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Full text of "Here are stones, an account of a journey to the Aran Islands"

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MEMOIRES 



DE 



CECILE- 

E C R I T S 

PAR ELLE-MEME^ 

Rev^s par M. de tA F lac-e*. 

TOME PKiEMIER. 




A PARIS; 

Chez R o L L I N Fik , Quay des Au^ 
fga&axis , k Saint Athanaib. 

M. D C C. L I. 

^vec Approbation & Privilege du Rtil 




nCBli5SIB@i»!SllS)/n<«l^ K » N « H 



X « K *^i^isaiui6oii9!2!j^ii^ m « « 



EPITRE 

DFDICATOIRE 



A MADEMOISELLE D***. 



M 



ADEMOISELLE , 



Si les Memoires que votrc 
amicie me permct de vous 
tledier , & que la mienne 
tn'cngagc a vous offrir , paf- 
{ent dans le Public pour un 
Tom, /. a 



Ouvrage d'imagination & 
de pur amufemenc , que nc 
penfera-t'il point des cifcon- 
ftances qui m'ont mife a por- 
tee de vcusen faire homma- 
gc ? Car , il -en faut con\»€- 
nir: la tcndre liaiibn de nos 
coeurs e'tant uniquement 
I'ouvragedcrianocent com- 
merce de nos ames , le com- 
mun des hommes ne s'ima- 
ginera jamais q^ie fans nous 
£trc vues , il ait pu fe former 
entre nous une intimite de 
ponfiance recjproque J C ra- 
re entre les perfonncs de no* 
trc fexe , & ;|>eut-^trc ffloin$ 
(Commune encore parmi eels 



. , "J 

tcs qui fe connoiflent le 
mieux. Nous f^avons cepcn- 
dant que la choie eft aind ; 
& puifque je confens de 
canfier au Public les eve- 
ncmens de la vie dune 
gxand'-mere & dune aycule 
qui me f urent bi^n cliercs , 
& que je rerpc<5l:erai toute 
ma» vie, jepuis bicn aufli le 
mettre dans la confidence 
de la fa^oHf dont s'efl formee 
notre union. Ccft elle qui 
donne aujourd'hui aux Me- 
moires de Cecile roccafion 
de paroitre apres avoir etc 
ignores pendant plus detrcn- 
te ans j 11 faut bi£ft que ie» 



♦ - 

Ledeufs curieux foient au 
fait du hafard qui a forme 
nos liens. Us n*en feront plus 
furpris , lorfqu'ils {§auront 
qu une (age & prudentc Goa- 
vernante nous a fucccffive- 
ment donne (cs foins. Il efl 
bien flaccur pour moi qu elle 
ait pu penfer qu il y euc queU 
que rapport cntrc mon ca- 
radere & le votrc : cllc avoit 
lu fouvent avec moi les Me- 
moircs de Cecile •, cllc a vou- 
iu que vous Ics luffiez , je n'ai 
pu me defendre de les lui 
confier: vous men avcz re- 
mcrciee par une Icttre toutc 
charmanc;e ^ vous m'avez ex- 



V 

citee a les fairc im primer : je 
m'cfn fuis defendue , vous 
aveit infiftcj j'ai encore re'fi- 
fte ; & je ne me fuis cnfin 
rendue qu a cette condition 
qu'ils vous ferbienc dedie's ; 
vous mavez prife au mot. Au- 
rois- je pu vous refufer ce fa- 
crifice & cct hommage? Ce 
petit debat cntrenous^ fans 
faire naitre Toccafion de 
nous rappfocher, n'a pas laif- 
{i d'y ^tablir un commerce 
de lettres & de fentimens 
qui nous font devenus ^ga- 
lement chers. Voila jufqua 
prefent toute notre hiftoire. 
Mais fi vous croycz de- 

« • • 

aiij 



vj 

voir beaHcoup a cc comrticr- 
Ccfi tendrc dans reffort que 
je fais aujourd'hui a votre 
foUicication , je nc quitterai 
point la plume fans avoir in- 
Itruit le Public d'une partie 
de ee que je dois moi-m6me 
a la bonte de votre caur & 
a la prudence de vos confeils. 
Les circonftanccs critiques , 
dans kfquelles je me fuls 
trouvce depuis nocre fingu- 
liere connoifTancCjm'ont mi- 
fe a portee devous enjdeman^ 
der & d'enrecevoir devous 
de fi fenfes , que (i j'ofois ert 
faire part au Public, je pour- 
rois m'acquicter} avec vous j 



mais il meA egalement d^- 
fendudevous louer , 6c de 
vous &irc connoitre. Je vous 
obeirai : je ne mettrai point 
\c Public dans la confidence 
de tout ce que vous devez a 
la nature^ je nc lui pailerai 
ni de vos graces ni de vos ta- 
lens i je me concenterai dor* 
n«r cetce Epitre de I'extrait 
dune de vos lettres. Si le Lc- 
6fceury,trouve votre ^loge, 
ce (era vous-m^me<|ui I'au- 
rez fait ; & vous n'aurez rien 
a me reproclier : je n'cn cite- 
rairi^nque ce qui a rapport 
a la>condicion que j'ai exigee 
4e .voius^pour m'engager a 

• • • • 

a nij 



publier ccs Meraoircs. Voici 
dc quelle £39011 vous aver 
accepte mes ofFres ^ 8c c'eft 
vous qui parlez. 

« Je vous laiffe a imaginer 
wcombien le deifein que 
» vous avcz forme de mede- 
•> dicr les Memoires de Ce- 
»> cile J ma fait de plaifir. 
s'Cependant fi mon nom 
»• avoir du paroitre a la cctc 
» de votre Ouvragc , je me 
» fcrois privee d'un homma- 
»» ge (i flateur,& jen'aurois 
» point accepte Ic racrjiice 
»> que vous vouicz bica me 
» faire , &c. . , . . . 



1 
S 



1% 

i' Si , com me' je Ic dcfirc , 
»» vous faitcs itH primer les 
»» Me'moircs en qucftionjque 
»> le ftile de vdtrc Epitre ioit 
"tout oppofe at celui dcs De- 
»* dicaces ordinaires-,ne cher- 
>» chez point a le rend re la- 
»» conique : vous ne pouvcz 
»» rien dire de trop, a moins 
» que vous nc me donniez 
» des eloges ; jc n'en veux 
« point : ee n'cft pas que jc 
>* craignc qu'ofl m*y recon- 
»• Hoifle ', |e me connois trop 
»»bien moi-meme pour £tre 
siinquiete de ce cdtelaj 
»>mais de grace, Madcmoi- 
?»feLlc, employezmicux vo* 

av 



»• trc tCms: Tcfprit didc prefix 
M que toujours Ics Epitrcs 
»» dexiicatoires. Je voudrois 
» ne reconnoitre dans la v6- 
»> tre que le langage du coeurj 
** c'eft le feul auquel je puifTe 
»j repondre : je donne peut-e- 
>• tre trop a I'envie que j'ai de 
» recevoir eette marque de 
»• vocrc eiiime 5 mais ne vous^ 
» contraignez point ^ je n& 
» fuis point dans le cas de 
M vous enfaire unc loi : on 
»» ne doit point exiger le» 
••graces ; mais fi vobs vous 
»» determincz a m'accorder 
ij cclle-ci, (buvenez- vous fur- 
» {out que ce n eft pas moA- 



4 

» portrait que jc vous deman- 
» de J mais Ic v6crc. 
. Vous naurez point a vous 
plaindrc de moi 3 Mademoi- 
feile , fi le Public trouvedans 
cet extrait d'unc dc vos Ict- 
tres une eiquiffe de cc por. 
trait que vous me defendez 
defaire, II n*y voit encore 
qu'un foible crayon dc votre 
Qiodeftie & des graces de vo* 
tre ftilc. S'il m'c'toit permis 
de difpofer des riGheftes que 
vous m avez confiees , dies, 
feroient votre eloge d*une 
fa^on bien plus frappante 
qu il ne m'e[l poflible de le 
^ire I Sc d vous oe m'aviez 



A 



pas deferidu dc vouslouer Sc 
de vous peindre , j'aurois 
beau jeu a m'etendrc fur tous 
vos talens , & cfl pafticulier 
fiir ccuii^de Icioqutncc & de 
la pocde. Mais lorfque je me 
fais violence ^moi-mame, 
en d^robant au Public tout 
ce que vous m'avez confix 
dans Tun & I'autre genre , il 
doit m'^tre au moins permis 
poui* I'honncur dcs Memoi- 
rcs que je lui prefentc fous 
yos aufpices, deluifacrifier 
quelques-uns de vos vers, 
qui one rapport a ceC ou- 
vrage, dont le fentimcnt feul 
af m cous les frais.Les voicijf 



• • • 



N 



XUj 

» Guides, charmes du fentimcnt 
w Jc cheris la delicatefe : 
» Get innocent amufemcnt 
» Pour nous n*eft point une foi- 
yy blelfe i 
w Et fi men gout f!at6 tronve quelque 
» douceur > 

» Dans le tableau charmant d*une fcene 

« touchante , 
3i G'eft quand da fentiment la force qui 

M m'enchante , 
a» Afft£le mon efprit & refpedle mon 
S9 ccerur. 
» Sans en redouter la (uf ptife , 
» Pour lors je cede a fes tranfports^ 
» Ce qud la raifon autorife , 
9* Doit ^re gpuce fans repiords. 

Jc n'ai gar4c d'aller plus 
loin : c'cft a vous qu'il appar- 
tienc de faire quel(^ue jour 



xiv 

paroitrc les fr aits ck vos t6l 
• flexions & dc votre veine j 
mais j'e'tois int^rcflee a fair e 
valoir le temoignage flatcur 
que ce petit cfTai donne; a 
Ibuvrage d'une pcrfonRC, 
en faveur de laquelle je vou- 
drois pouvoir raflembfer 
tous ceux des perfonnes (en- 
fibles ala vertu. Vons n'avcz 
point voulu que je fifli votre 
portrait J je voiis demfande a 
mon tour grace pour Ic 
mien. II ne meritc pdint en 
ve'rite dc tenir ici la place du 
v6trc;&je ferai ehfbnic de 
Vous doivncr en ifihangfc une / 
copic diu vrgi pororaii de 



XV- 

cile , tcl qu il fut peiiit par 
Tilluftrc Santerre tres-peu dc 
terns , je penfe , aprcs fon 
ma.riage. 

11 n'y a plus dans ks con." 
ditions que vous m'avez fai- 
fes qu'un arcicie furlequel je 
crois' devoir encore vous fa- 
tisfaiFe. Vous m'avez inccr- 
dit le langage de I'efp^c: 
tout ce quily en a ici vou» 
appafcknt; je n'y ai d'autre 
pare que celle d'en avoir en- 
ricki mofll Epitre. Mais vout 
m^avez perm is le latigage dti 
coEur; ne dois-je pas m*y li- 
vrer encore avec precau- 
tion? Je r^ai que malgre fa 



svj 

iimplieit^ il eft' totijdUf s dld^ 
qtienc pour ceux qui notisr 
aiment j left-il affez; pour le 
Public indifferent > Vousfe- 
rez fenfible fans doute a 
m'entendrc vous dire icijqu*^* 
rl n'y ^^t3L [amais perfonne 
au monde quivous aime auf- 
fi tcndrement que moi j vdus 
fcj^cz couchee dun fentiment 
que vous eprouvez vous-mS- 
me : car la candeur de vocre 
ame m'en affure.Helas > noij^ 
ferons peut-etre les feafe^ 
qui aurons le bonheur de 
ndus applaudir de raffurance 
naive d'uh atcachemenc re- 
ciproque auffi rare que le no- 



tre. Ce n'eft point le caprice, 
ce n'eft point la beaute qui 
I'ont fait naitrc,puifque nous 
ne nous fbmmes jamais vues: 
c'eft la conformite <k nos 
idees , c'eft la raifon , c'eft la 
vertii qui ont forme nos 
liens 5 ce n'eft qu'en chan- 
geant toutes deiix de nom & 
d'etat que nous pouvons cC- 
pcrer d'cn goiltct Ics dou- 
^ceursj & nous craignons tou- 
tes deux e'galcraent I'inftant 
qyi doit nous rapprocher. Il 
n'y a rien dans notre union 
qui puiflc flater Ics id^es 
communes j ce font des dc- 
lices que nos coeurs feuls 



XV II J 

ctoient caipablcs dc gouter j 
ceft aflez pour nous deri 
jouir, fans nous embarrafler 
4e vaincrc Tincr^dulice d unc 
moicie du moinde, & {kns ch^ 
treprcndre d'infpircr a lau- 
trc par notre cxcmple un 
fentimenc dont on nous 
croic ordtnairement incapa» 
bl€s< Je €nis , Ma/demoifellej 
en vousconjurant d'etre auC- 
(i a^iluree de ma cendre Si 
conflante amicie que j£ le 
fuis de la' v^cre; 



ERRATA. 

PREMIERE P ARTIE. 

Jl Age i%yligne zi , p^m.) ^i/Jr^^^rus 
P2ig* H>'/'f.^i memelefpeee, /i/e^ mtmfl 

Tefpece 
pag* 97 > % I > fier , /i/e^ confier. 
pag, I j^ , ii|;»e 7 , I'ai veu , Ti/ec^^ j'ai veo. 
pag. 144, /ig. II , remercia » /i/e^ remerciai, 
|fag«x6t, %. i(, quitter crdijc , ///>;& jquittet 

la croix. 
pag. 109 , lig. 8 , que je lui , //p^ q^e je le Iui« 

SECONDE PARTIE. 

Pag. 3^ , lig, derniere , prifent6 , /i/ei(^pr£fen-* 

t^e. 
pag- 47, lig* If , j'tois, /i/e^f^tois. 
pag. 65 , /i]^. II , pont , ///point. 
J^«/», %. 14 , mo , /i/i^moi. 
pag. 1 3^ , /i]^. 1 1 comblen , /j/i^combien. 
pag. 186, /i^;. i; je me haftois, /«/e^jeme 
natai. 

TROISIEMI PARTIE. 

Pag. 18 » /ig. II » vont Yous faire , /i/i^vonc 

nire. 
pag. } 1 /i|g 4 > voir , /^/r^ avoir. 



f^» 6) , /ij^. I f , i la lui 9 iffe\i le Ini. *• 

pag. ^f ) l$g. 1 5 ^ i4y ^r ma cendreHe & ma; 

UfeT^Sc par ma. 
pag. ^9 > %. II ^es (lennes , life^les tiennes* 
pag* i)^, 7fg, 14, douceur ne m'unie> life?^ 

dc manic 

qUATRIEME PARTIE. 

Pag. 41' , lig. I £ Clarendon , /i/^ Clarrendom 
pag. 104 , //^. 14 , que j'en recevois » ///ifi^que 

pa^ lyy , /ig, tj, ne feroic pas d'une , life^ 

une. 
pag. 188 , lig, lOy allerles, life^ allerla. 
pag. 1^4 lig, 14 y youlu cachei , lifeT^ voulu ne 

pas cs^cher. 



r , 



FMYU-EGS 







VIEMOIRES 



D E 



CECILS. 




PREMIERE PJRTIE. 

E n'eft point Je defir de 
faire pailer mon hiftoirc 
a la poft6rite qui m*a en- 
;ag6e a l*6crirc.Quoique la fa^on 
lont j'ai re^u la vie , celle dont 
!lle m'a 6t6 conferv6e , &lcs 6v6* 
lemens qui m'ont conduice an 
Tome I. A 



M 



i M E M O I R E S 

terme qui devoiirfaire tout mon 
bonheurj ayent eu quelque chofe 
d'aflez extraordinaire, j'avoue 
que je iVaurois pas 6t6 tent6e de 
lesmettre aujour , fideux int6- 
rets bien chers , Thonneur de ma 
mere & I'inftruclion de ma fiile, 
ne m*y avoient , en quelque fa- 
^on , contrainte. Des perfonnes, 
ou mal informees , ou de mauvai- 
fe foi , ont of6 publier des calom- 
nies contre la conduite de l*une , 
& de dang^reux f6du<?beurs s*em- 
prefleront peift - ctre bientot a 
attaquer la vertu de Tautre: je 
n'ai eu d'autre but , dans le r6cit 
fimple& naif que je vaisfaire des 
premieres ann^es de ma vie , que 
de les defendre toutes deux des 
attaqucs de Pimpofture ou dela 
fedudion. Ainfi je crois n'avoir 
pas befoin de juftificr mon entre- 



BE C E C I I E, 5 

prife , ni la fa^on dont je me con- 
duirai pourl'cx6cutcr. J'encrerai 
dans bien d^s details qui parol- 
trorit fans doute pu6rites aux Le- 
dears , mais qu'ils doivent ipar- 
donner aux fcrupuleufes atten- 
tions d*une mere pour une fille 
encore jeune & fans experience ^ 
& a rumour terPdr^ & reconnoif- 
fant d^une fille pour lamere la 
plus vertueufe & la plus refpeda- 
ble qui fut jamais. Cell dans ce 
point de vue qu*otixioit confid6- 
rer ces M6moires \^:&c , fans feire 
une pluslongueapologiedekt^- 
m6rit6 qu'on pourroit me repro- 
cher , j'entre dans la carri6re que 
je me fuis prefcrite^ j*y entre uie- 
me avec cette confiance que les 
motifs , qui me font 6crire , m*at- 
tireront, de la part du Public, une 
indulgence auffi ndceflaire a mon 

Aij 



$ M E M O IRES 

gout dominant pour tons les 
ouvrages d'cfprit qui pouvoient 
etre a ma. port^e. Voila quelle 
j-'ecois a.P3ge de treize i quator- 
leans, lorfque le Commandeur 
de Be^ubourg futatcaqu6 d*une 
, maladie , qui en peu de jours fut 
regard^e par fes m^decins ^ com- 
tnccdevant^e^nortclle. Je fu? 
toQcbi^^ bi^ vivetitent de foA 
^tat; & de la^ crainte de perdre 
un (i bon maitre } mais jufqu'^ 
quel point ce fentiment ne fut- 
il pas po rtiS dans mon coeur ^ lorf- 
que le Comiiiandeur, perfuad^ 
qu'il touchoita fadernrere heu- 
re , fe refoiut enfin de m'appren- 
dre mon for t^ tout ce que je de* 
Vi^i^ i fi gen^rofite? Madame Du* 
cics, qui ne le quittoit prefque 
poinr,vint me dire queM .le Com- 
mandeur vouloieme parler : ejle 



D E G ECILE. ^ 

flie conduifitjufqu'aupr^sdefon 
lit5J'6tois toutcen krrpesrleCorn- 
mandeur lui ordonna de me laiA 
fcr feule avec luij 8c tous fes 
;ens s'6cant retires , il me donna 
[a. main que je mouillai de mes 
pleurs , & me dit avec tendrefle : 
w Ma chere Cecile, c'eftrainfi 
w qu'on me nommoit , ^tes-vous 
» auffi touch^e de me. perdre , 
^3 que je le fuis moi>meme de 
M vous quitter dans un age (I 
13 tendre & avec de fi heureufcs 
» difpofitions que j'ofois me fla^ 
M ter de cultiver plus long terns? 
Je ne pus lui rdpondre que par 
mes fanglots : ii en fiit p6n6tr6^ j 
& s'6tant j)anch6 vers moi pour 
m'embrafler , nos pleurs^fe con^ 
fondirent pendant quelques injF- 
tans fans nous laifler la libert6 de 
prof^rcr un feul mot. Enfin il re- 




M M E M d 1 K 1 S 

prit la parole , & me tint ce diC- 

cours c|ai n'eft jamais forti de mx 

w^nibire. w Ma chere Cecile^ me 

>3 dit-il, ilne m*cftpluspermis 

» de difF6rcr a vous donner fur 

^y votre propre fort de cruelles 

:» lumieres, quivontfans doute 

» vous toucher d'une facjon bicn 

M fenfible: vous vous fetes crue 

» jufqu'ici fille de Duclos mon 

>» valet de chambre 5 je ne puis 

M vous cacher que vous ne lui 

>y etes rien. Je ne vous aurois 

M point d6couvert cemiftere,ft 

>3 je pouvois compter qu'apres 

w moi^ Duclos & fa femme con- 

»5 fervaflent pour vous les mcmes 

w fentimens quails ont eus jufqu*4 

>3 cejourjmais^macliereCecilo,^ 

>» je connois les hommes, & vous 

>> l€S connoitrez un jour : rin- 

P t^rfet change fouvent les CQstors 



«s Cic X ti. f 
n les plus droits , & j*ai ybulu ^ 
» avanc ma more, vous mettre 4 
» couvert des dangers d*un ave- 
» nir inccrtain. Prenex cette c\6f^ 
n continua t'il dc nie dire , allez 
3> prendre dans mon cabinet de 
M livres ce petit cofFre qui a fi 
>• fouvent excitd votre curiofit6: 
w je vais enfinla fatisfaire. C'6toit 
unc efpcce de petit coffre trcs- 
orn6 , qui m*avoit toujoursparu 
le plus joli mcuble du monde , 
comme tout parok aux enfans ^ 
le Commandeur m'avoit fouvent 
promis de me le danner ^ lorfque 
je ferois plu^ habile j j'ignorois 
alors qu'il contint le fecrec de ma 
dcftin^e :: j'obiis y & des que jc 
l*eus pof6 fiir le lit du Comman-* 
dcur y il me donna la clef &,m'ap^ 
prit i I'ouvrir. Alors il en tira ki- 
mcine un papier ^cric & Gp^ de 

At 



lo ."MiMoi Kirs 
fa main y qull m'ordonna de lire 
tout -iiaut. Void ce qu il conte^ 
noit 5 je le confer ve encore avec 
foin. . ^ 

>3 |e fouffign6 , certifie a tous 
^5 ceux qu'il appartiendra,que le 
w jour d'hier dix Juillet de la pr6- 
^5 lente anndse mil fix cent qua-* 
« cre-vingt fix , fur les dix heures^ 
wdu foir , retournant de Meu- 
n don a' Paris , Duclos , mon va- 
» lee dc<hambre , qui pr^c^doit 
w ma chaife , eftyenu m'avertir 
rrqtfil y avoit un enfant expofe 
^^^u pied d'un mur arextr^mite 
»-de Vaugirard. Arriv6 fur le 
» lieu , j'ai reconnu un pnfanc 
wnouveau n6 , enveloppdde lan^ 
>>ges aflex propres f aprles avoir 
fafjfait chercher aux emrio'ons fans 
>? d6couvrir perfonne,6md d*une 
"^ tendre compaffion , & follicitd 



DE Gec I LVil^ rV 

^ par Duclos lui-mSmc darit la 
>5 femme ^toit accouch^e depiris 
y> peu d'un fils qui n*a pas v^cu ^ 
>» je me fuis d^termin^ i enlever 
ci cet enfant , & j'ai fait voeu d'en 
i-^ prendre foin. Je I'ai pris dans 
^3 ma chaife > & de retour che^ 
w moi , je I'iai donn6 a noicrrird 
K^ la temme de mon valet -de 
» chambre j on a tir6 cet enfant 
^ de fes langes en ma pr6fence ^ 
>^ 6c c*eft alors que j*ai aecauvert 
yyfonfexe 5 c'eft une fillet qu'on 
^y m'affure n' avoir au plu:s que 
»3rdeux jours : on a trouv^ , au 
w bras de cet enfant , un brace- 
tyletmonte en or , qui rcnferme 
>> des cheveux& un chriffre qui^ 
f^^paroit compofe des Iqttres j|.. 
w & C. avec un billet fans figna- 
»yture ou font Merits cesmotSM 
yyCetufilU efi nee leneufde Juii 



12 Memoihis 

>> /« i elle M ete ondoyee en naiffant 
%^fous y fiom de Cecile. Jai j oinc 
,» ce billet au pr^fent ade , & j?ai 
M fait ce jourd-hui baptifer cec 
n enfant foiis condition a TEgU/e 
w de St. S.— ma paroifle : je lui 
^ ai fait donner le nom de Cecilc 
53 conform6mcnt au billet ci- 
>> joint r & de tout ce que deffus^ 
f4J*ai cru devoir rendre t6moi- 
i» gnage dans le pr^fent certifi- 
♦3 cat , pour fervir & valoir cc 
» que de raifon. Fait a 'Paris ^ 
i:> ce onze Juillet mil fix cent qu^ 
w tre-vingt fix. Ze Commandeur 
19 de Beauhouf^ 

Aprfcs la ledure de ce papier , 
que je fis, comme on peutle 
penfer ^ d'une voix tremblante 
& entre-coup^e^je reftai dans un 
profond filence & pleine de con^ 
fufion. Le Coounandeur ne me 



»E C EC I IE. %y 

(donna pas le terns de r636chir 

fur une nouvelle fi impr^vue j il 

continua de la forte, en m*em- 

braflant encore : »> Vous fetes 

>y 6tonn6e, vous fetes allarm6e de 

« votre fort,ma chere Cecile-, re- 

» prenezvos fens , & m*6coutc^ 

» Je n*ai rien 6pargn6 y depuis le 

» moment que je vous eus trou- 

» v6e , pour d^couvrir ceux a 

M qui vous devez la naiflance , 

99 en 6 vitant cependant tomes les 

»d6marcjies d'^clat qui aaroienc 

>9 pu leur faire tort : tous racs 

» loins ont 6t6 vains y • mais dans 

« le deflein que je formai dcs- 

95 lors de vous 61ever , & de vous 

w faire une petite fortune ,. je 

njfit confolai de l'inutilit6 de 

» mes recherchespar I'efperance 

»> que j'avois concjue de vous laif 

fi fer de quoi vivre d-une fa^on 



14 MEIiitOIIlES 

j^ douce & tranquille. La mortv 
w que jenvifage proehaine , ne 
t) me laiflc p&s le terns de faire 
» pour cela tout ce que j*auit>is 
»^ fouhait^ , & voici tout ce que 
1^ j*ai pu manager pour vous fur 
3(i mes revenus : c*eft un contrar 
nde I yoo livres de rente fur la^ 
w Ville , dit-il en me moiitrant ce 
M contrat qu*il tira de la caflet- 
»^te. Voici , continua-t'ii, le bra- 
i^ celet & le billet qui furent trou-* 
M v6s fur vous ; faflele Ciel qu*ib 
13 fervent un jour a vous faire re- 
3r5 connokre de ceux qui vous onr 
^3 donn^ le jour : je ne puis croire 
fi que votre origine foit cora- 
ls mune. J'ai trouv6 dans vous ^ 
w en vous voyant croitre , &des 
^ graces & uue noblefle de fen- 
«> timens qu*bn remarque rape- 
>vment dansunenaiflance obfcur 



DE CEGltl/ If 

^ re : la nature vous a encore pro- 
y> digui dcs appas qui peuvent 
» Btre uti jour pour vous un avan- 
>3tage} mais c* a vantage y ma 
>> chere Cecile , eft un pr6fcnt 
w bien <iangereux. J'efpere que' 
» les principcs d^lignheur & de 
» vertu dans lefqucls je vous ai 
^> ^lev6e,vous fburichdront danj' 
w cet age ou vous allez incef?am- 
5? ment entrer , age ou vos perils 
n croitront avec vos charmes j 
>^c'eft'pour vous mettre a Tabrf 
w deee danger, que j'ai r6fblu de 
» vou*f6parer de moi ^ avant que 
« la mort m'en f6pare. Vous eon- 
wnoiiOTez la Comteffe de Bau- 
53 bourg ma ni^ce 5 c*eft entre fcs 
» main^ que je vais vous remet- 
^ tre : elle vous a toujours afm^e j 
>» mais fon mari eft trop jeune 
^pour qxi^elle puifle vous gardep 



l6 M HMO iK/ES 

n^ prbs d'elle , & je Tai charg^ede 
.»> vous trouver un couvent ^ o^ 
w vous puiflle^ne^i^n perdredes 
wavantages de i»6ducat:ion que 
M je vous ai donn6e : je Pattens , 
M & ilfaut,ma chere Cecile,vdus 
» difpofer a la fuivre* Cet ordre 
^ t'attendrk & t'afflfge^ma cherc 
9y enfant, me dit-il, en s'apper- 
^> cevant que )*6tois inond6e par 
M mes larmes , je ne fuis pas moihs 
^ touch6 que toi ^ continuaVil , 
^ & je n^'ai pas la fc^rce d*en dire 
«• davantage : confole toi , ina 
» chere Cecile , le ciel me rendra 
Mpeut-etre a tes voeux , & notre 
w reparation en ce cas ne fera pas 
wlongue. " Je ne pus rien r6pon- 
dre y )'^tois an^antie : jeinefenr 
tois ^ je ne penfois rien : le Com- 
ro indeur lui - mfime deniftura 
queique terns dans un ^cat d'iix>' 




Dt C E CI LB. 17 

i!it6*qui iu'eflraya j je fis 
un cri qiiile rappcUa a lui-ineme, 
il m'embrafTa avec tendrefle : 
w il faut nous f^parer , mc dit-il 
>3 en fonnant fes gens, w Duclos 
& fa femmc rentrerent 5 il or- 
donna a celle-ci de me recon- 
duire a ma chambre , & la char- 
gea de tout difpofer pour en faire 
porter tous les meubles avec mes 
liardes , dans le couvent ou jc 
devois etre mife en penfion. 

J'aurois peine a rendre com- 
j)te de Tetat ou je me trouvai 
alors. J'ecois ip6ti6tr6c de dou- 
leur , fans en coiinpitre le ve- 
ritable objet v les malbeurs de 
ma naiflance, laperte du Com- 
mandeur que je regardois com- 
me mon pere , une foible recon- 
noiflance de fes bienfaits , un fen- 
timcnt plus fort qui m'excitoic 



18^ MemoiRtH $ ^ 

a croire qu'il m*avoit tromp^e 
par un r^cit & une fable faite 
a plaiiir , pour me caeher ce que 
j'avois le malheur de lui etre^ 
toutes ces idics ne faifoientque 
glifler fur mon ame , & n'y 
laiffbient aucune imprefliop. 

On me conduifit a ma cham- 
bre , j*y reftai immobile fans fai- 
re la moindre attention dee qui 
s'y paflbit 5 on ex^cutoit les or- 
dres du Commandeur avec tou- 
te la diligence poffible , & tous 
mes petits meuoles ^toient d4ja 
prets a etre voitur^s , lor£qu*on 
vint m'avertir de rentrer chez 
le Commandeur. Madame la 
Comtefle de Beaubourg y ^toit 
depuis aflez long-temps enfer- 
m^e feule avec lui. Des que je 
paru , elle ne put s*em packer de 
ie r^cricr :>30.Ciel^dans quei^tac 



k 



deCeciie. i^ 

w eft cettc pauvre enfant ^ Ah f 
wmon cher oncle, continua- 
>3 t'clle, en s'adreiTant au Com- 
mandeur , »> fa fenfibilitif m^m- 
» t^reflc autant pour elle , que 
»3 vos ordres raemes qui me /e- 
w ront a jamais refpeftables : 
w oui , me dit-elle , en me pre- 
»y,nant dans fcs br^s ^ oui , ma 
53 chere CeciJe , je vous adopte} 
< » vous ferex ddformais ma fille y 
» & j'aurai toujours pour vous 
» & Ics foins & la tendrefTe d*une 
>3 bonne mere. « Je ne pus r6- 
pondre que par des fanglots 
a des afTurances fi tendres : le 
Commandeur & la Comtefle 
furent 6galement attendfis du 
fpedacle touchant de ma dou- 
leur i mais enfin^ le Comman- 
deur ayant rappell6 toute fort 
arac :« Ma ni6ce , dit-il J en sV 



io Mb MO I Res 

13 drcflant a la Comtefle , if eft 
n terns que je m*occupe dc la 
>5feulc aiFaire qui doit ni'int6- 
>5 rcflcr dans P^tat oii je fuis } 
M allez , cmmenezma cherc Ge- 
M cile : je vous la recommande 
» encore ^ gardez-la quelques 
>3 jours chez vous. Et vous , mon 
" enfant , pourfuivit-il , en s'a-? 
♦> dreflant a moi^regardez d6fbr- 
»> mais ma chere ni^ce comme 
>3 votre maitrefle : elle fera votre 
w amie , elle nie Pa promis j fui- 
13 vez tous fes^ confeils avec au- 
»tant d'exaditude que von^ 
w avez jufqu'ici fuivi fes miens 5 
»5 venez, ma chere Cecile , rece- 
py vez ^ mes derniers embrafle- 
M mens, & mes derniers adieux. >j 
J*etois dans les bras du Com- 
mandeur , lorfque j'encendis des 
mots fi touchans } j'y perdis con- 



noiflance, & je Tavois a peine 
reprife , lorfque j'arrivai chez la 
Coratefle. Un torrent de larmes 
fut le premier figne de vie auc 
je donnai. » Quoi ! mon cner 
nmaitre, je ne vous revcrrai 
>5 plus ? w H6las ! j'ai tout perdu y 
furent les feules paroles que je 
jpus prononcer dans ma douleur: 
je les r^pdtai fouvent ^ la Com- 
tefle, route p6n6tr6e qu'elle ^toit 
elle-mi^me, s'efFor(joitenvainde 
me confol^r par Pefp6rance du 
r6tabliflemcnt d'un onclc qu'elle 
^imoit tendrement. ^ H61as ! 
M r^p^tois- je fans cefle , Mac^mc 
>> je ne le verrai plus , que vais- 
« je devenir ? w La Comtefle prit 
fails doute ces mots pour un 
mouyemenc d-inqui6tude fur 
mon fort 5 elle en prit occafion 
dc me dire que je n*avois rigQ a 



It Mem o I R Es 

craindre pour Pavenir : elle md 
montra la caflette que Ic Com- 
inandeur lui avoit remifc , & me 
dit qu'elle contenoit une petite 
fortune , qui me mettroit a Ta- 
bri des n6ceffit6s de la vie j qu*el- 
Je tacheroit de raugmenter en- 
core. « Eh ! Madame , m'6criai- 
>5 je , donnons tout cela a quel- 
»» qu'un, qui puifTenous rendrc 
wM. le Commandeur. >5 Gette . 
exclamation attendrit encore la 
Comtefle pour moi. -jj Ah !ma fil- 
>3 leme, dit-elle,que j'aime a voijs 
>3 voir un fi bon coeur. « Elle me 
confid^ra alors avec attention , 
& reprit fur le champ la paro- 
le: « oui, ma fille, continua- 
M t-elle , oui , vous fercz un jour 
u heureufe , j'ofe vous le pr6di- 
53 re. Prenez cette clef, ajouta- 
» t-elle 5 c*eft celle de la caflette 



deCecile. 25 

5) que mon oncle m'a remifc j 
>3c'eft votie bien : je vouslare- 
» mets. » J*y r6fiftai d'abord, 
elle me forija d'obeir , 8c me 
conduifit dans une chambre oil 
clle fit venir une defesfemmes, 
a qui elle me confia ^ & medit, 
en fortant pen apres : ^> je re- 
M tourne chez mon oncle , 8c 
fy j'efp6re a mon retour vous en 
y* dire de meilleures nouvellesj 
w foyez tranquille , ma chere 
>> Cecile , Sc faites-vous donner 
>j ici tout c6 que vous voudrez : 
wje pr6tens que vous y foyez 
wfervie, comme fi Vous 8tiez 
3^ma fille. ^ Je reftai plong6c 
dans ma douleur auprcs de cet- 
te fille i jHgnorois alors cous les 
fecrets de la famille du Com- 
mandeur j je f^avois feulemcnt 
qu'iln*6toitpas content du Com- 



14 Memo I RES 

te' fon neveu , & j'avois 6t6 quel- 
qucfois t6moin de racommo- 
demens fails par le Comman- 
deur entre fon neveu & fa ni6- 
ce.La fiUe qu'on avoir laiff^c prcs 
de moi ^ s'emprefla de m'inftrui- 
re de millc particularit6s qui re- 
gardoient fon Maitre & fa Mai- 
trefle j j'^tois trop occup6e de 
nion inquietude , pour y prater 
beaucoup d'attention j je com- 
pris feulejnent en g6n6ral d'un 
torrent de paroles qu*il me fal- 
lut efluyer, que la Comtefle, 
dont cette iille faifoit les plus 
grands dloges^ avoit fort a fe 
plaindre de fon mari. Comme 
je rapportois toutcs mes id^es 
au Commandeur , dont la fant^^ 
dontlaviefeules pouvoient mln^ 
t^refler , en ehtendant parler du 
Comte , je fus frapp^e de ne Pa- 

voir 



pus cacber ma farprife i celle 
qui m*cntretenoic j je me' laiflai 
mSme ailfv i, des Teprodbes fur 
la;duTet6 deffim cbeur J caqui 
me reiiidtCiinfen^blement -plus 
attentive aux difcour^ "d*unc 
perfonneiqui n'av^it pas beibin 
de: ce pr6texte pe^r ies conti- 
ii$ier* 'fei^toit ici Gomipandeuir 
ui avojt <^^t6 lfq>iljeK jde >ina ir6- 

Tx:)if fe 'raptpcrmerfa lui^; & • j?^> 
cou^aihplmi tFi^mi^lsiU^^ 
•qu'on hriikno diet njQ sdin^j Hf'apr 
<pris/ dsoac'bque' IbiMflrquis-j dc 
Beaiib oxabgti fi^i?er 2i:(i ijSpn>iTiiir»' 
dcur ^ & pere du '^omteV^roic 
;^?ombe miia^de, dqpmVprfes d'ua 
moi^ dans line defesHCerrecB 
Tome /, B 





die au ComHiiandeur fbn oncles 

2ue Madai^e la Comcefle avdic 
crit i: fon mari depuis: quelr 
quesL.)o^f s Voxtshnit^ da Comr 
m^deur ^ inais >qii'Qh dcniCDic 
qiuj^ ile Comtc put quitter £6n 
pere.^ d^autant plus que le Mar-- 
quis. irtoit veuf d'une feconde 
feflfime ^ done iliivDit unfils ag6 
dSeavirondis^&ptans; qu^ilitoic 
toxxp^'s idkicQ: An jpii aupr^s 
deJMt) & qu-au casque ie Mar^ 
<juf s - y int a inourir , le Gomte 
ay oit des jmefuires i prendre pour 
&iijtiti£ceits ^ je fiis eirdcuseiiaftnat^ 
tb ydt xm^ jiniinit^ d -autifes^ d^ 
taus , iqiit . jifiut-^tirpgdorslla.cu- 
:noik6 mc portoit a etitpidr^, 
jqtic le Marquis dplBeaubourg 
4^ant reild xjtntjAt foirt i>0ntie 



BE CeCILE.: xJ 

iieure^Sc n'ayanteu, pourtbuc 
fruit de fon premier Hymen y 
que le Comtc , s'6toit remari6 ^ 
il y avoir environ dixhuit an$^ 
conrre le gc^ de fa faraille^ i 
une fille de condition iia v6riti^i 
mais fans fortune *, xjue cetoe fe^ 
conde femme du Marquis ^oic 
morte en Anjou^^en tntttiAopm 
monde le Chevalier die Be^u-r 
bourg J que celui^ct, done la for- 
tune ne devoir pas c*:re cotidr 
durable ) a vbit 6tdiai€ Chevalier 
de Afalthe au bdrceaui ^ue^ le 
Marquis ion pere n'avinc fomA 
quitte rAnjoudepttis£iiQfec;o^ 
mariage 5 & qu'il i y i i6tok r<jft6 
^iniquement appliqu^l lMdtii:4^ 
tion du Chevalier fon fils , qu- il 
avpit feit Clever iinis fe&.y^ia 
au! College 4c la 'JFifech«;ri(Oil 
iQ'app'ric encore une circoaftada? 

Bi] 



IS M EM O I R IS ' , 

6e de labonte da cpeur du Cottl- 
mandeur , qui ne pouvoit mati' 
quer de m*iat6refler : on me di^ 
que r*ialgr6 le tnecanrentemenE 
qu'il aivoit eu^du fecpiid mariar^ 
ge du Marquisibn freife , c*£toic 
fui qui avoic fait receroir fbn 
Hevcu dans TOrdre de Malthe y 
&'qu*il lui avpit in^nle aflur6 
uiie'-^rifion iiir fes Gommande- 
rieilDe ce nK>ment,.je regardai 
le Ckevalier de » Beaubourg ,* 
comme le ncveti clieri de mon 
cherMakrej &, quoiquejene 
leco^nuifTef^iatenacMte, cqtitre 
m'int^refli po^^* Id, \i' \ ■ ?- - : 
' i j^^tois iiwiuitc de toiites c^ 
ehc^fds, &: I'en avois:*fentqird||> 
bba^ijcoup d'autres riibios iut^ 
jreflantses pour raoi , lorfque la ^ 
Comtefle rentra % je niiJempreflai 
de >^urir anHdevaor d'islie jwl 



a 



^' bruit de fon carofle^ & fam- 
vai comnie elle en dtfcchdoit-y 
,je crus remarquer fur fon vifrt- 
ge , unc fdr^nit^' qu'elk n*avoic 
pas en p^tant.^^j Ah t Madame , 
» m*6criai- je , M. le Comrhan- 
M deur fe^porte mieux ! Oui • rti& 
« cfaeie ^ecile , me dit-«Ufe ,'fe 
-n redoublemept n*eft point ifri- 
-n v6 ce Coir , confime onie crai- 
iw gnoit ^ & les M6dedns efp^ 
i^^rent; » Je ne puis exprimet 
xjuelle fiat ma jc^e ,3 je tje la fttkf- 
ijuai a lai Gointeffe,! (|af*eii me 
jettant dahs fes brasy elle ijp^ 
^rouva moii tranfpof p : '> nous 
TOoiitames enfembte dans foA 
appartcment} & ayant demarf- 
de ua moEceau* df maitager <Jari$ 
fi ehambfev elle me* Sz VUoti^ 
neur de me faii?e manger :ave^ 
eUe. N6u5 ne parMmes que-^di 

B iij 



ion cher oncle j elle mc dit qu*il^ 
^^vok re^u les demiers Satremens 
dePEglife avccune Edification 
nexenipJairc : cette id6e , route 
confolante qu^e]|e ciit;,Et6 pour 
route autre que moi , me rendic 
coure ma trifteffe. La Ccmtefic 
.fit tous fes efforts pour m*en 
diH^aire^ par TeipErance du re^ 
tour de la fantd du Commau- 
^leur^ mais, fi je lut laiflai 
xroire qu'elle avoir r^ufli^ je 
i)!(;n emportat pas moins , en la 
4}Qi|tanr pour aller me mertre 
au^ lit 9 une image douloureufe 
4e ^e qu' une auffi trifte, cdr6- 
snonie dtpit capable de pr6fen* 
ter d relprir d'une perfonne de 
mon ag^ i je ne m'occupai rou* 
tfi kinmt, que de I'image ^ 
Commandeur dans ces inftans 
|i crueis a la natuiCi je la palTai 



•ref^ue route enti^re dau^ m 
larmes : mais 4i4i*5ioonreOia', 

cer iciltoutescteparticalarit^S^ 
qu'on jburra n^attribucr qu'i la 
foiblefle de nion ige. &: de men 
fexe^U itiie fuffic dedire^ue 
je pai£ii quatrc \ottxi cliet la 
Comteife entre la cminte UVtf- 
p^rance 5 en tie vooliic point me 
conduire ckexleGommiindeur^ 
je £s^s depuis qui! Pavoit d6- 
l^miu : ennn Je cinqui^ipe jour 
dbpuis que je rairais 4juitt6^ la 
Cormtefie , qui ailoit tons les ma^ 
tins xhez lui, & qui y reftoit 
ordituirement tout le jour , ren- 
tra fur les onxe heurer avanc 
midi ," paais p^n^tr^c d'une & 
vive dqiileur ^ qu'elie n'eat pas 
befoin.de' ro'apprebdrc fes^mal- 
heurs / pour m^ififormer d^ 
ifticn : Que ' dcvinmes-iKms 

Ti • ••• 



«f 



%^ MlUOlKlS 

4euli fembloiq aigririrk fienne^ 
-)^€us la force de le fentir. « J'ai 
w tout perdvi , lui dis- je , Mada- 
wr|Pie J auvhottti'deDieu , 8c de 
ija Pamiti^ doipt yoaspi^hoBorez'^ 
Vrfikes mbi €(^fadiiiare aa -GouA 
M venc ^e M.^Ie>^OowlJnandckr 
33 m*a deftinf ^ jc^n^eii .fortiibide 
33 ma vie. cc iLa;ComteBe me* re- 
gao-darr, s?ap:ehdtifc encore y die 
m'^mhts^Sk'€env£o\s y enfin ella 
confeAtk k limitd^part : le me* 
meicarofler^ui l'a^^ok ramen^ej 
me : f ond^fit auDc.FeaiUantines ^ 
tju je trouvai tout difjioft pout 
imejrec'4vair3'iLa ^i^lle , qui avoit 
1&4 ?mife pixs ; dq mdi , Be qui 
avoit jeui^drdrede m^accompai 

fner 5 prit ^foia de tout ce qui 
j'itok ndceflaire.T jl^entrai dans 



w. 



le cauvent, on m*y re^ut ay^c 
hont6 5 on ch^rcha vainemenc 4 
me confoler par tous les mo- 
tifs que la Religion infpire : tout 
m'importunoit V &c ma- do^u; 
^bit telle, ^i^'il n*y avoit cj^e 
la Cortiteffe St le temps qui 
dufleint etre enfin capables d-^ 
triompher : mais, quelqu§ vif 
que fut chei moi le reilentiment 
de la perte que je venoisde fairf^ 
je fuis obligee d'avcmer quejnoo 
^tat y entroit pour quelque phfl- 
fe : je tf avois eu jufqu'aloysiiu- 
cune id6e de la honte de , ma 
nai0ance > je toochois i peine i 
m«qu<atorzi6me ann6e ^ mais de 
la faifon dfont j'avois ^tj^? eley^e^ 
on peut aifBment s'imagifief q:Vi^ 
mon* lame^ ^toit fortie de bonn^ 
heure de Penfance, & que j*4- 
to IS d^],a trpp aQCQUtum^e ^ i 



^4 WfiMoriitJ 
fm&t y ooi^r refter. fans iknd^ 
itieM fur la chofe <lu monde qui 
devok m'int^reffer le plus. Je 
fiiis obligee d*avouer ici qi^ Ic 
j^ii^urs du Commatideuf , que 
Itt^na el*di>6ce d*a&i ^ qu*ilm*a- 
Voit fait lire en fa pr^fence^ 
If avaient point fait fur mdi Pef- 
fet qu^l s*en ^toit propof6 1 je 
Taccufois en fecret d'iavoir vou- 
lu tromper mes conjeiftures par 
cet artince pr6par^ de loihj je 
ne )es trouvois qiie trap bien 
autorifles , par fa tendrefle pour 
moi y pa^ Ir^^ducation qu'ii m^Or 
¥o!t oo»n^e^ & m^e par ie 
ibih quit p4«noit en raounutt , 
cle me refnettre entre les mains 
de^ fk femitie. En u!ij»i*>t^ j?^ 
tois perfiiad^e que te ConamaiH 
deur )di-m6me ^toit ixion pere ( 
ic rien n-'iftvoilt ^i capable d'^ 



cither cdt6 i^Sc^dc jndii ffiu^' 
ginatiop. m C^bf F me difois je, 
>» ferott -'il' goffible ^on pdc 
»VprendVfc flnirit^if&iMJffi'tiirdre 

>V poif "ri^ ©1^/ fiice^ndie V ex- 
»y pbifee^ abawdbfftfilf d%$ le mo- 
a ment de fk tstiii&iice . de cenr 
» 4ui Tc^nt Mt liaW ? ' Qaoi r 
»> fe pe\xt-it qaH y'aiij qiie!<|t[^ 
«-kv m3nafe dulffoitf aflei bari 

wd'tiire rndtr ptief^ur cmairicfi* 
^ ufl eSfafit", r q6i?6n Yieiit dS 

»> mafideara ciriahit d<ri'«y<iuer 



»j'd^'me ^r(Smeifnre|, fi elle edc 

B vj 



»j la vie. >> J'^cods feuje 4c pfori- 
g^e dins ces ri^flejffpi^ > loricjijie 

ljem4e relii;'^ cc^gu ri *?|Mt,eqTit 
4e, nift, t^ifte iv^atpe * ce fm le 

le brac^e^tpijie lit, bauai tei^4F&: 
iheot ^ le 4«>yanf iih don de 
celui que j,e regaifdqis ! cojipme 
mon Derc , &;^i^^deyoi^: m^^ 
j:^p.peIleriaAs Qfitij^iQ^u;>nim^ • 
je n'oiai cep^ii^ain^ l^aj^^if^.^^ 
mon . bras ^ parce. qi^rjl' nie f y; 
avoit pa& attachif lui-mcme j je 
iclus le papier qui ay ok £t^^ 
difbiVon , t^o^v6>,^ur Jiioi i; if 



Wl 



gere 5 j'^en fis peu de cas : je ne 
traiijai pas mieux le coBtrat de 
j:entc<>;^quqiqull dut me i^affures 

^^ ^^ fw^y^^ uneagjtatioiij 
un. faififfement q^ue j'aijii qis pei*- 
ne a, decrire j que^ d^cpu vris 
foas, ce comrac un paquec, fuc 
l^f^^l je rccoi^nus I'^i^riture du 

t;io^ ;.quelque temps eocre s^ 
ix^ains treiiibUntes y fans pouym^ 
lire le deflus , & fans avoir la for- 
^^;de 1 Wvrir : enfin m*(it;fint un 
" euj.^ci|)ife^ de.ce prenji^ .^ou^ 

^.yeje EP^^l ^^s Y^ fuf des 
c^rajtSt^re^ q^ui^ra^dtpienc fi ch^rs^; 
& je. lus cette infer iptioi^ : » Ma 
)3^«etre Ceci]^u:auyerafbus> ceD 

** ^ l^Py^^^PP^S ^ ^^^ dernie*- 




^ je k ^rie de lite ibuveritv& w 
** gardfcr toiijoursjcc i 

II tfeft p^s befoitt qtie j&lt 
diie, on foup^oiiiie^ aifi^ment qtic 
)e biifai cent fois , qc^ }c mbutf* 
ki de mes krmes^ itett^ ' nou- 
Vjelle marque de k tcndtfe^ira- 
ti6 du Goriinajidett^, >r 0ui-^ 
w di5-je/en oaTrant^le paqMt^ 
» Gui mofi pfere^ j'ei^Cutcr^aiTcri 

i; je ne cefler* |amiis d^^ 
n^re fideJle j jfe Itti gardc^tai^ 
» je les lira J fens cefle , & Ifc tom- 
nbeau nifime ne tii'ch f^parert 
>>pa9^. >>^ C^ ine :p^dohM^ 
)fe t<^e fci eh iefetfef ce gage^^^ 
k fine^ aiirt!ti6^ dti Ccrnrmato- 
drar, qu'^if afrdt^-r^ doute, 
6crit dans les prcmicK joitrj de 
fe maladie : c'eft iaire honneur 
a £bii ccetfr '& » !£r in^xftdlr^^ 



1^ 



6t CECilLE. jf 

^i ne ceflera jamais de |ii*6tre 
pr^cieufej &, quoique ]t nd 
puifle rendre cette pidce publi- 
que J fans faire tacitement raveu 
de quelques-uns demes d6fauts^ 
}*efp6re que ma franchife & ma 
iinc6rk6 me rchdront dans 
ropinion & dafts J*efttme da 
monde> ce qu'un parcil aveii 
pourroit nf^ feire perdre : void 
tet ^cm,illquejeleconferve» 
M C*eft ici^mx cliere Cecile ^ 
w le feul teffakinent que mon 6tat 
>y me permette de faire en votre 
♦» feveur 5 vous ferez aflcz riche ^ 
» fi vous en recueiller tout te 
*> fruit y vdtre heuxtntix haturel ^ 
«> votre amifi^pottritioi ^ la ban- 
f> t^* de votae cccur me le f oni^ 
»df6fer^ & c^eft larplus douce 
M elf^^raace que je pu^ empar"* 
n'ixt eix mouram;- ^ 



.Ali^» 



j|9 M £ M O I K. £ a^f 

M Uincertitude de votre nlii?* 
» lance ^ dont vous trouv€rez ici 
» les triftes preuves ^ & dont je 
v> ne vous ai jamais parl6 , dans 
w la crainte d*affliger votre coeur, 
>3 eft une efp^ce de feonte, que 
w vous ne pouycz r6parer q:Ue 
13 par de folides vertus & un m^-t 
>3 rite qui vous diftingue. 

« Vous trouverex ces beureu- 
nfes reflburces dai^ ks deus 
>> principes , fur kfquels f ai for- 
\ym6 votre Education} Phon^ 
^ neur &£ la iufticefont ces prinr 
w cipcs^ &Ia fource de toutes 
» Ics vertus , qui nous font ijd- 
M ceflaires par rapport a nous- 
« mcmes ^ commc par rapport 
w a la {oci6t6 dans laquelle nous 
» vivons^ & pour laquelle nous 
«> devons vivre. , ^ » 

w T*6vite de m*^tendrefur qeii 



Dl Cecil E. 4I 

^vahick dbnt j^ vous ai {i ibu- 
>^i vcn€ encretenu > je f<jais ce que 
^a»yous penle^yifia chere CeciJe; 
>3*&.je nedoispas craindreque 
w CCS principcs foi^tent jartiais de 
^>«vot:nc memoire & de votre 

:• ' >3 j^ ne vous parlerai point 
:iMr nan pla;s ici des fe^timens 4^ 
» Religion & de pi6t6 , dont j*ai 
w pris foin qu*on remplk votre 
^>;ame4 c'eftPaifeiredu fageDi- 
» red^r a qui j*ai confix, votne 
>yen£sLnci£y je yoti;sreoomraan-«» 
>3 deraii {eukment d'avoir tou«- 
>3 jours une enti^re confiance en 
M lui. f 

• w A If^gard de Ja.pQrite for cu* 
ibiiie qiae i'ai puc^rous faire lur 
)9 mes :6pargnes^ ayant depnts 
>3 long-remps rcmis Ia-pr6pri6t^ 
i^sUte inss m Mar^sc^e 



V 



^t Memoikes 

)>BeiubQiu:g mon iirere ifout 
V la r^ferre de penfions quit vent 
^3 s*^teindre avec moij V/OUti poi*- 
»ve2 yous fervir de jDucIos-, 
f> dont j^ai.toujours dprouv^ k 
w fid^lit^ & l*cntendement <kns 
>t mes propres afFaires :. 11 vom 
f> fervira ians iot^riSt , f9atkint 
f) m^ inteiations , jufqu'd ceqiw 
HvMls foyez en dtat de eouTer- 
w ner vous^ini^me votre oien. 

» II eft tepips, ma chere Ce- 
w cile y que je v6us parle dfe.qael^ 
^^ques d^fauts que vods devez 
w fur^tout 6viter , & fiir lefquels 
w j*ai cru devoir yous pr^venirj 
»tout lagers quails font en ap?- 
w parence, ils pourroieht un jour 
w^cemir^ eorrompre m^me let 
jjvcrtus que fai tachi de vous 
funfpirer. 

: )> Yous avez naeurelkmeAt de 



r 

BE Geci Li. . i|^ 

n k fierce & de la hauteur :tous 
w pouvez en tirer parti pour vous 
»> former une noblefle de fcnti- 
»> ment , qui convient 4 tout le 
» mondc , & furtout a celles de 
>y votrefexe 5 mais-ii eft dangc^ 
n reux que ces qualitds nc fe d6- 
» cident du c6t6 d*ane fotte va- 
w nit^, ou d*utt infuportable or* 
)> gueii ^ vices condamnables , d^ 
»> ceft^sin^ed^nslespeitfonnes 
^du premier rapg : vousdevez 
H fjbntib decombien de ridicules 

' f\ ils feroie^t la iiburce , dans 1ft 
i> trifte conditionou lefort vous 
t» a mife. 

Je vousai reconnu, ma chere 
^^ Cccile y uu penchant funefte 

^f > a I'humeuT^ les contradidkioM 
» les plus 16g^res vous impatient 
>> tent, vous r6voltent 5 fen ai 
It fouventgiSmi^vQUslef^aycz^ 



44 Memo I kis 
yy ce que jd n'ai pAgagner fiir 
M votre caradcre par la douceur' 
M de mes remontrances , tachefz 
i> de le devoir a vos propres r6- 
» flexions} fongez, ma chiere 
^t Cecile, quelavien'eft autre 
^j chofe qu*une viciffitude con-^ 
»* tinuelled'^v^nemensdontpeti 
n dependent de nous^ Parnii 
» ceux monies qui en d^pendenr, 
»> ileftr^e&pjefqueimpof&bltt 
yM que les plaifijs n*y foient pai 
53 compenf^s par des peines : la 
^9 complaifan^e dcs nommes ^ 
%i iiotre 6gard eft prefcjue toiH- 
» jours intdrefRe } c*eft contrt 
^ elle que nous devrions ^rre le 
yy plus en garde i la contradic- 
ts tion leur eft naturelk; nous^ 
M ne f^aurions trop lious accou- 
n turner a la voir avec indiff^- 
i> rence. Si vous faites attention 



»B CEcit^iS: 4J, 

>i aux petits acces de votteku- 
>• meur ^ vous fentirez qu'elle 
51 prend toujours fa fburcq dans 
91 quelque contradidion ^ dans 
>^ quelque oppofition que vous 
5> rencontrez avps yolont^^s ft 
« vous rcixiejttiez alors votre im-- 
»i patience jufqu'au moment ou 
5i vous euffiez. pu examiner , de 
\% fang froid ^ la difE^reqte ya^? 
n Jeur de yotr^ Volont^ &; rde 
« celk qui Jui p*ro|t ppppf^e.^ 
♦^ vous4©^i«pterie?.aif6m?ntcctr 
V : te foiigue que le fpul amour 
y^ propjr^ ' ^n^nte , moins rai- 

nfonaMe? <|w; TejiBportemcnt 
^ d^tjDr Yoyageur 4;pntre le vept^ 
n h pluie , kgi:e^;& les pra- 
w ges: foBgei, ma chifre Ce- 
.V cile , que les contradiiflipns ^• 
v^ : les oppoficions font le ye^t; S^ 



44^ Memoihes 

9^ Vous &es befle , Cecile , & 
n YDS charmes ne peuyent man- 
>» quer dc faire du bruit , dcs 
>• qu'Us feront connus : c'eft de 
>» torn les dons de la nature , 
» le plus cher aux perfonnes de 
» Yotre fcxc , c*eA fouvent le 
^ plus dangercux. Vous m'avex 
>5 oui dire fouvent qu'il falloit 
« aimer a plaire , & je ne pr^tens 
^ pas m*en d6dire ici : mais ce 
u d6fit de plairp , qui eft une 
» *ertu potir tout le monde^ eft 
n un vice bas & deshonnorant , 
5>, quand il n*a pour objct^^ que* 
^S d'enehainer inc^ffdrenMwenc 
j» & fans choixy tousles doeiirs i 
5> c'eft un art m^prifabfe ^ done 
P la pratique n'cftfaite que pour 
19 les ames fans fentiment 3 &: 
t» vous n'aurez de parti cette 
1^ Inflexion que jefais;qu^aucanii 



"4. 



4^ que Tous fin pourriez avoir 
n befoui pour vous maincetlir 
» Mns Pinnoeence des fenti^ 
V mens q ue je vous conaois. 

^ Heft qn danger que je crains 
f>^ plus enoOTe pour vous.-Evkcx 
» ma chere Cedle ^ d'engager 
n trop l^gerement votre coeur : 
» vous ^tes n6e fenfible/& je 
)^onnois aflez la fierce de vos 
^ ^ fencimens' , ' P^^ vous croire 
^3 incapable d*une 'incliQation 
>> baffe & indigne de vous •, mais 
i9 le malbeur de votre naiilancc 
» ne vous permet pas d*afpirer 
t»r>ia <cecte vntioQ i6^»ie, qui 
ii>- &ul&{^tgriK>ic|iiftmer une pa£^ 
l^i fidflA^doijt ^i^te «anit6.feroit 
to . Cidfltehte* L*ito6galic6 de con-^ 
*» dicioii ; nia • chere Cecile , eft 
>3 un f urieux pencil pour ia verr 

M?'i:« f d^s le v4o'l«u:i«)j?age' de» 



i|8 Me:5^d:iile.« : 

i> paflions ^ &L dLe <cft^\prefguci 
9> toujours fimefle a^ bohheur 
i> :&.a la tcanquillit^ kle Idf vie 
M dans le mariage. Qxi le regarde 
») eny aia €pmine. un |K)Src a(fiir6 
>y concre les naufrages ^uer dob 

V redo3iter^ Hinnpoenoe 1, j qwand 

V il tfeft pas aiTorti par r6gaUt6 
1^ de la naiflance:^ & memc/ dc 
•> la jfoxtune ;icomme ildoit i'qipe 

V fAt qqUp diss caf ajds^fis & des 

. • r^ : C'eft maintenant a voire ef- 
f? pric que je park , -ma chere 
^, Cecile Vyous avez prjs ^yeo 
n moitaiRtdfe gputiiponrte ^air 
^v voirqiAi^Qiis €«ayi«pj:i,^i^^ 
;^ je n.e doMtepomt <iH«J>voHsine 
J, continuiez a eultiviep te p€»de 
„ Jjimieres qw j'ai ^t^ pij-^cat de 
^, VQus jconlrauniquer .^:par la 

» fid^rable 



DE CeCILEv 4^ 

'^ fid^rable fiir les perfonnes de 
,^ Ybtre fexe j maisaufE vousau- 
„;rez de phis dangercux icueili 
,, a conribatxre & a 6viter. 

MC*eft ici une partie eflentielle 
^ de P4ducarion que je m'etois 
>» pfopofd de vous donner 5 
w mais il tie m'a pas 6t6 poflible 

V de vous en entretenir , Sc bicn- 
5t» tot il nt me lera plus permis 
w de le faire : j*ai fouhaitd que 
>3 yocre efprit fut culriv6^ il me- 

V ritoit de I'etrej j'ait^chdde 
w Porner de bonne heure de cou- 
» tes les connoiflances qu'il dtoit 
w capable de recevoir : j'y at 
M rduffi au - deld de raon atten- 
» te y 6c je redouce plusi aujour- 
y> d'hui pour vous la foif d*ac- 
w qu6rir dans ce genre , que le 
w dugout & l*oubli de ce que 

V vous pofTddez d6ja. C'eft afl« 
Tome I. ^ C 



jo Memo IKES 

>>. powr une femme, ma ctere 
M Cecile , de E'etre point 6cran- 
M gere, je ne dis pas avec les 
M Savans,mais avec les gens d'ef^ 
M prit qui ont desXettres : il doit 
»3 lui fuffire d^entendre Iftur Ian- 
M gue y & de pouvoir converfer 
♦^ avec eux v heureufe m6me fi , 
w fansfortir de cette fphere, on 
»> ne lui donnepas le titre de fca- 
» vante. 

xt Par malheur , il eft rare que les 
n ferames s^^levcnt au - delFusdc 
»> la foiblefle de leur fexe par Te- 
M tenduedeleurs connoiflances. 
>3 Si quelqu*une plus courageufe 
» fe diftingue , il n*eft que trop 
,, ordinaire aux atitres femmes 
,, de lui en faire un ridicule , & 
d'^vicer le commerce decelJes 
qui paflenc pour fijavances 
„ avec prefqu'autant de pr^cau- 



9> 



VE' Cx€ ihi. if't 

ijj iron que celui d£s fcnarmci-^^ 

elle eft re^ae. ^^ ' , - 

,, Vous^viterez ce ridicule , ma 
chere Cecile , dans le monde 
ou peut - cere . votw ^esxicftl- ' 
n6e a vivtrun^r ^ * (Iparoif- 
fam: moins-iooctipte :de vcti^ 

>3 fa voir, qixe dass ouvtages con;- 
veniibk^ i vocre fexe , vouj ne 
n^gligez rien des petks ihim 
o^ P^tat vie femme^foasp enga- 
ge 5 pn'^ene^de^'^p^sm&mc 
l^pafuf e , it fuffit bas Vo«s «fi 
6vitiei Pext^s S6'les recker- 
clies. Gar dez-vous auiS de d6- 
cider'tropfouvent& trop af- 
firmativerrient^ fur les cht)fes 
de Tefprit, fi ce n'eft devant 
uii clioix de perfbhnes qui 
vous foyencbienconnues pour 

-,, etre int^reffdesa ne Vous poinc 

Cij 



-1 

^9 



'J) 
^) 

^? 

i 
jy 

>5 



*ys M £ M O I H £ $ 

-„ dofiinfer de travers dam Ic 
^y monde , 8c que c£ foic plutot 
,, comme fi vous Ics confultie? 
,, fur vos propres fentimens^que 
,, pour parol trc vouloir r^for- 
,, mer les Icurs. 

„ Nc vQus bornex pas furtout 
J,, a n'admetrre dans votre fo- 
^, ci6t6, & a ne rceardcr de bon 
ta ocil que les gens de|-ettres, 8c 
w les v^ritablement beaux- ef^ 
« prits 5 que vqrrc accueil en pu- 
n olic foic ^al pour tput le mon- 
ti de*i les fots ^ cette pefte de U 
•^ foci6t^^ n^y font pas m8me inu- 
•3 tiles. On tire dos animaux les 
.» pliis veninieux des huiles falu- 
« taires , §c fouyent propres i 
» gu6rir les playes qu'ils qntpu 
f^ nous faire. 

wVoila^machefeCecile, les 
>3 avis qvie j'ai cru deyoir vpu? 



DE CeCILI. JJ 

n donher dans ces trifles mo-> 
» mens qui m'annoncenc une f6- 
w paration prochaine : aycz , 
'^ pour la Comtefle ma ni^ce 
» toutes fortes d*6gards } faite« 
>• en forte dc ni^nter par vou»- 
»» m6me Pamiti6 quelle aura 
•3 pour vous , i ma confiddra-^ 
») tion : dans qnelque 6cat que 
»> vous puifliezfitre un jour , con- 
jf fervez pour Mademoifelle 
» Duclos les fentimens que vous 
%y devez a une fexnme qui vous 
i» a tlourrie & 61ev6e avec autant 
M de douceur que de foin 5 por- 
>) tez fans ceile i votre bras le 
w bracelet que vous trouvcrez 
n dans cette Caflete , & confer- 
» vez pr6cieufementie billet qui 
II fut trouv6 fur vous s le hazard 
>9 peut vous les rendre utiles Sc 
^41 jtn^me n^cel&ires pour rctroii- 

C ij 



j4 Mi MO IKES 

» vcr un jour vos parens & Votrs 
M en faire Tccctnhoitrie. Voos 
«> trojuverex dans, ua tiroir de 
» votrc cauctte quelqtics au- 
» tres pctits bijoux que je vous 
•1 donnejjmach^reCecifce,^quc 
t» je; von s ^ric de g^d6r ton j ours 
» . podir UamcmrdQ nioi: j^aimis 
!b dans Vaucrt^ t jroir dne.peeite 
M fbmme , que je fouhaite que 
» vous employ ez A vous pcrfcc- 
13 tionner dans^lesxalensquevous 
>>f ' avez.^ d^a' acquis, i Parmi les 
^^rdbnsxjue je vx^ns fats ^il^ eft 
» un que j© d^fire &: qvac je crois 
^ devoir vous &re plus chtr que 
» Ics aucres f c*eft le plus^jjropre 
w a vous. Impeller fouvcnt la 
p MTiJanQiEe d*^ bcmn^equi 
4 vous 'i, aisn^ ! jiifi^u'au i tom^ 
i> heaui} de t^ndres iarmes i, que 
M je ne puis refufer a Pincefti- 



t 



DE Ci ECl LE. 55 

>i rude die. votre fort, ne me per- 
« mettent pas de vons en dire 
» davantage : adieu, ma cherB 
« Ceciie. €4 ' 

Mes pleurs ne cefferent poine 
d'arrofer ce pr^cieux gage de Va- 
mitie du Conimandeur : elleS en 
interrompirent fouveftc li lectu- 
re 5 mais ce fut furtout a la fin 
que je fends redoubler mon 
attendriflement : je fentoistou- 
tes mes idies 4^rang^es par Por- 
dre gfi*ori nie donnoit de porter 
& dPgarder foigneufement des 
marq^tfes qui pouvoient unjour 
me faire reconnoitre, w II n*eil: 
^^ dotic pas mon pere , nV^criai- 
w je avec douleur ! eh ! quifuis- 
M je done, grand Dieu?>5 Puis 
tout-d-cotip paflTant i iHd(5e 
de ce pr6fent qui devoit foti- 
rent me rappeller fa Tn^nioire*^ 

Civ 



5iJ Memoir IS 

je ne pus me refufer a un mou-* 
vement de curiofitd 5 je cherchai 
avcc precipitation , & je decou- 
vris enfin des deux .tiroirs qui 
devoient fe trouv6r dans mon 
•petir cofire. Le* premier que 
yottvrfs m'oifrit quclques rou- 
leaux de louis } ce n'^toit pas cc 
que je chercIiois:jetiraipromp* 
tement le fccond 5 j*y trouvai 
unc raoncf e d'or , une tabati^re, 
un ^tui de mcme mdtal, linC 
bague de diamant dont le bril- 
lant ^toit parfait , & enfitf une 
petite bo6tequi m*oi&it en Pou- 
vrant le portrait du Comman- 
deur. Ah ! dis - je en le voyant ^ 
oui ^ mon pere ( car malgr6 tou- 
tes fes precautions que je foup- 
^onnois toujours afFed^es pour 
me d^robcr cette fatale connbif- 

fjincc , ma tendrefl? pour l« 



DE Ceci le; y? 

t|. Comraandeiir , 8c ia fienne pour 

ittoi,m'empechoiefii? de me d6ra* 

cher d'unc id^e fi chere : ) » ou% 

» dis-j€,mon pere, vousavez 

» bien p6n^tr6 mes vericables 

M fentinftcns^ oui^c*eft^la fins 

» <louce celcii de vo& pr^ims^ 

M le pins cher a mon coeur : 

w H61as !• J'y portc cctre m^rne 

19 image (i profond^ment gra* 

» v6e, qu'elle Be s'e£iicera ja^ 

>> imais. «♦ 

J« paiS^ db^x jours edtien 
iitii<|i|[^ment occupde de ce cher 
portrait , & de ma douleur , £ins 
voir perfottne deceux avec qui 
elle ei^ pA s^^^p^ncher > les vifi- 
tes j^l# attentions de queiques 
Re^eui(es ne faifoient que 
m'imporcuner , je roe croiois 
abandqu^e de tout le monde p 
^ je p^mns que je n'aurois plus 

e V. 



d'^autre cQjiipagoie fiir - J^ terre 
que ine^rkrmes^, I'iacertitude; 
ce mon i^tat : caf Je dois avooi^r 
que , pendant; deux jours d'una 
iitijation fi vi^leni;^ ^ ^ mess-rr^er^ 
xiorts m^avoient inifenfib^feoipnt 
Qood^aioe 4 dottier q^e 1§ Cquvt. 
mandeur^euii eu :, ^ne .kiispasr 
la cruauc6 , mis la f0r<e de me 
traroper fur ma iiaiflan^e, Tel 
6toitV£jmA€^mojii%rfkp fejcrpir. 
£6me jour de ma retraite:^lorf;; 
qu^on^ vintimfaY^rj^ ^juHf-^uclos 
demandoit a nie.voir de li^j^arifi 
de la Coiticefie deBeaubojirg: fa^ 
Vide, j^nouyella bkototr d^W/ 
mon- ctfcur ; touS'lei ifi|i||i9^^5 

w Mon:j5he4je]fere,;,iluitmA?jer1^ 
« le voyane(eer c'^etpit^aiafi que- 
je leavers toujojiirs traite |gpila»t 
que j'avois: Mej^iL.t^ei 




itiandeur ) ^5 vous ne m*avez 
yy done pas abandonti6e?JeA'eus 
pas la force de dire rien de plus. 
*> Ha I Mademoifelle , mer^pon- 
« die Dtielos en foupir^t , ce 
^y notn 6t cet honneur ne me 
ry conviennent plus 5 vqus avel. 
♦3 * du trouver , dans le^ papiers 
M quemon cber maitre vous a 
^ remis , des ^claireiflemens fur 
vbtrfe naiflance , qui vous eft 
ont • appris la y6rit6. H6\as I 
» Ini dis-^je, quels ^ckircifle^ 
•5 hiensf F ou plut6t queMe obf- 
w curit6 aflreufc ! je tf ai done 
*>V plusperfonneau monde que je 
*5 puifle appeller mon pere ? ah i 
1-5 moh chere pere , Fayfe2-le toii- 
•>>^^uts : ayei piti6d^iine fille in- 
i> fbi*tttn6e q:tti ne^ eoiJtntJxt qu& 
"« voos^ fur la terre-j fbuffreZ', 
» mori cher pere ,qu«]e vous rtf- 
^ C vi 



5^ 



6o Memojkbs 

^ metce a rinftant tous les dons 
>> queMonfieurleCommandeur 
^ m'a fairs j il$ vous apparti^i- 
»^ nent : vous en difpoferez , vous 
»^ ne m^abandonnerez point y 
*» vousaurez piti6de moi. cc Da- 
closfut p6iv6tT6 de mon difcoursj 
a s^attendrit ,• il me confola de 
fon ixiieux par les afTurances les 
plus gen^reufes 5 & , dcs <^u*il 
s'apperi^ut qu'il avoit un peu cal- 
md mes inquietudes , il m'apprit 
qu*il venoit de la part de la Conv- 
teile s'informer de ma fant^ -^ 
qu'il y feroit d6]a venu de lui-md- 
ine J fans les embarras^ que notre 
commune perte lui avoit €auf6s. 
>3£nfin^ Mjidemoifelle^ continua* 
» t% la larme a I'oeil, je litis 
w vous attrifter eticofe , en vous 
w appjrenant que M. i^Com- 
M niandei)r &'eft. occupi^^ vous 



deCecile. 6i 

>3 jufques a fbn dernier inflanc j 
>) il a pr6vd toute la doule^rque 
w vdus rcflentez dc fa perte 5 8c 
w j'olfe vous* afliirer que vaus 
» ^ticz Punique' objet de la 
» fienne : mais , Mademoifelie ^ 
>3 ce difcours vous coilche trop ^ 
» me die - il , en s*appercevant 
f^ quej'6toiSeiFediveii>enc acca- 
w Dl6e par la viotence de ttics* 
i»' foupirs. H eft Kms que je vous- 
n fade part dcs dcrniers ordres 
w* que j'ai retjus de Monfieur le 
yy Commandeer a votre fi^ec : 
>> ilm*acammand6d*avertirvos 
» Maitres j foti intention a it6 
» que vous continuiez. avec* eu3r 
^v^s exercices, ilm'a cbarg6 
»>: de vous I'ordojiner de fa part j 
«» vous aurez aujourd'hui votre? 
^^9 CUv,ecin& vosLivres: ilm'en 
^ a fait tirer pluiieuxs autres do 



4z Memoirb^ 

»> fori cabinet, qu'il vous a def^ 
M tvxis , & qull a fait mettre ea 
» furete avant de mourir : tout 
w Yous fera remisce foir-,&je 
» crois que lejour ne fe pafle'ra 
yy pas fans que Madame la Com- 
M teffe vidnne elle m^me vous 
» voir, ci J'^tois immobile , & 
dans un fi cruel abbafement , que 
je paroiflois infenfible i tout ce 
que Duclos. venoit de me dirfr. 
II me demanda mes ordres pour 
la Gomreflc :» hilas ! lui dis-'jev 
M ne raffligex po/ot par le r6cit 
M de F6tat oh vous me voyez r 
» aflrurez-ladcmareconnoiflan- 
>r ce & de. mon r^ed 3 mair 
>? ddtoumez-k^ sf^j fe pent;, db 
sa venir me y©ir encore ^i^q^uel- 
» ques Jours j je fens que'faug'- 
M menterai fa douleur., c;H|inme 
n: q]1q renouvellera to^ la^ 



*i mienne^ Allez , mon cher Du- 
V clos J il fumt que vous ayez Iz 
w bont6 de m*apprendre vous 
99 nieme de fes nouj||Ues. u II m^ 
qi|itta ^ p^9|Strd de la plus 
profonde dpuleur 5 je la partaj 
seois avcclui: t^qur ce qu'il m'a-f 
voit aj^nooncd fut ex^ut6 quel- 
ques heures apres fon depart \ 
ic malgnfc ce que je I'avois pri6 
de dire a la Comtefle , on vine 
m'ayextur , ^^.(declifl. 4«^ jpwr , 
qu'^Uc .,«)e fatfok. I'jboaneur ide 
ma 4en^?.T. , Je.4eyins trem-; 
blante a U niouyclle de cette vi- 
^te ; j'e4S 4 B!^i|f? ^ force de itne 

avec w>S' tplewn tftP« ng'^Ce^or, 
uetien. Je, tenois/ji pj^^o <5u'elle 



:€4 , MEMOiiii 
m^avoit paflSe par la grille , jeli 
baifois fans cefle i elle fcttoit h 
mienne , & ces marques mtiettes 
de fbn ami4l rn'6coient fi tou^ 
chantes , qu'elles fembloient ott* 
Vrir mon cocur a un ientimcnc 
tnconQu : en eiFet , ma douleur , 
qui , jufqu'i ce moment, n'avoic 
6t6 qu'amere, devenoit infenfl- 
blement plus tendre. La Com- 
tcfle 6prouva, fans doute , le 
mSme changentetft , le m^me 
adoucifTemeiit i fes ^eines i elle 
ofa rtie ravoacr la premiere r 
>» H^las , me dit-elle , ma chere 
y^ Cecile^ je cra|piois de yous 
voir : je d^firois , & redoutois 

tout^S-la-fois cecte chere en* 
trevde j mais qu'eRd m'^coit 
n^ce^irelEIIe r^pand dans 
,, mon ameun calme que k|i'e£- 
^, p^rois pas d'y voir fitoc rena t-- 



* 



' D B C E C I L I. ^5 

^ tre : non ^ il n'y a que ceux cjui 
^, partagent v^ritablement no- 
,y tredouleur, & qui la fencenc 
„ comme nous y qui foient ca^- 
„ pables de nous confoler ; oui , 
,, ma chere Ceciie , je mecroi- 
,, rois aiSez heurexife en ce mo- 
„ ment ^ fi je pouvois me flater 
,, que mon aniiti6 fie fur vous ce, 
,, que je fens que la votre fait 
^, fur moi. 'Ah ! Madame, lui 
^, dis-je , j*ai du vous pr^venir^Sc 
^ mon coeur vous a privenue j 
^, tout n'eft done pas perdu 
^, pour moi j le ciel me reiid , 
,, vous me rendez vous m^me , 
,5 Madame , ce que je croyois 
,, devoir jgegretter inutilement 
\y toute ma vie , un coeur tendre 
^,' & compatiflant , ftnfible i 
^ ma milere , & qui ne dddai- 
^y gne point de prot^ger oDfe 



i 



M Memo! RES 

,, itialheureufe fifle d6favou^tf 
,, de toute la terre , ou elle ne 
^, dcvoit plus fe flacer d'avoir au- 
5, cun appui. cc 

]i proloxigeroistrop ces M6' 
moires, fi j*entrois toujours dans 
les petits details qu6 j'ai peine , 
je ?avoue^ a me rcfuler j mais je 
fens queje m'attendrirois- trop , 
enrendanc un compte exadde 
la converfation que j'eus alors 
avec la ComtefTe , & de celles 
qu'elle m*a fait Thonneur d'avoir 
avec moi dans la fuire t ilme fuf- 
fit d*inftruire ici mes ledeurs , 
que cecte Dame la pljis aimable 
6c la plus refpedable aue j'aye 
connue , me juVa d|s -tors une 
amici6 qui ne s'eft refroidie pen- 
dant un tems que pour devenir 
cnfuite plus tendre St plus fo- 
lide. Elle me faifoit tous les pe- 



i 



DE Cecils. €J 

t\ts pi-efens dopt fa ^kvAxoCit^ 
pptj^oits^ayifer^ & elTeme don- 
na; couJQurs les confeils les plus* 
fagcs & les plus i€Qf6$, Jeprois 
devoir avercir aufli que Duclos ^ 
&fafemme fur -tout, me ref- 
terent extremement attaches y 
p;dle-ci me vpy oit fouvent : le 
mari s'dtoic charg6 da foin de 
mes petites affaires , & il s'eo 
acquictoic avec une fideiit^,6c un 
ddfint^reiTemenc rare i des per* 
fonnes comme lui, .S^'ii ne s'^toit 
jamais m ^16 que desint^r^cs de 
ma fortune , je o'aurjpis ^m qu^4 
me louer de lui. 

L'amiti6 de la ComteflTe , Ic 
terns m^mc me rendirent enfiti 
la perte que j'^y ois faicp piu$ 
fiipporitajbje:: j'aypis repris^.tpus 
•nies .ex^rcicesfv C'-eft ^ 4 - diip le 

Clavecin & la Mufiquej j'avois 



/ 



fj MiKtCiKs 

la voixbclk , a'ce qu*on]difoie J 
& je m'appliqual a en acqu^riir 
les agrdmens. La le&ure ne fut 
pas ce qui me fervic le moinis k 
Taincre madouleur j je m'en oc- 
cupois tous les jours pendant 
queiques heures y comitie j'avois 
toujours fait fous le$ yeux du 
Commandeur. Sa liberality m*a- 
voit mile en 6tat d*avoir peu de 
befoindes fecours Strangers pour 
mefacisfaire en ce genre:environ 
fix cent volumes qu'il avoir choi-* 
lis lui - mcme pour moi^ fuffi- 
fbient a ma curiofit6 & au deiir 
quej'avois d'apprendrej c^^toit 
pour la pldpart THiftoire uni- 
verfelle & particuliere , les meil- 
leurestradudions desAuteurs les 
plus connus , un choix particulicr 
dc Philofopfaie morale, & de* 

iivres de raifonncm(;nic > les meilb 



l)E CiClLl. ^ 

ieurs Theatres ^ peu de Romans , 
mats bien choifis : telle 6toit 
ma petite biblioth^que , & j'ofe 
dire prefque Turfique reflburce 
que f aye trpuve^ centre les r6- 
flexions accablantes d'une/itua* 
tion , telle qu*on pent fe pein* 
drelamienne^ 

. Le ledeur eft d6ja trop inf- 
truit pent - etre de toutes ccs ba- 
gatelles , dont je . ne parlerai 
plus fi la n^ceffitd ne m'y con- 
tijM^> il eft tern's que j'entre 
d Updes details plus int^refTans , 
en continuant de faire au natu* 
rel k tableau de ma vie, ]u€* 
qu'au terme Jbeureux oii je fuis 
enfin parvenue. 

11 y avoit environ un mois 
que ]^6tois dans mon Convent } 
j'avQis f^u quevle Marquis de 
Bcaubourg, be^u-Pere de la 



ffi> Memo i jl e i 

ComtejQfe 4 ^'^toit lieureuffemctDi 
«ri d, k grandi nuladie qu'a 
avoit eue 3 je f^avois que le Com- 
te fon fils devoit bient6t revenir 
a Paris, & j*avais appris ces nou- 
velks avcc affe^^dliidilFeremre. 
Enfin un jour que j'avois compDe 
de voir , 6c que j!avais ea vain 
attendu JaComtefle, je re^us fur 
le foir ce billet de fi. part.- 

Mon marieft arfciv^ d midf , 
ma chere Cecile, faiiis m'avoir 
^, donne avis^du joui? de fcM^- 
part ni de fon retopur yil a^Be^ 
ned'Anjou avec lui le Cheva- 
lier fon frere que je rfavois 
point encore vu : c'dtan jeu- 
,, ne homme de la piushepreufe 
ei^f ance y nous voulon^ le 
placer a I'Academie^&lefaiiiB 
entrer aux Mbtifqueraires. Ce 
„ ce retout pr6cipit6 ni'drnpe- 



^9 

J5 

3l5 
55 



^ E Cecil I. yi 

^y elie de vous voir aujourd'hui : 
^ mon mari m'a paru tre$-con- 
,, tent des petics foins que je me 
,, fuis charg6e de prendre de 
,5 vous 5 nous irons vous voir en- 
^, fembio, Bon foir , ma chcre 
j^ Cecile. « 

Tout ce qui me venoit de la 
part de la Coniteifcm'^tQit pr6r 
cieux > je relus pl^fieurs fens fbn 
billet) li fipibloit qu.'ilnxe tint 
.lieu d'elle-meme. Je n'avois pas 
fait d'abord beaucoup d -atten- 
tion a la nouveile de I'arrivi^e du 
jeune Chevalier de Beswbourg ; 
mais me fouvenant tout-a-coup 
de tout ce qu*pn m'avoit appris 
que le Commandeur avoit fait 
pour lui , je fus touch6e qu'il ne 
f u t pas arriv^ aflez-rot pour jouir 
des embraffen^s d'un oncle qui 
devoic lui ptre fi chgr j je m^aifliT 



7* Memoir El 

geai m^me ^ pour le Comman^, 
deur^de ce qu*il n'avoit pas cu 
la confolation de voir ivant fa 
more un nevcu qu*il avoir aim6 
ft tendrement 5 jecheirchois a me 
&ire une id6e du Chevalier , qui 
ripondit a la tendrefle que 
fon.oncle ayoic eue pour lui j je 
m'occupois de cette id6e , & je 
m*en occupois aflfez f^rieufe- 
ment pour craindre que I^exem*- 
pleduComte de Beaubourg put 
corrompre les mccurs de fon 
jeune frere. ,, H61as , difbis-je en 
,, moi-mcme , fi le Chevalier 
^, n*avoit pas perdu fon oncle , 
^j pour peu qu'il eut apport6 aii 
^, monde un heureux naturel , 
combien P^ducacion qu'il en 
eut rc^ue , lui eut 6t6 utile ! 
Ah ! continuoliije, laComtefle 
„ fa belle-fbcur lui refte ; il fui- 

vra 



9j 

55 



J>:1L GECILI^ .^ if 

i» vra fes confeils , il fera (iighd 
» de l'amiti6 que le Comman- 
» deur eut pour lui* Mais , quoi I 
>• me dis-je , en me furpjpenant 
» moi-m^me dans ces penleesqui 
vj de voient m*8tre 6trang6res, de 
M quelles id6es mon efprit s*avi- 
M fe-t'il de s*embarraflcr I Ii61as t 
ri ajoutois-J€ , 6 mon cher Com- 
» mandeur , 6 bienfaiteur que 
w }e n'oublierai jamais , je vou^* 
M drois que tout ce qui porte 
w votre nom fut audi verdieux ^ 
» audi relpedable que vous. *^ 

On trouvera peut-^tre ces re- 
flexions trop raifbnrides pour 
une fiUe qui avoit a peine atteint 
la quatorzieme ann6e s mais on 
doit s*en fouvenir : j'ai pr6venu 
mes ledeuts , que le Comman- 
deur m*avoit appris de bonne 
l^eure^ a penfer : d*ailleur$ au- 

Tome /. D 



^4 MEMOlRErS- 

jdurd'Iiqiquej*^crisc€s M^raow 
res , il m'elV, je crois , permis dc 
donner unpeu plus deforce aux 
id^es y dont j'avojs dapiQios lesr 
ger^mes dans Tag^ dpnp }e me 
rends cornpte a moi-meme i & 
je puis aflTurer que je fus aifed^e 
de cqus ces mouvemens d'une 
faq:oa moins pu6rile qa'il ne fc- 
rok p?ut-^tre ppflible de le foup- 
qonnet, Quoi qu'il en foit, je dois 
a la y^rit^ d^ pro|:efter ici , que 
daQs le cours de ces M^moires 
de ma yic je ne me fuis prfit6c 
Stc ne ipe preterai aucun fentH 
mept que je n'aye r^ellement 
(^prouv6 y & que j'ai dumoins ac- 
tuellement en moi la perfuafion 
intirpe que je n'exprime ricnque 
je n'aye fenti, Je ne crois pas 
m8me y en merendant cetcc jul^ 
tice J m'dlev^r crop au-defliis dc 



D E C ECILS. 7f 

tdUtes les perfonnes dc cet ^ge ^ 
& de mon fexe 5 j'en ai connu , 
& j'en connois encore d'aufli 
avanc^es que je pouvois Terre 
^ alors : je ne dirai rien de plus fur 
cet article pour la juftificatioil 
du peu d'efprit que la nature 
m*a donn6, &jecontinuerai d6- 
formais fans fcrupule a rendre 
le compte le plus exad de Pdtat 
de mon ame ^ comme des diff6- 
rens 6venemens de ma vie. 

Des le lendemain de ce billet^ 
le Comte vint me voir avec la 
Comtefle } il me fit beaucoup 
plus d'amitids que je ne m*6tois 
attendue d*en recevoir de fa 
Ipart : celles de la Comtefle ne 
m*i6tonnerent point , j'y 6tois ac- 
coutum^e- La pr^fence de foa 
mari m'empecha d'etre auffi It- 
ijre avec ellc que je l*6tois ordir 

Dij 



^2 Memoihis 

naircment 5 clle m*en fit des re^ 
proches : le xcffc£k que jc dc- 
yois ^u Comte , fut mon excufej 
il m'ordonna de le refpeder 
moins , & me dit qu'il 6toit ja- 
loux de Pamiti6<jue j*avbis pour 
fafemmc.Je le cpnnoiflpis moins 
qu*elle , le Com.mandeur ne 
m^ayant jamais trop jnontr^c a 
lui J il me regardoic , il me louoi; 
beauicoup, & je compnen^ois i 
r6pondre A fcs lojianges d*une fa- 
5011 mojas embarraff^e, Mon 
jnaitre de mufique arriya dans ce 
moment ; je voulois le r^nyoygr j 
mais le Comte le fit refter ^ 6c 
vouiut m^cntendre chanter. Je 
me mis 4 mop clavecin, & jc 
m'accompagnai une fcene d'Ar- 
mide. LeComtc parut m'ecouter 
ftvec une forte de raviflement ^ 
pjiis tptt^ a cpup ildit 4fj^f?m^ 



T>t C It I L t. 7^ 

the : w Madame , voila une voix 
wqu'il faut faire entendre a M7 
h de Francinie.^La Comtefle I'ar- 
rcta fur le champ , & lui die : 
13 Non , sll vous^ait, Monficur, 
t^ nc parlons Fm|| de cela , je 
5^ vousprie* £n^rit6^€ontinua 
n le Comce ^ voild une des belles 
» voix que j'aye jamds l&ntcn- 
w dues , & c*eft un meurtre que 
» cela foit enferm^ dans un cou- 
T> vent. '^ J'^courois ecs ^^loges 
avec une forte de plaiiir , fans 
entendre alors de quoi il ^tait 
queftioit. Letir vifite qui avoit 
6i6 aflez longue , finit enfin : le 
Comte en fbrtant m'accabia 
de nouvelles louanges fur mz fi- 

{jure & fur mes ta^ns j il vou- 
ut prendre ma main i travcrski 
/ille : je refufai cet honneur $ 
a Comcefie me donna la fienne 

Diij . 



I 



7t Memo I %ti 
en me ^ifant- tout bas ^ tandis 
que le Comte fortoit : >? Adieu , 
» ma chere Cecile ^ je ne tai 
» point amen6 mon petit Chc- 
»3 valier^ parce qu*il n'eft point 
>» habill^ i mi|^ I'amenerai ici 
»^ au prgnier^Kr , je veux qu^U 
» te connoi£[e» <c Je reftai feule 
avec men maitre qui continua 
i me donner le^on v il itoit pr£t 
i me quitter , quand poufTde par 
un mouvement de curiofit6 , je 
lui demandai quel 6toit , &: s'il 
connoifToit ce Monfieur^^qui 
jMonfieur le Comte de Beau* 
bourg vouloit me faire entendre. 
w Ceftle maitre derOp6ra,nie 
» r^ponditmon makre de mufi* 
n que. Je fus fach^e de lui avoir 
fait cette queftion , quoique je 
ne fufle que fort imparfaitement 
ce que c'^toit que TOpdra. Je 



»E c EC ILL ^y 

trouvai quelque chofe de C\ hur 
milianc pour moi dans cette r6*« 
ponfe , que }e copgi^dioi Mon-^ 
fieur ChopeiR ^ fans en vouldir 
f^avoir davaficage. Je tie fas pas 
longHMins lans 6tre mieax ^clair^ 
cie des indignei projets que ks 
Comce de Beaubourg avoitfor^ 
fn£$,ea me royaoc &: en m^Seoicen^ 
danc chatifer. 

Des lelendernara ilrevmcau 
Couvent \ i\ demanda a me voir y 
k livr^ trompa fansr douce la 
Touriiere 1 on m'avertit: qtiw^ia 
Comteffe de Beaubourg me4e- 
mandoit : j*y counis arvec touce 
la joie qu'on pent imaginer } 
F>ais quelle f utma iurprife , lori^ 
que je vis fon mari fcui dans Id 
par loir ! Je demeucai interdiK '^^ 
embarraa6e& cremblance ,n'a> 
fancni m appcocher ^ ni me re^ 

D iv 



^ M £ M O I H E » 

titer. Lte Comtc s*en appcr^ii : 
3? Pjaurquoi donc^ mc dit il ^ Ma- 
^y detnoifelle ^ perdcx-vous ainfi 
» tottce vxytre joie en me voyant ? 
H fius-je fi effray ant? venez, belle 
w Cccile , j'ai a vous entrecenir , 
n £c je penfe que vous ne devej^ 
*> pas ircfufci: de [m*icoutcr* 
ittPairdocnez tnoi.^ Monfieur^ lui 
w r^pondis- je , on m'avoit dit 
M qu6 Madame la Comcefle me 
» demandoit , & ma fiirprifc.—... 
»• Non^ Mademoijfelle^inteirrora*. 
wj: pit-il , ce n'efl: point, la ||om-* 
^ tefle , <'cft moi qui- ai qadque 
» chofe 4 vous dire 5 afl^cz- 
» vous, & daignez m*6couter. Jc 
lui ob6is, & il continua de la for^ 
te : w Quel age avez-vous belle 
>3-Cecile?Quatorze ans, Mon- 
c* iieur y lui r^pondis- je. Com** 
HI meat ! quatorze ans ^ pourfot^ 



D^ Cecilr %t 

^ vit-il I vous ^tes bien grande& 
^y bfen form6e pour vocrc age 1 
» jc vois des cnarmes , & mal- 
ty gr6 la modeftie de votre ajuf- 
» tement , j*en fbup^onne en- 
"^ core d'autres a qui j'aurois 
3^3 donnd dix-fept au moins : v6- 
fi tre taille , vos traits , Sc ces 
^ beaux yeux que vous baiflez 
» avec unpeu trop de modeftie', 
<^ t6ut cela n'eft point d'un en- 
if3 fanr. Ah !• Cecile, que vous 
t^ ^es bien- dans I'age des plat- 
•y firs ! & quel dommage que 
» vousenfoyezpriv^erMj'^couJ- 
tois malgr^ moi , mats en- fr6- 
miflant, des difeours auiquel's 
mes oreilles & mon* cctur n*6- 
toient^oint accoutum6s j; meis 
yeux fe rempliflbient de ki^rmes 
qu« je n'avois pas la force de* re* 
ctoir*. Le Gomte les vie couleit 



|2 <. Memo I RES 

fans enctre attendri. » Je cro& 
M que vous faites i'enfant , me 
w dit-il ? vous pleurez^ Cecile : & 
>3 que vous dis-je done de fi trifles 
M eiTuyez ^ efTuyezces larmes : je 
>> veux quey ousvous accputumiezj^ 
w avivre avecmoi, lafuite vous 
*> apprendra combien je.fuis de 
•> vos amis s il faut un peu mieux 
J3 nous connoitre ^ machereCc- 
»> cilc : vcnez approchez vous» 
*j de moi..*... Jq fuis bien ici^ 
W' M onfieur , lui r6pondis-je avec 
w indignation ^ &: je vous en- 
n tends affcz....... Vous ctes une 

» petite folic ^ continua-t*il , ap- 

M prochez-Vous ^vops dis-je ^ 

M Je n'en fis rien. Comment,. 

», pourfuivit il, vous faites la niu- 
w tine : )e ne fuis pas content de 
99> ces fa(jons-la 5 & cen'feft pa$> 
I* avec moi (^ue vous deve^. leS' 



PE Cecil I.: ^^ 

» avoir: atoyet moi ^ moi belie* 
« tnfyn%^ prenezrCn de tout au*c 
>i tres. Vous fevOT. que jc con'*' 
» nois votre 6tar , je fuis inftruk- 
» de la petite fortune que raon^ 
>» oncfe votts a faiirer J &f q;uepcn*<: 
>i lez.-vou5 ojvec cedcuipp avoir 
>» d^venir } pailar€^:rCTi&; les pUis<' 
y» beaux de vos^ J0iti;s a voos en^ 
^ nuyer dans unr couvent ^ tcm^ 
>^ jours feule , abandom!!^ dr 
i^> coiitleumofid^ rtpl ne^irousr 
9 'ConcfDil^ famt<^:m^ ar 

» "^^^s^tti^mr y mepri^© .fure^ 
* meM de Vos compagnes i Queli 
» 6 tat , ma chere Cecile I pou- 
» vez^vous le crpire pr6f<5rable 
n acelull^ueije^iens TQu^.QiS^ df 
>i je la^ai pa^ vouhii diff^car] ut» 
9^ ipfbskiit i vrausL en^ kiftfiiirec^ 
» poiir pr^venir y s*ii fe peuc^ 
9^ 4u>utes }&$ cliia3)6res^que. vqa 

D vj) 



t4 Memo ikes 

n Rcligieufe&^& peut-^trc k 
H Comteile elle JBcmc ^ pour- 
n roient vous infpirer. Vous. 
n 6tcs belle y Cccile j vous aves^ 

. u UQ talent admirable , & voose 
»• 6tes dans un age, ou vous n'a- 
n yc2j pas unV momcint a pcrdrc 
MP pour proikerde.cesavantageS' 
w que* vous devez a la^nacure, &. 
M A r^ducaiion? que vous avez^ 
)» r€(p^ du Cbmmandeur moii« 
^ oncle : en piieaant le parti 
9i; que je vsens vous propaler y 
M vous -ailez augmented dani^ 
w un moment votre fortune de 
M moiti^ , vousallez^tre aim^e ^ 
» recherch^e ^ £it&c de tout le 
^ m6n<te 5 tons les plaifirs^ mar- 
ts cberont fur vos pas ; j,e n^ 
i> pr^tens vous parler Kt que 
i» de ceux qui naitront de vos 

^ fixccks,^ voui fbez la^ maii^ 



JM, Cecily. Jf 

n crefljc de ccux de votrc cocur.. 
n Si parmi les hommages qu'oa 
w va rendre de coutes parts a vo% 
» charmes , une connjoiflance ud 
>» peu plus parcicuiliere , quelque 
^ fentiment de reconnoiflance 
>* peuvent vous faire diftinguer 
»» les mien^i ^ y^ me croirai £ai>s 
M doute le plas keureux de tous 
>• les hommes v raais je vous en 
»> donne ici ma paf ole d'honr- 
99 near, je ne me, pr^vaiKirai 
M jamaisr de ces pecks avantar 
^ ges pous tyianni&£ votre 
» cceuf}. je ne veux robtenir 
w que de mes foi»s pour vous ^ 
^ je ne pretends pas m^e que 
•y vous me temez. cocnpoe de . 
n mes bienfaiss y foui&ez feur- 
i» lement, Wle Cecile, que je 
jr vous mecce en 6cac de diCpo^ 
•i* fer de vous- m^me avec vuie 



i 



96 MEKToricis 

w enti^re liberty. Si vous con-^ 
^ fcntex d^entrer a POpera , 
ff comme je me le fuis promis ^ 
» & comme vous ttcs maitref- 
» fc de le fiire , car ,.ajouta- t'il y 
» j'ai d6ji parole que vous y fe- 
» rez bien re^ue , je vous logtf-^ 
»^ rai & vous meublerii pluS 
» convenablement :: quoique 
» vouspuiffiezfouliaiter^jevoui 
n Taccorde d'avancej -& je nt 
n vous demande porir tottte fo- 
n veur ^ ; que la licettce ^^ -feirif 
*3 valoir auprcs de vpus les.l^uf* 
i3 droits de ma tendreflTe. *> K 
fe tut enfin , paroifl^ant attendrd 
ma r^ponffe 5 j*avois les ^eux baif^ 
&s^dc ]e ne penfois pits que j^ 
dude lui r^bhdre^, ie- pt^fiMi 
de fori filen<ie ; & mk Umi^Acf^ 
fein de me retirer, ^ Quoi! s*6^ 
n> cria - t'il , crueUe Gtcile ^poaif' 



Di Ceciee. 87^ 

» vez-vous vous rdfoudre d me 
» quitter de la forte ^ Quoi t 
» fans me dire un feul mot^ 
>• Songez-vous bicn que c'eflr 
yy m'accabler du mepris le plus. 
>3 offenfant ? Eh ! Monfieur , lui 
» dis-jeenfinles yeux baigni^s. 
» de larmes ,. que voulex- vous» 
w que je vbus dife , & que puis- 
» je r^pondre a uft^difcours au- 
» quel je n'ai point du m'jsitten-- 
» dre/ Vous me parlez, Mon- 
^ fieuT y de me faire entrer k 
» POpera : je ne fais ce q*ie c'feft -y 
» mafs je me fouviens qae Ma-^ 
» dame la ComtefTe vous pri^. 
t> hier de ne m'cn point par-* 
» ler. Pour ce qui c&desavan*^ 
» tages de ccttc condition que 
w vous me propofcx^llmage mc> 
33 me que vous m*en faites , tou- 
i» ce flateufe qu'elle paroic etjs^' 



ff MlKfCVlllZl 

9) dans vos difcours , m'efirayC- 
*3 Vous me parlez^ Monfieur, 
^ d^hommages du'on va me rett- 
« dre , de Ix libert6 de difpo- 
» fer de mon coeury de moi- 
^ mSme , du fuiccibs de mes^^ ta^ 
w Icnts I ces idi^es toutes nei^ 
« ves pour moi doivent m*Stre 
M fixfpe&es^'f jamaiis M. le Com^ 
nrmandeur qui m'aimoit afTu^ 
99 r6ment , ne m'a temi un pareil 
^lengage : il m'a bien die au 
» concraire que ces petits avair- 
^3 cstges dont vous. me flacez , 
>9 6toieiit £>uven[t de^ diangereu^t 
» pr6fens de la nature. „ Ah ! 
» Monfieur ,. votre langage doit 
M meparoltrefiidiiESrenc du fien*, 
» que vous nc devez pas ^treiur- 
n pris que j'en fbis aliarmie-. . . . 
» Soyez £iire , Mademoifelle , re*- 
"•pritbrufqucment ieComte^q^ue 



I>£ C £ CI hi. ft^ 

^ It Commandeur avoir fes deft 
^^ feins en voiis parlant dc la for- 
,, tc : le bon homme n'^coic pins 
,, jeune ^ vous r6tiex trop pour 
„qu'il osit s^cxpliquer nctce- 
,, ment avec vous j mais croyez 
^^ qu'il edtbienc6t chaiigddefa* 
,) 9on & de kngageXe Commaiv 
), deur n^6toit pas dupcsil votdoic 
j^ vous gagtier par fes bienfaits,t8^ 
9y jevous fuis caution qu'il n'^coic 
„ point homme a en vouloir per- 

^, dre le fruit Ah ! Monfieur^ 

,j qu'ofcz vous dire^ lui rdpliquai- 
,^je avec toute Thorreur qu'il 

m'infpiroit Oh ! je vous le 

confeille , coxitinua le Comte : 
penfez-vous que vous m'en fe- 
rez accroire ? Eh t Mademoifel* 



le Cecile^ mettezlamainfurla 



♦J 



^^ confciencej je ne vous crois pas 
^ii novice que vous voulez le 



9© M 

„ paroirre. 
j, fincere. , 
micpasd'et 
jecourus r 
chambre la 
la douleui 
n'avois poi 
iicuacion ps 
trouvaii j 
frimiffbis , 
plus moi-m 
„ m'^criois- 
„rerainfi t' 
„firefpefta 
„ heureufeji 
„ tendre a n 
„m\a6 qui t 
„norable qi 
Je reftois e 
lans fentimci 
^ coup les yt 
m'environnoi 



,, paroirrc,^ fi vous vouliei Strtf 
^, fincere. . . Ma foite ne fne per^ 
mit pas d'en entendre davantage? 
jecourus me renferm^ dans ma 
chambre la home fur le vifage & 
}a dottleur dans le cocur : je 
n'avois point encore^prouv6 de 
fituation pareille i telle oil jeme 
trouvai j f 6tois tremblante , je 
fr^mifTois , je ne me connoiiTob 
plus moi-m^me, „ Ahlmonftre, 
^, m*6criois-je , peux-tu deshono^* 
^, rer ainfi tout a lafois un Oncle 
,, fi rcfpedable ^ & une fille mat* 
„ heureu(e,qui ne devoit pas s'as^ 
,5 tendre i rougir un jour d*une a- 
,5 miti6 qui 6toit le feul titre ho- 
^, notable qu^elle eilt au monde f 
Je reftois enfuite immobile & 
lans fentiment ^puis jcttant touc 
d coup les yeux fur tout cc qui 
m'en viroojaoit ^ n*apper ce vant 



D I C E c 1 1 1. ^r 

rien que je ne dufle i la libera- 
lic^ du Commandeur. „ Funeftes 
,9 bicntaics r difois-je ^ ah! quelled 
,j id^es cruelles me rappellerex* 
5, vous fans ce£e ! & pourquoi 
^> faut-il que je vous aye re^us / 
,, Pourquoi ^ 6 cher Comman- 
^j deur, vocre compaffion vous a- 
9y t*elle pored i me conferver la 
,, vie ? Que ne ra'avez-vous 6t6 
yy aufli xruel que ceux qui me 
^, l^avoient donn^ ? En un mot 
r^cat de mon ame aprfes ce triC- 
te encretien ne peut fe ddcrirej 
j'^oisan6antie^ ablm6e dans la 
douleurlaplus profonde: cefut 
cnvain que le fouper , que les 
differens excercices du Couvent 
fonnerent j je n*^eus pas la force 
d*y parokrt : les Religieufes ea 
furent inquietes ^ je feignis une 
indiijpoiition violente* Onmefiir 



mettre au lit , on m'accabk ii 
foins importuns , & je ne trouvaf 
le fecret de m*en d^livrer qu'en 
feignant de fn'abandonner an 
fomraeil. Quel fomraeil , ^ands 
Dieux ! les ombres 6cle Blence 
de la nuit fie firent que i:edou^ 
bier Thorreur du trouble qui 
pofKdoit toute monanie} je nef 
pus fermerroeil , la fiivre la plus 
violente ne me caufa jaftiais unc 
agitation pareille a celleque tous 
mes fens dprouverent^i je pen- 
fois 5 j£ parlois fans ordre & fans 
jfuite: la rapidit6^ ladiverfit6de 
mes r^fl^xions reflembloient au - 
ddlire d*une perfonne dans le 
tranfport. Tantot je me repr6- 
fentois le Comtearm^ de toute 
I'autorit^ que je craignois <|a^ii 
ne ddt prendre fur moi , ufant 
de violence pour m'arracher 



i 



Z) £ C E C I L I. 9f 

ii^nnc recraite qucje ne croyois 
pas un rffmpart aflez s^t coritrc 
Feraportenjenr de fes defleins 8c 
de fes d^firs } taoiot je croyois 
voir le Conamandeur g^miiianc 
de mies informnes^ jTCproicher i 
{on hev£u les outrages qu'il ne 
craignoit point de &ire a fa m6- 
moire, & la barbaric ayee la- 
quelle il ofoit tenter de plongcr 
dans un abirae de d^fordi:e$ une 
fille ma^heureijfe dpnt iLauroit 
4d hrs Pappui, Quelqoefpis ie 
voyois la Coratefle iplor^e jk 
fans force contre la tyrannie 4c 
{on man, eflayer en vain de pie 
Xouftrair.e i foa , injdigne poujr- 
fuite. „ H^las ! m'^crioivje algrs^ 
4e quel ceil va-t*elle mc voir di^- 
formais ? Ne doitrelle pas me 
_ regarder comme un jobftacled 
^ fo.n propre bonbejiNr, OferaTtel- 



i9 



^4 M EMO I KES 

„ le me prot^ger encore ? Pourrt 
^, t*elle me fouffrir ? Mais , me di* 
^, fois-je a moi- meme , le Comte 
^, aura-t*ileu lacruaut6 de luifai- 
-,, re confidence de Pinfamie de 
,) fes priojets ? H61as ! nc doit elle 
,, pas les apprendre de moi-m^ 
,, me. M*eft-il permis de difStrct 
^ a Pen inftruire / 6 Ciel difois-je 
avec tranfport, termine tous 
les malheurs que Tavenir me 
prepare , en terminant ma tri-^ 
^ue , ma douloureufe vie/^ 

Ces reflexions & mille autrcs 
anfli cruelles me conduifirenc 
jufqu'au jour fans me permettre 
un ioftanc de repos. La Maitref* 
fe des Penfionnaires encra daus 
ma chambre j eile me crouva 
dans un abattement fi prodigieux 
qu^eile m*ordonna de refter au 
lie : on me for^a de prendre ua 



^1 



BE Cecils. ^f 

bouillon j j^obeis, & jepruiqu'oa 
melaifsattranquille. J'auroisdd 
fans doute fuccombcr en cctte 
occafion a I'alt^ration qu^unc 
nuic fi cruelle avoit apport^e 4 
ma fant^, fi la force dc l'5g€,& la 
bont6 naturelle de mon temp6^ 
ramcnt ne m'euflent pas foutc-? 
nue. Je ne m'arreterai pas plus 
long - terns fur Ics r^fl^xions ac-^ 
cablantes que je continual de 
£aire s je pafle a un moment qui 
lesfuivit de prcs , & qui me don-? 
na lieu d*en faire de plus con- 
(blantes. On vint interrompre 
mon pr^tendu fomtneil pour me 
dire que Madame Djiclos dtoic 
^ Parloir, & qu'elle auroitfou- 
haiti me voir. Je ne balan^ai 
pas un inftant 3 je m'habillai i la 
hate avec tout cc que je trouvai 
ibusmamain, & je.courus au 



^6 Memoi res 

Parloir. EUe fut efFrayic a motf 
afpe<3: , &c nc put rctenir des cris 
dc furprife qui m'effirayerenc 
moi-m^me. ,, OCiel ! s'^cria- 
» t'«lle , qu^avcz yous done eu , 
M Mademoifeile ? Commevous 
M voila cliangde ! Ce n*eft rien, 
M lui dis - )c , ma chcrc mere : 
«> car je Pappellois toujours aitifi; 
» mais dices-moi promptcment 
ii» des nouvelles de Madame la 
1^ Comteflc : Pavez-vousvuc? 
» Ne la vcrrai- je point aujour* 
>3 d*hui ? \. . . . Elle vient d'en- 
«> voyer chez moi dans le mo- 
i» menc, me r^pondit Madame 
if Duclos ^ & vous allez voir ce 
» qu'elle m'^cric. Mais encor« 
*3 unefois, Mademoifelle, vous 
>3 avcz cu quelque chofe d*ex- 
%9 traordinaire : que s'eft - il paf^ 
^ £6 i Ayez la bont^ de me le 

con-» 



D E Cegix<: 

« fien Non ^ lui dis - je i je vous 
•? afTureque ce n*eft rien. Eh! 
►> par grace ne diffirez plus a me 
►> montrer la lettre de Madame 
»i la Comtefle." Elle me la don- 
na , & je la ius avec pr6cipica-> 
tion. Vcici ce qu'elle contenoit* 
« Jene fais , ma chere Duclos^ 
M ce qui s'eft paflS hier cntre 
w Cecile & mon mari : j'ai fqix 
V qu'il avoit 6t6 la roir j il vienc 
w d^entrer centre fon ordinal-^ 
)> re dans mon apparcemenc , S& 
» m'a d^fendu d'unc fa^on aflez 
» dure de revoir cette pauvrc 
>3 enfant... „AhCiel!jefuis per- 
due, m*6criai-je, en perdantpref* 
que ;tout fentiment} les larmes 
que je verfai en abondance, & 
les difcours de Madame Duclos 
me firent revenir a moi : je ra- 
maflai cette fatale lettre qui 6toic 
Tome I E 



ijHT Me MO IKES 

tbmb^e de mcs mains 5 & prefletf 
par les follicitations de Madame 
Duclos , j^achevai enfin d'y lire 
ce qui fuit. „ Jc nc fai^ ce que Jc 
ft Comte a voulu me faire en* 
It tcndrej il pretend, que la Reli-- 
w gion de Malthe fe plaint qu'on 
13 a fouftrait dcs meubles & 
» des eilets de la fuccefHon du 
H Commandeur , qui lui appar- 
t^ tiennent: je nc puis lecroire. 
•» AUez, je vous prie,voir ma 
H chcrcCeciledemapart} dices- 
H lui qu'clle ne foit inqui^te de 
w rieo, que je ne Pabandonnerai 
w jamais , que j*irai dcs aujour- 
w d'hui au Temple , que j'y ver- 
t> rai M. le Grand Prieur de 
i# Vendome, & que je faurai 
H de quoi ileft queftion. Encore 
99 une fois ordonncz a Cecile de 
o ma part d'etre tranquille : mai^ 



D £ C £ C I L E. ff 

n gr^ la d^fenfe du Comte je la 
>• vcrrai avant qu*il foic peuj 
M t^hez de favoir d'elle la con- 
M verfation qu'ellc cut hicr avcc 
" mon mari : vous le connoi(^ 
M fez, machereDuclos,&vous 
•» vous doutez audi bien que 
u moi des difcours qu*il a pu lui 
>• tenir j jcfuis sure que lapau- 
»> vre enfant en aura 6t6 auffi 
»# afilig6c que furprife : dites - lui 
V bien qu'elle n*a rien a crain- 
u dre, & PajQTurez que je Tai- 
» merai toujours. >> 

« Ah ! ma chere mere , dis-je 
)3 a Madame Duclos en achevant 
» de lire cette lettre , vous me 
M rendez la vie. Helas ! Qu'on 
« m'ote fi Ton veut tous les bien- 
1) faits de mon cher maitre^je ne 
M les regreterai point , puifque 

H Madame la Comteffe veut biea 

E i] 



100 Memoire« 

M me confcrver fon amiti6! " 
Madame Duclos n'eut pas dc 
peine d me raflurer , & a me 
tranquillifer l*cfprit fur cet arti- 
cle : j*en tcnois des gages trop 
pr^cieux pour en douter 5 mai$ 
jc n'6tois pas moins allarm^e 
des perf^cutions que jc pr6- 
voyois devoir avoir a fouHrir 
de la part du Comtc. Je ne crai- 
gnis point de m*ouvrir des indi- 
gnes propofitions qu'il avoit of6 
me faire, & des moyens qu'il 
avoit employ 6s pour me f^duire 5 
»3 mais, ajoutai-je , en m^atten- 
>» drijflant encore fur un fi cruel 
w fouvenir , ce qui me touche le 
w plus, ce que je ne peux lui 
w pardonner , c^eft qu*il ait eu 
>j la noirceur d'attaquer la m6- 
« moire d'un Oncle fi refpeda- 
»> jblc , & de mp foup^onnei: 



D£ CeCiII. 101 

a moi - m6me Ah ! c*eft unc 

>3 fnjure qui m'aecable, & que 
^> je n'aurai jamais la force de 

w fupporter Madame 

Duclos s'emprefla d'cfluyer mes 
Jarmes &de me confoler encore 
fur des foupcjons auffi mal fon- 
d6s : elle m'aflura que la r6pu- 
tation du Commandeur ^toit 
trop bien dcablie , & la fagcfle 
de fes mceurs crop connue pour 
que le Comte y put donner at- 
teinte, quand m^rae il feroic 
aflez indifcret & aflex lache 
pour ofer faire dans le monde 
dc pareilles plaifanteries. ^^Pour 
w ce qui regarde fcs pourfuites 
^3 dont vous femblez ctre allar- 
w m^e, continua-t'elle de me 
» dire, vous lefericzmoins, file 
.» carafteredeMonfieurleCom* 
n te vous ^toit mieux connu. 

nj 



io% Memoikej 

» C^eft Ic plus inconftant de totlK 
M les hommes & le moiris fufcep- 
w tible de paffion : il vous a par- 
M 16 de ropera , parce que c'eft- 
» U fon vrai champ de bataille 5 
M il entretient toujours quelqu^ 
o chanteufe^ mais ce n'eft ja* 
n mais pour long- temps : il 
M paroitaraoureuxdetoutes , il 
M vit avec clles 3 & les facilic^s 
w qu*ii y trouve, I'ont fi bien ac-* 
w coutum6 a ne point rencon?* 
>y trer dobftaclcs a fes defirs, 
w que la plus foible r^fiftance Ic 
w gu6rit aifcmcnt de fcs capri* 
53 ces amoureux. Votrc vertUj 
M Mademoifelle, &lafiert6dc 
>3 vos fentimens , vous feront 
w dans peu raifon de la violen- 
w ce paflag^re des fiens , & bien-* 
w tot il vous laiffcra tranquillc.r 

11 Ah ! ma ciicre mere » luidi^^ 



tt CECiti: To^ 
h je , que vous ealmex i la foist 
M de troubles & d'inqui^tudes I 
fy quel befoin j'avois de vous 
>3 voir ! h61as , je fcroismarte de 
•> douleur fans vous , fans Ics 
M heureufes nouvellcs que vons 
w m^apportez : quelles graces 
» n*ai-je point a vous rendre j 
13 & par oh m'acquiterai-je ja- 
»3 itiais de tout ce que je dois d 
M Madame la Comtefle ? oui , je 
n dois la refpcder , Taimer ^ 
»> I'adorer toute ma vie: ah ! fur- 
•3 toutne la chagrincz point par 
» la peinture de I'^tat oil vous 
>3 m'avez trouv6e : que je fuis 
>j heureufe , d'avoir pd lui fau-* 
cc v6r un fpedacle ll attendrif^ 
>3 fant pour un auffi bon cceur 
» que le fien! allei prompte* 
» mentla voir , ma chere mere i 
\y calmez fes inquietudes comt 

£ IT 



204 «Memoirbs 
M me Yous avez calm6 Ics mien* 
w nes : e'en eft fait , tous mcs 
^» maux fc font ^vanouis 5 af- 
•I furez-la d'une tendrefle , d*une^ 
« reconnoiflance ^ternelles,: 
w Adieu ^ j*ai impatience que. 
w vous mequittiez, & je crois^ 
» ne pouvoir vous envoyer af- 
w fezrtot auprcs d^elle. » 

Madame Duclos me quitta 
cnfin , & je retournaiama cham- 
bre p6n^tr6e des fentimens de 
la plus douce confolacion : tou- 
tes mes compagncs , toute la 
Commimaut6 s*en appcrijurcnt, 
.& toutesme marquerent a Ten- 
vi la joic qu^elles avoient de mc 
trouver fi differ ente de ce qu'el- 
Jes m'avoient vue la veille,& mc- 
me quelques heures avant nos 
communs cxcrcices. Je paflai 
♦out le jour dans cettc heureufc 



Di C EciL e: lajr 
£tuation j j'eus ie bonheur de 
voir Ic lendemain fur Ic foir 
la Comtefle clle-m8mc : j'avois 
cu quelques inquietudes de ne 
recevoir aucune de £es iiouvel- 
Ics i fa pr6fence m'cn d^dom- 
magea , Sc il iui fut aifd de cal« 
mer toutes raes pcines. J'ivite 
d'entrer dans le detail de toutes 
fes bont^s ^ dont elle me donna 
les marques les plus tendres ; je 
dirai feulement qu'elle m'apprit 
dans cet entretien , qu'allarm6e 
par les difcours du Comte fon 
mari , elle aroit 6t6 la veille 
inutilement au Temple , pour 
y voir Monfieur le Grand-Prieur^ 
& qu'elle venoit enfin de Iui faire 
une vifite plus hcureufe : elle me 
dit que Monfieur de Vendome 
avoit 6t6 non feulement furpris 
de ce qu*eile Iui apprenoit , mai$ 

Er 



'i66 Memoires 
qu'il Tavoit afTuree meme que Ic 
Commandeur avoit laifle fcs 
Commanderies en fi bon itat , 
& fes affaires fi rangees , que la 
Religion n'avoit pas feulement 
penf6 a faire les moindres rer 
cherches 3 que d'ailleurs le Com* 
mandeur avoit pu , dc fon vi-. 
vant , difpofcr de fes (^pargnes , 
& de quelques uns de fes meu- 
bles , fans que TOrdre put , oa 
voulut y trouver a redirc : ellc 
ajouta que Monfieur le Grand 
Pricur vouloit m^me me faire 
Thonneur de me voir ^ & qull 
lui avoit demand^ d'y venir avec 
elle. Le Commandeur de Beau* 
bourg lui avoit quelquefois par- 
Id de moi, & je me fouvenois 
de Pavoir vd chez lui dans ma 
premiere enfance. On devinera 
aifdment quelles graces je xetiy 



dis a k Cbmtefle , & quelle fut 
la tendrefle de notre converfa-^ 
tion & de nos adieux : elle fut 
obligee de m*affliger,en m'appre- 
nant qu'elle feroit pcut-ccrc 
quelque terns fans me voir pour 
ne point d^plaiVe a fon mari j 
M mais, ma chere Cecile, ajou- 
w ta-t'elle en mequittant, cer- 
>j te fantaifie lui paflera , & bien- 
» tot je pourrai vous voir fan$ 
« ccntrainte. >» Je fus en efFet 
quelques jours fans avoir de nou- 
velles de ma chere Comteflej 
mais j'avois au fond de mon 
coeur de quoi me confoler de 
cette abfence : Tamiti^ g^n^reu* 
fe & tendre d'une perfonne qui 
m'6toit fi refpedaole , Poccu- 
poit tout entier, &n'y raiifoit 
prefque plus de place au fou- 
venir de mes infortunes. Jene 

E vj 



devois pas en perdre fi*t6t , nf 
trop long-tems ttd^e j elle me 
fut rappcll6e ^ au momeot que 
j'y penfois le moins , dans unc 
vifire que je re^us de Duclos. 
Je croyois qu'il m'apportoit des 
nouvelles de la Comtefle : dans; 
cet efpoir , je pris avec vi- 
vacit6 une lettre qu'il me pr6* 
fentoit J mais quelle devins-je ^ 
quand Tayant ouverte fans y 
faire attention , je m*^apper^us 
qu'ellc ^toit d'une ^criture que 
|e crus reconnoitre pour ccUe du 
Comtc l'>y Quoi, dis-je a Duclos, 
wcette kttre n'eft pas deMa- 
^ dame la Comtefle >.«..^ Non 
» Mademoifelle , me r^pondit 
» Duclos d'^un air-aflez embar- 
» rafl^ elle eft de Monfieur le 
M Comte ^ mais ayez la bont6 de 
» la lixe ; car je fuis charg^ d'e» 



■V, 






De Cecile. lO^ 

» attcndre la r^ponfc. yy AUez 
w dis-je avec indignation en po- 
n fint la lettre fur la tablctte da 
» Parloir fans vouloir la lire , al- 
•„ lez^ reprenez cette lettre j aiTu- 
,, rez bien le Comte que je ne Pai 
point tue ; c'^cft toute la r6pon- 
fe qull aura de moi. Mai? fe 
» peut-il, ajoutai- je\ mon cher 
>3 Duclos, que ce fbit vous qui 
» m'apportiez de pireils billets ? 
n«Aurois-je du m*y attendre i 

» Ah I Duclos ^ont-ce li les 

» foinsqueM. le Gommandeur 
» mourant vous a recommandd 
» de prendre pour moi ?„ Duclos 
refta quelque temps interdit & 
€ins me r6pondre 5 puis voyant 
que je le preflbis encore , il me 
r^pondit enfin de la forte. ;, Ma- 
w demoifelle ^ me dit - il , je n'ai 
>» pas cru m'ecarter des ordre$ 



53 dr feu M. le Commandeur J 
» ni vous d^plaire y en voiis ap- 
»3 portant une lettre de M. fon 
w Neveu. Feu mon maitre m'a 
J3 recommand^ d'avoir foin dc 
w vos affaires, & je fuis tou- 
M jours difpof6 a le faire avec 
•^ le rneme zele que j'avois pour 
w les ficnncs propres. Monfieur 
»» le Comte me charge d:e vous 
♦* rendre une lettre j j'ignord 
^ les raifons que vous pou^z 
♦> avoir pour n'en point reee voir 
M delui, & je ne favois pas que 
w je duife vous ofFenfer , en ob6if- 
w fant aux ordres d*un hofflpie 
J> que je regarderai toujours 
^y commc nion maitre , & qui 
J3 m*a paru vous vouloir beau- 

» coup de bien H61as ! 

w mon clier Duclos , lui dis - je , 
» perfuad^ealors defon innoceu'- 



deCecilb. tit 

'^ ce , je vous dfcmande pardon 
w d'avoir of6 vous foup^onner 
f^ d'etre d'intelligence avec le 
w Comte pour me f^duire. Si 
w vous f^aviez les proportions 
» qu'il ip'a faites , vous ferier 
n moins 6tonn6 de I'liorreur que 
n fa lettrc m*infpire : it ne vous 
w a done point parl6 de fes in- 
w dignes pYojets ?,... Je ne f^ais ^ 
w me r6pondit Duclos avec une 
w confufion qui eommen(ja ^ me 
>3 paroitre fufpede ^M-le Comte 
w nem'a point confi6fesprojetS} 
w il m'a feulement paru dans 
M fes difcotirs n'ctre occup6 
yi que du foin de vous plaire & 
w de vous rendre heureufe : c*eft 

r 

n tout ce qu'il m'a cbarg6 de 
» vous faire entendre •, la lettre, 
» qu'il VOU5 6crit, vous fera con- 
M noitre fans doute^,. Je n'en 
youlus pas entendre davantage ^ 



Ill Memoirej 
je rinterrompis : »3 allez^luid^s- 
w je , en voila plus que je n'en 
» voulois f^avoir j reprcnez cet- 
» te lettre , & la reportez au 
» Comte : fur rout , conrinuai- 
» je en me retirant , ne vous 
w chargez plus a l^avetiir de pa- 
n reilles commiflions , ou ne 
» vous pr^fentez jamais ici pour 
» me voir. Duclos fe retiroit de 
ion c6t6 ^ mais en me difant 
aflezhaut qu'il me laiflbit la let- 
tre du Comte ^ & qu^il ne fe 
chargeroit point de la lui remet- 
tre. En effet , je rentrai fur le 
champ dans le Parloir , & je 
trouvai la lettre ou je I'avois po- 
£6e 5 j'en eus un d^pit que je ne 
puis exprimer : j^etois indign^e 
contre Duclos , je le rcgardai 
dans ee moment comme mon 
plus cruel ennemi 5 je repris 

done cecce fatale kccre > & je 



beCecile. Tij' 

Courus ^ ma chambre dans 
le deflein de Tenvoyer fur le 
champ d Madame la Com- 
tefle de Bcaubourg. Si je difois 
que je ne lus point la lettre du 
Comte , on auroit peine a m*cn 
croire fur ma parole. J'avoue 
done que , foit curiofit6 fimple ^ 
foit la crainte que j'cus qu^elle 
ne continc peut-etre des chofes 
aufquelles j'aurois dd moi-me- 
me pourvoir , je crus d'autant 
mieux la pouvoir lire fans fcru- 
pule , qu'elle 6toit d^ja ouverte , 
que j'^tois feule , 8c que perfon- 
ne au moins ne feroit en 6tat de 
me reprocher un mouvement de 
curiofit^que je croyois aflez juf- 
ftifi^ par mes autres id6es. Voici 
a peu prcs ce que je trouvai dans 
cette lettre ^ je m*cn fouviens 
encore aflez pour pouvpir en 



Sl4 MfiMOIHE* 

rcndre compte. Elle commeflfi 
^.oitainfi. 

w Je ne doutepas^Mademoi-* 
*j felle 5 que depixis le jour que 
%> je vous ai vue , vous n*ayet 
» fait des reflexions fur ce que 
ii je vous ai propolHj il feroir 
>3 bien extraordinaire qu'a votre 
w age , & fur tout avadcee com- 
5> me vousPctes,avecde J*efpric 
i>5 & du gout , vous pref(6rafliet 
w Ja vie trifte & ennuyeufe dii 
» Couvent a celle que mes foins 
^3 & ma tendrefle peavent vous 
13 procurer : car enfin je vous ca- 
5> cherois inutilement que je vous 
w aime y la feule complaifance 
w que mon amour exige de vous, 
j> c'eft que vous confentiez a ef* 
wfayer pendant quinze jours feu- 
w lenient de P6tat ou je veux 

t» vous mettre daiis le monde^ 




^3 & des innocens plaifirs que je 
» me promets de vous y donner. 
M Je vous I'ai die : vous fercx 
H maitrefle de votre coeur & de 
» vous-mcme 5 & je vous donne 
M encore ici ma parole d'hon- 
M neur , que je vous ramenerai 
w moi meme dans votre Cou-- 
» vent , ou dans un autre , s'il 
w arrive que vous ne vous plai- 
wfiezpas aux chofes qui feront, 
^5 croyez-moi, bien-tot le bon- 
M heur de votre vie. >> 

Toute cette lettre 6toit rem- 
plie de mille autres details , qui 
tous tendoient a me f6duire & 
a corrompre mon coeur , j'eus Ic 
bonheur d'y etre infenfible. Mais 
ce qui m*afBigea d'une fa^on 
bien cruelle , ce fut la fin dc 
cette lettre. Le Comte^ apr^s 
avoir employ^ tout fon art povur 



ii6 Mbmoiri* 
jne perfuader de confentir aux 
arrangemens qu'il difoit avoir 
d6ja pris , terminoit cnfin fa loEk 
gue 6pitre , en m'avertiflant ^ di- 
foit-il encore avec bont6^qucfi 
je continuois dc refufer fe$ of- 
fres, je ne devrois point etre 
furprife , s'il obligeoit la Com- 
teffe fon ^poufe a me rctirer 
toutes fes bont^s. Cetce menace • 
me fit trembler: wh61as ! me di- 
w fois-Je a moi-meme , que pour- 
» ra faire ma chere Comtefle ,ii 
w le Comte perfifte a vouloir me 
>^ priver de les foins g^n^reux ? 
w EUe m^abandonnera done? 
>3 pourra-t-elle s*en d^fendrc? 
M ne fuis-je done n6c que pour 
j> 6prouver tous les jours de ma 
>3 vie, de nouveaux malheurs ? « 
Puis r6fl6chiflant fur le deflein oA 
j'^tois d'envoyer i la Comteflfe 



DE CbCILB. 117 

k lettre de fon mari , je trem- 
blai que cette lettre elle mSme 
ne tit fur elle plus d'eifetque ies 
»> d^fenfcs du Comtc, » II n'im- 
w portc , repris-je fur le champ : 
w je dois cette nddlitd a fa ten- 
i> dreffe , & plus encore i la v^- 
w rit6 J elle nc me rcprochera 
M pas du moins de lui avoir fait 
»> un myft^re dcs fentimens du 
w Comte pour moi, ni du nou- 
V vel obftacl^ qu'il pretend mpt- 
w treafesbontds.j* Cette penf^e 
me fit prendre mon parti fur le 
champ 5 j* 6crivis moi-meme a la 
Comtefle a peu prfes dans ces 
termes ^ en lui renvoyant la let- 
tre defon mari, . . . >» Madame. . .^ 
3j je ne crois pas devoir diiF6rer 
w un inftant a vous renvoy er una 
» lettre que je viens de recevoir 
« 4e M, le Comte J je i'ai d^cjM 



i 1 ? M E M O I K E S 

>» chet6c , croyant qu'elle vcnoif 
» de vous: c'eft Duclos qui mc 
>3 l*a rendue. J'aurai I'honneur 
•> de vous inftruire du motif qui 
^ m*a portee a la lire , fi mes 
« malheurs & la cruaut6 de M. 
« le Comte ne me privent pas 
i> pour toujours de la feule con- 
»> folation qui me refte fur la 
M terre. H61as ! Madame , c'eft 
i» Tunique perte qui puifle de- 
li forrtiais nie faire trembler. >* 

Jc priai uneTourriere de por- 
ter ce pacquet aMadame la Com- 
tefle de Beaubourg , & de tacher 
de le lui rendre en main propre : 
ma commiflion fut faite avec 
cxa<3:itude 5 la Tourriere me rap- 
porta ce petit billet de la Com^ 
teiTe. 

w RaiTure-toi , ma chere en- 
fi fant , rien ne fera capable dc 



DE CeCI LI. tr$ 

*i m*empccher de t'aimer & de te 
^d voir meme : je fuis ob]ig6e de 
>3 fortir dans ' Ic moment avec 
^3 mon petit Chevalier 3 ce qui 
^ m'oblige a ne t'^crire qu*un 
w motsmais fur-tout, au nom 
M de Tamitid que j'ai pour toi^ 
M fois tranquille, &c nc crain$ 
M rien. >> 

. La plus legere marque d'ami- 
ti6 de la Comteflc avoir le pou^ 
voir de remettre mon ame^ de 
fi tendres afTurances ne pouvoient 
manquer d'y produire leur efFet, 
& je ne fus pas long-tems fans 
feprouver encore d'une manierc 
plus fenfible, combien fes bon- 
ces 6toient un fur remede pour 
Iz tranquillity de mon cceur : il 
y avoir a peine trois heures que 
j'avois re<ju fon billet , qu*on vine 
qi'^v^rtir qu'elle 6toit au parloir i 



iio Memoikes^ 
je m*y rcndis en diligence : aprls 
les premiers t^rfioignages de fon 
amiti6&de ma reconnoiflance^ 
3e lui dis : » En v6rk6 , Madame y 
M je ne m'attendois pas a Thon- 
wneurde vousvoir aujourd'huiJ 
M & lorfqu*on m*a appris que 
^3 vous 6tiez ici , comme vous 
yy avez eu la bonc6 de m*6crire 
»• que vous ^tiei fortie avec M. 
y> le Chevalier , j*ai cru que jc 
>3 le trouverois ici avec vous... ♦ 
M Tu avois done en vie de le voir, 
>3 ma cliere Cecile , me dit la 
» Comtefle...?Oui , Madame , lui 
M r6pondis-je avec franchife 3 je 
M f^ais qu*il 6toit le bieil-aim6 
w de M. le Commandeur mon 
w cher bienfisiiteur , & je vous 
9y avoue que je I'aime d6ja fans 

M le connoitre S'il eft ainfi ^ 

j^interrompit la Comtefle enhauf- 

fant 



tT b C e c i-i e. iVt^ 
mnt le ton de fa voix, « paroijp-f 
>» fez done , M. le Chevalier , ve-^^ 
>» nez remercier -Madenioifelle : 
ji, des bons -fentimens qa'elle a; 
,, deja concjus pour voiis.c<Le Cb^^: 
valier entra 3 je demeurarcon-? 
ftife de ce que je venois de dire- 
a la Comtefle 5 je ne m'apper^Us: 
pasqu'il 6toit aufli d^contenanc^ ' 
que moi. La Comtefle qui ^toic? 
plus en ^tat de nous obferver,v- 
fe prit a rire. y, Eh quoi ! mo»: 
jVfrc-re, dit-elle au Chevalier j: 
vous voila demeur6 : n'avez-. 
vous pa^ entendu tout ce <jue-^ 
Mademoifellevientde-me dire?: 
tfavez-vous rien a lui rdpon^: 

dre ? ExGuiez - moi , Ma-: 

,, dame, r^pricle Chevalier, d'un- 
3, air timide'C j*ai bien entendu* 
y, ce que Mademoifelle a eu la- 
^', feont^ de dire 5 8c-q^uoiquet' 
Tome /. F 



5) 
9> 



n 

51 



>2 

»1 



J 11, MeMOIvILB:« 

^, je ne doive fes bons fentimcn? 
^ qia'a la m^moire de mon cher 
oncle , jp ne lui en fuis pas 
moins oblig6. . . . £t vous ^ raa 
chcre Cecile. cbntinualaCom- 
teflfe, en s'adreflaht a moi. 
,^ fi^avez-vQus bicn que vpus cks 
,, auffi embarraiTeeque lui,.... 
Je vous demande pardon, JMa- 
dame, liii r6pondiV-je: vous nVa- 
^j vez trompee •, je ne crqyois pis 
,5 que M. le CBevalier put eii- 
„ tendre ce que j'avois I'hon- 
yy near de yous dire ^^ n*aurois 
,, pas pris la libertd de parlor 
comme 'f^i fait ;Vous ices de 
finguliers enfans , j>ourfuivit la 
Comtefle , vous voila auffi. trou- 
bl6s Pun & rauue.que s*il dtoit 
queftion entfe vous de quel- 
,, que chofe de fo^f imporfant: 
„ remettez-vojus , mes ,^l;ie;r« jjp- 



^1 



1>B CEGlLEr '1^1^ 

5^ fans ^&: que vQtre con^ioUrati-. 
5, ce ftimc ua peu moins f6- 
,, rieufement j je veux que le Che-, 
^, vaiier foit mon confident :il. 
,, f§ait Ics petitjBS;ti:acafl^rie$ que, 
,, j*ai eue;5 i^iton fujec a,vec foi^^ 
^, frere ;, il faudra bie^ qu'il 
^ vienne qiielquefois^te voir pour 
^y moi , qu'il c'apporte n>es iet^ 
,, tres , & roe reaUe t;es r^ponfes : 
^ je crqij qull nc fera pmat fa^ 
,^ chiSdenpuS:abligiBr ainfi toutesf 
y^ deux, • . . ,01v ! pQux: xqla non^, 
31, ma chere fijeur , rep^it vive- 
„ ment Ig Chevalier^ en embraf-/ 
^ fant la ConacefTe avjEc tranf-. 
,, port jj, j> v-Qus aflTure que ^ftfuiS) 
y blen facii6 que nion freit^ veuil^ 
^ledonnerdu chagrin a Made-^ 
^, moifeIle.,.^,.Voas voyq^ , .n>* 
^ diere Cecile , ajputa la.Cona-* 
,^tefle, que le Cjaj?valier a uai 



.J . 

V 

55 



•iSx^^r M £ MO IK E5 

,, bo«i coeur 5 je i^etix! qtie v< 
j^ ^'^f lilies , que vans lui cfonn 
yydc bohs confers ijl n'a 
j^re^u dans la Province upe 6 
,'y cation auffi Bbrine queli vot 
mais il eft docile , & je 3 
fare qii-il fe rendr^ digne 
,; votre amiti6 i& de vds^ foiri 
L€ Chevalier, par la vivacit^ a 
la^juelle il s'emprefloit toujo 
a -rdpondre, m^aidoit a cac 
une partie de .mon; embarrj 
jjavois ^t6 fi fur^rife de le v 
au niomejit qiie je ne nr^y ' 
tendofs plus ,^ que j^av6is pe 
a me remettre : ' je piris cep 
dant quelque eiB^irt'fur moi 
des qu*il tut iiffiii^ fa foeur d< 
docifit^ qu^illi^pNorteroiC a. fiii 
mfes c6nfeits,fe^risenfinla 
. role. 33 'Madame t, dis-je a nr 
ti'tour ^ ce {om vok avii , ce f< 

1 '^ 



^BE CECIlrl. Mi- J 

tjf5.^y0s exemples que M, Je Chc- 

] >3 yiliier dpic ifuivre j il e^ en tFop 

w bonne^mi^m, y pour cherchcyr^a 

^>5"s'inftrulre UUleuirs de £es de- 

^j^Vpirs: c'eff le meilleur confoil 

, >i que |e puifle jamais lui donner, 

">> r*&\c'eft le jTeuI due j^oferai ia- 

>5 mais jofie der^ettre, • . ^ J? le 

w fuivrai- biei> volontiers .Aladc- 

* >> mpffelTe yji'eprit encore le Ch^- 
^33 yalier ayec urie vivacit6 qui kii 
1 53 (§coit'natureIl6 , »> &^ je vous pro- 
*: j^ mcjts de me , copfor-mer ^ potir 

* >i vpufs^p^ire ., a tovir ce; queyow s 

* ii aurez la bonte.^e me prefcri- 
">3 re.^« Je rie 'cbiicevois point pour- 
'<^uof cette coriverfition ipe g^- 
•fioits je cbefcKai a la fairc finir 
jiix partant^ a la Comtefle de Ja 
"conftance de fon mart a me pei- 
\i(Scuter , des craintes que fes 
«)aaenacesm'irifpiroient,malgr6 l^s 



•^ 



dflurances qu'elle avoit la bonti 

de me donner : elte me les renou- 

vella d'une facon bieft uropre a 

remettre rout-a-fait le calme dans 

mon ame s elle me confeilla me- 

' me , au cas cj^ae le Comce rcvint 

encore a la cliarge , dti' par lui- 

mcme ; on par ifes j^irifj&aires , de 

* hii dire , ou de lul dcrke ,. sli en jn 

^toit befoirt , pouc lui faire perdre 

toute efp6rance , que j*avois pris 

h rdilutioDt de me dotiner toute 

entiere i Dicu , en faifiint profeF- 

' fion dans tme Maifon Ileligieuie^ 

„ Ma cherefoeur, au'iiibins, ditle 

^, Chevalier, c*eft feiilement pour 

>> le faire croire a ftion fxere* 

>3 N-eft-cc p^s r\ ^. .Oui, Cheva- 

•w Her, repirk la Cdnateffe : eft-ce 

' »^ que vous feriezi fach^ que Ce- 

^ cile fut Religieufe ? AfTur^ment, 

» r6pondit il^^ce feroitdommage, 



I 

i 



55 



1>1S CXCILE. 127 

Je ne pm m'empecher de rire 
de cettefailUe 5 mais je lui dis en 
reprenant mon f^rieux : w Je Ic 
>> feraLpourtant , M. le Chevalier, 
w & c'eft It feur ^tat qui me con- 
w vienne. Noa , Mademoifelle , 
» vous nS le fercz paint , reprit il 
^; avec cblefe 5 eii prenant la grille 
defes deux main^, n j'arrache- 
rois plutot cetce ^ilainegrille-ia. 
La Conuefle rrc a fon 'tom-., & fe 
leva pour fe retirer^^eti' me Ai-r 
fant : 5, adieu, ma chere Gecile ^ 
„ VDus yoyez c^iie mon petiffrere 
5,^ eft bien fol , il fkic qtie* vous 
y^ me lerendiez plus fage 5 adieu : 
,, allori^'. Chevalier, cc II ft tua dc 
dire qu*it n'iSccjit' pas tard , fa "pc* 
tice reraontrance fut inutile j je 
biifi» la main de la Comtefie$ 
il VGulut ie faifir de la miennej 
anais je la retirai , & la Comtefle 

PlUJ 



ri8 Memoir^es 
arracha enfin le Chevalier Sx 
parloir : j'y reftai quelque terns 
fcule contre nlon^©r<linaire,com* 
xne ii j'avois pu les fuiyre des 
yeuy i je fus furprife de • me trou- > 
ver dans cette ikuation. w Oh! 
/ j> ma chere ComtefTe,. dis-je 
>i tout haut, quefai de peine 
• n aujourd'hui a quitter les lieujc 
. «• ou je vous ai vuernon, ja- 
' w mais vetre aiiiiti^ ne m*a pd- 
« ra fi tendre. Que le Gheva- 
^y liar de Beaubourg eft heu-» 
n reux , I continuois-je en moi-n 
w- mSnie^d*iavoir une feeur coni- 
M? me vous I II foudroittju'il fut 
>5 bjcn iftalheureufement n6 , fi 
. w avec les leeours qu'il dbic 

». trouver aupres de vous^ il ne 
^ n devenoit pas le plus honnece 
, » homme du monde 5 tnais qia* 
,, » dis-je ! repreoois - je fuiv jl(. 



,^ champ J ou peut on rencoii- 

^i trer un plus heureux naturel ? 

^> II a le cdeur excellent' Tef- 

>V pric yif ^ & je fuis fure qiiH 

" ra jiifte. Pour les graces de 

/>i fa pcrfonne, fa tailleVfi fi- 

>i gure , fes traits , tout cela me 

] >» paroit accompli. I^ourquoile 

^ w Commahdeur n'a-t-il pas cu' 

>i la corifolatioh d'e le voir ? U 

^'^3 I'auroit encore aim6 davan- 

^ »> tage , ^ je ne fuis point fiiir- 

fw prife. des fentimehs que' la 

M ConitefTe a pour lui j ilfatic 

^ "' avotier qu*il eft bien dig-'nede 

-A fa tendrefle. " Telles 6toieht 

^ rhes pehf6es , tahdis que^ je rfc- 

' tburnois a rria cha'mbre , & Ibng- 

tems nieme apres que fy fus en-* 

tree : j'ign^rois albrsquel poifdn 

^ de fi douces, mais de fi dangib- 

\ re-ufes id^es portbient avec e%s ^ 



130 Memo I RES . 
dans inon ame. Je ire craigtiois 
point de m'y livrer: je pafTai 
toute la nuit a m*en occuper} 
mes fens s'agiterenr, je ne pus 
fermer roeil^^ j'attfibuai de la 
meilleurefoi du monde tnon in- 
fomnie au piaifir d'avoir vu la 
ComteiTe^SC d'avoir apptis d'elle* 
mSme que je n'ivois rien a crain- 
dre de la part de fon niari : je 
ne d^couvris point alors , je ne 
fbup^onnai pas m(Bme ce qui ft 
paitoit en moi ^ j.e n'avpis jamais 
eu de fentiment pour qui que 
ce foit, qui eut eu aucun rap- 
port avec ccijx dont je me fen- 
tois p^netrer , fans chercher 
mcme a m'en d^fendre. La fe-* 
crette apprpbation , que mon 
€ceur donnoit a toutes les qua- 
lit^s que je voyoi^ dans le Che- 
yalier ^ me paroiilbit un ade de 



DE CeCILEI 731 

fimple jufticer Loin de me re- 
procher d*y faire une attention 
trop fuivie, jem'y abdndonnois 
avec un fecret plaifir f & ce 
pjaifir je le regardois comme 
TefFet que devoient produire n6- 
cteflairement iHnnoccnce- & la 
Tcrtu fur les ames vertueufes. 

II y avoit deux jours que je 
riie nourriffois de ces Idt^es ; je 
les avois pafTes fans voir la Corn- 
tfeffe , & j'attendois ce rriomertc 
avec plus d'impatience que ja- 
mais ., fans doute parce- que 
j'imaginois que le Ghevalier de- 
voit toujours radcompagncrdans 
ks vifites que je- recevois d*elle : 

• on vint m*avertir que mon max- 
.tre a chanter ^oit au parloir^ 
)*y allai dans Petat n6glig6 ou 
j^avois coatume d'etre le ma- 

' tin J mais je fus furprifc d'y 

F vj 



y 



I>2 ^EMOIR^EJ 

ti-ouven une perfonne qvii nV^- 
toit toutra-fait ^trangere. C'S- 
toit un. homme d*une uaille a 
peu pres ^gale^ a celle de M. 
Cliopelet ,,mon Mairre,,d'une 

. belle figure \ je trouvai dans liai 
Tair de politefle des gens du 
grand, monde. : il me. nt beaa- 

r coup. de. complimens qui m*erh- 
barrailbient autant que fa prefen- 

. ce inapin6e 3 mais entin m'ayaat 
dit qu*il venoit de la part de M. 

. Ghopelet,qui ^jcoircincommod^, 
& que je n'avois pas vu eneffet 

^ depuisquelqiiesjpurs', je me mis 
a mon clavecin , & me pr^parai 
a chanter un Motet deCampra; 

. je I'avois. a. peine commence , 
que ce Monfieur me dit r*c Ma- 
M dcmoifelle^ voila une voix ad- 
>5.mirab]e s mais je ferois bicn 
>9xurieux.de yous^entendre chan- 



■k V 



^^ terquelxjue chofe d'un Opera,: 
yi Ci vous aviez Acis , par exerti- 
w ple/je heferois pasfache cfe 
9^ voir comnienc vous chante- 
>^ riez unefcene ; & quoique jp 
>i n'aye point *de voix , je la 
>3 chanterois avec vous. '' J'avois 
Atis, 8c je le mis dfevant moi3 
nous en chantames enfemble 
deux fcencs des plus tendres : 
je" ne parfe point de 14 voix de 

; ce pr^tehdu M^itre*, mais je trou- 
vai uri godt & une expreflion 
fin guliere dans foncRantsil me 
parut content & me loua-beaix- 
coup 3 pms , n6glig(fant de coia- 
tJnuer Ik lecjon ,4l me deman- 
da, apres quelques autres diC- 
cours, s'il etoit bien vrai que 
yeufle deffein d'entrer a l'Op6ra. 
yi Moi, Mbnficur , lui dis-j?: 

^-non afTur^irient. Eft-ce q^ue 



,♦ ,r 



» M. Cliopelet'auroit eu cette- 
»* id^e de moi ? ...... . r Non ,^ 

>5 Mademoifelle , -cofitinua-t-il^. 
>v ce n*eft point M. Chopelet qui 
" m'a parl6 \ ce n*eft meme pay* 
>5'lui qui m'a fait venir id, je 
M fuis obiig6 de lui fcndre cette- 
ri juftice : c'eft M. le Coftite de- 
w Beaubourg: qui m'a parl6 de 
»'vous , & qui ni'a engage 4> 
» vous voir. ^ Ah ! Monfieur," 
53 lui r6jpondis-je , je vous prie; 
« de ne pas^ le croire.. . . ; IJai^ 

55'gnexi m'^couter , Mademoi- 
3>'lelle V reprit-il en m'interrom^ 
M pant>5 je commence par vous- 
>5 demander fin c6rement pardon • 
53 de la libert6 que j'ai prife 5 je* 
^ivois que le Gomte' s'eft trom-' 
« p6 & qu'il m'a trompe moi- 
^j -nieme : Non , Mademoifelle^/ 
P^ b^ien loin dc> vous engager k^ 



^^- prendre un p^rtf qui vous con^ 
,, vient ii peu ^ je ferois le pre- 
5f mier a yous en detourher , & 
55 je puis vous aflurer que le- 
„ Comte n'aura- p^s lieu de ih 
55 louer de la d^marciie qu'ii m'a^^^^ 
55 forc6 de faire. J,e remerciois 
cet honh^te Monlieur de fa fa- 
^on de penfer, lorfque la Coni- • 
^fle entra dans lepiarloir. w Je ne - 
« t'interromperai pas longtems^ * 
5, ma chere Cedle,dit-elleen s'a- 
dreflant A rnoi , puis s'appcrce* 
vant tout^a coup, que j'6t6is en ' 
Gompagnie :»«QuQi i Monfieur de> 
^y Francine ici i to'ntinua-c elle , ^ 
>> quelle eft ma furprife i venez- 
M vous auffi 5, Monfi6ur pour 
55 m*enlever ma filie ^ Non , Ma-' 
5r dame ^ r^pondit - il , avec 
u route la polit^ffe imaginable j^- 
w ](?. viens au conrraire a foa 



jy6 Memo I RES. 
'^ fecoifrs ; Mademoir^lle f(^aif 
>jr ce que je viens de lui'dire^ 
w Monfieur le iCamte votre 
^i ^poux' m'eri a fait accroiref) 
>> mais ^. Madarfie , [e ri'ai pas 
w pris Is chang*c tfn inftant , & 
M du moment que I'ai vu^ cetife 
ji^aimable'Demoifelle , j'ai feii- 

* •' ti quell&n'^toit pa's faite pour 
5i' nous : elle gateroic , dit-il eh 

■ ji plaifantaht , route notre Aca- 
5j d^mie...... Ah ] Monfieur , re* 

^ '5 pnt la CoriitefTe^ loignel- 
« vous done a nous , pour faire 
53 cefler une p&rf6cution qiii 
« n'aura d'autre fucces que rfe 
yi tourme'nter cette pauvre eii- 
w fanr: je Ta coh'nois , c*eft en 
w vairf que le Conitfe cherch'e 

„' a la feduire. Madame',/ 

5^ dit M. de Francine, en fe vt-^ 
,i tirant V je faishonteux qt(fr' 



m. ' 

55 
55 
55 



TTE Cicirfis,. >37 

v^ite m'ayez renccftitr^ id }• 

mais je n'y feraipas venuen 

vain\je querellerai^comme i\ 

faut M. leComtc y je vous Qa 

r^pons-y & j-aurai du iiipias 

y, le plaiflr'de- dire a Made- 

5^ moifelle en votre pr6fence, 

.^y que c'eA fur un plas grand 

.,^ theatre que le notre ^ qu'el^ 

:,y doit f aire briller & fes talens 

-,i^ & fes vertus. ^* U n6us quittja 

: Cnfin. „ Eh bien, Madame^ dis-jp 

: jj a laCprntefle^^vouslevpyez, 

. ,; M. leComte nc ce'ffe de mp 

^,y perf6cuter...Je nefuis pas fi^- 

c ^; chi^e de cette petite avinture, 

55. maebereCecile , dw la Com- 

»i^ tefle, j*efpere qub- ce fera la 

. 55' derniere. M. de Erancine fcx^ 

. 55 fach6 d'avoir 6t6 furpris ici pajr 

-55 moiije leconnois, il tancera 

4iitmen mari dela J}onne{fa^9^ 



5? 

95 



,; pour Pavoir e3Cjpof6 ^#cette 
^, avantttre', fit je iuis perfuad^e 
55 qu'il fe jfera ira point d'hon- 
neurde li^ faire entendre rai- 
fon. ' Peffonne' n'eH eft plus 
capable, le* Comte pafle avec 
55 lui prefque tous les jours de 
^5 fa vie,& bientot fl toumera 
55^ fes vif^es ■ ailleuTs. Mais , ma 
,5 chere enfant 5 je ii^ai pas la 
^, terns de m*arr€ter ici davan- 
53' tage'5 je pars a?vec le Gomte 
,/ moff mari pour Verlailles j 
,:5f'noas^ devcais y ctrc fept i 
yi huit jours :j'aipicrmis au<^lie- 
,5 vaHer 5 qui refte a li^aris , dc 
,5 venir ti voir une oti cfecrx fois 
V pendant mon abfence 5 -je lui 
,5 ecririi , &iui enverrai de mes 
^5' nouvelles pouir toi , quHi^ra 
,5 ciiarhid de terendrc lui-^me- 
^'>me< je tt/dirai firancliemeae 



He Cbcile. 13? 
*^ que je crois que cu lui tourneS' 
"^1 la t&te \ depuAs qu*il ^a vile > 

• ,^ il ne ceffc de ^ me parler de 
,j toi, & vdudroit venfr ki a 

^^- tout moment. LeComtea fait 
j^ delDuclos une efpece de gou- 
,, verrieur 5 il I'a mis aupres de 
-,> foil -frere y pour veiller fur fa 
'5^ conduite : Duclos eft un hon- 
^y nete garijotij il m^a bien fait 
5, des extufes de la (rommiffidn 
dorit iF^ s^^toitr charg6 pour 
5^ toi, & ^e me flate qall ie 

• 5^ cxMn|^rte^ra defotmais pkks fk- 
f 5, g6fnerrt a ton 6gard. Adieu ^ 

• 5^ j'ai voulu t'appfendre mbi-m^- 
:,, me t6utes ces chofes ay ant 

„ mbn depart: i^ J*cus a peine le 
•tfems de niarquer ma recDnnbif- 
Jince a ma chere Comtefle jelle 
p^rtit, & me laifTa^eh mequit- 
r^ttyat- mattcre- i de nouvellcs 



;n 



.140 -MEfs/LCTKEff 

.rMdxions. -De tout ce qu'ellp 
m'avQit die avcc cant de pr6ci- 

. pi ration , rien ne m'ayoic frag- 
p6 , comme-.ce qii'elle ni'avoic 

appris du ChievaHer. ....•• ^ •• 

. w Quoi I . . .\.mQ^ dis je aiors; . .,. 

>3 le Chevalier a; done penfS 

» d rhoi dans le terns q^j'e- 

»« tois moi-m^e occupde i 

^3 penfcralui? Ceproc6d6 juf- 

»> tifie bien le jugemeritquej'eii 

r 13 ai fait : oh ! je fuis bien fure\ 

< ,; me difois- je , que pour lui 11 

. ii ne me confeillera pas d- eri- 

M trer a I'Op^ra i - je fuis faeU^e ^ 

continuois-je^que Madarrie 

V »3 la Comtefle ne I'aft pas anient 

.>3 avec e4Je5 je fuis perfuadife 

>i qu'il ne tardera pias a^nrie vf- 

. >3 nir voir. ^' Par dc telles penf^es 

. & mille autres de la meme n^-* 

ttere qni fe fucc^doient ra^t 



r » * 



tiemcnt , & que je formois avec* 
t^oute riqnocence'poflible , mon' 
cgeur s'cuvroit fans que je fe' 
fcufle A ia plus dangfereufe de- 
tbutes les riailion^: ae combien 



d int^ui^tudes &; de iourmeps^ 
m'^i- t^ellefait e6mir dans la fiii-' 



tei &de combien de maux nq' 
devoic ielle point ctrepour moi^ 
la fourie , fi le fore' n'aroic enfia ' 
p^rftiii ''(ja'qlle ev\c vn fuccc§', 
pliis hfiureu^^ que je' ne devois^ 
laintiais me le prpmcttre ! 

• , _ . * . 

'^ ^ fus deuX jours entiers fans' 
erkendre pairler ni du Cheva- 
ficr'm de la Confite^evie ne dif- 
finiuley ^ai ^^ipSInt que ma patieii- 
ce cipmrrtenfcoiit d .^tre a bout/ 
^"^ Eh v^J^te , difois - je , M Coni-^ 
^, teirefe^fooque t'elle? EUefait 
^V <jueHes"foht^i6es inqui^tiKle* 



^^ fur fa i^t^, fur foil voyagfel 
^, le Chevaliei; nedcvroic - il pai! 
,, etre _d6ja venu de .fa part;? 
5, Elle me difojt que je lui fai- 
^, fois ,tQurni?r la t^te^ .^ jc 
w fuis fare qu'il n'en eft rien^ 
M S*il avok tant d^nvip dc rac 
^ voir^ ^ui pourrok I'en em- 
M p^cher^ puifque fafqeur le lui 
M a permis? Nedoit il paspen^ 
H fer que j'en ferai <j3ien, aiie. 
ij mqi-H^eme;.^ \Ah,] j'ai^rdu , 
V difojis-]e encore^ lai^uleper- 
» fcmnc quira'aimoit au mon- 
*3 de,, & jc ne retroiiverai ja- 
w m^is une amiti6 fi teadi^e eu 
M qui que cefoit^puifque leChe- 
w yidier de 3s?,aiibwrgrn*pn ^|k 
n pas x:apable. >^ l^^^^n^ 
inain 4u 4^parjG de 1^, Corn- 
^ef& tkoit d^ja iFort avaiic6^ jSr 

ie jddfefp6joi3 4e voir ic Cl^e- 



Valfer pendant Tabfence <le M^- 
xlame fa foeiir. lorfqu'on vixit 
lii^ayertir qu'on jjie demapdoic 
^u Parloir. Je crqyois ne pouvoir 
aflei.jcqt m'y rendrej maisjefqis. 
^tonn^e de me trouvcr agicee &c 
ii tremblante , que j'avois preiF•^ 
que peine a^nie foutenir. J'arri- 
^ai ccpendanc en fa pr^fence,: 
je penfois qu'clle dat me renie?- 
tre y mais la vue ^u Gfaevalier 
ne fit qu'augmentcr Pagitatiojn 
de mes fenis-, eUe fat^telle que^ 
j^avois a peine la force de par- 
en Le Chevalier que j*avoji5 
trouv6 quelques jojjrs ay ant ,|i 
vif ^ me parut en ce moment 
auffi timide tc auffi embarraft^. 
que moi. Puclps^quiraccompa-^ 
gnoit , fut obligd d^ me ppi'ter' 
pour lui ia parole yH nie dit qW 
Monjfi(;ar.leCJiey alier 4i:oit:^^i^ 



1 



; j* '> ;v •:' • «^ V - t^ 



' ... -^ ' 

^^ , 'Me MO ML ms* 
:e de me rendre une lettre dc' 
Madame la ComtefTe rle Cheva- 
lier 6toic fi trouble , qu'il laijia 

• torn ber.cetce lettre eii voulaat 
riie la pr^fenter 5 il s-empreila 
d^e la ramaffer , & trie dit eniiB 
tfn me I'ofFrant, qtfil avoit-6t6- 
fort inquiet de ma fante depuis; 
cfu-ilne m'a'vok vue : le lui fis* 
line reponfe de la rtieiiie valeur 

' apeu pres,&: le remerciade s'etre 

• charg^ lui-meme de me rendre la 
lettre de Madame fa foeur. Javois 
fans doute bien de I'eitiprefle;- 
rnent a lalire 3 mais ce fut moios 
ce fentiment queienvie de ca- 
cher un d^ordre que je ne favois 
arquoi artribiier, qui me fit lui 
tn demander la permiflion. Je 
me retirai pour Cela presd'une 
jfen^tre aflez iloighee de la grille. 
& je lifais la lettre de k'Com- 

teife 



P E C E C I L E. 14 J 

tefle d-unefa§onii diftraite^qu'a 
chaque ligae f^cois obiig6e de 
f ecomiiiencer ; mon attentioa 
^toit partag^c fort in6galement 
cntre nia lettre & la con verfa- 
tion que le Chevalier & Duclos 
cetloient enfemble a bade voix : 
j*entendis ce dernier reprocher 
au Chevalier fon air timide 8c 
embarrafK. „ Quoi^luidifoit-il , 
^> Monfieur, vous aviez tant 
» d'impatience de voir Made- 
>> moifelle Cecile , & vous ne 
« lui dices pas un mot i Que vou- 
^y lez vOUs qu'elle penfe ? Je ne 
w fais plus que lui dire , ripon- 
M die le Chevalier : que ne fai- 
>9 tes - vpus jcomme ma foeur ? 

w Elle la- faifoic parlerV cela 
M m'anlmoir. „ Duclos lui re- 
pr6fentbit encore que c'^toit a 
Uii a lier converfation av^c moi ^ 
Tome I. G 



J^' i*j 



\ 




r4(> Memo I RE 5 
qu'il ne fcbftVenoit pas (ju'uh do- 
meftique prit c:e|:te libertc en fa 
jjrefefic^ y puis il ajputa :^,* Que 
•5 ieviemlrez-vous done pen* 
M danc que vous allez etre feul 
>j avec Mademoifelle Cecilq ? 
>^ Vous favez que j'ai une com- 
M nfiffioni faire dans ce quar- 
» tier pour Madame votre foeur: 
3^^ vous allez done refter la com- 
» nie une ftatue ? Ah ! reprit vi- 
)3 vement le Chevalier, men 
9S cherDuclbs, menez-moi je 
M vous prie avec vous. , • . ,^ Ces 
deriiiers mots que je ne fis au- 
cun femblanc d'avoir entendus, 
m'arracherent a ma lecture \ 
quoique je ne Teufle encore fait^ 
qu'im parfaitemen t. Jc v(\^ r ap- 
prochai de la grille en deman- 
dant pardon au Chevalier $ men 
abord & mon difcours parurjjnf 



» E C Ec'l L E. 147 

encore le confondre. Duclos fe 
chargea de nouveau de r6pon- 
dre pour le Chevalier 5 & prenant 
cette occafion pour me faire fes 
excufes fur ce qui s'etoit paflS 
il y avoit quelques jours au fu- 
jet de la lettre du Comte, il 
m'affiira qu'iln'avoit eu aucune 
connoiflance de fQs defleins , 8c 
n'y avoit pris aucune part, & que 
j*6prouverois d^formais fa fid6- 
lit6 & fon zcle : je le crus , & lui 
promis de. ne penfer plus a ce 
qui s'^toit paffe. Ce pr^tendu 
zele me procura dans la fuite dcs 
chagrins bien plus amers que 
ceux qu'il m*avoit caufes par 
ion imprudence : il dit alors au 
Chevalier qu'il alloit ex^cuter 
les ordrcs de Madame fa foeur^ 
& qu*il viendroit bientot le re- 
prendre} il lui confeillade me 

G ij 



X48 Me,mo i K15 
fjiire un peu meiUeure cpmpa- 
gnie. ,, Mais , die le Cheyalier , 
»> j'ennuierai peut-^tre Made- 
>y jnoifelle ? Non^ lui repondis- 
M Je Monfijeur , vous ne fauriez 
w m'ennuyerj vous meparlerez 
V de Madame vopre fqpur, §C 
»> mon plus ^rand piajifir eft de 
yy m'en entretenir. „ Duclos 
nous laiflfa feuls J & com me fi 
ce d6part nous eut 6t6 a tous 
deux r.ufagp de I9, parole , nous 
reftames afliez long- temps uni- 
quement occup6s a chercher 
rdciproquement & i 6viter nos 
regards : je fiis la premipre a 
f ompre ce filencp ; laComtefl? 
dont je croyois un moment au- 
paravant devoir feulemcnt m'en- 
tretenir, ne me vint pas mc- 
me a la penf6e. Je queftionnai 
Ip Chevalier fur fes excercices. 



fur fes amufemerts y il pariit 
me r^pondre avec plus de li- 
bert6 : il entra dans mille pe- 
tits details auxquels j'imagine 
au)ourd*hui qu'il ne donnoit 
pas plus d'attention, que j*y 
en apportois moi-ttifeme 5 il me 
parla fur- tout* des plaifirs qite 
Je Comte fon frere lui avoic 
procures : il me die qu'on Pavoic 
men6i I'Op^ra , i la Com6die"i 
il me demanda (1 je n'y avois ja- 
mais 6t6 s je lui dis que noo , & 
quil 6coit ihutite , & itifime daii- 
gereux , qu*une perfonne , qui 
ledeftinoic comme moi i ficre 
Religieufe-, all^t d gcs fueda- 
cles, M Mais,Mademoifelie,rc- 
» pric triftement Ic Chevalier ,. 
w pourquoi done voulez - vouS 
>f vous faire Religieufe } ma foeujr 
9x m'a die que ce n'^toit qu^ea 

G iij 



ijp Memoires 
w badinant que vous en aviez 
*» parl^ ; vous me defe^ercz, 
w iorfque je vous i'entends dire 
» fi f^rieufement.... Env6rit6> 
>> r^pondis-je au Chevalier , je 
M ne vous comprens pas : pour- 
M quoi feriez-vous fach6 que je 
» fiffe ce que vous vous difpo- 
M fez a faire vous-meme ; car ^ 
» malgr^ votre ^p^e , vous hcs 
w Religieux vous 5 M. votre on- 
" cle m'^ fouJQprs dit.qu'il T^- 

« toit Oui : mais Mademoi- 

>vXelIe, me dit le Chevalier^ 
w je n'ai pas fait mes vocux y 
w comme lui 3 mon oncle ne 
« pouvoit plus fe marier , & 
y raoijelepuis.^Jenepusm'cm" 
pecher de jire de cette faillie : je 
'me £s un piaifir de foutenir au 
Chevalier qu'il ne fe marieroit 
Jamais ^ lui s'opiniacroit au con* 



c E Ceci tE. ,I5t 

traire , & notre entretien ^toic 
trhs - vif lorfque Duclos aririva j 
il en fit compliment a fon'jeunc 
maitre , & me demanda fi je fe- 
rois r^ponfe a la Comtefle : quoi- 
que je ne fcjufTe qu*imparfaite- 
ment ce qu^elle m'avoit 6crit , 
je jugeaiqu'il n'^toit pas ti6cef- 
faire que j'y r^pondifle. Ainfi 
finit jfa vifite du Chevalier , 
apres laquelle je me trouv^i 
toute autre que je n'avois :6t& 
j'ufqii'a ce moment 5 j'6proiiyp:is 
urie forte de tranquillity, dont tz 
caufe m'^toit auffi pcu connup 
qiie Pavoit 6t6 celle de mon trou- 
ble s je me fouvenois avec une 
fecrete joie de la vivacite avec 
laquelle le Chevalier m*avpit dit 
qu*ilpouvoit fe rn.aricrj j*6tois 
Battle de penferqii'ilne m*avoic 
pa5 parl6 de la forte fans deflein^^ 

G iiij 



152 MtMO I ]l£S . 

& que fans doute il m'ayoit ea 
vue , lorfqu'il m'avoit tenu ce 
difcours : je m*arrctois , je mc 
plaifois a ces id6es , routes foUes 
qu'elles euflent dd paroitre a 
quelqu'un dont Pefprit , j*ofe le 
dire 5 6toit auffi form^ que le 
mien J mais elles 6toienr TeiFet 
d'une pailion plus jeune, mais^ 
plus puiflante que ma raifbn,& 
cette raifon ne s*6toit point en- 
core exei:c6e a combatre aucua 
penehant detette nature. Quoi 
qu*il enfoit , j*avoue que cette 
chim6re ne me d6plaifbit point ^ 
je rc^us encore une lettre dela 
Comtefle avant fon retour , elle 
me futrendiie par la mfeme voie, 
Je ne dis rien ddce qu'elles con- 
tenoient , parce qu'on peut fe 
douter que c'6t6it uniquement 
'Simiti6 de (a part j dans la der- 



Dl CeC I LI. tfx 

niere , la Gomtefle m'apprenoic 
cependant que le Comte de 
Beaubourg avoir obtenu pour 
fon jeune frere Tagr^ment de 
trairer d'une Compagnie de ca-» 
Valerie , a condition qu'il ne k 
commanderoit qu*apres avoir 
pair6 unan dans les Moufque* 
taires. Le Chevalier , qui me 
rendit encore cette fecoiiade lee- 
tre avec Pair auffi timide & aaf^ 
fi embarralfer qui! Tavoit eu ea 
me re»dantla premiere » due me 
trouver plus de liberty avec lul 
dans cetce feconde entrevue : la 
pr^fence d)s Duclos ^^qui-nenous 
quitta point, &mbloit/ me don- 
ner-plus de confiance^ mais il 
me parucqu'elleembarraHbitle 
Chevalier : route notre coiiver* 
iacion roula fur les comnlimon^ 
que )e devois au Chevalier & ii^ 



^54 .Mbmoires 
:1a Comtefle : j'^crivis fur le 
chajnp a celle-ci, & Ic Che- 
valier fe chargea de lui envoyer 
ma Jettre J 11 me quit£a plus 
tdftement <^u*il n^avoit fait la 
demiere fois qu'il m'avoit vue, 
& jc crus m^aypercevoir qu'il fe 
-reproclK>it de he m'avoir pas 
die tout xe qu'il edt voulu me 
idire. Cette id^ me flatoit en- 
coxc J oaais je ncdevais pas jouir 
: iong-teons de j^ette petite dou- 
ceur: news itioias tropjeu4!ie$run 
& I'autre ^pouT deviner ee qui ce 
5)aflpit en jious , & pour nous 
igarantir paar la fuite & par la 
/raMqaid'^unci ipaflitDfl qui devoit 
i felcm tpwes Jes apparenoes r6- 
Jtpdmdm fdn |>riifon fur tout le 
7Co«irs> de noire vie, puifqull 
;Q'6Eok pas inaturel de peofes 






„c^\i'^Ue put Jamais faire not^e 
bonheur. Je cominuai done ^ 
repaitre mon imagination 4e 
tout ce que Us 4ifcours , I'em- 
barras , la , tfiifefle m^rap jdji 
Cbevalier feqibjioiefat ^roe^pro- 
mettre': .il.Jie^ C« ijn^lpic i cette 
lieiirjcu^ fituatipu aucune in- 
quidtudtj ^ je n'envifageois dans 
ce mpmettt d'ivxeflfe ^ue I'e^ 
. i)|^iance'4>n epg^eroept . .^u)R 
.-Ver!t4^ux;:^ue l^^xm^fli je, ^e 

! pmjfoi^lalT^Z'iutprir^ jiar la cci^- 
venance d'a^e ■^ decaraderg , 
& jc ne jue permettpis pas njenie 

jd'ep dputer. Je Afe FAfi^ p^if. ^ 
-aypif ,de nouyeJl^^ xMpfls .ppjir 
(jne jc'owfipner dajp?? cexf e _4p wpe 

'Wei/D^s lelfjQ,4eipain mAtw > 

*_ au moment que ]'^tojis procnc 
.44 itpur.^ec qu^lques - uqes de 



1^6 M EM O I HES 

rties Compagnes , j'entfendis uitr 
voix qui me demandoit, & je 
reconnus celle du Chevalier 5 je 
lui r^pondis moi-mSme d'aller 

"au Parloir , & je my rendis avec 
tant de diligence , que j*y ^tois 
avanc lui : u fe pr6fenta feul i 

^ moi i je fus effi:ay6e. Je le trou- 
vai pale & d^fait , quoiqu^il me 
parut fort 6chauff6: fes che- 
veux ^toienten d6fordrc ,& ja- 
mais je ne Tavois vu fi tremblant} 
il avoit 4 peine k. force de me 
parler : ce fut avec une voix pref- 
que 6teinte , & par des^ paroles 
ihterrompues & fans ordre qu*il 
ie hatade me faire-entendrequ'il 
avoir encore une lettre de fa 

' ibeur 4 me rendre. . . ,;. 

w Ah! Monfieur , luidis- 
^ y? y vous venez fans doutc 



.» 



1 



' w. m'annoncer quelque malheuf r 
» Noh , MademoifeUe , me r6-' 
» pondic le Chevalier 5 mais par- 
n donnez moivje vous prie j je * 
w vais me reriiren ,, En elFetfl 
fe difpofbir d; fortir cfia Parloir. 
M ' Quoi ! Mon (ieur , , m*6criAi- 
Si' je encore pltrs allarm6e , vous 
» me quitrez , vous me laiflez 
9> dans une inquietude morteliej 

' w cetre ' Icttre de Madame la 
n Comteflfe , votrs n^bfez done 

' M nie la rendre ? AK ! tnon cher 

• r 

yy Chevalier , car cette cxpref- 
>3 fron m'6chapa malgrd moi,, 
^ ne refuftz pas de me tirer de 
yy hincerticude affreufe oh votre ' 
\ yy ^tat &votreembarrasme}et- 
» tent; doinitd^z-nroi cette let* 
w- tre fatale , deirflai - je y tro^ 
yy ver le plus grand desmalheurs; 
»• Le Chevalier fut arrfit^, fut 






M 



158 Me MOIRES 

iy attendri par mes larme^s. . EK 

. >a bien ^ Mademoifelle , me dit- 

. w il , vous le voulez > vous ^llex 

,, mc hair : la voila cette lettre > 

>> con tin ua - t'il en . me JEa |>r,^- 

» lentant j mai& fo^ffrpz atie 

^p je vous quite? yje we pvii$ ir^fter 

33 plus long-temps f^ns. ;qtte 

w Duclos jfe dout^t de quelq^e 

33 chofe. „ En eifet j^eus. a 

; peine !«► lettji? en^rcjles ,;mains 

qu^il dilparut cpmme un hcl^r, 

Je ii€;.|i3[ie i^om^ pas le jc^njps 

: de r6fl^hir: j'avois trop d'im- 

patience d!^tre infprngi^e de ee 

que pontenoic unc lettre. qui 

^ p>'4t^ii: frei[yi^e d'une fa9ori fi 

fe l'<3iuvris rdo^ 4>rpi»ptiei?i^t» 
JY eus i peine. jett^4?s yeipc ^ 
^ue je m'apper^is qu*dile itpit 
4'une 6critjurc ^ qui m*^tpit jcaut- 



DE Cecile. IJ9 

i-faitinconnue. ,, Ah ! m*6criai- 
» }e ^ cette lettre n^eft pas de la 
>^ Comtefle , elle eft malade fans 
M douce i peut-^trc eft -elle en 
w danger 5 je ne Ja verrai peut - 
w 8tre plus : jc tremble , coo- 
» tinuai^je^en recoarnant m^e^- 
» feriner dansinachambr^^ „ & 
w je n'aurai jamais la force de 
» ioucenir les triftes nouvelles 
w <jue jev^aisa^ppreadre. ^, Je te- 
nois cette letfre , . je rouyrois; , 
je la mouillois de mes larmes^ 
on va juger ^ulellc fut ma fur- 
prife, lorfque m^^tant un pea 
rai^^r6e far xlps fraycurs que 
j^accufoi^^uelquefoas^'^^tre ima- 
/gin^ire^ » je r^lus ettfin <fe me 
iimr im<>i-«(\^iiie d'upe incer- 
tkude mSi infuppofcablie poiir 
moi dans ce moment , que V au- 
rpjsnc pu |p:e cons 1^ maux 



i 



if6o Memoires 
que j^ofois pr^voir. Je me d6- 
terminai done d lire ma lettre , & 
je la tran(cris ici toute enriere 
fans y mcler les rdflexfons ou' 
les idees dont maledure futfou- 
vent intcrrompue ) je me perfua- 
de que le lefteur, qui conhoit d6ja 
ce que je penfois alors , s'imagi- 
nera aii^ment les difi^rentes 
impreifions que cette lettre dut 
me faire : la voici telle que je 
la conferee encore*. 

MADEMOlSEtrE^ 

^y Pardonnez-moi, fi je me 
>i fers de la permiffion que ma 
»^- fbcur m'a donate de vous ap- 
3K portef moi-mcmefeslettres^ 
»- pour vous faire tenircelle- 
»' cL Depuis l*inftant que je 
» vous ai vde la premiete fois ^ 



D E C E C I L B. 161 

^ je ne me connois plus , je ne 

» penfe qu*i vous , je voudrois 

w vous voir a tout moment & 

w pouvoir vous dire tout ce que 

w j*ai dans Tefprit j mais auffr- 

» tot que ^jevous vois , je n'ai 

>3 plusld^cfprit , & je ne fais plufSf 

' w ce que j'avois r^olu de vous 

'>3 dire: vous avez du vous ea. 

w appercevoir furtout i mz 

>j derniere vifite. II eft vrai que 

w la ptr^fcnce 4e Duclos m'em- 

•^v.barraffoit 5 'j*ai '^^ la r^folu- 

S3 tion dc m^etHapper de lui, 

>3 auffit6t que je le pourrai^ 

33 pour vous aller voir toutfeul. 

»3 Je ne faiis fi j^atirai pourtant 

^^ la force de vous ditecombien 

j5 vous aime, &. jeprends le 

; parti de vous T^crire pour 

,, vou s prier , fi vous m'aimez 

^ auffi ^ demerdcrire de m6me». 



33 

• 
I* 

33 



i6i Memoike* 

„ afin que perfonne ne Icf^acKc 

„ Surtout ne croyez pas que je 

,, fois Religieux, comme vous me 

,, I'avez dit, & que je nepuis plus 

„ me marierj peut etre ne favez- 

5, vous pas que je puis quitter 

,, croix tant que je i>''^urai 

,5 point fait mes vocux : Madc- 

„ moifelle ^ je vous I'apprends , 

„ & je vous afliire que je la 

, ,, quitterai de bon coeur , fi vous 

.,, voiilez Stre ma femme • pour 

5, moi je vous jure que jt veux 

y^ &txQ votre : jiiari , que i*en 

' ,, meurs d^envie , & que je vou- 

„ drois I'etre tout - a - Theure. 

„ Croyez - moi , MademoifeUe, 

;„ ne vousfaites point Reiigicu- 

.„ fej je crois que }*en niour- 

..„ fois de doiileur. En v6rit6 ^ 

„ vous devez bien m'aimer: 

5, car je fens bien que je vous 



DE CiCILE. 1 65 

,> aime plus que ma foeur elle - 
j> meme , & je vous aflure que 
,, je I'aime beaucoup. U me fem- 
5, ble que j'avois encore mille 
jy chofes a vous dire j mais je 
5^ fuis fi trouble en vous 6cn^ 
,, vant , que je ne me fouviens 
J, plus de rien. Cequeje n'ou- 
oy blierai de ma vie , c*eft que 
,, vous etes la plus aimable per- 
^, fonne que j'aye jamais vue y 
2j, 8c :que je vous aime mieus^ 
,, que tout le monde enfembfe. 

Ze Chevalier de Beaubourg. 

Sile Chevalier eut eula forc^ 
de refter aupres de moi, &que 
je Teufle trouv6 apres la ledure 
.de fa lettre , il ieroit retournd 
a fonAcaddrflie bien fatisfaic de 
moi , & je fuis obligee d*avouer 
que }e lui cufle peut-ecrc dit des 



chofes plus agr^ables qu'il ne 
me convenoit de les lui dire : 
cette lectre m'avoit p6n6tr6c 
d'rni efpoir fi doux & d*une re- 
connoiflancc fi tendre , que mon 
coeur fans doute fe ftit 6panch6 
avec autant dinnocence que le 
Hen: j'avois trap petr d'exp6- 
rience furle train ordinaire des 
chofes du monde , pour imagi*- 
ner qu*il put y avoirle moindre 
obftacle a notre u^ion i j'^rois 
furede I'amiti^ de la ComteHa^ 
je f^avo^qu*elle aimoit tendrfr- 
ment le C^hevalier j & je croyois^ 
qu'il fuffiroit de Tinftruire de ce 
que nous pen (ions rous deux pour 
qu*elle s'empreirSr elle-m^me i 
faire notre comn^un^ bonheur : 
il ne me vinr pas feulement dans 
Tefprit que leComte deBeau- 
bourg put s'oppofer aux vdes da* 



DE Cecil I. 1.^5 
levalier fon frere j j'avois pu- 
6 les fentimens qu*il avoit pus 
ur moi , & ceux du Chevalier 
J paroiiToienc fi legitimes , que 
ne penfai pas meme qu'on put 
nais les lui reprocher. Je ii*o- 
. point 6crire au Chevalier ^ 
mme il paroiflbit l*6xiger de 
Di : je me reprochois i la v6ri- 
cette retenue 5 mais je me con- 
lois 3 en me perfuadant que la 
Mntefle me f^auroitgr^ cfayoir 
tcndu foi;i ayeu pour ouvrir 
on cqeur i fqn pher frere : j*pn 
tendis fon retour avec plus 
impatience j & comme je n*en 
IS notivelle que le lendemain 
ifoir , on peut juger fi un jour 
; demi pau6 depuis que j'avpis 
;^u la lettre du Chevalier ddc 
le paroitre lopg. Ce fut Duclos 
ui vint oie rapprcndre j je lui 



i 



* • ■ 

i66 Memo IRES 
demandai des nouvelles du Che- 
valier. M Mademoifelle , me r6- 

w pondit Duclos il s'eft 

w 6cha\iff6 hier a la Paume ; il 
w en a dt6 incommode : je crois 
»• meme qu'il a eu un peu de 
« fi^vre cette nuic , car il a 6t6 
n fort agit6 .... Eh ! mon Dieu, 
^3 dis-je , mon cher Duclos , vous 
o me faites trembler , je ferois 
>3 au d6fefpoir .... N'ayez point 
>j d'inqui6tude , Mademoifelle ^ 
M interrompit Duclos , ce ne 
» fera rien , il eft un peu changd j 
M mais demain ]e compte qu*il 
♦> n'y paroitra plus , & qu'il fe- 
w ra en 6tat d'aller diner chez 
f> Monfieur ion frere. . • . . • * 
,, Ah ! mon cher Duclos , lui 
^, dis - je J faites mille compli- 
^, mens pour moi a M. le Che- 
„ valier ^ & lui dites fur toutes 



DE C E CI LI.. l6j 

^chofes^ que je ne vcux pas 
^^qu'il foit malade. , . . . J'avois 
un defir li vif & fi preflant de^ 
voir la Comtefle , que je priai 
Duclos de fe charger d'un bil- 
let pour elle que j*aTlai liji 6crirc 
fur 1^ champ. Apres mon com- 
pliment fur fon heurcux retour , 
j'eus Tindifcrdtion de lui man- 
der quej'avoisquelquechofe de 
lingulier i lui apprendre , & que 
j'aurois fort fouhait^ de la voir 
ie lendemain. Duclos ne futpas 
plut6t parti, que jeme f^licitai 
moi-meme de ce que je venois 
de fairc. . . . ,, Le Chevalier , me 
„ difois-je , djne demain avcc 
„ fa foeur i elle ramenera fans 
^, doute ici , & il fera t6moin 
,, de la fa^on dont je parlerai 
^, a la Comtefle : je fuis fure 
^y qu*il fera content de moi. . . . 



ttt M £ M O I H £ S 

Cette id6e me caufa une joie 
bien fenfible 3 inais ellc nc idura 
que jufiju'au moment qifon viril 
m'annoncer la vifite de la Com- 
4:efle ^ ce f ut le lendemain matki 
de bonne heure, au moment 
que je m'y attendois le mqins. 
Cette nouvelijB jd6conceFta dans 
Pinjftant tous mes projets j toat 
c^ que j*aurois dti pr^voir ^ tout 
ce que j'aurois du craindre,fe 
pr6ienta confuf6ment & tout a 
la fois a mon imaginatUon : je 
fus effray^e de cet<e vifite que 
j*avois fi ardemment defir^e > je 
.balangai , je doutai fi je devois 
f^ire confidence a la Comtefl^e 
de la Icttre de fon frere; je 
Tavoii^ fijr moij je fu$ tent6e jde 
la reflfermer. Cette id^e ncje pa- 
rjtit elle-m8me une trahifon que 
je me ferois en yain propof^e 

de 



de faire d la Comtefle j je ne 
pris aucun parti, il falloic pa« 
rokre 5 j'allai au parloir pale 8c 
trembiante 1 j'oubliai dans ce 
moment , que j'avois 6crit la 
veille a la Comtefle , que je de- 
vois lui dire quelque chofe de 
particulierj }ene penf^iqu'4 r6- 
potidre aux marques delon ami- 
ti6 , & d calmer fes inquietudes 
fur r^tat ou j'avois paru dcvan€ 
elle i mais elle ne me laifla pas 
long-tems dans rind^cifion , ou 
je ferois fins doute reft^e , fi 
elle ne m*en eut tir6e elle-m^ 
me. ^ . . . , , Eh bien , me dit-elle, 
,, ma chcrc Cecile, tu as quel- 
^, que chofe i m'apprendre i 
,, c*eft ians doute quelque nou-* 
^, velleentreprife du Comte moa 
^, mari ? &: voila ce qui caufe le 

„ trouble ou jen-e vois II efl: 

Tome I. H 



^> 






17c MlMOlK^BS 

vrii^ Madame , que fc fuis 
^i, troubl^e j mais cc n'eft point 
M. le Comre qui en eft cauie^ 
c'eft M. le Chevalier qui m'a 
^5 tromp6e. Vous f^avez , Ma- 
^ dame, que vous m'avez en- 
^, voy6 par lui les leccres que 
^, voTiis avez ^1 la bont6 de m'^- 
^vCrire : il s'eft fervi dc la per- 
m^ilioa que vous lui avez don- 
n6e , pour m'cn rendre unc 
qui eft de lui-m^me , & que 
j'ai cruc de vousj c'eft ce qui 
f^, a hit que je Pai d^cacKet^e. .. 
^, yoila done , incerrompit la 
^ ComteUe en riant , le grand 
^ fujet de te$ chagrins ? c'eft 
^, done la ce qui t'aMre & tt 
^^ change au point ou je te 
I,, vois ? Que tu es folie > ma 
\^i pajivre Cecile IVoyons «n peu 
t> ce que le Chevalier a pd tc 






^1 
51 



15 

51 



DE CeCiLE. 171 

;^ tywtnder ; le pauvrp enfant t je 
hii f^is bon gr6 d*avoir 6t& 
fenfible pout tpi : car fans 

!^ doiite ce n'eft pas pour te 

'" dire <qu41 te hait qu'il s'tik 
avifS de t'^crire ? Oh ! non , 
Madame , r6pondis-je fort in- 
nocemment en donnant ia lettre 
i la Gomtcfle: elle la lut tout 
haut i les propofirions de .ma- 
nage, les noms de raari & de 
femms la firent 6clater de rire, 
& ce rire ne m'en donnoit k 
moi nuUecnvie. Lorfqu^elle fut 
a Pendroit oh h Chevalfer .m*af- 

• 

furoit qu*il m'aimoit plus que fa 
foeur eile-m&iTe, elle aiFeda un 
f6rieux plus capable encore de 
tn'en impofer, . . . . m Comment f 
M dit elle , il t'aime plus que moil 
>• Mais vraimcnt je dois ^re 
u jaloufe : tu vcux done m*ea- 

Hi) 



>^ lever ainfi cous les coeurs fiir 
y> Jefquels J*ai dcs droits ? ceU 
f) n'eft p?ts JD^n , ma phere Ceci^ 
» le : cHpifis ^ jete priis j il ^ut du 
5;> moins m'^n laiiier iin , & ce 
J3 ne ferapas monmari que tn 
» choifiras , j*en fuis fure •...,, 
Oh 1 pour cela npn^ Mfidame^ 
ri6ppndis-jp dc jtres-boane * foi ; 
elle rip de jma r^poijfe cm ache- 
yanrde lire j i^ medy: enfuite 
•plus fdirieufement : « le Cheva^ 
93 lier penfe >ufte, & il eft de fort 

V ,bon gout,machere enfant; 

V s'il iOtoit plus riclie qu'il ne 
y) doit PeFre,& queja fortune 
y> t'eut fait naitre ayec tous le? 

V avantage^ que tu m6riteroi$ 
jj> de pofleder , je le trouverois 
p heurej^x de penfer dans ui^ 
*? %c plus -avanc6 ce qu'il pa- 

V JpJt^enf^iujp^rd/lw^.^^^ 



nECEciLi. ?r75' 
*> wiachere Cecile, c'eftunea*- 
«> fent qui parle : le Chevalier 
» a a peine dix-fept ans } il n*a 
•x encore rien vu, & tu as trop 
w d'e/prit pour ne pas pr6voir 
n tousles changemens qui peu«- 
» vent arriver dans le coeur d*u3l 
w enfant . de cct age - la z cepen- 
» dant je t'avoue que je fuis fort 
?> aife qti*il alt pris pour toi un 
w godt qui paroit fi vif , & qui 
» fans doute t'allarme 5 il ne 
« pouvoit lui arriver ri^i de' 
>? plusheureux, en entrant ici 
n dans le monde , que d'adref- 
*» fer fes premiers voeux d que^ 
fl!^ qu'un aauffi lage & d'auffi rai- 
79 ionnable que toi. Cette paC- 
?y jGon fubite , & (i ordinaire 
jy i ceux de fon ige quin'ont 
f> encore rien vu-, ce feu 
*i. paflaget dont i : tu f^auras i^ 

H ii) 









.5:74 Mbmoikis 
w merveiileterendre k raaterf 
^> fe ^ le d^toumera de tous les 
w dangers oih fon pcu d'exp6- 
9> rience & la compagnie del 
?3 jeunes gens I'euflcnt expofi j 
>9 ne fois done plus eifray^e des 
fentimens qne le Chevalier a 
pris pour toi : voila & lettre , 
3> jetelaremets^machercCecilcj 
^^ niats furtouc qu'il ^gxiore que 
^tufli'eiii aisiait conmieace: ce^ 
'^, la rembarrafleroit avcc moi,& 
je veuxque ccfoitluiquimefaf 
fepart de fon fecret jc^eft a quoi 
-^ tia dois ][*eijgager toi-ni^me: 
^, mais en m^me tems je tere* 
^^ commande ce cceur que jc 
^^ nrets a ta difcr^tioo. Ce n*eft 
M pasd'une tendreflc inutile que 
w tu dois Ic nourrir j c*eft de 
.'^j ices jfeutiniens d'honneur & 
ii> ^Tcrtu-qfuifont £ bien grar 



5> 



r « 



©E Ciciti; xjf 

H v^sdans con proprc coeur dont 
t^ tu doismAcher de p^n6crer le 
^9 fien 5 c'eft 4^ ramoiir de fori 
» devoir & die ia gloire que tu 
w dois remplir fon ame j & c'cit 
» a ce prix que tu dois niettre 
» Tamiti^ que je te prie d'avoir 
» pour lui : il eft terns que j'aille 
» le prendre » comme >e le lui 
« ai fait promettre. Adieu, ma 
yy cherefille ; je ne lui dirai point 
>i que je t*ai vue^ & je nc feral 
» pas long - terns fans I'envoyer 
» ou fans I'amener raoi- naeme 
n ici , pour y prendre de toi les 
* bonnes lemons que tu es plus 
«> capable que perfonne de lui 
» donner. „ La ComteflSj rae 
fit encore mille amiti6s en me 
quittant,Sc melaifla plus acca« 
blee queconvertie fur le comptc 
du ChevaKej:* Je ^^oyo|s bien 

Hiv 



tj6 Memo IKES 
touces mes efp^rances 6vanome> 
lep un inftant i mais j€ fentois. 
mon coeur fe r^volter en fecret 
centre la condutte que la Com.- 
cefle me prapofoit d'avoir avec 
le Chevalier, H eftvrai que ces 
obftacles qu'ellc m?avoitinfinu6s 
avec adrefle , me paroifToienc in- 
llurraoncatrlesi moi-mcme s mais 
le d^fefpoir de les trouver tels 
me faifoic d^couvxir en m^me 
tems le vdricable 6rat de moiv 
coeur, Je fentis crop rard les pro- 
gres de ma pallion, ficjerecon- 
nusenfin que le Chevalier m'inf- 
piroit un. amour auffi vif que le 
ilen. Quoique la ComtelTe m'euc 
die 4p 1^ 16geret6 ordinaire 4^^ 
jeunes gens defon age, je ne pou^ 
vois me perfuader qu'il put le r6- 

foudre i caeffer de m'aimer. 

11 Quoi,medifoiS;je, le devoir ,. la 



t 

Dx Cecile/ 177 
^> raifbn ^ la reconnoiflance s'efi- 
M forcent envain a combattre 
a> les fentirtiens que j'ai pour Iui4 
>^ L'inconftance auroit - clle plus 
>^ de pou voir fur fon coeurque 
w la vertu n'en a fur le mien ? 
M Mais^ ajoutois - je^ , quandU 
w feroit capable ^rtefFerdechan^ 
^„ ^er de fentiment pour moi '^ 
,, aurois-je rtioi-m^mela force 
5^ de le lui infpirer , & ne ferois*- 
3, ie pas la fillc dumonde la plus 
.^ a piaindre, s*il avoir la lacHe^ 
V> t^ de fuivre mes confcils > Ah I 
-y mori cherCpmnaatrdeur, m'61- 
,, ' criois-je, que n'ai-jfe point per- 
,^ 4tt en vous perdant Picomfaien 
5, la lagefle de vos avis meferoit> 
^, elle utile dans uncc6n|oiao-- 
ture fi delicate ! Ah 1 fans doii- 
te vous- ne- m'auriezr jioiat- 
kth auffi cruel que Madanifr^ 






j$> la Gointe0e:«« puis r6fl<6chif(Cint 
ilir Ifis ioftnj^ans qu'il avoac 
ida^i^ me kiffer 6fi moarant ^ 
•^'atfiai Jes prcodre avec pF^dpi- 
tacion dans le petit coffre ou 
clleis ^toient reft^es depuis que 
|*^i$ reijtf ^ au couv^at. Que 
jc iiine repa^oebai' d^avoir 6%4 & 
Jong-terns fans r^irc cctte ^e- 
5ce de teflament du Cofiiman- 
^turl je ae me rappeUoi^ q»*im- 
fiarfaitement rout ce que foo 
-amki^ avoir 'da%i6 jm^y pi*(9ii:rjt- 
ire ^ ,)e i^jmm J4 dans 4n tgwns oi| 
h donkair dt£i pfirte naVK^up- 
jpoit xic fcrte^'queje rf'iavois pij 
laire one attenden bieo parti- 
ciilierc a! tcHir jce qui iitok cpn- 
^eim dans ces ^n&ieto ay{$ ; jq: 
Jes jrdus albssi, jsoil fails m^t- 
«iu^ir, 'enj ^rayajit ;uifqu^o» Ic 
tCommandeur ibrxuf: ^ron:^ ppur 
snoi i!bn; amiti6 6cfa pr(6voyance> 



mais h^las ! que dcviixs- je , lorit 
que parvenue i cet cndroit o^ 
le Cbmmandeuf xnr ci6fen4oit 
fur tout d'engager f yqp idgere- 
menp mon c^yr , j? jr^^ncontr^f 
la vive peinture de iT\a lituatioii 
pr^fentc , ceitci fter?^ 4e fepp- 
ment incapab|e d'^dii^eptra uti 
clxoix qqi 0t iodigne de mqify 
cette vanitdfatisfgite par 1^ pou- 
qu^te du Ck^y^liex ^ cettp iji^- 
galit6 de con4ifiPi? 5iW-il nf>e f^i- 
foit envifager goitii|iq deyapc 
^tre funefte am* y^rtvi , ou du-> 
moins au bonbeur ^ ajaj^ra^-^ 
quillit^ de ma yip. - . ^om pc^ 
traits , qui fembiQippt i^r^d^a- 
fer la paffiqa dpnt n>piioca:pr 

n'^tDit d^jaqwe irop aw^iJic , ^^t 
rent autaiit d$ caijc^ de6>udfQ, 
qui m'acaJbteqf eo w j^^gp 5.. 

jc n'eiis pas la fprce dp ppjurfuir 

Hvj 



i 



vre : j*avois chef ch6 du foulagew^ 
!?ient a mes peines xlanst '" "'' 




done rincertitude fedre 
mon tourment s je crouvois flfoir 
arrSt , mais un arr^t aruffi refpec- 
tabk pour moi qu'il me paroil^ 
foit impitoyable. w G'en.eftdonc 
»^ fa|^ , m'^criai-je , 6 mon cher 
»f Chevalier ,il ne m'eft'pltis per-- 
w mis de vous aimer: non vous: 
>3 ne f^aurez* jamais que mon^ 
^»- ccEur avoit partag6 votre ten- 
»- drefle v h61as- ! j^accufois k 
» Comtefle de m^etre cruelle j. 
w* c*cft foh indlilgence', cc font* 
»>- fes *jS«r6jets que je' 6x>\s crdn— 
M dre } eiiii^^veut que le Cheva- 
»>: her Gonriniie a m'aimer , a fe* 
»> repiaitre- d*une paffion chim6- 
»^ rique : elle. veut que j*y paroif^ 
>xft fenfible 5 & te moyen que* 
wje ncL'lefais pas en eiFet?croit-dlc; 



D-E Cecils. rSf 

y* que j'aye la force de feindre w 
n non je nele puis,.je.rendrois 
>9 fans douce le Chevalier aufli 
*> malheureux que moi 5 je ne 
w veuxplus ni le voir , ni Tenten- 
w dre : s'il doit 8tre iriconftant^ 
» j'aime mieux qu il le doive 4 
^ £3L 16geret6r naturelle , qu'4 
» mes eonfeils ^ je ne me confo^ 
M lerois jamais de.lui avoir inf- 
» ^ pir6 des fentimens lipeu di-» 
>9 enes d'un cocur auffi bon que 
o le fien. « 

Voila quelles itoient les ailec* 
tions de moname dans unecir- 
eonftance que jercgardois alors 
comme la plus malheureufe de 
ma vie. Si par hazard il fe glifle 
dans Timage naive que jem'ciForv 
<je d'enr donner ici ,quelques tep»~ 
mes^, quelques fa^ons de m'^norn- 
cer qui fqient au'deflui de moAi 



1 92 Memoiucs 

ige , & qui ne duHent pasa|or# 
m'etre coniiues , j'ofe du nioins 
aiTurer que je les fencois avec au^ 
tanc de force que je les, expritne 
aujourdhui. Mais enfin malgre 
les diff6rcns combats que me li^ 
vroient tour 4 four ks fenrimens 
de mpti ci£ar, £c ks confeils, 
ou plutot coipme }e ks regar^ 
dojs y ks ordres de rpon cber 
Gommandeur , ce fut enfin ce 
dernier parti que je pris la r6for 
lution defuivre. Dam cctte idee 
ou je crus m'ccre bien afermie , 
jt craignis furtout que k Gom-^ 
tefle ne £ut pas pr^fcnte a llen-r 
tretienque je djevois avoir avec 
kGhevalier^ je fentois par la 
fai^onde penierdont ^ik $'dtoie 
ouverte i moi , qu'elle xne don-r 
neroit de nouvelks ^mes coof 
ere ma £oibki&i. Cequejei^ra^ 



gnois arri^ra : pea de jours aprps 
)e yis arriv^r la Comteile av^c le 
Cbevalijef 5 ${;quoique je neiuf- 
fc point d» tQuc 4'^»rn«r\jFva en-^ 
tendre raillene fpr oet article , 
la Comreflc ouyrk Ja conv^fa- 
tion par iiii ton ck pt^ifaLnjEjeric 

jquime cjo^ondi*: '^ Ma 0Ue> 

w U qn j^i^ije C^if^li^r ^^ejp ne 

-n VQusprgfeflfie plos coram? ttn 

» en&qt ^ jji gohmhp mon fr^rg > 

: fp cleft up. gal^t (fe^s touQ?5 

» ks :fcrt»eis, ^ ?*^ a jcijtrf 4e 

-» con^det^ qii^vous me voygz 

10 ici aujp^rd'liui : le Clipvali^r 

:» $^c& omfiH A ffloi jde 1^ grai> 
ip 4e paflrpa q^#e yo^s \m infpjt- 
•j^ MXi je»«peinrvQi*Iuf6pop- 
^ <ire;pptiry§.ifts^ Bi^^cbweC?- 

*^ cUe > Yign&m fi vp»s^rez €^ 






5) 



f 84 M i M O 1 R E S 

» Chevalier : il m*a a.vou6 qu^l 
w vous avoit 66rit, & il s'eft 
plaint k moi que vous ne lui 
aviez pas fait r^ponfe; je ki 
,^ af dit que la retenue qui con- 
vienta votre fexc nc vous le 
permettoit pas ^ mais je lui ai 
» gromis que vous vous expli- 
» queriez enfemble <ie vive voix, 
» &: qu*il en auroit plus de plai- 
» fir^en apprenant de votre bou- 
» che quels font vos fentimens 
>y pour iui & tout ce qu-il doit 
w faire pour mdriter de vous 
w plaire. „ Javoue que ce dif?- 
Gours de la Comtefle me don- 
noit en fecret uh iiiouvement 
d'indignation contre cUej jt 
voyois qu'feUe trompoit le Che- 
valier, en te flatant de Tefpoir ^ 
m6ricer un jour une tendreie 
jD^eiproque qu'elle sie regardoit: 



DE Cecile. rSj 

fitns douce alors que comme uri 
jeu , mais qui me paroiflToit d 
ttioi PaiFaite de ma. vie la plus 
^rieufe. J'aurois 6t6 bien en 
peine , fi j'eufle 6t6'ohlig6e de lui 
r6pondre5 maisellemetiraelle- 
meme d'embarras en continuant 
ainfi; " Je vais vous laifler en^ 
M femble , mes chers enfans 3 j'ai 
>a^ quelques vifites a faire. Ne 
« rougis point, ma chere Cecile, 
,^ me dit la Comteile : car je rou- 
„ giflbis en efFet j le Chevalier 
„ fera docile i tes confeils, il 
w tee I'a promi-s , je fuis bien aife 
„ de ne jKisf trouWer votre entre* 
,y tien. Adieu^ i je reviendrai 
,",, prendre le Chevalier , & j'ef- 
„. pere le retrouver plus tran- 
„ quille a mon retour. ,^ EUe 
partit fans qut j'eufle la forca 
4d lui faire m£^me les complL^ 



it6 KlMOIlLES 

mens Ic^ plus ordinaircs. A pei- 
ne fut-elle fortie, que mes lar- 
roes coulerent en abondance 
fans qu*il roe fuc poffible de les 
contraindre ni de dire un naot. 
Le Chevalier fiit effray 6 , fut at- 
cendri de l'6tat ou ii me vit. 
,, Que voiVje , dit-il , Made- 
^, moifelle ? eft- ce que les dif- 
,^ cours de ma chere fceur vouj 
one afl3[ig6e ? Eft - ce moi qui 
fuis caufe que vous pleurez? 
Ah ! fi je vous ai d6plu en lui 
„ avouant que je vous aime> 
,> je vous en demande pardon , 
5, & je vous afllire que je n*ai 
^y pas cru que vous en feriez 
,, fach^e. „ Bientpt je le vis lui- 
raeme pleurer a fon tour. ,, Que 
yy je fuis rnalheureux , difoit -il 
^y en arciculant ai^ine , &: en fe 
yy jecauit i genoux ptcs de h 



9^ 



k 



1>E Cl^Cl I4E. 187 

^J^ grille i Par grace , pardonnez 
. „ moi mon imprudence. Eh ! 
^y Monfieur , m*6criai - je plus 
5, touch^e de fcs^ larmes cue de 
„ ma propre fituation , levez- 
,j vous de grace , & nc vous 
yy affligez point vous - meme :^ cc 
^y n'eft point ce que vous avez 
,) dit a Madame la ComtefTe 
J, qui mef^chej 11 voosneTa- 
:,> vicz pas fait 4e votre prqpre 
yy mouvement, je vous aurois 
.,, oblig6 i le faire :, & s*il vous 
yp 6tqit per mis <le m*aimer f^- 
n rieufement, je ne.reufle j^- 
^>, mais fbufKyrt fans qu*eUe en 
5, flit inform^. Mais tcnc:^^^ 
Monfieur , continual- je avec 
une innocence ians pareille, 
,, promettons- nous tous deux 
j> que nous j^ nous aimerons 
^ plviS)& alors noius laiiTerons 






i^S H EMOlRfS 

y> croire a Madame la Comtefle' 

yy tout ce qu'^elle voudrtf v. 

>, Oh »'pour moi , reprit leGh^ 
f, valier, jc he puis vous pro- 
»/ metthe une choie comrfie'cel- 
V, le - M 5 jc fens bien que je Vous 
j,*aimerois eiicore apres vous 
5, avoir promis lecontrairej & 
^^ puis lorfcjue vous me diriezen 
5^ pr^fence de ma foeur que vous 
j3 m'aimezauffij je n'aurois que 
T> du chagrin a vous Fentendre 
3, dire , puifque je f^aurais que 
» cela ne ferdit pas vrai. ...... 

» Mais 5 men dieu , lui dis - je, 
♦* car je trouvois pi^cifenienc 
» ma penf(^c dans lafienne, cela 
^ n*emp8chera pas que jen'aye 
w pour vous de Tamiti^ : je le 
^ veux bien , continua le Gheva- 
» lier , pourvd que vous foyer 
» mafcTnme,&quejeibisvptr«r 



J) E C.EC IL-I. i?9 

-^ pJVi. •...•. Non , lui r^pon- 
» dis-je, celan'eftpaspoffible, 
>> j3c voili juftenxehc ce qui me 
^> f^che i je ypjtis jiiniprois bien 
» da vantage, 5*il n'^toit pas qpeC- 
w pion d'etre votre femme , puif- 
w ^u'alors je pourroisjjivoir pour 
y vous Iqs m.croes fentimens qup 
>* j'avois pour M, le Commati^ 
^ ^eur votre Qjncle , ,&: afTur^- 
yy ment vous n'auriez pas a vou? 
>>.plaindre fi je vpujs ^ipois au- 
py tantquejel'aiaime. Vous ne 
py me r^pondezjiea^Mpnfieur^ 
?3 continuai - je , vous vous af- 
>y triftez 5 eA - ce qiie vous ne fe- 
}y riez pas encore content ? Non 
M Mademoifelle , mje r^pondip. 
>3 triftement le Chevalier : car ; 
>3 ennn vous ne m'aiiperiez pa^s ' 
yy commc je vous aime 3 votr^ 
^ amiti^jpo^r moi fgroit conjm^ 



196 Mem oi RES 

M celle que j*ai pour mon frcre &f 
>3 pour ma chere fccur , & je fens 
w bien que la micnne pour vous 
M eft mille fois plus force : je leS 
w quicrerois tous avec plaifir 
w pour 8tre avec vous , 5c j*ai 
» oeau les retrouver quand jc 
» vous quitte , je fuis toujoursi 
n chagrin de vous avoir quitc^e. 
M Enunmot,Mademoilelie,moh 
» imagination me prdfente millc 
M plainrs que je ne puis ex- 
w primer a vivre toujours'avec 
M vous i elle ne m'oflre partout 
n ailleurs qu'un malbeur cer- 
M tain , & des peines auxquelles 
» je fens que je ne pburrois rifiC- 
» ter : je f^ais^bien que ces plaf- 
w ilrs ne font fsiits que pour celu! 
« quipourraneiefeparerjanlars 
13 de vous s que lui feul peut 
u (Stre exempt de cies pemes t{\XQ 



deCscil^. I^l 

yy je crains, & qu'ilfaut abfolu- 
w ment que je fois votrc mari 

w pour ^tre heureux Eh ! 

^9 Monfieur , lui r^pondis - je , 
M ne voila - t'il.pas encore -que 
*3 vous me parlez de mariage ? 
^> J'6tois fort contenteL de tout 
w ce que vous me difiez , il n*y a 
» que cela qui me d6plait : cc 
w n'eft pas que je fiifle fach6e 
w d'etre votre femmc, n'allez 
w pas croire cela pour vous cha- 
^>3 griner encore J maisc'eftque 
M cela n*eft pas poffible : il fau- 
w droit pour cela que je fufle ri- 
M che comme vous j 8c puis n'y 
» auroit-il pas tou jours Tindga- 
M lit6 de condition qui ne man-^ 
w que jatnais de renare malheu^ 
M reux? Non, MaHemoifelle , 
*j reprit vivepent le Chevalier ^ 
>>! prfqu'on s'aime Hen, onne 



t ■ 



ii^i. Me moires. 
^ fijiuroic etre malheureux. , . .^ 
^3 Tenex , lui dis - je ^ Monfieur 
^3 le Gbevalier, je le croyois corn- 
ea me vous s mais Monfieur le 
w Comniandeur votrconcle-6toit 
^> plus hai)ile que nous-, c'eft pour- 
^3 tant lui - mcme qui m*a defen- 
*5 du de vous aimer d caufe de 
^» cette in6galit6 : voulez - vous 
w que je vous le fafle voir 6crit 
^y de fa main? • ... X^uoi! reprk 
>3 trifteraent Ife Chevalier , mon 
^y oncle faas me connoltre vou« 
M a d6fendu de m'aimer? Ah ! je 
M fuis fiir que fi j'avois eu le bon- 
M heur de le voir, il ne m'aurok 
» pas trait6 fi duremgntj il a 
w peut-^txe pcnf6 que je ferois 
>3 cofmme* mon frere q ui ne cher- 
M che tjtfa vous tourmenter , & 

M qui a deja uB|ifemme • . 

-^y Mais, luirep8ndis-j?, voas 

m'im- 



D^ *C E C I L X l^y 

\w m'imparientez vous-mfinej cfe 
;»» V n*eft pas vo^s; aJjfolamcnt qu'il 
:»? m^a d6fendfu d-aimer ; x'eft 

,p tout lie amonde :: car it l^ai^oit 
>> iien que je n'aimerois jamais 
•53 quelqu'un qui fi&t n6 auffi 
-»> , malhesureufemeiKqueinois S£ 
^>; puifqiic j[e ne Aois Ipas. en^ ai»- 
^r Hfugii d?autrei,^ouv,vdyfi2 ben 

1 ^i qu'^il £auc que jctfaimc; J)erfofK» 
w tie. .. ^* . Ehfcieri^ Mademot- 
-^9 felle , . contittua le Chevalier 
;n eii: vtwfknt un torreiiQf jdfek»^ 
^ir mcs ^'faii:csjtou£?€eJqu?il,Vou« 
^ ['pdauja} mais j)o\ir>nioi:je vous 
^3 amietattoujoursv !&^!mdurv 
99 rai lie^douleiw: fi vous ne ni*ai- 
-<* mez pasbi , i. i, . J^61^vbii r^* 
^ii^ondfcr jc^>p^*^4w6c moi-me*- 
••i: ; me de la donueuc fi^nMi)^ lm6atvb' 
t> :f«s^ qutfiirojiid3ttvpusc|ue je 
?3 fi(0e ^ & que je rfetie^nft ? En 
XomeJn I 



i*> vintd vqBis nie murmentez 
fp phis que je ne puis voiis le dire, 

Ml. fie je n'ai jamais dt6 comme 
#> je feift. Ne: voiia - t*il pas qu^ 
w voi^s Yous a^igez encore da- 
w vantage i continuai - je , parcc 
ji qu^en t^^iesianglots me per- 
ri» gdiei^ ;le coeur : eli ! je vous 
#1 pifie^ fi vous m*aimez, efluyez 
^ (^es larmes qcie je He jpuis voir 
#9 fans moigrir moi r miBme i que 
c%5 pienfer^it Madame la Com^ 
^ ce& , irelle notts^ trbmroic cotts 

.^r deux dans eet ^tat i Vous fe- 
IS j?€!Z^mi^ grondera. 

';9r Eitbieii ! vvoiia qui eft fait , 
4). nioncher Chevalier, je vous 
^ W$lfiy ^]^ vous.aittaerattour 
jw te^ma vie 4 j^%ra| peuc-^o? 
;*i biedi |nalheui$ui^ di&-v<msai^ 

' n fn$r :Comni|||bfaii : car v^us 



.CjE Cecil*. tjj 

-m vous qui-me perf6cutez • 

♦^ Ah I que j e meure y s* ^cria - t'il 
^5 avecxine voixtremblanteen1• 
» core & entrecoup^e 4e mille 
«* foupirs. . . . .. que je meure ^ 

>9 fi j'aime jamais perfontie que 
n vous , 6 ma cher^ Cecile , 6 
» ma chere petite femmfei Ek 
« monDieU) lui dis-jc^ ne 
M m'appellei point comme cela^^ 
n je vous prie, & furtooittiete 
>» dices point a Madame votre 
99 foeur. ,^ II me le promit , ilous 
nefluyames nos larmes : U me de* 
-maiidamamam^ je nepus la lui 

refufexv il la taila meme, bieii 
t:endrement fans cjue j*eufle la 
forcfe de m'etr d^Sfendfe. Jeus 
bien de la pekeii calmer notre 
c(^mmune 6motioii||pependant 
je fijus fi bien arc&er le^ tranf- 
j»ortsdu Chevalier, quelaComr: 

T •• 

I IJ 



^^6 Memoirs 
xeile i fon r^our nous trouvft 
l'un& Paut^re dans une fituatioja 
laflezjcranquille , pour nc- lui pas 
laifler^ ibnp^onner le ddfordre 
/ya notre . entfetien nous avoit 
jett6s. Elle .me demanda fi Ic 
'Chevaliei avok 6t6 ) auifi fage 
qu'H Je lui avoir, froniis.: jelui 
cripondis que j.'ejti arois i^6 fort 
vcontente; ellc l*in*rrogea a fon 

jtojir , iLr6pondit de nmeme 

:cc Et moi , dit Ja.JComtcfle , je le 
m> fuis '. beaucaup de- vo us deux , 
^ .mes chers eimns $ jtmc^ doii- 
:w t6islD^en que vous fcriez rai^ 
/M fopnabJes, &: que mon petit 
,>t Chevalier .s'en tetourneroit i 
>> iitn.Acad^niiejplustranqjiille 
^> que je he I'ai l&ipo$'; a^ieu, 
:^> ma ch<!^ Cecile ^ il eft temps 
^3 xjue je f6coi^dfeife Won frerg j 
*? fois toujqurs Ton .4nu6 , > , > ,^, 






N . 



^ Elle me 1-a prorais , ma chere 
y> fceur^interrompit^vivementle 
»i Chevalieri> Fort bien , ajouta 
>3 la Com tefie, jelui en ills obit 
'^ g^^--)v EUe me renouvella fes 
jEendrefles , & fortit ienfin avec 
fon cherfrei^. 

J*e me fuis rappell6 fi foiivent 
cetentretieil, qu il ne doit pas pa*- 
toitre dtonnant que je Paye en- 
' core fi pr6fent a k m^moirejc'eft 
l^epoque d'un engagement au*- 
quel mon coeur a roujours 6t6 fir 
d^le^fic ce font Id de ces fbuveriirs 
qui font fi cliers ai une ame fenfi- 
ble , qu*il eft difficile qu'elle palTe 
on jour fans s'en entTecenin Oft 
ne doit cepehdant pas fuppofer 
qu*au fortir de pette converfa^ 
tion je m'en occupaiiL'nnc fa(jon 
iifliffi douce qtte j'aipu le faire dans 
dJautres temps 3 cc feroit meren-^ 

T • •• 

I "J 



l?5f« Me MO IRES • 

idre peu la jui^e que je me dois i 
ixioi - mfime ; loin de me trouver 
dans une fituation agr^able & 
I3ranqul0#^ aprcs avcnr re^a Paflb- 
cance des fcntimens du Cheva- 
lier & lui avoir fait Pinnocent 
aveu des miens , je me (entis in- 
t^rieurement plus agit6e /plus^ 
tourment^e que jamais j Tid^e 
d'avoir avoui^ ceque je regardois 
alors comme la plus grande de. 
toutes les foibiefles ^, me rendir 
auffi criminelle a mes propresv 
yeux,quefi j*eufle en eflet fran^ 
chi routes les bornes de la pu- 
deur, J*avois beau mefaire illu-^ 
fion a moi-m£me, en voulant me: 
perfuader que fiJ*avois dit aii 
Gh^lier que jel4imois , c^toit 
moins pour Tinftruire de mes fen- 
timens que pour le fauver lui-m^ 
me des acreinces de fa douleur^*^ 






je fentofetrop , & j "Stoisttop pdi 
H^tr^e de ce fentimient,pour ne* 
pas convemr avec moi - m^me- 
^e i'amour avoit eu plotde parc^ 
que la piti6 dans rexpreuioni 
MiVc qui m*^it6cbappi6eidu v^^ 
likable 6tzt de m^iiir coeur.- 

Depiris cette Strange con ver- 
fation je vis plufieurs foisie Gbe- 
valier de Taveu mifeme de laCom- 
tefle» Duclos^ Ifamehoib au par- 
IoiF,& venoit Py reprendre: je- 
n'eus pas la force de cnercher 4 le ; 
d6fabu£er5 £cquoique tourmen- 
t6e en fecret par WntelUgcnce 
qui s*affermillbit tous les jours 
entre nos deux cceurs^ j*y trou* 
vols en m^me temps un char me* 
fi puiflant, que je ne pouyois ni 
m'en defend re, ni prendre fur 
moi d^etre tout- ^ -fait fincere* 
avec la ComtefTe fur cet ?irticle#^ 

I iv. 



Toutcequejetrouvai d^ parti- 
culler poux/moi,& quime caufa 
►refque autanrde honpe que d'al-, 
trnies , m fut lorfqu^il: dit. a la' 
Gomtefle que j'dtois un enfantde 
tOrdrei} que; la Religion devoiti 
ip'ddopter , & que G*6toit a elle 
^tfbnger 1 me marier au pldtor } . 
que^ c'6toit dommage de laiiler. 
p&bfc d'ennuidans un Gloirretme 
mjrfbnnecQramemoi^, Scque ce. 
leroit: un crime: de p^iyer; plus ^ 
I&r^r temps le monde du pJair 
fir^u*6naui?oit4m*y»voiri Quoi-- 
que je prifle toutes ees chofes 
Gom'me autant : de galantesies de : 
lA^partide M, la Grand Prieur , , 
W n*en fus* pas: moin^ e^a^e.^ 
(k J'entendre parler :de;^^daget • 
|e& nei pou vois raiibnna^l||3ent : 
nitrmer Tiefpiraflce d- Itre.un Jdairi- 
ao^teTalifiVn mm ie. m& faon- 



I 



DE Cecil :fi; 203^ 
tois une horrible r^pugnanpe d 
l*id6e d'etre a totat autre. Apr^s 
le d6parc de la Cooaife{ie fie de 
Monfieur de Yendonie, jeme 
remis aif^n^mr du petit trouble 
ue fa propofition m'avoit otu- 
ej jc crus que cela n uroit pas 
|idas loin , & que feloa touces lesr 
apparetii:es( il ne penferok pasr 
k>Dg-^t6»s a moL Szm douce Ued^ 
ieroit arrive ce qud j*avois ^en^ 
f6y(i laComteflen^edtrendticcym- 
te a fon mari des difpofiiiions aiif^ 
Gratud Pjrieor wnoit paru^^Q - 
pour raoi. E^ Gonjce^delaiiMfc'- 
moire duqju^lje croytDiiis ^reefib- 
tierement : efPac^e: depuis^ plus ^ 
d'unmois qu'il m'avoir kifT^e ea^ 
i&pos ^^ ientiit^ apparecnment' rdy - 
naracj^^fe ioIles^e^^^aocK^ tn&z 
fkttant deVpouvcdjr me d^aer 
Uo^^ia]idie famaiB^; c'eft cs^que: 

11 vjj 



E 



] e disnthi bien t6t apres. Je; pdf^ 
fferai l6g6temetit'Git toute cette; 
a^vanture, qui n'auToic r icn de fore 
itit^rdOTam; pour nies: ledeiurs , &i 
qui ne d'a 6t^ pour moiqiae par- 
ies fuices qu'clleeut; Ge fut la» 
Gomtefle qui m^'cn porta lesprcn 
mieres iwDuvelles j elle viat me 
voir : jamsLis tant/dc Joiem'avoit 
^cJat6^furf;!iifivifage. J'avois vd; 
le Ghevalier la veilie ^ & je IWpi^ 
vd'fouvent depuis la vifite du 
Grand Prieur : notre amoior , ca^ 
ppurqtroi feindre de I'^tvouer , 
notre amour yjdis * je ^ . itvoit pri^ 
de:nouyelles forces dans la C];an-T 
quillit6 dont toutiparoiflbit con-r 
courir a^nous.laiflerjouir J que 
dis-je?r il.fembJoit. qji^'IL.nous:* 
dattir^fea mdi|is.de'deft*moi& 
desdmaocentes t^n^res de I'en- 
fapce^,^ qu'ii fe:ittt Icryi poucp 



DE Cecil B' •icrjr 
&lairer nosames des fentimenis. 
m^Smes qxi*il nous infpiroit^& quf 
nous 6coient dUutant plus chers y 
qu*ils dtoient .parfaiteitientrd'ac- 
c?ord ayec la verm 4ont nous tier 
penfions ni V\xn ni Pautre d nous* 
^carter; Le Chevalier ne irfavojcr 
point encpre; para fi teiidre quer 
daris cctte vifitequi ^voit pr^C3^4 
d^ celk de la Comccfle,:: nou$< 
nous Prions nrille: fois jur6s der 
nous aimer toujours &c de net 
oous fiSparor jamais j €niforte que . 
eet enjouementi^ [ cette gayet^r 
extraordinaire, que je Temaixjuai? 
dans la phyitoiitomie &L dajiis toa^ • 
t^s les adions de laComtefler,^ 
l$)rfque jc parus iifes yeux , me; 
fit illiriiQA ; : je:penfeique le Qht-!> 
yalier d64it4esdejGjf&6t6ien« plusi^ 
.^fs y . plus ifi^j^tueux que leS> 
lafuens , suiroit ibien pA d^couvrier 



£ fa foeur les &ntimerrs done je 
le fijavjois p6n6tr6. J'imaginai 
4|u'elle y avoit appktidisque pieuc— 
^e nous allions> i&cre heureux^ 
par im aveu aae Pcmprcflemenc 
de la Comteue fembloit me pro- 
mettrer j'en crdkilUs^moi - nrd* 
me de jofe^ mars que cecte jaie" 
fuixoarre tScqueje k pa^yavch^- 
remcnt :,. iMfque la Comtek' 
m'eut appds ce qui caisfoit Ut^ 
fieniie ! II ^toit enef&trqueftioip 
d'ufi mariage t un EMt^ed^j^ 
richc >; mais qiji n*en ^coit^qiie^ 
plus' arJi»m:tg^ 
nauv^ette$ mhe£(0S ,^^^i^^^ 
ppur m*^p0iifer j^ la dot que j©r 
die^cas lui poiter dcoir line places 
d-lncire^ daiis le!r, a£^^ du^ 
Roif i^ que lei cr^ir de 

d© Venddme de^^iti lui4k|re.ol**- 



BE CECltE. 207* 

omtejSe envifaeeoit cette af- 
ire comme la plus grande for- 
tne qui d^t jamais m*arriver., 
I Dela fofle , c'^coit le nom du* 
Jrfbnnagc , dtoit d*ailleurs , me ^ 
foit la Comtefle, un hornme^ 
tffitblcment aimable y il 6toitT 
icoK a la fleur de fon Sge , &: 
^voit que trente Kuit ans : je* 
Jvois avoir un carofTe, des do- 
eftrques^une benne maifon ^, 
fs pierreries, aa un mot tout' 
^qui edt pent-^re flatt^mai 
Lnit6 ^ (i Vidfe du ChevaUer eut: 
irmis ^mon cocur d'y ^re £en- 
jle. La C6mte(!e ajouta i ceS' 
§tails ^ comme pour- me rendre* 
tttt proppficfon plus aw^able ^^ 
ae c^6toic le Comte ion marif 
ae j*avois i torraccuf^d'^re^ 
ronennemi'i quiavoitluim^e? 

fc^nasLdcctteafiaire.. Te^fusDfc^ 



firifi^e , confondue a une pareilte 
propofitioni je ne favois. ce qae^ 
j'y devois r^pondre : jO remer- 
ciois fans fetfe obligee } mais je 
remerciois d^une fa^pn fl timide 
& fi embarrafKe, que JaGomtefle 
nepouvoit manquer des'en at)-' 
perceyoir. Elle foup^onna ^ife- 
ment.que je tf6cois m couch6edu^ 
roariage qa*elle me proppfbit ,. 
ni flat^e des avantagcs qu'elle mY 
faifoit envifagerj imais fanss^a- 
raufera c^mbattreiifta pr^teiidiie 
ddicatefle^elle-medit que cette- 
aiFaire 6coirtropavanc4epoury 
faire de fi f^rieufes reflexions ; • 
cyie M. le. Grand Prieur avoir 
fait toutes les ddmarches necef- 
faires p94iir obtenir la grace qur 
m'afluroit cct 6tablifleraent j^ue - 
toutes les paroles ^toienc^ 4i&n- 
n6e5^;&^ qu'enfin j§ 4cvais xne-: 



£^pfera voir lei^ndemain mon. 
futur |pGU3c i que te Comte de^ 
yoit me le prefenter lui- m^me ? 
die fink par m*exhorter a me pa- 
•er d^ qion-mieux ,iUft;out a bien> 
rec^v^ir M.4je la Foiky&c a ne lul 
pas paro^tre auffi indiflferente que 
je lui paroiiToi^ a elle - meme ,, 
pour unenouvdle qui devoit me 
faire auta^^t; de ; gjaiiir^ - J'qus k. 
Iqrc^.ck lui avQuer qu'elle ne, 
m'en f^ifoit; ppitit 4u tout j je lui: 
€?cp|pfaik crainte qae j>yois qjie 
la honte^erpa naiflaace nedut 
m'isittirer ou ks dugouts de M^ 
de la Fofle ,, Qu fcs reprpches. Li^. 
ComTeflene fit- querire d6 me^^ 
craintes, & fortit enme difant*^ 
que M> Dekfofle, tout riche; 
qu'il ^toit,. ne valoit pcut-^tre 
gas mieuxque moi , 6c qu'il fe— 
spit trop heureux^e me pofl^der^ 



tlO Ml MO I RE* 

f uifque c'^toit mai qui affurof* 
fa fortune. On ne d6uter|^ point 
que la Comtefle en me qtrittanr 
ne me kiflat dans Tdtat du mon- 
de le plus cruel & le plus mcet^ 
tain. J'ignoroiscequeje devow 
faire\ j'ignorois mfeme cequej e 
devois penfer : j'aurois voulu voir 
le Chevalier avant que de pren- 
dre aucun parti j je ne lui avois 
point encore 6crit,& je n'ofai 
lui 6crire Te rciidois bien juftice 
dfa fa9on de penfer fur la prapo- 
£tion qu'on venoit deme fairec 
mais je ne croyois pouvoir re-- 
gier ma conduite en cette occa-^ 
iion que fur fes avis : je me fen- 
tois 6galement incapable d'ob^ir 
a ceux dela ComteUe, ou delut 
rdfifter > & je voyois avec dou- 
liBur dans Tune ou Pautre de ccs 
sifoltitions la perte du Glievaliexi 



y 



DE C EC ILL Il^r 

dbvenir pour moi prefque cer- 
taine. Je reftai done jufqu'au 
lendeinain dans une fi parfaite 
inadion d*efprit & dans un ff 
grand an^antiflement de toute 
ma perfonne , qifi peine me rel- 
toit-il un 16ger fentiment de mooj 
cxiftence \ tout ce que j'en avois- 
perdu dans cette efpfece de 1*6- 
tliargie, parut fe p^unir^our me 
rencire plus fenfible au pUifir de 
Voir le Chcvaliar . 11 s*^toit d^ro^ 
fe^le matin d'aflez bonne heure 
au furveillant Duclos j il avoir 
appris de lili la funefte nouvelle 
qu'bn m*avoit annonc^e la veil-- 
Je , il 6toit furieux : Je n'eus pay* 
befoin de Pjnftrufrej il l^^toit plus 
que je n'euffe fouhait^ dans ce 
moment , puifque la vivacit^ de 
fon emportement me fit trem-^ 
bier. U ne doutoit point , difoifcr 



arz MemoiiI^S 
il , de raon coeur 5 mais il nie pou^ 
voit foiiffrir qu'un autre olajc le 
lui difputer. La violencefHe 
r^tat ou je le vis me fitnaitreeir 
un inftant mill« idfees qui^'^tpient 
refuf^es a mon imamnation , & 
que je croyois capables de parcr 
le coup que nous redoutions ^ga* 
lement tous deux Je me hatai 
d'en informer le Chevalier j & ne 
foyant; point d'autte voie pour 
calmer fes fens, *je lui jural cent 
^is que rien neferoit jamais ca- 
pable de me faire quitter la r6fo- 
lution que je prenois de refufer 
conftamment d'Stra a tout autre 
qu'a lui. Je le priai ittftamment de 
me quitter apres cette'affiirancey 
& j^exigeai par tout le pouvoir 
qu*il me donnoit fur fes volont^s^ 
qu'il n'entreprendroit rien cpn^ 
tare. un rival qu*il ne mena^pit^e 



DIE C ECI L'E. 115 

jfien moins quexiel'immolera fa 
f ureur,s*il ofoit pedifter i vouloir 
in'6poufer. U fembloit a la vio- 
Jence qu*il fut oblig6 de fe faire 
^pour fe f6parer de moi , qu*il pr6- 
vit en pfFet la cruelle f^paration 
done nojas 6tions menaces : je re- 
mets a la fuite de ces m6inoix;es i 
parler de ce trifte 6v6nenient , 
ainfi que du changement qui ar- 
riva dansma fit^ation a J*occa- 
iion de* d^Jux entretiens dont je 
^iens 4e reridre compte. 

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