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MEMOIRES
DE
CECILE-
E C R I T S
PAR ELLE-MEME^
Rev^s par M. de tA F lac-e*.
TOME PKiEMIER.
A PARIS;
Chez R o L L I N Fik , Quay des Au^
fga&axis , k Saint Athanaib.
M. D C C. L I.
^vec Approbation & Privilege du Rtil
nCBli5SIB@i»!SllS)/n<«l^ K » N « H
X « K *^i^isaiui6oii9!2!j^ii^ m « «
EPITRE
DFDICATOIRE
A MADEMOISELLE D***.
M
ADEMOISELLE ,
Si les Memoires que votrc
amicie me permct de vous
tledier , & que la mienne
tn'cngagc a vous offrir , paf-
{ent dans le Public pour un
Tom, /. a
Ouvrage d'imagination &
de pur amufemenc , que nc
penfera-t'il point des cifcon-
ftances qui m'ont mife a por-
tee de vcusen faire homma-
gc ? Car , il -en faut con\»€-
nir: la tcndre liaiibn de nos
coeurs e'tant uniquement
I'ouvragedcrianocent com-
merce de nos ames , le com-
mun des hommes ne s'ima-
ginera jamais q^ie fans nous
£trc vues , il ait pu fe former
entre nous une intimite de
ponfiance recjproque J C ra-
re entre les perfonncs de no*
trc fexe , & ;|>eut-^trc ffloin$
(Commune encore parmi eels
. , "J
tcs qui fe connoiflent le
mieux. Nous f^avons cepcn-
dant que la choie eft aind ;
& puifque je confens de
canfier au Public les eve-
ncmens de la vie dune
gxand'-mere & dune aycule
qui me f urent bi^n cliercs ,
& que je rerpc<5l:erai toute
ma» vie, jepuis bicn aufli le
mettre dans la confidence
de la fa^oHf dont s'efl formee
notre union. Ccft elle qui
donne aujourd'hui aux Me-
moires de Cecile roccafion
de paroitre apres avoir etc
ignores pendant plus detrcn-
te ans j 11 faut bi£ft que ie»
♦ -
Ledeufs curieux foient au
fait du hafard qui a forme
nos liens. Us n*en feront plus
furpris , lorfqu'ils {§auront
qu une (age & prudentc Goa-
vernante nous a fucccffive-
ment donne (cs foins. Il efl
bien flaccur pour moi qu elle
ait pu penfer qu il y euc queU
que rapport cntrc mon ca-
radere & le votrc : cllc avoit
lu fouvent avec moi les Me-
moircs de Cecile •, cllc a vou-
iu que vous Ics luffiez , je n'ai
pu me defendre de les lui
confier: vous men avcz re-
mcrciee par une Icttre toutc
charmanc;e ^ vous m'avez ex-
V
citee a les fairc im primer : je
m'cfn fuis defendue , vous
aveit infiftcj j'ai encore re'fi-
fte ; & je ne me fuis cnfin
rendue qu a cette condition
qu'ils vous ferbienc dedie's ;
vous mavez prife au mot. Au-
rois- je pu vous refufer ce fa-
crifice & cct hommage? Ce
petit debat cntrenous^ fans
faire naitre Toccafion de
nous rappfocher, n'a pas laif-
{i d'y ^tablir un commerce
de lettres & de fentimens
qui nous font devenus ^ga-
lement chers. Voila jufqua
prefent toute notre hiftoire.
Mais fi vous croycz de-
« • •
aiij
vj
voir beaHcoup a cc comrticr-
Ccfi tendrc dans reffort que
je fais aujourd'hui a votre
foUicication , je nc quitterai
point la plume fans avoir in-
Itruit le Public d'une partie
de ee que je dois moi-m6me
a la bonte de votre caur &
a la prudence de vos confeils.
Les circonftanccs critiques ,
dans kfquelles je me fuls
trouvce depuis nocre fingu-
liere connoifTancCjm'ont mi-
fe a portee devous enjdeman^
der & d'enrecevoir devous
de fi fenfes , que (i j'ofois ert
faire part au Public, je pour-
rois m'acquicter} avec vous j
mais il meA egalement d^-
fendudevous louer , 6c de
vous &irc connoitre. Je vous
obeirai : je ne mettrai point
\c Public dans la confidence
de tout ce que vous devez a
la nature^ je nc lui pailerai
ni de vos graces ni de vos ta-
lens i je me concenterai dor*
n«r cetce Epitre de I'extrait
dune de vos lettres. Si le Lc-
6fceury,trouve votre ^loge,
ce (era vous-m^me<|ui I'au-
rez fait ; & vous n'aurez rien
a me reproclier : je n'cn cite-
rairi^nque ce qui a rapport
a la>condicion que j'ai exigee
4e .voius^pour m'engager a
• • • •
a nij
publier ccs Meraoircs. Voici
dc quelle £39011 vous aver
accepte mes ofFres ^ 8c c'eft
vous qui parlez.
« Je vous laiffe a imaginer
wcombien le deifein que
» vous avcz forme de mede-
•> dicr les Memoires de Ce-
»> cile J ma fait de plaifir.
s'Cependant fi mon nom
»• avoir du paroitre a la cctc
» de votre Ouvragc , je me
» fcrois privee d'un homma-
»» ge (i flateur,& jen'aurois
» point accepte Ic racrjiice
»> que vous vouicz bica me
» faire , &c. . , . . .
1
S
1%
i' Si , com me' je Ic dcfirc ,
»» vous faitcs itH primer les
»» Me'moircs en qucftionjque
»> le ftile de vdtrc Epitre ioit
"tout oppofe at celui dcs De-
»* dicaces ordinaires-,ne cher-
>» chez point a le rend re la-
»» conique : vous ne pouvcz
»» rien dire de trop, a moins
» que vous nc me donniez
» des eloges ; jc n'en veux
« point : ee n'cft pas que jc
>* craignc qu'ofl m*y recon-
»• Hoifle ', |e me connois trop
»»bien moi-meme pour £tre
siinquiete de ce cdtelaj
»>mais de grace, Madcmoi-
?»feLlc, employezmicux vo*
av
»• trc tCms: Tcfprit didc prefix
M que toujours Ics Epitrcs
»» dexiicatoires. Je voudrois
» ne reconnoitre dans la v6-
»> tre que le langage du coeurj
** c'eft le feul auquel je puifTe
»j repondre : je donne peut-e-
>• tre trop a I'envie que j'ai de
» recevoir eette marque de
»• vocrc eiiime 5 mais ne vous^
» contraignez point ^ je n&
» fuis point dans le cas de
M vous enfaire unc loi : on
»» ne doit point exiger le»
••graces ; mais fi vobs vous
»» determincz a m'accorder
ij cclle-ci, (buvenez- vous fur-
» {out que ce n eft pas moA-
4
» portrait que jc vous deman-
» de J mais Ic v6crc.
. Vous naurez point a vous
plaindrc de moi 3 Mademoi-
feile , fi le Public trouvedans
cet extrait d'unc dc vos Ict-
tres une eiquiffe de cc por.
trait que vous me defendez
defaire, II n*y voit encore
qu'un foible crayon dc votre
Qiodeftie & des graces de vo*
tre ftilc. S'il m'c'toit permis
de difpofer des riGheftes que
vous m avez confiees , dies,
feroient votre eloge d*une
fa^on bien plus frappante
qu il ne m'e[l poflible de le
^ire I Sc d vous oe m'aviez
A
pas deferidu dc vouslouer Sc
de vous peindre , j'aurois
beau jeu a m'etendrc fur tous
vos talens , & cfl pafticulier
fiir ccuii^de Icioqutncc & de
la pocde. Mais lorfque je me
fais violence ^moi-mame,
en d^robant au Public tout
ce que vous m'avez confix
dans Tun & I'autre genre , il
doit m'^tre au moins permis
poui* I'honncur dcs Memoi-
rcs que je lui prefentc fous
yos aufpices, deluifacrifier
quelques-uns de vos vers,
qui one rapport a ceC ou-
vrage, dont le fentimcnt feul
af m cous les frais.Les voicijf
• • •
N
XUj
» Guides, charmes du fentimcnt
w Jc cheris la delicatefe :
» Get innocent amufemcnt
» Pour nous n*eft point une foi-
yy blelfe i
w Et fi men gout f!at6 tronve quelque
» douceur >
» Dans le tableau charmant d*une fcene
« touchante ,
3i G'eft quand da fentiment la force qui
M m'enchante ,
a» Afft£le mon efprit & refpedle mon
S9 ccerur.
» Sans en redouter la (uf ptife ,
» Pour lors je cede a fes tranfports^
» Ce qud la raifon autorife ,
9* Doit ^re gpuce fans repiords.
Jc n'ai gar4c d'aller plus
loin : c'cft a vous qu'il appar-
tienc de faire quel(^ue jour
xiv
paroitrc les fr aits ck vos t6l
• flexions & dc votre veine j
mais j'e'tois int^rcflee a fair e
valoir le temoignage flatcur
que ce petit cfTai donne; a
Ibuvrage d'une pcrfonRC,
en faveur de laquelle je vou-
drois pouvoir raflembfer
tous ceux des perfonnes (en-
fibles ala vertu. Vons n'avcz
point voulu que je fifli votre
portrait J je voiis demfande a
mon tour grace pour Ic
mien. II ne meritc pdint en
ve'rite dc tenir ici la place du
v6trc;&je ferai ehfbnic de
Vous doivncr en ifihangfc une /
copic diu vrgi pororaii de
XV-
cile , tcl qu il fut peiiit par
Tilluftrc Santerre tres-peu dc
terns , je penfe , aprcs fon
ma.riage.
11 n'y a plus dans ks con."
ditions que vous m'avez fai-
fes qu'un arcicie furlequel je
crois' devoir encore vous fa-
tisfaiFe. Vous m'avez inccr-
dit le langage de I'efp^c:
tout ce quily en a ici vou»
appafcknt; je n'y ai d'autre
pare que celle d'en avoir en-
ricki mofll Epitre. Mais vout
m^avez perm is le latigage dti
coEur; ne dois-je pas m*y li-
vrer encore avec precau-
tion? Je r^ai que malgre fa
svj
iimplieit^ il eft' totijdUf s dld^
qtienc pour ceux qui notisr
aiment j left-il affez; pour le
Public indifferent > Vousfe-
rez fenfible fans doute a
m'entendrc vous dire icijqu*^*
rl n'y ^^t3L [amais perfonne
au monde quivous aime auf-
fi tcndrement que moi j vdus
fcj^cz couchee dun fentiment
que vous eprouvez vous-mS-
me : car la candeur de vocre
ame m'en affure.Helas > noij^
ferons peut-etre les feafe^
qui aurons le bonheur de
ndus applaudir de raffurance
naive d'uh atcachemenc re-
ciproque auffi rare que le no-
tre. Ce n'eft point le caprice,
ce n'eft point la beaute qui
I'ont fait naitrc,puifque nous
ne nous fbmmes jamais vues:
c'eft la conformite <k nos
idees , c'eft la raifon , c'eft la
vertii qui ont forme nos
liens 5 ce n'eft qu'en chan-
geant toutes deiix de nom &
d'etat que nous pouvons cC-
pcrer d'cn goiltct Ics dou-
^ceursj & nous craignons tou-
tes deux e'galcraent I'inftant
qyi doit nous rapprocher. Il
n'y a rien dans notre union
qui puiflc flater Ics id^es
communes j ce font des dc-
lices que nos coeurs feuls
XV II J
ctoient caipablcs dc gouter j
ceft aflez pour nous deri
jouir, fans nous embarrafler
4e vaincrc Tincr^dulice d unc
moicie du moinde, & {kns ch^
treprcndre d'infpircr a lau-
trc par notre cxcmple un
fentimenc dont on nous
croic ordtnairement incapa»
bl€s< Je €nis , Ma/demoifellej
en vousconjurant d'etre auC-
(i a^iluree de ma cendre Si
conflante amicie que j£ le
fuis de la' v^cre;
ERRATA.
PREMIERE P ARTIE.
Jl Age i%yligne zi , p^m.) ^i/Jr^^^rus
P2ig* H>'/'f.^i memelefpeee, /i/e^ mtmfl
Tefpece
pag* 97 > % I > fier , /i/e^ confier.
pag, I j^ , ii|;»e 7 , I'ai veu , Ti/ec^^ j'ai veo.
pag. 144, /ig. II , remercia » /i/e^ remerciai,
|fag«x6t, %. i(, quitter crdijc , ///>;& jquittet
la croix.
pag. 109 , lig. 8 , que je lui , //p^ q^e je le Iui«
SECONDE PARTIE.
Pag. 3^ , lig, derniere , prifent6 , /i/ei(^pr£fen-*
t^e.
pag- 47, lig* If , j'tois, /i/e^f^tois.
pag. 65 , /i]^. II , pont , ///point.
J^«/», %. 14 , mo , /i/i^moi.
pag. 1 3^ , /i]^. 1 1 comblen , /j/i^combien.
pag. 186, /i^;. i; je me haftois, /«/e^jeme
natai.
TROISIEMI PARTIE.
Pag. 18 » /ig. II » vont Yous faire , /i/i^vonc
nire.
pag. } 1 /i|g 4 > voir , /^/r^ avoir.
f^» 6) , /ij^. I f , i la lui 9 iffe\i le Ini. *•
pag. ^f ) l$g. 1 5 ^ i4y ^r ma cendreHe & ma;
UfeT^Sc par ma.
pag. ^9 > %. II ^es (lennes , life^les tiennes*
pag* i)^, 7fg, 14, douceur ne m'unie> life?^
dc manic
qUATRIEME PARTIE.
Pag. 41' , lig. I £ Clarendon , /i/^ Clarrendom
pag. 104 , //^. 14 , que j'en recevois » ///ifi^que
pa^ lyy , /ig, tj, ne feroic pas d'une , life^
une.
pag. 188 , lig, lOy allerles, life^ allerla.
pag. 1^4 lig, 14 y youlu cachei , lifeT^ voulu ne
pas cs^cher.
r ,
FMYU-EGS
VIEMOIRES
D E
CECILS.
PREMIERE PJRTIE.
E n'eft point Je defir de
faire pailer mon hiftoirc
a la poft6rite qui m*a en-
;ag6e a l*6crirc.Quoique la fa^on
lont j'ai re^u la vie , celle dont
!lle m'a 6t6 conferv6e , &lcs 6v6*
lemens qui m'ont conduice an
Tome I. A
M
i M E M O I R E S
terme qui devoiirfaire tout mon
bonheurj ayent eu quelque chofe
d'aflez extraordinaire, j'avoue
que je iVaurois pas 6t6 tent6e de
lesmettre aujour , fideux int6-
rets bien chers , Thonneur de ma
mere & I'inftruclion de ma fiile,
ne m*y avoient , en quelque fa-
^on , contrainte. Des perfonnes,
ou mal informees , ou de mauvai-
fe foi , ont of6 publier des calom-
nies contre la conduite de l*une ,
& de dang^reux f6du<?beurs s*em-
prefleront peift - ctre bientot a
attaquer la vertu de Tautre: je
n'ai eu d'autre but , dans le r6cit
fimple& naif que je vaisfaire des
premieres ann^es de ma vie , que
de les defendre toutes deux des
attaqucs de Pimpofture ou dela
fedudion. Ainfi je crois n'avoir
pas befoin de juftificr mon entre-
BE C E C I I E, 5
prife , ni la fa^on dont je me con-
duirai pourl'cx6cutcr. J'encrerai
dans bien d^s details qui parol-
trorit fans doute pu6rites aux Le-
dears , mais qu'ils doivent ipar-
donner aux fcrupuleufes atten-
tions d*une mere pour une fille
encore jeune & fans experience ^
& a rumour terPdr^ & reconnoif-
fant d^une fille pour lamere la
plus vertueufe & la plus refpeda-
ble qui fut jamais. Cell dans ce
point de vue qu*otixioit confid6-
rer ces M6moires \^:&c , fans feire
une pluslongueapologiedekt^-
m6rit6 qu'on pourroit me repro-
cher , j'entre dans la carri6re que
je me fuis prefcrite^ j*y entre uie-
me avec cette confiance que les
motifs , qui me font 6crire , m*at-
tireront, de la part du Public, une
indulgence auffi ndceflaire a mon
Aij
$ M E M O IRES
gout dominant pour tons les
ouvrages d'cfprit qui pouvoient
etre a ma. port^e. Voila quelle
j-'ecois a.P3ge de treize i quator-
leans, lorfque le Commandeur
de Be^ubourg futatcaqu6 d*une
, maladie , qui en peu de jours fut
regard^e par fes m^decins ^ com-
tnccdevant^e^nortclle. Je fu?
toQcbi^^ bi^ vivetitent de foA
^tat; & de la^ crainte de perdre
un (i bon maitre } mais jufqu'^
quel point ce fentiment ne fut-
il pas po rtiS dans mon coeur ^ lorf-
que le Comiiiandeur, perfuad^
qu'il touchoita fadernrere heu-
re , fe refoiut enfin de m'appren-
dre mon for t^ tout ce que je de*
Vi^i^ i fi gen^rofite? Madame Du*
cics, qui ne le quittoit prefque
poinr,vint me dire queM .le Com-
mandeur vouloieme parler : ejle
D E G ECILE. ^
flie conduifitjufqu'aupr^sdefon
lit5J'6tois toutcen krrpesrleCorn-
mandeur lui ordonna de me laiA
fcr feule avec luij 8c tous fes
;ens s'6cant retires , il me donna
[a. main que je mouillai de mes
pleurs , & me dit avec tendrefle :
w Ma chere Cecile, c'eftrainfi
w qu'on me nommoit , ^tes-vous
» auffi touch^e de me. perdre ,
^3 que je le fuis moi>meme de
M vous quitter dans un age (I
13 tendre & avec de fi heureufcs
» difpofitions que j'ofois me fla^
M ter de cultiver plus long terns?
Je ne pus lui rdpondre que par
mes fanglots : ii en fiit p6n6tr6^ j
& s'6tant j)anch6 vers moi pour
m'embrafler , nos pleurs^fe con^
fondirent pendant quelques injF-
tans fans nous laifler la libert6 de
prof^rcr un feul mot. Enfin il re-
M M E M d 1 K 1 S
prit la parole , & me tint ce diC-
cours c|ai n'eft jamais forti de mx
w^nibire. w Ma chere Cecile^ me
>3 dit-il, ilne m*cftpluspermis
» de difF6rcr a vous donner fur
^y votre propre fort de cruelles
:» lumieres, quivontfans doute
» vous toucher d'une facjon bicn
M fenfible: vous vous fetes crue
» jufqu'ici fille de Duclos mon
>» valet de chambre 5 je ne puis
M vous cacher que vous ne lui
>y etes rien. Je ne vous aurois
M point d6couvert cemiftere,ft
>3 je pouvois compter qu'apres
w moi^ Duclos & fa femme con-
»5 fervaflent pour vous les mcmes
w fentimens quails ont eus jufqu*4
>3 cejourjmais^macliereCecilo,^
>» je connois les hommes, & vous
>> l€S connoitrez un jour : rin-
P t^rfet change fouvent les CQstors
«s Cic X ti. f
n les plus droits , & j*ai ybulu ^
» avanc ma more, vous mettre 4
» couvert des dangers d*un ave-
» nir inccrtain. Prenex cette c\6f^
n continua t'il dc nie dire , allez
3> prendre dans mon cabinet de
M livres ce petit cofFre qui a fi
>• fouvent excitd votre curiofit6:
w je vais enfinla fatisfaire. C'6toit
unc efpcce de petit coffre trcs-
orn6 , qui m*avoit toujoursparu
le plus joli mcuble du monde ,
comme tout parok aux enfans ^
le Commandeur m'avoit fouvent
promis de me le danner ^ lorfque
je ferois plu^ habile j j'ignorois
alors qu'il contint le fecrec de ma
dcftin^e :: j'obiis y & des que jc
l*eus pof6 fiir le lit du Comman-*
dcur y il me donna la clef &,m'ap^
prit i I'ouvrir. Alors il en tira ki-
mcine un papier ^cric & Gp^ de
At
lo ."MiMoi Kirs
fa main y qull m'ordonna de lire
tout -iiaut. Void ce qu il conte^
noit 5 je le confer ve encore avec
foin. . ^
>3 |e fouffign6 , certifie a tous
^5 ceux qu'il appartiendra,que le
w jour d'hier dix Juillet de la pr6-
^5 lente anndse mil fix cent qua-*
« cre-vingt fix , fur les dix heures^
wdu foir , retournant de Meu-
n don a' Paris , Duclos , mon va-
» lee dc<hambre , qui pr^c^doit
w ma chaife , eftyenu m'avertir
rrqtfil y avoit un enfant expofe
^^^u pied d'un mur arextr^mite
»-de Vaugirard. Arriv6 fur le
» lieu , j'ai reconnu un pnfanc
wnouveau n6 , enveloppdde lan^
>>ges aflex propres f aprles avoir
fafjfait chercher aux emrio'ons fans
>? d6couvrir perfonne,6md d*une
"^ tendre compaffion , & follicitd
DE Gec I LVil^ rV
^ par Duclos lui-mSmc darit la
>5 femme ^toit accouch^e depiris
y> peu d'un fils qui n*a pas v^cu ^
>» je me fuis d^termin^ i enlever
ci cet enfant , & j'ai fait voeu d'en
i-^ prendre foin. Je I'ai pris dans
^3 ma chaife > & de retour che^
w moi , je I'iai donn6 a noicrrird
K^ la temme de mon valet -de
» chambre j on a tir6 cet enfant
^ de fes langes en ma pr6fence ^
>^ 6c c*eft alors que j*ai aecauvert
yyfonfexe 5 c'eft une fillet qu'on
^y m'affure n' avoir au plu:s que
»3rdeux jours : on a trouv^ , au
w bras de cet enfant , un brace-
tyletmonte en or , qui rcnferme
>> des cheveux& un chriffre qui^
f^^paroit compofe des Iqttres j|..
w & C. avec un billet fans figna-
»yture ou font Merits cesmotSM
yyCetufilU efi nee leneufde Juii
12 Memoihis
>> /« i elle M ete ondoyee en naiffant
%^fous y fiom de Cecile. Jai j oinc
,» ce billet au pr^fent ade , & j?ai
M fait ce jourd-hui baptifer cec
n enfant foiis condition a TEgU/e
w de St. S.— ma paroifle : je lui
^ ai fait donner le nom de Cecilc
53 conform6mcnt au billet ci-
>> joint r & de tout ce que deffus^
f4J*ai cru devoir rendre t6moi-
i» gnage dans le pr^fent certifi-
♦3 cat , pour fervir & valoir cc
» que de raifon. Fait a 'Paris ^
i:> ce onze Juillet mil fix cent qu^
w tre-vingt fix. Ze Commandeur
19 de Beauhouf^
Aprfcs la ledure de ce papier ,
que je fis, comme on peutle
penfer ^ d'une voix tremblante
& entre-coup^e^je reftai dans un
profond filence & pleine de con^
fufion. Le Coounandeur ne me
»E C EC I IE. %y
(donna pas le terns de r636chir
fur une nouvelle fi impr^vue j il
continua de la forte, en m*em-
braflant encore : »> Vous fetes
>y 6tonn6e, vous fetes allarm6e de
« votre fort,ma chere Cecile-, re-
» prenezvos fens , & m*6coutc^
» Je n*ai rien 6pargn6 y depuis le
» moment que je vous eus trou-
» v6e , pour d^couvrir ceux a
M qui vous devez la naiflance ,
99 en 6 vitant cependant tomes les
»d6marcjies d'^clat qui aaroienc
>9 pu leur faire tort : tous racs
» loins ont 6t6 vains y • mais dans
« le deflein que je formai dcs-
95 lors de vous 61ever , & de vous
w faire une petite fortune ,. je
njfit confolai de l'inutilit6 de
» mes recherchespar I'efperance
»> que j'avois concjue de vous laif
fi fer de quoi vivre d-une fa^on
14 MEIiitOIIlES
j^ douce & tranquille. La mortv
w que jenvifage proehaine , ne
t) me laiflc p&s le terns de faire
» pour cela tout ce que j*auit>is
»^ fouhait^ , & voici tout ce que
1^ j*ai pu manager pour vous fur
3(i mes revenus : c*eft un contrar
nde I yoo livres de rente fur la^
w Ville , dit-il en me moiitrant ce
M contrat qu*il tira de la caflet-
»^te. Voici , continua-t'ii, le bra-
i^ celet & le billet qui furent trou-*
M v6s fur vous ; faflele Ciel qu*ib
13 fervent un jour a vous faire re-
3r5 connokre de ceux qui vous onr
^3 donn^ le jour : je ne puis croire
fi que votre origine foit cora-
ls mune. J'ai trouv6 dans vous ^
w en vous voyant croitre , &des
^ graces & uue noblefle de fen-
«> timens qu*bn remarque rape-
>vment dansunenaiflance obfcur
DE CEGltl/ If
^ re : la nature vous a encore pro-
y> digui dcs appas qui peuvent
» Btre uti jour pour vous un avan-
>3tage} mais c* a vantage y ma
>> chere Cecile , eft un pr6fcnt
w bien <iangereux. J'efpere que'
» les principcs d^lignheur & de
» vertu dans lefqucls je vous ai
^> ^lev6e,vous fburichdront danj'
w cet age ou vous allez incef?am-
5? ment entrer , age ou vos perils
n croitront avec vos charmes j
>^c'eft'pour vous mettre a Tabrf
w deee danger, que j'ai r6fblu de
» vou*f6parer de moi ^ avant que
« la mort m'en f6pare. Vous eon-
wnoiiOTez la Comteffe de Bau-
53 bourg ma ni^ce 5 c*eft entre fcs
» main^ que je vais vous remet-
^ tre : elle vous a toujours afm^e j
>» mais fon mari eft trop jeune
^pour qxi^elle puifle vous gardep
l6 M HMO iK/ES
n^ prbs d'elle , & je Tai charg^ede
.»> vous trouver un couvent ^ o^
w vous puiflle^ne^i^n perdredes
wavantages de i»6ducat:ion que
M je vous ai donn6e : je Pattens ,
M & ilfaut,ma chere Cecile,vdus
» difpofer a la fuivre* Cet ordre
^ t'attendrk & t'afflfge^ma cherc
9y enfant, me dit-il, en s'apper-
^> cevant que )*6tois inond6e par
M mes larmes , je ne fuis pas moihs
^ touch6 que toi ^ continuaVil ,
^ & je n^'ai pas la fc^rce d*en dire
«• davantage : confole toi , ina
» chere Cecile , le ciel me rendra
Mpeut-etre a tes voeux , & notre
w reparation en ce cas ne fera pas
wlongue. " Je ne pus rien r6pon-
dre y )'^tois an^antie : jeinefenr
tois ^ je ne penfois rien : le Com-
ro indeur lui - mfime deniftura
queique terns dans un ^cat d'iix>'
Dt C E CI LB. 17
i!it6*qui iu'eflraya j je fis
un cri qiiile rappcUa a lui-ineme,
il m'embrafTa avec tendrefle :
w il faut nous f^parer , mc dit-il
>3 en fonnant fes gens, w Duclos
& fa femmc rentrerent 5 il or-
donna a celle-ci de me recon-
duire a ma chambre , & la char-
gea de tout difpofer pour en faire
porter tous les meubles avec mes
liardes , dans le couvent ou jc
devois etre mife en penfion.
J'aurois peine a rendre com-
j)te de Tetat ou je me trouvai
alors. J'ecois ip6ti6tr6c de dou-
leur , fans en coiinpitre le ve-
ritable objet v les malbeurs de
ma naiflance, laperte du Com-
mandeur que je regardois com-
me mon pere , une foible recon-
noiflance de fes bienfaits , un fen-
timcnt plus fort qui m'excitoic
18^ MemoiRtH $ ^
a croire qu'il m*avoit tromp^e
par un r^cit & une fable faite
a plaiiir , pour me caeher ce que
j'avois le malheur de lui etre^
toutes ces idics ne faifoientque
glifler fur mon ame , & n'y
laiffbient aucune imprefliop.
On me conduifit a ma cham-
bre , j*y reftai immobile fans fai-
re la moindre attention dee qui
s'y paflbit 5 on ex^cutoit les or-
dres du Commandeur avec tou-
te la diligence poffible , & tous
mes petits meuoles ^toient d4ja
prets a etre voitur^s , lor£qu*on
vint m'avertir de rentrer chez
le Commandeur. Madame la
Comtefle de Beaubourg y ^toit
depuis aflez long-temps enfer-
m^e feule avec lui. Des que je
paru , elle ne put s*em packer de
ie r^cricr :>30.Ciel^dans quei^tac
k
deCeciie. i^
w eft cettc pauvre enfant ^ Ah f
wmon cher oncle, continua-
>3 t'clle, en s'adreiTant au Com-
mandeur , »> fa fenfibilitif m^m-
» t^reflc autant pour elle , que
»3 vos ordres raemes qui me /e-
w ront a jamais refpeftables :
w oui , me dit-elle , en me pre-
»y,nant dans fcs br^s ^ oui , ma
53 chere CeciJe , je vous adopte}
< » vous ferex ddformais ma fille y
» & j'aurai toujours pour vous
» & Ics foins & la tendrefTe d*une
>3 bonne mere. « Je ne pus r6-
pondre que par des fanglots
a des afTurances fi tendres : le
Commandeur & la Comtefle
furent 6galement attendfis du
fpedacle touchant de ma dou-
leur i mais enfin^ le Comman-
deur ayant rappell6 toute fort
arac :« Ma ni6ce , dit-il J en sV
io Mb MO I Res
13 drcflant a la Comtefle , if eft
n terns que je m*occupe dc la
>5feulc aiFaire qui doit ni'int6-
>5 rcflcr dans P^tat oii je fuis }
M allez , cmmenezma cherc Ge-
M cile : je vous la recommande
» encore ^ gardez-la quelques
>3 jours chez vous. Et vous , mon
" enfant , pourfuivit-il , en s'a-?
♦> dreflant a moi^regardez d6fbr-
»> mais ma chere ni^ce comme
>3 votre maitrefle : elle fera votre
w amie , elle nie Pa promis j fui-
13 vez tous fes^ confeils avec au-
»tant d'exaditude que von^
w avez jufqu'ici fuivi fes miens 5
»5 venez, ma chere Cecile , rece-
py vez ^ mes derniers embrafle-
M mens, & mes derniers adieux. >j
J*etois dans les bras du Com-
mandeur , lorfque j'encendis des
mots fi touchans } j'y perdis con-
noiflance, & je Tavois a peine
reprife , lorfque j'arrivai chez la
Coratefle. Un torrent de larmes
fut le premier figne de vie auc
je donnai. » Quoi ! mon cner
nmaitre, je ne vous revcrrai
>5 plus ? w H6las ! j'ai tout perdu y
furent les feules paroles que je
jpus prononcer dans ma douleur:
je les r^pdtai fouvent ^ la Com-
tefle, route p6n6tr6e qu'elle ^toit
elle-mi^me, s'efFor(joitenvainde
me confol^r par Pefp6rance du
r6tabliflemcnt d'un onclc qu'elle
^imoit tendrement. ^ H61as !
M r^p^tois- je fans cefle , Mac^mc
>> je ne le verrai plus , que vais-
« je devenir ? w La Comtefle prit
fails doute ces mots pour un
mouyemenc d-inqui6tude fur
mon fort 5 elle en prit occafion
dc me dire que je n*avois rigQ a
It Mem o I R Es
craindre pour Pavenir : elle md
montra la caflette que Ic Com-
inandeur lui avoit remifc , & me
dit qu'elle contenoit une petite
fortune , qui me mettroit a Ta-
bri des n6ceffit6s de la vie j qu*el-
Je tacheroit de raugmenter en-
core. « Eh ! Madame , m'6criai-
>5 je , donnons tout cela a quel-
»» qu'un, qui puifTenous rendrc
wM. le Commandeur. >5 Gette .
exclamation attendrit encore la
Comtefle pour moi. -jj Ah !ma fil-
>3 leme, dit-elle,que j'aime a voijs
>3 voir un fi bon coeur. « Elle me
confid^ra alors avec attention ,
& reprit fur le champ la paro-
le: « oui, ma fille, continua-
M t-elle , oui , vous fercz un jour
u heureufe , j'ofe vous le pr6di-
53 re. Prenez cette clef, ajouta-
» t-elle 5 c*eft celle de la caflette
deCecile. 25
5) que mon oncle m'a remifc j
>3c'eft votie bien : je vouslare-
» mets. » J*y r6fiftai d'abord,
elle me forija d'obeir , 8c me
conduifit dans une chambre oil
clle fit venir une defesfemmes,
a qui elle me confia ^ & medit,
en fortant pen apres : ^> je re-
M tourne chez mon oncle , 8c
fy j'efp6re a mon retour vous en
y* dire de meilleures nouvellesj
w foyez tranquille , ma chere
>> Cecile , Sc faites-vous donner
>j ici tout c6 que vous voudrez :
wje pr6tens que vous y foyez
wfervie, comme fi Vous 8tiez
3^ma fille. ^ Je reftai plong6c
dans ma douleur auprcs de cet-
te fille i jHgnorois alors cous les
fecrets de la famille du Com-
mandeur j je f^avois feulemcnt
qu'iln*6toitpas content du Com-
14 Memo I RES
te' fon neveu , & j'avois 6t6 quel-
qucfois t6moin de racommo-
demens fails par le Comman-
deur entre fon neveu & fa ni6-
ce.La fiUe qu'on avoir laiff^c prcs
de moi ^ s'emprefla de m'inftrui-
re de millc particularit6s qui re-
gardoient fon Maitre & fa Mai-
trefle j j'^tois trop occup6e de
nion inquietude , pour y prater
beaucoup d'attention j je com-
pris feulejnent en g6n6ral d'un
torrent de paroles qu*il me fal-
lut efluyer, que la Comtefle,
dont cette iille faifoit les plus
grands dloges^ avoit fort a fe
plaindre de fon mari. Comme
je rapportois toutcs mes id^es
au Commandeur , dont la fant^^
dontlaviefeules pouvoient mln^
t^refler , en ehtendant parler du
Comte , je fus frapp^e de ne Pa-
voir
pus cacber ma farprife i celle
qui m*cntretenoic j je me' laiflai
mSme ailfv i, des Teprodbes fur
la;duTet6 deffim cbeur J caqui
me reiiidtCiinfen^blement -plus
attentive aux difcour^ "d*unc
perfonneiqui n'av^it pas beibin
de: ce pr6texte pe^r ies conti-
ii$ier* 'fei^toit ici Gomipandeuir
ui avojt <^^t6 lfq>iljeK jde >ina ir6-
Tx:)if fe 'raptpcrmerfa lui^; & • j?^>
cou^aihplmi tFi^mi^lsiU^^
•qu'on hriikno diet njQ sdin^j Hf'apr
<pris/ dsoac'bque' IbiMflrquis-j dc
Beaiib oxabgti fi^i?er 2i:(i ijSpn>iTiiir»'
dcur ^ & pere du '^omteV^roic
;^?ombe miia^de, dqpmVprfes d'ua
moi^ dans line defesHCerrecB
Tome /, B
die au ComHiiandeur fbn oncles
2ue Madai^e la Comcefle avdic
crit i: fon mari depuis: quelr
quesL.)o^f s Voxtshnit^ da Comr
m^deur ^ inais >qii'Qh dcniCDic
qiuj^ ile Comtc put quitter £6n
pere.^ d^autant plus que le Mar--
quis. irtoit veuf d'une feconde
feflfime ^ done iliivDit unfils ag6
dSeavirondis^&ptans; qu^ilitoic
toxxp^'s idkicQ: An jpii aupr^s
deJMt) & qu-au casque ie Mar^
<juf s - y int a inourir , le Gomte
ay oit des jmefuires i prendre pour
&iijtiti£ceits ^ je fiis eirdcuseiiaftnat^
tb ydt xm^ jiniinit^ d -autifes^ d^
taus , iqiit . jifiut-^tirpgdorslla.cu-
:noik6 mc portoit a etitpidr^,
jqtic le Marquis dplBeaubourg
4^ant reild xjtntjAt foirt i>0ntie
BE CeCILE.: xJ
iieure^Sc n'ayanteu, pourtbuc
fruit de fon premier Hymen y
que le Comtc , s'6toit remari6 ^
il y avoir environ dixhuit an$^
conrre le gc^ de fa faraille^ i
une fille de condition iia v6riti^i
mais fans fortune *, xjue cetoe fe^
conde femme du Marquis ^oic
morte en Anjou^^en tntttiAopm
monde le Chevalier die Be^u-r
bourg J que celui^ct, done la for-
tune ne devoir pas c*:re cotidr
durable ) a vbit 6tdiai€ Chevalier
de Afalthe au bdrceaui ^ue^ le
Marquis ion pere n'avinc fomA
quitte rAnjoudepttis£iiQfec;o^
mariage 5 & qu'il i y i i6tok r<jft6
^iniquement appliqu^l lMdtii:4^
tion du Chevalier fon fils , qu- il
avpit feit Clever iinis fe&.y^ia
au! College 4c la 'JFifech«;ri(Oil
iQ'app'ric encore une circoaftada?
Bi]
IS M EM O I R IS ' ,
6e de labonte da cpeur du Cottl-
mandeur , qui ne pouvoit mati'
quer de m*iat6refler : on me di^
que r*ialgr6 le tnecanrentemenE
qu'il aivoit eu^du fecpiid mariar^
ge du Marquisibn freife , c*£toic
fui qui avoic fait receroir fbn
Hevcu dans TOrdre de Malthe y
&'qu*il lui avpit in^nle aflur6
uiie'-^rifion iiir fes Gommande-
rieilDe ce nK>ment,.je regardai
le Ckevalier de » Beaubourg ,*
comme le ncveti clieri de mon
cherMakrej &, quoiquejene
leco^nuifTef^iatenacMte, cqtitre
m'int^refli po^^* Id, \i' \ ■ ?- - :
' i j^^tois iiwiuitc de toiites c^
ehc^fds, &: I'en avois:*fentqird||>
bba^ijcoup d'autres riibios iut^
jreflantses pour raoi , lorfque la ^
Comtefle rentra % je niiJempreflai
de >^urir anHdevaor d'islie jwl
a
^' bruit de fon carofle^ & fam-
vai comnie elle en dtfcchdoit-y
,je crus remarquer fur fon vifrt-
ge , unc fdr^nit^' qu'elk n*avoic
pas en p^tant.^^j Ah t Madame ,
» m*6criai- je , M. le Comrhan-
M deur fe^porte mieux ! Oui • rti&
« cfaeie ^ecile , me dit-«Ufe ,'fe
-n redoublemept n*eft point ifri-
-n v6 ce Coir , confime onie crai-
iw gnoit ^ & les M6dedns efp^
i^^rent; » Je ne puis exprimet
xjuelle fiat ma jc^e ,3 je tje la fttkf-
ijuai a lai Gointeffe,! (|af*eii me
jettant dahs fes brasy elle ijp^
^rouva moii tranfpof p : '> nous
TOoiitames enfembte dans foA
appartcment} & ayant demarf-
de ua moEceau* df maitager <Jari$
fi ehambfev elle me* Sz VUoti^
neur de me faii?e manger :ave^
eUe. N6u5 ne parMmes que-^di
B iij
ion cher oncle j elle mc dit qu*il^
^^vok re^u les demiers Satremens
dePEglife avccune Edification
nexenipJairc : cette id6e , route
confolante qu^e]|e ciit;,Et6 pour
route autre que moi , me rendic
coure ma trifteffe. La Ccmtefic
.fit tous fes efforts pour m*en
diH^aire^ par TeipErance du re^
tour de la fantd du Commau-
^leur^ mais, fi je lut laiflai
xroire qu'elle avoir r^ufli^ je
i)!(;n emportat pas moins , en la
4}Qi|tanr pour aller me mertre
au^ lit 9 une image douloureufe
4e ^e qu' une auffi trifte, cdr6-
snonie dtpit capable de pr6fen*
ter d relprir d'une perfonne de
mon ag^ i je ne m'occupai rou*
tfi kinmt, que de I'image ^
Commandeur dans ces inftans
|i crueis a la natuiCi je la palTai
•ref^ue route enti^re dau^ m
larmes : mais 4i4i*5ioonreOia',
cer iciltoutescteparticalarit^S^
qu'on jburra n^attribucr qu'i la
foiblefle de nion ige. &: de men
fexe^U itiie fuffic dedire^ue
je pai£ii quatrc \ottxi cliet la
Comteife entre la cminte UVtf-
p^rance 5 en tie vooliic point me
conduire ckexleGommiindeur^
je £s^s depuis qui! Pavoit d6-
l^miu : ennn Je cinqui^ipe jour
dbpuis que je rairais 4juitt6^ la
Cormtefie , qui ailoit tons les ma^
tins xhez lui, & qui y reftoit
ordituirement tout le jour , ren-
tra fur les onxe heurer avanc
midi ," paais p^n^tr^c d'une &
vive dqiileur ^ qu'elie n'eat pas
befoin.de' ro'apprebdrc fes^mal-
heurs / pour m^ififormer d^
ifticn : Que ' dcvinmes-iKms
Ti • •••
«f
%^ MlUOlKlS
4euli fembloiq aigririrk fienne^
-)^€us la force de le fentir. « J'ai
w tout perdvi , lui dis- je , Mada-
wr|Pie J auvhottti'deDieu , 8c de
ija Pamiti^ doipt yoaspi^hoBorez'^
Vrfikes mbi €(^fadiiiare aa -GouA
M venc ^e M.^Ie>^OowlJnandckr
33 m*a deftinf ^ jc^n^eii .fortiibide
33 ma vie. cc iLa;ComteBe me* re-
gao-darr, s?ap:ehdtifc encore y die
m'^mhts^Sk'€env£o\s y enfin ella
confeAtk k limitd^part : le me*
meicarofler^ui l'a^^ok ramen^ej
me : f ond^fit auDc.FeaiUantines ^
tju je trouvai tout difjioft pout
imejrec'4vair3'iLa ^i^lle , qui avoit
1&4 ?mife pixs ; dq mdi , Be qui
avoit jeui^drdrede m^accompai
fner 5 prit ^foia de tout ce qui
j'itok ndceflaire.T jl^entrai dans
w.
le cauvent, on m*y re^ut ay^c
hont6 5 on ch^rcha vainemenc 4
me confoler par tous les mo-
tifs que la Religion infpire : tout
m'importunoit V &c ma- do^u;
^bit telle, ^i^'il n*y avoit cj^e
la Cortiteffe St le temps qui
dufleint etre enfin capables d-^
triompher : mais, quelqu§ vif
que fut chei moi le reilentiment
de la perte que je venoisde fairf^
je fuis obligee d'avcmer quejnoo
^tat y entroit pour quelque phfl-
fe : je tf avois eu jufqu'aloysiiu-
cune id6e de la honte de , ma
nai0ance > je toochois i peine i
m«qu<atorzi6me ann6e ^ mais de
la faifon dfont j'avois ^tj^? eley^e^
on peut aifBment s'imagifief q:Vi^
mon* lame^ ^toit fortie de bonn^
heure de Penfance, & que j*4-
to IS d^],a trpp aQCQUtum^e ^ i
^4 WfiMoriitJ
fm&t y ooi^r refter. fans iknd^
itieM fur la chofe <lu monde qui
devok m'int^reffer le plus. Je
fiiis obligee d*avouer ici qi^ Ic
j^ii^urs du Commatideuf , que
Itt^na el*di>6ce d*a&i ^ qu*ilm*a-
Voit fait lire en fa pr^fence^
If avaient point fait fur mdi Pef-
fet qu^l s*en ^toit propof6 1 je
Taccufois en fecret d'iavoir vou-
lu tromper mes conjeiftures par
cet artince pr6par^ de loihj je
ne )es trouvois qiie trap bien
autorifles , par fa tendrefle pour
moi y pa^ Ir^^ducation qu'ii m^Or
¥o!t oo»n^e^ & m^e par ie
ibih quit p4«noit en raounutt ,
cle me refnettre entre les mains
de^ fk femitie. En u!ij»i*>t^ j?^
tois perfiiad^e que te ConamaiH
deur )di-m6me ^toit ixion pere (
ic rien n-'iftvoilt ^i capable d'^
cither cdt6 i^Sc^dc jndii ffiu^'
ginatiop. m C^bf F me difois je,
>» ferott -'il' goffible ^on pdc
»VprendVfc flnirit^if&iMJffi'tiirdre
>V poif "ri^ ©1^/ fiice^ndie V ex-
»y pbifee^ abawdbfftfilf d%$ le mo-
a ment de fk tstiii&iice . de cenr
» 4ui Tc^nt Mt liaW ? ' Qaoi r
»> fe pe\xt-it qaH y'aiij qiie!<|t[^
«-kv m3nafe dulffoitf aflei bari
wd'tiire rndtr ptief^ur cmairicfi*
^ ufl eSfafit", r q6i?6n Yieiit dS
»> mafideara ciriahit d<ri'«y<iuer
»j'd^'me ^r(Smeifnre|, fi elle edc
B vj
»j la vie. >> J'^cods feuje 4c pfori-
g^e dins ces ri^flejffpi^ > loricjijie
ljem4e relii;'^ cc^gu ri *?|Mt,eqTit
4e, nift, t^ifte iv^atpe * ce fm le
le brac^e^tpijie lit, bauai tei^4F&:
iheot ^ le 4«>yanf iih don de
celui que j,e regaifdqis ! cojipme
mon Derc , &;^i^^deyoi^: m^^
j:^p.peIleriaAs Qfitij^iQ^u;>nim^ •
je n'oiai cep^ii^ain^ l^aj^^if^.^^
mon . bras ^ parce. qi^rjl' nie f y;
avoit pa& attachif lui-mcme j je
iclus le papier qui ay ok £t^^
difbiVon , t^o^v6>,^ur Jiioi i; if
Wl
gere 5 j'^en fis peu de cas : je ne
traiijai pas mieux le coBtrat de
j:entc<>;^quqiqull dut me i^affures
^^ ^^ fw^y^^ uneagjtatioiij
un. faififfement q^ue j'aijii qis pei*-
ne a, decrire j que^ d^cpu vris
foas, ce comrac un paquec, fuc
l^f^^l je rccoi^nus I'^i^riture du
t;io^ ;.quelque temps eocre s^
ix^ains treiiibUntes y fans pouym^
lire le deflus , & fans avoir la for-
^^;de 1 Wvrir : enfin m*(it;fint un
" euj.^ci|)ife^ de.ce prenji^ .^ou^
^.yeje EP^^l ^^s Y^ fuf des
c^rajtSt^re^ q^ui^ra^dtpienc fi ch^rs^;
& je. lus cette infer iptioi^ : » Ma
)3^«etre Ceci]^u:auyerafbus> ceD
** ^ l^Py^^^PP^S ^ ^^^ dernie*-
^ je k ^rie de lite ibuveritv& w
** gardfcr toiijoursjcc i
II tfeft p^s befoitt qtie j<
diie, on foup^oiiiie^ aifi^ment qtic
)e biifai cent fois , qc^ }c mbutf*
ki de mes krmes^ itett^ ' nou-
Vjelle marque de k tcndtfe^ira-
ti6 du Goriinajidett^, >r 0ui-^
w di5-je/en oaTrant^le paqMt^
» Gui mofi pfere^ j'ei^Cutcr^aiTcri
i; je ne cefler* |amiis d^^
n^re fideJle j jfe Itti gardc^tai^
» je les lira J fens cefle , & Ifc tom-
nbeau nifime ne tii'ch f^parert
>>pa9^. >>^ C^ ine :p^dohM^
)fe t<^e fci eh iefetfef ce gage^^^
k fine^ aiirt!ti6^ dti Ccrnrmato-
drar, qu'^if afrdt^-r^ doute,
6crit dans les prcmicK joitrj de
fe maladie : c'eft iaire honneur
a £bii ccetfr '& » !£r in^xftdlr^^
1^
6t CECilLE. jf
^i ne ceflera jamais de |ii*6tre
pr^cieufej &, quoique ]t nd
puifle rendre cette pidce publi-
que J fans faire tacitement raveu
de quelques-uns demes d6fauts^
}*efp6re que ma franchife & ma
iinc6rk6 me rchdront dans
ropinion & dafts J*efttme da
monde> ce qu'un parcil aveii
pourroit nf^ feire perdre : void
tet ^cm,illquejeleconferve»
M C*eft ici^mx cliere Cecile ^
w le feul teffakinent que mon 6tat
>y me permette de faire en votre
♦» feveur 5 vous ferez aflcz riche ^
» fi vous en recueiller tout te
*> fruit y vdtre heuxtntix haturel ^
«> votre amifi^pottritioi ^ la ban-
f> t^* de votae cccur me le f oni^
»df6fer^ & c^eft larplus douce
M elf^^raace que je pu^ empar"*
n'ixt eix mouram;- ^
.Ali^»
j|9 M £ M O I K. £ a^f
M Uincertitude de votre nlii?*
» lance ^ dont vous trouv€rez ici
» les triftes preuves ^ & dont je
v> ne vous ai jamais parl6 , dans
w la crainte d*affliger votre coeur,
>3 eft une efp^ce de feonte, que
w vous ne pouycz r6parer q:Ue
13 par de folides vertus & un m^-t
>3 rite qui vous diftingue.
« Vous trouverex ces beureu-
nfes reflburces dai^ ks deus
>> principes , fur kfquels f ai for-
\ym6 votre Education} Phon^
^ neur &£ la iufticefont ces prinr
w cipcs^ &Ia fource de toutes
» Ics vertus , qui nous font ijd-
M ceflaires par rapport a nous-
« mcmes ^ commc par rapport
w a la {oci6t6 dans laquelle nous
» vivons^ & pour laquelle nous
«> devons vivre. , ^ »
w T*6vite de m*^tendrefur qeii
Dl Cecil E. 4I
^vahick dbnt j^ vous ai {i ibu-
>^i vcn€ encretenu > je f<jais ce que
^a»yous penle^yifia chere CeciJe;
>3*&.je nedoispas craindreque
w CCS principcs foi^tent jartiais de
^>«vot:nc memoire & de votre
:• ' >3 j^ ne vous parlerai point
:iMr nan pla;s ici des fe^timens 4^
» Religion & de pi6t6 , dont j*ai
w pris foin qu*on remplk votre
^>;ame4 c'eftPaifeiredu fageDi-
» red^r a qui j*ai confix, votne
>yen£sLnci£y je yoti;sreoomraan-«»
>3 deraii {eukment d'avoir tou«-
>3 jours une enti^re confiance en
M lui. f
• w A If^gard de Ja.pQrite for cu*
ibiiie qiae i'ai puc^rous faire lur
)9 mes :6pargnes^ ayant depnts
>3 long-remps rcmis Ia-pr6pri6t^
i^sUte inss m Mar^sc^e
V
^t Memoikes
)>BeiubQiu:g mon iirere ifout
V la r^ferre de penfions quit vent
^3 s*^teindre avec moij V/OUti poi*-
»ve2 yous fervir de jDucIos-,
f> dont j^ai.toujours dprouv^ k
w fid^lit^ & l*cntendement <kns
>t mes propres afFaires :. 11 vom
f> fervira ians iot^riSt , f9atkint
f) m^ inteiations , jufqu'd ceqiw
HvMls foyez en dtat de eouTer-
w ner vous^ini^me votre oien.
» II eft tepips, ma chere Ce-
w cile y que je v6us parle dfe.qael^
^^ques d^fauts que vods devez
w fur^tout 6viter , & fiir lefquels
w j*ai cru devoir yous pr^venirj
»tout lagers quails font en ap?-
w parence, ils pourroieht un jour
w^cemir^ eorrompre m^me let
jjvcrtus que fai tachi de vous
funfpirer.
: )> Yous avez naeurelkmeAt de
r
BE Geci Li. . i|^
n k fierce & de la hauteur :tous
w pouvez en tirer parti pour vous
»> former une noblefle de fcnti-
»> ment , qui convient 4 tout le
» mondc , & furtout a celles de
>y votrefexe 5 mais-ii eft dangc^
n reux que ces qualitds nc fe d6-
» cident du c6t6 d*ane fotte va-
w nit^, ou d*utt infuportable or*
)> gueii ^ vices condamnables , d^
»> ceft^sin^ed^nslespeitfonnes
^du premier rapg : vousdevez
H fjbntib decombien de ridicules
' f\ ils feroie^t la iiburce , dans 1ft
i> trifte conditionou lefort vous
t» a mife.
Je vousai reconnu, ma chere
^^ Cccile y uu penchant funefte
^f > a I'humeuT^ les contradidkioM
» les plus 16g^res vous impatient
>> tent, vous r6voltent 5 fen ai
It fouventgiSmi^vQUslef^aycz^
44 Memo I kis
yy ce que jd n'ai pAgagner fiir
M votre caradcre par la douceur'
M de mes remontrances , tachefz
i> de le devoir a vos propres r6-
» flexions} fongez, ma chiere
^t Cecile, quelavien'eft autre
^j chofe qu*une viciffitude con-^
»* tinuelled'^v^nemensdontpeti
n dependent de nous^ Parnii
» ceux monies qui en d^pendenr,
»> ileftr^e&pjefqueimpof&bltt
yM que les plaifijs n*y foient pai
53 compenf^s par des peines : la
^9 complaifan^e dcs nommes ^
%i iiotre 6gard eft prefcjue toiH-
» jours intdrefRe } c*eft contrt
^ elle que nous devrions ^rre le
yy plus en garde i la contradic-
ts tion leur eft naturelk; nous^
M ne f^aurions trop lious accou-
n turner a la voir avec indiff^-
i> rence. Si vous faites attention
»B CEcit^iS: 4J,
>i aux petits acces de votteku-
>• meur ^ vous fentirez qu'elle
51 prend toujours fa fburcq dans
91 quelque contradidion ^ dans
>^ quelque oppofition que vous
5> rencontrez avps yolont^^s ft
« vous rcixiejttiez alors votre im--
»i patience jufqu'au moment ou
5i vous euffiez. pu examiner , de
\% fang froid ^ la difE^reqte ya^?
n Jeur de yotr^ Volont^ &; rde
« celk qui Jui p*ro|t ppppf^e.^
♦^ vous4©^i«pterie?.aif6m?ntcctr
V : te foiigue que le fpul amour
y^ propjr^ ' ^n^nte , moins rai-
nfonaMe? <|w; TejiBportemcnt
^ d^tjDr Yoyageur 4;pntre le vept^
n h pluie , kgi:e^;& les pra-
w ges: foBgei, ma chifre Ce-
.V cile , que les contradiiflipns ^•
v^ : les oppoficions font le ye^t; S^
44^ Memoihes
9^ Vous &es befle , Cecile , &
n YDS charmes ne peuyent man-
>» quer dc faire du bruit , dcs
>• qu'Us feront connus : c'eft de
>» torn les dons de la nature ,
» le plus cher aux perfonnes de
» Yotre fcxc , c*eA fouvent le
^ plus dangercux. Vous m'avex
>5 oui dire fouvent qu'il falloit
« aimer a plaire , & je ne pr^tens
^ pas m*en d6dire ici : mais ce
u d6fit de plairp , qui eft une
» *ertu potir tout le monde^ eft
n un vice bas & deshonnorant ,
5>, quand il n*a pour objct^^ que*
^S d'enehainer inc^ffdrenMwenc
j» & fans choixy tousles doeiirs i
5> c'eft un art m^prifabfe ^ done
P la pratique n'cftfaite que pour
19 les ames fans fentiment 3 &:
t» vous n'aurez de parti cette
1^ Inflexion que jefais;qu^aucanii
"4.
4^ que Tous fin pourriez avoir
n befoui pour vous maincetlir
» Mns Pinnoeence des fenti^
V mens q ue je vous conaois.
^ Heft qn danger que je crains
f>^ plus enoOTe pour vous.-Evkcx
» ma chere Cedle ^ d'engager
n trop l^gerement votre coeur :
» vous ^tes n6e fenfible/& je
)^onnois aflez la fierce de vos
^ ^ fencimens' , ' P^^ vous croire
^3 incapable d*une 'incliQation
>> baffe & indigne de vous •, mais
i9 le malbeur de votre naiilancc
» ne vous permet pas d*afpirer
t»r>ia <cecte vntioQ i6^»ie, qui
ii>- &ul&{^tgriK>ic|iiftmer une pa£^
l^i fidflA^doijt ^i^te «anit6.feroit
to . Cidfltehte* L*ito6galic6 de con-^
*» dicioii ; nia • chere Cecile , eft
>3 un f urieux pencil pour ia verr
M?'i:« f d^s le v4o'l«u:i«)j?age' de»
i|8 Me:5^d:iile.« :
i> paflions ^ &L dLe <cft^\prefguci
9> toujours fimefle a^ bohheur
i> :&.a la tcanquillit^ kle Idf vie
M dans le mariage. Qxi le regarde
») eny aia €pmine. un |K)Src a(fiir6
>y concre les naufrages ^uer dob
V redo3iter^ Hinnpoenoe 1, j qwand
V il tfeft pas aiTorti par r6gaUt6
1^ de la naiflance:^ & memc/ dc
•> la jfoxtune ;icomme ildoit i'qipe
V fAt qqUp diss caf ajds^fis & des
. • r^ : C'eft maintenant a voire ef-
f? pric que je park , -ma chere
^, Cecile Vyous avez prjs ^yeo
n moitaiRtdfe gputiiponrte ^air
^v voirqiAi^Qiis €«ayi«pj:i,^i^^
;^ je n.e doMtepomt <iH«J>voHsine
J, continuiez a eultiviep te p€»de
„ Jjimieres qw j'ai ^t^ pij-^cat de
^, VQus jconlrauniquer .^:par la
» fid^rable
DE CeCILEv 4^
'^ fid^rable fiir les perfonnes de
,^ Ybtre fexe j maisaufE vousau-
„;rez de phis dangercux icueili
,, a conribatxre & a 6viter.
MC*eft ici une partie eflentielle
^ de P4ducarion que je m'etois
>» pfopofd de vous donner 5
w mais il tie m'a pas 6t6 poflible
V de vous en entretenir , Sc bicn-
5t» tot il nt me lera plus permis
w de le faire : j*ai fouhaitd que
>3 yocre efprit fut culriv6^ il me-
V ritoit de I'etrej j'ait^chdde
w Porner de bonne heure de cou-
» tes les connoiflances qu'il dtoit
w capable de recevoir : j'y at
M rduffi au - deld de raon atten-
» te y 6c je redouce plusi aujour-
y> d'hui pour vous la foif d*ac-
w qu6rir dans ce genre , que le
w dugout & l*oubli de ce que
V vous pofTddez d6ja. C'eft afl«
Tome I. ^ C
jo Memo IKES
>>. powr une femme, ma ctere
M Cecile , de E'etre point 6cran-
M gere, je ne dis pas avec les
M Savans,mais avec les gens d'ef^
M prit qui ont desXettres : il doit
»3 lui fuffire d^entendre Iftur Ian-
M gue y & de pouvoir converfer
♦^ avec eux v heureufe m6me fi ,
w fansfortir de cette fphere, on
»> ne lui donnepas le titre de fca-
» vante.
xt Par malheur , il eft rare que les
n ferames s^^levcnt au - delFusdc
»> la foiblefle de leur fexe par Te-
M tenduedeleurs connoiflances.
>3 Si quelqu*une plus courageufe
» fe diftingue , il n*eft que trop
,, ordinaire aux atitres femmes
,, de lui en faire un ridicule , &
d'^vicer le commerce decelJes
qui paflenc pour fijavances
„ avec prefqu'autant de pr^cau-
9>
VE' Cx€ ihi. if't
ijj iron que celui d£s fcnarmci-^^
elle eft re^ae. ^^ ' , -
,, Vous^viterez ce ridicule , ma
chere Cecile , dans le monde
ou peut - cere . votw ^esxicftl- '
n6e a vivtrun^r ^ * (Iparoif-
fam: moins-iooctipte :de vcti^
>3 fa voir, qixe dass ouvtages con;-
veniibk^ i vocre fexe , vouj ne
n^gligez rien des petks ihim
o^ P^tat vie femme^foasp enga-
ge 5 pn'^ene^de^'^p^sm&mc
l^pafuf e , it fuffit bas Vo«s «fi
6vitiei Pext^s S6'les recker-
clies. Gar dez-vous auiS de d6-
cider'tropfouvent& trop af-
firmativerrient^ fur les cht)fes
de Tefprit, fi ce n'eft devant
uii clioix de perfbhnes qui
vous foyencbienconnues pour
-,, etre int^reffdesa ne Vous poinc
Cij
-1
^9
'J)
^)
^?
i
jy
>5
*ys M £ M O I H £ $
-„ dofiinfer de travers dam Ic
^y monde , 8c que c£ foic plutot
,, comme fi vous Ics confultie?
,, fur vos propres fentimens^que
,, pour parol trc vouloir r^for-
,, mer les Icurs.
„ Nc vQus bornex pas furtout
J,, a n'admetrre dans votre fo-
^, ci6t6, & a ne rceardcr de bon
ta ocil que les gens de|-ettres, 8c
w les v^ritablement beaux- ef^
« prits 5 que vqrrc accueil en pu-
n olic foic ^al pour tput le mon-
ti de*i les fots ^ cette pefte de U
•^ foci6t^^ n^y font pas m8me inu-
•3 tiles. On tire dos animaux les
.» pliis veninieux des huiles falu-
« taires , §c fouyent propres i
» gu6rir les playes qu'ils qntpu
f^ nous faire.
wVoila^machefeCecile, les
>3 avis qvie j'ai cru deyoir vpu?
DE CeCILI. JJ
n donher dans ces trifles mo->
» mens qui m'annoncenc une f6-
w paration prochaine : aycz ,
'^ pour la Comtefle ma ni^ce
» toutes fortes d*6gards } faite«
>• en forte dc ni^nter par vou»-
»» m6me Pamiti6 quelle aura
•3 pour vous , i ma confiddra-^
») tion : dans qnelque 6cat que
»> vous puifliezfitre un jour , con-
jf fervez pour Mademoifelle
» Duclos les fentimens que vous
%y devez a une fexnme qui vous
i» a tlourrie & 61ev6e avec autant
M de douceur que de foin 5 por-
>) tez fans ceile i votre bras le
w bracelet que vous trouvcrez
n dans cette Caflete , & confer-
» vez pr6cieufementie billet qui
II fut trouv6 fur vous s le hazard
>9 peut vous les rendre utiles Sc
^41 jtn^me n^cel&ires pour rctroii-
C ij
j4 Mi MO IKES
» vcr un jour vos parens & Votrs
M en faire Tccctnhoitrie. Voos
«> trojuverex dans, ua tiroir de
» votrc cauctte quelqtics au-
» tres pctits bijoux que je vous
•1 donnejjmach^reCecifce,^quc
t» je; von s ^ric de g^d6r ton j ours
» . podir UamcmrdQ nioi: j^aimis
!b dans Vaucrt^ t jroir dne.peeite
M fbmme , que je fouhaite que
» vous employ ez A vous pcrfcc-
13 tionner dans^lesxalensquevous
>>f ' avez.^ d^a' acquis, i Parmi les
^^rdbnsxjue je vx^ns fats ^il^ eft
» un que j© d^fire &: qvac je crois
^ devoir vous &re plus chtr que
» Ics aucres f c*eft le plus^jjropre
w a vous. Impeller fouvcnt la
p MTiJanQiEe d*^ bcmn^equi
4 vous 'i, aisn^ ! jiifi^u'au i tom^
i> heaui} de t^ndres iarmes i, que
M je ne puis refufer a Pincefti-
t
DE Ci ECl LE. 55
>i rude die. votre fort, ne me per-
« mettent pas de vons en dire
» davantage : adieu, ma cherB
« Ceciie. €4 '
Mes pleurs ne cefferent poine
d'arrofer ce pr^cieux gage de Va-
mitie du Conimandeur : elleS en
interrompirent fouveftc li lectu-
re 5 mais ce fut furtout a la fin
que je fends redoubler mon
attendriflement : je fentoistou-
tes mes idies 4^rang^es par Por-
dre gfi*ori nie donnoit de porter
& dPgarder foigneufement des
marq^tfes qui pouvoient unjour
me faire reconnoitre, w II n*eil:
^^ dotic pas mon pere , nV^criai-
w je avec douleur ! eh ! quifuis-
M je done, grand Dieu?>5 Puis
tout-d-cotip paflTant i iHd(5e
de ce pr6fent qui devoit foti-
rent me rappeller fa Tn^nioire*^
Civ
5iJ Memoir IS
je ne pus me refufer a un mou-*
vement de curiofitd 5 je cherchai
avcc precipitation , & je decou-
vris enfin des deux .tiroirs qui
devoient fe trouv6r dans mon
•petir cofire. Le* premier que
yottvrfs m'oifrit quclques rou-
leaux de louis } ce n'^toit pas cc
que je chercIiois:jetiraipromp*
tement le fccond 5 j*y trouvai
unc raoncf e d'or , une tabati^re,
un ^tui de mcme mdtal, linC
bague de diamant dont le bril-
lant ^toit parfait , & enfitf une
petite bo6tequi m*oi&it en Pou-
vrant le portrait du Comman-
deur. Ah ! dis - je en le voyant ^
oui ^ mon pere ( car malgr6 tou-
tes fes precautions que je foup-
^onnois toujours afFed^es pour
me d^robcr cette fatale connbif-
fjincc , ma tendrefl? pour l«
DE Ceci le; y?
t|. Comraandeiir , 8c ia fienne pour
ittoi,m'empechoiefii? de me d6ra*
cher d'unc id^e fi chere : ) » ou%
» dis-j€,mon pere, vousavez
» bien p6n^tr6 mes vericables
M fentinftcns^ oui^c*eft^la fins
» <louce celcii de vo& pr^ims^
M le pins cher a mon coeur :
w H61as !• J'y portc cctre m^rne
19 image (i profond^ment gra*
» v6e, qu'elle Be s'e£iicera ja^
>> imais. «♦
J« paiS^ db^x jours edtien
iitii<|i|[^ment occupde de ce cher
portrait , & de ma douleur , £ins
voir perfottne deceux avec qui
elle ei^ pA s^^^p^ncher > les vifi-
tes j^l# attentions de queiques
Re^eui(es ne faifoient que
m'imporcuner , je roe croiois
abandqu^e de tout le monde p
^ je p^mns que je n'aurois plus
e V.
d'^autre cQjiipagoie fiir - J^ terre
que ine^rkrmes^, I'iacertitude;
ce mon i^tat : caf Je dois avooi^r
que , pendant; deux jours d'una
iitijation fi vi^leni;^ ^ ^ mess-rr^er^
xiorts m^avoient inifenfib^feoipnt
Qood^aioe 4 dottier q^e 1§ Cquvt.
mandeur^euii eu :, ^ne .kiispasr
la cruauc6 , mis la f0r<e de me
traroper fur ma iiaiflan^e, Tel
6toitV£jmA€^mojii%rfkp fejcrpir.
£6me jour de ma retraite:^lorf;;
qu^on^ vintimfaY^rj^ ^juHf-^uclos
demandoit a nie.voir de li^j^arifi
de la Coiticefie deBeaubojirg: fa^
Vide, j^nouyella bkototr d^W/
mon- ctfcur ; touS'lei ifi|i||i9^^5
w Mon:j5he4je]fere,;,iluitmA?jer1^
« le voyane(eer c'^etpit^aiafi que-
je leavers toujojiirs traite |gpila»t
que j'avois: Mej^iL.t^ei
itiandeur ) ^5 vous ne m*avez
yy done pas abandonti6e?JeA'eus
pas la force de dire rien de plus.
*> Ha I Mademoifelle , mer^pon-
« die Dtielos en foupir^t , ce
^y notn 6t cet honneur ne me
ry conviennent plus 5 vqus avel.
♦3 * du trouver , dans le^ papiers
M quemon cber maitre vous a
^ remis , des ^claireiflemens fur
vbtrfe naiflance , qui vous eft
ont • appris la y6rit6. H6\as I
» Ini dis-^je, quels ^ckircifle^
•5 hiensf F ou plut6t queMe obf-
w curit6 aflreufc ! je tf ai done
*>V plusperfonneau monde que je
*5 puifle appeller mon pere ? ah i
1-5 moh chere pere , Fayfe2-le toii-
•>>^^uts : ayei piti6d^iine fille in-
i> fbi*tttn6e q:tti ne^ eoiJtntJxt qu&
"« voos^ fur la terre-j fbuffreZ',
» mori cher pere ,qu«]e vous rtf-
^ C vi
5^
6o Memojkbs
^ metce a rinftant tous les dons
>> queMonfieurleCommandeur
^ m'a fairs j il$ vous apparti^i-
»^ nent : vous en difpoferez , vous
»^ ne m^abandonnerez point y
*» vousaurez piti6de moi. cc Da-
closfut p6iv6tT6 de mon difcoursj
a s^attendrit ,• il me confola de
fon ixiieux par les afTurances les
plus gen^reufes 5 & , dcs <^u*il
s'apperi^ut qu'il avoit un peu cal-
md mes inquietudes , il m'apprit
qu*il venoit de la part de la Conv-
teile s'informer de ma fant^ -^
qu'il y feroit d6]a venu de lui-md-
ine J fans les embarras^ que notre
commune perte lui avoit €auf6s.
>3£nfin^ Mjidemoifelle^ continua*
» t% la larme a I'oeil, je litis
w vous attrifter eticofe , en vous
w appjrenant que M. i^Com-
M niandei)r &'eft. occupi^^ vous
deCecile. 6i
>3 jufques a fbn dernier inflanc j
>) il a pr6vd toute la doule^rque
w vdus rcflentez dc fa perte 5 8c
w j'olfe vous* afliirer que vaus
» ^ticz Punique' objet de la
» fienne : mais , Mademoifelie ^
>3 ce difcours vous coilche trop ^
» me die - il , en s*appercevant
f^ quej'6toiSeiFediveii>enc acca-
w Dl6e par la viotence de ttics*
i»' foupirs. H eft Kms que je vous-
n fade part dcs dcrniers ordres
w* que j'ai retjus de Monfieur le
yy Commandeer a votre fi^ec :
>> ilm*acammand6d*avertirvos
» Maitres j foti intention a it6
» que vous continuiez. avec* eu3r
^v^s exercices, ilm'a cbarg6
»>: de vous I'ordojiner de fa part j
«» vous aurez aujourd'hui votre?
^^9 CUv,ecin& vosLivres: ilm'en
^ a fait tirer pluiieuxs autres do
4z Memoirb^
»> fori cabinet, qu'il vous a def^
M tvxis , & qull a fait mettre ea
» furete avant de mourir : tout
w Yous fera remisce foir-,&je
» crois que lejour ne fe pafle'ra
yy pas fans que Madame la Com-
M teffe vidnne elle m^me vous
» voir, ci J'^tois immobile , &
dans un fi cruel abbafement , que
je paroiflois infenfible i tout ce
que Duclos. venoit de me dirfr.
II me demanda mes ordres pour
la Gomreflc :» hilas ! lui dis-'jev
M ne raffligex po/ot par le r6cit
M de F6tat oh vous me voyez r
» aflrurez-ladcmareconnoiflan-
>r ce & de. mon r^ed 3 mair
>? ddtoumez-k^ sf^j fe pent;, db
sa venir me y©ir encore ^i^q^uel-
» ques Jours j je fens que'faug'-
M menterai fa douleur., c;H|inme
n: q]1q renouvellera to^ la^
*i mienne^ Allez , mon cher Du-
V clos J il fumt que vous ayez Iz
w bont6 de m*apprendre vous
99 nieme de fes nouj||Ues. u II m^
qi|itta ^ p^9|Strd de la plus
profonde dpuleur 5 je la partaj
seois avcclui: t^qur ce qu'il m'a-f
voit aj^nooncd fut ex^ut6 quel-
ques heures apres fon depart \
ic malgnfc ce que je I'avois pri6
de dire a la Comtefle , on vine
m'ayextur , ^^.(declifl. 4«^ jpwr ,
qu'^Uc .,«)e fatfok. I'jboaneur ide
ma 4en^?.T. , Je.4eyins trem-;
blante a U niouyclle de cette vi-
^te ; j'e4S 4 B!^i|f? ^ force de itne
avec w>S' tplewn tftP« ng'^Ce^or,
uetien. Je, tenois/ji pj^^o <5u'elle
:€4 , MEMOiiii
m^avoit paflSe par la grille , jeli
baifois fans cefle i elle fcttoit h
mienne , & ces marques mtiettes
de fbn ami4l rn'6coient fi tou^
chantes , qu'elles fembloient ott*
Vrir mon cocur a un ientimcnc
tnconQu : en eiFet , ma douleur ,
qui , jufqu'i ce moment, n'avoic
6t6 qu'amere, devenoit infenfl-
blement plus tendre. La Com-
tcfle 6prouva, fans doute , le
mSme changentetft , le m^me
adoucifTemeiit i fes ^eines i elle
ofa rtie ravoacr la premiere r
>» H^las , me dit-elle , ma chere
y^ Cecile^ je cra|piois de yous
voir : je d^firois , & redoutois
tout^S-la-fois cecte chere en*
trevde j mais qu'eRd m'^coit
n^ce^irelEIIe r^pand dans
,, mon ameun calme que k|i'e£-
^, p^rois pas d'y voir fitoc rena t--
*
' D B C E C I L I. ^5
^ tre : non ^ il n'y a que ceux cjui
^, partagent v^ritablement no-
,y tredouleur, & qui la fencenc
„ comme nous y qui foient ca^-
„ pables de nous confoler ; oui ,
,, ma chere Ceciie , je mecroi-
,, rois aiSez heurexife en ce mo-
„ ment ^ fi je pouvois me flater
,, que mon aniiti6 fie fur vous ce,
,, que je fens que la votre fait
^, fur moi. 'Ah ! Madame, lui
^, dis-je , j*ai du vous pr^venir^Sc
^ mon coeur vous a privenue j
^, tout n'eft done pas perdu
^, pour moi j le ciel me reiid ,
,, vous me rendez vous m^me ,
,5 Madame , ce que je croyois
,, devoir jgegretter inutilement
\y toute ma vie , un coeur tendre
^,' & compatiflant , ftnfible i
^ ma milere , & qui ne dddai-
^y gne point de prot^ger oDfe
i
M Memo! RES
,, itialheureufe fifle d6favou^tf
,, de toute la terre , ou elle ne
^, dcvoit plus fe flacer d'avoir au-
5, cun appui. cc
]i proloxigeroistrop ces M6'
moires, fi j*entrois toujours dans
les petits details qu6 j'ai peine ,
je ?avoue^ a me rcfuler j mais je
fens queje m'attendrirois- trop ,
enrendanc un compte exadde
la converfation que j'eus alors
avec la ComtefTe , & de celles
qu'elle m*a fait Thonneur d'avoir
avec moi dans la fuire t ilme fuf-
fit d*inftruire ici mes ledeurs ,
que cecte Dame la pljis aimable
6c la plus refpedable aue j'aye
connue , me juVa d|s -tors une
amici6 qui ne s'eft refroidie pen-
dant un tems que pour devenir
cnfuite plus tendre St plus fo-
lide. Elle me faifoit tous les pe-
i
DE Cecils. €J
t\ts pi-efens dopt fa ^kvAxoCit^
pptj^oits^ayifer^ & elTeme don-
na; couJQurs les confeils les plus*
fagcs & les plus i€Qf6$, Jeprois
devoir avercir aufli que Duclos ^
&fafemme fur -tout, me ref-
terent extremement attaches y
p;dle-ci me vpy oit fouvent : le
mari s'dtoic charg6 da foin de
mes petites affaires , & il s'eo
acquictoic avec une fideiit^,6c un
ddfint^reiTemenc rare i des per*
fonnes comme lui, .S^'ii ne s'^toit
jamais m ^16 que desint^r^cs de
ma fortune , je o'aurjpis ^m qu^4
me louer de lui.
L'amiti6 de la ComteflTe , Ic
terns m^mc me rendirent enfiti
la perte que j'^y ois faicp piu$
fiipporitajbje:: j'aypis repris^.tpus
•nies .ex^rcicesfv C'-eft ^ 4 - diip le
Clavecin & la Mufiquej j'avois
/
fj MiKtCiKs
la voixbclk , a'ce qu*on]difoie J
& je m'appliqual a en acqu^riir
les agrdmens. La le&ure ne fut
pas ce qui me fervic le moinis k
Taincre madouleur j je m'en oc-
cupois tous les jours pendant
queiques heures y comitie j'avois
toujours fait fous le$ yeux du
Commandeur. Sa liberality m*a-
voit mile en 6tat d*avoir peu de
befoindes fecours Strangers pour
mefacisfaire en ce genre:environ
fix cent volumes qu'il avoir choi-*
lis lui - mcme pour moi^ fuffi-
fbient a ma curiofit6 & au deiir
quej'avois d'apprendrej c^^toit
pour la pldpart THiftoire uni-
verfelle & particuliere , les meil-
leurestradudions desAuteurs les
plus connus , un choix particulicr
dc Philofopfaie morale, & de*
iivres de raifonncm(;nic > les meilb
l)E CiClLl. ^
ieurs Theatres ^ peu de Romans ,
mats bien choifis : telle 6toit
ma petite biblioth^que , & j'ofe
dire prefque Turfique reflburce
que f aye trpuve^ centre les r6-
flexions accablantes d'une/itua*
tion , telle qu*on pent fe pein*
drelamienne^
. Le ledeur eft d6ja trop inf-
truit pent - etre de toutes ccs ba-
gatelles , dont je . ne parlerai
plus fi la n^ceffitd ne m'y con-
tijM^> il eft tern's que j'entre
d Updes details plus int^refTans ,
en continuant de faire au natu*
rel k tableau de ma vie, ]u€*
qu'au terme Jbeureux oii je fuis
enfin parvenue.
11 y avoit environ un mois
que ]^6tois dans mon Convent }
j'avQis f^u quevle Marquis de
Bcaubourg, be^u-Pere de la
ffi> Memo i jl e i
ComtejQfe 4 ^'^toit lieureuffemctDi
«ri d, k grandi nuladie qu'a
avoit eue 3 je f^avois que le Com-
te fon fils devoit bient6t revenir
a Paris, & j*avais appris ces nou-
velks avcc affe^^dliidilFeremre.
Enfin un jour que j'avois compDe
de voir , 6c que j!avais ea vain
attendu JaComtefle, je re^us fur
le foir ce billet de fi. part.-
Mon marieft arfciv^ d midf ,
ma chere Cecile, faiiis m'avoir
^, donne avis^du joui? de fcM^-
part ni de fon retopur yil a^Be^
ned'Anjou avec lui le Cheva-
lier fon frere que je rfavois
point encore vu : c'dtan jeu-
,, ne homme de la piushepreufe
ei^f ance y nous voulon^ le
placer a I'Academie^&lefaiiiB
entrer aux Mbtifqueraires. Ce
„ ce retout pr6cipit6 ni'drnpe-
^9
J5
3l5
55
^ E Cecil I. yi
^y elie de vous voir aujourd'hui :
^ mon mari m'a paru tre$-con-
,, tent des petics foins que je me
,, fuis charg6e de prendre de
,5 vous 5 nous irons vous voir en-
^, fembio, Bon foir , ma chcre
j^ Cecile. «
Tout ce qui me venoit de la
part de la Coniteifcm'^tQit pr6r
cieux > je relus pl^fieurs fens fbn
billet) li fipibloit qu.'ilnxe tint
.lieu d'elle-meme. Je n'avois pas
fait d'abord beaucoup d -atten-
tion a la nouveile de I'arrivi^e du
jeune Chevalier de Beswbourg ;
mais me fouvenant tout-a-coup
de tout ce qu*pn m'avoit appris
que le Commandeur avoit fait
pour lui , je fus touch6e qu'il ne
f u t pas arriv^ aflez-rot pour jouir
des embraffen^s d'un oncle qui
devoic lui ptre fi chgr j je m^aifliT
7* Memoir El
geai m^me ^ pour le Comman^,
deur^de ce qu*il n'avoit pas cu
la confolation de voir ivant fa
more un nevcu qu*il avoir aim6
ft tendrement 5 jecheirchois a me
&ire une id6e du Chevalier , qui
ripondit a la tendrefle que
fon.oncle ayoic eue pour lui j je
m'occupois de cette id6e , & je
m*en occupois aflfez f^rieufe-
ment pour craindre que I^exem*-
pleduComte de Beaubourg put
corrompre les mccurs de fon
jeune frere. ,, H61as , difbis-je en
,, moi-mcme , fi le Chevalier
^, n*avoit pas perdu fon oncle ,
^j pour peu qu'il eut apport6 aii
^, monde un heureux naturel ,
combien P^ducacion qu'il en
eut rc^ue , lui eut 6t6 utile !
Ah ! continuoliije, laComtefle
„ fa belle-fbcur lui refte ; il fui-
vra
9j
55
J>:1L GECILI^ .^ if
i» vra fes confeils , il fera (iighd
» de l'amiti6 que le Comman-
» deur eut pour lui* Mais , quoi I
>• me dis-je , en me furpjpenant
» moi-m^me dans ces penleesqui
vj de voient m*8tre 6trang6res, de
M quelles id6es mon efprit s*avi-
M fe-t'il de s*embarraflcr I Ii61as t
ri ajoutois-J€ , 6 mon cher Com-
» mandeur , 6 bienfaiteur que
w }e n'oublierai jamais , je vou^*
M drois que tout ce qui porte
w votre nom fut audi verdieux ^
» audi relpedable que vous. *^
On trouvera peut-^tre ces re-
flexions trop raifbnrides pour
une fiUe qui avoit a peine atteint
la quatorzieme ann6e s mais on
doit s*en fouvenir : j'ai pr6venu
mes ledeuts , que le Comman-
deur m*avoit appris de bonne
l^eure^ a penfer : d*ailleur$ au-
Tome /. D
^4 MEMOlRErS-
jdurd'Iiqiquej*^crisc€s M^raow
res , il m'elV, je crois , permis dc
donner unpeu plus deforce aux
id^es y dont j'avojs dapiQios lesr
ger^mes dans Tag^ dpnp }e me
rends cornpte a moi-meme i &
je puis aflTurer que je fus aifed^e
de cqus ces mouvemens d'une
faq:oa moins pu6rile qa'il ne fc-
rok p?ut-^tre ppflible de le foup-
qonnet, Quoi qu'il en foit, je dois
a la y^rit^ d^ pro|:efter ici , que
daQs le cours de ces M^moires
de ma yic je ne me fuis prfit6c
Stc ne ipe preterai aucun fentH
mept que je n'aye r^ellement
(^prouv6 y & que j'ai dumoins ac-
tuellement en moi la perfuafion
intirpe que je n'exprime ricnque
je n'aye fenti, Je ne crois pas
m8me y en merendant cetcc jul^
tice J m'dlev^r crop au-defliis dc
D E C ECILS. 7f
tdUtes les perfonnes dc cet ^ge ^
& de mon fexe 5 j'en ai connu ,
& j'en connois encore d'aufli
avanc^es que je pouvois Terre
^ alors : je ne dirai rien de plus fur
cet article pour la juftificatioil
du peu d'efprit que la nature
m*a donn6, &jecontinuerai d6-
formais fans fcrupule a rendre
le compte le plus exad de Pdtat
de mon ame ^ comme des diff6-
rens 6venemens de ma vie.
Des le lendemain de ce billet^
le Comte vint me voir avec la
Comtefle } il me fit beaucoup
plus d'amitids que je ne m*6tois
attendue d*en recevoir de fa
Ipart : celles de la Comtefle ne
m*i6tonnerent point , j'y 6tois ac-
coutum^e- La pr^fence de foa
mari m'empecha d'etre auffi It-
ijre avec ellc que je l*6tois ordir
Dij
^2 Memoihis
naircment 5 clle m*en fit des re^
proches : le xcffc£k que jc dc-
yois ^u Comte , fut mon excufej
il m'ordonna de le refpeder
moins , & me dit qu'il 6toit ja-
loux de Pamiti6<jue j*avbis pour
fafemmc.Je le cpnnoiflpis moins
qu*elle , le Com.mandeur ne
m^ayant jamais trop jnontr^c a
lui J il me regardoic , il me louoi;
beauicoup, & je compnen^ois i
r6pondre A fcs lojianges d*une fa-
5011 mojas embarraff^e, Mon
jnaitre de mufique arriya dans ce
moment ; je voulois le r^nyoygr j
mais le Comte le fit refter ^ 6c
vouiut m^cntendre chanter. Je
me mis 4 mop clavecin, & jc
m'accompagnai une fcene d'Ar-
mide. LeComtc parut m'ecouter
ftvec une forte de raviflement ^
pjiis tptt^ a cpup ildit 4fj^f?m^
T>t C It I L t. 7^
the : w Madame , voila une voix
wqu'il faut faire entendre a M7
h de Francinie.^La Comtefle I'ar-
rcta fur le champ , & lui die :
13 Non , sll vous^ait, Monficur,
t^ nc parlons Fm|| de cela , je
5^ vousprie* £n^rit6^€ontinua
n le Comce ^ voild une des belles
» voix que j'aye jamds l&ntcn-
w dues , & c*eft un meurtre que
» cela foit enferm^ dans un cou-
T> vent. '^ J'^courois ecs ^^loges
avec une forte de plaiiir , fans
entendre alors de quoi il ^tait
queftioit. Letir vifite qui avoit
6i6 aflez longue , finit enfin : le
Comte en fbrtant m'accabia
de nouvelles louanges fur mz fi-
{jure & fur mes ta^ns j il vou-
ut prendre ma main i travcrski
/ille : je refufai cet honneur $
a Comcefie me donna la fienne
Diij .
I
7t Memo I %ti
en me ^ifant- tout bas ^ tandis
que le Comte fortoit : >? Adieu ,
» ma chere Cecile ^ je ne tai
» point amen6 mon petit Chc-
»3 valier^ parce qu*il n'eft point
>» habill^ i mi|^ I'amenerai ici
»^ au prgnier^Kr , je veux qu^U
» te connoi£[e» <c Je reftai feule
avec men maitre qui continua
i me donner le^on v il itoit pr£t
i me quitter , quand poufTde par
un mouvement de curiofit6 , je
lui demandai quel 6toit , &: s'il
connoifToit ce Monfieur^^qui
jMonfieur le Comte de Beau*
bourg vouloit me faire entendre.
w Ceftle maitre derOp6ra,nie
» r^ponditmon makre de mufi*
n que. Je fus fach^e de lui avoir
fait cette queftion , quoique je
ne fufle que fort imparfaitement
ce que c'^toit que TOpdra. Je
»E c EC ILL ^y
trouvai quelque chofe de C\ hur
milianc pour moi dans cette r6*«
ponfe , que }e copgi^dioi Mon-^
fieur ChopeiR ^ fans en vouldir
f^avoir davaficage. Je tie fas pas
longHMins lans 6tre mieax ^clair^
cie des indignei projets que ks
Comce de Beaubourg avoitfor^
fn£$,ea me royaoc &: en m^Seoicen^
danc chatifer.
Des lelendernara ilrevmcau
Couvent \ i\ demanda a me voir y
k livr^ trompa fansr douce la
Touriiere 1 on m'avertit: qtiw^ia
Comteffe de Beaubourg me4e-
mandoit : j*y counis arvec touce
la joie qu'on pent imaginer }
F>ais quelle f utma iurprife , lori^
que je vis fon mari fcui dans Id
par loir ! Je demeucai interdiK '^^
embarraa6e& cremblance ,n'a>
fancni m appcocher ^ ni me re^
D iv
^ M £ M O I H E »
titer. Lte Comtc s*en appcr^ii :
3? Pjaurquoi donc^ mc dit il ^ Ma-
^y detnoifelle ^ perdcx-vous ainfi
» tottce vxytre joie en me voyant ?
H fius-je fi effray ant? venez, belle
w Cccile , j'ai a vous entrecenir ,
n £c je penfe que vous ne devej^
*> pas ircfufci: de [m*icoutcr*
ittPairdocnez tnoi.^ Monfieur^ lui
w r^pondis- je , on m'avoit dit
M qu6 Madame la Comcefle me
» demandoit , & ma fiirprifc.—...
»• Non^ Mademoijfelle^inteirrora*.
wj: pit-il , ce n'efl: point, la ||om-*
^ tefle , <'cft moi qui- ai qadque
» chofe 4 vous dire 5 afl^cz-
» vous, & daignez m*6couter. Jc
lui ob6is, & il continua de la for^
te : w Quel age avez-vous belle
>3-Cecile?Quatorze ans, Mon-
c* iieur y lui r^pondis- je. Com**
HI meat ! quatorze ans ^ pourfot^
D^ Cecilr %t
^ vit-il I vous ^tes bien grande&
^y bfen form6e pour vocrc age 1
» jc vois des cnarmes , & mal-
ty gr6 la modeftie de votre ajuf-
» tement , j*en fbup^onne en-
"^ core d'autres a qui j'aurois
3^3 donnd dix-fept au moins : v6-
fi tre taille , vos traits , Sc ces
^ beaux yeux que vous baiflez
» avec unpeu trop de modeftie',
<^ t6ut cela n'eft point d'un en-
if3 fanr. Ah !• Cecile, que vous
t^ ^es bien- dans I'age des plat-
•y firs ! & quel dommage que
» vousenfoyezpriv^erMj'^couJ-
tois malgr^ moi , mats en- fr6-
miflant, des difeours auiquel's
mes oreilles & mon* cctur n*6-
toient^oint accoutum6s j; meis
yeux fe rempliflbient de ki^rmes
qu« je n'avois pas la force de* re*
ctoir*. Le Gomte les vie couleit
|2 <. Memo I RES
fans enctre attendri. » Je cro&
M que vous faites i'enfant , me
w dit-il ? vous pleurez^ Cecile : &
>3 que vous dis-je done de fi trifles
M eiTuyez ^ efTuyezces larmes : je
>> veux quey ousvous accputumiezj^
w avivre avecmoi, lafuite vous
*> apprendra combien je.fuis de
•> vos amis s il faut un peu mieux
J3 nous connoitre ^ machereCc-
»> cilc : vcnez approchez vous»
*j de moi..*... Jq fuis bien ici^
W' M onfieur , lui r6pondis-je avec
w indignation ^ &: je vous en-
n tends affcz....... Vous ctes une
» petite folic ^ continua-t*il , ap-
M prochez-Vous ^vops dis-je ^
M Je n'en fis rien. Comment,.
», pourfuivit il, vous faites la niu-
w tine : )e ne fuis pas content de
99> ces fa(jons-la 5 & cen'feft pa$>
I* avec moi (^ue vous deve^. leS'
PE Cecil I.: ^^
» avoir: atoyet moi ^ moi belie*
« tnfyn%^ prenezrCn de tout au*c
>i tres. Vous fevOT. que jc con'*'
» nois votre 6tar , je fuis inftruk-
» de la petite fortune que raon^
>» oncfe votts a faiirer J &f q;uepcn*<:
>i lez.-vou5 ojvec cedcuipp avoir
>» d^venir } pailar€^:rCTi&; les pUis<'
y» beaux de vos^ J0iti;s a voos en^
^ nuyer dans unr couvent ^ tcm^
>^ jours feule , abandom!!^ dr
i^> coiitleumofid^ rtpl ne^irousr
9 'ConcfDil^ famt<^:m^ ar
» "^^^s^tti^mr y mepri^© .fure^
* meM de Vos compagnes i Queli
» 6 tat , ma chere Cecile I pou-
» vez^vous le crpire pr6f<5rable
n acelull^ueije^iens TQu^.QiS^ df
>i je la^ai pa^ vouhii diff^car] ut»
9^ ipfbskiit i vrausL en^ kiftfiiirec^
» poiir pr^venir y s*ii fe peuc^
9^ 4u>utes }&$ cliia3)6res^que. vqa
D vj)
t4 Memo ikes
n Rcligieufe&^& peut-^trc k
H Comteile elle JBcmc ^ pour-
n roient vous infpirer. Vous.
n 6tcs belle y Cccile j vous aves^
. u UQ talent admirable , & voose
»• 6tes dans un age, ou vous n'a-
n yc2j pas unV momcint a pcrdrc
MP pour proikerde.cesavantageS'
w que* vous devez a la^nacure, &.
M A r^ducaiion? que vous avez^
)» r€(p^ du Cbmmandeur moii«
^ oncle : en piieaant le parti
9i; que je vsens vous propaler y
M vous -ailez augmented dani^
w un moment votre fortune de
M moiti^ , vousallez^tre aim^e ^
» recherch^e ^ £it&c de tout le
^ m6n<te 5 tons les plaifirs^ mar-
ts cberont fur vos pas ; j,e n^
i> pr^tens vous parler Kt que
i» de ceux qui naitront de vos
^ fixccks,^ voui fbez la^ maii^
JM, Cecily. Jf
n crefljc de ccux de votrc cocur..
n Si parmi les hommages qu'oa
w va rendre de coutes parts a vo%
» charmes , une connjoiflance ud
>» peu plus parcicuiliere , quelque
^ fentiment de reconnoiflance
>* peuvent vous faire diftinguer
»» les mien^i ^ y^ me croirai £ai>s
M doute le plas keureux de tous
>• les hommes v raais je vous en
»> donne ici ma paf ole d'honr-
99 near, je ne me, pr^vaiKirai
M jamaisr de ces pecks avantar
^ ges pous tyianni&£ votre
» cceuf}. je ne veux robtenir
w que de mes foi»s pour vous ^
^ je ne pretends pas m^e que
•y vous me temez. cocnpoe de .
n mes bienfaiss y foui&ez feur-
i» lement, Wle Cecile, que je
jr vous mecce en 6cac de diCpo^
•i* fer de vous- m^me avec vuie
i
96 MEKToricis
w enti^re liberty. Si vous con-^
^ fcntex d^entrer a POpera ,
ff comme je me le fuis promis ^
» & comme vous ttcs maitref-
» fc de le fiire , car ,.ajouta- t'il y
» j'ai d6ji parole que vous y fe-
» rez bien re^ue , je vous logtf-^
»^ rai & vous meublerii pluS
» convenablement :: quoique
» vouspuiffiezfouliaiter^jevoui
n Taccorde d'avancej -& je nt
n vous demande porir tottte fo-
n veur ^ ; que la licettce ^^ -feirif
*3 valoir auprcs de vpus les.l^uf*
i3 droits de ma tendreflTe. *> K
fe tut enfin , paroifl^ant attendrd
ma r^ponffe 5 j*avois les ^eux baif^
&s^dc ]e ne penfois pits que j^
dude lui r^bhdre^, ie- pt^fiMi
de fori filen<ie ; & mk Umi^Acf^
fein de me retirer, ^ Quoi! s*6^
n> cria - t'il , crueUe Gtcile ^poaif'
Di Ceciee. 87^
» vez-vous vous rdfoudre d me
» quitter de la forte ^ Quoi t
» fans me dire un feul mot^
>• Songez-vous bicn que c'eflr
yy m'accabler du mepris le plus.
>3 offenfant ? Eh ! Monfieur , lui
» dis-jeenfinles yeux baigni^s.
» de larmes ,. que voulex- vous»
w que je vbus dife , & que puis-
» je r^pondre a uft^difcours au-
» quel je n'ai point du m'jsitten--
» dre/ Vous me parlez, Mon-
^ fieuT y de me faire entrer k
» POpera : je ne fais ce q*ie c'feft -y
» mafs je me fouviens qae Ma-^
» dame la ComtefTe vous pri^.
t> hier de ne m'cn point par-*
» ler. Pour ce qui c&desavan*^
» tages de ccttc condition que
w vous me propofcx^llmage mc>
33 me que vous m*en faites , tou-
i» ce flateufe qu'elle paroic etjs^'
ff MlKfCVlllZl
9) dans vos difcours , m'efirayC-
*3 Vous me parlez^ Monfieur,
^ d^hommages du'on va me rett-
« dre , de Ix libert6 de difpo-
» fer de mon coeury de moi-
^ mSme , du fuiccibs de mes^^ ta^
w Icnts I ces idi^es toutes nei^
« ves pour moi doivent m*Stre
M fixfpe&es^'f jamaiis M. le Com^
nrmandeur qui m'aimoit afTu^
99 r6ment , ne m'a temi un pareil
^lengage : il m'a bien die au
» concraire que ces petits avair-
^3 cstges dont vous. me flacez ,
>9 6toieiit £>uven[t de^ diangereu^t
» pr6fens de la nature. „ Ah !
» Monfieur ,. votre langage doit
M meparoltrefiidiiESrenc du fien*,
» que vous nc devez pas ^treiur-
n pris que j'en fbis aliarmie-. . . .
» Soyez £iire , Mademoifelle , re*-
"•pritbrufqucment ieComte^q^ue
I>£ C £ CI hi. ft^
^ It Commandeur avoir fes deft
^^ feins en voiis parlant dc la for-
,, tc : le bon homme n'^coic pins
,, jeune ^ vous r6tiex trop pour
„qu'il osit s^cxpliquer nctce-
,, ment avec vous j mais croyez
^^ qu'il edtbienc6t chaiigddefa*
,) 9on & de kngageXe Commaiv
), deur n^6toit pas dupcsil votdoic
j^ vous gagtier par fes bienfaits,t8^
9y jevous fuis caution qu'il n'^coic
„ point homme a en vouloir per-
^, dre le fruit Ah ! Monfieur^
,j qu'ofcz vous dire^ lui rdpliquai-
,^je avec toute Thorreur qu'il
m'infpiroit Oh ! je vous le
confeille , coxitinua le Comte :
penfez-vous que vous m'en fe-
rez accroire ? Eh t Mademoifel*
le Cecile^ mettezlamainfurla
♦J
^^ confciencej je ne vous crois pas
^ii novice que vous voulez le
9© M
„ paroirre.
j, fincere. ,
micpasd'et
jecourus r
chambre la
la douleui
n'avois poi
iicuacion ps
trouvaii j
frimiffbis ,
plus moi-m
„ m'^criois-
„rerainfi t'
„firefpefta
„ heureufeji
„ tendre a n
„m\a6 qui t
„norable qi
Je reftois e
lans fentimci
^ coup les yt
m'environnoi
,, paroirrc,^ fi vous vouliei Strtf
^, fincere. . . Ma foite ne fne per^
mit pas d'en entendre davantage?
jecourus me renferm^ dans ma
chambre la home fur le vifage &
}a dottleur dans le cocur : je
n'avois point encore^prouv6 de
fituation pareille i telle oil jeme
trouvai j f 6tois tremblante , je
fr^mifTois , je ne me connoiiTob
plus moi-m^me, „ Ahlmonftre,
^, m*6criois-je , peux-tu deshono^*
^, rer ainfi tout a lafois un Oncle
,, fi rcfpedable ^ & une fille mat*
„ heureu(e,qui ne devoit pas s'as^
,5 tendre i rougir un jour d*une a-
,5 miti6 qui 6toit le feul titre ho-
^, notable qu^elle eilt au monde f
Je reftois enfuite immobile &
lans fentiment ^puis jcttant touc
d coup les yeux fur tout cc qui
m'en viroojaoit ^ n*apper ce vant
D I C E c 1 1 1. ^r
rien que je ne dufle i la libera-
lic^ du Commandeur. „ Funeftes
,9 bicntaics r difois-je ^ ah! quelled
,j id^es cruelles me rappellerex*
5, vous fans ce£e ! & pourquoi
^> faut-il que je vous aye re^us /
,, Pourquoi ^ 6 cher Comman-
^j deur, vocre compaffion vous a-
9y t*elle pored i me conferver la
,, vie ? Que ne ra'avez-vous 6t6
yy aufli xruel que ceux qui me
^, l^avoient donn^ ? En un mot
r^cat de mon ame aprfes ce triC-
te encretien ne peut fe ddcrirej
j'^oisan6antie^ ablm6e dans la
douleurlaplus profonde: cefut
cnvain que le fouper , que les
differens excercices du Couvent
fonnerent j je n*^eus pas la force
d*y parokrt : les Religieufes ea
furent inquietes ^ je feignis une
indiijpoiition violente* Onmefiir
mettre au lit , on m'accabk ii
foins importuns , & je ne trouvaf
le fecret de m*en d^livrer qu'en
feignant de fn'abandonner an
fomraeil. Quel fomraeil , ^ands
Dieux ! les ombres 6cle Blence
de la nuit fie firent que i:edou^
bier Thorreur du trouble qui
pofKdoit toute monanie} je nef
pus fermerroeil , la fiivre la plus
violente ne me caufa jaftiais unc
agitation pareille a celleque tous
mes fens dprouverent^i je pen-
fois 5 j£ parlois fans ordre & fans
jfuite: la rapidit6^ ladiverfit6de
mes r^fl^xions reflembloient au -
ddlire d*une perfonne dans le
tranfport. Tantot je me repr6-
fentois le Comtearm^ de toute
I'autorit^ que je craignois <|a^ii
ne ddt prendre fur moi , ufant
de violence pour m'arracher
i
Z) £ C E C I L I. 9f
ii^nnc recraite qucje ne croyois
pas un rffmpart aflez s^t coritrc
Feraportenjenr de fes defleins 8c
de fes d^firs } taoiot je croyois
voir le Conamandeur g^miiianc
de mies informnes^ jTCproicher i
{on hev£u les outrages qu'il ne
craignoit point de &ire a fa m6-
moire, & la barbaric ayee la-
quelle il ofoit tenter de plongcr
dans un abirae de d^fordi:e$ une
fille ma^heureijfe dpnt iLauroit
4d hrs Pappui, Quelqoefpis ie
voyois la Coratefle iplor^e jk
fans force contre la tyrannie 4c
{on man, eflayer en vain de pie
Xouftrair.e i foa , injdigne poujr-
fuite. „ H^las ! m'^crioivje algrs^
4e quel ceil va-t*elle mc voir di^-
formais ? Ne doitrelle pas me
_ regarder comme un jobftacled
^ fo.n propre bonbejiNr, OferaTtel-
i9
^4 M EMO I KES
„ le me prot^ger encore ? Pourrt
^, t*elle me fouffrir ? Mais , me di*
^, fois-je a moi- meme , le Comte
^, aura-t*ileu lacruaut6 de luifai-
-,, re confidence de Pinfamie de
,) fes priojets ? H61as ! nc doit elle
,, pas les apprendre de moi-m^
,, me. M*eft-il permis de difStrct
^ a Pen inftruire / 6 Ciel difois-je
avec tranfport, termine tous
les malheurs que Tavenir me
prepare , en terminant ma tri-^
^ue , ma douloureufe vie/^
Ces reflexions & mille autrcs
anfli cruelles me conduifirenc
jufqu'au jour fans me permettre
un ioftanc de repos. La Maitref*
fe des Penfionnaires encra daus
ma chambre j eile me crouva
dans un abattement fi prodigieux
qu^eile m*ordonna de refter au
lie : on me for^a de prendre ua
^1
BE Cecils. ^f
bouillon j j^obeis, & jepruiqu'oa
melaifsattranquille. J'auroisdd
fans doute fuccombcr en cctte
occafion a I'alt^ration qu^unc
nuic fi cruelle avoit apport^e 4
ma fant^, fi la force dc l'5g€,& la
bont6 naturelle de mon temp6^
ramcnt ne m'euflent pas foutc-?
nue. Je ne m'arreterai pas plus
long - terns fur Ics r^fl^xions ac-^
cablantes que je continual de
£aire s je pafle a un moment qui
lesfuivit de prcs , & qui me don-?
na lieu d*en faire de plus con-
(blantes. On vint interrompre
mon pr^tendu fomtneil pour me
dire que Madame Djiclos dtoic
^ Parloir, & qu'elle auroitfou-
haiti me voir. Je ne balan^ai
pas un inftant 3 je m'habillai i la
hate avec tout cc que je trouvai
ibusmamain, & je.courus au
^6 Memoi res
Parloir. EUe fut efFrayic a motf
afpe<3: , &c nc put rctenir des cris
dc furprife qui m'effirayerenc
moi-m^me. ,, OCiel ! s'^cria-
» t'«lle , qu^avcz yous done eu ,
M Mademoifeile ? Commevous
M voila cliangde ! Ce n*eft rien,
M lui dis - )c , ma chcrc mere :
«> car je Pappellois toujours aitifi;
» mais dices-moi promptcment
ii» des nouvelles de Madame la
1^ Comteflc : Pavez-vousvuc?
» Ne la vcrrai- je point aujour*
>3 d*hui ? \. . . . Elle vient d'en-
«> voyer chez moi dans le mo-
i» menc, me r^pondit Madame
if Duclos ^ & vous allez voir ce
» qu'elle m'^cric. Mais encor«
*3 unefois, Mademoifelle, vous
>3 avcz cu quelque chofe d*ex-
%9 traordinaire : que s'eft - il paf^
^ £6 i Ayez la bont^ de me le
con-»
D E Cegix<:
« fien Non ^ lui dis - je i je vous
•? afTureque ce n*eft rien. Eh!
►> par grace ne diffirez plus a me
►> montrer la lettre de Madame
»i la Comtefle." Elle me la don-
na , & je la ius avec pr6cipica->
tion. Vcici ce qu'elle contenoit*
« Jene fais , ma chere Duclos^
M ce qui s'eft paflS hier cntre
w Cecile & mon mari : j'ai fqix
V qu'il avoit 6t6 la roir j il vienc
w d^entrer centre fon ordinal-^
)> re dans mon apparcemenc , S&
» m'a d^fendu d'unc fa^on aflez
» dure de revoir cette pauvrc
>3 enfant... „AhCiel!jefuis per-
due, m*6criai-je, en perdantpref*
que ;tout fentiment} les larmes
que je verfai en abondance, &
les difcours de Madame Duclos
me firent revenir a moi : je ra-
maflai cette fatale lettre qui 6toic
Tome I E
ijHT Me MO IKES
tbmb^e de mcs mains 5 & prefletf
par les follicitations de Madame
Duclos , j^achevai enfin d'y lire
ce qui fuit. „ Jc nc fai^ ce que Jc
ft Comte a voulu me faire en*
It tcndrej il pretend, que la Reli--
w gion de Malthe fe plaint qu'on
13 a fouftrait dcs meubles &
» des eilets de la fuccefHon du
H Commandeur , qui lui appar-
t^ tiennent: je nc puis lecroire.
•» AUez, je vous prie,voir ma
H chcrcCeciledemapart} dices-
H lui qu'clle ne foit inqui^te de
w rieo, que je ne Pabandonnerai
w jamais , que j*irai dcs aujour-
w d'hui au Temple , que j'y ver-
t> rai M. le Grand Prieur de
i# Vendome, & que je faurai
H de quoi ileft queftion. Encore
99 une fois ordonncz a Cecile de
o ma part d'etre tranquille : mai^
D £ C £ C I L E. ff
n gr^ la d^fenfe du Comte je la
>• vcrrai avant qu*il foic peuj
M t^hez de favoir d'elle la con-
M verfation qu'ellc cut hicr avcc
" mon mari : vous le connoi(^
M fez, machereDuclos,&vous
•» vous doutez audi bien que
u moi des difcours qu*il a pu lui
>• tenir j jcfuis sure que lapau-
»> vre enfant en aura 6t6 auffi
»# afilig6c que furprife : dites - lui
V bien qu'elle n*a rien a crain-
u dre, & PajQTurez que je Tai-
» merai toujours. >>
« Ah ! ma chere mere , dis-je
)3 a Madame Duclos en achevant
» de lire cette lettre , vous me
M rendez la vie. Helas ! Qu'on
« m'ote fi Ton veut tous les bien-
1) faits de mon cher maitre^je ne
M les regreterai point , puifque
H Madame la Comteffe veut biea
E i]
100 Memoire«
M me confcrver fon amiti6! "
Madame Duclos n'eut pas dc
peine d me raflurer , & a me
tranquillifer l*cfprit fur cet arti-
cle : j*en tcnois des gages trop
pr^cieux pour en douter 5 mai$
jc n'6tois pas moins allarm^e
des perf^cutions que jc pr6-
voyois devoir avoir a fouHrir
de la part du Comtc. Je ne crai-
gnis point de m*ouvrir des indi-
gnes propofitions qu'il avoit of6
me faire, & des moyens qu'il
avoit employ 6s pour me f^duire 5
»3 mais, ajoutai-je , en m^atten-
>» drijflant encore fur un fi cruel
w fouvenir , ce qui me touche le
w plus, ce que je ne peux lui
w pardonner , c^eft qu*il ait eu
>j la noirceur d'attaquer la m6-
« moire d'un Oncle fi refpeda-
»> jblc , & de mp foup^onnei:
D£ CeCiII. 101
a moi - m6me Ah ! c*eft unc
>3 fnjure qui m'aecable, & que
^> je n'aurai jamais la force de
w fupporter Madame
Duclos s'emprefla d'cfluyer mes
Jarmes &de me confoler encore
fur des foupcjons auffi mal fon-
d6s : elle m'aflura que la r6pu-
tation du Commandeur ^toit
trop bien dcablie , & la fagcfle
de fes mceurs crop connue pour
que le Comte y put donner at-
teinte, quand m^rae il feroic
aflez indifcret & aflex lache
pour ofer faire dans le monde
dc pareilles plaifanteries. ^^Pour
w ce qui regarde fcs pourfuites
^3 dont vous femblez ctre allar-
w m^e, continua-t'elle de me
» dire, vous lefericzmoins, file
.» carafteredeMonfieurleCom*
n te vous ^toit mieux connu.
nj
io% Memoikej
» C^eft Ic plus inconftant de totlK
M les hommes & le moiris fufcep-
w tible de paffion : il vous a par-
M 16 de ropera , parce que c'eft-
» U fon vrai champ de bataille 5
M il entretient toujours quelqu^
o chanteufe^ mais ce n'eft ja*
n mais pour long- temps : il
M paroitaraoureuxdetoutes , il
M vit avec clles 3 & les facilic^s
w qu*ii y trouve, I'ont fi bien ac-*
w coutum6 a ne point rencon?*
>y trer dobftaclcs a fes defirs,
w que la plus foible r^fiftance Ic
w gu6rit aifcmcnt de fcs capri*
53 ces amoureux. Votrc vertUj
M Mademoifelle, &lafiert6dc
>3 vos fentimens , vous feront
w dans peu raifon de la violen-
w ce paflag^re des fiens , & bien-*
w tot il vous laiffcra tranquillc.r
11 Ah ! ma ciicre mere » luidi^^
tt CECiti: To^
h je , que vous ealmex i la foist
M de troubles & d'inqui^tudes I
fy quel befoin j'avois de vous
>3 voir ! h61as , je fcroismarte de
•> douleur fans vous , fans Ics
M heureufes nouvellcs que vons
w m^apportez : quelles graces
» n*ai-je point a vous rendre j
13 & par oh m'acquiterai-je ja-
»3 itiais de tout ce que je dois d
M Madame la Comtefle ? oui , je
n dois la refpcder , Taimer ^
»> I'adorer toute ma vie: ah ! fur-
•3 toutne la chagrincz point par
» la peinture de I'^tat oil vous
>3 m'avez trouv6e : que je fuis
>j heureufe , d'avoir pd lui fau-*
cc v6r un fpedacle ll attendrif^
>3 fant pour un auffi bon cceur
» que le fien! allei prompte*
» mentla voir , ma chere mere i
\y calmez fes inquietudes comt
£ IT
204 «Memoirbs
M me Yous avez calm6 Ics mien*
w nes : e'en eft fait , tous mcs
^» maux fc font ^vanouis 5 af-
•I furez-la d'une tendrefle , d*une^
« reconnoiflance ^ternelles,:
w Adieu ^ j*ai impatience que.
w vous mequittiez, & je crois^
» ne pouvoir vous envoyer af-
w fezrtot auprcs d^elle. »
Madame Duclos me quitta
cnfin , & je retournaiama cham-
bre p6n^tr6e des fentimens de
la plus douce confolacion : tou-
tes mes compagncs , toute la
Commimaut6 s*en appcrijurcnt,
.& toutesme marquerent a Ten-
vi la joic qu^elles avoient de mc
trouver fi differ ente de ce qu'el-
Jes m'avoient vue la veille,& mc-
me quelques heures avant nos
communs cxcrcices. Je paflai
♦out le jour dans cettc heureufc
Di C EciL e: lajr
£tuation j j'eus ie bonheur de
voir Ic lendemain fur Ic foir
la Comtefle clle-m8mc : j'avois
cu quelques inquietudes de ne
recevoir aucune de £es iiouvel-
Ics i fa pr6fence m'cn d^dom-
magea , Sc il iui fut aifd de cal«
mer toutes raes pcines. J'ivite
d'entrer dans le detail de toutes
fes bont^s ^ dont elle me donna
les marques les plus tendres ; je
dirai feulement qu'elle m'apprit
dans cet entretien , qu'allarm6e
par les difcours du Comte fon
mari , elle aroit 6t6 la veille
inutilement au Temple , pour
y voir Monfieur le Grand-Prieur^
& qu'elle venoit enfin de Iui faire
une vifite plus hcureufe : elle me
dit que Monfieur de Vendome
avoit 6t6 non feulement furpris
de ce qu*eile Iui apprenoit , mai$
Er
'i66 Memoires
qu'il Tavoit afTuree meme que Ic
Commandeur avoit laifle fcs
Commanderies en fi bon itat ,
& fes affaires fi rangees , que la
Religion n'avoit pas feulement
penf6 a faire les moindres rer
cherches 3 que d'ailleurs le Com*
mandeur avoit pu , dc fon vi-.
vant , difpofcr de fes (^pargnes ,
& de quelques uns de fes meu-
bles , fans que TOrdre put , oa
voulut y trouver a redirc : ellc
ajouta que Monfieur le Grand
Pricur vouloit m^me me faire
Thonneur de me voir ^ & qull
lui avoit demand^ d'y venir avec
elle. Le Commandeur de Beau*
bourg lui avoit quelquefois par-
Id de moi, & je me fouvenois
de Pavoir vd chez lui dans ma
premiere enfance. On devinera
aifdment quelles graces je xetiy
dis a k Cbmtefle , & quelle fut
la tendrefle de notre converfa-^
tion & de nos adieux : elle fut
obligee de m*affliger,en m'appre-
nant qu'elle feroit pcut-ccrc
quelque terns fans me voir pour
ne point d^plaiVe a fon mari j
M mais, ma chere Cecile, ajou-
w ta-t'elle en mequittant, cer-
>j te fantaifie lui paflera , & bien-
» tot je pourrai vous voir fan$
« ccntrainte. >» Je fus en efFet
quelques jours fans avoir de nou-
velles de ma chere Comteflej
mais j'avois au fond de mon
coeur de quoi me confoler de
cette abfence : Tamiti^ g^n^reu*
fe & tendre d'une perfonne qui
m'6toit fi refpedaole , Poccu-
poit tout entier, &n'y raiifoit
prefque plus de place au fou-
venir de mes infortunes. Jene
E vj
devois pas en perdre fi*t6t , nf
trop long-tems ttd^e j elle me
fut rappcll6e ^ au momeot que
j'y penfois le moins , dans unc
vifire que je re^us de Duclos.
Je croyois qu'il m'apportoit des
nouvelles de la Comtefle : dans;
cet efpoir , je pris avec vi-
vacit6 une lettre qu'il me pr6*
fentoit J mais quelle devins-je ^
quand Tayant ouverte fans y
faire attention , je m*^apper^us
qu'ellc ^toit d'une ^criture que
|e crus reconnoitre pour ccUe du
Comtc l'>y Quoi, dis-je a Duclos,
wcette kttre n'eft pas deMa-
^ dame la Comtefle >.«..^ Non
» Mademoifelle , me r^pondit
» Duclos d'^un air-aflez embar-
» rafl^ elle eft de Monfieur le
M Comte ^ mais ayez la bont6 de
» la lixe ; car je fuis charg^ d'e»
■V,
De Cecile. lO^
» attcndre la r^ponfc. yy AUez
w dis-je avec indignation en po-
n fint la lettre fur la tablctte da
» Parloir fans vouloir la lire , al-
•„ lez^ reprenez cette lettre j aiTu-
,, rez bien le Comte que je ne Pai
point tue ; c'^cft toute la r6pon-
fe qull aura de moi. Mai? fe
» peut-il, ajoutai- je\ mon cher
>3 Duclos, que ce fbit vous qui
» m'apportiez de pireils billets ?
n«Aurois-je du m*y attendre i
» Ah I Duclos ^ont-ce li les
» foinsqueM. le Gommandeur
» mourant vous a recommandd
» de prendre pour moi ?„ Duclos
refta quelque temps interdit &
€ins me r6pondre 5 puis voyant
que je le preflbis encore , il me
r^pondit enfin de la forte. ;, Ma-
w demoifelle ^ me dit - il , je n'ai
>» pas cru m'ecarter des ordre$
53 dr feu M. le Commandeur J
» ni vous d^plaire y en voiis ap-
»3 portant une lettre de M. fon
w Neveu. Feu mon maitre m'a
J3 recommand^ d'avoir foin dc
w vos affaires, & je fuis tou-
M jours difpof6 a le faire avec
•^ le rneme zele que j'avois pour
w les ficnncs propres. Monfieur
»» le Comte me charge d:e vous
♦* rendre une lettre j j'ignord
^ les raifons que vous pou^z
♦> avoir pour n'en point reee voir
M delui, & je ne favois pas que
w je duife vous ofFenfer , en ob6if-
w fant aux ordres d*un hofflpie
J> que je regarderai toujours
^y commc nion maitre , & qui
J3 m*a paru vous vouloir beau-
» coup de bien H61as !
w mon clier Duclos , lui dis - je ,
» perfuad^ealors defon innoceu'-
deCecilb. tit
'^ ce , je vous dfcmande pardon
w d'avoir of6 vous foup^onner
f^ d'etre d'intelligence avec le
w Comte pour me f^duire. Si
w vous f^aviez les proportions
» qu'il ip'a faites , vous ferier
n moins 6tonn6 de I'liorreur que
n fa lettrc m*infpire : it ne vous
w a done point parl6 de fes in-
w dignes pYojets ?,... Je ne f^ais ^
w me r6pondit Duclos avec une
w confufion qui eommen(ja ^ me
>3 paroitre fufpede ^M-le Comte
w nem'a point confi6fesprojetS}
w il m'a feulement paru dans
M fes difcotirs n'ctre occup6
yi que du foin de vous plaire &
w de vous rendre heureufe : c*eft
r
n tout ce qu'il m'a cbarg6 de
» vous faire entendre •, la lettre,
» qu'il VOU5 6crit, vous fera con-
M noitre fans doute^,. Je n'en
youlus pas entendre davantage ^
Ill Memoirej
je rinterrompis : »3 allez^luid^s-
w je , en voila plus que je n'en
» voulois f^avoir j reprcnez cet-
» te lettre , & la reportez au
» Comte : fur rout , conrinuai-
» je en me retirant , ne vous
w chargez plus a l^avetiir de pa-
n reilles commiflions , ou ne
» vous pr^fentez jamais ici pour
» me voir. Duclos fe retiroit de
ion c6t6 ^ mais en me difant
aflezhaut qu'il me laiflbit la let-
tre du Comte ^ & qu^il ne fe
chargeroit point de la lui remet-
tre. En effet , je rentrai fur le
champ dans le Parloir , & je
trouvai la lettre ou je I'avois po-
£6e 5 j'en eus un d^pit que je ne
puis exprimer : j^etois indign^e
contre Duclos , je le rcgardai
dans ee moment comme mon
plus cruel ennemi 5 je repris
done cecce fatale kccre > & je
beCecile. Tij'
Courus ^ ma chambre dans
le deflein de Tenvoyer fur le
champ d Madame la Com-
tefle de Bcaubourg. Si je difois
que je ne lus point la lettre du
Comte , on auroit peine a m*cn
croire fur ma parole. J'avoue
done que , foit curiofit6 fimple ^
foit la crainte que j'cus qu^elle
ne continc peut-etre des chofes
aufquelles j'aurois dd moi-me-
me pourvoir , je crus d'autant
mieux la pouvoir lire fans fcru-
pule , qu'elle 6toit d^ja ouverte ,
que j'^tois feule , 8c que perfon-
ne au moins ne feroit en 6tat de
me reprocher un mouvement de
curiofit^que je croyois aflez juf-
ftifi^ par mes autres id6es. Voici
a peu prcs ce que je trouvai dans
cette lettre ^ je m*cn fouviens
encore aflez pour pouvpir en
Sl4 MfiMOIHE*
rcndre compte. Elle commeflfi
^.oitainfi.
w Je ne doutepas^Mademoi-*
*j felle 5 que depixis le jour que
%> je vous ai vue , vous n*ayet
» fait des reflexions fur ce que
ii je vous ai propolHj il feroir
>3 bien extraordinaire qu'a votre
w age , & fur tout avadcee com-
5> me vousPctes,avecde J*efpric
i>5 & du gout , vous pref(6rafliet
w Ja vie trifte & ennuyeufe dii
» Couvent a celle que mes foins
^3 & ma tendrefle peavent vous
13 procurer : car enfin je vous ca-
5> cherois inutilement que je vous
w aime y la feule complaifance
w que mon amour exige de vous,
j> c'eft que vous confentiez a ef*
wfayer pendant quinze jours feu-
w lenient de P6tat ou je veux
t» vous mettre daiis le monde^
^3 & des innocens plaifirs que je
» me promets de vous y donner.
M Je vous I'ai die : vous fercx
H maitrefle de votre coeur & de
» vous-mcme 5 & je vous donne
M encore ici ma parole d'hon-
M neur , que je vous ramenerai
w moi meme dans votre Cou--
» vent , ou dans un autre , s'il
w arrive que vous ne vous plai-
wfiezpas aux chofes qui feront,
^5 croyez-moi, bien-tot le bon-
M heur de votre vie. >>
Toute cette lettre 6toit rem-
plie de mille autres details , qui
tous tendoient a me f6duire &
a corrompre mon coeur , j'eus Ic
bonheur d'y etre infenfible. Mais
ce qui m*afBigea d'une fa^on
bien cruelle , ce fut la fin dc
cette lettre. Le Comte^ apr^s
avoir employ^ tout fon art povur
ii6 Mbmoiri*
jne perfuader de confentir aux
arrangemens qu'il difoit avoir
d6ja pris , terminoit cnfin fa loEk
gue 6pitre , en m'avertiflant ^ di-
foit-il encore avec bont6^qucfi
je continuois dc refufer fe$ of-
fres, je ne devrois point etre
furprife , s'il obligeoit la Com-
teffe fon ^poufe a me rctirer
toutes fes bont^s. Cetce menace •
me fit trembler: wh61as ! me di-
w fois-Je a moi-meme , que pour-
» ra faire ma chere Comtefle ,ii
w le Comte perfifte a vouloir me
>^ priver de les foins g^n^reux ?
w EUe m^abandonnera done?
>3 pourra-t-elle s*en d^fendrc?
M ne fuis-je done n6c que pour
j> 6prouver tous les jours de ma
>3 vie, de nouveaux malheurs ? «
Puis r6fl6chiflant fur le deflein oA
j'^tois d'envoyer i la Comteflfe
DE CbCILB. 117
k lettre de fon mari , je trem-
blai que cette lettre elle mSme
ne tit fur elle plus d'eifetque ies
»> d^fenfcs du Comtc, » II n'im-
w portc , repris-je fur le champ :
w je dois cette nddlitd a fa ten-
i> dreffe , & plus encore i la v^-
w rit6 J elle nc me rcprochera
M pas du moins de lui avoir fait
»> un myft^re dcs fentimens du
w Comte pour moi, ni du nou-
V vel obftacl^ qu'il pretend mpt-
w treafesbontds.j* Cette penf^e
me fit prendre mon parti fur le
champ 5 j* 6crivis moi-meme a la
Comtefle a peu prfes dans ces
termes ^ en lui renvoyant la let-
tre defon mari, . . . >» Madame. . .^
3j je ne crois pas devoir diiF6rer
w un inftant a vous renvoy er una
» lettre que je viens de recevoir
« 4e M, le Comte J je i'ai d^cjM
i 1 ? M E M O I K E S
>» chet6c , croyant qu'elle vcnoif
» de vous: c'eft Duclos qui mc
>3 l*a rendue. J'aurai I'honneur
•> de vous inftruire du motif qui
^ m*a portee a la lire , fi mes
« malheurs & la cruaut6 de M.
« le Comte ne me privent pas
i> pour toujours de la feule con-
»> folation qui me refte fur la
M terre. H61as ! Madame , c'eft
i» Tunique perte qui puifle de-
li forrtiais nie faire trembler. >*
Jc priai uneTourriere de por-
ter ce pacquet aMadame la Com-
tefle de Beaubourg , & de tacher
de le lui rendre en main propre :
ma commiflion fut faite avec
cxa<3:itude 5 la Tourriere me rap-
porta ce petit billet de la Com^
teiTe.
w RaiTure-toi , ma chere en-
fi fant , rien ne fera capable dc
DE CeCI LI. tr$
*i m*empccher de t'aimer & de te
^d voir meme : je fuis ob]ig6e de
>3 fortir dans ' Ic moment avec
^3 mon petit Chevalier 3 ce qui
^ m'oblige a ne t'^crire qu*un
w motsmais fur-tout, au nom
M de Tamitid que j'ai pour toi^
M fois tranquille, &c nc crain$
M rien. >>
. La plus legere marque d'ami-
ti6 de la Comteflc avoir le pou^
voir de remettre mon ame^ de
fi tendres afTurances ne pouvoient
manquer d'y produire leur efFet,
& je ne fus pas long-tems fans
feprouver encore d'une manierc
plus fenfible, combien fes bon-
ces 6toient un fur remede pour
Iz tranquillity de mon cceur : il
y avoir a peine trois heures que
j'avois re<ju fon billet , qu*on vine
qi'^v^rtir qu'elle 6toit au parloir i
iio Memoikes^
je m*y rcndis en diligence : aprls
les premiers t^rfioignages de fon
amiti6&de ma reconnoiflance^
3e lui dis : » En v6rk6 , Madame y
M je ne m'attendois pas a Thon-
wneurde vousvoir aujourd'huiJ
M & lorfqu*on m*a appris que
^3 vous 6tiez ici , comme vous
yy avez eu la bonc6 de m*6crire
»• que vous ^tiei fortie avec M.
y> le Chevalier , j*ai cru que jc
>3 le trouverois ici avec vous... ♦
M Tu avois done en vie de le voir,
>3 ma cliere Cecile , me dit la
» Comtefle...?Oui , Madame , lui
M r6pondis-je avec franchife 3 je
M f^ais qu*il 6toit le bieil-aim6
w de M. le Commandeur mon
w cher bienfisiiteur , & je vous
9y avoue que je I'aime d6ja fans
M le connoitre S'il eft ainfi ^
j^interrompit la Comtefle enhauf-
fant
tT b C e c i-i e. iVt^
mnt le ton de fa voix, « paroijp-f
>» fez done , M. le Chevalier , ve-^^
>» nez remercier -Madenioifelle :
ji, des bons -fentimens qa'elle a;
,, deja concjus pour voiis.c<Le Cb^^:
valier entra 3 je demeurarcon-?
ftife de ce que je venois de dire-
a la Comtefle 5 je ne m'apper^Us:
pasqu'il 6toit aufli d^contenanc^ '
que moi. La Comtefle qui ^toic?
plus en ^tat de nous obferver,v-
fe prit a rire. y, Eh quoi ! mo»:
jVfrc-re, dit-elle au Chevalier j:
vous voila demeur6 : n'avez-.
vous pa^ entendu tout ce <jue-^
Mademoifellevientde-me dire?:
tfavez-vous rien a lui rdpon^:
dre ? ExGuiez - moi , Ma-:
,, dame, r^pricle Chevalier, d'un-
3, air timide'C j*ai bien entendu*
y, ce que Mademoifelle a eu la-
^', feont^ de dire 5 8c-q^uoiquet'
Tome /. F
5)
9>
n
51
>2
»1
J 11, MeMOIvILB:«
^, je ne doive fes bons fentimcn?
^ qia'a la m^moire de mon cher
oncle , jp ne lui en fuis pas
moins oblig6. . . . £t vous ^ raa
chcre Cecile. cbntinualaCom-
teflfe, en s'adreflaht a moi.
,^ fi^avez-vQus bicn que vpus cks
,, auffi embarraiTeeque lui,....
Je vous demande pardon, JMa-
dame, liii r6pondiV-je: vous nVa-
^j vez trompee •, je ne crqyois pis
,5 que M. le CBevalier put eii-
„ tendre ce que j'avois I'hon-
yy near de yous dire ^^ n*aurois
,, pas pris la libertd de parlor
comme 'f^i fait ;Vous ices de
finguliers enfans , j>ourfuivit la
Comtefle , vous voila auffi. trou-
bl6s Pun & rauue.que s*il dtoit
queftion entfe vous de quel-
,, que chofe de fo^f imporfant:
„ remettez-vojus , mes ,^l;ie;r« jjp-
^1
1>B CEGlLEr '1^1^
5^ fans ^&: que vQtre con^ioUrati-.
5, ce ftimc ua peu moins f6-
,, rieufement j je veux que le Che-,
^, vaiier foit mon confident :il.
,, f§ait Ics petitjBS;ti:acafl^rie$ que,
,, j*ai eue;5 i^iton fujec a,vec foi^^
^, frere ;, il faudra bie^ qu'il
^ vienne qiielquefois^te voir pour
^y moi , qu'il c'apporte n>es iet^
,, tres , & roe reaUe t;es r^ponfes :
^ je crqij qull nc fera pmat fa^
,^ chiSdenpuS:abligiBr ainfi toutesf
y^ deux, • . . ,01v ! pQux: xqla non^,
31, ma chere fijeur , rep^it vive-
„ ment Ig Chevalier^ en embraf-/
^ fant la ConacefTe avjEc tranf-.
,, port jj, j> v-Qus aflTure que ^ftfuiS)
y blen facii6 que nion freit^ veuil^
^ledonnerdu chagrin a Made-^
^, moifeIle.,.^,.Voas voyq^ , .n>*
^ diere Cecile , ajputa la.Cona-*
,^tefle, que le Cjaj?valier a uai
.J .
V
55
•iSx^^r M £ MO IK E5
,, bo«i coeur 5 je i^etix! qtie v<
j^ ^'^f lilies , que vans lui cfonn
yydc bohs confers ijl n'a
j^re^u dans la Province upe 6
,'y cation auffi Bbrine queli vot
mais il eft docile , & je 3
fare qii-il fe rendr^ digne
,; votre amiti6 i& de vds^ foiri
L€ Chevalier, par la vivacit^ a
la^juelle il s'emprefloit toujo
a -rdpondre, m^aidoit a cac
une partie de .mon; embarrj
jjavois ^t6 fi fur^rife de le v
au niomejit qiie je ne nr^y '
tendofs plus ,^ que j^av6is pe
a me remettre : ' je piris cep
dant quelque eiB^irt'fur moi
des qu*il tut iiffiii^ fa foeur d<
docifit^ qu^illi^pNorteroiC a. fiii
mfes c6nfeits,fe^risenfinla
. role. 33 'Madame t, dis-je a nr
ti'tour ^ ce {om vok avii , ce f<
1 '^
^BE CECIlrl. Mi- J
tjf5.^y0s exemples que M, Je Chc-
] >3 yiliier dpic ifuivre j il e^ en tFop
w bonne^mi^m, y pour cherchcyr^a
^>5"s'inftrulre UUleuirs de £es de-
^j^Vpirs: c'eff le meilleur confoil
, >i que |e puifle jamais lui donner,
">> r*&\c'eft le jTeuI due j^oferai ia-
>5 mais jofie der^ettre, • . ^ J? le
w fuivrai- biei> volontiers .Aladc-
* >> mpffelTe yji'eprit encore le Ch^-
^33 yalier ayec urie vivacit6 qui kii
1 53 (§coit'natureIl6 , »> &^ je vous pro-
*: j^ mcjts de me , copfor-mer ^ potir
* >i vpufs^p^ire ., a tovir ce; queyow s
* ii aurez la bonte.^e me prefcri-
">3 re.^« Je rie 'cbiicevois point pour-
'<^uof cette coriverfition ipe g^-
•fioits je cbefcKai a la fairc finir
jiix partant^ a la Comtefle de Ja
"conftance de fon mart a me pei-
\i(Scuter , des craintes que fes
«)aaenacesm'irifpiroient,malgr6 l^s
•^
dflurances qu'elle avoit la bonti
de me donner : elte me les renou-
vella d'une facon bieft uropre a
remettre rout-a-fait le calme dans
mon ame s elle me confeilla me-
' me , au cas cj^ae le Comce rcvint
encore a la cliarge , dti' par lui-
mcme ; on par ifes j^irifj&aires , de
* hii dire , ou de lul dcrke ,. sli en jn
^toit befoirt , pouc lui faire perdre
toute efp6rance , que j*avois pris
h rdilutioDt de me dotiner toute
entiere i Dicu , en faifiint profeF-
' fion dans tme Maifon Ileligieuie^
„ Ma cherefoeur, au'iiibins, ditle
^, Chevalier, c*eft feiilement pour
>> le faire croire a ftion fxere*
>3 N-eft-cc p^s r\ ^. .Oui, Cheva-
•w Her, repirk la Cdnateffe : eft-ce
' »^ que vous feriezi fach^ que Ce-
^ cile fut Religieufe ? AfTur^ment,
» r6pondit il^^ce feroitdommage,
I
i
55
1>1S CXCILE. 127
Je ne pm m'empecher de rire
de cettefailUe 5 mais je lui dis en
reprenant mon f^rieux : w Je Ic
>> feraLpourtant , M. le Chevalier,
w & c'eft It feur ^tat qui me con-
w vienne. Noa , Mademoifelle ,
» vous nS le fercz paint , reprit il
^; avec cblefe 5 eii prenant la grille
defes deux main^, n j'arrache-
rois plutot cetce ^ilainegrille-ia.
La Conuefle rrc a fon 'tom-., & fe
leva pour fe retirer^^eti' me Ai-r
fant : 5, adieu, ma chere Gecile ^
„ VDus yoyez c^iie mon petiffrere
5,^ eft bien fol , il fkic qtie* vous
y^ me lerendiez plus fage 5 adieu :
,, allori^'. Chevalier, cc II ft tua dc
dire qu*it n'iSccjit' pas tard , fa "pc*
tice reraontrance fut inutile j je
biifi» la main de la Comtefie$
il VGulut ie faifir de la miennej
anais je la retirai , & la Comtefle
PlUJ
ri8 Memoir^es
arracha enfin le Chevalier Sx
parloir : j'y reftai quelque terns
fcule contre nlon^©r<linaire,com*
xne ii j'avois pu les fuiyre des
yeuy i je fus furprife de • me trou- >
ver dans cette ikuation. w Oh!
/ j> ma chere ComtefTe,. dis-je
>i tout haut, quefai de peine
• n aujourd'hui a quitter les lieujc
. «• ou je vous ai vuernon, ja-
' w mais vetre aiiiiti^ ne m*a pd-
« ra fi tendre. Que le Gheva-
^y liar de Beaubourg eft heu-»
n reux , I continuois-je en moi-n
w- mSnie^d*iavoir une feeur coni-
M? me vous I II foudroittju'il fut
>5 bjcn iftalheureufement n6 , fi
. w avec les leeours qu'il dbic
». trouver aupres de vous^ il ne
^ n devenoit pas le plus honnece
, » homme du monde 5 tnais qia*
,, » dis-je ! repreoois - je fuiv jl(.
,^ champ J ou peut on rencoii-
^i trer un plus heureux naturel ?
^> II a le cdeur excellent' Tef-
>V pric yif ^ & je fuis fure qiiH
" ra jiifte. Pour les graces de
/>i fa pcrfonne, fa tailleVfi fi-
>i gure , fes traits , tout cela me
] >» paroit accompli. I^ourquoile
^ w Commahdeur n'a-t-il pas cu'
>i la corifolatioh d'e le voir ? U
^'^3 I'auroit encore aim6 davan-
^ »> tage , ^ je ne fuis point fiiir-
fw prife. des fentimehs que' la
M ConitefTe a pour lui j ilfatic
^ "' avotier qu*il eft bien dig-'nede
-A fa tendrefle. " Telles 6toieht
^ rhes pehf6es , tahdis que^ je rfc-
' tburnois a rria cha'mbre , & Ibng-
tems nieme apres que fy fus en-*
tree : j'ign^rois albrsquel poifdn
^ de fi douces, mais de fi dangib-
\ re-ufes id^es portbient avec e%s ^
130 Memo I RES .
dans inon ame. Je ire craigtiois
point de m'y livrer: je pafTai
toute la nuit a m*en occuper}
mes fens s'agiterenr, je ne pus
fermer roeil^^ j'attfibuai de la
meilleurefoi du monde tnon in-
fomnie au piaifir d'avoir vu la
ComteiTe^SC d'avoir apptis d'elle*
mSme que je n'ivois rien a crain-
dre de la part de fon niari : je
ne d^couvris point alors , je ne
fbup^onnai pas m(Bme ce qui ft
paitoit en moi ^ j.e n'avpis jamais
eu de fentiment pour qui que
ce foit, qui eut eu aucun rap-
port avec ccijx dont je me fen-
tois p^netrer , fans chercher
mcme a m'en d^fendre. La fe-*
crette apprpbation , que mon
€ceur donnoit a toutes les qua-
lit^s que je voyoi^ dans le Che-
yalier ^ me paroiilbit un ade de
DE CeCILEI 731
fimple jufticer Loin de me re-
procher d*y faire une attention
trop fuivie, jem'y abdndonnois
avec un fecret plaifir f & ce
pjaifir je le regardois comme
TefFet que devoient produire n6-
cteflairement iHnnoccnce- & la
Tcrtu fur les ames vertueufes.
II y avoit deux jours que je
riie nourriffois de ces Idt^es ; je
les avois pafTes fans voir la Corn-
tfeffe , & j'attendois ce rriomertc
avec plus d'impatience que ja-
mais ., fans doute parce- que
j'imaginois que le Ghevalier de-
voit toujours radcompagncrdans
ks vifites que je- recevois d*elle :
• on vint m*avertir que mon max-
.tre a chanter ^oit au parloir^
)*y allai dans Petat n6glig6 ou
j^avois coatume d'etre le ma-
' tin J mais je fus furprifc d'y
F vj
y
I>2 ^EMOIR^EJ
ti-ouven une perfonne qvii nV^-
toit toutra-fait ^trangere. C'S-
toit un. homme d*une uaille a
peu pres ^gale^ a celle de M.
Cliopelet ,,mon Mairre,,d'une
. belle figure \ je trouvai dans liai
Tair de politefle des gens du
grand, monde. : il me. nt beaa-
r coup. de. complimens qui m*erh-
barrailbient autant que fa prefen-
. ce inapin6e 3 mais entin m'ayaat
dit qu*il venoit de la part de M.
. Ghopelet,qui ^jcoircincommod^,
& que je n'avois pas vu eneffet
^ depuisquelqiiesjpurs', je me mis
a mon clavecin , & me pr^parai
a chanter un Motet deCampra;
. je I'avois. a. peine commence ,
que ce Monfieur me dit r*c Ma-
M dcmoifelle^ voila une voix ad-
>5.mirab]e s mais je ferois bicn
>9xurieux.de yous^entendre chan-
■k V
^^ terquelxjue chofe d'un Opera,:
yi Ci vous aviez Acis , par exerti-
w ple/je heferois pasfache cfe
9^ voir comnienc vous chante-
>^ riez unefcene ; & quoique jp
>i n'aye point *de voix , je la
>3 chanterois avec vous. '' J'avois
Atis, 8c je le mis dfevant moi3
nous en chantames enfemble
deux fcencs des plus tendres :
je" ne parfe point de 14 voix de
; ce pr^tehdu M^itre*, mais je trou-
vai uri godt & une expreflion
fin guliere dans foncRantsil me
parut content & me loua-beaix-
coup 3 pms , n6glig(fant de coia-
tJnuer Ik lecjon ,4l me deman-
da, apres quelques autres diC-
cours, s'il etoit bien vrai que
yeufle deffein d'entrer a l'Op6ra.
yi Moi, Mbnficur , lui dis-j?:
^-non afTur^irient. Eft-ce q^ue
,♦ ,r
» M. Cliopelet'auroit eu cette-
»* id^e de moi ? ...... . r Non ,^
>5 Mademoifelle , -cofitinua-t-il^.
>v ce n*eft point M. Chopelet qui
" m'a parl6 \ ce n*eft meme pay*
>5'lui qui m'a fait venir id, je
M fuis obiig6 de lui fcndre cette-
ri juftice : c'eft M. le Coftite de-
w Beaubourg: qui m'a parl6 de
»'vous , & qui ni'a engage 4>
» vous voir. ^ Ah ! Monfieur,"
53 lui r6jpondis-je , je vous prie;
« de ne pas^ le croire.. . . ; IJai^
55'gnexi m'^couter , Mademoi-
3>'lelle V reprit-il en m'interrom^
M pant>5 je commence par vous-
>5 demander fin c6rement pardon •
53 de la libert6 que j'ai prife 5 je*
^ivois que le Gomte' s'eft trom-'
« p6 & qu'il m'a trompe moi-
^j -nieme : Non , Mademoifelle^/
P^ b^ien loin dc> vous engager k^
^^- prendre un p^rtf qui vous con^
,, vient ii peu ^ je ferois le pre-
5f mier a yous en detourher , &
55 je puis vous aflurer que le-
„ Comte n'aura- p^s lieu de ih
55 louer de la d^marciie qu'ii m'a^^^^
55 forc6 de faire. J,e remerciois
cet honh^te Monlieur de fa fa-
^on de penfer, lorfque la Coni- •
^fle entra dans lepiarloir. w Je ne -
« t'interromperai pas longtems^ *
5, ma chere Cedle,dit-elleen s'a-
dreflant A rnoi , puis s'appcrce*
vant tout^a coup, que j'6t6is en '
Gompagnie :»«QuQi i Monfieur de>
^y Francine ici i to'ntinua-c elle , ^
>> quelle eft ma furprife i venez-
M vous auffi 5, Monfi6ur pour
55 m*enlever ma filie ^ Non , Ma-'
5r dame ^ r^pondit - il , avec
u route la polit^ffe imaginable j^-
w ](?. viens au conrraire a foa
jy6 Memo I RES.
'^ fecoifrs ; Mademoir^lle f(^aif
>jr ce que je viens de lui'dire^
w Monfieur le iCamte votre
^i ^poux' m'eri a fait accroiref)
>> mais ^. Madarfie , [e ri'ai pas
w pris Is chang*c tfn inftant , &
M du moment que I'ai vu^ cetife
ji^aimable'Demoifelle , j'ai feii-
* •' ti quell&n'^toit pa's faite pour
5i' nous : elle gateroic , dit-il eh
■ ji plaifantaht , route notre Aca-
5j d^mie...... Ah ] Monfieur , re*
^ '5 pnt la CoriitefTe^ loignel-
« vous done a nous , pour faire
53 cefler une p&rf6cution qiii
« n'aura d'autre fucces que rfe
yi tourme'nter cette pauvre eii-
w fanr: je Ta coh'nois , c*eft en
w vairf que le Conitfe cherch'e
„' a la feduire. Madame',/
5^ dit M. de Francine, en fe vt-^
,i tirant V je faishonteux qt(fr'
m. '
55
55
55
TTE Cicirfis,. >37
v^ite m'ayez renccftitr^ id }•
mais je n'y feraipas venuen
vain\je querellerai^comme i\
faut M. leComtc y je vous Qa
r^pons-y & j-aurai du iiipias
y, le plaiflr'de- dire a Made-
5^ moifelle en votre pr6fence,
.^y que c'eA fur un plas grand
.,^ theatre que le notre ^ qu'el^
:,y doit f aire briller & fes talens
-,i^ & fes vertus. ^* U n6us quittja
: Cnfin. „ Eh bien, Madame^ dis-jp
: jj a laCprntefle^^vouslevpyez,
. ,; M. leComte nc ce'ffe de mp
^,y perf6cuter...Je nefuis pas fi^-
c ^; chi^e de cette petite avinture,
55. maebereCecile , dw la Com-
»i^ tefle, j*efpere qub- ce fera la
. 55' derniere. M. de Erancine fcx^
. 55 fach6 d'avoir 6t6 furpris ici pajr
-55 moiije leconnois, il tancera
4iitmen mari dela J}onne{fa^9^
5?
95
,; pour Pavoir e3Cjpof6 ^#cette
^, avantttre', fit je iuis perfuad^e
55 qu'il fe jfera ira point d'hon-
neurde li^ faire entendre rai-
fon. ' Peffonne' n'eH eft plus
capable, le* Comte pafle avec
55 lui prefque tous les jours de
^5 fa vie,& bientot fl toumera
55^ fes vif^es ■ ailleuTs. Mais , ma
,5 chere enfant 5 je ii^ai pas la
^, terns de m*arr€ter ici davan-
53' tage'5 je pars a?vec le Gomte
,/ moff mari pour Verlailles j
,:5f'noas^ devcais y ctrc fept i
yi huit jours :j'aipicrmis au<^lie-
,5 vaHer 5 qui refte a li^aris , dc
,5 venir ti voir une oti cfecrx fois
V pendant mon abfence 5 -je lui
,5 ecririi , &iui enverrai de mes
^5' nouvelles pouir toi , quHi^ra
,5 ciiarhid de terendrc lui-^me-
^'>me< je tt/dirai firancliemeae
He Cbcile. 13?
*^ que je crois que cu lui tourneS'
"^1 la t&te \ depuAs qu*il ^a vile >
• ,^ il ne ceffc de ^ me parler de
,j toi, & vdudroit venfr ki a
^^- tout moment. LeComtea fait
j^ delDuclos une efpece de gou-
,, verrieur 5 il I'a mis aupres de
-,> foil -frere y pour veiller fur fa
'5^ conduite : Duclos eft un hon-
^y nete garijotij il m^a bien fait
5, des extufes de la (rommiffidn
dorit iF^ s^^toitr charg6 pour
5^ toi, & ^e me flate qall ie
• 5^ cxMn|^rte^ra defotmais pkks fk-
f 5, g6fnerrt a ton 6gard. Adieu ^
• 5^ j'ai voulu t'appfendre mbi-m^-
:,, me t6utes ces chofes ay ant
„ mbn depart: i^ J*cus a peine le
•tfems de niarquer ma recDnnbif-
Jince a ma chere Comtefle jelle
p^rtit, & me laifTa^eh mequit-
r^ttyat- mattcre- i de nouvellcs
;n
.140 -MEfs/LCTKEff
.rMdxions. -De tout ce qu'ellp
m'avQit die avcc cant de pr6ci-
. pi ration , rien ne m'ayoic frag-
p6 , comme-.ce qii'elle ni'avoic
appris du ChievaHer. ....•• ^ ••
. w Quoi I . . .\.mQ^ dis je aiors; . .,.
>3 le Chevalier a; done penfS
» d rhoi dans le terns q^j'e-
»« tois moi-m^e occupde i
^3 penfcralui? Ceproc6d6 juf-
»> tifie bien le jugemeritquej'eii
r 13 ai fait : oh ! je fuis bien fure\
< ,; me difois- je , que pour lui 11
. ii ne me confeillera pas d- eri-
M trer a I'Op^ra i - je fuis faeU^e ^
continuois-je^que Madarrie
V »3 la Comtefle ne I'aft pas anient
.>3 avec e4Je5 je fuis perfuadife
>i qu'il ne tardera pias a^nrie vf-
. >3 nir voir. ^' Par dc telles penf^es
. & mille autres de la meme n^-*
ttere qni fe fucc^doient ra^t
r » *
tiemcnt , & que je formois avec*
t^oute riqnocence'poflible , mon'
cgeur s'cuvroit fans que je fe'
fcufle A ia plus dangfereufe de-
tbutes les riailion^: ae combien
d int^ui^tudes &; de iourmeps^
m'^i- t^ellefait e6mir dans la fiii-'
tei &de combien de maux nq'
devoic ielle point ctrepour moi^
la fourie , fi le fore' n'aroic enfia '
p^rftiii ''(ja'qlle ev\c vn fuccc§',
pliis hfiureu^^ que je' ne devois^
laintiais me le prpmcttre !
• , _ . * .
'^ ^ fus deuX jours entiers fans'
erkendre pairler ni du Cheva-
ficr'm de la Confite^evie ne dif-
finiuley ^ai ^^ipSInt que ma patieii-
ce cipmrrtenfcoiit d .^tre a bout/
^"^ Eh v^J^te , difois - je , M Coni-^
^, teirefe^fooque t'elle? EUefait
^V <jueHes"foht^i6es inqui^tiKle*
^^ fur fa i^t^, fur foil voyagfel
^, le Chevaliei; nedcvroic - il pai!
,, etre _d6ja venu de .fa part;?
5, Elle me difojt que je lui fai-
^, fois ,tQurni?r la t^te^ .^ jc
w fuis fare qu'il n'en eft rien^
M S*il avok tant d^nvip dc rac
^ voir^ ^ui pourrok I'en em-
M p^cher^ puifque fafqeur le lui
M a permis? Nedoit il paspen^
H fer que j'en ferai <j3ien, aiie.
ij mqi-H^eme;.^ \Ah,] j'ai^rdu ,
V difojis-]e encore^ lai^uleper-
» fcmnc quira'aimoit au mon-
*3 de,, & jc ne retroiiverai ja-
w m^is une amiti6 fi teadi^e eu
M qui que cefoit^puifque leChe-
w yidier de 3s?,aiibwrgrn*pn ^|k
n pas x:apable. >^ l^^^^n^
inain 4u 4^parjG de 1^, Corn-
^ef& tkoit d^ja iFort avaiic6^ jSr
ie jddfefp6joi3 4e voir ic Cl^e-
Valfer pendant Tabfence <le M^-
xlame fa foeiir. lorfqu'on vixit
lii^ayertir qu'on jjie demapdoic
^u Parloir. Je crqyois ne pouvoir
aflei.jcqt m'y rendrej maisjefqis.
^tonn^e de me trouvcr agicee &c
ii tremblante , que j'avois preiF•^
que peine a^nie foutenir. J'arri-
^ai ccpendanc en fa pr^fence,:
je penfois qu'clle dat me renie?-
tre y mais la vue ^u Gfaevalier
ne fit qu'augmentcr Pagitatiojn
de mes fenis-, eUe fat^telle que^
j^avois a peine la force de par-
en Le Chevalier que j*avoji5
trouv6 quelques jojjrs ay ant ,|i
vif ^ me parut en ce moment
auffi timide tc auffi embarraft^.
que moi. Puclps^quiraccompa-^
gnoit , fut obligd d^ me ppi'ter'
pour lui ia parole yH nie dit qW
Monjfi(;ar.leCJiey alier 4i:oit:^^i^
1
; j* '> ;v •:' • «^ V - t^
' ... -^ '
^^ , 'Me MO ML ms*
:e de me rendre une lettre dc'
Madame la ComtefTe rle Cheva-
lier 6toic fi trouble , qu'il laijia
• torn ber.cetce lettre eii voulaat
riie la pr^fenter 5 il s-empreila
d^e la ramaffer , & trie dit eniiB
tfn me I'ofFrant, qtfil avoit-6t6-
fort inquiet de ma fante depuis;
cfu-ilne m'a'vok vue : le lui fis*
line reponfe de la rtieiiie valeur
' apeu pres,&: le remerciade s'etre
• charg^ lui-meme de me rendre la
lettre de Madame fa foeur. Javois
fans doute bien de I'eitiprefle;-
rnent a lalire 3 mais ce fut moios
ce fentiment queienvie de ca-
cher un d^ordre que je ne favois
arquoi artribiier, qui me fit lui
tn demander la permiflion. Je
me retirai pour Cela presd'une
jfen^tre aflez iloighee de la grille.
& je lifais la lettre de k'Com-
teife
P E C E C I L E. 14 J
tefle d-unefa§onii diftraite^qu'a
chaque ligae f^cois obiig6e de
f ecomiiiencer ; mon attentioa
^toit partag^c fort in6galement
cntre nia lettre & la con verfa-
tion que le Chevalier & Duclos
cetloient enfemble a bade voix :
j*entendis ce dernier reprocher
au Chevalier fon air timide 8c
embarrafK. „ Quoi^luidifoit-il ,
^> Monfieur, vous aviez tant
» d'impatience de voir Made-
>> moifelle Cecile , & vous ne
« lui dices pas un mot i Que vou-
^y lez vOUs qu'elle penfe ? Je ne
w fais plus que lui dire , ripon-
M die le Chevalier : que ne fai-
>9 tes - vpus jcomme ma foeur ?
w Elle la- faifoic parlerV cela
M m'anlmoir. „ Duclos lui re-
pr6fentbit encore que c'^toit a
Uii a lier converfation av^c moi ^
Tome I. G
J^' i*j
\
r4(> Memo I RE 5
qu'il ne fcbftVenoit pas (ju'uh do-
meftique prit c:e|:te libertc en fa
jjrefefic^ y puis il ajputa :^,* Que
•5 ieviemlrez-vous done pen*
M danc que vous allez etre feul
>j avec Mademoifelle Cecilq ?
>^ Vous favez que j'ai une com-
M nfiffioni faire dans ce quar-
» tier pour Madame votre foeur:
3^^ vous allez done refter la com-
» nie une ftatue ? Ah ! reprit vi-
)3 vement le Chevalier, men
9S cherDuclbs, menez-moi je
M vous prie avec vous. , • . ,^ Ces
deriiiers mots que je ne fis au-
cun femblanc d'avoir entendus,
m'arracherent a ma lecture \
quoique je ne Teufle encore fait^
qu'im parfaitemen t. Jc v(\^ r ap-
prochai de la grille en deman-
dant pardon au Chevalier $ men
abord & mon difcours parurjjnf
» E C Ec'l L E. 147
encore le confondre. Duclos fe
chargea de nouveau de r6pon-
dre pour le Chevalier 5 & prenant
cette occafion pour me faire fes
excufes fur ce qui s'etoit paflS
il y avoit quelques jours au fu-
jet de la lettre du Comte, il
m'affiira qu'iln'avoit eu aucune
connoiflance de fQs defleins , 8c
n'y avoit pris aucune part, & que
j*6prouverois d^formais fa fid6-
lit6 & fon zcle : je le crus , & lui
promis de. ne penfer plus a ce
qui s'^toit paffe. Ce pr^tendu
zele me procura dans la fuite dcs
chagrins bien plus amers que
ceux qu'il m*avoit caufes par
ion imprudence : il dit alors au
Chevalier qu'il alloit ex^cuter
les ordrcs de Madame fa foeur^
& qu*il viendroit bientot le re-
prendre} il lui confeillade me
G ij
X48 Me,mo i K15
fjiire un peu meiUeure cpmpa-
gnie. ,, Mais , die le Cheyalier ,
»> j'ennuierai peut-^tre Made-
>y jnoifelle ? Non^ lui repondis-
M Je Monfijeur , vous ne fauriez
w m'ennuyerj vous meparlerez
V de Madame vopre fqpur, §C
»> mon plus ^rand piajifir eft de
yy m'en entretenir. „ Duclos
nous laiflfa feuls J & com me fi
ce d6part nous eut 6t6 a tous
deux r.ufagp de I9, parole , nous
reftames afliez long- temps uni-
quement occup6s a chercher
rdciproquement & i 6viter nos
regards : je fiis la premipre a
f ompre ce filencp ; laComtefl?
dont je croyois un moment au-
paravant devoir feulemcnt m'en-
tretenir, ne me vint pas mc-
me a la penf6e. Je queftionnai
Ip Chevalier fur fes excercices.
fur fes amufemerts y il pariit
me r^pondre avec plus de li-
bert6 : il entra dans mille pe-
tits details auxquels j'imagine
au)ourd*hui qu'il ne donnoit
pas plus d'attention, que j*y
en apportois moi-ttifeme 5 il me
parla fur- tout* des plaifirs qite
Je Comte fon frere lui avoic
procures : il me die qu'on Pavoic
men6i I'Op^ra , i la Com6die"i
il me demanda (1 je n'y avois ja-
mais 6t6 s je lui dis que noo , &
quil 6coit ihutite , & itifime daii-
gereux , qu*une perfonne , qui
ledeftinoic comme moi i ficre
Religieufe-, all^t d gcs fueda-
cles, M Mais,Mademoifelie,rc-
» pric triftement Ic Chevalier ,.
w pourquoi done voulez - vouS
>f vous faire Religieufe } ma foeujr
9x m'a die que ce n'^toit qu^ea
G iij
ijp Memoires
w badinant que vous en aviez
*» parl^ ; vous me defe^ercz,
w iorfque je vous i'entends dire
» fi f^rieufement.... Env6rit6>
>> r^pondis-je au Chevalier , je
M ne vous comprens pas : pour-
M quoi feriez-vous fach6 que je
» fiffe ce que vous vous difpo-
M fez a faire vous-meme ; car ^
» malgr^ votre ^p^e , vous hcs
w Religieux vous 5 M. votre on-
" cle m'^ fouJQprs dit.qu'il T^-
« toit Oui : mais Mademoi-
>vXelIe, me dit le Chevalier^
w je n'ai pas fait mes vocux y
w comme lui 3 mon oncle ne
« pouvoit plus fe marier , &
y raoijelepuis.^Jenepusm'cm"
pecher de jire de cette faillie : je
'me £s un piaifir de foutenir au
Chevalier qu'il ne fe marieroit
Jamais ^ lui s'opiniacroit au con*
c E Ceci tE. ,I5t
traire , & notre entretien ^toic
trhs - vif lorfque Duclos aririva j
il en fit compliment a fon'jeunc
maitre , & me demanda fi je fe-
rois r^ponfe a la Comtefle : quoi-
que je ne fcjufTe qu*imparfaite-
ment ce qu^elle m'avoit 6crit ,
je jugeaiqu'il n'^toit pas ti6cef-
faire que j'y r^pondifle. Ainfi
finit jfa vifite du Chevalier ,
apres laquelle je me trouv^i
toute autre que je n'avois :6t&
j'ufqii'a ce moment 5 j'6proiiyp:is
urie forte de tranquillity, dont tz
caufe m'^toit auffi pcu connup
qiie Pavoit 6t6 celle de mon trou-
ble s je me fouvenois avec une
fecrete joie de la vivacite avec
laquelle le Chevalier m*avpit dit
qu*ilpouvoit fe rn.aricrj j*6tois
Battle de penferqii'ilne m*avoic
pa5 parl6 de la forte fans deflein^^
G iiij
152 MtMO I ]l£S .
& que fans doute il m'ayoit ea
vue , lorfqu'il m'avoit tenu ce
difcours : je m*arrctois , je mc
plaifois a ces id6es , routes foUes
qu'elles euflent dd paroitre a
quelqu'un dont Pefprit , j*ofe le
dire 5 6toit auffi form^ que le
mien J mais elles 6toienr TeiFet
d'une pailion plus jeune, mais^
plus puiflante que ma raifbn,&
cette raifon ne s*6toit point en-
core exei:c6e a combatre aucua
penehant detette nature. Quoi
qu*il enfoit , j*avoue que cette
chim6re ne me d6plaifbit point ^
je rc^us encore une lettre dela
Comtefle avant fon retour , elle
me futrendiie par la mfeme voie,
Je ne dis rien ddce qu'elles con-
tenoient , parce qu'on peut fe
douter que c'6t6it uniquement
'Simiti6 de (a part j dans la der-
Dl CeC I LI. tfx
niere , la Gomtefle m'apprenoic
cependant que le Comte de
Beaubourg avoir obtenu pour
fon jeune frere Tagr^ment de
trairer d'une Compagnie de ca-»
Valerie , a condition qu'il ne k
commanderoit qu*apres avoir
pair6 unan dans les Moufque*
taires. Le Chevalier , qui me
rendit encore cette fecoiiade lee-
tre avec Pair auffi timide & aaf^
fi embarralfer qui! Tavoit eu ea
me re»dantla premiere » due me
trouver plus de liberty avec lul
dans cetce feconde entrevue : la
pr^fence d)s Duclos ^^qui-nenous
quitta point, &mbloit/ me don-
ner-plus de confiance^ mais il
me parucqu'elleembarraHbitle
Chevalier : route notre coiiver*
iacion roula fur les comnlimon^
que )e devois au Chevalier & ii^
^54 .Mbmoires
:1a Comtefle : j'^crivis fur le
chajnp a celle-ci, & Ic Che-
valier fe chargea de lui envoyer
ma Jettre J 11 me quit£a plus
tdftement <^u*il n^avoit fait la
demiere fois qu'il m'avoit vue,
& jc crus m^aypercevoir qu'il fe
-reproclK>it de he m'avoir pas
die tout xe qu'il edt voulu me
idire. Cette id^ me flatoit en-
coxc J oaais je ncdevais pas jouir
: iong-teons de j^ette petite dou-
ceur: news itioias tropjeu4!ie$run
& I'autre ^pouT deviner ee qui ce
5)aflpit en jious , & pour nous
igarantir paar la fuite & par la
/raMqaid'^unci ipaflitDfl qui devoit
i felcm tpwes Jes apparenoes r6-
Jtpdmdm fdn |>riifon fur tout le
7Co«irs> de noire vie, puifqull
;Q'6Eok pas inaturel de peofes
„c^\i'^Ue put Jamais faire not^e
bonheur. Je cominuai done ^
repaitre mon imagination 4e
tout ce que Us 4ifcours , I'em-
barras , la , tfiifefle m^rap jdji
Cbevalier feqibjioiefat ^roe^pro-
mettre': .il.Jie^ C« ijn^lpic i cette
lieiirjcu^ fituatipu aucune in-
quidtudtj ^ je n'envifageois dans
ce mpmettt d'ivxeflfe ^ue I'e^
. i)|^iance'4>n epg^eroept . .^u)R
.-Ver!t4^ux;:^ue l^^xm^fli je, ^e
! pmjfoi^lalT^Z'iutprir^ jiar la cci^-
venance d'a^e ■^ decaraderg ,
& jc ne jue permettpis pas njenie
jd'ep dputer. Je Afe FAfi^ p^if. ^
-aypif ,de nouyeJl^^ xMpfls .ppjir
(jne jc'owfipner dajp?? cexf e _4p wpe
'Wei/D^s lelfjQ,4eipain mAtw >
*_ au moment que ]'^tojis procnc
.44 itpur.^ec qu^lques - uqes de
1^6 M EM O I HES
rties Compagnes , j'entfendis uitr
voix qui me demandoit, & je
reconnus celle du Chevalier 5 je
lui r^pondis moi-mSme d'aller
"au Parloir , & je my rendis avec
tant de diligence , que j*y ^tois
avanc lui : u fe pr6fenta feul i
^ moi i je fus effi:ay6e. Je le trou-
vai pale & d^fait , quoiqu^il me
parut fort 6chauff6: fes che-
veux ^toienten d6fordrc ,& ja-
mais je ne Tavois vu fi tremblant}
il avoit 4 peine k. force de me
parler : ce fut avec une voix pref-
que 6teinte , & par des^ paroles
ihterrompues & fans ordre qu*il
ie hatade me faire-entendrequ'il
avoir encore une lettre de fa
' ibeur 4 me rendre. . . ,;.
w Ah! Monfieur , luidis-
^ y? y vous venez fans doutc
.»
1
' w. m'annoncer quelque malheuf r
» Noh , MademoifeUe , me r6-'
» pondic le Chevalier 5 mais par-
n donnez moivje vous prie j je *
w vais me reriiren ,, En elFetfl
fe difpofbir d; fortir cfia Parloir.
M ' Quoi ! Mon (ieur , , m*6criAi-
Si' je encore pltrs allarm6e , vous
» me quitrez , vous me laiflez
9> dans une inquietude morteliej
' w cetre ' Icttre de Madame la
n Comteflfe , votrs n^bfez done
' M nie la rendre ? AK ! tnon cher
• r
yy Chevalier , car cette cxpref-
>3 fron m'6chapa malgrd moi,,
^ ne refuftz pas de me tirer de
yy hincerticude affreufe oh votre '
\ yy ^tat &votreembarrasme}et-
» tent; doinitd^z-nroi cette let*
w- tre fatale , deirflai - je y tro^
yy ver le plus grand desmalheurs;
»• Le Chevalier fut arrfit^, fut
M
158 Me MOIRES
iy attendri par mes larme^s. . EK
. >a bien ^ Mademoifelle , me dit-
. w il , vous le voulez > vous ^llex
,, mc hair : la voila cette lettre >
>> con tin ua - t'il en . me JEa |>r,^-
» lentant j mai& fo^ffrpz atie
^p je vous quite? yje we pvii$ ir^fter
33 plus long-temps f^ns. ;qtte
w Duclos jfe dout^t de quelq^e
33 chofe. „ En eifet j^eus. a
; peine !«► lettji? en^rcjles ,;mains
qu^il dilparut cpmme un hcl^r,
Je ii€;.|i3[ie i^om^ pas le jc^njps
: de r6fl^hir: j'avois trop d'im-
patience d!^tre infprngi^e de ee
que pontenoic unc lettre. qui
^ p>'4t^ii: frei[yi^e d'une fa9ori fi
fe l'<3iuvris rdo^ 4>rpi»ptiei?i^t»
JY eus i peine. jett^4?s yeipc ^
^ue je m'apper^is qu*dile itpit
4'une 6critjurc ^ qui m*^tpit jcaut-
DE Cecile. IJ9
i-faitinconnue. ,, Ah ! m*6criai-
» }e ^ cette lettre n^eft pas de la
>^ Comtefle , elle eft malade fans
M douce i peut-^trc eft -elle en
w danger 5 je ne Ja verrai peut -
w 8tre plus : jc tremble , coo-
» tinuai^je^en recoarnant m^e^-
» feriner dansinachambr^^ „ &
w je n'aurai jamais la force de
» ioucenir les triftes nouvelles
w <jue jev^aisa^ppreadre. ^, Je te-
nois cette letfre , . je rouyrois; ,
je la mouillois de mes larmes^
on va juger ^ulellc fut ma fur-
prife, lorfque m^^tant un pea
rai^^r6e far xlps fraycurs que
j^accufoi^^uelquefoas^'^^tre ima-
/gin^ire^ » je r^lus ettfin <fe me
iimr im<>i-«(\^iiie d'upe incer-
tkude mSi infuppofcablie poiir
moi dans ce moment , que V au-
rpjsnc pu |p:e cons 1^ maux
i
if6o Memoires
que j^ofois pr^voir. Je me d6-
terminai done d lire ma lettre , &
je la tran(cris ici toute enriere
fans y mcler les rdflexfons ou'
les idees dont maledure futfou-
vent intcrrompue ) je me perfua-
de que le lefteur, qui conhoit d6ja
ce que je penfois alors , s'imagi-
nera aii^ment les difi^rentes
impreifions que cette lettre dut
me faire : la voici telle que je
la conferee encore*.
MADEMOlSEtrE^
^y Pardonnez-moi, fi je me
>i fers de la permiffion que ma
»^- fbcur m'a donate de vous ap-
3K portef moi-mcmefeslettres^
»- pour vous faire tenircelle-
»' cL Depuis l*inftant que je
» vous ai vde la premiete fois ^
D E C E C I L B. 161
^ je ne me connois plus , je ne
» penfe qu*i vous , je voudrois
w vous voir a tout moment &
w pouvoir vous dire tout ce que
w j*ai dans Tefprit j mais auffr-
» tot que ^jevous vois , je n'ai
>3 plusld^cfprit , & je ne fais plufSf
' w ce que j'avois r^olu de vous
'>3 dire: vous avez du vous ea.
w appercevoir furtout i mz
>j derniere vifite. II eft vrai que
w la ptr^fcnce 4e Duclos m'em-
•^v.barraffoit 5 'j*ai '^^ la r^folu-
S3 tion dc m^etHapper de lui,
>3 auffit6t que je le pourrai^
33 pour vous aller voir toutfeul.
»3 Je ne faiis fi j^atirai pourtant
^^ la force de vous ditecombien
j5 vous aime, &. jeprends le
; parti de vous T^crire pour
,, vou s prier , fi vous m'aimez
^ auffi ^ demerdcrire de m6me».
33
•
I*
33
i6i Memoike*
„ afin que perfonne ne Icf^acKc
„ Surtout ne croyez pas que je
,, fois Religieux, comme vous me
,, I'avez dit, & que je nepuis plus
„ me marierj peut etre ne favez-
5, vous pas que je puis quitter
,, croix tant que je i>''^urai
,5 point fait mes vocux : Madc-
„ moifelle ^ je vous I'apprends ,
„ & je vous afliire que je la
, ,, quitterai de bon coeur , fi vous
.,, voiilez Stre ma femme • pour
5, moi je vous jure que jt veux
y^ &txQ votre : jiiari , que i*en
' ,, meurs d^envie , & que je vou-
„ drois I'etre tout - a - Theure.
„ Croyez - moi , MademoifeUe,
;„ ne vousfaites point Reiigicu-
.„ fej je crois que }*en niour-
..„ fois de doiileur. En v6rit6 ^
„ vous devez bien m'aimer:
5, car je fens bien que je vous
DE CiCILE. 1 65
,> aime plus que ma foeur elle -
j> meme , & je vous aflure que
,, je I'aime beaucoup. U me fem-
5, ble que j'avois encore mille
jy chofes a vous dire j mais je
5^ fuis fi trouble en vous 6cn^
,, vant , que je ne me fouviens
J, plus de rien. Cequeje n'ou-
oy blierai de ma vie , c*eft que
,, vous etes la plus aimable per-
^, fonne que j'aye jamais vue y
2j, 8c :que je vous aime mieus^
,, que tout le monde enfembfe.
Ze Chevalier de Beaubourg.
Sile Chevalier eut eula forc^
de refter aupres de moi, &que
je Teufle trouv6 apres la ledure
.de fa lettre , il ieroit retournd
a fonAcaddrflie bien fatisfaic de
moi , & je fuis obligee d*avouer
que }e lui cufle peut-ecrc dit des
chofes plus agr^ables qu'il ne
me convenoit de les lui dire :
cette lectre m'avoit p6n6tr6c
d'rni efpoir fi doux & d*une re-
connoiflancc fi tendre , que mon
coeur fans doute fe ftit 6panch6
avec autant dinnocence que le
Hen: j'avois trap petr d'exp6-
rience furle train ordinaire des
chofes du monde , pour imagi*-
ner qu*il put y avoirle moindre
obftacle a notre u^ion i j'^rois
furede I'amiti^ de la ComteHa^
je f^avo^qu*elle aimoit tendrfr-
ment le C^hevalier j & je croyois^
qu'il fuffiroit de Tinftruire de ce
que nous pen (ions rous deux pour
qu*elle s'empreirSr elle-m^me i
faire notre comn^un^ bonheur :
il ne me vinr pas feulement dans
Tefprit que leComte deBeau-
bourg put s'oppofer aux vdes da*
DE Cecil I. 1.^5
levalier fon frere j j'avois pu-
6 les fentimens qu*il avoit pus
ur moi , & ceux du Chevalier
J paroiiToienc fi legitimes , que
ne penfai pas meme qu'on put
nais les lui reprocher. Je ii*o-
. point 6crire au Chevalier ^
mme il paroiflbit l*6xiger de
Di : je me reprochois i la v6ri-
cette retenue 5 mais je me con-
lois 3 en me perfuadant que la
Mntefle me f^auroitgr^ cfayoir
tcndu foi;i ayeu pour ouvrir
on cqeur i fqn pher frere : j*pn
tendis fon retour avec plus
impatience j & comme je n*en
IS notivelle que le lendemain
ifoir , on peut juger fi un jour
; demi pau6 depuis que j'avpis
;^u la lettre du Chevalier ddc
le paroitre lopg. Ce fut Duclos
ui vint oie rapprcndre j je lui
i
* • ■
i66 Memo IRES
demandai des nouvelles du Che-
valier. M Mademoifelle , me r6-
w pondit Duclos il s'eft
w 6cha\iff6 hier a la Paume ; il
w en a dt6 incommode : je crois
»• meme qu'il a eu un peu de
« fi^vre cette nuic , car il a 6t6
n fort agit6 .... Eh ! mon Dieu,
^3 dis-je , mon cher Duclos , vous
o me faites trembler , je ferois
>3 au d6fefpoir .... N'ayez point
>j d'inqui6tude , Mademoifelle ^
M interrompit Duclos , ce ne
» fera rien , il eft un peu changd j
M mais demain ]e compte qu*il
♦> n'y paroitra plus , & qu'il fe-
w ra en 6tat d'aller diner chez
f> Monfieur ion frere. . • . . • *
,, Ah ! mon cher Duclos , lui
^, dis - je J faites mille compli-
^, mens pour moi a M. le Che-
„ valier ^ & lui dites fur toutes
DE C E CI LI.. l6j
^chofes^ que je ne vcux pas
^^qu'il foit malade. , . . . J'avois
un defir li vif & fi preflant de^
voir la Comtefle , que je priai
Duclos de fe charger d'un bil-
let pour elle que j*aTlai liji 6crirc
fur 1^ champ. Apres mon com-
pliment fur fon heurcux retour ,
j'eus Tindifcrdtion de lui man-
der quej'avoisquelquechofe de
lingulier i lui apprendre , & que
j'aurois fort fouhait^ de la voir
ie lendemain. Duclos ne futpas
plut6t parti, que jeme f^licitai
moi-meme de ce que je venois
de fairc. . . . ,, Le Chevalier , me
„ difois-je , djne demain avcc
„ fa foeur i elle ramenera fans
^, doute ici , & il fera t6moin
,, de la fa^on dont je parlerai
^, a la Comtefle : je fuis fure
^y qu*il fera content de moi. . . .
ttt M £ M O I H £ S
Cette id6e me caufa une joie
bien fenfible 3 inais ellc nc idura
que jufiju'au moment qifon viril
m'annoncer la vifite de la Com-
4:efle ^ ce f ut le lendemain matki
de bonne heure, au moment
que je m'y attendois le mqins.
Cette nouvelijB jd6conceFta dans
Pinjftant tous mes projets j toat
c^ que j*aurois dti pr^voir ^ tout
ce que j'aurois du craindre,fe
pr6ienta confuf6ment & tout a
la fois a mon imaginatUon : je
fus effray^e de cet<e vifite que
j*avois fi ardemment defir^e > je
.balangai , je doutai fi je devois
f^ire confidence a la Comtefl^e
de la Icttre de fon frere; je
Tavoii^ fijr moij je fu$ tent6e jde
la reflfermer. Cette id^e ncje pa-
rjtit elle-m8me une trahifon que
je me ferois en yain propof^e
de
de faire d la Comtefle j je ne
pris aucun parti, il falloic pa«
rokre 5 j'allai au parloir pale 8c
trembiante 1 j'oubliai dans ce
moment , que j'avois 6crit la
veille a la Comtefle , que je de-
vois lui dire quelque chofe de
particulierj }ene penf^iqu'4 r6-
potidre aux marques delon ami-
ti6 , & d calmer fes inquietudes
fur r^tat ou j'avois paru dcvan€
elle i mais elle ne me laifla pas
long-tems dans rind^cifion , ou
je ferois fins doute reft^e , fi
elle ne m*en eut tir6e elle-m^
me. ^ . . . , , Eh bien , me dit-elle,
,, ma chcrc Cecile, tu as quel-
^, que chofe i m'apprendre i
,, c*eft ians doute quelque nou-*
^, velleentreprife du Comte moa
^, mari ? &: voila ce qui caufe le
„ trouble ou jen-e vois II efl:
Tome I. H
^>
17c MlMOlK^BS
vrii^ Madame , que fc fuis
^i, troubl^e j mais cc n'eft point
M. le Comre qui en eft cauie^
c'eft M. le Chevalier qui m'a
^5 tromp6e. Vous f^avez , Ma-
^ dame, que vous m'avez en-
^, voy6 par lui les leccres que
^, voTiis avez ^1 la bont6 de m'^-
^vCrire : il s'eft fervi dc la per-
m^ilioa que vous lui avez don-
n6e , pour m'cn rendre unc
qui eft de lui-m^me , & que
j'ai cruc de vousj c'eft ce qui
f^, a hit que je Pai d^cacKet^e. ..
^, yoila done , incerrompit la
^ ComteUe en riant , le grand
^ fujet de te$ chagrins ? c'eft
^, done la ce qui t'aMre & tt
^^ change au point ou je te
I,, vois ? Que tu es folie > ma
\^i pajivre Cecile IVoyons «n peu
t> ce que le Chevalier a pd tc
^1
51
15
51
DE CeCiLE. 171
;^ tywtnder ; le pauvrp enfant t je
hii f^is bon gr6 d*avoir 6t&
fenfible pout tpi : car fans
!^ doiite ce n'eft pas pour te
'" dire <qu41 te hait qu'il s'tik
avifS de t'^crire ? Oh ! non ,
Madame , r6pondis-je fort in-
nocemment en donnant ia lettre
i la Gomtcfle: elle la lut tout
haut i les propofirions de .ma-
nage, les noms de raari & de
femms la firent 6clater de rire,
& ce rire ne m'en donnoit k
moi nuUecnvie. Lorfqu^elle fut
a Pendroit oh h Chevalfer .m*af-
•
furoit qu*il m'aimoit plus que fa
foeur eile-m&iTe, elle aiFeda un
f6rieux plus capable encore de
tn'en impofer, . . . . m Comment f
M dit elle , il t'aime plus que moil
>• Mais vraimcnt je dois ^re
u jaloufe : tu vcux done m*ea-
Hi)
>^ lever ainfi cous les coeurs fiir
y> Jefquels J*ai dcs droits ? ceU
f) n'eft p?ts JD^n , ma phere Ceci^
» le : cHpifis ^ jete priis j il ^ut du
5;> moins m'^n laiiier iin , & ce
J3 ne ferapas monmari que tn
» choifiras , j*en fuis fure •...,,
Oh 1 pour cela npn^ Mfidame^
ri6ppndis-jp dc jtres-boane * foi ;
elle rip de jma r^poijfe cm ache-
yanrde lire j i^ medy: enfuite
•plus fdirieufement : « le Cheva^
93 lier penfe >ufte, & il eft de fort
V ,bon gout,machere enfant;
V s'il iOtoit plus riclie qu'il ne
y) doit PeFre,& queja fortune
y> t'eut fait naitre ayec tous le?
V avantage^ que tu m6riteroi$
jj> de pofleder , je le trouverois
p heurej^x de penfer dans ui^
*? %c plus -avanc6 ce qu'il pa-
V JpJt^enf^iujp^rd/lw^.^^^
nECEciLi. ?r75'
*> wiachere Cecile, c'eftunea*-
«> fent qui parle : le Chevalier
» a a peine dix-fept ans } il n*a
•x encore rien vu, & tu as trop
w d'e/prit pour ne pas pr6voir
n tousles changemens qui peu«-
» vent arriver dans le coeur d*u3l
w enfant . de cct age - la z cepen-
» dant je t'avoue que je fuis fort
?> aife qti*il alt pris pour toi un
w godt qui paroit fi vif , & qui
» fans doute t'allarme 5 il ne
« pouvoit lui arriver ri^i de'
>? plusheureux, en entrant ici
n dans le monde , que d'adref-
*» fer fes premiers voeux d que^
fl!^ qu'un aauffi lage & d'auffi rai-
79 ionnable que toi. Cette paC-
?y jGon fubite , & (i ordinaire
jy i ceux de fon ige quin'ont
f> encore rien vu-, ce feu
*i. paflaget dont i : tu f^auras i^
H ii)
.5:74 Mbmoikis
w merveiileterendre k raaterf
^> fe ^ le d^toumera de tous les
w dangers oih fon pcu d'exp6-
9> rience & la compagnie del
?3 jeunes gens I'euflcnt expofi j
>9 ne fois done plus eifray^e des
fentimens qne le Chevalier a
pris pour toi : voila & lettre ,
3> jetelaremets^machercCecilcj
^^ niats furtouc qu'il ^gxiore que
^tufli'eiii aisiait conmieace: ce^
'^, la rembarrafleroit avcc moi,&
je veuxque ccfoitluiquimefaf
fepart de fon fecret jc^eft a quoi
-^ tia dois ][*eijgager toi-ni^me:
^, mais en m^me tems je tere*
^^ commande ce cceur que jc
^^ nrets a ta difcr^tioo. Ce n*eft
M pasd'une tendreflc inutile que
w tu dois Ic nourrir j c*eft de
.'^j ices jfeutiniens d'honneur &
ii> ^Tcrtu-qfuifont £ bien grar
5>
r «
©E Ciciti; xjf
H v^sdans con proprc coeur dont
t^ tu doismAcher de p^n6crer le
^9 fien 5 c'eft 4^ ramoiir de fori
» devoir & die ia gloire que tu
w dois remplir fon ame j & c'cit
» a ce prix que tu dois niettre
» Tamiti^ que je te prie d'avoir
» pour lui : il eft terns que j'aille
» le prendre » comme >e le lui
« ai fait promettre. Adieu, ma
yy cherefille ; je ne lui dirai point
>i que je t*ai vue^ & je nc feral
» pas long - terns fans I'envoyer
» ou fans I'amener raoi- naeme
n ici , pour y prendre de toi les
* bonnes lemons que tu es plus
«> capable que perfonne de lui
» donner. „ La ComteflSj rae
fit encore mille amiti6s en me
quittant,Sc melaifla plus acca«
blee queconvertie fur le comptc
du ChevaKej:* Je ^^oyo|s bien
Hiv
tj6 Memo IKES
touces mes efp^rances 6vanome>
lep un inftant i mais j€ fentois.
mon coeur fe r^volter en fecret
centre la condutte que la Com.-
cefle me prapofoit d'avoir avec
le Chevalier, H eftvrai que ces
obftacles qu'ellc m?avoitinfinu6s
avec adrefle , me paroifToienc in-
llurraoncatrlesi moi-mcme s mais
le d^fefpoir de les trouver tels
me faifoic d^couvxir en m^me
tems le vdricable 6rat de moiv
coeur, Je fentis crop rard les pro-
gres de ma pallion, ficjerecon-
nusenfin que le Chevalier m'inf-
piroit un. amour auffi vif que le
ilen. Quoique la ComtelTe m'euc
die 4p 1^ 16geret6 ordinaire 4^^
jeunes gens defon age, je ne pou^
vois me perfuader qu'il put le r6-
foudre i caeffer de m'aimer.
11 Quoi,medifoiS;je, le devoir ,. la
t
Dx Cecile/ 177
^> raifbn ^ la reconnoiflance s'efi-
M forcent envain a combattre
a> les fentirtiens que j'ai pour Iui4
>^ L'inconftance auroit - clle plus
>^ de pou voir fur fon coeurque
w la vertu n'en a fur le mien ?
M Mais^ ajoutois - je^ , quandU
w feroit capable ^rtefFerdechan^
^„ ^er de fentiment pour moi '^
,, aurois-je rtioi-m^mela force
5^ de le lui infpirer , & ne ferois*-
3, ie pas la fillc dumonde la plus
.^ a piaindre, s*il avoir la lacHe^
V> t^ de fuivre mes confcils > Ah I
-y mori cherCpmnaatrdeur, m'61-
,, ' criois-je, que n'ai-jfe point per-
,^ 4tt en vous perdant Picomfaien
5, la lagefle de vos avis meferoit>
^, elle utile dans uncc6n|oiao--
ture fi delicate ! Ah 1 fans doii-
te vous- ne- m'auriezr jioiat-
kth auffi cruel que Madanifr^
j$> la Gointe0e:«« puis r6fl<6chif(Cint
ilir Ifis ioftnj^ans qu'il avoac
ida^i^ me kiffer 6fi moarant ^
•^'atfiai Jes prcodre avec pF^dpi-
tacion dans le petit coffre ou
clleis ^toient reft^es depuis que
|*^i$ reijtf ^ au couv^at. Que
jc iiine repa^oebai' d^avoir 6%4 &
Jong-terns fans r^irc cctte ^e-
5ce de teflament du Cofiiman-
^turl je ae me rappeUoi^ q»*im-
fiarfaitement rout ce que foo
-amki^ avoir 'da%i6 jm^y pi*(9ii:rjt-
ire ^ ,)e i^jmm J4 dans 4n tgwns oi|
h donkair dt£i pfirte naVK^up-
jpoit xic fcrte^'queje rf'iavois pij
laire one attenden bieo parti-
ciilierc a! tcHir jce qui iitok cpn-
^eim dans ces ^n&ieto ay{$ ; jq:
Jes jrdus albssi, jsoil fails m^t-
«iu^ir, 'enj ^rayajit ;uifqu^o» Ic
tCommandeur ibrxuf: ^ron:^ ppur
snoi i!bn; amiti6 6cfa pr(6voyance>
mais h^las ! que dcviixs- je , lorit
que parvenue i cet cndroit o^
le Cbmmandeuf xnr ci6fen4oit
fur tout d'engager f yqp idgere-
menp mon c^yr , j? jr^^ncontr^f
la vive peinture de iT\a lituatioii
pr^fentc , ceitci fter?^ 4e fepp-
ment incapab|e d'^dii^eptra uti
clxoix qqi 0t iodigne de mqify
cette vanitdfatisfgite par 1^ pou-
qu^te du Ck^y^liex ^ cettp iji^-
galit6 de con4ifiPi? 5iW-il nf>e f^i-
foit envifager goitii|iq deyapc
^tre funefte am* y^rtvi , ou du->
moins au bonbeur ^ ajaj^ra^-^
quillit^ de ma yip. - . ^om pc^
traits , qui fembiQippt i^r^d^a-
fer la paffiqa dpnt n>piioca:pr
n'^tDit d^jaqwe irop aw^iJic , ^^t
rent autaiit d$ caijc^ de6>udfQ,
qui m'acaJbteqf eo w j^^gp 5..
jc n'eiis pas la fprce dp ppjurfuir
Hvj
i
vre : j*avois chef ch6 du foulagew^
!?ient a mes peines xlanst '" "''
done rincertitude fedre
mon tourment s je crouvois flfoir
arrSt , mais un arr^t aruffi refpec-
tabk pour moi qu'il me paroil^
foit impitoyable. w G'en.eftdonc
»^ fa|^ , m'^criai-je , 6 mon cher
»f Chevalier ,il ne m'eft'pltis per--
w mis de vous aimer: non vous:
>3 ne f^aurez* jamais que mon^
^»- ccEur avoit partag6 votre ten-
»- drefle v h61as- ! j^accufois k
» Comtefle de m^etre cruelle j.
w* c*cft foh indlilgence', cc font*
»>- fes *jS«r6jets que je' 6x>\s crdn—
M dre } eiiii^^veut que le Cheva-
»>: her Gonriniie a m'aimer , a fe*
»> repiaitre- d*une paffion chim6-
»^ rique : elle. veut que j*y paroif^
>xft fenfible 5 & te moyen que*
wje ncL'lefais pas en eiFet?croit-dlc;
D-E Cecils. rSf
y* que j'aye la force de feindre w
n non je nele puis,.je.rendrois
>9 fans douce le Chevalier aufli
*> malheureux que moi 5 je ne
w veuxplus ni le voir , ni Tenten-
w dre : s'il doit 8tre iriconftant^
» j'aime mieux qu il le doive 4
^ £3L 16geret6r naturelle , qu'4
» mes eonfeils ^ je ne me confo^
M lerois jamais de.lui avoir inf-
» ^ pir6 des fentimens lipeu di-»
>9 enes d'un cocur auffi bon que
o le fien. «
Voila quelles itoient les ailec*
tions de moname dans unecir-
eonftance que jercgardois alors
comme la plus malheureufe de
ma vie. Si par hazard il fe glifle
dans Timage naive que jem'ciForv
<je d'enr donner ici ,quelques tep»~
mes^, quelques fa^ons de m'^norn-
cer qui fqient au'deflui de moAi
1 92 Memoiucs
ige , & qui ne duHent pasa|or#
m'etre coniiues , j'ofe du nioins
aiTurer que je les fencois avec au^
tanc de force que je les, expritne
aujourdhui. Mais enfin malgre
les diff6rcns combats que me li^
vroient tour 4 four ks fenrimens
de mpti ci£ar, £c ks confeils,
ou plutot coipme }e ks regar^
dojs y ks ordres de rpon cber
Gommandeur , ce fut enfin ce
dernier parti que je pris la r6for
lution defuivre. Dam cctte idee
ou je crus m'ccre bien afermie ,
jt craignis furtout que k Gom-^
tefle ne £ut pas pr^fcnte a llen-r
tretienque je djevois avoir avec
kGhevalier^ je fentois par la
fai^onde penierdont ^ik $'dtoie
ouverte i moi , qu'elle xne don-r
neroit de nouvelks ^mes coof
ere ma £oibki&i. Cequejei^ra^
gnois arri^ra : pea de jours aprps
)e yis arriv^r la Comteile av^c le
Cbevalijef 5 ${;quoique je neiuf-
fc point d» tQuc 4'^»rn«r\jFva en-^
tendre raillene fpr oet article ,
la Comreflc ouyrk Ja conv^fa-
tion par iiii ton ck pt^ifaLnjEjeric
jquime cjo^ondi*: '^ Ma 0Ue>
w U qn j^i^ije C^if^li^r ^^ejp ne
-n VQusprgfeflfie plos coram? ttn
» en&qt ^ jji gohmhp mon fr^rg >
: fp cleft up. gal^t (fe^s touQ?5
» ks :fcrt»eis, ^ ?*^ a jcijtrf 4e
-» con^det^ qii^vous me voygz
10 ici aujp^rd'liui : le Clipvali^r
:» $^c& omfiH A ffloi jde 1^ grai>
ip 4e paflrpa q^#e yo^s \m infpjt-
•j^ MXi je»«peinrvQi*Iuf6pop-
^ <ire;pptiry§.ifts^ Bi^^cbweC?-
*^ cUe > Yign&m fi vp»s^rez €^
5)
f 84 M i M O 1 R E S
» Chevalier : il m*a a.vou6 qu^l
w vous avoit 66rit, & il s'eft
plaint k moi que vous ne lui
aviez pas fait r^ponfe; je ki
,^ af dit que la retenue qui con-
vienta votre fexc nc vous le
permettoit pas ^ mais je lui ai
» gromis que vous vous expli-
» queriez enfemble <ie vive voix,
» &: qu*il en auroit plus de plai-
» fir^en apprenant de votre bou-
» che quels font vos fentimens
>y pour iui & tout ce qu-il doit
w faire pour mdriter de vous
w plaire. „ Javoue que ce dif?-
Gours de la Comtefle me don-
noit en fecret uh iiiouvement
d'indignation contre cUej jt
voyois qu'feUe trompoit le Che-
valier, en te flatant de Tefpoir ^
m6ricer un jour une tendreie
jD^eiproque qu'elle sie regardoit:
DE Cecile. rSj
fitns douce alors que comme uri
jeu , mais qui me paroiflToit d
ttioi PaiFaite de ma. vie la plus
^rieufe. J'aurois 6t6 bien en
peine , fi j'eufle 6t6'ohlig6e de lui
r6pondre5 maisellemetiraelle-
meme d'embarras en continuant
ainfi; " Je vais vous laifler en^
M femble , mes chers enfans 3 j'ai
>a^ quelques vifites a faire. Ne
« rougis point, ma chere Cecile,
,^ me dit la Comteile : car je rou-
„ giflbis en efFet j le Chevalier
„ fera docile i tes confeils, il
w tee I'a promi-s , je fuis bien aife
„ de ne jKisf trouWer votre entre*
,y tien. Adieu^ i je reviendrai
,",, prendre le Chevalier , & j'ef-
„. pere le retrouver plus tran-
„ quille a mon retour. ,^ EUe
partit fans qut j'eufle la forca
4d lui faire m£^me les complL^
it6 KlMOIlLES
mens Ic^ plus ordinaircs. A pei-
ne fut-elle fortie, que mes lar-
roes coulerent en abondance
fans qu*il roe fuc poffible de les
contraindre ni de dire un naot.
Le Chevalier fiit effray 6 , fut at-
cendri de l'6tat ou ii me vit.
,, Que voiVje , dit-il , Made-
^, moifelle ? eft- ce que les dif-
,^ cours de ma chere fceur vouj
one afl3[ig6e ? Eft - ce moi qui
fuis caufe que vous pleurez?
Ah ! fi je vous ai d6plu en lui
„ avouant que je vous aime>
,> je vous en demande pardon ,
5, & je vous afllire que je n*ai
^y pas cru que vous en feriez
,, fach^e. „ Bientpt je le vis lui-
raeme pleurer a fon tour. ,, Que
yy je fuis rnalheureux , difoit -il
^y en arciculant ai^ine , &: en fe
yy jecauit i genoux ptcs de h
9^
k
1>E Cl^Cl I4E. 187
^J^ grille i Par grace , pardonnez
. „ moi mon imprudence. Eh !
^y Monfieur , m*6criai - je plus
5, touch^e de fcs^ larmes cue de
„ ma propre fituation , levez-
,j vous de grace , & nc vous
yy affligez point vous - meme :^ cc
^y n'eft point ce que vous avez
,) dit a Madame la ComtefTe
J, qui mef^chej 11 voosneTa-
:,> vicz pas fait 4e votre prqpre
yy mouvement, je vous aurois
.,, oblig6 i le faire :, & s*il vous
yp 6tqit per mis <le m*aimer f^-
n rieufement, je ne.reufle j^-
^>, mais fbufKyrt fans qu*eUe en
5, flit inform^. Mais tcnc:^^^
Monfieur , continual- je avec
une innocence ians pareille,
,, promettons- nous tous deux
j> que nous j^ nous aimerons
^ plviS)& alors noius laiiTerons
i^S H EMOlRfS
y> croire a Madame la Comtefle'
yy tout ce qu'^elle voudrtf v.
>, Oh »'pour moi , reprit leGh^
f, valier, jc he puis vous pro-
»/ metthe une choie comrfie'cel-
V, le - M 5 jc fens bien que je Vous
j,*aimerois eiicore apres vous
5, avoir promis lecontrairej &
^^ puis lorfcjue vous me diriezen
5^ pr^fence de ma foeur que vous
j3 m'aimezauffij je n'aurois que
T> du chagrin a vous Fentendre
3, dire , puifque je f^aurais que
» cela ne ferdit pas vrai. ......
» Mais 5 men dieu , lui dis - je,
♦* car je trouvois pi^cifenienc
» ma penf(^c dans lafienne, cela
^ n*emp8chera pas que jen'aye
w pour vous de Tamiti^ : je le
^ veux bien , continua le Gheva-
» lier , pourvd que vous foyer
» mafcTnme,&quejeibisvptr«r
J) E C.EC IL-I. i?9
-^ pJVi. •...•. Non , lui r^pon-
» dis-je, celan'eftpaspoffible,
>> j3c voili juftenxehc ce qui me
^> f^che i je ypjtis jiiniprois bien
» da vantage, 5*il n'^toit pas qpeC-
w pion d'etre votre femme , puif-
w ^u'alors je pourroisjjivoir pour
y vous Iqs m.croes fentimens qup
>* j'avois pour M, le Commati^
^ ^eur votre Qjncle , ,&: afTur^-
yy ment vous n'auriez pas a vou?
>>.plaindre fi je vpujs ^ipois au-
py tantquejel'aiaime. Vous ne
py me r^pondezjiea^Mpnfieur^
?3 continuai - je , vous vous af-
>y triftez 5 eA - ce qiie vous ne fe-
}y riez pas encore content ? Non
M Mademoifelle , mje r^pondip.
>3 triftement le Chevalier : car ;
>3 ennn vous ne m'aiiperiez pa^s '
yy commc je vous aime 3 votr^
^ amiti^jpo^r moi fgroit conjm^
196 Mem oi RES
M celle que j*ai pour mon frcre &f
>3 pour ma chere fccur , & je fens
w bien que la micnne pour vous
M eft mille fois plus force : je leS
w quicrerois tous avec plaifir
w pour 8tre avec vous , 5c j*ai
» oeau les retrouver quand jc
» vous quitte , je fuis toujoursi
n chagrin de vous avoir quitc^e.
M Enunmot,Mademoilelie,moh
» imagination me prdfente millc
M plainrs que je ne puis ex-
w primer a vivre toujours'avec
M vous i elle ne m'oflre partout
n ailleurs qu'un malbeur cer-
M tain , & des peines auxquelles
» je fens que je ne pburrois rifiC-
» ter : je f^ais^bien que ces plaf-
w ilrs ne font fsiits que pour celu!
« quipourraneiefeparerjanlars
13 de vous s que lui feul peut
u (Stre exempt de cies pemes t{\XQ
deCscil^. I^l
yy je crains, & qu'ilfaut abfolu-
w ment que je fois votrc mari
w pour ^tre heureux Eh !
^9 Monfieur , lui r^pondis - je ,
M ne voila - t'il.pas encore -que
*3 vous me parlez de mariage ?
^> J'6tois fort contenteL de tout
w ce que vous me difiez , il n*y a
» que cela qui me d6plait : cc
w n'eft pas que je fiifle fach6e
w d'etre votre femmc, n'allez
w pas croire cela pour vous cha-
^>3 griner encore J maisc'eftque
M cela n*eft pas poffible : il fau-
w droit pour cela que je fufle ri-
M che comme vous j 8c puis n'y
» auroit-il pas tou jours Tindga-
M lit6 de condition qui ne man-^
w que jatnais de renare malheu^
M reux? Non, MaHemoifelle ,
*j reprit vivepent le Chevalier ^
>>! prfqu'on s'aime Hen, onne
t ■
ii^i. Me moires.
^ fijiuroic etre malheureux. , . .^
^3 Tenex , lui dis - je ^ Monfieur
^3 le Gbevalier, je le croyois corn-
ea me vous s mais Monfieur le
w Comniandeur votrconcle-6toit
^> plus hai)ile que nous-, c'eft pour-
^3 tant lui - mcme qui m*a defen-
*5 du de vous aimer d caufe de
^» cette in6galit6 : voulez - vous
w que je vous le fafle voir 6crit
^y de fa main? • ... X^uoi! reprk
>3 trifteraent Ife Chevalier , mon
^y oncle faas me connoltre vou«
M a d6fendu de m'aimer? Ah ! je
M fuis fiir que fi j'avois eu le bon-
M heur de le voir, il ne m'aurok
» pas trait6 fi duremgntj il a
w peut-^txe pcnf6 que je ferois
>3 cofmme* mon frere q ui ne cher-
M che tjtfa vous tourmenter , &
M qui a deja uB|ifemme • .
-^y Mais, luirep8ndis-j?, voas
m'im-
D^ *C E C I L X l^y
\w m'imparientez vous-mfinej cfe
;»» V n*eft pas vo^s; aJjfolamcnt qu'il
:»? m^a d6fendfu d-aimer ; x'eft
,p tout lie amonde :: car it l^ai^oit
>> iien que je n'aimerois jamais
•53 quelqu'un qui fi&t n6 auffi
-»> , malhesureufemeiKqueinois S£
^>; puifqiic j[e ne Aois Ipas. en^ ai»-
^r Hfugii d?autrei,^ouv,vdyfi2 ben
1 ^i qu'^il £auc que jctfaimc; J)erfofK»
w tie. .. ^* . Ehfcieri^ Mademot-
-^9 felle , . contittua le Chevalier
;n eii: vtwfknt un torreiiQf jdfek»^
^ir mcs ^'faii:csjtou£?€eJqu?il,Vou«
^ ['pdauja} mais j)o\ir>nioi:je vous
^3 amietattoujoursv !&^!mdurv
99 rai lie^douleiw: fi vous ne ni*ai-
-<* mez pasbi , i. i, . J^61^vbii r^*
^ii^ondfcr jc^>p^*^4w6c moi-me*-
••i: ; me de la donueuc fi^nMi)^ lm6atvb'
t> :f«s^ qutfiirojiid3ttvpusc|ue je
?3 fi(0e ^ & que je rfetie^nft ? En
XomeJn I
i*> vintd vqBis nie murmentez
fp phis que je ne puis voiis le dire,
Ml. fie je n'ai jamais dt6 comme
#> je feift. Ne: voiia - t*il pas qu^
w voi^s Yous a^igez encore da-
w vantage i continuai - je , parcc
ji qu^en t^^iesianglots me per-
ri» gdiei^ ;le coeur : eli ! je vous
#1 pifie^ fi vous m*aimez, efluyez
^ (^es larmes qcie je He jpuis voir
#9 fans moigrir moi r miBme i que
c%5 pienfer^it Madame la Com^
^ ce& , irelle notts^ trbmroic cotts
.^r deux dans eet ^tat i Vous fe-
IS j?€!Z^mi^ grondera.
';9r Eitbieii ! vvoiia qui eft fait ,
4). nioncher Chevalier, je vous
^ W$lfiy ^]^ vous.aittaerattour
jw te^ma vie 4 j^%ra| peuc-^o?
;*i biedi |nalheui$ui^ di&-v<msai^
' n fn$r :Comni|||bfaii : car v^us
.CjE Cecil*. tjj
-m vous qui-me perf6cutez •
♦^ Ah I que j e meure y s* ^cria - t'il
^5 avecxine voixtremblanteen1•
» core & entrecoup^e 4e mille
«* foupirs. . . . .. que je meure ^
>9 fi j'aime jamais perfontie que
n vous , 6 ma cher^ Cecile , 6
» ma chere petite femmfei Ek
« monDieU) lui dis-jc^ ne
M m'appellei point comme cela^^
n je vous prie, & furtooittiete
>» dices point a Madame votre
99 foeur. ,^ II me le promit , ilous
nefluyames nos larmes : U me de*
-maiidamamam^ je nepus la lui
refufexv il la taila meme, bieii
t:endrement fans cjue j*eufle la
forcfe de m'etr d^Sfendfe. Jeus
bien de la pekeii calmer notre
c(^mmune 6motioii||pependant
je fijus fi bien arc&er le^ tranf-
j»ortsdu Chevalier, quelaComr:
T ••
I IJ
^^6 Memoirs
xeile i fon r^our nous trouvft
l'un& Paut^re dans une fituatioja
laflezjcranquille , pour nc- lui pas
laifler^ ibnp^onner le ddfordre
/ya notre . entfetien nous avoit
jett6s. Elle .me demanda fi Ic
'Chevaliei avok 6t6 ) auifi fage
qu'H Je lui avoir, froniis.: jelui
cripondis que j.'ejti arois i^6 fort
vcontente; ellc l*in*rrogea a fon
jtojir , iLr6pondit de nmeme
:cc Et moi , dit Ja.JComtcfle , je le
m> fuis '. beaucaup de- vo us deux ,
^ .mes chers eimns $ jtmc^ doii-
:w t6islD^en que vous fcriez rai^
/M fopnabJes, &: que mon petit
,>t Chevalier .s'en tetourneroit i
>> iitn.Acad^niiejplustranqjiille
^> que je he I'ai l&ipo$'; a^ieu,
:^> ma ch<!^ Cecile ^ il eft temps
^3 xjue je f6coi^dfeife Won frerg j
*? fois toujqurs Ton .4nu6 , > , > ,^,
N .
^ Elle me 1-a prorais , ma chere
y> fceur^interrompit^vivementle
»i Chevalieri> Fort bien , ajouta
>3 la Com tefie, jelui en ills obit
'^ g^^--)v EUe me renouvella fes
jEendrefles , & fortit ienfin avec
fon cherfrei^.
J*e me fuis rappell6 fi foiivent
cetentretieil, qu il ne doit pas pa*-
toitre dtonnant que je Paye en-
' core fi pr6fent a k m^moirejc'eft
l^epoque d'un engagement au*-
quel mon coeur a roujours 6t6 fir
d^le^fic ce font Id de ces fbuveriirs
qui font fi cliers ai une ame fenfi-
ble , qu*il eft difficile qu'elle palTe
on jour fans s'en entTecenin Oft
ne doit cepehdant pas fuppofer
qu*au fortir de pette converfa^
tion je m'en occupaiiL'nnc fa(jon
iifliffi douce qtte j'aipu le faire dans
dJautres temps 3 cc feroit meren-^
T • ••
I "J
l?5f« Me MO IRES •
idre peu la jui^e que je me dois i
ixioi - mfime ; loin de me trouver
dans une fituation agr^able &
I3ranqul0#^ aprcs avcnr re^a Paflb-
cance des fcntimens du Cheva-
lier & lui avoir fait Pinnocent
aveu des miens , je me (entis in-
t^rieurement plus agit6e /plus^
tourment^e que jamais j Tid^e
d'avoir avoui^ ceque je regardois
alors comme la plus grande de.
toutes les foibiefles ^, me rendir
auffi criminelle a mes propresv
yeux,quefi j*eufle en eflet fran^
chi routes les bornes de la pu-
deur, J*avois beau mefaire illu-^
fion a moi-m£me, en voulant me:
perfuader que fiJ*avois dit aii
Gh^lier que jel4imois , c^toit
moins pour Tinftruire de mes fen-
timens que pour le fauver lui-m^
me des acreinces de fa douleur^*^
je fentofetrop , & j "Stoisttop pdi
H^tr^e de ce fentimient,pour ne*
pas convemr avec moi - m^me-
^e i'amour avoit eu plotde parc^
que la piti6 dans rexpreuioni
MiVc qui m*^it6cbappi6eidu v^^
likable 6tzt de m^iiir coeur.-
Depiris cette Strange con ver-
fation je vis plufieurs foisie Gbe-
valier de Taveu mifeme de laCom-
tefle» Duclos^ Ifamehoib au par-
IoiF,& venoit Py reprendre: je-
n'eus pas la force de cnercher 4 le ;
d6fabu£er5 £cquoique tourmen-
t6e en fecret par WntelUgcnce
qui s*affermillbit tous les jours
entre nos deux cceurs^ j*y trou*
vols en m^me temps un char me*
fi puiflant, que je ne pouyois ni
m'en defend re, ni prendre fur
moi d^etre tout- ^ -fait fincere*
avec la ComtefTe fur cet ?irticle#^
I iv.
Toutcequejetrouvai d^ parti-
culler poux/moi,& quime caufa
►refque autanrde honpe que d'al-,
trnies , m fut lorfqu^il: dit. a la'
Gomtefle que j'dtois un enfantde
tOrdrei} que; la Religion devoiti
ip'ddopter , & que G*6toit a elle
^tfbnger 1 me marier au pldtor } .
que^ c'6toit dommage de laiiler.
p&bfc d'ennuidans un Gloirretme
mjrfbnnecQramemoi^, Scque ce.
leroit: un crime: de p^iyer; plus ^
I&r^r temps le monde du pJair
fir^u*6naui?oit4m*y»voiri Quoi--
que je prifle toutes ees chofes
Gom'me autant : de galantesies de :
lA^partide M, la Grand Prieur , ,
W n*en fus* pas: moin^ e^a^e.^
(k J'entendre parler :de;^^daget •
|e& nei pou vois raiibnna^l||3ent :
nitrmer Tiefpiraflce d- Itre.un Jdairi-
ao^teTalifiVn mm ie. m& faon-
I
DE Cecil :fi; 203^
tois une horrible r^pugnanpe d
l*id6e d'etre a totat autre. Apr^s
le d6parc de la Cooaife{ie fie de
Monfieur de Yendonie, jeme
remis aif^n^mr du petit trouble
ue fa propofition m'avoit otu-
ej jc crus que cela n uroit pas
|idas loin , & que feloa touces lesr
apparetii:es( il ne penferok pasr
k>Dg-^t6»s a moL Szm douce Ued^
ieroit arrive ce qud j*avois ^en^
f6y(i laComteflen^edtrendticcym-
te a fon mari des difpofiiiions aiif^
Gratud Pjrieor wnoit paru^^Q -
pour raoi. E^ Gonjce^delaiiMfc'-
moire duqju^lje croytDiiis ^reefib-
tierement : efPac^e: depuis^ plus ^
d'unmois qu'il m'avoir kifT^e ea^
i&pos ^^ ientiit^ apparecnment' rdy -
naracj^^fe ioIles^e^^^aocK^ tn&z
fkttant deVpouvcdjr me d^aer
Uo^^ia]idie famaiB^; c'eft cs^que:
11 vjj
E
] e disnthi bien t6t apres. Je; pdf^
fferai l6g6temetit'Git toute cette;
a^vanture, qui n'auToic r icn de fore
itit^rdOTam; pour nies: ledeiurs , &i
qui ne d'a 6t^ pour moiqiae par-
ies fuices qu'clleeut; Ge fut la»
Gomtefle qui m^'cn porta lesprcn
mieres iwDuvelles j elle viat me
voir : jamsLis tant/dc Joiem'avoit
^cJat6^furf;!iifivifage. J'avois vd;
le Ghevalier la veilie ^ & je IWpi^
vd'fouvent depuis la vifite du
Grand Prieur : notre amoior , ca^
ppurqtroi feindre de I'^tvouer ,
notre amour yjdis * je ^ . itvoit pri^
de:nouyelles forces dans la C];an-T
quillit6 dont toutiparoiflbit con-r
courir a^nous.laiflerjouir J que
dis-je?r il.fembJoit. qji^'IL.nous:*
dattir^fea mdi|is.de'deft*moi&
desdmaocentes t^n^res de I'en-
fapce^,^ qu'ii fe:ittt Icryi poucp
DE Cecil B' •icrjr
&lairer nosames des fentimenis.
m^Smes qxi*il nous infpiroit^& quf
nous 6coient dUutant plus chers y
qu*ils dtoient .parfaiteitientrd'ac-
c?ord ayec la verm 4ont nous tier
penfions ni V\xn ni Pautre d nous*
^carter; Le Chevalier ne irfavojcr
point encpre; para fi teiidre quer
daris cctte vifitequi ^voit pr^C3^4
d^ celk de la Comccfle,:: nou$<
nous Prions nrille: fois jur6s der
nous aimer toujours &c de net
oous fiSparor jamais j €niforte que .
eet enjouementi^ [ cette gayet^r
extraordinaire, que je Temaixjuai?
dans la phyitoiitomie &L dajiis toa^ •
t^s les adions de laComtefler,^
l$)rfque jc parus iifes yeux , me;
fit illiriiQA ; : je:penfeique le Qht-!>
yalier d64it4esdejGjf&6t6ien« plusi^
.^fs y . plus ifi^j^tueux que leS>
lafuens , suiroit ibien pA d^couvrier
£ fa foeur les &ntimerrs done je
le fijavjois p6n6tr6. J'imaginai
4|u'elle y avoit appktidisque pieuc—
^e nous allions> i&cre heureux^
par im aveu aae Pcmprcflemenc
de la Comteue fembloit me pro-
mettrer j'en crdkilUs^moi - nrd*
me de jofe^ mars que cecte jaie"
fuixoarre tScqueje k pa^yavch^-
remcnt :,. iMfque la Comtek'
m'eut appds ce qui caisfoit Ut^
fieniie ! II ^toit enef&trqueftioip
d'ufi mariage t un EMt^ed^j^
richc >; mais qiji n*en ^coit^qiie^
plus' arJi»m:tg^
nauv^ette$ mhe£(0S ,^^^i^^^
ppur m*^p0iifer j^ la dot que j©r
die^cas lui poiter dcoir line places
d-lncire^ daiis le!r, a£^^ du^
Roif i^ que lei cr^ir de
d© Venddme de^^iti lui4k|re.ol**-
BE CECltE. 207*
omtejSe envifaeeoit cette af-
ire comme la plus grande for-
tne qui d^t jamais m*arriver.,
I Dela fofle , c'^coit le nom du*
Jrfbnnagc , dtoit d*ailleurs , me ^
foit la Comtefle, un hornme^
tffitblcment aimable y il 6toitT
icoK a la fleur de fon Sge , &:
^voit que trente Kuit ans : je*
Jvois avoir un carofTe, des do-
eftrques^une benne maifon ^,
fs pierreries, aa un mot tout'
^qui edt pent-^re flatt^mai
Lnit6 ^ (i Vidfe du ChevaUer eut:
irmis ^mon cocur d'y ^re £en-
jle. La C6mte(!e ajouta i ceS'
§tails ^ comme pour- me rendre*
tttt proppficfon plus aw^able ^^
ae c^6toic le Comte ion marif
ae j*avois i torraccuf^d'^re^
ronennemi'i quiavoitluim^e?
fc^nasLdcctteafiaire.. Te^fusDfc^
firifi^e , confondue a une pareilte
propofitioni je ne favois. ce qae^
j'y devois r^pondre : jO remer-
ciois fans fetfe obligee } mais je
remerciois d^une fa^pn fl timide
& fi embarrafKe, que JaGomtefle
nepouvoit manquer des'en at)-'
perceyoir. Elle foup^onna ^ife-
ment.que je tf6cois m couch6edu^
roariage qa*elle me proppfbit ,.
ni flat^e des avantagcs qu'elle mY
faifoit envifagerj imais fanss^a-
raufera c^mbattreiifta pr^teiidiie
ddicatefle^elle-medit que cette-
aiFaire 6coirtropavanc4epoury
faire de fi f^rieufes reflexions ; •
cyie M. le. Grand Prieur avoir
fait toutes les ddmarches necef-
faires p94iir obtenir la grace qur
m'afluroit cct 6tablifleraent j^ue -
toutes les paroles ^toienc^ 4i&n-
n6e5^;&^ qu'enfin j§ 4cvais xne-:
£^pfera voir lei^ndemain mon.
futur |pGU3c i que te Comte de^
yoit me le prefenter lui- m^me ?
die fink par m*exhorter a me pa-
•er d^ qion-mieux ,iUft;out a bien>
rec^v^ir M.4je la Foiky&c a ne lul
pas paro^tre auffi indiflferente que
je lui paroiiToi^ a elle - meme ,,
pour unenouvdle qui devoit me
faire auta^^t; de ; gjaiiir^ - J'qus k.
Iqrc^.ck lui avQuer qu'elle ne,
m'en f^ifoit; ppitit 4u tout j je lui:
€?cp|pfaik crainte qae j>yois qjie
la honte^erpa naiflaace nedut
m'isittirer ou ks dugouts de M^
de la Fofle ,, Qu fcs reprpches. Li^.
ComTeflene fit- querire d6 me^^
craintes, & fortit enme difant*^
que M> Dekfofle, tout riche;
qu'il ^toit,. ne valoit pcut-^tre
gas mieuxque moi , 6c qu'il fe—
spit trop heureux^e me pofl^der^
tlO Ml MO I RE*
f uifque c'^toit mai qui affurof*
fa fortune. On ne d6uter|^ point
que la Comtefle en me qtrittanr
ne me kiflat dans Tdtat du mon-
de le plus cruel & le plus mcet^
tain. J'ignoroiscequeje devow
faire\ j'ignorois mfeme cequej e
devois penfer : j'aurois voulu voir
le Chevalier avant que de pren-
dre aucun parti j je ne lui avois
point encore 6crit,& je n'ofai
lui 6crire Te rciidois bien juftice
dfa fa9on de penfer fur la prapo-
£tion qu'on venoit deme fairec
mais je ne croyois pouvoir re--
gier ma conduite en cette occa-^
iion que fur fes avis : je me fen-
tois 6galement incapable d'ob^ir
a ceux dela ComteUe, ou delut
rdfifter > & je voyois avec dou-
liBur dans Tune ou Pautre de ccs
sifoltitions la perte du Glievaliexi
y
DE C EC ILL Il^r
dbvenir pour moi prefque cer-
taine. Je reftai done jufqu'au
lendeinain dans une fi parfaite
inadion d*efprit & dans un ff
grand an^antiflement de toute
ma perfonne , qifi peine me rel-
toit-il un 16ger fentiment de mooj
cxiftence \ tout ce que j'en avois-
perdu dans cette efpfece de 1*6-
tliargie, parut fe p^unir^our me
rencire plus fenfible au pUifir de
Voir le Chcvaliar . 11 s*^toit d^ro^
fe^le matin d'aflez bonne heure
au furveillant Duclos j il avoir
appris de lili la funefte nouvelle
qu'bn m*avoit annonc^e la veil--
Je , il 6toit furieux : Je n'eus pay*
befoin de Pjnftrufrej il l^^toit plus
que je n'euffe fouhait^ dans ce
moment , puifque la vivacit^ de
fon emportement me fit trem-^
bier. U ne doutoit point , difoifcr
arz MemoiiI^S
il , de raon coeur 5 mais il nie pou^
voit foiiffrir qu'un autre olajc le
lui difputer. La violencefHe
r^tat ou je le vis me fitnaitreeir
un inftant mill« idfees qui^'^tpient
refuf^es a mon imamnation , &
que je croyois capables de parcr
le coup que nous redoutions ^ga*
lement tous deux Je me hatai
d'en informer le Chevalier j & ne
foyant; point d'autte voie pour
calmer fes fens, *je lui jural cent
^is que rien neferoit jamais ca-
pable de me faire quitter la r6fo-
lution que je prenois de refufer
conftamment d'Stra a tout autre
qu'a lui. Je le priai ittftamment de
me quitter apres cette'affiirancey
& j^exigeai par tout le pouvoir
qu*il me donnoit fur fes volont^s^
qu'il n'entreprendroit rien cpn^
tare. un rival qu*il ne mena^pit^e
DIE C ECI L'E. 115
jfien moins quexiel'immolera fa
f ureur,s*il ofoit pedifter i vouloir
in'6poufer. U fembloit a la vio-
Jence qu*il fut oblig6 de fe faire
^pour fe f6parer de moi , qu*il pr6-
vit en pfFet la cruelle f^paration
done nojas 6tions menaces : je re-
mets a la fuite de ces m6inoix;es i
parler de ce trifte 6v6nenient ,
ainfi que du changement qui ar-
riva dansma fit^ation a J*occa-
iion de* d^Jux entretiens dont je
^iens 4e reridre compte.
«
yF/> 4^ /^ pfmien Partie^
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