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MÉMOIRES
DELA
MINORITÉ
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LOUIS X I V«
MÉMOIRES
DELA
MINORITÉ
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LOUIS XIV,
Corrigés O augmentés de -plufieurs chofes fort confi-
dérabîes , qui manquent dans les autres Editions^
Avec une Préface nouvelle , qui fcrt d'Indice
& de Sommaire.
Par M. le Duc D. L. R.
Tome II.
•^■
A TREVOUX,
Aux dépens de la Compagnie,
M. D C C. L I V.
*"^ ** «il» ♦* ** *<* <i* v\t <i* fl* ^•^i i^: *'* ^;t «ic
•snv -a» -irN- vft^ •>/;«• -ti^^v tAc* tA-î" ''iw •5<w -jA^ •^î* -jftc -^ v/w •>r.>?
MEMOIRES
D E
M. D. L. R...
La prison des Princ es.
%^^t^ E Roi avoic accordé la
^ L, 2 P^^'^ ^^ Parlement de Pa-
feC^^'Sil ^'^s > ^ ^ ^^^^ ^^^^^ ^^^ ^-
voientpris Ton parti en Pannée 1649.
de la plus grande part des peuples
Pavoit reçue avec trop de joye, pour
lairtèr lieu d'appréhender qu'on les
pût porter une féconde fois à la trou-
bler. Le Cardinal Mazarin raffermi
par la protedtion de Mr. le Duc
Tome //• A
% M E M O 1 p. E s
d'Orléans , &c de Monficur le Prin-
ce 5 commençoic à ne plus craindre
les effets de la haine publique , &C
CCS deux Princes fe proraetcoient ,
qu'il auroit une reconnoillànce pro-
portionnée à fes obligations ôc à fes
promeffes. Monlieur le Duc d'Or-
léans en attendoic les effets fans in-
quiétude 5 content de la parc qu'il
avoir aux affaires , 5c des efpérances
qu'on donnoit à l'Abbé de la Ri-
vière 5 de le faire Cardinal, Mais
Monfieur le Prince n'étoit pas fi
aifé à farisfaire ; fes fervices paffés ,
c^ ceux qu'il venoic de rendre avec
tant de fuccès au fiége de Paris ,
portoient bien loin fes prétentions ,
Ôc elles commençoient à embarralïèi*
le Cardinal.
La Cour écoic encore à Corn-,
piegne , &c quelques raifons qu'il y^
eût pour la ramener à Paris , Iç.;
Cardinal ne pouvoir fe réioudjre .^î
y retourner, de peur d'expofer fa
D E M. D. L. R. 5
peifonne à la furie d'un peuple ,
qui avoic témoigné depuis peu tant
d'animofité contre lui. Il falloic
néanmoins fe déterminer à quelque
chofe , ôc s'A lui paroilîoit dange-
reux de fe fier à Tes ennem.is , il ne
l'étoic pas moins de témoigner de
les craindre. Dans ces irréfolutions,
où perfonne n'ofoit lui donner con-
feil , & où il n'en pouvoit prendre
lui-mêm.e , Monfieur le Prince crut
que pour achever fon ouvrage , il
devoir aller à Paris , afin que félon
la difpofition où il trouveroit les
efpfits 5 il eût l'avantage d'y rame-
ner la Cour ou de la porter à pren-'
dre d'autres mefures. En effet , tV
y fut reçu , comme il avoir accou-
tumé de l'être au retour de fes plus
gloricufes campagnes. Cet exemple
ayant ralTuré le Cardinal, on ne
balança plus pour retourner à Paris :
Monfieur le Prince y accompagna
le Roi , de en arrivant au Palais
A 2
4 M E î^f O I R E s
Royal 5 la Reine lui dit publiquc-
jïient , qu'on ne pouvoit aflèz re-
connoître fes fei'vices , qu'il s'étoic
olorieufement acquité de la parole
qu'il lui avoit donnée de i-écablir
Tautorité du Roi , de de maincenir
Mr. le Cardinal. Mais la fortune
changea bicn-tot ces paroles en deS'
effets contraires.
Cependant Monfieur le Prince
croit dans une liaifon particulière
avec Mr. le Duc d'Orléans y il avoio
elfayé de l'établir par les extrêmes
déférences , qu'il avoit affedté de
lui rendre durant la guerre , & il
les continuoit encore avec le mênie
foin : mais il ne garda pas long.-
temps de femblables mefures avec
le Cardinal Mazarin ; cc bien qu'il
ne fut pas encore réfolu de romprt
ouvertement avec Ijltî , il fit afTeî
connoitre par des railleries piquan-
tes 5 &c par une oppoiition continuel-
le à fcs avis , qu'il le croygi.t pei
DE M. D. L. R. j
digne de la place qu'il occupoit , 6c
qu'il fe repentoit même de la lui
avoir confervée. On attribue cetre
conduite à des motifs bien diffe-
rens ; mais il eft certain , que le
premier fujet de leur méfincelligen-
ccavoic com.mencé durant la guer-
re de Paris , oii Moniieur le Prince
crut 3 que le Cardinal vouloit:
adroitement rejetrer fur lui la haine
des peuples 5 en lefaifant palTer pc3ur
Pauteur de tous les maux qu'ils
avoient foufferts : de forte que ce
Prince crut en devoir ufer ainiî en-
vers le Cardinal , pour regagner
dans Popinion du monde ce qu'il y
avoir perdu par la prote6licn qu'il
avoit donnée à un homme iî géné-
ralement haï j en Pempêchant de
fortir du Royaume , t5^ de céder à
fà mauvaife fortune. Outre que fe
fouvenant' de Pabartement ' que le
Cardinal avoit montré pendant les
derrjçrs défordres , il fat petfuadé^
6 Mémoires
qu'il fuffiloit de lui faire peur , 8c
de le méprifer , pour lui attirer de
nouvelles affaires , & pour l'obliger
de recourir de nouveau à lui , avec
la même dépendance que par le
paffé. Il s'imagina peut-être encore
fur le bon traitement que la Reine
lui a voit fait à Saint Germain , qu'il
ne lui feroit pas impoiïible de lui
faire appercevoir les défauts du Car-
dinal 5 èc de s'établir auprès d'elle
après l'y avoir détruit. Enfin , quel-
les que fufTent les véritables caufes
de ce changement , Mr. le Prince
réfolut de fe reconcilier avec les
Frondeurs y croyant ne pouvoir mieux
lever les imprefïions , que le monde
avoit prifes contre lui , qu'en fe
liant avec des gens dont les peuples
ëpouioient aveuglément les affec-
tions de les fentimens.
Le nom de Frondeurs avoit été
donné du commencement à ceux
du Parlement, qui étoient oppofés
D E M. D. L. R. 7
aux volontés de la Cour ; mais de-
puis le Duc de Beaurorc , le Coad-
juteuL' de Paris, le Marquis de Noir-
jnoutier ôc Laigucs , s'étant joints
à cette cabale , s'en rendirent les
Chefs j auiquels Ce joignirent après
Madame de Chcvreuie , & Mr. de
Châteauneuf j avec leurs amis. On
crût que Mr. le Prince n'eut jamais
intention de fe mettre à leur tête
contre la Cour , mais feulement de
regagner , comme j'ai dit , l'efpric
xles peuples , de fe rendre par-là re-
doutable au Cardinal , & de faire
par ce moyen fa condition plus
avantageufe avec lui. Jufques-là il
avoit paru irréconciliable avec Mr.
le Prince de Conti & Madame de
-Longueville ^ &c même dans le Trai-
té de paix de Paris il s'emporta
contre eux avec une aigreur extrê-
me , foie que ce fut pour faire fa
Cour 5 ou par un fentim.ent de ven-
geance , pour s'être féparés de lui,
A 4
s Mémoires
Outre cela , il fut diredement cori"
traire au rétablidemcnt de Ton frère
& de ion beau- frère dans leurs Gou-
vcrnemens y &c par une très -mé-
chante politique , il s^oppofa à l'in-
tention qu'on eût à la Cour de
donner le Mont-Olimpe & Charle-
ville à Monlieur le Prince de Conti,
& le rcrtraignit à accepter Dam-
villiers.
Ce procédé extraordinaire parut
aufTi rude à ce Prince Se à Madame
«ie Longueville quil Tétoit en effet.
Se dans cet embarras ils chargèrent
.tous deux le Prince de Mariillac ,
fils aîné du Duc de la Rochefr>u-
cault , qui avoit alors toute leur
confiance , d'écouter les propofi-
tions que PAbbé de la Rivière prin-
cipal Miniftre de Moniieur le Duc
d'Orléans , leur fit faire par le Mar-
quis de Flamarin, fçavoir ; Que Son
AltefTe Royale entreroit dans leurs
•intérêts contre Moniieur le Prince;
b E M. D. L. R. 9
^ue Mr. le Prince de Conri aiiroic
l'entrée au Confeil avec Damvilliers
pour Place de fureté j & que lui dc
le Duc de Long;ueviUe feroicnc rétci-
blis dans les fonctions de leurs char-
ges 5 pourvu que Mr. le Prince de
Conti renonçât au Cardinalat en fa-
veur de l'Abbé de la Rivière. Cette
affaire fut conclue à l'heure même
par le Prince dc Marfillac , qui la
trouvoit d'autant plus avantageufc
a ce Prince , qu'étant déjà réfoki
de changer de condition , il ne per-
doit rien en renonçant à la préten-
tion d^être Cardinal , & qu^l obte-
îioit par le moyen de Monlicur tout
ce que la Cour lui refafoit. Et ce
qui étoit encore plus conlîdérable ,
c'étoic qu'en liant l'Abbé de la Ri-
vière par fon plus grand intérêt , il
attachoit par le même moyen Mr. le
Duc d'Orléans à foûtenir en tout
temps &c en toutes rencontres Mr.
le Prince de Conti ôc Madame de
Longueyille. A 5
10 Mémoires
Ce Traité conclu , fans que Mr
le Prince y eut aucune part , lui fit
bien-tôt fouhaiter de fe reconcilier
avec Ton frère de fa fœur. Pour
montrer qu'il entroit ijncerement
dans les intérêts de fes proches j il
prit prétexte d'éclater contre le Car-
dinal , fur le refus qu'on fit au Duc
de Longueville du Gouvernement
du Pont- de - TArche , après le lui
avoir promis -, ce qui réjouît infini-
ment les Frondeurs, Mais foie que
Mr. le Prince ne pûc fe fier à eux ,
ou qu'il ne voulût pas être long-
temps mal à la Cour , il fe raccom-
moda dans huit jours avec Mr. le
Cardinal , qui lui fit perdre de nou-
veau les Frondeurs , qui s'emportè-
rent contre lui , fans garder aucunes
des mefures qu'ils dévoient à fou
mérite & à fa qualité ; car ils fe
plaignirent publiquement , que ce
que Monfieur le Prince venoit de
faire , étoit une fuite des mêmes
D E M. D. L. R. II
artifices , donc il s'étoic déjà fcrvi
pour les turprendre. Ils renouvelle-
rent i'aftaire de Noifi près de Saine
jiGermain , où Madame de Longue-
^ ville avoit été quelque temps , &
ou Moniieur le Prince de Conti de
le Duc de Lon^ueville l'étant allé
voir 5 le Duc de Rets &: le Coadju-
teui* s'y rendirent fous prétexte de
vifiter aufïi cette Princeflè 5 mais en
^ effet , pour les porter , comme ils
firent , à le lier avec les Frondeurs»
Ils foùtenoienc que Mr. le Prince
avoit fçLi tout ce traité , ô^ qu'il
avoic pris avec eux les mêmes enga-
gemens que Tes proches *, & ajou-
toienc que la fi-iite avoit bien fait
voir qu'il ne leur avoit donné fa
parole (a), que pour les pouvoir
plus facilement facrifier aux inte-
A 6
(a.) Ils difoient qu'il a'voit âonné en-
vole k Bi-cufel é" k Longaeil de fe mettre
k Lr tête des Frondeurs.
11 Mémoires
rets &: à la haine du Cardinal. Ces
bruits femés dans le monde , y fai-
foient quelque împrefTion , 6c le
peuple recevoit toutes celles qui lui
venoienc des Frondeurs , fans les
examiner. Ainfi , Mr. le Prince fe
vit .abandonné dans un inftant de
tout ce qui s'étoit joint à lui contre
le Cardinal , excepté de fa famille,
qui ne lui fut pas inutile par la
confidération où Madame de Lon-
;gueville fe trouvoit alors , à caufe
àq l'opinion qu'on avoit de fon am-
bition èc de fa fermeté ôc encore
plus de fa haine déclarée contre le
Cardinal , qui pour ces raifons gar-
-doit bien plus de mefures avec elle
qu'avec fes frères.
Il arriva en ce temps-là une que-
telle particulière , qui fut fur le
point de renou-vcller la générale.
Le Duc de Beaufort croyant que
le Marquis de Jarzay , 6c d'autres
gens dépenda;is du Cardinal ,
DE M. D. L. R. 1 5
avoient afFcclé de le morguer aux
Tuilleries pour perfuader que fon
crédit parmi le peuple étoit fini
avec la guerre , il le réfolut de
leur faire un affront public. Ua
foir qu'ils foupoient enfemble dans
le jardin de Renard , il y alla avec
beaucoup de gens , chaflk les vio-
lons , renverfa la table & les plats
avec tant de dél ordre & de con-
fuiion 5 que le Duc de Candale ,
Bouteville ^ St. Mefgrin &: plufieurs
autres qui écoient du fouper , cou-
rurent fortune d'être tués, de Jarzay
y fut blelTé par des domeftiques du
Duc de Beaufort. Toutefois cette
affaire r/eut pas les fuites qu'elle
devoit avoir vraifenriblablement.
Plufieurs d'entre ceux qui avoienr
part à cette offenfe , firent appeller
le Duc y mais il ne crut pas les
devoir fatisfaire dans une conjonc-
ture comme celle ou il fe trouvoir.
Mr. le Prince y prit les intérêts de
14 Mémoires
la Couu ôc ceux du Cardinal avec
la même chaleur qu'il avoir eue
dans les autres temps , mais le Car-
dinal perdant aifément le fouvenir
des bienfaits de Mr. le Prince.,
confervoit celui des mécontente-
mens qu'il en avoit reçus , de fous
prétexte d'un raccommodement
îincere , il ne perdit point d'occa-
iion de fe prévaloir avec induftrie
de fa trop grande confiance. Ayant
donc pénétré que les delleins de
Mr. le Prince ne tendoient qu'à
lui faire peur, comme j'ai déjà dit;
il crût le devoir entretenir dans
cette penfée , en affedant de témoi-
gner de le craindre pour pouvoir
venir à bout avec moins de foup-
çon du projet qu'il faifoit contre
fa liberté. Dans cette vue , tous
fes difcours ôc toutes fes adions
faifoient paroitre fon abattement :
il ne parloit que d'abcndonner les
affaires , de de forcir du Royaume,
DE M. D. L. R. i|
ôc les chofes paiTerent (i avant qu'il
convint de ne plus donner de Gou-
vernemens de Province , de Char-
ges dans la Maifon du Roi , ni
d'Offices de la Couronne fans l'ap-
probation de Mr. le Prince , de
Mr. Ton frère , &c de Mr. de de
Madame de Longueville , à qui
l'on rendoit aulTi compte de l'ad-
miniftratiou des Finances. Ces pro-
mets fi étendues , &c données en
termes généraux , faifoient tout
l'effet qu'il pouvoit défirer. Elles
ébloui (îbient Mr. le Prince &c tous
fes amisj elles confirmoient le mon-
de dans l'opinion , qu'on y avoic
conçue de la crainte du Cardinal t
elles faifoient même défirer fa con-
fervation à fes propres ennemis >
croyant trouver mieux leurs avan-
tages dans la foibleffe de fon mi-
niftére, que dans un Gouvernement
plus ferme & mieux réglé. Enfin ^
il gagnoir par là avec beaucoup
î6 Mémoires
d'adrefle tout le temps qui lui étoît
neceflaire pour tous les dedeins
qu'il pouiToit former contre Mr.
le Prince.
Mais pendant qu'il donnoit tou-
tes les démonftrations publiques de
vouloir entrer, non-feulement dans
les lentimens de Mr. le Prince ,
mais encore dans tous les intérêts
de fes amis , il y étoit fous main
directement contraire , ainfi qu'il le
montra dans une rencontre , qui fe
préfenta , où Mr. le Prince obtint
pour la Maifon de la Rochefoucauk
le même rang (a) , qui avoit été
accordé à celle de Montbazon, ôc à
quelques autres. Car le Cardinal fit
demander par Mr. le Duc d'Orléans
une pareille grâce pour (b) celle
d'Albret^ & fufcira en même temps
une affemblée de Noblefle pour s'y
( a ) Le talouret four U f rince (je de
^arjillac.
( b ) Four Madame de Vons .
D E M. D. L. R. 17
oppofer ( a ). Enfin , foie qu'il en
craignît véritablement les fuites ,
ou qu'il en fit le femblant , il aima
mieux révoquer ce qu'on avoit déjà
fait en faveur des Maifons de Foix ,
de Rohan 6c de Luxembourg , que
de maintenir ce que Mr. le Prince
avoit obtenu pour celle du Prince
de Marfillac. Tout cela aigrifToit
bien Monfieur le Prince , mais ne
lui faifoit rien foupçonner de ce qui
alloît éclater contre lui : de bien
qu'il fût mal fatisfait du Cardinal ,
il ne prenoit toutefois aucunes nie-
fures pour le perdre , ni pour s'em-
pêcher d'être perdu ; & il eft cer-
tain que jurqu'à fa prifon , jamais
fujet n'a été plus fournis que lui à
l'autorité du Roi, ni plus dévoué aux
intérêts de l'Etat -, mais le m.alheur
de la France , de le iien propre y le
(21) Cette affemhlee fe tint chez, le Ma^.
réchal àe VHcpital , (^ fut fuivie de Ia
ré-vocaticn des tdboHYsîi (accordés depuis I4
1ie;rence.
i8 Mémoires
contraignirent bien - tôt à changei:
de fentimenr.
Le traité de mariage du Duc de
Mercœur , fils aîné du Duc de
Vendôme avec une des Nièces du
Cardinal Mazarin en fut une des
principales caafcs , ëc renouvella
toute l'aigreut qui fembloit être
alïoupie entre ce Minillre ôc Mr.
le Prince. Il y avoit donné les
mains devant la guerre de Paris ,
foit qu'il n'en eût pas prévu les fui-
tes , ou que par une trop grande
déférence pour la Cour , il n'eut
ofé témoigner à la Reme , qu'il les
prévoyoit : mais enfin , Madame
de Longueville ennemie de la Mai-
fon de Vendôme , craignant que
les prétentions de rang du Duc de
Longueville ne fufiènt troublées
par l'élévation du Duc de Mercœur,
fe fervit des premiers momens de
fa réconciliation avec fon frère ,
pour lui faire connoître que ce ma-
e E M. D. L. R. ip
riage fe faiioit diredement contre
leurs communs interêcs y ôc que le
Cardinal laiTé de porter le joug
qu'il venoit de s'impoier , voudroit
prendre de nouveaux appuis pour
ne dépendre plus de lui , 3c pour
pouvoir manquer impunément à
fes engagemens , & à la reconnoit-
fance qu'il lui devoir. Monfieur le
Prince fut aiie à perfuader là-deiTus,
de il le fut encore davantage à pro-
mettre à Mr. le Prince de Conti ,
&c à Madame de Loi>gueville , qià'il
fe joindroit à eux , pour empêcher
ce mariage , quoiqu'il eût promis à
la Reine d'y confentir , comme je
viens de dire. Je ne fçai ii ce fut
par cette raiton , qu'il vouloit que
les premières difficultés viniîent de
la part de Monfieur fon frère -y ou fi
ce fut pour retarder de quelques
momens la peine qu'il avoir à fe
déclarer contre les fenrimens de la
Reine : mais enfin , on fçûc bien-tôi^
10 Mémoires
qu'il ne poavoic approuver cette
alliance , ôc dès lors auffi le Cardi-
nal réfoluc de fe venger de lui , &
d'avancer le deflein de l'arrêter. Il y
rencontroit de grands obftacles i
qu'il fâlloit néceilàirement furnnon-
ter : la liaifon particulière de Mr. le
Duc d'Orléans de de Mr. le Prince,
cultivée par les foins de l^Abbé de
la Rivière , en étoit un très-confi-
dcrable -, on ne pouvoir divifer ces
deux Princes , fans ruiner cet Abbé,
oC fans perfuader en même temps
à Monfieur le Duc d'Orléans que
Monfieur le Prince avoit manque à
Ton devoir envers lui , en quelque
chofe afTez coni^dérable , pour lui
faire naître le defir de le voir périr.
Et ce crime imaginaire n'étoit pas
fi facile à ruppofer. Il falloit encore
fe réconcilier avec les Frondeuri^
ôc que ce fut par un traité fi fecref i
que Monfieur le Prince n'en put
avoir de foupçon. Le peuple ôc le
DE M. D. L. R. 2 2
Parlemwiir le dévoient ignorer aulïi ;
car autrement les Frondeurs fe fe-
roient rendus inutiles à la Cour , &
^uroient perdu leur crédit , qui n'é-
toit fondé que fur l'opinion qu'avoic
le peuple qu'ils étoient irréconcilia-
bles avec le Cardinal. Je ne puis dire
fi ce fut fon habileté , qui lui fit in-
venter les moyens qu'on employa
contre la liberté de Mr. le Prince ;
mais au moins je puis affurer qu'il
fe fervit adroitement de ceux que la
fortune lui préfenta ^ pour vaincre
les difficultés qui s'oppofoient à un
deffein périlleux. Enfin un nommé
Jolly 5 créature du Coadjuteur de
Paris y fournit alors de la matière à
tous les défordres qui ont fuivi.
Parmi les plaintes générales qui
fe faifoient contre le Gouverne-
ment , le Corps des Rentiers de
l'Hôtel de Ville de Paris paroi (Toit
le plus animé. On voyoit tous les
jours un nombre de bonnes familles-
iz Mémoires
réduites à la dernière nécefficé, fuî-
vre le Roi ôc la Reine dans les
rues & dans les Egliies , pour de-
mander juftice contre la dureté des
Surintendans , qui prenoient tout
leur bien.Qiielques-uns s'en plaigni-
rent au Parlement , &c entr'autres
ce Jolly y parla avec beaucoup de
chaleur contre la mauvaife admi-
aiiftration des Finances. Et il arriva
que lendemain allant au Palais pour
cette même affaire , on tira quel-
ques coups de piilolet dans le car-
rolîe où il étoit, dont néanmoins il
ne fut pas bleffé. On ne put dé-
couvrir 1 auteur de cette adion, 8c
il eft difficile de juger i\ la Cour la
fit faire pour punir Jolly , ou ii les
Frondeurs la firent eux-mêmes de
concert avec lui , pour avoir un
fujet d'émouvoir le peuple & de
faire une fédition. D'autres on cru,
que ce furent des ennemis dudic
Jolly, qui av oient voulu lui faire
D E M. D. L. R. 23
plus de peur que de mal. Mais
quelque deflein qu'on ait eu en cet-
te rencontre , elle fut auiïi-tôt ré-
pandue dans Paris , comme un effet
de la cruauté du Cardinal ; ôc la
Boulaye qui étoit attaché au Duc de
Beaufort , parut en mem.e temps au
Palais 5 demandant juftice au Parle-
ment de cet attentat contre la liber-
té publique. Peu de gens furent per-
fuadés que Ton zèle fut aulTi définte-
reffi, qu'il le vouloit faire croire, Sc
peu aufïi fe difpoferent à le fuivre :
ainfl le tumulte ne fut ni violent ni
de longue durée. La préfence de la
Boulaye fit croire avec quelque
vraifemblance 5 que ce qui s'étoit
paffé, étoit un artifice des Frondeurs^
pour intimider la Cour , &: pour s'y
rendre néceilairesi mais j'ai fçû de-
puis d'un homme digne de foi à qui
la Boulaye l'a dit , que dans le mo-
ment qu'il y eut quelque apparen-
ce de (édition dans l'affaire de Jol-
i4 Mémoires
ly 5 le Cardinal lui donna un ordre
d'aller au Palais , d'y paroître em-
porté contre la Cour, d'entrer dans
les fentimens du peuple, de fe join-
dre à tout ce qu'il voudroic entre-
prendre , & ( ce qui ell: horrible à
penfer ) de tuer Monlieur le Prince,
s'il paroilToit pour appaiier l'émo-
tion : mais le défordre finit trop- tôt,
pour donner lieu à la Boulaye d'e-
xécuter unfi infâme deilcin, fi ce
qu'il a dit, eft vrai.
Cependant foit que les efprics
factieux du peuple ne fuflent pas
entièrement appaifés , ou que la
crainte du châtiment les fit radèm-
bler le foir même une féconde fois,
pour chercher les moyens de s'en
garantir ; ou foit encore plus vrai-
femblablement que le Cardinal dans
la vue d'arrêter Monlieur le Prince ,
voulût auparavant le rendre irré-
conciliable avec les Frondeurs , &
que pour en venir plus facilement à
bout ,
0 E M. D. L. R. 25
bouc , criit devoir les faire paroicre
coupables du crime que je viens de
dire : il lui tic écrire , le foir même
que le Confcil fe tenoit au Palais
Royal, un billet par Servien, qui lui
domioic avis que la fédicion du ma-
tin avoit été fufcitée par les Fron-
detirs , pour attenter à la perfonne ;
qu'il y avoit encore une alTemblée
dans l'irie du Palais, vis-à-vis du
cheval de bronze pour le même def^
fein ; & que s'il ne donnoit ordre à
fa fureté , il couroit un grand dan-
ger. Monfieur le Prince fit voir cet
avis à la Reine , à Mr. le Duc d'Or-
léans 5 6c à Mr. le Cardinal , qui
en parut encore plus furpris que les
autres. Enfin , après avoir confulté
ce qu'on de voit faire pour en fça-
voir la vérité , il fut réfolu que fans
expofer la perfonne de Monfieur le
Prince à aucun danger, on remene-
roit par le pont-neuf fes gens & foia
carroft , com.me s'il écoit dedans \
Tome II, B
i6 Mémoires
ce qui fut exécuté. Quand le car--
roire fut devant le cheval de bron-
ze 5 des inconnus y tirèrent quelques
coups de moufqueton, 6c bleiTerent
un laquais du Comte du Duras,
qui étoit monté derrière. La nou-
velle en fut auffi-tôt portée au Pa-
lais-Royal 5 & Monfieur le Prince
demanda juftice au Roi & à la Rei-
ne contre les Frondeurs, Le Cardi-
nal fe furpaila lui même en cette
occalion ; Ton foin (Sd fon zèle fem-
blei'ent aller encore plus loin que
celui des plus proches parens, 6c
des plus paiïionnés amis de Mon-
iteur le Prince. Il crût d'autant
plus aifément que le Cardinal
prenoit Tes intérêts avec chaleur ,
qu'il lui fembloit qu'il étoit de
fa prudence de ne pas perdre
une fi favorable occafion de s'ac-
quitter aux dépens de fes anciens
ennemis, de ce qu'il devoit à la
protedioii qu'il avoit reçue de
D E M. D. L. R. ly
Monfieur le Prince contre tout le
Royaume. Ainfi aidant à fe trom-
per lui même , il recevoit Pempref-
lement du Cardinal, comme une
marque de Ton amitié & de fa re-
connoifTance , bien que ce ne fût
qu'un pur effet de fa haine fecrette ,
éc du defir d'acheminer plus fu-
rement Ton entreprife.
Cependant les Frondeurs y voyant
naître contre eux une il prompte ôc
Cl dangereufe accufation , crurent
d'abord que c'étoit un concert de
Monfieur le Prince ôc da Cardinal
pour les opprimer. Ils témoignèrent
de la fermeté dans ^ette rencontre ;
& bien qu'on fît courir dans le
monde , que Monfieur le Prince
fe porteroit à toute forte de violen-
ce contre eux, néanmoins le Duc de
Beaufort, fans s'étonner de ce bruit,
alla chez le Maréchal de Gram-
mont , où Mondeur le Prince fou-
poit -, ôc quelque furprife qu'on eût
B 2,
zS Mémoires
de Ton arrivée , il y paîïà le refte du
foir 3 ôc parut le moins embarrafTé
de la Compagnie. Le Coadjuteur Se
lui employèrent tous les moyens
qu'ils purent auprès de Monfieur le
Prince ôc de Madame de Loncrue-
•ville > pour leur prouver leur inno-
cence j &c le Marquis de Noirmou-
tier propofa même de leur part au.
Prince de Marfîllac , de s'allier de
nouveau à toute la Maifon de Con-.
dé contre le Cardinal, Mais Mr.
le Prince, qui n'ccoit pas moin»
aigri par le peu de refpeâ: qu'ils lui
avoient gardé dans tout ce qu'ils
lui avoient publié de l'affaire de
Noifi 5 que parcequ'il croyoit qu'ils
avoient eu deflTein de l'ajGTaffiner ,
ferma l'oreille à leurs juftifications.
Et Madame de Lonsiueville fit la
même chofe , animée par l'intérêt
de la Maifon , Sz plus encore par le
re(Tènriment particulier qu'elle avoiï
contre le Coadjuteur, pour avoir
D E M. D. L. R. 29
donné des avis &c des confeils con-
tre elle au Dv.c ion mari.
Les choies ne pouvoient plus de-
meurer dans les termes , où elles
étoient alors , 2^ il falloir ou que
Moniieur le Prince fe fie jurtice lui-
même du confenteinent delà Cour,
ou qu'il la demandât au Parlcmcnr.
Le premier parti croit trop violent ,
ôc il ne convenoit pas au delTèin
caché du Cardinal j & l'événemenc
de l'autre étoit trop long &c trop
douteux. Néanmoins comme l'in-
tention du Cabinet étoit de mettre
l'affaire entre les mains du Parle-
ment, pour mortifier Moniieur le
Prince par le retardement , & par le
déplaiiir de fe voir aux pieds des
Juges 5 dans la condition de fup-
pliant aufïi-hien que fes ennemis ,
le Cardinal ne manqua pas de pré-
textes apparens , pour l'y conduire
adroitement, & pour avoir ainiî touc
le temps dont il avoit bcfoin. Il lui
B 3
3© Mémoires
repréfenta que ce feroit renouvelleir
la guerre civile , que d'attaquer les
Frondeurs par d'autres voyes , que
celles de la juftice , qui devoir être
ouverte à tous les criminels \ que
l'affaire dont il s'agilloit , étoit de
trop grand poids , pour être décidée
ailleurs qu'au Parlement , & que la
confcience & la dignité du Roi ne
permettoicnî pas d'employer d'au-
tres moyens ; que l'attentat étoit trop
vifible pour être difficile à vérifier >
qu'un tel crime méritoit un grand
exemple , mais que pour le donner
furément, il falloit garder les ap-
parences 5 & fe fervir au moins
des formes ordinaires de la juftice.
Monfieur le Prince fe difpofa fans
peine à fuivre cet avis , fe confiant
en la bonté de fa caufe , &: plus en-
core en fon crédit , dont il préten-
doit fe fervir en tout cas , fi le fue-
cès de l'autre ne répondoit pas à
fon attente. Il fit donc fa plainte au
D E M. D. L. R. 31
Palais félon les formes ordinaires ,
de dans tout le cours de cette affaire
le Cardinal eut le plailir malicieux
de le conduire lui-même dans tous
les pièges qu'il lui avoir tendus.
Cependant le Duc de Beauforc & le
Coadjuteur dem.anderent d'être re-
çus à fe juftificr , 6c cela leur ayant
été accordé , les deux partis quittè-
rent pour un temps les autres voyes,
pour fe fervir feulement de celles
du Palais. Mais Monfieur le Prince
connut bien-tôt par la manière donc
les Frondeurs foutenoient leurs affai-
res 5 que leur crédit y pouvoir ba-
lancer le lien 5 il ne pénétroit pas
néanmoins dans la diiïimulatlon du
Cardinal, & malgré les impreffions
que lui en donnoient Madame fa
fœur ôc quelques-uns de fes amis,
il croyoit toujours que le Cardinal
■agiiïoit de bonne-foi. Les cliofes de-
meurèrent quelques jours en ces
termes j ^<. Taigreur augmentoir de
B 4
32 Mémoires
tous les cotés : les amis de Mr. le
Prince , ôc ceux des Frondeurs , les
acccmpagnoienc tous les jours au
Palais 3 & les chofes fe maintenoient
ainfi avec plus d'égalité, qu'on n'en
dévoie attendre entre deux partis ,
dont les Chefs étoient fi inégaux.
Mais enfxn le Cardinal efperant de
recouvrer fa liberté en l'ôtant à Mr.
le Prince , jugea qu'il étoit temps de
s'accommoder avec \çs Frondeurs y
ëc que fans craindre de leur donnei"
lin moyen de fe reconcilier avec Mr.
le Prince , il pouvoit en fureté leur
otfrir la protection de la Cour , &
prendre enfemble des mefures con-
tre lui. Monficur le Prince en four-
îiit même alors un prétexte allez
plaufible ; car ayant fcii que Ma-
dame de Lon^ueville ménaiicoic
fecrettement , & depuis quelque
temps 3 le mariage du Duc de Ri-
chelieu & de Madanje de Pons, il
les mena à Trie , de voului; autori-
ï) E M. D. L. R. 5 5
fer cette cérémonie de fa préfence ,
êc prit il hautement la proteccioii
des nouveaux mariés contre leurs
proches fa) , que le Cardinal n'eue
pas de peine à donner un Tens cri-
ininel à toute cette conduite , ôc à
perfuadei- que les foins que Mr. le
Prince ôc Madame de Longue ville
avoient pris pour ce mariage , re-
gardoient moins l'établilîement de
cette Dame 5 que le dcfïein de s'af-
furer du Havre dont Ton mari étoît
Gouverneur fous Padminirtration
de la Dame d'Aii^uillon fa tante.
Le Cardinal trouva moyen d'aigrir
auiTi Mr. le Duc d'Orléans , fur ce
B ;
faj C'eJ} <jue Madame d'Jîiguillon ,
^tli "jouloit marier le Duc de Kichelieu ,
fon- neveu , avec une des nièces du Cardi-
nal , ^rétendoit faire ca^tr le mari.ige de
Madame de Fcns , quoi ofu'' elle fut de con-
dition tres-égalc att jeune Duc , Ô" '^i^'iie
de Vaine de la Maifon d'All^ret. Elle s'a}-
felloiî dîi Fi^can,
^4 Mémoires
que Mr. le Prince ne lui avoit rien
dit de ce mariage : de puis il prit
des mefures avec Madame de Che-
vreufe , qui fe fervant habilement
de l'occalion , lui propofa d'abord
tout ce dont il n'avoit ofé fe dé-
couvrir le premier à elle contre la
liberté de Mr. le Prince. Ils en con-
vinrent en général , mais les parti-
cularités de ce traité furent m.éna-
gées par Laigues , que ce Prince
avoit défobligé fans fujet , quelque
temps auparavant > de qui en avoit
toujours confervé depuis un pro-
fond reifentiment. Il eut alors l'a-
"^'antage de régler les conditions de
la prifon de Mr. le Prince , ôc de
montrer combien il importe aux
perfonnes de ce rang , de ne rédui-
re jamais ceux qui font au-dellous
d'eux à la néceflité de fe venger.
Mais il refloit encore un obllacle
difficile à furmonter, c'étoit de faire
entrer Mr. le Duc d'Orléans dans le
D E M. D. L. R. 3 5
dedein de perdre Mr. le Prince ,
vu la confiance aveugle qu'il avoic
depuis vingt ans aux confeils de
l'Abbé de la Rivière , qui avolt
tant d'intérêt de s'y oppofer. Ma-
dame de Chevreufc fe charcrea de
vaincre cette dernière difficulté ;
& pour en venir à bout , elle fe
plaignit à Mr. le Duc d'Orléans du
peu de fureté qu'il y auroit défor-
mais à prendre des mefures parti-
culières avec lui ; que toutes fes pa-
roles étoient rapportées par l'Abbé
de la Rivière à Mr. le Prince Qc à
Madame de Longueville , & que
s*étant livré à eux de crainte d'être
troublé à R.ome dans fa prétention
du chapeau , il les avoit rendus ar-
bitres du fecret & de la conduite
de fon maître. Elle lui perfuada
inême 5 qu'il étoit entré avec eux
dans toute la négociation du ma-
riage de Madame de Pons ; & que
toutes chofes fe faifoier:: tellement
B 6
!^6 Mémoires
de concert enfemble , que Madame
la Princenc la Mère n'avoit aiTifté
avec tant de chaleur Mademoifelle de
Saugcon clans le deflein qu'elle avoit
d'écre Carmélite , que pour éloigner
cette fille de la préfence ôc de la
confiance de Mr. le Duc d'Orléans,
& pour empêcher qu'elle ne lui fît
lemarquer la conduite de l'Abbé
de la Rivière , <k fa dépendance
aveugle de la Maifon de Condé.
Enfin Madame de Chevreufe fcat fi
tien aigrir Mr. le Duc d'Orléans ôc
contre Mr. le Prince , 6c contre la
Rivière , qu'elle le rendit dès lors
capable de toutes les impreffions,
de de tous les fentimens qu'on lui
voulut donner.
Le Cardinal de Ton côté, renou-
vella artificieufement au Duc de
Rohan une proportion , qu'il lui
avoit faite autrefois , pour engager
Mr. le Prince à prétendre la charge
de Connétable , à quoi il n'avoir
DE M. D. L. R. 37
jamais voulu entendre , pour éviter
de donner jaloufie à Mr. le Duc
d'Orléans. Et bien que Mr. le Prin-
ce la rejettât cette féconde fois ,
par la même coniidération , le
Cardinal fçût tellement fe prévaloir
des conférences particulières qu^il
eut fur ce fujet avec le Duc Rohan,
qu^il leur donna toutes les appa-
rences d'une négociation fecrete ,
que Mr. le Prince m.énageoit avec
lui fans la participation de Mr. le
Duc d'Orléans (a) , &c en quelque
{a) Le Cardinal, dit Mr. le Prince
dans un de Tes Manifeftes , qui preioyoit
bien que Mr. le Duc d'Orléans étoit four
demander Vépee de Ccnnétahls , afin de
fe confeyvcr dans la Majorité du IX ci la
friticipale fonâicn de fa Lieutenance Géné-
rale , employa fes artifices ordinaires , pour
m* engager k la potirfuiire ; partie pour
nous c o;mnettre tous deux dans la demande
àe cette Charge ; partie pour en tirer de
moi quelque récompcnje. l^ncore me la
fit-il offrir par le Duc Rohan , a conit-'
tionqueje cedajfekfon Neveu Mancin^
58 Mémoires
façon contre Tes fentimens. De forte
que ce Duc ayant reçu toutes ces
impreiuons , de voyant un procédé
qui lui paroi(ïoit tout cnfemble peu
fincere ôc peu refpedtueux de la
part Mr. le Prince , il fe crût dégagé
de tout ce qu'il lui avoit promis ,
& confentit dès l'heure , fans ba-
lancer, au deffein de le faire arrêter
prifonnier.
Le jour qu'ils choifirent pour
l'exécution , fut celui du premier
Confeil. Ils refolurent aufïi de s'af-
furer du Prince de Conti ôc du
Duc de Longueville , croyant remé-
dier par là à tous les défordres ,
tout ce que je f retendais fur V Amirauté ,
ou que je lui donnajje le bâton de Grand-
Maître. Si cette épée de-voit être Jî pré-
judiciable a l'Etat entre mes ?7jains , éf*
me donner moyen de pajjer d'un état par-
ticulier a la Royauté , m'en dtv oit-il faiye
la proportion , ^ s'obliger lui-même de
4a faire agréer à S. A. K. pour les intérêts
de laquelle je refufots d'y entendre f
DE M. D. L. R. 55?
que pouvoir produire une telle en-
trepnfe. Depuis quelque temps y
ces Princes, à l'inftance de Madame
de Longucville, avoient évité de fe
trouver tous trois enfemble au Pa-
lais-Royal 5 & ils le faifoient bien
plus par complaifance pour elle 5
que par aucune perfuadon que
cette conduite fut neceflaire à leur
fureté. Ce n'eft pas qu'ils n'eufifenc
reçu plusieurs avis de ce qui étoit
à la veille de leur arriver , mais
Mr. le Prince y faifoit trop peu de
réflexion pour s'en fervir > 6c les
recevoit même quelque fois avec
une raillerie aigre , évitant d'entrer
en matière pour n'avouer pas qu'il
avoit pris de fauffes mefures. De
forte que fes plus proches parens &
fes amis craignoient de dire leurs
fencimens là-delTus. Néanmoins le
Prince de MarfiUac , ( que l'on
nommera déformais le Duc de la
Rochefaucauk 5 à caufe de la mor:
40 M E l^î O I R E s
de Ton père , arrivée en ce même
temps ) voyant les divers procédés
de Mr. le Duc d'Orlcans envers les
Frondeurs , & envers Mr. le Prince,
die à Mr. le Prince de Conti le jour
qu'il fut arrêté , que la Rivière
était aflurément gagné de la Cour,
ou perdu auprès de Ton Maître , &
qu'ainfi il n'y avoit pas un moment
de fureté à la Cour pour Mr. le
Prince 5 & pour lui. Et le jour
d^'auparavant , il dit à la Mouflayc
que le Capitaine de fon quartier
lui écoit venu dire , qu'on Pavoit
envoyé quérir de la part du Roi ,
èc qu'étant dans la Galerie du Pa-
lais-Royal 5 Monsieur le Tellier
lui avoit demandé , iî le peuple
n'approuveroit pas que le Roi fît
quelque action éclatante pour réta-
blir Ion autorité : à quoi l'autre
répondit , que pourvu qu'on n'ar-
têtât point Mr. le Duc de Beaufort ,
il n'y avoit rien à quoi l'on ne con-
D E M. D. L. R. 4ï
fentît. Sur cela , le Capitaine vint
trouver le Duc de la Rochefoucauk,
6c lui dit qu'on vouloir perdre Mr.
le Prince , ôc que de la façon qu'il
voyoit prendre les mefures , ce
devoit être dans très-peu de temps,
La Mouflaye promit de le dire ,
mais Mr. le Prince dit qu'il ne lui
en a jam.ais parlé. Cependant le
Cardinal ajoute la raillerie à tout
ce qu'il préparoit contre Mr. le
Prince , lui difânt , qu'il vouloir
ce jour même lui facriher les Fron^
deurs^ èi qu'il avoir donné les or-
dres pour faire arrêter le nommée
des Couchéres , qui étoit le princi-
pal auteur de la fédition de JoUy ,
& qui commandoit ceux qui atta-
quèrent Ton carrofTè fur le Pont-
neuf; mais que dans la crainte
que les Fror^denrs fe voyant ainfi dé-
couverts , ne fiffcnt quelque effort ,
pour le retirer des mains de l'Offi-
aer <jui le deyolt mener au Bois ds
42. Mémoires
Vincennes , il falloir que Mr. le
Prince prie le foin d'ordonner les
Gendarmes C5: les Chevaux- légers
du Roi 5 pour le conduire fans dé-
fordre. Mr. le Prince eut alors la
confiance qu'il falloit pour être
trompé y il s'acquitta éxaétement
de fa commiffion , de prit toutes
les précautions néceffaires pour fe
. faire mener furement en prifon.
Le Duc de Longue ville étoit à
Cbaillot 5 de le Cardinal lui manda
par Prioleau Ton Agent , qu'il par-
ieroit le jour même au Confeil ,
de la furvivance du- Vieux-Palais
de Rouen en faveur du fils de Mr. de
Beuvron dépendant de lui, & qu'il
la lui remettroit entre les mains ,
afin que cette MaifQn la tînt de lui.
Le Duc fe rendit aufïi-tôt au Palais-
Royal , le foir du i 8. Janvier i 650.
& Mr. le Prince , Mr. de Conti 3c
lui étant entres dans la Galerie de
i'appartenienc de la Reine ^ ils y
D E M. D. L. R. 43
furent arrêtés par Guitsult Capitai-
ne de fes Gardes, Quelque temps
après, on les nt monter dans un car-
rofle du Roi, qui les attendoit à la
petite porte du jardin. Leur efcorte
fe trouva bien plus foible , qu'on
n'avoit cru : elle étoit conTimandée
par le Comte de Mioilans Lieute-
nant des Gendarmes; Ôc Cominges,
Lieutenant de Guitault Ton oncle ,
les gardoit. Jamais des perfonnes
de telle importance ne furent con-
duites en prifon par un fi petit
nombre de gens , car il n'y avoic
que feize hommes à cheval , avec
ce qui étoit en carrofTe avec eux.
Tout le monde fçait comm.e le
carrofTe s'étant rompu encre Paris
& Vincennes , ils demeurèrent qua-
tre ou cinq heures par le chemin >
belle occafion pour ceux qui au-
roient voulu entreprendre de les
délivrer , mais perfonne nç fe vait
en devoir de le faire.
44 Mémoires
On voulut arrêter en même temps
le Duc de la Rçchefoucault <Sc la
MouiTaye , 6c l'on envoya Mr. de
la Vrilliere porter un ordre à la
DuchefTe de Longueville , d'aller
trouver la Relire au Palais-Royal ,
où l'on avoir deiîcin de la retenir ;
mais le Duc de la Rochcfoucauk
la fit réfoudre de partir à l'heure
même , 3c d'aller en diligence en
Normandie , pour engager le Par-
lement de Rouen , ce la Norman-
die 5 de prendre le parti des Prin-
ces 5 &: pour s'afîurer des amis ôc
des Places du Duc Ton mari, &: du
Havre de Grâce. Le Duc de la
Rochefoucault l'accompagna en ce
voyage ; mais cette Princelle , après
avoir efîayé inutilement de gagner
le Parlement , fe retira à Dieppe ,
qui ne lui fervit de retraite que
jufqu'à la venue de la Cour , qui
fut fi prompte , & la prella de telle
force que pour fe garantir d'ccre
DE M. D. L. R. 45
jlrrêcée par les bourgeois de Dieppe,
de par PleiTis-Belliere , qui y éroic
allé avec des troupes de la parc du
Roi 5 elle fut contrainte de s'em-
barquer , de de pâlïèr en Hollande
pour aller à Scenay , où le Maréchal
de Turenne s'éroit retiré dès la
prifon des Princes. Le Duc de la
Rochefoucaulc partit de Dieppe
cinq ou iix jours devant la DucheiTe
de Longueviile , Se s'en alla dans
fon Gouvernement de Poitou , pour
y difpQfer les chofes à la guerre ,
&c pour eflayer avec les Ducs de
Bouillon 5 de Sr. Simon ^ de de la
Force de renouveller les méconten-
temens du Parlement , & de la
ville de Bordeaux , Si de les obliger
à prendre les intérêts de Mr. le
Prince , puifque les Manifeftes de
la Cour ne lui imputoient pas de
plus grands crimes , que d'avoir
protégé hautement les intérêts de
Bordeaux.
4^ Mémoires
Pour ce qui elt des raifous qui
ont obligé le Cardinal à arrêter Mr.
le Prince 5 je fuis perfuadé , qu'il
n'y en a point eu de bonne (a) , 6c
que toutes les régies de la Politique
ctoient contre ce delTein-là , comme
les évenemens l'ont fait voir. Outre
que jufque-là Mr. le Prince n'avoic
pas même été foupçonné de la
moindre penfée contre l'Etat. Je
crois donc , que non feulement le
Cardinal a voulu être par là le
maître de la Cour -, mais encore
qu'il n'a pu foutirit la manière ai-
gre 5 & méprifante avec laquelle
le Prince de Condé le traitoit en
public 5 afin de regagner dans le
monde , ce que leur reconciliation
lui avoit ôcé. Il faifoit la même
chofe dans les Confeils particuliers
pour le détruire dans l'efprit de la
(a) Caiifla periculi , non crimen ul-
lum fed gloria viri. In ^gricoU,
D E M. D. L. R. 47
Reine , &z y prendre le pofte qu'il
y occupoir. Enfin , Paigreur aug-
mentant encre Mr. le Prince de lui ,
il le hâta de le perdre pour ne lui
pas donner le temps de Ce reconci-
lier avec les Frondeurs, Il conduifîc
fi adroitement cette affaire , que
le Prince de Condé crût non feule-
ment que les préparatifs y que l'on
faifoit pour l'arrêter , regardoienc
les Frondeurs ; mais même dans
cette vûe-là , il donna lui-même
les ordres pour fe faire conduire
plus fiirement en prifon. La chofe
fut exécutée d'un confentement Ci
général des peuples y que la Duchefïè
de Longueville étant retirée , fans
être connue , dans une maifon par-
ticulière 5 pour attendre les chofes
neceflaires pour partir , vit allum.er
les feux de joye , ôc paroître les
autres marques de la réjouiflance
publique pour la détention de fes
frères «Se de fon mari.
4^ Mémoires
L'autorité de la Coui: fembloit
plus affermie que jamais par la
prifoii des Princes , Se par la recon-
ciliation des Frondeurs, La Nor-
mandie a voit reçu le Roi avec une
foumifïion entière , de les Places
du Duc de Longueville s'éroient
rendues fans réfiftance. Le Duc de
Richelieu fut chafl'é du Havre j la
Bourgogne fit comme la Norman-
die ; Bellegarde , le Château de
Dijon 5 ôc St. Jean de Laune , imi-
tèrent les Places de Mr. de Longue-
ville y le Duc de Vendôme fut
pourvu du Gouvernement de Bour-
gogne i le Comte d'Harcourt de
celui de Normandie ; le Maréchal
de l'Hôpital de celui de Champa-
gne Ôc de Brie ; le Comte de 'St. Ai-
gnan de celui de Berry j Montrond
(a) ne fut pas donné, parce qu'il
ji'y avoir point de Garnifon j ccl' .:
(à) Place forte en Berry.
T> t M. D. L. R. 40
de Clermonc ôc de Danivilliers Ce
l'évolterencj &c Marliii qui comman-
doic l'armée de Catalogne , fut ar-
rêté prifonnier , & perdit Tcrrofe ,
dont il étoit Gouverneur. Il n\'
^t que Stenay feul , qui demeura
lans le parti des Princes. Prerque
:ous leurs amis voyant tant de mal-
leurs 5 fe contentèrent de les plain-
Ire 5 fans fe mettre en devoir de
es faire ceflèr,
La PrincelTe de Condé, Se le
Duc d'Anguien étoient par ordre
iu Roi à Chantilly j la Duchefle de
^ongueville & le Maréchal de Tu-
•enne s'étoient retirés à Stenay ; le
)uc de Bouillon à Turenne j le
3uc de la Rochefoucault à Ver-
euil en Angoumois ; le Duc de
>L. Simon à Blaye , & le Duc de la
'orce à la Force. Ces Mcfl^eurs-là
émoignerent d'abord un zèle é^ai
»our Mr. le Prince j & lorfqueles
)ucs de Bouillon 3c de la Roche- '
Tome //, G
jo Mémoires
Foucault firent le projet de la guerre
de Guienne , le Duc de St. Simon ,
à qui ils en donnèrent avis , oftric
de recevoir Mr. le Duc d'Anguien
dans fa Place ; mais quand ils fu-
rent près de commencer la guerre ,
il manqua tout net à fa parole ; & le
Duc de la Force qui avoit de moin-
dres engagemens dans le parti , prie
des prétextes pour ne fe pas décla-
rer. Le Duc de la Rochefoucaulc
<|ui n'avoit point de Places dans
fon Gouvernement , ni de troupes ,
fut néanmoins le premier qui prie
les armes. Et jugeant de quelle im-
portance il étoit au parti de faire
voir qu'on prenoit les armes , non-
feulement pour la liberté de Mr. le
Prince , mais encore pour la con-
fervation de celle de fon fils , il en-
voya Gourville à Madame la Prin-
ceflè Douairière qui étoit reléguée
à Chantilly", & gardée par ua
Exempt, aulïi-bien que Madame la
a E M. D. L. R. 51
PrincefTè , fa belle-fille , pour lui
dire Pétac des choies, & kii faire
comprendre que la perfonne de
Mr. le Duc d'Anguien étant expo-
fée à toutes les rigueurs de la Cour,
il falloit l'en garantir , pour le ren-
dre un des principaux inftrumens;
ie la liberté de Mon heur fon père :
^ue pour ce dedèin , il étoit nécef-
aire , que lui cc Madame fa nîerc
.e rendirent fecreremcnt à Brezé en
A.njou 5 où le Duc de la Roclitfou-
:ault offroit de les aller prendre avec
:inq cents Gentilshommes pour les
nencv à Saumur , ii le de(ïcin qu'il
ivoit fur cette Place réuiïifToit ; ou
zn tout cas 5 pour les conduire à
Turenne , où le Duc de Bouillon fc
ioindroit à eux pour les accompa-
gner à Blaye , en attendant que lui
^ le Duc de Saint Simon eulfeix
îchevé de difpofer le Parlement de
Bordeaux à les recevoir. Qiielque
*vantagesfe que fùc cette pronoii-
C z
52. M E îvl O I R E s
tion 5 il écoit néanmoins mal-aifc
de prévoir fi elle feroit luivie oa
i€jectée par Madame la Princefle
Doiiairicre , dont Thumcur inégale,
timide & avare, éroic peu propre a
entreprendre , ik à foûtenir un tel
dcfièin» Toutefois, bien que le Duc
de la Rochefoucauk fut incertain
du parti qu'elle pi-endroit , il fut
contraint cependant de fe tenir en
état d'exécuter ce qu'il avoit en-
voyé propofer , ôc d'afTembler fes^
amis fous un prétexte , qui ne fîc
rien connoine de Ton intention ,
afin d'être prêt à partir dans le
temps de l'arrivée de Gourville ^
qu'il attendoit à toute heure. Il crût
n'en pouvoir prendre de plus fpé-
cieux que celui de l'enterrement de
Ion perc , dont la cérémonie fe de-
voir faire à Vcrteuil , l'une de Tes
maifons. Il convia pour cet efict
toute la NobleiTe des Provinces voi-
£ues , ôc manda à tout ce qui pou-
D E M. D. L. R. 5 5
voltpoi'cer les armes clans fes ter-
res , de s'y trouver j de forte qu'en
très-peu de temps , il alîèmbla plus
de deux mille chevaux &: huit cenc
homm.es de pied. Outre ce corps
de NûblelTe 6c dlnfaïuerie , Beins
Colonel Allemand ayant promis de
ie joindre à lui avec Ton régiment ,
le Duc de la Rochefoucault , fe vit
en état d'exécuter en mêmie temips
deux defîèins confidérables pour le
parti qui fe formoit : l'un étoic ce-
lui qu'il avoit envoyé propofer à
Madame la Princefle Douairière ,
3c l'autre étoit de fe failir de Sau-
mur. Ce Gouvernement avoit été
donné à Guitault après la mort du
Maréchal de Brezé , pour récom-
penfe d'avoir arrêté Mr. le Prince.
C'eft une Place qui fe pouvoir ren-
dre très-im-portante dans une guerre
civile 5 étant fituée au milieu du
Royaume , ôc far la rivière de Loire
çntre Tours de Angers. Un GentiU
C 3
54 M I M G t R ï 5
homme nommé de Mons y com-
mandoit fous le Maréchal de Biezé,
&: fçachanc que Cominges , neveu
de Cluitauit y alloit avec des ordres
du Roi 5 Se menoit deux mille hom-
mes de pied , pour l'alTiéger s'il re-
fufoit de fortir , il différa fous des
prétextes qu'il prit de remettre la
Place entre les mains de Cominges ,
Bc manda cependant au Duc de la
Rochefoucault , qu'il l'en rendroic
anaitre , & qu'il prendroit Ton parti,
s'il vouloit y mener des troupes.
Le Marquis de Jarzay offrit auffi
de fe jetter dans la Place avec {es
smis, ôc de la défendre, pourvu que
le Duc de la Rochefoucault lui pro-
mît par écrit de le venir fecourir
dans le temps qu'il lui avoit mar-
qué. Le Duc accepta ôc (igna ces
conditions d'autant plus volontiers-
que les deux deflèins dont je viens
de parler , convcnoient enfemble ,
^ fe pouvoient exécuter en mêmiC
temps. Dans cette vue , le même
D E M. D. L. R. 55
Duc fît afTembicr route k Nobleilè ,
qui étoit venue à la cérémonie de
renterrement de fou père , cc leur
dit : qu'ayant évité d'être ariêtc pri-
fonnier à Paris avec Moniîeur le
Prince , il fe crouvoit peu en fureté
dans fes terres, qui étoient envi-
ronnées de gens de guerre , qu'on
avoic affeclé de dirperfer tout au-
tour fous le prétexte du quaitier-
d'hyver , mais en effet , pour le
pouvoir furprendre dans fa maifon:
qu'on lui offroit une retraite aiTurée
dans une Place voifme , &c qu'il de-
mandoic à fes véritables amis de l'y
vouloir accompagner , laiiTant aux
autres la liberté de faire ce qu'ils
voudroient. Plufieurs parurent em-
barrafles de cette propofition , &
prirent divers prétextes pour fe re-
tirer. Le Colonel Beins fut un des
premiers qui lui manqua de parole,
mais il y eut fept cent Gentilshom-
mes qui lui promirent de le faivrs
C 4
jô Mémoires
avec ce nombre de cavalerie , ôC
avec l'infanterie qu'il avoit tirée de
les terres. Gourville Pétant venu
joindre fur la route de Saumur , lai
rapporta que Madame la Prince(ïe
avoit approuvé fon confeil ; mais
qu'étant obligée de garder bien des
inefures pour la Cour , il lui falloit
au temps &c beaucoup de précau-
tions pour exécuter un delTein dont
les fuites étoient fi grandes j qu'elle
étoit peu en état d'y contribuer de
fon argent , ôc que tout ce qu'elle
pou vûÎl faire alors , étoit de lui en-
voyer vingt mille livres. Le Duc
de lâPvOchefoucault voyant fon pre-
mier dcflein retardé , fe réfolut de
continuer celui de Saumur , mais
bien qu'il y arrivât huit jours de-
vant la fin du temps que le Gou*
verneur lui avoit promis de tenir ,
il trouva néanmoins la capitulation
faite 5 & que Jarzay n'avoit point
épçécutécedontil éioit convenu avec
D E M. D. L. R. 57
luij deforte qu'il Fut obligé de retour-
ner fur Ces pas. Il dé6c dans fa mar-
che quelques compagnies de cava-
lerie des troupes du Roi , oc étant
arrivé chez lui , il congédia la Mo-
bleflè qui l'avoir fuivi , c-: en re-
partit bien-tôt après , parce que le
Maréchal de la Meilleraye marchant
à lui avec toutes (es troupes , il fur
contraint de fe retirer à Turenne
chez le Duc de Bouillon , après
avoir jette dans Montrond cinq
cent hommes de pied &: cent che-
vaux qu'il avoit levés &: armés avec
une diligence extrême. En arrivant
à Turenne , le Duc de Bouillon de
lui eurent nouvelle que Madame
la Princefie avoit fuivi le confeil
qu'on lui avoit donné de partir fe-
cretement de Montrond avec le pe-
tit Duc d'Anguien , & qu'elle ve-
noit à Turenne pour être de - là
menée par eux à Bordeaux , où ils
avoient beaucoup d'am.is difbofcs à
j8 Mémoires
les recevoir. Mais ils fçLuent auiTî
que le Duc de Saint Simon ayant
leçu des lettres de la Cour , &: fça-
chant la prife de Bellegarde , n'écoic
pas dans les mêmes fencimens , de
que ce changement foudain avoic
refroidi tous les amis de Bordeaux,
qui jufques-là avoient paru les plus
zélés pour les intérêts de Mr. le
Prince. Néanmoins Langlade , dont
le Duc de Bouillon s'étoit fervi
dans cette négociation , les ayant
raffermis avec beaucoup de peine
ôc d'adreiïe , il revint en donner
avis au Duc de Bouillon, qui aflem-
bla trois cent Gentilshommes de Tes
amis 5 pour aller recevoir Madame
la Princeffe , ik le Duc de la Ro-
chefoucault manda les fiens , qui
arrivèrent à Turenne au nombre de
trois cent , conduits par le Marquis
^e Sillery , bien que le Maréchal
de la Meillerayc les menaçât de les
faire pilier par fes troupes , s'ils al-
D E M. D. L. R. 5^
loient trouver ce Duc. Outre Tes
amis 3 le Duc de Bouillon leva mille
deux cent hommes d'infanterie de
fes terres , de fans attendre le Mar-
quis de Sillery , ils marchèrent ainfi
vers les montagnes d'Auvergne ,
par où devoit pafler Madame la
Princefïè conduite par Chavaignac.
Les Ducs de Bouillon &ù de la Ro-
chefoucault attendirent deux jours
en un lieu nommé la Bonne , où
Madame la Princefle de Monfieur
Ton fils arrivèrent enfin , après des
fatigues infupportables à des per-
fonnes d'un âge Ti peu capable d'en
foufRir. On les conduifit de-là à
Turenne, où s'étoient rendus à mê-
me tem.ps les Comtes de Meille^
de Coligny , Guitault , le Marquis
de CelTau , Beauvais , Chantorny ,
Briole , le Chevalier de Rivière ,
ôc beaucoup de perfonnes de qualité
&c d'Officiers des troupes de Mr. le
Prince , qui fervnent durant toute
C 6
io M î M O I R E S
cette guerre avec beaucoup de fîdé-
licé &c de valeur. La PrincelTe de le
petic Duc y demeurèrent huit jours,
pendant lefquels on prit Brive-la-
gaillarde , & la Compagnie des
Gendarmes du Prince Thomas :, qui
étoit de cent maîtres. Ce féjour à
Turenne qui étoit nécefïaire pour
difpofer les efprits de Bordeaux ,
chancelkns Se découragés par U
conduite du Duc de Saint Simon ,
& pour y pouvoir aller en fureté ,
donna loifir au Général de la Va*
lette 5 frère naturel du Duc d'Efper-
non 5 qui commandoit Tarmée du
Roi y de fe trouver fur le chemin
de Madame la PrincefTe pour lui
empêcher le paiïage : mais étant de-
sneurée à une maifon du Duc de
Bouillon nommiée Rochefort, le Duc
de la Rochefoucault de lui marchè-
rent au Général de la Valette j avec
toutes les troupes qu'ils avoient le-
vées dans leurs terres , de fix cent
D E M. D. L. R. 61
Gentilshommes de leurs amis. Ils le
joignirent à Montelard enPerigord,
mais il lâcha le pied fans combat-
tre , ôc fe retira par des bois à Ber-
gerac, après avoir perdu tous Tes
bao;aees. Madame la Princeflè re-
prit après cela le chemin de Bor-
deaux fans rien trouver qui s'oppo-
sât à Ton palïàge. Il ne reftoit plus
qu'à furmontcr les di facultés qui
fe trouvoient dans cette ville. Elle
étoit partagée en diverfes cabales.
Les créatures du Duc d'Efpernon ,
de ceux qui fuivoient les nouveaux
fentimens du Duc de Saint Simon ,
s'étoient joints avec ceux qui fer-
voient la Cour , &z entr'autres avec
le Sieur de la Vie , Avocat-Général
au Parlement de Bordeaux , homme
habile & ambitieux. Ceux - là fai-
foient tous leurs efforts 3 pour faire
fermer les portes de la ville à Ma^
dame la PrinceiFe. Néanmoins dès
qu'on Icûc à Bordeaux qu'elle de-
ti Mémoires
voit arriver avec Monfieur Ton fils ,
à Lormond près de la ville , toui le
monde donna des marques publi-
ques de réjouïfrance. Il en forcit un
très-grand nombre au-devant d'elle,
on couvrit les chemins de fleurs ,
& le bateau qui les menoitfut fuivi
de tous ceux qui étoient fur la ri-
vière 5 les vaiflèaux du Port les fa-
luerent de toute l'artillerie , ôz ils
entrèrent ainfi à Bordeaux nonobf.
tant l'effort qu'on avoit fait fous
main pour les empêcher. Cepen-
dant bien que le Parlen'ient de les
Jurats ne la viflent point en Corps ,
il n'y eut prefque point de parti-
cuUers qui ne lui donnaifent des
afïurances de fervice ; mais avec
tout cela 5 la cabale de la Cour ,
de celle de Mr. d'Efpernon empê-
chèrent 5 que les Ducs de Bouillon
& de la Rochefoucaulc ne fullènc
reçus dans la ville , dès les premiers
jours. Ils en padcrenc deux ou trois
DE M. D. L. R. 6^
dans le Fauxbourg des Chartreux ,
où tout le peuple alla en foule les
voir 5 & leur oifiir de les faire en-
trer par force. Ils n'acceptèrent pas
ce parti-làj Se fe contentèrent , com-
me j'ai dit 5 d'entrer enfsmble dans
la ville deux jours après Madame
la PrinceiTe , & cela fur le foir pour
éviter le défordre. Il n'y av oit point
alors d'autres troupes du Roi dans
la Province , que celles que com-
mandoit le Général de la Valette ^
lefquelles étoient près de Libourne.
Celles des Ducs de Bouillon 6c de la
Rochefoucault confilloient en cinq
ou fîx cent Gentilshommes de leurs
amis , & l'infanterie qu'ils avoient
pu tirer de leurs terres. Ainfi n'é-
tant point troupes réglées , il étoit
impo(I]ble de les retenir , & chacaa
étoit fur le point de fe retirer. On
jugea donc , qu'il falloit eiïàyer au-
paravant de rencontrer le Général
de la Valette , ^c pour cet effet on
^4 M E M O I R I s
marcha avec toutes les troupes vers
Libounie , où il étoit : mais en
ayant eu avis , il Ce rcïira & évita
le combat une féconde fois , ju-
geant bien que la Nobiellè étoit fur
le point de s'en retourner j &c qu'en
ne combattant point , il fe rendort
certainement le maître de la Cam-
pagne.
Eu ce temps-là , le Maréchal de
la Meilleraye eut ordre de marcher
vers Bordeaux avec Ton armée , par
le pays d'entre deux mers , ^<: le
Roi s'avança vers Libourne. Ces
nouvelles firent hâter les Ducs de
Bouillon ôc de la Rochefoucault
de faire leurs levées m.aleré les
empechemens qu'ils recevoient , de
par le manque d'argent , & par le
grand nombre de gens du Parle-
ment Se de la ville qui traverfoient
fous main leurs dcfiTeins. Les chofes
Vinrent miême à une extrémité ,
qui penfa caufer de grands défor-
D £ M. D. L. R. (>5
dres j car un Omcier Efpagnol étant
venu trouver Madame la Princefle
de la part du Roi d'Eij^agnc , ôc
ayant apporté vingt ou vingt-ciiiq[
mille écus 5 pour iubvenir aux plus
prellans befoins , le Parlement qui
juiques-là avoit toléré Madame la
Princeiiè &c Ton fils dans la ville ,
ôc qui ne s'étoit point encore expli-
qué en leur faveur comme le peuple,
crût qu'il Tuffifoit de s'oppofer à
la réception de cet Envoyé d'Ef-
pagne dans Bordeaux , pour jufti-
fier par une feule action toute la
conduite padee , &c afin que privant
^infi le parti du fecours qu'il atcen-
doit d'Efpagne , il le réduisît à la
nécciïité de recevoir la loi , qu'on
lui voudroit impofer. Le Parlement
s'étant donc affemblé , ordonna ,
que cet Efpagnol forriroit de Bor»-
deaux à l'heure même : niais le
peuple ayant connu quelles feroienc
les fuites de cet hncK ? pnc ^iliU^^
é'ê Mémoires
tôt les armes , inveltit le Palais ,
de menaça d'y mettre le feu , ii le
Parlement ne révoquoit ce qu'il
venoit de réfoudre.
D'abord on crut diffiper facile-
ment cette émotion , en faifant pa-
roître les Jurats; mais le trouble
augmentant fur le retardement
qu'on apportoic à la révocation
de l'Arrêt , le Parlement envoya
donner avis aux Ducs de Bouillon.
ôc de la Rochefoucâuk de ce dé-
fordre , ôc les prier de le faire celïèr.
Ils ne furent pas fâchés , qu'on eût
befoin d'eux en cette rencontre ;
mais outre qu'il leur importoit
extrêm.ement pour jetter les fonde-
mens de leur parti , que le peuple
obtînt la caiîation de l'Arrêt 3 avant
que de lai (Ter le Palais libre , ils
craignoient encore que paroifTant
régler les mouvemens de la fédition,
l'on ne leur imputât de l'avoir
caufcc. Ainlî ils réfillerent d'abord
h 1 îvî. D. L. R. 67
à faire ce que le Parlement deriroit
d'eux j mais voyant enfin que les cho-
fes s'échauffoient à un point , qu'il
r/y avoit plus de temps à perdre »
ils coururent au palais , fuivis de
leurs gardes, ôc s'abar.donnant par-
mi ce peuple irrité , comme il étoic-
fur ^c point de brûler le Palais ., ils
arrêtèrent fa fureur j & fe rendirent
médiateurs entre le Parlement &
lui. Ainfî l'Envoyé d'Efpagne eut
dès-lors toute la liberté qu'il defi-
roit. Enfuite les Généraux ius^erenr
qu'il étoir néceflaire de faire une
revue générale des Bourgeois , pour
leur faire connoitre leurs forces , &
les difpofer peu-à-peu à fe réfoudre
de foûtenir le iiécie. Ils voulurent
o
eux-mêmes les mettre en bataille ^
bien qu'ils eufTent reçu plufieurs
avis , qu'il y avoit des gens gagnés
pour les affaiïiner. Néanmoins par-
mi les falves continuelles , qui leui'
furent faites par plus de douz^.
€S M E Î,I O I R E s
inille hommes , il n'arriva aucun
accident qui leur donnât lieu de
croire cet avis. On nt enfuite com-
mencer quelques dehors à Bor-
deaux ; mais comme il venoit peu
d'argent crETpagne , on ne pût met-
tre aucun ouvrage en défenfe ; car
dans toute cette guerre , on n'c^ tou-
che deii Etpagnols que deux cent
vingt mille livres 5 le refte ayant été
pris fur le convoi , ou far le crédit
fie Madame laPrincefiè, ou celui des
Ducs de Bouillon 6c de la Rocher
foucault , ou de Monficur Laîné.
Néanmoins en très-peu de temps.
0:1 leva près de trois mille hommes
de pied 5 5c fept ou huit cent che-
vaux •; on prit Caftelnau , qui efl à
quatre lieues de Bordeaux , &z on
fe feroir étendu davantage , fans les
nouvelles qu'on eut de l'approche
du Maréchal de la Meilleraye du
côté d'entre les deux mers , & de
celle du Duc 4'^rpernon , qui vint
B E M. D. L. R. G(^
Joindre le Général de la Valette,
Sur CCS avis les Ducs de Bouillon
& de la RochcfoLîcauk dépêchèrent
le Marquis de Sillery en Elpagne ,
pour faire fçavoir Pétac des clioies ,
& pour fciire venir promptenient le
fecours , qu'on en avoit promis.
Cependani: on laiila une garnifon
dans Caftelnau , & on fe retira avec
le refte des troupes à Blanquefort,
qui eft à deux lieues de Bordeaux.
Ce fut en ce lieu - là que le Duc
d'Efpernon vint attaquer les Quar-
tiers. Les Ducs de Bouillon & de la
Rochefoucault étoient retournés à
Bordeaux , <3<: Chambon Maréchal
de Camp commandoit les troupes ,
qui étoient de beaucoup plus foi-
bles que celles du Duc d'Efpernon.
Néanmoins , bien qu'il ne put dé-
fendre l'entrée de Ton Quartier , les
marais & les canaux , qui en envi-
ronnoient une partie, lui donnèrent
moyen de fe retirer fans être ram-
70 Mémoires
pu 5 & de fauver les troupes & tout
Te basase- Sur le bruit de ce com-
bat 5 les Ducs de Bouillon ôc de la
Rochefoucaulc partirent de Bor-
deaux avec un grand nombre de
Bourgeois , & ayant joint leurs
troupes retournèrent vers le Duc
d'Efpernon , dans le deilèin de le
combattre , Ci les mêmes canaux ne
les avoient empêchés de venir aux
mains. Tout fe pafl'a en efcarmou-
ches 5 où le Duc d'Efpernon perdit
beaucoup d'Officiers & de Soldats ;
du côté de Bordeaux , il y eut peu
de gens de tués , Guitault Cham-
bellan de Monlieur le Prince y fuc
blefle : Se depuis cela les troupes du
Maréchal de la Meilleraye , ôc celles
du Duc d'Efpernon , ferrèrent Bor-
deaux de plus près. Ils reprirent
même Tlfle de Saint George qui eft
dans la Garonne , à quatre lieues
au-defîus de la ville , où on avoir
commencé quelque fortification.
9 £ M. D. L. R. 71
Elle fut défendue trois ou quatre
jours avec allez de vigueur , parce-
que tous les jours on y faifoit en-
trer un régiment frais. Le Général
de la Valecte y fut blefTé , & mou-
rut peu de jours après. Mais enfin
les bateaux qui y avoient amené des
troupes , ik qui dévoient ramener
celles qu'on reievoit, ayant été cou-
lé à fonds 5 par une batterie que le
Maréchal de la Meilleraye avoit faic
iredcr fur le bord de la rivière , la
î-ayeur prit les foldats, & même les
Dfîiciers de telle forte qu'ils fe
rendirent tous prifonniers de guer-
re ', &c ainh ceux de Bordeaux per-
iirent tout à la fois cette lue , 6c
1200. hommes de leur meilleure
nfanterie. Ce déiordre de l'arrivée
lu Roi à Libourne , qui fit aufïi-
ôc attaquer le château de Vaire , à
ieux lieues de Bordeaux , apporte-
en c une grande confternation dans
a ville i le Parlement de la ville fs
71 Mémoires
voyant à la veille d'être afiiégcs pat
le Roi 5 manquoient de toutes les
chofes nécefiaires pour fe défendre j
nul fecours ne leur venoit d'Efpa-
crwQ , &: leur crainte avoit enfin ré-
duit le Parlement à s'afïèmbler ,
pour délibérer s'il enverroit des Dé-
putés demander la paix , aux con-
ditions qu'il plairoit au Roi j lorf-
qu'on apprit que Vaire étoit pris ,
êc que le Gouverneur , nommé Ri-
clion 5 s'étant rendu à difcrétion ,
avoir été pendu. Cette févérité ,
par laquelle le Cardinal croyoit jet-
ter la terreur &: la divifion dans
Bordeaux , fit un elfet tout contrai*
ïe -y car cette nouvelle étant venue
dans un temps , oi'i, comme je viens
de dire , les efprits étoient étonnés
êc chancelans , les Ducs de Bouil-
lon 8c de la RocheFoucault fçurenc
fi bien fe prévaloir de cette con-
jondure , qu'ils remirent leurs af-
faires en meilleur état , en faifant
pendre
o E M. D. L. R. 73
pendre aufTi le Commandant de
rille Saint George , qui s'étoic aulïî
rendu à eux à difcrétion. Mais afin
que le Parlement & le peuple par-
tageafîènt avec les Généraux une
action , qui n'étoit pas moins né-
cciïaire , qu'elle paroiiroit hardie ,
ils firent juger Canoles ( c'étoit le
nom de ce Commandant ) par un
Confeil de guerre , où préfidoienc
Madame la PrincelTe Se Mon/leur le
Duc d'Anguien , Se qui écoit com-
pofé non - feulement des Officiers
des troupes , mais encore des deux
Députés du Parlement qui y afïif.
loient toujours , Se des trente-fix
Capitaines de la ville. Tous con-
damnèrent d'une voix ce pauvre
Gentilhomme qui n'avoit d'autre
:rime que fon malheur j Se le peu-
ple animé lui donna à peine le
:emps d'être exécuté , qu'il voulut
déchirer fon corps en pièces.
Tome IL D
74 Memoire's
Cette aclion étonna la Cour ,
raflura les Bordelois , ôc dirpola de
telle forte les chofes dans la ville ,
qu'on s'y réfolut d'attendue le fiégc,
.t<c de fe défendue courageufement ,
fe liant en leurs propres forces Se aux
promeiîès des Efpagnols, qui les
aifuroient d'un prompt &c puiiïant
fecours. Dans ce deflèin on fe hâ-
ta de faire un Fort de quatre petitj
baiiions à la Baftide , qui eft vis-à-
vis de Bordeaux de l'autre côté d(
la rivière. On travailla avec foir
aux autres fortifications de la ville
mais comme beaucoup de Bourgeoi:
avoient des maifons dans le Faux-
bouvp^ de Saint Surin ils ne voulu
rent pas permettre qu'on les brûlât
ni même , qu'on en rasât aucune
bien qu'on leur repréfentât, que o
Fauxbourg feroit attaqué le premier
Se qu'il étoit capable de loger tout
Vinfanterie du Roi : de forte qu
tout ce qu'on pût faire ^ fut d'ei
v> E M. D. L. R. 75
couper les avenues , ôc de percer les
maifons , ce qui ne fut fait , que
pour contenter le peuple, & non
pas pour efperer de défendre un
lieu de iî grande garde avec des
Bourgeois , ôc G peu de troupes qui
reftoient , lefquelles ne montoienc
pas à fcpt ou huit cent hommes de
pied, ôc trois cents chevaux. Néan-
mois comme Pon dépendoit du peu-
ple Se du Parlement , il fallut les fa-
tisfaire contre les régies de la guer-
re 5 ôc entreprendre de défendre le
Fauxbourg de Saint Surin , qui eft
ouvert de tous les côtés. La porte
de là ville qui en eft la plus proche 9
sft celle de Dijon : elle fut trouvée Ci
mauvaife , parce qu'elle n'eft dé-
; fendue de rien, 6^ qu'on y arrive de
plein pied, qu'on jugea à propos de
jïa couvrir d'une demi-lune: mais
j :omme l'on manquoit de tout , on
j Te fervit d'une petite hauteur de fu-
'j-nier, qui étoit devant la porte,
D t
7<^ Mémoires
laquelle étant efcaupée en forme de
demi-lune , fans parapet , ni fans
folié 5 fe trouva néanmoins la plus
grande défenfe de la ville.
Le Roi étant demeuré à Bourg ("a),
le Cardinal Mazarin vint à l'armée;
elle étoit de huit mille hommes de
pied 5 ôc de près de trois mille che-
-vaux : on réfolut d'attaquer le Faux-
bourg de Sr.Surin : d'autant plus fa-
cilement que n'y ayant que les ave-
nues de gardées, on pouvoit fans pé-
ril gagner les maifons , entrer pai-là
dans le Fauxbourg , ôc couper mê-
me ce qui défend roit les barricades
de l'Eglife, fans qu'on pût fe retirer
dans la ville. On croyoit de plus ,
que la demi-lune ne pouvant être
défendue , on fe logeroit à la porte
de Dijon dès le premier jour. Poui
cet effet, le Maréchal de la Meille-
yaye fit attaquer les barricades de le:
(à) Petite itlle entre la Garonne ç^ L
Dordogne , appellee dam le fais Bcttr^-
fur-Mer.
D E M. D. L. R. 77
maifons en même temps , Se Pal-
luau avoir ordre auiïi d'entrer par
le Palais Galien , de de couper entre
le Fauxbourg &c la ville droit à la
demi-lune. Mais le Maréchal de la
Meilleraye ayant fait donner devant
que Palluau fat arrivé , il trouva
plus de réiiftance qu'il n'avoit cru.
L'efcarmouche avoir commencé dès
que les troupes du Roi s'étoient ap-
prochées ; on avoir mis force mouf-
queraires dans les hayes Se dans les
vignes, qui couvroient le Faux-
bourg ; ils arrêtèrent d'abord les
troupes du Roi avec grande perte ;
Choupes Maréchal de Cam.p y fut
bleiïe 5 Se plufieurs Officiers tués.
Le Duc de Bouillon étoit dans le
Cimetière de l'Eglife de St. Surin,
avec ce qu'il avoir pu faire forrir de
Bourgeois , pour rafraîchir les poir-
tes. Se le Duc de le Pvochefoncault
étoit à la barricade, où le faifoit la
principale attaque : elle fut empor-
D 5
yS Mémoires
tée ; Beauvais , Chafferat , &c le Che-
valier de Todias y furent pris-, le
feu fut très-grand de part & d'au-
tre , il y eut cent ou fix vingts hom-
mes de tués du côté des Ducs , ôc
fept ou huit cents du côté du Roi j
néanmoins le Fauxbourg fut em-
porté ', mais on ne pafla pas outre ;
Se on fe réfolut d'ouvrir la tran-
chée, pour prendre la demi-lune, &
de faire une autre attaque par les
allées de TArchevêché. J'ai déjà
dit 5 qu'il n'y avoit point de fofïe à
la demi-lune j de forte que pouvant
:ctre emportée facilement , les Bour-
geois ne voulurent point entrer en
garde, Ôc fe contentèrent de tirer de
derrière leurs murailles. Les affié-
geans l'attaquèrent trois fois avec
leurs 'nrieilleures troupes, ils entrè-
rent même dedans; mais ils, en fu-
rent repoufTés par le Duc de la Rd-
chefoucault , qui y mena les Gardes
du Prince de Condé , ôc les fiennesj
D E M. D. L. R. 79
dans le temps que ceux qui défen-
doienc la demi-lune y avoient plié.
Il y avoic ti'ois ou quatre OfHciers
de Navaille qui y furent pris , de le
refte chaffé ou tué. Les alliégcs fi-
rent trois grandes forties , à chacu-
ne dcfquelles ils nettoyèrent la
tranchée , & brûlèrent le logement
des ennemis. La Chappelle-Biron ,
Maréchal de Camp des troupes du
Duc de Bouillon , fut tué à la der-
nière. Enfin , après treize jours de
tranchée ouverte , le fiégc n'étoit
pas plus avancé que le premier
jour.Mais comme ceux de Bordeaux
avoient trop peu d'infanterie, pour
relever la garde des portes atta-
quées 5 Se que ce qui n'avoit point
été tué , ou bleffé , étoit prcfque
hors de combat par la fatigue de
treize jours de garde , les Ducs de
.Bouillon &: de la PvOcheFoucault les
firent rafraîchir par la cavalerie ,
qui mit pied à terre ; ô: ils y de-
D 4
^So Mémoires
meuuerent eux-mêmes les quatre ou
cinq derniers jours fans en partir ,
afin d'y retenir plus de gens par
leur exemple.
Cependant Mr. le^Duc d'Orléans
& les Frondeurs voyant que non
feulement on transféroit les Princes
à Marcouiïi , mais auiïi qu'on fe
difpofoic de les mener au Havre ,
ôc craignant que la chute de Bor-
deaux ne rendit la puiflance du
Cardinal plus formidable j ne vou-
lurent point attendre l'événement
du fiége 5 ôc firent partir des Dé-
putés pour s'entremettre de la paix.
Ce furent les Sieurs le Meufnier dC
Bitaud 5 conduits par le Coudrai-
Montpenfier de la part de Mr. le
Duc d'Orléans. Ils arrivèrent à
Bourg pour faire des propofitions
de paix au Roi. Ils en donnèrent
avis au Parlement de Bordeaux ;
ôc de part ôc d'autre on convint*
de faire une trêve de quinze jours*
D E M. D. L. R. Si
Dès qu'elle fut réfolue , le Coudrai-
Moiitpenlier ôc les deux Députés
de Paris entrèrent dans la ville ,
pour y porter les chofes au point
qu'ils defiroient. La Cour delîroic
la Paix 5 craignant l'événement du
fiége de Bordeaux , dont la réfif-
tance étoit d'autant plus opiniâ-
tre , qu'il efperoit le lecours d'E&
pagne , dc celui du Maréchal de la
Force > qui étoit fur le point de le
déclarer. D'autre part , comme le
Parlement , ennuyé des longueurs
^ du péril du fiége , fouhaitoit la
paix ; les cabales de la Cour , Se
du Duc d'Efpernon , agirent puif-
fam.ment , pour y difpofer le refte
de la ville ; l'infanterie étoit ruinée,
ôc le fecours que j'ai dit , avoic
manqué trop fouvent pour s'y de-
voir encore attendre 5 tout cela
enfemble fit réfoudre le Parlement
à envoyer des Députés à Bourg.
Il convia Madame la PrincefTe , &
D 5
il Mémoires
les Ducs de Bouillon de de la Ro-
chefoucault , d'y en envoyer auilî j
mais comme ils n'avoicnt tous deux
d'autre intérêts , que la liberté des
Princes j 3c qu'ils ne pouvoient defi-
rer la paix fans cette condition-là,
ils fe contentèrent de ne s'oppofer
point à une chofe , qu'aufTi bien
ils ne pouvoient empêcher. Ils rcfu-
ferent donc d'y envoyer perfonnc >
de prièrent feulement les Députés
de ménager leur fureté , & la liberté
de Madame la PrincelTe , du DuC
d'Anguien & de tout ce qui avoir
été dans fon parti , avec le réta-
blillement de chacun. Les Députés
allèrent à Bourg & conclurent la
Paix 5 fans en communiquer les
articles à Madame la Princeflè , ni
aux Ducs de Bouillon & de la Ro-
chefoucault. Les conditions étoient,
<iue le Roi feroit reçu dans Bor-
deaux en la manière qu'il a accou-
tumé de l'être dans les autres villes
D E M. D. L. R. S3
de fon Royaume : que les troupes
qui avoienc foùtenu le fiége forti-
roient, de pourvoient en fureté aller
joindre l'armée de Mr. de Turennc
à Stenay ; que tous les privilèges
de la ville de du Parlement feroienc
maintenus i Se que le château Trom-
pette demeureroit démoli. On per-
mit à Madame la PrincelTej 5c au
Duc d'Anguien, d'aller à Montrond,
oii le Roi entretiendroit une très-
petite Garnifon pour la fureté de
Madame la Princeflè , qui la clioi-
firoit de fa main. Le Duc de Bouil-
lon fc retira à Turenne , & le Duc
de la Rochefoucault qui étoit, com-
me j'ai dit 5 Gouverneur de Poitou ,
fe retira aufli chez lui fans faire les
fondions de fa Charge , ôc fans
avoir aucun dédommagement pour
fa maifon de Verteuil , que le Roi
avoit fait lafer. Madame la Prin-
cefTe d'Anguien , & les Ducs de
Bouillon ôc de la Rochefoucault ,
D 6
S4 Mémoires
partirent enfemble de Bordeaux >
pour aller à Courras. Le Maréchal
de la Meilleraye , qui alloic à Bor-
deaux 5 rencontra fur l'eau Madame
la Princeile , & lui propofa de voir
le Roi de la Reine , lui faifant efpe-
rer que le Roi accorderoit peut-être
aux prières , ou aux larmes d'une
femme ., ce qu'il avoit crû devoir
refufer , lorfqu'on le lui avoit de-
mandé les armes à la main. Enfin y
iionobftant la répugnance ^ que Ma^
dame la Princefle avoit d'aller à la
Cour 5 les Ducs de Bouillon ôc de la
Rochefoucault lui confeillerent de
fuivre l'avis du Maréchal de la
Meilleraye , afin qu'on ne pût au
moins lui reprocher d'avoir oublié
aucune chofe pour la liberté de fon
mari. Outre qu'ils jugeoient bien ,
qu'une entrevue comme celle-là ,
qui ne pouvoit avoir été concertée
avec \ts Frondeurs ^ ni avec Mr. le
Duc d'Orléans a leur donneroic fans
D E M. D. L. R. 85
cloute l'inquiétude, de pourroit pro-
duire des etfecs confidérables» Le
Maréchal de la Meilleraye retourna
à Bourg porter la nouvelle de l'ache-
minement de Madame la Princeflè
& de ia fuite. Ce changement fî
foudain furprit Mademoifelle, ôc lui
fît croire qu'on traitoit beaucoup
de chofes fans la participation de
Monfieur. Elle y fut encore confir-
mée parce que les Ducs de Bouil-
lon de de la Rochefoucauit eurent
de grandes conférences féparémenc
avec le Cardinal Mazarin , dans le
deiTein de le réfoudre à donner la
liberté aux Princes , ou de le rendre
fufped à Monfieur. Ils lui repréfen-
toienr que les Princes lui en feroient
d'autant plus obligés , qu'ils fça-
voient bien qu'il n'éuoit pas en état
d'y être contraint par la guerre ;
qu'il lui croit allez glorieux , que
toute l'Europe vît qu'il avoit ruïnéj
de réubli Mr. le Prince 5 quand il
t6 Mémoires
avoit voulu ; que le procédé des
Frondeurs lui dévoie faire connoî-
tre 5 qu'ils fe vouloient rendre mai-.
très des Princes , afin de les perdre j
& de le perdre lui-même enfuit^
avec plus de facilité j ou pour leur
donner la liberté , &: les engager^
par - là à travailler enfemble à U
ruine de la Reine & à la Tienne §
que la guerre étoit finie en Guien-î;
ne 5 mais que le defir de la recom-
mencer dans tout le Royaume ne
finiroit jamais qu'avec la prifon des
Princes j & qu'il en devoit d'au-
tant plus croire ceux qui lui par^
loient, qu'ils ne craignoient pas d^
le dire à lui-même , pendant qu'il les
avoit entre Tes mains , <Sc qu'ils n'a-
voient autre fureté que fa parole ;
que les cabales fe renouvelloient de
toutes parts dans le Parlement de
Paris & dans tous les autres Parler
mens du Royaume , pour procurer
la liberté aux Princes , ou pour les
DE M. D. L. R. §7
oter de Tes mains -, que pour eux ,
ils lui déciaroien: qu'ils favorife-
roient tous les defîeins qu'on fe-
roic pour les tirer de prifon y mais
que tout ce qu^ils pouvoicnt faire
pour lui 5 croit de fouhaiter que
préférablement à tous autres ils lui
en euflent l'obligation. Ce difcours
fie l'effet qu'on dedroit j il ébranla
le Cardinal j il donna de la jaloufîe
à Monfieur , & aux Frondeurs ; il
leur ôta l'efpérance d'avoir les Prin-
ces entre leurs mains , de les fit
enfin réfoudre de fe réunir avec
eux 5 de de chercher de nouveau les
moyens de perdre le Cardinal.
Pendant que les chofes fe paf.
foient ainfi , & que les foins de la
Cour étoient employés à pacifier les
défordres de la Guienne > Mr. de
Turenne tiroit de grands avantages
de l'éloignement du Roi. Il avoir
obligé les Efpagnols de lui donner
le Commandemcm de leurs troupes
88 Mémoires
3c de celles de Mr. de Lorraine 5
il y avoit joint tout ce qu'il avoit
pu conferver de celle de Moniieur
le Prince : il écoit maître de Stenai,
ôc n'avoit point d'ennemis oppofés,.
Ainli, rien ne l'empêchoit d'entrée
en France , ôc d'y Faire des progrès
conhdérables , que la répugnance ,
que les Efpagnols ont accoutumé
d'avoir pour les dcHeins de cette
nature , dans Itfquels ils daignent
également de h^zarder leurs trou-
pes, pour des avantages qui ne
les regardent pas diredement , ôc de
fe mettre en état qu'on leur puilïè
oter la comm.unication de leurs
pays i de forte qu'ils crurent faire
beaucoup d'afïiéger Mouzon , qu'ils
prirent enlin après un mois de tran-
chée ouverte. Néanmoins Mr. de
Turenne furmonta toutes leurs -dif»-
ficuliés 5 & il les fie ré'oudre avec
d'extrêmes peines à marcher droit
à Paris , efperant que fa préfence
D E M. D. L. R. 8p
îvec fes forces &c l'éloignement du
Roi , y apporceroit allez de troubles
3c de confulion , pour lui donnei*
j*eu d^entreprendre beaucoup de
chofes. Les amis de Moiifieur le
Prince commencèrent alors à for-
tner des entreprifes pour le tirer de
prifon y le Duc de Nemours s'ccoit
déclaré ouvertement pour fes inté-
rêts 5 Se tout fembloic contribuer au
delTeiii de Moniieur de Turenne.
Pour profiter donc de cette conjonc-
ture 5 il entra en Champagne , ôc
prit d'abord Château - Porcien ôc
Rétel qui firent peu de réfiftance. Il
s'avança enfuire jufqu^à la Ferté-
Milon j mais y ayant appris qu'on
avoit transféré les Princes au Havre-
de- Grâce , les Efpagnols ne voulu-
rent pas pafier outre , &c il ne fut
plus au pouvoir de Mr. de Turenne
de s'empêcher de retourner avec
Parmée à Stenay. Cependant il don-
na fes ordres , pour fortifier Rétel ^
^o Mémoires
ôc y laiflà Delll-Pontl avec une gar-
ni fon Efpagnole , ne croyant pas
pouvoir mieux choiiîr, pour confier
une Place qui étoic devenue très-
imporrante , que de la donner à un
homme , qui en avoit défendu (î
glorieufement trois ou quatre des
plus confidérables de Flandre. Le
bruit de ces chofes fît hâter le re-
tour de la Cour ; & les Frondeurs qui
avoient été unis au Cardinal , tant
que les Princes étoient demeurés à
Vincenncs , & à Marcouili , dans
Pefpérance de les avoir en leur pou-
voir, la perdirent entièrement en les
voyant conduire au Havre. Ils ca-
chèrent toutefois leur relTentiment
contre lui , fous les mêmes appa-
rences, dont ils s'étoient fervis pour
cacher leurs liai Tons ; & bien que:
depuis la prifon des Princes ils euf-
fent eflàyé de tirer fous main tou,^
les avantages poffibles de leur recon^
ciliation avec le Cardinal 3 ils afFeç-
D E M. D. L. R. 5^2
DÎent toujours , 8z de Ton confen*
;n^nt , de faire croire qu'ils n'a-
ôient point changé le deilein de le
I érdre , afin de conlerver leur cré-
Lic parmi le peuple. De forte que
e qu'ils firent dans le commence-
lient de concert avec le Cardinal ,
eur fervir contre lui-même , quand
Is fouhaiterent tout de bon de le
uïner.Ce qui augmenta encore leur
laine , fut la fierté avec laquelle le
Cardinal traita tout le monde à
"on retour. Il fe perfuada aifément
qu'ayant fait conduire les Princes
au Havre , 3c pacicifié la Guienne 5
il devoit être au-deffus des cabales ;
de forte que négligeant ceux dont
il avoit le plus de befoin , il ne fon-
gea qu'à aifembler un corps d'ar-
mée 5 pour reprendre Rétel ôc Châ-
t€au-Porcien. Il en donna le Com-
mandement au Marquis du Plciïis-
Praflin , & le fit partir avec beau-
coup de diligence ^ pour inveftis
92. Mémoires
Rétel , réfolu de fe rendre à l'armé
vers la fin du fiége , pour en avoi
toute la gloire. Cependant Mr. d
Turenne donna avis aux Efpagnol
du dcllèin du Cardinal , ôc telll
Tonû lui ayant promis de tenir ui
temps afifez confidérable , il prit de
mefures avec eux pour le fecourir
Son de(ïein étoit de marcher ei
diligence à Rétel , & de faire di
deux chofes l'une , ou d'obliger li
Marquis du Pleflis à lever le fiége
ou de charger les quartiers de for
armée féparés ^ mais la lâcheté oi
l'infidélité àt Délit- Pomi rendit nor
feulement Çts defieins inutiles, mai;
le contraignit de combattre avec
défavantage , d<. lui fit perdre la
bataille. Car DelU-Poml s'étant ren-
du fix jours plutôt qu'il n'avoir pro-
mis, le Marquis du Plefifis fortifié
des troupes fraîches qui l'avoient
joint, marcha une journée au-de-
yanc cje Mr. de Turenne , qui ne
DE M. D. L. R. 5?^
ouvant éviter un combat 1î inégal ,
: donna avec beaucoup de valeur 3
lais avec un très- malheureux fuc-
ès. Il rallia ce qu'il pût de fcs trou-
es 5 ôc au- lieu de fe retirer à Ste-
ay , où il fembloit que fa préfence
k principalement néceffaire , pour
affermir les efprits étonnés de la
erte de la bataille , il alla trouver le
]omte de Fuenfaldagne , non-feu-
?ment pour prendre enfemble leurs
nefures (lir les affaires préfentes ;
nais aufïi pour ne lailTer pas ima-
giner aux Efpagnols , que ce qui lui
/enoit d'arriver , fôt capable de lui
!n faire prendre aucunes fans leur
participation. Après cette vidoire ,
ie Cardinal qui s'étoit avancé juf-
:^u'à Rétel , retourna à Paris en
triomphe , ôc parut fi enflé de cette
profpérité, qu'il renouvella dans les
efprits le dégoût ôc la crainte de fa
domination.
^4 Mémoires
On remarqua alors , que la foi
tune difpofa tellement de l'évém
ment de cette bataille , que Mr. d
Turenne qui l'avoit perdue , devir
par - là nécefTaire aux Efpagnols
ôc eut le Commandement entier d
leur armée ; & le Cardinal, qi
s'attribuoit la gloire de cette aclioi
l'éveilla Tenvie 6c la haine publiqu
contre lui. Les Frondeurs jugèrent
qu'il cefTeroit d'avoir befoin d'eux
éc craignant d'être facrifiés à Mr. 1
Prince , ils entrèrent dès - lors e
traité avec le Préfident Viole. Ai
naud , Montreuil , fecrétaire d
Prince de Conti , 6c plufîcurs au
très entamèrent des négociation
avec Monfieur le Duc d'Orléans
le Coadjuteur , Madame de Chè
vreufe , & les Fondeurs , comm^
aufli avec Monfieur de Beaufort à
Madame de Montbazon ; d'autre
traitèrent avec le Cardinal.
D E M. D. L. R. ^5
Dans ce temps*là la PrincefTe Pa«
atine avoir plus de part que per-
bnne à la confiance des Princes , ôc
; celle de la Ducheffe de Longue-
dlle 'y elle avoic commencé toutes
:es négociation des Princes , tanc
ivec les Frondeurs , qu'avec le Car-
Linal , & pareillement avec Mada-
ne de Clievreuie , dont la fille dé-
çoit époufer le Prince de Conti , S^
ivec Madame de Montbazon & le
Duc de Beaufort : elle étoit dépofi-
aire de leurs traités , quelque op-
jofés qu'ils pudent être. Se voyant
lonc chargée de tant de chofes con-
raires à la fois , &: craignant de
ievenir fufpecte aux uns ou aux
lutres , elle manda au Duc de la
Rochefoucault , qu'il vint à Paris
fans être connu , hc qu'elle lui di-
roit l'état des chofes , pour prendre
enfemble la réfolution de conclure
avec l'un ou l'autre parti. Le Duc
de la PvQchefoucauk fe rendit à Pa^
(^G MekoirEî
ris avec une extrême diligence , 3a
demeura toujours caché chez lu
Princefife Palatine , afin de pouvoi;
examiner avec elle ce que de toute
parts on lui venoit propoier. Lin
terêt général des Frondeurs étoi
Péloignemcnt & la ruine entière di
Cardinal \ à quoi ils demandoien
que les Princes contribuafTent ave
eux de tout leur pouvoir. Madam
de Chevrcufe deliroit ^ que Mr. 1
Prince de Conti épousât fa fille
qu'après la chute du Cardinal o\
mit Mr. de Château-neuf dans 1
place de Premier Miniftre , moyen
liant quoi l'on donneroit à Mr. 1
Prince le Gouvernement de Guien
ne avec la Lieutenance générale d^
cette Province , Se Blaye pour celu
de fes amis qu'il choifiroit j & l
Gouvernement de Provence pou
Mr. le Prince de Conti. Le Duc d«
Beaufort «3^ Madame de Montbazoï
n'avoienc aucune connoiflànce d«
ce
DE M. D. L. R. 97
:s chofes , Se ils faifoient aufïî un
aité particulier , que les autres
;noroient , lequel confiftoit feule-
lent à donner de l'argent à Mada-
le de Montbazon , & à lui faire
3tenir pour Ton fils la furvivance ,
i la récompenfe de quelques-unes
^s Charges de Ton père. Le Coad-
teur paroi iloit fans autre intérêt
ae celui de fes amis , mais outre
a'il croyoit rencontrer toute {a.
:andeur dans la perte du Cardi-
û 5 il avoir une grande liaifon
7ec Madame de Chevreufe, &: l'on
foit 5 que la beauté de Mademoi-
lle fa HUe avoir encore plus de
Duvoir fur lui. Mf. de Château-
îuf ne voulut point paroître dans
; traité ; mais comme il avoit toû-
urs été également attaché à Ma-
ame de Chevreufe , Se devant Se
)rès fa prifon , ç*a toujours été
iffi conjointement , qu'ils ont pris
lUtes leurs mefures , tantôt avec le
Tme II, E
5)S Mémoires
Cardinal , ôc apiès avec les enn
rnis ^ de foi-te qu'on fe conten
de la parole , que Madame de Ch
vreufe donna pour lui. Mais cor
me il écoic dans une étroite liaii(
avec les plus confidérables perio
lies de la Maiion du Roi , ôc q
dans le Parlement il avoit beaucoi
d'amis dont il pouvoit difpoiei
il confentit qu'ils villent fecrett
ment Madame la Princelïe Palatii
Ôc qu'ils lui promidènt d'entrer av
lui dans tous Tes engagemens.
pouvoit encore beaucoup fur b
prit de Monfieur le Duc d'Orléan
ôc le Coadjuteur , Madame de C\
vreufe, &c lui l'avoient entîereme
difpofé à demander la liberté c
Princes.
Les choies étant ainfi préparée
Monfieur le Prince , qui en éc(
cxadement averti , fembloit voul(
conclure avec les Frondeurs» M;
le Duc de la Rochefoucauk voys
D E M. D. L. R. 5^
les négociations également avancées
de tous les côtés , &: jugeant que Ci
l'on concluoit avec les Frondeurs ,
es Princes ne pou voient for tir fans
jne révolution entière , ôc qu^au
rontraire le Cardinal ayant les
:leFs du Havre , il les pouvoic met-
ire en liberté en un moment , il
empêcha la PrincelTe Palatine de
■"aire ratifier à moniîeur le Prince le
:raité des Frondeurs , pour donner
:emps au Cardinal de confidérer le
péril où il s'alloit jetter. Le Duc la
RocheFoucault le vit trois ou qua-
:re fois en fecret \ ils le délirèrent
cous deux ainfi , parce que le Car-
dinal ne vouloit pas que perlonnc
eût connoiflance de cette nésocia-
cion , de peur que Moniteur & les
Frondeurs ne fe hatalTent d'éclater
contre lui : d>i le Duc de la Roche-
Foucault la tenoit d'autant plus ie-
crete , que les Frondeurs deman-
doienc comme une condition de
E 2
100 M E M O î R E s
leur traité , que le Duc de la Ro-
chefoucault le Cigràzi, ce qu'il ne
Youloit ni ne de voit faire , tarH
qu'il auroit lieu d'cfperer , que h
traité avec le Cardinal pouvoii
être fincere de fa part 6c de cell<
des. Princes. Il reçût même ur
plein -pouvoir de la Duchelïe d<
Longueville , pour réconcilier tou-
te la Maifon avec le Cardinal pour
vi-i qu'il mît les Princes en liber
té. Cependant les Frondeurs , qu
avoient fçû que le Duc de la RO'
chefoucâult négocioit particulière-
ment, le preflèrent pour lui fain
ligner leur traité avec Monfieur l
Prince , & témoignèrent de l'inquie
tude du retardement qu'il y appor
toit ; de forte que fe voyant dan-
la nécellité de conclute prompte^
ment , ou avec l'un ou avec l'autir<
parti, il fe réfolut de voir encore uiv
fois le Cardinal, 6c après lui avoii
rcprefenté les mêmes chofes , qu^ii
D E M. D. L. Pv. ICI
ui avoir dites à Bourg , & le péril
n\ il alloit êcrc par la declararion de
vlonfieur le Duc d'Orléans , du
Parlement de des Fror}deurs , & par
'absndonnement prefque gênerai
le Tes créatures , il lui déclara, que
es chofes étoient en tels terraes ,
[ue s'il ne lui donnoit ce jour-là
tne parole précife 8c pofîtive de la
iberté des Princes , il ne pourroic
>lus traiter avec lui , ni différer de
e joindre à tous ceux qui deiiroienc
"a perte. Le Cardinal voyoit beau-
oup d'apparence à ce qu'on lui di-
bit ; néanmoins le Duc de la Ro-
hefoucauk ne lui parla que gene-
alement des cabales qui s'élevoient
:ontre lui , fans entrer dans le dé-
ail d'aucunes j & il le fit ainfi, pour
le manquer pas au fecret qu'on lui
tvoit confié, 8c pour ne rien dire
\u\ pût nuire au parti , qui s'al-
oit former pour la liberté des
?nnces , fi le Cardinal la refufoit.
E 3
IGZ M I M O 1 R E S
De forte que le C?.rdinal ne vo
yant rien de particuîarifé , ciCit qu<
le Duc de la Rochefoucault lu
grofïiffoit les objets afin de le fain
conclure j ôc il crut que ne lui nom
mant pas même de Tes propres enne
mis 5 il n'avoit rien d'afsûré à lu
dire. Cependant Paigreur éclata d
toutes parts : Mr. le Duc d'Or
îéans 5 qui fuivoit alors les fenti
ment de Mr. de Châteauneuf, d
Madame de Chevreufe , ôc di
Coadjuteur , Te déclara ouverte
ment de vouloir la liberté desPrin
ces 5 qui de leur côté prefToient l«
Duc de la Rochefoucault de con
dure le traité avec le Frondeurs
de de fe joindre avec eux. Cette de
datation de Mr. le Duc d'Orléan:
donna une vif^Lieur nouvelle ai
Parlement d^ au peuple , ôc mit l(
Cardinal dans la confternation. Lei
Bourgeois prirent les armes , on fil
,1a garde aux portes , ôc en moins de
D E M, D. L. R. 105
V Heures, il ne fat plus au pouvoir
u Roi ôc de la Reine de fortir de
aris. LaNoblefle voulut avoirparc
la liberté des Princes j & s'aiTcm-
la en ce même-temps pour la de-
lander. On ne fe contentoit pas
e faire fortir les Princes , on vou-
)it encore la vie du Cardinal ( a).
îr. de Chateauneuf Garde des
çeaux s'étoit joint aux intérêts des
rinces , & efperoit que leur liber-
t 8c Péloignement du Cardinal le
nidroit maître des affaires : le î^la-
E 4
(à) Ce fut en ce temps-la que la Villa
ifiribua des jetions qui d'un coté rcpréfcn-
nent la hache ^ Us verges ai^fnoriales du
^ardinal avec cette légende autour , qnod
uit honos , criininis eft vindex , c'cfl-a-
'ire: ce qui a été autrefois une inavquz
l'honneur ^ de puljjancs ^ eft pour punir
es crimes de Maa^yi'in : é^ au revers , un
ttol ^ avec cet hé-niifitche- ,Çi\i\i cer!:aî:a:c
ata tyiannis , i e. telle ef la àeftinée des
Varans. ï6<i.
104 Mémoires
réchal de Villeroi , Ôc prefque tout
la Maifon du Roi appuyoient 1
Garde des Sceaux : une partie de
Miniftres , ôc beaucoup des plij
particuliers amis du Cardinal , fai
loient aufli la même chofe : la Du
chefïe deChevreufe y contribuoitd
tout Ton pouvoir , ôc elle en avoi
beaucoup dans toutes les cabale;
Mr. de Châteauneuf a toujours et
lié à fes intérêts depuis Se devant f
prifon 5 & c'a été conjointcmen
qu'ils ont pris toutes leurs mefures
tantôt avec le Cardinal , tantôt ave
fes ennemis. Elle avoit une grand
liaifon avec le Coadjuteur , mais I.
beauté de Madcmoifellede Clievreu
fe fa fille y avoit encore plus de pou
voir : Mademoifellc , Se le Coadju-
teur affifté de Madame de Chevreu
fe &: du Garde des Sceaux , étoîen
maîtres de rcfprit de Mr. le Du('
d-'Orléans. Ils avoient outre cela d(
puilTantes cabales dans le peuple, &
D E M. D. L. R. lo;
dans le Parlement qu'ils faiioient
agir félon leur belbin. La Duchei-
fe de Chevreufe de Monfieur de
Châreauneuf n'étoient point encore
fulpedts au Cardinal ; il ignoroit la
Dicpoiition du mariage de la fille
le la Duchelle avec le Prince de
Honti ; il fe fouvenoit qu'elle avoic
)lus contribué que perfonne à la
)rifon des Princes, en difporanc
vlr. le Duc d'Orléans à y conientir,
k Tobliseant de n'en rien dire à
'Abbé de la Rivière qu'elle ruina
infuite. Il eut d'autant moins de
lefiance des confeils qu'elle lui
lonna, que Ton abattement & fes
:raintes ne lui permettoientpas d'en
uivre d'autres, que ceux qui al-
oient à pourvoir à fa fureté. Car
l fe reprefcntoit fans ce(ic qu'étant
tu milieu de Paris, il devoit tout
-^prehender de la fureur d'un peu-
)le , qui avoir bien ofé prendre les
trmes pour empêcher le Roi d!en
E s
jo6 Mémoires
fortir. Madame de Chevreufe fe fer-
vit avec beaucoup d'adreflè de là
difpolîdon où il écoit, de délirant en
effet Ton éloignement pour achevé^
le mariage de fa fille, ôc pour éta-
blir Mr. de Châteauneuf , elle ie
ménagea il bien fur tout cela , qu'en
efïct elle eut beaucoup de part à la
réfoiution quHl prit de fe retirer.
Il fortit le foir de Paris , à cheval ,
fans trouver d'obftacle, ôc , fuivi de
quelques-uns des fiens, il. alla à
Saint Germain. Sa retraite n'adou-
cit point les efprits des Parifiens ,
ni du Parlement 3 on craignit qu'il
ne fdt allé au Havre , pour enlever
les Princes , Se que la Reine n'eût
deiîèin en même temps d'emmener
le Roi hors de Paris : de forte que
non feulement les gardes des portes
Ôc des rues près du Palais Royal fu-
rent redoublées j mais il y avoic
toute la nuit des partis de Cavale-
rie par la ville , pour empêcher le
D E M. D. L. R. 1C7
Roi &c la Reine de fortir. Un foiu
que la Reine avoit efFedivemenc
deflein de l'emmener, un des princi-
paux Officiers de la Maifon du Roi
en donna avis à Mr. le Duc d'Or-
léans 5 qui à l'heure même envoya
de Souches , fupplier la Reine de ne
perfiller pas davantage dans un def-
fein (i périlleux , & que tout le
monde étoic refolu d'empêcher.
Mais quelques proteftations que la
Reine pûc faire , on n'y voulut
point ajouter foi , de il fallut que
de Souches vifitât le Palais Royal ,
pour voir (i les chofes paroi iîoienc
uirpofées à une fortie j & qu'il en-
trât enfuite dans la chambre du
Roi 5 afin de pouvoir rapporter
qu'il l'avoit vu couché dans Ton lit.
Le Parlement de Ton coté faifoic
tous les jours de nouvelles inilances
pour la liberté des Princes , & les
réponfes de la Cour étant ambi-
guës 5 elles aigriiïbicnt les cfprits au
E 6
joS Mémoires
lieu de les appaifer. On avoît crû
éblouir le monde en envoyant le
Maréchal de Gramont trouver les
Princes , Se lui même Tavoit été des
belles apparences de ce voyage j
mais comme il ne devoit rien pro-
duire pour leur liberté , on vie
bien-tôt , que ce n'étoit que pour
gagner temps. Enfin , la Reine vo-
yant augmenter le mal de tous cô-
tés , Ôc ne fçachant point certaine-
ment, fi le Cardinal prendroit le
parti de délivrer les Princes , ou de
les emmener avec lui j de plus ,
craignant que les efprits aigris de
tant de remifes , ne fe portaflènten-
iin à d'étranges extrémités , elle fe
refolut de promettre au Parlement
la liberté des Princes fans plus de
retardement. Le Duc de la Roche-
foucault fut choifi pour aller porter
au Havre au Sieur de Bar , & qui
les gardoit, cet ordre fi pofirif , ôc
qui détruifoit tous ceux qu'il au-
DE M. D. L. R. icp
roit pu avoir au contraire. Mr. de
la Vrilliere , Secrétaire d'Etat , ôc
Cominges, Capitaine des Gardes
de Id Reine , eurent charge de l'ac-
compagner , pour rendre la chofe
encore plus folemnelle , & laifTer
noins lieu de douter de la finceri-
é de la Renie. Mais tant de belles
ipparcnces n'éblouirent pas le Duc
le la Rochefoucault : il reçût avec
oye une fi avantsgeufe commilTion;
nais en partant il dit à Mr. le Duc
Orléans , que la fureté de tant déc-
rits ôc de tant de paroles Ci folem-
ellement données , dépendoit du
3in qu'on apporteroit à garder le Pa-
lis-Royal 5 d'autant que la Reine fe
roiroit dégagée de tout du moment
u'elle feroit hors de Paris. £n efFet>
n a fçu depuis , qu'elle envoya en
iligencc donner avis de ces chofes
a Cardiii-1 qui étoit prêt d'arriver
1 Havre, d< lui diie que fans avoir
^ard à fes promeflès , Ôc à l'écrit
iio Mémoires
figné du Roi , d'elle & des Secré-
taires d'Etat 5 dont le Duc de la
Rochcfoucault de Mr. de la Vrillie-
re étoient chargés , il pouvoit dif-
pofer à Ton gré de la deftinée des
Princes ; que cependant elle cher-
cheroit tous les moyens de tirer le
Roi hors de Paris. Mais cet avis m
fit pas changer de deflein au Cardi-
nal. Bien qu'il fôt en fon pouvoir Sa
laifîer exécuter cet ordre-là^ ou d'ar-
rêter prifonniers le Duc de la Ro-
chcfoucault 5 & ceux qui l'accom-
pagnoient , il prit le parti de voii
lui-même les Princes. Ce que je fçai
de cette entrevue , efl: que d'aboi d
le Cardinal voulut fe juftifîer au-
près d'eux 5 en leur difant les fujets
qu'il avoit eus de les faire arrccer :
3c qu'enfuite il leur demanda leui
amitié , ajoutant avec fierté ^ qu'ils
étoient libres de la lui accorder ou
refufer (a) j ôc que quoiqu'il en fiit,
fa) Precibus conrumacibus. j^jw. i.
D E M. D. L. R. m
ils pouvoient dès ce moment fortir
du Havre , ôc aller où il leur plai-
roir. Apparemment ils lui promi-
rent tout ce qu'il voulut j il dîna
avec eux , de auiïi - tôt après les
Princes ôc le Maréchal de Gramonc
partirent du Havre, 6c allèrent cou-
rber à trois lieues de-là , dans une
maifon nommée Grofmenil fur le
chemin du Havre à Rouen , où le
Duc de la Rochefoucault , la Vril-
liere , Cominges , Ôc le Préfident
Viole arrivèrent un moment après ^
avec les ordres de la Cour dont je
viens de parler.
Les Princes recouvrèrent ainfi leur
liberté treize mois après l'avoir per-
due. On peut dire que Mr. le Prince
fupporta cette difgrace avec beau-
coup de confiance , oC qu'il ne per-
dit jamais une occafion de travail-
ler lui-même à faire ceffer fon m.al-
heur. Il fut abandonné de plufieurs
de fes amis j mais on peut dire
ïii Mémoires
auiïi 5 que jamais homme n'en j«
trouve de plus fermes de de pîuî
fidèles , que ceux qui lui refterenr.
Jamais perfonne de fa. qualité n's
été acculé de moindres crimes , ni
arrêcé avec moins de fujer. Mais ù
nai (lance , Ton mérite , 6c Ton inno-
cence qui dévoient avec juftice em-
pêcher fa prifon , étoient de grandi
fujfts de la faire durer, G la frayeiâ
du Cardinal , ôc tout ce qui s'éleva
en même temps contre lui , ne lui
eufïent fait prendre de fauffes mefu-
res dans le commencement de dans
la fin de cette affaire.
(P.
W^
E M. D. L. R. 115
RELATION
De ce qui fe p<z(î;i depuis la pri^
fin des Princes , jtifqu'^ la>
Guerre de Guienne.
LA prifon de Moniicur le Prince
avoir apporté un nouveau luftre
à fa gloire. Auffi arriva-t-il à Paris
avec tout l'éclat , qu'une liberté fi
avantageufement obtenue lui pou-
voit donner. Mr. le Duc d'Orléans
ôc le Parlement l'avoient arraché
des mains de la Reine ; le Cardinal
Mazarin étoit à peine échappé de
celles du peuple , ôc fortoit du
Royaume , chargé du mépris & de
la haine publique. Enfin ce miême
peuple 5 qui un an auparavant avoit
fait des feux de joye du malheur
de Monfieur le Pnnce , avoic tenu
Sî4 Mémoires
la Cour aiTicgée dans le Palais
Royal 3 pour procurer fa liberté (a).
Sa difgrace avoit changé en com-
paflîon 5 Taverfion qu'on avoir eue
auparavant pour Ton humeur , &C
pour fa conduite, & tous efperoient
également que fa préfence rétabli-
roit l'ordre & la tranquillité de
l'Etat. Les chofes étoienr difporées
de la forte , lorfque ce Prince ar-
riva à Paris , avec le Prince de
Conti , & le Duc de LongueVille j
une foule innombrable de peuple
vint au devant de lui jnfqu'à Pon-
toife -, il rencontra Monficur le Duc
d'Orléans à la moitié du chemin ,
qui lui préfenta le Duc de Beau-
fort de le Coadjuieur , & fut con-
duit au Palais Royal au milieu
(a) Neque illis judicium nut veritas^j
quippe eodem ( anno ) diveiTa pari cer-
taminepoftulantibus. Hi/t. i. Tarn pro-'
num in mifericordiam , quam immo-
dic.um fcçvitia fuerat. Uf,d.
D E M. D. L. R. îij'
le ce triomphe , &c des acclamations
)ubliques. Le Roi , la Reiiie , de
vlï. le Duc d'Anjou y croient de-
neurés avec les feuls OfHciers de
eurs maifons 5 & Mr. le Prince y
ut reçu comme un homme qui
toit plus en état de faire grâce que
e la demander. Plufieurs ont cru
[ue Mr. le Duc d'Orléans 6ilui
n- hrent en ciFet une bien plus
;rande à la Reine de la laiiTer
ouir plus long-temps de Ton auto-
ité y car il étoit facile alors de la
ui faire ôter par le Parlement du
;onrentement de tous les partis , la
Ilour n'étant ni en état , ni même
'u volonté de s'y opporer *, tant la
tiite du Cardinal y avoit laiffi
l'incertitude 6c de confcernation.
2c chemin fi court ôc fi aifé lui
ermoit pour toujours celui de Ton
retour en France j il ôtoit tout d'un
:oup à la Reine Pefperance de le
iQÏx rétablir dans le Miniftére, Les
ii6 Mémoires
moyens en étoient aifés , comme
je viens de dire , 8c on pouvoii
fans peine faire pafl'er par un arrêt
la Régence à Mr. le Duc d'Orléans
ôc remettre non feulement entre fe;
mains la conduite de l'Etat , mai:
aufïi la perfonne du Roi , qui man-
quoit feule, pour rendre le part
des Princes aufïi légitime en appa-
rence , qu'il eût été puiflànt en efrér
Mais foit que Mr. le Prince n(
faifant que d'arriver comme er
triomphe , en eût encore Pefpri
tout plein , de qu'il crût que et
chani^ement Ci foudain de fa fortune '
meritoit d'être goûté quel que temps,
avant que d'entreprendre de i
grandies chofes ; ou foie que U
grandeur de cette entreprife l'em-
pêchât d'en connoitre la facilité;
ou bien que la connoiflant il nft
pût fe réfoudre à lai (1er transférer
toute la puiiïance à Mr. le Duc
d'Orléans , qui étoit lui-même cm
B E M. D. L. R. 117
elle des Frondeurs , donc Mr. le
'rince ne vouloir plus dépendre ;
u (oit plus vraifemblablement en-
ore qu ils crûllent Pun & l'autre ,
ue quelques négociations com-
mencés , & la foiblefle du Gou-
ernemenc , établiroienc leur auro-
lé par des voyes plus douces &
lus légitimes que celles que je viens
e dire ; enfin , ils laifïèrent à la
.eine Ton titre & Ton pouvoir.
Ceux qui regardoient leur con-
uite 5 & qui en jugeoient félon
s vues ordinaires , remarquoienc
u'il leur étoit arrivé ce qui arri-
i fouvent en de femblables occa-
ons 5 & même aux plus grands
Dm.mes , qui ont fait la guerre à
urs Souverains , qui eft de n'a-
DÎr pas fçû fe prévaloir de certains
Lomens favorables ôc décififs (a),
'j
(a) Agendum audendumque , dum
egim autoritas fluxa ; opportunes
agnis conatibus tranfiîus rerum Tficit.
iiS A'Iemoiris
dans lefquels ils les pouvoient op
primer entieremenr. Ainfi le Du
de Guife aux premières barricade
laiifa fortir de Paris le Roi , aprè
Tavoir tenu comme afiiegé dans 1
Louvre un jour ôc une nuit : ain
le peuple de Paris , aux dernière
barricades, pafla toute fa fougue
demander l'élargiflfemenc de Brou'
fel ôc de Blancmefnil , fans fong<
à fe faire livrer le Cardinal , qu*
pouvoir fans peine arracher d
Palais Royal , qu'il tenoit bloqU'
Enfin 5 quelles que fullènt les ra
fons des Princes , ils lailTerei
échapper une conjoncture h impo
tante , & cette entrevue fe pal
en civilités ordinaires , fans t
moigner d'aigreur de part Se d'aj
tre 5 de fans parler d'affaires.
Mais la Reine defuoit trop ic
patiemment le retour du Cardin
pour ne tenter pas toutes forte'
voyes y pour y difpofer Mr. le PrL
V E M. D. L. R. iip
:e ; elle lui fît oifiir par la PrincefTc
;^akdne une liaifon étroite avec lui^
k de lui procurer toute forte d'à-
'antages. Mais comme Tes termes
'toieiu généraux , il n'y répondit
[ue par des civilités qui ne Ten-'
;ageoient pas. Il crût même que
'étoit un artiiîce de la Reine pour
enouveller contre lui l'aigreur eé-
.erale, U pour Texpoier a retomber
.ans les premiers malheurs , en le
endant fuipect au Duc d'Orléans ,
u Parlement , de au peuple par
niQ liaiion fecrette. Il conhderoit
ncore , qu'il étoit forti de prilon
ar un traité figné avec Madame
e Chevreufe , par lequel le Prince
e Conti devoit époufer fa iîlle j &
ue c'étoit principalement par cette
lliancc que les Frondeurs de le
)oadjuteur de Paris prenoient con-
ance en lui. Cette confidération
liioit auffi le même effet envers
î Garde des Sceaux de Chafleavî-
Tzo Mémoires
neuf 5 qui tenoit alors la première
place dans le Confeil , Se qui écoii
infeparablement attaché à la Du-
clielie de Chevreufe. D'ailleurs
cette Cabale rubfiftoic encore ave<
les mêmes apparences de force S
de crédit j elle lui offrit aufTi l
choix des établi (Temens pour lui d
pour fon frère ; Mr. de Chafteau
neuf venoit même de les rétabli
tous deux 3 Se le Duc de Longue
ville, dans les fondions de leui
Charges. Enfin , Mr. le Prince trou
voit du péril &c de la honte à rorr
pre avec des gens, dont il avoir reç
tant d'avantages , 6c qui avoient
puifl'amment contribué à fa liberté
Si ces réflexions firent balance
Mr. le Prince , elles ne changeret
point le defiein de la Reine : eM
defira toûjrurs avec la même ardeii*f
d'entrer en négociation avec lui
efperant ou de l'attacher veritabk
ment à fes intérêts , Se aflurer p£
«> E M. D. L. R. m
à le retour du Cardinal j ou de le
rendre de nouveau rufped à tout
:e qui avoir pris fon parti. Dans
;ettc vue elle prefTa la Princefïè
^alatine de faire expliquer Mr» le
*rince fur ce qu'il pouvoir deiirer
'our lui 8c pour Tes amis y & lui
onna tant d'efpéranccs d'obtenir
DUtes chofes, quil fe réfolut enfin
e traiter , ôc de voir fecretement
ervien ôc Lionne chez la Princefîè
alatine. Il voulut audi que le Duc
e la Rochefoucault s'y trouvât 5
il le fit de la participation du
rince de Conti , & de la Ducheflè
e Longueville. Le premier projet
u traité , qui avoir été propofé
ir la Princeilè Palatine , étoit qu'on
onneroit la Guicnne à Mr. le
rince , avec la Lieutenance Géné-
ile pour celui de fes amis qu'il
judroit ; le Gouvernement de Pro-
mce pour le Prince de Conti ;
l'on feroit des gratifications à
Tom II, F
111 Mémoires
ceux qui auroieiit fuivi Tes intérêts ;
qu'on n'éxigeroic de lui , que d'al-
leu dans fon Gouvernement , avec
ce qu'il choidroix de fes troupes
pour fa fureté ; qu'il y demeureroic
fans contribuer au retour du Cardi-
nal Mazarin ; mais qu'il ne s'op-
poferoit pas auffi à ce que le Roi
feroit pour le faire revenir ; &c que
quoi qu'il arrivât , Mr. le Prin€(
ieroit libre d'être fon ami ou foi
ennemi , félon que fa conduite lu
donneroit fujet de l'aimer ou de l
haïr. Ces mêmes conditions furen
non feulement confirmées , mai
encore augmentées par Servien &
Lionne ; car fur ce que Mr. 1
Prince vouloit joindre le Gouvé
nement de Blaye à la Lieutenanc'
Générale de Guienne pour le Du
de la Rochefoucault 5 ils lui c
donnèrent toutes les efpérancc
qu'il pouvoit defirer. Il eft vce
qu'ils demandèrent du temps poi*
D E M, D. L. R. 11$
■aîter avec Monfieur d'Angoulê-
le du Gouvernement de Proven-
I ; , ^ pour achever de difpofer la
' eine à accorder Blaye : mais ap-
iremment ce fut pour pouvoir ren-
•e compte au Cardinal de ce qui
paffoit 5 & recevoir fes ordres.
: s'expliquèrent aufïi de la repu-
lance &que la Reine avoit au ma-
ige du Prince de Conti avec Ma-
» moifelle de Chevreufe j mais on
; leur donna pas lieu d'entrer plus
; ant en matière là-deffiis , de on
lu- ht feulement connoître , que
1 ngagement qu'on avoit pris avec
] ^dame de Chevreufe , étoit trop
i ind pour chercher des expediens
} ur le rompre. Ils n'infifterent pas
î cet article , ôc l'on fe fépara ;
c forte qu'on pouvoit croire rai-
1 inablement , que la Uaifon de
l Reine &c de Mr. le Prince étoic
f le point de fe conclure. L'un
t l'autre aboient prefqu'également
F %
124 Mémoires
intérêt , que cette négociation fiit
fecrete j la Reine devoit craindre
d'augmenter la défiance de Mr. 1<
Duc d'Orléans &c des Frondeurs
ôc de contrevenir fi-tot , oc fan
aucun prétexte , à toutes les Décls
rations , qu'elle venoit de donne
au Parlement contre le retour d
Cardinal. Mr. le Prince de fc
coté n'avoit pas moins de préca\
tions à prendre -, le bruit de fc
traité faifoit croire à fes amis , qu
Tavoit fait fans leur participatioi
de fourniiToit dès Hieure un jui
prétexte au Duc de Bouillon de
Maréchal de Turenne de quiti
fes intérêts : il fe rendoit irrécon^
îiable avec les Frondeurs , ôc la E
chelTe de Chevreufe, Ôc renouvell
tout d'un coup 5 au Parlement ,
au peuple limage afïreufe d^
dernière guerre de Paris. Enfr
cette affaire demeura quelque zcù
fans éclater -, mais celui qu'on a^
D E M. D. L. R. I2J
H-is pour la conclure , produific
)ien-t6t des lu jets de la rompre ,
k. de porter les chofes dans les
xtremités où nous les avons vues
iepuis. Cependant l'aiïemblée de
1 Noblefïe ne s'étoit pas leparée ,
'ien que les Princes fu(lent en lî-
lerté 5 elle conrinuolt toujours fous
ivcrs prétextes , demandant d'a-
>ord le rétablilTement de leurs
riviléges , & la réformation de
'lufîeurs abus : mais Ton véritable
Din étoit d'obtenir les Etats-Géné-
aux 3 qui étoit en .effet le plus
flùré ôc le plus innocent remède ,
u'on pût apporter, pour remettre
Etat fur Tes anciens fondcmens >
ont la puilïance trop étendue des
ivoris femble l'avoir arraché de-
uis quelque temps. La fuite n'a
ue trop fait voir , combien ce pro-
tt de la NoblefTe eût été avanta-
,eux au Royaum.e. Mais Mr. le
)uc d'Orléans ôc Mr. le Prince r.e
F ;
ii6 Mémoires
connoiflant pas leurs vrais intérêts
S: voulant même fe ménager entr(
la Cour &c le Parlement , au-liei
^'appuyer les demandes de la No
blefiè 3 de de s'attirer par là le mé
rite d'avoir procuré le repos public
fcngercnt feulement aux moyens d
-difTiper l'allemblée ^ &: crurent avoi
fatisfait à tous leurs devoirs en ti
tant parole de la Cour , de fait
tenir les Etats fix mois après I
majorité du Roi. Sur une fi vair
promefîè Pallemblée fe fépara > l
\qs chofes reprirent le chemin qu
je vais dire.
La Cour étoit alors partagée e
plufîeurs Cabales y mais toutes s'a<
cordoient à empêcher le retour d
Cardinal j leur conduite néanmoir
étoit très- différente : les Frondem
fc déclaroient ouvertement cohtj
lui ; m^ais le Garde des Sceau
de Châteauneuf paroiflbit étroia
ment lié à la Reine , bien qu'il fl
D E M. D. L. R. 117
e plus dangereux ennemi du Car-
iinal. Il croyoic cette conduite
l'autanc plus fûre pour l'éloigner ,
'k pour occuper ia place , qn'A
iffecloit d'entrer dans les ientimens
ie la Reine , pour hâter ton retour.
l.a Reine rendoit exactement comp-
:e au Cardinal de toutes choies ,
lurant fa retraite ôc Ton éloigne-
■nent ; & Ton abfence avoit même
lugm.enté Ton pouvoir ; mais com-
ne fes ordres venoient lentement
'a) 5 de que l'un étoit fouvent
détruit par l'autre , cette diverfité
apportoit une confufion aux affai-
res 5 où l'on ne pouvoit remédier.
Cependant les Frondeurs preiroient
LC mariage du Prince de Conti , &
Ae Mademoifelle de Chcvreufe \ les
moindres retardemens leur étoient
fuipeds , & ils foupçonnoient déjà
F 4
( a ) Ex diftantibus terrarum fpatiis
conûlia poft res affcrebantur. tîiji. 3.
iz8 M E M O ï R î s
Madame de Longueville &c le Diît
de la Rochcfoucault , d'avoir def-
fein de le rompre , de peur que Mr.
le Prince de Conti ne fordt de leurs
mains pour entrer dans celles de
Madame de Chevreufe , & du
■Coadjuteur de Paris, Monfieur k
Prince augmentoit encore adroite-
ment leurs foucons contre fa focur,
Ôc contre le Duc de la Rochefou^
cault 3 croyant bien que tant qu'il?
auroient cette penfée ils ne décou-
-vriroient jamais la véritable caufc
du retardement du Mariage , qui
.etoit en effet , que le traité dont
j'ai parlé , de Mr. le Prince avec le
Reine n'étant ni achevé ni rompu
ik ayant eu avis que Monfieur de
Châteauneuf dévoie être chaflé
il voulut attendre l'événement dï
toutes ces chofes , pour faire le ma-
riage 5 fî le Cardinal étoit ruïm
par le Garde des Sceaux -, ou poill
fgiire fa Cour à la Reine en le rpn^
î> E M. D. L. R. 1Z9
pant (a } 5 fi le Garde des Sceaux
ëtoic chalîé par le Cardinal. Cepen-
dant on envoya à Rome, pour avoir
difpenfe fur la parenté :- le Prince
de Conti rattendoit avec impatien-
ce 5 & parce que, la perfonne de
Mademoifelle de Chevreuie lui plai-
tbi: 3 de parce que le changement
decondicionavoit aumoinsla grâce
le la nouveauté j ce qui étoit pour
ui un charme inévitable. Il cachoic
:ûutefois ce fentiment-là à Tes amis
ivec tout l'artifice dont il étoit ca-
)able j mais il craignoit fur routes
:hores , que Madame de Longue-
dlle ne s'en apperçût , de peur de
uïner par-là les efpérances vaines
Le la paffion honteufe & ridicule ,
lont il vouloit qu'on le crut touché.
Dans cet embarras il pria fecrete-
(à) Temporibus infîdiari videbatur ^
t omnia ex proprio ufu ageret , & hue
tque illuc , unde fpes major affuidet
otcncis , fe defiederec. F.^ten. Hijf. u
130 Mémoires
ment le Préfident Viole , qui devoît
d refier les articles de fou mariage
d'accorder tous les points qu'or
vou droit contcfter , ôc de fur mon-
ter toutes les difficultés. Dans c(
temps-là même le Garde des Sceau:
de Cbâreauneuf fut chaflï , & h
Premier Préfident prit fa place
Cette nouvelle furprit &C irrita le
Frondenrs , & le Coadjuteur enne
mi particulier de ce Magiftrat ail
précipitamment à Luxembourg ei
avertir Mr. le Duc d'Orléans , 5
Mr. le Prince qui y étoient enfem
ble. Il éxaî^era devant eux la con
duite de la Cour avec toute Pai
greur polTible , & il la rendit fi fuf
pe6te à Mr. le Duc d'Orléans , qu(
l'on tint fur l'heure un Confeil , ci
fe trouvèrent plufieurs perfonnes d*
qualité , pour délibérer fi l'on iroi
à Pinftant même au Palais arraclie;
les Sceaux au Premier Préfident
& fi l'on émouvroit le peuple poiu
DE M. D. L. R. 151
foûtenir cette violence. M dis Mr. le
Prince y fat entièrement contraire ,
foit qu'il s'opposât par raifon ou
par intérêt ; il y mêla même quel-
que raillerie , difant qu'il n'étoic
pas aflez brave , pour s'expofer à
une guerre qui fe feroit à coups de
pierres de de pots de chambre. Les
Frondeurs furent piqués de cette ré-
ponfe 5 de fe confirmèrent par - là
dans l'opinion qu'ils avoient que
Mr. le Prince prenoit des mefures
fecretes avec la Cour , &: que l'éloi-
gnemenc de Mr. de Châteauneuf ,
ôc le retour de Mr. de Chavigny
Secrétaire d'Etar , qui avoit été rap-
pelle en ce temps -là, avoient été
concertés avec lui , bien qu'en effet
il n'y eût eu aucune part. Cepen-
dant la Reine rétablit Monfieur
de Chavigny dans le Confeil. Elle
crût que revenant fans la partici-
pation de perfcnne , il lui auroic
l'ooligation tguce entière de fon rc-
F 6
1^1 Mémoires
tour ; ôc en effet tant que Chavigny
clpera de gagner créance fur Ton cf-
prit, il parut éloigné de Mr. le Prin-
ce 5 & de tous fes principaux amis;
mais dès que les prenniers jour^ lui
eurent fait connoître , que rien ne
pouvoit changer le cœur de la Rei-
ne pour le Cardinal , il renoua £è-
cretemenc avec Monfîeur le Prince ,
ôc crût dès ce moment-là, que cette
liaifon le porteroit à tout ce que
fbn ambition démefurée lui fat-
foit délirer. Sa première penfée fut
d'obliger Monfîeur le Prince de dé-
clarer à Mr. le Duc d'Orléans le
traité qu'il avoit fait avec la Reine,
afin qu'il lui aidât à le rompre. En-
fuite il exigea de Mr. le Prince,
d'ôtcr à Madame de Longueville,
êc au Duc de la Rochefoucaulc , la
connoiflànce particulière & fecrct^
de fcs delTeins , bien qu'il dût â
l'une & à l'autre la confiance que
Mr.. le Prince prenoit en lui.
D E M. D. L. R. 15.5
Pendant que Chavigny agifloic
ainfi, Péloignement de Mr. de Châ-
teauneuf avoit augmenté les dé-
fiances de Madame de Chevreufe
touchant le mariage qu'elle fou-
haitoit ardemment j elle ne fe trou-
voit plus en état de pouvoir procu-
rer à Monfieur le Prince , & à Tes
amis l'établitlèment auquel elle s'é-^
:oic engagée y ôc cependant. Ma-
dame de Rhodes écoit convenue de
fa part avec le Duc de la Rochefou-
caultj que ces mêmes établifîèmens,.
5c le mariage , fe dévoient éxécutei:
2n même temps , ôc être des mar-
ques réciproques de la bonne foi
des deux partis j mais fi d'un coté
Madame de Chevreufe voyoit di-
oiinuer fes efpérances avec Ton cré-
dit , elle les reprenoit par les témoi-
gnages de palïion que le Prince de
Conti dormcit à Mademoifelle de
Chevreufe. Il lui rendoit mille foins,
qu'il cachoic à fes amis , de parri»
154 Mémoires
culierement à fa fœur. Il avoir des
converfations tiès-loni^ues , & très-
particulières avec Laigucs &c Noir-
mou (lier j amis intimes de Made-
moifclle de Chevreufe , defquelle*
contre fa coutume , il ne rcndoii
plus compte à perfonne. Enfin , ù
conduite parut (i extraordinaire
que Mr. le Préfident de Nefmond
ferviteur particulier de Monfieur h
Prince , fe crût obligé de lui don-
ner avis du delTcin de Monfieur 1(
Prince de Conti. Il lui dit qu'il al-
loit époufer Mademoifelle de Che-
vreufe fans fa participation , ôc ian:
dirpenfe : qu'il fe cachoit de tous fe;
amis pour traiter avec Laigues ;
ôc que s'il n'y remédioit prompte-
ment , il verroit Mademoifelle de
Chevreufe lui ôter fon frère , &
achever ce mariage dans le temps
qu'on croyoit qu'il avoir plus d'in-
térêt de l'empêcher. Cet avis le re-
tira de fon incertitude ; ôc fatls
DE M. D. L. R. 15/
concerter fa penfée avec perfonne ^
il alla chez le Prince de Conti , de
commençant d'abord la converfa-
rion par des railleries (3.) fur la
grandeur de Ton amour , il le finie
difant de Mademoifelle de Che-
vreufe , du Coadjuteur , de Noir-
mouftier , &c de Caumartin , tout
ce qu'il crût le plus capable de dé-
goûter un amant ou un mari. Il n'eue
pas grande peine à réiiffir dans Ton
deffein ; car foit que Mr. le Prince
de Conti crût qu'il difoit vrai , ou
qu'il n'osât témoigner qu'il en doii-
roit 5 il le remercia à l'heure même
d'un avis fi falutaire , &c prit réfo-
lution de ne fonger jamais à Made-
( a ) Qu'étant à'aujfi belle taille cju'il
étott , il ai^oit raifon de 'vouloir chercher
encore (Quelque agrément ; que [on mctrici^
ge alloit orner fa tête de mitres , d^'ar-^
mées & de bonnets a cornes ^ ^ mettre
dans fon parti l'EgUfe , la NobleJJe , ^ le
tien-Btdt, Vie de Mr. de Tureniic.
1^6 Mémoires
moifelle de Chevreufe. Il fe plaignîi
même de Madame de Longueville;
& du Duc de la Rochefoucault
de ne l'avoir pas averti plutôt d<
ce qui fe difoit d'elle dans U
monde-
On chercha dès lors les moyen*
de rompre cette affaire fans aigreur;
mais les intérêts en étoient trqj
grands , de les circonftances tro|
piquantes , pour ne pas renouvelle]
ôc accroître l'ancienne haine de
Madame de Chevreufe ôc des Fron-
deurs contre Mr. le Prince, &c con-
tre ceux qu'ils foupçonnoient d*a}«
voir part à ce qu'il venoit de faire.
Néanmoins , le Préfident Viole fuC
chargé d'aller trouver Madame de
Chevreufe 5 pour dégager avec quel-
que bienfeance , Mr. le Prince 6^
le Prince de Conti des paroles qu'il
avoient données pour le mariage i
ils la dévoient aller voir enfui te
tun de Tautre un jour après : mais
DE M. D. L. R. 137
'bit qu'ils eulTent peine de voir une
I erfonne à qui ils faifoient un fl
jsnfible déplaifir; ou foie que les
I eux fieres qui s^aigrifToienc tous
:s jours pour les moindres cliofcs,
î fiiflcnt aigris alors pour la ma-
tière dont ils dévoient vifiter Ma-
.emoifelle de Chevreufe j enfin ,
41- eux ni le Préiident Viole, ne
ï virent j Se l'affaire fe rompit de
sur côté 5 fans qu'ils eflayallènt de
;arder aucune mefure , & de fauver
a moindre apparence. Je ne puis
lire 3 fî ce fut de la participation
'fe Chavigny 5 que Mr. le Prince
ifcepta l'échange du Gouverne-
nent de Guienne contre celui de
3ourgogne -y mais enfin ce traité foc
:onclu par lui , fans parler de ce
p'il avoit demandé pour fon frère,
5our le Duc de la Rochefoucault,
5^ pour fes autres amis.
Cependant les confeils de Cha-
tfigny aycient eu les fuccès qu/Il
13 s Mémoires
deduoic j il avoit feul la confîana
de Mr. le Prince, & il l'avoit port(
à rompre foii traité avec la ReiiK
contre l'avis de Madame de Lon
gueville , de la Prirxefle Palatine
ôc des Ducs de Boni lion & de l
Rochefoucault. Servieii Ôc Lionn-
fe trouvèrent brouillés des deu;
côtés pour cette négociation , ê
furent chafTés enflure. La Rein
nioit d'avoir jamais écouté la pro
pofition de Blaye ; & elle accufoi
Servien de Pavoir faite exprès
pour rendre les demandes de Mi
le Prince fi hautes , qu'il lui fy
impoiTible de les accorder. Pou
Mr. le Prince , il fe plaignoit d
Servien , ou d'êcre entré en matier
avec lui , de la part de la Reine
fur des conditions Se dont elle n'a-
voit pas eu de connoiflance j ou 4<
lui avoir fait tant de vaines propo-
fitious , pour l'amufer fous l'appa.
E» E M. D. L. R, 13^
cnce d'un traité fincere (a) , &
^ui n'étoit en effet qu'un deilèiii
n-émédité de le ruiner. Enfin ,
nen que Servien fut foupçonné
les deux partis , cela ne diminua
)oint l'aigreur, qui commençoic
i naître entre la Reine &c Mr. le
^rince ; elle écoit prefque égale-
nent fomentée de tout ce qui les
ipprochoit (h) : on perfLiadoit à la
^eine , qre la divifion de Mr. le
^rince , &c de Madame de Che-
/reufe , alloit ré'inir les Frondeurs
aux interêcs du Cardinal j dz que
les chofes fe trouveroient bien-tôc
aux mêmes termes où elles étoient
lorfqu'on arrêta Mr. le Prince. Lui
d'autre côté étoit poufTé à rompre
avec la Cour , par beaucoup d'in-
térêts différens. Il ne trouvoit plus
de fureté avec la Reine , 6c crai-
(2l) Imagine pacis deceptum. o4-/?n. i;
(h) Anxii odiis , qua: praviïas anii"
eorum augebat. /i//?. i.
140 Mémoires
gnoit de retomber dans fes pre-
mières difgraces. Madame de Lon-
guevillc fçavoît , que le Cardina
l'avoic brouillée irréconciliable-
ment avec Ton mari , &c qu'aprè
les împrcfïions , qu'il lui avoir don-
nées de fa conduite , elle ne pou
voit l'aller trouver en Normandie
fans expofer fa vie , ou fa liberté
Cependant, le Duc de Longuevilli
vouloir la retirer auprès de lui pa
toutes fortes de voyes -, &c elle n'a
voit plus de prétexte d'éviter o
périlleux voyage , qu'en portan
fon frère à quitter la Cour avpt
éclat 5 &: à fe préparer à une guerr<
civile (a). Le Prince de Conti n'a
voit point de but arrêté ; il fuivoi
toutefois les fentimens de fa fœui:
( a ) S'h/ia^i'aant que dans un /emp
de confufion ^ de défordre , 07i aurai
bien autre chofe a faire (ju^a prendre gard
k fa conduite. Vie de Monfieiir d*«
Turenne.
D E M. D. L. R. 141
ans les connoître , ôc vouloit la
;uerre , parce qu'elle l'éloignoit de
à profeiTîon , qu'il n*aimoit pas.
-e Duc de Nemours la confeilloit
Lvec empreiremenc ; mais ce fenti-
nent lui venoic moins de fon am-
bition , que de fa jaloufie contre
vlr. le Prince j il ne pouvoit fouf-
Hr , qu'il vît & qu'il aimât Ma-
lame de Châtillon -, mais comme
1 ne pouvoit l'empêcher , qu'en les
réparant pour toujours , il crût que
la guerre feroit toute feule ce effet-
là : de ce fut auiïi ce feul motif,
qui la lui fît délirer. Les Ducs de
Bouillon Ôc de la Rochefoucaulc
en étoienc bien plus éloignés j car
ils venoient d'éprouver par une
expérience toute récente, à com-
bien de peines & de difficultés
infurmontables on s'expofe , pour
foûtenir une guerre civile contre
la perfonne du Roi : ils fçavoienr,
de quelle infidélité on eft menacé,
ï4i Mémoires
lorfque la Cour y attache des ré-
compenfes (a) , &: qu'elle fournil
aux interefles le prétexte de rentre!
dans leur devoir ; ils connoilToieni
encore la fcibleffe des Efpagnols
combien vaines ôc trompeufes foni
leurs promedes , de que leur vra
intérêt n'écoit pas 3c que Monfieur l(
Prince , ou Monfieur le Cardinal .
fe rendît maître des affaires , mai:
feulement, de fomenter le détordre
entr^eux , pour fe prévaloir de noî
divifions (b). Le Duc de Bouillor
joignit encore fon intérêt particuliei
à celui du public , & efperoit avoii
quelque mérite vers la Reine , s'il
contribuoit à retenir Monfieur U
(3.) Fruftra fidem fperari , ciim pra?mia
perfidia; reputantur , fimulqiie immeiifa
pecunia & potentia obveriaiitur. Cru-
ciatu aut pra:mio cunda pervia cfle.
K^nn. 15'. j
(h) Noftris illis difTenfionibus ac di£-
cordiis elati. ht jigricoU. Spcfque ex
malis noftris. Bijt, 4.
D E M. D. L. R. 14^
dnce dans fou devoir. Le Duc
i la Rochefoucaulc ne pouvoic
is témoignei' fi ouvertement la ré-
jgnance qu'il avoit pour cette
lerre 5 il étoit obligé de fuivre les
ntimens de Madame de Longue-
Ile 5 de ce qu'il pouvoit faire alors,
oit d'eiïayer de lui faire defîrer la
lix. Mais la conduit^^ la Cour ,
celle de Mr. le Prince , fourni-
nt bien-tôt des flijets de défiance
î part de d'autre , dont la fuite a
é funeile à l'Etat , 6c à tant d'il-
ftres familles du Royaume , ôc a
lïné 5 prefqu'en un moment , la
us grande ôc plus éclatante fcrtu-
î j qu'on ait vue fur la tête d'un
ajet.
Pendant que les chofes fe difpo-
tient de tous côtés à une rupture
itiere , Mr. le Prince envoya le
larquis de Sillery en Flandres fous
rétexte de décaler Madame de
ongueville , de le Maréchal de
ï44 Mémoires
Turenne des traités" qu'ils avoien
faits avec les Efpagnols , pour pro
curer fa liberté j mais en effet
avoit ordre de prendre des mefure
avec le Comte de Fuenfaldaigne
ôc de predentir quelle alTiftance 1
Prince pourroit tirer du Roi d'Ei
pagne , s'il étoit obligé de faire I
guerre. Fuenfaldaigne répondit
cela , félon la coutume ordinaire d(
Efpagnols , en promettant en gém
,ral beaucoup plus qu'on ne lui pou
voit raifonnablement demander , (
n'oublia rien pour engager Moi:
fieur le Prince à prendre les arme
D'un autre côté la Reine avoit fa
une nouvelle liaifon avec le Coac
juteur dont le principal fondemer
étoit la haine commune qu'i
avoient pour Monfieur le Prino
Ce traité dcvoit être fecret par H^
terêt de la Reine , ôc par celui d<
Frondeurs , puifqu'elle n'en pouv(
attendre de fervice , que par
créd:
D E ^I. D. L. R. 143,
ledit qu'ils avoienc fur le peuple ,
Li'ils ne coniervoienc qu'aucanc
u'on les croiroic ennemis du Car-
inal. Les deux partis trouvoienc
paiement leui- fLiretéà perdre Mon-
=ur le Prince. On oiîric même à
Reine de le tuer , ou de l'arrêter
ifonnier j mais elle eut horreur de
.première propoiition , ôc confen^
: volontiers à la fecond'e. Le
oadjuteur & Lionne le trouvèrent
lez le Comte de Montréfor , poiu:,
)nvenir des moyens d'exécuter
tte entreprife : ils demeurèrent
accord , qu'il le falloic tenter ;
ais ils ne réfolurent rien pour le
mps 3 ni pour la manière de l'éxé-
iter. Or foit que Lionne en crai-
nt les /uites pour l'Etat , ou que
mlant empêcher le retour du Car-
nal 5 il confiderât la liberté dc:
ionfieur le Prince, comme le plus
and obftacle qu'on y put appor-
r; il découvrit un jour au Maré^^
Tmç //. Q
i4<j Mémoires
chai de Grammont , qu'il croyo
fon ami , tout ce qui avoit été réfi
lu contre Monlieur le Prince ch< ,
le Comte de Montréfor : le Mar
chai ne conferva pas mieux le fecr ,
<jue Lionne , car il le dit à Ch
vigny 5 après Tavoir engagé j
toutes fortes de fermens à ne
point révéler (a) : mais Chavigi
en avertit à l'heure même Monfie
le Prince. Il crût quelque temp
.qu'on faifoic courir le bruit de l'
rêter pour l'obliger à quitter V
ris ; & que ce feroit une foible
d'en prendre l'allarme (b) , voya
(a) Tant ejl vraye la maxime de Tac
^ue fins les amis font illuftres , moins
font fidèles. Amicorum quanto quis ç
ri or , minus fidus. Hifi. 3.
( h ) La plupart des Grands négligi
d'examiner le fond des affaires , 0> de
ie nonchalance leurs ennemis en prent^
eccafion de les perdre. Segnitia ducis ,
Tatercule en parlant de la confpirat
d'Jij:miniîi5 ççmre Fftrus , iu oçcalion-
DE M. D. L. R. 147
ec quelle chaleur le peuple pre-
'it les intérêts, & fe trouvant
reflamment accompagné d'un
mbre infini d'Ofïicers d'armée ,
ceux de fes troupes , de Tes do-
•ftiques , & de fes amis particu-
rs. Dans cette confiance ("a) il
changea rien en fa conduite ,
e de n'aller plus au Louvre;
is cette précaution ne le pût ga-
itir de fe livrer lui même entre
mains du Roi par une impru-
ice 5 qu'on ne peut allez blâmer
Car il fe trouva par hazard aa
G 1
eiis ufus eft , Iiaud imprudenter fpe-
uus , neminem celerius opprimi ^
m qui nihil timeret ; & frequentif*
im initium effe calamitatis , fecuri-
m.
a) Ubi vires fuas refpexerat , f^uri-
d) Effecit quod mifernmum efl: , ut
à accidit, id etiam merito accidiffe
•atur, & cafus in culpam craareât.
14S Mémoires
Coiîrs dans Ton carofie, au mèi
temps que le Roi y pailoit en i'é\
îiant de la Challè, fuivi de Tes G;
des de de fes Chevaux-legers. C
te rencontre, qui dévoie pen
Moniieur le Prince , ne produifi
rheurc. aucun effet; le Roi coi
jiua Ton chemin, fans que pas
de ceux qui étoient auprès de 1
osLit lui donner confeil ; &z M<
fieur le Prince forcit du Cours, p<
ne lui pas donner le temps de {
mer quelque deHein contre lui.-
.peut croire, qu'ils furent fuq
également d'une (1 extraordins
-avanture , 3c qu'ils connurent bi
tôt après , que chacun d'eux a^
fait une faute confiderable (aj"
Roi de n'avoir pas pris fur le dis
la réfolution de l'arrêter -, de M
ilcur le Prince , de s'être expof n
( a. ) Uterque pari culpa , T
D E M. D. L. R. 149
tel péril fans l'avoir connu, que
.•rqn'il ne le pouvoir plus éviter.
.-Reifte & les Frondeurs fe confo^
ent aiiémént d'une ii belle occa-
n perdue, dans l'erpcrance de
•ir bien-toc réuinr leur projet.
Cependant , les a\is continuels,
i/on donnoit de toutes parts à
ôiifiçur le Prince 5 comn^iCncerent
foi perfuader qu'on fongeoic en
ër à s'âiTurer de fa perfonne,
?.ns cette vûe-là il fe reconcilia
ec Madame de Longueviile l<. le
ne de la Rochetoucault j mais il
; laiilà pas d'être quelque-temps
LIS prendre de nouvelles précau-
>ns pour fe î^arantir , quoiqu'on
it faire, pour l'y faire réfcudre (a),
.ifin 5 fa defîinée voulut, qu^après
^oir rende lî opiniâtrem.ent à tant
^conjeclures apparentes , 6:- à tant
(î 5
(a) Prcsvalebant fau eonfiliis. Pf.urc.
ifi. 1.
ijo Mémoires
d'avis certains , il prit l'allarme fai
fujet 5 6c fie par une nouvelle fam
ce qu'il avoit refufé de faire par
confeil de fes amis ; car étant coi
ché dans fon lit , ôc caufant av(
Vineuil , il reçût un billet d'u
Gentilhomme nommé le Bouchei '
qui PavertiiToit 5 que deux Cori
pagnies des Gardes avoient pris 1
armes , ôc qu'elles alloient marchi
vers le Fauxbourg Saint- Germai
Cette nouvelle lui fit croire, qu'ell
'dévoient inveflir l'Hôtel de Condt
de forte que fans fonger , qu'c
€mployoit fouvent ces Compagni(
à garder les portes, pour faire payt
les entrées , ( comme en effet elh
ii'étoient commandées alors , qn
pour ce de(fein-là , ) il crût qu'o
en vouloitt à fa perfonne , &c qu'
devoit fortir de Paris en diligenc
(a). Il monta donc à cheval ave
(a) Foycz, fon Manifejle a la fin de ci
Mémoires.
D E M. D. L. R. 151
ute la précipiraticn poiTible , de
anr (eulemcnc fuivi de lix oufepr,
fortit par le Fauxbourg Saint-Mi-
.el , &z demeura quelque temps
ms Ile grand chemin , pour atten-
e des nouvelles du Prince de
onti qu'il avoir envoyé avertir :
ais une féconde allarme plus ridi-
ile. encore que la première , l'obli-
■a d'ûbandonner Ton porte. Il ek
ai , qu'il entendit un allez grand
)mbre de chevaux, qui marchoienc
i trot vers lui ; de forte que cro-
tnt 5 que c'étoit un efcadron , qui
cherchoit , il fc retira vers Fleuri
:cs de Meudon : mais il fe trouva
Lie ces troupes , qui lui nrent quit-
r le champ de bataille , n'étoient
itre chofe , que des coquetiers qui
^rchoient toute la nuit (a) pour
G 4
(a) Orta feditio ludicro initio '
onclamatum repente, legionem ad pra?-
um venire, fed erant agminis coactores:
^niti dempfere foliciîudinem. ^H//?. 1.
i^x Mémoires
arriver à Paris. Dès que Moni'ieu
le Prince de Conti fçut que Mon
fieur Ton frère étoit parti , il en don
na avis au Duc de la Rcchefou
cauk 3 qui alla joindre Monfieur (
Prince : mais Mr. le Prince l'obli
gca à Pheure mênie de retourner
Paris 5 pour rendre -compte de {
part à Monf-jeur le Duc d'Orlénn
du fiîjec de fa fortie, ôz de fa re
traire à Saint Maur.
Ce départ de Monfieur le Princ
produifif dans le monde ce que le
grandes nouvelles ont acoutûmé d
produire : chacun fît des projet
difi'érens : l'apparence d'un chancje
nient donna de la joye au neupl
(a) 3 3c de la crainte à ceu:: qu
Ava,72îUYe aHjft pïaJfante , çhs ccJl^ de
Bourpà^^-ûons , qui prirent des chnrdoh
four des lances. Commines , ch. ii. di
}< Livre de fes Mémoires.
(a) Vujgus , ut mos cil, cujufqiK
motus novi cupidiim. Ann. i. Ut eft vul-
gi!s mmabile (ubiàs. Hifi. i.
D E M. D. L. Pv. 155
.'relent érablis : le Coadjuceuu , Ma-
lame de Chevreufe , Ôc les Frc^i-
{e:rrs crûrent que l'éloignement de
vlonfieur le Prince les unilïoit avec
a Cour 3 Se augmentoit leur confi-
lération par le befoin qu'on aurait
L*eux : la Reine prévoyoit fans dcu-
e les malheurs , qui ménaçoient
'Etat ; mais elle ne pou voit s'aiiii-
;er d'une guerre civile , qui poii-
oic avancer le retour du Cardinal.
.ir. le Prince craignoic les fuites
L^une il grande affaire , C< ne. pou-
'oit fe réfoudre dt'embraller un 11
afte defTein. Il fe déiîoit de la legé-
été de ceux qui le pouflcient à la
;uerre5 ^^ jugeoit bien qu'ils ne lui
ideroient pas long - temps à en
butenir la pefanteur. Le Duc de
bouillon le dérachoit fans éclat de
es intérêts , &c le Maréchal de Tu-
•cnne s'éroit déjà expliqué de n'y
prendre déformais aucune part. Le
^uc deLongueviiie vouloit demeu-
if4 Mémoires
rei" en repos ; outre qu'il étoit trop
mal fatisfait de Madame fa femme,
pour contribuer à une guerre , dont
il la croyoic la principale caufe. Le
Maréchal de la Morhe s'étoit déga-
gé de la parole qu'il avoit donnée
de prendre les armes. Eufin , tant de
raifons, de tant d'exemples auroiem.
fans doute porté Mr. le Prince àl
fuivre l'inclination qu'il avoit de
s'accommoder avec la Cour, s'il eût
pu prendre confiance aux paroles de
la Reine , &c à celles du Cardinal
mais l'horreur de fa prifon lui étoiï
encore trop préfente , pour s'y ex-
pofcr fur de tels gages , dont fa
propre expérience lui avoit fait Ci
fouvent connoître la valeur. D'ail-
leurs Madame de Longueville , qui
étoit tout de nouveau preflfée par
fon mari , de l'aller trouver en Nor^
mandie , ne pouvoit éviter ce voya-
ge , C\ le traité de Mr. le Prince étoit
achevé. Parmi tant de fentimens
D E M. D. L. R. Ijy
rontraires , le Duc de la Rociiefou-
:auk vouloic tout à la fois garantir
vladame de Longueville de la per-
ecution de Ton mari , & porter Mr.
e. Prince à traiter avec la Cour.
:'. Les chofes étoient néanmoins
•loignées de cette diipoiition-là ;
ians les premiers jours , que Mr. le
^rince arriva à St. Maur , il avoic
•efufé de parler en particulier au
Vlaréchal de Grammont y qui étoic
/enu de la part du Roi lui deman-
ier le fujet de Ton éloignement , ôc
e convier de retourner à Paris , lui
^remettant toute sûreté. Monfieui:
.e Prince lui répondit devant tout
e monde , que bien que le Cardi-
nal Mazarin fut éloigné de la Cour»
Se que Servien , le Tellier^ & Lion-
ne s'en furent retirés par ordre de la.
Reine , l'efprit ôc les maximes du
Cardinal y régnoient encore -, ôc
qu'ayant fouffert une fi rude & fi in-
jufte priion, il avoit éprouvé que fon
G 6
Iy6 M F. MOIRES
innocence ne pouvoit établir ia fu-
reté (â) : qu'il efperoit la trouver
dans la retraite , où il conferveroit
les nriêmes fentimens qu'il avoit fait
paroicre tant de fois pour le bien
de TEtat 5 i'c pour la gloire du Roi.
Le Maréchal de Grammont fut fur-
pris (S^ piqué de ce difcours , ayant
crû entrer en matière avec Mr. le
Prince , ôc commencer quelque né-
gociation entre la Cour ex: lui : mais
il ne pouvoit pas raifonnablemeiat
fe plaindre , que Monfieur le Prince
refusât d'ajouter foi aux paroles ,
qu'il lui vcnoit porter pour fa fùre-
lé ; puifque Lionne l'avoit choifi ,
pour lui confier la réfolution qu'on
avoit prife chez le Comte de Mon^
tréfor 5 de l'arrcter une féconde fois.:
Madame la Princefle, Mr. le Prince
de Conti &: Madame de Loneue-
(a) Plerurnqiie innocentes recenii m
vidia' impares, Ann. z.
D E M. D. L. R. i;7
J le rendirent à Sr. Maur aufli-
. que Mr. le Prince, &c dans les
ncmiers jours cette Cour ne fut pas
noins grofTe & moins remplie de
lerfonnes de qualité , que celle du
loi : tous les divcrtiiîemens même
'y rencontrèrent , pour lervir à la
»olitiquc ] de les bals , les comé-
lies 3 le jeu , la chafiè , & la bonne
hère y attiroient un nombre infini
ie ces gens incertains , qui s'offrent
oûjours dans les commencemens
[es partis (a) , & qui les trahiffent
)U les abandonnent d'ordinaire fe-
on leur crainte (b) ou leur inrcrêr.
3n jugea néanmoins , que ce grand
lombre pourroit rompre les miem-
cs qu'on auroit pu prendre d'atta-
juer Saint Maur >-& que cette foule
'g 6
(a) Ur in novo obfequio aa cundla
>elli munia acres erant. Iltjl. 3.
(b ) Piofperis lebus cercatuii ad obTe-
.^uium , advciTarn fortiinam ex a-c^uo de-
raclabant. Hr/f, z.
ijS Mémoires
inutile 6c incommode en toute autre
rencontre , pouvoir fervir en celle-
ci 5 &c donner quelque réputation
aux affaires (a.).
Jamais la Cour n'avoit été parta-
gée de tant de diverfes intrigues
qu'elle l'étoit alors : les penfées de
la Reine , comme j'ai dit , fe bor-
ïioient au retour du Cardinal ; le<
Frondeurs propofoient celui de Mr.
de Châteauneuf , car il leur iem-
bloit fort nécellaire pour bien dej
defifeins : ils jugeoient qu'étant une
fois rétabli , il pourroit plus aifé-
ment traverfer fous main le retour
du Cardinal , 8c occuper fa place
s^il venoit à tomber. Le Maréchal
de Villeroi contribuoit autant qu'il
lui étoit poflible , à y difpofer la
Reine ; mais cette affaire-là , con>
me toutes les autres , ne fe pouvoiç
(a) Meigna pars ibi congrcgata , quod
âefenfoiibus auxiliiim ob miiltiniHineiu
erat. Hifl. 3.
D E M. D. L. R. 1^9
éioudre fans le confentemenc du
Cardinal.
Pendant qu'on attendoit Tes or-
dres à la Cour fur les chofes pré-
sntes 5 Monlîeur le Prince balan-
oit encore fur le parti qu'il devoit
rendre , & ne pouvoit fe détermi-
er ni à la paix ni à la guerre. Le
)uc de la Rochefoucault , voyant,
ant d'incertitude dans Pefprit de ce
•rince , crût qu'il fe devoit fervir
e cette conjond;ure , pour garantir
^ladame de Lon^ueville d'aller en
>îormandic , de pour porter Mr. le
^rince à écouter les propositions
l'accommodement. Dans cette pen-
ce il fit voir à Madame de Longue-
'ille 5 qu'il n'y avoit que Ton éloi-
çnement , qui la pût empêcher de
aire le voyage qu'elle craignoit y
jue Monfieur le Prince fe pouvoic
lifément lalTer de la protedion
|u'il lui avoit donnée jufques alors,
lyant un prétexte aufïi fpecieux^
j6o Mémoires
que celui de réconciiier une fem^
me avec Ton mari , &c iur tout sll
croyoit s'attacher par-ià Monfieui
de Longueville -, qu'on l'accufoit dé
fomenter elle feule tout le défor-
dre ', qu'elle fe trouveroit refponfa-
ble en plufcurs façons , & envers
fon frère de envers le monde , d'al-
lumer une guerre , dont les événe-
mens feroient funeftes à fa famille.
où à l'Etat , & qu'elle avoit pref-
que également intérêt à la conier-
vation de l'une de de l'autre. Il lui
repréfentoit encore , que les exceiïl*
ves dépenfes que Moniieur le Priiv
ce feroit obligé de foûtenir , ne lui
lailleroient ni le pouvoir , ni peut-
être la volonté de fubvenir à la
fienne ; ôc que ne tirant rien de
Mr. de Longueville , elle fe trouv&r
roit réduite à une infupportable nér
ceiïité j de qu'enf n pour remédier à
tant d'inconvcniens 5 il étoit d'avi$
qu'elle priât: Monfic«r iç Piûnce de
D E M. D. L. R. TOI
•onver bon, que Madame la Prin-
:i\e , le Duc d'Anguien , de elle fs
•rir^îlleni; à Moritrond , pour ne
smbarrader point dans une mar-
ne précipicée (a) , s'il fe trouvoic
bligé de partir ; de pour n'avoir
as le fcrupule de participer à la pé-
lleufe réfolution qu'il alloit preu-
ve 5 ou de mettre le feu dans le
.oyaume par une guerre civile ;
u de confier fa vie , fa fortune ,
: fa liberté à la foi douteufe du
Cardinal Mazarin. Ce confeil fut
pprouvé de Madame de Longue-
ille -, & Mr. le Prince voulut cp'ii
ît fuîvi bien- tôt après.
Le Duc de Nemours commençoit à
evenirde fon premier emportemenr,
'<. bien que toutes fes paî^oriS fub-
iflaflènt encore, il ne s'y laidoitpas
roîidairs avec toute Pimpétuofite
1 îneiTe muîierum comitatiii , qua:
5ac£iTi luxa , bellum formidùie moieii-
ar. Jli;)i. 3.
i6i Mémoires
qu'il avoic fait d'abord. Le Duc
de la Rochefoucault voulut fe ier«
vir de cette occafion pour le faire
entrer dans Tes fentimens : il lui fit
connoître , que jamais leurs intérêts
ne pouvoient fe rencontrer dans une
guerre civile : que Mr. le Prince
pouvoit bien détruire leur fortune
par de mauvais fuccès -, mais qu'il
n'étoit pas de condition à protîtei
des bons : que la même réfléxior
qui empêchoit Monlieur le Prince
de prendre les armes , l'empêche-
roit audi de les quitter , s'il les pre-
noit une fois : qu'il ne trouveroii
pas aiiement la fureté à la Cour,
après l'avoir offenfée , puifqu'il n'y
en avoir pu rencontrer en un temps,
où il n'avoit encore rien fait contre
elle : qu'enfin , outre tout ce qu'il
avoit à ménager dans l'humeur difr-
ficile de Mr. le Prince , il devoir
conliderer qu'en l'éloignant de Pa-
ris 3 il s'en éloignoit auffi lui-même.
D E M. D. L. R. 1^3
?<: mettroic la deftinée enxre les
nains de [on rival. Ces raifons
rouverent le Duc de Nemours dif-
)ofé à les recevoir j Se Coït qu'elles
ui euilènt donné des vues qu'il n'a-
'oit pas encore , ou que par une le-
;éreré ordinaire aux perfonne-s de
on âge 5 il fe portât à vouloir le
ontraire de ce qu'il avoit voulu
a) 5 il fe réfolut enfin de contri-
)uer à la paix avec le même em.-
>re(ïement qu'il avoir eu jufques-là
»our la guerre. Il prit donc des me-
ures avec le Duc de la Rochcfou-
ault 5 pour agir de concert dans ce
nême dciîèin.
Cependant , la Reine écoit de plus
;n plus animée contre Monfieur le
^rince ; les Frondeurs cherchoient à-
e venger de lui par toutes fortes de
noyens , mais ils perdoient leur
:rédir parmi le peuple , par l'opi-
(oi) TJbi formido inceiriffet ^ facilis.
nuiatu. Hifi. t.
164 Mémoires
nion qu^on a voit de leur liai fort
avec la Cour. La haine du Coadji.t-
t€ur éclara particulièrement contre
le Duc de la RochcFoucault : il lui
attribuoit , comme j'ai dit , la rup-
ture du mariage de Mademoiiclle
de Chevreufe ; &c croyant toutes
chofes permifes pour le perdre , il
n'oublioit rien pour y engager le
Duc de Longueville par des voyes
extraordinai-res Se honteufes. Son
carolîè fut même attaqué trois fois
la nuit , fans qu'on ait pu fcavoir
ouels 2:ens avoienr part à de h fré-
quentes rencontres. Néanmoins tou-
te cette animonté ne l'empéchoit
pas de travailler à ion bur^conjoiii
temcnt avec le Duc de Nemours
& Madame de Longueville même y
donna les mains , dès qu'elle fut
afïurée d'aller à Montrond. Mais-
les efprits croient trop écliauffés
pour écouter la raifon ; &z tous les
partis ont éprouvé à la fin , que ni
D E M. D. L. R. i(^;
les uns 5 ni les aiuues n'avoienc bien
connu leurs vénrables intérêts. La
Cour même , que la fortune feule a
foûtenue , a fait fouvenc des fautes
:onhdérables ; &z dans la iliite on a
vu 5 que l'une ôc Pautre cabale s 'é-
coic plus maintenue par les men-
quemens de celle qui lui étoir op-
pofée 5 que par fa bonne conduite
(a). Cependant, Monfieur le Prince
employoit tous fes foins à juftiiîer
fes intentions au Parlement ôc au
peuple 3 ôc voyant bien que la guer-
re qu'il alloit entreprendre man-
quoit de prétexte , il efTayoic d'en
trouver dans le procédé de la Rei-
ne 5 qui avoir rappelle auprès d'elle
Servien & le Teliier, après les avoir
éloignés à fa recommandation. Il tâ-
çhoii aufïi de perfuader au monde ,
que leur retour étoit moins pour
(a) Fortuna non minus farpe quam
ratio aftuit. FUJI. 3. Non minus vitiis
hoflium oii.im yirtute f\ionim, Hrfi. 4.
ï66 Mémoires
l'ofFenfer , que pour concerter celui
du Cardinal. Ces bruits femés par-
mi le peuple y faifoient quelqu'im-
prefïîon. Le Parlement étoit pluî
partagé que jamais ; le Premier Pré-
(ident étoit devenu ennemi de Mf.
le Prince , croyant qu'il avoit con-
tribué à lui ôter les Sceaux -, Se ceu>
qui étoient gagnés par la Cour , fc
joignoient à lui : mais la conduite
des Frondeurs étoit plus réfervée ;
ils n'ofoient paroître bien intention-
nés pour le Cardinal ; toutefois ils le
vouloient fervir en effet.
Les chofes étoient en ces termes,
lorfque Monfieur le Prince quittai
Saint Maur pour retourner à Paris ,
croyant êcre en état de s'y mainte-
nir contre la Cour, & que cette
conduite fiere ôc hardie donneroit
de la réputation à fes affaires. Il
fit partir en même temps Madame
la PrincefTe , Mr. le Duc d'Anguien,
^ Madame de Longueville , pour
D t M. D. L. R. iGy
lier à Montrond , dans la réfolu-
ion de s'y rendre bien-toc après ,
c de repaflèr en Guienne , où l^on
toit bien difpofé à le recevoir. H
voit envoyé le Comte de Tavanes
fes troupes , qui fervoient dans
armée de Champagne , avec ordre
e les faire marcher en corps à Ste-
ay aullî-tôt qu'il le lui manderoit;
avoir pourvu à fes Places , &
voit deux cent mille ecus d'argent
omptant : ainfi il fe prépara à la
uerre , bien qu'il n'en eut pas cn-
ore entièrement formé le deiïein.
néanmoins dans cette ville il efTa-
oit d'engager des gens de qualité
ans fes intérêts , Ec entr'autres le
)uc de Bouillon (5c le Maréchal de
rurenne. Ils étoient l'un &: l'autre
articulierement amis du Duc de la
vochefoucault , qui n'oublia rien
'our leur faire prendre le même
•artij qu'il fe voyoit obUgé de
uivre. Le Duc de Bouillon lui ^a-
ï68 Mémoires
rut alors irréiolu , voulant ti'ouvei
ies fùrecés de fes avantages , paro
qu'il Te déiioic prefque égalemen
de la Cour (Se de Monfieur le Prin
ce , ôc vouloir voiu l'affaire enga
gée.5 avant que de fe déclarer. A"
contraire , le Maréchal de Turenn
lui parla toujours d'une même ma
niere depuis fon retours de Srena}
Il lui dit 5 qu'il ne s'étoit jamais r
loué 5 ni plaint de Monlieur le Prin
ce , pour ne pas donner lieu à de
éclairciiTemens dans lefquels il n
vouloit point entrer j qu'il croyo;
n'avoir rien oublié pour contribue
à la liberté de Monfieur le Prince
mais qu'il prétendoit aulTi que Tei:
gagement qu'il avoir avec lui , di
finir avec la priion *, de qu'ainfi
pouvoit prendre des liailo'ns nou
vellcs félon fon inclination , ou Ct
intérêts. Il ajouta encore , qp
Monfieur le Prince ne l'avoit mi
nagé fur rien depuis fon retour.
Paris
D E M. D. L. R. i6^
rîs; & que bien loin de prendre
; mefures de concerc avec lui ,
lui faire part de Tes defleins , il
n étoic non-feulemenc éloigné ;
lis encore il avoir mieux aimé
lier périr ces mêmes troupes , qui
noient de combattre pour lui , <5c
i étoient à Monfieur de Turen-
5 que de dire un mot pour leur
re donner des quartiers-d'hyver.
: furent les raifons , avec lefquel-
i le Maréchal de Turenne refufa
fuivre une féconde fois la fortu-
de Moniîeur le Prince. Mais le
\c de Bouillon , qui vouloit éviter
s'expliquer avec lui , fe trou-
•it bien embarraifé pour s'empê-
er de répondre précifément : Mr.
Prince & lui avoient choifi le
jc de la Rochefoucault , pout-
re médiateur entr'eux ; mais il ne
mlut être garant des paroles, ni
: l'un 5 ni de l'autre , & qu'il ju-
:oit bien qu'un pofte comme ce-
Tqïïiç /a h
170 Mémoires
lui-ià, eft toujours délicat partr
des gens , qui doivent eonvenir fu
tant d'importans de differens artich
(â) y il les engagea à fe dire eux
mêmes leurs fentimens en fa préfer
lence. Il atriva contre l'ordre d
femblables éclaircifTemens (b) , qc
(a) Il ?iefant point fe mêler d'être a
iitre entre les Grands , qu'on ne fait ajj:
fort , four mettre a la raifon celai , qui ;
^joudra pas déférer au jugement du Médi.
teur. Aibitria captans ^dit Patercule, qu
bus ii le debenc interponere , qui ne
parentem coërcere poffunt. Hift. z.
(h) Qîii ^ félon la remarque de Taciit
aigrijjent plutôt les efprits qu'ils ne l
adoucijfent. Paulatim inde, dit-il , en pa
îant de l'entrevue d'Arminius ^ Flavi.
fon frère , ad jurgia prolapfi. Ann.
Dans un autre endroit du même livre ,
ait que ces fortes d'entretiens font topi]ou
mêlés de je ne fçai quoi , qui montre qt
ton a du rejfentiment ; ou du moins qH*c
le dijfîmule. Scrmo , qualem ira &: di/Ti
mulatio gignit. ^ puis il ajoute : difccl
feruntque apertis odiis ; c^ ils fe fépart
vent ennemis déclarés, ( Germanicus (
Viion }.
DE M. D. L. Pv. 171
ur converfation finit fans aigreur,
. qu'ils demeurèrent fatisfaits l'un
; Tautre lans être liés , ni engagés
rien. Il fembloit alors , que le
rincipal but de la Cour, & de
lonfieur le Prince fut de fe rendre
Parlement favorable ; les Fron*
mrSy affedoient de paroître fans
atre intérêt que celui du public 5
lais fous ce prétexte ils choquoient
lonfieur le Prince en toutes cho-
is , ôc s'oppofoient directement à
DUS fes delTeins. Dans les eom-
lencemens ils agilfoient encore
vec quelque retenue 5 mais fe
oyant ouvertement appuyés de la
]our, le Coadjuteur trouva de la
anité à paroître ennemi déclaré de
/ïonfîeur le Prince (a) : dès-Jors
lon-feulemcnt il s'oppofa fans gar-
ter de mefures à tout ce qu'il pro-
H i
f a ) iTt mdgnis inimicitiis clarefce-
et. Hift. 1.
jyi Mémoires
pofoit ; mais encore il iValla plus ai
palais 3 fans être fuivi de Tes amis
ôc d'an grand nombre de gens ar
niés. Ce procédé fier ôc infolen
déplût avec raifon à Monfieur 1
Prince , & il ne trouva pas moin
înfupportable de fe faire fuivre a
Palais 3 pour difputer le pavé ave
le Coadjuteur , que d'y aller feul t
d'expofer ainfi fa vie ôc fa libert
entre les mains de fon plus dange
reux ennemi. Il crut donc , qui
devoit préférer fa fureté à tout l
refte , 6c fe réfolut de n'aller plu
au Parlement fans être accompagn
de tout ce qui étoit dans fes inte
rets. La Reine fut bien-aife de voi
naître ce nouveau fujct de divifioi
entre deux hommes, que dans foi
cœur elle hailToit prefque égale
menti elle s'imaginoit afï'ez quelle,
en pourroient être les fuites , pou
efpcrer d'être vengée de l'un pa,
l'autre, ou de les voir périr lom
D E M. D. L. R. 173
eux: néanmoins elle donnoit tou-
fs les apparences de fa protedion
Li Coadjuteur, ôc elle voulut qu'il
ic efcorté par une partie des Gcn-
arnies de des Chevaux-legers du
loi 5 Se par des Officiers «Se des fol-
lats du Régiment des Gardes. Mr.
, e Prince écoit fuivi d'un grand
j lombre de perfonnes de qualité, oC
le plufieurs Officiers , &: d'une fou-
I e de gens de toutes fortes de pro-
j 'effions 5 qui ne le quirtoient plus
depuis fon retour de Saint Maur.
Cette confuiicn de gens de diluè-
rent parti, qui fe trouvoient tous
snfemble dans la grand^falle du
Palais 5 fit appréhender au Parle-
ment de voir arriver un dcfordre ,
qui pourroit envelopper tous ks
particuliers dans un même péril,
d: que perfonne ne feroit capable
d'appaifer. Le Premier Préfidenr,
pour prévenir ce mal , réiolut de
prier Monfieur le Prince de ne fe
H 3
174 Mémoires
plus faire accompagner venant a
Palais i êc rr>eme un jour que Mr. 1
Duc d'Orléans ne s'y étoic poir
trouvé 5 & que Monlicur le Princ
6c Monlieur le Coadjureur s'y rer
dirent avec tous leurs amis , leo
nombre , avec l'aigreur qui pan
dans les efprits, augmenta la craint
du Premier Préiidenr. Mr. le Princ
ayant dit quelques paroles piquan
tes 5 qui s'adrefloient au Coadju
teur 5 celui-ci répondit fans s'éton
ner , &c ofa dire publiquement qu
les ennemis au moins ne l'accufe
roient pas d'avoir manqué à fc
promefîès j 3c que peu de perfonne
fe trouvoient aujourd'hui exempte
de ce défaut (a). Il défignoit par-1;
Monfieur le Prince , Ik lui repro
choit non feulement d'avoir man-
qué aux engagemens qu'il avoit pri:
avec les Frondeurs pour le mariag(
( a ) Rixantes flagitia invicem objeda^
veie, neuccr falfo. H//?. I.
D E M. D. L. R. 175
i ion fïere avec Madcmoiielle de
hcvreufe j mais encore le voyage
; '.\oifi y lorfque Mi\ le Prince de
orici j Madame 6<: Mademoifelle
z Longueville , de Meilleurs de
.ets y jetterent les fondemens de la
uerre de Paris 5 &c que Monfieur le
nnce promit de fe mettre à leur
ke 5 non pas pour chafTer le Car-
.inal 5 félon l'intention publique ,
liais feulement pour faire fa condi-
ion meilleure avec lui , de avoir
linfi le mérite de le garantir du
nal 5 qu'une cabale fi puilïànre lui
Douvoit faire (a ). Ces bruits femés
dans le monde par les partifans du
Coadjuteur , de renouvelles encore
avec tant d'audace devant le Parle-
ment alfemblé , &: devant Mr. le
Prince même, le dévoient apparem-
ment trouver plus fenfible à cette
H 4
(a) Quo glifcentibus periculis fublî-
dii laus augeretur. jî?m. i;.
ly^ Mémoires
Injure qu'il ne le parut alors -, mai^
il fur maître de Ion reffentimena
êc ne répondit rien (a) au difcouM
du Coadjuteur. En même temps -qp
vint avertir le Premier Préfidenfii
que la grandTalle étoit remplie d
gens arme's, & qu'étant piqués dan
des intérêts fi oppofés , il allok ai;
river quelque grand malheur, fi Vqi
n'y apportoit promptement du re
méde. Alors le Premier Préfiden
<lit à Monfieur le Prince , que 1;
Compagnie lui feroit obligée , s*i
lui plaifoit de faire retirer ceux qa
l'a voient fuivi ; qu'on étoit allem^
h\é pour remédier aux défordres d^
TEtat 5 3c non pas pour les augmen-
ter ; & que perfonne ne croiroit ,
■que la liberté d'opiner fût auHi en-
tière qu'elle devoit être, tant qu'on
vcrroit le Palais qui devoit être l'afi-,
(a) Qux quanquam dcerba , toléra-
bantur tnmcn. ^nn. z. Qii^le magn»
kx filcntium cù. H/Jl\ i.
D E M. D. L. R. 177
c de k Jullice , fervir de Place-d'ar-
nes à tout ce qui étoic capable
.'exercer le tumulte & la fédition.
loniîeur le Prince offrit fans héfî-
lï 5 de faire retirer fes amis , &c
ria le Duc de la Rochefoucault de
?s faire fortir fans dc-fordre. Le
^oadjureur fe leva , ôc dit qu'il aï-
Dit aulîi renvoyer les fîens ; & en
ffec 5 il fortit de la Grand'Charn-
re 5 pour leur aller parler. Le Duc
.e la Rochefoucault marchoit à
\uit ou dix pas derrière lui , &z il
toit encore dans le parquet des
iuifliers , quand le Coadjuteur pa-
ut dans la crrand^falle : à fa vue
eut ce qui tenoit ion parti y mit
'épée à la main , fans en fçavoir la
aifon j 6c les amis de Monfieur le
'rince firent la même chofc. Cha-
:un fe rangea du coté qu'il fervoit ,.
k en un inilant les deux troupes ne
urent féparées que de la longueur
le leurs épécsj fans que parmi tant
Us
ïyS Mémoires
de braves gens , ôc animés par tant
de haines différentes , il s'en trouvât
aucun qui allongeât un coup d'cpée^
ou qui tirât un coup de piftolet (a),
Le Coadjuteur voyant un Ci grand
défordre j s'en voulut retirer , &c re-
tourner dans la Grand'Chambre :
mais en arrivant à la porte qui va
de la falle au parquet des HuilIierSj
il trouva que le Duc de la Roche-
foucault s'en étoit rendu maître. Il
elïàya néanmoins de l'ouvrir avec
effort ; mais comme elle ne s'ou-
vroit que par la moitié , de que le
Duc de la Rochefoucault la tenoitj
îl la referma dans le temps que le
Coadjuteur rentroit , en forte qu'il
l'arrêta ayant la tête paffée du côté
du parquet ôc le corps dans la falle.
Cette occafion pouvoit tenter le
Duc de la Rochefoucault après tout
(a) Utrimque infen/î , arma primo
cxpedieie , dein miitua formidine , non
ulua jurgium proceffum eft. Ann. 2.,
DE M. D. L. R. 1755
:e qui s'étoit paflè cncr'eux , les rai-
sons générales ôc particulières le
coudoient à perdre Ion plus mortel
:nnemi : outre la facilité de s'en
v^enger , en vengeant Mr. le Prince
ie la honte & du reproche qu'il
i^enoit d'endurer , il voyoit encore
:jue la vie du Coadjuteur devoit ré-
pondre de l'événement du défordre
' iju'il avoir caufé : mais il confidé-
roit aufïi qu'on ne fe battoir point
encore dans la falle , ôc que perfon-
ne ne venant contre lui , pour dé-
fendre le Coadjuteur , il n'avoir
pas le même prétexte de l'attaquer
qu'il auroit eu , (i le combat eût été
comm.encé. Les gens mêmiC de Mr.
le Prince , qui étoient près du Duc
de la Rochefoucault , ne s'imagi-
noient point de quel poids étoit le
fervice qu'ils pourroient rendre à
leur maître en cette conjoncbure.
Enfin y l'un pour ne vouloir point
faire une adlion qui parût cruelle ,
H 6
lîo Mémoires
& les autres pour être irréfolus daiK
une grande affaire , 3c incapableî
de la foutenir ( a ) , ils donnerem
temps à Champlatreux , fils du Prçr
inier Préiident , d'arriver avec or-
dre de dégager le Coadjuteur , &
de le tirer ainli du plus grand péril,
où il fe (oit jamais trouvé. Le Duc
de la Rochefoucauk le voyant entre
les mains de Champlatreux, retour*
na dans la Grand'Chambre prendre
fa place j &c le Coadjuteur y arriva
dans le même temps avec tout le
trouble , qu\m accident comme ce-
lui qu'il venoit d'éviter , lui dévoie
eau fer. Il commença par fe plain-^
dre à l'affemblée de la violence de.
Ja Rochefoucauk , d^ dit qu'il avoic
été près d'être aifairmé , ôc qu'on,
ne l'a voit tenu à la porte que pour
Texpofer à tout ce que fes ennemis.
(â) Inutili cundationc agendi tem-
pora confumcntes. Hiji. 3.
D E M. D, L. R, î8r
uroient voulu entreprendre contre
i perionne. Le Duc de la Roche-
3ucault répondit qu'il falloir fans
oute que la peur lui eut ôté la li-
crcé de juger de ce qui s'étoic
allé dans ce moment-là > qu'autre-
ment il auroit vu qu'il n'avoir pas
Il deflein de le perdre , puifqu'il
e Tavoit pas fait , ayant eu long-
( rmps fa vie entre Tes mains ; qu'en
ffet 5 il s'étoic rendu maître de la
orte 5 & l'avoir empêché d'entrer ,
l'ayant pas crû pour remédier à fa
rainte , devoir expofer Monfieur le
^rince & le Parlem.ent à une fédi-
ion 3 que Tes gens avoient émue en
e voyant arriver. Ce difcours fuE
néme fuivi de quelques menaces
)ucrageures qu'il lui fit publique-
ncnt 5 de forte que le Duc de Brif-
kc , beau- frère du Duc de Rets,
e crût obligé de répondre. Le Duc
ie la Rochefoucaulc & lui réfolu-
:ent enfemble de fe battre ie joui'
iSi Mémoires
même fans fécond : mais comme [
fujec de leur querelle fut publié
elle fut accordée à l'heure même pa
Mr. le Duc d'Orléans. Cette affaire
qui apparemment devoit produir
tant de fuites , finit même ce qii
pouvoit le plus contribuer aux dé
iordres ; car le Coadjuteur évita d
retourner au Palais (a) j & ainli n
fe trouvant plus où étoit Monfieu
le Prince , il n'y eut plus lieu d
craindre d'accident pareil à celu
qui avoir été (i près d'arriver. Néan
moins , comme la fortune a fouven
plus de part aux événemens que h
conduite des hommes , elle fit ren-
contrer Mr. le Prince Se le Coadju-
teur dans le temps qu'ils fe cher-
choient le moins, ôc en un état hier
différent de celui où ils avoient été
au Palais j car un jour que Mr. le
(a) Qus cafus obtulerat in fapien-
tiam vertenda ratus. A^rfi. i. i
D E M. D. L. R. 183
hlncQ en fortoit , ayant le Duc de
Li Rochefoucauk dans fon carolTe,
v Taivi d'une foule innombrable de
îeuple j il rencontra le Coadjuteur
evêtu de les habits Pontificaux , ôc
nenant la procefïion avec plufieurs
! .-halles de reliques. D'abord Mr. le
^rince s'arrêta , pour rendre plus de
iéférence à TEglife , de le Coadju-
eur continuant Ton chemin fans
i'émouvoir , fe voyant vis-à-vis de
Vlonfieur le Prince , lui fit une pro-
ronde révérence , de lui donna fa
oénédidtion , de au Duc de la Ro-
chefoucauk aufïi : elle fut reçue de
l'un de de l'autre avec toutes les ap-
parences de refpect , bien que pas
un des deux ne fouhaitât qu'elle
eût l'effet que le Coadjuteur defi-
roit. En ce même temps , le peuple
qui fuivoit Mr. le Prince , ému par
une telle rencontre , cria mille in-
jures au Coadjuteur 5 de fe prépa-*^
184 Mémoires
roic à le mettre en pièces ( a ) , fi
Monfieur le Prince n'eût fait derccn-
dre fes gens pour appaifer ce tu-
multe 5 ôc remettre chacun en Ton
devoir.
GUERRE DE GUIENNE.
CEPENDANT 3 toutes chofes con-
tribuoicnt à augmenter les dé-
fiances de les foupçons de Mr. le
Prince. Il voyoit que la majorité
du Roi alloit rendre Ton autorité
abfolue ; il connoiHoit l'aigreur de
la Reine contre lui , ôc voyoit bien
que le coniidérant comme un obf-
tacle au retour du Cardinal , elle
n'oubliroit rien pour le perdre , oa
l
(a) Manus intentantes . . . fimiil in-^
gruunt : jamque exitii certus , adcurfii .
feoriinij qui cum (principe) advcne*
rant, protedus eft. Arjn. i.
D E M. D. L. R. 185
>our l'éloigner. L^amitié de Mr. le
)uc d'Orléans lui paroifToit un ap-
)ui bien foible ôc bien douteux ,
•our le foLitenir dans un temps fi
ifficile ; & il ne pouvoir croire
u'elle fut long - temps Tnicere 5
uifque le Coadjuteur avoir roCi-
Durs beaucoup de crédir auprès de
û.
Tant de fiijets de craindre pou-
oienr bien avec raifon empêcher
Gonfleur le Prince de fe trouver au
'arlement le jour que le Roi y de-
oit être déclaré majeur ; mais tout
ela n'auroit pu encore le porter a
ompre avec la Cour , & à fe reti-
er dans Tes Gouvernemens, fi Von
ût laiiTé les chofes dans les term-es
u elles étoient , ou conrinué de
amufer de quelque négociation.
/Ir le Duc d'Orléans vouloir em-
ècher une rupture ouverte, croyant
z rendre nécefiàire aux deux partis,
'<, vouloit prefqu'égâlement éviter
i8(j Mémoires
de fe buoailleL" avec Pun ou avec
l'autre : mais la Reine étoit d'ur
fentiment bien contraire : nul retar-
dement ne pouvoit fatisfaire fon ef
prit irrité , & elle recevoit toute:
les propofitions de traité , comm<
autant d'artifices , pour faire dure:
Péloignement du Cardinal. Datj:
cette vue , elle propofa de rétabli
Monfieur de Châteauneuf dans le
affaires , de redonner les Sceaux ai
Premier Préfident Mole , & les Fi
nances à la Vieuville. Elle crut avei
raifon , que le choix de ces troi
Miniftres , ennemis particuliers d«
Monfieur le Prince , aclièveroit d»
lui ôter toute efpérance d'accom-
modement.
Ce deffein eut auiTi bien- tôt In
fuccès qu'elle avoit fouhaité , car ii
fie connoître à Monfieur le Prino^
qu'il n'civoit plus rien à ménageji
avec la Cour , & avança ai nfi en
un moment toutes les rélolutionjl
D E M. D. L. R. 1B7
u'il n'avoir pas prifes de lui-même,
alla à Trie chez le Duc de Lon-
uevilîe , après avoir écrit au Roi
)s raifons qui l'empêchoient de fe
rouver auprès de fa perfonne le
)ur de fa majorité. Cette lettre lui
at rendue par Monfieur le Prince
e Conti 5 qui refta à Paris pour
{lifter à cette cérémonie. Le Duc
e k Rochefoucâult y demeura
uiïi fous le même prétexte ; mais
n effet , pour conclure avec le Duc
e Bouillon qui offrci: de fe décla-
er pour Mr. le Prince , de de join-
.re à Tes intérêts le Maréchal de
rurenne , & le Marquis de la For-
e, aufli-rôt que Monfieur le Prince
.uroit été reçu dans Bordeaux ^
'< que le Parlement fc feroit dé-
:laré pour lui , en donnant un arrêc
l'union. Le Duc de la Rochefou-
:ault lui promit pour Mr. le Prince
es conditions fui vantes :
i88 Mémoires
De lui donner la Place de Stena^
avec Ton domaine , pour en jouï
aux mêmes droits que Monfieur l
Prince , jufqu'à ce qu'il lui eût fai
rendre Sedan , ou qu'il l'eût mis ei
polTefïion de la récompenfe que 1
Cour lui avoit promife pour l'échan
ge de cette Place.
De lui céder fes prétentions fu
le Duché d'Albrct.
De le faire recevoir dans Belle
garde avec le commandement de I,
Place y ôc de ne point faire de traité
fans y comprendre l'article du ran|
de fa Maifon,
De lui fournir une fomme d'ar
gent dont ils conviendroient poui
lever des troupes & pour faire k
guerre.
Le Duc de la Rochefoucaulr lu;
propofoit encore d'envoyer Mr. de
Turenne à Stenay , à Clermonc ,.
ôc à Damvilliers , pour y comman-
der, les vieilles troupes de Mr. le
DE M. D. L. R. 18^
ince qui s'y dévoient retirer , lef-
lelles jointes à celles que les Efpa-
lols y dévoient envoyer de Flan-
e 5 feroient occuper le même pofte
Mr. de Turenne, que Madame de
>ngue ville & 'ui y avoient tenu
rant la prifon des Princes. Il eut
arge de Mr. le Prince de lui dire
fuite , que Ton delTein étoit de
(Ter Monileur le Prince de Conti ,
adamc de Longueville , & Mr. de
^m.ours à Bourges 3c à Montrond
•ur y faire des levées , 3c fe ren-
e maîtres du Berry , du Bourbon-
Ȕs, & d'une partie de l'Auvergne,
ndant que Mr. le Prince iroit à
irdeaux , où il étoit appelle par le
.rlement , ôc par le peuple & où
' Efpagnols lui fourniroient des
)upes , de l'argent , 3c des vaif-
lux , fuivant le traité du Marquis
Sillery avec le Comte de Fuen-
daigne , pour faciliter la levée
s troupes qu'il de voit faire en
1^0 Mémoires
Guienne : que le Comte du Doigno-
entroit dans fon parti avec les Pla
ces de Brouage , de Ré , d'Oleron
ôc de la Rochelle ; que le Duc d
Richelieu feroit des levées en Xaii
tonge ôc au pays d'Aunis -, le Mai
quis de la Force en Guienne -, le Du
de la Rochefoucault en Poitou de e
Angoumois j le Marquis de Moi
tefpan en Gafcogne ; Mr. d'Arpj
joux en Roliergue j ôc que Mr. d
Marfîn , qui commandoit l'armt
de Catalogne, ne manqueroit pas c
reconnoidànce.Tant de belles appj
rences fortifièrent le Duc de Bouille
dans le defTein qu'il avoit de s'er
gager avec Mr. le Prince , & il c
donna fa parole au Duc de la R(
chefoucault aux conditions que j';
dites. Cependant , Mr. le Prince r
pût engager iî avant le Duc de Loi
gueville , ni en tirer aucune paro
pofîtive 5 foit qu'il fut irréfolu
ou qu'il ne voulût pas appuyer u
D E M. D. L. R. 19Î
uti , que fa femme avoir formé ,
1 enfin qu'il crût qu'étant engagé
'CC Monlieur le Prince , il feroic
itraîné plus loin qu'il n'avoit ac-
tûtumé d'aller.
Mr. le Prince arrivant à Chan-
ly 5 apprit qu'on prenoit des mè-
res contre lui , de que malgré les
(lances de Mr. le Duc d'Orléans ,
Reine n'avoit pas voulu retarder
: vingt-quatre heures la nomina-
)n des trois Miniftres. Voyant
me la nécefîîté de fe retirer en
:u de sûreté , il en donna avis à
r. le Duc d'Orléans , & manda à
r. le Prince de Conti , Se aux
ucs de Nemours & de la Roche-
ucault 3 de fe rendre le lendemain
ElTone , pour prendre enfemble le
.emin de Moncrond. Ce départ
le tout le monde prévoyoir de-
lis fi long-temps que Monfieur le
ince jugeoit néceffaire à fa sûre-
, ôc que la Reine avoit toujours
r^i Mémoires
fbahaité comme un acheminemeiv
au retour du Cardinal , ne lailL
pas d'éconner les uns ôc les autres'
chacun fe repentit d'avoir mis le
chofes au point où elles étoicnt
ôc la guerre civile leur parut alor
avec tout ce que Tes événemens on
d'horrible &c d'incertain. Il fat me
me au pouvoir de Monfieur le Dui
d'Orléans de fe fervir utilement dt
cette conjon(5ture , & Mr. le Prino
demeura un jour entier à Anger
ville chez le Préfident Perrault
pour y attendre ce que ce Duc lu
vouloit propofér. Mais comme k
moindres circonftances ont d'ordi
naire trop de part aux plus grande
affaires , il arriva en celle-ci , qu<
Mr. le Duc d'Orléans ayant difpoC
la Reine à donner quelque fatisfao
tion à Mr. le Prince , fur le fujé
des trois Miniftres , il ne voulu
pas prendre la peine de lui écrire ai
,îà main à l'heure même , de différi
d'iiï
D E M. D. L. R. 195
'un jour de lui en donner avis,
•e force que CroilTi, qui lui dévoie
Drter cette dépêche à Angerville ,
i il écoit en état d'entendre à un
xommodement, le trouva arrivé à
3urges5 où les applaudilïèmens des
îuples & de la NoblelTe avoienc
fort augmenté Tes efpérances ,
l'il crût que tout le Royaume al-
it imiter cet exemple , ôc fe dé-
arer pour lui.
Le voyage de CroilTi ayant donc
é inutile , Mr. le Prince continua
(îen , ôc arriva à Montrond , où
adame la Princelïè & Madame
: Longueville Pattendoient. Il y
;meura un jour pour voir la Place,
dl trouva la plus belle , & au
silleur état du monde. Ce jour-
même 5 il dreiTa une ample inf-
idion pour traiter avec le Roi
Bfpagne , où furent compris Çqs
js conlidérables amis. Monfieur
liné fut clioifi pour cette négocia-
Tomc II, l
ic)4 Mémoires
lion. Enfuitc , Mr. le Prince donni
çle l'argent à Monlieur fon frère , ^
à Monfieur de Nemours , pour fai^
des levées dans les Provinces voiiî
nés , laillanc avec eux Vineuil In
tendant de Juftice pour commence
à lever la taille fur le Berri & fur l
Bourbonnois. Il recommanda fo^
de ménager la ville de Bourges, 4
de la maintenir dans la dirpolitio
où il Tavoit laifTée. Le lendemain
îl partit de Montrond avec le Du
de la Rochefoucault , chez qui
pallà , ôc trouva beaucoup de N^ç
blellè qui le fuivit. Il fe rendit av^ç
afièz de diligence à Bordeaux 3 9
Madame la PrincelTe ôc Mr. le Du
d'Anguien arrivèrent bien-tôt aprè
Il y fut reçu de tous les Corps de I
.ville avec beaucoup de joye , ôc
eft difficile de dire , fi ces peupj«
bouillans, de accoutumés à lare
volte 5 furent plus touchés de l'écl&
de fa iiaiffance ôc de fa réputation
DE M. D. L. R. 19;
ue de ce qu'ils le confîderoienc
)mme le plus puilTant ennemi du
uc d'Efpernon. Il trouva le Parle-
enc dans la même dirpoficion ,
qui donna en fa faveur tous les
rrêts qu'il pût defîrer.
Les chofes étant li heureufemcnc
mmencées , il crût n'avoir rien de
us important à faire que de pren-
t tous les revenus du Roi à Bor-
anx Se de fe fervir de cet argent ,
lur faire promptement Tes levées ,
7eant bien que la Cour marche-
it à lui en diligence avec ce
.'elle auroit de troupes , pour ne
■ donner pas le temps de mettre
fiennes fur pied. Dans cette vue ,
ieftribua fon argent à tous ceux
i étoient engagés avec lui , ôc les
îfïà tellement d'avancer leurs le-
°s 5 que cette précipitation leur
vit de prétexte 5 pour en faire de
ifàvaifese
I 1
je, 6 Mémoires
Peu de jours après Ton arrivée,
le Comte (lu Doignon le vint trou-
ver, ôc fe déclara ouvertement poui
fon parti j le Duc de Richelieu
& le Marquis de la Force firent h
même chofe , &c le Prince de Ta>
rente qui s'étoit rendu à Taille
bourg 5 lui manda qu'il entroit au{]
dans fes intérêts. Monfieur d'Arpa
joux fut plus difficile , Se il eut en
core en cette occafion la même cor
duite , dont il avoii déjà reçu de
récompenfes durant la prifon di
Princes ; car il demanda des cond
tions qu'on ne lui pût accorder
Se traita avec la Cour, quand il v
tomber les affaires de Monfieur
Prince.
Cependant , le Duc de la Rc
chcFoucauk donne avis au Duc d
Bouillon de ce qui s'étoit paf
au Parlement de Bordeaux , &c l\
mande que les conditions qu'il avo
delirécs étant accomplies , on attein
DE M. D. L. R. 197
oit l'exécution de fes promeflès.
c Duc évita alïèz long- temps de
fpondre nettement , voulanr tout à
fois fe ménager avec îa Cour,
ai lui faifoit de grandes avances ,
; ne point rompre avec Monfieur
Prince , dont il pouvoit avoir
îfoin. Il voyoit aufîi que Mr. de
urcnne qu'il avoit cru infépira-
e de fes intérêts , lui refufoit de
joindre à ceux de Mr. le Prince:
je le Prince de Tarentc y étoit en-
é fans lui ; & que le Marquis de
Force demeuroit uni avec Mr. de
urenne. Il jageoit encore , que
étant pas fuivi de fon frère , ni
•s autres que j'ai nommés dont il
'oii répondu au Duc de la Roche-
ucault 5 fa confidération & fa sû-
té feroient moindres dans le parti
l'il alloit prendre j &: que Mr. le
ince ne témoigneroit pas plus de
connoifTance pour les cbcfes que
r, de Turenne de lui pourroient
1 5
î^S Mémoires
faire à l'avenir , que pour ce qui!
sivoient fait par le parfé. Il voyoi
de plus qu'il faudroit refaire ui
nouveau traité avec Mr. le Princô
moins avantageux que celui dor
lis étoient déjà convenus. Enfin
toutes ces raifons jointes aux pro
meflès de la Cour , &c appuyée
-^e toute Pinduftric de Madame 4
Bouillon 5 qui avoir beaucoup d
pouvoir fur Ton mari , l'empêche
rent de fuivre fon premier defîein
^ de Ce déclarer pour Monfieur 1
Prince ; mais pour fortir de cet ent:
barras , il voulut fe rendre vnéàtà
teur de Ton accommodement ave
la Cour. Et après avoir eu des con
fcrences particulières avec la Rein
fur ce fujet , il renvoya Gourville
qui lui avoit été dépêché par 1
Duc de la Rochefoucauît , offir'^
Mr. le Prince tout ce qu'il avoit de
mandé pour lui , & pour Tes amis
^vec la difpofuion du Gouverna
D E M. D. L* R, i5>9
eut de Blaye , fans exiger de lui
ancres conditions que celles que
Tvien êc de Lionne lui avoient
in^andées dans le premier projet
- traité qui fe fit à Paris à la for*
; de fa prifon.
D'ailleurs Monfieur de Châceau-
iuf faifoit faire d'autres propoli-
3n5 d'accommodement par le mê-p
e Gourville j mais comme elles
loient à empêcher le retour du
ardmal, il ne pouvoic pas balan-
•r par fes ofcs celles que la Reine
i avoit fait faire par le Duc de
Duillon. Il s'engageoit feulement
demeurer infcparablemenc uni à
lonfieur le Prince après la chute
u Cardinal , de à lui donner dans
s affaires toute la parc qu'il pou-
oit defu-er. On lui offroit encore
q;.la part de la Cour , de confentir
«ne entrevue de lui de de Mr. le
)uc d'Orléans à Richelieu , pour y
xaminer enfemble les conditions
I 4
loo Mémoires
d'une paix fincere , dans laquelle il
fembloit que la Cour vouloic agh
de bonne foi. Mais pour le mal-
heur de la France , &c pour celui de
Mr. le Prince 5 il ferma l'oreille j
tant de partis avantageux , irrité d{
ce que les offres de la Reine fe fai-
foient par l'entremife du Duc d(
Bouillon. Car il s'étoit attendu qUi
ce Duc & Ton frère feroient d*ui
grand poids dans fon parti, d'autan
que perfonne ne pouvoit loûreni
comme eux les poftes de Bellegard'
Se de Stenay; & d'ailleurs les vieille
troupes qu'il y avoit laifîees , pou
être commandées par Monfieur d«
Turenne , devenoient par-là inutî
les 5 & couroient fortune de fe difïî
per y ou d'être défaites. Il confidé
roit encore que les mefures qu*i
avoit prifes avec les Efpagnols , di
côté de Tes Places de Champagne
n'auroient aucun effet , & que fe
U'oupes a ôc les Efpagnols mêm<
D E M. D. L. R. 201
'auroient aucun autre Chef qui
i ût remplir ce pofte avec la même
jftime qu''on avoir pour Mr. de
l'urenne. Toutes ces raifons tou-
, hoienr fenliblement Mr. le Prince,
: bien qu'il elTayâc de cacher fon
.'(Tentiment , il ne lailTa pas de ré-
ondre alTez féchement au Duc de
ouillon 3 qu'il n'étoit pas honnête
'écouter des proportions qu'on ne
ouloit pas effe6luer ; qu'il ie dé-
larât comme il avoit promis ; que
Ir. de Turenne le rendît à la têre
e Tes troupes , qui avoient marché
Stenay , &c qu'alors il feroit en
cat d'entendre les offres de la Cour,
c de faire un traité glorieux. Gour-
ille fut chargé de cette réponfe,
c de dire à Mr. le Duc d'Orléans
;s raifons qui lui faifoient refufer
entrevue de Richelieu. Les prin-
ipales éioient que le but de cette
onférence n'étoit pas de faire la
aix mais feulement de l'empêcher
2 02. Mémoires
de pouvoir faire la guerre : que datul
le temps ou tous les Corps de l'Etal
ëtoient fur le point de fe déclarei
contre la Cour , de que les Efpaf
gnols préparoient des fecours conft
dérables d'hommes , d'argent & dj
vaif[èaux , on le vouloir engager i
une négociation publique, dont il
leul bruit empêcheroit fes levées!
& lui débaucheroit tous ceux qa
étoient prêts de fe joindre à foj
parti. Outre ces raifons générales
il y en avoit encore de particulic
res qui ne lui permettoient pas d<
confier fes intérêts à Mr. le Dm
d^Orléans , dont la liaifon étroife
avec le Coadjuteur de Paris , foj
ennemi déclaré , lui étoit fufpedte.;
ainfi que celle de ce Prélat avec U
Cour 5 qui venoit de lui promettra
le Chapeau de Cardinal, Incident {
qui lui fit prendre une étrange réfo*
lution» Car voyant que le Coadju-
teur , &: par intérêt ôc par vanicé.^
I D E M. D. L. R. 205
Te6toit de le traveiTer fans ceiîè ^
forma le deiTein de le faire enle-
er dans Paris. Quelqu'impofTible.
ue parût cette cntreprife , Gour-
ille s'en chargea , après en avoir
;çu un ordre ligné de Monfieur le
rince ; de fans doute le Coadju-
:ur eut été pris un foir qu'il alla à
Hôtel de Chevreufe , s'il en fut
Mrti dans fon carrofîè ; mais Payant
rtivoyé avec Tes gens , il n'y eut
âs moyen de fçavoir certainement
^lui qui le ramena. De forte que
affaire fut retardée de quelques
)urs & découverte enfui te -, car il
(l très-rare que ceux dont on eft
bligé de fe fervir en de telles ren-
ontres , aycnt alTez de difcrétion ,
our fe contenter de la connoiflan-
e qu'on leur veut donner , ou alTez
.0 fidélité & de fecret pour l'éxé-
oter sûrement. - ■
Les chofes fe difpofoient ainfide
DUS côtés à faire la guerre ; Mr. de
I 6
104 Mémoires
Châteauneuf qui étoit alors Che
du Confeil , avoir fait marcher h
Cour à Bourges , 6c la préfence dt
Roi avoit d'abord mis cette vill<
dans Ton obéïdance : au bruit d(
ces heureux commencemens , Mr. h
Prince de Conti , Madame de Lon-
gueville , 6c Mr. de Nemours fu-
rent obligés de partir de Montronc
avec leurs troupes pour fe retirei
en Guiennc. Ils laillèrent le Che-
valier de Rivière à l^extrémité , &c k
même jour il mourut , regretté d(
tous ceux qui le connoiiloient j cai
outre qu'il avoit toutes les qualités
néceiTaires à un Gentilhomme, on
verra peu de perfonnes de fon âge,
qui ayent donné autant de preu-
ves de conduite , de fidélité , 6c de
défintérefîèment en des rencontres
aufli hazardeufes , que celles où il
s'étoit trouvé.
Le Marquis de Pergan demeura!
pour commander dans la Place, qui
ï) E M. D. L. R. 205
toit bloquée par un petit Corps
l'armée logé à Saint Amand , donc
^alluau étoit Lieutenant -Général.
>a Cour s'étoit enfuite avancée à
'oiriers , & Mr. de Châteauneuf
iififtoit , pour la faire marcher à
^ngoulême , jugeant que la guerre
/ayant autre prétexte que le retour
.u Cardinal , il falloit profiter de
on abfence , & qu'il fuftifoit pour
2S intérêt de TEtat , èc encore plus
►our les fiens particuliers, défaire
lurer Ton éloignement. Il repréfen-
oit encore , que la prélence du Roi
toit un puilTant remède pour rete-
lir les peuples dans la naiflance des
léfordres (3.) ; qu'en s'approchant
le Mr. le Prince , qui n'étoit point
LJGTuré de la Guienne , ni du Parle-
nenr de Bordeaux , on difilperoit
lirémenc Tes de(Tcins , qui au con-
:raire , s'atfermiroient par l'éloigne-
' (a) Sueti .adversùm fortuita afpedii
?îincipis refoveri. Tac. Jînn. 15.
xc6 Mémoires
ment de la Cour. Mais les confeils
de Châteauneuf écoient trop fuf-
pe6ts au Cardinal , pour être fuivis
à Poitiers , fans avoir été examinés
à Cologne : & comme il fallait at»
tendre fes ordres , leur retardement
& leur diverfité cauferent des irré-
folutions continuelles , &c tinrent la
Cour incertaine à Poitiers , jufqu'à
fon retour , qui fut bien-tôt après» j
De l'autre part, le Baron de Batte-r
ville étoit arrivé dans la rivière de
Bordeaux avec la flotte d'Efpagne ^
compofée de huit vailleaux de guerw
re , & de quelques brûlots. Il for^^
tifioit Talmont, où il y avoir utt
Corps d^infanterie de quinze cent
hommes. La ville de Xaintes s'éroic
rendue fans réfillance ; Taillebourg
qui a fon port fur la Charante >
étoit aflez bien fortifié, ôc Mr. le
Prince étoit maître de la rivière ]i\(^'
qu'à Angoulême, excepté Coiguac;
Le Com.te de Jonfac , Lieutenant
D E M. D. L. R. 107
e Roi en Xaintonge , de Gouver-
eur particulier de Coignac , s'y
:oit retiré , afin que cette Place lui
idât à rendre fa condition meiU
;ure dans le parti où il entreroic >
e içachant auquel il fe devoit join-
re. Dans cette incertitude , il entra
n commerce de lettres avec Mr. le
rince , de lui écrivit aflez de cho-
;s , pour lui donner lieu de croire
a'il ne demandoit qu'à fauver les
pparences , & qu'il remetroit bien-
ot fa ville entre Tes mains , li l'on
aifoit mine de l'alliéger. Cette
fpérance plutôt que l'état des for-
es de Mr. le Prince , qui étoienc
dors très-petites , lui fit prendre
a réiûlution de marcher à Coignac.
l voyoic de quelle importance il
ui étoic de donner réputation à Tes
irmes ; mais il fçavoit bien auffi 5
:fiQ manquant de troupes , & de
:out ce qu'il faut pour faire un
fiége , il n'y avoit que celui - là
loS Mémoires
feul 3 où il pûc précendre de rciiilîr.
De forre que fondant routes les ef.
pérances fur ce Gouverneur , il fji
parcir le Duc de la Rochcfoucauli
de Bordeaux , pour aflèn^bler ce qu:
fe trouveroit fur pied , qui n'étoic er
tout 5 que trois régimens d'infante-
rie de trois cent chevaux , avec or-
dre d'aller invertir Coignac , où I(
Prince de Tarente fe devoir rcnd«
avec ce qu'il avoir de troupes. L(
bruit >de leur marche s'étant répan-
du dans le pays , on retira en dili-
gence à Coignac tout ce qui piil
erre tranfporté de la Campagne .
Se beaucoup de Nubleiîe s'y retira
auffi 5 pour témoigner fon zèle au
fervice du Roi , Se plus apparem-
ment encore , pour garder eux-mê-
mes ce qu'ils y avoient fait porter.
Ce nombre confidérable de Gentils-
hommes retint aifémcnt les Bour-
geois 5 & les fit réfoudre à fermer
les portes de la ville , dans l'efpé-
D E M. D. L. R. 205)
ice d'être bien-tôt fecourus par
Comte d'Harcourt , Général des
)upes du Roi , qui s'avançoic vers
X. Mais comme ils avoient peu
confiance au Comte de Jonfac ,
qu'ils le foupçonnoient prefque
alement d'être foible , ôc d'être
gné par Mr. le Prince , ils l'obfer*
rent de fi près , qu'on peuc dire
ftl Te réfolut enfin de défendre la
ace 5 parce qu'on lui ôta le pou-
>ir de la rendre.
De fut en cela feul que la Noblefïè
moigna quelque vigueur ; car
arant huit jours , que les gens de
ir. le Prince demeurèrent devant
oignac , fans arm.es , fans muni-
ons 5 fans Oîïiciers , &: fans dif-
pline, de outre cela, fatigués par
es pluycs continuelles , qui em-
Drterent le pont de bateaux qu'on
voit fait fur la Charante , pour la
ommAinication des quartiers ; ja-
mais ceux de dedans ne fe prévalu-
110 Mémoires
rent de ces défordres , fc tenan
renfermés avec les Bourgeois , 6
fe contentant de faire tirer par der
licre les murailles. Mr. le Princ
étant néanmoins averti , que .1;
Ville étoit fur le point de fe rendre
partit de Bordeaux , & fe rendi
au Camp avec le Duc de Nemour«
Le lendemain de fon arrivée , l
Comte d'Harcourt averti, quel
pont de bateaux étoit rom.pu , ô
que Nort Maréchal de Camp, étoi
retranché dans un Fauxbourg d»
l'autre côcé de la rivière avec cinç
cent hommes , fans qu'il pût êtïi
fecouru , marcha à lui avec dcu:
mille hommes de pied des Garde
Françoifes &c Suiflès , & avec le
Gendarmes & les Chevaux-Lesicr;
du Roi , les Gardes ôc de la No-
blelTe. Il força Nort dans fou quar»
tier 5 fans trouver prefque de réil-
ftance , ôc fecourut ainfi Coignac
à la vue de Mr. le Prince , qui étoit
D E M. D. L. R. 211
•oé au - delà de la rivière. Le
omte d'HarcoiUT fe contenta
avoir fauve la Place , ôc laifla
tirer Monfieur le Prince , fans le
ivre.
Bien que ce fuccès fût peu coniî-
;rable de foi-même , il augmenta
fanmoins les efpérances du Com-
d'Harcourt , de donna de la re-
ptation à fes armes. Il fe crût
ime en état de faire des progrès,
: fçachant que ie Marquis d'hilif-
ic avoit remis la Rochelle en Po-
éïlîanceduRoi 5 excepté les tours
ui ferment le port , il fit defleiii
'y aller avec fes troupes , s'alTurant
ar la bonne volonté des habitans ,
€ fur la haine qu'ils portcient au
]omte du Doignon leur Gouver-
leur. Il avoit fait fortifier les tours ,
>t' y tenoit une Garnifon Suiflè ,
e défiant prefque de tout le monde>
k croyant trouver parmi cette na-
ion plus de fidélité , que dans la
m Mémoires
fîenne propre. Mais la fuite lui fi
bien-toc voir , que fes mcfare
étoient faufifes ; car la peur &c Vin
terêt 5 qui rendent ces fortes d
gens aufïi infidèles que les autres
fournirent aux Suifles des prétexte
de faire encore plus que ce qui
àvoit appréhendé des François. 1
eft certain , que cette défiance di
Comte du Doiçnon fut la ruïne d^
parti de Mr. le Prince, qui fan
cela auroit marché d'abord à 1
Rochelle avec toutes fes troupes
pour rétablir fes anciennes fortifi
cations , & pour y faire le /iége d
la guerre , avec toute la commo
dite 5 qu'une fituation , commt
celle-là lui pouvoir apporter : ai
lieu que pour ménager l'efprit ja-
loux &c incertain de cet homme
il fut contraint de demeurer inutile
à Tonay - Charante , de de voir
perdre la Rochelle, fans ofer même
propofer de la fecourir. Il eft vrai
D E M. D. L. R. Z15
{Tî 5 que le peu de i-éfiftance de
Gainifon des tours ne lui donna
s grand k>iiir d'en former le
{{hm ; car le Comte d'Harcourt
mt arrivé avec Tes troupes à la
Dchelle , aiTiilé du Marquis d'Ef-
lac , pourvu nouvellement des
Duvernemens du Comte du Doi-
lon, il trouva les habitans difpofés
lui donner toute l'afTiftance qu'il
. pouvoit attendre. Cependant
; tours étoient en état de l'arrêter
lelque temps , fi les Suiflès euflent
é auffi braves èc auiïi fidèles ,
le ce Comte l'avoitcru. Mais au
:u de répondre à ce qu'il en
tendoit , ils crûrent fe devoir ra-
leter par une trahifon j & après une
fîftance de trois jours , le Comte
Harcourt leur ayant mandé qu'il
; leur feroit point de quartier ,
.Is ne poignardoicnt Balle , leur
ommandant , ils n'eurent point
horreur d'un tel ordre , &c com-
ii4 Mémoires
mencerent à l'exécuter : mais Baffe
croyant trouver plus de compaiTio
auprès du Comte d'Harcourt
que parmi fes propres Soldats ,'^ï
jetta tout blefTé qu'il étoit du hai
des tours dans le Port , où ce Ge
néral le fit achever en fa préfence
fans fe laifler fléchir par les prière
des Officiers , qui domandoiei
fa grâce , ni par un fpedtacle
pitoyable. La perte de cette Plac
nuifit à la réputation des armes d
Mr. le Prince j car on attribua a
peu de confiance qu'il avoir en fi
troupes ce qui n'étoit qu'un égar
qu'il avoit fallu avoir aux ombrage
du Comte du Doi^non. Il fut vi
vement touché de cette nouvelle
ôc s'imaginant, que toutes les autre
Places fuivroient cet exemple ,
fe retira à Brouage, d'où il ne fot
tit plus jufqu'à ce qu'il eût fait (b]
traité avec la Cour , dont appa
rcmmment il a eu fujet de fe re
pentir,
D E M. D. L. R. 215
Le Comte d'Harcourt encouragé
r ces bons fuccès , ôc fortifié par
s troupes , qui avoient joint fou
"née j fe réfoluc de Marcher à
r. le Prince , qui étoit à Tonay-
larante. Mais lui jugeant bien,
r le nombre , &c par le peu de
"cipline de Tes troupes , qu'il
)ic de beaucoup inférieur à l'Ar-
;e du Roi , ne crût pas la devoir
endre dans le lieu où il étoit ,
paiTant de nuit la rivière fur un
nt de bateaux , il fe retira à la
rgerie , qui n'eft qu'à demi-lieuë
Tonay-Charante. Les ennemis
contentèrent d'avoir défait deux
:adrons le jour d'auparavant , &
donnèrent tout le temps qui
necelTaire , pour faire fauter la
ir de Tonay - Charante , Se fe
irer à la Bergerie fans être poufle.
Comte d'Harcourt perdit alors
e belle occafion de le combattre
ns fa retraite , ôc à demi pafTé.
21 6 Mémoires
Il en eut encore le même jour ut
plus avantageufe , donc il ne fç
pas fe prévaloir ; car il arriva q»
Mr. le Prince fe repofa entiereme:
fur un Maréchal de Camp , à q
il avoit donné ordre de brûle,
ou de brifcr le pont de bateau:
ôc fur cette aflurance , il mie j
troupes en divers quartiers de
quelques-uns étoient éloignés <
fien d'une lieuë dz demie, fa
craindre qu'on pût aller à lui ,
rivière étant entre deux. Mais PC
ficier, au lieu de fuivre éxacbeme
fon ordre , fe contenta de dctacl
les bateaux , de de les lai lier al
au cours de Peau. De forte qu'éts
repris par les gens du Comte d'Hî
court , ils refirent le pont dans u
heure , Ôc à Pinftant même il
pafler trois cent chevaux èc quelq
infanterie , pour garder la tête «
pont. Cette nouvelle fut portée
Mr, le Prince à la Bergerie , ôc
Cl
D E M. D. L. R. ii7
ût d'aurant plus que le Comcc
Harcourt marcheroit au milieu
î Tes quauciers , pour les tailler
i pièces l'un après l'autre , qu'il
geoit que c'étoic le parti qu'il
oie à prendre. Cela l'obligea de
ander à fes troupes de quittée
ars quartiers , ôc de revenir çn
ligence à la Bergerie , & de ce
s il marcha vers Tonay-Charante
ec les Ducs ne Nemours & de
Rochefoucault , fes Gardes , ôc
qui fe trouva d'Officiers & de
)lontaires auprès de lui , pour
ir le deflèin des ennemis , &
:her de les amufer jufqu'à ce que
ax de fes gens , qui étoient plus
)ignés 5 le fuflent venu joindre.
:rouva vrai l'avis qu'on lui avoic
nnè. Se que les trois cent chevaux
)ient en bataille dans la prairie
i borde la rivière : mais il vit .
:n que les ennemis n'avoient pas
le deflein qu'il avoit appréhend^^
Tome //. K
zi8 Mémoires
ou qu'ils avoient perdu le teniD
de Péxécucei" , puîfque n'étant pa
palfés lorfqu'ils le pouvoient fan
en être empêchés , il n'y avoit pa
d'apparence qu'ils le fiflent en 1
préience. L'on eicarmoucha que
que temps fans perte confidérabl
de part &c d'autre , &c l'infanter:
étant arrivée , il fit faire un Ion
retranchement vis-à-vis du poi
de bateaux , laiflant la prairie ôc
rivière entre le Comte d'Harcou
ôc lui. Les deux armées demeuri
rent plus de trois femaines dai
les mêmes logemens , fans rie
entreprendre ; 6c elles fe content'
rent de vivre l'une & l'autre dai
un pays fertile & où toutes chof
étoient en abondance.
Cependant , les longueurs
Duc de Bouillon, ôc toute fa coj
duite 5 firent bien juger à Monfiôi
le Prince , qu'il n'avoir plus ricni
mgnager avec lui , ni avec Mr. (
D E M. D. L. R. 2 1^
urenne j & pour cette raifon , il
niiporta contre eux avec une
greur extrême, quoique leurs en-
igcmens euflent été diftérens. Car
eft vrai que le Duc de Bouillon
oit convenu avec le Duc de la
ochefoucaulc , ôc enfuite avec
[r. Laine , de toutes les condi-
DUS que j'ai dites , & qu'il crut
-n pouvoir dégager pour les rai-
'HS que j'ai marquées. Mr. de
urenne au contraire, s'étant en-
erement féparé des intérêts de
Lonfieur le Prince , dès fa fortie de
ifon 5 ignoroit même , à ce qu'il
dit depuis , les traités Ôc les enga-
^mens du Duc de Bouillon,
Monfieur le Prince fe voyant
ans la nécefïité d'envoyer promp-
ment un homme pour foûtenir le
3fte 5 qu'il avoir deftiné à Mr. de
urenne , jetta les yeux fur le Duc
e Nemours, dont la nailTance &l la
sieur extrême pou voient en quel*-
K z
iio Mémoires
que force fupplécr à la capacité, dt
Mr. de Turenne. Il le fit donc paît
tir en diligence pour aller en Flaw
àve ; mais n'ayant pu fupportet W
incommodités de la Mer, il fu»
contraint d'aller par terre , avei
beaucoup de temps & de péril >i
caufe des troupes qui ramenoienti
Cardinal- en France. Il renvoy;
auffi le Duc de la Rochefoucaol
a Bordeaux , pour dirpofcr Mon
lieur le Prince de Conci à s'en aile
à Agen affermir les efprits des peu i
pics 5 qui commençoient à change
dclentiment furie nouveau progrè
des armes du Roi. Il le charge^
encore de propofer au Parlemen
de Bordeaux 5 de confentir que.t
Baron de Batteville ôc les Efpagn<:rt
fuflent mis en poiTedion de la Vitt
^ du Château de Bourg , qu'il
offroient de fortifieri^^P <. ^^' [^
Sur ces entrefaites j^ôîitrailte
vint trouver Monfieur le Prince il
D E M. D. L. R. 22 1
i part de Mr. le Duc d'Orléans j
our voir l*état de Tes affaires , ôç
our l'informer -que le Parlement
e Paris étoit prêt de fe joindre à
. A. R. pour empêcher le retour
Il Cardinal Mazarin , & que dans
;tte affaire, Sadite AlcefTe vouloic
^ir de concert avec lui. Fontrail-
s lui propofa aulli une réconcilia-
ia»i avec le Coadjuteur , difant ,
je Mr. le Duc d'Orléans la deii-
)it ardemment. îvloniieur le Prin-
: ne répondit rien de poiltif fur cet
•ticle 5 foir qu'il ne pût pas pren-
re de mefures certaines avec le
Çfâdjuteur ; foit qu'il crût que cel-
s qu'il prendroit , ne feroient pas
)prouvées de Madame de Lon-
4eville ôc du Duc de la Roche-
ùcault 3 à qui il avoit promis de
2 fe point r-econcilier avec le Co-
ijuteur , que de leur confentc-
ent. Il dit néanmoins à Fontrail-
S, qu'il feroit ce que Mr. d'Or-
K 3
zii Mémoires
léans fouhaitoit quand les cho(c
fer oient plus avancées y Ôc loiTqu
cette réconciliation pourroit êcr
utile au bien commun du parti.
Dans ce même temps , le Comi
de Marfin joignit Monfieur le Prir
ce à la Bergerie, ôc lui amena mil
hommes de pied ôc trois cei
chevaux des meilleures troupes i
l'armée de Catalogne qu'il con
mandoit. Pluiieurs ont blâmé ce
te action comme une trahi for
pour moi , fans la condamner nii
défendre, je dirai feulement qi
Marfm s'écant attaché depuis loni
temps à Monfieur le Prince il ave
reçu de lui le Gouvernement c
Bellegarde qui étoit une de {
Places, ôc qu'enfuite il Pavoit ne
feulement maintenu dcins le fervic
mais même il avoit obtenu par fc
crédit laVice- Royauté de Catalodtl
Ôc le Gouvernement de Tortofc
où il fer voit le Roi avec bcaucoi
D E M. D. L. R. 115
e. fîdelicé ôc de bonheur. Cepen-
ant îvionlîeur le Prince fut ai-rê-
priionnier fans que Maulîn, qui
it aufïi arrêté , fûc chargé d'autre
:jmç. 5 que d'être fa créature. Ou
onna même fon Goiivernement de
'prcofe à Launay - Gringeliniere ,
ai le lalifa prendre peu après. La
rifon de Marfin dura autant qufî
:lle de Monfieur le Prince > ôc
3rès en être forti 3 il demeura quel-
ue temps fans charge Se fans em-
loi : mais les affaires de Catalogne
épériflànc , ôc la Cour ne fçachanc
Il trouver un homme capable de
:s foûtenir, Marlin fut propofé une
xondc fois par Ivloniieur le Priu-
2 , 6<: le Duc de la Rochefoucaulc
iX fit l'ouverture de fa part à Mr.
i, Tellier, fans que Mariin fit au-
une diligence de fon côté. Il ne
;i fuc pas poiTible de retarder fou
oyage de Catalogne , pour atten-
ire l'événement des chofes douteu-
K 4
114 Mémoires
fes qui fe pafloient à la Cour , ^
^ui dévoient plus apparemment 1
terminer par un accommodement
que par une guerre civile. Il paf$i
donc pour fon nouvel emploi
dont il avoit toute l'obligation
Moniieur le Prince, qui lui avoi
encore donné tout nouvellement-J
Gouvernement de Stenay , vai
quant par la mort de la Mou(îày4
Ainfi l^adion de Marfm peut avo:
deux faces bien différente : ceu
qui le regarderont abandonnai
une Province que le Roi lui avç;
confiée , le trouveront infidèle : ceu
qui le confidéreront courant à fc
preifantes & quafi indifpenfaW^
obligations , le trouveront un foi
honnête-homnie ^â). Peu de gér
.. ,H ... uuV.ù>:^^Av..v- -.:.. .., ^-.^
l'a) _M, ae'JaKochefoucauh parle j,
^tàtot félon l'es intérêts de (on parti , qk
Jeton la rai/on ^ la politique. ^ Çjzr y a
t-it un deioîr plus indifpcnfaùls , ^ue et
lui' de' préférer V intérêt du frime a Vinu
D' E M. D. L. R. 21 3-
ie bon fens ofeironc dire , qu'il eft
roupable ; peu de gens de bon fehs
>reronc le déclarer innocenr. Enfin ,
:èux qui lui feront contraires , i6c
:€ux qui lui feront favorables' ,
'accorderont à le plaindre , les uns
l'une faute qu'il a faite par une në-
dTité inévitable ; les autres de ce
[u'il a dégagé fes grands devoirs
^ une faute. ''^^ *\ ^4 ^': ^
^ La Cour étoit alors î Poiriers ,
omme j'ai dit , de Mr. de Châreau-
teuf occupoit en apparence la pre-
niere place dans les affaires , bien
'et d'un parficulier ? A qui h Ccntede
^A^rfin étoît4l plus obligé, au Roi qui lui
voit donné le Gowvernenient de Catalc-
ne y ou a MonficuY le T rince , qui V ai oit
î^é de fa recom?nandation ? Celui qui
ma recommandé , fera donc de meilleure
ondition que le F rince. Pour moi , je fuis
\llrfuadé que fous le Minijîcre du Cardinal
e Richelieu , le Comte de Aiarfn auroit
hj[é pour criminel de Uz.c-M.iicfté dam
yutei les formes^
Il 6 Mémoires
que le Cardinal en fût toujours le
maure en effet. Néanmoins , la fa-
çon d*aeir de ce Vieillard , ferme
& déciiive , familière & diredc-
ment oppofée à celle du Cardinal
commençoit à faire approuver foi
Miniftére , &c gagnoit même quel
que créance dans l'efprit de la Rci
ne. Le Cardinal en étoit trop bici
averti pour lui laifler prendre d<
plus profondes racines , & il y a ap
parence qu'il jugea que fon retou
étoit un remède abfolument né
cefîaire au mal qu'il appréhendoi
pour fon particulier , puifque dan
tout le refte il s'accommodoit mî»
aux intérêts de l'Etat ; & qu'en effe
il acheva de fournir à Mr. le DUt
d'Orléans , ôc au Parlement de Pa
ris 3 le prétexte de fe déclarer con-
tre la CouT. Le Maréchal d'HOj
quincourt eut ordre d'aller recevôJ
le Cardinal Mazarin fur la frontiff
re de Lu^iem bourg avec deux milli
D E M. D. L. R. 217
chevaux , &c de l'efcorter jufques où
feioic le Roi. Il traverfa le Royau-
me 5 fans avoii" trouvé d'empêche-
ment, ôc ai'iiva à Poitiers aufîi maî-
tre de la Cour qu'il l'avoir jamais
été. On afFeda de donner peu de
parc à ce retour à Mr. de Château-
îieuf, fans toutefois rien changer
aux apparences dans le refte , ni lui
donner aucunes marques de défa-
veur. Le Cardinal même lui fit
quelques avances ; mais lui , crai-
gnant de fe commettre , &c jugeant
oien qu'il ne pourroit être ni sûr ,
iii honnête à un homme de Ton âs'e
& de fon expérience , de demeurer
d-ans les affaires fous fon ennemi ,
& qu'il feroit fans cède expofé à
toutes les mxortifications qu'il lui
voudroit donner, il prit prétexte de
fe recirer fur ce que la réfohitioii
étant prife par fon avis , de faire
marcher le Roi à Angoulême , on
chanî^ea ce deiîèin fans le lui corn»
K 6
ii8 Mémoires
muniquer , & on prit en même
îemps celui d'aller faire le liége
d'Angers , bien qu'il fut de fcnti>
ment contraire : de force qu'ayanl
pris congé du Roi > il fe retira â
Tours. La Cour partit bien - tôt
après 5 pour aller à Angers , où k
Duc de Rohan avoit fait fculevcj
le peuple : de cette Province s'écori
déclarée pour Moniieur le Princei.
dans le même temps que Mr. k
Pue d'Orléans 3c le Parlement di
Paris fe joignirent à lui contre lej
intérêts de la Cour.
Il fembloit que toute la Fi-aïKf
ëtoit en fufpens , pour attendre l'é
A/énement de ce fiége > qui pouvoi:
produire de grandes fuites , fi fi
défenfe eut été aflèz vigoureufe^
ou aiîez longue pour arrêter le Roi;
Car outre que Mr. le Prince eut p4
s^aiïurer des meilleures Places def
Provinces voiiînes, il cil encore cer-
lain que Tcxemple de Mr. le DiK
D £ M. D. L. R. 11 p
L'Orléans & du Parlement , auroic
té fuivi par les plus confid érables
]orps du Royaume. En effet , il la
}our eût été contrainte de lever ce
ége , elle fe fut trouvée en de gran-
es extrémités , &: la perfonne du
voi eut été bien expofée , fi cela fut
rrivé dans le temps que le Duc de
•lemours entra en France avec l'ar-
.lée de Flandre & les vieilles trou-
•es de Mr. le Prince , fans trouver
le réliftance. Cette armée pâda la
•eine à Mante , où le Duc de Beau-
ort avec les troupes de Mr. le Duc
/Orléans fe joignit au Duc de Ne-
Qours ^ de tous enfemble marche-
ent avec un Corps de fept mille
lommes de pied , Se trois mille che-
'aux vers la rivière de Loire , où ils
itoient aflurés des villes de Blois &z
l'Orléans. Mais foie que Angers ne
lit pas en état de fe défendre , pa?
a divifion des Bourgeois ; foit que
e Duc de Robaii ne votilur^as ha^
230 Mémoires
zarder fa vie 8c fa fortune fur k fc
chancelante d'un peuple étonné ji
remit la Place entre les mains d«
Roi , fans beaucoup de réfiftancc
& eut permillion de fe retirer à Pari
auprès de Mr. le Duc d'Orléans.
Les chofes étoient en ces termes
lorfque Mr. le Prince partit de 1
Bergerie , après y avoir demcur
plus de trois femaines , fans que 1
Comte d'Harcourt , qui étoit d
Pautre côté de la rivière à Tonay
Charante , de maître du pont de ba
teaux , eût rien entrepris contre lu
Néanmoins , comme il étoit d
beaucoup inférieur à Parm.ée d
Roi en nombre 6c en bonté de troU
pes ^ il voulut éviter les occafion
d'être contraint de venir à un com
bat il inégal. De forte qu'il alla
la Beniette , éloignée de trois licuë
des troupes du Roi , afin d'avoi
plus de temps pour prendre foi
parti , fi l'on marchoit droit à lui
D E M. D. L. R. 151
l y demeura quelque temps 5 fans
[u'il fe parsiit rien de ccniidéuable :
nais voyant, que bien loin de faire
es prcgiès dans le pays où il étoir,
[ ne fe ti-ouvoic pas feulement en
tat d'y relier en préfence du Com-
ed-'Harcouit , il tourna toutes [qs
enfées à conferver la Guienne , de
fortiiicr les villes qui tenoient
Dn parti. Il réfolut donc d'y mair-
her avec Ton armée , de crut pou-
oir maintenir quelque temps la
Caintonge , en laiflànt d'un côté le
]omte du Doignon dans les Places >
-S Efpagnols à Talmonc , ôc le
l 'rince de Tarente dans Xaintes &C
iTaillebourg , pour en hâter les For-
ifications. Ayant ainii donné fes
>rdres , il fît marcher fon infanterie
<. fes bagages à Talmont, pour al-
2r par mer à Bordeaux, & après
'.voir fait la première journée une
ort grande traite avec toute fa ca-
'aleiic, il s'arrêta la féconde à Salât
252. Mémoires
Andras à quatre lieues de Bordeaoji
croyant être hors la portce des en
nemîs. Mais le Comte d'Harcoui
qui l'avoic fuivi avec une diligenc
extrême , arriva à la vue de fo
quartier , lorfqu'il y fongeoit 1
moins , & l'auroit ailbrément forc(
Il les premières troupes eufient entî
dedans fans marchander ; au lié
qu'elles fe mirent en bataille vis-â
vis de Saint Andras , pendant qn
les autres attaquèrent le quartier d
Baltazar , qui les repoulîa avec v:
gueur , de vint joindre Mi\ le Prin
ce qui étoit monté à cheval a
premier bruit. Ils furent quelqtî
temps en préfence , mais la niii
étant obfcure , il n'y eut point â
combat , Se Mr. le Prince le retir
fans rien perdre , plus redevable d
fon falut à la trop grande précatt
tion de fes ennem,is , qu'à la lienn
propre. Le Comte d'Harcourt ne J
luivit pas plus avant , &c Monfieu
i) 1 M. D. L. R. 233
î Prince perfiftant dans le deiîèiii
u'il avoit d'aller à Bergerac , de de
i faire fortifier , palîa à Libourne
a) 5 dont le Comte de Maure étoit
gouverneur , 6c v laillà Tes ordres
•our continuer quelques dehors. Le
Maréchal de la Force arriva au mê-
;ie temps que lui à Bergerac , avec
on fils le Marquis de Caitelnau ,
[p.i commandoit dans la Place ^& le
>uc de la Rochefoucault, qui écoit
evenu de la haute Guienne avec
Aï. le Prince de Conti , s'y rendit
uili.
j.Ce fut en ce même temps , que
^mmencerent à paroître à Bor-
leaux les fa(5lions ôc les partialités ,
\m ont ruiné le parti de Monfieur
e Prince en Guienne , qui ont di-
dfé Cà m ai Ton , Ôc féparé de Tes in-
erêts.fes plus proches, &c qui Pont
f a J^ îfitïetû^ 'mar'ctm par
Idoitar'd'^^^'Wl' WAn^tèène'^ 'vers l'an
234 Mémoires
enfin réduit à cherchei: une retrait
parmi les Efp.igiiols , à qui il a fan
vc plulieurs Fois la Flandre. Je dir^
en Ton lieu , le plus fuccinctemei
que je pourrai , les caufes d'un
grand changement , lorfquc j'e
rapporterai les effets. Maintenai
je palTè au récit de ce que Mor
fieur le Prince fit durant cet intcj
vale. Son principal foin étoit c
réparer promptement les Places c
Guienne , mais il s'attachoit part
culiçrement à mettre Bergerac e
état de fe défendre ; il y emplo)
quelques jours avec beaucoup d'aj
plicaiion 5 pendant lefquels il rcçi
nouvelles que fes aftaircs dépéri
foient en Xaintongej que le Conv
du Doignon étoit renfermé dai
fes Places , n'oflmt en fortir poi
fes défiances ordinaires ^ que;.
Prince de Tarcnte de fon côté avo
reçu quelque défavantage dans u
combat , qui s'étoit donné aupr(
D £ M. D. L. R. 231
e Pons i que Xaintes, qu'il çroyoic
n état de foucenir un grand fiége
ai" les travaux qu'on y avoir faits j
: par la Garnilon qui croit compo-
se de Tes meilleures troupes , s'é^
)it touterois rendue fans faire graii-
e réfiftance ; & que Tailltbourg
toit aiïiegé &c prêt de fuivre l'exem-
le de Xamtes. Il fut encore infoimé
ue le Marquis de St. Lucallèmbloit
n Corps pour s'oppofer à celui de
/londcur le Prince de Conti , qui
voit pris Caudecode & quelque
utre Ville de peu d'importance.
3e dernier mal étoit le feul , ou il
•ouvoit apporter quelque remède 5
nais comm.e le Marquis étoit encore
.'loiî^né de Monfieur de Conti , il
:rût ne devoir pas padcr dans la
laute Guienne , fans êtue informé
)luS particulièrement de l'état des
ifeires de Bordeaux : de forte qu'il
nanda à Madame la PrincelTe ôc à
Viadame de Lona;ueville de fe ren*
1^6 Memoii^es
dre à Libourne, où il arriva en mêj^<
temps qu'elles. Il y demeura <ii
jour feulement, & dorna les ordre
qui dépendoient de lui pour empê
cher le progrès du mal que J
divifion commençoit à faire naîq
dans fou pcirti de dans fa familh
Il partit enfuite avec le Duc de 1
Rochcfoucauh pour aller joindr
le Prince de Conti , qui étoit
Scaffort 5 à quatre lieues au-4e(&
d'Agen ; mais ayant appris par i^:
Courier près de Libourne , que Si
Luc marchoit vers StafFort , il cru
que fa prefence y feroit d'un grani
fecours. Il y alla donc en diligencç
6c trouva Monfieur de Cojiti qu
radèmbloit fes quartiers , dans 1
créance que Saint Luc le devoi
combatre. Comme ce Marquis ctoi
à Miradoux avec les. régimens 4-
Champagne de de Lorraine, & qi^-
fa cavalerie étoit logée féparéme^i
dans des villages ôc des fermer.
D E M. D. L. R. 237
(e refolut en un inftanc de mar-
er toute la nuit , pour lui enlever
. quartiers de cavalerie , &c partit
l'heure même avec le Duc de la
Dchefoucalt : de bien que le che-
n fut long de mauvais , il arriva
Vant le jour à un pont , où les
ncmis avoient un Corps de Garde
douze ou quinze maîtres. Il les
poufTer d'abord , & ceux qui
{auverent , donnèrent Tallarme à
ites leurs troupes , ôc les firent
Miter à cheval. Quelques efca-
3ns firent ferme près de Mira-
ux ; mais il les rompit fans peine.
/ eut fix régimens défaits , il prit
lucoup d'équipage &c de prifon-
Ts 5 ôc puis il fe retira à Mira-
ux 5 qui eft une petite ville fîtuée
la hauteur d'une montagne ,
nt elle n'occupe que la moitié ,
tjui pour toutes fortifications n'a
'un méchant foffë , 3c une fimple
iraillc où les maifons font acta-
t^2 M E M 6 I T». E s
chées. Dès que le jour fat venu
Saint Luc mit toutes Tes troupes e
bataille dans Pefplanade , qui e
devant la porte de la ville. Mr. I
Prince attendit au bas de la mor
tagne celles que Monfieur de Con
lui amenoit, lefquelles arriverai
bien -tôt après : mais comme
montée eft aflez droite de fort loj
gue 5 Se que les terres y font gra{î
en hyver , Se coupées par des fo(ï
ôc par des filions , Mr. le Prince \
bien qu'il ne pouvoir aller en b
caille aux ennemis , fans fe mett
en defordre , Ôc fe rompre lui-mên
avant que d'arriver à eux. Il
contenta donc fur l'heure de fai
avancer fon infanterie , 6c de chafl
^vec beaucoup de feu les ennemi
de quelques poftes qu'ils avoie
occupés. Il y eut aufTi deux ou trc
efcadrons qui combattirent , -
toute la journée fe pafla en efa
wioucbes , fans que St. Luc quiti
D E M. D. L. R. 23^
hauteur , ni que Mr. le Prince
treprîc de l'aller attaquer en un
u il avantageux , n'ayant point
Canon , & n'en pouvant avoir
e le lendemain. Il donna les
ires pour en faire venir deux
xes ', & cependant , jugeant bien
e le bruit de Ton arrivée étonne-
t plus les ennemis , que l'avan-
ce qu'il avoit remporté fur eux ,
donna la liberté à quelques pri-
miers, pour en porter la nouvelle
Saint Luc ; ce qui fit bien-toc
^et qu'il avoit defiré :^car les
dats en prirent l'épouvante , &c la
.ifternation fut fi grande parmi
Officiers , qu'à peine atrendirent-
la nuit 5 pour cacher leur retraite,
fe fauver à Leytoure. Monfieur
Prince qui avoit prévu cette
raite , mit des Corps de Garde
près des ennemis , qu'il fut averti
s le moment qu'ils m>archerent j
lis on peut dire que fon extrême
^40 Mémoires
diligence l'empêcha de les défait
entièrement ; car fans attendre qu
l'infanterie fut engagée dans 1
cheriiin , où il lui auroit été faci)
de la tailler en pièces , il la charge
fur le bord du foffé de Miradou>
de en entrant l'épée à la main dai
les bataillons de Champagne & Lo
raine , il les renverfa dans le folï?
demandant quartier , & jettar
kurs armes. Mais comme on i
pouvoit aller à cheval à eux, i
curent moyen de rentrer dsn
Miradoux , bien moins pour (fi
fendre la Place que pour' fauV
leur vie. Mr. le Prince de Cor
combattit toujours auprès de M
le Prince , qui fui vit le Marqu
de Saint Luc Se le refte des fuyati
jufqu'auprès de Leytoure> & revr
invertir Miradoux , où Marins }A
réchal de Camp Se Cominges Meft
de Camp , étoient entrés avec pli
ficuirs OtEciers. Morificur le Priirï
I
D £ M. D. L. R. 241
s fit iommer , croyant que des
nis bactus qui écoient fans muni-
3ns de guerre de fans vivres ,
çntreprendroient pas de défendre
le 11 méciiante Place. En effet ,
; offirirent d'abord de la rendre ^
ais Monlieur le Prince , qui ne
)uloit pas laifler fauver une (i
nme infanterie, &c qui comptoic
)ur rien d'être maicre d'un lieu
; nulle confidération , s'attacha
les vouloir faire prifonniers de
lerre, ou à les obliger à ne fervir
: lix mois : mais ces conditions
ir parurent (i rudes , qu'ils ai-
crent mieux fe défendre , ôc ré*
irer ainfî la honte du jour préce*
;nt , que de l'augmenter par une
lie capitulation. Ils trouvèrent
ême que les habitans avoient des
viJes , Se jugèrent bien que Mr.
Prince n'étoit pas en " état de
ire des lignes : ils crûrent qu'on
iurroit aifément leur envoyer de
Tçmç /A L
z^i Mémoires
;1^ poudre , de la mèche & jc
-plomb} comme eu effet le Marqu
de Saint Lmc y en fit entrer la m
fùiv.ante >, & continua toujours^ a
lpS^;îafr^îchir, des chofes necefTaii
-tant que le (lége dura, quelq
,(oi\^-i >^U;Oi^, pi^îc , de Tempêch'
îCepèt^dant ,, Mr. le Prince renvfl
Mr. de Conti à Bor-deaux , ôc co
;nuc bien- toc ^ qu'il auroit mie
fait de recevoir Miradoux aux ce
ditions qu'on lui avoic offerte
que de s'engager à un iiége , ms
quant comme il £aiioit , de tou
xhofcs -Ôc n'étant pas même affi
d'avoir du C^on. Néanmoin
comme- on'.eflyfouvcnt oblige .
continuel: de- fcns froid ce que J.'
a comnxQi^çç en ;Colere , il vou
foûtcnir- (îba delîèi^^^jirfqu'au hq}.
c roy anc.c tonner )£5j€nnemi s. \\.t
donc iAgçn V ^eu;£, pièces, 4^
de dixi livres ,.^ r$'v\tre de douz
avec un.très-,petii; n^ibre de b(
D E M. D. L. R. 245
îts-^tle calibre : mais il crut qu'il
tîî auroic aflfez pour faire brèche,
: les emporter d'aflauc , avant que
; Comte d'Harcourt , qui marchoit
iai , pût être arrivé. En effet,
11 prit dès maifons affez près de
'porte , ou l'on mit les deux pièces
1 batterie ': elles firent d'abord
^aucoup d'effet dans la muraille ,
rais aufli les boulets manquèrent
icn-rôt ; de forte qu'on étoit con-
aînt de donner de l'argent à des
»ldats pour aller chercher dans le
){lë les boulets qu'on avoir tirés,
es ennemis fe défendirent a(fez
iferi pour le peu de munition
u*îls avoienc , ôc ils firent deux
>rties avec beaucoup de vigueur,
îifin , la brèche commenç oie à
itOicre raifonnable , & la muraille
:ànt tombée avîïc des maifans qui
'tfencHcnt , afvoft fait une grande
^Yérture ; mais tout ce débris fer-
it d'un nouve^au rêtranchemcnr.
L 2.
aux afïiégés ; . c^j: le ioh ;de h mai
fon , oLi Te fit la brèche 5 étant tom
bé dans la cave , ils y miEeiac le feu
&• fe, l'Qtf ancherenc de l'amre coté
de forte que cette Gave ardent
devint, un folTé qui ne fe pouvo:
paflèr. Cet obftacle retint. Mpi^l
Prince , Se il ne voulut pas hazap
dcr une attaque , qui auroitikt
doute rebuté fes troupes , Se au^
mente le courage des ennemis, i
réfolut de faire battre un autre er
droit, où lesmaifons n'avoient pdb
de caves ; & il y avoit un jour qi
l'on commençoit à y tirer, lorfqit
reçût avis que le Comte d'Harcou
iTiarchoit à lui , & qu'il arrivera
le lendemain à Miradoux. Leu
forces étant trop différentes por
bazarder un combat , cela Ic^ii
rétoudre à lever le Siège , Se hi
retirer à Staffort , où il arriva- âf
avoir été pourfuivi. Cette; VEl
n'cil ni plus grande , ni meilleu
D E M. D. L. R. 14 j
iQ Mitadoux , mais comme le
omre d'Harcourt éroic au-delà de
Garonne , &c qu'il ne la pouvoit
iffer qu'à un lieu nommé Auvi-
fs 5 Mr. le Prince ayant l'autre
né du pays libre , fépara les quar-
^rs, dans la créance que c'étoit
fez. d'en mettre quelques-uns pics
Auvilars, & de commancîer qu'on
ît^hât continuellement des partis
; ce c6té-là 5 pour être averti de
me ce que les ennemis voudroient
itreprendre. Mais il ne prévit pas
le de nouvelles troupes & de
>uveaux Officiers exécutent d'or-
nairecequi leur eft' commandé ,
une manière bien difFéiente de ce
a'ont accoutumé de faire des gens
jrouvés : & cet ordre - qui auroic
iffi pour mettre un Camp en
ir^té , penfa eau fer la perte de
fonceur le iPrince , & réxpofer
h honte d'être furpris & défait.
Car enfin de tous les partis corh-
mandés , pà!s un ne fui vie [on ordi^
& au lieu U'appreildre des nou-
velles du' Comtc^ d'Harcôurt , "il
allèrent piller les villages voififts
de forte qu'il patïà la rivière , ^
marcha en bataille au milieu àc
quartiers de Monfieur le Prince
Se arriva à un quart de lieue de lui
fans que perfonne en prît TallariTii
jii lui en vînt donner avis. Enfi
des gens pouflés lui ayant apport
cette nouvelle avec le trouble ordi
naire 5 il monta à cheval , fuivi 6
Marfin , du Duc de la Rochefoi
cault , & du Marquis de Monte
pan , pour voir le deifein des eniK
mis i mais il n'eut pas fait cinq cei
pas qu'il vit leurs efcadrons qui*'J
détachoient pour aller attaquer ^ft
quartiers. Dans cette extrémité ,
n'eut point d'autre parti à ptendtl
que d'envoyer faire monter à ch<
val fes quartiers les plus éloignés
D E M. D. L. R. 247
î devenir joindre ce qu'il avoir
nfaïuerie campée fous StafFoit
'il fît marcher à Boue , pour y
(Ter la Garonne en bateau , &: fe
lirer à Agen. Il envoya tous Tes
gages au Port-Sainte-Marie , &.
fla im Capitaine & foixante Mouf-
ejaires à StafFort 5 6c une pièce
caoon de douze livres qu'il ne
t emmener. ^>p ,,j..|,
Le Comte d'Harcourt ne fq fer-
^pas mieux de cet avantage , qu'il
oit fait de ceux qu'il avoit eu à
pnay-Charante ik à Saint Andras ;
r au lieu de fuivre Mr. le Prince^
de. le charger dans le defqr->
4^^ d'une retraite fans Cavalerifs ,.
■ contraint de pafler la Garonne ,
)ur fe mettre à couvert , il s'arrêta
)ur inveftir le quartier , le plus
•oche de StafFort nommé lç,Per-^
iï\ , ou évoicnt logés trois ou qua-
e cent chevaux des Gardes de
l©nfieur le Prince ôc des Généraux,
L 4
éc lui donna ainfi douze ou txe^J
heures, dont il perdit la plus gxOT
«ïe partie à Boue à faire paiîer^l
rivière à les troupes avec un defîpn
dre incroyable , de toujours en ét,s
d'être taillé en pièces , G on Teut^ai
taqué. Qiielque temps après qi:
Mr. le Prince fut arriva à Agen a^^c
toute Ton infanterie, on vit quelqijt
efcadrons paroître de l'autre côj^^
la rivière , qui s'ctoient ava^ç(
pour prendre des bagages , qi
ctoient prêts de palTer Peau : m^
ils furent repoufTés avec vigue^
car foixante maîtres du régimçf
■de Montefpan, qui donnèrent tOji
ie temps ncccfTairc à des bateaux
ciiargés de Moufquetaires , d'arri
Tcr , ôc de faire recirer les ennemi
Ce jour mêmev^iônfieur le Princ
fçût que fa cavalerie étoit arrivée
Sainte- Marie fans avoir combattu r
rien perdu de Ton équipage , Se qu
fes Gardes fe défendoient encor
DE M. D. L. R. i49
iafii le Pergan , fahis qii'ïl'y eût toù-
^fôis apparence de les pouvoir fe-
ourir. En etfec , ils fe rendirent pri-
Snniers de guerre , le lerîdetiiain :
t ce fut tout l'avantage , q^ue' îe
]omte d'Harcourt retira d'une oc-
afion où fa fortune & la négligeû-
edes troupes de Monfieur lePriii-
e 5 lui avoient offert une entière
idoire. Ces mauvais fuccès furent
ién-tôt fuivis de la fédition d'A-
en 5 &c obligèrent Mon(ieur le
'rince à tourner Tes principales ef-
erances du côté de Paris ,& d'y
orter la guerre , comme je dirai
t-après.
W
L 5
<!3r "W ■ft» '/tff ■»*«• "?!>■' •?!«• "y/W "ww ■ww ^^ -jm- -jfts^ -tw iw
SUITE]
DELA
GUERRE
"de guienne»;
Ef U dernier e de Paris.
%^^^ A guerre fe foûtenoic dàîj
X L jlt ^^ Guienne, bien plus psj
^^■^^ la vigilance & par la répç
talion du Prince de Condé , qifd
par le nombre 6c par la valeur cfî
fes troupes ^ & le Comte d'Haïe
court avoir déjà rétabli par fa cort-'
duire 6^ par fa fortune tout, le Aé(i\
vantc^ge que la défaite du Mat!
quis de St. Luc à Miradoux avoï
apporté aux armes du Roi. Le fié
^e de Miradbux étoit levé ^ les Ga^
les du Prinpede Qonéé èc trois cm
quatre cent chevaux avoient ''^ëïé
nis dans le quartier duPergan , 6^
e Prince dé Coildé lui-même avec
e relie de Tes troupeç, avoit été
:ontraint de quitter ScafFoit , de
. yglTer la-riviere de Garonne à Boue ,
' k de fe tetircr à AgeVi : niais les d.ii
1 /liions de cette Ville,- firent allez
I ronnoître à ce Prince qu'elle ne de-
i iieureroit dans Ton parti , qu'hantant
i :ju'elle y feroit retenue par fà pre-
Tence, on par une foite Garnifori.
Ce fut auffi pour s'en allurer par
zc dernier moyen , que le Prince de
Condé réfolut d'y faire entrer îe
régiment d'Infanterie de Conti ,
& de fe rendre maître d'une dés
Portes de la Ville , pour ôter au
peuple la liberté de refufer la Gar-
îiifonj mais comme ce deflein ne
fiit pas feçret, il fut bien-tôt répan-
du dans la Ville. A l'heure même
L 6
zji Mémoires
les Bourgeois prirent les armes j 3c
firent des barricades. Le Prince d^
Condé en étant averti , montait
cheval , pour empêcher la féditipîl
par fa préfence & pour demeurai
maître de la porte de Grave ju/qu'à
ce que le Régiment s'en fût empa-
ré j mais l'arrivée des troupes au^
jnenta le defordre , au lieu dc^yS^
paifler, elles entrèrent & firent alfifi
dans la première rue; &C bien qu^jlç
Prince deCondé &c le Prince deÇpn-
ti ôc tous les Officiers voulufîent ap-
paifer le defordre 5 ils ne purent, em?
pêcher que toutes les rues ne fuITei^
barricadées en un inftanr. Le peuple
néanmoins conferva toujours du ref-
pec^ pour le Prince de Condé , ôc,
pour les Officiers Généraux ; mai$
l'aigreur augmentoit auffi dans tous
ies lieux 3 où ils n'étoient point. Les.
chofesne pouvant plus den^ur^ÇRi
en cet érât-ià , ies troupes , commeo
j'ai dit 3 tenoient la porte de Çr^ve:^»
c la momêdt la rûê qui y aboutit j
î'peuple étoit fous les armes, toutes
îs rues étoient barricadées , de des
lorps de Garde par tout. La nuit,
5prochoit, qui eût augmenté le
efordre, & lé Prince de Condé ie
2)yoit' réduit à Tortir honteufement
îj la Ville", od à la faire piller 6c.^
:^\ev^-y' mais l'un ou l'autre de ce^
a^tis rùî'npit àpparernriient fes af^.
1res t' car s'il quittolt Agen , les (
dupes dii Roi y étoient reçues; s'iL^
^brûlôit;, "ce tr'aitemem foule voit,.
5fitre lai route la Province , donç^
S' -plus confiderables villes te*^
ôi^nt èiîcore /on' parti. Ces raifons.^j
-portèrent à tenter quelque ac-^-^
Hïimodemenr, qui fauvât fon au^. -
^ité en apparente, & qui lui fervîc;, >
^-prétexte de pardonner au peuplq^^
Agen. Le Duc de la Rochefoa-^^
ait park aux principaux des,,,
Durgeois, & leé difpofa d'aller à
iotel de Villf , pour députer
if4 Mémoires
quelqu'un d'entr'eux vers Monfiçui
le Priiice pour lui demander par*
don , & le fupplier de venir à l'^f
femblée Içur.preicrite les moyens^
lui conferver Agen dans la foûmif
fion &c la fidélité qu'Us lui avoien
jurée. Mcnfieur le Prince y all^,
^ leur dit que Ton intention avoi.
toujours été de leur lai(Ter la liberit
toute entière ; 6c que les troupe
n'étoîent entrées , que pour foub
ger les Bourgeois clans la garde 4
la Ville : mais que puifqu'ils nei
defu'oient pas ainii , il Ce contentoi'
de les faire foitir, pourvu quel
Ville fît un Régiment d'Infanteri
à Tes dépens , dont on lui nomm^
roit les Officiers. On accepta fag
lement toutes les conditions y ff|
défît les barricades , les troupes ibi
tirent ôc la Ville fut tranquille, ^
foûmife en apparence , comme^ey
Pavoit été avp.nt la fédition. L
Prince de Condé ne pouvant fe fie
D t M. D. L. R; 255
ces apparences fie quelque réjouç
Agen 5 pour remettre la Ville en
)n état ordinaire ; & ce fut en ce
împs-là qu'il reçût nouvelles, que
armée de Flandre , comrnanaée
ar le Duc de Nemours , & les trou-
es du Duc d'Orléans comman-
ées par le Duc de Beaufort , s'é-
)ient jointes. Se marchoient vers
. rivière de Loire. Cette joye fut
éanmoîs mêlée d'inquiétude : d'un-
î>té il voyoit au milieu de la Fran-J
^^SMie armée d'Efpagne , qu'il y
voit (î long-temps attendrie, ôc
ui pourroit venir fecourir Mon-
•diid , ou le vcniî* joindre en Guien-
é : mais en miêrre temps il fçût que
i divifion des Ducs de Nemours ôc
•e Beaufort <' a ) , étoit venue à une
xtrémité crès-dargereufe. Ils ne
ouvoieî^t compâcir enicmble j ëc
durs forces repi;rées n'étoient pas
1^6 Mémoires
fufïirantes pour tenir la campagtB
devant Tarmée du Roi, commandlJ
par les Maréchaux de Turende 8
d'Hoquincourt , & fortifiée far le
troupes que le Cardinal avoit ariiè
nées , Se encore plus par le woifivii
ge de la Cour. Les ordres du Dd'
de Nemours étoient de paflèr la ifî
viere de Loire, pour fecourir Mon
trond 5 ôc marcher aulli-tôt vers I
Guienne j & ceux que le Duc à
Beaufort recevoit du Duc d'Orleam
y étoient entieremenr oppofés. Mi
ne pouvoir confentir que Parme
s'éloignât fi fort de Paris, ôc ab
prehendoit que le peuple ou le Pat
lement ne changeafTènt de fcnrî
ment , dès qu'ils verroient l'arrtté'
de Mr. de Nemours paflèr 'et
Guienne , & celle du Roi demeuré
dans leur voifinage. Le Coadjuteâî
de Paris, qui avoir alors plus (fi
part que perfonne à la confiance ;
de Monficur, appuyoit ce confejl
T> E M. D. L. R. 257
^^augmeatoit encore les craintes
i) <Sc les irréfolutions naturelles de
e ce Prince. En retenant l'armée
u-deçà de la rivière de Loire ^ non
Uilement il la rendoit inutile aii
tince de Condé , de qu'il écoic
nnemi , mais il fe rendoit lui-mê-
le plus conlidérable à la Cour ^ en
ùCa^K voir a qu'étant maître de la
enduite .de Monheur , il pouvoir
uiti avancer ou retarder les pro-
uva UC i
3 ■
le tooces fortes de moyens 3 pour
(btenic le Chapeau de Cardinal.
Zhavigny de Ton coté n'avoir pas
te moindres deflTeins -, il prétendoic
gouverner Monfieurjen lui faifanc
:t?nnoître qu'il gouvernoit Mou-
leur le Prince.j, Se sXfsûroit aufïî
i^^fe ,rçndre maîtrie de la conduite
Igjvionfieur le Prince, en lui fai-
^it ypir^^qu'il l'ecoit de celle de
(a) Novos terrores^cumulat. Ann. 4.;
258 Mémoires
Moniîeur. Ses projets ne s'arrê-
toient pas làj dès le commencement
de la guerre il avoir pris des mefn-
res pour être négociateur de I3
paix 5 3c s'étoic uni avec le Duc de
Rohan , croyant qu'il lui pouvoir
être également utile auprès de Mon-
fieur 5 6^: de Monfieur le Prince: il
Ci-oyoic audi ayoir pris toutes le^
précautions néçeiîaires envers h
Cardinal, par le moyen de Fabei'i
Gcnvcri::u: de Sziaù > ce comim
il ne mcctoit point de bornes à fou
ambition- 6c à Tes efpérances , il ne
douta point, qu'en faifanc la pab
particulière 5 il ne fut choili poui
aller avec Je Cardinal Mazarin con*
dure la • générale. Il crût mêmf'.
qu'en fe fervant de la confidératioD^
que Monfieur le Prince lui pouvoit
dijnner parmi les Efpagnols , il an*-
roit tout le mérite des bons fuccèfl^.
& que le Cardinal au contraire fe-i
roit chargé de la honte <Sc du blâme
B B M. D. L. "R. 255^
s médians évenemens : & qu'ain-
il rennéroit dans les affaires, ou
€C la gloire d'avoir fait la paix ^
.'avec davantage d'avoir fait con-
îrre que le Cardinal Pauroit cm-
chée. Dans cette Mae-là il écrivit
alieurs fois au Prince de Condé ,
ur le prefîèr de quitter la Guien-
j il lui repiéfentoit le befoin
îe l'armée avoit de fa préfcr.ce y
le la laiiTant détruire , toutes
j refïoui'ces étoient perdues i &
ïQ faifant des progrès dans le
eur du Royaume , 6c à la vue d\x
31 , il rétabliroit en un moment
m feulement la Guienne , mais
ut le refte de Ton parti. Le Prince
ï-Condé fe lailîa perfuader Facile-
ent aux raifons de Chavigni : mais
principal motif qui Vy porta 3
«fc Penvie de quitter la Guienne
ans un temps , où la foibleiTe dtfe&
oupes Pobligeoit fans ceiTe à la-
Kr le pied devant le Comte d'Har-
i^o Mémoires
court. Il communiqua Ton deffei!
au Duc de la Rochefoucaulc 8i
Marfinj l'un & Tautue lui reprefer
tcrent également ce qu'il y a voit
en craindre & à en efperer fans k
donner de confeil là-deflus 5 mai
tous deux lui demandèrent inftarr
ment de le fuivre. Il choilit le Du
de la Rochefoucault pour Paccom
pagner , de lailTa Marfin auprès d
Prince de Conti , fe reposant enrie
rement fur lui du loin de mainte
nir Ton parti en Guienne , & d
conferver Bordeaux , non feulemec
parmi les divilions qu'on avoit.fo
m entées dans le peuple ôc danél
Parlement, mais auiïi pour empc
char- que les divers intérêts du Pria
ce de Conci Ôc de Madame de Lott
suevillé n'au^mentailencleur méfiîî
-Il
telligeniie, &. ji€ hâf adent la perte a
cette ville 5 où les affaires étoient'e
Tétat que je vais dire*.
D E M. D. L. R. 261
Le peuple y étoit divifé en deux
j baies ; les riches Bourgeois en
imporoient une, dont les fenti-
(cns étoient de maintenir l'autori-
i de leurs Magiflrats, &c de fe ren-
c 11 puiilàns & il néceiraires dans
fville 5 que Mr. le Prince ôc le
itlement les confidéraflent comme
nx <^ui pouvoient le plus contrî-
ler à leur confervation. L'autre
«haie étoit formée par les moins
çhes & les plus féditieux de la
.lie 5 lefquels s'étant affemblés plu-
:ui'S fois fans deflein en un lieu
»che du château du Ha , nommé
fiar7Mée , en prirent enfin le nom.
É:^Parlement n^'étoit pas plus uni
!' le peuple j ceux de ce corps
tii étoient contre la Cour , s'é-
oôht; divifés en deux factions :
bne ; s'appelloit la grande Fronde ,
rd'^ucre '/^ -petite. Bien que toutes
€iux s'accordatlent à être dans les
Itérées de Monfieur le Prince >
%Si Mémoires
elles étoient fort oppofées dans toi
le refte : au commencement , /*/fo;
mée a voit été unie avec Tune 'i
l'autre Fronde , de s'en écoit aulïî'f
parée plufieurs fois , félon les divé
intérêts qui ont accoutumé de fat
agir les gens de cette forte 5 mats'
la fin le Prince de Conti , & la ©^
chelfe de Longueville , s'étant m^
heureufement divifés , augmenï
rent à un tel point le crédit Se l*i
folence de cette fadion pour fe l'a
quérir, qu'ils avancèrent la perte c
parti j en defefpérant le Parlenle
ôc le refte du peuple , & en do
liant lieu à plufieurs conjuration
ôc à toutes les autres intelli^encesî
la Cour j qui ont enfin remis lît
deaux dans l'obéïlfance du Roi.
ne parlerai qu'en pallant des fuie
qui ont caule tous ces defordr'tf
fans entrer dans le particulier <
beaucoup de chofes qui fe peuve
écrire, Mr. le Prince de Conti
D E M. D. L. R. z($5
étant laide perfuader .par Tes gens
agiles par le Cartiinal Mazann ,
s rompre avec éclat avec la Du-
lelTe de LonguevilleViuir-des pré-
xtes que la bienféance ■& les inte-
cs du Sang lui dévoient faire ea-
ler /a) , il^ fomencerefitoen ihaiac
m de l'autre la» fureur de7'i^o/*wl?,
Sacrifièrent en tant de rencontres
s plus grands avantages du parti,
Jeurs palïions de à leurs aigreurs
uticulieres , qu'au lieu d'établir
or autorité j ôc de fd rendre par-
nécelTaâres à Mr. le Prince , eom-
.e chaçQj,! d'eux en avoit le deflein,
> dominèrent CQurs aux defordres
: au)s,réditions du peuple, qui fu-
:nt fi près de les envelopper, qu'ils
s réduihrent enfin à la néceffité
'abandonner Mr. le Prince , &: de
ibir toutes les conditions , que le
S^J Socium"deLitioni5 cxtitiile niira-
^6'eiMC , quia fliam ipfe nobiliMtem ,
tiim fangiiir.ehi perditum ibar. ^?in. 4.
i^4 Mémoires'
Cardinal voulut leur impofer. i
Duc de la Rochefoucaulc étant pei
luadé par plufieurs expériences
-c[ue leur comtnune grandeur d«
pendoic de leur union , s'étb
trouvé plus en état que perfonnet
la maintenir entre eux depuis
guerre de Paris : mais alors Mad
me de Longueville crût mieux troi
ver Tes avantages à changer ft
plan ; ôc il arriva que les moyei
dont elle fe fervit pour en venir'
bout , la brouillèrent avec fes frerie
Mon fleur le Prince de Gonti étc
porté à la Paix par l*ennui & •p^
la lafïitude qu'il avoir d'une guir
rc 5 où il ne s^'étoit engagé qi
pour complaire à Madame de LoJ-
gueville , ôc dont il le repentit i-
moment qu'il fut mal avec elle (éi
Il a allégué depuis , pour fe juftifk
que Monfieur le Prince, après avo
(^) Mobilitate ingeaii, Hifi. i. &i'
D E M. D. L. R. iGy
Tné un écrie , où il lui promettoic
î.ne point traiter fans lui faire
oir le Gouvernement de Proven-
,, s'étoit abfolumenr relâché fui-
» intérêts. Mais la véritable caufe
Ton détachement , fut cette ani-
Dlité contre Madame fa fœur,
►nt je viens de parler , <3c qui le
,toit dan* un emportement de co-
:e & de jaloufie contre elle , qui
t été plus fupportable à un amanc
l'a un frère (a). Dautre côté , en- .
re que Monheur le, Prince parlâc
DÎns que lui de la conduire de
adame de Longueville , il n'en
ii'ix. pas plus avantageufement
îfuadé en Ton cœur j ii fçavoii; la
ifon qu'elle avoir faite avec le
ac de Nemours , <S<: ce qu'elle
oit penfé produire contre fes
^is intérêts j 6c il craignoit enco-
C?i) 'Fratrum non inceflum ; fed în-
ftoditum amoiem ad infamiam traxit^
]TQWi: IL M
i66 Mémoires
re, qu'elle ne fut capable d'en pren-
dre de nouvelles^ qui lui pourroien
peut-être caufer de plus grands em.
barras. Pour augmentet celui où C
trouvoit alors Madame de Longue
ville 5 il y avoit de plus qu'elle f
croyoit irréconciliable avec foi
mari , par les mauvais Offices qu'oi
lui avoit rendus auprès de lui , t
par l'impreiïion qu'il avoit , qu'ell
n'eût trop de part en cette guerre
Elle avoit aulli tenté inutilement d
fe raccommoder à la Cour par 1
PrincefTe Palatine. Se voyant don
également ruinée de tous les côtés
elle crut ne fe pouvoir rétablir qu'e
formant un parti dans Bordeaux
qui fut aflez puilTant pour lui don
ner une nouvelle confidération en
vers la Prince de Condé , ou envet
la Cour, Dans cette vue , elle n
trouva rien de fi propre à fon def
foin 5 que de fe joindre avec l'Nor
tih , & d'y engager les plus confi
D E M. D. L. R. tGj
érables. Au contraire , Mr. le
rince de Conti , pour fatisfaire fa
îngeance , ne fongeoit qu^à ruiner
crédit de Madame fa fœur , par-
i les plus confidérables de cette
ême fadion , pour (c les acquérir,
mant mieux leur foufFrir & leur
:rmettre toutes fortes d'excès plu-
t que de les laifTer regagner par
le perfonne contre laquelle il étoic
fort aigri. De forte que Mr. le
rince , qui prévoyoit ce qu'une (i
•ande oppofition de fentimens al-
it produire dans fon parti , &" qui
geoit encore que l'aigreur & la di-
fion augmenteroienc par fon éloi-
lement ? lailTa Mariin , comme
li dit 5 pour remédier autant qu'il
Durroit ^ à de fi grands defordres ,
■ en tout événement , pour empê-
ler que le Prince de Conti & la
uchelTe de Longueville n'entre-
riiTent rien qui lui pût préjudicier
arant fon abfence. Après donc
M i
i68 Mémoires
qu'il eut réglé.^^yeçMaiTin, & ayec
Laifné , ce qui regamoit l'armée de
Guienne, les Rebelles de Boideaux
^ celles de fa famiUç , îl,^t,veni|
le Prince de Conci à Agen ; dç çi
lui laîiiant la conduite de toutç
choies 5 le. pria defviivre \es avis i
MarUn & de Laifné. Il témojgp
auih en apparence ^beaucoup 4
confiance au Prçfident Viple ; m^j
eu effet il ne croyoit lai{ïèr perfor
ne à Bordeaux , qui fut véritable
ment dans fes intérêts , que les dçjji
premiers que je viens de nommer^^,
Les chofes étant, en cet état yïU
prépara à partir d'Agen pour apj;
joindre l'armée de Mr. de Nemour
Ce voyage étoit fort long ôc plej,
de difficultés qu'on ne ppuvoit vui
femblablcment ie promettre de iîji
monter : ]e Comte d'H^rcqurt etû
près d'Agcn,, ^é^^yi^qK^s^^
ville trop de gens gag^nés de,-.
Cour , poup ne, l'avci'tir, pas du de
î
D E M. D. L. R. 16^
.^rt de Mr. le Prince : ceux mêmes
e Ton 'parti avoienr foupçonné ion
oyàge 5 &: le bruit en avoir couru
v'ant qu'il fut réiolu : le chem.iu
:oit de près de lix vingt lieaës
a'il falloir Faire fur les mêmes
levaux. Le Comte d'Harcourc pou-
oit non - fedlem.ent faire {^jivre
ir. le Prince par des p^dïs , mais
ncore donner avis en porte à la
]our de fa marche , & mander aux
illes 5 Se aux garnifons de s'oppo-
îrà fon padage : deplusll ne pou-
oit' confier cette atraire à beaucoup
,e gens : & un petit nombre n'ét^oic
•as capable de lefuivre avec sare-
é : il falloir encore perfuader à tout
S m. on de qu'il alloit à Bordeaux ,
k empêcher les Officiers de l'ar-
née de l'y -accompagner , fous des
)rétextes qui ne fîiTent rien imagi-
ner de Ton deffein. Pour cet effet ,
A laifia le Prince de Conti à Agen j
5c feignant de vouloir aller à Bok-
M j
"lyo M ï M o r R I >
deaux pour deux ou trois jours feu-
lement 3 il donna ordre à tous le:
Officiers ôc à tous les Volontaires
de demeurer à Agen auprès de foi
frère. Il en partit le jour des Ra^
imeaux à midi avec le Duc de li
Rochefoucault , le Prince de Mat
fillac 3 Guitault, Chavaignac, Gour
ville 3 ôc un Valet de chambre. L
Marquis de Lévy l'attendoit ave^
des chevaux à Languais, maifon d\
Duc de Boiiillon , ou étoit aufl
Bercenes Capitaine des Gardes di
Duc de la Rochefoucault, Commi
■le Marquis de Lévy avoit un Pailè
port du Comte d'Harcourt, pou:
fe retirer chez lui en Auvergne ave(
Ton train , le Prince de Condé, &
ceux qui l'accommpagnoient , paf-
ferent à fa fuite , comme s'ils eut
lent été les mêmes domelHqnes.
dont les noms étoient écrits danî
Ton paiïèport , bien qu'il fiic à la
tin rcfolu de ne s'en point fervir.
D E M. D. L. R. 171
2c qu'il y eut de plus rude dans ce
o\ âge, fut l'extraordinaire diligen-
e 5 avec laquelle on marcha jour
i nuit , Se prefque toujours fur les
nêmes chevaux, &c fans demeurer
amais deux heures en un même
ieu 3 ou pour dormir ou pour re-
)aître. On logea chez deux ou trois
jentilshommes amis du Marquis
le Lévy , pour fe repofer quelques
leures, & pour acheter des chevaux j
nais ces Gentilshommes foupçon-
loient Cl peu Mr. le Prince d'être ce
^u'il étoic 5 que dans un de leurs
repas , ou l'on . dit d'ordinaire fes
fentimens avec plus de (incérité
qu'ailleurs ('a) , il apprit des nou-
velles de fes proches qu'il avoit
peut-être ignorées jufques-là. Enfin^
après avoir pris fon chemin par la
Vicomte de Turenne , de par Char-
U 4
(a.) Quo tempore ad fimpliccs cogi-
tationes patec animii5 & nu da
omnium mens. In Gi^m^
17-2. M E M O ï^ R 'E s
lus en Auvergne , il arriva le farîiédî
au foir au Bec-d' Aller (a) à déllx
îîcuës de la Charité, où il patîà la~rf-
vierû'de Loire fans aucun empêché
ment 5 quoiqu'il y eut deux Cortt*
pagnies de cavalerie dans la Charitis
commandées par Bu(ïy Rabuiin.
De-là il dépêcha Gourville à Par?^,,
pour avertir Son AlteiTe Royale^;
ôc Chavigny de fà marche '; il pafla
le jour de Pâques dans Cônes ,00
l'on faifoir garde ; & comme là
Cour étoit à Gien , il dit par-tout
qu'il ailoit avec fes Compagnons
fervir fon quartier auprès du Roi;
Néanmoins jugeant qu'il ne pou-
volt fuivre long-temps le grand che-
mln de la Cour fans être connu ,
il rétolut de le quitter pour prendre
celui de Châdlion. Il penfà même
avoir fnjct de fe fèpemir de ne
l'avoir pas fait {>lïitÔt;'^aif, ayant
.'■ :' Tr c' ^; - >/ . '■
(cl) Ojîium , feu os Ela^nif,
D E M. D. L. R. 273
encontre deux Couriers , il y en
vit un qui reconnut Guicault , ôc
jeu qu'il ne s'arrétâc pâs pour lui
I arler , il parut alFez d'émotion fur
m vifage , pour faire juger qu'il
)upçonnoit que Mr. le Prince fut
. Il s'en éclaircit bien-tôt après ;
ir ayant rencontré b Valet- de-
lambre de Monfieur le Prince qui
:oit demeuré derrière , il l'arrêta ,
: faifant femblant de le vouloir
ler, il apprit que fon foupçon écoic
ien fondé. Cet accident fit réfou-
re Mr. le Prince non-feulement à
uittcr le grand chemin à l'heure
lême ; mais encore à laiiTer Ber-
snes Capitaine des Gardes du Duc
e la Rochefoucault dans des m.a-
ares proches d'un pont , pour tuer
^Courier, en cas qu'il prît ce che-
l}n.là, qui paroidoit celui qu'il
£voit tenir pour aller porter à la
!our l'avis de la marche du Prince
.e Condé ^ mais., la fortune de cec
M 5
274 Mémoires
homme lui en fie prendre un autre
.Se lui fit porter en diligence à Giei
la nouvelle de ce qu'il avoit vt
On dépêcha à l'heure même Saim
Maure avec vingt maîtres choifîs
pour aller attendre Mr. le Piince fu
le chemin de Châtillon à l'armé
de Monileur de Nemours 3 avec 01
dre de le prendre vif ou mort. L
Prince de Condé , qui jugea bien
que cette rencontre feroit indubi
jablement découvrir Ton paiTIige
marcha en diligence vers Châtil
Ion j mais comme il falloit faire c
jour -là trente-cinq licuës fur le
mêmes chevaux , la nécelîité de re
paître nous fit perdre beaucoup d
tf mps , ôc donna à Sainte Maur
celui qu'il lui falloit pour nou
joindre. Un autre accident penf,
faire prendre encore Monfieur I<
Prince j car étant arrivé au canal d<
Briare , il rencontra les Maréchauj
de Logis de deux ou trois régimeni
D E M. D. L. R. 27 j
de cavalerie , qui veiioienc au loge-
ment en ce lieu- là i ôc comme le
corps y arrivoit par diîFérens cotés ,
il étoit bien difficile de prendre un
chemin allure. Chavaignac qui con-
noilToit près de là un Gentilhomme
nommé la Brujîerie , le voulut aller
chercher , Se mena Guitault avec
lui 5 pour porter quelque chofe à
manger au Prince de Condé j mais
comme cette journée-là étoit defti-
née aux avantures , dans l'inftanc
que Chavaignac fortoit de cette
maifon , pour aller chercher le maî-
tre 5 & pour dire à Guitault d'y en-
trer, un Officier des régimens que
j'ai dit 5 y arriva , Se tout ce que
put faire la maicrefle de la maifon ,
dans la crainte de voir arriver du
defordre chez elle , par la rencontre
de gens de différent parti , fut d'en-
voyer fa fille au-devant de Guirauk
pour l'avertir qu'il étoit entré chez
elle un Officier des troupes du Roi.
^i 6
2^6 M E M O I R E s
Comme cela fe pafloit ainfi , Mr.
le Prince qui attendoit des nouvel-
les de Chavaignac & de Guitaulc j
ii'avoit pu demeurer au lieu où ib
Pavoienc laifie , à caufe de Tarrivée
des troupes. Il avoir cnvoyjé fou
Valet de chambre à Châdllon., peut
avertir le Concierge de tenir la porjj
te du Parc ouverte ; ôc ainit il n'^
voit avec lui que le Duc de la Ro*
chefoucault , éc le Piince de Marlik
lac. Ils marchèrent néanmoins tou-
jours vers Châcillon. Le Prince de
MarliUac marchoit cent pas devant
2y4on(ieur le Prince , & le Duc de
la RocheFoucault alloit après lui à
même diftance, afin qu'étant averti
par l'un des deux , il eût quelque
avantage pour fe fauver. Ils n'eu-
rent pas fait grand chemin en ces
état - là 3 qu'ils entendirent tirer
des coups de piftolet du côté où
c'rojcallé le Valet de chambre , Se
çji mêpie temps virent paroitre qua-
B E M. D. L. R. 277
[•e Cavarliers fut: leur main gau-
he , qui marchoient au trot vers
ux : ils ne doUcereiK point alors ,
u ils ne fu (lent fui vis y 6c prenant
^ parti de charger les quatre hom-
mes, qui venoicnt, ils y tournèrent
ans le dedèindefe faire tuer plutôt
[ue d'être pris. Mais s'en étant
pprocbés 5 ils reconnurent Cha-
^ignac qui les cherchoit avec trois
ieiuils-hommes ; & tous enfeniblc
:«riverent à Châtilion fans aucun
Éiiger. Le^Prince de Condé y ap-
it des nouvelles de l'armée qu'il
«iuloit joindre , &: feux, qu'elle étoit
z^rs Lory près de la Forêt d'Orléans,
i'h\ik lieues de Châtilion ; il fçut
rncore qu'il y avoir dix ou douzc-
Ihevaux - légers de la Garde du
^oi , &c quelques Officiers logés
iansi la ville de Châtilion -, &c cela
'obligea- d'en partir en diligence
m ja minuit avec un guide pour
Loi'y, Ce guide pcnfa être caufe
lyS Mémoires
de fa perce ; car après avoir long,
temps marché , il reconnut qu'i
n'écoit qu'à une petite lieuë i
Gien ; de forte que voulant quittai
ce chemin-là , pour prendre celu
de Lory , Monfîeur le Prince pat
à trente pas du lieu oii Sainte Maurr
Pattendoit : &c foit que celui - ci m
le connût pas , ou qu'il n'osât le
charger , rien ne s'oppofa à for
pafiage , ôc il arriva à Lory , ci
il apprit des nouvelles certaines d(
fon armée , qui n'étoit qu'à deu>
lieues de lui. Bien qu'il fe cachai
avec les mêmes précautions qu'il
avoit fait ailleurs , il fut reconnu,
de le Duc de la Rochefoucault aufli,
par pluiîeurs habitans du lieu , def-
quels il y en avoit beaucoup qui
étoient domeftiqucs du Roi tk de
Monfieur. Mais cela lui fervit , au
lieu de lui nuire ; car il y en eut
quelques-uns qui montèrent à che-
val avec lui , de l'accompagnèrent
D E M. D. L. R. 275^
iiqu'à l'armée. Il en rencontra
avant -garde dans le commence-
.eTiC de la Forêt d'Orléans j quel-
nés Cavaliers vinrent au qui vive
vcc lui ; mais l''ayant reconnu , ce
Il une joye 6c une furprife pcuu
)i ce l'armée , qui ne fe pouvoir
xprimer. Jamais elle u^avoit eu
\i'X de befoin de fa préfcrice qu'a-
Z'ïS'y 3c jamais elle ne l'avoit moins
ttcndue. L'aio-reur au^mentoic
DUS les jours entre les Ducs de
>Jemours 6c de Beaufort de Von
'oyoit périr avec certitude la feule
eflburce du Parti , par la divifion
les chefs (a) , lorfque la préfence
lu Roi 5 de de fon armée , les
ievoit le plus obliger à préférer
/intérêt public à leurs querelles
particulières (b). Il étoit trop im-
(a) Rébus turbatis , malum extremum
difcordia accellit. J^fin. 4.
( b ) Prava certamina communi utilitate
abolere , & pofitis ociis in médium
confulcre Hiji. i. Piivata odia j^ublicis
«tilicatibus remiïtere, ^?ra, i.
aSo Mémoire s
porcanc à Monfieur le Prince de le;
terminer , pour n'y travailler pa;
avec tout rempreflèment imagina-
ble i ôc il lui fut d'autant plus facijc
d'en venir à bout , que Ton arriver
leur ôtant le commandement , leijj
ôtoit auiïi la principale fource à
leur jalouiîc 6c de leur haine. Lei
chofes étant ainfi , l'armée marché
à Lory , où l'on fe repofa un jour;
il s'en paflà encore trois ou quatre
durant Icfquels on alla à Montargis.
qui fe rendit fans réfiftance. On
quitta de bonne heure ce lieu-là ,
parce qu'il étoit rempli de bled &
de vin , dont on fe pouvoit fervir
au befoin : & on le fit encore ,
pour donner un exemple de dou-
ceur 5 qui pût produire quelque
effet avantageux pour le parti dans
les autres villes. L'armée partit de
Montargis , «Se alla à Château-
renard j Gourville à arriva en même
temps de Paris , pour rappoiter m
D E M. D. L. R. iSï
îiicé îés ïcntimens de Tes amis
r fa conduire envers Monfieur ,
^envers le Parlement. Les avis
fcnt bien diffcrens ; car une par-
: lui confeilloic de demeurer à
rmée , lui repréientant , que les
folutions de Monfieiir &z du Par-
tient dépendi-oienr to'jjours de
ivenement de cette gaerre ; 3c
ic larit qu'il feroit à la tête d'une
mée ■ viîidrieufe , la puiiTance du
ôi. réfideroit en:re Tes mains : au
^' qa^dlàilt à Paris *^1 ôtoic à Tes
Dlipes toute la réputation que fa
''i^icnce leur avoic donnée , n^'eii
'iin'anc îaiffer le commandemenc
a'aux: mêmes personnes , dont la
vifîon 3c rincapâciîé avoienc écé
i:' le point de produire tant de
éfordrcCa). Chavigny au contraire
(a) P.emanentium frangerctur ani-
u? , quanJo fijipecfti duces ; & ipfe ,
li uni. npud militem iicies , imperia
icum in inceno relinqueieç. ii//?. i.
iSi Mémoires
mandoic pofîtivement à Monheu
le Prince , que fa prefence écpi
neceflaire à Paris -, que les cabale
de la Cour , de du Cardinal 4
Rets 5 augmentoient tous les joui
dans le Parlement j & qu'enfin elk
entraîneroient indubitablement M
le Duc d'Orléans , fi Mr. le Princ
ne venoit lui-même le retirer ci
la dépendance où il étoit , c
mettre le Duc de Rohan &c Chs
vigny en poflefïîon d'une place
qu'ils ne pouvoient plus difputi
fans lui au Cardinal de Rets. L
fin des uns de des autres étoit
préferablement à toutes choies
d'entreprendre quelque chofe d
confiderable fur l'armée du Roi
&c tout dépendoit d'un heureu
événement. Dans ce temps- là , l
Prince de Condé reçût avis que l
brigade du Maréchal d'Hoquir.
court étoit encore dans des quat
tiers réparés , aflèz proche de Châ
t> E M. D. L. R. 1S5
au-renard , Se que lendemain elle
devoir rejoindre à celle du
aréchal de Turenne. Cela le fit
foudre de marcher à l'heure mê-
e avec toute fon armée, droit à
lie du Maréchal d'Hoquinconrt,
'ant qu'il eût eu le temps de raf-
i mbler les troupes , & de ie retirer
■rs le Maréchal de Turenne j ôc
fuccès répondit à fou attente,
entra d'abord dans deux quar-
^rs 5 qui donnèrent Pallarme aux
itres i mais cela n'em. pécha pas ,
Li'on n'en enlevât cinq tout de
;ite : les quatre premiers ne firent
refque point de réfiftance , mais
Maréchal d'Hoquincourt s'étanc
lis en bataille avec huit cent che-
aux fur le bord d'un ruilîeau 5
u'on ne pouvoir pafier qu'un à
n fur une digue fort étroite 3c
)rt rompue , fit mine de vouloir
ifputer ce pafTage au-delà duquel
coienc les autres quardeis qu'on
2,84 Mémoires
alloit attaquer : mais des que î
Duc de ^4emoul-s & trois ou quatr
autres eurent paflfé le défilé ^1
Maréchal qui jugeoit bien c|u
toute l'armée devoit être là , j
retira derrière le quartier , & ..
laiira piller , fe contenranc de, J
remettre en bataille , pour efiray(
de prendre Ton temps , de de cha;
gcr pendant le pillage. Ce qùartiCw
là ne fit pas plus de réfiftance qi
les autres y mais comme les maifoi
étoient couvertes de chaume , (
qu'on y mit le feu , il fut aifé a
Maréchal d'Hoqu incourt de difce:
ner à la clarté, le nombre des trôi
pes qui éroienu paflées ; Se vôyai
qu'il n'y avoit pas plus de cei
chevaux 5 il marcha pour les chai
gcr avec plus de huit cent. Le Prif
ce de Condé voyant fondre fur n
cette Cavalerie , fit promprcméi
un efcadron de ce qu'il avoit ave
lui, Ôc marcha aux ennemis ave
D E M. D. L. R. 1S5
î nombre fi inégal , qu'il femble
ic le hcizaid avoic fait aoiiver en
lieu-là tout ce qu'il y avoic d'Of-
i^itïs Généuaux dans Ton armée ,
>iir lui faire voir ce qu'un mau-
is événement était capable de lui
ire perdre. Il avoic compofé le
emier rang, où il écoit, des Ducs
i Nemours , de Beaufort , &c de
Rochefoucault , du Prince de
iarfillac , du Marquis de Clin-
lant qui commandoit les troupes
'Efpagne , du Comte de Tavancs
ieutenant-Général , de Guitauk ,
e Gaucourt , Se de quelques au-
<és Officiers : les deux elcadrons
rent leur décharge d'alTez après ,
ms que pas un pliât j mais deux
autres ayant chargé aulTi-tqc prè^
ejui du Prince , le Duc de Nemours
Ut un coup de piftolec au travers
vj; corps , 3c Con cheval fut tué.
/cfcadron du Prince de Condé ,
iPOU
uvanc ioûcenir deux charj^es
o
1Î6 Mémoires
Il près à près, fe rompit, &: fe retîr
cent pas en defordre vers le quaitif
qui étoit en feu j mais le Prince t
les Officiers Généraux qui étoier
avec lui , ayant pris la tête de l'efcs
dron, l'arrêtèrent. Les ennemis':
contentèrent de l'avoir fait plier fai
Penfonccr : il y eut feulement que
ques Officiers ôc quelques Cavalie
qui avancèrent ; & le Prince c
Marfdlac , qui fe trouva douze c
quinze pas derrière l'efcadron cji
plia 5 tourna à un Officier & le tt
de coups d'épée entre les deux efcé
drons. Le Prince de Condé , corr
me j'ai dit , arrêta le lien de lui i
tourner tête aux ennemis , qui t
Pavoient ofé puuiTer , de craini
qu'il ne fût foûtenu par de l'infar
terie. Ce defordre avoit donr
temps à un efcadron de trente ma
très de paiTer le défilé : le Princ
de Condé fe mit auffi-tôt à la tel
avec le Duc de la Rochefoucault
D E M. D. L. R. 287
attaquant le Maréchal d'Hoquin-
urc par le flanc , le fit charger
tête par l'eicadron où il avoit
(ïé le Duc de Beaufort. Cela ache-
de renverfer les ennemis , donc
e partie fe jetta dans Bleneau j
on pou (là le refte trois ou quatre
à'és vers Auxerre , fans qu'ils
;ya{ïènt de fe rallier. Ils perdirent
it leur bagage , de on leur prie
•is cent' chevaux. Cette déroute
: été plus grande , fans l'avis
i fut donné au Prince de Condé ,
Ê Varmée du Maréchal de Turen-
paroifloit.
Cette nouvelle le fit retourner à
1 Infanterie , qui s'étoit débandée
ur piller (a) ; &c après avoir rallié
, troupes 5 il marcha vers le Ma-
:hal de Turenne , qui mit Ton ar-
^e en bataille dans de fort gran-
(a) Obftitit vincentibus pravum inter
os certamen hofte omilTo fpolia conr
itandi. Hifi. 4. '"
aSS Mémoires
des plaines, 3c plus près que I
portée du moufquec d'un bois d
très-grande étendue , par le milie
duquel l'armée du Prince de Cor
dé devoir paffer pour aller à lu
Ce palTage étoic de foi afTez larg
pour pouvoir faire marcher deu
cfcadrons de front 5 mais comme
étoit fort marécageux , ôc qu'on
a voit fait pludeurs fofles pour 1
dedècher , on ne pouvoit arrive
à la plaine, qu'en déHlant. LePrir
ce de Condé la voyant occupée pi
les ennemis, jetta Con Infanterie
droit ôc à gauche dans le bois qi
la bordoit, pour en éloigner U
ennemis j Se cela fit l'effet quf.
avoit dehré : car le Maréchal é
Turenne, craignant d'être incoasi
mode par la mouiqueterie , quitt
fon pofte pour en aller prendre u
autre qui étoit un peu plus éloigné
& plus élevé que celui de Monfiet
le Prince. Mais le mouvement
DE M. D. L. R. ig^
u*il fit pour cela ^ fit croire à Mr.
Prince , qu'il fe retiroit vers
ien , &c qu'on le déferoit aifémenc
ms le défordre de fa retraite avant
a'il pût y arriver. Pour cet effet
fit avancer fa cavalerie , &c fe
Ita de faire pafTer le dénié à fix ef*
drons pour entrer dans la plaine j
ais le Maréchal de Turenne ju-
tant bien le défavantage qu'il au-
ic de combattre Monfieur le
ince dans la plaine , avec des
Dupes vidorieufes ôc plus forces
le les fiennes , prit le parti de re-
urner Tépée à la main fur ces
: efcadrons, pour défaire ce qui
:oit palfé, de pour arrêter le refle
•s troupes au delà du défilé. Mon-
:ur le Prince, qui jugea de fon
tention, fitrepafler fa Cavalerie ;
ainfi le défilé les empêchant de
»uvoir aller l'un à l'autre fans un
b-grand défavantage , l'on fe con-
iita de faire avancer l'artillerie de
Tme II. N
•xç)0 Mémoires
.deux côtés, ô: de fe canoner fe
îong-cemps; mais le fuccès n'ei
fut pas égal ; car outre que celle d
Monjieur de Turenne écoît en plu
grand nombre &c mieux fervie q,u
celle de Tes ennemis , elle avoit er
cote la hauteur fa) fur les troupe
de Monfieur le Prince , lerqueïii
étant ferrées dans le pailagc , qi
féparoit le bois , il n'y eut prefqt
point de^oups inutiles (b) ; & on-
perdit plus de fîx-vingt Cavaliers
& plufieurs Officiers, entre leqiie
fut Mare frère du Maréchal de Grai
cey. On palla ainfi le refle dcL
journée. Au coucher -dufnfoleiL,è
Maréchal de Turenne fe retira vu
Gienj le maréchal d'Hoquincourii
(a) Confertus pedes, difpofir^ atv
ta prirlio pi-ovifî. Ann. 4. .
. (b) Neqiic fericndi , neque déclinai
^i providenîia nihil proceiTe yerci:
H-^. 4 Jit c'i'toît ur. cuin.'ige flûtvi qn't
Cow/i/T/-. Cxdcs magis qùàm pugn
D E M. D. L. R. 191
'■[wi l'avoic joint depuis fa défaite ,
demeura à l'arriere-2;arde ; de écanc
illc avec quelques Ofhciers , poui:
ctiLer refcadron ie plus près du.
léfilé , il fur reconnu de Monlieur le
^rince , qui lui envoya dire , qu'il
eroic bien-aife de le voir , Ôc qu'iL
)ouvoit avancer fur la parole. Il
k ce que Monfieur le Prince defira,
k s'avan<^anc avec quelques Ofîî-
;iers , il rencontra Monfieur le Prin-
;e , iuivi des Duc de la Rochefou-»
:ault ôc Beaufort , de de deux ou
rois autres. La converfation fe paf-
a en civilités ôc en railleries du cô-
é de Monfieur le prince , ôc en juf-
ificatîons de celui du Maréchal,
ur ce qui lui venoic d'arriver, fe
)laignant de Mr. de Turenne ,
)ien qu'on pût dire avec jaftice ,
[u'il fit ce jour-là deux actions beU
es Ôc hardies , dont le fuccès fut
:aufe de fon falut de de celui de la
jOur : car dès qu'il fçut que la bri»
ipi Mémoires
gade du Maréchal d'Hoquincouit,
qui le de voit venii" joindre le len-
demain 5 ctoit attaquée , il marcha
avec très-peu de gens dans le lieu,
où on le trouva en bataillej & atten-
dit tout le jour le refte de Tes trou-
pes , s'expofant par-là à être inévi-
tablement défait : Mr. le Prince eût
été à lui , au lieu de fuivre deux
ou trois lieues , comme il fit , le?
troupes qu'il avoit défaites la nuit:
il fauva encore ce même jour-là le;
reftes de l'armée du Roi avec beau-
coup de valeur de de conduite,;
lorfqu'il retourna fur les fix efc^-
drons de Mon(ieur le Prince , qu
avoient paflé le défilé, &c anèï^
par cette action , une armée qui fan
doute l'auroit taillé en pièces, i
elle avoit pu fe mettre en batai^
dans la même plaine , où il étoifl
L'armée du Roi étant retirée , Mon
fieur le Prince fit prendre à la fiep
ne le chemin de Chacillon^ & al
D E M. D, L. R. 295
la cette nuir loger dans les quartiers,
fur le canal de Briare , près la Bruf-
fcrie. Il fe rendit le lendemain à
Chatillon avec toutes Tes croupes,
dont il lai (la deux jours après le
Commandement à Clinchant , &C
au Comité de Tavanes, pour' aller à
Paris avec les Ducs de Beaùfort Se
de la P.ochefoucault. Ce voyage
étoit de plus grande importance ,
qu'il ne lui parut alors j & je fuis
perfuadé , que l'envie feule d'aller à
Paris, Se d'y recevoir Papplaudifle-
ment général que méritoic le fuc-
cès d'un fi périlleux voyage , &
d'une Cl grande vidoire , lui fit ap-
prouver les raifons de Chavigni ,
qui defîroit en effet d'être appuyé
de la perfonne Se de l'autorité de
Monfieur le Prince , pour occuper
la place que le Cardinal de Rets
tenoit auprès de Moniîeur le Duc
d'Orléans. Il efpcroit , comme j'ai
déjà dit , fe rendre égalcm.ent cou-
N 5
it)4 Mémoires
fîdérable à ces deux Princes , cft
perfuadant à l*un de à l'autre , qu'il
ctoit le véritable fujetde leur unioiii
& de plus il croyoit que cette voye
•étoit la plus fecile pour réiiffir dans
ie projet qu'il avoit fait avec Fa-
bert. Il prefiTa donc Mr. le Prince
/de venir à Paris pour s'oppoier auï
efFoits que le Cardinal de Rets faii
jbit fur Tefprit de Monfieur , &c poUt
profiter de la bonne difpoiition du
J^arlement, qui avoit donné un Ar-
jêt, par lequel il mettoit à prix la
icte du Cardinal Mazarin. De quel-
que façon que Monfieur le PrincC
fut perfuadé des avis de Chavignyi
il ne laifiâ pas de les fuivre ; ilftit
reçu à Paris avec tant d'acclama-
tions & de témoignages de la joy^B
publique, qu'il ne crût pas avoit
lujet de fe repentir de fon vôyagél
Les cliofes demeurèrent quelque
temps en ces termes; mais comm«
l'armée manquoit de fourrage vers
D F. M. D. L. R. 25) >
^hâcillon ê-c ^iontargis, (Se qu'on
'oloÏ!: ni l'éloigner ni l'approcher
e Pai-is, on la fie marcher à Eftam-
es, où Ton crac qu'elle pouvoit
ijourner un temps conlid érable ,
\ ec sûreté dz abondance de toutes
hofes. Le Duc de Nemours n'étoin
■as encore guéri de fa blefiurc y.
3^-/qu'on vint donner avis au Prin-
^ de Condé, que quelques troupes
l.ù Roi commandées par le Comte
le ^iio(^ens & le Marquis de Saint
vleigrin , Lieutenants - Généraux,
narchoient de Saint Germain à
iaint Cloud avec deux canons, à
iefïein de chafler cent hommes du
régiment de Condé, qui s'étoienc
retranchés fur le pont, & en avoient
;ompu une arche. Cette nouvelle ht
iViffi-tot monter à cheval Monfieur
le Prince avec ce qu'il rencontra au-
près de lui 3 mais ce bruit s'étanç
répandu par la ville , tout ce qu'il
y avoit de perfonnes de qualité, le
•N 4
ic)6 Mémoires
vinrent trouver à Boulogne , Se fu-
rent fuivis de huit ou dix mille
Bourgeois en armes. Les troupes d\:
Roi fé contentèrent de tirer quel-
ques coups de canon , & fe retirè-
rent fans avoir eflayé de fe rendre
maîtres du pont *, mais le Prince de
Condé voulant profiter de la bon-
ne difpofition des Bourgeois , leùi
ayant donné des Officiers , les fii
marcher vers St. Denis , où il avoii
appris qu'il y avoit une garnifor
de deux cent Suifles ; les troupes y
arrivèrent à l'entrée de la nuit , &
ceux de dedans en ayant pris l'âî-
larme , la donnèrent promptemefe
aux aiTiégeans. Car , Monfieur le
Prince , étant au milieu de trois
cent chevaux compofés de tous les
braves ôc de tous les intrépides dç
fon parti , s'en vit abandonné (a) ,
dès qu'on eut tiré quelques moût
(a) Ante difcrimen féroces, in peri-
culo pavidi. H//?, i»
D E M. D. L. R. 2p7
quetades , ôc demeura lui fcptiéme.
' L( refte Te renverfa en défordre fur
ri::fancerie des Bourgeois , qui s'é-
bianla , &: qui eut fans doute fuivi
['exemp'e de la Noblelle , ii Mr. le
Prince , Se ce qui écoit demeuré au-
i près de lui , ne 1/eût arrêtée , ôc ne
'' l'eut faite entrer dans St. Denis par
ics vieilles brèches qui n^étoient
'poir.t défendues. Alors toutes ces
I perfonnes de condition , qui Pa-
voient abandonné , revinrent le
trouver , chacun alléguant une rai-
ton particulière pour excufer fa
fuite ( a ) 3 bien que la honte en
dût être commune. Les Suifîes vou-
lurent défendre quelques barrica-
des dans la ville ; mais étant prefTés
ils fe retirèrent dans l'Abbaye, où ils
fe rendirent deux heures après pri-
fonniers de gruerre. On ne fit au-
N s
fa) Diverfas fugac caufTas obtenden-
tes. JÏ7m. iç.^uiim quifque fÎ2gitium
aliis obje(ftanies. Hiji. i.
198 Mémoires
Gun Jefordres aux habitans , ni aux
Couvents , ÔL Mr. le Prince fe retir
la à Paris , laiflant Deflandes Capi+
taine de Condé avec deux ceot
hommes dans Saint Denis , qui fut
jepris dès le foir même par leS
troupes du Roi : mais Deflandes fs
retira dans TEglife, où il fe tint tro.ft
jours. Bien que cette adion - là iai4
fut confidérablc de foi par aucune
circonilance , elle ne lailTa pas dç
difpofer les Bourgeois en faveur dé
Mr. le Prince j ôc ils lui donnoienî
des louanges d'autant plus voloi>
tiers 5 que chacun le prenoit pou^
témoin de fon courage , &c du péril
qu'il croyoit avoir couru dans cec-i
te occafion. Cependant le Duc de
Rohan ôc Chavigny voulurent fuî*
vre leur premier delïein , ôc profir
ter d'une conjoncture fi favorable ,
pour faire des propoficions d'accom-
modement : ils croyoient , que là
Cour accompliroit de bo^ne foi ,
D E M. D. L. R. 299
:outes les chofes dont Fabert ne leur
ivoit fait des ouvertures , que pour
es engager avec le Cardinal , qui
e vouloit fervir d'eux pour entraî-
ler Mr. le Duc d'Orléans & Mr.
c Prince dans cet abîme de né^o-
nations , dont on n'a jamais vu le
^ond , & qui a toujours été fon fa-
bc 5 auffi-bien que la perte de (es
ennemis (aj. En efrer, dès que les
premiers jours de l'arrivée de Mr.
Ee Prince furent palTés , les intrigues
& les cabales fe renouvellerent de
tous cotés ; de foit qu'il fût îa{S
d'avoir foutenu une guerre fi péni-
ble 5 ou que le féjour de Paris lui
donnât l'envie & l'efpérance de la
paix 5 il quitta enfin pour un temps
toutes les autres penfées^ pour- cher^
cher les moyens de la faire auiïi
(apTènt^tis^'per'ciolloquium 8c pro^
niiila , poftquàm pax & concordiâ fpe-
ciolis & iiTuis nominicms .jaftata lunt ^
,con{ilia ciiraf^ue iiî bos virtit. Hijl. 2.-
300 Mémoires
avantagcufe qu'il l'avoir projcttée.
Mr. de Rohan ôc Chavigny lui en
donnèrent de grandes efpcrances^
pour Tobliger à fe repofer fur eux
du foin de cette négociation & à \q$
lailîèr aller feuls avec Goulas à Sr,
Germain chargés de fes intérêts &
de ceux de Mr. le Duc d'Orléan&
On propofa aufli d'y envoyer MK
de la Rochefoucaulc , & Monficat
le Prince le fouhaitoit pour beaui
coup de raifons; mais il s'excufa fm
l'opinion qu'il eut , ou que la pah
étoit déjà conclue entre Mr. & li
Cour par l'entremife fecrette dt
Chavigny fans la participation de
^Ir. le Prince; ou qu'elle ne fc con-
cluroit point alors , non feulement
parce que les prétentions de Mr. \t
Prince éroicnt trop grandes , mats
encore p?rce que le Duc de Rohan
& Chavigny vouloicnt aflurer les
leurs 3 par préférence à tout le refte.
Ainii le Duc de Rohan , Chavigny,
D E M. D. L. R. 3 CI
, k Goulas allèrent à Saint Germain
jivec charge exprellc de ne poinc
! 'oir le Cardinal Mazarin , & de ne
ien traiter avec lai. Les demandes
le Mr. confiftoient principalement
L l'éloignement du Cardinal j mais
relies de Mr. le Prince étoient plus
ftenduës , parce qu'ayant eng<^.gé
ians ion parti la ville Ôc le Parie-
nent de Bordeaux , & un grand
îombre de perfonnes de qualité ,11
avoir fait des traités particuliers
avec eux , où il s'engageoit de n^'en
Faire point avec la Cour , Tans y
comprendre leurs intérêts , en la
manière que je dirai ci-après. Per-
fonne ne doutoit du fiiccès du voya-
ge de ces Meilleurs ; il n'y avoir
pas auffi d'apparence , qu'un hom-
me h?=b le comme Chavigny con-
noi(Tàiit la Cour & le Cardinal Ma-
!zariîi par tant d^'expérienccs , fe fut
en^aiié à imt néi^ociation du poids
de celle-là , l'ayant ménagée trois
jûi Mémoires
mois 3 fans être afsLiré de l'événe-
menc. Cette opinion ne dura pas
long-temps, & l'on apprit par le rfi*
tour des Députés , que non feuk^
ment ils avoient traité avec le Car-
dinal Mazarin , contre les ordres
exprès qu'ils en avoient j mais mè.
me , qu'au lieu de demander poui
Mr. le Prince ce qui étoit porté dans
leur inftrudion , ils n'avoient iniifté
principalement , que fur PétabliflTe-
ment d'un Confeil néceflaire , pref.
que en la même forme de celui
que le feu Roi avoit ordonné en
mourant j moyennant quoi ils dé-
voient porter Mr. le Prince à con-
fentir , que le Cardinal Mazarin ,
fuivi de Chavigny , allât traiter la
Paix générale au lieu de Monsieur
le Prince ; ôc qu'il pût revenir en
France après la conclufîon. Comme
ces proportions étoient fort éloi-
gnées des intérêts de des fentimens
de Mr. le Prince , il les reçut aufTi
DE M. D. L. R. 305
vec aigreur contre Chavigny ^ de
éfplut de ne lui donner plus defor-
lais aucune connoillance de ce
u'il traiceroit fecretement avec la
]our. Pour cet effet , il chargea
iourville d'une inftrudion dreilée
n la préfence de la Ducheiïè de
]hâ,tilion, &c des Ducs de Nemours
c de la Rochefoucault, qui portoic
e qui s'enfuit.
.Le premier point étoit : » Qu'on
:-iie veut plus de négociation palïe
• aujourd'hui ; de qu'on veut une
■ réponfe pofitive fur tous les points,
•de ouï 5 ou de non , n'étant pas
' poffible de fe relâcher fur aucun.
• On veut agir fincerement , ôc par
> conféquent on ne veut promettre
y que ce qu'on veut exécuter '<, mais
?,aulïi l'on veut être affuré de ce
i^que la Cour promettra.
,,,v z°. On fouhaite que le Cardi-
i-âjHâl Mazarin forte préfentememt
y du Royaume, d<, qu'il aille à
> Bouillon :
304 Mémoires
" 5°. Q_ue le pouvoir foit donm
» à Monfieur 6c à Mr. le Prince d«
» faire la paix générale , & qu'ils ]
'^ puilTent travailler préfencementi
îj 4°. Qu'à cet effet on convien
>* ne de conditions jr.fl;es & raifo^
» nables, & que Mr. le Prince pu^(
» fc envoyer en Efpagne pour de
" meurcr d'accord du lieu de I;
" Conférence :
» 5°.QLi'on fa(ïe unConfcil com
« pofé de perfonnes non fufpedes
« dont on conviendra :
V 6°. Qu'on ote le Surintendanr
» Se qu'on régie les Finances par ui
>i bon Confeil :
" 7°. Qiie tous ceux qui ont fer-
5^ vi Monfieur 5 ou Mr. le Prince.
5^ foient rétablis dans leurs biens ;
yy ôc dans leurs Chargt:s , Gouverr
33 nernens , penfîon? ^ afïIgnarionSj
»& fcicnt rcafTîgnés' fur des )bc)n4
» fonds , &L Monfieur 6c Meffieurs
" les Princes auiïi ;
t E M. D. L. R. 30 j
>' S*=». Que Mr. le Duc d'Orléans
fera facisfaic fur les chofes qu'il
peut defuer pour lui , & pour les
amis :
" 9^. Qiie les troupes de les Of-
ficiers 5 qui ont fiiivi Meilleurs les
Princes , feront traités comme ils
éroicnt auparavant , Se auront les
mêmes ran^s qu'ils avoient.
» 10°. Qi-i'on odtroyera à Mei-
iîeurs de Bordeaux les chofes qu'ils
demandoienc avant cette guerre ^
ôc pour lefquelles ils avoient des
Députés à la Cour:
" 11^. Qii'on accordera quel-
• que décharge de Tailles dans la
» Guienne , dont on conviendra de
' bonne foi :
» 1 1**. Qii'on donnera à Mr. le
' Prince de Conti la permifîîon de
> traiter du Gouvernement de Pro-
» vence avec Mr. d'Angoulême , 6c
•> celle de lui donner la Champagne
»» en échange, ou de la vendre à qui
3C6 M E M O I R E s
» il voudra pour lui en donner l*ar-
» genr; & que pour le furplus , or
»> l'alTiftera d'une fomme d'argent
» dont on conviendra : /
»> 15°. Qu'on donnera à Mr. d<
» Nemours le Gouvernement d'Au-
« vergne :
" 14°. Qu'on donnera au Préfi-
» dent Viole la permifïîon de traite:
:j d'une charge de Préfident au Mor
î^ tier ou de Secrétaire - d'Etat j ■]&
» parole , que ce fera la première
» 3c une fomme d'argent dès cett(
» heure , pour lui en faciliter la ré-
" compenfe :
" 15°. Qix'on accordera à Mon-
i> fleur de la Rochefoucault le bre-
V vet qu'il demande , pareil à celu:
a de Meffieurs de Bouillon «Se d<
y> Gui mené , & le Gouvernemeni
w d'Angoumois de de Xaintongq.
» ou la fomme de fix- vingt milk
>f écus ; & la permiiïion de traitei
w dudit Gouvernement , ou de td
w autre qu'il voudra :
D E M. D. L. R. 307
'> 16°. Qu'on donnera au Prince
Tarente un brevet pour ion rang ,
Pareil à celui de Mr. de Bouillon;
::\: qu'on l'en mettra en polTeflionj
Se qu'on le dédommagera desper-
:es qu'il a fouifertes à la prife ôc
m raiement de Taillebourg , fui-
vant le mémoire qu'il en don-
nera :
" 17*^. Qu'on fera Mcfïieurs de
Marfin 6c du Doiçnon Maréchaux
de France :
» 18°. Qti'on donnera des Let*
très de Duc à Mr. de Montefpan :
» 19°. Qii'on rétablira Mr. de
Rohan dans Ton Gouvernement
d'Anjou & d'Angers, & qu'on lui*
donnera le pont de Ce avec le
leflcrt de Saumur :
îii> 20°. Qii'on donnera à Mr. de
k-Force le Gouvernement à Ber-
gerac de Sainte-Foi , ôc la furvi-
vance de MonHeur de Cafteinau ,
fon fils :
3o3 Mémoires
» ii°. Qu'on adarcia Monfîèui
tt le Marquis de Sillery , de le fan
" Chevalier de l'Ordre à la pr<
» miere promotion , & qu'on lui e
" donnera un brevcr, avec une foh
w me de cinquante niille ccus , poi
»^ acheter un Gouvernement : m(
>' yennant quoi l'on promet de p(
» fer les armes , & de confentir c
» bonne-foi à tous les avantages 'C
" Cardinal Mazarin , ôc à ion f(
»^ tour dans trois mois , ou dans
» temps que Mr. le Prince ayai
" ajufté les points de la paix gén»
» raie avec les Espagnols , fera fi
y le lieu de la Conférence avec 1(
» Miniftrcs d'Eipagne, ^ qu'il ai
" ra mandé , que la paix ePi prê^
'^ d^être fignée ; laquelle il ne iign(
" ra qu'après le retour du Cardin;
" Mazarin : mais que l'argent mer
" tionné par le traité , fera demi
»' avant fon recour, «
© E M. D, L. R. 505
Le Cardinal écouta les propoli-
ns de Gourville , ôc y parût très-
ile , foit <^u'il eue intention de les
:ordcr , ou qu'il voulût que les
Hcultés vinflcnt d'ailleurs ; mais
Duc de Bouillon qui craignoic
e la paix ne fe fît fans qu'il eut la
iché d'Àlbrec 5 qu'on devoit reti-
de Mr. le Prince , pour faire une
L'tie de la récompenfe de Sedan ,
: au Cardinal , que puifqu'il trou-
it jufte de faire des grâces à tous
amis de Mon (leur le Prince qui
Ment Tes ennemis jurés , il croyoic
l'il éîoit encore plus raifonnable
faire juftice à tous fes amis , qui
voient alTifté &: maintenu contre
ondeur le Prince : qu'il ne troii-
)it rien à redire à ce qu'on vouloir
ire pour les Ducs de Nemours dc
î la Rochefoucault , Marfin , & les
itres i mais qu'il. penfoit qu'ayant
1 intérêt au{ïi coniîdérable que la
uché d'Albret , on ne devoit rien
5 1 o Mémoires
conclure fans obliger Mr. le Prim
à le fatisfaire là-delfus. ^'
De quelque efprit que partiflè.
ces raifons du Duc de Bouilloî
elles empêchèrent le Cardinal i
paflèr outre , 8>c il renvoya Gou
ville vers Mr. le Prince pour lev
cette difficulté. Mais comme da
toutes les grandes affaires les reta
mens font d'ordinaire très-confid
râbles , ils le dévoient êcrc pan
culierement dans celle-ci qui étc
compofée non - feulement de ta
d'intérêts différens , & regardée p
tant de cabales oppofées qui la vo
loient rompre j mais qui par-defï
tout cela étoit conduite par le Prî:
ce de Condé d'une part , &: par
Cardinal Mazarin de l'autre , le
quels pour avoir plu (leurs qualit
directement contraires (a) , ne lai
(a) Neque rpeiaflc corrnpciflîmo f
•culo taiitain nioderationcm reor ; uc q
pacem bel!;' .imerc turbavcrant beilii
D E M. D. L. R. 51Ï
ient pas de convenir en pluiîeurs
lofesj &c parriculierement à traiter
uces ioncs d'affaires fans y avoir
î prétentions limitées-, ce qui fait
XQ iorfqu'on leur accorde ce qu-iis
^mandent , ils croyent toujours en
>uvoir obtenir davantage (a) ôc fe
:rfuadent tellement que tout eft
i à leur bonne fortune , que la ba-
uce ne peut jamais être allez égale
itr'eux 3 ni demeurer a{îez long-
mps en cet état-là, pour leur don-
jr loiiir de réfoudre un traité &c de
conclure. D'autres obftacles fe
■ignirent encore à ceux-ci : l'inte-
t du Cardinal de Rets étoit d'em-
ècher la paix , parce qu'étant faite
.ns fa participation j 6^ MonHeur le
!!cis caritate dcponerent, neque ( homî-
;s } nioribus duTonos in hune confen-
im pocuiiïe coalefcere. H.'j'?. 2.
(a) Milita concedcndo nihil aliud ef-
ciuir , quàm ut acrins ^alia ) expofcan-
ir. H//?. ;4-
jii Mémoires
Duc d'Orléans & Moiifieurle Prir
ce étant unis avec la Our > il de
ineuroit expofé &i fans procedior
d'ailleurs Châvigni cnfuite du mai
vais fuccès de fa négociation, écai
piqué contre la Cour , Se conti
Mr. le Prince , aimoit mieux qi
h paix fe rompît, que de la yp
faire par d'autres voyes que .
iîenne(a).
Je ne puis dire fi cette conform
té d'intérêts , qui fe rencontra alo
entre le Cardinal de Rets 6c Ch;
vigni , les fit agir de concert poi
empêcher le traité de Monfieur
Prince : ou ii l'un des deux fit ag
îvlr. le Duc d'Orléans ; mais j'ai fc,
depuis par une perfonnc que je do
croire , que , dans le temps qi
Gourville étoit à Sainr Germair
Monfieur manda au Cardinal Me
zâdj
(a) Bonum publicum privatis fimu
taùbus impediçbat. ^rm. 14.
© E M. D. L. R. 51^
arin par le Duc d'Anville qu'il ne
onclût rien avec Mr. le Prince ;
u'il vouloir feul avoir le mérite
e la paix envers la Cour j qu'il
coit prêt d'aller trouver le Roi ôc
e donner par-là un exemple , qui
Toit fuivi du peuple & du Parle-
lent de Paris. Il y avoit apparence,
u'une propofition comme celle-là
•roit écoutée préférablement à tou-
•s les autres j & en effet , foit par
die que j'ai déjà dite de la manierez
î l'efprit de Mr. le Prince ôc du
ardinal Mazarin , ou foit, comme
l'ai toujours crû , que le Cardinal
a jamais voulu la paix , de qu'il
îft feulement {èrvi des négocia-
Dns , comme d un piege ou il pon-
dit furprendre les ennemis ( a ) > .
ifin les chofcs furent fi brouillées
fi éloigîiées en peu de temps ,
le le Duc de la Rochefoucault ne
(a) Simulationem prorfus faiffe , ad
cipiendos tôt illuftres viros. Hi/i. 3.
Tome II. O
3,1.4 Me MO I R E s
voulut rplus; <|ne fès gens eurent
p,ait à des négociations qui ruï-
noient fon parti , ôc chargea Gour-
vili.e de tirer une réponfe pcfitive
du Cardinal , la féconde fois qu'il
alla à Saint Germain avec ordre de
11 Y plus retourner.
Cependant, outre que l'efprit du
Prince de Condé n'ëtoit pas tou-
jours de foi-même conftam.meni
arrêté à vouloir la paix , il étoii
combattu fans celle par les di ver:
intcrèts de ceux qui l'en vouloien
détourner. Les ennemis du Cardî
nal Mazarin ne fc croyoient p^â;
vengés , s*il demeuroit en France
Se le Cardinal de Rets jugeoit bien*
que raccommodement de Mr. l
l?rince lui ôtcit tout, fbn crédit , 5
l'cxpofoit à fes ennemis ; au lies
que la guerre ne pcuvoit durer fan
perdre Mr. le Prince, ou éloigner!
Cardinal Mazarin : 6c qu'ainfi d(
meurant feul auprès de Monfieur I
D E M. D. L. R. jijr
Duc d'Oirléans , il pouvoir Ce ren-
dre confîdérable à la Cour , pour eiî
:hei- fes avantages. D'autre part les-
Eipagnols offioient au Prince tout
:e qui étoic le plus capable de le
:enter , ôc mettoient tout en u[àge ,.
pour faire durer la guerre civile f^
"es plus proches parens , fes amis ,
Se fes domeftiques mêmes appu-
pienc ce fentimenc par leur intérêt
particulier : enfin, tout étoit partage
m cabales pour faire la paix , oa
pour continuer la guerre.
Tout ce qu'il y a de plus rafiné
3c de plus férieux dans la politique,
étoic expofé aux yeux de Monfieur
.e Prince , pour l'obliger à prendre
m de ces deux partis , lorfque Ma-
dame de Châcillon lui fit naître le
iehr de la paix par des m.oyens plus
agréables : elle crût qu'un fi grand
3ien devoir être l'ouvrage de fa
beauté ', 5c mêlant de l'ambition
fivec le defTein de faire une nouvelle
O 1
^i6 Mémoires
conquête , elle voulut en même
temps triompher du cœur de Mr.
le Prince , &c tirer de la Cour tous
les avantages de la négociation. '
Ces raifons-là ne furent pas les
feules , qui lui donnèrent ces pen-
féésj il y ayoit un intérêt de vanité.
^ de vangeance qui y eut autâiïc'
de part que le refte ; l'émulation ^
que la beauté ôc la galanterie pro-*^
duifent fouvent parmi les Dames i
avoit caufé une aic^reur extrême
entre Madame de Longucville S^
Madame de Châtillon (a) : elles
avoient long-temps caché leurs Cen»
iirAiiis 'y;tn2Lls enfin ils parurent avéi)
écïât'de'part & d'autre : 3z Madame
de Châtillon ne borna pas feulement
^Ifà) Miiîïèbri xmulatione, jl^jn. i. Kec
forma , œtas , opes , miilnim diftabartg?
^ uîraque impudica, infamis , vioIenta|
vitiis a'inulabantur. Certamcn acej^w
mum utra apiid princip»ejn pr^valerec.
Ann: ti.
D E M. D. L. R. 317
ia viâ;oire à obliger Monlieur de
Nemours de rompre , par des cir-
conftances très-piquantes ôc très-
publiques 3 tout le commerce quil
avoit avec Madame de Longueville :
elle voulut encore lui ôter la con-
noiflance des affaires , &c diipofer
feule de la conduite ôc des intérêts
de Monfieur le Prince. Le Duc de
Nemours 5 qui avoit beaucoup d^en-
gagem.ent avec elle , approuva ce
deiïtin , &c crût que pouvant régler
la conduite de Madam.e de Châtil-
lon envers Moniîeur le Prince , elle
lui infpireroit les fentimens qu'il
lui voudroit donner ; & qu'ainfi il
difpoferoit de l'efprit de Moniieur
le Prince par le pouvoir qu'il avoic
fur celui de Madame de Châtillon.
Le Duc de la Rochefoucault de fon
côté avoit alors plus de part que
perfonne à la confiance de Mr. le
Prince , & fe trou voit en même
temps dans une liaifon très-étroicc
O 3
3li) Ml MOIRES
avec le Duc d-e Nemours & Madar
me de Chacillon : il connoiiToit l'ir-
léfoluxion de Mr. le Prince pour
la paix ; de craignant ce qui eft ar-
rivé depuis 5 que la cabale des Ef*
pagnols Se celle de Madame d*
Longueville ne fe joignirent en*
fembie , pour éloigner Moniicur le
Prir.ce de Paris , où il pouvoir trai-
ter tous les jours fans leur partici-
pacion , il crût que le dell'cin dç
Madame de Châtillon pouvoit le#
ver tous les obftacles de la paix ; ôi
dans cette penfée il porta Monfieuè
le Prince à s'encracrer avec elle , èc
à lui donner Merlou en propre. U
la difpofa auiTi à ménager Monlieur
k Prince , ccMr. de Nemours , en
forte qu*elle .les confervât tous deu:^
ôc ht approuver à Monfieur de Ne*
meurs cette liai Ton , qui ne lui de*
Toit( pas' être fufpe^te , puifqu'oil
vouloir- lui en rendre compte, 5c
ne s'en fervir , que pour lui donnet
D E M. D. L. R. 319
!a pinicipale part aux affaires. Cet re
: machine étant, conduite .& réglée
;par le Duc de la Rochefoucrtulc ,
lui donnoic la difpoiidon prefque
entière de tout ce qui lacomporoit;
de ainfi ces quatre perfonnes y trou-
I vaut également leur avantage, elle
|eût eu fans doute à la. fin le luccès
qu'il s'étoit proporé,ri la fortune
ne s'y fiic oppoféc par tant d'acci-
qu'on ne peut éviter (a)
Cependant, Madame de Chatil-
lon voulut paroître à la Cour avec
l'éclat que fon nouveau crédit lût
dey oit donner : elle y alla avec un
pouvoir fi général de difpofer des
intérêts de Mr. le Prince , qu'on le
prît plutôt pour un effet de fa corn-
plailance envers elle, ôc pour une
O 4
:?( a ) Le fiicch des affaires , dit Seneque ,
■n'ejlpas de Lt juvifâiciion du fage. Car fé-
lon Vaterrule , la fortune a plus de force
-que les confeih. Pra'valent fatàconfifiis.
Bifi.i. y- - - '^
^nvfeid^ flater fa vanité, que pour
tûiie interttion vérkable de faire un
'âccommodcmcnr. Elle revint à F%-
î^s --avec'' de grandes efpérûnces(;
lïiais le Cardinal tira des avantagés
folides de cette négociation (a) : il
"gagnoic du temps, il augmentoit
-lies foiipçons des cabales oppofées,
'4c amufoit Mr. le Prince à Paris
&US l^efpérance d'un traité , pen-
dant qu'on lui ôtoit la Guienne ,
<ju'on lui prenoit fes Places , di
que l'armée du Roi commandée
par les Maréchaux de Turenne ôc
d'Hoquincourt , tenoit la Campai-
gne 6c que la lienne étoit retirée
dans Eftampes. Elle ne pût même y
demeurer long-temps fans recevoir
une perte conlidérable : ce fut que
le Maréchal de Turenne ayant avis,
que Mademoifelle partant par Ef-
tarftpes avoit voulu voir l'armée «n
(a) Qui rej[embloii h cdh de la foula
■*vic U renard.
DE M. D. L. R. 311
bataille , fît marcher Tes troupes > «3c
arriva au Fauxbourg d'Eftampes ,
devant que celles de l'armée , qui
y étoieiu logées fuflent. en état de
défendre leur quartier : il fut forcée
de pillé ; 8c les Maréchaux de Tu-
xenne ôc d'Hoquincourt fe retire»
rent au leur , après avoir tué mille
ou douze cent hommes des meil-
leures troupes de Mr. le Prince , de
emmené pluiîeurs prifonniers.
Ce fuccès augmenta les efpéran-
ces de la Cour , & fit naître le deC-
fein d'afliéger Eftampes avec toute
Tarmée , qui étoit dedans. Quelque
difficile que parût cette entreprife:,
iliéanmcins elle fut reiblue fous Tef-
I pérance de trouver des troupes
I étonnées &c des Chefs divifés ; une
i Place ouverte en plufleurs eedioits :,
fort mal munie , "5^ hors d'état de
' pouvoir être fecouruc , que par Mr*
: de Lorraine , avec qui la Cour cro-
' yoit avoir traité.Par-deffusxout cela
; " O 5
3i>. M E^M b I R E S
on confidéra , à mon avis encore
înoins l'événement du fi'ége, que
la réputation , qu'Hun fi grand def-
iein devoir donner aux armes àt
Roi ', car bien que l'on continuât de
négocier avec emprcllèment , &
<[uc Monfieur le Prince eût alors un
extrême delir de la paix , on ne la
pouvoir pas toutefois raifonnabljSi-
ment attendre , jufqu'à ce que fe
fuccès d'Eftampes en eût réglé les
propoiîtions.
Cependant , les partifans de la
Cour fe fervoient de cette conjonc-
ture pour gagner le peuple , & pour
iairc des cabales dans le Parlement ;
^ bien que Mr. le Duc d'Orléaiis
parût alors très- uni avec Monfieut
ie Prince , il avoir néanmoins tous
les jours conférence particulière
avec le Cardinal de Rets , qui s'at-
rachoit principalement à détruire
coûtes les réfoiutions , que Mr. le
Prince lui farfoîr prendre. Le fiége
DE M. D. L. R. 525
d'Eftampes concinuoit toujours ^ 6c
quoique- les progrès de l'armée du
Roi ne fuflent pas confldérables ,
néanmoins les bruits qui fe rcpavi-
doient dans le Royaume lui étoicBC
avantageux , ôc Paris attendoic le
fecours de Mr. de Lorraine comme
le falut du parti. Il y arriva enfin
après tant de remiles > & après avoir
donné beaucoup de foupçon de Ton
accommiodemcnt avec le P.oi (a) ;
'toutefois faprefence difïîpa pour un
temps cette opinion , & on le reçâc
-avec une. Joye extrême. Ses troupes
-campèrent près de Paris , & l'on en
Touffrit les défordtes' faiis fe plai^-
àrCé ' ■.' • > ^* ' - - - ' / -^
û; D'abord il y eut quelque froideàr
centre Monfieur le Prince & lui pour
O 6
., (>i) iS'ec uefucre , qui cunlrTuïpicrdrifi-
bus- argnei-entaanqucim dolocun&ûh-
*rem , poil fecretas epiilôlns , «^iii'pus pire-
tiuni proditionis offerebantur. Hi^. 3.
'314 Mémoires
le rang j mais voyant que Monfieur
le Prince tenoit ferme, il fe relâcha
ide Ces prétentions d'autant plus fa-
cilement j qu'il n'avoit fait ces diffi-
cultés > que pour avoir le temps de
faire un traité fecret avec la Cour,
pour lever le (lége d'Eftampes fans
^hazarder un combat. Néanmoins.,
^comme l?on n'eft jamais û aifé à
être furpris , que quand on fonge
^trop à tromper les autres y il arriva
]<jue Monlieur de Lorraine , cro-
yant rencontrer tous fes avantages
Ôc toutes fes fûrerés , dans les né-
gociations continuelles , qu'il fav-
fqi.t avec la Cour avec beaucoup
(de mauvaife foi, vit tout d'un coup
iparcher Monfieur de -Turenne à lui
avec toute l'armée , qui lui manda
die décamper à Theure même , &
âei s'çï\ ^retourner en Flandre. Les
troupes de Mr. de Lorraine n'é-
tpient pas inférieures à celles du Roî,
& un hommes qui n'eue evi foin que
DE M, D. L. R. 31J
de fa réputation , eût pu raifonna-
blenient hazarder un combat. -Mais
quelles que fuflent les raifons du
Duc de Lorraine , elles lui firent
préférer le parti de fe retirer avec
honre , Se de fubir ainfi ce que Mr.
de Turenne lui voulut impofer. Il
ne dit rien de tout ce qui fe palToit
fïii' à Monfieur, ni à Monfieur le
Prince , & le premier avis qu'ils en
eurent , fut que leurs troupes étoient
forties d'Efbampes , que 1 armée du
Roi s'en étoit éloignée , & que Mr.
de Lorraine fe retiroit en Flandres ,
prétendant avoir pleinement fatis-
fait aux ordres des Efpagnols , ôc à
la parole qu'il a voit donnée à Mr.
Cette nouvelle furprit tout le mon-
de 5 6c fit prendre réfolution à Mr.
le Prince d'aller joindre Tes troupes,
craignant que celles du Roi ne les
chargeaiTènt en chemin. Il fortit de
Paris avec douze ou quinze che-
vaux 5 ôc s'expofant à être rencori-
^iC Mémoires
tré par les partis ennemis , il joignit
fon armée , ôc la mena loger vers;
Ville-juive : elle pafla cnfuice à St«
Cloud , où elle fît un long fcjouîr.ç
pendant lequel non - feulement la
•moi (Ton fut perdue ; mais prcfque
toutes les maiions de la campagne
furent brûlées. Ce qui commença
l'aigreur des Parifiens, dont 3.1r. le
Prince fut prêt de recevoir de fir-
neftes marques à la jpa^iiée de Saint
JVntoine. ; " ''^v
Cependant , Gaucourt avoit des
conférences fecretes avec le Cardi-
liai 5 qui lui témioignoit toujours de
defner la paix avec empreflèmenfjj
il éroit convenu des princi',>alcs co^
dirions ; mais plus il irtfiftoit fur léj^
moindres , & plus on de voit croire
qu'il ne vouloit pas traiter. Ces i%
certitudes donnoicnt de riotivell
forces à toutes les coh^lts y dcâ'0^
vrâifemblance à tous les divcifc
bruits qu'on vouloir ferûer. Jamais
D E M. D. L. R. 317
Paris n^a été plus agité , ôc jamais
refprit de Mr. le Prince n'a été plus
partagé pour fe réfoudre à la paix
où à la guerre. Les Efpagnols le
vouloient éloigner de Paris pour
empêcher la paix , ôc les amis de
Madame de Longueville contri-
buoienc à ce deflein pour l'éloigner
aufïi de Madame de Châtillon.
D'ailleurs Mademoifelle avoit en-
femble le même but que les Efpa-
gnols ôc Madame de Longueville ;
car d^un côté elle vouloit la guerre,
pour fe venger de la Reine de du
Cardinal , qui empêchoient qu'elle
n'épousât le Roi j 3c de l'autre elle
vouloit ôter Monfieur le Prince à
Madame de Châtillon, & avoir plus
de part à fa confiance & à fon efti-
me : & même pour le gagner par
«ce qui lui étoit de plus fendble j
elle leva des troupes en fon nom'^
& lui promit de fournir de l'argent
pour en lever d'autres.
3i8 Mémoires
Ces promefTes jointes à celles
des Efpagnols, oc aux artifices de$
amis de Madame de Longueville.j
oterent de l'efprit de Monfieur^le
Prince les pcnfées qu'il avoit euas
pour la paix. Ce qui, à mon avis ,
Yen éloigna encore plus, fut non
feulement le peu de confiance , qu'il
crût pouvoir prendre défoimais en
la Cour 5 mais ce qui fera ditHcik
à croire d'une perfonne de fa qua-
lité ôc de fon mérite, fut une envie
démefurée d'imiter Monl-eur dc
Lorraine en plufieurs chofcs , ^
particuliercmiCnt en la manière -de
traiter fes troupes ôc Ces. Qfticiers,;
& il fe perfuada que fi Mr. de Lott
raine dépouillé dc fes Etats, ^
avec de bien moindres avantag<3^
que les ficns, s'était rendu fit coniii
dérable par fon armée Ôc par fon a i>f
gent, qu'ayant des qualirésinfitîif.
ment àu-dcnùs de lui , il fcioit.dfl»
progrès à. propoitio» ,. 42c, .cepqii4^n
» i M. D. L. R. 329
leneroic , pour y parvenir , une vie
ntieremenr conforme! Là>;£qn hu-
leur. -' -'-.xA'.U.. ';]:,
C'eft 5 à ce qiv^on a^ cru , Ite véri ta-
ie motif 5 qui a entraîné Monileur
; Prince avec les Efpagnois , <3c
our lequel il a renoncé à tout ce
ue fa naii|knc€ & its fervices lui
voient acquis dans le Royaume. Il
achà iTeanmoins ce fentiment au-
ant qu'il lui Rit poffible, & fit pa-
oicre le même delir pour la paix ,
aquelle on traicoit toujours inutile-
ment. La Cour éroit alors à Saint
^enis 5 & le Maréchal de la Ferté
;voit joint Parmée du Roi avec les
roupes qu'il avoit amenées de
jorraine. Celle de Monileur le
^rince plus foible que le moindre
le ces deux corps, qui lui étoient
)pporésj avoit tenu jufques- là le
>otk de Saint Cloud , afin de fe Ter-
nir du Pont, pour éviter un combat
Jiégal> mais Parrivée du Maréchal
350 Mémoires
de la Ferté donna moyen aux trou
pes du Roi de fe féparer , & d'attî >
qiier Saint Cloud par les deux ce
tez, en faifant un Pont de bateau
vers Saint Denis ; Se fit réfoudi
Monfieur le Prince à partit de Saii
Cloud, dans le delïèin de ira^nt
CD
Chaienton , ôc de fe pofter dai
cette langue de terre , t^vii fait ]
jondion de la rivière de Marne
avec la Seine. Il eût pris fans doui
un autre parti , s'il eut eu la libeii
de choifir , & il eut été bien suri
plus facile , de laiilèr la rivière d
Seine à la main gauche , 6c d'alh
par Meudon ôc par Vaugirard , 1
pofter tous le Fauxbourg Sait
Germain , où peut-être on ne l'ei
pas attaqué , de peur d'engager pa
là les Pariliens à le défendre.. Khi
Mr. le Duc .d'Orléans n'y voulu
jamais conkntir , par la craint
qu'on lui donna , non feulemeii
de l'événement d'un combat , qu'i
D E M. D. L. R. 331
e avoit voir des fenêrres du Luxem-
turg, mais aufïi parce qu'on lui
li croire , que Partillerie du Roi y
(oit de continuelles décharges
f ur l'en chafTer. De forte que par
ipinion d'un péril imaginaire ,
1:. le Duc d'Orléans expofa ainfi
vie &c la fortune de Mr. le Prince
f un des grands dangers qu'il ait
j nais courus. Il lit donc marcher
; troupes à l'entrée de la nuit le
emier de Juillet 1651 , ôc cro-
.nt arriver à Charentcn avant que
5 ennemis le pu(îènt joindre , il
pafîèr fes troupes par le Cours de
Reine Mère , ôc par le dehors de
ville 5 depuis la porte Saint Ho-
Dré jufqu'à celle de Saint Antoine^
Dur prendre de - là le chemin de
harenton.
Il voulut éviter de demander
aflage dans Paris, craignant de ne
: pas obtenir , & qu'un refus dans
n temps comme celui-là ne fis
532. Mémoires
paroître le mauvais état de Tes z
faires. Il craignoit aufTi , que Pay^ ,
obtenu , Tes troupes ne le cliflîpj 1
fent dans la ville , & qu'il ne fut pi
en Ton pouvoir de les en faire forii
quand il en auroit befoin. La Coi
fut aufïi-tôc avertie de fa marchi
5c le Maréchal de Turenne paitiç
riieure même avec ce qu'il avoit (
troupes , pour joindre celles de M
le Prince , & pour les arrêter ju
qu'à ce que le Maréchal de la Fert
qui fuivoit avec les fiennes , ei\t
temps d'arriver. Cependant on 1
aller le Roi à Charonne , afin qi
de ce lieu-là, comme de deffiis ju
théâtre il fôt témoin d'une aâ:ion
qui félon les apparances devoit êti
la perte inévitable de Monlieur 1
Prince, <5c la fin de la guerre civile
mais qui fut en eifet une des plu
périlleufes occa/ions qu'on ait vue
dans la guerre , & celle où les gran
des qualités de Monfieur le Princ
DE M. D. L. R. 5 55
ûrent le plus avantageufemenr.
fortune même fembla fe recon-
er avec lui en cette occafion , ôc
dut avoir part à un fuccès , donc
i &c l'autre parti ont donné la
ire à fa valeur ^ de à. fa. conduite :
il fut attaqué précifémenc dans
:emps , auquel il fe pût fcrvir
recranchemens que les Bour-
•is du Fauxbourg Saint Antoine
âent fait , pour fe garantir d'être
es des troupes de Monfîeur de
Taine 5 ôc il n'y avoit que ce lieu
is toute la marche qu'il vouloic
e qui flic retranché , (Se où il pue
npêcher d'être entièrement dé-
i quelques efcadrons même de
. arrière - garde furent chargés
is le Fauxbourg Saint Martin par
; gens 5 que le Maréchal de Tu-
LÙe avoit décachés pour l'amufer;
fe retirèrent en defordre dans le
ranchement du Fauxbourg Saine
.toine où il s'ccoic mis en bataille.
3 54 Mémoires
■ H n'eût que le temps qui lui éïpJ
néceiïàire pour cela , ôc pour garti
d'infanterie 3c de cavalerie tou^l
poftes, par lefquels il pouvoit &
attaqué j il fut contraint de meilt
le bagage de l'armée, fur le bord c
foffe de Saint Antoine, parce qù'c
avoit refufé de le lai (Ter entrer
Paris. On avoit même pillé qUe
ques chariots, & les partifans de
Cour avoient ménagé , qu'on y ve
roit l'événement de cette affai
comme d'un lieu neutre.
Le Prince de Condé conferva a'
près de lui ce qui s'y trouva dei
domelliques, ou de perfonnes ')
qualité , qui n'avoient point (
commandement , qui étoient i
nombre de trente 6u quarante :
Maréchal de Turenne difpofa f
attaques avec toute la diligence
la confiance , que peut avoir i
homme qui fe croit afTuré de la vi
toire. Mais comme fes gens dét
D E M. D. L. R. 3 3X
j es furent à trente pas du rctranche-
( ;nt 5 Mr. le Prince forcit avec l'ef-
I iron que j'ai dit , & ie mêlant
I pée à la main défit entièrement le
I [aillon 5 qui écoit commandé, prit
s Officiers prifonniers , emporta
drapeaux de fe retira dans Ton
ranchement.
D'un autre côté , le Marquis de
int Mefgrin attaqua le pofte qui
Dit défendu par le Comte de Ta-
nes Lieutenant-Général & Lan-
ais Maréchal de Camp : la re-
lance y fut fi grande que le Mar-
lis de Saint Mefgrin , voyant que
n infanterie moUlloit, emporté de
laleur &c de colère , avança avec
Compagnie des Chevaux-legers
\ Roi dans une rue étroite, fermée
une barricade , où il fut tué avec
Marquis de Nantouillet, le Foui!-
ux & quelques autres. Mancini
?veu du Cardinal Mazarin , y fut
effé 6-: en mourut quelque temps
nés. ^
53^ Mémoires
jL'on continuoit les attaques à
toutes parts avec une extrême vi-
gueur , de le Prince de Condé char
géa une féconde fois les ennemî
avec le même fuccès que la premie
re 5 il fe trouvoit par tout dans i<
milieu du feu & du combat, & don
noit les ordres avec une netteté d'tl
prit 5 qui eft fî rare Se Ci néceflàir
dans ces lieux-là. Enfin les trou
pcs du Roi avoient forcé la demie
re barricade de la rue du Cours , qu
va au bois de Vincennes , ôc elle
étoient entrées en bataille jurqul
la Halle du Fauxbourg St. x4.ntoine
lorfque le Prince de Condé y ac-
courut , les chargea , & taillant er
pièces tout ce qu'il rencontra , re-
gagna ce pofte (a) , &c en chalT.
le
(il) Gcrialis turbklis rébus inti;epîdust
& fngientes manu retraliens , promptus
intér tela , felici tementât'e , recuperâ-
tum pontem le6la manu iîrmavit. Hrfl. 4.
D 1 M. D. L. R. 337
es ennemis. Ils étoient néanmoins
naîtres d'une féconde barricade,
[ui étoit dans la rue qui va à Cha-
anton , laquelle étant quarante pas
u-delà d'une fort grande Place,
[ui eft fur cette même rue , le Mar-
dis de Noâilles s'en étoit renda
aaître j Se pour la mieux garder il
voit fait percer les maifons , & mis
les moufquetaires dans toutes cel-
és de la rue , pardevanc lefquelles
l falloir pafler , pour arriver à la
>arricade. Le Prince de Condé
.voit deffein de les déloger avec
le Tinfanterie , & de faire percer
l'autres maifons , pour les chafïèc
>ar un plus grand feu , comme c'é-
oit en effet le parti qu'on dévoie
)rendre : mais le Duc de Beauforc
a) 5 qui ne s'étoit pas rencontré au-
)rès de Mr. le Prince au commen-
:emcnt de l'attaque , & qui fentic
(a) Profperis lebus anxius quod de-
uifîct. Hiji. 3.
Tmc II. P
558 Mémoires
quelque dépit de ce que le Du<
de Nemours y avoic toujours été
prefla Mr. le Prince de faire atta
quer cette barricade par de Pinfan
terie déjà lalTée & rebutée , laquell
au lieu d'aller aux ennemis, fe m:
en haye contre les maifons , ôc n
voulut pas avancer.
Dans ce temps -là un efcadro-
des troupes de Flandre avoit éi
pofté dans une rue , qui aboutillo
à un coin de la place du côté d<
ennemis , Se ne pouvant demeur<
davantage de peur d'être couj
quand on auroit gagné les maifoi
proches de lui , revint dans la pi;
ce ; le Duc de Beau fort croyant qi
c'étoient les ennemis , propofa ai
Ducs de la Rochefoucault , Se c
Nemours qui arrivèrent en ce lie»
là 5 de les aller charger , <Sc toi
trois étant fuivis de ce qu'il y avo
de gens de qualité Se de voloi
taircs , on pouflà à eux , <Sc c
D E M. D. L. R. 5 5^
î'expofa ainfî inutilement à tout le
Feu de la barricade , ôc des maifons
le la place j car en abordant ils fc
reconnurent pour être d'un même
5arti ; mais voyant en même temps
pelque étonnement parmi ceux
pi défendoient la barricade , les
3ucs de Nemours , de Beaufort ,
le la Rochefoucault , Se le Prince
le Marfillac , y pouflerent & la
îrent quitter aux ennemis. Ils mi-
rent pied à terre , ôc la gardèrent
îux fculs fans que l'infanterie , qui
;toit commandée voulût les foù-
;enir.
Le Prince de Condé ût ferme
lans la rue avec ce qui s'étoit rallié
luprès de lui de ceux qui les avoient
lu vis. Cependant les ennemis qui
enoient toutes les maifons de !a
•uë , voyant la barricade gardée pat
quatre hommes feulement , l'euf^
ent fans doute, reprife fi l'efcadr. n
lu Prince de Condé ne les en eut
P 1
J40 Me Mb i R E s
empêchés ; mais n'y ayant point
d'infanterie , qui les empêcliat de
tirer par les fenêtres, ils recom-
mencèrent à faire feu de tous côcést
& voy oient en renvers depuis le?
pieds jufqu'a la tête ceux qui te-
noient la barricade (a). Le Duc d(
Nemours eut treize -coups fur lu
dans fes armes ; le Duc de la Ro-
chefoucault y reçût auiïî une mouf
quetade , qui lui perça le vifag<
au-deflus des yeux , ôc lui faifant l
l'inftant perdre la vue ( b ) oblige:
le Duc de Beaufort &: le Prince di
(a) Romani confpicuam bnrbatorun
aciem , & fi quis audacia , aut infîgni-
bus ctfulgcns , ad ii^tum deflinabant
Hijl. 4.
( b ) Ah ftijet de cet accident , il fit gtM>
•ver un portrait de Madame de Longuevili
Mvec ces dsux vers au bas,
, Faifant la guerre au Roi , j'ai perdi
' ' les deux yeux.
Mais pour un tel objet , je Teufle foi
aux Dieiu.
D I M. D. L. R. 341
^arfiUac à fe retirer avec fes deux
►lefîes. On les pourfuivic j mais le
'rince de Condé avança pour les
légager , &c leur donna le temps de
lonter à cheval j de forte qu'ils
aiflerent aufli aux troupes du Roi
2 pofte qu'ils venoient de leur fai-
e quitter. Prefque tous ceux qui
voient été avec eux dans la pla-
4 , furent tués ou bleflés ; on y
•erdit entr'autres les Marquis de
lamarin Se de la Rocheguiffart , le
[Jomte de Cadres , le Comte de
iolTu, Desfourneaux , la Marciniere,
1 Motte-Guyonne , Bercenes Capi-
aîne des Gardes du Duc de la Ro-
hefoucault , de l'Huillere qui étoic
ufTi à lui , 8<: beaucoup d'autres ,
.ont on ne peut mettre ici les noms :
nfin le nombre des morts ou bleflés
ut il grand de part & d'autre , qu'il
bmbloit 5 que chaque parti fongeât
•iucot à réparer fes pertes qu'à atta*
[uer fes ennemis,
p }
34i Mémoires
Cette forte de trêve étoit néan-
moins plus avantageufe aux troupe:
du Roi 5 rebutées de tant d'atta-
ques 5 où elles avoient été battue:
ëc repouffées ; car durant ce temps-
là le Maréchal de la Ferté avoi
marché en diligence , & il fe pré
paroit à faire un nouvel effort ave-
fon armée fraîche de entière , lorf
que les Parifiens , qui jufques - 1;
avoient été fpedateurs d'une Ci gran
de action , fe déclarèrent en faveu
<le Monfieur le Prince. Ils avoien
été 11 prévenus des artifices de 1
Cour 5 ôc de ceux du Cardinal d
Rets 5 5c on leur avoit tellemer
pcrfuadé , que la Paix particulier
de Monfieur le Prince écoit fait
fans y comprendre leurs inteiêts
qu'ils avoient confideré le com
mencement de cette adion comm
une Comédie , qui fe jouoit d
concert avec le Cardinal Mazarii
Monfieur le Duc d'Orléans les cor
D E M. D. L. R. 345
irma même dans cette penfée , en
le donnant aucun ordre dans la
/"ille 5 pour fecourir Monfîtur le
'rince. Le Cardinal de Rets étoic
uprès de lui , qui augmentoit en-
ore le trouble de Hrréfolution de
on efprit , en formant des difiicul-
és fur tout ce qu'il vouloic cncrc-
>rendre.
D'autre part , la porte St. Antoine
'toit gardée par une Colonelle dfe
bourgeois , dont les Officiers qui
itoient gagnés de la Cour j empê*
:hoient prefque également de fortir
le la ville Ôc d'y entrer. Enfin tout
toit mal dirpoie pour y recevoit
vlonfieur le Prince & fes troupes,
orfque Mademoifelle faifant un
:fïort fur Pefpric de fon pcre , le tira
le la létargie , où le tenoit le Car-
iinal de Rets -, elle alla porter Tes
>rdrcs à la Maifon de Ville pour
aire prendre les armes aux Bour-
geois -, en même temps elle com-
P 4
344 Mémoires
-rnanda au Gouverneur de la Baftillc
''^- de faire tirer le canon fur les trôù.
pes du Roi , & revenant à la port<
Saint Antoine , elle difpofa non-
feulement tous les Bourgeois à re^
cevoir Mr. le Prince & fon arméi
mais même à fortir & efcarmoù-
cher pendant que fes troupes entre
roient. Ce qui acheva encore d*é
mouvoir le peuple en faveur d
!Mr. le Prince , ce fut de voir rem
porter tant de gens de qualité blei
fés ou morts. Le Duc de la Roche
foucault voulut profiter de cett
conjon6lure pour fon parti; & quoi
que fa blelTure lui fît prefque forti
les deux yeux hors de la tête, il ail
à cheval du lieu où il fut blefîe
jufqu'au Fauxbourg St. Germain
exhortant le peuple à fecourir Mt
le Prince , 6c de mieux connoître
; l'avenir l'intention de ceux qui l'a
voient accufé d'avoir traité avec 1
Cour. Cela fit pour un temps TefFe
DE M. D. L. R, 545
qu'on defiroit , Se jamais Paris n'a
été mieux intentionné pour Mr. le
Prince qu'il le fut alors.
? ^rCependanc le bruit du canon de
la Baftille produilit en même temps
deux fentimens bien différens dans
Pefprit du Cardinal Mazarin j car
d'abord il crût que Paris fe décla-
roit contre Mr. le Prince , & qu'il
alloit triompher de cette ville & de
Ton ennemi j mais voyant qu'en
effet on tiroit fur les troupes du
Roi, il envoya les ordres aux Maré-
chaux de France de retirer Tarmée ,
§c de retourner à Saint Denis.
32cCette journée fut u;ie des plus
glorieufes de la vie de Monfieur le
Prince ( a ) i jamais fa valeur & .fa
conduite n'ont eu plus de part à fa
g ( a ) Clara & antiquis viûoriis par ea
d'ie laas parta. Ann. 14. Gloria? ejus
acce/lît , quod modica manu univerfi
çxercitûs famam adipifceretur. Ibidem.
34^ M E M OI^R E S
vldoire 'i & l'on peut dire avec vé»
tité 5 que jamais tant -de gens de
qualité n'ont fait combattre un pluî
petit nombre de troupes. On fie
porter les drapeaux à Notre-Dame i
^ on lailfa aller tous les prifonniers
fur leur parole. ->'- >-> i^i^
Cependant , on cônt?intia les né-
gociations V chaque cabale vouloir
faire la paix , ou empêcher que les
autres ne la fifTènt -y de Monfieur lô
Prince & le Cardinal «toient entic-
hement réfolus de ne la point faireà
Monfieur de Chavieni s'étoit bieil
îTiis en apparence avec Monfieur le
Prince ; mais il feroit mal aifé de
dire dans quels fentimens il avoit
été jufqu'alors , parce que fa legé-
fêté naturelle luien infpir-oit tous
les jours de directement oppofés (a);
il confeilloit de poufler les chofes à
rextrémité toutes les fois qu'il efpe-
< b ) Ad honeft^ fcuprava juxta levis,
v4»». II, , j : .^
D E M. D. L. R. 547
rok de détruire le Cardinal , ôc de
rentrer dans le Miniftére ; ôc il vou-
loit qu'on demandât la paix à ge-
noux toutes les fois qu'il s'imagi-
iioit qu'on pilleroit (es terres , ôc
qu'on raferoit Tes maifons. Néan-
moins, dans cette rencontre il- fut
d'avis 5 comme tous les autres , de
profiter de la bonne dirpoficion du
peuple, &' de propofer une allem-
blée à l'Hot'él de Ville, pour ré fou-
dre que Monfieur fut reconnu Lieu-
tenant-Géricrai-de' la Gouromie de
France j qu'on s-ùniroitinféparable-
ment , pour procurer l'éloignement
du Cardinal ; qu'on pourvoiroit lé
Duc de Beaufort du 'Gouvernement
de Paris en la place du Maréchal
âé, l'Hôpital y de qu'on' é^ablirôic
Brouilel Prévôt des Marchands au
lieu de le Febvre. Mais cette aiTem-
blée où l'oa cro.yoic, trouver la- sû-
reté du parti , fut une des princir
pales eau fe^vde fa ruine , par u-ne
P (^
348 Mémoires
violence qui penfa faire périr tout
ce qui fe trouva dans l'Hôtel de
Ville ( a ) 5 6c fit perdre à Mr. le
Prince tous les avantages , que la
bataille du Fauxbourg St. Antoine
lui avoit apportés.
Je ne puis dire qui fut l'auteur
d'un fi pernicieux deiïèin , car tous
l'ont également défavoué (b) 5 mais
enfin , lorfque l'affembliée fe tenoit j
on fufcita une troupe compofée de
toutes fortes de gens en armes , qui
vint crier aux portes de la Maifoa
de Ville , qu'il falloic non - feulet
ment , que tout s'y pafsât félon l'in»
tention de Monfieur le Prince , mais
qu'on livrât dès l'heure même tous
ceux qui étoient attachés au Cardi-.
liai Mazarin, D'abord on crut quç
* .. ; "■/ >\ ^ ■ r
-.(a) Oru feditio piopc urbi cxcidid
fuit. H//?. I. i
(h) Arguentibus ipfis , qui fuaferant*
H'tfi. 4. Comme il arrive toujours dans les
affaires odienfes qui ne H't^Jpjjm pas^
DE M. D. L. R. 34^
ce- bruit n'étoit qu'un effet ordinai-
re de l'impatience du menu peuple •,
mais voyant , que la foule &c le tu-
multe augmentoient, que les fol-
' dats &c les Officiers mêmes avoient
part à la fédition , 6c qu'en même
temps on mit le feu aux portes, ôc
on tira aux fenêtres j alors tout ce
qui étoit dans l'aflemblée , fe crût
également perdu. Plufieurs , pour
éviter le feu , s'expoferent à la fu-
reur du peuple, dcily eut beaucoup
de gens tués ( a ) de toutes condi-
tions ôc de tous les partis ; Se cha-
cun crût que Mr. le Prince avoit
facrihé Tes amis , afin de n'être pas
fo upçonné d'avoir fait périr Tes en-
nemis. On ne donna nulle part de
^^^aj Hapça arma, nudati gladîi , urbem
ac palatium petunt fortiiitus ne militum
furor, an ioluîprincipis , modo conftan-
tiam fîmulare , modo formidine detcgi.
Miiitum impetus ne foribus quidemi pa-
latii coërcitiis, vulneratis & c^fis plerif'»
que dum ruentibus obriftunt. Ji^id,
550 Mémoires
cette affaire à Mr. le Duc d'Orléan^
de on rejetta toute la haine fur Mfl'
le Prince, bien que je crois que l'un
& l'autre s'étoient fervis de l'entre^
niife de Mr. le Duc de Beaufort^
pour faire peur à ceux de l'affemt
blée qui n'étôient pais dans leurJ
intérêts ; mais qu'en effet pas urt
d'eux n'eut deflein de faire mal â
perfonne. Quoi qu'il en foit , il»
appaiferent promptement le defor*
dre j mais ils n'effacèrent pas l'im-
pï^lïion' ^uil avoic faite dans tous
ks -esprits (^a). ■
On propofa enfuite de créer utt
Confeil compofé de Mr. de Mr. lé
Prince, du Ghanrelier de France i
des Princes Ducs & Paii-s ^ Maré-i
chaux deiprancç j^rOiiciersGéNe-
raux du parti. Deux Préfidcns à
Mortier y dévoient aiTifVer de la parc
(a.) Huç ejus vkà 'fnmaque'inclin.af y
m confciUs fceleris Tuçrit , cùjùs cauUa
ei-at. Hlfl.'i. ■' ■ -"■" — -^' ••-- ■■■i^
DE M. D. L. R. 3/t
lu Parlement j 6c le Prévôt des Mar-
chands de la part de la ville, poui:
Liger déhnitivement de tout ce qui
'ôiicernoit la guerre ôc la police.
•' Ce Confeil augmenta le défordre
Al -lieu de le diminuer , par les pré-
emiom du rafïg qu'on y de voit
enir y & il -eut enfin des fuites fu-
leftes 5 comme avoit eu l'afTemblée :
:ar les Ducs de Nemors & de Beau-
ort 5 aigris par leurs différends paf-
ës 5 ou piqués de jaloufie au fujec
le quelques Dames , fe querellèrent
)Our là prélTéance au Confeil, & fe
)attirent à coups de piftolet , ôc le
Duc de Nemours fut tué , (a) par le
)uc de Bcaufort fon beau-frere.
-Cette mort donna de la compaf-
ïon & de la douleur à ïOUs ceux qui
:Onnoi(roient ce Prince; le public
nême eut fujet de le regretter : car
♦utre fes belles & aimables qualités^,
. cfaO ^n vt^ V^ JQ- Jf^UfU 'si
jyi Mémoires
il contribuoic à la paix de tout fojfc
pouvoir , ôc lui & le Duc de la Rq.^?
chefoucault a voient renoncé aux
avantages que Monfîeur le Princje
leur devoit faire obtenir par le trai-
té 3 pour apporter plus de facili ;é à
fa conclulion. Maiî^ia mort de l*anj
Ôc la bleiïure de l'autre , laiflèrenf
aux amis de Madame de Longuç-
ville , toute la liberté qu'ils deû-
roient, pour entraîner Monfieurk
Prince ; ils n'appréhendèrent plus ,
que les propoficions de meijer Mr.
le Prince en Flandre, fufTent con-
tcilées j ils l'ébloiiirent d'efpérancesj
ôc il fembla que Madame de Châ-
tillon lui parût moins aimable, par-
ce qu'il lie trouva plus de rival il-
luftre à combattre dans (cm toeur.
Cependant , il ne rejptta pas d'a-
bord les proportions de paix y mais
prenant fes mefures pour faire la
guerre , il offrit le même emploi du
Duc de Nemours au Duc de la Ro-
% 1 M. D. L. R. 355
çhefoucault , qui ne le pût accep-
ter à caufe de fa blelTure j de forte
tju'il le donna enfuite au Prince de
Tarente.
- Paris étoic alors plus divifé qu'il
^n'avoit encore été , la Cour gagnoic
tous les jours quelqu'un dans le
le Parlement, & dans le peuple , le
tneutre de PHocel de Ville ayant
donné de l'horreur à tout le monde :
l'armée n'ofoit tenir la Campagne ,
ôc Ton féjour à Paris augmentoic
Paigreur contre Moniicur le Prince.
Enfin, Tes affaires étoient réduites
au plus mauvais terme , où elles
eufïènt jamais été, lorfcjue les EC-
pagnols voulant égalem^ent empê-
cher la ruine & fon élévation , afin
de perpétuer la guerre , firent mar-
cher une féconde fois Monfieur de
Lorraine à Paris avec un corps afïez
confidérable, pour arrêter l^rmée
du Roi : il la tint même invcflie à
Villeneuve-Saint- George, de man-
354 Mémoires'
da à Paris , que les ennemis fe-
roicnt contraints de donner bataille,
ou de mourir de faim dans leur
camp.
Cettte efpérance flata Monfieur
le Prince , 3c il crût tirer de grands
avantages de l'événement de cette
adion là , bien qu'il foit vrai , que
le Maréchal de Turenne ne man-
quât point de vivres , ôc qu'il eut
toujours la liberté de fe retirer à
Melun , fans bazarder un combat.
Il le fit auffi 5 fans trouver de réfif-
tance , pendant que Monfieur de
Lorraine étoit venu à Paris , &c que
Monfieur le Prince y étoit malade
d'une fièvre continue. Ce fut en ce
temps-là 3 que les troupes de Pal-
luau joignirent l'armée du Roi, après
avoir pris Montrond : le Marquis
de Perfan avoit été bloqué dedans
dès le commencement de la guerre
par le Comte de Palluau , avec allez
peu de troupes j mais lorfque la
D E M. D. L. R. 355
ganiifon fut affoiblie , par la faim 3c
par les maladies , on l'attaqua de
force 5 & on le prit avec moins de
réfiftance qu'on n'en de voit atten-
dre de il braves gens dans une des
meilleures Places du monde , Il on
n'y eût manqué de rien. Sa perte
dût être d'autant plus feniible à
Monfieur le Prince, qu'elle étoit
arrivée par fa négligence, puifque
dans le temps que Tarmée du Roi
étoit vers Compiegne, il pouvoic
aifément fecourir Montrond : au
lieu que Tes troupes, ruinant les en-
virons de Paris , augmentèrent la
haine qu'on lui portoit.
Moniîeur le Prince ne fut pas
plus heureux, ni mieux fervi en
Guienne , où la divifion du Prince
de Conti & de Madame de Lon-
gueville fervit de prétexte à tout ce
qui voulut quitter Ton parti. Plu-
fieurs villes , à l'exemple d'Agen ^
avoient ouvert les portes aux trou-
35^ Mémoires
pes du Roi , & le peuple de Péri-
gueux avoit poignardé Chanloft ,
fon Gouverneur , de chaire la garni*-
fon; Villeneuve d'Agenois, où k
Marquis de Tefbon s'étoic jette,
fut la feule qui fe réfolut de fe dé-
fendre , ôc elle le fit avec tant de
vigueur , que U Comte d'Harcourt
fut contraint de lever le liège, il fé-
journa peu en Guienne, après cette,
petite difgrace j & foit qu'il eût de
véritables défiances de la Cour, ou
qu'il crût que fe rendant maître de
Brifach , de Philifbourg, de de l'Al-
face, il pourroit y jetter les fonde-
mens d'an établiilèment alTuré ôc
indépendant , il partit de fon armée,
comme un homme qui craint d'y
être arrêté prifonnier, &c fe rendic
à Phili(bourg avec toute la diligen-
ce polTible.
Cependant la maladie de Mr. le
Prince s'augmentoit, de bien qu'elle
fût très- violente , elle fut tout^foi^
D E M. D. L. R. 3^7
moins funefte pour lui , que pour
Monlîeur de Chavigni; car dans
an éclairciflemeiic fort aigre, qu'il
'SUC avec Monfîeur le Prince , il en
forcit avec la fièvre, dont il mou-
rut (a) peu de jours après. Son mal-
leur ne finit pas avec fa vie j ôc la
nort , qui doit terminer les haines ,
Tcmbla avoir réveillé contre lui cel-
le de fes ennemis. On lui imputa
roures fortes de crimes , Se Mr. le
Prince particulièrement fe voulut
juftifier à fes dépens des foupçons
que les Efpagnols de les Frondeurs
conçurent d'un traité fecret avec la
Cour. Il fe plaignit donc que Cha-
vigni avoit écouté des propoficions
de l'Abbé Fouquet fans fa partici-
pation , (bien qu'il lui en eût donné
charge par écrit ^ & qu'il avoit pro-
mis de le faire relâcher fur des arti-
cles 3 dont il ne pouvoit fe départir.
(â ) E?t^ 16 j i,agé fenUment de 44. anu
358 Mémoires
Monfieur le Prince fie faire auiïi une
copie d'une lettre interceptée d<
TAbbé Fouquet, dont j'ai vu l'origi-
nal où il mandoit à la Cour , qu(
Goulas porteroit Monfieur le Du»
d'Orléans à fe détacher d'avec Mr
le Prince, s'il n'acceptoit les condi
tions de paix qu'on lui offroic
mais dans des copies, que Mr. L
Prince en a données de fa main
il mettoit le nom de Chavigni en l
place de celui de Goulas ; de fort
qu'il l'accufoic en même temps d
le trahir , f^.ns en donner d'autre
preuves que les copies falfifiées d.
cette lettre écrite par le même Abb'
Fouquet , avec qui Mr. le Princ
îraitoit tous les jours, de en ren
doit compte à Chavigni.
Je ne puis attribuer la caufe d'ui
procédé ii injufte Se fi extraordinai
re, qu'à l'extrême envie , que Mr. l
Prince avoit de faire la guerre , la
quelle étant combattue par fes amis
DE M. D. L. R. 3 59
lui lit changei" de conduite avec eux>
Se donner toute fa confiance aux
Efpagnols.
En ce temps, le Duc de Bouillon
mourut auiTi à Pontoife. Mort, qui
devroit guérir les hommes de l'am-
bition , & les dégoûter de tant de
plans divers qu'ils font pour leur
élévation. Car l'ambition de ce Duc
étoit foi^itcnue de toutes les grandes
qualités , qui pouvoient la rendre
heureufe : il écoic vaillant , Ôc fça-
voit parfaitement les ordres de la
guerre ; il avoit une éloquence fa-
cile 5 naturelle , &c infinuante j l'ef-
prit net , fertile en expédiens , ôc
propre à foûtenir les affaires diffici-
les j le fens droit & un difcerne-
ment admirable. Il écoutoit avec
xiouceur , les confeils qu'on lui
donnoit , & il faifoic tant de cas des
raifons des autres , qu'il fembloic
en tirer Tes réfolution. Mais ces
avantages lui furent inutiles par l'o-
^(jo Mémoires
pini arrêté de fa fortune , qui s'op-
pofa toujours à fa prudence.
Les Efpagnols ven^eoient par une
longue Ôc rude prilon l'entreprifc
que le Duc de Guife avoit faite fur U
Royaume de Naplcs , & ils fe mon-
troient inexorables depuis long-
temps à tous ceux qui les preC
foient pour fa liberté. Ils l'accor-
derent pourtant à Mr. le Prince ..
ôc ils renoncèrent en cette rencon-
tre , à une de leurs principales ma-
ximes ; pour le lier encore plu;
étroitement à leur parti , par um
déférence , qui leur eft fi peu com-
mune.
Le Duc de Guifè reçut donc h
liberté lorfqu'il l'efperoit les moins
ôc il fortit de prifon , engagé pai
un fi grand bienfait , & par fa pa-
role , dans les intérêts d^ Mr. 1<
Prince. Il le vint trouver à Paris
ôc croyant peut-être s'être acquitté
par quelques complimens , & pai
quelque.'
B E M. D. L. R. 364
tjuelques vifites , de ce qu'il lui de-
voit , il s'en alla bien-tôt après au-
devant de la Cour , pour offrir au
Roi ce que de (i grandes obligations
lui faifoient devoir à Mr. le Prince,
Dès que Monfieur de Chavignî
fut mort 5 Mr. le Prince commença
à prendre toutes Tes mefures , pour
partir avec Mr. de Lorraine -, de en
effet fa conduite avoit rendu ce
confeil fi nécelfaire, qu'il ne lui
reftoit de parti à prendre , que ce-
lui-là ; car la paix étoit trop géné-
ralement defirée à Paris, pour y
pouvoir demeurer avec sûreté dans
le deffein de l'empêcher. Monfieur
le Duc d'Orléans , qui de Ton côté
l'avoit toujours defirée , de qui crai-
gnoit le mal , que la préfence de
MonGeur le Prince lui pouvoit at-
tirer , contribua d'autant plus vo-
lontiers à Ton éloignemenr , qu'il
Te voyoit par-là en liberté de faire
Ton traité particulier,
Tçme //. Q^
}6i Mémoires
Bien que les chofes fuflent en ces.
termes , elles n'avoient pas arrêté le
cours ordinaire de la négociation ;
car dans le temps que le Cardinal
Mazarin fortoic pour la féconde fois
du Royaume , pour faire cefler le
prétexte de la guerre civile, ou pour
faire voir que Mr. le Prince avoic
d'autres intérêts , que fon éloigne-
ment j il envoya Langlade Secrétai-
re du Duc de Bouillon vers le Duc
de la Rochefoucault , foit qu'il eut
véritablement delfein de traiter
pour faciliter fon retour j ou qu'il
prétendit tirer quelques avantages ,
en faifant paroître qu'il defiroit la
paix. Enfin Langlade vint avec des
conditions beaucoup plus amples ,
que toutes les autres , &c prefque
conformes à ce que Mr. le Prince
âvoit demandé -, mais elle furent
également refufées , ôc fa deftinéei
qui l'entraînoit en Flandres , ne lui'
a permis de connoîcre le précipice ,
D È M. D, L. R. 565
que lorfqu'il n'a plus été en état de
s'en retirer (a). Il partit enfin avec
Mr. de Lorraine , après avoir pris
de vaines mefures avec Mr. le Duc
d'Orléans , pour empêcher que le
Roi ne fût reçu à Paris : mais foîi
crédit n'étoit pas alors en état de
balancer celui de la Cour. Il eue
ordre de fortir de Paris le jour que
le Roi y de voit arriver, & il y obéît
à Pheure même , pour n'être pas té-
moin du triomphe de Tes ennemis
(b) au{ïi-bien que de la joye pu-
blique.
(a.) Ut evenit in confîliis infelicibus ;
optima videbantur, quorum tempus effu-
gerat. Hijl. i,
(h) Ne difîîmilitudo fortuna: gloriaat
(inimicorum^ augeret. Ann. i j.
a*
3^4 Mémoires
SUT? LE MENT AUX RELA-
tions des Guerres de Paris & de
Cuienne*
I. ;
LA ralfon qui a obligé Mr. le
Prince à quitter le comman-
demenc de l'armée après la bataille
de Lens , a été non feulement la
crainte de bazarder fa réputation
après tant de grands événemens;
mais encore le defir de jouir du
fruit de fes victoites (a) , & d'être
dans les affaires en un temps , où la
foiblelfe du Gouvernement faifoit
croire; à fes procbes , 6c à fes amis,
.^u'il feroit le maître de la Cour. ^
'■(î() Redire ad decretiim triumphum ;
fatis^cimevcntuiim •■, fatis cafuum ; pro{-
pera iUi & tnagna pra:lui. Ann. i.
D E M. D. L. R. 3^5
II. Sous prétexte de rendre vilite
à Madame de Longueville, qui étoic
à Noi/i 5 les Frondeurs en2:a2:erent
le Prince de Comi , &: le Duc de
Longueville , à entrer dans les inté-
rêts du Parlement , où l'on vouloic
même , que Monfieur le Prince eue
promis d'entrer , comme le Coad-
juteur l'a toujours dit depuis , &: le
lui a même reproché dans le Parle-
ment. Ce qui produifit le démêlé ,
que ce Prélat eut au Palais avec le
Duc de la Rochefoucault , & penfa
être caufe de fa perte. Or quoique
Mr. le Prince défavoue de lui avoir
jamais donné cette parole, l'apparen-
ce eft très-grande , qu'il avoi: bien
voulu fe faire Chef des Frondeurs ,
fur l'efpér an ce qu'il avoir de les
pouvoir mettre dans les intérêts de
la Cour , aufquels il étoit autanc
attaché que jamais , quelque mine
qu'il fit. Mais comme il s'apperçûr,
qu'ils ne lui donneroient point d'au-
Q. 5
^66 M E M O I R I s
torité fur eux, qu'autant qu'il lui en
faudroit pour détruire la puiflance
qu'il vouloir maintenir , il feignit
d'oublier lui - même d'avoir jamais
eu de correfpondance avec eux.
IIÎ. Le départ de Saint Germain
eu Prince de Conti , des Ducs de
Longueville &de la Rcchefoucaulr,
ôc du Marquis de Noirmouftier ,
fut un effet des mefures prifes à
Noifi. Monfieur le Prince qui étoic
tout-à'fait dans le parci de la Cour,
y fit aller Ton frère. Le Duc de Lon-
gueville s'y rendit auflî , tant par
fon irréfolution naturelle, que par
l'efpérance , que les chofes s'accom-
modercient ; mais comme le Duc
de la Rochcfoucaulc, Se le Marquis
de Noirmouftier furent interellési
par leur liaifon avec les Frondeurs à^
lui faire tenir fa parole , ils le con-
traignirent enfin à fuivre le Prince
de Conti à Paris. Il eft vrai que n'y
étant pas arrivés dans le temps qu'ils"
D E M. D. L. R. 3^7
a voient promis , ce retardement
avoit obligé le Parlement à recevoii*
•les offres du Duc d'ElboÊuf, de à lui
donner la Charge de Général : & ce
Duc fit d'abord fa cabale Ci pui fian-
te dans le Parlement , de parmi le
peuple, qu'il fut en fon pouvoir d-c
faire arrêter le Prince de Conti (a) ,
ôc tous ceux qui l'avoient accom-
pagné ; les accufant d'être d'inrelli-
•gence avec la Cour, ôc d'être venus
de concert avec Moniieur le Prince
qui avoit abandonné le Parlement.
Cela pafTa Ci avant , que l'on mit des
Corps de Garde devant l'Hôtel de
Longueville , de qu'enfin le Prince
de Conti , & la DuchefTe de Lon-
gueville 5 furent contraints d'aller*
loger à l'Hôtel de Ville. Mais ce
0-4
(a) Tant unfeul homme qui a du cou~
rage , efi capable de fe faire valoir dans
U7ie guerre civile , dit Tacite. Tanîùm
civililDUS difcordiis eiiam fingulorum au-
dacia valec. Hijl. 3.
3^8 Mémoires
qui avoit attiré fur eux le foup-
çon 5 c'eft que l'engagement qu'ils
avoient pris dans le parti du Parle-
ment, n'avoit été confié qu'à très-pe)i
de parriculiers de cette Compagnie,
qui n'oferent même s'en déclarer^,
que quand la préfence de Mr. \c
Prince de Conti , &c de ceux qiji
l'avoient accompagné , leur laiflajla
liberté de publier ce fecrer. .^^n
IV. Les vivres , qu'on laifîà en-
trer à Paris , ne furent point l'effet
d'aucunes intelligences de Moniieur
le Prince avec fes proches , qui y
€toient enfermés j car ils n'ont ja-
mais été fi brouillés enfemble qu'en
ce temps-là ; mais ce fut par l'ex-
trême delir que la Cour avoit de pa-
cifier promptement les chofes avant
l'arrivée de l'Archiduc Se de fon
armée , & le foulevement entier de
toutes les Provinces. Et l'entrée des
vivres étoit une conditions , fans
laquelle on ne vouloit point com-
mencer la conférence.
DE M. D. L. R. 3(^9
V. Le principal fujet de la brouil-
leiie qui arriva entre Mr. le Prince
6c le Cardinal , vint de ce que celui-
ci rejetta la haine des peuples fur
l'autre, Se le fit pafïèr pour auteur de
toutes les violences qu'ils avoienc
fouffertes. De forte que Monsieur le
Prince , qui crût ne pouvoir mieux
détruire cette imprelïîon, que par le
moyen des Frondeurs , dont les peu-
ples époufoient les affedions & les
fentimens , fe réfolut Aq Çc recon-
cilier avec eux , en faifant un éclat
contre le Cardinal , & en leur fai-
fant voir qu'il n'étoit pas dans une
telle dépendance de la Cour , qu'ils
avoient cru. Ce n'cft pas qu'il fie
cela , pour fe déclarer leur Chef;
mais pour être plus redoutable à la
Cour 5 pour fe remettre dans l'ef-
prit des peuples , & pour en faire fa
condition plus avantageufe. Et d'au-
tant qu'il avoit fenti le mal , que la
divifion de fa famille lui avoit eau-
370 Mémoires
fé 5 il fouhaita ardemment de Ce re-
concilier avec le Prince de Conri,
avec la Ducheflè de Longueville ,
ôc avec le Duc de la Rochefoucaulc
qui avoit alors toute la confiance
du Prince de Conti 6c de la Du-
cheflè de Longueville. Ce fut donc
pour toutes ces raifons qu'il prit le
prétexte d'éclater, fur le refus qu'on
£t au Duc de Longueville du Gou-
vernement du pont de l'Arche : ôc
comme il ne vouloir pas demeurer
long- temps à la Cour , il crût bien-
tôt en avoir aflèz fait , ôc fe raccom-
moda dans huit huit jours avec le
Cardinal. Cela lui fit perdre de
nouveau les Frondeurs ôc les peu-
ples 3 de ne lui donna aucun avan-
tage que la réunion de la famille.
VL M on (leur le Prince appuya
les intérêts de Bordeaux , pour obli-
ger à bon marché un grand Parle-
ment Se une puiflante ville, ôc afin
que cela le rendit plus confidérable
D E M. D. L. R. 571
3 la Cour y de le mît plus en éta:
d'en tirer des avantages.
VII. La liaifon du Prince de Con-
ti avec l'Abbé de la Rivière fe fit
fans la participation de Monfieur le
Prince : c'eft- à-dire , Monfieur le
Trince n'y eut autre part , que de
^confentir, que l'Abbé de la Rivière
fit obtenir dans la paix de Paris à
Mondeur le Prince de Conti , foix
'rétablilîement dans Tes Gouverne-
• mens ; celui de Monfieur de Lon-
'gueville dans le fien , dont il avoic
été refufé abfoltiment par la Cour ,
& de plus le Gouvernement de
Damvilliers , moyennant que Mr.
le Prince de Conti renonceroit au
Chapeau en faveur de l'Abbé de
la Rivière, Ce fut le Duc de la Ro-
chefoucault , qui traita cette affaire-
là , parce que le Prince de Conti
ne vculoit pas être d'Eglife , &
parce qu'il jugea , que tant que
l'Abbé de la Rivière efpéreroit d'ê-
0^6.
37i Mémoires
tre Cardinal , il feroit toujours pren-
dre à Monfieur toutes les meiures ,
que Monlieur le Prince de Condé
defireroir. Cela réulïit ainii jufques
à la prifon des Princes , que l'Abbé
de la Rivière fut chalTé du confente-
ment de ces Meffieurs. -^
VIIL L'affaire de Jolly n'a ja-
mais été bien éclaircie , pour en pou-
voir parler affirmativement : majs
ce que j'en crois , c'eft que ce fut
la Boulaye , qui fufcita la féditioa
du matin par la participation du
Duc de Beaufort ; èc qu'il eilaya le
foir d'en fufciter une féconde , pour
faire peur à la Cour , ôc fe mettre
par là à couvert de la première.
Aufîi 5 le Cardinal , qui cherchoic
depuis long-temps , les moyens de
mettre le Prince de Condé en guerre
ouverte avec les Frondeurs , fe fervit
de cette conjoudure, pour les divi^
fer irréconciliablement. Il fit croire
au Prince de Condé , qu'on en
DE M. D. L. R. 571
vouloir à fa perfonne. La démonf-
tration , qu'il en fit au Pai-lement ,
donna enfin lieu aux Frondeurs de
fe reconcilier avec la Cour , & de
faire le projet de la prifon des Prin-
ces , qui s'éxécura bien-tot après >
& qui produifit tous les maux , que
tfious avons vu arriver depuis.
MANIFESTE DE MON^
jpi» fieur le Prince de Condc , contenant
-■' les véritables raifons de fa [ortie
de Paris le 6. Juillet 165 i.
JE ne doute pas que ma fortic
n'ait beaucop travaillé les efprits
de ceux , qui ne fçavent pas les
raifons , qui m'ont obligé de la pré-
cipiter 5 même en un temps , où je
devois préfumer qu'il ne fe pouvoic
que ce départ ne fut necelTairement
fuivi de i'éconaeinent public , ^^ns
374 Mémoires
la créance générale qu'on a que je
donne le branle à cous les mouve-
mens de l'Etat , ôc que je balance
fi puiffamment les affaires, qu'elles
ne prennent jamais d'autre pente ,
que celles que je leur donne au gré
de mes feules inclinations.
Si ceux j qui font dans ce fentN
mcnt , ne jugent de ia forte qu'en-
fuite de la haute réputation que
je me fuis acquife dans une infinité
de rencontres , oii j'ai toujours pris
plaifir de prodiguer mon fang , afin
d'en cimenter la gloire 8c le repos
de la France i je leur avoue , qu'ayant
eu ce bonheur dans toutes mes etl-
treprifes , que de les avoir faites
conftamment réliilîr , tant au gré
de ma propre 5c jufte ambition ,,
qu'à l'avantage de la Royauté, pour
la défenfe de laquelle je n'épargnerai
jamais ni mon honneur , ni mes
richelîès , ni ma vie ; il n'eft point
4c véritable zélateur du bien de la
D F. M. D. L. R. 375
Monarchie , qui ne m'aie toujours
déféré, comme à celui ^ qui n'ayant
pour but que les intérêts de l'Etat,
ne pou voit par même raifon man-
quer de juftifier tous les mouvemens
de ceux qui voudroient régler les
leurs au niveau de ma conduite.
Auiîi puis-je proteller à toute la
France , que je n'ai jamais eu d'au-
tres ennemis que les fiens j de que
je ne fuflè jamais tombé dans le
malheur qui fit , il y a deux ans ^
triompher Hnjuftice de ma géné-
roiité , fi les perturbateurs du repos
public n'euflènt bien prévu, que
je ne ferois jamais afïez lâche pour
complaire fervilement au deflèiii
qu'ils av oient de traverfer le repos
de l'Etat ; &c que loin de les favori-
fer 5 je ferois le premier à contre-
miner toutes leurs menées , par les
obftacles invincibles que l'honneur
& la qualité de premier Prince du
Sang me devoit obliger d'y former ^
pour Ie§ intérêt du peuple.
37^ Mémoires
Cette haine , qui fembloit avorr
été pleinement alToiivie par un
cruel emprifonnement de quatorze
mois 5 ôc que le banni(ïèment du
Cardinal me faifoit déformais re-
garder comme incapable de me
pouvoir nuire , m'a fait voir par à&
grands indices , qu'elle n'avoit lâ^
ché la prife de trois Princes , que
par force j & que les créatures d\i
Cardinal , appuyées de l'autorité
Souveraine , la nourrifloient dans
leur cœur , pour la faire éclater à la
première occalion , par un fécond
attentat , qui leur eût réiillî , fans
doute. Cl leur imprudence ne m'eut
oblige de me dérober à leurs em-
bûches.
J'avoue 5 que depuis mon élar-
gilTement je n'ai jamais vécu que
dans les appréhendons > quoique
fecrettes , de cette féconde entreprîï-
fe 5 Ôc que je me fuis toujours dou-
té 3, que cet heureux calme que mon
T> I M. D. L. R. 377
ëlargifTement avoit ramené dans la
France , étant incompatible avec
l'impatience de mes ennemis , ne
manqueroit jamais d'être troublé
par ceux , qui ne fe font il prodi-
gieufement agrandis qu'à la faveur
des défordres de la France. Mais
je croyois , qu'ils auroient encore
allez de prudence , pour épargner
cette rude corvée au déclin de la
Minorité ; & qu'ils attendroient du
moins , que l'autorité d'un Majeur
leur fît efperer un favorable fuc-
ces 5 en fécondant le deilèin qu'ils
.auroient de me faire arrêter.
^ Cette précipitation me fait croi-
re qu'ils ont prcflénti , que l'inno-
,cence de mes intentions ^ & la fidé-
lité de mes fervices , ne pourroienc
jamais être décriées dans l'idée de
jpotre jeune Monarque, lequel étant
■ parfaitement inftruit des trahifons
de leurs monopoles , & de la iincé-
nté de mon procédé ^ bien loin de
37S Mémoires
les favoriler, feroit pour me juftî-
fier 5 par la faveur de fon autorité,
dans la créance publique : & poui
cette raifon ils ont jugé qu'il faU
loit prévenir ce temps fatal à leurs
perverfes intentions, &c tâcher de
fe faifir de ma perfonne , avant que
le Roi fut en état de fîgnaler le pre-
mier coup de fa Juftice , par 1^
condamnation de leur injuftice , &
par la juftification entière de mon
innocence.
En effet , depuis le temps de mon
élargilTcment, de de la chafïè que
la Juftice a donnée au Cardinal ,
les Et allons de fa tirannie , ont il
cauteleufement difpofé les affaires >
à l'exécution de ce fécond attentât ,
forçant pour cette intention les dé-
bonnaires inclinations de la Régen-
te , que la France étoit à la veille
der'avoir le Cardinal fur les bras,
&c de retomber dans le malheur des
dernières guerrres 5 -fi par le confeil
15 E M. D. L. R. 3-^9
ée mes amis je n'eufTe préféré une
prudente fuite à une vigourcufe
réliftance , pour obvier aux troubles
qui en feroient arrivés.
Je penfe qu'il n'eft point àe fu-
jet 5 quelque ignorant qu'il foie
dans les affaires d'Etat, qui ne foie
parfaitement inftruit des brigues
continuelles que les ennemis de
notre repos n'ont jamais interrom-
pues, pour le rétabliifem.ent du pro-
tedeur de toutes leurs menées j Sc
-pour tâcher de me faire condefcen-
dre à cette fanglante cabale , dont
les proposons ne m'ont jamais fem-
blé que très-criminelles, èc dont
j'ai toujours jugé que le paiti n'étoic
pas moins défavantageux à la tran-
quillité de l'Etat , que celui qui fe
forme tous les jours ou dans Bru-
xelles , ou dans Madrid.
Il eft vrai que le motif de ces
propofitions fembîoit du moins
appuyé d'un prétexte Tpécieux, que
380 Mémoires
les émiflaires de Mazavin emprun-
toîent du mariage du Duc de Met»
cœur avec la Mancini, prétendais
qu'après cette aliance du Sang de
Vendôme avec celui d'un étrangeir
inconnu, les raifons de s'oppofer au
rétablidèment du nouvel oncle n'é> |
toient plus que des opiniâtretés ar*
tificieufement déguifées, de qu'on
ne pouvoir plus empêcher Ton re-
tour, à moins qu'on ne fut en àeC-
fein de vouloir allumer des guerres
civiles , par les efforts que Tes par-
ti fans feroient contre les plus juftes
réfiftances de ceux qui refuferoient
de le iic^ner.
Si Son Alteflfe Royale , que j'ai
toujours regardé comme le niveau
de ma conduite , ne fe fût conftam-
ment infcrit contre la féditieufe
propolîtion qu'on faifoit de r'ap*
peller ce Cardinal ; je crois que tant
d'importunités eurfènt du moins
ébranlé ma confcience , ôc que
B E M. D. L. R. 381
'eufle eu bien de la peine à réfifter
tant de pourfuites : mais outre
ue mon confentement eût été tuès-
lutile , j'ai crû qu'il ne falioit ja-
mais fléchir après cet illuftre exem-
le; &c que je devois cette force
/efprità la foiblede d'un Mineur,
.ont le Trône devoit infaillible-
iient être ébranlé par les troubles ,
[ue le retour de cet ennemi eût alTu-
ément excités dans le Royaume.
Ces oppolîtions , que la qualité
le Prince du Sang ne m'a jamais
aiffé interrompre , ont enfin fait
:onclure aux émiffaires du Cardi-
nal 3 le funefte delTein de me faire
arrêter; fur la créance qu'ils ont
^ûë, que s'ils m'avoient une fois lié
les bras, ils auroient plus de liber-
té de travailler au rétablilTement de
ce profcrit , de qu'ils n'auroient qu'à
s*-a{îurer de ma perfonne , pour fe
mettre à l'abri de toute forte de
dangers. oriv^.^^iii
582 Mémoires
Le dcfTein étoit fur le point d'être
exécuté , lorfque je m'en fuis apper-
çu 5 & que ceux qui obfervoient foi-
gneufement la contenance de mes
ennemis 5 m'ont averti qu'il étoic
temps de fonger à ma fureté ; ôc que
la violence des affaires ne permet-
toit pas à ceux qui avoient ce
dertèin , de le différer davantage ,
de peur de le voir avorter , par la
promptitude avec laquelle j'en an-
ticiperois aflurément l'exécution.
Voilà l'unique motif qui ma fait
fortir de Paris , & qui ne fera pas
défapprouvé de ceux qui conddére*
ront , que ni ma détention , ni le
retour de Mazarin ne pourroient
arriver qu'avec le danger manifefte
de voir retomber la Monarchie dan^
les dernières convulfions.
Mes ennemis pourroient bien fair
re paflèr cette raifon pour un beau
prétexte du motif qu'ils voudroienc
feuflèment imputer à ma fortie ; û
D E M. D. L. R. 38^
e n'établiilois le foupçoii de cette
:onjediire fur des raifons éviden-
esj ôc fi je ne faifois voir par Pau-
orité des preuves de tout ce qui fe
)allè de fecret dans PEtat , qu'on
'eut rappeller le Cardinal Mazarin
i quel prix que ce foit , pour le
aire remonter au timon de la Mo-
larchie j ôc que par conféquent ,
)n en veut à l'Etat ôc à ma per-
bnne.
Les deffeins inconnus que le Coad-
iuteur de Paris Ôc le Sieur de Lion-
le pratiquent fecrettement dans un
:ommerce fi grand, qu'il marque
ane amitié très-particulière , de qui
le peut être fi étroitement renouée
après un mortel divorce , que pair
an motif qu on peut raifonnablemcnç
foupçonncr , me font juftement ap-
préhender les effets que je laifle au
raifonnement politique d'un cha-
cun j puifque l'un étant le plus mor-
tel de tous mes ennemis > ^ l'autre
384 Mémoires
le plus zélé des partifans du Gardi-
nal j il me femble , que ce n'eft pas
fans raifon , que je me défie du fuc-
cès de leur négoce.
Ceux qui fçavent les noms des
perfonnes , que mon emprifonne-
inent avoit unies avec le Coâdju-
teur 5 par le faux précexte d'un prin-
cipe d'amitié , & que le mauvais
fuccès d'une alliance préméditée a
mortellement aigries contre ma
maifon, ne pourront condamner la
jufte crainte que j'ai , que leur réii-
nion , appuyée du bras Souverain
que je refpeàe , ne fiu à la fin pour
difpofer une féconde fois les affai-
res à ma perte j l'expérience m'a-
yant appris . qu'on ne fçauroit ja-
mais trop fe défier de la conduite
du temps , ni des fourbes , que le
Cardinal Mazarin a fait gliffer dans
la politique de la France.
Je voudrois encore imputer ce
grand commerce du Coadjuteur &:
du
D E M. D. L. R. 385
du Sieur de Lionne , au renouvelle-
ment de quelque amitié innocente
Contradtée par les inftinds de quel-
que autre motif, H le voyage du
Duc de Mercoeur, qui partit, il y a
quelques jours , pour Cologne , à
deiïèin d'aller voir fon oncle le
Cardinal , ne me faifoit encore plus
raifonnablenient foupçonner , qu'en
effet on a braffé le dellèin de rap-
peller malgré moi ce profcrit. Les
politiques jugeront, s'il leur plaît,
de la fincérité de mon procédé ,
cnfuite du voyage de ce Duc , de
confidereront , Ci ce n'eft pas avec
grande raifon , que je me fuis allar-
mé du retour de cet ennem.i com-
mun , qui tout abfent qu'il eft ,
gouverne la Monarchie plus fouve-
rainement que jamais.
Si la France confidéroit le Car-
dinal Mazarin , comme le véritable
ennemi de l'Etat , n'eft-il pas vrai
que la plus grofïicre politique ne lui
Tomç II. R
586 Mémoires
défendroit pas leulemenc ce com-
merce Cl vidble , avec le pertuir-
bateur de ioii repos j mais même
robligeroit de le choquer ,, lui. &;
tout fon parti , pour détromper en-t
lieremeiic les efprits de l'idée pré-»
tendue , ou véritable qu'on auroit ^
qu'elle vivroit encore avec lui dans
une fecrete intelligence ? Tant s'en
faut qu'elle fc comporte de la forte^
que non contente d'avoir conftam-»
ment entretenu fon amitié , par l'en-
tremife des Couriers exprès qu'elle
lui dépêchoit fecretement , elle a
enfin confenti , qu'un Prince même
ait entrepris ce voyage , ôc qu'à la
barbe de tous les fujets de l'Etat,
que les tyrannies de cet Etranger
avoient unanimement foulevés , il
s'en allât lui porter les nouvelles ef-
pérances certaines de fon prochain
rétabliiTcment.
On d beau déguifer cette fortie
du Duc de Mercocur , ôc la vouloir
D E M. D. L. R. 3 Sx
faire palTer pour une promptitude
d'un jeune Prince , que les mouve-
mens d'une première boutade ont
fait échapper des mains de ceux qui
l'épioient de bien près. Ce beau pré-
texte ne peut amuier que des efprits
foibles 5 ou ceux qui ne fçavent que
cette fortie fe trouve dans une con-
joncture d 'affaires , qui m.e fait dé-
fier trop raifonnablement du de(îèia
qu'on avoit , ou de rappeller Maza-
rin 5 fuppofé qu'on pût m'arrêcer ;
ou de lui donner un lieu de lureté
dans les dépendances de la Couron-
ne j (i j'avois alTez de pouvoir pour
faire avorter les defleins de mes en-
nemis fur ma liberté.
Toute la France n'eft que trop
infti'uite des importunités extrava-
gantes du Cardinal , qui ayant été
condamné à fortir de l'Etat pour
des malverfations , qui feroient ca-
pables de faire exécuter à mort cent
premiers Miuiftres , a néanmoins eu
R 2
388 Mémoires
l^efFronterie d'interefTer vivement
toutes fes créatures , pour obtenir
vm azile dans quelque Place forte
dépendante de la Couronne. Qiioi-
quc cette proportion ait été fifflée
dans le Confcil , elle n'a pas laifle
de trouver des agens fecrets, qui fé-
duifant méchamment la bonté na-
turelle de la Régente , ont porté fon
efprit à des confeils, aufquels elle
n'eût jamais confenti , fi elle n'eût
été malheureufement obfcdée par
ceux qui ne fubriftent que par leurs
fouplclîes, ôc par leurs fourbes.
Pour cet effet , ces fecrets ennc-
rnis de l'Etat , ayant jette les yeux
fur Brizac -, c'eft-à-dire, fur une des
plus fortes Places de la Chrétienté (i
îe font imaginé que leur maître fe-
roit à l'abri de toutes les menaces
des bons fujets de la France , s'ils
pouvoient trouver le moyen de lui
en ouvrir la porte , en procurant ce
Gouveniement à quelqu'une de fes
I
DE M. D. L. R. 389
créatures. Le defTein a réiilTi parfai-
tement à leur gré , par la faveur de
Charlevoy , Lieutenant pour le Ro£
dans Brizac , lequel leurré par les
MazarinSj des efpérances d'une plus
haute fortune , a fi fecrettement mé-
nagée fa trahifon contre le fieur de
Tillaclct, Gouverneur de la Place ,
qu'il l'en a chafle fans autre ordre ,
que celui des fecrettes intelligences
qu'il a eues pour cet effet avec les
émiflaires de ce profcrit.
Ce qui me fait croire , fans aucun
doute 3 que mes ennemis , & ceux
du repos de la France , deftinenc
Brizac pour en faire le Port , où
Mazarin confervera le débris de fon
naufrage ; c'effc que je vois qu'on
en donne le Gouvernement à Var-
dcs y in (igné partifan de ce Cardi-
nal 5 & lâche déferteur du fervicc
de Son Alteflè Royale. Et Comme
cela fe fait dans la conjondure da
départ du Duc de Mercœur pour
R 3
390 Mémoires
Cologne 5 ce n'eft pas fans raifon ,
<]^ue je fonpçonne que ce Prince
t'en va lui faire efcorte , comme
pour l'y conduire avec plus d'éclatj
pour la réparation de fa gloire , flc-
riie par tant d'Arrêts.
Que dois- je foupçonner autre
chofe de cette aflutance , qu'on
procure au plus grand de mes enne-
mis 5 & au boutefeu des defordres
de cette Monarchie ? Ne puis- je
pas dire fans témérité , qu'on en
veut à ma perfonne j qu'on en veut
au repos de la France , qu'on en
veut au Trône de mon Roi ; qu'on
en veut à la tranquillité des peu-
ples ; puifque malgré les ré(i(l:ances
JduConfeil, ô: malgré tous les Fran^
^ois 5 on fe fert de toutes fortes de
foupleflès 3 pour lui chercher un lieu
c lurete ?
Toutes ces raifons , ne feroient
encotc que des prétextes , que je ne
fcrois palier que pour de foibles
D E M. D. L. R. 391
préjugés de l'attentat que les Ma-
zaïius méditent une féconde fois
fur ma peiTonnc , li deux ou trois
cent perfonnes armées, qui rôdaient
toute la nuit du ilxiéme du courant,
dans le Fauxbourg Saint Germain ,
ôc le Régiment des Gardes redoublé
en même temps , ne m/cnUent fair
entrer en foupçon de Pentreprife
-qu'on alloit exécuter 5 après l'avoir
concertée prefqiie depuis le temps
de mon élargiiièment. Cette con-
jonéture , fortifiée des confeils de
tous mes amis , ne m'a plus permis
de différer mon départ , afin de
pourvoir à ma fùrecé, par une prom-
pte retraite , que j'ai même été coi>-
traint de précipiter , de. peur de me
voir obligé à quelque réiiilance ,
que je n'cuiTe janxais pu former ,
fans troubler la tranquillité publi-
que. Encore en eut-il fallu venir
aux mains , dans la rencontre q»je
j'ai faite à ma fortie , de deux ccnz
3^2 Mémoires
Mazarins armés , fi ma feule pre-
fence ne les eût combattus , ou ne
les eût du moins empêchés de tra-
verfer ma fortiespar l'appréhenfion
qu'ils ont eue , que m.a réfiftance
ne fift honteufement avorter toutes
leurs attaques.
Voilà une bonne partie des motifs
& des raifons , qui m'ont obligé de
me retirer à Saint Maur , en atten-
dant que la Juftice conjurât Torage
que mes ennemis alloient faire tom-
ber fur ma tête. Ai- je pu , ou plutôt
ai-je dû me comporter avec plus de
précaution ? Pou vois- je plus pru-
demment épargner le repos public,
que j'eufïè fans doute mortellement
traverfé , fi j'eufïe armé , pour ma
défeufe , tous ceux que la juftice
de ma caufe eût pu intereflèr pour
la querelle de mon parti ? Qu'on
juge de mon procédé ; qu'on en
balance les raifons ; je ne rccufe
aucun J^ge , pourvu quUl foit dç-
DE M. D. L. R. 395
fintereiïe ; & je protefte à toute la
France , que fi je n'avois une par-
faite fincerité pour la gloire de Ton
fervice , je ne ferois pas maintenant
réduit à l'état où je me vois , par
les injuftes pourfuites de mes enne-
mis.
Après avoir naïvement expofé
les motifs de ma fortie , je penfe
qu'il ne fera pas hors de propos de
faire voir les raifons qu'on a eu
de me perfecuter , après que mon
élargiffement , fi genereufement
procuré par la Juftice , m'avoit , ce
lemble , mis en état de ne pouvoir
plus être traverfé par les efforts de
la calomnie.
La première , ou plutôt la feule
raifon générale , n'eft autre que l'a-
verfion , que des Partifans du Car-
dinal Mazarin ont conftammenc
entretenue contre moi , depuis que
forcés de confèntir à mon élargifle-
ment 5 ils ont été contraints de difr
35?4 Mémoires
iimuler leur haine , jufqu'à ce que
quelque autre occafîon les mk en
écat de la produire , ou de l'étein-
dre tout-à-faic 3 fuppofé qu'ils pûf-
fent fléchir la réfolution que j'a-
vois prife de ne démordre jamais
du deflèin d'être l'ennemi le plus
irréconciliable du Cardinal Maza-
rin. En effet, je ne doute pas , que
les importunités qu'on m'a faites
incelTamment pour tâcher de m'cn-
gâger dans Ton parti , & que j'ai
toujours repoulTées comme des fug-
geftions criminelles , n'ayent été les
caufes des complots qu'on a braf-
fcs contre ma perfonne : aufïi ne
m'a-t'il jamais été pofïible de rafTu-
rer mon efprit dans l'idée qu'on
me vouloir faire concevoir , que
mon emprifonnement avoit encierc-
inent effacé tout ce qu'on avoit con-
çu de mal -talent contre l'innocen*-
ce de ma conduite : parce que je
Toyoisa que l'efprir du Cardinal
D £ M. D. L. R. 55)rj
animoic encore fouverakiement cou-
re la Cour j que Tes créatures étoienc
mieux écoutées , que les Princes du
Sang ) ôc que le^ expéditions des
affaires importantes ne fe faifoienc
jamais , à moins qu'elles ne fufTènc
autorifées du confentement de celui
qu'on a honteufement chaiTé, com-
me un criminel d'Etat.
Il ne feut pas être fort iittelligent
dans les affaires d'Etat , pour fça-
voir 5 que la Cour ne reculoit Ci
conftamment de me donner le Gou-
vernement de Guienne , que parce-
■que le Cardinal ne le trouvoit pas
à propos •>, & qwf» fa politique lui
faifoit fbrgéï des fantômes , plutôc
que des raifons , pour appuyer l'in-
juftice de ce refus. Il ne faut pas ,
dis- je 5 pénétrer bien avant dans les
fecrers d<^ l'Etat , pour voir que la
négociation de Sedan , qu'on â
donnée en échanse du Duché de
Bourgogne à la Reine Ressente , e(i
R "^
39^ Mémoires
un des plus vifibles effets de fes îiv
trigues , Se du defïèin qu'il a de
trouver une porte pour rentrer dans
le Gouvernement de la Monarchie.
Cette forte obftination de la
Cour à pourfuivre le retour de Ma-
zarin , & à fe défier de ma con-
duite 5 parceque j'y formois les plus
puiffantes oppofitions, m'a fait épar-
gner les viiites , que mon devoir
iTie faifoit fouvent réitérer dans le
Palais-Royal , jufqu'à ce que par la
faveur de Son Altefïè Royale , qui
s'efi: entremife pour donner quel-
que meilleure & plus véritable idée
de la fîncérité de mes déportemens,
je pu(ïè çonnojtre , que je n'y étois
plus regardé de Ci mauvais oeil , &
que je pouvois cfperer de n'y être
plus traité avec tant de défiance.
Mais cette illuftre entremife n'a
pas été moins inutile que les efforts
que je faifois conftamment pour en
faciliter la crçance j d< les c^lom-
D E M. D. L. R, 397
nies de mes ennemis ayant prëvahi
par-deiïus les bons offices du Lieu-
tenant-Général de l'Etat 3 on n'a pu
davantage tirer en longueur le def-
fein de me perdre, pour fauver, aux:
dépens d'un Prince de la Maifou
Royale, les débris de la fortune d'un
inconnu. Il eft vrai qu'on n'en a
précipité l'exécution , que parce-
qu'on a vu que le mariage du Duc de
^'lercœur étant découvert, il n'étoic
plus temps de complaire aux oppo-
ïîtions de la France , &c que cette
alliance du Cardinal Mazarin avec
la Maifon de Vendôme juftifieroic
déformais tous les efforts qu'on
feroit pour difpofer les affaires à
fon retour.
Tellement qu'on peut aifément
conclure, que ma difgrace efl un
pur effet des oppolîcions que j'ai
conflamment formées contre le ré-
tablKîèment de cet ennemi public,
di qu'il ne tiendroit qu'à moi de
55?S Mémoires
me remetne hautement dans la fa-
veur 5 avec une pleine affurance ,
qu'on afTouviroit toutes mes ambi-
tions 5 fi je voulois féconder le per-
nicieux defTein qu'on a de rappel-
1er ce Cardinal au Gouvernement
de l'Etat. Mais à Dieu ne plaife ,
que je me ravale jamais jufqu'à cet-
te lâcheté 5 qui me rendroit fans
doute crim.inel d'Etat > dans la par-
faite connoiïfance que j'ai qu'on
lie fçauroit procurer ce retour fans
ébranler daneereufement cette Mo-
narchie: à Dieu ne plaife, que je
remette ce fardeau intolérable fur
les épaules des peuples, que les fai-
-gnées pialïees , dont cette fangfue
s'eft cruellement engrai(ïëc , ont
réduit jufqu'à la dernière nécelfité v
â Dieu ne plaife, que je donne fujet
•au Roi Majeur, de me reprocliet
d'avoir contribrué en aucune façon
au rétabliffemcnt de celui qui ne
peut revenir que pour ramener avec
D E M. D. L. R. 399
foi toutes fortes de troubles dans la
Monarchie.
Je fçai trop ce que je dois à Sa
Majefté pendant le temps de fon
enfance j ce que je dois à Son Altef-
fe Royale , qui s'eil li vigoureufe-
ment entremife pour briier les fers
de ma captivité j ce que je dois aux
Parifiens , qui me font la faveur
de me regarder maintenant comme
recueil fatal de cecce tirannie étran-
gère, & comme le reftaurateur de
leur ancienne & jufte liberté; ce
que je dois à toute la France , la-
quelle s'étant 11 généreufem.ent inte-
reiféc pour mon élargi (ïèment , exi-
ge juftement de ma reconnoiffance ^
que du moins je ne confente jamais
au retour de fon ennemi capital.
Ces motifs font trop juftes , pour
ne devoir pas donner le branle à
tous mes mouvemens ; ces raifons
font trop pertinentes , pour ne pas
faire la régie de toute ma conduite s
400 Mémoires
enfin je fais refolu de facrifier tous
mes intérêts à la gloire du Roi, à
Tavantagc des Princes , à la défenfe
des Pariemens , au progrès des af-
faires de l'Etat ôc au foulagemenc
des peuples.
APOLOGIE DE MONSIEUR
le Duc de Beaufort, contre la Cour,
la Nohlejfe & le peuple.
M
ESSIEURS
Si j'étois auilî éloquent , que
ceux qui ont écrit pour la Cour , ou
pour les Princes , vous auriez une
belle apologie en faveur du Duc de
Beaufort ; mais n'ayant fait que
chader toute ma vie , & joiier à la
longue paume avec lui, vous me
difpenferez, s'il vous plaît, de la
fatigue de l'éloquence , ôc me per-
DE M. D. L. R. 401
mettrez d'aller mon grand chemin
fans barguigner.
Pour entrer d'abord en matière ^
il me femble, qu'il y a trois point: en
mon difcours aufti-bien que d^ns
fon avis. Le premier eft de le jafti-
fier à la Cour, qui le croit, dit-on 5
mal intentionné; le fécond, de le
rétablir auprès de la Nobleile, qui
Ta méprifé ; le troificme, de lui re-
donner Tamitié du public qui l'a-
bandonne. Jugez 5 Meilleurs , fi j'ai
peu de chofe à faire , & s'il ne feioit
pas plus aifé de délivrer les Prii:^es,
Ôc de perdre le Cardinal , que de
réiiiïir à ce que j'en treprends. Mais
il n'importe , in magnh voLujj} fat
eft ; Jt periculum fu^rj vires, animus
faltem non défait*
Je dis, que la Cour eft tout-à-
fait injurieufe à Monsieur de Beau-
fort, de croire, qu'il a de mauvais
fentimens contre elle ; & voici com-
me je raifonne là-delTus. Si Moa-
401 Mémoires
fieiir de Beaufort avoit confervé
quelque haine pour la Cour, h la
reconciliation de Moniieur le Car-
dinal n'étoic pleine de Hncericé &c
de franchife , il fe maintiendroit en
état de lui nuire, ou de s'en garan-
tir : mais tant s'en faut : pour ôter
tout fujet de crainte & de foupçon ,
pour établir une entière confiance,
il fe décrédite exprès dans le Parle-
inenr , il s'attire le mépris des hon-
nêtes gens , ëc la haine des peuples.
Quelle apparence donc , que Mon-
fieur de Bcaufort faifant toutes les
chofes qui doivent plaire à la Cour j
air deffein de la deflcrvit, ou de iè
broiiiller avec elle ?
Davanti^ge : s'il étoit vrai , qu'il
voulût entretenir une confédération
défavantageufe à l'autorité du Roi,
il feroit uni avec les Frondeurs , &
tous enfemble auroient un même but
& les mêmes intérêts ; mais chacun
f^ait qu'il a rompu avec Madame de
D E M. D. L. R. 405
Chevrcufe, de peur qu'il ne femblâc
aller contre le teftament Je Louis
XIII. s'il confervoic quelque forte de
liaifon avec elle. Qu'elle apparence
donc 5 qu'un homme qui a des rei^
pecls il délicats pour la mémoire du
fea Roi , pût avoir des fentimens Ci
pernicieux contre celui-ci ?
Pour l'union du Miniftre Se de
l'Amiral , on ne fçauroit apparem-
ment la defirer ni plus forte , ni
plus étroite ; &c ils Ibnt trop géné-
reux l'un ôc l'autre , pour croire
qu'on ait donné &c reçu quatre-
vingt mille livres de rente comme
un gage trompeur d'une faulîe re-
conciliation.
Mais afin de lailTer les conjecla-
res 5 où il y a mille chofes concluan-
tes , pourquoi IVaroit-on appelle
Maz^arin fur le pont-neuf, au Pa-
lais, & dans tous les lieux publics?
Pourquoi dans la dernière afièm-
blée du Parlement, auroit-il foUici-
404 Mémoires
té ce qui lui refte d'amis en fa fa-
veur , s'il n'étoit véritablement dans
fes intérêts ?
On l'accufe de contribuer de tout
fon crédit à la ruïne du Duc d'Ef-
pernon. Et que peut faire autre cho-
fe ce généreux Prince , à moins que
de fouffrir les injures chrétienne-
ment, 6c de s'enfermer dans un
Cloître ? Ne faut- il pas avouer , que
jamais perfécution ne fut pareille à
celle que lui fit le Duc de Can-
dale j ôc fon acharnemenr à desho-
norer un parent fi proche ne mérite-
t'il pas bien cette vengeance ?
Mais à dire vrai , ce ne font
qu'intérêts particuliers ; en tout cas
il fe venge de fes ennemis malgré la
Cour, 6c par une efpece de com-
penfation , il fçait abandonner fes
amis pour lui plaire, Fontrailles ÔC
Matta autrefois fi palTionnés pour
fes intérêts , en ont fait l'expérien-
ce j ôc le Comte de Fiefque , après
DE M. D. L. R. 40;
avoir reçu le même traitement , de-
vroit fe reprocher toute fa vie l'inu-
tile générolîté qu'il eut pour lui.
Concluons donc , que jamais per-
fonne n'a mieux fuivi les intentions
de la Cour , de que la Reine auroic
fort mauvaife grâce de lui refufer le
Gouvernement de Bretagne , fi elle
croyoit que les grands fervices quil
a rendus , ne font pas bien payés de
l'Amirauté.
Après avoir juftilîé ce grand Duc
pour ce qui regarde la Cour , je le
veux juftifier auprès de la vraie No-
bleffe 5 & faire voir que rien n'eft
plus déraifonnable que le mépris
qu'on en a fait depuis quelque
temps.
Quand je parle de la vraie No-
ble[îe 5 je n'entends pas parler de
ceux 5 que le feul langage de ce
Prince fait Tes ennemis ; gens nour-
ris dans la mollefle & dans l'oifive-
té 5 à qui les ruelles ont donné des
entretiens particuliers.
40^ Mémoires
Mr. de Beauforc fe fait gloire-
d'ignorer des termes trop délicats ,
& capable d'amollir les courages ,
comme d'affoiblir les efprits. il ne
fçait ce que c'eft de jufteiTe , ni de
diicernementj il ne cherche ni la po-.
litelTe aux repas , ni la propreté aux
habits y mais il fçait fe faire aimer
de fes voifins j Se quand il a beioin
d'amis , il trouve des cent Gentils*
hommes traveftis en diables, qui ne
manquent point de brocher Bayard.
Voilà quelle eft la manière de vi-
vre de ce grand Duc. Je vois bien,
que j'ai à fatisfaire la Noblelfe fur
un autre point , & qu'il y a peu de
Gentilshommes, qui parlant de l'af-
faire de Renard, ne parlent aufïi du
peu d'envie qu'on a eu de fatis-
faire des gens de qualité ii fort of-
fenfés. Avaiit que de venir au dé-
tail 5 je vous dirai, que le bon Prinr
ce s'eft repenti mille fois de cette
su^ïon : de pour vous montrer > que
D E M. D. L. R. 407
je n'approuve pas l'aftaire , ni la fui-
te qu'elle a eue , je l'accufe d'avoir
eu trop d'emportement de de cou-
rage chez Renard , ôc trop de réfle-
xion &c de fageflè dans le procédé.
Mais pour peu de bonté que vous
ayez , Mefïieurs , vous excuferez un
homme , qui a pris feulement une
chofe pour l'autre ; qui fut vaillantj
quand il falloir être fage j &c qui fut
fage 5 quand il falloit être vaillant :
il bien que ce n'eft qu'un peu de
mécompte , &: vous auriez trop de
févérité fi vous ne lui pardonniez
cette méprife.
Et après tout , quand on vou-»
droit prendre les chofes à la ri-
gueur , contre qui fe devoit battre
Monfieur de Beaufort ? S'il fc fôc
battu contre Mr. de Caudale., qui
étoit le vrai procédé en cette affai-
re 5 au moindre défavantage qu'il
eût eu 5 toute la Cour s'en fut ré-
jouie : la Reine étoit encore aigrie
4o8 Mémoires
de la guerre de Paris j fa réconciliât
tion avec le Cardinal Mazarin n'é»
toit pas encore bien faite , prefque
tous les gens du monde s'étoient
offerts à Monfieur de Candale :
Dieu fçait quelle joye , s'il eût reçu
quelque blelTure , ou rendu l'épée ?
De fe battre contre Boute ville, c'étoic
une cliofe prefque auifi fâcheufe j il
ne lui pouvoit arriver du defordre ,
que Mr. le Prince &c tous fes amis
n'en euflènt pris un merveilleux
avantage. De la façon qu'il avoit
traité Jarzay, c'étoit une affaire fans
quartier , de dans le vœu qu'il a fait
d'obferver le précepte naturel toute
fa vie , il n'avoit garde de fe porter
à cette inhumanité.
Il eft certain , qu'il fe fut battu
contre Moret j mais celui-ci lui
donna un rendez-vous trop éloigné
des Chirurgiens , comme lui dit
judicieufement Mr. de Beaufort : dc
quant à ce que difoit là-deffus Mr.
dc
D E M. D. L. R. 409
de Palluau , qu'il devoit fe conten-
ter de la poudue de iimpatie , ceia
eft bon à des'^ gens comme lui fans
confcience \ mais ce Prince eft crop
homme de bien pour fe fervir des
remèdes 5 qui ne font pas naturels ,
Madame de Vendôme lui prêchanc
toujours 5 qu'il vaut mieux mouriu
mille fois , que de chercher fa gué-
rifon dans la Magie,
Voilà les raifons , qu'il avoît de
ne point tirer Pépée : chacun en
aura les lentimens qu'il voudra :
pour moi, je croirai toujours qu'un
homme généreux ne fçauroit ap-
porter trop de précaution , pour
empêcher , que fes ennemis n'ayenc
avantage fjr lui ; ce qui pou voie
arriver à Monfieur de Beaufort , s'il
fe fût commis avec des perfonnes
défefpérées. Mais je veux qu'il aie
été emporté de trop de chaleur , &
que par l'impétuofité d'un grand
cccur , dont il ne fut pas le maître
Tome II, S
410 Mémoires
en cette occalion , il ait oifenfé mal
à propos tant d'honnêtes gens : eft-»
ce à dire qu'un outrage ne le pui(ïè
réparer que par la mort } Et lors
qu'un grand Prince a la bonté de
revenir , Tes civilités doivent-elles
être méprifées ? Quels complimen$
n'a-t-on pas faits aux inte reliés , ôc
quelles fatisfadtions ne leur a-t-on
pas données , (î vous en exceptejs
celle de le battre ; fatisfadlion cruelle
ôc fanglante , que toutes les Na-
tions ont fujet de nous reprocher î
Si ce eénéreux Prince avoit les Ccn»
timens aulïî délicats pour les inju-
res , que ces MetTieurs qui fe plai-
gnent 5 quels chagrins ne devoit-il
pas rellèntir , pour faire voir qu'il
n'a rien oublié , qui pût gagner le
cœur de l'amitié de la Nobleffe ?
Vous fçavez , qu'aulli-tôt qu'il eue
fait fon accommodement , il com-
mença à fonder à la fortune des
homiêces-gens , ôc réfolut d'empla?
DE M. D. L. R. 41 1
yci' tout Ton crédit pour les autres 5
fans penfer à tes propres interêcs.,
Aux uns 5 ce crénéreux Prince offrit
la fiireté de fa protection j aux au-
tres , ce Prince libéral offrit tous
les avatages , qu'on pouvoit tirer
de fa faveur : il diftribuoit les Char-
ges 5 les Gouvernemens , &c ne pue
jamais trouver une créature parmi
ces ^ens abufés des efpérances de la
Cour : il n'y en eut point , qui ne
refusât Tes bienfaits. Le dépit , qu'il
eut de voir fes liberalicés méprifées,
le força de fonger à fes affaires , Se
malgré le deffein , qu'il avoir de ne
rien prendre , il fe vit réduit à cette
fâcheufe néceffité de folliciter fes
interêcs.
Voilà le premier déplaifir , que
le Duc de Beaufort reçut des Gen-
tilshommes 5 &c particulièrement de
la Cour ^ voilà les premières mar-
ques de leur mépris , qui a palTé en
fort peu de temps jufqu'aax injures
S 1
4 î 1 M E îil O I R E s
les plus fanglantes. Dans la guerre
de Paris on ne parioic que de fa
gencrofîté ôc de fa valeur : voyez
cjuelle eft rinjuftice du liéclc , on
prétend le déshonorer aujourd'hui
par les mêmes adtions j dont eft ve-
nue fa réputation.
Chacun fçait, que tout le monde
lui Ht des complimens fur la mort
de Nerlieu ; ôc quand véritablement
il ne l'eut pas tué, les plus miodeftes
s'y fuilent laiiTé perfuader au (Ti- bien
que lui. Ce même monde , plein de
complaifance &c d'agrément en ce
temps-là 5 devenant de mauvaifc
humeur prcfentement, lui veut ôter
la gloire qu'il lui a donnée , ôc par
une recherche aufTi éxadte qu'inge-
iiieufe 5 trouve , à ce qu'on dit j
qu'il n'approcha de Nerlieu qu'a-
près fa mort.
Son combat contre Briole , étoii
allégué comme un combat extraor-
dinaire 5 qui faifoic trembler touî
D E ^î. D. L. R. 415
les Héros des Romans : aujourd'hui
Briole lui arrache ion épce , comme
à un homme perdu , que l'emnor-
temenc ou quelque autre pairioii
avoir m.is hors de lai-même.
Ces Meilleurs fc figurent - ils ,
qu'il foit prêt de changer de créance
auiîi légèrement qu'ils ont Fait , ôc
qu'une perfonne , qui s'eft imaginé
d'avoir tué Neriieu , quand on lui
en a fait des complimens , foit re-
foluë de n'en rien croire , lorfqu'il
leur prend fantaiiie de fe dédire ?
Non 5 non , Meffieurs , vous devez
avoir plus de {-ermeté , de jam.ais on
ne lui reprochera une pareille in-
conftance. Il pouvoir bieir être ,
qu'il ne l'avoit pas tué ; mais puif-
que vous l'avez voulu , fi à préfenc
vous tenez le contraire , cela n'em-
pêchera pas qu'il n'ait tué Neriieu.
Des actions particulières, on palîc
aux qualités de fa perfonne. On le
fait être ^roiTier fans franchife ; arti-
^ c •
5 3
414 Mémoires
ficieux fâiis efpric j «Se pau un mélaiv
ge bizarre , il poilede foaveraine-
nicnt 5 difciu-iis , les artifices de
Mr. de Vendôme 3c la fimplicité
de Madame fa Mère. Si vous les
croyez. , il promet à tout le monde,
ëc ne tient jamais fa parole ; il en-
voyé trois Couriers , dont pas un
ne monte à cheval , &: fe refiife lui-
même de la part de la Reine ce
•qu'il n'a pas demandé. Que vou-
lez-vous de plus 'i 11 follicite pu-
bliquement pour un homme , ôc
follicite en particulier contre lui.
Je ne fçai ce que l'on ne dit point
de fou langage , de de fon efprir.
On lui fait écrire des lettres ridi-
cules à Monfieur de Bethune , où je
m'alTure qu'il ne penfa jamais. Les
inci'Jens des procès font pour lui
des accidens de la vie j quand on
mange de la viande en Carême ,
il y veut mettre la politique ; les
chambres tendues de noir iont lu-
D E M. D. L. R. 415
briques , & les yeux les plus lafcifs
font lugubres. Laval efl mort d'une
confufîon (a) à la tête , ôc le Che-
valier de Chaboc , pour avoir été
jnal timpanë. Il n'y a lâcheté qu'on
ne lui faiTe faire , il n'y a fottife
qu'on ne lui Ç^Sic dire , de cepen-
dant il faut croire cu'il cft fmcere
& fpirituel , & ciu'il ne manque de
bonne foi , ni d'intelligence.
Peut-on s'imaginer qu'une per-
fonne nourrie dans l'innocence des
pi ai (1rs des champs foit devenue ca-
pable de tant de fourbes ? Pc ut- on
s'imaginer, qu'un Prince de fa naif.
fance ignore l'ufage des termes les
plus communs ? Pour moi 3. je vous
avoue 5 c|u'au lieu de me figurer des
chofes il écranges , ôc fi déiavanta-
s 4
(a) C'cjl qtv^il p.irloit comme les payfans,
Défc.vd qii'il tenait de fa mère , la plus
^rojfiere fe-mme qui fût en France , quoi-
qu'elle fût de la Maifoyi de Lorraine,
4i<5 Mémoires
geufes à Mr. de Beaufort , j'admire
toujours fa généroficé , ou fa patien-
ce à pardonner ou à foutirir les in-
jures qu'on lui fair.
Si je ne craignois de paiTer ici
pour déckmareur, je tînirois ce cha-
pitre de la NoblelTe , en l'exhortant
•de vivre auiTi-bien avec lui , qu'il
eft réfolu de bien vivre avec elle ;
de m'adreflant aux Gentilshommes ,
je leurs dirois de fa part : Quittez, ,
Jl'iejficurs , quittez, cette hai?ie malt-
cieufe , & ce ?ncpris affecîé ; rentrez,
dans les fe77timens ou vous étiez, à la
mort du feu Roi : fouvene^-vous de ce
temps généreux , oit tout le monde fe
jettoit en foule dans fes intérêts ; ou le
Colonel des Suijjes ( a) , les Officiers
de la A<faifon du Roi , & les gens de
cjualité renon^oient a la Cour , & à
la fortune, pour l'amour de lui. Si vous
revenez. , Meffieurs , // eft prêt de vous
recevoir, & en état de faire pour vous
(n) MonfeuY de la Châtre.
D E M. D. L. R. 417
les mêmes chofes quil a faites, SI vous
ne revenez pas , je vous déclare ^hU
vous abandonne , & va tacher de Je
rétablir dans l'ajfeciion des peuples qui
l'ont quitté. Il vous a dit les CQ'tnmen-
cemens de fa réputation ; mais il vous
doit la meilleure partie defon mépris ,
& fe trouve ajfez. déchargé de toute
reconnoijfance par les rejfentlmens oii
vous le poujfe^ : Meffieurs , il^^nefi pas
h e foin de barouioner davantace.
Il eft temps de venir à la jaflihca-
tlon auprès des peuples ; & comme il
avoue lui-même, qu'il leur doit fou
falut, fa fortune 3 ôc {on crédit, il
n'y a rien qu'il ne faiîe, pour leur
ôter la mauvaife impreiïion , qu'ils
ont prife, ou par ion propre malheur,
ou par la malice de les ennemis.
Ce n'eft pas , s'il vouloir s'e-
xempter de reconnoilTance , qu'il ne
piit dillinguer l'obligation i ùC qui-
conque voudroit examiner les cho-
fes avec la dernière rigueur , trou-
s i
4i8 Mémoires
veroit fans doute, que leur afFc(Stion
étoit plutôt un effet ncceflaire defon
étoile, qu'un mouvement libre &c
obligeant de leurs cfprits. Au feul
nom de Monfieur de Beaufort , les
peuples fe font trouvés émus fans le
connoître , &c par je ne fçai quelle
impulfion , tous les coeurs fe font
portés à cette furieufe amitié. Il eft
certain , qu'il eil devenu leur Pôle ,
fans les avoir fervis, fans les avoir
pratiqués , fans avoir rien fait qui
pût attirer ni leur gratitude , ni leur .
amitié, ni leur eftime. De cette forte,
ils ont fait pour lui ce qu'ils ne fe
pouvoient emipêcher de faire j &c à
parler fainement, il eft beaucoup plus
obligé au bonheur de fa naiiïance
qu'à leurs bonnes volontés. Cepen-
dant , il avoue , qu'il leur doit tou-
tes chofes , de ne prétend point par
une méconnoiiïance fi exquife payer
de véritables obligations. Il ne pro-
tcfte pas feulement , qu'il fera toû-
D E Mo D. L. R. 41^
jours dans le deirein de fervir des
peuples 3 qui Vont lervi ; il aiTure
qu'il aura toute la vie des ientimens
d'amitié particuliers pour eux , une
parfaite reilemblance d'humeurs , un
iecret rapport de penfées, une con-
formité admirable de langage & de
manière qui doivent entretenir en-
tr'eux une liaifon éternelle.
Et toutefois Meilleurs de Paris
veulent rompre injurieufcment :
d'une paflion , qui alloit jufqu'à la
folie 5 on les voit pafier à une haine,
qui va jufqu'à la fureur j ce ne font
que reproches d'inconfcance de de
periîdie. Et du moment qu'ils l'ont
vu moins miférable , il l'ont traité
comme un ingrat & un corrompu.
Souffrez , Meffieurs , que je vous
parle fans paHion. Si j'ai dit quel-
que chofe en fa faveur ^ ne croyez
pas que je fois gagné , ni prévenu ,
ni que je veuille m'attirer une an-
mofité générale , pour confervcr les
S 6
410 Mémoires
bonnes grâces d'un particulier. Je
fais ici profeilion d'une fincerité
toute entière i ôc Dieu m'eil; témoin.
Il je luis d'autre mouvement que
celui de la raifon.
Trois chofes , (i je ne me trompe ,
ont ruiné Monfieur de Beaufort
dans votre efprit , fon accommode-
ment avec Monfieur le Cardinal ;
TAmirauté qu'il a prife ; de les folli-
citations qu'il a faites dans les der-
jiiieres affemblées.
Pour fon accommodement 5 à
moins que de le traiter avec beau-
coup d'injuftice , vous ne le fçau-
riez trouver mauvais. S'il s'étoit
vïccommodé fans confiderer vos in-
térêts 5 ôc n'avoit eu foin que des
iiens , vous auriez fujet de vous
plaindre ; mais il cfc certain , que le
bur de fa reconciliation eft de cher-
cher des moyens plus fûrs ôc plus
faciles de perdre le Cardinal. Il a
TU toutes les Provinces foulevces
D E M. D. L. R. 42 1
fansfruit; il a vu que lahaine ouver-
te ôc déclarée ne ieivoit de rien ; il a
eu recours aux apparences de Pami-
tié ; Ôc comme il dit lui-même , il a
fait deflcin de le perdre par le ca-
binet.
Son efpric auiïi capable d'intri-
gue, que de la guerre, ôc de dex-
térité que de hardiede , lui fourni-
ra mille moyens adroits & ii^^ge-
nieux , fans parler de fon étoile po-
litique, qui le deiline au Gouverne-
ment de l'Etat , 6c le met au-deiTus
de toutes les finedes dltalie.
Si quelque perionne un peu trop
délicate fur l'honneur ne peut ap-
prouver , que I\ir. de Beaufort con-
ferve les fentimens de ruiner le Car-
dinal, après en avoir reçu des bien-
faits confidérables j je lui réponds
qu'il n'a point traité avec lui com-
me fon ami j mais au contraire je
me perfuade qu'en prenant l'Ami-
rauté , il lui a fait le tour du plus
cruel ennemi qu'il eût au monde*
42.1 Mémoires
Et quoi , Meflieurs , ne penfez-
vous que ce Prince l'a moins in-
commodé dans la guerre de Paris ,
que dans la paix ; &c à votre avis ,
le combat de Yitry n'étoit - il pas
plus indifférent à la Cour , que la
négociation de l'Amirauté ?
Dans cette guerre , il étoit tou-
jours en état , ou de s'enfuir , ou
d'être battu , ^^ jamais fon courage
& fa fureté ne s'accordoient en-
femble : on n'alloit à la campagne
qu'avec frayeur , on rentroit peu
fou vent dans Paris frais honte , dc
les fuccès les plus heureux étoient
de faire venir du pain fans com-
battre.
En ce temps-là Monficur de Beau-
fort réduit avec vous aux dernières
nécefïités , ne faifoit , pour dire le
vrai 3 ni beaucoup de peur , ni beau-
coup de mal aux troupes de Saine
Germain , mais aujourd'hui qu'il
force la Cour , qu'il ote quatre-
D E M. D. L. R. 425
vingt mille livres de rente à la Rei-
ne même, vous appeliez cela recon-
ciliation, de bonne amitié? Non,
Iviefrieurs, détrompez-vous, je vous
prie, 6c croyez qu'il a exercé la plus
fine de toutes les vengeances.
Si dans le com^pliment quil fal-
lut faire au Cardinal pour le remer-
cier de cette affaire, il l'aiTura d'a-
voir le miême attachement à fes in-
térêts que Champfleury (a ) , il faut
croire qu'il ajoûtoit la mocquerie
au premier outrage , ôc c'eft violer
le refpeâ: , qu'on doit à fa qualité
de Prince , de s'imiaginer qu'il ait
été capable de cette ballèfle. Ceux
qui font dans le haut rang, peuvent
bien fe dire amas des Miniftres ;
mais de defcendre à l'attachement
de Capitaine de leurs Gardes , cela
ne s'eft jamais fait: & pour vous
ôter tous les foupçons , que vous
(a) Capitaine des Cardes du Cardinal
MaMirin.
42 4 Mémoires
avez injuftement pris , je vous de-
mande 5 il les défiances de Mr. de
Beaufoit font moindres , qu'elles
n'éroienc auparavant. Loriqu'une
perfonne de qualité le fait appeller,
&z qu'il renvoyé ces Meilleurs à
Commeny , comme on renvoyé des
créanciers à un Intendant, ne faut-
il pas dire , que c'eft un artifice de
la Cour :- Et n'a-t-on pas im.primé
une lettre , qui témoigne aflez le
fentiment , qu'il a dans toutes les
affaires qui fe préfentent? Il cher-
che les précautions 5 que lui donne
la défiance 5 i\ l'on délibère au Pa-
lais-Royal , Il l'on délibère à l'Hôtel
de Montbazon , ils ont tous leur
confeil, de dans leur cabinet on ré-
fout toutes les affaires d'impor-
tance.
Javoue que le Duc de Beaufort a
foUicité pour le Cardinal ; mais on
lie me fçauroit dénier , que c'étoic
moins eji fa faveur , que contre les
D B M. D. L. R. 415
Princes j & ii vous lui donnez
moyen de perdre le Cardinal par les
Princes , (Se les Princes par le Car-
dinal 5 il vous aura la dernière obli-
gation. C'ell: le malheur de la fitua-
tion où il eft , plus que la malice
de Ton naturel qui lui fait craindre
tout le m.onde , &c n'aimer perfon-
ne. La bonté qui fe peut conferver
parmi des intérêts il délicats , lui
refte encore. Il n'envie point à Mr.
le Prince la conftance qu'il, témoi-
ene au Bois de Vincennes , &: com-
me il peut arriver tel deiordre qui
feroit tort à fa gloire , il fouhaite
qu'il fînifle promptemcnt les jours ,
pour mettre fa réputation à cou-
vert.
Le tempéramment du Prince de
Ccnti eit , à Ton avis , (1 foible & (1
délicat , que le moindre exercice ^
une chalïe , une débauche , une pe-
tite agitation , feroit capable de le
faire mourir s'il étoic en liberté.
^l6 M E M O I i2. E s
Dans la dévotion où il ed , il ne fe
peut lader de louer Dieu de la con-
veiiion du Duc de Longueville , ÔC
la joye qu'il a de lui voir dire Ton
Bréviaire ne fe fçauroit exprimer,
lied fâché, que le Cardinal foie
occupé au gouvernement d'un peu-
ple tumultueux , comme celui de
France ; &c pour exercer la délica-
teiïc de Ton efprit , il lui fouhaite
quelque bon emploi dans Tltalie.
Outre les fentimens de bonté , qui
le portent à defirer la gloire de ces
Mefïieurs , Il faut avouer , que le
foin du bien public ne lui laillè
point de repos ; l'intérêt de l'Etat
lui devient li précieux , qu'il ne le
fçauroit fouftiir entre les mains de
perlbnne , & la vie même lui fem-
ble inutile , s'il ne l'employé chari-
tablement à nous gouverner.
Sans le flater , Meffieurs , il y a
peu de chofe , qu'on ne doive at-
tendre de fun zèle <^ de fa capacité.
D E ^î. D. L. R. 417
Faut - il empêcher , que l'autorité
Royale ne foit reconnue ? Faut-il en
niême temps s'oppofer à la liberté
des Princes , & tirer le Duc d'Ef-
parnon de fon Gouvernement }
Faut il exciter une iédition pour le
bien de l'Etat, faire tendre les chaî-
nes, armer les fad-ieux ? Faut-il fe
trouver à toute forte d'a(ïem.blées au
Palais , à l'Hôtel de Ville , à tous les
Confeils ? il n'y a fatigue ni dan-
ger , qu'il refufe pour l'amour de
vous. On peut attendre de lui ces
grands fervices ; & le moindre
foupçon qu'on auroit de fa fidé-
lité 5 lui feroir infiniment fenfible.
Il eiï prêt de facrifier fon repos pour
le vôtre.
Il me femble néanmoins qu'on
doit avoir de la confidération , de
ne rien exiger, qui foit au-defTùs
de fes forces. N'attendez-pas qu'il
i aille imprudemment s'oppofcr à
l'Archiduc j on fcaic bien , que la
41 8 Mémoires
guerre de la campagne lui ell: in-
connue ', de combattre avec des
troupes réglées eft pour ce Héros
une chofe nouvelle. C'eft à faire
aux Gallions , ôc aux perfonnes peu
confidérables par leur n.ailîance , de
palTer leur vie , comme des Crava-
tes -, c'eft à faire à des gens défcf-
perés de commettre la fortune à\\n
Erac au hazard d'une bataille -, pour
lui , que fa condition Se la naiflan-
ce rendent incapable de balîelle Sc
de folie , il tiendra glorieufement fa
place dans les Confeils , de em-
ployera tout fon temps à former un
avis 5 qui puiiTe être dans la bouche
de tout le monde , après être forti
de la Tienne.
Cette purs ejl attribuée k Mr. de Saint
Evremo7Jt. Il ejl pr.rlé de lui daus le Dif-
cours de la retraiie de Moyifienr le Duc de
Lon^UQville en 'Normandie.
D £ M. D. L. R. 499
LETTRE DE MONSIEU R
le Cardinal Adar^arin . a Air,
de Brienne,
LA Reine a crû , à ce que j*âp-
prens, que vous m^avezhmple-
ment envoyé une lettre du Roi con-
formément à ce que Ton a accoutu-
mé de faire à tous, les Cardinaux
Nationnaux, lorsqu'on reçoit nou-
velle de Rome , que le Pape foie
en danger. Mais pour moi , j'étoic
privilégié , puifque outre la première
du Roi 5 & le duplicata , j'en ai
reçu une autre , & trois de vos dé-
pêches 5 le tout conçu en termes fî
preflans , pour me faire prendre fans
aucun délai , la route de Rome ,
que j'avoue d'en avoir été fourpris
au point que je devois , ne pouvant
m'imaginer en quoi j'avois manqué
430 Mémoires
à leurs Majeftés , pour me prciTcr à
faire un voyage avec tant d'igno-
minie , tant de rifque , & lans au-
cun moyen de fubfifter. De croire,
qu'avec une lettre de recommanda-
tion pour le Pape l'on facisfait à
tout 5 comme fl à Rome on con-
noilfoit il peu les chofes , qu'on ne
fçut pas inférer quelle forte de
protection je pourrois avoir en ce
lieu-la 5 puifque j'étois abandonné
à la perfécution de mes ennem.is en
France , ou le Roi eft maître. Avec
tout cela , fi j'eulTe eu l'honneur
de recevoir un petit mot de la Reine^
qui m'eût fait connoître , que l'iiT-
tention du Roi Se la Tienne étoit ^
que je m'y en allalle , ainfi qu'elle
a eu la bonté de me le faire fçavoir,
lorfqu'elle a voulu que je fortiffe
du Royaume, & que je m'cloignalTe
jufqu'au Rhin ; je vous allure , qu'a-
près avoir mis mes nièces dans un
Monaftére , de licentié ma famille ,
D £ M. D. L. R. 431
je m*y en fei-ois allé avec deux valeis,
pour confirmer en touces rencontres
à leurs Majeflés , que mon obéiT-
iance eil: aveugle , & nia fidélité à
touue épreuve. En effet, je fuis prêc
de faire fans aucune réplique , ce
que la Reine m^'ordonnera là-de(Ius,
quoique je ne puifïe recevoir une
plus grande mortification , que de
faire ce voyage dans l'état où je fuis,
qui d'ailleurs ne peut être que pré-
judiciable à la dignité du Roi. Sur
ce que Madame d'Aiguillon m'a
fait dire par Rouzereau , je l'ai pro-
pofé moi-même , demandant les
conditions que vous fçavez , &c
toute la négociation a abouti à des
ordres de m'y en aller , fans parler
d'autre chofc. Ce qui eft de mal-
heur en cette affaire , c'eft qu'on a
eu l'adreile de la faire palîèr auprès
de la Reine pour une grâce , que
l'on me faifoit , afin que je reiîèn-
tiiTe encore quelque eftet de la ré-
432- Mémoires
jouiffance publique pour la majorité
du Roi. Tout cela m'a accablé de
déplaifir , voyant à quel point mes
emiemis fe prévaloient de ma dif-
grace ; & avec quel bonheur ils
employoient leur adrefiè , pour me
faire recevoir des traitemens fî ru-
des 5 dans un temps où je pou-
vois 3 avec juftice , efperer qu'on
donneroit quelque foulagemenC
laux perfécutions violentes que j'ai
{outTcrtes huit mois durant , avec
un il notable préjudice de rautoritc
Royale.
Mais tout cela n'efl: pas compara*
ble à l'excès de douleur, dans lequel
je fuis 5 après avoir vu dans toutes
les lettres de quantité de mes amis ,
qui font à Paris , Ôc dehors , le
plaifir qu'on a du contenu en la
Déclaration du Roi , qui avoit été
enregiftrée au Parlement , & que
l'on crioit par la ville j tous , fans
avoir concerté enfemble , tombant
d'accord
D E M. D. L. R. 4î$
d'accord , que depuis la Monarchie,
on n'avoic jamais rien fait de fi
fanglanc contre qui que ce foit ,
quelque crime qu'il eût pu commet-
tre. Perfonne ne me l'a ofé envoyer,
de je vous puis jurer de ne l'avoir
pas vue. Mais c'eft afîèz de fçavoir ,
que le Roi a déclaré , que j'ai em-
pêché la paix , & fait faire toutes
les pirateries fur les Alliés de la
France , pour être perfuadé , que
mon Maître veut que je fois recon-
nu pour le plus infâme Se le plus
fcélérat de tous les hommes , Se pour
le fieau de la Chrétienté. Après
cela , on m'envoye au lieu de ma
naidànce , pour faire parade à mes
parens de amis des beaux titres,
que j'ai remportés pour récompenfe
de vingt-trois ans de fervices aulïî
fidèles &c aulïî utiles , qui jamais
ayent été rendus par quelque Minif-
rre auflî zélé èc défintéreiïe que ce
puiflè être.
Tome II, T
434 Mémoires
Tous mes ennemis ont travaillé
fix mois durant , avec l'application
que chacun fçait , envoyant des
CommiiTaires par tout, s'appliquant
à toutes les recherches imaginables j
quelques-uns d'cnrr'eux fu (citant
de faux témoins , pour voir , fi l'on
me pourrait noircir de quelques
crimes , lefquels juftifiant dans Pef-
prit des peuples l'opprelTion qu'on
me faifoit , augmentafïènt encore
leur haine contre moi : fans que
tout cela ait rien produit que des
effets très-avantageux pour les dé-
tromper 5 d>c faire connoître mon
innocence , ôc l'injuftice avec la-
quelle on l'âttaquoit. Dans ce tempsr
là mefdits ennemis dérefpérant de
pouvoir rien faire d'ailleurs , ont
trouvé le moyen de me calomnier
auprès de leurs Majeftés , de faire
donner une Déclaration contre moi
en la forme ra plus éclatante Ôc la
plus autentique , dont on puiflè ufer
envers un voleur.
D E M. D. L. R. 45 5
Après cela , il me femble , qu'on
dcvroit plutôt me confeiller de me
cachei- &z de m'enievelir pour ja-
mais 5 que non pas d'aller à Rome;
puifque je ne dois pas feulement
appréhender les peuples de France ,
mais encore tous ceux , qui font
troublés par la continuation de la
guerre, ôc qui doivent avec raiion ^
jetter des pierres à celui qui en elt
déclaré la caufe.
Je fçai bien , que leurs Majeftés
ne peuvent pas avoir eu connoillance
en détail de tout ce qui étoit con-
tenu en la Déclaration du Roi y car
je les crois trop équitables , pour
m'imaginer, qu'elles eulïent vou-
lu confentir à me déclarer le plus
méchant ôc le plus "Sbominable
homme du monde. Et c'eft un grand
malheur pour le fervice du Roi >
qu'il ne fe foit trouvé perfonne qui
ait Fait connoître de quel avantage
il etoic aux ennemis de la France .^
- T i
43^ M E M O I R E s
que par cette Déclaration toute l'Eu-
rope fût perfuadée , que le principal
îvliniftre du Roi avoit empêché là
paix. Les Efpagnols ne pou voient
obtenir rien de plus avantageux ,
que de pouvoir rejetter fur la Fran-
ce la haine de la Chrétienté , pour
les maux , que la guerre lui fait
fouftrir j de les Alliés de la Couron-
ne auroient droit de demander le
dédommagement des déprédations
qu'on a faites , qui vont à des mil-
lions ', de en cas de refus j de faire
une querelle à la France , puifqu'en-
fia il eft certain que le Roi de l'Etat
font refponfables de la conduite de
ceux , qui ont la diredion des af-
faires.
! Je fçai 'auffi , que ma confidé-
ration n'étoit pas alTez forte , pour
obliger de parler en ma faveur ;
mais l'intérêt du Roi , de l'Etat ,
6c de la Reine même , étoit engagé
par tant d'autres raifons , outre
D £ M. D. L. R. 437
celles-ci, qui font très-prefTantes ,
qu'il faut avouer, que c'a été un
étrange malheur, que perfonne n'aie
ofé leur en dire un feul mot -, Se le
mien eft d'autant plus grand , qu'ou-
tre ce que je loutTl-e clans mon par-
ticulier , la palTion que j'ai pour
leurs Majeftés & pour PErat , me
fait auiTi relTentir dans le Fond de
l'ame le contre- coup qu'elles en re-
çoivent.
Vous voyez, qu'après les crimes,
defquels on a obligé le Roi de me
déclarer coupable , je ne fins plus
en état d'avoir participation d'au-
cune alTaire. C'ed: pourquoi vous
ne devez pas prendre la peine de
m'en communiquer ; ^c li mes en-
nemis n'ont pas le concer.tem.enc
de m.e voir aller à Rome , ils au-
ront celui de me voir cacher , fans
me mêler de quoi que ce foit ,
jufqu'a ce qu'il plaife au Roi de
me faire jufticc : le iuppliant très-
T 3
458 M E "NI O 1 R i s
humblement de trouver bon que je
me mette prifonnicr en tel lieu qu'il
ordonnera , ôc même dans une des
Places de Monfieur le Duc d'Or-
iéarrs ; afin que h j'ai failli , j'en
reçoive une punition exemplaire.
£t pour ôter les difficultés , qui s'y
pourroient rencontrer , à caufe de
la dignité , dont je fuis revêtu , je
recevrai la finguliere grâce , qu'il
me foir permis d'en envoyer la dé-
mifïion 5 car auffi-bien, elle ne peut
plus être en ma perfonne d'aucune
utilité au Roi. Je vous ferai fort
obligé 5 fi vous vous employez en
forte 5 que cette grâce me foit ac-
cordée , d'autant qu'elle peut con-
tribuer à la réparation de m. on hon-
neur y Se je vous prie d'excufer en-,
"core cette ieule fois mes impor»
lunicés.
ARTICLES ETCONDITIONS,
dont S. A, R.& Monfieur le Prin-^
ce fom CQ'/wemiS -pour fexpuljion dtû
Cardwal M^^arin^ en conséquence
des Déclarations du Roi , & des
Arrêts des ParUmens de France»
I.
PREMIEREMENT , qUC S. A. R.
& Monfieur le Prince fonc prêts
de pofer les armes , de rapprocher
de la perfonne du Roi , de rentrer
dans les Confeils , & de contribuer
tout ce qui dépendra d^eu:^ , pour
procurer la paix générale , remettre
les affaires , & rétablir l'autorité du
Roi y s'il plaît à. S. M. de comman-
der de bonne-foi au Cardinal Ma-
zarin de fortir du Royaume , & des
Places de fon obéïiTance ; & de l'é-
loigner de fes confeils , & d'auprès
T 4
440 M I M O 1 R I 3
de fa perfonne , fes proches & fes
adhérans , & d'exécuter finalement
les Déclarations , qu'elle a données
fur ce fujet , en forte que Sadite A,
K. & Monfieur le Prince ayent lieu
tl'étre perfuadés qu'on ne violera
ylus la foi publique.
IL
Qiie fî au contraire le Cardinal
Mazarin prévaut par fes artifices fur
Tefpric du Roi , & que contre les
vœux ôc les fentimens de toute la
France , &C au préjudice des Décla-
rations 5 l'on perfévcre à le mainte-
nir , la qualité d'oncle de S. M.
qu'a S. A. R. l'obligeant à veiller
au bien du Royaume , & à s'oppo-
fer à ce qui le peut troubler pen-
dant le bas âge de Sadite Majefté i
ôc Mr. le Prince ne pouvant fe dif-
penfer d'avoir les mêmes fentimens^
vu riicnneur qu'il a d'être du Sang-
D E M. D. L. R. 44î
'Royal ; & confidérant auflî , qu'ils
ne peuvent trouver aucune fureté
pour leurs perionnes , pendant que
le Cardinal Mazarin fera maître
des affaires ; ont promis & fe font
réciproquement obligés , de s'obîi-»
gent tant pour eux , que pour Mr.
le Prince de Conti fon frère, ôc Ma-
dame la Duchefïè de Longue ville fa
fœur 5 aufquels ils promettent 8c
s'obligent de faire ratifier le préfent
traité au même temps que lui j
comme aufli > pour ceux qui font;
dans leurs intérêts de union , de
joindre leurs forces , employer leur
crédit de leurs amis , pour procurée
l'expulfion du Cardinal Mazarin
hors du Royaume de Péloignement
de fes proches j & de fes adhérans ,
qui fe font déclarés tels par le con-
tinuel commerce qu'ils ont eu avec
lui hors de la Cour de des affaires.
T 5
442. Mémoires
III.
Ils promettent de ne point pofer
les armes jufqu'a ce q^u'ils ayent ob-
tenu l'effet ci-dcfTus , & de n'enten-
dre direclement , ou indiredlemen-
à un accommodement , qu'à cette
condition , 6c d'un commun con-
fentement.
I V.
Ils maintiendront 3c au cimente-
ront les troupes qu'ils ont fur pied,
autant qu'il leur fera polTible^ <3c les
feront agir conjointement ou fépa-
rément , ainii qu'ils le trouveronc
plus à propos y promettant pareille-
ment d'apporter tous leurs foins ,
pour les faire fubfifter avec le moins
d'incommodité qu'il fe pourra pour
les peuples.
V.
Ils promettent d'accepter volon-
D E M. D. L. R. 445
tiers tous les expédiens raifonna-
blés 5 qui leur feront propofés pour
la pacification du Royaume , aux
conditions de l'excluiion du Cardi-
nal Mazarin , énoncées dans le fé-
cond article j 3c de travailler in-
cellan:îment pour l'établidemenc de
la paix générale 3 qui eil une des
principales fins du préfenn traité : à
laquelle fans doute il n'y aura plus
d'obilacle , quand celui qui a vou-
lu la continuation de la guerre , fera
éloigné , ôc que la réunion de la
Maifon Royale , qu'il a empêchée
fi long-temps, fera rétablie,
VI.
S. A. R. & Monfîeur le Prince
prom.etrenL de maintenir les Parle-
mens 3 les Compaf^nies Souveraines
du Royaume , les principaux Offi-
ciers de l'Etat , la Noblerfè , & tou-
tes les perfonnes de condition ^
T (S
444 Mémoires
dans tous leurs privilèges , de de
leur faire raifon fur les prétentions
légitimes , qu'ils pourroient avoir ;
de ne faire aucun traité fans leur
participation , & qu'on ne leur ait
réparé les torts Sz les pertes qu'ils
pourroient avoir fouffertes en con-
féquence de celui-ci , & particuliè-
rement empêcher , qu'il ne foit
donné atteinte à l'obfervation de la
Déclaration du 21. Odiobre 1648.
ôc pour ce ils font conviés d'entrer
en la préfente Union Se de concou-
rir aux fins pour lefqu'elles elle efl:
établie.
VII.
Le Cardinal Mazarin , qui a tou-
jours gouverné en etfet , quoiqu'il
fût banni en apparence , ayant em-
pêché l'alTemblée des Etats-Géné-
raux 5 dont le Roi avoit promis la
convocation au 8. Septembre der-
nier , ôc ayant obligé les Députés ,
D E M. D. L. R. 445
qui s'étoienc rendus à Tours au jour
préfix 5 de s'en retirer avec honte ôc
confuiîon , de fçachant d'ailleurs ,
qu'il ne changera pas la conduite
qu'il a tenue , &: qu'il empêchera
par tous moyens , l'effet que l'on
attend de leurs délibérations j ou
que s'il eO: capable de confentir
qu'ils s'aflemblent , ce ne fera que
pour les mettre dans un lieu où il
fera le maître : S. A. R. de Mr. le
Prince , pour obvier à ces deux in-
convéniens , promettent & s'obli-
gent de travailler inceflamment ,
afin de les convoquer à Paris , ou
dans la ville la plus proche de la
plus commode ; enforte qu'ils puif-
ient agir avec une pleine liberté ,
auquel cas ils déclarent , qu'ils fou-
mettent de très-bon cœur à leur dé-
cifion tous leurs intetêts , n'en vou-
lant point avoir d'autres , que ceux
du Roi de de l'Etat : dont il fera
dïQ(& un Edit perpétuel 6c irrévo-
44<J Mémoires
cable 5 pour être vérifié dans le Par-
lement de Paris , &z dans tous ceux
qui feront entrés en la préfente
Union,
VIII.
S. A. R. Se Monfieur le Prince
ne pouvant tenir pour légitime , ni
reconnoîcre le Confeil , qui a été
établi par le Cardinal Mazarin , un
de ceux , qui le compofent , ayant
acheté fon emploi , avec une nota-
ble fomme d'argent qu'il a donnée
audit Cardinal ; 3c étant obligés ,
chacun félon le degré du Sang ,
dont ils ont l'honneur de toucher
S. M. d'avoir foin de Faire fes af-
faires 5 de de faire en forte qu'elles
foient bien gouvernées j promettent
de n'entendre à aucun accommode-
ment 5 que les créatures , 3c les
adhérans publics du Cardinal Ma-
zarin ne foient exclus du Confeil
d'Etat , de qu'à condition qu'il ne
D E M. D. L. R. 447
fera compofé, que de ceux dudit
Confeil Ôc autres qui ne pourront
être foupçonnés d'avoir aucune part
avec lui.
IX.
Et d'autant que les ennemis de
Monfieur le Prnce font capables de
vouloir décrier fa conduite , en
publiant , qu'il a des liaifons avec
les Etrangers ; S. A. R. de mondic
Sieur le Prince déclarent , qu'ils
n'auront jamais aucun commerce
ni correfpondance avec eux , que
pour l'établifTement de la paix géné-
rale ; &c qu'ils n'en prendront plus
à l'avenir avec aucun Prince étran-
ger , qu'autant que le Parlement Ôc
les perfonnes principales, qui en-
treront dans la préfente Union , le
jugeront avantageux au fervice du
Roi ôc de l'Etat.
44^ Mémoires
Et afin que les mal-intentionnés,
de les perfonnes les plus attachées à
la perfonne du Cardinal Mazaiin ,
ne puiflent douter avec raifon des
bonnes intentions de S. A. R. ôc
de Monfieur le Pnnce , ils ont cC-
limé à propos de déclarer expreflë-
ment par cet article particulier,
qu'ils n'ont autre intérêt , que celui
de Penticre fureté de leurs perfon-
nes: & foit qu'ils faffent des pro-
grès, pendant que le malheur de
TEtat les obligera d'employer leurs
armes pour l'expulfion dudit Car-
dinal Mazarin , ou que les affaires
s'accommodent par fon exclufion ,
ainfi qu'il a été ci-delfus expliqué ,
de ne prétendre aucuns nouveaux
étabHlïèmens, Se de trouver leur
entière fatisfadion dans celle que
la France aura de voir la fin des
troubles ,
DE M. D. L. R. 449
troubles , 6c la tranquilité publique
aflurée.
XI.
S. A. R. &c Monfîeur le Prince
ont eftimé néanmoins à propos ,
pour bonnes coniidérations, de con-
venir qu'ils contribueront de tout
leur pouvoir , dans raccommode-
ment qui fe pourra faire , pour les
fatisfadions juftes & raifonnables
de tous ceux qui font préfentemenc
engagés dans la caufe commune ,
ou qui s'y joindront ci-après, en for-
te qu'ils reçoivent des marques cf^
fedives de leur protection tout au-
tant qu'il leur fera pofTible.
Ce préfent traité a été figné dou-
ble par Son Alteffe Royale , ôc par
les Sieurs Comtes de Fiefque ôc de
Gaucourt pour & au nom de Mon-
fîeur le Prince , Mr. le Prince de
Conti 5 (Se Madame la Duchefïè de
Tome II. V
45© Mémoires, &c»
Longueville , en vertu du pouvoir,
qu'en a donné Monfieur le Prince ,
(k qui a été préfentemcnt remis es
mains de S. A. R. par ledit Sieur
Comte de Fiefque. Lefquels font
obligés , 6c s'obligent de fournir à
Sadite A. R. leurs ratifications dans
un mois eu plus tard. Fait à Paris,
ce 24. jour de Janvier 1652. Signé
Gafton. Charles Léon de Fiefque*
Jofeph de Gau court.
Fin dn Tome ftcovd.
PW
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