  gouvernement  de  ses  États  à 
Walter  Bertbout,  sire  de  Malines.  Chacun  fut  étonné  de  le  voir 
s’éloigner,  car  il  n’avait  conclu  ni  trêve  ni  paix  avec  les  princes,  si 
nombreux,  qui  lui  portaient  la  haine  la  plus  vive. 


( ) 


III. 


Les  hostilités  ne  tardèrent  pas  à recommeneer;  aussitôt  après 
le  départ  du  due,  le  comte  de  Luxembourg  entra  le  premier  en 
campagne,  et  força  le  château  de  Fraipont,  que  le  châtelain  René 
de  Visé  reprit  peu  de  temps  après.  Informé  de  eette  levée  de  bou- 
cliers, le  sire  de  Cuyck  porta  le  ravage  dans  la  Gueldre.  Pour  en 
tirer  vengeance,  Renaud  investit  la  ville  de  Tcn-Grave  ou  Grave, 
qui  avait  été  entourée  de  palissades  et  de  fossés  par  le  sire  de 
Cuyclv.  Mais  le  régent  du  Brabant,  Walter  Berthout,  envoya  au 
secours  de  celui-ci  son  fils  Walter  et  le  seigneur  de  Bréda,  Arnoul 
de  Louvain  , et  le  comte  fut  obligé  de  se  retirer. 

Au  retour  du  duc 1 * *  4,  la  guerre  reprit  avec  plus  de  vigueur. 
Parmi  les  prisonniers  qu’il  avait  refusé  d’élargir  se  trouvait  le 
chef  de  la  faction  des  Schafdriesscbe , Conon  ou  Conrad  Snabbe, 
sire  de  Lontzen,  dont  le  fils  chéri,  comme  ce  dernier  l’appelle 
dans  une  charte  du  20  juin  1289,  Henri  Snabbe,  était  resté  en 
possession  des  châteaux  de  Lontzen  , de  Herve,  de  Sprimont  et  de 
Libois.  Sommé  par  le  gouverneur  du  Limbourg,  Waleram,  sire 
de  Roussy,  de  lui  livrer  ees  forteresses,  Henri  ne  voulut  pas  se 
dessaisir  de  gages  aussi  précieux.  Waleram  vint  assiéger  Lontzen; 

1 Jean  Ier  était  déjà  de  retour  à Bruxelles  le  11  novembre  1285.  Van  Mieris, 
t.  I,  p.  465.  — Avec  le  mois  de  décembre  1285  commence  le  Compte  de 
l’amman  de  Bruxelles , Henri  Lenken,  qui  va  jusqu’à  Pâques  1286-1287,  et 
qui  est  rempli  de  particularités  curieuses.  Le  samedi  avant  la  Saint-Nicaise, 

le  duc  était  à Anvers  et  manda  à ses  écuyers  ( armigeri ) de  se  rassembler  à 
Moll.  Quelque  temps  après,  le  samedi  après  la  Saint-Thomas,  les  chevaliers 
et  les  écuyers  du  Brabant  reçurent  l’ordre  de  suivre  le  duc  à Oosterwyck.  Le 
samedi  après  la  Purification,  Jean  1er  se  trouvait  en  Hollande,  où  il  reçut  des 
lettres  de  son  receveur,  Walter  Volcart. 

Notre  prince  partit  ensuite  pour  Courtrai  (où  il  était  le  vendredi  avant  les 
Rameaux)  ; lorsqu’il  en  revint , l’amman  de  Bruxelles  et  les  maires  qui  lui 
étaient  subordonnés  allèrent  à sa  rencontre,  à Ninove;  les  écuyers  qui  les  ac- 
compagnaient dépensèrent  dans  cette  ville  (le  lundi  après  les  Rameaux),  douze 

livres  trois  sous. 


( 140  ) 

mais  déjà  Conon  Snabbe  avait  ouvert  des  négociations  avec  les 
conseillers  du  duc,  et  ce  dernier,  à peine  arrivé  à Bruxelles,  en 
partit  pour  marcher  contre  le  sire  de  Roussy.  Lontzen  fut  déblo- 
qué et  ses  seigneurs  se  réconcilièrent  avec  Jean  Ier,  à qui  ils  pro- 
mirent fidélité  et  dévouement  b 

Peu  de  temps  après,  le  comte  de  Gueldre  se  rapprocha  intime- 
ment du  comte  de  Flandre,  Guy  de  Dampierre.  Celle  des  filles  de 
ce  prince  qui  était  unie  à Jean  Ier  étant  morte,  les  liens  qui  unis- 
saient les  deux  princes  avaient  perdu  toute  vigueur,  et  Guy,  que 
l’on  voit  sans  cesse  à l'affût  de  toutes  les  occasions  de  placer  ou 
d’enrichir  ses  enfants,  ne  se  fit  aucun  scrupule  de  choisir  pour 
gendre  l’ennemi  déclaré  de  son  ancien  gendre.  Marguerite  de 
Flandre  avait  été  fiancée  une  première  fois  à Alexandre,  fils  du 

t 

roi  d’Ecosse  du  même  nom,  mais  elle  était  devenue  veuve  presque 
aussitôt 1  2. 

On  allégua,  pour  motiver  le  second  mariage  de  Marguerite,  un 
prétexte  assez  singulier,  la  nécessité  de  mettre  fin  aux  guerres  et 
aux  discordes  qui  divisaient  les  habitants  de  la  Flandre  et  de  la 
Gueldre.  Guy  n’avait  d’autre  but  que  de  se  ménageries  moyens  de 
parvenir  à la  possession  du  Limbourg.  Alors,  par  l’étendue  de  scs 
domaines,  par  le  nombre  de  ses  alliances,  il  eut  véritablement  do- 
miné toute  la  Belgique.  Déjà  possesseur  de  la  Flandre  et  du  Namu- 
rois,  maître  en  perspective  du  Limbourg , ayant  un  de  ses  fils 

1 Jean  Ier  ne  prit  pas  un  moment  de  repos  ; le  mardi  après  les  Rameaux,  il 
fit  écrire  au  seigneur  de  Bréda,  à la  dame  de  Grimberghe,  à Rumpst;  à Henri 
de  Moerseke,  au  sire  d’Assche,  à la  dame  de  Gaesbeek,  à la  châtelaine  de 
Bruxelles,  à Walter  d’Enghien,  à Gérard  d’Aa,  à l’abbé  de  Gembloux,  au 
bailli  de  Nivelles,  à l’écoutèle  d’Anvers.  Tous  les  maires  de  l’ammanie  reçu- 
rent l’ordre  d’inviter  les  chevaliers  et  écuyers  de  leur  juridiction  à se  trouver 
à Maestricht,  le  jour  de  la  Cène  (ou  Jeudi-Saint).  L’amman  Lenken  assista  à 
« l’expédition  devant  Loncin,  » à la  tête  de  cinq  chevaliers  et  cent  trente-trois 
écuyers,  à qui  il  paya  deux  cent  cinquante-six  livres  douze  sous  neuf  deniers. 
Le  samedi  après  la  fêle  de  l’invention  de  la  Sainte-Croix,  le  duc  était  encore  à 
Maestricht. 

2 Le  roi  Alexandre  avait  assigné  à sa  bru,  au  mois  de  décembre  1281 , à 
titre  de  douaire,  une  rente  annuelle  de  quinze  cents  marcs  esterlings.  Jules  de 
Saint-Génois,  p.  95. 


( 141  ) 

assis  sur  le  siège  épiscopal  de  Liège,  comptant  de  nombreux  par- 
tisans dans  le  Hainaut,  il  rêvait  une  vieillesse  pleine  de  grandeur, 
sans  prévoir  les  calamités  qui  allaient  assaillir  ses  peuples,  sa 
longue  captivité  dans  les  prisons  du  Louvre,  et  les  journées  san- 
glantes de  Courtrai  et  de  Mons  en  Puelle. 

Par  un  bref  en  date  du  4 février  1 286 , le  pape  Honorius  IV 
autorisa  le  doyen  et  archidiacre  de  Gand  à accorder  à Renaud  et 
à Marguerite  les  dispenses  nécessaires  pour  contracter  mariage, 
dispenses  qui  furent  en  effet  délivrées,  le  4 mai  suivant  b Le  con- 
trat nuptial  fut  signé  le  21  avril,  lors  des  fiançailles,  qui  eurent 
lieu  à Namur,  par-devant  1 évêque  de  Liège.  Le  comte  de  Flandre 
donna  à sa  fille  trente  mille  livres  tournois,  en  échange  du  douaire 
de  Marguerite  en  Ecosse.  Renaud  promit  d’assigner  celte  somme 
sur  des  biens  valant  trois  mille  livres  par  an , à savoir  : Rure- 
monde,  Venloo,  les  châteaux  de  Crikenbeke  et  de  Breeinpt  et  le 
castrum  de  Kessele 1  2,  qu’elle  devait  posséder  sa  vie  durant,  sans 
(pie  Renaud  pût  les  aliéner  ou  les  hypothéquer,  et  à la  condition 
que  si  elle  mourait  sans  laisser  d’enfants  nés  du  comte,  celui-ci 
ou  ses  héritiers  en  pourraient  reprendre  possession,  en  payant  la 
même  somme  de  trente  mille  livres.  Renaud  déclara,  en  outre, 
donnera  sa  femme  quatre  mille  livrées  de  terre,  c'est-à-dire  des 
terres  produisant  un  revenu  de  quatre  mille  livres;  s’il  lui  sur- 
vivait, ces  biens  lui  resteraient  sa  vie  durant;  si,  au  contraire,  il 
mourait  le  premier,  Marguerite  et,  après  elle,  ses  héritiers,  en 
seraient  les  possesseurs  légitimes.  Renaud  s’engagea  à accomplir 
ces  conditions,  sous  peine  d’une  amende  de  vingt  mille  marcs  de 
Liège,  dont  les  sires  de  Montjoie  (ou  Fauquemont),  de  Born,  de 
llorncs,  de  Borclo  ou  Borckcloo,  de  Bronchorst,  de  Batcnbourg, 
de  Gennep,  de  Riembeke,  de  Iveppele,  etc.,  se  portèrent  cautions. 
L’archevêque  Sifroi,  dont  ce  mariage  secondait  les  vues  politi- 
ques, permit  à Renaud  d’assurer  à Marguerite,  « quand  il  aurait 
» dormi  avec  elle  »,  une  rente  de  quatre  mille  livres  de  Louvain, 

1 Jules  de  Saint-Génois,  p.qi9. 

2 La  prisée  de  ses  biens  , et  de  quelques  autres  biens  à Rode  et  à Erkel,  se 
trouve  aux  Archives  de  la  Flandre  orientale  Voyez  Jules  de  Saint-Génois, 
p.  125. 


( 142  ) 

de  petite  monnaie,  assignée  sur  les  fiefs  que  le  comte  tenait  de 
son  église. 

Les  noces  eurent  lieu  au  château  de  Namur,  le  5 juillet  1286. 
Le  lendemain,  suivant  la  vieille  coutume  germanique,  Renaud 
donna  à sa  jeune  femme  la  ville  d Arnhem  et  ses  dépendances, 
en  morghengabe,  c’est-à-dire  comme  don  du  matin.  Puis,  « ayant 
emprunté  une  pièce  de  terre,  » il  s’y  rendit  avec  plusieurs  de 
ses  vassaux,  entre  autres,  les  sires  de  Fauquemont  et  de  Born, 
et  Guillaume  de  Bronchorst;  là  il  investit  Marguerite  des  biens 
sur  lesquels  était  assuré  son  douaire.  Ce  ne  fut  que  le  28  no- 
vembre suivant  que,  par  acte  daté  du  château  de  Gueldre,  il  lui 
assigna,  à Gueldre  et  à Goeh,  les  quatre  mille  livrées  de  terre 
dont  il  a été  question  plus  haut  L 

Mais,  pendant  que  son  rival  s’oubliait  dans  les  fêtes,  Jean  1er 
ne  cessait  ni  de  négocier,  ni  d armer.  Au  mois  de  mai  1280,  il  fit 
un  voyage  à Paris,  où  on  lui  adressa,  le  jeudi  avant  la  fête  de  la 
Division  des  Apôtres,  des  lettres  du  sire  de  Malines  et  du  sénéchal, 
et,  le  samedi  suivant,  des  lettres  du  sire  de  Liedekerke.  Walter 
Berthout  avait  de  nouveau  reçu  le  gouvernement  du  pays.  Le  ven- 
dredi avant  la  Sainte-Marie-Madeleine,  il  convoqua  à Cortenberg  les 
chevaliers  et  les  écuyers  de  l’ammanie  de  Bruxelles,  et  des  lettres 
appelèrent  les  dames  de  Gaesbeek  et  de  Grimberghe,  le  sire 
d’Assche,  Gérard  d'Aa , le  châtelain  de  Bruxelles,  à concourir  à 
une  expédition  sur  laquelle  on  n’a  pas  de  détail.  Un  des  princi- 
paux soins  de  notre  duc  avait  été  de  resserrer  son  alliance  avec  le 
comte  de  Hollande.  Le  il  novembre  1285,  il  lui  promit  de  ne  pas 
assister  les  seigneurs  d’Amstel,  ces  éternels  fauteurs  de  troubles, 
et  il  s’engagea  aussi  à faire  exécuter  par  les  habitants  d'Utrecht 
les  conventions  qu’ils  avaient  conclues  avec  le  comte 1  2.  Mais  le 
premier  de  ces  engagements  avait  également  été  pris  par  les 
comtes  de  Gueldre  et  de  Clèves;  Florent  était  donc  encore  en 
bonnes  relations  avec  eux.  Ce  ne  fut  que  l’année  suivante  qu’il  se 

1 Jules  de  Saint-Génois,  pp.  93,123  et  suiv.  — De  lteiffenberg,  Monuments , 
1. 1,  pp.  208  et  214 

2 Van  Mieris,  Charterboek , t.  1 , pp.  462  et  463. 


( 145  ) 

rapprocha  du  duc.  Les  deux  princes  se  virent  à Tholen 1 2 *  4,  le 
24  septembre,  et  là  ils  arrêtèrent  les  bases  d’une  alliance  plus 
étroite.  Ils  convinrent  de  partager  à l’amiable  les  profits  qu’ils 
avaient  retirés  ou  qu’ils  retireraient  de  la  guerre,  soit  par  les 
contributions  militaires,  soit  par  les  compositions  pour  la  déli- 
vrance des  prisonniers.  Iis  stipulèrent  aussi  un  partage  égal  des 
conquêtes  qui  seraient  faites  et  des  dépenses  nécessitées  pour  la 
construction  de  forteresses  dans  les  pays  conquis.  Aucun  d’eux  ne 
devait  conclure  séparément  la  paix  avec  le  comte  de  Gueldre,  et, 
en  cas  de  mort  de  ce  prince,  sans  lignée,  le  comte  de  Hollande 
devait  obtenir  la  moitié  des  fiefs  qu’il  relevait  du  Brabant. 

Ce  traité  fut  conclu,  suivant  toute  apparence,  en  vue  de  sauver 
la  ville  de  Thiel,  possession  brabançonne  importante,  mais  d’une 
défense  difficile;  le  duc  l’avait  fait  entourer  d’une  enceinte  de  pa- 
lissades, et  il  en  avait  confié  la  garde  au  sire  de  Cuyck,  qui  de  là 
dévastait  les  campagnes  environnantes*  Le  comte  de  Gueldre, 
ayant  voulu  arrêter  ces  déprédations,  en  vint  aux  mains  avec  le 
sire  de  Cuyck,  qui  se  fiait  peu  à la  force  des  remparts  de  Thiel. 
Quoiqu’elles  eussent  été  renforcées  par  le  seigneur  de  Heusden,  les 
troupes  brabançonnes,  inférieures  en  nombre,  allaient  succomber, 
lorsque  la  victoire  fut  décidée  en  leur  faveur  par  l’arrivée  de  Jean 
Uutenhove,  à la  tète  des  guerriers  de  Brcda.  Le  sire  de  Bueren, 
Alard,  sire  de  Driele;  les  chevaliers  Walter  de  Soelen,  Rodolphe 
de  Haegt,  Henri  et  Adolphe  De  Cock  furent,  entre  autres,  faits  pri- 
sonniers; le  vainqueur  ne  revint  pas  à Thiel;  il  marcha  vers  Grave, 
contre  laquelle  on  dirigeait  alors,  à ce  qu’il  semble,  une  attaque  -. 

Le  comte  de  Gueldre  ayant  renoncé  à l’hommage  qu’il  devait 
au  Brabant  pour  la  partie  de  ses  États  qui  s’étend  entre  la  Meuse 
et  le  Rhin,  ou,  comme  le  disent  les  anciens  historiens,  le  Veluwe, 
le  Thielreweert  et  le  Bommclerweert,  Jean  Ier  en  avait  immédia- 
tement prononcé  la  confiscation.  Après  son  alliance  avec  le  comte 

1 Iule,  Van  Mieris,  t.  I,  p.  465;  et  non  pas  Thyl,  comme  le  dit  Willems, 
p.  445,  ni  surtout  pas  Thiel,  comme  Van  Mieris  le  suppose. 

2 Le  mardi  avant  l’Assomption,  trente  arbalétriers  et  vingt  écuyers  parti- 

rent pour  aller  rejoindre  le  sire  de  Cuyck  à Graine  ; les  premiers  reçurent  une 

indemnité  de  vingt-trois  livres  cinq  sous;  les  seconds,  vingt  livres  seize  sous. 


( 144  ) 

de  Hollande,  il  résolut  de  tenter  la  conquête  de  ces  cantons,  afin 
d’assurer  la  sécurité  de  la  ville  de  Thiel,  qui  se  trouvait  au  milieu 
des  domaines  de  son  ennemi.  Florent  s’était  engagé  à lui  fournir 
des  bateaux  pour  passer  la  Meuse;  cependant  Jean  Ier,  arrivé  à 
Oisterwyck,  ne  trouva  rien  de  prêt,  et,  sans  le  zèle  du  chevalier 
Vastaert  ou  Faslré  Van  Ghiscnc,  il  aurait  dû  renoncer  à son  en- 
treprise. A l'aide  de  quelques  chaloupes  que  Fastré  réunit,  il 
effectua  ce  passage,  et  vainquit  et  prit  le  chevalier  Gérard  de 
Rothem,  qui,  à la  tête  d’une  troupe  de  paysans,  essaya  de  l’ar- 
rêter. 

Le  comte  Renaud,  ayant  avec  lui  l’archevêque  de  Cologne,  le 
comte  de  Luxembourg  et  le  sire  de  Roussy,  occupait  le  Thielre- 
weert,  de  l’autre  coté  du  Walial.  Passer  ce  fleuve  en  leur  présence 
eût  été  téméraire,  et  cependant  il  fallait  s’ouvrir  le  chemin  de 
Thiel.  Jean  Ier  offrit  à ses  ennemis  l’alternative  de  traverser  libre- 
ment le  Walial  ou  de  lui  laisser  effectuer  ce  passage,  afin  qu’on 
pût  finir  la  guerre  par  une  bataille.  Mais  les  alliés  n’eurent  garde 
d’accepter  cette  proposition.  Renaud,  profitant  de  l’avantage  de 
sa  position,  profitant  aussi  de  l’inaction  du  comte  Florent,  qui 
aurait  dû  tenter  une  diversion  en  faveur  du  duc  !,  laissa  quelques 
troupes  pour  faire  face  aux  Brabançons  et  marcha  contre  Thiel. 
Cette  ville,  assaillie  avec  fureur,  fut  emportée,  saccagée  et  livrée 
aux  flammes.  F rançon  de  Wangc,  Jean  Uutenhove,  Jean  De  Cock, 
Gilles,  fils  naturel  du  duc  Henri  111,  et  Paul  de  ürogene  ou  Dron- 
gene  y tombèrent  entre  les  mains  des  vainqueurs  2. 


1 Des  tentations  furent  faites,  vers  la  fin  de  celle  année,  pour  moyenner 
un  accord  entre  les  comtes  de  Gueldre  et  de  Hollande.  Voyez  à ce  sujet  un  acte 
du  14  octobre  1:286,  qui  se  trouve  dans  Van  Mieris,  t 1,  p.  466. 

2 Le  samedi  après  l’Assomption , des  messagers  allèrent  avertir  l’abbé  de 
Gembloux,  le  bailli  de  Nivelles,  le  maire  de  Tirlemont,  le  châtelain  de 
Bruxelles,  Henri  de  Moerseke,  le  sire  d’Assche  et  Jean  son  oncle,  et  Daniel 
de  Bouchout.  D'autres  coururent  à Gaesbeek , à Enghien , à Gorroy-le-Ghàteau , 
où  se  trouvait  le  comte  de  Vianden  ; à Ninove,  où  était  la  dame  de  Grim- 
berghe;  pendant  que  tous  les  maires  recevaient  l’ordre  de  presser  l’armement 
de  leurs  subordonnés.  Le  mardi  avant  les  octaves  de  l’Assomption,  l’amman 
de  Bruxelles  partit  pour  Oosterwyck  et  Waelwyck,  où  il  dépensa,  pour  lui  et 
les  chevaliers  et  écuyers  de  sa  troupe,  quatre-vingt-quinze  livres  quarante- 


( 143  ) 

Jean  1er,  affligé  de  11’avoir  pu  empêcher  ce  désastre,  quitta  le 
Bommclreweert,  après  avoir  fortifié  le  château  de  Driele  G De 
son  coté  Renaud  remonta  la  Meuse  jusqu’à  Ruremonde,  où  il 
trouva  son  nouveau  beau-père,  le  comte  Guy.  Enivrés  de  leurs 
succès,  lui  et  ses  alliés  passèrent  la  Meuse  et  vinrent  investir 
Maestricht,  où  commandaient  les  sires  de  Wesemael  et  de  Wal- 
hain.  Le  duc  ne  leur  laissa  pas  le  temps  de  poursuivre  leur  entre- 
prise. Traversant  avec  rapidité  toute  la  Campine,  il  vint  camper 
dans  la  plaine  qui  s’étend  entre  Moll  et  Meerhout,  sur  les  limites 
du  comté  de  Looz  2;  là  il  fut  rejoint  par  plusieurs  de  ses  amis, 

quatre  deniers.  Le  lundi  après  la  saint  Barthélemy,  l’armée  brabançonne  se 
réunit  de  nouveau.  Les  écoutètes  d’Anvers  et  de  Bois-le-Duc  et  le  bailli  de 
Nivelles  sont  avertis  qu’une  expédition  se  prépare.  Walter  d’Enghien,  sire 
Nicolas  de  Barbançon , la  châtelaine  de  Bruxelles,  qui  séjournait  alors  à Cas- 
teleir,  à Marbais;  la  dame  de  Grimberghe,  qui  était  à Londerzeel;  le  sire 
d’Assche,  Gérard  d’Aa , alors  à Pollaer;  Henri  de  Moerseke,  les  ofïiciers  du 
seigneur  de  Herstal , la  dame  de  Buggcnhout,  reçoivent  des  lettres  du  duc. 
Le  vendredi  avant  la  Nativité  de  Notre-Dame,  Henri  de  Melbroec  et  Gosuin 
son  parent  accompagnent  sire  Egide  de  Coekelberghe  à Thiel , où  se  rendent 
aussi  douze  arbalétriers,  tandis  que  trente  écuyers  suivent  le  duc  à Ooster- 
wyek.  La  crainte  d’une  attaque  contre  le  Brabant  lit  appeler  à Tirlemont  des 
chevaliers  et  des  écuyers,  mais  un  contre-ordre  leur  arriva  immédiatement, 
puis  on  leur  enjoignit  d’aller  à Bois-le-Duc.  Le  mardi  après  la  Nativité, 
Jean  Ier  se  trouvait  dans  cette  dernière  ville , où  il  reçut  des  lettres  de  la  ville 
de  Bruges,  mais  le  vendredi  suivant,  il  avait  pénétré  dans  le  Bommclre- 
weert, où  lui  arriva  un  message  de  sire  Égide  Berthout.  L’amman  de 
Bruxelles  l’y  accompagna  avec  quelques  chevaliers  et  deux -cent  trente 
écuyers , à qui  on  paya  soixante  et  onze  livres  douze  sous. 

1 Le  samedi  après  la  fête  de  saint  Denis,  treize  sous  furent  payés  à quinze 
charpentiers  qui  avaient  été  envoyés  à Driele.  Les  prisonniers  faits  à celte 
occasion  n'arrivèrent  au  cœur  du  Brabant  que  plus  tard.  Vers  la  saint  Luc, 
on  envoya  les  maires  pour  les  escorter  (ut  accédant  contra  caplos  de  Drile ); 
puis  le  lendemain  de  la  saint  André,  on  en  conduisit  vingt-deux  de  Malines 
à Bruxelles,  où  on  les  logea  chez  Godefroid  Abecoy.  Six  d’entre  eux  furent 
reconduits  à Lierre,  quatre  envoyés  à Genappe,  dix-huit  reconduits  de  nou- 
veau à Lierre,  dans  trois  chariots  et  sous  l’escorte  de  six  écuyers;  six  conduits 
à Genappe  par  Abecoy.  Ils  furent  renvoyés  vers  le  commencement  de  l’année 
suivante.  (Compte  cité.) 

2 L’ordre  de  l’amman  de  Bruxelles  à ses  mayeurs  de  faire  réunir  à Moll 

Tome  XIII.  10 


( 146  ) 

tant  français  qu’allemands  : le  comte  de  Bourgogne,  les  fils  du 
comte  de  Saint- Fol,  le  comte  de  Wildenouwc,  Sifrid,  sire  de 
Roncke-le;  les  sires  de  Walbode,  de  Grevenstein,  etc. 

Peu  soucieux  d’en  venir  aux  mains  avec  un  adversaire  aussi 
actif  que  courageux,  ses  ennemis  s’empressèrent  de  repasser  la 
Meuse  à Stockem.  Ils  assiégèrent  en  vain  Witthem,  puis  Lontzen, 
que  Gérard,  vicomte  de  Meuselinge,  défendit  vaillamment  contre 
eux  pendant  quarante  jours.  Déjà  Jean  Ier  était  à leur  poursuite. 
A la  nouvelle  qu'il  arrivait  de  Maestricht,  ils  se  séparèrent  comme 
une  troupe  d’oiseaux  timides  se  disperse  à l’approche  du  faucon  : 
le  comte  de  Flandre  partit  pour  Namur,  le  comte  de  Gueldre 
pour  Nuwerstat  ou  Neustadt,  près  de  Buremonde;  l’archevêque 
de  Cologne  pour  Wassenberg,  le  comte  de  Luxembourg  pour  Lim- 
bourg  h 

Le  duc  profita  de  sa  supériorité  momentanée  pour  étendre  son 
autorité  dans  le  Limbourg.  Il  prit  les  châteaux  de  Reimérsdaele  2, 
de  Sineke  ou  Sinnich,  de  Woude,  de  Wilgenru  ou  Wilhenru.  Il 
alla  ensuite  déployer  ses  bannières  devant  Limbourg , où  se  trou- 
vait la  jeune  comtesse  de  Gueldre.  Un  engagement  très-vif  eut 
lieu  entre  ses  soldats  et  la  garnison,  postée  sur  la  rive  gauche  de 


leurs  subordonnés,  fut  expédié  le  jour  de  saint  Michel  (28  septembre);  un 
espion  ( speculator ) partit  pour  Maestricht  et  un  autre,  peu  de  jours  après, 
alla  au  delà  de  la  Meuse. 

1 Le  jeudi  après  la  saint  Denis,  le  duc  se  trouvait  encore  à Bêckevoirt, 
près  de  Diest;  l’expédition  au  delà  delà  Meuse  se  fit  sans  doute  vers  la  saint 
Luc  (en  octobre).  Des  messagers  allèrent  avertir  le  châtelain  de  Bruxelles  et 
plusieurs  chevaliers  hollandais,  et  appelèrent  le  peuple  aux  armes,  par  l’inter- 
médiaire des  maires.  Trois  jours  après , une  sommation  semblable  fut  adressée 
au  sire  de  Gaesbeek  et  d’Àssche,  au  châtelain  (de  nouveau),  à la  dame  de 
Grimberghe  (pour  l’armement  de  ses  vassaux),  et  envoyée  aussi  à Eygenc 
et  à Meerbeek.  L’amman  de  Bruxelles  dépensa  dans  l’expédition  qui  eut  lieu 
alors  la  somme  de  trente-six  livres. 

2 L’amman  de  Bruxelles  eut  un  cheval  tué  à Reimarsdale;  on  le  lui  paya 
soixante-dix  livres.  Compte  cité,  ad  finem.  Ce  siège  n’eut  peut-être  lieu  que 
vers  le  jour  des  Cendres,  en  1286-1287,  car  le  jeudi  suivant  des  lettres  du 
sénéchal  furent  expédiées  par  les  soins  de  l’amman  à tous  les  maires  pour  leur 
enjoindre  de  préparer  rarmement  de  leurs  subordonnés. 


. ( H7  ) 

la  Vesdre;  celle-ci  s'étant  repliée  sur  le  château , le  duc  fit  mettre 
le  feu  au  faubourg,  c’est-à-dire  à la  ville  basse,  aussi  appelée  Dol- 
hain.  Enfin,  fatigué  d’une  campagne  qui  n’avait  présenté  que 
des  marches,  il  retourna  en  Brabant,  vers  le  commencement  de 
l’hiver  de  l’année  1286  b 

La  retraite  des  alliés  devant  Lontzen  avait  eu  un  grand  reten- 
tissement dans  le  pays,  les  princes  du  sang  de  Limbourg  n’ayant 
pas  coutume,  dit  Van  Heelu,  de  fuir  à l’approche  de  l’ennemi.  Le 
comte  de  Luxembourg,  pour  effacer  cette  tache,  fit  fortifier 
l’église  de  Sprimont,  afin  de  bloquer  le  château  de  ce  village.  Il 
était  loin  de  prévoir  que  le  duc  de  Brabant  braverait,  pour  secou- 
rir cette  placé,  les  rigueurs  de  la  mauvaise  saison.  En  effet,  ce 
prince  arriva  bientôt,  à la  tête  d’un  corps  de  cavaliers  qui  avaient 
attaché  à leurs  selles  des  vivres  pour  eux  et  leurs  chevaux.  Les 
deux  cents  hommes  qui  occupaient  l’église  de  Sprimont  prirent 
d’abord  la  fuite,  mais  Henri,  bâtard  de  Luxembourg,  les  rallia  et 
les  conduisit  à l’ennemi,  avec  des  troupes  qu’il  avait  réunies  dans 
le  pays  de  Stavelot  et  aux  environs.  Les  Brabançons  le  trouvèrent 
occupant  les  abords  d’Aywaille,  sur  les  rives  de  l’Huwelghe  ou 
Amblève.  Sans  s’arrêter,  ils  lancent  leurs  chevaux  dans  la  rivière, 
abordent  les  Ardennais  avec  impétuosité,  en  tuent  une  centaine 
et  mettent  les  autres  en  fuite,  Aywaille  fut  brûlé,  l’église  de 
Sprimont  détruite,  et  le  duc,  après  avoir  ravitaillé  le  château 
au  moyen  de  provisions  amenées  de  Daelhem,  reprit  une  seconde 
fois  le  chemin  du  Brabant 1  2. 


1 Le  vendredi  après  la  saint  Nicolas  (décembre),  on  paya  douze  livres  cinq 
sous  aux  écuyers  qui  avaient  accompagné  le  sire  de  Wesemale  à Maestricht 
et  dans  la  chevauchée  vers  Homborch.  Un  rassemblement  d’écuyers  à Tirle- 
mont,  sous  les  ordres  du  sénéchal,  s’était  effectué  en  vertu  d’un  message 
adressé  aux  maires  la  veille  de  la  saint  André  (28  novembre) 

2 Cette  expédition  de  Sprimont  eut  lieu  vers  la  fête  de  l’Epiphanie , en  1286- 
1287.  Le  jeudi  après  cette  fête,  des  messagers  portèrent  des  lettres  du  duc 
au  bailli  de  Nivelles,  à Walter  d’Enghien,  à la  dame  de  Buggenhout,  à sire 
Arnoul  d’Yssche,  au  châtelain  de  Bruxelles,  à sire  Henri  de  Moerseke,  à la 
dame  de  Grimberghe  et  à sire  Egide  Berthout;  des  messagers  allèrent  encore 
trouver  la  dame  de  Grimberghe  à Rumpst  et  avertir  tous  les  maires  de  se 
mettre  en  marche  avec  tous  les  écuyers.  Une  somme  de  soixante-cinq  livres 


( 148  ) 


Remarquons,  et  notons  ici  comme  un  adoucissement  apporté 
aux  maux  de  la  guerre,  une  convention  qui  assura  une  sécurité 
complète  à tous  le  pays  traversé  par  la  Meuse,  depuis  Maestricht 
jusqu’à  Grave.  Elle  fut  conclue,  le  51  octobre  1280,  par  le  sire  de 
Cuyck,  agissant  au  nom  du  duc.  11  ne  pouvait  être  fait  d invasion 
en  Gueldre  hors  du  pays  de  Cuyck,  la  ville  de  Grave  excepté,  et, 
par  contre,  le  comte  de  Gueldre  ne  pouvait  entrer  en  Brabant 
par  les  pays  de  Cuyck,  de  Kessel  et  de  Rolduc.  Dans  le  cas  où  le 
due  ne  voudrait  plus  observer  cet  accord,  le  sire  de  Cuyck  devait 
en  donner  avis,  quatre  jours  à l'avance,  à Kessel. 

11  se  fit,  à cette  époque,  de  grands  changements  dans  le  Lim- 
bourg.  Guy  en  devint,  en  quelque  sorte,  le  maître,  son  agent 
dévoué,  le  sire  de  Fauquemont,  en  ayant  obtenu  le  gouvernement 
au  nom  de  Renaud.  Lui-même  commença  ses  empiétements  crise 
faisant  céder  par  le  comte  de  Gueldre  1 hommage  que  lui  devait 
Humbert  Corbial  ou  Corbeau,  sire  d’Awans,  et  qui  était  échu  à 
Renaud  par  la  mort  de  son  oncle,  le  trop  célèbre  Henri  de  Guel- 
dre (21  octobre  1280)  [. 


Une  grave  contestation  s’était  élevée  entre  Renaud  et  son  lieu- 
tenant dans  le  Limbourg,  Waleram  de  Luxembourg,  seigneur  de 
Roussy.  Celui-ci,  à ce  que  prétendait  le  premier,  s’était  livré  à des 
excès  d une  telle  gravité,  qu’ils  .avaient  entraîné  pour  lui  une 
perte  de  près  de  trente  mille  livres  de  Louvain;  il  avait  indigne- 
ment abusé  de  ses  avantages  dans  le  poste  qui  lui  était  confié.  Le 
sire  de  Roussy  répondit  en  réclamant  le  remboursement  des  dé- 
penses qu’il  avait  faites  pendant  la  guerre,  et  en  s’engageant,  au 
surplus,  à remettre  les  châteaux  de  Limbourg  et  de  Rolduc  aussi- 
tôt qu’on  lui  aurait  compté  douze  cents  mares  de  Brabant.  Henri, 
sire  de  Blamont,  et  Henri , sire  de  Borckelo,  furent  choisis  pour 
arbitres  de  cette  contestation,  et  le  comte  et  la  comtesse  de  Flan- 
dre désignés  comme  surarbitres,  en  cas  de  dissentiment  entre  eux. 
Le  droit  était  sans  doute  du  côté  de  Waleram,  car  Renaud  lui  paya, 


cinq  sous  et  six  deniers  fut  payée  à l’amman  de  Bruxelles  pour  ses  dépenses 
et  celles  des  chevaliers  et  écuyers  qui  l’accompagnèrent  à Sprimont  (in  clii- 
vachia  versus  Spremont).  Compte  de  l’amman  de  Bruxelles  cité. 

* Saint-Génois,  Monuments , 1. 1 , p.  758. 


( 1«  ) 

le  4 juillet,  non-seulement  les  douze  cents  marcs  spécifiés  ci-dessus, 
mais  encore  quatre  cents  autres  marcs. 

Dès  le  commencement  du  mois  de  décembre,  Waleram  de  Fau- 
qucmont  fut  accepté  par  Renaud  comme  le  successeur  deWaleram 
de  Luxembourg,  dans  le  gouvernement  du  duché  de  Limbourg, 
et,  déplus,  pour  son  lieutenant  en  Gueldre.  Le  comte  et  la  com- 
tesse de  Flandre  devaient  fixer  la  rétribution  à laquelle  il  avait 
droit  à ce  titre.  Renaud  confia  à son  beau-père  la  garde  des  châ- 
teaux de  Limbourg  et  de  Rolduc,  avec  le  droit  de  les  faire  garder 
par  qui  bon  lui  semblerait,  et  promit  d’en  acquitter  les  frais  de 
garde,  à la  condition  toutefois  que  son  beau-père  s’engagerait  à 
lui  restituer  ses  forteresses  à la  première  réquisition.  Elles  furent , 
en  effet,  remises  à Guy  de  Dampierre,  et,  par  celui-ci,  au  sire  de 
Fauquemont  (6  mars  1286-1287). 

Ce  vaillant  homme  de  guerre  porta  un  coup  funeste  à la  cause 
du  duc  Jean,  en  négociant  la  réconciliation  du  comte  de  Gueldre 
et  des  sires  de  Lontzen  , Conon  et  Henri.  En  considération  de  leurs 
services,  Renaud  créa  ce  dernier  châtelain  héréditaire  de  Spri- 
mont,  avec  jouissance  d’une  rente  annuelle  de  cinquante  livres 
de  Louvain,  de  petite  monnaie,  à tenir  en  fief.  Il  le  nomma  aussi 
sénéchal  du  duché  de  Limbourg  et  de  la  terre  de  Rolduc,  et  lui 
concéda  le  château  et  la  court  de  Herve,  avec  leurs  dépendances. 
Le  19  juillet  *3  287-1288,  Renaud  ratifia  une  seconde  fois  ces  con- 
ventions, Conon  lui  ayant  prêté  de  fortes  sommes  d’argent,  que 
le  comte  de  Flandre  lui  fit  restituer  plus  tard,  afin  de  pouvoir 
disposer  de  Limbourg,  de  Rolduc,  de  Sprimont , qui  lui  avaient 
été  donnés  en  engagère. 

Vers  ce  temps,  un  incident  fâcheux,  mais  de  peu  d’importance, 
jeta  du  froid  entre  le  sire  de  Fauquemont  et  son  puissant  protec- 
teur, le  comte  de  Flandre.  Des  Namurois  tuèrent  un  vassal  de 
Waleram,  à Vieu ville.  Les  meurtriers  ayant  donné  satisfaction  de 
ce  crime  aux  frères  de  la  victime,  Jean  de  Runde  et  Gilbert  Bulle  , 
ceux-ci  et  leurs  parents  déclarèrent  renoncer  à toute  vengeance  '. 

1 Déclaration  des  chevaliers  Rixon  et  Gérard  de  Kerke,  Réné  de  Scumelt , 
Godefroid  de  Liclitemberg , datée  du  15  juin  1287.  De  Reiffenberg,  Monu- 
ments, 1. 1,  p.  27. 


( ISO  ) 

Le  comte,  en  outre,  s’engagea  à payer  à Walerain  la  somme  de 
quatre  mille  marcs  de  Liège  l. 


IV. 


Au  commencement  de  l’année  1287,1a  guerre  du  Limbourg  prit 
un  autre  caractère;  elle  devint,  en  quelque  sorte,  une  querelle 
du  pays  rhénan  tout  entier,  plusieurs  des  anciens  alliés  du  comte 
de  Gueldre,  et  notamment  les  comtes  de  Juliers  et  de  Cîèves, 
l’ayant  abandonné,  sans  cause  connue,  pour  embrasser  le  parti  du 
duc  Jean. 

Le  traité  d’alliance  du  duc  et  du  comte  de  Clèves  est  daté  du 
5 mars.  Le  comte  y promet  d’assister  son  nouvel  allié  contre  tous, 
hormis  le  roi  et  le  comte  de  Hollande.  Il  déclare  toutefois  ne  pas 
vouloir  tenter  d’expédition  sur  les  terres  de  son  frère,  Thierri 
Loef,  comte  de  Hulkerade,  de  l’archevêque  et  de  l’église  de  Colo- 
gne, des  sires  de  Heynsberg  et  de  Fauquemont,  du  comte  de 
Luxembourg  et  de  son  frère  Waleram.  Tout  ce  qui  serait  conquis 
sur  le  comte  de  Gueldre  devait  être  divisé  en  trois  parts,  entre  le 
duc  et  les  comtes  de  Hollande  et  de  Clèves,  excepté  toutefois  les 
fiefs  tenus  du  Brabant,  les  biens  du  dernier  duc  de  Limbourg  et 
ceux  acquis  par  ce  duc  avec  l’argent  de  sa  première  femme,  Judith 
de  Clèves,  et  qui  échéraient  exclusivement  à Thierri.  Un  traité 
analogue  lia  les  comtes  de  Hollande  et  de  Clèves  (6  mars  1287). 

Le  duc  resserra  aussi  son  alliance  avec  l’évêque  de  Liège,  qui 
s’engagea  à l’aider  envers  et  contre  tous,  sauf,  dans  certaines  cir- 
constances, contre  le  comte  de  Flandre,  son  père,  et  contre  ses 
frères,  et  en  s’engageant  h payer,  en  cas  de  contravention,  dix 
mille  livres  de  petits  tournois.  Jean  Ier  intervint  cette  année, 
d’une  manière  très-active,  dans  les  différends  qui  agitèrent  alors 
la  cité  de  Liège,  comme  nous  l’avons  dit  au  chapitre  ÏII.  Jean  de 
Flandre,  dont  le  caractère  péchait  plutôt  par  une  excessive  dou- 
ceur que  par  trop  de  sévérité,  essuya  vers  ce  temps  un  traitement 


1 Acte  du  8 juin.  Jules  de  Saint-Génois,  p 154. 


( 131  ) 

cruel.  Tandis  qu’il  se  livrait  aux  plaisirs  de  la  chasse,  dans  les  en- 
virons de  Bouillon,  son  ardeur  le  sépara  de  sa  suite.  Tout  à coup, 
soixante  cavaliers  masqués  tombent  sur  lui  et  l'entraînent  dans 
une  forteresse.  Là,  on  le  retint  cinq  mois  entiers.  Pour  en  sortir,  il 
dut  payer  une  forte  rançon  et  jurer  qu’il  ne  révélerait  jamais  le 
nom  des  coupables  L Le  bruit  public  accusa  le  comte  de  Luxem- 
bourg et  ses  frères  d’avoir  commis  cet  attentat  par  les  ordres  de 
leur  sœur,  la  comtesse  de  Flandre,  dont  l’évêque  s’était  attiré  l’ini- 
mitié en  lui  reprochant  secrètement  un  crime.  La  princesse  Isa- 
belle, mainte  circonstance  le  prouve,  tenait  singulièrement  à 
enlever  au  duc  de  Brabant  le  Limbourg,  tandis  que  Jean  de  Flan- 
dre suivait  une  toute  autre  politique.  Allié  et  ami  de  Jean  L’r,  il 
devait  être  l’objet  de  la  haine  de  la  princesse,  sa  belle-mère,  dont 
il  contrariait  les  vues  ambitieuses. 

Pendant  l’été  de  l’année  1287,  une  guerre  éclata  entre  le  comte 
de  Bar  et  l’évêque  de  Metz,  Bouchard  de  Hainaut,  qui  venait  de 
vaincre  le  duc  de  Lorraine,  Ferry  III.  Le  duc  de  Brabant  alla  re- 
joindre l’armée  du  comte,  et  les  princes  de  la  maison  de  Luxem- 
bourg coururent  renforcer  les  troupes  de  l’évêque,  avec  d’autant 
plus  d’empressement  que  leur  ennemi  se  trouvait  dans  les  rangs 
opposés.  Les  deux  parties  belligérantes  se  disposaient  à en  venir 
aux  mains,  lorsque  Walter,  sire  de  Ligne,  parvint  à ménager  la 
paix 1  2. 

Cependant  le  roi  Rodolphe  commençait  à se  préoccuper  de  la 
querelle  qui  couvrait  de  sang  et  de  ruines  la  partie  occidentale  de 
ses  Etats.  La  persistance  de  la  lutte  à propos  de  la  succession  au 
duché  de  Gueldre,  témoignait  du  peu  de  respect  que  l’on  portait 
à l’autorité  suprême.  Lorsque,  en  1287,  Rodolphe  tint,  à Wurtz- 
bourg,  une  diète  célèbre,  où  on  publia  une  paix  ou  édit  pour  le 

1 Hocsem,  c.  XV.  — Jean  de  Flandre  rentra  dans  Liège  le  15  avril  1288. 
Fisen,  Historia  ecclesiæ  Leodiensis , pars  II , p.  52. 

2 Annales  Colmarienses , dans  Urstitius,  Scriptores  rerum  germanica- 
rum,  t.  II , p.  22.  — Van  Heelu  ,1.1,  v.  5597.  — Ernst,  t.  IV,  p.475.  — Le  22 
mars  1287,  l’évêque  Bouchard  donna  deux  mille  cinq  cents  livres  à Louis, 
comte  de  Looz  et  de  Chini , en  remerciaient  des  services  qu’il  lui  avait 
rendus,  à lai  et  à son  église.  Wolters,  Codex  diplomaticns  Lossensis , p.  167. 


( 152  ) 

maintien  de  la  tranquillité,  le  premier  qui  ait  été  rédigé  en  alle- 
mand, il  avertit  l’archevêque  de  Cologne  qu’il  voulait  le  réconci- 
lier avec  le  duc,  lui  ordonna  d’observer  et  de  faire  observer  une 
trêve,  et  lui  annonça  qu’il  tiendrait  une  diète  à Boppart,  après  la 
Pentecôte.  Celte  seconde  assemblée  n'ayant  pu  avoir  lieu  au  jour 
fixé,  l’empereur  la  prorogea  au  25  juillet,  et  , le  5 mai,  manda  à 
Sifroi  que  la  trêve  continuerait  jusque  quinze  jours  après  cette 
date.  En  effet,  le  2 juillet,  on  conclut  une  suspension  d’armes  qui 
devait  durer  depuis  ce  jour  jusque  un  mois  après  l’Assomption, 
c’est-à-dire  jusqu’au  15  septembre;  seulement,  chacun  des  deux 
partis  pouvait  recevoir  les  vassaux  du  parti  contraire  qui  vou- 
draient se  ranger  de  son  côté,  mais  sans  occuper  les  maisons  ou 
châteaux  possédés  par  ces  vassaux,  ni  entraver  les  communica- 
tions entre  les  pays  respectifs.  Plus  tard,  on  négocia  encore  une 
convention  semblable,  pour  une  nouvelle  période  allant  du  12  oc- 
tobre au  25  novembre,  entre  le  duc  et  le  comte  de  Hollande,  d'un 
côté,  le  comte  de  Gueldre,  de  l’autre. 

L’archevêque  Sifroi  parait  avoir  vu  avec  regret  cette  longue 
série  de  trêves,  car  il  fut  cause  que  les  hostilités  recommencè- 
rent. Il  est  vrai  que  sa  position  devenait  de  plus  en  plus  difficile  à 
Cologne,  dont  les  bourgeois  lui  étaient  plutôt  hostiles  que  dé- 
voués. Pour  accabler  le  comte  de  Berg,  le  principal  des  amis  du 
duc,  il  assembla,  à Neuss,  ses  alliés,  et  ceux-ci,  excités  par  ses 
discours,  conduisirent  leurs  troupes  dans  le  pays  de  Berg,  où 
elles  portèrent  la  dévastation. 

Heureusement  pour  le  comte  Adolphe,  Jean  Ier  se  hâta  d’ac- 
courir, quoiqu’on  fût  alors  au  cœur  de  l’hiver.  Les  ennemis, 
instruits  de  sa  marche,  revinrent  en  deçà  du  Rhin  pour  défendre 
rarchevêehé.  Sifroi  et  Renaud  prirent  position  sur  l’Erft,  qu’ils 
remontèrent  jusqu’à  Lecbenich,  tandis  que  le  comte  de  Luxem- 
bourg se  portait  à Berg,  près  d’Aix-la-Chapelle,  et  Je  sire  de  Fau- 
quemont  à Rolduc.  Ils  espéraient  cerner  le  duc  et  lui  couper  la 
retraite,  mais  son  activité  déjoua  toutes  leurs  combinaisons.  Après 
avoir  poussé  jusqu’au  delà  de  la  Ncffelbach,  près  de  Diiren,  où  la 
fumée  des  incendies  allumés  par  ses  troupes  annonça  son  ap- 
proche à Sifroi  et  à Renaud,  Jean  Ier  battit  promptement  en  re- 


( 135  ) 

traite.  Les  deux  armées  s’attendaient  à une  bataille,  car  le  due 
avait  sous  ses  ordres,  outre  les  troupes  de  Juliers,  deux  mille 
hommes  armés  de  toutes  pièces,  mais  on  était  arrivé  au  mois  de 
janvier  1287-1288,  et  il  n'était  plus  possible,  à cause  du  froid 
excessif,  de  passer  la  nuit  au  bivouac.  Jean  Ier  ordonna  de  rentrer 
dans  Diiren,  où  les  ennemis  vinrent  assaillir  son  arrière-garde, 
qui  les  repoussa  avec  perte. 

Avec  les  premiers  beaux  jours,  les  hostilités  recommencèrenl. 
L’évèque  de  Liège  s’étant  plaint  des  attaques  du  sire  de  Fauquc- 
mont,  le  duc  se  disposa  à marcher  contre  ce  dernier,  mais  il  ne 
donna  aucune  suite  à ses  desseins,  Waleram  ayant  été  joint  par 
l’archevêque,  par  le  comte  de  Gueldre  et  par  le  sire  de  Roussy. 
Vers  cette  époque,  l’archevêque  Sifroi  attira  dans  son  alliance 
Waleram  de  Juliers,  sire  de  Berchcim  b 

Cependant,  on  proclama  une  nouvelle  trêve,  afin  de  permettre 
aux  princes  belligérants  de  préparer  une  transaction.  Une  assem- 
blée fut  convoquée  à Fauquemont.  Les  comtes  de  Gueldre,  de 
Flandre  et  de  Luxembourg,  l’archevêque,  les  sires  de  Fauque- 
mont et.  de  Roussy,  et  le  duc  de  Lorraine  s’y  rendirent,  non  pour 
se  concerter  au  sujet  de  la  paix,  mais  pour  créer  de  nouveaux 

embarras  au  duc  Jean.  Comme  nous  l’avons  dit,  le  comte  Renaud 

/ 

n’avait  que  l’usufruit  du  duché,  dont  la  nue-propriété  était  la 
véritable  cause  de  la  guerre.  Le  comte  de  Luxembourg  s’en  pré- 
tendait le  plus  proche  héritier,  le  comte  de  Berg  étant  considéré 
comme  déchu  de  ses  droits,  parce  qu’il  les  avait  aliénés  au  préju- 
dice de  sa  famille;  il  alléguait,  de  plus,  non  sans  quelque  fonde- 
ment, si  l’on  consulte  le  droit  féodal,  que  la  cession  aurait  dû  lui 
être  faite , de  préférence  à tout  thitre  2.  Mais,  à cette  dernière 
observation,  on  aurait  pu  répondre  que  le  droit  de  retrait  pouvait 
s’exercer  aussi  au  profit  du  suzerain. 

Mais  déjà  tout  était  concerté  entre  les  alliés,  « par  les  menées  de 
» la  comtesse  de  Flandre.  » Le  23  mai  1288,  le  comte  de  Gueldre 
renonça  au  Limbourg  en  faveur  du  comte  de  Luxembourg,  moyen- 

1 17  mars  1288.  Acte  daté  de  Dusseldorf.  Willems,  Van  Heelu , p.  456. 

2 G es  ta  Boëmundi  archiepisc-opi , dans  Martene  et  Durand,  Amplissima 
collectio,  t.  IV,  col.  347. 


( 1-H  ) 

liant  quarante  mille  marcs  de  deniers  brabançons,  et  sauf  Was- 
senberg  et  les  autres  terres  à la  droite  de  la  Roer,  qu’il  se  réserva. 
L’archevêque  donna  immédiatement  à l'acquéreur  l’investiture  des 
fiefs  mouvant  de  son  église,  et  tous  les  princes  présents  promi- 
rent de  le  soutenir,  contre  tous. 

Cependant  le  duc  était  arrivé  à Liège  et  y avait  vu  l'évêque. 
S’étant  rendu  à Maestricht,  il  y apprit,  avec  indignation,  les  né- 
gociations de  Fauquemont.  Aussitôt,  il  parta  la  tête  de  quinze 
cents  cavaliers  et  de  quelques  troupes  de  pied,  arrive  devant  Fau- 
quemont, le  lendemain  de  la  Pentecôte,  et  livre  à cette  ville  de  si 
furieux  assauts  qu’elle  aurait  succombé,  si  le  comte  de  Flandre 
n’était  intervenu.  Ce  prince  promit  à Jean  Ier  que  Waleram  ne 
porterait  plus  les  armes  contre  lui  dans  la  querelle  pour  le  Lim- 
bourg,  sous  peine  d’une  amende  de  quatre  mille  marcs,  dont  il 
se  constitua  garant. 

Tournant  alors  ses  armes  contre  un  ennemi  plus  redoutable, 
le  duc,  suivi  de  1 500  cavaliers,  poursuivit  Sifroi  du  côté  de  IJeyns- 
berg  et  de  Wassenberg;  de  là,  marchant  vers  l’est,  il  arriva  au 
Rhin,  dans  lequel  il  fit  boire  son  cheval,  en  témoignage  de  ce  qu’il 
avait  porté  ses  conquêtes  jusqu’à  ce  fleuve.  Ses  troupes  ravagèrent 
les  vignes  et  les  jardins  que  l’archevêque  possédait  à Brühl,  entre 
Cologne  et  Bonn,  et  lui-même  s’y  livra,  pendant  quelques  jours, 
aux  plaisirs  de  la  chasse.  Si  ce  que  l’on  raconta  plus  tard  est  vrai, 
il  fit  venir,  dans  ce  but,  sa  meute  de  Boitsfort  h 

Ce  qui  est  plus  certain,  c’est  que,  se  voyant  éloigné  de  son  pays, 
Jean  Ier  appela  à lui  de  nouvelles  bannières  d’hommes  d’armes; 
mais  bientôt  il  se  vit  renforcé  par  une  puissance  qui  n’avait  pas 
encore  pris  part  à la  guerre.  % 

Jusqu’en  1287,  les  bourgeois  de  Cologne  obéirent  fidèlement  à 
celui  qui  était  à la  fois  leur  chef  spirituel  et  leur  chef  temporel. 
Sifroi,  en  effet,  gouvernait  son  diocèse  avec  fermeté,  et  de  ma- 
nière à faire  respecter  les  droits  de  l’église  de  Cologne.  Son  in- 
tervention en  faveur  des  habitants  d’Aix  l’avait  rendu  populaire, 

1 De  Dynter,  t.  II,  p.  44t.  — Voyez  Boendale,  Brabant sche  Yeesten.  1.  IV, 
vers  1 347  et  suiv. 


( 155  ) 

et  cette  popularité  ne  souffrit  pas  d’abord  de  la  guerre  du  Lim- 
bourg,  qui  cependant  rompait  ou  du  moins  gênait  les  relations  de 
Cologne  avec  le  Brabant  et  le  pays  de  Liège,  si  heureusementTe- 
nouées  vers  l’année  1277.  Mais  l’invasion  dans  le  pays  de  Berg  lui 
aliéna  la  bourgeoisie  de  sa  capitale.  En  vertu  d’une  convention  en 
date  du  IG  novembre  1280,  et  qui  fut  renouvelée  au  bout  de  six 
ans  (le  23  novembre  1280),  ni  celle-ci,  ni  le  comte  ne  pouvaient 
tolérer  la  construction  de  forteresses  sur  les  bords  du  Bbin,  de 
Bbeindorff  à Ziidendorff.  11  y avait  là  une  garantie  sérieuse  pour 
le  maintien  de  la  paix. 

L’archevêque  prévoyait-il  une  révolte  des  Colonais?  On  doit  le 
supposer,  car,  tout  en  approuvant  l’accord  dont  nous  venons  de 
parler,  il  leur  demanda  une  promesse  de  ne  jamais  écouter  les 
conseils  de  personnes  hostiles  à lui  ou  à son  église.  Comme  on  se 
plaignait  des  tonlieux  nouveaux  qu’il  avait  établis  afin  de  pourvoir 
à ses  énormes  dépenses,  il  exempta  les  Colonais  du  tonlieu  d'An- 
dernach,  et  s’engagea  à abolir  les  impôts  de  ce  genre  récemment 
créés,  dès  que  la  guerre  contre  le  duc  de  Brabant  serait  terminée, 
il  promit,  en  outre,  de  ne  pas  organiser  de  coalition  contre  les 
habitants  de  sa  capitale,  aussi  longtemps  que  ceux-ci  n’en  organi- 
seraient pas  contre  lui  (12  juillet  1287). 

Rien  n’annonçait  donc  la  naissance  de  difficultés  sérieuses  entre 
eux,  lorsqu’un  nouvel  incident  se  produisit.  Les  Colonais  avaient 
jadis  édifié  sur  les  bords  du  Rhin,  pour  la  défense  du  pays,  la 
forteresse  de  Worinch  ou  Woeringen,  mais  cette  place  étant  de- 
venue un  refuge  de  voleurs,  ils  la  rachetèrent  de  rarchevèque , 
qui  la  détruisit,  mais  en  la  faisant  rebâtira  proximité,  dans  une 
meilleure  situation  b La  garnison  nouvelle  ayant  imité  l’exemple 
de  1 ancienne,  et  l’archevêque  se  montrant  peu  disposé  à la  punir, 
les  Colonais  se  préparèrent  à assiéger  Woeringen.  Sifroi  réunit 
une  armée  pour  défendre  la  forteresse  et  ce  fut  alors  que  les  Co- 


1 11  employa  sans  doute,  à cet  usage,  le  manoir  de  Wurrinc,  que  Gérard  de 
Juliers  vendit  au  chapitre  de  Cologne,  le  50  août  1287,  pour  la  somme  de  sept 
mille  trois  cent  vingt-cinq  marcs  de  Cologne.  Kremer,  t 111,  Urkunden, 
p.  177. 


( ««  ) 

lonais  appelèrent  à leur  secours  le  duc  de  Brabant  et  le  comte  de 
Berg  L 

D’autres  documents  contemporains,  et  en  premier  lieu  l’enquête 
ouverte  à Bonn  en  1290  -,  attestent  la  part  importante  que  la  ville 
de  Cologne  prit  dans  la  guerre.  « Les  Coloriais,  dit  l’abbé  de  Sieg- 
» berge,  ont  conçu  une  haine  mortelle  contre  leur  archevêque; 
» ils  le  craignaient,  parce  qu’il  avait  notablement  augmenté  ses 
» revenus.  Comme  ils  sont  puissants  et  qu'ils  ne  peuvent  supporter 
» de  maître,  ils  désiraient  sans  doute  l humilier.  » — « Les  bour- 
» geois,  déclare  à son  tour  Salentin  d Yscnbourg,  sont  causes  de  la 
» lutte  qui  s’est  engagée;  ils  n’ont  jamais  vécu  en  paix  avec  leurs 
» archevêques  et  ils  en  ont  fait  plus  d'un  prisonnier.  » — Mais  le 
plus  explicite  des  déposants  est  l’écolâlre  Wicboîd,  qui  plus  tard 
succéda  à Sifroi  : « Si  l’archevêque,  dit  cct  ecclésiastique,  avait 
» prévu  la  coalition  formée  entre  les  Colonais  et  le  duc,  joint  à 
» d’autres  nobles,  il  aurait  mis  obstacle  à l’arrivée  de  ceux-ci.  Mais 
» les  bourgeois , sous  prétexte  de  négocier  la  paix,  demandèrent 
» au  prélat,  en  invoquant  le  bien  de  la  patrie,  qu’il  jurât  la  paix 
» avec  le  duc,  et,  comme  Sifroi  leur  répondit  que  cela  servirait 
» à peu  de  chose,  si  le  duc  et  ses  alliés  ne  se  réconciliaient 
» d’abord  avec  lui,  ils  demandèrent,  pour  le  duc,  l’autorisation 
» devenir  â Cologne,  sans  armes  et  seulement  pour  négocier. 
» C’est,  à la  suite  de  ces  pourparlers  que  le  duc  arriva,  non  pas 
» désarmé  et  sans  suite  considérable,  mais  avec  des  troupes  nom- 
» breuses,  qui  portèrent  partout  le  ravage.  » 

Quoi  qu’il  en  soit  de  ces  détails,  dont  Wicbold  atteste  la  véra- 
cité, comme  en  ayant  été  le  témoin  oculaire  et  auriculaire  3,  le  duc 
fit  en  effet  son  entrée  dans  Cologne  et  se  coalisa  avec  les  bour- 
geois. Leurs  députés  étaient  allés  le  trouver  dans  son  camp  et 
l’avaient  requis,  en  qualité  de  gardien  de  la  paix  publique  entre  la 
Meuse  et  le  Rhin,  de  vouloir  prendre  et  détruire  Woeringen. 
D’autres  négociations  leur  avaient  encore  assuré  de  puissants  dé- 
fenseurs. Le  5 mai,  Gérard,  « noble  avoué  de  Cologne,  » leur 

1 Gesta  Trevirorum  integra  , t.  II  , p.  190. 

2 Voyez  Willems,  Van  Heelu,  p.  525. 

3 Qvod  Mis  interfuit  et  ea  au  die  il. 


( i-àl  ) 

promit  de  ne  jamais  aliéner  son  avoucrie,  de  leur  rester  fidèle, 
principalement  aux  lignages  (et précipité  progeniebus ),  comme  un 
véritable  citoyen  ; de  les  défendre,  de  faire  tout  ce  que  les  consuls 
de  la  cité  lui  ordonneraient  de  faire,  et  de  garder,  lorsqu'il  serait 
appelé  au  conseil,  les  secrets  qui  lui  seraient  confiés.  Par  contre, 
ia  ville  était  tenue  de  l’indemniser,  s’il  lui  arrivait  quelque  dom- 
mage, selon  le  dire  de  la  majorité  des  consuls,  et  on  ne  pouvait 
lui  imputer  à crime  le  tort  qu’un  de  scs  parents  pourrait  causer  à 
la  cité. 


On  voit  ici  l’influence  des  idées  communales  sur  les  vieilles  tra- 
ditions germaniques  : le  citoyen  renonce  à sa  famille  pour  se  ral- 
lier complètement  à la  commune;  le  vassal  de  l’archevêque,  le 
possesseur  d'une  des  grandes  juridictions  féodales  groupées  autour 
du  siège  métropolitain,  devient  l'ami  des  bourgeois  b La  com- 
mune, la  cité  n’est  pas  une  confédération  timide  de  serfs  à peine 
affranchis,  c'est  un  groupe  de  volontés  puissantes  et  fortes,  un 
faisceau  redoutable  de  glaives  et  de  lances.  Elle  veut  vaincre  l’ar- 


chevêque; elle  y parviendra.  Un  traité  solennel,  conclu  dans  la 
ville  même,  lui  assure  l’appui  du  duc  de  Brabant,  des  comtes  de 
Julicrs,  de  Berg,  de  la  Marck,  de  Virncnbourg , de  YVildenouwe, 
de  Waldeck,  des  seigneurs  Henri  de  YVindeek,  Jean  de  Reifïers- 
cheid,  Gerlae  de  Dollendorf,  Gérard  de  Juliers.  Bientôt  le  tocsin 
sonne,  la  milice  eolonaise  prend  les  armes,  elle  sort  de  la  ville, 
envahit  les  domaines  de  l'archevêque  et  de  la  cathédrale,  et  en- 
toure le  château  de  Woeringen,  dont  elle  ravage  les  environs 1  2. 


1 Hainm,  Rexpublka  U b io-A  gripp  inens  is , p.  74.  — Laeomblet,  t.  II,  p 409. 

2 Enquête  citée  plus  haut.  — Suivant  Van  Heelu  (I.  Il,  v.  4173),  le  duc 
campa  pendant  sept  jours  devant  le  château,  avant  d’être  rejoint  par  ses  alliés. 


( 158  ) 


CHAPITRE  VI. 

LA  BATAILLE  DE  WOERINGEN. 


I. 

A la  nouvelle  du  siège  de  Woeringen,  rarchevèque  ne  dissi- 
mula pas  sa  joie.  « Préparez-vous,  écrivit-il  à tous  ses  amis  et 
» alliés;  il  est  arrivé,  dans  notre  pays,  une  baleine  qui  nous  en- 
» richira.  Elle  s’est  tellement  avancée  dans  les  digues  qu’on  peut 
» lui  jeter  le  harpon,  mais  elle  est  si  grande  et  si  lourde  que  seul 
» je  ne  saurais  m’en  rendre  maître.  Arrivez  donc  tous  pour  en 
» prendre  votre  part  G » Ses  messagers  coururent  de  ville  en  ville, 
de  manoir  en  manoir;  comtes,  barons,  chevaliers  et  sergents, 
tous  ceux  qui  aimaient  les  hasards  de  la  guerre,  dans  la  vallée  du 
Rhin,  depuis  Strasbourg  jusqu'à  la  Gueldre,  répondirent  à son 
appel;  avides  de  gloire  et  de  butin,  ils  ne  prévoyaient  pas  le  triste 
sort  qui  était  réservé  à la  majeure  partie  d’entre  eux. 

Bientôt  une  armée  formidable  se  rassembla  autour  du  prélat, 
près  de  Neuss.  Le  comte  de  Gueldre  appela  sous  sa  bannière  ses 
plus  braves  chevaliers.  Les  princes  de  la  famille  de  Limbourg  se 
présentèrent  aussi  avec  de  grandes  forces,  bien  que  le  comte  de 
Luxembourg  ne  fût  pas  accompagné  par  plusieurs  de  ses  princi- 
paux vassaux  : le  sire  de  Durbuy,  son  oncle;  le  comte  de  Looz  et 
Ghini,  et  celui  de  Vianden , qui  figuraient  dans  les  rangs  de  l’armée 
ennemie.  Mais  , si  le  contingent  des  princes  limbourgeois  était 

1 Van  Heelu,  î.  II,  vers  4195  et  suivants.  — Pour  tout  ce  chapitre,  nous  sui- 
vrons surtout  cet  écrivain,  en  évitant  d’ajouter  à sa  narration  les  broderies 
dont  on  l’a  ornée  plus  tard. 


( 159  ) 

numériquement  faible,  la  valeur  des  princes  qui  le  commandaient 
le  rendait  redoutable. 

L'archevêque  et  le  comte  Renaud  convinrent  d’abord  de  se 
poster  entre  la  cité  de  Cologne  et  les  ennemis,  afin  d’empêcher 
ceux-ci  de  recevoir  des  convois  de  vivres.  Pour  livrer  bataille,  ils 
voulaient  attendre  jusqu’au  mardi,  8 juin  1288,  l’arrivée  des 
milices  de  Bonn,  d’Andernach  et  des  autres  villes  de  l’archevêché. 
Mais  l’excès  de  leur  animosité  leur  fit  trouver  ce  délai  trop  long;  ils 
se  décidèrent  à combattre  le  samedi,  5 h Si  l’on  en  croit  un  docu- 
ment à peu  près  contemporain 1  2 3,  le  comte  de  Luxembourg  aurait 
été  la  cause  de  la  précipitation  funeste  avec  laquelle  s’engagea  la 
bataille.  Sifroi  était  prêt  à céder  aux  instances  de  ses  vassaux  qui 
lui  remontraient  la  sainteté  du  samedi,  jour  spécialement  con- 
sacré à la  Vierge , et  la  nécessité  d’attendre  des  renforts.  Il  allait 
donner  des  ordres  en  conséquence,  lorsque  le  comte  s’écria  : 
« Nous  ne  combattrons  donc  pas,  par  la  faute  de  ce  clerc  timoré! 
» — Ma  clergie  5,  répartit  le  prélat  en  s’adressant  aux  siens,  est 
» plus  célèbre  dans  les  camps  que  sa  chevalerie.  » Puis,  à ses  or- 
dres, tout  s’anime  dans  le  camp  : les  trompettes,  les  flûtes,  les 
tambours  se  font  entendre;  les  cris,  les  appels  se  croisent. 

Le  samedi  matin,  jour  de  saint  Boniface,  l’archevêque  ayant 
célébré  la  messe  dans  l’église  abbatiale  des  bénédictins  de  Brau- 
weiler  j adressa  aux  siens  une  exhortation  pour  les  encourager  à 
combattre  : « Les  ennemis,  dit-il,  sont  loin  de  leur  pays,  et  d’ail  - 
» leurs,  ne  sommes-nous  pas  trois  contre  un.  Pour  moi,  ajouta- 
» t-il,  je  ne  demande  que  d’avoir  le  duc  pour  prisonnier.  — 
» Non,  acclamèrent  à la  fois  les  princes  de  la  maison  de  Limbourg, 
» vous  ne  le  retiendrez  pas;  il  doit  mourir,  cet  usurpateur,  qui 
» cherche  à nous  dépouiller  de  notre  héritage.  — Faites-en  donc 
» ce  que  vous  voudrez,  répartit  Sifroi;  en  attendant,  préparez- 
» vous  au  combat  avec  allégresse.  » L’archevêque  excommunia  le 
duc  et  les  siens  et  donna  à son  armée  un  pardon  général.  Puis  ses 

1 Chronicon  comitum  de  Marka. 

2 Gesta  Trevirorum  integra,  t.  II, p.  191. 

3 Nous  ne  pouvons  traduire  autrement  le  mot  clericatura. 


( 160  ) 

soldats  s’avancèrent  en  ordre  de  bataille  vers  Woeringen.  L’ar- 
clievêque  et  son  frère,  Henri,  sire  de  Westerbourg,  dirigeaient  la 
droite,  qui  s’appuyait  au  Rhin;  le  comte  de  Luxembourg,  son 
frère  Waleram  et  le  sire  de  Fauquemont  conduisaient  le  centre; 
quant  à la  gauche,  elle  s’étendait  dans  la  plaine,  sous  les  ordres  du 
comte  de  Gueldre.  Cette  armée  traînait  à sa  suite,  dit  Van  Heelu, 
des  chariots  chargés  de  chaînes  et  de  cordes,  afin  de  lier  des  en- 
nemis qu’elle  croyait  déjà  vaincus. 

De  son  coté,  Jean  Ier  n’était  pas  resté  inactif.  Averti  par  ses 
espions  du  mouvement  qui  se  manifestait  dans  le  camp  ennemi, 
il  prit  immédiatement  ses  mesures.  Dès  avant  l’aube,  ses  trom- 
pettes appelèrent  les  Brabançons  aux  armes.  Il  fit  également  dire 
la  messe  par  les  prêtres  qui  l’accompagnaient,  puis  il  se  mit  en 
marche.  Après  avoir  passé  un  ruisseau,  il  arriva  dans  la  bruyère 
dite  Failli ngerheyd , à une  lieue  de  l'abbaye  de  Brauweiler,  où  les 
guerriers  du  comte  de  Berg  et  de  la  ville  de  Cologne  avaient  passé 
la  nuit.  Chaque  troupe  n’occupait  pas  encore  le  poste  où  elle  devait 
combattre,  lorsqu’un  cri  s’éleva  : « Armez-vous,  armez-vous,  les 
» ennemis  s'avancent.  » 

Le  duc  et  son  frère  Godefroi  se  placèrent  au  centre.  Non  loin 
de  lui  se  rangèrent  Hugues  et  Guy  de  Châtillon , fils  du  comte  de 
Saint-Pol;  mais,  comme  ils  n’avaient  amené  de  France  qu’une 
dizaine  de  gentilshommes  le  due  mit  sous  leurs  ordres  deux 
bannières,  celle  de  Rase  de  Gavre,  seigneur  de  Liedekerke  et  de 
Bréda,  et  celle  de  Jodoigne,  que  commandait  le  bailli  de  celle 
ville.  Aux  côtés  de  Rase  on  remarquait  scs  trois  lils,  Rase,  Philippe 
et  Siger,  et  trois  barons  de  marque  : Jean  Berthout  dit  de  Berîaer, 
Jean  de  Gramines,  sire  d’Escornaix,  et  Walter  d’Antoing,  seigneur 
de  Bélone. 

Le  duc  retint  près  de  lui,  pour  sa  garde,  Walter  de  Warfusée, 
sire  de  Monial,  et  le  bâtard  de  Wesemael,  qui  depuis  quarante 
années,  était  regardé  comme  le  premier  des  guerriers  brabançons. 
11  confia  l’étendard  ducal  à Rase,  sire  de  Grez,  que  deux  écuyers, 

1 Quelques  auteurs  prétendent  à tort  qu’un  grand  nombre  de  Français 
combattirent  à Woeringen.  Ernst,  /.  c.,  p.  491 , note  1. 


( 161  ) 


.Nicolas  Van  Uden  et  Walter  de  la  Chapelle,  aidaient  à porter  ce 
précieux  fardeau.  Sept  des  principaux  barons  du  Brabant  : Walter 
Bcrthout,  sire  de  Malines;  Arnoul,  sire  de  Wesemael,  maréchal 
de  Brabant;  Arnoul,  sire  de  Diest;  Thicrri,  sire  de  Walcourt  et 
d’Aa;  Godefroid,  comte  de  Vianden,  seigneur  de  Grimberghe  et  de 
Perwez  ; Gérard  de  Wesemael , sire  de  Berghes  ou  Berg-op-Zoom , 
et  Jean,  sire  de  Cuyek,  avaient  chacun  sous  leurs  ordres  une 
bannière,  accompagnée  de  nombreux  parents,  amis  ou  vassaux. 
Ainsi  Berthout  avait  à sa  suite  son  oncle  Gilles,  seigneur  de  llum- 
beek;  Gérard,  sire  de  Rotselacr,  sénéchal  du  Brabant;  Arnoul, 
sire  de  Walhain,  et  les  lils  de  ce  dernier,  nommés  Godefroid  et 
Olhon.  Sous  la  bannière  de  Vianden  marchait  un  autre  chevalier 
banneret,  Robert  de  Grimberghe,  sire  d’Assche,  et,  près  du  sire 
de  Cuyek,  deux  puissants  barons  : Jean,  sire  d Arckel,  et  Jean, 
sire  de  Heusden,  ainsi  que  quelques  autres  chevaliers  de  renom, 
dirigeaient  une  vaillante  troupe  de  guerriers  hollandais.  Jean 
Tristan  de  Louvain  étant  encore  trop  jeune  pour  prendre  les 
armes,  on  avait  confié  la  bannière  de  Gaesbeek  au  bailli  de  cette 


seigneurie,  Guillaume  Pipenpoy,  et,  à cause  de  l’absence 
Walter,  sire  d’Enghien,  ses  leudataires  suivaient  au  combat 


de 

sire 


Etienne  d’Ittre. 


Chaque  ville  ou  quartier  du  Brabant  avait  fourni  un  contin- 
gent de  guerriers  indépendant  de  celui  des  grandes  seigneuries. 
Celui  de  Louvain  n’est  pas  mentionné  par  Van  Ileelu  ; mais,  selon 
toute  apparence,  il  était  rangé  à l'entour  du  duc.  Celui  de  Bruxelles 
reconnaissait  pour  chef  Taminan  de  cette  ville,  Arnoul  d’Yssche, 
remplaçant  le  châtelain  Gérard  de  Marbais,  qui  n’avait  pas  atteint 
sa  majorité.  Gilles  Vandenbergen,  maire  de  Tirleinont;  le  bailli 
de  Jodoigne,  Guillaume  de  Lierre,  écoutète  d’Anvers,  et  René  de 
Visé,  châtelain  deDaelhcin,  marchaient  en  tète  des  guerriers  de 
leurs  juridictions.  Les  nombreux  vassaux  du  chapitre  de  Nivelles 
se  groupaient  autour  du  prévôt  de  ce  corps  ecclésiastique,  Gérard 
de  Louvain,  oncle  de  Y enfant  de  Gaesbeek . Enfin,  au  corps  com- 
mandé par  le  duc  . ? joignirent  deux  bannières  composées  de 
guerriers  limbourgcois  de  son  parti  : les  Mulrepas  et  les  Witthem. 

Le  second  corps  brabançon,  la  droite  de  l’armée  du  duc,  était 
Tome  XIII.  Il 


( i63  ) 

dirigé  par  les  comtes  de  Looz,  de  Juliers,  de  Virnem bourg;  le 
comte  de  Wildenomve  ; Gérard  de  Juliers,  sire  de  Castre  ; Frédéric 
de  Ryferscheyt,  Jean  de  Bidbourg,  son  fils;  Jean  Scheiffaert  de 
Mérode,  drossard  de  Juliers;  le  sire  de  Wildenberge,  Herman  de 
Thonenborch,  Gérard  de  Dollendorp, le  sire  de  Gripbensteyne,  etc. 

Dans  le  troisième,  à la  gauche,  on  remarquait  Adolphe,  comte 
de  Berg;  son  frère  Ilenri,  sire  de  Windeck;  les  comtes  Everard  de 
la  Marck,  Simon  de  Tecklembourg,  Othon  de  Waldeck;  le  comte 
de  Segenhage.  Avec  eux  marchaient  les  bourgeois  de  Cologne  et 
une  troupe  nombreuse  de  paysans  du  comté  de  Berg. 

On  a fort  diversement  évalué  la  force  respective  des  deux  armées. 
Elles  comptaient  ensemble,  selon  Fauteur  des  Gesta  des  arche- 
vêques de  Trêves,  cent  mille  hommes;  selon  Pontanus  4,  vingt 
mille  combattants,  dont  quatre  mille  cavaliers.  Selon  Villani,  il  ne 
s’y  trouvait  que  des  chevaliers,  dent  quinze  cents  du  côté  du  duc 
et  treize  cents  du  côté  des  alliés.  Mais  cette  assertion  de  1 histo- 
rien florentin  est  complètement  erronée.  Les  Brabançons  étaient 
certainement  plus  faibles  en  cavalerie  que  leurs  ennemis;  ils 
avaient.  Van  Heelu  l’atteste  de  la  manière  la  plus  formelle,  onze 
cents  ou  douze  cents  heaumes  ou  casques  de  moins  -;  or,  si  l’on 
en  croit  une  ancienne  petite  chronique  colonaise 1 2  3,  les  alliés  comp- 
taient trois  mille  six  cents  cavaliers;  mais  cet  avantage  était  com- 
pensé par  la  supériorité  numérique  de  l’infanterie  ennemie.  On 
serait  donc  dans  le  vrai  en  donnant  aux  Brabançons  deux  mille 
quatre  cents  cavaliers  et  trois  mille  six  cents  à quatre  mille  fan- 

1 Pontanus,  Historia  Gelriae , p.  165. 

2 Voyez,  pour  le  chilïre  de  douze  cents  heaumes,  Van  Heelu,  vers  4512; 
ailleurs  cet  auteur  parle  de  onze  cents  heaumes,  vers  5252. 

5 Wurdtwein,  dans  les  Nova  subsidia  diplomatica,  t.  XIII , p.  555,  cité  par 
Ernst,  t.  IV,  p.  490,  note  2 Selon  Hocsem,  c.  XVI,  les  Brabançons  auraient 
. été  inférieurs  d’un  tiers,  mais  peut-être  Hocsem  ne  veut-il  parler  que  de  la 
cavalerie.  Dire  avec  d’autres  ( Magnum  chronicon  Belgicum,  p.  281  ; Chro- 
nicon  anonymi  dans  Matthæus , p.  45)  que  les  alliés  étaient  dix  contre  un,  me 
semble  insoutenable.  Hocsem,  dont  la  véracité  pourrait  difficilement  être  con- 
testée, n’évalue  qu’à  un  tiers  la  supériorité  de  l’armée  coalisée  (Chapeauville, 
t.  II,  p.  318).  — Nous  avons  dit  plus  haut  que,  au  commencement  de  la  cam- 
pagne, Jean  Ier  n’était  suivi  que  de  quinze  cents  cavaliers. 


( 165  ) 

lassins;  à 1 autre  armée,  trois  mille  six  cents  cavaliers  et  environ 
trois  mille  hommes  de  pied.  Nous  n’élevons  pas  très-haut  le  chiffre 
de  ces  derniers,  car  le  rôle  de  linfanterie  n’était  alors  que  secon- 
daire, et  l’on  peut  croire  que  Jean  Ier  n’en  avait  guère  amené  avec 
lui,  dans  son  expédition  si  lontaine.  Celle  qu’il  avait  dans  son 
armée  se  trouvait  sans  doute,  pour  une  très-grande  partie,  à son 
aile  gauche.  Là  seulement,  l’infanterie  se  montra  agissante. 

Avant  de  commencer  la  bataille,  Jean  Ier  arma  chevaliers  un 
grand  nombre  des  siens  : Henri  Berthout  dit  Bebbeken,  le  jeune; 
Gérard  de  Jauche,  Louis  Berthout,  Arnoul  de  Steine,  Henri,  fils 
de  Jean  de  Cuyck;  Guillaume  de  Bornes,  Guillaume  de  Berchem  , 
Nicolas  de  Doernc  ou  Deurne,  Jacques  de  Merlaer,  Gosuin  de  Goid- 
senhoven,  le  chambellan  de  Heverlé,  Godefroid  de  Walhain,  Gé- 
rard d’Aa  , sire  de  Pollaer;  Gérard  de  Rotselaer,  sire  de  Vorselaer; 
Laurent  Volcaert,  Thierri  de  Berlaer,  Guillaume  de  Boecstele  ou 
Boxtel,  Henri  de  Wilre,  Arnoul  de  Iiellebeke,  Henri  Happaert  de 
Quaderebbe  ou  Querbs,  Bernard  de  Bigard,  Jacques  de  Velpe, 
Herman  de  Bonsbeke  ou  Bunsbeke,  le  sergent  Hugues  Van  Mer- 
lant,  Heynman  Van  Sorpele,  Arnoul  de  Kercheem,  Jacques  d’Er- 
renberghe,  Lambert  de  Linter,  Conoy  ou  Conon  de  Grasen  et 
Godefroid  de  Win  de  l. 

Van  Ileelu  2 place  en  cet  endroit,  dans  la  bouche  de  son  héros, 
une  belle  harangue.  Quoique  notre  opinion,  ou,  pour  mieux  dire, 
l’opinion  générale  rejette  comme  apocryphes  les  discours  pro- 
noncés pendant  un  combat,  nous  la  donnerons  ici,  afin  de  mettre 
sous  les  yeux  du  lecteur  un  exemple  du  style  du  vieux  poète,  chez 
qui  on  rencontre  souvent  de  l’élévation,  de  l’énergie,  du  senti- 
ment : « Songez,  dit  le  duc,  à la  valeur  de  vos  ancêtres.  Jamais 
» on  ne  les  a vus  reculer  ni  abandonner  leurs  drapeaux.  Si  vous 
» les  imitez,  nous  en  retirerons  grand  honneur.  Souvent,  sei- 
» gneurs  et  chers  amis,  vous  m’avez  bien  servi,  mais  aujourd'hui 
» c’est  plus  nécessaire  que  jamais.  Ou  je  resterai  mort,  ici,  ou  je 

1 M.  Willems,  YanHeelu,  pp.  513  et  suivantes,  a rétabli  la  plupart  des 
noms  de  famille  cités  par  l’auteur  qu’il  a publié. 

2 Vers  4700  et  suivants. 


( 104  ) 

» remporterai  une  victoire  glorieuse.  Dieu  en  est  témoin;  je  ne 
» suis  venu  en  ce  pays  que  pour  rétablir  la  paix.  Aussi  nous  pro* 
» tégera-t-il.  J irai  moi-même  en  avant,  car  je  suis  mieux  monté 
» que  vous.  Restez  tous  à mes  côtés,  pauvres  et  riches,  si  ferme- 
» ment  et  si  vaillamment,  que  l’on  ne  puisse  m’attaquer  par  der- 
» rière  ou  sur  les  côtés.  Quant  à ceux  qui  arriveront  par  devant, 
» je  me  charge  de  les  repousser.  Et  si  vous  me  voyez  me  rendre 
» ou  fuir,  frappez-moi  vous-mêmes.  » 

Pendant  que  les  deux  armées  achevaient  de  se  ranger  en  ba- 
taille, des  chevaliers  de  l’ordre  Teutonique  et  d’autres  religieux 
essayèrent  d’empêcher  qu’on  en  vînt  aux  mains;  mais  leur  inter- 
vention n’eut  aucun  succès,  tant  les  Brabançons  et  leurs  ennemis 
avaient  bâte  de  combattre. 


II. 

Le  duc  était  placé  sur  une  colline,  ayant  son  front  protégé  par 
un  marais  (broec);  quant  aux  ennemis,  il  fallait  passer  un  chemin 
bordé  de  deux  larges  fossés  remplis  d’eau,  pour  parvenir  jusqu'à 
eux.  L’archevêque  et  les  siens,  en  suivant  la  rive  du  Rhin,  diri- 
gèrent contre  le  comte  de  Berg  une  première  attaque,  qui  réussit  É 
Le  duc,  voyant  ses  alliés  en  danger,  conduisit  son  corps  de  ce 
côté,  malgré  les  observations  du  comte  de  Virnembourg,  à qui  il 
avait  confié  le  commandement  général  de  ses  troupes.  Ce  mouve- 
ment aurait  pu  avoir  des  suites  fâcheuses,  si  les  alliés  n’avaient 
commis  une  faute  bien  plus  grave.  L’archevêque,  changeant  de 
direction,  alla  à la  rencontre  du  centre  des  Brabançons,  et  ce 
mouvement  fut  imité  par  le  comte  de  Gueldre,  de  telle  sorte  que 
les  trois  corps  ennemis  ne  tardèrent  pas  à se  rejoindre  et  à se 
confondre  en  une  seule  colonne. 

* Le  comte  de  Luxembourg  s’aperçut  aussitôt  de  la  difficulté  que 
l’on  rencontrerait  pour  diriger  cette  cohue,  et  deux  de  ses  cheva- 
liers les  plus  expérimentés  : Herman  de  Haddcmale  et  Barrot  (ou 
Baré,  Beroald)  de  Halloy,  lui  conseillèrent  de  se  retirer  de  la  mêlée 

* Voyez  les  G es  ta  Trevirorum  integra,  1.  c 


( 103  ) 

et  de  former  un  corps  particulier  de  ceux  qui  voudraient  le  suivre; 
mais  cet  avis  ne  fut  pas  adopté,  probablement  faute  de  temps. 
Quant  aux  Brabançons,  ils  conservèrent  leur  disposition  primitive, 
à la  recommandation  expresse  du  bâtard  de  Wesemael.  Le  sire 
de  Liedekerke  engagea  ses  compagnons  d’armes  à s’étendre,  de 
manière  à empêcher  les  ennemis  de  les  entourer;  mais  le  cheva- 
lier Libert  de  Dormael  les  en  détourna  et  enjoignit  énergiquement 
de  se  tenir  serrés,  autant  que  possible. 

Les  premiers  Brabançons  qui  s’élancèrent  dans  les  rangs  des 
alliés  furent  Frambach  Von  Birgeîen,  Arnoul  d Yssche  et  le  clerc 
Arnoul,  frère  du  sire  de  Heusden.  De  l’autre  côté,  les  Limbour- 
geois  s’écrièrent  avec  force  : « Au  duc,  au  duc;  » tous  aussitôt,  dans 
l’armée  ennemie,  répètent:  « Tous,  au  due  de  Brabant.  » Leurs 
escadrons  chargèrent  avec  une  telle  vigueur,  que  les  Brabançons 
reculèrent  l 2,  mais  en  se  maintenant  si  bien  en  ligne  qu’ils  parais- 
saient un  rempart  bâti  d'hommes.  Un  petit  corps  formé  des  ban- 
nières de  Cuyck,  de  Heusden  et  d’Arckel,  et  placé  à une  des 
ailes  du  centre,  faillit  être  séparé  et  accablé,  mais  il  lui  arriva  des 
renforts,  qui  lui  permirent  de  résister. 

Le  comte  de  Luxembourg  avait  hâte  d’assaillir  le  duc,  mais  il 
trouva,  sur  son  chemin,  tant  de  rencontres,  qu’il  n’arriva  que 
difficilement  jusqu’à  lui.  Il  eut  à repousser  le  vaillant  seigneur  de 
Woude  ou  de  Bréda,  Gérard  de  Wesemael,  qui  avait  pénétré,  à 
peine  suivi  de  quelques  guerriers,  et  notamment  de  Guillaume 
Pipenpoy  et  de  Gilles  de  Busegem,  jusqu’au  milieu  des  rangs  des 
vaillants  enfants  de  l’Oesseninc  â.  Voyant  Gérard  démonté,  le 
comte  cria  avec  force,  en  wallon  : « tuwe  chi  chevalier  die  Wesc- 
mael  » (tuez  ce  chevalier  de  Wesemael),  mais  le  Brabançon  et  les 
siens  résistèrent  et  parvinrent  à rejoindre  leurs  camarades.  En 
ce  moment  le  cheval  du  comte  reçut  de  Godefroid  de  Brabant 
lin  si  terrible  coup  de  masse  d’armes,  qu’il  s’effraya  et  emporta 
au  loin  son  maître.  A la  prière  de  Henri,  son  écuyer,  Guillaume 
l’Ardenois,  sire  de  Spontin,  le  conduisit  à l’endroit  où  Jean  Ier  si- 

1 D’un  jet  de  pierre , disent  les  Gesta  Trevirorum  integra  , 1.  c. 

2 C’est  ainsi  qu’on  appelait  alors  l’Àrdenne.  Voyez  Van  Heelp,  passim. 


( IGG  ) 

gnalait  son  courage.  Les  deux  princes  combattirent,  quelque  temps  ; 
nuis,  abandonnant  leurs  épées,  s’enlacèrent  pour  s’arracher  de 
cheval.  Mais  la  mêlée  était  si  grande  qu’ils  furent  forcés  de  lâcher 
prise.  En  ce  moment,  le  duc  fut  blessé  au  bras  par  Walter  de  Wes 
ou  Wcz,  écuyer  qui  fut  ensuite  fait  prisonnier.  Le  seigneur  de 
Roussy,  qui  suivait  partout  son  frère,  tomba  mortellement  frappé, 
et  sire  Bérot  de  Halloy,  que  le  comte  de  Luxembourg  envoyait 
pour  le  dégager,  fut  lui-même  pris,  après  avoir  reçu  une  blessure 
dont  il  ne  guérit  jamais. 

Henri  de  Luxembourg,  exaspéré,  s’élança  en  avant  avec  une 
nouvelle  furie.  Un  de  ses  sergents  tua  le  cheval  du  duc,  et  la  ban- 
nière de  Brabant  tomba,  le  cheval  que  montait  Rase  de  Grez  ayant 
été  frappé  à mort.  Cet  incident  jeta  un  instant  la  consternation 
dans  l’armée  brabançonne;  les  ménestrels  n’apercevant  plus  le 
souverain  du  duché,  cessèrent  de  jouer  de  leurs  instruments.  Mais 
bientôt  leurs  accents  retentirent  avec  plus  d’énergie;  Nicolas 
d’Uden  et  Walter  de  la  Chapelle  avaient  relevé  l'étendard  ducal , 
et  Jean  Ier,  monté  sur  un  autre  coursier,  jetait  derechef  la  terreur 
dans  les  rangs  ennemis.  Cependant,  son  cheval  fut  encore  une  fois 
tué;  les  siens  le  relevèrent  de  nouveau,  et  un  sergent  louvaniste, 
Arnoul,  fils  de  Godefroid  Vanderhofstadt  *,  lui  présenta  le  cour- 
sier qu’il  montait.  Alors,  à peine  suivi  d’une  vingtaine  d hommes, 
il  se  précipita  sur  ceux  qui  portaient  la  bannière  de  Luxembourg, 
qu’il  arracha  et  foula  aux  pieds.  Le  comte  Henri  étant  accouru, 
tous  deux  se  frappèrent  rudement.  L’écuyer  de  Jean  Ier,  Meer- 
beke  2,  blessa  grièvement  le  cheval  du  comte,  et  aurait  tué  ce  prince, 
s’il  n’en  avait  été  empêché  par  Guillaume  l’Ardenois.  Sans  perdre 

1 II  mourut  à la  bataille  des  Éperons  d’or.  Willems,  VanHeelu,  p.  214. 

2 Ainsi  que  je  l’ai  conjecturé  ailleurs  ( Histoire  des  environs  de  Bruxelles, 
t.  II,  p.  756)  ce  Meerbeke  n’est  autre  sans  doute  que  Goly  de  Meerbeke, 
dont  le  fils , appelé  Jean,  reçut  en  don  d’un  duc  de  Brabant,  nommé  Jean, 
vers  l’an  1290  ou  1300,  le  tonlieu  qui  se  levait  à Boort-Meerbeek.  Un  autre 
Meerbeke,  appelé  Henri,  occupa  sous  le  règne  de  Jean  Ier  des  fonctions  im- 
portantes. En  1279,  le  samedi  après  l’Ascension , il  se  qualifie  de  justicier  de  la 
ville  de  Malines,  dans  une  donation  à l’abbaye  de  Parc  des  fiefs  de  sire  Jean 
d’Aerschot,  à Vlasselaer.  Il  fut  ensuite  bailli  de  Jodoigne.  mais  ne  l’était  plus 
en  1296.  Car tul aire  de  Parc-les-Dames. 


( 167  ) 

courage,  Henri  se  jeta  au  cou  du  duc  et  voulut,  à force  de  bras, 
l’enlever  de  sa  selle;  mais,  au  moment  où  il  se  levait,  le  chevalier 
Walter  Vanden  Bisdomme  le  tua,  en  lui  enfonçant  son  épée  dans 
le  fondement l. 

Selon  Vandendamme  2,  le  due  , désolé  de  la  mort  de  son  vaillant 
adversaire,  aurait  crié  à Walter  : « Qu’as-tu  fait,  tu  as  tué  le  meil- 
» leur  chevalier  de  la  journée?  » et  Walter  se  serait  excusé  sur  le 
danger  où  il  avait  vu  son  prince.  Avec  Henri  périrent  deux  de  ses 
frères  naturels  : Henri,  sire  de  Houffalize,  et  Baudouin,  ainsi  que 
plusieurs  chevaliers  de  marque. 

L’archevêque  avait,  sans  obtenir  de  succès , assailli  le  sire  d’Aer- 
schot  et  les  enfants  de  Saint-Pol  3,  lorsqu’une  diversion  inattendue 
mit  le  désordre  dans  sa  troupe.  A la  suite  du  comte  de  Berg  mar- 
chaient un  grand  nombre  de  paysans,  qui  n’avaient  pour  armes 
que  des  massues  à pointes  de  fer  et  dont  le  corps  n’était  protégé 
que  par  des  pourpoints  ( wambeys ) et  des  backeneel.  Avec  eux  mar- 
chaient les  Colonais,  « dans  les  rangs  desquels  resplendissaient  les 
» hauberts  et  les  épées.  » Cette  infanterie  ne  se  pressa  pas  d’entrer 
en  lice  avec  la  brillante  chevalerie  du  prélat;  elle  semble  n’être 
arrivée,  au  moins  en  partie,  que  vers  les  trois  heures;  alors  elle 
commença  une  attaque  de  flanc  qui  décida  du  sort  de  la  journée. 

Animée  par  un  religieux,  Walter  Dodden,  elle  marcha  à l’en- 
nemi aux  cris  de  : Hija , Berge , Romerike ; Hya,  gloire  à Berg. 

1 Albert  Mussati , le  biographe  du  fils  du  comte  Henri , l’empereur  Henri  Vil , 
est  tout  à fait  dans  l’erreur,  lorsqu’il  nous  montre  le  comte  offrant  en  vain 
une  grosse  rançon  , tué  sans  miséricorde,  puis  jeté  dans  une  rivière.  Voyez 
Reuber,  Scriptores  rerum  Germanicarum , éd.  de  1729,  p.  844,  etMuratori, 
Herum  Italicarum  scriptores,  t.  X,  p.  40.  Nous  avons  publié  ( Histoire  des 
environs  de  Bruxelles , t.  III,  p.  342),  mais  en  y signalant  un  manque  évi- 
dent d’authenticité,  une  charte  de  Jean  Iir,  autorisant  Jean  Vanden  Bisdomme 
à construire  un  moulin  à Watermael , et  cela  en  récompense  des  services  que 
ses  ancêtres  avaient  rendus.  L’acte  est  daté  de  Tcrvueren  et  de  l’année  1281. 
Or,  ce  ne  fut  que  plus  tard  que  les  Vanden  Bisdomme  acquirent  la  seigneurie 
de  Schoonenberghe , à Watermael 

2 Dans  Willems,  VanHeelu,  p.  218. 

3 En  l’apercevant , Guy  de  Saint-Pol  s’écria  : Tuioe , tuwe  li  fans  prester. 
Van  Heelu,  vers  6044  et  suiv. 


( 168  ) 

Elle  massacra  d’abord  tout  ce  qu  elle  rencontra,  amis  ou  ennemis; 
mais  un  valet  du  duc  de  Brabant,  Battelc,  qu  elle  avait  failli  tuer, la 
rallia  et  lui  lit  passer  un  fossé;  alors,  abordant  par  derrière  les  vas- 
saux de  Farebevèquc,  les  entourant  comme  d’une  vaste  ceinture, 
elle  les  mit  complètement  en  déroute.  Franc  de  Corsselaer,  châte- 
lain de  Wassenberg,  prit  la  fuite  avec  les  siens;  les  gens  de  Heyns- 
berg,  dont  le  seigneur  n’avait  pas  voulu  répondre  à l’appel  de 
Sifroi,  parce  qu’il  était  vassal  et  parent  de  Jean  Ier,  en  firent  au- 
tant. L’arehevcquc,  craignant  de  tomber  entre  les  mains  des  Co- 
lonais,  cria  au  comte  d’Aerschot  qu'il  se  rendait  ; mais,  se  voyant 
séparé  de  lui  par  un  grand  nombre  d’hommes  et  de  chevaux,  il 
dut  remettre  son  épée  au  comte  de  Berg;  celui-ci  le  lit  aussitôt 
conduire  au  delà  du  Rhin,  à Mulheim  J,  après  avoir  promis  à Go- 
defroid  de  Brabant  et  aux  Saint- Pol  qu’il  ne  le  mettrait  pas  en  li- 
berté sans  l’assentiment  du  duc,  des  Colonais  et  de  ses  autres  alliés. 

On  conduisait  sur  un  grand  chariot  l’étendard  du  prélat,  en- 
touré d une  galerie  de  bois,  à créneaux,  semblable  à celles  dont 
on  garnissait  les  tours.  De  forts  chevaux  traînaient  ce  chariot,  et, 
quand  on  en  arrêtait  la  marche,  trois  poutres,  attachées  par  de 
gros  anneaux  et  que  l’on  fichait  en  terre,  le  rivaient  solidement 
au  sol.  Des  paysans  à peine  armés  assaillirent  cette  forteresse 
mouvante,  l’entamèrent  avec  leurs  haches  et  leurs  glaives,  tuèrent 
ceux  des  gardiens  qui  voulurent  résister,  et  s’emparèrent  de  l’éten- 
tard 1  2,  dont  la  destruction  fut  un  nouveau  sujet  de  désolation  pour 
une  armée  déjà  cruellement  éprouvée  3. 

1 Ou  à Novnm  castrum  (Newerburcb) , selon  l’enquête  contre  les  Colonais. 
Voyez  Willems,  Van  Heelu,  p.  525. 

2 Van  Heelu,  I.  II , vers  61 40  Voici  deux  passages  curieux  sur  l’importance 
de  la  diversion  opérée  par  les  paysans  et  les  Colonais  : Cornes  de  Monte,  iner- 

mibus  cum  suis  rustieis  in  vulgo  Kempen  appellatis , archiepiscopi  et 

Henrici  partes  infirmavit , separavit , dissipavit  totaliter  et  prost ravit  (Gesta 
Treviroriîm  integra). 

....  Cum  usque  horam  nonam  strenuissime  dimicassent , nec  percepi  po- 
tuisset  quae  pars  potior  videretur , supervenientibus  etiam  qui  de  Col  onia 
duci  auxilium  ei  spoponderunt , dux  ab  h os  te  triumphat  (Hoesem). 

3 La  chronicon  comitum  de  Marka  attribue  cette  destruction  à des  gar- 
siones  mermes  du  comte  de  la  Marek. 


( 160  ) 

A Vautre  aile,  le  comte  de  Gueldre  n’avait  cessé  de  lutter,  et 
parmi  les  siens,  Gosuin  de  Wasscnberg,  sire  de  Born,  signalait  sa 
valeur.  Mais  un  des  bâtards  de  Gosuin,  qui  portait  sa  bannière, 
fut  tué,  et  son  fils  aîné  Gérard  fut  pris.  Quant  à lui,  sa  valeur 
était  si  connue,  que  personne  ne  voulait  le  frapper.  Par  malheur, 
en  se  retirant,  il  rencontra  une  troupe  de  paysans  d’Outre-Rhin , 
qui  l’accablèrent  de  coups  de  bâton , au  point  qu’il  en  eut  le  bras 
cassé  et  le  corps  tout  froissé.  Son  cheval,  qui  était  blessé,  le  con- 
duisit loin  du  champ  de  bataille,  et  tomba  mort.  Le  sire  de 
Born,  gisant  mourant  à terre,  fut  reconnu  par  un  autre  de  ses 
fils,  devenu  frère  mineur,  à qui  il  cria  de  le  reconduire  à l’en- 
nemi; on  n'eut  garde  de  se  rendre  à ses  désirs  et  on  l’écarta  du 
danger. 

Dès  le  commencement  de  la  bataille,  une  partie  des  Gueldrois, 
au  lieu  de  se  joindre  à leurs  camarades  pour  accabler  les  Braban- 
çons, coururent  aux  tentes  du  duc  et  les  pillèrent.  En  voyant  le 
combat  changé  de  face,  iis  craignirent  de  perdre  le  riche  butin 
qu’ils  avaient  recueilli  et  prirent  honteusement  la  fuite.  De  ce 
nombre  furent  le  sire  de  Keppel  et  René  Die  Eesele,  drossard  de 
Gueldre,  dont  la  lâche  conduite  est  justement  stygmatisée  par 
Van  Heelu  h 

Lecomte  Renaud  ne  se  décourageait  pas,  quoique  sa  bannière, 
que  portait  le  chevalier  Arnoul  de  Gravenrodc,  fut  renversée,  et 
lui-même  démonté;  il  n’avait  plus  à l’entour  de  lui  que  quelques 
guerriers,  lorsqu’il  fut  aperçu  par  son  cousin,  le  comte  de  Looz. 
Des  sergents, à qui  il  remit  son  épée,  lui  ôtèrent  sa  cotte  d’armes 
et  ses  brassards,  afin  qu’il  ne  fût  pas  reconnu,  puis  ils  le  confiè- 
rent, par  ordre  de  leur  maître,  à Jean,  châtelain  de  Montenaben. 
Il  serait  parvenu  à se  sauver  si  une  troupe  de  Brabançons  ne  s’était 
douté  du  complot  et,  ne  s’était  emparé  de  lui;  toutefois  on  ne 
le  reconnut  qu’à  la  fin  de  la  bataille,  lorsqu’on  acheva  de  le 
désarmer. 

Le  sire  de  Fauquemont  restait  seul  à vaincre.  Dans  une  charge 
contre  la  bannière  de  Walhain,il  blessa  au  cou  le  chevalier  René 

* Voyez  aussi  la  Chronicon  comitum  de  Marka. 


( '170  ) 

de  Moriansart,  mais  il  perdit  sa  bannière  et  fut  forcé  de  fuir. 
Toutefois,  il  leva  une  nouvelle  bannière,  et  aux  cris  de  Montjoie, 
Mont  joie , il  assaillit  le  comte  de  Juliers,  qu’il  blessa  aussi  au  cou. 
Cette  seconde  attaque  lui  fut  encore  plus  funeste.  Sept  de  ses  che- 
valiers tombèrent  mortellement  blessés;  lui- même,  frappé  d’un 
coup  qui  lui  emporta  presque  le  nez,  eut  été  pris  si  deux  de  ses 
parents,  le  comte  de  Looz  et  le  sire  de  Steyne,  n’avaient  favorisé 
sa  retraite  L 

De  toutes  les  bannières  de  l’armée  coalisée,  il  n’en  flottait  plus 
qu’une  sur  la  plaine  de  Woeringen.  La  vaillante  race  de  l’Oesse- 
ninc  ou  Ardenne,  les  Schaefdriessche,  avait  été  la  première  à 
combattre.  Au  nombre  de  cent  dix  guerriers,  parmi  lesquels  on 
remarquait  sire  Gobelin  et  Adewyn  d’Huckelbach , ses  neveux 
Reysen  ou  Richard  et  Heine  Moreel,  Henri  Vanderbueken,  Gilles 
d’Huckelbach,  Simon  Balge,  Henri  Snabbe,  Rode  de  Sinke,  Simon 
Frabbe,  le  sire  de  Wilgenru,  etc.,  les  Schaefdriessche,  « sembla- 
bles à des  léopards  affamés,  » cherchèrent  vainement  leurs  enne- 
mis : Herman,  Arnoul  et  Simon  de  Witthem , le  sire  de  Mulrepas  et 
Odon,  son  frère;  sire  Sceyvaert  de  Geilenkerke,  sire  Guillaume 
de  Mormensi  ou  Normany,  Guillaume  de  la  Kemenade,  Herman 
de  Heimenberge.  Ceux-ci,  dit  Van  Heelu,  persistèrent  à se  tenir 
derrière  les  Brabançons.  Désespérés  de  l’issue  de  la  lutte,  les 
Schaefdriessche  ne  quittèrent  qu’à  la  dernière  extrémité  le  champ 
de  bataille.  Lorsqu’ils  l’abandonnèrent,  ils  n’étaient  plus  que 
quatre  ! 


m. 

Ce  qui  contribua  à rendre  la  bataille  très-meurtrière , ce  fut  que 
les  paysans  du  voisinage 1  2,  voyant  les  principaux  combattants 
prendre  à rançon  les  vaincus,  s’empressèrent  de  les  imiter.  Ils 

1 Suivant  Pontanus,  p.  165,  ce  fut  Daniel  de  Bouchout  qui  termina  la  ba- 
taille, en  se  rendant  maître  du  sire  de  Fauquemont.  Où  l’historien  gueldrois 
a-t-il  été  chercher  ce  détail  ? 

2 Die  ghebueren,  Van  Heelu;  dans  Velthem,  die  dorpüedc. 


( 171  ) 

épargnèrent  ceux  qui  demandèrent  merci,  mais  tout  ce  qui  résista 
fut  immolé  sans  pitié.  On  vit  alors,  dit  Van  Heelu,  les  plus  vail- 
lants guerriers  de  la  chrétienté  devenir  les  captifs  de  pauvres 
laboureurs,  d autres  se  noyèrent  dans  les  marais  d’alentour  ou 
dans  le  Rhin. 

La  perte  des  deux  armées  fut  très-inégale.  Il  serait  toutefois 
ridicule  de  dire,  avec  le  poëte  brabançon,  que  Jean  Ier  ne  perdit 
que  quarante  hommes,  tandis  que  les  ennemis  eurent  à en  re- 
gretter plus  de  onze  cents,  presque  tous  chevaliers  ou  issus  de 
lignage  de  chevaliers , et  des  meilleurs  de  toute  l’Allemagne  h La 
victoire  dut  coûter  cher  aux  vainqueurs  2,  surtout  à la  troupe  qui 
avait  soutenu  et  repoussé  la  rude  attaque  du  comte  de  Luxem- 
bourg : selon  de  Dynter,  ils  auraient  perdu  six  cents  hommes  5. 
Plus  de  quatre  mille  chevaux  couvraient  le  champ  de  bataille  et 
il  y resta  aussi  : selon  un  chroniqueur,  quatorze  cents  4;  selon 
un  autre,  quinze  cents  cadavres5;  selon  un  troisième,  deux  mille 
cinq  cents  alliés  (i;  ce  dernier  chiffre  s’accorde  assez  avec  celui  de 
deux  mille  quatre  cents,  que  l’on  a emprunté  à une  note  margi- 
nale d’un  vieux  missel  de  l’église  de  Woeringen  7. 

Au  nombre  des  Brabançons  tués  figurent  : un  oncle  du  duc, 
Gilles,  bâtard  de  Brabant;  Walter  Berthout,  sire  de  Mali  nés;  Go- 
defroid,  fils  du  sire  de  Walhain,  qui  venait  de  recevoir  l’ordre  de  la 
chevalerie  et  qui  mourut  de  ses  blessures,  à Aix-la-Chapelle,  quel- 
ques jours  après  la  bataille;  Arnoul  de  Zeelhem,  cousin  du  sire 
de  Diest;  Bastin  de  Nedermolen,  écuyer  du  meme  seigneur;  le 

è 

1 Vers  7514  et  suivants. 

2 Gesta  Trevirorum  integra. 

5 De  Dynter,  t II , p.  445. 

4 Gesta,  1.  c. 

5 Necrologium  Ninovicnse , dans  Willems, 

G Hocsem , c.  XVI. 

7 In  missali  vero  libro  villae  Woringae  sic  scriptum  est  : M et  C in  bello 
inter fecti  sunt , et  post  bellum  de  captivis  vulneratis  mortui  sunt  DCC....  de 
ignotis  vero  sepulti  sunt  in  cimiterio  Woring , apud  sepem,  I)C.  Chronicon 
Hermanni  Corneri  dans  Eckhard,  Corpus  historiœ  medii  aevi , t.  II , p.  958. 
— - Ernst,  t IV,  p.  514.  — La  Chronicon  Menconis  continuata,  p.  198,  parle 
de  plus  de  deux  mille  tués. 


( 172  ) 

chevalier  hesbignon  Jean  Van  Mulne;  Thierri  de  Heusden,  qui 
expira  à Cologne;  sire  Guillaume  de  Lierre.  La  mort  de  ce  dernier 
et  du  sire  de  Malincs  forme  un  des  plus  beaux  épisodes  du  récit 
de  Van  Ileelu  : 

« Au  plus  fort  du  combat,  le  seigneur  de  Malines,  Walter  Ber- 
» tliout,  apercevant  le  duc  Jean  Ier  pressé  de  tous  côtés  par  les 
» ennemis , donna  de  l’éperon  à son  coursier  et  se  précipita  la 
» lance  en  avant.  Grâce  à la  force  et  à l'impétuosité  de  son  cheval , 
» il  enfonça  la  ligne  ennemie  et  parvint  à la  traverser  tout  en- 
» tière;  mais,  parmi  les  gens  de  sa  troupe,  bien  peu  réussirent  à 
» le  suivre  : les  Maselcndre  et  les  Ruire  ( les  habitants  des  rives 
» de  la  Meuse  et  de  la  Roer) , qui  se  tenaient  en  arrière,  comme 
» des  vautours,  pour  garder  le  butin  , le  voyant  presque  seul,  se 
» jetèrent  sur  lui.  Il  sc  défendit  chevaleresquement  et, à l'exemple 
» des  preux  dont  il  était  descendu,  il  refusa  de  se  rendre,  cl 
» tomba  bientôt,  frappé  d une  blessure  mortelle.  Un  chevalier 
» bachelier,  brave  et  audacieux,  combattait  à scs  côtés;  il  fut  en- 
» fin  forcé  de  se  déclarer  vaincu,  et  mourut  en  captivité,  de  ses 
» blessures.  On  le  nommait  Guillaume  de  Lierre;  aucun  autre, 
» sauf  deux  ou  trois  sergents,  n’avait  pu  imiter  Berthout, 

Une  armée  victorieuse  n’a  d’ordinaire  que  quelques  prisonniers. 
Les  Brabançons  perdirent  ainsi  un  guerrier  de  Daelhem,  nommé 
le  Pape  ou  le  prêtre  de  Berne  ou  Bernau,  et  le  sire  de  Heusden, 
qui  dut  se  rendre  aux  ennemis  dès  le  commencement  delà  bataille. 

Les  alliés  de  Jean  Ier  souffrirent  moins  que  les  troupes  du  duc. 
Le  comte  de  la  Marek  eut  à regretter  un  chevalier,  qui  était  le 
maréchal  de  son  armée,  et  les  Colonais  leur  chef  Gérard,  fils  de 
sire  Matthias.  Quoique  chevalier,  il  avait  voulu  marcher  à pied  à 
la  tête  des  milices  de  la  commune,  mais  il  mourut,  sans  doute  de 
fatigue,  avant  d’être  arrivé  sur  le  champ  de  bataille. 

En  regard  de  ces  pertes,  celles  des  ennemis  s’élevèrent  à des 
chiffres  effrayants.  Citons  parmi  les  tués  : le  comte  de  Luxem- 
bourg et  ses  frères;  Henri  de  Westerburch,  vaillant  chevalier, 
frère  de  l’archevêque  de  Cologne;  le  chevalier  Hehnich  Vanden- 
damme;  les  seigneurs  de  Brandebourg,  de  Mirenvaet  ou  Mir- 
wart,  de  Messenborch,  etc.,  dans  le  Luxembourg;  le  sire  de  Bor- 


( 173  ) 

kclo,  eu  Gueldre.  Outre  plus  de  mille  nobles  hommes  tués,  ils 
perdirent  mille  autres  combattants,  qui  furent  faits  prisonniers  *, 
entre  autres  : le  comte  Renaud,  l'archevêque  de  Cologne,  les 
deux  comtes  de  Nassau , le  comte  de  Nuwenaer,  Walrave  de  Ju- 
liers, sire  de  Bergheim;  Renaud  de  Westerbureh,  archidiacre  de 
Cologne,  prévôt  de  Saint-Cassius  à Bonn;  Jean  de  Ifeynsberg, 
seigneur  de  Lewenbcrg;  le  fils  de  sa  sœur,  Thierri  Locf  de  Clèvcs, 
comte  de  Hulkerade  Evrard  et  Salentin  d'Isenburg  ou  Yscn- 
borcli  les  burggraves  Jean  de  Rinecke  ou  Reyneck,  d'Hamer- 
stein,  d Are,  Henri  de  Drakevelt,  de  Wede:  les  chevaliers  de 
Montabure,  de  Rinebach , Herman  de  Haddemale;  Guillaume, 
sire  de  Bronckorst;  Thierri,  sire  de  Meurs;  Hubert  de  Bosingen, 
seigneur  de  Culembourg;  Gérard,  sire  de  Batenbourg  ; Henri , 
sire  de  Gennep;  les  sires  de  Vorst,  de  Melsene,  Ernest  de  Sole, 
sire  Knif,  Othon  Bole,  Othon  de  Borne,  prévôt  de  Nerre;  Hubert 
de  Vianen,  Jean  Boc  de  Mcre,  Henri,  bâtard  de  Gueldre;  Alard 
de  Driele,  Frédéric  de  Baere,  Gérard  de  Kelre,  l'avoué  de  Rure- 
monde,  sire  Jacques  Yan  Scelle  et  ses  trois  fils,  les  seigneurs 
d Ulmen  (ou  Vliemen)?  dé  Circle  ou  Sierck,  de  Dolingen,  etc.  On 
a conservé  les  déclarations  par  lesquelles  Walter  de  Wultz,  Léon 
de  Boitbcrgh,  Henri  de  Buscheim,  Arnould  de  Iloltheim,  Walter 
d’EIne,  Jean  Baly  de  Lewemberg,  Henri  Briene  de  Sweindrecht 
et  Henri  d’Ossendorf,  chevalier  de  Bonn,  déclarent  aux  Colonais 
qu’ils  renoncent  à toute  haine  contre  eux,  le  duc  de  Brabant,  les 
comtes  de  Berg,  de  Juliers,  de  la  Marck 1 2 3  4.  Par  d’autres  actes,  les 


1 Chronicon  praesulum  et  archiepiscoporum  Coloniensium. 

2 Loef  de  Elèves  reçut  de  l'archevêque , pour  lui  et  les  siens  (saill  ie  cheva- 
lier Thierri  de  Batenbourg  et  Jean  de  Grunzebeke),  une  indemnité  de  deux 
mille  quatre  cent  marcs  de  Cologne.  Willems,  Van  Ueelu  , p.  521. 

3 En  indemnité  de  ses  pertes  et  de  celles  de  ses  gens,  l’archevêque  donna  à 
Evrard  une  rente  hebdomadaire  de  six  marcs,  à prélever  pendant  trois  ans 
sur  le  tonlieu  des  bières,  à Cologne.  Acte  du  10  mai  1291.  Ibidem,  p.  558. 
Quant  à Salentin , il  assigna  pour  sa  rançon , à Waleram , comte  de  Juliers , une 
rente  de  dix  marcs,  qui  fut  hypothéquée  sur  des  biens  situés  à Heymbaeh, 
près  de  Ramersdorp.  5 lévrier  1290.  Ibidem , p.  182. 

1 Urvedes , en  date  des  25  juin , 17,  19,  25,  21  et  51  juillet,  9 août  et 
27  septembre  1288.  Ibidem , pp.  159 , 162, 165, 161  et  167. 


( 174  ) 

chevaliers  Henri  Koc  et  Thierri  Flecke  achetèrent  leur  liberté  de 
Waleram  de  Juliers  : le  premier,  en  renonçant  à toute  vengeance 
contre  lui  ; le  second , en  lui  abandonnant  la  moitié  de  la  ferme 
dite  Merci , située  à Richrode  4. 

On  a récemment  publié  une  liste,  par  malheur  incomplète,  des 
pertes  subies  à Woeringen  par  les  Gueldrois  habitant  entre  la 
Meuse  et  le  Wahal.  On  y voit  figurer  Thomas  de  Berchusen , Henri, 
frère  de  Thierri  de  Deyle;  sire  Thierri  de  Batenbourg,  Rutger  de 
Bümcl  et  Conrad  Pannekuke,  serviteurs  du  précédent;  Genekin 
de  Winsen,  Guillaume  de  Hursen,  Herman  Pinneken,  Rutger 
Buckingen,  Arnoul  d’Autfurst,  Arnoul,  fils  de  Florin  de  Wamel; 
Th.  (probablement  Thierri)  dit  le  chambellan  de  Wamel,  Jean  dit 


de  Stralen  de  Wamel,  Alard,  fils  de  Trude  de  Wamel:  Walter 


Pycke  de  Wamel,  Gosuin,  fils  de  Walter  de  Lewen,  plusieurs 
vassaux  du  nom  de  Lewen,  N.  de  Cleen,  demeurant  à Lewen; 
Rutger  d’Autfurst,  N.  Pufflich,  N.  Buchurst,  N.  de  Wamel,  etc. 
Le  premier  et  le  dix-septième  de  ces  guerriers  furent  pris  par 
Gosuin  de  Becke,  le  quatrième,  le  huitième,  le  quatorzième  et 
deux  autres  dont  les  noms  manquent,  par  le  sire  de  Cuyek;  le 
septième,  le  quinzième,  le  seizième,  le  vingt  et  unième  par  Ritolfe 
de  Ilesewyck  ; le  neuvième  par  le  sénéchal  de  Juliers,  le  dixième 
par  Jean  de  Meghen,  le  douzième  par  les  Colonais,  le  dix-huitième 
par  Robert  de  Liccc  ou  Litte , le  vingtième  par  le  sire  d’Arekerc, 
le  vingt-troisième  par  Anoul  Hoyvic.  Outre  la  perte  de  leurs  armes 
et  de  leurs  chevaux,  parmi  lesquels  figure  un  destrier  ou  coursier 
de  bataille  du  prix  de  soixante-dix  livres,  ils  durent  payer  des  ran- 
çons proportionnées  à leur  rang  et  dont  quelques-unes  s’élevèrent 
très-haut.  Pannekuke  paya  quatre  mille  livres,  Arnoul  d’Autfurst 
seulement  trois  cents  livres,  d’autres  moins  encore,  comme  Arnoul 
de  Wamel,  qui  ne  pava  que  quarante  livres;  Pinneken,  qui  n’en 
donna  que  vingt , et  Jean  de  Stralen,  de  qui  les  Colonais  n’exigèrent 
que  12  livres 1  2. 


1 Actes  du  11  février  et  du  50  novembre  1289.  Willems,  l.  c.,  pp.  485  et  511 

2 Historisch  genootschap  gevestigd  te  Utrecht,  Kromjk,  XImc  année  (1855), 
p.  172. 


( 173  ) 

Aussitôt  que  le  résultat  de  la  bataille  fut  clairement  établi, 
les  troupes  du  comte  de  Berg,  de  la  ville  de  Cologne  et  du  prévôt 
de  Juliers  retournèrent  joyeusement  dans  leurs  foyers.  Quant  aux 
Brabançons,  comme  ils  n’avaient  plus  ni  chariots,  ni  pavillons, 
ils  s’arrangèrent  comme  ils  le  purent.  « Maint  chevalier  harassé 
» de  fatigue,  dit  Van  Ileelu,  dut  coucher  sur  un  lit  de  heaumes 
» et  de  cuirasses  ».  La  joie  était  générale  dans  leur  camp,  où  peu 
de  braves  manquèrent  ce  soir-là  à l’appel.  Malheureusement  des 
misérables,  parmi  lesquels  Van  IJeelu  range  sire  Sceyvaert,  les 
Mulrepas,  Herman  de  Witthem,  profitèrent  de  la  fatigue  de  tous 
pour  s’abattre  comme  des  vautours  sur  les  dépouilles  des  vaincus. 
Les  morts  furent  laissés  complètement  nus , en  sorte  que  les  frères 
de  différents  ordres  qui  s’occupèrent  du  soin  de  les  ensevelir,  ne 
purent  retrouver  ni  le  comte  de  Luxembourg,  ni  Walter  Berthoul. 
Le  lendemain,  au  soir,  leur  pénible  travail  était  achevé;  un  reli- 
gieux venu  de  bien  loin,  de  la  vallée  du  Haut-Rhin  [van  Over - 
tant),  avait  conduit  les  morts,  sur  une  charrette,  au  cimetière 
de  Woeringen. 

Le  duc , après  la  bataille , était  véritablement  harassé  de  fatigue; 
il  dut  se  reposer  dans  une  loge  ou  baraque  et  se  faire  ôter  ses 
armes.  Ce  fut  en  ce  moment  que  son  frère  Godefroid  lui  amena  le 
comte  de  Gueldre,  que  l’on  venait  de  reconnaître;  il  n’y  eut  que 
peu  de  mots  échangés  entre  les  deux  compétiteurs  au  duché  de 
Limbourg.  Jean  Ier,  après  avoir  confié  son  rival  à des  gardiens 
fidèles,  et  après  avoir  pris  quelque  repos,  monta  en  bateau  et 
se  rendit  à Cologne  avec  le  prévôt  de  Juliers,  qui  était  aussi 
blessé. 

Les  Colonais  accueillirent  le  duc  comme  leur  libérateur.  Pour 
mieux  lui  prouver  leur  reconnaissance,  ils  le  reçurent  bourgeois 
de  Cologne  et  lui  offrirent,  dit-on,  une  vaste  maison,  qui  devait 
jouir  du  droit  d’exemption  des  assises  et  du  droit  d’asile.  On  la 
nomma  depuis  la  Cour  de  Brabant l.  Afin  de  perpétuer  le  souve- 

1 Selon  M Willems , l.  c.,  p.  xliv,  remplacement  de  cet  hôtel  est  actuellement 
occupé  par  les  maisons  nos  2119  et  2120,  dans  la  rue  dite  Am’hofe,  près  de  la 
cathédrale.  — Le  fait  dont  il  est  ici  question  me  paraît  douteux,  car,  déjà,  le 


( «76  ) 

nir  de  la  terrible  journée  du  b mai,  les  habitants  de  Cologne  éri- 
gèrent au  saint  de  ce  jour,  saint  Boniface,  une  chapelle  où  leurs 
magistrats  se  rendaient  en  corps  tous  les  ans,  pour  assister  à une 
messe  solennelle.  Au-dessus  de  la  porte  d’entrée , on  lisait  l’inscrip- 
tion suivante,  qui  est  actuellement  conservée  au  musée  de  la  ville  : 


A°  MCCLXXXY1II  F LIT  PRELIIM 
IX  AYORR1XGEX  ET  HOC  IX  SABATH. 


Aussitôt  qu'il  fut  guéri  de  ses  blessures,  Jean  Ier  retourna  dans 
ses  États,  où  son  peuple  l’accueillit  avec  les  plus  vifs  transports. 
A mesure  qu’il  approchait  d'une  ville,  toute  la  population  se  ren- 
dait à sa  rencontre  : moines,  prêtres , religieuses,  béguines,  accom- 
pagnés des  croix  et  des  bannières  des  églises,  se  joignaient  à la 
multitude  pour  lui  composer  un  splendide  cortège  5.  Depuis  long- 
temps une  aussi  belle  victoire  n’avait  récompensé  la  vaillance  des 
Brabançons;  leur  pays,  déjà  célèbre  et  respecté,  grandit  encore 
dans  l’opinion  de  tous. 

Pendant  le  combat,  Jean  1er  avait  particulièrement  invoqué  les 
trois  rois,  dont  les  reliques  furent  transportées  de  Milan  à Cologne 
par  l’archevêque  Rainald,  l’un  des  conseillers  et  des  généraux  les 
plus  dévoués  de  l’empereur  Frédéric  Barberousse;  il  fonda  en  leur 
honneur  une  chapellenie  dans  l’église  Sainle-Gudule  à Bruxelles, 
et  institua  aussi  des  distributions  d’aumônes  en  faveur  des  pauvres 
de  cette  ville,  qui  devaient  se  faire  le  jour  de  Saint-Boniface  2.  On 
prétend  de  plus  que  l’ancien  Ommegany  de  Bruxelles,  qui  se  célé- 
brait le  dimanche  avant  la  Trinité,  doit  son  origine  à la  journée 
terrible  dont  nous  venons  de  parler;  mais  ce  fait  est  douteux, 
l’église  du  Sablon,  de  laquelle  sortait  YOmmegang , n’ayant  été 
fondée  qu’en  1304,  parles  arbalétriers  de  Bruxelles,  sur  un  ter- 


11  août  1213,  le  duc  Henri  1er  avait  acquis  de  l’abbesse  et  du  couvent  du  Vivier 
{de  Yi varia),  à Cologne,  une  maison  située  dans  cette  ville,  et  qu’il  paya  trois 
cent  vingt-cinq  marcs.  Carlulaire  de  Brabant  B,  f°  59  v°. 

1 Van  Veltlicm. 

2 Bulkens,  t.  I,  pp.  521  et  suiv. — Opéra  diplomalica , t IV , p.  590. 


( 177  ) 

rai  a acheté  cinq  années  auparavant  de  l’hôpital  Saint-Jean , de  la 


même  ville. 

Enfin , ajoute-t-on , Jean  Ier  attacha  un  si  grand  prix  à l’annexion 
du  Limbourg  à ses  Etats  qu’à  l’ancien  cri  de  ses  ancêtres  : Lou- 
vain au  riche  duc,  il  en  substitua  un  nouveau  : Lembouryh  à 
cdluy  qui  Va  conquis.  En  outre,  il  changea  d’armoiries.  Il  éear- 


tela  son  noble  blason,  qui  était  de  sable  au  lion  d’or,  des  armes 
du  Limbourg,  où  l’on  voyait,  sur  un  champ  d’argent,  un  lion  de 
gueules,  à la  queue  bifidée  *. 


CHAPITRE  Y IL 


SUITES  DE  LA  BATAILLE  I)E  "WOERINGEN.  — SITUATION  DE  L’ARCHEVÊCHÉ 
DE  COLOGNE,  DE  LA  GUELDUE , DU  LUXEMBOURG,  ETC. 


I. 


Aucun  pays  n’eut  plus  que  l’archevêché  de  Cologne  à souffrir 
des  suites  de  la  bataille  de  Woeringen.  Privé  de  son  chef,  cet 
Etat,  que  Philippe  de  Heynsberg  avait  élevé  à un  si  haut  degré 
de  splendeur,  et  qui  avait  encore  grandi,  au  treizième  siècle,  sous 
l’épiscopat  d’Engelbert  de  Berg,  de  Conrad  de  Hofstade  et  d'En- 
gelbert  de  Fauquemont,  subit  toutes  les  horreurs  de  la  guerre 
civile  et  de  la  guerre  étrangère.  Conrad  et  le  second  Engelbert 


1 Chronicon  monaslerii  Sancti  Bertini , c.  L11I,  clans  le  Thésaurus  ancc- 
dotorum  de  Martene  et  Durand,  t.  III , p.  760.  C’est  là  qu’Oudegherst  et  Bulkens 
ont  puisé  celle  allégation,  dont  Desroches  ignorait  l’origine.  Ernst,  t IV,  p.  190. 

Tome  XIII.  12 


( 178  ) 

avaient  également  perdu  la  liberté  dans  les  combats,  mais  sans 
entraîner  leur  parti  dans  leur  chute.  A Woeringen,  au  contraire, 
aucun  des  alliés  de  Sifroi  n’avait  été  épargné  : les  comtes  de 
Gueldre  et  de  Nassau  languissaient  dans  les  fers;  le  comte  de 
Luxembourg  et  son  vaillant  frère  avaient  péri;  nul  guerrier  re- 
douté dans  les  batailles,  ne  protégeait  les  domaines  et  les  vas- 
saux de  l’Église  de  Cologne. 

Sauf  le  duc  de  Brabant,  dont  l’attention  fut  attirée  ailleurs, 
tous  les  ennemis  de  Sifroi,  tous  ceux  qui  avaient  redouté  sa  va- 
leur ou  son  habileté,  s’empressèrent  de  profiter  de  sa  défaite.  Le 
comte  de  La  Marck  prit  et  détruisit  les  villes  de  Werle  et  de 
Mendene,  les  châteaux  d’Ysenberg  et  de  Wolmersteyne  L Walc- 
ram  de  Juliers  attaqua  le  redoutable  château  de  Zulpich,  s’en 
rendit  maître  et  le  ruina  2.  Quant  aux  Colonais,  dont  l’indépen- 
dance fut  alors  solidement  affermie  , ils  portèrent  les  derniers 
coups  à la  puissance  de  leur  prince.  Non-seulement  ils  instiguèrent 
Waleram  à assaillir  Zulpich  et  ils  lui  envoyèrent  leurs  milices, 
mais  ils  continuèrent  le  siège  de  Woeringen,  que  la  garnison  leur 
livra,  et  ils  s’emparèrent  de  Zunze  et  de  Nuenberg.  Ces  trois 
châteaux  furent  détruits,  on  conduisit  à Cologne  les  arbalètes  et 
les  autres  engins  de  guerre  qui  s’y  trouvaient,  et  on  transporta 
les  pierres  de  leurs  murailles  près  de  la  glorieuse  cité,  dans  l’in- 
tention de  les  employer  à en  améliorer  les  fortifications  3. 

Ce  n’était  pas  assez  pour  les  Colonais  d’humilier  leur  ennemi, 
ils  voulurent  le  mettre  dans  l’impuissance  de  se  venger  de  leurs 
outrages.  De  concert  avec  le  comte  de  Berg,  ils  proposèrent  de 
confier  l’administration  de  l’archevêché  au  frère  de  ce  prince,  qui 
était  grand  prévôt  de  la  cathédrale.  De  la  sorte,  on  eût  remplacé 
momentanément  Sifroi,  dont  la  délivrance,  devenant  moins  né- 
cessaire, aurait  été  facilement  retardée.  Quelques-uns  des  hauts 
dignitaires  de  l’Église  de  Cologne  adoptèrent  cette  proposition  ; 

1 Enquête  de  1290,  déjà  citée. 

2 Eodem  turbine  castrum  Tulpetense  invictissimum  cepit  et  destruxit. 
Clironicon  praesulum  et  archiepiscoporum  Coloniensium , 1.  c. 

3 Enquête  citée.  — Selon  De  Dynter,  ce  fut  le  duc  Jean  qui  lit  démolir 
Woeringen  et  décapiter  la  garnison  de  ce  château  (t.  II,  p.  444). 


( 170  ) 

mais  l’un  des  plus  influents,  l’écolâtre  Wicbold,  qui  dans  la  suite 
fut  à son  tour  archevêque,  ne  voulut  pas  en  entendre  parler. 
Lorsque  le  comte  de  Berg,  poursuivant  ses  projets  ambitieux, 
convoqua  à Bonn  une  assemblée  des  officiers  et  des  vassaux  de 
l’archevêque,  Wicbold  refusa  d’y  assister.  On  ne  donna  aucune 
suite  aux  ouvertures  qui  furent  faites  par  le  comte;  cependant, 
dans  l’impossibilité  où  l’on  était  de  continuer  une  situation  dé- 
plorable, il  fallut  consentir  aux  conditions  les  plus  onéreuses  pour 
obtenir  la  paix  l 2.  Cinq  traités  ou  conventions,  également  défa- 
vorables à ses  intérêts,  furent  acceptés  par  Sifroi , le  jour  de 
l’Ascension,  19  mai  1289. 

Le  comte  de  Berg,  en  indemnité  des  torts  que  lui  et  les  siens 
avaient  soufferts,  reçut  douze  mille  mares.  Deux  douzièmes  de 
cette  somme  devaient  être  payés  dans  les  six  mois;  en  remplace- 
ment d’un  troisième  douzième  on  lui  livra,  pour  un  terme  de  dix 
années,  la  ville  de  Deutz,  avec  sa  mairie  et  ses  revenus,  sauf  une 
ciirtis  ou  ferme  dont  le  prélat  avait  gratifié  le  chapitre  métropo- 
litain. En  garantie  du  restant  de  sa  dette,  Sifroi  s’engagea  à confier 
au  comte  les  châteaux  de  Wede,  de  Waldenberg,  de  Rodenberg 
et  d’Aspele.  11  promit  de  remettre  les  parties  du  duché  de  Lim- 
bourg,  tenues  de  lui  en  fief,  à la  personne  qu’Adolphc  lui  dési- 
gnerait, de  ne  pas  accueillir  ou  favoriser  les  ennemis  du  comte 
et  de  ses  alliés  de  ne  pas  élever  de  forteresse,  sans  le  consen- 
tement du  comte,  sur  la  rive  orientale  du  Rhin  , entre  ce  fleuve 
et  le  grand  chemin  ( strata  communis)  qui  le  borde,  depuis  la 
Sieg  jusqu’à  l’Angre  ou  Enger.  Défense  de  se  citer  mutuellement 
devant  l’official,  pour  des  questions  de  droit  civil  ou  du  ressort 
des  tribunaux  séculiers,  fut  faite  aux  habitants  laïques  du  comté 
de  Berg.  Enfin,  Sifroi  pardonna  aux  ecclésiastiques  qui,  refusant 
d’accepter  l’interdit  lancé  par  lui,  avaient  continué  à célébrer 

1 Enquête  de  1290.  Déposition  de  Wicbold. 

2 Au  nombre  des  ennemis  du  comte  figurent  ici  : Adolphe  et Puyts  de 

Stamheym,  Pagin  de  Hemberg,  Henri  d’Ossendorp,  chevaliers;  Jean  le  Long 

et Kikepot,  Adolphe  de  Ralchusen,  Sibodon  de  Buschenburg.  Parmi  ses 

alliés  : les  comtes  de  la  Marck  et  de  Virnembourg,  les  seigneurs  de  Windeck, 
de  Thoneburg,  de  Ryferscheyt , Jacques  d’Uphoven,  Engelbert  Ruselpasse. 


( 180  ) 

roiïice  divin  et  appelé  de  sa  sentence  d'excommunication  k Le 
comte  de  Windeck  eut  aussi  sa  part  du  butin.  Il  devint  camérier 
ou  chambellan  héréditaire  de  l’archevêché,  avec  jouissance  d’une 
rente  féodale  de  cent  Vingt  marcs 1  2 * *. 

Si  l’on  en  croyait  une  légende  de  date  beaucoup  plus  récente, 
le  comte  Adolphe  paya  chèrement  son  triomphe.  Sifroi  alla  le  voir 
au  château  de  Bensberg  et  le  pria  de  vouloir  l’accompagner  jus- 
qu’à Deutz.  Adolphe  ne  se  doutait  de  rien  lorsqu’il  se  vit  entouré 
de  gens  armés  qui  le  conduisirent  à Cologne.  Là  on  le  retint  jus- 
qu'à sa  mort,  quelques  offres  qu’il  fit  pour  obtenir  sa  liberté.  De 
plus,  par  une  cruauté  inouïe,  on  exposait  au  soleil,  pendant  l’été, 
la  cage  de  fer  dans  laquelle  on  le  gardait,  et  on  frottait  son  corps 
de  miel,  pour  attirer  sur  lui  les  mouches.  On  répugne  à admettre 
un  pareil  acte  de  barbarie,  dont  ne  parle,  d’ailleurs,  aucun  écri- 
vain contemporain,  et  qui  ne  coïncide  pas  avec  les  particularités 
authentiques  de  la  vie  d’Adolphe  de  Berg  5. 

Ce  prince  fut  le  principal  négociateur  de  la  réconciliation  de 
Sifroi  avec  le  duc  de  Brabant,  les  comtes  de  Juliers,  de  La  Marck, 
de  Waldeck,  et  les  habitants  de  Cologne.  Grâce  à son  intervention 
et  à celle  d’autres  amis  communs,  l’archevêque  et  le  duc  renon- 
cèrent, pour  eux,  leurs  parents,  leurs  vassaux  et  leurs  officiers, 
à toute  inimitié  au  sujet  de  la  mort,  de  la  captivité  et  de  la  mise 
à rançon  des  leurs,  et  de  l’incendie,  du  pillage  et  de  la  dévastation 
de  leurs  châteaux  et  domaines.  Le  prélat,  dans  le  traité,  s’enga- 
gea à ne  pas  secourir  contre  le  duc  le  comte  de  Flandre,  les  hé- 
ritiers du  comte  de  Luxembourg,  le  sire  de  Fauqueinont,  ou  ceux 
qui  avaient  pris  en  mains,  en  qualité  de  tuteurs,  l’administration 
du  comté  de  Gueldre.  En  garantie  de  sa  promesse,  il  s’engage  à 
remettre  les  châteaux  d’Are  et  de  Godesberg  à des  dignitaires  de 
l’Église  de  Cologne;  ceux-ci,  en  cas  de  contravention  au  traité, 
devaient  livrer  les  deux  châteaux  au  duc,  jusqu’à  son  entière 


1 Lacomblet , t.  II , p.  508.  — Willems , Van  Heelu , p.  484.  — Ernst , t VI , 
1».  560. 

2 K remer,  Akademische  Beitrcigen , t.  III,  Urkunden,  p.  195. 

5 Ernst,  I.  IV,  pp.  554  et  suivantes,  a très-bien  démontré  le  peu  de  fon- 

dement de  ce  récit. 


(181  ) 

réconciliation  avec  le  comte  de  Flandre.  Sifroi,  en  outre,  était 
tenu  d’empêcher  ses  officiers  et  scs  vassaux  de  soutenir  le  comte; 
il  devait,  de  plus,  restituer  au  duc  les  terres  de  Kerpen  et  de 
Lommersum,  et  lui  permettre  de  rétablir  la  forteresse  de  Ker- 
pen L 

Waleram  de  Juliers  et  son  frère  Gérard,  seigneur  de  Castre, 
étaient  entrés  victorieux  dans  Zulpich,  dont  les  habitants  les 
avaient  reconnus  pour  seigneurs 1  2 3.  Depuis  longtemps,  cette  ville 
était  un  sujet  de  discordes  perpétuelles  entre  l’Eglise  de  Cologne 
et  la  maison  de  Juliers;  elle  passait  de  l’une  à l’autre  selon  les 
événements,  selon  les  chances  de  la  guerre.  Il  fut  décidé,  le 
19  mai  1289,  que  Waleram  de  Juliers  en  ferait  la  remise  au  due 
de  Brabant  et  au  comte  de  Berg,  qui  la  garderaient  jusqu’à  la  fin 
de  la  guerre  entre  le  duc  et  le  comte  de  Flandre.  Dans  l’entre- 
temps, on  ouvrirait  une  enquête  afin  d’établir  les  droits  respectifs 
de  l’Église  de  Cologne  et  des  comtes  de  Juliers,  et,  si  l’on  ne 
tombait  pas  d’accord,  les  deux  princes  pourraient  rendre  la 
ville  à Waleram  5.  La  question  fut  pacifiquement  vidée,  l’année 
suivante.  L’archevêque  renonça  à l’avouerie  de  Zulpich.  En  cas 
de  guerre  entre  lui  et  Waleram,  Zulpich  devait  rester  neutre  ; 
nul  des  deux  princes  ne  pouvait  y élever  de  château  ou  forteresse; 
seulement  les  habitants  étaient  libres  de  fortifier  la  ville,  à leur 
gré  4. 

Dans  la  convention  entre  l’archevêque,  d’une  part,  les  comtes 
de  La  Marck  et  de  Waldeck,  d’autre  part,  on  ne  trouve  qu’une 

1 Lacomblet,  t.  Il , p.  514.  — Willems,  /.  c.,  p.  488.  — Ernst,  t.  VI , p.  566. 
De  grands  travaux  de  construction  ( pro  constructione  et  edifteatione)  se 
firent  en  effet  au  château  de  Kerpen.  Le  duc  Jean  111  en  paya  la  dépense  à sire 
Werner  de  Rode  (ou  Mérode),  sauf  dix  mille  livres  de  noirs  tournois  du  roi  de 
France,  à seize  deniers , dont  il  reconnut  lui  être  redevable.  Bruxelles,  le 
jour  de  sainte  Marie  Madeleine,  en  1525.  Cartidaire  de  Brabant  B,  f°  106. 

2 Déclaration  des  juges  , échevins  et  habitants  de  Zulpich , donnée  in  cas- 
tris  ante  Tulpetum,  le  jour  de  saint  Pierre  ès  liens  (1er  août  1288).  Kremer, 
l.  111,  Urkunden,  p.  187.  — Lacomblet,  t.  II , p.  499. 

3 Lacomblet,  t.  II,  p.  511  ; — Willems,  /.  c p.  491.  — Ernst,  t.  VI, 

p.  570. 

1 8 mars  ( lenzmonat)  1290.  Kremer,  l.  c.,  p.  199. 


( 182  ) 

stipulation  importante.  C’est  une  défense  réciproque  d’édifier  des 
forteresses  dans  leurs  domaines 

Le  18  du  mois  suivant  , Sifroi  s’accorda  avec  les  échevins,  les 
consuls,  les  maîtres  des  citoyens  et  l’université  (ou  commune)  de 
sa  capitale  ; il  ne  fit  de  réserve  que  pour  réclamer  les  biens  et  les 
revenus  qu’on  lui  avait  enlevés,  dans  Cologne,  après  sa  défaite 1  2. 
Mais  le  comte  de  Berg,  choisi  pour  arbitre,  déchargea  les  Colo- 
nais  de  toute  poursuite  à ce  sujet  3. 

Le  prélat  fut  immédiatement  délivré  de  sa  captivité,  qui  a 
inspiré  au  vieux  poëte  autrichien  Ottocare  de  Horneck  un  récit 
très-pittoresque,  mais  d’une  exactitude  plus  que  douteuse.  Après 
avoir  dit  que  l’archevêque  fut  enfermé  dans  une  prison  où  on  le 
contraignait  à garder  constamment  la  pesante  armure  qu’il  portait 
pendant  le  combat,  Ottocare  ajoute  : « J’ai  entendu  raconter  que, 
» lorsqu’on  lui  donnait  à manger,  on  lui  ôtait  pour  un  moment 
» heaume  et  manicles,  mais  qu’on  les  lui  remettait  aussitôt  après 
» le  repas,  de  manière  qu’il  devait  les  garder  même  au  lit.  Quand 
» le  pape  fut  informé  de  ce  traitement , il  envoya  un  légat  au  duc 
» de  Brabant.  Arrivé  dans  le  pays,  ce  légat  salua  le  prince  de  la 
» part  du  Saint-Père  et  l'invita  à mettre  un  terme  aux  tortures 
» de  l’évêque: -—Me  croyez-vous  assez  fou,  répartit  le  duc,  pour 
» causer  le  moindre  mal  à un  prêtre?  Je  ne  l’ai  jamais  fait,  et  que 
» Dieu  m’en  préserve  à l’avenir.  Il  est  vrai  que  je  fis  des  prison- 
» niers  dans  la  dernière  bataille,  et  que  j’en  garde  un  armé  de 
» pied  en  cap  comme  un  chevalier;  mais,  je  vous  le  demande , 
» est-ce  là  ce  qu’on  appelle  un  prêtre?  Je  n’y  vois  rien  de  sem- 
» blable. 

» Le  légat  témoigna  le  désir  d’avoir  une  entrevue  avec  le  pri- 

1 Le  comte  de  la  Marck  fit  comprendre  dans  le  traité  le  chevalier  Thierri 
de  Volmestene.  Lacomblet,  t.  II , p.  515.  — Willems,  p.  495.  — Ernst,  t.  VI, 
p.  575. 

2 Lacomblet,  t.  II,  p.  517. 

3 Idem,  l.  c.  — Ernst,  t.  VI,  p.  575  — Les  bourgeois  de  Cologne  avaient 
saisi  tous  les  revenus  archiépiscopaux,  et  extorqué  de  fortes  sommes  des  juifs 
de  leur  ville,  qui  relevaient  de  la  « chambre  spéciale,  « c’est-à-dire  de  la 
mense  particulière  de  l’archevêque.  Enquête  de  l’an  1290,  ubi  supra. 


( 185  ) 

» sonnier,  et  il  lui  fut  répondu  : Soit.  Introduit,  dans  la  prison,  il 
s trouva  l’évêque  assis  comme  je  viens  de  le  dire.  Il  lui  adresse  la 
» parole  en  latin.  Sifroi,  sous  le  heaume  qui  le  couvre,  fait  enten- 
» dre  des  sons  confus  et  grommelants,  pareils  au  bruit  sortant 
» d’une  pierre  creuse.  Alors  le  légat,  de  sa  propre  main,  lui  ôta  le 
» heaume  de  dessus  la  tête,  et  ne  sortit  pas  de  là  sans  avoir  en- 
» tendu  le  lamentable  récit  de  tout  ce  qui  était  arrivé.  Sur  ce, 
» l’envoyé  du  pape  travailla  sans  relâche  et  de  tous  ses  moyens, 
» pour  rétablir  la  paix  et  l’amitié  entre  les  partis,  et  il  y par- 
» vint  h » 

Ce  fragment  pèche  doublement  contre  la  vérité.  L’archevêque 
ne  fut  pas  le  prisonnier  du  duc,  mais  celui  du  comte  de  Berg; 
puis,  loin  de  rétablir  la  paix,  le  légat  ralluma  plutôt  la  guerre,  puis- 
qu’il refusa  de  ratifier  les  conventions  que  nous  venons  d’analyser. 

En  effet,  au  moment  où  Sifroi  était  rendu  à la  liberté,  arrivè- 
rent des  bulles  papales  dont  la  teneur  fait  supposer  que  le  souve- 
rain pontife  ignorait  complètement  ce  qui  venait  de  se  passer.  Il 
est  vrai  qu’à  cette  époque  un  voyage  de  Cologne  à Rome  ne  con- 
stituait pas  une  affaire  de  quelques  jours;  le  mauvais  état  des 
chemins,  les  dangers  du  passage  des  Alpes,  mille  circonstances 
dont  nous  ne  nous  faisons  plus  une  idée,  ne  permettaient  pas 
aux  messagers  de  la  cour  de  Rome  de  franchir  rapidement  ces 
distances,  que  les  locomotives  et  les  paquebots  sillonnent  aujour- 
d’hui avec  la  rapidité  de  l’éclair. 

Le  5 août,  Nicolas  IV  avait  engagé  les  comtes  Adolphe  de  Berg 
et  Henri  (sic)  de  Juliers  à mettre  le  prélat  en  liberté1 2;  mais,  dans 
la  prévision  qu’on  n’obtempérerait  pas  à sa  réquisition,  il  avait 
chargé  Bohémond , archevêque  de  Trêves,  de  menacer  ces  princes 
d’excommunication  et  de  la  privation  de  tous  les  fiefs  qu’ils  te- 
naient d'une  église,  s’ils  se  refusaient  plus  longtemps  à délivrer 
Sifroi  et  à indemniser  de  ses  pertes  l’Église  de  Cologne.  Le  pape  y 
traite  les  princes  victorieux  avec  la  plus  grande  dureté,  et  de  ma- 

1 Traduction  de  Willems,  Van  Heelu , Introduction,  p.  xlviii;  voyez  les 
appendices  à cet  ouvrage,  p.  569. 

2 Willems  , l.c.,  p.  500. 


( 184  ) 

nière  à faire  croire  que  l’affaire  lui  avait  été  présentée  sous  un 
jour  tout  à fait  faux. 

« A ce  que  nous  avons  appris,  dit-il,  le  duc  de  Brabant  et  les 
» comtes  prédits,  non  contents  de  leurs  domaines  et  donnant  car- 
» ricre  à leurs  entreprises  audacieuses,  ont  persévéré  dans  leurs 
» œuvres  détestables,  et,  malgré  l’obligation  de  fidélité  qu’ils 
» avaient  contractée  envers  ladite  Église,  ils  ont  conclu  criminelle- 
» ment  une  conspiration,  conjuration  et  confédération  avec  les 
» citoyens  de  Cologne  contre  l’archevêque  et  son  église;  puis,  pro- 
» duisant  au  jour  leur  perversité  préméditée,  ils  ont  hostilement 
» envahi  les  domaines  de  cette  église,  à la  tète  d'une  immense* 
» multitude...  » 

« Enfin,  le  duc,  les  comtes  et  autres  précités  se  sont  jetés  sur 
b l’archevêque  et  sur  son  peuple  , ont  cruellement  frappé  ce 
s peuple  de  leurs  glaives  furieux  et  ont  osé  s’emparer,  avec  sacri- 
» lége,  d’un  vénérable  ministre  du  Christ,  respectable  par  sa 
» dignité  pontificale;  après  l’avoir  accablé  de  graves  injures , sa- 
» turé  d’opprobres,  affligé  d’insultes  honteuses,  ils  l’ont,  avec 
» une  témérité  damnable,  lié  avec  des  chaînes  de  prison,  et  le 
» tiennent  encore;  dit-on,  lié  de  cette  manière,  sans  avoir  cessé 
» de  vexer,  de  troubler  et  d’opprimer  l’Église  dans  ses  possessions 
» et  dans  ses  biens...  » 

Les  évêques  de  Strasbourg  et  de  Worms  furent  invités  à prêter 
aide  et  assistance  à l’archevêque  de  Trêves  4,  et  les  habitants  de 
Cologne  engagés  à contribuer  à la  délivrance  de  leur  pasteur 1  2. 

Le  mécontentement  du  souverain  pontife  ne  se  calma  pas  à 
l’annonce  de  la  conclusion  delà  paix.  Sifroi  et  ses  amis  n’avaient 
été  mis  en  liberté  qu’au  prix  d’une  forte  rançon  et  en  promettant  de 
ne  jamais  porter  plainte  au  saint-siège  de  ce  qui  avait  été  fait.  Ces 
précautions,  prises  pour  empêcher  l’intervention  de  son  pouvoir 
suprême,  paraissent  avoir  mécontenté  le  pape  à un  haut  degré. 
Ses  brefs  se  succédèrent,  nombreux,  pressants,  tous  conçus  dans 
le  même  esprit.  Après  avoir  délié  Sifroi  des  engagements  qu’il 


1 8 août  1289.  Lacomblet , t.  Il , p.  518.  — Willems,  pp.  500  et  501 . 

2 9 août  1289.  Willems,  /.  c.}  p.  501. 


( 185  ) 


avait  contractés  *,  il  enjoignit  aux  princes,  ses  ennemis,  de  rendre 
à la  liberté  leurs  prisonniers  et  de  restituer  leur  butin  et  leurs 
conquêtes 1  2 3 *.  Le  même  jour,  les  archevêques  de  Mayence  et  de 
Trêves  reçurent  l’ordre  de  veiller  à l’exécution  des  injonctions  du 
pape  et  d’employer  au  besoin  la  force,  pour  arriver  à ce  but  5. 

La  ville  de  Cologne  persistant  dans  son  refus  de  plier  devant 
les  exigences  de  Sifroi , les  archevêques  de  Mayence  et  de  Trêves 
se  rendirent  à Bonn,  où  ils  ouvrirent  une  enquête  dans  le  but  de 
constater  le  montant  des  dommages  que  leur  collègue  avait  souf- 
ferts. On  a conservé  le  texte  des  déclarations  des  témoins  qui  fu- 
rent alors  entendus;  tous  incriminent  les  bourgeois  de  Cologne, 
en  les  accusant  énergiquement  de  haïr  leur  archevêque  et  de  ja- 
louser ses  prérogatives.  Les  témoins,  il  est  vrai,  sont,  sans  excep- 
lion,  des  dignitaires  ou  des  vassaux  de  l’église  métropolitaine  : 
Werner,  prévôt  de  l’église  Saint-Géréon  ; Wicbold,  écolatre  de  la 
cathédrale,  tout  récemment  élu  doyen  de  ce  temple;  Jean  de  Ren- 
nenberg,  chor-évêque  de  la  même  église;  le  chanoine  Gérard  sur- 
nommé l’avoué;  Jean  de  Rinecge , prévôt  de  Notre-Dame  ad 
cjradus;  les  prévôts  de  Bonn  et  de  Rces  ; Louis  de  Bugstellc,  Go- 
belin  d'Odekenbach  et  Gérard  de  Limbourg,  chanoines  de  la  cathé- 


drale; Engelbert  de  Witerche,  chanoine  de  Xanten;  Herman, 
pleban  de  Yreggene;  les  abbés  de  Campen,  de  Saint-Pantaléon , 
de  Knegstcden,  de  Saint-Martin  à Cologne,  de  Deutz,  de  Sieg- 
berg;le  moine  Rodolphe  et  le  frère  ton  vers  Bernard,  tous  deux 
de  Campen;  les  chevaliers  Jean,  sire  de  Lewenberg;  Conrad 
d’Isenberg,  noble  homme;  Salentin  d’Isenberg,  Daniel  de  Bag- 
lieim,  le  bouteiller  Matthias  d’Are,  et  Burchard,  écoutète  d’An- 
dernach.  Ils  appartenaient,  par  leurs  alliances , par  leurs  sympa- 
thies, au  parti  vaincu  à Woeringcn.  Ils  voulaient,  ils  désiraient 


1 Bref  en  date  du  18  janvier  121)0.  Lacomblet , t.  II , p.  522.  — Ernst , t.  VI , 
p.  401.  — Willems  , Van  Heelu , p.  512. 

2 Brefs  adressés  aux  comtes  de  Juliers  et  de  la  Marck,  le  51  janvier.  La- 
comblet,  t.  II , p.  524;  — Willems,  l.  c.,  pp.  514  et  515. 

3 Brefs  en  date  du  51  janvier.  Lacomblet,  t.  Il,  p.  525.  — Willems,  /.  c., 

p.  515.  — Le  même  jour,  ordre  fut  donné  à l’évêque  de  Strasbourg'  de  prêter 

assistance  aux  deux  archevêques.  Willems  , I.  c..  p.  515. 


( 486  ) 

l'affaiblissement  de  la  bourgeoisie,  dont  la  constante  progression, 
en  influence,  en  prépondérance,  en  force  militaire,  leur  inspi- 
rait une  crainte  d’ailleurs  fondée. 

Les  deux  archevêques  avaient  cité  les  Colonais  à comparaître 
devant  eux.  Un  député,  Henri  Westvelinch,  vint,  en  effet,  les 
trouver  au  nom  delà  ville,  mais,  comme  il  refusa  de  s’expliquer, 
une  nouvelle  injonction  fut  adressée,  le  5 juillet,  aux  magistrats 
de  Cologne.  Si,  au  2 août,  ils  n’avaient  pas  indemnisé  leur  archevê- 
que et  son  Église , eux  et  les  autres  officiers  de  la  cité  seraient  ex- 
communiés de  fait,  et  s’ils  persévéraient  dans  leur  refus  jusqu’au 
lendemain  de  l’Assomption,  on  lancerait  l’interdit  sur  eux  et  sur 
tous  les  habitants.  L’indemnité  que  l’on  exigeait  des  Colonais  ne 
s’élevait  pas  à moins  de  deux  cent  mille  marcs  de  Cologne,  soit,  si 
l’on  croyait  M.  Ernst,  à plus  de  dix  millions  de  livres  tournois  h 

Toutes  ces  menaces  n’aboutirent  à aucun  résultat;  les  Colonais 
continuèrent  à braver  les  foudres  de  l’Église,  bien  que  Sifroi  se 
fût  réconcilié  avec  presque  tous  ses  voisins.  Sans  se  laisser  abattre 
par  le  souvenir  de  sa  défaite,  ce  prélat  travailla  énergiquement  à 
se  préparer  les  moyens  de  lutter  de  nouveau  contre  ses  indociles 
sujets.  Il  éleva,  à grands  frais  et  sous  la  protection  de  forces  mili- 
taires considérables 1  2 *,  le  château  de  Brühl,  et  il  commença  en 
outre  la  construction  d’une  forte  tour  sur  la  rive  du  Rhin,  à 
Berken.  La  mort  le  surprit  avant  qu’il  eut  eu  le  temps  d’achever 
ce  dernier  ouvrage.  Son  successeur  Wicbold  eut  à la  fois  la  gloire 
de  le  terminer  5 et  le  mérite  de  montrer  des  dispositions  plus 
dignes  de  son  ministère.  Peu  de  temps  avant  sa  mort,  Sifroi  avait 
obtenu  de  l’Empereur,  par  l’intermédiaire  de  son  maître  d’hôtel, 
Flecko  Von  Heîdorp,  la  proscription  des  citoyens  de  Cologne  4. 
Wicbold  ne  tira  aucun  parti  de  cette  sentence;  il  s’empressa,  au 
contraire,  de  solliciter  du  pape  Boniface  VIII  la  levée  de  l’interdit, 

1 Ernst,  t.  IV,  p.  552.  — Pour  le  texte  de  l’enquête,  voyez  le  même  auteur, 
t VI , p.  405.  — Lacomblet,  t II,  p.  551.  — Willems,  Van  Heelu,  p.  525. 

2 Maximo  sumptu  et  cum  non  modico  militaris  potentiae  apparatu.  Chro- 

nicon  praesulum  et  archiepiscoporum  Coloniensium , 1.  c. 

5 Ibidem. 

1 18  août  1296.  Securis  ad  radicem  , p.  551  — Lacomblet,  t.  II,  p.  570. 


( 187  ) 

et  lui-même  donna  l’absolution  aux  Colonais,  le  21  mars  1297- 
1298.  La  ville  épiscopale  vit  s’éteindre,  vers  cette  époque,  toutes 
les  contestations  dans  lesquelles  elle  s’était  engagée,  à la  suite  de 
la  guerre  du  Limbourg.  Le  6 octobre  1299,  le  comte  de  Gueldre 
renonça  aux  réclamations  qu’il  avait  élevées  à sa  charge,  au  sujet 
des  pertes  subies  par  lui  à Woeringen,  et  il  renouvela  ses  an- 
ciennes alliances  avec  les  bourgeois  b 


II. 


Ce  ne  fut  pas  sans  de  grandes  difficultés  que  le  duc  Jean  entra 
en  possession  de  ses  nouveaux  domaines. 

Son  beau-père  Guy,  comte  de  Flandre,  qui  avait  également  uni 
une  de  ses  filles  au  comte  de  Gueldre,  continua  contre  lui  son  an- 
cien système  de  demi-mesures,  d’intrigues  perfides,  de  machina- 
tions à la  fois  déloyales  et  timides.  Quelques  chroniqueurs  en 
rejettent  la  faute  sur  l’entourage  du  comte  et  principalement  sur 
sa  seconde  femme,  Isabelle,  qui,  de  même  que  la  comtesse  de 
Hainaut,  était  la  sœur  du  dernier  comte  de  Luxembourg.  Avant 
la  bataille,  disent  ces  écrivains,  Guy  parla  d’offrir  sa  médiation, 
mais  les  comtesses,  qui  comptaient  sur  un  succès  décisif,  repous- 
sèrent formellement  cette  proposition.  On  peut  juger  quelle  fut 
leur  douleur  en  écoutant  le  récit  de  la  bataille  : « Isabelle,  s’écria 
» le  comte,  le  duc  est  vainqueur,  tes  trois  frères  ont  péri.  Que 
» n’as-tu  suivi  mes  conseils!  » Le  mal  était  irréparable;  il  fallait 
l’empêcher  de  grandir  et  protéger  l’héritage  des  jeunes  enfants 
du  comte  de  Luxembourg 1  2. 

Tandis  que  Renaud  était  conduit  à Louvain,  où  l’historien 
liégeois  Hocsem  eut  occasion  de  le  voir3,  ses  châteaux  de  Limbourg 

1 Lacomblet,  t.  II,  p.  611. 

2 Chronicon  monasterii  sancti  Bertini,  dans  Martene  et  Durand,  Thé- 
saurus anecdotorum , t.  111,  col.  7 et  suiv. 

5 Seloü  Levold  de  Northof,il  fut  aussi  enfermé,  pendant  quelque  temps, 
dans  le  manoir  de  Bautersem , près  de  Louvain. 


( 188  ) 

et  de  Roldue  furent  remis  au  nom  du  sire  de  Fauquemont,  par 
son  clerc,  nommé  Thomas,  à Jean  de  Messines  et  Lottin  de 
Bruges,  mandataires  du  comte  de  Flandre  !. 

Waleram  ayant  exercé  de  nouvelles  hostilités  dans  les  terres 
relevant  du  duché  de  Brabant,  le  duc  alla,  au  mois  d’août  1288, 
assiéger  le  château  de  Fauquemont,  devant  lequel  il  se  trouvait 
encore  quelques  jours  avant  la  Toussaint.  Waleram  ne  se  ren- 
ferma pas  dans  sa  capitale,  la  comtesse  de  Flandre  lui  ayant  confié 
l’administration  du  comté  de  Namur,  qui  lui  appartenait  à titre 
de  dot.  Là,  il  rassembla  un  corps  de  troupes  et  se  jeta  sur  le 
Brabant.  Le  seigneur  de  Melin  ou  Mellet  ramassa  à la  hâte  le  plus 
de  forces  disponibles  et  se  porta  à sa  rencontre,  mais  il  fut  battu 
et  tué,  ce  qui  obligea  Jean  Ie1  à quitter,  au  moins  pour  quelques 
jours,  le  siège  de  Fauquemont  -. 

L’évêque  de  Cambrai,  Guillaume  d’Avesnes,  se  rendit  auprès 
du  duc,  pendant  que  ce  prince  assiégeait  Fauquemont.  Après 
mainte  conférence  avec  lui , avec  l'évêque  de  Liège,  avec  les  con- 
seillers de  tous  deux,  et  grâce  à l’appui  de  l’évêque  de  Liège  et 
de  Nicolas  de  Condé , seigneur  de  Belœil  et  de  Morialmé , « qui 
» l’aident  beaucoup,  » il  parvint  à ménager  une  transaction.  Jean 
de  Flandre,  Nicolas  de  Condé,  Philippe,  fils  du  comte  d’Artois,  le 
sire  d’Aerschot,  Gilles  Berlhout  et  quelques  autres  personnages 
de  distinction  déterminèrent  le  duc  à l'accepter  pour  médiateur 
et,  d’autre  part,  promirent  qu’ils  feraient  observer  par  le  duc 
rengagement  que  celui-ci  venait  de  prendre  (24  octobre  1288). 

Conformément  à ses  promesses,  le  duc  partit  du  camp  devant 
Fauquemont  le  lundi  avant  la  Toussaint  et  se  rendit  à Nivelles  le 
vendredi  suivant.  L’évêque,  qui  ne  le  quitta  que  lors  de  la  levée 
du  siège,  avait,  le  24  octobre,  engagé  le  comte  de  Flandre  à eon- 
tremander  la  semonce  ou  prise  d’armes  pour  laquelle  il  avait 
donné  les  ordres,  et  à se  trouver  le  même  vendredi  à Yieuville. 
Les  deux  princes  devaient  se  rencontrer  près  de  ce  dernier  en- 
droit, dans  la  ferme  de  l’abbaye  de  Villers,  à Frasne. 

1 Déclaration  de  Waleram,  en  date  du  15  décembre  1288.  Jules  de 
Saint-Génois , Inventaire  cité,  pp.  142  et  suiv. 

- Hocsem,  c.  XVI. 


( 180  ) 

Lecomte  admit  aussi  l’évêque  pour  arbitre  et  le  due  eu  lit  au- 
tant, une  seconde  fois,  la  veille  de  la  Toussaint,  51  octobre;  il 
s’obligea  alors,  pour  le  cas  où  il  n’accepterait  pas  la  décision  de 
Guillaume,  à payer  au  comte  de  Gueldre  une  amende  de  cent 
mille  livres  parisis.  Philippe  d’Artois,  Hugues  de  Saint-Pol,  le 
comte  Jean  de  Dreux,  le  sire  d’Aerschot,  Rase,  sire  de  Liedekerke; 
Othon,  sire  de  Trazegnies;  Jean,  sire  de  Cuyek;  Arnoul,  sire  de 
Walhain;  Robert,  sire  d’Assche;  Gérard,  sire  de  Rotselaer,  et 
Henri  de  Moerseke  se  constituèrent  ses  cautions. 

L’évoque  de  Cambrai,  avec  une  précipitation  singulière,  porta, 
le  fi  novembre,  la  sentence  suivante  : Renaud  devait  lui  être  remis 
dans  la  huitaine,  et,  dans  le  même  délai,  Je  comte  de  Flandre 
avait  à lui  livrer  les  châteaux  de  Limbourg,  de  Rolduc,  de  Spri- 
mont  et  leurs  dépendances.  Il  se  réserva,  au  surplus,  de  pronon- 
cer sur  les  débats  des  parties,  qu’il  assigna  à comparaître  devant 
lui,  à Rossignies,  le  mardi  après  l’octave  de  la  Saint-Martin  d’hiver. 

Le  comte  de  Flandre  fit  aussitôt  remettre  à l’évêque,  par  Walter 
d'Antoing,  sire  de  Reloue,  les  places  de  Limbourg  et  de  Rolduc; 
mais  le  duc  n’agit  pas  de  même.  Craignant  sans  doute  quelque 
combinaison  nuisible  à scs  intérêts , il  se  refusa  à relâcher  son 
rival,  « si  ce  n’est  par  paroles  et  par  un  want,  » c’est-à-dire  en 
contractant  un  engagement  verbal,  pour  lequel  il  fournirait  une 
garantie.  Une  nouvelle  assignation  fut  donnée  aux  parties  à Hac- 
quegnies,  et  là,  le  8 décembre,  à l’heure  de  midi,  l’évêque  somma 
encore  une  fois  le  due  de  mettre  le  comte  de  Gueldre  en  liberté. 

Trois  jours  après,  Guillaume  se  rendit  à Nivelles , où  le  duc  avait 
fait  conduire  le  comte,  après  lui  avoir  fait  quitter  le  lieu  où  on 
l’avait  amené,  par  ordre  du  juge  arbitre.  Là,  en  présence  de  celui-ci , 
de  l’évêque  de  Liège,  de  Jean  de  Fieffés,  archidiacre  de  Flandre; 
de  Nicolas  de  Condé,  de  Walter  d’Antoing,  de  Tliicri  Loef,  sire 
de  Thonnebourg;  de  sire  de  Bronckhorst,  de  «Gérard,  sire  de 
Batenbourg;  de  Thierri,  avoué  de  Ruremonde:  de  Loef  de  Clèves, 
de  Lot  lin  de  Bruges,  Renaud  déclara  approuver  le  compromis 
fait  pour  sa  délivrance.  11  pria  l’évêque  de  vouloir  continuer  son 
rôle  de  juge-arbitre,  et  donna  pleins  pouvoirs  au  comte  de  Flandre, 
son  beau-père,  pour  négocier  en  son  nom.  Par  un  autre  acte,  il 


( 190  ) 

reconnut  comme  sien  un  nouveau  scel,  et  il  ordonna  de  le  porter 
au  même  comte,  auquel  il  abandonna  le  soin  de  toutes  ses  affaires, 
aussi  longtemps  qu'il  resterait  en  prison. 

Le  due  ayant  été  derechef  et  sans  plus  de  succès,  invité  à livrer 
le  comte  à l’évêque,  « à la  Caucie  (ou  chaussée  romaine),  de  lés 
» Librecliies,  » fut  condamné  par  défaut.  Le  juge-arbitre  lui 
défendit  de  conserver  Rolduc  et  Limbourg,  dont  on  l’avait  mis  en 
possession,  et  de  continuer  à occuper  le  duché  de  Limbourg,  avant 
d'avoir  accompli  ce  qu’il  lui  avait  ordonné  et  ce  qu’il  lui  ordonne- 
rait par  la  suite  (15  et  16  décembre). 

Toutes  ces  tentatives  infructueuses  découragèrent  le  prélat. 
Le  18  du  même  mois,  il  se  déchargea  de  ses  fonctions  sur  son 
cousin  Guillaume  de  Flandre  J ; mais  si  celui-ci  fit  quelques  dé- 
marches, elles  n'aboutirent  à rien. 

On  craignit  un  moment  que  la  guerre  ne  recommençât.  Quel- 
ques déprédations  réciproques  furent  commises  sur  les  frontières 
du  Brabant,  d’une  part;  des  comtés  d’Alost  et  de  Namur,  d’autre 
part.  L'entreprenant  sire  de  Fauquemont  conclut  un  traité  d'al- 
liance avec  Guy  de  Dampierre  contre  Jean  Ier,  l’évêque  de  Liège 
et  leurs  alliés;  il  promit  de  garder  loyalement  le  comté  de  Guel- 
dre  et  de  le  restituer  au  comte  de  Flandre  ou  au  comte  de  Guel- 
dre,ou,  si  ce  dernier  était  encore  prisonnier,  à la  comtesse,  de 
même  que  toutes  les  places  mises  sous  sa  garde  ou  qu’il  pourrait 
conquérir,  sans  en  rien  retenir,  pour  quelque  cause  que  ce  fut  -. 

Heureusement,  la  paix  ne  tarda  pas  à se  conclure.  Dans  le  cou- 
rant du  mois  d’août,  le  comte  Renaud  fut  remis  au  roi  de  France, 
à condition  que  si  un  traité  n’était  pas  signé  à la  Saint-Remi, 
ce  prince  serait  rendu  au  duc,  dans  le  même  état  et  au  même 
endroit  où  il  avait  été  confié  au  roi.  Philippe  le  Bel  décida  la 
question  à Paris,  le  15  octobre  1289,  en  présence  du  duc  et  des 
deux  comtes.  A sa'réquisition,  Jean  Ier  mit  Renaud  en  liberté;  puis, 
celui-ci  ayant  ratifié  son  acte  de  compromis,  on  proclama  les  con- 

1 Les  actes  relatifs  à ces  négociations  ont  été  publiés  par  Nyhoff,  Gedenk- 
ivaardigheden , t.  I,  pp.  11  et  suiv. ; — Ernst,  Histoire  du  Limbourg, 
t.  VI,  pp.  541  et  suiv.,  — et  Willems,  Van  Heelu,  pp.  467  et  suiv. 

2 7 février  1288-1289.  Willems,  Van  Heelu,  p.482. 


( 191  ) 

ditions  du  traité.  Voici  l’analyse  de  cet  acte  important,  en  vertu 
duquel  le  Limbourg  fut,  pour  jamais,  annexé  au  duché  de  Brabant. 

Le  comte  de  Gueldre  renonce,  pour  toujours,  en  faveur  du 
duc,  à ses  droits  sur  le  duché  de  Limbourg  et  sur  les  châteaux  de 
Duysbourg,  de  Wassenberg,  de  Herve  et  de  Sprimont  et  leurs 
dépendances.  ïl  s’engage  à payer  la  moitié  des  huit  mille  six  cents 
marcs  pour  lesquels  Wassenberg  est  engagé  à l’archevêque  de  Co- 
logne (l’autre  moitié  devant  rester  à la  charge  du  duc  de  Brabant), 
à rembourser  les  autres  hypothèques  existant  sur  Wassenberg  et 
Duysbourg,  et  à indemniser  le  duc  des  dettes  dont  il  avait  grevé 
ces  châteaux  ou  des  aliénations  qu’il  avait  faites  dans  ses  domaines , 
depuis  la  mort  de  sa  femme  Ermengarde. 

Le  comte  de  Gueldre  restitue  au  duc  la  ville  de  Thiel,  « dans 
» l’état  où  elle  se  trouve,  après  avoir  été  ruinée  pendant  la 
» guerre.  » Par  contre,  le  duc  rend  le  Bommehveert  et  le  Tieler- 
weert.  Aucune  réclamation  ne  pourra  être  élevée  à charge  des 
deux  princes,  à raison  des  dégâts  ou  des  dommages  qu’eux  et  leurs 
gens  se  sont  mutuellement  causés. 

Le  comte  de  Flandre  payera  au  duc  les  quatre  mille  marcs  que 
le  sire  de  Fauquemont  doit  à ce  dernier,  pour  avoir  repris  les 
armes  contre  lui;  de  plus,  il  renoncera , en  sa  faveur,  à la  posses- 
sion de  Herve  et  de  Sprimont. 

Dans  la  paix  on  comprend  : du  côté  du  Brabant,  les  comtes  de 
Hollande,  de  Clèves,  de  la  Marck,  de  Berg  et  de  Juliers,  et  les 
villes  de  Cologne  et  d’Aix-la-Chapelle;  du  côté  de  la  Gueldre,  le 
sire  de  Fauquemont. 

Aussitôt  après  le  prononcé  du  jugement,  et  sur  l'ordre  du  roi, 
le  sire  de  Fauquemont,  puis  le  comte  de  Gueldre  firent  hommage 
au  duc  pour  les  terres  qu’ils  possédaient  à titre  de  fief,  dans  le 
Limbourg;  le  second  releva  une  seconde  fois  de  Jean  Ier  ses  fiefs 
brabançons.  Ensuite  le  duc  et  les  comtes  de  Flandre  et  de  Gueldre 
approuvèrent  la  sentence  royale,  et  se  donnèrent  mutuellement 
le  baiser  de  paix  h 

1 Praelium  Woeringianum , pp.  66-70.  — Butkens,  t.  I,  Preuves,  p.  124. 
—Ernst,  t.  VI,  p.  391.  — De  Dynter,  t.  II,  pp.  44b  et  suiv.  — Dumont,  Corps 
diplomatique,  t.  I,  1 re partie, p.  268. 


( I9â  ) 

Le  duc  entra  aussitôt  en  possession  de  tout  le  Limbourg  et 
particulièrement  de  ce  que  le  comte  de  Flandre  y avait  acquis 
de  Conon  de  Loncin  et  de  son  fils  Henri,  châtelain  de  Spri- 
mont  L Ces  chevaliers,  en  vertu  de  lettres  ou  actes  émanés  du 
dernier  due  de  Limbourg,  du  comte  de  Gueldre,  du  sire  de  Fau- 
quemont,  avaient  concentré  entre  leurs  mains  un  grand  nombre 
de  riches  domaines  et  de  beaux  revenus  : la  maison  ou  château 
de  Loncin,  que  Jean  Ier  avait  fait  abattre;  l’avouerie  ou  seigneurie 
du  même  endroit,  le  village  de  Simpelvelt,  une  redevance  en 
blé  qui  se  levait  à Lymiers,  un  tonlieu  qu’on  percevait  à Henri- 
Chapelle,  le  château  de  Hervé  et  ses  dépendances,  la  châtellenie 
de  Sprimont.  Guy  de  Dampierre  acheta  le  tout  pour  la  somme  de 
quatre  mille  marcs  ester! ings  de  Brabant,  à douze  sous,  plus  trois 


ces  biens,  depuis  la  Saint-Remi  de  l’année  1 288  jusque  quinze  jours 
après  la  Saint-Jean-Baptiste  de  l’année  suivante  (29  juin  1289) 1  2 * *. 
Ce  fut  Florent  Berthout,  sire  de  Berlaer,  qui  eut  commission  de 
recevoir,  au  nom  du  duc,  la  remise  de  Hervé  et  de  Sprimont  5. 

VVassenberg  passa  également  sous  la  domination  de  Jean  1er  L 
mais  ce  prince  ne  put  réunir  à ses  domaines  l’antique  et  impor- 
tante ville  de  Duysbourg,  malgré  l’invitation  que  le  comte  Renaud 
adressa  dans  ce  but  aux  habitants.  IJ  nous  serait  impossible,  faute 
de  documents  suffisants,  de  préciser  les  phases  par  lesquelles  passa 
cette  localité  après  la  bataille  de  Woeringen  ; nous  allons  cepen- 
dant essayer  d’en  donner  une  esquisse,  parce  qu’elle  formait 

1 Ces  deux  chevaliers  assistèrent  à la  bataille  de  Woeringen  , où  ils  essuyè- 
rent de  grandes  pertes.  Le  comte  de  Luxembourg  les  indemnisa,  eux  et  leur 
suite,  moyennant  sept  cents  marcs  esterlings  de  Brabant  (déclarations  de 
Conon  , en  date  du  26  juin  1289,  et  de  son  lils  Henri, en  date  du  50  mai  1296). 
Willems,  Van  Heelu , pp.  495  et  569. 

2 Willems,  Van  Heelu,]).  496.  — La  quittance  des  deux  chevaliers  est  datée 

du  19  juillet  suivant.  Jules  de  Saint-Génois,  p.  147. 

5 Procurations  données  les  7 et 8 novembre.  Willems,  Van  Heelu,  pp.  508 
et  509. 

1 Ernst  (t.  IV , p.  562)  doute  que  Wassenberg  ait  alors  été  réuni  au  Bra- 
bant, mais  lui-même  (t.  V,  p.  22)  donne  la  preuve  du  contraire  de  sa  pre- 
mière assertion. 


( i»3  ) 

partie  intégrante  du  duché  de  Limbourg.  Adolphe  de  Berg  avait 
d'abord,  à ce  qu’il  semble,  essayé  de  s’en  rendre  maître.  Le  9 août 
1288,  il  en  prit  les  habitants  sous  sa  protection  et  conclut  avec 
eux  un  traité  d’amitié  b Peu  de  temps  après,  en  1290,  le  roi  Ro- 
dolphe, en  constituant  la  dot  de  sa  nièce  Marguerite,  femme  de 
Thierri,  comte  de  Clèves,  donna  à celui-ci  en  engagère  le  château 
et  la  ville  de  Nimègue  et  les  villes  de  Duysbourg  et  de  Deventer 
(5  juillet  1290) 1  2 * *.  On  remarquera  que  le  roi,  sans  doute  afin  de 
se  dépouiller  le  moins  possible,  donnait  trois  villes  détachées 
depuis  longtemps  du  domaine  : Nimègue  obéissait  depuis  près 
d’un  siècle  aux  comtes  de  Gueldre;  Deventer  comptait  parmi  les 
anciennes  possessions  de  l’évêché  d’Utrecht;  Duysbourg  aurait 
du  obéir  au  duc  de  Brabant.  Il  est  vrai  que  Renaud  était  encore 
prisonnier,  et,  quant  au  duc  de  Brabant,  il  ne  fit  pas  alors  valoir 
ses  droits,  soit  parce  que  le  comte  produisit,  à l’appui  de  ses  pré- 
tentions, les  conventions  de  mariage  du  dernier  duc  de  Limbourg 
avec  Jutte  de  Clèves,  sa  tante;  soit  parce  que  ce  même  comte 
devait  être  récompensé  de  l’appui  qu’il  avait  prêté  au  vainqueur 
de  Woeringen.  Les  bourgeois  de  Duysbourg  ne  passèrent  pas  sans 
difficulté  sous  cette  nouvelle  domination;  mais  la  querelle  qui 
s’éleva  entre  eux  et  Thierri  s’apaisa,  grâce  à la  médiation  de  l’ar- 
chevêque et  du  doyen  de  Cologne,  des  conseillers  du  comte  et 
d’autres  seigneurs.  Thierri  promit  de  ne  tirer  d’eux  aucune  ven- 
geance pour  ce  fait  et  de  les  indemniser,  si  on  leur  avait  causé 
quelque  dommage  5.  Mais,  pour  plus  de  sûreté,  pour  mieux  ga- 
rantir leurs  précieuses  libertés,  les  bourgeois  recoururent  au  roi 
et  obtinrent  de  lui,  dans  l’espace  de  quelques  mois,  trois  chartes 
importantes.  La  première  leur  assure,  notamment,  la  liberté  de 
tonlieu  dans  tout  l’empire  et  le  droit  dé  juger  les  différends  qui 
s’élèveraient  entre  eux,  comme  les  habitants  d’Aix  le  possédaient  ; 


1 Kremer,  t.  III,  Urkunden  , p.  188.  — Lacomblet,  t.  II,  p.  500. 

2 o juillet  1290.  Lacomblet,  t.  II,  pp.  555  et  556.  — L’engagère  de  Duys- 

bourg,  qui  était  primitivement  de  deux  mille  marcs  d’argent,  lïil  augmen- 

tée de  quatorze  cents  marcs  par  le  roi  Adolphe  de  Nassau,  en  1294.  hlem, 
p.  562. 

5 6 novembre  1290.  Lacomblet  , t.  11 , p.  555. 

Tome  NUI. 


15 


( 494  ) 

elle  leur  confirme  aussi  la  prérogative  de  promulguer  des  kutren 
(keuren)  ou  ordonnances  de  police  L Par  la  seconde,  défense  est 
faite  de  les  molester  h cause  des  dettes  du  comte  de  Clèves,  et, 
par  la  troisième,  le  clergé  reçoit  l’ordre  de  payer  les  impositions 
locales,  à raison  des  biens  qu’il  possède  dans  la  ville 1  2.  Comme 
nous  le  verrons  plus  loin,  le  duc  de  Brabant  essaya  de  rentrer  en 
possession  de  Duysbourg,  mais  sans  succès.  Le  roi  Albert  d’Au- 
triche, le  second  des  successeurs  de  Rodolphe,  après  avoir  con- 
firmé les  privilèges  de  Duysbourg3,  invita  Fécoutète,  les  consuls, 
les  éehevins  et  les  autres  citoyens  de  cette  ville  à reconnaître  pour 
seigneurs  la  comtesse  de  Clèves  et  ses  enfants,  dont  la  postérité 
se  la  transmit  paisiblement 4 * 6. 

Le  11  novembre  1289,  le  duc  Jean  donna  quittance  au  comte 
de  Flandre  de  la  somme  de  quatre  mille  mares  mentionnée  dans 
le  traité  3.  Guy  de  Dampierre  acquitta  volontiers  cette  dette  du 
sire  de  Fauquemont;  celui-ci,  qui  ne  se  fatiguait  pas  de  servir  la 
politique  du  comte,  avait  négocié,  non  sans  peine,  le  mariage  de 
son  fils  avec  la  nièce  du  duc  de  Brabant,  la  fille  de  Godefroid, 
sire  d’Aerschot  et  de  Vierson  G. 

Le  dernier  combattant  de  Woeringcn  fut,  depuis  cette  époque, 
le  serviteur,  le  conseiller  de  son  ancien  ennemi.  Il  resta  cependant 
fidèle  au  prince  dont  il  avait  surtout  suivi  les  inspirations;  tou- 
jours, il  resserra  les  liens  qui  unissaient  la  Flandre  et  le  Brabant. 
Jean  Ier,  qui,  après  Woeringcn,  avait  donné  sa  seigneurie  au  sire  de 
Durbuy  7,  avait  appris  à estimer  son  audace;  il  lui  paya  une  indcm- 

1 Plébiscita , quae  vulgariter  kuiren  appellantur , pro  compescendis  vul- 
garibus  ipsius  oppidi  insolentiis,  et  pro  congrui  fori  laxatione.  Erfurt, 
le  18  février  1290-1291.  Lacomblet , t.  11 , p.  526. 

2 Diplômes  datés  du  2 juin  1291.  Ibidem. 

5 28  août  1298.  Ibidem,  p.  590. 

1 8 juin  1299.  Ibidem , p.  600. 

s Willems,  l.  c.,  p.  510. 

6 11  décembre  1289.  Willems,  Van  Heelu , p.  511.  — Jules  de  Saint-Gé- 
nois, p.  15o. 

7 Le  17  août  1289,  Gérard,  sire  de  Blankenheim,  se  constitua  le  vassal  du 
comte  Guy  et  de  son  fils,  Jean  de  Namur,  en  promettant  d’assister  ce  dernier 
contre  et  envers  tous , sauf  quelques  personnes  et  notamment  le  seigneur  de 


( 195  ) 

uité  de  quatre  mille  marcs  pour  les  dégâts  qu’il  avait  causés  dans 
ses  domaines,  « du  temps  qu’il  y avait  guerre  outre  la  Meuse  L » 
Lorsque  Waleram  dut  emprunter  neuf  cents  marcs  à des  Lom- 
bards d’Asti,  le  duc,  ainsi  que  le  sire  d’Aerschot,  le  comte  de  Looz 
et  plusieurs  autres  nobles,  se  constituèrent  ses  cautions;  chacun 
d’eux  s’obligea,  en  cas  de  défaut  de  payement,  à se  rendre  à 
Maestricht  ou  à y envoyer  chacun  trois  chevaliers,  pour  y rester 
jusqu’à  l’entier  payement  delà  dette.  Le  comte  de  Flandre  contracta 
le  même  engagement,  mais  le  duc  de  Brabant  promit  de  l’en  tenir 
indemne  2.  Disons  ici  que  l’archevêque  de  Cologne  Wicbold  gra- 
tifia le  seigneur  de  Fauquemont  d’une  rente  de  deux  cents  marcs 
à prélever  sur  le  produit  du  péage  de  Bonn  ; il  lui  fit  ce  don  en 
dédommagement  des  torts  que  Waleram  avait  soufferts  à Woe- 
ringen  et  pour  lui  tenir  lieu  de  la  rente  qui  lui  avait  été  promise 
à Kempen  3.  Le  prélat,  nouvellement  monté  sur  son  siège  archi- 
épiscopal, s’efforcait  alors  de  cicatriser  les  blessures  dont  souf- 
fraient ses  sujets  et  son  Eglise.  Waleram , dont  l’influence  était  des 
plus  considérables , ne  pouvait  être  oublié. 

A cette  époque,  Renaud  n’était  pas  encore  sorti  des  embarras 

Durbuy,  « qui  est  à présent  le  seigneur  de  Fauquemont.  » Saint-Génois,  Monu- 
ments , p.  775.  La  dernière  phrase  signifie,  non  pas,  comme  l’entend  Ernst 
(t.  IV,  p.  523,  note  I),  que  le  seigneur  de  Fauquemont  avait  probablement 
conquis  la  terre  de  Durbuy , mais  que  le  sire  de  Durbuy , en  indemnité  de  ce 
qu’il  avait  soulfert  l’année  précédente , était  devenu  seigneur  de  Fauquemont, 
en  vertu  d’une  concession  du  duc  de  Brabant. 

En  1289,  Gérard  de  Luxembourg  eut  une  nouvelle  querelle  avec  l’évêque 
de  Liège;  elle  finit,  le  23  janvier  de  cette  année  (1290,  nouveau  style),  par  un 
accord,  moyennant  deux  mille  marcs  liégeois,  dont  le  comte  de  Flandre 
demeura  caution.  Saint-Génois  , l.  c.,  p.  777. 

En  1296,  Gérard  et  sa  femme  Mathilde,  qu’il  avait  épousée  vers  l’année  1255, 
vivaient  encore,  mais  tous  deux  n’existaient  plus  au  printemps  de  l’année  1504. 
lis  ne  laissèrent  que  des  filles,  dont  une,  Ermengarde,  prit  pour  mari  Gérard  , 
le  sire  de  Blanckenheim  cité  plus  haut.  Voyez  Ernst,  t.  IV,  pp.  93  et  suivantes. 

1 Acte  du  7 février  1286  (ou  plutôt  1290),  dans  Willems,  Van  Heelu, 
p.  437. 

2 16  et  17  novembre  1292.  De  Saint- Génois , Monuments , p.  812;  — Wil- 
lems , Van  Heelu  , p.  565. 

5 6 septembre  1299.  Lacomblet,  1. 11,  p.  608. 


( 196  ) 

pécuniaires  dans  lesquels  son  ambition  l’avait  plongé.  Après  avoir 
reçu  de  ce  prince,  conformément  à la  sentence  du  roi  de  France, 
la  somme  de  quatre  mille  trois  cents  marcs  de  Cologne,  le  duc  de 
Brabant  lui  avait  donné  une  décharge  complète  de  toute  dette  J. 
Mais  Renaud  dut  aussi  payer,  non-seulement  les  services  de  la 
plupart  de  ses  alliés,  mais  encore  les  dommages  que  leur  avait 
causés  la  bataille  de  Woeringen  2,  Ce  qui  mit  le  comble  au  désordre 
de  ses  finances,  ce  fut  l’avidité  de  ses  créanciers.  En  attendant  le 
remboursement  de  leurs  avances,  ils  cherchèrent  à s’indemniser 
en  saisissant  tout  ce  qu’ils  purent  prendre.  Le  roi  Rodolphe,  pour 
le  consoler  de  ses  déboires,  lui  confia  l’administration  de  toute  la 
Frise  non  soumise  au  comté  de  Hollande,  avec  jouissance  d’une 
rétribution  annuelle  de  quatre  mille  marcs  5;  mais  cette  adminis- 
tration fut  probablement  plus  nuisible  qu’avantageuse  au  comte, 
et,  dans  l’état  de  faiblesse  où  se  trouvait  l’Empire,  sa  rétribution 
lui  fut  sans  doute  très-mal  payée. 

Renaud  se  décida  enfin  à recourir  à son  beau-père.  Il  lui  avait 
déjà  des  obligations  du  même  genre  et  lui  avait  abandonné  une 
rente  de  treize  cents  livres  tournois,  que  le  roi  de  France  lui 
devait  pour  la  vente  de  la  terre  d’Erfleu  ou  Harfleur  4;  il  se  dé- 
cida, au  mois  de  février  1290-1291,  à lui  abandonner  momen- 
tanément l’administration  de  son  comté.  «Pressés,  dit -il,  moi 
» et  ma  femme,  par  d’impitoyables  créanciers,  réduits  à la  plus 
» pénible  extrémité,  nous  avons  toujours  trouvé  un  généreux 
» secours  dans  notre  père,  le  comte  Guy,  qui  nous  a avancé  des 
» sommes  considérables,  pour  nous  soustraire  à une  perte  com- 

! 8 novembre  1289.  Willems,  Van  Heelu , p.  510. — Jules  de  Saint-Génois, 
p.  151. 

2 11  paya  à Thierri  Loef  de  Clèves,  pour  lui  et  les  siens,  sauf  le  chevalier 
Thierri  de  Batenbourg  et  Jean  de  Grunzebeke,  la  somme  de  deux  mille  quatre 
cents  marcs  de  Cologne.  Acte  du  50  mai  1290,  dans  Willems,  Van  Heelu, 
p»  521 . 

5 20  juillet  1290.  Rousset,  Supplément  au  Corps  diplomatique.  — Ernst, 
t.  IV,  p.  570.  — Bondam,  Charterboek , p.  507. 

1 Saint-Génois,  Monuments , p.  786.  — Jules  de  Saint-Génois,  Inventaire 
cité,  p.  160. 


( 1^7  ) 

» plète.  Afin  de  l'indemniser  de  ses  grands  sacrifices,  nous  avons 
» recouru  à un  moyen  extrême,  et  remis,  entre  ses  mains,  pour 
» un  terme  de  cinq  années  commençant  à la  fête  prochaine  de 
» sainte  Marguerite  ou  plus  tôt,  jusqu'à  l’entier  payement  des 
» sommes  dues,  les  comtés  de  Gueldre,  de  Zutphen  et  de  Kessel, 
» avec  toutes  leurs  dépendances.  » Le  comte  et  la  comtesse  aban- 
donnent à Guy  de  Dampierre  le  droit  de  nommer  dans  leurs  châ- 
teaux et  places  fortes  tels  gardiens  ou  magistrats,  châtelains, 
juges,  écoutâtes,  échevins,  qu’il  lui  paraîtra  convenable.  Enfin  ils 
renoncent  à faire  acte  d’autorité  dans  leurs  États.  Ils  autorisent 
le  duc  de  Brabant,  les  sires  de  Fauquemont  et  de  Kessel  à les 
forcer,  au  besoin,  à tenir  leurs  engagements;  ils  prient  l’arche- 
vêque de  Cologne,  les  évêques  de  Liège,  de  Munster  et  d’Utrecht 
de  délivrer  des  lettres  attestant  l’accord  qui  précède.  A leur  de- 
mande, un  grand  nombre  de  seigneurs  et  les  villes  du  comté  1 
ratifièrent  cet  accord,  car  les  temps  n’étaient  plus  où  on  disposait 
des  peuples  sans  leur  consentement.  Selon  toute  apparence,  la 
convention  dont  nous  venons  de  parler  fut  négociée  malgré  le 
comte.  Elle  constitua  une  mesure  de  salut  public,  invoquée  par 
un  peuple  souffrant  d’une  mauvaise  administration.  En  effet,  un 
mois  après,  le  comte  n’en  avait  pas  encore  envoyé  en  Flandre  la 
ratification;  il  s’en  excusa  en  alléguant  l’éloignement  des  lieux  2. 

La  Gueldre  resta  entre  les  mains  de  Guy  de  Dampierre,  qui 
en  confia  la  garde  au  sire  de  Fauquemont.  Les  sujets  de  Renaud 
essayèrent  de  rembourser  les  dettes  de  leur  prince;  mais  ils  ne 
purent  y parvenir,  car  le  comte  devait  encore  à son  beau-père, 
en  1295,  cent  mille  livres  tournois,  que  le  roi  d’Angleterre  paya 
à sa  décharge.  Dès  le  1er  janvier  1296,  le  vaincu  de  Woeringen 
était  rétabli  dans  l’exercice  de  son  pouvoir.  Il  eut  encore  un  règne 
très-long,  mais  qui  se  termina  de  la  manière  la  plus  déplorable. 

1 C’étaient  Nimègue,  Ruremonde,  Gueldre,  Venloo,  Nyestadt , Kessel, 
Goch,  Zutphen,  Emmerich , Arnhem , Duysbourg  (sur  l’Yssel),  Harderwyck, 
Groenloo.  De  Saint- Génois,  Monuments , p.  790.  — Jules  de  Saint  - Génois , 
Inventaire  cité,  p.  163.  — Van  Spaen,  t,  I,  pp.  522-325.  — Willems,  Van 
Heelu , pp.  316-519. 

- Jules  de  Saint-Génois , Inventaire  cité , 1.  c. 


( »98  ) 

Devenu  odieux  à son  peuple,  Renaud  vit  son  fils  se  soulever  contre 
lui,  et  finit  ses  jours  en  prison,  le  9 octobre  1526. 


III. 

Dans  les  traités  de  réconciliation  conclus  entre  le  duc  de  Brabant 
et  le  comte  de  Gueldre,  il  n’avait  pas  été  fait  la  moindre  mention 
des  droits  des  comtes  de  Luxembourg,  à qui  Renaud  avait  pour- 
tant cédé  le  duché  de  Limbourg.  Mais  ces  droits  appartenaient  à 
des  orphelins,  hors  d’état  de  les  revendiquer. 

Beatrix,  comtesse  de  Luxembourg,  s’aperçut  bientôt  qu’elle  ne 
pourrait  que  perdre  à continuer  ou  à recommencer  une  lutte 
inégale.  Non-seulement  elle  n’avait  pas  des  forces  suffisantes  pour 
lutter  contre  le  duc  de  Brabant  et  ses  alliés,  mais  elle  ne  pouvait 
pas  compter  sur  l’appui  de  tous  ses  vassaux.  Les  principaux  d’entre 
eux:  le  comte  de  Chiny,  qui  était  de  la  maison  de  Los;  le  comte 
de  Vianden,  devenu  seigneur  de  Grimberghe,  et  le  sire  de  Durbuy, 
n’avaient-ils  pas  combattu  à Woeringen  dans  les  rangs  des  Bra- 
bançons? Son  peuple  ne  lui  inspirait  qu’une  médiocre  confiance, 
depuis  l’émeute  de  l’année  1289,  pendant  laquelle  les  bourgeois 
de  Luxembourg  s’insurgèrent  et  envahirent  le  couvent  des  frères 
Mineurs,  où  Béatrix  avait  cherché  un  refuge  h Par  suite  de  ses 
embarras  financiers,  elle  dut  engager  à la  comtesse  de  Flandre,  sa 
belle-sœur,  une  partie  de  ses  bijoux:  une  couronne  d’or  valant 
cinq  Cents  livres  parisis;  un  fermail  d’or,  valant  trois  cents  livres; 
une  coupe  d’or,  pesant  trois  marcs  et  quinze  sterlings,  un  capel 
d’or,  valant  soixante  livres 1  2. 

Le  comte  de  Flandre  était  le  seul  médiateur  possible  entre 
Béatrix  et  Jean  Ier.  La  comtesse  et  Guy  de  Dampierre  se  concer- 

1 Le  samedi  après  la  mi-carême  en  1289.  — Voyez  l’accord  conclu  à ce 
sujet,  le  samedi  avant  la  fête  de  saint  Jacques  et  de  saint  Christophe  de  la 
même  année,  et  par  lequel  la  ville  s’engagea  à payer  une  amende  de  trois 
mille  livres.  Du  Chesne , Histoire  de  la  maison  de  Luxembourg , p.  86.  — 
Berthelet,  t.  V,  pp.  285  et  lxxiv. 

2 Acte  en  date  du  29  janvier  1290  Saint-Génois,  Monuments,  p.  789. 


( J 99  ) 

tèrent  et  firent  ensemble  une  alliance  offensive  et  défensive.  Us 
s’engagèrent  à ne  pas  conclure  l'un  sans  l’autre  : le  comte,  le 
mariage  de  son  fds  Jean  de  Namur  avec  la  fille  de  Marie  de  Bra- 
bant, ancienne  reine  de  France;  la  comtesse,  l’alliance  de  son 
fils  Henri  avec  Marguerite,  fille  du  duc  de  Brabant 4.  Grâce  à 1 in- 
tervention de  la  reine  Marie,  les  conventions  matrimoniales  entre 
Henri  et  Marguerite  furent  arretées  aussitôt  que  le  pape  eut 
accordé  les  dispenses  nécessaires,  les  deux  jeunes  époux  étant 
parents  au  troisième  degré. 

Le  duc  de  Brabant  promit  de  payer  à son  futur  gendre  trente- 
trois  mille  livres  de  petits  tournois.  Le  comte  de  Flandre,  Marie, 
reine  de  France;  Robert,  duc  de  Bourgogne;  les  comtes  de  Blois  et 
de  Dreux,  Philippe,  fils  aîné  du  comte  d’Artois;  Godcfroid  de  Bra- 
bant, frère  du  duc;  Raoul  de  Clermont,  sire  de  Nesle,  connétable 
de  France;  Guyon  et  Jacquemon,  frères  du  comte  de  Blois,  et  le 
chevalier  Robert  de  Dreux  se  constituèrent  garants  de  cette  pro- 
messe, que  le  roi  de  France  sanctionna  également.  En  cas  de  non- 
payement  de  la  dot  stipulée,  les  cautions  du  duc  (sauf  la  reine 
Marie)  devaient,  à la  réquisition  du  comte,  se  rendre  à Reims,  y 
rester  pendant  quarante  jours  et  consentir  à ce  que  leurs  biens 
restassent  garants  de  la  dette.  Si  le  jeune  comte  de  Luxembourg 
venait  à mourir  avant  la  conclusion  du  mariage,  son  frère  devait 
épouser  la  princesse , aux  memes  conditions 1  2. 

Les  noces  furent  célébrées  avec  magnificence  au  château  de 
Tcrvucren,  le  9 juin  suivant.  Des  joutes  furent  données  à cette 
occasion,  et  le  jeune  époux  se  distingua  par  un  trait  de  magnani- 
mité, qui  fi  t très -bien  augurer  de  sa  destinée  future.  Il  accueillit 

1 Acte  en  date  du  jour  de  saint  Remy  (13  janvier,  ou  plutôt  1er  octobre) 
1290.  De  ReiiFenberg,  Monuments , t.  I,  p.  50.  — Le  lundi  après  la  Toussaint, 
de  la  même  année,  la  comtesse  de  Luxembourg  et  son  fds  s’engagèrent  à 
ratifier  tout  ce  qui  serait  négocié,  pour  le  futur  mariage  de  ce  dernier,  entre 
le  duc  Jean  Pr  et  Guy  de  Dampierre.  Vredius,  Genealogia  comitum  Flan- 
driae,  1. 11 , Preuves , p.  27. 

2 24  février  et  21  avril  1292.  Bertholet,  t.  V,  p.  lxxvi.  — Willems,  Van 
Heelu,  p.  556.  — Jules  de  Saint-Génois,  inventaire  cité,  p.  184.  — La  ratifi- 
cation du  roi  est  du  28  mai. 


( 200  ) 

avec  bonté  le  chevalier  Walter  Vanden  Bisdomme  qui,  pour  sauver 
Jean  Ier,  avait  frappé  le  père  du  comte  à la  journée  de  Woeringen  b 

Et  cependant  la  réconciliation  des  maisons  de  Louvain  et  de 
Luxembourg  ne  fut  pas  complète.  Peu  de  jours  avant  la  fête,  le 
comte  de  Flandre  avait  demandé  au  duc  de  Brabant  une  promesse 
de  ne  pas  inquiéter,  par  lui  ou  par  les  siens,  le  comte  de  Luxem- 
bourg et  ses  vassaux,  jusqu’au  jour  de  Saint-Pierre  à l’entrée 
d’août2.  Le  mois  suivant,  avant  que  la  cérémonie  nuptiale  sanc- 
tionnât la  nouvelle  union,  Guy  de  Dampierre  prenait  ses  précau- 
tions contre  1 éventualité  d’une  amitié  trop  intime  entre  Jean  le 
Victorieux  et  le  jeune  comte.  Un  traité  d’alliance,  contre  tous, 
fut  signé  à Wynendale  le  2b  mai,  entre  Guy,  son  fils  Jean  de  Na- 
mur,  Louis,  comte  de  Retbel,  fils  du  comte  de  Nevcrs,  et  Henri 
de  Luxembourg.  Seulement  ils  exceptèrent:  Guy,  ses  seigneurs, 
ses  enfants  et  petits-enfants  et  le  duc  Jean  Ier;  et  Henri  de  Luxem- 
bourg : ses  seigneurs,  ses  frères,  et  son  cousin  Henri  de  Ligny. 
Encore  Guy  promit-il  d’aider  son  neveu  contre  le  comte  de  ïiai- 
naut,  l’évêque  de  Liège  et  le  duc  de  Brabant,  si  l’un  d’eux  tentait 
d’envahir  ses  États  5. 

La  dot  de  Marguerite  de  Brabant  ne  fut  payée  que  très-lente- 
ment. Le  jour  même  de  son  mariage,  le  comte  reçut  cinq  mille 
cinq  cents  livres,  dont  il  donna  immédiatement  quittance.  Les 
événements  politiques  retardèrent  le  payement  du  surplus  : au 
mois  d’août  1508,  plus  de  vingt  mille  livres  restaient  dues  4.  Les 
grandes  stipulations  précisées,  formulées,  lors  du  mariage  de 
Henri  de  Luxembourg,  furent  donc  à peu  près  inutiles.  Elles  pro- 
voquèrent, du  temps  de  Jean  III  de  Brabant,  une  lutte  nouvelle, 
dans  laquelle  le  petit-fils  du  vainqueur  de  Woeringen,  attaqué 
par  une  coalition  formidable,  conduite  par  le  petit-fils  du  comte 
de  Luxembourg  tué  dans  la  même  bataille,  dut  acheter  la  paix 
par  des  sacrifices  d’argent  considérables. 

Il  nous  reste  à dire  deux  mots  du  Limbourg,  l’objet  même  de 

1 Rutkens,  t.  I,  p.  526. 

2 15  avril  1292.  Archives  de  Lille. 

5 26  mai  1292.  De  Reiffenberg,  /.  c.,  p.  39. 

i Ernst,  t.IV,  p.  565. 


( 201  ) 

la  célèbre  querelle  de  tous  ees  princes.  On  peut  juger  de  l’état 
dans  lequel  Jean  Ier  le  trouva.  La  plupart  des  villes  et  des  villages 
avaient  été  ravagés  et  incendiés;  les  forteresses  avaient  cruelle- 
ment souffert  des  sièges  qu’elles  avaient  subies  ; les  familles  nobles 
déploraient  leur  ruine  et  les  vides  opérés  dans  leurs  rangs  par 
la  guerre.  Les  monastères  aussi  avaient  énormément  souffert. 
Jamais,  enfin , tant  de  calamités  n’avaient  à la  fois  accablé  un  pays 
et  tari  sa  prospérité  pour  bien  des  années  '. 


CHAPITRE  VUE 


DERNIÈRES  ANNÉES  DU  RÈGNE  DU  DUC  JEAN.  — - NÉGOCIATIONS  DANS  LE 
PAYS  DE  LIÈGE,  EN  HOLLANDE,  EN  HA  INA  UT  , DANS  L’EMPIRE. — MORT 
DE  JEAN  Ier.  ( 1290- 1294.) 


I. 

Immédiatement  après  la  conclusion  de  la  paix  avec  le  comte  de 
Gueldre,  le  duc  de  Brabant  modifia  complètement  le  système  de 
ses  alliances.  Tandis  que,  d’une  part,  il  se  rapproche  de  Guy  de 
Dampierre  et  qu’il  prépare  sa  réconciliation  avec  la  maison  de 
Luxembourg,  d’autre  part,  il  s’éloigne  de  Florent  de  Hollande,  il 
s’aliène  le  parti  des  bourgeois  ou  des  villes  dans  le  pays  de  Liège, 
il  semble  ne  plus  se  soucier  des  Colonais.  Fut-il  étonné  de  l’ascen- 
dant que  sa  victoire  de  Woeringen  avait  donné  à la  puissance  des 

1 En  terminant  la  partie  de  notre  travail  qui  concerne  la  guerre  pour  la 
possession  du  Limbourg,  disons  que  nous  avons  eu  presque  partout  pour 
guide  le  précieux  poëme  de  Van  Heelu  et  les  excellents  commentaires  du 
savant  Ernst,  dans  son  Histoire  du  duché  de  Limbourg.  Quant  aux  chartes 
et  diplômes  dont  nous  avons  fait  usage,  sans  citer  nos  sources,  on  les  trouvera 
dans  Lacomblet,  ürkundenbuch  fur  die  Geschichte  des  Niederrheins , t.  IL  — 
Ernst , ouvrage  cité,  t.  VI.  — Le  Van  Heelu  de  Willems,  etc.;  elles  y sont  édi- 
tées dans  l’ordre  chronologique. 


( 202  ) 

villes?  Ce  qui  porterait  à le  croire,  c’est  que  lui-même  eut,  vers 
cette  époque,  plus  d’une  difficulté  avec  ses  propres  bourgeoisies. 
Le  défenseur  de  Liège,  d'Aix-la-Chapelle,  de  Cologne,  affecte, 
dans  les  dernières  années  de  son  existence,  des  tendances  essen- 
tiellement féodales. 

Jean  Ier  s’était  engagé  à reconnaître,  d’après  la  décision  d’ar- 
bitres, les  droits  de  l’Église  de  Liège  sur  le  comté  deRoIduc,  fief 
de  cette  Église;  dans  fivresse  du  succès,  il  jugea  sans  doute  peu 
nécessaire  de  tenir  ses  promesses.  Aux  réclamations  de  l’évêque 
Jean  de  Flandre,  il  répondit  par  un  refus  l.  De  là,  selon  toute  ap- 
parence, le  revirement  qui  s’opéra  aussi  chez  les  Liégeois.  Guy  de 
Dampierre  devient  de  plus  en  plus  influent  parmi  eux,  et  lui  et 
l’évêque,  son  lils  , confirment  les  alliances  qui  unissaient  leurs 
prédécesseurs  2 3.  L’année  suivante,  les  deux  princes  confient  à des 
délégués  le  soin  de  fixer  les  limites  de  leurs  domaines  respectifs  : 
le  comté  de  Namur,  d’une  part,  les  comtés  de  Moha  et  de  Con- 
droz,  d’autre  part  5.  Enfin , l'évêché  de  Liège  étant  devenu  de  nou- 
veau la  proie  des  troubles,  Jean  de  Flandre  réclama  l’appui  de  son 
père,  qui  le  réconcilia,  le  7 janvier  1290,  avec  le  comte  de  Looz, 
les  villes  de  Liège,  de  Huy,  de  Dinant,  de  Saint-Trond,  de  Ton- 
gres  et  de  Fosses  4. 

Jean  de  Flandre  était  tombé  malade,  peut-être  de  chagrin,  car 
l’état  déplorable  de  ses  finances  l’obligeait  constamment  à recourir 
à la  bourse  de  son  père  s.  Ce  dernier  remplissait  dans  ses  États  les 

1 Selon  Hocsem,  ceci  eut  lieu  immédiatement  après  la  délivrance  du  comte 
de  Gueldre.  En  1155,  le  duc  de  Limbourg  avait  cédé  à l’Église  de  Liège  le 
pays  de  Rolduc  et  l’avait  relevé  d’elle  en  fief.  Ernst,  t.  III,  pp.  112  et  142. 

2 18  janvier  1289-1290.  De  Reiffenber g,  Monuments , t.  1er,  p.  109. 

5 6 juin  1290.  Ibidem , p.  52. 

4 Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire , t.  XIII,  p.  68.  — Foullon, 
t.  I , p.  479 , et  1. 11 , p.  474. 

3 Le  17  janvier  1290-1291 , il  reconnut  lui  devoir  dix-sept  mille  deux  cent 
cinquante  livres  tournois  (Jules  de  Saint  - Génois , l.  c.,  p.  165,  et  pp.  172 

à 175);  mille  dix  livres  parisis  avaient  été  employées  à payer  Stassart,de 

Herstal,  à récupérer  le  château  de  Franchimont , à raison  duquel  « quatorze 
pièges  (ou  cautions)  gisoyent  en  mengailles,  » et  à couvrir  les  dépenses  du 
boire  et  du  manger  de  l’hôtel  de  l’évêque. 


( 205  ) 

fonctions  de  mambonr  lorsque,  peut-être  à son  instigation,  un 
incident  déplorable  vint  aigrir  les  rapports , déjà  peu  amicaux , des 
Brabançons  et  des  Liégeois.  Quelques  vassaux  du  Limbourg  avaient 
vu  avec  mécontentement,  paraît-il,  l’Église  de  Liège  acquérir  la 
propriété  de  la  terre  de  Jupille,  antique  patrimoine  des  Carlovin- 
giens,  puis  domaine  de  l’Église  de  Verdun  *,  et  l’évêque  Jean  de 
Flandre  transformer  en  forteresse  le  monastère  du  Mont-Cornil- 
lon 1  2.  Se  voyant  dans  l’impossibilité  d’exercer  en  ce  lieu  le  droit 
de  gîte,  comme  ils  en  avaient  contracté  l’habitude,  ils  résolurent 
de  se  venger.  La  veille  de  l’Ascension,  en  1291,  ils  se  présen- 
tèrent devant  la  forteresse,  au  nombre  de  cent  vingt  cavaliers,  et 
trente-deux  d’entre  eux  parvinrent  à y pénétrer.  Le  châtelain , 
Wantoul  de  Jupille,  éveillé  par  sa  femme,  se  donne  à peine  le 
temps  de  prendre  son  casque  et  son  épée;  sans  souliers,  sans 
hauts-de-chausse , il  court  enfoncer  une  hache  dans  la  porte  d'en- 
trée, qui  se  referme,  et,  de  leur  côté,  ses  serviteurs,  du  haut  de 
la  tour,  appellent  à l’aide.  Ceux  des  Brabançons  qui  étaient  entrés 
au  Mont-Cornillon  ne  trouvent  plus  d issue;  les  autres  s’enfuient 
à l’approche  des  Liégeois,  qui  accourent  et  les  poursuivent.  Le 
comte  Guy  fit  conduire  à Dinant  et  exécuter  quinze  des  prison- 
niers les  plus  pauvres;  quant  aux  autres,  dans  la  crainte  de 
s’attirer  la  haine  de  leurs  parents,  on  se  borna  à les  garder  à 
Namur  jusqu’en  1295  qu’on  les  relâcha,  à la  demande  du  duc  3. 

Celui-ci,  en  effet,  avait  provoqué  l’expédition  tentée  par  les 
siens,  en  réclamant  la  saisine  des  terres  de  Cornillon,  de  Jupille 

1 La  donation  à l’Église  de  Verdun  remontait  à l’an  1000  environ;  quant 
à la  cession  au  chapitre  de  Liège , elle  datait  du  26  juin  1266  ( Opéra  diploma- 
tica,  t.  Il,  p.  865).  — Ce  bien,  auquel ressortissaient  les  communes  actuelles 
de  Beaufays,  de  Bru  et  de  Bellaire , et  qui  comprenait  aussi  une  partie  du  quar- 
tier d’Outremeuse,  à Liège,  s’étendait  depuis  le  lleuve  jusqu’au  pied  des  hau- 
teurs où  s’élevaient  jadis  les  tours  de  Chèvremont.  Ledernierduc  de  Limbourg, 
en  qualité  d’avoué  de  la  terre  de  Jupille,  avait  eu  avec  les  chanoines  de  Saint- 
Lambert  quelques  contestations  au  sujet  des  droits  qu’il  prétendait  y posséder 
et  auxquels,  après  sa  mort,  le  comte  de  Berg  renonça.  Ernst,  l.  TV,  p.  525. 

2 En  1291 , l’évêque  était  redevable  de  quatre-vingt-dix  marcs  pour  travaux 
exécutés  au  château  de  Cornillon.  Jules  de  Saint-Génois,  pp.  179-180. 

5 Hocsem , c.  XVII. 


( 204  ) 

et  de  leurs  dépendances  *.  Il  n’abandonna  pas  immédiatement  ses 
prétentions,  car,  à sa  demande,  le  roi  Adolphe  lui  confia  le  soin 
de  protéger  le  monastère  de  Beaufays,  dont  le  repos  était  troublé 
par  des  « enfants  d’iniquité 1  2 *.  » 

Dans  l’entrc-temps,  la  querelle  de  la  Hollande  et  de  la  Flandre 
s’était  rallumée,  à propos  de  l’hommage  que  les  comtes  du  premier 
de  ces  pays  devaient  au  second  pour  les  îles  de  la  Zélande.  Le 
droit  de  la  Flandre  était  positif,  et  basé  sur  les  traités  conclus 
après  la  mort  du  roi  Guillaume.  Mais  Florent  V,  à qui  le  duc  de 
Brabant  avait  abandonné  l’hommage  qui  lui  était  dû,  se  voyait 
avec  dépit  le  vassal  de  Guy  de  Dampierre.  Profitant  des  démêlés 
que  ce  dernier  avait  avec  la  cour  impériale,  il  obtint  du  roi  Ro- 
dolphe la  déclaration  solennelle  qu’un  tuteur  ne  pouvait  amoin- 
drir le  patrimoine  de  son  pupille.  C’était  annuler  sans  réserve 
les  actes  qui  avaient  sanctionné  la  sujétion  de  la  Zélande  à la 
Flandre  s. 

Mais  Guy  de  Dampierre  ne  manquait  pas  d’énergie  et  répondit 
de  la  même  manière.  Dans  une  assemblée  de  ses  vassaux  tenue  à 
Alost,  le  25  mars  1290,  tout  ce  qui  se  trouve  en  Zélande,  entre 
la  mer  des  Païens  ( Heydenzee ) et  l’Escaut,  lui  fut  adjugé,  pour 
défaut  de  relief  féodal  4 5.  Les  nobles  de  ce  pays  étaient  très-mécon- 
tents de  Florent,  qui  refusait  de  leur  abandonner  un  tiers  des 
aides  votées  en  sa  faveur,  et  que  le  roi  Rodolphe  leur  accorda  :i, 
en  même  temps  qu’il  les  réprimandait  d’avoir  répudié  leur  véri- 
table seigneur6.  En  effet,  ils  avaient  déjà  porté  leurs  réclamations 
au  comte  Guy  et  l’avaient  reconnu  pour  leur  suzerain , « à Rier- 
vliet,  en  la  Halle  7.  » 

1 Jules  de  Saint-Génois,  p.  170. 

2 7 juillet  1292.  Willems,  Brabantsche  Yeesten,  t.  1 , p.  685. 

5 Diplôme  du  24  mars  1287,  dans  Pertz,  Monumenta,  Leges , t.  II,  p.  452. 

4 Jules  de  Saint-Génois , p.  157. 

5 Mai  1290.  Van  Leeuwen,  Batavia  illuslrata,  t.  II,  p.  899. 

G Lettre  du  roi  à Jean,  sire  de  Renesse;  Thierri,  sire  deRréderode;  Wol- 
fard,  sire  deRorsele,  Jean,  sire  de  Maelstede;  Hugues,  sire  de  Cruyningen  ; 
Florent  de  Rorsele  et  Nicolas  de  Cats.  Van  Mieris , t.  I , p.  505. 

7 11  avril  1290.  Jules  de  Saint-Génois,  /.  c.  — Parmi  les  mécontents  figu- 


( 205  ) 

Si  l’on  en  croit  les  historiens  hollandais,  Florent  envoya  à Mid- 
delbourg  sa  femme  Beatrix  et  son  jeune  fils  Jean.  Cette  démarche, 
si  elle  eut  le  résultat  désiré,  si  elle  rallia  les  bourgeois  des  villes 
dans  les  mêmes  sentiments,  n’arrêta  pas  les  progrès  des  Flamands. 
Les  habitants  de  Middclbourg,  après  avoir  défendu  leurs  remparts 
avec  courage,  durent  promettre  à Guy  de  Dampierre  de  lui  livrer 
la  ville  si,  à certain  jour,  ils  n’étaient  pas  secourus.  Heureusement 
Florent  parut  avec  une  flotte  à la  hauteur  de  Ziericzéc.  Le  duc  de 
Brabant  s’interposa  alors  entre  les  parties  belligérantes.  Il  engagea 
Florent  à se  rendre  à Biervliet,  en  lui  garantissant  sa  sûreté.  Mais , 
dit-on,  à peine  celui-ci  fut-il  arrivé  en  Flandre,  qu’on  l’arrêta 
par  ordre  de  Guy.  « Hélas,  je  suis  trahi,  s’écria-t-il,  sire  duc,  je 
» n’aurais  pas  cru  cela  de  vous.  J’étais  en  marche  avec  les  miens, 
» et  je  devais  aujourd’hui  même  tenter  mon  entreprise,  quel 
» qu’en  dut  être  le  résultat.  Est-ce  là  l’effet  de  votre  sauf-conduit? 
» Plaise  à Dieu  que  je  puisse  vous  en  témoigner  ma  reconnais- 
» sanec.  J’en  attendrai  l’occasion,  sovez-en  certain  » Jean  Ie* 
avait  agi  avec  franchise.  11  alla  trouver  le  comte  de  Flandre , qui 
se  montra,  dit-on,  impitoyable.  Le  duc  ne  put  obtenir  l’élargis- 
sement de  son  parent  qu’en  se  constituant  prisonnier  en  sa  place 
et  en  rachetant  sa  propre  liberté  au  prix  d’une  très-forte  rançon  2. 
Selon  d’autres,  Jean  Ier  ne  remplaça  pas  en  prison  le  comte  de 
Hollande,  qui  fut  conduit  à Gand;  mais,  exaspéré  de  la  conduite 
de  Guy,  il  appela  ses  sujets  aux  armes,  et  parut,  bannières  dé- 
ployées, aux  frontières  de  la  Flandre.  Craignant  les  suites  d’une 
lutte  contre  le  vainqueur  de  Woeringen,  le  comte  consentit  à 
relâcher  Florent,  pourvu  que  celui-ci  se  soumit  aux  conditions 
que  le  due  dicterait  3.  La  première  de  ces  versions,  qu’acceptent 
la  plupart  des  auteurs  hollandais,  n’a  pas  été  admise  par  un  de 
leurs  compatriotes,  presque  contemporain  de  ces  événements  et 


l'eut  les  sires  de  Borsele,  de  Cruyningen,  de  Maelstede,  de  Goes,  de  Grieps- 
kerke,  de  Reimerswalle , de  Poppendamme,  de  Baerstop,  de  Scoudee,  de 
Valkenisse , de  Heile , etc. 

1 Melis  Stoke,  Rymchronyk  van  Holland,  1.  V,  vers  595  et  suiv. 

2 Vanden  Eynde,  Chronicon  Zelandiae. 

5 Butkens , t.  Ier,  p.  550. 


( 20G  ) 

connu  sous  le  nom  de  Procurator,  et  que  Je  partial  lluydecooper 
accuse  de  tendances  flamandes  : « Florent,  dit-il,  se  trouvant  à 
» Ziericzée  et  se  voyant  dans  l’impossibilité  de  résister  à ses  en- 
» nemis,  se  recommanda  à la  bienveillance  du  comte  de  Flandre. 
» Conduit  à Huist,  il  y reçut  en  fief  une  partie  de  la  Zélande.  » 

Au  milieu  de  ces  contradictions,  où  est  la  vérité?  Cherehons-la 
dans  les  pièces  diplomatiques.  Nous  y voyons  le  duc  Jean  accep- 
ter, au  mois  de  mai , la  mission  d’être  un  des  arbitres  qui  devaient 
prononcer  entre  les  deux  comtes;  se  charger  aussi,  les  2 et  12  juin, 
de  concert  avec  le  comte  de  Flandre  et  son  fils  aîné,  de  terminer  la 
querelle  des  nobles  zélandais  et  de  leur  suzerain;  promettre  à 
Guy  de  Dampierre,  le  8 du  même  mois,  de  l’aider,  si  Florent 
n’exécutait  pas  les  conditions  de  la  sentence  arbitrale;  le  10,  se 
rendre  caution,  au  nom  de  Florent,  d’une  somme  de  vingt  mille 
livres  parisis  que  le  comte  avait  reconnu  devoir  payer  à Guy  pour 
l’indemniser  des  dépenses  que  son  refus  d’hommage  lui  avait 
occasionnées , et , le  lendemain , se  faire  fort  d’affranchir  Florent 
du  payement  de  cette  somme  h 

Le  comte  Florent  avait  promis  au  duc  de  le  tenir  indemne  [scu- 
deloes  ) pour  toutes  les  promesses  qu’il  avait  faites  en  son  nom  à 
Guy  et  lui  avait  garanti  le  remboursement  des  torts  qu’il  aurait 
essuyés  en  cette  circonstance;  en  outre,  il  s’était  engagé  à prêter 
rhoininage  qu’il  avait  reconnu  devoir,  avant  le  lundi  qui  précède 
la  fête  de  l’Assomption,  au  milieu  d’août,  et  à se  rendre  à Gand, 
pour  n’en  sortir  que  lorsqu’il  aurait  contenté  le  comte  de  Flandre 
Mais  lui  non  plus  ne  paraît  pas  s’être  soucié  de  tenir  parole  à son 
noble  parent.  A la  demande  de  Guy  de  Dampierre,  le  duc,  sous 
peine  d’une  amende  de  trente  mille  livres  parisis,  déclara  qu’il  se 
rendrait  à Gand,  le  jour  delà  saint  Remi , conformément  au  traité 
conclu  entre  les  deux  comtes  et  qu’il  y resterait  jusqu’à  ce  que  le 
comte  de  Hollande  eût  rempli  ses  engagements  (14  août  1290).  A 
la  date  fixée,  des  difficultés  survinrent,  et  Jean  obtint  successive- 

1 Tous  les  documents  constatant  ces  faits  sont  imprimés  dans  Kluil,  His- 
toria  critica  comitatuum  Hollandiae  et  Zeelandiae , t.  Il,  pp.  915  et  suiv. 

- Lundi,  op  den  andach  sente  Bonefaes,  en  1290.  Cartulaire  de  Brabant  B, 
l‘°  86. 


( 207  ) 

ment  des  prolongations  de  délai  : le  19  décembre,  jusqu’au  premier 
dimanche  de  carême  de  l’année  1290-1291;  le  2 avril  suivant,  jus- 
qu’aux octaves  de  la  nativité  de  saint  Jean,  en  juin  1291,  et,  le  1 5 
avril  1292,  jusqu’aux  mêmes  octaves  de  l’année  suivante  h 

De  quelque  manière  que  le  comte  Florent  ait  été  amené  à 
Biervîiet,  il  est  certain  qu’il  ne  se  montra  nullement  soucieux 
d’observer  les  traités  dont  nous  venons  de  faire  mention.  Il  pré- 
tendit qu’on  les  lui  avait  extorqués  parla  force,  et  le  roi  Ro- 
dolphe s’empressa  de  les  désapprouver  et  de  les  annuler  (G  juillet 
1290).  Le  comte  pardonua  aux  principaux  chefs  des  révoltés 
zélandais  : au  sire  de  Borsele,  à Florent  de  Borsele,  à Bréderode, 
à Jean  de  Renesse,  etc.  (5  novembre  1290  et  7 février  1291).  Et 
à ce  propos,  est -ce  en  réparation  de  quelque  outrage,  est -ce 
comme  garantie  de  l’exécution  des  promesses  de  Florent  que  le 
duc  Jean  obligea  la  ville  de  Middelbourg  à lui  livrer  Antoine  Yan- 
denvliete  et  six  autres  otages 1  2? 

Cependant,  fatigués  de  la  mauvaise  foi  de  Florent,  Guy  de 
Dampierre  et  le  due  en  vinrent  à une  alliance  qui  marque  une 
ère  toute  nouvelle  dans  la  politique  de  Jean  Ier.  Elle  se  conclut, 
disent  les  deux  princes,  « pour  ce  que  nous  et  chacun  de  nous 
» soïons  plus  puissans  de  nous  accroître  et  maintenir  en  toutes 
» choses,  à notre  honneur,  à notre  héritage. et  à nos  droits  ap- 
» partenant,  et  de  ceux  qui  adversité  nous  voudroient  se  doivent 
» plus  douter  d’emprendre  et  de  maintenir  chose  qui  nous  fut 
» contraire  et  en  soient  moins  puissans.  » Ils  rappellent  ensuite 
qu’ils  sont  parents  par  suite  d’un  mariage  dont  « belle  génération 
est  issue  » et  que  pour  d’autres  raisons  ils  doivent  « s’aimer  et 
s’avancer  l’un  l'autre.  » En  conséquence,  ajoutent-ils,  « dans  toutes 
» les  besognes  à honneur  ou  à héritage,  nous  aiderons,  conseil- 
» lerons  et  conforterons  loyalement  l’un  l’autre,  à armes  et  sans 
» armes,  par  ost  et  par  chevauchie,  comme  l’un  requerra  l’autre. 
» Si  l’un  fait  aide  à l’autre  par  host,  ce  sera  sans  les  frais  de  celui 
» qu’on  aidera,  et  si  c’est  par  chevauchie,  celui  que  l’on  aidera 

1 Voyez  Saint-Génois,  Monuments , pp.  786  et  805,  et  Willems,  Van 
Heelu , pp.  556  et  558. 

2 22  juin  129 J.  Charterboek  van  Brabant  B,  f°  24. 


( 2U8  ) 

» pourvoira  et  étoffera  la  chevaucbie  à ses  frais,  depuis  qu’elle 
» sortira  de  la  terre  de  l’aidant  jusqu’à  ce  qu’elle  y soit  rentrée. 
» Celui  qui  requiert  doit  faire  serment  que  c’est  pour  cause  juste 
» et  droiturière.  j>  Les  deux  princes  mettent  hors  de  cette  alliance 
les  rois  de  France,  d’Allemagne  et  d’Angleterre.  Elle  n’est  dirigée 
contre  le  comte  de  Hollande  que  pour  ce  qui  se  rattache,  à l’exé- 
cution du  traité  de  Biervliet.  En  outre  le  comte  de  Flandre  et  le 
duc  en  excluent  (c’est-à-dire  entendent  ne  pas  considérer  comme 
ennemis)  : le  premier,  ses  neveux  de  Dampierre  et  de  Luxem- 
bourg; le  second,  le  comte  d’Artois,  le  comte  de  Saint-Pol  et  ses 
frères  G 

Les  hostilités  ne  reprirent  pas  immédiatement,  quoique  la  Zé- 
lande continuât  à être  fort  agitée.  Les  sires  de  Renesse  et  de  Bré- 
derode,  après  un  nouveau  soulèvement,  se  soumirent  une  seconde 
fois  à Florent  -,  tandis  qu’un  grand  nombre  de  leurs  compatriotes  : 
les  Borsele,  les  Cats,  les  Maelstcdc,  etc.,  dépouillés  de  leurs  do- 
maines, vécurent  en  Flandre,  à l’aide  de  rentes  que  leur  paya 
Guy  de  Dampierre 1 2  3.  Bien  que  des  actes  postérieurs  mentionnent 
l’existence  de  dissensions  entre  Florent  et  Jean  Ier,  ces  princes 
n’en  vinrent  jamais,  à ce  qu'il  semble,  à une  rupture  ouverte. 
Le  31  mars  1290-1291,  par  un  acte  daté  d’Anvers,  Jean  Ier 
promit  au  comte  que  si  une  rupture  éclatait  entre  lui  et  l’élu 
d’Utrecht,  Jean  de  Nassau,  Jean,  sire  de  Cuyck,  et  Henri  son  lits 
lui  donneraient  assistance  4.  Lorsque  le  23  août  1292,  le  roi 
Adolphe  de  Nassau,  le  successeur  de  Rodolphe  de  Habsbourg, 
donna  au  comte  l’investiture  des  fiefs  qu’il  tenait  de  l'Empire,  il 
consentit  à ce  que  cette  formalité  s’accomplit  par-devant  le  duc, 
ou,  pour  le  cas  où  celui-ci  serait  retenu  ailleurs,  par-devant  le 
sire  de  Cuyck  5. 

L’inimitié  du  comte  Guy  pour  le  comte  de  Hollande,  qui  eepen- 

1 7 novembre  1291.  Willems,  Van  Heelu,  p.  540. 

2 7 février  1291.  Van  Mieris,  Charlerboek . pp.  326  , 329. 

3 Ces  renies  s’élevaient  ensemble  à trois  mille  Luit  cent  cinquante  livres. 
Voyez  un  acte  du  1er  août  1292  dans  Jules  de  Saint-Génois  , l.  c\.  p.  190. 

4 Voyez  Van  Mieris  ,1.1,  p.  302 

3 Ibidem , p.  348. 


( 209  ) 

daiit  a\c»it  épousé  une  de  ses  filles,  puisait  surtout  sa  source  dans 
les  liens  de  parenté  qui  unissaient  ce  dernier  au  comte  de  Hainaut, 
à ce  Jean  d’Avesnes  qui  lui  était  si  odieux. 

Jean  d’Avesnes  n’avait  trouvé  chez  le  roi  Rodolphe  qu’une  pro- 
tection stérile;  cependant,  quoique  sans  alliés,  et  réduit  à la  pos- 
session de  son  comté  de  Hainaut,  il  avait  considérablement  grandi 
en  influence.  Leroi  Rodolphe,  toujours  bienveillant  pour  lui, 
l’avait  nommé  son  vicaire  général  en  Toscane,  en  remplacement 
de  l’archevêque  de  Saltzbourg  L Deux  de  ses  frères,  Bouchard  et 
Guillaume,  étaient  montés  sur  les  sièges  épiscopaux  de  Metz  et 
de  Cambrai;  un  troisième,  Guy,  que  nous  allons  voir  prétendre 
à l’évêché  de  Liège,  devait  se  distinguer,  plutôt  comme  guerrier 
que  comme  ecclésiastique,  à la  tète  de  l’Église  d’Utrecht.  Ces  ap- 
puis devinrent  bien  nécessaires  au  comte  de  Hainaut,  lors  de  la 
guerre  que  lui  firent  les  habitants  de  Valenciennes,  la  principale 
ville  de  ses  États. 

Au  mépris  du  serment  qu’il  avait  prêté  à son  avènement,  Jean 
d’Avesnes  avait  annulé  le  privilège  dit  du  record , en  vertu  du- 
‘quel,  en  cas  de  contestation  sur  un  point  de  droit,  on  s’en  remet- 
tait, à Valenciennes,  à la  décision  des  échevins  et  des  jurés.  11 
s’ensuivit  une  guerre  longue  et  sanglante,  dans  laquelle  les 
troupes  du  comte  éprouvèrent  plusieurs  défaites,  et  son  manoir 
de  Valenciennes,  appelé  le  Château  le  Comte , fut  pris  d assaut. 
Vainement,  il  obtint  du  roi  une  sentence  de  proscription  contre 
les  rebelles;  vainement  il  appela  à son  aide  la  noblesse  des  pays 
voisins,  et  notamment  Gérard  de  Juliers,  le  comte  de  la  Marck,  les 
seigneurs  de  Voornc,  de  Cuyck,  de  Liedekerke,  de  Wesemael, 
de  Berlaer,  les  Valenciennois  tinrent  bon;  ils  parvinrent  même  à 
faire  accueillir  leurs  réclamations  par  le  roi  de  France,  et.  avec 
son  autorisation,  ils  prirent  pour  protecteur  le  comte  de  Flandre. 

Dans  ses  marches  et  ses  campements,  le  comte  avait  causé  de 
grahds  dommages  aux  abbayes  d’une  partie  de  ses  domaines,  de 
l'Oslrevant.  Philippe  le  Bel  en  prit  prétexte  pour  se  déclarer  con- 

1 Le  1er  mai  1 284.  Marteue  et  Durand,  Thésaurus  Auecdoforuin . t.  i, 
col.  1 m. 

Tome  MIL 


14 


( 210  ) 

trelui,  et  lorsque  Jean  cTAvesnes  se  rendit  à Paris  afin  d’apaiser 
son  redoutable  voisin , il  fut  arrêté  et  emprisonné  à Montlhéry. 
Cependant  on  le  remit  en  liberté,  mais  pour  quelques  jours  seu- 
lement , grâce  surtout  à l’intercession  de  trois  seigneurs  belges 
qui  se  portèrent  cautions  pour  lui  : Godefroid  de  Brabant,  frère  du 
duc  Jean;  Jacques  de  Saint-Pol,  seigneur  de  Leuze  et  de  Condé, 
et  Gauthier  de  Châtillon  4.  Le  duc  Jean,  dont  les  vassaux 
sympathisaient  ouvertement  avec  le  belliqueux  champion  de  la 
féodalité , aurait  difficilement  conduit  une  armée  au  secours  de 
Guy;  il  préféra  s’entremettre  entre  les  deux  princes  et,  grâce  à 
lui,  on  négocia  une  trêve;  les  habitants  de  Valenciennes  et  du 
Quesnoy  furent  autorisés  à circuler  librement  dans  tout  le  ïïai- 
naut,  jusqu’à  la  nativité  de  Saint- Jean-Baptiste  de  l’année  pro- 
chaine 2.  Le  duc  et  son  frère  (ainsi  le  voulut  le  comte  Guy,  qui 
s’était  emparé  du  Quesnoy)  durent  occuper  cette  ville,  avec 
promesse  de  la  restituer,  à l’expiration  de  la  trêve,  si  une  paix 
n’était  pas  conclue  5.  Mais,  quelque  temps  après,  le  roi  de  France  , 
qui  voulait  être  en  mesure  de  dicter  des  lois  aux  deux  comtes, 
exigea  la  remise  du  Quesnoy  entre  ses  mains.  Ce  monarque  se  pré- 
parait alors  à lutter  contre  l’Angleterre;  il  parvint  à faire  ajour- 
ner à deux  années  la  reprise  des  hostilités. 

Cette  période  de  tranquillité  fut  employée  par  quelques-uns  des 
princes  de  nos  contrées  à réprimer  les  tentatives  d’insurrection  qui 
avaient  éclaté  dans  plusieurs  cités  importantes. 

L’évêque  de  Cambrai  avait  dû  quitter  sa  capitale  : il  y rentra 
en  vainqueur,  à la  tête  de  forces  considérables,  au  mois  de  sep- 
tembre 1292.  A Maubeuge,  le  comte  de  Hainaut,  ayant  demandé 
la  levée  d’une  assise,  les  habitants  se  soulevèrent,  pénétrèrent 
dans  l’église  Sainte- Aldegonde,  et  enlevèrent  la  châsse  de  cette 
sainte  , en  accablant  de  reproches  et  d’injures  le  comte  et  les  per- 
sonnes de  sa  suite.  Jean  d’Avesnes  partit  furieux,  pour  reparaître 
bientôt  avec  son  armée.  En  vertu  d’un  traité  qui  fut  signé  à la  Mdtte 

1 Acte  daté  de  Saint-Denis,  le  lundi  après  la  saint  Remi  129:2.  Du  Chesne, 
Histoire  de  la  maison  de  Chastillon,  Preuves,  p.  184 

2 14  octobre  1292.  Saint-Génois,  Monuments,  p.  811. 

3 Cartulaire  de  Brabant  B,  f°  113  v°. 


( 21 1 ) 

dehors  Maubeuge,  le  mardi  avant  le  jour  de  Noël  1293,  trente  et 
un  bourgeois  furent  bannis,  et  on  imposa  sur  chaque  ouvrier  une 
taxe  hebdomadaire  d’une  maille  , et  sur  les  drapiers  un  impôt  d’un , 
deux  ou  trois  deniers,  par  pièce  de  drap  fabriquée  h Ce  fait,  ainsi 
<pie  la  défection  du  Quesnoy,  prouve  que  le  soulèvement  de 
Valenciennes  n’avait  pas  été  provoqué  par  des  causes  purement 
locales,  et  avait  eu  du  retentissement  dans  le  restant  du  comté. 
Jean  d’Avesnes , presque  dépouillé  de  tous  ses  États , ne  trouva 
de  fidélité,  paraît-il,  que  dans  les  habitants  de  Mons,  à qui  il  ac- 
corda plusieurs  grands  privilèges , et  notamment  des  exemptions 
des  droits  de  mainmorte,  de  meilleur  eatel,  etc.  Une  situation  aussi 
périlleuse  aurait  pu  assurer  le  succès  de  Guy  de  Dampierre.  Mais 
en  Flandre,  ce  prince  luttait  également  contre  les  bourgeoisies,  et, 
dans  le  comté  de  Namur,  il  eut  à réprimer  une  insurrection  des 
bourgeois  de  la  capitale. 

Pendant  qu’un  repos  forcé  suspendait  leurs  luttes  dans  le  Hai- 
naut,  les  maisons  de  Dampierre  et  d’Avesnes  se  rencontrèrent  sur 
un  autre  terrain.  Peu  de  temps  après  l’épisode  du  Mont-Cornillon 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  le  comte  Guy  assembla  les 
états  du  pays  de  Liège  au  château  de  Huy,  et  leur  demanda  le  rem- 
boursement des  dépenses  que  les  fonctions  de  mambour  de  son 
fils  lui  avaient  occasionnées.  Pendant  les  délibérations  de  l’assem- 
blée, la  bourgeoisie  en  apprit  le  sujet;  elle  s’indigna  de  l’avidité 
de  Guy,  et  son  mécontentement,  que  l’intervention  des  grands 
parvint  seule  à contenir,  éclata  avec  tant  de  force  que  Guy  dut 
s’éloigner,  après  s’ètre  aliéné  le  cœur  des  Liégeois. 

Lorsque  Jean  de  Flandre  mourut,  le  15  octobre  1292,  au  châ- 
teau d’Anheve  ou  d’Anhée,  qu’il  s’était  fait  construire  près  de 
Namur,  le  duc  Jean  et  le  comte  Guy  essayèrent  vainement  de  faire 
élire  en  sa  place  Guillaume  Berthout,  maître  en  théologie,  archi- 
diacre de  Liège,  prévôt  de  Saint-Pierre  à Louvain.  La  majorité  du 
chapitre  de  Saint-Lambert  confia  provisoirement  le  gouvernement 
du  pays  au  comte  de  Hainaut,  puis  choisit  pour  évêque  son  frère 
Guy,  qui  fut  reçu  dans  tout  l’évêclié,  et  qui  continua  à Jean 

1 22  décembre  1295.  De  ReilFenberg,  Monuments , t.  I,  p.  427. 


( 212  ) 

d’Avesnes  les  fonctions  de  mambour.  L'archevêque  de  Cologne, 
obéissant  à ses  rancunes,  approuva  la  nomination  de  Guy. 

Berthout  ayant  interjeté  appel  au  saint-siège,  les  deux  rivaux 
partirent  pour  Rome.  Ils  trouvèrent  le  siège  pontifical  vacant  par 
la  mort  de  Nicolas  IV,  et  les  cardinaux  indécis  sur  le  choix  d’un 
nouveau  pontife.  Guy  revint  en  Belgique,  et  après  une  lutte  contre 
Guy  de  Dampicrre,  lutte  dans  laquelle  se  manifesta  particulière- 
ment la  haine  des  habitants  de  Dinant  et  de  Bouvignes,  il  fit  la 
paix  avec  ce  prince,  qui  réclamait  toujours  de  fortes  sommes  à la 
charge  de  Févêché.  Il  obtint  ensuite  du  roi  des  Romains  des  let- 
tres d’investiture  faveur  qui  lui  devint  funeste.  En  1 9 G , le 
pape  Boniface  VIII  le  déposa,  parce  qu’il  avait  administré  l’évêché 
avant  d’avoir  été  confirmé  dans  ses  fonctions  par  le  chef  suprême 
de  la  chrétienté.  Toutefois,  ne  voulant  pas  raviver  une  querelle  à 
peine  assoupie,  le  souverain  pontife  écarta  aussi  Berthout , qu  il 
dédommagea  en  lui  donnant  Févêché  d’Utrecht. 

II. 

Le  roi  Rodolphe  était  à peine  intervenu  dans  la  terrible  lutte 
qui  s’était  terminée  par  la  bataille  de  Woeringen,  non  qu’il  fut 
hostile  au  duc  de  Brabant,  car,  le  29  avril  1290,  il  lui  accorda  des 
lettres  de  sauvegarde  pour  venir  séjourner  à sa  cour,  valables 
■jusqu’à  la  saint  Michel  suivante 1  2.  Nous  doutons  que  Jean  Ier  en 
ait  profité  ; probablement  il  se  fit  remplacer  par  des  envoyés. 
Dans  tous  les  cas,  sa  visite  eût  été  inutile,  Rodolphe  étant  mort 
peu  de  temps  après. 

A la  bataille  de  Woeringen,  on  avait  remarqué  un  guerrier  in- 
trépide, qui  fut  enfin  fait  prisonnier.  Lorsqu’on  le  lui  présenta,  le 
duc  s’écria:  « Brave  chevalier,  qui  es-tu,  toi  dont  la  valeur  m’a 
» été  aujourd’hui  si  funeste2— Je  suis  le  comte  de  Nassau,  maître 
» de  domaines  médiocres,  mais  vous  dont  je  suis  actuellement  le 

1 20  juin  129-L  Hocsem,  c.  XIX. 

- Cartulciire de  Brabant  B,  f°  4.  — Brabantsche  Yeesten , 1. 1,  p.  072. 


( 215  ) 

» captif,  qui  êtes-vous?  — Je  suis  le  duc  de  Brabant  que  vous  ne 
» cessiez  de  poursuivre  dans  la  mêlée.  — Ah  î reprit  alors  Nassau  , 
>'  ce  glaive  a tué  cinq  de  vos  capitaines  et  il  vous  a laissé  échapper!  » 
— La  hardiesse  de  cette  réplique  toucha  le  vainqueur,  qui  rendit 
immédiatement  la  liberté  au  vaillant  Nassau,  sans  lui  demander  de 
rançon.  Depuis  lors,  ajoute-t-on,  les  deux  princes  vécurent  liés 
par  une  étroite  affection  h 

C’est  au  héros  de  cet  épisode  romanesque,  et,  disons-le,  d’une 
authenticité  très-douteuse,  que  l’empire  échut  après  la  mort  lie 
Rodolphe,  il  dut  sa  nomination  à deux  des  électeurs  les  plus  in- 
fluents : les  archevêques  de  Mayence  et  de  Cologne,  qui,  pour  ga- 
gner Bohémond,  archevêque  de  Trêves,  l’avaient  menacé  de  se 
prononcer  en  faveur  de  Renaud,  comte  de  Gueldre1 2.  Le  sage 
Bohémond  avait-il  des  raisons  pour  détester  Renaud?  c’est  ce  que 
nous  ne  savons.  S’il  s’opposa  à l’élévation  du  courte  de  Gueldre,  ce 
fut  évidemment  dans  la  prévision  de  la  lutte  que  ce  choix  devait 
entraîner3.  En  la  provoquant,  on  aurait  infligé  à son  vainqueur  une 
injure  mortelle,  dont  il  pouvait  se  venger  cruellement.  Gérard  de 
Mayence  sut  éviter  cet  écueil;  assuré  de  l’opinion  de  Sifroi  et  de 
Bohémond,  il  proclama  le  comte  de  Nassau,  qui  était  son  cousin, 
et  qui  avait  quelques  grandes  qualités,  mais  à qui  on  ne  recon- 

1 Chronicon  Leobiense  dans  Pez,  Scriptores  rerum  Austriacarum , t.  J, 

p.  867. 

2 Cette  version  a été  adoptée  par  Schmidt , Histoire  des  Allemands , t.  IV, 
p.  549;  les  Gesta  Trevirorum  integra,  t.  Il , p.  149,  disent  au  contraire  que 
Bohémond  fut  le  premier  à se  déclarer  pour  Adolphe  ( Quos  tamen  electores  , 
qui  sibi  graviter  adversabantur  in  principio , soins  dominas  Boemundus 
archiepiscopus  Trevirensis  inclinavit  ad  electionem  pr édicta m ). 

3 Ce  prélat  gouvernait  l’archevêché  de  Trêves  avec  beaucoup  de  prudence  , 
il  apaisa  quelques  grandes  querelles  , et  lit  vénérer  sa  sagesse  par  les  princes 
et  parles  barons  du  voisinage;  il  aima,  dit-on,  d’une  affection  paternelle, 
les  citoyens  de  Trêves,  à qui  il  assura  une  entière  tranquillité  et  qui,  de  leur 
côté,  montrèrent  toujours  beaucoup  de  déférence  pour  ses  volontés.  Il  rendait 
volontiers  la  justice  et  était  accessible  à tous  ses  sujets.  Mais,  d’autre  part, 
ses  expéditions  guerrières  et  ses  voyages  lui  coûtèrent  des  sommes  énormes 
( Gesta  domini  Boemundi  Trevirensis  archiepiscopi , dans  les  Gesta  Trevi- 
rorum integra , t.  II,  pp.  1 40  et  suiv.). 


( 214  ) 

naissait  ni  la  puissance,  ni  l’influence  nécessaires  pour  se  maintenir 
avec  succès  sur  le  trône  impérial. 

Cette  élection  fut  surtout  un  triomphe  pour  les  trois  électeurs 
ecclésiastiques,  avec  qui  Adolphe  était  lié  par  des  liens  d’amitié, 
de  parenté  et  de  vassalité.  Soit  de  gré,  soit  de  force,  il  ne  tarda 
pas  à leur  donner  des  gages  de  sa  reconnaissance.  A Sifroi,  il  pro- 
mit de  le  soutenir  puissamment  contre  tous  l.  A Gérard,  il  rendit 
l’avouerie  de  l'abbaye  d'Essen2.  A Bohémond,  à qui  son  élection 
avait  coûté  beaucoup  de  mille  marcs  3,  il  engagea  le  château  royal 
de  Cocheim  sur  la  Moselle  et  le  village  de  Cotten. 

Adolphe  de  Nassau  parut  d’abord  vouloir  contester  à Jean  Ier 
ses  droits  à la  possession  du  Limbourg,  droits  dont  on  ne  tarda 
pas  à remettre  l’examen  à quatre  arbitres  : le  comte  de  la  Marck, 
le  sire  de  Cuyck,  Graftho,  seigneur  de  Gryphenstein  et  Louis, 
vicomte  de  Rynehove.  Ces  seigneurs,  qui  étaient  les  alliés  ou  les 
vassaux  du  duc,  lui  promirent  aussitôt  que,  dans  la  quinzaine, 
l’investiture  du  duché  de  Limbourg  lui  serait  accordée  comme 
elle  l’avait,  été  aux  anciens  possesseurs  de  ce  domaine  et  qu’ils 
négocieraient  une  paix  et  amitié  entre  lui  et  le  nouveau  roi  4 5. 

En  effet,  Adolphe  était  à peine  couronné  qu’il  se  prit  à combler 
de  faveurs  son  vainqueur,  devenu  son  vassal,  et  qui  avait  assisté  à 
*son  couronnement,  le  24  juin  1292.  Dans  un  diplôme  où  il  le 
gratifie  de  « son  très  cher  duc,  » il  le  prend  sous  sa  protection,  et 
déclare  l’admettre,  par  une  faveur  spéciale,  au  nombre  de  ses 
familiers  ou  courtisans  3.  Déjà,  il  lui  avait  confirmé  toutes  les 
concessions  accordées  à lui  et  à ses  prédécesseurs  par  les  empe- 
reurs ou  rois  d’Allemagne  (i,  et  en  outre,  il  lui  conféra  la  dignité 

1 51  mai  1295.  Lacomblet,  t,  Il , p.  557. 

- Schmidt,  l.  c.,  p.  556. 

5 22  juillet  1294.  Hontheim , Historié  Trevirensis  cliplomatica,  1. 1 , p.  828. 
— Ge.sta  Trevirorum  integra  , t II,  p.  142. 

1 Accord  daté  d’Aix-la-Chapelle,  le  50  juin  1292.  Willems,  Van  Heelu , 
p.  560. 

5 21  septembre  1292.  Ibidem,  p.  561. 

G 15  du  même  mois.  Butkens,  t.  I , Preuves . p.  127.  — De  Dynter,  t.  II, 
p.  465. 


( 213  ) 

d’avoué  principal  et  de  gouverneur  et  juge  général  de  tout  le 
pays  compris  entre  la  Moselle  et  la  mer,  et  s’étendant  au  delà  du 
Rhin  jusqu’à  la  Westphalie  l.  De  plus,  en  retour  d’un  prêt  de 
seize  mille  marcs  de  Cologne  qui  devait  être  employé  à racheter 
des  hiens  impériaux,  il  lui  céda,  jusqu’à  remboursement  de  ses 
avances  et  de  la  dette  de  trois  mille  marcs  reconnue  par  le 
roi  Rodolphe,  une  partie  considérable  de  ces  mêmes  biens  : le 
tonlieu  et  les  autres  revenus  de  Weerde  (Kciyserswerth) , et  ce 
que  l’empire  possédait  ou  pourrait  récupérer  à Aix-la-Chapelle, 
Sintzig,  Dortmund,  Duysbourg,  et  généralement  dans  toute  la 
contrée  qui  s’étend  entre  la  Moselle  et  la  mer.  Weerde  devait  être 
confié  à Graftho  de  Gryphenstein  ou , s’il  venait  à décéder,  à 
Everard,  comte  de  Catzenellebogen,  oncle  du  roi,  ou  à un  des 
arbitres  qui  avaient  réconcilié  celui-ci  et  le  duc,  et  le  château  se- 
rait toujours  ouvert  à Jean  Ier  et  à ses  héritiers  2. 

Toutes  ces  concessions  auraient  considérablement  affermi  la 
position  du  duc  dans  la  basse  Allemagne,  si  elles  avaient  sub- 
sisté, mais  elles  furent  bientôt  annulées  ou  amoindries  par  d’au- 
tres dispositions.  Ainsi  le  roi  Adolphe  autorisa  son  parent,  Wale- 
ram  de  Juliers,  à racheter  du  duc  de  Brabant  l’écoutêterie  d’Aix  3; 
les  négociations  de  Waleram  aboutirent  sans  doute,  car,  le 
14  septembre  1292,  il  fut  investi  de  cette  dignité,  jusqu’au  rem- 
boursement de  mille  cinquante  marcs  de  deniers  d’Aix  4 5.  La  pos- 
session de  l’écoutèterie  donna  encore  lieu  à d’autres  débats,  et 
nous  voyons  qu’en  l’année  1297,  Waleram  l’acquit  de  nouveau, 
en  vertu  d’un  autre  diplôme  d’Adolphe  La  ville  de  Sintzig  passa 
d’abord  entre  les  mains  de  Gérard  de  Juliers,  comme  garantie 
d’une  somme  de  mille  marcs  de  Cologne  6,  puis,  avec  Dortmund 

1 18  novembre  1292.  Butkens,  l.  c.,  p.  128.—  De  Dynter,  t.  11,  p.  464. 
— Pertz,  Monumenta , Leges , t.  II,  p.  459. 

2 22  septembre  1292.  Willems,  l.  c.,  p.  562. 

5 15  juin  1292.  Petrus  à Beck,  Aquisgranum , p.  127. 

1 Ibidem.  — I(remer,t.  III,  Urkunden,  p.  211. 

5 Acte  daté  du  13  juin  1297.  Kremer,  /.  c.,  p.  222. 

0 Lettre  du  roi  Adolphe  aux  chevaliers,  consuls  et  citoyens  de  Sintzig, 
le 21  mars  1295.  Kremer,  /.  c.,  p.  213. 


( 21  fi  ) 

et  Kàyscrswerlh , à l’archevêque  de  Cologne  Wicbold  J,  qui  ne  put 
jouir  paisiblement  de  ces  acquisitions.  Louis,  vicomte  de  Sonnen- 
borg,  usurpa  la  possession  du  château  impérial  de  Kayserswerth9, 
et  Everard,  comte  de  la  Marck,  voulut  s'approprier  Dorlmund  r>, 
qu'il  obtint  ensuite,  moyennant  quatorze  cents  marcs l 2 *  4 5 6,  à une 
époque  où  le  roi  Albert,  le  successeur  d’Adolphe,  était  brouillé  avec 
l’archevêque.  Quant  à la  cité  de  Duysbourg,  elle  continua  à former 
une  annexe  du  pays  de  Clèves,  ainsi  que  nous  l’avons  dit  plus  haut. 

Il  semble  que  Jean  Ipr,  dans  ses  dernières  années,  et  ses  suc- 
cesseurs à son  exemple,  considérèrent  leur  immixtion  dans  les 
querelles  des  princes  rhénans  comme  une  charge  trop  onéreuse, 
et  qu'ils  renoncèrent  à s’en  occuper.  Leurs  rapports  avec  Co- 
logne et  Aix  devinrent  de  moins  en  moins  fréquents,  tandis  que 
leur  attention  se  portait  de  préférence  vers  l’ouest  de  la  Bel- 
gique.  Le  comte  de  Flandre,  qui  sentait  Je  besoin  de  s’appuyer  sur 
l’Angleterre  et  l’Allemagne  contre  la  France,  profita  de  la  présence 
de  Jean  1er  auprès  du  roi,  pour  réclamer  l’investiture  par  procu- 
reur des  fiefs  de  l’Empire;  il  fit  valoir  l’impossibilité  dans  la- 
quelle il  se  trouvait  de  venir  en  personne  : mais  ses  excuses  ne 
furent  pas  admises  Le  jour  de  l’alliance  de  la  Flandre  et  de 
l’Allemagne  n’était  pas  arrivé. 

Pendant  les  années  qui  suivirent  la  bataille  de  Woeringen,  le 
duc  de  Brabant  ne  cessa  de  demander  de  l’argent  à son  peuple; 
ce  fut  surtout  à cette  époque  qu'il  mérita  le  reproche  que  lui 
adressent  Hocsem  et  Thielrode,  d’épuiser  ses  sujets  à force  d’exac- 
tions (î.  On  a trouvé  cette  accusation  un  peu  vague  ; les  faits  réunis 

l.  Diplôme  du  roi  Albert,  du  4 août  1298.  Lacomblet , t.  II , p.  585. 

2 Ordre  du  roi  Albert  aux  comtes  de  Gueldre,  de  Clèves,  de  Juliers,  de 

Berg,  de  la  Marck,  aux  villes  de  Cologne  et  de  Duysbourg,  d’aider  l’archevêque 

contre  le  vicomte.  23  septembre  1298.  Ibidem , p.  393. 

5 Ordre  adressé  aux  évêques  de  Munster,  d’Osnabruk,  de  Minden,  de 
Paderborn;  aux  comtes  de  Gueldre,  de  Clèves,  de  Berg,  de  Ravensberg;  aux 
villes  de  Cologne,  Munster,  Osnabruk,  Minden,  Soest,  Dortmund,  Essen,  le 
19  octobre  1299.  Ibidem  , p.  613. 

1 20  janvier  1300.  Ibidem,  p.  615. 

ri  13  juin  1293.  Saint-Génois,  Monuments , p.  818. 

6 Willems,  Van  Heetu , Introduction,  p.  lxvu. 


( 217  ) 

dans  notre  XI,ne  chapitre,  au  paragraphe  2,  en  démontrent  la 
réalité. 

A cette  époque,  les  relations  entre  le  roi  de  France  et  son  puis- 
sant vassal,  Guy  de  Dampierre,  prirent  une  fâcheuse  tournure. 
Jean  Ier,  qui  s’était  rapproché  du  comte,  fut  appelé  par  celui-ci,  et 
sollicité  d’user  de  son  influence  en  faveur  de  la  paix;  mais,  ainsi 
que  le  remarque  à cette  occasion  Van  Velthem,  il  ne  montra  pas  de 
grandes  dispositions  à accepter  ce  mandat,  car  il  aimait  la  guerre 
plus  que  la  tranquillité.  Il  ne  se  cachait  pas  pour  exprimer  ses 
sentiments.  A ce  qu’ajoute  le  meme  auteur,  qui  assure  l’avoir  en- 
tendu lui-même,  il  répondit  aux  sires  de  Fauquemont  et  de  Cuvek. 
qui  lui  demandaient  si  personne  ne  pourrait  opérer  une  réconci- 
liation entre  Philippe  et  Guy  : « Laissez  marcher  les  événements, 
je  voudrais  voir  le  roi  combattre  le  comte  L » 

Notre  vaillant  prince  ne  devait  pas  voir  la  réalisation  de  ses 
vœux,  quoiqu’il  entrât  seulement  dans  sa  quarante  et  unième 
année  “1 2.  Sa  passion  immodérée  pour  les  tournois  n’était  pas 
encore  assouvie;  il  ne  suffisait  pas  à son  ambition  d inspirer  la 
terreur  et  l’admiration , il  lui  fallait  les  bravos  de  la  foule,  les 
sourires  des  dames,  les  louanges  des  ménestrels.  Ce  goût  devint 
encore  plus  vif  après  Woeringen.  Le  duc  saisissait  avec  empres- 
sement la  moindre  occasion  de  jouter;  quelquefois  il  s’absentait 
de  Bruxelles,  dans  ce  but,  sans  qu’on  sût  où  il  était  allé.  C’est  à 
lui  qu’on  attribue  la  règle,  qui  fut  dorénavant  admise  dans  les 
tournois,  d’avoir  au  plus  deux  valets  ou  écuyers,  ce  qui  y établit 
une  égalité  complète  entre  les  chevaliers  de  tout  rang.  Sa  manie 
était  poussée  à tel  point,  qu’il  acheta  près  de  Saint-Quentin  un 
champ  où  chacun  pouvait  aller  joûter  3. 

En  l’année  121)4,  pendant  qu’un  de  ses  anciens  ennemis,  de- 
venu un  de  ses  plus  zélés  conseillers,  le  sire  de  Fauquemont,  assié- 
geait, de  concert  avec  le  comte  de  Looz,  le  château  de  Born,  ap- 
partenant à Renaud,  comte  de  Gueldre  4,  le  duc  partit  pour  le 

1 Van  Velthem,  Spiegel  historiael , I.  Ul,  c.  XXXVIII. 

2 Ibidem,  c.XLIl. 

Brabantsche  Yeeslen,  I.  V , vers  1 el  suiv. 

4 Le  59  avril , h'  roi  Adolphe  ordonna  aux  assiégeants  de  lever  le  siège  et 


4 


( 218  ) 

Barrois.  Le  seigneur  de  ce  pays  venait  d’épouser,  en  Angleterre, 
Eléonore,  fille  d’Édouard  Ier.  Jean  Ier  reçut  les  nouveaux  mariés 
avec  les  plus  grands  honneurs  et  se  fit  une  fête  de  les  escorter 
jusqu’à  leur  capitale,  accompagné  de  cent  dix  chevaliers  L On 
célébra  leur'  arrivée  par  de  splendides  réjouissances.  A la  vue 
du  vainqueur  de  Woeringen,  chacun  exaltait  sa  vaillance,  sa 
générosité,  et  le  sollicitait  de  déployer  son  adresse.  C’était  le 
3 mai,  vers  l’heure  des  vêpres.  Ayant  endossé  son  armure, 
Jean  Ier  accepta  pour  adversaire  un  chevalier  renommé,  Pierre 

t 

de  Bausmes  (ou  selon  d’autres,  de  Beauffremont  2).  Etant  montés 
à cheval  pour  rompre  une  lance,  ils  se  rencontrèrent  à la  troi- 
sième passe  avec  tant  de  force  que  tous  deux  furent  jetés  à terre. 
Le  duc  ne  put  se  relever,  la  lance  du  chevalier  lui  ayant  causé  au 
bras  une  grave  blessure.  « La  fleur  de  la  chevalerie,  l’ornement 
» de  l’univers,  la  joie  du  monde,  » comme  l’appelle  emphatique- 
ment le  chroniqueur  à qui  nous  empruntons  ces  détails,  fut  ra- 
mené mourant  dans  son  hôtel.  Le  soir,  au  moment  où  le  soleil  se 
couchait,  Jean  Ier,  après  s’être  confessé  et  avoir  dit  adieu  aux 
assistants,  posa  en  se  retournant  la  main  sur  le  bras  blessé,  et 
expira  en  se  recommandant  à Dieu  5. 

Van  Velthem,  dont  le  goût  pour  les  aventures  romanesques  et 
les  récits  poétiques  rend  la  narration  un  peu  suspecte,  prétend 

de  porter  leurs  plaintes  devant  lui  ; de  plus,  en  conformité  des  lois  qui  proté- 
geaient la  paix  publique,  il  ordonna  aux  princes  voisins,  et,  entre  autres,  au 
duc,  de  faire  cesser  ce  siège.  Ses  ordres  furent  probablement  méprisés;  car, 
une  diète  tenue  à Coblentz,  le  samedi  avant  la  sainte  Marguerite  de  la  même 
année  (en  juillet),  décida  que  l’empereur  devait  aide  et  protection  à Renaud. 
Lacomblet , t.  Il , p.  560. 

1 Jean  de  Thielrode,  dans  Willems,  I.  c.,  p.  550. 

2 Le  chroniqueur  Mathieu  de  Westminster  ne  nomme  pas  ce  chevalier. 
Une  chronique  de  saint  Bertin  (dans  Willems,  Van  Heelu , p.  282)  l’appelle 
de  Bausmes  (et  non  pas  de  Bausimes,  comme  Martene  et  Durand  l’ont 
imprimé  par  erreur  dans  leur  Thésaurus  Anecdotoruni , t.lll).  - De  Dynter, 
t.  11,  p.  465,  l’appelle  de  Beaufremont. 

5 Nous  suivons  ici  Thielrode  et  une  Continuatio  des  Gesta  abbatum  Trudo- 
nensium  (dans  Pertz,  Monumenta , Scriptores,  t.  X,  p.406),  dont  le  récit  n’a 
rien  que  de  vraisemblable.  La  Chronicon  monasterii  S.  Rertini  citée  plus  haut 


( 219  ) 

que  le  duc  avait  un  dessein  secret  en  se  rendant  de  Bruxelles  à 
Bar,  quelque  jeune  dame  à enlever  sans  doute.  Il  s’était  formé 
une  compagnie  de  dix  des  plus  braves  chevaliers  qu’il  connut  et 
chacun  d’eux  avait  son  rôle  à remplir.  A Bar,  les  lices  étaient 
prêtes  et  on  avait  désigné  les  guerriers  qui  devaient  jouter, 
lorsque  survint  un  chevalier  que  l’on  proclama  comme  n’ayant 
jamais  trouvé  de  vainqueur.  Ce  fut  pour  Jean  Ier  une  raison 
suffisante  de  le  provoquer,  et  comme  ce  nouveau  venu  refusait, 
de  crainte  de  blesser  un  prince  dont  il  était  l’arrière-vassal  (son 
overheer , dit  le  poëte),  il  promit  qu’en  cas  de  malheur  aucun  re- 
proche ne  lui  serait  adressé.  Dans  le  combat,  la  lance  du  cheva- 
lier brisa  la  courroie  qui  attachait  le  gantelet  de  Jean  Ier  et  lui 
déchira  le  muscle  de  la  main  *. 

La  mort  du  duc  Jean  fut  un  jour  de  deuil  pour  ce  duché  qui, 
six  années  auparavant,  avait  accueilli  avec  tant  d’enthousiasme 
l’annonce  de  ses  triomphes.  Elle  fut  pleurée  surtout  dans  cette 
ville  de  Bruxelles  qu’il  avait  toujours  tant  aimée  9.  Le  vendredi 
après  le  jour  de  sa  mort,  son  corps,  suivant  un  usage  du  temps, 
fut  bouilli,  c’est-à-dire  plongé  dans  l’eau  chaude  pour  détacher 
les  ossements  des  chairs.  Ces  dernières  reçurent  la  sépulture  à 
Reims  , ou  l’opération  s'était  faite,  dans  la  cathédrale;  les  ossements 
seuls  furent  transportés  en  Brabant  3.  Les  prêtres,  les  religieux, 

fait  mourir  le  duc  sept  jours  après  la  joute , ce  qui  ne  concorde  pas  avec  la  ver- 
sion précédente,  ni  avec  les  expressions  positives  de  Jean  de  Thielrode.  Mais 
était-il  possible  de  transporter  en  Brabant,  à cinquante  lieues  de  Bar,  un 
homme  grièvement  blessé,  comme  le  dit  De  Dynter  (et  d’après  lui,  Butkens, 
p.  531,  et  Willems,  Brabantsche  Yeesten,  t.  I,  p.  416)?  Ce  (pie  racontent 
ces  derniers  auteurs  de  l’intervention  de  Jean  Ier  dans  les  négociations  de  Guy 
de  Dampierre  avec  Édouard  Ier  ne  repose  sur  aucun  fondement.  Disons  ici  qu’à 
Sainle-Gudule  un  service  anniversaire  était  célébré  pour  Jean  Ier  le  4 août,  un 
autre  pour  Marguerite  de  Flandre,  sa  première  femme,  le  28  juin,  et  un 
troisième  pour  une  autre  Marguerite  (de  France?),  le  4 novembre.  Une  rente  de 
trois  florins  du  Rhin  était  affectée  à l’exonération  de  ces  services. 

1 L c.,  c.  XL  et'XLI. 

- Van  Vellhem  , c.  XLIL 

5 Chronique  de  l'abbaye  de  Saint-Nicaise  à Reims , dans  la  Gallia  Chris - 
tiana , t.  IX,  p.  215.—  Recueil  des  historiens  de  France,  t.  XVIII,  p.  699. 


! 


( 220  ) 

toute  la  population  de  sa  résidence  favorite  allèrent  recevoir  son 
cercueil,  qui  fut  déposé,  selon  ses  désirs,  dans  l’église  conventuelle 
des  frères  Mineurs,  à côté  des  restes  de  sa  seconde  femme,  Mar- 
guerite de  Flandre.  Là  on  lui  éleva  un  monument  funéraire  au 
milieu  du  chœur,  où  on  lisait  l’inscription  suivante  : 


A N NO  DOM  1 NM  1297  OBIIT 
VMRTUTUM  AMATOR,  JUSTITIAE  PROCURATOR 
AC  DEFENSOR , 

F LOS  MUNDI,  SPECULFM  JUSTITIAE 
AC  TOTIUS  PROBITATIS  SPECTACULUM  , 
ILLUSTRISSIMES  PRINCEPS  .10  ANN  ES 
PR  IM  US , OCX  LOTHARINGIAE  ET  BRABANTIAE  , 
SEPULTUS  ANTE  SUMMUM  ALTARE  HUJUS 
CONVENTUS,  IN  TUMBA  LAPIDEA. 


Cette  épitaphe  ayant  été  détruite  en  1585,  pendant  les  troubles 
du  seizième  siècle,  l’archiduc  Albert  la  lit  rétablir  et  on  y répéta 
la  faute  de  date  qui  s’y  trouvait  (1297  pour  1294),  en  y joi- 
gnant une  seconde  erreur,  celle  de  placer  le  jour  du  décès  de 
Jean  I‘rau  9 juin  (obiit  die  ix  junii  anno  1297)  b Le  bombardement, 
de  Bruxelles,  en  IG95,  a renversé  le  nouveau  monument,  qui  ne 
fut  pas  relevé  lorsqu’on  bâtit  aux  Récollets  une  troisième  église, 
qui  a péri  à son  tour  pendant  la  domination  française.  Aujour- 
d’hui, dans  son  emplacement  transformé  en  marché,  où  cher- 
cher la  poussière  du  plus  glorieux  de  nos  souverains? 

Parcourez  nos  annales,  dépouillez  nos  généalogies  princières, 
vous  n’y  rencontrerez  aucun  nom  dont  le  souvenir  apparaisse 
plus  brillant  et  plus  pur.  Jean  Ier  avait  sans  doute  des  défauts  et 
des  faiblesses.  C’est  avec  raison  qu'on  lui  a reproché  d’avoir  ex- 
posé dans  soixante  et  dix  tournois  et  partout  : en  Allemagne,  en 
France,  en  Angleterre  2,  une  vie  qui  appartenait  à la  patrie  , mais 
ce  reproche  fut  mérité  par  tous  ses  contemporains,  et  d’autres 
princes  des  Pays-Bas  ont  péri  comme  lui  en  joutant,  après  avoir 
bravé  la  mort  dans  vingt  combats.  On  a condamné  aussi  ses 
mœurs;  elles  étaient  plus  que  légères,  comme  l’atteste  la  liste  de 


1 Sanderus,  Couvent  us  (Bruirellensis)  fratrum  niinorum,  in-f° . p.  12. 
- De  Dynter,  h c. 


( 221  ) 

scs  bâtards,  mais  ii  était  d une  vaillance  sans  égale,  actif,  géné- 
reux; il  fut  l’ami  des  poètes.  Le  tableau  que  Jean  de  Thiclrode 
a tracé  de  son  caractère  abonde  en  traits  curieux  et  que  l’histoire 
confirme;  ce  passage  constituant  une  satire  plutôt  qu’un  pané- 
gyrique, les  éloges  que  l’on  y trouve  n’en  empruntent  que  plus 
de  force.  Écoutons  ce  chant  bizarre  : 

« O vous,  amis  de  la  gaieté,  apprenez  à mépriser  les  joies  du 
» monde,  car  elles  s’évanouissent  bientôt  pour  faire  place  au 
» chagrin.  Voyez  le  duc  des  Brabançons,  surnommé  le  Lion,  le 
» Dieu  des  armées.  11  aimait  les  combats  de  Vénus,  il  était  le 
» meilleur  des  guerriers  et  on  ne  pourrait  compter  ses  mariages. 
» 11  procréa  un  grand  nombre  d’enfants.  Il  dépouilla  son  peuple  , 
» il  détruisit  et  pressura  les  monastères,  il  pesa  lourdement  sur 
» eux.  A la  fois  lion  et  agneau,  il  paraissait  tantôt  un  maître, 
» tantôt  un  serviteur,  et  savait  être  tour  à tour  marquis,  valet, 
» mime,  histrion,  et  au  besoin  comédien  et  pacificateur.  Il 
» vécut  dans  la  gloire  et  les  délices  du  monde,  il  brilla  dans  cette 
» vie.  Ainsi  s’envole  la  renommée  » 

Van  Boendale,  l’auteur  des  JSrubantsclie  Yeesten , exalte  la 
bonté,  la  générosité,  la  loyauté  de  Jean  Ier.  Il  lui  attribue  la  gloire 
d'avoir  abattu  les  châteaux  des  pillards  qui  entravaient  le  com- 
merce sur  le  Rhin  ; sous  son  règne,  dit-il,  les  étrangers,  quoique 
appartenant  à un  pays  ennemi , pouvaient  librement  circuler 
dans  ses  États,  ce  qui  facilita  au  plus  haut  point  les  relations  de 
ses  sujets  avec  le  dehors.  Mais  ce  que  le  poète  admire  surtout, 
c’est  la  valeur  du  glorieux  duc,  qui  se  montra  si  digne  du  sang 
dont  il  sortait,  du  sang  de  Charlemagne.  Il  avait,  ajoute-t-il,  un 
aspect  si  terrible  que  son  regard  seul  inspirait  la  crainte.  Sa  colère 
ne  connaissait  pas  de  bornes  et  sa  force  était  telle  qu’il  brisait  un 
bâton  entre ‘les  doigts  -.  Hocsem  vante  sa  munificence  envers  les 
étrangers  et  des  découvertes  modernes  ont  fait  connaître  son  goût 
pour  la  poésie  3.  Enfin,  au  dire  de  Melis  Stoke,  notre  prince  chas- 
sait loin  de  lui  les  flatteurs  et  les  traîtres. 

' Willems,  Van  H velu,  p.  349. 

- L.  V,  v.  1 07  et  suivants. 

3 Voyez  le  chapitre  XIV. 


III. 


Pendant  que  son  père  se  mourait,  Jean  II  se  trouvait  en  An- 
gleterre. La  mort  du  vainqueur  de  Woeringen  faillit  causer  une 
guerre  civile  en  Brabant.  Godefroid  de  Brabant  était  tout  à fait 
dévoué  aux  intérêts  de  la  France  et  ceux  qui  partageaient  ses  vues 
formaient  un  parti  considérable.  Pour  rompre  leurs  menées , des 
messagers  fidèles  allèrent  inviter  le  prince  à venir,  sans  délai,  se 
mettre  en  possession  de  son  héritage 

Jean  II  et  sa  femme  étaient  attendus  par  leur  suite  à Herewyc, 
d’où  ils  partirent  sur  trois  vaisseaux  appartenant  aux  Brabançons 
Jean  Alard,  Hugues,  (ils  de  Baudouin,  et  Walter  Pyl1 2.  Remarquons 
ici  que  nos  ducs  ne  dédaignaient  pas  de  s’occuper  de  commerce. 
L’escadrille  de  Jean  transportait  une  cargaison  de  laine,  dont  il 
vendit  une  partie  à son  aïeul  maternel,  le  comte  de  Flandre, 
pour  la  somme  de  deux  mille  cinq  cents  livres  tournois  3. 

A peine  arrivé,  il  fit  arrêter  sire  Henri  Prochiaen,  l’un  des 
hommes  en  qui  Jean  Ier  avait  le  plus  de  confiance.  Le  clergé  de 
Bruxelles  l’ayant  réclamé  à cause  de  sa  qualité  de  clerc,  on  le 
remit  au  doyen  de  Sainte-Gudule,  Jean  Vanderhellenq  celui-ci 
l’ayant  laissé  fuir,  fut  à son  tour  jeté  dans  une  prison,  d’où  ne 
purent  le  tirer  les  réclamations  de  l’évêque  de  Cambrai  et  de  son 
official,  et  où  il  mourut  bientôt  4.  L'arrestation  de  Prochiaen  se 
rattachait  sans  doute  à des  questions  financières,  car  il  avait  été 
le  trésorier  de  Jean  Ier,  qui  devait  des  sommes  considérables,  no- 
tamment à Jean,  sire  de  Cuyck  5;  à Jean , sire  de  Ryfferseheid 6,  etc., 

1 Van  Velthem , 1.  III , c.  XLII. 

2 Lettre  du  18  juin  1294,  dans  Rymer , l.  c-,  p.  802 

5 Quittance  du  duc,  en  date  du  1 6 juill.  1296.  Saint-Génois,  Monüm.,  p.  852. 

1 Histoire  de  Bruxelles  , t.  Ier,  p.  76. 

3 Quittance  de  deux  mille  livres  de  Louvain,  donnée  par  le  sire  de  Cuyck  à 

Égide  de  Monte  , chevalier,  jadis  sénéchal  de  Brabant,  en  à-compte  de  ce  qui 

lui  était  dù.  Jour  de  la  conversion  de  saint  Paul,  en  1294  (1295,  n.  s.).  Car- 
lulaire  de  Brabant  B,  f°  107  v°. 

6 Quittance  donnée  par  le  seigneur  de  ReitFerscheid , de  ce  qui  lui  était  dù 


( 225  ) 

et  Jean  IJ  lui-même  avait  laissé  des  dettes  en  Angleterre,  où  le 
chevalier  sire  Arnoul  d’Iks  ou  Yssche  paya  en  son  nom  six  mille 
livres  de  Louvain  à Lapus  Bourecato,  marchand  florentin,  man- 
dataire de  ses  compatriotes  Donat  et  Veluto  l.  L’emprisonnement 
des  favoris  de  Jean  1er  avait  été  conseillé  par  Godefroid , mais  ses 
conseils  ne  furent  pas  longtemps  suivis,  et  une  haine  mutuelle  vint 
bientôt  remplacer  dans  le  cœur  des  deux  princes  l’affection  qu’ils 
auraient  dû  se  porter  2. 

La  première  expédition  du  duc  fut  dirigée  contre  l’ancien  en- 
nemi de  son  père,  l’archevêque  Sifroi.  Puis  il  s’attacha  à forti- 
fier et  à accélérer  la  ligue  qui  se  formait  pour  combattre  le  roi  de 
France.  Ce  fut  dans  ses  Etats,  à Lierre,  que  se  négocia  secrète- 
ment, mais  sans  cependant  pouvoir  échapper  aux  espions  de 
Philippe  le  Bel,  le  mariage  de  Philippine  de  Flandre,  fille  de  Guy 
de  Dampicrre,  avec  le  jeune  Edouard,  l’héritier  de  la  couronne 
d’Angleterre.  Philippe  rompit  cette  union  en  attirant  le  comte  à 

pour  dépenses  faites  à Cologne,  en  qualité  de  caution  du  duc  Jean  Ier;  en 
récompense , Jean  II  lui  donne  quatre  cent  cinquante  marcs  de  Cologne 
afin  d’être  reconnu  suzerain  de  la  ville  et  faubourg  ( villae  et  suburbium)  de 
Bedebur,  le  jour  de  la  saint  Barthélemi  1295.  Ibidem , f°  14  v°.  Le  1er  mai 
1291 , noble  homme  Jean  de  Reilferscheyd  avait  relevé  de  l’archevêque  Sifroi 
le  château  dé  Bedebure , et  Sifroi  avait  augmenté  ce  fief  d’une  rente  de  trois 
cents  marcs  de  Cologne.  Fahne,  Codex  diplomaticus  Salmo  - Rei/l'erschei- 
danus , p.  60. 

1 Quittance  scellée  à Londres  le  11  octobre  1295,  par  Sitfred  de  Vezano , 
clerc  du  pape  en  Angleterre;  par  S.-J.  Brelam,  chevalier, garde  de  la  cité,  et 
par  Taldi  Jamani,  marchand  de  Florence,  Cartulaire , cité  , f°  107. 

- Maer  die  te  voren  wel  hadden  gewesen 
Metten  broëder,  verdreeft  hy  naer  desen 
Uten  lande,  ende  nam  haer  goet, 

Vele  dinge  die  ic  niet  en  moet 
. Vertrecken  werd  in  Brabant  geanteert. 

Maer  in  ’t  leste  werd  dit  gekeert 
Van  den  anderen  hertog  Jan, 

Ende  hier  af  bleef  hi  gehaet  vordan 
Van  sinen  oem  heren  Godevaert 
Om  dat  hi  hem  niet  liet  gewerden 
So  was  heymelyc  onder  lien  een  nyt. 

( Van  Velthem  f.) 


( 224  ) 

Paris  et  en  ne  le  relâchant  qu’en  échange  de  sa  fille,  dont  les  espé- 
rances  se  terminèrent  dans  une  tour  du  Louvre. 

Le  seigneur  d'Aerschot,  qui  se  trouvait  encore  le  17  juin  12% 
à Bruxelles,  où  il  termina  un  débat  qui  existait  entre  les  bé- 
guines et  le  gilde  de  la  draperie  J,  se  rendit  le  16  octobre  suivant 
à Brühl,  près  de  Cologne,  où  il  s’opéra  entre  Sifroi  et  lui  un  rap- 
prochement complet.  Godefroid  déclara  s’allier  avec  Sifroi,  de 
l’avis  de  ses  conseillers  et  familiers,  en  considération,  dit-il,  de 
l’amitié  qu’a  pour  lui  l’archevêque  de  Cologne  et  des  avantages  et 
secours  qu’il  peut  lui  procurer.  11  promit  d’assister  le  prélat  contre 
tous  ses  ennemis,  sauf  contre  l’Empereur,  le  roi  de  France,  et  son 
seigneur  et  parent  le  duc  de  Brabant,  « contre  lesquels  il  ne  peut 
et  ne  doit  l’aider.  » Si  dans  la  suite,  Jean  II  se  laissait  gouverner 
par  lui  et  guider  par  ses  conseils 1  2 3,  Godefroid  s’engageait  à négo- 
cier entre  ce  prince  et  Sifroi  une  paix  qui  leur  conservât  à chacun 
leurs  droits.  Mais  loin  de  réconquérir  son  influence,  Godefroid  la 
vit  diminuer  de  jour  en  jour,  et  il  partit  pour  Paris  où  il  vécut 
honoré  de  la  confiance  de  Philippe  le  Bel  5. 

Mais  lorsque  Edouard  Ier se  refroidit  pour  la  cause  delà  Flandre, 
lorsque  l’occupation  de  ce  pays  par  les  troupes  françaises  en  en- 
trava de  plus  en  plus  le  commerce  avec  le  Brabant,  ce  duché 
et  le  prince  qui  y régnait  chancelèrent  dans  leurs  résolutions. 
On  vit  alors  Godefroid  reparaître  dans  sa  patrie  et  y commander 
en  maître. 

Son  premier  soin  fut  d'opérer  une  réconciliation  entre  les  princes 
de  notre  pays,  dans  l’intérêt  de  la  politique  de  son  protecteur,  le 
monarque  français.  Par  ses  inspirations  et  celles  de  Raoul  de  Cler- 
mont, connétable  de  France,  Jean  II  conclut  une  paix  peu  hono- 
rable avec  le  comte  de  Rainant  et  de  Hollande,  s'allia  avec  l’arche- 
vêque de  Cologne  Wicbold,  et  essaya,  de  concert  avec  celui-ci  et 
l’évêque  de  Bâle,  de  réconcilier  le  roi  Albert  d'Autriche  et  le  comte 
de  Ilainaut. 


1 Histoire  de  Bruxelles , 1 . 1,  p.  79. 

2 Quod  si,  succedenie  tempore,  dueem  per  nos  régi  et  uli  noslro  cunsilio 
contigerit,  etc.  Lacomblet , t.  II,  p.  570. 

3 Van  Veltheni,  l.  IV,  c.  II. 


( 225  ) 

Après  six  années  d’agitation,  la  paix  se  rétablissait  insensible- 
ment partout.  La  Belgique  paraissait  complètement  livrée  à la 
France  ou  à ses  partisans,  lorsqu’un  mouvement  général,  se  ma- 
nifestant presque  à la  fois  dans  toutes  les  communes  importantes , 
vint  y sonner  l’heure  du  réveil  de  la  liberté.  Dirigé  surtout  contre 
les  patriciens  ou  bourgeois  riches,  dont  les  prétentions  et  l’orgueil 
allaient  toujours  croissant,  il  les  força  à admettre  les  artisans 
au  partage  du  pouvoir.  La  révolte  des  Brugeois  contre  l’oppres- 
sion étrangère,  la  glorieuse  bataille  de  Courtrai,  où,  en  même 
temps  que  les  armes  françaises,  le  parti  des  Leliaerts  reçut  un 
coup  si  terrible  (Il  juillet  1302),  eurent  comme  un  long  reten- 
tissement dans  toute  la  Belgique.  A Valenciennes,  à Malines^  à 
Bruxelles,  à Tournai,  à Saint-Trond,  partout  éclatent  des  sédi- 
tions. A Liège  la  jeunesse  aristocratique,  étalant  avec  insolence  ses 
chaperons  de  couleur,  et  se  glorifiant  du  nom  de  fils  des  Francs 
ou  de  France  (fil  H Francine , vel  de  Francis)  ',  comme  pour  dis- 
tinguer sa  noble  origine  de  celle  des  vilains,  des  Gaulois  ou  Wal- 
lons, ou  peut-être  voulant  afficher  son  attachement  inviolable  aux 
tendances  despotiques  de  Philippe  le  Bel,  cette  jeunesse,  dis-je, 
s’organisa  militairement  pour  protéger  la  levée  des  assises.  Vaincue 
par  le  chapitre  de  Saint-Lambert  et  le  peuple  coalisés,  elle  essaya 
vainement  de  défendre  des  privilèges  détestés.  Elle  devait  périr 
consumée  dans  l incendie  de  l’église  de  Saint-Martin,  neuf  ans 
après  que  la  chevalerie  léliarde  de  la  Flandre  avait  vu  faucher  à 
Courtrai  la  fleur  de  scs  enfants. 

En  ce  dernier  endroit,  tombèrent  aussi  Jean  sans  Merci,  un  des 
fds  de  Jean  d’Avesncs;  Godefroid  de  Brabant,  le  sire  de  Wcsemael 
et  plusieurs  autres  nobles  brabançons.  Ils  étaient  accourus  pour 
assister  à la  défaite  de  la  démocratie  flamande;  leur  perte  signala 
son  triomphe.  La  mort  de  Godefroid,  à qui,  dit-on,  le  roi  de 
France  destinait  Je  gouvernement  de  la  Flandre,  et  dont  la  pru- 
dence consommée  prévit  les  conséquences  de  l’attaque  imprudente 
du  sire  de  Chatillon 1  2,  fut  le  signal  d’un  nouveau  revirement  dans 


1 AmpHssima  collectio,  t.  V,  p.  143. 

2 VanVellhem,  l.c.,  c.  XXII  et  suivants. 

Tome  XIII. 


13 


( 220  ) 

la  politique  du  duc  Jean  II,  qui  s’unit  intimement  avec  les  Fla- 
mands con  tre  le  comte  de  Hainaut. 

Nous  arrêterons  ici  ce  coup  d’œil  rapidement  jeté  sur  les  évé- 
nements qui  suivirent  la  mort  de  Jean  Ier.  Le  vaillant  frère  de  ce 
prince  et  presque  tous  ses  contemporains  ont  disparu.  Deux  vieil- 
lards seuls  restent  debout,  comme  pour  perpétuer  la  mémoire  du 
vainqueur  de  Woeringen  : Guy  de  Dampierre,  qui  lui  a suscité 
tant  de  traverses,  et  dont  les  récents  malheurs  s’expliquent  par 
ses  innombrables  intrigues,  par  ses  fautes  plus  nombreuses  en- 
core, et  Renaud  de  Gueldre,  dont  la  défaite  avait  pesé  plus  faible- 
ment sur  son  peuple  que  ne  pèse  son  déplorable  gouvernement. 
Moins  agité  que  les  contrées  voisines,  le  Brabant  continue,  pen- 
dant les  dernières  années  de  Jean  II,  à développer  son  agriculture 
et  son  industrie,  et  comme  s’il  fut  dans  les  destinées  des  chefs  de 
la  maison  de  Louvain  de  signaler  chacun  leur  règne  par  un  mo- 
nument législatif  de  premier  ordre,  Jean  II,  en  signant  la  charte 
de  Cortenberg,  entoure  de  nouvelles  garanties  l’administration  de 
la  justice,  de  même  que  son  père,  en  1292,  avait  reconnu  à ses 
Brabançons  le  libre  vote  de  l’impôt  et  le  droit  de  résistance  à l’op- 
pression : Jean  II,  digne  rejeton  de  Jean  Ier,  complète  l’œuvre  de 
son  glorieux  prédécesseur. 


( 227  ) 


V 

CHAPITRE  IX. 


POLITIQUE  DE  JEAN  I«;  LA  FÉODALITÉ  EN  BRABANT. 


I. 


La  biographie  du  due  Jean  1er  nous  le  montre  constamment 
occupé  de  négociations  et  de  combats.  Quoiqu’il  se  plaise  dans  scs 
Etats,  et  surtout  à Bruxelles,  sa  ville  natale,  sa  capitale,  déjà  citée 
comme  une  des  belles  cités  de  la  Gaule  septentrionale,  quoiqu’il 
aime  les  plaisirs  et  la  poésie,  jamais  il  n’hésite  à prendre  les 
armes.  Qu’il  s’agisse  de  réprimer  des  brigandages  ou  de  réconci- 
lier deux  voisins,  il  n’hésite  pas.  Nul  ne  peut  le  devancer  au  lieu 
du  rendez-vous,  toujours  il  est  prêt  à négocier  et  surtout  à com- 
battre. 

Depuis  que  la  race  des  Hôhenstauffen  avait  été  mise  au  ban  de 
la  catholicité,  nos  princes  s’étaient  liés  plus  intimement  avec  la 
France,  dont  la  dynastie  royale  ne  dédaigna  pas  de  mêler  son 
sang  au  sien.  Jean  1er,  sous  l’influence  sans  doute  des  vieux  con- 
seillers de  son  père,  fut,  toute  sa  vie,  en  rapports  directs  avec  la 
cour  de  Paris.  Plusieurs  fois , il  guerroya  pour  elle  et  il  réclama 
son  arbitrage.  Il  rechercha  avec  empressement,  pour  son  fils,  la 
main  d’une  princesse  anglaise,  mais  il  n’entra  jamais,  ou  du  moins 
que  tard,  dans  ses  vues,  de  devenir  un  des  défenseurs  de  la  poli- 
tique d’Edouard  1er  sur  le  continent.  Ce  rôle  ne  fut  joué  que  par 
son  fils,  dont  la  volonté  subit  facilement  l’influence  d’un  beau- 
père  habile  et  d’une  femme  aimée. 

Sans  doute,  dans  d’autres  circonstances,  Jean  Ier  n’aurait  pas 
refusé  de  changer  de  système  et  de  devenir  le  chef  de  cette  ligue 
entre  l’Angleterre,  l’Allemagne  et  les  Pays-Bas,  dont  les  nœuds 


( 228  ) 

se  resserrèrent  après  sa  mort.  Seul  il  pouvait  lui  donner  ce  qui 
lui  manqua  : un  chef  militaire  capable  de  rallier  autour  de  sa 
personne  les  forces  considérables  dont  la  ligue  disposait.  Peut- 
être,  après  avoir  vaincu  la  chevalerie  allemande  sur  les  bords  du 
Rhin,  aurait-il  repoussé,  sur  les  rives  de  l'Escaut,  les  bataillons 
français;  peut-être  la  gloire  de  réconcilier  les  maisons  de  Dam- 
pierre  et  d’Avesnes  lui  était-elle  réservée;  mais  il  manqua  lui- 
même  à ccs  destinées  magnifiques  : il  préféra  livrer  aux  hasards 
d’une  lutte  inutile  des  jours  dont  il  aurait  dû  être  avare. 

On  connaît  la  position  pour  ainsi  dire  indépendante  que  nos 
ducs  prirent  de  bonne  heure:  Jean  1er  sut  la  maintenir.  De  même 
que  scs  ancêtres,  il  n’accepta  de  subsides  ou  de  fiefs  ni  de  l'An- 
gleterre, ni  de  la  France;  à l’égard  des  rois  d’Allemagne,  il  mani- 
festa une  déférence  empressée,  mais  plus  apparente  que  réelle,  et 
il  en  fut  récompensé  par  des  faveurs  qui  le  grandirent  aux  yeux 
des  peuples,  sans  lui  imposer  d’obligations  gênantes. 

A la  suite  de  deux  siècles  d’union,  les  dépendances  de  l’ancien 
duché  de  basse  Lotharingie  et  les  domaines  des  comtes  de  Lou- 
vain ou  de  Brabant  s'étaient  si  bien  confondus  qu’il  était  devenu 
difficile  de  distinguer  les  unes  des  autres,  tant  ils  formaient  un 
corps  compacte.  La  conquête  du  Limbourg,  qui  depuis  n’en  fut 
plus  séparé,  en  augmenta  considérablement  limportance.  Le 
comté  de  Daelhem,  la  première  seigneurie  dont  le  Brabant 
s’agrandit  au  delà  de  la  Meuse,  put  alors  s’appuyer  à un  vaste 
territoire,  peuplé  par  une  race  belliqueuse;  de  plus,  la  garde  des 
chemins  entre  le  Rhin  et  la  Meuse,  la  suzeraineté  sur  le  marquisat 
d’Arlon  et  nombre  de  châteaux,  la  possession  de  la  forteresse  de 
Kerpen,  enfin  l’extinction  d’un  titre  ducal  dont  l’origine  rappelait 
une  vieille  rivalité  contre  la  race  de  Louvain,  donnèrent  un  nou- 
veau relief  au  Brabant. 

L’autorité  éphémère  et  contestée  dont  le  duc  Henri  III  avait 
été  revêtu  par  Alphonse  de  Castille,  dans  les  pays  entre  la  Mo- 
selle et  la  mer  du  Nord,  Jean  Ier  en  fut  aussi  investi  par  Adolphe 
de  Nassau.  Malheureusement  il  n’en  était  en  possession  que  depuis 
une  année  environ  lorsqu’il  mourut;  le  temps  lui  manqua  pour 
l’utiliser. 


( 229  ) 

Les  ducs  de  Brabant  étaient  placés,  vis-à-vis  de  quelques  pré- 
lats voisins  de  leurs  domaines,  dans  un  état  de  vasselage  qui  ne 
comportait  à cette  époque  rien  d humiliant.  Ainsi  ils  étaient  feu- 
dataires  de  l’Église  d’Utrecht  pour  le  Veluwe  (le  pays  entre  le  Rhin 
et  le  Walial),  que  les  comtes  de  Gueldre,  à leur  tour,  relevaient 
d’eux  en  arrière-fief1.  Ils  tenaient  aussi  de  l’évêque  de  Liège  le 
village  de  Haekendover,  près  de  Tirlemont  2,  et  ses  dépendances; 
mais,  déjà  à cette  époque,  l’étendue  de  ce  devoir  féodal  faisait 
l’objet  d’un  litige  qui  ne  s’est  jamais  éclairci.  Le  due  Henri  Ier 
s’était  reconnu,  en  1222,  le  suzerain  de  l’archevêque  de  Cologne s, 


1 Voyez,  à ce  sujet,  un  diplôme  de  l’empereur  Henri  VI,  du  6 mars  1196 
(Miræus,  Opéra  diplomatica,  t.  1,  p.  289).  — On  ne  doit  attacher  aucune 
importance  au  prétendu  diplôme  qui  se  trouve  dans  Iléda,  et  d’après  lequel  le 
duc  de  Brabant  aurait  tenu  en  fief  de  l’Église  d’Utrecht  la  ville  de  Thiel  et 
toute  la  Campine  jusqu’à  Turnouter  Voerde.  Seulement  le  château  de  Tilbourg, 
en  Campine,  constituait  aussi  un  fief  tenu  de  l’évêché  par  les  ducs.  C’est  ce 
qui  résulte  d’une  charte  de  l’an  1222,  imprimée  par  Butkens.  (Trophées,  l.  I, 
Preuves , p.  69.) 

2 Accord  entre  le  duc  et  l'évêque,  du  20  octobre  1283.  Louvrex,  Recueil 
contenant  les  édits  et  règlements  faits  pour  le  pays  de  Liège , t.  1er,  p.  159.  — 
Willems,  Van  Heelu,  p.  121. 

Le  village  d’Haekendover  avait  appartenu  à Marie  de  Brabant,  femme  de 
l’empereur  Othon  IV  et  morte  sans  laisser  de  postérité,  et  la  possession  de  la 
dîme  de  ce  village  fut  le  prétexte  d’un  épisode  qui  donne  une  idée  assez  singu- 
lière du  caractère  de  cette  princesse.  Guillaume  d’Haekendover  ayant  cédé 
celle  dime  au  couvent  de  Parc-lés- Dames,  Marie  recourut  aux  pairs  de  la  cour 
de  l’Église  de  Liège  et  en  obtint  une  sentence  interdisant  l’aliénation  des  fiefs 
nobles  relevant  de  celte  Eglise,  sans  l’assentiment  préalable  de  l’évêque  et 
du  chapitre.  Elle  fit  aussitôt  « expulser  » de  cette  dime  le  couvent.  Néan- 
moins celui-ci  fut  confirmé  dans  la  possession  de  ce  revenu  par  l’évêque  Jean 
(juillet  1236)  et  par  le  chapitre  (samedi  après  la  Purification,  en  1248).  Marie 
elle-même  se  repentit  de  sa  violence  et  restitua  la  dime,  dont  Parc-les-Dames 
fut  mis  en  possession  en  vertu  d’un  ordre  de  Henri,  élu  de  Liège,  en  date  du 
dimanche  Reminiscere , en  1249,  et  par  les  soins  du  bailli  de  Henri,  Tillemann 
de  Tongres.  ( Cartulaire  de  Parc-les-Dames.) 

3 Henri  Ier  releva  alors  de  l’archevêché  l’alleu  de  Lumershem,  près  de 
Kerpen;  celui  d’Orten , y compris  Bois-le-Duc  et  ses  dépendances;  celui  de 
Tilbourg , sauf  le  château,  et  enfin  ceux  de  Dormael  et  de  Ilannut.  (Butkens 
Trophées , t.  I , p.  69.  — Lacomblet,  Urkundenbuch , t.  Il,  p.  57.) 


( 250  ) 

exemple  qui  ne  fut  pas  imité  par  ses  successeurs,  et  dont  un  acte 
postérieur  doit  avoir  amené  l'annulation,  car  la  charte  originale 
qui  le  constate,  est  revenue  à Bruxelles,  où  on  l’a  récemment  re- 
trouvée aux  Archives  du  royaume.  L’acquisition  du  Limhourg 
replaça  nos  princes  dans  cette  sujétion  envers  l’Eglise  de  Cologne, 
car  les  ducs  de  Limhourg  tenaient  d’elle  plusieurs  fiefs  *,  de  même 
qu’ils  relevaient  de  celle  de  Liège  la  seigneurie  de  Rolduc 1  2. 

Il  est  à peine  douteux  que  les  anciens  ducs  de  Lotharingie 
jouirent  d’une  sorte  de  suprématie  sur  tout  le  territoire  qu’ils 
devaient  gouverner.  On  comprend  que  les  feudataires  indociles 
des  rois  d’Allemagne  se  firent  peu  de  scrupule  de  contester  cette 
suprématie,  quand  elle  fut  attribuée  à une  maison  dont  ils  se 
prétendaient  les  égaux,  sinon  les  supérieurs.  L’hommage  isolé 
que  rendit  Philippe , marquis  de  Namur,  au  duc  Henri  Ier,  pour 
la  terre  d’Alost,  en  1209;  les  prétentions  de  Godefroid  III  à la 
suzeraineté  duHainaut3;  la  supériorité  que  reconnurent  à Henri  Ier 
les  ducs  de  Limhourg,  en  1191  4,  et  les  comtes  de  Hollande  (ces 
derniers  pour  la  Hollande  méridionale),  peuvent  être  considérés 
comme  les  derniers  vestiges  d’une  puissance  qui  tendait  constam- 
ment à se  transformer,  h devenir  territoriale  au  lieu  de  féodale.  Car 
la  constitution  d’une  souveraineté  forte  et  unie,  tel  fut  le  résultat 
auquel  semblent  avoir  toujours  aspiré  les  ducs  de  Brabant;  ils 
employèrent  pour  réussir  dans  leurs  projets  un  moyen  qui  témoi- 
gne de  la  portée  de  leur  intelligence  et  de  la  grandeur  de  leurs 
vues;  au  moyen  de  belles  chartes,  fécondes  en  dispositions  heu- 

1 Lorsque  le  dernier  duc  de  Limhourg  assigna  un  douaire  à sa  seconde 
femme , Cunégonde  de  Brandebourg , il  y comprit  le  château  et  la  ville  de 
Wassenberg,  avec  ses  dépendances;  le  château  de  Sprimont  et  les  villages  et 
territoires  qui  y ressortissaient , et  enfin  Galoppe,  avec  quelques  autres  loca- 
lités , le  tout  tenu  en  fief  de  l’Église  de  Cologne , comme  le  déclare  l’archevêque 
Sifroi  dans  un  acte  du  10  janvier  1277.  Le  restant  de  ce  douaire  se  compo- 
sait des  villages  d’Espede  et  de  Lovenich,  d’une  rente  de  soixante  marcs  sur 
la  monnaie  de  Cologne,  d’une  autre  rente  de  cent  marcs  à Aix,  des  biens  de 
Waleram  à Haneffe,  de  Walhar,  Roderen,  Tinholt,  de  la  ville  de  Duysbourg. 
( Cartulaire  de  Brabant  B,  f°  53.) 

2 Voyez  plus  haut,  p.  202. 

5 Voyez  Giselbert,  Chronicon  Hannoniae. 

4 Butkens,  t.  I , Preuves , p.  45. 


( 251  ) 

reuses,  ils  réunirent  tous  leurs  domaines  en  un  puissant  faisceau. 

Ainsi  que  nous  l’avons  montré  ailleurs  4,  les  ducs  de  Brabant, 
depuis  leur  longue  querelle  contre  les  Berthout,  avaient  montré 
un  grand  zèle  pour  les  intérêts  des  grandes  communes  voisines 
de  leurs  Etats  ; dans  presque  toutes  les  guerres  qui  désolèrent  la 
Belgique,  ils  s’unirent  de  préférence  aux  bourgeoisies  de  Liège, 
d’Aix-la-Chapelle,  de  Cologne.  Jean  Ier  marcha  dans  la  même 
voie,  et  on  pourrait  le  représenter  comme  le  chef  d’une  vaste 
confédération  municipale  qui  englobait  tout  le  pays  s’étendant 
de  l’Escaut  au  Rhin.  De  là  et  grâce  à ses  qualités  personnelles, 
l’ascendant  marqué  qu’il  exerça  pendant  toute  sa  vie  sur  les 
princes  ses  voisins,  et  que  ne  purent  contre-balancer,  ni  la  poli- 
tique cauteleuse  de  Guy  de  Dampierre,  ni  l’esprit  audacieux  et 
persévérant  de  Jean  d’Avesnes. 

Pour  mieux  accroître  leurs  forces,  les  ducs  avaient  essayé  d’in- 
corporer  à leurs  Etats,  d’une  manière  plus  complète,  des  terri- 
toires qui  n’y  étaient  qu’enclavés  ou  dont  ils  n’avaient  pas  la  libre 
disposition;  trois  possessions  importantes  furent  surtout  l’objet 
de  leurs  efforts  : Nivelles  et  ses  dépendances,  la  ville  de  Maestricht 
et  la  seigneurie  de  Malines. 

Outre  les  différends  qui  avaient  surgi  à Nivelles  à l’occasion  de 
l’établissement  de  la  commune , il  s’en  était  élevé  d’autres  à la  suite 
de  l’usurpation  par  les  ducs  de  Brabant  et  quelques-uns  de  leurs 
vassaux  des  revenus  que  le  chapitre  possédait  en  plusieurs  en- 
droits, et  notamment  à Tubise,  à Goyck,  à Wambeek,  à Berg-op- 
Zoom.  Un  accord  du  mois  de  janvier  1255-1254  régla  la  plupart 
des  points  en  litige  : toutefois  ce  ne  fut  que  quinze  ans  plus  tard 
qu’on  détermina  d’une  manière  précise  les  droits  du  duc,  du 
seigneur  de  Wesemael  et  de  l’abbaye  sur  les  wasiines  et  les  bois 
compris  dans  l’alleu  de  Sainte-Gertrude,  à Wambeek.  Ces  biens 
devaient  être  donnés  à cens  héréditaire,  et  le  produit  devait  être 
divisé  en  trois  parties  égales,  au  profit  des  parties  contractantes. 
Si  le  messager  ou  mandataire  de  l’une  de  celles-ci  ne  compa- 
raissait pas  au  jour  fixé  pour  le  payement  du  cens,  sa  part  était 


Histoire  des  environs  de  Bruxelles . t.  II,  p.  160. 


( 202  ) 

confiée  au  curé  ou  à un  prud'homme  ou  notable  du  village;  mais 
lorsque  deux  des  messagers  faisaient  défaut,  il  n’était  pas  permis 
d’exiger  le  cens.  En  cas  de  vente,  le  vendeur  et  l’acheteur  étaient 
tenus  de  payer  chacun  une  année  du  cens;  la  même  obligation 
incombait  au  censitaire  en  retard.  En  cette  occasion,  le  duc  Jean 
et  Arnoul  de  Wesemale  promirent  solennellement  au  chapitre 
de  lui  rendre,  après  enquête,  tout  ce  qu’ils  avaient  usurpé.  Dans 
le  même  mois,  Arnoul  renonça  également  à la  possession  exclu- 
sive de  la  foresterie  des  bois  et  des  wastines  « de  Wambeke,  de  la 
Natte  et  de  Lumbeke,  » et  déclara  que  dorénavant  les  trois  parties 
contractantes  y nommeraient  des  forestiers  de  commun  accord, 
et  recevraient  toutes  trois  l’hommage  des  fiefs  de  la  foresterie  J. 

La  juridiction  des  ducs  dans  la  ville  même  de  Nivelles  s’affer- 
mit encore  du  temps  de  Jean  Ier,  quoique  avec  lenteur.  Ainsi 
en  1272-1275,  lorsqu’une  assise  ou  maltote  y fut  établie  par  la 
commune,  du  consentement  de  l’abbesse  et  du  chapitre,  il  fut 
reconnu  que  ce  consentement,  qui  plus  tard  ne  fut  plus  sollicité, 
constituait  un  acte  entièrement  gratuit,  et  que  les  comptes  du 
produit  de  la  taxe  devaient  être  soumis  à l’abbesse.  Quelques 
années  plus  tard,  l’abbesse  Elisabeth  de  Bierbais  et  le  chapitre  se 
trouvèrent  en  dissentiment  complet,  principalement  à cause  des 
concessions  que  la  première  avait  faites  aux  bourgeois.  Elle  avait 
ordonné  qu'il  n’v  aurait  à Nivelles  qu’un  poids  public,  dont  le  pro- 
duit devait  appartenir  pour  une  moitié  à la  ville  et  pour  un  tiers 
aux  peseurs  jurés.  Elle  défendit  de  vendre  du  drap  et  de  la  toile 
autrement  que  par  le  ministère  de  mesureurs  jurés,  nommés  par 
l’abbesse  et  par  les  échevins,  et  tout  individu  qui  se  plaignait 
d’avoir  subi  un  préjudice  considérable,  fut  astreint  à déposer  une 
somme  de  cent  sous,  qui  devait  appartenir  par  moitié  à l’abbesse 
et  à la  ville,  si  l’accusation  était  reconnue  fausse.  Chacun  de  ces 
statuts,  dont  l’utilité  ne  paraît  pas  contestable,  devint  l’objet 
des  réclamations  des  chanoinesses,  qui  semblent  avoir  adopté  pour 
principe  constant  de  ne  tolérer  aucune  innovation,  fut-elle  profi- 

4 Cet  accord,  qui  porte  la  date  du  mois  d’octobre  1268,  a été  publié  dans 
V Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  401. 


( 253  ) 

table  au  suprême  degré.  L’abbesse  tenant  bon,  le  chapitre,  par 
un  abus  injustifiable  des  lois  canoniques,  lança  contre  elle  une 
sentence  d’interdit  (veille  de  la  Nativité  de  la  Vierge,  en  1278). 

D’autres  débats  recommencèrent  quelques  années  après  et  ne 
se  terminèrent  qu’en  1287.  On  fixa  alors  les  parties  des  bâtiments 
capitulaires  dont  l’entretien  était  à la  charge  de  l’abbesse,  qui 
s’engagea  à revendiquer,  autant  que  possible,  les  domaines  que 
de  grands  personnages  avaient  usurpés  sur  le  chapitre.  Mais  elle 
ne  pouvait  que  promettre,  car  il  ne  lui  était  pas  possible  de  lutter 
avec  succès  contre  le  duc  et  ses  vassaux,  et  de  dominer  une  com- 
mune dont  l’audace  allait  croissant  *. 

L’abbesse  dut  se  convaincre  de  son  impuissance  par  l’inutilité 
de  ses  tentatives  contre  les  usuriers  ou  prêteurs  sur  gages,  les 
cahorsins (caversini),  comme  on  les  appelait  vulgairement.  En  pas- 
sant par  Nivelles,  l’évêque  de  Liège  avait  appris  qu’on  y exerçait 
publiquement  l’usure.  Il  en  prit  prétexte  pour  lancer  sur  la  ville 
une  sentence  d’interdit.  Les  cahorsins  cessèrent  quelque  temps 
leur  commerce,  que,  toutefois,  ils  reprirent  bientôt.  L’abbesse, 
de  l’avis  de  ses  conseillers,  se  rendit  alors  à la  maison  où  l’on 
exerçait  l’usure,  elle  en  trouva  les  portes  fermées  et  dut  se  borner 
à faire  avertir  les  usuriers.  Ceux-ci , confiants  dans  les  promesses 
des  deux  serviteurs  du  bailli,  se  décidèrent  à continuer.  Vaine- 
ment l’abbesse  recourut  au  duc;  Jean  Ier  se  borna  à répondre  que 
cela  le  concernait  seul;  que  s’il  y avait  péril  pour  son  Ame,  il  en 
prenait  la  responsabilité,  et  qu’il  négocierait  à ce  sujet  avec  le 
pape  et  avec  l’évêque.  Deux  ecclésiastiques  désignés  par  ce  der- 
nier donnèrent  raison  au  chapitre  (20  septembre  1280),  sans 
pouvoir  obtenir  l'exécution  des  lois  de  l’Église  contre  l’usure  ou 
le  prêt  sur  gages,  qui  continua  à subsister  à Nivelles. 

Un  dernier  traité,  conclu  entre  Jean  Ier  et  l’abbesse 1  2,  protège 

1 Cartulaire  de  T abbaye  de  Nivelles , fos  88,  107, 539.  — M.  Schayes  a 
publié, dans  ses  Analectes  archéologiques  ( Anvers,  Buschmann , 1857,  in-8°, 
et  Annales  de  l'Académie  d’archéologie  d'Anvers,  t.  IX,  p.  81),  un  réquisi- 
toire foudroyant  , mais  non  moins  exagéré,  des  chanoinesses  contre  l’abbesse. 

2 Dimanche  après  les  octaves  de  l’Épiphanie  1289-1290.  ( Cartulaire  cité, 
f"  392.) 


( 254  ) 

les  bourgeois  contre  les  abus  d’autorité  qu’aurait  pu  commettre  le 
bailli  du  duc.  11  ne  fut  plus  permis  à cet  officier  d’intervenir  dans 
la  poursuite  des  débiteurs,  ni  de  citer  les  Nivellois  à Genappe;  la 
prison  que  le  duc  possédait  à l’endroit  dit  la  Chapelle , à Nivelles  l, 
devait  être  supprimée;  aucun  bailli,  maire  ou  forestier  ne  pou- 
vait faire  partie  du  magistrat. 

Une  tentative  pour  secouer  la  sujétion  des  abbesses  aux  ducs 
fut  encore  tentée  à la  fin  du  règne  de  Jean  Ier;  Yolende  de  Steyne 
ayant  été  élue  à cette  dignité,  le  chapitre,  appuyé  par  celui  de 
Saint-Lambert,  de  Liège,  demanda  la  confirmation  de  sa  nomina- 
tion à Guy  d’Avesnes  2.  C’était  braver  ouvertement  Jean  Ier,  dont 
les  sympathies  étaient  acquises  au  compétiteur  de  Guy,  Guillaume 
Berthout.  Le  roi  Adolphe,  qui  avait  tour  à tour  confirmé  les  pri- 
vilèges accordés  par  ses  prédécesseurs  aux  ducs  de  Brabant  et  les 
privilèges  contraires  attribués  au  chapitre3,  chargea  le  comte  de 
Looz  et  Jean  de  Cuyck  d investir  la  nouvelle  abbesse  de  ses  fiefs 
impériaux  4,  et  le  premier  de  ces  princes  la  fit,  en  effet,  reconnaî- 
tre par  le  chapitre  et  par  la  ville  Mais  le  duc  (selon  les  chroni- 
queurs ce  serait  Jean  II  °)  punit  Yolende  de  sa  témérité  en  saisis- 
sant ses  domaines,  etl’ohligea  ainsi  à lui  faire  satisfaction. 

Dans  la  seigneurie  de  Malines,  un  accord,  qui  fut  probablement 
projeté  vers  l’année  1268  7,  avait  divisé  la  juridiction,  par  parts  à 
peu  près  égales,  entre  l’évêque  de  Liège  et  Walter  Berthout.  Voici 
quelles  en  étaient  les  clauses  principales  : aucune  aliénation  de 
droits  ne  pouvait  se  faire  que  du  consentement  des  deux  seigneurs; 
à l’évêque  seul  appartenait  la  nomination  de  l’écoutète,  chargé 
exclusivement  de  l'arrestation  des  malfaiteurs;  l’évêque  et  Ber- 

1 Aujourd’hui  le  lieu  dit  le  Franc-Étau. 

2 La  lettre  du  chapitre  de  Liège  au  prélat  est  datée  du  vendredi  avant  la 
fête  des  saints  Simon  et  Jude,  en  1293.  ( Cartulaire  cité,  f0  132  v°.) 

5 Diplôme  daté  de  Cologne,  le  16  août  1292.  Ibidem , f°  312. 

i 4 janvier  1294.  Ibidem  , f°  310. 

5 Vendredi  avant  la  conversion  de  saint  Paul,  en  1293-1294.  Ibidem, 
f°  398  v°. 

c Butkens,  1. 1,  p.  343. 

7 Et  non  vers  1299,  comme  l’a  supposé  M.  Jules  de  Saint-Génois,  Inven- 
taire, p.  306.  Voyez  Ibidem,  p.  42. 


( 235  ) 

thoiit  nommaient  chacun  un  forestier  ou  amman.  La  création  des 
magistrats  s’opérait  de  commun  accord,  et  c’était  aussi  de  con- 
cert que  les  deux  seigneurs  ordonnaient  la  levée  d’impôts , fai- 
saient percevoir  les  revenus  de  la  seigneurie  et  levaient  des  rede- 
vances sur  les  étrangers  ou  lombards.  Les  habitants  de  Hevere , 
Muysen,  Hanswyck,  Iieffen  et  Hombeek  étaient  à la  fois  sujets  de 
Walter  et  de  l’évêque,  mais  le  premier  seul  avait  juridiction  à 
Leest  et  sur  les  prés  dits  Rotbruch.  Aucune  suite  ne  paraît  avoir 
été  donnée  à cet  acte  et,  pendant  tout  le  dernier  tiers  du  treizième 
siècle,  on  voit  Walter  dominer  sans  contestation  dans  Malines, 
dont  il  s’intitule  constamment  seigneur,  et  où  son  autorité  repo- 
sait, à ce  qu’il  semble,  sur  l’affection  de  la  bourgeoisie  b 

En  même  temps  que  Malines,  le  duc  Henri  III  avait  pris  en 
engagère  de  1 Eglise  de  Liège  les  villages  de  Hougarde,  de  Tou- 
rinnes,  de  Reauvechain,  où  ses  ancêtres  prétendaient  posséder  le 
droit  de  haute  justice.  Pour  terminer  ce  débat,  qui  menaçait  de  se 
prolonger  indéfiniment,  Jean  Ier  consentit  à céder  scs  droits  sur 
ces  trois  localités  et  l’avouerie  de  l’église  collégiale  de  Hougarde. 
Il  ne  s’v  réserva  que  le  droit  d appeler  aux  armes  les  habitants, 
et  la  juridiction  sur  ceux  d’entre  eux  qui  étaient  hommes  de  Saint- 
Pierre,  de  Louvain.  De  son  côté,  l’évêque  Jean  de  Flandre  lui  fit 
abandon  des  villages  de  Herewarden,  Kessele,  Marre  et  Ueurne, 
et  de  toutes  leurs  dépendances  (8  juillet  1288).  Au  mois  de  no- 
vembre 1248,  Godefroid  de  Louvain  , sire  de  Pervvez,  avait 
vendu  à l’élu  de  Liège,  Henri,  pour  huit  cents  livres  de  Louvain  , 
l’avouerie  de  Hougarde  et  des  villages  voisins,  et,  à cette  occasion  , 
l’élu  avait  promis  au  duc  Henri  III  qu’il  n’élèverait  pas  de  forte- 
resse dans  ces  localités  et  qu’il  n’y  instituerait  pas  de  franchise 1  2. 
Jean  Ier  parait  avoir  formé  le  projet  de  racheter  Hougarde , mais 
il  ne  le  réalisa  jamais. 

La  possession  indivise  de  Maestricht  par  les  ducs  de  Brabant, 
dont  les  droits  reposaient  sur  des  concessions  impériales,  et  par 
l’évêque  de  Liège,  en  qualité  de  chef  de  l’ancien  diocèse  de  Ton- 

1 David , Geschiedenis  van  Mechelen , p.  68. 

2 Willems,  Van  Réélu , p.  460.  % 


( 230  ) 


grès,  dont  Maestricht  avait  été  longtemps  la  capitale,  fut  constam- 
ment l’objet  de  vives  querelles.  Une  sentence  arbitrale,  prononcée 
par  deux  seigneurs  brabançons,  les  sires  de  Herstal  et  de  Malines, 
et  par  deux  chanoines  de  Liège , Pierre , prévôt  de  l’église  de  Bé- 
thune, et  Guillaume  de  Rotselaer,  posa  les  premières  bases  que 
l’on  connaisse  avec  certitude. 

Quand  une  guerre  éclatait  entre  les  deux  princes,  la  ville  de 
Maestricht  restait  neutre;  aucun  d eux  ne  pouvait,  sans  le  con- 
sentement de  l’autre,  y lever  un  impôt  ou  une  taxe.  Les  portes, 
les  murs,  les  forteresses,  les  fontaines,  le  travail  (sic),  les  che- 
mins, la  monnaie,  la  maison  de  ville,  la  prison,  etc.,  étaient  com- 
muns. Les  échevins  des  deux  princes  ne  formaient  qu’un  seul 
tribunal.  Chaque  juridiction  devait  aider  l’autre  à obtenir  justice 
et  chacune  pouvait  ordonner  de  pendre,  de  brûler,  de  mutiler  les 
malfaiteurs.  Tout  étranger  venant  se  fixer  à Maestricht  était  con- 


sidéré comme  vassal  du  duc,  à moins  qu'il  ne  fut  de  la  famille 
(c’est-à-dire  tenancier)  de  Notre-Dame,  de  Maestricht;  de  Notre- 
Dame,  de  Tongres;  de  Notre-Dame,  de  Huy;  de  Saint-Lambert, 
de  Liège,  et  de  Saint-Ode;  dans  ce  dernier  cas,  il  restait  sujet  de 
l’évèque.  Celui-ci  était  seul  seigneur  au  village  de  Saint-Pierre,  sauf 
qu’entre  le  chemin  conduisant  à Montenaeken  et  le  Jaer,  il  n’avait 
que  la  juridiction  foncière  !.  Les  ducs  de  Brabant  et  les  Liégeois 
ne  supportèrent  qu’avec  impatience  leurs  prétentions  réciproques. 
En  1296,  éclata  à Maestricht  une  lutte  dont  les  Brabançons  pro- 
fitèrent pour  étendre  leurs  droits  au  détriment  des  Liégeois  2. 

Les  empereurs  n’intervinrent  pas  dans  le  débat,  mais  ils  eurent 
grand  soin  de  renforcer  une  troisième  juridiction,  dont  les  droits 
étaient  de  plus  en  plus  contestés.  Nous  voulons  parler  du  chapitre 
impérial  de  Saint-Servais , en  faveur  duquel  Rodolphe  de  Habs- 
bourg renouvela  les  chartes  de  ses  prédécesseurs,  notamment 
celles  qui  lui  assuraient  la  propriété  du  pont  sur  la  Meuse  et  du 
péage  qui  s’y  percevait  5.  En  1271,  ce  chapitre  eut  un  différend 
très-grave  avec  la  cour  écliçvinale  brabançonne,  au  sujet  d’un 


4 Février  1285-1285.  Butkens,  t.  I,  p.  299,  et  Preuves , p.  110. 

2 Hocsem,  c.  XXXII. 

3 En  1275.  Opéra  diplomatie^ , t.  IV,  p.  255. 


( 257  ) 

criminel  qui  s’était  réfugié  dans  l’église  Saint-Servais  et  que  les 
magistrats  brabançons,  après  l avoir  inutilement  réclamé,  en  ar- 
rachèrent à main  armée.  Le  due,  à qui  les  chanoines  recouru- 
rent, chargea  du  soin  de  le  remplacer  Je  comte  de  Looz,  qui 
désapprouva  la  conduite  des  magistrats  brabançons,  déclara  que 
dorénavant  ils  payeraient,  pour  un  acte  de  ce  genre,  une  amende 
de  deux  cents  marcs  liégeois,  et  les  condamna  à assistera  la  pro- 
cession en  grand  costume,  un  dimanche  à l’église  Saint-Servais 
et  l’autre  à Notre-Dame,  et  d’y  faire  amende  honorable  au  doyen 
(24  novembre  1272)  b Par  un  diplôme  adressé  à l’écoutètc,  aux 
échevins,  aux  consuls  et  aux  autres  citoyens  de  Maestricht,  Ro- 
dolphe défendit  aux  sujets  impériaux  de  celle  ville,  ressortissant 
à la  paroisse  de  Saint-Jean,  de  faire  moudre  de  la  braie  ailleurs 
qu’au  moulin  du  chapitre;  en  outre,  il  interdit  aux  magistrats  pré- 
cités d'empiéter  sur  les  biens  de  celte  corporation,  et  d’usurper  la 
juridiction  qu’y  exerçaient  le  camérier,  les  chanoines  et  les  man- 
sionnaires  ou  tenanciers  de  Saint-Servais1 2 *. 


Les  relations  du  Brabant  et  des  États  voisins  furent,  à la  lin  du 
treizième  siècle,  l'objet  de  quelques  dispositions,  pour  ce  qui  con- 
cernait la  fixation  des  limites  respectives  et  la  remise  mutuelle  des 
criminels. 

Celle-ci  est  déjà  stipulée  dans  une  convention  entre  la  Flandre 
et  le  Hainaut , de  l’an  1170  5 * ; elle  se  retrouve  dans  un  autre  acte , 
sans  date,  conclu  entre  un  comte  de  Flandre  et  de  Hainaut,  appelé 
Th.  (Thomas  de  Savoie?),  et  Henri,  duc  de  Louvain  (Henri  II?)  4, 
et  elle  fut  ensuite  admise  entre  le  Brabant,  d’une  part,  la  Hol- 
lande (1242)  :i,  la  Flandre  (1202)  (i  et  le  pays  de  Liège  ( 1285)  7, 
d’autre  part. 


1 Perreau,  Recherches  historiques  sur  le  chapitre  impérial  de  Saint- 
Servais  ci  Maestricht. 

2 Le  H avril  1282.  De  Dynler,  1. 11 , p.  430. 

5 De  Reiffenberg,  Monuments , t.  I,  p.  515. 

1 Cartulaire  de  Brabant  li. 

Brabantschc  Yeesten,  t.  1 , p.  647. 

0 Voyez  plus  haut,  p.  26. 

7 Willems,  Van  Heelu , p 422.  — Louvrex,  Recueil  cité  ,1.1,  p.  139. 


( 25»  ) 

Quant  aux  limites,  depuis  longtemps  elles  n’offraient  d’incer- 
titude que  sur  quelques  points  : vers  l’est,  le  comte  de  Looz  ayant 
étendu  sa  juridiction  au  delà  de  ses  frontières,  notamment  à Maes- 
tricht,  à Johancourt  (entre  Montenaeken  et  Landen),  sur  une 
ferme  de  l’hôpital,  à Dormael;  à Halle  près  de  Dormael,  à Waitre- 
halen  (?),  entre  Sicliem  et  Everboden,  à Fessenelie  (?)  et  Eykcl- 
berglie,  le  duc  et  lui  choisirent  pour  terminer  leurs  débats , quatre 
arbitres  : Waller  Volkaert,  Arnoul  de  Wyneghem , Gérard  de  Berlo 
et  Guillaume  de  Langdris  l.  Dans  la  suite,  le  comte  reconnut  qu’il 
n’avait  aucune  juridiction,  de  quelque  nature  qu’elle  fût,  dans  les 
biens  de  l’abbaye  de  Saint-Trond  entre  Haelen,  d’un  côté,  Loese- 
berghc  et  Waenrode,  de  l’autre  2.  De  son  côté,  le  duc  Jean  Ier, 
« par  meure  délibération  de  son  conseil  et  pour  entretenir  la  paix 
» avec  le  comte,»  renonça  à toute  juridiction,  à toute  justice, 
liante  et  basse,  sur  la  bruyère  dite  vulgairement  le  Wcirissal, 
située  entre  Herck  et  Haelen,  et  sur  le  warissal  s’étendant  en  face 
du  village  de  Donck.  Le  duc,  qui  était  en  ces  lieux  avoué  du  cha- 
pitre de  Saint-Lambert,  avait,  de  concert  avec  le  comte,  aliéné  un 
tiers  de  ces  terrains  5. 

Les  limites  entre  le  Namurois,  d’une  part,  et  la  terre  de  Corroit 
(ou  Corroy-Ie-Château,  appartenant  au  comte  de  Vianden),  d’autre 
part,  furent  fixées,  le  14  octobre  1291,  du  consentement  du  duc, 
et  après  une  enquête  minutieuse  4. 

Ainsi  que  Roger  de  Leefdael,  le  premier  des  conseillers  de 
Jean  III,  le  fit  remarquer  à Jean,  roi  de  Bohême,  comte  de 
Luxembourg,  le  duché  formait  un  tout  indivisible,  dont  on  ne 
pouvait  aliéner  aucune  partie.  Cette  règle,  toutefois,  ne  concer- 
nait que  la  souveraineté  et  non  le  domaine  direct,  car  si  les  filles 
des  ducs  ne  recevaient  pas  une  fraction  du  territoire,  mais  seule- 
ment des  rentes,  leurs  fils,  autres  que  l’aîné,  avaient  droit  à une 

* 5 avril  1284-1285.  Willems,  Van  Heelu,  p.  427.  — Wolters,  Codex  cliplo- 
maticus  Los'sensis,  p.  162. 

2 Lundi  après  la  Trinité,  en  1292.  Butkens,  p.  327,  et  Preuves,  p.  128. 

5 Acte  de  la  même  date.  Cartulaire  du  chapitre  de  Saint-Lambert , aux 
Archives  du  royaume. 

4 De  Reilfenberg,  Monuments  , t.  1,  p.  254 


( 259  ) 

dotation  en  terres.  C’est  ainsi  qu’un  des  frères  et  un  des  fils  de 
Henri  Ier,  l’un  et  l’autre  connus  sous  le  nom  de  Godefroid  de 
Louvain,  eurent  pour  leur  part  : le  premier,  la  baronnie  de  Per- 
wez;  le  second,  celle  de  Gaesbeek.  C’est  ainsi  encore  que  Godefroid 
de  Brabant  devint  seigneur  d’Aerschot. 

En  vertu  d’un  accord  daté  du  29  novembre  1284-,  Jean  Ier  céda 
à Godefroid,  pour  sa  part  dans  le  patrimoine  paternel,  un  revenu 
en  terres  de  trois  mille  livres  (les  quatre  deniers  valant  un  ester- 
ling),  revenu  qu’il  composa  de  tout  ce  qu’il  possédait  en  cens, 
rentes,  terres  cultivées,  prairies,  eaux,  bois,  vignes,  justices 
hautes  et  basses  et  hommages,  à Aerscliot,  Betecom,  Weerde, 
Langdorp,  Testelt,  Messelbroeck, Rillaer,  Nieuwrhode,  Hauwaert, 
Thielt,  Sichem,  Beckevoort,  Molenbeek,  Wersbeek,  Waenrode, 
Miscom,  Bierbeek,  Mille,  Hamme,  Nethen,  Weerde  sur  la  Dyle 
(Sint-Joris-Weert),  Vaelbeek,  avec  l’habitation  et  les  étangs  qui  s’y 
trouvaient,  le  IIoghen-Bosche,  Ottenbourg,  la  haute  justice  de 
Gelrode,  quelques  droits  à Wavre,  les  bois  de  Meerdael,  de  Spreed 
et  de  Biercuit  et  le  petit  bois  de  Yaelbeek.  En  constituant  cet  apa- 
nage, qui  devait  être  tenu  de  lui  en  fief,  le  duc  ne  s’y  réserva, 
pour  lui  et  scs  successeurs,  que  la  chasse  dans  les  bois  précités,  et 
la  garde  et  protection  de  l’abbaye  d’Everboden , de  la  comman- 
derie  de  l’ordre  Teutonique  dite  de  Beckevoort  , et  du  prieuré  de 
Bierbeek,  dépendance  de  l’abbaye  de  Saint-Nicaise,  de  Reims.  Le 
même  jour,  Godefroid  reconnut  que  son  frère  l’avait  complètement 
satisfait1.  Il  y avait,  dans  ces  biens,  des  wastines  ou  bruyères, 
qui  n’avaient  pas  été  comprises  dans  l’évaluation  précitée  et  qui 
appartenaient  en  partie  aux  Berthout;  Godefroid  reconnut  que  si 
ces  bruyères  étaient  mises  en  culture,  il  devait  renoncer,  à pro- 
portion de  leur  valeur,  aux  rentes  qu’on  lui  avait  assignées  sur 
le  domaine,  à Louvain  et  à Tirlemont.  Son  apanage  ne  pouvait 
comprendre  que  deux  mille  bonniers  (d’un  produit  moyen  de 
douze  sous  le  bonnier),  non  compris  « le  haut  bos  de  le  Faubeke 
» (ou  Vaelbeek?),  » qu’on  n’avait  pas  encore  mesuré  2. 

1 Butkens,  1. 1 , p.  575 , el  Preuves , p.  205. 

2 Carlulaire  de  Brabant  B,  f°  55. 


( 240  ) 


La  dotation  dont  Godefroid  de  Brabant  fut  gratifié  avait  appar- 
tenu avant  lui  à la  seconde  femme  de  son  aïeul,  Sophie  de  Thu- 
ringe,  que  l’on  voit  donner  des  ordres  au  maire  d’Acrschot  1 et 
céder  ses  droits  sur  le  village  de  Rhode-Sainte-Agathe  2. 


Les  enfants  de  Jean  Ier 


lurent  dotés  de  la  même  manière.  Il  ne 


nous  est  resté  qu’une  faible  trace  du  mariage  projeté  de  Godefroid, 
l’aîné  de  ses  enfants  et  qui  mourut  jeune,  avec  une  prineesse  du 
sang  de  Limbourg.  Nous  sommes  plus  riches  en  détails  concer- 
nant le  second,  appelé  Jean  comme  son  père,  et  son  alliance  avec 
Marguerite  d’York.  Le  douaire  primitif  de  cette  princesse  devant 
valoir  trois  mille  livres  de  revenu  annuel,  il  fallut  déterminer  les 
biens  sur  lesquels  on  hypothéquerait  la  dot  des  jeunes  époux. 
Cette  opération  se  fit  par  les  soins  des  chevaliers  Walter  Golard  (ou 
de  Golard)  et  Arnoul  de  Wyneghcm.  de  Henneman  Parochiens, 
receveur  du  duc,  et  de  Francon  de  Wanghe,  sénéchal  de  Brabant, 
en  présence  des  sires  de  Hcrstal  et  de  Marbais  et  de  deux  délégués 
du  roi  Edouard,  Richard,  abbé  de  Westminster,  et  le  chevalier 
Thomas  de  Sandwich.  Il  fut  constaté  que  ces  biens,  dont  la  ma- 
jeure partie  se  trouvait  dans  le  comté  de  Jodoigne,  produisaient 
les  revenus  suivants  : 


Livres. 

Sols. 

D.  tourn. 

Jedoigne 

590 

6 

» 

Melyn 

299 

1 

8 

Molembays 

21 

4 

V) 

Jedoigue-Superior  

9 

16 

8 

Dyncourt (Incourl)  . 

Torembays  les  Béguines  ( Thorembais  les  Ué~ 

15 

6 

» 

guines) 

4 

» 

)> 

Gest-Geropont  (Geest-Gerompont)  .... 

16 

4 

9 

Petrebavs  ( Piétrebais  ) 

» 

48 

» 

Latuit  (Lathuy) 

» 

54 

8 

Golengyn  ( Gottechain  ) 

» 

64 

» 

Gest-Seint-Remy 

10 

5 

4 

Jesmeville  (Jenville)  et  Gest-Seint-Marie  . . 

w 

112 

8 

A REPORTER 

766 

4 

9 

1 Bulkens,  t.  1,  Preuves,  p.  89. 

2 Voyez  plus  haut,  p.  29. 


( 241  ) 

Livres. 

Sols. 

D.  tourn, 

Report 

766 

4 

9 

Joliangest 

12 

» 

16 

Petremal  et  Herbays 

12 

5 

4 

Helentynes  (Heylissem)  ........ 

15 

17 

4 

Marilles 

12 

6 

4 

Pelleynes  (Pelaines) 

1 2 

6 

8 

Marevs  (Mare! s) 

72 

7 

8 

Orp  (le  Grand)  

39 

6 

4 

Jaundryn  (Jandrain) 

55 

5 

4 

Jache  la  Mauvesse  (Jauche  la  Marne,  sur  Jan- 

drain) 

80 

45 

4 

Nodevvevns  ( Noduwez  ) . . 

35 

10 

4 

Libretinges  (Libertanges) 

4 

17 

4 

Alyet  et  Dunlebert  ( le  Fayt  et  Dongelberg) . . 

40 

» 

» 

Et  de  perquis,  vètures,  entrées,  sorties.  . . 

. 9 

6 

8 

Assises,  hommages,  reliefs,  dans  les  localités 

précédentes  

535 

6 

4 

Donna  le 

127 

16 

» 

De  Viners  (de  Venue),  que  l’on  appelle  la  Tour- 

hère  de  Lywes  ( l’étang  de  Léau  ) 

155 

6 

4 

Sur  les  tonlieux  de  Tirlemont 

56 

» 

» 

Sur  la  forêt  île  Soigne 

1100 

» 

» 

Total 

3104 

9 

4(5?) 

A partir  de  l’année  11290,  date  de  son  mariage,  Jean  II  fut  associé 
à presque  tous  les  actes  importants  do  son  père,  pour  lesquels 
son  consentement  fut  expressément  réclamé.  Le  comté  de  Jodoigne 
et  les  autres  parties  de  son  apanage  appartinrent  à sa  veuve  jus- 
qu’à sa  mort,  arrivée  en  1518,  et  c’est  pour  cette  raison  que  dans 
le  plus  ancien  Livre  des  fiefs  du  duché,  le  Latyns  boeck  de  Lan 
15112,  on  ne  trouve  presque  aucun  relief  se  rapportant  aux  loca- 
lités qui  y étaient  comprises. 

Conformément  à l’ancien  usage  de  doter  les  princesses  braban- 
çonnes, non  en  terres,  mais  d’une  somme  d’argent  ou,  à défaut 
d’argent,  de  rentes,  de  dîmes  ou  d’autres  revenus  de  cette  na-  « 

1 L’impératrice  Marie , ainsi  que  nous  venons  de  le  voir,  tint  en  lief  de 
l’Église  de  Liège  la  dîme  de  Haekendover.  Celle  de  Grez  lut  possédée  par 

Tome  XIII.  IG 


( n 2 ) 

ture  *,  Jean  II  régla  de  la  manière  suivante,  en  1296,  le  payement 
des  vingt  mille  livres  qu’il  devait  encore  à sa  sœur  Marguerite, 
devenue  comtesse  de  Luxembourg.  Il  lui  assigna  un  revenu  de 


deux  mille  livres  de  Louvain , savoir  : 

Livres. 

Sur  le  grand  tonlieu  d’Anvers 1 ,000 

A Bruxelles  . 100 

Sur  le  moulin  à braie  de  cette  ville . 100 

Sur  le  tonlieu  de  la  laine  30 

Sur  la  halle  aux  draps 60 

Sur  les  celliers  et  les  chambres  se  trouvant  sous  les  halles.  40 

Sur  la  boucherie  ..............  50 

Sur  le  marché  au  poisson  40 

Sur  les  rentes  d’Obbrussel  ou  Saint-Gilles 30 

Sur  le  tonlieu,  la  maison  aux  draps  et  les  élallages  de 
cette  maison  à Louvain . ..........  214 

Sur  les  rentes  de  Grez  40 

Sur  le  moulin  à blé  à Bruxelles , 50 , et  sur  le  moulin  à 
Louvain , 50  muids  de  froment , soit , à 22  sous  le  muid.  408 
100  muids  de  seigle  à Bruxelles  et  autant  sur  les  mou- 
lins de  le  Sluse  et  Thilois,  à Louvain , à 18  sous  le  muid.  180 
200  chapons  à Obbrussel , 52  à la  Chapelle  près  de 


Bruxelles,  100  au  quartier  dit  Orssendaelc,  57  il2  à 
Molenbeek,  100  à Merchten,  100  à Rhode-St-Genèse , 

100  à Louvain,  114  4/2  à Herent,  328  à Grez,  en  tout 
1,052  chapons,  valant,  à 10  deniers  le  chapon  . . . 48  5 

La  seconde  fille  de  Jean  Ier,  Marie,  fut  d’abord  promise  à Othon, 
fils  de  Tbierri,  comte  de  Clèves,  qui  s’engagea,  le  jeudi  avant  la 
Saint-Jean  ante  portant  Latinam,  de  l’année  1287,  à exécuter  les 
conditions  qui  avaient  été  arrêtées  entre  lui,  d’une  part,  le  duc  de 
Brabant  et  le  comte  de  Hollande,  d’autre  part.  On  ne  donna  pour- 
tant aucune  suite  à ce  projet,  et  plus  tard  on  fiança  Marie  à Guy, 
fils  de  Hugues,  seigneur  de  Châtillon,  ainsi  qu’il  résulte  d’un  ac- 
cord conclu  par  ce  dernier  avec  le  duc  Jean  Ier,  le  22  juillet  1292  2. 

Mathilde  de  Louvain,  comtesse  de  Hollande,  qui  en  donna  la  moitié  à l’abbaye 
de  Valduc,  du  consentement  de  son  frère,  le  duc  Henri  II  ( charte  de  celui-ci, 
du  samedi  après  la  Saint-Barnabé , 1256.  Opéra  diplomatica , t.  III,  p.  688). 

1 Cartulaire  cle  Brabant  B,  f°  75. 

2 Du  Chesne,  Histoire  de  la  maison  de  Châtillon , Preuves,  p.  160. 


( 243  ) 

Cette  deuxième  alliance  ne  se  réalisa  pas  davantage  que  la  pre- 
mière, à cause,  sans  doute,  des  événements  politiques  qui  sur- 
girent bientôt  après,  la  famille  de  Châtillon  étant  restée  fidèle  à 
Philippe  le  Bel,  tandis  que  le  Brabant  entrait  dans  les  vues  poli- 
tiques de  l’Angleterre.  Jean  II  maria  sa  sœur  à Amédée  V,  comte 
de  Savoie,  et  lui  donna  en  dot  vingt  cinq  mille  livres  tournois, 
dont  dix  mille  dues  par  le  roi  de  France.  Marie  n’eut  de  son  époux 
que  des  filles  et  mourut  avant  lui  l. 

La  descendance  illégitime  de  Jean  Ier  fut  aussi  nombreuse,  mais 
nous  est  moins  connue  que  sa  lignée  légitime.  Outre  Jean  Meeuwe , 
Hannekin  de  Malines,  Jean  Pilyser  et  Marguerite  de  la  Vuere,  on 
doit  y comprendre  Jean  Vanderplast,  à qui  un  acte  de  l’an  1515 
donne  la  qualification  d’oncle  par  bâtardise  du  duc  de  Brabant  2. 
Ue  tous  ces  enfants  de  l’amour,  le  premier  fut  le  seul  qui  sortit 
de  l’obscurité.  Son  frère,  Jean  II,  lui  donna  les  seigneuries  de 
Wavre  et  de  Dongelberg,  dont  ses  descendants  prirent  les  noms, 
qui  ne  disparurent,  celui  de  Wavre,  que  vers  l’an  1400,  et  celui 
de  Dongelberg,  qu’au  milieu  du  dix-huitième  siècle.  Lorsque  Mar- 
guerite de  la  Vuere  épousa  Jean,  fils  d’Adam  de  Landewyc,  sei- 
gneur de  le  Horst,  son  père  la  gratifia  de  cinq  cents  livres  de 
Louvain,  et  Adam  céda  à son  fils,  en  avancement  de  son  mariage 
et  à l’exclusion  de  ses  autres  enfants,  la  terre  de  le  Horst  5,  ainsi 
que  ses  biens  à Saint-Trond  et  dans  les  villages  voisins  de  Brus- 
ihem  et  d’Alost  ou  AelsL 

Ni  la  poésie,  ni  l’histoire  ne  nous  ont  conservé  le  nom  des  amies 
qui  partagèrent  successivement  la  couche  du  vaillant  prince  des 
Brabançons.  Mais  plus  d’une  princesse  de  la  maison  de  Louvain, 
plus  d’une  dame  de  sang  illustre  brillait  à la  cour  de  Bruxelles 
par  l’éclat  de  son  nom  ou  par  ses  qualités  personnelles.  Parfois 
on  y vit  encore,  du  temps  de  Jean  Ier,  Sophie  de  Thuringe,  Ma- 
thilde de  Brabant,  veuve  du  comte  d’Artois  et  femme  du  comte 

x Butkens,  t.  1 , p.  353. 

“2  C’était  alors  Jean  III.  Voyez  Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  II , p.  373. 

5 11  s’agit  ici  du  château  de  Horst , à Rhode-Saint-Pierre , près  de  Louvain. 
Acte  en  date  du  jeudi  avant  le  jour  de  Pâques  1291-1292.  Cartulaire  de  Bra- 
bant B,  f"  77.  — De  Reilî'enberg , Nouvelles  Archives  historiques , t.  V,p.  185. 


( 244  ) 

de  Saint-Pol;  sa  sœur  Beatrix,  dame  de  Courtrai,  et  Marie  d’Au- 
denarde,  la  femme  de  Henri  de  Louvain,  sire  de  Herstal,  qui  vécut 
presque  aussi  longtemps  que  le  duc.  Aucune  d’elles  n’était  plus 
étroitement  liée  au  duc  que  Béatrix.  Privée  de  bonne  heure  de 
son  jeune  et  vaillant  époux,  Guillaume  de  Dampierre,  dont  un 
accident,  peut-être  prémédité,  causa  la  mort  au  tournoi  de  Tra- 
zegnies , en  1251,  Béatrix  paraît  avoir  reporté  toute  son  affection 
sur  son  neveu.  Ils  s'écrivaient  souvent  et,  plus  d’une  fois,  Béatrix 
prêta  de  l’argent  à Jean  Ier,  toujours  besoigneux  au  milieu  de  ses 
richesses.  Lors  de  son  mariage,  en  août  1247,  Béatrix  avait  eu 
pour  son  douaire  une  rente  de  trois  mille  livres,  hypothéquée  sur 
la  châtellenie  de  Courtrai,  et  son  père  lui  avait  assigné  douze 
mille  livres  parisis,  dont  une  partie  (trois  mille  cinq  cent  douze 
livres)  était  encore  due  en  1271.  En  1287,  elle  prêta  quatre  mille 
cinq  cents  livres  à Jean  Ier,  pour  qui  Godefroid  de  Brabant,  les 
villes  de  Louvain,  de  Bruxelles  et  d’Anvers,  Walter  Volckaert, 
receveur  de  Brabant,  et  le  lombard  Thadée  Chavecbon  se  por- 
tèrent cautions,  le  28  avril.  L’année  suivante,  Jean  Ier  lui  adressa 
encore  une  demande  analogue,  mais  avec  moins  de  succès,  ainsi 
qu'il  résulte  d’une  lettre  écrite  par  lui  lorsqu'il  se  trouvait  devant  le 
château  de  Fauquemont,  le  2 septembre.  Peu  de  temps  après,  au 
plus  tard  le  6 avril  1289,  Béatrix  mourut  b 

Nous  manquons  de  renseignements  précis  sur  l’organisation  de 
la  cour  ducale,  dont  l'importance  devait  être  proportionnée  à la 
grandeur  croissante  de  ses  maîtres.  Ceux-ci  habitaient  le  plus 
souvent  Louyain  et  surtout  Bruxelles  : là,  dans  l’ancienne  habi- 
tation des  ducs,  aux  environs  de  la  Dyle,  ou,  peut-être,  sur  la 
hauteur  du  Château-César,  qui  était  encore  hors  de  l’enceinte  de 
la  ville;  ici,  dans  le  manoir  ducal,  à Coudenberg 1  2.  Tervueren 

1 Voyez  Jules  de  Saint-Génois,  Inventaire,  passim. 

- Le  château  de  Bruxelles,  qui  existait  déjà  en  l’année  1120  environ, 
ne  fut  rebàli  que  sous  Jean  II  ou  Jean  III.  Histoire  de  Bruxelles,  t.  III, 
p.  518.  Je  ne  sai;  si  Jean  Ier  lit  exécuter  des  travaux  au  palais  de  Bruxelles, 
mais  , du  moins,  il  l’agrandit.  Son  receveur  Jean  de  Heldeberghe  ou  Hulden- 
berg  acquit  du  chapitre  de  Sainte-Gudule  un  héritage  situé  au  Borgendael 
( domisladium ...  in  Bovgedal , quod  dicitur  Crawelsbemdeken , juxta  marie- 


( 245  ) 


servait  de  résidence  d’été  à nos  dues  J,  qui  commencèrent  aussi,  à 
cette  époque,  à affectionner  le  séjour  de  Boitsfort,  où  Jean  Ier  avait 
sa  vénérie  et  où  il  fonda,  en  1280,  une  chapellenie  qu’il  dota 
d’un  cens  de  huit  livres  de  Bruxelles,  de  quarante  chapons  à pré- 
lever sur  les  revenus  du  domaine  à Rhode-Saint-Genèse  et  Alsein- 
berg,  et  de  douze  muids  de  seigle  à prendre  au  moulin  ducal,  à 
Boitsfort  même.  En  1287,  Jean , curé  de  Foret,  était  chapelain  du 
duc  en  cet  endroit  2.  N’oublions  pas  de  mentionner  l’abbaye  de 
Cortenberg,  dont  la  vaste  salle  servit  plusieurs  fois  de  lieux  de 
réunion  à la  noblesse  et  aux  députés  des  villes,  du  moins  pendant 
la  minorité  des  enfants  de  Henri  III. 

Le  duc  Jean  se  servit  successivement  de  trois  sceaux,  dont 
Butkens  a donné  la  reproduction  fidèle.  Le  premier  nous  offre  le 
prince  à cheval,  vêtu  d’une  longue  robe,  un  faucon  sur  le  poing; 
dans  le  champ  sont  un  lion  rampant,  un  chien  courant  et  un 
épervier  volant;  à l’exergue  on  lit  : sigillum  johannis  duels  lolha- 
ringie  et  brabancie.  A cette  époque  le  prince  n’était  que  damoisel; 
après  sa  réception  dans  la  chevalerie,  il  se  lit  graver  un  sceau  de 
plus  grande  dimension , où  on  le  voit  armé  de  toutes  pièces , ayant 
sur  la  poitrine  un  écu , sur  la  tête  un  casque  fermé  et  à panache; 
il  a en  main  une  bannière  au  lion,  et  monte  un  cheval  courant, 
couvert  de  draperies  armoriées  et  également  panaché.  Sur  le 
contre-scel  le  duc  est  figuré  de  même,  sauf  qu’au  lieu  d’une  ban- 
nière, il  porte  un  glaive.  La  légende  du  sceau  reste  semblable 
(sauf  la  suppression  du  mot  et  après  lotharingie)  et  se  continue 


rium  ducis),  en  échange  du  tiers  d’un  aulre  héritage  se  * trouvant  dans 
YOrscendale  ( la  rue  de  Sehaerbeek  actuelle  ) , héritage  qui  payait  un  cens 
annuel  de  dix  sous  et  quatre  chapons.  Acte  du  mois  de  janvier  1283,  aux 
Archives  de  Sainlc-Gudule. 

1 Dans  Y Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  111,  pp.  384  et  suiv.,  nous 
avons  donné  l’histoire  du  château  de  Tervueren.  Jean  l,r  doit  avoir  fait  tra- 
vailler à ce  manoir  ou  à ses  dépendances,  car,  en  1293,  on  y mentionne  un 
« nouvel  étang  du  duc  ; » le  marais  ou  aunaie  contigu  fut  aborné  par  les  ordres 
d’Egide,  sénéchal  du  duché,  et  du  receveur  Jean  lîoote,  et  par  les  soins  de 
Jean  de  Vueren  dit  De  Pape,  receveur  des  revenus  du  duc  dans  la  mairie 
d’Yssche. 

- Voyez  Y Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  III,  p.  362. 


( 246  ) 

sur  le  contre-scel  par  ces  mots  : et  marchionis  imperii.  Le  troi- 
sième sceau,  que  l’on  trouve  déjà  employé  en  4289,  ne  présente 
guère  de  différence  avec  le  précédent,  si  ce  n’est  que  le  duc  a 
sur  l’épaule  un  second  éeu,  carré  et  plus  petit,  et  qu’au  lieu  de 
panache,  homme  et  cheval  portent  un  dragon,  accompagné  de 
banderoles  flottantes  h 

Les  documents  nous  manquent  pour  dépeindre  avec  vérité 
l’aspect  que  présentait  la  cour  du  duc,  et  pour  signaler  les  per- 
sonnages qui  y exerçaient  une  véritable  influence.  L’absence  de 
documents  officiels  et  la  concision  des  historiens,  qui  ne  s’oc- 
cupent en  général  que  des  opérations  militaires,  nous  laissent  à 
cet  égard  dans  une  ignorance  presque  complète.  D’ailleurs  Jean  Ior 
n’était  pas  un  de  ces  hommes  dont  l’influence  s’exerce  sur  les  arts 
de  la  paix  ; son  palais  n’était  pour  lui  qu’un  lieu  de  repos  où  il 
venait  se  préparer  à de  nouveaux  combats.  Il  y vivait  entouré  de 
quelques  conseillers  et  de  ses  ménestrels  favoris,  en  attendant 
qu’on  l’appelât  à une  lutte  nouvelle,  à un  nouveau  tournoi. 


il 

La  féodalité,  telle  qu’elle  s’était  développée  depuis  trois  siècles, 
formait  un  réseau  immense  qui,  partant  des  sommités  de  la  société, 
s’élargissait  sans  cesse  à mesure  qu’il  descendait  vers  les  classes 
inférieures.  Quel  que  fût  le  «rang  auquel  appartenait  un  vassal, 

1 Butkens,  t.  I,  Preuves,  pp.  107,  110  et  122.  C’est  à cause  du  change- 
ment survenu  dans  leur  condition  que  d’autres  ducs  de  Brabant  modifièrent 
aussi  leur  sceau.  Ainsi,  si  en  avril  1247,  le  duc  Henri  111  apparaît  sur  le  sien 
vêtu  de  longs  habits,  le  faucon  au  poing,  tandis  qu’il  est  représenté  couvert  de 
son  armure,  en  1253;  si  une  distinction  semblable  se  manifeste  pour  le  duc 
Jean  II , sur  des  sceaux  des  années  1295  et  1312,  et  pour  le  duc  Jean  III,  en 
1327,  d’une  part,  et,  en  1334, d’autre  part,  c’est  parce  que,  dans  l’intervalle, 
ils  ont  été  admis  dans  la  chevalerie.  L’histoire  nous  apprend,  en  effet,  que 
Jean  II  y entra  en  1299,  lors  de  la  visite  que  son  beau-père  lui  fit  à Bruxelles, 
et  Jean  III  en  1332,  lorsqu’il  vint  camper  près  de  l’abbaye  d’Heylissem,  afin 
d’arrêter  l’invasion  dans  le  Brabant  des  princes  coalisés  contre  lui.  (Butkens, 
t.  I , p.  404.) 


( 247  ) 

qu’il  fût  prince  souverain  ou  simple  écuyer  à peine  possesseur 
de  quelque  modique  fief,  ses  goûts  et  ses  habitudes  étaient  toujours 
les  memes. 

Ordinairement  livré  à l’inaction  et  ne  vivant  que  du  travail 
d’autrui,  l’homme  féodal  dédaignait  toute  autre  occupation  que  la 
guerre:  les  tournois,  qui  en  offrent  l’image,  étaient  son  plaisir  de 
prédilection.  Vainement  les  chefs  spirituels  de  la  chrétienté  con- 
damnèrent cet  amusement  barbare  4,  vainement  des  événements 
regrettables  en  attestèrent  le  danger,  on  s’en  engoua  avec  une  vé- 
ritable passion,  qui  alla  quelquefois  jusqu’à  la  fureur,  comme  nous 
le  voyons  dans  la  légende  suivante  : en  1255,  il  y eut  à Neuss  un 
magnifique  tournoi.  Avant  que  la  joûte  s’ouvrît,  un  bénédictin, 
nommé  Bernard,  monta  en  chaire,  demanda  ardemment  à l’assis- 
tance de  renoncer  à un  jeu  funeste,  et  l’invita  à prendre  plutôt  les 
armes  pour  repousser  les  Tartares  de  la  Pologne,  de  la  Hongrie, 
de  la  Chionie  [sic).  Un  grand  nombre  de  chevaliers  étaient  dispo- 
sés à se  rendre  à ses  exhortations,  mais  le  comte  de  Castre  com- 
mença le  tournoi  et  entraîna  scs  compagnons  par  son  exemple. 
La  punition  du  ciel  ne  se  fit  pas  attendre.  Un  immense  nuage 
couvrit  le  ciel,  oû  apparurent  des  corbeaux  qui  remplirent  l’air 
de  cris  lugubres.  Un  grand  nombre  de  chevaliers  furent  tués, 
d’autres  perdirent  la  raison  ou  furent  atteints  de  maladies  incura- 
bles. La  nuit  suivante,  ainsi  que  le  légendaire  l’apprit  du  curé 
d’Yssche  [Jska  superior ),  on  vit  dans  cette  paroisse  des  assem- 
blées de  démons  équipés  comme  des  chevaliers.  Ils  se  réjouissaient 
sans  doute,  ajoute  Camtimpré,  de  cette  fête  funeste,  où  trois  cent 
soixante-six  chevaliers  chrétiens  avaient  perdu  la  vie.  Mouskes 
parle  aussi  de  ce  tournoi,  et  par  son  récit  on  peut  apprécier  les 
tendances  de  Cantimpré  à l’exagération  ; d’après  le  poëte  tour- 
naisicn,  les  chevaliers  coupables,  au  nombre  de  quarante-deux, 
furent  mangés  par  les  loups,  ainsi  qu’un  nombre  à peu  près  égal 
de  valets 1  2. 

A défaut  de  luttes  contre  les  ennemis  de  l’État,  les  nobles  tour- 

1 Et  notamment  Grégoire  IX , en  1228.  Rymer , 1. 1 , p.  189. 

2 Cantimpré  , De  Apibus , 1.  If,  p.  444.  — Mouskes,  t.  ÏI,  p.  671. 


( 248  ) 

naicnt  souvent  leur  ardeur  contre  leurs  voisins.  La  moindre  injure 
provoquait  une  guerre  de  famille,  qui  se  transmettait  de  géné- 
ration en  génération.  En  Brabant,  l’intervention  des  ducs  arrêta 
souvent  les  querelles  de  ce  genre,  mais  sur  les  bords  de  la  Meuse, 
elles  eurent  fréquemment  les  suites  les  plus  funestes.  La  jalousie 
des  Schaefdriessche  et  des  Mulrcpas  lit  verser  le  sang  le  plus  pur 
du  Limbourg,  et,  dans  le  pays  de  Liège,  la  guerre  des  Awans  et 
des  VVaroux,  qui  éclata  peu  de  temps  après  la  mort  de  Jean  Ier, 
porta  un  coup  terrible  à la  chevalerie  hesbignonne,  jadis  si  re- 
nommée L 

Si  le  roi  Édouard  Ier  eut  sujet  de  s’étonner,  en  voyant  le  nom- 
bre de  seigneurs  de  haut  rang  qui  entouraient  le  duc  Jean  II 1  2, 
sa  surprise  aurait  encore  été  plus  vive  de  trouver  son  émule  de 
gloire  entouré  par  sa  vaillante  noblesse,  éprouvée  par  tant  de 
marches  et  de  combats.  Les  comtes  de  Hollande,  de  Gueldre,  de 
Looz,  de  Vianden,  de  Catzenelbogen , de  Kessel,  etc.,  y tenaient 
le  premier  rang.  Au  comte  de  Hollande,  le  duc  remit,  le  10  octo- 
bre 1285,  l’hommage  qu’il  lui  devait  pour  Dordrecht  et  le  pays 
environnant.  Quand  le  comte  de  Looz  s’allia,  en  1280,  à Margue- 
rite, fille  de  Philippe,  comte  de  Vianden,  il  lui  assigna  une  rente 
de  quatre  cents  livres  de  Louvain,  hypothéquée  sur  les  fiefs  qu’il 
tenait  du  duc  : les  châteaux  de  Duras  et  de  Calmont,  et  sur  le 
village  de  Zepperen  3.  Jean  Ier  comptait  en  outre  un  nombre  con- 
sidérable de  vassaux  de  tout  rang  dont  voici  les  principaux,  dis- 
posés autant  que  possible  dans  un  ordre  géographique  : 

Dans  la  mairie  de  Louvain  : les  seigneurs  d’Aersehot,  de  Wese- 
mael,  de  Rotselaer,  de  Heverlé,  de  Bierbcek  ; 

Dans  la  mairie  de  Tirlemont  : les  seigneurs  de  Diest  et  de  Bau- 
tersem  ; 

Dans  l’ammanie  de  Bruxelles:  les  seigneurs  de  Grimberghe, 
d’Assche,  deGaesbeek,  les  châtelains  de  Bruxelles; 

Dans  le  bailliage  de  Nivelles  ou  du  Brabant  wallon  : l’abbesse  de 

1 Voyez  Ilocsem,  c.  XX1I1,  et  surtout  Hemrieourt. 

2 Van  Velthem , 1.  IV,  c.  V. 

3 Butkens,  t.  I , p.  295,  et  Preuves,  p.  113. 


( 249  ) 

Nivelles,  les  seigneurs  d’Enghien,  de  Trazegnies,  de  Sombreffe, 
de  Wa'vre,  de  Walhain,  de  Jauclie; 

Dans  le  marquisat  d’Anvers  : les  différents  chefs  de  la  famille 
de  Berthout,  à savoir,  les  sires  de  Malines,  de  Duffel,  de  Berlaer; 
les  seigneurs  de  Bréda  et  de  Hoogstraeten  ; 

Dans  la  mairie  de  Bois-le-Duc  : les  sires  de  Cuyck,  de  Cranen- 
donck. 

Il  restait  des  descendants  d’une  branche  cadette  de  l’ancienne 
famille  des  comtes  d’Acrschot,  qui,  elle-même,  se  rattachait  aux 
comtes  de  Louvain.  Ils  prenaient  la  qualification  de  sires  de  Ri- 
vieren,  d’après  le  manoir  où  ils  résidaient  près  d’Aerschot.  Gode- 
froid  de  Brabant  n’était  pas  encore  mis  en  possession  de  son  héri- 
tage, qu’il  entra  en  contestation  avec  Jean  d’Aerschot,  au  sujet  des 
droits  que  celui-ci  prétendait  posséder  dans  cette  ville  et  dans  les 
villages  de  Betecom,  Langdorp,  Weerde,  Testelt,  Gelrode,  Ril- 
laer,  Messelbroeek  et  Utheem,  droits  qui  furent  déterminés  dans 
une  charte  ducale,  datée  de  la  nativité  de  saint  Jean-Baptiste,  en 
1285  h 

Les  deux  familles  de  Wesemael  et  de  Rotselaer  rattachaient  éga- 
lement leur  origine  aux  comtes  d’Aerschot,  et  portaient  comme 
eux  trois  lis  dans  leur  écusson.  Ces  derniers,  en  possession  de  la 
première  charge  héréditaire,  celle  de  sénéchal  ou  drossard, 
avaient  la  haute,  moyenne  et  basse  justice,  non-seulement  à Rot- 
selaer, à Haeght,  à YVerchter,  mais  encore,  en  Flandre,  à Ilael- 
tert  et  dans  plusieurs  autres  villages  des  environs  de  Ninove,  que 
l’on  appelait,  pour  cette  raison,  le  pays  de  Rotselaer1 2.  A Limita- 
tion de  son  père,  Arnoul  de  Rotselaer  favorisa  particulièrement  le 
monastère  de  Parc-les-Dames.  Le  lundi  avant  la  Saint-Denis,  en 
426!  , il  s’obligea,  par-devant  les  échevins  de  Louvain,  à faire 
approuver  le  don  de  la  dîme  de  Rotselaer,  par  les  fils  du  duc  dé- 
funt, aussitôt  qu’ils  seraient  « en  âge  compétent  pour  recevoir  son 
hommage3.  » Deux  jours  après,  il  demanda  une  confirmation  de 

1 Butkens , t.  I , p.  298.  — Opéra  diplomatica .1.1,  p.  319. 

2 Sanderus,  Flandria  illusïrata,  t.  fit,  p.  194. 

3 Butkens,  t.  III , p.  147. 


( 250  ) 

ce  don  à l’évêque  de  Liège,  Henri  de  Gueldre,  qui  déféra  à ses 
désirs  lorsqu’il  vint  à Vlierbeek,  le  mardi  avant  la  fête  des  saints 
Simon  et  Jude , en  la  même  année.  Arnoul  laissa  plusieurs  fds  : 
Gérard,  à qui  il  avait  laissé,  dès  l’année  1279,  ses  biens  de  la 
Flandre;  Jean,  qui  mourut  pendant  l’expédition  d’Aragon;  Guil- 
laume, chanoine  de  Louvain,  investi  (ou  curé)  de  Rotselaer,  puis 
prévôt  du  chapitre  de  Saint- Denis  à Liège;  Jacques,  et  enfin 
Arnoul,  qui  eut  en  partage  le  village  de  Vorselaer,  en  Campine. 

Les  Wesemale,  quoique  d’une  illustration  un  peu  moins  an- 
cienne, parvinrent  à effacer  la  gloire  de  leurs  parents.  La  charge 
de  maréchal  héréditaire  1 et  l’alliance  de  l’un  d’eux  avec  Aleyde  de 
Brabant,  fille  du  duc  Henri  Ier  et  veuve  des  comtes  Louis  de  Looz 
(mort  en  1225),  et  Guillaume  d’Auvergne,  augmentèrent  leur 
influence.  A l’exemple  de  leurs  suzerains,  ils  ménagèrent  peu  les 
communautés  religieuses  dont  les  biens  étaient  à leur  convenance, 
Arnoul,  l’époux  cl’Aleyde2 * *,  se  qualifie  seigneur  de  Wesemael 
par  la  grâce  de  Dieu  dans  l’accord  qu’il  conclut  avec  le  duc 
Henri  II,  et  par  lequel  celui-ci  lui  abandonna  la  justice  sur  les 
habitants  de  ses  terres  et  sur  tous  ceux  qui  y commettraient  des 
méfaits,  fussent-ils  même  hommes  de  Saint-Pierre  5.  Nous  avons 
vu  les  Wesemale  usurper  les  droits  du  chapitre  de  Nivelles  à 
Wambeck  et  ceux  du  chapitre  de  Saint- Barthélemi  de  Liège  à 
Lincent.  Ils  détenaient  aussi,  à charge  d’une  rente  annuelle  de 
cent  marcs,  qui  ne  se  payait  pas  très-régulièrement,  le  domaine 

1 La  plus  ancienne  preuve  que  les  Wesemale  étaient  investis  delà  dignité  de 
maréchal , nous  est  offerte  par  le  sceau  d’Arnoul , qui  est  attaché  à un  acte  de 
l’année  1265.  Il  porte  ces  mots  : s.  arnoldi  de  wesemale,  marescalli  bra- 
bantiae  (De  Vadder,  Origine  des  ducs  de  Brabant,  t.  II,  p.  500).  Les  Bra- 
bantsche  Yeesten,  livre  IV,  v.  1177,  donnent  à tort  à Arnoul  le  surnom  de 

Bernage,  qui  lut  dans  la  suite  porté  par  des  seigneurs  du  village  de  Perck 
originaires  de  la  Flandre  ; c’est  là  sans  doute  le  résultat  d’une  interpolation. 

“2  Butkens  donne  pour  époux  à Aleyde  Arnoul  de  Wesemale  qui  fut  ensuite 
templier  et  qui,  suivant  cet  auteur,  était  alors  veuf  d’Isabelle  de  le  Frète  Or 
Arnoul  était  encore  mariée  à une  Isabelle  en  1264;  il  est  plus  probable  que  ce 

fut  son  père  qui,  devenu  veuf  de  sa  femme  Béatrice,  s’allia  à Aleyde.  On  ne 
doit  pas  perdre  de  vue  que  celle-ci  perdit  son  premier  mari  dès  1225. 

r>  Acte  du  mois  d’août  1257.  Brabantsche  Yeesten , 1. 1 , p.  645. 


( 251  ) 

de  Westerloo,  dont  le  chapitre  d’Utrecht  avait  été  gratifié  par 
févëque  Ansfrid. 

Arnoul,  qui  joua  lin  rôle  si  considérable  pendant  la  régence  de 
la  duchesse  Alcyde,  n’ayant  pas  eu  d’enfants  de  sa  femme  Isa- 
belle, entra  dans  l’ordre  du  Temple,  et  vivait  encore  en  1285  b 
Dès  1270,  Wesemael  échut  à son  frère  Godefroid 1  2 , qui  était 
devenu  sire  de  Perck  par  son  mariage  avec  Isentrude  d’Alphen, 
et  qui  mourut  peu  de  temps  après,  laissant  le  patrimoine  paternel 
à son  fils  Arnoul,  et  Perck  et  Oplinter  à sa  fille  Marguerite,  femme 
de  Henri,  sire  de  Bautersem.  Gérard,  autre  frère  d’Arnoul  le  Tem- 
plier, reçut  pour  sa  part  les  villages  de  Quabeeck  et  de  Ilersselt, 
à charge  de  payer  au  chapitre  d’Utrecht  quatre  marcs  six  sous  et 
huit  deniers  de  Cologne,  par  an  3 * 5,  et,  dans  la  suite,  il  obtint  du 
duc  Jean  une  moitié  de  la  belle  terre  de  Bréda. 

A côté  des  anciennes  seigneuries  dTIeverlé  et  de  Bierbeck,  qui 
jetèrent  peu  d’éclat  à la  fin  du  treizième  siècle  et  dont  la  dernière 
ne  devait  pas  tarder  à se  confondre  dans  la  terre  d’Aerschot, 
Jean  Ier  en  créa  une  nouvelle.  Pour  remercier  le  sénéchal  de 
Brabant  Égide  de  Monte  ou  Vanden  Berghe  des  grands  services 
qu’il  lui  avait  rendus,  il  lui  céda , pour  lui  et  pour  ses  héritiers  ou 
successeurs,  les  revenus  et  juridictions  qu’il  possédait  à Wilsele, 
près  de  Louvain , sauf  le  droit  de  faire  exécuter  les  condamnés  à 

1 11  assista  en  cette  année  à un  arrêt  du  Parlement  de  Paris  Voyez  Brussel, 
Usage  des  fiefs,  pièces  justificatives, p.  xlix. 

2 Arnoul  de  Wesemale  s’accorda, en  1268,  avec  le  chapitre  de  Nivelles,  au 

sujet  de  leur  juridiction  respective  à Wambeek.  Il  était  encore  laïque  le  jour 

de  saint  Sixte  1269,  lorsqu’il  promit  100  marcs  au  chapitre  d’Utrecht  pour 
l’indemniser  de  ce  qu’il  ne  lui  avait  pas  payé  la  redevance  qu’il  devait  à ce 
chapitre  pour  la  terre  de  Westerloo  ( Opéra  diplomatica,  t.  I,  p.  436),  mais  il 
cessa  bientôt  de  l’être.  Le  jour  de  saint  Pierre  ad  vincula , son  frère,  étant 
déjà  seigneur  de  Wesemael , acensa  à Parc-les-Dames  le  moulin  de  Beversluys, 
situé  près  de  ce  monastère;  puis,  le  jour  de  saint  Nicolas,  confirma  le  don 
d’Arnoul  de  l’année  1264,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  ( Cartulaire  cité). 

5 Actes  en  date  du  lundi  avant  la  Sainte-Marguerite,  en  juillet  1270 
(Butkens,  t-  II,  p.  102),  du  dimanche  après  la  Saint-Mathias  apôtre,  en  1280 
( Opéra  diplomatica,  t.  I,  p.  209),  et  du  samedi  avant  le  dimanche  Oculi , en 
1290  [Ibidem , p.  210). 


( 252  ) 

mort,  et  celui  de  juger  les  étrangers  qui  commettraient  quelque 
méfait  dans  ce  village  *. 

Les  sires  de  Diest  s’enorgueillissaient  de  compter  au  nombre  de 
leurs  possessions  la  cité  dont  ils  portaient  le  nom  et  qui  avait  déjà 
acquis,  à celte  époque,  une  certaine  importance.  Ils  n’y  tenaient 
en  fief  du  duc  de  Brabant  que  le  tonlieu  et  le  passage  (doorvcierl) 
à travers  la  ville,  et,  d’après  une  charte  de  l’année  125G,  les 
habitants,  en  cas  d’invasion  du  duché,  ne  devaient  au  souverain 
le  service  militaire  qu’au  même  titre  que  ceux  de  Malines  et  de 
Saint-Trond,  villes  qui  ne  faisaient  pas  partie  du  Brabant1 2.  Mais 
Jean  Ier,  à l’exemple  de  plusieurs  de  ses  prédécesseurs,  y accrut 
son  autorité  en  intervenant  dans  les  démêlés  des  seigneurs  et  de 
la  commune,  comme  nous  aurons  bientôt  occasion  de  le  dire.  Les 
sires  de  Diest  étaient  devenus  châtelains  héréditaires  d’Anvers  par 
le  mariage  de.  l’un  d’eux , Arnoul,  père  de  celui  qui  vivait  du  temps 
de  Jean  Ir,  et  d'une  dame  nommée  Berthe.  Dans  le  restant  de  la 
mairie  de  Tirlemont,  il  y avait  beaucoup  de  petits  fiefs  tenus  du 
duché,  mais  aucun  domaine  important,  sauf  celui  de  Bautersem. 

La  grande  baronnie  de  Grimberghc,  qui  jadis  avait  résisté  aux 
ducs  eux-mêmes,  s’était  morcelée  en  1197  en  deux  fractions.  Ces 
dernières,  par  suite  de  mariage,  étaient  l’une  et  l’autre  passées  de 
la  famille  des  Berthout  à deux  races  étrangères  : les  sires  de  Per- 
wez,  de  la  race  ducale,  et  les  Aa , dont  les  ancêtres  avaient  figuré 
avec  honneur  à la  cour  des  premiers  ducs  de  Louvain. 

Godefroid  de  Perwez  succéda  aux  biens  de  son  père,  en  1259; 
après  avoir  contribué  à administrer  le  Brabant,  après  la  mort  de 
Henri  III,  il  mourut  en  12G5.  Par  son  testament,  qui  est  daté  du 
jour  de  saint  Jacques  et  de  saint  Christophe,  au  mois  de  juillet 
12G4,  il  destina,  « pour  remède  de  ses  forfaits,  » c’est-à-dire  des 
injustices  qu’il  aurait  pu  commettre,  quatorze  cents  livres  et  tout 
ce  qu’il  tenait  en  fief  à Leeuw-Saint-Pierre  de  son  cousin  Henri, 
seigneur  de  Gaesbeek.  Sa  vie  paraît  n’avoir  pas  été  exempte  de 

1 Charte  datée  de  la  veille  de  la  Nativité  de  Notre-Seigneur  1 200.  Sanderus  , 
Dominium  de  Pieterbaix,  p.  7. 

2 Butkens,  t.  I,  Preuves,  p.  94. 


( 255  ) 

passions  et  d’orages.  11  répudia  sa  femme,  Marie  d’Àudcnarde , 
pour  s’allier  à Félicité  du  Traynel,  veuve  de  Godefroid,  seigneur 
de  Château-Porcien.  Les  deux  enfants  nés  de  cette  dernière  union, 
et  qui  moururent  jeunes,  ne  furent  point,  sans  doute,  considérés 
comme  légitimes,  car  ce  fut  leur  tante,  Marie,  femme  de  Gode- 
froid, comte  de  Vianden,  qui  se  mit  en  possession  de  l'héritage 
des  Pcrwez  h Félicité  du  Traynel  ne  conserva  que  Hoboken  et 
Eeckeren,  qui  après  elle  retournèrent  à la  famille  de  son  second 
époux.  C’est  cette  dame  qui  figure  dans  les  documents  relatifs  à 
l’affaire  de  la  Brosse  sous  le  nom  de  dame  de  Peroê ,*  elle  entrete- 
nait une  correspondance  régulière  avec  Béatrix  de  Brabant,  veuve 
de  Guillaume  de  Dampierrc  “1 2,  et  mourut  le  18  octobre  1283,  après 
avoir  enrichi  de  ses  dons  le  couvent  des  Dominicaines  de  Val- 
Duchesse  à Auderghem. 

Circonstance  importante  à signaler  pour  l’étude  de  l'époque  dont 
nous  nous  occupons,  c’était  également  la  violence  qui  avait  mis  le 
comte  de  Vianden  en  possession  de  la  terre  de  ce  nom.  11  se  l'était 
appropriée  au  préjudice  de  son  neveu  Henri,  et  après  avoir 
expié  son  usurpation  par  une  longue  captivité,  il  ne  la  recouvra 
que  grâce  à l’intervention  du  comte  de  Luxembourg,  dont  il  se 
reconnut  le  vassal.  Bientôt  après  il  fut  pris  à la  bataille  de  Pigny, 
livrée  par  son  nouveau  suzerain  au  comte  de  Bar,  mais  dès  l'année 
suivante,  au  mois  de  mai,  nous  le  trouvons  à Grimberghe,  où  il 
approuva,  dans  une  assemblée  tenue  sur  le  cimetière,  un  don  fait 
à l'abbaye  de  Ninovc  pendant  sa  détention.  Cinq  années  après,  le 
comte  mourut.  Son  fils  aîné  Henri  décéda  en  1280;  le  second, 
également  appelé  Godefroid  , transmit  à ses  descendants  Vianden, 
Grimberglie  et  Corroy-le-Chàtcau,  mais  aliéna  Ainove,  qu’il  vendit 
à Guy  de  Dampierrc  pour  dix  mille  trois  cent  quarante  livres  de 
Flandre3;  le  troisième,  Philippe,  reçut  pour  sa  part  Rumpst  et 
quelques  autres  villages  voisins,  ainsi  qu’une  moitié  de  Vianden. 
Quant  à la  terre  de  Perwcz,  elle  sortit  de  la  maison  de  ses  anciens 


1 Marie  se  qualifiait  déjà  de  dame  de  Grimberghe  en  1265,  le  jour  de  la 
chaire  de  saint  Pierre.  Histoire  des  environs  cle  Bruxelles , t.  II,  p.  185. 

a M.  Kenya  , dans  les  Bulletins  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 

3 30  novembre  1293.  Histoire  citée,  p.  186. 


( 254  ) 

maîtres,  on  ne  sait  trop  comment,  pour  échoir  aux  de  Homes. 

La  seigneurie  de  Buggenhout,  qui  devint  plus  tard  une  princi- 
pauté sous  le  nom  de  Bournonville,  remonte  à cette  époque.  En 
juin  1260,  Marie  de  Penvez  et  Godefroid  Ier  de  Vianden,  séparè- 
rent de  leurs  domaines  pour  être  tenu  d’eux  en  fief  par  Henri  de 
Grimberghe,  l’un  des  fils  de  Guillaume  II,  sire  d’Assclie,  et  par 
ses  descendants,  le  village  de  Buggenhout,  avec  tous  les  revenus, 
feudataires  et  tenanciers  qu’ils  y avaient;  en  avril  1271,  ils  ajou- 
tèrent encore  à ce  don  celui  de  vingt  bonniers  de  bois.  La  branche 
aînée  des  Assche,  dont  le  chef  s’appelait  Robert , était  honorée  de 
la  charge  de  guidon  ou  porte-étendard  héréditaire. 

Henri  de  Louvain,  seigneur  de  Ilerstal , et  qui  s’intitulait  de 
Gaesbeek,  d'après  le  beau  château  que  ses  parents  avaient  fait  bâtir 
au  sud-ouest  de  Bruxelles,  jouit  d’une  grande  influence  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  en  1284,  influence  dont  ne  put  hériter  son  fils 
Jean  Tristan,  parce  qu’il  était  encore  mineur.  Quant  au  châtelain 
de  Bruxelles,  Léon  II,  dont  lé  manoir,  décoré  du  nom  de  Castrum, 
s’élevait  au  Borgendael,  à Bruxelles,  à côté  du  palais  des  ducs* 
il  laissa  ses  domaines,  notablement  diminués  par  des  aliéna- 
tions, et  cependant  encore  considérables,  à sa  fille  Pétronille, 
femme  d’un  des  plus  puissants  barons  du  Namurois,  Gérard,  sire 
de  Marbais,  qui  après  son  mariage  préféra  à la  cour  de  ses  propres 
suzerains  celle  du  duc  Jean  Ier,  dont  il  devint  un  des  conseillers 
les  plus  estimés  b Les  Trazegnies  de  Meerbeek,  que  l’on  surnom- 
mait les  Contrecœur  d’après  leur  château  de  Contrecœur  ou  de 
YVedergraet,  sur  la  Dendre,  les  sires  de  Bigard,  deLeefdael,  de 
Huldenberg,  les  Crainhem  brillaient  également  parmi  les  nom- 
breux chevaliers  qui  peuplaient  l’ammanie  de  Bruxelles. 

Le  Brabant  wallon,  c’est-à-dire  la  partie  du  Brabant  où  on 
parle  non  le  flamand,  mais  le  patois  de  la  langue  romane  ou  fran- 
çaise appelé  le  wallon  ou  gaulois,  se  composait  de  deux  territoires 
que  l’on  nommait  les  comtés  de  Nivelles  et  de  Jodoigne.  Le  pre- 
mier ne  contenait,  à peu  de  chose  près,  que  des  seigneuries  dont 
les  possesseurs  avaient  toute  la  juridiction,  jusques  et  y compris 
la  haute  justice. 

1 Voyez  plus  haut,  p.  119,  note  o. 


( 255  ) 

Dans  l’antique  partage  des  biens  du  chapitre  de  Nivelles,  entre 
ce  chapitre,  son  abbesse  et  l'hôpital  de  cette  ville,  on  avait  assi- 
gné à l’abbesse  les  fiefs  relevant  de  cette  communauté , mais 
comme  elle  ne  pouvait  conduire  ses  vassaux  à la  guerre,  c’était  le 
principal  d’entre  eux,  le  prévôt  du  chapitre,  qui  se  chargeait  de 
ce  soin. 

Les  sires  d’Enghien  s’étaient  jadis  attiré  la  colère  de  leurs  suze- 
rains, les  comtes  de  Hainaut,  en  se  reconnaissant  les  feudataires 
du  duc  de  Brabant  pour  leur  manoir  principal;  ils  continuèrent 
cependant  à reconnaître  cette  suzeraineté.  Les  sires  d’Audenarde, 
dont  ils  recueillirent  plus  tard  le  patrimoine  en  partie,  possédaient 
en  Brabant  un  fief  consistant  dans  le  village  de  Ronquières,  dans 
ce  que  le  sire  d’Enghien  tenait  en  arrière-fief  de  Jean  d’Audenarde 
et  dans  le  village  de  Gouy,  que  ce  seigneur  cessa  de  tenir  eti  franc- 
alleu  et  releva  de  Jean  Ier,  qui  l’en  récompensa  en  lui  donnant  une 
rente  annuelle  de  dix-huit  aimes  devin  et  sept  faucons,  en  échange 
de  quatre-vingt  livres  qu’antérieurement  il  prélevait  tous  les  ans 
sur  les  moulins  du  duc  à Bruxelles  (vendredi  avant  les  Pâques 
fleuries,  en  1278-1279)  J. 

Une  grande  partie  du  territoire  de  Nivelles  même  et  d’autres 
biens  plus  méridionaux  obéissaient  aux  Trazegnies,  qui  se  ral- 
lièrent souvent,  de  préférence,  aux  comtes  de  Hainaut,  de  qui  ils 
tenaient  en  lief  la  pairie  de  Silly.  Mais  leur  résidence  favorite  se 
trouvait  en  Brabant,  ainsi  que  leurs  principaux  feudataires,  no- 
tamment les  sires  de  Rêves.  L’histoire  a conservé  le  souvenir  d’un 
épisode  où  se  retrace,  d’une  manière  pleine  de  charme,  rattache- 
ment sincère  que  s’étaient  voué  ces  derniers  et  leurs  suzerains. 
C’était  lors  de  l’invasion  du  royaume  de  Naples  par  Charles  d’Anjou  ; 
Robert,  fils  de  Guy  de  Dampierre,  accompagnait  ce  prince  et 
avait  sous  ses  ordres  une  troupe  d’élite,  où  figuraient  Égide  de 
Trazegnies,  dit  li  Bruns  ou  le  Brun,  connétable  de  France,  et 
Alard,  sire  de  Rêves  et  de  Bourgelle.  Égide  avait  été  chargé  par 
Guy  de  Dampierre  de  guider  son  fils , qui  le  nomma  maréchal  de 
sa  troupe,  et  Charles  d’Anjou  dut  à ses  excellents  conseils  le  gain 
de  la  bataille  de  Bénevent.  Mais  la  passion  des  combats  n’excluait 

1 Butkens,  t.  1,  p 291,  el  Preuves , p.  109. 


( 25  g ) 

pas  chez  ces  vaillants  hommes  le  respect  des  lois  de  riiumânité. 
« Un  jour,  dit  31.  Kervyn  de  Lettcnhove  que  Charles  d’Anjou, 
» irrité  de  la  résistance  obstinée  d’un  château,  avait  ordonné  d’en 
» exterminer  tous  les  habitants,  Alard  de  Bourgclle  eut  pitié  de 
» quelques  dames  d’illustre  naissance  et  admirablement  belles  qui 
» y avaient  été  prises  et  leur  permit  de  se  retirer  sans  péril  et 
» sans  outrages.  On  ne  tarda  point  à apprendre  dans  le  camp  que 
» le  sire  de  Bourgclle  allait  expier  au  prix  de  sa  vie  une  si  noble 
» désobéissance.  Est-il  vrai,  dirent  Robert  de  Flandre  et  Gilles  de 
» Trazegnies  à Charles  d’Anjou , que  vous  avez  condamné  à mort 
» le  sire  de  Bourgclle,  notre  compatriote,  le  plus  brave  des  clieva- 
» liers?  S'il  en  est  ainsi,  continuèrent-ils,  il  faudra  aller  le  pren- 
» dre  dans  sa  forteresse.  — - Et  ils  le  conduisirent  alors  au  milieu 
» du  camp  , où  tous  les  croisés  flamands  s’étaient  rangés  autour 
» de  l’intrépide  chevalier.  — Voilà,  s’écria  l’un  d’eux,  la  forte- 
» cesse  qui  protège  les  jours  du  sire  de  Bourgelle.  La  colère  de 
» Charles  d’Anjou  était  impuissante  : il  pardonna.  » 

Les  seigneurs  de  Rixensart  et  de  Wavre  dominaient  dans  la 
vallée  de  la  Dyle.  Les  uns  et  les  autres  s’éteignirent  à cette 
époque.  Le  domaine  des  premiers  appartenait,  vers  Lan  1290,  à 
Clémence  deMalève,  femme  de  Gillebaut  ou  Gilbert  de  Grez.  Les 
revenus  des  seconds , à Wavre,  sont  énumérés  dans  une  charte  du 
7 février  1291-1292,  par  laquelle  Jean  1er  en  laissa  la  jouissance,  à 
titre  viager,  à Jean , « jadis  sire  de  Wavre  » et  à sa  femme  Alix  "1 2. 
Les  Sombreffe  et  les  Walhain  étaient  tout-puissants  dans  les 
grandes  plaines  qui  s'étendent  à l’est  de  la  Dyle,  où  ces  derniers 
s’efforcaient  constamment  de  s’agrandir  aux  dépens  de  l’abbave 
de  Gembloux , dont  ils  étaient  les  avoués. 

Dans  ce  qu’on  appelait  le  comté  de  Jodoigne,  les  domaines 
ducaux  présentaient  une  extension  considérable.  Ils  s'augmentè- 
rent de  la  seigneurie  de  Dongelberg  par  suite  de  l’extinction  de 
la  race  de  ces  seigneurs  ; mais  Jean  Ier  en  retrancha  le  grand  vil- 

1 Histoire  de  la  Flandre,  t.  II,  p.  282,  d’après  la  Chronica  Ægidii  Li 
Nuisis , dans  De  Smet,  Corpus  chronicorum  Flandriae , t.  11,  p.  157. 

2 Brabantsche  Yeesten , 1. 1,  p.  079. 


( 257  ) 

lage  de  Melin,  dont  il  lit  don  au  seigneur  de  Durbuy,  en  échange 
de  l’abandon  de  ses  droits  sur  le  Limbourg.  Les  seules  baronnies 
considérables,  de  ce  côté,  étaient  Jauche  et  Falais;  cette  dernière 
se  trouvait  enclavée  au  milieu  du  pays  de  Liège. 

Au  quartier  d’Anvers,  la  majeure  partie  du  territoire  recon- 
naissait pour  seigneurs  les  Berthout  de  la  branche  aînée.  Walter 
Berthout,  l’époux  de  Mathilde  d’Auvergne,  nièce  de  Henri  111,  et 
qui  mourut  au  siège  d’Aix,  en  1280;  son  fils  Walter,  célèbre  par 
sa  glorieuse  mort  sur  le  champ  de  bataille  de  Woeringen , et  le  fils 
de  celui-ci,  Jean,  se  transmirent  successivement  la  seigneurie  de 
Malines,  où  ils  partageaient  l’autorité  avec  l’évêque  de  Liège  et  le 
pays  de  Malines  (ce  que  l’on  appela  depuis  le  pays  d’Arckel) , qu’ils 
tenaient  en  fief  du  duc  de  Brabant.  D’autres  parties  de  l'ancien 
territoire  soumis  aux  Berthout  appartenaient  à différents  mem- 
bres de  cette  famille  : Berlaer  à Florent,  fils  de  Walter  et  de 
Mathilde  d’Auvergne,  et  qui  succéda  plus  tard  à ses  neveux; 
Ilumbeck  et  Steenoekerzele,  anciennes  possessions  du  chapitre 
de  Saint-Rombaud  à Malines,  à Egide,  frère  du  même  Walter; 
Duffel  et  Gheel,  à Henri  Berthout. 

La  première  race  des  sires  de  Bréda,  dont  le  nom  primitif  était 
de  Scoten,  avait  transmis  ses  biens  a une  branche  cadette  de  la 
famille  ducale,  lsabcau , dame  de  Bréda,  et  son  mari,  Arnoul  de 
Louvain,  sire  de  Bruhames,  n’ayant  pas  eu  d’enfants,  Jean  Ier 
adjugea  à ce  dernier  l’usufruit  des  domaines  de  sa  femme  (jeudi 
après  Pâques,  en  1281)  1 ; puis,  le  dimanche  après  la  nativité  de 
saint  Jean-Baptiste,  en  1287,  il  partagea  ces  derniers  entre  les 
deux  plus  proches  parents  d’Isabelle.  Rase  de  Gavre , sire  de  Lie- 
dekerke,  eut  dans  son  lot  Bréda,  Oosterhout,  Roosendael,  Ais- 
pen,  une  partie  de  Woude,  Halsdonek,  Caesdonck,  Gilse,  Gin- 
neken,  Bauel,  Tcn  Rven,  CIcin-Oosterhout,  Dorft,  Dongenhage, 


1 Butkens,  t.  1 , p.  297,  et  Preuves , p.  114.  — Miræus  et  Foppens,  Opéra 
diplomatica,  t.  II,  p.  770.  — En  1275,  le  jeudi  avant  la  Trinité,  Arnoul  s'éfail 
obligé,  par-devant  le  duc , Henri  de  Louvain , qui  était  son  frère;  Walter  Ber- 
thout,  son  cousin;  Henri  d’Assche  et  Gilles  Berthout  à accomplir  les  engage- 
ments qu'il  avait  pris  envers  Béatrix,  veuve  de  Gillion  d'Otlencourt,  dame  de 
Hellebeek,  et  ses  enfants.  {Carfulaire  de  Brabant  B,  f°  57  v°.) 

Tome  XIII. 


17 


( 258  ) 

Etten,  Der  Heycle  et  Tcteringen.  Gérard  de  Wesemale,  seigneur 
Je  Quabeke,  devint  seigneur  de  Bergues  ou  Berg-op-Zoom,  de 
l’autre  partie  de  Woude,  de  Herle,  de  Halteren,  de  Borchvliet, 
de  Hildernisse,  de  Woensdrecht,  de  Put,  de  S’GravenweséJe , de 
Schooten,  de  Merxem,  de  Ruckvenne,  de  Scakerlo,  d’Ossen- 
drecht.  Steenbergen,  Gestel,  Oudenbosscbe,  Nieuwenbosch,  Heem, 
Calckelo  et  Valkenberge  devaient  être  possédés  par  indivis1.  Les 
limites  de  ces  deux  fractions  furent  déterminées,  quelques  années 
plus  tard,  par  les  soins  de  l’écoutète  d’Anvers  2. 

Parmi  les  villages  du  marquisat  d’Anvers  ou  la  juridiction 
n’appartenait  pas  à une  de  ces  grandes  races,  les  Berthout  et  les 
sires  de  Bréda,  on  ne  comptait  que  deux  seigneuries  de  quelque 
importance  : Hoogstraeten  et  Vorselaer,  cette  dernière  propriété 
d’une  branche  de  la  famille  de  Rotselaer.  Le  chevalier  Jean  de 
Lierre,  fils  d’Arnoul , reçut  du  duc  Jean  1er  le  village  de  Wommel- 
ghem,  avec  la  justice  haute  et  basse  (janvier  J 287-1288) 3,  et  Henri 
de  Wilre  dut  au  même  prince  une  spécification  plus  précise  des 
droits  qu'il  possédait  à Westwezel , et  qui  comprenaient  la  juridic- 
tion seigneuriale,  sauf  le  jugement  des  assauts  de  maisons,  des 
mutilations,  des  meurtres,  des  vols,  des  viols,  c'est-à-dire  des  cas 
de  haute  justice  (mercredi  après  le  treizième  jour,  en  1291)  4. 

Dans  la  mairie  de  Bois-le-Duc,  on  trouvait  Cranendonck , vieille 
et  puissante  baronnie  ; Boxtel,  dont  le  seigneur,  Guillaume,  re- 
leva du  duc  Jean,  en  1295,  la  maison  de  Stapelen  et  ses  dépen- 
dances, et  enfin,  le  pays  de  Cuyck. 

L’acquisition  du  duché  de  Limbourg  valut  à Jean  Ier  la  suzerai- 
neté de  beaucoup  de  châteaux  épars  sur  les  bords  de  l Ourthe, 
de  l’Amblève  et  de  la  Vesdre,  ou  isolés  dans  les  gorges  des  Ar- 
dennes et  de  l'Eyffel,  et  Jean  Ier  augmenta  encore  par  d’autres 
voies  l’importance  de  sa  cour  féodale;  un  grand  nombre  de  sei- 
gneurs belges  et  allemands  prirent  de  lui  en  fiefs,  soit  des  biens 

1 Butkens,  t.  1,  p.  509,. et  Preuves,  p.  110.  — Opéra  diplomalica,  t.  11, 
p.  775.  — Le  Roy,  Notitia  marchionatus  sacri  Romani  imperii,  p.  478. 

2 24 avril  1290.  Miens,  Charterboek  van  Holland , t.  I , p.  504. 

5 Butkens , t.  I , p.  290 , et  Preuves . p.  109.  — Le  Roy,  l.  c .,  p.  205. 

i Le  Roy,  /.  c.,  p.  153. 


( 259  ) 

qu’ils  possédaient  en  alleu  , soit  des  rentes  en  argent  on  des  rede- 
vances en  nature. 

Le  lundi  après  l’octave  des  saints  Pierre  et  Paul,  en  1262,  la 
duchesse  Aleyde  et  son  fils  Henri  cédèrent  à Philippe  de  Ilovelts  , 
pour  les  tenir  en  fief  jusqu’au  remboursement  d’une  somme  de , 
deux  cents  marcs,  six  chariots  du  vin  de  Rhin , à prendre  sur 
ceux  que  le  roi  Philippe  avait  jadis  assignés  au  duc  Henri  Ier. 

En  1267,  la  duchesse  investit  d’un  fief  d’argent  le  sire  de  Fau- 
quemont.  Depuis,  Jean  1er  racheta  ce  fief  pour  deux  mille  livres 
de  Louvain  et,  en  retour,  Fauquemont  reconnut  tenir  de  lui  son 
village  de  Houthem,  près  de  Maestricht,  entre  Merssen  et  Saint- 
Gerlac,  ainsi  que  des  biens  qui  ressortissaient  à sa  cour  féodale 
(15  novembre  1274).  Plus  tard,  lorsque  la  guerre  de  Limbourg 
fut  terminée,  ce  seigneur  redevint  le  vassal  fidèle  de  Jean  Ier  et 
le  servit  avec  dévouement. 

Le  sire  de  Hevnsherg  reconnut  également  la  suzeraineté  du  duc 
en  1267  et  promit  encore  , en  1281,  qu’il  servirait  le  duc  de  la 
même  manière  que  devaient  le  faire  le  comte  de  Gueldre,  le  sire 
de  Fauquemont  et  d’autres  seigneurs  d’entre  le  Rhin  et  la  Meuse. 

Frédéric,  sire  de  Reifferscheydt,  eut  une  contestation  avec  le 
souverain  du  Brabant  au  sujet  de  la  collation  d’une  chapellenie  à 
Fouron,  au  pays  de  Daelhem;pour  une  cause  que  l’on  ne  précise 
pas,  il  fut  emprisonné.  Le  duc  de  Limbourg,  les  comtes  de  Juliers, 
de  Berg  et  de  Kessel  et  le  sire  de  Durbuy  le  réconcilièrent  avec 
Jean  Ier  (jour  de  la  décollation  de  saint  Jean-Baptiste,  en  1270), 
de  qui  il  prit  alors  en  fief  son  alleu  de  Worm,  près  de  Randerode. 
Plus  tard,  Jean  1er  constitua  en  sa  faveur  une  rente  de  soixante 
marcs. 

Dans  le  but  de  s’attacher  le  puissant  sire  de  Hornes , Guillaume, 
Jean  Ier  lui  donna  le  village  de  Venloen,  près  de  Tilbourg,  avec 
des  dimes  et  des  terres  ( samedi  après  l’Ascension  1269);  puis, 
comme  ce  seigneur  avait  consenti  d’être  sa  caution  envers  quel- 
ques marchands  lombards,  il  lui  assigna  une  rente  de  quatre- 
vingts  livres  de  Louvain,  sur  le  tonlieu  de  Bois-le-Duc,  en  augmen- 
tation des  fiefs  que  Guillaume  relevait  déjà  du  Brabant. 

Notre  duc  se  trouvait  encore  à Aix,  où  il  s’était  rendu  pour 


( 200  ) 

assister  au  couronnement  du  roi  Rodolphe,  lorsque  Gérard,  sire 
de  Limpborg,  releva  de  lui  une  partie  de  scs  alleux,  jusqu’à  con- 
currence de  trente  marcs  par  an  (28  octobre  1275). 

Les  seigneurs  de  Bolland,  qui  jouissaient  d’une  grande  considé- 
ration en  Allemagne,  devinrent  aussi  ses  vassaux  : Werner,  le 
sénéchal  de  l’Empire,  pour  l’alleu  dépendant  de  son  château  de 
Niefwilre  et  pour  ses  biens  de  Spaclbruke,  et  son  frère  Philippe 
pour  un  revenu  de  cent  cinquante  livres  de  Louvain  (jour  de  la 
nativité  de  Notre-Dame,  1275). 

Nicolas,  sire  de  Condé,  de  Baillœul  et  deMorialmé,  qui  négocia 
fréquemment  au  nom  de  Jean  Ier,  avait  une  sœur,  Isabelle,  qui 
était  restée  veuve  de  Jean,  comte  de  Looz,  et  dont  le  douaire  fut 
réglé  à Bruxelles  par  la  médiation  du  duc  de  Brabant  et  de  son 
conseil  (en  avril  1280-1281)  L Le  5 du  même  mois,  il  prit  en 
fief  de  Jean  Ier  la  terre  de  Court,  dans  lEntre-Sambre-et-Meuse, 
en  récompense  de  ce  que  le  duc  lui  avait  donné  trois  tonneaux  de- 
vin du  Rhin,  à prendre  tous  les  ans  à Bruxelles2. 

En  1284,  la  veille  de  la  nativité  de  saint  Jean-Baptiste,  Gerlac, 
sire  de  Bruburg,  releva  les  biens  de  Lutzelubacb,  de  Walderlu- 
bach  et  leurs  dépendances,  en  échange  d une  somme  de  quatre 
cents  livres  de  Halle 5. 

Robert  de  Milesem  céda  au  due,  le  jour  de  l'Ascension  1287, 
ses  biens  de  Hardenberg,  qu’il  reprit  ensuite  en  fief,  ainsi  qu’une 
maison  voisine  de  l'église  de  Saint-Servais,  à Maestricht,  dont 
Jean  Ier  lui  avait  fait  don  4. 

La  veille  de  la  nativité  de  la  Vierge,  en  1288,  Jean  Ier  admit 
plusieurs  seigneurs  allemands  parmi  ses  vassaux  : Hertwic  de 
Winningen  et  sa  femme  Béatrix,  à qui  il  donna  quarante  marcs 
pour  la  vigne  dite  Ham,  à Langindal  le  chevalier  Louis  Walt- 
podon  et  sa  femme  Gertrude,  pour  huit  marcs  de  revenu  à pren- 

] Butkens,  /.  c , p.  296. 

- Butkens,  t.  I , pp.  281  à 297,  mentionne  les  inféodations  qui  précèdent. 

5 Cartulaire  de  Brabant  B,  f • 94  v°. 

1 Butkens,  t.  I,  p.  509,  et  Preuves,  p.  120. 

;j  Hillwic  fit  sceller  son  acte  de  relief  par  son  beau-frère,  le  trésorier  de 
f église  de  Trêves.  ( Cartulaire  de  Brabant  B , f°  95.) 


( 201  ) 

dre  dans  leurs  alleux  de  Mulinke,  d’Arnhem  et  de  Vuirvar;  le 
chevalier  Ruryoc  de  Milne,  h qui  il  donna  cinquante  marcs  pour 
un  revenu  de  cinq  marcs  *. 

Pendant  que  le  duc  assiégeait  le  château  de  Fauquemont,  il 
donna  h Thierri,  sire  de  Walcourt  et  de  Rochefort,  douze  aimes  de 
vin  à prendre  à Anvers,  et,  en  retour, Thierri  se  reconnut  son  vas- 
sal pour  le  village  d’Ambly  et  le  moulin  de  Gimeal  ( Jemelle),  près 
de  Rochefort  (veille  de  la  Saint-Matthieu  évangéliste,  en  1828)-. 

Le  mardi  après  les  octaves  de  l'Epiphanie,  en  1288-1280,  un 
des  membres  d’une  famille  qui  s’était  distinguée  au  service  de  l’ar- 
chevêque Sifroi,  le  chevalier  Gérard  d’Isenbourg,  du  consente- 
ment de  son  frère  sire  Gerlac,  devint  le  vassal  du  duc  pour  une 
rente  annuelle  de  vingt  marcs 1 2  3. 

En  1280,  le  jour  des  saints  Innocents,  Libert  de  Mille,  « fami- 
lier du  duc»  et  ancien  écoutète  de  Maestricht,  céda  à Jean  Ior  ses 
vassaux  de  Hardenberg,  qui  devaient  dorénavant  relever  directe- 
ment du  due  4. 

Louis,  sire  de  Randerocle,  releva  du  Brabant,  le  vendredi  avant 
la  Noël  1280,  le  château  et  le  village  de  Randerode,  pour  lequel 
son  aïeul  avait  jadis  fait  hommage  à Waleram,  duc  de  Limbourg. 

Le  lendemain,  Waleram, prévôt  de  Munster,  sire  de  Hengebach, 
céda  au  duc,  de  la  même  manière,  l’alleu  et  le  château  de  Brucgc. 

En  1200,  le  jour  de  saint  Mathias,  Henri,  sire  de  Gerarstein, 
devint  vassal  du  Brabant  pour  son  manoir  de  Blidenstat,  dans  le 
comté  de  Nassau  , du  consentement  du  comte  Adolphe. 

Le  jour  de  saint  Servais  1201,  Ogier,  avoué  de  Maestricht  et 
trois  autres  chevaliers  déclarèrent  que  Florent,  dont  le  père,  René 
Doupuy,  avait  reçu  du  duc  cent  livres  de  Louvain,  tiendrait  doré- 
navant en  lief  une  rente  de  trente  sous. 

Deux  vassaux  d’un  rang  supérieur  firent  hommage  à notre 
prince  en  1292:  Gérard,  sire  de  Blanckcnheim,  pour  son  château 

1 Ce  relief  fut  fait  par  Ruryoc,  d’après  le  conseil  de  Gérard,  comte  de 
Wilnouwe,  et  de  Grafton  de  Grvfensteine.  Ibidem. 

2 Butkens , 1. 1 , p.  522 , et  Preuves , p.  121. 

3 Cartulaire  de  Brabant  B , I.  c. 

4 Ibidem , f°  150. 


( 262  ) 

situé  dans  l’Eyffel  et  pour  un  revenu  de  deux  cents  marcs  (le  jeudi 
avant  la  décollation  de  saint  Jean-Baptiste),  et  Éverard,  comte  de 
Catzenellebogen,  qui  reçut  à cette  occasion  une  rente  de  deux 
cents  livres  de  Louvain,  pour  son  château  de  Stadeck  (mercredi 
après  la  Saint-Remi)1. 

En  1295,  le  jeudi  avant  la  Saint-Marc,  Waleram,  sire  de  Fau- 
quemont , promit  que  Jacques  Havret  et  son  frère  Henri  achè- 
teraient, pour  les  relever  du  duc,  des  alleux  valant  trente  marcs 
liégeois  et  situés  à Limbourg  ou  à Daelhem. 

La  même  tendance  à constituer  sans  cesse  de  nouveaux  fiefs, 
en  restreignant  continuellement  le  nombre  des  alleux,  en  créant 
sans  relâche  des  rentes  féodales,  se  manifeste  dans  les  autres 
provinces.  Le  Luxembourg  entra  résolument  dans  la  même  voie, 
ainsi  que  la  Flandre,  dont  le  comte,  Guy  de  Dampierre,  grâce  à 
ses  immenses  trésors,  prit  successivement  à sa  solde  la  majeure 
partie  des  barons  du  pays  situé  entre  la  mer  et  le  Rhin. 

Il  n’y  avait  là,  d'ailleurs,  qu’une  espèce  de  réaction  contre  un 
autre  mouvement,  dont  les  progrès  sapaient  lentement  l’édifice 
séculaire  de  la  féodalité.  Un  sentiment  de  piété  et  d’humanité, 
qui  devenait  de  plus  en  plus  dominant  , poussait  les  princes  et  les 
nobles  à abandonner  une  partie  de  leurs  droits  à des  établisse- 
ments ecclésiastiques  et  à en  alléger  d'autres  qui  pesaient  lourde- 
ment sur  les  classes  inférieures.  Or,  la  plupart  de  ces  droits,  les 
dîmes,  par  exemple,  constituaient  des  tenures  féodales:  on  peut 
apprécier  quelle  réduction  celles-ci  subirent  vers  Fan  1200,  lors- 
qu’on remarqua  qu’en  quelques  années,  une  quantité  énorme 
de  dîmes  passèrent  entre  les  mains  du  clergé,  soit  en  vertu  de 
donations,  soit  par  achat. 

Des  droits  vexatoires  ayant  aussi  été  abolis,  il  en  résulta  que, 
depuis  lors,  la  principale  richesse  des  nobles  se  composa  du 
revenu  de  leurs  propriétés,  des  cens  et  redevances  substitués  aux 
anciennes  exactions,  du  produit  des  droits  de  congé  ou  de  relief 
que  payaient,  en  cas  de  mutation,  les  terres  censales  ou  féodales, 
et  d’une  grosse  part  dans  les  amendes  prononcées  par  leurs  offi- 
ciers et  par  leurs  cours  féodales  et  échevinales. 

1 Butkens,  l.  c pp.  525  à 527, 


( 205  ) 


III. 

Au  commencement  du  treizième  siècle,  la  majeure  partie  des 
habitants  des  campagnes  étaient  encore  retenus  dans  les  liens  de 
la  servitude  : ils  ne  pouvaient  ni  modifier  leur  position,  ni  changer 
de  domicile,  ni  se  marier,  ni  posséder,  que  sous  le  bon  plaisir  du 
seigneur.  Des  lois  sévères  interdisaient  au  serf  de  quitter  le  do- 
maine dont  il  constituait  en  quelque  sorte  une  fraction,  ou  de 
s’unir  à une  femme  étrangère.  Les  populations,  ainsi  parquées  et 
isolées,  restaient  étrangères  les  unes  aux  autres,  et  n’apprenaient 
souvent  à se  connaître  que  par  leurs  querelles.  Une  oppression 
dont  on  se  fait  difficilement  une  idée  perpétuait  leur  misère; 
souvent  les  serfs  n’en  sortaient  que  pour  enrichir  leurs  maîtres: 
l’ancienne  loi  féodale  ne  laissant  au  conjoint  survivant  que  la 
moitié  de  l’avoir  commun,  l’autre  moitié  devenait  de  droit  la  pro- 
priété de  son  maître. 

Au  treizième  siècle,  les  idées  religieuses  exercèrent  à cet  égard 
une  action  bienfaisante.  Nombre  de  seigneurs,  soit  pitié  pour  la 
déplorable  position  des  pauvres,  soit  remords  de  leur  avidité, 
eurent  le  courage  de  se  dépouiller  eux-mêmes  et  de  laisser  l’ai- 
sance se  répandre  parmi  leurs  sujets.  Entre  ceux  qui,  à l’imitation 
de  ce  qui  se  fît  d’abord  dans  les  villes,  abolirent  le  droit  de  dé- 
pouille sans  restriction,  nous  citerons  Rase  de  Gavre  *,  le  duc  de 
Brabant  Henri  lï,  et  Jacques,  sire  de  Chaumont.  Ce  dernier,  en 
cédant  « sur  l’autel  de  monseigneur  saint  Bavon , » à Chaumont, 
tous  ses  serfs  et  servantes  habitant  cette  paroisse,  en  faveur  de 
l’abbaye  de  Bonne-Espérance,  stipule  qu’ils  ne  payeront  doréna- 
vant qu’un  denier  de  cens  par  an,  et  que  si  lui  ou  un  de  ses  suc- 
cesseurs veut  les  réduire  de  nouveau  à l’état  de  servage,  l’abbé 
de  ce  monastère  devra  s’y  opposer  Son  exemple  ne  fut  guère 

1 Diplôme  du  mois  de  juillet  1210,  dans  DeSmet,  Corpus  chronicorum 
Flandriae,  t.  1 , Introduction , p.  5. 

2 Charte  du  mois  d’aoùt  1275,  Maghe,  Chronicon  Bonae  Spei,  p.  217.  — 
Un  exemple  d’affranchissement  partiel  nous  est  encore  fourni  par  un  acte  du 


( 204  ) 

imité  en  Brabant,  où  on  continua  à lever  le  droit  de  mainmorte 
dans  presque  toutes  les  seigneuries,  tandis  qu’il  était  aboli  pour 
ies  habitants  des  domaines  des  ducs,  conformément  à ces  paroles 
énergiques  de  Henri  II  : « Après  en  avoir  suffisamment  délibéré 
» avec  nos  vassaux  et  fidèles  et  avec  les  hommes  religieux  de  notre 
» pays,  par  le  serment  que  nous  avons  prêté,  nous  promettons 
» que  nous  ne  lèverons  plus  l’exaction  ou  extorsion  dite  vulgai- 
» rement  mainmorte  *.  » 

En  quelques  endroits,  par  une  transaction  qui  fut  accueillie 
comme  un  bienfait,  les  seigneurs  avaient  réduit  leurs  préten- 
dons à une  taxe  de  douze  deniers  en  cas  de  mort  (taxe  que  l’on 
appelait  cuermede)  ou  au  meilleur  meuble  de  la  succession  qui 
venait  à s’ouvrir.  En  Flandre,  la  comtesse  Jeanne  renonça  à lever 
le  droit  de  meilleur  meuble  sur  les  habitants  des  huit  vier- 
schaeres  du  métier  (ou  châtellenie)  de  Bruges  2,  mais  la  comtesse 
Marguerite  le  maintint  dans  ses  domaines.  Un  acte  émanant  de 
cette  princesse  et  qui  a été  fort  loué  parce  qu’on  en  a exagéré  la 
portée,  exempte  ses  serfs  de  l’abandon  de  la  totalité  de  leurs 
meubles,  mais  à la  condition  de  payer  annuellement  un  cens  de 
trois  deniers  par  homme  et  d'un  denier  par  femme,  et  avec  obliga- 
tion de  donner,  en  cas  de  mort,  la  meilleure  pièce  de  bétail  (les 
bœufs  exceptés)  ou  du  mobilier  (sauf  qu’on  ne  pouvait  prendre  le 
lit)  3.  Encore  est-il  douteux  que  cette  concession  ait  reçu  son  exé- 
cution partout,  car,  plus  tard,  un  servage  très-dur  continua  à 
peser  sur  quelques  villages  domaniaux  du  pays  d’Alost,  dits  S'Gra- 

mois  d’avril  1290,  où  Guillaume,  sire  de  Dongelberg  et  de  Berniermont, 
offre  à l’autel  de  saint  Pierre,  de  Frasne,  un  serf  nommé  Gérard  Frains  de 
Frasne  ( Cartulaire  d’Afflighem , t.  t,  p.  762).  Le  jour  de  saint  Léonard,  en 
1266,  Henri,  sire  d’Archennes,  donna  à l’autel  de  saint  Pierre,  d’Archennes, 
son  serf  Wibert,  en  stipulant  que  dorénavant  il  ne  devrait  qu’un  denier  par 
an  à cet  autel.  (Raymaekers,  Recherches  historiques  sur  l’abbaye  de  Parc. 
p.  27.) 

1 Butkens,  t.  I,  Preuves , p.  89. 

2 Charte  de  l’année  1252 , veille  de  la  fête  de  l’apôtre  saint  Mathias.  (Opéra 
diplomatica , t.  III,  p.  96.) 

3 Charte  du  mois  d’avril  1252.  Oudegherst , Annales  de  Flandre,  1.  11, 
p.  141.  — Opéra  diplomatica  , t.  lit , p.  339. 


( 265  ) 

ven  Propre,  et,  en  juillet  1261 , on  voit  Marguerite  elle-même 
exempter  du  droit  de  halve-have  (ou  de  partage  des  meubles  par 
moitié  avec  l’époux  survivant)  un  grand  nombre  de  ses  sujets 
appartenant  à la  chevalerie 

Dans  le  Ilainaut,  où  la  servitude  fut  maintenue  avec  un  soin 
lout  particulier,  et  où , sous  le  nom  de  saintevrs , la  plupart  des 
campagnards  restèrent  inexorablement  assujettis  aux  grands  corps 
ecclésiastiques,  Marguerite,  réalisant  un  projet  de  sa  sœur  Jeanne, 
se  borna  à « mettre  à meilleur  catel  les  saintcurs  » des  églises  dont 
elle  avait  l’avouerie,  et  qui  avaient  été  « partis  à moetié  en  acun 
» tans 1  2 3 *.  » Si  l’on  s’en  rapportait  aux  expressions  du  diplôme,  où 
Marguerite  semble  poser  un  acte  de  bienveillance  extraordinaire , 
on  pourrait  supposer  que  les  sujets  de  cette  princesse  ont  dù  lui 
savoir  gré  de  ses  concessions;  au  contraire,  l’histoire  en  fait  foi, 
elle  devint  l’objet  de  leur  haine.  On  comprend,  lorsqu’on  se  rend 
bien  compte  de  l’acte  qu’elle  a posé  , qu’ils  maudirent  souvent 
cette  mainmorte  déguisée,  ce  meilleur  catel  qui  venait,  au  plus 
triste  moment  de  la  vie,  lorsqu’ils  perdaient  un  parent  , leur 
arracher  leur  meuble  le  plus  précieux.  En  Ilainaut  surtout , leur 
mécontentement  aura  été  très-vif,  car  la  mainmorte  n’y  fut  pas 
abolie  pour  les  serfs  de  la  comtesse,  et  le  meilleur  catel,  perçu  au 
nom  de  celle-ci  sur  les  saintcurs,  ne  les  exempta  pas  de  payer  la 
mainmorte  à leurs  seigneurs  immédiats  5.  L’épisode  des  Ronds, 
dont  nous  ne  possédons  qu’un  récit  poétisé,  ne  serait-il  pas  un  ta- 
bleau des  désordres  qu’amenèrent  les  exactions  de  la  Noire  Dame! 

Ainsi  rançonné  et  pressuré,  le  serf  désirait  avec  passion  chan- 
ger de  demeure,  échanger  sa  pénible  vie  agricole  contre  les  tra- 
vaux de  la  ville.  Ici,  il  lui  fallait  se  réfugier  dans  des  réduits  à 
peine  habitables,  mais  il  y trouvait  au  moins  la  liberté;  la  richesse 

1 Oudegherst,  l.  c , t.  Il , p.  142. 

2 Juillet  1245.  Bulletins  de  la  Commission  royale  d’histoire,  2im‘  série, 
l.  IV,  p.  255. 

3 Voyez,  à ce  sujet  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Mons,  coté  n°  2,  oii 

l’on  trouve  de  curieux  détails  sur  la  mainmorte  et  le  meilleur  catel  en  Hai- 

naut.  — La  mainmorte  ne  cessa  que  tard  d’être  exigée  dans  les  villes.  Ainsi,  à 
Mons,  elle  ne  fut  abolie  qu’en  1295. 


( 266  ) 

même  l’y  attendait  s’il  était  favorisé  par  le  sort.  Ses  espérances 
cependant  ne  se  réalisaient  pas  toujours!  Les  chartes  de  bourgeoi- 
sies ou  les  traités  interdirent  souvent  aux  communes  de  recevoir 
les  hommes  appartenant  à l’avouerie  des  princes  ou  dépendants 
de  leurs  vassaux.  La  frayeur  que  cette  désertion  inspirait  aux 
barons  était  telle  qu’ArnouI,  sire  de  Wesemael,  et  sa  femme  ne 
balancèrent  pas  à offrir  au  duc  Henri  III  l’abandon  d’une  rente 
annuelle  de  cent  livres  (or,  avec  dix  livres  on  achetait  un  bonnier 
de  terre,  un  capital  de  mille  livres  représenterait  donc  actuelle- 
ment près  de  cinquante  mille  francs  ) , s’il  voulait  interdire  l’accès 
de  ses  villes  aux  sujets  d’Arnoul  ‘.  Les  hères  communes  du  Brabant 
et  de  la  Flandre  ne  se  montrèrent  pas  très-faciles  sur  ce  point,  et 
leur  réclamer  un  serf  fugitif  devint  bientôt  une  chose  impossible. 

Les  bourgeois,  du  reste,  non  contents  de  vivre  libres  à l’abri  de 
leurs  murailles,  tendaient  à envahir  les  villages  et  à y combattre 
face  à face  la  féodalité.  Ailleurs,  des  paysans  libres  ou  affranchis  se 
faisaient  inscrire  dans  une  bourgeoisie,  tout  en  conservant  leur 
habitation  à la  campagne.  C’est  ce  que  l'on  appelait  en  Belgique  des 
bourgeois  forains,  en  Allemagne  des  paleburger.  Le  nombre  de 
ces  derniers  augmenta  avec  tant  de  rapidité  qu’il  excita  les  plaintes 
des  féodaux.  Lorsque  les  villes  du  Rhin  contractèrent,  à Worms, 
le  6 octobre  1254,  leur  célèbre  alliance,  elles  refusèrent  les  immu- 
nités bourgeoises  au  paleburger  qui  ne  remplirait  pas  les  condi- 
tions suivantes  : Il  ne  pouvait  s’absenter  de  la  ville  qu’au  temps 
de  la  moisson,  depuis  la  Sainte-Marguerite  jusqu’à  la  Saint-Lau- 
rent (du  20  juillet  au  10  août),  et  au  temps  des  vendanges,  pen- 
dant trois  semaines;  encore  était-il  tenu  de  conserver  dans  sa 
maison,  dont  l’accès  devait  être  libre,  des  serviteurs,  du  feu  et  de 
la  fumée 1  2. 

A la  même  époque,  un  grand  nombre  de  localités  rurales  obtin- 
rent des  libertés.  Ce  furent  autant  de  petites  bourgeoisies  nou- 
velles qui  s’efforcèrent  d’imiter  en  tout  les  anciennes.  Les  sei- 
gneurs comprirent  le  danger  et,  si^  quelquefois  ils  établirent  des 
institutions  analogues,  en  d’autres  cas  ils  introduisirent  des  ré- 

1 Vendredi  après  l’Épiphanie,  en  1259-1260.  Bulkens,  t.  I,  Preuves,  p.98. 

s Pertz,  Monumenta , Leges , l.  Il,  p.  569. 


( 207  ) 

serves  qu’il  importe  de  constater.  Ainsi , selon  l’accord  conclu  en 
1292  entre  le  duc  Jean  Ier  et  les  seigneurs  de  Grimberghe,  « celui 
» qui  entre  dans  la  bourgeoisie  de  Vilvorde  ou  de  Cappelle-au-Bois 
» est  tenu  d’y  faire  constater,  par  les  échevins,  la  date  de  sa  récep- 
» tion;  si  les  seigneurs  le  réclament  dans  l’année,  il  reste  soumis 
» à tontes  ses  obligations  antérieures.  Les  biens  d’un  bourgeois 
» domicilié  dans  la  baronnie  contribuent  dans  les  aides  payées  aux 
» seigneurs  en  cas  de  mariage,  de  chevalerie  et  de  captivité  1 2 * * . » 

Les  richesses  des  bourgeois  leur  donnant  les  moyens  d’acquérir 
aisément  des  biens-fonds,  on  craignit  bientôt  qu’ils  ne  devinssent 
propriétaires  d’une  bonne  partie  du  sol.  Or,  ces  acquisitions 
étaient  onéreuses  pour  les  villageois,  parce  que  les  bourgeois,  de 
même  que  les  ecclésiastiques,  jouissant  de  grandes  exemptions 
en  matière  d’impôts,  la  taxe  assignée  à une  localité  n’en  pesait 
que  plus  lourdement  sur  les  habitants  non  privilégiés.  C’est  ce 
qui  donna  lieu  aux  édits,  où  tantôt  on  ordonne  aux  bourgeois  de 
vendre  dans  l’année  les  biens  ruraux  dont  ils  hériteront  - ; tantôt 
on  leur  interdit  absolument  d'acheter  « fiefs,  rentes,  terriers, 
» héritages  et  autres  choses  mouvant  du  prince  5.  » Rien  de  sem- 
blable ne  se  fit  en  Brabant,  où  I on  pourrait  citer  des  actes  sans 
nombre  attestant  la  possession  parles  bourgeois  de  terres,  de  cens, 
de  fiefs.  La  heure  de  Gaesbeek,  de  l’an  1284,  interdit  aux  bourgeois 
d’acheter  des  biens  dans  la  terre  de  ce  nom,  sans  le  consentement 
du  seigneur,  mais  cette  clause  ne  paraît  pas  avoir  été  observée. 

En  général,  la  population  rurale  se  divisait  en  deux  grandes 
classes:  celle  des  meysemedelieden  ou  mansionnaires , et  celle  des 
cossaeten  [ casati ) ou  journaliers.  Cette  dernière  végétait  miséra- 
blement; la  première,  qui  semble  avoir  joui  partout  de  l’exemp- 
tion de  la  mainmorte  et  d’autres  prérogatives  semblables,  com- 
prenait les  paysans  exploitant  soit  une  ferme  ou  un  moulin,  soit 
un  certain  nombre  de  bonniers  de  terre.  Parmi  eux  se  plaçaient, 
au  premier  rang,  les  Sint-Peeters  mannen  ou  hommes  de  Saint- 

1 Butkens , t.  I , p.  327 , et  Preuves  , p.  129. 

2 Charte  de  Delft,  de  l’an  1246.  Van  Mieris,  t.  I,  p.  229. 

5 Acte  de  la  comtesse  Marguerite  de  Flandre,  de  l’année  1266.  (Placards de 

Flandre . t.  I , p.  47.) 


( 268  ) 

Pierre,  c’est-à-dire  les  personnes  qui  payaient  un  cens  à l’église 
Saint-Pierre  de  Louvain.  Leur  nombre  s’élevait  à un  chiffre  con- 
sidérable, car  ils  étaient  répandus  dans  tout  le  Brabant,  et  à Maes- 
tricht,  par  exemple,  on  les  comptait  par  centaines.  Us  étaient 
placés  sous  le  patronage  direct  des  ducs,  qui  mirent  un  soin  ex- 
cessif à se  réserver  la  juridiction  sur  eux  '.  Le  seigneur  de  Wese- 
male  lui-même  était  homme  de  Saint-Pierre,  et  le  duc  Henri  II 
insista  pour  qu’il  fut  maintenu  dans  cette  condition,  bien  que  son 
vassal  prétendit  faire  partie  de  la  familia  de  l’abbaye  de  Nivelles  -. 
Les  seigneurs  de  Grimberghe  et  de  Gacsbeek  avaient  aussi  leurs 
meysemedelieden.  Pour  être  considéré  comme  tel  ou  comme 
homme  de  Saint-Pierre,  il  fallait  prouver  qu’on  descendait  par 
les  femmes  d’une  personne  de  cette  classe. 

Dans  une  société  aussi  partagée,  aussi  morcelée,  les  conflits 
survenaient  à chaque  instant.  De  là  ces  accords  qui  ont  pour  objet 
de  déterminer  la  condition  des  personnes. 

Les  seigneurs  de  Walhain,  à titre  d’avoués  de  l’abbaye  de  Gcm- 
bloux , réclamaient  une  autorité  sans  partage  dans  les  domaines  de 
cette  abbaye.  Ils  prétendaient  y avoir  la  haute,  moyenne  et  basse 
justice,  en  mener  les  habitants  à la  guerre,  y exiger  des  précaires 
(ou  tailles),  le  droit  de  gîte,  des  corvées  et  d’autres  services.  A la 
demande  des  religieux,  Jean  Ier,  qui  était  leur  avoué  supérieur, 
chargea  le  chevalier  Francon  Briseteste  et  Jean  Loze,  de  Bruxelles, 
de  se  rendre  à Gcmbloux  pour  y ouvrir  une  enquête  et  porter  un 
jugement  en  son  nom.  Les  deux  députés,  après  avoir  consulté  les 
habitants  les  plus  âgés  et  les  plus  instruits  de  la  contrée,  décla- 
rèrent, en  présence  des  échevins  de  Gembloux,  que  l’avoué  ne 
pouvait  exiger  de  chaque  foyer,  c’est-à-dire  de  chaque  maison  où 
l’on  allumait  du  feu,  qu’un  denier  de  bonne  monnaie,  une  poule 
et  un  setier  d’avoine,  par  an.  Toute  la  justice  dans  les  domaines 
du  monastère  revenait  de  droit  à ce  dernier,  dont  les  maires  et 
forestiers  devaient  être  complètement  indépendants  de  l’avoué. 

1 Une  déclaration  du  chapitre  de  Saint-Pierre,  à Louvain,  relative  à des 
personnes  de  celte  catégorie  et  datée  du  mois  d’octobre  1278,  se  trouve  dans 
les  Bulletins  de  la  Commission  royale  d’histoire , lre  série  , t.  IV,  p.  215. 

2 Acte  de  1244,  dans  Butkens,  1. 1 , p.  88. 


( 269  ) 

Les  sujets  du  monastère  marchaient  au  combat  sous  les  ordres 
du  maire  de  Geinbloux  et  sous  un  même  étendard;  ils  étaient 
tenus  à fortifier  la  ville  de  ce  nom.  Cette  sentence  obtint  l’assenti- 
ment d’Àrnoul , alors  sire  de  Walhain  , et  Jean  Ier  l’approuva  par 
une  charte  qui  est  datée  de  Bruxelles  et  du  mois  d’août  1 28 1 

Le  samedi  après  la  Saint-Martin  d’hiver,  en  1282,  Jean  1er  et 
Guillaume,  sire  de  Cranendonek,  échangèrent  les  ministériels  et 
hommes  ccnsaux  des  églises  qui  habitaient  ou  qui  habiteraient 
dorénavant  leurs  domaines  respectifs,  à l’exception  des  hommes 
censaux  de  Saint-Pierre  de  Louvain,  que  le  duc  déclara  retenir 
sous  sa  juridiction.  Quant  aux  sujets  de  cette  catégorie  que  Guil- 

f 

laume  possédait  en  dehors  de  ses  propres  biens  et  des  Etats  du 
due,  il  reconnut  les  tenir  en  lief  de  celui-ci 1  2. 

La  position  des  habitants  de  la  seigneurie  de  Grimberghe  vis- 
à-vis  du  duc  et  des  possesseurs  de  la  baronnie,  fit  l’objet  d’une 
convention  conclue  le  lundi  avant  la  conversion  de  saint  Pierre, 
en  1292-1293,  entre  le  duc,  d’une  part,  Godclïoid,  comte  de 
Vianden,  et  Gérard  d’Aa , d autre  part.  Les  seigneurs  de  Grim- 
berghe devaient  prendre  les  armes  à la  réquisition  du  duc;  si  la 
guerre  était  commune  ou  guerre  nationale,  ils  servaient  à leurs 
frais;  pour  les  chevauchées,  on  les  soldait.  Le  meysamedeman  ou 
vassal  du  duc,  habitant  dans  leurs  domaines  et  âgé  de  moins  de 
soixante  ans,  qui  ne  répondait  pas  à l’appel  du  souverain  ou  qui 
quittait  l’armée  sans  permission,  payait  une  amende,  moitié  au 
profit  du  duc,  moitié  au  profit  des  seigneurs  : dix  cscalins  s’il  était 
cavalier;  dix  sous  quand  il  combattait  à pied;  de  plus,  il  lui 
fallait  reprendre  immédiatement  les  armes.  Sur  le  champ  de  ba- 
taille, les  seigneurs  et  leurs  vassaux  combattaient  en  première 
ligne;  pendant  la  marche,  ils  formaient  l’arrière-garde.  Lorsque 
les  premiers  parlaient  pour  une  expédition,  ils  pouvaient  em- 
prunter des  chevaux  à leurs  sujets  et  les  distribuer  à leurs  cheva- 
liers et  à leurs  écuyers;  le  duc  n’avait  pas  le  même  droit,  et  il  ne 
lui  était  pas  permis  d’exiger  de  l'abbaye  de  Grimberghe  d’autre 
service  que  le  gîte  ou  le  logement  de  scs  chiens,  pendant  un  jour 

1 Reyistre  des  chartes  déposées  en  1 i98  et  fbOO,  f°  598. 

2 Carlulaire  de  Brabant  B,  tv>9i  v°. 


( 270  ) 

et  une  nuit,  dans  le  monastère  et  dans  celles  de  ses  fermes  qui 
étaient  situées  dans  la  seigneurie.  Si  un  meysemedeman  ou  un 
bourgeois  d’une  des  villes  du  duc,  mais  demeurant  dans  la  sei- 
gneurie, encourait  la  peine  de  mort  ou  la  confiscation  de  ses  biens, 
le  seigneur  faisait  livrer  son  corps  et  ses  meubles  à son  suzerain  ; 
toutefois,  il  jouissait  des  revenus  de  ses  immeubles,  fiefs  ou  alleux, 
jusqu’au  moment  de  sa  mort  ou  jusqu'à  ce  qu’il  fût  gracié.  On 
agissait  de  même,  mais  vice-versâ,  quand  le  coupable  était  un 
vassal  des  seigneurs,  habitant  les  domaines  du  duc.  Il  était  dé- 
fendu d’opérer  une  arrestation,  au  nom  de  celui-ci,  dans  la  baron- 
nie, en  l’absence  des  officiers  des  seigneurs,  sauf  cependant  les 
cas  extraordinaires  *. 

Toutes  les  relations  tendaient  insensiblement  à devenir  terri- 
toriales au  lieu  de  personnelles;  la  nécessité  de  pourvoir,  dans 
une  localité,  à des  besoins  multipliés,  à l’entretien  des  églises,  au 
besoin  des  pauvres,  seconda  ce  mouvement,  dont  on  trouve  la 
preuve  manifeste  dans  les  modifications  qu’éprouvèrent  alors  les 
corps  judiciaires. 

Partout  on  voit  surgir  des  échevinages  : les  uns,  supérieurs, 
étendant  leur  ressort  sur  un  très-grand  nombre  de  localités  (tels 
étaient,  en  Brabant  , les  échevinages  d’Uccle  et  de  Santhoven),  les 
autres  ne  rendant  la  justice  que  dans  une  seule  paroisse.  Les  pre- 
miers, dont  la  jurisprudence  se  rapproche  fortement  des  coutumes 
franques,  ne  constituaient  peut-être  qu’une  continuation  de  ces 
anciens  tribunaux  d’échevins,  qui  rendaient  la  justice  dans  les 
comtés,  du  temps  des  Carlovingiens.  En  Flandre,  les  tribunaux 
ambulants,  que  l’on  désignait  par  le  nom  de  Durginghe  ou  Door- 
gaende  waerheyt,  et  qui  se  rendaient  de  localité  en  localité,  pour 
s’enquérir  des  méfaits  qui  s’y  étaient  accomplis,  furent  successi- 
vement abolis,  et  on  les  remplaça  par  des  échevinages  à rési- 
dence fixe  et  siégeant  toute  l’année,  à certains  jours  de  la  semaine. 

N’oublions  pas  de  rappeler  que  les  mêmes  libertés  d’exactions, 
sauf  dans  des  cas  déterminés,  qui  avaient  été  accordées  aux  villes, 
furent  étendues  aux  campagnes.  Les  seigneurs  haut  justiciers  con- 
servèrent et  réclamèrent  jusque  dans  les  derniers  temps  de  la 

1 Butkens,  1. 1 , p.  527,  et  Preuves,  p.  129.  — De  Dynter,  t.  Il , p.  468. 


( 271  ) 

féodalité, le  droit  de  demander  des  aides  : lorsqu’ils  armaient  che- 
valier leur  lils  aîné,  lorsqu’ils  mariaient  leur  fille  aînée,  ou  lors- 
qu’ils étaient  faits  prisonniers  l.  C’étaient  autant  de  charges  que 
leurs  sujets  avaient  de  plus  à supporter  que  les  sujets  du  duc  lui- 
même,  car  leurs  devoirs  envers  leur  suzerain  ne  les  exemptaient 
pas  de  ce  qu’ils  devaient  à leurs  princes. 

On  remarque,  à cette  époque,  une  tendance  générale  à sup- 
primer les  redevances  ou  taxes  de  toute  espèce  et  à remplacer 
celles  qui  se  payaient  en  nature  par  d’autres  en  argent.  La  célèbre 
abbaye  deSaint-Trond  percevait,  de  temps  immémorial,  dans  plu- 
sieurs doyennés  du  diocèse  de  Liège,  des  oboles  bannales , cens 
annuel  qui  consistait  en  une  obole  par  foyer.  Les  religieux  rencon- 
trant souvent  de  grandes  difficultés  à le  faire  payer,  surtout  en 
Brabant,  y renoncèrent  en  plus  d’un  endroit,  moyennant  com- 
pensation. À Neerlinter,  les  habitants  cédèrent,  dans  ce  but,  un 
bonnier  de  terre,  qui  fut  grevé  de  sept  sous  de  Louvain  par  an, 
et  dont  la  propriété  devait  passer  à perpétuité  du  possesseur  à 
l’aîné  de  ses  fils  ou  à défaut  de  fils,  à famée  des  filles  (octobre 
1266).  A Léau,la  commune,  pour  éviter  une  négligence  qui  lui 
avait  plus  d’une  fois  attiré  une  sentence  d’excommunication,  se 
soumit  à payer  à l’abbaye,  en  remplacement  de  ces  oboles,  vingt- 
cinq  sous  de  Louvain  par  an  (avril  1274).  A Wavre,  à la  suite 
d’une  querelle  entre  Jean,  sire  de  Wavre,  et  les  habitants  de  sa 
seigneurie,  d’une  part,  l’abbaye  d’Afflighem  et  le  prieuré  de  Wa- 
vre, d’autre  part,  la  dîme  dite  du  vermillon  ( décima  sandyce  sev 
wesdra)  fut  remplacée  par  une  taxe  annuelle  de  trente-trois  de- 
niers par  bonnier  (convention  du  jeudi  après  Pâques,  en  1275). 
Le  7 août  1287,  Wautier  de  Braine , sire  de  Seneffe,  renonça, 
moyennant  un  cens  annuel  de  deux  sous  trois  deniers  de  Lou- 
vain, à différents  droits  qu’il  prétendait  lever  sur  les  masuiers  de 
Reiniersart  à Seneffe  : « si  comme  poulage,  fourche  en  pré,  » et 
l’obligation  de  moudre  à son  moulin  comme  s’ils  eussent  été  ses 
propres  tenanciers  2.  Une  convention  plus  importante  détermina, 

1 Charte  du  châtelain  de  Gand,  de  l’année  1252.  Du  Cliesne,  Histoire  de  la 
maison  de  Guines , etc.,  Preuves , p.  498. 

2 DeSmet,  Corpus  chronicorum  Flandriae , t.  II,  p.  934.  — Le  chevalier 


( 272  ) 

en  1290,1a  quotité  du  cens  que  devaient  à leur  seigneur  les  ha- 
bitants du  grand  village  de  Leeuw-Saint-Pierre  *,  mais  le  texte 
en  est  resté  inconnu,  malgré  toutes  nos  recherches  sur  ce  point. 

De  meme  qu’ils  exigeaient  dans  leurs  terres  des  aides  et  des 
corvées,  de  même  les  seigneurs  en  accordaient  des  exemptions. 
Pour  n’en  citer  qu'un  exemple,  nous  voyons  Guillaume  de  Lede- 
berg,  seigneur  de  Pamele  près  de  Ninove,  et  sa  femme  libérer 
de  corvées,  moyennant  cent  sous  de  Bruxelles,  les  acquisitions 
faites  par  l’hôpital  Saint-Jean  de  Bruxelles,  et  autoriser  ses  sujets 
à céder  des  biens  à cet  établissement 2.  Déjà  alors  on  assujettissait 
d’ordinaire  les  institutions  monastiques  à constituer,  en  leur  nom, 
ce  que  l’on  appelait  un  lai  vesti  (ou  laïque  investi  de  la  possession 
des  biens)  ou  tenancier  mourant  (en  flamand  sterfelyke  laie), 
c’est-à-dire  une  personne  pouvant  mourir,  au  contraire  de 
l’institution,  perpétuelle  de  sa  nature;  le  lai  vesti  supportait  les 
charges  attachées  aux  possessions  de  la  corporation,  qui,  à sa 
mort,  payait  un  droit  de  mutation. 

A mesure  que  la  population  augmentait  et  se  mélangeait,  à 
mesure  aussi  que  les  communications  s’amélioraient,  il  devenait 
plus  dilïicile  de  maintenir  les  droits  de  banalité.  Jean  Ier  semble 
plus  d’une  fois  avoir  favorisé  les  prétentions  des  privilégiés,  mais 
en  grevant  ceux-ci  de  redevances  au  profit  du  domaine.  Ainsi 
lorsqu’il  déclara  obliger  « tous  les  masuiers  qu’il  avoit  à la  Cha- 
» pelle-Saint-Laurcnt  » à faire  moudre  leurs  grains  au  moulin  de 
l'abbaye  d’AIne  dans  ce  village,  « à tel  ban,  dit-il,  et  à tel  usage 
» que  oïl  moût  en  ses  moulins  partout  en  Brabant,  » l’abbaye 
reconnut  lui  devoir,  tous  les  ans,  deux  muids  de  blé,  à livrer  au 
château  de  Louvain,  et  lui  céda,  en  outre,  une  rente  de  six  sous 
et  dix  chapons  que  l’on  percevait  en  son  nom,  à Wavre  3. 


Siger  de  Braine  et  son  frère  J acquemin  raliüèrent  cette  concession,  au  mois 
d’aoùl  1290,  et  à leur  demande,  elle  fut  approuvée  par  leur  suzeraine,  Mahaut, 
châtelaine  de  Bruxelles,  et  son  fils  Gérard  de  Marbais.  Ibidem,  p.  963. 

1 Butkens , l.  1 , p.  615. 

2 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  J , p.  293. 

5 Le  lundi  après  la  Saint-Martin  1285.  ( Car lulaire  des  biens  de  V abbaye 
d' Aine  en  Brabant.) 


( 275  ) 

Il  serait  facile,  à l’aide  de  quelques  recherches,  de  réunir  plus 
d’une  preuve  que  notre  due  concéda  ou  confirma  à des  habitants 
des  campagnes  la  possession  de  pâtures  communes,  qui  consti- 
tuèrent pour  eux  un  élément  de  bien-être.  Nous  le  voyons,  notam- 
ment, abandonner  aux  masuwiers  de  Gothengien  (Gottechain , 
surBossul),  « les  brous,  les  warissais  et  les  aisesmens,  » qu'ils 
tenaient  auparavant  à cens  de  lui  et  du  chapitre  de  Nivelles,  et  il 
les  autorisa  à planter  d’arbres  ces  terrains,  mais  sans  les  enclore 
et  sans  pouvoir  les  vendre  ni  les  donner  l.  Ses  vassaux  suivirent 
son  exemple,  et  Mathilde,  châtelaine  de  Bruxelles,  entre  autres, 
donna  (ou  plutôt  confirma,  car  une  donation  semblable  avait  déjà 
été  faite  par  son  aïeul  et  par  son  père)  à ses  « ostes  d’Elsele,  » 
c’est-à-dire  aux  tenanciers  d lxelles,  la  pâture  appelée  YOpslal, 
qui  s’étendait  de  l’abbaye  de  la  Cambre  à l’endroit  dit  Eghenvoirt 
en  Eggevoirt,  à charge  d’un  cens  de  six  deniers  louvignois  ou 
de  Louvain  2. 

De  ce  que  nous  venons  de  dire  on  peut  conclure  que  les  cam- 
pagnes du  Brabant  vécurent  heureuses  et  prospères  pendant  le 
règne  de  Jean  Ier.  Elles  n’eurent  pas  à redouter  les  attaques  d’en- 
nemis extérieurs,  et  la  fermeté  du  souverain  les  mit  à l’abri  des 
désastres  qu’entraînèrent  ailleurs  les  guerres  civiles.  Le  cultiva- 
teur, assuré  de  recueillir  en  paix  le  fruit  de  ses  travaux,  délivré 
en  partie  des  lourdes  charges  que  lui  avait  imposées  l’oppression 
féodale,  vit  s’accroître  son  bien-être,  particulièrement  dans  les 
villages  faisant  partie  du  domaine  ducal  et  où  se  réalisèrent 
dans  toute  leur  étendue  les  mesures  bienfaisantes  décrétées  par 
Henri  II  et  Henri  III  à leur  lit  de  mort. 

La  noblesse,  rattachée  à la  dynastie  de  Louvain  par  des  alliances 
sagement  ménagées  ou  par  la  concession  de  dignités,  devint  un 
des  appuis  de  l’Etat,  sans  être  assez  puissante  pour  en  menacer 
l’existence  ou  la  tranquillité.  Et  si  la  chevalerie  du  duché,  à 
l’exemple  de  son  chef,  se  montra  encore  ardente  à courir  aux 


1 Acte  en  date  du  vendredi  après  les  octaves  de  la  Trinité , en  1:292.  ( Caria - 
taire  du  chapitre  de  Nivelles.) 

2 Charte  de  Mathilde,  du  mois  de  mai  1289.  {Environs  de  Bruxelles,  t.  HJ  , 
p.  294.) 

Tome  XIII. 


18 


( 274  ) 

aventures,  aux  combats,  aux  tournois,  elle  commença  à subir 
l’influence  d’une  classe  intermédiaire  qui  s’élevait  insensiblement 
presque  à son  niveau,  et  dont  les  intérêts  et  les  tendances  ne  de- 
vaient pas  tarder  à se  confondre  avec  les  siens. 


CHAPITRE  X. 

LES  VILLES  DU  BRABANT. 


I. 

Les  événements  que  nous  avons  esquissés  dans  nos  premiers 
chapitres  témoignent  suffisamment  de  l’importance  du  rôle  que 
remplirent  les  villes,  au  treizième  siècle,  dans  les  Pays-Bas  et  sur 
les  bords  du  Rhin.  Le  nombre  de  leurs  habitants,  les  grandes  res- 
sources dont  ils  disposaient,  leur  permirent  de  mettre  à la  dispo- 
sition du  prince  ou  d’employer  dans  leurs  propres  querelles  des 
armées  considérables.  Jouissant  d’un  crédit  illimité,  elles  en  profi- 
tèrent pour  élever  des  enceintes  bâties  à grands  frais,  des  halles 
somptueuses,  souvenirs  encore  debout  de  leur  puissance. 

S’il  nous  manque  des  chiffres  positifs  établissant  sur  des  don- 
nées certaines  l’augmentation  rapide  de  la  population  dans  nos 
grandes  communes,  il  est  un  fait  d’une  constatation  plus  facile, 
c’est  la  considération  dont  on  entourait  alors  cette  qualification  de 
bourgeois  si  longtemps  méprisée.  Tous  les  habitants  d’nne  ville 
n’avaient  pas,  d’ailleurs,  le  droit  de  prendre  cette  qualité,  et  l’on 
pourrait  même  admettre  qu’on  ne  l’accordait  qu’aux  possesseurs 
d’une  certaine  fortune,  à l’imitation  de  ce  qui  est  statué  par  l’ar- 


( 275  ) 

ticle  15  de  la  charte  de  Laon  : « Quiconque  sera  reçu  dans  eette 
» paix  devra,  dans  l’espace  d’un  an,  se  bâtir  une  maison,  ou 
» acheter  des  vignes,  ou  apporter  dans  la  cité  une  quantité  sufïî- 
>.  santé  de  son  avoir  mobilier,  pour  pouvoir  satisfaire  à la  justice, 

» s’il  y a par  hasard  quelque  sujet  de  plaintes  contre  lui.  » 

Dans  une  multitude  d’actes  se  manifeste  l’existence  d’une  classe 
de  citoyens  privilégiés,  ordinairement  qualifiés  de  majores  ou 
grands  (à  Anvers,  au  douzième  siècle;  à Bonn,  en  1285,  etc.), 
de  meliores  ou  meilleurs  (à  Cologne,  en  1155,  1165;  à Bruxelles, 
en  1204,  etc.).  C’étaient  là  les  véritables  bourgeois,  ou  patriciens, 
car,  ainsi  que  le  dit  l’illustre  Niebuhr 4,  en  Allemagne,  pendant  le 
treizième  siècle,  bourgeois  et  patricien  sont  synonymes,  de  même 
qu’on  voit,  dans  l’Aragon,  les  bourgeois  n’exercer  aucun  métier, 
la  profession  d’artisan  étant  abandonnée  aux  vilains 1  2.  Ces  détails 
expliquent  les  luttes  acharnées  dont  nos  communes  furent  le 
théâtre  à partir  du  milieu  du  treizième  siècle,  comme  le  furent 
celles  de  l’Italie  dès  la  fin  du  douzième;  tendances,  mœurs,  inté- 
rêts, tout  séparait  les  deux  classes.  L’artisan  vivait  avec  économie 
du  travail  de  ses  mains  ou  du  commerce  de  détail;  il  affectait  une 
grande  austérité  de  mœurs;  il  se  récriait  contre  la  moindre  aug- 
mentation d’impôt;  les  patriciens,  au  contraire,  imitaient  le  luxe 
des  nobles,  s’occupaient  du  grand  commerce,  d’opérations  de 
banque,  de  placement  de  capitaux,  et  apportaient,  dans  le  manie- 
ment des  finances  municipales  plus  que  de  la  libéralité. 

De  même  que  la  population  des  cités  rhénanes  et  des  villes  opu- 
lentes du  midi  de  la  France,  nos  bourgeoisies  comptèrent  dans 
leur  sein  des  chevaliers.  De  nombreux  extraits  de  Hemricourt 
prouveraient,  au  besoin,  qu’il  en  fut  ainsi  à Liège.  Henri  de  Nou- 
vice , le  chef  de  plusieurs  grandes  familles  de  Liège , vendait  des 
laines  d’Angleterre  et  des  denrées  de  toute  espèce;  sa  femme, 
dame  Segraz,  riche  bourgeoise  de  Saint-Trond,  dirigeait  sa  maison 
et  ses  affaires  avec  tant  de  parcimonie  que,  du  temps  de  Hemri- 
court, on  appelait  un  avare  « un  du  lignage  de  dame  Segraz,  » 

1 Niebuhr,  Histoire  romaine,  t.  I,  p.  321.  Trad.  de  Golbéry,  édit,  de 
Bruxelles. 

2 Hallam,  Histoire  du  moyen  dye , t.  Il , p.  31,  édit.  Woulers. 


( 276  ) 

et  les . « grands  et  riches  hommes  qui  en  étaient  sortis  s’en  rail- 
» loient  les  uns  les  autres  '».  Ailleurs,  le  même  écrivain  parle 
d’Arnoul  de  Charneux,  un  des  premiers  iïls  de  bourgeois  qui 
devint  chevalier 1  2 * ; de  Nicolas  de  Hakendeure,  qui,  avant  d’obte- 
nir ce  titre,  fut  longtemps  marchand  de  vin  à V Hôtel  du  Crois- 
sant, à Liège,  et  dont  la  fille,  Marie,  s’allia  à Corbeau,  seigneur 
de  Clermont,  d’Awans  et  d’Esneu x,  et  lui  apporta  en  mariage  de 
fortes  sommes  d’argent  comptant  5.  A IIuy5  Hubin,  « très-riche 
» bourgeois,  de  qui  vinrent  tous  les  Fauchons  de  cette  ville  et 
» tous  les  Hubins,  » laissa  des  biles  qui  se  marièrent  dans  les 
familles  de  Harduemont,  de  Haultepenne,  de  Celles,  de  Harzé  4. 
En  Brabant,  les  fonctions  d’échevin  furent  fréquemment  remplies 
par  des  chevaliers,  notamment,  à Bruxelles,  par  Guillaume  de 
Platea  (ou  Vanden  Steenwege),  surnommé  R ex  ou  De  Coninck, 
fils  d’Arnoul  (1267-1208,  1270-1271  et  années  suivantes)  etc. 

En  Flandre,  la  classe  aisée  de  la  bourgeoisie  se  réunit  dans  une 
forte  association  que  l’on  appela  la  Hanse  de  Londres , parce  que 
ses  membres  avaient  seuls  le  droit  de  négocier  en  Angleterre. 
Fondée  par  des  Brugeois,  elle  s’étendit  bientôt  aux  habitants  de* 
Gand,  de  Damme, d’Ypres  , deDixmude,  de  Lille,  de  Bergues,  de 
Fûmes,  de  Bailleul,  de  Poperinghe,  etc.  Saint-Omer,  Arras, 
Douai,  Tournai  et  Cambrai  y adhérèrent  également,  ainsi  que 
d’autres  cités  plus  éloignées:  Valenciennes,  Huy,  Péronne,  Saint- 
Quentin,  Beauvais , Abbeville,  Amiens,  Montreuil,  Reims  etChà- 
lons  °. 

La  hanse  était  gouvernée  par  un  directeur,  choisi  parmi  les 
bourgeois  de  Bruges  et  portant  le  nom  de  comte;  la  plupart  des 
artisans  en  étaient  exclus,  à moins  qu’ils  n’eussent  quitté  leur 

1 Hemricourl,  Le  Miroir  des  nobles  de  la  Hesbaye , p.  276. 

- Ibidem,  p.  256. 

5 Ibidem,  p.  256. 

4 Ibidem,  p.  507. 

5 Histoire  de  Bruxelles,  1. 11. 

ü Warnkônig , Histoire  de  la  Flandre  (tiad.  de  M.  Gheldorf),  t.  II,  pp.  206 
et  suivantes.  — Kervyn  de  Leltenliove  , Histoire  de  la  Flandre , t.  II,  pp.  297 
et  suiv. 


( 277  ) 

métier  depuis  un  an  et  un  jour;  de  plus,  et  c’est  ce  qui  donne  la 
véritable  signification  de  cette  exclusion,  on  ne  pouvait,  en  vertu 
d’une  charte  du  comte  Ferrand  , du  mois  de  janvier  1241 , être 
échevin  de  Bruges,  si  l’on  ne  faisait  partie  de  la  hanse  et  si  l’on 
n’avait  cessé  d’être  artisan  L On  aperçoit  tout  de  suite  la  corréla- 
tion qui  existe  entre  les  privilèges  commerciaux  et  les  privilèges 
politiques  des  Brugeois  hanséates.  Tous  ont  pour  but  de  concen- 
trer le  pouvoir  dans  les  mains  des  marchands  riches  : ceux  que 
l’on  appelait  à Garni  et  à Auclenarde  de  Comarinen  (c’est-à-dire  de 
coopmannen  ou  les  marchands  ) -. 

La  hanse  de  Londres  se  rattachait  dans  toutes  les  directions 
à des  institutions  analogues,  dont  l’origine  nous  échappe,  et  dont 
le  développement  atteignit  son  apogée  dans  la  seconde  moitié 
du  treizième  siècle,  comme  l’attestent  les  documents  de  l’époque. 
Ainsi,  dans  l’ile  de  Walcheren,  qui  fut  un  des  premiers  foyers  de 
la  civilisation  hollandaise,  il  existait  une  confrérie  de  marchands 
de  Middelboarg , dont  les  statuts  présentent  des  traits  curieux 
de  ressemblance  avec  ceux  de  la  hanse  flamande.  Toute  personne 
qui  exerce  un  art  mécanique  : les  cordonniers,  les  pelletiers,  les 
teinturiers,  les  tisserands,  les  débitants  de  poisson,  de  fromage, 
de  beurre,  les  barbiers,  les  bûcherons,  les  tondeurs  de  moutons, 
les  vendeurs  de  laine,  les  meuniers,  les  fruitiers,  etc.,  en  sont 
formellement  exclus.  Par  contre,  la  vente  du  vin  et  celle  des  étof- 
fes ( gewant ) à la  halle  de  Middelbourg  sont  entièrement  réser- 
vées aux  membres  de  la  confrérie  r>.  Le  droit  d’entrée  est  fixé  à 
quarante  deniers,  outre  deux  deniers  pour  le  comte  de  la  Hanse. 
Celle-ci  est  dirigée  par  des  formatores  choisis  par  les  échevins 


1 Warnkônig,  t.  IV,  p.  229. 

2 « La  franchise  keon  appelle  Comannen  gilde.  » Diplôme  de  1275,  suppri- 
mant les  Trente-neuf  de  Gand  — A Audenarde,  le  plus  ancien  registre  de  la 
bourgeoisie  portait  le  nom  de  Comanen  boeck.  Raepsaet. 

5 A Anvers  aussi,  la  gilde  comprenait  , outre  les  marchands  de  drap,  ceux 
qui  le  coupaient  à la  halle.  En  1290,  Jean  Ier  promit  de  ne  plus  donner,  à 
titre  héréditaire,  des  stalles  ou  bancs  dans  cette  halle,  mais  de  les  réserver 
pour  être  tirées  au  sort  entre  les  membres  de  la  gilde.  (Brabantsche  Yeesten  , 
1. 1 , p.  675.) 


( 278  ) 

et  par  les  jurés  de  la  ville,  sauf  que  le  comte  de  Hollande  a le 
droit  de  réformer  leurs  règlements  b 

Les  gildes  de  la  draperie  de  Brabant'  étaient  à peu  près  consti- 
tuées sur  les  mêmes  bases.  Malheureusement , les  documents  qui 
concernent  leurs  commencements  sont  rares,  et  l’on  n’a  jamais 
retrouvé  le  texte  de  l’ordonnance  des  échevins  et  des  doyens 
et  huit  de  la  gilde  de  Bruxelles,  sur  cette  même  gilde , ordon- 
nance dont  Jean  Ier  approuva  les  dispositions  le  5 septembre 
1289  2.  Il  était,  très-probablement,  il  est  vrai,  identique  à celui 
du  diplôme  par  lequel  Jean  II  réorganisa  la  gilde  en  1506,  et  où 
on  lui  confirme  le  monopole  de  la  fabrication  et  de  la  vente  des 
étoffes  de  laine,  du  mesurage  et  du  pesage  de  différentes  denrées 
et  marchandises.  On  ne  pouvait  y entrer  lorsqu’on  faisait  partie 
d’un  métier,  et  le  droit  d’admission  fut  porté  à trente  marcs, 
somme  considérable  5. 

11  y avait  des  gildes  de  la  draperie  partout  : dans  le  duché , à 
Malines,  dans  le  pays  de  Liège;  il  en  existait  également  une  à 
Paris  4,  qui  acheta,  au  mois  d’août  1219,  une  maison  contiguë  à 
celle  qu’elle  possédait  déjà,  près  du  Petit-Pont.  Mais  à Paris,  une 
véritable  représentation  des  hanses  du  Nord, plus  ancienne  même 
que  celles-ci,  puisqu’elle  remontait,  selon  toutes  les  probabilités, 
à l’époque  romaine,  se  retrouvait  dans  les  anciens  nautae,  les 
marchands  de  l’eau , à la  tête  desquels  étaient  placés  des  prévôts 
( praepositi  mercatorum  aquae , 1168)  ou,  comme  on  les  appela 
plus  tard,  des  prévôts  des  marchands,  et  des  jurés  ou  échevins  s. 
Le  corps  de  la  marchandise , à Rouen , présentait  une  organisation 
analogue. 

* Charte  du  comte  Florent V,  en  date  du  1er  juin  1271.  Van  Mieris,  t.  I, 
p.  556. 

2 Willems,  Van  Heelu,  p.  501. 

5 Brabantsche  Yeesten , t.  I,  p.  724. 

4 Confraria  mercatorum  de  draperia.  ( Bibliothèque  de  l’école  des  chartes, 
t.  V,  p.  476.) 

5 Un  fait  curieux,  une  trace  de  rinftuence  des  institutions  des  villes  rhé- 
nanes sur  la  vie  municipale  de  la  capitale  de  la  France,  c’est  la  mention  de 
l’existence  , à Paris , en  1275,  d’un  maître  des  échevins; 


( 279  ) 

Dans  certains  actes,  la  gilde  des  cités  brabançonnes,  offrant 
l’image  parfaite  des  premières  associations  flamandes  et  anglaises, 
semble  comprendre  l’universalité  des  habitants,  ou  plutôt  toutes 
les  notabilités  de  la  bourgeoisie,  la  classe  dominante.  « Qu’il  soit 
» connu  à tous,  dit  une  charte  du  duc  Henri  Ier,  de  l’année  1221, 
» que  son  arrière-petit-fds  confirma  le  vendredi  après  les  octaves 
» de  l’Épiphanie,  en  1285-1284,  qu’il  soit  connu  à tous  qu’à  la 
» demande  des  bourgeois  de  Louvain,  nous  leur  avons  donné  le 
» droit  suivant  dans  la  gilde  qu’ils  tiennent  de  nous , et  dont  nous 
» avons  constitué  juges  les  doyens  de  cette  gilde  : Celui  qui  sera 
» convaincu,  par  le  simple  témoignage  de  deux  bourgeois,  d’avoir 
» causé  du  tort  à la  cité,  perdra  le  droit  d’y  travailler;  pour  se 
» faire  absoudre,  il  lui  faudra  le  serment  de  quatre  autres  bour- 
» geois.  S’il  s’agit  d’un  étranger,  il  perdra  de  plus  la  protection 
» de  la  ville,  et  si  c’est  un  bourgeois  de  la  gilde,  il  sera  exclu  de 
» celle-ci  et  payera  une  livre  de  deniers.  Toutes  les  amendes  pro- 
» venant  de  cas  de  cette  nature  seront  partagées  par  moitié  entre 
» le  duc  et  la  ville,  et  si  le  doyen  est  impuissant  à faire  justice  des 
» délinquants,  notre  justicier  lui  prêtera  son  appui  L » Une 
charte  donnée  à Malines,  le  28  août  1276,  par  Walter  Berthout, 
débute  de  la  même  manière  : Celui  qui  veut  établir  une  commune 
au  détriment  de  la  gilde,  s’il  est  bourgeois,  est  exclu  de  cette 
gilde;  s’il  est  étranger,  il  perd  l’appui  de  la  cité.  Dans  toutes  les 
amendes,  sauf  celles  de  la  lianse,  qui  sont  entièrement  adjugées 
à la  gilde,  Berthout  se  réserve  une  moitié,  qu’il  doit  partager, 
par  parts  égales,  avec  l’évêque  de  Liège 1  2. 

On  entrevoit  maintenant  pourquoi  il  était  sévèrement  défendu 
de  former  d’autres  gildes,  qui  auraient  pu  s’élever  au  niveau  de 
celles-ci  et,  dans  la  suite,  les  effacer.  On  s’efforçait  constamment  de 
maintenir  l’unité  dans  la  commune  : « Tous  les  habitants  de  Mid- 
» delbourg  suivent  le  même  droit  et  chacun  est  obligé  envers  ses 
» concitoyens  à remplir  les  fonctions  d’échevin  » ; ainsi  s’expli- 

1 Opéra  diplomatica,  t.  II,  p.  871. 

2 Van  Doren,  Inventaire  des  archives  de  Malines , t.  I,  p.  8. 


( 280  ) 

que  la  keure  de  Middelbourg  de  l'année  1217 b Plus  lard  ce  prin- 
cipe est  sauvegardé  autant  que  possible  : à Diest,  on  défend  de 
former  des  gildes  ou  des  divisions  â,  tandis  qu'à  Bruxelles  on 
interdit  aux  métiers  de  se  former  en  commune  5.  Et  cependant, 
malgré  ces  ordres  positifs,  l’esprit  d’association  se  développe  de 
plus  en  plus. 

Les  gildes  de  la  draperie  avaient  ordinairement  à leur  tète  deux 
doyens  (guldekens , decani  guidas)  et  huit  (Bruxelles)  ou  sept  (Ma- 
lines,  Lierre)  autres  personnes,  qui,  à Bruxelles,  s’intitulaient 
simplement  les  huit  et  portaient  à Anvers  le  nom  d’anciens  (ou- 
dernians);  à Saint-Trond,  il  existait  un  comte  des  marchands, 
assisté  de  conseillers;  à Huy,  douze  maîtres  ou  conservateurs  de 
la  draperie  (duodecim  magistri  draperie , conservatores  dr ap- 
parias) 1 2 3 4. 

On  chercherait  vainement,  dans  les  premiers  monuments  di- 
plomatiques de  la  Belgique,  un  témoignage  de  l’existence  de  ces 
institutions  singulières,  qui  prirent  depuis  le  nom  de  lignages  et 
auxquelles  on  a souvent  attribué  des  origines  semi-héroïques. 
D’après  une  charte  ducale  de  l’an  1506,  les  lignages  de  Bruxelles 
jouissaient  depuis  un  temps  immémorial  du  privilège  exclusif 
d’administrer  la  cité;  mais  une  simple  assertion  constitue-t-elle  une 
preuve,  et  serait-ce  la  première  fois  qu'un  parti  puissant  aurait 
tronqué  l’histoire? 

Sans  vouloir  trancher  une  question  que  d’épaisses  ténèbres  en- 
vironnent, nous  rappellerons  ce  que  nous  venons  de  dire,  que  le 
pouvoir  communal,  en  Belgique  comme  en  Allemagne , appartint 
presque  partout  à la  bourgeoisie  riche  : dans  le  principe,  parce 
que  ses  membres  inspiraient  plus  de  confiance;  dans  la  suite, 

1 Omnes  in  Middelburch  manentes  sub  uno  jure  habeantur  et  quilibet 
eorum  cooppidano  suo  scabinium  facere  débet.  Van  Mieris,  t.  I , p.  170. 

2 Nec  etiam  permittemus  quod  aliqui  ex  burgensibus  nostris  Dystensibus 
aut  alii,  cujuscunque  fuerint  officii,  gildas  sive  partes  in  Dyst  faciant,  seu 
contrahant.  ( Bulletins  de  la  Commission  royale  d’histoire,  5me  série,  t If, 
p.  475.) 

3 1290.  Histoire  de  Bruxelles , t.  1,  p 68. 

* Acte  de  1249,  et  Chapeauville , t.  II,  p.  554. 


( 281  ) 

parce  qu’ils  voulurent  conserver  comme  un  droit  ce  qui  ne  s’était 
fait  d’abord  que  par  respect  ou  par  attachement.  Celte  classe  pui- 
sait sa  richesse  soit  dans  le  grand  commerce,  dont  les  bénéfices 
sont  généralement  considérables;  soit  dans  la  possession  de  biens 
fonciers,  qui,  quoique  de  peu  d étendue,  acquirent  une  immense 
valeur  lorsque  la  population  des  villes  grandit  dans  d énormes 
proportions.  C’est  pourquoi  on  peut  considérer  comme  ayant 
raisonné  à peu  près  juste  ceux  de  nos  auteurs  qui  ont  attribué 
l’origine  des  lignages  aux  anciens  propriétaires  d’alleux,  à ce  que 
l’on  appelait  chez  les  Francs  boni  hommes,  et  en  Hollande  les 
welgeboren , les  goedelieden  l. 

Mais  comment  cette  classe,  où  chacun  jouissait  des  mêmes  droits 
et  n’avait,  par  conséquent,  aucun  intérêt  à se  séparer  des  autres 
citoyens,  comment  se  scinda-t-elle  en  fractions,  et  pourquoi  le 
nombre  de  ces  fractions  varia-t-il  si  fréquemment?  Il  n’y  a guère 
qu’une  solution  à ces  questions.  Comme  le  nombre  des  lignages 
ou  familles  est  d’ordinaire  égal  à celui  des  échevins  2,  on  peut 
supposer  que  c’est  l’institution  des  échevins  qui  a provoqué, 
à la  longue,  l’établissement  des  lignages.  Si  l’on  remarque  que, 
dans  le  principe,  l’échevinage  se  conférait  à vie,  que  ces  fonc- 
tions avaient  une  grande  importance,  on  admettra  que  les  per- 
sonnes qui  en  étaient  investies  devenaient  avec  le  temps  des  chefs 
de  groupes  composés  de  parents,  d’amis,  de  cointéressés,  dont 
les  relations  mutuelles,  se  multipliant  de  jour  en  jour,  aboutirent 
enfin  à la  constitution  d’une  sorte  de  famille  artificielle. 

On  comprend  que  de  pareilles  associations  purent  subsister 
pendant  nombre  d’années,  avant  de  pouvoir  se  faire  reconnaître 
légalement.  « Constituées  à l’ombre  du  foyer  domestique,  dit  Sis- 
» mondi3 * 5,  en  parlant  des  huit  compagnies  nobles  de  Gènes,  qui, 

1 Piot , Histoire  de  Louvain,  p.  120.  — A praecipuis  territorii  Castro  (Ant- 
verpiensi)  adjacentis  possessoribus  procreatae.  Septem  tribus  Antver pieuses. 

2 À Nivelles,  le  nombre  des  échevins  ayant  été  réduit , en  1396,  de  quatre 
à sept,  celui  des  lignages  subit  la  même  diminution.  Gramave,  Nivella , p.  4. 

— Mais  ici  Gramaye  se  trompe,  car  les  échevins  de  Nivelles  étaient  primitive- 

ment au  nombre  de  quatorze. 

5 Histoire  des  républiques  italiennes,  t.  II , p.  565. 


( 282  ) 

» en  1227,  étaient  déjà  anciennes,  elles  se  consolidèrent  obscuré- 
» ment  avant  de  revendiquer  des  droits  et  des  prérogatives.  Elles 
» s’arrogèrent  des  pouvoirs  que  rien  ne  reconnaissait,  mais  que 
» l’on  reconnut  tacitement.  » 

» Connus  d’abord  à Cologne  sous  le  nom  de  frères  des  êchevins 
(fratres  scabinorum , 1155,  1165,  parce  que,  sans  doute,  les  éehe- 
vins  pouvaient  appeler  leurs  parents  ou  amis  au  conseil  de  la  cité) 
ou  de  membres  de  la  richerzechheit , les  patriciens  colonais  for- 
maient déjà,  en  1265  et  1288,  des  lignages  ( progenies ),  sur  lesquels 
se  modelèrent  évidemment  ceux  de  la  Belgique. 

A Bruxelles,  qui  ne  connaît  les  Scrhuyghskint  ou  enfants  de 
sire  Hugues,  les  Serroelofs  ou  enfants  de  sire  Rodolphe,  les 
Sweerts  ou  enfants  de  l’hôte,  les  Coudenbergs,  les  Rodenbeke, 
les  Steenwegs  (ou  de  la  Chaussée),  les  Sleeuws  ou  fils  de  Léon? 

A Louvain,  l’histoire  ne  parle  d’abord  que  des  Blanckaerts  et 
des  Colveren , dont  les  disputes  troublèrent  la  minorité  des  en- 
fants du  duc  Henri  III.  Plus  tard  apparurent  les  Uutenliemingen 
ou  de  Limminghe,  les  Vanden  Calstere,  les  Van  Redingen,  les 
Vanden  Steene,  les  Verusalem,  les  Gillis,  les  Van  Rode. 

A Anvers,  à côté  des  Volkaerts,  des  Wilmaerts,  des  Hoboken, 
des  Bode,  des  Aleyns,  des  Impeghem,des  Papen  ou  Spapën,  qui 
tous,  comme  les  lignages  de  Francfort,  portaient  dans  leurs  ar- 
moiries une  fasce  échiquetée , dissemblable  seulement  quant  aux 
couleurs,  on  signale  encore  quatre  familles  importantes  : les  Bacx, 
les  Beyens,  les  Blocxet  les  Mengaerts.  Mais  ces  dernières  ont-elles 
jamais  participé  à la  nomination  des  êchevins?  Parmi  les  premières, 
il  y en  eut  qui  cessèrent  d’avoir  ce  droit  et  qui  peut-être  cessèrent 
d’exister,  lorsque  le  nombre  de  ces  magistrats  fut  porté  à douze  b 

Qui  le  croirait?  De  petites  villes,  telles  que  Léau 1  2 * *,  ont  eu  leur 
classe  privilégiée. 

De  même  que  les  familles  nobles  des  villes  italiennes  possé- 
daient des  Segcji  ou  lieux  de  réunion  5,  celles  des  cités  braban- 

1 Mertens  et  Torfs,  Geschieclenis  van  Antwerpen , 1. 1,  pp.  184  et  suiv. 

2 Willems,  Brabantsche  Yeesten , 1. 1,  p.  742. 

5 Le  père  Ménestrier,  De  la  chevalerie  ancienne  et  moderne  , dans  la  col- 

lection de  Leber,  t.  XI  f,  p.  21. 


1 


( 285  ) 

connes  eurent  leurs  Steen  ou  châteaux,  comme  à Bruxelles  la 
S'Cantersteen.  la  Plattesteen.  la  Serhuvghskintsteen.  la  Pavhuvs. 

J J ».  o y ' 

la  Machiaensteen,  la  Southuys,  le  Valkenborg  l.  Vos  lignages 
belges  possédèrent  des  armoiries  distinctes,  des  revenus,  des 
registres  aux  inscriptions,  mais  tout  cela  n'apparut  que  plus 
tard,  pendant  ce  quatorzième  siècle,  si  plein  d'événements  et  de 

révolutions. 

Dans  les  cités  wallonnes  ou  françaises , on  rencontre  fréquem- 
ment des  vinaves , v inouïes  ou  voisinages,  associations  dont  la 
dénomination  même  détermine  l'origine  territoriale.  Tels  étaient, 
à Liège,  les  vinaves  d'Ile,  de  Saint-Servais . du  Marché,  de  Saint- 
Martin,  de  V eu  vis  ou  de  Soverain-Pont . de  Saint-Jehan-Strée  et 
Delle  Preit  ou  Des  Près 2 ; à Metz . les  lignages  ou  paraiges  de  Porte- 
Muzelle,  de  Surne.  de  Saint-Martin,  de  Porte-Saillv.  d Outves- 
Seille  ou  de  ceux  de  Maleboches,  et  du  commun  ou  de  Saint- 
Etienne  de  la  commune  de  Metz:  et  à Verdun,  les  estend.es  de  la 
Ponte.  d'Azanne,  et  d'Estoufï  3.  Tous  paraissent,  à peu  d'excep- 
tions près,  fondés  sur  des  convenances  de  localité. 

Rien  de  semblable  ne  se  remarque  dans  les  cités  des  rives  de 
l'Escaut:  seulement  il  s'y  organise  des  associations  aristocratiques, 
moitié  civiles,  moitié  religieuses,  entre  autres  les  confréries  des 
Damoiseaux  de  Valenciennes  et  de  Tournai,  fondées,  cette  der- 
nière, en  1:280  4 5:  la  première,  antérieurement  à 1510  s.  A 
Valenciennes,  il  existait  une  bourgeoisie  riche,  affichant  des 
prétentions  exclusives:  mais  à Tournai,  le  système  d'élection  des 
magistrats  communaux  reposait  sur  des  bases  très-larges  , puisque 
cette  élection  appartenait  à un  corps  de  trois  cents  personnes. 
Aussi  exigèrent-ils  toujours  et  de  tous  une  soumission  complète 
aux  lois;  et,  en  1275,  on  les  vit  bannir  tout  haut  homme  ou  haute 

1 Histoire  de  Bruxelles.  1. 1 , p.  22. 

2 Hemricourt. 

5 Niebuhr,  Histoire  romaine . t.  I.  p.  29o(trad.  de  Golbëry  . 

1 Chotin . Histoire  de  Tournai . 1. 1 , p.  250. 

5 origine,  d'après  la  tradition,  remontait  à la  peste  de  l'an  1008.  On 
appelait  ses  membres  les  Royez . parce  qu'ils  partaient  des  robes  a raies. 
1>  Onltreman . Histoire  de  Ta< enciennes . p.  450. 


, ( 284  ) 

dame  qui  y désobéirait  J.  Cependant,  par  suite  de  la  tendance  du 
siècle,  on  y éprouva  aussi,  parmi  les  simples  bourgeois,  le  besoin 
d’imiter  les  fêtes  de  la  noblesse,  et,  en  1282,  les  citoyens  et  iils 
de  citoyens  y établirent  une  Table  ronde,  qui  dura  chaque  fois 
trois  jours  et  dont  le  roi  se  nommait,  en  1282,  Jean  Li  Dans;  en 
1290,  Jean  Paven  ~. 

Les  artisans,  après  avoir  vécu  longtemps  dans  le  servage,  ne 
s’affranchirent  que  lentement  et  par  degrés.  Ce  ne  fut  que  vers 
le  milieu  du  treizième  siècle  qu'ils  se  formèrent  en  métiers,  com- 
posés généralement  d’apprentis  ou  élèves,  de  valets  ou  compa- 
gnons et  de  maîtres  ou  ouvriers  experts,  étayant  des  chefs,  ordi- 
nairement appelés  doyens  ou  jurés,  et  une  bourse  commune,  où 
l'on  puisait  pour  secourir  les  membres  malades  ou  infirmes  de  la 
corporation  5. 

Les  tisserands  précédèrent  les  autres  hommes  de  travail  dans  la 
voie  féconde  de  l’association.  De  bonne  heure,  on  les  voit  en  pos- 
session de  revenus  communs  i 2,  mais  aussi  menacés  de  persécu- 
tions. Lorsqu’on  1242,  Malines  ou  Anvers,  puis  la  plupart  des 
cités  brabançonnes  : en  1249,  de  concert  avec  plusieurs  villes 
liégeoises  3 4;  en  1252  et  1274,  conjointement  avec  Gand  (5,  pren- 
nent des  mesures  contre  les  conspirations  des  artisans,  eux  et  les 
foulons  sont  spécialement  désignés.  Si  à Bruxelles,  en  1 50G,  on  leur 
défendit,  sous  peine  de  la  mort  et  de  confiscation  des  biens,  de 
passer  la  nuit  à l’intérieur  de  la  ville,  on  ne  fit  alors,  sans  doute, 
que  rétablir  une  disposition  antérieure,  car  c’était  dans  les  fau- 
bourgs dits  Ter-Cappellen  (de  la  Chapelle),  de  Blyckerye  (la  Blan- 
chisserie, aujourd’hui  la  Terre-Neuve),  et  Ten-Cruyskene  (la  Pe- 
tite-Croix, actuellement  la  rue  d’Anderlecbt) , que  se  trouvaient 

1 Chotin,  I.  c.,  p.  219. 

2 Li  Muisis  , clans  De  Smet  ,q>p.  170  et  172. 

3 Le  plus  ancien  statut  des  métiers  d’Amiens  est  une  ordonnance  pour  les 
fruitiers,  du  mois  de  février  1267-1268.  Tliierri,  Monuments  du  tiers  étal . 
t.  I , p.  225.  — A Liège,  il  ne  date  que  de  1257. 

4 En  1149,  à Cologne. 

3 Bibliothèque  des  antiquités  belgiques , t.  II,  p.  40. 

4 Van  Duyse,  pp.  26,  57,  58.  — Voyez  plus  haut,  p.  105. 


( 285  ) 

l’iiospice  tics  tisserands,  depuis  couvent  des  Bogards;  I hospice 
des  foulons,  les  rames  ou  châssis  servant  à étendre  les  draps,  les 
foui  cries,  etc.  b 

Au  mois  de  juin  1281,  les  échevins,  les  doyens  et  huit  de  la 
gilde,  ainsi  que  tout  le  conseil  de  la  ville  réglèrent,  à Bruxelles, 
du  consentement  des  foulons,  maîtres  et  valets,  la  manière  de 
travailler  les  draps.  Ce  règlement  ne  contient  qu’une  seule  dis- 
position politique  : elle  défend  au  métier  de  s’assembler  et  de 
faire  des  collectes  sans  l’autorisation  de  la  gilde  et  en  l’absence 
du  valet  de  ce  dernier  corps 1  2. 

Les  confréries  de  Saint-Eloi  ou  des  forgerons,  qui  comprenaient 
encore  différentes  autres  professions  : les  orfèvres,  les  serruriers, 
les  peintres,  etc.,  jouirent  de  plus  de  faveur;  du  moins  on  ne  voit 
point  que  leur  existence  ait  été  menacée  ou  entravée.  Les  statuts 
de  celle  de  Malines,  que  l’élu  de  Liège,  Walter  Berthout  et  les 
échevins  approuvèrent  le  jour  de  saint  Thomas,  en  décembre 
1254,  contiennent  des  dispositions  curieuses  et  une  tendance  de 
charité  et  de  bienveillance  mutuelles,  qui  expliquent  mieux  que 
toute  autre  cause  la  force  vitale  qui  se  manifesta  par  la  suite  dans 
les  métiers. 

La  confrérie  était  gouvernée  par  des  doyens  et  des  jurés  pris 
parmi  les  forgerons,  mais  si  des  membres  le  désiraient,  iis  pou- 
vaient choisir,  comme  supérieurs,  deux  jurés  de  leur  métier  par- 
ticulier, à la  condition  toutefois  d’abandonner  à la  confrérie  les 
droits  perçus  en  son  nom.  Ces  doyens  et  jurés  étaient  juges  des 
différends  qui  s’élevaient  entre  le  maître  et  le  serviteur,  soit  parce 
que  celui-ci  aurait  quitté  le  maître  avant  la  lin  de  son  terme,  soit 
pour  coups  et  blessures.  Dans  ce  dernier  cas,  chacun,  maître  et 
serf  (servus) , devait  à la  gilde  un  pot-de-vin.  Un  article  spécial 
interdisait,  sous  peine  de  cinq  sous  de  Louvain,  d’aller  hors  de 
la  ville  à la  rencontre  des  voituriers  (caraccarii)  ou  des  marchands 
amenant  du  fer,  du  cuivre,  de  l’étain  ou  quelque  autre  métal, 
ou  du  charbon,  et  de  l’acheter  pour  soi  seul.  « Les  œuvres,  est-il 

1 Histoire  de  Bruxelles,  1. 1 , p.  o2. 

2 A Thymo,  partie  111 , titre  1,  c.  10.  — Histoire  de  Bruxelles,  t.  1 , p.  08. 


( 280  ) 

» dit  plus  loin,  qui  ne  sont  pas  animées  par  la  charité,  restant 
» infructueuses,  » les  frères  de  la  gilde  permettent  aux  doyens  et 
jurés  de  prêter  une  partie  de  l’argent  de  la  confrérie  au  confrère 
pauvre,  pourvu  qu’il  ait  des  outils  en  sa  possession  et  qu’on  ne  le 
eonnaisse  pas  comme  dissipateur.  Ses  instruments  et  de  « bonnes 
» gens  » lui  serviront  de  caution.  Le  confrère  ou  la  femme  de 
confrère,  devenus  pauvres  par  suite  de  maladie  ou  d’infirmité, 
doivent  être  également  secourus  par  les  chefs  de  la  confrérie,  et, 
si  un  membre  meurt,  ceux-ci  doivent  en  faire  avertir  les  autres 
par  le  serviteur  de  la  gilde,  qui,  à cet  effet,  parcourra  les  rues 
de  la  ville  avec  une  sonnette.  II  est  défendu  aux  confrères,  sous 
peine  d’une  amende  de  deux  sous,  de  travailler  après  l’heure  de 
midi,  la  veille  des  fêtes  de  la  Vierge,  et  après  l’heure  des  vêpres, 
le  samedi  et  aux  fêtes  des  Apôtres.  Une  autre  stipulation  interdit 
aux  serruriers,  sous  peine  de  cinq  sous,  de  fabriquer  des  clefs 
sans  être  nantis  des  serrures  auxquelles  ces  clefs  doivent  s’a- 
dapter K 

En  résumé,  au-dessus  des  métiers  se  plaçait  partout  la  bour- 
geoisie riche,  sous  le  nom  de  hanse  ou  de  gilde;  quelquefois 
celle-ci  se  partageait  encore  en  associations  imitant  la  famille  ou 
la  tribu  : lignages  ou  voisinages.  Partout  les  fonctions  munici- 
pales n’étaient  accessibles  qu’au  petit  nombre. 


il 

La  scission  des  riches  et  des  pauvres  bourgeois  s’était  manifestée 
en  France,  à Beauvais,  dès  l’année  1252.  Le  diplôme  de  124! 
interdisant  aux  artisans  de  Bruges  l’accès  de  l’échevinage,  et, 
l’année  suivante,  la  première  des  ligues  conclues  de  ville  à ville 
contre  les  artisans,  indiquent  qu’en  Flandre  et  en  Brabant  la  si- 
tuation commençait  à s’aggraver.  Par  une  charte  de  l’année  1265 1  2, 
on  voit  qu’à  Arras  une  partie  des  habitants  avait  conspiré  contre 

1 Azevedo , Oudheden  van  Mechelen , 1. 1 , pp.  91  et  suiv. 

2 Saint-Génois,  Monuments , p.  607. 


( 287  ) 

les  maire  et  échevins,  enlevé  les  reliques  de  la  chapelle  au  Marché, 
« et  commis  d’autres  crimes  énormes.  » Les  manifestations  dé- 
mocratiques des  Liégeois,  du  temps  de  Henri  de  Dinant,  celles  des 
Louvanistes  pendant  la  régence  de  la  duchesse  Aleyde;  la  révolte 
des  plébéiens  colonais,  qu’appuyèrent  successivement  les  arche- 
vêques Conrad  et  Englebert  II;  l’union  de  ceux  d’Utrecht  avec  les 
paysans  frisons,  toutes  ces  révolutions  comprises  dans  la  pé- 
riode de  peu  d’années  qui  va  de  l’an  1250  environ  à 1270,  nous 
montrent  le  parti  populaire  aspirant  avec  ardeur  au  pouvoir,  qui 
devait  enfin  lui  échoir,  dans  la  plupart  de  nos  cités,  au  commen- 
cement du  quatorzième  siècle. 

Les  dissensions  qui  se  manifestèrent  au  sein  des  çommunes , 
curent  pour  elles  le  résultat  le  plus  funeste.  Elles  sauvèrent  la  féo- 
dalité, qui  se  fortifia  en  ralliant  à sa  cause  l'aristocratie  bour- 
geoise. Si  les  villes  et  leurs  habitants  avaient  pu  s’entendre,  ils 
auraient  conquis  une  plus  large  part  dans  l’ordre  politique,  mais 
ils  consultèrent  leurs  nécessités  particulières  plus  que  les  grands 
intérêts  de  la  société,  et  ils  ajournèrent  ainsi,  pour  plusieurs 
siècles , le  triomphe  de  la  classe  moyenne. 

A proximité  du  Rhin  inférieur,  la  plupart  des  cités  impériales 
avaient  conquis  une  indépendance  presque  absolue,  tantôt  par 
leur  intervention  énergique  dans  les  guerres  qui  divisèrent  l’Em- 
pire, tantôt  par  suite  de  leur  engagère  successive  à différents 
princes.  Les  souverains  avaient  adopté  l’usage  de  marquer  leur 
première  réception  dans  une  cité  par  une  confirmation  générale 
de  ses  privilèges  1 ; les  possesseurs  engagistes  imitèrent  cet  exem- 
ple2. En  même  temps  se  généralisa  de  plus  la  coutume  , dont  on 
aperçoit  déjà  des  traces  aux  Pays-Bas , dans  la  seconde  moitié  du 
douzième  siècle,  de  faire  intervenir  les  villes  dans  les  actes  im- 

1 Chartes  de  Frédéric  II,  de  Guillaume  de  Hollande,  de  Richard,  de  Ro- 
dolphe, accordées  à Cologne,  à Aix-la-Chapelle,  etc.  (Lacomblel,  passïm)\ 
de  Henri  111,  duc  de  Brabant,  en  faveur  de  Louvain  (1249);  du  comte  d’Ar- 
tois, en  faveur  de  Saint-Omer  (1269,  dans  Saint-Génois);  de  Guy  de  Dampierre , 
en  faveur  de  Bruges  (1278.  Jules  de  Saint-Génois,  Inventaire , p.  76). 

2 Chartes  en  faveur  de  Sintzig  (1277,  1295),  de  Zulpich  (1290),  de  Duys- 
bourg , etc. 


( 288  ) 

portants.  Le  règne  de  Jean  Ier  en  offre  plusieurs  exemples,  notam- 
ment en  1207,  lors  de  sa  réconciliation  avec  les  Louvanistes; 
en  1278,  lors  de  la  négociation  du  mariage  du  111s  aîné  du  duc; 
en  1202,  quand  celui-ci  donna  à sa  noblesse  ses  célèbres  lettres 
de  non-préjudice. 

Un  vif  sentiment  de  patriotisme,  étroit  peut-être  dans  son  ap- 
plication, mais  qui  se  manifesta  pourtant  par  de  grandes  choses, 
porta  les  bourgeoisies  à améliorer  encore  leur  position.  De  là  ces 
alliances  conclues  entre  elles  : d'abord  dans  les  diocèses  de  Mayence 
et  de  Liège,  vers  Lan  1230;  puis  bientôt  sur  de  plus  larges  bases. 
De  là  encore  l'idée  féconde  d'utiliser  une  partie  des  ressources 
financières  de  la  commune  à solder  la  valeur  ou  les  talents  des 
barons  et  des  chevaliers,  comme  le  fit  la  ville  de  Gand  lorsqu’elle 
constitua  une  rente  viagère  à Waleram,  seigneur  de  Fauque- 
mont,  « parce  qu'il  s’était  humilié  à devenir  son  conseiller  l 2 *.  » 

11  serait  oiseux  de  parler  de  l’augmentation  des  possessions  des 
communes  et  de  leurs  richesses;  on  en  trouve  des  exemples  par- 
tout. Nous  nous  bornerons  à remarquer  que,  tout  en  obtenant  la 
faculté  de  se  fortifier  ou  d’augmenter  l'importance  de  leurs  dé- 
fenses, quelques-uns  des  centres  de  population  s’attachèrent  à 
faire  disparaître  les  châteaux  qui  pouvaient  menacer  leur  repos 
à l’intérieur  ou  à proximité,  et  à défendre  l’entrée  dans  leurs 
murs  des  troupes  qui  auraient  pu  y semer  l’épouvante. 

Pour  le  Brabant,  en  particulier,  on  peut  établir  ce  fait  que  la 
véritable  importance  du  tiers  état  ou  de  la  bourgeoisie,  comme 
corps  politique,  date  du  milieu  du  treizième  siècle.  On  peut  donc 
le  considérer  comme  ayant  grandi  en  môme  temps  que  celui  de 
Flandre,  et  un  peu  antérieurement  à celui  des  grands  Etats  voi- 
sins. Les  représentants  des  bourgs  d’Angleterre  ne  furent  en  effet 
appelés  au  Parlement  qu’une  fois,  par  exception,  du  temps  des 
luttes  de  Simon  de  Leicester  et  de  Henri  111,  et  régulièrement 
qu’à  dater  du  commencement  du  règne  d’Édouard  Ier  2.  Les  villes 
ne  siégèrent  aux  diètes  de  l’Empire  qu’en  1293  5,  et  au  Parlement 

1 Le  1er  mars  1299-1500.  Van  Duyse,  /.  c.,  p.  72. 

2 Hume,  Histoire  cl’ Angleterre  , t.  111 , pp.  107  et  suiv.  (édit.  Wouters). 

5 Abrégé  de  V histoire  cl’ Allemagne , p.  258. 


de  Paris  qu’en  1502,  quoique,  dans  l’un  et  dans  l'autre  pays,  elles 
eussent  depuis  longtemps  et  puissamment  soutenu  les  dépositaires 
du  pouvoir  suprême. 

L’habileté  des  prédécesseurs  de  Jean  Ier,  et  particulièrement  du 
duc  Henri  Ier,  dont  le  règne,  remarquablement  long,  présente  une 
série  fort  nombreuse  de  chartes  en  faveur  des  villes,  avait  couvert 
le  Brabant  de  lieux  privilégiés.  Leur  nombre  total  ne  s’élevait  pas 
à moins  de  trente- six  : Louvain,  Bruxelles,  Tirlemont,  Anvers, 
Léau,  Lierre,  Bois-le-Duc,  Aerschot,  Sichem , Diest,  Ilaelen , 
Asschc,  Merehten,  Cappellc-au-Bois , Yilvorde,  Tervuercn , Duys- 
bourg,  Over-Yssche,  IViv elles , Genappe,  Wavre,  Grez,  Incourt, 
Jodoigne,  Landen , Hérentals,  Turnhout,  Arendonck,  Eyndho- 
ven  , Oisterwyek,  Bréda,  Steenbcrg,  Grave,  Sint- Oden  - Rode , 
Oss,  Ilelmont,  etc.  Et  encore  omettons-nous  ici  des  villages  dont 
les  immunités  n’avaient  qu’une  importance  secondaire,  ou  dont 
les  libertés  n’avaient  été  sanctionnées  que  par  des  seigneurs. 

Le  prince  dont  nous  esquissons  la  biographie,  tout  en  se  mon- 
trant favorable  aux  développements  du  commerce  et  de  l’indus- 
trie, ces  deux  grandes  bases  de  la  prospérité  des  villes  , ne  marqua 
son  règne  que  par  un  petit  nombre  de  concessions,  dont  la  plupart 
ne  datent  que  de  la  lin  de  son  règne,  de  l’époque  où  il  se  trouva 
dans  ses  plus  grands  besoins  d’argent. 

En  voici  une  liste  sommaire,  augmentée  de  quelques  actes 
émanant  de  barons  du  Brabant  : 

29  juin  1267.  Confirmation  et  ampliation  des  privilèges  de 
Louvain. 

Janvier  1267-1268.  Henri  de  Louvain,  sire  de  Bréda,  accorde  h 
ses  sujets  d’Etten  la  loi  dite  Jfoevensch  charter  l. 

19  mai  1270.  Confirmation,  pure  et  simple,  des  concessions 
faites  aux  Louvanistes  par  le  père  de  Jean  Ier,  Henri  III,  et  son 
aïeul,  Henri  IL 

Actes  de  la  même  date,  confirmant  le  pardon  octroyé  aux 
Louvanistes  parla  duchesse  Aleyde,  et  la  charte  de  Henri  111- 
qui  permet  de  donner  un  bien  en  location  pour  plus  d’un  an. 


1 Vau  Goor,  Beschrycing  van  Breda,  pp.  588  à 590. 
Tome  XIII. 


19 


29  juin  1272.  Déclaration  d’Arnoui,  sire  de  Bréda,  que  les 
habitants  d’Oosterhout  sont  exempts  de  péages  dans  tout  le  Bra- 
bant, et  qu’il  doit  se  tenir  dans  cette  localité  un  marché  toutes  les 
semaines  et  une  foire  tous  les  ans  h 

1272.  Keure  donnée  aux  habitants  de  Steenbergen,  par  le 
même  Arnoul  et  sa  femme 1  2. 

b septembre  1282.  Approbation,  par  le  duc,  de  quelques  points 
décidés  par  la  commune  de  Louvain,  « un  prince  devant  accueillir 
» des  prières  convenables  et  accorder,  pour  des  causes  légitimes , 
» ce  qui  n’est  pas  contraire  à ses  droits.  » Toutes  les  amendes 
résultant  des  stipulations  de  cette  charte  doivent  être  partagées 
par  moitié  entre  le  duc  et  la  ville  3. 

1285-1284.  Confirmation  des  droits  de  la  gilde  de  Louvain. 

Lundi  avant  la  Purification,  en  1285-1284,  exemption  de  ton- 
lieux  octroyée  à Bois-le-Duc  4. 

Dimanche  après  la  Saint-André  1289.  Confirmation  des  privi- 
lèges octroyés  par  Henri  Ier,  en  122G,  au  village  de  Duysbourg  5. 

1289.  Approbation  des  statuts  arrêtés  par  la  gilde  de  Bruxelles. 

9 avril  1290.  Restitution  à la  ville  et  à la  banlieue  de  Lierre  et 
à leurs  habitants,  de  leurs  anciennes  libertés  6. 

21  septembre  1290.  Confirmation,  par  le  due,  de  quelques  arti- 
cles arrêtés  par  les  bourgeois  de  Léau , « pour  le  bien  commun 
» de  la  cité,  et  en  considération  des  services  nombreux  rendus 
» par  la  ville  à lui  et  à ses  prédécesseurs,  » et  approbation  de 
leurs  anciens  privilèges  7. 

28  septembre  1290.  Privilèges  importants  accordés  aux  Bruxel- 
lois 8. 


1 Van  Goor,  l.  c.,  p.  425. 

2 Gramaye,  Anüquitates  Bredanae,  pp.  24  et  28.  — De  Rouck,  Den-Ne- 
derlandschen  herauld , p.  285. 

3 Willems,  Van  Heelu,  p.  409. 

4 Registre  des  chartes  déposées  en  1198  et  1500,  f°  75  (en  extrait). 

5 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  111 , p.  426. 

e Willems , l.  c.,  p.  520. 

7 Ibidem,  p.  551. 

8 Luyster  van  Brabant,  lre  partie,  p.  49. 


( 291  ) 

29  du  même  mois.  Charte  en  faveur  des  Louvanistes,  sem- 
blable à celle  de  Léau  h 

21  février  1290-1291.  Autre  charte,  de  même  teneur,  concédée 
aux  Anversois 1  2 3. 

24  février  1290-1291.  Charte  très-curieuse,  accordée  à la  ville 
de  Tirlemont  5. 

15  avril  1290-1291.  Autre,  en  faveur  d’Hérentals  4. 

1292.  Énumération,  par  Jean  Ier,  des  libertés  dont  jouissent 
les  habitants  d’Aerschot  b. 

Mercredi  après  les  octaves  des  saints  Pierre  et  Paul,  en  1293. 
Confirmation  de  la  charte  de  1222,  qui  avait  accordé  aux  habi- 
tants de  Wavre  les  droits  des  Louvanistes  6. 

On  attribue  à Jean  1er  les  premières  libertés  d’Ililvarenbeke  7, 
et  à un  duc  de  ce  nom  la  création  d’une  franchise , ou  bourgade 
libre,  dans  la  paroisse  de  Braine-F Alleu  8. 

Lorsque  Jean  Ier  fit  son  entrée  dans  Louvain,  en  1207,  il  con- 
firma solennellement  toutes  les  libertés,  coutumes  et  droits  de  la 
ville,  ainsi  qu’elle  les  avait  possédés  du  temps  de  son  père,  de  son 
aïeul,  de  son  bisaïeul  et  de  ses  autres  ancêtres.  Il  promit  aussi  de 
maintenir  en  son  entier  le  traité  de  réconciliation  conclu  entre  sa 
mère  et  les  habitants,  et  il  garantit  à ceux-ci  plusieurs  libertés 
nouvelles.  Comme  il  n’avait  pas  son  sceau  près  de  lui,  les  sei- 
gneurs de  Malines,  de  Diest  et  de  Wesemael  et  les  députés  de  la 
ville  de  Bruxelles  scellèrent  la  charte  en  son  nom.  Il  n’abolit  ni 
les  deux  chefs  de  chaque  métier,  ni  les  vingt-cinq  porte-bannières 
nouvellement  institués,  mais  il  affermit  l’autorité  du  magistrat, 
qui  se  composait  alors  du  maire,  des  échevins  et  des  jurés.  Sans 

1 Willems , l.  c , p.  554. 

2 Geschiedenis  van  Antwerpen , t.  Iï,p.  502. 

3 Oets,  Histoire  de  la  ville  et  des  institutions  de  Tirlemont,  t.  1,  pp.  52 
et  258. 

•'*  Willems,  Brabantsche  Yeesten,  t.  1,  p. 676. 

5 Gramaye,  Lovanium , p.  55. 

G Registre  des  chartes  déposées  en  1498  et  1500,  f°  56. 

7 Gramaye,  Taxandria,  p.  56. 

8 Gramaye  , Gallo-Brabantia,  p.  57. 


leur  consentement,  on  ne  pouvait  ni  sonner  la  cloche  d’alarme,  ni 
conduire  au  dehors  l’étendard  de  la  commune  et  les  bannières 
(signacnla).  Les  Louvanistes  pouvaient  s’assembler  quand  ils  le 
jugeaient  convenable,  mais  à la  condition  de  ne  pas  se  condamner 
à des  peines  dans  ces  réunions  h L’un  d’eux  avait -il  des  motifs 
de  plaintes,  il  devait  s’adresser  : d’abord  au  juge  (ou  olïieier  du 
prince),  puis,  en  cas  de  négligence  de  sa  part,  aux  jurés. 

La  charte  donnée  à Bruxelles,  en  4290,  témoigne  du  change- 
ment qui,  à certains  égards,  s'était  opéré  dans  les  esprits.  I!  y est 
strictement  défendu  aux  métiers  de  s’assembler  et  de  former*  uuc 
commune  ( malien  commoignie  onder  lien),  sans  l’assentiment  de 
l’amman  et  des  échevins.  C’est  la  principale  disposition  que  ren- 
ferme cct  acte,  par  lequel  la  heure  de  1229  fut  confirmée,  des 
améliorations  apportées  dans  le  droit  civil  et  des  concessions  de 
revenus  octrovées  à la  résidence  ducale. 


Y eut-il  des  luttes,  des  guerres  de  ville  à ville,  des  violences 
exercées  au  nom  de  celles-ci?  on  n’en  sait  rien.  Seulement  une 
chronique  postérieure  rapporte  le  fait  suivant  dont  rien  n’établit 
l’authenticité  : Un  abbé  de  Vlierbeek  ayant  eu  un  démêlé  avec  la 
ville  de  Louvain,  obtint  de  l'évêque  de  Cambrai  une  sentence  en 
sa  faveur.  La  ville  s’étant  plainte  au  duc,  celui-ci  répondit  à ses 
délégués  en  souriant:  « N’êtes-vous  pas,  vous,  les  habitants  de 
» Louvain,  aussi  redoutables  que  cet  abbé?  » Les  Louvanistes  pri- 
rent ces  paroles  pour  une  autorisation  tacite  de  tirer  vengeance  de 
leur  ennemi.  Us  se  dirigèrent  en  armes  contre  le  monastère,  le 
saccagèrent  et  le  détruisirent  de  fond  en  comble.  Peu  de  temps 
après,  l’abbé  se  présenta  devant  les  magistrats  de  Louvain  et  de- 
manda une  attestation  authentique  des  violences  dont  il  avait  eu  à 
souffrir.  Muni  de  ce  document,  il  partit  pour  Rome  et,  à sa  re- 
quête, le  pape,  de  l’avis  des  cardinaux,  porta  en  l’année  1277,  une 
sentence  d’excommunication  contre  le  duc  et  tous  les  Brabançons. 
Les  Anvcrsois  et  les  habitants  du  marquisat  d’Anvers  réclamè- 
rent en  alléguant  qu’ils  ne  formaient  pas  une  partie  du  duché, 
mais  un  fief  particulier,  relevant  de  l’Empire.  Grégoire  X accueillit 


1 El  .sine  banduno  invice m ah  ipsis  statuendo. 


( 295  ) 

leur  demande;  peu  de  temps  après,  il  promit  aux  Brabançons  qu’au 
bout  de  sept  années  l’interdit  serait  levé,  et  déclara,  qu’en  atten- 
dant, les  morts  pourraient  être  ensevelis  dans  les  cimetières,  mais 
non  en  terre  bénite;  les  mariages  célébrés  en  face  d’église,  les 
enfants  baptisés,  les  offices  divins  célébrés  à porte  close,  la  parole 
sainte  prèchéc  sans  autre  appel  qu’un  léger  tintement  de  cloche  h 

On  sait  que  la  ville  de  Diest,  quoique  comprise  dans  le  duché, 
formaità  proprement  parler  le  patrimoine  d’une  race  seigneuriale, 
nos  princes  n’y  ayant  que  la  souveraineté.  Arnoul,  sire  de  Diest, 
et  les  bourgeois  eurent,  à l’occasion  de  leurs  droits  respectifs,  une 
longue  contestation.  Elle  alla  si  loin  que  le  seigneur  de  Diest  lit 
enterrer  vivants  deux  bourgeois,  sans  qu’aucune  sentence  eût  été 
portée  à leur  charge.  Jean  Ier,  reconnu  comme  arbitre,  termina 
cette  querelle  par  une  sentence  datée  de  Bruxelles,  le  jeudi  après 
FAnnonciation , en  1279. 

Une  enquête  faite  par  l’écoutète  d'Anvers,  Walter  Volcart,  et 
par  le  maire  de  Tirlemont,  Ywain  de  Meldert,  avait  au  préalable 
déterminé  les  droits  respectifs  des  deux  parties. 

Tous  les  ans,  le  jour  de  saint  Remî,  les  sept  échevins  de  Diest 
nommaient  leurs  successeurs,  qu’ils  devaient  présenter  au  sei- 
gneur. Ce  dernier  pouvait  se  refuser  à les  accepter,  mais  il  fallait 
que  ce  refus  fut  général  et  non  limité  à quelques-uns  d’entre  eux; 
les  échevins  avaient  le  droit  de  choisir  d’autres  candidats,  à deux 
reprises;  à la  troisième  présentation,  leur  choix  ne  pouvait  plus 
faire  l’objet  d’un  refus. 

Le  duc  confirma  à Arnoul  le  droit  de  percevoir  le  tonlieu  des 
bouchers  et  de  leur  concéder  l’emplacement  qu’ils  pouvaient  oc- 
cuper; le  cens  de  la  bière  ( censura  cerevisialem  vulgariter  dictum 
Pantsys),  la  concession  des  étaux  près  du  mur  du  cimetière  et 
des  baraques  de  marchands  pendant  les  foires,  la  pêcherie  dans  le 
Dénier.  Les  pâtures  communes  furent  partagées  entre  le  seigneur 
elles  habitants,  conformément  à ce  qu’avaient  anciennement  sti- 
pulé les  chevaliers  Walter  Chitine  et  Conon  de  Bierbais. 

1 Vieille  chronique  cle  Brabant,  publiée  par  la  Société  historique  d’Utrecht. 
( Codex  diplomaticus  Neerlandicus , IIe  série,  t.  lit,  p.  08.) 


*8» 


( 294  ) 

Le  seigneur  fut  tenu  à indemniser  quelques  bourgeois  des  pertes 
qu’ils  avaient  éprouvées , et  le  duc  se  réserva  le  prononcé  de  la 
peine  et  la  perception  de  l’amende  que  le  seigneur  avait  encou- 
rues, en  ordonnant  d’enterrer  vifs  deux  bourgeois l.  Quant  à l’ar- 
gent dont  les  Diestois  avaient  ordonné  la  levée,  Jean  Ier  autorisa 
Arnoul  à le  faire  recevoir  par  un  serviteur  spécialement  désigné 
à cet  effet,  mais  à la  condition  de  l’employer  à payer  les  dettes  de 
la  ville.  Le  seigneur  devait  en  outre  accorder  un  pardon  complet 
à cette  dernière,  qui,  de  son  côté,  lui  payerait  deux  cents  livres 
tournois  2. 

En  1290,  le  mardi  après  la  nativité  de  saint  Jean-Baptiste, 
Arnoul,  sa  femme  Elisabeth  et  leur  fils  Gérard  confirmèrent  les 
libertés  et  les  coutumes  de  Diest,  promirent  aux  habitants  de  ne 
plus  leur  imposer,  que  de  leur  plein  gré,  des  tailles,  assises  ou 
autres  extorsions,  et  défendirent  dans  cette  vifle,  comme  nous 
l’avons  déjà  dit,  la  formation  de  gildes  ou  de  factions  nuisibles  à 
la  commune  5. 

Dans  les  autres  provinces  des  Pays-Bas,  comme  en  Brabant,  les 
privilèges  communaux  reçurent  peu  d’extension.  Dans  plusieurs 
provinces,  les  grandes  cités:  Gand,  Bruges,  Ypres,  Valenciennes, 
Namur,  Cambrai,  eurent  des  luttes  à soutenir  contre  leurs  princes; 
Luxembourg,  moins  important,  fut  également  le  siège  d’une  sé- 
dition, quoique  les  comtes  du  pays  de  ce  nom  eussent  continué 
le  travail  d’affranchissement  commencé  sous  la  comtesse  Ernié- 
sinde  4.  Le  seul  pays  où  les  chartes  fussent  alors  réellement  abon- 
dantes, c’est  la  Hollande,  mais  nous  sortirions  de  notre  sujet  en 
en  abordant  l’examen  détaillé. 

En  présence  du  développement  que  les  villes  prenaient  de  plus 

1 Item  dicimus  quod  cum  dominus  de  Dyst  duos  burgenses  vivos  info - 
derit  sine  judicio,  quod  hoc  ad  voluntatem  nostram  emendabit,  quam 
emendam  nobis  reservamus. 

2 Messager  des  sciences  historiques , année  1860,  p.  447. 

5 Bulletins  de  la  Commission  royale  d’histoire , om°  série,  t.  II,  p.  474. 

4 L’affranchissement  de  Bidbourg  date  de  1262,  et  celui  de  Nassogne  de 
1274.  Ce  dernier  émane  de  Gérard  de  Durbuy.  En  1282*,  Henri,  comte  de 
Luxembourg  , qui  périt  à Woeringen,  ratifia  les  privilèges  accordés  par  ses 
parents  à sa  capitale.  Consultez  Berthelet , t.  Y,  passim. 


( 295  ) 

en  plus,  on  conçoit  de  quelle  importance  devait  être  la  nomination 
des  magistrats  chargés  de  présider  à l’administration  de  la  cité. 

Leurs  attributions  atteignirent  d’énormes  proportions,  la  ma- 
gistrature communale  ayant  hérité  à la  fois,  presque  partout,  des 
attributions  de  l’ancienne  curie  romaine  et  de  celles  du  tribunal 
échevinal  des  comtés  francs,  et  joint  à ce  patrimoine  des  temps 
antérieurs  les  pouvoirs  dont  les  événements  nécessitaient  la  con- 
centration entre  ses  mains.  La  mission  la  plus  auguste  des  échevins 
était  d’assigner  à chacun  son  droit,  même  aux  seigneurs  h Un  cas 
douteux  se  présente-t-il,  c’est  à leur  tribunal  qu’on  s’adresse  : ils 
examinent,  ils  s’enquièrent,  puis  ils  décident.  En  eux  repose  donc 
la  tradition  légale;  ils  constituent  la  loi  vivante;  bien  plus,  ils 
créent  la  loi  écrite,  car  ces  cas  déterminés  par  eux,  ils  en  ordon- 
nent la  transcription  dans  leurs  registres,  ils  les  mettent  en  wctrde 
de  loi.  Attendons  trois  siècles,  et  de  ces  matériaux  accumulés  pierre 
par  pierre  naîtront  ces  coutumes  remarquables,  où  à côté  d’er- 
reurs et  de  divergences  explicables,  se  rencontre  une  recherche 
étonnante  de  l’équité.  C’était  devant  les  échevins  que  se  passaient 
les  actes  en  matière  réelle,  ils  étaient  juges  au  criminel  et  au  civil, 
ils  géraient  les  finances  de  la  cité,  ils  la  représentaient  dans  les 
assemblées  des  états  et  souvent  dans  les  ambassades;  au  besoin, 
ils  combattaient  en  tête  de  la  milice  de  la  commune. 

Insensiblement,  ces  attributions  multipliées  se  partagèrent  : en 
beaucoup  d’endroits,  on  sentit  la  nécessité  d’élever,  à côté  de 
l’échevinage,  des  pouvoirs  rivaux  et  pondérateurs.  Ainsi,  sur  les 
bords  du  Rhin,  à Cologne,  à Aix  et  à Liège,  il  y avait  des  maîtres 
des  citoyens , semblables  aux  prévôts  des  grandes  villes  des  bords 
derEscaut  : Tournai,  Cambrai,  Valenciennes;  de  même,  Bruges 
et  Louvain  virent  à leur  tête,  la  première,  à partir  de  l’année 
1280  environ,  un  burchmeester 1  2;  la  seconde,  dès  l’année  1254, 
des  maîtres  de  la  commune.  Tous  ces  noms  différents  désignaient 

1 On  en  voit  un  exemple  frappant  clans  ce  fait  qu’en  1254,  ce  sont  des  éche- 
vins qui  sont  chargés  d’assigner  à l’archevêque  de  Cologne  et  au  comte  de 
Juliers  leurs  droits  respectifs  à Zulpich. 

2 Un  borchmeester  existait  déjà  à Middelbourg,  en  1253.  Voyez  la  keure 
de  cette  année  , article  58. 


( 296  ) 


des  magistrats  ordinairement  peu  nombreux,  le  plus  souvent 
n’étant  qu’un  ou  deux,  afin  de  donner  plus  d’ensemble  à leurs 
opérations,  mais  ayant  la  direction  suprême  delà  bourgeoisie,  de 
véritables  bourgmestres  en  un  mot. 

Ceux  que  l’on  appelait  en  Allemagne  consuls  b à Liège  et  plus 
à l’ouest  jurés,  ne  se  bornaient  pas  aux  simples  fonctions  de  con- 
seillers, comme  on  l’a  dit  souvent.  Des  textes  formels  de  chartes  s’y 
opposent  et  leur  attribuent  la  police  criminelle,  le  jugement  des 
causes  provenant  du  texte  des  heures,  tandis  que  la  justice  civile 
reste  l’apanage  des  échevins.  Mais,  excepté  Louvain,  où  ils  se 
maintinrent  toujours,  les  jurés  disparurent  presque  partout  en 
Brabant.  A Bruxelles,  ils  paraissent  avoir  cessé  d’exister  vers  l’an- 
née 1274. 


Dans  un  grand  nombre  de  villes  existait  aussi  un  conseil 
de  la  cité  ( commune  consilium  oppidi).  Middelbourg  en  1217, 
Bruxelles  dès  1282,  en  possédaient  un.  Il  était  convoqué,  comme 
le  dit  la  charte  de  Capricke  de  l’an  1241,  toutes  les  fois  qu’il 
s’agissait  d’affaires  d’un  intérêt  général.  Quelquefois  c’étaient  les 
échevins  qui  en  nommaient  les  membres  (charte  de  Bruges,  de 
l’an  1281). 

Nos  principales  localités  ne  connaissent,  pour  la  plupart,  que 
des  échevins.  Ils  étaient  éligibles  tous  les  ans  : à Bruxelles,  en 
vertu  d’une  charte  de  1254 1  2;  à Louvain  3 et  dans  presque  toutes 
les  villes  de  Flandre,  en  vertu  d’ordonnances  datant  de  1241.  Lors 
de  l’avénement  de  Jean  Ier,  les  Louvanistes  se  plaignirent  que  ces 
magistrats  se  considérassent  comme  inamovibles,  et  le  duc  promit 
d’en  nommer  d'autres  tous  les  ans,  la  veille  de  saint  Jean-Bap- 
tiste, sans  que  les  échevins  sortants  pussent  être  immédiatement 
réélus.  Mais  cette  concession,  qu’il  renouvela  en  1270  et  en  1282. 
ne  fut  pas  très -religieusement  observée,  car  Walter  le  Cardinal, 
Guillaume  de  Calster,  Jean  de  Nethen,  Gilles  Lisensone,  Arnouî 
Nobel,  Arnoul  ïlcrendocte,  Jean  de  Iluldenberg,  Franc  de  Zade- 


1 11  y avait  à Cologne,  en  1295,  des  consuls,  tant  supérieurs  qu’inférieurs. 
Faut-il  traduire  ces  deux  dernières  expressions  par  patriciens  et  plébéiens? 

2 Histoire  de  Bruxelles,  t.  1,  p.58. 

r’  Piot,  Histoire  de  Louvain  , 1.  I . p.  150. 


( 297  ) 

leer,  et  Walter  Corsehoul  figurent,  presque  seuls,  de  1267  à 
1282,  dans  les  listes  de  l’échevinage.  Le  même  fait  se  produisit  à 
Bruxelles. 

Ce  fut  principalement  vers  le  Rhin  et  la  Meuse  que  l’échevinage 
continua  à être  un  office  viager.  Mais,  comme  nous  l’avons  vu, 
son  influence  toute-puissante  était  pondérée  par  l’existence  d’au- 
ires  corps  politiques  : Gand  seul  présentait  une  organisation  tout 
exceptionnelle.  Elle  était  régie  par  les  Trente-Neuf,  magistrats 
nommés  à vie  et  qui  se  recrutaient  eux-mêmes,  en  se  partageant 
en  trois  séries,  dont  les  attributions  changeaient  d’année  en  an- 
née; treize  étaient  échevins  ou  juges,  treize  autres  conseillers  ou 
administrateurs,  et  les  treize  derniers  vagues,  c’est-à-dire  qu’ils 
n’avaient  aucune  fonction  déterminée. 

La  plupart  des  chartes  accordées  aux  villes  ne  sont  que  des 
approbations  d’ordonnances  faites  par  les  bourgeois  entre  eux; 
nous  avons  essayé  de  bien  faire  ressortir  ce  fait  dans  la  liste  que 
nous  avons  donnée  à la  page  289.  Les  statuts  municipaux,  en  effet, 
émanaient  de  l’autorité  collective  du  maire  et  des  échevins,  et, 
sans  ecs  derniers,  le  premier  n’y  pouvait  rien  changer  b 

Les  échevins  avaient,  de  temps  immémorial,  la  collation  des 
emplois  communaux,  et  particulièrement  de  l’écrivain  chargé 
d'enregistrer  les  contrats  passés  devant  eux 1  2,  et  du  percepteur 
des  revenus  3.  Dans  d’autres  localités,  ils  avaient  déjà  adopté 
l’usage  de  nommer  un  légiste,  qui  prit  le  nom  de  pensionnaire, 
et  qui  les  aidait  de  ses  conseils  et  de  ses  lumières,  mais  cette  inno- 
vation, qui  devait  puissamment  aider  à la  renaissance  de  l’étude 
du  droit  romain,  ne  fut  imitée  en  Brabant  que  plus  tard  4.  Les 
bourgeois  n’étaient  justiciables  que  des  échevins;  s’il  arrivait 
que  l’officier  du  duc,  à la  première  requête  de  deux  échevins, 
ne  leur  fit  pas  rendre  justice,  la  ville  où  le  fait  se  produisait 
pouvait  s’adresser  au  duc,  ou,  dans  le  cas  où  il  aurait  quitté  le 

1 Léau,  1290. 

2 Anvers,  1290-1291. 

3 Léau,  1290. 

4 En  1296,  Henri  Fourès  fut  nommé  en  celle  qualité  à Tournai.  Chotin, 
t.  t,  p.  2ô9. 


( 298  ) 

pays,  à son  sénéchal.  Le  déni  de  justice  continuait-il,  les  échevins 
delà  ville  lésée  étaient  autorisés  à suspendre  leurs  séances  jus- 
qu’à ce  qu’ils  eussent  obtenu  satisfaction  i. 

Dans  le  chapitre  suivant  sera  compris  l’exposé  des  modifications 
qui  s’introduisirent,  à la  même  époque,  dans  la  législation , et  des 
développements  que  reçurent  les  ressources  financières  des  villes. 


CHAPITRE  Xi. 

ADMINISTRATION  ET  FINANCES.  — ORGANISATION  MILITAIRE. 


I. 

Le  rétablissement  de  l’ordre  et  de  la  tranquillité  dans  le  pays, 
qui  fut  la  première  conséquence  de  l’institution  des  communes, 
donna  naissance  à une  jurisprudence  nouvelle,  empruntée  en 
partie  au  droit  romain,  en  partie,  au  droit  germanique;  les  pri- 
vilèges et  les  heures  accordés  à nos  villes  déterminèrent  les  péna- 
lités qui  punissaient  les  différents  genres  de  délits  et  de  crimes , 
puis  ce  travail  de  rénovation  juridique  fut  complété  par  des  ordon- 
nances successives,  émanées  des  autorités  des  communes  mêmes. 

Sans  qu’il  y eut  jamais  de  coutume  générale  pour  tout  le  Bra- 
bant, cependant  on  reconnaissait  l’existence  de  certaines  disposi- 
tions universellement  reçues;  ainsi,  le  droit  des  filles  d’hériter 
des  fiefs,  à défaut  de  fils,  faisait  partie  du  droit  brabançon.  Ainsi 
encore,  le  vendeur  d’un  bien  s’obligeait  à garantir  l’acheteur 
contre  toute  réclamation,  conformément  à la  loi  brabançonne 
( secundum  legem  de  Brabantia) , et  à renoncer  à toute  espèce 
d’exception  légale. 

4 Louvain,  1290  ; Léau,  1290;  Anvers,  1290*1291. 


( 299  ) 

Pour  les  villes,  on  ne  rencontre  que  quelques  dispositions  des- 
tinées à compléter  des  lacunes  ou  à confirmer  d’anciens  usages. 
Ainsi,  à Louvain, tout  individu  coupable  d’avoir  suscité  une  que- 
relle devait,  sous  peine  de  quarante  sous  d’amende,  demander  la 
prolongation  de  sa  trêve,  la  veille  du  jour  où  elle  expirait;  les 
parents  avaient,  de  plein  droit,  immédiatement  après  la  rixe, 
une  trêve  complète  d’un  jour  et  d’une  nuit.  Une  institution  nou- 
velle, mais  qui  ne  pénétra  dans  le  Brabant  qu’un  peu  plus  tard, 
prouve  la  multiplicité  croissante  des  querelles  : nous  voulons 
parler  des  tribunaux  d'apaiseurs  ou  pacificateurs , qui  furent 
établis  à Douai  en  1208  et  à Valenciennes  en  1 278  b 

Les  villes  réclamèrent  hautement  et  maintinrent  le  droit  de 
venger  les  injures  reçues  par  elles  ou  par  un  membre  de  leurs 
bourgeoisies.  Dans  un  cas  de  ce  genre,  tous  les  habitants,  riches 
ou  pauvres , devaient  prendre  les  armes  pour  marcher  à l’offen- 
seur et  incendier  sa  forteresse  s’il  résistait.  Valenciennes  et  Tournai 
exercèrent  avec  énergie  ce  droit,  ce  seul  mode  efficace  de  répri- 
mer les  brigandages  qui  désolaient  les  campagnes. 

Dans  ces  dernières,  où , jusque-là  $ rien  n’avait  été  statué  que 
pour  quelques  villages  dotés  de  franchises,  les  crimes  étaient 
punis  avec  une  cruauté  effroyable  : la  décapitation,  la  pendaison, 
l’ensevelissement  tout  vif,  l’aveuglement  étaient  comminés  contre 
les  coupables2;  des  amendes  variables  en  frappaient  d’autres, 
ceux  qui  pouvaient  se  racheter  de  la  mort  à prix  d’argent.  Le  règne 
de  Jean  le  Victorieux  vit  apparaître  toute  une  série  de  grandes 
mesures  qui  concernent  particulièrement  le  droit  pénal.  Dans  l’an- 
née 1275,  Godefroid  de  Vianden  et  Léon  d’Aa  donnèrent  une 
charte  à la  terre  de  Grimberghe;  par  malheur,  on  n’en  connaît, 
qu’un  texte  modifié  au  seizième  siècle  5.  Vint  ensuite  la  ketire 
de  la  terre  de  Gaesbeek,  que  Henri  de  Louvain  octroya  « pour  le 
» salut  de  son  âme,  le  bien  de  son  pays  et  l’amour  qu’il  portait  à 
» ses  sujets,  de  leur  avis  et  de  celui  de  ses  vassaux  et  de  ses  éche- 

1 D’Oui  treman , Histoire  de  Valenciennes , p.  356. 

2 ...  Fossato  apud  Yscham...  Hanekino  de  Wambeke  excecato.  ( Compte  de 
l’animan  Lenken.) 

3 Coutumes  de  Brabant,  t.  I , p.  53t. 


( 500  ) 

» vins.  » Cette  loi  est  digne  d'attention  sous  tous  les  rapports.  On 
s'aperçoit  qu’elle  cinane  d'un  esprit  large,  d’un  cœur  généreux. 

Voulant  prévenir  ou  réprimer  l’abus  que  quelques-uns  de  ses 
serviteurs  faisaient  ou  pourraient  faire  de  leur  pouvoir,  Henri  de 
Louvain  défend  à ses  valets  de  s’emparer  des  chevaux  de  ses 
sujets,  et,  consacrant  le  droit  de  résistance  à la  tyrannie,  il  auto- 
rise ceux-ci  à repousser  dans  un  cas  pareil  la  force  par  la  force, 
sans  méfaire  contre  lui.  Il  stipule  seulement  qu’il  continueront 
à faire  les  corvées,  et  à observer  le  droit  de  banalité  que  ses 
prédécesseurs  et  lui  avaient  possédé;  par  contre,  il  leur  promet 
de  payer  leurs  dépenses , lorsqu’ils  seront  à son  service.  Après 
avoir  juré  de  traiter,  conformément  à la  loi  qu’il  décrète,  tous  ses 
sujets,  riches  ou  pauvres,  et  ordonné  que  scs  justiciers  et  leurs 
successeurs  prendraient  le  même  engagement,  Ilenri  déclare  en- 
core : que  si  lui  ou  eux,  après  trois  sommations,  ne  rendaient 
pas  la  justice  lorsqu’on  les  en  requerrait,  ses  hommes  de  fief,  en 
vertu  de  leur  prestation  d’hommage,  et  ses  échevins,  pour  obéir 
à leur  serment,  et  les  uns  et  les  autres,  sous  peine  d être  mis  hors 
la  loi  et  proclamés  parjures  (wetteloes  ende  meynedich),  s’abstien- 
draient de  siéger  comme  juges,  aussitôt  qu’ils  seraient  avertis  du 
fait.  Enfin,  il  scella  cette  charte  et  la  fit  sceller  par  les  échevins 
de  Leeuw,  de  Lcnnick,  d’Itterbeek,  de  Bodeghem  et  de  Strythem, 
et  approuver  par  Mathilde  d’Aa,  qui  possédait  une  partie  des 
deux  villages  de  Lennick  (octobre  1284)  b 

Les  célèbres  kcures  cantonales  de  l’an  1292  dont  on  possède 
à la  fois  le  texte  flamand,  à l’usage  de  l’ammanie  de  Bruxelles  et 
du  quartier  d’Anvers,  et  le  texte  français  pour  le  Romanch  pays 
de  Brabant  ou  bailliage  de  Nivelles,  sont  presque  entièrement 
calquées  sur  la  précédente,  les  dispositions  finales  exceptées 1  2.  En 
voici  un  résumé  succinct  : 

Celui  qui  vous  accusera  de  mensonge  ou  de  parjure  ou  qui  ap- 

1 Environs  de  Bruxelles , t.  1,  pp.  130  à 134. 

2 La  keure  de  ranimante  de  Bruxelles  se  trouve  dans  le  Luyster  van  Bra- 
bant, lre  partie,  p.  52;  Loovens,  Practycke  van  Brabant,  t.  111,  p.  13; 
Willems,  Van  Heelu,  p.  541  ; la  keure  de  Nivelles  dans  ce  dernier  ouvrage, 
p.  549,  et  celle  d’Anvers  dans  les  Mengelingen  . p.  439. 


( 301  ) 

pelle  sur  vous  la  malédiction  du  ciel , paye  cinq  escalins  de  Lou- 
vain. Celui  qui  vous  frappe  avec  le  pied  ou  la  main,  qui  vous 
déchire  vos  vêtements  ou  vous  arrache  les  cheveux,  doit  donner 
dix  escalins,  outre  une  composition  à votre  profit,  qui  est  fixée 
par  les  hommes  de  fief  ou  les  échevins.  Si  la  personne  frappée 
tombe  à terre,  l’amende  est  de  quinze  escalins,  si  son  sang  coule, 
de  vingt.  Quand  on  menace  seulement  du  bâton,  on  ne  doit  que 
dix  escalins,  mais  on  en  paye  vingt  si  l'on  frappe  son  adversaire; 
trente,  si  on  le  jette  à terre;  trois  livres,  si  l’on  fait  couler  son  sang  Ç 
cent  escalins,  si  on  lui  cause  des  blessures  graves.  Le  fait  de  tirer 
simplement  l’épée  est  puni  de  vingt  escalins  d’amende;  quand  on 
s’en  sert  et  qu’il  en  résulte  une  blessure,  celle  somme  est  quin- 
tuplée; les  blessures  sont-elles  graves,  le  coupable  donne  sept 
livres,  et  en  cas  de  perte  d’un  membre  ou  de  la  vie,  on  applique 
la  loi  du  talion,  accompagnée  de  la  confiscation  des  biens.  Les 
pénalités  s’aggravent  quand  il  s'agit  de  coups  portés  avec  des 
armes  défendues  : le  couteau,  la  pique,  la  massue,  la  courtoise , 
le  bâton  à pointe,  les  traits  de  toute  espèce,  le  heuttax,  la  hache 
dite  ba/fuie , la  ghiserme  ou  hache  à deux  tranchants,  le  bouclier 
garni  de  pointes.  Il  suffit  d’ailleurs  d'en  porter  pour  encourir  une 
amende  de  dix  escalins,  à moins  qu’on  ne  soit  engagé  dans  une 
querelle  à mort  [dootveede) , et  qu’on  ne  soit  hors  de  trêve.  Si  on 
les  tire,  même  sans  frapper,  on  paye  en  outre  dix  escalins,  et 
trente  si  l’arme  est  un  couteau  ou  un  steecziceert  (ou  épée);  s’il  y a 
blessure,  'nous  payez  trente  escalins;  si  le  sang  coule,  trois  livres; 
si  la  blessure  est  faite  avec  un  couteau  ou  un  steecziceert , vingt 
livres.  Faute  de  pouvoir  satisfaire  à ces  condamnations,  vous  avez 
la  main  coupée,  ou  traversée  par  votre  arme,  lorsque  vous  n’avez 
fait  que  tirer  celle-ci. 

La  heure  de  l’ammanie,  qui  fut  sans  doute  rédigée  sous  des 
influences  aristocratiques,  aggrave  les  peines  lorsque  l’offensé  est 
un  chevalier  ou  un  écuyer  issu  de  chevalier.  L’insulte  adressée  à 
un  chevalier  est  punie  de  cent  escalins  d’amende;  quand  elle 
s’adresse  à un  écuyer,  de  vingt  escalins.  Si  un  villageois  frappe 
un  chevalier,  de  la  main  ou  du  pied,  il  subit  la  mutilation  d’un 
de  ces  membres;  s’il  frappe  un  valet,  il  paye  cent  escalins;  si  la 


( 302  ) 

victime  tombe  à terre,  il  doit  sept  livres  dix  escalins;  si  elle  saigne, 
dix  livres. 

Le  voleur  d’objets  valant  moins  de  cinq  escalins  est  marqué; 
en  cas  de  récidive  on  le  punit  de  mort.  Cette  dernière  peine  et  la 
confiscation  des  biens  sont  comminées  contre  ceux  qui  volent  pour 
une  somme  plus  forte,  rincendiaire,  le  brigand,  l’individu  con- 
vaincu d’avoir  exigé  à main  armée  des  contributions  ( transene - 
ringe).  Le  droit  de  légitime  défense  est  reconnu.  A l’homme  cou- 
pable d'un  viol,  on  inflige  un  supplice  horrible  : on  lui  tranche 
le  cou  avec  une  planche  ou  une  scie  de  bois.  Quand  une  trêve  est 
proclamée,  celui  qui  l’enfreint  est  écartelé  et  ses  membres  étalés 
sur  des  roues,  aux  quatre  coins  du  pays.  Pour  avoir  poursuivi  un 
ennemi  dans  une  maison,  à moins  que  ce  ne  soit  un  ennemi 
mortel,  on  donne  trois  livres;  pour  s’être  introduit  par  force 
dans  une  habitation  et  y avoir  fait  des  perquisitions,  dix  livres; 
chaque  complice  de  ces  méfaits  paye,  dans  le  premier  cas,  vingt 
escalins;  dans  le  second,  trois  livres.  Si  le  fait  s’est  passé  la  nuit, 
l’amende  est  de  vingt  livres  pour  le  principal  coupable , de  cinq 
livres  pour  les  autres.  Après  un  meurtre,  il  y a,  de  droit,  une 
trêve  pour  toute  personne  innocente  de  cette  mort,  et  elle  dure 
huit  jours  et  huit  nuits;  passé  ce  terme,  chacun  est  libre  de  pour- 
suivre sa  vengeance.  On  ne  peut  refuser  d’accorder  des  trêves, 
sous  peine  de  vingt  escalins  d’amende;  si,  après  trois  refus,  on 
persiste  dans  les  mêmes  sentiments,  la  trêve  n’en  est  pas  moins 
déclarée,  et  tous  sont  tenus  de  l’observer. 

On  punit  de  trois  livres  d’amende  celui  qui  ôte  les  bornes  d’un 
champ  ou  qui  les  déplace  sans  le  concours  de  ses  voisins;  de  cinq 
escalins  l’abatage  d’un  arbre,  la  destruction  d’un  jardin,  l'enlè- 
vement de  grain,  de  foin  ou  de  fruits  , pourvu  que  le  dégât  n’ex- 
cède pas  cette  somme  et  qu’il  soit  commis  le  jour;  quand  le  délit 
a été  commis  la  nuit,  l’amende  s’élève  à cent  escalins.  Pour  avoir 
battu  ou  assailli  du  bétail , on  paye  dix  escalins  d’amende  et  on 
indemnise  du  dommage  causé;  pour  avoir  ouvert  un  fossé  dans  la 
propriété  d’autrui,  on  donne  quarante  escalins;  pour  avoir  jeté 
sur  quelqu’un  du  vin,  de  la  bière  ou  une  autre  boisson,  dix  esca- 
lins; pour  l’avoir  frappé  avec  un  pot,  trois  livres,  et  s’il  y a du 
sang  répandu,  cent  escalins. 


( 505  ) 

Emmener  un  enfant  mineur,  même  du  consentement  de  ses 
parents,  ou  enlever  une  femme  constitue  un  crime  puni  delà  peine 
de  mort  et  de  la  confiscation  des  biens.  Le  coupable  de  rapt  ne  peut 
jamais  remettre  les  pieds  dans  le  pays,  et,  si  la  femme  déclare 
avoir  consenti , ses  propres  biens  sont  confisqués,  à moins  qu’elle 
n’abandonne  son  ravisseur  ou  ne  le  désavoue.  Si  elle  part  une  se- 
conde fois,  la  confiscation  de  scs  biens  est  prononcée  de  nouveau. 
Après  sa  mort,  son  patrimoine  échoit  à son  plus  proche  héritier,  à 
l’exclusion  des  enfants  qu’elle  peut  avoir  eus  de  son  amant.  Lors- 
qu’un délit  est  commis  par  un  enfant  mineur,  les  parents  n’en 
sont  pas  responsables,  à moins  que  le  fait  n’ait  lieu  lorsque  l’enfant 
se  trouve  chez  eux,  ou  qu’on  ne  puisse  prouver  qu’il  a suivi  leurs 
conseils.  Pour  émanciper  un  enfant,  il  faut  comparaître  devant 
les  hommes  de  fief  du  seigneur,  lorsqu’on  est  son  vassal  et  qu’on 
appartient  à sa  meysenie ; devant  ses  collègues,  lorsqu’on  est 
échevin;  tout  autre  doit  jurer  qu’il  n’accomplit  pas  cette  forma- 
lité pour  faire  tort  à autrui,  et  l’enfant  cesse  d’habiter  la  maison 
paternelle  pendant  un  an  et  un  jour. 

Une  enquête  ou  vérité  (waerheit)  est-elle  ordonnée,  on  l’an- 
nonce à l’église  le  dimanche  et  elle  a lieu  le  lundi  suivant;  l’offi- 
cier du  seigneur  ou  son  valet  ne  peut  y siéger,  mais  bien  les  éche- 
vins  et  les  hommes  de  fief,  qui  ouvrent  la  séance  en  présence  du 
seigneur  ou  de  son  représentant.  Le  défaillant  à la  première  vérité 
paye  deux  escalins , et  la  même  somme  s’il  manque  encore  à la 
seconde;  mais  s’il  ne  se  trouve  pas  à la  troisième,  on  le  traite 
comme  s’il  était  lui-même  coupable  du  délit  dont  l’assemblée  s’oc- 
cupe. Les  absents,  les  malades,  les  prisonniers,  les  personnes 
alors  en  dootveede  ou  hors  des  trêves  sont  seuls  exemptés.  Quand 
l’affaire  est  grave,  les  amendes  sont  décuplées.  Les  laits  publics  se 
prouvent  par  le  témoignage  de  deux  personnes;  s’il  y a incerti- 
tude , l’accusé  peut  se  justifier  en  jurant  sur  les  reliques  des  saints 
avec  deux  personnes  notables.  L’étranger  accusé  déclare  préala- 
blement qu’il  n’emploiera  aucune  aide  pour  se  faire  absoudre. 

Personne  ne  peut  prélever  un  droit  de  gerbe  (. scooven ) en  l’ab- 
sence du  sacristain  de  l’église  paroissiale;  à celui-ci,  au  forgeron, 
au  baertmaker  ou  armurier,  et  au  messier,  est  expressément  ré- 


( 504  ) 

serve  le  droit  de  recevoir  une  contribution  de  cette  espèce;  en 
exiger  ou  en  payer  à d’autres  est  également  puni  de  vingt  escalins 
d’amende;  l’officier  coupable  perd  en  outre  son  office  J. 

Les  dispositions  contenues  dans  ces  keures  sont  généralement 
imitées  de  celles  qui  remplissent  les  vieilles  lois  germaniques,  où 
on  remarque  le  même  luxe  de  pénalités  pécuniaires,  et  dont  les 
paix  promulguées  au  nom  des  empereurs  perpétuaient  le  souve- 
nir. Le  droit  civil  des  Francs  laissa  également  des  traces  profondes 
en  Belgique.  Comme  l’ancienne  terre  salique,  le  bien  censal,  pres- 
que partout,  y passait  aux  lils,  à l’exclusion  des  filles.  Le  droit 
d’Uccle  (jus  de  Ucele ),  qui  est  cité  pour  la  première  fois  en  1271 1  2; 
Je  droit  de  Liège,  que  l’on  suivait  dans  un  grand  nombre  de  loca- 
lités brabançonnes,  et  d’autres  encore  assuraient  cet  avantage 
aux  enfants  du  sexe  masculin. 

Le  droit  civil  se  mélangea  plus  tard  d'emprunts  faits  au  droit 
romain  ou  de  stipulations  prescrites  par  des  chartes  ducales.  C’est 
ainsi  que  le  duc  Henri  111,  à la  demande  de  la  commune  de  Léau, 
décréta  qu’en  cas  de  mort  d’un  homme  ou  d’une  femme  mariée, 
le  conjoint  aurait  l’usufruit  de  tous  les  immeubles  provenant  du 
défunt,  et  qu’à  la  mort  du  survivant  ces  biens  retourneraient  à la 
famille  de  laquelle  ils  provenaient,  de  même  qu’une  moitié  des 
acquêts  de  nature  ccnsale  ou  allodiale3.  L'abolition,  dans  les  do- 
maines ducaux,  de  la  confiscation  de  l’avoir  des  bâtards,  abolition 
qui  fut  ordonnée  par  Henri  II,  marqua  un  progrès  réel,  long- 
temps avant  que  Guy  de  Dampierrc  l’introduisît  dans  ses  Etats, 
où  il  la  vendit  successivement  aux  villes  deBergues,  de  Bruges, 
de  Fûmes. 

Ce  sera  une  des  gloires  de  l’institution  des  communes  d’avoir 
assis  la  famille  sur  scs  véritables  bases  : le  droit  à l’époux  survi- 
vant de  jouir  en  paix  et  à titre  égal  de  la  fortune  commune, 
l’égalité  des  enfants  sans  distinction  de  sexe,  l’abolition  des  péna- 

1 Voyez  sur  le  droit  pénal  dans  le  Brabant  au  treizième  siècle,  un  travail  de 
M.  l’avocat  Van  Cutsem,  qui  se  trouve  dans  le  Messager  des  sciences  histo- 
riques, années  1855  et  1856. 

2 Willems,  Van  Heelu,  p.  570. 

5 Charte  de  l’an  1255,  dans  les  Coutumes  de  Brabant , 1. 1,  p.  92. 


( 505  ) 

li tés  liseales  infligées  aux  enfants  naturels.  C cst  du  règne  de 
Jean  l,r  que  date  l’emploi  général  des  désignations  patronymiques 
qui,  maintes  fois  encore,  se  bornent  aux  simples  indications  de 
fils  de  Nicolas  (d’où  T'Serclaes ),  fils  d’Arnoul  (doù  T’Seraerls 
ou  TSerants ),  fils  de  Gerelin,  etc. 

Les  citoyens  étaient  souvent  appelés  en  justice  au  dehors,  soit 
devant  les  cours  ecclésiastiques , pour  des  questions  de  droit  cano- 
nique, soit  pour  vider  des  différends  avec  des  nobles  ou  des 
vassaux  inférieurs.  De  là,  ces  fréquents  recours  à la  cour  de 
Rome  pour  en  obtenir  le  privilège  de  ne  pouvoir  être  poursuivi 
que  dans  sa  localité,  dès  l’instant  où  l’on  se  montrait  disposé  à 
accepter  un  débat  judiciaire;  de  là,  ensuite,  ces  nombreux  statuts 
réglant  les  relations  des  bourgeois  avec  les  étrangers.  Ainsi  tout 
sujet  du  duc,  chevalier  ou  autre,  ayant  contracté  des  dettes  et 
fourni  des  cautions  devant  l'échevinage  d une  ville,  pouvait  être 
forcé  par  le  juge  du  lieu  où  il  était  domicilié,  à entrer  dans  cette 
ville  à la  première  réquisition  de  cette  dernière  ou  à donner  des 
garanties  pour  le  payement  de  sa  dette.  Les  habitants  de  Léau 
obtinrent,  en  outre,  le  droit  d’arrêter  et  de  garder  eux-mêmes  le 
débiteur  étranger  jusqu’à  l’arrivée  de  l’ofïicicr  ducal,  qui  ne  pou- 


vait le  libérer  sans  le  consentement  du  créancier. 

Lue  charte  du  duc  Henri  111,  du  12  octobre  1259,  que  continua 
le  lils  de  ce  prince,  en  1270,  statua  que  le  bail  d’une  propriété, 
au  lieu  d’être  annuel , pourrait  se  prolonger  indéfiniment  b 

Les  actes  se  passaient  presque  toujours  en  plein  air,  de  préfé- 
rence dans  un  cimetière  ou  à proximité  d’une  église,  ou  sur  les 
grands  chemins,  lieux  consacrés  par  l’usage  à la  cession  des  pro- 
priétés allodiales2.  Dans  la  partie  flamande  du  pays,  les  lettres 
échevinales  étaient  d’ordinaire  munies  des  sceaux  de  deux  éehe- 
vins,  puis  copiées  dans  des  registres  que  l’on  appelait  aux  adhé- 
ritances  et  déshéritâmes  (remisiers  der  goedenissen);  tandis  que, 


1 Brabanlsche  Yeesten,  t.  I , p.  057. 

- In  strata  libéra  ac  publica,  ubi  veruni  proprium  allodium  solilum  est 
ex  antigua  consuetudine  supraporlari  et  douari.  Lacomblet , t.  11 , p.  020 
(acte  de  l’an  1500).  Voyez  aussi  un  acte  de  l’année  1255,  dans  V Histoire  des 
environs  de  Bruxelles , t.  111,  p.  529. 

Tome  XIII. 


20 


( 506  ) 

dans  le  pays  wallon,  on  adopta  de  préférence  l’emploi  des  chiro- 
graphes,  actes  divisés  en  deux  fractions  qui  devaient  s’adapter 
d’une  manière  parfaite  pour  être  admis  comme  preuves.  Quel- 
quefois, les  cessions  de  biens  étaient  accompagnées  de  formalités 
qui  remontaient  à des  temps  très-reculés.  Les  alleux,  par  exem- 
ple, se  transportaient  encore,  au  quatorzième  siècle , par  le  don 
symbolique  de  la  glèbe  et  du  rameau,  ou,  comme  on  disait  en 
flamand,  met  ressche  en  met  vise  b 

Les  grole  waerheden  ou  plaids  dont  parlent  les  landchartes , et 
qui  constituaient  des  espèces  d’enquêtes  périodiques  sur  les  crimes 
et  les  délits  qui  s’étaient  écoulés  depuis  la  tenue  précédente  de  ces 
assemblées,  rappelaient  les  placita  generalia  dont  il  est  si  fré- 
quemment parlé  dans  les  chartes  du  dixième  et  du  onzième  siècle. 
L’annnan  de  Bruxelles,  comme  nous  l’apprend  le  compte  de  Henri 
Lenken,  en  tenait  tous  les  ans  à deux  reprises,  après  Noël  et  après 
Pâques,  dans  chacune  des  douze  localités  suivantes  : Bruxelles, 
Uccle,  Obbrussel  ou  Saint-Gilles,  Yssche,  Merchten,  Vilvordc, 
Tervuercn,  Duÿsbourg,  Assche,  Rhode-Saint-Genèse,  Ruysbroeck 
(près  de  liai)  et  Capelle  (près  de  Haemsdonck). 

Lorsqu’il  se  présentait  un  cas  nouveau,  un  débat  pour  lequel  il 
n’existait  pas  de  documents,  on  recourait  à une  enquête  solen- 
nelle, sous  la  direction  des  officiers  ducaux,  en  présence  des  ma- 
gistrats ou  échevins  du  lieu  et  des  notables  du  pays;  on  recueillait 
en  public  les  témoignages  des  personnes  les  plus  âgées  et  les  plus 
considérées,  et  une  décision  n’était  prise  qu’après  mûr  examen. 
Citons  ici  quelques  exemples  de  cette  manière  de  procéder. 

Le  duc  Henri,  « qui  mourut  à Cologne,  » c’est-à-dire  le  grand 
duc  Henri  Ier,  se  rendit  un  jour  à Neder-Ockerzeel  et  tint  un 
plaid  dans  une  grange.  Là  comparut  sire  Franc  de  Lies  ou  List, 
que  l’on  appelait  d’ordinaire  le  vieux  sire  Franc,  et  qui  dé- 
clara donner  aux  habitants  du  village  les  herbages  et  les  arbres 
(tgars  ende  den  gherven  de  viser e)  d’un  marais.  Dans  la  suite,  les 
habitants  d’Erps  ayant  prétendu  qu’ils  avaient  des  droits  sur 
ce  terrain,  l’amman  de  Bruxelles,  Godefroid  Vandenpanhuse , 


1 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  11 , p.  260. 


( 507  ) 

alla  à Neder  - Ockerzeel,  par  ordre  du  duc  Jean  Ier,  avec  Henri 
Berewoude,  Henri  de  Lille,  Arnoul  de  Wyneghem  et  Walter  Den 
Sas.  Les  anciens  de  l’endroit  et  les  voisins  du  lieu  contesté  ayant 
été  cités  à comparaître,  le  curé  Alexandre  ( Sandryn ),  Guillaume 
Vandendrissche , René  de  Velthem,  le  vieux  sire  Daniel  de  Lare, 
Jacques  et  Georges  de  Lare  vinrent  déclarer  qu'ils  avaient  assisté 
au  plaid  tenu  par  le  duc  Henri  Ier;  le  curé  affirma  le  fait  « sur  sa 
prêtrise,  » les  suivants  témoignèrent  après  avoir  juré  sur  les  reli- 
ques. D’autres  personnes,  au  nombre  de  quinze,  déclarèrent  avoir 
entendu  parler  de  la  donation  du  marais,  et  attestèrent  que  les 
habitants  de  Neder- Ockerzeel  avaient  toujours  chassé  les  porcs 
que  ceux  d’Erps  y conduisaient  (25  juillet  1275)  L 

Un  différend  s’étant  élevé  entre  l’abbaye  d’Heylissem  et  « le 
» peuple  ou  les  hommes  » habitant  dans  le  village  de  ce  nom  fpo- 
pulum  seu  hommes  ville  de  HelencinealJ , en  amont  de  l’abbaye, 
au  sujet  du  ruisseau  qui,  venant  de  Noduwez,  traversait  cette  der- 
nière, le  maire  de  Tirlemont,  Francon  de  Wanghe,  se  rendit  sur 
les  lieux,  accompagné  de  plusieurs  chevaliers  et  sergents,  vas- 
saux du  duc,  et  de  quelques  échevins  de  Tirlemont.  Les  religieux 
prétendaient  que  le  cours  de  l’eau  devait  rester  libre,  et  qu’on 
ne  pouvait  y rouir  du  lin,  ni  y laver  des  vêtements,  ni  salir  les 
eaux,  ni  planter  sur  les  rives  des  arbres  ou  des  baies,  ni  y rien 
placer  à moins  de  trois  pieds  de  distance  du  côté  du  village  et 
du  côté  des  prés,  sinon  de  manière  à laisser  une  voie  suffisante  à 
deux  personnes,  cheminant  en  sens  contraire  avec  une  civière  (?), 
pour  nettoyer  et  refouiller  le  ruisseau  2.  Tel  était,  disaient-ils, 
l’usage  depuis  un  demi-siècle  et  plus.  Ils  obtinrent  gain  de  cause, 

1 Willems,  Van  Heelu,  p.  571. 

2 Homines  predicto.s  seu  aliquos  ipsorum  in  vivo  predicto  linum  ad  pre- 
parandum  non  posse  nec  debere  imponere , nec  vestes  lavare , nec  aliquid 
immundum  facere  in  eundem,  nec  sepes  in  ripa  seu  littore  rivi  ejusdem 
construere,  vel  arbores  plantare,  vel  aliud  eœercere  ad  très  pedes  ex  parte 
ville  et  ex  parte  pratorum  ad  spacium  vie  que  sufficial  duobus  sibi  concur- 
rentibus  cum  instrumenta  quod  vocatur  chivire , per  quod  purgatur  ac  refi- 
ciatur  cursus  dicti  rivi,  cum  ipsis  visum  fuerit  expedire.  Sentence  prononcée 
par  Francon,  le  soir  de  sainte  Marie -Madeleine,  1277,  approuvée  par  le  duc 
Jean,  le  soir  de  la  Sainte-Lucie  de  la  même  année. 


( 508  ) 


après  l’enquête,  mais  les  habitants  d’Heylissem  furent,  de  leur 
eôté,  autorisés  à conduire  jusqu’à  leur  église  l’eau  d’une  fontaine, 
pour  laquelle  il  y avait  aussi  contestation. 

Le  jour  de  l’Ascension,  en  1280,  Everdeius  de  Lillo,  écoutètc 
d’Anvers,  présida  à une  enquête  dans  laquelle  on  détermina,  au 
moyen  de  bornes,  les  limites  de  Merxblaes  ou  Merxplas  l. 

Le  vendredi  avant  le  jour  du  Grand-Carême,  en  1290-1291, 
Henri  Van  den  Berghc  de  Meldert  se  présenta  devant  sire  Robin 
Van  den  Driesce,  bourgeois  de  Tirlemont,  et  devant  ses  vassaux 
de  Wommersom  et  de  Ilaekendover  : Jean  de  Cusler  dOvcrbespine 
ou  Ovcrbespcn,  Otlion  Vermaricnsone  d Overhespine,  Jean  Grin- 
gaerdssonc  d Ovcrbespine,  René  De  Zaye  de  Wolmershem,  Francon 
Van  Bingbeem  de  Wolmersbem,  Godefroid  de  Wolmershem  et 
Jean  de  Raenshoven.  Là,  il  demanda  qu’on  spécifiât  ses  droits  sur 
les  biens  de  frère  Henri  de  Houlhem;  Robin  semonea  ses  vassaux, 
dont  l’avis  fut  favorable  à Henri.  Pour  donner  plus  de  force  à leur 
déclaration,  ces  vassaux  prièrent  les  écbcvins  de  Tirlemont  d'ap- 
poser leur  sceau  à l’acte  qui  en  fut  dressé  2 3. 

Quelques  années  plus  tard  , nous  trouvons  le  monastère  d’Hey- 
lissem occupé  à donner  une  nouvelle  direction  à la  voie  « qui  va 
» de  la  ville  de  Hamteal,  devant  le  molin  de  l’abbaye,  et  passe 
» dcleis  le  mur  de  l’abbaye;  » comme  ce  chemin  était  trop  rap- 
proché de  leurs  bâtiments  conventuels,  les  religieux  sollicitèrent 
du  duc  Jean  la  permission  de  « stoppcir  cette  voie,  de  la  fossir  et 
» clore,  et  d’en  faire  leur  volonteit.  » De  plus,  Gilles  Du  Mont, 
sénéchal  de  Brabant,  déclara  qu’ils  pouvaient  « stopper  et  forcoin- 
» mandeir  toutes  les  voies  ki  soloient  aleir  parmi  leurs  coutures  5.  » 

L’abbaye  de  la  Cambre  avait,  avec  les  fils  du  chevalier  Abraham 
de  Jodoignc,  quelques  contestations  au  sujet  de  sept  bonniers  de 
terres  situés  à Machelen.  Les  écbcvins  de  Vilvorde  ayant  été  saisis 
de  cette  affaire,  il  fut  décidé  que  des  personnes  dignes  de  foi  se- 
raient citées  par  le  juge  ou  maire  de  cette  ville,  et  qu’elles  seraient 
appelées  à donner  leur  avis,  après  avoir  posé  les  mains,  suivant 


1 Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint-Michel,  f°  285. 

2 Cartulaire  de  Brabant  lî,  f°  104. 

3 Déclaration  de  l’année  1292.  Cartulaire  de  l'abbaye  d’Heylissem,  f°  119. 


( 500  ) 

l’usage,  sur  les  choses  saintes.  Plusieurs-  témoins  furent  successi- 
vement entendus,  et  leur  déposition  établit  le  droit  de  l’abbaye  à 
lever  la  cinquième  gerbe  de  la  récolte  de  ces  terres  (veille  de  l’As- 
somption, en  1205)  '. 

Ainsi  se  fixaient  successivement  le  droit  général  et  le  droit  parti- 
culier. Chartes,  actes,  enquêtes  concouraient  à former  l’ensemble 
de  documents  qui,  plus  tard , servirent  à la  rédaction  des  coutumes 
ou  à la  formation  des  registres  censaux  ou  féodaux,  fragments  de 
cadastre  qui,  sans  offrir  la  régularité  de  ce  qui  se  fait  dans  ce 
siècle,  entouraient  pourtant  la  propriété  de  garanties  sérieuses. 


IL 

Les  nobles  de  tout  rang  dont  était  peuplée  la  cour  ducale,  ne 
concouraient  pas  seulement  à en  rehausser  l’éclat  et  à former  au 
besoin  le  noyau  d’une  armée  ; ils  siégeaient  aussi,  soit  dans  le  con- 
seil du  souverain,  soit  dans  les  assemblées  qu'il  convoquait  par- 
fois pour  obtenir  des  soldats  ou  de  l’argent. 

Le  conseil  ducal  était  le  premier  corps  politique  et  judiciaire  du 
pays,  mais  son  organisation,  à cette  époque,  nous  reste  complète- 
ment inconnue.  Tout  ce  que  l’on  en  sait,  c’est  que,  en  1280,  il  se 
composait  de  Gérard,  sire  de  Marbais  ; Arnoul,  sire  de  Diest;  Wal- 
ter, sire  de  Ligne;  Thierri,  sire  de  Heynsberg  ; Iïenri,  sire  de 
Petersem;  Guillaume,  sire  de  Langdris;  Jean,  son  frère;  Alard, 
sire  de  Rêves;  Jean,  avoué  de  Logne;  Walter,  sire  de  Hers,  et 
Roger  de  Saint-Pierre1 2.  Il  s’y  trouvait,  non-seulement  des  pos- 
sesseurs de  baronnies  en  Brabant,  mais  des  seigneurs  étrangers 
à cette  contrée,  et  qui  ne  tenaient  du  duc  que  des  fiefs  d’argent. 
Parfois,  on  y faisait  entrer  des  ecclésiastiques  influents  ou  instruits 
et  des  chevaliers  de  rang  inférieur,  renommés  toutefois  par  leur 
valeur  ou  leurs  talents  militaires. 

Ce  que  l’on  nomma  depuis  les  Etats  ne  se  composait  alors  que 
de  deux  ordres  : les  nobles  et  les  villes.  Si,  quelquefois,  on  y voit 

1 Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  80. 

2 Butkens,  1. 1 , p.  290. 


( 510  ) 

figurer  des  ecclésiastiques , comme  l’abbé  de  Gembloux  et  l’abbesse 
de  Nivelles,  c’est  à cause  de  l’importance  de  leurs  domaines  et  de 
l’étendue  de  leurs  droits  seigneuriaux.  Le  clergé  n’intervient  pas, 
comme  classe  de  la  nation , dans  les  actes  politiques  ou  diplomati- 
ques. Lorsque  quelques  abbés  sont  cités  comme  témoins  dans  des 
actes,  c’est  plutôt  à cause  de  leur  mérite  personnel.  Jean  Ier,  dans 
la  landcharte  de  Bruxelles,  range  les  religieux  et  les  religieuses, 
en  même  temps  que  les  lombards  et  les  juifs,  parmi  les  personnes 
qu'il  se  réserve  de  traiter  à son  gré.  On  ne  qualifie  pas  ainsi  un 
corps  organisé.  La  noblesse  était  parfois  représenté  par  les  princi- 
paux barons,  et  les  villes  l’étaient  par  les  plus  importantes  d’entre 
elles  : Anvers,  Bois-le-Duc,  Tirlemont,  Léau,  Nivelles,  et  surtout 
Louvain,  la  capitale,  et  Bruxelles,  la  résidence  favorite  de  Jean  Ier. 
Les  nobles  qui  se  trouvaient  auprès  du  prince  siégeaient  comme 
cour  féodale,  lorsqu’il  fallait  recevoir  1 hommage  d’un  feudataire 
du  duché  ou  décider  une  question  relative  à un  fief.  La  cour 
féodale  n’avait  pas  de  résidence  fixe;  elle  suivait  la  personne  du 
prince  et  se  formait  partout  oit  celui-ci  pouvait  rassembler  quel- 
ques-uns des  siens. 

Dans  un  rang  inférieur  et  formant  comme  un  double  et  im- 
mense chaînon  de  juridictions  se  trouvaient  : d’une  part,  les  cours 
féodales,  d’autre  part,  les  échevinages  et  cours  censales.  Les  cours 
féodales  des  seigneuries  se  modelaient  sur  celle  du  duché,  et 
comme  elles  se  réunissaient  sous  la  présidence  du  seigneur.  Il  y en 
avait  de  très-importantes,  et  quelquefois  elles  avaient,  notamment 
dans  la  terre  de  Gaesbeek,  la  connaissance  des  causes  criminelles, 
à l’exclusion  des  autres  tribunaux;  d’autre  part,  il  en  existait  de 
si  minimes  qu’elles  ne  pouvaient  se  constituer  qu’en  empruntant 
des  vassaux  étrangers  L Les  échevinages  étaient  également  de  di- 

1 Amelric  de  Watermale  n’avait  qu’un  seul  vassal , son  frère  Francon  ; lors- 
que celui-ci  céda  une  dîme  à l’abbaye  de  la  Cambre,  il  dut,  pour  constituer 
une  cour  féodale , s’adresser  à Jean  Ier,  qui  mit  temporairement  à sa  disposi- 
tion cinq  de  ses  propres  vassaux,  en  présence. de  qui  Francon  renonça  à ses 
droits,  puis  Amelric  céda  aussi  les  siens,  et  permit  que  le  fief  donné  au  mo- 
nastère devînt  un  bien  censal.  Acte  de  1287,  dans  V Histoire  des  environs  de 
Bruxelles,  t.  III,  p.  528. 


( 311  ) 

verses  natures.  Les  uns  rendaient  la  justice  dans  les  villes  ou  dans 
les  franchises,  et  la  plupart  de  ceux-là  existaient  en  vertu  des  pri- 
vilèges qui  avaient  çréé  les  villes  ou  augmenté  leur  importance; 
d’autres,  établis  dans  le  plat  pays,  tantôt  ne  rendaient  la  justice 
que  dans  une  paroisse  ou  une  fraction  de  paroisse,  tantôt  en  com- 
prenaient plusieurs  appartenant  au  même  seigneur,  tantôt  enfin 
étendaient  au  loin  leur  juridiction , sinon  en  première  instance,  du 
moins  comme  chef  de  sens,  c’est-à-dire  comme  tribunal  chargé  de 
donner  un  avis  sur  le  jugement  à porter  en  cas  d’ignorance  avouée 
par  les  juges  inférieurs./Lorsqu’un  échevinage  ne  connaissait  que 
des  questions  relatives  aux  biens,  il  prenait  le  nom  de  cour  cen- 
sale  (laethof)  et  ses  membres  celui  de  tenanciers  ou  censitaires 
jurés  ( gesworene  laeten). 

Il  existait  en  Brabant  quatre  offices  héréditaires  : ceux  de  sé- 
néchal, de  maréchal,  de  chambellan  , de  porte-étendard  ; ils  étaient 
respectivement  possédés  parles  seigneurs  de  Wesemael,  de  Rot- 
selaer,  d’Heverlé  et  d’Assche.  Mais  déjà,  au  temps  de  Jean  Ier,  on 
prenait  l’habitude  de  ne  laisser  aux  titulaires  que  d’anciens  émo- 
luments consacrés  par  l’usage,  et  de  confier  leurs  fonctions  à d’au- 
tres gentilshommes,  révocables  à volonté. 

Le  sénéchal  était  le  principal  officier  judiciaire  du  duché,  et 
c’était  à lui  qu’on  devait  recourir  en  cas  de  déni  de  justice.  Du 
chef  de  cette  importante  fonction,  le  seigneur  de  Rotselaer  avait 
droit  par  an  à deux  paires  d habits,  composées  de  quatre  pièces 
chacune,  la  première  à la  Purification,  la  seconde  à la  Toussaint, 
et  les  chevaliers  de  sa  suite  à deux  autres  paires,  de  trois  pièces. 
Lorsqu’il  venait  à la  cour,  lors  des  grandes  fêtes,  on  lui  four- 
nissait, par  jour,  trois  pots  de  vin,  quinze  escalins,  des  chan- 
delles, des  torches  et  des  assiettes.  Enfin  il  avait  droit  tous  les 
ans  à un  cerf,  et  à une  taxe  de  vingt  escalins,  que  payait  chaque 
chef-mayeur  nommé  par  le  duc.  Ainsi  le  décida  notre  héros,  à la 
suite  d’une  discussion  qui  s’éleva  entre  lui  et  Gérard,  sire  de  Rot- 
selaer, et  d’une  enquête  qui  fut  faite  par  Rixon  de  Tirlemont  dit 
d’Averendoren , chevalier,  et  Guillaume  Pipenpoy,  bourgeois  de 
Bruxelles,  en  mars  1282-1283.  Jean  Ier  reconnut,  en  outre,  qu’il 
avait  méconnu  et  fait  méconnaître  les  droits  de  Gérard,  et  déclara 
que  celui-ci  devait  posséder  dans  ses  domaines  la  haute  et  la  basse 


( 512  ), 

justice,  y compris  le  droit  de  punir  les  criminels  coupables  par 
l'incendie  de  leurs  maisons,  la  peine  de  mort  et  la  mutilation 
(charte  en  date  du  samedi  après  la  nativité  de  Notre-Dame,  en 
1295)  Pendant  le  règne  de  Jean  I",  le  Brabant  eut  successive- 
ment pour  sénéchaux  ou  drossards  réels  : 

En  1202,  Henri,  sire  de  Bautersem , qui  succéda  à Gérard 
d’Yssclie,  que  Ton  trouve  cité  en  1200; 

Walter  de  Winde,  en  1205; 

F rançon  de  Wanghe,  en  1277  ; 

Jwain  de  Meldert,  en  1282,  1287; 

Walter  de  Winde,  en  1285; 

Gilles  de  Monte  (Vanden  Berghe  ou  Du  Mont),  de  1290  à 1294. 

Le  maréchal  était  le  chef  de  l’armée.  Dès  1242,  on  cite  un  ma- 
réchal qui  n’appartient  pas  à la  famille  de  Wesemael 1  2 *,  et  à Woe- 
ringen,  quoique  le  possesseur  de  la  baronnie  de  ce  nom  se  trou- 
vât à l’armée,  le  duc  ne  le  chargea  pas  de  commander  sous  lui. 
11  y avait,  en  outre,  des  sous-maréchaux  r\ 

Le  chambellan  était  préposé  à la  recette  des  droits  de  relief  des 
fiefs  et  surveillait  l’intérieur  de  la  maison  du  duc.  Jean  Ier  cul 
aussi  un  chambellan  ou  camérier  effectif,  Walter  de  Winenghem 
ou  Wyneghem,  dont  il  récompensa  les  services  en  lui  accordant,  à 
titre  viager,  pour  lui  et  pour  sa  femme  Catherine,  une  exemption 
complète  de  taille  et  de  toute  autre  exaction  établie  ou  à établir 
par  le  duc,  pour  leurs  biens  meubles  et  immeubles,  dans  quelque 
lieu  du  pays  qu’ils  fussent  4. 

Le  guidon  ou  porte-étendard  à Woeringen  n’était  pas  le  seigneur 
d’Assehc.  L’importance  de  ce  poste  périlleux  le  fit  confier  à un  des 
plus  braves  chevaliers  de  l’armée,  Base  de  Grez. 

La  grande  étendue  du  Brabant  ne  permettant  pas  au  sénéchal 
d’y  rendre  la  justice  par  lui-même,  on  lui  donnait  pour  suppléants 
sept  officiers,  qui  représentaient  chacun  le  prince  dans  une  des 

1 Specht  Boeck,  aux  Archives  du  royaume. 

2 Gosuin  de  Wemmel.  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  Il,  p.  55. 

5 Le  Compte  de  l'amman  de  Bruxelles  pour  4%8o-1287  mentionne  Nico- 
laus  submare scalcus , Clausekin  submarescalcus. 

x Acte  daté  du  dimanche  après  la  fête  de  sainte  Lucie,  en  1282. 


( 51  à ) 

villes  et  y présidaient,  à ce  titre,  au  tribunal  des  échevins:  le 
maire  de  Louvain,  le  maire  de  Tirlcmont l,  l’amman  de  Bruxelles, 
le  bailli  de  Nivelles,  le  bailii  de  Jodoigne,  l’écoutète  d’Anvers  et 
celui  de  Bois-le-Duc.  C'étaient  eux  qui  rendaient  compte  au  prince 
des  deniers  provenant  des  condamnations  pécuniaires,  qui  veil- 
laient à l’exécution  des  condamnations  à mort  ou  corporelles,  qui 
transmettaient  aux  maires  inférieurs,  leurs  subordonnés,  les  or- 
dres nécessaires  pour  l’assiette  et  la  levée  des  tailles,  pour  appeler 
la  population  aux  armes,  etc.  Ils  étaient  aidés  par  un  certain  nom- 
bre de  maires  et  de  sergents. 

Les  mairies  du  Brabant  n étendaient  pas  leur  juridiction  sur  les 
seigneuries  avant  haute,  moyenne  et  basse  justice.  Elles  ne  com- 
prenaient que  les  villages  que  l’on  appela  plus  tard  les  villages  du 
prince,  sheeren  dorpe.  Nous  en  aurions  donné  un  tableau  si  les 
plus  anciens  documents  qui  les  concernent  n’étaient  d’un  temps 
postérieur  et  si  nous  avions  pu  constater  que  leur  démarcation 
était  la  meme  au  treizième  qu’au  quatorzième  siècle.  Au  contraire, 
le  Compte  de  Ccnnman  de  Bruxelles , Lenken,  constate  que  cet 
officier  avait  son  ressort  autrement  distribué  qu’il  ne  le  fut  plus 
tard.  On  y trouvait  les  mairies  suivantes  : 

Vilvorde  (Machelen,  Dieghem  , etc.). 

Erps  (Campcnhout,  Perck,  Bergh,  Steenockerzeel , Eversberg, 
Boort-Meerbeek,  Wespelaer,  Saventhem,  Cortcnberg,  Elcwyt, 
Stcrrebeek,  Vossern,  Quaedrebbe  ou  Querps,  Yroyenberg  («à 
Leefdael),  Leefdael. 

Yssche  (Stockel,  Ophcm,  YVoluwe,  Wcsembeek,  Schaerbeek). 

Rhode-Saint-Genèse  (Ruysbroeck,  Linkenbcek,  Tourncppe, 
leersel,  Foret,  Eysinghen,  Bigard). 

Wambeek  (Lombeek,  Bigard,  Anderlecbt,  Bercliem,  Gans- 
lioren,  Beckerzeel,  Molenbeek). 

Assche  (Baerdegem,  Hekelgem  r Maxenzeel , Meldert  ). 

Merchten  et  Lackcn  (Cobbegliem,  Zelliek,  Ganshoren,  Jette, 
ilam,  Wemmel,  Heembeek,  SteenhulFel,  Liezelc,  Buggenhout). 

Wolverlbem  et  Capelle  (Meysse,  Londerzeel,  Ramsdonck,  Ep- 
peghem  ). 


1 11  y avait  à Tirlcmont  un  villicus  major  et  un  simple  milieu s. 


( 314  ) 

D’après  le  compte  de  sa  recette,  rendu  à Jean  Ier  par  Jean  de  la 
Ramée,  bailli  de  Nivelles  et  du  Brabant  wallon , en  1282,  le  mer- 
» credi  devant  Fan  renuef,  » cet  officier  étendait  sa  juridiction 
sur  les  mairies  de  Genappc,  de  Mont-Saint-Wibcrt,  de  Gouv,  de 
Grez  et  de  la  Hulpe,  et  sur  le  Sart  de  Nivelles. 

Les  sous-maires  exerçaient  dans  leur  ressort  les  mêmes  fonc- 
tions que  leur  supérieur  dans  le  sien;  ainsi  ils  étaient  à la  fois 
administrateurs  de  ce  territoire  et  officiers  publics  auprès  des 
échevinages.  Quant  aux  sergents  ou  vorslers,  ils  étaient  plutôt 
huissiers  judiciaires  h Après  avoir  déclaré  ceux  qui  occupaient  ces 
fonctions  inhabiles  à les  occuper  désormais,  Jean  1er  reconnut  à 
ses  sujets,  dans  sa  lantcharte  flamande,  le  droit  de  leur  donner 
des  successeurs,  mais  il  se  réserva  le  pouvoir  de  les  révoquer  à 
son  tour,  et  il  stipula  que,  s'ils  abusaient  de  leur  autorité,  ils  ne 
pourraient  rester  à son  service,  ni  y rentrer.  ïl  est  douteux  que 
ces  points  importants  aient  jamais  été  observés,  ainsi  que  l’article 
ou  Jean  Ier  promet  de  ne  donner  aucun  office  à prix  d’argent. 

Une  autre  catégorie  de  fonctionnaires  commença  également  à 
acquérir  de  l’importance.  Nous  voulons  parler  de  ceux  qui  perce- 
vaient et  maniaient  les  revenus  du  duc  et  surveillaient  la  gestion 
des  biens  appartenant  au  domaine.  Ces  biens  étaient  très-con- 
sidérables et  comprenaient  des  bois  fort  étendus  (tels  que  ceux 
de  Soigne,  de  Nivelles,  ce  dernier  et  quelques  autres  bois  voisins, 
par  indivis  avec  le  chapitre  de  Nivelles;  de  Loo,  près  de  Lou- 
vain, etc.),  un  grand  nombre  de  beaux  moulins2,  d’autant  plus 
productifs  qu’ils  étaient  banaux  pour  la  plupart  ; des  terres  cul- 
tivées, des  tonlieux,  des  cens,  sans  compter  les  droits  de  relief 


1 Leur  nombre  fut  fixé , en  1292,  de  la  manière  suivante  : 


Mairie  de  Tirleniont  ..... 

. 4 

sergents  à 

cheval  et  8 à 

pied. 

Ammanie  de  Bruxelles  .... 

. 5 

» 

») 

10 

» 

Bailliage  de  Nivelles  ..... 

. 5 

» 

» 

6 

» 

Id.  de  Jodoigne  et  Hannut  . 

. 2 

» 

)) 

4 

i> 

Écoulèterie  de  Bois-le-Duc  . . . 

. 4 

» 

»» 

8 

» 

Pour  les  deux  autres  grands  ressorts,  aucun  chiffre  n’est  indiqué. 

2 Jean  Ier  en  augmenta  le  nombre  par  ses  acquisitions.  ( Environs  de 
Bruxelles , t.  II I , p.  98.  ) 


( 513  ) 

qui  semblent  avoir  été  anciennement  perçus  par  le  chambel- 
lan clu  duc,  et  toutes  les  amendes  ou  pénalités  pécuniaires  qui  se 
prélevaient  par  les  soins  des  officiers  des  grands  ressorts  judi- 
ciaires b 

Les  ducs  avaient  des  receveurs  du  domaine  dans  presque  chaque 
localité  importante  : à Bruxelles,  à Merehtem  (pour  la  circonscrip- 
tion dite  d Overzenne  ou  Ultra  Sennam ),  à Vilvorde,  à Ter- 
vueren,  à Yssche,  à Nivelles,  à Jodoigne,  à Tirlemont,  à Léau,  à 
Anvers,  à Bois-le-Duc,  etc.  A leur  tête  était  placé  un  receveur 
général,  dont  les  attributions  sont  spécifiées  dans  la  commission 
donnée  par  Jean  Ier  à Walter  Yolcart,  le  18  avril  1284.  Walter 
devait  opérer  la  recette  de  tous  les  cens,  rentes,  deniers,  blés, 
chapons,  gélincs  ou  poules,  etc.,  qui  étaient  dus  au  prince,  ainsi 
que  du  revenu  des  bois,  des  monnaieries,  des  sommes  perçues  sur 
les  lombards  et  les  juifs.  Jean  Ier  confirma  à l’avance  toutes  ses 
opérations,  l’autorisa  à créer  des  rentes  à sa  charge  et  à aliéner 
des  parties  de  son  domaine,  et  promit  enfin  de  lui  rembourser  les 
sommes  qu’il  pourrait  perdre  et  à ne  le  remplacer  dans  ses  fonc- 
tions qu’après  l'avoir  indemnisé1 2 *.  D'autres  personnes,  notamment 
Nicolas  de  Lapide  ou  Vanden  Steen  5,  Jean  de  Huldenberg  4,  Jean 
Bote  s,  Henri  Prochiaen  6,  Pierre,  qualifié  de  clerc  et  de  rece- 
veur du  duc  7,  un  nommé  Hugues,  sont  cités  comme  ayant  été 
receveurs  en  Brabant,  sans  que  l’on  sache  s’ils  avaient  à diriger  la 
recette  générale  ou  une  recette  particulière. 

1 Les  recettes  de  ce  genre , effectuées  par  l’amman  de  Bruxelles  de  décembre 
1285  à Pâques  1286-1287,  soit  en  seize  mois,  s’élevèrent  à onze  cent  trente- 
huit  livres  treize  deniers.  — Celles  du  bailli  de  Nivelles,  en  1282  , ne  montè- 
rent qu’à  quatre-vingt-six  livres  deux  sous. 

2 Willems,  Van  Heelu,  p.  574.  — Walter  était  déjà  receveur  du  duc,  en 
1282;  il  avait  épousé  Àleyde  de  Perwez,  dame  de  Hoboken. 

5  Nicolas  de  Lapide,  habitant  de  Malines,  était  colla/or  ou  distributeur  des 
revenus  du  duc,  en  1271.  ( Cartulaire  de  Parc-les-Dames .) 

4 Jean  de  Ileldebergh  était  receveur  et  distributeur  des  revenus  du  duc  en 
1285 , au  mois  de  janvier. 

5 En  1290-1291.  Acte  du  10  décembre  1295. 

6 En  1294.  Voyez  plus  haut,  p.  222. 

7 Pierre,  clerc  et  receveur  du  duc,  est  mentionné  en  1 289^ 


( 51«  ) 

Les  documents  nous  montrent  fréquemment  le  duc  plongé  dans 
des  embarras  pécuniaires,  occasionnés  surtout  par  ses  conti- 
nuelles expéditions  militaires.  Ici  il  se  reconnaît  le  débiteur  du 
comte  de  Gucldrc  ou  du  comte  de  Flandre,  là  celui  de  marchands 
de  Sienne  ou  de  bourgeois  de  Paris  !.  En  1284,  Jean  de  Rouergue, 
trésorier  de  la  maison  du  Temple  dans  cette  dernière  ville,  lui 
prêta  mille  livres,  dont  le  payement  fut  garanti  par  les  villes  de 
Louvain,  Tirlemont,  Bruxelles,  Anvers  et  Léau  ; le  duc,  à son  tour, 
s’engagea  à indemniser  ces  villes  au  moyen  des  deniers  qui  lui 
avaient  été  promis  par  elles  et  par  Anvers,  Bois-le-Duc  et  Nivelles 
(51  mai  1284).  L’année  suivante,  Louvain,  Bruxelles,  Tirlemont, 
Bois-le-Duc  et  Léau  se  constituèrent  également  ses  cautions  envers 
le  roi  d’Angleterre,  à qui  il  avait  emprunté  quarante  mille  livres 
de  tournois  noirs,  et  lui,  à son  tour,  leur  scella  une  promesse 
d’indemnité  (octaves  de  Pâques  1285)  -.  Sans  cesse  nous  le  voyons 
harceler  de  demandes  d'argent  sa  tante  Béatrix. 

En  1201  , le  duc  Henri  111  avait  renoncé  en  faveur  de  ses  su- 
jets, à lever  des  tailles,  si  ce  n’est  dans  sept  cas  déterminés  : 
lorsqu’il  faudrait  défendre  le  duché  ou  les  droits  du  prince, 
venger  les  injures  que  celui-ci  aurait  reçues,  servir  l’empereur 
des  Romains  ou  le  roi  d’Allemagne,  marier  un  des  enfants  du  due 
ou  procéder  à l’admission  d’un  de  scs  fils  dans  la  chevalerie.  Il  y 
avait  encore  du  vague  dans  cette  décision,  qui  écartait  cependant 
toute  demande  arbitraire  de  subsides;  mais  Jean  Ior  put  en  utiliser 
souvent  les  clauses,  car  son  esprit  entreprenant  l’engagea  con- 
stamment dans  de  nouvelles  guerres.  A peine  échappé  aux  em- 
barras que  lui  occasionna  l’inimitié  de  Henri  de  Gueldre  ( 1207- 
1275),  il  intervint  dans  la  querelle  des  Aixois  et  de  la  maison  de 
Juliers  (1277-1281  ),  puis  il  dépensa  son  activité  et  les  trésors  de 
ses  sujets  dans  la  guerre  du  Liinbourg  (1283-1290). 

Ce  fut  surtout  à l’occasion  de  celte  dernière  qu’il  accabla  les 
Brabançons  de  taxes.  D’après  une  déclaration  qu’il  scella  le  10  jan- 
vier 1284,  les  « nobles  hommes,  chevaliers,  bourgeois  et  autres  » 

1 Voyez  Jules  de  Saint-Génois,  pp.  70 , 80,  146.  — Willems,  Van  Heelu  , 
p.  397. 

2 Originaux  aux  Archives  fie  Léau. 


( ) 


habitants  du  duché  promirent  de  lui  fournir  des  soldats,  à leurs 
frais  et  à leur  « coust  » pour  soutenir  ses  droits  au  duché  de 
Limbourg.  Il  y ajoute  que  ce  service  n’avait  jamais  été  accordé  à 
ses  ancêtres  et  promet  de  ne  jamais  le  réclamer  de  nouveau , ni 
lui,  ni  ses  successeurs.  Il  lit  apposer  à sa  charte  le  sceau  de  trois 
de  scs  grands  vassaux  qu’il  affectionnait  particulièrement  et  qui 
étaient  tous  trois  scs  parents  : le  sire  d’Aerschot,  son  frère;  les 
sires  d’Herslal  et  de  Malines,  ses  cousins  U Cette  concession  impli- 
quait, delà  part  des  barons,  des  villes  et  des  monastères  l’obliga- 
tion d’entretenir  un  certain  nombre  d hommes  d'armes;  mais,  en 
outre,  Jean  Ier  exigea  le  payement  de  sommes  d’argent. 

En  1280,  nous  voyons  les  maires  de  l'ammanie  de  Bruxelles  re- 
cevoir successivement  l’ordre  : de  presser  le  payement  de  la  taille 
(vers  la  Saint-Rcmi),  de  remédier  à son  insuffisance  (vers  la  Saint- 
Denis),  dose  réunir  pour  rendre  leurs  comptes  (le  samedi  avant 
l'Epiphanie).  Quelque  temps  après,  un  nommé  Engelbert  Roec  est 


envoyé  pour  lever  le  taille  (vers  le  jour  des  Cendres).  Bientôt 
après,  Jean  Ier  accorda  des  lettres  de  non-préjudice  au  sire  de 
Rêves,  « qui  l’avoit  fait  bouler  de  la  taille  qu’il  avoit  ordonné  sur 
» ses  hommes  et  sur  ses  gens,  si  comme  les  autres  riches  hommes, 
» chevaliers  et  seigneurs  de  notre  terre  ont  fait  »,  dit  le  duc. 
Celui-ci  déclara  que  ce  seigneur  et  les  habitants  du  village  ne  lui 
devaient  ni  corvées,  ni  tailles,  ni  précaires,  ni  aides,  même  lors- 
que les  autres  habitants  en  payeraient,  et  qu'ils  ne  devaient  égale- 
ment ni  péage  à Nivelles , ni  péage  au  marché  aux  grains  de  cette 
localité  "1 2.  Sa  charte  fut  le  document  principal  sur  lequel  se  fonda 
la  qualité  de  terre  franche , que  Ton  reconnut  plus  tard  à la  sei- 
gneurie de  Rêves;  elle  ne  me  semble  pourtant  pas  avoir  été  ré- 
digée dans  ce  but  : elle  devait  plutôt  garantir  au  sire  de  Rêves  le 
droit  de  ne  pouvoir  être  imposé,  sinon  de  son  consentement. 

Une  seconde  aide,  votée  en  12(J2,  parut  excessivement  acca- 
blante, à en  juger  par  les  promesses  que  Jean  1"  se  crut  obligé  de 


faire  à cette  occasion. 


1 Willems,  Van  Heelu,  Introduction,  p.  l. 

2 Charte  du  lundi  après  la  mi-carême,  en  1287-1288  Sanderus , Ravi  sia 
vulgo  Resves,  celebvis  inter  veteres  Brabanliae  baronias  loparchia,  p.  1. 


( 518  ) 

Édouard  Ier  demanda  à ses  sujets,  en  1290,  le  quinzième  de  la 
valeur  de  leurs  biens  meubles,  innovation  qui,  selon  le  témoignage 
des  historiens  anglais,  plongea  l’Angleterre  dans  une  douleur 
inexprimable  l.  Les  relations  du  Brabant  avec  ce  pays  étaient  alors 
si  suivies  et  Jean  Ir  allait  si  volontiers  y chercher  des  exemples 
qu’on  peut  voir  dans  ce  fait  l’origine  de  ce  qui  se  passa,  en  Bra- 
bant, deux  ans  plus  tard. 

« Les  chers,  aimés,  féables  hommes  « de  Jean  Ier,  » qui  avaient 
» seigneurie  dans  son  duché,  et  les  gens  sous  eux,  à raison  de 
» ses  grands  besoins,  lui  avaient  donné  de  leur  gré  le  vingtième  de 
» leurs  biens,  sauf  leurs  manoirs  ou  demeures,  après  décompte 
» des  dettes  constituées  à la  charge  de  ces  biens,  avec  exemption 
» pour  les  chevaliers,  les  écuyers  et  personnes  issues  de  cheva- 
» liers,  et  à la  condition  que  le  duc  pourrait  imposer  à volonté 
» ceux  que  lui  et  ses  prédécesseurs  avaient  imposés.  » Le  duc 
reconnut  qu'il  n’avait  aucun  droit  à cet  impôt,  et  qu’il  avait  été 
accordé  de  bon  gré.  En  conséquence,  il  jura  sur  les  saints  Évangiles 
de  11e  réclamer  jamais,  pour  quelque  cas  que  ce  fut,  un  service  de 
ce  genre,  sauf  à titre  de  pure  grâce.  Il  autorisa  ses  vassaux,  pour  le 
cas  où  lui  ou  un  de  ses  successeurs  violerait  ce  serment,  à se  liguer 
contre  lui,  à se  faire  soutenir  par  les  villes,  et  à lui  refuser  le  ser- 
vice militaire,  tant  d’ost  que  de  chevauchée.  Pour  donner  plus  de 
sanction  à cette  charte,  il  la  fit  sceller  par  son  fils  aîné  et  par  son 
gendre,  le  comte  de  Luxembourg,  et  approuver  parle  roi  Adolphe; 
puis  il  pria  le  duc  de  Bourgogne,  les  comtes  d’Artois,  de  Flandre, 
de  Blois,  de  Hainaut,  de  Nevers,  de  Hollande,  de  Saint-Pol,  de 
Clèves,  de  Looz  et  cle  Juliers,  le  seigneur  de  Fauquemont,  Jacques 
de  Saint-Pol,  rarchevèque  de  Reims,  les  évêques  d’Utrecht,  de 
Cambrai,  de  Liège  et  de  Tournai,  de  donner  au  besoin  aide  et 
appui  à ses  vassaux  et  de  le  contraindre  à l’exécution  de  ses  pro- 
messes. Enfin  il  renonça  à toutes  les  exceptions  de  droit  qu'il 
aurait  pu  invoquer  pour  faire  annuler  les  engagements  qu’il 
prenait  2. 

1 Chronicon  Th.  Wikes , apud  Gale,  t.  II,  p.  121. 

2 Charte  en  date  du  24  mars  1292-1293.  Butkens,  t.  I , Preuves , p.  130. 


( 519  ) 

On  s’est  singulièrement  mépris  sur  la  portée  et  le  caractère 
véritable  de  cet  acte,  que  l’on  a parfois  envisagé  comme  la  pre- 
mière des  joyeuses-entrées  de  Brabant.  On  en  a attribué  l’origine 
à une  manifestation  spontanée  de  l’amour  des  Brabançons  pour 
un  prince  aimé  et  respecté  K II  est  important  de  remarquer,  tout 
d’abord,  qu’il  ne  s’agit  ici  que  d’un  impôt  accordé  par  les  nobles 
du  Brabant  à leur  prince.  Les  villes  ne  participèrent  pas  à ce 
vote,  circonstance  qui  lui  ôte  une  partie  de  son  importance.  Si 
le  duc  entoura  de  garanties  nombreuses  sa  concession,  ce  fut  sur- 
tout, on  doit  en  être  bien  convaincu,  en  raison  des  répugnances 
que  sa  demande  rencontra  d’abord.  Et  encore,  notons-le  bien,  il 
n’est  ici  question  que  d’un  vingtième  du  revenu  et  non  d’un  ving- 
tième de  la  valeur  même,  ce  qui  aurait  constitué  la  moitié  du 
revenu,  l’intérêt  de  l’argent  étant  alors  de  dix  pour  cent. 

Les  villes,  et  en  particulier  les  sept  villes  principales,  s’étaient 
engagées  à payer  au  duc  des  subsides,  ainsi  qu’il  résulte  d’un  do- 
cument en  date  du  51  mai  1284  que  nous  avons  cité  plus  haut 
(p.  515).  Moyennant  une  nouvelle  promesse  de  ce  genre  faite  par 
Léau  (et  probablement  par  les  autres  cités  brabançonnes),  Jean  Ier, 
le  8 septembre  1 28G,  en  exempta  les  habitants  de  prendre  part  aux 
expéditions  militaires  qui  auraient  lieu  jusqu’à  la  fête  de  Pâques 
suivante;  ils  devaient  seulement  défendre,  en  cas  de  besoin,  les 
domaines  du  duc.  A en  juger  par  la  teneur  de  cet  acte,  le  Brabant 
payait  alors  à son  prince,  vers  la  fête  de  la  Saint-Jean-Baptiste, 
une  taxe  ( pac/amentum ),  et  Léau  devait,  pendant  trois  ans,  ne 
payer  d’autre  taille  que  sa  cote  dans  cette  taxe  "1 2. 

En  1289  ou  1290,  à l’expiration  de  ce  terme,  de  nouvelles  de- 
mandes d’argent  furent  faites  à nos  communes,  mais  leur  patience 
était  épuisée,  à ce  qu’il  semble,  car  elles  élevèrent  des  réclamations 
énergiques.  Si,  le  9 avril  1290,  Jean  Ier  déclara  rétablir  dans  leurs 
anciennes  libertés  Lierre,  toute  sa  banlieue  (bivanc)  et  leurs  habi- 
tants, s’il  s’engagea  à ne  pas  exiger  de  cette  ville  plus  d’exactions  et 
de  tailles  que  des  autres  villes  franches,  à proportion  de  son  impor- 


1 Henne,  Jean  Ier  dit  le  Victorieux  (Trésor  national,  1842,  l.  IV,  p.  207  ). 

2 Archives  de  Léau. 


( 52ü  ) 

lance1,  c’est  que  probablement  il  l avait  antérieurement  surtaxée. 
La  plupart  des  autres  communes  contractèrent  l’obligation  de 
donner  au  duc,  pendant  quinze  années,  une  somme  proportionnée 
à leurs  ressources  et  qui  s’éleva,  pour  Ilérentals,  à mille  quarante 
livres  tournois,  la  première  année,  et  six  cent  quarante  livres  les 
autres  années.  Par  contre,  elles  obtinrent,  pour  pareil  terme, 
une  exemption  complète  de  tailles,  même  dans  les  cas  réservés 
par  le  duc  Henri  111  ; elles  furent  en  outre  autorisées  à établir  des 
impôts  comme  elles  le  jugeraient  convenable,  et  à se  libérer  de 
la  somme  précitée  par  des  payements  en  tournois  noirs  2 *.  Peu  de 
temps  auparavant,  la  ville  de  Louvain  avait  promis  au  duc  treize 
mille  livres  tournois;  mais  ce  prince,  poursuivi  par  ses  créanciers, 
leur  avait  remis  les  actes  constatant  cette  promesse,  et  il  en  était 
résulté  qu’on  avait  saisi  en  France  des  draps  appartenant  à des 
Louvanistes , comme  garantie  des  sommes  dues  par  leur  souverain. 
La  ville  ne  contracta  l’obligation  de  donner  la  taxe  dont  nous 
venons  de  parler,  qu’après  que  le  duc  lui  eut  promis  la  restitu- 
tion des  actes  concernant  les  quinze  mille  livres  et  celle  des  draps 
saisis,  outre  une  indemnité  pour  les  torts  considérables  causés  à 
son  commerce  (29  septembre  1290)  5. 

Quant  aux  monastères,  les  annales  de  l’abbaye  de  Parc  nous 
apprennent  comment  ils  furent  traités.  Déjà,  en  1280,  on  avait 
demandé  à Parc  cent  livres  de  Louvain  pour  l’expédition  d’Alle- 
magne; en  1283  et  pendant  les  sept  années  suivantes,  la  commu- 
nauté fournit  pour  l’entretien  de  l’armée  trois  cent  soixante  livres 
de  Louvain,  le  pain  provenant  de  quarante-huit  muids  de  grain, 
huit  bœufs  gras,  cinq  porcs,  vingt  moutons  et  cent  soixante  et  dix 
fromages  4.  Lorsqu’on  juin  1284,  Jean  Ier  lit  annoncer  une  expé- 
dition vers  la  Meuse  ;),  il  défendit,  il  est  vrai,  d’exiger  à ce  sujet 

1 Willems,  Van  lleelti,  p.  520. 

2 Voyez  Willems,  l.c.,  p.  551. 

5 Voyez  plus  loin,  chapitre  X1L 

1 Raymaekers,  Recherches  historiques  sur  l'ancienne  abbaye  cle  Parc 
(Louvain,  1858,  in-8°),  p.  29. 

5 Occasione  eœpeditionis  jam  mode  et  ediclœ  (Summaria  cronoloyia  Par- 
censis , p.  120). — 11  ordonna  aussi  de  protéger  les  biens  de  l’abbaye  cl’Ever- 


( 321  ) 

aucun  service  de  l’abbaye,  se  réservant  de  le  faire  lui-mèmc,  si 
cela  devenait  nécessaire,  et  il  renouvela  cette  déclaration  deux  ans 
plus  tard.  En  1287,  quand  il  obtint  un  subside  pour  soutenir  la 
guerre,  il  déclara  que  l'abbaye  de  Grimberghe  ne  serait  pas  plus 
imposée  que  celle  de  Diliglicm,  lorsque  lui  ou  ses  successeurs  pré- 
lèveraient une  taille  ou  autre  exaction  sur  les  couvents  du  pajs  *. 
Une  charte  importante  lut  donnée  aux  monastères  le  8 novembre 
1295,  « en  considération  des  services  que  le  duc  en  avait  reçus 
» dans  scs  grandes  nécessités.»  Pendant  huit  années,  leur  fut-il 
promis,  on  ne  leur  demanderait  plus  rien  et  on  n’élèverait  aucune 
réclamation,  soit  à leur  charge,  soit  à charge  de  leurs  biens  2.  Cet 
engagement  ne  fut  pas  respecté,  car,  dès  le  mois  d’octobre  1294, 
Jean  II  et  sa  femme  imposèrent  Afïïighem,  en  lui  déclarant  en 
retour  que  la  communauté  ne  serait  plus  obligée,  pendant  un 
terme  de  sept  années,  à recevoir  qui  que  ce  fut  par  leurs  ordres r>, 
et  d’une  série  de  chartes  octroyées  en  janvier  1297-1298,  aux 
différentes  abbayes,  on  peut  conclure  que  ce  prince  se  vit  obligé 
de  violer  ses  promesses  et  celles  de  son  père. 

L’autorisation  d’asseoir  des  impôts,  accordée  aux  Ailles  en  1290, 
est  plutôt  une  confirmation  d’un  droit  ancien  qu’une  concession  du 
droit  de  s’imposer.  Il  est  évident  qu’en  pressurant  leurs  sujets,  nos 
princes  ont,  dans  le  principe,  du  se  préoccuper  médiocrement  de 
la  manière  dont  l’argent  leur  arrivait.  Etre  payé  constituait  leur 
seul  souci,  pourvu,  cependant,  que  nul  ne  payât  qui  fut  affranchi  : 
ecclésiastique,  noble,  serviteur  d’une  des  classes  privilégiées,  etc. 
Ce  dernier  cas  se  présentait  rarement,  les  tailles  se  levant  au  moyen 
d’une  contribution  personnelle,  que  les  bourgeois  répartissaient 
entre  eux:  mais,  au  treizième  siècle,  on  adopta  généralement 
un  autre  système.  Chaque  denrée  ou  marchandise  fut  imposée, 


botlen  si  l’armée  en  traversait  pendant  l’expédition  (cum  bona  transira  in 
nostra  expeditione  contigerit.  Charte  du  mardi  dans  les  octaves  de  la  iêle  de 
saint  Pierre  et  Paul,  en  1384). 

1 Jeudi  avant  la  Sainte-Lucie,  en  i287  (Histoire  des  environs  de  Bruxelles , 
l.  II,  p.  238). 

2 Willems,  Van  lleela , p.  377. 

5 Cartulaire  d'Afflighem , l.  III,  p.  402. 

Tome  XI II. 


21 


( 522  ) 

d’après  le  débit  que  l’on  en  faisait.  Comme  cette  taxe,  tout  en 
atteignant  directement  les  marchands , c’est-à-dire  la  bourgeoi- 
sie, frappait  aussi  le  consommateur,  elle  souleva  de  violentes  ré- 
clamations, notamment  à Liège  et  à Cologne,  ainsi  que  l’indique 
le  nom  de  maltôte,  que  le  peuple  lui  donna.  D’une  part,  elle  violait 
les  libertés  séculaires  des  ecclésiastiques;  d’autre  part,  elle  mécon- 
tentait les  artisans,  en  augmentant  le  prix  des  marchandises  et 
surtout  des  denrées.  Mais  la  répartition  des  taxes  personnelles,  qui 
d’ailleurs  pesaient  davantage  sur  les  riches , offrait  tant  de  diffi- 
cultés qu’elle  fut  généralement  abandonnée. 

Un  impôt  qui  frappait  des  classes  étrangères  à la  bourgeoisie  ne 
pouvant  être  institué  par  la  volonté  seule  de  celle-ci,  les  villes, 
pour  éviter  les  difficultés  qu’elles  durent  prévoir,  prirent  le  parti 
de  réclamer  de  leurs  princes  l’autorisation  de  lever  des  assises. 

Au  mois  d’avril  1228,  le  comte  Ferrand  et  la  comtesse  Jeanne 
autorisèrent  les  Gantois  à lever  dans  leur  ville,  pendant  trois  ans, 
« l’assise  que  l’on  appelle  maltôte,  » et,  en  compensation  de  cette 
charge  imposée  aux  habitants,  les  souverains  de  la  Flandre  pro- 
mirent de  ne  grever  les  Gantois,  pendant  le  même  temps,  d’au- 
cune taille,  ni  d’aucune  précaire  L Cette  innovation  fut  ensuite 
étendue  aux  autres  cités  flamandes  ; mais  elle  provoqua  de  vives 
réclamations  de  la  part  du  clergé,  qui,  grâce  à l'influence  de  l’ar- 
chevêque de  Reims,  parvint,  à ce  qu’il  semble,  à en  faire  ajourner 
ou  modifier  la  perception  2. 

La  levée  des  assises,  quelle  que  fut  la  répugnance  que  I on 
éprouvât  contre  elles , se.  généralisa  pendant  la  seconde  moitié  du 
treizième  siècle;  cependant,  dans  le  principe,  elle  ne  fut  tolérée  qu’à 
titre  temporaire  et  pour  faire  face  à des  dépenses  imprévues.  Vers 
1270,  la  ville  de  Namur  fut  autorisée  à établir  des  assises,  mais  seu- 
lement pendant  un  an,  afin  de  payer  une  amende  de  mille  livres, 
que  le  comte  Guy  de  Dampierre  lui  avait  infligée  °.  En  1277,  Tour- 
nai reçut  du  roi  de  France , Philippe  le  Hardi , son  premier  oetroi 
d’assises,  à la  condition  de  n’en  employer  le  produit  qu’à  la  con- 

* Dieriex,  Mémoires  sur  la  ville  de  Garni , t.  I , p.  142. 

2 Acte  de  l’an  1230  dans  Marlot , Metropolis  Remensis  historia , t.  Il,  p.  515. 

5 Notices  historiques  sur  les  octrois,  p.  655. 


( 525  ) 

struction  de  nouvelles  fortifications L Bruges  fut  autorisée  à effec- 
tuer des  levées  semblables  pendant  dix  ans,  le  24  juin  1279 1  2. 
Pour  Mons,  on  ne  connaît  aucun  acte  de  cette  nature  antérieur  à 
une  charte  de  Jean  d’Avesnes,  du  mois  de  septembre  1287.  Le 
comte  n’y  autorise  la  perception  de  l’assise  que  pour  deux  années  3 ; 
mais  à Mons,  comme  partout  ailleurs,  elle  ne  cessa  plus,  et  on  peut 
dire  avec  certitude  qu’à  la  fin  du  treizième  siècle,  l’assise,  ou  ce 
que  l’on  nomme  actuellement  l’octroi , les  taxes  communales,  se 
levait  dans  toutes  les  villes  belges.  Le  fait  est  du  moins  certain 
pour  la  Flandre,  pour  Malincs  et  pour  Bruxelles  (dès  1295),  pour 
Maestricht  (dès  1285),  pour  Maubeuge  (dès  1295),  etc. 

Ainsi  que  le  font  remarquer,  dans  leur  beau  travail,  MM.  Bo- 
gacrts  et  Deljoutte4 5,  la  levée  des  assises  se  fixait  sur  lesdéclara- 
tions  faites  sous  la  foi  du  serment  par  le  contribuable  lui-même  s; 
elle  s’opérait  sous  le  contrôle  d’ouvriers  publics  toujours  asser- 
mentés, qui  seuls  pouvaient  procéder  à l’enlèvement  et  au  trans- 
port des  marchandises  passibles  de  taxes  ; elle  était  facilitée  par  la 
désignation  de  lieux  exclusivement  affectés  à la  vente  de  certains 
produits. 

Le  compte  de  la  ville  de  Bruges  pour  l’année  1284-1285  té- 
moigne des  ressources  immenses  que  les  assises  offraient  déjà  aux 
communes.  Elles  figurent,  parmi  les  recettes,  pour  une  somme  de 
vingt- cinq  mille  six  cent  quarante-quatre  livres  dix- huit  sous 
cinq  deniers,  la  moitié  de  ce  qu’un  roi  d’Angleterre  donnait  en 
dot  à sa  fille.  On  en  prélevait  une  partie  directement,  et  l’autre, 
par  l’intermédiaire  des  métiers.  Voici  comment  leur  produit  se 


répartit  : 

Livres. 

Assise  du  yin 7,764 

— de  la  bière 7,326 

— du  miel  ou  hydromel 692 


1 Notices  historiques  sur  les  octrois , p.  690. 

2 Delepierre,  Inventaire  des  Archives  du  Franc  de  Bruges , 1. 1,  p.  lxxiy. 

5 Notices  historiques  sur  les  octrois,  p.  502. 

1 Notice  historique  sur  les  impôts  communaux  de  Bruges , dans  les  Notices 
historiques  sur  les  octrois , p.  27 1 . 

5 C’est  ce  que  prescrivit  le  comte  de  Hainaut,à  Mons,  en  1267. 


( 3^4  ) 


Assise  du  pain 

— sur  l’huile 

— sur  les  chevaux 

— des  bouchers 

— du  grain  ( annonae ) 

— des  boulangers 

— des  marchands  fruitiers.  . . . 

— des  marchands  de  poisson  . . 

— des  corroyeurs 

— des  pelletiers  ....... 

— des  tanneurs 

— des  marchands  de  toile.  . . . 

— des  teinturiers 

— des  drapiers 

— . des  marchands  de  fourrures  . . 

— des  marchands  de  draps  (snyders  ) 

— des  brodeurs  (culcstikers) . . . 

— des  tailleurs  ( sceppers ).  . . . 

— des  savetiers 

— des  fripiers 

— des  merciers 

— des  marchands  de  lits  .... 

— des  sabotiers 

— des  barbiers 

— des  forgerons 

— des  courtiers 

— du  poids  public 


Livres. 

4,081 

62 

57 

72 

580 

118 

12 

86 

204 

500 

186 

80 

65  '/a 
850 
250 
244 
28 
25 
20 
68 
258 
15 
198 
40 
170 
500 

1,250  ». 


Ces  grandes  recettes  provenaient,  à ce  qu'il  semble,  de  la  mo- 
dicité du  tarif  adopté,  modicité  qui  mettait  obstacle  aux  fraudes, 
en  même  temps  qu’elle  facilitait  la  perception.  Ainsi,  à Tournai, 
on  ne  payait  généralement  qu’un  denier  pour  une  valeur  de  vingt 
sous,  soit  un  deux-cent-quarantième;  à Mons,  la  proportion  va- 
riait : pour  une  valeur  de  dix  à vingt  sous,  on  payait  un  denier; 
pour  moins  de  dix  sous,  il  n’était  dû  qu’une  maille.  Les  autres 
articles  des  tarifs  sont  plus  difficiles  à préciser,  à cause  du  manque 
de  données  positives  sur  le  taux  des  monnaies,  mais  il  est  pro- 
bable qu’ils  étaient  proportionnels.  Le  vin  de  France  vendu  au 
broc,  payait  par  tonneau:  dix- huit  sous  à Tournai,  vingt-deux 


4 Notice  historique  sur  les  impôts  communaux  de  Bruges , p.  270. 


( 323  ) 

sous  à Mons.  A Na  mur,  le  setier  île  vin  devait  un  denier;  l’aime 
de  eervolse  (ou  de  bière)  deux  deniers.  A Tournai,  les  grains  em- 
ployés par  les  brasseurs  payaient,  par  rasière  : le  blé,  douze 
deniers,  l’orge  et  l’avoine,  six  deniers;  le  blé  cuit  chez  les  boulan- 
gers, un  denier  par  rasière;  un  drap,  six  deniers,  sauf  le  battu, 
qui  ne  payait  que  quatre  deniers;  chaque  saie  et  chaque  cuve  de 
teinturerie,  six  deniers.  A Mons,  on  grevait  d’une  taxe  plus  forte 
le  prêt  à usure,  qui  n’en  devenait  que  plus  onéreux  pour  les  mal- 
heureux débiteurs  : sur  vingt  sous  empruntés,  l’assise  prélevait 
douze  deniers,  soit  un  vingtième  '. 

Les  assises  permirent  aux  villes  de  faire  des  dépenses  considé- 
rables de  toute  espèce,  en  constructions,  améliorations  de  la 
voirie,  ornements,  etc.  Elles  leur  facilitèrent  aussi  la  ressource  des 
emprunts,  que  depuis  elles  n’utilisèrent,  que  trop  facilement2. 
Lorsque,  en  1291,  les  juges,  les  échevins,  le  consulat,  la  maîtrise 
des  citoyens  et  les  autres  citoyens  d’Aix-la-Chapelle  empruntè- 
rent aux  lombards  de  cette  ville  trois  cents  marcs,  ils  avaient 
déjà  vendu  à terme  trois  assises,  « malgré  eux  et  par  nécessité.  » 
La  ville  s’engagea  à rembourser  cette  somme  dans  les  six  ans, 
ou  à donner  aux  lombards  vingt- cinq  marcs  par  mois,  si  elle 
établissait  une  nouvelle  assise.  Le  duc  de  Brabant  et  le  sire  de 
Fauquemont  (ou  huit  chevaliers  pour  le  premier  et  quatre  pour 
le  second)  se  portèrent  cautions  de  la  cité  et  s’engagèrent  à se 
rendre  à Cologne,  si  les  lombards  l’exigeaient,  et  à y rester  jus- 
qu’à ce  que  satisfaction  leur  fût  donnée  ». 

Citons  encore,  parmi  les  revenus  de  la  commune,  le  produit  du 
droit  de  réception  à la  bourgeoisie,  qui  s’élevait,  à Anvers,  à vingt 
sous  de  Louvain  4.  A la  traversée  des  villes,  on  payait  un  droit  de 

4 Notices  historiques  sur  les  octrois,  pp.  502,655  et  690. 

2 Le  plus  ancien  compte  de  la  ville  d’Anvers  (celui  de  l’année  1354)  témoigne 
de  l’énorme  quantité  de  rentes  dont  les  finances  de  cette  commune  étaient 
alors  grevées. 

3 Lundi  avant  l’Assomption,  en  1291.  Quix,  Codex , p.  165. 

4 Ordonnance  datée  du  24  avril  1298,  dans  les  Brabantsche  Yeesten,  t.  1 , 
p.  690.  — En  Hollande,  à Harlem,  le  même  droit  ne  consistait,  en  1245, 
qu’en  huit  deniers,  que  se  partageaient  l’écoutète,  l’amman  et  les  échevins. 


( 526  ) 

chemin,  weggelt , dont  le  produit  était  surtout  destiné  à l’entre- 
tien de  la  voie  publique  l. 

En  vertu  d’anciennes  conventions  approuvant  leurs  privilèges, 
les  tisserands  payaient  au  domaine  une  somme  qui  s’élevait,  pour 
ceux  de  Louvain,  à deux  cents  livres  par  an;  dans  plusieurs  loca- 
lités, ce  revenu  fut  abandonné,  en  1290,  à la  caisse  communale, 
et  la  gestion  de  la  caisse  des  tisserands  confiée  à deux  personnes 
que  désignaient  : à Louvain,  le  maire,  les  échevins  et  les  jurés;  à 
Anvers,  les  échevins.  Cette  somme  se  prélevait  par  semaine  sur  les 
tisserands,  dont  le  salaire  ne  pouvait  dépasser  douze  deniers  de 
Louvain  2 *. 

Le  poids  public,  c’est-à-dire  l’endroit  où  on  pesait  les  grosses 
marchandises,  et  les  marchés  furent  généralement  abandonnés 
aux  bourgeois  5,  qui  trouvaient  également  de  grandes  ressources 
dans  leurs  prairies  communales  4.  Le  51  mai  1295,  Jean  Ier  ven- 
dit aux  Louvanistes  la  plaine  située  au  Marché  aux  bêtes,  où  se 
trouvait  la  balle  au  blé.  qui  appartenait  à la  ville,  et  les  autorisa 
à y transférer  le  marché  qui  se  tenait  sur  le  cimetière  de  Saint- 
Pierre.  En  Flandre,  on  vit  les  Brugeois  acquérir  des  seigneurs  de 
Ghistelles  le  poids  public  de  leur  ville  (1282),  et  les  Lillois  obtenir 
du  comte  Guy  la  halle  et  la  boucherie  (1279, 1285).  Quelques  villes, 
entre  autres  Bruxelles  (1290),  Lille  (1284),  Mons  (avril  1290),  etc., 
devinrent  propriétaires  de  leurs  remparts;  il  est  vrai  que  ces  der- 
niers , à cause  de  l’augmentation  de  la  population  dans  les  ban- 

1 Assista  viarumquae  wegelt  dicitur.  Léau,  1290. 

2 Louvain,  1290  ; Anvers,  1290-1291. 

5 Wagha  sive  libra  lanae.  Louvain,  1290;  Bruxelles,  la  même  année. 
Le  31  mai  1289,  le  marché  au  poisson  de  Bruxelles  fut  cédé  en  arrentement 
perpétuel  aux  poissonniers  et  bouchers  de  cette  ville,  et,  le  même  jour, 
Jean  Ier  concéda  aux  bouchers  bruxellois  la  possession  de  trente  et  un  étaux, 
dans  la  boucherie,  moyennant  une  redevance  de  dix  escalins  par  étal  (Car tu- 
laire  du  métier  des  Boucliers). 

4 La  possession  des  hemeden  ou  opstallen , voisins  d’Anvers  , fut  confirmée 
par  Jean  Ier à cette  ville,  en  1290-1291.  Léau  obtint  aussi  la  confirmation  de 
ses  pâtures  communes,  en  1290.  Godefroid,  sire  de  Vierson,  concéda  à 

Aerschot  des  pâtures,  en  1294.  En  mai  1280,  Arnoul  de  Louvain  abandonna 
à la  ville  de  Bréda  les  pâtures  communes  dites  Emelenberg  et  Ypelaar. 


( 527  ) 

lieues,  n’avaient  plus  la  meme  importance  et  que  la  cession  em- 
portait l’obligation  coûteuse  de  les  remplacer.  Lille  paya  les  siens 
vingt-quatre  mille  livres 1 2 3  4. 

Le  maniement  des  finances  de  la  commune  devenant,  à cause 
de  son  importance,  une  fonction  pénible,  les  échevins  le  délé- 
guèrent à d’autres  personnes,  à charge  de  rendre  compte  de  leur 
gestion.  Ces  receveurs,  comme  on  les  appela  depuis,  existaient 
déjà,  au  nombre  de  quatre,  à Arras  en  1211,  suivant  une  charte 
dont  on  connaît  une  confirmation  en  date  de  l’année  1 268  2.  Léau 
et  Tirlemont  obtinrent,  en  1290  et  1291,  l’autorisation  d’en  éta- 
blir également  quatre,  ce  qui  se  fit  aussi  à Dordrecht,  en  1295 
Dans  le  Brabant,  les  échevins  n’abdiquèrent  pas  ce  soin  partout; 
du  moins,  à Bruxelles  et  à Anvers,  nous  voyons  encore  mention- 
ner, en  1299  et  1501,  un  échevin  receveur  4.  A Léau,  la  per- 
ception même,  c’est-à-dire  la  mission  d’aller  chez  l’habitant  pour 
recevoir  le  montant  de  la  taille  et  de  l’assise,  s’opérait  gratuitement 
par  les  soins  des  forestiers  ou  sergents  du  due. 

Les  temps  antérieurs  virent  souvent  de  graves  débats  s’élever 
entre  les  autorités  communales  et  le  clergé , parce  que  celui-ci 
refusait  de  payer  sa  part  dans  les  taxes.  Oublieux  de  l’utilité  qui 
en  résultait  pour  la  généralité  , les  ecclésiastiques  essayèrent  tou- 
jours de  maintenir  et  d’étendre  leurs  exemptions  d’impôts.  Cette 
maladie  gagna  aussi  les  laïques  : en  1282,  Jean  Ior  se  vit  obligé  de 
décréter  que,  lorsque  la  ville  de  Louvain  établissait  une  taille,  les 
échevins  étaient  tenus  de  contribuer  à l’égal  des  autres  bourgeois; 
le  29  mars  1285,  l’archevêque  Sifroi,  à la  demande  des  princi- 
paux [majores)  et  de  la  commune  de  Bonn,  condamna  une  pré- 
tention semblable  des  échevins,  qui  se  refusaient  à contribuer 
dans  une  taxe  de  cent  marcs  s.  Mais,  dans  l’intérêt  du  commerce, 

1 Roisin , Les  Franchises  de  Lille , p.  505. 

2 Notices  historiques  sur  les  octrois,  p.  101. 

3 Mieris,  t.  I,  p.  556.  — La  première  mention  du  « conteur,  païeur  et  reche- 
veur  » pour  la  commune  d’Amiens,  date  de  1291  (Thierri,  Monuments  du 
tiers  état,  t.  I,  p.  275). 

4 Archives  communales  de  Bruxelles.  — Kreglinger,  l.  c.,  p.  111. 

3 Lacomblet , t.  II , p.  471  » 


( 328  ) 

on  accordait  aux  négociants  étrangers  l’exemption  que  l’on  refu- 
sait aux  administrateurs  de  la  cité. 

Pendant  la  minorité  de  Jean  I''r , un  différend  assez  sérieux 
s’éleva  entre  le  chapitré  de  Notre-Dame  d’Anvers  et  l’écoutète 
Guillaume  Sclauwaert,  laminai!  Nicolas  Van  Wyneghem,  Àrnoul 
le  Changeur,  Jean  Aleyn  et  d’autres  bourgeois  d’Anvers.  Une 
sentence  arbitrale,  émanée  de  la  duchesse  Alevde  et*dc  ses  cou- 
seillers,  autorisa  les  chanoines  à acheter  du  vin  pour  eux  et  pour 
leurs  familles,  à le  placer  dans  leurs  celliers  respectifs,  et  à en 
livrer  une  certaine  quantité  à des  hôtes  de  distinction  ( une  aime) 
ou  à leurs  amis  (cinq  geltes).  On  leur  reconnut  aussi  le  droit  de 
se  servir  de  la  grue  et  des  ouvriers  de  la  grue,  moyennant  le 
salaire  habituel,  mais  il  leur  fut  défendu  (ce  que  Jean  Ier  défendit 
de  nouveau  en  1290-1291  ) de  tenir  des  tavernes  ou  de  vendre  du 
vin  U 

A Léau  et  à Tirlemont,  aucun  bien  ne  pouvait  devenir  la  pro- 
priété d’un  couvent , qu’à  la  condition  de  rester  assujetti  au  paye- 
ment des  tailles  et  des  assises.  Ces  dernières  se  levaient  sur  toutes 
les  marchandises  que  débitaient  les  bogards  et  les  béguines,  sur 
tout  ce  que  consommaient  les  clercs  mariés  ( clerici  uxorati ) , 
mais  on  ne  demandait  pas  l’assise  du  vin  aux  clercs  vivant  régu- 
lièrement, ni  aux  chevaliers,  ni  à leurs  veuves,  ni  aux  femmes 
qui  n’exerçaient  aucun  négoce 1  2. 

ni. 

Après  les  détails  que  le  savant  Willcms  a donnés  sur  la  manière 
de  faire  la  guerre  du  temps  de  Jean  Ier,  il  reste  peu  de  choses  nou- 

1 Charte  du  17  novembre  1263.  Mertens  et  Torfs,  Geschiedenis  van  Ant- 
werpen,  t.  I,  pp.  546  et  574.  — Notices  historiques  sur  V ancienne  législa- 
tion des  octrois , pp.  121  et  198. 

2 1290,  1291.  — Dans  la  ville  de  Duysbourg,  les  ecclésiastiques  payaient 
pour  les  biens  les  mêmes  précaires,  scots  et  collectes  que  les  autres  habitants. 
Cet  usage  fut  sanctionné  par  une  charte  du  roi  Rodolphe,  du  2 juin  1291 
(Lacomblet,  t.  II,  p.  542). 


( 529  ) 

voiles  à dire  sur  ce  sujet  '.  On  sait  que  l’on  reconnaissait,  en  Bra- 
bant, deux  sortes  de  guerre  : l’ost  et  la  chevauchée.  Celle-ci  n’était 
qu’une  simple  prise  d’armes,  pour  laquelle  le  duc  réclamait  uni- 
quement le  service  d'un  certain  nombre  de  scs  vassaux.  Quant 
à l’ost  ou  heervaert,  comme  on  disait  quelquefois,  il  n’avait  lieu 
que  pour  la  défense  du  pays.  Lorsqu’on  ordonnait  une  expédi- 
tion de  ce  genre,  personne  ne  pouvait  rester  chez  soi,  à moins 
d’une  permission  expresse  du  duc  lui-même  ou  d’un  de  ses  chefs- 
officiers2;  celui  qui  contrevenait  à cette  disposition  encourait  la 
peine  de  mort  et  de  confiscation,  et  l’officier  inférieur  qui  se  serait 
permis  de  donner  une  autorisation  de  ce  genre  était  destitué  et 
ne  pouvait  jamais  rentrer  au  service  du  prince. 

Ces  convocations  extraordinaires  permettaient  la  concentration 
de  forces  considérables,  d autant  plus  redoutables  qu’elles  com- 
battaient pour  la  défense  de  leurs  foyers.  Mais  on  les  appelait  rare- 
ment à marcher,  du  moins  toutes  ensemble.  Elles  se  réunissaient, 
le  plus  souvent,  par  parties,  quand,  par  exemple,  il  s’agissait  de 
repousser  une  invasion  imprévue. 

Lorsqu’un  prince  se  proposait  de  participer  à une  expédition,  il 
signait  une  convention  avec  ceux  qu’il  prenait  à sa  solde.  Ainsi  Ro- 
bert, comte  d’Artois,  se  disposant  à aller  à la  croisade,  voulut  se 
faire  accompagner  par  Guy  de  Cha tillon , comte  de  Saint-Pol  : il  lui 
promit  quinze  mille  livres  tournois,  en  dédommagement  de  ses  dé- 
penses et  notamment  des  frais  de  son  passage  au  delà  de  la  mer. 
Saint-Pol  devait  servir,  pendant  un  an , Robert  ou,  en  cas  de  mort 
de  Robert,  le  roi  de  France,  chef  de  F expédition.  Il  devait  avoir 
quatre  chevaux,  une  suite  de  dix  personnes  et  un  chapelain; 
vingt -neuf  chevaliers,  ayant  chacun  un  cheval,  l’accompagne- 
raient et  seraient  suivis  : chaque  bannerct,  de  deux  écuyers  et  de 
deux  valets  ou  sergents;  chaque  simple  chevalier,  d’un  écuyer  et 
d’un  garçon  (ou  valet?)  5.  Le  tout  composait  donc  un  corps  d’en- 

1 Introduction  à Van  Heela  , pp.  l et  suivantes. 

2 Keures  de  l’ammanie  de  Bruxelles  et  du  pays  de  Nivelles , ad  finem , dans 
Willems,  Van  Heela,  pp.  548  et  554. 

5 Accord  en  date  du  mois  de  mars  1268.  Saint-Génois,  Monuments , t.  1, 

p.  619. 


( 350  ) 

viron  cent  personnes,  parmi  lesquelles  on  comptait  trente  che- 
valiers. En  1285,  les  sires  cle  Gavre  et  de  Durbuy  promirent  à 
Jean  Ier  de  faire  partie  de  l’expédition  d’Aragon  et  de  le  servir  une 
année;  ils  devaient  avoir  avec  eux,  chacun,  quatre  autres  cheva- 
liers, et  recevoir,  le  premier,  trois  mille;  le  second,  trois  mille  cinq 
cents  livres  tournois.  Si  le  service  ne  durait  pas  aussi  longtemps 
que  le  terme  stipulé,  cette  somme  diminuerait  à proportion  l. 

Lorsque  la  guerre  du  Limbourg  commença,  le  duc  prévit  qu'il 
serait  bientôt  dans  l’impossibilité  de  la  soutenir  avec  ses  feuda- 
taires  seuls;  il  convoqua  ses  sujets  : « hommes,  chevaliers,  bour- 
» geois  et  autres,  » et  il  obtint  d’eux  « gens  à armes,  à leur  frais 
» et  à leur  coust,  » c’est-à-dire  l’entretien  d’un  certain  nombre 
de  soldats,  probablement  pour  toute  la  durée  de  la  guerre.  En  re- 
mercîmcnt,  il  leur  donna  des  lettres  de  non-préjudice,  qu’il  fit 
sceller  par  les  seigneurs  d’Aerschot,  de  Herstal  et  de  Malines  2. 
De  la  sorte,  il  ne  fut  pas  obligé  de  grever  ses  domaines,  de  s’im- 
poser des  sacrifices  exorbitants , qui  l’auraient  bientôt  ou  conduit 
à sa  ruine  ou  forcé  de  renoncer  à son  entreprise. 

La  solde  journalière  des  combattants  s’élevait,  suivant  un  ac- 
cord entre  les  comtes  de  Flandre  et  de  Hollande,  qui  fut  projeté 
en  1295  : pour  ce  dernier  personnage,  à cent  livres  tournois; 
pour  cliaque  banneret,  à quarante  sous;  pour  chaque  chevalier,  à 
vingt  sous;  pour  chaque  écuyer  ou  sergent  à cheval,  à dix  sous; 
pour  chaque  piéton,  à trois  sous  de  Flandre  3.  Ces  chiffres  donne- 
ront la  mesure  du  prix  que  l’on  attachait  au  service  respectif  de 
ces  différentes  classes  de  combattants. 

Le  cavalier,  dit  M.  Willems,  portait  un  bouclier  rond,  un  peu 
bombé  au  dehors  et  qui  se  distinguait  de  la  targe  du  piéton , en 
ce  que  celle-ci  était  oblongue,  échancrée  par  le  bas.  Quant  aux 
armes  offensives,  Van  Heelu  les  mentionne  sous  le  nom  de  haches 
d’armes  et  d’épées,  de  lances  et  de  piques,  de  dagues  ou  coutelas, 


1 Actes  en  date  des  1er  et  6 mars  1284-1285,  dans  Willems,  Van  Heelu , 
pp.  454  et  435. 

2 16  janvier  1283-1284,  Willems,  Van  Heelu,  p.  l. 

5 Jules  de  Saint-Génois,  Inventaire,  p.  258, 


( 331  ) 

et  de  masses  d’armes  avec  ou  sans  pointes.  Les  paysans  s’armaient 
de  bâtons,  de  massues  et  de  piques. 

Van  Ileelu  ne  parle  en  aucun  endroit  d’arbalétriers,  ce  qui  con- 
duit à discuter  la  part  de  gloire  qui  revient  aux  villes  dans  les 
événements  militaires  du  temps.  Il  est  inutile  d’insister  sur  l’im- 
portance qu’avaient  alors  nos  milices  communales.  Depuis  deux 
siècles , elles  s’étaient  organisées  et  rendues  redoutables.  Lorsque 
le  roi  de  France  le  requérait,  la  ville  de  Tournai  ne  lui  envoyait 
pas  moins  de  trois  cents  fantassins  , et  si  le  roi  s’avancait  vers 
l’Arrouaise,  toute  la  commune  marchait  à sa  rencontre.  Les  cités 
du  nord  de  la  France  avaient  une  organisation  analogue,  et  l’on 
sait  combien  elles  contribuèrent  au  gain  de  la  bataille  de  Bou- 
vines. Les  bourgeois  des  villes  belges  eurent  aussi  l’occasion  d’exer- 
cer leur  adresse  et  leur  valeur  dans  les  querelles  incessantes  de 
leurs  princes,  mais  ce  qu’il  y avait  d’obligatoire  dans  leur  ser- 
vice fut  successivement  réduit.  Ainsi  les  bourgeois  de  Vilvorde 
furent  exemptés  de  marcher  au  delà  de  la  Meuse,  d’Anvers,  de 
la  Dendre  et  de  Nivelles  *.  Plus  tard,  on  concéda  à d’autres  cita- 
dins le  droit  de  ne  plus  être  appelés  aux  armes  que  pour  les 
guerres  générales  de  tout  le  pays,  « quand  il  s’agissait  de  mourir 
pour  la  patrie  2.  » 

Une  charte  de  la  ville  de  Mortagne,  du  mois-  de  février  1250- 
1251,  explique,  d’une  manière  assez  complète,  comment -s’ar- 
maient certains  bourgeois.  « S’il  a vaillant  cent  livres , le  bour- 
» geois  de  Mortagne  doit  avoir  son  haubert  et  capel,  et  glaive  et 
» épée  suffisants.  » Celui  qui  n’a  que  soixante  livres,  porte  un 
capiel  de  fer  et,  au  lieu  de  haubert,  un  haubergeon:  les  moins 
riches  s’équipent  comme  ils  le  jugent  convenable  et  selon  leurs 
moyens.  Celui  qui,  à la  réquisition  du  seigneur,  n’est  pas  fourni 
d’armes  suffisantes,  paye  une  amende  de  six  livres,  qui  sert  à 
acheter  des  armes  pour  ceux  qui  en  manquent  et  à qui  on  en 
prête  à l’occasion  3. 

1 Charte  de  1192. — Les  bourgeois  de  Wesel  ne  pouvaient,  que  de  leur 
propre  gré,  être  conduits  jusqu’à  un  lieu  d’où  ils  ne  pourraient  pas  revenir  à 
Wesel,  à la  nuit.  Charte  de  1241.  Lacomblet,  t.  II. 

2 Charte  en  faveur  de  Léau  , 1213;  du  village  de  Duysbourg,  1229= 

3 Chotin , t.  Il , p*  23* 


( 552  ) 

Dans  plusieurs  chartes  accordées  par  le  roi  Guillaume  de  Hol- 
lande à ses  villes,  le  contingent  que  ces  dernières  devaient  fournir 
est  fixé.  Ainsi  Harlem  donnait  soixante- quatre  hommes,  Delft 
quarante  et  un,  etc.  C’est  probablement  à la  suite  de  prescriptions 
semblables  que  les  villes  brabançonnes  organisèrent  dans  leur 
sein  des  gildes  ou  serments  d’arbalétriers,  qui  tenaient  chacun  un 
certain  nombre  d’hommes  bien  équipés  et  bien  exercés  à la  dis- 
position du  souverain  et  de  la  ville. 

Mais  quoiqu'il  soit  certain  que  le  maniement  de  l’arc  et,  plus 
encore,  celui  de  l’arbalète  fussent  familiers  aux  Brabançons,  quoi- 
que, dans  plusieurs  des  villes  belges,  il  y eût  déjà  au  treizième 
siècle  des  gildes  semblables,  par  exemple,  à Namur,  dont  les  ar- 
balétriers reçurent  des  statuts  de  Guy  de  Dampierre  en  1270, 
cependant  l’histoire  positive  de  ces  corps  armés,  en  Brabant,  ne  re- 
monte pas  au  delà  de  l’année  1504.  On  a souvent  prétendu  que  les 
milices  des  villes  étaient  représentées  à Woeringen  par  des  arba- 
létriers '.  Bien  que  ce  fait  soit  accepté  par  les  savants  les  plus  hono- 
rables, nous  répugnons  à l’admettre;  il  nous  paraît  inconciliable 
avec  le  silence  complet  que  Van  Heelu  garde  à ce  sujet.  Cet  auteur 
ne  mentionne,  dans  l’armée  ducale,  que  des  bannières  composées 
de  chevaliers  et  de  sergents,  combattant  avec  le  glaive  et  la  lance. 
N’est-il  pas  probable  que  c’étaient  des  guerriers  de  ce  genre  que 
les  villes  avaient  fournis  à Jean  Ier?  Ce  qui  nous  a inspiré  cette 
opinion,  c’est  la  mention  dans  les  traités  conclus  par  Cologne  de 
chevaliers  et  fils  de  chevaliers  que  les  patriciens  de  cette  ville  de- 
vaient envoyer  au  secours  de  leurs  nobles  alliés.  Or,  nous  l’avons 
dit,  l’organisation  communale  de  Louvain,  de  Bruxelles,  d’An- 
vers , offrait  une  grande  analogie-  avec  celle  de  la  métropole 
rhénane,  et  l’on  sait  combien  la  mode  fait  adopter  une  coutume 
avec  facililé,  quand  elle  est  de  nature  à flatter  les  passions  hu- 
maines. Combattre  à cheval,  devait  être  le  rêve  favori  des  bour- 
geois riches;  ils  pouvaient  se  distinguer  ainsi  des  plébéiens  et 
gens  de  métier,  et,  d’ailleurs,  ils  possédaient,  pour  la  plupart, 
quelque  fief  relevant  soit  du  prince,  soit  d’un  de  ses  vassaux. 


1 Willems , /.  c.,  p.  lii. 


( 555  ) 

Ainsi  s’expliquerait  l’apparent  oubli  du  chantre  de  la  bataille  de 
Woeringen. 

Quand  l’armée  était  réunie,  on  apportait  l’étendard  des  dues 
de  Brabant,  que  l’on  conservait  à l’abbaye  d’Afllighcm  , dont 
une  des  fermes,  Overjelle,  à Zellick,  devait  fournir  le  chariot 
destiné  à le  porter  pendant  la  marche.  Le  seigneur  d’Assclic, 
qui  avait  le  titre  de  guidon  héréditaire,  le  soutenait  pendant  la 
bataille;  mais  souvent,  à cause  de  l'importance  de  ses  fonctions, 
on  les  confiait  à un  guerrier  renommé  par  sa  bravoure.  A Woe- 
ringen , en  remplacement  de  Robert  d Assclie  , c’est  Rase  de 
Grez  qui  en  fut  chargé,  et  on  lui  adjoignit  deux  braves  sergents 
pour  l’aider  à porter  la  bannière.  « On  se  mettait  en  route  au 
» son  du  tambour  et  de  la  flûte.  Le  maréchal  assignait  les  quar- 
» tiers  pendant  la  marche  et  réglait  toutes  les  affaires  du  camp, 
» jugeant  et  punissant  les  militaires  qui  s’étaient  rendus  coupa- 
» blés  de  quelque  crime.  11  jouissait  de  grandes  prérogatives  : il 
» avait  la  table  du  duc,  du  drap  pour  scs  habits,  le  meilleur 
» cheval  de  l’écurie  après  celui  du  souverain,  des  chandelles, 
» des  gants,  et,  quand  la  guerre  était  finie,  tout  le  linge  et  les 
» meubles  en  bois  de  la  cuisine  du  prince.  Les  vivandiers  et  les 
« filles  publiques  qui  suivaient  l’armée,  lui  devaient  un  tribut; 
» enfin,  les  bestiaux  pris  sur  l'ennemi  et  la  troisième  part  de  la 
» rançon  des  prisonniers  lui  revenaient  de  droit.  » 

Arrivé  sur  le  territoire  de  l’ennemi,  on  déployait  les  bannières 
et  on  marquait  son  passage  par  les  dévastations  et  l’incendie.  Les 
forteresses  étaient  attaquées  à l’aide  de  machines  dites  evenhoeden 
ou  bliden,  ou,  selon  l'acte  d alliance  de  Henri  III  avec  la  ville  de 
Saint-Trond,  de  balistes  L Quelquefois  ces  machines  de  guerre 
lançaient  des  matières  inflammables  dans  les  châteaux  assiégés. 

On  voit  à Woeringen  l'armée  brabançonne  divisée  en  un  cer- 
tain nombre  de  bannières,  conduites,  les  unes  par  les  chefs- 
officiers  de  la  juridiction  à laquelle  appartenaient  les  combattants 
(l’amman  de  Bruxelles,  qui  eut  l’honneur  de  commencer  le  com- 
bat; l’éeoulète  d Anvers,  le  maire  de  Tirlemont,  le  bailli  de  Judoi- 


1 Butkens,  t.  1,  Preuves,  \).  94. 


( 554  ) 

gne le  châtelain  de  Daelhem)  ; les  autres , par  des  seigneurs  de 
baronnies  ou  leurs  lieutenants  (les  sires  d’Aerschot,  de  Perwez, 
de  Malines,  de  Diest,  de  Cuyck,  d’Assche,  d’Arckel,  de  Heusden, 
de  Walhain,  de  Walcourt,  de  Rotselaer,  de  Wesemael,  de  Ber- 
ghes,  de  Bréda,  d’Enghien,  de  Gaesbeck,  de  Witthem,  de  Mul- 
repas  et  le  prévôt  de  Nivelles).  Il  n’est  pas  fait  mention  de  la 
bannière  de  Louvain , parce  que  c’était  la  bannière  meme  du  duc, 
celle  sous  laquelle  Jean  Ier  combattit  en  personne.  Celle  de  Bois- 
le-Duc  manquait,  sans  doute  parce  qu’elle  avait  reçu  la  mission 
de  protéger  les  frontières  du  côté  de  la  Gueldre. 

Avant  comme  après  la  bataille,  on  invoquait  le  ciel  pour  de- 
mander son  appui  ou  l’en  remercier.  Le  duc  se  tenait  à la  tête  de 
ses  troupes  et  se  faisait  garder  par  quelques  guerriers  d’une  valeur 
éprouvée.  Son  étendard  était  déployé  près  de  lui,  et  bientôt  la 
lutte  commençait;  au  bruit  des  armes  se  mêlaient  les  cris  des 
combattants.  Aussi  longtemps  que  la  bannière  de  Brabant  est 
debout,  les  trompettes  ne  cessent  de  sonner;  quand  elle  tombe, 
les  ménétriers  se  taisent,  mais  ils  recommencent  à se  faire  en- 
tendre aussitôt  qu’ils  la  voient  flotter  de  nouveau. 

Ap  rès  la  bataille,  on  laissait  à des  religieux  ou  aux  paysans  du 
voisinage  le  soin  d’enterrer  les  morts,  et,  après  quelque  temps 
de  repos,  ou  partait,  emmenant  les  prisonniers,  qui  n’obtenaient 
leur  liberté  qu’au  prix  d’énormes  rançons. 


( 555  ) 


CHAPITRE  XII. 

AGRICULTURE,  INDUSTRIE,  COMMERCE,  VOIES  DE  COMMUNICATION, 

MONNAIES,  ETC. 

I. 

m 

Les  développements  de  l’agriculture  suivirent  en  Brabant  la 
même  marche  que  les  progrès  des  libertés  publiques  et  du  bien- 
être.  Deux  causes  principales  y activèrent  le  défrichement  des 
bruyères  et  des  terrains  incultes. 

La  fondation  d’un  grand  nombre  de  monastères  des  ordres  de 
Saint-Benoît,  de  Prémontré  et  de  Cîteaux,  y fit  passer  entre  les 
mains  du  clergé  régulier  la  majeure  partie  du  sol,  qui  fut  cultivé 
avec  plus  de  soin  et  d’après  de  meilleures  méthodes.  De  vastes 
fermes,  parfaitement  construites  et  disposées,  s’élevèrent  dans 
des  localités  choisies  avec  intelligence,  et  s’entourèrent  de  terres, 
de  bois,  de  prairies,  dont  l’aménagement  s’améliorait  à chaque 
génération.  Ces  communautés  monastiques  avaient  d’abord  pris 
l’habitude  de  confier  à des  religieux  l’exploitation  des  fermes 
conventuelles,  mais  cet  usage  parut  à quelques  supérieurs  dispen- 
dieux et  funeste  à la  discipline.  « C’est  aux  laïques,  disait  l’abbé 
» de  Villers,  Arnoul  de  Gestele  (1271  -1276),  tout  au  plus  aux 
» frères  convers,  à s’occuper  d’agriculture.  » Il  ordonna  la  ren- 
trée dans  son  abbaye  de  tous  ses  religieux,  et  de  la  sorte  il  en  aug- 
menta considérablement  la  population,  qui  comprenait,  à ce  que 
l’on  prétend,  cent  moines  et  trois  cents  frères  convers  b 

Le  même  changement  doit  s’être  opéré  dans  les  biens  d’Affli- 
ghem,  car  la  grande  ferme  d’Osseghem  à Laeken,  après  avoir 

1 Wauters,  L'ancienne  abbaye  de  Villers , p.  34. 


( 550  ) 

forme  une  espèce  de  couvent,  fut  confiée  à un  maître  (ou  fermier). 
Eli  1289,  c’était  Henri  dit  le  Diable  et  sa  femme  Elisabeth  qui  en 
avaient  la  direction  l.  Toutefois,  malgré  les  progrès  incontestables 
faits  par  le  pays  vers  une  situation  meilleure , il  n’y  régnait 
qu’une  sécurité  relative;  ce  qui  le  prouve,  c’est  que  l’abbé  de 
Villers  dont  nous  venons  de  parler  fit  entourer  de  murs  les  fermes 
de  Sart-Resbarbe , de  Mellemont,  du  Chènoit,  de  Chessart.  Ces 
grandes  exploitations  tentaient  la  cupidité  des  troupes  et  surtout 
de  ces  guerriers  de  profession  que  leur  genre  de  vie  habitue  à la 
violence.  Voilà  la  raison  pour  laquelle,  le  28  septembre  1285, 
Jean  Ier  recommanda  à ses  capitaines  2 de  protéger  les  biens  de 
Villers. 

Les  contestations  dont  les  wastines  ou  bruyères  devinrent 
l’objet  dans  un  grand  nombre  d’endroits,  attestent  l’importance 
([ue  l’on  commençait  à y attacher.  Les  terres  cultivées  acquéraient 
donc  une  bien  grande  valeur  pour  que  l'on  se  disputât  des  landes 
improductives.  L’occupation  de  ces  landes  était  devenue  une  né- 
cessité dont  l’évidence  frappait  de  plus  en  plus  les  esprits.  Aussi 
vit-on  les  ducs  et  leurs  vassaux  s’en  emparer  partout,  non  pour 
en  accaparer  la  possession,  mais  pour  les  morceler  et  les  donner 
à cens  à leurs  sujets. 

De  vastes  bruyères  avaient  été  mises  en  culture  vers  l’an 
1250,  à Lennick,  où  les  terres  produisent  aujourd’hui  les  plus 
riantes  récoltes  3;  d’autres,  situées  un  peu  plus  au  nord,  à Wam- 
beck,  firent  l’objet  d’un  débat  qui  commença  vers  la  meme  épo- 
que et  ne  se  termina  qu’en  1208  4.  La  grande  foret  du  Wavcnvald, 
qui  comprenait  tout  le  triangle  formé  par  la  Dyle,  la  Nèthe  et 
Heyst-op-den-Berg,  fut  rudement  attaquée  par  la  hache  du  bû- 
cheron. A propos  de  cette  forêt,  Henri  Bertliout,  seigneur  de 
Duffel,  Walter  Bertliout,  seigneur  de  Malines,  et  Louis  Bertliout, 
seigneur  de  Gramines,  eurent  de  longues  discussions  avec  l’évêque 
de  Cambrai,  Nicolas,  au  sujet  de  leurs  droits  respectifs  sur  la  dîme 


1 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t . Il,  p.  578. 

2 Omnibus,  spécialité)'  qui  ducunt exercitus  Brabantinos... 
5 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , l.  1,  p.  218. 

4 ld.,  L c.,  p.  400. 


( 357  ) 

novale  des  terres  ayant  fait  partie  de  eette  forêt.  Trois  conven- 
tions, toutes  semblables  dans  leur  teneur,  mirent  fin  à ces  contesta- 
tions. Chacun  des  trois  seigneurs  cités  plus  haut  consentit  à pren- 
dre en  fief  de  l’évêque  une  moitié  des  dîmes  novales  (ou  dîmes  des 
terres  défrichées)  qu’il  possédait  dans  ses  domaines,  dans  le  dio- 
cèse de  Cambrai,  et  en  céda  l’autre  moitié  au  prélat.  Si  l’érection 
de  nouvelles  paroisses  devenait  nécessaire,  c’était  ce  dernier  qui 
devait  conserver  le  droit  de  patronat  , et  si  les  petites  dîmes  et  les 
offrandes  ne  constituaient  pas  en  faveur  des  curés  une  dotation 
suffisante , les  possesseurs  de  dîmes  novales  étaient  tenus  de  con- 
tribuer à l’augmenter.  Dans  le  cas  où  l’on  établirait  un  village  sur 
remplacement  de  la  forêt,  Henri,  Walter  ou  Louis  et  leurs  des- 
cendants y auraient  la  haute  justice , sauf  que  l’évêque  serait 
seul  juge  de  ce  qui  se  passerait  dans  les  habitations  qui  lui  appar- 
tenaient et  de  ce  qui  serait  fait  par  ses  serviteurs.  Pour  com- 
penser les  torts  qu’on  lui  avait  causés,  le  prélat  reçut  de  chacun 
des  trois  seigneurs  cent  bonniers  de  wastines  ou  de  bruyères 
et  vingt  bonniers  de  prés;  il  se  soumit,  par  contre,  à leur  payer 
à chacun  un  cens  annuel  très-modique,  puisqu’il  ne  s’élevait  qu’à 
six  deniers  de  Louvain.  Les  grandes  dîmes  furent  aussi  partagées 
par  tiers,  et  l’évêque  promit  que,  s’il  donnait  les  biens  mention- 
nés plus  haut,  ce  ne  serait  qu’à  son  église  ou  à des  églises  faisant 
partie  de  son  diocèse  (vendredi  avant  Laelcire , 1264).  Le  mardi 
de  Pâques  12G5,  il  disposa  des  immenses  propriétés  que  cet  accord 
lui  avait  assurées  : il  réserva  à ses  successeurs  un  tiers  des  dîmes, 
légua  un  deuxième  tiers  à l hôpital  des  prêtres  émérites  de  Cam- 
brai, et  abandonna  le  troisième  tiers  à son  chapitre  diocésain, 
à la  condition  de  doter  les  curés  des  villages  que  l’on  pourrait 
créer  par  la  suite  dans  la  forêt  de  Wavre,  et  de  distribuer  un  tiers 
de  ce  tiers  aux  chapelains  et  aux  enfants  de  chœur  de  la  cathé- 
drale de  Cambrai  et  un  second  tiers  aux  pauvres.  Quant  aux  biens- 
fonds,  qui  ne  comprenaient  pas  moins  de  six  cents  bonniers  de 
terres  et  de  cent  quarante  bonniers  de  prés,  ce  fut  encore  le  cha- 
pitre qui  en  hérita  '.  A en  juger  par  certaines  expressions  de  ces 


1 Opéra  diplomatica , t.  111,  pp.  415  et  416. 
Tome  XIII. 


22 


( 558  } 

diplômes,  on  peut  supposer  que  ce  fut  peu  de  temps  après  que 
l’on  créa  les  paroisses  de  Wavre-Sainte-Catherine,  de  Wavre- 
Notre-Dame  et  de  Wavre -Saint-Nicolas,  ou,  comme  on  l’appelle 
aujourd’hui,  de  Putte  l. 

En  Campine,  où  les  villes  étaient  déjà  nombreuses,  mais  entou- 
rées d’immenses  landes,  de  grandes  étendues  de  terrain  furent  con- 
cédées à des  abbayes,  principalement  par  les  seigneurs  de  Bréda. 
îl  fallait  les  ressources  dont  disposaient  les  monastères  et  leur  per- 
sévérance pour  tenter  le  défrichement  de  ces  marais  sans  fin,  de 
ces  océans  de  sable , dont  les  restes  affligent  les  yeux  du  voyageur 
quand  il  parcourt  le  pays  situé  entre  le  Denier  et  la  basse  Meuse. 
Plusieurs  communautés  en  acquirent  des  parties,  non-seule- 
ment en  don,  mais  à prix  d’argent  ou  à charge  d’un  cens,  ce  qui 
indique  bien  l’intention  d’essayer  une  mise  en  culture.  Arnoul  de 
Louvain,  seigneur  de  Bréda,  et  sa  femme,  après  avoir  abandonné 
aux  religieux  de  Saint-Bernard  sur  l’Escaut  deux  cents  bon- 
niers  de  bruyères  et  de  marécages  2,  leur  en  vendirent  ensuite 
cinquante  manses  (chaque  manse  contenant  douze  bonniers),  en 
leur  en  cédant  encore  douze  autres  manses  5.  Lorsque , en  novem- 
bre 1282,  ces  personnages  ratifièrent  toutes  leurs  donations  à ce 
seul  monastère,  elles  ne  comprenaient  pas  moins  de  cent  manses 
ou  douze  cents  bonniers  4.  Arnoul  et  sa  femme  avaient,  en  outre, 
vendu  aux  religieuses  de  Cortenberg  3 cent  cinquante-trois  bon- 
niers de  bruyères,  situés  à Oosterhout,  et  aux  prémontrés  de 
Tongerloo  6 soixante  bonniers  de  bois  et  de  bruyères,  auxquels 
Rase  de  Gavre  et  Rase,  son  fils,  ajoutèrent  quarante  et  un  bon- 
niers , quelques  années  plus  tard  7 . 

Dans  d’autres  actes,  nous  voyons  Jean  Berthout  approuver  la 

1 Voyez  Y Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  II,  p.  655. 

2 Décembre  1275.  Opéra  diplomatica,  t.  II , p.  865. 

3 Mardi  avant  la  Saint-Servais , en  1276.  Butkens,  t.  I , Preuves , p.  218. 

4 Opéra  diplomatica,  1.  c.,  p.  867. 

5 Juin  1277.  Ibidem,  p.  868. 

(:  Jour  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  en  1280  .Ibidem,  p.  870. 

7 Diplôme  donné  à Roosendael,  le  samedi  après  le  dimanche  Invocavit , en 
1294.  Ibidem,  p.  879. 


( 559  ) 

vente  de  cinquante  bonniers  de  bruyères  situées  à Gheel,  faite  par 
son  parent,  Walter  de  Hemixem,  en  faveur  de  l’abbaye  de  Saint- 
Bernard  1 ; Jean  Bote,  receveur  du  duc,  céder  à Gérard,  fils  de 
Walter  de  Tichelt,  moyennant  un  cens  de  douze  deniers,  treize 
bonniers  de  terrains  vagues,  compris  dans  les  marais  d’Abroeck, 
à Heisterlé  2 *;  le  seigneur  et  la  dame  de  Grimberghe  charger,  en 
1270,  leur  vassal , Pierre  d’Eppeghem , de  vendre  leur  wcistine  de 
Pu  ers , ainsi  que  la  digue  et  la  wastme  de  Willebroeck  5. 

Le  duc  Jean  Ier  activa  considérablement  l’impulsion  que  l’agri- 
culture avait  reçue  dans  ses  États,  en  donnant  à son  receveur 
Walter  Yolcart  de  pleins  pouvoirs  pour  céder,  à titre  hérédi- 
taire et  à charge  de  cens,  les  wastines  et  déserts  situés  dans  ses 
domaines  (18  avril  1284)  4.  Volcart  ayant  aliéné  de  la  sorte  le 
polder  d’Oorderen  ( moruvn  communem  de  Oorderen ),  Jean  Ier 
en  garantit  la  possession  aux  acquéreurs , en  leur  confirmant 
l’exemption  d’endiguer  et  le  droit  de  faire  écouler  leurs  eaux 
par  l’écluse  d’Oordam  ( per  sclusas  sive  aqaœductus  de  Order- 
damme)  A 

Les  terrains  bordant  le  cours  de  l’Escaut  étaient  déjà  défendus 
par  des  digues,  mais  sans  se  trouver  complètement  à l’abri  des 
inondations.  Willebroeck  était  certainement  endigué  en  1270;  le 
polder  de  Ruysbroeck  se  trouve  mentionné  dès  1298  6.  La  mer 
ayant  renversé  les  digues  de  Zantvliet  et  de  Beirendrecht,  les  pro- 
priétaires des  terres  adjacentes  en  confièrent  la  reconstruction  à 
noble  homme,  le  sire  de  Ghistelles,  et  J.  de  Swinarden,  bourgeois 
de  Gand,  à qui  un  tiers  des  dîmes  ecclésiastiques  des  deux  villages 
mentionnés  ci-dessus  fut  abandonné  pour  un  terme  de  vingt  ans 

1 1294.  Opéra  diplomatica , t.  II,  p.  769. 

- Acte  daté  du  lundi  après  la  Saint-Boniface,  en  1295.  Cartulaire  de  Saint- 
Michel. 

5 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  Il , p.  580. 

4 Cartulaire  de  l’abbaye  de  Saint-Micliel , f°  119.  — Willems,  1 an  Heelu, 
p.  575. 

5 Acte  de  1286.  Ibidem,  p.  155. 

0 M,  Kummer,  dans  les  Annales  des  travaux  publics  en  Belgique,  t.  II 

p.  14. 


•> 


( 540  ) 

(mars  1285)  *.  Une  nouvelle  marée  extraordinaire  dévasta  Lillo  en 
1288,  mais  on  se  remit  immédiatement  à l’œuvre  pour  réparer 
les  dégâts,  et,  le  7 février  1295-1294,  une  charte  ducale  autorisa 
le  chapitre  de  Notre-Dame  d’Anvers  à s’approprier  les  schorren 
et  autres  terrains  d’alluvion  et  à les  faire  endiguer 1  2 *. 

Des  travaux  analogues  à ceux  qui  s’exécutaient  le  long  des  rives 
de  l’Escaut  furent  entrepris  à l’intérieur,  soit  pour  modifier  le 
cours  des  ruisseaux  5,  soit  pour  maintenir  les  eaux  dans  les  étangs  4. 

Le  droit  forestier  fut  l’ohjet  de  quelques  conventions  dont  l’exis- 
tence prouve  l’importance  que  l’on  commençait  à attacher  aux 
propriétés  boisées.  On commina  une  peine  de  dix  sous  de  Louvain, 
payable  : moitié  au  duc,  moitié  au  monastère  de  Saint-Michel,  â 
Anvers,  contre  celui  qui  couperait  du  bois  dans  les  forêts  de 
cette  abbaye  à Mcrxplas  et  â Wommelghem  ».  Jean  Ier  autorisa 
également  les  religieux  de  Grimberghe  à obliger  ceux  qu’ils  au- 
raient fait  arrêter , sous  prévention  d’avoir'abattu  des  arbres  dans 
leurs  bois  ou  d’y  avoir  commis  d’autres  dégâts,  â consigner  de 
l’argent  jusqu’à  concurrence  de  douze  deniers  de  Louvain  pour 
chaque  délinquant;  dans  le  cas  où  ils  trouveraient  des  personnes 
de  l’un  ou  de  l’autre  sexe  emportant  du  bois  ? du  grain , etc.,  prove- 
nant de  leurs  domaines,  il  leur  permit  de  reprendre  et  retenir  ce 
(jui  leur  appartenait,  sans  méfaire  contre  son  autorité;  enfin, 
en  indemnité  des  torts  causés  par  des  animaux  domestiques,  il 
consentit  à ce  que  les  religieux  fissent  consigner,  chaque  fois  que 
ce  cas  se  présenterait,  quatre  deniers  par  cheval,  porc  ou  tête  de 
bétail , et  un  denier  pour  chaque  troupeau  de  vingt  brebis  ( charte 
du  jeudi  avant  la  Sainte-Lucie  1287,  confirmée  le  G janvier  1298- 
1299  et  le  jour  de  la  Conversion  de  saint  Paul  1529)  °.  L’abbaye 
de  Parc,  près  de  Louvain,  obtint  de  même,  pour  ses  forestiers, 

1 Carlulaire  de  Saint-Michel , f°  156. 

2 Mertens  et  Torls , Geschiedenis  van  Antwerpen , t.  II , pp.  535  et  suiv. 

5 Voyez  plus  haut,  p.  507. 

1 On  en  trouve  un  exemple  en  1284.  DeSmet,  Corpus  chronicorum  Flan- 
clriae , t.  II,  p.  950. 

5 Janvier  1283-1284,  Willems,  Van  Heelu,  p.  575. 

0 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  H,  p.  258. 


la  faculté  de  pouvoir  accepter  des  garanties  pour  les  torts  qu’on 
aurait  causés  aux  bois  du  monastère,  et  de  garder  les  bestiaux 
qui  les  auraient  dévastés  l. 

Mais  s’il  était  sévère  à l’égard  des  autres,  Jean  Ier  se  permettait 
des  libertés  qui  font  nettement  apprécier  sa  position  vis-à-vis 
des  monastères.  « Faire  d’eux  à sa  volonté,  « telle  est  la  ma- 
nière dont  il  entendait  les  traiter,  d’après  la  landcliarte  de  l’am- 
manie  de  Bruxelles.  Il  se  fit  admettre  par  le  chapitre  de  Nivelles 
dans  la  propriété  indivise  du  grand  bois  de  Nivelles,  et  promit  de 
ne  jamais  en  aliéner  sa  part;  si  « on  tournast  le  devantdit  boys  an 
» culture,  ou  à édifices  de  villes,  pour  gens  habiter,  ou  on  en 
» fesist  yawes  ou  preis  ou  aultres  usaiges  » ou  si  on  le  donnait 
à cens,  la  moitié  des  fruits  appartiendrait  toujours  au  chapitre, 
qui  se  réserva  le  droit  « d’y  chasier  et  oiselier.  » Chacun  des  deux 
possesseurs  y instituaient  des  forestiers,  et  se  partageaient,  éga- 
lement par  moitié,  les  amendes  des  délits  qui  s’y  commettraient  2 3. 
D’après  un  autre  acte,  Jean  Ier  avait  racheté  ce  bois  de  différentes 
personnes  et  l’avait  « rapproprié , » parce  qu’il  était  gâté  et  aban- 
donné « à bêtes  et  à hommes  qui  le  vastoient;  » pour  s’indem- 
niser il  s’adjugea  cent  douze  bonniers,  et,  de  l’aveu  de  son  fils 
Jean  et  du  chapitre  de  Nivelles  , il  les  vendit,  au  plus  offrant,  aux 
templiers  de  Vaillampont,  moyennant  cent  sous  de  Louvain  par 
bonnieretà  charge  d’un  cens  annuel  de  deux  deniers,  également 
par  bonnier  (août  1290). 

Les  ducs  accordaient  fréquemment,  soit  aux  populations  de 
certains  villages,  soit  à des  particuliers  qu'ils  voulaient  favoriser, 
l’autorisation  d’enlever  dans  leurs  forêts  le  bois  mort  ou  d’y  faire 
pâturer  des  bestiaux.  Une  concession  de  cette  nature,  mais  plus 
avantageuse  en  ce  qu’elle  comprenait  la  permission  de  prendre 
du  bois  de  chauffage  et  le  bois  nécessaire  pour  l’entretien  des 
bâtiments,  fut  obtenue  pour  le  manoir  de  Ter-IIolst  à Overysschc, 
qui  formait  un  fief  relevant  du  duché  5. 


1 Jour  de  la  division  des  apôtres,  en  juin  1292.  Summaria  cronologia 
Parchensis , p.  127. 

2 Mai  1290.  Opéra  diplomatica,  t.IV,  p.  725.  — Brabantsche  Yeesten,  t.  I, 
p.  075. 

3 En  1285  et  1287.  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  515. 


( 542  ) 


II. 

L’industrie,  sur  laquelle  on  trouve  tant  de  renseignements 
dans  les  Fabliaux  et  contes  de  Barbazan  et  Méon  et  dans  les 
Règlements  des  corps  de  métiers , dont  M.  Depping  a publié  le 
texte,  nous  fournira  matière  à quelques  données  intéressantes. 
Dans  les  campagnes,  elle  était  peu  développée;  elle  se  bornait  à 
la  récolte  du  raisin,  h la  fabrication  de  la  bière,  à la  mouture  du 
grain,  à l’exploitation  d’ardoisières  ou  de  carrières. 

En  maint  endroit,  dans  le  Brabant,  on  trouvait  des  vignes; 
elles  abondaient  surtout  aux  environs  de  Louvain,  où  l’on  en 
planta  une  sur  le  Roideberch,  vers  l’année  1264  j. 

Pour  la  mouture  du  grain,  on  se  servait,  non  plus  seulement 
des  moulins  à eau,  que  l’on  rencontrait  partout  où  il  y avait  moyen 
d’en  établir,  mais  aussi  de  moulins  mus  par  le  vent,  dont  l’usage 
commençait  à se  répandre 1  2 *.  En  outre,  plus  d’un  moulin  à eau  se 
convertissait,  soit  en  usine  à fouler  le  drap,  soit  en  tordoir  d’huile. 
Lorsque,  le  4 9 avril  1265,  Arnoul,  sire  de  Rotselaer,  céda  aux  re- 
ligieuses de  Parc-les-Dames  son  étang  de  Dine,  il  les  autorisa  à 
établir  en  cet  endroit  deux  moulins,  l’un  à foulon,  l’autre  à huile5. 
En  1285,  les  prémontrés  de  Parc  firent  également  construire  un 
moulin  à foulon  et  à huile;  cette  usine,  qui  n’avait  qu’une  seule 
roue,  fut  rapidement  achevée,  et  coûta  trente-cinq  livres,  non 
compris  les  bois  qui  entrèrent  dans  la  construction , et  la  nourri- 
ture des  ouvriers  4. 

Les  richesses  minérales  de  notre  sol  n’étaient  plus  dédaignées. 

1 Charte  d’ Arnoul  de  Rotselaer  en  faveur  de  Parc-les-Dames. 

2 Ainsi,  il  en  existait  déjà  un  à Erps,  près  de  Louvain,  en  1266.  Cartu- 
laire  de  l’abbaye  de  la  Cambre . 

5 Duo  molendina,  unum  fullonum  pro  pannis  tam  alienis  quam  propriis 
fullendis,  aliud  pro  oleo  et  aliis  seminibus,  tantummodo  propriis  et  non 
aliis,  exprimendis  et  extir pandis. 

Æ Raymaekers,  Recherches  historiques  sur  l’ancienne  abbaye  de  Parc , 

p.  28. 


( 545  ) 

La  tourbe,  qui  se  rencontre  dans  presque  toutes  nos  vallées,  s’ex- 
trayait pour  le  chauffage  des  habitations , mais  le  locataire  d’un 
bien  ne  pouvait  y effectuer  ce  travail  qu’avec  la  permission  du  pro- 
priétaire h A Tubise,  il  existait  une  grande  ardoisière,  qui  a été 
exploitée  jusqu’au  siècle  dernier,  mais  dont  on  a,  de  nos  jours, 
oublié  jusqu’à  l’existence.  Au  mois  de  septembre  1284,  le  chapitre 
de  Nivelles,  du  consentement  du  seigneur  d’Enghien,  qui,  en 
qualité  d’avoué  de  Tubise,  prélevait  le  tiers  du  revenu  de  cette 
ardoisière,  en  donna  la  moitié  à cens  aux  moines  de  Cambron , en 
fixant  à six  le  nombre  d’ouvriers  que  ces  derniers  devaient  y em- 
ployer, à quatorze  pouces  la  grandeur  des  grandes  scailes  ou 
ardoises,  vers  le  bas;  à onze  pouces,  celle  des  petites  ardoises;  à 
deux  sous  de  Louvain  le  prix  du  mille  d’ardoises.  La  durée  de  la 
concession  fut  fixée  à trente-six  ans,  ou  à soixante  et  douze,  si 
Cambron  était  chargé  d’exploiter  la  partie  gardée  par  Nivelles. 
Toutefois,  si  les  religieux  « ne  trouvoient  piere  pour  scaille 
» faire,  » le  chapitre  « ne  pouvoit  les  forcer,  si  ce  n’est  par  le 
» dire  des  ouvriers.  » Plus  tard,  par  acte  donné  en  son  « castiaul 
» d’Angien,  » le  6 mai  1515,  Walter  d’Enghien  céda  au  chapitre 
son  tiers  de  la  « scaillior  » de  Tubise,  pour  un  terme  de  huit  ans 
et  moyennant  trente  livres  de  vingt-deux  mites , outre  un  tiers  de 
quatre  mille  grandes  « ascailles , loiaulx  et  marchandes  » , que  le 
chapitre  devait  fournir  pour  lui  à Cambron,  et  à la  condition  que, 
si  Walter  le  désirait,  il  lui  serait  fourni,  tous  les  ans,  deux  mille 
grandes  et  deux  mille  moyennes  scailles,  coûtant,  les  premières, 
trente  sous , les  secondes,  huit  sous  le  mille 1  2.  A peu  près  de  cette 
époque  datent  les  plus  anciennes  notions  concernant  les  houil- 
lères, non  de  Liège,  où  quelques  légendes  font  découvrir  le  char- 
bon de  terre  dès  l’année  1200,  mais  en  Hainaut  3. 

En  parlant  de  l’organisation  des  villes,  nous  avons  eu  occasion 
de  signaler  l’importance  des  corps  de  métier.  L’industrie  drapièrc 

1 Voyez-en  un  exemple  dans  Y Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  III , 

p.  151. 

2 Cartulaire  du  chapitre  de  Nivelles , fos  230  et  517. 

3 Dès  l’année  1274,  on  extrayait  de  la  terre  du  charbon  à Houdeng-Goe- 
gnies,  Haine. 


( 544  ) 

florissait  particulièrement,  et  les  villes  étaient  si  persuadées  de  la 
nécessité  où  elles  étaient  de  la  protéger  qu’elles  n’hésitaient  pas  à 
faire  en  sa  faveur  de  grands  sacrifices.  En  1224,  selon  Raepsaet 1 , 
la  ville  de  Courtyai  accorda  une  exemption  entière  des  charges 
publiques  à cinquante  tisserands,  s’ils  venaient  se  fixer  dans  ses 
murs.  Alors  apparurent  les  premiers  règlements  pour  les  tisse- 
rands (à  Malines,  en  1270)  2,  pour  les  foulons  (à  Léau,  en  1248; 
à Bruxelles,  en  1282),  pour  les  tondeurs  de  drap  et  de  soie  et  les 
foulons  (à  Bruges,  vers  l’an  1290). 

Le  règlement  des  foulons  de  Bruxelles  fut  arrêté  par  les  éche- 
vins , les  doyens  et  huit  de  la  gilde  et  tout  le  conseil  de  la  ville , 
dans  une  assemblée  tenue  au  lieu  de  réunion  (ten  gemeenen 
stoele ) de  la  gilde,  au  mois  de  juin  1282.  11  fut  porté  du  con- 
sentement des  maîtres  et  des  valets  ou  ouvriers,  et  afin  d’empê- 
cher le  retour  des  querelles  qui  s’étaient  élevées  au  sein  de  la 
corporation.  On  y stipule  une  liberté  entière,  pour  les  maîtres, 
de  faire  dégraisser  ( eerden ) et  travailler  par  qui  ils  veulent  les 
draps  qu’on  leur  envoie  à préparer;  l’obligation,  pour  eux,  de 
peigner  chaque  drap,  des  deux  côtés,  sous  peine  de  cinq  sous 
d’amende,  tant  pour  le  maître  que  pour  le  valet  qui  l’aurait  dé- 
conseillé; de  préparer  les  draps  par  un  beau  temps,  sous  la  même 
peine;  d’indemniser  les  propriétaires  des  draps  qui  auraient  été 
endommagés  chez  eux;  la  défense  de  teindre  les  draps,  de  les 
envoyer  à la  rame  avec  les  largeurs  prescrites,  de  s’interdire 
mutuellement  la  confection  de  draps.  Mais,  ce  que  l’ordonnance 
contient  de  plus  curieux,  c’est  un  tarif  pour  le  foulage  des  draps 
de  différentes  catégories.  On  payait  : 

Pour  un  drap  d’écarlate  (scarlaken) , dont  la  longueur  était  de 
quarante-huit  aunes)  : dix  sous,  dont  quatre  pour  le  maître  et  six 
pour  le  valet  ou  ouvrier,  outre  deux  sous  pour  dégraisser  (eerden) 
le  drap  et  trois  sous  de  doechgelt  (droit  d’empaquetage); 

Pour  un  long  drap  de  quarante -deux  aunes,  entièrement 
grené,  et  contenant  six  quarts  de  laine  grenée,  sept  sous  six  de- 


1 OE livres  complètes,  t.  V,  p.  541. 

2 David,  Geschiedenis  van  Mechelen , p.  67. 


( 545  ) 

niers  : deux  sous  six  deniers  pour  le  maître,  cinq  sous  pour  l’ou- 
vrier, outre  un  sou  quatre  deniers  pour  dégraisser  et  deux  sous 
six  deniers  pour  empaqueter  ; 

Pour  un  long  drap  mélangé  : six  sous,  dont  deux  sous  dix 
deniers  pour  le  maître,  et  quatre  sous  deux  deniers  pour  l’ou- 
vrier, outre  douze  deniers  pour  dégraisser  et  deux  sous  pour  em- 
paqueter ; 

Pour  un  long  drap  blanc  et  bleu,  six  sous:  deux  sous  pour  le 
maître,  quatre  pour  le  valet,  outre  les  mêmes  droits  supplémen- 
taires ; 

Pour  un  drap  court  (de  trente-sept  aunes  et  demie)  blanc  et 
bleu,  quatre  sous  huit  deniers,  dont  un  sou  huit  deniers  pour  le 
maître,  outre  les  mêmes  droits  supplémentaires; 

Pour  toute  espèce  de  drap  court,  non  grené,  cinq  sous,  dont 
un  sou  six  deniers  pour  le  maître; 

Pour  un  court  drap  anglais,  dix  deniers  pour  dégraisser  et  un 
sou  six  deniers  pour  empaqueter; 

Pour  un  court  drap  irlandais,  huit  deniers  pour  dégraisser,  et 
le  même  droit  d’empaquetage. 

Ces  droits  supplémentaires  se  payaient  aux  maîtres,  qui  étaient 
chargés  d’en  remettre  le  montant  à ceux  dont  ils  utilisaient  les 
services.  Ni  eux  ni  les  ouvriers  ne  pouvaient  exiger  plus  que  le 
prix  fixé,  sous  peine  de  cinq  sous  d’amende  ou,  en  cas  de  réci- 
dive, de  vingt  sous  G 

Parmi  les  personnes  qui  travaillaient  à Bruxelles  au  tissage  des 
draps  se  trouvaient  un  grand  nombre  de  béguines  du  béguinage 
dit  de  la  Vigne,  hors  de  la  porte  de  Laekcn;  on  les  employait  à 
éplucher  le  drap  ( noppene , tesene , scrodene).  Vers  la  fin  du  règne 
de  Jean  Ier,  elles  eurent  une  longue  contestation  avec  la  gildc,  à 
propos  de  leur  salaire.  Ce  dernier  fut  enfin  fixé  comme  suit  : 

A sept  deniers  et  demi  pour  la  partie  de  l’année  allant  de  la  fête 
de  saint  Jacques  en  juillet  à la  Saint-Gilles  (ou  1er  septembre); 

A trois  deniers,  de  la  Saint -Gilles  à la  Toussaint  (ou  1er  no- 
vembre) et  de  la  Purification  (' 2 février)  à la  Saint-Jean  (24  juin); 


i Ordonnancie  boeck  der  stadt  Brussel,  f°  2. 


( 546  ) 

A deux  deniers  un  hellinc,  de  la  Toussaint  à la  Purification. 

Les  béguines  promirent  de  ne  jamais  exiger  davantage,  à moins 
qu’on  n’augmentât  en  ville  le  salaire  des  tisserands,  et  s’engagèrent 
à accepter  une  réduction,  si  elle  avait  lieu.  En  cas  d’infraction  à 
ce  statut,  l’amende  était  de  vingt  sous  pour  la  première  fois,  de 
quarante  pour  la  deuxième  fois , de  la  même  somme  et  de  l’expul- 
sion hors  de  la  Vigne  pour  la  troisième  fois.  Pour  le  cas  où  les  bé- 
guines ne  voudraient  plus  se  livrer  au  même  travail,  elles  devaient 
en  avertir  six  mois  à l’avance,  en  se  présentant  devant  les  doyens 
et  les  huit,  accompagnées  de  leur  curé  et  de  leurs  quatre  grandes 
maîtresses;  par  contre,  si  la  gilde  ne  voulait  plus  les  employer, 
ses  chefs  étaient  tenus  de  se  rendre  en  personne  à la  Vigne  pour 
y donner  avis  de  leur  résolution.  L’autorisation  de  rentrer  au 
béguinage  fut  donnée  aux  béguines  qui  l’avaient  quitté  par  suite 
de  la  contestation , et,  à la  demande  de  la  communauté,  Godefroid 
de  Brabant  scella  sa  réconciliation  avec  la  gilde,  le  jeudi  avant  la 
Pentecôte,  en  1296,  en  même  temps  que  les  échevins  et  les 
doyens  Thierri  Den  Lose  et  Jean  Ser  Everwyns  Wisselare  sone  L 

Nous  ne  possédons  aucune  donnée  sur  les  tisserands  de  Lou- 
vain, si  ce  n’est  que,  d’après  une  ordonnance  de  l’année  1282, 
ils  devaient  se  rendre  à l’ouvrage  le  matin  et  en  revenir  le  soir, 
au  son  d’une  cloche  spécialement  destinée  à les  avertir.  Suivant 
une  tradition  dont  l’exagération  est  notoire,  ils  étaient  alors  si 
nombreux,  qu’il  fallait  annoncer  le  moment  de  leur  passage,  afin 
de  prévenir  les  parents  de  retirer  de  la  voie  publique  leurs  en- 
fants, qui  auraient  couru  le  danger  d être  écrasés  par  la  foule;  ce 
qui  est  plus  vrai,  c’est  que  la  cloche  fut  donnée  à la  ville  en  l’an 
1290,  et  que,  en  1527,  la  draperie  en  réclama  la  propriété;  le 
chapitre  de  Saint-Pierre , qui  avait  été  chargé  de  terminer  le  pro- 
cès, les  échevins  ne  pouvant  y être  à la  fois  juges  et  parties,  donna 
gain  de  cause  à la  ville 1  2. 

1 Ordonnancie  boeck  der  stal  B russe  l,  f°  3. 

2 Piot,  Histoire  de  Louvain,  p.  152. 


( 547  ) 


III. 

Situés  entre  plusieurs  contrées  importantes , mais  moins  adon- 
nées qu’eux  à l’industrie , les  Pays-Bas  étaient  devenus  le  centre 
d’un  immense  négoce,  qui  grandissait  constamment,  grâce  à 
la  protection  dont  nos  princes  entouraient  les  commerçants  et 
grâce  à la  sécurité  que  les  villes  s’efforcaient  d’assurer  aux  étran- 
gers. Un  échange  perpétuel  de  matières  premières  et  d’objets 
manufacturés  s’opérait  entre  la  Belgique  et  les  contrées  voisines  : 
la  France  nous  fournissait  du  vin,  l’Angleterre  et  l’Irlande  de  la 
laine;  partout  nous  répandions  nos  draps  si  estimés. 

En  vertu  d’anciennes  conventions  dont  l’origine  remontait  à 
l’époque  où  l’Artois  appartenait  aux  comtes  de  Flandre,  le  com- 
merce entre  ce  dernier  pays,  d’une  part,  et  la  France,  la  Bour- 
gogne, la  Champagne,  la  Provence  et  Saint- Jacques  de  Compos- 
telle,  devait  s’opérer  par  Bapaume;  mais  un  tonlieu  fut  établi  en 
cet  endroit,  qui  en  reçut,  à cause  des  extorsions  des  receveurs  , 
le  nom  de  Coupe- Gueule,  et  vers  l’année  4262,  les  marchands 
flamands  s’y  virent  rançonnés  à tel  point  qu’ils  annoncèrent  l’in- 
tention d’abandonner  dorénavant  les  foires  de  Troyes  pour  se 
rendre  à celles  qui  se  tenaient  dans  l’Empire  K 

Gravelines  était  alors  un  des  entrepôts  du  commerce  de  la 
Flandre  avec  les  ports  de  la  Gascogne  et  du  Poitou , et  principale- 
ment de  la  Rochelle,  de  Saint-Jean  d’Angeîy,  de  Niort.  Pour  en 
accroître  l’activité,  la  comtesse  Marguerite  donna  à Gravelines  de 
grandes  franchises.  Non-seulement  elle  déclara  y recevoir  sous  sa 
protection  les  marchands  qui  y viendraient  commercer,  « lor 
» vallés  et  lor  sergans  et  les  gardes  de  leur  avoirs  et  de  leur 
» marchandises,  » non-seulement  elle  les  autorisa  à y trafiquer 
avec  la  plus  entière  liberté,  mais  elle  leur  assura  des  garanties 
contre  les  exactions  de  ses  officiers  ou  des  échevins,  elle  prit  des 
mesures  pour  faciliter  le  déchargement,  la  vente  de  leurs  vins, 

1 Jules  de  Saint-Génois,  Inventaire,  p.  37. 


( 548  ) 

le  payement  do  leurs  créances  (juin  1262).  Gravelines  était  aussi 
le  centre  du  commerce  des  harengs,  commerce  qui  était  si  im- 
portant que  les  habitants  de  Saint-Omer  considérèrent  comme 
une  calamité  la  défense  qui  leur  fut  faite,  par  le  comte  Guy,  d’y 
acheter  et  saler  individuellement  plus  de  vingt-cinq  mille  harengs 
par  jour,  et  qu’ils  recoururent  au  parlement  de  Paris  pour  obtenir 
la  faculté  d’en  acheter  autant  qu’ils  le  jugeraient  convenable,  ce 
qui  leur  fut  en  effet  octroyé  *. 

Les  rapports  de  nos  provinces  avec  l’Angleterre  eurent  quel- 
quefois à souffrir  des  vexations  ou  des  négligences  de  certains 
officiers  de  la  couronne  dans  ce  dernier  pays.  Des  ruptures  de 
ce  genre  brouillèrent  à plusieurs  reprises  les  rois  Henri  III  et 
Édouard  Ier  avec  Marguerite  de  Constantinople  et  Guy  de  Dam- 
pierre  ou  avec  le  comte  Florent  de  Hollande.  En  1274,  Édouard  Ier 
prohiba  l’exportation  de  la  laine  vers  la  Flandre  et  les  autres  pays 
au  delà  de  là  mer;  les  Zélandais  s’en  vengèrent  en  équipant  qua- 
torze cocjge , qui  causèrent  au  port  de  Londres  un  tort  considéra- 
ble; l’Angleterre  renoua  scs  relations  avec  la  Flandre  dès  l’an- 
née suivante;  toutefois,  elle  n’en  ht  autant  que  pour  la  Zélande 
qu’en  1280  et  ne  conclut  la  paix  avec  le  comte  Florent  qu’en  1281. 
Jean  Ier  eut  aussi  des  réclamations  à adresser  à Édouard,  mais 
celui-ci,  dès  qu’il  eut  connaissance  des  mauvais  traitements  dont 
avaient  eu  à souffrir  quelques  Hollandais  et  le  négociant  braban- 
çon Jean  Ban  vers,  s’empressa  de  prescrire  à deux  de  ses  officiers, 
Jean  Butecure  et  Pierre  de  Champagne,  de  poursuivre  les  coupa- 
bles (26  novembre  1295)1 2.  Il  était  alors  intimement  lié  avec  les 
princes  des  Pays-Bas,  qu’il  espérait  entraîner  bientôt  dans  une 
grande  guerre  contre  la  France. 

Le  commerce  maritime  d’Anvers  n’ayant  d’autre  débouché 
que  l’Escaut,  qui  séparait  à cette  époque  la  Flandre  de  la  Zé- 
lande, dut  nécessairement  souffrir  de  la  guerre  que  ces  deux 
pays  soutinrent  contre  l’Angleterre  en  1274.  Les  actes  de  pira- 
terie auxquels  elle  donna  naissance  lui  occasionnèrent  néces- 


1 Arrêt  de  l’an  1279,  dans  Beugnot,  Les  Olirn,  t.  Il,  p.  133. 

2 Rymer,  Acta,  Fœclera,  etc.,  t.  Il,  p.  792. 


( 549  ) 

sairement  des  pertes  très-graves.  On  dut  peut-être  à ces  circon- 
stances les  améliorations  que  Ton  apporta  alors  à la  perception 
de  différents  tonlieux. 

On  percevait  notamment,  sur  le  Hont  ou  Escaut  occidental,  un 
tonlieu  à Valkcnissc,  au  nom  d’Arnoul  de  Louvain,  sire  de  Bréda, 
d’Arnoul  et  Pierre  Belaert,  de  Dancard  Stullart,  de  Gilbert  de  ltic- 
lant,  des  frères  Witton  et  Arnoul  de  Valkcnissc,  de  Nicolas  de 
Stapelen,  de  Jean  Kimpo  ’szoon,  et  un  autre  péage,  dit  de  la  digue 
ou  de  Damme  (de  Aggere ),  au  nom  de  Hugues  Kempo,  lils  d’An- 
toine, de  Berthon,  fils  de  Henri,  dit  le  prêtre  d’Inclinoort,  et  de 
Constantin  de  Damme,  tous  vassaux  ou  arrière-vassaux  du  duc  de 
Brabant.  A la  suite  de  contestations  entre  eux  et  les  Anversois, 
on  choisit  quatre  arbitres  : Zymar  le  jeune  et  Nicolas  de  Wyne- 
ghem,  échevins  d’Anvers,  Guillaume  Berthoen,  de  3Ierc,  et  Ar- 
noul de  Valkenisse.  Ces  arbitres,  après  avoir  mûrement  exa- 
miné la  question  et  entendu  des  personnes  dignes  de  foi , tant  de 
Zélande  que  d’Anvers,  déclarèrent  que  les  habitants  de  cette  ville 
pouvaient  naviguer  sur  le  Ilont  sans  payer  de  droits,  sauf  que  les 
marchandises  étrangères  transportées  sur  leurs  bateaux  devaient 
à chaque  péage  cinq  sous  trois  deniers  de  Flandre;  lorsqu’il  attes- 
tait n’avoir  pas  de  ces  marchandises  à bord,  le  capitaine  devait 
être  cru  sur  son  seul  témoignage  (sola  manu).  En  cas  de  fraude 
on  payait  neuf  fois  le  montant  du  tonlieu,  outre  le  droit  ordinaire 
qui  s’exigerait  du  propriétaire  des  marchandises;  dans  le  cas  où 
le  capitaine  avait  poursuivi  sa  route  uniquement  par  suite  d’une 
tempête  ou  de  crainte  de  l’ennemi,  il  devait,  à la  première  réqui- 
sition, payer  le  tonlieu  à Anvers,  sinon  les  échevins  le  condam- 
naient à le  donner  deux  fois  h 


Le  monastère  d’Afflighem  obtint  une  exemption  complète  du 
péage  de  Valkenisse,  des  deux  seigneurs  de  ce  nom,  de  Nicolas  de 
Stapelen,  de  Jean  Kimpo  ’szoon  et  de  ses  frères  Nicolas  et  Guil- 
laume (1285,  samedi  après  la  Sainte-Catherine),  et  de  celui  de  Biel- 
land,  de  Pierre  Belaert,  de  son  fils  Hugues,  surnommé  Kimpo,  et 
de  leurs  parents  (1284,  premier  dimanche  de  l’avent),  exemption 


1 Mertens  et  Torts,  Geschiedenis  van  Antwerpcn , t.  J J , p.  68. 


( 550  ) 

qui  lui  fut  confirmée  par  le  comte  de  Hollande,  au  mois  d’août 

1283*. 

Anvers  commerçait  également  au  moyen  de  la  Meuse  et  du  Rhin , 
qui  reliaient  cette  ville  à l’Allemagne.  Nous  voyons,  en  1282,  le 
comte  de  Gueldrc,en  empruntant  une  somme  de  trois  cents  marcs 
sterling  à sire  Daniel  Judæus,  échevin  de  Cologne,  lui  permettre 
de  faire  embarquer  à Duysbourg  et  conduire  jusqu’à  Anvers  cent 
pièces  de  vin  de  Rhin,  avec  exemption  complète  de  tonlieux  dans 
les  Etats  du  comte.  Dans  la  suite,  Jean  Ier,  voulant  favoriser  le 
mouvement  du  port  d’Anvers,  autorisa  tous  les  marchands  de  vin, 
sauf  ceux  de  Gand  (je  ne  sais  pour  quelle  raison),  à y commercer 
en  toute  liberté 1  2 * *. 

A proximité  d’Anvers , au  lieu  dit  Aiendickc,  l’abbaye  de  Saint- 
Michel  percevait  un  péage  dont,  après  quelques  débats,  les 
échevins  d’Anvers  fixèrent  le  taux,  en  l’année  1280,  le  samedi 
avant  la  Sainte-Catherine.  On  payait  au  pont  de  Deurne  : pour 
quatre  porcs  ou  quatre  brebis,  un  denier  d’Anvers;  par  jument, 
vache  ou  palefroi,  une  obole;  pour  un  char  ou  biga , un  denier. 
Ailleurs,  un  troupeau  de  bétail  payait  deux  deniers,  un  chariot 
un  denier.  Les  habitants  du  voisinage  ne  devaient  rien;  seulement 
chaque  tenancier  demeurant  entre  Aiendicke  et  Thurenhouder- 
voert,  vers  le  Rhin,  donnait  à l’abbaye  un  pain  de  ménage  (panis 
domesticus)  ou  deux  deniers;  ceux  qui  habitaient  du  pont  de 
Deurne  à Merxplas  payaient  au  custos  ou  sacristain  du  village 
une  gerbe,  et  chaque  maison  située  entre  ce  dernier  endroit  et 
ïhurenhoudervoert  une  mesure  dite  lopen  (ou  lopin?)  5. 

Jean  IC1  se  montra  particulièrement  le  protecteur  du  commerce 
zélandais.  Le  comte  Florent  ayant  manifesté  l’intention  de  fonder 
deux  villes  nouvelles  en  Zélande  : une  dans  l’île  de  Schouwen 

1 Van  Mieris,  1. 1 , p.  455. 

2 Geschiedenis  van  Antwerpen,  t.  11 , pp.  57, 95 , 97.  — Il  y avait  certes, 

à cette  époque , de  la  froideur  entre  le  duc  et  la  ville  de  Gand,  car  nous  voyons , 
au  milieu  de  l’année  1286,  Jean  Ier  écrire  aux  autres  chefs-villes  de  la 
Flandre  : Bruges , Douai , Lille , Ypres , sans  faire  la  moindre  mention  de  Gand. 

Compte  de  l’amman  Lenken. 

5 Carlulaire  de  l’abbaye  de  Saint-Michel , f°  195. 


( 551  ) 

( Schaldia ?),  àBrydorp,  l’autre  en  Walcheren,  à Àrnemuyden, 
notre  prince,  « comme  un  gage  d’amitié  toute  spéciale,  » en 
exempta  les  habitants  de  tout  tonlieu  dans  ses  États  *.  Sur  la 
plainte  de  Henri  Buffel,  que  les  percepteurs  des  tonlieux  de  Pa- 
penisse  (ou  Papemutse  entre  Berg-op-Zoom  et  Tholen)  et  de 
Borchvliet exigeaient  des  péages  des  habitants  de  l’ile  de  Tholen, 
une  enquête  eut  lieu  et  démontra  le  fondement  des  réclamations 
de  Henri,  auxquelles  Jean  Ier  s’empressa  de  faire  droit  2. 

La  cité  de  Dordrecht,  une  des  plus  anciennes  de  la  Hollande, 
était  particulièrement  intéressée  à trouver  aide  et  protection  en 
Brabant.  Elle  était  en  effet  la  métropole  commerciale  de  la  basse 
Meuse.  Ses  relations  s’étendaient  au  loin  sur  ce  fleuve.  A la  de- 
mande de  ses  habitants,  Jean,  sire  de  Cuyck,  fixa,  le  9 septembre 
1285,  le  tonlieu  qu’ils  devaient  payer  dans  la  capitale  de  sa  sei- 
gneurie; il  avait  eu  avec  eux  quelques  contestations,  dont  il  avait 
remis  la  connaissance  à deux  arbitres , Guillaume  Willemse  de  Zie- 
riczee  et  Guillaume,  le  lombard  de  Bois-le-Duc,  le  14  juin  1285  3. 
Un  autre  péage,  celui-ci  au  profit  du  duc  de  Brabant,  se  levait  à 
Littoy.  Jean  Ier  en  détermina  le  montant,  le  2 juillet  1274,  égale- 
ment pour  les  bourgeois  de  Dordrecht. 

La  mesure  pleine  de  vin  y payait  dix  deniers  de  Cologne. 

Une  autre  mesure  de  vin,  l’aime,  un  denier. 

Le  drap  de  laine,  teint,  trois  hallinghen. 

Le  drap  non  teint , trois  vierlinghe. 

Les  draps  de  laine,  en  paquet,  dix  deniers. 

Les  draps  non  empaquetés,  un  serton  ou  ferton. 

Cent  aunes  de  drap  de  lin , trois  hallinghen. 

Cent  aunes  d’ouvrage  en  drap  [laken  ivercke),  trois  vierlinghe. 

Cent  livres  de  fer  dit  manbroots  yser,  un  ferton. 

Cent  livres  de  backyser , quatre  deniers. 

Le  cent  de  sloefyser,  dix  deniers. 

Tout  autre  fer  ou  acier,  deux  deniers  le  marc. 

Un  bateau  de  charbon,  de  chaux,  d’ardoises,  dix  deniers. 

1 6 décembre  1288.  Van  Mieris,  1. 1,  p.  492. 

2 9 novembre  1291.  Ibidem , p.  541. 

5 Ibidem , pp.  451  et  454. 


( ÔJ-  ) 

I n daker  de  peaux . dix  deniers. 

Un  sac  de  cumin . onze  deniers. 

Une  aime  d'hydromel,  un  hallinck. 

Un  grand  baquet  de  plomb  . un  denier,  etc.  L 

Quelques  autres  chartes  témoignent  des  dispositions  bienveil- 
lantes que  manifestaient  nos  princes  en  faveur  des  négociants  des 
localités  voisines.  En  remerciment  des  services  que  lui  avait  ren- 
dus le  sire  d'Àrckcl . Jean  Ier  affranchit  également  les  habitants  de 
Gorcum  de  tout  péage,  par  eau  et  par  terre,  dans  ses  Etats 
de  son  côté  . le  comte  de  Hollande  accorda  une  franchise  semblable 
à ceux  de  Grave,  d'abord  dans  toute  la  Hollande  (29  avril  1290), 
puis  à Heusden . où  son  droit  de  souveraineté  était  contesté  par 
le  comte  de  Clèves  ( 31  mai  1290)  3. 

Nous  avons  déjà  signalé  l'importance  qu'avait  le  titre  de  duc  de 
Limbourg.  auquel  était  attaché  le  droit  de  protéger  le  commerce 
entre  la  Meuse  et  le  Rhin.  Nous  voyons,  dans  un  sauf- conduit 
accordé  par  le  duc  de  Limbourg  Henri  ( 1226-1244)  aux  bour- 
geois de  Garni  et  d'Ypres , qu'il  promet  de  les  indemniser  de  tout 
ce  qui  leur  serait  enlevé  entre  Macstricht  et  Cologne,  sur  le  che- 
min direct  (in  recta  strata  sire  via),  c'est-à-dire  sur  l’ancienne 
chaussée  qui  reliait  ces  deux  villes  depuis  le  temps  des  Romains  4; 
il  prit,  en  1235,  le  même  engagement  envers  les  Colonais  et  les 
Liégeoi>  s.  Les  guerres  qui  désolèrent  l'Empire  pendant  l'inter- 
règne . celle  qui  fut  marquée  par  le  meurtre  du  comte  de  Juliers 
à Aix  et  la  lutte  pour  la  succession  au  duché  de  Limbourg  provo- 
quèrent et  perpétuèrent  les  hostilités  dans  ces  contrées  pendant 
presque  toute  la  seconde  moitié  du  treizième  siècle.  En  1254,  les 
cités  rhénanes  essayèrent  de  rendre  au  pays  la  sécurité  dont  il 
avait  joui  antérieurement,  mais,  nous  l'avons  constaté,  leurs 
efforts  restèrent  impuissants. 

1 Vau  Mieris,  t.  I , p.  37  t. — En  1283,  Jean  Ier  se  rendit  à Dordrecht , où  la 
ville,  à son  entrée,  lui  offrit  des  cadeaux  d'une  valeur  de  soixante-trois  livres. 

- Charte  du  mercredi  après  les  octaves  de  l'Épiphanie,  en  1287-1288.  Re- 
gistres aux  chartes  de  la  chambre  des  comptes  de  Brabant . n°  XI,  f°  38  v°. 

3 Van  Mieris,  l.  c.;  pp.  504  et  303. 

4 YanDuyse,  Inventaire  des  Archives  de  la  cille  de  G and , p.  18. 

5 Ernst,  Histoire  du  Limbourg,  t.  VI.  p.  249. 


( 555  ) 

Après  l’avénement  de  Rodolphe  de  Habsbourg  et  de  Jean  I". 
nos  cités  et  celles  de  P Allemagne  respirèrent  un  instant.  grâce  à 
ce  qu’on  espérait  de  Rodolphe,  grâce  surtout  à l'attitude  que  prit 
Jean  Ier.  Allié  à la  Flandre,  réconcilié  avec  les  Liégeois,  redouté 
au  delà  de  la  Meuse,  où  il  fit  une  formidable  apparition  en  1279. 
ce  prince  devint  en  quelque  sorte  le  gardien  de  la  paix  dans  toute 
la  basse  Allemagne,  et  il  aurait  réussi  à la  maintenir  si.  pour  le 
Limbourg,  il  n’avait  rompu  les  liens  politiques  qui  Punissaient  à 
l’archevêque  Sifroi. 

Des  différends,  de  peu  d'importance,  il  est  vrai,  avaient  altéré 
les  rapports  d'amitié  qui  existaient  entre  Bruxelles  et  Cologne. 
Un  habitant  de  la  première  de  ces  villes  y fit  saisir  l'argent  appar- 
tenant à des  Colonais,  et  des  sujets  de  la  princesse  Aleyde  arrê- 
tèrent à Hannut  1 le  chevalier  Herman  Sterfgin  et  un  autre  bour- 
geois de  Cologne,  nommé  Xannekin.  Par  contre,  les  Colonais  lésés 
provoquèrent  l’arrestation  de  plusieurs  Bruxellois,  et  en  mécon- 
tentèrent d'autres,  en  les  forçant  à contribuer  dans  la  levée  des 
assises.  De  là  naquit  une  rupture  également  préjudiciable  aux  deux 
parties,  et  qui  cessa  en  avril  1270  2 * *. 

Des  pirates  ayant  enlevé  des  marchandises  à des  négociants 
gantois  et  Gand  ayant  ordonné  d'user  de  représailles  à l'égard  des 
villes  saxonnes  (Brème , Stade,  Hambourg , Lunebourg,  Quedlin- 
bourg,  Halberstadt,  Ilelmsladt,  Goflar,  Hildesheim,  Brunswick, 
Hanovre,  Wernigerode, , ces  dernières  se  hâtèrent  d'étouffer  une 
contestation  qui  aurait  considérablement  nui  à leur  commerce  : 
elles  prièrent  la  cité  flamande  de  leur  conserver  son  amitié  et  pro- 
mirent à ses  marchands  aide  et  protection  5. 

Dans  les  années  qui  suivirent,  une  convention  spéciale  affermit 
les  antiques  relations  des  cités  de  Gand  et  de  Cologne.  Xul  bour- 
geois de  l'une  d'elles  ne  pouvait  faire  arrêter  un  bourgeois  de 

1 Et  non  pas  Ha  vint,  comme  le  porte  le  texte. 

2 Willems,  Brabanlsche  Yeesten,  t.I,  p.  665. 

5 Warnkônig , Histoire  de  la  Flandre  . t.  II,  p.  453.  — Van  Duyse,  p.  1 1. 
— On  place  d’ordinaire  cet  acte  vers  l'an  1200;  un  auteur  allemand,  Schau— 
mann,  le  croit  plutôt  de  l’annee  1252  ou  1253  environ;  mais,  dans  mon  opinion., 

il  est  encore  postérieur  de  vingt  années. 

Tome  XIII. 


23 


( 554  ) 

l’autre,  pour  les  dettes  d’une  tierce  personne,  sauf  dans  le  cas  où 
celle-ci  constituerait  sa  caution  ou  son  débiteur  principal  b Des 
rapports  analogues  s’établirent  entre  les  communes  des  bords  de 
la  Meuse  et  celles  des  bords  du  Rhin.  Les  Liégeois  et  les  Aixois  se 
garantirent  mutuellement  une  entière  sécurité.  En  cas  de  rupture, 
elle  devait  être  annoncée  quarante  jours  à l’avance,  et  tout  diffé- 
rend être  soumis  à des  arbitres  qui  se  réuniraient  à Maestricht 1  2. 
Liège,  Huy  et  Saint-Trond  signèrent  avec  Cologne  une  convention 
semblable3,  et  la  première  de  ces  villes  reçut  du  duc  de  Limbourg 
une  promesse  de  protection  dans  la  contrée  s’étendant  entre  le 
Rhin  et  la  Meuse4 5 6. 

Cologne,  on  le  voit,  était  le  centre  d’un  immense  mouvement 
d’attraction,  qui  reliait  insensiblement  les  villes  de  la  Germanie 
inférieure.  Les  relations  qu’elle  avait  déjà  renouées  avec  le  Brabant, 
en  1251  8,  se  rétablirent  nécessairement  lorsqu’elle  se  réconcilia 
avec  Bruxelles.  Depuis,  elle  traita  successivement  avec  le  comte 
de  Clèves  G,  avec  la  ville  de  Deventer7,  avec  la  cité  de  Nimègue8, 
avec  les  comtes  de  Gueldre9  et  de  Hollande10.  Les  habitants  de 
Neuss  obtinrent  du  roi  de  Danemark,  Éric,  une  exemption  com- 
plète de  tonlieu  et  du  droit  appelé  Grurtdlrure , qui  se  prélevait 
sur  les  naufragés 11 . 

La  ville  d’Aix-la-Chapelle  se  trouvait  en  relations  suivies  et 
presque  continuelles  avec  toutes  les  cités  belges;  mais  sa  situation 
fut  constamment  fort  pénible  dans  les  deux  derniers  tiers  du  trei- 

1 Mai  1284.  Van  Duyse  , p.  46.  — Lacomblet , t.  II , p.  465. 

2 Août  1273.  Fisen , pars  II,  p.  20.  — Louvrex , Recueil  des  édits , Irc  partie, 
pp.  57  et  156. 

5  30  avril  1277.  Fisen,  l.  c.,  p.  27.  — Foullon,  t.  I,  p.  478.  — Lacomblet, 
/.  c.,  p.  410. 

x Acte  sans  date,  que  je  crois  de  cette  époque.  Fisen,  l.  c.,  p.  20. 

5 Voyez  Lacomblet,  t.  Il,  p.  201. 

6 29  décembre  1268.  Ibidem  , p.  294. 

7 15 mai  1271.  Ibidem,  p.  561. 

8 9 décembre  1278.  Ibidem,  p.  420. 

9 23  et  24  février  1281.  Bondam , l.  c.,  p.  657.  — » Lacomblet,  /.  c.,  p.  442. 

10  10  septembre  1287.  Lacomblet,  t.  II,  p.  493. 

4i  7 mars  1270.  Ibidem , p.  250. 


zième  siècle.  Pendant  les  courts  moments  de  paix  dont  on  jouit 
alors,  les  contrées  rhénanes  restèrent  livrées  aux  ravages  de 
troupes  de  maraudeurs  et  de  brigands.  En  1275,  Aix-la-Chapelle 
s’engagea  à payer  cinq  cents  marcs  et  une  rente  annuelle  de  cent 
mares  au  due  de  Limbourg,  Waleram,  et  ce  prince,  de  son  côté, 
prit  les  bourgeois  sous  sa  protection  spéciale  et  promit  de  les  dé- 
fendre, même  par  les  armes.  Dans  le  cas  où  une  lutte  s’engage- 
rait, la  cité  d’Aix  devait  fournir  aux  cavaliers  de  Waleram  des 
vivres  et  des  fourrages,  mais  pendant  huit  jours  seulement,  s’il 
en  résultait  un  siège.  Elle  était,  en  outre,  tenue  à indemniser  le 
duc,  pour  le  cas  où  ses  biens  auraient  à souffrir.  Waleram  avait 
injustement  perçu  un  péage  sur  les  bourgeois;  il  les  en  affranchit, 
à la  condition  que  les  seize  jurés  d’Aix  veilleraient,  selon  l’an- 
tique usage  j au  maintien  de  ses  droits  (veille  des  octaves  de  l’As- 
somption, en  1275)  E Quelques  années  après,  le  duc  Jean  se  fit 
reconnaître  en  qualité  d’avoué  supérieur  des  Aixois,  et  intervint 
puissamment  en  leur  faveur. 

Les  marchands  de  Hambourg  fréquentaient  déjà  nos  marchés 
à cette  époque.  Le  duc  Henri  III  les  avait  admis,  en  1250,  à par- 
courir ses  domaines  en  toute  franchise,  même  dans  le  cas  où  il  y 
aurait  guerre  entre  lui  et  le  comte  de  Holsaten  ou  Holstein.  Sa 
veuve  ratifia  cette  convention,  le  dimanche  après  l’octave  de  la 
Purification  , en  1260-1207 1  2. 

Un  usage,  presque  général , rendait  les  bourgeois  des  villes  res- 
ponsables des  dettes  que  les  princes  contractaient  à l’étranger. 
Leurs  marchandises,  leurs  navires,  leurs  chariots  étaient  de  la 
sorte  fréquemment  séquestrés.  Cet  abus  criant,  dont  Louvain,  en 
particulier,  eut  à souffrir  en  1290,  fut  atténué  par  le  due  Jean  Ier. 
Il  promit  alors  aux  Bruxellois  qu’il  ne  les  donnerait  plus  pour 
cautions,  ni  eux,  ni  aucun  d’eux.  Deux  années  plus  tard,  une 
mesure  extrêmement  libérale  fut  consignée  par  ses  ordres  dans 
les  heures  cantonales.  Les  étrangers  furent  autorisés  à venir  se 
fixer  dans  le  Brabant,  en  continuant  à y jouir,  eux  et  leur,  posté- 

1 Quix,  Code x diplomaticus  Aquensis,  t.  I,  pp.  146. 

2 Sartorius,  Geschichte  der  Deutschen  Hanse , t.  II,  p.  723. 


( 556  ) 

rite,  des  privilèges  dont  ils  étaient  en  possession  dans  leur  patrie. 
Aucune  disposition  ne  pouvait  amener  plus  de  marchands,  avec 
leurs  familles  et  leurs  richesses,  dans  un  pays  où  les  attirait  déjà 
l’abolition  complète  de  la  mainmorte. 

Les  foires  étaient  alors  d’une  grande  utilité  pour  le  commerce. 
On  y voyait  à la  fois  les  producteurs  et  les  consommateurs,  les 
uns,  certains  de  vendre  avec  bénéfice,  les  autres,  assurés  de  mieux 
trouver  à satisfaire  leurs  goûts.  La  comtesse  de  Flandre,  Margue- 
rite, en  établit  ou  en  autorisa  un  grand  nombre  : à Valenciennes 
(1264),  à Douai  (1265),  à Lille,  mais  pour  les  chevaux  seulement, 
à Mons,  etc.  Tournai  obtint  la  sienne  du  roi  saint  Louis,  en  1267. 
Dans  le  Brabant,  la  première  ville  où  il  fut  établi  une  foire  est 
Anvers;  mais  la  date  de  cette  concession  n’est  pas  indiquée;  on  sait 
seulement  que  la  foire  existait  en  l’an  1206;  de  plus,  cette  ville 
obtint,  le  24  avril  1298,  au  commencement  du  règne  de  Jean  II, 
un  marché  hebdomadaire  pour  la  vente  des  chevaux  h 

Signalons  encore  une  confirmation  par  Jean  Ier  des  poids  et 
mesures  adoptés  par  la  ville  de  Léau  2. 

C’est  au  temps  de  Jean  Ier  que  s’établirent  plusieurs  de  ces 
grandes  fêtes  communales  où  nos  populations  semblaient  vou- 
loir éclipser  les  cours  mêmes  par  le  luxe  qu  elles  y déployaient. 
La  plupart  étaient  remarquables  par  les  ommegangen  dont  on  a 
essayé  de  raviver  le  goût  dans  ces  dernières  années.  Celle  de  Lille 
date  de  l’an  1269  ; celle  de  Soignies,  de  l’an  1264;  Tournai  institua 
la  sienne  en  1285.  Elles  offraient  toutes  un  caractère  éminemment 
religieux;  toutefois,  nous  en  parlons  ici  parce  qu’elles  consti- 
tuaient en  quelque  sorte  des  solennités  analogues  à nos  foires  et 
à nos  marchés,  parles  liens  qu’elles  établissaient  entre  nos  diffé- 
rentes villes. 

Des  voies  de  communication  nombreuses  facilitaient  déjà  le 
mouvement  du  commerce  et  l’exploitation  des  terres.  Au  village 
de  Forêt,  près  de  Bruxelles,  il  existait  une  chaussée  que  les  re- 
ligieuses du  monastère  de  ce  nom  et  de  celui  de  la  Cambre  firent 

' Brabantsche  Yeesten,  1. 1,  p.  690. 

2 Charte  de  1290. 


( 3S7  ) 

construire  à frais  communs,  conformément  à une  décision  des 
échevins  et  des  jurés  de  Bruxelles,  en  date  du  mois  de  juillet  1263 L 
Un  autre  acte  du  même  temps  signale  l’existence  près  de  Malines , 
à Scmpst  et  à Hofstade,  de  deux  voies  pavées,  que  Walter  Ber- 
ihout,  fils  aîné  du  seigneur  de  Malines,  afferma  à Daniel  de 
Ponte,  à charge  d’entretien,  et  moyennant  un  cens  annuel  de 
trente  sous  de  Louvain,  mais  avec  la  faculté  de  lever  un  droit  de 
chaussée  ( steenweghe  gelt) 1  2 *. 

Les  villes  du  Brabant  n’étaient  pas  en  état,  comme  celles  de 
Flandre,  d’entreprendre  la  construction  de  canaux  5,  mais  elles 
appréciaient  déjà  les  bienfaits  résultant  de  la  présence  d’une  route4 
et  de  l’abolition  des  péages  dans  les  campagnes  du  voisinage  s. 

Les  monnaies  brabançonnes,  au  treizième  siècle,  consistaient  en 
deniers  et  en  oboles,  ou  petits  deniers,  valant  une  moitié  de  denier. 
Le  denier,  de  réduction  en  réduction,  en  était  arrivé  à ne  plus 
peser  que  six  et  demi  ou  sept  et  demi-décigrammes,  et  Jean  Ier  les 
réduisit  encore  à six  décigrammes.  La  valeur  intrinsèque  du  de- 
nier ne  dépassait  pas  sept  centimes,  et  comme  le  prix  de  l’argent, 
eu  égard  à la  valeur  des  marchandises  de  première  nécessité, 
était  dix  fois  plus  élevé  que  maintenant,  une  pièce  semblable 
équivaudrait  aujourd’hui  à soixante  et  dix  centimes  environ. 

Une  ordonnance  de  Philippe  le  Bel,  roi  de  France,  du  20  juil- 
let 1282,  ayant  prohibé  toutes  les  monnaies  étrangères,  tant 
noires  que  blanches,  soit  baudekins,  soit  valencenois , et  autorisé 
seulement  la  circulation  des  esterlings,  en  leur  donnant,  comme 
l’avait  fait  Louis  IX,  la  valeur  d’un  quarriau  tournois  (c’est-à-dire 
de  quatre  tournois  ou  d’un  tiers  de  gros),  la  plupart  des  princes 
belges,  et  particulièrement  Jean  Ier,  s’empressèrent  de  faire  frapper 

1 Archives  de  l'abbaye  de  la  Cambre. 

2 Acte  du  mardi  après  le  dimanche  Misericordiam  Domini,  en  l’année 
1287.  Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  Il,  p.  554. 

5 La  petite  ville  de  Rodenbourg  fut  autorisée,  en  1243-1244,  à creuser  un 
canal  conduisant  à la  mer  et  à y lever  un  péage;  en  1251 , les  Gantois  obtin- 
rent un  octroi  semblable  pour  un  canal  de  leur  ville  à l’Écluse,  etc. 

4 Chartes  de  Léau,  des  années  1215,  1290,  etc. 

5 Charte  pour  Bruxelles,  de  l’an  1290. 


( 558  ) 

des  esterlings.  Ils  imitèrent  complètement  ceux  que  l’on  fabriquait 
en  Angleterre,  et  on  en  connaît  même  du  Luxembourg,  sur  les- 
quels on  a gravé  le  nom  du  roi  Édouard , et  d’autres  où  on  lit  les 
mots  : civitas  london. 

C’est,  paraît-il,  à la  suite  de  l’édit  royal  dont  nous  venons  de 
parler,  que  Jean  Ier  fit  frapper  une  nouvelle  monnaie  : trois  de 
ses  brousselois  ou  lôuvignois  valaient  deux  deniers.  L’année  sui- 
vante, en  février  1282-1285,  le  comte  Guy  de  Dampierre  concéda 
à Ubert  Alion,  citoyen  d’Asti,  et  à ses  compagnons,  le  droit  ex- 
clusif de  battre  monnaie  à Namur,  à la  condition  que  cette  mon- 
naie serait  « aux  mêmes  poids  et  loi  que  la  nouvelle  monnoie  du 
» duc  et  à la  même  taille  de  fort  et  de  faible  que  les  nouveaux 
» sterlings  d’Angleterre.  » Il  promit  que  si  le  duc  ou  un  autre 
prince  la  prohibait  dans  ses  États,  il  userait  de  réciprocité  h 

Le  duc  Henri  III  avait  affectionné,  à ce  qu’il  semble,  plusieurs 
types  tout  à fait  différents  l’un  de  l’autre,  et  qui  servirent  à distin- 
guer les  produits  de  chacune  de  ses  monnayeries.  Ainsi  il  avait  des 
monnaies  marquées  d’un  donjon  (celles  d’Anvers?),  d’une  église, 
d’un  double  aigle  (Haelen?),  d’un  aigle  simple  (Nivelles?),  d’un  ca- 
valier, de  l’agneau  pascal  (Tirlemont?),  etc.  On  attribue  à sa  veuve, 
avec  une  quasi-certitude,  une  obole  offrant  d’un  côté  une  croix  droite 
avec  les  lettres  b.r.v.x.  (Bruxelles)  et,  de  l’autre,  une  espèce  de  pont 
à fleurons.  Jean  Ier  abandonna  la  plupart  de  ces  types,  peut-être 
parce  qu’il  réduisit  le  nombre  des  ateliers  monétaires.  L’obole  si 
connue  de  Henri  III , avec  le  lion  debout  dans  un  écusson  triangu- 
laire, et  au  revers,  la  croix  cantonnée  des  lettres  b.a.s.t.,  initiales 
probables  des  mots  Brnocella , Antwerpia , Silva  (ou  Bois-le-Duc) 
et  Thenis  (ou  Tirlemont),  se  reproduit  presque  identique  sous  son 
règne,  tantôt  avec  l’écu  et  la  légende  a.î.d.v.x.  (Johannes,  dnx)  et 
de  l’autre,  la  croix  et  les  lettres  i.d.v.x.  ou  l.o.v.a.  ( Lovanium ), 
ou  quelquefois  w.a.l.t.,  lettres  que  l’on  suppose  indiquer  le  nom 
d’un  monétaire  ou  directeur  de  monnayerie.  Sur  d’autres  pièces  on 
lit  : tantôt,  autour  de  l’écu,  d.v.x.  ou  m.o.n.e.t.a.  d.v.x.,  et  dans  les 
bras  de  la  croix  t.r.i.t.  (c’est-à-dire  Maestricht);  tantôt,  à l’avers, 
moneta,  et  au  revers,  brux.  et  johannes  dux. 

4 Messager  des  sciences  historiques,  t.  V,  pp.  201  et  suiv.* 


( 559  ) 

Les  esterlings  de  notre  prince  offrent  aussi  l’écu  au  lion  et  la 
croix  pattée.  D’autres  présentent  une  tête  vue  de  face  : ils  se  rap- 
prochent des  monnaies  de  plusieurs  autres  princes  belges,  et 
notamment  de  celles  de  Jean  de  Louvain,  sire  de  Herstal  (1285- 
1509);  d’après  cette  dernière  circonstance,  on  pourrait  supposer 
que  Jean  Ier  ne  les  mit  en  circulation  que  vers  la  fin  de  son  règne  4. 
Jean  Ier  a également  frappé  des  gros , offrant  à l’avers  un  ange 
debout,  tenant  une  lance  de  la  main  droite  et  une  fleur  de  la 
main  gauche;  la  légende  porte  moneta  biiüxellensis.  Au  revers, 
on  voit  une  croix  fleuronnée  et  les  mots  : johannes  dux  biubantie. 

Les  variations  qu’éprouvait  la  valeur  des  monnaies  consti- 
tuaient alors  un  grand  embarras  pour  les  transactions.  Il  en  ré- 
sultait des  différends  dont  on  rencontre  les  traces  fréquemment, 
mais  dont  il  est  difficile  d’apprécier  nettement  la  portée.  Ainsi, 
nous  voyons,  aux  environs  de  Saint-Trond,  plusieurs  contestations 
s’élever  au  sujet  des  cens  par  tête  et  de  l’obole  banale  due  par 
chaque  maison  du  pays  voisin.  L’abbaye  de  Saint-Trond  prétendait 
qu’on  devait  les  payer  en  monnaie  de  Liège , sans  doute  à cause 
de  la  plus  grande  valeur  de  celle-ci;  ses  sujets,  au  contraire,  se 
disaient  prêts  à payer,  mais  en  deniers  et  oboles  de  Flandre, 
ces  dernières  nommées  copots.  D’après  René,  écolâtre  de  Tongres, 
et  le  chevalier  Walter  de  Lude,  qui  furent  chargés  par  le  comte 
de  Looz  de  juger  ce  différend,  on  devait  acquitter  les  droits 
mentionnés  plus  haut  avec  la  même  monnaie  que  les  droits  dus 
aux  seigneurs  séculiers,  monnaie  que  l’on  appelait  pontpenninc 
(mardi  après  l’Epiphanie,  en  1265)1  2.  Un  ordre  formel  de  l’évêque 
de  Liège  Henri  prescrivit  le  payement  immédiat  dans  les  huit 
jours,  en  monnaie  de  Liège  (octaves  de  la  Saint-Martin  d’hiver, 
de  la  même  année). 

Dans  les  contrées  rhénanes,  où  le  commerce  était  plus  consi- 
dérable, et  particulièrement  à Cologne,  on  s’était  à plus  d’une 

1 Revue  numismatique  belge , passïm.  — Piot,  Notice  sur  un  dépôt  de 
monnaies  découvert  à Grand-H  alleux  ( Nouveaux  Mémoires  de  V.  Académie 
royale  de  Bruxelles). 

2 Cum  moneta  ilia  quae  dicitur  pontpenninc  ( Cartulaire  de  l'abbaye  de 
Saint-Trond). 


( 560  ) 

reprise,  plaint  de  la  qualité  de  la  monnaie.  Le  roi  Rodolphe  et 
l’archevêque  Sifroi  convinrent  enfin  d’en  frapper  chacun  une 
pareille  à leur  type,  d’une  valeur  nominale  de  treize  sous  et  qua- 
tre deniers  le  marc  d’argent,  soit  de  quatre  deniers  seulement 
au-dessous  de  la  valeur  réelle  du  marc  J. 

Les  modifications  que  le  duc  apporta  à sa  monnaie  excitèrent 
sans  doute  des  murmures,  à cause  du  tort  qu’elles  causaient  aux 
transactions  commerciales.  Par  un  décret  en  date  du  dimanche 
avant  la  fête  de  la  chaire  de  Saint-Pierre,  en  1290,  Jean  Ier  déclara 
que  le  payement  des  cens,  dus  à des  seigneurs  fonciers,  s’effec- 
tuerait en  nouvelle  monnaie,  c’est-à-dire  en  deniers  dont  trois  va- 
laient quatre  deniers  de  la  monnaie  ordinaire.  Les  dettes  et  autres 
rentes,  de  quelque  nature  qu’elles  fussent,  pouvaient  se  payer 
avec  l’argent  ayant  cours 1  2. 

Il  dut  s’opérer,  à cette  époque,  une  grande  révolution  dans  les 
conditions  sociales.  Les  progrès  de  l’industrie  et  du  luxe  rendirent 
l’existence  plus  chère,  en  augmentant  les  besoins.  La  richesse  des 
commerçants  et  des  fabricants  s’accrut  dans  de  fortes  propor- 
tions, tandis  que  ceux  dont  les  revenus  consistaient  en  cens  per- 
pétuels se  voyaient  éclipsés.  C’est  pour  cette  raison  qu’au  quator- 
zième siècle  nombre  de  familles  seigneuriales  tombent  dans 
l’obscurité,  tandis  qu’on  voit  grandir  les  patriciens  des  villes,  et 
surtout  ceux  de  Bruxelles  et  de  Louvain,  à qui  leur  fortune  ou 

1 Le  27  octobre  1282.  Pertz , Monumenta,  Leges,t.  II , p.  440. 

2 Voici  le  texte  entier  de  ce  diplôme , que  nous  croyons  important  : Nos 
Johannes , Dei  gratiadux  Lotharingiae , Brabantiae  et  Lymburgiac,  nolum 
facimus  universis  quod  super  censibus  hereditariis  débit is  et  redditibus 
annalibus  seu  perpetuis  in  Brabantia  solvendis,  talis  est  nostra  inierpre- 
tatio , videlicet  ut  census  hereditarii  dominis  fundi  quibuscumque  debiti, 
per  totam  Brabantiam  cum  nova  moneta  , scilicet  cum  denariis  de  quitus 
très  valent  quatuor  denarios  nunc  cur-r  entes,  solcantur.  Débita  vero  et  red- 
ditus  annales  seu  perpetui,  al  iis  quam  dominis  fundi  quibuscumque  debiti, 
cum  moneta  pro  tempore  currente  persolvantur.  Quam  interpretationem 
per  totam  Brabantiam  volumus  firmiter  observant,  et  eam  universis  et 
singulis  tenore  presentium  volumus  esse  notam.  Datum  anno  Domini  mille- 
simo  ducentesimo  nonagesimo , dominica  ante  cathedram  beati  Pétri  ( Cartil - 
taire  d’Afflighem,  1. 111 , p.  560). 


( 361  ) 

des  alliances  matrimoniales  donnent  bientôt  une  foule  de  seigneu- 
ries. Quelques  propriétaires  fonciers  s’efforcèrent  de  prévenir 
leur  futur  appauvrissement  , en  reprenant  leurs  biens  censaux  et 
en  les  concédant  à de  nouvelles  conditions,  mais  cette  opération 
offrit  souvent  des  difficultés.  Entre  autres  exemples  que  nous 
avons  notés,  nous  citerons  celui-ci  : Le  ltr  février  1265-1264,  le 
chapitre  de  Sainte-Gudule  reçut  la  renonciation  à deux  héritages, 
d’un  particulier  qui  les  tenait  à cens,  moyennant  trois  deniers  par 
an,  et  les  lui  rendit  immédiatement,  à la  condition  de  payer,  outre 
ce  cens,  un  second  cens  de  cinquante  sous  de  Bruxelles,  par  an. 

Les  chiffres  suivants  donneront  une  idée  de  la  valeur  de  l’ar- 
gent à cette  époque  : on  vendit  à Merchten,  en  1265,  quinze 
bonniers  de  terres,  moyennant  cent  cinquante  livres,  et  en  1278, 
trente-quatre  bonniers,  moyennant  trois  cent  quatre-vingts  livres l. 
Chaque  bonnier  valait  donc  dix  ou  onze  livres;  aujourd’hui  on  le 
payerait  de  trois  mille  à cinq  mille  francs.  En  1279,  Godefroid  de 
Vianden  vendit  à l’abbaye  de  Grimberghe  soixante  et  onze  bonniers 
de  bois,  à sept  livres  de  Bruxelles  le  bonnier,  et  ensuite  soixante 
et  onze  autres  bonniers,  moyennant  une  somme  globale  de  six 
cent  trente  livres.  En  1290,  le  bois  de  Vaillampont  fut  payé  cent 
sous  (soit  cinq  livres)  de  Louvain  le  bonnier,  et  en  1295,  on  donna , 
pour  un  bois  à Pamele,  vingt-cinq  livres  de  tournois  noirs,  par 
bonnier.  En  1278,  à Jodoigne,  le  muid  de  blé  valait  vingt  sous,  un 
chapon  huit  tournois,  un  bonnier  de  terre  s’affermait  pour  vingt- 
quatre  muids  de  blé,  un  moulin  se  louait,  suivant  son  impor- 
tance, treize,  quinze  ou  meme  trente -six  livres.  Un  muid  de 
chaux  se  payait  cinq  livres,  en  1295.  En  1296,  on  évaluait  le  muid 
de  froment  à vingt  sous  de  Louvain,  le  muid  de  seigle  à dix-huit, 
un  chapon  à dix  deniers. 

Les  premières  notions  sur  l’organisation  de  nos  monnayeries 
ne  remontent  qu’à  l’époque  de  Jean  Ier.  Ce  prince  établit  celle  de 
Bruxelles  dans  une  maison  qui  se  trouvait  dans  la  rue  des  Cheva- 
liers ( Viens  militum,  aujourd'hui  la  Grande  rue  de  l’Ecuyer)  et 
qu’il  acquit  de  l’abbaye  d’Afïlighem,  le  dimanche  après  la  Saint- 


1 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  II,  p.  279. 


( 562  ) 

Matthias,  en  1289,  en  échange  de  cent  mnids  d’avoine  que  le 
monastère  lui  devait  pour  des  biens  près  de  Genappe  ; cependant 
il  ne  réalisa  pas  son  projet,  car  la  monnayerie  de  Bruxelles, 
située  anciennement  à proximité  de  la  rue  des  Eperonniers , se 
trouvait,  en  l’an  1508,  à l’endroit  où  fut  depuis  le  couvent, 
aujourd’hui  caserne,  de  Sainte  - Elisabeth  l.  Plus  tard  Jean  le 
Victorieux  déclara  qu’il  n’y  aurait  en  Brabant  que  deux  ateliers 
de  monnaies,  Louvain  et  Bruxelles,  et  organisa  les  monnayeurs 
en  une  corporation  qui  ne  pouvait  compter  que  quatre-vingt-dix 
membres  : quarante  à Louvain,  cinquante  à Bruxelles,  à moins 
qu’il  ne  devint  nécessaire  d’augmenter  ce  nombre.  Les  mon- 
nayeurs obtinrent  le  droit  d’élire  tous  les  ans  deux  valets  chargés 
de  régir  le  corps,  de  concert  avec  le  maître  de  la  monnaie  et  le 
waradyn  ou  contrôleur;  ils  devaient  être  exempts  du  service  mili- 
taire, excepté  lorsqu’il  s’agirait  de  défendre  le  pays.  De  leur  côté, 
les  maîtres  et  les  compagnons  monnayeurs  s’engagèrent  à tra- 
vailler pour  un  salaire  égal  à celui  que  donnaient  les  rois  de  France 
et  d’Angleterre  et  le  comte  de  Flandre  (juillet  4 291  ) 2.  En  l’année 
1298,  le  fils  de  Jean  Ier  confirma  et  augmenta  les  privilèges  de  la 
corporation,  à laquelle  il  adjoignit  deux  cents  sous-monnayeurs , 
et  vers  cette  époque,  presque  tous  les  ateliers  de  monnayage  de 
la  Belgique  reçurent  des  statuts. 

L’emploi  de  plus  en  plus  répandu  de  la  monnaie  donna  une 
grande  importance  aux  maisons  où  l’on  faisait  des  opérations  de 
prêt,  de  change,  etc.  L’usure  constituait  alors  un  des  vices  domi- 
nants; on  peut  le  supposer  d’après  le  zèle  avec  lequel  les  papes 
l’attaquèrent  dans  leurs  bulles  et  les  prédicateurs  dans  leurs  chaires. 
Tout  fut  inutile  ; la  plaie  ne  fit  que  grandir  et  s’envenimer. 

En  quelques  localités,  on  institua  des  changes,  où  le  taux  du 
prêt  était  régularisé.  En  Flandre , par  exemple , celui  d’Arden- 
bourg  constituait  un  fief  par  lequel  le  détenteur  donnait  au  comte 
dix  livres  de  Flandre  par  an;  celui  d’Ypres  fut  abandonné  à la 
ville,  dès  l’année  1285,  mais  à la  condition  de  ne  le  reprendre 

1 Voyez  Histoire  de  Bruxelles , t.  III,  p.  196.  Conf.  Ibidem,  pp.  77  et  566k 

9 Placards  de  Brabant,  t.  I , p.  244.  — De  Dynter,  t II,  p.  454. 


( 565  ) 

qu’en  1290,  les  lombards  devant  le  garder  jusqu’à  eette  époque. 
Il  y avait  à Bruxelles  des  changeurs,  et  une  des  familles  qui  se 
livraient  à ce  trafic  en  garda  le  nom  de  Cambitor  ou  Wisselaer;  il 
y en  avait  aussi  à Anvers , à Bois-le-Duc.  Dans  la  plupart  des  loca- 
lités, on  devait  recourir  aux  lombards,  qui  se  répandirent  jusque 
dans  des  bourgades  : à Grimberghe,  à Assclie,  à Merchten,  à Len- 
nick,  à Genappe,  à Wavre,  à Jodoigne,  à Gembloux,  à Yssche  l. 
Jean  Ier,  qui  obéissait  volontiers  à ses  goûts  du  moment,  ne  détes- 
tait pas  les  lombards , parce  qu’il  en  avait  fréquemment  besoin  ; 
nous  l’avons  vu,  à Nivelles,  malgré  l'abbesse  et  malgré  l’évêque 
de  Liège,  maintenir  les  Cahorsins,  dont  son  père  mourant  avait 
ordonné  l’expulsion  du  duché;  un  article  de  la  charte  qu’il  accorda, 
en  1267,  à la  ville  de  Louvain,  y maintint  ces  deux  catégories  de 
personnes,  comme  elles  existaient  à Bruxelles. 


CHAPITRE  XIII. 

CLERGÉ,  ABBAYES,  HOPITAUX. 


I. 

Au  commencement  du  treizième  siècle,  l’Église  catholique  se 
trouva  en  face  d’ennemis  redoutables.  Elle  eut  à se  défendre  à la  fois 
contre  les  peuples  mahométans  ou  païens,  qui  menaçaient  l'Europe 
au  midi  et  au  nord,  et  contre  la  propagation  des  doctrines  hétéro- 
doxes, dont  le  principal  foyer  se  trouvait  dans  le  riche  Languedoc. 

1 Compte  de  Vamman  Lenken,  passïm.  — Pour  Lennick,  voyez  l 'Histoire 
des  environs  de  Bruxelles , 1. 1,  p.  210. 


( 564  ) 

Quoique  encore  en  querelle  avec  plusieurs  puissants  monarques, 
elle  accepta  la  lutte  et  en  sortit  triomphante,  mais  la  victoire  lui  fut 
plus  pénible  à supporter  que  le  combat.  Les  hérétiques  proscrits 
renaquirent  dans  les  poètes,  qui  ne  se  firent  pas  faute  de  jeter  le 
ridicule  sur  la  vie  des  moines;  parmi  les  bourgeoisies,  où  une  puis- 
sance nouvelle  disputa  aux  corps  ecclésiastiques  leurs  anciennes 
prérogatives  !,  et  même  parmi  les  princes,  dont  la  plupart  s’ac- 
coutumèrent à pressurer  un  clergé  devenu  trop  opulent  à leur  gré. 

Pendant  la  seconde  moitié  du  treizième  siècle,  il  se  manifesta 
dans  les  idées  de  grands  changements.  Si  la  foi  religieuse  resta 
vive,  si  le  goût  de  la  vie  monastique  continua  à subsister,  la  géné- 
ralité des  fidèles  se  refroidit.  On  ne  trouve  plus,  à cette  époque, 
cette  immense  quantité  de  chartes  qui  remplit  les  cartulaires 
d’une  série  interminable  de  donations  ou  de  ventes  au  profit  des 
corporations  monastiques.  Et  ce  changement,  que  l’on  essaye- 
rait vainement  de  contester,  eut  des  conséquences  désastreuses 
pour  plusieurs  grandes  corporations.  Dans  les  temps  antérieurs, 
elles  avaient  entrepris  d’immenses  constructions,  établi  leur  genre 
de  vie  sur  de  larges  bases;  leurs  ressources  ayant  diminué  tout  à 
coup,  elles  se  trouvèrent  obérées  : notamment  Villers,  où  les  supé- 
rieurs se  succédèrent  sans  parvenir  à rétablir  l’ordre  dans  les 
finances,  et  Saint-Michel  d’Anvers,  où  Jean  Ier  défendit  de  rece- 
voir des  botes,  jusqu’à  nouvel  ordre  et  tant  que  l’état  financier 
de  la  communauté  ne  serait  pas  meilleur,  parce  qu’elle  était  gre- 
vée de  rentes  viagères  et  appauvrie  par  suite  d’inondations  cala- 
miteuses 2. 

Les  exactions,  dont  on  frappa  les  abbayes,  contribuèrent  encore 
à leur  ruine  momentanée.  « Depuis  le  temps  du  concile  de  Lyon, 
» sous  Grégoire  X,  dit  l’abbé  de  Bonne-Espérance,  Maghe,  plusieurs 
» papes,  voyant  l’Église  accablée  outre-mer  par  les  infidèles,  et 
» dans  l’espoir  de  venir  à son  secours,  accordèrent  aux  princes  la 
» dîme  (ou  un  décime  du  revenu)  des  biens  ecclésiastiques,  pen- 

4 Notamment  le  droit  d’excommunication,  que  le  pape  Martin  IV  restreignit 
pour  Nimègue,  à la  demande  de  la  cité.  Bref  en  date  du  25  août  128t.  Bon- 
dam,  Charlerboek  van  Gelderlant , 1. 1,  p.  659. 

2 Mars  1282-1283.  Willems,  VanHeelu,  p.  575. 


( 505  ) 

» dci il t trois,  quatre  ou  six  ans,  tantôt  parmi  toute  la  chrétienté, 
» tantôt  dans  quelques  contrées,  mais  cette  concession  n’aboutit 
b qu’à  forcer  les  religieux  à vendre  des  immeubles,  soit  à perpé- 
» tuité , soit  pour  un  temps.  » 

« Au  moyen  des  corvées,  des  tailles , des  exactions , des  charges 
» de  toute  espèce,  les  princes  frappèrent  les  ouailles  du  Christ,  et 
» leurs  agents,  officiers  ou  suppôts,  comme  des  fils  de  Déliai , plus 
» durs  que  Pharaon,  sévirent  contre  les  religieux  plus  que  sur  les 
» laïques,  au  mépris  des  huiles  papales.  Ils  essayèrent  fréqueni- 
» ment  d’extorquer  des  subventions  ou  des  dons  ; ils  les  taxèrent, 
» puis  les  forcèrent  tyranniquement  à payer  au  moyen  de  saisies. 
» En  outre,  ils  faisaient  nourrir  dans  les  monastères  leurs  che- 
» vaux,  leurs  troupeaux  de  porcs,  leurs  meutes,  ainsi  que  leurs 
» gardiens;  bien  plus,  ils  ne  rougissaient  pas  de  forcer  les  corpo- 
» rations  religieuses  à engraisser  des  chapons,  et  pendant  les 
» guerres,  ils  en  exigeaient  des  chevaux,  des  chariots,  du  fro- 
» ment,  des  bêtes  à corne,  de  l’argent,  pour  leurs  armées  *.  » 

Nous  devons  le  dire,  Jean  I01  se  permit  toutes  ces  extorsions, 
ainsi  qu’il  résulte  de  ses  chartes  mêmes.  Il  demanda  fréquemment 
des  subsides  aux  monastères,  leur  prodiguant  chaque  fois  des 
chartes  d’exemption,  qui  ne  prouvent  qu’une  chose,  les  exactions 
continuelles  auxquelles  ils  étaient  en  butte.  D’ailleurs,  l'immense 
accroissement  des  biens  ecclésiastiques  effrayant  les  autorités 
laïques,  le  duc  essaya  de  l’arrêter.  Scs  intentions,  à cet  égard,  se 
trahissent  dans  les  chartes  par  lesquelles  il  autorise  Saint-Michel 
d’Anvers  et  Coudenberg  à acquérir  des  biens  censaux  ou  allodiaux 
jusqu’à  concurrence  d’un  revenu  de  trente  livres  de  Louvain,  pour 
la  première  de  ces  communautés,  de  cent  livres  pour  la  seconde. 
Il  y a ici  limitation  de  la  faculté  d’acquérir,  limitation  qu’antérieu- 
rement  on  songea  rarement  à établir2.  Mécontent,  sans  doute, 
de  l’accroissement  continuel  des  biens  ecclésiastiques,  et  vou- 


1 Chronicon  Bonœ  Spei , p.  278 , d’après  un  autre  moine  de  l’abbaye,  le 
père  Sivry. 

2 Acte  du  dimanche  Jubilate,  en  1288.  Cartulaire  de  Saint-Michel , f°  190. 
— Histoire  de  Bruxelles,  1. 111,  p.  353.  — A celte  époque,  le  couvent  de 
Coudenberg  s’élait  considérablement  agrandi. 


( 56G  ) 

lant  imiter  ce  qui  se  pratiquait  en  France,  Jean  Ier  interdit 
formellement  « d'adhériter  aucune  église  en  Brabant  sans  son . 
congé  spécial , » et  c’est  pourquoi , lorsque  les  trois  frères  de  Braine 
voulurent  doter  de  la  seigneurie  de  Wauthier-Braine  le  monastère 
de  femmes  fondé  dans  ce  village,  ils  en  firent  une  cession  simulée 
à Simon  Tondeurlent  (le  samedi  après  l Épiphanie,  en  janvier 
1280-1281)  b Quelques  années  après,  lorsque,  à la  suite  sans 
doute  de  nouvelles  demandes  d’argent,  le  duc  confirma,  en  1292, 
les  biens  et  les  privilèges  de  presque  tous  les  monastères,  ce  fut 
à la  condition  bien  expresse  qu’ils  devraient  solliciter  son  appro- 
bation ou  celle  de  ses  successeurs  pour  acquérir  des  terres,  et  que, 
dorénavant,  ils  ne  pourraient  posséder  qu’une  habitation  dans 
chacune  des  sept  chefs -villes  du  Brabant  (Louvain,  Bruxelles, 
Anvers,  Bois-le-Duc,  Tirlemont,  Léau  et  Lierre),  les  autres  devant 
être  vendues  à des  tiers  ou  données  à cens 1  2. 

Ce  qui  justifiait  jusqu’à  un  certain  point  les  exactions  ducales, 
c’était  la  rapidité  avec  laquelle  les  biens  de  toute  nature  se  con- 
centraient dans  les  mains  du  clergé.  Enrichi  par  des  donations 
sans  nombre,  il  l’était  encore  par  la  sagesse  de  son  administra- 
tion, par  sa  persévérance  dans  Ses  efforts  pour  l’amélioration  du 
sol,  par  les  résultats  du  bien-être  matériel  qu’il  réussissait  pres- 
que toujours  à donner  à ses  tenanciers.  La  dime,  qui,  au  com- 
mencement du  siècle,  appartenait  encore  aux  laïques  en  beaucoup 
d’endroits,  était  devenue  le  patrimoine  des  églises,  et  comme  on 
trouvait  que  la  libéralité  des  fidèles  n’était  plus  assez  active,  on 
autorisa  ce  qui  avait  été  prohibé  d’abord  : on  permit  de  racheter 

1 Taiiier  et  Wauters , La  Belgique  ancienne  et  moderne,  canton  de  Nivelles, 

p.  116. 

2 Charte  accordée  à Afïlighem,  en  avril  1292  ( Cartulaire  de  l’abbaye  d'Af- 
flighem,  t.  111 , p.  372.  — Histoire  des  environs  de  Bruxelles , 1. 1 , p.  487)  ; — 
à Villers  , en  mars  1295  (Wauters,  L'ancienne  abbaye  de  Villers ) ; — à Saint- 
Michel  et  à Grimberghe,  le  mercredi  avant  la  Sainte-Marie-Madeleine  ( Opéra 
diplomatica , t.  IV,  p.  259. — Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  Il , p.  239); 

— à Dilighem  (Sanderus,  Chorographia  sacra  Brabantiae,  1. 1,  p.  596);  — à 
Saint-Bernard,  le  lundi  après  la  Trinité  ( Brabantsche  Yeesten,  t.  I,  p.  682); 

— à Parc-les-Dames , en  avril  1292,  etc. 


( 30.7  ) 

les  dîmes  des  laïques  qui  en  possédaient  *.  Or,  pour  les  abbayes, 
il  suffisait  d’attendre;  chaque  famille  en  arrive  un  jour  à avoir  des 
besoins  d’argent,  et,  dans  ees  moments-là,  une  vente  à des  prix 
avantageux  est  constamment  acceptée. 

Le  choix  que  l’on  fit,  à cette  époque,  de  conservateurs  des  biens 
de  certaines  abbayes  révèle  les  attaques  auxquelles  ces  biens 
étaient  exposés2.  Ailleurs,  on  entrevoit  les  réclamations  sans  cesse 
renaissantes  qui  prenaient  leur  origine  dans  la  cession  d’un  do- 
maine à une  corporation.  Nous  nous  bornerons  à l’exemple  sui- 
vant. En  1256,  l’abbaye  de  Villers  acquit  des  biens  à Ramillies, 
où  les  cessionnaires  ne  se  réservèrent  que  les  serfs  ( exceptis  lio- 
minibus  servilis  conditionis) , en  ordonnant  à leur  maire,  à leurs 
tenanciers  et  à leurs  autres  vassaux  de  n’user  de  leurs  biens  ou 
de  ne  s’en  dessaisir  qu’avec  l’autorisation  des  religieux.  Mais, 
quinze  ans  plus  tard,  il  y eut  des  débats  à ce  sujet.  Les  sires  de 
Gaesbeek,  de  Walhain  et  de  Rautersem,  et  Henri,  bailli  de  Jodoi- 
gne,  furent  choisis  pour  ouvrir  une  enquête,  pour  entendre  le 
témoignage  des  témoins.  L’enquête  se  fit  à Louvain , sur  le  cime- 
tière de  l’église  Saint -Nicolas,  devant  le  château,  et  tous  les 
témoins  scellèrent,  avec  les  enquêteurs,  l’acte  qui  fut  dressé  le 
lundi,  8 juin  1271,  et  qui  confirma  les  droits  du  monastère.  Ce 
ne  fut  toutefois  qu’en  1274  que  les  parents  des  anciens  seigneurs 
de  Ramillies  renoncèrent,  pour  la  plupart,  à l’héritage  de  ceux-ci. 
Arnoul,  sire  de  Steyne,  avait  été  définitivement  choisi  pour  ar- 
bitre. En  vertu  de  sa  décision,  qui  devait  être  accomplie  dans 
le  délai  d’un  an  et  un  jour,  et  sous  peine  de  deux  cents  marcs 
d’amende,  ces  parents  se  désistèrent  solennellement  de  leurs  droits 
devant  la  cour  et  justice  séculière  du  duc  (in  curia  et  coram  jus- 
tifia seculari  ducis  Brabantiae)  3.  Huit  d’entre  eux  : Richard  de 

1 Charte  du  pape  Boniface  VIII,  en  faveur  de  Cambron,  de  l’année  1294. 
LeWaitte , Historia  Camberonensis,  pars  II,  p.  257. 

2 Charte  en  faveur  de  l’abbaye  de  Cortenberg,  en  date  du  7 mars  1284. 
Opéra  diplomatica , t.  II,  p.  1011. 

5 Déclaration  émanant  de  René  d’Audendorp , chanoine  de  Notre-Dame  à 
Aix  et  de  Saint-Siméon  à Trêves,  et  de  René  , chevalier  de  Wyswilre,  et  que 
sire  G.  de  Borne  scella,  à leur  demande,  à Maestricht,  le  vendredi  après  les 
octaves  de  Pâques , en  1274. 


( 308  ) 

ICeuswilre,  Philippe  de  Berghe,  Wenric  de  Kaudenbcrgc,  René 
d’Entvcld,  Godcfroid  Dobbclslain , Guillaume  Tuel,  Herman  de 
Tiederic,  chevaliers,  et  René,  bis  de  sire  Godefroid  de  Breden- 
rode,  avaient  reçu  et  accepté  la  mission  d’entrer  en  leur  nom,  les 
quatre  premiers  à Aix-la-Chapelle,  les  quatre  autres  à Maestricht, 
pour  y rester  jusqu’à  l’accomplissement  de  ces  formalités  1 ; de 
son  côté,  Villcrs  paya  trois  cents  livres  de  vieux  deniers  gros 
tournois.  Ce  monastère  n’en  eut  pas  moins  un  nouveau  procès 
avec  Guillaume,  écuyer  (armiger)  de  Milnc  et  de  Greben,  et  les 
siens,  à qui  les  religieux  payèrent  encore  deux  cents  livres  2 *. 

Les  tendances  dont  nous  venons  de  parler  commençaient  seu- 
lement à se  manifester,  et  des  legs  ou  achats  nombreux  enrichi- 
rent encore  le  clergé  ou  lui  conhrmèrent  ses  droits. 

En  mai  1266,  la  duchesse  Aleyde  confirma  à l’abbaye  de  Saint- 
Michel  les  pêcheries  de  Berendrecht,  que  lui  contestait  Gérard 
d’Ysschc  le  jeune  5. 

Au  mois  de  mai  1264,  dans  une  assemblée  qui  se  tint  dans  le 
couvent  des  frères  mineurs,  à Bruxelles,  Gérard  de  Coekelberghe 
céda  au  monastère  de  Dilighem,  la  seigneurie  allodiale  dont  il 
portait  le  nom,  et  la  reprit  en  bef  de  ce  monastère  4. 

Félicité,  dame  de  Ilobokcn,  veuve  du  sire  de  Perwez,  vendit 
son  alleu  de  Puers  au  monastère  de  Saint-Bernard,  pour  la  somme 
de  mille  quarante  livres  de  Louvain,  et  avec  l’approbation  du  duc 
(lendemain  des  saints  martyrs  Jean  et  Paul,  en  1278) 5;  elle  l’avait 
achetée  à l’abbaye  d'Inde,  près  d’ Aix-la-Chapelle,  en  1276,  moyen- 
nant neuf  cent  quarante  livres  de  Bruxelles. 

En  1280,  la  veille  de  Noël,  Walter  de  Braine  et  scs  frères  Siger 
et  Jacques  conhrmèrent  aux  religieuses  de  Wautbier  - Braine, 
toutes  les  acquisitions  qu’elles  avaient  faites  dans  leurs  domaines, 

1 Déclaration  de  ces  huit  personnes,  datées,  pour  les  premières,  du  lundi 
après  les  mêmes  octaves;  pour  les  autres,  du  vendredi  suivant. 

2 Déclaration  du  duc  Jean  II,  du  dimanche  avant  la  Purification,  en  1295- 
1296,  et  du  jeudi  avant  l’exaltation  de  la  Sainte-Croix,  en  1296. 

5 Cartulaire  de  Saint-Michel , f°  215. 

4 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , 1. 1,  p.  541. 

5 Opéra  diplomalica , 1. 111 , p.  690. 


( 569  ) 

leur  donnèrent  la  seigneurie  de  Wauthier-Braine,  et  leur  aban- 
donnèrent les  revenus  du  moulin  voisin  de  l’abbaye,  en  stipulant 
que  cette  usine  serait  banale  pour  tous  les  tenanciers  de  l’alleu  de 
Wauthier-Braine  b Walter  renonça  ensuite  à l’alleu  même,  et  cette 
renonciation  se  fit  entre  les  mains  de  Henri  Procbiaen , bourgeois 
de  Bruxelles  et  délégué  du  duc,  qui  s’v  réserva  expressément  le 
feu,  le  meurtre,  le  larcin,  ou,  si  l’on  veut,  les  cas  d’incendie,  de 
meurtre,  de  vol,  c’est-à-dire  la  haute  justice 1  2 *. 

Le  7 février  1282-1285,  Jean  L]  prit  sous  sa  protection  les  biens 
et  les  prérogatives  de  l’abbaye  de  Saint-Michel. 

Par  deux  actes  du  samedi  avant  les  octaves  de  Pâques,  en  1282- 
1285,  Jean  Ier  accorda  une  exemption  complète  de  tonlieux  à l’ab- 
bave  de  Val-Dieu,  monastère  de  l’ordre  de  Citeaux,  situé  dans 
le  pays  de  Daelhem,  et  déclara  libres  d’exactions,  sauf  en  cas  de 
guerre  générale,  les  habitants  des  biens  de  cette  communauté,  qui 
lui  en  avait  donné  l’avouerie.  L’abbave  racheta,  moyennant  trois 
cent  cinquante  marcs  de  Liège,  quelques  redevances  qu’elle  devait 
au  domaine,  et  le  duc  employa  cette  somme  à acheter  du  couvent 
de  Borcette,  près  d’Aix-la-Chapelle,  le  village  de  Saint-André 
(acte  du  mardi  après  les  Pâques)  5. 

En  1285,  le  lundi  avant  la  fête  de  la  Division* des  apôtres, 
Jean  Ier  annula,  en  faveur  des  religieux  d’Heylissem,  un  cens  de 
vingt  sous  qui  lui  était  dù  pour  le  vivier  contigu  à ce  monastère. 
Vingt- cinq  ans  auparavant,  l’abbé  en  avait  abandonné  rempla- 
cement, qui  formait  alors  une  prairie,  pour  l’usage  du  réfectoire, 
afin  d’y  réunir  des  eaux  et  d’y  placer  des  poissons,  le  monastère 
se  trouvant  dans  un  lieu  aride  et  éloigné  de  la  mer,  et  la  com- 
munauté souffrant  fréquemment  du  manque  de  poisson  4. 

Les  principaux  bienfaiteurs  de  l’abbaye  de  Grimbcrglie  furent 

1 Opéra  diplomatica , t.  lit,  p.  420. 

Butkens,  t.  J , Preuves,  p.  115.  — Tarlier et  Waulers , l.  c.  — Les  frères  de 

Walter  approuvèrent  cette  cession,  au  mois  de  janvier  1280-1281 , le  samedi 

avant  l’Epiphanie. 

5 Opéra  diplomatica , t.  111,  p.  158  et  159. 

1 Acte  daté  du  jour  de  la  Sainl-Barnabé,  1258  ( Cartulaire  de  l'abbaye 
d’Heylissem). 

Tome  Xlll. 


24 


( 570  ) 

les  seigneurs  de  Grimbcrghe,  qui  s’intitulaient  ses  vrais  avoués 
{vert  advocati).  A ce  titx*e , ils  approuvaient  les  donations  qui  lui 
étaient  faites,  ce  que  Fou  voit,  notamment,  par  une  charte  de 
Marie,  comtesse  de  Vianden,  datée  de  la  veille  de  l’Invention  de 
la  sainte  croix,  2 mai  1280;  la  comtesse  ne  s’y  réserve,  dans  les 
biens  du  monastère,  que  le  domaine  et  la  justice  qu’elle  y pos- 
sède. Mais  bientôt  les  ducs,  qui  étaient  jusqu’alors  restés  étran- 
gers à l’abbaye,  entreprirent  de  la  soumettre  à leur  juridiction; 
ils  y réussirent  en  s’en  proclamant  les  avoués  (6  mars  1284- 
1285)  L 

En  1287,  Jean  Ier  confirma  aux  religieuses  de  Saint-Jean-Bap- 
tiste, de  Boreette,  l’exemption  de  tonlieux  dont  elles  jouissaient  à 
Galoppe  et  à Dorath 1  2 3. 

Le  vendredi  après  la  fête  de  Notre-Dame,  en  septembre,  le  duc 
abandonna  à la  communauté  de  Florival  « toute  la  peskerie  du 
» Til,  de  la  maison  Lermite  jusque  au  pont  monseigneur  Abrani 
» de  Glabbeke.  » 

En  12.91 , le  lendemain  des  saints  Innocents,  Jean  Ier  promit  de 
protéger  les  religieux  d’Everboden  contre  ceux  qui  dévastaient  les 
bois  et  les  pâtures  de  leur  ferme  de  Sterczele. 

En  1295,  il  ordonna  à ses  officiers  de  veillera  ce  que  l’on  payât 
au  monastère  de  Tongerloo  ses  cens  héréditaires,  comme  on  lui 
payait  les  siens,  sans  réduction  (diplôme  en  date  du  lendemain  de 
l’Annonciation  5. 

Nous  citerons  encore  une  charte  en  faveur  de  l’abbaye  de  Parc, 
où  Jean  Ier  confirme  aux  religieux  leur  exemption  de  toute  espèce 
de  tonlieux,  winage,  péage  ou  droit  quelconque  exigé  pour  l’en- 
tretien « des  voies  publiques  que  l’on  appelle  chaussées  (chau- 
y>  chidae ) et  des  ponts;  » de  tout  droit  prélevé  sur  les  ânes, 
mulets  ou  autres  animaux  employés  dans  les  moulins.  Le  duc  s’y 
engage  à ne  jamais  troubler  ceux  qui  voudraient  faire  moudre 


1 Opéra  diplomalica , t.  IV,  p.  722.  — Histoire  des  environs  de  Bruxelles , 
t.  II,  p.  258. 

2 Opéra  diplomalica , t.  IV,  p.  248. 

3 Registre  des  chartes  déposées  en  1498  et  1500 , passim. 


( 571  ) 

leurs  grains  dans  un  des  moulins  des  moines,  et  à laisser  leurs 
animaux  pâturer  dans  le  Loo  ou  dans  les  pâtures  communes  des 
localités  où  l’abbaye  possédait  des  fermes  !. 

Le  libre  exercice  de  la  juridiction  inférieure  , de  ce  qu’on  ap- 
pelait la  petite  justice , fut  reconnu  généralement  aux  monastères, 
et  en  particulier  : à Parc-les-Dames,  qui  obtint  par  une  charte  du- 
cale, datée  de  Louvain  le  lundi  avant  le  dimanche  Invocavit  me , 
de  l’année  1273,  le  droit  d’adhériter  et  de  déshériter  les  tenan- 
ciers de  ses  biens  censaux  et  allodiaux  à Cumptich  et  à Hoxem;  — 
à Saint-Michel,  qui  obtint,  au  mois  de  février  1282-1285,  le  droit 
de  rendre  la  moyenne  justice,  et  au  mois  de  mai  suivant,  la  per- 
mission d’instituer  à Merxplas,  pour  remplacer  ses  censitaires 
ou  tenanciers  jurés,  des  échevins,  qui  pourraient  comminer  des 
amendes  jusqu’au  taux  de  trois  sous  de  Louvain1 2;  — au  couvent 
de  Ten-Roosen,  près  de  Termonde,  dont  les  sept  tenanciers  à 
Maxenzeel  furent  reconnus  aptes  à adhériter  et  déshériter  les 
censitaires  du  couvent,  en  se  conformant  à la  loi  d’Uccle  (charte 
du  mercredi  avant  le  dimanche  de  Laetare , 1284-1285)  3. 

Quant  aux  abus  à propos  des  gîtes,  abus  dont  la  répression  ne 
fut  jamais  complète  et  qui  fit,  en  1512,  l’objet  d’un  diplôme  im- 
portant de  Jean  II,  le  vainqueur  de  Woeringen  ne  s’en  occupa 
que  rarement.  En  accordant  sa  protection  au  monastère  de  Grirn- 
berghc,  il  défendit  à ses  chasseurs  de  prendre  leur  gite  pen- 
dant plus  d’un  jour  et  d’une  nuit,  dans  les  bâtiments  du  monas- 
tère et  dans  celles  de  ses  fermes  qui  étaient  situées  dans  le  pays 
de  Grimberghe , et  leur  ordonna  de  réclamer  ce  gite  avec  ména- 
gement, de  manière  qu’on  n’eût  pas  à se  plaindre  deux4. 

La  protection  qu’il  accorda,  ou  qu’il  parut  accorder  aux  établis- 
sements monastiques  placés  sous  sa  dépendance,  le  duc  l’étendit 
à certaines  abbayes  étrangères,  qui  avaient  des  propriétés  dans 
ses  domaines  et  dont  il  se  qualifiait  l’avoué,  le  défenseur.  C’est 


1 Charte  du  7 avril  1285.  Summaria  cronologia  Parçhensis , p.  1 17. 

2 Willems,  Vau  Heelu,  pp.  572  et  575. 

5 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  1 , p.  529. 

1 Charte  du  6 mars  1284-1285.  Ibidem,  t.  Il,  p.  258. 


( 5'-'  ) 


ainsi  qu’il  promit  aux  religieux  de  Saint- Trond  que,  chaque  fois 
qu’il  lèverait  dans  son  pays  des  exactions  ou  des  tailles,  la  cote 
exigée  d’eux  serait  proportionnée  à l’importance  de  leurs  biens  l. 


IL 


La  chute  de  la  maison  de  Ilohenstaulïen amena  pour  1 Église  une 
période  de  tranquillité,  qui  lui  fut  peut-être  plus  funeste  que  les 
agitations  antérieures.  Le  repos  amortit  l’ardeur  dont  les  âmes 
étaient  remplies  et  on  s’habitua  à une  torpeur  qui  conduisit  insen- 
siblement ail  relâchement  et  aux  abus.  Les  grandes  écoles  abba- 
tiales, d’où  étaient  sortis  tant  de  prélats  habiles,  furent  déser- 
tées pour  les  universités  et  principalement  pour  celle  de  Paris, 
qui  resta,  pendant  tout  un  temps,  la  capitale  intellectuelle  de  l’Eu- 
rope occidentale. 

Si  les  lettres  conservaient  quelques  sectateurs  dans  les  commu- 
nautés des  bénédictins,  par  exemple  à Alïligbem,  elles  étaient 
tout  à fait  abandonnées  par  celles  de  l’ordre  de  Citeaux.  Dans  la 
grande  et  riche  abbaye  de  Villers,  on  ne  se  livrait  qu’à  la  vie  con- 
templative et  à l’exploitation  des  terres.  « Plus  d’un  moine,  avons- 
» nous  dit  ailleurs  2,  y manifesta  nettement  de  l’aversion  pour  les 
» travaux  théologiques  on  littéraires.  L’abbé  Arnoul  de  Louvain, 
» consulté  sur  le  projet  de  créer  à Paris  un  collège  qui  serait 
» ouvert  à des  frères  de  l’ordre,  le  collège  Saint-Bernard,  le 
» désapprouva  : Un  moine  ne  doit  pas  enseigner,  mais  pleurer, 
» disait-il  en  s’appropriant  une  parole  du  saint  lui-même.  Vers  le 
)>  même  temps,  le  jeune  Arnoul  de  Gestele,  qui  devint  plus  tard 
» abbé,  se  refusa  à aller  étudier  dans  ce  collège  ; il  prétendait, 
» lui,  qu’un  religieux  n’avait  pas  pour  mission  d’étudier,  mais  de 
» prier.  » Cependant,  tous  ses  confrères  ne  partagaient  pas  ses 
opinions,  et  lorsque  Robert  de  Blocquery  fut  élu  abbé,  en  1285,  il 
fréquentait  l’université  de  Paris.  Une  bulle  du  pape  Bonifaec,  de 

’ Cartulaire  de  l’abbaye  de  Saint-Trond. 

2 L'ancienne  abbaye  de  Villers,  p.  50. 


( 575  ) 

l’année  1 295,  permit  aux  abbés  des  communautés  de  Prémontré 
d’envoyer  dans  la  même  ville  ceux  de  leurs  religieux  qui  montre- 
raient d’heureuses  dispositions  pour  l’étude  ; l’abbé  de  Parc,  Guil- 
laume de  Lubbeeck,  devança  cette  autorisation  en  faveur  d’un 
frère  Henri,  dont  le  séjour  dans  la  capitale  de  la  France  coûta 
au  monastère  : en  1295,  dix-sept  livres;  en  1296,  quatorze  livres; 
en  1297,  treize  livres  b 

Les  Prémontrés  sortirent  rarement  de  leurs  occupations  favo- 
rites : les  fonctions  sacerdotales.  Toutefois,  à Parc,  ils  ont  laissé 
de  magnifiques  monuments  de  leur  goût  pour  la  calligraphie.  C’est 
d’abord  une  superbe  bible  grand  in-folio , ornée  de  lettrines,  et  à 
laquelle  plusieurs  religieux  ont  certainement  travaillé , car  l’écri- 
ture est  de  différentes  mains.  Les  lignes  suivantes  indiquent  qu’elle 
fut  exécutée  en  1 265 , par  les  soins  du  prieur  Simon  de  Louvain  : 
Istcim  bibliam  fieri  fecit  Symon  de  Lovanio  prior  ad  honorem 
Dei  et  beale  Virginis  Malris  ejus  et  ad  vtilitatem  frcitrum  stu- 
dentium  in  Parcho  anno  Domini  MCCLX  tertio  ; si  quis  abstu- 
lerit  anathema  sit.  Amen.  Un  autre  manuscrit,  un  cartulaire  ou 
recueil  de  chartes,  y fut  exécuté,  en  1266,  par  le  frère  Henri  de 
Libbcke,  à la  demande  du  prieur  Everard,  comme  l’indiquent  ces 
mots  copiés  à la  première  page  : Liber  scinde  Marie  in  Parcho. 
— Anno  Domini  millesimo  ducentesimo  LXVI  per  script-us  est 
liber  iste  a fratre  Henrico  de  Libbekci  ad  petitionem  fratris 
Evrardi  prepositi.  Si  quis  eum  abstulerit , anathema  sit , fiat, 
fiat.  Amen 1  2.  En  1295,  le  monastère  paya  encore  au  copiste  René , 
pour  un  missel,  la  somme  de  trois  livres  dix  sous.  Le  zèle  de  cette 
communauté  fut  récompensé  par  un  legs  d’un  chanoine  d’fncourt, 
Walter  de  Faelbeke,  legs  également  honorable  pour  le  donataire 
et  pour  ceux  qui  en  profitèrent.  Walter  fit  don  au  monastère  d’un 
Decretum , d’un  Codex , des  Décrétales  et  d’un  Digeste  vieux  et 
nouveau , en  lui  attribuant  le  droit  de  réclamer  ces  livres  de  ceux 
qui  en  seraient  détenteurs  (2  février  1271)  3. 


1 Raymaekers,  Recherches  historiques  sur  l'ancienne  abbaye  cle  Parc,  p.  33. 

- Ibidem,  pp.  5 et  43.  • 

5 Ibidem , p.  27. 


( 374  ) 

L’abbaye  d’Afïlighem,  où  nous  avons  trouvé  plus  d'un  nom  qui 
semble  se  rattacher  h l’histoire  des  arts,  possédait,  en  1278,  un 
écrivain  titré,  maître  Égide  le  scribe  ( magister  Egidius  scriptor ); 
une  trentaine  d’années  plus  tard,  les  mêmes  fonctions  y étaient 
confiées  à un  sire  Laurent  (dominus  Laurentius , scriptor  Hafjii- 
gemensis)  b 

L’austérité  de  la  règle  adoptée  par  les  nouveaux  instituts  mo- 
nastiques de  l’époque  : les  frères  mineurs,  les  dominicains,  les 
carmes,  les  augustins,  leur  donnaient  un  grand  ascendant  sur  la 
multitude,  qui  ne  voyait  qu'avec  jalousie  et  déplaisir  l’immense 
accroissement  des  richesses  des  ordres  plus  anciens.  Dans  un 
temps  où  la  toute-puissance  de  l’argent  se  manifestait  de  plus  en 
plus,  où  l’usurier,  le  prêteur  sur  gages  traitait  pour  ainsi  dire 
d’égal  à égal  avec  les  princes,  la  multitude,  écrasée  d’impôts, 
devait  applaudir  à ces  pieux  enthousiastes,  qui  ne  prêchaient 
que  pauvreté  et  désintéressement  et  dont  quelques-uns  rêvaient 
un  communisme  irréalisable. 

Le  même  éclat  qui  entoura  les  bénédictins  du  sixième  au  onzième 
siècle,  et  les  disciples  de  saint  Bernard  au  douzième,  s’attacha  aux 
ordres  mendiants,  et  surtout  aux  dominicains,  au  treizième.  C’est 
parmi  eux  qu’il  faut  chercher  les  théologiens  renommés,  les  sa- 
vants j les  gloires  de  la  chaire.  Deux  des  hommes  les  plus  célè- 
bres de  l’ordre  de  Saint-  Dominique  exercèrent  une  grande 
influence  en  Belgique  : le  premier,  saint  Thomas  d’Aquin,  dont 
nous  avons  vu  les  conseils  à la  duchesse  Aleycle;  l’autre,  le 
bienheureux  Albert  le  Grand  (mort  à Cologne,  le  5 novembre 
1280),  qui  participa  aux  événements  politiques  dont  les  bords 
du  Rhin  furent  le  théâtre  et  fit  de  fréquents  voyages  dans  notre 
pays. 

Si  la  Belgique  ne  peut  se  glorifier  d’avoir  donné  le  jour  à ces 
illustrations  de  la  théologie,  elle  fournit  du  moins  une  pléiade 
d’écrivains  dont  les  aptitudes  se  manifestèrent  de  différente  ma- 
nière. Thomas  de  Cantimpré,  le  plus  ancien  de  tous,  déploie 
dans  ses  écrits  un  amour  sincère  du  bien , allié  à un  mysticisme 


1 Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  508, 


4* 


( 575  ) 

exagère,  à une  crédulité  poussée  à l’excès.  Né  au  village  de  Lecuw- 
Saint-Pierre,  près  de  Bruxelles,  Thomas  prit  le  nom  deCantimpré 
d’une  abbaye  v oisine  de  Cambrai , où  il  entra  comme  religieux  vers 
l’an  1240;  il  devint  frère  prêcheur  et,  selon  l’opinion  la  plus 
généralement  adoptée,  il  mourut  le  15  mai  1261.  Dans  son  prin- 
cipal ouvrage  : Liber  qui  inscribitur  bonum  universale  Apum 
aut  de  Àpibus , il  nous  a conservé  une  foule  d’anecdotes  qui 
peignent  avec  naïveté  les  mœurs  de  son  temps.  Tandis  qu’il  se 
montre  à la  fois  compatissant  pour  les  pauvres  et  inexorable 
contre  les  indévots,  les  hérétiques  et  les  juifs,  il  s’élève  avec 
énergie  contre  les  tournois,  il  tonne  contre  la  licence  générale, 
sans  excepter  les  ecclésiastiques  et  surtout  les  prêtres  séculiers; 
il  frappe  d’anathème  les  usuriers;  il  flétrit  la  passion  de  ses  con- 
temporains pour  le  jeu  des  dés,  la  danse,  les  chansons  obscènes, 
la  chasse  au  faucon  i 2.  C’est,  dit  M.  Daunou  -,  un  écrivain  pieux, 
doué  d’une  imagination  vive,  quoique  son  style  ne  soit  pas  très- 
animé;  recommandable  d’ailleurs  par  sa  bonne  foi,  par  ses  inten- 
tions pures. 

C’est  ensuite  Guillaume  de  Rubruquis , que  l’on  croit  s’être 
appelé  ainsi  du  village  de  Ruysbroeck , entre  Bruxelles  et  Hal , 
religieux  mort  en  1269,  et  qui  nous  a laissé  une  bonne  relation 
de  son  voyage  en  TaHarie,  où  il  avait  été  envoyé  par  le  roi  de 
France  Louis  IX;  Guillaume  deMoerbeke,  Gérard  de  Liège,  mort 
vers  1270;  Henri  Kosbein  ou  de  Brabant,  qui,  en  1271,  à la 
demande  de  saint  Thomas  d’Aquin,  traduisit  en  latin  les  œuvres 
d’Aristote.  On  donne  quelquefois  pour  patrie  à Guillaume  de  Moer- 
beke  le  village  de  Meerbeke,  près  de  Ninove;  c’est  une  erreur,  il 
doit  être  de  Moerbeke,  près  de  Grammont,  ainsi  que  je  l'ai  dit  ail- 
leurs 3.  Roger  Bacon  l’appelle  Guillaume  le  Flamand,  avec  raison; 
et  cependant  ce  n’est  pas  tout  à fait  à tort  qu’on  le  surnomme  quel- 
quefois de  Brabant,  car  Moerbeke  est  dans  l'ancien  Bracbantum ; 
d'ailleurs,  Guillaume  étudia  au  collège  de  Louvain.  Ses  progrès 


1 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  I , p.  106. 

2 Histoire  littéraire  de  France,  t.  XIX,  p.  177. 

’ Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t I,  p.  302. 


dans  la  connaissance  du  latin , du  grec,  de  l’arabe,  facilitèrent  son 
élévation  rapide.  Le  pape  Clément  IV  le  choisit  pour  son  chapelain 
et  pénitencier,  fonctions  que  lui  conserva  Grégoire  X : celui-ci 
lui  donna,  en  1277,  l'archevêché  de  Corinthe,  où  il  travailla  à 
éteindre  le  schisme  grec.  On  doit  à ce  savant  prêtre  des  traduc- 
tions d’Hippocrate,  de  Galien,  d’Aristote,  de  Produis  L 

Leur  zèle  pour  l’étude  aurait  mieux  servi  les  dominicains, 
s'ils  n’avaient  compté  tant  d’ennemis,  ils  s’en  étaient  créé  un 
grand  nombre  par  la  part  qu’ils  prirent  aux  poursuites  exercées 
contre  les  hérétiques  : d’abord  dans  le  Languedoc,  puis  en 
Flandre  et  sur  les  bords  du  Rhin.  De  là  l’opposition  que  ren- 
contra leur  projet  d’établissement  à Bruxelles,  bien  que  la  fa- 
mille ducale  leur  témoignât  une  grande  sympathie1 2.  Henri  IÏI  et 
Aleyde  avaient  enrichi  le  couvent  de  Louvain,  et  cette  dernière 
avait  fondé,  à Auderghem,  un  couvent  de  dominicaines,  qui  prit 
le  nom  de  Val-Duchesse.  Le  duc  Jean  1er  imita  leur  exemple,  et, 
non  content  de  confirmer  à ce  second  établissement  ses  biens  et 
ses  immunités,  il  lui  céda  un  moulin  à eau  contigu,  à charge 
seulement  d’un  modique  cens  de  deux  deniers  3. 

Les  autres  ordres  mendiants  jouèrent  un  rôle  plus  modeste. 
La  seule  illustration  des  frères  mineurs,  pour  la  Belgique  de 
cette  époque,  est  Guibert  de  Tournai,  mort  en  1270,  un  des 
théologiens  les  plus  distingués  du  temps,  auteur  d une  vie  de  saint 
Éleuthère,  de  sermons,  de  traités,  de  chroniques.  Ces  frères, 
ainsi  que  les  carmes,  avaient  successivement  établi  des  colonies 
dans  toutes  nos  villes  importantes.  Les  frères  ermites  de  Saint- 
Ammstin  se  lixèrent  à Louvain  et  à à!  ali  nés. 

n 

L’ordre  de  Saint  - Guillaume  ou  les  Guillemins  durent  à la 
munificence  d’Eustacbe  du  Rœux,  seigneur  de  Trazegnies,  l’aban- 
don de  remplacement  de  leur  couvent,  au  faubourg  de  Soignics, 
près  de  Nivelles  (1270),  et  à celle  d’Arnoul  de  Louvain,  sire  de 

1 Histoire  littéraire  de  France,  t.  XXI,  p.  145. 

2 Histoire  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  45t. 

5 Acte  du  jour  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  en  1280.  Opéra  diploma- 
tica,  t.  IV,  p.  610. 


( 577  ) 

Bréda,  et  de  sa  femme,  la  cession  de  l’allen  et  de  la  chapelle  de 
Huyberghen,  où  ils  fondèrent  aussi  une  maison  (1277-1278).  Un 
nouveau  couvent  des  Écoliers  s’éleva  à Ilanswyck,  près  de  Ma- 
lines,  en  1287,  et  les  religieuses  de  Biselinghcn,  en  Zélande,  qui 
suivaient  la  règle  de  Saint-Victor,  envoyèrent  une  colonie  à An- 
vers, en  1279.  Enfin  l’ordre  Teutonique  profila  des  libéralités  de 
Jean  Ier.  Ce  prince  paraît  avoir  eu  pour  cet  ordre  une  affection 
toute  particulière,  car  il  comptait  plus  d’un  de  ses  membres 
parmi  ses  courtisans,  et  ce  fut  l’un  d’eux  qui  éternisa  le  souvenir 
de  la  journée  de  Woeringcn.  Après  avoir  affranchi  les  chevaliers 
de  l’ordre  de  péages  à Anvers  4,  Jean  lpr  y vendit  à la  comman- 
derie  de  Coblentz  le  bien  de  sire  Gérard  d’Anderstadt 1  2 3,  où  s’éleva 
depuis  la  célèbre  habitation  connue  sous  le  nom  de  Reuzen  huys 
ou  Maison  des  géants. 

Toutes  ces  congrégations,  mais  surtout  les  quatre  ordres  men  - 
diants, eurent  plus  d’une  lutte  à soutenir  contre  le  clergé  sécu- 
lier. Ce  dernier,  dont  l’ancien  ascendant  pâlissait  devant  leur 
influence,  ne  leur  accorda  qu’à  regret  le  droit  d’inhumer  des 
personnes  qui  leur  étaient  étrangères,  et  réserva,  chaque  fois, 
avec  le  plus  grand  soin,  ses  prérogatives  et  sa  prééminence  5. 

L’époque  dont  nous  nous  occupons  vit  se  répandre  en  Bra- 
bant quelques  corporations  plus  modestes,  telles  que  les  frères 
saccites  ou  sachets,  qui  eurent  un  établissement  à Bruxelles,  mais 
dont  l’institut  fut  supprimé  par  Grégoire  X,  en  1274  4,  et  les 
Bogards.  Les  heggards  ou  bogards,  qui  se  rapprochaient  des 
béguines  par  les  usages,  les  vêtements,  les  coutumes,  existaient 


1 Acte  du  samedi  après  l'Assomption,  en  1280.  Le  Roy,  Notifia  marchio- 
natus , p.  49. 

*2  En  1284,  le  soir  de  la  Pentecôte.  Ibidem,  p.  50.  — Mertens  et  Torfs, 
Gesçhiedenis  van  Antwerpen , 1. 11,  p.  198. 

3 Voyez  les  accords  conclus  pour  l’admission  des  augustins  à Malines  (en 
1263,  la  veille  de  la  Saint-Michel.  Opéra  diplomatica , t.  IV,  p.  565),  et  à Lou- 
vain (le  7 août  1265.  De  Ram,  Molani  historiae  Lovaniensium , t.  II,  p.  1205) 
et  ceux  qui  se  moyennèrent  entre  les  carmes  et  le  chapitre  de  Sainte-Gudule, 
à Bruxelles,  en  janvier  1268-1269,  en  1274  et  en  1292. 

1 Histoire  de  Bruxelles,  1. 111 , p.  130. 


( 578  ) 

déjà  en  Allemagne  au  milieu  du  treizième  siècle,  mais  ils  s’adon- 
naient alors  à la  mendicité,  parcouraient  les  villes  èn  criant  : 
« du  pain  pour  l’amour  de  Dieu  »,  et  sc  réunissaient  pour  as- 
sister à des  prêches  dans  des  lieux  écartés  h En  Belgique,  ils 
vivaient  en  commun,  en  soutenant  leur  existence  parleurs  tra- 
vaux manuels  et  principalement  par  le  tissage  delà  laine.  Jean  Ier 
se  déclara  leur  protecteur,  et  leur  accorda  une  exemption  com- 
plète de  tailles,  d’aides,  d’exactions  et  de  services  militaires 1  2 *.  À 
son  exemple,  les  magistrats  et  la  gilde  de  Louvain  accordèrent 
leur  protection  aux  bogards  de  leur  ville,  à la  condition  qu’ils 
n’accepteraient  point  dans  leur  couvent  des  personnes  étrangères 
à leur  communauté  et  exerçant  un  métier  ou  un  négoce  quel- 
conque, ces  dernières  n’étant  pas  exemptes  des  impôts  com- 
munaux -b 

Les  béguinages,  qui  ouvraient  un  asile  assuré  aux  filles  pau- 
vres, aux  orphelines,  aux  veuves,  aussi  longtemps  qu’elles  vou- 
laient rester  vouées  au  célibat,  étaient  parvenus  à l'apogée  de 
leur  développement  , et  il  fallut  leur  donner  des  statuts  qui  main- 
tinssent l’ordre  parmi  leur  nombreuse  population.  Ces  maisons 
s’étaient  extrêmement  multipliées,  surtout  en  Brabant,  comme 
en  témoigne  un  legs  fait  en  1267,  par  René,  écolàtre  de  Tongres, 
à différentes  communautés  religieuses , parmi  lesquelles  il  cite  les 
béguines  d’Eyck  (ou  Maeseyck),  de  Hocht,  de  Bilsen,  de  Hasselt, 
de  Diest,  de  Léau,  de  Tirlemont,  de  Hovis  (à  Louvain),  de  Looz, 
de  Nivelles,  de  Nerehain  ou  Noirhat,  de  Thorembais,  de  Ma- 
lève  4 ; il  y en  avait  aussi  en  Flandre  et  en  Hainaut,  où  la  comtesse 
Marguerite  leur  accorda  une  protection  toute  spéciale.  Celui  de 

1 Smet,  Histoire  de  la  religion  catholique  en  Brabant , p.  108. 

2 Diplôme  en  faveur  des  bogards  de  Bruxelles,  du  25  avril  1277  ( Histoire 
de  Bruxelles , t.  III , p.  478)  et  autre,  du  16  août  1280,  en  faveur  des  bogards 
de  Louvain  (de  Ram*  /.  c.,p.  1212). 

5 Charte  de  la  ville  -,  du  dimanche  de  la  Trinité,  en  1293,  et  autre  de  la  gilde, 
du  dimanche  Judica,  en  1294,  dans  de  Ram,  /.  c.,  p.  1218.  — Le  couvent 
d’Aerschot  fut  érigé  en  1285  (Van  Gestel,  Historia  archiepiscopalus  Mechli - 
niensis,  t.  I , p.  241  ),  celui  d’Anvers  en  1291. 

4 Archives  du  chapitre  de  Tongres. 


( 37!)  ) 

Bruxelles  était  régi  par  quatre  maîtresses,  par  un  curé  ou  chape- 
lain particulier  et  par  quatre  tuteurs  ou  procureurs.  Outre  les 
biens  dits  les  biens  communs , et  ceux  consacrés  spécialement  à 
l’entretien  de  la  chapelle,  il  y avait  une  fondation  appelée  Ter- 
Kisten  et  où  était  établie  la  boulangerie  des  béguines.  Aucune 
veuve  n’était  admise  au  béguinage , à moins  qu’elle  n’y  fit  con- 
struire une  maison.  Les  habitations  élevées  par  les  béguines  deve- 
naient, après  leur  mort,  la  propriété  de  la  communauté,  sauf 
qu’il  leur  était  loisible  d’en  disposer  en  faveur  d’une  amie  i.  A la 
demande  du  duc  Jean  Ier,  le  chapitre  de  Sainte-Gudule  résigna  à 
l’abbaye  de  Saint-Bernard  son  droit  de  patronat  sur  le  béguinage 
de  Bruxelles  2;  celui  de  Louvain  fut  placé  sous  la  surveillance  de 
l’abbé  de  Villers,  qui  lui  donna  des  statuts,  en  janvier  1271  3. 
N’oublions  pas  de  rappeler  ici  le  béguinage  de  la  Royauté , fondé 
à Nivelles  par  la  reine  de  France,  Marie  de  Brabant,  à la  suite  de 
ses  démêlés  avec  le  favori  de  son  époux. 

Les  chapitres  de  chanoines,  perdus  pour  ainsi  dire  au  milieu 
de  la  population  toujours  grandissante  des  villes  commerçantes 
de  la  Belgique,  n’avaient  plus  la  même  influence  qu'autrefois , ou 
plutôt  cette  influence  avait  changé  de  nature.  De  morale  qu’elle 
était  dans  le  principe,  elle  était  devenue  politique,  les  prébendes 
se  donnant  souvent  à des  ecclésiastiques  recherchés  dans  les  cours, 
et  les  biens  des  chapitres  donnant  parfois  à ces  corps  (ceux  de  Ni- 
velles, de  Saint-Servais  à Maestricht,  de  Saint-Lambert  à Liège , 
de  Notre-Dame-d’Aix , etc.)  une  importance  que  l’on  pourrait  qua- 
lifier de  territoriale. 

Une  charte  par  laquelle  Thierri,  sire  de  Heynsberg,  et.  sa 
femme  terminent  les  différends  qui  s’étaient  élevés  entre  le 
chapitre  et  les  habitants  de  Heynsberg,  attribue  au  premier 
l’exemption  de  toute  juridiction  séculière,  l’exemption  d’impôts  et 
de  corvées,  le  droit  d’asile  pour  les  coupables,  le  droit  de  nom- 

1 Statuts  approuvés  par  Jean  l<‘r,  le  17  mai  1271.  Histoire  de  Bruxelles , 
1.  lit,  p.  530. 

2 Novembre  1275.  Ibidem.  — Jeau  Ier  donna  une  charte  de  protection  aux 
béguines  d’Anvers,  en  décembre  1285  (Mertens  et  Torts,  t.  I,  p.  589). 

5 De  Ram , l.  c.,  p.  1210. 


( 580  ) 

mer  les  recteurs  des  écoles,  le  droit  de  diriger  l’hôpital,  avec  le 
concours  des  bourgeois  les  plus  prudents,  etc.  L 

Ces  prérogatives  donnaient  aux  chanoines  toute  la  direction 
spirituelle  de  la  localité  où  ils  étaient  établis.  On  peut  juger  s’ils 
virent  avec  plaisir  les  efforts  que  firent  les  ordres  mendiants, 
et  surtout  les  frères  prêcheurs  ou  dominicains  et  les  frères  mi- 
neurs ou  récollets,  pour  dominer  les  masses  au  moyen  delà  prédi- 
cation et  de  la  confession.  Les  religieux  comptaient  parmi  eux  bien 
des  âmes  ardentes  et  dévouées;  cependant  le  clergé  séculier  sou- 
tint la  lutte  sans  trop  de  désavantage.  Au  nombre  des  professeurs 
de  l’université  de  Paris  qui  se  distinguèrent  au  treizième  siècle, 
on  cite  plusieurs  Belges  et  particulièrement  Henri  de  Gand,  le  Doc- 
teur solennel,  qui  mourut  le  29  juin  1295,  à l’âge  de  7 G ans.  Dans 
sa  Somme  théologique , ce  savant  prêtre  « jette  avec  profondeur 
» de  pensée  et  fermeté  d’expression  les  fondements  de  sa  doc- 
» trinc.  » En  plus  d’un  endroit,  il  défend  des  idées  qui  semblent 
appartenir  à une  époque  plus  avancée;  ici  il  combat  les  duels 
judiciaires  ; là  il  prêche  la  résistance  aux  gouvernements  oppres- 
seurs. D’après  lui,  « le  prince  est  le  chef  et  le  représentant  de  la 
grande  famille,  le  défenseur  des  intérêts  de  tous  et  de  chacun; 
il  a droit,  en  conséquence,  au  respect  et  à la  confiance  de  ses 
sujets.  Mais  si  ses  ordres  viennent  à être  entachés  d’injustice,  le 
premier  devoir  de  ses  sujets  est  d’en  solliciter  respectueusement 
la  révocation.  S'ils  ne  peuvent  l’obtenir,  cette  révocation,  et  s’il 
ne  leur  reste  aucun  espoir  d’amener  le  prince  à des  sentiments 
plus  équitables,  ils  doivent,  plutôt  que  de  se  soumettre  à une 
volonté  injuste,  cesser  de  lui  obéir  et  procéder  à sa  déposition1 2.  » 
Nous  aurions  omis  cette  citation,  si  les  expressions  dont  Jean  Ier 
sc  sert  dans  sa  grande  charte  de  l’an  1 292  ne  nous  en  avaient  paru 
un  écho. 

Siger  de  Brabant  se  posa,  plus  encore  que  Henri,  en  adversaire 
prononcé  des  ordres  mendiants.  Le  collège  de  la  Sorbonne,  où 
ses  œuvres  se  conservent  encore,  le  compta  parmi  ses  membres; 

1 Charte  du  2 février  1290,  dans  Kreraer,  Urkunden  zur  Gescliichte  der 
Herrenvon  Heinsberg , p.  15. 

2 Voyez  V Histoire  littéraire  de  France , t.  XX,  pp.  144  et  suiv. 


( 381  ) 

il  fut  le  chef  d’un  des  deux  partis  qui  s'y  disputèrent  le  pouvoir, 
de  1272  à 1275.  Mais  sa  brillante  carrière  fut  parsemée  d’orages. 
Si  Dante  exalte  « l’éternelle  lumière  de  Siger,  qui,  professant  dans 
» la  rue  de  Fouarre,  mit  en  syllogismes  d’importantes  vérités,  » 
si,  en  1500,  un  autre  contemporain  le  loue  d’avoir  proclamé  que 
les  bonnes  lois  sont  préférables  aux  bons  citoyens,  parce  que 
ceux-ci  sont  toujours  accessibles  à la  corruption,  d’autres  lui 
adressèrent  le  reproche  d'hérésie.  Lui  et  Berner  de  Nivelles,  son 
collègue  dans  le  chapitre  de  Saint-Martin  à Liège,  furent  accusés 
de  ce  crime  par  l’inquisiteur  général  pour  le  royaume  de  France, 
le  dominicain  Simon  Du  Val,  et  sommés  de  comparaître  devant  lui, 
à Saint-Quentin  (1277  et  1278)  ; Siger  s’amenda  et  devint  thomiste 
(ou  partisan  de  saint  Thomas  d’Aquin),  et  néannnoins  sa  répu- 
tation ne  sortit  pas  intacte  de  cette  épreuve.  Par  une  erreur 
plaisante,  « Siger  de  Bramant  » est  représenté,  par  un  ancien  com- 
mentateur du  Dante,  comme  un  infidèle  qui  se  fait  baptiser  à la 
suite  d’une  vision  L En  Belgique,  son  nom,  parfaitement  oublié, 
n’est  sorti  de  l’oubli  que  depuis  peu.  Quoiqu’il  soit  devenu  doyen 
de  Notre-Dame  deCourtrai,  rien  ne  prouve  qu’il  ait  vu  le  jour 
dans  cette  ville  ou  dans  le  village  voisin  de  Gullcghcm  2 ; il  appar- 
tient plutôt  à notre  Brabant. 

La  seconde  moitié  du  treizième  siècle  vit  créer  quelques  pa- 
roisses nouvelles,  bâtir  de  nouveaux  oratoires  (notamment  celle 
de  Roosendael,  qui  dépendait  auparavant  de  l’église  de  Nispcn, 
près  de  Bréda),  ériger  surtout  un  nombre  infini  de  chapellenies 
ou  bénéfices,  soit  dans  les  villes,  soit  à la  campagne.  De  ce  temps 
datent  les  chapellenies  castrales  de  Gaesbeek , de  Manage  à Seneffe, 
de  Malève,  près  de  Jocloigne,  etc.  Jean  1er  en  fonda  deux  à Bruxelles  : 
celle  dite  des  Trois-Rois  à Sainte-Gudule  5,  et,  en  1292,  la  chapel- 
lenie de  Saint-Martin  dans  l’église  de  I hôpital  Saint-Jean. 

Une  sentence  du  concile  de  Ilanrct,  dans  l’évêché  de  Liège, 
fixa  les  obligations  des  décimateurs.  Elle  fut  portée  à la  requête  des 
paroissiens  de  Perwcz,  qui  s’étaient  plaints  au  doyen  du  concile 


1 Voyez  V Histoire  littéraire  de  France,  t.  XXI , pp.  96  et  suiv. 

2 Consultez  !e  Messager  des  sciences  historiques , année  1855,  p.  499. 
5 Voir  plus  haut,  p.  176. 


( 383  ) 

et  aux  clercs  de  l’archidiacre  de  l’état  de  délabrement  de  la  toiture 
et  de  la  cloche  banale  de  l’église.  Une  assemblée  fut  convoquée  à 
Hanret;  on  y appela  toutes  les  personnes  et  corporations  qui  per- 
cevaient des  dîmes  dans  la  paroisse  de  Penvez  : l’abbé  d’Heylis- 
sem,  le  prévôt  de  Nivelles,  l’abbaye  de  la  Ramée , le  curé  de  Notre^ 
Dame  de  Nivelles,  les  mambours  de  l’hôpital  de  la  même  ville,  le 
chapelain  du  château  de  Perwez,  et  il  fut  décidé  que  tous,  à 
l’exclusion  de  l’investi  ou  curé  du  lieu,  devaient  contribuer  à la 
restauration  du  toit  et  de  la  cloche  (jour  de  saint  Denis,  en  1267)  h 

Les  idées  de  charité,  qui  ont  doté  la  Belgique  de  tant  d’éta- 
blissements splendidement  dotés,  conservaient  leur  ferveur  pre- 
mière, et  les  institutions  de  bienfaisance  se  multipliaient  à tel 
point  qu’il  y en  avait  jusque  dans  les  moindres  bourgades.  Les 
hôpitaux  et  les  hospices  des  grandes  villes  ne  cessaient  de  pros- 
pérer et  de  s’enrichir.  Celui  de  Saint-Nicolas  à Nivelles  obtint  du 
duc  Jean  Ier  et  du  chapitre  de  Nivelles  douze  bonniers  de  bois, 
près  d’Orival,  en  compensation  d’une  charrette,  « ke  li  devant 
» dis  hospital  a voit  chariant  et  menant  liegne  es  bos  » (septembre 
1290).  Par  exception,  l’hospice  de  Saint-Nicolas  à Bruxelles  se 
trouvant  obéré,  les  échevins  et  les  jurés  de  cette  ville  durent  en 
autoriser  le  proviseur,  Guillaume  dit  le  Monnayeur,  à vendre,  à 
titre  viager,  le  revenu  de  deux  à trois  prébendes  et  à réduire  à 
quatorze  le  nombre  des  prébendes,  jusqu’à  l’extinction  complète 
des  cinq  autres  (mars  1265-4264) 1  2.  Quelques  établissements  re- 
çurent des  statuts,  notamment  ceux  de  Bois-le-Duc  et  de  Gheel. 
Ces  statuts,  qui  émanent,  les  premiers,  de  l’évêque  de  Liège 
Jean  d’Enghien  (en  date  du  mois  de  juillet  4277),  les  seconds,  de 
l’évêque  de  Cambrai  (en  date  du  mois  d’aoiit  4286),  sont  iden- 
tiquement les  mêmes,  et  ne  contiennent  que  des  prescriptions 
sur  la  manière  de  vivre  des  frères  et  des  sœurs  desservant  ces 
établissements.  Seulement  il  y est  déclaré  que  le  temporel  de 
l’hôpital  de  Bois-le-Duc  serait  administré  par  quatre  laïques  zélés, 
élus  par  l’autorité  pontificale,  du  consentement  des  échevins  et 

1 Cartulaire  de  l'abbaye  d'Heylissem. 

2 Histoire  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  97. 


( 585  ) 

des  jurés  de  la  ville,  et  que  l'hôpital  de  Gheel  serait  confié  à deux 
personnes  élues  à cette  fin.  Dans  ce  dernier,  qui  devait  son 
origine  à Henri  Bertliout,  sire  de  Gheel,  on  ne  pouvait  admettre 
que  des  habitants  du  bourg  et  de  quelques  localités  voisines,  sauf 
en  cas  de  maladie  *, 

\ 

La  lèpre,  ce  fléau  terrible,  dont  les  croisades  avaient  frappé 
l’Europe,  provoquait  partout  des  mesures  préservatrices.  Relégués 
à l’écart,  les  lépreux  devenaient  un  objet  d’horreur  pour  leurs  con- 
citoyens, qui,  néanmoins,  s’efforcaient  d’améliorer  leur  position 
en  enrichissant  les  asiles  où  ils  étaient  reçus.  Au  mois  de  décem- 
bre 1265,  l’amman,  les  écbevins  et  les  jurés  de  Bruxelles  déci- 
dèrent que  les  étrangers  ne  seraient  admis  dans  la  léproserie  de 
Saint-Pierre  d’Obbrussel  qu’en  payant  quarante  sous  pour  leur 
pitance,  et  à la  condition  de  se  procurer  les  vêtements,  les  chaus- 
sures et  les  literies  qui  leur  seraient  nécessaires.  Jean  Ier  garantit 
aux  lépreux  de  Bruxelles  la  possession  de  leurs  demeures , qui 
étaient  entourées  de  baies  et  de  fossés,  et  se  déclara  leur  avoué 
puis  il  ordonna  à ses  officiers  de  les  protéger  et  de  concourir  au 
besoin  à faire  payer  ce  qui  leur  était  dû,  sous  peine  d’encourir 
son  indignation  5, 

La  question  de  l’entretien  des  enfants  abandonnés  faisait  déjà, 
à cette  époque,  l’objet  d’un  différend  entre  quelques  villages  et 
les  monastères  qui  s’y  trouvaient  et  à la  porte  desquels  on  avait 
l’habitude  de  déposer  ces  pauvres  créatures.  A la  suite  d’un  fait 
de  ce  genre,  un  débat  surgit  entre  l’abbaye  de  la  Ramée  et  les 
habitants  de  Jaucbelette.  G.,  curé  de  Thorembais-les-Béguines, 
déclara,  après  une  enquête  minutieuse,  que  ni  l’abbaye,  ni  les 
couvents  d’Aywières,  de  Florival,  de  Valduc,  de  Lérines  et  de  la 
Ramée  n’étaient  dans  l’habitude  de  supporter  cette  charge , mais 
qu’elle  incombait  uniquement  à la  paroisse  du  lieu  où  l’enfant 
était  exposé 1 2 *  4. 

1 Opéra  diplomatica , t.  III,  p.  134 , et  t.  IV,  p.  416. 

2 Diplôme  daté  du  Val-Duchesse,  le  5 mars  1269-1270.  Opéra  cliploma- 
lica,  t.  111 , p.  603. 

5 4 décembre  1270.  Ibidem.  — Histoire  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  428. 

1 Acte  du  jeudi  après  la  nativité  de  saint  Jean-Baptiste,  en  1265.  Schayes, 
dans  les  Annales  de  l'Académie  d' archéologie , t.  XI , p.  63. 


( 584  ) 

Rien  ne  témoigne  davantage  du  développement  excessif  que 
prirent  alors  les  idées  charitables  que  l’accroissement  de  la  dota- 
tion des  menses  du  Saint-Esprit  ou  tables  des  pauvres  des  pa- 
roisses. En  quelques  années,  ces  institutions,  dont  l’origine  pré- 
cise n’est  pas  connue,  se  multiplièrent  à tel  point  qu’il  en  exista 
une  dans  chaque  paroisse,  à peu  d’exceptions  près.  Celle  delà 
paroisse  de  Sainte  - Gudulc  à Bruxelles,  une  des  plus  riches  qui 
existent,  doit  s'être  organisée  peu  de  temps  avant  l’avénemcnt  du 
duc  Jean  Ier,  car  aucun  legs  constitué  en  sa  faveur  n’est  antérieur 
à l’année  1 259  1 2 . 


III. 


Les  préoccupations  qui  assiégeaient  chacun  des  princes  belges, 
et  surtout  leurs  querelles  à propos  du  Limbourg,  de  la  Flandre 
impériale  et  d'autres  territoires,  ne  leur  permirent  jamais  de 
songer  sérieusement  à marcher  au  secours  de  la  terre  sainte,  où 
le  dernier  abri  des  chrétiens,  la  ville  de  Saint- Jean -d’Acre, 
retomba  enfin  entre  les  mains  des  mahométans.  Ce  désastre  ré- 
veilla pour  quelque  temps  les  esprits,  sans  pourtant  amener  de 
résultat,  et  bientôt  la  Palestine  fut  de  nouveau  oubliée.  Un  synode 
fut  convoquée  par  l’archevêque  de  Reims  en  janvier  1291-1292, 
mais  sans  aboutir.  En  1288,  Florent  de  Hainaut,  le  frère  du  comte 
Jean  d’Avesnes,  avait  promis  à Alix,  comtesse  de  Blois,  de  partir 
pour  l’Orient  et  d’y  servir  en  son  nom,  pendant  une  année,  avec 
quatre  autres  chevaliers,  moyennant  le  payement  de  deux  mille 
cinq  cents  livres  cet  engagement,  pas  plus  que  mainte  disposi- 
tion testamentaire  dont  nous  avons  eu  occasion  de  faire  mention, 
ne  fut  d’une  grande  utilité.  Il  aurait  fallu  d’autres  efforts  pour 
résister  à la  puissance  des  califes  ou  pour  l’amoindrir. 

Les  croisades,  entreprises  ou  projetées,  étaient  l’occasion  d’im- 

1 Histoire  de  Bruxelles , t.  III , p.  301 . 

2 Du  Chesne,  Histoire  de  la  maison  de  Cliastillon,  Preuves,  p.  08. 


( 583  ) 

positions  qui  pesaient  sur  le  clergé  et  qui  consistaient  ordinaire- 
ment en  un  dixième  du  revenu  des  Liens  ecclésiastiques.  On  en 
leva  un  en  J2G6,  ainsi  qu’il  résulte  d’une  charte  du  roi  Louis  IX, 
relative  à l’cxeipption  de  ces  sortes  d’impositions  dont  jouissait 
l’hôpital  annexé  à l'abbaye  d’Afflighem,  en  vertu  d’une  bulle  du 
pape  Alexandre  IV,  datée  d’Anagni,  le  4 mars  1250  h Dix  ans 
plus  tard,  le  pape  accorda  au  comte  Guy  de  Dampierre  le  produit 
d’un  autre  décime  à lever  dans  le  diocèse  de  Cambrai  et  dans  la 
partie  des  évêchés  d’Arras,  de  Tournai,  de  Liège  et  d’Utrecbt  où 
il  possédait  des  domaines.  Cette  taxe,  qui  devait  subvenir  aux 
frais  d’une  expédition  projetée  pour  la  délivrance  du  saint  sé- 
pulcre, avait  déjà  rapporté,  en  I28G,  dans  le  diocèse  de  Cambrai 
seul,  la  somme  de  trente-neuf  mille  liyres  tournois  2.  Elle  se  per- 
cevait encore  en  cette  année,  et  le  chapitre  de  Sainte-Gudule  en 
déclara  exempts  les  petits  chanoines  ou  chanoines  du  second  cha- 
pitre de  la  même  église,  à cause  de  leur  pauvreté. 

En  1 280—4 287,  l’évêque  de  Tusculum,  Jean  Boccamazza,  vint 
en  Allemagne  comme  légat  a latere  du  pape  Urbain  IV,  et  de- 
manda pour  le  saint-siège  un  décime,  ou  dixième  des  revenus  du 
clergé.  Un  concile  s’étant  réuni  à Würzbourg,  il  s'y  manifesta 
une  forte  opposition  contre  les  réclamations  du  pape;  le  légat, 
accablé  d’invectives , se  retira  sans  avoir  rien  obtenu,  « et  nous 
» espérons  bien,  dit  un  historien  contemporain  5,  qu'il  n’y  revien- 
» dra  pas.  » Les  archevêques  de  Cologne  et  de  Trêves,  et  le  frère 
mineur  Conrad  de  Tubingen,  évêque  de  Toul,  se  distinguèrent 
par  leur  ardeur  à défendre  les  immunités  du  clergé  allemand. 

Les  demandés  continuelles  d’argent,  que  l’on  adressait  au 
clergé,  tantôt  au  nom  de  l'autorité  temporelle,  tantôt  au  nom 
des  autorités  spirituelles  : le  souverain  pontife,  les  légats,  les 
évêques,  les  doyens,  provoquaient  un  mécontentement  très-vif, 
des  procès  sans  nombre.  L’abus  que  l’on  faisait  de  l’arme  de  l'ex- 
communication en  annulait  de  plus  en  plus  l’clïicacité,  et  rien 


1 Cartulaire  cl’Afflighem. 

2 Delepierre  , p.  xcu. 

J Godefroicl  d’Ensmingen , qui  mourut  vers  l’an  1300.  Histoire  littéraire  de 
France , t.  XXI , p.  92. 

Tome  XIII.  25 


( 580  ) 

ne  prouve  que  les  Brabançons  aient  beaucoup  souffert  des  nom- 
breuses sentences  d’interdit  qui  furent  eomminées  contre  eux  L 
En  réalité,  l’esprit  religieux , en  Belgique  comme  dans  le  restant 
de  la  catholicité , parut  faiblir  plutôt  que  croître  dans  les  der- 
nières années  du  treizième  siècle. 

Les  idées  de  tolérance,  à l’égard  des  Israélites,  se  répandaient 
de  plus  en  plus.  Jean  Ier  nourrissait  envers  eux  les  mêmes  senti- 
ments qu’envcrs  les  Lombards,  les  Cahorsins,  si  généralement  dé- 
testés. Ce  fut  à sa  sollicitation  que  le  roi  de  France , Philippe  le 
Hardi,  affranchit  Abraham  de  Faloie,  et  sa  « menie  »,  c’est-à- 
dire  ses  serviteurs  ou  ceux  qui  vivaient  à ses  dépens,  de  la 
taille  de  soixante  mille  livres  qu’il  avait  imposée  sur  les  juifs  du 
royaume 1  2 3. 

Quelques  prélats  essayèrent  de  raffermir  la  discipline,  en 
convoquant  des  synodes  provinciaux  ou  diocésains,  mais  leurs 
tentatives,  à une  époque  de  guerres  et  de  discordes  continuelles, 
ne  pouvaient  aboutir  que  difficilement.  On  s’y  réunissait  pour  ré- 
soudre quelques  questions  de  détail , mais  on  n’abordait  aucune 
discussion  importante  5. 

C’est  en  1285  que,  pour  la  première  fois,  se  font  jour  des 
germes  de  discorde  dans  cette  abbaye  de  Villers,  auparavant  re- 
nommée par  l'ardente  piété  de  ses  religieux.  Les  uns  choisirent 
pour  abbé  Henri  de  Melsbroeck,  abbé  de  Saint-Bernard,  l’un  des 
ambassadeurs  qui  avaient  négocié  le  mariage  du  fils  de  Jean  Ier 
avec  la  princesse  d’Angleterre,  mort  le  22  mars  1296,  en 
odeur  de  sainteté  4;  d’autres  moines  préférèrent  Robert  de 
Blocquerie,  qui  l’emporta  et  se  montra  très -sévère  à l’égard  de 
ses  subordonnés.  Dans  les  villes,  la  grande  querelle  du  clergé 

1 En  1294,  à la  suite  de  quelques  débats  de  peu  d’importance,  l’Église  de 
Liège  avait  de  nouveau  jeté  l’interdit  sur  le  duché. 

2 Acte  daté  du  bois  de  Vincennes,  le  lundi  avant  Pâques  fleuries,  en  1282- 
1283.  Beugnot,  Les  Olim.,  t.  Il,  p.  218. 

3 Synode  de  Cologne,  de  1281,  sous  la  présidence  de  Sifrid  (Hartzheim, 
Concilia  Germaniœ,  t.  III,  p.  637).  — Synode  de  Liège,  de  l’an  1287  (Marlene, 

Thésaurus  anecdolorum , t.  IV,  col.  829.  — Hartzheim , l.  c.,  p.  684). 

1 Sanderus,  Coenobiographia  abbatiae  S.  Bernardi  , p.  5. 


( 387  ) 

séculier  et  des  ordres  mendiants  divisait  les  ecclésiastiques,  et 
fournissait  aux  poètes  l’occasion  de  lancer  maint  brocard  contre 
ceux-ci,  qu’ils  traitaient  de  trompeurs  et  d’hypocrites  L 

Plusieurs  incidents  signalent,  dans  nos  populations,  quelques 
velléités  d’antagonisme  contre  les  communautés  religieuses  : en 
l’année  1202,  les  habitants  de  Tervueren,  mécontents  de  ce  que 
les  Prémontrés  de  Parc  avaient  entouré  d’un  fossé  leur  bois,  à 
Vossem,  au  préjudice  de  leurs  droits  d’usage  dans  ce  bois,  com- 
blèrent ce  fossé;  il  s’ensuivit  un  long  procès,  qui  se  termina  par 
un  jugement  que  rendirent  en  faveur  de  l’abbaye  les  tuteurs  ou 
régents  du  duché,  Henri,  évêque  de  Liège,  et  le  comte  de  Gueldre, 
son  frère 1  2.  En  1280,  le  sang  coula  dans  le  cimetière  de  l’abbaye 
de  Saint-Michel,  à Anvers,  qui  dut  être  réconcilié,  comme  nous 
l’apprend  une  charte  émanant  de  Jean  Canis  ou  Le  Chien,  doyen 
de  Saint-Rombaud,  chapelain  de  l’évêque  3. 

En  terminant  ce  chapitre,  ajoutons  que  le  culte  voué  à la  Vierge 
se  répandit  alors  de  plus  en  plus.  Selon  la  tradition , ce  serait 
en  l’année  1207  qu’une  statue  miraculeuse  de  la  Vierge  fut  en- 
voyée à liai,  en  vertu  des  dispositions  testamentaires  de  Mathilde 
de  Brabant,  comtesse  de  Hollande.  D’après  une  enquête  faite  au 
mois  d’octobre  1504,  l’église  de  Lombeek-Notre-Dame  attirait  à 
cette  époque  de  nombreux  pèlerins  4 5.  Sainte  Gertrude,  la  pa- 
tronne de  Nivelles,  était  toujours  en  grand  honneur  parmi  les 
Brabançons,  qui  avaient  l’habitude  de  boire,  « pour  l’amour  de 
sainte  Gertrude  » [Sinte  Gertruyde  minne).  Cette  coutume  fut,  dit- 
on,  miraculeusement  enseignée  à un  chevalier  de  Sichem,  peu  de 
temps  avant  la  bataille  de  Woeringen.  Une  femme,  vêtue  comme 
une  étrangère,  lui  apparut  la  nuit  et  lui  annonça  que  le  combat 
lui  serait  toujours  favorable,  lorsqu’il  aurait  soin  de  proposer 
cette  santé.  Un  seul  des  camarades  du  chevalier  osa  se  moquer  de 

1 Voyez  particulièrement  Philippe  Mouskés,  v.  29642  et  suiv.,  et  le  Roman 

du  Renard  couronné  (Dinaux,  Trouvères  de  la  Flandre  et  du  Tournésis , 

p.  356.) 

- Annales  Par censes , dans  Pertz,  Monumenla,  Scriptores , t.  XVI,  p.  607. 

5 Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint-Michel , f°  143. 

1 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , 1. 1 , p.  267 . 


( 588  ) 

son  récit,  mais  il  périt  dans  la  bataille,  ce  qu’on  ne  manqua  pas 
d’attribuer  à la  colère  divine  b 


CHAPITRE  X1Y. 


SCIENCES,  LETTRES  ET  ARTS. 


I. 


Nous  avons  déjà  eu  occasion  de  signaler  les  nombreux  écrivain 
qui,  au  treizième  siècle,  vouèrent  leurs  loisirs  à l’étude  de  la  théo- 
logie et  de  la  métaphysique.  Tous,  jusqu’aux  plus  célèbres,  con- 
sumèrent leurs  veilles  dans  de  longues  subtilités  et  vouèrent  une 
admiration  peu  intelligente  à Aristote.  Reconnaissons  cependant 
que  leurs  sentiments  de  justice,  développés  par  la  religion  et  la 
philosophie,  les  conduisirent  parfois  à l’affirmation  de  grands 
principes  de  liberté.  Pour  cette  époque,  nous  11e  pouvons  citer 
aucun  savant  brabançon  de  premier  ordre  : le  plus  célèbre  de 
tous,  Thomas  de  Cantimpré,  l’auteur  du  traité  de  Apibus , d’une 
biographie  de  Jean,  le  premier  abbé  du  monastère  où  Thomas 
prit  l’habit  religieux;  d'une  vie  de  sainte  Lutgarde,  sainte  avec 
laquelle  il  entretint  des  relations  très  - suivies  ; de  vers  latins  en 
l’honneur  du  bienheureux  Jordan , 11c  sortit  pas  de  la  médiocrité , 
et  appartient  d’ailleurs  à la  première  plutôt  qu’à  la  seconde  moitié 
du  siècle.  D’autres  sont  à peine  connus  : un  Gérard  d’Anvers  vécut 
en  France  et  composa,  à la  demande  de  l’évêque  de  Clermont, 
une  Biblia  labulata,  qu’il  dédia  au  pape  Grégoire  X et  dont  le 
manuscrit  se  conservait,  selon  Foppens,  dans  la  bibliothèque  de 


1 Geldolphe  À-Ryckel , Historia  S.  Gertrudis,  p.  147. 


( 589  ) 

l’église  Saint-Jean  de  Maestricht  b Un  moine  d’Afflighem,  nommé 
Guillaume,  et  qui  devint  prieur  de  Frasnes  en  1298,  écrivit  , en 
vers  flamands,  une  vie  de  sainte  Lutgarde,  traduite  de  Cantimpré, 
et  une  version  latine  d’un  recueil  de  visions  qu’avait  composé,  en 
flamand,  une  religieuse  de  l’époque  -.  Un  autre  Guillaume,  dit  de 
Malines,  religieux  dans  le  même  monastère,  fut  choisi,  en  l’an 
1277,  pour  abbé  de  Saint-Trond,  non  sans  rencontrer  une  vive 
opposition,  parce  que  c’était  un  enfant  illégitime  de  la  maison  de 
Berthout;  il  laissa  la  réputation  d’un  savant  laborieux,  quoiqu'on 
n’ait  conservé  de  lui  qu’une  légende  de  la  bienheureuse  Béatrix, 
prieure  de  Nazareth,  près  de  Lierre,  traduction  latine  d’un  texte 
en  langue  vulgaire 1 2  3.  Afllighem  constituait  alors  un  vif  foyer  d’ac- 
tivité littéraire.  Là  vécurent  Gérard  d’Afflighem,  de  qui  on  con- 
servait à Parc  un  traité  sur  le  mariage;  Simon,  auteur  de  sermons  ; 
Henri  de  Bruxelles,  qui  écrivit  sur  l’astrolabe  et  le  comput  4. 

Moins  favorisées  que  la  théologie,  les  sciences  d’observation 
restaient  négligées  : la  chimie  était  abandonnée  aux  empiriques, 
l’astronomie  n’obtenait  quelque  faveur  que  grâce  à l’astrologie, 
les  mathématiques  demeuraient  dans  l’enfance.  On  commençait 
toutefois  à entourer  de  considération  les  médecins , à cause  de  la 
dépendance  où  les  plus  puissants  se  trouvaient  vis-à-vis  d’eux,  el 
plus  d’une  charte  de  la  duchesse  Alevde  fut  passée  en  présence 
de  son  physicien  5.  Dans  les  hôpitaux,  lors  des  épidémies,  à la 

1 Foppens,  Bibliotheca  belgica,  t.  I , p.  544. 

2 Goethals,  Histoire  des  lettres , des  sciences  et  des  arts  en  Belgique,  t.  111 , 

p.  41. 

5 ibidem,  t.  I,  p.  45. 

1 Sanderus,  Cliorographia  sacra  Brabantiœ , t.  I. 

Pierre  d’Osterciele,  médecin  de  l’évêque  de  Cambrai , obtint  de  son  maître 
le  patronat  de  l’église  de  Gorbeek,  près  de  Louvain,  patronat  qu’il  abandonna, 
en  1258,  à l’abbaye  de  Saint-Michel,  moyennant  une  pension  viagère  de  six 
livres  moins  quarante  deniers.  Cartulaire  de  ï abbaye , f°  58. 

Maître  Siger,  physicien  de  la  duchesse  Aleyde,  est  cité  dans  un  diplôme 
de  l’année  1261,  en  faveur  de  Parc-les- Dames.  Au  mois  de  décembre  1271 , 
Walter  d’Arras  {de  Atrebato ),  physicien,  donne  à l’abbaye  d’Afflighem  cent 
vingt  livres,  pour  acheter  des  biens,  et  de  plus  une  rente  annuelle  de  vingt 
livres.  Cartulaire  d’Afflighem  , t.  J II,  f°  141. 


( 590  ) 

guerre,  les  soins  des  hommes  de  l’art  devenaient  de  plus  en  plus 
indispensables  b Mais  les  véritables  savants  , les  écrivains  scienti- 
fiques se  trouvaient  parmi  les  juifs,  à qui  leurs  nombreuses  rela- 
tions avec  le  midi  de  l’Europe  permettaient  de  profiter  des  travaux 
des  grandes  écoles  des  pays  arabes  : Séville,  Fez,  le  Caire,  Damas, 
Bagdad.  Un  membre  de  cette  tribu  proscrite,  Hagins  le  Juif,  tra- 
duisit de  la  langue  hébraïque  en  français  quelques  livres  d’astro- 
logie; il  acheva  l’ouvrage  intitulé  le  Principe  de  la  Sagesse , à 
Malines,  « en  la  maison  sire  Henri  Bâte  (il  faut  lire  probablement 
Bote),  » en  4275,  le  lendemain  de  la  Saint-Thomas  apôtre,  ou 
22  décembre  2. 

Par  rapport  à la  littérature  vulgaire,  le  Brabant  se  trouvait 
dans  une  position  tout  à fait  exceptionnelle.  Dans  la  plus  grande 
partie  du  duché  régnait  le  dialecte  flamand,  tandis  que  le  roman 
ou  français  était  parlé  dans  les  bailliages  de  Nivelles  et  de  Jodoigne. 
Le  Limbourg,  dans  son  étendue  si  restreinte,  se  divisait  de  la 
même  manière  : on  y trouvait  une  partie  wallonne  ou  gauloise 
(Limbourg,  Sprimont,  etc.)  et  une  partie  teutonique  (Fauque- 
mont,  Rolduc);  ici  le  langage,  de  même  qu’a  Maestricht,  à Aix, 
à Cologne,  s’éloignait  du  flamand  pour  se  rapprocher  du  haut 
allemand.  Cette  variété  présentait  , à côté  de  quelques  avantages, 
de  grands  désagréments.  Le  principal  de  ces  derniers,  c’était  un 
manque  d’unité  qui  pouvait  avoir  de  fâcheuses  conséquences  po- 
litiques : les  populations  teutoniques  tendaient  à se  lier  de  plus 
en  plus  avec  la  Gueldre,  la  Hollande  et  la  Flandre;  les  parties 
romanes  gravitaient  nécessairement  vers  le  Hainaut  et  le  pays 
de  Liège.  La  scission  était  imminente  ; elle  ne  fut  évitée , selon 
toute  apparence,  que  grâce  à l’attachement  des  Brabançons  pour 
leurs  ducs  et  leur  gouvernement  paternel.  D’un  autre  côté,  la 
pluralité  des  langues,  en  Brabant,  et  la  situation  de  ce  pays  aux 
limites  extrêmes  des  races  germanique  et  latine,  lui  assurèrent 
des  relations  étendues  avec  l’une  et  l’autre,  et  le  transformèrent, 

1 Le  Compte  de  ïamman  Lenken  mentionne  un  payement  de  vingt  sous  : 
magislro  Egidio  sananti  ruinera  Jo/iannis  forestarii  de  Levedale. 

2 Histoire  littéraire  de  la  France , t.  XXI,  p.  499.  — Hackinus  judeus  est 
cité  dans  le  Compte  de  Lenken. 


( 391  ) 

en  quelque  sorte,  en  un  terrain  neutre,  où  vint  s’éteindre  et 
s’amortir  leur  antagonisme  naturel. 

Le  latin,  la  langue  de  l’Eglise,  continuait  à être  préféré  par 
les  hommes  d’étude  et,  à la  fin  du  treizième  siècle,  devant  la 
plupart  des  échevinages,  les  actes  se  passaient  encore  dans  cet 
idiome;  mais  il  ne  tarda  pas  à rencontrer  des  rivalités  redoutables. 
Le  français,  grâce  à l’éclat  qui  entoura  la  cour  de  Philippe-Au- 
guste et  de  saint  Louis  et  celle  des  rois  normands  d’Angleterre, 
grâce  aux  nombreux  trouvères  qui  s’en  servirent,  se  parla  bientôt 
dans  tous  les  palais  de  l’Europe  catholique  (sauf  en  Allemagne). 

C’est  en  français  que  Jean  Ior  et  Florent  de  Hollande  correspon- 
daient avec  le  roi  d’Angleterre,  Edouard  Ier.  Dans  son  roman  de 
Berte  aux  Gratis  pies , le  poëte  Adenez  nous  apprend  (pie  notre 
aristocratie  s’entourait  de  serviteurs  connaissant  cet  idiome,  afin 
que  l’usage  en  devînt  familier  à leurs  enfants  : 

Tout  droit  à celui  temps  que  je  eis  vous  devis 
A voit  une  coustume  ens  el  tyois  pais 
Que  tout  li  grant  seignor,  li  conte  et  li  marchis 
Avoient,  entour  ans,  gent  française  tout  dis 
Pour  aprendre  françois  leurs  filles  et  leurs  fils  b 

Vers  l’an  \ 200,  on  commença  à employer  le  français  dans  les  actes 
publics.  En  Brabant,  cette  innovation  ne  s’introduisit  que  pendant 
le  règne  de  Henri  III  et  de  Jean  Ier2;  déjà,  dans  les4ernières  années 
du  règne  de  notre  héros,  plusieurs  échevinages  rédigeaient  leurs 
actes  en  français,  tandis  que  ceux  du  pays  flamand  n’acceptèrent 
l’usage  du  flamand  qu’un  peu  plus  tard,  sous  Jean  II 1 2  3.  C’est  aussi 
sous  Jean  Ier  qu’on  rencontre  les  premiers  diplômes  flamands 
qui  nous  aient  été  conservés  : une  déclaration  relative  à l’usage 

1 Dinaux,  Les  Trouvères  de  la  Flandre  et  du  Tournêsis . 

2 Citons  ici , comme  le  plus  ancien  exemple  de  l’usage  diplomatique  du 
français  en  Brabant,  un  acte  de  l’année  1253,  par  lequel  Henri  III  promet  au 
chapitre  de  Nivelles  de  réprimer  les  vexations  dont  ce  corps  avait  été  la  vic- 
time. Cartulaire  du  chapitre. 

3 Voyez  Y Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  1. 1,  p.  58.^ — A Nivelles,  vers 
l’an  1280  , le  français  était  déjà  l’idiome  préféré  pour  les  actes. 


( 592  ) 


de  quelques  pâtures  à Nederoekcrzeel,  de  l’an  1275,  et  la  dona- 
tion à l’hôpital  Saint-Jean , de  Bruxelles,  d'une  dîme  à Bodeghem, 
en  1277 

• 

En  Allemagne,  on  ne  rencontre  pas  d’acte  publie  antérieur  au 
règne  de  Rodolphe  de  Habsbourg,  qui  soit  rédigé  dans  la  langue 
germanique  2.  Du  même  temps  datent  les  premières  traductions 
dans  cet  idiome,  qui  avait  déjà  une  littérature  florissante.  Un  frère 
dominicain,  Herman  de  Luxembourg,  fit  ce  travail  pour  la  règle 
de  l’ordre,  en  127(5,  à la  prière  de  l’abbesse  de  Maricnthal,  Yolende 
de  Vianden.  Il  écrivit  en  vers  sur  cette  matière  si  aride;  il  est  vrai 
qu’il  n’avait  que  vingt-six  ans,  que  sa  jeune  intelligence  n’était, 
pas  encore  fatiguée  par  l’âge  5. 

La  littérature  proprement  dite  fleurit  alors  d’un  éclat  sans  pa- 
reil à la  cour  de  nos  ducs.  Poëtes  eux-mêmes,  les  princes  belges 
sc  plurent  à l’envi  à encourager  leurs  rivaux  en  poésie.  En  Flan- 
dre, Guillaume  et  Guy  de  Dampierre,  ces  fils  préférés  de  Mar- 
guerite de  Constantinople,  mais  surtout  le  premier,  dont  la  mort 
prématurée  et  tragique  fut  pleurée  par  les  trouvères;  en  Brabant, 
Henri  III  et  ses  fils,  Jean  et  Godefroid,  furent  exaltés  comme  des 
bi e nfa i teu rs  génér eu x . 

Il  faudrait  un  volume  pour  énumérer  tous  les  joyaux  dont  s’en- 
richit, au  treizième  siècle,  notre  couronne  poétique  : Cambrai, 
l’Artois,  la  Flandre  et  le  Ilainaut  eurent  chacun  leur  école,  leur 
série  de  trouvèçcs,  et  la  Belgique  méridionale  devint  en  quel- 
que sorte  le  centre  littéraire  de  la  langue  d’oil.  Le  Brabant  suivit, 
mais  non  pas  aussitôt  et  aussi  brillamment,  la  même  impulsion 
que  les  provinces  voisines.  Au  commencement  du  douzième  siècle, 
une  princesse  de  la  famille  de  Louvain  avait  laissé  un  nom  cher 
aux  poëtes  : je  veux  parler  d’Aleyde,  fille  de  Godefroid  Ier,  et 
femme  du  roi  d’Angleterre,  Henri  II  dit  Beauclerc. 

Avec  Henri  III  s’ouvre  une  période  nouvelle.  On  a conservé  de 
ce  prince  des  chansons  qui,  par  leur  caractère,  se  rattachent  à 


1 Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  1,  p.  20J , et  t.  111,  p.  MB.  — 
Serrure,  Vaderlandsche  Muséum,  t.  Il,  p.  242. 

2 Collection  de  Léber,  t.  XIV,  p.  59. 

^ Bertholet,  Histoire  du  duché  de  Luxembourg , t.  V,  p.  212. 


( 595  ) 

cette  poésie  galante  et  légère  que  les  troubadours  avaient  mise  en 
honneur.  « La  première,  dit  Fauchet  *,  est  un  dialogue  adressé 
à Gilbert  de  Berneville,  qu'il  interroge  pour  savoir  s'il  doit  quitter 
l’amour  d’une  femme  qui  l’a  délaissée;  l’autre  monstre  qu’il  n’étoit 
pas  fort  loyal  en  amour  et  prenoit  où  il  pouvoit.  » 

Henri  fut  le  protecteur  d’un  des  plus  féconds  écrivains  du 
temps  : Adenez,  c’est-à-dire  Adam,  surnommé  le  Roi,  non,  sans 
doute,  parce  qu’il  était  le  chef  des  ménestrels  ou  le  roi  d’armes 
de  son  maître,  comme  le  dit  Faucbet,  mais  parce  qu’il  apparte- 
nait à la  famille  bruxelloise  des  De  Coninek  ou  le  Roi  (en  latin 
Rex)1  2.  Adenez  lui-même  nous  apprend  ce  qu'il  dut  au  duc,  dans 
ccs  vers  pleins  de  grâce  : 

Menestrès  au  bon  duc  Henri 

Fui  ; cil  m’aleva  et  norri 

Et  me  lit  mon  meslier  apprendre. 

Après  la  mort  de  son  premier  bienfaiteur,  il  reçut  de  ses  fils 
les  mêmes  marques  de  bienveillance  : 

Lui  (Jean  1er)  et  monsignour  Godefroit 
Maintes  fois  m’ont  gardé  de  froit, 

dit-il  encore  dans  son  naïf  langage.  Il  les  quitta  cependant  et 
s’attacha  de  préférence  à Guy  de  Dampierre,  près  de  qui  on  b* 
trouve,  en  Italie,  en  1270  et  1271 , sous  le  nom  d’Adam  le  mé- 
nestrel 3,  et  dont  il  accompagnait  encore  la  cour  en  129G.  Marie 
de  Brabant,  la  seconde  femme  du  roi  de  France,  Philippe  le 
Hardi,  le  compta  aussi  parmi  ses  courtisans.  Ce  fut  dans  son 

1 Poètes  français , p.  574,  cité  par  M.  Van  Hasselt,  Essai  sur  l'histoire  de 
la  poésie  française  en  Belgique , p.  81.  ( Mémoires  couronnés  de  l’Académie 
de  Bruxelles,  t.  XIII.) 

2 Cette  famille  donna  à Bruxelles  plusieurs  échevins  au  treizième  siècle, 
notamment  Àrnoul  Coninek  (de  1260  à 1269)  et  Guillaume  Vaiidensteemvege 
dit  Bex  (de  1258  à 1294),  qui  fut  élevé  à la  dignité  de  chevalier.  Henri  III 
protégea  encore  Perrin  d’Angecourt,  d’Arras,  qui  lui  adressa  une  de  ses 
chansons.  Dinaux,  Les  trouvères  artésiens,  p.  560. 

Bulletins  de  la  Commission  royale  d’histoire , t.  Il,  p.  286. 


( 594  ) 

palais  qu’Adenez  recueillit  de  la  bouche  de  Blanche  de  France, 
veuve  de  l’infant  de  Castille  Fernand  de  La  Cerda,  la  tradition 
mauresque  ou  espagnole  qui  fait  le  fond  du  roman  de  Cléomadès. 
Une  miniature  du  temps,  qui  se  trouve  à la  bibliothèque  de  l’Ar- 
senal, à Paris,  représente  le  poète,  sa  viole  en  main,  écoutant 
le  récit  de  Blanche,  en  présence  de  Marie  de  Brabant  et  de  Ma- 
thilde d’Artois,  couchées  sur  un  lit  de  parade.  Adenez  est  recon- 
naissable à son  rebec,  les  trois  princesses,  aux  armoiries  dont 
leurs  robes  sont  ornées  ]. 

Adenez  écrivit  successivement  quatre  grands  récits  chevale- 
resques : les  Enfances  Ogier , Berthe  aux  gratis  pies,  Bueves  de 
Comarchis  et  Cléomadès.  Quand  il  écrivit  le  premier,  ce  fut  pour 
répondre  aux  désirs  du  comte  Guy  et  il  en  adressa  à la  jeune 
reine  de  France  une  copie,  où  il  se  qualifie  de  roi  Adan.  Ogier  et 
Berthe  sont  deux  personnages  du  grand  cycle  carlovingien , et 
Bueves  se  rattache  à la  légende,  si  populaire  à cette  époque,  de 
Guillaume  au  cort  né.  On  a remarqué  que  notre  poète  semble 
avoir  voulu  raviver  de  vieilles  traditions  dont  on  commençait  à 
se  lasser  et  qui  ne  tardèrent  pas,  malgré  ses  efforts,  à tomber 
dans  l’oubli.  Aux  longues  épopées  succédèrent  de  non  moins  longs 
traités  de  morale,  et  bientôt  la  voix  du  poète  s’éteignit  au  milieu 
des  guerres  qui  couvrirent  de  sang  et  de  ruines  l’Europe  occiden- 
tale, pendant  les  longues  querelles  de  la  France  et  de  l’Angleterre. 

Adenez  avait  fait  une  étude  approfondie  de  toutes  les  délica- 
tesses du  dialecte  de  l’Ile  de  France.  Nulle  part,  de  l’aveu  des 
critiques,  la  langue  et  l’orthographe  du  temps  ne  se  présentent 
avec  plus  de  netteté  et  d’élégance  que  dans  ses  œuvres.  Ce  poète 
était,  à ce  qu’il  semble,  doué  d’un  esprit  délicat  et  d’un  caractère 
facile,  quoiqu’on  soit  en  droit  de  lui  reprocher  de  dénigrer  ceux 
dont  il  a imité  les  travaux.  « On  peut  dire  de  luy,  ainsi  s’exprime 
» Fanchet,  qu’il  fut  facile  rymeur  autant  qu’autre  de  son  temps, 
» mais  il  est  fâcheux  en  répétition.  » Suivant  un  autre  critique 1  2, 

1 Histoire  littéraire  de  la  France , t.  XX,  pp.  675-718.  — Van  Hasselt, 
/.  c.,  p.  82. 

2 Histoire  littéraire  de  la  France,  1.  c.  — De  ReifFenberg,  Philippe  Mous- 
kés , 1. 1 , p.  cLViu. 


( 395  ) 

le  fond  de  sa  narration  est  d’autant  moins  poétique  que  son  ex- 
pression semble  l’être  davantage.  Sa  fécondité  cache  une  absence 
complète  d’idées  et  de  sentiments. 

Outre  Adenez,  la  cour  ducale  du  Brabant  comptait  plusieurs 
ménestrels,  et  entre  autres,  les  ménestrels  Tassin,  Boidin  et 
Estnol  le  Sot  , qui  sont  cités  dans  un  Compte  de  la  dépense  du 
comté  de  Flandre , de  l’an  1277. 

Jean  Ier  a pris  place  parmi  les  minnesingers  de  l’Allemagne, 
grâce  à neuf  compositions  qui  nous  ont  été  conservées  dans  le 
dialecte  souabe,  l’une  des  branches  du  haut  allemand  qui  se 
rapproche  le  plus  du  flamand.  Le  fond  de  ces  poésies,  auxquelles 
M.  Willems  a rendu  leur  forme  primitive,  est  emprunté  tout 
entier  à ces  pastourelles  provençales  éternellement  consacrées  à 
chanter  les  joies  et  les  soucis  des  amoureux.  Jean  Ier  cherche 
moins  à briller  par  le  fond  que  par  la  forme,  par  l’harmonie  du 
rhythme , la  cadence  et  la  coupe  heureuse  des  vers  et  des  stro- 
phes. Comme  trouvère,  il  reste  bien  au-dessous  de  Conon  de 
Béthune,  dont  il  n’atteint  pas  la  finesse,  et  de  Thibaud  de  Cham- 
pagne, dont  il  ne  possède  ni  l’imagination,  ni  la  fécondité.  Ces 
neuf  chansons  sont  toutes  consacrées  à la  louange  des  dames  et  à 
solliciter  leurs  bontés  pour  le  poëte.  A en  juger  par  les  nombreux 
bâtards  que  le  due  laissa,  on  peut  supposer  que  ses  désirs  ne 
rencontrèrent  d’ordinaire  qu'une  assez  faible  résistance  *. 

La  littérature  flamande  était  alors  à son  apogée.  C’était  l’époque 
de  VanMaerlant,  cette  grande  figure  du  treizième  siècle,  philo- 
sophe et  pamphlétaire,  écrivain  infatigable  et  profond  penseur.  Le 
Brabant  ne  produisit  à cette  époque  aucun  nom  qui  pût  prétendre 
au  même  rang;  la  couronne  dont  notre  duché  devait  s’orner  pen- 
dant la  génération  suivante  n’était  pas  encore  préparée.  On  doit 
attribuer  sans  doute  à la  prédilection  marquée  du  duc  Jean  pour 
les  idiomes  germaniques  l’apparition  des  épopées  savantes  dont 
la  langue  flamande  s’enrichit  alors  et,  d’un  autre  côté,  elle  con- 

1 Ces  appréciations  sont  empruntées  à M.  Vanden  Berghe , Disserlatio 
inauguralis  de  Joanne  primo,  p.  77.  — Willems  a publié  les  chansons  de 
Jean  Ier  dans  ses  Oude  vtaemsche  liederen,  et,  d’après  lui,  M.  De  Bruyn  les 
a reproduites  à la  tin  de  l’ouvrage  intitulé  : Histoire  du  règne  de  Jean  Ier. 


* 


( 590  ) 

tribua,  pour  ainsi  dire,  à éteindre  dans  son  germe  le  goût  des 
Brabançons  pour  les  poèmes  en  langue  d’oil;  vinrent  ensuite  les 
discordes  civiles,  au  milieu  desquelles  toutes  les  lyres  se  turent. 

11  semble  que  l’étude  de  1 histoire  aurait  du  se  développer  à 
mesure  que  les  événements  dont  la  Belgique  était  le  théâtre  ac- 
quéraient plus  d importance.  Mais,  parmi  les  écrivains  contem- 
porains de  Jean  I'r,  il  n’en  est  presque  aucun  qui  ait  une  cer- 
taine valeur.  Jean  de  Thielrodc,  Baudouin  de  Ninovc  et  Baudouin 


l’abbaye  de  Saint-Bavon  dcGand,  et  vivait  encore  en  l’an  1298; 
ce  qu’il  n’a  pas  copié  ailleurs  se  réduit  à peu  de  chose  et  prouve 
qu’il  ne  s’est  pas  trompé  en  se  reconnaissant  faible  d’esprit.  Bau- 
douin, prémontré  de  Ninove,  qui  mourut  vers  l’année  1294,  dans 
un  âge  très-avancé,  est  plus  intéressant,  quoique  fort  concis  et 
d’une  crédulité  peu  commune.  Baudouin  d’Avesnes,  dans  ses  chro- 
niques, se  borne  à parler  de  généalogies  et  ne  pousse  l’histoire  des 
princes  belges  que  jusqu’à  l’épisode  de  Marie  de  Brabant  '. 

Aucun  de  ces  trois  noms  n’appartient  à notre  duché,  tandis  que 
par  une  coïncidence  remarquable,  on  y vit  naître,  à celte  époque 
dont  nous  venons  de  déplorer  la  stérilité  sous  ce  rapport,  toute 
une  pléiade  d’historiens,  recommandables  par  la  valeur  réelle  de 
leurs  travaux  et  les  qualités  de  leur  style. 

Jean  de  llocsem  ou  Hoxem  peut  être  regardé  comme  Braban- 
çon, car  il  naquit  au  hameau  dont  il  porte  le  nom,  dans  la  paroisse 
, de  Hougarde,  domaine  liégeois  qui  était  entièrement  enclavé  dans 
les  États  de  Jean  Ier,  et  qui  en  lit  longtemps  partie.  Comme  Jean 
naquit  au  mois  de  février,  en  1278  -,  et  qu’il  n’avait  que  seize  ans 
lorsque  le  duc  mourut,  il  a pu  voir,  ou  entendre  raconter  par  des 
témoins  oculaires,  la  plupart  des  événements  dont  il  parle,  son 
récit  ne  commençant  qu’avec  l’épiscopat  de  Henri  de  Gueldre. 
Parmi  les  historiens  liégeois,  Jean  de  Warnant,  surnommé  Pres- 
byter  ou  le  Prêtre,  écrivain  aussi  recommandable,  mais  dont  la 
biographie  nous  est  pour  ainsi  dire  inconnue,  décrit  la  même 

1 Bulletins  de  la  Commission  royale  d’histoire,  2mc  série,  t.  IX,  p 2G5. 

2 Chapeau  ville,  Gesta  pontificum  Leodiensium,  t.  II,  p.  272. 


( 597  ) 

période.  Quanta  Jean  d’Ou trc-Meuse,  c’est  un  feu  lollet  dont  nous 
nous  sommes  écartés  autant  que  possible. 

Hocsem  et  Warnant  écrivirent  en  latin  et  en  1)1*050,  tandis  que 
trois  Brabançons,  leurs  contemporains,  Van  Heelu,  Van  Velthem 
et,  Van  Boendaele,  ont  tous  trois  adopté  la  langue  flamande  et  la 
forme  métrique.  Le  premier,  dont  le  poëme  fut  si  longtemps 
désiré  par  tous  les  amis  de  notre  histoire,  a été  publié  avec  un 
soin  infini  par  le  savant  Willems  , dont  le  travail  a été  notre  prin- 
cipal guide.  Jean  Van  Ileelu  ou  Van  Leeuw,  ainsi  appelé,  sans 
doute,  parce  qu’il  naquit  dans  la  petite  ville  de  Léau,  ou  au  village 
de  Heelen  qui  l’avoisine,  était  frère,  c’est-à-dire,  selon  l’opinion 
commune,  chevalier  de  l’ordre  tcutonique,  et  peut-être  attaché  à 
la  commanderie  de  Becquevoort,  non  loin  de  Dicst.  II  se  trouva  à 
la  bataille  de  Woeringcn , et  la  description  qu’il  en  a laissée  mérite 
une  entière  confiance,  sauf  peut-être  qu’il  s’attache  trop  aux  ex- 
ploits des  Brabançons,  scs  compatriotes,  partialité  bien  excusable 
et  qui  ne  le  rend  pas  injuste  pour  les  ennemis  de  son  prince.  11 
écrivit,  suivant  son  propre  témoignage,  dans  le  but  de  plaire  à la 
princesse  Marguerite  d’Angleterre,  femme  de  Jean  II,  et  afin  que 
le  désir  de  connaître  les  exploits  de  son  beau-père,  décidât  la 
princesse  à apprendre  la  langue  flamande  h 

Van  Velthem  est  moins  positif  et  moins  scrupuleux  que  Van 
Heelu,  à qui  il  emprunte  parfois  des  chapitres  entiers.  Tandis  (pie 
le  chantre  de  Woeringen  ne  sort  jamais  des  événements  authen- 
tiques, son  imitateur  se  permet  de  fréquentes  excursions  dans  le 
domaine  de  l’imagination.  Il  accepte  tout  ce  qu’il  rencontre  et  il 
entremêle,  sans  beaucoup  de  discernement,  les  guerres,  les  mi- 
racles, les  événements  météorologiques  et  les  scènes  de  roman, 
de  manière  à dérouter  constamment  le  lecteur.  C’est  une  circon- 
stance fâcheuse,  car  son  Miroir  abonde  en  particularités  que  l’on 
ne  trouve  que  là.  Louis  Van  Velthem  était  ecclésiastique;  il  des- 
servait, en  1504,  une  chapellenie  à Sichem  et  devint,  plus  tard, 
le  pasteur  du  lieu  dont  le  nom  est  resté  attaché  au  sien. 

Nous  dirons  peu  de  chose  de  Jean  Van  Boendale.  Les  Bru- 

1 Willems,  Introduction  au  poëme  de  Van  Heelu , pp.  1 et  suiv. 


( 398  ) 

bantsche  Yeeslen , qu’il  commença  en  l'an  1318,  donnent  à peine 
sur  Jean  Ier  quelques  détails  nouveaux.  Ce  personnage,  dont  la 
biographie  n’a  été  éclaircie  que  tout  récemment,  par  MM.  Van 
Even  et  Génard,  naquit  à Tervueren , vers  l'année  1280.  II  devint 
clerc,  c’est-à-dire  secrétaire  de  la  ville  d’Anvers  et,  en  cette  qua- 
lité, assista,  en  1312,  à l’assemblée  des  états  de  Brabant  qui  se 
tint  à Cortenberg;  il  mourut,  selon  les  uns,  en  l’année  1351, 
selon  les  autres  , en  1565,  après  avoir  écrit  un  grand  nombre  de 
poésies.  « Historien  consciencieux  et  exact,  moraliste  sévère, 
» écrivain  élégant,  Boendale  occupe  une  place  éminente  dans  la 
» littérature  flamande  *.  » 


IL 

Celui  des  arts  auquel  on  peut  donner  la  première  place,  car  au 
mérite  de  l’utilité  il  joint  celui  de  comporter  les  dimensions  les 
plus  splendides  et  les  plus  considérables,  l’architecture,  con- 
tinua, pendant  la  seconde  moitié  du  treizième  siècle  à marcher 
dans  la  voie  où  elle  était  entrée  pendant  les  années  précédentes. 
Le  style  ogival  se  répandit  de  plus  en  plus  en  Belgique,  détrônant 
partout  l’art  roman,  dont  les  derniers  adeptes  n’eurent  bientôt 
plus  de  sectateurs. 

Les  monastères,  paraît- il,  persistèrent  à garder  les  vieilles 
formes,  les  types  consacrés  par  la  tradition  et  par  l’usage.  Villers 
et  Parc,  près  de  Louvain,  en  offrent  des  exemples  frappants. 
Dans  l’église  de  la  première  de  ces  abbayes,  l’art  ancien  domine 
encore  l’art  nouveau.  Jusque  dans  les  parties  les  plus  élevées  et 
par  conséquent  les  plus  récentes  du  temple,  des  arcades  cintrées 
se  dessinent.  Et  cependant,  par  l’époque  de  sa  construction, 
l’église  de  Villers  appartient  surtout  au  deuxième  et  au  troisième 
tiers  du  treizième  siècle.  Si,  en  1245  et  en  1252,  Boniface,  évêque 
de  Lausanne,  put  déjà  y consacrer  des  autels,  à proximité  de 
l’entrée  de  la  tour,  l’achèvement  de  l’édifice  n’eut  lieu  que  quinze 


1 Histoire  clés  environs  de  Bruxelles,  1. 111,  p.  418. 


( 59!)  ) 

à vingt  ans  plus  tard.  Le  3 niai  1207,  line  croix  de  fer,  argentée, 
fut  placée  sur  le  pignon  de  la  façade  vers  l’ouest  ou.  façade  prin- 
cipale, et,  le  13  juillet  1275,  on  en  érigea  une  autre,  entièrement 
dorée,  au  sommet  de  la  tour  ou  clocher  qui  surmontait  le  chalei- 
dique.  L’une  et  l’autre  de  ces  croix  avaient  été  préalablement 
munies  de  reliques  h 

Quant  à l’église  de  Parc,  on  y travaillai^  encore  en  1293  et 
elle  ne  fut  achevée  qu’en  1297.  Cet  édifice  ayant  été  entièrement 
modernisé  au  siècle  dernier,  on  ne  pourrait  plus  juger  de  son 
état  ancien , si  un  laborieux  écrivain  n’en  avait  récemment  donné 
une  bonne  description.  « A l’exception  de  la  voûte,  elle  était  en- 
» tièrement  construite  dans  le  style  le  plus  pur.  A la  différence 
» du  chœur  et  des  transsepts,  qui  étaient  en  pierre  brune,  la  nef 
» principale  était  en  grès  blanc  appareillé  avec  soin.  A l’extérieur, 
» les  murs  étaient  ornés  d’un  double  rang  d’arcades  simulées, 
» encadrant,  tant  en  bas  qu’en  haut,  sept  fenêtres  cintrées.  Ces 
» arcades  étaient  formées  de  deux  cintres  retombant  au  milieu 
» sur  une  console.  Une  belle  porte  romane  donnait  accès  dans 
» l’église.  Un  portique  dans  le  meme  style,  et  dont  le  cintre 
» encadre  un  arc  trilobé  que  soutiennent  des  colonnettes,  se  voit 
» encore  de  nos  jours  à la  gauche  de  l’entrée  principale.  Quant  à 
» l’intérieur  du  vaisseau,  il  était  divisé  en  trois  nefs  par  douze 
» colonnes  qui  correspondaient  à autant  de  pilastres  engagés 
» dans  les  murs.  Ces  pilastres , dont  quelques-uns  existent  encore, 
» peuvent  nous  donner  une  idée  des  colonnes;  ils  sont  formés 
» d’un  fût  de  cinq  mètres  de  hauteur,  cantonné  de  quatre  co- 
» lonnes  elïilées,  et  l’ensemble  a une  largeur  d’environ  un 
» mètre 1  2.  » 

Les  bâtiments  conventuels  de  Parc,  auxquels  on  travailla  à la 
même  époque,  en  1295  et  1294,  appartenaient  au  style  roman 
le  plus  sévère,  « comme  on  peut  juger  par  ce  qui  en  reste, 
» dit  l’auteur  que  nous  venons  de  citer.  De  petites  fenêtres  car- 
« rées,  divisées  par  une  colonnette  romane  éclairaient  le  dortoir, 


1 Wauters , V Ancienne  abbaye  de  Viilers  , p.  86. 

- Raymaekers,  l.  c.,  p.  51. 


( 400  ) 

» tandis  que  le  rez  de  ehaussée  (le  eloitre)  reeevait  la  lumière 
» par  de  grandes  baies  garnies  de  rosaces,  de  deux  mètres  qua- 
» rante  centimètres  de  diamètre.  » On  ne  doit  donc  pas  s’étonner 
. si  le  plein  cintre  apparaît  encore  dans  le  beau  réfectoire  de 
Villers,  qui  porte  évidemment  le  cachet  de  l’art  ogival  primaire. 

Dans  ce  style,  les  édifices  s’exhaussent,  les  voûtes,  élancées  et 
à nervures  croisées v semblent  s’élever  au  ciel;  les  piliers  dispa- 
raissent pour  faire  place  a des  colonnes  cylindriques,  couronnées 
de  chapiteaux  à crochets;  les  fenêtres  sont  lancéolées  et  souvent 
groupées  par  deux  ou  par  trois.  Autour  du  chœur  rayonnent  des 
chapelles,  et  d’énormes  arcs-boutants  soutiennent,  vers  Inté- 
rieur, la  partie  supérieure  des  murs.  Intérieurement,  au-dessus 
des  colonnes,  règne  un  triforium  à eolonnettes  cylindriques  et 
portant  des  arceaux  lancéolés  ou  trilobés.  Les  quatre  feuilles  et  les 
lobes  composent  les  principaux  motifs  de  décoration,  ainsi  que  les 
tètes  humaines,  souvent  grimaçantes,  dont  sont  ornés  les  cor- 
beaux des  corniches  et  les  retombées  des  nervures. 

La  grande  activité  qui  avait  signalé  la  période  précédente  con- 
tinua. On  travailla  à l’achèvement  de  Notre-Dame  de  Diest,  du 
chœur  de  Saint-Léonard  de  Léau,  à l’église  des  Dominicains  de 
Louvain,  qui  fut  consacrée  en  1270.  A Sainte-Gudule,  Jean  Ier 
voulut  imprimer  une  nouvelle  activité  aux  travaux,  qui  s’étaient 
ralentis  faute  de  ressources  sulïisantes,  et  ordonna  d’y  employer 
le  produit  des  deux  premières  années  de  vacance  des  prébendes  et 
de  l’écolàtrie  h C’est  de  son  temps  que  datent  probablement,  non 
pas  le  chœur  et  le  pourtour  du  chœur,  mais  les  transsepts,  œuvre 
encore  magnifique  et  où  se  révèlent  plusieurs  manières  diffé- 
rentes, sans  doute  parce  qu’il  y eut  de  nouvelles  interruptions 
dans  les  travaux,  car  les  fonds  manquèrent  encore,  et  il  fallut 
solliciter,  du  pape  Ilonorius  IV,  un  bref  accordant  des  indul- 
gences à ceux  qui  contribueraient  aux  frais  de  la  construction  de 
la  collégiale  de  Bruxelles 1  2.  Les  travaux  de  reconstruction  de  la 


1 Septembre  1275.  Opéra  diplomaticci , t.  IV,  p.  256. 

2 Le  1er  mars  1287.  Histoire  de  Bruxelles , 1. 111 , p.  249.  — Schayes,  dans 
les  Annales  de  V Académie  d'archéologie , t.  XI,  p.  09. 


( 401  ) 

collégiale  de  Malines  étaient  alors  commencés  depuis  longtemps; 
mais,  comme  ils  restaient  en  retard  par  suite  delà  négligence  de 
ceux  qui  devaient  y veiller,  Walter  Berthout,  de  concert  avec  le 
chapitre  de  Saint-Rombaud  et  la  commune,  statua  qu  on  nomme- 
rait, tous  les  ans,  trois  proviseurs  : un  chanoine  résident  , un  éehe- 
vin  et  un  autre  bourgeois,  qui  dirigeraient,  de  concert,  les  tra- 
vaux de  la  fabrique  du  temple  ].  Ce  dernier,  qui  ne  s'éleva  qu’avec 
lenteur,  n’existe  plus  aujourd’hui;  il  disparut  dans  un  incendie, 
en  1548. 

Nous  pourrions  mieux  juger  des  progrès  que  lit  l’architecture 
religieuse  au  treizième  siècle,  si  les  révolutions  ou  le  goût  de  mo- 
derniser n’avaient  détruit  tant  d’anciennes  constructions.  Car  le 
règne  de  Jean  Ier  lut  une  époque  d’activité  architectonique.  Alors 
furent  construits  : l’église  deNotre-Dame  à Afflighem  (1261-1 501), 
le  cloître  de  ce  monastère  (1242-1261),  qui  était  clôturé  par  des 
colonnettes  formées  de  petites  pierres  bleues  , soutenant  une 
voûte  de  pierres  ■ 2 ; l’oratoire  des  carmes  de  Bruxelles,  dont  l’aehè- 
vement  eut  lieu  en  1285.  Alors  furent  consacrées  : en  1270,  l’église 
des  augustins  de  Louvain;  en  1276,  celle  des  dominicains  d’An- 
vers, qui  avait  été  commencée  en  1262;  en  1284,  celle  des  domi- 
nicains de  Maestricht;  alors  aussi,  on  accorda  des  indulgences  aux 
fidèles  qui  contribueraient  à l’achèvement  de  l’église  d’Oignies  (en 
1280). 

L’architecture  civile  se  développait  en  même  temps  que  l’archi- 
tecture religieuse.  Des  maisons  de  ville,  des  beffrois,  des  halles, 
dont  Gand,  Apres  et  Bruges  offrent  encore  de  si  brillants  spéci- 
mens, ornèrent  la  plupart  des  cités  de  Belgique.  Quelques  princes 
se  bâtirent  des  salles  somptueuses,  comme  le  lit  entre  autres,  à 
iluy,  Jean  de  Flandre,  évêque  de  Liège.  Les  ponts,  constructions 
plus  utiles  et  plus  massives,  furent  réédifiés  avec  soin  : celui  de 
Maestricht  , en  1281  et  années  suivantes;  celui  de  lluy,  vers  l’an- 
née 1294  5,  et  celui  de  Tournai,  le  seul  pont  ogival  un  peu  consi- 

! Ordonnance  en  date  des  octaves  de  la  Pentecôte,  de  l’année  1265.  Solle- 
rius,  Acta  S.  Rumolcli,  p.  54. 

- Histoire  des  environs  de  Bru, celles , t.  1 , p.  505. 

5 llocsem,  dans  Chapeauvillc , t.  II,  pp.  515  et  525. 

Tome  NUI.  26 


( 402  ) 

dérable  que  l’on  ait  épargné.  Le  pont  de  Maestricht  s’était  écroulé, 
en  1275,  pendant  qu’une  procession,  accompagnant  la  châsse  de 
saint  Servais,  y passait,  et  plus  de  trois  cents  personnes  avaient 
perdu  la  vie  dans  les  Ilots;  le  pont  n’était  pas  encore  achevé  en 
1287,  lorsque  l’évêque  de*Liége  promit  des  indulgences  à ceux  qui 
en  faciliteraient  la  réédification  l. 

La  grande  extension  de  la  population  urbaine  ayant  aggloméré 
autour  de  nos  villes  d’immenses  faubourgs,  dont  la  défense  pou- 
vait être  considérée  comme  impossible,  elles  s’entourèrent  pour 
la  plupart  de  nouvelles  enceintes,  qui  durent  coûter  des  sommes 
énormes. 

Dans  les  campagnes,  les  châteaux  se  présentaient  sous  des 
formes  plus  imposantes.  La  massive  tour  de  Sichem,  qui  est  isolée 
au  milieu  des  prairies  voisines  de  cette  ville,  et  dont  l'origine  est 
inconnue,  ne  remonte  probablement  pas  au  delà  du  temps  de 
Jean  Ier,  et  Ton  pourrait,  avec  quelque  fondement,  en  attribuer 
la  construction  à Godefroid  de  Brabant,  en  faveur  de  qui  le  duc 
aliéna  la  propriété  de  Sichem.  Le  donjon  carré  de  Moriensart,  qui 
semble  un  géant  s’élevant  au-dessus  de  la  plaine  voisine,  peut  être 
considéré  comme  contemporain,  car  les  chevaliers  de  ce  nom  ne 
sont  pas  plus  anciens.  L’un  et  l’autre  offrent  un  revêtement  de 
pierres  de  taille  et  plusieurs  étages  superposés  et  voûtés.  Con- 
struite sur  de  moindres  dimensions,  mais  entièrement  en  pierres, 
la  tour  de  la  ferme  de  Cobbeghem  porte  également  un  caractère 
tout  à fait  primitif.  Elle  se  compose  d’un  caveau,  dans  lequel  on 
ne  peut  descendre  qu’au  moyen  d’une  échelle;  d’une  salle  remar- 
quable par  sa  voûte  à nervures  croisées  et  retombant  sur  des  tètes 
sculptées,  et  enfin  d’un  grenier,  surmonté  d’une  petite  flèche  2. 

Les  bourgeois  notables  avaient  aussi,  à l’intérieur  des  villes, 
des  habitations  vastes  et  également  en  pierres;  il  y en  avait  un 
grand  nombre  à Bruxelles,  aux  environs  du  grand  marché  5.  Les 
développements  que  prenaient  parfois  les  incendies  (comme  celui 
de  Bruxelles,  de  l’an  1276,  qui  consuma  presque  un  tiers  de  cette 

1 Annales  de  ï Académie  d' archéologie  de  Belgique,  t.  X,  p.  166. 

2 Histoire  des  environs  de  Bruxelles , t.  I , p.  381. 

5 Histoire  de  Bruxelles , passim. 


( 405  ) 

cité  *)  donnèrent  l’éveil  sur  le  danger  qui  résultait  des  construc- 
tions en  bois  et  des  toits  de  chaume.  C’est  pourquoi  Walter  Ber  thout 
et  les  échevins  de  Malines , usant  d’une  sage  prévoyance , défen- 
dirent, en  1286,  de  couvrir  les  maisons  autrement  que  de  tuiles 
ou  d’ardoises 1  2 * *. 

La  richesse  et  l’esprit  laborieux  de  nos  populations  urbaines, 
les  soins  que  les  magistratures  locales  apportaient  à maintenir 
dans  les  villes  une  police  à la  fois  sévère  et  équitable,  se  tradui- 
saient, à tous  les  yeux,  par  des  améliorations  matérielles.  Déjà, 
du  temps  de  Jean  Ier,  Bruxelles  était  une  des  plus  belles  villes  de 
la  Belgique,  comme  en  témoignent  les  vers  suivants  : 

En  mon  dit  vous  amentevrai 
Gant  et  Ypre  et  puis  Douay, 

Et  Maaline  et  Broiselles, 

Je  les  doy  bien  nommer  cou  celles 
Qui  plus  belles  sont  à véoir  7>. 

Et  cependant  la  plupart  des  édifices  civils  et  religieux  de  la 
capitale  actuelle  du  pays  n’existaient  pas  encore.  On  y voyait  bien 
un  beffroi  et  des  halles,  mais  point  d’hôtel  de  ville;  le  palais  des 
ducs  n’avait  pas  l’importance  qu’il  eut  depuis,  et  Sainte-Gudule, 
l’église  principale,  ne  consistait  qu’en  un  chœur,  élégant  et  impo- 
sant, il  est  vrai,  et  en  quelques  chapelles  rayonnant  autour  de  ce 
chœur.  Louvain , la  ville  la  plus  industrielle , et  Anvers , le  grand 
centre  commercial,  n’étaient  pas  plus  riches  en  monuments. 

Une  autre  particularité  dans  laquelle  se  révèlent  les  améliora- 
tions dont  les  villes  flamandes  donnaient  alors  l’exemple,  c’est  le 
système  d’assurances  ou  plutôt  d’indemnités  mutuelles  que  les 
habitants  de  Fumes  avaient  établi  parmi  eux,  en  cas  d’incendie, 
dès  4269.  Dans  un  acte  de  cette  année,  le  comte  Guy  accorde  à 
l’abbaye  de  Saint-Nicolas  de  Fûmes,  du  consentement  des  éche- 
vins de  cette  ville,  le  droit  de  participer  à la  protection  dont  les 

1 Histoire  de  Bruxelles , 1. 1,  p.  70. 

2 David,  Geschiedenis  van  Mechelen , p.  60. 

5 Les  Fabliaux  de  Barbazan,  cités  par  M.  Kervyn  de  Lettenhove,  Histoire 

de  la  Flandre  , t.  11 , p.  500. 


( 404  ) 

laïques  y étaient  l'objet,  pour  ce  qui  concernait  les  incendies  arri- 
vant à l’improviste,  à la  charge  de  payer  sa  quote-part  dans  les 
indemnités  payées  à d'autres  dans  des  cas  semblables  l. 

On  ne  connaît  pour  ainsi  dire  aucun  architecte  belge  du  trei- 
zième siècle,  si  ce  n’est  Arnoul  de  Binche,  ce  célèbre  constructeur 
de  Sainte -Walburge  d’Audenarde,  qui  mourut  vers  l’an  1248, 
tandis  que  la  France  a conservé  le  souvenir  des  artistes  qui  la 
dotèrent  de  monuments  splendides.  Chez  nous,  il  semble  que  les 
ecclésiastiques  continuèrent  longtemps  à s’occuper  d'architec- 
ture. Arnoul  de  Binche  était  chanoine  de  Cambrai  2 *;  c’est  à deux 
chanoines  de  Saint-Lambert  à Liège , Burchard  et  Guillaume,  que 
l’on  attribue  le  magnifique  portail,  en  style  primaire,  par  lequel 
on  entrait  dans  l’église  cathédrale  de  la  même  ville  5.  Pour  le  Bra- 
bant, nous  ne  pouvons  revendiquer  qu’un  seul  nom,  Thierri, 
surnommé  de  Brabant,  celui  des  abbés  des  Dunes  sous  la  direc- 
tion duquel  se  termina  l’église  de  ce  monastère,  église  dont  la  con- 
sécration eut  lieu  en  1202,  et  que  l’on  regardait  comme  la  plus 
belle  de  la  Flandre  4. 


1 Opéra  diplomalica , t.  J , p.  590. 

- Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint-Denis , à la  Bibliothèque  de  Mous,  f°  85. 

5 Schayes,  Mémoire  sur  ï architecture  ogivale,  p.  139. 

* Ibidem,  p.  47.  — Faut-il  considérer  comme  architectes  les  latomi  ou  ma- 
çons, dont  les  noms  se  rencontrent  dans  certains  actes?  Jean  1er  compta 
parmi  ses  serviteurs  un  nommé  Pierre d’Altlighem,  qui  était  maçon,  ainsique 
son  frère  Jean;  le  jour  de  sainte  Catherine,  en  1290,  il  autorisa  l'abbaye 
d’AIllighem  à leur  acheter  des  biens  jusqu’à  concurrence  de  quatre-vingts 
livres  de  Louvain  ( Cartulaire  d’Afflighem  aux  Archives  du  royaume,  l.  I, 
1°  29).  En  1289,  vivait  à Malines  un  latomus  nommé  Arnoul  Faber  ou  De 
Smet,qui  donna  à l’abbaye  de  Roosendael  une  maison  située  dans  la  Mostrate 
( Chartes  de  Roosendael).  Les  charpentiers,  dont  le  métier  a parfois  à vaincre 
d'énormes  difficultés,  méritent  aussi  de  ne  pas  être  laissés  dans  l’oubli  : un 
magister  Franco,  carpentarius  Haffligemensis , ligure  dans  un  acte  en  date 
du  mois  de  mai  1291  ( Cartulaire  d’Afflighem  cité).  — Nous  croyons  que  le 
mot  formator , qui  se  trouve  dans  plusieurs  actes  du  treizième  siècle,  signifie 
architecte.  A ce  titre  nous  citerons  le  passage  suivant  qui  se  trouve  dans  un 
acte  du  mois  de  juillet  1265  : Notum  sit  universis  quod  Thomas  dictas  Schep - 
man  contulit  in  elemosinam  Ingelberto  formatori  ad  opus  altaris  B.  Marie 

Virginis  in  ecclesia  Béate  Gudile  constituti  duos  solidos  hereditarii  cen- 


( 405  ) 

Louvain  conservait  encore,  en  l’année  1762,  un  monument  du 
plus  haut  intérêt  pour  l'histoire  nationale  et  pour  l’étude  de  l’art 
au  treizième  siècle.  Il  se  composait  d’un  tombeau,  d une  peinture 
murale  et  de  trois  verrières,  consacrés  à la  mémoire  de  Henri  III 
et  de  sa  femme.  Le  prieur  Van  de  Putte,  assisté  par  l’architecte 
Corthout,  le  sacrifia  sans  pitié,  lorsqu’ils  affublèrent  l’église  des 
Dominicains  d’une  décoration  moderne,  et  le  gouvernement,  averti 
trop  tard,  ne  put  que  blâmer  cet  acte  de  vandalisme  et  se  borner 
à faire  placer  une  décoration  commémorative  contre  la  paroi  sep- 
tentrionale du  chœur.  Il  n’est  resté  de  toute  l’œuvre  que  d’anciens 
dessins,  dont  on  doit  la  connaissance  à M.  de  Ram  V 

La  tombe,  que  l’on  peut  voir  aussi  dans  Butkens  2,  avait  dix 
pieds  de  longueur  sur  trois  de  hauteur.  Son  soubassement  offre, 
sur  les  grands  côtés,  huit  arcades  simulées  à arc  cintré  et  trilobé 
et,  reposant  sur  des  eolonnettes.  Aux  petits  côtés  régnent  quatre 
niches,  qui  abritent  autant  de  statuettes.  Ces  niches  et  ces  arcades 
sont  surmontées  d’une  double  zone,  formée  de  cercles,  dont 
chacun  inscrit  un  quatrefeuilîe,  et  de  cintres  contenant  des  fleu- 
rons à six  lobes.  Le  même  fleuron  se  retrouve  sur  le  bord  de  la 
table  qui  supporte  les  statues  de  Henri  III  et  d’Aleyde.  Le  duc  est 
revêtu  d’une  cotte  de  mailles  et  d'une  tunique;  son  front  est,  ceint 
d’un  simple  diadème;  sa  tête  repose  sur  un  coussin;  il  a les  mains 
jointes,  et  plus  bas  que  ses  mains  se  trouve  un  bouclier  armorié 
de  Brabant.  Sa  compagne  est  couchée  à ses  côtés.  Tous  deux  ont  les 
pieds  appuyés  sur  des  lions  dormants.  Derrière  leur  tête  se  dressent 
deux  niches  surmontées  d’un  dais.  Le  Christ,  les  mains  levées  au 
ciel,  et  la  Vierge  reçoivent,  de  deux  anges  : le  premier,  l’âme  du 
duc,  la  seconde,  l’âme  de  la  duchesse,  l’une  et  l’autre  symbolisée 
par  des  enfants  entièrement  nus 

sus , etc.  En  1296,  Henri  formator,  architecte,  et  non  pas  précepteur  de  Gode- 
froid  de  Brabant,  comme  on  l’a  dit  par  erreur  ( Histoire  de  Bruxelles,  1. 111 , 
p.  234,  Godefroid  ayant  alors  près  de  quarante  ans),  fonda  son  anniversaire 
dans  l’église  de  Ste-Gudule.  Engelbert  et  Henri  auraient-ils  travaillé  à cette 
magnifique  collégiale? 

1 Nouveaux  Mémoires  de  l’ Académie , t.  XIX. 

2 Trophées  de  Brabant , t.  I . 

r’  Nous  avons  emprunté  ces  détails,  ainsi  que  la  description  des  autres  par- 


( 406  ) 

Les  belles  tombes  se  multiplièrent,  mais  la  plupart  ont  disparu , 
en  même  temps  que  le  souvenir  de  ceux  qui  les  avaient  dessinées 
ou  exécutées.  Jean  l’Imagier  ( Johannes  Imaginator  ou  Imagi- 
nifex ),  qui  vécut  à Louvain  de  1250  à 1296  environ  l,  et  Henri 
V Imaginator,  cité  à Bruxelles  vers  1280  2,  sont  des  ombres  plutôt 
que  des  personnalités. 

La  peinture  existait  et  même  la  peinture  de  tableaux,  mais  cet 
art  était  surtout  employé  à compléter  et  relever  les  formes  archi- 
tectoniques 5.  Il  servait  à recouvrir  tout  l’intérieur  des  temples  et 
même  des  autres  bâtiments  conventuels.  Ainsi,  à Pare,  on  orna 
de  la  sorte  l’infirmerie.  On  connaît  le  nom  du  peintre  qui,  en 
1297,  y travailla;  il  s’appelait  Arnoul,  et  reçut,  en  cette  année, 
vingt  sous  pour  le  travail  qu’il  avait  exécuté  dans  l’église  4.  « A 
» Villers,  dit  M.  Van  den  Berglie  5,  on  trouve  de  nombreux  frag- 
» ments  de  peinture  à fresque  sur  les  différentes  parties  de 
» l’église,  depuis  les  voûtes  et  les  murailles  jusqu’à  la  moindre 
» crédence.  Les  grandes  surfaces  étaient  couvertes  d’une  teinte 
» uniforme,  jaune  ocreuse,  avec  des  dessins  de  pierre  d’appareil, 
» de  diverses  grandeurs,  rouges  ou  blancs.  Les  chapiteaux  avaient 
» leurs  palmes  coloriées  en  rouge  ou  en  vert.  Les  voussures  de  la 
» porte  du  narthex  (ou  porche)  offrent  également  des  traces  de 
« peinture:  ce  sont  des  bandes  à petites  lignes  réticulées,  cou- 
» pant  les  tores,  dans  un  sens  opposé  à celui  de  leur  projection.  » 

Parfois  les  pans  de  murailles  s’ornaient  de  grandes  figures  ou 
descènes  épisodiques.  A Villers,  on  voit,  ou  plutôt  on  voyait,  car 
les  dégradations  y marchent  vite,  on  voyait,  dis-je,  la  Vierge  por- 

ties  du  monument,  au  travail  de  M.  Van  den  Berghe  : Dissertatio  inauguralis 
de  Joanne  primo , qui  a copié  M.  de  Ram. 

1 Messager  des  sciences  historiques , année  1854,  p.  132. 

2 Cartulaire  de  Coudenberg , aux  Archives  du  royaume. 

3 A Atïlighem,  on  mentionne  le  don  d’un  tableau  ( tabula ) par  l’abbé 
Henri  II,  au  treizième  siècle.  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  1. 1,  p.  508. 

* Arnoldo  pictori  ad  ecclesiam  XX  sol.  — Pro  vermelione  ad  pingenclam 
cameram  injirmarie  XXVII  den.,  Arnoldus  pictor  solvet.  Raymaekers,  /.  c.. 
p.  32  et  53.  — A Bruxelles,  un  Jean  Sclnldere  (ou  peintre)  fonda  une  chapel- 
lenie à Sainte-Gudule,  en  l’an  1298. 

3 L.  c p.  96. 


( 407  ) 

tant  son  fils , assise  sur  un  trône  et  servie  par  deux  anges.  Sa  robe 
et  celle  de  Jésus  sont  bleu-hyacinthe;  toutes  les  tètes  sont  nim- 
bées. Cette  peinture,  qui  n’a  pas  moins  de  sept  pieds  de  haut,  a 
été  exécutée  à la  détrempe,  sur  une  légère  couche  de  mortier. 

Sur  le  mur  qui  séparait  autrefois  le  chœur  de  l’église  des  Do- 
minicains de  Louvain  de  la  chapelle  ducale,  au-dessus  du  tombeau 
du  duc  Henri  III,  on  remarquait  une  peinture  à fresque,  dont  le 
dessin  offre  les  représentations  suivantes:  Sur  un  trône  élevé, 
orné  de  pinacles  à crochets,  est  assise  Notre-Dame,  que  cou- 
ronnent deux  anges.  Elle  est  vêtue  à la  mode  du  temps,  et  tient, 
dans  le  bras  gauche,  Eenfant  Jésus,  entièrement  nu;  dans  la  main 
droite,  un  sceptre.  Plus  bas  on  voit  ces  mots  : Sancta  maria 
patrona  huj 01  ecclesie.  De  chaque  côté  du  trône,  sur  des  prie-Dieu 
recouverts  d’une  housse  semée  de  leurs  armes,  s’agenouillent  les 
deux  princes.  Ils  offrent  chacun  à la  Vierge  un  petit  modèle  de 
l’église  qu’ils  ont' élevée  en  son  honneur,  et  sont  accompagnés  : 
Henri  III,  par  saint  Dominique  et  par  un  autre  saint  de  son  ordre; 
Aleyde,  par  saint  Pierre  de  Vérone  et  par  une  sainte,  que  l’on 
suppose  être  sa  patronne,  sainte  Aleyde,  abbesse  de  Villich  près 
de  Bonn.  Deux  anges  sortant  des  coins  supérieurs  de  l’encadre- 
ment du  tableau,  embouchant  la  trompette.  Sous  la  peinture,  on 
lit  : Hic  subtus  jacet  dns  henricus  huj°>  nomis  terti0’  principis 
illustris  : | dux  lottringie  et  brabancie  sext ^ : huj 01  claustri  fun- 
dator  : | ac  totC  fundi  dator  qui  obiit  ano  : M°  CC°  LX  ultia  die 
februarii.  — Hic  jacet  dna  aleidis  de  burgundia.  ducissa  | ejus 
uxor.  istia  claustri  et  claustri  de  oudergheem  | pia  fundatrix. 
nec  non  ordinis  toti “ predicatorü  | benigna  amatrix.  que  obiit 
ano  dni  M°  CC°  LXIII XXIII  die  octo  : l. 

Les  nombreux  monuments  littéraires  qui  apparurent  alors, 
en  Belgique,  durent  procurer  un  travail  continuel  aux  miniatu- 
ristes. On  peut  admettre,  sans  en  exiger  de  preuves,  que  des 
princes  aussi  amis  des  lettres  que  Jean  Ier  et  Guy  de  Dampierre, 
aimèrent  aussi  les  beaux  livres.  Mais  on  manque  de  données  sur 
cette  partie  de  l’histoire  des  arts.  Tout  ce  que  l’on  sait,  c'est  que 


1 Van  den  Berghe,  /.  c. 


( 408  ) 

l’élcment.  fantastique  dans  le  choix  des  scènes  religieuses  et  l'élé- 
ment chevaleresque  dominent  presque  généralement.  A côté  des 
motifs  empruntés  à l’Apocalypse  et  aux  cycles  romanesques , il  s’en 
présente  un  grand  nombre  qui  portent  le  cachet  du  mysticisme 
allégorique,  dont  les  écrits  de  l’époque  sont  empreints.  Et,  à 
mesure  que  la  pensée  s’élance  davantage  dans  un  monde  imagi- 
naire, sa  représentation  matérielle  abandonne  les  formes  tradi- 
tionnelles et  se  plie  aux  costumes,  aux  usages  du  temps  A 

Les  peintures  sur  verre  commençaient  également  à décorer  nos 
temples  de  leurs  teintes  variées,  mais  il  ne  nous  en  est  resté  que 
les  dessins  représentant  trois  vitraux  de  l’église  des  Dominicains  à 
Louvain,  et  dont  voici  la  description  : La  lancette  du  milieu  repré- 
sente le  Crucifiement.  Sous  un  dais  trilobé  apparaît  le  Christ,  dont 
la  tête  est  ornée  du  nimbe  crucifère  et  de  la  couronne,  et  dont  les 
bras  sont  étendus.  Aux  pieds  de  la  croix,  se  tiennent  la  Vierge  et 
saint  Jean.  Dans  un  panneau  inférieur  est  agenouillée  Marie  de 
Brabant,  reconnaissable  h cette  inscription  : Dame  Maria  I Boyn 
de  France , et  à ses  armoiries,  qui  occupent  la  partie  inférieure 
et  constituent  la  partie  la  plus  soignée  du  vitrail.  L’encadrement 
du  vitrail  est  chargé  de  fleurs  de  lis.  La  lancette  de  droite  contient 
la  représentation  de  saint  Ai  col  as  et  sous  celle-ci  un  prince  ( li 
dux  Henris  de  Brabant ),  agenouillé  et  revêtu  d’une  longue 
tunique  et  d’un  manteau.  Le  compartiment  inférieur  est  à losanges 
chargés  d_c  fleurs  de  lis,  et  contient  l’écusson  de  Brabant,  bro- 
chant sur  le  tout;  quant  à la  bordure  de  la  verrière,  elle  em- 
prunte ses  motifs  de  décoration  aux  armes  de  l’Empire,  de  France 
et  de  Brabant.  A la  gauche,  la  lancette  représente  saint  Denis, 
debout  , portant  entre  les  mains  une  épée  et  sa  tète,  dont  le  nimbe 
est  resté  au-dessus  du  cou.  Plus  bas,  on  lit  : la  du  cesse  Al  | is  née 
Borgong , et  cette  princesse  est  figurée  à genoux.  La  partie  infé- 
rieure est  losangée,  ornée  de  châteaux  sommés  de  trois  tours,  et 
de  l’écusson  ducal  brochant  sur  le  tout.  L’ encadrement  présente 
alternativement  eet  écusson , les  tours,  des  fleurs  de  lis  et  les  armes 
de  Bourgogne-ancien. 

1 Van  Hasselt,  Mémoire  sur  Je  caractère  rte  l'école  flamande  de  peinture , 

p.  60. 


( 409  ) 

D’autres  vitraux  éclairaient  la  chapelle  ducale  et  offraient  les 
portraits  de  Henri  l’Enfant,  landgrave  de  Thuringe,  de  Henri  de 
Louvain,  sire  de  Herstal,  et  d’autres  membres  de  la  famille  de 
Louvain.  Ces  monuments,  qu'il  aurait  été  si  important  de  con- 
server, ont  disparu  lors  de  la  restauration  de  l'église  des  Domi- 
nicains, au  siècle  dernier.  La  perte  en  est  d’autant  plus  regret- 
table qu’il  ne  nous  en  reste  aucun  du  même  genre  et  de  la  même 
époque  ’.  Le  vitrail  dont  Jean  Ier  et  sa  seconde  femme  avaient  orné 
l’église  des  récollets  de  Bruxelles,  survécut  à la  dévastation,  de  ce 
temple  pendant  les  troubles  du  seizième  siècle,  mais  il  était  en 
fort  mauvais  état,  et  le  gouverneur  général  comte  Mansfeld  dut, 
Je  1er  septembre  1592,  allouer  la  somme  de  soixante  livres  d’Ar- 
tois pour  en  opérer  la  restauration 1  2. 

Il  nous  reste  à parler  de  l'art  de  l'orfèvrerie , pour  lequel  nous 
possédons  un  document  du  plus  haut  intérêt;  c'est  le  contrat  par 
lequel  les  orfèvres  Colard  de  Douai  et  Jacquemon  de  Nivelles, 
s’engagent  à exécuter  une  nouvelle  fierté  ou  châsse  pour  con- 
tenir les  reliques  de  sainte  Gertrude,  d’après  la  « pourtraturc  » 
ou  le  dessin  exécuté  par  maître  Jacques  d’Anchin  l’orfèvre,  ou 
comme  on  le  dit  plus  loin,  maître  Jacques  l’orfèvre,  moine  d’An- 
chin3. Cette  châsse,  qui  existe  encore  aujourd’hui  et  qui  a été 
récemment  restaurée,  est  entièrement  en  argent  doré,  et  simule 
la  forme  d’une  église.  De  petites  figurines  et  des  scènes  emprun- 
tées à la  légende  de  sainte  Gertrude,  y relèvent  la  beauté  de  l'ar- 
chitecture, dont  les  formes  sont  celles  du  style  ogival.  A Parc, 
l’abbé  Alard  de  Vurâ  ou  Tervueren  lit  exécuter,  en  l’année  1261, 
une  belle  châsse  ayant  la  forme  d'une  chapelle,  de  quatre  pieds 
de  longueur  et  de  hauteur;  elle  était  entièrement  dorée,  riche- 
ment sculptée  et  ornée  de  statuettes.  Elle  resta  placée  dans  la 
nef  de  l’église  jusqu’en  1657,  que  l’abbé  Macs  ôta  les  reliques  qui 

1 Van  den  Berghe,  /.  c. 

- .Comptes  des  fiefs  de  Brabant.  — line  allocation  semblable  fut  encore  ac- 
cordée l'année  suivante.  Le  vitrail  se  trouvait  à l'abside,  derrière  le  maître- 
autel. 

ô Acte  du  dimanche  avant  la  Saint-Mathieu,  en  1272.  Van  Hasselt,  Mé- 
moires de  l'Académie  d'archéologie  de  Belgique. 


\ 


( 410  } 

y étaient  enfermées  pour  les  placer  dans  de  nouveaux  reli- 
quaires. On  ne  sait  à qui  il  faut  attribuer  ce  travail;  seulement, 
on  rencontre  dans  le  Compte  de  l'abbaye , pour  1297,  le  nom  d’un 
orfèvre  appelé  Conrad. 

Les  cloches,  cet  ornement  poétique  des  temples  chrétiens, 
n’étaient  pas  négligées.  La  principale,  dans  les  églises  parois- 
siales, devait  être  fondue  et  entretenue  par  le  plus  fort  décimateur 
de  la  paroisse,  ainsi  que  cela  fut  décidé,  en  1207,  dans  un  concile 
du  doyenné  de  Hanret.  Toutefois,  la  grosse  cloche  de  l’église  de 
Rotselaer  s’étant  brisée,  le  monastère  de  Parc-les-Dames,  malgré 
les  réclamations  des  paroissiens,  se  refusa  à la  faire  réparer,  en 
se  prévalant  des  privilèges  qu’il  avait  obtenus  des  souverains  pon- 
tifes, et,  en  1294,  il  obtint  en  sa  faveur  une  déclaration  de  Gé- 
rard, seigneur  de  Rotselaer,  et  de  son  frère  Guillaume,  prévôt  de 
Saint-Denis  à Liège,  qui  avaient  consulté  à ce  sujet  des  personnes 
dignes  de  foi  et  des  juristes  ( jurisperiti ).  A Parc,  en  1290,  un  fon- 
deur nommé  Jean  coula  quatre  nouvelles  cloches,  qui  coûtèrent 
vingt-six  livres  trois  sous,  outre  le  salaire  donné  aux  ouvriers  (et 
notamment  cinquante  sous  payés  à Jean  pour  son  salaire),  huit  sous 
qu’il  reçut  pour  dépenses  faites  à Bruxelles,  quinze  sous  pour  du 
charbon  , six  sous  pour  les  forgerons  et  les  serviteurs  qui  aidèrent 
l’artiste  et  les  matériaux  provenant  des  quatre  cloches  anciennes, 
et,  l’année  suivante,  en  1297,  il  fournit  de  petites  cloches,  ce  qui 
donna  lieu  à un  autre  payement  de  douze  livres  cinq  sous,  outre 
quinze  livres  qui  furent  encore  payées  pour  les  premières  cloches. 

Les  cloches  nous  conduisent  à parler  de  la  musique,  mais,  pour 
ces  temps  reculés,  son  histoire  se  confond,  en  quelque  sorte,  avec 
celle  de  la  poésie,  car  beaucoup  de  trouvères  étaient  aussi  joueurs 
d’instruments.  Adenez,  comme  nous  Lavons  vu,  jouait  du  rebec 
ou  de  la  viole.  Aucun  nom  de  compositeur  belge  de  Fépoque  n'est 
parvenu  jusqu’à  nous,  si  ce  n’est  celui  de  Pierre,  chanoine  de 
Saint-Aubert  à Cambrai,  qui  vivait  vers  l’année  1270. 


( U 1 ) 


III. 

Nous  terminons  ici  notre  biographie  de  Jean  Ier.  On  nous  par- 
donnera si  elle  présente  des  lacunes,  si  elle  ne  dépeint  que  d’une 
manière  incomplète  la  vie  intérieure  de  notre  duché.  En  effet,  où 
aurions-nous  été  en  chercher  une  esquisse?  Van  Heelu,  le  chantre 
de  notre  héros , ne  s’occupe  que  de  la  guerre  du  Limbourg;  c’est 
à peine  s’il  parle  des  événements  antérieurs,  et  il  ne  dit  pas  un 
mot  de  ce  qui  suivit  la  bataille  de  Woeringcn.  Les  autres  écri- 
vains, brabançons  ou  étrangers,  ont  presque  tous  puisé  à cette 
source,  extrêmement  pure  d’ailleurs,  et  les  détails  qu’ils  ajoutent 
sont  de  peu  d’importance. 

Ce  siècle  a vu  paraître  deux  grands  travaux  qui  ont  éclairci 
bien  des  doutes,  rétabli  la  vérité  de  maint  détail.  Nous  voulons 
parler  de  Y Histoire  du  duché  de  Limbourg , par  le  savant  Ernst, 
et  de  l’édition  du  poëme  de  Van  Heelu,  par  le  regrettable  M.  Wil- 
lems.  Ce  poëme,  dont  il  a paru,  au  dix-septième,  deux  traductions 
abrégées , l’une  en  vers  latins  et  l’autre  en  prose  flamande  *,  fit 
longtemps  l'objet  des  études  du  philologue  Van  Wyn , dont  les 
annotations  ont  enfin  été  publiées,  il  y a une  vingtaine  d’années1 2 * *. 
Mais  déjà  la  Commission  royale  d histoire,  instituée  par  le  Gou- 
vernement belge,  en  avait  donné  au  public  le  texte,  revu,  cor- 
rigé, annoté  par  M.  Willems,  qui  raccompagna  d’une  excellente 
introduction,  d'extraits  de  chroniques  relatifs  à la  bataille  de  Woe- 
ringen  et  d’un  choix  de  diplômes  inédits  ou  peu  connus  5.  Autant 

1 La  première,  intitulée  : Praelium  Woeringianum  Joannis  I Lotharingiae 
Brabantiae  ducis  et  S.  Imp.  Marchionis,  ed.  Bruxell. , apud  Godefridum 
Schoevartium , 1641,in-f°,  est  due  à Henri-Charles  de  Dongelberghe , qui 
descendait  du  duc  par  un  (ils  naturel;  la  seconde,  Den  slryt  ende  slach  van 
Woeringen,  Brussel , b y G Schoevarts,  1646,  in-4°,  fut  publiée  par  le  libraire 
lui-même. 

2 Henri  Van  Wyn,  Letter  en  geschiedkundige  aanteekeningen  op  de  Rym- 

kronykvan  Jan  Van  Heelu.  La  Haye,  1840,  in-4°. 

5 Chronique  en  vers  de  Jean  Heelu  ou  relations  de  la  bataille  de  Woe- 

ringen , publiée  par  ,1  .-T.  Willems.  Bruxelles,  1856,in-4°. 


( «2  ) 

ce  travail  est  précieux,  comme  base  officielle,  si  je  puis  m’exprimer 
ainsi,  de  tout  récit  possible  de  la  guerre  du  Limbourg,  autant  il 
est  essentiel  de  consulter  également  l’histoire  de  31.  Ernst,  qui  a 
raconté  les  épisodes  de  cette  guerre  avec  une  patience  infati- 
gable et  en  déployant  une  sagacité  peu  commune.  Un  sentiment 
de  convenance,  que  le  lecteur  appréciera,  ne  nous  permet  pas  de 
porter  un  jugement  sur  d’autres  œuvres  historiques  dont  les  au- 
teurs sont  encore  vivants  et  dont  il  nous  serait  difficile  de  parler, 
sans  nous  exposer  à encourir  le  reproche  de  partialité  U 

C’est  dans  les  diplômes,  tant  ceux  qui  sont  épars  dans  mille  ou- 
vrages divers  que  dans  les  chartriers  ou  les  cartulaires  des 
princes,  des  abbayes,  des  villes,  que  nous  avons  trouvé  les  meil- 
leures données  sur  la  situation  du  Brabant  pendant  la  minorité  et 
le  règne  de  Jean  Ier.  3Iais  cette  source,  que  nous  n’avons  pas  épui- 
sée, laisse  encore  à désirer.  Les  diplômes  sont  excellents  pour 
attester  la  réalité  d’un  fait  ou  d’une  circonstance;  quant  aux  ex- 
pressions dont  on  s’y  sert,  elles  ne  sont  pas  toujours  delà  dernière 
exactitude;  elles  ne  constituent  parfois  que  de  simples  formules. 
Néanmoins,  on  ne  peut  jamais  recueillir  des  chartes  en  trop  grand 
nombre  et  de  leur  examen  naissent  toujours  de  vives  clartés. 

Nos  historiens  ont  exalté  Jean  I,r  « comme  un  prince  plein  de 
» sagesse  et  de  générosité,  qui,  facile  à s’enflammer,  ne  manqua 
» jamais  à sa  parole,  ni  à la  foi  jurée;  qui  plaça  toujours  la  jus- 
» tiee  au-dessus  de  toutes  choses;  qui  sut  faire  respecter  ses 
» sujets  par  l’étranger  et  rendit  son  peuple  puissant  et  libre 1  2.  » 
N’y  a-t-il  pas  quelque  exagération  dans  cet  éloge  chaleureux?  Le 
travail  qui  précède  nous  montre  la  part  qu’on  peut  en  accepter 

1 Voisin,  La  bataille  de  Woeringen , récit  historique  ( Brux.,  1836,in-8°. 
— Ibidem,  1859). — Alexandre  Henne , Jean  Ier  dit  le  Victorieux  (Brux., 
1845,  in-8°;  extrait  du  Trésor  national).  — Van  Hasselt,  Jean  Ier  (dans  les 
Belges  illustres , t.  ï,  p.  35).  — Philippe  De  Bruyne,  Histoire  du  règne  de 
Jean  1er  (Namur,  Douxfils,  1835,  in-8°.)  — Van  den  Berghe,  Dissertatio  inau- 
gural i s de  Joanne  primo  , Lot/iaringiae , Brabanliae  et  Limburgi  duce  ( Lo - 
vanii,  1837,  in-8°).  — De  Ring,  Essai  historique  sur  Jean  le  Victorieux,  duc 
de  Brabant  ( Messager  des  sciences  historiques , années  1849  et  1850). 

- Les  Brabant sche  Yeesten , cités  par  M.  Van  Hasselt,  l.  r.,p.55. 


( *13  ) 

et  ce  qu'on  en  doit  rejeter.  A l’époque  où  Jean  Van  Boendale  écri- 
vait, Je  souvenir  des  exactions  de  Jean  ICI  et  de  son  ardeur  poul- 
ies plaisirs  s’était  effacé;  on  ne  se  rappelait  que  ses  guerres  heu- 
reusement terminées  et  les  années  de  paix  intérieure  dont  le  pays 
avait  joui.  A mesure  qu’elle  s’éloignait  dans  le  passé,  la  journée 
de  Woeringen  grandissait  dans  la  mémoire  des  Brabançons. 

Qu’on  nous  pardonne  d’avoir  jeté  quelques  ombres  sur  la  mâle 
et  noble  ligure  de  Jean  Itr.  Elles  donnent  plus  de  relief  à sa  phy- 
sionomie, qui  se  détache  \ igoureusement  au  milieu  de  celles  de  ses 
contemporains.  À côté  de  Jean  1er,  le  cauteleux  Guy  de  Dampierrc 
et  l’imprévoyant  Renaud  de  Gueldre  n’inspirent  aucune  sym- 
pathie; Jean  d’Avesnes  et  Florent  de  Hollande  s’effacent,  celui-ci, 
malgré  ses  luttes  persévérantes  et  heureuses  contre  les  Frisons, 
celui-là,  en  dépit  de  l’énergie  de  ses  efforts  pour  ébranler  la  race 
des  Dampierrc;  involontairement  le  regard  se  détourne  de  ces 
prélats  toujours  en  armes,  de  ces  rois  de  France  et  d’Angleterre, 
Philippe  le  Hardi  si  faible  dans  sa  toute-puissance,  Édouard  1er  si 
cruel  et  si  rapace.  Au  milieu  de  ce  monde  féodal  qui  n’a  de  respect 
que  pour  la  force,  notre  due  seul  reste  grand.  11  rachète  ses  fautes 
et  ses  faiblesses  par  sa  vaillance  au  milieu  du  danger,  et  sa  modé- 
ration à user  de  la  victoire  rehausse  l’éclat  de  ses  triomphes. 


. 


( 


(Page  Uii.] 


[P"ge  4I«  ] 


1.- TABLEAU  GÉNÉALOGIQUE  DE  LA  MAISON  DE  BRABANT. 


GOUEFIIOIU  III  , 

•lue  de  Lotharingie  ou  de  Louvain , 
t.  Marguerite  de  Limhourg; 


2.  Imainb  de  Loo/.. 


Henri  Ier,  duc  de  Lotharingie  ou  de  Drnbant , 
de  1172  environ  à 1235, 
épouse  : l.  Mathilde  de  Boulogne  ; 

2.  Marie  de  France. 


1 1 ENn i 11,  duc,  do  1235  a 1218  , 
ép.  1.  Mark  de  Souabc; 

2.  Sophie,  héritière  tleTliu- 
ringo,  morte  en  1275. 


GoDBFnoio  de  Louvain,  seigneur  de 
Lccuw-S'-Pierrc  (ou  de  Gacsbeek), 
mort  en  1233,  épouse  Mamb  d’Au- 
donardc,  morte  après  1292. 


Albydb,  ép.  : 1 . Louis,  comte  de  Looz,  Matoildb  , morte  en  12C7,  ép.  Flo-  Élisabeth  , ép.  : l . Tuibbbi  lo  jeune , 
mort  en  1217;  rbut , comte  do  Hollande  , mort  comte  de  Clèvcs;  2.  Gitiunn  de 

2.  Guillaume,  c,e  d'Auvergne;  en  1234.  Limbourg , seigneur  de  Wasscn- 

3.  Abnoul,  sire  de  Wcsomaol.  berg.  (Voir  le  Tableau  n®  II.) 


Godefboid  , sire  de  Perwez,  mort  en 
1257,  ép.  Alicb,  héritière  de  Grim- 
herghc,  morte  en  1250. 


Il m III,  duc  Mathilde,  morte  le  I2mnrs  BiSatmx  , morte  sans  p.,  Mabie,  éj>.  Louis,  duc  Mai\oubbitb, 
do  1248  à 1201.  1289,  épouse:  i.  Bodeiit,  ép.  : 1.  Henni, landgrave  do  Bavièro,  par  qui  religieuse. 

ép.  Albydb  comte  d'Artois,  mort  de  Thuringc,  roi  dcsRo-  elle  fut  assassinée  en 

de  Bourgogno  , en  1249;  2.  Guy  de  Clin-  mains,  en  1245,  mort  en  125G,  dont  P. 

morte  en  1273.  tiilon,  comte  do  Saint-  1247;  2.  Guillaume  de 

I’ol,  mort  le  29  septem-  Dampierro,  (ils  de  Mar- 
bre 1288,  dont  postérité.  guérite,  comtesse  de 

Flandre  cl  de  Hainaut. 


Il bimi i , dit  VEnfanl,  Élisabeth,  ép.ALBBBTlo  de  Louvain, 
landgrave  do  Tliu-  Grand  , duc  de  Bruns-  sire 

‘ ‘ wick.  dcllerstal. 


de  Brunswick  ; 

2.  Maiiaut  de  Clèves; 

3.  Anne  de  Bavière  , 


ép.  Isadellb 


Élisabeth  , 
de  Brcda. 


Gr.nuui  , Jeanne, 


Ileynsberg , 
en  1300. 


Otiion  le  Boi- 
teux, comte 
de  Gucldre, 
ni.  en  1270, 
ép.  : 1.  MAn- 

r.up.niTB 

de  Clèves, 
ni.  en  1251; 
2.  Philippine 
do 

Dnmmarlin , 
comtesse 
de  Ponlhici 


Henni,  Mabgubiiit 


2. 

eveque  de  ep  , Robkbt, 

Liège,  en  1230,  comte 
1247-1274,  Guillaume,  d'Auvergne. 

mort  comte  de 

en  1284.  Juliers,  qui 

cp.  ensuite 

UlCnABBB 

de 

Limbourg  , 


2.  Guillauiib  , 

Guy,  archevêque  de  comte  de 
Vienne.  Hollande, 

Mabib,  ép.  Waltbb  . ro‘. 
B.htÛout,  sire  de 
Malines.  en 


Mahaur,  Guim.aumb  , Goniipnoio, 


vesnes , 
comte 
d'Ostrc- 


comto  île 
llcnnen- 
herg, 
dont  P. 


Henri  IV,  due 
de  1201  a 1207;  entre 
en  religion 
le  1er  octobre  1209. 


Jean  1er,  Godbfboid  de  Brabant  , 

due  do  1207  à 1294  , sire  d’Acrsehoï , 

épouse:  mort  à la  bataille 

1 . MinccEniTR  de  France,  de  Courlrai,  en  1302, 

morte  en  1273;  dont  P. 

2.  Marguerite  de  Flan- 

dre, morte  en  1285. 


Marib  de  Brabant , 
ép.  PnjLippK  111,  dit  le 
Hardi , roi  de  France, 


cp.  Giîrard,  sii 
de  Homes  , 
dont  P. 


2. 

J b a n II  , 

duc  de  Brabant  après 
son  père , 
ép.,  en  1290, 
Margderith  d'York , 
dont  P. 


niARCUBRITR,  ( 


ronde  de  Luxembourg, 

roi  des  ^Romains  et  em- 
pereur, dont  P. 


Marguerite  , 
ép.  Escuerraho  , 
sire  de  Coucy, 

en  1298. 


Rbs 


ale  de  Gucl-  Élisabeth  , Piiilippinb,  Marie. 


pelle  Guillauiib,  Robert, 

en  1278.  comle  comte  do 

Godefroid,  1 

| d'Auvergne.  Boulogne, 

Courlrai, 

dont  P. 

en  1302. 

! 

ghe,  mort  en 
1205,  ep.  : 

I . Marie  d'Au- 
denarde,  dite 
depuis  la 
damede  Péraé, 
remariée  à 
JbaniIoNsslb, 
sire  do  Fnluy; 
2.  FfuciTti 
du  Trnynol. 


chessc  de  Limbourg, 
morlocn  1282; 

2.  Marguerite  de  Flan- 
dre, veuve  d'Alexandre 
d’Ecosse,  dont  P. 


Aoolpub  , de  Suslcrcn, 
comte  ep. 

de  Berg.  Walbran  , 

seigneur  de 
Faiir 
qucmonl. 


puis 

comte  de 
Juliers , 

i 

de  Clèves , 
dont  P. 


tiib-  Flobint,  comte  Mar- 
ne, de  Hollande,  gurritb. 

rp.  ép.  Beatrix  de 

ban  Flandre,  fille 

iren-  du  comte  Guy, 

:rg.  est  tué  en  1290. 

Jean  , comte  de  Autres 
Hollande  , mort  enfants, 
en  1299  ,(  s.  p., 
épouse  Isabelle 
d’Angleterre. 


Jran  d'Avesncs,  o,c  do  Hainaut 
en  1280,  c,e  de  Hollande  en 
1299,  m.  en  1505,  ép.  Puilif- 
i'inb  de  Luxembourg,  dont  P. 
Guillauiib,  évêque  de  Cambrai  ; 
Bouchard,  évêque  de  Metz  ; 
Guy,  évêque  d'Utrccht  ; 

Albydb,  ép.  le  comte  de  SulTolk  ; 
Florent,  cp.  Isabrau  de  Ville- 


II. -TABLEAU  GÉNÉALOGIQUE  DE  LA  MAISON  DE  LIMBOURG. 


IIFiVUI  111, 

duc  de  Limbourg,  mort  en  1221,  ép.  Sophie,  fille  (?) 
de  Simon  , comte  de  Saarbruggcn. 


n-  Walbra*  III,  seigf  de  Montjoic,  puis  duc  de  Limbourg  FnünÉnic  , linul  voué  GfinAuo,  sire  de  Was-  Jurri.épGo- 
rg,  et  mnrquis  d'Arlon , mort  en  1220,  ép.  : 1.  Cunü-  do  Heslmie  par  son  senberg  , après  son  sum.sire 

gondk , lillc  de  Gosuin,  sire  do  Faiiqncmonl,  morte  mariage  avec  la  fille  frère  aine,  mort  en  de 

en  1214;  2.  Ehhesindb  de  Nnmur,  rnmtessede  Luxera-  de  Louis,  sire  de  Lum-  1224  , ep.  BiIatrix  de  Faiiqiiemonl. 

bourg  cl  de  Diirbuy,  morte  le  17  février  1240-1247,  mon.  Merlieim. 

veuve  de  Thibaud  , comle  de  Bar. 


Isalde  ou  Isa- 

cp.i?)TmÉBRi, 

Ileynsberg. 


Ils! 


i IV,  duc  de  Liin-  Wai 


e,  rl  le  25  fév. . 
1240-1247,  ép.  Ehmbn 
gardr,  fille  d'Adolphe 
comte  de  Berg,  mort  I 
12  août  1217. 


le  Jeune , sei 
Fniiqiicmonl 
Poilvachc  , 
1242  , ép. 
filleilc  Tliihn 
do  Bar. 


Long,  dit  Henri  le  Blond, 

aeur  de  Durbuy,  puis  comte  de 
et  de  Luxembourg  et  marquis 
d'Arlon  , mûri  le  24  de- 
abeau  , cembre  1281,  ép  Mar- 
, comle  guehitb  de  Bar,  damede 
Ligny,  morte  le  23  no- 
vembre 1275. 


de  GénAnn  , sire  de  E 
l vers  1296,  ( 
re  de  Clèves, 


Gêoard  II,  sire  de  \V:.' 
scnborg,morlen  125" 
èp.  I...;  2.  Elisaret 
de  Brabant. 


duc  de  Lim- 


1280^  ’ép.  : I.  Jette  de 
Clèves;  2.  En  1270,  Cuni;- 
gondr  de  Brnndcnbourg. 


Walbran  , sire  de 
Monljoie  cl  de  Fau- 
quemont,  mort  vers 


Engei.rert  , 
archevêque  de 
Cologne , 
de  1201  à 1270. 


Adolphe 


VII,  héritier 

■pii'  vend' n.i 
Brabant  Jean 


Maroueritb,  duchesse 
de  Limhourg  , morte 
en  1282,  s.  p.,  cp. 


Trier  ri  , sire  du  Fan-  Hi 
quemont , lue  n Co- 
logne, en  1208 , 
ép.  Albyde  de  Looz,  qui 


joie,  mort  en  1302,  ep 
Philippine  de  Gucldre 
sœur  du  comle  R 
n a ml , dont  P. 


de  la  Roche,  Walbran, 
nuis  comte  de  Luxem- 
bourg , tué  n VVocringcn, 

ép.  ItfiATRIV  de... 


île  Roussy, 

ring  - 

dont  P. 


e,  seconde  femme 
o'ïcFlu^ 


Élisabeth, 
ép.  Gbrlac, 


Luxembourg, 
de  Uurbuy. 


Henri  VII,  comte  de  Luxem- 
bourg, puis  roi  des  Romains 
' mpercur,  mort  le  2V  no"‘ 


1313,  cp.  Marguerite  de  Bra- 
bant , fille  de  Jean  Pr. 


ÉPHÉMÉR1DES 


DE 


LA  VIE  ET  DU  REGNE  DE  JEAN  T1,  DUC  DE  BRABANT. 


Notre  mémoire,  tel  qu’il  a été  rédigé,  soumis  à l’Académie  et 
imprimé,  ne  présente  pas  une  succession  régulière,  par  ordre 
chronologique,  des  événements  auxquels  le  duc  Jean  Ier  prit  une 
part  plus  ou  moins  active,  et  de  ceux  dont  ses  sujets  subirent 
l’influence.  Nous  nous  sommes  efforcé, au  contraire,  de  les  réunir 
en  groupes  distincts,  dont  les  intitulés  de  nos  chapitres  donnent 
une  idée  suffisante.  Mais,  afin  d’offrir  au  lecteur  les  moyens  de 
mieux  saisir,  dans  tous  ses  détails,  le  développement  successif  des 
faits,  afin  de  combiner  à la  fois  les  avantages  de  la  méthode  chro- 
nologique et  de  la  méthode  systématique,  nous  avons  ajouté  à 
notre  travail  la  liste  suivante,  où  les  incidents  de  la  vie  du  con- 
quérant du  Limbourg  sont,  autant  que  possible,  entremêlés 
aux  diplômes  du  temps,  et  classés  d’après  leur  date.  Cette  liste , 
croyons-nous,  ne  sera  pas  consultée  sans  fruit,  et  peut-être  elle 
fournira  matière  à plus  d’un  rapprochement  fécond.  Les  diverses 


( 418  ) 

manières  de  dater  dont  on  se  servait  alors  dans  notre  pays  ont  etc 
mises  en  rapport  avec  le  style  ordinaire,  qui  commence  l’année 
au  Ier  janvier,  et  non  à Pâques,  comme  ce  fut  1 usage  en  Brabant 
jusqu’à  la  fin  du  seizième  siècle. 


1252?  Mariage  du  duc  Henri  III  et  d’Aleydc  de  Bourgogne. 

1:253?  Naissance  de  leur  fils  Henri. 

1254?  Naissance  de  leur  deuxième  fils,  Jean. 

1:257.  Accord  pour  le  mariage  du  jeune  Henri  de  Brabant  et  de  Mar- 
guerite de  France. 

1201. 

28  février.  Mort  du  duc  Henri  111. 

2 et  5 juillet.  Confirmation,  par  le  pape  Alexandre  IV,  des  privilèges 
des  Louvanistes. 

24  juillet.  Traité  d’alliance  conclu  entre  Bruxelles  et  les  autres  villes 
du  Brabant. 

11  octobre  (jeudi  après  la  Saint-Denis  ).  Arnoul,  sire  de  Rotselaer, 
cède  à l’abbaye  de  Parc-les-Dames  les  dimes  de  Rotselaer. 

18  octobre.  L’évêque  de  Cambrai  ordonne  à quelques  ecclésiastiques 
de  sommer  la  duchesse  de  retirer  les  gardes  placés  par  ses  ordres  dans 
les  biens  du  monastère  de  Forêt. 

25  octobre  ( mardi  avant  les  saints  Simon  et  J.ude).  Henri  de  Gueldre, 
évêque  de  Liège,  approuve  la  donation  des  dîmes  de  Rotselaer,  à Parc- 
les-Dames. 

1262. 

29  janvier  et  2 février  (1201  ).  Confédérations  entre  différentes  villes 
de  Brabant. 

18  avril  (mardi  après  Quasimodo).  Traité  d’extradition  conclu  entre 
la  duchesse  Aleyde  et  la  comtesse  de  Flandre  et  de  Rainant. 

. . . Émeute  à Nivelles,  dirigée  contre  l’abbesse. 


( il  y ) 

5 juin  ( jour  de  la  Trinité).  Alliance  des  villes  de  Bruxelles  et  de 
Nivelles. 

5 juin.  Le  pape  Urbain  IV  prend  sous  sa  protection  les  béguines  et 
les  recluses  du  diocèse  de  Liège. 

24  juin.  Le  roi  des  Romains,  Richard  de  Cornouailles,  quitte  l’Angle- 
terre pour  se  rendre  en  Allemagne. 

b juillet.  Le  roi  Richard  confie  à l’évêque  de  Liège  le  soin  de  récon- 
cilier l’abbesse  et  la  commune  de  Nivelles. 

9  juillet  (demarkes  après  le  jour  de  Saint-Martin  le  Bouillant).  Henri, 
sire  de  Herstal,  approuve  la  trêve  conclue  par  les  soins  du  roi,  entre  lui 
et  la  duchesse. 

10  juillet  (lundi  après  les  octaves  des  saints  Pierre  et  Paul).  Aleyde 
et  son  fils  Henri  donnent  un  fief  à Philippe  de  Ilovelts. 

i l juillet.  Nouvelle  bulle  du  pape  Urbain  IV  en  faveur  de  l’institut  des 
béguines. 

11  septembre.  Lettres  de  garantie  données  par  le  comte  de  Gucldre  , 
au  nom  de  la  duchesse , à Sophie  de  Brabant , landgravinne  de  Thuringe. 

. . . Émeute  à Tervucren;  les  habitants  de  ce  bourg  comblent  un  fossé 
dans  le  bois  de  l’abbaye  de  Parc,  à Vossem. 

1205. 

2 avril  (lendemain  de  Pâques).  Aleyde  donne  une  maison  au  couvent 
des  dominicains  de  Louvain. 

27  juin  (jeudi  après  la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste).  Sentence  arbi- 
trale rendue  au  sujet  de  l’entretien  des  enfants  abandonnés. 

Juillet.  Déclaration  des  échevins  et  jurés  de  Bruxelles,  relative  à 
l’entretien  d’une  chaussée,  à Forêt. 

5 septembre  ( jeudi  avant  la  Nativité  de  la  Vierge).  Menaces  d’excom- 
munication adressées  aux  habitants  de  Nivelles  par  l’olficial  de  Liège. 

27  septembre.  Accord  pour  l’admission  des  augustins  à Malines. 

26  octobre.  Bataille  de  Wettin,  où  Albert  de  Brunswick  est  vaincu  et 
pris  par  le  marquis  de  Misnie,  à qui  Sophie  de  Brabant  et  Henri,  son 
fils,  sont  forcés  de  céder  la  Thuringe. 

Octobre.  Déclaration  des  bourgeois  de  Léau  contre  ceux  qui  outrage- 
raient un  des  leurs. 

17  novembre.  Convention  entre  le  chapitre  et  les  bourgeois  d’Anvers, 
pour  le  payement  des  assises. 

Tome  XI  IL 


27 


( 420  ) 


1264. 

Mars  (1265).  Règlement  donné  par  les  échevins  et  les  jures  de 
Bruxelles  à l’hôpital  Saint-Nicolas  de  cette  ville. 

28  mars  (vendredi  avant  Lœtare).  Convention  entre  la  famille  Ber- 
thout  et  Nicolas,  évêque  de  Cambrai,  pour  le  partage  de  la  forêt  dite  le 
Waverwald. 

29  mai  (jour  de  l’Ascension).  Paix  ayant  pour  but  de  terminer  les 
querelles  nées  de  l’assassinat  des  chevaliers  de  Velp. 

Mai.  Gérard,  sire  de  Coeckelberghe,  relève  sa  seigneurie  de  l’abbaye 
de  Dilighem. 

25  juillet  (jour  des  saints  Jacques  et  Christophe).  Testament  du  sire 
de  Perwez. 

1265. 

14  janvier  (1264).  Nomination  de  deux  chevaliers  chargés  d’assigner 
un  douaire  à la  duchesse  Aleyde. 

7 avril  (mardi  de  Pâques).  L’évêque  de  Cambrai  dispose  de  ses  biens 
et  revenus  dans  le  Waverwald. 

19  avril.  Le  sire  de  Rotselaer  autorise  Parc-Ies-Dames  à construire 
deux  moulins  au  lieu  dit  Dine. 

50  mai  (octaves  de  la  Pentecôte).  Ordonnance  rendue  à Malines  pour 
régler  la  direction  des  travaux  de  l’église  de  Saint-Rombaud. 

Mai.  Godefroid  de  Wesemale,  sire  de  Perck,  confirme  à l’abbaye  de 
Saint-Michel  la  possession  d’une  dîme  à Perck. 

1 5 juillet  (Division  des  apôtres).  Les  Nivellois  acceptent  la  sentence 
rendue  contre  eux  par  l’évêque  de  Liège  et  renoncent  à leur  commune. 

7 août.  Convention  pour  l’admission  des  augustins  à Louvain. 

6 7iovembrc  (jour  de  saint  Léonard).  Henri,  sire  d’Archennes,  donne 
un  de  ses  serfs  à l’église  d’Archennes. 

6 décembre.  L’évêque  de  Liège,  se  trouvant  à Yilvorde,  accorde  des 
indulgences  à ceux  qui  contribueraient  à l’achèvement  de  la  chapelle  du 
béguinage  de  cette  ville. 

Décembre.  Statut  des  échevins  et  des  jurés  de  Bruxelles  pour  la  lépro- 
serie de  Saint-Pierre. 

. . . Mort  du  sire  de  Perwez.  Sa  sœur  Marie,  femme  de  Godefroid, 
comte  de  Vianden,  hérite  de  ses  domaines. 


( 421  ) 


1260. 


Mai.  La  duchesse  Aleyde  confirme  a l’abbaye  de  Saint-Michel  les 
pêcheries  de  Berendrecht. 

Juin.  Godefroid  de  Vianden  et  Marie  de  Pervvez  inféodent  le  village 
de  Buggenhout  à Henri  de  Grimberghe  d’Assche. 

17  septembre.  Bataille  de  Pigny,  gagnée  par  le  comte  de  Bar,  et  où 
les  comtes  de  Luxembourg  et  de  Vianden  sont  faits  prisonniers. 

6 octobre  (mercredi  après  la  Saint-Remy).  Des  seigneurs  brabançons 
sont  chargés  d’assigner  au  sire  de  Heynsberg  des  revenus  qu’il  tiendra  en 
fief  du  Brabant. 

Octobre.  Les  habitants  de  Neerlinter  se  rachètent  des  oboles  banales 
qu’ils  devaient  à l’abbaye  de  Saint-Trond. 

Avril-novembre  ? Les  Wesemael  tout-puissants  à Louvain;  ils  attaquent 
les  domaines  des  Berthout,  sont  vaincus  sur  les  rives  de  la  Leeps  et  se 
réconcilient  avec  la  duchesse. 

18  novembre . Traités  d’alliance  conclus  entre  la  duchesse,  d’une  part, 
l’archevêque  de  Cologne  et  le  comte  de  Clèves,  d’autre  part. 

1267. 

2 janvier  (1266).  Entrevue  ménagée  à Binche,  sans  succès,  entre 
l’évêque  de  Liège  et  Walter  Berthout.  — L’évêque  assiège  Falais , envahit 
le  Brabant,  attaque  Malines,  puis  s’empare  de  Maestricht  et  du  château 
de  Ilierges. 

Janvier.  Sentence  arbitrale,  qui  condamne  les  prétentions  des  Wese- 
mael sur  le  village  de  Lincent. 

15  février  (dimanche  après  les  octaves  de  la  Purification,  en  1266). 
La  duchesse  ratifie  les  privilèges  dont  jouissaient,  en  Brabant,  les  habi- 
tants de  Hambourg. 

5 mai.  Achèvement  de  la  façade  de  l’église  de  l’abbaye  de  Villers. 

14  mai.  La  ville  de  Louvain  se  réconcilie  avec  la  duchesse. 

25  mai.  Une  députation  des  états  de  Brabant  expose  les  circonstances 
qui  ont  déterminé  le  jeune  duc  Henri  à renoncer  au  duché  en  faveur  de 
Jean,  son  frère. 

5 juin.  Le  roi  Richard  approuve,  sous  certaines  réserves,  la  cession 
du  duché  au  prince  Jean. 


( 422  ) 

12  juin.  Alliance  conclue  entre  la  duchesse  et  Thierri,  sire  de  Fau- 
quemont. 

21  juin.  La  duchesse  inféode  différents  revenus  au  sire  de  Heyns- 
berg. 

29  juin.  Le  duc  Jean  accorde  de  nouveaux  privilèges  à la  ville  de 
Louvain. 

8 septembre.  Le  sire  de  Fauquemont  promet  de  soutenir  la  duchesse 
Aleyde  et  Jean,  son  fils,  contre  Févêque  de  Liège  et  le  comte  deGueldre. 

18  octobre.  L'archevêque  de  Cologne,  allié  du  Brabant,  est  vaincu  à 
Marienholtz  par  les  bourgeois  de  Cologne  et  les  princes  confédérés  avec 
eux,  notamment  Févêque  de  Liège. 

21  octobre  (jour  de  la  Saint-Denis).  Le  concile  de  Hanret  détermine 
la  nature  et  l’étendue  des  obligations  des  décimatcurs. 

Testament  de  René,  écolâtre  de  Tongres,  en  faveur  d’un  grand  nom- 
bre de  béguinages. 

12(58. 

51  janvier.  Bref  du  pape  adressé  à trois  dignitaires  ecclésiastiques,  et 
leur  ordonnant  de  juger  le  débat  qui  s’est  élevé  entre  la  duchesse  Aleyde 
et  Févêque  de  Liège. 

Janvier.  Le  sire  de  Bréda  accorde  des  privilèges  à ses  sujets  d’Etten. 

12  mars  (lendemain  de  la  mi-carcme).  Le  sire  de  Jauche  renonce  à 
l’hommage  qu’il  devait  au  duc  de  Brabant. 

4 août.  Le  roi  Richard  quitte  de  nouveau  l’Angleterre  pour  retourner 
en  Allemagne, 

16  août.  A Cambrai,  Jean  Ier  fait  hommage  au  roi  Richard,  pour  les 
fiefs  que  les  ducs  de  Brabant  tenaient  de  l’Empire. 

20  septembre.  Richard  approuve  la  convention  réglant  le  douaire  de 
la  duchesse  Aleyde. 

15  octobre.  Le  duc  de  Limbourg,  en  essayant  de  surprendre  Cologne, 
est  pris  par  les  habitants  de  cette  ville. 

Octobre.  Accord  entre  le  duc,  l’abbesse  de  Nivelles  et  le  seigneur  de 
Wcsemael,  au  sujet  des  wastines  ou  bruyères  de  Wambeek. 

19  novembre  (lundi  après  les  octaves  de  la  Saint-Martin).  Jean  Ier  se 
déclare  débiteur  d’une  partie  du  douaire  jadis  assigné  à Béatrix  de 
Brabant  dite  de  Courtrai. 

4 décembre.  Walter  Berthout  et  Févêque  de  Liège  acceptent  des  ar- 
bitres. 


( mn  ) • 

4 o décembre  (samedi  avant  la  Saint-Thomas).  Berthout  cède  les  fossés 
de  Malines  à la  gildc  de  cette  ville. 

29  décembre.  Traité  d’amitié  conclu  entre  la  ville  de  Cologne  et  le 
comte  de  Clèves. 

.. . Sentence  arbitrale  du  roi  de  France  Louis  ÏX,  entre  les  comtes  de 
Luxembourg  et  de  Bar. 

Soulèvement  des  Kennemers  en  Hollande.  Les  corps  de  métier 

s’emparent  de  l’autorité  à UtrechL 

? Accord  entre  l’évêque  de  Liège  et  Walter  Berthout,  pour  le  partage 
de  l’autorité  dans  Malines. 

1269. 

22  avril  (lundi  avant  la  Saint-Marc).  Accord  conclu  entre  l’évêque  de 
Liège,  d’une  part,  et  la  duchesse  et  ses  enfants,  d’autre  part. 

19  mai  (samedi  après  l’Ascension).  Jean  Ier  inféode  Vcnloen  au  sire 
de  Homes. 

16  juin.  Le  roi  Richard  épouse  la  demoiselle  de  Fauquemont,  et,  peu 
de  temps  après,  part  avec  elle  pour  l’Angleterre. 

1er  août  (jour  de  saint  Pierre  ès  liens).  Godefroid,  sire  de  Wesemacl , 
dont  le  frère  aîné,  Arnoul,  était  devenu  templier,  acense  à l’abbaye  de 
Parc-les-Dames  le  moulin  de  Beversluys. 

1er  octobre.  Henri  de  Brabant,  frère  aîné  de  Jean  Ier,  fait  profession  à 
l’abbaye  de  Saint-Bénigne  de  Dijon. 

25  octobre.  Les  Liégeois  se  soulèvent  contre  Henri  de  Gueklre  et 
s’emparent  de  la  citadelle  de  Sainte-Walburge. 

28  novembre  ( jeudi  après  la  Sainte-Catherine).  Les  Liégeois  déclarent 
reconnaître  le  duc  de  Brabant  pour  avoué. 

6 décembre  (jour  de  saint  Nicolas).  Godefroid,  sire  de  Wesemacl, 
confirme  à l’abbaye  de  Saint-Michel  la  donation  d’une  dîme,  à Perck. 


! 270. 

20  janvier  (jour  des  saints  Fabien  et  Sébastien  ).  Jean  Ier  promet  aux 
bourgeois  de  Liège  de  les  protéger  et  de  les  défendre. 

5 mars  (1269,  jour  de  l’Annonciation,  à Val-Duchesse).  Il  se  déclare 
l’avoué  et  le  protecteur  des  lépreux  de  Bruxelles. 

Avril.  Renouvellement  des  alliances  entre  les  villes  de  Cologne  et  de 
Bruxelles. 


( 424  ) 

5 mai.  Le  duc  se  trouve  à Saint-Trond,  dans  le  pays  de  Liège. 

19  mai.  Chartes  de  confirmation  de  privilèges,  au  nombre  de  trois, 
accordées  par  Jean  Ier  aux  Louvanistes. 

14  juillet  (lundi  avant  la  Sainte-Marguerite).  Gérard  de  Wesemael, 
sire  de  Quabeek,  reconnaît  devoir  au  chapitre  d’Utrecht  un  cens  annuel, 
pour  ses  biens  de  Quabeek. 

29  août  (jour  de  la  décollation  de  saint  Jean-Baptiste).  Le  duc  de 
Limbourg  et  d’autres  seigneurs  réconcilient  le  sire  de  Reifferscheydt  avec 
Jean  Ier. 

4 décembre.  Jean  Ier  ordonne  à ses  officiers  de  protéger  les  lépreux  de 
Bruxelles. 

...  Le  seigneur  et  la  dame  de  Grimberghe  vendent  les  wastines  de 
Puers  et  de  Willebroeck. 

. . . Établissement  des  Guillemins  à Nivelles. 

1271. 

Février  (1270).  Mariage  de  Jean  Ier  et  de  Marguerite  de  France. 

25  mars  (1270).  Le  duc  donne  à la  commanderie  de  Gemert  tous  les 
droits  qu’il  possédait  dans  le  village  de  ce  nom. 

17  mai.  Jean  Ier  approuve  les  statuts  du  béguinage  de  Bruxelles. 

1er  juin.  Le  comte  Florent  de  Hollande  approuve  les  statuts  de  la  con- 
frérie des  marchands  de  Middelbourg. 

8 juin.  Confirmation  des  droits  de  l’abbaye  de  Villers  sur  les  biens  de 
Ramillies. 

10  septembre  (jeudi  après  la  Nativité  de  Notre-Dame).  Guillaume,  sire 
de  Hornes,  promet  de  garantir  le  duc  des  conséquences  résultant  de  la 
caution  qu’il  a offerte  pour  lui. 

Décembre.  Walter  d’Arras,  physicien,  donne  de  l’argent  à l’abbaye 
d’Afflighem. 

1272. 

Janvier  ( 1271).  L'abbé  de  Villers  donne  des  statuts  aux  béguines  de 
Louvain. 

2 février  (jour  de  la  Purification  , 1271  ).  Le  duc  augmente  le  fief  que 
le  sire  de  Hornes  tenait  de  lui. 

12  mars  (mardi  avant  les  Rameaux).  Il  confirme  à l'abbaye  de  Saint- 
Bernard  ses  biens  et  ses  privilèges. 


( 423  ) 

29  juin.  Déclaration  du  sire  de  Bréda  en  faveur  des  habitants  d’Ooster- 
hout. 

17  septembre  (dimanche  avant  la  Saint-Mathieu ).  Convention  conclue 
entre  le  chapitre  de  Nivelles  et  des  orfèvres,  pour  la  confection  d’une 
châsse  destinée  à contenir  le  cercueil  de  sainte  Gertrude. 

Septembre.  La  duchesse  Marguerite  de  France  meurt  à Paris. 

24  novembre.  Le  comte  de  Looz  termine  un  différend  qui  s’était  élevé 
entre  le  chapitre  de  Saint -Servais  et  les  échevins  brabançons,  à Maes- 
tricht. 

. . . Keure  donnée  par  le  sire  de  Bréda  aux  habitants  de  Steenbergen. 

1275. 

13  avril  (jeudi  après  Pâques).  L’abbé  d’AITlighem  supprime  la  dîme 
du  vermillon  qui  se  levait  à Wavre. 

50  août.  Le  sire  de  Beaufort,  Henri , relève  du  comte  de  Namur  (Guy 
de  Dampierre)  ses  alleux  de  Beaufort. 

Août.  Jean  Ier  épouse  en  secondes  noces  Marguerite  de  Flandre,  fille 
de  Guy  de  Dampierre. 

Août.  Jacques,  sire  de  Chaumont  , affranchit  ses  serfs  de  Chaumont. 

Août.  Traité  d’amitié  conclu  entre  les  villes  de  Liège  et  d’Aix. 

29  septembre.  Élection  de  Rodolphe  de  Habsbourg,  en  qualité  de  roi 
des  Romains. 

Septembre.  Jean  Ier  ordonne  d’employer,  pendant  deux  années,  le 
revenu  des  prébendes  vacantes  du  chapitre  de  Sainte-Gudule,  à la  con- 
tinuation des  travaux  de  construction  de  cette  église. 

Octobre . Le  duc  envahit  l’évêché  de  Liège. 

25  octobre.  Mort  de  la  duchesse  Aleyde,  mère  du  duc.  Celui-ci  inter- 
rompt sa  guerre  contre  Henri  de  Gueldre. 

24  octobre.  Couronnement  du  roi  Rodolphe  h Aix-la-Chapelle. 

27  octobre.  Le  duc  fait,  à Aix-la-Chapelle,  hommage  au  roi  Rodolphe, 
qui  lui  confirme  ses  droits  et  ses  prérogatives. 

28  octobre.  Le  sire  de  Limpborg  prend  une  partie  de  ses  alleux  en  fief 
du  duc. 

. . . Réconciliation  de  la  ville  de  Gand  et  des  villes  saxonnes. 


( m>  ) 


1274. 

I février  (lundi  avant  le  dimanche  Invocavit } en  1275).  Jean  Ier  au- 
torise l’abbaye  de  Parc-les-Dames  à établir  des  tenanciers  jurés  dans  ses 
biens  de  Cumplich. 

20  février  (1275).  Le  roi  Rodolphe  prend  les  Aixois  sous  sa  protection. 

15  avril.  Les  différends  qui  s’étaient  élevés  entre  le  duc  de  Brabant 

et  le  comte  de  Gueldre  sont  remis  cà  la  décision  d’arbitres. 

17  avril.  Le  duc  de  Brabant  reconnaît  devoir  1500  livres  ail  comte 
de  Gueldre. 

17  et  21  avril  (lundi  et  vendredi  après  les  octaves  de  Pâques).  Diffé- 
rents particuliers  abandonnent  à l’abbaye  de  Villers  leurs  droits  sur  les 
biens  de  Ramillies. 

Avril.  Les  habitants  de  Léau  se  rachètent  des  oboles  banales  qu’ils 
devaient  à l’abbaye  de  Saint-Trond. 

Mai.  Concile  de  Lyon,  où  Henri  de  Gueldre  est  déposé  par  le  pape 
Grégoire  X. 

24  mai  et  20  juin.  Echange  entre  Garni,  d’une  part,  et  plusieurs 
villes  brabançonnes,  d’autre  part,  de  promesses  de  défense  contre  les 
gens  de  métiers. 

2 juillet.  Jean  Ier  détermine  le  montant  du  péage  que  les  habitants 
de  Dordrecht  doivent  payer  à Littoy. 

25  juillet.  Alliance  conclue  entre  le  comte  de  Hollande,  d’une  part, 
la  commune  d’Utrecht  et  ses  alliés,  d’autre  part. 

21  août.  Contrat  de  mariage  de  Philippe  III  dit  le  Hardi,  roi  de 
France,  et  de  Marie  de  Brabant,  sœur  de  Jean  1er. 

14  septembre . Le  duc  donne  quittance  à Marguerite,  comtesse  de 
Flandre  et  de  Ilainaut,  de  2,000  livres  qu’elle  lui  devait. 

19  septembre.  Le  comte  de  Hollande  est  accepté  pour  arbitre  par 
l’évêque  et  la  commune  d’Utrecht. 

21  octobre.  Le  duc  fortifie  la  ville  de  Thiel. 

15  novembre.  Le  seigneur  de  Fauquemont  relève  du  duc  le  village  de 
Houthem,  près  de  Maestricht. 

. . . Rupture  des  relations  commerciales  entre  l’Angleterre,  d’un  côté, 
la  Zélande  et  la  Flandre  d’un  autre  côté. 


( «7  ) 


1275. 

. . . Guerre  de  la  Vache,  entre  les  Liégeois,  d’une  part,  le  duc  de 
Brabant,  Guy  de  Dampierre  et  le  comte  de  Luxembourg,  d’autre  part. 

"20  mai.  Le  roi  Rodolphe  défend  à ses  vassaux  de  donner  aide  et 
appui  au  comte  Guy. 

2 et  5 juin.  L’archevêque  Sifroi  pardonne  aux  habitants  de  Cologne 
leurs  méfaits  contre  ses  prédécesseurs. 

6 juin  (jeudi  avant  la  Trinité).  Arnoul  de  Louvain,  seigneur  de 
Bruhames,  promet  au  duc  de  remplir  certaines  obligations  qu’il  avait 
contractées. 

11  juin.  L’archevcque  Sifroi  s’allie  aux  Aixois. 

24  juin.  Couronnement  de  Marie  de  Brabant  comme  reine  de  France. 

25  juillet.  Un  plaid  est  tenu  à Nederockerzcel,  par  ordre  du  duc,  sous 
la  présidence  de  l’amman  de  Bruxelles. 

21  août.  Alliance  entre  le  duc  de  Limbourg  et  les  Aixois. 

24  août.  Alliance  entre  l’archevêque  Sifroi  et  le  duc  de  Limbourg. 

8 septembre  ( jour  de  la  Nativité  de  Notre-Dame).  Wcrner  et  Philippe 
de  Bolland  relèvent  quelques  biens  du  duc  Jean. 

Mi-septembre.  Commencement  des  hostilités  entre  les  sires  de  Beau- 
fort  et  les  Liégeois. 

29  septembre  (dimanche  après  les  octaves  de  la  Saint-Mathieu).  Le  sire 
de  Fauquemont  accorde  aux  Aixois  de  nouveaux  privilèges  dans  ses 
domaines. 

7 octobre.  Burchard  de  Hainaut  est  créé  mambour  de  l’évêché  de 
Liège.  — Les  Liégeois  assiègent  Falais,  les  Huitois  Beaufort. 

12  novembre  (lendemain  de  la  Saint- Martin  ).  Le  duc  approuve  la 
cession  faite,  par  le  chapitre  de  Sainte  - Gudulc  à l’abbaye  de  Sainl  - 
Bernard,  de  son  droit  de  patronat  sur  le  béguinage  de  Bruxelles. 

5 décembre.  Le  bailli  de  la  Zuyd-Holland  termine  un  débat  qui  s’était 
élevé  entre  les  habitants  de  ce  pays  et  les  Brabançons. 

. . . Les  seigneurs  de  Grimberghe  accordent  une  heure  à leurs  sujets. 

...  Le  duc  de  Brabant  réclame  au  comte  de  Boulogne  quarante  mille 
livres,  pour  ses  droits  sur  ce  pays.  Il  accepte  ensuite  des  arbitres,  et 
donne  pour  cautions  le  connétable  de  France  et  Guillaume  de  Dontrail 
(Olim , t.  Il,  p.  69). 


( 428  ) 


1276. 

17  mars.  L’archevêque  Sifroi  s’allie  avec  le  comte  de  Juliers. 

11  avril.  Il  contracte  également  alliance  avec  le  comte  de  Hollande. 

17  avril.  Le  duc  de  Brabant  pille  Meffe,  dans  le  pays  de  Liège,  et  le 
comte  de  Flandre  s’avance  jusqu’à  Warnant. 

18  avril.  Le  comte  de  Luxembourg  pille  et  brûle  Giney. 

H mai.  Le  sire  de  Modave  et  les  Liégeois  saccagent  la  Rendarche 
(dans  le  Namurois). 

11  ou  26  mai.  Les  Dinantois  font  éprouver  aux  Namurois  un  échec 
très-grave. 

11  mai  (mardi  avant  la  Saint-Servais  ) . Le  sire  de  Bréda  et  sa  femme 
vendent  des  bruyères  à l’abbaye  de  Saint-Bernard. 

. . . Conclusion  d’une  trêve  entre  les  parties  belligérantes. 

4 août.  La  trêve  est  prolongée  pour  deux  mois  et  demi. 

28  août.  Walter  Berthout  confirme  à la  gilde  de  Malines  ses  droits. 

...  Le  duc  de  Brabant  prend  part  à l’expédition  des  Français  en  Cas- 
tille. Au  retour,  lui  et  son  frère  Godefroid  sont  créés  chevaliers,  à Paris. 

. . . Mort  du  prince  Louis  de  France.  Sa  belle-mère,  Marie  de  Brabant, 
est  soupçonnée  de  l’avoir  empoisonné. 

...  La  dame  de  Hoboken,  veuve  du  sire  de  Perwez  (ou  Peroé),  achète 
le  village  de  Puers  à l’abbaye  d’Inde  ou  Sint-Cornelismunster. 

. . . Rupture  entre  l’archevêque  de  Cologne  et  le  comte  de  Juliers. 

1277. 

25  janvier.  Négociations  pour  le  mariage  de  Jean,  second  fils  du  duc, 
et  de  Marguerite  d’York,  fille  du  roi  d’Angleterre,  Edouard  Ier. 

Janvier.  Le  duc  donne  l’accolade  de  la  chevalerie  au  comte  de  Hollande. 

17  février.  Le  duc  essaye  de  moyenner  une  trêve  entre  l’archevêque 
Sifroi  et  le  comte  de  Juliers. 

25  février.  L’archevêque  Sifroi  se  plaint  du  comte  de  Juliers  aux  villes 
brabançonnes. 

51  mars.  Le  duc  renouvelle  ses  alliances  avec  l’Eglise  de  Cologne. 

7 avril.  Guillaume  de  Juliers  se  coalise  avec  trente-cinq  autres  comtes 
et  seigneurs. 

25  avril.  Jean  Ier  approuve  l’établissement  de  la  communauté  des 
bogards,  de  Bruxelles. 


( 429  ) 

30  avril.  Traité  d’alliance  entre  Cologne,  d’une  part,  les  villes  de 
Liège,  Huy,  Saint-Trond,  d’autre  part. 

30  mai.  La  ville  d’Aix-la-Chapelle  proclame  le  duc  de  Brabant  son 
avoué  supérieur. 

Juin.  Le  sire  de  Bréda  et  sa  femme  vendent  à l’abbaye  de  Cortenberg 
cent  cinquante-trois  bonniers  de  bruyères. 

42  juillet  (lundi  avant  la  Division  des  apôtres).  Le  chevalier  Léon  de 
Beersel  cède  à l’abbaye  de  Forêt  la  dîme  de  Beersel,  avec  le  consente- 
ment du  duc. 

Juillet.  L’évêque  de  Liège  donne  des  statuts  à l’hôpital  de  Bois-le-Duc. 

14  décembre  (lendemain  de  la  Sainte-Lucie).  Le  duc  approuve  la  sen- 
tence que  le  maire  de  Tirlemont  avait  rendue,  le  23  juillet  de  la  même 
année,  à propos  d’un  différend  survenu  entre  l’abbé  et  les  habitants 
d’Heylissem. 

. . . Etablissement  d’un  couvent  de  guillemins  à Huyberghen. 

. . . Henri  de  Louvain,  sire  de  Herstal,  et  sa  mère,  la  dame  de  Gaes- 
beek,  fondent  des  chapellenies  à Gaesbeek. 

? Les  Louvanistes  pillent  l’abbaye  de  Vlierbeekj  le  pape  jette  l’in- 
terdit sur  le  Brabant. 

1278. 

6 janvier  (jour  de  l’Épiphanie).  Le  duc  envoie  en  Angleterre  des  am- 
bassadeurs pour  le  mariage  de  son  fds. 

24  janvier  (lundi  avant  la  Conversion  de  saint  Paul),  à Londres.  Il 
approuve  les  conditions  du  mariage. 

1er  février , à Compiègne  (mardi  avant  la  Purification).  Le  duc  sanc- 
tionne ces  conditions. 

8 février  (dimanche  après  la  Purification).  Il  les  ratifie  de  nouveau. 

Mars.  La  duchesse  et  les  villes  de  Brabant  les  approuvent  à leur  tour. 

16-17  mars.  Le  comte  de  Juliers,  en  voulant  surprendre  Aix-la-Cha- 
pelle, est  massacré  dans  cette  ville , avec  la  fleur  de  sa  noblesse. 

21  mars.  L’archevêque  Sifroi  met  en  déroute  les  troupes  de  Juliers. 

4 avril.  Les  habitants  de  Duren  se  soumettent  à lui.  Grande  guerre 
entre  les  alliés  de  la  famille  de  Juliers  et  ceux  de  l’archevêque. 

5 avril  ( 1277).  Les  comtes  de  Flandre  et  de  Luxembourg  et  l’évêque 
de  Liège  acceptent  des  arbitres. 

23  mai.  Alliance  entre  les  comtes  de  Flandre  et  de  Hollande,  dans 
laquelle  le  duc  de  Brabant  est  mentionné  comme  ami  des  deux  parties. 


( 450  ) 

50  juin.  Le  chambellan  La  Brosse,  qui  avait  essayé  de  brouiller  le  roi 
de  France  et  sa  femme,  la  reine  Marie,  est  pendu  à Monlfaucon  par 
ordre  des  ducs  de  Brabant  et  de  Bourgogne  et  du  comte  de  Flandre. 

7 septembre  (veille  de  la  Nativité  de  la  Vierge).  Le  chapitre  de  Ni- 
velles excommunie  son  abbesse,  Elisabeth  de  Bicrbais. 

1 9 septembre.  Le  comte  de  Hollande  s’allie  avec  les  patriciens  d’Utrecht, 
qui  avaient  reconquis  l’autorité  dans  cette  ville. 

Octobre.  Déclaration  du  chapitre  de  Louvain,  relative  à des  hommes 
de  Saint-Pierre. 

? (le  lendemain  de  la  Saint-Jean  et  Paul).  La  dame  d’Jïobokcn  vend 
le  village  de  P uers  à l’abbaye  de  Saint-Bernard. 

1279. 

10  janvier,  à Vincenncs.  Le  roi  de  France  donne  quittance  au  duc  do 
six  mille  livres  que  celui-ci  lui  devait. 

27  mars  (vendredi  avant  Pâques  fleuries).  Jean  d’Audenarde  relève 
Gouy  du  duc  Jean. 

...  Le  duc  force  à la  soumission  le  sire  de  Heusdcn. 

...  11  envahit  les  pays  entre  la  Meuse  et  le  Rhin,  et  prend  et  détruit 
le  château  de  R im bourg. 

9 juin.  Le  pape  refuse  aux  trois  juges  de  La  Brosse  la  condamnation 
de  l’évcque  de  Bayeux. 

7 août.  Le  comte  de  Gueldre  reconnaît  que  le  comte  de  Clèves  est 
redevable  au  duc  de  mille  huit  cent  vingt  livres. 

8 août.  Le  comte  de  Luxembourg  et  d’autres  princes  réconcilient  le 
duc  de  Brabant  et  celui  de  Limbourg. 

28  août,  à Wanckum,  près  de  Venloo.  Ligue  conclue  entre  Jean  Ier, 
l’archevêque,  les  comtes  de  Gueldre  et  de  Clèves,  pour  la  sécurité  du 
commerce  entre  le  Rhin  et  la  Dendre. 

14  octobre.  Traité  entre  Sifroi,  d’une  part,  le  duc  de  Limbourg  et  la 
famille  de  Juliers,  d’autre  part. 

2b  novembre , à Bruxelles.  Le  landgrave  de  Thuringe  renonce  à ses 
droits  sur  le  Brabant. 

. . . Godcfroid  de  Vianden  vend  des  bois  à l’abbaye  de  Grimberghe. 

. . . Etablissement  d’un  couvent  de  victorines  à Anvers. 


( 45i  ) 


1280. 

27  février  (dimanche  après  la  Saint -Matlliias ).  Gérard,  sire  de  Qua- 
beek,  reconnaît  devoir  un  cens  ail  chapitre  d’Utrecht. 

22  mars  7 au  plus  tard.  Mort  du  dernier  duc  de  Limbourg,  auquel  suc- 
cède sa  hile  Ermengarde.  Celle-ci  et  son  mari,  Renaud  de  Gucldre,  con- 
hrincnt  les  privilèges  de  la  ville  de  Duysbourg. 

28  mars  (jeudi  après  l’Annonciation  1279),  à Bruxelles.  Sentence 
rendue  par  le  duc,  à l’occasion  d’un  débat  entre  le  sire  de  Diest  et  les 
bourgeois  de  cette  ville. 

22  avril  (lendemain  de  Pâques).  Les  habitants  d’Aix-la-Chapelle  dé- 
clarent que  le  duc  de  Brabant  est  et  sera  leur  avoué  à perpétuité. 

21  avril  (mercredi  après  Pâques),  à Daelhem.  Le  duc  les  prend  sous 
sa  protection. 

2 mai.  Marie,  comtesse  de  Grimberghe,  confirme  à l’abbaye  de  Grim- 
berghe  scs  possessions. 

Mai.  Arnoul  de  Louvain,  sire  de  Bréda,  confirme  à i’abbave  de  Vil- 
lers  la  possession  des  villages  de  Schooten  et  de  Merxem. 

27  juin  (jeudi  après  la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste).  Contrat  de 
mariage  d’Arnoul,  comte  de  Looz,  et  de  Marguerite  de  Vianden,  arrêté 
par-devant  le  duc. 

29  juin  (jour  des  saints  Pierre  et  Paul).  Le  duc  Jean  confirme  au  cou- 
vent d’Auderghem  ses  possessions  et  en  augmente  l’importance. 

29  juin.  Le  sire  de  Bréda  et  sa  femme  vendent  à l’abbaye  de  Ton- 
gerloo  soixante  bonniers  de  bois  et  de  bruyères. 

15  juillet.  Hugues  de  la  Ruelle,  de  Liège,  s’engage  à payer  au  due 
800  livres  de  Louvain,  si  ce  prince  ne  rachète  pas  Hougarde. 

10  août.  Diplôme  du  duc  Jean  Ier  en  faveur  des  bogards  de  Louvain. 

17  août  (samedi  après  l’Assomption).  Jean  Ier  affranchit  l’ordre  leuto- 
nique  de  péages  à Anvers. 

9 septembre.  Il  termine  les  querelles  qui  divisaient  l’évêque  de  Liège 
et  le  sire  de  Durbuy. 

20  septembre.  Sentence  arbitrale,  condamnant  l’usure,  à Nivelles. 

20  septembre , à Schonau.  Réconciliation  des  Aixois  et  de  la  famille  de 
Juliers. 

10  octobre  (dimanche  après  la  Saint-Denis).  Le  duc  remet  au  comte 
de  Hollande  l’hommage  que  celui-ci  lui  devait  pour  Dordrecht  et  la  con- 
trée voisine. 


( 452  ) 

27  octobre  (dimanche  avant  la  Toussaint),  à Bruxelles.  Le  duc  déter- 
mine les  droits  que  le  sire  de  Zeelhem  possédait  à Meerhout. 

25  novembre  (samedi  avant  la  Sainte-Catherine).  Les  échevins  d’An- 
vers fixent  le  tarif  du  péage  d 'Aiendicke. 

5 décembre  (jeudi  après  la  Saint- André).  Adolphe,  comte  de  Berg, 
prie  le  duc  de  payer  à Frédéric,  sire  de  Reifferscheydt,  les  arrérages 
d’une  rente  que  celui-ci  tenait  en  fief  du  Brabant. 

24  décembre  ( veille  de  Noël  ).  Les  chevaliers  de  Braine  donnent  à 
l’abbaye  de  Wauthier-Braine  la  seigneurie  qu’ils‘ possédaient  dans  le  vil- 
lage de  ce  nom. 

. . . Fondation  de  la  chapellenie  de  Boitsfort  par  Jean  Ier. 

. . . Établissement  de  la  confrérie  des  Damoiseaux,  à Tournai. 

1281. 

11  janvier  (samedi  après  l’Épiphanie,  en  1280).  Cession  de  Wauthier- 
Braine  à l’abbaye  de  ce  nom,  faite  par  les  seigneurs  de  ce  village. 

25  et  24  février . Alliance  entre  la  ville  de  Cologne  et  le  comte  de 
Gueldre. 

Mars  (1280).  Mention  du  béguinage  de  la  Royauté,  à Nivelles,  mais 
seulement  comme  d’une  institution  en  projet.  L’édifice  s’élève,  dans  le 
courant  de  l’année,  par  les  soins  de  Marie,  reine  de  France. 

1er  avril.  Émeute  dite  kokerulle , à Ypres.  Soulèvement  des  gens  de 
métier  contre  les  bourgeois  riches. 

1er  avril  (mardi  avant  Pâques  fleuries).  Le  duc  charge  Henri  Pro- 
chiaen  d’adhériter  en  son  nom  l’abbaye  de  Wauthier-Braine  dans  la  sei- 
gneurie de  ce  nom. 

7 avril  (lundi  après  Pâques  fleuries),  à Bruxelles.  Accord  conclu, 
sous  les  auspices  du  duc,  entre  Nicolas,  sire  de  Condé,  de  Belœil  et  de 
Morialmé,  et  la  famille  de  Looz. 

10  avril  (jeudi  avant  Pâques).  Nicolas  relève  du  duc  la  seigneurie  de 
Court,  dans  l’Entre-Sambre-et-Meuse. 

17  avril  (jeudi  après  Pâques).  Le  duc  autorise  Arnoul  de  Louvain, 
sire  de  Bruhames , à garder,  pendant  sa  vie,  la  terre  de  Bréda. 

27  mai.  Émeute  à Bruges,  identique  avec  celle  d’Ypres. 

28  mai  (mercredi  après  l’Ascension).  L’abbesse  de  Nivelles  approuve 
la  fondation  du  béguinage  de  la  Royauté. 

15  juin.  Sentence  de  proscription  prononcée  par  le  roi  Rodolphe 
contre  le  comte  Guy  de  Dampierre. 


( 435  ) 

Juin  (en  1281  ou  1282).  Statuts  donnés  par  la  gilde  de  Bruxelles  aux 
louions  de  cette  ville. 

19  août  ( mardi  après  l’Assomption  ) , à Turnhout.  Le  duc  prend  sous 
sa  protection  les  bogards  de  Diest. 

24  août  (jour  de  saint  Barthélemy).  L’évêque  de  Liège,  Jean  d’En- 
ghien , est  surpris  à Hougarde  par  les  gens  de  Henri  de  Gueldre , et  est 
entraîné  à Ileylissem , où  il  meurt. 

Août.  Charte  du  duc,  réglant  les  droits  de  l’avoué  de  Gcmbloux. 

11  septembre.  Le  sire  de  Ilerstal  devient  mamhour  de  l’évêché  de 
Liège,  par  le  choix  du  chapitre. 

15  septembre  (lundi  après  l’Exaltation  de  la  sainte  croix).  Marie, 
dame  de  Gaesbeek,  approuve  une  donation  faite  au  prieuré  de  Petit- 
Bigard. 

17  septembre.  Nouvelle  émeute  à Bruges. 

18  octobre  (jour  de  saint  Luc).  Le  sire  de  Heynsberg  relève  du  due 
une  rente  de  cent  livres. 

. . . Soulèvement  des  tisserands  de  Tournai. 

1282. 

22  janvier  (lendemain  de  la  Sainte- Agnès).  Le  comte  de  Berg  assigne 
à Guillaume  De  Coninck,  bourgeois  de  Bruxelles,  et  à Siger,  son  beau- 
père,  des  arrérages  d’une  rente  féodale  que  lui  devait  le  duc  de  Bra- 
bant. 

51  mars  (mardi  après  Pâques).  Jean  Ier  achète  le  village  de  Saint- 
André  à l’abbaye  de  Borcette. 

4 avril  (samedi  avant  les  octaves  de  Pâques).  Jean  Ier  exempte  de 
tonlieux  l’abbaye  de  Val-Dieu. 

il  avril.  Le  roi  Rodolphe  confirme  au  chapitre  de  Saint-Servais,  de 
Maestricht,  ses  prérogatives. 

24  avril  (veille  de  la  Saint-Marc) , à Aix-la-Chapelle.  Le  duc  se  déclare 
de  nouveau  le  protecteur  des  Aixois. 

2 mai  (veille  de  l’Invention  de  la  sainte  croix).  Le  duc  et  le  sire  de 
Marbais  acceptés  pour  arbitres  de  quelques  différends  provoqués  par  la 
vente  de  la  terre  de  Kerpen  à Jean  1er. 

21  mai  (jeudi  après  Pentecôte).  Adolphe,  comte  de  Berg,  prie  le  roi 
Rodolphe  et  les  autres  suzerains  du  Limbourg  d’investir  de  ce  duché 
Jean  Ier,  à qui  il  l’a  vendu. 


( 454  ) 

18  juin.  Le  roi  Rodolphe  investit  Ermengarde  de  Limbourg  des  fiefs 
limbourgeois. 

49  juin . Le  roi  Rodolphe  autorise  Renaud  , comte  de  Gucldre,  à trans- 
férer à Rolduc  la  monnaierie  de  Limbourg,  et  promet  de  ne  faire  aucun 
changement  dans  l’administration  de  la  justice,  entre  la  Meuse  et  le  Rhin. 

34  août.  Le  comte  de  Hollande  s’allie  avec  Jean  d’Avcsnes,  comte  de 
Hainaut,  sauf  réserve  de  ses  conventions  avec  Jean  Ier. 

o septembre.  Nouveaux  privilèges  accordés  par  le  duc  à la  ville  de 
Louvain. 

13  octobre,  ho  duc  Jean  et  d’autres  princes  se  posent  en  médiateurs 
entre  les  comtes  de  Flandre  et  de  Hainaut,  et  sont  acceptés  comme  tels. 

54  octobre.  Jean  de  Flandre,  fils  du  comte  Guy  de  Dampierrc,  de- 
vient évêque  de  Liège. 

45  novembre  (samedi  après  la  Saint-Martin  d’hiver).  Jean  1er  et  le  sire 
de  Crancndonck  règlent  leurs  droits  respectifs  sur  leurs  vassaux. 

Novembre.  Le  sire  de  Bréda,  du  consentement  du  duc,  confirme  la 
cession  de  4200  bonniers  de  bruyères  à l’abbaye  de  Saint-Bernard. 

47  décembre.  Traité  d’alliance  conclu  entre  le  duc  et  l’archevêque Sifroi. 

20  décembre  (dimanche  après  la  Sainte-Lucie).  Jean  1er  accorde' 
exemption  d’impôts  à son  chambellan  Waller  de  Wvneghem. 

50  décembre  (mercredi  avant  l’an  renuef).  I^e  bailli  de  Nivelles,  Jean 
de  la  Ramée,  rend  compte  à Jean  Ie1'  de  sa  gestion. 

Décembre.  L’abbaye  d’Inde  vend  au  comte  de  Flandre"  la  seigneurie 
de  Renaix. 

. . . Les  bourgeois  de  Tournai  établissent  une  Table  ronde. 

1285. 

22  janvier  (1282).  Nouvelle  alliance  entre  le  duc  et  l’archevêque. 

Février  (4282).  Jean  1er  confirme  à l’abbaye  de  Saint-Michel  ses  biens. 

7 février  (1282).  Jean  Ier  prend  sous  sa  protection  l’abbaye  de  Saint- 
Michel. 

10  février.  Le  roi  Rodolphe  déclare  que  le  duc  ne  souffrira  aucun 
préjudice  de  ce  qu’on  ne  l’a  pas  mis  en  possession  des  biens  que  le  roi 
Philippe  de  Souabe  avait  donnés  au  duc  Henri  Ier. 

47  février.  Le  roi  engage  au  duc  les  revenus  de  la  monnaierie  d’Aix- 
la-Chapelle. 

18  février.  Il  promet  de  défendre  et  de  protéger  le  duc. 


( 455  ) 

19  février  (vendredi  avant  la  fête  de  la  Chaire  de  saint  Pierre,  1282). 
Quittance  partielle  donnée  au  duc,  par  les  frères  de  Beweecwclt,  à l'oc- 
casion de  l’achat  de  la  terre  de  Kerpen. 

Février.  Jean  Ier  autorise  l’abbaye  de  Saint-Michel  à faire  rendre  la 
moyenne  justice  à Merxplas. 

Février.  Il  confirme  à cette  abbaye  ses  biens. 

Février.  Le  comte  Guy  de  Dampierre  fait  frapper,  à Namur,  de  la 
monnaie,  à l’imitation  de  celle  de  Jean  Ier. 

Mars  (1282).  Enquête  au  sujet  des  droits  du  sénéchal  héréditaire, 
seigneur  de  Rotselaer. 

Mars  (1282).  Jean  1er  défend  à l’abbaye  de  Saint-Michel  de  recevoir 
des  hôtes  jusqu’à  nouvel  ordre. 

5 avril  (lundi  avant  Pâques  fleuries,  à Vincennes).  Le  roi  de  France  , 
à la  demande  du  duc,  affranchit  un  juif  de  la  taille. 

7 avril.  Charte  exemptant  l’abbaye  de  Parc  du  payement  des  tonlieux. 

Mai.  Charte  autorisant  l’abbaye  de  Saint-Michel  à établir  des  éche- 

vins,  pour  rendre  la  justice. 

24  juin  (Nativité  de  Saint-Jean-Baptiste).  Le  duc  détermine  les  droits 
respectifs  de  son  frère,  Godcfroid  de  Brabant,  et  de  Jean  d’Aerschot,  à 
Aerschot. 

12  juillet,  (lundi  avant  la  Division  des  apôtres).  Jean  Ier  renonce  à un 
cens  que  le  monastère  d’Heylissem  lui  devait. 

Juillet.  Le  duc  et  d’autres  princes  se  posent  comme  médiateurs  entre 
les  comtes  de  Ilainaut  et  de  Flandre. 

3 août.  Le  comte  de  Berg,  Adolphe,  demande  au  duc  de  Brabant 
l’investiture  du  duché  de  Limbourg. 

il  août.  Alliance  entre  l’archevêque  Sifroi  et  le  comte  de  Clèves. 

8 septembre.  Alliance  entre  les  membres  de  la  famille  de  Limbourg 
contre  le  duc  et  le  comte  de  Berg. 

15  septembre  (lundi  après  la  Nativité  de  la  Vierge).  Adolphe,  comte  de 
Berg,  du  consentement  de  ses  frères,  déclare  avoir  cédé  le  Limbourg  au 
duc. 

22  septembre.  Alliance  entre  l’archevêque  Sifroi  et  les  membres  de  la 
famille  de  Limbourg. 

28  septembre.  Le  duc  recommande  à ses  capitaines  de  protéger  les 
biens  de  l’abbave  de  Vil lers. 

Septembre.  Prise  d’armes  du  duc.  Il  envahit  le  Limbourg  pour  la  pre- 
mière fois. 

Tome  XIII. 


28 


( 436  ) 

10  octobre.  Le  duc  conclut  une  alliance  avec  le  comte  de  Hollande. 

13  octobre.  Traité  d’alliance  entre  les  comtes  de  Gueldre  et  de  Clèves. 

18  octobre.  Mort  de  Félicité  du  Traynel,  dame  de  Peroé  ou  Pervvez. 

20  octobre.  Le  duc  promet  à l'évêque  de  Liège  de  lui  restituer  éven- 
tuellement Rolduc  et  d’autres  domaines. 

20  octobre  (mercredi  après  la  Saint-Luc).  Le  duc  acquiert  les  droits 
du  sire  de  Durbuy  sur  le  Limbourg. 

20  octobre.  Le  duc  relève  Haekendover  de  l’Eglise  de  Liège. 

20  octobre.  Le  duc  et  l’évêque  de  Liège  concluent  une  alliance  offensive 
et  défensive. 

21  octobre  (jeudi  après  la  Saint -Luc).  Traité  d’extradition  conclu 
entre  le  Brabant  et  l’évêché  de  Liège. 

21  octobre.  Le  duc  et  l’évêque  de  Liège  conviennent  de  remettre  à des 
arbitres  la  décision  des  différends  qui  s’élèveraient  entre  eux. 

4 novembre.  Le  duc  choisit  deux  des  arbitres  chargés  de  terminer  ces 
différends. 

15  novembre  (lundi  après  la  Saint -Martin).  Jean  Ier  déclare  que  le 
moulin  de  l’abbaye  d’Alne,  à Chapelle-Saint-Laurent,  sera  banal. 

18  novembre.  L’évêque  de  Liège  nomme  un  des  arbitres  qui  seront 
chargés  de  décider  ses  contestations  avec  le  Brabant. 

27  novembre  (samedi  après  la  Sainte-Catherine).  L’abbaye  d’Afflighem 
est  déclarée  exempte  de  payer  le  tonlieu  de  Valkenisse,  en  Zélande. 

. . . Premières  discordes  intestines,  à Villers. 


1284. 

14  janvier  (vendredi  après  les  octaves  de  l’Epiphanie,  1285).  Le  duc 
ratifie  les  droits  de  la  gilde  de  Louvain. 

16  janvier  (1283).  Déclaration  de  non-préjudice  adressée  par  Jean  Ier 
à ses  sujets,  qui  avaient  promis  d’entretenir  des  troupes,  à leurs  frais. 

51  janvier  (lundi  avant  la  Purification,  1285).  Confirmation  de 
l’exemption  de  tonlieux  dont  jouissaient  les  bourgeois  de  Bois  -le-Duc. 

Janvier  (1283).  Jean  de  Heldeberghe,  receveur  du  duc,  acquiert  pour 
ce  dernier  un  héritage  situé  au  Borgendacl,  à Bruxelles. 

Janvier  (1285).  Charte  ducale  , ayant  pour  but  de  protéger  les  bois  de 
l’abbaye  de  Saint-Michel,  à Merxplas  et  à Wommelghem. 

11  février } à Erestein.  Le  roi  Rodolphe  investit  Jean  ïer  du  château 
de  Kerpen. 


( 457  ) 

Février  (1285).  Accord  conclu,  à Maestricht,  entre  le  duc  et  l’évêque 
de  Liège,  au  sujet  de  leurs  droits  respectifs  à Maestricht. 

7 mars.  Le  pape  Martin  IV  confie  à l’abbé  d’Alïlighem  le  soin  de  pro- 
téger le  monastère  de  Cortenberg. 

Mars  (1285).  Les  digues  de  Santvliet  et  de  Berendrecht  sont  recon- 
struites par  les  soins  des  propriétaires  du  voisinage. 

18  avril.  Le  duc  spécifie  les  attributions  de  son  receveur,  Walter 
Volcart. 

1 8 avril.  Il  l’autorise  à aliéner  les  terres  vagues  qui  se  trouvent  dans 
ses  domaines. 

29  mai  (lendemain  de  la  Pentecôte).  Jean  Ier  vend  à la  comman- 
derie  de  Pitzenbourg  un  bien  situé  à Anvers. 

31  mai.  Il  promet  d’indemniser  ses  principales  villes  de  ce  qu’elles 
ont  garanti  le  payement  de  mille  livres  dues  par  lui  à Jean  de  Rouergue. 

Mai.  Traité  d’amitié  conclu  entre  les  villes  de  Gand  et  de  Cologne. 

20  juin.  Le  roi  d’Angleterre  envoie  des  ambassadeurs  pour  essayer 
de  terminer  la  querelle  à propos  du  Limbourg. 

25  juin  (veille  de  la  Nativité  de  Saint-Jean-Baptiste).  Gérard,  sire  de 
Bruburg , relève  du  duc  quelques  biens. 

29  juin  (jour  des  saints  Pierre  et  Paul).  Le  duc  assigne  sur  la  terre 
de  Melin  la  rente  qu’il  avait  constituée  en  faveur  du  sire  de  Durbuy. 

Juin.  Le  duc  défend  à ses  officiers  d’exiger  aucun  service  de  l’abbaye 
de  Parc. 

4 juillet  (mardi  dans  les  octaves  des  saints  Pierre  et  Paul).  Le  duc 
défend  d’endommager  les  biens  de  l’abbaye  d’Everboden. 

Juillet.  Jean  Ier  entre  dans  le  pays  de  Fauquemont  et  prend  le  château 
de  Limale.  — Journée  de  Gulpen. 

17  et  18  juillet.  Le  duc  et  le  comte  de  Gueldre  acceptent  pour  arbitres 
les  comtes  de  Flandre  et  de  Hainaut;  sentence  de  ces  arbitres. 

9 août.  Les  ambassadeurs  du  roi  d’Angleterre  négocient  une  trêve 
entre  les  comtes  de  Gueldre  et  de  Hollande. 

16  août.  Nouveau  traité  d’alliance  entre  le  comte  de  Gueldre  et  l’ar- 
chevêque de  Cologne. 

25  août.  Le  comte  confie  la  garde  du  Limbourg  à Waleran  de  Luxem- 
bourg. 

Septembre.  Convention  entre  le  chapitre  de  Nivelles  et  l’abbaye  de 
Cambron,  pour  l’exploitation  d’une  ardoisière  à Tubise. 

Octobre.  K.eure  accordée  à leurs  sujets  par  Henri  de  Louvain  et  Ma- 
thilde, dame  d’Aa. 


{ 458  ) 

10  novembre.  Waleram , sire  de  Fauquemont,  confirme  aux  Aixois 
les  exemptions  de  tonlieux  dont  ils  jouissaient  dans  ses  domaines. 

28  novembre  (mardi  après  la  Sainte- Catherine).  Jean  Ier  assigne  une 
dotation  à son  frère  Godefroid. 

29  novembre.  Jean  Ier  désigne  les  biens  qui  doivent  constituer  à son 
frère  un  revenu  de  trois  mille  livres. 

Automne  [octobre -décembre).  Le  sénéchal  du  Limbourg  ravage  le 
comté  de  Daelhem  ; il  est  battu  à Warsage.  Le  sire  de  Fauquemont 
défait  les  Maestriciitois. 

Décembre.  Le  sire  de  Gimnich  et  les  Brabançons  envahissent  la  terre 
de  Fauquemont;  ce  seigneur  est  tué  au  siège  de  Rolduc. 

3 décembre  (premier  dimanche  de  l’Avent).  L’abbaye  d’Alïlighem  ob- 
tient une  exemption  complète  du  péage  de  Rielland,  en  Zélande. 

. . . Un  imposteur  essaye  de  se  faire  passer  pour  l’empereur  Frédé- 
ric IL  U est  brûlé  à Wetzlar. 


1285. 

24  janvier  (veille  de  la  Conversion  de  saint  Paul).  Le  sire  de  Durbuy 
prie  le  roi  Rodolphe  d’agréer  sa  renonciation  au  duché  de  Limbourg. 

28  février  (mercredi  avant  Laetcire , en  4284).  L’abbaye  de  Ten- 
Roosen  est  autorisée  à établir  des  tenanciers  jurés  à Maxenzeel. 

2 mars  ( vendredi  avant  Laetarc ? en  1284).  Le  sire  de  Fauquemont 
promet  au  duc  de  maintenir  sa  juridiction  dans  Aix. 

6 mars  (1284).  Jean  Ier  prend  l’abbaye  de  Grimberghe  sous  sa  pro- 
tection et  s’en  déclare  l’avoué. 

1 et  G mars  (1284).  Les  sires  de  Gavrc  et  de  Durbuy  promettent  à 
Jean  Ier  de  l’accompagner  dans  l’expédition  d’Aragon. 

50  mars  (vendredi  après  Pâques).  Le  duc  augmente  de  200  livres  la 
rente  qu’il  a donnée  au  sire  de  Durbuy. 

Janvier-mars.  Les  ennemis  du  Brabant  bloquent  Macstricht.  Le  sire 
de  Fauquemont  pille  Loemel.  Le  duc  prend  Herve. 

1er  avril  (octaves  de  Pâques  ).  Les  villes  du  Brabant  se  constituent  les 
cautions  du  duc  Jean  envers  le  roi  d’Angleterre,  pour  une  somme  de 
40,000  livres. 

5 avril , à Maestricht.  Traité  de  délimitation  entre  le  Brabant  et  le 
comté  de  Looz. 

Commencement  du  printemps  (avril  ou  mai).  Les  ennemis  du  duc 


( 459  ) 

menacent  Aix-la-Chapelle,  où  Jean  Ier  envoie  des  renforts.  Émeute  à 
Aix.  L’archevêque  prend  Kerpen.  Les  armées  belligérantes  à Gulpen. 
Le  roi  de  France  moyenne  une  trêve.  Jean  Ier  envahit  et  ravage  l’arche- 
vêché. 

7 juin.  Marie,  dame  de  Perwez,  approuve  la  cession  d’un  bois  faite 
à l’abbaye  de  Grimberghe  par  son  fils  Godcfroid,  comte  de  Vianden. 

14  juin.  Le  sire  de  Cuyck  remet  à des  arbitres  le  jugement  de  ses 
différends  avec  les  habitants  de  Dordrecht. 

Juin.  Le  duc  part  pour  se  joindre  à l’expédition  des  Français  en  Aragon. 

o juillet.  Mort  de  la  duchesse  de  Brabant-,  Marguerite  de  Flandre. 

Août.  Le  comte  de  Hollande  confirme  l’exemption  de  péages  dont 
l’abbaye  d’Afflighem  jouissait  à Valkenisse  et  Riellant. 

9 septembre.  Jean,  sire  de  Cuyck,  fixe  le  taux  des  péages  que  les  habi- 
tants de  Dordrecht  payaient  dans  ses  domaines. 

Septembre?  Le  comte  de  Luxembourg  prend  Fraipont,  le  comte  de 
Gueldre  attaque  Grave. 

Octobre.  L’expédition  des  Français  en  Aragon  échoue.  Le  roi  de 
France  meurt,  le  duc  tombe  gravement  malade.  Mort  du  sire  de  Herstal 

et  d’autres  barons  brabançons. 

- * 

11  novembre,  à Bruxelles.  Jean  Ier  promet  de  ne  pas  donner  assis- 
tance aux  sires  d’Amstel,  ennemis  du  comte  de  Hollande. 

Novembre.  Waleran  de  Luxembourg  se  brouille  avec  les  Snabbe,  qui 
se  réconcilient  avec  Jean  Ier;  Waleran  attaque  Lontzen  ou  Loncin. 

Novembre?  Le  comte  de  Hollande  ravage  la  Gueldre. 

8 décembre  (samedi  avant  la  Saint-Nicaise).  Les  écuyers  du  Brabant 
convoqués  à Moll. 

22  décembre  (samedi  après  la  Saint-Thomas).  Les  écuyers  du  Brabant 
convoqués  à Oostcrwyck. 

Décembre.  Jean  Ier  prend  sous  sa  protection  les  béguines  d’Anvers. 

1286. 

9 février  (samedi  après  la  Purification).  Jean  Ier  se  trouvait  en  Hol- 
lande. 

5 avril  (vendredi  avant  les  Rameaux).  Le  duc  à Courtrai. 

8 avril  (lundi  après  les  Rameaux), L’amman  de  Bruxelles  va,  à Ninove, 
attendre  Jean  Ier. 

9 avril  ( mardi  après  les  Rameaux  ).  Les  chevaliers  et  écuyers  du  Bra- 
bant convoqués  à Maestrieht.  Expédition  vers  Loncin. 


( 440  ) 

21  avril ? h Namur.  Contrat  de  mariage  de  Renaud,  comte  de  Gueldre, 
et  de  Marguerite  de  Flandre , veuve  d’Alexandre  d’Écosse. 

24  avril.  Waleran  de  Luxembourg  accepte  un  arbitrage  pour  la  déci- 
sion de  ses  différends  avec  le  comte  de  Gueldre  au  sujet  de  la  garde  de 
Limbourg. 

4 mai  (samedi  après  l’invention  de  la  Sainte-Croix).  Le  duc  était  en- 
core à Maestricht. 

25  mai  (jour  de  l’Ascension).  L’écoutète  d’Anvers  préside  une  enquête 
ayant  pour  but  de  déterminer  les  limites  de  la  paroisse  de  Merxplas. 

Mai.  Le  duc  se  rend  à Paris. 

5 juillet.  Mariage  de  Renaud  de  Gueldre  et  de  Marguerite  de  Flandre. 

5 juillet.  Acte  de  Renaud , semblable  à celui  de  Waleran  de  Luxem- 
bourg, cité  plus  haut. 

19  juillet  (vendredi  avant  la  Sainte -Marie -Madeleine).  Walter  Ber- 
thout  appelle  aux  armes  les  guerriers  du  Brabant. 

29  juillet  (lundi  après  la  Sainte -Marie -Madeleine).  Jean  Ier  donne 
quittance  de  cinquante  mille  livres  que  lui  devait  le  roi  d’Angleterre. 

5 août  (lundi  après  la  fête  de  Saint-Pierre  ès  liens).  Alliance  entre  le 
duc  de  Brabant  et  la  ville  de  Liège. 

17  août  (samedi  après  l’Assomption).  Appel  aux  armes,  en  Brabant. 

20  août  (mardi  avant  les  octaves  de  l’Assomption).  L’armée  du  Bra- 
bant part  pour  Oosterwyck. 

26  août  (lundi  après  la  Saint-Barthélemy).  Nouvelle  convocation  des 
guerriers  du  Brabant. 

Août.  Statuts  donnés  par  l’évêque  de  Cambrai  à l’hôpital  de  Gheel. 

6 septembre  (vendredi  avant  la  Nativité  de  Notre-Dame).  Egide  de 
Coeckelberghe  va  renforcer  la  garnison  de  Thiel. 

8 septembre.  Jean  Ier  exempte  les  habitants  de  ses  principales  villes 
de  toute  expédition  militaire,  jusqu’aux  fêtes  de  Pâques  prochaines. 

10  septembre  (mardi  après  la  Nativité  de  Notre-Dame).  Le  duc  se 
trouvait  «à  Bois-le-Duc. 

15  septembre  (vendredi  après  la  Nativité  de  Notre-Dame).  Le  duc 
dans  le  Bommelreweert.  Les  alliés  l’empêchent  de  passer  le  Wahal  et 
prennent  Thiel.  Jean  Ier  s’empare  de  Driele,  dont  la  garnison,  prison- 
nière, arrive  à Bruxelles  le  1er  décembre,  le  lendemain  de  la  Saint- 
André.  Les  alliés  se  dirigent  vers  Maestricht,  qu’ils  investissent. 

24  septembre.  Entrevue  du  duc  de  Brabant  et  du  comte  de  Hollande, 
à Tholen.  — Alliance  conclue  entre  eux. 


( 441  ) 

28  septembre.  Les  Brabançons  convoqués  à Moll. 

44  octobre.  Essai  de  rapprochement  entre  les  comtes  de  Gueldre  et  de 
Hollande. 

21  octobre.  Le  comte  de  Flandre  acquiert  du  comte  de  Gueldre  l’hom- 
mage du  sire  d’Awans. 

Octobre.  Les  alliés  assiègent  en  vain  Witthem  et  Loncin.  Jean  Ier  passe 
la  Meuse.  Combat  à Lîmbourg. 

51  octobre.  Convention  pour  exempter  de  la  guerre  la  contrée  voi- 
sine de  Grave. 

2 décembre.  Waleram,  sire  de  Fauquemont,  remplace  Waleram  de 
Luxembourg  en  qualité  de  gouverneur  du  Limbourg  pour  le  comte  de 
Gueldre. 

. . . Jean  Ier  autorise  l’aliénation  du  polder  d’Oorderen. 

1287, 

7 janvier  (lendemain  de  l’Épiphanie,  1286).  Le  chapitre  de  Saint- 
Rombaud , de  Malines , autorise  l’établissement  à Hanswyck  d’un  cou- 
vent de  l’ordre  des  Écoliers. 

9 janvier  (jeudi  après  l’Épiphanie,  1286).  Convocation  des  Braban- 
çons pour  une  expédition  vers  Sprimont. 

1er  mars.  Le  pape  Ilonorius  IV  accorde  des  indulgences  à ceux  qui 
contribueront  à achever  l’église  de  Sainte-Gudule,  de  Bruxelles. 

5 mars  (1286).  Conclusion  d’une  alliance  entre  le  duc  de  Brabant  et 
le  comte  de  Clèves. 

6 mars.  (1286).  Conclusion  d’une  alliance  entre  les  comtes  de  Hol- 
lande et  de  Clèves. 

6 mars  (mardi  après  Laetare , en  1286).  Le  duc  autorise  les  mar- 
chands de  vin,  ceux  de  Gand  exceptés,  à négocier  à Anvers. 

7 mars  (1286).  Les  forteresses  du  Limbourg  sont  remises  par  le 
comte  de  Flandre  au  sire  de  Fauquemont. 

15  avril.  Traité  d’alliance  entre  le  duc  et  l’évèque  de  Liège. 

16  avril.  L’évêque  s’engage  à exécuter  les  clauses  de  ce  traité. 

22  avril  (mardi  après  le  dimanche  Miscricordia).  Walter  Berthout 
afferme  le  péage  qui  se  levait  sur  deux  chaussées  voisines  de  Malines. 

28  avril.  Godefroid  de  Brabant,  les  villes  de  Louvain,  de  Bruxelles, 
d’Anvers,  et  quelques  chevaliers  brabançons  se  portent  cautions  pour 
Jean  Ier  envers  Béatrix  de  Brabant. 


( 44 2 ) 

Avril  (commencement  du  printemps).  Le  duc  va  au  secours  du  comte 
de  Bar,  attaqué  par  l’évêque  de  Metz. 

\er  mai  (jeudi  avant  la  Saint-Jean  à la  Porte-Latine).  Le  comte  de 
Clèves  s’engage  à exécuter  le  traité  conclu  entre  lui,  le  duc  et  le  comte 
de  Hollande. 

9 mai.  Le  roi  Rodolphe  proroge,  jusqu’au  25  juillet,  la  trêve  qu’il 
avait  fait  conclure. 

J 5 mai  (jour  de  l’Ascension).  Le  duc  Jean  reçoit  l’hommage  de  Libert 
de  Milsen  pour  les  biens  de  Hardenberg. 

29  mai.  Le  comte  de  Berg  notifie  à ses  vassaux  qu'il  a cédé  le  Lim- 
bourg  au  duc. 

Mai.  Walter  de  Winde  vend,  pour  sortir  de  prison,  les  biens  qu’il  pos- 
sédait près  de  Tirlemont. 

4 5 juin.  Des  vassaux  du  sire  de  Fauquemont  renoncent  à la  vengeance 
qu’ils  voulaient  tirer  du  meurtre  d’un  des  leurs,  tué  à Vieuville. 

29  juin  (dimanche  après  la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste).  Jean  Ier 
partage  la  terre  de  Bréda. 

Juin  (?).  Les  Sriabbe,  sires  de  Loncin,  se  réconcilient  avec  le  comte 
de  Gueldre. 

2 juillet.  La  trêve  est  prorogée  jusqu’au  4 5 septembre. 

4 2 juillet.  Promesses  que  l’archevêque  Sifroi  fait  aux  Colonais. 

49  juillet  (veille  de  la  Sainte-Marguerite).  Les  Colonais  promettent  de 
rester  fidèles  à l’archevêque. 

7 août.  Le  sire  de  Scnelfe  renonce  à ses  droits  féodaux  sur  les  tenan- 
ciers de  Rcnirsart. 

43  août.  Traité  conclu  par  la  médiation  du  duc  Jean,  entre  l’évêque 
et  la  ville  de  Liège.  — I3aix  des  clercs;  loi  muée. 

40  septembre.  Traité  d’amitié  conclu  entre  le  comte  de  Hollande  et  la 
ville  de  Cologne.  — Cette  ville  se  rapproche  des  ennemis  de  son  arche- 
vêque. 

42  septembre  (vendredi  après  la  fête  de  Notre-Dame  ).  Jean  Ier  donne 
une  pêcherie  à l’abbaye  de  Florival. 

42  octobre.  I.a  trêve  est  prolongée  jusqu’au  25  novembre. 

4 4 décembre  (jeudi  avant  la  Sainte -Lucie).  Privilèges  accordés  par 
Jean  1er  à l’abbaye  de  Grimberghe. 

Décembre.  L’archevêque  de  Cologne  attaque  le  comté  de  Berg.  Le  duc, 
pour  opérer  une  diversion  , passe  la  Meuse. 

. . . Diète  de  Wurtzbourg.  Le  roi  Rodolphe  ordonne  la  conclusion 
d’une  trêve  entre  le  duc  et  l’archevêque. 


( 445  ) 


. . . Jean  Ier  confirme  à l’abbaye  de  Borcette  l’exemption  de  tonlieux 
dont  ce  monastère  jouissait. 


4288. 

44  janvier  ( 4287,  mercredi  après  les  octaves  de  l'Épiphanie).  Jean  I**1 
affranchit  de  tonlieu  les  bourgeois  de  Gorcum. 

49  janvier  (4287).  J^e  comte  Renaud  ratifie  les  conventions  conclues 
en  son  nom  avec  les  Snabbe. 

Janvier.  Le  duc  donne  le  village  de  Wommelghem  à Jean  de  Lierre. 

Janvier.  Le  duc  à Diiren.  Fin  de  sa  campagne  au  delà  de  la  Meuse. 

2(5  février  (jeudi  après  le  dimanche  Reminiscere,  en  4287).  Alliance 
entre  le  duc  de  Brabant  et  le  comte  de  Clèves. 

1er  mars  (lundi  après  la  mi-carême,  en  4287).  Jean  Ier  exempte  de 
tailles  le  sire  de  Rêves  et  ses  sujets. 

47  mars.  Alliance  entre  l’archevêque  Sifroi  et  Waleram  de  Julicrs, 
sire  de  Bercheim. 

4b  avril.  L’évêque  de  Liège,  après  avoir  etc  retenu  prisonnier  pen- 
dant cinq  mois,  rentre  dans  sa  capitale. 

4 8 avril.  Cunégonde,  veuve  du  duc  Waleram  de  Limbourg,  cède  à 
Jean  Ier  ses  droits  sur  ce  duché. 

48  avril  (dimanche  Jubilale).  Jean  Ier  autorise  l’abbaye  de  Saint-Michel 
à acquérir  des  biens  jusqu’à  concurrence  d’un  revenu  annuel  de  trente 
livres. 

Avril.  Établissement  d’une  commune  à Saint-Trond. 

Avril.  Jean  de  Flandre,  évêque  de  Liège,  approuve  la  translation  des 
Prémontrés  du  Mont-Cornillon  à Beaurepairc. 

Avril  ( commencement  du  printemps  ).  Jean  Ier  envahit  la  terre  de 
Fauquemont;  conclusion  d’une  nouvelle  trêve. 

5 mai.  Alliance  entre  l’avoué  de  Cologne  et  la  bourgeoisie  de  cette 
ville. 

45  mai,  à Tirlemont.  Le  comte  de  Berg  reconnaît  avoir  reçu  2,440  liv. 
de  Louvain  du  duc  de  Brabant. 

47  mai  (lendemain  de  la  Pentecôte).  I„e  duc  de  Brabant,  à la  nou- 
velle des  négociations  ouvertes  pour  la  cession  du  Limbourg  au  comte 
de  Luxembourg,  assiège  Fauquemont. 

25  mai.  Renaud,  comte  de  Gueldre,  vend  le  Limbourg  au  comte  de 
Luxembourg. 


( 444  ) 

Mai.  Le  duc  envahit  l’archevêché  de  Cologne  et  s’allie  aux  Colonais. 

5 juin.  Bataille  de  Woeringen.  Victoire  du  duc  et  des  Colonais;  mort 
du  comte  de  Luxembourg;  le  comte  de  Gueldre  et  l’archevêque  faits 
prisonniers. 

25  juin  et  mois  suivants.  Actes  d 'urvede  ou  de  renonciation  de  ven- 
geance donnés  aux  Colonais  par  un  grand  nombre  de  guerriers  faits  pri- 
sonniers. 

8 juillet.  Le  duc  et  l’évêque  de  Liège  échangent  quelques  territoires,  et 
notamment  Hougarde,  Beauvechain,  etc. 

1er  août.  La  ville  de  Zulpich  se  soumet  au  comte  de  Juliers. 

9 aoiit.  Le  comte  de  Berg  prend  les  habitants  de  Diiysbourg  sous  sa 
protection. 

Août.  Le  duc  assiège  le  château  de  Fauquemont. 

2 septembre.  Le  duc  prie  Béatrix  de  Brabant  de  lui  prêter  de  l’argent. 

7 septembre  (veille  de  la  Nativité  de  la  Vierge).  Le  duc  admet  parmi 
ses  vassaux  plusieurs  seigneurs  allemands. 

20  septembre  (dans  le  camp,  à Fauquemont,  la  veille  de  la  Saint- 
Mathieu).  Jean  Ier  déclare  que  le  sire  de  Rochefort  a relevé  de  lui  plu- 
sieurs biens. 

Septembre.  Le  sire  de  Fauquemont  envahit  le  Brabant  et  défait  le  sire 
de  Mellet. 

24  octobre.  Le  duc  accepte  l’évêque  de  Cambrai  pour  médiateur. 

26  octobre.  Il  lève  le  siège  de  Fauquemont. 

51  octobre.  Le  duc  et  le  comte  de  Gueldre  prennent  l’évêque  de  Cam- 
brai pour  arbitres  de  leurs  différends. 

1er  novembre  environ.  Nouvelle  lettre  adressée  par  le  duc  à Béatrix 
de  Brabant  pour  lui  demander  de  l’argent. 

6 novembre.  Sentence  prononcée  par  l’évêque  de  Cambrai. 

18  novembre.  Le  sire  d’Antoing  reçoit  du  comte  de  Flandre  le  château 
de  Limbourg. 

28  novembre.  L’évêque  de  Cambrai  reçoit  de  même  le  château  de 
Rolduc. 

6 décembre.  Jean  Ier  exempte  de  tonlieux  les  habitants  de  deux  villes 
nouvellement  fondées  en  Zélande. 

8 décembre.  L’évêque  somme  le  duc  de  délivrer  le  comte. 

11  décembre.  Celui-ci  accepte  solennellement  la  sentence  de  l’évêque. 

15  et  16  décembre.  L’évêque  somme  de  nouveau  le  duc  de  mettre  le 
comte  en  liberté. 


( 445  ) 

18  décembre.  L’évêque  renonce  à ses  fonctions  d’arbitre. 

. . . Grande  marce  qui  dévaste  Lillo  et  ses  environs. 

1289. 

6 février.  Conclusion  d’une  alliance  entre  le  comte  de  Flandre  et  le 
sire  de  Fauquemont. 

2 avril  (samedi  après  la  mi-carême).  Émeute  à Luxembourg. 

19  mai.  Convention  conclue  entre  Sifroi,  d’une  part,  le  duc  de  Bra- 
bant, les  comtes  de  Berg,  de  la  Marck  et  de  Waldeck,  et  Waleram  de 
Juliers,  d’autre  part. 

51  mai.  Le  duc  cède  en  arrentement  aux  bouchers  et  aux  poissonniers 
de  Bruxelles  le  marché  au  poisson  de  cette  ville. 

Mai.  La  châtelaine  de  Bruxelles  confirme  à ses  tenanciers  d’Ixelles  la 
possession  de  quelques  pâtures. 

18  juin.  Traité  entre  Sifroi  et  les  Colonais.  L’archevêque  mis  en  liberté. 

26  juin.  Les  sires  de  Loncin  déclarent  que  le  comte  de  Luxembourg 

les  a indemnisés  de  leurs  pertes. 

29  juin.  Ils  renoncent  à leurs  droits  sur  le  château  de  Loncin  et  d’au- 
tres domaines. 

19  juillet.  Ils  donnent  quittance  de  quatre  mille  marcs  à Guy  de  Dam- 
pierre. 

25  juillet  (samedi  avant  le  jour  des  saints  Jacques  et  Christophe). 
Pardon  accordé  aux  habitants  de  Luxembourg. 

5 août.  Bulle  papale  ayant  pour  but  de  forcer  les  Colonais  à mettre 
leur  archevêque  en  liberté. 

8 août.  Autre  bulle  analogue,  adressée  aux  évêques  de  Strasbourg  et 
de  Worms. 

9 août.  Bulle  adressée  aux  Colonais. 

17  août.  Le  sire  de  Durbuy  est  qualifié  de  seigneur  de  Fauquemont. 
• Août.  Le  comté  de  Gueldre  est  remis  au  roi  de  France. 

5 septembre.  Le  duc  approuve  les  statuts  de  la  gilde  de  Bruxelles. 

15  octobre  (samedi  avant  la  fête  de  saint  Luc).  Traité  de  paix  conclu 
à Paris,  par  le  roi  de  France,  Philippe  le  Bel,  entre  le  duc  de  Brabant 
et  le  comte  de  Gueldre.  Le  duc  devient  le  possesseur  du  Limbourg. 

7 et  8 novembre.  Florent  Berthout  est  chargé  de  recevoir  pour  le  due 

remise  de  Herve  et  de  Sprimont. 

8 novembre.  Le  duc  donne  quittance  de  4,300  marcs  de  Cologne  que 
lui  devait  le  comte  de  Gueldre, 


i 


( 446  ) 

4 1 novembre.  Le  duc  donne  à Guy  de  Dampierre  quittance  de  quatre 
mille  marcs  dont  le  sire  de  Fauquemont  lui  était  redevable. 

4 décembre  (dimanche  après  la  Saipt-André).  Jean  Ier  confirme  au  vil- 
lage de  Duysbourg  près  de  Tervueren  ses  privilèges. 

25  décembre  (vendredi  avant  la  Noël).  Le  duc  reçoit  l’hommage  du 
sire  de  Randerode  pour  le  château  de  ce  nom. 

24  décembre  (veille  de  la  Noël).  11  reçoit  l’hommage  de  Waleram,  sire 
de  Hcngebach,  pour  la  seigneurie  de  Brucge. 

28  décembre  (jour  des  Innocents).  Jean,  fils  du  due,  confirme  l’inféo- 
dation de  quelques  biens  à Libcrt  de  Milcsen. 

1290. 

4b  janvier  (dimanche  après  les  octaves  de  l’Epiphanie,  4289).  Accord 
conclu  entre  Jean  Ier  et  l’abbesse  de  Nivelles,  au  sujet  de  leur  juridiction 
respective  dans  cette  ville. 

4 S janvier  ( 1289).  Traité  d’alliance  entre  Guy,  comte  de  Flandre,  et 
son  fils,  l’évêque  de  Liège. 

48  janvier.  Le  pape  délie  l’archevêque  de  Cologne  des  engagements 
qu’il  avait  contractés. 

25  janvier  (Conversion  de  saint  Paul).  Le  duc  Jean  concède  le  ma- 
noir d’Eppene  à Arnoul  de  Julémont. 

25  janvier  (1289).  Accord  entre  le  sire  de  Durbuy  et  l'évêque  de  Liège. 

51  janvier.  Bref  adressé  par  le  pape  aux  archevêques  de  Mayence  et 
de  Trêves  pour  l’exécution  du  bref  du  18  janvier. 

2 février  (Purification  ).  Le  duc  fonde  à l’église  de  Sainte-Gudule , de 
Bruxelles,  la  chapellenie  des  Trois-Rois,  en  mémoire  de  sa  victoire  de 
Woeringen. 

42  février  (dimanche  après  les  octaves  de  la  Purification).  Godefroid 
et  Edmond  de  Kerpen  renoncent  à leurs  droits  sur  le  château  de  ce  nom. 

24  février  (jour  de  saint  Matthias).  Henri,  sire  de  Gerarstein,  relève 
du  duc  le  fief  de  Blidenstat. 

27  février  (dimanche  après  la  Saint-Matthias,  en  4289).  Jean  Ier  ac- 
quiert de  l’abbaye  d’Alflighem  une  grande  demeure  située  rue  des  Che- 
valiers, à Bruxelles. 

48  mars  (samedi  avant  le  dimanche  Oculi).  Gérard,  sire  de  Quabeek, 
reconnaît  devoir  un  cens  au  chapitre  d’Utrecht. 

19  mars  ( 4289).  Les  religieux  de  Parc  sont  autorisés  par  le  duc  h 
chasser,  dans  leurs  bois,  le  Sapin  et  le  lièvre. 


( 447  ) 

25  mars.  Le  comte  de  Flandre  se  fait  adjuger,  par  ses  vassaux,  la  pos- 
session de  la  Zélande.  Guerre  entre  ce  prince  et  le  comte  de  Hollande. 

9 avril.  Le  duc  restitue  aux  bourgeois  de  Lierre  leurs  anciens  privi- 
lèges. 

10  avril  ( lundi  après  le  dimanche  Qaasïmodo).  Jean , de  Louvain,  sire 
de  Herstal,  fixe  le  cens  que  ses  sujets  de  Lccuw-Saint-Pierre  lui  doivent. 

1 1 avril.  Les  nobles  de  la  Zélande  se  soumettent  à Guy  de  Dampierre. 

25  avril  (dimanche  Jubilatc).  Le  duc  approuve  les  donations  faites 

au  prieuré  d’Auderghem  par  Aleydc  de  Pervvez,  dame  d’Hobokcn. 

24  avril.  L’écoutète  d’Anvers  détermine  les  limites  des  deux  fractions 
de  la  terre  de  Bréda. 

29  avril.  Le  comte  de  Hollande  affranchit  de  tonlieu  les  habitants  de 
Grave. 

29  avril.  Le  roi  Rodolphe  accorde  au  duc  Jean  des  lettres  de  sauve- 
garde pour  venir  à sa  cour. 

29  avril.  Le  même  roi  prend  le  duc  sous  sa  protection  spéciale. 

Avril.  Guillaume,  sire  de  Dongelberg,  affranchit  un  de  ses  serfs. 

19  mai  (vendredi  après  la  Saint-Servais ).  Gerlac,  noble  homme  de 
Dollendorp,  donne  quittance  à son  suzerain,  le  duc  Jean,  de  quarante 
marcs  de  Cologne,  que  celui-ci  devait  au  comte  de  Juliers,  et  prie  le 
duc  de  faire  payer  cette  somme  au  chevalier  Godescalc,  sénéchal  de 
Juliers  ( Carlul aire  du  Brabant  /i,  f°  90  v.). 

51  mai.  Le  comte  de  Hollande  affranchit  de  tonlieu  les  habitants 
d’Heusden. 

Mai.  Le  roi  Rodolphe  accorde  aux  nobles  zélandais  le  tiers  des  aides 
levées  sur  leurs  sujets. 

Mai.  Le  comte  de  Hollande  est  arrêté  à Biervliet  par  ordre  du  comte 
de  Flandre. 

Mai.  Le  duc  de  Brabant  partage  avec  le  chapitre  de  Nivelles  la  pro- 
priété du  bois  voisin  de  cette  ville. 

Mai.  Le  duc  accepte  le  rôle  de  médiateur  entre  les  comtes  de  Flandre 
et  de  Hollande. 

2 et  12  juin.  Le  duc  se  charge  de  terminer  le  débat  existant  entre  le 
comte  de  Hollande  et  les  nobles  zélandais. 

0 juin.  Accord  conclu  entre  le  comte  de  Flandre  et  l’évêque  de  Liège 
au  sujet  des  frontières  de  leurs  possessions. 

8 juin.  Le  duc  promet  au  comte  de  Flandre  de  l’aider  à faire  exécute]' 
ce  traité,  si  le  comte  de  Hollande  ne  remplit  pas  ses  engagements. 


( 448  ) 

10  juin.  Le  duc  se  rend  caution  de  vingt  mille  livres  pour  Florent, 
envers  le  comte  de  Flandre. 

11  juin , Il  promet  au  comte  de  Hollande  de  l’affranchir  du  payement 
de  cette  somme. 

12  juin  ( cindach  van  sinte  Bonifaes).  Le  comte  de  Hollande  promet 
d’exécuter  les  conditions  du  traité  que  Jean  Ier  conclura  en  son  nom 
avec  la  Flandre. 

19  juin.  Charte  du  duc  relative  à la  halle  aux  draps  d’Anvers. 

1er  juillet  (samedi  après  la  nativité  de  saint  Jean-Baptiste).  Le  sei- 
gneur de  Diest  confirme  à la  ville  de  Diest  ses  libertés, 

2 juillet  (dimanche,  veille  des  octaves  de  la  Saint -Jean- Baptiste). 
Célébration  du  mariage  de  Jean,  fils  du  duc,  et  de  Marguerite  d’York. 

5 juillet.  Les  délégués  du  pape  somment,  sans  succès,  les  Colonais 
de  comparaître  à Bonn.  — Enquête  ouverte  dans  cette  dernière  ville. 

5 juillet.  Le  roi  Rodolphe  donne  en  engagère  au  comte  de  Clèves  les 
villes  de  Nimègue,  de  Duysbourg  et  de  Deventer. 

6 juillet.  Le  comte  de  Hollande  obtient  du  roi  Rodolphe  l’annulation 
des  engagements  qu’il  a contractés. 

20  juillet.  Le  roi  confie  au  comte  de  Gueldre  l’administration  de  la 
Frise. 

14  août.  Le  duc  promet  au  comte  de  Flandre  de  se  rendre  à Gand 
pour  s’y  constituer  prisonnier,  comme  caution  des  promesses  du  comte 
de  Hollande. 

Août.  Le  duc  vend  à la  commanderie  de  Vaillampont  une  partie  du 
bois  de  Nivelles. 

8 septembre.  Le  roi  d’Angleterre  charge  deux  délégués  d’assister  à 
l’assignation  de  raugmentation  de  dot,  accordée  par  Jean  Ier  à son  fils 
et  à la  fille  du  roi. 

21  septembre.  Le  duc  accorde  des  privilèges  aux  bourgeois  de  Léau. 

28  septembre.  Il  accorde  des  privilèges  aux  Bruxellois. 

29  septembre.  Il  en  accorde  également  aux  Louvanistes. 

Septembre.  Jean  Ier  cède  douze  bonniers  de  bois  à l’hôpital  Saint-Nico- 
las, de  Nivelles. 

1er  octobre.  Alliance  conclue  entre  le  comte  de  Flandre  et  la  comtesse 
de  Luxembourg. 

5 novembre.  Le  comte  de  Hollande  pardonne  aux  Zélandais  soulevés. 

6 novembre.  Sentence  de  l’archevêque  de  Cologne  et  d’autres  arbitres, 
dans  le  but  de  terminer  les  débats  existants  entre  le  comte  de  Clèves  et 
les  habitants  de  Duysbourg. 


( 449  ) 

6 novembre  (lundi  après  la  Toussaint).  La  comtesse  de  Luxembourg  et 
son  fils  s’engagent  à accomplir  les  conditions  du  traité  négocié  par  le 
comte  de  Flandre  et  le  duc  de  Brabant  pour  le  mariage  d’une  fille  de  ce 
dernier,  Marguerite,  avec  le  jeune  comte  de  Luxembourg,  Henri. 

25  novembre  (jour  de  sainte  Catherine).  Jean  Ier  autorise  l’abbaye 

# 

d’Alïlighem  à acquérir  des  biens  appartenant  a deux  de  ses  serviteurs. 

19  décembre.  Le  duc  obtient  du  comte  de  Flandre  un  délai  pour  se 
rendre  à Gand. 

24  décembre  (veille  de  la  Nativité).  Jean  1er  étend  la  juridiction  que 
Gilles  Van  den  Berghe  possédait  à Wilsele. 

...  Le  sire  de  Stryene  inféode  à son  frère  Guillaume  les  terres  dites 
depuis  de  Sevenberge. 

. . . Guerre  des  habitants  de  Valenciennes  contre  leur  seigneur,  le 
comte  de  Hainaut. 

1291. 

15  janvier  (dimanche  avant  la  Chaire  de  Saint-Pierre,  en  1290).  Le 
duc  fixe  le  taux  qu’auront  dorénavant  la  nouvelle  monnaie  et  la  monnaie 
ordinaire. 

18  février  (1290)  et  2 juin.  Chartes  de  privilèges  accordées  à Duys- 
bourg  par  le  roi  Rodolphe. 

21  février  ( 1290).  Le  duc  Jean  accorde  des  privilèges  à la  ville  d’An- 
vers. 

25  février  ( 1290,  vendredi  avant  le  Grand-Carème).  Enquête  ouverte, 
à Tirlemont,  au  sujet  des  biens  de  Henri  Van  den  Berghe,  de  Meldert. 

24  février  ( 1290).  Le  duc  Jean  accorde  des  privilèges  à la  ville  de 
Tirlemont. 

Février  ( 1290).  Le  comte  de  Gueldre  abandonne  à son  beau-père,  le 
comte  de  Flandre,  l’administration  de  la  Gueldre. 

31  mars.  Promesses  faites  par  Jean  Ier  au  comte  de  Hollande  au  sujet 
des  contestations  de  ce  prince  avec  l’évêque  d’Utrecht. 

2 avril.  Nouveau  délai  accordé  par  le  comte  de  Flandre  au  duc 
Jean  Ier. 

15  avril.  Privilèges  accordés  par  le  ducaux  bourgeois  d’Hérentals. 

13  mai  (jour  de  la  Saint-Servais).  Florent  Doupuy  relève  du  duc  une 
rente  féodale. 

50  mai  (veille  de  l’Ascension).  Des  chevaliers  limbourgeoîs  assaillent 
la  forteresse  liégeoise  du  Mont-Cornillon. 


( 430  ) 

22  juin.  Le  duc  oblige  la  ville  de  Middelbourg  à lui  fournir  des  otages. 

30  juin  (à  Genappe,  le  lendemain  des  saints  Pierre  et  Paul).  Le  duc 
donne  six  journaux  de  terre  situés  à Kerpen  à l’abbaye  d’Inde,  et  auto- 
rise les  drapiers  de  Renaix  à étaler  leurs  draps  à Louvain,  sans  payer 
de  cens. 

Juin.  Nouveau  délai  accordé  à Jean  Ier  par  Guy  de  Dampierrc. 

43  juillet . Mort  du  roi  Rodolphe  de  Hapsbourg. 

Juillet . Statuts  donnés  par  Jean  Ier  aux  monnayeurs  brabançons. 

41  août  (lundi  avant  l’Assomption).  Le  duc  et  le  seigneur  de  Fauque- 
mont  garantissent  le  payement  d’un  emprunt  contracté  par  la  ville 
d’Aix-la-Chapelle. 

44  octobre.  Convention  ayant  pour  but  de  déterminer  les  limites  de 
la  terre  de  Corroy-le-Château  et  du  comté  de  Namur. 

7 novembre.  Traité  d’alliance  entre  le  duc  et  le  comte. 

9 novembre.  Jean  Ier  défend  d’exiger  des  tonlieux  des  habitants  de 
Tholen. 

29  décembre  (lendemain  des  Innocents).  Jean  ICI  prend  sous  sa  pro- 
tection Pabbaye  d’Everboden. 

4292. 

46  janvier  (vendredi  après  les  octaves  du  treizième  jour,  en  1291). 
Le  duc  détermine  les  droits  que  Henri  de  Wilre  possédait  à Westwezcl. 

7 février  (4294).  Charte  réglant  le  mode  d’après  lequel  on  procédera 
au  partage  des  revenus  et  des  droits  seigneuriaux,  à Wavre. 

24  février.  Conventions  arrêtées  pour  le  mariage  d’une  des  filles  du 
duc  avec  le  jeune  comte  de  Luxembourg. 

27  mars  (jeudi  avant  les  Pâques  fleuries,  1291).  Le  duc  Jean  donne 
cinq  cents  livres  à Jean  de  Landwyck,  qui  épouse  une  de  ses  filles  natu- 
relles, et  Adam  de  Landwyck,  père  de  Jean,  cède  à celui-ci  le  château 
de  Horst. 

15  avril.  Le  duc  promet  au  comte  de  Flandre  de  ne  pas  attaquer  les 
domaines  ou  les  sujets  du  comte  de  Luxembourg. 

45  avril.  Nouveau  délai  accordé  à Jean  Ier  par  Guy  de  Dampierrc. 

24  avril.  Confirmation  des  conventions  du  mariage  du  comte  de 
Luxembourg. 

Avril.  Charte  de  protection  et  de  confirmation  de  privilèges  accor- 
dée à l’abbaye  d’Afïlighem. 


( 451  ) 

Avril.  Charte  semblable  accordée  à Parc-les-Dames. 

26  mai.  Alliance  conclue  entre  les  comtes  de  Flandre  et  de  Luxem- 
bourg. 

2 juin  (lundi  après  la  Trinité).  Le  comte  de  Looz  déclare  n’avoir  aucun 
droit  sur  les  biens  de  l’abbaye  de  Saint-Trond,  aux  environs  de  Ilaelen. 

2 juin.  Le  duc  renonce  à ses  droits  sur  un  warissal , situé  entre  Hcrck 
et  Ilaelen. 

2 juin.  Charte  de  confirmation  de  privilèges  octroyée  par  le  duc  Jean 
à l’abbaye  de  Saint-Bernard. 

9 juin,  à Tervucrcn.  Mariage  du  jeune  comte  de  Luxembourg  et  de 
Marguerite  de  Brabant. 

12  juin.  Le  duc  moyenne  un  accord  entre  le  comte  de  Hollande  et  le 
sire  de  Renesse. 

15  juin.  Le  roi  Adolphe  de  Nassau  autorise  le  seigneur  de  Fauque- 
mont  à acheter  du  duc  Jean  l’écoutèterie  de  la  ville  d’Aix-la-Chapelle. 

15  juin  (vendredi  après  les  octaves  de  la  Trinité).  Le  duc  Jean  aban- 
donne des  aisements  aux  tenanciers  de  Gottechain. 

24  juin.  Couronnement  du  roi  Adolphe,  à Aix. 

50  juin.  Accord  entre  le  roi  et  le  duc,  au  sujet  du  duché  de  Limbourg. 

7 juillet.  Le  roi  Adolphe  charge  le  duc  de  protéger  le  monastère  de 
Beaufays. 

15  juillet  (jour  de  la  Division  des  apôtres).  Charte  ducale  ayant  pour 
but  de  prévenir  la  dévastation  des  bois  de  l’abbaye  de  Parc. 

1 § juillet  (mercredi  avant  la  Sainte-Marie-Madeleine).  Charte  de  con- 
firmation de  privilèges  accordée  aux  abbayes  de  Saint-Michel  et  de  Grim- 
berghe. 

22  juillet.  Conventions  arrêtées  entre  le  duc  et  le  sire  de  Châtillon , 
pour  le  mariage  de  leurs  enfants  respectifs. 

1 6 août.  Le  roi  Adolphe  confirme  au  chapitre  de  Nivelles  ses  privilèges. 

25  août.  Le  roi  Adolphe  autorise  le  comte  de  Hollande  à relever  scs 
fiefs  de  l’Empire  par-devant  le  duc  de  Brabant. 

28  août  (jeudi  avant  la  décollation  de  Saint-Jean-Baptiste).  Le  sire 
de  Blanckenheim  relève  en  fief  du  duc  son  château  allodial  de  Blanc- 
kenheim. 

15  septembre.  Le  roi  Adolphe  prend  le  duc  Jean  sous  sa  protection 
spéciale  et  confirme  ses  privilèges. 

21  septembre.  Le  roi  choisit  le  duc  pour  un  de  ses  familiers  et  con- 
seillers. 

Tome  XIII. 


29 


( 452  ) 

22  septembre.  Le  roi  engage  au  duc  différents  domaines. 

Septembre.  L’évêque  de  Cambrai  rentre  dans  sa  capitale,  qui  s’était 
soulevée  contre  lui. 

6 octobre  (lundi  après  la  Saint-Remy).  Jean  d’Avesnes,  que  le  roi  de 
France  avait  fait  arrêter,  est  remis  en  liberté. 

8 octobre  (mercredi  après  la  Saint-Remy).  Le  duc  reçoit  l’hommage 
du  comte  de  Catzenellebogen,  pour  le  château  de  Stadeck, 

15  octobre.  Mort  de  Jean  de  Flandre,  évêque  de  Liège.  Lutte  d’in- 
fluence entre  le  Brabant  et  la  Flandre,  d’une  part,  et  le  comte  de  Hainaut, 
d’autre  part,  au  sujet  de  l’élection  du  successeur  de  ce  prélat.  Guy  de 
Hainaut  devient  évêque  de  Liège,  et  le  comte,  son  frère,  mambour  de 
l’évêché. 

14  octobre.  Le  duc  Jean  négocie  une  trêve  entre  les  comtes  de  Flandre 
et  de  Hainaut. 

16-17  novembre.  Le  duc  se  porte  caution  d’une  dette  contractée  par  le 
sire  de  Fauquemont. 

18  novembre.  Le  roi  constitue  le  duc  son  avoué  principal  entre  le 
Rhin  et  la  mer. 

. . . Jean  Ier  fonde  la  chapellenie  de  Saint-Martin  à l’hôpital  Saint- 
Jean,  de  Bruxelles. 

. . . Charte  ducale  en  faveur  de  l’abbaye  de  Dilighem. 

. . . Keures  criminelles  accordées,  par  Jean  Ier,  au  plat  pays  de  l’am- 
manie  de  Bruxelles , du  quartier  d’Anvers  et  du  bailliage  du  Brabant 
wallon. 

, . . Déclaration  du  sénéchal  de  Brabant  en  faveur  de  l’abbaye  d’Hey- 
lissem. 

o . . Énumération,  par  Jean  1er,  des  privilèges  de  la  ville  d’Aerschot. 

1295. 

24  janvier  (1292).  Convention  entre  le  duc  et  les  sires  de  Grimberghe, 
au  sujet  des  obligations  et  des  droits  de  leurs  vassaux. 

24  mars  (mardi  après  Pâques  fleuries,  1292).  Le  duc  promet  à ses 
sujets  de  ne  plus  leur  imposer  des  tailles. 

14  mai  (jeudi  avant  la  Saint-Marc),  Le  sire  de  Fauquemont  promet  au 
duc  que  les  Ilavret  deviendront  ses  vassaux. 

24  mai  (dimanche  de  la  Trinité).  Les  magistrats  de  Louvain  prennent 
sous  leur  protection  les  bogards  de  cette  ville. 


\ 


( 455  ) 

51  mai.  Le  duc  vend  aux  Louvanistes  le  marché  au  bétail  de  leur 

ville. 

4 juin  (veille  de  saint  Boniface).  Waleram,  comte  de  Juliers,  libère 
le  duc  de  rengagement  que  celui-ci  avait  contracté,  en  son  nom,  envers 
le  chevalier  Herman  Vanden  Sterre,  bourgeois  de  Cologne.  ( Cartulaire 
de  Brabant  B7  fol.  46  v°.) 

6 juin  (lendemain  de  la  Saint-Boniface).  Jean  Bote,  receveur  du  duc, 
donne  à cens  des  terres  vagues  situées  à Heisterlé. 

15  juin.  Le  duc  étant  près  du  roi  Adolphe,  le  comte  de  Flandre  s’ex- 
cuse de  ne  pas  relever  ses  fiefs  de  l’Empire. 

1er  juillet  (mercredi  après  les  octaves  des  saints  Pierre  et  Paul).  Con- 
fîrmation  de  la  charte  de  liberté,  accordée,  en  1222,  aux  bourgeois  de 
Wavre  par  le  duc  Henri  Ier. 

14  juillet  (jeudi  avant  la  Division  des  apôtres).  Le  sire  de  Hornes  pro- 
met de  garantir  le  duc  des  conséquences  de  la  caution  qu’il  a offerte 
pour  lui. 

10  septembre  (samedi  après  la  Nativité  de  Notre-Dame).  Charte  ducale 
énumérant  les  droits  que  possèdent  les  sires  de  Rotselaer,  sénéchaux  hé- 
réditaires de  Brabant. 

21  octobre  (vendredi  avant  la  Saint-Simon  et  Jude).  Le  chapitre  de 
Liège  prie  son  évêque  d’approuver  l’élection  d’Yolende  de  Steyne  en 
qualité  d’abbesse  de  Nivelles. 

8 novembre.  Le  duc  accorde  aux  monastères  du  duché  une  exemption 
de  tailles  pendant  huit  années. 

11  novembre  (jour  de  la  Saint-Martin).  Le  duc  déclare  que  les  impôts 
levés  par  ses  ordres  à Nederen,  ne  lui  donnent  aucun  droit  sur  ce  vil- 
lage. 

26  novembre.  Le  roi  d’Angleterre  ordonne  de  punir  ceux  qui  ont  causé 
des  torts  à un  négociant  brabançon. 

50  novembre.  Le  comte  de  Vianden,  sire  de  Grimberghe,  vend  au 
comte  de  Flandre  la  terre  de  Ninove. 

22  décembre.  Le  comte  de  Hainaut  reçoit  la  soumission  de  la  ville  de 

« 

Maubeuge,  qui  s’était  soulevée. 

. . . Guillaume,  sire  de  Boxtel,  relève  du  duc  le  château  de  Stapelen. 


( 454  ) 


1294. 

4 janvier.  Le  roi  Adolphe  ordonne  au  comte  de  Looz  et  au  sire  de 
Cuyck  de  donner  les  régales  à la  nouvelle  abhcsse  de  Nivelles,  Yolende 
de  Steyne. 

22  janvier  (vendredi  avant  la  Conversion  de  saint  Paul,  en  1295).  Le 
comte  de  Looz  fait  recevoir  Yolende  de  Steyne  par  le  chapitre  et  la  ville 
de  Nivelles.  Le  duc  de  Brabant  saisit  les  biens  de  l’abbesse  et  du  chapitre. 

7 février  (1295).  Le  duc  autorise  le  chapitre  d’Anvers  à s’emparer  des 
terrains  d’alluvion  et  à les  endiguer. 

15  mars  (samedi  après  le  dimanche  Invocavit ).  Rase  de  Gavre  et  son 
fils  Rase  donnent  quarante  et  un  bonniers  à l’abbaye  de  Tongerloo. 

20  mars  (lendemain  de  l’Annonciation,  en  1295).  Le  duc  ordonne  à 
ses  officiers  de  faire  payer  à l’abbaye  de  Tongerloo  les  cens  qui  lui  sont 
dus. 

Mars  (1295).  Charte  de  protection  accordée  par  le  duc  aux  religieux 
de  Villers. 

4 avril  (dimanche  J adieu).  La  gilde  de  Louvain  prend  les  bogards  de 
cette  ville  sous  sa  protection. 

Avril.  Le  sire  de  Fauquemont  et  le  comte  de  Looz  assiègent  le  château 
de  Boni,  appartenant  au  comte  de  Gueldre.  — Le  29,  le  roi  Adolphe 
leur  ordonne  de  lever  ce  siège. 

Avril.  Le  duc  accompagne,  dans  le  comté  de  Bar,  la  fiancée  du  comte. 

5 mai.  Il  est  tué,  en  joutant,  à Bar.  On  transporte  son  corps  à Reims, 
où  ses  ossements  sont  séparés  des  chairs,  puis  conduits  à Bruxelles,  où 
on  les  ensevelit  dans  l’église  des  frères  mineurs. 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS. 


La  rédaction  de  nos  Ephémérides  de  la  vie  el  du  règne  de  Jean  Ier  nous  a 
procuré  l’occasion  de  rectifier  quelques  erreurs  de  date  qui  se  sont  glissées 
dans  notre  Mémoire.  Voici  d’autres  erreurs  que  nous  devons  également  redres- 
ser, des  omissions  qu’il  nous  faut  réparer  : 

Page  26,  ligne  J 2.  Au  lieu  de  : l’abbé  de  Sainte-Gertrude  de  Louvain , lisez  : 
l’abbé  de  Saint-Trond, 

Page  62,  note  1.  Il  s’agit  ici  d’une  quittance  donnée  au  duc  par  le  roi  de 
France,  et  non  par  le  duc  au  roi. 

Page  67.  Les  notes  sont  mal  indiquées.  Le  chiffre  2 doit  être  supprimé 
à la  ligne  9 et  reporté  à la  ligne  15.  Le  chiffre  3 remplace  le  chiffre  4,  ligne  16  , 
et  la  note  4 se  place  sur  la  ligne  20. 

Page  78,  ligne  21.  Le  duc  de  Brabant  intervint  énergiquement  dans  cette 
querelle  des  Liégeois  et  de  leur  évêque  : en  1270,  le  jour  des  saints  Fabien 
et  Sébastien,  il  promit  aux  premiers  de  les  protéger,  eux  et  leurs  biens,  de 
les  défendre,  de  les  maintenir  en  leurs  droits  et  franchises,  sauf  le  droit  de 
l’Église,  en  qualité  de  haut  voué  de  la  ville.  Archives  de  l'audience , aux 
Archives  du  royaume. 

Page  193,  ligne  10.  A cette  époque,  Renaud  avait  déjà  été  mis  en  liberté. 

Page  244,  ligne  26.  Il  est  certain  que,  dès  le  treizième  siècle,  le  château 
ducal  de  Louvain  occupait  la  hauteur  dite  depuis  du  château  César  ; l’église 
Saint-Nicolas,  qui  s’élevait  en  cet  endroit  est  mentionnée,  en  1274,  comme 
existant:  ante  castrum,  « devant  le  château.  » 


. 


. 


■ 


TABLE  DES  MATIERES. 


Pages. 


Introduction 1 

I.  Coup  d’œil  sur  la  politique  des  prédécesseurs  de  Jean  Ier . . . . ib. 

Situation  de  l’Europe  au  milieu  du  treizième  siècle 5 

Comparaison  entre  le  caractère  de  Jean  Ier  et  celui  de  son  père 

Henri  III 6 

II.  Avènement  au  trône  d’Allemagne  de  Guillaume  de  Hollande  ...  7 

Querelle  des  d’Avesnes  et  des  Dampierre 8 

Soulèvement  des  Liégeois  contre  Henri  de  Gueldre ib. 

Établissement  de  la  confédération  des  villes  Rhénanes 10 

Mort  du  roi  Guillaume.  — Élection  de  Richard  de  Cornouailles  en 

qualité  de  roi  des  Romains 11 

Lutte  entre  les  bourgeois  de  Cologne  et  Conrad,  archevêque  de 

cette  ville 13 

III  Le  duc  Henri  III  de  Brabant 15 

Mariage  de  ce  prince 16 

Sa  mort  et  son  testament 17 

Chapitre  Ier.  ■ — Minorité  des  enfants  du  duc  Henri  III.  — Avènement 

de  Jean  Ier  au  trône  ducal 19 

I.  Embarras  pécuniaires  de  la  duchesse  Aleyde ib. 

Alliances  conclues  par  les  villes  du  Brabant 21 

Les  Col  vers  et  les  Blanckaerls  de  Louvain 23 

Soulèvement  des  Nivellois  contre  leur  abesse 24 

Traité  d’extradition  entre  le  Brabant  et  la  Flandre 26 

Assassinat  des  chevaliers  de  Velp 27 

IL  Contestations , en  Brabant , à propos  de  la  tutelle  des  jeunes  princes.  ib. 


( 438  ) 


Pages. 


Prétentions  du  landgrave  de  Thuringe 28 

Prétentions  de  Henri  de  Louvain,  sire  de  Herstal 50 

Gouvernement  d’Othon,  comte  de  Gueldre,  et  de  son  frère  Henri, 

évêque  de  Liège 52 

III.  Rupture  entre  le  Brabant  et  ce  dernier  prince 55 

Siège  de  Malines 54 

L’évêque  s’empare  de  Maestricht 56 

Conventions  qui  mettent  fin  à ce  débat  . 57 


L’archevêque  de  Cologne,  Englebert,  allié  de  la  duchesse  Aleyde, 
est  vaincu  et  pris  par  les  Colonais,  alliés  de  Henri  de  Gueldre.  . 58 

Le  duc  dçLimbourg,  en  essayant  de  prendre  Cologne  , y est  fait  pri- 
sonnier.   42 

IV.  La  duchesse  Aleyde  projette  de  substituer  le  deuxième  de  ses  fils, 

Jean , à Henri , l’aîné 44 

Le  seigneur  de  Wesemael  et  les  Louvanistes  se  soulèvent  ; guerre 

civile,  défaite  des  Louvanistes ib . 

Henri  cède  le  duché  à son  frère  et  fait  profession  à Saint-Étienne, 
de  Dijon 46 


Chapitre  IL  — Alliances  matrimoniales  entre  le  Brabant , d’une  part , 
la  Flandre,  la  France,  l'Angleterre , d'autre  part.  — Relations 
avec  l'Empire 50 


I.  Guerre  dans  le  Barrois 

Invasion  du  royaume  de  Naples  par  Charles  d’Anjou;  septième  croi- 
sade; croisade  de  bergers 

Jean  Ier  épouse  Marguerite  de  France 

Après  la  mort  prématurée  de  cette  princesse,  il  s’allie  à Marguerite 

de  Flandre 

Mort  de  la  duchesse  Aleyde 

Mariage  de  sa  fille  Marie  avec  le  roi  de  France,  Philippe  le  Hardi.  . 

Aventure  de  Pierre  de  la  Brosse 

Marie  de  Brabant  fonde,  à Nivelles,  le  béguinage  de  Saint-Cyr  ou 

de  la  Royauté . 

Jean  Ier  accompagne,  à deux  reprises,  les  armées  que  Philippe  III 

conduit  en  Espagne 

IL  Le  duc  se  distingue  dans  un  tournoi,  en  Angleterre 

Fiançailles  de  Jean,  son  fils,  et  de  Marguerite  d’Angleterre  . . . 

III.  Politique  et  mort  de  Richard  de  Cornouailles 

Rodolphe  de  Hapsbourg  succède  à Richard 

Politique  de  ce  prince 


ib. 

51 


55 

54 

ib. 

v v 

ou 

60 

61 

64 

65 
68 
70 
72 


( 459  ) 

Pages. 

Chapitre  III.  — Relations  du  Brabant  et  du  pays  de  Liège,  de  1270 

à 1290  76 

I.  Troubles  à Liège;  les  bourgeois  prennent  la  citadelle  de  Sainte- 

Walburge ib. 

Le  duc  Jean  reconnu  pour  avoué  de  Liège 78 

Dernières  années  de  Henri  de  Gueldre  . ib. 

II.  Guerre  de  la  vache . 81 

III.  Jean  de  Flandre  devient  évêque  de  Liège 86 

Alliance  conclue  entre  le  duc,  d'une  part,  Jean  de  Flandre  et  les 

bourgeois  de  Liège,  d’autre  part 87 

Établissement  d’une  copimune  à Saint-Trond 94 

Chapitre  IV.  — Soulèvement  des  paysans  hollandais  et  frisons,  et 
révolutions  d'Utrecht.  — Influence  que  ces  événements  exercent 
en  Brabant  et  en  Flandre.  — Guerre  des  habitants  d'Aix-la- 
Chapelle  contre  la  famille  de  Juliers , etc.  (1268-1282).  . . . 95 

I.  Soulèvement  en  Frise,  dans  le  Kennemerland  et  à Utrecht.  . . . ib. 

Dissensions  intestines  dans  cette  dernière  ville . . 100 

Le  comte  Florent  rétablit  la  tranquillité  dans  ses  États  ....  101 

Ses  relations  avec  Jean  Ier 105 

Renaud  de  Gueldre  et  le  duc  de  Brabant 104 

IL  Scission  qui  se  manifeste  dans  la  plupart  des  villes  belges,  entre  la 
haute  bourgeoisie  et  les  artisans;  troubles  en  Flandre,  à Tour- 
nai, etc 107 

III.  Les  comtes  de  Juliers MO 

Guerre  du  comte  Guillaume  contre  l’archevêque  de  Cologne,  Sifroi 

et  la  ville  d’Aix-la-Chapelle ib. 

Le  comte  est  tué  dans  Aix,  qu’il  croyait  conquérir 112 

Le  duc  de  Brabant  intervient  dans  cette  querelle , et  rétablit  la  paix 

dans  le  pays  entre  la  Meuse  et  le  Rhin . 114 

Réconciliation  de  l’archevêque  et  de  la  ville  d’Aix  avec  la  famille 

de  Juliers.  116 

Nouvelle  alliance  entre  le  duc  Jean  I,  r et  l’archevêque  Sifroi.  . . 118 

Le  duc  acquiert  le  château  de  Kerpen 119 

Des  aventuriers,  se  disant  l’empereur  Frédéric  II,  excitent  des 
troubles  sur  les  bords  du  Rhin  et  en  Flandre 120 

Chapitre  V.  — Commencement  de  la  guerre  pour  le  duché  de  Lim- 

bourg  122 

1.  Les  chevaliers  brabançons  et  limbourgeois  luttent  dans  les  tour- 
nois   ib. 


( 460  ) 

Pages. 

Mort  de  Waleram,  duc  de  Limbourg,  et  de  sa  fille  Ermengarde, 
femme  du  comte  de  Gueldre.  Prétendants  divers  à la  succession 

de  cette  princesse 125 

Le  comte  de  Berg  cède  ses  droits  à Jean  1er  . . . . » . . . 127 
Rupture  entre  celui-ci,  d’une  part,  le  comte  de  Gueldre  et  l’arche- 
vêque de  Cologne , d’autre  part.  Chacun  de  ces  princes  se  ren- 
force par  des  alliances.  . 128 

Conduite  que  tient  le  roi  Rodolphe  en  cette  occasion 130 

II.  Journée  de  Gulpen  ; conclusion  d’une  trêve .132 

Hostilités  dans  le  comté  de  Daelhem , aux  portes  de  Maestricht,  etc.  153 

Blocus  d’Aix-la-Chapelle  et  émeute  dans  cette  ville 156 

Prise  du  château  de  Kerpen  par  l’archevêque ’Sifroi 157 

Fin  de  la  campagne  ib. 

III.  Pendant  l’absence  du  duc,  les  hostilités  recommencent 139 

Mariage  du  comte  Renaud  et  de  Marguerite  de  Flandre  ....  140 
Jean  Ier  resserre  son  alliance  avec  le  comte  de  Hollande;  il  essaye 

vainement  de  secourir  Thiel , force  ses  ennemis  à lever  le  siège 

de  Maestricht  et  s’avance  jusqu’à  Limbourg 142 

Événements  divers  dans  le  duché  de  Limbourg 147 

IV.  Le  duc  Jean  s’assure  de  nouveaux  alliés,  va  guerroyer  dans  le  Bar- 

rois,  et  marche  au  secours  du  comte  de  Berg 150 

Le  comte  de  Gueldre  cède  ses  droits  sur  le  Limbourg  au  comte  de 

Luxembourg 155 

Jean  Ier  assiège  Fauquemont,  envahit  l’archevêché  de  Cologne, 
contracte  alliance  avec  les  Colonais,  et  met  le  siège  devant  Woe- 
ringen 154 

Chapitre  VI.  — La  bataille  de  Woeringen 158 

I.  L’archevêque  Sifroi  et  le  duc  se  préparent  à livrer  bataille  . . . ib. 

Force  respective  des  deux  armées . .- 162 

Discours  de  Jean  Ier  à ses  soldats 163 

IL  Attaque  dirigée  par  les  alliés  contre  l’armée  brabançonne.  . . .164 

Mort  du  comte  de  Luxembourg 166 

L’archevêque  est  entouré  et  pris 167 

Défaite  du  comte  de  Gueldre 169 

Efforts  inutiles  du  seigneur  de  Fauquemont  et  du  lignage  de 
Schaeffdriessche ib. 

III.  Pertes  des  deux  armées 170 

Accueil  triomphal  fait  au  duc  à Cologne  et  en  Brabant 175 

Chapitre  VIL  — Suites  de  la  bataille  de  Woeringen.  — - Situation  de 

l'archevêché  de  Cologne,  cle  la  Gueldre,  du  Luxembourg,  etc.  177 


( 461  ) 


Pages. 

j.  Situation  déplorable  de  l'archevêché  de  Cologne 177 

Traités  conclus  entre  Sifroi  et  ses  ennemis.  Le  pape  Nicolas  IV  re- 
fuse son  assentiment  à ces  négociations  .........  179 

Enquête  dirigée  contre  les  Colonais  ...........  185 

II.  La  guerre  continue  entre  le  duc  Jean  et  le  sire  de  Fauquemont  . . 187 

Efforts  inutiles  de.  l’évêque  de  Cambrai  pour  rétablir  la  paix  et 

rendre  la  liberté  au  comte  de  Gueldre  .188 

Paix  conclue  par  la  médiation  du  roi  de  France 190 

La  ville  de  Duysbourg 192 

Le  seigneur  de  Fauquemont  devient  le  sujet  dévoué  de  Jean  Ier.  . 194 

Administration  désastreuse  du  comte  Renaud  en  Gueldre.  ...  195 

III.  Réconciliation  de  Jean  Ier  et  de  la  famille  de  Luxembourg.  Mariage 

du  jeune  comte  Henri  et  de  Marguerite  de  Brabant 198 

Quelques  mots  sur  le  Limbourg 200 

Chapitre  VIII.  — Dernières  années  du  règne  du  duc  Jean.  Négocia- 
tions dans  le  pays  de  Liège , en  Hollande , en  Hainaut,  dans 
l’Empire . Mort  du  duc  Jean  Ier  ( 1290-1 294) 201 

I.  Jean  Ier  change  complètement  de  politique ib. 

Ses  démêlés  avec  les  Liégeois 202 

Une  lutte  s’engage  entre  la  Flandre  et  la  Hollande.  Étroite  alliance 

conclue  entre  le  duc  et  Guy  de  Dampierre 204 

Situation  du  Hainaut  à cette  époque.  Guerre  des  habitants  de  Valen- 
ciennes contre  le  comte  Jean  d’Avesnes 209 

Contestations,  à Liège , pour  le  choix  d’un  nouvel  évêque  ....  211 
IL  Le  comte  de  Nassau,  Adolphe,  succède  à Rodolphe  de  Habsbourg 

en  qualité  de  roi  des  Romains.  Faveurs  qu’il  accorde  à Jean  Ier . 212 
Dernières  actions  et  mort  du  duc 216 

III.  Retour  de  son  fds,  Jean  II,  en  Brabant 222 

Godefroid  de  Brabant,  frère  de  Jean  Ier.  Tendances  qu’il  veut  faire 
prévaloir.  Sa  mort , à la  bataille  de  Courtrai 224 

Chapitre  IX.  — Politique  de  Jean  Ier.  La  féodalité  en  Brabant.  . . . 227 

L Coup  d’œil  général  sur  le  système  politique  que  suivit  Jean  Ier . . ib. 

Liens  féodaux  qui  unissaient  nos  ducs  à d’autres  contrées  . . . 229 

Ils  étendent  leur  juridiction  à Nivelles,  à Malines , à Maestricht,  etc.  231 

Traités  d’extradition  ou  de  délimitation  conclus  avec  les  pays  voi- 


sins   237 

Apanages  créés  au  profit  de  Godefroid  de  Brabant  et  du  jeune  duc 
Jean.  Mariage  des  filles  de  Jean  Ier 238 


( 462  ) 


Pages. 


Enfants  illégitimes  du  duc 243 

Cour  et  sceau  du  duc ib. 

II.  Féodalité  et  tournois 246 

Coup  d’œil  sur  les  seigneuries  qui  existaient  en  Brabant  à la  fin  du 
treizième  siècle.  Fiefs  nouveaux  qui  se  constituèrent  du  temps 

de  Jean  Ier 248 

III.  Situation  des  campagnes.  Affranchissements  . 263 

Accords  conclus  et  mesures  adoptées  pour  l’amélioration  du  sort 
des  campagnards  268 

Chapitre  X.  — Les  villes  du  Brabant 274 

I.  Développement  que  prennent  les  villes.  Importance  nouvelle  de  la 
classe  riche  de  la  bourgeoisie.  Hanse  de  Londres.  Gildes  de  la  dra- 
perie, lignages  et  voisinages ib. 

Les  corps  de  métier 284 

II.  Scission  entre  les  bourgeois  riches  elles  bourgeois  pauvres.  Résul- 
tats de  cette  scission  . 286 

Chartes  de  libertés  données  par  Jean  Lr  et  ses  barons 289 


Saceagement  de  l’abbaye  de  Vlierbeek  par  les  Louvanistes.  Que- 


relles du  seigneur  et  des  habitants  de  Diest 292 

La  magistrature  communale  dans  les  villes  de  Belgique.  Importance 
des  fonctions  d’échevins 295 

Chapitre  XI.  — Administration  et  finances.  Organisation  militaire  . 298 

I.  Le  droit  en  général ib. 

heures  cantonales 299 

Dispositions  nouvelles  introduites  dans  le  droit  civil 304 

Règles  de  procédure.  Enquêtes  par  lesquelles  on  termine  quelques 
débats 305 

II.  Le  conseil  ducal,  les  Etats  , etc 309 

Les  offices  héréditaires  du  duché 311 

Mairies  et  sous-mairies,  les  receveurs  du  domaine 312 

Les  finances  ducales,  les  aides 316 

Impôts  prélevés  par  les  villes  , à leur  profit 524 

III.  Organisation  militaire 528 

Chapitre  XII.  — Agriculture,  industrie , commerce , voies  de  commu- 
nication , monnaies , etc 535 

I.  Influence  des  abbayes  sur  les  développements  de  l’agriculture  . . ib. 

Défrichements  de  bruyères 536 

Constructions  de  digues  559 


( 405  ) 


Pages. 

Modifications  dans  Je  droit  forestier 540 

il.  Industrie  agricole,  usines,  exploitations  diverses 342 

Règlements  pour  les  corps  de  métier 344 

111.  Conventions  commerciales,  exemptions  de  tonlieux,  fixations  de 

péages 347 

Alliances  contractées  entre  les  villes  dans  l’intérêt  de  leur  com- 
merce   333 

Améliorations , répressions  d’abus 535 

Foires,  fêtes  communales,  voies  de  communication 550 

Monnaies,  monnaieries,  changes,  lombards 357 

Chapitre  XIII.  — Clergé  , ciblages , hôpitaux 363 

I.  Modifications  qui  s’opèrent  dans  les  idées  religieuses,  exactions  des 

princes il. 

Malgré  ces  nouvelles  tendances,  les  dons  au  clergé  continuent  à être 
nombreux 568 

II.  Décadence  de  la  discipline  et  des  études  dans  la  plupart  des  anciens 

ordres  religieux 372 

Développements  de  l’ordre  des  dominicains  et  de  quelques  autres 

instituts  nouveaux , notamment  des  béguinages 375 

Le  clergé  régulier,  sa  lutte  contre  les  religieux  mendiants.  . . . 379 

Les  idées  de  charité,  les  léproseries,  les  enfants  abandonnés  . . . 581 

III.  Abandon  et  perte  de  la  terre  sainte  par  les  États  chrétiens;  idées 


de  tolérance 585 

Synodes,  troubles  qui  éclatent  dans  certaines  abbayes  et  mauvais 

vouloir  qui  se  manifeste  contre  d’autres 586 

Culte  particulier  voué  à la  Vierge 587 

Chapitre  XIV.  — Sciences , lettres  et  arts 388 

I.  Théologie,  sciences  d’observation il. 

Les  langues  parlées  en  Brabant 590 

Poètes 592 

Historiens 596 

H.  Architecture  religieuse 598 

Architecture  civile,  amélioration  dans  la  police  des  villes  ....  401 

Architecture  belges  de  l’époque 404 

Sculptures 405 

Peintures , miniatures,  vitraux 406 

Orfèvreries , cloches 409 

III.  Travaux  historiques  sur  Jean  Ier 411 

Conclusion 412 


( 464  ) 


Pages.  . 

Tableaux  généalogiques  des  maisons  de  Brabant  et  de  JLimbourg . .415 

Ëphémérides  de  la  vie  et  du  règne  de  Jean  Ier 417 

Additions  et  corrections 455 

Table  des  matières . 457 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  MATIÈRES. 


DES 


INSTITUTIONS  DE  PRÉVOYANCE  EN  GÉNÉRAL, 


ET  DES 


ASSURANCES  SUR  LA  YIE  EN  PARTICULIER; 


PAR 


M.  Le  Major  LI AGILE, 

MEMBRE  1)E  L’ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE. 


( Présenté  le  1er  lévrier  1862.  ) 


Tome  XI II. 


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DES 


INSTITUTIONS  DE  PRÉVOYANCE  EN  GÉNÉRAL, 

ET  DES 

ASSURANCES  SUR  LA  VIE  EN  PARTICULIER. 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Les  institutions  de  prévoyance  peuvent  se  classer  en  deux 
grandes  catégories. 

Les  unes,  que  nous  appellerons  institutions  de  prévoyance 
sociale , sont  fondées  sur  l’esprit  de  charité  et  de  philanthropie: 
leur  but  est  de  prévenir  ou  de  soulager  la  misère  publique,  ou  du 
moins  de  venir  en  aide  aux  classes  laborieuses  dans  les  efforts 
qu’elles  pourraient  faire  pour  améliorer  leur  sort. 

Les  autres,  que  nous  désignerons  sous  le  nom  d’institutions  de 
prévoyance  individuelle , ont  leur  source  dans  le  noble  sentiment 
qui  pousse  l’homme  à compter  sur  sa  propre  énergie  pour  as- 
surer, au  prix  d’un  sacrifice  actuel,  son  avenir  et  celui  de  sa 
famille. 

. Les  premières  sont  établies  en  faveur  de  la  partie  indigente  de 
la  population,  et  l’esprit  de  patronage  y règne,  tantôt  seul,  tantôt 
fondu  avec  l’esprit  de  solidarité  et  d association.  Dans  ce  dernier 


cas,  la  quote-part  apportée  par  chacun  des  participants  n'y  jouit 
pas  seulement  des  avantages  d’une  gestion  prudente  et  économe; 
elle  se  grossit  de  subsides  accordés  par  l’État,  par  la  commune, 
par  des  particuliers.  Nous  rangeons  dans  cette  catégorie  la  fonda- 
tion d’écoles  primaires  et  d’ateliers  d’apprentissage;  la  construc- 
tion d’habitations  saines  destinées  aux  ouvriers,  et  un  grand 
nombre  de  sociétés  de  secours  mutuels  instituées,  soit  en  faveur 
des  associés  en  cas  de  maladie  ou  d’infirmités,  soit  en  faveur  des 
veuves  et  des  orphelins  en  cas  de  décès  du  père  de  famille,  soit 
pour  l’achat  en  gros  de  provisions,  de  vêtements,  de  meubles, 
d’outils,  et  leur  distribution  à prix  réduit  et  avec  facilité  de 
payement. 

Lorsque  l’on  compare  ces  moyens  si  simples,  et  cependant  si 
généraux  et  si  féconds,  aux  établissements  fondés  par  les  corpo- 
rations du  passé,  à ces  vastes  hospices,  à ces  hôpitaux  richement 
dotés  au  profit  d’un  petit  nombre  d’élus,  on  ne  peut  s’empêcher 
de  rendre  justice  à l’esprit  philosophique  qui  distingue  notre 
siècle,  et  de  reconnaître  que  si  la  charité,  par  ses  remèdes  cura- 
tifs, produit  des  miracles  dans  certaines  circonstances  particu- 
lières, la  raison  seule,  par  scs  moyens  préventifs,  est  capable  de 
répandre  d'une  manière  impartiale  ses  bienfaits  sur  le  plus  grand 
nombre;  d’établir  l’économie  par  l’ordre;  de  préparer  dans  le 
présent  des  ressources  pour  l’avenir,  et  de  fermer  enfin  pour 
toujours  les  plaies  de  notre  organisation  sociale. 

Dans  le  cas  assez  rare  où  les  sociétés  de  secours  mutuels  peu- 
vent, sans  rien  perdre  de  leur  efficacité,  se  passer  de  toute  sub- 
vention de  la  part  de  l’État,  de  la  commune  ou  des  patrons,  et 
gérer  elles-mêmes  leurs  propres  affaires,  elles  offrent  un  admi- 
rable modèle  de  ce  que  l’association  peut  produire  de  bien,  tout 
en  laissant  aux  membres  leur  indépendance  et  leur  dignité.  Alors 
ces  sociétés  passent  dans  la  seconde  catégorie,  celle  des  insti- 
tutions de  prévoyance  individuelle,  et  elles  se  placent  sur  le 
même  rang  que  les  caisses  d’épargne  et  de  retraite,  les  caisses  de 
veuves  et  orphelins,  les  assurances  sur  les  personnes  et  sur  les 
choses,  etc. 

Créer  un  lien  de  solidarité  entre  la  masse  et  l’individu,  en 


répartissant  sur  celle-là  tout  entière  les  charges  que  celui-ci  peut 
avoir  à supporter  accidentellement;  amortir,  par  le  ressort  de 
l’association,  les  coups  qui  viennent  frapper  brusquement  le  par- 
ticulier, soit  dans  ses  biens,  soit  dans  sa  vie;  contribuer  ainsi  à la 
tranquillité  et  au  bien-être  des  familles,  tel  est  le  résultat  matériel 
des  institutions  de -prévoyance.  Comme  résultat  moral,  elles  in- 
culquent des  habitudes  d’ordre  et  d’économie;  intéressent  chaque 
citoyen  à la  conservation  de  la  prospérité  publique;  effacent  les 
rivalités  entre  les  diverses  classes  de  la  société , et  préviennent  les 
désordres  et  les  crimes  auxquels  la  misère  et  le  découragement 
n’entraînent  que  trop  souvent  les  classes  déshéritées. 

On  peut  juger  du  bien-être  et  de  la  moralité  d’un  pays  par  le 
nombre,  la  nature  et  le  degré  de  prospérité  de  ses  institutions 
de  prévoyance.  Là,  en  effet,  où  le  prolétaire  retire  à peine  de  son 
travail  de  quoi  vivre  au  jour  le  jour,  peut-il  songer  à prélever  la 
moindre  parcelle  sur  son  modique  salaire  pour  parer  aux  malheu- 
reuses éventualités?  Non;  lorsque  le  triste  tableau  de  l’avenir  se 
présente  devant  ses  yeux,  il  se  bâte  de  détourner  la  tête  avec 
découragement;  et  ne  pouvant  s’aider  lui-même,  il  espère  que  le 
ciel  l’aidera.  Or  le  ciel,  c’est  ici  la  charité  privée  ou  l’assistance 
publique,  remèdes  insuffisants  qui,  au  lieu  d’extirper  le  mal,  le 
prolongent  et  l’aggravent  en  le  palliant.  D’ailleurs,  la  charité  et 
l’assistance  offrent  rarement  les  garanties  désirables  d impartialité 
et  de  désintéressement  ; elles  émoussent  l’énergie  individuelle  de 
l’homme,  et  enlèvent  à celui  qui  y a recours,  le  noble  sentiment 
de  sa  force  et  de  sa  liberté. 

Quant  à la  moralité  du  pays,  elle  est  une  conséquence  naturelle 
de  son  bien-être  matériel,  ou  du  moins,  elle  est  si  étroitement 
liée  à celui-ci  qu  il  est  impossible  de  les  séparer.  Malesucida 
famés  : de  tout  temps  la  misère  a engendré  le  crime,  et  les  re- 
levés statistiques  montrent  partout,  marchant  parallèlement,  le 
paupérisme,  la  mortalité  et  la  criminalité. 

Les  institutions  de  prévoyance  sont  donc  un  objet  de  haute 
utilité  sociale , et  l’on  ne  saurait  trop  vivement  engager  les  capita- 
listes à les  établir,  les  gouvernements  à les  protéger,  les  parti- 
culiers à y coopérer.  Mais  si  l’on  veut  qu’elles  gagnent  peu  à peu 


chez  nous  la  confiance  publique,  et  qu’elles  s’infiltrent  pour  ainsi 
dire  dans  nos  mœurs , il  faut  commencer  par  recommander  parti- 
culièrement celles  qui  présentent  le  moins  d’éléments  aléatoires. 
Dans  notre  pays,  en  effet,  la  prudence  en  affaires  est  telle,  qu’elle 
dégénéré  trop  souvent  en  une  réserve  timorée,  et  bien  des  per- 
sonnes trouvent  plus  sage  d’économiser  le  payement  des  primes , 
que  d’assurer  leur  fortune  ou  leur  vie  contre  des  accidents  éven- 
tuels. On  se  défie  de  l’esprit  d’entreprise,  on  craint  de  compro- 
mettre scs  capitaux  dans  une  association,  et  c’est  ainsi  que  l’on 
renonce  à rien  faire  de  grand;  c’est  ainsi  que  l’on  méconnaît  le 
caractère  distinctif  de  notre  époque,  où  le  progrès  est  si  rapide, 
et  où  la  puissance  du  temps  est  remplacée  avec  tant  d’avantage 
par  l’énergie  des  moyens  employés. 

L’Angleterre,  ce  pays  du  bon  sens  pratique,  est  le  berceau  des 
institutions  de  prévoyance,  et  c’est  là  encore  qu’elles  jouissent 
aujourd’hui  du  plus  haut  degré  de  développement.  Depuis  4706, 
époque  de  leur  fondation,  le  succès  de  ce  genre  d’établissements 
y a été  si  rapide  et  si  continu,  que  l’on  y compte  maintenant  plus 
de  cent  trente  sociétés  d’assurance,  toutes  en  voie  de  pleine  pros^ 
périté,  et  présentant  un  total  de  sommes  assurées  supérieur  à six 
milliards  de  francs. 

Que  manque-t-il  à la  Belgique  pour  qu’elle  suive  l’exemple  de 
l’Angleterre?  Il  lui  manque  la  confiance.  Or  celle-ci  ne  peut  se 
puiser  que  dans  la  connaissance  raisonnée  de  l’agencement  des 
combinaisons  sur  lesquelles  sont  fondées  les  institutions  de  pré- 
voyance : il  faut  exposer  avec  netteté  l’état  de  la  question;  éclairer 
les  masses  sur  les  déceptions  qui  pourraient  frapper  non-seule- 
ment les  particuliers,  mais  encore  les  établissements  équitables 
et  désintéressés,  dont  la  conservation  importe  beaucoup  au  bien 
de  la  société;  indiquer  avec  précision  la  nature  et  l’utilité  des 
diverses  formes  de  cumulation  d’épargne,  afin  de  faire  ressortir 
celles  qui  sont  le  plus  favorables  à l’intérêt  des  familles  et  aux 
habitudes  dignes  d’être  encouragées  ; prouver  enfin , par  des 
calculs  rigoureux,  que  les  avantages  promis  aux  participants 
reposent  sur  une  base  scientifique,  et  non  sur  des  espérances 
chanceuses* 


Parmi  les  institutions  de  prévoyance,  celle  qui  mérite  d’être 
placée  au  premier  rang,  sous  le  rapport  de  la  simplicité  des  com- 
binaisons et  de  la  sûreté  des  placements,  est  la  caisse  d’ épargne. 
Ici,  pas  de  spéculation  aventureuse  : le  déposant  ne  contracte 
aucun  engagement  pour  l’avenir;  il  se  réserve  la  faculté  de  retirer, 
quand  il  le  jugera  convenable,  le  tout  ou  une  partie  de  son  ca- 
pital; il  peut,  à chaque  instant,  venir  placer  la  somme  la  plus 
modeste,  et  elle  lui  rapporte  immédiatement  un  intérêt  équi- 
table. Pareille  à un  utile  réservoir  où  les  plus  minces  filets  d’eau 
viennent  se  rendre,  se  conserver  et  s’accumuler,  la  caisse  d'épar- 
gne reçoit  dans  son  sein  les  plus  faibles  économies,  et  empêche 
leur  déperdition;  elle  offre  une  ressource  précieuse  en  cas  d’ad- 
versité, et  développe  dans  les  masses  l’esprit  de  moralité,  d’ordre 
et  de  prévoyance. 

Certes  il  serait  à désirer  que  les  caisses  d’épargne  pussent 
attirer  davantage  le  public,  par  l’élévation  de  leur  taux  d’intérêt; 
mais  si  l’on  considère  qu  elles  doivent  constamment  tenir  le 
capital  à la  disposition  du  déposant,  et  que  les  circonstances  peu- 
vent devenir  telles  que  les  demandes  de  remboursement  affluent 
à un  instant  donné,  on  reconnaîtra  que  ces  établissements  doi- 
vent éprouver  parfois  de  grandes  difficultés  pour  le  placement 
des  sommes  considérables  qu’ils  reçoivent.  Ces  difficultés  doivent 
être  regardées  comràe  l’obstacle  le  plus  sérieux  qui  arrête  aujour- 
d’hui l’essor  des  caisses  d’épargne. 

En  conservant  aux  déposants  la  possession  et  la  libre  disposi- 
tion de  leurs  capitaux,  ces  caisses  s’adressent  au  sentiment  le  plus 
naturel  de  l’homme,  celui  de  la  propriété  : c’est  là  un  de  leurs 
principaux  éléments  de  succès;  mais,  il  faut  le  reconnaître,  leur 
but  est  moins  noble,  leurs  résultats  sont  moins  efficaces  que  ceux 
des  associations  mutuelles.  Répartissent  sur  la  généralité  les  mal- 
heurs qui  viennent  frapper  l’individu,  celles-ci  reposent  sur  le 
sentiment  de  la  solidarité  et  de  la  fraternité  humaines.  D’ailleurs, 
si  quelques  épargnes  réalisées  peuvent  garantir  le  travailleur 
contre  les  suites  d’un  léger  abaissement  du  salaire,  d’un  chômage 
accidentel,  d’une  maladie  momentanée,  elles  le  laissent  sans  dé- 
fense contre  une  incapacité  de  travail  produite  par  des  infirmités 


ou  par  la  vieillesse;  elles  ne  calment  pas  les  préoccupations  qu'il 
ressent  pour  l’avenir  de  sa  famille.  Les  sociétés  de  secours  mu- 
tuels, combinées  avec  les  caisses  de  retraite,  et  avec  leur  com- 
plément indispensable,  les  caisses  de  veuves  et  d’orphelins,  sont 
les  seuls  préservatifs  certains  qui  puissent  rassurer  le  prolétaire 
contre  les  accidents  imprévus  dont  sa  position  précaire  est  con- 
stamment menacée. 

Une  condition  absolument  nécessaire  pour  que  de  pareilles 
institutions  puissent  subsister  et  prospérer,  e’est  que  le  nombre 
des  associés  soit  considérable.  La  loi  des  grands  nombres , loi  qui 
a été  trop  souvent  méconnue  en  Belgique,  est  la  base  de  toutes 
les  associations  mutuelles  : avec  elle,  les  événements  heureux  et 
malheureux  se  compensent,  et  l'institution  fonctionne  avec  une 
régularité  et  une  sûreté  presque  aussi  grandes  que  si  elle  était 
fondée  sur  une  loi  mathématique;  sans  elle,  un  seul  revers  suffît 
pour  faire  crouler  l’édifice  dont  la  pression  n’était  pas  répartie 
sur  une  base  assez  large,  et  pour  écraser  sous  scs  ruines  ceux  qui 
étaient  venus  y chercher  lin  abri. 

Aussi  longtemps  que  les  sociétés  mutuelles  resteront  isolées, 
et  n’embrasseront  pas,  dans  une  seule  administration  centrale, 
toutes  les  industries  similaires  du  pays,  elles  devront  se  borner 
à des  secours  temporaires,  et  éviter  de  s’engager  pour  un  avenir 
lointain.  Une  association  peu  nombreuse,  tout  en  imposant  de 
fortes  contributions  aux  participants,  se  chargerait  d’un  bien 
dangereux  fardeau , si  elle  assurait  des  pensions  aux  ouvriers 
invalides,  aux  veuves  et  aux  orphelins. 

A ce  point  de  vue,  l’intervention  de  l’Etat,  intervention  pure- 
ment administrative,  serait  un  grand  bienfait.  L’Etat  seul  a le 
pouvoir  de  remédier  au  fractionnement  des  caisses , en  formant 
un  faisceau  unique  de  toutes  les  combinaisons  similaires.  Sa  ges- 
tion économique,  mise  alors  à l’abri  des  revers  par  le  grand 
nombre  des  participants,  lui  permettrait  sans  danger  d’imprimer 
aux  institutions  de  prévoyance  un  précieux  caractère  de  sûreté, 
celui  de  la  garantie  du  Gouvernement. 

Que  l’État  ait  le  droit  d’imposer  à ses  fonctionnaires  l’obliga- 
tion de  participer  aux  caisses  de  retraite,  de  veuves  et  d’orphe- 


lins,  nul  ne  peut  le  contester  : c’est  un  acte  de  sage  autorité 
paternelle.  Mais  pour  toutes  les  autres  catégories  d’individus,  la 
participation  doit  être  volontaire  : le  travailleur  est  libre  de  dis- 
poser comme  il  l’entend  du  salaire  de  son  travail;  on  ne  peut  pas 
plus  lui  imposer  le  devoir  de  s’assister  lui-même,  que  lui  accorder 
le  droit  d’être  assisté  par  les  autres.  C’est  par  l’exemple,  par  la 
persuasion,  par  certains  avantages  accordés  aux  participants, 
que  l’on  doit  chercher  à introduire  et  à généraliser  les  habitudes 
de  prévoyance. 

Les  assurâmes  sur  les  choses  sont  une  autre  application  féconde 
du  principe  d’association.  Les  incendies,  les  grêles,  les  épizooties, 
les  naufrages,  etc.,  sont  des  malheurs  qu’aucune  prudence  hu- 
maine ne  peut  prévenir:  alléger  le  fardeau  de  pareils  sinistres 
individuels,  en  le  faisant  supporter  par  la  masse,  tel  est  le  but 
des  assurances  sur  les  choses.  En  sacrifiant  ainsi  une  légère  partie 
de  sa  fortune  pour  garantir  la  sécurité  du  reste,  l’assuré  ne  perd 
pas  plus  que  l'industriel  qui  diminue  la  vitesse  d’une  machine 
pour  en  augmenter  la  puissance.  De  cette  manière,  il  n’obéit  pas 
seulement  à son  intérêt  bien  entendu;  il  contribue  en  même 
temps  au  bien-être  général  : en  effet,  d’après  la  théorie  de  la 
valeur  morale,  une  même  somme  acquiert  plus  d’importance 
lorsqu’on  la  perd  que  lorsqu’on  la  gagne;  si  donc  l’assurance 
n’existe  pas,  l’aisance  publique  sera  bien  plus  diminuée  par  une 
seule  perte  égale  à 1000,  qu’elle  ne  sera  augmentée  par  l’épargne 
de  1000  primes  d’assurances  égales  chacune  à un. 

L’établissement  de  pareilles  institutions  mérite  d’être  encouragé 
avec  d’autant  plys  de  confiance,  qu’elles  ne  peuvent  guère  donner 
lieu  à des  spéculations  frauduleuses.  Les  compagnies  d’assurance 
sur  les  choses  ne  disposent  en  effet  que  des  primes  annuelles  qui 
leur  sont  confiées,  et  au  bout  de  chaque  année,  elles  se  trouvent 
libérées  des  engagements  qu’elles  ont  contractés  envers  les  assurés. 
La  spéculation  ne  pourrait  donc  s’exercer  que  sur  une  échelle 
très-faible,  restreinte  à la  fois  parla  valeur  relativement  modique 
des  capitaux  encaissés,  et  par  la  courte  échéance  de  la  dette. 

Il  n’en  est  pas  de  même  des  assurances  sur  la  vie , dont  les 
combinaisons  multipliées  exigent  des  garanties  et  une  surveillance 


( 10  ) 

sérieuses.  Ici  les  compagnies  reçoivent,  non-seulement,  des  primes 
annuelles,  mais  souvent  encore  des  versements  considérables,  et 
leurs  opérations  sont  échelonnées  sur  des  espaces  de  temps  qui 
peuvent  dépasser  un  clemi-siècle.  Si,  pour  faire  produire  à leurs 
capitaux  des  intérêts  élevés,  elles  s’engagent  dans  des  spécula- 
tions hasardeuses;  si,  poussées  par  la  concurrence,  et  mues  par 
le  désir  d’attirer  les  souscripteurs,  elles  abaissent  leurs  tarifs  au- 
dessous  des  limilcs  voulues,  elles  n’en  réalisent  pas  moins  des 
bénéfices  certains  pendant  les  premières  années  de  leur  existence; 
mais  leurs  risques  s’accumulant  sans  cesse,  et  les  rembourse- 
ments devenant  de  plus  en  plus  nombreux,  elles  finissent  néces- 
sairement par  faillir,  et  par  causer  la  ruine  d’un  grand  nombre  de 
malheureux,  dont  la  confiance  avait  été  trompée. 

Plusieurs  catastrophes  de  ce  genre,  arrivées  à la  fin  du  siècle 
dernier  et  au  commencement  de  celui-ci,  ont  jeté  sur  ces  institu- 
tions un  discrédit  dont  elles  n’ont  cependant  pas  tardé  à se  re- 
lever en  Angleterre  et  en  Allemagne;  mais  en  France,  cl  surtout 
en  Belgique,  les  compagnies  d’assurance  sur  la  vie,  malgré  les 
garanties  de  solidité  et  de  moralité  qu’offrent  plusieurs  d’entre 
elles,  ne  sont  pas  encore  reçues  aujourd’hui  avec  toute  la  faveur 
qu’elles  méritent. 

Pour  attirer  la  confiance  publique,  certains  économistes  ont 
recommandé  les  assurances  par  l’Etat.  Dans  notre  opinion,  l’Etat 
doit  éviter  d’intervenir  dans  cette  espèce  de  transactions  : son 
rôle  doit  se  borner  à les  surveiller,  pour  sauvegarder  autant  que 
possible  les  intérêts  des  participants,  quels  qu’ils  soient.  Les  assu- 
rances ne  demandent  pas  seulement  une  gestion  économique, 
elles  réclament  une  activité  et  une  initiative  toutes  particulières  : 
il  leur  faut  des  agents  zélés,  entreprenants,  directement  inté- 
ressés à la  prospérité  de  l’établissement  auquel  ils  sont  attachés. 
Le  placement  fructueux  des  capitaux,  cette  condition  indispen- 
sable du  succès,  ne  s’obtient  que  par  l’intervention  d’hommes 
spéciaux,  ayant  des  connaissances  profondes  et  variées  en  fait 
d’opérations  financières.  Nous  avons  vérifié  un  grand  nombre  de 
tarifs  d’assurance  sur  la  vie,  en  nous  fondant  sur  l’hypothèse  que 
les  compagnies  plaçaient  à i1/^  p.  °/o  les  capitaux  qui  leur  étaient 


( H ) 

confiés  : dans  la  majorité  des  cas,  le  bénéfice  probable  était  si 
faible  qu’il  devait  être  absorbé  en  grande  partie  par  les  frais  de 
gestion.  La  conviction  qui  nous  est  restée,  c’est  que  les  sociétés 
d’assurance  font,  en  général,  produire  à leurs  capitaux  un  intérêt 
supérieur  à 4 */2  P*  °/° 5 et  que  l’État,  sous  ce  rapport,  ne  pourrait 
entrer  en  concurrence  avec  elles. 

Si  un  gouvernement  se  trouvait  dans  une  position  financière 
telle  qu’il  dût  nécessairement  se  créer  de  nouvelles  ressources, 
nous  concevrions  qu’il  eût  recours,  non  aux  assurances  sur  la  vie, 
mais  aux  assurances  sur  les  choses  : c’est  un  des  impôts  les  plus 
équitables  que  l’on  puisse  établir.  Dans  ce  cas,  il  devrait  se  ré- 
soudre non- seulement  à les  rendre  obligatoires,  mais  encore  à 
s’en  réserver  le  monopole;  sinon  il  ne  pourrait  lutter  contre  la 
coalition  de  plusieurs  compagnies  puissantes  et  bien  organisées. 

Le  moyen  le  plus  efficace  pour  propager  la  pratique  des  assu- 
rances sur  la  vie,  c’est  d’en  exposer  la  théorie  qui,  ne  reposant 
en  définitive  que  sur  les  lois  de  la  mortalité  humaine  combinées 
avec  l’accumulation  des  intérêts,  a presque  toute  la  rigueur  des 
théories  mathématiques. 

Cet  exposé,  très-utile  aux  particuliers,  ne  peut  être  qu’avanta- 
geux aux  compagnies  qui  opèrent  avec  bonne  foi;  s'il  fait  con- 
naître aux  uns  la  véritable  valeur  de  la  spéculation  financière  à 
laquelle  on  les  convie,  il  donne  aux  autres  des  lumières  précieuses 
sur  la  nature  et  l’étendue  des  chances  qu’elles  courent.  11  n’est  pas 
rare,  en  effet,  qu’une  compagnie  d’assurance  ignore  sur  quelles 
bases  ses  opérations  sont  fondées  : elle  choisit,  parmi  les  tarifs  des 
sociétés  existantes,  ceux  qui  lui  semblent  les  plus  convenables, 
et  les  modifie  arbitrairement,  mais  de  manière  à paraître  offrir 
au  public  des  conditions  plus  avantageuses  que  celles  des  compa- 
gnies concurrentes.  C’est  ainsi,  par  exemple,  que  nous  avons  vu 
des  tarifs  de  rente  viagère  établis  de  telle  façon,  qu’ils  faisaient 
aux  jeunes  rentiers  des  conditions  évidemment  trop  avantageuses, 
tandis  qu’ils  les  faisaient  onéreuses  pour  les  rentiers  d’un  âge 
avancé.  Par  ce  moyen , la  compagnie  regagnait  sur  les  derniers  ce 
qu’elle  s’exposait  à perdre  sur  les  premiers;  mais  il  ne  faut  pas  une 
connaissance  bien  profonde  du  coeur  humain  pour  pénétrer  le 


( 12  } 

secret  de  cette  combinaison,  si  singulière  en  apparence.  L’homme 
jeune  aime  mieux  faire  fructifier  son  capital  par  son  activité,  en 
disposer  pour  satisfaire  ses  plaisirs  ou  son  ambition,  que  de  l’im- 
mobiliser pour  s’assurer  une  existence  modeste;  le  vieillard,  au 
contraire,  est  prévoyant  et  timide,  et  songe;  à lui-même  plus  qu’à 
sa  famille.  11  en  résulte  que,  malgré  les  avantages  offerts  aux 
jeunes  rentiers  viagers,  le  nombre  en  est  toujours  trop  faible  pour 
causer  à la  compagnie  un  préjudice  notable;  tandis  qu’elle  réalise 
des  bénéfices  certains  sur  les  rentiers,  beaucoup  plus  nombreux, 
qui  viennent  contracter  avec  elle  dans  un  âge  avancé. 

Quelque  ingénieux  que  puisse  paraître  ce  procédé,  il  offre  ce- 
pendant de  graves  dangers  pour  scs  auteurs,  comme  toutes  les 
combinaisons  qui  ne  sont  pas  fondées  sur  les  principes  immuables 
de  la  droiture.  De  riches  banquiers,  ou  des  compagnies  concur- 
rentes, peuvent  choisir  un  grand  nombre  d’individus  jeunes  et 
bien  constitués,  placer  en  viager  sur  leurs  têtes  des  capitaux  con- 
sidérables, et  ruiner  sûrement,  au  bout  d une  trentaine  d’années, 
la  compagnie  en  question,  en  lui  faisant  payer  des  intérêts  hors 
de  proportion  avec  ceux  qu’elle  retire  des  fonds  versés  dans  sa 
caisse.  Cette  hypothèse  n’est  pas  purement  gratuite;  elle  a été 
réalisée  lors  de  l’emprunt  public  à rentes  viagères  contracté  par 
le  Gouvernement  français  en  1780. 

Les  combinaisons  auxquelles  donnent  lieu  les  assurances  sur  la 
vie  sont  extrêmement  variées,  et  il  serait  impossible  de  les  traiter 
toutes;  mais  elles  se  rapportent  à un  petit  nombre  de  types  qu’il 
suffit  de  faire  connaître.  Ces  types  eux -mêmes  se  rangent  en 
trois  catégories,  dont  nous  allons  nous  occuper  successivement; 
ce  sont  : 

1°  Les  assurances  en  cas  de  décès; 

2°  Les  assurances  en  cas  de  vie  ou  de  survie; 

5°  Les  contre-assurances. 


SECONDE  PARTIE. 


FORMULES  POUR  IÆ  CALCUL  DES  PRIMES  DASSURAINCE. 


Toute  formule  relative  aux  assurances  sur  la  vie  repose  sur 
trois  éléments  principaux,  savoir  : 

1°  Le  taux  d’intérêt  auquel  la  compagnie  est  supposée  faire 
fructifier  les  capitaux  qu’elle  reçoit; 

2°  La  loi  de  la  mortalité  humaine; 

5°  L’application  raisonnée  du  calcul  des  probabilités  au  genre 
particulier  de  combinaison  que  l’on  considère. 

Quelques  mots  suffisent  pour  ce  qui  concerne  les  deux  premiers 
points.  On  ne  peut  rien  donner  d’absolu  relativement  au  taux  d’in- 
térêt : il  varie  avec  les  temps  et,  les  circonstances.  Le  taux  moyen 
le  plus  convenable  pour  les  applications  numériques  nous  parait 
aujourd’hui  celui  de  4 !/â  p.  °/0.  S’il  est  vrai,  comme  nous  l'avons 
dit  précédemment,  qu’une  compagnie,  administrée  avec  intelli - 

i 

genre,  peut  tirer  de  scs  capitaux  un  intérêt  plus  élevé,  elle  n’aug- 


mente en  général  ses  bénéfices  qu’en  augmentant  scs  risques,  et 
il  est  juste  de  lui  tenir  compte  de  cette  circonstance. 

La  table  de  mortalité  à choisir  doit  avoir  été  construite  d’après 
de  nombreux  documents  authentiques,  et  avoir  reçu  la  sanction 
de  l’expérience.  Elle  doit  en  outre,  pour  représenter  aussi  bien 
que  possible  la  mortalité  des  personnes  qui  contractent  en  général 
des  assurances,  se  rapporter  à une  catégorie  d individus  vivant 
dans  une  certaine  aisance.  La  table  de  Deparcicux,  calculée  d'après 


verses  conditions,  et  elle  est  adoptée  même  par  des  compagnies 
belges  et  anglaises.  Il  serait  avantageux  cependant,  non-seulement 
de  faire  usage  de  tables  construites  d’après  les  relevés  faits  dans 
le  pays , mais  encore  d’avoir  égard  au  sexe  et  a l’état  civil  des  indi- 
vidus. En  effet,  l’ordre  de  mortalité  n’est  pas  le  même  pour  les 
femmes  que  pour  les  hommes,  et  celui  des  personnes  mariées 
diffère  de  celui  des  célibataires.  Nous  possédons  en  Belgique  des 
tables  de  mortalité  très-détaillées,  dressées  avec  beaucoup  de  soin 
par  M.  Quctelet. 

Le  troisième  point  exige  plus  de  développements  : nous  allons 
exposer  les  considérations  mathématiques  sur  lesquelles  repose  la 
solution  des  principaux  cas  qui  peuvent  se  présenter. 


1er.  — Assurances  eu  cas  de  décès. 


I. 


« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  que  doit  verser 
» un  individu,  pour  assurer  le  payement  d’un  capital  à son  décès.  » 
Soient  vH,  vn  + 1 , vn  + 2....  les  nombres  de  vivants  portés  dans  la 
table  de  mortalité  vis-à-vis  des  âges  n,  n~hi  , années. 

1 

r l’intérêt  d’un  franc  ; = q. 


P®  la  prime  unique,  et  jo®  la  prime  annuelle  à verser  par  une 
personne  âgée  de  n années,  pour  assurer,  à sa  mort,  le  payement 
d’une  somme  a. 

La  compagnie  peut  avoir  à payer  cette  somme  à la  fin  de  la 
première,  de  la  deuxième,  de  la  troisième...  année  à partir  de  la 
signature  du  contrat,  suivant  que  l’assuré  meurt  dans  le  courant 
de  la  première,  de  la  deuxième,  de  la  troisième...  année  de  son 
assurance. 

Or  la  dépense  a,  faite  à la  fin  de  la  première  année,  et  rap- 
portée à l’époque  de  la  recette  (commencement  de  la  première 


( 15  ) 

année) , ne  coûte  à la  compagnie  que  aq ; vu  que,  avec  cette  somme 
aq , versée  dans  sa  caisse  à l’époque  initiale,  elle  pourrait  payer 
a à la  fin  de  la  première  année.  De  plus , la  probabilité  qu’elle 


devra  effectuer  ce  payement  est 


Vn  Vn^.  | 

Vn 


, égale  à la  probabi- 


lité qu’une  personne  âgée  de  n années  mourra  dans  le  courant 
de  la  première  année  de  son  assurance.  La  valeur  mathémati- 
que du  premier  payement  à effectuer  par  la  compagnie  est  donc 

( Vn  Vn- f-1  ) 

ü(ï  Ç 

Un 

Pour  la  même  raison,  la  somme  éventuelle  a,  si  elle  est  payée 
par  la  compagnie  à la  fin  de  la  seconde  année,  ne  vaut  que  aq 2 
lorsqu’on  la  rapporte  à l’époque  initiale.  La  probabilité  qu’elle 

devra  être  payée  est  d’ailleurs  — — - : la  valeur  mathéma- 


Vn 


tique  du  payement,  pour  décès  survenu  pendant  la  deuxième 

année  d’assurance,  est  donc  ur/2  -~w+i — et  ainsi  de  suite 

1 vn 

jusqu’à  l’épuisement  de  la  table  de  mortalité,  c’est-à-dire  jus- 
qu’à r99  (*). 

Or,  les  risques  de  la  compagnie  et  de  l’assuré  devant  être  égaux 
(abstraction  laite  des  frais  de  gestion),  il  suffit,  pour  mettre  le 
problème  en  équation , d’égaler  la  prime  unique  à verser  par  l’as- 
suré à la  somme  des  primes  éventuelles  à payer  par  la  compa- 
gnie. On  a donc  la  formule 


D a 

1 n 


aq  [ Vn  H-  Vn  + I q -h  Vn  + vn  + 3 <?3 


’ (Vu  -f- 1 


Vn + 2 q -+-  Vn  + 3 q2 


V99  (l 
^99  (1 


99  — n 


98  — Il 


...  (a). 


Remarqua.  — Dans  le  raisonnement  que  nous  venons  de  faire, 
nous  avons  supposé  que  les  payements  dus  par  la  compagnie, 
pour  les  décès  survenus  dans  le  cours  d’une  année,  étaient  effec- 
tués le  dernier  jour  de  cette  année;  mais  comme  ils  se  font  en 
réalité  immédiatement  après  les  décès,  il  faut,  pour  être  plus 
exact,  regarder  ces  derniers  comme  distribués  d’une  manière  uni- 
lorme  sur  toute  l’année,  et  prendre  le  milieu  de  celle-ci  comme 


(*)  En  effet,  les  tables  de  mortalité  les  plus  lentes  permettent,  sans  erreur 
appréciable,  de  supposer  rioo=  0. 


( le  ) 

révoque  moyenne  des  payements.  Dans  ce  cas,  les  capitaux  res- 
teront à la  disposition  de  la  compagnie  pendant  six  mois  de  moins 
que  nous  ne  l’avons  supposé,  et  l’on  devra  remplacer,  dans  la  for- 
mule précédente,  le  facteur  aq  par  aq11-.  La  véritable  formule  à 
adopter  est  donc 

P„  _ i Vn  -h  Vu  + 1 q 4-  On  + * (f  -f-  ....  -+-  V99  q"  “ » j 

V»  j — («„  + ! -+-  On  + 2 q + "“)) 

Comme  nous  aurons  fréquemment  occasion  de  faire  usage  de 
séries  de  la  forme  générale 

V»  -f-  Vn  + j q -f-  Vn  + 2 (f  -+-  V»»  -f  3 -+•  — ■+*  Vt  ql~  ”, 


nous  les  représenterons  par  la  notation  dans  laquelle  les  in- 
dices de  la  lettre  2 sont  ceux  de  la  lettre  v dans  le  premier  et  le 
dernier  terme  de  la  série.  D’après  cette  convention,  la  formule 
(a'),  qui  peut  d’abord  se  mettre  sous  la  forme 


P 


a 

H 


aq*1* 

Vn 


devient 


ou  bien 


vn  -h  v,i  -f  i q -f-  v,i  -}-  2 q~  *+* 

Vn  -H  Vn  -f  1 q -+*  On  _j.  2 q “ ■+* 


■+*  v99  q^~n 


p;:  = — { 2?  - - (2?  -«>.)}  ••  •(«"), 

Vn  ( q ) 

K==~£jt>*\°"  ~ ( l ~ 


Lorsque  l'assuré,  au  lieu  de  se  libérer  par  une  prime  unique, 
paye  chaque  année  une  prime  constante,  on  calculera  la  valeur 
de  celle-ci  de  la  manière  suivante  : 

Au  commencement  de  la  première  année,  l’assuré  paye  la  prime 
pl  avec  une  probabilité  égale  à la  certitude,  qui  est  l’unité. 

Au  commencement  de  la  deuxième  année,  sa  prime,  rapportée 
à l’époque  initiale,  ne  vaut  que  plq  ; et  la  probabilité  qu’il  la 


Vn  -1  1 

payera  (ou  qu'il  vivra  encore)  est  — La  valeur  mathématique 

Vn 


du  deuxième  payement  est  donc  plq 


Vn  4**  1 
Vn 


De  même,  celle  du  troisième  payement  est  plq 


Vn  2 

Vn 

de  suite  jusqu’à  l’épuisement  de  la  table  de  mortalité. 


et  ainsi 


( 17  ) 

La  somme  des  primes  annuelles  à verser  éventuellement  devant 
présenter  la  même  valeur  que  la  prime  unique  calculée  ei-dessus, 
on  a l’équation 


'-  h -J- 1 Oh  -J-  2 0 

1 H q H q- 


Vu 


Vn 


d’où  l’on  déduit  la  formule 


— q™  ~ « \ 

Vn  ) 


pa 
r n •> 


P"  V 

* 11  ^ il 


Vn 


Vil  -f  1 q -h  Vn  2 q *4- 


99 


,99 


= Prt ..  (b) 

r n V99  ••••  \u )• 


Elle  est  facile  à calculer  numériquement,  puisque  son  dénomi- 
nateur est  déjà  donné  par  la  formule  («). 

Comme  l’expression  2?®  revient  fréquemment  dans  le  calcul  des 
primes  d’assurance,  soit  en  cas  de  décès,  soit  en  cas  de  vie,  et 
qu’elle  constitue  la  principale  difficulté  des  applications  numéri- 
ques, nous  avons  calculé  sa  valeur  de  cinq  en  cinq  ans,  en  ad- 
mettant la  mortalité  de  Deparcicux  et  l’intérêt  de  4 */2  p.  °/o.  (Voyez 
la  table  à la  fin  du  mémoire.) 

Exemple . — Calculer  la  prime  unique  et  la  prime  annuelle  que 
doit  verser  une  personne  âgée  de  quarante-cinq  ans,  pour  assurer 
à son  décès  le  payement  d’un  capital  de  10  000  francs. 

Appliquant  la  formule  (w") , on  tire  de  la  table 

log  (2«— v«)  - 3.91 5 23 

1 

d’ailleurs  log-  = 0.019  12 

q 

5.932  53,  nombre  correspondant  8557 

Mais,  d'après  la  table,  1%  — 8811 

Ditférence 254 


log  234  = 2.404  85 

log  a.q11'2  — 5.990  44 

G. 595  27 

Comp1  log  = 7.2UG  21 

5.601  48;  d’où  P^00  = fr.  3994,64. 


Tome  XIII. 


( 18  ) 


La  formule  (6)  donne  très-simplement  la  prime  annuelle  par  le 
calcul  suivant  : 


log  Pis000  X Vis  = 6.395  27 
Iog  2g  = 3.945  03 


log  p 


100U0 

m 


= 2.450  24;  d’où  pg00ü  = fr.  282,00 


II. 


« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  que  doit  verser 
» un  individu  âgé  de  n années,  pour  assurer  le  payement  d’un 
» capital  a à son  décès,  si  ce  décès  a lieu  avant  qu’il  ait  atteint 
» l’âge  de  (n  -+-  k)  années.  » 

Cette  assurance  temporaire  en  cas  de  décès  diffère  peu,  quant 
au  calcul,  de  l’assurance  pour  la  vie  entière,  dont  il  a été  ques- 
tion dans  l’article  précédent. 

En  effet , les  risques  que  court  la  compagnie  sont  de  payer  la 
somme  a,  à la  fin  des  première,  deuxième,  troisième,...  kme  an- 
nées à partir  de  la  signature  du  contrat,  suivant  que  l’assuré 
meurt  dans  le  courant  des  première,  deuxième,  troisième,... 
kme  années  de  son  assurance.  Ces  risques  sont  donc  exprimés  par 
la  série 


aq 


( r>ti  tv+i)  , ( vn  -j.  i vn  -j-  ü ) _ { o,i- j- 2 e»  -j-  3 ) 

-+-  aq* h aq°  — 


Vn 


Va 


aqk 


(Vn  + k—l—Vn  + /k) 


Vn 


Cette  quantité  devant  être  équivalente  à la  prime  unique  à 
payer  par  l’assuré , on  a l’équation 

(n+rjpa  __  a/{  ( V"  ■+*  V»  + » + q2  H-  Vn+ 3 <f  + + +* - ' (f  ~ * ) ^ . 

Vn  \ — ("C»4- 1 ■+■  'I’h+2  q H-Vn+3  q~ -U-  C«-j q,l~l)  j 

ou  bien,  conformément  à la  remarque  faite  dans  l’article  pré- 
cédent , 

(»4-/,)po  _ j1’”'4'  i’»  + l + + - .-+-««+*-!  qk  ~ * > ",  ^ 

vn  \ — (Cn+i  ■+*  q -+-  vu-f-3  q~  H- qk~ 1 ) J 


Le  second  membre  de  cette  expression  peut  se  mettre  sous  la 
forme 

^Ll  1 + _ I ( ZJI  + *-1  Vn+Ic  qk  - v„)  | ....  (e"); 

on  a donc 

(H+fc)P»  = { v»  — vn+k  qk  — 2”+A~1  ( 1 — q)  | ....  (c'"). 

En  faisant  n -*-/<:  = 100,  on  retrouverait  la  formule  (a"),  rela- 
tive à l’assurance  en  cas  de  décès  pour  la  vie  entière. 

Remarque.  — La  formule  précédente  doit  s’employer  quand  on 
veut  calculer  directement  la  valeur  d’une  prime  quelconque;  mais 
lorsque  l’on  a un  tarif  complet  à construire,  il  est  beaucoup  plus 
simple  de  déduire  chaque  prime  de  celle  qui  la  précède.  On  a en 
effet 

p«  = ( °n  1,1  + * <i  q*  ■»«+*- 1 qk~  1 + *>«+*  qk  j 

On  1 — l -h Vn -j- 2 q U-  ••  ..H"  Vn  + k q1' ~ 1 qk)  ' 

Si  l’on  retranche  (c'),  il  vient 

(»+A  + i)pa  _ + h-  -™L_  j VH  + k ~ Vn+k  + l \ t (C1V  ). 

Vn  ' » 

Toutefois,  comme  une  erreur  commise  sur  le  calcul  d’une  prime 
se  propage  ici  sur  toutes  les  suivantes,  il  sera  prudent,  comme 
vérification,  de  calculer  directement,  pour  chaque  valeur  de  n, 
la  prime  qui  correspond  a la  valeur  de  k la  plus  avancée. 

Si,  au  lieu  d’être  unique,  la  prime  est  annuelle,  la  valeur  ma- 
thématique du  versement  fait  par  l’assuré  au  commencement  de 
la  première  année  sera 

(n+k),.a 
lJn  1 

celle  du  versement  fait  au  commencement  de  la  deuxième  année, 

Oi  + k)a  0n  + 1 . 

Pu  q ■>  ••• 

Vu 


et  pour  la  kme  année,  on  aura 


( 20  ) 

Comme  la  somme  des  primes  éventuelles  à verser  chaque  année 
doit  présenter  la  même  valeur  que  la  prime  unique,  on  aura 
l’équation 


«{ 


H -f-  1 

V„ 


Vu 


g*  + 4- 


Vn  + lc—l 
Vn 


T 


k- 1 


d’où  l’on  déduit  la  formule 


( n+k).Da 

1 H 


(n-K)pa  >, 


r » H-  r u 


,,  -y" 

J! (h -K)  P« 


Pour  la  pratique,  il  importe  d’observer  que  la  série 
qui  se  présente  dans  les  formules  des  assurances  temporaires,  se 
déduit  aisément  de  la  table  que  nous  avons  calculée  pour  les  va- 
leurs de  299.  En  effet  : 


Vn  -+-  v.1+1  q 4-  ....  4-  Vn+k  qh  4-  1 qk+l- f-  :...  4-  c99  (f9~“ 

Vn  + k + Vn  + k+i  q *+■  Vu  -\-k-\-ï  q2  4-  ....  4-  V99  (/•>'■>  K 

Multipliant  les  deux  termes  de  la  seconde  équation  par  q1, 
on  a 

qk  2j®+Jfc  — vn+k  qh  -f-  Vn+k+i  q,i+l  4- ....  4-  Vw  q"~n  ; 


v99  

■ — 



^n+k  — 


retranchant  de  la  première, 

- qk  2?+*  = Vn  4~  VH+1  q 4-  Vn+ 2 4-  ....  4-  Va+k-iqk~l  = 2“+*-*. 


Exemple.  — Calculer  la  prime  unique  et  la  prime  annuelle 
que  doit  verser  une  personne  âgée  de  trente  ans , pour  assurer  à 
son  décès  le  payement  d’un  capital  de  cent  mille  francs,  si  ce 
décès  a lieu  avant  qu’elle  ait  atteint  l’àge  de  trente  ans. 

On  a d’abord , d’après  notre  table , £92  = 12  254  ; s99  ~ 1 1 i 53, 
d’où  <75£?9  = 8951  ; par  conséquent  = o 505. 


Appliquant  maintenant  la  formule  (c"),  on  a 

— 3 303  ; V33  — 694,  d’où 

Vga  q!i  — 536,87 

Somme.  . . 3 839,87 

Vôo  = _ 754 

Différence  . . 3 125,87  ; log  — 3.494  97 

cl  log  q — 0.019  12 

3 514  09  ....  3266 
3303 

Différence  ....  57 

log  37  = 1 .568  20 

log  aqu 2 = 4.990  44 
c'  log  v30  — 7.154  30 


3.692  94  ....  4951  francs  est  donc  la 
prime  unique;  la  multipliant (d)  par  754  : 5505,  on  trouve  pour 
la  prime  annuelle  1096  francs. 


III. 


« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  que  doit  verser 
» une  personne  âgée  de  n années,  pour  assurer,  à son  dceès,  le 
» payement  d’un  capital  de 

a francs,  si  ce  décès  a lieu  avant  1 an; 
b » v » » 2 ans; 

c » » » 3 » 

z » » » k » 


Les  risques  de  la  compagnie  sont  de  payer  : 


a francs  à la  fin  de  la  1 re  année,  si  l’assuré  meurt  dans  le  cours  de  cel  te  1 ro  année. 


b « t>  2e 


2e 


» 


( 22  ) 


D’après  ce  qui  a été  exposé  dans  les  deux  articles  précédents, 
ces  risques  sont  donc  exprimés  par  la  série 


(Vn  Vn-\-i)  (Vn- (-1  Vn-Wi)  {Vn- j-2  Vn  -j- ?>) 

aq h 6g2 \-  cq°  — 


Vn 


Vn 


zq 


y.  {Vn-j-k  — 1 — Vn-\-k) 


Vn 


Cette  quantité  devant  être  équivalente  à la  prime  unique  à verser 
par  l’assuré,  on  a l’équation 

(w  +A)px  __  SL  j ÜV«  + 6r»  + 1 (J  Cr«  + 2 (1~  + -*•  Mn  + k-l  qh-  { \ 

Vn  I - ( (IVn  + i -+-  bvn+<i  Q H"  -+-  ZVn+l;  qk~X)  \ 

ou  bien,  conformément  à la  remarque  déjà  faite  dans  les  deux 
premiers  articles , 

(M+*)p,  __  ) Mn-h  bVn  + t q + CVn+i  f -+-  - SVn+k-iq*-1  \ . , 

Vn  ( — (avn+ 1 ~H  bv„+v  q -+- -+-  zvn+/{  g*-1)  y" 

formule  qui  se  confond  avec  (c'),  lorsque  l’on  fait  b — c — .... 
— z — a. 


Dans  le  cas  où  l’assuré  paye  une  prime  annuelle  au  lieu  d’une 
prime  unique,  on  déduit  la  première  de  la  seconde,  comme  dans 
l’article  (II),  et  l’on  a 

(n  + k)nx  (»•+-*) pæ  //\ 

l n « v«  + /.-i  u ;• 

Zn 

Exemple  numérique.  — Quelle  est  la  prime  à verser  par  une 
personne  âgée  de  quarante  ans,  pour  assurer  à sa  mort,  si  elle  a 
lieu  avant  l’expiration  de  la  vingtième  année  d’assurance,  un  ca- 
pital progressif  de 

105  francs,  si  le  décès  de  l’assuré  a lieu  dans  le  courant  de  la  lre  année. 

215  » » » 2e  » 

ool  » » » 5e  » 


et  ainsi  de  suite;  ces  capitaux  progressifs  représentant  les  valeurs 
successives  de  placements  annuels  de  cent  francs  à 5 p.°/o. 


( 23  ) 

Continuant  «à  adopter  les  tables  de  Deparcieux , et  le  taux 
d’intérêt  à 4 Va  p.  °/o,  on  trouve,  d’après  la  formule  (e'), 
P — fr.  282,1b;  puis,  d’après  la  formule  (/’),  p — fr.  25,08. 

IV. 


« Calculer  la  valeur  de  la  prime  à verser  pendant  un  nombre 
» limité  d’années,  k,  pour  assurer  le  payement  d’un  capital  a , au 
» décès  d’une  personne  âgée  de  n années.  » 

La  compagnie  devant  payer  le  capital,  quelle  que  soit  l’époque 
delà  mort  de  l’assuré,  le  risque  qu’elle  court  est  le  même  que  si 
l’assuré  versait  une  prime  unique  : il  est  donc  représenté  par  la 
valeur  de  P“  de  l’article  (1). 

Quant  aux  versements  éventuels  à faire  par  l’assuré  pendant 
k années,  la  somme  de  leurs  valeurs  mathématiques  est 


n 1 < 'Tw-f-l  ^«4* 2 9 Vn-{-5 

kPan  t-+  - — q-\ — 

f Vn  Vv  Vn 


q° 


Vn+lc-l  . . I 

— q'~l  ' 

Vn 


on  a donc  la  formule 


t.Pn  = 


P"  V 

L n Vn 


vn 


Vn-\-\  q Vn-^-l  q H-  -+-  Vn-j-l—i  q 


le-  i 


— p« 
1 n 


(q)- 


Exemple.  — Calculer  la  prime  à verser  annuellement  pendant 
cinq  ans,  par  une  personne  âgée  de  trente  ans,  pour  assurer  â 
son  décès  le  payement  d’un  capital  de  dix  mille  francs. 

Appliquant  la  formule  (a"),  on  trouve  que  la  prime  unique  à 
verser  serait  de  2869  francs.  La  multipliant  par  le  facteur  v30: 
(voyez  l’exemple  de  l’article  (III)),  on  trouve  5p30,noon  = fr.  657,50. 


( 24  ) 


2.  — Assurances  en  cas  de  vie  ou  de  survie. 


y. 


« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  que  doit  verser 
» une  personne  âgée  de  n années,  pour  se  constituer,  si  elle  vit 
» à l’âge  de  (n  k)  années,  un  capital  de  a francs.  » 

La  valeur  du  capital,  rapportée  à l’époque  initiale,  est  acf  ; et 
comme  il  ne  sera  payé  que  si  l’assuré  vit  encore  à l’âge  de  (n  -+-  k) 

années,  l’espérance  mathématique  de  celui-ci  est  aqk  . On 


a donc  la  formule 


= aqhV^i  ....  (h). 

Vu 


Si  la  prime  est  annuelle,  l’assuré  la  payera  certainement  au 
commencement  de  la  première  année,  et  éventuellement  au  com- 
mencement des  deuxième,  troisième,  ....  kmc  années.  La  somme 
des  valeurs  mathématiques  de  ces  payements  est 


r«4-2 


v„ 


+ 


Vn+k- 1 
Vn 


I . 
J ’ 


et  comme  elle  doit  être  équivalente  à la  prime  unique  calculée 
ci-dessus,  on  aura  la  formule 


ïpn  = 


Pft  r» 


Vn  Vn-}- 1 (j  H-  Vn- j-2  Q~ 


-+-  Vn  + k-l  (f 


aqk  vnjrk 

-ij 


...  (/O- 


Exemple.  — Calculer  la  prime  unique  et  la  prime  annuelle  que 
doit  verser  une  personne  âgée  de  trente  ans,  pour  s’assurer,  si 
elle  vit  à l’âge  de  trente-cinq  ans,  le  payement  d’un  capital  de 
1 0 000  francs. 

On  a ici  a = î 0 000  ; vn  ==  754  ; vn+k  = 094;  = 5505  ; d’où 

l’on  déduit  P — 7587  francs,  et  p — 1680  francs. 


( 25  ) 


VI. 


« Calculer  la  prime  que  doit  verser  une  personne  âgée  de  n 
» années,  pour  s’assurer  une  rente  viagère  immédiate,  r.  » 

- Vn  | j 

La  probabilité  que  l’assuré  vivra  un  an  est  • , et  la  rente 
éventuelle  que  la  compagnie  lui  doit,  à la  lin  de  la  première 

année  d’assurance,  a pour  valeur  rq  ----- . (Nous  rapportons, 

r» 

comme  précédemment,  la  valeur  de  la  rente  à l’époque  initiale 
du  versement  de  la  prime.) 

Pour  la  même  raison,  la  rente  éventuelle  à payer  à la  fin  de 

la  deuxième  année  a pour  expression  rq 2 -----  ; et  ainsi  de  suite 

r„ 

jusqu’au  terme  le  plus  avancé  de  la  table  de  mortalité.  Nous  avons 
donc  pour  formule 


p, 


nr — — i vn -j, i -4-  rH-j-2  7 -I-  Vn- j-3  7 v • • • • e99  7 3 n 

Vn  ( 


. r(/  v!»!>  //A. 

+ i ••••  V'j  ? 

Vn 


ou  bien,  pour  introduire  la  série  déjà  calculée  dans  l’article  (I), 


p;;  = — (2?-^) ....  (//). 

Vn 


Première  remarque.  — Si  l’on  suppose  qu’aucun  rentier  ne 
meure  pendant  un  nombre  d’années,  t,  il  faudra  faire  vB+1 
— v1)+2  ....  = vn+t  = vn,  et  la  formule  (/»•)  deviendra 


pr 

n 


Pr 

n 


d’où 


rq  j 1 -v  7 +72  + -9t_1 
1-71  | 

7 


p»' 


1-7 

7(1-70 


Ce  sont  les  formules  connues,  relatives  aux  annuités. 

Deuxième  remarque.  — D’ordinaire,  les  tarifs  des  compagnies 


( 26  ) 

n’indiquent  pas  la  valeur  de  la  prime  unique  a verser  pour  ob- 
tenir une  rente  r,  mais  la  valeur  de  la  rente  r'  qui  correspond  à 
une  prime  unique  de  cent  francs.  La  transformation  à effectuer 
pour  disposer  les  tarifs  de  cette  manière,  lorsque  l’on  connaît 
P£,  est  très-simple.  En  effet,  pour  un  âge  donné,  les  rentes  à rece- 
voir sont  proportionnelles  aux  primes  versées,  et  l’on  a 


d’où 


r : r'  = PI  : 100 


100  r 


Exemple.  — Quelle  est  la  prime  à verser  par  une  personne 
âgée  de  quarante-cinq  ans,  pour  s’assurer  une  rente  viagère  im- 
médiate de  mille  francs? 

Recourant  à la  table  placée  à la  fin  de  ce  mémoire,  et  appli- 
quant la  formule  ( k '),  on  trouve  : 


10g  (2ÏÏ  - t>«)  = 3 913  23 

compP  log  Vin  — 7.206  21 

log  1000  — 3.000  00 

log  = 4 119  44 

Pl(m  = 13  165,60  francs. 


Pour  obtenir  la  valeur  de  la  rente  correspondant  à un  place- 
ment de  cent  francs,  ou  le  taux  d’intérêt  viager,  on  posera 


ou 


, 100  x 1000 

* ~~  13  163,60  ’ 

log  r'  — 3 — log  P|jJ°°  = 0,880  36 
r'  = fr.  7,60. 


On  voit  quelles  facilités  présente,  pour  le  calcul  des  assurances 
sur  une  tête,  notre  table  des  valeurs  de  2”.  Les  opérations  qu’elle 
laisse  à faire,  dans  chaque  cas  particulier,  sont  tellement  simples, 
que  l’on  peut  dire  que  cette  table,  combinée  avec  nos  formules 


( 27  ) 


disposées  à cet  effet,  remplace  à elle  seule  tous  les  tarifs  qu’il  y 
aurait  à dresser  pour  résoudre  numériquement  les  différents  cas 
que  nous  avons  traités  dans  ce  mémoire. 

« Cas  où  les  arrérages  sont  payés  aux  héritiers.  » 

Le  raisonnement  que  nous  avons  fait  pour  obtenir  la  formule 
(k)  suppose  que  les  décès  des  rentiers  ont  lieu  à la  fin  de  chaque 
année,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  que  les  arrérages  sont  aban- 
donnés à la  compagnie  assurante;  mais  si  Ton  paye  aux  héritiers 
une  partie  de  la  rente  proportionnelle  à la  fraction  d’année  pen- 
dant laquelle  le  rentier  a vécu , il  faudra  regarder  les  décès  comme 
distribués  d’une  manière  uniforme  sur  toute  l’année,  et  substi- 

tuer  a vn+i  la  moyenne  — v„  H;  a vn+i  la  moyenne 

1,1+1  ^ a-  = Vw+2....,  et  ainsi  de  suite.  La  formule  est  donc , pour 
ce  cas, 


P''  = 

1 n 


rcj  . 

— - V»+1  -+-  X n -j-2  fj  -+-  \ ,,.  + 5 (f  H- 

Vn  ‘ 


Y 


99 


9 


98  — n 


« Cas  où  la  rente  viagère  est  payable  par  semestre.  » 

L’assuré  qui  touche  une  rente  viagère  par  semestre  a un  double 
avantage  sur  celui  qui  la  touche  annuellement;  car  outre  l’intérêt 
du  premier  semestre  pendant  six  mois,  il  a la  chance  de  recevoir 
un  payement  semestriel  de  plus. 

Pour  calculer  la  prime  unique  qui  correspond  à ce  cas,  re- 

Vn  -f-  Vn _j_  ( Vn  { •+■  Vn- 1~-2  , 

marquons  que , ....,  etc.,  représentent  sen- 

siblement le  nombre  de  personnes  vivant  aux  âges  respectifs  de 
(n  •+•  f)  ans,  (n  -f- 1)  ans...,  etc.  Par  conséquent,  la  valeur  du  pre- 
mier payement  semestriel  est 


celle  du  deuxième  sera 

celle  du  troisième  sera 
et  ainsi  de  suite. 


> Vn  "+~  Vn- fl 

— (r1- ; 

0)  1 G)V 

f n 


v Vn-\-\ 

â 9 

3 Vn 


r Vn  + i Vn  + 2 

- r/-'«  —L L_ 

- Jvn 


( 28  ) 

La  prime  à verser  par  l’assuré  est  donc  ici 


p?*> = — I + ”■'+>*  + o,c.  ! 

c)>,  fa1  9 J 9 7 ( 


2rw 
rr/  ( 


'7  1 J 

~ i i ~t-  rH-j_2  7 *+*  v«+5  q~  -h  vn 4 fyJ  h-  ...  rtc.  | . 

~‘Vn  ' J 


La  seconde  ligne  du  second  membre  est  (k)  égale  à •/-  Pii;  et  la 
première  peut  se  partager  en  deux  autres  séries,  savoir  : 


rq 1/2  i, 
4v»  ^ 

. _ri_ .( 

4ry1/2  Vn  \ 


Vn  4-  v,,-ft  ry  4-  r„+2  q 2 4-  r»+s  cy3  4- ....  etc.  J 
v»+t  4-  v«+- 2 q + +3  fy-  -1-  r„4-4  ry3  + ....  etc. 


dont  la  somme  vaut 

qiis  , p;; 

(r  4.  p>\  H • 

4 ' v)  4ry1/2 

La  somme  à verser  a donc  pour  expression 


1 

- p»- 

9 « 


a/2 


— - (r  4-  P£)  4-  - , 

4 4 q'1- 


ou  bien 


2ry1/2  4-  1 4-  f/ 


4ryl/2 


1/2 


Mais  les  valeurs  de  q et  de  q */ 2 étant  très-voisines  de  l’unité, 
le  facteur  entre  accolades  est  sensiblement  égal  à 1 , et  l’on  peut 
poser 

rq*  h ■ 

p»’(«)  — P'-  i i 

4 

Par  conséquent,  le  dernier  terme,  que  l’on  peut,  sans  erreur  ap- 

r 

préciable,  remplacer  par  — , est  la  correction  à faire  pour  passer 
de  la  rente  annuelle  à la  rente  semestrielle (*).  Si  donc,  à la  prime 


(*)  Quand  le  taux  de  l’intérêt  est  de  4 */2  p.  °/o,  le  facteur  entre  accolades 
est  égal  à 1,000128,  et  la  quantité- — vaut  0,24455. 

4 


( 29  ) 

calculée  dans  le  cas  de  pavements  annuels,  on  ajoute  le  quart  de 
la  rente  d’une  année,  la  somme  sera,  à très-peu  de  chose  près, 
la  valeur  delà  prime  pour  le  cas  où  la  rente  se  paye  par  semestre. 

VII. 

« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  que  doit 
» verser  une  personne  âgée  de  n années  pour  recevoir,  lors- 
» qu’elle  atteindra  l’âge  de  (n  + k)  années,  une  rente  viagère  de 
» r francs.  » 

La  valeur  de  la  première  rente  est,  comme  dans  le  cas  de  l’ar- 
ticle (V), 

Vu  4 -le 

rqk  — 
vn 

celle  de  la  deuxième  rente  sera 


i i j 1 n + k + 1 

>V+l ; 


Vn 


et  ainsi  de  suite  jusqu’au  dernier  nombre  delà  table  de  mortalité. 
On  a donc,  pour  la  formule  des  rentes  viagères  différées, 


rqh  ( 

— { Vn  ' i -4-  Vn4-k  4-1 


/•p'-  — < c , 

u 1 — i - » 4 

Vn  \ 


4- * 4 - * q ■+■  ^m+a-4-2  q H-  Cyy  q 


y 'J-k—n  ) 


. rï  V99  m 

•••  vO 

Vn 


formule  qui  coïncide  avec  (k) , lorsque  l’on  fait  k—  1. 

Si  la  prime  est  annuelle,  l’assuré  payera,  comme  à 1 article  (VI), 


k 

n 


p 


r 


V»  4-  { Vn  y 

-+ q + -y-  q- 

Vn  Vn 


Vn+k  — l 


l , 


et  comme  la  somme  de  ces  payements  éventuels  doit  être  équiva- 
lente à la  prime  unique,  on  aura 


4 

u 


P" 


/'IV 


Pr  V» 


Vn  + Vn  -j- 1 q -P  Vn  -j- 2 T 


• -+-  V n 4~  4 — i q 


4-1 


( 30  ) 

Exemple.  — Calculer  la  prime  unique  et  la  prime  annuelle  que 
doit  verser  une  personne  âgée  de  trente  ans,  pour  s’assurer, 
lorsqu’elle  atteindra  l’âge  de  trente-cinq  ans,  une  rente  viagère 
de  mille  francs. 

Notre  table  donne  2g  = 11  155  : appliquant  la  formule  (/) , 
on  a 

Jog  (f  — 9.904  40 
log  = 4.047  47 
cL  log  r30  = 7.154  50 

1.086  17  . ..  12,195  francs, 
comp*  0.915  85  ....  8,20 

Pour  une  rente  de  mille  francs,  la  prime  unique  à verser  est  donc 
de  12195  francs,  et  la  rente  viagère,  pour  un  placement  de 
100  francs,  est  de  fr.  8,20. 

Calculant  la  prime  annuelle  , on  a 

log  P = 4.086  17 
log  r50  = 2.865  70 

c'  log  2g  = 6.481  09 

5.452  96  ....  p = 2 710  lianes, 

et  la  rente  viagère,  pour  un  placement  annuel  de  100  francs  est 
fr.  56,90. 


VIII. 

\ 

« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  à verser  pour 
» assurer  un  capital  de  a francs  au  survivant  désigné  de  deux 
» individus.  » 

Dans  ces  assurances  de  survie,  nous  désignerons  l’assuré  par  A, 
le  bénéficiaire  par  B,  et  nous  supposerons  le  premier  âgé  de  n 
années,  le  second  de  m années,  à l’instant  où  l’assurance  est  con- 
tractée. 

Comme  notations,  nous  désignerons  par  ,Pf,  tP£,  les  primes 
uniques  a verser  pour  assurer  à un  survivant  désigné  (1),  le  paye- 
ment d’un  capital  a ou  d’une  rente  viagère  r à la  mort  de  (2). 


( 51  ) 

2P“,  SP£,  représenteront  les  primes  uniques  à verser  pour  assu- 
rer le  capital  ou  la  rente  au  premier  survivant  quelconque  des 
deux  associés. 

„p;;t  sera  la  prime  unique  à verser  pour  assurer  au  couple  as- 
socié une  rente  viagère,  aussi  longtemps  que  A et  B coexisteront. 

Les  primes  annuelles  seront  désignées  par  les  mêmes  notations, 
dans  lesquelles  P sera  Changé  en  p. 

Cela  posé,  la  compagnie  peut  avoir  à payer  le  capital  a,  à la  fin 
des  première,  deuxième,  troisième....  années  à partir  de  l’assu- 
rance,  mais  elle  ne  sera  tenue  à faire  cette  dépense  que  sous  la 
double  condition  que  A soit  mort  et  que  B lui  survive,  ou  lui  ait 
du  moins  survécu  pendant  quelque  temps. 

Or  vH  individus  étant,  au  bout  d’une  année,  réduits  à î?w+1  par 
des  extinctions  que  l’on  peut  supposer  uniformément  réparties, 
la  probabilité  que  A meure  dans  le  cours  de  la  première  année 

. . Vn  L'n  -j_  i 

d assurance  est 

Vn 

Dans  la  même  hypothèse  d’une  égale  répartition  des  décès,  B 
sera  regardé  comme  ayant  survécu  à A,  s’il  vit  jusqu’au  milieu 
au  moins  de  la  première  année;  et  la  probabilité  de  cette  cir- 

Vm  "+~  'Cm+l  Vm-J-  i 

constance  est — 

2rWi  , , vm 

La  probabilité  de  l’événement  composé  résultant  de  la  mort  de 
A et  de  la  survivance  de  B,  est  le  produit  des  deux  probabi- 


a f Vn  — 

lités  simples  qui  viennent  d’être  formées,  ou 


Vn  + \ 


' ws+1 


la 


rn  vm 

somme  éventuelle  que  la  compagnie  aura  à payer  au  bénéficiaire, 

(,Vn  Vn  _j_  i ) A m-\- 1 


Vn  V„ 


dans  le  courant  de  la  première  année,  est  donc  a 

et  si  tous  les  payements  sont  regardés  comme  effectués  à l’époque 
moyenne,  la  valeur  de  cette  somme,  rapportée  à l’époque  ini- 
tiale, sera 

{Vu  Vn  -J—  1 ) V m -J-  1 


aq 


l/2 


Vn  Vu 


La  probabilité  que  A meure  dans  le  courant  de  la  deuxième 
M+-;  celle  que  B vive  encore  au  milieu  de  celle 


annee  est 


année  est 


Vn 

Vm  -J- 1 H-  V m -j-  2 


V/)(.  -f-  5 


; la  valeur  de  la  somme  éventuelle 


( 5“2  ) 

à payer  par  Ja  compagnie,  pour  la  deuxième  année  de  l’associa- 
tion , est  donc 

-/j  ('Cji- j-i  Vu  -]- ü)  Y »«-(-- 


«<Z 


V n L'  ti 


On  peut  continuer  ce  raisonnement  jusqu’à  l’extinction  de  la 
table  de  mortalité  pour  le  plus  âgé  des  coassurés;  la  formule  cher- 
chée est  donc  : 

p«  (MlV~  I Vn  V vi-]-  iH~  rji-j-i  \ Wi-f2  Vwi-f-3  (J*  -+- CtC.  J 

( — (iV-h  ^ m-{- 1 -+-  vnq.% \ 2 q H- Vn-qz V»h-5 q2 ■+* etc.)) 

ou  bien,  en  représentant  par  Y et  Z les  valeurs  numériques  de 
chacune  des  deux  séries, 


pu 

IM 


aq 


1/2 


r»  Va 


(Y -Z)  ....(O. 


Pour  calculer  la  valeur  de  la  prime  annuelle,  011  raisonnera  de 
la  manière  suivante  : 

Au  commencement  de  la  première  année,  le  couple  assuré  verse 
la  prime,  t ffî,  avec  une  probabilité  égale  à la  certitude,  qui  est 
limité. 

Au  commencement  de  Ja  deuxième  année,  son  versement  11e 
vaudra  que  X (J,  multiplié  parla  probabilité  qu’il  sera  réelle- 
ment effectué,  ou  que  A et  B seront  tous  deux  vivants  ; son  expres- 
sion sera  donc 

Vn+l  V,n- f-1 

1P2  ( / ; — ; 

l ni 

Pour  le  commencement  de  la  troisième  année,  011  aurait 


Vn- 1-2  Vm-i-2 
1 Pi  (1~ 

Vn  Vin 


et  ainsi  de  suite,  jusqu’à  ce  que  Ton  arrive  à un  terme  égal  à zéro, 
caractérisant  l’épuisement  de  la  table  de  mortalité. 

La  somme  des  primes  annuelles  à verser  éventuellement  devant 


( 53  ) 

être  équivalente  à la  prime  unique  calculée  ci-dessus,  on  a : 


Vn  4-  i iWi 


Vn  Vm 


H 


t’»+2  Vm+î 
Vn  Vm 


(f 


etc.  | — tP£ , 


d’où  l’on  déduit  la  formule 


i Pi 


1P2  Vn  VK 


Vn  Vm  4-  Vm  + 1 </  4-  i’w+2  «W*  T 


etc. 


(«»"). 


Or,  le  dénominateur  du  second  membre  ne  diffère  de  la  série  Y, 
qu’en  ce  qu’un  facteur  quelconque  vm  + k,  du  dénominateur,  est 
remplacé  dans  la  série  par  le  facteur  un  peu  plus  petit  Vm+/.+1 

_ lw>+:*z!lJ,ü±i±i  . En  substituant  Y à ce  dénominateur,  ou  com- 
2 

mettra  sur  la  valeur  de  la  prime  annuelle  une  légère  erreur  en 
trop,  qui  ne  s’élève  généralement  pas  à un  centime,  et  qui  a pour 
effet  de  sauvegarder  les  intérêts  de  la  compagnie,  puisqu’elle  con- 
duit à une  prime  un  peu  trop  forte.  Effectuant  cette  substitution, 
on  aura 

= iPfoj*..  = n,?'4Y-z> (,»"■). 


Pour  un  assuré  de  soixante  ans,  on  trouve  ainsi  que  la  prime 
unique  à verser,  pour  garantir  un  capital  de  cent  francs  à un 
bénéficiaire  de  trente  ans,  est  de  fr.  49,60;  la  prime  annuelle  est 
de  fr.  b, 23. 


Si  c’est  l’assuré  qui  a trente  ans  et  le  bénéficiaire  soixante, 
les  mêmes  primes  ne  seront  respectivement  que  de  fr.  10,49  et 
fr.  1,13. 


IX. 


« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  à verser,  pour 
» assurer  une  rente  viagère  de  r francs  au  survivant  désigné  de 
» deux  individus.  » 

La  probabilité  que  la  compagnie  payera  une  rente  à la  fin  d une 
Tome  XIII.  3 


( 54  ) 

année  quelconque,  est  égale  à la  probabilité  que  A sera  mort  et 
B vivant  à cette  époque.  Pour  la  fin  de  la  kvie  année  à partir  de 
celle  de  l’assurance,  cette  probabilité  a pour  expression 

Vm+k  (Vn  — Vu+I:  ) 

Vm  Vn 

par  conséquent,  les  valeurs  éventuelles  de  la  rente  à servir,  rap- 
portées à l’époque  initiale,  sont: 

r 

A la  fin  de  la  lre  annee, vm+i  {vn  — vn+i)  q 

Vn  Vin 

. r 

» 1-1  Vf)i~h2  ( Vn  — Vn+Ci  ) Ç2..... 

Vn  Vin 

et  ainsi  de  suite  jusqu’au  terme  de  la  vie  de  B. 

La  prime  unique  à verser  par  le  couple  assuré  devant  être  égale 
à la  somme  des  valeurs  des  rentes  éventuelles  à payer  par  la  com- 
pagnie, on  a l’équation 

iP* 


ou  bien 

pr 
4 *2 


La  première  ligne  du  second  membre  représente  (k)  la  prime 
unique  P’t  à verser,  pour  assurer  la  rente  viagère  au  bénéficiaire 
âgé  de  m années. 

La  seconde  ligne  représente  évidemment  la  prime  unique  J)rm 
qu’il  faudrait  verser  pour  assurer  au  couple  associé  la  rente  via- 
gère, tant  que  A et  B coexisteront.  L’expression  précédente  peut 
donc  se  mettre  sous  la  forme 

iK  = Ki  - nKn  (>0- 


Vn  v, 


rq  t 

A Vm-hl  ( Vfi  Vn-i~  1 ) H-  Vtn+ 2 ( Vn  ^w-f-2)  Q 

-4-  Vm+ 5 {vH  — vn+ z)  q 2 -4-  ...  etc.  | , 


rq 


Vu 


rq 


Vn  Vu 


| Vm+ 1 -H  Vin -+- 2 q Vm  + 3 Q~  H-  ClC.  j 

| Vm- l-l  Vn+ 1 H-  Vin -j- 2 Vn± 2 q -4-  .....  6tC. 


....  (»). 


( 55  ) 

La  traduisant  en  langage  vulgaire,  on  trouve  que  « la  prime 
» unique  à verser  pour  assurer  à B une  rente  viagère  dans  le  cas 
» où  il  vivrait  sans  A,  plus  celle  à verser  pour  lui  assurer  la 
» même  rente  dans  le  cas  où  il  vivrait  avec  A,  est  une  quantité 
» indépendante  de  la  vie  de  A , et  égale  à la  prime  à verser  dans 
» le  cas  où  B voudrait  assurer  la  rente  immédiate  sur  sa  tête 
» unique.  » — Ce  théorème  est  évident  par  lui-même. 

Remarque.  — Nous  avons  supposé  que  la  compagnie  ne  payait 
la  rente  qu’à  la  fin  des  lre,  2me,  5me....  années;  mais  si  elle  paye 
aux  héritiers  de  B une  partie  de  la  rente  proportionnelle  à la 
fraction  d’année  pendant  laquelle  il  a vécu,  il  faudra,  comme  nous 
l’avons  fait  à l’article  (VI),  remplacer  les  vm+k  par  des  et  il 

viendra  alors  : 

rq  i 

«Pn  — — ) Vm+4  ■+*  q 4~  Vmh_3  q2  H- etc. 

vm  ' 

| V«n-  l V»  -H  V «H- 2 Cm  -t-2  Vw-j_ 3 + 3 </2  H-  • • ••  e tC. 

Cn  Vm  ' 


ou  enfin 


\V  p>’  

lr2  — 


rq 


Vu  vt, 


Z (■ n' ") 


Pour  calculer  la  valeur  de  la  prime  annuelle,  il  n’y  a évidem- 
ment rien  à changer  au  raisonnement  que  nous  avons  fait  à ce 
sujet  dans  l’article  précédent,  et  l’on  aura 


1P2  = 


1P2  V)i  Vi, 


Vn  V,n  -t-  !>„+■!  vm+i  q -+-  vn+2  vm+t  q'2  ....  etc. 


....  (a1'), 


ou  bien,  comme  nous  l’avons  fait  voir  dans  ce  même  article, 


1 1*2  Vn  Vm 

(^V). 


Pour  un  assuré  de  soixante  ans,  on  trouve  ainsi  que  la  prime 
unique  à verser,  pour  garantir  une  rente  viagère  de  cent  francs  à 


( 56  ) 


un  bénéficiaire  de  trente  ans , est  de  fr.  71 3,40;  la  prime  annuelle 
est  de  fr.  75,06. 


mêmes  primes  ne  sont  respectivement  que  de  fr.  70,60  et  fr.  8,56. 


X. 


« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  à verser,  pour 
» assurer  un  capital  de  a francs  au  premier  survivant  quelconque 
» de  deux  individus.  » 

Lorsque  la  compagnie  doit  payer  un  capital  a au  premier  des 
deux  survivants,  quel  qu’il  soit , elle  s’engage  non-seulement  pour 
le  cas  où  A meure  et  que  B lui  survive,  mais  encore  pour  le  cas 
où  B meure  et  que  A lui  survive.  La  probabilité  correspondant  à 
cette  double  hypothèse  est  la  somme  des  probabilités  correspon- 
dant à chacune  d’elles,  et,  d’après  ce  qui  a été  dit  à l’article  (VIII), 
la  compagnie  aura  à payer  éventuellement: 


et  ainsi  de  suite.  On  a donc  : 

' "Vwi-H  -H  Vn-hl  V «h- 2 (J  -4-  2 \ wH-3  Çf2  H-  • .. 

-}-l  -4-  t V»i-J-2  q *+•  V«t4-3  fj f2  -4-  . . ) 


-H  Vm  V»-f- i t'm  4-  1 Vn  + 2 Q ■+*  i’wt-f- 2 ^ n-f- 3 Q2  *••• 
~~{Vm-t-l  -H  Vm-h 2 V n~h 2 (J  “H  ^ n-\- 3 Q2  -h  ..  .) 


ou  bien,  en  nous  reportant  à la  formule  ( m ) , 


C’est-à-dire  que  « la  prime  unique  à verser  pour  assurer  un 
» capital  en  cas  de  décès  de  l’une  quelconque  de  deux  tètes,  est 


( 57  ) 

» égale  à la  somme  des  primes  uniques  à verser  pour  assurer 
» séparément  le  meme  capital,  en  cas  de  décès  de  chacune  des 
» deux  tètes  désignées.  » 

Ici  encore,  les  primes  annuelles  seront  versées  aussi  longtemps 
que  A et  B coexisteront:  leur  somme  sera  donc,  comme  à l’ar- 
ticle (VIII), 


«I 


n i i 'T» 4-1  Vm-\- 1 ^«-4-2  'Cn»4-2  . 

2P2  l j — q H-  q * ....  etc.  ( ; 

Vn  Vm  Vn  Via  S 


et  comme  elle  doit  être  équivalente  à la  valeur  de  la  prime  unique 
qui  vient  d’ètre  calculée,  on  aura  l’équation 


a 2^2  Vm 

2 V±  — 

Vn  Vm  "4“  Vn-i- 1 Via  -H  1 q "4"  ^«4-2  Vm  4-  2 q ••••  e(C. 

ou  bien,  comme  on  l’a  fait  voir  au  meme  article, 


(P"), 


2P2  = 2P*  (p'")‘ 


Si  l’on  remplace,  dans  l’équation  ( p "),  2Pg  par  sa  valeur  dé- 
duite de  (p')}  on  a 


2P2 


Vn  Vm 


Vn  Vm  vn+i  vm+i  q -4-  vn+î  v,n+<i  q 8 -4-  ....  etc. 

2^1  Vn  Vm 



v»  Vm  -t-  i’w  + i rwi+i  q -t-  v«+2  »«+2  </2  -4-  ....  etc. 

ou  bien,  en  invoquant  la  relation  (ni"), 

2P2  = 1P2  -4“  2P?  fP1')' 


C’est-à-dire  que  « la  prime  annuelle  à verser  pour  assurer  un 
» capital  en  cas  de  décès  de  l’une  quelconque  de  deux  têtes,  est 
» égale  à la  somme  des  primes  annuelles  à verser  pour  assurer 
» séparément  le  même  capital,  en  cas  de  décès  de  chacune  des 
» deux  têtes  désignées. 


» 


( 58  ) 

Comparant  les  équations  ( m")  et  (p”),  on  en  déduit  la  relation 

• Y fl  T)a  * 

ilJ2  • 2 IH  1*  2 • 2r2  \P  ) > 


qui  permettrait  au  besoin  de  calculer  l’une  quelconque  des  quatre 
espèces  de  primes  en  fonction  des  trois  autres. 

Pour  assurer  un  capital  de  cent  francs  au  premier  survivant  de 
deux  associés  âgés  respectivement  de  trente  et  de  soixante  ans , la 
prime  unique  (voyez,  article  VIII)  est  de  fr.  60,15,  et  la  prime 
annuelle  de  fr.  6,55. 


XI. 

« Calculer  la  prime  unique  ou  la  prime  annuelle  à verser,  pour 
» assurer  une  rente  viagère  de  r francs  au  premier  survivant 
» quelconque  de  deux  individus.  » 

La  rente  doit  être  servie  par  la  compagnie  dans  deux  cas  : 1°  si 
A est  mort  et  B vivant  (B  survivant  désigné);  2°  si  B est  mort  et 
Avivant  (A  survivant  désigné).  D’ailleurs,  la  probabilité  corres- 
pondant à cette  double  supposition  est  égale  à la  somme  des  pro- 
babilités correspondant  à chacune  d’elles  en  particulier  : donc  « la 
» la  prime  unique  à verser  pour  assurer  une  rente  viagère  au 
» premier  survivant,  quel  qu’il  soit,  est  égale  à la  somme  des 
» deux  primes  uniques  calculées  dans  l’hypothèse  où  l’un  des  deux 
» survivants  serait  successivement  désigné . » 

Ce  théorème,  qui  aurait  pu  se  déduire  d’une  analyse  semblable 
à celle  de  l’article  (IX),  mène  à la  formule 

aP5  = *P5-*-,PÏ (q), 

ou  bien,  d’après  la  relation  (nf), 

= (qf)- 

Pour  le  cas  des  primes  annuelles,  il  est  inutile  de  répéter  les 
raisonnements  déjà  faits,  et  l’on  aura,  comme  à la  lin  de  l’ar- 
ticle précédent, 


< 59  ) 


Pour  assurer  une  rente  viagère  de  cent  francs  au  premier  sur- 
vivant de  deux  associés,  âgés  respectivement  de  trente  et  de 
soixante  ans,  la  prime  unique  (voyez , article  IX)  est  de  fr.  793,00, 
et  la  prime  annuelle  de  fr.  83,61. 


XII. 


« Calculer  la  prime  unique  à verser  pour  assurer  à un  couple 
» une  rente  viagère,  réversible  en  totalité  sur  la  tète  du  survivant.  » 
La  rente  viagère  sera  servie  aussi  longtemps  que  l’un  au  moins 
des  deux  associés  vivra;  c’est-à-dire  d’abord  tant  que  tous  deux 
coexisteront,  et  ensuite  tant  que  Vun  quelconque  des  deux  vivra 
seul.  La  prime  à verser,  est  donc  égale  à la  somme  des  primes 
qui  correspondent  à ces  deux  cas , et  l’on  a l’équation 


mn  n.  m 


Remplaçant  WP/W  et  2P2  par  leurs  valeurs  ( n ')  et  ( q ),  on  a 


ou  bien 


formule  qui  résout  la  question  proposée,  au  moyen  d’éléments 
déjà  connus  par  les  calculs  précédents. 

On  en  déduit 


relation  entre  les  rentes  viagères  immédiates  sur  une  seule  tête, 
et  les  rentes  viagères  différées  sur  deux  têtes.  Elle  peut  se  traduire 
ainsi  : « La  rente  viagère  immédiate  à payer  au  plus  âgé,  plus  la 
» rente  viagère  différée  à payer  au  plus  jeune  à la  mort  du  plus 


( « ) 


» âgé,  est  équivalente  à la  rente  viagère  immédiate  à payer  au 
» plus  jeune,  plus  la  rente  viagère  différée  à payer  au  plus  âgé 
» à la  mort  du  plus  jeune.  » 

Première  remarque.  — Si  l’on  avait  quelque  doute  sur  la  légi- 
timité du  procédé  qui  a conduit  à la  formule  (r),  on  pourrait 
analyser  le  problème  de  la  manière  suivante. 

A la  fin  de  la  kme  année  d’assurance,  la  rente  sera  servie  dans 
la  triple  hypothèse  où 


A et  B vivront  simultanément;  prohabilité 


Vn  4-  h Vm  -i-A 


Vn  Vm 


A vivra  et  B sera  mort  ; 


Vn  -+■  h ( Vm  Vrn~h!i  ) 
Vn  Vm 


I]  vivra  et  A sera  mort; 


Vm+k  ( Vn  Vn-hk) 

Vn  Vm 


La  valeur  de  cette  rente  éventuelle,  rapportée  à l’époque  initiale, 
est  donc 

i i 

\ Vn 4- 1.  Cm  *+*  Cwt-f-A  Vn  - — Vn-\-k  'Cm  4- A £ , 

Vn  Vm  ' î 


et  l’on  aura  l’équation 

r i 

“ \ ( C»(  -j-i  Vm  " I i in  4- 1 f n Cw-f-t  Vm-i-l  ) CJ  -1—  ( Vn  _{_2  Vm  Vm 4- 2 V n 

Vn  Vm  ' 

Vn-h'i  Vm+ 2)  Q~  ••••  | 


rq 

| Vn-hl  •+"  Vn-hZ  q *+■  Vn-hZ  q~ 

...  etc.  ( 

\ 

Vn 

r(i 

| Vm  + \ -+-  Vm-i-2  q *+*  Vm-h?i  Ç2  ... 

...  etc.  | 

Vm 

rq 

| Vn+l  Vm  -+-i  Vn-i-2  Cm 4- 2 q •+•  Vn-f~Z  Vm-\-Z  Ç2  ~h 

Vn  Vm 

ou  bien,  en  remplaçant  chacune  des  lignes  du  second  membre  par 
sa  valeur  connue  (n) , 

P'-  — - p»'  + pr  _ p*-  ir'm 

Invoquant  la  relation  (q'),  on  retombe  sur  la  formule  (r). 


( 41  ) 

Deuxième  remarque.  — Si  les  deux  associés  sont  du  même 
âge,  et  si  chacun  d’eux  est  supposé  payer  la  moitié  de  la  prime 
d’assurance,  la  combinaison  que  nous  venons  de  traiter  représen- 
tera l’élément  de  la  tontine  dont  il  sera  question  à l’article  (XIII). 

Troisième  remarque.  — Comme  généralisation,  on  pourrait  de- 
mander quelle  est  la  prime  à payer  pour  assurer  une  rente  via- 
gère r sur  deux  tètes  réunies,  A et  B,  avec  réversion  d'une  partie, 
a y de  la  rente  sur  la  tête  de  A,  s’il  survit  à B,  et  d’une  partie,  b , 
de  la  rente  sur  la  tête  de  B,  s’il  survit  à A. 

Dans  ce  cas,  au  bout  d’une  année  quelconque,  la  compagnie 
aura  à payer  dans  trois  hypothèses,  savoir  : 

La  rente  r,  si  A et  B coexistent; 

» o,  si  A existe  et  que  B soit  mort; 

» b y si  B existe  et  que  A soit  mort. 

Le  calcul  de  la  prime  d’assurance  se  réduit  donc  à chercher 
quelle  est  la  prime  à payer, 

1°  Pour  assurer  une  rente  viagère  immédiate  sur  deux  têtes 
réunies, 


n 


p 


r 

m 


jrç_  j 

Vn  Vm  I 


Vm ■+■  l Vn  + 1 “f"  Vm+i  Vn  + 2 (J  *4"  'Cwi-j-5  Vn 4-3  q2  4-  «...  CtC.  / ....  (il). 


2°  Pour  assurer  une  rente  viagère  a au  survivant  désigné  A, 


= — — j Vn  + i -+*  Vn+<2  (J  4-  Vn-h 3 T 4“  • •••  ®tC.  | 
Vn  \ ' 


{ Vn  + i Vm+i  4-  Vn+  2 Vm+2  4-  ....  etC.  [ .... 

Vn  Vm  ( ) 


3°  Pour  assurer  une  rente  viagère  b au  survivant  désigné  B, 


vm 


hq 

Vm  Vn 


vm+i  4-  vm+ç>  q -+-  vm+ 3 q2  4-  ...  etc.  j 

vm  + i Vn  + 1 4-  Vm+i  Vn+  2 q 4-  ....  ClC.  ( ....  (fl). 


( « ) 

La  somme  de  ces  trois  primes  partielles  sera  donc  la  prime 
totale , et  Ton  aura 

pr  " = h-  ,pî  .pi ..  - w , 

formule  immédiatement  applicable,  puisque  le  second  membre  ne 
renferme  que  des  quantités  déjà  calculées.  Si  Ton  remplace  ces 
quantités  par  leurs  expressions  algébriques,  et  que  l’on  opère  les 
réductions,  on  trouve 

Pr’a’h  = pr-a-b  p«  pb 

Ainsi  « la  rente  cherchée  est  équivalente  à une  rente  viagère 
» immédiate  de  a francs  sur  la  tète  de  A,  plus  une  rente  viagère 
» immédiate  de  b francs  sur  la  tête  de  B,  plus  une  rente  viagère 
» de  (r — a — b)  francs,  payable  tant  que  A et  B coexisteront.  » 

Si  l’on  fait  à la  fois  a = r,  b = r,  et  si  l’on  observe  que  nV~r — 
— J*rm , on  retombe  sur  le  cas  où  la  rente  est  réversible  en  tota- 
lité, et  l’on  retrouve  la  formule  (r"'),  P£m  — P£  h-  P^  — nVm. 

Si  la  rente  est  réversible  par  moitié  seulement,  le  terme  nVr~a~b 
disparaît  de  la  formule  ( s'  ) , et  il  reste 


C’est-à-dire  que  « la  prime  à verser  pour  assurer  à un  couple 
» une  rente  viagère  réversible  par  moitié  sur  la  tête  du  survi- 
» vant,  est  égale  à la  somme  des  primes  nécessaires  pour  assurer 
» à chacun  des  deux  associés  une  rente  viagère  immédiate  de 
» moitié.  » Ce  cas  particulier  est  évident  par  lui-même  : en  effet, 
lorsque  la  compagnie  s’engage  à payer  une  rente  viagère  j/2  r à 
chacun  des  deux  associés  séparément  , elle  paye  d’abord  la  rente 
entière,  r,  Aaussi  longtemps  que  le  couple  coexiste,  et  ensuite  la 
moitié  jusqu’à  la  mort  du  premier  survivant. 

Exemple  numérique.  — Un  mari  âgé  de  quarante-cinq  ans  et 
une  femme  âgée  de  trente-cinq  veulent  s’assurer  une  rente  via- 
gère de  deux  mille  francs  tant  qu’ils  vivront  ensemble.  Si  le  mari 
vient  à mourir,  la  femme  jouira  d’une  rente  viagère  de  mille  cinq 


( 45  ) 

cents  francs,  et  si  c’est  la  femme  qui  meurt  la  première,  le  mari 
jouira  d’une  rente  viagère  de  mille  francs.  Quelle  est  la  prime 
d’assurance? 

Appliquant  la  formule  (s),  prenant  la  loi  de  mortalité  d’après 
la  table  de  Deparcieux,  et  le  taux  d’intérêt  à 4 */2  p.  °/0,  on 
trouve  : 

1°  Que  la  prime  nécessaire  pour  assurer  au  couple  une  rente  via- 
gère de  deux  mille  francs,  pendant  la  durée  de  la  coexistence, 
est  de fr.  22770 

2°  Que  la  prime  nécessaire  pour  assurer  une  rente  viagère  de 
mille  cinq  cents  francs  au  survivant  âgé  de  trente-cinq  ans,  est  de  . 5532 

5°  Que  la  prime  nécessaire  pour  assurer  une  rente  viagère  de 
mille  francs  au  survivant  âgé  de  quarante-cinq  ans , est  de  . . . 1781 

La  prime  totale  est  donc  de  . . fr.  30083 

Si,  au  lieu  de  la  formule  (s),  on  voulait  appliquer  la  formule 
(s'),  on  trouverait,  d’après  les  mêmes  données  : 

1°  Prix  d’une  rente  viagère  immédiate  de  mille  cinq  cents  francs 
sur  une  tête  de  trente-cinq  ans fr.  22605 

2°  Prix  d’une  rente  viagère  immédiate  de  mille  francs  sur  une 
tête  de  quarante-cinq  ans 13170 

Somme.  . . . fr.  35775 

3°  Prix  d’une  rente  viagère  de  — 500  francs  (2000-1500-1000) 
au  couple  associé 5692 

Prime  totale  à payer.  . . . fr.  30083 


XIII. 


« Calculer  la  rente  à fournir  à une  classe  de  tontiniers  du 
même  âge.  » 

Lorsqu’un  gouvernement  contracte  un  emprunt  à rentes  via- 
gères par  tontines , il  partage  les  souscripteurs  en  classes  com- 
posées de  tontiniers  à peu  près  du  même  âge,  et  paye  chaque 
année  la  rente  totale  jusqu’à  la  mort  du  dernier  vivant  de  chaque 
classe.  De  cette  manière,  le  revenu  du  rentier  augmente  tous  les 


( 44  ) 

ans,  puisque  la  même  somme  est  toujours  partagée  entre  un 
nombre  d’individus  de  plus  en  plus  faible.  Aussi , les  tontines 
ont-elles  joui  d'une  grande  vogue  dès  leur  apparition  : flattant  la 
cupidité  par  la  perspective  d’une  rente  éventuelle  qui  peut  finir 
par  s’élever  à deux  ou  trois  cents  fois  la  mise  elles  offrent  tout 
l’appât  des  loteries  ; mais  elles  sont  loin  de  posséder  le  caractère 
de  sage  et  morale  prévoyance  qui  distingue  en  général  les  assu- 
rances de  survie  entre  deux  ou  trois  personnes  au  plus.  D’ailleurs 
la  chance  d’arriver,  dans  une  tontine,  à obtenir  un  jour  une  rente 
très-élevée,  est  compensée  par  la  faiblesse  de  l’intérêt  que  re- 
çoivent les  participants  pendant  les  premières  années  de  l’insti- 
tution. 

Pour  calculer  cet  intérêt,  soit  X le  capital  fourni  par  une  classe 
de  lontiniers;  R la  rente  qu’ils  doivent  se  partager  chaque  année: 
on  aura,  d’après  la  théorie  des  annuités  (article  VI), 


Or,  quand  le  nombre  des  tontiniers  est  considérable,  la  prudence 
exige  que  l’emprunteur  s’attende  à payer  la  rente  jusqu’à  l’épui- 
sement complet  de  la  table  de  mortalité  : on  fera  donc  n égal  à la 
différence  entre  l’âge  des  tontiniers  et  cent  ans. 

D’après  cela,  supposons  une  classe  âgée  de  vingt-cinq  ans;  fai- 
sons X = 100  francs,  et  prenons  le  taux  d’intérêt  à 4 */2  p.  % : 
nous  en  déduisons  pour  R,  ou  pour  le  taux  d’intérêt  viager  de  la 
première  année,  fr.  4,67.  Si,  au  lieu  de  placer  son  capital  dans 
une  tontine,  le  souscripteur  l’avait  simplement  placé  en  viager,  il 
toucherait  immédiatement  un  intérêt  de  fr.  6,18,  d’après  la 
formule  (k).  Ce  n’est  qu’à  lage  de  cinquante  et  un  ans  que  le 
tontinier  arrivera  à toucher  un  intérêt  égal.  11  y a un  à parier 

* Une  classe  de  tontiniers  s’éteignit  en  France,  en  1726,  par  le  décès  de  la 
femme  d’un  barbier,  âgée  de  quatre-vingt-seize  ans,  qui  s’était  intéressée, 
moyennant  trois  cents  livres , dans  les  deux  tontines  ouvertes  en  1689  et 
1696.  Cette  femme  jouissait  à sa  mort  de  75500  livres  de  rente. 

Les  tontines  doivent  leur  nom  à leur  inventeur,  Laurent  Tonti,  Napolitain, 
qui  les  fil  connaître  en  France  vers  1665. 


( 45  ) 

contre  un  qu’il  sera  mort  à soixante-cinq  ans,  et  à cette  époque, 
il  ne  toucherait  encore  que  fr.  9,54. 

Dans  le  cas  où  le  nombre  des  tontiniers  est  peu  considérable, 
l’emprunteur  leur  ferait  tort  en  reculant,  comme  nous  venons 
de  le  faire,  le  terme  de  l’annuité  jusqu’à  l’extinction  complète  de 
la  table  de  mortalité.  Le  terme  qui  semble  le  plus  équitable  est 
alors  celui  pour  lequel  il  y a un  à parier  contre  un  que  tous  les 
tontiniers  seront  morts.  Pour  calculer  ce  terme,  supposons  que, 
sur  vn  individus  de  Page  des  tontiniers,  pris  dans  la  table  de 
mortalité,  il  en  ait  disparu  Dx  au  bout  d’un  temps  x : la  proba- 
bilité qu’un  tontinier  meure  dans  cet  intervalle  est  — , et  si  le 
nombre  total  des  tontiniers  est  t , la  probabilité  qu’ils  soient  tous 

morts  est  ( — * ) . Egalant  cette  expression  à —,  on  en  déduit 

Vn  \*W  1 

Da.  = -j — -,  d où  log  Dx  = log  vn log  2.  Cherchant  dans  la 

\/ç>  " 1 

table  de  mortalité  l’âge  qui  correspond  à Dx  ainsi  calculé,  on 

trouvera  le  terme  de  l’annuité:  c’est  lui  qui  devra  servira  cal- 
culer R dans  la  formule  (&'"). 

Ce  procédé,  tout  satisfaisant  qu’il  puisse  paraître  à la  première 
vue,  laisse  cependant  quelque  chose  à désirer  sous  le  rapport  de 
la  rigueur  mathématique;  car  il  est  uniquement  fondé  sur  la  lon- 
gueur de  la  vie  probable,  à l’instant  du  contrat,  et  fait  abstraction 
de  la  loi  que  suit  la  mortalité  pendant  la  durée  de  la  tontine. 
Néanmoins,  comme  il  donne  lieu  à une  formule  très-simple,  on 
est  forcé  de  l’adopter  pour  les  assurances  sur  plus  de  deux  ou 
trois  tètes,  à cause  de  la  longueur  des  calculs  auxquels  condui- 
rait la  généralisation  de  la  marche  rigoureuse  indiquée  dans  l’ar- 
ticle (XII). 

* Pour  comparer  les  résultats  numériques  des  deux  procédés, 

considérons  d’abord  un  seul  rentier  viager  de  vingt-cinq  ans  : la 

vie  probable,  d’après  la  table  de  Deparcieux,  est  alors  de  qua- 

1 

ranlc  ans.  Faisant  n = 40,  X = 100,  q — — — - dans  la  formule 

1 1 ,045 

(&"'),  on  trouve  R = fr.  5,44.  Telle  est,  dans  ce  cas,  la  rente 
viagère  pour  un  placement  de  cent  francs.  L’application  de  la 
formule  rigoureuse  a déjà  donné  fr.  6,18  : celle-ci  est  donc  à 
l’avantage  du  rentier. 


( 46  ) 

Supposons  maintenant  deux  rentiers  âgés  de  vingt-cinq  ans  : 

1 

égalant  à - la  probabilité  que  tous  deux  soient  morts,  on  trouve 

(pour  vn  = 774) , Dx  = 547,  d’où  vn  — Dx  = 227.  Ce  nombre  de 
survivants  se  trouve , dans  la  table , en  face  de  lage  de  soixante- 
quatorze  ans;  donc  74  — 25  — 49  ans  est  le  terme  probable  de 
la  tontine.  Dans  ce  cas,  la  valeur  de  l’annuité,  pour  un  place- 
ment de  cent  francs,  est,  d’après  la  formule  ( k "'),  R = fr.  5,09; 
tandis  que,  si  l’on  calcule  d’après  la  formule  (s)  la  prime  à verser 
pour  assurer  une  rente  viagère  sur  deux  tètes  de  vingt-cinq  ans, 
avec  réversion  de  la  totalité  sur  la  tète  du  survivant,  on  trouve 
R = fr.  5,52.  On  voit  que  le  procédé  le  plus  commode,  mais  le 
moins  exact,  donne  en  général  des  rentes  trop  faibles. 

§ 5. — Des  contre-assurances  dans  les  sociétés  mutuelles . 

XIV. 

La  contre-assurance  est  une  opération  par  laquelle  la  com- 
pagnie s’engage,  moyennant  une  prime  stipulée  d’avance,  à rem- 
bourser aux  assurés  qui  ont  contracté  avec  les  sociétés  mutuelles, 
le  montant  intégral  des  sommes  versées  par  eux.  Ce  rembour- 
sement a lieu  dans  le  cas  où  la  personne  sur  la  tète  de  laquelle 
repose  l’assurance  mutuelle,  viendrait  à décéder  avant  l’expiration 
de  l’association  dont  elle  fait  partie  : on  annihile  ainsi  l’élément 
aléatoire  du  contrat  mutuel. 

La  théorie  des  contre-assurances  présente  deux  cas  distincts, 
suivant  que  l’on  veut  assurer  des  versements  déjà  effectués,  ou 
des  versements  éventuels  à faire  annuellement. 

Premier  cas.  — Supposons  vn  individus  de  l’àge  n se  contre- 
assurant  en  même  temps;  chacun  d’eux  a déjà  versé  un  capital  a, 
et  leur  association  mutuelle  doit  encore  durer  k années. 

Soit  X la  somme  inconnue  qu’ils  payent  collectivement  pour 
prime  de  contre-assurance  au  commencement  de  la  première 
année  : pendant  cette  première  année,  il  meurt  ( vn — vM  + 1) 
associés,  et  la  compagnie  paye  donc,  à la  fin  de  cette  année, 


( 47  ) 

(vn  — vn  + i)a;  mais  cette  somme,  rapportée  à l’époque  initiale, 
ne  lui  coûte  que  ( vn  — vn  + , ) aq. 

Pendant  la  deuxième  année,  il  meurt  (vn  + i — vH  + 2 ) asso- 
ciés; et  la  compagnie  paye,  à la  fin  de  cette  deuxième  année, 
(vn  + { — vn  + 2)ct,  qui  ne  valent  en  réalité  que  (vH  + l — v„  + 2)  aq*2. 

On  peut  continuer  ce  raisonnement  jusqu’à  la  fin  de  la  kme  an- 
née, époque  à laquelle  la  compagnie  fait  son  dernier  payement 
( vn  -j-  k - 1 _[_  k ) aq'\ 

Egalant  ces  dépenses  successives  à la  recette  primitive,  et 
désignant  par  (”  + /i:)P“  la  prime  de  contre-assurance  à verser  par 
chacun  des  vn  associés,  on  a 

X = Vn  X (M +/)P“  = a | {Vn  — Vtl+t)  (j  -V-  (Vn+\  — 1W2 ) (f  •+-  (t>w+2  — Vn+i)  (f 
-4-  ....  {Vn+k-i  — Vn  + k)  qk  j ....  (O  ; 

d’où,  conformément  à la  notation  adoptée  dans  l’article  (I), 

<*+t>p;  = — — s;-*-*-* 

Vn  q 1 ' 

Deuxième  cas.  — Les  vn  contre-assurés  ont  déjà  versé  une  cer- 
taine somme,  soit  d’un  seul  coup,  soit  par  annuités,  mais  ils  doi- 
vent encore  luire  k versements  annuels  : quelle  prime  doit-on 
exiger  d’eux  pour  contre-assurer  le  tout? 

La  prime  exigible  pour  contre-assurer  les  versements  déjà 
effectués  se  calculera  par  la  formule  précédente.  Pour  trouver 
celle  qui  est  relative  aux  annuités  éventuelles  que  les  vn  associés 
ont  encore  à fournir,  on  raisonnera  de  la  manière  suivante. 

Pendant  la  première  année  à partir  du  contrat,  il  meurt 
(vH  — vH+i)  associés,  pour  chacun  desquels  la  compagnie  de 
contre-assurance  doit  rembourser  une  annuité , a : la  dé- 
pense qu’elle  fait,  à la  fin  de  cette  première  année,  est  donc 
(vn  — vn  + l )a,  et  cette  somme,  rapportée  à l’époque  initiale, 
vaut  ( vu  — vn  + , ) aq. 

Pendant  la  deuxième  année,  il  meurt  (vn+1 — vw+2)  contre- 
assurés,  ayant  versé  chacun  deux  annuités  : la  somme  à rem- 
bourser, à la  fin  de  cette  deuxième  année,  a donc  pour  valeur 
(vH+i  — vH  + i)  X 


( 48  ) 

Pendant  la  kmc  année,  le  nombre  des  décès  est  (vn  + k_ 
— vn  + a-);  chaque  associé  qui  meurt  dans  le  courant  de  cette 
année  a d’ailleurs  versé  k annuités  : la  compagnie  rembourse 
donc  ( vn  + k _ i — vn  + k)  X kaqk.  Par  conséquent  la  prime  à 
verser,  à l’instant  du  contrat,  par  chacun  des  v„  contre-assurés, 
est 

(«+*)p*==iL  — vn+î)  q + 2{vn- M — vn+i)  q2  -4-  3 (vH+i  — vH+z)  g3-*-.... 

Vn  \ 

k (v„+k~  1 — Vn+k)  qk  j ••••  («)■ 

D’après  la  table  de  Deparcieux,  le  nombre  des  décès  annuels 
est  constant  entre  les  âges  de  dix  et  de  cinquante  ans;  et  sur 
huit  cent  quatre-vingts  individus  pris  à l’âge  de  dix  ans,  il  en 
meurt  annuellement  huit  pendant  cette  période  de  la  vie.  On  peut 
donc,  entre  ces  deux  âges,  mettre  l’expression  précédente  sous 
la  forme  plus  simple 


* n 


aqb  l \ — qL  1 

vn  I (1—  q)2 


(/t-4-1)  qk  \ 

i — q I 


U*')» 


D représentant  le  nombre  annuel  des  décès  sur  vn  individus  âgés 
de  dix  ans. 

Du  reste,  lorsque  le  capital  progressif  à payer  par  la  compagnie 
suit,  comme  dans  le  cas  des  contre-assurances,  la  progression 
arithmétique  a,  5 les  primes  de  la  formule  (u)  peu- 
vent se  déduire  de  celles  de  la  formule  (t)  par  un  calcul  arithmé- 
tique très-simple. 

Désignons  en  effet  par  P1?  P.,,  P3 P*  les  primes  fournies  par 

la  formule  (t),  pour  les  cas  où  l’association  mutuelle  doit  durer 

encore  1,2,  5....  k années;  par  P/,  P/,  P/, P/  les  primes 

analogues  à calculer  par  la  formule  (u)  ; nous  avons 


aq  , aq 

Pj  = -7-  [Vn  ~ + 1);  1»4  = — ( Vn  — Vn- f l),  d’OÙ  ....  P,  = Pj 

Vn  Vn 


aq  aq-  , aq 

P 2 — • •—  ( Vn  ’ Vn  4-  1 ) “P  - ( Vn  4-  I Vn  -4-2)5  P 2 

Vn  Vn  Vn 

Zaq- 


2 — 7 — ( Vn  V,i  4- 1 ) 


P — {Vn+l  — Vn+ï)  ; U’OU  P'2  = P2  H-  (P2  — P,)  = 2P2  — P,. 


Vn 


( 49  ) 

On  trouverait  de  même 

Pj  = P«  + (P«— Px)  + (P.-P.)  = 3P8-(P1  + pa), 
et  en  général 

Pyt  ==  ^Pa  — ' (Pi-V-P2-4-P3-4-  ••••  ■+"  Pa  — 1 ) ....  ( II"). 

Il  est  inutile  de  faire  observer  une  fois  de  plus  que  si  la  com- 
pagnie paye  à toutes  les  époques  de  l’année , et  non  à la  fin  comme 
nous  l’avons  supposé,  il  faudra  regarder  tous  les  remboursements 
comme  effectués  au  milieu  de  l’année,  et  diviser  par  conséquent 
par  c/1'2  les  seconds  membres  des  équations  (t)  et  (u). 

On  remarquera  enfin  que  ces  équations  ne  sont  autre  chose  que 
les  formules  (c")  et  (e),  calculées  pour  assurer  le  payement  d’un 
capital  constant  ou  progressif  au  décès  d’un  individu  âgé  de 
n années,  si  ce  décès  a lieu  avant  qu’il  ait  atteint  l’âge  de  ( n k) 
années.  En  effet,  la  contre-assurance  n’exige  pas  l’existence  d’une 
association  mutuelle;  elle  peut  se  faire  entre  une  compagnie  et  un 
individu;  et  si  nous  avons  raisonné  dans  l’hypothèse  d’une  asso- 
ciation mutuelle , c’est  principalement  pour  montrer  comment  ce 
genre  de  question  peut  se  traiter,  sans  que  l’on  ait  besoin  d’in- 
voquer les  règles  du  calcul  des  probabilités. 


Tome  XIIL 


( 50  ) 


Des  valeurs  numériques  de  la  série  vn  vn+l  q -+-  vn+i  q1  -4-  .... 
-4-  tjgg  q^~n7  calculée  de  cinq  en  cinq  ans , depuis  v0  jusqu’à  vso> 
le  taux  d’intérêt  étant  de  4 4/a  p.  °/o. 


V 

2 

Log  (2  - v) 

CompF  log  v 

99 

v0  = 1466 

20  = 19  019 

4,244  55 

6,833  78 

99 

348 

t>5  = 948 

2S  = 17  280 

4,215  04 

7,023  19 

99 

198 

0 

II 

00 

Q© 

O 

210  = 16  290 

4,187  80 

7,055  52 

99 

189 

vIS  = 848 

215  = 15  -345 

4,161  28 

7,071  61 

99 

200 

v20  = 814 

220  ==  14  346 

4,151  56 

7,089  58 

99 

208 

v,5  = 774 

205  — 3 3 308 

4,098  09 

7,111  26 

99 

211 

^30  73  4 

250  — 12  254 

4,061  45 

7,154  50 

99 

220 

v35  = 6 9 4 

235  = 11  155 

4,019  57 

7,158  64 

99 

227 

vi0  — 657 

240  = 10  0 20 

5,971  41 

7,182  44 

99 

242 

■vls  = 622 

245  = 8 81  1 

5,915  23 

7,206  21 

99 

260 

«so  ~ 581 

2S0  = 7 509 

5,840  61 

7,255  82 

99 

272 

«S5  = 526 

235  = 6 151 

5,750  12 

7,279  02 

99 

271 

«60  = 465 

260  = 4 795 

3,636  69 

7,334  42 

99 

265 

V6S  — 595 

26û=  5 471 

5,487  99 

7,403  40 

99 

245 

v70  = 310 

270  = 2 244 

5,286  46 

7,508  64 

99 

201 

«75=  211 

2,5=  1 238 

5,011  57 

7,675  72 

99 

139 

«89=  H 8 

y — K45 
^80  J 

2,628  59 

7,928  12 

FIN. 


NOTE 


SUR 

LES  TREMBLEMENTS  DE  TERRE 

EN  1859, 

AVEC  SUPPLÉMENTS  POUR  LES  ANNÉES  ANTÉRIEURES, 

1*AR 


M.  Alexis  PERREY, 

PROCESSEUR  A LA  FACULTÉ  DES  SCIENCES  DE  DIJON 


(Présenté  dans  la  séance  du  7 décembre  1861.) 


Tome  XIII. 


1 


' 


NOTE 


SUR 


LES  TREMBLEMENTS  DE  TERRE 

EN  1859, 

AVEC  SUPPLÉMENTS  POUR  LES  ANNÉES  ANTÉRIEURES. 


Depuis  quelques  années,  la  météorologie  compte  sans  cesse  de 
nouveaux  adeptes  : des  sociétés  particulières  se  sont  formées, 
des  commissions  centrales  ont  été  instituées  , et  des  observatoires 
spéciaux  ont  été  établis  par  divers  gouvernements  pour  étudier 
les  phénomènes  météorologiques.  Des  académies  et  d’autres  corps 
scientifiques  continuent  non -seulement  à publier  les  observa- 
tions qui  leur  sont  transmises,  mais  plusieurs  publient  meme  des 
séries  d’observations  anciennes,  jusqu’à  ce  jour  enfouies  dans 
leurs  cartons.  Il  semble  que  les  savants  reconnaissent  enfin  que 
ce  n’est  qu’en  comparant  et  en  discutant  de  longues  suites  d’ob- 
servations qu’on  parviendra  à formuler,  d’abord  empiriquement, 
les  lois  numériques  de  la  météorologie,  science  qui  réclame  à 
bon  droit  sa  place  parmi  tant  d’autres,  et  dont  plus  tard  quelque 
homme  de  génie  ou  seulement  ingénieux  reconnaîtra  les  principes 
et  les  causes,  qu’en  législateur  habile,  il  reliera  dans  un  corps  de 
doctrine  rationnelle. 

J’entends  encore,  il  est  vrai,  quelques  personnes  qui,  résu- 
mant, à leur  insu  peut-être,  les  paroles  regrettables  qu’un  illustre 
vétéran  de  la  science  a prononcées  dans  une  enceinte  célèbre, 
répètent  avec  une  espèce  de  commisération  un  peu  dédaigneuse  : 


Mais  c’est  toujours  la  même  chose , oubliant  sans  doute  que,  la 
veille,  elles  se  plaignaient  de  ce  que  l’ordre  des  saisons  était  altéré 
et  que  tel  ou  tel  phénomène  un  peu  insolite,  dont  nous  étions  té- 
moins, prouvait  que  l’ordre  ancien  des  choses  était  profondément 
changé.  Ce  que  ces  personnes  disent  des  phénomènes  météorolo- 
giques en  général , elles  le  disent  parfois  aussi  des  tremblements 
de  terre,  en  reconnaissant  néanmoins  que  leur  décourageante 
formule:  C’est  toujours  la  même  chose , admet  des  degrés  divers 
d’intensité  et  même  de  violence  désastreuse  dans  les  manifesta- 
tions du  phénomène. 

Quoique  sensible  à ces  détraetions,  faites  dans  une  bonne  in- 
tention, je  me  sens  fortement  encouragé  par  les  progrès  qui 
s’opèrent  dans  l’étude  de  la  météorologie,  par  l’extension  re- 
marquable qu’ont  prise  les  observations  centralisées  et  par  la 
publicité  toujours  croissante  qu’on  leur  donne.  Soutenu  depuis 
longtemps  par  l’Académie  royale  de  Belgique,  dont  le  savant  et 
modeste  secrétaire  perpétuel  a bien  voulu  m’aider  à mon  début 
et  m’appuyer  toujours  de  son  affectueux  concours,  je  viens,  plein 
de  confiance,  réclamer  de  nouveau  sa  bienveillante  hospitalité. 

Dans  ce  travail,  c’est  toujours  la  même  chose,  quant  à la  forme. 
C’est  encore  un  simple  catalogue  divisé,  comme  les  précédents, 
en  deux  parties:  l’une,  que  je  fais  remonter  à 1845,  date  de  mes 
premières  publications,  l’autre  que  je  consacre  tout  entière  aux 
manifestations  séismiques  qui  ont  eu  lieu  pendant  l’année  1859. 

Comme  je  l’ai  fait  pour  les  catalogues  antérieurs,  j’ai  recueilli 
avec  zèle  tous  les  faits  parvenus  à ma  connaissance;  je  les  ai  en- 
registrés avec  tout  le  soin  dont  je  crois  avoir  fait  preuve  depuis 
près  de  vingt  ans,  j’en  ai  condensé  la  rédaction  dans  le  simple 
exposé  des  diverses  circonstances  qui  les  accompagnent  et  dont  les 
caractères  m’ont  paru  devoir  intéresser  la  science  et  pouvoir  aider 
à ses  progrès  futurs.  L’Académie  voudra  bien,  j’en  ai  l’espoir,  con- 
tinuer à approuver  mes  efforts  et  ceux  des  quelques  amis  qui 
m’aident  de  leur  concours  et  auxquels  j’adresse  mes  affectueux 
et  publics  remerciments. 


PREMIÈRE  PARTIE. 


SUPPLEMENTS. 


. 1 845.  Janvier.  — Le  14,  au  matin,  à Aréquipa,  secousse  avec 
bruit. 

— Le  1 7,  5 h.  1 b m.  du  matin,  autre  secousse  avec  grand  bruit; 
durée  50  secondes. 

— Le  18,  7 li.  20  m.  du  soir,  très-forte  secousse  de  5 à 5 se- 
condes de  durée. 

— Le  20,  1 li.  bO  m.  du  soir,  très-forte  secousse;  durée,  40  se- 
condes. 

— Le  27,  11  h.  28  m.  du  soir,  secousse  avec  bruit. 

— Le  50, 4 b.  4b  m.  du  soir,  forte  secousse;  durée  50  secondes. 
(M.  de  Castelnau.) 

Fè  vrier . — Le  18,  5 h.  40  m.  du  matin,  à Reggio  (Calabre), 
léger  tremblement  en  trois  ondulations  du  NE.  au  SO.  A 9 h.  50  m. 
du  matin,  autre  plus  sensible,  vertical  et  accompagné  du  bruit  dé- 
signé sous  le  nom  de  rombo.  (Connu,  manuscrite  de  M.  Arcovito.) 

— Le  25,  10  h.  du  soir,  à Aréquipa,  une  secousse. 

Mars . — - Le  51 , 2 h.  4b  m.  du  matin, à Aréquipa,  une  secousse 
de  1 b secondes  de  durée.  (M.  de  Castelnau.) 

Avril.  — Le  5,  2 h.  2b  m.  du  matin,  à Reggio  (Calabre),  léger 
tremblement  en  deux  ondulations.  A 4 b.  */4  du  matin , autre 
tremblement  léger.  (M.  Arcovito.) 


Mai.  — - Le  12,  8 h.  du  soir,  à Aréquipa,  deux  secousses  vio- 
lentes dans  l’espace  d’une  heure. 

— Le  14,  5 h.  du  matin,  nouveau  tremblement.  (M.  de  Cas- 
telnau.) 

— Le  20,  7 h.  7 m.  du  matin,  à Reggio  (Calabre),  un  petit 
tremblement  du  SE. 

— Le  25,  11  h.  59  m.  du  soir,  tremblement  médiocre,  vertical, 
avec  rombo  du  nord.  (M.  Arcovito.) 

Juillet.  — Le  4,  1 b.  10  m.  du  soir,  à Aréquipa,  forte  secousse. 

— Le  12,  au  matin,  autre  secousse  légère  de  cinq  minutes  (sic) 
de  durée.  (M.  de  Castelnau.) 

Août.  — Le  1er,  au  matin,  à Aréquipa,  secousse  de  2 secondes 
de  durée. 

— Le  4,  11  h.  50  m.  du  soir,  nouvelle  secousse  légère. 

— Le  7,  9 h.  50  m.  du  soir,  secousse  légère  de  40  secondes  de 
durée.  (M.  de  Castelnau.) 

Septembre .- — Le  8,  2 b.  9 m.  du  matin,  à Reggio  (Calabre),  une 
secousse  légère.  — Le  8,  2 h.  49  m.  du  matin,  autre  tremble- 
ment moyen  avec  trois  secousses  du  NNE.  (M.  Arcovito.) 

— Le  21 , 5 h.  5 m.  du  soir,  à Aréquipa,  légère  secousse;  durée 
15  m.  {sic).  (M.  de  Castelnau.) 

Octobre.  — Le  7,  11  h.  50  m.  du  soir,  à Aréquipa,  courte  se- 
cousse avec  bruit. 

— Le  9,  8 h.  50  m.  du  soir,  autre  secousse  avec  fort  bruit. 
(M.  de  Castelnau.) 

Décembre.  — Le  1er,  minuit  10  m.,  à Aréquipa,  forte  secousse 
de  deux  mouvements;  durée,  50  secondes.  (M.  de  Castelnau.) 

— Le  22,  5 h.  53  m.  du  soir,  dans  les  îles  de  la  Manche,  à 
Jersey,  Guernesey,  Alderney,  Serk,  Ilerne  et  Jethore,  bruit  res- 
semblant à un  tonnerre  éloigné,  suivi  immédiatement  d’un  bruit 
métallique,  semblable  au  roulement  d’un  train  sur  un  chemin  de 
fer;  celui-ci  fut  accompagné  d’un  mouvement  ondulatoire  distinct 
et  suivi  d’une  secousse.  Le  tout  dura  10  à 15  secondes.  Le  baro- 
mètre à 50p,  554  n’a  pas  été  influencé;  un  vent  léger  variait  du 
SSE.  au  SSO.  (Note  de  M.  J.  Elliot  Haskins,  dans  les  Proceed.  of 
the  R.  Soc.,  t.  V,  p.  498).  Nous  avons  déjà  indiqué  un  tremble- 


ment  comme  ayant  été  ressenti  à Cherbourg,  quelques  minutes 
avant  4 h.  du  soir. 

— Le  26,  11  h.  55  m.  du  matin  à Reggio  (Calabre),  léger  trem- 
blement de  deux  secousses  ondulatoires  avec  rombo.  (M.  Arcovito.) 

— Le  29,  au  point  du  jour,  à Àréquipa,  secousse  de  50  se- 
condes de  durée.  (M.  de  Castelnau.) 

1844.  Janvier.  — Le  22,  10  b.  du  soir,  à Aréquipa,  secousse 
de  peu  de  mouvement.  (M.  de  Castelnau.) 

Février.  — Le  2,  10  b.  45  m.  du  soir,  à Aréquipa,  secousse 
avec  grand  bruit.  (M.  de  Castelnau.) 

Mars.  — Le  18,  5 b.  42  m.  du  matin,  à Reggio  (Calabre),  léger 
tremblement  ondulatoire  de  G secondes  de  durée.  (M.  Arcovito.) 

— Le  24,  le  matin,  à Aréquipa,  secousse  avec  mouvement  insen- 
sible; à 5 b.  du  soir,  autre  secousse  assez  forte  et  de  courte  durée. 

— Le  28,  8 h.  du  soir,  autre  secousse  de  peu  de  mouvement; 
durée,  10  secondes.  (M.  de  Castelnau.) 

Avril.  — Le  9,  11  h.  15  m.  du  soir,  à Aréquipa,  secousse  avec 
bruit.  , 

— Le  25, 5 b.  50  m.  du  matin,  nouvelle  et  rapide  secousse. 

Mai.  — Le  4.  6 b.  du  matin,  tremblement  à Aréquipa;  à 5 b. 

du  soir,  une  nouvelle  secousse.  (M.  de  Castelnau.) 

— Du  18  au  26,  le  cap.  Ed.  Belcher  a visité  Manado,  dans  l’ile 
de  Célèbes.  « Le  voisinage,  dit-il,  est  encore  soumis  5 Faction  vol- 
canique. Sur  la  plage  orientale  delà  Péninsule,  près  de  Keema,  un 
cône  a été  formé  (upheaved)  depuis  quelques  années,  et  c’est  en  ce 
moment  un  amas  de  produits  volcaniques.  Le  cratère,  que  nous 
avons  pu  voir  du  haut  d’une  montagne  conique  voisine,  est  au- 
jourd’hui dans  un  mouvement  d’activité  qui  se  manifeste  par  le 
bouillonnement  de  la  lave  qui  s’échappe  par  un  orifice  situé  au 
centre.  » ( Narrative  of  the  voyage  of  H.  M.  S.  Samarang,  t.  I, 
p.  125.  London,  1848,  2 vol.  in-8°.) 

Juin.  — Le  1er,  le  cap.  Belcher  voyait  les  pics  de  Klabat,  Tyfore , 
Ternate  et  Tidore.  Il  n’y  signale  aucun  indice  d’activité  volca- 
nique. ( L . c.,  p.  152.) 

Juillet.  — Le  15,  10  h.  20  m.  du  matin,  à Reggio  (Calabre),  un 
fort  tremblement  qui  commença  avec  un  rombo  retentissant,  tou- 
jours croissant  comme  le  bruit  d’un  carrosse  courant  avec  rapi- 


dite;  un  léger  mouvement  ondulatoire,  d’abord  du  NE.  au  SO., 
s’accrut  fortement  en  se  mêlant  avec  un  mouvement  vertical  et 
accompagna  le  rombo  qui  dura  8 secondes.  Du  mercure  se  trouva 
dans  quatre  des  huit  fossettes  du  séismoscope  : trente-cinq  grains 
dans  celle  du  NE.,  trente-trois  grains  dans  celle  de  l’E.,  vingt-six 
grains  dans  celle  du  S.  et  soixante-trois  grains  dans  celle  du  SO. 

A 8 h.  22  m.  du  soir,  autre  tremblement  léger.  (M.  Arcovito.) 

— Le  17,  1 h.  15  m.  du  matin,  à Aréquipa,  une  secousse. 
(M.  de  Castelnau.) 

— Le  29,  i 1 b.  25  m.  du  soir,  à Reggio  (Calabre),  tremblement 
léger.  (M.  Arcovito.) 

Août.  — L e 25,  1 b.  45  m.  du  matin,  à Aréquipa,  une  secousse 
très-forte.  (M.  de  Castelnau.) 

Novembre.  — Le  9,  11  h.  52  ni.  du  soir,  à Reggio,  léger  trem- 
blement. 

— Le  12,  1 h.  50  m.  du  matin,  autre  secousse  semblable. 
(M.  Arcovito.) 

Décembre. — Le  10,  au  matin,  à Aréquipa,  secousse  de  peu 
de  mouvement.  (M.  de  Castelnau.) 

— Le  20,  5 h.  du  matin,  à Reggio,  une  légère  secousse. 

— Le  29,  4 h.  50  m.  du  matin , autre  secousse  semblable. 

— Le  50,  5 h.  50  m.  du  matin,  autre  secousse  encore  sembla- 
ble. A midi  20  m.,  tremblement  qui  commença  par  une  légère  se- 
cousse suivie  de  deux  autres  de  moyenne  force  avec  rombo  ; trente- 
cinq  grains  de  mercure  versés  dans  la  fossette  du  sud.  A 0 b.  5 m., 
une  légère  secousse  encore. 

— Le  31,  5 b.  50  m.  du  matin,  autre  semblable  (M.  Arcovito). 

(Sans  date  mensuelle).  — A Montréal  (Canada),  tremblement 

signalé  sans  détail  par  M.  J.-W.  Dawson,  dans  son  mémoire  sur 
le  tremblement  du  17  octobre  1800. 

— Dans  le  courant  de  l’année,  à Nanta  (Colombie),  secousses 
légères.  On  y en  ressent  tous  les  ans.  (M.  de  Castelnau,  Expédi- 
tion..., t.  IV,  p.  450.) 

1 845.  Janvier.  — Le  5 , Mb.  50  m.  du  soir,  à Aréquipa , secousse 
avec  beaucoup  de  bruit  et  assez  de  mouvement  (M.  de  Castelnau). 

— Le  14,  M.  Sébastien  Wisse  lit  une  première  ascension  du 


Pichincha;  le  volcan  était  encore  enflammé  (Humboldt,  Mélanges 
de  géologie , t.  1,  pp.  89-110.) 

— Le  21,  2 h.  du  matin,  à Aréquipa,  secousse  avec  mouve- 
ment; durée,  quarante  secondes.  (M.  de  Castelnau.) 

Mars.  — Le  9 , 2 h.  du  matin , à Aréquipa , secousse  avec  grand 
bruit.  A G h.  du  matin,  autre  secousse  avec  grand  bruit  et  trois 
mouvements;  durée,  trente  secondes.  (M.  de  Castelnau.) 

— Le  18,  8 h.  17  m.  du  matin,  à Reggio  (Calabre),  tremble- 
ment de  force  moyenne  et  d’une  seule  secousse;  trente  grains  de 
mercure  dans  la  fossette  sud  du  séismoscope.  (M.  Arcovito.) 

Avril.  — Le  10,7  b.  50  m.  du  soir,  à Aréquipa,  secousse  avec 
bruit.  (M.  de  Castelnau.) 

Mai.  — Le  2,  9 b.  du  matin,  à Quito,  forte  secousse,  oscilla- 
tion du  N.  au  S.;  durée,  deux  secondes.  Pluie.  (M.  Boussingault.) 

— Le  4,10  b.  45  m.  du  soir,  à Aréquipa,  secousse  avec  bruit. 

— Le  15,  midi  45  m.,  autre  secousse  de  peu  de  mouvement. 
(M.  de  Castelnau.) 

Juin.  — Le  5,  10  b.  45  m.  du  soir,  à Aréquipa,  secousse  avec 
grand  bruit.  Dans  la  même  nuit,  à des  heures  différentes,  se  sont 
succédé  quatre  autres  secousses  très-fortes. 

— Le  4,  à 7 et  à 8 b.  du  matin,  deux  autres  secousses  moins  fortes. 

— Le  5 , à midi  et  à 1 b.,  deux  secousses  très-légères. 

— Le  7,  entre  7 et  8 h.  du  soir,  deux  secousses  très-fortes. 

— Le  10,  à 10  h.  50  m.  du  soir,  une  légère  secousse  avec  mouve- 
ment lent.  A minuit,  autre  secousse  semblable.  (M.  de  Castelnau.) 

— Le  27,  1 b.  du  matin,  à Aréquipa,  une  secousse  de  peu  de 
durée.  A 2 b.  50  m.  du  matin,  autre  secousse  très-forte. 

Juillet.  — ■ Le  5,  8 b.  10  m.  du  soir,  à Aréquipa,  secousse  de 
dix  secondes  de  durée. 

— Le  G,  au  point  du  jour,  autre  secousse  avec  grand  bruit; 
mouvement  lent  et  de  peu  de  durée. 

— Le  10,  7 b.  10  m.  du  soir,  secousse  très-grande  et  de  fort 
mouvement.  (M.  de  Castelnau.) 

Août.  — Le  7,  2 h.  du  matin,  à Aréquipa,  légère  secousse, 
mouvement  rapide.  (M.  de  Castelnau.) 

— Le  8,  5 b.  du  matin,  à Quito,  trépidation  très-violente,  trois 


( 10  ) 

secousses.  On  a supposé  qu’elles  venaient  du  Pichincha.  (M.  Bous- 
singault.) 

— Le  10,  7 h.  du  soir,  à Aréquipa,  légère  secousse,  mouvement 
rapide.  (M.  de  Castelnau.) 

— Du  11  au  14 , M.  Wisse  a fait  une  seconde  ascension  du  Pi- 
cliincha.  (M.  de  Humboldt,  /.  c.  Voy.  au  14  janvier  précédent.) 

— Le  14, 11  h.  50  m.  du  soir,  à Aréquipa,  forte  secousse. 

— Le  24,  10  h.  du  matin,  encore  une  forte  secousse.  (M.  de 
Castelnau.) 

— Le  5 juin , encore,  vers  G h.  du  soir,  à l’île  de  Sa  m a 3a  n a (à  l’E. 
de  Formose  par  lat.  22°38'22"  N.  et  long.  121°26'  E.),  légère  se- 
cousse verticale. 

« Nous  étions  assis  sur  le  haut  d’une  petite  colline  , dit  le  capi- 
taine Belcher,  et  prêts  à dîner,  lorsque  nous  fûmes  surpris  par  un 
choc  soudain  comme  si  la  colline  allait  s’ouvrir  à son  sommet  et 
lancer,  dans  toutes  les  directions  (in  radii  from  the  centre) , les 
comestibles  placés  à terre  devant  nous.  Au  même  instant  la  Sama- 
rang , qui  se  trouvait  à PO.  de  Pile,  éprouva  un  choc  violent;  on 
crut  avoir  touché,  mais  on  ne  trouva  pas  de  fond  avec  cinquante 
brasses  de  sonde.  » (Narrative  of  the  voyage  of  H.  M.  S.  Sama- 
rang , t.  I,  p.  511,  et  t.  II,  p.  4G8.  London  1848,  2 vol.  in-8°.) 

« Dans  notre  traversée  de  Nangasaki  aux  Lou-Tchou,  dit 
M.  Adams,  médecin  et  naturaliste  de  l’expédition,  nous  passâmes 
au  milieu  d’un  archipel  peut-être  inconnu  et  formé  d’une  quin- 
zaine ou  vingtaine  d’iles  coniques  qui  toutes  présentaient  évi- 
demment l’aspect  des  cimes  d’une  chaîne  affaissée  de  montagnes 
volcaniques  dans  un  état  actif  d’éruption , vomissant  d’énormes 
volumes  de  fumée  par  les  cratères  placés  à leurs  sommets  ou  par 
les  fissures  ouvertes  sur  leurs  flancs.  » ( Ibid .,  t.  II,  p.  474.)  — 
L’une  de  ces  îles,  au  N.  des  Lou-Tchou,  est  marquée  par  ces 
mots  : Sulphur  /.  Volcano,  sur  la  carte  de  M.  Belcher.  C’est  la 
plus  septentrionale.  La  Samarang  a relâché  aux  Lou-Tchou  du 
18  au  22  août  1845.  Le  père  Furet  a noté  onze  tremblements  de 
terre  aux  Lou-Tchou  dans  un  espace  de  vingt-deux  mois.  Nous 
les  avons  rapportés  dans  notre  dernier  catalogue  séismique. 

— Le  10,  2 ou  5 minutes  après  11  h.  Va  du  matin,  à Boock- 


( H ) 

stein  (dans  la  vallée  de  Gastein,  cercle  de  Salzburg),  une  très-forte 
secousse  du  NO.  au  SE.  Baromètre  25  p.  1 | 1.;  thermomètre 
16°  R.  On  l’a  ressentie  à Siglitz,  où  elle  s’est  renouvelée  à midi  et 
plus  fortement  encore  à 2 h.  du  soir.  A 5 h.,  il  y a eu  une  qua- 
trième secousse;  celle-ci  a été  faible. 

— Le  11,  7 b.  72  du  matin,  à Siglitz,  une  cinquième  et  dernière 
secousse,  dirigée  comme  les  précédentes  du  NO.  au  SE.  Communi- 
cation de  M.  W.  Haidinger,  qui  a eu  la  bonté  de  m’envoyer  la  note 
qu’il  a publiée  sur  ce  phénomène,  dans  les  Annales  de  Poggendorf \ 
t.  LNVII,  p.  441,  et  plusieurs  autres  mémoires  pour  ma  Collec- 
tion séismique.  — Je  n’avais  cité  que  la  première,  la  troisième  et 
la  cinquième  de  ces  secousses  dans  mes  précédents  catalogues. 

— Le  22,  9 h.* 9 m.  du  matin,  à Reggio,  fort  tremblement;  on 
trouva  dans  la  fossette  S.  deux  cent  vingt  grains  de  mercure;  deux 
cent  vingt  dans  celle  du  SO.  ; trente  dans  celle  de  l’E.  ; et  dix  dans 
celle  del’O.,  en  tout  quatre  cent  quatre-vingts  grains.  (M.  Arcovito.) 

Août.  — Le  20,  1 1 h.  25  m.  du  soir,  à Reggio  (Calabre),  trem- 
blement moyen  avec  deux  secousses  et  le  rornbo  ordinaire;  vingt 
grains  de  mercure  dans  la  fossette  du  N.  (M.  Arcovito.) 

— Le  50,  2 h.  45  m.  du  matin,  à Aréquipa,  secousse  très-forte 
comme  la  détonation  d’un  canon.  (M.  de  Castelnau.) 

Septembre.  — Le  19 , 7 h.  50  m.  du  matin , à Aréquipa . secousse 
assez  forte,  de  peu  de  durée. 

— Le  22,  2 h.  45  m.  du  matin , autre  secousse  très-forte. 

— Le  25,  4 h.  du  matin,  secousse  de  peu  de  durée. 

— Le  50,  5 b.  20  m.  du  soir,  secousse  assez  forte  avec  beau- 
coup de  bruit.  (M.  de  Castelnau.) 

Octobre.  — Le  2,  2 h.  25  m.  du  matin,  à Aréquipa,  très-forte 
secousse. 

Le  25,  10  b.  du  soir,  autre  secousse  très-forte  et  de  longue 
durée.  (M.  de  Castelnau.) 

— Le  24,  6 b.  15  m.  du  soir,  à Quito,  une  forte  secousse;  oscil- 
lation de  l’O.  A 9 h.  du  soir,  autre  secousse  encore  de  l’O.;  pas 
de  dégâts.  Ces  deux  secousses,  avec  celles  du  2 mai  et  du  8 août, 
sont  les  seules  qu’on  ait  ressenties,  à Quito,  d’avril  1845  à avril 
1840.  (M.  Boussingault.) 


( 12  ) 

Novembre.  — 1er,  1 h.  42  m.  du  matin,  à Reggio  (Calabre), 
tremblement  en  deux  secousses,  la  première  légère  et  la  deuxième 
plus  forte.  (M.  Arcovito.) 

— Le  1 1 , 7 b.  30  m.  du  soir,  à Aréquipa,  secousse  avec  très- 
grand  bruit  et  mouvement  peu  sensible;  durée,  50  secondes. 

— Le  20,  0 h.  50  m.  du  soir,  autre  secousse  avec  grand  bruit. 
(M.  de  Castelnau.) 

Décembre.  — Le  1),  5 b.  50  m.  du  matin,  à Aréquipa,  forte  se- 
cousse avec  grand  bruit;  durée  20  secondes. 

— Le  21 , au  soir,  encore  une  secousse. 

184(>.  Mars. — Le  2,  9 h.  10  m.  du  soir  à Reggio  (Calabre), 
tremblement  léger  en  deux  secousses  successives. 

— Le  22,  7 h.  57  m.  du  soir  à Reggio,  encore  tremblement  avec 
trois  secousses  médiocres  et  oscillatoires  qui  durèrent  trois  se- 
condes; on  trouva  dix-neuf  grains  de  mercure  dans  la  fossette  S. 
du  séismoscopc. 

— Le  28, 4 h.  50  m.  du  soir,  nouveau  et  fort  tremblement  qui 
renversa  beaucoup  de  mercure  dans  les  fossettes  du  séismoscopc; 
vingt-quatre  grains  dans  celle  du  NE.,  vingt  dans  celle  de  LE., 
vingt-cinq  dans  celle  du  SE.,  une  once  et  cinquante  grains  dans 
celle  du  S.,  et  vingt-deux  dans  celle  de  1*0.  Ce  tremblement  se 
composa  de  deux  secousses,  la  première  légère,  la  deuxième  forte, 
suivie  d’une  autre  deux  secondes  après  : la  durée  fut  de  six  se- 
condes. Il  fut  ressenti  semblablement  à Naples,  à la  même  heure. 
(31.  Arcovito.) 

— Le  28,  5 b.  du  soir,  à Kliania  (ile  de  Crète),  secousse  forte 
et  longue.  A la  Canée,  une  vingtaine  de  maisons  ont  été  lézardées 
et  plus  de  cent  à Candie.  (M.  Raulin,  Description  physique  de  nie 
de  Crète , p.  427.)  Je  rappellerai  que  ce  tremblement  paraît  avoir 
ébranlé  une  grande  partie  du  bassin  de  la  Méditerranée. 

Juillet.  — Dans  l’ile  de  Crète,  nouvelles  secousses.  On  écrivait  à 
31.  Raulin,  le  22  : « 11  y a quelques  jours,  nous  avons  eu  à deux  ou 
trois  jours  d’intervalle,  deuxnouvelles  secousses;  mais  assez  légères 
pour  que  beaucoup  de  personnes  ne  les  aient  pas  ressenties  ( L . c., 
p.  428).  » 

Septembre.  — Le  t7,  4 b.  55  ni.  du  matin,  à Reggio,  fort  trem- 


( iô  ) 

bleinent  avec  rombo  et  deux  secousses  ondulatoires;  il  renversa 
cinquante  grains  de  mercure  par  partie  dans  les  fossettes  du  S.  et 
du  SO.  du  séismoscopc.  (31.  Arcovito.) 

1847.  Février.  — Le  10,  4 h.  */-  du  soi1*?  à Alt  Aussee  (Styric), 
trois  secousses  légères  et  consécutives  à des  intervalles  de  huit  à 
dix  secondes.  Elles  furent  accompagnées  d’un  bruit  sourd  qui 
parut  venir  du  NE.  et  semblèrent  être  purement  locales.  On  les 
ressentit  dans  les  mines.  La  première  fut  la  plus  forte.  (M.  Fr.  Si- 
mony,  dans  Haidingers  Berichte , t.  II,  p.  525.) 

Août.  — - Le  50,  2 h.  du  matin,  à 31urzzuschlag  (Styrie),  une 
secousse  remarquée  seulement  dans  cette  localité.  Le  même  jour, 
5 h.  du  soir,  à Gratz,  et  dans  les  environs,  une  faible  secousse 
ondulatoire  avec  bruit  semblable  au  roulement  du  tonnerre  dans 
l’éloignement.  Il  n’y  avait  aucun  signe  d’orage.  Elle  fut  plus  sen- 
sible à Vordenberg  et  sur  toute  la  ligne  de  3Iurzzuschlag  à Gratz. 
A Murzzusclilag,  où  elle  fut  très-forte,  elle  fut  accompagnée  d’un 
roulement  souterrain.  Le  mouvement  parut  venir  de  Bruck, 
c’est-à-dire  du  SO.  ( Haidinger’s  Berichte,  t.  111,  p.  249.)  Nous 
n’avions  signalé  que  Bruck,  5 h.  et  10  h.  du  soir.  31.  Haidingcr 
n’en  parle  pas. 

(Sans  date  mensuelle).  — A Montréal  (Canada),  tremblement 
signalé  sans  détails  par  M.  Dawson. 

1848.  Janvier.  — Le  11,  8 h.  58  m.  du  matin,  à Reggio 
(Calabre),  tremblement  qui  dura  trente  secondes,  fort  et  oscilla- 
toire: les  cloches  sonnèrent  d’elles-mèmes.  Le  séismoscopc  pré- 
senta trente-huit  grains  dans  la  fossette  du  NE.,  vingt-cinq  dans 
celle  du  SE.,  deux  cent  quatorze  dans  celle  du  S.,  six  cent  trois 
dans  celle  du  SO.  et  cinquante  dans  celle  de  10.,  en  tout  neuf  cent 
trente  grains,  c’est-à-dire  neuf  onces  et  demie  et  trente  grains. 
Ce  tremblement  fut  désastreux  en  Sicile,  de  Catane  à Trapani. 
Après  de  longues  pluies,  le  ciel  était  nuageux , le  vent  SE.  Le  baro- 
mètre marquait  27  p.  9 1.  4/io,  le  thermomètre  12°  B. 

— Le  19,  1 h.  3/i  du  matin,  à Reggio,  un  fort  tremblement  en 
trois  secousses  consécutives;  durée  trois  secondes;  ciel  pluvieux. 
Vent  NE.;  thermomètre  9°  /?.;  baromètre  27  p.  0 1.  io.  (31.  Ar- 
covito.) 


( 14  ) 

Février.  — Le  12,  11  h.  du  soir,  à lteggio , deux  tremblements 
ondulatoires  de  moyenne  force;  la  premier  dura  trois  secondes  et 
le  deuxième,  qui  suivit  une  minute  après,  dura  cinq  secondes. 
(M.  Arcovito.) 

Avril.  — Le  17,  11  h.  51  m.  du  soir,  à Saint-Martin  (Antilles), 
tremblement  violent.  (M.  le  docteur  Fleury.) 

Mai.  — Le  24,  1 h.  55  m.  du  matin,  à Rcggio,  tremblement 
d’une  seule  secousse  verticale  de  moyenne  intensité.  On  trouva 
huit  grains  de  mercure  dans  la  fossette  S.  du  séismoscope  et  deux 
dans  celle  du  N.  et  du  NO.  (M.  Arcovito.) 

Juillet.  — Le  12,  5 h.  55  m.  du  matin,  à Saint-Martin  (Antilles), 
faible  secousse.  (M.  le  docteur  Fleury.) 

A Tahiti  (îles  delà  Société),  tremblement  accompagné  d’un  fort 
ras  de  marée  : des  bâtiments  furent  portés  sur  le  rivage.  Le  ras 
de  marée  fut  très-violent  aux  îles  Sandwich.  (Communication  de 
M.  II.  Muteau , officier  de  marine.) 

Août.  — Le  27,  3 h.  du  matin,  à Saint-Martin  (Antilles)  très- 
forte  secousse. 

Septembre.  — Le  20,  4 h.  50  m.  du  soir,  à Saint-Martin  (An- 
tilles), secousse  faible.  Ces  divers  tremblements,  ditM.  le  docteur 
Fleury,  n’ont  pas  été  assez  violents  pour  modifier  la  surface  du 
sol,  mais  assez  cependant  pour  déterminer  la  chute  des  meubles 
dans  les  maisons  (17  avril  et  27  août).  Celui  du  27  août  a été  pré- 
cédé par  un  fort  bourdonnement  souterrain  qui  m’éveilla , et  im- 
médiatement après , je  sentis  mon  lit  osciller.  (Communication  de 
M.  Ch.  Sainte-Claire  Deville.) 

Octobre.  — Le  0,  1 h.  55  m.  du  soir,  à Rcggio,  tremblement 
léger.  A 5 h.  55  m.,  tremblement  fort;  à 0 h.  55  m.,  autre  plus 
sensible;  à 10  li.  55  m.,  tremblement  fort,  suivi  d’autres  légers. 

— Le  7,  0 h.  55  m.  du  matin,  autre  très-fort;  à 5 h.  55  m.  et 
4 h.  50  m.  du  matin,  deux  encore,  le  premier  signalé  comme  plus 
fort  que  le  précédent  et  l’autre  comme  très-sensible. 

— Le  8,  2 h.  55  m.  du  soir,  fort  tremblement  suivi  de  beaucoup 
d’autres  légers. 

— Le  15,  5 h.  20  m.  du  matin,  à Reggio,  légère  secousse. 

— Le  16,  6 h.  20  m.  du  soir,  deux  légères  secousses. 


( 15  ) 

— Le  17,  20,  55  et  50  m.  après  minuit,  trois  forts  tremble- 
ments. A 1 h.  20  m.  du  matin,  autre  léger. 

— Le  18,  0 h.  25  m.  et  2 h.  50  m.  du  matin,  deux  autres  de 
moyenne  force.  (M.  Arcovito.) 

Novembre.  — Le  11 , 4 h.  50  m.  du  soir,  à Reggio,  deux  trem- 
blements légers. 

— Le  15,  2 h.  50  m.  du  matin,  autre  léger. 

— Le  15 , 5 h.  48  m.  du  soir,  autre  léger  encore.  (M.  Arcovito.) 

Décembre.  — Le  2,  1 h.  40  m.  du  matin,  à Reggio,  tremble- 
ment médiocre;  on  trouva  quarante-neuf  grains  de  mercure  dans 
la  fossette  S.  du  séismoscope  et  quarante-neuf  aussi  dans  celle  du 
S.O. 

Le  20,  1 h.  45  m.  du  matin,  à Reggio,  tremblement  médiocre. 
(M.  Arcovito.) 

(Sans  date  mensuelle).  — Au  Kamtchatka,  tremblement  vio- 
lent pendant  lequel  le  volcan  d’Asatscha  (lat.  52°2'  N.)  s’écroula. 
(M.  Ch.  de  Dittmar,  PetermamC  s Mittheil.,  1800,  t.  II,  p.  07.) 
M.  de  Dittmar  distingue  bien  celui-ci  du  volcan  d’Asatscha , qu’il 
place  par  55°  1 7'  lat.  N. 

1849.  Janvier.  — Le  7, 11  h.  du  matin,  à la  Séréna  (Coquimbo, 
Chili), petit  tremblement;  ciel  couvert,  vent  ouest. 

— Le  29,  8 h.  20  m.  du  soir,  à Coquimbo,  la  terre  a tremblé 
sans  faire  aucun  bruit.  Temps  calme.  Ce  sont  les  deux  seules  se- 
cousses notées  dans  ce  mois  par  don  Luis  Troncoso.  (Anales  de  la 
Universidad  de  Chile , t.  XVI,  p.  280;  1859.) 

Février.  — Le  4,  1 h.  !/4  du  soir,  à Coquimbo , secousse  assez 
prolongée  et  continue;  ciel  clair  et  petit  vent  d’ouest. 

— Le  21 , 8 h.  */2  du  soir,  petite  secousse  avec  grand  bruit  qui 
répandit  l’épouvante.  Ciel  très-nuageux.  (Anales,  1.  c.,  p.  281.) 

Mars.  — Le  1 cr,  3 h.  */2  du  matin , à Coquimbo , une  secousse 
forte  et  de  peu  de  durée. 

Le  18,  5 h.  25  m.  du  matin,  fort  tremblement  en  trois  se- 
cousses consécutives  et  sans  bruit.  Durée,  dix-neuf  secondes.  Ciel 
nuageux.  ( Anales , 1.  c.,  p.  282.) 

— Le  28,  6 h.  40  m.  du  soir,  à Reggio  (Calabre),  trem- 
blement en  deux  secousses  d’intensité  moyenne  : la  première  ver- 


( 16  ) 

ticale,  la  seconde  ondulatoire;  on  trouva  vingt  grains  de  mer- 
cure dans  la  fossette  du  S.,  un  dans  celle  du  N.,  quatre  dans  celle 
du  SO.  et  deux  dans  celle  du  NE.  (M.  Arcovito.) 

Avril.  — Le  8,  5 h.  '/4  du  soir,  à Coquimbo,  deux  petites  se- 
cousses sans  bruit,  séparées  par  un  intervalle  de  temps  inappré- 
ciable. Ciel  couvert,  air  calme. 

— Le  9,  G b.  Y'*  du  matin,  trois  secousses  avec  petit  bruit  sou- 
terrain; les  deux  premières  ont  duré  cinq  tesix  secondes,  la  der- 
nière a été  plus  courte  ; ciel  clair  et  calme. 

— Le  25,  5 b.  du  soir,  bruit  souterrain  épouvantable,  et  deux 
ou  trois  secondes  après,  une  secousse  courte  et  lente.  Ciel  couvert, 
vent  N. 

— Le  50,  8 b.  du  soir,  bruit  souterrain  d’une  force  épouvan- 
table auquel  succéda  immédiatement  une  petite  secousse.  Ciel 
couvert  , air  calme.  ( Anales , 1.  e.,  p.  285.) 

Mai.  — Le  10,  10  h.  du  soir,  à Santiago  (Chili),  une  secousse, 
la  seule  notée  dans  les  tableaux  d’observations  météorologiques  de 
janvier  à juin.  ( Anales , 1.  c.,  p.  278.) 

Juin. — Le  4,  10  b.  50  m.  du  soir,  à Copiapo  (Chili),  secousse 
assez  forte  précédée  d’un  bruit  sourd  et  prolongé.  (M.  Gay  ) 

Août.  — Le  20, 8 b.  55  m.  du  matin , à Reggio,  fort  tremblement 
qui  s’annonça  par  le  rombo  et  qui  fut  suivi  d’une  petite  secousse 
oscillatoire,  à laquelle  succéda  une  violente  secousse  verticale. 
On  trouva  quarante  grains  de  mercure  dans  la  fossette  du  S.,  qua- 
rante dans  celle  du  SO.  et  huit  dans  celle  de  1*0.  (M.  Arcovito.) 

Novembre.  — - Le  18,  2 b.  45  m.  du  soir,  à Coquimbo  (Chili), 
encore  une  secousse:  c’était  la  cinquième  du  jour.  Elle  a été  ou- 
bliée dans  mon  dernier  catalogue. 

1850.  Avril.  — Le  10,  8 h.  du  soir,  à Reggio  (Calabre),  une 
légère  secousse.  A 11  b.,  deux  nouvelles  secousses  consécutives, 
la  première  de  force  moyenne,  la  seconde  légère. 

— Le  1 1 , 2 b.  40  m.  du  matin,  autre  secousse  légère. 

— Le  15,  11  b.  8 m.  du  soir,  autre  secousse  semblable,  oscil- 
latoire. (M.  Arcovito.) 

— Le  19,  11  h.  */2  du  soir,  à Brousse  (Anatolie),  une  secousse 
d’une  violence  considérable  et  de  huit  à dix  secondes  de  durée. 


( 17  ) 

L oscillation  sembla  venir  du  S.  ou  du  SO.;  elle  lut  suivie  de  deux 
autres  secousses  dans  la  nuit  et  de  quatre  autres  jusqu’au  2!  ; 
celles-ci  furent  légères.  Ce  tremblement  a ébranlé  tout  le  pays 
jusqu’à  Kiutahiyali,  notamment  Muhelitsch  (à  quarante  milles  à 
l'O.  ou  au  SO.  de  Brousse),  Lubat,  sur  le  lac  Apollonia  et  Kirmasli 
(à  quarante  milles  au  SO.  de  Brousse)  sur  la  rive  sud  du  lac;  dans 
ce  dernier  endroit,  on  remarqua  un  jet  d’eau  mêlée  de  sable  qui 
jaillit  pendant  quelque  temps  d’une  ouverture  faite  dans  le  sol  par 
la  secousse.  On  a remarqué  encore  que  la  plus  forte  secousse  avait 
été  immédiatement  suivie  d’une  violente  averse  de  grêle,  et  qu’à 
Zebekergué,  près  de  Brousse,  les  sources  minérales  avaient  cessé 
momentanément  de  couler.  (Quart.  Journal  of  the  geol.  Soc ., 
n°  25 , p.  19.) 

Juillet.  — Le  4,  1 h.  */a  du  matin,  à Montevideo,  la  ville  fut 
éveillée  tout  entière  par  le  plus  effroyable  coup  de  tonnerre  que 
nous  ayons  entendu  de  notre  vie,  dit  M.  Martin  de  Moussy;  on  ne 
pouvait  le  comparer  qu’à  l’explosion  simultanée  de  plusieurs 
centaines  de  canons  de  gros  calibre;  ce  coup  fut  seul  et  suivi 
d’une  forte  pluie;  on  aurait  dit  que  le  bruit  sortait  du  sol  et  non 
pas  des  nuages.  Beaucoup  de  personnes  crurent  à un  tremblement 
de  terre  analogue  à celui  du  9 août  1848;  cependant  c’était  bien 
une  explosion  unique,  courte,  et  qui  n’avait  pas  les  roulements 
prolongés  produits  par  la  secousse  du  sol,  dans  les  trépidations 
terrestres.  (Ann.  de  la  Soc.  météor.  de  France,  t.  VIII,  p.  106, 
1860.) 

— Le  20,  11  h.  40  m.  du  soir,  à Reggio,  encore  une  secousse 
médiocre;  nous  en  avons  déjà  signalé  deux  semblables  à 1 b.  et  à 
1 b.  5 m.  (M.  Arcovito.) 

Novembre.  — Le  20,  entre  2 et  ô b.  du  matin,  à Smyrne,  une 
très-forte  secousse  que  précéda  et  suivit  une  violente  tempête. 
Depuis  quelques  jours,  le  temps  était  lourd  et  orageux.  (M.  Kluge.) 

Décembre.  — Le  4,  10  h.  20  m.  du  soir,  à Reggio,  un  fort  trem- 
blement de  deux  secousses,  la  première  légère,  -et  la  deuxième 
forte  et  verticale.  (M.  Arcovito.) 

1851.  Février.  — Le  2,  5 b.  du  matin,  à Cartbagène  (Amer, 
du  Sud),  grand  tremblement;  beaucoup  de  maisons  renversées. 

Tome  XIII.  2 


( 18  ) 

— Le  7,  5 h.  ll%  du  matin,  une  nouvelle  secousse.  (M.  Mériam.) 

— Le  14  et  le  25 , à Tebriz  (Perse),  violentes  secousses  signalées 
par  M.  Kluge  (Die  Erd- Ersehütterungen,  p.  55).  Je  n’en  avais 
mentionné  que  pour  le  16,  5 h.  7 m.  du  matin. 

Juillet.  — Le  14,  à la  Guadeloupe,  tremblement  signalé  par 
M.  Kluge. 

Octobre.  — Le  50,  9 h.  1/2  du  matin,  à Reggio  (Calabre),  trem- 
blement vertical  de  moyenne  force.  (M.  Arcovito.) 

1852.  Février.  — Le  4,M.Philippi  est  parti  de  Valdivia  pour  faire 
l’ascension  du  volcan  d'Osorno  (Chili).  Il  n’a  pas  pu  atteindre  le 
sommet  d’où  s’échappait  de  la  fumée.  Cette  excursion  a duré  trois 
semaines.  (Anales  de  la  Universidad  de  Chile , t.  XII,  p.  107-110, 
mars  1855,  avec  une  carte  du  volcan  dressée  par  M.  Doll,  un  des 
membres  de  l’expédition.) 

Avril.  — Le  5,  vers  3 h.  du  matin,  à Bristol,  légère  secousse 
de  deux  secondes  de  durée.  Vers  5 h.  5/4  du  matin,  deuxième  se- 
cousse plus  forte  et  plus  longue.  Elle  paraît  avoir  suivi  un  axe 
d’ébranlement  dirigé  à peu  près  vers  le  NS.,  sur  lequel  se  trouvent 
Mendips,  Wells,  Cbeddar,  Pensford  et  Dundry,  dans  le  Sommer- 
setshire,  Bristol,  Westbury  upon  Trym  et  Ilembury,  dans  le 
Gloucestershire.  Le  foyer  d’ébranlement  paraît  s’être  trouvé  à 
Cbeddar,  où  la  colline  oscilla  pendant  plusieurs  secondes.  Des 
plâtras  se  sont  fendus,  des  sonnettes  ont  tinté,  etc.  A Dundry, 
cinq  milles  au  S.  de  Bristol,  les  portes  et  les  vitres  ont  oscillé  avec 
bruit.  A Bristol  et  dans  le  voisinage  immédiat,  comme  à Cliton, 
Catham  et  Kingsdown,  le  mouvement  a été  moins  fort.  De  légers 
effets  en  ont  été,  dit-on,  remarqués  jusqu’à  trente  milles  de  dis- 
tance. On  a évalué  à dix  ou  douze  secondes  la  durée  du  mouve- 
ment, qui  a été  accompagné  d’un  bruit  sourd.  (Le  major  T.  Austin, 
Quart.  Jour,  of  the  geol.  Soc.,  n°  51 , p.  255-254.) 

Mai.  — Le  26,  à Huasco  (Chili),  mouvements  qui  se  répétè- 
rent de  demi-heure  en  demi-heure  pendant  tout  le  jour.  — Ce 
phénomène  doit  être  du  26  mai  1851. 

Juin.  — Le  18,  2 h.  55  m.  du  soir,  à Neuchâtel,  plusieurs  pe- 
tites secousses  très-peu  sensibles.  (Bull,  de  la  Soc.  des  sc.  nat.  de 
Neuchâtel , t.  III , p.  47.) 


/ 


( 19  ) 

— Le  11),  5 h.  5 m.  du  soir,  à Melfi  (Basilicate),  deux  sceousses 
précédées  et  suivies  de  violents  coups  de  vent.  (M.  Kluge.) 

Août.  — Le  51 , 1 h.  5/i  du  matin,  aux  Baléares,  tremblement 
à peu  près  aussi  fort  que  celui  du  15  mai  1851  (M.  Kluge).  N’est-ce 
pas  celui  que  j’ai  cité  pour  Palma  à la  date  du  50? 

— D’épais  nuages  de  fumée  noire  s’échappaient  presque  conti- 
nuellement du  bord  S.  du  cratère  du  grand  Sematschik  (Kamt- 
chatka), qui  a recommencé  à fumer,  il  y a une  dizaine  d’années. 
Il  s’était  écroulé  soixante  ans  auparavant,  pendant  une  violente 
éruption.  C’est  alors  qu’il  a pris  la  forme  d’un  cône  tronqué. 
(M.  de  Ditmar,  l.  c.) 

Septembre.  — Le  1 9,  à Bayazid  (entre  l’Ararat  et  le  lac  de  Van), 
une  violente  secousse,  preuve  suffisante,  dit  M.  Loftus,  que  les 
feux  intérieurs,  qui  ont  soulevé  autrefois  les  montagnes  des  en- 
virons, ne  sont  pas  encore  entièrement  éteints.  (Quart.  Jour,  of 
the  geol.  Soc.,  n°45,  p.  515,  1855.) 

Octobre.  — Le  28,  de  5 à 5 h.  du  matin , à l’E.  du  Kamtchatka, 
bruit  sourd,  grondant  au  loin;  « tantôt,  dit  M.  Félix  Maynard,  il 
ressemble  aux  roulements  du  tonnerre,  tantôt  il  se  transforme  en 
gémissements,  puis  il  s’affaiblit  peu  à peu,  redouble- d’énergie, 
s’affaiblit  encore  et  cesse  pour  quelques  minutes  après  une  explo- 
sion comparable  à celle  d’une  mine.  » A midi , on  relâcha  dans 
le  port  d’Asatcha,  et  l’on  apprit  que  ce  bruit  avait  été  causé  par 
une  éruption  du  Kosclkoï , qui  est  toujours  en  ignition  et  dont  les 
laves  ont  creusé  sur  les  pentes  de  la  montagne,  à travers  les  gla- 
ciers et  les  neiges,  de  noirs  et  tortueux  sentiers.  Il  s’en  élevait 
encore  une  colonne  de  fumée.  (Revue  contemporaine , 50  septem- 
bre 1857,  p.  715,  71G  et  744.) 

Novembre.  — Le  9,  un  volcan  du  Mexique  était  en  pleine  érup- 
tion. « Am  9 Novembre , dit  M.  Kluge,  sahen  die  Passagiere  des 
Cortez  sechsig  Meilen  von  Acapulco  (Mexico)  einen  Vulkan  in 
voiler  Thâtigkeit  (Keine  nahere  Angabe).  De  quel  volcan  s’agit-il? 

— Le  20,  pendant  les  secousses  ressenties  en  Californie,  érup- 
tion d’un  volcan  boueux  dans  le  désert  de  Colorado  et  d’un  autre 
situé  plus  au  S.  (M.  Kluge.  ) 

— (Sans  date  mensuelle).  8 h.  50  m.  du  matin , à File  du  Prince 


( 20  ) 

de  Galles  (Pulo-Pcnang),  une  très-faible  secousse;  l'atmosphère 
étaitcalme.  (M.  de  Castelnau , Comptes  rendus, t.LlI,p.  882,1861.) 

Cette  secousse  ne  serait-elle  pas  du  11  novembre?  Ce  jour-là, 
à 7 h.  du  matin,  un  tremblement  à ébranlé  toute  la  côte  occiden- 
tale de  Sumatra  sur  un  espace  de  cent  quatre-vingt  milles  carrés. 
On  l’a  ressenti  à Padang,  à Pulo-Nias;  se  serait-il  étendu  au  N. 
jusqu’à  Pulo-Penang? 

— Pendant  les  années  1852,  1855  et  au  commencement  de 
1854,  d’épaisses  masses  de  fumée  noire  s’échappaient  avec  aîo- 
Icnce  du  cratère  éboulé  du  volcan  d’Asatcha,  au  Kamtchatka. 
(M.  de  Ditinar,  l.  c.) 

1855.  Juillet.  — Le  10,  5 h.  du  soir,  à Port  d’Espagne  (ile  de 
Trinidad),  on  ressentit  la  secousse  qui  lit  périr  quatre  mille  per- 
sonnes à Cumana.  (M.  Poey,  d’après  M.  Mériam.) 

Août.  — Le  15 , 2 h.  du  soir,  à Cumana,  secousse  qui  dura  plus 
de  cinquante  secondes.  Le  mouvement,  d’abord  horizontal,  procéda 
duNE.au  SO.  et  finit  par  des  oscillations  verticales.  11  n’est  presque 
pas  resté  une  seule  maison  qui  ne  fut  fortement  endommagée. 
Tous  les  édifices  publics  ont  été  renversés.  Lorsque  M.  Vall  visita 
la  ville  en  1859,  elle  était  encore  couverte  de  ruines.  (Quart. 
Journ.  ofthe  yeol.  Soc.,  n°  64,  t.  XVI,  p.  469.) 

Octobre.  — Le  2,  4 h.  du  malin,  tremblement  sur  plusieurs 
points  de  la  Suisse  occidentale.  M.  Kluge  auquel  j’emprunte  ce  fait 
ne  signale  aucune  localité. 

— Le  25,  à Acapulco  (Mexique),  tremblement  qui  s’est  étendu 
sur  toute  la  côte  NO.  de  l’Amérique  (M.  Kluge).  J’ai  déjà  signalé  un 
tremblement  dans  l’Orégon  à cette  date. 

— - Pendant  l’année  1855,  le  volcan  d’Asatcha,  au  Kamtchatka, 
lançait  d’épaisses  masses  de  fumée  noire.  (M.  de  Dilmar,  /.  c.) 

1854.  Février.  — Le  9 , à Alger,  deux  secousses  par  un  vent  d’O. 
épouvantable.  (M.  Kluge.) 

— En  février,  violentes  éruptions  simultanées  du  Schewelutsch, 
lat.  56°40'  N.,  et  du  Kljutochewskaja-Sopka,  lat.  56°8'  N.,  au  Kamt- 
chatka. Le  dernier  fume  continuellement.  (M.  de  Ditmar,  L c., 

p.  66.) 

Mars.  — Le  16,  de  nuit,  à San -Francisco  (Californie),  trem- 


( 21  ) 

blement  signale  par  31.  Klugc  sans  détails  et  sans  indication  de 
source. 

Mai.  — Le  24, 31.  Permikine,  dans  son  exploration  de  l’Amour, 
est  parvenu  en  vue  des  monts  Tsagayan,  qui  s’avancent  dans  l’in- 
térieur de  la  courbe  décrite  par  le  cours  du  fleuve  en  cet  endroit 
et  forment,  sur  une  longueur  de  trois  verstcs,  un  escarpement 
de  grès  et  de  sable.  Au  pied  de  cette  montagne,  on  aperçoit  des 
couches  de  conglomérats  qui  renferment  des  agates.  Les  indigènes 
prétendent  avoir  vu  de  la  fumée  se  dégager  de  sa  cime,  et  affir- 
ment qu’elle  est  le  séjour  d’un  mauvais  esprit. 

Juin.  — Le  21 , près  du  village  de  Poul  : « J’ai  reconnu,  dit-il, 

que  les  roches  présentent  des  aspects  divers  de  minerai  de  fer 

Il  est  évident  que  le  schiste  a été  soumis  ici  à l’action  violente  du 
feu  souterrain.  » 

Juillet.  — Le  1er,  en  quittant  le  nouvel  établissement  russe  de 
Nicolaïevsk,  il  a abordé  sur  les  deux  rives  du  fleuve;  les  rochers 
en  sont  pour  la  plupart  formés  d’une  lave  d’un  brun  rouge  qu’il  a 
retrouvée  plus  bas  le  lendemain  l.  On  se  rappelle  que  M.  de  Sé- 
ménow  a constaté  récemment  l’éruption  d’un  volcan  en  1721  dans 
la  Mandchourie. 

Septembre.  — Le  13,  à Savello  (rov.  de  Naples),  tremblement 
signalé  par  31.  Kluge. 

Le  petit  Sematschik,  petit  cône  tronqué,  parlât.  34°  N.,  au 
Kamtchatka,  lançait  de  temps  en  temps  des  masses  de  fumée 
noire  comme  de  la  poix,  qui  recouvraient  toute  la  montagne  et 
d’où  s’échappait  par  intervalle  une  forte  pluie  de  cendres. 
(31.  Ch.  de  Ditmar,  l.  e.) 

Novembre.  — Le  20,  2 h.  25  m.  du  soir,  à Santiago  (Chili),  une 
secousse  d’une  seconde  de  durée.  (Oubliée  dans  ma  note  pour 
1857.) 

Décembre.  — Le  25,  dans  la  matinée,  à Port-Lloyd  (îles  Bonin 
ou  de  l’Archevêque,  par  27°2Ü'  lat.  N.  et  142°45'  long.  E.  de  Or.), 
ras  de  marée  extraordinaire;  la  mer  s’éleva  à plus  de  quinze  pieds 
au-dessus  des  plus  hautes  eaux,  et  se  retira  immédiatement  en 

1 Nouv.  Ann.  des  Voyages , août  1860,  pp.  151 , 196,  207  et  209. 


( 22  ) 

laissant  les  récifs  à sec.  Le  navire  le  What  Cheer  chassa  sur  ses 
ancres  et  tourna  sur  lui-même.  Ses  oscillations  se  répétèrent  de 
quart  d’heure  en  quart  d heure,  en  diminuant  d’intensité;  mais  le 
25  au  soir,  les  eaux  s’élevèrent  encore  à une  hauteur  de  douze 
pieds;  les  marées  ne  reprirent  leur  régularité  que  dans  la  ma- 
tinée du  26.  Les  habitations  des  résidents  furent  plus  ou  moins 
endommagées;  quelques  maisons  furent  complètement  rasées. 

Pendant  tout  le  temps  que  dura  ce  phénomène,  le  ciel  fut  clair, 
le  vent  léger  et  le  baromètre  à 29p90.  Il  n’y  eut  pas  d’oscillation 
sensible  ( apparent ) dans  le  sol. 

Ces  îles  ont  déjà  éprouvé  plusieurs  fois  de  grands  dégâts  de  ce 
genre;  on  reconnaît  à des  marques  évidentes  (des  coraux  et  des 
coquilles)  que  leur  niveau  s’est  élevé  d’au  moins  cinquante  pieds. 
Les  pierres  ponces  y abondent,  et  les  résidents  m’ont  affirmé , dit 
l’auteur  de  cette  notice,  que,  quelques  années  auparavant,  la  mer 
avait  paru  couverte  de  produits  volcaniques.  ( The  sea  was  covered 
witli  the  évidences  of  volcanic  agency , which  they  said  came  in 
from  seaward.)  L'ile  de  Soufre,  qui  est  un  volcan  actif,  situé  par 
lat.  24°48'  N.  et  long.  141°15'  E.  de  Gr.,  est  regardée  comme  étant 
la  cause  de  ces  phénomènes.  (P.-W.  Graves,  Quart.  Journ.  of  the 
geol.  Soc.,  n°  44,  p.  552).  — Nous  avons  dit  ailleurs  qu’on  y avait 
ressenti  une  légère  secousse  vers  9 h.  du  matin. 

— Au  commencement  de  l’année , le  volcan  d’Asatcha  , au 
Kamchatka,  vomissait  d’épaisses  masses  de  fumée  noire.  (M.  Dit- 
mar,  l.  c.) 

1855.  Janvier.  — Le  2,  le  volcan  de  Masaya,  qui  depuis  dix- 
huit  mois  était  en  activité,  eut  une  violente  éruption. 

— Le  même  jour,  un  peu  avant  2 h.  du  matin,  tremblement  en 
Virginie,  et  vers  11  h.  du  soir  à Mexico.  (M.  Kluge,  sans  indica- 
tion de  source.) 

—-Le  12,  à Ouennoupha  (Algérie),  tremblement  signalé  par 
M.  Kluge,  sans  indication  de  source. 

Février.  — Le  G,  un  peu  avant  minuit,  dans  les  États  de  New- 
York  et  de  Massachusets,  deux  secousses.  (M.  Kluge.) 

Mars.  — Le  22,  à Manado  (Célèbes),  une  secousse  signalée  par 
M.  Kluge.  Elle  doit  être  du  21. 


( 25  ) 

Avril.  — Le  20,  0 h.  50  m. , 2 h.  45  m.,  4 4 h.  20  m.  du  matin, 
à Brousse  et  à Constantinople,  nouvelles  secousses. 

— Le  25,  5 h.  40  m.  et  8 h.  50  m.  du  matin,  à Brousse,  nou- 
velles secousses.  A 10  h.  2 m.  à Constantinople,  encore  une  se- 
cousse, suivant  M.  Kluge.  — Toutes  ces  secousses  me  paraissent 
un  peu  douteuses.  ' 

Mai.  — Violente  éruption  du  volcan  d’Asatcha,  situé  par  55°, 4 7' 
lat.  N.,  au  Kamtchatka.  11  fume  continuellement.  (M.  de  Ditmar, 
L c.) 

Juin.  — Le  42,  dans  l’archipel  Indien,  commencement  d’une 
série  de  fortes  secousses  qui  durèrent  jusqu’au  5 août,  ayant  leur 
centre  tantôt  à Ternate,  tantôt  dans  la  partie  méridionale  de  Java. 
(M.  Kluge,  sans  indication  de  source.)  Je  ne  connais  que  celles 
dont  j’ai  publié  le  journal  dans  mes  précédents  catalogues,  d’après 
le  Natuurkundig  Tijdschrift  voor  Nederlandsch-Indië. 

Juillet.  — Le  26,  10  h.  15  m.  du  matin  et  2 h.  20  m.  du  soir, 
à Neuchâtel  (Suisse),  deux  faibles  secousses. 

— Le  28,  11  h.  du  matin  et  40  h.  du  soir,  deux  nouvelles  se- 
cousses très-faibles.  (Bull,  des  sc.  nat.  de  Neuchâtel , t.  IV,  p.  45.) 

Août.- — Le  8,  recrudescence  d’activité  au  volcan  de  Kirauea 
(M.  Kluge,* sans  indication  de  source.) 

Septembre.  — Le  28,  8 h.  40  m.  du  matin  et  7 h.  4 6 m.  du 
soir,  à Neuchâtel  (Suisse),  deux  faibles  secousses.  La  première  a 
été  accompagnée  d’un  bruit  analogue  à celui  d’un  mur  qui  s’écroule  ; 
la  seconde  a été  plus  remarquable  par  ses  suites.  Au  moment  de 
la  secousse,  le  temps  était  très-calme,  la  lune  se  levait  au  N.-E.,  et 
se  réfléchissait  sur  la  surface  du  lac,  unie  comme  une  glace,  quand 
tout  à coup  un  bruit  très-violent,  comme  celui  des  vagues  qui  se 
briseraient,  poussées  par  un  vent  impétueux,  se  fit  entendre  au 
S.  dans  la  direction  de  Portalban;  ce  bruit  semblait  se  rapprocher 
rapidement,  et  en  effet,  on  entendit  bientôt  un  léger  clapotage 
de  l’eau , puis  des  vagues  grossissant  sans  cesse  vinrent  battre  le 
rivage  et  s’élevèrent  jusqu’à  la  hauteur  d’un  pied,  sans  que  l’on 
ressentît  encore  le  moindre  souffle  de  vent.  Les  vagues  allongées 
étaient  arrondies  comme  sont  les  ondes  produites  par  la  chute 
d’un  corps  dans  l’eau.  A 40  h.,  le  lac  allait  s’apaisant  et  le  temps 


( 24  ) 

était  toujours  calme.  Il  semble  donc  probable  que  le  mouvement 
de  l’eau  du  lac  a été  produit  par  une  rupture  d’équilibre,  occa- 
sionnée dans  son  bassin  même  par  la  secousse  du  tremblement  de 
«erre.  (M.  Borel,  Bull,  de  la  Soc.  des  sc.  nat.  de  Neuchâtel,  t.  IV, 
p.  43.) 

— Dans  la  province  de  Victoria  (Australie),  pendant  une  dé- 
pression longtemps  prolongée  du  baromètre,  une  secousse  qui  s’est 
étendue  sur  un  espace  considérable,  et  qui  a été  assez  forte  pour 
réveiller  les  personnes  endormies  et  ébranler  les  murs  peu  solides 
des  habitations.  M.  Smytli,  auquel  j’emprunte  ce  fait,  dit  qu’on  y 
éprouve  de  temps  en  temps  de  légères  secousses  et  que,  il  y a une 
dizaine  d’années,  on  en  a éprouvé  une  à Melbourne  qui  a causé 
une  vague  considérable  dans  la  rivière  de  Yarxas  (Quart.  Journ. 
ofthe  çjeol.  Soc.,  n°  53,  p.  253.  Aug.  1837).  — Nous  en  avons  déjà 
signalé,  sans  détails,  une  à Melbourne,  le  7 septembre  1833. 

Octobre.  — Le  20,  4 h.  du  matin,  à Neuchâtel,  une  secousse 
avec  détonation.  (L.  c.,  p.  44.) 

1836.  Janvier.  — Le  12,  entre  10  et  11  h.  du  matin  et  entre 
2 et  3 b.  du  soir,  dans  la  vallée  de  l’Aar  (Suisse),  secousses  que  j’ai 
signalées  sans  indication  d’heure.  (M.  Kluge.) 

Mai.  — Le  1"',  à Ottawa  (Canada)  et  dans  le  voisinage,  trem- 
blement signalé  par  M.  Dawson,qui  renvoie  au  Canadian  natura- 
list  and  geologist , vol.  I.  Je  n’ai  pas  pu  me  procurer  ce  volume. 

Juin.  — Le  8,  0 b.  10  m.,  34  s.  (sic),  à ïillis,  une  violente  se- 
cousse du  NO.  au  SE.  Elle  a été  ressentie  en  même  temps  et 
dans  la  même  direction  à Troizko-Ssawsk,  non  loin  de  Kiachla. 
(M.  Kluge.) 

Juillet.  — Le  12,  lord  Dufferin  a abordé  sur  Elle  Jean-Mayen 
et  gravi  une  partie  du  Beerenberg,  alors  couvert  de  neiges  et  de 
glaces.  Le  volcan  ne  manifestait  aucun  signe  d’activité.  (Nouv. 
ann.  des  vog.  Janvier  1800.) 

— Le  23,  0 b.  ,J/4  du  soir,  à Rhodes,  tremblement  avant  lequel 
le  baromètre  était  descendu  de  quatre  lignes.  (M.  Kluge.) 

Août.  — Le  11 , à Trevandrum  (côte  de  Malabar),  une  secousse. 

— Le  22,  4 b.  23  m.  10  s.  (du  soir?),  une  nouvelle  secousse. 
Il  y en  a encore  eu  deux  autres  dans  le  mois;  les  dates  n’en  sont. 


( 2o  ) 

pas  indiquées  par  M.  J.  Allan  Broun,  qui,  dans  une  note,  On  the 
velocity  of  earthquake  shocks  in  tlie  Latérite  of  India,  trouve 
une  vitesse  de  quatre  cent  soixante  et  dix  pieds  par  seconde  pour  la 
secousse  du  22.  ( Report  of  the  brit.Assoc.  1860,  Trans.,  p.  74-75.) 

Octobre.  — Le  11  , I I h.  */4  du  soir,  à Malte,  une  première  se- 
cousse. (M.  Kluge.) 

Novembre.  — Le  23,  I l h.  57  m.  du  matin,  à Smvrne,  secousse 
courte,  mais  assez  forte.  (M.  Raulin,  l.  c.,  p.  450.) 

1857.  Janvier.  — Du  17  au  21 , M.  Jules  Laveirière  a fait  l’as- 
cension du  Popocatepetl , dans  le  cratère  duquel  il  a couché  une 
nuit.  Plusieurs  fumerolles  dégageaient  encore  des  vapeurs  et  de  la 
fumée.  On  y entendait  de  fortes  détonations  souterraines.  [Le  Tour 
du  Monde , t.  IV,  n°  80,  pp.  161-176.) 

Mars.  — Le  10,  4 h.  du  matin,  à Venise,  légère  secousse  qui 
s’étendit  à T révise,  Pievc  di  Soligo  et  Valdobbiadene,  avec  fort 
bruit  souterrain  dans  ces  deux  dernières  localités.  M.  Bcrti  fait 
remarquer  que  celle  secousse  et  les  deux  précédentes  (Ier  février 
et  7 mars)  ont  eu  leur  centre  sur  une  ligne  parallèle  à l’un  des 
grands  arcs  de  soulèvement  des  Alpes.  (M.  Roth,  Forschritte  der 
Phys,  XIII,  611;  M.  Berti,  Nota  svyli  ultimi  trenwoti  di  Ve- 
niy  ia.  ) 

Juin.  — Le  5,  2 h.  15  m.  du  matin,  à Guatemala,  secousse 
médiocre  du  NNE.  au  SSO.  et  de  cinq  secondes  de  durée,  avec 
bruit.  Un  pendule  d’environ  trois  mètres  et  demi  de  longueur  a 
décrit  un  arc  de  quatre  millimètres  L 

Juillet. — Le  15,  7 h.  du  matin,  à Guatemala  , secousse  à peine 
sensible  et  de  deux  secondes  de  durée.  Le  pendule  séismique  à 
spirale  a été  agité.  (M.  Canudas,  /.  c.) 

— Du  15  août  au  21  septembre,  aux  environs  du  lac  Urmia 
(Perse),  violentes  secousses.  (M.  Kluge.) 

Septembre.  — Le  6,  l’Etna  a fait  entendre  de  fortes  détonations 
et  a vomi  des  cendres  qui  sont  allées  tomber  jusqu'à  Aci-Reale,  à 

1 Record  of  Eartquakes  fait  at  the  Collegiale  Seminary  of  Guatemala  in 
4857  and  1858,  by  A.  Canudas.  (Ann.  Report  of  tue  Récents  of  the 
Smiths.  Instit.  for  1838,  p.  437  ) 


( 20  ) 

quatorze  milles  du  volcan,  dont  le  sommet  s’est  abaissé  et  a 
éprouvé  des  changements  assez  considérables.  (M.  Roth.) 

— Le  7,  en  Californie,  tremblement  violent.  J’emprunte  cette 
citation  à M.-J.-L.  Henderick,  qui  signale  le  fait  «à  la  fin  de  ses  ob- 
servations météorologiques  (7/,ne  Rapport  annuel  des  régents  de 
l université  de  Neiv-York,  p.  559);  mais  cette  date  me  paraît  très- 
douteuse,  aussi  bien  que  celle  du  9 octobre  suivant. 

— Le  16,  5 h.  5!  m.  du  matin,  à Guatémala,  légère  secousse 
du  NNE.  au  SSO.  et  de  quatre  secondes  de  durée.  Le  pendule  de 
5 «/a  m.  de  longueur  a décrit  un  arc  de  deux  millimètres.  (M.  Ca- 
nudas.) 

Octobre.  — Le  9,  à San-Francisco,  tremblement  cité  par  M.IIcn- 
derick,  à la  suite  de  celui  du  7 septembre.  [Vide  supra.) M.  Trask 
n’en  parle  pas. 

— Le  14,  6 b.  0 m.  du  matin,  à Guatémala,  légère  secousse 
qui  n’a  duré  qu’une  seconde  ; le  pendule  à spirale  a été  agité. 
(M.  Canudas.) 

* — En  octobre  (sans  date  de  jour),  dans  les  provinces  supérieures 
du  Canada,  tremblement  signalé  sans  détails  par  M.  Dawson. 

Novembre.  — Le  5,  7 h.  50  m.  du  matin , à Guatémala,  secousse 
assez  forte  del’E.  à PO.,  de  deux  secondes  de  durée  et  accompagnée 
de  bruit.  Le  pendule  à spirale  a été  agité. 

Le  6,  11  h.  passées  du  matin,  autre  secousse  de  l’E.  à l’O.  Elle 
a été  ressentie  par  beaucoup  de  personnes  et  a fait  décrire  au  pen- 
dule un  arc  de  six  millimètres. 

Le  7,  10  h.  46  m.  du  matin,  une  secousse  à peine  sensible, 
d’une  seconde  de  durée.  A 11  h.  du  matin,  une  autre  secousse 
très-légère.  Les  pendules  séismiques  n’ont  pas  été  influencés. 
(M.  Canudas.) 

— Le  6,  près  du  lac  Ilopango,  au  SE.  du  volcan  de  San-Salva- 
dor,  dans  l’Amérique  centrale,  tremblement  assez  fort  qui,  comme 
celui  de  1854,  a répandu  l’effroi  dans  les  villes  de  Cohutepeque  et 
S.-Vicente.  Les  secousses  se  sont  peu  étendues  à 10.  et  ont  duré 
jusqu’au  10  novembre. 

Presque  en  même  temps,  les  volcans  de  S.  Miguel  et  de  Masaya 
ont  donné  des  signes  d’activité.  (M.  Roth.) 


( 27  ) 

— Le  19,  la  frégate  autrichienne  Novcira , a relâché  à Pile 
Saint-Paul,  dont  elle  a déterminé  la  position  par  58°42'55"  lat.  S. 
et  75°I1'9"  long.  E.  de  Par.  Les  divers  membres  de  l’expédition 
ont,  pendant  une  relâche  de  quinze  jours,  visité  et  étudié  Pile 
dans  tous  ses  détails.  Il  s’y  trouve  beaucoup  de  sources  chaudes , 
notamment  près  de  la  baie  cratériforme,  qui  leur  a servi  de  port. 
La  température  de  ces  sources  est  si  élevée  que  le  poisson  qu’on 
y jette  est  cuit  dans  cinq  ou  six  minutes.  Arrivés  à une  hauteur 
d’environ  sept  cents  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  haie,  les 
voyageurs  se  trouvèrent  sur  un  plateau  entièrement  privé  de  vé- 
gétation. Le  sol  était  encore  chaud  en  beaucoup  d’endroits.  Du 
côté  du  NO.  se  trouvent  plusieurs  cônes  de  scories,  tronqués  à 
leur  sommet,  mais  d une  forme  très-régulière*  Dans  le  voisinage, 
on  reconnaît  encore  facilement  les  nombreuses  traces  des  coulées 
de  laves. 

Le  6 décembre , l’expédition  a visité  l ile  d’Amsterdam , qui  se 
trouve  au  N.  Elle  est  évidemment  de  nature  volcanique  et  proba- 
blement de  la  même  époque  d’éruption  que  Pile  Saint-Paul.  Mais 
elle  n’olïre  plus  aucun  signe  d’activité.  D’après  leurs  observations 
et  leurs  recherches,  les  membres  de  l’expédition  ont  pensé  que  les 
nuages  de  fumée  que  d’Entrecasteaux  y avait  aperçus  en  1792 
n’étaient  pas  un  phénomène  éruptif.  (Jahrbuch  d.  k.  k.  geol. 
Reichsanstalt , t.  IX,  cah.  I,  pp.  27-29.) 

— Le  25,  par  59°57'  lat. N.  et  25°50'  long.  O.  de  Gr.,  M.  W.  Cook, 
commandant  du  scliooner  Estramadura,  vit  la  mer  dans  un  mou- 
vement continuel  d’ébullition  pendant  une  demi-heure  ; les  va- 
peurs qui  s’en  élevaient  étaient  chaudes.  On  se  rappelle  qu’on  a 
remarqué  plusieurs  fois  des  indices  d’activité  volcanique  dans  les 
parages  des  Açores.  (M.  Roth  d’après  Petennann  ’ s Geog.  Mitth,, 
1858,  p.  428.) 

Décembre.  — Le  1 6 , le  cratère  du  Pichincha , qui  n’avait  pas  été 
visité  depuis  1845,  manifestait  un  fort  dégagement  de  vapeurs 
dont  la  température  s’élevait  à 188°  et  même  194°  F.  Elles  offraient 
des  traces  d’acide  sulfureux,  d’acide  sulfurique,  d’acide  sulfhy- 
drique  et  quatre  pour  cent  d’acide  carbonique.  Beaucoup  de 
soufre  s’était  déposé  dans  ce  cratère,  qui  était  bien  changé  depuis 


( 28  ) 

1845.  (G.  Morcno,  Edinb.  Journal,  1858,  VII,  pp.  290-202,  cité 
par  M.  Iloth.) 

Décembre.  — Le  28,  dans  le  Maine  (Etats-Unis),  tremblement 
cité  encore  par  M.  llcnderick,  après  celui  du  9 octobre.  Pas  de 
détails. 

■ — En  1857,  don  Augustin  José  Prieto  a noté  à Santiago  (Chili), 
trois  jours  de  tremblements  en  janvier,  zéro  en  février  et  mars , trois 
en  avril,  un  en  mai,  un  en  juin , un  en  juillet,  zéro  en  août,  un  en 
septembre,  un  en  octobre,  zéro  en  novembre  et  un  en  décembre; 
total,  douze  jours.  J,c  tableau  qu’il  en  donne  ne  présente  pas  de 
détails.  (Anales  de  la  Universidad  de  Chile,  t.  XVI,  p.  75,  1859.) 

1858.  Janvier.  — Le  5,  10  b.  15  m.  du  matin,  à Guatemala, 
secousse  très-légère,  sans  influence  sur  les  pendules  séismiques. 

— Le  14,  G b.  7 m.  du  matin,  à Guatemala,  légère  secousse 
avec  bruit  et  de  cinq  secondes  de  durée.  Ail  b.  5 m.  du  matin, 
autre  secousse  ressentie  généralement. 

— Le  16,  5 h.  44  m.  du  malin,  secousse  assez  forte,  avec  bruit 
et  de  deux  secondes  de  durée.  Le  pendule  a éprouvé  une  oscilla- 
tion très-légère.  A 5 h.  15  m.  du  matin,  secousse  assez  forte  avec 
bruit  et  de  trois  secondes  de  durée.  Les  séismomètres  n’ont  pas 
été  agités  par  cette  treizième  et  dernière  secousse  mentionnée  dans 
la  note  de  M.  A.  Canudas,  depuis  le  5 juin  1857. 

Février. — Le  2,  5 b.  du  matin,  à Rome,  trois  secousses  on- 
dulatoires, la  première  très-sensible  du  NNO.  au  SSE.;  les  deux 
autres  très-légères.  (M",e  Scarpellini.) 

— Dans  les  nuits  des  18  et  20  février,  à Pollock  (Philippines), 
longues  et  nombreuses  secousses  de  LE.  à FO.  On  observa  que* le 
volcan  de  Macatusing,  distant  d’environ  huit  lieücs  de  Pollock, 
commença  peu  après  une  violente  éruption  (M.  de  Luca  cite,  p.  24, 
les  journaux  de  Singapore,  en  date  du  15  juin,  d’après  des  nou- 
velles de  Manille)  b — - Je  ne  connais  pas  de  volcan  du  nom  de 
Macatusing,  mais  à Mindanao  se  trouve  une  ville  du  nom  de  Pol- 
lock ou  Sugar  près  delà  baie  d’Ulano.  Le  volcan  cité  par  M.  de  Luca 
doit  être  celui  d’Ulano,  situé  par  lat.  70°58'  X.  et  long.  122°4'  E. 


a Su’  Tremuoti , Memoria  cli  geocjrafia  fisica.  Napoli,  1859, 1 12  pp.,  in-8°. 


( 29  ) 

Mars.  — Le  12,  1 h.  du  matin,  à Schaffhousc  et  dans  les  envi- 
rons, léger  tremblement.  (Bull,  de  lu  Soc.  des  sc.  nul.  de  Neuchâ- 
tel, t.  V,  p.  139.) 

Avril.  — En  1858  le  volcan  de  Toconado  a fumé  pour  la  der- 
nière lois.  M.  V.  Tschudi  auquel  j’emprunte  ee  fait  revient  encore 
ici  (Ergànzungsheft  zu  Petermamis  Geogr,  Mitth .,  p.  27,  1800) 
sur  l'éruption  que  M.  Pliilippi  a signalée  pour  1848,  et  la  nie. 
Dans  la  carte  qui  accompagne  ce  cahier,  M.  Petermann  place  ee 
volcan  par  lat.  22°50'  S.  et  long.  70°10'  O.  à peu  près.  Il  en  place 
encore  deux  autres  sous  le  meme  méridien  et  un  peu  au  N.,  celui 
de  Luancan  par  22°20'  et  celui  d’Àtacama  par  22,,10'  lat.  S.  en- 
viron. Celui  de  Llullayacu  est  placé  par  lat.  24"27'  S.  et  long. 
70,,20'  O.,  avec  une  altitude  de  dix-neuf  à Aingt  mille  pieds.  M.  de 
Tscliudi,  qui  a fait  le  voyage  de  Cordova  à Cobijà,  du  18  juin  au 
13  août  1858,  ne  signale  aucun  autre  phénomène  séismique  dans 
son  récit. 

Mai. — Le  10,  à Richmond  (Canada),  tremblement  léger  si- 
gnalé par  31.  Dawson  sans  autre  indication. 

— Le 24,  3 h.  30  m.  du  matin,  à Rome,  secousse  vibrante,  suivie 
d’une  autre  très-légère,  quelques  minutes  plus  tard.  (Mmc  Scar- 
pcllini.) 

Juin.  — Le  5,  tremblement  sous-marin  dans  la  mer  du  Nord. 
Trois  vagues  énormes,  indépendantes  delà  marée,  s’avancèrent  de 
Î OSÜ.  venant  de  l’Océan  atlantique.  On  les  vit  au  Havre,  à 8 h.  J/a, 
à Folkstonc  vers  1)  h.,  à Calais  à 9 h.  du  matin,  à Catwiek  après 
midi,  à Wangcvood  et  Ilelgoland,  vers  5 h.  du  soir,  et  à l’extré- 
mité N.  de  la  Frise  septentrionale  , vers  0 b.,  ainsi  que  sur  la  cote 
occidentale  du  Jutland.  Au  moment  de  leur  plus  grande  hauteur, 
on  ressentit  un  véritable  frémissement  du  sol,  sur  lequel  le  com- 
mandant du  port  de  Ramsgate  (Kent)  a donné  une  notice  dans  le 
Naulical  Almanac.  (Le  D‘  K.-J.  Clément,  dans  \eJahrbuch  d.  k.  k. 
geol.  Reichsunstall , t.  IN,  cah.  II,  p.  123,  1858.)  Nous  avons  si- 
gnalé le  phénomène  pour  Ilelgoland  seulement,  d’après  le  Moni- 
teur elles  Débats  du  18  juin. 

— Le  27,  à New-IIaven,  tremblement  léger.  (31.  Dawson.) 

Juillet.  — Le  25,  G h.  7 m.  du  soir,  à Rome,  deux  secousses 


( 50  ) 

ondulatoires  du  N.  au  S.  La  première  fut  la  plus  sensible.  (Mme  Scar- 
pellini.) 

— En  juillet  ou  août,  Quito  et  ses  environs  auraient  été  ruinés 
en  très-grande  partie  par  un  tremblement  épouvantable  que  je  ne 
trouve  mentionné  qu’en  P . S.  dans  une  lettre  de  M.  Mocsta,  qui, 
après  avoir  raconté  son  voyage  au  Pérou  pour  l’observation  de 
l’éclipse  du  7 septembre,  dit  dans  le  mois  précédent  : Im  vorigen 
Monat  wurden  Quito  uncl  seine  Umgebungen  von  einem  fürch- 
terlichen  Erdbeben  heimgesucht , welches  die  Stadt  zum  grôssten 
Theile  zerstôrt  liai.  ( Petermann  \s  Geog.  Miltheilungen , 1860, 
t.  II,  p.  79.)  ' 

— Au  commencement  de  septembre,  à Cheriton-Bishop , sur  le 
terrain  carbonifère,  entre  Drewteignton  et  Crediton,  ainsi  qu’à 
Fingle  Bridgc-sur-Teign , une  secousse  avec  bruit.  On  n’y  a rien 
remarqué  le  28,  ni  le  50  du  même  mois.  (M.  Wareing  Ormerod, 
Notice  of  the  Occurrence  of  an  Earthquake  ulong  the  northern 
edge  of  the  Granité  of  the  Dartmoor  district  on  the  28  th.  of 
september  1858.) 

Septembre.  — Le  28,  vers  7 h.  du  soir,  à Druits  (un  mille  à peu 
près  au  NO.  d’Ahsburton),  bruit  sourd  semblable  à celui  d une  voi- 
ture. A Absburton,  on  n’a  remarqué  ni  bruit,  ni  mouvement  du  sol. 

Une  heure  plus  tard,  vers  8 b.  du  soir,  à Dartmoor  et  dans  les 
environs,  une  légère  secousse  qui  paraît  avoir  suivi  la  ligne  de 
jonction  du  granit  et  du  terrain  carbonifère. 

A Cliagford  (sur  le  granit),  le  mouvement  du  sol  a été  accom- 
pagné d’un  bruit  sourd;  le  tout  n’a  duré  que  quelques  secondes; 
direction  apparente,  de  l’ESE.  à l’ONO. 

A Drcwsteignton  (sur  les  couches  carbonifères  et  tout  près  de 
la  roche  granitique) , les  maisons  ont  été  fortement  ébranlées,  la 
secousse,  qui  a duré  une  quinzaine  de  secondes,  y a été  accom- 
pagnée d’un  bruit  sourd,  semblable  au  tonnerre.  Il  était  7 h. 
45  m.  du  soir. 

M.  Ormerod  cite  encore  d’autres  localités  où  l’on  a remarqué  le 
bruit  et  la  secousse,  et  beaucoup  d’autres  dans  le  même  district, 
ou  l’on  ne  s’est  aperçu  de  rien.  Ainsi  le  pays,  ébranlé  d’une  ma- 
nière fort  inégale , forme  une  zone  de  vingt  et  un  milles  de  long 


( 51  ) 

de  l’E.  à 10.,  sur  une  largeur  qui  ne  doit  pas  dépasser  huit  milles 
dans  le  sens  du  méridien. 

Le  50,  dans  la  soirée,  à Trusham,  au  nord  de  Chuldleigh,  on 
a entendu  un  bruit  qu’une  personne  qui  a habité  des  contrées 
sujettes  aux  tremblements  de  terre  a immédiatement  attribué  à 
la  même  cause.  On  n’y  avait  rien  remarqué  le  28,  non  plus  qu’à 
Chudleigh  et  IJennocb,  qui  se  trouvent  sur  les  roches  carbonifères. 
(M.  Ormerod,  mém.  cité,  Quart.  Journ.  ofthe  geol.  Soc.,  n°  58, 
pp.  188-191.) 

Octobre.  — Le  25,  entre  0 b.  50  m.  et  0 h.  45  m.  du  matin,  à 
Alméria  (Espagne),  une  secousse  assez  forte  avec  bruit  sourd. 
Durée  totale,  trois  à quatre  secondes.  Vers  5 h.  du  matin,  une 
nouvelle  secousse  moins  forte.  (Lettre  de  M.  Anselmo  Tirado  à 
M.  Casiano  de  Prado,  qui  me  l’a  transmise.) 

Novembre.  — Le  12,5  b.  15  m.  du  matin,  à Rome,  une  secousse 
ondulatoire  de  LE.  à l’O. 

Le  18,  9 b.  du  soir,  une  secousse  vibrante  et  légère. 

Le  29  , 1 b.  du  matin , une  dernière  secousse  semblable. 
(Mrae  Scarpellini.) 

— Le  10,  de  nuit,  à Sillcin,  faible  secousse.  (M.  Clément.) 

Décembre.  — Le  5,  de  nuit,  à Sillein,  faible  secousse. 

Le  10,  de  nuit  encore,  une  secousse  semblable.  (M.  Clément.) 

— Fin  de  décembre;  au  Caire  (Egypte),  tremblement  qui  m’est 
signalé  sans  détails  par  le  docteur  Ami  Boué. 

— Dans  le  courant  du  mois,  on  a parlé  de  plusieurs  secousses 
légères  dans  le  Valais.  (Bull,  de  la  Soc.  des  sc.  nat.  de  Neuchâtel, 
t.  V,  p.  1 59.) 

— (Sans  date  mensuelle).  M.  le  docteur  Boué  me  signale  Ylllustr. 
deutsche  Monatschrist,  par  Westermann,  1858,  n°  10,  comme 
contenant  la  description  d’un  tremblement  dans  l’Honduras.  — 
Je  ne  connais  pas  ce  journal. 

— En  1858,  don  Augustin  José  Prieto  a noté  à Santiago  (Chili), 
un  jour  de  tremblement  de  terre  en  janvier,  zéro  en  février,  deux 
en  mars,  trois  en  avril,  zéro  en  mai,  un  en  juin,  un  en  juillet, 
un  en  août,  zéro  en  septembre,  un  en  octobre,  un  en  novembre 
et  zéro  en  décembre  ; total , onze  jours  dans  l’année.  Le  tableau 


( 5*  ) 

qu'il  en  donne  n’offre  aucun  détail.  [Anales  de  la  Universidad  de 
Ch  île  y XVI,  p.  75,  1859.) 

— On  lit  dans  le  Moniteur  du  25  septembre  1858  : 

« En  onze  ans,  M.  Stephens  a constaté,  à Nelson  (Nouvelle-Zé- 
lande), cinq  marées  extraordinaires  et  cinquante-cinq  tremble- 
ments de  terre.  La  région  ou  le  tremblement  de  terre  se  fait  sur- 
tout sentir  comprend  trois  cent  cinquante  milles  ; elle  s’étend 
vers  le  57°5(V  de  latitude  vers  While  Island  et  le  43’4G'  de  lon- 
gitude dans  Banks  Peninsula,  avec  le  détroit  de  Cook  pour 
centre.  » 


SECONDE  PARTIE. 


TREMBLEMENTS  DE  TERRE  EN  1839. 


1851).  Janvier.  — Le  1er,  vers  5 h.  5 m.  du  soir  (2  h.  55  m. 
avant  le  coucher  du  soleil),  à Janina  (Epire),  secousse  assez  forte 
d’environ  huit  ondulations,  précédée  d’une  sourde  rumeur  sou- 
terraine. Direction  très-distincte  du  SE.  au  NO.  Elle  a été  ressentie 
dans  toute  l’Epire  méridionale,  principalement  à Arta  et  à Pré- 
vésa.  Le  même  jour  et  le  lendemain,  tempête  violente  du  NE. 
dans  la  vallée  de  Janina. 

— Le  1),  vers  8 h.  du  soir,  à Panderma  (côte  de  Marmava),  à 
quatre  kilomètres  à l’E.  de  l’isthme  de  Cyzique,  une  forte  secousse 
suivie  de  deux  ou  trois  autres  pendant  la  nuit. 

— Le  9,  encore,  9 h.  {h  du  soir,  à Erzeroum,  une  secousse 
assez  forte.  On  parle  d’un  village  détruit  aux  environs.  Les  oscil- 
lations venaient  de  la  côte  S.  de  l’Anatolie.  (Presse  (V Orient.)  Cette 
secousse  doit  être  du  21  , nouveau  style. 

— Le  10,  au  point  du  jour,  à Rhodes,  plusieurs  secousses  dont 
une  assez  forte.  Direction  de  l’O.  à 1E. 

— Le  15,7  h.  du  matin,  à Sugatagh  (Mannaros,  Hongrie),  se- 
cousse très-légère.  On  n’a  rien  remarqué  dans  les  mines. 

— Le  15,  5 h.  15  m.  du  soir,  à Guatémala,  secousse  légère  du 
NO.  au  SE  , et  de  trois  secondes  de  durée. 

— Le  15,  encore,  vers  10  h.  50  m.  du  soir,  à Chacodate  sur  File 

Tome  XIII.  5 


( 54  ) 

Jeso  Matomai,  dans  le  détroit  de  Sangar  (Japon)  deux  légères  se- 
cousses qui  ont  duré  seulement  (sic)  une  demi-minute.  La  ville  de 
Chacodate  est  située  par  lat.  41°48'50"  N.  et  long.  140°47'15"  E. 
de  Gr.  suivant  le  lieutenant  Maury.  À cinquante  verstes  au  N. 
s’élève  un  volcan  de  trois  mille  cent  soixante-neuf  pieds  de  hau- 
teur. Ce  tremblement  est  signalé  par  M.  Albrecht,  médecin  du 
consulat  de  Russie,  dans  ses  observations  météorologiques  qui 
comprennent  l’année  entière.  ( Correspondance  météorologique  de 
M.  Kupffer  pour  1857.  Saint-Pétersbourg,  1800,  in-4°.)  D’autres 
écrivent  Hokodade  et  Jcsso. 

Du  15  au  20,  à Trawnik  (basse  Bosnie,  lat.  44°10'  N.,  long, 
15°15'  E.),  plusieurs  secousses.  Le  froid  était  très-intense , la  neige 
abondante. 

— Le  20,  à 8 b.  56  m.  du  matin,  dans  le  quartier  de  Piavc, 
province  de  Trévise,  tremblement  considérable  qui  paraît  avoir 
eu  son  centre  à l’antique  château  des  comtes  de  Collalto.  En  voici 
la  description  d’après  M.  le  comte  Alfred  de  Collalto  l. 

« Le  premier  mouvement  a été  ondulatoire,  du  SSE.  au  NNO. 
à peu  près,  mais  instantané;  il  a été  suivi  immédiatement  d’un 
mouvement  vertical  de  bas  en  haut,  auquel,  après  une  courte 
interruption,  en  a succédé  un  autre  du  même  genre.  Ces  trois  se- 
cousses ont  eu  lieu  dans  un  intervalle  qui  n’a  pas  dépassé  10  se- 
condes, pendant  lesquelles  on  a entendu  un  très-grand  bruit, 
qu’on  a comparé  à celui  d’une  locomotive. 

» Après  cette  triple  secousse  d’une  violence  encore  inconnue 
dans  le  pays,  on  en  a ressenti  de  temps  en  temps  de  moins  fortes 
et  de  moins  longues  (cinq  secondes  au  plus  de  durée) , accompa- 
gnées souvent  d’un  bruit  sourd  ou  d’une  détonation  semblable  à 
un  coup  de  canon.  On  a même  entendu  des  bruits  sans  remar- 
quer de  mouvement  du  sol. 

» Malheureusement,  on  n’a  pas  tenu  un  journal  de  ces  se- 
cousses. On  ne  signale  que  les  suivantes.  Il  y en  a eu  une  un  quart 

1 J’en  dois  la  communication  à M.  Jeittelis,  professeur  à Ivaschau,  en 
Hongrie.  Qu’il  me  soit  permis  de  l’en  remercier,  lui , ainsi  que  M.  le  comte 
de  Collalto. 


( 33  ) 

d’heure  après  la  grande  secousse,  une  autre  à H h.  du  matin, 
puis  à 1 h.  du  soir,  une  autre  plus  sensible  à 2 h.,  et  enfin  une 
plus  légère  à 4 h. 

» Le  21.  une  seule  secousse  assez  sensible;  elle  a eu  lieu  vers 
9 b.  du  soir. 

» Le  22,  fi  */2  b.  du  matin,  une  secousse;  plusieurs  autres  dans 
la  journée.  Jusqu’au  9 mars,  il  s’est  passé  peu  de  jours  sans  qu’on 
en  ait  compté  plusieurs.  M.  le  comte  de  Collalto  en  signale  encore 
quelques-unes  sur  une  centaine  qu’il  a ressenties  jusqu’au  51  mai; 
nous  les  citerons  à leurs  dates. 

» L’atmosphère  n’offrait  rien  de  remarquable  au  moment  de 
la  grande  secousse  du  20;  l’air  était  à peu  près  calme  et  le  ciel 
presque  pur.  Les  secousses  suivantes  ont  eu  lieu  par  tous  les 
temps  et  dans  toutes  les  conditions  atmosphériques,  par  une 
pluie  diluvienne,  un  vent  impétueux,  etc.  On  n’a  pas  observé  les 
instruments  météorologiques.  Le  temps  était  sec  depuis  deux 
mois  et  très-froid. 

» Les  effets  produits  sur  les  bâtiments  se  sont  bornés  à des  cre- 
vasses ou  lézardes  qui  se  sont  manifestées  dans  tous  les  sens, 
mais  spécialement  dans  le  sens  horizontal.  Elles  ont  été  assez  con- 
sidérables pour  qu’on  vît  le  jour  à travers  plusieurs  d’entre  elles. 
Beaucoup  de  murs  ont  perdu  leur  aplomb;  ils  sont  en  général 
inclinés  à l’ouest.  Dans  les  villages  voisins  du  château , beaucoup 
de  cheminées  ont  été  renversées;  quelques  maisons  peu  solide- 
ment construites  se  sont  écroulées  en  partie.  L’église  de  Collalto 
qui  était  en  reconstruction  depuis  1851 , a été  tellement  endom- 
magée qu’il  a fallu  en  démolir  plusieurs  parties;  une  des  lézardes 
a présenté  quartorze  centimètres  de  largeur.  Cependant  personne 
n’a  péri. 

» Le  sol  a aussi  été  crevassé  aux  environs;  des  rochers  se  sont 
détachés  des  montagnes,  des  arbres  ont  été  arrachés  et  les  eaux 
sont  restées  troubles  pendant  quelque  temps. 

» On  a remarqué , deux  ou  trois  secondes  avant  la  grande  se- 
cousse, que  tous  les  chevaux  de  l’écurie  de  M.  le  comte  de  Collalto 
étaient  agités  d’une  manière  extraordinaire;  ils  semblaient  cher- 
cher à s’échapper.  L’attention  ne  s’est  pas  portée  sur  d’autres 


( 50  ) 

animaux  domestiques.  » Cette  relation,  que  nous  abrégeons,  est 
signé  du  27  novembre  1859. 

31.  le  docteur  Antonio  Bcrti  a aussi  publié  sur  ce  tremblement 
une  note  qu’il  m’a  fait  l’honneur  de  m’envoyer  *. 

J’en  extrais  ce  qui  suit  : 

Le  20,  à 8 h.  55  m.  du  matin,  à Venise,  deux  secousses  consé- 
cutives, ondulatoires  et  séparées  par  un  instant  de  repos,  la  pre- 
mière, du  N.  au  S.  et  la  seconde  de  l’ENE.  à l’OSO.,  durée  totale, 
environ  dix  secondes.  Des  sonnettes  ont  tinté.  Quelques  personnes 
ont  entendu  un  léger  rombo . 

Ce  tremblement  a été  très-violent  à Collalto,à  Falze,  Pievc  di 
Soligo,  Sernaglia , Moriago , Col  S.  3Iartino,  Guja,  Combai,  31iane, 
S.  Pietro  et  jusqu’à  Valdobbiane  et  Vidor  (sur  le  Piave).  La  secousse 
a été  à peine  sensible  à Segusino,  à trois  milles  de  Valdobbiane. 

11  est  allé  s’affaiblissant  vers  1*E.,  mais  il  a encore  été  fort  à Scr- 
ravallc,  à Ceneda  et  à Conegliano.  11  a été  presque  insensible  à 
Udine,  mais  le  choc  a conservé  sa  force  vers  la  mer,  à Venise  et 
meme  jusqu’à  Trieste;  à Trévise,  une  cheminée  a été  renversée. 
A Padouc,  8 h.  58  m.  58  s.,  temps  vrai,  les  pendules  de  l’obser- 
vatoire, oscillant  de  TE.  à l’O.  se  sont  arrêtées. 

Quant  à la  direction  du  mouvement,  elle  a été  différemment 
notée.  A Venise,  31.  Berti  signale  deux  directions  pour  les  deux  se- 
cousses, celle  du  N.  au  S.  et  celle  de  l’ENE.  à l’OSO.  À Ceneda, 
on  a aussi  remarqué  que  la  première  secousse  était  du  N.  au  S., 
mais  que  la  deuxième  avait  eu  lieu  de  LESE,  à l’ONO.  Il  les  ré- 
sume ainsi  : 

A Trévise  et  à Bovigo,  du  N.  au  S. 

A Bellune  et  à Saeilc,  du  NE.  au  SO. 

A Valdobbiadene,  Udine,  Vieence  et  Trente  de  l’E.  à l’O. 

A Padouc  et  Agordo,  du  NNO.  au  SSE. 

Les  limites  du  phénomène  sont  Auronzo  au  N.,  Trente  et  Vérone 
à l’O.,  la  rive  gauche  du  Pù  au  midi  et  Trieste  à TE. 

31.  Bcrti,  dont  fa  note  est  datée  du  12  février,  dit  encore  qu’il 


1 Sul  Terremoto  di  Venezia  del  20  Gennajo  18o9.  Atti  dcl  I.  H.  lnstiiulo , 
t.  IV,  série  III. 


( 37  ) 

ne  s’était  pas  passé  lin  seul  jour  depuis  le  20  janvier,  sans  quelque 
secousse  à Collalto;  la  plupart,  assez  fortes,  étaient  verticales; 
presque  toutes  étaient  accompagnées  de  bruits  souterrains  dont 
l'intensité  n’était  pas  toujours  proportionnelle  à celle  du  clioc. 

Le  28,  au  soir,  une  forte  secousse  verticale. 

Le  50,  à midi,  encore  une  secousse  semblable.  Ces  deux-ci  ne 
sont  pas  mentionnées  par  M.  le  comte  de  Collalto. 

— Le  20  encore  (heure  non  indiquée),  à Trieste,  une  secousse 
assez  sensible. 

— Le  21,  entre  2 et  5 b.  du  matin,  à Nagy-Karoly,  et  dans 
quelques  autres  lieux  du  comitat  de  Szathmar  (Hongrie) , une  se 
coussc  de  quelques  secondes  de  durée,  sans  dommages. 

— Le  21,  encore  à Erzeroum,  tremblement  violent.  Apres  la 
première  secousse,  la  terre,  écrit-on,  n’a  cessé  de  trembler  pen- 
dant près  d’une  demi-heure.  On  manque  jusqu’à  présent  de  dé- 
tails {Journal  de  Constantinople  du  2 février).  — Ce  tremblement 
diffère-t-il  de  celui  du  9?  Je  ne  le  pense  pas. 

— Le  25,  vers  10  h.  du  soir,  à Aïdin  Guzcl  Hisser  (près  de 
Smyrne,  lat.  50°50'  et  long.  25°50'  E.),  une  secousse. 

Le  25,  5 b.  ,/2du  matin,  une  nouvelle  secousse. 

— Le  23,  éruption  du  Mauna  Loa  dans  î’ile  Hawaii  (Sandwich). 
M.  Dana  en  a donné  la  description  dans  Y American  journal  of 
science , t.  XXVII,  Mardi , 1859,  p.  410-415.  Nous  l’avons  traduite 
dans  les  Nouvelles  annales  des  voyages , août  1859,  p.  1GG-17G. 
M.  M.  C.  Ilaskell,  professeur  au  collège  Oabu  (Ilonoloulou)  a fait 
l’ascension  du  volcan  le  9 février  suivant  et  en  a publié  le  résultat 
dans  Y American  journal,  t.  XXVIII,  july  1859,  p.  66-71.  En 
voici  l’analyse  : 

L’éruption  a eu  lieu  le  25,  sans  qu’on  eut  ressenti  auparavant 
aucune  secousse  de  tremblement  de  terre  dans  l’Archipel.  Mais 
dès  le  21  , on  avait  remarqué  des  poissons  morts  à l’E.  deMolakai 
et  entre  Molakai  et  Oabu.  Ce  poisson  ne  paraissait  pas  avoir  été 
malade;  il  semblait  avoir  été  bouilli.  A Ilonoloulou,  à deux  cents 
milles  du  théâtre  de  l’éruption , l’atmosphère  était  dense  et 
chargée.  Tels  sont  les  seuls  phénomènes  avant-coureurs  qu’on  ait 
remarqués. 


La  fumée  a paru  au  sommet  de  la  montagne  dans  le  courant  de 
la  journée,  on  l’aperçut  de  Waimca  et  dans  la  soirée,  on  vit  la 
lave  s’écouler  à la  fois  du  côté  d’Hilo  (à  l’E.)  et  du  côté  de  l’O.  de 
l’île.  Elle  jaillissait  d’un  point  peu  éloigné  du  sommet  ; quelques 
minutes  plus  tard , on  vit  un  autre  jet  jaillir  à l’O.  et  beaucoup 
plus  bas. 

A Labaina,  à plus  de  cent  milles  de  distance,  tout  le  ciel  parais- 
sait éclairé  dans  la  direction  de  l’éruption. 

Le  courant  de  lave  atteignit  la  côte  à Wainalalii,  le  51 , ayant 
ainsi  parcouru  quarante  milles  en  huit  jours. 

Le  professeur  Haskell,  campé  à deux  milles  du  double  cratère 
d’où  s’échappaient  des  gaz  et  des  vapeurs  avec  des  apparences  de 
flammes  ne  fut  pas  témoin  des  jets  de  lave  qu’on  avait  observés  les 
jours  précédents.  Il  ne  remarqua  que  des  émanations  gazeuses; 
l’apparence  de  flamme  n’était  due  qü’à  la  présence  des  parties 
fines  des  scories  chauffées  au  rouge,  et  entraînées  dans  le  courant 
ascendant  de  vapeurs  qui  se  dégageaient  avec  un  bruit  considé- 
rable. Le  courant  de  laves  ne  commençait  à se  montrer  qu’à  un 
demi-mille  environ  au-dessous  des  deux  cratères.  Sur  un  espace 
de  cinq  ou  six  milles,  son  cours  était  bien  défini,  il  n’offrait  au- 
cune ramification.  Plus  bas,  il  se  divisait  en  plusieurs  branches 
entre  les  monts  Hualalai,  Kea  et  Loa  sur  une  étendue  de  trois  à 
quatre  milles,  détruisant  tout  sur  leur  passage. 

Le  lendemain,  malgré  la  brume  et  la  pluie,  fauteur  examina 
les  deux  cratères.  Les  gaz  sulfureux  qui  s’en  dégageaient  étaient  si 
pénétrants  et  la  chaleur  si  grande  qu’il  lui  fallait  tenir  un  mou- 
choir devant  la  figure.  Les  cratères  offraient  une  forme  tout  à 
fait  irrégulière  tant  à l’intérieur  qu’à  l’extérieur.  On  n’y  voyait 
plus  de  lave  liquide  ; mais  deux  ou  trois  trous  d'où  s’échappaient 
les  gaz  et  les  vapeurs.  Ils  étaient  formés  de  laves  scoriacées;  le 
bord  du  cratère  inférieur  (qui  avait  vomi  de  la  lave  pendant 
quinze  jours)  était  échancré  vers  le  bas,  l’orle  du  cratère  supé- 
rieur était  intact. 

Au-dessus  s’en  trouvait  un  troisième  encore  chaud,  mais  dont 
l’action  avait  cessé.  Le  bord  inférieur  en  était  brisé  et  ouvert; 
l’orlc  ne  se  composait  que  de  scories  et  de  lave  ancienne.  Plus 


( 39  ) 

haut,  on  apercevait  encore  les  traces  évidentes  d’autres  évents  du 
même  genre,  d’où  la  lave  était  descendue  par  des  canaux  cachés 
sous  l'effort  de  la  pression  hydrostatique  jusqu’aux  deux  princi- 
paux cratères  qui  lui  avaient  donné  issue. 

Le  jour  suivant,  dans  la  matinée,  il  visita  le  point  où  la  lave 
avait  fait  sa  première  apparition.  Elle  se  précipitait  encore  en 
cataractes;  elle  paraissait  d’un  rouge  blanc  et  aussi  liquide  que 
l’eau.  II  en  suivit  la  coulée  et  le  soir,  à douze  ou  quinze  milles  de 
sa  source,  il  put  contempler  le  cratère  d’où  elle  s’échappait  avec 
une  nouvelle  violence.  Cette  recrudescence  avait  cessé  trois  ou 
quatre  jours  après. 

Nous  avons  dit  ailleurs  qu’après  avoir  formé  de  nombreuses 
ramifications,  le  courant  de  lave  qui  n’avait  pas  une  vitesse 
moindre  que  celle  d’un  convoi  de  chemin  de  fer  (suivant  notre 
auteur  : The  velocity  certainly  seemcd  as  great  as  that  of  a rail- 
road*car)  s’était  précipité  dans  la  mer  à Wainalalii,  sur  la  côte 
occidentale  de  l’île. 

Dans  une  seconde  lettre  à M.  Dana,  datée  de  Kona,  Hawaii, 
22  juin,  M.  Haskell  s’exprime  ainsi  : 

« Je  viens  de  visiter  une  deuxième  fois  le  Mauna  Loa.  La  source 
réelle  du  courant  de  lave  se  trouve  à quatre  milles  environ  au- 
dessus  des  deux  cratères  que  je  vous  avais  signalés  en  février 
dernier.  De  ce  point  jusqu’aux  deux  cratères  mentionnés,  on  peut 
suivre  une  fente  qui  d’abord  n’a  pas  plus  de  deux  pouces  de  lar- 
geur, mais  qui  s’élargit  par  degrés  jusqu’à  deux  pieds.  La  chaleur 
y est  encore  considérable,  mais  peu  de  lave  s’est  échappée  par 
cette  crevasse  au-dessus  des  deux  cratères. 

» On  ne  peut  donc  douter  qu’il  ne  se  soit  formé  un  canal  sou- 
terrain d’une  longueur  de  quatre  milles  au  moins,  avant  de  se 
déverser  dans  les  cratères  d’où  s’échappaient  encore  d'immenses 
colonnes  de  vapeurs  sulfureuses.  Au-dessous,  le  courant  liquide 
coule  encore , mais  plus  faible  qu’en  février.  Il  est  d’ailleurs  caché 
sous  le  sol,  sur  un  espace  de  vingt-cinq  à trente  milles  ; ce  n’est 
qu’en  quelques  endroits  qu’on  peut  apercevoir  la  lave,  à quarante 
pieds  de  profondeur.  Je  suis  monté  au  sommet  du  Mauna  Loa.  On 
n’aperçoit  pas  de  trace  d’activité  dans  le  cratère  de  Moknaweoweo. 


( M ) 

La  source  de  la  coulée  actuelle  se  trouve  probablement  à onze 
mille  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  » (Amer.  Journ., 
t.  XXVIII,  p.  284.) 

Suivant  Y Écho  du  Pacifique  des  C et  20  juillet  (Édit,  de  quin- 
zaine),  il  y avait  eu,  vers  la  fin  de  mai,  une  recrudescence  dans 
les  éruptions  qui  avaient  entièrement  cessé,  d’après  des  nouvelles 
du  18  juin. 

Suivant  le  révérend  H.-M.  Lyman,  des  navires  auraient  ren- 
contré, dans  la  semaine  qui  a précédé  l’éruption,  une  grande 
quantité  de  poissons  morts  aux  environs  des  îles  de  Hawaii,  Maui 
et  Molokai;  quelques  personnes  ont,  d'après  ce  fait,  supposé 
qu’une  éruption  sous-marine  avait  précédé  celle  du  Mauna-Loa. 
Mais  de  simples  dégagements  de  gaz  peuvent  avoir  causé  la  mort 
de  ces  poissons.  (Proc.  Bost.  soc.  Nat.  Ilist. , t.  VII,  pp.  58-59). 

D’après  Y Écho  du  Pacifique  du  20  octobre,  la  coulée  de  lave 
descendant  à la  mer  aurait  eu  six  milles  (plus  de  huit  kilomètres) 
de  large  sur  soixante  milles  de  long. 

— Le  24,  o b.  15  m.  du  soir,  à Guatemala,  secousse  à peine 
sensible  qui  a cependant  fait  faire  une  petite  oscillation  à un  pen- 
dule séismique  de  5m52  de  longueur. 

— Le  24  encore,  à Tripoli  (Syrie),  une  forte  secousse. 

— Le  28,  7 h.  du  matin,  à Beyrouth  (Syrie),  tremblement 
assez  sensible;  d’autres  disent  violent. 

— Le  29,  40  h.  54  m.  du  matin,  à Guatemala,  secousse  très- 
légère  du  NNE.  au  SSO,  qui  a fait  faire  une  oscillation  d’un  demi- 
millimètre  au  pendule  séismique  de  5m52  de  longueur.  A midi, 
nouvelle  secousse  pendant  laquelle  le  pendule  a oscillé  de  deux 
millimètres. 

— Le  29  (?),  dans  le  district  de  Gessopolena  (Abruzzc  cité- 
rieure),  tremblement  qui  a renversé  beaucoup  de  maisons.  Un 
grand  nombre  d’arbres  ont  été  arrachés  et  divers  torrents  qui  ont 
surgi  du  sein  de  la  terre,  ont  transformé  une  riche  campagne  en 
un  lac  très-profond.  ( Presse  du  22  février).  Cette  date  n’est  pas 
certaine,  car  le  même  journal,  n°  du  4 février,  rapporte  déjà  le 
phénomène  dans  les  mêmes  termes  d’après  des  nouvelles  de 
Naples  en  date  du  27  janvier.  D’après  d’autres  journaux,  les  nou- 


( 41  ) 

vcllcs  de  Naples  seraient  du  29.  Par  conséquent,  la  secousse  est 
antérieure  à cette  date.  L 'Ami  des  sciences  (n°  du  20  février) 
donne  la  date  du  27. 

— Le  51 , 5 li.  du  malin,  à Schopfeim  (Bade)  et  dans  les  envi- 
rons, une  première  secousse.  Vers  fi  b.  ‘/2;  une  deuxième  un  peu 
plus  violente.  Un  violent  orage  a régné  à la  même  heure  dans  la 
basse  Franconie. 

— Au  commencement  du  mois,  à Aden,  à Moka  et  sur  d’autres 
points  de  l’Arabie,  secousses  assez  fortes.  A Aden,  les  oscillations 
étaient  de  FF.  à FO. 

Février.  — Le  1er,  7 b.  45  m.  du  matin , au  château  de  Collalto, 
une  légère  secousse  ondulatoire  avec  bruit  et  de  cinq  secondes  de 
du  rée.  Plusieurs  autres  secousses  dans  le  jour,  dont  une  verticale, 
assez  violente  et  instantanée  à fi  b.  55  m.  du  soir  (M.  le  comte  de 
Collalto).  M.  Berli  indique  7 h.  du  matin  et  G b.  */2  du  soir. 

Le  2,  dans  la  matinée,  une  secousse  moins  violente  signalée  par 
M.  Berli. 

— Le  tcr  encore,  à Travnik  (Albanie),  un  nouveau  tremblc- 
men  t. 

— Le  10  et  le  lfi,  dans  la  Basilicate,  secousses  nouvelles  et 
répétées.  (M.  Boué.  ) — Suivant  M.  T.  Roller,  elles  y étaient  encore 
très-fréquentes  au  commencement  du  mois.  (Voyez  Un  tremble- 
ment de  terre  à Naples  et  la  charité  du  gouvernement  napolitain.) 

— Le  14,  9 b.  22  m.  du  matin  à Guatémala,  deux  secousses 
assez  fortes  de  FF.  à FO.,  dans  un  intervalle  de  trois  secondes.  Le 
pendule  séismique  a oscillé  d’un  demi-millimètre. 

— Le  14,  vers  fi  b.  lh  du  soir,  à Saumur  (Maine-et-Loire)  et 
dans  les  villages  voisins,  à Distré,  Pocé,  Saint- Florent,  le  Petit- 
Puv,  Villebcrnier , etc.,  une  violente  secousse  avec  bruit  pareil  à 
celui  d’un  chariot.  Air  calme  et  temps  doux. 

— Le  14,  encore  (style  non  indiqué)  à Kopalsk,  à l’ouest  du 
lac  Dalkhasch  (mer  de  Kirghis,  entre  44-46°  lat.  N.  et  74-77° 
long.  F.),  tremblement  de  quelques  secondes  de  durée  et  sans 
dommage. 

— Le  15,  10  b.  du  matin,  à Rhodes,  une  légère  secousse  de 
FF.  à FO. 


( 42  ) 

— Le  18,  une  nouvelle  éruption  s’est  produite  au  Mauna  Loa 
qui  a vomi  de  la  lave  sans  interruption  jusqu’au  commencement 
de  mars,  époque  à laquelle  il  n’était  pas  encore  tranquille.  Ajou- 
tons que  le  Kilanca,  volcan  de  la  même  île,  dit  M.  Jonveaux,  pa- 
raissait disposé  à suivre  l’exemple  de  son  turbulent  voisin.  Son 
cratère  était  rempli  jusqu’au  bord  et  l’on  s’attendait  de  jour  en  jour 
à une  éruption.  ( Illustration , IG  juillet.) 

— * Le  19,  4 h.  du  soir,  à Collalto,  autre  secousse  remarquable. 
Il  y en  a eu  encore  les  autres  jours,  tantôt  à une  heure,  tantôt  à 
une  autre,  mais  spécialement  de  G à 7 h.  du  matin , de  midi  à 1 h., 
de  8 à 9 h.  du  soir,  et  de  minuit  à 2 b.  du  matin  (M.  le  comte  de 
Collalto). 

— Le  24,  à 8 b.  19  m.  du  soir,  à Guatémala,  secousse  du  NNO. 
au  SSE.  accompagnée  de  bruit  et  de  deux  secondes  de  durée. 

— Le  25,  2 h.  50  m.  du  soir,  à Mulhouse  (Haut-Rhin),  une 
secousse  assez  sensible  avec  détonation  sourde. 

— Le  25 , encore,  à Chacodate  ( Japon) , deux  légères  secousses 
du  N.  au  S.  et  de  quinze  secondes  de  durée. 

— Le  27,  7 h.  */2  du  soir,  à San-Francisco  (Californie),  deux 
légères  secousses  du  NE.  au  SO. , et  de  chacune  environ  trois  se- 
condes de  durée,  avec  un  intervalle  d’environ  deux  minutes. 

— - D’après  les  nouvelles  de  Naples,  en  date  du  22,  on  avait 
ressenti,  dans  la  province,  deux  secousses  qui  n’ont  fait  aucun 
mal. 

— • On  lit  dans  la  Presse  du  22  : « Le  Vésuve  continue  à dé- 
vaster les  terres  avoisinantes  et  menace  les  villages  qui  l’entou- 
rent. Son  éruption  incessante  qui  dure  depuis  plusieurs  mois  a 
obstrué  sur  quatre  points  le  chemin  qui  conduit  à l'Observatoire. 
La  lave  sort  toujours  par  la  base  du  cône. 

Mars.  — Le  4,  vers  5 h.  du  soir,  à Mulhouse  (Haut  Rhin),  se- 
cousse sensible.  Ciel  serein. 

— Le  5,  10  b*  5/ 4 du  matin,  à Saint-Jean-Ie-Vieux  (Basses- 
Pyrénées),  tremblement  très-fort  et  très-long.  On  écrit  de  Saint- 
Jean-le-Vieux  au  Mémorial  des  Pyrénées  (pas  de  date)  : 

« Les  tremblements  de  terre  ont  recommencé;  samedi,  nous  en 
avons  ressenti  un  très-fort  et  très-long,  à 10  b.  3/4  du  matin,  on 


( 43  ) 

en  a été  assez  généralement  pins  effrayé  que  par  les  secousses 
précédentes;  les  sonnettes  se  sont  fait  entendre,  et  très-certaine- 
ment les  lézardes  anciennes  se  sont  élargies  dans  beaucoup  de 
maisons.  Parmi  les  personnes  plus  ou  moins  émues  par  ces  phé- 
nomènes, malheureusement  trop  fréquents,  il  y en  a qui  crai- 
gnent que  nos  volcans  éteints,  dit-on,  depuis  deux  mille  ans,  ne 
cherchent  à se  rallumer...  » ( Moniteur , 4 7 mars.) 

Nous  avons  cité  les  premières  secousses  aux  dates  des  16,  20, 
26,  27  et  50  décembre  4858.  Nous  n’en  avons  pas  vu  de  signalées 
en  janvier  et  février  1 859. 

Dans  la  lettre  de  M.  Salabery  que  nous  avons  rapportée  au 
29  novembre  1858,  on  ne  signale  explicitement  que  le  5 mars 
vers  8 h.  4/a  (sic)  une  secousse  très-forte,  moindre  cependant  que 
celle  du  29  novembre.  Les  autres  ont  été  à peine  sensibles  à plu- 
sieurs reprises.  On  n’en  donne  pas  les  dates. 

— On  écrit  de  Naples,  le  8 : « Le  sol  ne  paraît  pas  encore  raf- 
fermi. A Cosenza  (Calabre)  et  Amatrice  (Abruzze  ultérieure),  deux 
nouvelles  secousses  très-violentes  viennent  de  se  faire  sentir. 

» En  même  temps  le  Vésuve,  qui  n’a  pas  cessé  d’être  en  érup- 
tion depuis  plus  de  dix-huit  mois,  continue  à jeter  par  plusieurs 
cratères  nouveaux  qui  se  sont  ouverts  à la  partie  inférieure  du 
cône,  une  masse  énorme  de  laves  qui  ravage  les  campagnes  situées 
sur  le  penchant  méridional  de  la  montagne,  de  sorte  que  la  belle 
route  construite  en  1842,  pour  monter  à l’observatoire  météoro- 
logique, se  trouve  coupée  aujourd'hui  en  quatre  points. 

— Minuit  du  8 au  9,  au  château  de  Collalto,  nouvelle  secousse 
plus  prolongée  et  plus  forte  que  les  précédentes.  Dans  les  cin- 
quante jours  qui  suivirent  (jusqu’au  29  avril),  ou  ne  ressentit 
presque  rien.  Quelques  frémissements  légers  furent  à peine  re- 
marqués. (M.  le  comte  de  Collalto.) 

— On  lit  dans  Le  Pays  du  45  mars  : « Marseille  42  mars  : Té- 
légraphie privée  : 41  y a eu  plusieurs  secousses  dans  les  Abruzzes, 
de  nouveaux  cratères  se  sont  ouverts  dans  le  Vésuve.  » 

— Le  15,  44  b.  lU  du  matin,  à Janina  (Épire),  faible  secousse 
du  S.  au  N.  Elle  a été  plus  forte  à Corfou , veut  S.,  ciel  clair. 

— Le  44,  6 h.  3/ 4 du  soir,  à Iiuelva  (Andalousie)  une  secousse 
de  huit  secondes  de  durée. 


( 44  ) 

— Le  19,  vers  7 h.  40  ni.  du  soir  (1  h.  1/2  après  le  coucher  du 
soleil),  à Janina,  deuxième  secousse,  faillie,  d’environ  huit  à dix 
ondulations  du  SO.  au  NE.,  vent  O.,  temps  variable. 

— Le  21 , 5 h.  20  m.  du  matin,  à S.  Diego  (Californie),  trem- 
blement. 

— Le  22,  8 h.  du  matin,  à Quito  (Pérou),  tremblement  épou- 
vantable. Les  églises,  les  couvents  et  les  édifices  publies  ont  été 
la  plupart  renversés  ainsi  qu’un  grand  nombre  d’habitations  par- 
ticulières. On  porte  à cinq  mille  le  nombre  des  personnes  qui  ont 
péri,  mais  on  croyait  ce  chiffre  fort  exagéré.  Un  certain  nombre 
de  petites  villes,  au  N.  de  la  capitale,  ont  été  également  détruites 
et  à Guyaquil  la  secousse  a été  très-forte  et  a causé  quelques  dé- 
gâts. D’après  les  Débats  du  19  mai,  dix  personnes  seulement  ont 
péri  à Quito,  mais  toutes  les  maisons  sont  endommagées.  Les 
villes  de  Machachi,  de  Pcrucho,  de  Pomasqui,  Saint  - Antonio, 
Chillogallo,  Magdalcna  et  Cotocallao  ont  été  également  détruites. 

Le  phénomène  a été  précédé  de  violentes  détonations  souter- 
raines, et  la  plus  violente  secousse  ne  s’est  fait  sentir  que  trente 
secondes  environ  après  le  premier  ébranlement,  circonstances  qui 
ont  fait  fuir  les  habitants  de  leurs  maisons.  Dans  certaines  loca- 
lités, des  montagnes  se  sont  affaissées,  d’autres  ont  roulé  dans  les 
vallées  qu’elles  ont  comblées.  Dans  d’autres  localités,  des  rivières 
sont  sorties  de  leurs  lits;  d’autres,  arretées  dans  leur  cours  par  des 
éboulements,  ont  formé  d'immenses  lagunes,  qui  rompant  tout  à 
coup  leurs  digues,  ont  porté  la  dévastation  et  la  mort  dans  les 
campagnes. 

— Dans  la  nuit  du  25,  vers  2 h.  du  matin,  à Djidjéli  (Algérie), 
une  forte  secousse. 

— Le  27,  à Aïdin  (pachalik  d’Anadoly),  une  forte  secousse 
horizontale.  On  a remarqué  que  ce  jour  était  l’anniversaire  d’une 
secousse  qui  a renversé  la  ville  et  tranché  en  deux  une  colline 
située  à peu  de  distance,  d’ou  a jailli  la  rivière  qui  traverse  au- 
jourd’hui la  ville.  — La  Presse  d’Orient  à laquelle  j’emprunte 
cette  citation  ne  signale  pas  l’année. 

— Le  28,  G h.  */4  du  matin , à Oran  (Algérie),  une  forte  secousse. 

— Dans  la  partie  septentrionale  du  comté  de  Chasta  (Californie), 


( 45  ) 


le  docteur  Mogencroft  croit  avoir  vu  une  éruption  volcanique  pen- 
dant le  mois  de  mars.  Dans  une  région  volcanique  comme  la  Ca- 
lifornie, dit  M.  E.  Jonveaux auquel  j’emprunte  refait,  cela  n’aurait 
rien  de  surprenant. 

Avril.  — On  écrit  de  Naples  le  5 : « Le  Vésuve  menace  Saint- 
Torio,  le  faubourg  de  Portici  qui  est  le  plus  éloigné  de  la  mer.  La 
lave  a comblé  un  ravin  dans  lequel  elle  s’était  jetée  pendant  tout 
Eliiver.  Sa  marche  est  très-lente,  mais  sa  direction  est  menaçante.  » 

— Le  G,  10  b.  45  m.  du  soir,  à Plombières  (Vosges),  une  se- 
cousse assez  forte.  On  a entendu  un  bruit  retentissant  analogue 


au  fracas  que  produirait  une  voiture  chargée  de  lourdes  barres  de 
fer  roulant  avec  rapidité  sur  un  pavé  inégal;  ce  bruit  était  tout  à 
fait  distinct  du  frémissement  des  vitres  que  l’on  entendait  en 
même  temps.  Il  a éclaté  subitement  du  côté  de  10.,  cts’cst  perdu 
du  côté  de  LE.  en  s’affaiblissant  graduellement  à mesure  qu’il 
remontait  le  cours  de  la  vallée.  Les  secousses,  ou  plutôt  les  vibra- 
tions , ont  été  sensibles,  mais  peu  prononcées,  très-rapides  et  sans 
direction  appréciable.  Le  bruit  a duré  quatre  a cinq  secondes.  La 
direction  indiquée  par  le  bruit  était  assez  exactement  celle  de 
10.  h l’E. 


Quelques  personnes  prétendent  avoir  ressenti  un  deuxième 
tremblement  moins  violent  que  le  premier,  quelques  minutes 
après  celui-ci.  (Lettre  de  M.  Julier,  ingénieur  chargé  des  travaux 
de  captage  des  sources  minérales  de  Plombières.) 

Le  G encore,  10  h.  45  m.  du  soir,  sur  la  rive  droite  du  petit 
ruisseau  de  Cleuria  (Vosges)  et  plus  loin  sur  le  meme  versant,  le 
* long  de  la  petite  Moselle,  roulement  semblable  à celui  du  tonnerre 
accompagné  de  trépidations  qui  ont  duré  environ  une  demi - mi- 
nute. L’aiguille  aimantée  a oscillé  pendant  quelque  temps  encore 
après.  Une  pendule  du  rez-de-chaussée  s’est  arrêtée.  (Lettre  de 
M.  P.  Laurent.) 

— Le  8,  G h.  50  m.  du  soir,  à Guatémala,  secousse  à peine 
sensible. 

Le  9 , 2 b.  20  m.  du  matin,  secousse  légère  avec  un  craquement 
des  poutres  et  de  trois  secondes  de  durée. 

Le  10,  5 b.  58  m.  du  soir,  assez  forte  secousse  de  l’E.  à l’O.  et 


( 40  ) 

de  cinq  secondes  de  durée.  Le  pendule  séismique  a fait  une 
double  oscillation. 

Le  11,  9 h.  55  m.  du  soir,  dernière  secousse  avec  bruit  sou- 
terrain. 

— Le  11,  9 h.  25  m.  du  soir,  à Sienne,  une  première  secousse; 
elle  fut  légère;  un  vent  violent  du  SO.  cessa  comme  par  enchan- 
tement et  recommença  à 11  h.  50  m.  A 9 h.  41  m.,  une  deuxième 
secousse  assez  forte. 

Le  12,  on  a noté  trente-deux  nouvelles  secousses;  à 5 h.  50  m., 

4 h.  21  m.,  4 h.  28  m.,  4 h.  55  m.,  4 h.  41  m.,  4 h.  55  m.,  5 h. 
14  m.,  5 h.  45  m.,  5 h.  51  m.,  6 b.,  0 h.  57  m.,  7 h.  24  m.,  8 h. 
45  m.,  8 h.  45  m.  20  sec.,  9 h.  10  m.,  9 h.  20  m.,  10  h.  4 m. , 
10  h.  10  m.,  10  h.  15  m , 10  h.  50  m.,  10  h.  45  m.,  10  h.  55  m., 
et  11  h.  55  m.  du  matin;  puis  à 0 b.  5 m.,  0 h.  22  m.,  2 h.  5 m., 

2 h.  25  m. , 5 h.,  5 h.  4 m.,  5 h.  20  m.,  4 h.  20  m.,  et  C h.  5 m. 
du  soir.  D’autres  en  ont  porté  le  nombre  à cinquante. 

Les  secousses  les  plus  fortes  ont  été  celles  de  4 h.  28  m.  et  2 h 

3 m.  La  première,  composée  d’une  ondulation  très- violente,  ren- 
forcée de  trois  chocs  distincts,  a duré  de  sept  à huit  secondes. 
Celle  de  2 h.  5 m.,  plus  violente  encore,  n’a  pas  duré  plus  de 
trois  secondes. 

Celles  de  4 h.  21  m.,  6 h.  57  m.,  7 h.  24  m.,  10  h.  4 m.  et  10  h. 
10  m.  furent  presque  aussi  intenses:  deux  d’entre  elles,  la  troi- 
sième et  la  dernière,  furent  très-prolongées  et  pourraient  être 
regardées  comme  composées  chacune  de  trois  secousses  distinctes. 
Des  vingt-cinq  autres,  quatre  furent  encore  d’une  intensité  supé- 
rieure à la  moyenne,  ce  sont  celles  de  4 h.  55  m.,  4 h.  41  m.,  * 

5 h.  14  m. , 6 h.  Les  autres  furent  médiocres,  légères  et  même 
très-légères. 

Chacune  des  secousses  principales  fut  précédée  et  accompagnée 
d’un  bruit  fort  et  prolongé.  Le  mouvement  fut  en  général  ondu- 
latoire; on  remarqua  cependant  des  chocs  verticaux  dans  les  se- 
cousses de  7 h.  24  m.  et  2 h.  5 m.  On  peut  dire  aussi  que  le  sol 
ne  fut  jamais  parfaitement  tranquille  pendant  les  vingt-deux 
heures  qui  suivirent  la  première  secousse  du  11.  Depuis,  ce  ne 
furent  plus  que  des  trémoussements  légers. 


( 47  ) 

Le  13,  vibrations  fréquentes  du  sol  avec  quatre  secousses  pro- 
noncées à 0 h.  15  m.,  3 h.,  5 h.  55  m.  et  6 h.  48  m.  du  soir.  La 
troisième  fut  assez  forte,  surtout  dans  la  campagne  au  NE.  de  la 
ville. 

Le  14,  le  mouvement  vibratoire  du  sol  se  ralentit  et  devint 
rare;  on  n’a  noté  que  trois  secousses  très-légères  à 1 h.  40  m. , 
5 h.  4 m.  et  4 b.  5 m.  du  matin. 

Le  15,  4 h.  du  matin,  une  secousse  légère. 

Le  10,  5 h.  15  m.,  5 h.  55  m.  et  5 h.  15  m.  du  matin,  trois 
secousses  légères. 

Le  17,  4 b.  19  m.  et  4 b.  55  m.  du  matin,  deux  secousses,  res- 
senties aussi  au  château  d’Armaiolo  (à  treize  milles  de  Sienne)  où 
l’on  reconnut  distinctement  que  le  mouvement  venait  du  côté  de 
la  ville.  A 5 h.  précises  du  soir,  une  troisième  secousse;  elle  fut 
légère. 

Le  18,  minuit  un  quart  et  4 h.  19  m.  du  matin,  deux  secousses. 

Le  19  enfin,  2 h.  et  4 h.  6 m.  du  matin,  deux  dernières  se- 
cousses. 

Ces  secousses  n’ont  été  ressenties  que  dans  un  espace  de  forme 
elliptique,  s’étendant  à environ  seize  milles  à l’ONO.  de  Sienne  et 
â douze  milles  à l’ENE.,  sur  une  plus  grande  largeur  de  quatre 
milles.  Des  murailles  lézardées  et  des  cheminées  renversées  sont 
les  seuls  dégâts  produits  par  les  plus  fortes.  De  la  direction  des 
secousses  observée  à Sienne  (du  N.  au  S.)  et  à Armaiolo,  et  des 
traces  laissées  par  ce  phénomène,  on  a conclu  que  le  centre 
d’ébranlement  se  trouvait  très-près  de  la  ville,  probablement 
entre  le  couvent  des  Minori  Osservanti  et  la  villa  de  Colombajo. 

Les  auteurs  du  Mémoire  l,  auquel  j’emprunte  ces  détails,  ont 
demandé  au  directeur  (M.  E.  Duvat)  des  Soffiani  boracifères  de 
Montcrotondo,  situés  à vingt-cinq  milles  de  Sienne,  si  on  n’y 
avait  rien  remarqué  de  particulier.  Il  leur  a été  répondu  qu’on  y 
avait  ressenti  une  seule  secousse,  celle  du  12,  à 4 h.  28  m.  du 

1 Su  i Terremoti  avvenuti  in  Siena  nelt'  aprile  ciel  181)9  e nei  tempi  pre- 
cedenti.  Memoria  dei  pro [essor i G.  Campani  e C.  Toscani.  Pisa,  1859,  22  pp  , 
in-8°. 


( 4»  ) 

matin  : personne  ne  se  trouvait  alors  clans  les  lagoni,  mais  dans 
le  courant  de  la  journée,  on  n’a  observé  aucun  changement,  soit 
dans  leur  aspect,  soit  dans  leur  produit  journalier. 

— Le  18,  un  peu  avant  minuit,  à Malte,  une  légère  secousse. 

Le  19,  vers  1 h.  du  soir,  deux  autres  secousses  légères.  Le  temps 

était  sombre,  le  vent  chaud  et  le  brouillard  épais. 

— Le  25,  minuit,  à Janina  (Epire),  faible  secousse  venant  du 
NE.  Vent  N.,  temps  variable. 

— Le  24,  2 b.  5 m.  du  matin,  à llome,  trois  secousses  : la  pre- 
mière, ondulatoire  de  10.  à l’E.,  et  les  deux  autres  verticales. 
(M.  Scarpellini.) 

— Le  24  encore,  5 h.  5a  m.  du  soir,  à Constantinc  (Algérie), 
une  secousse  assez  forte  du  NO.  au  SE. , et  de  quelques  secondes 
de  durée,  avec  bruit  souterrain  qui  avait  beaucoup  de  rapport 
avec  celui  de  nombreuses  pièces  d’artillerie  soumises  à un  rapide 
mouvement.  Durant  toute  la  journée,  le  vent  du  désert  avait 
soufflé,  le  temps  avait  été  lourd  et  couvert.  Le  thermomètre  qui 
marquait  51°  5/4  à midi,  s’est  élevé  à 54°  à 2 heures.  A Philippe- 
ville,  des  plâtres  se  sont  détachés  de  la  voûte  de  l’église. 

— Le  20,  à Chacodatc  (Japon),  une  légère  secousse  qui  a duré 
une  demi-minute. 

— Le  27,  vers  5 h.  du  soir,  par  52°,  lat.  N.  et  70°25'  O.  de 
Londres,  à peu  près  à la  hauteur  des  Bermudes,  le  IVinono,  cap. 
Fox,  crut  avoir  touché  sur  un  banc  de  corail.  La  secousse  a duré 
trente  secondes.  Deux  minutes  après,  on  ressentit  une  secousse 
qui  fut  plus  forte  encore;  vers  5 b.  du  soir,  il  y en  eut  une  troi- 
sième qui  surpassa  les  deux  premières  en  violence  et  dura  vingt- 
cinq  secondes. 

De  ce  fait,  nous  rapprocherons  le  suivant  signalé  sans  date, 
mais  qui  a eu  lieu  vers  la  même  époque  ou  au  moins  au  commen- 
cement de  cette  année  : « Par  29°  55'  latitude  N.  et  09°,  10'  long.  O. 
de  Londres,  le  baleinier  le  Shieffield , cap.  Green,  a constaté  trois 
secousses,  dont  la  première  a duré  plus  d’une  minute;  la  mer  fut 
agitée  si  violemment  que  le  bâtiment  tangua.  Le  bruit  fut  telle- 
ment fort  que  l’on  croyait  entendre  une  décharge  d’artillerie  à 
quelque  distance.  » (Illustration , IG  juillet.) 


( 49  ) 


— Le  28,  8 h.  du  matin , à Scliwatz  Jeibach,  Rattemberg  (Tyrot) 
tremblement  qui  n'a  duré  qu’une  seconde. 

— Le  29,  entre  2 et  5 h.  du  matin,  au  château  de  Collalto,  une 
secousse  très-forte.  De  là,  à des  intervalles  de  trois,  quatre  et  six 
jours,  ce  triste  phénomène  s’est  reproduit  jusqu’au  51  mai  (M.  le 
comte  de  Collalto).  - 

— Le  50,  G b.  15  m.  du  soir,  à Rome,  une  secousse  ondula- 
toire de  l’E.  à 10.  (Mme  Scarpellini.) 

Mai . — Le  1er,  0 h.  45  m.  du  matin,  à Rome,  deux  légères  se- 


cousses ondulatoires;  à 1 h.,  1 h.  10  m.  et  1 h.  25  m.,  autres 
secousses  légères,  mais  vibrantes.  ( M,ne  Scarpellini.) 

— Le  5,  vers  8 h.  55  ou  55  m.  du  soir,  à Plauen  (Voigtland, 
Saxe),  tremblement  accompagné  d’un  bruit  sourd  et  prolongé.  Le 
mouvement  a paru  venir  du  SO.  au  NE.  Quelques  minutes  plus 
tard,  une  seconde  secousse  de  courte  durée  et  accompagnée  d’un 
bruit  éclatant,  semblable  à un  coup  de  tonnerre.  A Zwickau, 
quelques  minutes  avant  9 li.,  une  secousse  de  près  d’un  quart  de 
minute  de  durée,  avec  bruit  sourd.  Mêmes  phénomènes  à Kirch- 
berg et  ailleurs. 


— On  écrit  de  Naples,  le  5 : « Les  affaires  se  compliquent  en 
Italie,  mais  Naples  reste  calme  et  le  Vésuve  qui  est  maintenant  en 
feu  (la  montagne  de  Somma,  éteinte  depuis  des  siècles,  vient  de 
se  rouvrir,  à ce  qu’il  paraît,  et  le  volcan  bicéphale  fume  le  jour  et 
flarnl  >e  la  nuit  par  scs  deux  têtes),  le  Vésuve,  disons-nous,  est  bien 
plus  agité  que  la  population.  » — Il  y a dans  ces  paroles  une  exa- 
gération facile  à remarquer  : la  Somma  est  restée  éteinte,  le 
Vésuve  seul  manifestait  alors  une  grande  activité. 

— Le  G,  de  nuit,  à Margonga,  près  Cirait  (comitat  de  Saros, 
Hongrie  ),  tremblement  léger. 

— Le  8,  vers  4 h.  du  soir,  à Philippeville  (Algérie)  secousse 
assez  violente.  Elle  a été  légère  à Rone  et  à Guelma. 

— Le  8 , éruption  du  volcan  de  File  Bourbon  (Réunion  ou  Mas- 
careigne).  On  lit  dans  le  Moniteur  de  la  Réunion  du  1 1 mai  : « Le 
volcan  a rallumé,  au-dessus  de  nos  hautes  montagnes,  sa  splen- 
dide illumination.  Depuis  dimanche  (le  8)  aussitôt  la  nuit  close, 
les  habitants  de  Saint-Denis  aperçoivent  par  un  temps  clair,  dans 

Tome  NUL  4 


( SO  ) 

le  SE.,  une  longue  zone  de  lumière  qui  fait  l’effet  du  coucher  de 
soleil  derrière  la  montagne,  tandis  que  l’espace  environnant  revêt 
la  teinte  indécise  du  crépuscule.  Ce  mirage  dure  jusqu’aux  pre- 
mières lueurs  du  matin. 

— Le  9 (heure  non  indiquée),  à Constantine,  une  nouvelle  se- 
cousse, légère. 

— Le  15,  vers  8 h.  du  soir,  à Monistrol-sur-Loire,  Sainte- 
Sigolène  et  Bas  (Allier),  deux  secousses  à cinq  minutes  d’inter- 
valle, avec  bruit;  durée,  deux  à trois  secondes  chacune;  direction 
apparente,  de  TE.  à l’O. 

— Le  14,  à Nice,  trépidations  du  sol  constatées  par  M.  le  ba- 
ron O.  Prost  qui  les  signale  comme  correspondant  à un  tremble- 
ment ressenti  à Quito.  Ce  tremblement  m’est  inconnu. 

— - Le  20,  midi  et  midi  45  m.,  au  château  de  Collalto,  deux  se- 
cousses, les  plus  remarquables  depuis  le  29  avril.  La  dernière  fut 
la  plus  forte  et  la  plus  longue  depuis  le  20  janvier. 

— Le  26  et  le  28,  au  Vésuve,  deux  secousses  indiquées  par  le 
séismographe  de  l’Observatoire. 

Le  28,  5 h.  du  soir,  à Sugatagh  (Marmaros,  Hongrie),  vio- 
lente secousse  de  l’O.  à l’E.,  précédée  d’un  bruit  semblable  au 
roulement  d’une  voiture.  On  n’a  rien  senti  dans  les  mines.  L’ai- 
guille de  déclinaison  ne  montra  aucune  variation  après  le  phéno- 
mène. A Rhonaszek,  5 h.  19  m.  du  soir,  le  mouvement  a été  du 
SE.  au  NO. 

— Le  51,  5 h.  du  soir,  au  château  de  Collalto,  elle  ne  fut  pas 
très-forte  et  termina  le  phénomène  qui  ne  s’était  pas  renouvelé 
jusqu’au  27  novembre  suivant,  date  de  la  notice  de  M.  le  comte 
de  Collalto.  Comme  toutes  les  précédentes,  au  nombre  de  plus 
d’une  centaine,  elle  ébranla  aussi  les  pays  voisins  du  château. 

Juin.  — Le  2,  vers  10  h.  !/2  du  matin,  à Erzéroum,  deux  se- 
cousses, qui  n’ont  pas  duré  quinze  secondes,  et  dont  la  direction 
était  du  S.  au  N.,  ont  détruit  presque  complètement  la  ville.  La 
moitié  des  mosquées,  des  khans,  des  bazars  et  des  maisons  sont 
renversés.  Ce  qui  était  debout  menaçait  ruine  et  l’on  campait  dans 
la  plaine  de  Cavak.  On  parlait  de  cinq  cents  victimes.  Suivant  le 
Journal  de  Constantinople , les  secousses  allaient  du  SO.  au  NE. 


( SI  ) 

Un  quart  d’heureg)près,  line  seconde  secousse,  moins  forte  que  la 
première,  mais  d’une  plus  longue  durée,  a achevé  de  couvrir  la 
ville  de  ruines.  D’après  le  recensement  fait  par  l’autorité,  quatre 
mille  maisons  auraient  été  détruites,  trois  mille  autres  menace- 
raient ruine  et  il  y aurait  eu  environ  quinze  cents  victimes.  Mais, 
chaque  jour,  on  retirait  encore,  au  10  juin  (date  de  la  dépêche), 
des  cadavres  ensevelis  sous  les  décombres. 

Le  5,  à 5 h.  du  soir,  elles  continuaient  encore  à quelques  heures 
d’intervalle.  Elles  paraissent  avoir  ensuite  diminué  de  fréquence. 
On  écrivait  le  27,  à la  Presse  d’ Orient  : 

« Le  11  et  le  14,  nouvelles  secousses. 

» Du  15  au  20,  nous  n’avons  ressenti  aucune  secousse;  mais 
depuis  lors,  elles  ont  recommencé  et  on  en  compte  jusqu’à  deux 
et  trois  par  jour,  qui,  heureusement,  n’ont  pas  occasionné  de 
nouveaux  désastres. 

» Le  26, 10  h.  du  matin,  deux  nouvelles  secousses  et  nouvelles 
ruines. 

» Le  27 , 10  h.  du  matin , une  nouvelle  secousse  qui  a renversé 
des  maisons  lézardées.  » 

Suivant  un  rapport  officiel  et  postérieur,  il  y aurait  encore  eu 
des  secousses  désastreuses  le  11 , le  14  et  le  26  : il  y aurait  eu  qua- 
torze cent  soixante  maisons  détruites  , deux  mille  quatre  cent 
quarante-six  ébranlées,  treize  cent  deux  victimes  et  cent  quatre- 
vingt-douze  blessés. 

D’après  un  autre  rapport,  le  nombre  des  victimes  a atteint  le 
chiffre  de  mille  cinquante -quatre,  parmi  lesquelles  on  compte 
trois  cent  soixante-quinze  morts,  six  cent  seize  blessés  et  soixante- 
trois  manquants.  Deux  mille  maisons,  six  mosquées,  dix-sept 
khans,  cinq  établissements  de  bains  et  trois  édifices  publics  se  sont 
écroulés;  quatorze  cent  cinquante  autres  maisons  sont  plus  ou 
moins  endommagées. 

Les  secousses  se  sont  renouvelées  en  juillet  (voir  au  15). 

— Les  2,  11,12, 14,  15  et  16 , à Nice,  trépidations  du  sol  con- 
statées par  M.  Prost. 

— Le  5,  1 h.  15  m.  du  matin,  à Rome,  une  secousse  vibrante. 
(M,ne  Scarpellini.) 


( 52  ) 

— Le  10,  à 10  h.  (sic),  une  forte  secousse  a fait  écrouler 
seize  magasins  à Tebriz-Kapouçou.  On  remarquait  que  la  partie 
sud  de  la  ville  était  le  point  où  les  secousses  étaient  le  plus 
fortes. 

— Le  11,  le  14  et  le  29,  au  Vésuve,  trois  secousses  indiquées 
par  le  séismographe  de  l’ Observatoire. 

On  écrit  de  Naples  le  21  : « Le  Vésuve  dont  l’éruption  dure 
sans  discontinuité  depuis  le  mois  de  décembre  1855,  avec  des 
phénomènes  inconnus  jusqu’à  ce  jour,  continue  toujours  à offrir 
un  spectacle  sublime,  mais  terrifiant. 

» Deux  nouvelles  bouches  d’où  s’échappe  avec  abondance 
comme  un  torrent,  une  matière  bitumineuse,  viennent  de  s’ou- 
vrir dans  le  flanc  de  la  montagne  au  lieu  dit  Piano  délie  Ginestre , 
et  cette  lave  dépassant  les  limites  des  éruptions  précédentes,  porte 
la  désolation  du  côté  de  Torrc  del  Greco.  Enfin  deux  autres  cou- 
rants se  sont  fait  jour  pour  accroître  la  destruction  sur  différents 
points.  C’est  la  plus  longue  éruption  dont  on  ait  gardé  la  mé- 
moire. » (Moniteur , 29  juin.) 

— Le  12,  5 h.  20  m.  du  matin,  à Rome,  deux  secousses  ondu- 
latoires de  l’0.  à l’E.,  et  à 5 h.  50  m.,  une  troisième  secousse,  ver- 
ticale et  légère. 

— Le  12  encore,  5 h.  du  soir,  à Chaeodate  (Japon),  deux  légères 
secousses  du  N.  au  S.  et  qui  n’ont  duré  que  trente  secondes. 

— Le  12  encore,  à Schemakha  (Caucasie),  tremblement  qui  a 
coûté  la  vie  à plusieurs  centaines  de  personnes.  Les  secousses  ont 
duré  plusieurs  jours.  Le  Moniteur  dit  plusieurs  secondes. 

Voici,  d’après  la  gazette  le  Caucase,  le  résultat  de  l’enquête 
faite  par  la  commission  spéciale  chargée  de  vérifier  les  dommages 
occasionnés  par  les  tremblements  de  terre  qui  ont  dévasté  la  ville 
de  Schemakha , du  50  mai  dernier  jusqu’au  18  juin  (v.  st.)  : « deux 
mille  cent  soixante  et  un  édifices  sont  restés  intacts;  quatorze 
cent  soixante-quatre  ont  été  endommagés,  mais  peuvent  être  ré- 
parés; sept  cent  quarante  et  un  ont  été  complètement  détruits; 
mille  quarante-six  enfin  sont  tellement  endommagés  qu’il  est  im- 
possible de  les  réparer.  Cent  personnes  ont  été  tuées  et  deux  cent 
quatre-vingt-six  blessées. 


( 53  ) 

— Le  45,  à Phil t ppopoli  (Roumélie),  tremblement  qui  a atteint 
plusieurs  villages. 

— Le  1 G,  6 li.  20  m.  du  matin,  à Oriovacz,  trois  secousses  venant 
du  SO.;  la  deuxième  fut  la  moins  forte;  les  habitants  quittèrent 
leurs  maisons.  On  les  a ressenties  en  meme  temps  à Pakraez  dans 
le  eomitat  de  Porega  et  à Diakovar,  dans  le  comitat  d’Essck. 

Le  même  jour,  G h.  40  m.  du  matin,  à Vinkoveze  (Slavonie), 
assez  violente  secousse  horizontale,  venant  du  SO.,  accompagnée 
de  bruit  et  de  trois  secondes  de  durée. 

— Le  21 , 1 h.  du  soir,  à Nice,  une  secousse  assez  forte,  A Grasse 
(Var),  1 h.  moins  14  m.,  une  secousse  très-faible. 

— Dans  la  nuit  du  21  au  22,  à Pontremoli  (État  de  Parme), 
violentes  secousses  qui  ont  duré  vingt  secondes;  elles  ont  été  ac- 
compagnées d’un  fort  orage. 

— Le  25,  midi  et  demi,  à Bouffarick  (Algérie),  secousse  de 
trois  secondes  de  durée  sans  interruption;  seulement  le  commen- 
cement et  la  fin  étaient  plus  violents  que  le  milieu.  Les  oscilla- 
tions étaient  de  l’E.  à 10.  Une  maison  en  maçonnerie  a été  assez 
lézardée  pour  nécessiter  un  étai. 

Le  même  jour,  midi  55  m.,  à Alger,  deux  secousses,  séparées 
par  un  court  intervalle;  la  deuxième  a été  la  plus  forte.  Mouve- 
ment oscillatoire  de  l’E.  à l’O.  ou  du  NO.  au  SE.,  suivant  d’autres. 

— Le  27,  11  h.  G m.  du  soir,  à Rhodes,  une  secousse  de  l’O.  à 
l’E.;  durée,  douze  secondes.  A minuit,  autre  secousse  plus  faible 
et  moins  longue. 

Le  2S,  à Sophia  (Evalet  de  Rumili),  pluies  torrentielles  qui  ont 
causé  de  grands  dégâts.  « Ces  pluies,  écrivait-on  le  18  juillet,  ont 
eu  pour  résultat  quelques  secousses  de  tremblement  de  terre , dont 
deux  fortes,  mais  sans  accident.  >»  — Ces  secousses  ont-elles  eu 
lieu  à la  fin  de  juin  ou  au  commencement  de  juillet? 

Juillet.  — Le  2,  5 h.  du  matin,  à Mirabeau  (Vaucluse),  secousse 
assez  sensible  de  cinq  à six  secondes  de  durée. 

— Le  5,  vers  4 h.  et  demie  à la  turque  (vers  huit  heures  du 
soir),  à Brousse,  une  secousse  assez  forte. 

— Du  8 juillet  au  5 septembre,  à Levina,  île  dalmate,  cinq 
secousses  avec  bruit  souterrain. 


( 54  ) 

— Le  14  , 40  h.  du  matin,  près  d’Orihuela  (Murcie),  après  une 
détonation  épouvantable,  un  volcan  s’est  ouvert  dans  la  mon- 
tagne dite  la  Cr-uz  de  la  Muela  ; des  torrents  de  laves  brûlantes 
se  sont  élancées  du  cratère  jusque  sur  le  collège  de  San  Miguel. 
La  campagne  est  couverte  de  cendres;  les  habitants  ont  abandonné 
la  ville.  . . . (Lettre  du  correspondant  de  la  Presse , datée  : 
Madrid,  15  juillet  et  signée  Carlos  de  Salino.) 

Le  fait  a été  démenti  par  l’auteur  lui-même,  Carlos  de  Salino, 
dans  la  Presse  du  28  juillet. 

— Le  1 5 , à Erzeroum , une  forte  secousse  a complètement  dé- 
truit les  murs  d’enceinte  et  la  forteresse.  Ce  qui  restait  de  maisons , 
à la  suite  du  dernier  tremblement  de  terre,  a été  renversé. 

Le  15  et  le  17,  à Erzeroum,  nouvelles  secousses  de  l’E.  à l’O., 
destruction  complète. 

— Le  16  et  le  17,  à Nice,  trépidations  du  sol  constatées  par 
M.  Prost. 

— Le  21  , entre  8 et  9 h.  du  soir,  à Szurdok  (Marmaros) , deux 
secousses  du  S.  au  N.  La  première  a été  la  plus  forte.  A Rho- 
naszek , 8 h.  45  m.,  direction  de  TE.  à FO. 

— Le  25,  à Philippopoli  (Roumélie),  secousses  de  l’E.  à l’O., 
dégâts  assez  nombreux. 

— Le  27,  à Smyrne,  une  secousse  du  NE.  au  SO.,  ou  du  mont 
Sipyle  au  mont  des  Deux-Frères. 

— (Sans  date  de  jour).  A File  Hawaï  (Sandwich),  une  secousse. 

Août.  — Le  12,  vers  minuit  et  demi,  à Smyrne,  une  légère 

secousse. 

• — Le  15,  peu  après  l’éclipse  de  lune  (vers  9 h.  */2  du  soir), 
à Erzeroum,  tremblement  qui  a ébranlé  toute  la  ville.  Une  heure 
après,  tremblement  nouveau,  suivi  immédiatement  d’un  troi- 
sième. Il  n’y  a pas  eu  d’accident. 

Le  22,  dans  la  matinée,  deux  nouvelles  secousses,  légères. 

Le  25,  10  h.  */ 2 (sic),  une  secousse  qui  a duré  environ  huit 
secondes. 

— Le  15,  vers  8 h.  du  soir,  «à  Chacodate  (Japon),  tremblement 
plus  fort  que  tous  les  précédents;  il  a duré  une  minute.  C’est  le 
dernier  mentionné  par  M.  Albrecht,  dont  les  observations  em- 


( 53  ) 

brassent  l’année  entière.  Les  dates  sont  du  nouveau  style.  — Ce 
sont  ainsi,  cinq  jours  de  tremblements  pour  une  région  où  on  les 
dit  si  fréquents! 

— Le  15  encore,  éruption  du  mont  Hood  (Orégon).  Voici  ce 
qu’on  écrit  de  Portland  : « Les  15,  IG  et  17,  l’atmosphère  com- 
mença à devenir  étouffante,  on  ne  respirait  qu’avec  peine;  le  17, 
à 10  b.  du  matin,  il  faisait  excessivement  chaud,  ce  qui  est  très- 
extraordinaire  dans  le  pays.  A midi,  le  ciel  était  à peu  près  sans 
nuages,  mais  peu  après,  il  prit  un  aspect  insolite.  En  portant 
notre  attention  sur  le  mont  Ilood,  nous  remarquâmes  tous  un 
amas  de  nuages  des  plus  singuliers  qui  planaient  au-dessus  de 
son  sommet;  ils  avaient  un  éclat  légèrement  argentin,  mêlé  de 
nuances  plus  sombres;  il  semblait  que  leur  poids  les  faisait  des- 
cendre. Le  lendemain,  le  ciel  conserva  le  même  aspect,  les  nuages 
flottaient  toujours  au-dessus  de  la  montagne.  Le  18  au  soir,  on 
remarqua  des  lueurs  brillantes  et  fréquentes  autour  du  sommet 
d’où  semblaient  s’élever  des  masses  de  vapeurs  lumineuses  ou 
fortement  éclairées.  Le  19  et  le  20,  ces  masses  de  vapeurs  né- 
buleuses continuèrent  à s’élancer  du  cratère;  le  soir,  elles  pa- 
raissaient enflammées,  du  moins,  il  s’en  échappait  des  rayons 
lumineux  et  la  lumière  persista  pendant  toute  la  nuit.  Le  20,  la 
fumée  se  dissipa  pendant  quelques  instants  et  permit  de  distin- 
guer le  sommet;  à l’œil  nu,  on  s’apercevait  facilement  qu’il  avait 
changé  de  forme,  mais  avec  une  lunette,  on  reconnut  que  la 
crête  NO.  avait  entièrement  disparu,  il  s’était  formé  une  brèche 
immense;  cette  crête  a dû  s’écrouler  dans  le  cratère.  Plusieurs 
personnes  sont  parties  po\ir  explorer  la  montagne;  à leur  retour, 
je  vous  donnerai  d’autres  détails  h » 

— Le  18,  4 h.  20  m.  du  soir,  à Salonique,  assez  forte  secousse 
du  NO.  au  SE.,  sans  dommages. 

— Le  20,  dans  lile  d’Imbros  (Archipel),  tremblement  après 
lequel  mon  ami  M.  Ritter,  ingénieur  au  service  de  la  Turquie,  a 
été  envoyé  dans  File  par  le  sultan,  et  sur  lequel  il  a écrit  une 
longue  lettre  dont  je  vais  donner  un  extrait.  Après  une  description 

1 Amer.  Jour,  of  Sc.,  2e  sér.,  t.  XXVIII,  p.  MS,  nov.  1859. 


aussi  curieuse  que  complète  de  cet  îlot  à peine  connu  et  sur  lequel 
il  ne  se  trouve  que  cinq  petits  villages,  M.  Hitler  ajoute  : 

« Avant  le  20  août  1859,  les  tremblements  de  terre  étaient 
inconnus  à Imbros.  II  y a dans  File  des  vieillards  de  quatre- 
vingt-dix  ans  qui  ne  se  souviennent  pas  d’avoir  jamais  senti  de 
secousses,  ou  d’en  avoir  entendu  parler  par  leurs  pères.  Même 
en  1855,  on  ne  ressentit  rien,  ou  ce  fut  si  peu  de  chose  qu’on 
ne  s’en  aperçut  qu’a  près  avoir  reçu  la  nouvelle  des  désastres  de 
Brousse;  aussi,  quelle  ne  fut  pas  la  stupeur  de  la  population 
quand,  dans  la  nuit  du  20  au  21  août  (1859),  elle  fut  arrachée 
aux  douceurs  du  sommeil  par  plusieurs  secousses  dont,  au  pre- 
mier moment,  personne  ne  comprenait  la  nature! 

» Imbros.  — 20-21  août  1859.  Dans  la  nuit,  à 10 h.  et  I0h.3/'*, 
deux  premières  secousses,  suivies  de  douze  autres  jusqu’au  matin. 
Aucun  accident. 

» 21  août.  A 8 h.  20  m.  du  matin , une  secousse,  sans  accident, 
pendant  que  tout  le  monde  était  à la  messe.  Vers  9 li.  50  m.,  se- 
cousse plus  forte;  pas  d’accident  encore.  A M h.  20  m.,  secousse 
plus  forte;  elle  renverse  des  cheminées,  des  fours,  des  murs  de 
clôture.  A 11  h.  55  m.,  secousse  plus  violente  encore;  elle  ren- 
verse des  maisons.  A 11  h.  55  m.  du  matin,  secousse  terrible;  à 
cette  secousse,  pas  une  maison  n’a  résisté  dans  les  deux  villages 
d’Iskinit  et  de  Panaya;  les  unes  se  sont  écroulées,  les  autres  ont 
été  lézardées;  dans  les  autres  villages,  il  y a eu  moins  de  dégâts, 
mais  presque  toutes  les  maisons,  comme  j'ai  pu  m’en  assurer  de 
visu , ont  été  lézardées.  Cependant  il  n’y  a eu  dans  l’île  ni  tués  ni 
blessés. 

» Dans  le  restant  de  la  journée,  le  sol  n’a  cessé  de  trembler  : on 
a noté  dix-neuf  secousses  bien  sensibles  ce  jour- là. 

» Direction  des  secousses.  — A Panaya,  le  fermier  des  douanes 
m’a  signalé  la  plus  forte  des  secousses  comme  allant  de  FO.  à l’E. 
J’ai  moi-même  relevé  le  croquis  d’une  maison  isolée  de  ce  village; 
elle  présente,  en  plan,  un  rectangle  ayant  son  grand  axe  orienté 
N.  12°  E.  (i magnétique ) à S.  12°  O.;  c’est  l’angle  NNE.  qui  s’est 
écroulé  vers  l’E. , ce  qui  semble,  en  effet,  indiquer  un  choc  de 
FO.  vers  l’E. 


( »7  ) 

» A Ayo  Theodoro,  je  suis  entré  dans  line  maison  dont  les  ha- 
bitants étaient  occupés  à croquer  des  noix  étalées  sur  le  plancher, 
qui,  comme  partout  en  Orient,  sert  de  table.  Les  noix  ont  roulé 
de  O.  50°  S.  à E.  50°  N.  magnétique.  Cette  maison  est  rectangu- 
laire; son  grand  axe  est  orienté  N.  50°  O.;  la  toiture  de  la  maison, 
avec  sa  charpente,  a glissé  sur  les  murs  et  s’est  transportée  parai 
lèlement  à elle-même  d’environ  dix  centimètres,  perpendiculaire- 
ment au  grand  axe,  c’est-à-dire  dans  la  même  direction  que  les 
noix,  de  O.  50°  S.  vers  E.  50°  N. 

» A Pyrgos,  il  y a quelques  maisons  de  pêcheurs;  ce  sont  les 
murs,  du  reste,  tous  parallèles  et  orientés  N.  25°  O.,  qui  ont  été 
renversés  de  préférence,  en  tombant  de  l’O.  vers  l’E.  Les  habitants 
sont,  du  reste,  d’accord  pour  indiquer  cette  direction  à la  se- 
cousse; c’est  à peu  près  la  direction  du  grand  axe  de  Lîle  et  celle 
des  couches  de  grés  tertiaires  que  je  vous  ai  signalées. 

» Nature  des  secousses.  — A Panaya,  on  m’a  dit  que  la  forte 
secousse  avait  été  d’abord  horizontale,  puis  verticale;  mais  ce  qui 
paraît  certain,  c’est  que,  tandis  que  les  premières  secousses 
n’étaient  pas  instantanées , elles  le  sont  aujourd’hui.  Elles  durent 
un  clin  d’œil,  ce  ne  sont  plus  des  vibrations;  mais  un  simple 
choc. 

» Bruit  précurseur.  — La  forte  secousse  du  21  a été  précédée 
d’un  bruit  souterrain  tellement  sensible  que  tous  les  habitants 
qui  stationnaient  dans  les  rues  depuis  le  matin,  ont  prévu  ce  qui 
allait  arriver.  Quatre  ou  cinq  fois  depuis,  l’instituteur  d'Iskinit  a 
entendu  le  bruit  un  instant  avant  la  secousse. 

» Circonstances  météorologiques.  — Les  habitants  ont  tous  pré- 
tendu remarquer  que  c’est  par  le  vent  du  sud  qu’ils  ont  des  trem- 
blements; il  n’y  a eu  qu’une  secousse  par  le  vent  du  nord,  m’a-t-on 
dit,  à Ayo  Theodoro;  ainsi,  le  50  octobre  au  soir,  il  s’éleva  un 
affreux  coup  de  vent  SO.,  et  tout  le  monde  s’attendait  à quelque 
tremblement.  Il  y eut,  en  effet,  deux  secousses,  comme  vous  le 
verrez  un  peu  plus  loin.  Seulement,  il  faut  observer  que  les  vents 
régnants  dans  ce  pays,  surtout  en  été,  sont  du  N.  au  NE.,  et 
qu’exceptionnelleinent  depuis  la  fin  d’août,  nous  avons  eu  le  S. 
et  le  SO.  fort  souvent;  ainsi,  à Constantinople,  du  21  août  au 


( SS  } 

1er  novembre,  nous  avons  quarante  et  un  jours  de  S.  et  SO.  sur 
soixante-dix  jours;  à Constantinople,  le  21  août,  nous  avions  N.; 
le  & n’est  arrivé  que  le  lendemain  ; il  est  vrai  que  cela  ne  prouve 
rien  pour  lmbros,  qui  paraît  être  le  centre  du  phénomène;  mais 
enfin,  il  y a eu  au  moins  une  exception  à la  règle  à lmbros 
même. 

» Effets  divers  du  tremblement  de  terre  du  %!  août.  — A la  forte 
secousse  du  21  , des  blocs  de  rochers  se  sont  détachés  des  mon- 
tagnes, et  ont  roulé  jusque  dans  les  vallées.  Dans  la  plaine  de 
rilyssus,  au  pied  de  Kastro,  le  sol  s’est  entr’ouvert  en  un  endroit, 
et  il  en  est  sorti  des  flots  d’eau  boueuse  et  noire  (tout  naturelle- 
ment) qui  ont  coulé  pendant  un  quart  d’heure  et  inondé  les 
champs  voisins.  Puis,  la  crevasse  s’est  refermée;  depuis,  la  char- 
rue a passé  par  cet  endroit.  Le  fait  m’a  été  affirmé  par  un  témoin 
oculaire,  par-devant  l’évêque  d’Imbros. 

» En  divers  points  de  Pile,  l’eau,  paraît-il , serait  aussi  sortie  des 
flancs  des  montagnes,  à tel  point  qu’il  en  résulta,  dans  la  rivière, 
une  crue  subite  et  assez  forte  pour  rendre  un  gué  impraticable. 
J’ai  oublié  de  demander  à quelle  heure,  par  rapport  à la  secousse, 
s’est  produite  la  crue  qu’une  déformation  momentanée  du  sol  eût 
expliquée  plus  facilement  que  l’afllux  d’eaux  venues  de  loin  suc- 
cessivement, et  qui,  pour  occasionner  une  crue  sensible,  eussent 
laissé  certainement  des  traces  autrement  désastreuses  de  leur  pas- 
sage que  ce  souvenir  réel,  mais  peu  précis  dans  l’imagination  d’un 
Grec  épouvanté.  Tout  autre  d’ailleurs  à sa  place  eût  pu  être  épou- 
vanté. 

» Près  d’Iskinit,  à l’endroit,  appelé  Saouz,  l’eau  d’un  puits, 
dont  la  nappe  se  trouve  habituellement  h cinq  mètres  en  contre- 
bas du  sol,  a failli  par-dessus  la  margelle. 

» Kastro  est  alimenté  par  deux  fontaines;  l’une  est  tarie,  l’autre 
a augmenté  de  volume.  Dans  le  même  village,  les  moulins  à vent, 
qui  n’ont  pas  été  renversés,  ont  été  brusquement  arrêtés  dans 
leur  marche. 

» Pendant  une  semaine,  les  eaux  des  fontaines d’Iskinit  ontcoulé 
troubles. 

» Secousses  en  mer.  — Plusieurs  grandes  barques  entre  Samo- 


( 59  ) 

thraki  et  Imbros  ont  ressenti  la  secousse;  des  marins  racontent 
même  qu’ils  avaient  vu  un  instant  Imbros  disparaître  dans  la  mer. 

» Zone  à laquelle  s’est  étendu  le  phénomène.  — Nuit  du  20  au 
21,  Gallipoli.  Vers  11  h.  du  soir,  légère  secousse;  dix  minutes 
après , une  nouvelle  secousse  plus  forte  fait  quitter  le  lit  aux  per- 
sonnes déjà  couchées.  Toute  la  nuit,  les  secousses  ont  continué 
plus  ou  moins  intenses. 

» Dardanelles. — A il  h.  '/s  du  soir,  secousse  suivie  de  plusieurs 
autres  dans  la  nuit. 

» Enos.  — Les  secousses  ont  commencé  à 11  b.  ]/ 4 et  ont  duré 
toute  la  nuit.  A Metelin , le  phénomène  a commencé  à 1 j h.  du  soir. 

» Ahdrinople.  — Un  peu  après  minuit,  secousse  qui  s’est  ré- 
pétée plusieurs  fois  pendant  la  nuit. 

» Constantinople.  — A Tl  h.  J/2du  soir,  mon  drogman  a senti 
une  secousse  que  je  n’ai  pas  remarquée,  mais  qu’il  m’a  signalée  le 
lendemain  matin  avant  qu’on  eût  parlé  d’autres  localités. 

» Journée  du  21  août.  — Gallipoli.  — Dans  la  matinée,  quatre 
secousses;  celle  de  1 1 h.  '/s  a été  terrible,  et  a duré  plusieurs  se- 
condes; les  oscillations  venaient  du  nord;  la  population  entière 
est  sortie  des  maisons,  et  le  soir,  on  a couché  sous  des  tentes  et 
dans  des  caïques,  tant  la  peur  était  générale.  Quelques  maisons 
lézardées,  une  baraque  renversée,  ainsi  qu’une  cheminée,  et  un 
chapeau  de  minaret. 

» Dardanelles.  — Plusieurs  secousses,  seize  en  vingt-sept  heures 
depuis  la  veille  au  soir.  Le  mouvement  a toujours  été  ondulatoire 
et  de  l’O.  à l’E.  Une  vieille  maison  et  un  mur  écroulés;  chapeau 
de  minaret  déplacé,  quelques  maisons  lézardées. 

» Andrinople.  — A partir  de  minuit,  neuf  secousses,  dont  la 
dernière  à midi  et  demi.  Point  de  dommages. 

» C’est  à tort  que  le  Moniteur  donne  la  date  du  25. 

» Enos.  — Depuis  la  veille  au  soir  jusqu’à  2 h.  de  l’après-midi, 
dix-sept  secousses. 

» Mètelin. — A 11  h.  5 m.,  secousse  qui  a duré  plusieurs  se- 
condes; à II  h.  20  m.,  deuxième  secousse  plus  forte,  mais  moins 
longue.  A 11  h.  45  m.,  une  troisième  secousse  a jeté  l’épouvante 
dans  tous  les  esprits,  en  faisant  craindre  la  répétition  des  trem- 


( «0  ) 

blcmcnts  de  terre,  qui,  en  1845,  obligèrent  la  population  à 
camper  pendant  un  mois  sous  des  tentes.  Mais,  fort  heureuse- 
ment, les  secousses  ne  se  sont  pas  répétées. 

» Aiwali  (côte  d’Asie).  — D’après  une  correspondance  de  Mé- 
tclin,  les  secousses  y ont  été  très-fortes. 

» Smyrne.  — Voici  ce  que  m’écrit  Rechad-Bey,  commissaire  im- 
périal au  chemin  de  fer  de  Smyrne  à Aïdin  : « Dimanche,  21  août, 
» à 11  h.  12  m.  du  matin,  nous  avons  ressenti  une  première  se- 
» cousse  de  tremblement  de  terre  qui  a duré  trois  secondes,  par 
» 27°5  centigrades.  Le  commencement  de  l’oscillation  allait  du  N. 
» au  S.,  sur  la  fin  de  l’E.  à LO.  A 11  h.  27  m.,  seconde  oscillation  de 
» deux  secondes,  allant  de  l’E.  à 10.  Le  vent,  qui  était  d’OOS.,  a 
» tourné  au  S.  une  demi-heure  après.  » La  Presse  d’Orient  signale 
une  troisième  secousse  de  1E.  à 10.  encore,  à 1 1 h.  50  m.  Pas 
d’accident. 

Brousse.  — J’extrais  ce  qui  suit  d’une  lettre  que  m’écrit  M.  Pa- 
diano,  ingénieur,  à la  date  du  21  août  : « J’ai  placé  le  poids  pour 
» les  tremblements  de  terre  (pendule  séismique),  les  thermomètres 
» aux  bains,  et  le  pluviomètre  chez  Isset-Bey.  A cet  instant,  11  h. 
» 7 m.  avant  midi,  beau  ciel,  temps  calme,  thermomètre  à 22°5 
» centigrades,  et  baromètre  au-dessus  de  variable,  une  secousse  de 
» tremblement  de  terre  s’est  fait  sentir;  elle  a duré  dix  secondes. 
» Cette  fois,  j’ai  parfaitement  compris  que  c’était  dans  la  direction 
» du  mont  Olympe. 

» Dix-neuf  minutes  après,  1 1 b.  20  m. , une  autre  se  fait  sentir 
» plus  légère  que  la  première,  mais  plus  durable  encore;  celle-ci 
» était  dans  la  direction  de  l’E.  à l’O.,  et  elle  a duré  quinze  secondes. 

» Sept  minutes  après,  Il  b.  55  m.,une  autre  se  fait  de  nou- 
» veau  sentir,  plus  légère  encore,  mais  qui  a duré  dix-huit  se- 
» coudes.  Celle-ci  était  dans  la  même  direction  que  la  deuxième. 
» Lorsque  j’ai  vu  ces  trois  secousses  se  suivre  successivement,  j’ai 
» eu  un  peu  de  crainte,  pensant  au  tremblement  de  terre  de  1 855.  » 

« Constantinople. — Voici  ce  que  j’ai  ressenti  à Ivourou-Tchesmé. 
Je  m’occupais  à prendre  des  hauteurs  du  soleil  au  sextant,  et  à 
les  calculer  quand  je  sentis  à ma  table  oû  je  travaillais  deux  tré- 
pidations très-sensibles,  séparées  par  un  intervalle  d’environ  dix 


( 01  ) 

secondes.  Je  n’ai  pu  apercevoir  la  direction  du  mouvement.  Il 
était  1 1 b.  50  m. 

» A 11  li.  5 G m.,  étant  debout  à une  grande  table  à faire  des 
calculs,  j’ai  senti  une  secousse  trcs-courtc  et  peu  sensible.  Mais  la 
première  a été  une  des  plus  belles  que  j’ai  senties  depuis  mon 
arrivée  à Constantinople,  et  je  n’y  ai  remarqué  qu’une  trépidation 
sans  cboc,  ou  forte  onde  initiale  ou  terminale. 

» La  Pi  'esse  (l’Orient } du  24,  signale  quatre  secousses  à Con- 
stantinople et  dans  le  Bosphore. 

« Elles  étaient  plus  perceptibles  à mesure  qu’on  avançait  vers 
le  nord.  La  première,  assez  forte,  a eu  lieu  à 6 b.  du  matin,  à peu 
près  du  AO.  au  SO.  ( sic  );  la  deuxième,  peu  sensible,  à 10  b.  *//*; 
la  troisième,  peu  sensible,  à 10  b.  5/i,  et  la  quatrième,  assez 
forte,  à 11  b.  42  m.  Cette  dernière  a causé  une  certaine  émotion 
à Buyukdéré. 

» Plusieurs  personnes  se  sont  réfugiées  sur  le  quai.  Au  même 
instant,  la  mer  déferlait  assez  vivement  à l’entrée  de  la  mer  Noire. 
Plusieurs  personnes  qui  traversaient  le  Bosphore  en  caïque  ont 
cru  toucher  sur  un  bas-fond. 

» Le,  Journal  de  Constantinople  dit  seulement  qu'à  l’exception 
de  la  secousse  de  11  b.  '/s  du  matin,  dont  les  oscillations  allaient 
du  SE.  au  NO.,  et  qui  a été  assez  sensible,  les  trois  autres  ont  été 
très-légères. 

» Suivant  le  même  Journal,  on  a senti  le  même  jour,  à 1 1 b.  J/i 
du  matin,  à Salonique,  une  légère  secousse  qui  a été  suivie, 
deux  secondes  plus  tard,  d’une  autre  secousse  assez  forte  de 
10.  à l’E. 

» Le  renseignement  le  plus  précis  que  je  puisse  donner  est 
l’heure  du  phénomène;  quelques  instants  après,  je  déterminai 
mon  midi  au  sextant.  En  tenant  compte  de  la  différence  de  sept 
minutes  vingt-trois  secondes  entre  Smyrne  et  Constantinople,  dix 
minutes  vingt-quatre  secondes  entre  les  Dardanelles  et  Constanti- 
nople, et  vingt-quatre  minutes  sept  secondes  pour  Salonique, 
vous  trouverez  les  heures  inscrites  au  tableau  suivant,  où  je  ne 
corrige  pas  les  données  de  Brousse  qui  est  sous  le  méridien  de 
Constantinople  : 


( 02  , 


Constantinople. 

Smyr  ne. 

■trousse. 

Salonique. 

h. 

m. 

h. 

m. 

h. 

m. 

h. 

m. 

5 49 

)) 

» 

» 

» 

)) 

» 

10 

4 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

10  34 

» 

» 

» 

V) 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

11 

7 

» 

» 

» 

tt 

11 

19 

11 

26 

)) 

» 

11 

31 

11 

34 

11 

33 

11 

39 

il 

50 

» 

» 

» 

)) 

» 

» De  ccs  nombres  corrigés  et  rapprochés  on  peut  conclure 
rétendue  de  la  secousse  de  11  h.  Va;  mais  est-il  possible  d’en  tirer 
quelque  chose  sur  la  vitesse  de  propagation  du  phénomène?... 
Poursuivons. 

» Sophiaou  Sofia.  — Quelques  légères  secousses  entre  5 et  4 h. 
du  soir  (.sic).  Il  doit  y avoir  erreur;  c’est  probablement  entre  5 et 
4 b.,  à la  turque,  c’est-à-dire  entre  10  et  11  h.  du  matin.  Encore 
une  fois,  une  petite  observation  sur  les  heures.  Les  horloges  pu- 
bliques sont  inconnues  ou  fort  rares  en  Orient.  L’heure  dont  on 
fait  usage  est  l’heure  turque,  12  h.  au  coucher  du  soleil;  l’heure, 
dite  à la  franque,  donnée  dans  les  journaux , est  l’heure  vraie } ou 
du  moins  devrait  l’être;  on  met  sa  montre  sur  midi  quand  on 
chante  le  muezzein  qui  est  loin  d’être  réglé  comme  le  soleil. 
L’heure  que  je  vous  donne  pour  Constantinople  est  l’heure 
moyenne  exacte. 

» Philippopoli  et  Demotika  sur  la  Maritza.  — Le  tremblement 
y a été  fortement  ressenti;  pas  de  détails. 

» Lemnos.  — La  maison  de  l’évêque  et  celle  d’un  musulman  se 
sont  écroulées. 

» Samothraki  et  Tenedos . — Secousses,  mais  beaucoup  plus 
faibles  qu’à  Imbros.  Il  n’y  a pas  eu  de  maisons  renversées. 

» Centre  ou  foyer  d9 ébranlement.  — Tous  les  points  pour  lesquels 
le  phénomène  a été  signalé  s’étendent  de  58°  à 45°  de  latitude  et 
de  20°  à 28°  de  longitude.  Pour  fixer  les  idées,  on  peut  dire  que 


( 63  ) 

les  points  où  les  secousses  ont  été  maximum  et  où  elles  se  sont 
manifestées  dès  le  20  au  soir  sont  dans  le  cercle  ayant  pour  dia- 
mètre la  droite  qui  joint  Andrinople  et  Imbros  et  les  autres  dans 
le  cercle  ayant  même  centre,  et  dont  la  circonférence  passe  par 
Sophia. 

» Répétition  des  secousses . — Postérieurement  au  21,  les  trem- 
blements ont  été  fréquents  à Imbros;  dans  les  premiers  jours,  on 
comptait  quatre,  cinq  et  six  secousses  par  jour;  elles  ont  ensuite 
diminué  de  fréquence;  vers  la  fin  d’octobre,  il  y en  avait  une  tous 
les  quatre  ou  cinq  jours. 

» On  en  avait  noté  une  le  27  octobre. 

» Dans  la  nuit  du  50  au  51  du  même  mois,  il  y en  a eu  deux , 
l'une  à 10  h.  */a  du  soir  et  l’autre  à 25  m.  après  minuit.  La 
seconde  a été  assez  forte  pour  ébranler  les  tuiles  et  faire  sortir 
les  habitants  d’Ayo  Théodoro  de  leurs  maisons.  Mais  je  n’ai  res- 
senti ni  l’une  ni  l’autre.  Aujourd’hui  ce  tremblement  a encore  line 
queue  qui  dure  toujours  à Imbros.... 

» Kouvou  Tchesmé,  21  décembre  1859.  Ch.  Ritter.  » 

— Le  22,  entre  1 h.  */4  et  1 h.  du  soir,  à Norcia  (États  de 
l'Église),  très- forte  détonation  souterraine  semblable  à une  dé- 
charge d’artillerie.  A peine  avait-elle  cessé  que  la  terre  trembla 
violemment;  le  mouvement  d’abord  vertical,  puis  horizontal  se 
renouvela  à trois  reprises  différentes,  avec  une  violence  toujours 
croissante  pendant  six  à sept  secondes.  Dans  ce  court  espace  de 
temps,  la  ville  entière  fut  couverte  de  ruines.  Cependant  le 
nombre  des  victimes  ne  s’éleva  qu’à  cent  et  une  sur  une  popula- 
tion de  quatre  mille  cinq  cents  âmes  environ. 

Nous  ne  décrirons  pas  les  dégâts  causés  par  ce  tremblement. 
Nous  en  emprunterons  seulement  les  principales  circonstances  à 
la  monographie  qu’en  a publiée  le  P.  Secchi 1 à la  suite  d’une 
excursion  officielle  qu’il  a faite  dans  le  pays. 

Campi  et  Casali,  Capo  del  Colle  et  la  Villa  de  S.-Angelo  ont 
à peu  près  souffert  autant  que  Norcia;  Abeto,  Todiano  et  la  Villa 


1 Escursione  scientifica  fatta  a Norcia  al  occasione  dei  Terremoti  del 
22  ayoalo  IS'àO,  44  pp.  in-4°. 


( 64  ) 


d’Ancarno,  n’ont  que  moitié  souffert  et  Fusearo,  un  peu  plus  du 
tiers.  Des  positions  relatives  de  ces  diverses  localités  et  de  la 
nature  du  sol  ont  peut  conclure  que  le  centre  d’ébranlement  se 
trouvait  au  monte  Pattino,  situé  au  NE.  de  Norcia.  La  secousse 
s’est  étendue  à d’assez  grandes  distances;  d’un  coté,  jusqu'à  Rome 
où  le  P.  Secehi  l’a  remarquée  à 1 h.  52  m. 1 et  de  l’autre  jusqu’à 
Camerino  et  à Pesaro.  Cascia  l’a  légèrement  ressentie. 

La  direction  parait  avoir  toujours  été,  dans  les  secousses  qui 
ont  suivi,  comme  dans  la  première,  du  NE.  au  SO.,  c’est-à-dire 
qu’elles  semblaient  provenir  du  Monte-Pattino. 

Cette  secousse  désastreuse  ne  semble  pas  avoir  été. immédiate- 
ment précédée  d'une  secousse  moins  forte;  mais  depuis  plusieurs 
jours,  on  en  avait  senli  de  légères  auxquelles  on  n’avait  pas  fait 
grande  attention  parce  qu’elles  sont  fréquentes  dans  le  pays.  De- 
puis, elles  ont  été  à peu  près  quotidiennes,  aussi  bien  que  les 
bruits  souterrains,  jusque  vers  le  milieu  de  novembre.  Elles 
n’avaient  pas  encore  cessé  au  21  décembre.  11  est  bien  regret  table 
que  personne  n’ait  tenu  un  journal  de  ces  secousses  nombreuses 
dont  plusieurs  ont  été  très-fortes. 

Pendant  les  premiers  jours,  les  bruits  souterrains  ont  été  ex- 
trêmement fréquents  2.  On  en  a compté  plus  de  quarante  dans 
une  seule  nuit.  Ils  semblaient  avoir  leur  origine  au  monte  Pattino 


et  au  monte  Capregna.  Cependant  le  P.  Sccchi,  en  descendant  du 
monte  Vcnlosola,  a entendu  une  forte  détonation  suivie  d’une 
secousse  si  violente  qu’il  la  ressentit  même  à cheval,  ainsi  que  les 
pe  rsonnes  qui  étaient  avec  lui.  Tous  crurent  qu’elle  avait  son  origine 
au  monte  Capregna;  mais  ils  constatèrent  ensuite  que  ce  tremble- 
ment avait  eu  son  maximum  d intensité  à S.  Pellegrino,  c’est-à- 
dire,  en  un  point  diamétralement  opposé  et  à cinq  milles  de  dis- 
tance. 

« Ce  qu’il  y a de  certain,  dit-il,  c’est  que  les  bruits  ont  été 
souvent  très -concentrés,  qu’ils  se  sont  étendus  sur  un  espace  très- 


1 M,nc  Catli.  Scarpellini  a noté,  àéRome,  deux  secousses  à 1 h.  26  ni.  du  ma- 
tin, la  première  de  PE.  à PO.,  et  la  seconde  vibrante;  toutes  deux  très-sen- 
sibles. 

2 Si  sen  livano  quasi  continuamenle. 


( 65  ) 

restreint  et  qu’ils  ont  été  plus  fréquents  sur  les  montagnes  au  NE. 
qu’à  Norcia.  On  peut  admettre  : 

» 1°  Que  la  détonation  n’a  pas  lieu  en  même  temps  que  l’ébran- 
lement du  sol,  mais  qu’elle  le  précède  de  quelque  fraction  de 
seconde; 

» 2°  Que  l’ébranlement  est  ordinairement  suivi  d’un  bruit 

i 

sourd,  semblable  à un  tonnerre  lointain  et  que  le  bruit  de  la  se- 
cousse se  propage  et  se  réfléchit  dans  l’air; 

» 5°  Que  le  bruit  souterrain  ressemble  plutôt  à celui  d’une 
masse  solide  frappant  la  terre  de  bas  en  haut  qu’à  une  explosion 
ordinaire.  On  peut  dire  aussi  qu’il  a beaucoup  d’analogie  avec 
celui  que  produit  la  vapeur  en  passant  dans  le  lencler  d’une  loco- 
motive. » 

M.  Secchi  a désiré  connaître  l’état  du  Vésuve  pendant  la  durée 
prolongée  du  tremblement.  Il  s’est  adressé  à M.  L.  Palmieri  qui 
lui  a envoyé  la  réponse  suivante  que  nous  traduisons  textuel- 
lement : 

« De  continuelles  émissions  de  lave  se  font  à la  base  du  cône 

du  Vésuve  depuis  le  mois  de de  l’année  dernière  (1858);  elles 

sont  aujourd’hui  peu  considérables,  mais  elles  durent  encore.  En 
parcourant  mon  journal  je  trouve  qu’elles  avaient  à peu  près  cessé 
vers  le  15  août  de  cette  année,  car  on  en  apercevait  à peine  la 
lueur  dans  l’obscurité  de  la  nuit,  mais  elles  augmentèrent  vers 
le  18  et  s’accrurent  jusqu’à  la  mi-septembre  et  causèrent  de  très- 


graves  dommages. 


» Le  20  août  fut  un  des  jours  de  plus  grandes  ruines. 

» Le  séismographe  a accusé  deux  secousses  en  mai,  le  2(>  et  le 
28;  trois  en  juin,  les  11  , 14  et  29:  il  n’v  en  a pas  eu  en  août; 
mais  en  octobre,  il  y en  a eu  une  très-forte  le  2,  et  en  novembre 
une  médiocre  le  22. 

» J’ai  constaté  deux  ou  trois  exemples  d’un  certain  affolement 
de  secousses  au  Vésuve;  elles  ont  précédé  un  grand  tremblement 
lointain  par  lequel  le  volcan  n’a  pas  été  ébranlé  L 


1 Ho  due  o Ire  esempi  di  un  certo  af/'ollamenlo  di  écosse  al  Vesiwio  che 
han  prececluto  digiorni  un  grande  tremuoto  lontano  per  lo  quale  poi  il  cul- 


Tome  XIII. 


( 66  ) 

» Mon  séismographe  signale  les  secousses  les  plus  faibles;  il  en 
indique  l’heure  et  la  durée;  il  enregistre  la  nature  et  constate 
toutes  secousses  (repliche)  qui  suivent  le  premier  ébranlement 
du  sol.  » 

« Durant  tout  notre  séjour  à Norcia  (du  29  septembre  au  6 
octobre),  ajoute  le  P.  Secchi,  le  temps  fût  très-beau , les  petites 
secousses  ne  cessèrent  pas  (non  cessarono  mai);  les  deux  pre- 
miers jours  nous  n’osions  presque  pas  rester  dans  la  maison  du 
marquis  Cipriani  (la  seule  qui  fût  restée  presque  intacte),  tant  les 
secousses  étaient  fréquentes  et  sensibles;  mais  nous  nous  y habi- 
tuâmes et  nos  craintes  s’évanouirent.  Malgré  cette  fréquence,  nous 
n’avons  pu  y découvrir  aucune  périodicité.  Mais  il  serait  bien  à 
désirer  qu’on  tînt  une  liste  exacte  des  tremblements  éprouvés  à 
Norcia  et  à Spoleto  (où  ils  sont  moins  fréquents  et  moins  dange- 
reux et  où  le  monte  Luco  est  pour  Spoleto  ce  que  le  monte  Pattino 
est  pour  Norcia  ),  et  que  cette  liste  fût  comparée  au  mouvement  du 
baromètre  et  des  autres  instruments  météorologiques. 

« On  a remarqué  que  le  tremblement  de  Norcia  est  arrivé  dans 
le  dernier  quartier  de  la  lune,  ce  qui  ne  s’accorde  pas  avec  l’idée 
de  marées  à l’intérieur  du  globe  terrestre.  » 

Nous  ferons  observer  qu’un  fait  isolé  ne  peut  rien  prouver 
contre  une  loi  physique  basée  sur  plus  de  six  mille  manifestations 
du  phénomène.  L’auteur  le  dit  lui-même;  il  est  très-regrettable 
qu’on  n’ait  pas  tenu  une  liste  exacte  des  secousses.  On  aurait  pu 
comparer  cette  liste  non-seulement  à la  marche  de  la  lune  dans 
son  orbite,  mais  aussi  à son  passage  au  méridien.  C’est  dans  une 
série  prolongée  de  faits  et  non  dans  des  manifestations  isolées 
qu’on  doit  rechercher  la  vérification  d’une  loi  physique  quel- 
conque. Ainsi  sur  sept  cent  quatre-vingt-six  jours  de  secousses 
marqués  à Reggio  (Calabre),  de  1836  à 1855,  nous  en  trouvons 
456,7  aux  syzygies  et  549,5  aux  quadratures.  Différence  87,4. 
Relativement  au  passage  de  la  lune  au  méridien,  nous  trouvons, 
dans  le  même  intervalle  de  temps , sur  sept  cent  cinquante-sept 

cano  non  si  è scosso . ( Op.  cit.,  p.  23.)  Ceci  ne  semble  pas  se  rapporter  au 
tremblement  que  nous  décrivons. 


( «7  ) 

secousses  données  avee  indication  d’heure  : 410  lors  du  passage 
de  la  lune  au  méridien  supérieur  ou  inférieur,  et  547  secousses, 
quand  la  lune  était  à 90°  du  méridien.  Différence  65.  Et  cependant 
des  nombres  inférieurs  à mille  ne  sont  pas  de  ces  grands  nom- 
bres tels  que  les  réclame  le  calcul  des  probabilités  dans  la  vérifi- 
cation des  lois  physiques,  c’est-à-dire  des  lois  auxquelles  les 
grands  nombres  seuls  peuvent  donner  leur  puissance , comme 
celle  que  nous  avons  établie  sur  plus  de  six  mille  faits.  Nous  ne 
craignons  pas  de  le  dire,  peu  de  lois  physiques  ont  une  base  nu- 
mérique plus  solide  que  la  nôtre.  Au  reste,  nous  ne  perdons  pas 
de  vue  ce  sujet  qui  mérite  toute  l’attention  des  savants. 

Ajoutons,  en  finissant  ce  résumé,  que  les  phénomènes  magné- 
tiques n'ont  rien  présenté  d’irrégulier  à Noreia.  On  sait  que  le 
docteur  Ami  Boué  rapporte  les  tremblements  de  terre  aux  cou- 
rants magnétiques;  un  de  mes  bons  amis,  que  je  cite  souvent 
dans  mes  catalogues  annuels  comme  un  de  mes  correspondants  les 
plus  zélés,  M.  Cli.  Ritter,  ingénieur  à Constantinople,  semble 
avoir  les  mêmes  idées  que  le  docteur  Boué  b Comme  je  ne  repousse 
aucune  théorie,  je  rapporterai  un  passage  de  Humboldt  : « J’ai 
trouvé,  dit-il,  que  les  inclinaisons  étaient,  en  1805,  à Acapulco, 
à Guyaquil  et  à Callao  de  Lima,  de  -t-  38°48',  -M0°42',  — 9°54\ 
Sir  Edouard  Belcher  à trouvé  (de  1857  à 1842),  -+-57°57',  -h9°1', 
— 9°54'.  Cela  tiendrait-il  à ce  que  les  tremblements  de  terre,  si 
fréquents  le  long  de  la  côte  du  Pérou,  exercent  une  influence 
locale  sur  les  phénomènes  dépendants  de  la  force  magnétique 1  2?  » 

Pendant  le  tremblement  de  Noreia,  on  n’a  rien  constaté  d’ex- 
traordinaire dans  le  régime  des  sources  du  pays. 

— Le  22  encore  > à Citta  Ducale  et  Aquila  (roy.  de  Naples) , nou- 
velles secousses. 

— Le  25,  au  matin,  écrit-on  de  Bellune  le  26,  un  volcan  a fait 
éruption  dans  le  district  d’Agordo , entre  les  communes  de  Hanale 
et  Faibou,  après  des  craquements  terribles.  ( Moniteur , 6 sep- 
tembre.) — Elle  a été  démentie  plus  tard. 

1 De  l’influence  de  la  lune  sur  le  temps.  Journ  d’agriculture  de  la  Cote- 
d’Or,  5nie  sér.,  t.  V,  p.  219,  juillet  1860. 

2 Cosmos , t.  IV,  p.  85  de  la  traduction  française. 


On  lit  dans  le  Constitutionnel  du  1 1 septembre  : « La  prétendue 
éruption  d’un  volcan  près  d’Agordino  dans  le  voisinage  de  Bel- 
lune,  se  réduit  à l’incendie  d’une  petite  forêt  située  au  haut  d’une 
montagne,  incendie  qui  eut  lieu  en  même  temps  qu’une  secousse 
de  tremblement  de  terre.  » 

— Le  27,  9 h.  J/2  du  soir,  à Aïn-Beïda , province  de  Constan- 
tine,  une  forte  secousse  en  trois  ondulations  de  l’O.  à LE. 

— Vers  minuit  du  27  au  28,  à Constantinople,  une  secousse 
légère  ressentie  par  le  drogman  de  M.  l’ingénieur  Ritter.  Celte  os- 
cillation a laissé  une  trace  sensible  (une  espèce  de  spirale)  au  pen- 
dule séismomètre  que  M.  Ritter  a établi  au  premier  étage  de  sa 
maison  à Kourou  Tchesmé  sur  le  bord  du  Bosphore.  Le  grand 
axe  de  la  spirale  était  orienté  EO.  magnétique,  c’est-à-dire  E.  0° 
N.  — O.  6°  S. 

9 

— Le  50,  4 h.  !/2  du  soir,  à Janina  (Epire),  secousse  assez  forte 
d’environ  vingt-cinq  ondulations  du  S.  au  N.  Ce  jour  et  le  lende- 
main, jusqu’à  ce  que  éclate  un  violent  orage  le  1er  septembre. 
Vent  S.,  beau  temps. 

— Le  même  jour,  dans  la  soirée  , à Guatemala , secousse  du 


SSO.  au  NNE. 

— Le  même  jour  encore,  à Nice,  trépidations  du  sol  constatées 
par  M.  Prost. 

— Le  51 , vers  5 h.  du  matin,  à Gallipoli  (Turquie),  une  légère 
secousse. 

Le  même  jour,  0 h.  */a  du  soir,  à Sophia  (Turquie),  deux  fortes 
secousses.  Un  magasin  en  pierre  de  Tchoadjiklian  s’est  écroulé. 
Chose  à remarquer,  c’est  que  la  direction  des  oscillations  cette 
année,  comme  l’an  passé,  est  toujours  la  même,  du  SO.  au  NE., 
précisément  suivant  la  ligne  parcourue  par  les  eaux  chaudes  des 
bains  de  Sophia. 

— Un  correspondant  du  Times  informe  cette  feuille  que  ces 
jours  derniers,  au  village  d’IIopton,  près  East  Ilarling  (Norfolk), 
on  a senti  deux  secousses,  à un  intervalle  de  trente  secondes, 
dans  la  direction  du  NE.  au  SO.  Les  vibrations  étaient  accompa- 
gnées de  grondements  lointains  comme  ceux  de  la  canonnade. 

Le  ciel  était  serein.  Ce  tremblement  a été  également  ressenti 


( 09  ) 

h Wattisfield  ( Su/Tolk  ) cl  à Brighton.  (Journaux  français  du  25 
août.) 

— Des  lettres  de  Trébisonde  apportent  la  nouvelle  d’un  trem- 
blement de  terre  qui  aurait  eu  des  conséquences  effroyables.  La 
ville  de  Chirvan,  dans  le  gouvernement  général  de  Tillis,  aurait 
été  engloutie  sous  nue  montagne  qui  s’est  subitement  affaissée. 
(Presse  iV Orient , 54  août  4859) 

— On  lit  dans  Y Echo  du  Pacifique  du  20  août  : « L’année  der- 
nière on  donnait  la  description  d’une  montagne  brûlante  située 
dans  le  comté  de  Prumas  (Californie) , à quatre  milles  de  Jamison- 
City,  sur  le  coté  O.  de  Jamison-Creek.  La  matière  incandescente 
formait  sur  la  montagne  un  lit  semblable  à du  coke  enflammé. 
Cette  année  on  n’aperçoit  aucune  ouverture  d’où  jaillisse  la 
flamme;  mais  une  fumée  abondante  et  épaisse  s’échappe  con- 
stamment des  flancs  et  du  sommet  de  la  montagne.  Ce  phéno- 
mène attire  un  grand  concours  de  curieux.  » 

Septembre.  — Le  4,  4 h.  57  m.  matin , à Guatemala,  assez  forte 
secousse  de  l'E.  à 10.  et  de  quatre  secondes  de  durée.  A 8 h.  du 
soir,  nouvelle  secousse  à peine  sensible  du  NNO.  ou  SSE. 

— J^e  8 (?),  9 h.  !/â  du  matin,  à San-Franeisco  (Californie),  une 
légère  secousse  ressentie  par  quelques  personnes  seulement. 

— Le  8 encore,  44  b.  J/2  du  soir,  à Constantinople,  une  faible 
secousse. 

— Le*  44,  vers  4 4 h.  */2  du  matin,  à Gallipoli  (Turquie), 
faible  secousse  sentie  seulement  dans  les  étages  supérieurs  des 
maisons. 

Le  49,  vers  14  h.  20  m.  du  matin,  deux  nouvelles  secousses 
dans  l’intervalle  de  5 m.  Direction  du  SO.  au  NE. 

— Le  47,  à 7 h.  40  m.  du  soir,  à Port-au-Prince,  une  se- 
cousse. 

— - Le  48,  7 h.  20  m du  matin,  à Lisbonne,  tremblement  de  l’E. 
à l’O.  sans  dommages. 

— Le  25,  de  7 h.  {k  à 8 h.  du  matin,  à Constantinople,  on  a 
ressenti,  notamment  dans  le  quartier  qui  avoisine  la  Porte,  un 
tremblement  de  terre  avec  cette  particularité  que  c’était,  une 
espèce  de  soulèvement  qui  s’est  renouvelé  une  dizaine  de  fois. 


{ 70  ) 

Le  même  jour  (heure  non  indiquée)  à Gallipoli,  trois  oscil- 
lations assez  violentes  à 10  m.  d’intervalle.  Direction  de  l’E. 

à ro. 

— On  écrit  de  Naples:  « Depuis  quelques  jours,  on  observe 
de  fréquentes  détonations  au  Vésuve,  et  l’on  craint  que  ce  ne  soit 
l’indice  d’une  prochaine  éruption.  « (Moniteur,  28  septembre). 

Octobre.  — Le  2,  à l’observatoire  du  Vésuve,  une  secousse  très- 
forte. 

— Le  4,  5 h.  27  m.  du  matin,  à Saint-Pierre  (île  de  la  Réu- 
nion), une  secousse,  d’une  demi-seconde  de  durée,  a légèrement 
ébranlé  les  meubles  de  toutes  les  maisons  en  charpente.  Le  mou- 
vement paraissait  venir  du  centre  de  l’île  en  se  dirigeant  vers  la 
mer.  Sur  les  terrains  d’alluvion,  on  n'a  rien  ou  presque  rien  senti. 
« Malgré  notre  volcan,  dont  le  cratère  est  toujours  plus  ou  moins 
brûlant,  dit  M.  Maillard,  nous  venons  de  ressentir,  à Bourbon, 
un  léger  tremblement  de  terre.  Ce  phénomène  se  renouvelle  de 
loin  en  loin  sans  jamais  causer  aucun  dégât. 

— Le  5,  midi  et  quelques  minutes,  San-Francisco  (Californie), 
une  secousse  très-forte.  Une  maison  en  brique  a été  lézardée. 

— Le  5 encore,  à la  Serena  (Chili),  tremblement  qui  a causé 
de  grands  désastres.  (M.  Gay.) 

— Le  11,  10  h.  3/4  du  matin,  à Perjamos  (?),  tremblement  de 
FF.  à FO.  avec  bruit  semblable  au  tonnerre.  (M.  Boué.) 

— Le  11  encore,  à Copiapo  (Chili),  tremblement  qui  a ren- 
versé environ  deux  cents  maisons.  Dans  le  port  de  Caldera,  la  mer 
a été  fortement  agitée  et  les  navires  à l’ancre  ont  éprouvé  d’une 
manière  très-marquée  les  effets  de  la  secousse  terrestre. 

— Le  17,  10  h.  du  matin,  à Lovrin,  dans  le  Banat,  secousse  du 
SO.  au  NE.  et  à Perjamos,  10  b.  45  m.  (sic),  secousse  de  l’E.  à l’O. 
avec  tonnerre  souterrain. 

— Le  18,  6 h.  du  matin,  à San  Francisco  (Californie),  une  nou- 
velle secousse.  Le  schooner  Black  Wcirrior,  se  trouvait  à l’ancre 
dans  Half  Moon  Bay,  où  l’eau  en  se  retirant  soudainement  Fa 
laissé  à sec  pendant  quelques  secondes;  puis  elle  est  revenue  vio- 
lemment et  a fait  au  schooner  des  avaries  graves.  Il  paraît  y avoir 
encore  eu  une  autre  secousse  trois  ou  quatre  jours  après. 


( 71  ) 

— Le  19,  G h.  !/4  du  matin,  à Valparaiso,  tremblement  assez 
fort.  (M.  Gay.) 

— Le  20,  4 h.  du  soir,  à Jalbova  (entre  Constantinople  et 
Brousse),  une  secousse. 

— Le  21,  4 b.  10  m.  du  matin,  à Essek  (Slavonie),  et  à Ter- 
nova,  près  de  Diakovar,  tremblement  du  SE.  au  NO.  A Ternova, 
la  croix  de  la  tour  de  l’église  est  tombée.  Maisons  endommagées. 

Le  25,  11  h.  du  soir,  à Villefranche  (Rhône),  deux  secousses 
assez  fortes,  accompagnées  d’un  tintement  de  verres,  de  bou- 
teilles et  de  vaisselle.  Les  personnes  couchées  ont  été  réveillées. 

— Le  2G,  8 b.  10  m.  du  soir,  à Janina  (Epire),  faible  secousse, 
avec  deux  ondulations  se  propageant  très-distinctement  du  S.  au 
N.  Vent  S.,  beau  temps. 

— Le  27  et  dans  la  nuit  du  30  au  51  , à Imbros.  (Voyez  la  lettre 
de  M.  Ch.  Ritter.) 

— On  écrit  de  Constantinople,  le  2G  : « un  tremblement  de 
terre  s’est  fait  sentir  à Erzcroum.  Au  départ  du  courrier  les  se- 
cousses continuaient.  Nous  avons  appris  que  la  ville  de  Chamakhi 
(capitale  de  la  province  de  Chirvan)  avait  été  entièrement  dé- 
truite. » 

Novembre.  — Le  1er,  5 m.  après  minuit,  à Janina  (Epire),  faible 
secousse  du  S.  au  N.,  vent  SE.,  temps  pluvieux. 

— Le  8,  à Gopiapo  et  Caldero  (Chili),  une  violente  secousse. 

— Le  14,  4 h.  du  matin,  au  Chili  (localité  non  indiquée),  grand 
mouvement  suivi  d’autres  mouvements  forts  pendant  quelques 
secondes.  (M.  Gay.) 

— Le  14, 4 h.  du  soir,  à Malte,  légère  secousse  accompagnée 
d’un  fort  bruit  de  croulement. 

— Le  14  encore,  à Nice,  trépidations  du  sol  constatées  par 
M.  Prost. 

— Vers  minuit  du  1 9 au  20,  à Arreau  (Hautes-Pyrénées),  deux 
secousses  de  l’O.  à l‘E. 

— Le  21 , 5 h.  du  soir,  à Circulai’  Head  (Tasmanie),  une  vio- 
lente secousse. 

— Le  22,  7 h.  5 m.  du  matin,  à La  Guayra  (Colombie),  une  se- 
cousse du  N.  au  S. 


( 7-2  ) 

— Le  22,  encore,  à l'observatoire  du  Vésuve,  une  secousse 
médiocre. 

— Le  25,  à San  Francisco  (Californie),  une  légère  secousse. 

Le  27,  au  soir,  à San  Francisco  (Californie),  deux  secousses. 

— Le  28,  à 5 h.  (sic),  à Circulai1  Head  (Tasmanie),  une  nou- 
velle secousse  précédée  d’un  bruit  sourd  qui  dura  une  minute. 
Le  tremblement  fut  très-fort  et  dirigé  du  N.  au  S. 

(Sans  date  de  jour).  A File  Hawaï  (Sandwich),  deux  secousses. 

Le  journal  Olympia  Pioneer  du  5 décembre  contient  l’article 
suivant  : « Plusieurs  personnes  au  nombre  desquelles  figure 
M.  J.-A.  Tennant , rapportent  que  le  mont  Baker  (situé  près  de  la 
frontière  N.  du  territoire  de  Washington),  a été  vu  en  état  d’érup- 
tion par  des  résidants  de  Semiahmoo  et  par  des  navires  voisins  de 
ees  localités.  On  a remarqué  deux  larges  jets  de  flammes  s’échap- 
pant de  la  crête  de  la  montagne  et  paraissant  sortir  de  deux  fis- 
sures distinctes.  Ce  phénomène  ne  s’est  produit  que  pendant  peu 
de  jours,  et  l’on  n’a  point  remarqué  qu’il  fût  accompagné,  comme 
cela  arrive  d’ordinaire  en  pareil  cas,  d’épais  nuages  d’une  fumée 
noire.  Il  est  rare  que  l’on  ait  eu  à constater  des  éruptions  émanées 
de  la  montagne  Baker.  » 

— On  lit  dans  le  Moniteur  du  4 9 novembre,  un  petit  article 
sur  la  ville  de  Jeddo  au  Japon  : « 11  n’y  a aucune  trace  d’architec- 
ture. La  cause  en  est  dans  les  tremblements  de  terre  qui  sont  si 
fréquents  dans  ces  contrées.  Il  n’y  a de  hautes  et  solides  murailles 
qu’au  bord  du  fossé  qui  défend  la  ville.  Ces  murs,  qui  s’élèvent  à 
trente  ou  quarante  pieds,  sont  formés  de  grands  blocs  de  granit 
curieusement  enchâssés  les  uns  dans  les  autres.  Par  la  singularité 
de  la  maçonnerie  et  par  son  épaisseur,  il  semble  que  de  telles  mu- 
railles doivent  résister  même  aux  tremblements  de  terre.  31ais 
toute  autre  muraille  dans  la  ville  est  bâtie  en  traverses  de  bois 
fortement  agencées , reliées  entre  elles  par  des  cloisons  de  bam- 
bou et  n’ayant  jamais  plus  de  deux  étages...  C’est  un  mode  de 
construction  qui  a l’avantage  de  résister  admirablement  aux  se- 
cousses terrestres.  Même  à présent,  depuis  que  j’écris,  toute  la 
maison  et  la  terre  sous  mes  pieds  ont  tremblé  plusieurs  fois,  ce- 
pendant la  solidité  de  la  construction  n’a  été  aucunement  ébranlée; 


( 75  ) 

les  habitants  n’ont  pas  craint  pour  leur  sûreté  un  seul  instant.  Si 
l’on  se  préoccupait,  outre  mesure  des  tremblements  de  terre,  il  ne 
resterait  personne  dans  Jcddo,  et  nous  l’avons  dit,  cette  ville  a 
deux  ou  trois  millions  d’habitants.  » 

Décembre.  — Le  1er,  1 b.  moins  8 m.  du  matin,  à San-Fran- 
cisco  (Californie)  une  forte  secousse,  cinq  ou  six  vibrations  ont 
ébranlé  les  murailles. 

— Le  l(r  encore,  7 b.  20  m.  54  s.  (temps  vrai),  à Bologne,  une 
très-faible  secousse  ondulatoire  du  SE.  au  NO.;  durée  une  se- 
conde. 

— Le  4 à Valparaiso,  plusieurs  tremblements;  les  plus  forts 
ont  eu  lieu  à midi  quelques  minutes,  à G b.  */2  du  soir  et  le  der- 
nier à 5 b.  '/s  du  matin , le  5.  (M.  Gay.) 

— Le  G,  5 b.  45  m.  du  soir,  à Donzèrc  (Drôme),  du  côté  de  la 
montagne  et  sur  les  bords  du  Rhône,  tremblement  sensible  dans 
les  étages  supérieurs;  au  rez-de-chaussée  et  en  pleine  rue  on  n’a 
eu  qu’une  espèce  de  frémissement.  A Pierre  Latte,  à la  Garde  et 
aux  Granges,  on  n’a  rien  ressenti.  On  ne  se  rappelle  pas  avoir 
éprouvé,  dit-on  , de  tremblement  de  terre  au  bourg  de  Donzèrc. 

— Le  8,  8 b.  20  m.  du  soir,  à Guatémala,  violent  tremblement 
du  SO.  au  NE.  et  de  quatre-vingt-dix  secondes  de  durée  pendant 
lesquelles  le  pendule  séismique  de  trois  mètres  cinquante-deux 
millimètres  de  longueur  a fait  des  oscillations  de  quarante  milli- 
mètres d amplitude  et  les  poutres  ont  fait  entendre  un  craquement 
fort  et  continu. 

Le  10,8  b.  4G  m.  du  soir,  deux  légères  secousses  du  NE.  au  SO. 
et  de  quatre  secondes  de  durée.  Le  pendule  a oscillé  d’un  milli- 
mètre. M.  J.  Canudas  a accompagné  la  note  à laquelle  j’emprunte 
les  secousses  de  Guatémala  d’une  lettre  à 31.  Deville,  président  de 
la  société  météorologique  de  France.  « Pour  l’observation  des 
tremblements  de  terre,  dit-il  dans  cette  lettre,  je  me  sers  d’un 
disque  de  bois  bien  gros  d’un  décimètre  de  diamètre  : du  centre 
partent  seize  petits  canaux  dont  la  largeur  va  croissant  à mesure 
qu’ils  s’éloignent  du  centre,  où  se  trouve  fixé  un  petit  verre  con- 
vexe sur  lequel  j’équilibre  une  petite  boule  d’ivoire;  au  moindre 
mouvement , la  boule  tombe  pour  entrer  dans  un  des  petits  canaux 


( 74  ) 

où  elle  se  trouve  arrêtée  par  le  bord  qui  entoure  le  disque.  Ce 
petit  appareil  couvert  d’une  cloche  de  cristal  se  trouve  sur  un 
plan  horizontal  pratiqué  dans  une  muraille  très-solide  de  l’édifice 
et  avec  les  canaux  bien  orientés.  J’ai  en  outre  un  pendule  de 
plomb  de  cinq  cent  cinquante  grammes  de  poids,  suspendu  à un 
fil  d’archal  fin  de  trois  mètres  cinquante-deux  de  longueur  sous 
lequel  se  trouvent  bon  nombre  de  cercles  concentriques  d’un 
millimètre  de  distance  : huit  petites  aiguilles  fixées  au  pendule 
dénotent  ses  oscillations  et  leur  direction.  J’ignore  si  ces  futiles 
appareils  sont  usités  quelque  part  ailleurs  pour  cette  espèce  d’ob- 
servation, mais  je  les  ai  imaginés  faute  d’autres  moyens  et  ne 
connaissant  pas  la  manière  de  les  observer  qu’on  suit  en  Europe; 
je  vous  serais  bien  obligé,  si  vous  aviez  la  bonté  de  m’indiquer 
quelle  en  peut  être  la  valeur  pour  les  observations. 

» Je  vous  envoie  ci-jointe  une  note  des  tremblements  de  terre 
que  j’ai  observés  pendant  l’année  1859. 

» Le  tremblement  le  plus  considérable  eut  lieu  le  8 décembre. 
C’était  une  secousse  violente  qui  s’est  prolongée  pendant  l’espace 
d’une  minute.  Quand  le  bruit  qui  l’accompagnait  eut  cessé,  l’os- 
cillation de  la  terre  continuait  encore  bien  sensiblement  durant 
environ  une  autre  demi-minute.  Chaque  oscillation  paraissait 
durer  comme  une  demi-seconde  ou  quelque  chose  de  plus.  La 
boule  tomba  du  coté  du  SO.  tandis  que  le  pendule  oscillait  dans 
une  direction  perpendiculaire,  c’est-à-dire  du  NO.  au  SE.,  diffé- 
rence de  mouvement  qui  a été  remarquée  par  beaucoup  d’obser- 
vateurs; d’ailleurs  l’eau  contenue  dans  un  grand  bassin  de  la 
fontaine  qui  occupe  le  centre  de  la  cour  a débordé  d’abord  dans 
le  premier  sens  indiqué,  puis  dans  l’autre.  Il  régnait  alors  un 
vent  assez  fort  du  NNE.,  qui  avait  soufflé  tout  le  jour  et  fait  bais- 
ser considérablement  le  thermomètre,  tandis  que  le  baromètre  se 
trouvait  très-élcvé;  le  ciel,  à l’exception  de  quelques  cirrus-stra- 
tus qu’on  distinguait  sur  l’horizon  vers  le  NE.,  était  très-serein. 
Ce  tremblement  a été  éprouvé,  à ce  qu’il  paraît,  avec  plus  de 
force  et  de  désastres  vers  le  SE.  et  particulièrement  dans  les  envi- 
rons du  volcan  d’Izalco  dans  l’État  de  San  Salvador,  où  il  est  censé 
avoir  eu  son  foyer.  Mais  ce  qu’il  y a de  plus  étonnant,  h mon  avis, 


( 75  ) 

c’est  que  l’aiguille  magnétique  de  la  position  d’environ  7°lo'5o" 
où  elle  se  trouvait  tout  le  8,  se  trouva  une  demi-heure  apres, 
très-fixe  à 7°6'3"  et  qu’elle  ait  continué  depuis  lors,  dans  cette 
nouvelle  position,  avec  une  certaine  tendance  vers  la  précé- 
dente. » 

Voici  ce  que  je  lis  dans  le  Times  : « Le  8,  vers  8 h.  3/4  du  soir, 
à Izalco  (Guatémala),  tremblement  qui  a continué  pendant  deux 
minutes  et  trente-cinq  secondes  L’église  de  la  paroisse  a été  dé- 
truite, à l’exception  de  la  nef  et  de  la  sacristie;  quarante  environ 
des  meilleures  maisons  et  un  certain  nombre  de  plus  petites  ont 
été  aussi  détruites;  personne  heureusement  n’a  péri.  Pendant  la 
nuit,  plusieurs  autres  secousses  plus  ou  moins  fortes  et  longues 
ont  été  ressenties.  L’une  d’elles,  plus  violente  que  les  autres,  a 
amené  la  destruction  de  plusieurs  bâtiments  qui  avaient  résisté 
au  premier  choc. 

« Le  tremblement  de  terre  s’est  fait  sentir  à Guatepèque,  Opico, 
Apopa,  Tepecoya  et  dans  d’autres  villes.  A Tepecoya,  l’église,  la 
maison  de  ville  et  plusieurs  maisons  ont  été  détruites.  A Guate- 
pèque, l’église  et  la  maison  de  ville  l’ont  été  en  partie. 

» Jacquaque  a souffert  également;  plusieurs  maisons  ont  été 
détruites  et  l’église  grandement  endommagée.  Dans  les  faubourgs, 
de  grands  trous  se  sont  ouverts,  quelques-uns  de  plus  de  cent 
yards  de  largeur. 

» A Guayamoco,  des  maisons  ont  été  détruites  et  l’église  a beau- 
coup souffert.  A Pancbimalco,  des  maisons  ont  été  endommagées 
et  de  larges  crevasses  se  sont  ouvertes  dans  la  terre.  A San  Martin 
et  Comasagua,  l’église  et  la  maison  de  ville  ont  été  en  partie  dé- 
truites. Nanhuisaleo  a souffert  aussi 

» Dans  la  nuit  du  \ 0 , à 9 h.  30  m. , il  y a eu  encore  deux  fortes 
secousses. 

» Lors  de  ces  deux  tremblements,  les  nuits  étaient  très-claires  ; 
seulement  le  vent  du  nord  souffla  avec  violence  jusque  un  peu 
avant  les  secousses,  pendant  lesquelles  il  s’apaisa  pour  recom- 
mencer aussitôt  après. 

» Le  volcan  d'Izalco  a été  sans  aucun  doute,  le  centre  du  trem- 
blement, parce  que  les  secousses  se  sont  fait  sentir  tout  alentour, 


( 70  ) 

mais  très-fortement,  surtout  dans  la  direction  NE.  et  sur  une  dis- 
tance de  cent  cinquante  milles  environ.  [Times.)  » 

M.  l’abbé  Brasseur  de  Bourbourg  a simplement  écrit  à M.  Malte 
Brun  : 

« Le  8 décembre  dernier,  à 8 b.  20  de  la  nuit,  nous  avons 
éprouvé  ici  (à  Guatemala  ) un  fort  tremblement  de  terre;  il  a duré 
une  minute;  Guatemala  n’en  a éprouvé  aucun  dommage;  mais  à 
Escuintla,  il  y a eu  plusieurs  édifices  renversés.  Le  cboc  qui  pa- 
raissait  venir  du  volcan  d’Izalco,  dans  l’Etat  de  San  Salvador,  a 
renversé  un  grand  nombre  de  maisons  dans  la  petite  ville  d’Izalco 
et  ébranlé  beaucoup  d’édifices  à Sanzonate  dans  d’autres  en- 
droits. » (/Y.  Ann.  des  voyages , 18G0,  t.  Ier,  p.  5G0). 

— Le  10,  de  nuit,  à Circular-IIead  (Tasmanie)  plusieurs  se- 
cousses moins  fortes  que  celles  de  novembre. 

— Le  Tl  et  le  20,  à Nice,  trépidations  du  sol  constatées  par 
M.  Prost. 

— Le  15,  entre  2 et  5 h.  du  matin,  dans  diverses  parties  du 
comté  d Yorskshire,  principalement  àGrassington  et  dans  la  vallée 
de  Wliarte,  une  secousse  qui  a ébranlé  plus  de  deux  cents  milles 
carrés.  Des  mineurs  qui  travaillaient  à Grassington-Moor,  à trois 
cent  soixante  pieds  de  profondeur  ont  senti  cette  secousse  qui 
s’est  annoncée  par  un  bruit  distinct. 

— Le  18,  entre  0 et  10  b.  du  soir,  à Janina  (Epire)  faible  se- 
cousse venant  du  S.  et  se  dirigeant  vers  le  N.  Vent  NE.,  temps 
pluvieux. 

— Le  18  encore,  à la  Pointe-à-Pitre,  tremblement  violent,  mais 
qui  ne  paraît  pas  avoir  causé  de  dégâts,  d’après  le  rapport  du 
capitaine  Quéma  commandant  le  brick  Trois-Frères , quia  quitté 
la  rade  le  lendemain  matin. 

— Le  21  , entre  10  et  Tl  b.  du  soir,  à Sziget  (Comitat  de  Mar- 
maros),  violent  tremblement  avec  bruit  souterrain;  durée,  sept 
secondes;  vingt  ou  vingt-cinq  chocs;  pas  de  dommages. 

- — Le  22,  1 b.  25  m.  du  matin,  à Oran  (Algérie)  deux  se- 
cousses. C’était  la  cinquième  fois,  dit  Y Echo  d'Orcui , que  cet 
effrayant  phénomène  se  reproduisait  dans  le  même  mois;  heu- 
reusement, ajoute-t-il,  que  les  secousses  étaient  très-peu  sensibles. 


( 77  ) 

— Le  22  encore,  10  h.  du  soir,  et  ie  25,  2 li.  du  matin  à Bres- 
lau  (Silésie  prussienne),  secousses  pendant  un  ouragan.  Le  20, 
2 h.  */2  du  malin,  tonnerre  et  dégel  à Prague,  non  pas  à Vienne. 
(M.  Bouc.) 

— Le  50,  4 h.  10  m.  et  1 1 h.  5 m.  du  soir,  à Bikes  (Comitat  de 
Gran , Hongrie),  deux  violentes  secousses  de  PO.  à LE.,  durée  sept 
minutes  suivant  M.  Boué,  sans  dommages. 

— Dans  le  courant  de  décembre,  des  bâtiments  de  guerre  fran- 
çais, se  rendant  en  Chine,  ont  relâché  à Ténérilfe;  un  officier  a 
fait  l’ascension  du  pie.  « Près  de  la  pointe,  écrit-il,  on  voit  de 
nouvelles  crevasses;  une  vapeur  bridante  en  sort  et  occasionne 
un  bourdonnement  semblable  à celui  des  abeilles.  Celte  vapeur 
fait  monter  le  thermomètre  à C7°  et  jusqu'à  75°.  Autour  de  ces 
ouvertures,  le  sol  est  couvert  d’une  terre  argileuse  très  blanche, 
provenant  de  la  décomposition  des  produits  volcaniques  exposés 
constamment  au  contact  de  l’aeide  sulfurique  et  de  Peau  qui  sor- 
tent de  ecs  soupiraux.  » 

— On  lit  dans  le  Journal  de  Constantinople , le  passage  sui- 
vant d’une  lettre  d Odessa,  en  date  du  17  : « ...Depuis  hier,  on 
parle  d’un  tremblement  de  terre  qui  aurait  eu  lieu  à RastofF  et  à 
Taganrock.  J’ai  cherché,  mais  en  vain,  à aller  à la  source  de  celte 
nouvelle;  je  suis  donc  assez  porté  à douter  de  son  exactitude  ou 
tout  au  moins  à la  croire  exagérée;  peut-être  a-t-on  ressenti  quel- 
que légère  secousse  dans  les  deux  villes  que  je  vous  ai  nommées 
et  grossit-on  le  fait.  S’il  en  était  autrement,  nul  doute  que  l’au- 
torité, comme  nos  maisons  de  commerce  qui  ont  presque  toutes 
des  succursales,  en  eussent  été  informées.  » 

— On  lit  dans  la  Presse , du  25  janvier  1800  : « La  frégate  mixte 
la  Bellone , a mouillé  le  28  décembre  sur  la  rade  de  Saint-Pierre 
(Martinique).  La  situation  du  pays,  aux  dernières  dates,  était  satis- 
laisantc.  On  avait  ressenti  sur  différents  points  des  Antilles,  plu- 
sieurs secousses  de  tremblements  de  terre,  mais  la  manifestation 
du  phénomène  n’avait  pas  eu  de  gravité  et  l’on  était  sans  inquié- 
tude sur  les  suites.  » 


FIN. 


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ERRATA 


à la  dernière  note  de  M.  Alexis  Perrey,  sur  les  tremblements 

de  terre  en  1858. 


1854.  Au  lieu  de  : — Le  25  juillet  et  le  8,  lisez  : le  25  juillet  et  le  8 août. 
1855  Septembre.  Au  lieu  de  : Le  7 et  le  8 , lisez  : Le  7 et  le  18 


» Le  25 , » 

» Lamengan,  » 

» Someroe , » 

» Le  1 2 et  le  1 8,  » 

» Et  7 h.  1/2,  » 

» Secousses  et , » 

» Hema , » 

» 9 h.  51  m.,  » 

Nuit  du  21  au  22  janvier.  Au  lieu  de  .-(Lombardie),  lisez  :dei  Lombardi. 
27  janvier.  Au  lieu  de  : Entlibluch,  lisez  : Entlibuch. 


Octobre. 

1856.  Septembre. 

1857.  Le  13  août. 
Octobre. 

14  novembre. 

17 

17  » 

1858.  15  janvier 


Le  5. 

Lamongan. 

Semeroe. 

Le  12  et  le  15. 
A 7 h.  'h 
Secousses  de. 
Kema. 

9 h 34  m. 


27  » 

21  février, 


23 

26 


Aaran , » Aarau. 

Depuis  le  9 au  12,  lisez  : Depuis  le  9/21 , et 
Lettre  du  7 au  19,  lettre  du  7/19  mars. 

Et  le  soir,  lisez  : Et  le  soir  vers  7 h.  'k. 

5 h.  avant  l’aube , lisez  : 5 h.  avant  l’aube  (vers 
2 et  5 h.  10  m.  du  matin). 

Le  15,  9 h.  et  10  h.,  lisez  : le  15,  9 h.  et  10  h. 
Grontovon , lisez  : Grantown. 

Santa  Johanna,  » St.  Johann  (Autriche). 
Le  21 , 11  h.  du  soir.  Le  23, 4 h.  du  matin. 

— Le  24,  20  h.  ll%. 

Lisez  : Le  21,  11  h.  du  soir,  le  23,  4 h.  du 
matin,  le  24, 10  h.  *1 2. 


Enfin,  le  dernier  alinéa  du  Mémoire  doit  être  précédé  de  la  phrase  suivante: 
« M.  le  Dr  A.  Schlaefli , médecin  d’un  régiment  en  garnison  à Janina  (Epire), 
a fait  des  observations  et  en  a publié  les  résumés.  Nous  donnons....  » 


Mars. 

6 juin. 

7 » 

21  septembre. 


V. 


\ 


TABLE 


I)K  S 


MEMOIRES  CONTENUS  DANS  LE  TOME  XIII. 


1.  Le  duc  Jean  Ier  et  le  Brabant  sous  le  règne  de  ce  prince  ( 1267  - 1294); 
par  M.  Alphonse  Waulers. 

2.  Des  Institutions  de  prévoyance  en  général,  et  des  assurances  sur  la  vie 
en  particulier;  par  M.  le  major  Liagre. 

3.  Note  sur  les  tremblements  de  terre  en  1859,  avec  suppléments  pour  les 
années  antérieures;  par  M.  Alexis  Perrey. 


PUBLICATIONS  DE  L ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE. 


^oiivenui  Mémoires  de  l’Académie  royale  des  sciences  et  belles- 
lettres  de  Bruxelles,  tome  I à XIX ; collection  in-4°.  — Mémoires  de 
l'Académie  royale  des  sciences,  des  lettres  et  des  beaux-arts  de  Bel- 
gique, t.  XX  à XXXIII;  in-4°.  — Prix  : 8 francs  par  volume,  à partir 
du  t.  X. 

Mémoires  couronnés  par  l’Académie  royale  des  sciences  et 
belles-lettres  de  Bruxelles,  tome  1 à XV  ; in-4°.  — Mémoires  couronnés 
et  Mémoires  des  savants  étrangers , publiés  par  l’Académie  royale  des 
sciences  et  des  belles-lettres  de  Bruxelles,  tome  XVI  à XVIII 5 in-4l>. 
— Mémoires  couronnés  et  Mémoires  des  savants  étrangers , publiés 
par  l’Académie  royale  des  sciences,  des  lettres  et  des  beaux-arts  de 
Belgique,  tome  XIX  à XXX;  in-4°.  — Prix  : 8 francs  par  volume, 
à partir  du  tome  XII. 

IM  émoi  res  couronnés  et  autres  Mémoires,  collection  in- 8°, 
tome  ï à XIII.  — Prix  4 francs  par  volume. 

a « si  a a ire  de  l’Académie,  lre  à 28me  ann.  1855-02;  in-18.  Fr.  1,50. 

BBislSetins  de  l’Académie  royale  des  sciences  et  belles-lettres  de 
Bruxelles,  tome  I à XII;  in-8°.  Prix  : 4 fr.  par  vol.  — Bulletins  de 
l’ Académie  royale  des  sciences  , des  lettres  et  des  beaux-arts  de  Bel- 
gique, tome  XIII  à XXIII.  — 2me  série,  tome  I à XIII;  in-8°.  — An- 
nexes aux  Bulletins  de  1854,  1 vol.  in-8*.  — Prix  : 4 fr. 

itibliograpbie  académique,  ou  liste  des  ouvrages  publiés  par 
les  membres,  correspondants  et  associés  résidents.  1854;  1 vol.  in-18. 

Tables  des  Mémoires  des  membres,  des  Mémoires  couronnés  et 
des  savants  étrangers  (1810-1857).  1 vol.  in-18;  1858. 

Tables  générales  et  analytiques  du  recueil  des  Bulletins  de 
l’Académie  royale  des  sciences,  des  lettres  et  des  beaux-arts  de  Bel- 
gique, comprenant  les  tomes  I à XXIII,  lre  série  (1852-1850).  1858  ; 
1 v.  in-8°. 

Catalogue  des  livres  de  la  bibliothèque  de  l’Académie  royale  des 
sciences,  des  lettres  et  des  beaux-arts  de  Belgique.  1850;  1 vol.  in-8ü. 


Commission  pour  ta  publication  des  monuments  de  la 
littérature  flamande. 

Mer  Saturen  ISloeme  van  Jacob  Tan  Maerlant.  publié  par 
M.  Bornions,  tome  Ier,  1857;  1 vol.  in-8°. 

Igymhybel  va**  Jacob  Van  ItMeriant,  publié  par  M.  .1.  David, 
tomes  1,  11,  III  et  Glossaire,  1858-1800;  4 vol.  in-8°. 

Alexander  Geesten  van  Jacob  van  Maerlant.  publié  par 
M.  Snellaert,  tome  Ier,  1800,  1 vol.  in-8°. 


Commission  royale  d'histoire. 

Coliecîlon  «le  Chroniques  belges  inédites,  publiée  par  ordre 
du  Gouvernement;  25  volumes  in-4°. 

Compte  rendu  des  séances  de  la  Commission  royale  d’histoire , 
ou  Recueil  de  ses  Bulletins,  lre  série,  10  vol.  in-8°  (1837-1849).  — 
2 me  série,  12  vol.  in-8°  (1850-59).  — 5me série,  tomes  I à III  (1800-02). 

Annexes  aux  Bulletins,  G volumes  in-8°.  — Tables  générales  des 
Bulletins  de  la  lrc  série,  par  E.  Gachet.  1 vol.  in-8°  (1852).