Skip to main content

Full text of "Mémoires de la minorité de Louis XIV : corrigée & augmentée de plusieurs choses fort considérables, qui manquent dans les autres editions. Avec une préface nouvelle, qui sert d'indice & de sommaire"

See other formats


^ 

1    (1^^^%^^^ 

I^B 

1 

> 

-    --i^ 

111  t<l 

0 

r 

< 
or 
en 

LU      -*     ?^ 

^^^ 

ILl 

o 

JaHy 

n 

_i 

jmi^H&. 

h- 

[Q 

■  ■■^^^ 

11 . 

3 

i 

r^^H 

O 

LL 

■ 

i 

r^'B 

^ 

n 
« 

> 

Q 
O 
h- 

Z 
O 

4 

y=^ 

u 

o 

QQ 

i^^^ll 

ILJ 
H 
1- 

z 

1 

^ 

^■1 

^^^^B 

t  n 

n 

J 

^rr— T-î,,.^^ 


>^ 


•^^ 


^^^s 


n 
.\-' 


ï 


MÉMOIRES 

DELA 

MINORITÉ 

D   £ 

LOUIS  X  I  V« 


MÉMOIRES 

DELA 

MINORITÉ 


D    E 

LOUIS  XIV, 

Corrigés  O  augmentés  de  -plufieurs  chofes  fort  confi- 
dérabîes  ,  qui  manquent  dans  les  autres  Editions^ 

Avec  une  Préface  nouvelle  ,  qui  fcrt  d'Indice 
&  de  Sommaire. 

Par  M.  le  Duc  D.  L.  R. 

Tome    II. 

•^■ 


A  TREVOUX, 

Aux   dépens  de  la  Compagnie, 

M.    D  C  C.    L  I  V. 


*"^  **  «il»  ♦*  **   *<*  <i*  v\t     <i*  fl*   ^•^i  i^:   *'*   ^;t  «ic 
•snv  -a»  -irN-  vft^  •>/;«•  -ti^^v  tAc*  tA-î"  ''iw  •5<w  -jA^  •^î*  -jftc  -^  v/w  •>r.>? 

MEMOIRES 

D   E 

M.  D.  L.  R... 

La  prison  des  Princ es. 

%^^t^  E  Roi   avoic  accordé    la 

^  L,  2  P^^'^  ^^  Parlement  de  Pa- 

feC^^'Sil  ^'^s  >  ^  ^  ^^^^  ^^^^^  ^^^  ^- 
voientpris  Ton  parti  en  Pannée  1649. 

de  la  plus  grande  part  des  peuples 
Pavoit  reçue  avec  trop  de  joye,  pour 
lairtèr  lieu  d'appréhender  qu'on  les 
pût  porter  une  féconde  fois  à  la  trou- 
bler. Le  Cardinal  Mazarin  raffermi 
par  la  protedtion  de  Mr.  le  Duc 
Tome  //•  A 


%  M    E    M    O    1    p.    E    s 

d'Orléans ,  &c  de  Monficur  le  Prin- 
ce 5  commençoic  à  ne  plus  craindre 
les  effets  de  la  haine  publique  ,  &C 
CCS  deux  Princes  fe  proraetcoient , 
qu'il  auroit  une  reconnoillànce  pro- 
portionnée à  fes  obligations  ôc  à  fes 
promeffes.  Monlieur  le  Duc  d'Or- 
léans en  attendoic  les  effets  fans  in- 
quiétude 5  content  de  la  parc  qu'il 
avoir  aux  affaires ,  5c  des  efpérances 
qu'on  donnoit  à  l'Abbé  de  la  Ri- 
vière 5  de  le  faire  Cardinal,  Mais 
Monfieur  le  Prince  n'étoit  pas  fi 
aifé  à  farisfaire  ;  fes  fervices  paffés , 
c^  ceux  qu'il  venoic  de  rendre  avec 
tant  de  fuccès  au  fiége  de  Paris , 
portoient  bien  loin  fes  prétentions  , 
Ôc  elles  commençoient  à  embarralïèi* 
le  Cardinal. 

La  Cour  écoic  encore  à  Corn-, 
piegne  ,  &c  quelques  raifons  qu'il  y^ 
eût  pour  la  ramener  à  Paris  ,  Iç.; 
Cardinal  ne  pouvoir  fe  réioudjre  .^î 
y  retourner,  de  peur  d'expofer  fa 


D  E     M.  D.  L.  R.  5 

peifonne  à  la  furie  d'un  peuple , 
qui  avoic  témoigné  depuis  peu  tant 
d'animofité  contre  lui.  Il  falloic 
néanmoins  fe  déterminer  à  quelque 
chofe  ,  ôc  s'A  lui  paroilîoit  dange- 
reux de  fe  fier  à  Tes  ennem.is ,  il  ne 
l'étoic  pas  moins  de  témoigner  de 
les  craindre.  Dans  ces  irréfolutions, 
où  perfonne  n'ofoit  lui  donner  con- 
feil ,  &  où  il  n'en  pouvoit  prendre 
lui-mêm.e  ,  Monfieur  le  Prince  crut 
que  pour  achever  fon  ouvrage  ,  il 
devoir  aller  à  Paris ,  afin  que  félon 
la  difpofition  où  il  trouveroit  les 
efpfits  5  il  eût  l'avantage  d'y  rame- 
ner la  Cour  ou  de  la  porter  à  pren-' 
dre  d'autres  mefures.  En  effet ,  tV 
y  fut  reçu  ,  comme  il  avoir  accou- 
tumé de  l'être  au  retour  de  fes  plus 
gloricufes  campagnes.  Cet  exemple 
ayant  ralTuré  le  Cardinal,  on  ne 
balança  plus  pour  retourner  à  Paris  : 
Monfieur  le  Prince  y  accompagna 
le  Roi  ,  de  en  arrivant  au  Palais 
A   2 


4  M    E    î^f    O    I    R    E    s 

Royal  5  la  Reine  lui  dit  publiquc- 
jïient ,  qu'on  ne  pouvoit  aflèz  re- 
connoître  fes  fei'vices  ,  qu'il  s'étoic 
olorieufement  acquité  de  la  parole 
qu'il  lui  avoit  donnée  de  i-écablir 
Tautorité  du  Roi ,  de  de  maincenir 
Mr.  le  Cardinal.  Mais  la  fortune 
changea  bicn-tot  ces  paroles  en  deS' 
effets  contraires. 

Cependant  Monfieur  le  Prince 
croit  dans  une  liaifon  particulière 
avec  Mr.  le  Duc  d'Orléans  y  il  avoio 
elfayé  de  l'établir  par  les  extrêmes 
déférences ,  qu'il  avoit  affedté  de 
lui  rendre  durant  la  guerre ,  &  il 
les  continuoit  encore  avec  le  mênie 
foin  :  mais  il  ne  garda  pas  long.- 
temps  de  femblables  mefures  avec 
le  Cardinal  Mazarin  ;  cc  bien  qu'il 
ne  fut  pas  encore  réfolu  de  romprt 
ouvertement  avec  Ijltî  ,  il  fit  afTeî 
connoitre  par  des  railleries  piquan- 
tes 5  &c  par  une  oppoiition  continuel- 
le  à  fcs  avis ,  qu'il  le  croygi.t  pei 


DE     M.  D.  L.  R.         j 

digne  de  la  place  qu'il  occupoit ,  6c 
qu'il  fe  repentoit  même  de  la  lui 
avoir  confervée.  On  attribue  cetre 
conduite  à  des  motifs  bien  diffe- 
rens  ;  mais  il  eft  certain  ,  que  le 
premier  fujet  de  leur  méfincelligen- 
ccavoic  com.mencé  durant  la  guer- 
re de  Paris  ,  oii  Moniieur  le  Prince 
crut  3  que  le  Cardinal  vouloit: 
adroitement  rejetrer  fur  lui  la  haine 
des  peuples  5  en  lefaifant  palTer  pc3ur 
Pauteur  de  tous  les  maux  qu'ils 
avoient  foufferts  :  de  forte  que  ce 
Prince  crut  en  devoir  ufer  ainiî  en- 
vers le  Cardinal ,  pour  regagner 
dans  Popinion  du  monde  ce  qu'il  y 
avoir  perdu  par  la  prote6licn  qu'il 
avoit  donnée  à  un  homme  iî  géné- 
ralement haï  j  en  Pempêchant  de 
fortir  du  Royaume ,  t5^  de  céder  à 
fà  mauvaife  fortune.  Outre  que  fe 
fouvenant'  de  Pabartement  '  que  le 
Cardinal  avoit  montré  pendant  les 
derrjçrs  défordres ,  il  fat  petfuadé^ 


6         Mémoires 

qu'il  fuffiloit  de  lui  faire  peur  ,  8c 
de  le  méprifer  ,  pour  lui  attirer  de 
nouvelles  affaires ,  &  pour  l'obliger 
de  recourir  de  nouveau  à  lui ,  avec 
la  même  dépendance  que  par  le 
paffé.  Il  s'imagina  peut-être  encore 
fur  le  bon  traitement  que  la  Reine 
lui  a  voit  fait  à  Saint  Germain  ,  qu'il 
ne  lui  feroit  pas  impoiïible  de  lui 
faire  appercevoir  les  défauts  du  Car- 
dinal 5  èc  de  s'établir  auprès  d'elle 
après  l'y  avoir  détruit.  Enfin  ,  quel- 
les que  fufTent  les  véritables  caufes 
de  ce  changement ,  Mr.  le  Prince 
réfolut  de  fe  reconcilier  avec  les 
Frondeurs  y  croyant  ne  pouvoir  mieux 
lever  les  imprefïions ,  que  le  monde 
avoit  prifes  contre  lui  ,  qu'en  fe 
liant  avec  des  gens  dont  les  peuples 
ëpouioient  aveuglément  les  affec- 
tions de  les  fentimens. 

Le  nom  de  Frondeurs  avoit  été 
donné  du  commencement  à  ceux 
du  Parlement,  qui  étoient  oppofés 


D  E     M.  D.  L.  R.  7 

aux  volontés  de  la  Cour  ;  mais  de- 
puis le  Duc  de  Beaurorc ,  le  Coad- 
juteuL'  de  Paris,  le  Marquis  de  Noir- 
jnoutier  ôc  Laigucs ,  s'étant  joints 
à  cette  cabale  ,  s'en  rendirent  les 
Chefs  j  auiquels  Ce  joignirent  après 
Madame  de  Chcvreuie  ,  &  Mr.  de 
Châteauneuf  j  avec  leurs  amis.  On 
crût  que  Mr.  le  Prince  n'eut  jamais 
intention  de  fe  mettre  à  leur  tête 
contre  la  Cour  ,  mais  feulement  de 
regagner  ,  comme  j'ai  dit ,  l'efpric 
xles  peuples ,  de  fe  rendre  par-là  re- 
doutable au  Cardinal ,  &  de  faire 
par  ce  moyen  fa  condition  plus 
avantageufe  avec  lui.  Jufques-là  il 
avoit  paru  irréconciliable  avec  Mr. 
le  Prince  de  Conti  &  Madame  de 
-Longueville  ^  &c  même  dans  le  Trai- 
té de  paix  de  Paris  il  s'emporta 
contre  eux  avec  une  aigreur  extrê- 
me ,  foie  que  ce  fut  pour  faire  fa 
Cour  5  ou  par  un  fentim.ent  de  ven- 
geance ,  pour  s'être  féparés  de  lui, 
A  4 


s  Mémoires 
Outre  cela  ,  il  fut  diredement  cori" 
traire  au  rétablidemcnt  de  Ton  frère 
&  de  ion  beau- frère  dans  leurs  Gou- 
vcrnemens  y  &c  par  une  très -mé- 
chante politique  ,  il  s^oppofa  à  l'in- 
tention qu'on  eût  à  la  Cour  de 
donner  le  Mont-Olimpe  &  Charle- 
ville  à  Monlieur  le  Prince  de  Conti, 
&  le  rcrtraignit  à  accepter  Dam- 
villiers. 

Ce  procédé  extraordinaire  parut 
aufTi  rude  à  ce  Prince  Se  à  Madame 
«ie  Longueville  quil  Tétoit  en  effet. 
Se  dans  cet  embarras  ils  chargèrent 
.tous  deux  le  Prince  de  Mariillac , 
fils  aîné  du  Duc  de  la  Rochefr>u- 
cault  ,  qui  avoit  alors  toute  leur 
confiance  ,  d'écouter  les  propofi- 
tions  que  PAbbé  de  la  Rivière  prin- 
cipal Miniftre  de  Moniieur  le  Duc 
d'Orléans ,  leur  fit  faire  par  le  Mar- 
quis de  Flamarin,  fçavoir  ;  Que  Son 
AltefTe  Royale  entreroit  dans  leurs 
•intérêts  contre  Moniieur  le  Prince; 


b  E     M.  D.  L.  R.         9 

^ue  Mr.  le  Prince  de  Conri  aiiroic 
l'entrée  au  Confeil  avec  Damvilliers 
pour  Place  de  fureté  j  &  que  lui  dc 
le  Duc  de  Long;ueviUe  feroicnc  rétci- 
blis  dans  les  fonctions  de  leurs  char- 
ges 5  pourvu  que  Mr.  le  Prince  de 
Conti  renonçât  au  Cardinalat  en  fa- 
veur de  l'Abbé  de  la  Rivière.  Cette 
affaire  fut  conclue  à  l'heure  même 
par  le  Prince  dc  Marfillac  ,  qui  la 
trouvoit  d'autant  plus  avantageufc 
a  ce  Prince  ,  qu'étant  déjà  réfoki 
de  changer  de  condition ,  il  ne  per- 
doit  rien  en  renonçant  à  la  préten- 
tion d^être  Cardinal ,  &  qu^l  obte- 
îioit  par  le  moyen  de  Monlicur  tout 
ce  que  la  Cour  lui  refafoit.  Et  ce 
qui  étoit  encore  plus  conlîdérable  , 
c'étoic  qu'en  liant  l'Abbé  de  la  Ri- 
vière par  fon  plus  grand  intérêt ,  il 
attachoit  par  le  même  moyen  Mr.  le 
Duc  d'Orléans  à  foûtenir  en  tout 
temps  &c  en  toutes  rencontres  Mr. 
le  Prince  de  Conti  ôc  Madame  de 
Longueyille.  A   5 


10       Mémoires 

Ce  Traité  conclu  ,  fans  que  Mr 
le  Prince  y  eut  aucune  part ,  lui  fit 
bien-tôt  fouhaiter  de  fe  reconcilier 
avec  Ton  frère  de  fa  fœur.  Pour 
montrer  qu'il  entroit  ijncerement 
dans  les  intérêts  de  fes  proches  j  il 
prit  prétexte  d'éclater  contre  le  Car- 
dinal ,  fur  le  refus  qu'on  fit  au  Duc 
de  Longueville  du  Gouvernement 
du  Pont-  de  -  TArche  ,  après  le  lui 
avoir  promis  -,  ce  qui  réjouît  infini- 
ment les  Frondeurs,  Mais  foie  que 
Mr.  le  Prince  ne  pûc  fe  fier  à  eux  , 
ou  qu'il  ne  voulût  pas  être  long- 
temps mal  à  la  Cour ,  il  fe  raccom- 
moda dans  huit  jours  avec  Mr.  le 
Cardinal ,  qui  lui  fit  perdre  de  nou- 
veau les  Frondeurs  ,  qui  s'emportè- 
rent contre  lui ,  fans  garder  aucunes 
des  mefures  qu'ils  dévoient  à  fou 
mérite  &  à  fa  qualité  ;  car  ils  fe 
plaignirent  publiquement  ,  que  ce 
que  Monfieur  le  Prince  venoit  de 
faire  ,  étoit  une  fuite  des  mêmes 


D  E     M.  D.  L.  R.        II 

artifices  ,  donc  il  s'étoic  déjà  fcrvi 
pour  les  turprendre.  Ils  renouvelle- 
rent  i'aftaire  de  Noifi  près  de  Saine 
jiGermain ,  où  Madame  de  Longue- 
^  ville  avoit  été  quelque  temps  ,  & 
ou  Moniieur  le  Prince  de  Conti  de 
le  Duc  de  Lon^ueville  l'étant  allé 
voir  5  le  Duc  de  Rets  &:  le  Coadju- 
teui*  s'y  rendirent  fous  prétexte  de 
vifiter  aufïi  cette  Princeflè  5  mais  en 
^  effet ,  pour  les  porter  ,  comme  ils 
firent ,  à  le  lier  avec  les  Frondeurs» 
Ils  foùtenoienc  que  Mr.  le  Prince 
avoit  fçLi  tout  ce  traité  ,  ô^  qu'il 
avoic  pris  avec  eux  les  mêmes  enga- 
gemens  que  Tes  proches  *,  &  ajou- 
toienc  que  la  fi-iite  avoit  bien  fait 
voir  qu'il  ne  leur  avoit  donné  fa 
parole  (a),  que  pour  les  pouvoir 
plus  facilement  facrifier  aux  inte- 
A    6 

(a.)  Ils  difoient  qu'il  a'voit  âonné  en- 
vole k  Bi-cufel  é"  k  Longaeil  de  fe  mettre 
k  Lr  tête  des  Frondeurs. 


11  Mémoires 
rets  &:  à  la  haine  du  Cardinal.  Ces 
bruits  femés  dans  le  monde ,  y  fai- 
foient  quelque  împrefTion  ,  6c  le 
peuple  recevoit  toutes  celles  qui  lui 
venoienc  des  Frondeurs  ,  fans  les 
examiner.  Ainfi ,  Mr.  le  Prince  fe 
vit  .abandonné  dans  un  inftant  de 
tout  ce  qui  s'étoit  joint  à  lui  contre 
le  Cardinal ,  excepté  de  fa  famille, 
qui  ne  lui  fut  pas  inutile  par  la 
confidération  où  Madame  de  Lon- 
;gueville  fe  trouvoit  alors ,  à  caufe 
àq  l'opinion  qu'on  avoit  de  fon  am- 
bition èc  de  fa  fermeté  ôc  encore 
plus  de  fa  haine  déclarée  contre  le 
Cardinal ,  qui  pour  ces  raifons  gar- 
-doit  bien  plus  de  mefures  avec  elle 
qu'avec  fes  frères. 

Il  arriva  en  ce  temps-là  une  que- 
telle  particulière  ,  qui  fut  fur  le 
point  de  renou-vcller  la  générale. 
Le  Duc  de  Beaufort  croyant  que 
le  Marquis  de  Jarzay  ,  6c  d'autres 
gens     dépenda;is     du     Cardinal  , 


DE     M.  D.  L.  R.       1 5 

avoient  afFcclé  de  le  morguer  aux 
Tuilleries  pour  perfuader  que  fon 
crédit  parmi  le  peuple  étoit  fini 
avec  la  guerre  ,  il  le  réfolut  de 
leur  faire  un  affront  public.  Ua 
foir  qu'ils  foupoient  enfemble  dans 
le  jardin  de  Renard  ,  il  y  alla  avec 
beaucoup  de  gens ,  chaflk  les  vio- 
lons ,  renverfa  la  table  &  les  plats 
avec  tant  de  dél ordre  &  de  con- 
fuiion  5  que  le  Duc  de  Candale  , 
Bouteville  ^  St.  Mefgrin  &:  plufieurs 
autres  qui  écoient  du  fouper  ,  cou- 
rurent fortune  d'être  tués,  de  Jarzay 
y  fut  blelTé  par  des  domeftiques  du 
Duc  de  Beaufort.  Toutefois  cette 
affaire  r/eut  pas  les  fuites  qu'elle 
devoit  avoir  vraifenriblablement. 
Plufieurs  d'entre  ceux  qui  avoienr 
part  à  cette  offenfe  ,  firent  appeller 
le  Duc  y  mais  il  ne  crut  pas  les 
devoir  fatisfaire  dans  une  conjonc- 
ture comme  celle  ou  il  fe  trouvoir. 
Mr.  le  Prince  y  prit  les  intérêts  de 


14  Mémoires 
la  Couu  ôc  ceux  du  Cardinal  avec 
la  même  chaleur  qu'il  avoir  eue 
dans  les  autres  temps ,  mais  le  Car- 
dinal perdant  aifément  le  fouvenir 
des  bienfaits  de  Mr.  le  Prince., 
confervoit  celui  des  mécontente- 
mens  qu'il  en  avoit  reçus ,  de  fous 
prétexte  d'un  raccommodement 
îincere  ,  il  ne  perdit  point  d'occa- 
iion  de  fe  prévaloir  avec  induftrie 
de  fa  trop  grande  confiance.  Ayant 
donc  pénétré  que  les  delleins  de 
Mr.  le  Prince  ne  tendoient  qu'à 
lui  faire  peur,  comme  j'ai  déjà  dit; 
il  crût  le  devoir  entretenir  dans 
cette  penfée ,  en  affedant  de  témoi- 
gner de  le  craindre  pour  pouvoir 
venir  à  bout  avec  moins  de  foup- 
çon  du  projet  qu'il  faifoit  contre 
fa  liberté.  Dans  cette  vue ,  tous 
fes  difcours  ôc  toutes  fes  adions 
faifoient  paroitre  fon  abattement  : 
il  ne  parloit  que  d'abcndonner  les 
affaires ,  de  de  forcir  du  Royaume, 


DE    M.  D.  L.  R.       i| 

ôc  les  chofes  paiTerent  (i  avant  qu'il 
convint  de  ne  plus  donner  de  Gou- 
vernemens  de  Province  ,  de  Char- 
ges dans  la  Maifon  du  Roi  ,  ni 
d'Offices  de  la  Couronne  fans  l'ap- 
probation de  Mr.  le  Prince  ,  de 
Mr.  Ton  frère  ,  &c  de  Mr.  de  de 
Madame  de  Longueville  ,  à  qui 
l'on  rendoit  aulTi  compte  de  l'ad- 
miniftratiou  des  Finances.  Ces  pro- 
mets fi  étendues ,  &c  données  en 
termes  généraux  ,  faifoient  tout 
l'effet  qu'il  pouvoit  défirer.  Elles 
ébloui (îbient  Mr.  le  Prince  &c  tous 
fes  amisj  elles  confirmoient  le  mon- 
de dans  l'opinion  ,  qu'on  y  avoic 
conçue  de  la  crainte  du  Cardinal  t 
elles  faifoient  même  défirer  fa  con- 
fervation  à  fes  propres  ennemis  > 
croyant  trouver  mieux  leurs  avan- 
tages dans  la  foibleffe  de  fon  mi- 
niftére,  que  dans  un  Gouvernement 
plus  ferme  &  mieux  réglé.  Enfin  ^ 
il  gagnoir   par   là  avec  beaucoup 


î6       Mémoires 

d'adrefle  tout  le  temps  qui  lui  étoît 
neceflaire  pour  tous  les  dedeins 
qu'il  pouiToit  former  contre  Mr. 
le   Prince. 

Mais  pendant  qu'il  donnoit  tou- 
tes les  démonftrations  publiques  de 
vouloir  entrer,  non-feulement  dans 
les  lentimens  de  Mr.  le  Prince  , 
mais  encore  dans  tous  les  intérêts 
de  fes  amis ,  il  y  étoit  fous  main 
directement  contraire ,  ainfi  qu'il  le 
montra  dans  une  rencontre ,  qui  fe 
préfenta ,  où  Mr.  le  Prince  obtint 
pour  la  Maifon  de  la  Rochefoucauk 
le  même  rang  (a)  ,  qui  avoit  été 
accordé  à  celle  de  Montbazon,  ôc  à 
quelques  autres.  Car  le  Cardinal  fit 
demander  par  Mr.  le  Duc  d'Orléans 
une  pareille  grâce  pour  (b)  celle 
d'Albret^  &  fufcira  en  même  temps 
une  affemblée  de  Noblefle  pour  s'y 

(  a  )  Le  talouret  four  U  f  rince  (je  de 
^arjillac. 

(  b  )  Four  Madame  de  Vons . 


D  E  M.  D.  L.  R.  17 
oppofer  (  a  ).  Enfin  ,  foie  qu'il  en 
craignît  véritablement  les  fuites  , 
ou  qu'il  en  fit  le  femblant ,  il  aima 
mieux  révoquer  ce  qu'on  avoit  déjà 
fait  en  faveur  des  Maifons  de  Foix  , 
de  Rohan  6c  de  Luxembourg ,  que 
de  maintenir  ce  que  Mr.  le  Prince 
avoit  obtenu  pour  celle  du  Prince 
de  Marfillac.  Tout  cela  aigrifToit 
bien  Monfieur  le  Prince  ,  mais  ne 
lui  faifoit  rien  foupçonner  de  ce  qui 
alloît  éclater  contre  lui  :  de  bien 
qu'il  fût  mal  fatisfait  du  Cardinal , 
il  ne  prenoit  toutefois  aucunes  nie- 
fures  pour  le  perdre  ,  ni  pour  s'em- 
pêcher d'être  perdu  ;  &  il  eft  cer- 
tain que  jurqu'à  fa  prifon  ,  jamais 
fujet  n'a  été  plus  fournis  que  lui  à 
l'autorité  du  Roi,  ni  plus  dévoué  aux 
intérêts  de  l'Etat  -,  mais  le  m.alheur 
de  la  France  ,  de  le  iien  propre  y  le 

(21)  Cette  affemhlee  fe  tint  chez,  le  Ma^. 
réchal  àe  VHcpital  ,  (^  fut  fuivie  de  Ia 
ré-vocaticn  des  tdboHYsîi  (accordés  depuis  I4 
1ie;rence. 


i8       Mémoires 
contraignirent  bien  -  tôt  à  changei: 
de  fentimenr. 

Le  traité  de  mariage  du  Duc  de 
Mercœur  ,  fils  aîné  du  Duc  de 
Vendôme  avec  une  des  Nièces  du 
Cardinal  Mazarin  en  fut  une  des 
principales  caafcs ,  ëc  renouvella 
toute  l'aigreut  qui  fembloit  être 
alïoupie  entre  ce  Minillre  ôc  Mr. 
le  Prince.  Il  y  avoit  donné  les 
mains  devant  la  guerre  de  Paris , 
foit  qu'il  n'en  eût  pas  prévu  les  fui- 
tes ,  ou  que  par  une  trop  grande 
déférence  pour  la  Cour  ,  il  n'eut 
ofé  témoigner  à  la  Reme  ,  qu'il  les 
prévoyoit  :  mais  enfin  ,  Madame 
de  Longueville  ennemie  de  la  Mai- 
fon  de  Vendôme  ,  craignant  que 
les  prétentions  de  rang  du  Duc  de 
Longueville  ne  fufiènt  troublées 
par  l'élévation  du  Duc  de  Mercœur, 
fe  fervit  des  premiers  momens  de 
fa  réconciliation  avec  fon  frère  , 
pour  lui  faire  connoître  que  ce  ma- 


e  E     M.  D.  L.  R.       ip 

riage  fe  faiioit  diredement  contre 
leurs  communs  interêcs  y  ôc  que  le 
Cardinal  laiTé  de  porter  le  joug 
qu'il  venoit  de  s'impoier ,  voudroit 
prendre  de  nouveaux  appuis  pour 
ne  dépendre  plus  de  lui  ,  3c  pour 
pouvoir  manquer  impunément  à 
fes  engagemens ,  &  à  la  reconnoit- 
fance  qu'il  lui  devoir.  Monfieur  le 
Prince  fut  aiie  à  perfuader  là-deiTus, 
de  il  le  fut  encore  davantage  à  pro- 
mettre à  Mr.  le  Prince  de  Conti , 
&c  à  Madame  de  Loi>gueville  ,  qià'il 
fe  joindroit  à  eux ,  pour  empêcher 
ce  mariage  ,  quoiqu'il  eût  promis  à 
la  Reine  d'y  confentir  ,  comme  je 
viens  de  dire.  Je  ne  fçai  ii  ce  fut 
par  cette  raiton ,  qu'il  vouloit  que 
les  premières  difficultés  viniîent  de 
la  part  de  Monfieur  fon  frère  -y  ou  fi 
ce  fut  pour  retarder  de  quelques 
momens  la  peine  qu'il  avoir  à  fe 
déclarer  contre  les  fenrimens  de  la 
Reine  :  mais  enfin ,  on  fçûc  bien-tôi^ 


10  Mémoires 
qu'il  ne  poavoic  approuver  cette 
alliance  ,  ôc  dès  lors  auffi  le  Cardi- 
nal réfoluc  de  fe  venger  de  lui ,  & 
d'avancer  le  deflein  de  l'arrêter.  Il  y 
rencontroit  de  grands  obftacles  i 
qu'il  fâlloit  néceilàirement  furnnon- 
ter  :  la  liaifon  particulière  de  Mr.  le 
Duc  d'Orléans  de  de  Mr.  le  Prince, 
cultivée  par  les  foins  de  l^Abbé  de 
la  Rivière ,  en  étoit  un  très-confi- 
dcrable  -,  on  ne  pouvoir  divifer  ces 
deux  Princes  ,  fans  ruiner  cet  Abbé, 
oC  fans  perfuader  en  même  temps 
à  Monfieur  le  Duc  d'Orléans  que 
Monfieur  le  Prince  avoit  manque  à 
Ton  devoir  envers  lui ,  en  quelque 
chofe  afTez  coni^dérable  ,  pour  lui 
faire  naître  le  defir  de  le  voir  périr. 
Et  ce  crime  imaginaire  n'étoit  pas 
fi  facile  à  ruppofer.  Il  falloit  encore 
fe  réconcilier  avec  les  Frondeuri^ 
ôc  que  ce  fut  par  un  traité  fi  fecref  i 
que  Monfieur  le  Prince  n'en  put 
avoir  de  foupçon.  Le  peuple  ôc  le 


DE     M.  D.  L.  R.       2  2 

Parlemwiir  le  dévoient  ignorer  aulïi  ; 
car  autrement  les  Frondeurs  fe  fe- 
roient  rendus  inutiles  à  la  Cour  ,  & 
^uroient  perdu  leur  crédit ,  qui  n'é- 
toit  fondé  que  fur  l'opinion  qu'avoic 
le  peuple  qu'ils  étoient  irréconcilia- 
bles avec  le  Cardinal.  Je  ne  puis  dire 
fi  ce  fut  fon  habileté  ,  qui  lui  fit  in- 
venter les  moyens  qu'on  employa 
contre  la  liberté  de  Mr.  le  Prince  ; 
mais  au  moins  je  puis  affurer  qu'il 
fe  fervit  adroitement  de  ceux  que  la 
fortune  lui  préfenta  ^  pour  vaincre 
les  difficultés  qui  s'oppofoient  à  un 
deffein  périlleux.  Enfin  un  nommé 
Jolly  5  créature  du  Coadjuteur  de 
Paris  y  fournit  alors  de  la  matière  à 
tous  les  défordres  qui  ont  fuivi. 

Parmi  les  plaintes  générales  qui 
fe  faifoient  contre  le  Gouverne- 
ment ,  le  Corps  des  Rentiers  de 
l'Hôtel  de  Ville  de  Paris  paroi  (Toit 
le  plus  animé.  On  voyoit  tous  les 
jours  un  nombre  de  bonnes  familles- 


iz       Mémoires 

réduites  à  la  dernière  nécefficé,  fuî- 
vre  le  Roi  ôc  la  Reine  dans  les 
rues  &  dans  les  Egliies  ,  pour  de- 
mander juftice  contre  la  dureté  des 
Surintendans ,  qui  prenoient  tout 
leur  bien.Qiielques-uns  s'en  plaigni- 
rent au  Parlement ,  &c  entr'autres 
ce  Jolly  y  parla  avec  beaucoup  de 
chaleur  contre  la  mauvaife  admi- 
aiiftration  des  Finances.  Et  il  arriva 
que  lendemain  allant  au  Palais  pour 
cette  même  affaire ,  on  tira  quel- 
ques coups  de  piilolet  dans  le  car- 
rolîe  où  il  étoit,  dont  néanmoins  il 
ne  fut  pas  bleffé.  On  ne  put  dé- 
couvrir 1  auteur  de  cette  adion,  8c 
il  eft  difficile  de  juger  i\  la  Cour  la 
fit  faire  pour  punir  Jolly ,  ou  ii  les 
Frondeurs  la  firent  eux-mêmes  de 
concert  avec  lui  ,  pour  avoir  un 
fujet  d'émouvoir  le  peuple  &  de 
faire  une  fédition.  D'autres  on  cru, 
que  ce  furent  des  ennemis  dudic 
Jolly,  qui  av oient  voulu  lui  faire 


D  E     M.  D.  L.  R.       23 

plus  de  peur  que  de  mal.  Mais 
quelque  deflein  qu'on  ait  eu  en  cet- 
te rencontre ,  elle  fut  auiïi-tôt  ré- 
pandue dans  Paris ,  comme  un  effet 
de  la  cruauté  du  Cardinal  ;  ôc  la 
Boulaye  qui  étoit  attaché  au  Duc  de 
Beaufort ,  parut  en  mem.e  temps  au 
Palais  5  demandant  juftice  au  Parle- 
ment de  cet  attentat  contre  la  liber- 
té publique.  Peu  de  gens  furent  per- 
fuadés  que  Ton  zèle  fut  aulTi  définte- 
reffi,  qu'il  le  vouloit  faire  croire,  Sc 
peu  aufïi  fe  difpoferent  à  le  fuivre  : 
ainfl  le  tumulte  ne  fut  ni  violent  ni 
de  longue  durée.  La  préfence  de  la 
Boulaye  fit  croire  avec  quelque 
vraifemblance  5  que  ce  qui  s'étoit 
paffé,  étoit  un  artifice  des  Frondeurs^ 
pour  intimider  la  Cour  ,  &:  pour  s'y 
rendre  néceilairesi  mais  j'ai  fçû  de- 
puis d'un  homme  digne  de  foi  à  qui 
la  Boulaye  l'a  dit ,  que  dans  le  mo- 
ment qu'il  y  eut  quelque  apparen- 
ce de  (édition  dans  l'affaire  de  Jol- 


i4  Mémoires 
ly  5  le  Cardinal  lui  donna  un  ordre 
d'aller  au  Palais ,  d'y  paroître  em- 
porté contre  la  Cour,  d'entrer  dans 
les  fentimens  du  peuple,  de  fe  join- 
dre à  tout  ce  qu'il  voudroic  entre- 
prendre ,  &  (  ce  qui  ell:  horrible  à 
penfer  )  de  tuer  Monlieur  le  Prince, 
s'il  paroilToit  pour  appaiier  l'émo- 
tion :  mais  le  défordre  finit  trop- tôt, 
pour  donner  lieu  à  la  Boulaye  d'e- 
xécuter unfi  infâme  deilcin,  fi  ce 
qu'il  a  dit,  eft  vrai. 

Cependant  foit  que  les  efprics 
factieux  du  peuple  ne  fuflent  pas 
entièrement  appaifés ,  ou  que  la 
crainte  du  châtiment  les  fit  radèm- 
bler  le  foir  même  une  féconde  fois, 
pour  chercher  les  moyens  de  s'en 
garantir  ;  ou  foit  encore  plus  vrai- 
femblablement  que  le  Cardinal  dans 
la  vue  d'arrêter  Monlieur  le  Prince , 
voulût  auparavant  le  rendre  irré- 
conciliable avec  les  Frondeurs ,  & 
que  pour  en  venir  plus  facilement  à 

bout , 


0  E     M.  D.  L.  R.       25 

bouc ,  criit  devoir  les  faire  paroicre 
coupables  du  crime  que  je  viens  de 
dire  :  il  lui  tic  écrire  ,  le  foir  même 
que  le  Confcil  fe  tenoit  au  Palais 
Royal,  un  billet  par  Servien,  qui  lui 
domioic  avis  que  la  fédicion  du  ma- 
tin avoit  été  fufcitée  par  les  Fron- 
detirs ,  pour  attenter  à  la  perfonne  ; 
qu'il  y  avoit  encore  une  alTemblée 
dans  l'irie  du  Palais,  vis-à-vis  du 
cheval  de  bronze  pour  le  même  def^ 
fein  ;  &  que  s'il  ne  donnoit  ordre  à 
fa  fureté  ,  il  couroit  un  grand  dan- 
ger. Monfieur  le  Prince  fit  voir  cet 
avis  à  la  Reine  ,  à  Mr.  le  Duc  d'Or- 
léans 5  6c  à  Mr.  le  Cardinal ,  qui 
en  parut  encore  plus  furpris  que  les 
autres.  Enfin  ,  après  avoir  confulté 
ce  qu'on  de  voit  faire  pour  en  fça- 
voir  la  vérité  ,  il  fut  réfolu  que  fans 
expofer  la  perfonne  de  Monfieur  le 
Prince  à  aucun  danger,  on  remene- 
roit  par  le  pont-neuf  fes  gens  &  foia 
carroft ,  com.me  s'il  écoit  dedans  \ 
Tome  II,  B 


i6  Mémoires 
ce  qui  fut  exécuté.  Quand  le  car-- 
roire  fut  devant  le  cheval  de  bron- 
ze 5  des  inconnus  y  tirèrent  quelques 
coups  de  moufqueton,  6c  bleiTerent 
un  laquais  du  Comte  du  Duras, 
qui  étoit  monté  derrière.  La  nou- 
velle en  fut  auffi-tôt  portée  au  Pa- 
lais-Royal 5  &  Monfieur  le  Prince 
demanda  juftice  au  Roi  &  à  la  Rei- 
ne contre  les  Frondeurs,  Le  Cardi- 
nal fe  furpaila  lui  même  en  cette 
occalion  ;  Ton  foin  (Sd  fon  zèle  fem- 
blei'ent  aller  encore  plus  loin  que 
celui  des  plus  proches  parens,  6c 
des  plus  paiïionnés  amis  de  Mon- 
iteur le  Prince.  Il  crût  d'autant 
plus  aifément  que  le  Cardinal 
prenoit  Tes  intérêts  avec  chaleur  , 
qu'il  lui  fembloit  qu'il  étoit  de 
fa  prudence  de  ne  pas  perdre 
une  fi  favorable  occafion  de  s'ac- 
quitter aux  dépens  de  fes  anciens 
ennemis,  de  ce  qu'il  devoit  à  la 
protedioii    qu'il    avoit    reçue   de 


D  E     M.  D.  L.  R.       ly 

Monfieur  le  Prince  contre  tout  le 
Royaume.  Ainfi  aidant  à  fe  trom- 
per lui  même  ,  il  recevoit  Pempref- 
lement  du  Cardinal,  comme  une 
marque  de  Ton  amitié  &  de  fa  re- 
connoifTance ,  bien  que  ce  ne  fût 
qu'un  pur  effet  de  fa  haine  fecrette , 
éc  du  defir  d'acheminer  plus  fu- 
rement  Ton  entreprife. 

Cependant  les  Frondeurs  y  voyant 
naître  contre  eux  une  il  prompte  ôc 
Cl  dangereufe  accufation  ,  crurent 
d'abord  que  c'étoit  un  concert  de 
Monfieur  le  Prince  ôc  da  Cardinal 
pour  les  opprimer.  Ils  témoignèrent 
de  la  fermeté  dans  ^ette  rencontre  ; 
&  bien  qu'on  fît  courir  dans  le 
monde  ,  que  Monfieur  le  Prince 
fe  porteroit  à  toute  forte  de  violen- 
ce contre  eux,  néanmoins  le  Duc  de 
Beaufort,  fans  s'étonner  de  ce  bruit, 
alla  chez  le  Maréchal  de  Gram- 
mont ,  où  Mondeur  le  Prince  fou- 
poit  -,  ôc  quelque  furprife  qu'on  eût 
B    2, 


zS       Mémoires 

de  Ton  arrivée  ,  il  y  paîïà  le  refte  du 
foir  3  ôc  parut  le  moins  embarrafTé 
de  la  Compagnie.  Le  Coadjuteur  Se 
lui  employèrent  tous  les  moyens 
qu'ils  purent  auprès  de  Monfieur  le 
Prince  ôc  de  Madame  de  Loncrue- 
•ville  >  pour  leur  prouver  leur  inno- 
cence j  &c  le  Marquis  de  Noirmou- 
tier  propofa  même  de  leur  part  au. 
Prince  de  Marfîllac ,  de  s'allier  de 
nouveau  à  toute  la  Maifon  de  Con-. 
dé  contre  le  Cardinal,  Mais  Mr. 
le  Prince,  qui  n'ccoit  pas  moin» 
aigri  par  le  peu  de  refpeâ:  qu'ils  lui 
avoient  gardé  dans  tout  ce  qu'ils 
lui  avoient  publié  de  l'affaire  de 
Noifi  5  que  parcequ'il  croyoit  qu'ils 
avoient  eu  deflTein  de  l'ajGTaffiner  , 
ferma  l'oreille  à  leurs  juftifications. 
Et  Madame  de  Lonsiueville  fit  la 
même  chofe ,  animée  par  l'intérêt 
de  la  Maifon  ,  Sz  plus  encore  par  le 
re(Tènriment  particulier  qu'elle  avoiï 
contre  le  Coadjuteur,  pour  avoir 


D  E     M.  D.  L.  R.       29 

donné  des  avis  &c  des  confeils  con- 
tre elle  au  Dv.c  ion  mari. 

Les  choies  ne  pouvoient  plus  de- 
meurer dans  les  termes ,  où  elles 
étoient  alors  ,  2^  il  falloir  ou  que 
Moniieur  le  Prince  fe  fie  jurtice lui- 
même  du  confenteinent  delà  Cour, 
ou  qu'il  la  demandât  au  Parlcmcnr. 
Le  premier  parti  croit  trop  violent , 
ôc  il  ne  convenoit  pas  au  delTèin 
caché  du  Cardinal  j  &  l'événemenc 
de  l'autre  étoit  trop  long  &c  trop 
douteux.  Néanmoins  comme  l'in- 
tention du  Cabinet  étoit  de  mettre 
l'affaire  entre  les  mains  du  Parle- 
ment, pour  mortifier  Moniieur  le 
Prince  par  le  retardement ,  &  par  le 
déplaiiir  de  fe  voir  aux  pieds  des 
Juges  5  dans  la  condition  de  fup- 
pliant  aufïi-hien  que  fes  ennemis  , 
le  Cardinal  ne  manqua  pas  de  pré- 
textes apparens  ,  pour  l'y  conduire 
adroitement,  &  pour  avoir  ainiî  touc 
le  temps  dont  il  avoit  bcfoin.  Il  lui 
B  3 


3©  Mémoires 
repréfenta  que  ce  feroit  renouvelleir 
la  guerre  civile  ,  que  d'attaquer  les 
Frondeurs  par  d'autres  voyes ,  que 
celles  de  la  juftice ,  qui  devoir  être 
ouverte  à  tous  les  criminels  \  que 
l'affaire  dont  il  s'agilloit ,  étoit  de 
trop  grand  poids  ,  pour  être  décidée 
ailleurs  qu'au  Parlement ,  &  que  la 
confcience  &  la  dignité  du  Roi  ne 
permettoicnî  pas  d'employer  d'au- 
tres moyens  ;  que  l'attentat  étoit  trop 
vifible  pour  être  difficile  à  vérifier  > 
qu'un  tel  crime  méritoit  un  grand 
exemple  ,  mais  que  pour  le  donner 
furément,  il  falloit  garder  les  ap- 
parences 5  &  fe  fervir  au  moins 
des  formes  ordinaires  de  la  juftice. 
Monfieur  le  Prince  fe  difpofa  fans 
peine  à  fuivre  cet  avis ,  fe  confiant 
en  la  bonté  de  fa  caufe  ,  &:  plus  en- 
core en  fon  crédit ,  dont  il  préten- 
doit  fe  fervir  en  tout  cas  ,  fi  le  fue- 
cès  de  l'autre  ne  répondoit  pas  à 
fon  attente.  Il  fit  donc  fa  plainte  au 


D  E     M.  D.  L.  R.        31 

Palais  félon  les  formes  ordinaires , 
de  dans  tout  le  cours  de  cette  affaire 
le  Cardinal  eut  le  plailir  malicieux 
de  le  conduire  lui-même  dans  tous 
les  pièges  qu'il  lui  avoir  tendus. 
Cependant  le  Duc  de  Beauforc  &  le 
Coadjuteur  dem.anderent  d'être  re- 
çus à  fe  juftificr  ,  6c  cela  leur  ayant 
été  accordé ,  les  deux  partis  quittè- 
rent pour  un  temps  les  autres  voyes, 
pour  fe  fervir  feulement  de  celles 
du  Palais.  Mais  Monfieur  le  Prince 
connut  bien-tôt  par  la  manière  donc 
les  Frondeurs  foutenoient  leurs  affai- 
res 5  que  leur  crédit  y  pouvoir  ba- 
lancer le  lien  5  il  ne  pénétroit  pas 
néanmoins  dans  la  diiïimulatlon  du 
Cardinal,  &  malgré  les  impreffions 
que  lui  en  donnoient  Madame  fa 
fœur  ôc  quelques-uns  de  fes  amis, 
il  croyoit  toujours  que  le  Cardinal 
■agiiïoit  de  bonne-foi.  Les  cliofes  de- 
meurèrent quelques  jours  en  ces 
termes  j  ^<.  Taigreur  augmentoir  de 
B  4 


32  Mémoires 
tous  les  cotés  :  les  amis  de  Mr.  le 
Prince ,  ôc  ceux  des  Frondeurs  ,  les 
acccmpagnoienc  tous  les  jours  au 
Palais  3  &  les  chofes  fe  maintenoient 
ainfi  avec  plus  d'égalité,  qu'on  n'en 
dévoie  attendre  entre  deux  partis , 
dont  les  Chefs  étoient  fi  inégaux. 
Mais  enfxn  le  Cardinal  efperant  de 
recouvrer  fa  liberté  en  l'ôtant  à  Mr. 
le  Prince ,  jugea  qu'il  étoit  temps  de 
s'accommoder  avec  \çs  Frondeurs  y 
ëc  que  fans  craindre  de  leur  donnei" 
lin  moyen  de  fe  reconcilier  avec  Mr. 
le  Prince  ,  il  pouvoit  en  fureté  leur 
otfrir  la  protection  de  la  Cour ,  & 
prendre  enfemble  des  mefures  con- 
tre lui.  Monficur  le  Prince  en  four- 
îiit  même  alors  un  prétexte  allez 
plaufible  ;  car  ayant  fcii  que  Ma- 
dame de  Lon^ueville  ménaiicoic 
fecrettement  ,  &  depuis  quelque 
temps  3  le  mariage  du  Duc  de  Ri- 
chelieu &  de  Madanje  de  Pons,  il 
les  mena  à  Trie ,  de  voului;  autori- 


ï)  E     M.  D.  L.  R.        5  5 

fer  cette  cérémonie  de  fa  préfence  , 
êc  prit  il  hautement  la  proteccioii 
des  nouveaux  mariés  contre  leurs 
proches  fa)  ,  que  le  Cardinal  n'eue 
pas  de  peine  à  donner  un  Tens  cri- 
ininel  à  toute  cette  conduite  ,  ôc  à 
perfuadei-  que  les  foins  que  Mr.  le 
Prince  ôc  Madame  de  Longue  ville 
avoient  pris  pour  ce  mariage  ,  re- 
gardoient  moins  l'établilîement  de 
cette  Dame  5  que  le  dcfïein  de  s'af- 
furer  du  Havre  dont  Ton  mari  étoît 
Gouverneur  fous  Padminirtration 
de  la  Dame  d'Aii^uillon  fa  tante. 
Le  Cardinal  trouva  moyen  d'aigrir 
auiTi  Mr.  le  Duc  d'Orléans ,  fur  ce 

B  ; 

faj  C'eJ}  <jue  Madame  d'Jîiguillon  , 
^tli  "jouloit  marier  le  Duc  de  Kichelieu  , 
fon-  neveu  ,  avec  une  des  nièces  du  Cardi- 
nal ,  ^rétendoit  faire  ca^tr  le  mari.ige  de 
Madame  de  Fcns ,  quoi ofu'' elle  fut  de  con- 
dition tres-égalc  att  jeune  Duc  ,  Ô"  '^i^'iie 
de  Vaine  de  la  Maifon  d'All^ret.  Elle  s'a}- 
felloiî  dîi  Fi^can, 


^4  Mémoires 
que  Mr.  le  Prince  ne  lui  avoit  rien 
dit  de  ce  mariage  :  de  puis  il  prit 
des  mefures  avec  Madame  de  Che- 
vreufe  ,  qui  fe  fervant  habilement 
de  l'occalion ,  lui  propofa  d'abord 
tout  ce  dont  il  n'avoit  ofé  fe  dé- 
couvrir le  premier  à  elle  contre  la 
liberté  de  Mr.  le  Prince.  Ils  en  con- 
vinrent en  général ,  mais  les  parti- 
cularités de  ce  traité  furent  m.éna- 
gées  par  Laigues ,  que  ce  Prince 
avoit  défobligé  fans  fujet ,  quelque 
temps  auparavant  >  de  qui  en  avoit 
toujours  confervé  depuis  un  pro- 
fond reifentiment.  Il  eut  alors  l'a- 
"^'antage  de  régler  les  conditions  de 
la  prifon  de  Mr.  le  Prince ,  ôc  de 
montrer  combien  il  importe  aux 
perfonnes  de  ce  rang ,  de  ne  rédui- 
re jamais  ceux  qui  font  au-dellous 
d'eux  à  la  néceflité  de  fe  venger. 
Mais  il  refloit  encore  un  obllacle 
difficile  à  furmonter,  c'étoit  de  faire 
entrer  Mr.  le  Duc  d'Orléans  dans  le 


D  E  M.  D.  L.  R.  3  5 
dedein  de  perdre  Mr.  le  Prince  , 
vu  la  confiance  aveugle  qu'il  avoic 
depuis  vingt  ans  aux  confeils  de 
l'Abbé  de  la  Rivière  ,  qui  avolt 
tant  d'intérêt  de  s'y  oppofer.  Ma- 
dame de  Chevreufc  fe  charcrea  de 
vaincre  cette  dernière  difficulté  ; 
&  pour  en  venir  à  bout  ,  elle  fe 
plaignit  à  Mr.  le  Duc  d'Orléans  du 
peu  de  fureté  qu'il  y  auroit  défor- 
mais à  prendre  des  mefures  parti- 
culières avec  lui  ;  que  toutes  fes  pa- 
roles étoient  rapportées  par  l'Abbé 
de  la  Rivière  à  Mr.  le  Prince  Qc  à 
Madame  de  Longueville  ,  &  que 
s*étant  livré  à  eux  de  crainte  d'être 
troublé  à  R.ome  dans  fa  prétention 
du  chapeau  ,  il  les  avoit  rendus  ar- 
bitres du  fecret  &  de  la  conduite 
de  fon  maître.  Elle  lui  perfuada 
inême  5  qu'il  étoit  entré  avec  eux 
dans  toute  la  négociation  du  ma- 
riage de  Madame  de  Pons  ;  &  que 
toutes  chofes  fe  faifoier::  tellement 
B  6 


!^6  Mémoires 
de  concert  enfemble  ,  que  Madame 
la  Princenc  la  Mère  n'avoit  aiTifté 
avec  tant  de  chaleur  Mademoifelle  de 
Saugcon  clans  le  deflein  qu'elle  avoit 
d'écre  Carmélite  ,  que  pour  éloigner 
cette  fille  de  la  préfence  ôc  de  la 
confiance  de  Mr.  le  Duc  d'Orléans, 
&  pour  empêcher  qu'elle  ne  lui  fît 
lemarquer  la  conduite  de  l'Abbé 
de  la  Rivière  ,  <k  fa  dépendance 
aveugle  de  la  Maifon  de  Condé. 
Enfin  Madame  de  Chevreufe  fcat  fi 
tien  aigrir  Mr.  le  Duc  d'Orléans  ôc 
contre  Mr.  le  Prince ,  6c  contre  la 
Rivière  ,  qu'elle  le  rendit  dès  lors 
capable  de  toutes  les  impreffions, 
de  de  tous  les  fentimens  qu'on  lui 
voulut  donner. 

Le  Cardinal  de  Ton  côté,  renou- 
vella  artificieufement  au  Duc  de 
Rohan  une  proportion  ,  qu'il  lui 
avoit  faite  autrefois ,  pour  engager 
Mr.  le  Prince  à  prétendre  la  charge 
de  Connétable ,  à  quoi  il  n'avoir 


DE     M.  D.  L.  R.       37 

jamais  voulu  entendre  ,  pour  éviter 
de  donner  jaloufie  à  Mr.  le  Duc 
d'Orléans.  Et  bien  que  Mr.  le  Prin- 
ce la  rejettât  cette  féconde  fois  , 
par  la  même  coniidération  ,  le 
Cardinal  fçût  tellement  fe  prévaloir 
des  conférences  particulières  qu^il 
eut  fur  ce  fujet  avec  le  Duc  Rohan, 
qu^il  leur  donna  toutes  les  appa- 
rences d'une  négociation  fecrete  , 
que  Mr.  le  Prince  m.énageoit  avec 
lui  fans  la  participation  de  Mr.  le 
Duc  d'Orléans  (a) ,  &c  en  quelque 

{a)  Le  Cardinal,  dit  Mr.  le  Prince 
dans  un  de  Tes  Manifeftes  ,  qui  preioyoit 
bien  que  Mr.  le  Duc  d'Orléans  étoit  four 
demander  Vépee  de  Ccnnétahls  ,  afin  de 
fe  confeyvcr  dans  la  Majorité  du  IX  ci  la 
friticipale  fonâicn  de  fa  Lieutenance  Géné- 
rale ,  employa  fes  artifices  ordinaires ,  pour 
m* engager  k  la  potirfuiire  ;  partie  pour 
nous  c  o;mnettre  tous  deux  dans  la  demande 
àe  cette  Charge  ;  partie  pour  en  tirer  de 
moi  quelque  récompcnje.  l^ncore  me  la 
fit-il  offrir  par  le  Duc  Rohan  ,  a  conit-' 
tionqueje  cedajfekfon  Neveu  Mancin^ 


58  Mémoires 
façon  contre  Tes  fentimens.  De  forte 
que  ce  Duc  ayant  reçu  toutes  ces 
impreiuons  ,  de  voyant  un  procédé 
qui  lui  paroi(ïoit  tout  cnfemble  peu 
fincere  ôc  peu  refpedtueux  de  la 
part  Mr.  le  Prince ,  il  fe  crût  dégagé 
de  tout  ce  qu'il  lui  avoit  promis  , 
&  confentit  dès  l'heure  ,  fans  ba- 
lancer,  au  deffein  de  le  faire  arrêter 
prifonnier. 

Le  jour  qu'ils  choifirent  pour 
l'exécution  ,  fut  celui  du  premier 
Confeil.  Ils  refolurent  aufïi  de  s'af- 
furer  du  Prince  de  Conti  ôc  du 
Duc  de  Longueville ,  croyant  remé- 
dier par  là   à  tous  les  défordres , 

tout  ce  que  je  f  retendais  fur  V Amirauté , 
ou  que  je  lui  donnajje  le  bâton  de  Grand- 
Maître.  Si  cette  épée  de-voit  être  Jî  pré- 
judiciable a  l'Etat  entre  mes  ?7jains  ,  éf* 
me  donner  moyen  de  pajjer  d'un  état  par- 
ticulier a  la  Royauté ,  m'en  dtv oit-il  faiye 
la  proportion  ,  ^  s'obliger  lui-même  de 
4a  faire  agréer  à  S.  A.  K.  pour  les  intérêts 
de  laquelle  je  refufots  d'y  entendre  f 


DE     M.  D.  L.  R.       55? 

que  pouvoir  produire  une  telle  en- 
trepnfe.     Depuis  quelque   temps  y 
ces  Princes,  à  l'inftance  de  Madame 
de  Longucville,  avoient  évité  de  fe 
trouver  tous  trois  enfemble  au  Pa- 
lais-Royal 5  &  ils  le  faifoient  bien 
plus   par  complaifance  pour  elle  5 
que    par    aucune   perfuadon     que 
cette  conduite  fut  neceflaire  à  leur 
fureté.  Ce  n'eft  pas  qu'ils  n'eufifenc 
reçu  plusieurs   avis  de   ce  qui  étoit 
à  la  veille  de  leur  arriver  ,  mais 
Mr.  le  Prince  y  faifoit  trop  peu  de 
réflexion   pour   s'en   fervir  >  6c  les 
recevoit  même  quelque   fois  avec 
une  raillerie  aigre  ,  évitant  d'entrer 
en  matière  pour  n'avouer  pas  qu'il 
avoit  pris  de   fauffes   mefures.  De 
forte  que  fes  plus  proches  parens  & 
fes  amis  craignoient  de   dire  leurs 
fencimens  là-delTus.  Néanmoins  le 
Prince    de    MarfiUac ,    (  que   l'on 
nommera  déformais  le  Duc  de  la 
Rochefaucauk  5  à  caufe  de  la  mor: 


40  M    E    l^î    O    I    R    E    s 

de  Ton  père  ,  arrivée  en  ce  même 
temps  )  voyant  les  divers  procédés 
de  Mr.  le  Duc  d'Orlcans  envers  les 
Frondeurs ,  &  envers  Mr.  le  Prince, 
die  à  Mr.  le  Prince  de  Conti  le  jour 
qu'il  fut  arrêté  ,  que  la  Rivière 
était  aflurément  gagné  de  la  Cour, 
ou  perdu  auprès  de  Ton  Maître ,  & 
qu'ainfi  il  n'y  avoit  pas  un  moment 
de  fureté  à  la  Cour  pour  Mr.  le 
Prince  5  &  pour  lui.  Et  le  jour 
d^'auparavant ,  il  dit  à  la  Mouflayc 
que  le  Capitaine  de  fon  quartier 
lui  écoit  venu  dire  ,  qu'on  Pavoit 
envoyé  quérir  de  la  part  du  Roi  , 
èc  qu'étant  dans  la  Galerie  du  Pa- 
lais-Royal 5  Monsieur  le  Tellier 
lui  avoit  demandé  ,  iî  le  peuple 
n'approuveroit  pas  que  le  Roi  fît 
quelque  action  éclatante  pour  réta- 
blir Ion  autorité  :  à  quoi  l'autre 
répondit ,  que  pourvu  qu'on  n'ar- 
têtât  point  Mr.  le  Duc  de  Beaufort , 
il  n'y  avoit  rien  à  quoi  l'on  ne  con- 


D  E     M.  D.  L.  R.       4ï 

fentît.  Sur  cela ,  le  Capitaine  vint 
trouver  le  Duc  de  la  Rochefoucauk, 
6c  lui  dit  qu'on  vouloir  perdre  Mr. 
le  Prince  ,  ôc  que  de  la  façon  qu'il 
voyoit  prendre  les  mefures  ,  ce 
devoit  être  dans  très-peu  de  temps, 
La  Mouflaye  promit  de  le  dire  , 
mais  Mr.  le  Prince  dit  qu'il  ne  lui 
en  a  jam.ais  parlé.  Cependant  le 
Cardinal  ajoute  la  raillerie  à  tout 
ce  qu'il  préparoit  contre  Mr.  le 
Prince  ,  lui  difânt  ,  qu'il  vouloir 
ce  jour  même  lui  facriher  les  Fron^ 
deurs^  èi  qu'il  avoir  donné  les  or- 
dres pour  faire  arrêter  le  nommée 
des  Couchéres ,  qui  étoit  le  princi- 
pal auteur  de  la  fédition  de  JoUy  , 
&  qui  commandoit  ceux  qui  atta- 
quèrent Ton  carrofTè  fur  le  Pont- 
neuf;  mais  que  dans  la  crainte 
que  les  Fror^denrs  fe  voyant  ainfi  dé- 
couverts ,  ne  fiffcnt  quelque  effort , 
pour  le  retirer  des  mains  de  l'Offi- 
aer  <jui  le  deyolt  mener  au  Bois  ds 


42.  Mémoires 
Vincennes  ,  il  falloir  que  Mr.  le 
Prince  prie  le  foin  d'ordonner  les 
Gendarmes  C5:  les  Chevaux- légers 
du  Roi  5  pour  le  conduire  fans  dé- 
fordre.  Mr.  le  Prince  eut  alors  la 
confiance  qu'il  falloit  pour  être 
trompé  y  il  s'acquitta  éxaétement 
de  fa  commiffion  ,  de  prit  toutes 
les  précautions  néceffaires  pour  fe 
.  faire  mener  furement  en  prifon. 
Le  Duc  de  Longue  ville  étoit  à 
Cbaillot  5  de  le  Cardinal  lui  manda 
par  Prioleau  Ton  Agent  ,  qu'il  par- 
ieroit  le  jour  même  au  Confeil  , 
de  la  furvivance  du-  Vieux-Palais 
de  Rouen  en  faveur  du  fils  de  Mr.  de 
Beuvron  dépendant  de  lui,  &  qu'il 
la  lui  remettroit  entre  les  mains  , 
afin  que  cette  MaifQn  la  tînt  de  lui. 
Le  Duc  fe  rendit  aufïi-tôt  au  Palais- 
Royal  ,  le  foir  du  i  8.  Janvier  i  650. 
&  Mr.  le  Prince  ,  Mr.  de  Conti  3c 
lui  étant  entres  dans  la  Galerie  de 
i'appartenienc  de  la  Reine  ^  ils  y 


D  E  M.  D.  L.  R.  43 
furent  arrêtés  par  Guitsult  Capitai- 
ne de  fes  Gardes,  Quelque  temps 
après,  on  les  nt  monter  dans  un  car- 
rofle  du  Roi,  qui  les  attendoit  à  la 
petite  porte  du  jardin.  Leur  efcorte 
fe  trouva  bien  plus  foible  ,  qu'on 
n'avoit  cru  :  elle  étoit  conTimandée 
par  le  Comte  de  Mioilans  Lieute- 
nant des  Gendarmes;  Ôc  Cominges, 
Lieutenant  de  Guitault  Ton  oncle  , 
les  gardoit.  Jamais  des  perfonnes 
de  telle  importance  ne  furent  con- 
duites en  prifon  par  un  fi  petit 
nombre  de  gens  ,  car  il  n'y  avoic 
que  feize  hommes  à  cheval ,  avec 
ce  qui  étoit  en  carrofTe  avec  eux. 
Tout  le  monde  fçait  comm.e  le 
carrofTe  s'étant  rompu  encre  Paris 
&  Vincennes ,  ils  demeurèrent  qua- 
tre ou  cinq  heures  par  le  chemin  > 
belle  occafion  pour  ceux  qui  au- 
roient  voulu  entreprendre  de  les 
délivrer  ,  mais  perfonne  nç  fe  vait 
en  devoir  de  le  faire. 


44       Mémoires 

On  voulut  arrêter  en  même  temps 
le  Duc  de  la  Rçchefoucault  <Sc  la 
MouiTaye  ,  6c  l'on  envoya  Mr.  de 
la  Vrilliere  porter  un  ordre  à  la 
DuchefTe  de  Longueville  ,  d'aller 
trouver  la  Relire  au  Palais-Royal  , 
où  l'on  avoir  deiîcin  de  la  retenir  ; 
mais  le  Duc  de  la  Rochcfoucauk 
la  fit  réfoudre  de  partir  à  l'heure 
même  ,  3c  d'aller  en  diligence  en 
Normandie  ,  pour  engager  le  Par- 
lement de  Rouen  ,  ce  la  Norman- 
die 5  de  prendre  le  parti  des  Prin- 
ces 5  &:  pour  s'afîurer  des  amis  ôc 
des  Places  du  Duc  Ton  mari,  &:  du 
Havre  de  Grâce.  Le  Duc  de  la 
Rochefoucault  l'accompagna  en  ce 
voyage  ;  mais  cette  Princelle  ,  après 
avoir  efîayé  inutilement  de  gagner 
le  Parlement ,  fe  retira  à  Dieppe , 
qui  ne  lui  fervit  de  retraite  que 
jufqu'à  la  venue  de  la  Cour  ,  qui 
fut  fi  prompte  ,  &  la  prella  de  telle 
force  que  pour  fe   garantir  d'ccre 


DE     M.  D.  L.  R.       45 

jlrrêcée  par  les  bourgeois  de  Dieppe, 
de  par  PleiTis-Belliere  ,  qui  y  éroic 
allé  avec  des  troupes  de  la  parc  du 
Roi  5  elle  fut  contrainte  de  s'em- 
barquer ,  de  de  pâlïèr  en  Hollande 
pour  aller  à  Scenay  ,  où  le  Maréchal 
de  Turenne  s'éroit  retiré  dès  la 
prifon  des  Princes.  Le  Duc  de  la 
Rochefoucaulc  partit  de  Dieppe 
cinq  ou  iix  jours  devant  la  DucheiTe 
de  Longueviile  ,  Se  s'en  alla  dans 
fon  Gouvernement  de  Poitou ,  pour 
y  difpQfer  les  chofes  à  la  guerre  , 
&c  pour  eflayer  avec  les  Ducs  de 
Bouillon  5  de  Sr.  Simon  ^  de  de  la 
Force  de  renouveller  les  méconten- 
temens  du  Parlement ,  &  de  la 
ville  de  Bordeaux ,  Si  de  les  obliger 
à  prendre  les  intérêts  de  Mr.  le 
Prince  ,  puifque  les  Manifeftes  de 
la  Cour  ne  lui  imputoient  pas  de 
plus  grands  crimes ,  que  d'avoir 
protégé  hautement  les  intérêts  de 
Bordeaux. 


4^       Mémoires 

Pour  ce  qui  elt  des  raifous  qui 
ont  obligé  le  Cardinal  à  arrêter  Mr. 
le  Prince  5  je  fuis  perfuadé ,  qu'il 
n'y  en  a  point  eu  de  bonne  (a) ,  6c 
que  toutes  les  régies  de  la  Politique 
ctoient  contre  ce  delTein-là ,  comme 
les  évenemens  l'ont  fait  voir.  Outre 
que  jufque-là  Mr.  le  Prince  n'avoic 
pas  même  été  foupçonné  de  la 
moindre  penfée  contre  l'Etat.  Je 
crois  donc  ,  que  non  feulement  le 
Cardinal  a  voulu  être  par  là  le 
maître  de  la  Cour  -,  mais  encore 
qu'il  n'a  pu  foutirit  la  manière  ai- 
gre 5  &  méprifante  avec  laquelle 
le  Prince  de  Condé  le  traitoit  en 
public  5  afin  de  regagner  dans  le 
monde ,  ce  que  leur  reconciliation 
lui  avoit  ôcé.  Il  faifoit  la  même 
chofe  dans  les  Confeils  particuliers 
pour  le  détruire  dans  l'efprit  de  la 

(a)  Caiifla  periculi ,  non  crimen  ul- 
lum  fed  gloria  viri.   In  ^gricoU, 


D  E     M.  D.  L.  R.       47 

Reine  ,  &z  y  prendre  le  pofte  qu'il 
y  occupoir.  Enfin  ,  Paigreur  aug- 
mentant encre  Mr.  le  Prince  de  lui , 
il  le  hâta  de  le  perdre  pour  ne  lui 
pas  donner  le  temps  de  Ce  reconci- 
lier avec  les  Frondeurs,  Il  conduifîc 
fi  adroitement  cette  affaire  ,  que 
le  Prince  de  Condé  crût  non  feule- 
ment que  les  préparatifs  y  que  l'on 
faifoit  pour  l'arrêter ,  regardoienc 
les  Frondeurs  ;  mais  même  dans 
cette  vûe-là  ,  il  donna  lui-même 
les  ordres  pour  fe  faire  conduire 
plus  fiirement  en  prifon.  La  chofe 
fut  exécutée  d'un  confentement  Ci 
général  des  peuples  y  que  la  Duchefïè 
de  Longueville  étant  retirée ,  fans 
être  connue ,  dans  une  maifon  par- 
ticulière 5  pour  attendre  les  chofes 
neceflaires  pour  partir  ,  vit  allum.er 
les  feux  de  joye ,  ôc  paroître  les 
autres  marques  de  la  réjouiflance 
publique  pour  la  détention  de  fes 
frères  «Se  de  fon  mari. 


4^       Mémoires 

L'autorité  de  la  Coui:  fembloit 
plus  affermie  que  jamais  par  la 
prifoii  des  Princes ,  Se  par  la  recon- 
ciliation des  Frondeurs,  La  Nor- 
mandie a  voit  reçu  le  Roi  avec  une 
foumifïion  entière ,  de  les  Places 
du  Duc  de  Longueville  s'éroient 
rendues  fans  réfiftance.  Le  Duc  de 
Richelieu  fut  chafl'é  du  Havre  j  la 
Bourgogne  fit  comme  la  Norman- 
die ;  Bellegarde ,  le  Château  de 
Dijon  5  ôc  St.  Jean  de  Laune ,  imi- 
tèrent les  Places  de  Mr.  de  Longue- 
ville  y  le  Duc  de  Vendôme  fut 
pourvu  du  Gouvernement  de  Bour- 
gogne i  le  Comte  d'Harcourt  de 
celui  de  Normandie  ;  le  Maréchal 
de  l'Hôpital  de  celui  de  Champa- 
gne Ôc  de  Brie  ;  le  Comte  de 'St.  Ai- 
gnan  de  celui  de  Berry  j  Montrond 
(a)  ne  fut  pas  donné,  parce  qu'il 
ji'y  avoir  point  de  Garnifon  j  ccl' .: 

(à)  Place  forte  en  Berry. 


T>  t    M.  D.  L.  R.       40 

de  Clermonc  ôc  de  Danivilliers  Ce 
l'évolterencj  &c  Marliii  qui  comman- 
doic  l'armée  de  Catalogne ,  fut  ar- 
rêté prifonnier ,  &  perdit  Tcrrofe  , 
dont  il  étoit  Gouverneur.  Il  n\' 
^t  que  Stenay  feul ,  qui  demeura 
lans  le  parti  des  Princes.  Prerque 
:ous  leurs  amis  voyant  tant  de  mal- 
leurs  5  fe  contentèrent  de  les  plain- 
Ire  5  fans  fe  mettre  en  devoir  de 
es  faire  ceflèr, 

La  PrincelTe  de  Condé,  Se  le 
Duc  d'Anguien  étoient  par  ordre 
iu  Roi  à  Chantilly  j  la  Duchefle  de 
^ongueville  &  le  Maréchal  de  Tu- 
•enne  s'étoient  retirés  à  Stenay  ;  le 
)uc  de  Bouillon  à  Turenne  j  le 
3uc  de  la  Rochefoucault  à  Ver- 
euil  en  Angoumois  ;  le  Duc  de 
>L.  Simon  à  Blaye  ,  &  le  Duc  de  la 
'orce  à  la  Force.  Ces  Mcfl^eurs-là 
émoignerent  d'abord  un  zèle  é^ai 
»our  Mr.  le  Prince  j  &  lorfqueles 
)ucs  de  Bouillon  3c  de  la  Roche-  ' 

Tome  //,  G 


jo  Mémoires 
Foucault  firent  le  projet  de  la  guerre 
de  Guienne ,  le  Duc  de  St.  Simon  , 
à  qui  ils  en  donnèrent  avis ,  oftric 
de  recevoir  Mr.  le  Duc  d'Anguien 
dans  fa  Place  ;  mais  quand  ils  fu- 
rent près  de  commencer  la  guerre , 
il  manqua  tout  net  à  fa  parole  ;  &  le 
Duc  de  la  Force  qui  avoit  de  moin- 
dres engagemens  dans  le  parti ,  prie 
des  prétextes  pour  ne  fe  pas  décla- 
rer. Le  Duc  de  la  Rochefoucaulc 
<|ui  n'avoit  point  de  Places  dans 
fon  Gouvernement ,  ni  de  troupes , 
fut  néanmoins  le  premier  qui  prie 
les  armes.  Et  jugeant  de  quelle  im- 
portance il  étoit  au  parti  de  faire 
voir  qu'on  prenoit  les  armes ,  non- 
feulement  pour  la  liberté  de  Mr.  le 
Prince  ,  mais  encore  pour  la  con- 
fervation  de  celle  de  fon  fils ,  il  en- 
voya Gourville  à  Madame  la  Prin- 
ceflè  Douairière  qui  étoit  reléguée 
à  Chantilly",  &  gardée  par  ua 
Exempt,  aulïi-bien  que  Madame  la 


a  E     M.  D.  L.  R.       51 

PrincefTè  ,  fa  belle-fille  ,  pour  lui 
dire  Pétac  des  choies,  &  kii  faire 
comprendre  que  la  perfonne  de 
Mr.  le  Duc  d'Anguien  étant  expo- 
fée  à  toutes  les  rigueurs  de  la  Cour, 
il  falloit  l'en  garantir  ,  pour  le  ren- 
dre un  des  principaux  inftrumens; 
ie  la  liberté  de  Mon  heur  fon  père  : 
^ue  pour  ce  dedèin  ,  il  étoit  nécef- 
aire  ,  que  lui  cc  Madame  fa  nîerc 
.e  rendirent  fecreremcnt  à  Brezé  en 
A.njou  5  où  le  Duc  de  la  Roclitfou- 
:ault  offroit  de  les  aller  prendre  avec 
:inq  cents  Gentilshommes  pour  les 
nencv  à  Saumur ,  ii  le  de(ïcin  qu'il 
ivoit  fur  cette  Place  réuiïifToit  ;  ou 
zn  tout  cas  5  pour  les  conduire  à 
Turenne ,  où  le  Duc  de  Bouillon  fc 
ioindroit  à  eux  pour  les  accompa- 
gner à  Blaye  ,  en  attendant  que  lui 
^  le  Duc  de  Saint  Simon  eulfeix 
îchevé  de  difpofer  le  Parlement  de 
Bordeaux  à  les  recevoir.  Qiielque 
*vantagesfe  que  fùc  cette  pronoii- 
C  z 


52.  M    E    îvl    O    I    R    E    s 

tion  5  il  écoit  néanmoins  mal-aifc 
de  prévoir  fi  elle  feroit  luivie  oa 
i€jectée  par  Madame  la  Princefle 
Doiiairicre  ,  dont  Thumcur  inégale, 
timide  &  avare,  éroic  peu  propre  a 
entreprendre  ,  ik  à  foûtenir  un  tel 
dcfièin»  Toutefois,  bien  que  le  Duc 
de  la  Rochefoucauk  fut  incertain 
du  parti  qu'elle  pi-endroit  ,  il  fut 
contraint  cependant  de  fe  tenir  en 
état  d'exécuter  ce  qu'il  avoit  en- 
voyé propofer  ,  ôc  d'afTembler  fes^ 
amis  fous  un  prétexte  ,  qui  ne  fîc 
rien  connoine  de  Ton  intention  , 
afin  d'être  prêt  à  partir  dans  le 
temps  de  l'arrivée  de  Gourville  ^ 
qu'il  attendoit  à  toute  heure.  Il  crût 
n'en  pouvoir  prendre  de  plus  fpé- 
cieux  que  celui  de  l'enterrement  de 
Ion  perc  ,  dont  la  cérémonie  fe  de- 
voir faire  à  Vcrteuil ,  l'une  de  Tes 
maifons.  Il  convia  pour  cet  efict 
toute  la  NobleiTe  des  Provinces  voi- 
£ues ,  ôc  manda  à  tout  ce  qui  pou- 


D  E     M.  D.  L.  R.       5  5 

voltpoi'cer  les  armes  clans  fes  ter- 
res ,  de  s'y  trouver  j  de  forte  qu'en 
très-peu  de  temps ,  il  alîèmbla  plus 
de  deux  mille  chevaux  &:  huit  cenc 
homm.es  de  pied.  Outre  ce  corps 
de  NûblelTe  6c  dlnfaïuerie  ,  Beins 
Colonel  Allemand  ayant  promis  de 
ie  joindre  à  lui  avec  Ton  régiment , 
le  Duc  de  la  Rochefoucault ,  fe  vit 
en  état  d'exécuter  en  mêmie  temips 
deux  defîèins  confidérables  pour  le 
parti  qui  fe  formoit  :  l'un  étoic  ce- 
lui qu'il  avoit  envoyé  propofer  à 
Madame  la  Princefle  Douairière  , 
3c  l'autre  étoit  de  fe  failir  de  Sau- 
mur.  Ce  Gouvernement  avoit  été 
donné  à  Guitault  après  la  mort  du 
Maréchal  de  Brezé  ,  pour  récom- 
penfe  d'avoir  arrêté  Mr.  le  Prince. 
C'eft  une  Place  qui  fe  pouvoir  ren- 
dre très-im-portante  dans  une  guerre 
civile  5  étant  fituée  au  milieu  du 
Royaume ,  ôc  far  la  rivière  de  Loire 
çntre  Tours  de  Angers.  Un  GentiU 
C  3 


54  M    I    M    G    t    R    ï    5 

homme  nommé  de  Mons  y  com- 
mandoit  fous  le  Maréchal  de  Biezé, 
&:  fçachanc  que  Cominges ,  neveu 
de  Cluitauit  y  alloit  avec  des  ordres 
du  Roi  5  Se  menoit  deux  mille  hom- 
mes de  pied  ,  pour  l'alTiéger  s'il  re- 
fufoit  de  fortir ,  il  différa  fous  des 
prétextes  qu'il  prit  de  remettre  la 
Place  entre  les  mains  de  Cominges , 
Bc  manda  cependant  au  Duc  de  la 
Rochefoucault ,  qu'il  l'en  rendroic 
anaitre ,  &  qu'il  prendroit  Ton  parti, 
s'il  vouloit  y  mener  des  troupes. 
Le  Marquis  de  Jarzay  offrit  auffi 
de  fe  jetter  dans  la  Place  avec  {es 
smis,  ôc  de  la  défendre,  pourvu  que 
le  Duc  de  la  Rochefoucault  lui  pro- 
mît par  écrit  de  le  venir  fecourir 
dans  le  temps  qu'il  lui  avoit  mar- 
qué. Le  Duc  accepta  ôc  (igna  ces 
conditions  d'autant  plus  volontiers- 
que  les  deux  deflèins  dont  je  viens 
de  parler ,  convcnoient  enfemble  , 
^  fe  pouvoient  exécuter  en  mêmiC 
temps.  Dans  cette  vue  ,  le  même 


D  E     M.  D.  L.  R.        55 

Duc  fît  afTembicr  route  k  Nobleilè  , 
qui  étoit  venue  à  la  cérémonie  de 
renterrement  de  fou  père  ,  cc  leur 
dit  :  qu'ayant  évité  d'être  ariêtc  pri- 
fonnier  à  Paris  avec  Moniîeur  le 
Prince  ,  il  fe  crouvoit  peu  en  fureté 
dans  fes  terres,  qui  étoient  envi- 
ronnées de  gens  de  guerre  ,  qu'on 
avoic  affeclé  de  dirperfer  tout  au- 
tour fous  le  prétexte  du  quaitier- 
d'hyver ,  mais  en  effet ,  pour  le 
pouvoir  furprendre  dans  fa  maifon: 
qu'on  lui  offroit  une  retraite  aiTurée 
dans  une  Place  voifme  ,  &c  qu'il  de- 
mandoic  à  fes  véritables  amis  de  l'y 
vouloir  accompagner ,  laiiTant  aux 
autres  la  liberté  de  faire  ce  qu'ils 
voudroient.  Plufieurs  parurent  em- 
barrafles  de  cette  propofition  ,  & 
prirent  divers  prétextes  pour  fe  re- 
tirer. Le  Colonel  Beins  fut  un  des 
premiers  qui  lui  manqua  de  parole, 
mais  il  y  eut  fept  cent  Gentilshom- 
mes qui  lui  promirent  de  le  faivrs 
C  4 


jô  Mémoires 
avec  ce  nombre  de  cavalerie  ,  ôC 
avec  l'infanterie  qu'il  avoit  tirée  de 
les  terres.  Gourville  Pétant  venu 
joindre  fur  la  route  de  Saumur  ,  lai 
rapporta  que  Madame  la  Prince(ïe 
avoit  approuvé  fon  confeil  ;  mais 
qu'étant  obligée  de  garder  bien  des 
inefures  pour  la  Cour  ,  il  lui  falloit 
au  temps  &c  beaucoup  de  précau- 
tions pour  exécuter  un  delTein  dont 
les  fuites  étoient  fi  grandes  j  qu'elle 
étoit  peu  en  état  d'y  contribuer  de 
fon  argent ,  ôc  que  tout  ce  qu'elle 
pou vûÎl  faire  alors ,  étoit  de  lui  en- 
voyer vingt  mille  livres.  Le  Duc 
de  lâPvOchefoucault  voyant  fon  pre- 
mier dcflein  retardé  ,  fe  réfolut  de 
continuer  celui  de  Saumur  ,  mais 
bien  qu'il  y  arrivât  huit  jours  de- 
vant la  fin  du  temps  que  le  Gou* 
verneur  lui  avoit  promis  de  tenir , 
il  trouva  néanmoins  la  capitulation 
faite  5  &  que  Jarzay  n'avoit  point 
épçécutécedontil  éioit  convenu  avec 


D  E  M.  D.  L.  R.  57 
luij  deforte  qu'il  Fut  obligé  de  retour- 
ner fur  Ces  pas.  Il  dé6c  dans  fa  mar- 
che quelques  compagnies  de  cava- 
lerie des  troupes  du  Roi ,  oc  étant 
arrivé  chez  lui ,  il  congédia  la  Mo- 
bleflè  qui  l'avoir  fuivi  ,  c-:  en  re- 
partit bien-tôt  après  ,  parce  que  le 
Maréchal  de  la  Meilleraye  marchant 
à  lui  avec  toutes  (es  troupes ,  il  fur 
contraint  de  fe  retirer  à  Turenne 
chez  le  Duc  de  Bouillon  ,  après 
avoir  jette  dans  Montrond  cinq 
cent  hommes  de  pied  &:  cent  che- 
vaux qu'il  avoit  levés  &:  armés  avec 
une  diligence  extrême.  En  arrivant 
à  Turenne  ,  le  Duc  de  Bouillon  de 
lui  eurent  nouvelle  que  Madame 
la  Princefie  avoit  fuivi  le  confeil 
qu'on  lui  avoit  donné  de  partir  fe- 
cretement  de  Montrond  avec  le  pe- 
tit Duc  d'Anguien ,  &  qu'elle  ve- 
noit  à  Turenne  pour  être  de  -  là 
menée  par  eux  à  Bordeaux  ,  où  ils 
avoient  beaucoup  d'am.is  difbofcs  à 


j8  Mémoires 
les  recevoir.  Mais  ils  fçLuent  auiTî 
que  le  Duc  de  Saint  Simon  ayant 
leçu  des  lettres  de  la  Cour  ,  &:  fça- 
chant  la  prife  de  Bellegarde ,  n'écoic 
pas  dans  les  mêmes  fencimens ,  de 
que  ce  changement  foudain  avoic 
refroidi  tous  les  amis  de  Bordeaux, 
qui  jufques-là  avoient  paru  les  plus 
zélés  pour  les  intérêts  de  Mr.  le 
Prince.  Néanmoins  Langlade ,  dont 
le  Duc  de  Bouillon  s'étoit  fervi 
dans  cette  négociation  ,  les  ayant 
raffermis  avec  beaucoup  de  peine 
ôc  d'adreiïe  ,  il  revint  en  donner 
avis  au  Duc  de  Bouillon,  qui  aflem- 
bla  trois  cent  Gentilshommes  de  Tes 
amis  5  pour  aller  recevoir  Madame 
la  Princeffe  ,  ik  le  Duc  de  la  Ro- 
chefoucault  manda  les  fiens  ,  qui 
arrivèrent  à  Turenne  au  nombre  de 
trois  cent ,  conduits  par  le  Marquis 
^e  Sillery  ,  bien  que  le  Maréchal 
de  la  Meillerayc  les  menaçât  de  les 
faire  pilier  par  fes  troupes  ,  s'ils  al- 


D  E     M.  D.  L.  R.       5^ 

loient  trouver  ce  Duc.  Outre  Tes 
amis  3  le  Duc  de  Bouillon  leva  mille 
deux  cent  hommes  d'infanterie  de 
fes  terres ,  de  fans  attendre  le  Mar- 
quis de  Sillery ,  ils  marchèrent  ainfi 
vers  les  montagnes  d'Auvergne  , 
par  où  devoit  pafler  Madame  la 
Princefïè  conduite  par  Chavaignac. 
Les  Ducs  de  Bouillon  &ù  de  la  Ro- 
chefoucault  attendirent  deux  jours 
en  un  lieu  nommé  la  Bonne ,  où 
Madame  la  Princefle  de  Monfieur 
Ton  fils  arrivèrent  enfin  ,  après  des 
fatigues  infupportables  à  des  per- 
fonnes  d'un  âge  Ti  peu  capable  d'en 
foufRir.  On  les  conduifit  de-là  à 
Turenne,  où  s'étoient  rendus  à  mê- 
me tem.ps  les  Comtes  de  Meille^ 
de  Coligny  ,  Guitault ,  le  Marquis 
de  CelTau  ,  Beauvais  ,  Chantorny  , 
Briole  ,  le  Chevalier  de  Rivière  , 
ôc  beaucoup  de  perfonnes  de  qualité 
&c  d'Officiers  des  troupes  de  Mr.  le 
Prince ,  qui  fervnent  durant  toute 
C   6 


io  M    î    M    O    I    R    E    S 

cette  guerre  avec  beaucoup  de  fîdé- 
licé  &c  de  valeur.  La  PrincelTe  de  le 
petic  Duc  y  demeurèrent  huit  jours, 
pendant  lefquels  on  prit  Brive-la- 
gaillarde ,  &  la  Compagnie  des 
Gendarmes  du  Prince  Thomas  :,  qui 
étoit  de  cent  maîtres.  Ce  féjour  à 
Turenne  qui  étoit  nécefïaire  pour 
difpofer  les  efprits  de  Bordeaux  , 
chancelkns  Se  découragés  par  U 
conduite  du  Duc  de  Saint  Simon  , 
&  pour  y  pouvoir  aller  en  fureté  , 
donna  loifir  au  Général  de  la  Va* 
lette  5  frère  naturel  du  Duc  d'Efper- 
non  5  qui  commandoit  Tarmée  du 
Roi  y  de  fe  trouver  fur  le  chemin 
de  Madame  la  PrincefTe  pour  lui 
empêcher  le  paiïage  :  mais  étant  de- 
sneurée  à  une  maifon  du  Duc  de 
Bouillon  nommiée  Rochefort,  le  Duc 
de  la  Rochefoucault  de  lui  marchè- 
rent au  Général  de  la  Valette  j  avec 
toutes  les  troupes  qu'ils  avoient  le- 
vées dans  leurs  terres ,  de  fix  cent 


D  E     M.  D.  L.  R.       61 

Gentilshommes  de  leurs  amis.  Ils  le 
joignirent  à  Montelard  enPerigord, 
mais  il  lâcha  le  pied  fans  combat- 
tre ,  ôc  fe  retira  par  des  bois  à  Ber- 
gerac, après  avoir  perdu  tous  Tes 
bao;aees.  Madame  la  Princeflè  re- 
prit  après  cela  le  chemin  de  Bor- 
deaux fans  rien  trouver  qui  s'oppo- 
sât à  Ton  palïàge.  Il  ne  reftoit  plus 
qu'à  furmontcr  les  di facultés  qui 
fe  trouvoient  dans  cette  ville.  Elle 
étoit  partagée  en  diverfes  cabales. 
Les  créatures  du  Duc  d'Efpernon  , 
de  ceux  qui  fuivoient  les  nouveaux 
fentimens  du  Duc  de  Saint  Simon  , 
s'étoient  joints  avec  ceux  qui  fer- 
voient  la  Cour ,  &z  entr'autres  avec 
le  Sieur  de  la  Vie  ,  Avocat-Général 
au  Parlement  de  Bordeaux ,  homme 
habile  &  ambitieux.  Ceux  -  là  fai- 
foient  tous  leurs  efforts  3  pour  faire 
fermer  les  portes  de  la  ville  à  Ma^ 
dame  la  PrinceiFe.  Néanmoins  dès 
qu'on  Icûc  à  Bordeaux  qu'elle  de- 


ti  Mémoires 
voit  arriver  avec  Monfieur  Ton  fils  , 
à  Lormond  près  de  la  ville  ,  toui  le 
monde  donna  des  marques  publi- 
ques de  réjouïfrance.  Il  en  forcit  un 
très-grand  nombre  au-devant  d'elle, 
on  couvrit  les  chemins  de  fleurs  , 
&  le  bateau  qui  les  menoitfut  fuivi 
de  tous  ceux  qui  étoient  fur  la  ri- 
vière 5  les  vaiflèaux  du  Port  les  fa- 
luerent  de  toute  l'artillerie  ,  ôz  ils 
entrèrent  ainfi  à  Bordeaux  nonobf. 
tant  l'effort  qu'on  avoit  fait  fous 
main  pour  les  empêcher.  Cepen- 
dant bien  que  le  Parlen'ient  de  les 
Jurats  ne  la  viflent  point  en  Corps  , 
il  n'y  eut  prefque  point  de  parti- 
cuUers  qui  ne  lui  donnaifent  des 
afïurances  de  fervice  ;  mais  avec 
tout  cela  5  la  cabale  de  la  Cour , 
de  celle  de  Mr.  d'Efpernon  empê- 
chèrent 5  que  les  Ducs  de  Bouillon 
&  de  la  Rochefoucaulc  ne  fullènc 
reçus  dans  la  ville  ,  dès  les  premiers 
jours.  Ils  en  padcrenc  deux  ou  trois 


DE     M.  D.  L.  R.       6^ 

dans  le  Fauxbourg  des  Chartreux  , 
où  tout  le  peuple  alla  en  foule  les 
voir  5  &  leur  oifiir  de  les  faire  en- 
trer par  force.  Ils  n'acceptèrent  pas 
ce  parti-làj  Se  fe  contentèrent ,  com- 
me j'ai  dit  5  d'entrer  enfsmble  dans 
la  ville  deux  jours  après  Madame 
la  PrinceiTe ,  &  cela  fur  le  foir  pour 
éviter  le  défordre.  Il  n'y  av oit  point 
alors  d'autres  troupes  du  Roi  dans 
la  Province  ,  que  celles  que  com- 
mandoit  le  Général  de  la  Valette  ^ 
lefquelles  étoient  près  de  Libourne. 
Celles  des  Ducs  de  Bouillon  6c  de  la 
Rochefoucault  confilloient  en  cinq 
ou  fîx  cent  Gentilshommes  de  leurs 
amis  ,  &  l'infanterie  qu'ils  avoient 
pu  tirer  de  leurs  terres.  Ainfi  n'é- 
tant point  troupes  réglées  ,  il  étoit 
impo(I]ble  de  les  retenir  ,  &  chacaa 
étoit  fur  le  point  de  fe  retirer.  On 
jugea  donc  ,  qu'il  falloit  eiïàyer  au- 
paravant de  rencontrer  le  Général 
de  la  Valette ,  ^c  pour  cet  effet  on 


^4  M    E    M    O    I    R    I    s 

marcha  avec  toutes  les  troupes  vers 
Libounie  ,  où  il  étoit  :  mais  en 
ayant  eu  avis  ,  il  Ce  rcïira  &  évita 
le  combat  une  féconde  fois  ,  ju- 
geant bien  que  la  Nobiellè  étoit  fur 
le  point  de  s'en  retourner  j  &c  qu'en 
ne  combattant  point ,  il  fe  rendort 
certainement  le  maître  de  la  Cam- 
pagne. 

Eu  ce  temps-là  ,  le  Maréchal  de 
la  Meilleraye  eut  ordre  de  marcher 
vers  Bordeaux  avec  Ton  armée ,  par 
le  pays  d'entre  deux  mers ,  ^<:  le 
Roi  s'avança  vers  Libourne.  Ces 
nouvelles  firent  hâter  les  Ducs  de 
Bouillon  ôc  de  la  Rochefoucault 
de  faire  leurs  levées  m.aleré  les 
empechemens  qu'ils  recevoient ,  de 
par  le  manque  d'argent ,  &  par  le 
grand  nombre  de  gens  du  Parle- 
ment Se  de  la  ville  qui  traverfoient 
fous  main  leurs  dcfiTeins.  Les  chofes 
Vinrent  miême  à  une  extrémité  , 
qui  penfa  caufer  de  grands  défor- 


D  £  M.  D.  L.  R.  (>5 
dres  j  car  un  Omcier  Efpagnol  étant 
venu  trouver  Madame  la  Princefle 
de  la  part  du  Roi  d'Eij^agnc  ,  ôc 
ayant  apporté  vingt  ou  vingt-ciiiq[ 
mille  écus  5  pour  iubvenir  aux  plus 
prellans  befoins  ,  le  Parlement  qui 
juiques-là  avoit  toléré  Madame  la 
Princeiiè  &c  Ton  fils  dans  la  ville  , 
ôc  qui  ne  s'étoit  point  encore  expli- 
qué en  leur  faveur  comme  le  peuple, 
crût  qu'il  Tuffifoit  de  s'oppofer  à 
la  réception  de  cet  Envoyé  d'Ef- 
pagne  dans  Bordeaux ,  pour  jufti- 
fier  par  une  feule  action  toute  la 
conduite  padee  ,  &c  afin  que  privant 
^infi  le  parti  du  fecours  qu'il  atcen- 
doit  d'Efpagne  ,  il  le  réduisît  à  la 
nécciïité  de  recevoir  la  loi  ,  qu'on 
lui  voudroit  impofer.  Le  Parlement 
s'étant  donc  affemblé  ,  ordonna  , 
que  cet  Efpagnol  forriroit  de  Bor»- 
deaux  à  l'heure  même  :  niais  le 
peuple  ayant  connu  quelles  feroienc 
les  fuites  de  cet  hncK  ?  pnc  ^iliU^^ 


é'ê       Mémoires 
tôt   les   armes  ,  inveltit  le  Palais  , 
de  menaça  d'y  mettre  le  feu  ,  ii  le 
Parlement   ne    révoquoit  ce    qu'il 
venoit  de  réfoudre. 

D'abord  on  crut  diffiper  facile- 
ment cette  émotion  ,  en  faifant  pa- 
roître  les  Jurats;  mais  le  trouble 
augmentant  fur  le  retardement 
qu'on  apportoic  à  la  révocation 
de  l'Arrêt ,  le  Parlement  envoya 
donner  avis  aux  Ducs  de  Bouillon. 
ôc  de  la  Rochefoucâuk  de  ce  dé- 
fordre ,  ôc  les  prier  de  le  faire  celïèr. 
Ils  ne  furent  pas  fâchés  ,  qu'on  eût 
befoin  d'eux  en  cette  rencontre  ; 
mais  outre  qu'il  leur  importoit 
extrêm.ement  pour  jetter  les  fonde- 
mens  de  leur  parti  ,  que  le  peuple 
obtînt  la  caiîation  de  l'Arrêt  3  avant 
que  de  lai  (Ter  le  Palais  libre  ,  ils 
craignoient  encore  que  paroifTant 
régler  les  mouvemens  de  la  fédition, 
l'on  ne  leur  imputât  de  l'avoir 
caufcc.  Ainlî  ils  réfillerent  d'abord 


h  1  îvî.  D.  L.  R.  67 
à  faire  ce  que  le  Parlement  deriroit 
d'eux  j  mais  voyant  enfin  que  les  cho- 
fes  s'échauffoient  à  un  point ,  qu'il 
r/y  avoit  plus  de  temps  à  perdre  » 
ils  coururent  au  palais ,  fuivis  de 
leurs  gardes,  ôc  s'abar.donnant  par- 
mi ce  peuple  irrité ,  comme  il  étoic- 
fur  ^c  point  de  brûler  le  Palais .,  ils 
arrêtèrent  fa  fureur  j  &  fe  rendirent 
médiateurs  entre  le  Parlement  & 
lui.  Ainfî  l'Envoyé  d'Efpagne  eut 
dès-lors  toute  la  liberté  qu'il  defi- 
roit.  Enfuite  les  Généraux  ius^erenr 
qu'il  étoir  néceflaire  de  faire  une 
revue  générale  des  Bourgeois ,  pour 
leur  faire  connoitre  leurs  forces  ,  & 
les  difpofer  peu-à-peu  à  fe  réfoudre 

de  foûtenir  le  iiécie.  Ils  voulurent 
o 

eux-mêmes  les  mettre  en  bataille  ^ 
bien  qu'ils  eufTent  reçu  plufieurs 
avis  ,  qu'il  y  avoit  des  gens  gagnés 
pour  les  affaiïiner.  Néanmoins  par- 
mi les  falves  continuelles ,  qui  leui' 
furent    faites   par    plus  de   douz^. 


€S  M    E    Î,I    O    I    R    E    s 

inille  hommes  ,  il  n'arriva  aucun 
accident  qui  leur  donnât  lieu  de 
croire  cet  avis.  On  nt  enfuite  com- 
mencer quelques  dehors  à  Bor- 
deaux ;  mais  comme  il  venoit  peu 
d'argent  crETpagne ,  on  ne  pût  met- 
tre aucun  ouvrage  en  défenfe  ;  car 
dans  toute  cette  guerre  ,  on  n'c^ tou- 
che deii  Etpagnols  que  deux  cent 
vingt  mille  livres  5  le  refte  ayant  été 
pris  fur  le  convoi ,  ou  far  le  crédit 
fie  Madame  laPrincefiè,  ou  celui  des 
Ducs  de  Bouillon  6c  de  la  Rocher 
foucault ,  ou  de  Monficur  Laîné. 
Néanmoins  en  très-peu  de  temps. 
0:1  leva  près  de  trois  mille  hommes 
de  pied  5  5c  fept  ou  huit  cent  che- 
vaux •;  on  prit  Caftelnau  ,  qui  efl  à 
quatre  lieues  de  Bordeaux  ,  &z  on 
fe  feroir  étendu  davantage  ,  fans  les 
nouvelles  qu'on  eut  de  l'approche 
du  Maréchal  de  la  Meilleraye  du 
côté  d'entre  les  deux  mers  ,  &  de 
celle  du  Duc  4'^rpernon ,  qui  vint 


B  E     M.  D.  L.  R.       G(^ 

Joindre  le  Général  de  la  Valette, 
Sur  CCS  avis  les  Ducs  de  Bouillon 
&  de  la  RochcfoLîcauk  dépêchèrent 
le  Marquis  de  Sillery  en  Elpagne  , 
pour  faire  fçavoir  Pétac  des  clioies  , 
&  pour  fciire  venir  promptenient  le 
fecours  ,  qu'on  en  avoit  promis. 
Cependani:  on  laiila  une  garnifon 
dans  Caftelnau  ,  &  on  fe  retira  avec 
le  refte  des  troupes  à  Blanquefort, 
qui  eft  à  deux  lieues  de  Bordeaux. 
Ce  fut  en  ce  lieu  -  là  que  le  Duc 
d'Efpernon  vint  attaquer  les  Quar- 
tiers. Les  Ducs  de  Bouillon  &  de  la 
Rochefoucault  étoient  retournés  à 
Bordeaux  ,  <3<:  Chambon  Maréchal 
de  Camp  commandoit  les  troupes  , 
qui  étoient  de  beaucoup  plus  foi- 
bles  que  celles  du  Duc  d'Efpernon. 
Néanmoins ,  bien  qu'il  ne  put  dé- 
fendre l'entrée  de  Ton  Quartier  ,  les 
marais  &  les  canaux  ,  qui  en  envi- 
ronnoient  une  partie,  lui  donnèrent 
moyen  de  fe  retirer  fans  être  ram- 


70  Mémoires 
pu  5  &  de  fauver  les  troupes  &  tout 
Te  basase-  Sur  le  bruit  de  ce  com- 
bat  5  les  Ducs  de  Bouillon  ôc  de  la 
Rochefoucaulc  partirent  de  Bor- 
deaux avec  un  grand  nombre  de 
Bourgeois  ,  &  ayant  joint  leurs 
troupes  retournèrent  vers  le  Duc 
d'Efpernon  ,  dans  le  deilèin  de  le 
combattre  ,  Ci  les  mêmes  canaux  ne 
les  avoient  empêchés  de  venir  aux 
mains.  Tout  fe  pafl'a  en  efcarmou- 
ches  5  où  le  Duc  d'Efpernon  perdit 
beaucoup  d'Officiers  &  de  Soldats  ; 
du  côté  de  Bordeaux  ,  il  y  eut  peu 
de  gens  de  tués ,  Guitault  Cham- 
bellan de  Monlieur  le  Prince  y  fuc 
blefle  :  Se  depuis  cela  les  troupes  du 
Maréchal  de  la  Meilleraye ,  ôc  celles 
du  Duc  d'Efpernon ,  ferrèrent  Bor- 
deaux de  plus  près.  Ils  reprirent 
même  Tlfle  de  Saint  George  qui  eft 
dans  la  Garonne  ,  à  quatre  lieues 
au-defîus  de  la  ville ,  où  on  avoir 
commencé    quelque    fortification. 


9  £     M.  D.  L.  R.       71 

Elle  fut  défendue  trois  ou  quatre 
jours  avec  allez  de  vigueur  ,  parce- 
que  tous  les  jours  on  y  faifoit  en- 
trer un  régiment  frais.  Le  Général 
de  la  Valecte  y  fut  blefTé ,  &  mou- 
rut peu  de  jours  après.  Mais  enfin 
les  bateaux  qui  y  avoient  amené  des 
troupes ,  ik  qui  dévoient  ramener 
celles  qu'on  reievoit,  ayant  été  cou- 
lé à  fonds  5  par  une  batterie  que  le 
Maréchal  de  la  Meilleraye  avoit  faic 
iredcr  fur  le  bord  de  la  rivière  ,  la 
î-ayeur  prit  les  foldats,  &  même  les 
Dfîiciers  de  telle  forte  qu'ils  fe 
rendirent  tous  prifonniers  de  guer- 
re ',  &c  ainh  ceux  de  Bordeaux  per- 
iirent  tout  à  la  fois  cette  lue  ,  6c 
1200.  hommes  de  leur  meilleure 
nfanterie.  Ce  déiordre  de  l'arrivée 
lu  Roi  à  Libourne  ,  qui  fit  aufïi- 
ôc  attaquer  le  château  de  Vaire ,  à 
ieux  lieues  de  Bordeaux  ,  apporte- 
en  c  une  grande  confternation  dans 
a  ville  i  le  Parlement  de  la  ville  fs 


71  Mémoires 
voyant  à  la  veille  d'être  afiiégcs  pat 
le  Roi  5  manquoient  de  toutes  les 
chofes  nécefiaires  pour  fe  défendre  j 
nul  fecours  ne  leur  venoit  d'Efpa- 
crwQ  ,  &:  leur  crainte  avoit  enfin  ré- 
duit le  Parlement  à  s'afïèmbler  , 
pour  délibérer  s'il  enverroit  des  Dé- 
putés demander  la  paix  ,  aux  con- 
ditions qu'il  plairoit  au  Roi  j  lorf- 
qu'on  apprit  que  Vaire  étoit  pris , 
êc  que  le  Gouverneur  ,  nommé  Ri- 
clion  5  s'étant  rendu  à  difcrétion  , 
avoir  été  pendu.  Cette  févérité , 
par  laquelle  le  Cardinal  croyoit  jet- 
ter  la  terreur  &:  la  divifion  dans 
Bordeaux ,  fit  un  elfet  tout  contrai* 
ïe  -y  car  cette  nouvelle  étant  venue 
dans  un  temps ,  oi'i,  comme  je  viens 
de  dire ,  les  efprits  étoient  étonnés 
êc  chancelans ,  les  Ducs  de  Bouil- 
lon 8c  de  la  RocheFoucault  fçurenc 
fi  bien  fe  prévaloir  de  cette  con- 
jondure ,  qu'ils  remirent  leurs  af- 
faires  en  meilleur  état ,  en  faifant 

pendre 


o  E     M.  D.  L.  R.       73 

pendre  aufTi  le  Commandant  de 
rille  Saint  George  ,  qui  s'étoic  aulïî 
rendu  à  eux  à  difcrétion.  Mais  afin 
que  le  Parlement  &  le  peuple  par- 
tageafîènt  avec  les  Généraux  une 
action  ,  qui  n'étoit  pas  moins  né- 
cciïaire ,  qu'elle  paroiiroit  hardie  , 
ils  firent  juger  Canoles  (  c'étoit  le 
nom  de  ce  Commandant  )  par  un 
Confeil  de  guerre  ,  où  préfidoienc 
Madame  la  PrincelTe  Se  Mon/leur  le 
Duc  d'Anguien  ,  Se  qui  écoit  com- 
pofé  non  -  feulement  des  Officiers 
des  troupes  ,  mais  encore  des  deux 
Députés  du  Parlement  qui  y  afïif. 
loient  toujours ,  Se  des  trente-fix 
Capitaines  de  la  ville.  Tous  con- 
damnèrent d'une  voix  ce  pauvre 
Gentilhomme  qui  n'avoit  d'autre 
:rime  que  fon  malheur  j  Se  le  peu- 
ple animé  lui  donna  à  peine  le 
:emps  d'être  exécuté  ,  qu'il  voulut 
déchirer  fon  corps  en  pièces. 
Tome  IL  D 


74       Memoire's 

Cette  aclion    étonna  la   Cour , 
raflura  les  Bordelois ,  ôc  dirpola  de 
telle  forte  les  chofes  dans  la  ville  , 
qu'on  s'y  réfolut  d'attendue  le  fiégc, 
.t<c  de  fe  défendue  courageufement , 
fe  liant  en  leurs  propres  forces  Se  aux 
promeiîès  des  Efpagnols,  qui  les 
aifuroient   d'un  prompt  &c  puiiïant 
fecours.  Dans  ce  deflèin  on  fe  hâ- 
ta de  faire  un  Fort  de  quatre  petitj 
baiiions  à  la  Baftide  ,  qui  eft  vis-à- 
vis  de  Bordeaux  de  l'autre  côté  d( 
la  rivière.  On  travailla  avec  foir 
aux  autres  fortifications  de  la  ville 
mais  comme  beaucoup  de  Bourgeoi: 
avoient  des  maifons  dans  le  Faux- 
bouvp^  de  Saint  Surin  ils  ne  voulu 
rent  pas  permettre  qu'on  les  brûlât 
ni  même ,  qu'on  en  rasât  aucune 
bien  qu'on  leur  repréfentât,  que  o 
Fauxbourg  feroit  attaqué  le  premier 
Se  qu'il  étoit  capable  de  loger  tout 
Vinfanterie  du  Roi  :  de  forte  qu 
tout  ce  qu'on  pût  faire  ^  fut  d'ei 


v>  E     M.  D.  L.  R.       75 

couper  les  avenues ,  ôc  de  percer  les 
maifons ,  ce  qui  ne  fut  fait ,  que 
pour  contenter  le  peuple,  &  non 
pas  pour  efperer  de  défendre  un 
lieu  de  iî  grande  garde  avec  des 
Bourgeois ,  ôc  G  peu  de  troupes  qui 
reftoient ,  lefquelles  ne  montoienc 
pas  à  fcpt  ou  huit  cent  hommes  de 
pied,  ôc  trois  cents  chevaux.  Néan- 
mois  comme  Pon  dépendoit  du  peu- 
ple Se  du  Parlement ,  il  fallut  les  fa- 
tisfaire  contre  les  régies  de  la  guer- 
re 5  ôc  entreprendre  de  défendre  le 
Fauxbourg  de  Saint  Surin  ,  qui  eft 
ouvert  de  tous  les  côtés.  La  porte 
de  là  ville  qui  en  eft  la  plus  proche  9 
sft  celle  de  Dijon  :  elle  fut  trouvée  Ci 
mauvaife ,  parce  qu'elle  n'eft  dé- 
;  fendue  de  rien,  6^  qu'on  y  arrive  de 
plein  pied,  qu'on  jugea  à  propos  de 
jïa  couvrir  d'une  demi-lune:  mais 
j  :omme  l'on  manquoit  de  tout ,  on 
j  Te  fervit  d'une  petite  hauteur  de  fu- 
'j-nier,  qui  étoit  devant  la  porte, 
D  t 


7<^       Mémoires 
laquelle  étant  efcaupée  en  forme  de 
demi-lune ,  fans  parapet ,  ni  fans 
folié  5  fe  trouva  néanmoins  la  plus 
grande  défenfe  de  la  ville. 

Le  Roi  étant  demeuré  à  Bourg  ("a), 
le  Cardinal  Mazarin  vint  à  l'armée; 
elle  étoit  de  huit  mille  hommes  de 
pied  5  ôc  de  près  de  trois  mille  che- 
-vaux  :  on  réfolut  d'attaquer  le  Faux- 
bourg  de  Sr.Surin  :  d'autant  plus  fa- 
cilement que  n'y  ayant  que  les  ave- 
nues de  gardées,  on  pouvoit  fans  pé- 
ril gagner  les  maifons ,  entrer  pai-là 
dans  le  Fauxbourg  ,  ôc  couper  mê- 
me ce  qui  défend roit  les  barricades 
de  l'Eglife,  fans  qu'on  pût  fe  retirer 
dans  la  ville.  On  croyoit  de  plus , 
que  la  demi-lune  ne  pouvant  être 
défendue  ,  on  fe  logeroit  à  la  porte 
de  Dijon  dès  le  premier  jour.  Poui 
cet  effet,  le  Maréchal  de  la  Meille- 
yaye  fit  attaquer  les  barricades  de  le: 

(à)  Petite  itlle  entre  la  Garonne  ç^  L 
Dordogne  ,  appellee  dam  le  fais  Bcttr^- 
fur-Mer. 


D  E     M.  D.  L.  R.       77 

maifons  en  même  temps ,  Se  Pal- 
luau  avoir  ordre  auiïi  d'entrer  par 
le  Palais  Galien ,  de  de  couper  entre 
le  Fauxbourg  &c  la  ville  droit  à  la 
demi-lune.  Mais  le  Maréchal  de  la 
Meilleraye  ayant  fait  donner  devant 
que  Palluau  fat  arrivé  ,  il  trouva 
plus  de  réiiftance  qu'il  n'avoit  cru. 
L'efcarmouche  avoir  commencé  dès 
que  les  troupes  du  Roi  s'étoient  ap- 
prochées ;  on  avoir  mis  force  mouf- 
queraires  dans  les  hayes  Se  dans  les 
vignes,  qui  couvroient  le  Faux- 
bourg  ;  ils  arrêtèrent  d'abord  les 
troupes  du  Roi  avec  grande  perte  ; 
Choupes  Maréchal  de  Cam.p  y  fut 
bleiïe  5  Se  plufieurs  Officiers  tués. 
Le  Duc  de  Bouillon  étoit  dans  le 
Cimetière  de  l'Eglife  de  St.  Surin, 
avec  ce  qu'il  avoir  pu  faire  forrir  de 
Bourgeois ,  pour  rafraîchir  les  poir- 
tes.  Se  le  Duc  de  le  Pvochefoncault 
étoit  à  la  barricade,  où  le  faifoit  la 
principale  attaque  :  elle  fut  empor- 
D  5 


yS  Mémoires 
tée  ;  Beauvais ,  Chafferat ,  &c  le  Che- 
valier de  Todias  y  furent  pris-,  le 
feu  fut  très-grand  de  part  &  d'au- 
tre ,  il  y  eut  cent  ou  fix  vingts  hom- 
mes de  tués  du  côté  des  Ducs ,  ôc 
fept  ou  huit  cents  du  côté  du  Roi  j 
néanmoins  le  Fauxbourg  fut  em- 
porté ',  mais  on  ne  pafla  pas  outre  ; 
Se  on  fe  réfolut  d'ouvrir  la  tran- 
chée, pour  prendre  la  demi-lune,  & 
de  faire  une  autre  attaque  par  les 
allées  de  TArchevêché.  J'ai  déjà 
dit  5  qu'il  n'y  avoit  point  de  fofïe  à 
la  demi-lune  j  de  forte  que  pouvant 
:ctre  emportée  facilement ,  les  Bour- 
geois ne  voulurent  point  entrer  en 
garde,  Ôc  fe  contentèrent  de  tirer  de 
derrière  leurs  murailles.  Les  affié- 
geans  l'attaquèrent  trois  fois  avec 
leurs 'nrieilleures  troupes,  ils  entrè- 
rent même  dedans;  mais  ils,  en  fu- 
rent repoufTés  par  le  Duc  de  la  Rd- 
chefoucault ,  qui  y  mena  les  Gardes 
du  Prince  de  Condé ,  ôc  les  fiennesj 


D  E    M.  D.  L.  R.       79 

dans  le  temps  que  ceux  qui  défen- 
doienc  la  demi-lune  y  avoient  plié. 
Il  y  avoic  ti'ois  ou  quatre  OfHciers 
de  Navaille  qui  y  furent  pris ,  de  le 
refte  chaffé  ou  tué.  Les  alliégcs  fi- 
rent trois  grandes  forties ,  à  chacu- 
ne dcfquelles  ils  nettoyèrent  la 
tranchée  ,  &  brûlèrent  le  logement 
des  ennemis.  La  Chappelle-Biron  , 
Maréchal  de  Camp  des  troupes  du 
Duc  de  Bouillon ,  fut  tué  à  la  der- 
nière. Enfin ,  après  treize  jours  de 
tranchée  ouverte  ,  le  fiégc  n'étoit 
pas  plus  avancé  que  le  premier 
jour.Mais  comme  ceux  de  Bordeaux 
avoient  trop  peu  d'infanterie,  pour 
relever  la  garde  des  portes  atta- 
quées 5  Se  que  ce  qui  n'avoit  point 
été  tué  ,  ou  bleffé  ,  étoit  prcfque 
hors  de  combat  par  la  fatigue  de 
treize  jours  de  garde  ,  les  Ducs  de 
.Bouillon  &:  de  la  PvOcheFoucault  les 
firent  rafraîchir  par  la  cavalerie  , 
qui  mit  pied  à  terre  ;  ô:  ils  y  de- 
D  4 


^So       Mémoires 

meuuerent  eux-mêmes  les  quatre  ou 
cinq  derniers  jours  fans  en  partir  , 
afin  d'y  retenir  plus  de  gens  par 
leur  exemple. 

Cependant  Mr.  le^Duc  d'Orléans 
&  les  Frondeurs  voyant  que  non 
feulement  on  transféroit  les  Princes 
à  Marcouiïi ,  mais  auiïi  qu'on  fe 
difpofoic  de  les  mener  au  Havre  , 
ôc  craignant  que  la  chute  de  Bor- 
deaux ne  rendit  la  puiflance  du 
Cardinal  plus  formidable  j  ne  vou- 
lurent point  attendre  l'événement 
du  fiége  5  ôc  firent  partir  des  Dé- 
putés pour  s'entremettre  de  la  paix. 
Ce  furent  les  Sieurs  le  Meufnier  dC 
Bitaud  5  conduits  par  le  Coudrai- 
Montpenfier  de  la  part  de  Mr.  le 
Duc  d'Orléans.  Ils  arrivèrent  à 
Bourg  pour  faire  des  propofitions 
de  paix  au  Roi.  Ils  en  donnèrent 
avis  au  Parlement  de  Bordeaux  ; 
ôc  de  part  ôc  d'autre  on  convint* 
de  faire  une  trêve  de  quinze  jours* 


D  E     M.  D.  L.  R.       Si 

Dès  qu'elle  fut  réfolue  ,  le  Coudrai- 
Moiitpenlier  ôc  les  deux  Députés 
de  Paris  entrèrent  dans  la  ville  , 
pour  y  porter  les  chofes  au  point 
qu'ils  defiroient.  La  Cour  delîroic 
la  Paix  5  craignant  l'événement  du 
fiége  de  Bordeaux  ,  dont  la  réfif- 
tance  étoit  d'autant  plus  opiniâ- 
tre ,  qu'il  efperoit  le  lecours  d'E& 
pagne ,  dc  celui  du  Maréchal  de  la 
Force  >  qui  étoit  fur  le  point  de  le 
déclarer.  D'autre  part ,  comme  le 
Parlement ,  ennuyé  des  longueurs 
^  du  péril  du  fiége ,  fouhaitoit  la 
paix  ;  les  cabales  de  la  Cour ,  Se 
du  Duc  d'Efpernon  ,  agirent  puif- 
fam.ment  ,  pour  y  difpofer  le  refte 
de  la  ville  ;  l'infanterie  étoit  ruinée, 
ôc  le  fecours  que  j'ai  dit ,  avoic 
manqué  trop  fouvent  pour  s'y  de- 
voir encore  attendre  5  tout  cela 
enfemble  fit  réfoudre  le  Parlement 
à  envoyer  des  Députés  à  Bourg. 
Il  convia  Madame  la  PrincefTe  ,  & 
D  5 


il  Mémoires 
les  Ducs  de  Bouillon  de  de  la  Ro- 
chefoucault ,  d'y  en  envoyer  auilî  j 
mais  comme  ils  n'avoicnt  tous  deux 
d'autre  intérêts ,  que  la  liberté  des 
Princes  j  3c  qu'ils  ne  pouvoient  defi- 
rer  la  paix  fans  cette  condition-là, 
ils  fe  contentèrent  de  ne  s'oppofer 
point  à  une  chofe ,  qu'aufTi  bien 
ils  ne  pouvoient  empêcher.  Ils  rcfu- 
ferent  donc  d'y  envoyer  perfonnc  > 
de  prièrent  feulement  les  Députés 
de  ménager  leur  fureté ,  &  la  liberté 
de  Madame  la  PrincelTe ,  du  DuC 
d'Anguien  &  de  tout  ce  qui  avoir 
été  dans  fon  parti ,  avec  le  réta- 
blillement  de  chacun.  Les  Députés 
allèrent  à  Bourg  &  conclurent  la 
Paix  5  fans  en  communiquer  les 
articles  à  Madame  la  Princeflè ,  ni 
aux  Ducs  de  Bouillon  &  de  la  Ro- 
chefoucault.  Les  conditions  étoient, 
<iue  le  Roi  feroit  reçu  dans  Bor- 
deaux en  la  manière  qu'il  a  accou- 
tumé de  l'être  dans  les  autres  villes 


D  E    M.  D.  L.  R.       S3 

de  fon  Royaume  :  que  les  troupes 
qui  avoienc  foùtenu  le  fiége  forti- 
roient,  de  pourvoient  en  fureté  aller 
joindre  l'armée  de  Mr.  de  Turennc 
à  Stenay  ;  que  tous  les  privilèges 
de  la  ville  de  du  Parlement  feroienc 
maintenus i  Se  que  le  château  Trom- 
pette demeureroit  démoli.  On  per- 
mit à  Madame  la  PrincelTej  5c  au 
Duc  d'Anguien,  d'aller  à  Montrond, 
oii  le  Roi  entretiendroit  une  très- 
petite  Garnifon  pour  la  fureté  de 
Madame  la  Princeflè  ,  qui  la  clioi- 
firoit  de  fa  main.  Le  Duc  de  Bouil- 
lon fc  retira  à  Turenne  ,  &  le  Duc 
de  la  Rochefoucault  qui  étoit,  com- 
me j'ai  dit  5  Gouverneur  de  Poitou  , 
fe  retira  aufli  chez  lui  fans  faire  les 
fondions  de  fa  Charge  ,  ôc  fans 
avoir  aucun  dédommagement  pour 
fa  maifon  de  Verteuil ,  que  le  Roi 
avoit  fait  lafer.  Madame  la  Prin- 
cefTe  d'Anguien  ,  &  les  Ducs  de 
Bouillon  ôc  de  la  Rochefoucault , 
D  6 


S4  Mémoires 
partirent  enfemble  de  Bordeaux  > 
pour  aller  à  Courras.  Le  Maréchal 
de  la  Meilleraye  ,  qui  alloic  à  Bor- 
deaux 5  rencontra  fur  l'eau  Madame 
la  Princeile  ,  &  lui  propofa  de  voir 
le  Roi  de  la  Reine ,  lui  faifant  efpe- 
rer  que  le  Roi  accorderoit  peut-être 
aux  prières  ,  ou  aux  larmes  d'une 
femme  .,  ce  qu'il  avoit  crû  devoir 
refufer ,  lorfqu'on  le  lui  avoit  de- 
mandé les  armes  à  la  main.  Enfin  y 
iionobftant  la  répugnance  ^  que  Ma^ 
dame  la  Princefle  avoit  d'aller  à  la 
Cour  5  les  Ducs  de  Bouillon  ôc  de  la 
Rochefoucault  lui  confeillerent  de 
fuivre  l'avis  du  Maréchal  de  la 
Meilleraye  ,  afin  qu'on  ne  pût  au 
moins  lui  reprocher  d'avoir  oublié 
aucune  chofe  pour  la  liberté  de  fon 
mari.  Outre  qu'ils  jugeoient  bien  , 
qu'une  entrevue  comme  celle-là  , 
qui  ne  pouvoit  avoir  été  concertée 
avec  \ts  Frondeurs  ^  ni  avec  Mr.  le 
Duc  d'Orléans  a  leur  donneroic  fans 


D  E     M.  D.  L.  R.       85 

cloute  l'inquiétude,  de  pourroit  pro- 
duire des  etfecs  confidérables»  Le 
Maréchal  de  la  Meilleraye  retourna 
à  Bourg  porter  la  nouvelle  de  l'ache- 
minement de  Madame  la  Princeflè 
&  de  ia  fuite.  Ce  changement  fî 
foudain  furprit  Mademoifelle,  ôc  lui 
fît  croire  qu'on  traitoit  beaucoup 
de  chofes  fans  la  participation  de 
Monfieur.  Elle  y  fut  encore  confir- 
mée parce  que  les  Ducs  de  Bouil- 
lon de  de  la  Rochefoucauit  eurent 
de  grandes  conférences  féparémenc 
avec  le  Cardinal  Mazarin ,  dans  le 
deiTein  de  le  réfoudre  à  donner  la 
liberté  aux  Princes  ,  ou  de  le  rendre 
fufped  à  Monfieur.  Ils  lui  repréfen- 
toienr  que  les  Princes  lui  en  feroient 
d'autant  plus  obligés  ,  qu'ils  fça- 
voient  bien  qu'il  n'éuoit  pas  en  état 
d'y  être  contraint  par  la  guerre  ; 
qu'il  lui  croit  allez  glorieux  ,  que 
toute  l'Europe  vît  qu'il  avoit  ruïnéj 
de  réubli  Mr.  le  Prince  5  quand  il 


t6  Mémoires 
avoit  voulu  ;  que  le  procédé  des 
Frondeurs  lui  dévoie  faire  connoî- 
tre  5  qu'ils  fe  vouloient  rendre  mai-. 
très  des  Princes ,  afin  de  les  perdre  j 
&  de  le  perdre  lui-même  enfuit^ 
avec  plus  de  facilité  j  ou  pour  leur 
donner  la  liberté  ,  &:  les  engager^ 
par  -  là  à  travailler  enfemble  à  U 
ruine  de  la  Reine  &  à  la  Tienne  § 
que  la  guerre  étoit  finie  en  Guien-î; 
ne  5  mais  que  le  defir  de  la  recom- 
mencer dans  tout  le  Royaume  ne 
finiroit  jamais  qu'avec  la  prifon  des 
Princes  j  &  qu'il  en  devoit  d'au- 
tant plus  croire  ceux  qui  lui  par^ 
loient,  qu'ils  ne  craignoient  pas  d^ 
le  dire  à  lui-même ,  pendant  qu'il  les 
avoit  entre  Tes  mains ,  <Sc  qu'ils  n'a- 
voient  autre  fureté  que  fa  parole  ; 
que  les  cabales  fe  renouvelloient  de 
toutes  parts  dans  le  Parlement  de 
Paris  &  dans  tous  les  autres  Parler 
mens  du  Royaume  ,  pour  procurer 
la  liberté  aux  Princes ,  ou  pour  les 


DE     M.  D.  L.  R.       §7 

oter  de  Tes  mains  -,  que  pour  eux , 
ils  lui  déciaroien:  qu'ils  favorife- 
roient  tous  les  defîeins  qu'on  fe- 
roic  pour  les  tirer  de  prifon  y  mais 
que  tout  ce  qu^ils  pouvoicnt  faire 
pour  lui  5  croit  de  fouhaiter  que 
préférablement  à  tous  autres  ils  lui 
en  euflent  l'obligation.  Ce  difcours 
fie  l'effet  qu'on  dedroit  j  il  ébranla 
le  Cardinal  j  il  donna  de  la  jaloufîe 
à  Monfieur  ,  &  aux  Frondeurs  ;  il 
leur  ôta  l'efpérance  d'avoir  les  Prin- 
ces entre  leurs  mains  ,  de  les  fit 
enfin  réfoudre  de  fe  réunir  avec 
eux  5  de  de  chercher  de  nouveau  les 
moyens  de  perdre  le  Cardinal. 

Pendant  que  les  chofes  fe  paf. 
foient  ainfi  ,  &  que  les  foins  de  la 
Cour  étoient  employés  à  pacifier  les 
défordres  de  la  Guienne  >  Mr.  de 
Turenne  tiroit  de  grands  avantages 
de  l'éloignement  du  Roi.  Il  avoir 
obligé  les  Efpagnols  de  lui  donner 
le  Commandemcm  de  leurs  troupes 


88       Mémoires 

3c  de  celles  de  Mr.  de  Lorraine  5 
il  y  avoit  joint  tout  ce  qu'il  avoit 
pu  conferver  de  celle  de  Moniieur 
le  Prince  :  il  écoit  maître  de  Stenai, 
ôc  n'avoit  point  d'ennemis  oppofés,. 
Ainli,  rien  ne  l'empêchoit  d'entrée 
en  France  ,  ôc  d'y  Faire  des  progrès 
conhdérables  ,  que  la  répugnance  , 
que  les  Efpagnols  ont  accoutumé 
d'avoir  pour  les  dcHeins  de  cette 
nature  ,  dans  Itfquels  ils  daignent 
également  de  h^zarder  leurs  trou- 
pes,  pour  des  avantages  qui  ne 
les  regardent  pas  diredement ,  ôc  de 
fe  mettre  en  état  qu'on  leur  puilïè 
oter  la  comm.unication  de  leurs 
pays  i  de  forte  qu'ils  crurent  faire 
beaucoup  d'afïiéger  Mouzon ,  qu'ils 
prirent  enlin  après  un  mois  de  tran- 
chée ouverte.  Néanmoins  Mr.  de 
Turenne  furmonta  toutes  leurs -dif»- 
ficuliés  5  &  il  les  fie  ré'oudre  avec 
d'extrêmes  peines  à  marcher  droit 
à  Paris ,  efperant  que  fa  préfence 


D  E  M.  D.  L.  R.  8p 
îvec  fes  forces  &c  l'éloignement  du 
Roi ,  y  apporceroit  allez  de  troubles 
3c  de  confulion  ,  pour  lui  donnei* 
j*eu  d^entreprendre  beaucoup  de 
chofes.  Les  amis  de  Moiifieur  le 
Prince  commencèrent  alors  à  for- 
tner  des  entreprifes  pour  le  tirer  de 
prifon  y  le  Duc  de  Nemours  s'ccoit 
déclaré  ouvertement  pour  fes  inté- 
rêts 5  Se  tout  fembloic  contribuer  au 
delTeiii  de  Moniieur  de  Turenne. 
Pour  profiter  donc  de  cette  conjonc- 
ture 5  il  entra  en  Champagne  ,  ôc 
prit  d'abord  Château  -  Porcien  ôc 
Rétel  qui  firent  peu  de  réfiftance.  Il 
s'avança  enfuire  jufqu^à  la  Ferté- 
Milon  j  mais  y  ayant  appris  qu'on 
avoit  transféré  les  Princes  au  Havre- 
de- Grâce  ,  les  Efpagnols  ne  voulu- 
rent pas  pafier  outre  ,  &c  il  ne  fut 
plus  au  pouvoir  de  Mr.  de  Turenne 
de  s'empêcher  de  retourner  avec 
Parmée  à  Stenay.  Cependant  il  don- 
na fes  ordres ,  pour  fortifier  Rétel  ^ 


^o  Mémoires 
ôc  y  laiflà  Delll-Pontl  avec  une  gar- 
ni fon  Efpagnole  ,  ne  croyant  pas 
pouvoir  mieux  choiiîr,  pour  confier 
une  Place  qui  étoic  devenue  très- 
imporrante  ,  que  de  la  donner  à  un 
homme  ,  qui  en  avoit  défendu  (î 
glorieufement  trois  ou  quatre  des 
plus  confidérables  de  Flandre.  Le 
bruit  de  ces  chofes  fît  hâter  le  re- 
tour de  la  Cour  ;  &  les  Frondeurs  qui 
avoient  été  unis  au  Cardinal ,  tant 
que  les  Princes  étoient  demeurés  à 
Vincenncs ,  &  à  Marcouili ,  dans 
Pefpérance  de  les  avoir  en  leur  pou- 
voir, la  perdirent  entièrement  en  les 
voyant  conduire  au  Havre.  Ils  ca- 
chèrent toutefois  leur  relTentiment 
contre  lui  ,  fous  les  mêmes  appa- 
rences, dont  ils  s'étoient  fervis  pour 
cacher  leurs  liai  Tons  ;  &  bien  que: 
depuis  la  prifon  des  Princes  ils  euf- 
fent  eflàyé  de  tirer  fous  main  tou,^ 
les  avantages  poffibles  de  leur  recon^ 
ciliation  avec  le  Cardinal  3  ils  afFeç- 


D  E     M.  D.  L.  R.       5^2 

DÎent  toujours  ,  8z  de  Ton  confen* 
;n^nt ,  de  faire  croire  qu'ils  n'a- 
ôient  point  changé  le  deilein  de  le 
I  érdre ,  afin  de  conlerver  leur  cré- 
Lic  parmi  le  peuple.  De  forte  que 
e  qu'ils  firent  dans  le  commence- 
lient  de  concert  avec  le  Cardinal , 
eur  fervir  contre  lui-même ,  quand 
Is  fouhaiterent  tout  de  bon  de  le 
uïner.Ce  qui  augmenta  encore  leur 
laine  ,  fut  la  fierté  avec  laquelle  le 
Cardinal  traita  tout  le  monde  à 
"on  retour.  Il  fe  perfuada  aifément 
qu'ayant  fait  conduire  les  Princes 
au  Havre ,  3c  pacicifié  la  Guienne  5 
il  devoit  être  au-deffus  des  cabales  ; 
de  forte  que  négligeant  ceux  dont 
il  avoit  le  plus  de  befoin  ,  il  ne  fon- 
gea  qu'à  aifembler  un  corps  d'ar- 
mée 5  pour  reprendre  Rétel  ôc  Châ- 
t€au-Porcien.  Il  en  donna  le  Com- 
mandement au  Marquis  du  Plciïis- 
Praflin ,  &  le  fit  partir  avec  beau- 
coup de  diligence  ^   pour  inveftis 


92.  Mémoires 
Rétel ,  réfolu  de  fe  rendre  à  l'armé 
vers  la  fin  du  fiége  ,  pour  en  avoi 
toute  la  gloire.  Cependant  Mr.  d 
Turenne  donna  avis  aux  Efpagnol 
du  dcllèin  du  Cardinal  ,  ôc  telll 
Tonû  lui  ayant  promis  de  tenir  ui 
temps  afifez  confidérable  ,  il  prit  de 
mefures  avec  eux  pour  le  fecourir 
Son  de(ïein  étoit  de  marcher  ei 
diligence  à  Rétel  ,  &  de  faire  di 
deux  chofes  l'une  ,  ou  d'obliger  li 
Marquis  du  Pleflis  à  lever  le  fiége 
ou  de  charger  les  quartiers  de  for 
armée  féparés  ^  mais  la  lâcheté  oi 
l'infidélité  àt  Délit- Pomi  rendit  nor 
feulement  Çts  defieins  inutiles,  mai; 
le  contraignit  de  combattre  avec 
défavantage  ,  d<.  lui  fit  perdre  la 
bataille.  Car  DelU-Poml  s'étant  ren- 
du fix  jours  plutôt  qu'il  n'avoir  pro- 
mis, le  Marquis  du  Plefifis  fortifié 
des  troupes  fraîches  qui  l'avoient 
joint,  marcha  une  journée  au-de- 
yanc  cje  Mr.  de  Turenne ,  qui  ne 


DE    M.  D.  L.  R.       5?^ 

ouvant  éviter  un  combat  1î  inégal , 
:  donna  avec  beaucoup  de  valeur  3 
lais  avec  un  très- malheureux  fuc- 
ès.  Il  rallia  ce  qu'il  pût  de  fcs  trou- 
es 5  ôc  au- lieu  de  fe  retirer  à  Ste- 
ay ,  où  il  fembloit  que  fa  préfence 
k  principalement  néceffaire  ,  pour 
affermir  les  efprits  étonnés  de  la 
erte  de  la  bataille ,  il  alla  trouver  le 
]omte  de  Fuenfaldagne  ,  non-feu- 
?ment  pour  prendre  enfemble  leurs 
nefures  (lir  les  affaires  préfentes  ; 
nais  aufïi  pour  ne  lailTer  pas  ima- 
giner aux  Efpagnols ,  que  ce  qui  lui 
/enoit  d'arriver  ,  fôt  capable  de  lui 
!n  faire  prendre  aucunes  fans  leur 
participation.  Après  cette  vidoire , 
ie  Cardinal  qui  s'étoit  avancé  juf- 
:^u'à  Rétel ,  retourna  à  Paris  en 
triomphe  ,  ôc  parut  fi  enflé  de  cette 
profpérité,  qu'il  renouvella  dans  les 
efprits  le  dégoût  ôc  la  crainte  de  fa 
domination. 


^4       Mémoires 

On  remarqua  alors  ,  que  la  foi 
tune  difpofa  tellement  de  l'évém 
ment  de  cette  bataille  ,  que  Mr.  d 
Turenne  qui  l'avoit  perdue  ,  devir 
par  -  là  nécefTaire  aux  Efpagnols 
ôc  eut  le  Commandement  entier  d 
leur  armée  ;  &  le  Cardinal,  qi 
s'attribuoit  la  gloire  de  cette  aclioi 
l'éveilla  Tenvie  6c  la  haine  publiqu 
contre  lui.  Les  Frondeurs  jugèrent 
qu'il  cefTeroit  d'avoir  befoin  d'eux 
éc  craignant  d'être  facrifiés  à  Mr.  1 
Prince  ,  ils  entrèrent  dès  -  lors  e 
traité  avec  le  Préfident  Viole.  Ai 
naud  ,  Montreuil  ,  fecrétaire  d 
Prince  de  Conti ,  6c  plufîcurs  au 
très  entamèrent  des  négociation 
avec  Monfieur  le  Duc  d'Orléans 
le  Coadjuteur  ,  Madame  de  Chè 
vreufe  ,  &  les  Fondeurs ,  comm^ 
aufli  avec  Monfieur  de  Beaufort  à 
Madame  de  Montbazon  ;  d'autre 
traitèrent  avec  le  Cardinal. 


D  E  M.  D.  L.  R.  ^5 
Dans  ce  temps*là  la  PrincefTe  Pa« 
atine  avoir  plus  de  part  que  per- 
bnne  à  la  confiance  des  Princes ,  ôc 
;  celle  de  la  Ducheffe  de  Longue- 
dlle  'y  elle  avoic  commencé  toutes 
:es  négociation  des  Princes ,  tanc 
ivec  les  Frondeurs ,  qu'avec  le  Car- 
Linal ,  &  pareillement  avec  Mada- 
ne  de  Clievreuie ,  dont  la  fille  dé- 
çoit époufer  le  Prince  de  Conti ,  S^ 
ivec  Madame  de  Montbazon  &  le 
Duc  de  Beaufort  :  elle  étoit  dépofi- 
aire  de  leurs  traités  ,  quelque  op- 
jofés  qu'ils  pudent  être.  Se  voyant 
lonc  chargée  de  tant  de  chofes  con- 
raires  à  la  fois  ,  &:  craignant  de 
ievenir  fufpecte  aux  uns  ou  aux 
lutres  ,  elle  manda  au  Duc  de  la 
Rochefoucault ,  qu'il  vint  à  Paris 
fans  être  connu  ,  hc  qu'elle  lui  di- 
roit  l'état  des  chofes ,  pour  prendre 
enfemble  la  réfolution  de  conclure 
avec  l'un  ou  l'autre  parti.  Le  Duc 
de  la  PvQchefoucauk  fe  rendit  à  Pa^ 


(^G  MekoirEî 
ris  avec  une  extrême  diligence  ,  3a 
demeura  toujours  caché  chez  lu 
Princefife  Palatine  ,  afin  de  pouvoi; 
examiner  avec  elle  ce  que  de  toute 
parts  on  lui  venoit  propoier.  Lin 
terêt  général  des  Frondeurs  étoi 
Péloignemcnt  &  la  ruine  entière  di 
Cardinal  \  à  quoi  ils  demandoien 
que  les  Princes  contribuafTent  ave 
eux  de  tout  leur  pouvoir.  Madam 
de  Chevrcufe  deliroit  ^  que  Mr.  1 
Prince  de  Conti  épousât  fa  fille 
qu'après  la  chute  du  Cardinal  o\ 
mit  Mr.  de  Château-neuf  dans  1 
place  de  Premier  Miniftre ,  moyen 
liant  quoi  l'on  donneroit  à  Mr.  1 
Prince  le  Gouvernement  de  Guien 
ne  avec  la  Lieutenance  générale  d^ 
cette  Province  ,  Se  Blaye  pour  celu 
de  fes  amis  qu'il  choifiroit  j  &  l 
Gouvernement  de  Provence  pou 
Mr.  le  Prince  de  Conti.  Le  Duc  d« 
Beaufort  «3^  Madame  de  Montbazoï 
n'avoienc  aucune  connoiflànce  d« 

ce 


DE    M.  D.  L.  R.       97 

:s  chofes ,  Se  ils  faifoient  aufïî  un 
aité  particulier  ,  que  les  autres 
;noroient ,  lequel  confiftoit  feule- 
lent  à  donner  de  l'argent  à  Mada- 
le  de  Montbazon  ,  &  à  lui  faire 
3tenir  pour  Ton  fils  la  furvivance , 
i  la  récompenfe  de  quelques-unes 
^s  Charges  de  Ton  père.  Le  Coad- 
teur  paroi iloit  fans  autre  intérêt 
ae  celui  de  fes  amis ,  mais  outre 
a'il  croyoit  rencontrer  toute  {a. 
:andeur  dans  la  perte  du  Cardi- 
û  5  il  avoir  une  grande  liaifon 
7ec  Madame  de  Chevreufe,  &:  l'on 
foit  5  que  la  beauté  de  Mademoi- 
lle  fa  HUe  avoir  encore  plus  de 
Duvoir  fur  lui.  Mf.  de  Château- 
îuf  ne  voulut  point  paroître  dans 
;  traité  ;  mais  comme  il  avoit  toû- 
urs  été  également  attaché  à  Ma- 
ame  de  Chevreufe ,  Se  devant  Se 
)rès  fa  prifon  ,  ç*a  toujours  été 
iffi  conjointement ,  qu'ils  ont  pris 
lUtes  leurs  mefures ,  tantôt  avec  le 
Tme  II,  E 


5)S  Mémoires 
Cardinal ,  ôc  apiès  avec  les  enn 
rnis  ^  de  foi-te  qu'on  fe  conten 
de  la  parole  ,  que  Madame  de  Ch 
vreufe  donna  pour  lui.  Mais  cor 
me  il  écoic  dans  une  étroite  liaii( 
avec  les  plus  confidérables  perio 
lies  de  la  Maiion  du  Roi ,  ôc  q 
dans  le  Parlement  il  avoit  beaucoi 
d'amis  dont  il  pouvoit  difpoiei 
il  confentit  qu'ils  villent  fecrett 
ment  Madame  la  Princelïe  Palatii 
Ôc  qu'ils  lui  promidènt  d'entrer  av 
lui  dans  tous  Tes  engagemens. 
pouvoit  encore  beaucoup  fur  b 
prit  de  Monfieur  le  Duc  d'Orléan 
ôc  le  Coadjuteur  ,  Madame  de  C\ 
vreufe,  &c  lui  l'avoient  entîereme 
difpofé  à  demander  la  liberté  c 
Princes. 

Les  choies  étant  ainfi  préparée 
Monfieur  le  Prince ,  qui  en  éc( 
cxadement  averti ,  fembloit  voul( 
conclure  avec  les  Frondeurs»  M; 
le  Duc  de  la  Rochefoucauk  voys 


D  E     M.  D.  L.  R.       5^ 

les  négociations  également  avancées 
de  tous  les  côtés  ,  &:  jugeant  que  Ci 
l'on  concluoit  avec  les  Frondeurs , 
es  Princes  ne  pou  voient  for  tir  fans 
jne  révolution  entière ,  ôc  qu^au 
rontraire  le  Cardinal  ayant  les 
:leFs  du  Havre  ,  il  les  pouvoic  met- 
ire  en  liberté  en  un  moment ,  il 
empêcha  la  PrincelTe  Palatine  de 
■"aire  ratifier  à  moniîeur  le  Prince  le 
:raité  des  Frondeurs ,  pour  donner 
:emps  au  Cardinal  de  confidérer  le 
péril  où  il  s'alloit  jetter.  Le  Duc  la 
RocheFoucault  le  vit  trois  ou  qua- 
:re  fois  en  fecret  \  ils  le  délirèrent 
cous  deux  ainfi  ,  parce  que  le  Car- 
dinal ne  vouloit  pas  que  perlonnc 
eût  connoiflance  de  cette  nésocia- 
cion  ,  de  peur  que  Moniteur  &  les 
Frondeurs  ne  fe  hatalTent  d'éclater 
contre  lui  :  d>i  le  Duc  de  la  Roche- 
Foucault  la  tenoit  d'autant  plus  ie- 
crete  ,  que  les  Frondeurs  deman- 
doienc  comme  une    condition  de 

E     2 


100       M    E    M    O    î    R    E    s 

leur  traité  ,  que  le  Duc  de  la  Ro- 
chefoucault  le  Cigràzi,  ce  qu'il  ne 
Youloit  ni  ne  de  voit  faire  ,  tarH 
qu'il  auroit  lieu  d'cfperer ,  que  h 
traité  avec  le  Cardinal  pouvoii 
être  fincere  de  fa  part  6c  de  cell< 
des.  Princes.  Il  reçût  même  ur 
plein -pouvoir  de  la  Duchelïe  d< 
Longueville ,  pour  réconcilier  tou- 
te la  Maifon  avec  le  Cardinal  pour 
vi-i  qu'il  mît  les  Princes  en  liber 
té.  Cependant  les  Frondeurs  ,  qu 
avoient  fçû  que  le  Duc  de  la  RO' 
chefoucâult  négocioit  particulière- 
ment, le  preflèrent  pour  lui  fain 
ligner  leur  traité  avec  Monfieur  l 
Prince ,  &  témoignèrent  de  l'inquie 
tude  du  retardement  qu'il  y  appor 
toit  ;  de  forte  que  fe  voyant  dan- 
la  nécellité  de  conclute  prompte^ 
ment ,  ou  avec  l'un  ou  avec  l'autir< 
parti,  il  fe  réfolut  de  voir  encore  uiv 
fois  le  Cardinal,  6c  après  lui  avoii 
rcprefenté  les  mêmes  chofes ,  qu^ii 


D    E       M.    D.    L.    Pv.        ICI 

ui  avoir  dites  à  Bourg  ,  &  le  péril 
n\  il  alloit  êcrc  par  la  declararion  de 
vlonfieur  le  Duc  d'Orléans  ,  du 
Parlement  de  des  Fror}deurs ,  &  par 
'absndonnement  prefque  gênerai 
le  Tes  créatures  ,  il  lui  déclara,  que 
es  chofes  étoient  en  tels  terraes  , 
[ue  s'il  ne  lui  donnoit  ce  jour-là 
tne  parole  précife  8c  pofîtive  de  la 
iberté  des  Princes  ,  il  ne  pourroic 
>lus  traiter  avec  lui  ,  ni  différer  de 
e  joindre  à  tous  ceux  qui  deiiroienc 
"a  perte.  Le  Cardinal  voyoit  beau- 
oup  d'apparence  à  ce  qu'on  lui  di- 
bit  ;  néanmoins  le  Duc  de  la  Ro- 
hefoucauk  ne  lui  parla  que  gene- 
alement  des  cabales  qui  s'élevoient 
:ontre  lui ,  fans  entrer  dans  le  dé- 
ail  d'aucunes  j  &  il  le  fit  ainfi,  pour 
le  manquer  pas  au  fecret  qu'on  lui 
tvoit  confié,  8c  pour  ne  rien  dire 
\u\  pût  nuire  au  parti  ,  qui  s'al- 
oit  former  pour  la  liberté  des 
?nnces  ,  fi  le  Cardinal  la  refufoit. 
E  3 


IGZ        M    I    M    O    1    R    E    S 

De   forte  que   le   C?.rdinal  ne  vo 
yant  rien  de  particuîarifé ,  ciCit  qu< 
le   Duc  de    la  Rochefoucault    lu 
grofïiffoit  les  objets  afin  de  le  fain 
conclure  j  ôc  il  crut  que  ne  lui  nom 
mant  pas  même  de  Tes  propres  enne 
mis  5  il  n'avoit  rien  d'afsûré  à  lu 
dire.   Cependant  Paigreur  éclata  d 
toutes  parts  :   Mr.  le  Duc    d'Or 
îéans  5  qui   fuivoit  alors  les  fenti 
ment  de  Mr.  de  Châteauneuf,  d 
Madame  de     Chevreufe  ,    ôc  di 
Coadjuteur ,   Te   déclara    ouverte 
ment  de  vouloir  la  liberté  desPrin 
ces  5  qui  de  leur  côté  prefToient  l« 
Duc  de  la  Rochefoucault  de  con 
dure  le  traité  avec  le  Frondeurs 
de  de  fe  joindre  avec  eux.  Cette  de 
datation  de  Mr.  le  Duc  d'Orléan: 
donna  une    vif^Lieur    nouvelle   ai 
Parlement  d^  au  peuple  ,  ôc  mit  l( 
Cardinal  dans  la  confternation.  Lei 
Bourgeois  prirent  les  armes  ,  on  fil 
,1a  garde  aux  portes ,  ôc  en  moins  de 


D  E     M,  D.  L.  R.     105 

V  Heures,  il  ne  fat  plus  au  pouvoir 
u  Roi  ôc  de  la  Reine  de  fortir  de 
aris.  LaNoblefle  voulut avoirparc 
la  liberté  des  Princes  j  &  s'aiTcm- 
la  en  ce  même-temps  pour  la  de- 
lander.  On  ne  fe  contentoit  pas 
e  faire  fortir  les  Princes  ,  on  vou- 
)it  encore  la  vie  du  Cardinal  (  a). 
îr.  de  Chateauneuf  Garde  des 
çeaux  s'étoit  joint  aux  intérêts  des 
rinces ,  &  efperoit  que  leur  liber- 
t  8c  Péloignement  du  Cardinal  le 
nidroit  maître  des  affaires  :  le  î^la- 
E  4 

(à)  Ce  fut  en  ce  temps-la  que  la  Villa 
ifiribua  des  jetions  qui  d'un  coté  rcpréfcn- 
nent  la  hache  ^  Us  verges  ai^fnoriales  du 
^ardinal  avec  cette  légende  autour  ,  qnod 
uit  honos  ,  criininis  eft  vindex  ,  c'cfl-a- 
'ire:  ce  qui  a  été  autrefois  une  inavquz 
l'honneur  ^  de  puljjancs  ^  eft  pour  punir 
es  crimes  de  Maa^yi'in  :  é^  au  revers  ,  un 
ttol  ^  avec  cet  hé-niifitche- ,Çi\i\i  cer!:aî:a:c 
ata  tyiannis  ,  i  e.  telle  ef  la  àeftinée  des 
Varans.   ï6<i. 


104  Mémoires 
réchal  de  Villeroi ,  Ôc  prefque  tout 
la  Maifon  du  Roi  appuyoient  1 
Garde  des  Sceaux  :  une  partie  de 
Miniftres  ,  ôc  beaucoup  des  plij 
particuliers  amis  du  Cardinal ,  fai 
loient  aufli  la  même  chofe  :  la  Du 
chefïe  deChevreufe  y  contribuoitd 
tout  Ton  pouvoir  ,  ôc  elle  en  avoi 
beaucoup  dans  toutes  les  cabale; 
Mr.  de  Châteauneuf  a  toujours  et 
lié  à  fes  intérêts  depuis  Se  devant  f 
prifon  5  &  c'a  été  conjointcmen 
qu'ils  ont  pris  toutes  leurs  mefures 
tantôt  avec  le  Cardinal ,  tantôt  ave 
fes  ennemis.  Elle  avoit  une  grand 
liaifon  avec  le  Coadjuteur  ,  mais  I. 
beauté  de  Madcmoifellede  Clievreu 
fe  fa  fille  y  avoit  encore  plus  de  pou 
voir  :  Mademoifellc ,  Se  le  Coadju- 
teur affifté  de  Madame  de  Chevreu 
fe  &:  du  Garde  des  Sceaux  ,  étoîen 
maîtres  de  rcfprit  de  Mr.  le  Du(' 
d-'Orléans.  Ils  avoient  outre  cela  d( 
puilTantes  cabales  dans  le  peuple,  & 


D  E     M.  D.  L.  R.      lo; 

dans  le  Parlement  qu'ils  faiioient 
agir  félon  leur  belbin.  La  Duchei- 
fe   de  Chevreufe  de    Monfieur  de 
Châreauneuf  n'étoient  point  encore 
fulpedts  au  Cardinal  ;  il  ignoroit  la 
Dicpoiition  du  mariage  de  la  fille 
le  la  Duchelle  avec  le  Prince    de 
Honti  ;  il  fe  fouvenoit  qu'elle  avoic 
)lus  contribué  que   perfonne  à  la 
)rifon  des  Princes,   en    difporanc 
vlr.  le  Duc  d'Orléans  à  y  conientir, 
k  Tobliseant  de  n'en  rien  dire  à 
'Abbé  de  la  Rivière  qu'elle  ruina 
infuite.  Il  eut  d'autant  moins  de 
lefiance  des  confeils    qu'elle    lui 
lonna,  que  Ton  abattement  &  fes 
:raintes  ne  lui  permettoientpas  d'en 
uivre  d'autres,  que  ceux  qui  al- 
oient  à  pourvoir  à  fa  fureté.  Car 
l  fe  reprefcntoit  fans  ce(ic  qu'étant 
tu  milieu  de  Paris,  il  devoit  tout 
-^prehender  de  la  fureur  d'un  peu- 
)le ,  qui  avoir  bien  ofé  prendre  les 
trmes  pour  empêcher  le  Roi  d!en 

E  s 


jo6  Mémoires 
fortir.  Madame  de  Chevreufe  fe  fer- 
vit  avec  beaucoup  d'adreflè  de  là 
difpolîdon  où  il  écoit,  de  délirant  en 
effet  Ton  éloignement  pour  achevé^ 
le  mariage  de  fa  fille,  ôc  pour  éta- 
blir Mr.  de  Châteauneuf ,  elle  ie 
ménagea  il  bien  fur  tout  cela ,  qu'en 
efïct  elle  eut  beaucoup  de  part  à  la 
réfoiution  quHl  prit  de  fe  retirer. 
Il  fortit  le  foir  de  Paris  ,  à  cheval , 
fans  trouver  d'obftacle,  ôc ,  fuivi  de 
quelques-uns  des  fiens,  il.  alla  à 
Saint  Germain.  Sa  retraite  n'adou- 
cit point  les  efprits  des  Parifiens , 
ni  du  Parlement  3  on  craignit  qu'il 
ne  fdt  allé  au  Havre  ,  pour  enlever 
les  Princes ,  Se  que  la  Reine  n'eût 
deiîèin  en  même  temps  d'emmener 
le  Roi  hors  de  Paris  :  de  forte  que 
non  feulement  les  gardes  des  portes 
Ôc  des  rues  près  du  Palais  Royal  fu- 
rent redoublées  j  mais  il  y  avoic 
toute  la  nuit  des  partis  de  Cavale- 
rie par  la  ville ,  pour  empêcher  le 


D  E  M.  D.  L.  R.  1C7 
Roi  &c  la  Reine  de  fortir.  Un  foiu 
que  la  Reine  avoit  efFedivemenc 
deflein  de  l'emmener,  un  des  princi- 
paux Officiers  de  la  Maifon  du  Roi 
en  donna  avis  à  Mr.  le  Duc  d'Or- 
léans 5  qui  à  l'heure  même  envoya 
de  Souches ,  fupplier  la  Reine  de  ne 
perfiller  pas  davantage  dans  un  def- 
fein  (i  périlleux  ,  &  que  tout  le 
monde  étoic  refolu  d'empêcher. 
Mais  quelques  proteftations  que  la 
Reine  pûc  faire  ,  on  n'y  voulut 
point  ajouter  foi ,  de  il  fallut  que 
de  Souches  vifitât  le  Palais  Royal , 
pour  voir  (i  les  chofes  paroi iîoienc 
uirpofées  à  une  fortie  j  &  qu'il  en- 
trât enfuite  dans  la  chambre  du 
Roi  5  afin  de  pouvoir  rapporter 
qu'il  l'avoit  vu  couché  dans  Ton  lit. 
Le  Parlement  de  Ton  coté  faifoic 
tous  les  jours  de  nouvelles  inilances 
pour  la  liberté  des  Princes ,  &  les 
réponfes  de  la  Cour  étant  ambi- 
guës 5  elles  aigriiïbicnt  les  cfprits  au 
E   6 


joS  Mémoires 
lieu  de  les  appaifer.  On  avoît  crû 
éblouir  le  monde  en  envoyant  le 
Maréchal  de  Gramont  trouver  les 
Princes ,  Se  lui  même  Tavoit  été  des 
belles  apparences  de  ce  voyage  j 
mais  comme  il  ne  devoit  rien  pro- 
duire pour  leur  liberté  ,  on  vie 
bien-tôt ,  que  ce  n'étoit  que  pour 
gagner  temps.  Enfin ,  la  Reine  vo- 
yant augmenter  le  mal  de  tous  cô- 
tés ,  Ôc  ne  fçachant  point  certaine- 
ment, fi  le  Cardinal  prendroit  le 
parti  de  délivrer  les  Princes ,  ou  de 
les  emmener  avec  lui  j  de  plus  , 
craignant  que  les  efprits  aigris  de 
tant  de  remifes ,  ne  fe  portaflènten- 
iin  à  d'étranges  extrémités ,  elle  fe 
refolut  de  promettre  au  Parlement 
la  liberté  des  Princes  fans  plus  de 
retardement.  Le  Duc  de  la  Roche- 
foucault  fut  choifi  pour  aller  porter 
au  Havre  au  Sieur  de  Bar  ,  &  qui 
les  gardoit,  cet  ordre  fi  pofirif ,  ôc 
qui  détruifoit  tous  ceux  qu'il  au- 


DE     M.  D.  L.  R.     icp 

roit  pu  avoir  au  contraire.  Mr.  de 
la  Vrilliere  ,  Secrétaire  d'Etat ,  ôc 
Cominges,  Capitaine  des  Gardes 
de  Id  Reine ,  eurent  charge  de  l'ac- 
compagner ,  pour  rendre  la  chofe 
encore  plus  folemnelle ,  &  laifTer 
noins  lieu  de  douter  de  la  finceri- 
é  de  la  Renie.  Mais  tant  de  belles 
ipparcnces  n'éblouirent  pas  le  Duc 
le  la  Rochefoucault  :  il  reçût  avec 
oye  une  fi  avantsgeufe  commilTion; 
nais  en  partant  il  dit  à  Mr.  le  Duc 
Orléans ,  que  la  fureté  de  tant  déc- 
rits ôc  de  tant  de  paroles  Ci  folem- 
ellement  données  ,  dépendoit  du 
3in  qu'on  apporteroit  à  garder  le  Pa- 
lis-Royal 5  d'autant  que  la  Reine  fe 
roiroit  dégagée  de  tout  du  moment 
u'elle  feroit  hors  de  Paris.  £n  efFet> 
n  a  fçu  depuis ,  qu'elle  envoya  en 
iligencc  donner  avis  de  ces  chofes 
a  Cardiii-1  qui  étoit  prêt  d'arriver 
1  Havre,  d<  lui  diie  que  fans  avoir 
^ard  à  fes  promeflès ,  Ôc  à  l'écrit 


iio  Mémoires 
figné  du  Roi ,  d'elle  &  des  Secré- 
taires d'Etat  5  dont  le  Duc  de  la 
Rochcfoucault  de  Mr.  de  la  Vrillie- 
re  étoient  chargés  ,  il  pouvoit  dif- 
pofer  à  Ton  gré  de  la  deftinée  des 
Princes  ;  que  cependant  elle  cher- 
cheroit  tous  les  moyens  de  tirer  le 
Roi  hors  de  Paris.  Mais  cet  avis  m 
fit  pas  changer  de  deflein  au  Cardi- 
nal.  Bien  qu'il  fôt  en  fon  pouvoir  Sa 
laifîer  exécuter  cet  ordre-là^  ou  d'ar- 
rêter prifonniers  le  Duc  de  la  Ro- 
chcfoucault 5  &  ceux  qui  l'accom- 
pagnoient  ,  il  prit  le  parti  de  voii 
lui-même  les  Princes.  Ce  que  je  fçai 
de  cette  entrevue  ,  efl:  que  d'aboi d 
le  Cardinal  voulut  fe  juftifîer  au- 
près d'eux  5  en  leur  difant  les  fujets 
qu'il  avoit  eus  de  les  faire  arrccer  : 
3c  qu'enfuite  il  leur  demanda  leui 
amitié  ,  ajoutant  avec  fierté  ^  qu'ils 
étoient  libres  de  la  lui  accorder  ou 
refufer  (a)  j  ôc  que  quoiqu'il  en  fiit, 
fa)  Precibus  conrumacibus.  j^jw.  i. 


D  E     M.  D.  L.  R.      m 

ils  pouvoient  dès  ce  moment  fortir 
du  Havre ,  ôc  aller  où  il  leur  plai- 
roir.  Apparemment  ils  lui  promi- 
rent tout  ce  qu'il  voulut  j  il  dîna 
avec  eux  ,  de  auiïi  -  tôt  après  les 
Princes  ôc  le  Maréchal  de  Gramonc 
partirent  du  Havre,  6c  allèrent  cou- 
rber à  trois  lieues  de-là  ,  dans  une 
maifon  nommée  Grofmenil  fur  le 
chemin  du  Havre  à  Rouen ,  où  le 
Duc  de  la  Rochefoucault ,  la  Vril- 
liere  ,  Cominges  ,  Ôc  le  Préfident 
Viole  arrivèrent  un  moment  après  ^ 
avec  les  ordres  de  la  Cour  dont  je 
viens  de  parler. 

Les  Princes  recouvrèrent  ainfi  leur 
liberté  treize  mois  après  l'avoir  per- 
due. On  peut  dire  que  Mr.  le  Prince 
fupporta  cette  difgrace  avec  beau- 
coup de  confiance  ,  oC  qu'il  ne  per- 
dit jamais  une  occafion  de  travail- 
ler lui-même  à  faire  ceffer  fon  m.al- 
heur.  Il  fut  abandonné  de  plufieurs 
de  fes  amis  j   mais  on  peut  dire 


ïii     Mémoires 

auiïi  5  que  jamais  homme  n'en  j« 
trouve  de  plus  fermes  de  de  pîuî 
fidèles  ,  que  ceux  qui  lui  refterenr. 
Jamais  perfonne  de  fa.  qualité  n's 
été  acculé  de  moindres  crimes  ,  ni 
arrêcé  avec  moins  de  fujer.  Mais  ù 
nai (lance  ,  Ton  mérite  ,  6c  Ton  inno- 
cence qui  dévoient  avec  juftice  em- 
pêcher fa  prifon  ,  étoient  de  grandi 
fujfts  de  la  faire  durer,  G  la  frayeiâ 
du  Cardinal ,  ôc  tout  ce  qui  s'éleva 
en  même  temps  contre  lui  ,  ne  lui 
eufïent  fait  prendre  de  fauffes  mefu- 
res  dans  le  commencement  de  dans 
la  fin  de  cette  affaire. 


(P. 


W^ 


E     M.  D.  L.  R.     115 


RELATION 

De  ce  qui  fe  p<z(î;i  depuis  la  pri^ 

fin  des  Princes  ,  jtifqu'^  la> 

Guerre  de  Guienne. 

LA  prifon  de  Moniicur  le  Prince 
avoir  apporté  un  nouveau  luftre 
à  fa  gloire.  Auffi  arriva-t-il  à  Paris 
avec  tout  l'éclat  ,  qu'une  liberté  fi 
avantageufement  obtenue  lui  pou- 
voit  donner.  Mr.  le  Duc  d'Orléans 
ôc  le  Parlement  l'avoient  arraché 
des  mains  de  la  Reine  ;  le  Cardinal 
Mazarin  étoit  à  peine  échappé  de 
celles  du  peuple  ,  ôc  fortoit  du 
Royaume  ,  chargé  du  mépris  &  de 
la  haine  publique.  Enfin  ce  miême 
peuple  5  qui  un  an  auparavant  avoit 
fait  des  feux  de  joye  du  malheur 
de  Monfieur  le  Pnnce  ,  avoic  tenu 


Sî4  Mémoires 
la  Cour  aiTicgée  dans  le  Palais 
Royal  3  pour  procurer  fa  liberté  (a). 
Sa  difgrace  avoit  changé  en  com- 
paflîon  5  Taverfion  qu'on  avoir  eue 
auparavant  pour  Ton  humeur  ,  &C 
pour  fa  conduite,  &  tous  efperoient 
également  que  fa  préfence  rétabli- 
roit  l'ordre  &  la  tranquillité  de 
l'Etat.  Les  chofes  étoienr  difporées 
de  la  forte  ,  lorfque  ce  Prince  ar- 
riva à  Paris  ,  avec  le  Prince  de 
Conti ,  &  le  Duc  de  LongueVille  j 
une  foule  innombrable  de  peuple 
vint  au  devant  de  lui  jnfqu'à  Pon- 
toife  -,  il  rencontra  Monficur  le  Duc 
d'Orléans  à  la  moitié  du  chemin  , 
qui  lui  préfenta  le  Duc  de  Beau- 
fort  de  le  Coadjuieur  ,  &  fut  con- 
duit   au  Palais    Royal    au  milieu 

(a)  Neque  illis  judicium  nut  veritas^j 
quippe  eodem  (  anno  )  diveiTa  pari  cer- 
taminepoftulantibus.  Hi/t.  i.  Tarn  pro-' 
num  in  mifericordiam  ,  quam  immo- 
dic.um  fcçvitia  fuerat.  Uf,d. 


D  E  M.  D.  L.  R.  îij' 
le  ce  triomphe ,  &c  des  acclamations 
)ubliques.  Le  Roi  ,  la  Reiiie  ,  de 
vlï.  le  Duc  d'Anjou  y  croient  de- 
neurés  avec  les  feuls  OfHciers  de 
eurs  maifons  5  &  Mr.  le  Prince  y 
ut  reçu  comme  un  homme  qui 
toit  plus  en  état  de  faire  grâce  que 
e  la  demander.  Plufieurs  ont  cru 
[ue  Mr.  le  Duc  d'Orléans  6ilui 
n-  hrent  en  ciFet  une  bien  plus 
;rande  à  la  Reine  de  la  laiiTer 
ouir  plus  long-temps  de  Ton  auto- 
ité  y  car  il  étoit  facile  alors  de  la 
ui  faire  ôter  par  le  Parlement  du 
;onrentement  de  tous  les  partis ,  la 
Ilour  n'étant  ni  en  état ,  ni  même 
'u  volonté  de  s'y  opporer  *,  tant  la 
tiite  du  Cardinal  y  avoit  laiffi 
l'incertitude  6c  de  confcernation. 
2c  chemin  fi  court  ôc  fi  aifé  lui 
ermoit  pour  toujours  celui  de  Ton 
retour  en  France  j  il  ôtoit  tout  d'un 
:oup  à  la  Reine  Pefperance  de  le 
iQÏx  rétablir  dans  le  Miniftére,  Les 


ii6  Mémoires 
moyens  en  étoient  aifés ,  comme 
je  viens  de  dire  ,  8c  on  pouvoii 
fans  peine  faire  pafl'er  par  un  arrêt 
la  Régence  à  Mr.  le  Duc  d'Orléans 
ôc  remettre  non  feulement  entre  fe; 
mains  la  conduite  de  l'Etat ,  mai: 
aufïi  la  perfonne  du  Roi ,  qui  man- 
quoit  feule,  pour  rendre  le  part 
des  Princes  aufïi  légitime  en  appa- 
rence  ,  qu'il  eût  été  puiflànt  en  efrér 
Mais  foit  que  Mr.  le  Prince  n( 
faifant  que  d'arriver  comme  er 
triomphe  ,  en  eût  encore  Pefpri 
tout  plein  ,  de  qu'il  crût  que  et 
chani^ement  Ci  foudain  de  fa  fortune  ' 
meritoit  d'être  goûté  quel  que  temps, 
avant  que  d'entreprendre  de  i 
grandies  chofes  ;  ou  foie  que  U 
grandeur  de  cette  entreprife  l'em- 
pêchât d'en  connoitre  la  facilité; 
ou  bien  que  la  connoiflant  il  nft 
pût  fe  réfoudre  à  lai  (1er  transférer 
toute  la  puiiïance  à  Mr.  le  Duc 
d'Orléans ,  qui  étoit  lui-même  cm 


B  E     M.  D.  L.  R.     117 

elle  des  Frondeurs  ,  donc  Mr.  le 
'rince  ne  vouloir  plus  dépendre  ; 
u  (oit  plus  vraifemblablement  en- 
ore  qu  ils  crûllent  Pun  &  l'autre  , 
ue  quelques  négociations  com- 
mencés ,  &  la  foiblefle  du  Gou- 
ernemenc ,  établiroienc  leur  auro- 
lé  par  des  voyes  plus  douces  & 
lus  légitimes  que  celles  que  je  viens 
e  dire  ;  enfin  ,  ils  laifïèrent  à  la 
.eine  Ton  titre  &  Ton  pouvoir. 

Ceux  qui  regardoient  leur  con- 
uite  5  &  qui  en  jugeoient  félon 
s  vues  ordinaires  ,  remarquoienc 
u'il  leur  étoit  arrivé  ce  qui  arri- 
i  fouvent  en  de  femblables  occa- 
ons  5  &  même  aux  plus  grands 
Dm.mes ,  qui  ont  fait  la  guerre  à 
urs  Souverains  ,  qui  eft  de  n'a- 
DÎr  pas  fçû  fe  prévaloir  de  certains 
Lomens  favorables  ôc  décififs  (a), 

'j 

(a)  Agendum  audendumque  ,  dum 
egim  autoritas  fluxa  ;  opportunes 
agnis  conatibus  tranfiîus  rerum  Tficit. 


iiS  A'Iemoiris 
dans  lefquels  ils  les  pouvoient  op 
primer  entieremenr.  Ainfi  le  Du 
de  Guife  aux  premières  barricade 
laiifa  fortir  de  Paris  le  Roi  ,  aprè 
Tavoir  tenu  comme  afiiegé  dans  1 
Louvre  un  jour  ôc  une  nuit  :  ain 
le  peuple  de  Paris  ,  aux  dernière 
barricades,  pafla  toute  fa  fougue 
demander  l'élargiflfemenc  de  Brou' 
fel  ôc  de  Blancmefnil ,  fans  fong< 
à  fe  faire  livrer  le  Cardinal ,  qu* 
pouvoir  fans  peine  arracher  d 
Palais  Royal ,  qu'il  tenoit  bloqU' 
Enfin  5  quelles  que  fullènt  les  ra 
fons  des  Princes  ,  ils  lailTerei 
échapper  une  conjoncture  h  impo 
tante  ,  &  cette  entrevue  fe  pal 
en  civilités  ordinaires  ,  fans  t 
moigner  d'aigreur  de  part  Se  d'aj 
tre  5  de  fans  parler  d'affaires. 

Mais  la  Reine  defuoit  trop  ic 
patiemment  le  retour  du  Cardin 
pour  ne  tenter  pas  toutes  forte' 
voyes  y  pour  y  difpofer  Mr.  le  PrL 


V  E     M.  D.  L.  R.      iip 

:e  ;  elle  lui  fît  oifiir  par  la  PrincefTc 
;^akdne  une  liaifon  étroite  avec  lui^ 
k  de  lui  procurer  toute  forte  d'à- 
'antages.  Mais  comme  Tes  termes 
'toieiu  généraux  ,  il  n'y  répondit 
[ue  par  des  civilités  qui  ne  Ten-' 
;ageoient  pas.  Il  crût  même  que 
'étoit  un  artiiîce  de  la  Reine  pour 
enouveller  contre  lui  l'aigreur  eé- 
.erale,  U  pour  Texpoier  a  retomber 
.ans  les  premiers  malheurs ,  en  le 
endant  fuipect  au  Duc  d'Orléans  , 
u  Parlement ,  de  au  peuple  par 
niQ  liaiion  fecrette.  Il  conhderoit 
ncore  ,  qu'il  étoit  forti  de  prilon 
ar  un  traité  figné  avec  Madame 
e  Chevreufe  ,  par  lequel  le  Prince 
e  Conti  devoit  époufer  fa  iîlle  j  & 
ue  c'étoit  principalement  par  cette 
lliancc  que  les  Frondeurs  de  le 
)oadjuteur  de  Paris  prenoient  con- 
ance  en  lui.  Cette  confidération 
liioit  auffi  le  même  effet  envers 
î  Garde  des  Sceaux  de  Chafleavî- 


Tzo      Mémoires 
neuf  5  qui  tenoit  alors  la  première 
place  dans  le  Confeil ,  Se  qui  écoii 
infeparablement  attaché  à  la  Du- 
clielie  de   Chevreufe.    D'ailleurs 
cette  Cabale  rubfiftoic  encore  ave< 
les  mêmes  apparences  de  force  S 
de  crédit  j  elle    lui   offrit  aufTi  l 
choix  des  établi (Temens  pour  lui  d 
pour  fon  frère  ;  Mr.  de  Chafteau 
neuf  venoit  même   de  les   rétabli 
tous  deux  3  Se  le  Duc  de  Longue 
ville,  dans  les  fondions   de  leui 
Charges.  Enfin  ,  Mr.  le  Prince  trou 
voit  du  péril  &c  de  la  honte  à  rorr 
pre  avec  des  gens,  dont  il  avoir  reç 
tant  d'avantages  ,   6c  qui  avoient 
puifl'amment  contribué  à  fa  liberté 
Si  ces  réflexions  firent  balance 
Mr.  le  Prince  ,  elles  ne  changeret 
point  le  defiein  de  la  Reine  :  eM 
defira  toûjrurs  avec  la  même  ardeii*f 
d'entrer  en  négociation  avec   lui 
efperant  ou  de  l'attacher  veritabk 
ment  à  fes  intérêts ,  Se  aflurer  p£ 


«>  E     M.  D.  L.  R.     m 

à  le  retour  du  Cardinal  j  ou  de  le 
rendre  de  nouveau  rufped  à  tout 
:e  qui  avoir  pris  fon  parti.  Dans 
;ettc  vue  elle  prefTa  la  Princefïè 
^alatine  de  faire  expliquer  Mr»  le 
*rince  fur  ce  qu'il  pouvoir  deiirer 
'our  lui  8c  pour  Tes  amis  y  &  lui 
onna  tant  d'efpéranccs  d'obtenir 
DUtes  chofes,  quil  fe  réfolut  enfin 
e  traiter  ,  ôc  de  voir  fecretement 
ervien  ôc  Lionne  chez  la  Princefîè 
alatine.  Il  voulut  audi  que  le  Duc 
e   la  Rochefoucault  s'y  trouvât  5 

il  le  fit  de  la  participation  du 
rince  de  Conti ,  &  de  la  Ducheflè 
e  Longueville.  Le  premier  projet 
u  traité  ,  qui  avoir  été  propofé 
ir  la  Princeilè  Palatine ,  étoit  qu'on 
onneroit  la  Guicnne  à  Mr.  le 
rince ,  avec  la  Lieutenance  Géné- 
ile  pour  celui  de  fes  amis  qu'il 
judroit  ;  le  Gouvernement  de  Pro- 
mce  pour  le  Prince  de  Conti  ; 
l'on   feroit   des    gratifications  à 

Tom  II,  F 


111     Mémoires 

ceux  qui  auroieiit  fuivi  Tes  intérêts  ; 
qu'on  n'éxigeroic  de  lui  ,  que  d'al- 
leu dans  fon  Gouvernement ,  avec 
ce  qu'il  choidroix  de  fes  troupes 
pour  fa  fureté  ;  qu'il  y  demeureroic 
fans  contribuer  au  retour  du  Cardi- 
nal Mazarin  ;  mais  qu'il  ne  s'op- 
poferoit  pas  auffi  à  ce  que  le  Roi 
feroit  pour  le  faire  revenir  ;  &c  que 
quoi  qu'il  arrivât ,  Mr.  le  Prin€( 
ieroit  libre  d'être  fon  ami  ou  foi 
ennemi ,  félon  que  fa  conduite  lu 
donneroit  fujet  de  l'aimer  ou  de  l 
haïr.  Ces  mêmes  conditions  furen 
non  feulement  confirmées ,  mai 
encore  augmentées  par  Servien  & 
Lionne  ;  car  fur  ce  que  Mr.  1 
Prince  vouloit  joindre  le  Gouvé 
nement  de  Blaye  à  la  Lieutenanc' 
Générale  de  Guienne  pour  le  Du 
de  la  Rochefoucault  5  ils  lui  c 
donnèrent  toutes  les  efpérancc 
qu'il  pouvoit  defirer.  Il  eft  vce 
qu'ils  demandèrent  du  temps  poi* 


D  E    M,  D.  L.  R.     11$ 

■aîter  avec  Monfieur    d'Angoulê- 

le  du  Gouvernement   de  Proven- 

I  ; ,  ^  pour  achever  de  difpofer  la 

'  eine  à   accorder  Blaye  :  mais  ap- 

iremment  ce  fut  pour  pouvoir  ren- 

•e  compte  au  Cardinal  de  ce  qui 

paffoit  5  &  recevoir  fes  ordres. 

:  s'expliquèrent  aufïi  de  la  repu- 

lance  &que  la  Reine  avoit  au  ma- 

ige  du  Prince  de  Conti  avec  Ma- 

»  moifelle  de  Chevreufe  j  mais  on 

;  leur  donna  pas  lieu  d'entrer  plus 

;  ant  en  matière  là-deffiis  ,   de  on 

lu-  ht  feulement  connoître ,   que 

1  ngagement  qu'on  avoit  pris  avec 

]  ^dame  de  Chevreufe  ,  étoit  trop 

i  ind  pour  chercher  des  expediens 

}  ur  le  rompre.  Ils  n'infifterent  pas 

î    cet  article  ,  ôc  l'on  fe  fépara  ; 

c  forte  qu'on  pouvoit  croire  rai- 

1  inablement ,    que   la  Uaifon  de 

l  Reine  &c  de  Mr.  le  Prince  étoic 

f    le  point  de  fe  conclure.  L'un 

t  l'autre  aboient  prefqu'également 

F  % 


124     Mémoires 

intérêt  ,  que  cette  négociation  fiit 

fecrete  j   la  Reine  devoit  craindre 

d'augmenter  la  défiance  de  Mr.  1< 

Duc  d'Orléans  &c  des   Frondeurs 

ôc  de  contrevenir   fi-tot ,  oc   fan 

aucun  prétexte  ,  à  toutes  les  Décls 

rations  ,  qu'elle   venoit  de  donne 

au  Parlement  contre  le  retour  d 

Cardinal.    Mr.  le    Prince  de  fc 

coté  n'avoit  pas  moins  de  préca\ 

tions  à  prendre  -,  le  bruit  de  fc 

traité  faifoit  croire  à  fes  amis ,  qu 

Tavoit  fait  fans  leur  participatioi 

de  fourniiToit  dès  Hieure  un  jui 

prétexte  au  Duc  de  Bouillon  de 

Maréchal  de   Turenne   de   quiti 

fes  intérêts  :  il  fe  rendoit  irrécon^ 

îiable  avec  les  Frondeurs ,  ôc  la  E 

chelTe  de  Chevreufe,  Ôc  renouvell 

tout  d'un  coup  5  au  Parlement , 

au  peuple   limage  afïreufe    d^ 

dernière   guerre  de  Paris.    Enfr 

cette  affaire  demeura  quelque  zcù 

fans  éclater  -,  mais  celui  qu'on  a^ 


D  E     M.  D.  L.  R.     I2J 

H-is  pour  la  conclure  ,  produific 
)ien-t6t  des  lu  jets  de  la  rompre  , 
k.  de  porter  les  chofes  dans  les 
xtremités  où  nous  les  avons  vues 
iepuis.  Cependant  l'aiïemblée  de 
1  Noblefïe  ne  s'étoit  pas  leparée  , 
'ien  que  les  Princes  fu(lent  en  lî- 
lerté  5  elle  conrinuolt  toujours  fous 
ivcrs  prétextes ,  demandant  d'a- 
>ord  le  rétablilTement  de  leurs 
riviléges ,  &  la  réformation  de 
'lufîeurs  abus  :  mais  Ton  véritable 
Din  étoit  d'obtenir  les  Etats-Géné- 
aux  3  qui  étoit  en  .effet  le  plus 
flùré  ôc  le  plus  innocent  remède  , 
u'on  pût  apporter,  pour  remettre 
Etat  fur  Tes  anciens  fondcmens  > 
ont  la  puilïance  trop  étendue  des 
ivoris  femble  l'avoir  arraché  de- 
uis  quelque  temps.  La  fuite  n'a 
ue  trop  fait  voir ,  combien  ce  pro- 
tt  de  la  NoblefTe  eût  été  avanta- 
,eux  au  Royaum.e.  Mais  Mr.  le 
)uc  d'Orléans  ôc  Mr.  le  Prince  r.e 
F   ; 


ii6  Mémoires 
connoiflant  pas  leurs  vrais  intérêts 
S:  voulant  même  fe  ménager  entr( 
la  Cour  &c  le  Parlement ,  au-liei 
^'appuyer  les  demandes  de  la  No 
blefiè  3  de  de  s'attirer  par  là  le  mé 
rite  d'avoir  procuré  le  repos  public 
fcngercnt  feulement  aux  moyens  d 
-difTiper  l'allemblée  ^  &:  crurent  avoi 
fatisfait  à  tous  leurs  devoirs  en  ti 
tant  parole  de  la  Cour  ,  de  fait 
tenir  les  Etats  fix  mois  après  I 
majorité  du  Roi.  Sur  une  fi  vair 
promefîè  Pallemblée  fe  fépara  >  l 
\qs  chofes  reprirent  le  chemin  qu 
je  vais  dire. 

La  Cour  étoit  alors  partagée  e 
plufîeurs  Cabales  y  mais  toutes  s'a< 
cordoient  à  empêcher  le  retour  d 
Cardinal  j  leur  conduite  néanmoir 
étoit  très- différente  :  les  Frondem 
fc  déclaroient  ouvertement  cohtj 
lui  ;  m^ais  le  Garde  des  Sceau 
de  Châteauneuf  paroiflbit  étroia 
ment  lié  à  la  Reine ,  bien  qu'il  fl 


D  E     M.  D.  L.  R.     117 

e  plus  dangereux  ennemi  du  Car- 
iinal.  Il  croyoic  cette  conduite 
l'autanc  plus  fûre  pour  l'éloigner  , 
'k  pour  occuper  ia  place  ,  qn'A 
iffecloit  d'entrer  dans  les  ientimens 
ie  la  Reine ,  pour  hâter  ton  retour. 
l.a  Reine  rendoit  exactement  comp- 
:e  au  Cardinal  de  toutes  choies  , 
lurant  fa  retraite  ôc  Ton  éloigne- 
■nent  ;  &  Ton  abfence  avoit  même 
lugm.enté  Ton  pouvoir  ;  mais  com- 
ne  fes  ordres  venoient  lentement 
'a)  5  de  que  l'un  étoit  fouvent 
détruit  par  l'autre  ,  cette  diverfité 
apportoit  une  confufion  aux  affai- 
res 5  où  l'on  ne  pouvoit  remédier. 
Cependant  les  Frondeurs  preiroient 
LC  mariage  du  Prince  de  Conti ,  & 
Ae  Mademoifelle  de  Chcvreufe  \  les 
moindres  retardemens  leur  étoient 
fuipeds ,  &  ils  foupçonnoient  déjà 
F  4 

(  a  )   Ex   diftantibus   terrarum   fpatiis 
conûlia  poft  res  affcrebantur.  tîiji.  3. 


iz8       M    E    M    O    ï    R    î    s 

Madame  de  Longueville  &c  le  Diît 
de  la  Rochcfoucault ,  d'avoir  def- 
fein  de  le  rompre  ,  de  peur  que  Mr. 
le  Prince  de  Conti  ne  fordt  de  leurs 
mains  pour  entrer  dans  celles  de 
Madame  de  Chevreufe ,  &  du 
■Coadjuteur  de  Paris,  Monfieur  k 
Prince  augmentoit  encore  adroite- 
ment leurs  foucons  contre  fa  focur, 
Ôc  contre  le  Duc  de  la  Rochefou^ 
cault  3  croyant  bien  que  tant  qu'il? 
auroient  cette  penfée  ils  ne  décou- 
-vriroient  jamais  la  véritable  caufc 
du  retardement  du  Mariage  ,  qui 
.etoit  en  effet ,  que  le  traité  dont 
j'ai  parlé  ,  de  Mr.  le  Prince  avec  le 
Reine  n'étant  ni  achevé  ni  rompu 
ik  ayant  eu  avis  que  Monfieur  de 
Châteauneuf  dévoie  être  chaflé 
il  voulut  attendre  l'événement  dï 
toutes  ces  chofes  ,  pour  faire  le  ma- 
riage 5  fî  le  Cardinal  étoit  ruïm 
par  le  Garde  des  Sceaux  -,  ou  poill 
fgiire  fa  Cour  à  la  Reine  en  le  rpn^ 


î>  E     M.  D.   L.  R.     1Z9 

pant  (a  }  5  fi  le  Garde  des  Sceaux 
ëtoic  chalîé  par  le  Cardinal.  Cepen- 
dant on  envoya  à  Rome,  pour  avoir 
difpenfe   fur  la  parenté  :- le   Prince 
de  Conti  rattendoit  avec  impatien- 
ce 5  &  parce  que,  la   perfonne  de 
Mademoifelle  de  Chevreuie  lui  plai- 
tbi:  3  de  parce  que   le  changement 
decondicionavoit  aumoinsla  grâce 
le  la  nouveauté  j  ce  qui  étoit  pour 
ui  un  charme  inévitable.  Il  cachoic 
:ûutefois  ce  fentiment-là  à  Tes  amis 
ivec  tout  l'artifice  dont  il  étoit  ca- 
)able  j  mais  il  craignoit  fur  routes 
:hores  ,  que  Madame  de  Longue- 
dlle  ne  s'en  apperçût ,  de  peur  de 
uïner  par-là  les  efpérances  vaines 
Le  la  paffion  honteufe  &  ridicule  , 
lont  il  vouloit  qu'on  le  crut  touché. 
Dans  cet  embarras  il  pria  fecrete- 

(à)  Temporibus  infîdiari  videbatur  ^ 
t  omnia  ex  proprio  ufu  ageret ,  &  hue 
tque  illuc  ,  unde  fpes  major  affuidet 
otcncis  ,  fe  defiederec.  F.^ten.  Hijf.  u 


130  Mémoires 
ment  le  Préfident  Viole ,  qui  devoît 
d refier  les  articles  de  fou  mariage 
d'accorder  tous  les  points  qu'or 
vou  droit  contcfter  ,  ôc  de  fur  mon- 
ter toutes  les  difficultés.  Dans  c( 
temps-là  même  le  Garde  des  Sceau: 
de  Cbâreauneuf  fut  chaflï ,  &  h 
Premier  Préfident  prit  fa  place 
Cette  nouvelle  furprit  &C  irrita  le 
Frondenrs ,  &  le  Coadjuteur  enne 
mi  particulier  de  ce  Magiftrat  ail 
précipitamment  à  Luxembourg  ei 
avertir  Mr.  le  Duc  d'Orléans ,  5 
Mr.  le  Prince  qui  y  étoient  enfem 
ble.  Il  éxaî^era  devant  eux  la  con 
duite  de  la  Cour  avec  toute  Pai 
greur  polTible ,  &  il  la  rendit  fi  fuf 
pe6te  à  Mr.  le  Duc  d'Orléans ,  qu( 
l'on  tint  fur  l'heure  un  Confeil ,  ci 
fe  trouvèrent  plufieurs  perfonnes  d* 
qualité  ,  pour  délibérer  fi  l'on  iroi 
à  Pinftant  même  au  Palais  arraclie; 
les  Sceaux  au  Premier  Préfident 
&  fi  l'on  émouvroit  le  peuple  poiu 


DE    M.  D.  L.  R.     151 

foûtenir  cette  violence.  M  dis  Mr.  le 
Prince  y  fat  entièrement  contraire  , 
foit  qu'il  s'opposât  par  raifon  ou 
par  intérêt  ;  il  y  mêla  même  quel- 
que raillerie  ,  difant  qu'il  n'étoic 
pas  aflez  brave ,  pour  s'expofer  à 
une  guerre  qui  fe  feroit  à  coups  de 
pierres  de  de  pots  de  chambre.  Les 
Frondeurs  furent  piqués  de  cette  ré- 
ponfe  5  de  fe  confirmèrent  par  -  là 
dans  l'opinion  qu'ils  avoient  que 
Mr.  le  Prince  prenoit  des  mefures 
fecretes  avec  la  Cour ,  &:  que  l'éloi- 
gnemenc  de  Mr.  de  Châteauneuf , 
ôc  le  retour  de  Mr.  de  Chavigny 
Secrétaire  d'Etar ,  qui  avoit  été  rap- 
pelle en  ce  temps -là,  avoient  été 
concertés  avec  lui ,  bien  qu'en  effet 
il  n'y  eût  eu  aucune  part.  Cepen- 
dant la  Reine  rétablit  Monfieur 
de  Chavigny  dans  le  Confeil.  Elle 
crût  que  revenant  fans  la  partici- 
pation de  perfcnne  ,  il  lui  auroic 
l'ooligation  tguce  entière  de  fon  rc- 
F  6 


1^1  Mémoires 
tour  ;  ôc  en  effet  tant  que  Chavigny 
clpera  de  gagner  créance  fur  Ton  cf- 
prit,  il  parut  éloigné  de  Mr.  le  Prin- 
ce 5  &  de  tous  fes  principaux  amis; 
mais  dès  que  les  prenniers  jour^  lui 
eurent  fait  connoître  ,  que  rien  ne 
pouvoit  changer  le  cœur  de  la  Rei- 
ne pour  le  Cardinal ,  il  renoua  £è- 
cretemenc  avec  Monfîeur  le  Prince , 
ôc  crût  dès  ce  moment-là,  que  cette 
liaifon  le  porteroit  à  tout  ce  que 
fbn  ambition  démefurée  lui  fat- 
foit  délirer.  Sa  première  penfée  fut 
d'obliger  Monfîeur  le  Prince  de  dé- 
clarer à  Mr.  le  Duc  d'Orléans  le 
traité  qu'il  avoit  fait  avec  la  Reine, 
afin  qu'il  lui  aidât  à  le  rompre.  En- 
fuite  il  exigea  de  Mr.  le  Prince, 
d'ôtcr  à  Madame  de  Longueville, 
êc  au  Duc  de  la  Rochefoucaulc ,  la 
connoiflànce  particulière  &  fecrct^ 
de  fcs  delTeins  ,  bien  qu'il  dût  â 
l'une  &  à  l'autre  la  confiance  que 
Mr..  le  Prince  prenoit  en  lui. 


D  E     M.  D.  L.  R.     15.5 

Pendant  que  Chavigny  agifloic 
ainfi,  Péloignement  de  Mr.  de  Châ- 
teauneuf  avoit  augmenté  les  dé- 
fiances  de  Madame  de  Chevreufe 
touchant  le  mariage  qu'elle  fou- 
haitoit  ardemment  j  elle  ne  fe  trou- 
voit  plus  en  état  de  pouvoir  procu- 
rer à  Monfieur  le  Prince  ,  &  à  Tes 
amis  l'établitlèment  auquel  elle  s'é-^ 
:oic  engagée  y  ôc  cependant.  Ma- 
dame de  Rhodes  écoit  convenue  de 
fa  part  avec  le  Duc  de  la  Rochefou- 
caultj  que  ces  mêmes  établifîèmens,. 
5c  le  mariage  ,  fe  dévoient  éxécutei: 
2n  même  temps ,  ôc  être  des  mar- 
ques réciproques  de  la  bonne  foi 
des  deux  partis  j  mais  fi  d'un  coté 
Madame  de  Chevreufe  voyoit  di- 
oiinuer  fes  efpérances  avec  Ton  cré- 
dit ,  elle  les  reprenoit  par  les  témoi- 
gnages de  palïion  que  le  Prince  de 
Conti  dormcit  à  Mademoifelle  de 
Chevreufe.  Il  lui  rendoit  mille  foins, 
qu'il  cachoic  à  fes  amis ,  de  parri» 


154  Mémoires 
culierement  à  fa  fœur.  Il  avoir  des 
converfations  tiès-loni^ues  ,  &  très- 
particulières  avec  Laigucs  &c  Noir- 
mou  (lier  j  amis  intimes  de  Made- 
moifclle  de  Chevreufe ,  defquelle* 
contre  fa  coutume  ,  il  ne  rcndoii 
plus  compte  à  perfonne.  Enfin  ,  ù 
conduite  parut  (i  extraordinaire 
que  Mr.  le  Préfident  de  Nefmond 
ferviteur  particulier  de  Monfieur  h 
Prince  ,  fe  crût  obligé  de  lui  don- 
ner  avis  du  delTcin  de  Monfieur  1( 
Prince  de  Conti.  Il  lui  dit  qu'il  al- 
loit  époufer  Mademoifelle  de  Che- 
vreufe fans  fa  participation  ,  ôc  ian: 
dirpenfe  :  qu'il  fe  cachoit  de  tous  fe; 
amis  pour  traiter  avec  Laigues  ; 
ôc  que  s'il  n'y  remédioit  prompte- 
ment ,  il  verroit  Mademoifelle  de 
Chevreufe  lui  ôter  fon  frère  ,  & 
achever  ce  mariage  dans  le  temps 
qu'on  croyoit  qu'il  avoir  plus  d'in- 
térêt de  l'empêcher.  Cet  avis  le  re- 
tira  de  fon  incertitude  ;  ôc  fatls 


DE    M.  D.  L.  R.     15/ 

concerter  fa  penfée  avec  perfonne  ^ 
il  alla  chez  le  Prince  de  Conti  ,  de 
commençant  d'abord  la  converfa- 
rion  par  des  railleries  (3.)  fur  la 
grandeur  de  Ton  amour  ,  il  le  finie 
difant  de  Mademoifelle  de  Che- 
vreufe  ,  du  Coadjuteur ,  de  Noir- 
mouftier  ,  &c  de  Caumartin ,  tout 
ce  qu'il  crût  le  plus  capable  de  dé- 
goûter un  amant  ou  un  mari.  Il  n'eue 
pas  grande  peine  à  réiiffir  dans  Ton 
deffein  ;  car  foit  que  Mr.  le  Prince 
de  Conti  crût  qu'il  difoit  vrai  ,  ou 
qu'il  n'osât  témoigner  qu'il  en  doii- 
roit  5  il  le  remercia  à  l'heure  même 
d'un  avis  fi  falutaire  ,  &c  prit  réfo- 
lution  de  ne  fonger  jamais  à  Made- 

(  a  )  Qu'étant  à'aujfi  belle  taille  cju'il 
étott  ,  il  ai^oit  raifon  de  'vouloir  chercher 
encore  (Quelque  agrément  ;  que  [on  mctrici^ 
ge  alloit  orner  fa  tête  de  mitres ,  d^'ar-^ 
mées  &  de  bonnets  a  cornes  ^  ^  mettre 
dans  fon  parti  l'EgUfe  ,  la  NobleJJe  ,  ^  le 
tien-Btdt,  Vie  de  Mr.  de  Tureniic. 


1^6     Mémoires 
moifelle  de  Chevreufe.  Il  fe  plaignîi 
même  de  Madame  de  Longueville; 
&  du  Duc  de  la  Rochefoucault 
de  ne  l'avoir  pas  averti  plutôt  d< 
ce    qui    fe    difoit    d'elle    dans  U 
monde- 
On  chercha  dès  lors  les  moyen* 
de  rompre  cette  affaire  fans  aigreur; 
mais  les  intérêts   en   étoient  trqj 
grands  ,  de  les   circonftances  tro| 
piquantes  ,  pour  ne  pas  renouvelle] 
ôc    accroître    l'ancienne    haine  de 
Madame  de  Chevreufe  ôc  des  Fron- 
deurs contre  Mr.  le  Prince,  &c  con- 
tre ceux  qu'ils  foupçonnoient  d*a}« 
voir  part  à  ce  qu'il  venoit  de  faire. 
Néanmoins  ,  le  Préfident  Viole  fuC 
chargé  d'aller  trouver  Madame  de 
Chevreufe  5  pour  dégager  avec  quel- 
que bienfeance  ,  Mr.  le  Prince  6^ 
le  Prince  de  Conti  des  paroles  qu'il 
avoient  données  pour  le  mariage  i 
ils  la  dévoient  aller  voir  enfui  te 
tun  de  Tautre  un  jour  après  :  mais 


DE     M.  D.  L.  R.     137 

'bit  qu'ils  eulTent  peine  de  voir  une 
I  erfonne  à  qui  ils  faifoient  un  fl 
jsnfible  déplaifir;  ou  foie  que  les 
I  eux  fieres  qui  s^aigrifToienc  tous 
:s  jours  pour  les  moindres  cliofcs, 
î  fiiflcnt  aigris  alors  pour  la  ma- 
tière dont  ils  dévoient  vifiter  Ma- 
.emoifelle  de  Chevreufe  j  enfin  , 
41- eux  ni  le  Préiident  Viole,  ne 
ï  virent  j  Se  l'affaire  fe  rompit  de 
sur  côté  5  fans  qu'ils  eflayallènt  de 
;arder  aucune  mefure ,  &  de  fauver 
a  moindre  apparence.  Je  ne  puis 
lire  3  fî  ce  fut  de  la  participation 
'fe  Chavigny  5  que  Mr.  le  Prince 
ifcepta  l'échange  du  Gouverne- 
nent  de  Guienne  contre  celui  de 
3ourgogne  -y  mais  enfin  ce  traité  foc 
:onclu  par  lui  ,  fans  parler  de  ce 
p'il  avoit  demandé  pour  fon  frère, 
5our  le  Duc  de  la  Rochefoucault, 
5^  pour  fes  autres  amis. 

Cependant  les  confeils  de  Cha- 
tfigny  aycient  eu  les    fuccès  qu/Il 


13  s  Mémoires 
deduoic  j  il  avoit  feul  la  confîana 
de  Mr.  le  Prince,  &  il  l'avoit  port( 
à  rompre  foii  traité  avec  la  ReiiK 
contre  l'avis  de  Madame  de  Lon 
gueville  ,  de  la  Prirxefle  Palatine 
ôc  des  Ducs  de  Boni  lion  &  de  l 
Rochefoucault.  Servieii  Ôc  Lionn- 
fe  trouvèrent  brouillés  des  deu; 
côtés  pour  cette  négociation  ,  ê 
furent  chafTés  enflure.  La  Rein 
nioit  d'avoir  jamais  écouté  la  pro 
pofition  de  Blaye  ;  &  elle  accufoi 
Servien  de  Pavoir  faite  exprès 
pour  rendre  les  demandes  de  Mi 
le  Prince  fi  hautes  ,  qu'il  lui  fy 
impoiTible  de  les  accorder.  Pou 
Mr.  le  Prince  ,  il  fe  plaignoit  d 
Servien  ,  ou  d'êcre  entré  en  matier 
avec  lui ,  de  la  part  de  la  Reine 
fur  des  conditions  Se  dont  elle  n'a- 
voit  pas  eu  de  connoiflance  j  ou  4< 
lui  avoir  fait  tant  de  vaines  propo- 
fitious ,  pour  l'amufer  fous  l'appa. 


E»  E     M.  D.  L.  R,      13^ 

cnce  d'un  traité  fincere  (a) ,  & 
^ui  n'étoit  en  effet  qu'un  deilèiii 
n-émédité  de  le  ruiner.  Enfin  , 
nen  que  Servien  fut  foupçonné 
les  deux  partis ,  cela  ne  diminua 
)oint  l'aigreur,  qui  commençoic 
i  naître  entre  la  Reine  &c  Mr.  le 
^rince  ;  elle  écoit  prefque  égale- 
nent  fomentée  de  tout  ce  qui  les 
ipprochoit  (h)  :  on  perfLiadoit  à  la 
^eine ,  qre  la  divifion  de  Mr.  le 
^rince  ,  &c  de  Madame  de  Che- 
/reufe  ,  alloit  ré'inir  les  Frondeurs 
aux  interêcs  du  Cardinal  j  dz  que 
les  chofes  fe  trouveroient  bien-tôc 
aux  mêmes  termes  où  elles  étoient 
lorfqu'on  arrêta  Mr.  le  Prince.  Lui 
d'autre  côté  étoit  poufTé  à  rompre 
avec  la  Cour ,  par  beaucoup  d'in- 
térêts différens.  Il  ne  trouvoit  plus 
de  fureté  avec  la  Reine  ,  6c  crai- 

(2l)  Imagine  pacis  deceptum.  o4-/?n.  i; 
(h)  Anxii  odiis  ,   qua:  praviïas  anii" 
eorum  augebat.  /i//?.  i. 


140  Mémoires 
gnoit  de  retomber  dans  fes  pre- 
mières difgraces.  Madame  de  Lon- 
guevillc  fçavoît ,  que  le  Cardina 
l'avoic  brouillée  irréconciliable- 
ment  avec  Ton  mari ,  &c  qu'aprè 
les  împrcfïions ,  qu'il  lui  avoir  don- 
nées  de  fa  conduite  ,  elle  ne  pou 
voit  l'aller  trouver  en  Normandie 
fans  expofer  fa  vie  ,  ou  fa  liberté 
Cependant,  le  Duc  de  Longuevilli 
vouloir  la  retirer  auprès  de  lui  pa 
toutes  fortes  de  voyes  -,  &c  elle  n'a 
voit  plus  de  prétexte  d'éviter  o 
périlleux  voyage ,  qu'en  portan 
fon  frère  à  quitter  la  Cour  avpt 
éclat  5  &:  à  fe  préparer  à  une  guerr< 
civile  (a).  Le  Prince  de  Conti  n'a 
voit  point  de  but  arrêté  ;  il  fuivoi 
toutefois  les   fentimens  de  fa  fœui: 


(  a  )  S'h/ia^i'aant  que  dans  un  /emp 
de  confufion  ^  de  défordre ,  07i  aurai 
bien  autre  chofe  a  faire  (ju^a  prendre  gard 
k  fa  conduite.  Vie  de  Monfieiir  d*« 
Turenne. 


D  E     M.  D.  L.  R.     141 

ans  les  connoître  ,  ôc  vouloit  la 
;uerre  ,  parce  qu'elle  l'éloignoit  de 
à  profeiTîon  ,  qu'il  n*aimoit  pas. 
-e  Duc  de  Nemours  la  confeilloit 
Lvec  empreiremenc  ;  mais  ce  fenti- 
nent  lui  venoic  moins  de  fon  am- 
bition ,  que  de  fa  jaloufie  contre 
vlr.  le  Prince  j  il  ne  pouvoit  fouf- 
Hr  ,  qu'il  vît  &  qu'il  aimât  Ma- 
lame  de  Châtillon  -,  mais  comme 
1  ne  pouvoit  l'empêcher  ,  qu'en  les 
réparant  pour  toujours  ,  il  crût  que 
la  guerre  feroit  toute  feule  ce  effet- 
là  :  de  ce  fut  auiïi  ce  feul  motif, 
qui  la  lui  fît  délirer.  Les  Ducs  de 
Bouillon  Ôc  de  la  Rochefoucaulc 
en  étoienc  bien  plus  éloignés  j  car 
ils  venoient  d'éprouver  par  une 
expérience  toute  récente,  à  com- 
bien de  peines  &  de  difficultés 
infurmontables  on  s'expofe  ,  pour 
foûtenir  une  guerre  civile  contre 
la  perfonne  du  Roi  :  ils  fçavoienr, 
de  quelle  infidélité  on  eft  menacé, 


ï4i  Mémoires 
lorfque  la  Cour  y  attache  des  ré- 
compenfes  (a)  ,  &:  qu'elle  fournil 
aux  interefles  le  prétexte  de  rentre! 
dans  leur  devoir  ;  ils  connoilToieni 
encore  la  fcibleffe  des  Efpagnols 
combien  vaines  ôc  trompeufes  foni 
leurs  promedes  ,  de  que  leur  vra 
intérêt  n'écoit  pas  3c  que  Monfieur  l( 
Prince  ,  ou  Monfieur  le  Cardinal . 
fe  rendît  maître  des  affaires ,  mai: 
feulement,  de  fomenter  le  détordre 
entr^eux ,  pour  fe  prévaloir  de  noî 
divifions  (b).  Le  Duc  de  Bouillor 
joignit  encore  fon  intérêt  particuliei 
à  celui  du  public  ,  &  efperoit  avoii 
quelque  mérite  vers  la  Reine ,  s'il 
contribuoit   à  retenir  Monfieur  U 

(3.)  Fruftra  fidem  fperari ,  ciim  pra?mia 
perfidia;  reputantur  ,  fimulqiie  immeiifa 
pecunia  &  potentia  obveriaiitur.  Cru- 
ciatu  aut  pra:mio  cunda  pervia  cfle. 
K^nn.  15'.  j 

(h)  Noftris  illis  difTenfionibus  ac  di£- 
cordiis  elati.  ht  jigricoU.  Spcfque  ex 
malis  noftris.  Bijt,  4. 


D  E     M.  D.  L.  R.     14^ 

dnce  dans  fou  devoir.  Le  Duc 
i  la  Rochefoucaulc  ne  pouvoic 
is  témoignei'  fi  ouvertement  la  ré- 
jgnance  qu'il  avoit  pour  cette 
lerre  5  il  étoit  obligé  de  fuivre  les 
ntimens  de  Madame  de  Longue- 
Ile  5  de  ce  qu'il  pouvoit  faire  alors, 
oit  d'eiïayer  de  lui  faire  defîrer  la 
lix.  Mais  la  conduit^^  la  Cour , 

celle  de  Mr.  le  Prince  ,  fourni- 
nt  bien-tôt  des  flijets  de  défiance 
î  part  de  d'autre  ,  dont  la  fuite  a 
é  funeile  à  l'Etat ,  6c  à  tant  d'il- 
ftres  familles  du  Royaume  ,  ôc  a 
lïné  5  prefqu'en  un  moment ,  la 
us  grande  ôc  plus  éclatante  fcrtu- 
î  j  qu'on  ait  vue  fur  la  tête  d'un 
ajet. 

Pendant  que  les  chofes  fe  difpo- 
tient  de  tous  côtés  à  une  rupture 
itiere  ,  Mr.  le  Prince  envoya  le 
larquis  de  Sillery  en  Flandres  fous 
rétexte  de  décaler  Madame  de 
ongueville  ,  de  le    Maréchal   de 


ï44     Mémoires 

Turenne  des  traités"  qu'ils  avoien 
faits  avec  les  Efpagnols  ,  pour  pro 
curer  fa  liberté  j  mais  en  effet 
avoit  ordre  de  prendre  des  mefure 
avec  le  Comte  de  Fuenfaldaigne 
ôc  de  predentir  quelle  alTiftance  1 
Prince  pourroit  tirer  du  Roi  d'Ei 
pagne  ,  s'il  étoit  obligé  de  faire  I 
guerre.  Fuenfaldaigne  répondit 
cela ,  félon  la  coutume  ordinaire  d( 
Efpagnols ,  en  promettant  en  gém 
,ral  beaucoup  plus  qu'on  ne  lui  pou 
voit  raifonnablement  demander ,  ( 
n'oublia  rien  pour  engager  Moi: 
fieur  le  Prince  à  prendre  les  arme 
D'un  autre  côté  la  Reine  avoit  fa 
une  nouvelle  liaifon  avec  le  Coac 
juteur  dont  le  principal  fondemer 
étoit  la  haine  commune  qu'i 
avoient  pour  Monfieur  le  Prino 
Ce  traité  dcvoit  être  fecret  par  H^ 
terêt  de  la  Reine ,  ôc  par  celui  d< 
Frondeurs ,  puifqu'elle  n'en  pouv( 
attendre  de  fervice ,  que    par 

créd: 


D  E  ^I.  D.  L.  R.  143, 
ledit  qu'ils  avoienc  fur  le  peuple  , 
Li'ils  ne  coniervoienc  qu'aucanc 
u'on  les  croiroic  ennemis  du  Car- 
inal.  Les  deux  partis  trouvoienc 
paiement  leui-  fLiretéà  perdre  Mon- 
=ur  le  Prince.  On  oiîric  même  à 
Reine  de  le  tuer  ,  ou  de  l'arrêter 
ifonnier  j  mais  elle  eut  horreur  de 
.première  propoiition ,  ôc  confen^ 
:  volontiers  à  la  fecond'e.  Le 
oadjuteur  &  Lionne  le  trouvèrent 
lez  le  Comte  de  Montréfor ,  poiu:, 
)nvenir  des  moyens  d'exécuter 
tte  entreprife  :  ils  demeurèrent 
accord ,  qu'il  le  falloic  tenter  ; 
ais  ils  ne  réfolurent  rien  pour  le 
mps  3  ni  pour  la  manière  de  l'éxé- 
iter.  Or  foit  que  Lionne  en  crai- 
nt les  /uites  pour  l'Etat ,  ou  que 
mlant  empêcher  le  retour  du  Car- 
nal  5  il  confiderât  la  liberté  dc: 
ionfieur  le  Prince,  comme  le  plus 
and  obftacle  qu'on  y  put  appor- 
r;  il  découvrit  un  jour  au  Maré^^ 
Tmç  //.  Q 


i4<j     Mémoires 
chai  de  Grammont ,  qu'il  croyo 
fon  ami ,  tout  ce  qui  avoit  été  réfi 
lu  contre  Monlieur   le  Prince  ch< , 
le  Comte  de  Montréfor  :  le  Mar 
chai  ne  conferva  pas  mieux  le  fecr , 
<jue  Lionne  ,  car  il  le   dit  à  Ch 
vigny  5   après    Tavoir    engagé  j 
toutes    fortes  de  fermens  à  ne 
point  révéler  (a)  :   mais  Chavigi 
en  avertit  à  l'heure  même  Monfie 
le  Prince.  Il  crût  quelque  temp 
.qu'on  faifoic  courir  le  bruit  de  l' 
rêter  pour  l'obliger  à  quitter  V 
ris  ;  &  que  ce  feroit  une  foible 
d'en  prendre  l'allarme  (b) ,   voya 

(a)  Tant  ejl  vraye  la  maxime  de  Tac 
^ue  fins  les  amis  font  illuftres  ,  moins 
font  fidèles.  Amicorum  quanto  quis  ç 
ri  or  ,  minus  fidus.  Hifi.  3. 

(  h  )  La  plupart  des  Grands  négligi 
d'examiner  le  fond  des  affaires ,  0>  de 
ie  nonchalance  leurs  ennemis  en  prent^ 
eccafion  de  les  perdre.  Segnitia  ducis  , 
Tatercule  en  parlant  de  la  confpirat 
d'Jij:miniîi5  ççmre  Fftrus ,  iu  oçcalion- 


DE     M.  D.  L.  R.     147 

ec  quelle  chaleur  le  peuple  pre- 

'it  les  intérêts,    &   fe  trouvant 

reflamment    accompagné     d'un 

mbre  infini  d'Ofïicers  d'armée , 

ceux  de  fes  troupes ,  de  Tes  do- 

•ftiques ,  &  de  fes  amis  particu- 

rs.    Dans  cette  confiance  ("a)   il 

changea  rien  en  fa   conduite  , 

e    de  n'aller   plus  au  Louvre; 

is  cette  précaution  ne  le  pût  ga- 

itir  de  fe  livrer  lui   même  entre 

mains  du  Roi  par  une  impru- 

ice  5  qu'on  ne  peut  allez  blâmer 

Car  il  fe  trouva  par  hazard  aa 

G  1 

eiis  ufus  eft  ,  Iiaud  imprudenter  fpe- 
uus  ,  neminem  celerius  opprimi  ^ 
m  qui  nihil  timeret  ;  &  frequentif* 
im  initium  effe  calamitatis  ,  fecuri- 
m. 
a)  Ubi  vires  fuas  refpexerat ,  f^uri- 

d)  Effecit  quod  mifernmum  efl: ,  ut 
à  accidit,  id  etiam  merito  accidiffe 
•atur,  &  cafus  in  culpam  craareât. 


14S      Mémoires 
Coiîrs  dans  Ton  carofie,  au  mèi 
temps  que  le  Roi  y  pailoit  en  i'é\ 
îiant  de  la  Challè,  fuivi  de  Tes  G; 
des  de  de  fes  Chevaux-legers.  C 
te   rencontre,    qui  dévoie    pen 
Moniieur  le  Prince ,  ne  produifi 
rheurc. aucun  effet;  le  Roi  coi 
jiua  Ton  chemin,  fans  que   pas 
de  ceux  qui  étoient  auprès  de  1 
osLit  lui  donner  confeil  ;  &z  M< 
fieur  le  Prince  forcit  du  Cours,  p< 
ne  lui  pas  donner  le  temps  de  { 
mer  quelque  deHein  contre  lui.- 
.peut  croire,  qu'ils    furent  fuq 
également  d'une  (1  extraordins 
-avanture ,  3c  qu'ils  connurent  bi 
tôt  après  ,  que  chacun  d'eux  a^ 
fait  une  faute  confiderable  (aj" 
Roi  de  n'avoir  pas  pris  fur  le  dis 
la  réfolution  de   l'arrêter  -,  de  M 
ilcur  le  Prince ,  de  s'être  expof  n 

(  a.  )  Uterque    pari    culpa  ,    T 


D  E     M.  D.  L.  R.     149 

tel  péril  fans  l'avoir  connu,  que 
.•rqn'il  ne  le  pouvoir  plus  éviter. 
.-Reifte  &  les  Frondeurs  fe  confo^ 
ent  aiiémént  d'une  ii  belle  occa- 
n  perdue,  dans  l'erpcrance  de 
•ir  bien-toc  réuinr  leur  projet. 
Cependant  ,  les  a\is  continuels, 
i/on  donnoit  de  toutes  parts  à 
ôiifiçur  le  Prince  5  comn^iCncerent 
foi  perfuader  qu'on  fongeoic  en 
ër  à  s'âiTurer  de  fa  perfonne, 
?.ns  cette  vûe-là  il  fe  reconcilia 
ec  Madame  de  Longueviile  l<.  le 
ne  de  la  Rochetoucault  j  mais  il 
;  laiilà  pas  d'être  quelque-temps 
LIS  prendre  de  nouvelles  précau- 
>ns  pour  fe  î^arantir  ,  quoiqu'on 
it  faire,  pour  l'y  faire  réfcudre  (a), 
.ifin  5  fa  defîinée  voulut,  qu^après 
^oir  rende  lî  opiniâtrem.ent  à  tant 
^conjeclures  apparentes ,  6:- à  tant 

(î  5 

(a)  Prcsvalebant  fau  eonfiliis.  Pf.urc. 

ifi.  1. 


ijo     Mémoires 

d'avis  certains ,  il  prit  l'allarme  fai 
fujet  5  6c  fie  par  une  nouvelle  fam 
ce  qu'il  avoit  refufé  de  faire  par 
confeil  de  fes  amis  ;  car  étant  coi 
ché  dans  fon  lit ,  ôc  caufant  av( 
Vineuil  ,  il  reçût  un  billet  d'u 
Gentilhomme  nommé  le  Bouchei  ' 
qui  PavertiiToit  5  que  deux  Cori 
pagnies  des  Gardes  avoient  pris  1 
armes  ,  ôc  qu'elles  alloient  marchi 
vers  le  Fauxbourg  Saint- Germai 
Cette  nouvelle  lui  fit  croire,  qu'ell 
'dévoient  inveflir  l'Hôtel  de  Condt 
de  forte  que  fans  fonger  ,  qu'c 
€mployoit  fouvent  ces  Compagni( 
à  garder  les  portes,  pour  faire  payt 
les  entrées ,  (  comme  en  effet  elh 
ii'étoient  commandées  alors  ,  qn 
pour  ce  de(fein-là  ,  )  il  crût  qu'o 
en  vouloitt  à  fa  perfonne  ,  &c  qu' 
devoit  fortir  de  Paris  en  diligenc 
(a).  Il  monta  donc  à  cheval  ave 

(a)  Foycz,  fon  Manifejle  a  la  fin  de  ci 
Mémoires. 


D  E     M.  D.  L.  R.     151 

ute  la  précipiraticn  poiTible  ,  de 
anr  (eulemcnc  fuivi  de  lix  oufepr, 
fortit  par  le  Fauxbourg  Saint-Mi- 
.el  ,  &z  demeura  quelque  temps 
ms  Ile  grand  chemin  ,  pour  atten- 
e  des  nouvelles  du  Prince  de 
onti  qu'il  avoir  envoyé  avertir  : 
ais  une  féconde  allarme  plus  ridi- 
ile.  encore  que  la  première  ,  l'obli- 
■a  d'ûbandonner  Ton  porte.  Il  ek 
ai ,  qu'il  entendit  un  allez  grand 
)mbre  de  chevaux,  qui  marchoienc 
i  trot  vers  lui  ;  de  forte  que  cro- 
tnt  5  que  c'étoit  un  efcadron  ,  qui 
cherchoit ,  il  fc  retira  vers  Fleuri 
:cs  de  Meudon  :  mais  il  fe  trouva 
Lie  ces  troupes  ,  qui  lui  nrent  quit- 
r  le  champ  de  bataille ,  n'étoient 
itre  chofe  ,  que  des  coquetiers  qui 
^rchoient  toute  la  nuit  (a)  pour 

G  4 

(a)  Orta  feditio  ludicro  initio ' 

onclamatum  repente,  legionem  ad  pra?- 
um  venire,  fed  erant  agminis  coactores: 
^niti  dempfere  foliciîudinem.  ^H//?.  1. 


i^x     Mémoires 

arriver  à  Paris.  Dès  que  Moni'ieu 
le  Prince  de  Conti  fçut  que  Mon 
fieur  Ton  frère  étoit  parti ,  il  en  don 
na  avis  au  Duc  de  la  Rcchefou 
cauk  3  qui  alla  joindre  Monfieur  ( 
Prince  :  mais  Mr.  le  Prince  l'obli 
gca  à  Pheure  mênie  de  retourner 
Paris  5  pour  rendre  -compte  de  { 
part  à  Monf-jeur  le  Duc  d'Orlénn 
du  fiîjec  de  fa  fortie,  ôz  de  fa  re 
traire  à  Saint  Maur. 

Ce  départ  de  Monfieur  le  Princ 
produifif  dans  le  monde  ce  que  le 
grandes  nouvelles  ont  acoutûmé  d 
produire  :  chacun  fît  des  projet 
difi'érens  :  l'apparence  d'un  chancje 
nient  donna  de  la  joye  au  neupl 
(a)  3  3c  de  la  crainte   à  ceu::   qu 

Ava,72îUYe  aHjft  pïaJfante  ,  çhs  ccJl^  de 
Bourpà^^-ûons  ,  qui  prirent  des  chnrdoh 
four  des  lances.  Commines  ,  ch.  ii.  di 
}<  Livre  de  fes  Mémoires. 

(a)  Vujgus  ,  ut  mos  cil,  cujufqiK 
motus  novi  cupidiim.  Ann.  i.  Ut  eft  vul- 
gi!s  mmabile  (ubiàs.  Hifi.  i. 


D  E     M.  D.  L.  Pv.     155 

.'relent  érablis  :  le  Coadjuceuu  ,  Ma- 
lame  de   Chevreufe  ,  Ôc  les  Frc^i- 
{e:rrs  crûrent  que  l'éloignement  de 
vlonfieur  le  Prince  les  unilïoit  avec 
a  Cour  3  Se  augmentoit  leur  confi- 
lération  par  le  befoin  qu'on  aurait 
L*eux  :  la  Reine  prévoyoit  fans  dcu- 
e    les   malheurs  ,  qui  ménaçoient 
'Etat  ;  mais  elle  ne  pou  voit  s'aiiii- 
;er  d'une  guerre   civile  ,  qui  poii- 
oic  avancer  le  retour  du  Cardinal. 
.ir.   le  Prince  craignoic  les  fuites 
L^une  il  grande  affaire  ,  C<  ne.  pou- 
'oit  fe  réfoudre  dt'embraller  un  11 
afte  defTein.  Il  fe  déiîoit  de  la  legé- 
été  de  ceux  qui  le  pouflcient  à  la 
;uerre5  ^^  jugeoit  bien  qu'ils  ne  lui 
ideroient  pas  long  -  temps    à    en 
butenir  la  pefanteur.  Le  Duc  de 
bouillon  le  dérachoit  fans  éclat  de 
es  intérêts ,  &c  le  Maréchal  de  Tu- 
•cnne  s'éroit  déjà  expliqué  de  n'y 
prendre  déformais  aucune  part.  Le 
^uc  deLongueviiie  vouloit  demeu- 


if4  Mémoires 
rei"  en  repos  ;  outre  qu'il  étoit  trop 
mal  fatisfait  de  Madame  fa  femme, 
pour  contribuer  à  une  guerre ,  dont 
il  la  croyoic  la  principale  caufe.  Le 
Maréchal  de  la  Morhe  s'étoit  déga- 
gé de  la  parole  qu'il  avoit  donnée 
de  prendre  les  armes.  Eufin  ,  tant  de 
raifons,  de  tant  d'exemples  auroiem. 
fans  doute  porté  Mr.  le  Prince  àl 
fuivre  l'inclination  qu'il  avoit  de 
s'accommoder  avec  la  Cour,  s'il  eût 
pu  prendre  confiance  aux  paroles  de 
la  Reine  ,  &c  à  celles  du  Cardinal 
mais  l'horreur  de  fa  prifon  lui  étoiï 
encore  trop  préfente ,  pour  s'y  ex- 
pofcr  fur  de  tels  gages  ,  dont  fa 
propre  expérience  lui  avoit  fait  Ci 
fouvent  connoître  la  valeur.  D'ail- 
leurs Madame  de  Longueville  ,  qui 
étoit  tout  de  nouveau  preflfée  par 
fon  mari ,  de  l'aller  trouver  en  Nor^ 
mandie ,  ne  pouvoit  éviter  ce  voya- 
ge ,  C\  le  traité  de  Mr.  le  Prince  étoit 
achevé.    Parmi  tant  de  fentimens 


D     E        M.    D.    L.    R.         Ijy 

rontraires  ,  le  Duc  de  la  Rociiefou- 
:auk  vouloic  tout  à  la  fois  garantir 
vladame  de  Longueville  de  la  per- 
ecution  de  Ton  mari ,  &  porter  Mr. 
e. Prince  à  traiter  avec  la  Cour. 
:'.  Les  chofes  étoient  néanmoins 
•loignées  de  cette  diipoiition-là  ; 
ians  les  premiers  jours ,  que  Mr.  le 
^rince  arriva  à  St.  Maur  ,  il  avoic 
•efufé  de  parler  en  particulier  au 
Vlaréchal  de  Grammont  y  qui  étoic 
/enu  de  la  part  du  Roi  lui  deman- 
ier  le  fujet  de  Ton  éloignement ,  ôc 
e  convier  de  retourner  à  Paris ,  lui 
^remettant  toute  sûreté.  Monfieui: 
.e  Prince  lui  répondit  devant  tout 
e  monde  ,  que  bien  que  le  Cardi- 
nal Mazarin  fut  éloigné  de  la  Cour» 
Se  que  Servien  ,  le  Tellier^  &  Lion- 
ne s'en  furent  retirés  par  ordre  de  la. 
Reine ,  l'efprit  ôc  les  maximes  du 
Cardinal  y  régnoient  encore  -,  ôc 
qu'ayant  fouffert  une  fi  rude  &  fi  in- 
jufte  priion,  il  avoit  éprouvé  que  fon 
G  6 


Iy6        M    F.    MOIRES 

innocence  ne  pouvoit  établir  ia  fu- 
reté (â)  :  qu'il  efperoit  la  trouver 
dans  la  retraite  ,  où  il  conferveroit 
les  nriêmes  fentimens  qu'il  avoit  fait 
paroicre  tant  de  fois  pour  le  bien 
de  TEtat  5  i'c  pour  la  gloire  du  Roi. 
Le  Maréchal  de  Grammont  fut  fur- 
pris  (S^  piqué  de  ce  difcours  ,  ayant 
crû  entrer  en  matière  avec  Mr.  le 
Prince  ,  ôc  commencer  quelque  né- 
gociation entre  la  Cour  ex:  lui  :  mais 
il  ne  pouvoit  pas  raifonnablemeiat 
fe  plaindre  ,  que  Monfieur  le  Prince 
refusât  d'ajouter  foi  aux  paroles , 
qu'il  lui  vcnoit  porter  pour  fa  fùre- 
lé  ;  puifque  Lionne  l'avoit  choifi , 
pour  lui  confier  la  réfolution  qu'on 
avoit  prife  chez  le  Comte  de  Mon^ 
tréfor  5  de  l'arrcter  une  féconde  fois.: 
Madame  la  Princefle,  Mr.  le  Prince 
de  Conti  &:  Madame  de  Loneue- 


(a)  Plerurnqiie  innocentes  recenii  m 
vidia'  impares,  Ann.  z. 


D   E     M.  D.  L.  R.     i;7 

J  le  rendirent  à  Sr.  Maur  aufli- 
.  que  Mr.  le  Prince,  &c  dans  les 
ncmiers  jours  cette  Cour  ne  fut  pas 
noins  grofTe  &  moins  remplie  de 
lerfonnes  de  qualité  ,  que  celle  du 
loi  :  tous  les  divcrtiiîemens  même 
'y  rencontrèrent ,  pour  lervir  à  la 
»olitiquc  ]  de  les  bals  ,  les  comé- 
lies  3  le  jeu  ,  la  chafiè ,  &  la  bonne 
hère  y  attiroient  un  nombre  infini 
ie  ces  gens  incertains ,  qui  s'offrent 
oûjours  dans  les  commencemens 
[es  partis  (a) ,  &  qui  les  trahiffent 
)U  les  abandonnent  d'ordinaire  fe- 
on  leur  crainte  (b)  ou  leur  inrcrêr. 
3n  jugea  néanmoins ,  que  ce  grand 
lombre  pourroit  rompre  les  miem- 
cs  qu'on  auroit  pu  prendre  d'atta- 
juer  Saint  Maur  >-&  que  cette  foule 
'g  6 
(a)  Ur  in  novo  obfequio  aa  cundla 
>elli  munia  acres  erant.  Iltjl.  3. 

(b  )  Piofperis  lebus  cercatuii  ad  obTe- 
.^uium  ,  advciTarn  fortiinam  ex  a-c^uo  de- 
raclabant.  Hr/f,  z. 


ijS  Mémoires 
inutile  6c  incommode  en  toute  autre 
rencontre  ,  pouvoir  fervir  en  celle- 
ci  5  &c  donner  quelque  réputation 
aux  affaires  (a.). 

Jamais  la  Cour  n'avoit  été  parta- 
gée de  tant  de  diverfes  intrigues 
qu'elle  l'étoit  alors  :  les  penfées  de 
la  Reine ,  comme  j'ai  dit ,  fe  bor- 
ïioient  au  retour  du  Cardinal  ;  le< 
Frondeurs  propofoient  celui  de  Mr. 
de  Châteauneuf ,  car  il  leur  iem- 
bloit  fort  nécellaire  pour  bien  dej 
defifeins  :  ils  jugeoient  qu'étant  une 
fois  rétabli  ,  il  pourroit  plus  aifé- 
ment  traverfer  fous  main  le  retour 
du  Cardinal ,  8c  occuper  fa  place 
s^il  venoit  à  tomber.  Le  Maréchal 
de  Villeroi  contribuoit  autant  qu'il 
lui  étoit  poflible  ,  à  y  difpofer  la 
Reine  ;  mais  cette  affaire-là  ,  con> 
me  toutes  les  autres ,  ne  fe  pouvoiç 

(a)  Meigna  pars  ibi  congrcgata  ,  quod 
âefenfoiibus  auxiliiim  ob  miiltiniHineiu 
erat.  Hifl.  3. 


D  E     M.  D.  L.  R.     1^9 

éioudre   fans  le  confentemenc  du 
Cardinal. 

Pendant  qu'on  attendoit  Tes  or- 
dres à  la  Cour  fur  les  chofes  pré- 
sntes  5  Monlîeur  le  Prince  balan- 
oit  encore  fur  le  parti  qu'il  devoit 
rendre ,  &  ne  pouvoit  fe  détermi- 
er  ni  à  la  paix  ni  à  la  guerre.  Le 
)uc  de  la  Rochefoucault ,  voyant, 
ant  d'incertitude  dans  Pefprit  de  ce 
•rince  ,  crût  qu'il  fe  devoit  fervir 
e  cette  conjond;ure  ,  pour  garantir 
^ladame  de  Lon^ueville  d'aller  en 
>îormandic ,  de  pour  porter  Mr.  le 
^rince  à  écouter  les  propositions 
l'accommodement.  Dans  cette  pen- 
ce il  fit  voir  à  Madame  de  Longue- 
'ille  5  qu'il  n'y  avoit  que  Ton  éloi- 
çnement ,  qui  la  pût  empêcher  de 
aire  le  voyage  qu'elle  craignoit  y 
jue  Monfieur  le  Prince  fe  pouvoic 
lifément  lalTer  de  la  protedion 
|u'il  lui  avoit  donnée  jufques  alors, 
lyant    un  prétexte  aufïi  fpecieux^ 


j6o  Mémoires 
que  celui  de  réconciiier  une  fem^ 
me  avec  Ton  mari ,  &c  iur  tout  sll 
croyoit  s'attacher  par-ià  Monfieui 
de  Longueville  -,  qu'on  l'accufoit  dé 
fomenter  elle  feule  tout  le  défor- 
dre  ',  qu'elle  fe  trouveroit  refponfa- 
ble  en  plufcurs  façons  ,  &  envers 
fon  frère  de  envers  le  monde  ,  d'al- 
lumer une  guerre ,  dont  les  événe- 
mens  feroient  funeftes  à  fa  famille. 
où  à  l'Etat ,  &  qu'elle  avoit  pref- 
que  également  intérêt  à  la  conier- 
vation  de  l'une  de  de  l'autre.  Il  lui 
repréfentoit  encore  ,  que  les  exceiïl* 
ves  dépenfes  que  Moniieur  le  Priiv 
ce  feroit  obligé  de  foûtenir  ,  ne  lui 
lailleroient  ni  le  pouvoir  ,  ni  peut- 
être  la  volonté  de  fubvenir  à  la 
fienne  ;  ôc  que  ne  tirant  rien  de 
Mr.  de  Longueville ,  elle  fe  trouv&r 
roit  réduite  à  une  infupportable  nér 
ceiïité  j  de  qu'enf  n  pour  remédier  à 
tant  d'inconvcniens  5  il  étoit  d'avi$ 
qu'elle  priât:  Monfic«r  iç  Piûnce  de 


D  E  M.  D.  L.  R.  TOI 
•onver  bon,  que  Madame  la  Prin- 
:i\e  ,  le  Duc  d'Anguien  ,  de  elle  fs 
•rir^îlleni;  à  Moritrond ,  pour  ne 
smbarrader  point  dans  une  mar- 
ne précipicée  (a)  ,  s'il  fe  trouvoic 
bligé  de  partir  ;  de  pour  n'avoir 
as  le  fcrupule  de  participer  à  la  pé- 
lleufe  réfolution  qu'il  alloit  preu- 
ve 5  ou  de  mettre  le  feu  dans  le 
.oyaume  par  une  guerre  civile  ; 
u  de  confier  fa  vie  ,  fa  fortune , 
:  fa  liberté  à  la  foi  douteufe  du 
Cardinal  Mazarin.  Ce  confeil  fut 
pprouvé  de  Madame  de  Longue- 
ille  -,  &  Mr.  le  Prince  voulut  cp'ii 
ît  fuîvi  bien- tôt  après. 
Le  Duc  de  Nemours  commençoit  à 
evenirde  fon  premier  emportemenr, 
'<.  bien  que  toutes  fes  paî^oriS  fub- 
iflaflènt  encore,  il  ne  s'y  laidoitpas 
roîidairs    avec   toute  Pimpétuofite 

1  îneiTe  muîierum  comitatiii  ,  qua: 
5ac£iTi  luxa  ,  bellum  formidùie  moieii- 
ar.  Jli;)i.  3. 


i6i  Mémoires 
qu'il  avoic  fait  d'abord.  Le  Duc 
de  la  Rochefoucault  voulut  fe  ier« 
vir  de  cette  occafion  pour  le  faire 
entrer  dans  Tes  fentimens  :  il  lui  fit 
connoître  ,  que  jamais  leurs  intérêts 
ne  pouvoient  fe  rencontrer  dans  une 
guerre  civile  :  que  Mr.  le  Prince 
pouvoit  bien  détruire  leur  fortune 
par  de  mauvais  fuccès  -,  mais  qu'il 
n'étoit  pas  de  condition  à  protîtei 
des  bons  :  que  la  même  réfléxior 
qui  empêchoit  Monlieur  le  Prince 
de  prendre  les  armes  ,  l'empêche- 
roit  audi  de  les  quitter  ,  s'il  les  pre- 
noit  une  fois  :  qu'il  ne  trouveroii 
pas  aiiement  la  fureté  à  la  Cour, 
après  l'avoir  offenfée  ,  puifqu'il  n'y 
en  avoir  pu  rencontrer  en  un  temps, 
où  il  n'avoit  encore  rien  fait  contre 
elle  :  qu'enfin ,  outre  tout  ce  qu'il 
avoit  à  ménager  dans  l'humeur  difr- 
ficile  de  Mr.  le  Prince ,  il  devoir 
conliderer  qu'en  l'éloignant  de  Pa- 
ris 3  il  s'en  éloignoit  auffi  lui-même. 


D  E     M.  D.  L.  R.     1^3 

?<:  mettroic  la  deftinée  enxre  les 
nains  de  [on  rival.  Ces  raifons 
rouverent  le  Duc  de  Nemours  dif- 
)ofé  à  les  recevoir  j  Se  Coït  qu'elles 
ui  euilènt  donné  des  vues  qu'il  n'a- 
'oit  pas  encore  ,  ou  que  par  une  le- 
;éreré  ordinaire  aux  perfonne-s  de 
on  âge  5  il  fe  portât  à  vouloir  le 
ontraire  de  ce  qu'il  avoit  voulu 
a)  5  il  fe  réfolut  enfin  de  contri- 
)uer  à  la  paix  avec  le  même  em.- 
>re(ïement  qu'il  avoir  eu  jufques-là 
»our  la  guerre.  Il  prit  donc  des  me- 
ures avec  le  Duc  de  la  Rochcfou- 
ault  5  pour  agir  de  concert  dans  ce 
nême  dciîèin. 

Cependant ,  la  Reine  écoit  de  plus 
;n  plus  animée  contre  Monfieur  le 
^rince  ;  les  Frondeurs  cherchoient  à- 
e  venger  de  lui  par  toutes  fortes  de 
noyens ,  mais  ils  perdoient  leur 
:rédir  parmi  le  peuple  ,  par  l'opi- 

(oi)  TJbi  formido  inceiriffet  ^  facilis. 
nuiatu.  Hifi.  t. 


164  Mémoires 
nion  qu^on  a  voit  de  leur  liai  fort 
avec  la  Cour.  La  haine  du  Coadji.t- 
t€ur  éclara  particulièrement  contre 
le  Duc  de  la  RochcFoucault  :  il  lui 
attribuoit  ,  comme  j'ai  dit ,  la  rup- 
ture du  mariage  de  Mademoiiclle 
de  Chevreufe  ;  &c  croyant  toutes 
chofes  permifes  pour  le  perdre  ,  il 
n'oublioit  rien  pour  y  engager  le 
Duc  de  Longueville  par  des  voyes 
extraordinai-res  Se  honteufes.  Son 
carolîè  fut  même  attaqué  trois  fois 
la  nuit  ,  fans  qu'on  ait  pu  fcavoir 
ouels  2:ens  avoienr  part  à  de  h  fré- 
quentes  rencontres.  Néanmoins  tou- 
te cette  animonté  ne  l'empéchoit 
pas  de  travailler  à  ion  bur^conjoiii 
temcnt  avec  le  Duc  de  Nemours 
&  Madame  de  Longueville  même  y 
donna  les  mains  ,  dès  qu'elle  fut 
afïurée  d'aller  à  Montrond.  Mais- 
les  efprits  croient  trop  écliauffés 
pour  écouter  la  raifon  ;  &z  tous  les 
partis  ont  éprouvé  à  la  fin  ,  que  ni 


D  E  M.  D.  L.  R.  i(^; 
les  uns  5  ni  les  aiuues  n'avoienc  bien 
connu  leurs  vénrables  intérêts.  La 
Cour  même ,  que  la  fortune  feule  a 
foûtenue ,  a  fait  fouvenc  des  fautes 
:onhdérables  ;  &z  dans  la  iliite  on  a 
vu  5  que  l'une  ôc  Pautre  cabale  s 'é- 
coic  plus  maintenue  par  les  men- 
quemens  de  celle  qui  lui  étoir  op- 
pofée  5  que  par  fa  bonne  conduite 
(a).  Cependant,  Monfieur  le  Prince 
employoit  tous  fes  foins  à  juftiiîer 
fes  intentions  au  Parlement  ôc  au 
peuple  3  ôc  voyant  bien  que  la  guer- 
re qu'il  alloit  entreprendre  man- 
quoit  de  prétexte ,  il  efTayoic  d'en 
trouver  dans  le  procédé  de  la  Rei- 
ne 5  qui  avoir  rappelle  auprès  d'elle 
Servien  &  le  Teliier,  après  les  avoir 
éloignés  à  fa  recommandation.  Il  tâ- 
çhoii  aufïi  de  perfuader  au  monde  , 
que  leur  retour  étoit  moins  pour 

(a)  Fortuna  non  minus  farpe  quam 
ratio  aftuit.  FUJI.  3.  Non  minus  vitiis 
hoflium  oii.im  yirtute  f\ionim,  Hrfi.  4. 


ï66  Mémoires 
l'ofFenfer ,  que  pour  concerter  celui 
du  Cardinal.  Ces  bruits  femés  par- 
mi le  peuple  y  faifoient  quelqu'im- 
prefïîon.  Le  Parlement  étoit  pluî 
partagé  que  jamais  ;  le  Premier  Pré- 
(ident  étoit  devenu  ennemi  de  Mf. 
le  Prince  ,  croyant  qu'il  avoit  con- 
tribué à  lui  ôter  les  Sceaux  -,  Se  ceu> 
qui  étoient  gagnés  par  la  Cour ,  fc 
joignoient  à  lui  :  mais  la  conduite 
des  Frondeurs  étoit  plus  réfervée  ; 
ils  n'ofoient  paroître  bien  intention- 
nés pour  le  Cardinal  ;  toutefois  ils  le 
vouloient  fervir  en  effet. 

Les  chofes  étoient  en  ces  termes, 
lorfque  Monfieur  le  Prince  quittai 
Saint  Maur  pour  retourner  à  Paris , 
croyant  êcre  en  état  de  s'y  mainte- 
nir contre  la  Cour,  &  que  cette 
conduite  fiere  ôc  hardie  donneroit 
de  la  réputation  à  fes  affaires.  Il 
fit  partir  en  même  temps  Madame 
la  PrincefTe ,  Mr.  le  Duc  d'Anguien, 
^  Madame  de  Longueville ,  pour 


D  t     M.  D.  L.  R.      iGy 

lier  à  Montrond  ,  dans  la  réfolu- 
ion  de  s'y  rendre  bien-toc  après , 
c  de  repaflèr  en  Guienne  ,  où  l^on 
toit  bien  difpofé  à  le  recevoir.  H 
voit  envoyé  le  Comte  de  Tavanes 
fes  troupes ,  qui  fervoient  dans 
armée  de  Champagne  ,  avec  ordre 
e  les  faire  marcher  en  corps  à  Ste- 
ay  aullî-tôt  qu'il  le  lui  manderoit; 
avoir  pourvu  à  fes  Places ,  & 
voit  deux  cent  mille  ecus  d'argent 
omptant  :  ainfi  il  fe  prépara  à  la 
uerre  ,  bien  qu'il  n'en  eut  pas  cn- 
ore  entièrement  formé  le  deiïein. 
néanmoins  dans  cette  ville  il  efTa- 
oit  d'engager  des  gens  de  qualité 
ans  fes  intérêts  ,  Ec  entr'autres  le 
)uc  de  Bouillon  (5c  le  Maréchal  de 
rurenne.  Ils  étoient  l'un  &:  l'autre 
articulierement  amis  du  Duc  de  la 
vochefoucault  ,  qui  n'oublia  rien 
'our  leur  faire  prendre  le  même 
•artij  qu'il  fe  voyoit  obUgé  de 
uivre.  Le  Duc  de  Bouillon  lui  ^a- 


ï68  Mémoires 
rut  alors  irréiolu  ,  voulant  ti'ouvei 
ies  fùrecés  de  fes  avantages ,  paro 
qu'il  Te  déiioic  prefque  égalemen 
de  la  Cour  (Se  de  Monfieur  le  Prin 
ce ,  ôc  vouloir  voiu  l'affaire  enga 
gée.5  avant  que  de  fe  déclarer.  A" 
contraire ,  le  Maréchal  de  Turenn 
lui  parla  toujours  d'une  même  ma 
niere  depuis  fon  retours  de  Srena} 
Il  lui  dit  5  qu'il  ne  s'étoit  jamais  r 
loué  5  ni  plaint  de  Monlieur  le  Prin 
ce ,  pour  ne  pas  donner  lieu  à  de 
éclairciiTemens  dans  lefquels  il  n 
vouloit  point  entrer  j  qu'il  croyo; 
n'avoir  rien  oublié  pour  contribue 
à  la  liberté  de  Monfieur  le  Prince 
mais  qu'il  prétendoit  aulTi  que  Tei: 
gagement  qu'il  avoir  avec  lui ,  di 
finir  avec  la  priion  *,  de  qu'ainfi 
pouvoit  prendre  des  liailo'ns  nou 
vellcs  félon  fon  inclination ,  ou  Ct 
intérêts.  Il  ajouta  encore ,  qp 
Monfieur  le  Prince  ne  l'avoit  mi 
nagé  fur  rien  depuis  fon  retour. 

Paris 


D  E     M.  D.  L.  R.      i6^ 

rîs;  &  que  bien  loin  de  prendre 
;  mefures  de   concerc   avec  lui  , 

lui  faire  part  de  Tes  defleins  ,  il 
n  étoic  non-feulemenc  éloigné  ; 
lis  encore  il  avoir  mieux  aimé 
lier  périr  ces  mêmes  troupes  ,  qui 
noient  de  combattre  pour  lui ,  <5c 
i  étoient  à  Monfieur  de  Turen- 

5  que  de  dire  un  mot  pour  leur 
re  donner  des  quartiers-d'hyver. 
:  furent  les  raifons  ,  avec  lefquel- 
i  le  Maréchal  de  Turenne  refufa 

fuivre  une  féconde  fois  la  fortu- 

de  Moniîeur  le  Prince.  Mais  le 
\c  de  Bouillon ,  qui  vouloit  éviter 

s'expliquer  avec  lui  ,  fe  trou- 
•it  bien  embarraifé  pour  s'empê- 
er  de  répondre  précifément  :  Mr. 

Prince  &  lui  avoient  choifi  le 
jc  de  la  Rochefoucault  ,  pout- 
re médiateur  entr'eux  ;  mais  il  ne 
mlut  être  garant  des  paroles,  ni 
:  l'un  5  ni  de  l'autre ,  &  qu'il  ju- 
:oit  bien  qu'un  pofte  comme  ce- 
Tqïïiç  /a  h 


170     Mémoires 

lui-ià,  eft  toujours  délicat  partr 
des  gens ,  qui  doivent  eonvenir  fu 
tant  d'importans  de  differens  artich 
(â)  y  il  les  engagea  à  fe  dire  eux 
mêmes  leurs  fentimens  en  fa  préfer 
lence.  Il  atriva  contre  l'ordre  d 
femblables  éclaircifTemens  (b) ,  qc 

(a)  Il  ?iefant  point  fe  mêler  d'être  a 
iitre  entre  les  Grands ,  qu'on  ne  fait  ajj: 
fort ,  four  mettre  a  la  raifon  celai ,  qui  ; 
^joudra  pas  déférer  au  jugement  du  Médi. 
teur.  Aibitria  captans  ^dit  Patercule,  qu 
bus  ii  le  debenc  interponere ,  qui  ne 
parentem  coërcere  poffunt.  Hift.  z. 

(h)  Qîii  ^  félon  la  remarque  de  Taciit 
aigrijjent  plutôt  les  efprits  qu'ils  ne  l 
adoucijfent.  Paulatim  inde,  dit-il ,  en  pa 
îant  de  l'entrevue  d'Arminius  ^  Flavi. 
fon  frère  ,  ad  jurgia  prolapfi.  Ann. 
Dans  un  autre  endroit  du  même  livre  , 
ait  que  ces  fortes  d'entretiens  font  topi]ou 
mêlés  de  je  ne  fçai  quoi ,  qui  montre  qt 
ton  a  du  rejfentiment  ;  ou  du  moins  qH*c 
le  dijfîmule.  Scrmo  ,  qualem  ira  &:  di/Ti 
mulatio  gignit.  ^  puis  il  ajoute  :  difccl 
feruntque  apertis  odiis  ;  c^  ils  fe  fépart 
vent  ennemis  déclarés,  (  Germanicus  ( 
Viion  }. 


DE    M.  D.  L.  Pv.     171 

ur  converfation  finit  fans  aigreur, 
.  qu'ils  demeurèrent  fatisfaits  l'un 
;  Tautre  lans  être  liés ,  ni  engagés 
rien.  Il  fembloit  alors ,    que  le 
rincipal  but  de  la  Cour,    &    de 
lonfieur  le  Prince  fut  de  fe  rendre 
Parlement  favorable  ;    les  Fron* 
mrSy  affedoient  de  paroître  fans 
atre  intérêt  que  celui  du  public  5 
lais  fous  ce  prétexte  ils  choquoient 
lonfieur  le  Prince  en  toutes  cho- 
is ,  ôc  s'oppofoient  directement  à 
DUS   fes  delTeins.    Dans  les    eom- 
lencemens   ils    agilfoient    encore 
vec   quelque    retenue   5  mais    fe 
oyant  ouvertement  appuyés  de  la 
]our,  le  Coadjuteur  trouva    de  la 
anité  à  paroître  ennemi  déclaré  de 
/ïonfîeur  le  Prince   (a)  :  dès-Jors 
lon-feulemcnt  il  s'oppofa  fans  gar- 
ter  de  mefures  à  tout  ce  qu'il  pro- 
H  i 

f  a  )  iTt  mdgnis  inimicitiis  clarefce- 
et.  Hift.  1. 


jyi  Mémoires 
pofoit  ;  mais  encore  il  iValla  plus  ai 
palais  3  fans  être  fuivi  de  Tes  amis 
ôc  d'an  grand  nombre  de  gens  ar 
niés.  Ce  procédé  fier  ôc  infolen 
déplût  avec  raifon  à  Monfieur  1 
Prince  ,  &  il  ne  trouva  pas  moin 
înfupportable  de  fe  faire  fuivre  a 
Palais  3  pour  difputer  le  pavé  ave 
le  Coadjuteur ,  que  d'y  aller  feul  t 
d'expofer  ainfi  fa  vie  ôc  fa  libert 
entre  les  mains  de  fon  plus  dange 
reux  ennemi.  Il  crut  donc  ,  qui 
devoit  préférer  fa  fureté  à  tout  l 
refte ,  6c  fe  réfolut  de  n'aller  plu 
au  Parlement  fans  être  accompagn 
de  tout  ce  qui  étoit  dans  fes  inte 
rets.  La  Reine  fut  bien-aife  de  voi 
naître  ce  nouveau  fujct  de  divifioi 
entre  deux  hommes,  que  dans  foi 
cœur  elle  hailToit  prefque  égale 
menti  elle  s'imaginoit  afï'ez  quelle, 
en  pourroient  être  les  fuites ,  pou 
efpcrer  d'être  vengée  de  l'un  pa, 
l'autre,  ou  de  les  voir  périr  lom 


D  E     M.  D.  L.  R.     173 

eux:  néanmoins  elle  donnoit  tou- 
fs  les  apparences  de  fa  protedion 
Li  Coadjuteur,  ôc  elle  voulut  qu'il 
ic  efcorté  par  une  partie  des  Gcn- 
arnies  de  des  Chevaux-legers  du 
loi  5  Se  par  des  Officiers  «Se  des  fol- 
lats  du  Régiment  des  Gardes.  Mr. 
,  e  Prince  écoit    fuivi    d'un    grand 
j  lombre  de  perfonnes  de  qualité,  oC 
le  plufieurs  Officiers ,  &:  d'une  fou- 
I  e  de  gens  de  toutes  fortes  de  pro- 
j 'effions  5  qui  ne  le  quirtoient  plus 
depuis  fon  retour  de  Saint    Maur. 
Cette  confuiicn  de   gens  de  diluè- 
rent parti,  qui  fe  trouvoient  tous 
snfemble  dans    la   grand^falle    du 
Palais  5   fit  appréhender  au  Parle- 
ment de  voir  arriver  un  dcfordre  , 
qui  pourroit    envelopper  tous    ks 
particuliers  dans    un  même  péril, 
d:  que  perfonne   ne  feroit  capable 
d'appaifer.  Le  Premier  Préfidenr, 
pour  prévenir  ce  mal ,  réiolut  de 
prier  Monfieur  le  Prince  de  ne  fe 
H   3 


174  Mémoires 
plus  faire  accompagner  venant  a 
Palais  i  êc  rr>eme  un  jour  que  Mr.  1 
Duc  d'Orléans  ne  s'y  étoic  poir 
trouvé  5  &  que  Monlicur  le  Princ 
6c  Monlieur  le  Coadjureur  s'y  rer 
dirent  avec  tous  leurs  amis ,  leo 
nombre  ,  avec  l'aigreur  qui  pan 
dans  les  efprits,  augmenta  la  craint 
du  Premier  Préiidenr.  Mr.  le  Princ 
ayant  dit  quelques  paroles  piquan 
tes  5  qui  s'adrefloient  au  Coadju 
teur  5  celui-ci  répondit  fans  s'éton 
ner ,  &c  ofa  dire  publiquement  qu 
les  ennemis  au  moins  ne  l'accufe 
roient  pas  d'avoir  manqué  à  fc 
promefîès  j  3c  que  peu  de  perfonne 
fe  trouvoient  aujourd'hui  exempte 
de  ce  défaut  (a).  Il  défignoit  par-1; 
Monfieur  le  Prince  ,  Ik  lui  repro 
choit  non  feulement  d'avoir  man- 
qué aux  engagemens  qu'il  avoit  pri: 
avec  les  Frondeurs  pour  le  mariag( 

(  a  )  Rixantes  flagitia  invicem  objeda^ 
veie,  neuccr  falfo.  H//?.  I. 


D  E     M.  D.  L.  R.      175 
i  ion  fïere  avec  Madcmoiielle  de 
hcvreufe  j  mais  encore  le  voyage 
;  '.\oifi  y  lorfque  Mi\  le  Prince  de 
orici  j  Madame  6<:  Mademoifelle 
z  Longueville ,    de   Meilleurs  de 
.ets  y  jetterent  les  fondemens  de  la 
uerre  de  Paris  5  &c  que  Monfieur  le 
nnce  promit  de  fe  mettre  à  leur 
ke  5  non  pas  pour  chafTer  le  Car- 
.inal  5  félon  l'intention  publique  , 
liais  feulement  pour  faire  fa  condi- 
ion  meilleure  avec  lui  ,  de  avoir 
linfi  le  mérite  de  le  garantir  du 
nal  5  qu'une  cabale  fi  puilïànre  lui 
Douvoit  faire  (a  ).  Ces  bruits  femés 
dans  le  monde  par  les  partifans  du 
Coadjuteur  ,  de  renouvelles  encore 
avec  tant  d'audace  devant  le  Parle- 
ment alfemblé  ,  &:  devant  Mr.  le 
Prince  même,  le  dévoient  apparem- 
ment trouver  plus  fenfible  à  cette 
H  4 

(a)  Quo  glifcentibus  periculis  fublî- 
dii  laus  augeretur.  jî?m.  i;. 


ly^  Mémoires 
Injure  qu'il  ne  le  parut  alors  -,  mai^ 
il  fur  maître  de  Ion  reffentimena 
êc  ne  répondit  rien  (a)  au  difcouM 
du  Coadjuteur.  En  même  temps  -qp 
vint  avertir  le  Premier  Préfidenfii 
que  la  grandTalle  étoit  remplie  d 
gens  arme's,  &  qu'étant  piqués  dan 
des  intérêts  fi  oppofés ,  il  allok  ai; 
river  quelque  grand  malheur,  fi  Vqi 
n'y  apportoit  promptement  du  re 
méde.  Alors  le  Premier  Préfiden 
<lit  à  Monfieur  le  Prince  ,  que  1; 
Compagnie  lui  feroit  obligée ,  s*i 
lui  plaifoit  de  faire  retirer  ceux  qa 
l'a  voient  fuivi  ;  qu'on  étoit  allem^ 
h\é  pour  remédier  aux  défordres  d^ 
TEtat  5  3c  non  pas  pour  les  augmen- 
ter ;  &  que  perfonne  ne  croiroit , 
■que  la  liberté  d'opiner  fût  auHi  en- 
tière qu'elle  devoit  être,  tant  qu'on 
vcrroit  le  Palais  qui  devoit  être  l'afi-, 

(a)  Qux  quanquam  dcerba  ,  toléra- 
bantur  tnmcn.  ^nn.  z.  Qii^le  magn» 
kx  filcntium  cù.  H/Jl\  i. 


D  E     M.  D.  L.  R.     177 

c  de  k  Jullice ,  fervir  de  Place-d'ar- 
nes   à    tout    ce    qui   étoic   capable 
.'exercer  le  tumulte  &  la  fédition. 
loniîeur  le  Prince  offrit  fans  héfî- 
lï  5    de  faire  retirer  fes  amis  ,  &c 
ria  le  Duc  de  la  Rochefoucault  de 
?s  faire    fortir    fans   dc-fordre.  Le 
^oadjureur  fe  leva  ,  ôc  dit  qu'il  aï- 
Dit  aulîi  renvoyer  les  fîens  ;  &  en 
ffec  5  il  fortit  de  la  Grand'Charn- 
re  5  pour  leur  aller  parler.  Le  Duc 
.e    la   Rochefoucault    marchoit  à 
\uit  ou  dix  pas  derrière  lui  ,  &z  il 
toit  encore  dans  le  parquet  des 
iuifliers  ,  quand  le  Coadjuteur  pa- 
ut  dans  la  crrand^falle  :  à  fa  vue 
eut  ce  qui  tenoit  ion  parti  y  mit 
'épée  à  la  main  ,  fans  en  fçavoir  la 
aifon  j  6c  les  amis  de  Monfieur  le 
'rince  firent  la  même  chofc.   Cha- 
:un  fe  rangea  du  coté  qu'il  fervoit ,. 
k  en  un  inilant  les  deux  troupes  ne 
urent  féparées  que  de  la  longueur 
le  leurs  épécsj  fans  que  parmi  tant 
Us 


ïyS     Mémoires 

de  braves  gens ,  ôc  animés  par  tant 
de  haines  différentes ,  il  s'en  trouvât 
aucun  qui  allongeât  un  coup  d'cpée^ 
ou  qui  tirât  un  coup  de  piftolet  (a), 
Le  Coadjuteur  voyant  un  Ci  grand 
défordre  j  s'en  voulut  retirer  ,  &c  re- 
tourner dans  la  Grand'Chambre  : 
mais  en  arrivant  à  la  porte  qui  va 
de  la  falle  au  parquet  des  HuilIierSj 
il  trouva  que  le  Duc  de  la  Roche- 
foucault  s'en  étoit  rendu  maître.  Il 
elïàya  néanmoins  de  l'ouvrir  avec 
effort  ;  mais  comme  elle  ne  s'ou- 
vroit  que  par  la  moitié  ,  de  que  le 
Duc  de  la  Rochefoucault  la  tenoitj 
îl  la  referma  dans  le  temps  que  le 
Coadjuteur  rentroit ,  en  forte  qu'il 
l'arrêta  ayant  la  tête  paffée  du  côté 
du  parquet  ôc  le  corps  dans  la  falle. 
Cette  occafion  pouvoit  tenter  le 
Duc  de  la  Rochefoucault  après  tout 

(a)  Utrimque  infen/î  ,  arma  primo 
cxpedieie  ,  dein  miitua  formidine  ,  non 
ulua  jurgium  proceffum  eft.  Ann.  2., 


DE  M.  D.  L.  R.  1755 
:e  qui  s'étoit  paflè  cncr'eux  ,  les  rai- 
sons générales  ôc  particulières  le 
coudoient  à  perdre  Ion  plus  mortel 
:nnemi  :  outre  la  facilité  de  s'en 
v^enger  ,  en  vengeant  Mr.  le  Prince 
ie  la  honte  &  du  reproche  qu'il 
i^enoit  d'endurer  ,  il  voyoit  encore 
:jue  la  vie  du  Coadjuteur  devoit  ré- 
pondre de  l'événement  du  défordre 
'  iju'il  avoir  caufé  :  mais  il  confidé- 
roit  aufïi  qu'on  ne  fe  battoir  point 
encore  dans  la  falle ,  ôc  que  perfon- 
ne  ne  venant  contre  lui  ,  pour  dé- 
fendre le  Coadjuteur  ,  il  n'avoir 
pas  le  même  prétexte  de  l'attaquer 
qu'il  auroit  eu  ,  (i  le  combat  eût  été 
comm.encé.  Les  gens  mêmiC  de  Mr. 
le  Prince  ,  qui  étoient  près  du  Duc 
de  la  Rochefoucault ,  ne  s'imagi- 
noient  point  de  quel  poids  étoit  le 
fervice  qu'ils  pourroient  rendre  à 
leur  maître  en  cette  conjoncbure. 
Enfin  y  l'un  pour  ne  vouloir  point 
faire  une  adlion  qui  parût  cruelle  , 
H  6 


lîo     Mémoires 
&  les  autres  pour  être  irréfolus  daiK 
une  grande  affaire  ,  3c  incapableî 
de  la  foutenir  (  a  )  ,  ils  donnerem 
temps  à  Champlatreux  ,  fils  du  Prçr 
inier  Préiident ,  d'arriver  avec  or- 
dre de  dégager  le  Coadjuteur ,  & 
de  le  tirer  ainli  du  plus  grand  péril, 
où  il  fe  (oit  jamais  trouvé.  Le  Duc 
de  la  Rochefoucauk  le  voyant  entre 
les  mains  de  Champlatreux,  retour* 
na  dans  la  Grand'Chambre  prendre 
fa  place  j  &c  le  Coadjuteur  y  arriva 
dans  le  même  temps  avec  tout  le 
trouble ,  qu\m  accident  comme  ce- 
lui qu'il  venoit  d'éviter  ,  lui  dévoie 
eau  fer.  Il  commença  par  fe  plain-^ 
dre  à  l'affemblée  de  la  violence  de. 
Ja  Rochefoucauk ,  d^  dit  qu'il  avoic 
été  près  d'être  aifairmé  ,  ôc  qu'on, 
ne  l'a  voit  tenu  à  la  porte  que  pour 
Texpofer  à  tout  ce  que  fes  ennemis. 

(â)  Inutili  cundationc  agendi  tem- 
pora  confumcntes.  Hiji.  3. 


D  E     M.  D,  L.  R,     î8r 
uroient  voulu  entreprendre  contre 
i  perionne.  Le  Duc  de  la  Roche- 
3ucault  répondit  qu'il  falloir  fans 
oute  que  la  peur  lui  eut  ôté  la  li- 
crcé  de   juger    de  ce  qui  s'étoic 
allé  dans  ce  moment-là  >  qu'autre- 
ment il  auroit  vu  qu'il  n'avoir  pas 
Il  deflein  de  le  perdre  ,  puifqu'il 
e  Tavoit  pas  fait ,  ayant  eu  long- 
(  rmps  fa  vie  entre  Tes  mains  ;  qu'en 
ffet  5  il  s'étoic  rendu  maître  de  la 
orte  5  &  l'avoir  empêché  d'entrer , 
l'ayant  pas  crû  pour  remédier  à  fa 
rainte  ,  devoir  expofer  Monfieur  le 
^rince  &  le  Parlem.ent  à  une  fédi- 
ion  3  que  Tes  gens  avoient  émue  en 
e  voyant  arriver.  Ce  difcours  fuE 
néme  fuivi  de  quelques  menaces 
)ucrageures  qu'il  lui  fit  publique- 
ncnt  5  de  forte  que  le  Duc  de  Brif- 
kc ,  beau- frère  du  Duc  de  Rets, 
e  crût  obligé  de  répondre.  Le  Duc 
ie  la  Rochefoucaulc  &  lui  réfolu- 
:ent  enfemble  de  fe  battre  ie  joui' 


iSi     Mémoires 

même  fans  fécond  :  mais  comme  [ 
fujec  de  leur  querelle  fut  publié 
elle  fut  accordée  à  l'heure  même  pa 
Mr.  le  Duc  d'Orléans.  Cette  affaire 
qui  apparemment  devoit  produir 
tant  de  fuites  ,  finit  même  ce  qii 
pouvoit  le  plus  contribuer  aux  dé 
iordres  ;  car  le  Coadjuteur  évita  d 
retourner  au  Palais  (a)  j  &  ainli  n 
fe  trouvant  plus  où  étoit  Monfieu 
le  Prince  ,  il  n'y  eut  plus  lieu  d 
craindre  d'accident  pareil  à  celu 
qui  avoir  été  (i  près  d'arriver.  Néan 
moins  ,  comme  la  fortune  a  fouven 
plus  de  part  aux  événemens  que  h 
conduite  des  hommes  ,  elle  fit  ren- 
contrer Mr.  le  Prince  Se  le  Coadju- 
teur dans  le  temps  qu'ils  fe  cher- 
choient  le  moins,  ôc  en  un  état  hier 
différent  de  celui  où  ils  avoient  été 
au  Palais  j  car  un  jour  que  Mr.  le 

(a)  Qus  cafus  obtulerat  in  fapien- 
tiam  vertenda  ratus.  A^rfi.  i.  i 


D  E     M.  D.  L.  R.     183 

hlncQ  en  fortoit ,  ayant  le  Duc  de 
Li  Rochefoucauk  dans  fon  carolTe, 
v  Taivi  d'une  foule  innombrable  de 
îeuple  j  il  rencontra  le  Coadjuteur 
evêtu  de  les  habits  Pontificaux  ,  ôc 
nenant  la  procefïion  avec  plufieurs 
!  .-halles  de  reliques.  D'abord  Mr.  le 
^rince  s'arrêta  ,  pour  rendre  plus  de 
iéférence  à  TEglife  ,  de  le  Coadju- 
eur  continuant  Ton  chemin  fans 
i'émouvoir  ,  fe  voyant  vis-à-vis  de 
Vlonfieur  le  Prince  ,  lui  fit  une  pro- 
ronde révérence  ,  de  lui  donna  fa 
oénédidtion  ,  de  au  Duc  de  la  Ro- 
chefoucauk aufïi  :  elle  fut  reçue  de 
l'un  de  de  l'autre  avec  toutes  les  ap- 
parences de  refpect ,  bien  que  pas 
un  des  deux  ne  fouhaitât  qu'elle 
eût  l'effet  que  le  Coadjuteur  defi- 
roit.  En  ce  même  temps ,  le  peuple 
qui  fuivoit  Mr.  le  Prince  ,  ému  par 
une  telle  rencontre  ,  cria  mille  in- 
jures au  Coadjuteur  5  de  fe  prépa-*^ 


184  Mémoires 
roic  à  le  mettre  en  pièces  (  a  ) ,  fi 
Monfieur  le  Prince  n'eût  fait  derccn- 
dre  fes  gens  pour  appaifer  ce  tu- 
multe 5  ôc  remettre  chacun  en  Ton 
devoir. 


GUERRE  DE   GUIENNE. 

CEPENDANT  3  toutes  chofes  con- 
tribuoicnt  à  augmenter  les  dé- 
fiances de  les  foupçons  de  Mr.  le 
Prince.  Il  voyoit  que  la  majorité 
du  Roi  alloit  rendre  Ton  autorité 
abfolue  ;  il  connoiHoit  l'aigreur  de 
la  Reine  contre  lui ,  ôc  voyoit  bien 
que  le  coniidérant  comme  un  obf- 
tacle  au  retour  du  Cardinal ,  elle 
n'oubliroit  rien  pour  le  perdre  ,  oa 

l 

(a)  Manus  intentantes  .  .  .  fimiil  in-^ 
gruunt  :  jamque  exitii  certus  ,  adcurfii . 
feoriinij  qui  cum  (principe)  advcne* 
rant,  protedus  eft.  Arjn.  i. 


D  E     M.  D.  L.  R.     185 

>our  l'éloigner.  L^amitié  de  Mr.  le 
)uc  d'Orléans  lui  paroifToit  un  ap- 
)ui  bien  foible  ôc  bien  douteux  , 
•our  le  foLitenir  dans  un  temps  fi 
ifficile  ;  &  il  ne  pouvoir  croire 
u'elle  fut  long  -  temps  Tnicere  5 
uifque  le  Coadjuteur  avoir  roCi- 
Durs  beaucoup  de  crédir  auprès  de 
û. 

Tant  de  fiijets  de  craindre  pou- 
oienr  bien  avec  raifon  empêcher 
Gonfleur  le  Prince  de  fe  trouver  au 
'arlement  le  jour  que  le  Roi  y  de- 
oit  être  déclaré  majeur  ;  mais  tout 
ela  n'auroit  pu  encore  le  porter  a 
ompre  avec  la  Cour  ,  &  à  fe  reti- 
er  dans  Tes  Gouvernemens,  fi  Von 
ût  laiiTé  les  chofes  dans  les  term-es 
u  elles  étoient  ,  ou  conrinué  de 
amufer  de  quelque  négociation. 
/Ir  le  Duc  d'Orléans  vouloir  em- 
ècher  une  rupture  ouverte,  croyant 
z  rendre  nécefiàire  aux  deux  partis, 
'<,  vouloit  prefqu'égâlement  éviter 


i8(j      Mémoires 

de  fe  buoailleL"  avec  Pun  ou  avec 
l'autre  :  mais  la  Reine  étoit  d'ur 
fentiment  bien  contraire  :  nul  retar- 
dement ne  pouvoit  fatisfaire  fon  ef 
prit  irrité  ,  &  elle  recevoit  toute: 
les  propofitions  de  traité  ,  comm< 
autant  d'artifices ,  pour  faire  dure: 
Péloignement  du  Cardinal.  Datj: 
cette  vue  ,  elle  propofa  de  rétabli 
Monfieur  de  Châteauneuf  dans  le 
affaires ,  de  redonner  les  Sceaux  ai 
Premier  Préfident  Mole  ,  &  les  Fi 
nances  à  la  Vieuville.  Elle  crut  avei 
raifon  ,  que  le  choix  de  ces  troi 
Miniftres ,  ennemis  particuliers  d« 
Monfieur  le  Prince  ,  aclièveroit  d» 
lui  ôter  toute  efpérance  d'accom- 
modement. 

Ce  deffein  eut  auiTi  bien- tôt  In 
fuccès  qu'elle  avoit  fouhaité  ,  car  ii 
fie  connoître  à  Monfieur  le  Prino^ 
qu'il  n'civoit  plus  rien  à  ménageji 
avec  la  Cour  ,  &  avança  ai nfi  en 
un  moment  toutes   les  rélolutionjl 


D  E  M.  D.  L.  R.  1B7 
u'il  n'avoir  pas  prifes  de  lui-même, 
alla  à  Trie  chez  le  Duc  de  Lon- 
uevilîe  ,  après  avoir  écrit  au  Roi 
)s  raifons  qui  l'empêchoient  de  fe 
rouver  auprès  de  fa  perfonne  le 
)ur  de  fa  majorité.  Cette  lettre  lui 
at  rendue  par  Monfieur  le  Prince 
e  Conti  5  qui  refta  à  Paris  pour 
{lifter  à  cette  cérémonie.  Le  Duc 
e  k  Rochefoucâult  y  demeura 
uiïi  fous  le  même  prétexte  ;  mais 
n  effet ,  pour  conclure  avec  le  Duc 
e  Bouillon  qui  offrci:  de  fe  décla- 
er  pour  Mr.  le  Prince  ,  de  de  join- 
.re  à  Tes  intérêts  le  Maréchal  de 
rurenne  ,  &  le  Marquis  de  la  For- 
e,  aufli-rôt  que  Monfieur  le  Prince 
.uroit  été  reçu  dans  Bordeaux  ^ 
'<  que  le  Parlement  fc  feroit  dé- 
:laré  pour  lui ,  en  donnant  un  arrêc 
l'union.  Le  Duc  de  la  Rochefou- 
:ault  lui  promit  pour  Mr.  le  Prince 
es  conditions  fui  vantes  : 


i88     Mémoires 

De  lui  donner  la  Place  de  Stena^ 
avec  Ton  domaine  ,  pour  en  jouï 
aux  mêmes  droits  que  Monfieur  l 
Prince  ,  jufqu'à  ce  qu'il  lui  eût  fai 
rendre  Sedan ,  ou  qu'il  l'eût  mis  ei 
polTefïion  de  la  récompenfe  que  1 
Cour  lui  avoit  promife  pour  l'échan 
ge  de  cette  Place. 

De  lui  céder  fes  prétentions  fu 
le  Duché  d'Albrct. 

De  le  faire  recevoir  dans  Belle 
garde  avec  le  commandement  de  I, 
Place  y  ôc  de  ne  point  faire  de  traité 
fans  y  comprendre  l'article  du  ran| 
de  fa  Maifon, 

De  lui  fournir  une  fomme  d'ar 
gent  dont  ils  conviendroient  poui 
lever  des  troupes  &  pour  faire  k 
guerre. 

Le  Duc  de  la  Rochefoucaulr  lu; 
propofoit  encore  d'envoyer  Mr.  de 
Turenne  à  Stenay  ,  à  Clermonc  ,. 
ôc  à  Damvilliers  ,  pour  y  comman- 
der, les  vieilles  troupes  de  Mr.  le 


DE     M.  D.  L.  R.     18^ 

ince  qui  s'y  dévoient  retirer ,  lef- 
lelles  jointes  à  celles  que  les  Efpa- 
lols  y  dévoient  envoyer  de  Flan- 
e  5  feroient  occuper  le  même  pofte 
Mr.  de  Turenne,  que  Madame  de 
>ngue ville  &  'ui  y  avoient  tenu 
rant  la  prifon  des  Princes.  Il  eut 
arge  de  Mr.  le  Prince  de  lui  dire 
fuite  ,  que  Ton  delTein  étoit  de 
(Ter  Monileur  le  Prince  de  Conti  , 
adamc  de  Longueville ,  &  Mr.  de 
^m.ours  à  Bourges  3c  à  Montrond 
•ur  y  faire  des  levées  ,  3c  fe  ren- 
e  maîtres  du  Berry ,  du  Bourbon- 
Ȕs,  &  d'une  partie  de  l'Auvergne, 
ndant  que  Mr.  le  Prince  iroit  à 
irdeaux ,  où  il  étoit  appelle  par  le 
.rlement ,  ôc  par  le  peuple  &  où 
'  Efpagnols  lui  fourniroient  des 
)upes ,  de  l'argent ,  3c  des  vaif- 
lux ,  fuivant  le  traité  du  Marquis 
Sillery  avec  le  Comte  de  Fuen- 
daigne  ,  pour  faciliter  la  levée 
s  troupes   qu'il  de  voit  faire  en 


1^0     Mémoires 

Guienne  :  que  le  Comte  du  Doigno- 
entroit  dans  fon  parti  avec  les  Pla 
ces  de  Brouage  ,  de  Ré  ,  d'Oleron 
ôc  de  la  Rochelle  ;  que  le  Duc  d 
Richelieu  feroit  des  levées  en  Xaii 
tonge  ôc  au  pays  d'Aunis  -,  le  Mai 
quis  de  la  Force  en  Guienne  -,  le  Du 
de  la  Rochefoucault  en  Poitou  de  e 
Angoumois  j  le  Marquis  de  Moi 
tefpan  en  Gafcogne  ;  Mr.  d'Arpj 
joux  en  Roliergue  j  ôc  que  Mr.  d 
Marfîn  ,  qui  commandoit  l'armt 
de  Catalogne,  ne  manqueroit  pas  c 
reconnoidànce.Tant  de  belles  appj 
rences  fortifièrent  le  Duc  de  Bouille 
dans  le  defTein  qu'il  avoit  de  s'er 
gager  avec  Mr.  le  Prince  ,  &  il  c 
donna  fa  parole  au  Duc  de  la  R( 
chefoucault  aux  conditions  que  j'; 
dites.  Cependant ,  Mr.  le  Prince  r 
pût  engager  iî  avant  le  Duc  de  Loi 
gueville  ,  ni  en  tirer  aucune  paro 
pofîtive  5  foit  qu'il  fut  irréfolu 
ou  qu'il  ne  voulût  pas  appuyer  u 


D  E     M.  D.  L.  R.      19Î 

uti ,  que  fa  femme  avoir  formé , 
1  enfin  qu'il  crût  qu'étant  engagé 
'CC  Monlieur  le  Prince  ,  il  feroic 
itraîné  plus  loin  qu'il  n'avoit  ac- 
tûtumé  d'aller. 

Mr.  le  Prince  arrivant  à  Chan- 
ly  5  apprit  qu'on  prenoit  des  mè- 
res contre  lui ,  de  que  malgré  les 
(lances  de  Mr.  le  Duc  d'Orléans , 
Reine  n'avoit  pas  voulu  retarder 
:  vingt-quatre  heures  la  nomina- 
)n  des  trois  Miniftres.  Voyant 
me  la  nécefîîté  de  fe  retirer  en 
:u  de  sûreté ,  il  en  donna  avis  à 
r.  le  Duc  d'Orléans  ,  &  manda  à 
r.  le  Prince  de  Conti  ,  Se  aux 
ucs  de  Nemours  &  de  la  Roche- 
ucault  3  de  fe  rendre  le  lendemain 
ElTone ,  pour  prendre  enfemble  le 
.emin  de  Moncrond.  Ce  départ 
le  tout  le  monde  prévoyoir  de- 
lis  fi  long-temps  que  Monfieur  le 
ince  jugeoit  néceffaire  à  fa  sûre- 
,  ôc  que  la  Reine  avoit  toujours 


r^i     Mémoires 

fbahaité  comme  un  acheminemeiv 
au  retour  du  Cardinal  ,  ne  lailL 
pas  d'éconner  les  uns  ôc  les  autres' 
chacun  fe  repentit  d'avoir  mis  le 
chofes  au  point  où  elles  étoicnt 
ôc  la  guerre  civile  leur  parut  alor 
avec  tout  ce  que  Tes  événemens  on 
d'horrible  &c  d'incertain.  Il  fat  me 
me  au  pouvoir  de  Monfieur  le  Dui 
d'Orléans  de  fe  fervir  utilement  dt 
cette  conjon(5ture ,  &  Mr.  le  Prino 
demeura  un  jour  entier  à  Anger 
ville  chez  le  Préfident  Perrault 
pour  y  attendre  ce  que  ce  Duc  lu 
vouloit  propofér.  Mais  comme  k 
moindres  circonftances  ont  d'ordi 
naire  trop  de  part  aux  plus  grande 
affaires ,  il  arriva  en  celle-ci  ,  qu< 
Mr.  le  Duc  d'Orléans  ayant  difpoC 
la  Reine  à  donner  quelque  fatisfao 
tion  à  Mr.  le  Prince  ,  fur  le  fujé 
des  trois  Miniftres  ,  il  ne  voulu 
pas  prendre  la  peine  de  lui  écrire  ai 
,îà  main  à  l'heure  même ,  de  différi 

d'iiï 


D  E    M.  D.  L.  R.     195 

'un  jour  de  lui  en  donner  avis, 
•e  force  que  CroilTi,  qui  lui  dévoie 
Drter  cette  dépêche  à  Angerville  , 
i  il  écoit  en  état  d'entendre  à  un 
xommodement,  le  trouva  arrivé  à 
3urges5  où  les  applaudilïèmens  des 
îuples  &  de  la  NoblelTe  avoienc 
fort  augmenté  Tes  efpérances  , 
l'il  crût  que  tout  le  Royaume  al- 
it  imiter  cet  exemple ,  ôc  fe  dé- 
arer  pour  lui. 

Le  voyage  de  CroilTi  ayant  donc 
é  inutile  ,  Mr.  le  Prince  continua 
(îen  ,  ôc  arriva  à  Montrond  ,  où 
adame  la  Princelïè  &  Madame 
:  Longueville  Pattendoient.  Il  y 
;meura  un  jour  pour  voir  la  Place, 
dl  trouva  la  plus  belle ,  &  au 
silleur  état  du  monde.  Ce  jour- 
même  5  il  dreiTa  une  ample  inf- 
idion  pour  traiter  avec  le  Roi 
Bfpagne ,  où  furent  compris  Çqs 
js  conlidérables  amis.  Monfieur 
liné  fut  clioifi  pour  cette  négocia- 
Tomc  II,  l 


ic)4     Mémoires 

lion.  Enfuitc  ,  Mr.  le  Prince  donni 
çle  l'argent  à  Monlieur  fon  frère  ,  ^ 
à  Monfieur  de  Nemours ,  pour  fai^ 
des  levées  dans  les  Provinces  voiiî 
nés ,  laillanc  avec  eux  Vineuil  In 
tendant  de  Juftice  pour  commence 
à  lever  la  taille  fur  le  Berri  &  fur  l 
Bourbonnois.  Il  recommanda  fo^ 
de  ménager  la  ville  de  Bourges,  4 
de  la  maintenir  dans  la  dirpolitio 
où  il  Tavoit  laifTée.  Le  lendemain 
îl  partit  de  Montrond  avec  le  Du 
de  la  Rochefoucault ,  chez  qui 
pallà  ,  ôc  trouva  beaucoup  de  N^ç 
blellè  qui  le  fuivit.  Il  fe  rendit  av^ç 
afièz  de  diligence  à  Bordeaux  3  9 
Madame  la  PrincelTe  ôc  Mr.  le  Du 
d'Anguien  arrivèrent  bien-tôt  aprè 
Il  y  fut  reçu  de  tous  les  Corps  de  I 
.ville  avec  beaucoup  de  joye  ,  ôc 
eft  difficile  de  dire ,  fi  ces  peupj« 
bouillans,  de  accoutumés  à  lare 
volte  5  furent  plus  touchés  de  l'écl& 
de  fa  iiaiffance  ôc  de  fa  réputation 


DE     M.  D.  L.  R.     19; 

ue  de  ce  qu'ils  le  confîderoienc 
)mme  le  plus  puilTant  ennemi  du 
uc  d'Efpernon.  Il  trouva  le  Parle- 
enc  dans  la  même  dirpoficion  , 

qui  donna  en  fa  faveur  tous  les 
rrêts  qu'il  pût  defîrer. 

Les  chofes  étant  li  heureufemcnc 
mmencées ,  il  crût  n'avoir  rien  de 
us  important  à  faire  que  de  pren- 
t  tous  les  revenus  du  Roi  à  Bor- 
anx  Se  de  fe  fervir  de  cet  argent , 
lur  faire  promptement  Tes  levées  , 
7eant  bien  que  la  Cour  marche- 
it  à  lui  en  diligence  avec  ce 
.'elle  auroit  de  troupes ,  pour  ne 
■  donner  pas  le  temps  de  mettre 

fiennes  fur  pied.  Dans  cette  vue , 
ieftribua  fon  argent  à  tous  ceux 
i  étoient  engagés  avec  lui ,  ôc  les 
îfïà  tellement  d'avancer  leurs  le- 
°s  5  que  cette  précipitation  leur 
vit  de  prétexte  5  pour  en  faire  de 
ifàvaifese 

I  1 


je,  6     Mémoires 

Peu  de  jours  après  Ton  arrivée, 
le  Comte  (lu  Doignon  le  vint  trou- 
ver, ôc  fe  déclara  ouvertement  poui 
fon  parti  j  le  Duc  de  Richelieu 
&  le  Marquis  de  la  Force  firent  h 
même  chofe ,  &c  le  Prince  de  Ta> 
rente  qui    s'étoit  rendu  à  Taille 
bourg  5  lui  manda  qu'il  entroit  au{] 
dans  fes  intérêts.  Monfieur  d'Arpa 
joux  fut  plus  difficile ,  Se  il  eut  en 
core  en  cette  occafion  la  même  cor 
duite  ,  dont  il  avoii  déjà  reçu  de 
récompenfes  durant  la  prifon  di 
Princes  ;  car  il  demanda  des  cond 
tions  qu'on  ne  lui  pût  accorder 
Se  traita  avec  la  Cour,  quand  il  v 
tomber  les  affaires  de  Monfieur 
Prince. 

Cependant ,  le  Duc  de  la  Rc 
chcFoucauk  donne  avis  au  Duc  d 
Bouillon  de  ce  qui  s'étoit  paf 
au  Parlement  de  Bordeaux  ,  &c  l\ 
mande  que  les  conditions  qu'il  avo 
delirécs  étant  accomplies ,  on  attein 


DE     M.  D.  L.  R.      197 

oit  l'exécution  de  fes  promeflès. 

c  Duc  évita  alïèz  long-  temps  de 

fpondre  nettement ,  voulanr  tout  à 

fois  fe  ménager  avec  îa  Cour, 

ai  lui  faifoit  de  grandes  avances , 

;  ne  point  rompre  avec  Monfieur 

Prince  ,   dont   il  pouvoit  avoir 

îfoin.  Il  voyoit  aufîi  que  Mr.  de 

urcnne  qu'il  avoit  cru  infépira- 

e  de  fes  intérêts  ,  lui  refufoit  de 

joindre  à  ceux  de  Mr.  le  Prince: 

je  le  Prince  de  Tarentc  y  étoit  en- 

é  fans  lui  ;  &  que  le  Marquis  de 

Force  demeuroit  uni  avec  Mr.  de 

urenne.    Il   jageoit   encore ,  que 

étant  pas   fuivi  de  fon  frère  ,  ni 

•s  autres  que  j'ai  nommés  dont  il 

'oii  répondu  au  Duc  de  la  Roche- 

ucault  5  fa  confidération  &  fa  sû- 

té  feroient  moindres  dans  le  parti 

l'il  alloit  prendre  j  &:  que  Mr.  le 

ince  ne  témoigneroit  pas  plus  de 

connoifTance  pour  les  cbcfes  que 

r,  de  Turenne  de  lui  pourroient 

1 5 


î^S     Mémoires 

faire  à  l'avenir  ,  que  pour  ce  qui! 
sivoient  fait  par  le  parfé.  Il  voyoi 
de  plus  qu'il  faudroit  refaire  ui 
nouveau  traité  avec  Mr.  le  Princô 
moins  avantageux  que  celui  dor 
lis  étoient  déjà  convenus.  Enfin 
toutes  ces  raifons  jointes  aux  pro 
meflès  de  la  Cour ,  &c  appuyée 
-^e  toute  Pinduftric  de  Madame  4 
Bouillon  5  qui  avoir  beaucoup  d 
pouvoir  fur  Ton  mari ,  l'empêche 
rent  de  fuivre  fon  premier  defîein 
^  de  Ce  déclarer  pour  Monfieur  1 
Prince  ;  mais  pour  fortir  de  cet  ent: 
barras ,  il  voulut  fe  rendre  vnéàtà 
teur  de  Ton  accommodement  ave 
la  Cour.  Et  après  avoir  eu  des  con 
fcrences  particulières  avec  la  Rein 
fur  ce  fujet ,  il  renvoya  Gourville 
qui  lui  avoit  été  dépêché  par  1 
Duc  de  la  Rochefoucauît ,  offir'^ 
Mr.  le  Prince  tout  ce  qu'il  avoit  de 
mandé  pour  lui ,  &  pour  Tes  amis 
^vec  la  difpofuion  du  Gouverna 


D  E     M.  D.  L*  R,     i5>9 

eut  de  Blaye  ,  fans  exiger  de  lui 
ancres  conditions  que  celles  que 
Tvien  êc  de  Lionne  lui  avoient 
in^andées  dans  le  premier  projet 
-  traité  qui  fe  fit  à  Paris  à  la  for* 
;  de  fa  prifon. 

D'ailleurs  Monfieur  de  Châceau- 
iuf  faifoit  faire  d'autres  propoli- 
3n5  d'accommodement  par  le  mê-p 
e  Gourville  j  mais  comme  elles 
loient  à  empêcher  le  retour  du 
ardmal,  il  ne  pouvoic  pas  balan- 
•r  par  fes  ofcs  celles  que  la  Reine 
i  avoit  fait  faire  par  le  Duc  de 
Duillon.  Il  s'engageoit  feulement 
demeurer  infcparablemenc  uni  à 
lonfieur  le  Prince  après  la  chute 
u  Cardinal ,  de  à  lui  donner  dans 
s  affaires  toute  la  parc  qu'il  pou- 
oit  defu-er.  On  lui  offroit  encore 
q;.la  part  de  la  Cour  ,  de  confentir 
«ne  entrevue  de  lui  de  de  Mr.  le 
)uc  d'Orléans  à  Richelieu  ,  pour  y 
xaminer  enfemble  les  conditions 
I  4 


loo  Mémoires 
d'une  paix  fincere  ,  dans  laquelle  il 
fembloit  que  la  Cour  vouloic  agh 
de  bonne  foi.  Mais  pour  le  mal- 
heur de  la  France  ,  &c  pour  celui  de 
Mr.  le  Prince  5  il  ferma  l'oreille  j 
tant  de  partis  avantageux  ,  irrité  d{ 
ce  que  les  offres  de  la  Reine  fe  fai- 
foient  par  l'entremife  du  Duc  d( 
Bouillon.  Car  il  s'étoit  attendu  qUi 
ce  Duc  &  Ton  frère  feroient  d*ui 
grand  poids  dans  fon  parti,  d'autan 
que  perfonne  ne  pouvoit  loûreni 
comme  eux  les  poftes  de  Bellegard' 
Se  de  Stenay;  &  d'ailleurs  les  vieille 
troupes  qu'il  y  avoit  laifîees  ,  pou 
être  commandées  par  Monfieur  d« 
Turenne  ,  devenoient  par-là  inutî 
les  5  &  couroient  fortune  de  fe  difïî 
per  y  ou  d'être  défaites.  Il  confidé 
roit  encore  que  les  mefures  qu*i 
avoit  prifes  avec  les  Efpagnols  ,  di 
côté  de  Tes  Places  de  Champagne 
n'auroient  aucun  effet ,  &  que  fe 
U'oupes  a    ôc  les  Efpagnols  mêm< 


D  E     M.  D.  L.  R.     201 

'auroient    aucun   autre   Chef  qui 

i  ût  remplir  ce  pofte  avec  la  même 

jftime  qu''on    avoir    pour    Mr.  de 

l'urenne.  Toutes   ces  raifons  tou- 

,  hoienr  fenliblement  Mr.  le  Prince, 

:  bien  qu'il  elTayâc  de  cacher  fon 

.'(Tentiment ,  il  ne  lailTa  pas  de  ré- 

ondre  alTez  féchement  au  Duc  de 

ouillon  3  qu'il  n'étoit  pas  honnête 

'écouter  des  proportions  qu'on  ne 

ouloit  pas  effe6luer  ;   qu'il  ie  dé- 

larât  comme  il  avoit  promis  ;  que 

Ir.  de  Turenne  le  rendît  à  la  têre 

e  Tes  troupes  ,  qui  avoient  marché 

Stenay ,  &c  qu'alors  il  feroit  en 
cat  d'entendre  les  offres  de  la  Cour, 
c  de  faire  un  traité  glorieux.  Gour- 
ille  fut  chargé  de  cette  réponfe, 
c  de  dire  à  Mr.  le  Duc  d'Orléans 
;s  raifons  qui  lui  faifoient  refufer 
entrevue  de  Richelieu.  Les  prin- 
ipales  éioient  que  le  but  de  cette 
onférence  n'étoit  pas  de  faire  la 
aix  mais  feulement  de  l'empêcher 


2  02.  Mémoires 
de  pouvoir  faire  la  guerre  :  que  datul 
le  temps  ou  tous  les  Corps  de  l'Etal 
ëtoient  fur  le  point  de  fe  déclarei 
contre  la  Cour  ,  de  que  les  Efpaf 
gnols  préparoient  des  fecours  conft 
dérables  d'hommes  ,  d'argent  &  dj 
vaif[èaux  ,  on  le  vouloir  engager  i 
une  négociation  publique,  dont  il 
leul  bruit  empêcheroit  fes  levées! 
&  lui  débaucheroit  tous  ceux  qa 
étoient  prêts  de  fe  joindre  à  foj 
parti.  Outre  ces  raifons  générales 
il  y  en  avoit  encore  de  particulic 
res  qui  ne  lui  permettoient  pas  d< 
confier  fes  intérêts  à  Mr.  le  Dm 
d^Orléans  ,  dont  la  liaifon  étroife 
avec  le  Coadjuteur  de  Paris  ,  foj 
ennemi  déclaré ,  lui  étoit  fufpedte.; 
ainfi  que  celle  de  ce  Prélat  avec  U 
Cour  5  qui  venoit  de  lui  promettra 
le  Chapeau  de  Cardinal,  Incident  { 
qui  lui  fit  prendre  une  étrange  réfo* 
lution»  Car  voyant  que  le  Coadju- 
teur ,  &:  par  intérêt  ôc  par  vanicé.^ 


I  D  E     M.  D.  L.  R.     205 

Te6toit  de  le  traveiTer  fans  ceiîè  ^ 

forma  le  deiTein  de  le  faire  enle- 
er  dans  Paris.  Quelqu'impofTible. 
ue  parût  cette  cntreprife ,  Gour- 
ille  s'en  chargea ,  après  en  avoir 
;çu  un  ordre  ligné  de  Monfieur  le 
rince  ;  de  fans  doute  le  Coadju- 
:ur  eut  été  pris  un  foir  qu'il  alla  à 
Hôtel  de  Chevreufe  ,  s'il  en  fut 
Mrti  dans  fon  carrofîè  ;  mais  Payant 
rtivoyé  avec  Tes  gens ,  il  n'y  eut 
âs  moyen  de  fçavoir  certainement 
^lui  qui  le  ramena.  De  forte  que 
affaire  fut  retardée  de  quelques 
)urs  &  découverte  enfui  te  -,  car  il 
(l  très-rare  que  ceux  dont  on  eft 
bligé  de  fe  fervir  en  de  telles  ren- 
ontres  ,  aycnt  alTez  de  difcrétion  , 
our  fe  contenter  de  la  connoiflan- 
e  qu'on  leur  veut  donner ,  ou  alTez 
.0  fidélité  &  de  fecret  pour  l'éxé- 
oter  sûrement.      -  ■ 

Les  chofes  fe  difpofoient  ainfide 
DUS  côtés  à  faire  la  guerre  ;  Mr.  de 
I  6 


104  Mémoires 
Châteauneuf  qui  étoit  alors  Che 
du  Confeil ,  avoir  fait  marcher  h 
Cour  à  Bourges  ,  6c  la  préfence  dt 
Roi  avoit  d'abord  mis  cette  vill< 
dans  Ton  obéïdance  :  au  bruit  d( 
ces  heureux  commencemens ,  Mr.  h 
Prince  de  Conti ,  Madame  de  Lon- 
gueville ,  6c  Mr.  de  Nemours  fu- 
rent obligés  de  partir  de  Montronc 
avec  leurs  troupes  pour  fe  retirei 
en  Guiennc.  Ils  laillèrent  le  Che- 
valier de  Rivière  à  l^extrémité  ,  &c  k 
même  jour  il  mourut  ,  regretté  d( 
tous  ceux  qui  le  connoiiloient  j  cai 
outre  qu'il  avoit  toutes  les  qualités 
néceiTaires  à  un  Gentilhomme,  on 
verra  peu  de  perfonnes  de  fon  âge, 
qui  ayent  donné  autant  de  preu- 
ves de  conduite  ,  de  fidélité  ,  6c  de 
défintérefîèment  en  des  rencontres 
aufli  hazardeufes  ,  que  celles  où  il 
s'étoit  trouvé. 

Le  Marquis  de  Pergan  demeura! 
pour  commander  dans  la  Place,  qui 


ï)  E     M.  D.  L.  R.     205 

toit  bloquée  par  un  petit  Corps 
l'armée  logé  à  Saint  Amand  ,  donc 
^alluau  étoit  Lieutenant -Général. 
>a  Cour  s'étoit  enfuite  avancée  à 
'oiriers  ,  &  Mr.  de  Châteauneuf 
iififtoit ,  pour  la  faire  marcher  à 
^ngoulême  ,  jugeant  que  la  guerre 
/ayant  autre  prétexte  que  le  retour 
.u  Cardinal  ,  il  falloit  profiter  de 
on  abfence  ,  &  qu'il  fuftifoit  pour 
2S  intérêt  de  TEtat ,  èc  encore  plus 
►our  les  fiens  particuliers,  défaire 
lurer  Ton  éloignement.  Il  repréfen- 
oit  encore  ,  que  la  prélence  du  Roi 
toit  un  puilTant  remède  pour  rete- 
lir  les  peuples  dans  la  naiflance  des 
léfordres  (3.)  ;  qu'en  s'approchant 
le  Mr.  le  Prince  ,  qui  n'étoit  point 
LJGTuré  de  la  Guienne  ,  ni  du  Parle- 
nenr  de  Bordeaux  ,  on  difilperoit 
lirémenc  Tes  de(Tcins ,  qui  au  con- 
:raire ,  s'atfermiroient  par  l'éloigne- 

'  (a)  Sueti  .adversùm   fortuita  afpedii 
?îincipis  refoveri.  Tac.  Jînn.  15. 


xc6  Mémoires 
ment  de  la  Cour.  Mais  les  confeils 
de  Châteauneuf  écoient  trop  fuf- 
pe6ts  au  Cardinal ,  pour  être  fuivis 
à  Poitiers ,  fans  avoir  été  examinés 
à  Cologne  :  &  comme  il  fallait  at» 
tendre  fes  ordres ,  leur  retardement 
&  leur  diverfité  cauferent  des  irré- 
folutions  continuelles  ,  &c  tinrent  la 
Cour  incertaine  à  Poitiers  ,  jufqu'à 
fon  retour ,  qui  fut  bien-tôt  après»  j 
De  l'autre  part,  le  Baron  de  Batte-r 
ville  étoit  arrivé  dans  la  rivière  de 
Bordeaux  avec  la  flotte  d'Efpagne  ^ 
compofée  de  huit  vailleaux  de  guerw 
re  ,  &  de  quelques  brûlots.  Il  for^^ 
tifioit  Talmont,  où  il  y  avoir  utt 
Corps  d^infanterie  de  quinze  cent 
hommes.  La  ville  de  Xaintes  s'éroic 
rendue  fans  réfillance  ;  Taillebourg 
qui  a  fon  port  fur  la  Charante  > 
étoit  aflez  bien  fortifié,  ôc  Mr.  le 
Prince  étoit  maître  de  la  rivière  ]i\(^' 
qu'à  Angoulême,  excepté  Coiguac; 
Le  Com.te  de  Jonfac  ,  Lieutenant 


D  E    M.  D.  L.  R.     107 

e  Roi  en  Xaintonge  ,  de  Gouver- 
eur  particulier  de  Coignac  ,  s'y 
:oit  retiré  ,  afin  que  cette  Place  lui 
idât  à  rendre  fa  condition  meiU 
;ure  dans  le  parti  où  il  entreroic  > 
e  içachant  auquel  il  fe  devoit  join- 
re.  Dans  cette  incertitude ,  il  entra 
n  commerce  de  lettres  avec  Mr.  le 
rince ,  de  lui  écrivit  aflez  de  cho- 
;s  ,  pour  lui  donner  lieu  de  croire 
a'il  ne  demandoit  qu'à  fauver  les 
pparences ,  &  qu'il  remetroit  bien- 
ot  fa  ville  entre  Tes  mains  ,  li  l'on 
aifoit    mine    de   l'alliéger.    Cette 
fpérance  plutôt  que  l'état  des  for- 
es de  Mr.  le  Prince  ,  qui  étoienc 
dors    très-petites ,  lui   fit  prendre 
a  réiûlution  de  marcher  à  Coignac. 
l  voyoic  de  quelle  importance  il 
ui  étoic  de  donner  réputation  à  Tes 
irmes  ;  mais  il  fçavoit  bien  auffi  5 
:fiQ  manquant  de  troupes ,  &  de 
:out   ce    qu'il  faut  pour   faire  un 
fiége ,    il  n'y    avoit  que  celui  -  là 


loS  Mémoires 
feul  3  où  il  pûc  précendre  de  rciiilîr. 
De  forre  que  fondant  routes  les  ef. 
pérances  fur  ce  Gouverneur  ,  il  fji 
parcir  le  Duc  de  la  Rochcfoucauli 
de  Bordeaux  ,  pour  aflèn^bler  ce  qu: 
fe  trouveroit  fur  pied  ,  qui  n'étoic  er 
tout  5  que  trois  régimens  d'infante- 
rie de  trois  cent  chevaux  ,  avec  or- 
dre  d'aller  invertir  Coignac  ,  où  I( 
Prince  de  Tarente  fe  devoir  rcnd« 
avec  ce  qu'il  avoir  de  troupes.  L( 
bruit  >de  leur  marche  s'étant  répan- 
du dans  le  pays  ,  on  retira  en  dili- 
gence à  Coignac  tout  ce  qui  piil 
erre  tranfporté  de  la  Campagne . 
Se  beaucoup  de  Nubleiîe  s'y  retira 
auffi  5  pour  témoigner  fon  zèle  au 
fervice  du  Roi  ,  Se  plus  apparem- 
ment encore  ,  pour  garder  eux-mê- 
mes ce  qu'ils  y  avoient  fait  porter. 
Ce  nombre  confidérable  de  Gentils- 
hommes retint  aifémcnt  les  Bour- 
geois 5  &  les  fit  réfoudre  à  fermer 
les  portes  de  la  ville ,  dans  l'efpé- 


D  E  M.  D.  L.  R.  205) 
ice  d'être  bien-tôt  fecourus  par 
Comte  d'Harcourt ,  Général  des 
)upes  du  Roi ,  qui  s'avançoic  vers 
X.  Mais  comme  ils  avoient  peu 
confiance  au  Comte  de  Jonfac  , 
qu'ils  le  foupçonnoient  prefque 
alement  d'être  foible  ,  ôc  d'être 
gné  par  Mr.  le  Prince ,  ils  l'obfer* 
rent  de  fi  près ,  qu'on  peuc  dire 
ftl Te  réfolut  enfin  de  défendre  la 
ace  5  parce  qu'on  lui  ôta  le  pou- 
>ir  de  la  rendre. 

De  fut  en  cela  feul  que  la  Noblefïè 
moigna  quelque  vigueur  ;  car 
arant  huit  jours  ,  que  les  gens  de 
ir.  le  Prince  demeurèrent  devant 
oignac  ,  fans  arm.es ,  fans  muni- 
ons  5  fans  Oîïiciers  ,  &:  fans  dif- 
pline,  de  outre  cela,  fatigués  par 
es  pluycs  continuelles  ,  qui  em- 
Drterent  le  pont  de  bateaux  qu'on 
voit  fait  fur  la  Charante  ,  pour  la 
ommAinication  des  quartiers  ;  ja- 
mais ceux  de  dedans  ne  fe  prévalu- 


110     Mémoires 

rent  de  ces  défordres ,  fc  tenan 
renfermés  avec  les  Bourgeois ,  6 
fe  contentant  de  faire  tirer  par  der 
licre  les  murailles.  Mr.  le  Princ 
étant  néanmoins  averti  ,  que  .1; 
Ville  étoit  fur  le  point  de  fe  rendre 
partit  de  Bordeaux  ,  &  fe  rendi 
au  Camp  avec  le  Duc  de  Nemour« 
Le  lendemain  de  fon  arrivée  ,  l 
Comte  d'Harcourt  averti,  quel 
pont  de  bateaux  étoit  rom.pu  ,  ô 
que  Nort  Maréchal  de  Camp,  étoi 
retranché  dans  un  Fauxbourg  d» 
l'autre  côcé  de  la  rivière  avec  cinç 
cent  hommes  ,  fans  qu'il  pût  êtïi 
fecouru  ,  marcha  à  lui  avec  dcu: 
mille  hommes  de  pied  des  Garde 
Françoifes  &c  Suiflès  ,  &  avec  le 
Gendarmes  &  les  Chevaux-Lesicr; 
du  Roi  ,  les  Gardes  ôc  de  la  No- 
blelTe.  Il  força  Nort  dans  fou  quar» 
tier  5  fans  trouver  prefque  de  réil- 
ftance  ,  ôc  fecourut  ainfi  Coignac 
à  la  vue  de  Mr.  le  Prince ,  qui  étoit 


D  E     M.  D.  L.  R.     211 

•oé  au  -  delà  de  la  rivière.  Le 
omte  d'HarcoiUT  fe  contenta 
avoir  fauve  la  Place  ,  ôc  laifla 
tirer  Monfieur  le  Prince ,  fans  le 
ivre. 

Bien  que  ce  fuccès  fût  peu  coniî- 
;rable  de  foi-même  ,  il  augmenta 
fanmoins  les  efpérances  du  Com- 
d'Harcourt ,  de  donna  de  la  re- 
ptation à  fes  armes.  Il  fe  crût 
ime  en  état  de  faire  des  progrès, 
:  fçachant  que  ie  Marquis  d'hilif- 
ic  avoit  remis  la  Rochelle  en  Po- 
éïlîanceduRoi  5  excepté  les  tours 
ui  ferment  le  port ,  il  fit  defleiii 
'y  aller  avec  fes  troupes ,  s'alTurant 
ar  la  bonne  volonté  des  habitans  , 
€  fur  la  haine  qu'ils  portcient  au 
]omte  du  Doignon  leur  Gouver- 
leur.  Il  avoit  fait  fortifier  les  tours , 
>t'  y  tenoit  une  Garnifon  Suiflè  , 
e  défiant  prefque  de  tout  le  monde> 
k  croyant  trouver  parmi  cette  na- 
ion  plus  de  fidélité  ,  que  dans  la 


m     Mémoires 
fîenne  propre.  Mais  la  fuite  lui  fi 
bien-toc   voir ,    que   fes    mcfare 
étoient  faufifes  ;  car  la  peur  &c  Vin 
terêt  5  qui  rendent  ces    fortes  d 
gens  aufïi  infidèles  que  les  autres 
fournirent  aux  Suifles  des  prétexte 
de   faire  encore   plus  que  ce  qui 
àvoit  appréhendé  des  François.  1 
eft  certain ,  que  cette   défiance  di 
Comte  du  Doiçnon  fut  la  ruïne  d^ 
parti  de  Mr.  le  Prince,  qui  fan 
cela    auroit    marché   d'abord  à  1 
Rochelle  avec  toutes  fes  troupes 
pour  rétablir   fes  anciennes  fortifi 
cations ,  &  pour  y  faire  le  /iége  d 
la  guerre  ,  avec  toute   la  commo 
dite  5    qu'une    fituation  ,    commt 
celle-là  lui  pouvoir  apporter  :  ai 
lieu  que  pour  ménager  l'efprit  ja- 
loux &c   incertain   de  cet  homme 
il  fut  contraint  de  demeurer  inutile 
à   Tonay  -  Charante  ,   de    de  voir 
perdre  la  Rochelle,  fans  ofer  même 
propofer  de  la  fecourir.  Il  eft  vrai 


D  E     M.  D.  L.  R.     Z15 

{Tî  5  que  le  peu  de  i-éfiftance  de 
Gainifon  des  tours  ne  lui  donna 
s  grand  k>iiir  d'en  former  le 
{{hm  ;  car  le  Comte  d'Harcourt 
mt  arrivé  avec  Tes  troupes  à  la 
Dchelle  ,  aiTiilé  du  Marquis  d'Ef- 
lac  ,  pourvu  nouvellement  des 
Duvernemens  du  Comte  du  Doi- 
lon,  il  trouva  les  habitans  difpofés 
lui  donner  toute  l'afTiftance  qu'il 
.  pouvoit  attendre.  Cependant 
;  tours  étoient  en  état  de  l'arrêter 
lelque  temps ,  fi  les  Suiflès  euflent 
é  auffi  braves  èc  auiïi  fidèles  , 
le  ce  Comte  l'avoitcru.  Mais  au 
:u  de  répondre  à  ce  qu'il  en 
tendoit ,  ils  crûrent  fe  devoir  ra- 
leter  par  une  trahifon  j  &  après  une 
fîftance  de  trois  jours  ,  le  Comte 
Harcourt  leur  ayant  mandé  qu'il 
;  leur  feroit  point  de  quartier , 
.Is  ne  poignardoicnt  Balle  ,  leur 
ommandant  ,  ils  n'eurent  point 
horreur  d'un  tel  ordre ,  &c  com- 


ii4     Mémoires 

mencerent  à  l'exécuter  :  mais  Baffe 
croyant  trouver  plus  de  compaiTio 
auprès  du  Comte  d'Harcourt 
que  parmi  fes  propres  Soldats  ,'^ï 
jetta  tout  blefTé  qu'il  étoit  du  hai 
des  tours  dans  le  Port ,  où  ce  Ge 
néral  le  fit  achever  en  fa  préfence 
fans  fe  laifler  fléchir  par  les  prière 
des  Officiers ,  qui  domandoiei 
fa  grâce ,  ni  par  un  fpedtacle 
pitoyable.  La  perte  de  cette  Plac 
nuifit  à  la  réputation  des  armes  d 
Mr.  le  Prince  j  car  on  attribua  a 
peu  de  confiance  qu'il  avoir  en  fi 
troupes  ce  qui  n'étoit  qu'un  égar 
qu'il  avoit  fallu  avoir  aux  ombrage 
du  Comte  du  Doi^non.  Il  fut  vi 
vement  touché  de  cette  nouvelle 
ôc  s'imaginant,  que  toutes  les  autre 
Places  fuivroient  cet  exemple  , 
fe  retira  à  Brouage,  d'où  il  ne  fot 
tit  plus  jufqu'à  ce  qu'il  eût  fait  (b] 
traité  avec  la  Cour  ,  dont  appa 
rcmmment  il  a  eu  fujet  de  fe  re 
pentir, 


D  E    M.  D.  L.  R.     215 

Le  Comte  d'Harcourt  encouragé 
r  ces  bons  fuccès ,  ôc  fortifié  par 
s  troupes  ,  qui  avoient  joint  fou 
"née  j  fe  réfoluc  de  Marcher  à 
r.  le  Prince  ,  qui  étoit  à  Tonay- 
larante.  Mais  lui  jugeant  bien, 
r  le  nombre  ,  &c  par  le  peu  de 
"cipline  de  Tes  troupes ,  qu'il 
)ic  de  beaucoup  inférieur  à  l'Ar- 
;e  du  Roi ,  ne  crût  pas  la  devoir 
endre  dans  le  lieu  où  il  étoit , 
paiTant  de  nuit  la  rivière  fur  un 
nt  de  bateaux  ,  il  fe  retira  à  la 
rgerie ,  qui  n'eft  qu'à  demi-lieuë 

Tonay-Charante.  Les  ennemis 
contentèrent  d'avoir  défait  deux 
:adrons  le  jour  d'auparavant ,  & 

donnèrent   tout    le  temps  qui 

necelTaire  ,  pour  faire  fauter  la 
ir  de  Tonay  -  Charante  ,  Se  fe 
irer  à  la  Bergerie  fans  être  poufle. 

Comte  d'Harcourt  perdit  alors 
e  belle  occafion  de  le  combattre 
ns  fa  retraite ,  ôc  à  demi  pafTé. 


21 6     Mémoires 
Il  en  eut  encore  le  même  jour  ut 
plus  avantageufe  ,  donc  il   ne  fç 
pas  fe  prévaloir  ;  car  il  arriva  q» 
Mr.  le  Prince  fe  repofa  entiereme: 
fur  un  Maréchal  de  Camp  ,  à  q 
il   avoit  donné  ordre    de  brûle, 
ou  de  brifcr  le  pont  de  bateau: 
ôc  fur  cette    aflurance  ,  il  mie  j 
troupes    en  divers   quartiers  de 
quelques-uns  étoient  éloignés  < 
fien   d'une  lieuë  dz    demie,  fa 
craindre  qu'on  pût  aller  à  lui  , 
rivière  étant  entre  deux.  Mais  PC 
ficier,  au  lieu  de  fuivre  éxacbeme 
fon  ordre  ,  fe  contenta  de  dctacl 
les  bateaux  ,  de  de   les  lai  lier  al 
au  cours  de  Peau.  De  forte  qu'éts 
repris  par  les  gens  du  Comte  d'Hî 
court ,  ils  refirent  le  pont  dans  u 
heure ,  Ôc  à  Pinftant  même  il 
pafler  trois  cent  chevaux  èc  quelq 
infanterie  ,  pour  garder  la  tête  « 
pont.  Cette  nouvelle  fut  portée 
Mr,  le  Prince  à  la  Bergerie  ,  ôc 

Cl 


D  E     M.  D.  L.  R.     ii7 

ût  d'aurant  plus  que  le  Comcc 
Harcourt  marcheroit   au   milieu 
î  Tes  quauciers  ,  pour  les   tailler 
i  pièces   l'un  après  l'autre  ,  qu'il 
geoit  que   c'étoic  le   parti   qu'il 
oie  à  prendre.  Cela  l'obligea  de 
ander  à  fes    troupes  de   quittée 
ars  quartiers ,  ôc  de    revenir    çn 
ligence  à   la  Bergerie  ,   &  de  ce 
s  il  marcha  vers  Tonay-Charante 
ec  les  Ducs   ne  Nemours  &  de 
Rochefoucault ,  fes  Gardes  ,  ôc 
qui  fe  trouva  d'Officiers  &  de 
)lontaires  auprès  de   lui  ,   pour 
ir  le   deflèin   des   ennemis  ,    & 
:her  de  les  amufer  jufqu'à  ce  que 
ax  de  fes  gens  ,  qui  étoient  plus 
)ignés  5  le  fuflent  venu  joindre. 
:rouva  vrai  l'avis  qu'on  lui  avoic 
nnè.  Se  que  les  trois  cent  chevaux 
)ient  en  bataille  dans  la  prairie 
i  borde  la  rivière  :  mais  il    vit . 
:n  que  les  ennemis  n'avoient  pas 
le  deflein  qu'il  avoit  appréhend^^ 
Tome  //.  K 


zi8     Mémoires 
ou  qu'ils  avoient  perdu  le   teniD 
de  Péxécucei" ,  puîfque  n'étant   pa 
palfés  lorfqu'ils   le  pouvoient  fan 
en  être  empêchés ,  il  n'y  avoit  pa 
d'apparence   qu'ils  le  fiflent  en  1 
préience.  L'on  eicarmoucha  que 
que  temps  fans  perte  confidérabl 
de  part  &c  d'autre  ,   &c  l'infanter: 
étant  arrivée ,  il  fit  faire  un  Ion 
retranchement    vis-à-vis    du    poi 
de  bateaux ,  laiflant  la  prairie  ôc 
rivière  entre  le  Comte  d'Harcou 
ôc  lui.  Les  deux  armées  demeuri 
rent  plus  de  trois  femaines   dai 
les    mêmes    logemens  ,    fans   rie 
entreprendre  ;  6c  elles  fe  content' 
rent  de   vivre  l'une  &  l'autre  dai 
un  pays  fertile  &  où  toutes  chof 
étoient  en  abondance. 

Cependant  ,  les  longueurs 
Duc  de  Bouillon,  ôc  toute  fa  coj 
duite  5  firent  bien  juger  à  Monfiôi 
le  Prince  ,  qu'il  n'avoir  plus  ricni 
mgnager  avec  lui  ,  ni  avec  Mr.  ( 


D  E     M.  D.  L.  R.     2  1^ 

urenne  j  &  pour  cette  raifon  ,  il 
niiporta  contre  eux  avec  une 
greur  extrême,  quoique  leurs en- 
igcmens  euflent  été  diftérens.  Car 

eft  vrai  que  le  Duc  de  Bouillon 
oit  convenu  avec  le  Duc  de  la 
ochefoucaulc  ,  ôc  enfuite  avec 
[r.  Laine  ,  de  toutes  les  condi- 
DUS  que  j'ai  dites ,  &  qu'il  crut 
-n  pouvoir  dégager  pour  les  rai- 
'HS  que  j'ai  marquées.  Mr.  de 
urenne  au  contraire,  s'étant  en- 
erement  féparé  des  intérêts  de 
Lonfieur  le  Prince  ,  dès  fa  fortie  de 
ifon  5  ignoroit  même  ,  à  ce  qu'il 
dit  depuis ,  les  traités  Ôc  les  enga- 
^mens  du  Duc  de  Bouillon, 

Monfieur  le  Prince  fe  voyant 
ans  la  nécefïité  d'envoyer  promp- 
ment  un  homme  pour  foûtenir  le 
3fte  5  qu'il  avoir  deftiné  à  Mr.  de 
urenne  ,  jetta  les  yeux  fur  le  Duc 
e  Nemours,  dont  la  nailTance  &l  la 
sieur  extrême  pou  voient  en  quel*- 
K  z 


iio     Mémoires 
que  force  fupplécr  à  la  capacité, dt 
Mr.  de  Turenne.  Il  le  fit  donc  paît 
tir  en  diligence  pour  aller  en  Flaw 
àve  ;  mais  n'ayant  pu  fupportet  W 
incommodités  de  la  Mer,  il    fu» 
contraint   d'aller  par    terre  ,   avei 
beaucoup  de  temps  &  de  péril  >i 
caufe  des  troupes  qui  ramenoienti 
Cardinal-  en     France.    Il    renvoy; 
auffi  le  Duc  de  la  Rochefoucaol 
a  Bordeaux  ,  pour  dirpofcr  Mon 
lieur  le  Prince  de  Conci  à  s'en  aile 
à  Agen  affermir  les  efprits  des  peu  i 
pics  5  qui  commençoient  à  change 
dclentiment  furie  nouveau  progrè 
des  armes  du  Roi.    Il  le  charge^ 
encore  de  propofer  au  Parlemen 
de  Bordeaux  5  de  confentir  que.t 
Baron  de  Batteville  ôc  les  Efpagn<:rt 
fuflent  mis  en  poiTedion  de  la  Vitt 
^  du  Château  de  Bourg ,   qu'il 
offroient  de  fortifieri^^P  <.  ^^'     [^ 
Sur  ces    entrefaites  j^ôîitrailte 
vint  trouver  Monfieur  le  Prince  il 


D    E       M.    D.    L.    R.        22  1 

i  part  de  Mr.  le  Duc  d'Orléans  j 
our  voir  l*état  de  Tes  affaires ,  ôç 
our  l'informer -que  le  Parlement 
e  Paris  étoit  prêt  de  fe  joindre  à 
.  A.  R.  pour  empêcher  le  retour 
Il  Cardinal  Mazarin  ,  &  que  dans 
;tte  affaire,  Sadite  AlcefTe  vouloic 
^ir  de  concert  avec  lui.  Fontrail- 
s  lui  propofa  aulli  une  réconcilia- 
ia»i  avec  le  Coadjuteur  ,  difant , 
je  Mr.  le  Duc  d'Orléans  la  deii- 
)it  ardemment.  îvloniieur  le  Prin- 
:  ne  répondit  rien  de  poiltif  fur  cet 
•ticle  5  foir  qu'il  ne  pût  pas  pren- 
re  de  mefures  certaines  avec  le 
Çfâdjuteur  ;  foit  qu'il  crût  que  cel- 
s  qu'il  prendroit ,  ne  feroient  pas 
)prouvées  de  Madame  de  Lon- 
4eville  ôc  du  Duc  de  la  Roche- 
ùcault  3  à  qui  il  avoit  promis  de 
2  fe  point  r-econcilier  avec  le  Co- 
ijuteur  ,  que  de  leur  confentc- 
ent.  Il  dit  néanmoins  à  Fontrail- 
S,  qu'il  feroit  ce  que  Mr.  d'Or- 
K  3 


zii     Mémoires 
léans  fouhaitoit  quand  les  cho(c 
fer  oient  plus  avancées  y  Ôc  loiTqu 
cette    réconciliation   pourroit  êcr 
utile  au  bien  commun  du  parti. 

Dans  ce  même  temps ,  le  Comi 
de  Marfin  joignit  Monfieur  le  Prir 
ce  à  la  Bergerie,  ôc  lui  amena  mil 
hommes  de  pied  ôc  trois  cei 
chevaux  des  meilleures  troupes  i 
l'armée  de  Catalogne  qu'il  con 
mandoit.  Pluiieurs  ont  blâmé  ce 
te  action  comme  une  trahi  for 
pour  moi ,  fans  la  condamner  nii 
défendre,  je  dirai  feulement  qi 
Marfm  s'écant  attaché  depuis  loni 
temps  à  Monfieur  le  Prince  il  ave 
reçu  de  lui  le  Gouvernement  c 
Bellegarde  qui  étoit  une  de  { 
Places,  ôc  qu'enfuite  il  Pavoit  ne 
feulement  maintenu  dcins  le  fervic 
mais  même  il  avoit  obtenu  par  fc 
crédit  laVice- Royauté  de  Catalodtl 
Ôc  le  Gouvernement  de  Tortofc 
où  il  fer  voit  le  Roi  avec  bcaucoi 


D  E     M.  D.  L.  R.     115 

e.  fîdelicé  ôc  de  bonheur.  Cepen- 
ant  îvionlîeur  le  Prince  fut  ai-rê- 
priionnier  fans  que  Maulîn,  qui 
it  aufïi  arrêté  ,  fûc  chargé  d'autre 
:jmç.  5  que  d'être  fa  créature.  Ou 
onna  même  fon  Goiivernement  de 
'prcofe  à  Launay  -  Gringeliniere  , 
ai  le  lalifa  prendre  peu  après.  La 
rifon  de  Marfin  dura  autant  qufî 
:lle  de  Monfieur  le  Prince  >  ôc 
3rès  en  être  forti  3  il  demeura  quel- 
ue  temps  fans  charge  Se  fans  em- 
loi  :  mais  les  affaires  de  Catalogne 
épériflànc ,  ôc  la  Cour  ne  fçachanc 
Il  trouver  un  homme  capable  de 
:s  foûtenir,  Marlin  fut  propofé  une 
xondc  fois  par  Ivloniieur  le  Priu- 
2 ,  6<:  le  Duc  de  la  Rochefoucaulc 
iX  fit  l'ouverture  de  fa  part  à  Mr. 
i,  Tellier,  fans  que  Mariin  fit  au- 
une  diligence  de  fon  côté.  Il  ne 
;i  fuc  pas  poiTible  de  retarder  fou 
oyage  de  Catalogne  ,  pour  atten- 
ire  l'événement  des  chofes  douteu- 
K  4 


114     Mémoires 

fes  qui  fe  pafloient  à  la  Cour ,  ^ 
^ui  dévoient  plus  apparemment  1 
terminer  par  un  accommodement 
que  par  une  guerre  civile.  Il  paf$i 
donc  pour  fon  nouvel  emploi 
dont  il  avoit  toute  l'obligation 
Moniieur  le  Prince,  qui  lui  avoi 
encore  donné  tout  nouvellement-J 
Gouvernement  de  Stenay ,  vai 
quant  par  la  mort  de  la  Mou(îày4 
Ainfi  l^adion  de  Marfm  peut  avo: 
deux  faces  bien  différente  :  ceu 
qui  le  regarderont  abandonnai 
une  Province  que  le  Roi  lui  avç; 
confiée  ,  le  trouveront  infidèle  :  ceu 
qui  le  confidéreront  courant  à  fc 
preifantes  &  quafi  indifpenfaW^ 
obligations  ,  le  trouveront  un  foi 

honnête-homnie  ^â).  Peu  de  gér 

..     ,H       ...  uuV.ù>:^^Av..v-  -.:..  ..,  ^-.^ 

l'a)  _M,  ae'JaKochefoucauh  parle  j, 
^tàtot  félon  l'es  intérêts  de  (on  parti ,  qk 
Jeton  la  rai/on  ^  la  politique.  ^  Çjzr  y  a 
t-it  un  deioîr  plus  indifpcnfaùls  ,  ^ue  et 
lui' de' préférer  V  intérêt  du  frime  a  Vinu 


D'  E     M.  D.   L.  R.      21 3- 

ie  bon  fens  ofeironc  dire ,  qu'il  eft 
roupable  ;  peu  de  gens  de  bon  fehs 
>reronc  le  déclarer  innocenr.  Enfin , 
:èux  qui  lui  feront  contraires ,  i6c 
:€ux   qui    lui   feront   favorables' , 
'accorderont  à  le  plaindre ,  les  uns 
l'une  faute  qu'il  a  faite  par  une  në- 
dTité  inévitable  ;    les  autres  de  ce 
[u'il  a  dégagé  fes  grands  devoirs 
^  une  faute.       ''^^  *\  ^4  ^':  ^ 
^  La  Cour  étoit  alors  î  Poiriers , 
omme  j'ai  dit ,  de  Mr.  de  Châreau- 
teuf  occupoit  en  apparence  la  pre- 
niere  place  dans  les  affaires ,  bien 

'et  d'un  parficulier  ?  A  qui  h  Ccntede 
^A^rfin  étoît4l  plus  obligé,  au  Roi  qui  lui 
voit  donné  le  Gowvernenient  de  Catalc- 
ne  y  ou  a  MonficuY  le  T  rince  ,  qui  V  ai  oit 
î^é  de  fa  recom?nandation  ?  Celui  qui 
ma  recommandé  ,  fera  donc  de  meilleure 
ondition  que  le  F  rince.  Pour  moi ,  je  fuis 
\llrfuadé  que  fous  le  Minijîcre  du  Cardinal 
e  Richelieu  ,  le  Comte  de  Aiarfn  auroit 
hj[é  pour  criminel  de  Uz.c-M.iicfté  dam 
yutei  les  formes^ 


Il  6     Mémoires 
que  le  Cardinal  en  fût  toujours  le 
maure  en  effet.   Néanmoins  ,  la  fa- 
çon d*aeir  de  ce  Vieillard ,  ferme 
&  déciiive  ,    familière  &  diredc- 
ment  oppofée  à  celle  du  Cardinal 
commençoit  à  faire  approuver  foi 
Miniftére  ,  &c  gagnoit  même  quel 
que  créance  dans  l'efprit  de  la  Rci 
ne.  Le  Cardinal  en  étoit  trop  bici 
averti  pour  lui    laifler  prendre  d< 
plus  profondes  racines ,  &  il  y  a  ap 
parence  qu'il  jugea  que  fon  retou 
étoit  un    remède  abfolument   né 
cefîaire  au  mal  qu'il  appréhendoi 
pour  fon  particulier  ,  puifque  dan 
tout  le  refte  il  s'accommodoit  mî» 
aux  intérêts  de  l'Etat  ;  &  qu'en  effe 
il  acheva  de  fournir  à  Mr.  le  DUt 
d'Orléans ,  ôc  au  Parlement  de  Pa 
ris  3  le  prétexte  de  fe  déclarer  con- 
tre la  CouT.    Le  Maréchal  d'HOj 
quincourt  eut  ordre  d'aller  recevôJ 
le  Cardinal  Mazarin  fur  la  frontiff 
re  de  Lu^iem bourg  avec  deux  milli 


D  E  M.  D.  L.  R.  217 
chevaux  ,  &c  de  l'efcorter  jufques  où 
feioic  le  Roi.  Il  traverfa  le  Royau- 
me 5  fans  avoii"  trouvé  d'empêche- 
ment, ôc  ai'iiva  à  Poitiers  aufîi  maî- 
tre de  la  Cour  qu'il  l'avoir  jamais 
été.  On  afFeda  de  donner  peu  de 
parc  à  ce  retour  à  Mr.  de  Château- 
îieuf,  fans  toutefois  rien  changer 
aux  apparences  dans  le  refte  ,  ni  lui 
donner  aucunes  marques  de  défa- 
veur. Le  Cardinal  même  lui  fit 
quelques  avances  ;  mais  lui ,  crai- 
gnant de  fe  commettre  ,  &c  jugeant 
oien  qu'il  ne  pourroit  être  ni  sûr  , 
iii  honnête  à  un  homme  de  Ton  âs'e 
&  de  fon  expérience ,  de  demeurer 
d-ans  les  affaires  fous  fon  ennemi , 
&  qu'il  feroit  fans  cède  expofé  à 
toutes  les  mxortifications  qu'il  lui 
voudroit  donner,  il  prit  prétexte  de 
fe  recirer  fur  ce  que  la  réfohitioii 
étant  prife  par  fon  avis  ,  de  faire 
marcher  le  Roi  à  Angoulême  ,  on 
chanî^ea  ce  deiîèin  fans  le  lui  corn» 
K  6 


ii8  Mémoires 
muniquer ,  &  on  prit  en  même 
îemps  celui  d'aller  faire  le  liége 
d'Angers ,  bien  qu'il  fut  de  fcnti> 
ment  contraire  :  de  force  qu'ayanl 
pris  congé  du  Roi  >  il  fe  retira  â 
Tours.  La  Cour  partit  bien  -  tôt 
après  5  pour  aller  à  Angers ,  où  k 
Duc  de  Rohan  avoit  fait  fculevcj 
le  peuple  :  de  cette  Province  s'écori 
déclarée  pour  Moniieur  le  Princei. 
dans  le  même  temps  que  Mr.  k 
Pue  d'Orléans  3c  le  Parlement  di 
Paris  fe  joignirent  à  lui  contre  lej 
intérêts  de  la  Cour. 

Il  fembloit  que  toute  la  Fi-aïKf 
ëtoit  en  fufpens ,  pour  attendre  l'é 
A/énement  de  ce  fiége  >  qui  pouvoi: 
produire  de  grandes  fuites  ,  fi  fi 
défenfe  eut  été  aflèz  vigoureufe^ 
ou  aiîez  longue  pour  arrêter  le  Roi; 
Car  outre  que  Mr.  le  Prince  eut  p4 
s^aiïurer  des  meilleures  Places  def 
Provinces  voiiînes,  il  cil  encore  cer- 
lain   que  Tcxemple  de  Mr.  le  DiK 


D  £     M.  D.  L.  R.     11  p 

L'Orléans  &  du  Parlement ,  auroic 
té  fuivi  par  les  plus  confid érables 
]orps  du  Royaume.  En  effet ,  il  la 
}our  eût  été  contrainte  de  lever  ce 
ége ,  elle  fe  fut  trouvée  en  de  gran- 
es  extrémités ,  &:  la  perfonne  du 
voi  eut  été  bien  expofée ,  fi  cela  fut 
rrivé  dans  le  temps  que  le  Duc  de 
•lemours  entra  en  France  avec  l'ar- 
.lée  de  Flandre  &  les  vieilles  trou- 
•es  de  Mr.  le  Prince  ,  fans  trouver 
le  réliftance.  Cette  armée  pâda  la 
•eine  à  Mante ,  où  le  Duc  de  Beau- 
ort  avec  les  troupes  de  Mr.  le  Duc 
/Orléans  fe  joignit  au  Duc  de  Ne- 
Qours  ^  de  tous  enfemble  marche- 
ent  avec  un  Corps  de  fept  mille 
lommes  de  pied ,  Se  trois  mille  che- 
'aux  vers  la  rivière  de  Loire  ,  où  ils 
itoient  aflurés  des  villes  de  Blois  &z 
l'Orléans.  Mais  foie  que  Angers  ne 
lit  pas  en  état  de  fe  défendre  ,  pa? 
a  divifion  des  Bourgeois  ;  foit  que 
e  Duc  de  Robaii  ne  votilur^as  ha^ 


230     Mémoires 

zarder  fa  vie  8c  fa  fortune  fur  k  fc 
chancelante  d'un  peuple  étonné  ji 
remit  la  Place  entre  les  mains  d« 
Roi  ,  fans  beaucoup  de  réfiftancc 
&  eut  permillion  de  fe  retirer  à  Pari 
auprès  de  Mr.  le  Duc  d'Orléans. 

Les  chofes  étoient  en  ces  termes 
lorfque  Mr.  le  Prince  partit  de  1 
Bergerie  ,  après  y  avoir  demcur 
plus  de  trois  femaines ,  fans  que  1 
Comte  d'Harcourt ,  qui  étoit  d 
Pautre  côté  de  la  rivière  à  Tonay 
Charante  ,  de  maître  du  pont  de  ba 
teaux  ,  eût  rien  entrepris  contre  lu 
Néanmoins  ,  comme  il  étoit  d 
beaucoup  inférieur  à  Parm.ée  d 
Roi  en  nombre  6c  en  bonté  de  troU 
pes  ^  il  voulut  éviter  les  occafion 
d'être  contraint  de  venir  à  un  com 
bat  il  inégal.  De  forte  qu'il  alla 
la  Beniette  ,  éloignée  de  trois  licuë 
des  troupes  du  Roi  ,  afin  d'avoi 
plus  de  temps  pour  prendre  foi 
parti  ,  fi  l'on  marchoit  droit  à  lui 


D  E  M.  D.  L.  R.  151 
l  y  demeura  quelque  temps  5  fans 
[u'il  fe  parsiit  rien  de  ccniidéuable  : 
nais  voyant,  que  bien  loin  de  faire 
es  prcgiès  dans  le  pays  où  il  étoir, 
[  ne  fe  ti-ouvoic  pas  feulement  en 
tat  d'y  relier  en  préfence  du  Com- 
ed-'Harcouit  ,  il  tourna  toutes  [qs 
enfées  à  conferver  la  Guienne ,  de 
fortiiicr  les  villes  qui  tenoient 
Dn  parti.  Il  réfolut  donc  d'y  mair- 
her  avec  Ton  armée  ,  de  crut  pou- 
oir  maintenir  quelque  temps  la 
Caintonge  ,  en  laiflànt  d'un  côté  le 
]omte  du  Doignon  dans  les  Places  > 
-S  Efpagnols  à  Talmonc  ,  ôc  le 
l 'rince  de  Tarente  dans  Xaintes  &C 
iTaillebourg  ,  pour  en  hâter  les  For- 
ifications.  Ayant  ainii  donné  fes 
>rdres  ,  il  fît  marcher  fon  infanterie 
<.  fes  bagages  à  Talmont,  pour  al- 
2r  par  mer  à  Bordeaux,  &  après 
'.voir  fait  la  première  journée  une 
ort  grande  traite  avec  toute  fa  ca- 
'aleiic,  il  s'arrêta  la  féconde  à  Salât 


252.  Mémoires 
Andras  à  quatre  lieues  de  Bordeaoji 
croyant  être  hors  la  portce  des  en 
nemîs.  Mais  le  Comte  d'Harcoui 
qui  l'avoic  fuivi  avec  une  diligenc 
extrême  ,  arriva  à  la  vue  de  fo 
quartier  ,  lorfqu'il  y  fongeoit  1 
moins  ,  &  l'auroit  ailbrément  forc( 
Il  les  premières  troupes  eufient  entî 
dedans  fans  marchander  ;  au  lié 
qu'elles  fe  mirent  en  bataille  vis-â 
vis  de  Saint  Andras ,  pendant  qn 
les  autres  attaquèrent  le  quartier  d 
Baltazar  ,  qui  les  repoulîa  avec  v: 
gueur  ,  de  vint  joindre  Mi\  le  Prin 
ce  qui  étoit  monté  à  cheval  a 
premier  bruit.  Ils  furent  quelqtî 
temps  en  préfence  ,  mais  la  niii 
étant  obfcure  ,  il  n'y  eut  point  â 
combat ,  Se  Mr.  le  Prince  le  retir 
fans  rien  perdre  ,  plus  redevable  d 
fon  falut  à  la  trop  grande  précatt 
tion  de  fes  ennem,is ,  qu'à  la  lienn 
propre.  Le  Comte  d'Harcourt  ne  J 
luivit  pas  plus  avant ,  &c  Monfieu 


i)  1  M.  D.  L.  R.  233 
î  Prince  perfiftant  dans  le  deiîèiii 
u'il  avoit  d'aller  à  Bergerac  ,  de  de 
i  faire  fortifier  ,  palîa  à  Libourne 
a)  5  dont  le  Comte  de  Maure  étoit 
gouverneur  ,  6c  v  laillà  Tes  ordres 
•our  continuer  quelques  dehors.  Le 
Maréchal  de  la  Force  arriva  au  mê- 
;ie  temps  que  lui  à  Bergerac  ,  avec 
on  fils  le  Marquis  de  Caitelnau , 
[p.i  commandoit  dans  la  Place ^&  le 
>uc  de  la  Rochefoucault,  qui  écoit 
evenu  de  la  haute  Guienne  avec 
Aï.  le  Prince  de  Conti ,  s'y  rendit 
uili. 

j.Ce  fut  en  ce  même  temps ,  que 
^mmencerent  à  paroître  à  Bor- 
leaux  les  fa(5lions  ôc  les  partialités  , 
\m  ont  ruiné  le  parti  de  Monfieur 
e  Prince  en  Guienne  ,  qui  ont  di- 
dfé  Cà  m  ai  Ton  ,  Ôc  féparé  de  Tes  in- 
erêts.fes  plus  proches,  &c  qui  Pont 

f  a  J^  îfitïetû^  'mar'ctm  par 

Idoitar'd'^^^'Wl' WAn^tèène'^  'vers  l'an 


234  Mémoires 
enfin  réduit  à  cherchei:  une  retrait 
parmi  les  Efp.igiiols  ,  à  qui  il  a  fan 
vc  plulieurs  Fois  la  Flandre.  Je  dir^ 
en  Ton  lieu ,  le  plus  fuccinctemei 
que  je  pourrai  ,  les  caufes  d'un 
grand  changement  ,  lorfquc  j'e 
rapporterai  les  effets.  Maintenai 
je  palTè  au  récit  de  ce  que  Mor 
fieur  le  Prince  fit  durant  cet  intcj 
vale.  Son  principal  foin  étoit  c 
réparer  promptement  les  Places  c 
Guienne ,  mais  il  s'attachoit  part 
culiçrement  à  mettre  Bergerac  e 
état  de  fe  défendre  ;  il  y  emplo) 
quelques  jours  avec  beaucoup  d'aj 
plicaiion  5  pendant  lefquels  il  rcçi 
nouvelles  que  fes  aftaircs  dépéri 
foient  en  Xaintongej  que  le  Conv 
du  Doignon  étoit  renfermé  dai 
fes  Places  ,  n'oflmt  en  fortir  poi 
fes  défiances  ordinaires  ^  que;. 
Prince  de  Tarcnte  de  fon  côté  avo 
reçu  quelque  défavantage  dans  u 
combat ,  qui  s'étoit  donné  aupr( 


D  £     M.  D.  L.  R.     231 
e  Pons  i  que  Xaintes,  qu'il  çroyoic 
n  état  de  foucenir  un  grand  fiége 
ai"  les  travaux  qu'on  y  avoir  faits  j 
:  par  la  Garnilon  qui  croit  compo- 
se de  Tes  meilleures  troupes ,  s'é^ 
)it  touterois  rendue  fans  faire  graii- 
e  réfiftance  ;   &  que  Tailltbourg 
toit  aiïiegé  &c  prêt  de fuivre  l'exem- 
le  de  Xamtes.  Il  fut  encore  infoimé 
ue  le  Marquis  de  St.  Lucallèmbloit 
n  Corps  pour  s'oppofer  à  celui  de 
/londcur  le  Prince  de  Conti  ,  qui 
voit  pris   Caudecode  &   quelque 
utre   Ville  de   peu  d'importance. 
3e  dernier  mal  étoit  le  feul  ,  ou  il 
•ouvoit  apporter  quelque  remède  5 
nais  comm.e  le  Marquis  étoit  encore 
.'loiî^né  de  Monfieur  de  Conti  ,  il 
:rût  ne  devoir  pas  padcr  dans  la 
laute  Guienne  ,  fans  êtue  informé 
)luS  particulièrement  de  l'état  des 
ifeires  de  Bordeaux  :  de  forte  qu'il 
nanda  à  Madame  la  PrincelTe  ôc  à 
Viadame  de  Lona;ueville  de  fe  ren* 


1^6  Memoii^es 
dre  à  Libourne,  où  il  arriva  en  mêj^< 
temps  qu'elles.  Il  y  demeura  <ii 
jour  feulement,  &  dorna  les  ordre 
qui  dépendoient  de  lui  pour  empê 
cher  le  progrès  du  mal  que  J 
divifion  commençoit  à  faire  naîq 
dans  fou  pcirti  de  dans  fa  familh 
Il  partit  enfuite  avec  le  Duc  de  1 
Rochcfoucauh  pour  aller  joindr 
le  Prince  de  Conti  ,  qui  étoit 
Scaffort  5  à  quatre  lieues  au-4e(& 
d'Agen  ;  mais  ayant  appris  par  i^: 
Courier  près  de  Libourne  ,  que  Si 
Luc  marchoit  vers  StafFort  ,  il  cru 
que  fa  prefence  y  feroit  d'un  grani 
fecours.  Il  y  alla  donc  en  diligencç 
6c  trouva  Monfieur  de  Cojiti  qu 
radèmbloit  fes  quartiers ,  dans  1 
créance  que  Saint  Luc  le  devoi 
combatre.  Comme  ce  Marquis  ctoi 
à  Miradoux  avec  les.  régimens  4- 
Champagne  de  de  Lorraine,  &  qi^- 
fa  cavalerie  étoit  logée  féparéme^i 
dans   des  villages   ôc  des  fermer. 


D  E     M.  D.  L.  R.     237 

(e  refolut  en  un  inftanc  de  mar- 
er  toute  la  nuit ,  pour  lui  enlever 
.  quartiers  de  cavalerie ,  &c  partit 
l'heure  même  avec  le  Duc  de  la 
Dchefoucalt  :  de  bien  que  le  che- 
n  fut  long  de  mauvais  ,  il  arriva 
Vant  le  jour  à  un  pont ,  où  les 
ncmis  avoient  un  Corps  de  Garde 
douze  ou  quinze  maîtres.  Il  les 
poufTer  d'abord  ,  &  ceux  qui 
{auverent ,  donnèrent  Tallarme  à 
ites  leurs  troupes  ,  ôc  les  firent 
Miter  à  cheval.  Quelques  efca- 
3ns  firent  ferme  près  de  Mira- 
ux  ;  mais  il  les  rompit  fans  peine. 
/  eut  fix  régimens  défaits ,  il  prit 
lucoup  d'équipage  &c  de  prifon- 
Ts  5  ôc  puis  il  fe  retira  à  Mira- 
ux  5  qui  eft  une  petite  ville  fîtuée 
la  hauteur  d'une  montagne  , 
nt  elle  n'occupe  que  la  moitié  , 
tjui  pour  toutes  fortifications  n'a 
'un  méchant  foffë ,  3c  une  fimple 
iraillc  où  les  maifons  font  acta- 


t^2       M    E    M    6    I    T».    E    s 

chées.  Dès  que  le  jour  fat  venu 
Saint  Luc  mit  toutes  Tes  troupes  e 
bataille  dans  Pefplanade  ,  qui  e 
devant  la  porte  de  la  ville.  Mr.  I 
Prince  attendit  au  bas  de  la  mor 
tagne  celles  que  Monfieur  de  Con 
lui  amenoit,  lefquelles  arriverai 
bien -tôt  après  :  mais  comme 
montée  eft  aflez  droite  de  fort  loj 
gue  5  Se  que  les  terres  y  font  gra{î 
en  hyver  ,  Se  coupées  par  des  fo(ï 
ôc  par  des  filions  ,  Mr.  le  Prince  \ 
bien  qu'il  ne  pouvoir  aller  en  b 
caille  aux  ennemis  ,  fans  fe  mett 
en  defordre ,  Ôc  fe  rompre  lui-mên 
avant  que  d'arriver  à  eux.  Il 
contenta  donc  fur  l'heure  de  fai 
avancer  fon  infanterie ,  6c  de  chafl 
^vec  beaucoup  de  feu  les  ennemi 
de  quelques  poftes  qu'ils  avoie 
occupés.  Il  y  eut  aufTi  deux  ou  trc 
efcadrons  qui  combattirent ,  - 
toute  la  journée  fe  pafla  en  efa 
wioucbes ,  fans  que  St.  Luc  quiti 


D  E     M.  D.  L.  R.      23^ 

hauteur  ,  ni  que  Mr.  le  Prince 
treprîc  de  l'aller  attaquer  en  un 
u  il  avantageux  ,  n'ayant  point 
Canon  ,  &  n'en  pouvant  avoir 
e  le  lendemain.  Il  donna  les 
ires  pour  en  faire  venir  deux 
xes  ',  &  cependant ,  jugeant  bien 
e  le  bruit  de  Ton  arrivée  étonne- 
t  plus  les  ennemis  ,  que  l'avan- 
ce qu'il  avoit  remporté  fur  eux  , 
donna  la  liberté  à  quelques  pri- 
miers,  pour  en  porter  la  nouvelle 
Saint  Luc  ;  ce  qui  fit  bien-toc 
^et  qu'il  avoit  defiré  :^car  les 
dats  en  prirent  l'épouvante  ,  &c  la 
.ifternation  fut  fi  grande  parmi 
Officiers ,  qu'à  peine  atrendirent- 
la  nuit  5  pour  cacher  leur  retraite, 
fe  fauver  à  Leytoure.  Monfieur 

Prince  qui  avoit  prévu  cette 
raite  ,  mit  des  Corps  de  Garde 
près  des  ennemis ,  qu'il  fut  averti 
s  le  moment  qu'ils  m>archerent  j 
lis  on  peut  dire  que  fon  extrême 


^40     Mémoires 
diligence  l'empêcha  de  les  défait 
entièrement  ;  car  fans  attendre  qu 
l'infanterie    fut    engagée    dans    1 
cheriiin  ,  où  il  lui  auroit  été  faci) 
de  la  tailler  en  pièces  ,  il  la  charge 
fur  le  bord  du  foffé  de  Miradou> 
de  en  entrant  l'épée  à  la  main  dai 
les  bataillons  de  Champagne  &  Lo 
raine  ,  il  les  renverfa  dans  le  folï? 
demandant    quartier ,    &    jettar 
kurs  armes.    Mais  comme  on  i 
pouvoit  aller  à  cheval    à  eux,  i 
curent    moyen    de    rentrer     dsn 
Miradoux  ,  bien  moins   pour  (fi 
fendre  la  Place    que  pour'  fauV 
leur  vie.  Mr.  le  Prince   de  Cor 
combattit  toujours  auprès  de  M 
le    Prince  ,  qui  fui  vit  le  Marqu 
de  Saint  Luc  Se  le  refte  des  fuyati 
jufqu'auprès  de  Leytoure>  &  revr 
invertir  Miradoux  ,  où  Marins  }A 
réchal  de  Camp  Se  Cominges  Meft 
de  Camp  ,  étoient  entrés  avec  pli 
ficuirs  OtEciers.  Morificur  le  Priirï 

I 


D  £     M.  D.  L.  R.     241 

s  fit  iommer ,  croyant  que  des 
nis  bactus  qui  écoient  fans  muni- 
3ns  de  guerre  de  fans  vivres , 
çntreprendroient  pas  de  défendre 
le  11  méciiante  Place.  En  effet , 
;  offirirent  d'abord  de  la  rendre  ^ 
ais  Monlieur  le  Prince ,  qui  ne 
)uloit  pas  laifler  fauver  une  (i 
nme  infanterie,  &c  qui  comptoic 
)ur  rien  d'être  maicre  d'un  lieu 
;  nulle  confidération  ,  s'attacha 
les  vouloir  faire  prifonniers  de 
lerre,  ou  à  les  obliger  à  ne  fervir 
:  lix  mois  :  mais  ces  conditions 
ir  parurent  (i  rudes ,  qu'ils  ai- 
crent  mieux  fe  défendre  ,  ôc  ré* 
irer  ainfî  la  honte  du  jour  préce* 
;nt ,  que  de  l'augmenter  par  une 
lie  capitulation.  Ils  trouvèrent 
ême  que  les  habitans  avoient  des 
viJes ,  Se  jugèrent  bien  que  Mr. 

Prince  n'étoit  pas  en  "  état  de 
ire  des  lignes  :  ils  crûrent  qu'on 
iurroit  aifément  leur  envoyer  de 

Tçmç  /A  L 


z^i     Mémoires 

;1^  poudre  ,  de    la    mèche  &  jc 

-plomb}  comme  eu  effet  le  Marqu 

de  Saint  Lmc  y  en  fit  entrer  la  m 

fùiv.ante  >,  &  continua  toujours^  a 

lpS^;îafr^îchir,  des  chofes  necefTaii 

-tant  que  le  (lége  dura,   quelq 

,(oi\^-i  >^U;Oi^,  pi^îc ,  de    Tempêch' 

îCepèt^dant ,,  Mr.  le  Prince  renvfl 

Mr.  de  Conti  à  Bor-deaux  ,  ôc  co 

;nuc  bien- toc  ^  qu'il  auroit  mie 

fait  de  recevoir  Miradoux  aux  ce 

ditions  qu'on   lui    avoic   offerte 

que  de  s'engager  à  un  iiége ,  ms 

quant  comme  il  £aiioit ,  de  tou 

xhofcs  -Ôc  n'étant  pas  même  affi 

d'avoir  du    C^on.    Néanmoin 

comme-  on'.eflyfouvcnt  oblige  . 

continuel:  de-  fcns  froid  ce  que  J.' 

a  comnxQi^çç  en  ;Colere  ,  il  vou 

foûtcnir- (îba  delîèi^^^jirfqu'au  hq}. 

c roy anc.c tonner  )£5j€nnemi s.  \\.t 

donc    iAgçn  V  ^eu;£,  pièces,  4^ 

de  dixi  livres  ,.^  r$'v\tre  de  douz 

avec  un.très-,petii;  n^ibre  de  b( 


D  E    M.  D.  L.  R.     245 
îts-^tle  calibre  :  mais  il  crut  qu'il 

tîî  auroic  aflfez  pour  faire  brèche, 
:  les  emporter  d'aflauc ,  avant  que 
;  Comte  d'Harcourt ,  qui  marchoit 

iai ,  pût  être  arrivé.  En  effet, 
11  prit  dès  maifons  affez  près  de 
'porte ,  ou  l'on  mit  les  deux  pièces 
1  batterie ':  elles  firent  d'abord 
^aucoup  d'effet  dans  la  muraille  , 
rais  aufli  les  boulets  manquèrent 
icn-rôt  ;  de  forte  qu'on  étoit  con- 
aînt  de  donner  de  l'argent  à  des 
»ldats  pour  aller  chercher  dans  le 
){lë  les  boulets  qu'on  avoir  tirés, 
es  ennemis  fe  défendirent  a(fez 
iferi  pour  le  peu  de  munition 
u*îls  avoienc ,  ôc  ils  firent  deux 
>rties  avec  beaucoup  de  vigueur, 
îifin  ,  la  brèche  commenç oie  à 
itOicre  raifonnable  ,  &  la  muraille 
:ànt  tombée  avîïc  des  maifans  qui 

'tfencHcnt ,  afvoft  fait  une  grande 
^Yérture  ;  mais  tout  ce  débris  fer- 
it  d'un  nouve^au  rêtranchemcnr. 
L  2. 


aux  afïiégés  ; .  c^j:  le  ioh  ;de  h  mai 
fon ,  oLi  Te  fit  la  brèche  5  étant  tom 
bé  dans  la  cave ,  ils  y  miEeiac  le  feu 
&•  fe,  l'Qtf ancherenc  de  l'amre  coté 
de  forte  que  cette  Gave  ardent 
devint,  un  folTé  qui  ne  fe  pouvo: 
paflèr.  Cet  obftacle  retint.  Mpi^l 
Prince  ,  Se  il  ne  voulut  pas  hazap 
dcr  une  attaque  ,  qui  auroitikt 
doute  rebuté  fes  troupes  ,  Se  au^ 
mente  le  courage  des  ennemis,  i 
réfolut  de  faire  battre  un  autre  er 
droit,  où  lesmaifons  n'avoient  pdb 
de  caves  ;  &  il  y  avoit  un  jour  qi 
l'on  commençoit  à  y  tirer,  lorfqit 
reçût  avis  que  le  Comte  d'Harcou 
iTiarchoit  à  lui  ,  &  qu'il  arrivera 
le  lendemain  à  Miradoux.  Leu 
forces  étant  trop  différentes  por 
bazarder  un  combat ,  cela  Ic^ii 
rétoudre  à  lever  le  Siège  ,  Se  hi 
retirer  à  Staffort ,  où  il  arriva- âf 
avoir  été  pourfuivi.  Cette;  VEl 
n'cil  ni  plus  grande  ,  ni  meilleu 


D  E     M.  D.  L.  R.      14 j 

iQ  Mitadoux  ,  mais  comme  le 
omre  d'Harcourt  éroic  au-delà  de 
Garonne  ,  &c  qu'il  ne  la  pouvoit 
iffer  qu'à  un  lieu  nommé  Auvi- 
fs  5  Mr.  le  Prince  ayant  l'autre 
né  du  pays  libre  ,  fépara  les  quar- 
^rs,  dans  la  créance  que  c'étoit 
fez.  d'en  mettre  quelques-uns  pics 
Auvilars,  &  de  commancîer  qu'on 
ît^hât  continuellement  des  partis 
;  ce  c6té-là  5  pour  être  averti  de 
me  ce  que  les  ennemis  voudroient 
itreprendre.  Mais  il  ne  prévit  pas 
le  de  nouvelles  troupes  &  de 
>uveaux  Officiers  exécutent  d'or- 
nairecequi  leur  eft' commandé  , 
une  manière  bien  difFéiente  de  ce 
a'ont  accoutumé  de  faire  des  gens 
jrouvés  :  &  cet  ordre  -  qui  auroic 
iffi  pour  mettre  un  Camp  en 
ir^té  ,  penfa  eau  fer  la  perte  de 
fonceur  le  iPrince  ,  &  réxpofer 
h  honte  d'être  furpris  &  défait. 


Car  enfin  de  tous  les  partis  corh- 
mandés ,  pà!s  un  ne  fui  vie  [on  ordi^ 
&  au  lieu  U'appreildre  des  nou- 
velles du'  Comtc^  d'Harcôurt ,  "il 
allèrent  piller  les  villages  voififts 
de  forte  qu'il  patïà  la  rivière  ,  ^ 
marcha  en  bataille  au  milieu  àc 
quartiers  de  Monfieur  le  Prince 
Se  arriva  à  un  quart  de  lieue  de  lui 
fans  que  perfonne  en  prît  TallariTii 
jii  lui  en  vînt  donner  avis.  Enfi 
des  gens  pouflés  lui  ayant  apport 
cette  nouvelle  avec  le  trouble  ordi 
naire  5  il  monta  à  cheval ,  fuivi  6 
Marfin  ,  du  Duc  de  la  Rochefoi 
cault ,  &  du  Marquis  de  Monte 
pan  ,  pour  voir  le  deifein  des  eniK 
mis  i  mais  il  n'eut  pas  fait  cinq  cei 
pas  qu'il  vit  leurs  efcadrons  qui*'J 
détachoient  pour  aller  attaquer  ^ft 
quartiers.  Dans  cette  extrémité , 
n'eut  point  d'autre  parti  à  ptendtl 
que  d'envoyer  faire  monter  à  ch< 
val  fes  quartiers  les  plus  éloignés 


D  E     M.  D.  L.  R.     247 

î  devenir  joindre  ce  qu'il  avoir 
nfaïuerie  campée  fous  StafFoit 
'il  fît  marcher  à  Boue  ,  pour  y 
(Ter  la  Garonne  en  bateau  ,  &:  fe 
lirer  à  Agen.  Il  envoya  tous  Tes 
gages  au  Port-Sainte-Marie  ,  &. 
fla  im  Capitaine  &  foixante  Mouf- 
ejaires  à  StafFort  5  6c  une  pièce 

caoon  de  douze  livres  qu'il  ne 
t  emmener.  ^>p  ,,j..|, 

Le  Comte  d'Harcourt  ne  fq  fer- 
^pas  mieux  de  cet  avantage ,  qu'il 
oit  fait  de  ceux  qu'il  avoit  eu  à 
pnay-Charante  ik  à  Saint  Andras  ; 
r  au  lieu  de  fuivre  Mr.  le  Prince^ 

de.  le  charger  dans  le  defqr-> 
4^^  d'une  retraite  fans  Cavalerifs ,. 
■  contraint  de  pafler  la  Garonne  , 
)ur  fe  mettre  à  couvert ,  il  s'arrêta 
)ur  inveftir  le  quartier ,  le  plus 
•oche  de  StafFort  nommé  lç,Per-^ 
iï\ ,  ou  évoicnt  logés  trois  ou  qua- 
e  cent  chevaux  des  Gardes  de 
l©nfieur  le  Prince  ôc  des  Généraux, 
L   4 


éc  lui  donna  ainfi  douze  ou  txe^J 
heures,  dont  il  perdit  la  plus  gxOT 
«ïe  partie  à  Boue  à  faire  paiîer^l 
rivière  à  les  troupes  avec  un  defîpn 
dre  incroyable  ,  de  toujours  en  ét,s 
d'être  taillé  en  pièces ,  G  on  Teut^ai 
taqué.  Qiielque  temps  après  qi: 
Mr.  le  Prince  fut  arriva  à  Agen  a^^c 
toute  Ton  infanterie,  on  vit  quelqijt 
efcadrons  paroître  de  l'autre  côj^^ 
la  rivière ,  qui  s'ctoient  ava^ç( 
pour  prendre  des  bagages  ,  qi 
ctoient  prêts  de  palTer  Peau  :  m^ 
ils  furent  repoufTés  avec  vigue^ 
car  foixante  maîtres  du  régimçf 
■de  Montefpan,  qui  donnèrent  tOji 
ie  temps  ncccfTairc  à  des  bateaux 
ciiargés  de  Moufquetaires  ,  d'arri 
Tcr ,  ôc  de  faire  recirer  les  ennemi 
Ce  jour  mêmev^iônfieur  le  Princ 
fçût  que  fa  cavalerie  étoit  arrivée 
Sainte- Marie  fans  avoir  combattu  r 
rien  perdu  de  Ton  équipage ,  Se  qu 
fes  Gardes  fe  défendoient  encor 


DE     M.  D.  L.  R.     i49 

iafii  le  Pergan ,  fahis  qii'ïl'y  eût  toù- 
^fôis  apparence  de  les  pouvoir  fe- 
ourir.  En  etfec ,  ils  fe  rendirent  pri- 
Snniers  de  guerre  ,  le  lerîdetiiain  : 
t  ce  fut  tout  l'avantage  ,  q^ue'  îe 
]omte  d'Harcourt  retira  d'une  oc- 
afion  où  fa  fortune  &  la  négligeû- 
edes  troupes  de  Monfieur  lePriii- 
e  5  lui  avoient  offert  une  entière 
idoire.  Ces  mauvais  fuccès  furent 
ién-tôt  fuivis  de  la  fédition  d'A- 
en  5  &c  obligèrent  Mon(ieur  le 
'rince  à  tourner  Tes  principales  ef- 
erances  du  côté  de  Paris  ,&  d'y 
orter  la  guerre ,  comme  je  dirai 
t-après. 


W 


L  5 


<!3r  "W  ■ft»  '/tff  ■»*«•  "?!>■'  •?!«•  "y/W  "ww  ■ww  ^^  -jm-  -jfts^  -tw  iw 


SUITE] 

DELA 

GUERRE 

"de  guienne»; 

Ef  U  dernier e  de  Paris. 

%^^^  A  guerre  fe  foûtenoic  dàîj 
X  L  jlt  ^^  Guienne,  bien  plus  psj 
^^■^^  la  vigilance  &  par  la  répç 
talion  du  Prince  de  Condé ,  qifd 
par  le  nombre  6c  par  la  valeur  cfî 
fes  troupes  ^  &  le  Comte  d'Haïe 
court  avoir  déjà  rétabli  par  fa  cort-' 
duire  6^  par  fa  fortune  tout,  le  Aé(i\ 
vantc^ge  que  la  défaite  du  Mat! 
quis  de  St.  Luc  à  Miradoux  avoï 
apporté  aux  armes  du  Roi.  Le  fié 


^e  de  Miradbux  étoit  levé  ^  les  Ga^ 
les  du  Prinpede  Qonéé  èc  trois  cm 
quatre    cent  chevaux   avoient  ''^ëïé 
nis  dans  le  quartier  duPergan ,  6^ 
e  Prince  dé  Coildé  lui-même  avec 
e  relie  de  Tes  troupeç,  avoit  été 
:ontraint  de   quitter  ScafFoit ,   de 
.  yglTer  la-riviere  de  Garonne  à  Boue , 
'  k  de  fe  tetircr  à  AgeVi  :  niais  les  d.ii 
1 /liions  de  cette  Ville,- firent    allez 
I  ronnoître  à  ce  Prince  qu'elle  ne  de- 
i  iieureroit  dans  Ton  parti ,  qu'hantant 
i  :ju'elle  y  feroit  retenue  par  fà  pre- 
Tence,  on  par   une  foite  Garnifori. 
Ce  fut  auffi  pour  s'en  allurer  par 
zc  dernier  moyen  ,  que  le  Prince  de 
Condé  réfolut  d'y  faire    entrer  îe 
régiment    d'Infanterie  de    Conti  , 
&  de  fe  rendre    maître   d'une  dés 
Portes  de   la  Ville ,  pour    ôter  au 
peuple  la  liberté  de  refufer  la  Gar- 
îiifonj  mais  comme  ce  deflein  ne 
fiit  pas  feçret,  il  fut  bien-tôt  répan- 
du dans  la  Ville.  A  l'heure  même 
L  6 


zji     Mémoires 
les  Bourgeois  prirent  les  armes  j  3c 
firent  des  barricades.  Le  Prince  d^ 
Condé  en   étant  averti ,  montait 
cheval  ,  pour  empêcher  la  féditipîl 
par  fa  préfence  &  pour  demeurai 
maître  de  la  porte  de  Grave  ju/qu'à 
ce  que  le  Régiment  s'en  fût  empa- 
ré j  mais  l'arrivée  des  troupes  au^ 
jnenta  le  defordre ,  au  lieu  dc^yS^ 
paifler,  elles  entrèrent  &  firent  alfifi 
dans  la  première  rue;  &C  bien  qu^jlç 
Prince  deCondé  &c  le  Prince  deÇpn- 
ti  ôc  tous  les  Officiers  voulufîent  ap- 
paifer  le  defordre  5  ils  ne  purent,  em? 
pêcher  que  toutes  les  rues  ne  fuITei^ 
barricadées  en  un  inftanr.  Le  peuple 
néanmoins  conferva  toujours  du  ref- 
pec^  pour  le  Prince  de  Condé ,  ôc, 
pour  les  Officiers  Généraux  ;  mai$ 
l'aigreur  augmentoit  auffi  dans  tous 
ies  lieux  3  où  ils  n'étoient  point.  Les. 
chofesne  pouvant    plus  den^ur^ÇRi 
en  cet  érât-ià ,  ies  troupes ,  commeo 
j'ai  dit  3  tenoient  la  porte  de  Çr^ve:^» 


c  la  momêdt  la  rûê  qui  y  aboutit  j 
î'peuple  étoit  fous  les  armes, toutes 
îs  rues  étoient  barricadées ,  de  des 
lorps  de  Garde  par  tout.  La  nuit, 
5prochoit,   qui  eût   augmenté   le 
efordre,  &  lé  Prince  de  Condé  ie 
2)yoit' réduit  à Tortir  honteufement 
îj  la  Ville",  od  à  la  faire  piller  6c.^ 
:^\ev^-y'  mais  l'un  ou  l'autre  de  ce^ 
a^tis  rùî'npit  àpparernriient  fes  af^. 
1res  t'  car   s'il  quittolt  Agen  ,  les  ( 
dupes  dii  Roi  y  étoient  reçues;  s'iL^ 
^brûlôit;,  "ce  tr'aitemem  foule  voit,. 
5fitre   lai  route  la  Province  ,  donç^ 
S'  -plus     confiderables  villes   te*^ 
ôi^nt  èiîcore /on' parti.  Ces  raifons.^j 
-portèrent  à   tenter  quelque  ac-^-^ 
Hïimodemenr,  qui  fauvât  fon  au^.  - 
^ité  en  apparente,  &  qui  lui  fervîc;,  > 
^-prétexte  de  pardonner  au  peuplq^^ 
Agen.  Le  Duc  de  la  Rochefoa-^^ 
ait    park    aux     principaux    des,,, 
Durgeois,  &  leé  difpofa  d'aller  à 
iotel    de    Villf  ,  pour  députer 


if4  Mémoires 
quelqu'un  d'entr'eux  vers  Monfiçui 
le  Priiice  pour  lui  demander  par* 
don ,  &  le  fupplier  de  venir  à  l'^f 
femblée  Içur.preicrite  les  moyens^ 
lui  conferver  Agen  dans  la  foûmif 
fion  &c  la  fidélité  qu'Us  lui  avoien 
jurée.  Mcnfieur  le  Prince  y  all^, 
^  leur  dit  que  Ton  intention  avoi. 
toujours  été  de  leur  lai(Ter  la  liberit 
toute  entière  ;  6c  que  les  troupe 
n'étoîent  entrées  ,  que  pour  foub 
ger  les  Bourgeois  clans  la  garde  4 
la  Ville  :  mais  que  puifqu'ils  nei 
defu'oient  pas  ainii ,  il  Ce  contentoi' 
de  les  faire  foitir,  pourvu  quel 
Ville  fît  un  Régiment  d'Infanteri 
à  Tes  dépens ,  dont  on  lui  nomm^ 
roit  les  Officiers.  On  accepta  fag 
lement  toutes  les  conditions  y  ff| 
défît  les  barricades ,  les  troupes  ibi 
tirent  ôc  la  Ville  fut  tranquille,  ^ 
foûmife  en  apparence  ,  comme^ey 
Pavoit  été  avp.nt  la  fédition.  L 
Prince  de  Condé  ne  pouvant  fe  fie 


D  t     M.  D.  L.  R;     255 

ces  apparences  fie  quelque  réjouç 
Agen  5  pour  remettre  la  Ville  en 
)n  état  ordinaire  ;  &  ce  fut  en  ce 
împs-là  qu'il  reçût  nouvelles,  que 
armée  de  Flandre  ,  comrnanaée 
ar  le  Duc  de  Nemours  ,  &  les  trou- 
es du  Duc  d'Orléans  comman- 
ées  par  le  Duc  de  Beaufort  ,  s'é- 
)ient  jointes.  Se  marchoient  vers 
.  rivière  de  Loire.  Cette  joye  fut 
éanmoîs  mêlée  d'inquiétude  :  d'un- 
î>té  il  voyoit  au  milieu  de  la  Fran-J 
^^SMie  armée  d'Efpagne ,  qu'il  y 
voit  (î  long-temps  attendrie,  ôc 
ui  pourroit  venir  fecourir  Mon- 
•diid ,  ou  le  vcniî*  joindre  en  Guien- 
é  :  mais  en  miêrre  temps  il  fçût  que 
i  divifion  des  Ducs  de  Nemours  ôc 
•e  Beaufort  <'  a  )  ,  étoit  venue  à  une 
xtrémité  crès-dargereufe.  Ils  ne 
ouvoieî^t  compâcir  enicmble  j  ëc 
durs  forces    repi;rées  n'étoient  pas 


1^6     Mémoires 

fufïirantes  pour  tenir  la  campagtB 
devant  Tarmée  du  Roi,  commandlJ 
par  les  Maréchaux  de  Turende  8 
d'Hoquincourt ,  &  fortifiée  far  le 
troupes  que  le  Cardinal  avoit  ariiè 
nées ,  Se  encore  plus  par  le  woifivii 
ge  de  la  Cour.  Les  ordres  du  Dd' 
de  Nemours  étoient  de  paflèr  la  ifî 
viere  de  Loire,  pour  fecourir  Mon 
trond  5  ôc  marcher  aulli-tôt  vers  I 
Guienne  j  &  ceux  que  le  Duc  à 
Beaufort  recevoit  du  Duc  d'Orleam 
y  étoient  entieremenr  oppofés.  Mi 
ne  pouvoir  confentir  que  Parme 
s'éloignât  fi  fort  de  Paris,  ôc  ab 
prehendoit  que  le  peuple  ou  le  Pat 
lement  ne  changeafTènt  de  fcnrî 
ment ,  dès  qu'ils  verroient  l'arrtté' 
de  Mr.  de  Nemours  paflèr  'et 
Guienne  ,  &  celle  du  Roi  demeuré 
dans  leur  voifinage.  Le  Coadjuteâî 
de  Paris,  qui  avoir  alors  plus  (fi 
part  que  perfonne  à  la  confiance  ; 
de  Monficur,  appuyoit  ce  confejl 


T>  E  M.  D.  L.  R.  257 
^^augmeatoit  encore  les  craintes 
i)  <Sc  les  irréfolutions  naturelles  de 
e  ce  Prince.  En  retenant  l'armée 
u-deçà  de  la  rivière  de  Loire  ^  non 
Uilement  il  la  rendoit  inutile  aii 
tince  de  Condé ,  de  qu'il  écoic 
nnemi ,  mais  il  fe  rendoit  lui-mê- 
le  plus  conlidérable  à  la  Cour  ^  en 
ùCa^K  voir  a  qu'étant  maître  de  la 
enduite  .de  Monheur ,  il  pouvoir 
uiti  avancer  ou  retarder  les  pro- 


uva  UC  i 


3   ■ 


le  tooces  fortes  de  moyens  3  pour 
(btenic  le  Chapeau  de  Cardinal. 
Zhavigny  de  Ton  coté  n'avoir  pas 
te  moindres  deflTeins  -,  il  prétendoic 
gouverner  Monfieurjen  lui  faifanc 
:t?nnoître  qu'il  gouvernoit  Mou- 
leur le  Prince.j,  Se  sXfsûroit  aufïî 
i^^fe  ,rçndre  maîtrie  de  la  conduite 
Igjvionfieur  le  Prince,  en  lui  fai- 
^it  ypir^^qu'il  l'ecoit  de  celle  de 

(a)   Novos  terrores^cumulat.  Ann.  4.; 


258  Mémoires 
Moniîeur.  Ses  projets  ne  s'arrê- 
toient  pas  làj  dès  le  commencement 
de  la  guerre  il  avoir  pris  des  mefn- 
res  pour  être  négociateur  de  I3 
paix  5  3c  s'étoic  uni  avec  le  Duc  de 
Rohan ,  croyant  qu'il  lui  pouvoir 
être  également  utile  auprès  de  Mon- 
fieur  5  6^:  de  Monfieur  le  Prince: il 
Ci-oyoic  audi  ayoir  pris  toutes  le^ 
précautions  néçeiîaires  envers  h 
Cardinal,  par  le  moyen  de  Fabei'i 

Gcnvcri::u:  de  Sziaù  >  ce  comim 

il  ne  mcctoit  point  de  bornes  à  fou 
ambition- 6c  à  Tes  efpérances ,  il  ne 
douta  point,  qu'en  faifanc  la  pab 
particulière  5  il  ne  fut  choili  poui 
aller  avec  Je  Cardinal  Mazarin  con* 
dure  la  •  générale.  Il  crût  mêmf'. 
qu'en  fe  fervant  de  la  confidératioD^ 
que  Monfieur  le  Prince  lui  pouvoit 
dijnner  parmi  les  Efpagnols  ,  il  an*- 
roit  tout  le  mérite  des  bons  fuccèfl^. 
&  que  le  Cardinal  au  contraire  fe-i 
roit  chargé  de  la  honte  <Sc  du  blâme 


B  B  M.  D.  L.  "R.  255^ 
s  médians  évenemens  :  &  qu'ain- 
il  rennéroit  dans  les  affaires,  ou 
€C  la  gloire  d'avoir  fait  la  paix  ^ 
.'avec  davantage  d'avoir  fait  con- 
îrre  que  le  Cardinal  Pauroit  cm- 
chée.  Dans  cette  Mae-là  il  écrivit 
alieurs  fois  au  Prince  de  Condé  , 
ur  le  prefîèr  de  quitter  la  Guien- 

j  il  lui  repiéfentoit  le  befoin 
îe  l'armée  avoit  de  fa  préfcr.ce  y 
le  la  laiiTant  détruire  ,  toutes 
j  refïoui'ces  étoient  perdues  i  & 
ïQ  faifant  des  progrès  dans  le 
eur  du  Royaume ,  6c  à  la  vue  d\x 
31 ,  il  rétabliroit  en  un  moment 
m  feulement  la  Guienne  ,  mais 
ut  le  refte  de  Ton  parti.  Le  Prince 
ï-Condé  fe  lailîa  perfuader  Facile- 
ent  aux  raifons  de  Chavigni  :  mais 

principal  motif  qui  Vy  porta  3 
«fc  Penvie  de  quitter  la  Guienne 
ans  un  temps ,  où  la  foibleiTe  dtfe& 
oupes  Pobligeoit  fans  ceiTe  à  la- 
Kr  le  pied  devant  le  Comte  d'Har- 


i^o     Mémoires 

court.  Il  communiqua  Ton  deffei! 

au  Duc  de  la    Rochefoucaulc  8i 

Marfinj  l'un  &  Tautue  lui  reprefer 

tcrent  également  ce  qu'il  y  a  voit 

en  craindre  &  à  en  efperer  fans  k 

donner  de  confeil  là-deflus  5  mai 

tous  deux  lui  demandèrent   inftarr 

ment  de  le  fuivre.  Il  choilit  le  Du 

de  la  Rochefoucault  pour  Paccom 

pagner  ,  de  lailTa  Marfin  auprès  d 

Prince  de  Conti ,  fe  reposant  enrie 

rement  fur  lui  du  loin  de  mainte 

nir   Ton   parti  en  Guienne  ,  &  d 

conferver  Bordeaux  ,  non  feulemec 

parmi  les  divilions  qu'on  avoit.fo 

m  entées  dans  le  peuple  ôc  danél 

Parlement,  mais  auiïi  pour  empc 

char-  que  les  divers  intérêts  du  Pria 

ce  de  Conci  Ôc  de  Madame  de  Lott 

suevillé  n'au^mentailencleur  méfiîî 

-Il 

telligeniie,  &.  ji€  hâf adent  la  perte  a 

cette  ville  5  où  les  affaires  étoient'e 

Tétat  que  je  vais  dire*. 


D  E     M.  D.  L.  R.     261 

Le  peuple  y  étoit  divifé  en  deux 

j  baies  ;    les   riches  Bourgeois  en 

imporoient  une,  dont   les  fenti- 

(cns  étoient  de  maintenir  l'autori- 

i  de  leurs  Magiflrats,  &c  de  fe  ren- 

c  11  puiilàns  &  il  néceiraires  dans 

fville  5  que  Mr.  le  Prince  ôc  le 

itlement  les  confidéraflent  comme 

nx  <^ui  pouvoient  le  plus  contrî- 

ler  à  leur  confervation.  L'autre 

«haie  étoit  formée  par  les  moins 

çhes   &  les  plus   féditieux  de  la 

.lie  5  lefquels  s'étant  affemblés  plu- 

:ui'S  fois  fans  deflein  en  un  lieu 

»che  du  château  du  Ha  ,  nommé 

fiar7Mée  ,  en  prirent  enfin  le  nom. 

É:^Parlement  n^'étoit  pas  plus  uni 

!'  le  peuple  j  ceux  de  ce  corps 

tii  étoient  contre  la  Cour ,  s'é- 

oôht;  divifés  en   deux  factions   : 

bne  ;  s'appelloit  la  grande  Fronde  , 

rd'^ucre  '/^  -petite.  Bien  que  toutes 

€iux  s'accordatlent  à  être  dans  les 

Itérées   de  Monfieur  le  Prince  > 


%Si  Mémoires 
elles  étoient  fort  oppofées  dans  toi 
le  refte  :  au  commencement ,  /*/fo; 
mée  a  voit  été  unie  avec  Tune  'i 
l'autre  Fronde ,  de  s'en  écoit  aulïî'f 
parée  plufieurs  fois ,  félon  les  divé 
intérêts  qui  ont  accoutumé  de  fat 
agir  les  gens  de  cette  forte  5  mats' 
la  fin  le  Prince  de  Conti ,  &  la  ©^ 
chelfe  de  Longueville  ,  s'étant  m^ 
heureufement  divifés  ,  augmenï 
rent  à  un  tel  point  le  crédit  Se  l*i 
folence  de  cette  fadion  pour  fe  l'a 
quérir,  qu'ils  avancèrent  la  perte  c 
parti  j  en  defefpérant  le  Parlenle 
ôc  le  refte  du  peuple  ,  &  en  do 
liant  lieu  à  plufieurs  conjuration 
ôc  à  toutes  les  autres  intelli^encesî 
la  Cour  j  qui  ont  enfin  remis  lît 
deaux  dans  l'obéïlfance  du  Roi. 
ne  parlerai  qu'en  pallant  des  fuie 
qui  ont  caule  tous  ces  defordr'tf 
fans  entrer  dans  le  particulier  < 
beaucoup  de  chofes  qui  fe  peuve 
écrire,  Mr.   le  Prince  de  Conti 


D  E     M.  D.  L.  R.     z($5 

étant  laide  perfuader  .par  Tes  gens 
agiles  par  le  Cartiinal  Mazann  , 
s  rompre  avec  éclat  avec  la  Du- 
lelTe  de  LonguevilleViuir-des  pré- 
xtes  que  la  bienféance  ■&  les  inte- 
cs  du  Sang  lui  dévoient  faire  ea- 
ler  /a)  ,  il^  fomencerefitoen  ihaiac 
m  de  l'autre  la»  fureur  de7'i^o/*wl?, 

Sacrifièrent  en  tant  de  rencontres 
s  plus  grands  avantages  du  parti, 
Jeurs  palïions  de  à  leurs  aigreurs 
uticulieres ,  qu'au  lieu  d'établir 
or  autorité  j  ôc  de  fd  rendre  par- 

nécelTaâres  à  Mr.  le  Prince  ,  eom- 
.e  chaçQj,!  d'eux  en  avoit  le  deflein, 
>  dominèrent  CQurs  aux  defordres 
:  au)s,réditions  du  peuple,  qui  fu- 
:nt  fi  près  de  les  envelopper,  qu'ils 
s  réduihrent  enfin  à  la  néceffité 
'abandonner  Mr.  le  Prince  ,  &:  de 
ibir  toutes  les  conditions ,  que  le 

S^J  Socium"deLitioni5  cxtitiile  niira- 
^6'eiMC  ,  quia  fliam  ipfe  nobiliMtem  , 
tiim  fangiiir.ehi  perditum  ibar.  ^?in.  4. 


i^4  Mémoires' 
Cardinal  voulut  leur  impofer.  i 
Duc  de  la  Rochefoucaulc  étant  pei 
luadé  par  plufieurs  expériences 
-c[ue  leur  comtnune  grandeur  d« 
pendoic  de  leur  union  ,  s'étb 
trouvé  plus  en  état  que  perfonnet 
la  maintenir  entre  eux  depuis 
guerre  de  Paris  :  mais  alors  Mad 
me  de  Longueville  crût  mieux  troi 
ver  Tes  avantages  à  changer  ft 
plan  ;  ôc  il  arriva  que  les  moyei 
dont  elle  fe  fervit  pour  en  venir' 
bout ,  la  brouillèrent  avec  fes  frerie 
Mon  fleur  le  Prince  de  Gonti  étc 
porté  à  la  Paix  par  l*ennui  &  •p^ 
la  lafïitude  qu'il  avoir  d'une  guir 
rc  5  où  il  ne  s^'étoit  engagé  qi 
pour  complaire  à  Madame  de  LoJ- 
gueville ,  ôc  dont  il  le  repentit  i- 
moment  qu'il  fut  mal  avec  elle  (éi 
Il  a  allégué  depuis ,  pour  fe  juftifk 
que  Monfieur  le  Prince,  après  avo 

(^)  Mobilitate  ingeaii,  Hifi.  i.  &i' 


D  E     M.  D.  L.  R.      iGy 

Tné  un  écrie ,  où  il  lui  promettoic 
î.ne  point  traiter  fans  lui  faire 
oir  le  Gouvernement  de  Proven- 
,,  s'étoit  abfolumenr  relâché  fui- 
»  intérêts.  Mais  la  véritable  caufe 
Ton  détachement ,  fut  cette  ani- 
Dlité  contre  Madame  fa  fœur, 
►nt  je  viens  de  parler  ,  <3c  qui  le 
,toit  dan*  un  emportement  de  co- 
:e  &  de  jaloufie  contre  elle  ,  qui 
t  été  plus  fupportable  à  un  amanc 
l'a  un  frère  (a).  Dautre  côté  ,  en-  . 
re  que  Monheur  le,  Prince  parlâc 
DÎns  que  lui  de  la  conduire  de 
adame  de  Longueville  ,  il  n'en 
ii'ix.  pas  plus  avantageufement 
îfuadé  en  Ton  cœur  j  ii  fçavoii;  la 
ifon  qu'elle  avoir  faite  avec  le 
ac  de  Nemours ,  <S<:  ce  qu'elle 
oit  penfé  produire  contre  fes 
^is  intérêts  j  6c  il  craignoit  enco- 

C?i)  'Fratrum  non  inceflum  ;  fed  în- 
ftoditum  amoiem  ad  infamiam  traxit^ 

]TQWi:  IL  M 


i66  Mémoires 
re,  qu'elle  ne  fut  capable  d'en  pren- 
dre de  nouvelles^  qui  lui  pourroien 
peut-être  caufer  de  plus  grands  em. 
barras.  Pour  augmentet  celui  où  C 
trouvoit  alors  Madame  de  Longue 
ville  5  il  y  avoit  de  plus  qu'elle  f 
croyoit  irréconciliable  avec  foi 
mari  ,  par  les  mauvais  Offices  qu'oi 
lui  avoit  rendus  auprès  de  lui ,  t 
par  l'impreiïion  qu'il  avoit ,  qu'ell 
n'eût  trop  de  part  en  cette  guerre 
Elle  avoit  aulli  tenté  inutilement  d 
fe  raccommoder  à  la  Cour  par  1 
PrincefTe  Palatine.  Se  voyant  don 
également  ruinée  de  tous  les  côtés 
elle  crut  ne  fe  pouvoir  rétablir  qu'e 
formant  un  parti  dans  Bordeaux 
qui  fut  aflez  puilTant  pour  lui  don 
ner  une  nouvelle  confidération  en 
vers  la  Prince  de  Condé  ,  ou  envet 
la  Cour,  Dans  cette  vue  ,  elle  n 
trouva  rien  de  fi  propre  à  fon  def 
foin  5  que  de  fe  joindre  avec  l'Nor 
tih  ,  &  d'y  engager  les  plus  confi 


D  E     M.  D.  L.  R.      tGj 

érables.  Au  contraire  ,  Mr.  le 
rince  de  Conti ,  pour  fatisfaire  fa 
îngeance  ,  ne  fongeoit  qu^à  ruiner 

crédit  de  Madame  fa  fœur  ,  par- 
i  les  plus  confidérables  de  cette 
ême  fadion  ,  pour  (c  les  acquérir, 
mant  mieux  leur  foufFrir  &  leur 
:rmettre  toutes  fortes  d'excès  plu- 
t  que  de  les  laifTer  regagner  par 
le  perfonne  contre  laquelle  il  étoic 

fort  aigri.  De  forte  que  Mr.  le 
rince  ,  qui  prévoyoit  ce  qu'une  (i 
•ande  oppofition  de  fentimens  al- 
it  produire  dans  fon  parti ,  &"  qui 
geoit  encore  que  l'aigreur  &  la  di- 
fion  augmenteroienc  par  fon  éloi- 
lement  ?  lailTa  Mariin  ,  comme 
li  dit  5  pour  remédier  autant  qu'il 
Durroit  ^  à  de  fi  grands  defordres  , 
■  en  tout  événement ,  pour  empê- 
ler  que  le  Prince  de  Conti  &  la 
uchelTe  de  Longueville  n'entre- 
riiTent  rien  qui  lui  pût  préjudicier 
arant  fon  abfence.  Après  donc 
M  i 


i68     Mémoires 
qu'il  eut  réglé.^^yeçMaiTin,  &  ayec 
Laifné  ,  ce  qui  regamoit  l'armée  de 
Guienne,  les  Rebelles  de  Boideaux 
^  celles  de  fa  famiUç ,  îl,^t,veni| 
le  Prince  de  Conci  à  Agen  ;   dç  çi 
lui   laîiiant  la  conduite  de  toutç 
choies  5  le.  pria  defviivre  \es  avis  i 
MarUn  &  de  Laifné.  Il  témojgp 
auih  en   apparence   ^beaucoup   4 
confiance  au  Prçfident  Viple  ;  m^j 
eu  effet  il  ne  croyoit  lai{ïèr  perfor 
ne  à  Bordeaux ,  qui  fut  véritable 
ment  dans  fes  intérêts ,  que  les  dçjji 
premiers  que  je  viens  de  nommer^^, 
Les  chofes  étant,  en  cet  état  yïU 
prépara  à  partir  d'Agen  pour  apj; 
joindre  l'armée  de  Mr.  de  Nemour 
Ce  voyage  étoit  fort  long  ôc  plej, 
de  difficultés  qu'on  ne  ppuvoit  vui 
femblablcment  ie  promettre  de  iîji 
monter  :  ]e  Comte  d'H^rcqurt  etû 
près  d'Agcn,,  ^é^^yi^qK^s^^ 
ville  trop  de  gens  gag^nés    de,-. 
Cour ,  poup  ne,  l'avci'tir,  pas  du  de 
î 


D  E     M.  D.  L.   R.     16^ 

.^rt  de  Mr.  le  Prince  :  ceux  mêmes 
e  Ton  'parti  avoienr  foupçonné  ion 
oyàge  5  &:  le  bruit  en  avoir  couru 
v'ant  qu'il  fut  réiolu  :  le  chem.iu 
:oit  de  près  de  lix  vingt  lieaës 
a'il  falloir  Faire  fur  les  mêmes 
levaux.  Le  Comte  d'Harcourc  pou- 
oit  non  -  fedlem.ent  faire  {^jivre 
ir.  le  Prince  par  des  p^dïs  ,  mais 
ncore  donner  avis  en  porte  à  la 
]our  de  fa  marche  ,  &  mander  aux 
illes  5  Se  aux  garnifons  de  s'oppo- 
îrà  fon  padage  :  deplusll  ne  pou- 
oit' confier  cette  atraire  à  beaucoup 
,e  gens  :  &  un  petit  nombre  n'ét^oic 
•as  capable  de  lefuivre  avec  sare- 
é  :  il  falloir  encore  perfuader  à  tout 
S  m.  on  de  qu'il  alloit  à  Bordeaux , 
k  empêcher  les  Officiers  de  l'ar- 
née  de  l'y  -accompagner  ,  fous  des 
)rétextes  qui  ne  fîiTent  rien  imagi- 
ner de  Ton  deffein.  Pour  cet  effet  , 
A  laifia  le  Prince  de  Conti  à  Agen  j 
5c  feignant  de  vouloir  aller  à  Bok- 
M  j 


"lyo  M  ï  M  o  r  R  I  > 
deaux  pour  deux  ou  trois  jours  feu- 
lement 3  il  donna  ordre  à  tous  le: 
Officiers  ôc  à  tous  les  Volontaires 
de  demeurer  à  Agen  auprès  de  foi 
frère.  Il  en  partit  le  jour  des  Ra^ 
imeaux  à  midi  avec  le  Duc  de  li 
Rochefoucault ,  le  Prince  de  Mat 
fillac  3  Guitault,  Chavaignac,  Gour 
ville  3  ôc  un  Valet  de  chambre.  L 
Marquis  de  Lévy  l'attendoit  ave^ 
des  chevaux  à  Languais,  maifon  d\ 
Duc  de  Boiiillon  ,  ou  étoit  aufl 
Bercenes  Capitaine  des  Gardes  di 
Duc  de  la  Rochefoucault,  Commi 
■le  Marquis  de  Lévy  avoit  un  Pailè 
port  du  Comte  d'Harcourt,  pou: 
fe  retirer  chez  lui  en  Auvergne  ave( 
Ton  train  ,  le  Prince  de  Condé,  & 
ceux  qui  l'accommpagnoient ,  paf- 
ferent  à  fa  fuite  ,  comme  s'ils  eut 
lent  été  les  mêmes  domelHqnes. 
dont  les  noms  étoient  écrits  danî 
Ton  paiïèport ,  bien  qu'il  fiic  à  la 
tin  rcfolu  de  ne  s'en  point  fervir. 


D  E     M.  D.  L.  R.     171 

2c  qu'il  y  eut  de  plus  rude  dans  ce 
o\  âge,  fut  l'extraordinaire  diligen- 
e  5  avec  laquelle  on  marcha  jour 
i  nuit ,  Se  prefque  toujours  fur  les 
nêmes  chevaux,  &c  fans  demeurer 
amais  deux  heures  en  un  même 
ieu  3  ou  pour  dormir  ou  pour  re- 
)aître.  On  logea  chez  deux  ou  trois 
jentilshommes  amis  du  Marquis 
le  Lévy  ,  pour  fe  repofer  quelques 
leures,  &  pour  acheter  des  chevaux  j 
nais  ces  Gentilshommes  foupçon- 
loient  Cl  peu  Mr.  le  Prince  d'être  ce 
^u'il  étoic  5  que  dans  un  de  leurs 
repas  ,  ou  l'on .  dit  d'ordinaire  fes 
fentimens  avec  plus  de  (incérité 
qu'ailleurs  ('a)  ,  il  apprit  des  nou- 
velles de  fes  proches  qu'il  avoit 
peut-être  ignorées  jufques-là.  Enfin^ 
après  avoir  pris  fon  chemin  par  la 
Vicomte  de  Turenne ,  de  par  Char- 

U  4 

(a.)  Quo  tempore  ad  fimpliccs  cogi- 

tationes  patec  animii5 &  nu da 

omnium  mens.  In  Gi^m^ 


17-2.       M    E    M    O    ï^  R  'E    s 

lus  en  Auvergne ,  il  arriva  le  farîiédî 
au  foir  au  Bec-d' Aller  (a)  à  déllx 
îîcuës  de  la  Charité,  où  il  patîà  la~rf- 
vierû'de  Loire  fans  aucun  empêché 
ment  5  quoiqu'il  y  eut  deux  Cortt* 
pagnies  de  cavalerie  dans  la  Charitis 
commandées  par  Bu(ïy  Rabuiin. 
De-là  il  dépêcha  Gourville  à  Par?^,, 
pour  avertir  Son  AlteiTe  Royale^; 
ôc  Chavigny  de  fà  marche  ';  il  pafla 
le  jour  de  Pâques  dans  Cônes  ,00 
l'on  faifoir  garde  ;  &  comme  là 
Cour  étoit  à  Gien  ,  il  dit  par-tout 
qu'il  ailoit  avec  fes  Compagnons 
fervir  fon  quartier  auprès  du  Roi; 
Néanmoins  jugeant  qu'il  ne  pou- 
volt  fuivre  long-temps  le  grand  che- 
mln  de  la  Cour  fans  être  connu , 
il  rétolut  de  le  quitter  pour  prendre 
celui  de  Châdlion.  Il  penfà  même 
avoir  fnjct  de  fe  fèpemir  de  ne 
l'avoir  pas  fait  {>lïitÔt;'^aif, ayant 

.'■    :'   Tr  c'  ^;  -  >/    .  '■ 
(cl)  Ojîium  ,  feu  os  Ela^nif, 


D  E  M.  D.  L.  R.  273 
encontre  deux  Couriers  ,  il  y  en 
vit  un  qui  reconnut  Guicault  ,  ôc 
jeu  qu'il  ne  s'arrétâc  pâs  pour  lui 
I  arler  ,  il  parut  alFez  d'émotion  fur 
m  vifage  ,  pour  faire  juger  qu'il 
)upçonnoit  que  Mr.  le  Prince  fut 
.  Il  s'en  éclaircit  bien-tôt  après  ; 
ir  ayant  rencontré  b  Valet- de- 
lambre  de  Monfieur  le  Prince  qui 
:oit  demeuré  derrière  ,  il  l'arrêta  , 
:  faifant  femblant  de  le  vouloir 
ler,  il  apprit  que  fon  foupçon  écoic 
ien  fondé.  Cet  accident  fit  réfou- 
re  Mr.  le  Prince  non-feulement  à 
uittcr  le  grand  chemin  à  l'heure 
lême  ;  mais  encore  à  laiiTer  Ber- 
snes  Capitaine  des  Gardes  du  Duc 
e  la  Rochefoucault  dans  des  m.a- 
ares  proches  d'un  pont ,  pour  tuer 
^Courier,  en  cas  qu'il  prît  ce  che- 
l}n.là,  qui  paroidoit  celui  qu'il 
£voit  tenir  pour  aller  porter  à  la 
!our  l'avis  de  la  marche  du  Prince 
.e  Condé  ^  mais.,  la  fortune  de  cec 
M  5 


274  Mémoires 
homme  lui  en  fie  prendre  un  autre 
.Se  lui  fit  porter  en  diligence  à  Giei 
la  nouvelle  de  ce  qu'il  avoit  vt 
On  dépêcha  à  l'heure  même  Saim 
Maure  avec  vingt  maîtres  choifîs 
pour  aller  attendre  Mr.  le  Piince  fu 
le  chemin  de  Châtillon  à  l'armé 
de  Monileur  de  Nemours  3  avec  01 
dre  de  le  prendre  vif  ou  mort.  L 
Prince  de  Condé ,  qui  jugea  bien 
que  cette  rencontre  feroit  indubi 
jablement  découvrir  Ton  paiTIige 
marcha  en  diligence  vers  Châtil 
Ion  j  mais  comme  il  falloit  faire  c 
jour -là  trente-cinq  licuës  fur  le 
mêmes  chevaux  ,  la  nécelîité  de  re 
paître  nous  fit  perdre  beaucoup  d 
tf  mps ,  ôc  donna  à  Sainte  Maur 
celui  qu'il  lui  falloit  pour  nou 
joindre.  Un  autre  accident  penf, 
faire  prendre  encore  Monfieur  I< 
Prince  j  car  étant  arrivé  au  canal  d< 
Briare ,  il  rencontra  les  Maréchauj 
de  Logis  de  deux  ou  trois  régimeni 


D  E  M.  D.  L.  R.  27 j 
de  cavalerie ,  qui  veiioienc  au  loge- 
ment en  ce  lieu- là  i  ôc  comme  le 
corps  y  arrivoit  par  diîFérens  cotés , 
il  étoit  bien  difficile  de  prendre  un 
chemin  allure.  Chavaignac  qui  con- 
noilToit  près  de  là  un  Gentilhomme 
nommé  la  Brujîerie ,  le  voulut  aller 
chercher  ,  Se  mena  Guitault  avec 
lui  5  pour  porter  quelque  chofe  à 
manger  au  Prince  de  Condé  j  mais 
comme  cette  journée-là  étoit  defti- 
née  aux  avantures ,  dans  l'inftanc 
que  Chavaignac  fortoit  de  cette 
maifon  ,  pour  aller  chercher  le  maî- 
tre 5  &  pour  dire  à  Guitault  d'y  en- 
trer, un  Officier  des  régimens  que 
j'ai  dit  5  y  arriva ,  Se  tout  ce  que 
put  faire  la  maicrefle  de  la  maifon  , 
dans  la  crainte  de  voir  arriver  du 
defordre  chez  elle ,  par  la  rencontre 
de  gens  de  différent  parti ,  fut  d'en- 
voyer fa  fille  au-devant  de  Guirauk 
pour  l'avertir  qu'il  étoit  entré  chez 
elle  un  Officier  des  troupes  du  Roi. 

^i  6 


2^6       M    E    M    O    I    R    E    s 

Comme  cela  fe  pafloit  ainfi ,  Mr. 
le  Prince  qui  attendoit  des  nouvel- 
les  de  Chavaignac  &  de  Guitaulc  j 
ii'avoit  pu  demeurer  au  lieu  où  ib 
Pavoienc  laifie ,  à  caufe  de  Tarrivée 
des  troupes.  Il  avoir  cnvoyjé  fou 
Valet  de  chambre  à  Châdllon.,  peut 
avertir  le  Concierge  de  tenir  la  porjj 
te  du  Parc  ouverte  ;  ôc  ainit  il  n'^ 
voit  avec  lui  que  le  Duc  de  la  Ro* 
chefoucault ,  éc  le  Piince  de  Marlik 
lac.  Ils  marchèrent  néanmoins  tou- 
jours vers  Châcillon.  Le  Prince  de 
MarliUac  marchoit  cent  pas  devant 
2y4on(ieur  le  Prince ,  &  le  Duc  de 
la  RocheFoucault  alloit  après  lui  à 
même  diftance,  afin  qu'étant  averti 
par  l'un  des  deux  ,  il  eût  quelque 
avantage  pour  fe  fauver.  Ils  n'eu- 
rent pas  fait  grand  chemin  en  ces 
état  -  là  3  qu'ils  entendirent  tirer 
des  coups  de  piftolet  du  côté  où 
c'rojcallé  le  Valet  de  chambre  ,  Se 
çji  mêpie  temps  virent  paroitre  qua- 


B  E    M.  D.  L.  R.     277 
[•e   Cavarliers  fut:  leur  main  gau- 

he  ,   qui  marchoient  au  trot  vers 
ux  :  ils  ne  doUcereiK  point  alors  , 
u  ils  ne  fu  (lent  fui  vis  y  6c  prenant 
^  parti  de  charger  les  quatre  hom- 
mes, qui  venoicnt,  ils  y  tournèrent 
ans  le  dedèindefe  faire  tuer  plutôt 
[ue  d'être   pris.    Mais    s'en  étant 
pprocbés  5   ils   reconnurent  Cha- 
^ignac  qui  les  cherchoit  avec  trois 
ieiuils-hommes  ;  &  tous  enfeniblc 
:«riverent  à   Châtilion  fans  aucun 
Éiiger.  Le^Prince  de  Condé  y  ap- 
it  des  nouvelles  de  l'armée  qu'il 
«iuloit  joindre ,  &:  feux,  qu'elle  étoit 
z^rs  Lory  près  de  la  Forêt  d'Orléans, 
i'h\ik  lieues   de  Châtilion  ;  il  fçut 
rncore  qu'il  y  avoir  dix  ou  douzc- 
Ihevaux  -  légers  de   la  Garde  du 
^oi  ,  &c  quelques   Officiers    logés 
iansi  la  ville  de  Châtilion  -,  &c  cela 
'obligea-  d'en  partir  en   diligence 
m  ja  minuit  avec  un  guide  pour 
Loi'y,  Ce  guide  pcnfa  être   caufe 


lyS  Mémoires 
de  fa  perce  ;  car  après  avoir  long, 
temps  marché  ,  il  reconnut  qu'i 
n'écoit  qu'à  une  petite  lieuë  i 
Gien  ;  de  forte  que  voulant  quittai 
ce  chemin-là  ,  pour  prendre  celu 
de  Lory  ,  Monfîeur  le  Prince  pat 
à  trente  pas  du  lieu  oii  Sainte  Maurr 
Pattendoit  :  &c  foit  que  celui  -  ci  m 
le  connût  pas  ,  ou  qu'il  n'osât  le 
charger ,  rien  ne  s'oppofa  à  for 
pafiage  ,  ôc  il  arriva  à  Lory  ,  ci 
il  apprit  des  nouvelles  certaines  d( 
fon  armée  ,  qui  n'étoit  qu'à  deu> 
lieues  de  lui.  Bien  qu'il  fe  cachai 
avec  les  mêmes  précautions  qu'il 
avoit  fait  ailleurs ,  il  fut  reconnu, 
de  le  Duc  de  la  Rochefoucault  aufli, 
par  pluiîeurs  habitans  du  lieu  ,  def- 
quels  il  y  en  avoit  beaucoup  qui 
étoient  domeftiqucs  du  Roi  tk  de 
Monfieur.  Mais  cela  lui  fervit ,  au 
lieu  de  lui  nuire  ;  car  il  y  en  eut 
quelques-uns  qui  montèrent  à  che- 
val avec  lui  ,  de  l'accompagnèrent 


D  E     M.  D.  L.  R.     275^ 

iiqu'à  l'armée.    Il    en   rencontra 

avant -garde  dans  le  commence- 

.eTiC  de  la  Forêt  d'Orléans  j  quel- 

nés  Cavaliers  vinrent  au  qui  vive 

vcc  lui  ;  mais  l''ayant  reconnu  ,  ce 

Il  une  joye  6c  une  furprife  pcuu 

)i  ce  l'armée  ,   qui  ne  fe  pouvoir 

xprimer.    Jamais  elle  u^avoit  eu 

\i'X  de  befoin  de  fa  préfcrice  qu'a- 

Z'ïS'y  3c  jamais  elle  ne  l'avoit moins 

ttcndue.     L'aio-reur     au^mentoic 

DUS   les  jours  entre  les   Ducs   de 

>Jemours  6c    de  Beaufort   de  Von 

'oyoit  périr  avec  certitude  la  feule 

eflburce  du  Parti ,  par  la  divifion 

les  chefs  (a)  ,  lorfque  la  préfence 

lu   Roi  5   de  de    fon    armée  ,   les 

ievoit  le  plus  obliger   à    préférer 

/intérêt    public   à    leurs   querelles 

particulières  (b).  Il  étoit  trop  im- 

(a)  Rébus  turbatis  ,  malum  extremum 

difcordia  accellit.  J^fin.  4. 

(  b  )  Prava  certamina  communi  utilitate 
abolere  ,  &  pofitis  ociis  in  médium 
confulcre  Hiji.  i.  Piivata  odia  j^ublicis 
«tilicatibus  remiïtere,  ^?ra,  i. 


aSo  Mémoire  s 
porcanc  à  Monfieur  le  Prince  de  le; 
terminer  ,  pour  n'y  travailler  pa; 
avec  tout  rempreflèment  imagina- 
ble i  ôc  il  lui  fut  d'autant  plus  facijc 
d'en  venir  à  bout ,  que  Ton  arriver 
leur  ôtant  le  commandement ,  leijj 
ôtoit  auiïi  la  principale  fource  à 
leur  jalouiîc  6c  de  leur  haine.  Lei 
chofes  étant  ainfi  ,  l'armée  marché 
à  Lory  ,  où  l'on  fe  repofa  un  jour; 
il  s'en  paflà  encore  trois  ou  quatre 
durant  Icfquels  on  alla  à  Montargis. 
qui  fe  rendit  fans  réfiftance.  On 
quitta  de  bonne  heure  ce  lieu-là , 
parce  qu'il  étoit  rempli  de  bled  & 
de  vin  ,  dont  on  fe  pouvoit  fervir 
au  befoin  :  &  on  le  fit  encore  , 
pour  donner  un  exemple  de  dou- 
ceur 5  qui  pût  produire  quelque 
effet  avantageux  pour  le  parti  dans 
les  autres  villes.  L'armée  partit  de 
Montargis  ,  «Se  alla  à  Château- 
renard  j  Gourville  à  arriva  en  même 
temps  de  Paris ,  pour  rappoiter  m 


D  E  M.  D.  L.  R.  iSï 
îiicé  îés  ïcntimens  de  Tes  amis 
r  fa  conduire  envers  Monfieur  , 
^envers  le  Parlement.  Les  avis 
fcnt  bien  diffcrens  ;  car  une  par- 
:  lui  confeilloic  de  demeurer  à 
rmée  ,  lui  repréientant ,  que  les 
folutions  de  Monfieiir  &z  du  Par- 
tient  dépendi-oienr  to'jjours  de 
ivenement  de  cette  gaerre  ;  3c 
ic  larit  qu'il  feroit  à  la  tête  d'une 
mée  ■  viîidrieufe  ,  la  puiiTance  du 
ôi.  réfideroit  en:re  Tes  mains  :  au 
^'  qa^dlàilt  à  Paris  *^1  ôtoic  à  Tes 
Dlipes  toute  la  réputation  que  fa 
''i^icnce  leur  avoic  donnée  ,  n^'eii 
'iin'anc  îaiffer  le  commandemenc 
a'aux:  mêmes  personnes ,  dont  la 
vifîon  3c  rincapâciîé  avoienc  écé 
i:'  le  point  de  produire  tant  de 
éfordrcCa).  Chavigny  au  contraire 

(a)  P.emanentium  frangerctur  ani- 
u?  ,  quanJo  fijipecfti  duces  ;  &  ipfe , 
li  uni.  npud  militem  iicies ,  imperia 
icum  in  inceno  relinqueieç.  ii//?.  i. 


iSi  Mémoires 
mandoic  pofîtivement  à  Monheu 
le  Prince  ,  que  fa  prefence  écpi 
neceflaire  à  Paris  -,  que  les  cabale 
de  la  Cour  ,  de  du  Cardinal  4 
Rets  5  augmentoient  tous  les  joui 
dans  le  Parlement  j  &  qu'enfin  elk 
entraîneroient  indubitablement  M 
le  Duc  d'Orléans ,  fi  Mr.  le  Princ 
ne  venoit  lui-même  le  retirer  ci 
la  dépendance  où  il  étoit  ,  c 
mettre  le  Duc  de  Rohan  &c  Chs 
vigny  en  poflefïîon  d'une  place 
qu'ils  ne  pouvoient  plus  difputi 
fans  lui  au  Cardinal  de  Rets.  L 
fin  des  uns  de  des  autres  étoit 
préferablement  à  toutes  choies 
d'entreprendre  quelque  chofe  d 
confiderable  fur  l'armée  du  Roi 
&c  tout  dépendoit  d'un  heureu 
événement.  Dans  ce  temps- là  ,  l 
Prince  de  Condé  reçût  avis  que  l 
brigade  du  Maréchal  d'Hoquir. 
court  étoit  encore  dans  des  quat 
tiers  réparés ,  aflèz  proche  de  Châ 


t>  E    M.  D.  L.  R.     1S5 

au-renard  ,  Se  que  lendemain  elle 

devoir    rejoindre    à    celle    du 

aréchal  de  Turenne.  Cela  le  fit 

foudre  de  marcher  à  l'heure  mê- 

e  avec  toute  fon  armée,  droit  à 

lie  du  Maréchal  d'Hoquinconrt, 

'ant  qu'il  eût  eu  le  temps  de  raf- 

i  mbler  les  troupes ,  &  de  ie  retirer 

■rs  le  Maréchal  de  Turenne  j  ôc 

fuccès  répondit  à    fou   attente, 

entra  d'abord  dans  deux  quar- 

^rs  5   qui  donnèrent  Pallarme  aux 

itres  i  mais  cela  n'em. pécha  pas , 

Li'on  n'en    enlevât  cinq  tout  de 

;ite  :  les  quatre  premiers  ne  firent 

refque  point  de  réfiftance  ,  mais 

Maréchal  d'Hoquincourt  s'étanc 

lis  en  bataille  avec  huit  cent  che- 

aux    fur   le    bord  d'un  ruilîeau  5 

u'on  ne  pouvoir  pafier   qu'un  à 

n  fur    une  digue    fort  étroite  3c 

)rt  rompue  ,  fit  mine  de  vouloir 

ifputer  ce  pafTage  au-delà  duquel 

coienc   les  autres  quardeis  qu'on 


2,84  Mémoires 
alloit  attaquer  :  mais  des  que  î 
Duc  de  ^4emoul-s  &  trois  ou  quatr 
autres  eurent  paflfé  le  défilé  ^1 
Maréchal  qui  jugeoit  bien  c|u 
toute  l'armée  devoit  être  là  ,  j 
retira  derrière  le  quartier  ,  &  .. 
laiira  piller  ,  fe  contenranc  de,  J 
remettre  en  bataille  ,  pour  efiray( 
de  prendre  Ton  temps ,  de  de  cha; 
gcr  pendant  le  pillage.  Ce  qùartiCw 
là  ne  fit  pas  plus  de  réfiftance  qi 
les  autres  y  mais  comme  les  maifoi 
étoient  couvertes  de  chaume  ,  ( 
qu'on  y  mit  le  feu  ,  il  fut  aifé  a 
Maréchal  d'Hoqu incourt  de  difce: 
ner  à  la  clarté,  le  nombre  des  trôi 
pes  qui  éroienu  paflées  ;  Se  vôyai 
qu'il  n'y  avoit  pas  plus  de  cei 
chevaux  5  il  marcha  pour  les  chai 
gcr  avec  plus  de  huit  cent.  Le  Prif 
ce  de  Condé  voyant  fondre  fur  n 
cette  Cavalerie  ,  fit  promprcméi 
un  efcadron  de  ce  qu'il  avoit  ave 
lui,  Ôc  marcha  aux  ennemis  ave 


D  E    M.  D.  L.  R.     1S5 

î  nombre  fi  inégal ,  qu'il  femble 
ic  le  hcizaid  avoic  fait  aoiiver  en 

lieu-là  tout  ce  qu'il  y  avoic  d'Of- 
i^itïs  Généuaux  dans  Ton  armée  , 
>iir  lui  faire  voir  ce  qu'un  mau- 
is  événement  était  capable  de  lui 
ire   perdre.    Il  avoic  compofé  le 

emier  rang,  où  il  écoit,  des  Ducs 
i  Nemours  ,  de  Beaufort ,  &c  de 
Rochefoucault ,  du  Prince  de 
iarfillac  ,  du  Marquis  de  Clin- 
lant  qui  commandoit  les  troupes 
'Efpagne  ,  du  Comte  de  Tavancs 
ieutenant-Général ,  de  Guitauk  , 
e  Gaucourt  ,  Se  de  quelques  au- 
<és  Officiers  :  les  deux  elcadrons 
rent  leur  décharge  d'alTez  après , 
ms  que  pas  un  pliât  j  mais  deux 
autres  ayant  chargé  aulTi-tqc  prè^ 
ejui  du  Prince ,  le  Duc  de  Nemours 
Ut  un  coup  de  piftolec  au  travers 
vj;  corps ,  3c  Con  cheval  fut  tué. 
/cfcadron  du  Prince  de  Condé  , 


iPOU 


uvanc  ioûcenir  deux  charj^es 


o 


1Î6  Mémoires 
Il  près  à  près,  fe  rompit,  &:  fe  retîr 
cent  pas  en  defordre  vers  le  quaitif 
qui  étoit  en  feu  j  mais  le  Prince  t 
les  Officiers  Généraux  qui  étoier 
avec  lui ,  ayant  pris  la  tête  de  l'efcs 
dron,  l'arrêtèrent.  Les  ennemis': 
contentèrent  de  l'avoir  fait  plier  fai 
Penfonccr  :  il  y  eut  feulement  que 
ques  Officiers  ôc  quelques  Cavalie 
qui  avancèrent  ;  &  le  Prince  c 
Marfdlac  ,  qui  fe  trouva  douze  c 
quinze  pas  derrière  l'efcadron  cji 
plia  5  tourna  à  un  Officier  &  le  tt 
de  coups  d'épée  entre  les  deux  efcé 
drons.  Le  Prince  de  Condé  ,  corr 
me  j'ai  dit ,  arrêta  le  lien  de  lui  i 
tourner  tête  aux  ennemis  ,  qui  t 
Pavoient  ofé  puuiTer  ,  de  craini 
qu'il  ne  fût  foûtenu  par  de  l'infar 
terie.  Ce  defordre  avoit  donr 
temps  à  un  efcadron  de  trente  ma 
très  de  paiTer  le  défilé  :  le  Princ 
de  Condé  fe  mit  auffi-tôt  à  la  tel 
avec  le  Duc  de  la  Rochefoucault 


D  E     M.  D.  L.  R.     287 

attaquant  le  Maréchal  d'Hoquin- 
urc  par  le  flanc ,  le  fit  charger 
tête  par  l'eicadron  où  il  avoit 
(ïé  le  Duc  de  Beaufort.  Cela  ache- 
de  renverfer  les  ennemis  ,  donc 
e  partie  fe  jetta  dans  Bleneau  j 
on  pou  (là  le  refte  trois  ou  quatre 
à'és  vers  Auxerre  ,  fans  qu'ils 
;ya{ïènt  de  fe  rallier.  Ils  perdirent 
it  leur  bagage  ,  de  on  leur  prie 
•is  cent'  chevaux.  Cette  déroute 
:  été  plus  grande  ,  fans  l'avis 
i  fut  donné  au  Prince  de  Condé  , 
Ê  Varmée  du  Maréchal  de  Turen- 
paroifloit. 

Cette  nouvelle  le  fit  retourner  à 
1  Infanterie  ,  qui  s'étoit  débandée 
ur  piller  (a)  ;  &c  après  avoir  rallié 
,  troupes  5  il  marcha  vers  le  Ma- 
:hal  de  Turenne ,  qui  mit  Ton  ar- 
^e  en  bataille  dans  de  fort  gran- 

(a)  Obftitit  vincentibus  pravum  inter 
os  certamen  hofte  omilTo  fpolia  conr 
itandi.  Hifi.  4.  '" 


aSS  Mémoires 
des  plaines,  3c  plus  près  que  I 
portée  du  moufquec  d'un  bois  d 
très-grande  étendue  ,  par  le  milie 
duquel  l'armée  du  Prince  de  Cor 
dé  devoir  paffer  pour  aller  à  lu 
Ce  palTage  étoic  de  foi  afTez  larg 
pour  pouvoir  faire  marcher  deu 
cfcadrons  de  front  5  mais  comme 
étoit  fort  marécageux  ,  ôc  qu'on 
a  voit  fait  pludeurs  fofles  pour  1 
dedècher  ,  on  ne  pouvoit  arrive 
à  la  plaine,  qu'en  déHlant.  LePrir 
ce  de  Condé  la  voyant  occupée  pi 
les  ennemis,  jetta  Con  Infanterie 
droit  ôc  à  gauche  dans  le  bois  qi 
la  bordoit,  pour  en  éloigner  U 
ennemis  j  Se  cela  fit  l'effet  quf. 
avoit  dehré  :  car  le  Maréchal  é 
Turenne,  craignant  d'être  incoasi 
mode  par  la  mouiqueterie  ,  quitt 
fon  pofte  pour  en  aller  prendre  u 
autre  qui  étoit  un  peu  plus  éloigné 
&  plus  élevé  que  celui  de  Monfiet 
le    Prince.    Mais  le  mouvement 


DE     M.  D.  L.  R.     ig^ 

u*il  fit  pour  cela  ^  fit  croire  à  Mr. 

Prince  ,  qu'il  fe  retiroit  vers 
ien ,  &c  qu'on  le  déferoit  aifémenc 
ms  le  défordre  de  fa  retraite  avant 
a'il  pût  y  arriver.  Pour  cet  effet 

fit  avancer  fa  cavalerie  ,  &c  fe 
Ita  de  faire  pafTer  le  dénié  à  fix  ef* 
drons  pour  entrer  dans  la  plaine  j 
ais  le  Maréchal  de  Turenne  ju- 
tant bien  le  défavantage  qu'il  au- 
ic  de  combattre  Monfieur  le 
ince  dans  la  plaine  ,  avec  des 
Dupes  vidorieufes  ôc  plus  forces 
le  les  fiennes  ,  prit  le  parti  de  re- 
urner  Tépée  à  la  main  fur  ces 
:  efcadrons,  pour  défaire  ce  qui 
:oit  palfé,  de  pour  arrêter  le  refle 
•s  troupes  au  delà  du  défilé.  Mon- 
:ur  le  Prince,  qui  jugea  de  fon 
tention,  fitrepafler  fa  Cavalerie  ; 
ainfi  le  défilé  les  empêchant  de 
»uvoir  aller  l'un  à  l'autre  fans  un 
b-grand  défavantage ,  l'on  fe  con- 
iita  de  faire  avancer  l'artillerie  de 

Tme  II.  N 


•xç)0     Mémoires 
.deux  côtés,  ô:  de  fe   canoner  fe 
îong-cemps;  mais   le    fuccès    n'ei 
fut  pas  égal  ;  car  outre  que  celle  d 
Monjieur  de  Turenne  écoît  en  plu 
grand  nombre  &c  mieux  fervie  q,u 
celle  de   Tes  ennemis ,  elle  avoit  er 
cote  la  hauteur  fa)  fur  les  troupe 
de  Monfieur  le  Prince  ,  lerqueïii 
étant  ferrées   dans  le   pailagc ,  qi 
féparoit  le  bois ,  il  n'y  eut  prefqt 
point  de^oups  inutiles  (b)  ;  &  on- 
perdit  plus  de  fîx-vingt  Cavaliers 
&  plufieurs  Officiers,  entre  leqiie 
fut  Mare  frère  du  Maréchal  de  Grai 
cey.    On  palla  ainfi  le  refle  dcL 
journée.  Au  coucher  -dufnfoleiL,è 
Maréchal  de  Turenne  fe  retira  vu 
Gienj  le  maréchal  d'Hoquincourii 

(a)  Confertus  pedes,  difpofir^  atv 
ta  prirlio  pi-ovifî.    Ann.  4.  . 

.  (b)  Neqiic  fericndi  ,  neque  déclinai 
^i  providenîia  nihil  proceiTe  yerci: 
H-^.  4  Jit  c'i'toît  ur.  cuin.'ige  flûtvi  qn't 
Cow/i/T/-.    Cxdcs  magis     qùàm    pugn 


D  E     M.  D.  L.  R.     191 

'■[wi  l'avoic  joint  depuis  fa  défaite , 
demeura  à  l'arriere-2;arde  ;  de  écanc 
illc  avec  quelques  Ofhciers  ,  poui: 
ctiLer  refcadron  ie  plus  près  du. 
léfilé ,  il  fur  reconnu  de  Monlieur  le 
^rince  ,  qui  lui  envoya  dire  ,  qu'il 
eroic  bien-aife  de  le  voir ,  Ôc  qu'iL 
)ouvoit  avancer  fur  la  parole.  Il 
k  ce  que  Monfieur  le  Prince  defira, 
k  s'avan<^anc  avec  quelques  Ofîî- 
;iers ,  il  rencontra  Monfieur  le  Prin- 
;e  ,  iuivi  des  Duc  de  la  Rochefou-» 
:ault  ôc  Beaufort ,  de  de  deux  ou 
rois  autres.  La  converfation  fe  paf- 
a  en  civilités  ôc  en  railleries  du  cô- 
é  de  Monfieur  le  prince  ,  ôc  en  juf- 
ificatîons  de  celui  du  Maréchal, 
ur  ce  qui  lui  venoic  d'arriver,  fe 
)laignant  de  Mr.  de  Turenne  , 
)ien  qu'on  pût  dire  avec  jaftice  , 
[u'il  fit  ce  jour-là  deux  actions  beU 
es  Ôc  hardies ,  dont  le  fuccès  fut 
:aufe  de  fon  falut  de  de  celui  de  la 
jOur  :  car  dès  qu'il  fçut  que  la  bri» 


ipi  Mémoires 
gade  du  Maréchal  d'Hoquincouit, 
qui  le  de  voit  venii"  joindre  le  len- 
demain 5  ctoit  attaquée  ,  il  marcha 
avec  très-peu  de  gens  dans  le  lieu, 
où  on  le  trouva  en  bataillej  &  atten- 
dit tout  le  jour  le  refte  de  Tes  trou- 
pes ,  s'expofant  par-là  à  être  inévi- 
tablement défait  :  Mr.  le  Prince  eût 
été  à  lui  ,  au  lieu  de  fuivre  deux 
ou  trois  lieues ,  comme  il  fit ,  le? 
troupes  qu'il  avoit  défaites  la  nuit: 
il  fauva  encore  ce  même  jour-là  le; 
reftes  de  l'armée  du  Roi  avec  beau- 
coup de  valeur  de  de  conduite,; 
lorfqu'il  retourna  fur  les  fix  efc^- 
drons  de  Mon(ieur  le  Prince ,  qu 
avoient  paflé  le  défilé,  &c  anèï^ 
par  cette  action ,  une  armée  qui  fan 
doute  l'auroit  taillé  en  pièces,  i 
elle  avoit  pu  fe  mettre  en  batai^ 
dans  la  même  plaine ,  où  il  étoifl 
L'armée  du  Roi  étant  retirée  ,  Mon 
fieur  le  Prince  fit  prendre  à  la  fiep 
ne  le  chemin  de  Chacillon^  &  al 


D  E     M.  D,  L.  R.     295 

la  cette  nuir  loger  dans  les  quartiers, 
fur  le  canal  de  Briare  ,  près  la  Bruf- 
fcrie.   Il    fe  rendit  le  lendemain  à 
Chatillon  avec  toutes  Tes  croupes, 
dont  il  lai  (la   deux  jours  après  le 
Commandement  à  Clinchant  ,   &C 
au  Comité  de  Tavanes,  pour' aller  à 
Paris  avec  les  Ducs  de  Beaùfort  Se 
de  la  P.ochefoucault.     Ce  voyage 
étoit  de  plus  grande  importance  , 
qu'il   ne   lui  parut  alors  j  &  je  fuis 
perfuadé ,  que  l'envie  feule  d'aller  à 
Paris,  Se  d'y  recevoir  Papplaudifle- 
ment  général  que  méritoic  le  fuc- 
cès   d'un   fi  périlleux    voyage ,   & 
d'une  Cl  grande  vidoire  ,  lui  fit  ap- 
prouver les  raifons  de  Chavigni  , 
qui  defîroit  en  effet  d'être  appuyé 
de  la  perfonne  Se  de  l'autorité  de 
Monfieur  le  Prince  ,  pour  occuper 
la   place  que    le  Cardinal  de  Rets 
tenoit  auprès  de  Moniîeur  le  Duc 
d'Orléans.  Il  efpcroit ,  comme  j'ai 
déjà  dit ,  fe  rendre  égalcm.ent  cou- 
N    5 


it)4  Mémoires 
fîdérable  à  ces  deux  Princes ,  cft 
perfuadant  à  l*un  de  à  l'autre ,  qu'il 
ctoit  le  véritable  fujetde  leur  unioiii 
&  de  plus  il  croyoit  que  cette  voye 
•étoit  la  plus  fecile  pour  réiiffir  dans 
ie  projet  qu'il  avoit  fait  avec  Fa- 
bert.  Il  prefiTa  donc  Mr.  le  Prince 
/de  venir  à  Paris  pour  s'oppoier  auï 
efFoits  que  le  Cardinal  de  Rets  faii 
jbit  fur  Tefprit  de  Monfieur ,  &c  poUt 
profiter  de  la  bonne  difpoiition  du 
J^arlement,  qui  avoit  donné  un  Ar- 
jêt,  par  lequel  il  mettoit  à  prix  la 
icte  du  Cardinal  Mazarin.  De  quel- 
que  façon  que  Monfieur  le  PrincC 
fut  perfuadé  des  avis  de  Chavignyi 
il  ne  laifiâ  pas  de  les  fuivre  ;  ilftit 
reçu  à  Paris  avec  tant  d'acclama- 
tions &  de  témoignages  de  la  joy^B 
publique,  qu'il  ne  crût  pas  avoit 
lujet  de  fe  repentir  de  fon  vôyagél 
Les  cliofes  demeurèrent  quelque 
temps  en  ces  termes;  mais  comm« 
l'armée  manquoit  de  fourrage  vers 


D  F.     M.  D.  L.  R.     25)  > 
^hâcillon  ê-c  ^iontargis,  (Se  qu'on 
'oloÏ!:  ni  l'éloigner  ni  l'approcher 
e  Pai-is,  on  la  fie  marcher  à  Eftam- 
es,  où  Ton  crac   qu'elle   pouvoit 
ijourner  un  temps  conlid érable  , 
\  ec  sûreté  dz  abondance  de  toutes 
hofes.  Le  Duc  de  Nemours  n'étoin 
■as   encore   guéri   de  fa   blefiurc  y. 
3^-/qu'on  vint  donner  avis  au  Prin- 
^  de  Condé,  que  quelques  troupes 
l.ù  Roi  commandées  par  le  Comte 
le  ^iio(^ens  &  le  Marquis  de  Saint 
vleigrin  ,  Lieutenants  -  Généraux, 
narchoient     de  Saint  Germain   à 
iaint  Cloud  avec  deux  canons,  à 
iefïein  de  chafler  cent  hommes  du 
régiment  de  Condé,  qui  s'étoienc 
retranchés  fur  le  pont,  &  en  avoient 
;ompu  une  arche.  Cette  nouvelle  ht 
iViffi-tot  monter  à  cheval  Monfieur 
le  Prince  avec  ce  qu'il  rencontra  au- 
près de  lui  3  mais  ce  bruit  s'étanç 
répandu  par  la  ville  ,  tout  ce  qu'il 
y  avoit  de  perfonnes  de  qualité,  le 
•N  4 


ic)6      Mémoires 

vinrent  trouver  à  Boulogne  ,  Se  fu- 
rent fuivis  de  huit  ou  dix  mille 
Bourgeois  en  armes.  Les  troupes  d\: 
Roi  fé  contentèrent  de  tirer  quel- 
ques  coups  de  canon  ,  &  fe  retirè- 
rent fans  avoir  eflayé  de  fe  rendre 
maîtres  du  pont  *,  mais  le  Prince  de 
Condé  voulant  profiter  de  la  bon- 
ne  difpofition  des  Bourgeois ,  leùi 
ayant  donné  des  Officiers  ,  les  fii 
marcher  vers  St.  Denis ,  où  il  avoii 
appris  qu'il  y  avoit  une  garnifor 
de  deux  cent  Suifles  ;  les  troupes  y 
arrivèrent  à  l'entrée  de  la  nuit ,  & 
ceux  de  dedans  en  ayant  pris  l'âî- 
larme  ,  la  donnèrent  promptemefe 
aux  aiTiégeans.  Car  ,  Monfieur  le 
Prince  ,  étant  au  milieu  de  trois 
cent  chevaux  compofés  de  tous  les 
braves  ôc  de  tous  les  intrépides  dç 
fon  parti  ,  s'en  vit  abandonné  (a) , 
dès  qu'on  eut  tiré  quelques  moût 

(a)  Ante  difcrimen  féroces,  in  peri- 
culo  pavidi.  H//?,  i» 


D  E     M.  D.  L.  R.     2p7 

quetades ,  ôc  demeura  lui  fcptiéme. 
'  L(  refte  Te  renverfa  en  défordre  fur 
ri::fancerie  des  Bourgeois  ,  qui  s'é- 
bianla  ,   &:  qui  eut  fans  doute  fuivi 
['exemp'e  de  la  Noblelle ,  ii  Mr.  le 
Prince  ,  Se  ce  qui  écoit  demeuré  au- 
i  près  de  lui  ,  ne  1/eût  arrêtée ,  ôc  ne 
''  l'eut  faite  entrer  dans  St.  Denis  par 
ics   vieilles  brèches    qui  n^étoient 
'poir.t  défendues.   Alors  toutes  ces 
I  perfonnes  de  condition  ,  qui  Pa- 
voient    abandonné  ,    revinrent    le 
trouver  ,  chacun  alléguant  une  rai- 
ton   particulière    pour    excufer  fa 
fuite   (  a  )  3  bien  que  la  honte  en 
dût  être  commune.  Les  Suifîes  vou- 
lurent défendre  quelques   barrica- 
des dans  la  ville  ;  mais  étant  prefTés 
ils  fe  retirèrent  dans  l'Abbaye,  où  ils 
fe  rendirent  deux  heures  après  pri- 
fonniers  de  gruerre.  On  ne  fit  au- 
N  s 

fa)  Diverfas  fugac  caufTas  obtenden- 
tes.  JÏ7m.  iç.^uiim  quifque  fÎ2gitium 
aliis  obje(ftanies.  Hiji.  i. 


198  Mémoires 
Gun  Jefordres  aux  habitans ,  ni  aux 
Couvents  ,  ÔL  Mr.  le  Prince  fe  retir 
la  à  Paris ,  laiflant  Deflandes  Capi+ 
taine  de  Condé  avec  deux  ceot 
hommes  dans  Saint  Denis  ,  qui  fut 
jepris  dès  le  foir  même  par  leS 
troupes  du  Roi  :  mais  Deflandes  fs 
retira  dans  TEglife,  où  il  fe  tint  tro.ft 
jours.  Bien  que  cette  adion  -  là  iai4 
fut  confidérablc  de  foi  par  aucune 
circonilance  ,  elle  ne  lailTa  pas  dç 
difpofer  les  Bourgeois  en  faveur  dé 
Mr.  le  Prince  j  ôc  ils  lui  donnoienî 
des  louanges  d'autant  plus  voloi> 
tiers  5  que  chacun  le  prenoit  pou^ 
témoin  de  fon  courage ,  &c  du  péril 
qu'il  croyoit  avoir  couru  dans  cec-i 
te  occafion.  Cependant  le  Duc  de 
Rohan  ôc  Chavigny  voulurent  fuî* 
vre  leur  premier  delïein  ,  ôc  profir 
ter  d'une  conjoncture  fi  favorable  , 
pour  faire  des  propoficions  d'accom- 
modement :  ils  croyoient  ,  que  là 
Cour  accompliroit  de  bo^ne  foi , 


D  E     M.  D.  L.  R.     299 

:outes  les  chofes  dont  Fabert  ne  leur 
ivoit  fait  des  ouvertures ,  que  pour 
es  engager  avec  le  Cardinal ,  qui 
e  vouloit  fervir  d'eux  pour  entraî- 
ler  Mr.  le  Duc  d'Orléans  &  Mr. 
c  Prince  dans  cet  abîme  de  né^o- 
nations  ,  dont  on  n'a  jamais  vu  le 
^ond  ,  &  qui  a  toujours  été  fon  fa- 
bc  5  auffi-bien  que  la  perte  de  (es 
ennemis  (aj.  En  efrer,  dès  que  les 
premiers  jours  de  l'arrivée  de  Mr. 
Ee  Prince  furent  palTés ,  les  intrigues 
&  les  cabales  fe  renouvellerent  de 
tous  cotés  ;  de  foit  qu'il  fût  îa{S 
d'avoir  foutenu  une  guerre  fi  péni- 
ble 5  ou  que  le  féjour  de  Paris  lui 
donnât  l'envie  &  l'efpérance  de  la 
paix  5  il  quitta  enfin  pour  un  temps 
toutes  les  autres  penfées^  pour-  cher^ 
cher  les  moyens  de  la  faire  auiïi 

(apTènt^tis^'per'ciolloquium  8c  pro^ 
niiila  ,  poftquàm  pax  &  concordiâ  fpe- 
ciolis  &  iiTuis  nominicms  .jaftata  lunt  ^ 
,con{ilia  ciiraf^ue  iiî  bos  virtit.  Hijl.  2.- 


300  Mémoires 
avantagcufe  qu'il  l'avoir  projcttée. 
Mr.  de  Rohan  ôc  Chavigny  lui  en 
donnèrent  de  grandes  efpcrances^ 
pour  Tobliger  à  fe  repofer  fur  eux 
du  foin  de  cette  négociation  &  à  \q$ 
lailîèr  aller  feuls  avec  Goulas  à  Sr, 
Germain  chargés  de  fes  intérêts  & 
de  ceux  de  Mr.  le  Duc  d'Orléan& 
On  propofa  aufli  d'y  envoyer  MK 
de  la  Rochefoucaulc ,  &  Monficat 
le  Prince  le  fouhaitoit  pour  beaui 
coup  de  raifons;  mais  il  s'excufa  fm 
l'opinion  qu'il  eut  ,  ou  que  la  pah 
étoit  déjà  conclue  entre  Mr.  &  li 
Cour  par  l'entremife  fecrette  dt 
Chavigny  fans  la  participation  de 
^Ir.  le  Prince;  ou  qu'elle  ne  fc  con- 
cluroit  point  alors  ,  non  feulement 
parce  que  les  prétentions  de  Mr.  \t 
Prince  éroicnt  trop  grandes  ,  mats 
encore  p?rce  que  le  Duc  de  Rohan 
&  Chavigny  vouloicnt  aflurer  les 
leurs  3  par  préférence  à  tout  le  refte. 
Ainii  le  Duc  de  Rohan  ,  Chavigny, 


D  E  M.  D.  L.  R.  3 CI 
,  k  Goulas  allèrent  à  Saint  Germain 
jivec  charge  exprellc  de  ne  poinc 
!  'oir  le  Cardinal  Mazarin  ,  &  de  ne 
ien  traiter  avec  lai.  Les  demandes 
le  Mr.  confiftoient  principalement 
L  l'éloignement  du  Cardinal  j  mais 
relies  de  Mr.  le  Prince  étoient  plus 
ftenduës  ,  parce  qu'ayant  eng<^.gé 
ians  ion  parti  la  ville  Ôc  le  Parie- 
nent  de  Bordeaux ,  &  un  grand 
îombre  de  perfonnes  de  qualité  ,11 
avoir  fait  des  traités  particuliers 
avec  eux  ,  où  il  s'engageoit  de  n^'en 
Faire  point  avec  la  Cour ,  Tans  y 
comprendre  leurs  intérêts ,  en  la 
manière  que  je  dirai  ci-après.  Per- 
fonne  ne  doutoit  du  fiiccès  du  voya- 
ge de  ces  Meilleurs  ;  il  n'y  avoir 
pas  auffi  d'apparence  ,  qu'un  hom- 
me h?=b  le  comme  Chavigny  con- 
noi(Tàiit  la  Cour  &  le  Cardinal  Ma- 
!zariîi  par  tant  d^'expérienccs  ,  fe  fut 
en^aiié  à  imt  néi^ociation  du  poids 
de  celle-là  ,  l'ayant  ménagée  trois 


jûi  Mémoires 
mois  3  fans  être  afsLiré  de  l'événe- 
menc.  Cette  opinion  ne  dura  pas 
long-temps,  &  l'on  apprit  par  le  rfi* 
tour  des  Députés  ,  que  non  feuk^ 
ment  ils  avoient  traité  avec  le  Car- 
dinal Mazarin  ,  contre  les  ordres 
exprès  qu'ils  en  avoient  j  mais  mè. 
me  ,  qu'au  lieu  de  demander  poui 
Mr.  le  Prince  ce  qui  étoit  porté  dans 
leur  inftrudion  ,  ils  n'avoient  iniifté 
principalement ,  que  fur  PétabliflTe- 
ment  d'un  Confeil  néceflaire  ,  pref. 
que  en  la  même  forme  de  celui 
que  le  feu  Roi  avoit  ordonné  en 
mourant  j  moyennant  quoi  ils  dé- 
voient porter  Mr.  le  Prince  à  con- 
fentir  ,  que  le  Cardinal  Mazarin  , 
fuivi  de  Chavigny  ,  allât  traiter  la 
Paix  générale  au  lieu  de  Monsieur 
le  Prince  ;  ôc  qu'il  pût  revenir  en 
France  après  la  conclufîon.  Comme 
ces  proportions  étoient  fort  éloi- 
gnées des  intérêts  de  des  fentimens 
de  Mr.  le  Prince  ,  il  les  reçut  aufTi 


DE     M.  D.  L.  R.     305 

vec  aigreur  contre  Chavigny  ^  de 
éfplut  de  ne  lui  donner  plus  defor- 
lais  aucune  connoillance  de  ce 
u'il  traiceroit  fecretement  avec  la 
]our.  Pour  cet  effet ,  il  chargea 
iourville  d'une  inftrudion  dreilée 
n  la  préfence  de  la  Ducheiïè  de 
]hâ,tilion,  &c  des  Ducs  de  Nemours 
c  de  la  Rochefoucault,  qui  portoic 
e  qui  s'enfuit. 

.Le  premier  point  étoit  :  »  Qu'on 
:-iie  veut  plus  de  négociation  palïe 

•  aujourd'hui  ;  de  qu'on  veut  une 
■  réponfe  pofitive  fur  tous  les  points, 
•de  ouï  5  ou  de  non  ,  n'étant  pas 
'  poffible  de  fe  relâcher  fur  aucun. 

•  On  veut  agir  fincerement ,  ôc  par 

>  conféquent  on  ne  veut  promettre 
y  que  ce  qu'on  veut  exécuter  '<,  mais 
?,aulïi  l'on  veut  être  affuré  de  ce 
i^que  la  Cour  promettra. 

,,,v  z°.  On  fouhaite  que  le  Cardi- 
i-âjHâl  Mazarin  forte  préfentememt 
y  du  Royaume,   d<,    qu'il  aille    à 

>  Bouillon  : 


304     Mémoires 

"  5°.  Q_ue  le  pouvoir  foit  donm 
»  à  Monfieur  6c  à  Mr.  le  Prince  d« 
»  faire  la  paix  générale  ,  &  qu'ils  ] 
'^  puilTent  travailler  préfencementi 

îj  4°.  Qu'à  cet  effet  on  convien 
>*  ne  de  conditions  jr.fl;es  &  raifo^ 
»  nables,  &  que  Mr.  le  Prince  pu^( 
»  fc  envoyer  en  Efpagne  pour  de 
"  meurcr  d'accord  du  lieu  de  I; 
"  Conférence  : 

»  5°.QLi'on  fa(ïe  unConfcil  com 
«  pofé  de  perfonnes  non  fufpedes 
«  dont  on  conviendra  : 

V  6°.  Qu'on  ote  le  Surintendanr 
»  Se  qu'on  régie  les  Finances  par  ui 
>i  bon  Confeil  : 

"  7°.  Qiie  tous  ceux  qui  ont  fer- 
5^  vi  Monfieur  5  ou  Mr.  le  Prince. 
5^  foient  rétablis  dans  leurs  biens  ; 
yy  ôc  dans  leurs  Chargt:s  ,  Gouverr 
33  nernens ,  penfîon?  ^  afïIgnarionSj 
»&  fcicnt  rcafTîgnés' fur  des  )bc)n4 
»  fonds ,  &L  Monfieur  6c  Meffieurs 
"  les  Princes  auiïi  ; 


t  E     M.  D.  L.  R.     30 j 

>'  S*=».  Que  Mr.  le  Duc  d'Orléans 
fera  facisfaic  fur  les  chofes  qu'il 
peut  defuer  pour  lui ,  &  pour  les 
amis  : 

"  9^.  Qiie  les  troupes  de  les  Of- 
ficiers 5  qui  ont  fiiivi  Meilleurs  les 
Princes  ,  feront  traités  comme  ils 
éroicnt  auparavant ,  Se  auront  les 
mêmes  ran^s  qu'ils  avoient. 
»  10°.   Qi-i'on  odtroyera  à  Mei- 
iîeurs  de  Bordeaux  les  chofes  qu'ils 
demandoienc  avant  cette  guerre  ^ 
ôc  pour   lefquelles  ils  avoient  des 
Députés  à  la  Cour: 
"  11^.    Qii'on  accordera    quel- 
•  que  décharge  de  Tailles  dans  la 
»  Guienne  ,  dont  on  conviendra  de 
'  bonne  foi  : 

»  1 1**.  Qii'on  donnera  à  Mr.  le 
'  Prince  de  Conti  la  permifîîon  de 
>  traiter  du  Gouvernement  de  Pro- 
»  vence  avec  Mr.  d'Angoulême  ,  6c 
•>  celle  de  lui  donner  la  Champagne 
»»  en  échange,  ou  de  la  vendre  à  qui 


3C6        M    E    M    O    I    R    E    s 

»  il  voudra  pour  lui  en  donner  l*ar- 
»  genr;  &  que  pour  le  furplus ,  or 
»>  l'alTiftera  d'une  fomme  d'argent 
»  dont  on  conviendra  :  / 

»>  15°.  Qu'on  donnera  à  Mr.  d< 
»  Nemours  le  Gouvernement  d'Au- 
«  vergne  : 

"  14°.  Qu'on  donnera  au  Préfi- 
»  dent  Viole  la  permifïîon  de  traite: 
:j  d'une  charge  de  Préfident  au  Mor 
î^  tier  ou  de  Secrétaire  -  d'Etat  j  ■]& 
»  parole  ,  que  ce  fera  la  première 
»  3c  une  fomme  d'argent  dès  cett( 
»  heure  ,  pour  lui  en  faciliter  la  ré- 
"  compenfe  : 

"  15°.  Qix'on  accordera  à  Mon- 
i>  fleur  de  la  Rochefoucault  le  bre- 
V  vet  qu'il  demande  ,  pareil  à  celu: 
a  de  Meffieurs  de  Bouillon  «Se  d< 
y>  Gui  mené  ,  &  le  Gouvernemeni 
w  d'Angoumois  de  de  Xaintongq. 
»  ou  la  fomme  de  fix- vingt  milk 
>f  écus  ;  &  la  permiiïion  de  traitei 
w  dudit  Gouvernement ,  ou  de  td 
w  autre  qu'il  voudra  : 


D  E  M.  D.  L.  R.  307 
'>  16°.  Qu'on  donnera  au  Prince 
Tarente  un  brevet  pour  ion  rang , 
Pareil  à  celui  de  Mr.  de  Bouillon; 
::\:  qu'on  l'en  mettra  en  polTeflionj 
Se  qu'on  le  dédommagera  desper- 
:es  qu'il  a  fouifertes  à  la  prife  ôc 
m  raiement  de  Taillebourg  ,  fui- 
vant  le  mémoire  qu'il  en  don- 
nera : 

"  17*^.  Qu'on  fera  Mcfïieurs  de 
Marfin  6c  du  Doiçnon  Maréchaux 
de  France  : 

»  18°.  Qti'on  donnera  des  Let* 
très  de  Duc  à  Mr.  de  Montefpan  : 
»  19°.  Qii'on  rétablira  Mr.  de 
Rohan  dans  Ton  Gouvernement 
d'Anjou  &  d'Angers,  &  qu'on  lui* 
donnera  le  pont  de  Ce  avec  le 
leflcrt  de  Saumur  : 
îii>  20°.  Qii'on  donnera  à  Mr.  de 
k-Force  le  Gouvernement  à  Ber- 
gerac de  Sainte-Foi ,  ôc  la  furvi- 
vance  de  MonHeur  de  Cafteinau , 
fon  fils  : 


3o3     Mémoires 

»  ii°.  Qu'on  adarcia  Monfîèui 
tt  le  Marquis  de  Sillery  ,  de  le  fan 
"  Chevalier  de  l'Ordre  à  la  pr< 
»  miere  promotion  ,  &  qu'on  lui  e 
"  donnera  un  brevcr,  avec  une  foh 
w  me  de  cinquante  niille  ccus  ,  poi 
»^  acheter  un  Gouvernement  :  m( 
>'  yennant  quoi  l'on  promet  de  p( 
»  fer  les  armes  ,  &  de  confentir  c 
»  bonne-foi  à  tous  les  avantages  'C 
"  Cardinal  Mazarin  ,  ôc  à  ion  f( 
»^  tour  dans  trois  mois  ,  ou  dans 
»  temps  que  Mr.  le  Prince  ayai 
"  ajufté  les  points  de  la  paix  gén» 
»  raie  avec  les  Espagnols ,  fera  fi 
y  le  lieu  de  la  Conférence  avec  1( 
»  Miniftrcs  d'Eipagne,  ^  qu'il  ai 
"  ra  mandé  ,  que  la  paix  ePi  prê^ 
'^  d^être  fignée  ;  laquelle  il  ne  iign( 
"  ra  qu'après  le  retour  du  Cardin; 
"  Mazarin  :  mais  que  l'argent  mer 
"  tionné  par  le  traité ,  fera  demi 
»'  avant  fon  recour,  « 


©  E     M.  D,  L.  R.     505 

Le  Cardinal  écouta  les  propoli- 
ns  de  Gourville  ,  ôc  y  parût  très- 
ile  ,  foit  <^u'il  eue  intention  de  les 
:ordcr  ,  ou  qu'il  voulût  que  les 
Hcultés  vinflcnt  d'ailleurs  ;  mais 
Duc  de  Bouillon  qui  craignoic 
e  la  paix  ne  fe  fît  fans  qu'il  eut  la 
iché  d'Àlbrec  5  qu'on  devoit  reti- 

de  Mr.  le  Prince  ,  pour  faire  une 
L'tie  de  la  récompenfe  de  Sedan  , 
:  au  Cardinal ,  que  puifqu'il  trou- 
it  jufte  de  faire  des  grâces  à  tous 

amis  de  Mon  (leur  le  Prince  qui 
Ment  Tes  ennemis  jurés ,  il  croyoic 
l'il  éîoit  encore  plus  raifonnable 

faire  juftice  à  tous  fes  amis  ,  qui 
voient  alTifté  &:  maintenu  contre 
ondeur  le  Prince  :  qu'il  ne  troii- 
)it  rien  à  redire  à  ce  qu'on  vouloir 
ire  pour  les  Ducs  de  Nemours  dc 
î  la  Rochefoucault ,  Marfin  ,  &  les 
itres  i  mais  qu'il. penfoit  qu'ayant 
1  intérêt  au{ïi  coniîdérable  que  la 
uché  d'Albret ,  on  ne  devoit  rien 


5 1  o     Mémoires 
conclure  fans  obliger  Mr.  le  Prim 
à  le  fatisfaire  là-delfus.  ^' 

De  quelque  efprit  que  partiflè. 
ces  raifons  du  Duc  de  Bouilloî 
elles  empêchèrent  le  Cardinal  i 
paflèr  outre  ,  8>c  il  renvoya  Gou 
ville  vers  Mr.  le  Prince  pour  lev 
cette  difficulté.  Mais  comme  da 
toutes  les  grandes  affaires  les  reta 
mens  font  d'ordinaire  très-confid 
râbles ,  ils  le  dévoient  êcrc  pan 
culierement  dans  celle-ci  qui  étc 
compofée  non  -  feulement  de  ta 
d'intérêts  différens ,  &  regardée  p 
tant  de  cabales  oppofées  qui  la  vo 
loient  rompre  j  mais  qui  par-defï 
tout  cela  étoit  conduite  par  le  Prî: 
ce  de  Condé  d'une  part ,  &:  par 
Cardinal  Mazarin  de  l'autre  ,  le 
quels  pour  avoir  plu  (leurs  qualit 
directement  contraires  (a) ,  ne  lai 

(a)  Neque  rpeiaflc  corrnpciflîmo  f 
•culo  taiitain  nioderationcm  reor  ;  uc  q 
pacem  bel!;'  .imerc   turbavcrant  beilii 


D  E     M.  D.  L.  R.     51Ï 

ient  pas  de  convenir  en  pluiîeurs 
lofesj  &c  parriculierement  à  traiter 
uces  ioncs  d'affaires  fans  y  avoir 
î  prétentions  limitées-,  ce  qui  fait 
XQ  iorfqu'on  leur  accorde  ce  qu-iis 
^mandent ,  ils  croyent  toujours  en 
>uvoir  obtenir  davantage  (a)  ôc  fe 
:rfuadent  tellement  que  tout  eft 
i  à  leur  bonne  fortune ,  que  la  ba- 
uce  ne  peut  jamais  être  allez  égale 
itr'eux  3  ni  demeurer  a{îez  long- 
mps  en  cet  état-là,  pour  leur  don- 
jr  loiiir  de  réfoudre  un  traité  &c  de 
conclure.  D'autres  obftacles  fe 
■ignirent  encore  à  ceux-ci  :  l'inte- 
t  du  Cardinal  de  Rets  étoit  d'em- 
ècher  la  paix ,  parce  qu'étant  faite 
.ns  fa  participation  j  6^  MonHeur  le 

!!cis  caritate  dcponerent,  neque  (  homî- 
;s  }  nioribus  duTonos  in  hune  confen- 
im  pocuiiïe  coalefcere.  H.'j'?.  2. 
(a)  Milita  concedcndo  nihil  aliud  ef- 
ciuir ,  quàm  ut  acrins  ^alia  )  expofcan- 
ir.  H//?.  ;4- 


jii  Mémoires 
Duc  d'Orléans  &  Moiifieurle  Prir 
ce  étant  unis  avec  la  Our  >  il  de 
ineuroit  expofé  &i  fans  procedior 
d'ailleurs  Châvigni  cnfuite  du  mai 
vais  fuccès  de  fa  négociation,  écai 
piqué  contre  la  Cour  ,  Se  conti 
Mr.  le  Prince  ,  aimoit  mieux  qi 
h  paix  fe  rompît,  que  de  la  yp 
faire  par  d'autres  voyes  que  . 
iîenne(a). 

Je  ne  puis  dire  fi  cette  conform 
té  d'intérêts  ,  qui  fe  rencontra  alo 
entre  le  Cardinal  de  Rets  6c  Ch; 
vigni  ,  les  fit  agir  de  concert  poi 
empêcher  le  traité  de  Monfieur 
Prince  :  ou  ii  l'un  des  deux  fit  ag 
îvlr.  le  Duc  d'Orléans  ;  mais  j'ai  fc, 
depuis  par  une  perfonnc  que  je  do 
croire  ,  que  ,  dans  le  temps  qi 
Gourville  étoit  à  Sainr  Germair 
Monfieur  manda  au  Cardinal  Me 

zâdj 

(a)  Bonum  publicum  privatis  fimu 
taùbus  impediçbat.  ^rm.    14. 


©  E  M.  D.  L.  R.  51^ 
arin  par  le  Duc  d'Anville  qu'il  ne 
onclût  rien  avec  Mr.  le  Prince  ; 
u'il  vouloir  feul  avoir  le  mérite 
e  la  paix  envers  la  Cour  j  qu'il 
coit  prêt  d'aller  trouver  le  Roi  ôc 
e  donner  par-là  un  exemple  ,  qui 
Toit  fuivi  du  peuple  &  du  Parle- 
lent  de  Paris.  Il  y  avoit  apparence, 
u'une  propofition  comme  celle-là 
•roit  écoutée  préférablement  à  tou- 
•s  les  autres  j  &  en  effet ,  foit  par 
die  que  j'ai  déjà  dite  de  la  manierez 
î  l'efprit  de  Mr.  le  Prince  ôc  du 
ardinal  Mazarin ,  ou  foit,  comme 

l'ai  toujours  crû ,  que  le  Cardinal 
a  jamais  voulu  la  paix  ,  de  qu'il 
îft  feulement  {èrvi  des  négocia- 
Dns ,  comme  d  un  piege  ou  il  pon- 
dit furprendre  les  ennemis  (  a  )  > . 
ifin  les  chofcs  furent  fi  brouillées 

fi  éloigîiées  en  peu  de  temps  , 
le  le  Duc  de  la  Rochefoucault  ne 

(a)  Simulationem  prorfus  faiffe  ,  ad 
cipiendos  tôt  illuftres  viros.  Hi/i.  3. 

Tome  II.  O 


3,1.4  Me  MO  I  R  E  s 
voulut  rplus;  <|ne  fès  gens  eurent 
p,ait  à  des  négociations  qui  ruï- 
noient  fon  parti ,  ôc  chargea  Gour- 
vili.e  de  tirer  une  réponfe  pcfitive 
du  Cardinal ,  la  féconde  fois  qu'il 
alla  à  Saint  Germain  avec  ordre  de 
11 Y  plus  retourner. 

Cependant,  outre  que  l'efprit  du 
Prince  de  Condé  n'ëtoit  pas  tou- 
jours de  foi-même  conftam.meni 
arrêté  à  vouloir  la  paix ,  il  étoii 
combattu  fans  celle  par  les  di ver: 
intcrèts  de  ceux  qui  l'en  vouloien 
détourner.  Les  ennemis  du  Cardî 
nal  Mazarin  ne  fc  croyoient  p^â; 
vengés  ,  s*il  demeuroit  en  France 
Se  le  Cardinal  de  Rets  jugeoit  bien* 
que  raccommodement  de  Mr.  l 
l?rince  lui  ôtcit  tout,  fbn  crédit ,  5 
l'cxpofoit  à  fes  ennemis  ;  au  lies 
que  la  guerre  ne  pcuvoit  durer  fan 
perdre  Mr. le  Prince,  ou  éloigner! 
Cardinal  Mazarin  :  6c  qu'ainfi  d( 
meurant  feul  auprès  de  Monfieur  I 


D  E     M.  D.  L.  R.      jijr 

Duc  d'Oirléans  ,  il  pouvoir  Ce  ren- 
dre confîdérable  à  la  Cour ,  pour  eiî 
:hei-  fes  avantages.  D'autre  part  les- 
Eipagnols  offioient  au  Prince  tout 
:e  qui  étoic  le  plus  capable  de  le 
:enter ,  ôc  mettoient  tout  en  u[àge  ,. 
pour  faire  durer  la  guerre  civile  f^ 
"es  plus  proches  parens ,  fes  amis  , 
Se  fes  domeftiques  mêmes  appu- 
pienc  ce  fentimenc  par  leur  intérêt 
particulier  :  enfin,  tout  étoit  partage 
m  cabales  pour  faire  la  paix ,  oa 
pour  continuer  la  guerre. 

Tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  rafiné 
3c  de  plus  férieux  dans  la  politique, 
étoic  expofé  aux  yeux  de  Monfieur 
.e  Prince  ,  pour  l'obliger  à  prendre 
m  de  ces  deux  partis  ,  lorfque  Ma- 
dame de  Châcillon  lui  fit  naître  le 
iehr  de  la  paix  par  des  m.oyens  plus 
agréables  :  elle  crût  qu'un  fi  grand 
3ien  devoir  être  l'ouvrage  de  fa 
beauté  ',  5c  mêlant  de  l'ambition 
fivec  le  defTein  de  faire  une  nouvelle 
O   1 


^i6  Mémoires 
conquête  ,  elle  voulut  en  même 
temps  triompher  du  cœur  de  Mr. 
le  Prince ,  &c  tirer  de  la  Cour  tous 
les  avantages  de  la  négociation.  ' 
Ces  raifons-là  ne  furent  pas  les 
feules ,  qui  lui  donnèrent  ces  pen- 
féésj  il  y  ayoit  un  intérêt  de  vanité. 
^  de  vangeance  qui  y  eut  autâiïc' 
de  part  que  le  refte  ;  l'émulation  ^ 
que  la  beauté  ôc  la  galanterie  pro-*^ 
duifent  fouvent  parmi  les  Dames  i 
avoit  caufé  une  aic^reur  extrême 
entre  Madame  de  Longucville  S^ 
Madame  de  Châtillon  (a)  :  elles 
avoient  long-temps  caché  leurs  Cen» 
iirAiiis 'y;tn2Lls  enfin  ils  parurent  avéi) 
écïât'de'part  &  d'autre  :  3z  Madame 
de  Châtillon  ne  borna  pas  feulement 

^Ifà)  Miiîïèbri  xmulatione,  jl^jn.  i.  Kec 
forma  ,  œtas ,  opes  ,  miilnim  diftabartg? 
^  uîraque  impudica,  infamis  ,  vioIenta| 
vitiis  a'inulabantur.  Certamcn  acej^w 
mum  utra  apiid   princip»ejn  pr^valerec. 


Ann:  ti. 


D  E     M.  D.  L.  R.     317 

ia  viâ;oire  à  obliger  Monlieur  de 
Nemours  de  rompre  ,  par  des  cir- 
conftances  très-piquantes  ôc  très- 
publiques  3  tout  le  commerce  quil 
avoit  avec  Madame  de  Longueville  : 
elle  voulut  encore  lui  ôter  la  con- 
noiflance  des  affaires ,  &c  diipofer 
feule  de  la  conduite  ôc  des  intérêts 
de  Monfieur  le  Prince.  Le  Duc  de 
Nemours  5  qui  avoit  beaucoup  d^en- 
gagem.ent  avec  elle  ,  approuva  ce 
deiïtin  ,  &c  crût  que  pouvant  régler 
la  conduite  de  Madam.e  de  Châtil- 
lon  envers  Moniîeur  le  Prince ,  elle 
lui  infpireroit  les  fentimens  qu'il 
lui  voudroit  donner  ;  &  qu'ainfi  il 
difpoferoit  de  l'efprit  de  Moniieur 
le  Prince  par  le  pouvoir  qu'il  avoic 
fur  celui  de  Madame  de  Châtillon. 
Le  Duc  de  la  Rochefoucault  de  fon 
côté  avoit  alors  plus  de  part  que 
perfonne  à  la  confiance  de  Mr.  le 
Prince  ,  &  fe  trou  voit  en  même 
temps  dans  une  liaifon  très-étroicc 
O  3 


3li)       Ml    MOIRES 

avec  le  Duc  d-e  Nemours  &  Madar 
me  de  Chacillon  :  il  connoiiToit  l'ir- 
léfoluxion  de  Mr.  le  Prince  pour 
la  paix  ;  de  craignant  ce  qui  eft  ar- 
rivé depuis  5  que  la  cabale  des  Ef* 
pagnols  Se  celle  de  Madame  d* 
Longueville  ne  fe  joignirent  en* 
fembie  ,  pour  éloigner  Moniicur  le 
Prir.ce  de  Paris ,  où  il  pouvoir  trai- 
ter tous  les  jours  fans  leur  partici- 
pacion  ,  il  crût  que  le  dell'cin  dç 
Madame  de  Châtillon  pouvoit  le# 
ver  tous  les  obftacles  de  la  paix  ;  ôi 
dans  cette  penfée  il  porta  Monfieuè 
le  Prince  à  s'encracrer  avec  elle  ,  èc 
à  lui  donner  Merlou  en  propre.  U 
la  difpofa  auiTi  à  ménager  Monlieur 
k  Prince  ,  ccMr.  de  Nemours ,  en 
forte  qu*elle .les  confervât  tous  deu:^ 
ôc  ht  approuver  à  Monfieur  de  Ne* 
meurs  cette  liai  Ton  ,  qui  ne  lui  de* 
Toit(  pas'  être  fufpe^te  ,  puifqu'oil 
vouloir-  lui  en  rendre  compte,  5c 
ne  s'en  fervir ,  que  pour  lui  donnet 


D  E     M.  D.  L.  R.     319 

!a  pinicipale  part  aux  affaires.  Cet re 

:  machine  étant,  conduite  .&  réglée 

;par  le  Duc  de  la  Rochefoucrtulc  , 

lui  donnoic  la  difpoiidon  prefque 

entière  de  tout  ce  qui  lacomporoit; 

de  ainfi  ces  quatre  perfonnes  y  trou- 

I  vaut  également  leur  avantage,  elle 

|eût  eu  fans  doute  à  la.  fin  le  luccès 

qu'il  s'étoit  proporé,ri  la  fortune 

ne  s'y  fiic  oppoféc  par  tant  d'acci- 

qu'on  ne  peut  éviter  (a) 

Cependant,  Madame  de  Chatil- 
lon  voulut  paroître  à  la  Cour  avec 
l'éclat  que  fon  nouveau  crédit  lût 
dey  oit  donner  :  elle  y  alla  avec  un 
pouvoir  fi  général  de  difpofer  des 
intérêts  de  Mr.  le  Prince  ,  qu'on  le 
prît  plutôt  pour  un  effet  de  fa  corn- 
plailance  envers  elle,  ôc  pour  une 
O  4 

:?(  a  )  Le  fiicch  des  affaires  ,  dit  Seneque  , 
■n'ejlpas  de  Lt  juvifâiciion  du  fage.  Car  fé- 
lon Vaterrule  ,  la  fortune  a  plus  de  force 
-que  les  confeih.  Pra'valent  fatàconfifiis. 
Bifi.i.  y-    -  -  '^ 


^nvfeid^  flater  fa  vanité,  que  pour 
tûiie  interttion  vérkable  de  faire  un 
'âccommodcmcnr.  Elle  revint  à  F%- 
î^s --avec''  de  grandes  efpérûnces(; 
lïiais  le  Cardinal  tira  des  avantagés 
folides  de  cette  négociation  (a)  :  il 
"gagnoic  du  temps,  il  augmentoit 
-lies  foiipçons  des  cabales  oppofées, 
'4c  amufoit  Mr.  le  Prince  à  Paris 
&US  l^efpérance  d'un  traité  ,  pen- 
dant qu'on  lui  ôtoit  la  Guienne , 
<ju'on  lui  prenoit  fes  Places  ,  di 
que  l'armée  du  Roi  commandée 
par  les  Maréchaux  de  Turenne  ôc 
d'Hoquincourt ,  tenoit  la  Campai- 
gne  6c  que  la  lienne  étoit  retirée 
dans  Eftampes.  Elle  ne  pût  même  y 
demeurer  long-temps  fans  recevoir 
une  perte  conlidérable  :  ce  fut  que 
le  Maréchal  de  Turenne  ayant  avis, 
que  Mademoifelle  partant  par  Ef- 
tarftpes  avoit  voulu  voir  l'armée  «n 

(a)  Qui  rej[embloii  h  cdh  de  la  foula 
■*vic  U  renard. 


DE     M.  D.  L.  R.     311 

bataille  ,  fît  marcher  Tes  troupes  >  «3c 
arriva  au  Fauxbourg  d'Eftampes  , 
devant  que  celles  de  l'armée  ,  qui 
y  étoieiu  logées  fuflent.  en  état  de 
défendre  leur  quartier  :  il  fut  forcée 
de  pillé  ;  8c  les  Maréchaux  de  Tu- 
xenne  ôc  d'Hoquincourt  fe  retire» 
rent  au  leur  ,  après  avoir  tué  mille 
ou  douze  cent  hommes  des  meil- 
leures troupes  de  Mr.  le  Prince  ,  de 
emmené  pluiîeurs  prifonniers. 

Ce  fuccès  augmenta  les  efpéran- 

ces  de  la  Cour  ,  &  fit  naître  le  deC- 

fein  d'afliéger  Eftampes  avec  toute 

Tarmée  ,  qui  étoit  dedans.  Quelque 

difficile  que  parût  cette  entreprife:, 

iliéanmcins  elle  fut  reiblue  fous  Tef- 

I  pérance    de  trouver    des    troupes 

I  étonnées  &c  des  Chefs  divifés  ;  une 

i  Place  ouverte  en  plufleurs  eedioits  :, 

fort  mal  munie  ,  "5^  hors  d'état  de 

'  pouvoir  être  fecouruc  ,  que  par  Mr* 

:  de  Lorraine  ,  avec  qui  la  Cour  cro- 

'  yoit  avoir  traité.Par-deffusxout  cela 

;       "  O  5 


3i>.  M  E^M  b  I  R  E  S 
on  confidéra  ,  à  mon  avis  encore 
înoins  l'événement  du  fi'ége,  que 
la  réputation  ,  qu'Hun  fi  grand  def- 
iein  devoir  donner  aux  armes  àt 
Roi  ',  car  bien  que  l'on  continuât  de 
négocier  avec  emprcllèment  ,  & 
<[uc  Monfieur  le  Prince  eût  alors  un 
extrême  delir  de  la  paix ,  on  ne  la 
pouvoir  pas  toutefois  raifonnabljSi- 
ment  attendre  ,  jufqu'à  ce  que  fe 
fuccès  d'Eftampes  en  eût  réglé  les 
propoiîtions. 

Cependant ,  les  partifans  de  la 
Cour  fe  fervoient  de  cette  conjonc- 
ture pour  gagner  le  peuple ,  &  pour 
iairc  des  cabales  dans  le  Parlement  ; 
^  bien  que  Mr.  le  Duc  d'Orléaiis 
parût  alors  très- uni  avec  Monfieut 
ie  Prince  ,  il  avoir  néanmoins  tous 
les  jours  conférence  particulière 
avec  le  Cardinal  de  Rets  ,  qui  s'at- 
rachoit  principalement  à  détruire 
coûtes  les  réfoiutions ,  que  Mr.  le 
Prince  lui  farfoîr  prendre.  Le  fiége 


DE     M.  D.  L.  R.     525 

d'Eftampes  concinuoit  toujours  ^  6c 

quoique- les  progrès  de  l'armée  du 

Roi  ne  fuflent  pas    confldérables  , 

néanmoins  les  bruits  qui  fe  rcpavi- 

doient  dans  le  Royaume  lui  étoicBC 

avantageux ,    ôc  Paris  attendoic   le 

fecours  de  Mr.  de  Lorraine  comme 

le  falut  du  parti.  Il  y  arriva  enfin 

après  tant  de  remiles  >  &  après  avoir 

donné  beaucoup  de  foupçon  de  Ton 

accommiodemcnt  avec  le  P.oi  (a)  ; 

'toutefois  faprefence  difïîpa  pour  un 

temps  cette  opinion  ,  &  on  le  reçâc 

-avec  une.  Joye  extrême.  Ses  troupes 

-campèrent  près  de  Paris  ,  &  l'on  en 

Touffrit  les  défordtes'  faiis  fe  plai^- 

àrCé  '  ■.'       •  >  ^*  '  -  -    -  '  /    -^ 

û; D'abord  il  y  eut  quelque  froideàr 

centre  Monfieur  le  Prince  &  lui  pour 

O  6 

.,  (>i)  iS'ec  uefucre  ,  qui  cunlrTuïpicrdrifi- 
bus-  argnei-entaanqucim    dolocun&ûh- 

*rem  ,  poil  fecretas  epiilôlns  ,  «^iii'pus  pire- 
tiuni  proditionis   offerebantur.  Hi^.  3. 


'314  Mémoires 
le  rang  j  mais  voyant  que  Monfieur 
le  Prince  tenoit  ferme,  il  fe  relâcha 
ide  Ces  prétentions  d'autant  plus  fa- 
cilement j  qu'il  n'avoit  fait  ces  diffi- 
cultés >  que  pour  avoir  le  temps  de 
faire  un  traité  fecret  avec  la  Cour, 
pour  lever  le  (lége  d'Eftampes  fans 
^hazarder  un  combat.  Néanmoins., 
^comme  l?on  n'eft  jamais  û  aifé  à 
être  furpris  ,  que  quand  on  fonge 
^trop  à  tromper  les  autres  y  il  arriva 
]<jue  Monlieur  de  Lorraine  ,  cro- 
yant rencontrer  tous  fes  avantages 
Ôc  toutes  fes  fûrerés ,  dans  les  né- 
gociations continuelles  ,  qu'il  fav- 
fqi.t  avec  la  Cour  avec  beaucoup 
(de  mauvaife  foi,  vit  tout  d'un  coup 
iparcher  Monfieur  de -Turenne  à  lui 
avec  toute  l'armée  ,  qui  lui  manda 
die  décamper  à  Theure  même  ,  & 
âei  s'çï\  ^retourner  en  Flandre.  Les 
troupes  de  Mr.  de  Lorraine  n'é- 
tpient  pas  inférieures  à  celles  du  Roî, 
&  un  hommes  qui  n'eue  evi  foin  que 


DE    M,  D.  L.  R.     31J 

de  fa  réputation  ,  eût  pu  raifonna- 
blenient  hazarder  un  combat.  -Mais 
quelles  que  fuflent  les  raifons  du 
Duc  de  Lorraine ,  elles  lui  firent 
préférer  le  parti  de  fe  retirer  avec 
honre  ,  Se  de  fubir  ainfi  ce  que  Mr. 
de  Turenne  lui  voulut  impofer.  Il 
ne  dit  rien  de  tout  ce  qui  fe  palToit 
fïii' à  Monfieur,  ni  à  Monfieur  le 
Prince  ,  &  le  premier  avis  qu'ils  en 
eurent ,  fut  que  leurs  troupes  étoient 
forties  d'Efbampes  ,  que  1  armée  du 
Roi  s'en  étoit  éloignée ,  &  que  Mr. 
de  Lorraine  fe  retiroit  en  Flandres  , 
prétendant  avoir  pleinement  fatis- 
fait  aux  ordres  des  Efpagnols  ,  ôc  à 
la  parole  qu'il  a  voit  donnée  à  Mr. 
Cette  nouvelle  furprit  tout  le  mon- 
de 5  6c  fit  prendre  réfolution  à  Mr. 
le  Prince  d'aller  joindre  Tes  troupes, 
craignant  que  celles  du  Roi  ne  les 
chargeaiTènt  en  chemin.  Il  fortit  de 
Paris  avec  douze  ou  quinze  che- 
vaux 5  ôc  s'expofant  à  être  rencori- 


^iC  Mémoires 
tré  par  les  partis  ennemis ,  il  joignit 
fon  armée  ,  ôc  la  mena  loger  vers; 
Ville-juive  :  elle  pafla  cnfuice  à  St« 
Cloud ,  où  elle  fît  un  long  fcjouîr.ç 
pendant  lequel  non  -  feulement  la 
•moi (Ton  fut  perdue  ;  mais  prcfque 
toutes  les  maiions  de  la  campagne 
furent  brûlées.  Ce  qui  commença 
l'aigreur  des  Parifiens,  dont  3.1r.  le 
Prince  fut  prêt  de  recevoir  de  fir- 
neftes  marques  à  la  jpa^iiée  de  Saint 
JVntoine.  ;  "  ''^v 

Cependant ,  Gaucourt  avoit  des 
conférences  fecretes  avec  le  Cardi- 
liai  5  qui  lui  témioignoit  toujours  de 
defner  la  paix  avec  empreflèmenfjj 
il  éroit  convenu  des  princi',>alcs  co^ 
dirions  ;  mais  plus  il  irtfiftoit  fur  léj^ 
moindres  ,  &  plus  on  de  voit  croire 
qu'il  ne  vouloit  pas  traiter.  Ces  i% 
certitudes  donnoicnt  de  riotivell 
forces  à  toutes  les  coh^lts  y  dcâ'0^ 
vrâifemblance  à  tous  les  divcifc 
bruits  qu'on  vouloir  ferûer.  Jamais 


D  E     M.  D.  L.  R.     317 

Paris  n^a  été  plus  agité ,  ôc  jamais 
refprit  de  Mr.  le  Prince  n'a  été  plus 
partagé  pour  fe  réfoudre  à  la  paix 
où  à  la  guerre.  Les  Efpagnols  le 
vouloient  éloigner  de  Paris  pour 
empêcher  la  paix  ,  ôc  les  amis  de 
Madame  de  Longueville  contri- 
buoienc  à  ce  deflein  pour  l'éloigner 
aufïi  de  Madame  de  Châtillon. 
D'ailleurs  Mademoifelle  avoit  en- 
femble  le  même  but  que  les  Efpa- 
gnols ôc  Madame  de  Longueville  ; 
car  d^un  côté  elle  vouloit  la  guerre, 
pour  fe  venger  de  la  Reine  de  du 
Cardinal ,  qui  empêchoient  qu'elle 
n'épousât  le  Roi  j  3c  de  l'autre  elle 
vouloit  ôter  Monfieur  le  Prince  à 
Madame  de  Châtillon,  &  avoir  plus 
de  part  à  fa  confiance  &  à  fon  efti- 
me  :  &  même  pour  le  gagner  par 
«ce  qui  lui  étoit  de  plus  fendble  j 
elle  leva  des  troupes  en  fon  nom'^ 
&  lui  promit  de  fournir  de  l'argent 
pour  en  lever  d'autres. 


3i8     Mémoires 

Ces  promefTes  jointes  à  celles 
des  Efpagnols,  oc  aux  artifices  de$ 
amis  de  Madame  de  Longueville.j 
oterent  de  l'efprit  de  Monfieur^le 
Prince  les  pcnfées  qu'il  avoit  euas 
pour  la  paix.  Ce  qui,  à  mon  avis  , 
Yen  éloigna  encore  plus,  fut  non 
feulement  le  peu  de  confiance ,  qu'il 
crût  pouvoir  prendre  défoimais  en 
la  Cour  5  mais  ce  qui  fera  ditHcik 
à  croire  d'une  perfonne  de  fa  qua- 
lité ôc  de  fon  mérite,  fut  une  envie 
démefurée  d'imiter  Monl-eur  dc 
Lorraine  en  plufieurs  chofcs ,  ^ 
particuliercmiCnt  en  la  manière -de 
traiter  fes  troupes  ôc  Ces.  Qfticiers,; 
&  il  fe  perfuada  que  fi  Mr.  de  Lott 
raine  dépouillé  dc  fes  Etats,  ^ 
avec  de  bien  moindres  avantag<3^ 
que  les  ficns,  s'était  rendu  fit  coniii 
dérable  par  fon  armée  Ôc  par  fon  a i>f 
gent,  qu'ayant  des  qualirésinfitîif. 
ment  àu-dcnùs  de  lui ,  il  fcioit.dfl» 
progrès  à.  propoitio» ,. 42c,  .cepqii4^n 


»  i    M.  D.  L.  R.     329 

leneroic ,  pour  y  parvenir ,  une  vie 
ntieremenr  conforme!  Là>;£qn  hu- 
leur.  -'  -'-.xA'.U..  ';]:, 

C'eft  5  à  ce  qiv^on  a^  cru ,  Ite  véri ta- 
ie motif  5  qui  a  entraîné  Monileur 
;  Prince  avec  les  Efpagnois ,   <3c 
our  lequel  il  a  renoncé  à  tout  ce 
ue  fa  naii|knc€  &  its  fervices  lui 
voient  acquis  dans  le  Royaume.  Il 
achà  iTeanmoins  ce  fentiment  au- 
ant  qu'il  lui  Rit  poffible,  &  fit  pa- 
oicre  le  même  delir  pour  la  paix  , 
aquelle  on  traicoit  toujours  inutile- 
ment. La  Cour  éroit  alors  à  Saint 
^enis  5  &  le  Maréchal  de  la  Ferté 
;voit  joint  Parmée  du  Roi  avec  les 
roupes    qu'il    avoit     amenées    de 
jorraine.    Celle    de    Monileur    le 
^rince  plus  foible  que  le  moindre 
le  ces  deux  corps,  qui  lui  étoient 
)pporésj  avoit  tenu  jufques-  là  le 
>otk  de  Saint  Cloud  ,  afin  de  fe  Ter- 
nir du  Pont,  pour  éviter  un  combat 
Jiégal>  mais  Parrivée  du  Maréchal 


350  Mémoires 
de  la  Ferté  donna  moyen  aux  trou 
pes  du  Roi  de  fe  féparer  ,  &  d'attî  > 
qiier  Saint  Cloud  par  les  deux  ce 
tez,  en  faifant  un  Pont  de  bateau 
vers  Saint  Denis  ;  Se  fit  réfoudi 
Monfieur  le  Prince  à  partit  de  Saii 
Cloud,  dans  le  delïèin  de  ira^nt 

CD 

Chaienton ,  ôc  de  fe  pofter  dai 
cette  langue  de  terre ,  t^vii  fait  ] 
jondion  de  la  rivière  de  Marne 
avec  la  Seine.  Il  eût  pris  fans  doui 
un  autre  parti  ,  s'il  eut  eu  la  libeii 
de  choifir  ,  &  il  eut  été  bien  suri 
plus  facile  ,  de  laiilèr  la  rivière  d 
Seine  à  la  main  gauche  ,  6c  d'alh 
par  Meudon  ôc  par  Vaugirard  ,  1 
pofter  tous  le  Fauxbourg  Sait 
Germain  ,  où  peut-être  on  ne  l'ei 
pas  attaqué  ,  de  peur  d'engager  pa 
là  les  Pariliens  à  le  défendre..  Khi 
Mr.  le  Duc  .d'Orléans  n'y  voulu 
jamais  conkntir  ,  par  la  craint 
qu'on  lui  donna  ,  non  feulemeii 
de  l'événement  d'un  combat ,  qu'i 


D  E     M.  D.  L.  R.      331 

e  avoit  voir  des  fenêrres  du  Luxem- 
turg,  mais  aufïi  parce  qu'on  lui 
li  croire  ,  que  Partillerie  du  Roi  y 
(oit  de  continuelles  décharges 
f  ur  l'en  chafTer.  De  forte  que  par 
ipinion    d'un  péril    imaginaire  , 

1:.  le  Duc  d'Orléans  expofa  ainfi 
vie  &c  la  fortune  de  Mr.  le  Prince 
f  un  des  grands  dangers  qu'il  ait 
j  nais  courus.  Il  lit  donc  marcher 
;   troupes  à  l'entrée  de  la  nuit  le 
emier  de  Juillet   1651  ,  ôc  cro- 
.nt  arriver  à  Charentcn  avant  que 
5  ennemis  le  pu(îènt   joindre  ,  il 
pafîèr  fes  troupes  par  le  Cours  de 
Reine  Mère ,  ôc  par  le  dehors  de 
ville  5  depuis  la  porte  Saint  Ho- 
Dré  jufqu'à  celle  de  Saint  Antoine^ 
Dur  prendre  de  -  là   le  chemin  de 
harenton. 

Il  voulut  éviter  de  demander 
aflage  dans  Paris,  craignant  de  ne 
:  pas  obtenir ,  &  qu'un  refus  dans 
n  temps  comme  celui-là  ne  fis 


532.     Mémoires 
paroître  le  mauvais  état  de  Tes  z 
faires.  Il  craignoit  aufTi ,  que  Pay^  , 
obtenu ,  Tes  troupes  ne  le  cliflîpj  1 
fent  dans  la  ville ,  &  qu'il  ne  fut  pi 
en  Ton  pouvoir  de  les  en  faire  forii 
quand  il  en  auroit  befoin.  La  Coi 
fut  aufïi-tôc  avertie  de  fa  marchi 
5c  le  Maréchal  de  Turenne  paitiç 
riieure  même  avec  ce  qu'il  avoit  ( 
troupes ,  pour  joindre  celles  de  M 
le  Prince ,  &  pour  les  arrêter  ju 
qu'à  ce  que  le  Maréchal  de  la  Fert 
qui  fuivoit  avec  les  fiennes  ,  ei\t 
temps  d'arriver.  Cependant  on  1 
aller  le  Roi  à  Charonne ,  afin  qi 
de  ce  lieu-là,  comme  de  deffiis ju 
théâtre  il  fôt  témoin  d'une  aâ:ion 
qui  félon  les  apparances  devoit  êti 
la  perte  inévitable  de  Monlieur  1 
Prince,  <5c  la  fin  de  la  guerre  civile 
mais   qui  fut  en   eifet  une  des  plu 
périlleufes  occa/ions  qu'on  ait  vue 
dans  la  guerre  ,  &  celle  où  les  gran 
des  qualités  de  Monfieur  le  Princ 


DE    M.  D.  L.  R.      5  55 

ûrent  le  plus  avantageufemenr. 
fortune  même  fembla  fe  recon- 
er  avec  lui  en  cette  occafion ,  ôc 
dut  avoir  part  à  un  fuccès  ,  donc 
i  &c  l'autre  parti  ont  donné  la 
ire  à  fa  valeur  ^  de  à.  fa.  conduite  : 

il  fut  attaqué  précifémenc  dans 
:emps ,  auquel  il  fe  pût  fcrvir 

recranchemens  que  les  Bour- 
•is  du  Fauxbourg  Saint  Antoine 
âent  fait ,  pour  fe  garantir  d'être 
es  des  troupes  de  Monfîeur  de 
Taine  5  ôc  il  n'y  avoit  que  ce  lieu 
is  toute  la  marche  qu'il  vouloic 
e  qui  flic  retranché ,  (Se  où  il  pue 
npêcher   d'être  entièrement  dé- 

i  quelques  efcadrons  même  de 
.  arrière  -  garde  furent  chargés 
is  le  Fauxbourg  Saint  Martin  par 
;  gens  5  que  le  Maréchal  de  Tu- 
LÙe  avoit  décachés  pour  l'amufer; 
fe  retirèrent  en  defordre  dans  le 
ranchement  du  Fauxbourg  Saine 
.toine  où  il  s'ccoic  mis  en  bataille. 


3  54  Mémoires 
■  H  n'eût  que  le  temps  qui  lui  éïpJ 
néceiïàire  pour  cela ,  ôc  pour  garti 
d'infanterie  3c  de  cavalerie  tou^l 
poftes,  par  lefquels  il  pouvoit  & 
attaqué  j  il  fut  contraint  de  meilt 
le  bagage  de  l'armée,  fur  le  bord  c 
foffe  de  Saint  Antoine,  parce  qù'c 
avoit  refufé  de  le  lai  (Ter  entrer 
Paris.  On  avoit  même  pillé  qUe 
ques  chariots,  &  les  partifans  de 
Cour  avoient  ménagé ,  qu'on  y  ve 
roit  l'événement  de  cette  affai 
comme  d'un  lieu  neutre. 

Le  Prince  de  Condé  conferva  a' 
près  de  lui  ce  qui  s'y  trouva  dei 
domelliques,  ou  de  perfonnes  ') 
qualité  ,  qui  n'avoient  point  ( 
commandement ,  qui  étoient  i 
nombre  de  trente  6u  quarante  : 
Maréchal  de  Turenne  difpofa  f 
attaques  avec  toute  la  diligence 
la  confiance  ,  que  peut  avoir  i 
homme  qui  fe  croit  afTuré  de  la  vi 
toire.  Mais  comme  fes  gens  dét 


D  E     M.  D.  L.  R.     3  3X 

j  es  furent  à  trente  pas  du  rctranche- 

(  ;nt  5  Mr.  le  Prince  forcit  avec  l'ef- 

I  iron  que  j'ai  dit  ,  &  ie  mêlant 

I  pée  à  la  main  défit  entièrement  le 

I  [aillon  5  qui  écoit  commandé,  prit 

s  Officiers  prifonniers  ,  emporta 

drapeaux  de  fe  retira  dans  Ton 

ranchement. 

D'un  autre  côté  ,  le  Marquis  de 
int  Mefgrin  attaqua  le  pofte  qui 
Dit  défendu  par  le  Comte  de  Ta- 
nes  Lieutenant-Général  &  Lan- 
ais  Maréchal  de  Camp  :  la  re- 
lance y  fut  fi  grande  que  le  Mar- 
lis  de  Saint  Mefgrin ,  voyant  que 
n  infanterie  moUlloit,  emporté  de 
laleur  &c  de  colère  ,  avança  avec 
Compagnie  des  Chevaux-legers 
\  Roi  dans  une  rue  étroite,  fermée 
une  barricade  ,  où  il  fut  tué  avec 
Marquis  de  Nantouillet,  le  Foui!- 
ux  &  quelques  autres.  Mancini 
?veu  du  Cardinal  Mazarin  ,  y  fut 
effé  6-:  en  mourut  quelque  temps 
nés.        ^ 


53^     Mémoires 

jL'on  continuoit  les  attaques  à 
toutes  parts  avec  une  extrême  vi- 
gueur ,  de  le  Prince  de  Condé  char 
géa  une  féconde  fois  les  ennemî 
avec  le  même  fuccès  que  la  premie 
re  5  il  fe  trouvoit  par  tout  dans  i< 
milieu  du  feu  &  du  combat,  &  don 
noit  les  ordres  avec  une  netteté  d'tl 
prit  5  qui  eft  fî  rare  Se  Ci  néceflàir 
dans  ces  lieux-là.  Enfin  les  trou 
pcs  du  Roi  avoient  forcé  la  demie 
re  barricade  de  la  rue  du  Cours ,  qu 
va  au  bois  de  Vincennes ,  ôc  elle 
étoient  entrées  en  bataille  jurqul 
la  Halle  du  Fauxbourg  St.  x4.ntoine 
lorfque  le  Prince  de  Condé  y  ac- 
courut ,  les  chargea ,  &  taillant  er 
pièces  tout  ce  qu'il  rencontra ,  re- 
gagna ce  pofte  (a)  ,  &c  en  chalT. 

le 

(il)  Gcrialis  turbklis  rébus  inti;epîdust 
&  fngientes  manu  retraliens  ,  promptus 
intér  tela  ,  felici  tementât'e  ,  recuperâ- 
tum  pontem  le6la  manu  iîrmavit.  Hrfl.  4. 


D  1    M.  D.  L.  R.     337 

es  ennemis.  Ils  étoient  néanmoins 
naîtres  d'une  féconde  barricade, 
[ui  étoit  dans  la  rue  qui  va  à  Cha- 
anton  ,  laquelle  étant  quarante  pas 
u-delà  d'une  fort  grande  Place, 
[ui  eft  fur  cette  même  rue  ,  le  Mar- 
dis de  Noâilles  s'en  étoit  renda 
aaître  j  Se  pour  la  mieux  garder  il 
voit  fait  percer  les  maifons ,  &  mis 
les  moufquetaires  dans  toutes  cel- 
és de  la  rue  ,  pardevanc  lefquelles 
l  falloir  pafler ,  pour  arriver  à  la 
>arricade.  Le  Prince  de  Condé 
.voit  deffein  de  les  déloger  avec 
le  Tinfanterie ,  &  de  faire  percer 
l'autres  maifons  ,  pour  les  chafïèc 
>ar  un  plus  grand  feu ,  comme  c'é- 
oit  en  effet  le  parti  qu'on  dévoie 
)rendre  :  mais  le  Duc  de  Beauforc 
a)  5  qui  ne  s'étoit  pas  rencontré  au- 
)rès  de  Mr.  le  Prince  au  commen- 
:emcnt  de  l'attaque  ,  &  qui  fentic 

(a)  Profperis  lebus  anxius  quod  de- 
uifîct.  Hiji.  3. 

Tmc  II.  P 


558  Mémoires 
quelque  dépit  de  ce  que  le  Du< 
de  Nemours  y  avoic  toujours  été 
prefla  Mr.  le  Prince  de  faire  atta 
quer  cette  barricade  par  de  Pinfan 
terie  déjà  lalTée  &  rebutée ,  laquell 
au  lieu  d'aller  aux  ennemis,  fe  m: 
en  haye  contre  les  maifons ,  ôc  n 
voulut  pas  avancer. 

Dans  ce  temps -là  un  efcadro- 
des  troupes  de  Flandre  avoit  éi 
pofté  dans  une  rue ,  qui  aboutillo 
à  un  coin  de  la  place  du  côté  d< 
ennemis  ,  Se  ne  pouvant  demeur< 
davantage  de  peur  d'être  couj 
quand  on  auroit  gagné  les  maifoi 
proches  de  lui ,  revint  dans  la  pi; 
ce  ;  le  Duc  de  Beau  fort  croyant  qi 
c'étoient  les  ennemis  ,  propofa  ai 
Ducs  de  la  Rochefoucault ,  Se  c 
Nemours  qui  arrivèrent  en  ce  lie» 
là  5  de  les  aller  charger  ,  <Sc  toi 
trois  étant  fuivis  de  ce  qu'il  y  avo 
de  gens  de  qualité  Se  de  voloi 
taircs ,   on    pouflà   à  eux ,  <Sc   c 


D  E     M.  D.  L.  R.     5  5^ 

î'expofa  ainfî  inutilement  à  tout  le 
Feu  de  la  barricade ,  ôc  des  maifons 
le  la  place  j  car  en  abordant  ils  fc 
reconnurent  pour  être  d'un  même 
5arti  ;  mais  voyant  en  même  temps 
pelque  étonnement  parmi  ceux 
pi  défendoient  la  barricade ,  les 
3ucs  de  Nemours ,  de  Beaufort , 
le  la  Rochefoucault ,  Se  le  Prince 
le  Marfillac  ,  y  pouflerent  &  la 
îrent  quitter  aux  ennemis.  Ils  mi- 
rent pied  à  terre ,  ôc  la  gardèrent 
îux  fculs  fans  que  l'infanterie  ,  qui 
;toit  commandée  voulût  les  foù- 
;enir. 

Le  Prince  de  Condé  ût  ferme 
lans  la  rue  avec  ce  qui  s'étoit  rallié 
luprès  de  lui  de  ceux  qui  les  avoient 
lu  vis.  Cependant  les  ennemis  qui 
enoient  toutes  les  maifons  de  !a 
•uë  ,  voyant  la  barricade  gardée  pat 
quatre  hommes  feulement ,  l'euf^ 
ent  fans  doute,  reprife  fi l'efcadr. n 
lu  Prince  de  Condé  ne  les  en  eut 
P  1 


J40     Me  Mb  i  R  E  s 

empêchés  ;  mais  n'y  ayant  point 
d'infanterie  ,  qui  les  empêcliat  de 
tirer  par  les  fenêtres,  ils  recom- 
mencèrent à  faire  feu  de  tous  côcést 
&  voy oient  en  renvers  depuis  le? 
pieds  jufqu'a  la  tête  ceux  qui  te- 
noient  la  barricade  (a).  Le  Duc  d( 
Nemours  eut  treize  -coups  fur  lu 
dans  fes  armes  ;  le  Duc  de  la  Ro- 
chefoucault  y  reçût  auiïî  une  mouf 
quetade  ,  qui  lui  perça  le  vifag< 
au-deflus  des  yeux ,  ôc  lui  faifant  l 
l'inftant  perdre  la  vue  (  b  )  oblige: 
le  Duc  de  Beaufort  &:  le  Prince  di 

(a)  Romani  confpicuam  bnrbatorun 
aciem  ,  &  fi  quis  audacia  ,  aut  infîgni- 
bus  ctfulgcns  ,  ad  ii^tum  deflinabant 
Hijl.  4. 

(  b  )  Ah  ftijet  de  cet  accident ,  il  fit  gtM> 
•ver  un  portrait  de  Madame  de  Longuevili 
Mvec  ces  dsux  vers  au  bas, 

,  Faifant  la  guerre  au  Roi ,  j'ai  perdi 
'    '        les  deux  yeux. 

Mais  pour  un  tel  objet ,  je  Teufle  foi 
aux  Dieiu. 


D  I     M.  D.  L.  R.     341 

^arfiUac  à  fe  retirer  avec  fes  deux 
►lefîes.  On  les  pourfuivic  j  mais  le 
'rince  de  Condé  avança  pour  les 
légager  ,  &c  leur  donna  le  temps  de 
lonter  à  cheval  j  de  forte  qu'ils 
aiflerent  aufli  aux  troupes  du  Roi 
2  pofte  qu'ils  venoient  de  leur  fai- 
e  quitter.  Prefque  tous  ceux  qui 
voient  été  avec  eux  dans  la  pla- 
4  ,  furent  tués  ou  bleflés  ;  on  y 
•erdit  entr'autres  les  Marquis  de 
lamarin  Se  de  la  Rocheguiffart ,  le 
[Jomte  de  Cadres  ,  le  Comte  de 
iolTu,  Desfourneaux ,  la  Marciniere, 
1  Motte-Guyonne  ,  Bercenes  Capi- 
aîne  des  Gardes  du  Duc  de  la  Ro- 
hefoucault ,  de  l'Huillere  qui  étoic 
ufTi  à  lui  ,  8<:  beaucoup  d'autres  , 
.ont  on  ne  peut  mettre  ici  les  noms  : 
nfin  le  nombre  des  morts  ou  bleflés 
ut  il  grand  de  part  &  d'autre  ,  qu'il 
bmbloit  5  que  chaque  parti  fongeât 
•iucot  à  réparer  fes  pertes  qu'à  atta* 
[uer  fes  ennemis, 

p } 


34i      Mémoires 

Cette  forte  de  trêve  étoit  néan- 
moins plus  avantageufe  aux  troupe: 
du  Roi  5  rebutées  de  tant  d'atta- 
ques 5  où  elles  avoient  été  battue: 
ëc  repouffées  ;  car  durant  ce  temps- 
là  le  Maréchal  de  la  Ferté  avoi 
marché  en  diligence  ,  &  il  fe  pré 
paroit  à  faire  un  nouvel  effort  ave- 
fon  armée  fraîche  de  entière  ,  lorf 
que  les  Parifiens ,  qui  jufques  - 1; 
avoient  été  fpedateurs  d'une  Ci  gran 
de  action  ,  fe  déclarèrent  en  faveu 
<le  Monfieur  le  Prince.  Ils  avoien 
été  11  prévenus  des  artifices  de  1 
Cour  5  ôc  de  ceux  du  Cardinal  d 
Rets  5  5c  on  leur  avoit  tellemer 
pcrfuadé  ,  que  la  Paix  particulier 
de  Monfieur  le  Prince  écoit  fait 
fans  y  comprendre  leurs  inteiêts 
qu'ils  avoient  confideré  le  com 
mencement  de  cette  adion  comm 
une  Comédie  ,  qui  fe  jouoit  d 
concert  avec  le  Cardinal  Mazarii 
Monfieur  le  Duc  d'Orléans  les  cor 


D  E  M.  D.  L.  R.  345 
irma  même  dans  cette  penfée  ,  en 
le  donnant  aucun  ordre  dans  la 
/"ille  5  pour  fecourir  Monfîtur  le 
'rince.  Le  Cardinal  de  Rets  étoic 
uprès  de  lui ,  qui  augmentoit  en- 
ore  le  trouble  de  Hrréfolution  de 
on  efprit ,  en  formant  des  difiicul- 
és  fur  tout  ce  qu'il  vouloic  cncrc- 
>rendre. 

D'autre  part ,  la  porte  St.  Antoine 
'toit  gardée  par  une  Colonelle  dfe 
bourgeois  ,  dont  les  Officiers  qui 
itoient  gagnés  de  la  Cour  j  empê* 
:hoient  prefque  également  de  fortir 
le  la  ville  Ôc  d'y  entrer.  Enfin  tout 
toit  mal  dirpoie  pour  y  recevoit 
vlonfieur  le  Prince  &  fes  troupes, 
orfque  Mademoifelle  faifant  un 
:fïort  fur  Pefpric  de  fon  pcre  ,  le  tira 
le  la  létargie ,  où  le  tenoit  le  Car- 
iinal  de  Rets  -,  elle  alla  porter  Tes 
>rdrcs  à  la  Maifon  de  Ville  pour 
aire  prendre  les  armes  aux  Bour- 
geois -,  en  même  temps  elle  com- 
P  4 


344  Mémoires 
-rnanda  au  Gouverneur  de  la  Baftillc 
''^-  de  faire  tirer  le  canon  fur  les  trôù. 
pes  du  Roi ,  &  revenant  à  la  port< 
Saint  Antoine  ,  elle  difpofa  non- 
feulement  tous  les  Bourgeois  à  re^ 
cevoir  Mr.  le  Prince  &  fon  arméi 
mais  même  à  fortir  &  efcarmoù- 
cher  pendant  que  fes  troupes  entre 
roient.  Ce  qui  acheva  encore  d*é 
mouvoir  le  peuple  en  faveur  d 
!Mr.  le  Prince ,  ce  fut  de  voir  rem 
porter  tant  de  gens  de  qualité  blei 
fés  ou  morts.  Le  Duc  de  la  Roche 
foucault  voulut  profiter  de  cett 
conjon6lure  pour  fon  parti;  &  quoi 
que  fa  blelTure  lui  fît  prefque  forti 
les  deux  yeux  hors  de  la  tête,  il  ail 
à  cheval  du  lieu  où  il  fut  blefîe 
jufqu'au  Fauxbourg  St.  Germain 
exhortant  le  peuple  à  fecourir  Mt 
le  Prince  ,  6c  de  mieux  connoître 
;  l'avenir  l'intention  de  ceux  qui  l'a 
voient  accufé  d'avoir  traité  avec  1 
Cour.  Cela  fit  pour  un  temps  TefFe 


DE     M.  D.  L.  R,     545 

qu'on  defiroit ,  Se  jamais  Paris  n'a 
été  mieux  intentionné  pour  Mr.  le 
Prince  qu'il  le  fut  alors. 
?  ^rCependanc  le  bruit  du  canon  de 
la  Baftille  produilit  en  même  temps 
deux  fentimens  bien  différens  dans 
Pefprit  du  Cardinal  Mazarin  j  car 
d'abord  il  crût  que  Paris  fe  décla- 
roit  contre  Mr.  le  Prince  ,  &  qu'il 
alloit  triompher  de  cette  ville  &  de 
Ton  ennemi  j  mais  voyant  qu'en 
effet  on  tiroit  fur  les  troupes  du 
Roi,  il  envoya  les  ordres  aux  Maré- 
chaux de  France  de  retirer  Tarmée , 
§c  de  retourner  à  Saint  Denis. 
32cCette  journée  fut  u;ie  des  plus 
glorieufes  de  la  vie  de  Monfieur  le 
Prince  (  a  )  i  jamais  fa  valeur  &  .fa 
conduite  n'ont  eu  plus  de  part  à  fa 

g  (  a  )  Clara  &  antiquis  viûoriis  par  ea 
d'ie  laas  parta.  Ann.  14.  Gloria?  ejus 
acce/lît  ,  quod  modica  manu  univerfi 
çxercitûs  famam  adipifceretur.  Ibidem. 


34^       M    E    M    OI^R    E    S 

vldoire  'i  &  l'on  peut  dire  avec  vé» 
tité  5  que  jamais  tant  -de  gens  de 
qualité  n'ont  fait  combattre  un  pluî 
petit  nombre  de  troupes.  On  fie 
porter  les  drapeaux  à  Notre-Dame  i 
^  on  lailfa aller  tous  les  prifonniers 
fur  leur  parole.        ->'-  >->  i^i^ 

Cependant ,  on  cônt?intia  les  né- 
gociations V  chaque  cabale  vouloir 
faire  la  paix  ,  ou  empêcher  que  les 
autres  ne  la  fifTènt  -y  de  Monfieur  lô 
Prince  &  le  Cardinal  «toient  entic- 
hement réfolus  de  ne  la  point  faireà 
Monfieur  de  Chavieni  s'étoit  bieil 
îTiis  en  apparence  avec  Monfieur  le 
Prince  ;  mais  il  feroit  mal  aifé  de 
dire  dans  quels  fentimens  il  avoit 
été  jufqu'alors  ,  parce  que  fa  legé- 
fêté  naturelle  luien  infpir-oit  tous 
les  jours  de  directement  oppofés  (a); 
il  confeilloit  de  poufler  les  chofes  à 
rextrémité  toutes  les  fois  qu'il  efpe- 

<  b  )  Ad  honeft^  fcuprava  juxta  levis, 
v4»».  II,  ,  j     :  .^ 


D  E     M.  D.  L.  R.      547 

rok  de  détruire  le  Cardinal ,  ôc  de 
rentrer  dans  le  Miniftére  ;  ôc  il  vou- 
loit  qu'on  demandât  la  paix  à  ge- 
noux toutes  les  fois  qu'il  s'imagi- 
iioit  qu'on  pilleroit  (es  terres  ,  ôc 
qu'on  raferoit  Tes  maifons.  Néan- 
moins, dans  cette  rencontre  il- fut 
d'avis  5  comme  tous  les  autres ,  de 
profiter  de  la  bonne  dirpoficion  du 
peuple,  &'  de  propofer  une  allem- 
blée  à  l'Hot'él  de  Ville,  pour  ré  fou- 
dre que  Monfieur  fut  reconnu  Lieu- 
tenant-Géricrai-de'  la  Gouromie  de 
France  j  qu'on  s-ùniroitinféparable- 
ment ,  pour  procurer  l'éloignement 
du  Cardinal  ;  qu'on  pourvoiroit  lé 
Duc  de  Beaufort  du 'Gouvernement 
de  Paris  en  la  place  du  Maréchal 
âé,  l'Hôpital  y  de  qu'on' é^ablirôic 
Brouilel  Prévôt  des  Marchands  au 
lieu  de  le  Febvre.  Mais  cette  aiTem- 
blée  où  l'oa  cro.yoic, trouver  la- sû- 
reté du  parti ,  fut  une  des  princir 
pales  eau fe^vde  fa  ruine  ,  par  u-ne 
P   (^ 


348     Mémoires 

violence  qui  penfa  faire  périr  tout 
ce  qui  fe  trouva  dans  l'Hôtel  de 
Ville  (  a  )  5  6c  fit  perdre  à  Mr.  le 
Prince  tous  les  avantages ,  que  la 
bataille  du  Fauxbourg  St.  Antoine 
lui  avoit  apportés. 

Je  ne  puis  dire  qui  fut  l'auteur 
d'un  fi  pernicieux  deiïèin  ,  car  tous 
l'ont  également  défavoué  (b)  5  mais 
enfin  ,  lorfque  l'affembliée  fe  tenoit  j 
on  fufcita  une  troupe  compofée  de 
toutes  fortes  de  gens  en  armes ,  qui 
vint  crier  aux  portes  de  la  Maifoa 
de  Ville ,  qu'il  falloic  non  -  feulet 
ment ,  que  tout  s'y  pafsât  félon  l'in» 
tention  de  Monfieur  le  Prince ,  mais 
qu'on  livrât  dès  l'heure  même  tous 
ceux  qui  étoient  attachés  au  Cardi-. 
liai  Mazarin,  D'abord  on  crut  quç 

*   ..   ;  "■/  >\  ^     ■  r 

-.(a)  Oru  feditio  piopc  urbi  cxcidid 
fuit.  H//?.  I.  i 

(h)  Arguentibus  ipfis  ,  qui  fuaferant* 
H'tfi.  4.  Comme  il  arrive  toujours  dans  les 
affaires  odienfes  qui  ne  H't^Jpjjm  pas^ 


DE     M.  D.  L.  R.     34^ 

ce- bruit  n'étoit  qu'un  effet  ordinai- 
re de  l'impatience  du  menu  peuple  •, 
mais  voyant ,  que  la  foule  &c  le  tu- 
multe augmentoient,  que  les  fol- 
'  dats  &c  les  Officiers  mêmes  avoient 
part  à  la  fédition ,  6c  qu'en  même 
temps  on  mit  le  feu  aux  portes,  ôc 
on  tira  aux  fenêtres  j  alors  tout  ce 
qui  étoit  dans  l'aflemblée  ,  fe  crût 
également  perdu.  Plufieurs ,  pour 
éviter  le  feu  ,  s'expoferent  à  la  fu- 
reur du  peuple,  dcily eut  beaucoup 
de  gens  tués  (  a  )  de  toutes  condi- 
tions ôc  de  tous  les  partis  ;  Se  cha- 
cun crût  que  Mr.  le  Prince  avoit 
facrihé  Tes  amis  ,  afin  de  n'être  pas 
fo upçonné  d'avoir  fait  périr  Tes  en- 
nemis. On  ne  donna  nulle  part  de 

^^^aj  Hapça  arma,  nudati  gladîi ,  urbem 
ac  palatium  petunt  fortiiitus  ne  militum 
furor,  an  ioluîprincipis  ,  modo  conftan- 
tiam  fîmulare  ,  modo  formidine  detcgi. 
Miiitum  impetus  ne  foribus  quidemi  pa- 
latii  coërcitiis,  vulneratis  &  c^fis  plerif'» 
que  dum  ruentibus  obriftunt.  Ji^id, 


550  Mémoires 
cette  affaire  à  Mr.  le  Duc  d'Orléan^ 
de  on  rejetta  toute  la  haine  fur  Mfl' 
le  Prince,  bien  que  je  crois  que  l'un 
&  l'autre  s'étoient  fervis  de  l'entre^ 
niife  de  Mr.  le  Duc  de  Beaufort^ 
pour  faire  peur  à  ceux  de  l'affemt 
blée  qui  n'étôient  pais  dans  leurJ 
intérêts  ;  mais  qu'en  effet  pas  urt 
d'eux  n'eut  deflein  de  faire  mal  â 
perfonne.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  il» 
appaiferent  promptement  le  defor* 
dre  j  mais  ils  n'effacèrent  pas  l'im- 
pï^lïion'  ^uil  avoic  faite  dans  tous 
ks -esprits  (^a).  ■ 

On  propofa  enfuite  de  créer  utt 
Confeil  compofé  de  Mr.  de  Mr.  lé 
Prince,  du  Ghanrelier  de  France  i 
des  Princes  Ducs  &  Paii-s  ^  Maré-i 
chaux  deiprancç  j^rOiiciersGéNe- 
raux  du  parti.  Deux  Préfidcns  à 
Mortier  y  dévoient  aiTifVer  de  la  parc 

(a.)  Huç  ejus  vkà 'fnmaque'inclin.af  y 
m  confciUs  fceleris  Tuçrit ,  cùjùs  cauUa 

ei-at.  Hlfl.'i.  ■'   ■  -"■"  — -^'  ••--  ■■■i^ 


DE  M.  D.  L.  R.  3/t 
lu  Parlement  j  6c  le  Prévôt  des  Mar- 
chands de  la  part  de  la  ville,  poui: 
Liger  déhnitivement  de  tout  ce  qui 
'ôiicernoit  la  guerre  ôc  la  police. 
•'  Ce  Confeil  augmenta  le  défordre 
Al -lieu  de  le  diminuer  ,  par  les  pré- 
emiom  du  rafïg  qu'on  y  de  voit 
enir  y  &  il  -eut  enfin  des  fuites  fu- 
leftes  5  comme  avoit  eu  l'afTemblée  : 
:ar  les  Ducs  de  Nemors  &  de  Beau- 
ort  5  aigris  par  leurs  différends  paf- 
ës  5  ou  piqués  de  jaloufie  au  fujec 
le  quelques  Dames ,  fe  querellèrent 
)Our  là  prélTéance  au  Confeil,  &  fe 
)attirent  à  coups  de  piftolet ,  ôc  le 
Duc  de  Nemours  fut  tué ,  (a)  par  le 
)uc  de  Bcaufort  fon  beau-frere. 
-Cette  mort  donna  de  la  compaf- 
ïon  &  de  la  douleur  à  ïOUs  ceux  qui 
:Onnoi(roient  ce  Prince;  le  public 
nême  eut  fujet  de  le  regretter  :  car 
♦utre  fes  belles  &  aimables  qualités^, 

.  cfaO  ^n  vt^  V^  JQ-  Jf^UfU  'si 


jyi     Mémoires 

il  contribuoic  à  la  paix  de  tout  fojfc 
pouvoir ,  ôc  lui  &  le  Duc  de  la  Rq.^? 
chefoucault  a  voient  renoncé  aux 
avantages  que  Monfîeur  le  Princje 
leur  devoit  faire  obtenir  par  le  trai- 
té 3  pour  apporter  plus  de  facili  ;é  à 
fa  conclulion.  Maiî^ia  mort  de  l*anj 
Ôc  la  bleiïure  de  l'autre ,  laiflèrenf 
aux  amis  de  Madame  de  Longuç- 
ville ,  toute  la  liberté  qu'ils  deû- 
roient,  pour  entraîner  Monfieurk 
Prince  ;  ils  n'appréhendèrent  plus  , 
que  les  propoficions  de  meijer  Mr. 
le  Prince  en  Flandre,  fufTent  con- 
tcilées  j  ils  l'ébloiiirent  d'efpérancesj 
ôc  il  fembla  que  Madame  de  Châ- 
tillon  lui  parût  moins  aimable,  par- 
ce qu'il  lie  trouva  plus  de  rival  il- 
luftre  à  combattre  dans  (cm  toeur. 
Cependant ,  il  ne  rejptta  pas  d'a- 
bord les  proportions  de  paix  y  mais 
prenant  fes  mefures  pour  faire  la 
guerre  ,  il  offrit  le  même  emploi  du 
Duc  de  Nemours  au  Duc  de  la  Ro- 


%  1    M.  D.  L.  R.     355 

çhefoucault ,  qui  ne  le  pût  accep- 
ter à  caufe  de  fa  blelTure  j  de  forte 
tju'il  le  donna  enfuite  au  Prince  de 
Tarente. 

-  Paris  étoic  alors  plus  divifé  qu'il 
^n'avoit  encore  été ,  la  Cour  gagnoic 
tous  les  jours  quelqu'un  dans  le 
le  Parlement,  &  dans  le  peuple ,  le 
tneutre  de  PHocel  de  Ville  ayant 
donné  de  l'horreur  à  tout  le  monde  : 
l'armée  n'ofoit  tenir  la  Campagne  , 
ôc  Ton  féjour  à  Paris  augmentoic 
Paigreur  contre  Moniicur  le  Prince. 
Enfin,  Tes  affaires  étoient  réduites 
au  plus  mauvais  terme  ,  où  elles 
eufïènt  jamais  été,  lorfcjue  les  EC- 
pagnols  voulant  égalem^ent  empê- 
cher la  ruine  &  fon  élévation  ,  afin 
de  perpétuer  la  guerre ,  firent  mar- 
cher une  féconde  fois  Monfieur  de 
Lorraine  à  Paris  avec  un  corps  afïez 
confidérable,  pour  arrêter  l^rmée 
du  Roi  :  il  la  tint  même  invcflie  à 
Villeneuve-Saint- George,  de  man- 


354     Mémoires' 
da   à  Paris  ,  que   les  ennemis  fe- 
roicnt  contraints  de  donner  bataille, 
ou  de  mourir  de  faim  dans    leur 
camp. 

Cettte  efpérance  flata  Monfieur 
le  Prince  ,  3c  il  crût  tirer  de  grands 
avantages  de  l'événement  de  cette 
adion  là ,  bien  qu'il  foit  vrai ,  que 
le  Maréchal  de  Turenne  ne  man- 
quât point  de  vivres ,  ôc  qu'il  eut 
toujours  la  liberté  de  fe  retirer  à 
Melun ,  fans  bazarder  un  combat. 
Il  le  fit  auffi  5  fans  trouver  de  réfif- 
tance  ,  pendant  que  Monfieur  de 
Lorraine  étoit  venu  à  Paris ,  &c  que 
Monfieur  le  Prince  y  étoit  malade 
d'une  fièvre  continue.  Ce  fut  en  ce 
temps-là  3  que  les  troupes  de  Pal- 
luau  joignirent  l'armée  du  Roi,  après 
avoir  pris  Montrond  :  le  Marquis 
de  Perfan  avoit  été  bloqué  dedans 
dès  le  commencement  de  la  guerre 
par  le  Comte  de  Palluau  ,  avec  allez 
peu  de  troupes  j  mais   lorfque  la 


D  E  M.  D.  L.  R.  355 
ganiifon  fut  affoiblie ,  par  la  faim  3c 
par  les  maladies ,  on  l'attaqua  de 
force  5  &  on  le  prit  avec  moins  de 
réfiftance  qu'on  n'en  de  voit  atten- 
dre de  il  braves  gens  dans  une  des 
meilleures  Places  du  monde ,  Il  on 
n'y  eût  manqué  de  rien.  Sa  perte 
dût  être  d'autant  plus  feniible  à 
Monfieur  le  Prince,  qu'elle  étoit 
arrivée  par  fa  négligence,  puifque 
dans  le  temps  que  Tarmée  du  Roi 
étoit  vers  Compiegne,  il  pouvoic 
aifément  fecourir  Montrond  :  au 
lieu  que  Tes  troupes,  ruinant  les  en- 
virons de  Paris ,  augmentèrent  la 
haine  qu'on  lui  portoit. 

Moniîeur  le  Prince  ne  fut  pas 
plus  heureux,  ni  mieux  fervi  en 
Guienne ,  où  la  divifion  du  Prince 
de  Conti  &  de  Madame  de  Lon- 
gueville  fervit  de  prétexte  à  tout  ce 
qui  voulut  quitter  Ton  parti.  Plu- 
fieurs  villes ,  à  l'exemple  d'Agen  ^ 
avoient  ouvert  les  portes  aux  trou- 


35^  Mémoires 
pes  du  Roi ,  &  le  peuple  de  Péri- 
gueux  avoit  poignardé  Chanloft , 
fon  Gouverneur ,  de  chaire  la  garni*- 
fon;  Villeneuve  d'Agenois,  où  k 
Marquis  de  Tefbon  s'étoic  jette, 
fut  la  feule  qui  fe  réfolut  de  fe  dé- 
fendre ,  ôc  elle  le  fit  avec  tant  de 
vigueur ,  que  U  Comte  d'Harcourt 
fut  contraint  de  lever  le  liège,  il  fé- 
journa  peu  en  Guienne,  après  cette, 
petite  difgrace  j  &  foit  qu'il  eût  de 
véritables  défiances  de  la  Cour,  ou 
qu'il  crût  que  fe  rendant  maître  de 
Brifach  ,  de  Philifbourg,  de  de  l'Al- 
face,  il  pourroit  y  jetter  les  fonde- 
mens  d'an  établiilèment  alTuré  ôc 
indépendant ,  il  partit  de  fon  armée, 
comme  un  homme  qui  craint  d'y 
être  arrêté  prifonnier,  &c  fe  rendic 
à  Phili(bourg  avec  toute  la  diligen- 
ce polTible. 

Cependant  la  maladie  de  Mr.  le 
Prince  s'augmentoit,  de  bien  qu'elle 
fût  très- violente ,  elle  fut  tout^foi^ 


D  E    M.  D.  L.  R.     3^7 

moins  funefte  pour  lui ,  que  pour 
Monlîeur  de  Chavigni;  car  dans 
an  éclairciflemeiic  fort  aigre,  qu'il 
'SUC  avec  Monfîeur  le  Prince  ,  il  en 
forcit  avec  la  fièvre,  dont  il  mou- 
rut (a)  peu  de  jours  après.  Son  mal- 
leur  ne  finit  pas  avec  fa  vie  j  ôc  la 
nort ,  qui  doit  terminer  les  haines , 
Tcmbla  avoir  réveillé  contre  lui  cel- 
le de  fes  ennemis.  On  lui  imputa 
roures  fortes  de  crimes ,  Se  Mr.  le 
Prince  particulièrement  fe  voulut 
juftifier  à  fes  dépens  des  foupçons 
que  les  Efpagnols  de  les  Frondeurs 
conçurent  d'un  traité  fecret  avec  la 
Cour.  Il  fe  plaignit  donc  que  Cha- 
vigni avoit  écouté  des  propoficions 
de  l'Abbé  Fouquet  fans  fa  partici- 
pation ,  (bien  qu'il  lui  en  eût  donné 
charge  par  écrit  ^  &  qu'il  avoit  pro- 
mis de  le  faire  relâcher  fur  des  arti- 
cles 3  dont  il  ne  pouvoit  fe  départir. 

(â  )  E?t^  16  j  i,agé fenUment  de  44.  anu 


358  Mémoires 
Monfieur  le  Prince  fie  faire  auiïi  une 
copie  d'une  lettre  interceptée  d< 
TAbbé  Fouquet,  dont  j'ai  vu  l'origi- 
nal où  il  mandoit  à  la  Cour ,  qu( 
Goulas  porteroit  Monfieur  le  Du» 
d'Orléans  à  fe  détacher  d'avec  Mr 
le  Prince,  s'il  n'acceptoit  les  condi 
tions  de  paix  qu'on  lui  offroic 
mais  dans  des  copies,  que  Mr.  L 
Prince  en  a  données  de  fa  main 
il  mettoit  le  nom  de  Chavigni  en  l 
place  de  celui  de  Goulas  ;  de  fort 
qu'il  l'accufoic  en  même  temps  d 
le  trahir ,  f^.ns  en  donner  d'autre 
preuves  que  les  copies  falfifiées  d. 
cette  lettre  écrite  par  le  même  Abb' 
Fouquet ,  avec  qui  Mr.  le  Princ 
îraitoit  tous  les  jours,  de  en  ren 
doit  compte  à  Chavigni. 

Je  ne  puis  attribuer  la  caufe  d'ui 
procédé  ii  injufte  Se  fi  extraordinai 
re,  qu'à  l'extrême  envie ,  que  Mr.  l 
Prince  avoit  de  faire  la  guerre  ,  la 
quelle  étant  combattue  par  fes  amis 


DE     M.  D.  L.  R.     3  59 

lui  lit  changei"  de  conduite  avec  eux> 
Se  donner  toute  fa  confiance  aux 
Efpagnols. 

En  ce  temps,  le  Duc  de  Bouillon 
mourut  auiTi  à  Pontoife.  Mort,  qui 
devroit  guérir  les  hommes  de  l'am- 
bition ,  &  les  dégoûter  de  tant  de 
plans  divers  qu'ils  font  pour  leur 
élévation.  Car  l'ambition  de  ce  Duc 
étoit  foi^itcnue  de  toutes  les  grandes 
qualités  ,  qui  pouvoient  la  rendre 
heureufe  :  il  écoic  vaillant ,  Ôc  fça- 
voit  parfaitement  les  ordres  de  la 
guerre  ;  il  avoit  une  éloquence  fa- 
cile 5  naturelle  ,  &c  infinuante  j  l'ef- 
prit  net ,  fertile  en  expédiens  ,  ôc 
propre  à  foûtenir  les  affaires  diffici- 
les j  le  fens  droit  &  un  difcerne- 
ment  admirable.  Il  écoutoit  avec 
xiouceur  ,  les  confeils  qu'on  lui 
donnoit ,  &  il  faifoic  tant  de  cas  des 
raifons  des  autres  ,  qu'il  fembloic 
en  tirer  Tes  réfolution.  Mais  ces 
avantages  lui  furent  inutiles  par  l'o- 


^(jo     Mémoires 

pini arrêté  de  fa  fortune  ,  qui  s'op- 

pofa  toujours  à  fa  prudence. 

Les  Efpagnols  ven^eoient  par  une 
longue  Ôc  rude  prilon  l'entreprifc 
que  le  Duc  de  Guife  avoit  faite  fur  U 
Royaume  de  Naplcs  ,  &  ils  fe  mon- 
troient  inexorables  depuis  long- 
temps à  tous  ceux  qui  les  preC 
foient  pour  fa  liberté.  Ils  l'accor- 
derent  pourtant  à  Mr.  le  Prince .. 
ôc  ils  renoncèrent  en  cette  rencon- 
tre  ,  à  une  de  leurs  principales  ma- 
ximes ;  pour  le  lier  encore  plu; 
étroitement  à  leur  parti ,  par  um 
déférence ,  qui  leur  eft  fi  peu  com- 
mune. 

Le  Duc  de  Guifè  reçut  donc  h 
liberté  lorfqu'il  l'efperoit  les  moins 
ôc  il  fortit  de  prifon ,  engagé  pai 
un  fi  grand  bienfait ,  &  par  fa  pa- 
role ,  dans  les  intérêts  d^  Mr.  1< 
Prince.  Il  le  vint  trouver  à  Paris 
ôc  croyant  peut-être  s'être  acquitté 
par  quelques  complimens ,  &  pai 

quelque.' 


B  E    M.  D.  L.  R.     364 

tjuelques  vifites  ,  de  ce  qu'il  lui  de- 
voit ,  il  s'en  alla  bien-tôt  après  au- 
devant  de  la  Cour  ,  pour  offrir  au 
Roi  ce  que  de  (i  grandes  obligations 
lui  faifoient  devoir  à  Mr.  le  Prince, 

Dès  que  Monfieur  de  Chavignî 
fut  mort  5  Mr.  le  Prince  commença 
à  prendre  toutes  Tes  mefures ,  pour 
partir  avec  Mr.  de  Lorraine  -,  de  en 
effet  fa  conduite  avoit  rendu  ce 
confeil  fi  nécelfaire,  qu'il  ne  lui 
reftoit  de  parti  à  prendre  ,  que  ce- 
lui-là ;  car  la  paix  étoit  trop  géné- 
ralement defirée  à  Paris,  pour  y 
pouvoir  demeurer  avec  sûreté  dans 
le  deffein  de  l'empêcher.  Monfieur 
le  Duc  d'Orléans  ,  qui  de  Ton  côté 
l'avoit  toujours  defirée ,  de  qui  crai- 
gnoit  le  mal  ,  que  la  préfence  de 
MonGeur  le  Prince  lui  pouvoit  at- 
tirer ,  contribua  d'autant  plus  vo- 
lontiers à  Ton  éloignemenr  ,  qu'il 
Te  voyoit  par-là  en  liberté  de  faire 
Ton  traité  particulier, 

Tçme  //.  Q^ 


}6i     Mémoires 

Bien  que  les  chofes  fuflent  en  ces. 
termes  ,  elles  n'avoient  pas  arrêté  le 
cours  ordinaire  de  la  négociation  ; 
car  dans  le  temps  que  le  Cardinal 
Mazarin  fortoic  pour  la  féconde  fois 
du  Royaume  ,  pour  faire  cefler  le 
prétexte  de  la  guerre  civile,  ou  pour 
faire  voir  que  Mr.  le  Prince  avoic 
d'autres  intérêts ,  que  fon  éloigne- 
ment  j  il  envoya  Langlade  Secrétai- 
re du  Duc  de  Bouillon  vers  le  Duc 
de  la  Rochefoucault ,  foit  qu'il  eut 
véritablement  delfein  de  traiter 
pour  faciliter  fon  retour  j  ou  qu'il 
prétendit  tirer  quelques  avantages , 
en  faifant  paroître  qu'il  defiroit  la 
paix.  Enfin  Langlade  vint  avec  des 
conditions  beaucoup  plus  amples , 
que  toutes  les  autres ,  &c  prefque 
conformes  à  ce  que  Mr.  le  Prince 
âvoit  demandé  -,  mais  elle  furent 
également  refufées ,  ôc  fa  deftinéei 
qui  l'entraînoit  en  Flandres  ,  ne  lui' 
a  permis  de  connoîcre  le  précipice , 


D  È    M.  D,  L.  R.      565 

que  lorfqu'il  n'a  plus  été  en  état  de 
s'en  retirer  (a).  Il  partit  enfin  avec 
Mr.  de  Lorraine  ,  après  avoir  pris 
de  vaines  mefures  avec  Mr.  le  Duc 
d'Orléans ,  pour  empêcher  que  le 
Roi  ne  fût  reçu  à  Paris  :  mais  foîi 
crédit  n'étoit  pas  alors  en  état  de 
balancer  celui  de  la  Cour.  Il  eue 
ordre  de  fortir  de  Paris  le  jour  que 
le  Roi  y  de  voit  arriver,  &  il  y  obéît 
à  Pheure  même ,  pour  n'être  pas  té- 
moin du  triomphe  de  Tes  ennemis 
(b)  au{ïi-bien  que  de  la  joye  pu- 
blique. 

(a.)  Ut  evenit  in  confîliis  infelicibus  ; 
optima  videbantur,  quorum  tempus  effu- 
gerat.  Hijl.  i, 

(h)  Ne  difîîmilitudo  fortuna:  gloriaat 
(inimicorum^  augeret.  Ann.  i  j. 


a* 


3^4     Mémoires 


SUT?  LE  MENT  AUX  RELA- 

tions  des  Guerres  de  Paris  &  de 

Cuienne* 

I.  ; 

LA  ralfon  qui  a  obligé  Mr.  le 
Prince  à  quitter  le  comman- 
demenc  de  l'armée  après  la  bataille 
de  Lens  ,  a  été  non  feulement  la 
crainte  de  bazarder  fa  réputation 
après  tant  de  grands  événemens; 
mais  encore  le  defir  de  jouir  du 
fruit  de  fes  victoites  (a)  ,  &  d'être 
dans  les  affaires  en  un  temps  ,  où  la 
foiblelfe  du  Gouvernement  faifoit 
croire;  à  fes  procbes  ,  6c  à  fes  amis, 
.^u'il  feroit  le  maître  de  la  Cour.  ^ 

'■(î()  Redire  ad  decretiim  triumphum  ; 
fatis^cimevcntuiim  •■,  fatis  cafuum  ;  pro{- 
pera  iUi  &  tnagna  pra:lui.  Ann.  i. 


D  E     M.  D.  L.  R.     3^5 

II.  Sous  prétexte  de  rendre  vilite 
à  Madame  de  Longueville,  qui  étoic 
à  Noi/i  5  les  Frondeurs  en2:a2:erent 
le  Prince  de  Comi ,  &:  le  Duc  de 
Longueville ,  à  entrer  dans  les  inté- 
rêts du  Parlement ,  où  l'on  vouloic 
même ,  que  Monfieur  le  Prince  eue 
promis  d'entrer  ,  comme  le  Coad- 
juteur  l'a  toujours  dit  depuis  ,  &:  le 
lui  a  même  reproché  dans  le  Parle- 
ment. Ce  qui  produifit  le  démêlé  , 
que  ce  Prélat  eut  au  Palais  avec  le 
Duc  de  la  Rochefoucault ,  &  penfa 
être  caufe  de  fa  perte.  Or  quoique 
Mr.  le  Prince  défavoue  de  lui  avoir 
jamais  donné  cette  parole,  l'apparen- 
ce eft  très-grande ,  qu'il  avoi:  bien 
voulu  fe  faire  Chef  des  Frondeurs  , 
fur  l'efpér  an  ce  qu'il  avoir  de  les 
pouvoir  mettre  dans  les  intérêts  de 
la  Cour  ,  aufquels  il  étoit  autanc 
attaché  que  jamais ,  quelque  mine 
qu'il  fit.  Mais  comme  il  s'apperçûr, 
qu'ils  ne  lui  donneroient  point  d'au- 
Q.  5 


^66  M  E  M  O  I  R  I  s 
torité  fur  eux,  qu'autant  qu'il  lui  en 
faudroit  pour  détruire  la  puiflance 
qu'il  vouloir  maintenir  ,  il  feignit 
d'oublier  lui  -  même  d'avoir  jamais 
eu  de  correfpondance  avec  eux. 

IIÎ.  Le  départ  de  Saint  Germain 
eu  Prince  de  Conti ,  des  Ducs  de 
Longueville  &de  la  Rcchefoucaulr, 
ôc  du  Marquis  de  Noirmouftier  , 
fut  un  effet  des  mefures  prifes  à 
Noifi.  Monfieur  le  Prince  qui  étoic 
tout-à'fait  dans  le  parci  de  la  Cour, 
y  fit  aller  Ton  frère.  Le  Duc  de  Lon- 
gueville s'y  rendit  auflî  ,  tant  par 
fon  irréfolution  naturelle,  que  par 
l'efpérance ,  que  les  chofes  s'accom- 
modercient  ;  mais  comme  le  Duc 
de  la  Rochcfoucaulc,  Se  le  Marquis 
de  Noirmouftier  furent  interellési 
par  leur  liaifon  avec  les  Frondeurs  à^ 
lui  faire  tenir  fa  parole  ,  ils  le  con- 
traignirent enfin  à  fuivre  le  Prince 
de  Conti  à  Paris.  Il  eft  vrai  que  n'y 
étant  pas  arrivés  dans  le  temps  qu'ils" 


D  E     M.  D.  L.  R.      3^7 

a  voient  promis  ,  ce  retardement 
avoit  obligé  le  Parlement  à  recevoii* 
•les  offres  du  Duc  d'ElboÊuf,  de  à  lui 
donner  la  Charge  de  Général  :  &  ce 
Duc  fit  d'abord  fa  cabale  Ci  pui fian- 
te dans  le  Parlement  ,  de  parmi  le 
peuple,  qu'il  fut  en  fon  pouvoir  d-c 
faire  arrêter  le  Prince  de  Conti  (a) , 
ôc  tous  ceux  qui  l'avoient  accom- 
pagné ;  les  accufant  d'être  d'inrelli- 
•gence  avec  la  Cour,  ôc  d'être  venus 
de  concert  avec  Moniieur  le  Prince 
qui  avoit  abandonné  le  Parlement. 
Cela  pafTa  Ci  avant ,  que  l'on  mit  des 
Corps  de  Garde  devant  l'Hôtel  de 
Longueville  ,  de  qu'enfin  le  Prince 
de  Conti ,  &  la  DuchefTe  de  Lon- 
gueville 5  furent  contraints  d'aller* 
loger  à  l'Hôtel  de  Ville.  Mais  ce 

0-4 

(a)  Tant  unfeul  homme  qui  a  du  cou~ 
rage  ,  efi  capable  de  fe  faire  valoir  dans 
U7ie  guerre  civile  ,  dit  Tacite.  Tanîùm 
civililDUS  difcordiis  eiiam  fingulorum  au- 
dacia  valec.  Hijl.  3. 


3^8  Mémoires 
qui  avoit  attiré  fur  eux  le  foup- 
çon  5  c'eft  que  l'engagement  qu'ils 
avoient  pris  dans  le  parti  du  Parle- 
ment, n'avoit  été  confié  qu'à  très-pe)i 
de  parriculiers  de  cette  Compagnie, 
qui  n'oferent  même  s'en  déclarer^, 
que  quand  la  préfence  de  Mr.  \c 
Prince  de  Conti ,  &c  de  ceux  qiji 
l'avoient  accompagné  ,  leur  laiflajla 
liberté  de  publier  ce  fecrer.  .^^n 
IV.  Les  vivres  ,  qu'on  laifîà  en- 
trer à  Paris ,  ne  furent  point  l'effet 
d'aucunes  intelligences  de  Moniieur 
le  Prince  avec  fes  proches  ,  qui  y 
€toient  enfermés  j  car  ils  n'ont  ja- 
mais été  fi  brouillés  enfemble  qu'en 
ce  temps-là  ;  mais  ce  fut  par  l'ex- 
trême delir  que  la  Cour  avoit  de  pa- 
cifier promptement  les  chofes  avant 
l'arrivée  de  l'Archiduc  Se  de  fon 
armée  ,  &  le  foulevement  entier  de 
toutes  les  Provinces.  Et  l'entrée  des 
vivres  étoit  une  conditions  ,  fans 
laquelle  on  ne  vouloit  point  com- 
mencer la  conférence. 


DE  M.  D.  L.  R.  3(^9 
V.  Le  principal  fujet  de  la  brouil- 
leiie  qui  arriva  entre  Mr.  le  Prince 
6c  le  Cardinal ,  vint  de  ce  que  celui- 
ci  rejetta  la  haine  des  peuples  fur 
l'autre,  Se  le  fit  pafïèr  pour  auteur  de 
toutes  les  violences  qu'ils  avoienc 
fouffertes.  De  forte  que  Monsieur  le 
Prince  ,  qui  crût  ne  pouvoir  mieux 
détruire  cette  imprelïîon,  que  par  le 
moyen  des  Frondeurs ,  dont  les  peu- 
ples époufoient  les  affedions  &  les 
fentimens ,  fe  réfolut  Aq  Çc  recon- 
cilier avec  eux  ,  en  faifant  un  éclat 
contre  le  Cardinal ,  &  en  leur  fai- 
fant voir  qu'il  n'étoit  pas  dans  une 
telle  dépendance  de  la  Cour  ,  qu'ils 
avoient  cru.  Ce  n'cft  pas  qu'il  fie 
cela ,  pour  fe  déclarer  leur  Chef; 
mais  pour  être  plus  redoutable  à  la 
Cour  5  pour  fe  remettre  dans  l'ef- 
prit  des  peuples ,  &  pour  en  faire  fa 
condition  plus  avantageufe.  Et  d'au- 
tant qu'il  avoit  fenti  le  mal ,  que  la 
divifion  de  fa  famille  lui  avoit  eau- 


370     Mémoires 

fé  5  il  fouhaita  ardemment  de  Ce  re- 
concilier avec  le  Prince  de  Conri, 
avec  la  Ducheflè  de  Longueville , 
ôc  avec  le  Duc  de  la  Rochefoucaulc 
qui  avoit  alors  toute  la  confiance 
du  Prince  de  Conti  6c  de  la  Du- 
cheflè de  Longueville.  Ce  fut  donc 
pour  toutes  ces  raifons  qu'il  prit  le 
prétexte  d'éclater,  fur  le  refus  qu'on 
£t  au  Duc  de  Longueville  du  Gou- 
vernement du  pont  de  l'Arche  :  ôc 
comme  il  ne  vouloir  pas  demeurer 
long- temps  à  la  Cour ,  il  crût  bien- 
tôt en  avoir  aflèz  fait ,  ôc  fe  raccom- 
moda dans  huit  huit  jours  avec  le 
Cardinal.  Cela  lui  fit  perdre  de 
nouveau  les  Frondeurs  ôc  les  peu- 
ples 3  de  ne  lui  donna  aucun  avan- 
tage que  la  réunion  de  la  famille. 

VL  M  on  (leur  le  Prince  appuya 
les  intérêts  de  Bordeaux ,  pour  obli- 
ger à  bon  marché  un  grand  Parle- 
ment Se  une  puiflante  ville,  ôc  afin 
que  cela  le  rendit  plus  confidérable 


D  E     M.  D.  L.  R.     571 

3  la  Cour  y  de  le  mît  plus  en  éta: 
d'en  tirer  des  avantages. 
VII.  La  liaifon  du  Prince  de  Con- 
ti  avec  l'Abbé  de  la  Rivière  fe  fit 
fans  la  participation  de  Monfieur  le 
Prince  :  c'eft- à-dire  ,  Monfieur   le 
Trince  n'y  eut  autre  part  ,   que  de 
^confentir,  que  l'Abbé  de  la  Rivière 
fit  obtenir  dans  la  paix  de  Paris  à 
Mondeur  le  Prince  de  Conti  ,  foix 
'rétablilîement  dans  Tes  Gouverne- 
•  mens  ;  celui  de  Monfieur  de  Lon- 
'gueville  dans  le  fien  ,  dont  il  avoic 
été  refufé  abfoltiment  par  la  Cour  , 
&    de    plus  le  Gouvernement  de 
Damvilliers  ,  moyennant  que   Mr. 
le  Prince  de  Conti  renonceroit  au 
Chapeau  en  faveur  de  l'Abbé  de 
la  Rivière,  Ce  fut  le  Duc  de  la  Ro- 
chefoucault ,  qui  traita  cette  affaire- 
là  ,   parce  que  le  Prince  de  Conti 
ne    vculoit  pas  être   d'Eglife  ,   & 
parce   qu'il    jugea  ,  que  tant   que 
l'Abbé  de  la  Rivière  efpéreroit  d'ê- 
0^6. 


37i  Mémoires 
tre  Cardinal ,  il  feroit  toujours  pren- 
dre à  Monfieur  toutes  les  meiures , 
que  Monlieur  le  Prince  de  Condé 
defireroir.  Cela  réulïit  ainii  jufques 
à  la  prifon  des  Princes  ,  que  l'Abbé 
de  la  Rivière  fut  chalTé  du  confente- 
ment  de  ces  Meffieurs.  -^ 

VIIL  L'affaire  de  Jolly  n'a  ja- 
mais été  bien  éclaircie ,  pour  en  pou- 
voir parler  affirmativement  :  majs 
ce  que  j'en  crois  ,  c'eft  que  ce  fut 
la  Boulaye  ,  qui  fufcita  la  féditioa 
du  matin  par  la  participation  du 
Duc  de  Beaufort  ;  èc  qu'il  eilaya  le 
foir  d'en  fufciter  une  féconde ,  pour 
faire  peur  à  la  Cour  ,  ôc  fe  mettre 
par  là  à  couvert  de  la  première. 
Aufîi  5  le  Cardinal  ,  qui  cherchoic 
depuis  long-temps  ,  les  moyens  de 
mettre  le  Prince  de  Condé  en  guerre 
ouverte  avec  les  Frondeurs ,  fe  fervit 
de  cette  conjoudure,  pour  les  divi^ 
fer  irréconciliablement.  Il  fit  croire 
au   Prince  de    Condé  ,  qu'on  en 


DE    M.  D.  L.  R.     571 

vouloir  à  fa  perfonne.  La  démonf- 
tration  ,  qu'il  en  fit  au  Pai-lement , 
donna  enfin  lieu  aux  Frondeurs  de 
fe  reconcilier  avec  la  Cour ,  &  de 
faire  le  projet  de  la  prifon  des  Prin- 
ces ,  qui  s'éxécura  bien-tot  après  > 
&  qui  produifit  tous  les  maux  ,  que 
tfious  avons  vu  arriver  depuis. 


MANIFESTE  DE    MON^ 
jpi»  fieur  le  Prince  de  Condc ,  contenant 
-■'    les  véritables  raifons   de  fa  [ortie 
de  Paris  le  6.  Juillet  165  i. 

JE  ne  doute  pas  que  ma  fortic 
n'ait  beaucop  travaillé  les  efprits 
de  ceux  ,  qui  ne  fçavent  pas  les 
raifons ,  qui  m'ont  obligé  de  la  pré- 
cipiter 5  même  en  un  temps  ,  où  je 
devois  préfumer  qu'il  ne  fe  pouvoic 
que  ce  départ  ne  fut  necelTairement 
fuivi  de  i'éconaeinent  public  ,  ^^ns 


374  Mémoires 
la  créance  générale  qu'on  a  que  je 
donne  le  branle  à  cous  les  mouve- 
mens  de  l'Etat ,  ôc  que  je  balance 
fi  puiffamment  les  affaires,  qu'elles 
ne  prennent  jamais  d'autre  pente  , 
que  celles  que  je  leur  donne  au  gré 
de  mes  feules  inclinations. 

Si  ceux  j  qui  font  dans  ce  fentN 
mcnt ,  ne  jugent  de  ia  forte  qu'en- 
fuite  de  la  haute  réputation  que 
je  me  fuis  acquife  dans  une  infinité 
de  rencontres  ,  oii  j'ai  toujours  pris 
plaifir  de  prodiguer  mon  fang ,  afin 
d'en  cimenter  la  gloire  8c  le  repos 
de  la  France  i  je  leur  avoue ,  qu'ayant 
eu  ce  bonheur  dans  toutes  mes  etl- 
treprifes  ,  que  de  les  avoir  faites 
conftamment  réliilîr  ,  tant  au  gré 
de  ma  propre  5c  jufte  ambition ,, 
qu'à  l'avantage  de  la  Royauté,  pour 
la  défenfe  de  laquelle  je  n'épargnerai 
jamais  ni  mon  honneur ,  ni  mes 
richelîès  ,  ni  ma  vie  ;  il  n'eft  point 
4c  véritable  zélateur  du  bien  de  la 


D  F.     M.  D.  L.  R.     375 

Monarchie  ,  qui  ne  m'aie  toujours 
déféré,  comme  à  celui ^  qui  n'ayant 
pour  but  que  les  intérêts  de  l'Etat, 
ne  pou  voit  par  même  raifon  man- 
quer de  juftifier  tous  les  mouvemens 
de  ceux  qui  voudroient  régler  les 
leurs  au  niveau  de  ma  conduite. 

Auiîi  puis-je  proteller  à  toute  la 
France ,  que  je  n'ai  jamais  eu  d'au- 
tres ennemis  que  les  fiens  j  de  que 
je  ne  fuflè  jamais  tombé  dans  le 
malheur  qui  fit ,  il  y  a  deux  ans  ^ 
triompher  Hnjuftice  de  ma  géné- 
roiité ,  fi  les  perturbateurs  du  repos 
public  n'euflènt  bien  prévu,  que 
je  ne  ferois  jamais  afïez  lâche  pour 
complaire  fervilement  au  deflèiii 
qu'ils  av oient  de  traverfer  le  repos 
de  l'Etat  ;  &c  que  loin  de  les  favori- 
fer  5  je  ferois  le  premier  à  contre- 
miner  toutes  leurs  menées ,  par  les 
obftacles  invincibles  que  l'honneur 
&  la  qualité  de  premier  Prince  du 
Sang  me  devoit  obliger  d'y  former  ^ 
pour  Ie§  intérêt  du  peuple. 


37^     Mémoires 

Cette  haine  ,  qui  fembloit  avorr 
été  pleinement  alToiivie  par  un 
cruel  emprifonnement  de  quatorze 
mois  5  ôc  que  le  banni(ïèment  du 
Cardinal  me  faifoit  déformais  re- 
garder comme  incapable  de  me 
pouvoir  nuire ,  m'a  fait  voir  par  à& 
grands  indices ,  qu'elle  n'avoit  lâ^ 
ché  la  prife  de  trois  Princes  ,  que 
par  force  j  &  que  les  créatures  d\i 
Cardinal  ,  appuyées  de  l'autorité 
Souveraine  ,  la  nourrifloient  dans 
leur  cœur  ,  pour  la  faire  éclater  à  la 
première  occalion ,  par  un  fécond 
attentat ,  qui  leur  eût  réiillî ,  fans 
doute.  Cl  leur  imprudence  ne  m'eut 
oblige  de  me  dérober  à  leurs  em- 
bûches. 

J'avoue  5  que  depuis  mon  élar- 
gilTement  je  n'ai  jamais  vécu  que 
dans  les  appréhendons  >  quoique 
fecrettes ,  de  cette  féconde  entreprîï- 
fe  5  Ôc  que  je  me  fuis  toujours  dou- 
té 3,  que  cet  heureux  calme  que  mon 


T>  I     M.  D.  L.  R.     377 

ëlargifTement  avoit  ramené  dans  la 
France  ,  étant  incompatible  avec 
l'impatience  de  mes  ennemis ,  ne 
manqueroit  jamais  d'être  troublé 
par  ceux ,  qui  ne  fe  font  il  prodi- 
gieufement  agrandis  qu'à  la  faveur 
des  défordres  de  la  France.  Mais 
je  croyois ,  qu'ils  auroient  encore 
allez  de  prudence ,  pour  épargner 
cette  rude  corvée  au  déclin  de  la 
Minorité  ;  &  qu'ils  attendroient  du 
moins  ,  que  l'autorité  d'un  Majeur 
leur  fît  efperer  un  favorable  fuc- 
ces  5  en  fécondant  le  deilèin  qu'ils 

.auroient  de  me  faire  arrêter. 
^    Cette  précipitation  me  fait  croi- 
re qu'ils  ont  prcflénti ,  que  l'inno- 

,cence  de  mes  intentions  ^  &  la  fidé- 
lité de  mes  fervices ,  ne  pourroienc 
jamais  être  décriées  dans  l'idée  de 
jpotre  jeune  Monarque,  lequel  étant 

■  parfaitement  inftruit  des  trahifons 
de  leurs  monopoles  ,  &  de  la  iincé- 
nté  de  mon  procédé  ^  bien  loin  de 


37S  Mémoires 
les  favoriler,  feroit  pour  me  juftî- 
fier  5  par  la  faveur  de  fon  autorité, 
dans  la  créance  publique  :  &  poui 
cette  raifon  ils  ont  jugé  qu'il  faU 
loit  prévenir  ce  temps  fatal  à  leurs 
perverfes  intentions,  &c  tâcher  de 
fe  faifir  de  ma  perfonne  ,  avant  que 
le  Roi  fut  en  état  de  fîgnaler  le  pre- 
mier coup  de  fa  Juftice  ,  par  1^ 
condamnation  de  leur  injuftice  ,  & 
par  la  juftification  entière  de  mon 
innocence. 

En  effet ,  depuis  le  temps  de  mon 
élargilTcment,  de  de  la  chafïè  que 
la  Juftice  a  donnée  au  Cardinal , 
les  Et  allons  de  fa  tirannie  ,  ont  il 
cauteleufement  difpofé  les  affaires  > 
à  l'exécution  de  ce  fécond  attentât , 
forçant  pour  cette  intention  les  dé- 
bonnaires inclinations  de  la  Régen- 
te ,  que  la  France  étoit  à  la  veille 
der'avoir  le  Cardinal  fur  les  bras, 
&c  de  retomber  dans  le  malheur  des 
dernières  guerrres  5 -fi  par  le  confeil 


15  E  M.  D.  L.  R.  3-^9 
ée  mes  amis  je  n'eufTe  préféré  une 
prudente  fuite  à  une  vigourcufe 
réliftance ,  pour  obvier  aux  troubles 
qui  en  feroient   arrivés. 

Je  penfe  qu'il  n'eft  point  àe  fu- 
jet  5  quelque  ignorant  qu'il  foie 
dans  les  affaires  d'Etat,  qui  ne  foie 
parfaitement  inftruit  des  brigues 
continuelles  que  les  ennemis  de 
notre  repos  n'ont  jamais  interrom- 
pues, pour  le  rétabliifem.ent  du  pro- 
tedeur  de  toutes  leurs  menées  j  Sc 
-pour  tâcher  de  me  faire  condefcen- 
dre  à  cette  fanglante  cabale ,  dont 
les  proposons  ne  m'ont  jamais  fem- 
blé  que  très-criminelles,  èc  dont 
j'ai  toujours  jugé  que  le  paiti  n'étoic 
pas  moins  défavantageux  à  la  tran- 
quillité de  l'Etat ,  que  celui  qui  fe 
forme  tous  les  jours  ou  dans  Bru- 
xelles ,  ou  dans  Madrid. 

Il  eft  vrai  que  le  motif  de  ces 
propofitions  fembîoit  du  moins 
appuyé  d'un  prétexte  Tpécieux,  que 


380  Mémoires 
les  émiflaires  de  Mazavin  emprun- 
toîent  du  mariage  du  Duc  de  Met» 
cœur  avec  la  Mancini,  prétendais 
qu'après  cette  aliance  du  Sang  de 
Vendôme  avec  celui  d'un  étrangeir 
inconnu, les  raifons  de  s'oppofer  au 
rétablidèment  du  nouvel  oncle  n'é>  | 
toient  plus  que  des  opiniâtretés  ar* 
tificieufement  déguifées,  de  qu'on 
ne  pouvoir  plus  empêcher  Ton  re- 
tour, à  moins  qu'on  ne  fut  en  àeC- 
fein  de  vouloir  allumer  des  guerres 
civiles  ,  par  les  efforts  que  Tes  par- 
ti fans  feroient  contre  les  plus  juftes 
réfiftances  de  ceux  qui  refuferoient 
de  le  iic^ner. 

Si  Son  Alteflfe  Royale ,  que  j'ai 
toujours  regardé  comme  le  niveau 
de  ma  conduite ,  ne  fe  fût  conftam- 
ment  infcrit  contre  la  féditieufe 
propolîtion  qu'on  faifoit  de  r'ap* 
peller  ce  Cardinal  ;  je  crois  que  tant 
d'importunités  eurfènt  du  moins 
ébranlé    ma    confcience ,    ôc  que 


B  E    M.  D.  L.  R.     381 
'eufle  eu  bien  de  la  peine  à  réfifter 

tant  de  pourfuites  :  mais  outre 
ue  mon  confentement  eût  été  tuès- 
lutile  ,  j'ai  crû  qu'il  ne  falioit  ja- 
mais fléchir  après  cet  illuftre  exem- 
le;  &c  que  je  devois  cette  force 
/efprità  la  foiblede d'un  Mineur, 
.ont  le  Trône  devoit  infaillible- 
iient  être  ébranlé  par  les  troubles , 
[ue  le  retour  de  cet  ennemi  eût  alTu- 
ément  excités  dans  le  Royaume. 

Ces  oppolîtions ,  que  la  qualité 
le  Prince  du  Sang  ne  m'a  jamais 
aiffé  interrompre  ,  ont  enfin  fait 
:onclure  aux  émiffaires  du  Cardi- 
nal 3  le  funefte  delTein  de  me  faire 
arrêter;  fur  la  créance  qu'ils  ont 
^ûë,  que  s'ils  m'avoient  une  fois  lié 
les  bras,  ils  auroient  plus  de  liber- 
té de  travailler  au  rétablilTement  de 
ce  profcrit ,  de  qu'ils  n'auroient  qu'à 
s*-a{îurer  de  ma  perfonne ,  pour  fe 
mettre  à  l'abri  de  toute  forte  de 
dangers.        oriv^.^^iii 


582     Mémoires 

Le  dcfTein  étoit  fur  le  point  d'être 
exécuté ,  lorfque  je  m'en  fuis  apper- 
çu  5  &  que  ceux  qui  obfervoient  foi- 
gneufement  la  contenance  de  mes 
ennemis  5  m'ont  averti  qu'il  étoic 
temps  de  fonger  à  ma  fureté  ;  ôc  que 
la  violence  des  affaires  ne  permet- 
toit  pas  à  ceux  qui  avoient  ce 
dertèin ,  de  le  différer  davantage , 
de  peur  de  le  voir  avorter  ,  par  la 
promptitude  avec  laquelle  j'en  an- 
ticiperois  aflurément  l'exécution. 
Voilà  l'unique  motif  qui  ma  fait 
fortir  de  Paris  ,  &  qui  ne  fera  pas 
défapprouvé  de  ceux  qui  conddére* 
ront ,  que  ni  ma  détention ,  ni  le 
retour  de  Mazarin  ne  pourroient 
arriver  qu'avec  le  danger  manifefte 
de  voir  retomber  la  Monarchie  dan^ 
les  dernières  convulfions. 

Mes  ennemis  pourroient  bien  fair 
re  paflèr  cette  raifon  pour  un  beau 
prétexte  du  motif  qu'ils  voudroienc 
feuflèment  imputer  à  ma  fortie  ;  û 


D  E     M.  D.  L.  R.     38^ 

e  n'établiilois  le  foupçoii  de  cette 
:onjediire  fur  des  raifons  éviden- 
esj  ôc  fi  je  ne  faifois  voir  par  Pau- 
orité  des  preuves  de  tout  ce  qui  fe 
)allè  de  fecret  dans  PEtat ,  qu'on 
'eut  rappeller  le  Cardinal  Mazarin 
i  quel  prix  que  ce  foit ,  pour  le 
aire  remonter  au  timon  de  la  Mo- 
larchie  j  ôc  que  par  conféquent  , 
)n  en  veut  à  l'Etat  ôc  à  ma  per- 
bnne. 

Les  deffeins  inconnus  que  le  Coad- 
iuteur  de  Paris  Ôc  le  Sieur  de  Lion- 
le  pratiquent  fecrettement  dans  un 
:ommerce  fi  grand,  qu'il  marque 
ane  amitié  très-particulière  ,  de  qui 
le  peut  être  fi  étroitement  renouée 
après  un  mortel  divorce  ,  que  pair 
an  motif  qu  on  peut  raifonnablemcnç 
foupçonncr ,  me  font  juftement  ap- 
préhender les  effets  que  je  laifle  au 
raifonnement  politique  d'un  cha- 
cun j  puifque  l'un  étant  le  plus  mor- 
tel de  tous  mes  ennemis  >  ^  l'autre 


384     Mémoires 
le  plus  zélé  des  partifans  du  Gardi- 
nal  j  il  me  femble  ,  que  ce  n'eft  pas 
fans  raifon ,  que  je  me  défie  du  fuc- 
cès  de  leur  négoce. 

Ceux  qui  fçavent  les  noms  des 
perfonnes ,  que  mon  emprifonne- 
inent  avoit  unies  avec  le  Coâdju- 
teur  5  par  le  faux  précexte  d'un  prin- 
cipe d'amitié  ,  &  que  le  mauvais 
fuccès  d'une  alliance  préméditée  a 
mortellement  aigries  contre  ma 
maifon,  ne  pourront  condamner  la 
jufte  crainte  que  j'ai ,  que  leur  réii- 
nion  ,  appuyée  du  bras  Souverain 
que  je  refpeàe ,  ne  fiu  à  la  fin  pour 
difpofer  une  féconde  fois  les  affai- 
res à  ma  perte  j  l'expérience  m'a- 
yant  appris .  qu'on  ne  fçauroit  ja- 
mais trop  fe  défier  de  la  conduite 
du  temps ,  ni  des  fourbes ,  que  le 
Cardinal  Mazarin  a  fait  gliffer  dans 
la  politique  de  la  France. 

Je  voudrois  encore  imputer  ce 
grand  commerce  du  Coadjuteur  &: 

du 


D  E  M.  D.  L.  R.  385 
du  Sieur  de  Lionne ,  au  renouvelle- 
ment de  quelque  amitié  innocente 
Contradtée  par  les  inftinds  de  quel- 
que autre  motif,  H  le  voyage  du 
Duc  de  Mercoeur,  qui  partit,  il  y  a 
quelques  jours  ,  pour  Cologne  ,  à 
deiïèin  d'aller  voir  fon  oncle  le 
Cardinal ,  ne  me  faifoit  encore  plus 
raifonnablenient  foupçonner ,  qu'en 
effet  on  a  braffé  le  dellèin  de  rap- 
peller  malgré  moi  ce  profcrit.  Les 
politiques  jugeront,  s'il  leur  plaît, 
de  la  fincérité  de  mon  procédé , 
cnfuite  du  voyage  de  ce  Duc ,  de 
confidereront ,  Ci  ce  n'eft  pas  avec 
grande  raifon  ,  que  je  me  fuis  allar- 
mé  du  retour  de  cet  ennem.i  com- 
mun ,  qui  tout  abfent  qu'il  eft , 
gouverne  la  Monarchie  plus  fouve- 
rainement  que  jamais. 

Si  la  France  confidéroit  le  Car- 
dinal Mazarin  ,  comme  le  véritable 
ennemi  de  l'Etat ,  n'eft-il  pas  vrai 
que  la  plus  grofïicre  politique  ne  lui 

Tomç  II.  R 


586  Mémoires 
défendroit  pas  leulemenc  ce  com- 
merce Cl  vidble ,  avec  le  pertuir- 
bateur  de  ioii  repos  j  mais  même 
robligeroit  de  le  choquer ,,  lui.  &; 
tout  fon  parti ,  pour  détromper  en-t 
lieremeiic  les  efprits  de  l'idée  pré-» 
tendue  ,  ou  véritable  qu'on  auroit  ^ 
qu'elle  vivroit  encore  avec  lui  dans 
une  fecrete  intelligence  ?  Tant  s'en 
faut  qu'elle  fc  comporte  de  la  forte^ 
que  non  contente  d'avoir  conftam-» 
ment  entretenu  fon  amitié  ,  par  l'en- 
tremife  des  Couriers  exprès  qu'elle 
lui  dépêchoit  fecretement  ,  elle  a 
enfin  confenti ,  qu'un  Prince  même 
ait  entrepris  ce  voyage  ,  ôc  qu'à  la 
barbe  de  tous  les  fujets  de  l'Etat, 
que  les  tyrannies  de  cet  Etranger 
avoient  unanimement  foulevés ,  il 
s'en  allât  lui  porter  les  nouvelles  ef- 
pérances  certaines  de  fon  prochain 
rétabliiTcment. 

On  d  beau  déguifer  cette  fortie 
du  Duc  de  Mercocur  ,  ôc  la  vouloir 


D  E     M.  D.  L.  R.     3 Sx 

faire  palTer  pour  une  promptitude 
d'un  jeune  Prince ,  que  les  mouve- 
mens  d'une  première  boutade  ont 
fait  échapper  des  mains  de  ceux  qui 
l'épioient  de  bien  près.  Ce  beau  pré- 
texte ne  peut  amuier  que  des  efprits 
foibles  5  ou  ceux  qui  ne  fçavent  que 
cette  fortie  fe  trouve  dans  une  con- 
joncture d 'affaires  ,  qui  m.e  fait  dé- 
fier trop  raifonnablement  du  de(îèia 
qu'on  avoit ,  ou  de  rappeller  Maza- 
rin  5  fuppofé  qu'on  pût  m'arrêcer  ; 
ou  de  lui  donner  un  lieu  de  lureté 
dans  les  dépendances  de  la  Couron- 
ne j  (i  j'avois  alTez  de  pouvoir  pour 
faire  avorter  les  defleins  de  mes  en- 
nemis fur  ma  liberté. 

Toute  la  France  n'eft  que  trop 
infti'uite  des  importunités  extrava- 
gantes du  Cardinal  ,  qui  ayant  été 
condamné  à  fortir  de  l'Etat  pour 
des  malverfations  ,  qui  feroient  ca- 
pables de  faire  exécuter  à  mort  cent 
premiers  Miuiftres ,  a  néanmoins  eu 

R    2 


388  Mémoires 
l^efFronterie  d'interefTer  vivement 
toutes  fes  créatures ,  pour  obtenir 
vm  azile  dans  quelque  Place  forte 
dépendante  de  la  Couronne.  Qiioi- 
quc  cette  proportion  ait  été  fifflée 
dans  le  Confcil ,  elle  n'a  pas  laifle 
de  trouver  des  agens  fecrets,  qui  fé- 
duifant  méchamment  la  bonté  na- 
turelle de  la  Régente ,  ont  porté  fon 
efprit  à  des  confeils,  aufquels  elle 
n'eût  jamais  confenti  ,  fi  elle  n'eût 
été  malheureufement  obfcdée  par 
ceux  qui  ne  fubriftent  que  par  leurs 
fouplclîes,  ôc  par  leurs  fourbes. 

Pour  cet  effet ,  ces  fecrets  ennc- 
rnis  de  l'Etat ,  ayant  jette  les  yeux 
fur  Brizac  -,  c'eft-à-dire,  fur  une  des 
plus  fortes  Places  de  la  Chrétienté  (i 
îe  font  imaginé  que  leur  maître  fe- 
roit  à  l'abri  de  toutes  les  menaces 
des  bons  fujets  de  la  France ,  s'ils 
pouvoient  trouver  le  moyen  de  lui 
en  ouvrir  la  porte  ,  en  procurant  ce 
Gouveniement  à  quelqu'une  de  fes 


I 


DE    M.  D.  L.  R.     389 

créatures.  Le  defTein  a  réiilTi  parfai- 
tement à  leur  gré  ,  par  la  faveur  de 
Charlevoy  ,  Lieutenant  pour  le  Ro£ 
dans  Brizac  ,  lequel  leurré  par  les 
MazarinSj  des  efpérances  d'une  plus 
haute  fortune ,  a  fi  fecrettement  mé- 
nagée fa  trahifon  contre  le  fieur  de 
Tillaclct,  Gouverneur  de  la  Place  , 
qu'il  l'en  a  chafle  fans  autre  ordre  , 
que  celui  des  fecrettes  intelligences 
qu'il  a  eues  pour  cet  effet  avec  les 
émiflaires  de  ce  profcrit. 

Ce  qui  me  fait  croire ,  fans  aucun 
doute  3  que  mes  ennemis  ,  &  ceux 
du  repos  de  la  France  ,  deftinenc 
Brizac  pour  en  faire  le  Port  ,  où 
Mazarin  confervera  le  débris  de  fon 
naufrage  ;  c'effc  que  je  vois  qu'on 
en  donne  le  Gouvernement  à  Var- 
dcs  y  in  (igné  partifan  de  ce  Cardi- 
nal 5  &  lâche  déferteur  du  fervicc 
de  Son  Alteflè  Royale.  Et  Comme 
cela  fe  fait  dans  la  conjondure  da 
départ  du  Duc  de  Mercœur  pour 

R  3 


390  Mémoires 
Cologne  5  ce  n'eft  pas  fans  raifon  , 
<]^ue  je  fonpçonne  que  ce  Prince 
t'en  va  lui  faire  efcorte  ,  comme 
pour  l'y  conduire  avec  plus  d'éclatj 
pour  la  réparation  de  fa  gloire ,  flc- 
riie  par  tant  d'Arrêts. 

Que  dois- je  foupçonner  autre 
chofe  de  cette  aflutance  ,  qu'on 
procure  au  plus  grand  de  mes  enne- 
mis 5  &  au  boutefeu  des  defordres 
de  cette  Monarchie  ?  Ne  puis- je 
pas  dire  fans  témérité  ,  qu'on  en 
veut  à  ma  perfonne  j  qu'on  en  veut 
au  repos  de  la  France  ,  qu'on  en 
veut  au  Trône  de  mon  Roi  ;  qu'on 
en  veut  à  la  tranquillité  des  peu- 
ples ;  puifque  malgré  les  ré(i(l:ances 
JduConfeil,  ô:  malgré  tous  les  Fran^ 
^ois  5  on  fe  fert  de  toutes  fortes  de 
foupleflès  3  pour  lui  chercher  un  lieu 
c  lurete  ? 

Toutes  ces  raifons  ,  ne  feroient 
encotc  que  des  prétextes  ,  que  je  ne 
fcrois  palier  que  pour  de  foibles 


D  E  M.  D.  L.  R.  391 
préjugés  de  l'attentat  que  les  Ma- 
zaïius  méditent  une  féconde  fois 
fur  ma  peiTonnc  ,  li  deux  ou  trois 
cent  perfonnes  armées,  qui  rôdaient 
toute  la  nuit  du  ilxiéme  du  courant, 
dans  le  Fauxbourg  Saint  Germain  , 
ôc  le  Régiment  des  Gardes  redoublé 
en  même  temps  ,  ne  m/cnUent  fair 
entrer  en  foupçon  de  Pentreprife 
-qu'on  alloit  exécuter  5  après  l'avoir 
concertée  prefqiie  depuis  le  temps 
de  mon  élargiiièment.  Cette  con- 
jonéture ,  fortifiée  des  confeils  de 
tous  mes  amis  ,  ne  m'a  plus  permis 
de  différer  mon  départ  ,  afin  de 
pourvoir  à  ma  fùrecé,  par  une  prom- 
pte retraite  ,  que  j'ai  même  été  coi>- 
traint  de  précipiter  ,  de. peur  de  me 
voir  obligé  à  quelque  réiiilance  , 
que  je  n'cuiTe  janxais  pu  former  , 
fans  troubler  la  tranquillité  publi- 
que. Encore  en  eut-il  fallu  venir 
aux  mains ,  dans  la  rencontre  q»je 
j'ai  faite  à  ma  fortie  ,  de  deux  ccnz 


3^2     Mémoires 

Mazarins  armés  ,  fi  ma  feule  pre- 
fence  ne  les  eût  combattus  ,  ou  ne 
les  eût  du  moins  empêchés  de  tra- 
verfer  ma  fortiespar  l'appréhenfion 
qu'ils  ont  eue  ,  que  m.a  réfiftance 
ne  fift  honteufement  avorter  toutes 
leurs  attaques. 

Voilà  une  bonne  partie  des  motifs 
&  des  raifons ,  qui  m'ont  obligé  de 
me  retirer  à  Saint  Maur  ,  en  atten- 
dant que  la  Juftice  conjurât  Torage 
que  mes  ennemis  alloient  faire  tom- 
ber fur  ma  tête.  Ai- je  pu  ,  ou  plutôt 
ai-je  dû  me  comporter  avec  plus  de 
précaution  ?  Pou  vois- je  plus  pru- 
demment épargner  le  repos  public, 
que  j'eufïè  fans  doute  mortellement 
traverfé  ,  fi  j'eufïe  armé  ,  pour  ma 
défeufe  ,  tous  ceux  que  la  juftice 
de  ma  caufe  eût  pu  intereflèr  pour 
la  querelle  de  mon  parti  ?  Qu'on 
juge  de  mon  procédé  ;  qu'on  en 
balance  les  raifons  ;  je  ne  rccufe 
aucun  J^ge  ,  pourvu  quUl  foit  dç- 


DE     M.  D.  L.  R.     395 

fintereiïe  ;  &  je  protefte  à  toute  la 
France  ,  que  fi  je  n'avois  une  par- 
faite fincerité  pour  la  gloire  de  Ton 
fervice  ,  je  ne  ferois  pas  maintenant 
réduit  à  l'état  où  je  me  vois  ,  par 
les  injuftes  pourfuites  de  mes  enne- 
mis. 

Après  avoir  naïvement  expofé 
les  motifs  de  ma  fortie ,  je  penfe 
qu'il  ne  fera  pas  hors  de  propos  de 
faire  voir  les  raifons  qu'on  a  eu 
de  me  perfecuter  ,  après  que  mon 
élargiffement  ,  fi  genereufement 
procuré  par  la  Juftice ,  m'avoit ,  ce 
lemble  ,  mis  en  état  de  ne  pouvoir 
plus  être  traverfé  par  les  efforts  de 
la  calomnie. 

La  première  ,  ou  plutôt  la  feule 
raifon  générale  ,  n'eft  autre  que  l'a- 
verfion ,  que  des  Partifans  du  Car- 
dinal Mazarin  ont  conftammenc 
entretenue  contre  moi  ,  depuis  que 
forcés  de  confèntir  à  mon  élargifle- 
ment  5  ils  ont  été  contraints  de  difr 


35?4  Mémoires 
iimuler  leur  haine  ,  jufqu'à  ce  que 
quelque  autre  occafîon  les  mk  en 
écat  de  la  produire  ,  ou  de  l'étein- 
dre tout-à-faic  3  fuppofé  qu'ils  pûf- 
fent  fléchir  la  réfolution  que  j'a- 
vois  prife  de  ne  démordre  jamais 
du  deflèin  d'être  l'ennemi  le  plus 
irréconciliable  du  Cardinal  Maza- 
rin.  En  effet,  je  ne  doute  pas ,  que 
les  importunités  qu'on  m'a  faites 
incelTamment  pour  tâcher  de  m'cn- 
gâger  dans  Ton  parti ,  &  que  j'ai 
toujours  repoulTées  comme  des  fug- 
geftions  criminelles ,  n'ayent  été  les 
caufes  des  complots  qu'on  a  braf- 
fcs  contre  ma  perfonne  :  aufïi  ne 
m'a-t'il  jamais  été  pofïible  de  rafTu- 
rer  mon  efprit  dans  l'idée  qu'on 
me  vouloir  faire  concevoir  ,  que 
mon  emprifonnement  avoit  encierc- 
inent  effacé  tout  ce  qu'on  avoit  con- 
çu de  mal -talent  contre  l'innocen*- 
ce  de  ma  conduite  :  parce  que  je 
Toyoisa  que  l'efprir  du  Cardinal 


D  £  M.  D.  L.  R.  55)rj 
animoic  encore  fouverakiement  cou- 
re la  Cour  j  que  Tes  créatures  étoienc 
mieux  écoutées  ,  que  les  Princes  du 
Sang  )  ôc  que  le^  expéditions  des 
affaires  importantes  ne  fe  faifoienc 
jamais ,  à  moins  qu'elles  ne  fufTènc 
autorifées  du  confentement  de  celui 
qu'on  a  honteufement  chaiTé,  com- 
me un  criminel  d'Etat. 

Il  ne  feut  pas  être  fort  iittelligent 
dans  les  affaires  d'Etat ,  pour  fça- 
voir  5  que  la  Cour  ne  reculoit  Ci 
conftamment  de  me  donner  le  Gou- 
vernement de  Guienne  ,  que  parce- 
■que  le  Cardinal  ne  le  trouvoit  pas 
à  propos  •>,  &  qwf»  fa  politique  lui 
faifoit  fbrgéï  des  fantômes  ,  plutôc 
que  des  raifons  ,  pour  appuyer  l'in- 
juftice  de  ce  refus.  Il  ne  faut  pas  , 
dis- je  5  pénétrer  bien  avant  dans  les 
fecrers  d<^  l'Etat ,  pour  voir  que  la 
négociation  de  Sedan ,  qu'on  â 
donnée  en  échanse  du  Duché  de 
Bourgogne  à  la  Reine  Ressente  ,  e(i 
R  "^ 


39^      Mémoires 

un  des  plus  vifibles  effets  de  fes  îiv 
trigues ,  Se  du  defïèin  qu'il  a  de 
trouver  une  porte  pour  rentrer  dans 
le  Gouvernement  de  la  Monarchie. 

Cette  forte  obftination  de  la 
Cour  à  pourfuivre  le  retour  de  Ma- 
zarin  ,  &  à  fe  défier  de  ma  con- 
duite 5  parceque  j'y  formois  les  plus 
puiffantes  oppofitions,  m'a  fait  épar- 
gner les  viiites ,  que  mon  devoir 
iTie  faifoit  fouvent  réitérer  dans  le 
Palais-Royal  ,  jufqu'à  ce  que  par  la 
faveur  de  Son  Altefïè  Royale  ,  qui 
s'efi:  entremife  pour  donner  quel- 
que meilleure  &  plus  véritable  idée 
de  la  fîncérité  de  mes  déportemens, 
je  pu(ïè  çonnojtre  ,  que  je  n'y  étois 
plus  regardé  de  Ci  mauvais  oeil ,  & 
que  je  pouvois  cfperer  de  n'y  être 
plus  traité  avec  tant  de  défiance. 

Mais  cette  illuftre  entremife  n'a 
pas  été  moins  inutile  que  les  efforts 
que  je  faifois  conftamment  pour  en 
faciliter  la  crçance  j  d<   les  c^lom- 


D  E     M.  D.  L.  R,      397 

nies  de  mes  ennemis  ayant  prëvahi 
par-deiïus  les  bons  offices  du  Lieu- 
tenant-Général de  l'Etat  3  on  n'a  pu 
davantage  tirer  en  longueur  le  def- 
fein  de  me  perdre,  pour  fauver,  aux: 
dépens  d'un  Prince  de  la  Maifou 
Royale,  les  débris  de  la  fortune  d'un 
inconnu.  Il  eft  vrai  qu'on  n'en  a 
précipité  l'exécution  ,  que  parce- 
qu'on  a  vu  que  le  mariage  du  Duc  de 
^'lercœur  étant  découvert,  il  n'étoic 
plus  temps  de  complaire  aux  oppo- 
ïîtions  de  la  France ,  &c  que  cette 
alliance  du  Cardinal  Mazarin  avec 
la  Maifon  de  Vendôme  juftifieroic 
déformais  tous  les  efforts  qu'on 
feroit  pour  difpofer  les  affaires  à 
fon  retour. 

Tellement  qu'on  peut  aifément 
conclure,  que  ma  difgrace  efl  un 
pur  effet  des  oppolîcions  que  j'ai 
conflamment  formées  contre  le  ré- 
tablKîèment  de  cet  ennemi  public, 
di  qu'il  ne  tiendroit  qu'à  moi  de 


55?S  Mémoires 
me  remetne  hautement  dans  la  fa- 
veur 5  avec  une  pleine  affurance , 
qu'on  afTouviroit  toutes  mes  ambi- 
tions 5  fi  je  voulois  féconder  le  per- 
nicieux defTein  qu'on  a  de  rappel- 
1er  ce  Cardinal  au  Gouvernement 
de  l'Etat.  Mais  à  Dieu  ne  plaife , 
que  je  me  ravale  jamais  jufqu'à  cet- 
te lâcheté  5  qui  me  rendroit  fans 
doute  crim.inel  d'Etat  >  dans  la  par- 
faite connoiïfance  que  j'ai  qu'on 
lie  fçauroit  procurer  ce  retour  fans 
ébranler  daneereufement  cette  Mo- 
narchie:  à  Dieu  ne  plaife,  que  je 
remette  ce  fardeau  intolérable  fur 
les  épaules  des  peuples,  que  les  fai- 
-gnées  pialïees ,  dont  cette  fangfue 
s'eft  cruellement  engrai(ïëc  ,  ont 
réduit  jufqu'à  la  dernière  nécelfité  v 
â  Dieu  ne  plaife,  que  je  donne  fujet 
•au  Roi  Majeur,  de  me  reprocliet 
d'avoir  contribrué  en  aucune  façon 
au  rétabliffemcnt  de  celui  qui  ne 
peut  revenir  que  pour  ramener  avec 


D  E  M.  D.  L.  R.  399 
foi  toutes  fortes  de  troubles  dans  la 
Monarchie. 

Je  fçai  trop  ce  que  je  dois  à  Sa 
Majefté  pendant  le  temps  de  fon 
enfance  j  ce  que  je  dois  à  Son  Altef- 
fe  Royale  ,  qui  s'eil  li  vigoureufe- 
ment  entremife  pour  briier  les  fers 
de  ma  captivité  j  ce  que  je  dois  aux 
Parifiens  ,  qui  me  font  la  faveur 
de  me  regarder  maintenant  comme 
recueil  fatal  de  cecce  tirannie  étran- 
gère, &  comme  le  reftaurateur  de 
leur  ancienne  &  jufte  liberté;  ce 
que  je  dois  à  toute  la  France ,  la- 
quelle s'étant  11  généreufem.ent  inte- 
reiféc  pour  mon  élargi (ïèment ,  exi- 
ge juftement  de  ma  reconnoiffance  ^ 
que  du  moins  je  ne  confente  jamais 
au  retour  de  fon  ennemi  capital. 

Ces  motifs  font  trop  juftes ,  pour 
ne  devoir  pas  donner  le  branle  à 
tous  mes  mouvemens  ;  ces  raifons 
font  trop  pertinentes ,  pour  ne  pas 
faire  la  régie  de  toute  ma  conduite  s 


400  Mémoires 
enfin  je  fais  refolu  de  facrifier  tous 
mes  intérêts  à  la  gloire  du  Roi,  à 
Tavantagc  des  Princes  ,  à  la  défenfe 
des  Pariemens  ,  au  progrès  des  af- 
faires de  l'Etat  ôc  au  foulagemenc 
des  peuples. 


APOLOGIE   DE   MONSIEUR 

le  Duc  de  Beaufort,  contre  la  Cour, 

la  Nohlejfe  &  le  peuple. 


M 


ESSIEURS 


Si  j'étois  auilî  éloquent  ,  que 
ceux  qui  ont  écrit  pour  la  Cour  ,  ou 
pour  les  Princes ,  vous  auriez  une 
belle  apologie  en  faveur  du  Duc  de 
Beaufort  ;  mais  n'ayant  fait  que 
chader  toute  ma  vie ,  &  joiier  à  la 
longue  paume  avec  lui,  vous  me 
difpenferez,  s'il  vous  plaît,  de  la 
fatigue  de  l'éloquence ,  ôc  me  per- 


DE    M.  D.  L.  R.     401 

mettrez  d'aller  mon  grand  chemin 
fans  barguigner. 

Pour  entrer  d'abord  en  matière  ^ 
il  me  femble,  qu'il  y  a  trois  point:  en 
mon  difcours  aufti-bien  que  d^ns 
fon  avis.  Le  premier  eft  de  le  jafti- 
fier  à  la  Cour,  qui  le  croit,  dit-on  5 
mal  intentionné;  le  fécond,  de  le 
rétablir  auprès  de  la  Nobleile,  qui 
Ta  méprifé  ;  le  troificme,  de  lui  re- 
donner Tamitié  du  public  qui  l'a- 
bandonne. Jugez  5  Meilleurs ,  fi  j'ai 
peu  de  chofe  à  faire ,  &  s'il  ne  feioit 
pas  plus  aifé  de  délivrer  les  Prii:^es, 
Ôc  de  perdre  le  Cardinal ,  que  de 
réiiiïir  à  ce  que  j'en  treprends.  Mais 
il  n'importe  ,  in  magnh  voLujj}  fat 
eft  ;  Jt  periculum  fu^rj  vires,  animus 
faltem  non  défait* 

Je  dis,  que  la  Cour  eft  tout-à- 
fait  injurieufe  à  Monsieur  de  Beau- 
fort,  de  croire,  qu'il  a  de  mauvais 
fentimens  contre  elle  ;  &  voici  com- 
me je  raifonne  là-delTus.  Si  Moa- 


401  Mémoires 
fieiir  de  Beaufort  avoit  confervé 
quelque  haine  pour  la  Cour,  h  la 
reconciliation  de  Moniieur  le  Car- 
dinal n'étoic  pleine  de  Hncericé  &c 
de  franchife  ,  il  fe  maintiendroit  en 
état  de  lui  nuire,  ou  de  s'en  garan- 
tir :  mais  tant  s'en  faut  :  pour  ôter 
tout  fujet  de  crainte  &  de  foupçon  , 
pour  établir  une  entière  confiance, 
il  fe  décrédite  exprès  dans  le  Parle- 
inenr  ,  il  s'attire  le  mépris  des  hon- 
nêtes gens  ,  ëc  la  haine  des  peuples. 
Quelle  apparence  donc  ,  que  Mon- 
fieur  de  Bcaufort  faifant  toutes  les 
chofes  qui  doivent  plaire  à  la  Cour  j 
air  deffein  de  la  deflcrvit,  ou  de  iè 
broiiiller  avec  elle  ? 

Davanti^ge  :  s'il  étoit  vrai ,  qu'il 
voulût  entretenir  une  confédération 
défavantageufe  à  l'autorité  du  Roi, 
il  feroit  uni  avec  les  Frondeurs  ,  & 
tous  enfemble  auroient  un  même  but 
&  les  mêmes  intérêts  ;  mais  chacun 
f^ait  qu'il  a  rompu  avec  Madame  de 


D  E     M.  D.  L.  R.     405 

Chevrcufe,  de  peur  qu'il  ne  femblâc 
aller  contre  le  teftament  Je  Louis 
XIII.  s'il  confervoic  quelque  forte  de 
liaifon  avec  elle.  Qu'elle  apparence 
donc  5  qu'un  homme  qui  a  des  rei^ 
pecls  il  délicats  pour  la  mémoire  du 
fea  Roi ,  pût  avoir  des  fentimens  Ci 
pernicieux  contre  celui-ci  ? 

Pour  l'union  du  Miniftre  Se  de 
l'Amiral ,  on  ne  fçauroit  apparem- 
ment la  defirer  ni  plus  forte ,  ni 
plus  étroite  ;  &c  ils  Ibnt  trop  géné- 
reux l'un  ôc  l'autre  ,  pour  croire 
qu'on  ait  donné  &c  reçu  quatre- 
vingt  mille  livres  de  rente  comme 
un  gage  trompeur  d'une  faulîe  re- 
conciliation. 

Mais  afin  de  lailTer  les  conjecla- 
res  5  où  il  y  a  mille  chofes  concluan- 
tes ,  pourquoi  IVaroit-on  appelle 
Maz^arin  fur  le  pont-neuf,  au  Pa- 
lais, &  dans  tous  les  lieux  publics? 
Pourquoi  dans  la  dernière  afièm- 
blée  du  Parlement,  auroit-il  foUici- 


404     Mémoires 
té  ce  qui  lui  refte  d'amis  en  fa  fa- 
veur ,  s'il  n'étoit  véritablement  dans 
fes  intérêts  ? 

On  l'accufe  de  contribuer  de  tout 
fon  crédit  à  la  ruïne  du  Duc  d'Ef- 
pernon.  Et  que  peut  faire  autre  cho- 
fe  ce  généreux  Prince ,  à  moins  que 
de  fouffrir  les  injures  chrétienne- 
ment, 6c  de  s'enfermer  dans  un 
Cloître  ?  Ne  faut- il  pas  avouer  ,  que 
jamais  perfécution  ne  fut  pareille  à 
celle  que  lui  fit  le  Duc  de  Can- 
dale  j  ôc  fon  acharnemenr  à  desho- 
norer un  parent  fi  proche  ne  mérite- 
t'il  pas  bien  cette  vengeance  ? 

Mais  à  dire  vrai  ,  ce  ne  font 
qu'intérêts  particuliers  ;  en  tout  cas 
il  fe  venge  de  fes  ennemis  malgré  la 
Cour,  6c  par  une  efpece  de  com- 
penfation  ,  il  fçait  abandonner  fes 
amis  pour  lui  plaire,  Fontrailles  ÔC 
Matta  autrefois  fi  palTionnés  pour 
fes  intérêts  ,  en  ont  fait  l'expérien- 
ce j  ôc  le  Comte  de  Fiefque ,  après 


DE  M.  D.  L.  R.  40; 
avoir  reçu  le  même  traitement ,  de- 
vroit  fe  reprocher  toute  fa  vie  l'inu- 
tile générolîté  qu'il  eut  pour  lui. 

Concluons  donc ,  que  jamais  per- 
fonne  n'a  mieux  fuivi  les  intentions 
de  la  Cour ,  de  que  la  Reine  auroic 
fort  mauvaife  grâce  de  lui  refufer  le 
Gouvernement  de  Bretagne ,  fi  elle 
croyoit  que  les  grands  fervices  quil 
a  rendus ,  ne  font  pas  bien  payés  de 
l'Amirauté. 

Après  avoir  juftilîé  ce  grand  Duc 
pour  ce  qui  regarde  la  Cour ,  je  le 
veux  juftifier  auprès  de  la  vraie  No- 
bleffe  5  &  faire  voir  que  rien  n'eft 
plus  déraifonnable  que  le  mépris 
qu'on  en  a  fait  depuis  quelque 
temps. 

Quand  je  parle  de  la  vraie  No- 
ble[îe  5  je  n'entends  pas  parler  de 
ceux  5  que  le  feul  langage  de  ce 
Prince  fait  Tes  ennemis  ;  gens  nour- 
ris dans  la  mollefle  &  dans  l'oifive- 
té  5  à  qui  les  ruelles  ont  donné   des 

entretiens  particuliers. 


40^     Mémoires 

Mr.  de  Beauforc  fe  fait  gloire- 
d'ignorer  des  termes  trop  délicats , 
&  capable  d'amollir  les  courages  , 
comme  d'affoiblir  les  efprits.  il  ne 
fçait  ce  que  c'eft  de  jufteiTe  ,  ni  de 
diicernementj  il  ne  cherche  ni  la  po-. 
litelTe  aux  repas ,  ni  la  propreté  aux 
habits  y  mais  il  fçait  fe  faire  aimer 
de  fes  voifins  j  Se  quand  il  a  beioin 
d'amis ,  il  trouve  des  cent  Gentils* 
hommes  traveftis  en  diables,  qui  ne 
manquent  point  de  brocher  Bayard. 
Voilà  quelle  eft  la  manière  de  vi- 
vre de  ce  grand  Duc.  Je  vois  bien, 
que  j'ai  à  fatisfaire  la  Noblelfe  fur 
un  autre  point ,  &  qu'il  y  a  peu  de 
Gentilshommes,  qui  parlant  de  l'af- 
faire de  Renard,  ne  parlent  aufïi  du 
peu  d'envie  qu'on  a  eu  de  fatis- 
faire des  gens  de  qualité  ii  fort  of- 
fenfés.  Avaiit  que  de  venir  au  dé- 
tail 5  je  vous  dirai,  que  le  bon  Prinr 
ce  s'eft  repenti  mille  fois  de  cette 
su^ïon  :  de  pour  vous  montrer  >  que 


D  E     M.  D.  L.  R.     407 

je  n'approuve  pas  l'aftaire ,  ni  la  fui- 
te qu'elle  a  eue ,  je  l'accufe  d'avoir 
eu  trop  d'emportement  de  de  cou- 
rage chez  Renard  ,  ôc  trop  de  réfle- 
xion &c  de  fageflè  dans  le  procédé. 
Mais  pour  peu  de  bonté  que  vous 
ayez ,  Mefïieurs  ,  vous  excuferez  un 
homme ,  qui  a  pris  feulement  une 
chofe  pour  l'autre  ;  qui  fut  vaillantj 
quand  il  falloir  être  fage  j  &c  qui  fut 
fage  5  quand  il  falloit  être  vaillant  : 
il  bien  que  ce  n'eft  qu'un  peu  de 
mécompte  ,  &:  vous  auriez  trop  de 
févérité  fi  vous  ne  lui  pardonniez 
cette  méprife. 

Et  après  tout ,  quand  on  vou-» 
droit  prendre  les  chofes  à  la  ri- 
gueur ,  contre  qui  fe  devoit  battre 
Monfieur  de  Beaufort  ?  S'il  fc  fôc 
battu  contre  Mr.  de  Caudale.,  qui 
étoit  le  vrai  procédé  en  cette  affai- 
re 5  au  moindre  défavantage  qu'il 
eût  eu  5  toute  la  Cour  s'en  fut  ré- 
jouie :  la  Reine  étoit  encore  aigrie 


4o8  Mémoires 
de  la  guerre  de  Paris  j  fa  réconciliât 
tion  avec  le  Cardinal  Mazarin  n'é» 
toit  pas  encore  bien  faite  ,  prefque 
tous  les  gens  du  monde  s'étoient 
offerts  à  Monfieur  de  Candale  : 
Dieu  fçait  quelle  joye ,  s'il  eût  reçu 
quelque  blelTure  ,  ou  rendu  l'épée  ? 
De  fe  battre  contre  Boute  ville,  c'étoic 
une  cliofe  prefque  auifi  fâcheufe  j  il 
ne  lui  pouvoit  arriver  du  defordre , 
que  Mr.  le  Prince  &c  tous  fes  amis 
n'en  euflènt  pris  un  merveilleux 
avantage.  De  la  façon  qu'il  avoit 
traité  Jarzay,  c'étoit  une  affaire  fans 
quartier  ,  de  dans  le  vœu  qu'il  a  fait 
d'obferver  le  précepte  naturel  toute 
fa  vie  ,  il  n'avoit  garde  de  fe  porter 
à  cette  inhumanité. 

Il  eft  certain  ,  qu'il  fe  fut  battu 
contre  Moret  j  mais  celui-ci  lui 
donna  un  rendez-vous  trop  éloigné 
des  Chirurgiens  ,  comme  lui  dit 
judicieufement  Mr.  de  Beaufort  :  dc 
quant  à  ce  que  difoit  là-deffus  Mr. 

dc 


D  E  M.  D.  L.  R.  409 
de  Palluau ,  qu'il  devoit  fe  conten- 
ter de  la  poudue  de  iimpatie  ,  ceia 
eft  bon  à  des'^  gens  comme  lui  fans 
confcience  \  mais  ce  Prince  eft  crop 
homme  de  bien  pour  fe  fervir  des 
remèdes  5  qui  ne  font  pas  naturels  , 
Madame  de  Vendôme  lui  prêchanc 
toujours  5  qu'il  vaut  mieux  mouriu 
mille  fois ,  que  de  chercher  fa  gué- 
rifon  dans  la  Magie, 

Voilà  les  raifons  ,  qu'il  avoît  de 
ne  point  tirer  Pépée  :  chacun  en 
aura  les  lentimens  qu'il  voudra  : 
pour  moi,  je  croirai  toujours  qu'un 
homme  généreux  ne  fçauroit  ap- 
porter trop  de  précaution  ,  pour 
empêcher  ,  que  fes  ennemis  n'ayenc 
avantage  fjr  lui  ;  ce  qui  pou  voie 
arriver  à  Monfieur  de  Beaufort ,  s'il 
fe  fût  commis  avec  des  perfonnes 
défefpérées.  Mais  je  veux  qu'il  aie 
été  emporté  de  trop  de  chaleur  ,  & 
que  par  l'impétuofité  d'un  grand 
cccur  ,  dont  il  ne  fut  pas  le  maître 

Tome  II,  S 


410  Mémoires 
en  cette  occalion  ,  il  ait  oifenfé  mal 
à  propos  tant  d'honnêtes  gens  :  eft-» 
ce  à  dire  qu'un  outrage  ne  le  pui(ïè 
réparer  que  par  la  mort }  Et  lors 
qu'un  grand  Prince  a  la  bonté  de 
revenir  ,  Tes  civilités  doivent-elles 
être  méprifées  ?  Quels  complimen$ 
n'a-t-on  pas  faits  aux  inte reliés  ,  ôc 
quelles  fatisfadtions  ne  leur  a-t-on 
pas  données  ,  (î  vous  en  exceptejs 
celle  de  le  battre  ;  fatisfadlion  cruelle 
ôc  fanglante  ,  que  toutes  les  Na- 
tions ont  fujet  de  nous  reprocher  î 
Si  ce  eénéreux  Prince  avoit  les  Ccn» 
timens  aulïî  délicats  pour  les  inju- 
res ,  que  ces  MetTieurs  qui  fe  plai- 
gnent 5  quels  chagrins  ne  devoit-il 
pas  rellèntir  ,  pour  faire  voir  qu'il 
n'a  rien  oublié  ,  qui  pût  gagner  le 
cœur  de  l'amitié  de  la  Nobleffe  ? 
Vous  fçavez  ,  qu'aulli-tôt  qu'il  eue 
fait  fon  accommodement ,  il  com- 
mença à  fonder  à  la  fortune  des 
homiêces-gens  ,  ôc  réfolut  d'empla? 


DE     M.  D.  L.  R.     41 1 

yci'  tout  Ton  crédit  pour  les  autres  5 
fans  penfer  à  tes  propres  interêcs., 
Aux  uns  5  ce  crénéreux  Prince  offrit 
la  fiireté  de  fa  protection  j  aux  au- 
tres ,  ce  Prince  libéral  offrit  tous 
les  avatages ,  qu'on  pouvoit  tirer 
de  fa  faveur  :  il  diftribuoit  les  Char- 
ges 5  les  Gouvernemens  ,  &c  ne  pue 
jamais  trouver  une  créature  parmi 
ces  ^ens  abufés  des  efpérances  de  la 
Cour  :  il  n'y  en  eut  point ,  qui  ne 
refusât  Tes  bienfaits.  Le  dépit ,  qu'il 
eut  de  voir  fes  liberalicés  méprifées, 
le  força  de  fonger  à  fes  affaires ,  Se 
malgré  le  deffein ,  qu'il  avoir  de  ne 
rien  prendre ,  il  fe  vit  réduit  à  cette 
fâcheufe  néceffité  de  folliciter  fes 
interêcs. 

Voilà  le  premier  déplaifir  ,  que 
le  Duc  de  Beaufort  reçut  des  Gen- 
tilshommes 5  &c  particulièrement  de 
la  Cour  ^  voilà  les  premières  mar- 
ques de  leur  mépris  ,  qui  a  palTé  en 
fort  peu  de  temps  jufqu'aax  injures 
S  1 


4  î  1        M    E    îil    O    I    R    E    s 

les  plus  fanglantes.  Dans  la  guerre 
de  Paris  on  ne  parioic  que  de  fa 
gencrofîté  ôc  de  fa  valeur  :  voyez 
cjuelle  eft  rinjuftice  du  liéclc  ,  on 
prétend  le  déshonorer  aujourd'hui 
par  les  mêmes  adtions  j  dont  eft  ve- 
nue fa  réputation. 

Chacun  fçait,  que  tout  le  monde 
lui  Ht  des  complimens  fur  la  mort 
de  Nerlieu  ;  ôc  quand  véritablement 
il  ne  l'eut  pas  tué,  les  plus  miodeftes 
s'y  fuilent  laiiTé  perfuader  au (Ti- bien 
que  lui.  Ce  même  monde ,  plein  de 
complaifance  &c  d'agrément  en  ce 
temps-là  5  devenant  de  mauvaifc 
humeur  prcfentement,  lui  veut  ôter 
la  gloire  qu'il  lui  a  donnée  ,  ôc  par 
une  recherche  aufTi  éxadte  qu'inge- 
iiieufe  5  trouve  ,  à  ce  qu'on  dit  j 
qu'il  n'approcha  de  Nerlieu  qu'a- 
près fa  mort. 

Son  combat  contre  Briole  ,  étoii 
allégué  comme  un  combat  extraor- 
dinaire 5  qui  faifoic  trembler  touî 


D  E  ^î.  D.  L.  R.  415 
les  Héros  des  Romans  :  aujourd'hui 
Briole  lui  arrache  ion  épce  ,  comme 
à  un  homme  perdu  ,  que  l'emnor- 
temenc  ou  quelque  autre  pairioii 
avoir  m.is  hors  de  lai-même. 

Ces  Meilleurs  fc  figurent  -  ils  , 
qu'il  foit  prêt  de  changer  de  créance 
auiîi  légèrement  qu'ils  ont  Fait ,  ôc 
qu'une  perfonne  ,  qui  s'eft  imaginé 
d'avoir  tué  Neriieu  ,  quand  on  lui 
en  a  fait  des  complimens ,  foit  re- 
foluë  de  n'en  rien  croire  ,  lorfqu'il 
leur  prend  fantaiiie  de  fe  dédire  ? 
Non  5  non  ,  Meffieurs ,  vous  devez 
avoir  plus  de  {-ermeté  ,  de  jam.ais  on 
ne  lui  reprochera  une  pareille  in- 
conftance.  Il  pouvoir  bieir  être  , 
qu'il  ne  l'avoit  pas  tué  ;  mais  puif- 
que  vous  l'avez  voulu  ,  fi  à  préfenc 
vous  tenez  le  contraire  ,  cela  n'em- 
pêchera pas  qu'il  n'ait  tué  Neriieu. 

Des  actions  particulières,  on  palîc 
aux  qualités  de  fa  perfonne.  On  le 

fait  être  ^roiTier  fans  franchife  ;  arti- 
^  c  • 

5   3 


414  Mémoires 
ficieux  fâiis  efpric  j  «Se  pau  un  mélaiv 
ge  bizarre  ,  il  poilede  foaveraine- 
nicnt  5  difciu-iis  ,  les  artifices  de 
Mr.  de  Vendôme  3c  la  fimplicité 
de  Madame  fa  Mère.  Si  vous  les 
croyez. ,  il  promet  à  tout  le  monde, 
ëc  ne  tient  jamais  fa  parole  ;  il  en- 
voyé trois  Couriers ,  dont  pas  un 
ne  monte  à  cheval ,  &:  fe  refiife  lui- 
même  de  la  part  de  la  Reine  ce 
•qu'il  n'a  pas  demandé.  Que  vou- 
lez-vous de  plus  'i  11  follicite  pu- 
bliquement pour  un  homme  ,  ôc 
follicite  en  particulier  contre  lui. 
Je  ne  fçai  ce  que  l'on  ne  dit  point 
de  fou  langage  ,  de  de  fon  efprir. 
On  lui  fait  écrire  des  lettres  ridi- 
cules à  Monfieur  de  Bethune  ,  où  je 
m'alTure  qu'il  ne  penfa  jamais.  Les 
inci'Jens  des  procès  font  pour  lui 
des  accidens  de  la  vie  j  quand  on 
mange  de  la  viande  en  Carême , 
il  y  veut  mettre  la  politique  ;  les 
chambres  tendues  de  noir  iont  lu- 


D  E  M.  D.  L.  R.  415 
briques  ,  &  les  yeux  les  plus  lafcifs 
font  lugubres.  Laval  efl  mort  d'une 
confufîon  (a)  à  la  tête  ,  ôc  le  Che- 
valier de  Chaboc  ,  pour  avoir  été 
jnal  timpanë.  Il  n'y  a  lâcheté  qu'on 
ne  lui  faiTe  faire  ,  il  n'y  a  fottife 
qu'on  ne  lui  Ç^Sic  dire  ,  de  cepen- 
dant il  faut  croire  cu'il  cft  fmcere 
&  fpirituel ,  &  ciu'il  ne  manque  de 
bonne  foi ,  ni  d'intelligence. 

Peut-on  s'imaginer  qu'une  per- 
fonne  nourrie  dans  l'innocence  des 
pi  ai  (1rs  des  champs  foit  devenue  ca- 
pable de  tant  de  fourbes  ?  Pc  ut- on 
s'imaginer,  qu'un  Prince  de  fa  naif. 
fance  ignore  l'ufage  des  termes  les 
plus  communs  ?  Pour  moi  3. je  vous 
avoue  5  c|u'au  lieu  de  me  figurer  des 
chofes  il  écranges  ,  ôc  fi  déiavanta- 
s  4 

(a)  C'cjl  qtv^il  p.irloit  comme  les  payfans, 
Défc.vd  qii'il  tenait  de  fa  mère  ,  la  plus 
^rojfiere  fe-mme  qui  fût  en  France  ,  quoi- 
qu'elle fût  de  la  Maifoyi  de  Lorraine, 


4i<5     Mémoires 
geufes  à  Mr.  de  Beaufort ,  j'admire 
toujours  fa  généroficé  ,  ou  fa  patien- 
ce à  pardonner  ou  à  foutirir  les  in- 
jures qu'on  lui  fair. 

Si  je  ne  craignois  de  paiTer  ici 
pour  déckmareur,  je  tînirois  ce  cha- 
pitre de  la  NoblelTe  ,  en  l'exhortant 
•de  vivre  auiTi-bien  avec  lui ,  qu'il 
eft  réfolu  de  bien  vivre  avec  elle  ; 
de  m'adreflant  aux  Gentilshommes  , 
je  leurs  dirois  de  fa  part  :  Quittez, , 
Jl'iejficurs  ,  quittez,  cette  hai?ie  malt- 
cieufe  ,  &  ce  ?ncpris  affecîé  ;  rentrez, 
dans  les  fe77timens  ou  vous  étiez,  à  la 
mort  du  feu  Roi  :  fouvene^-vous  de  ce 
temps  généreux  ,  oit  tout  le  monde  fe 
jettoit  en  foule  dans  fes  intérêts  ;  ou  le 
Colonel  des  Suijjes  ( a)  ,  les  Officiers 
de  la  A<faifon  du  Roi ,  &  les  gens  de 
cjualité  renon^oient  a  la  Cour ,  &  à 
la  fortune,  pour  l'amour  de  lui.  Si  vous 
revenez. ,  Meffieurs ,  //  eft  prêt  de  vous 
recevoir,  &  en  état  de  faire  pour  vous 

(n)  MonfeuY  de  la  Châtre. 


D  E  M.  D.  L.  R.  417 
les  mêmes  chofes  quil  a  faites,  SI  vous 
ne  revenez  pas  ,  je  vous  déclare  ^hU 
vous  abandonne  ,  &  va  tacher  de  Je 
rétablir  dans  l'ajfeciion  des  peuples  qui 
l'ont  quitté.  Il  vous  a  dit  les  CQ'tnmen- 
cemens  de  fa  réputation  ;  mais  il  vous 
doit  la  meilleure  partie  defon  mépris , 
&  fe  trouve  ajfez.  déchargé  de  toute 
reconnoijfance  par  les  rejfentlmens  oii 
vous  le  poujfe^  :  Meffieurs ,  il^^nefi  pas 
h  e  foin  de  barouioner  davantace. 

Il  eft  temps  de  venir  à  la  jaflihca- 
tlon  auprès  des  peuples  ;  &  comme  il 
avoue  lui-même,  qu'il  leur  doit  fou 
falut,  fa  fortune  3  ôc  {on  crédit,  il 
n'y  a  rien  qu'il  ne  faiîe,  pour  leur 
ôter  la  mauvaife  impreiïion  ,  qu'ils 
ont  prife,  ou  par  ion  propre  malheur, 
ou  par  la  malice  de  les  ennemis. 

Ce  n'eft  pas  ,  s'il  vouloir  s'e- 
xempter de  reconnoilTance  ,  qu'il  ne 
piit  dillinguer  l'obligation  i  ùC  qui- 
conque voudroit  examiner  les  cho- 
fes avec  la  dernière  rigueur ,  trou- 

s  i 


4i8  Mémoires 
veroit  fans  doute,  que  leur  afFc(Stion 
étoit  plutôt  un  effet  ncceflaire  defon 
étoile,  qu'un  mouvement  libre  &c 
obligeant  de  leurs  cfprits.  Au  feul 
nom  de  Monfieur  de  Beaufort ,  les 
peuples  fe  font  trouvés  émus  fans  le 
connoître  ,  &c  par  je  ne  fçai  quelle 
impulfion ,  tous  les  coeurs  fe  font 
portés  à  cette  furieufe  amitié.  Il  eft 
certain ,  qu'il  eil  devenu  leur  Pôle  , 
fans  les  avoir  fervis,  fans  les  avoir 
pratiqués  ,  fans  avoir  rien  fait  qui 
pût  attirer  ni  leur  gratitude ,  ni  leur . 
amitié,  ni  leur  eftime.  De  cette  forte, 
ils  ont  fait  pour  lui  ce  qu'ils  ne  fe 
pouvoient  emipêcher  de  faire  j  &c  à 
parler  fainement,  il  eft  beaucoup  plus 
obligé  au  bonheur  de  fa  naiiïance 
qu'à  leurs  bonnes  volontés.  Cepen- 
dant ,  il  avoue ,  qu'il  leur  doit  tou- 
tes chofes  ,  de  ne  prétend  point  par 
une  méconnoiiïance  fi  exquife  payer 
de  véritables  obligations.  Il  ne  pro- 
tcfte  pas  feulement ,  qu'il  fera  toû- 


D  E  Mo  D.  L.  R.  41^ 
jours  dans  le  deirein  de  fervir  des 
peuples  3  qui  Vont  lervi  ;  il  aiTure 
qu'il  aura  toute  la  vie  des  ientimens 
d'amitié  particuliers  pour  eux  ,  une 
parfaite  reilemblance  d'humeurs ,  un 
iecret  rapport  de  penfées,  une  con- 
formité admirable  de  langage  &  de 
manière  qui  doivent  entretenir  en- 
tr'eux  une  liaifon  éternelle. 

Et  toutefois  Meilleurs  de  Paris 
veulent  rompre  injurieufcment  : 
d'une  paflion  ,  qui  alloit  jufqu'à  la 
folie  5  on  les  voit  pafier  à  une  haine, 
qui  va  jufqu'à  la  fureur  j  ce  ne  font 
que  reproches  d'inconfcance  de  de 
periîdie.  Et  du  moment  qu'ils  l'ont 
vu  moins  miférable  ,  il  l'ont  traité 
comme  un  ingrat  &  un  corrompu. 
Souffrez  ,  Meffieurs  ,  que  je  vous 
parle  fans  paHion.  Si  j'ai  dit  quel- 
que chofe  en  fa  faveur  ^  ne  croyez 
pas  que  je  fois  gagné ,  ni  prévenu  , 
ni  que  je  veuille  m'attirer  une  an- 
mofité  générale  ,  pour  confervcr  les 
S  6 


410  Mémoires 
bonnes  grâces  d'un  particulier.  Je 
fais  ici  profeilion  d'une  fincerité 
toute  entière  i  ôc  Dieu  m'eil;  témoin. 
Il  je  luis  d'autre  mouvement  que 
celui  de  la  raifon. 

Trois  chofes ,  (i  je  ne  me  trompe  , 
ont  ruiné  Monfieur  de  Beaufort 
dans  votre  efprit ,  fon  accommode- 
ment avec  Monfieur  le  Cardinal  ; 
TAmirauté  qu'il  a  prife  ;  de  les  folli- 
citations  qu'il  a  faites  dans  les  der- 
jiiieres  affemblées. 

Pour  fon  accommodement  5  à 
moins  que  de  le  traiter  avec  beau- 
coup d'injuftice ,  vous  ne  le  fçau- 
riez  trouver  mauvais.  S'il  s'étoit 
vïccommodé  fans  confiderer  vos  in- 
térêts 5  ôc  n'avoit  eu  foin  que  des 
iiens ,  vous  auriez  fujet  de  vous 
plaindre  ;  mais  il  cfc  certain  ,  que  le 
bur  de  fa  reconciliation  eft  de  cher- 
cher des  moyens  plus  fûrs  ôc  plus 
faciles  de  perdre  le  Cardinal.  Il  a 
TU   toutes  les  Provinces  foulevces 


D  E  M.  D.  L.  R.  42  1 
fansfruit;  il  a  vu  que  lahaine ouver- 
te ôc  déclarée  ne  ieivoit  de  rien  ;  il  a 
eu  recours  aux  apparences  de  Pami- 
tié  ;  Ôc  comme  il  dit  lui-même ,  il  a 
fait  deflcin  de  le  perdre  par  le  ca- 
binet. 

Son  efpric  auiïi  capable  d'intri- 
gue, que  de  la  guerre,  ôc  de  dex- 
térité que  de  hardiede  ,  lui  fourni- 
ra mille  moyens  adroits  &  ii^^ge- 
nieux  ,  fans  parler  de  fon  étoile  po- 
litique, qui  le  deiline  au  Gouverne- 
ment de  l'Etat ,  6c  le  met  au-deiTus 
de  toutes  les  finedes  dltalie. 

Si  quelque  perionne  un  peu  trop 
délicate  fur  l'honneur  ne  peut  ap- 
prouver ,  que  I\ir.  de  Beaufort  con- 
ferve  les  fentimens  de  ruiner  le  Car- 
dinal, après  en  avoir  reçu  des  bien- 
faits confidérables  j  je  lui  réponds 
qu'il  n'a  point  traité  avec  lui  com- 
me fon  ami  j  mais  au  contraire  je 
me  perfuade  qu'en  prenant  l'Ami- 
rauté ,  il  lui  a  fait  le  tour  du  plus 
cruel  ennemi  qu'il  eût  au  monde* 


42.1     Mémoires 

Et  quoi ,  Meflieurs ,  ne  penfez- 
vous  que  ce  Prince  l'a  moins  in- 
commodé dans  la  guerre  de  Paris , 
que  dans  la  paix  ;  &c  à  votre  avis , 
le  combat  de  Yitry  n'étoit  -  il  pas 
plus  indifférent  à  la  Cour  ,  que  la 
négociation  de  l'Amirauté  ? 

Dans  cette  guerre  ,  il  étoit  tou- 
jours en  état  ,  ou  de  s'enfuir ,  ou 
d'être  battu  ,  ^^  jamais  fon  courage 
&  fa  fureté  ne  s'accordoient  en- 
femble  :  on  n'alloit  à  la  campagne 
qu'avec  frayeur  ,  on  rentroit  peu 
fou  vent  dans  Paris  frais  honte ,  dc 
les  fuccès  les  plus  heureux  étoient 
de  faire  venir  du  pain  fans  com- 
battre. 

En  ce  temps-là  Monficur  de  Beau- 
fort  réduit  avec  vous  aux  dernières 
nécefïités ,  ne  faifoit ,  pour  dire  le 
vrai  3  ni  beaucoup  de  peur ,  ni  beau- 
coup de  mal  aux  troupes  de  Saine 
Germain  ,  mais  aujourd'hui  qu'il 
force    la  Cour  ,  qu'il  ote  quatre- 


D  E  M.  D.  L.  R.  425 
vingt  mille  livres  de  rente  à  la  Rei- 
ne même,  vous  appeliez  cela  recon- 
ciliation, de  bonne  amitié?  Non, 
Iviefrieurs,  détrompez-vous,  je  vous 
prie,  6c  croyez  qu'il  a  exercé  la  plus 
fine  de  toutes  les  vengeances. 

Si  dans  le  com^pliment  quil  fal- 
lut faire  au  Cardinal  pour  le  remer- 
cier de  cette  affaire,  il  l'aiTura  d'a- 
voir le  miême  attachement  à  fes  in- 
térêts que  Champfleury  (a  ) ,  il  faut 
croire  qu'il  ajoûtoit  la  mocquerie 
au  premier  outrage  ,  ôc  c'eft  violer 
le  refpeâ: ,  qu'on  doit  à  fa  qualité 
de  Prince  ,  de  s'imiaginer  qu'il  ait 
été  capable  de  cette  ballèfle.  Ceux 
qui  font  dans  le  haut  rang,  peuvent 
bien  fe  dire  amas  des  Miniftres  ; 
mais  de  defcendre  à  l'attachement 
de  Capitaine  de  leurs  Gardes ,  cela 
ne  s'eft  jamais  fait:  &  pour  vous 
ôter  tous  les  foupçons  ,  que  vous 

(a)  Capitaine  des  Cardes  du  Cardinal 
MaMirin. 


42  4  Mémoires 
avez  injuftement  pris  ,  je  vous  de- 
mande 5  il  les  défiances  de  Mr.  de 
Beaufoit  font  moindres  ,  qu'elles 
n'éroienc  auparavant.  Loriqu'une 
perfonne  de  qualité  le  fait  appeller, 
&z  qu'il  renvoyé  ces  Meilleurs  à 
Commeny  ,  comme  on  renvoyé  des 
créanciers  à  un  Intendant,  ne  faut- 
il  pas  dire  ,  que  c'eft  un  artifice  de 
la  Cour  :-  Et  n'a-t-on  pas  im.primé 
une  lettre  ,  qui  témoigne  aflez  le 
fentiment ,  qu'il  a  dans  toutes  les 
affaires  qui  fe  préfentent?  Il  cher- 
che les  précautions  5  que  lui  donne 
la  défiance  5  i\  l'on  délibère  au  Pa- 
lais-Royal ,  Il  l'on  délibère  à  l'Hôtel 
de  Montbazon ,  ils  ont  tous  leur 
confeil,  de  dans  leur  cabinet  on  ré- 
fout  toutes  les  affaires  d'impor- 
tance. 

Javoue  que  le  Duc  de  Beaufort  a 
foUicité  pour  le  Cardinal  ;  mais  on 
lie  me  fçauroit  dénier  ,  que  c'étoic 
moins  eji  fa  faveur  ,  que  contre  les 


D  B     M.  D.  L.  R.     415 

Princes  j  &  ii  vous  lui  donnez 
moyen  de  perdre  le  Cardinal  par  les 
Princes ,  (Se  les  Princes  par  le  Car- 
dinal 5  il  vous  aura  la  dernière  obli- 
gation. C'ell:  le  malheur  de  la  fitua- 
tion  où  il  eft  ,  plus  que  la  malice 
de  Ton  naturel  qui  lui  fait  craindre 
tout  le  m.onde  ,  &c  n'aimer  perfon- 
ne.  La  bonté  qui  fe  peut  conferver 
parmi  des  intérêts  il  délicats ,  lui 
refte  encore.  Il  n'envie  point  à  Mr. 
le  Prince  la  conftance  qu'il,  témoi- 
ene  au  Bois  de  Vincennes ,  &:  com- 
me  il  peut  arriver  tel  deiordre  qui 
feroit  tort  à  fa  gloire ,  il  fouhaite 
qu'il  fînifle  promptemcnt  les  jours , 
pour  mettre  fa  réputation  à  cou- 
vert. 

Le  tempéramment  du  Prince  de 
Ccnti  eit ,  à  Ton  avis  ,  (1  foible  &  (1 
délicat  ,  que  le  moindre  exercice  ^ 
une  chalïe ,  une  débauche  ,  une  pe- 
tite agitation  ,  feroit  capable  de  le 
faire  mourir   s'il  étoic   en  liberté. 


^l6        M    E    M    O    I    i2.    E    s 

Dans  la  dévotion  où  il  ed  ,  il  ne  fe 
peut  lader  de  louer  Dieu  de  la  con- 
veiiion  du  Duc  de  Longueville  ,  ÔC 
la  joye  qu'il  a  de  lui  voir  dire  Ton 
Bréviaire  ne  fe  fçauroit  exprimer, 
lied  fâché,  que  le  Cardinal  foie 
occupé  au  gouvernement  d'un  peu- 
ple tumultueux  ,  comme  celui  de 
France  ;  &c  pour  exercer  la  délica- 
teiïc  de  Ton  efprit ,  il  lui  fouhaite 
quelque  bon  emploi  dans  Tltalie. 
Outre  les  fentimens  de  bonté  ,  qui 
le  portent  à  defirer  la  gloire  de  ces 
Mefïieurs  ,  Il  faut  avouer ,  que  le 
foin  du  bien  public  ne  lui  laillè 
point  de  repos  ;  l'intérêt  de  l'Etat 
lui  devient  li  précieux  ,  qu'il  ne  le 
fçauroit  fouftiir  entre  les  mains  de 
perlbnne  ,  &  la  vie  même  lui  fem- 
ble  inutile  ,  s'il  ne  l'employé  chari- 
tablement à  nous  gouverner. 

Sans  le  flater  ,  Meffieurs ,  il  y  a 
peu  de  chofe  ,  qu'on  ne  doive  at- 
tendre de  fun  zèle  <^  de  fa  capacité. 


D  E  ^î.  D.  L.  R.  417 
Faut  -  il  empêcher  ,  que  l'autorité 
Royale  ne  foit  reconnue  ?  Faut-il  en 
niême  temps  s'oppofer  à  la  liberté 
des  Princes  ,  &  tirer  le  Duc  d'Ef- 
parnon  de  fon  Gouvernement  } 
Faut  il  exciter  une  iédition  pour  le 
bien  de  l'Etat,  faire  tendre  les  chaî- 
nes,  armer  les  fad-ieux  ?  Faut-il  fe 
trouver  à  toute  forte  d'a(ïem.blées  au 
Palais  ,  à  l'Hôtel  de  Ville  ,  à  tous  les 
Confeils  ?  il  n'y  a  fatigue  ni  dan- 
ger ,  qu'il  refufe  pour  l'amour  de 
vous.  On  peut  attendre  de  lui  ces 
grands  fervices  ;  &  le  moindre 
foupçon  qu'on  auroit  de  fa  fidé- 
lité 5  lui  feroir  infiniment  fenfible. 
Il  eiï  prêt  de  facrifier  fon  repos  pour 
le  vôtre. 

Il  me  femble  néanmoins  qu'on 
doit  avoir  de  la  confidération  ,  de 
ne  rien  exiger,  qui  foit  au-defTùs 
de  fes  forces.  N'attendez-pas  qu'il 
i aille  imprudemment  s'oppofcr  à 
l'Archiduc  j  on  fcaic  bien  ,  que  la 


41 8  Mémoires 
guerre  de  la  campagne  lui  ell:  in- 
connue ',  de  combattre  avec  des 
troupes  réglées  eft  pour  ce  Héros 
une  chofe  nouvelle.  C'eft  à  faire 
aux  Gallions  ,  ôc  aux  perfonnes  peu 
confidérables  par  leur  n.ailîance  ,  de 
palTer  leur  vie  ,  comme  des  Crava- 
tes -,  c'eft  à  faire  à  des  gens  défcf- 
perés  de  commettre  la  fortune  à\\n 
Erac  au  hazard  d'une  bataille  -,  pour 
lui  ,  que  fa  condition  Se  la  naiflan- 
ce  rendent  incapable  de  balîelle  Sc 
de  folie ,  il  tiendra  glorieufement  fa 
place  dans  les  Confeils  ,  de  em- 
ployera  tout  fon  temps  à  former  un 
avis  5  qui  puiiTe  être  dans  la  bouche 
de  tout  le  monde  ,  après  être  forti 
de  la  Tienne. 

Cette  purs  ejl  attribuée  k  Mr.  de  Saint 
Evremo7Jt.  Il  ejl  pr.rlé  de  lui  daus  le  Dif- 
cours  de  la  retraiie  de  Moyifienr  le  Duc  de 
Lon^UQville  en  'Normandie. 


D  £     M.  D.  L.  R.      499 


LETTRE  DE  MONSIEU R 

le  Cardinal  Adar^arin  .  a  Air, 
de  Brienne, 

LA  Reine  a  crû  ,  à  ce  que  j*âp- 
prens,  que  vous  m^avezhmple- 
ment  envoyé  une  lettre  du  Roi  con- 
formément à  ce  que  Ton  a  accoutu- 
mé de  faire  à  tous,  les  Cardinaux 
Nationnaux,  lorsqu'on  reçoit  nou- 
velle de  Rome  ,  que  le  Pape  foie 
en  danger.  Mais  pour  moi ,  j'étoic 
privilégié ,  puifque  outre  la  première 
du  Roi  5  &  le  duplicata  ,  j'en  ai 
reçu  une  autre ,  &  trois  de  vos  dé- 
pêches 5  le  tout  conçu  en  termes  fî 
preflans ,  pour  me  faire  prendre  fans 
aucun  délai  ,  la  route  de  Rome  , 
que  j'avoue  d'en  avoir  été  fourpris 
au  point  que  je  devois ,  ne  pouvant 
m'imaginer  en  quoi  j'avois  manqué 


430  Mémoires 
à  leurs  Majeftés ,  pour  me  prciTcr  à 
faire  un  voyage  avec  tant  d'igno- 
minie ,  tant  de  rifque ,  &  lans  au- 
cun moyen  de  fubfifter.  De  croire, 
qu'avec  une  lettre  de  recommanda- 
tion pour  le  Pape  l'on  facisfait  à 
tout  5  comme  fl  à  Rome  on  con- 
noilfoit  il  peu  les  chofes ,  qu'on  ne 
fçut  pas  inférer  quelle  forte  de 
protection  je  pourrois  avoir  en  ce 
lieu-la  5  puifque  j'étois  abandonné 
à  la  perfécution  de  mes  ennem.is  en 
France ,  ou  le  Roi  eft  maître.  Avec 
tout  cela  ,  fi  j'eulTe  eu  l'honneur 
de  recevoir  un  petit  mot  de  la  Reine^ 
qui  m'eût  fait  connoître  ,  que  l'iiT- 
tention  du  Roi  Se  la  Tienne  étoit  ^ 
que  je  m'y  en  allalle  ,  ainfi  qu'elle 
a  eu  la  bonté  de  me  le  faire  fçavoir, 
lorfqu'elle  a  voulu  que  je  fortiffe 
du  Royaume,  &  que  je  m'cloignalTe 
jufqu'au  Rhin  ;  je  vous  allure ,  qu'a- 
près avoir  mis  mes  nièces  dans  un 
Monaftére  ,  de  licentié  ma  famille , 


D  £     M.  D.  L.  R.     431 

je  m*y  en  fei-ois  allé  avec  deux  valeis, 
pour  confirmer  en  touces  rencontres 
à  leurs  Majeflés  ,  que  mon  obéiT- 
iance  eil:  aveugle  ,  &  nia  fidélité  à 
touue  épreuve.  En  effet,  je  fuis  prêc 
de  faire  fans  aucune  réplique  ,  ce 
que  la  Reine  m^'ordonnera  là-de(Ius, 
quoique  je  ne  puifïe  recevoir  une 
plus  grande  mortification  ,  que  de 
faire  ce  voyage  dans  l'état  où  je  fuis, 
qui  d'ailleurs  ne  peut  être  que  pré- 
judiciable à  la  dignité  du  Roi.  Sur 
ce  que  Madame  d'Aiguillon  m'a 
fait  dire  par  Rouzereau  ,  je  l'ai  pro- 
pofé  moi-même  ,  demandant  les 
conditions  que  vous  fçavez  ,  &c 
toute  la  négociation  a  abouti  à  des 
ordres  de  m'y  en  aller  ,  fans  parler 
d'autre  chofc.  Ce  qui  eft  de  mal- 
heur en  cette  affaire  ,  c'eft  qu'on  a 
eu  l'adreile  de  la  faire  palîèr  auprès 
de  la  Reine  pour  une  grâce  ,  que 
l'on  me  faifoit  ,  afin  que  je  reiîèn- 
tiiTe  encore  quelque  eftet  de  la  ré- 


432-  Mémoires 
jouiffance  publique  pour  la  majorité 
du  Roi.  Tout  cela  m'a  accablé  de 
déplaifir  ,  voyant  à  quel  point  mes 
emiemis  fe  prévaloient  de  ma  dif- 
grace  ;  &  avec  quel  bonheur  ils 
employoient  leur  adrefiè  ,  pour  me 
faire  recevoir  des  traitemens  fî  ru- 
des 5  dans  un  temps  où  je  pou- 
vois  3  avec  juftice  ,  efperer  qu'on 
donneroit  quelque  foulagemenC 
laux  perfécutions  violentes  que  j'ai 
{outTcrtes  huit  mois  durant  ,  avec 
un  il  notable  préjudice  de  rautoritc 
Royale. 

Mais  tout  cela  n'efl:  pas  compara* 
ble  à  l'excès  de  douleur,  dans  lequel 
je  fuis  5  après  avoir  vu  dans  toutes 
les  lettres  de  quantité  de  mes  amis , 
qui  font  à  Paris  ,  Ôc  dehors  ,  le 
plaifir  qu'on  a  du  contenu  en  la 
Déclaration  du  Roi ,  qui  avoit  été 
enregiftrée  au  Parlement ,  &  que 
l'on  crioit  par  la  ville  j  tous ,  fans 
avoir  concerté  enfemble  ,  tombant 

d'accord 


D  E  M.  D.  L.  R.  4î$ 
d'accord ,  que  depuis  la  Monarchie, 
on  n'avoic  jamais  rien  fait  de  fi 
fanglanc  contre  qui  que  ce  foit  , 
quelque  crime  qu'il  eût  pu  commet- 
tre. Perfonne  ne  me  l'a  ofé  envoyer, 
de  je  vous  puis  jurer  de  ne  l'avoir 
pas  vue.  Mais  c'eft  afîèz  de  fçavoir , 
que  le  Roi  a  déclaré  ,  que  j'ai  em- 
pêché la  paix  ,  &  fait  faire  toutes 
les  pirateries  fur  les  Alliés  de  la 
France  ,  pour  être  perfuadé  ,  que 
mon  Maître  veut  que  je  fois  recon- 
nu pour  le  plus  infâme  Se  le  plus 
fcélérat  de  tous  les  hommes ,  Se  pour 
le  fieau  de  la  Chrétienté.  Après 
cela  ,  on  m'envoye  au  lieu  de  ma 
naidànce ,  pour  faire  parade  à  mes 
parens  de  amis  des  beaux  titres, 
que  j'ai  remportés  pour  récompenfe 
de  vingt-trois  ans  de  fervices  aulïî 
fidèles  &c  aulïî  utiles  ,  qui  jamais 
ayent  été  rendus  par  quelque  Minif- 
rre  auflî  zélé  èc  défintéreiïe  que  ce 
puiflè  être. 

Tome  II,  T 


434     Mémoires 

Tous  mes  ennemis  ont  travaillé 
fix  mois  durant ,  avec  l'application 
que  chacun  fçait  ,  envoyant  des 
CommiiTaires  par  tout,  s'appliquant 
à  toutes  les  recherches  imaginables  j 
quelques-uns  d'cnrr'eux  fu (citant 
de  faux  témoins ,  pour  voir ,  fi  l'on 
me  pourrait  noircir  de  quelques 
crimes  ,  lefquels  juftifiant  dans  Pef- 
prit  des  peuples  l'opprelTion  qu'on 
me  faifoit ,  augmentafïènt  encore 
leur  haine  contre  moi  :  fans  que 
tout  cela  ait  rien  produit  que  des 
effets  très-avantageux  pour  les  dé- 
tromper 5  d>c  faire  connoître  mon 
innocence  ,  ôc  l'injuftice  avec  la- 
quelle on  l'âttaquoit.  Dans  ce  tempsr 
là  mefdits  ennemis  dérefpérant  de 
pouvoir  rien  faire  d'ailleurs ,  ont 
trouvé  le  moyen  de  me  calomnier 
auprès  de  leurs  Majeftés  ,  de  faire 
donner  une  Déclaration  contre  moi 
en  la  forme  ra  plus  éclatante  Ôc  la 
plus  autentique ,  dont  on  puiflè  ufer 
envers  un  voleur. 


D  E     M.  D.  L.  R.     45  5 

Après  cela  ,  il  me  femble  ,  qu'on 
dcvroit  plutôt  me  confeiller  de  me 
cachei-  &z  de  m'enievelir  pour  ja- 
mais 5  que  non  pas  d'aller  à  Rome; 
puifque  je  ne  dois  pas  feulement 
appréhender  les  peuples  de  France  , 
mais  encore  tous  ceux  ,  qui  font 
troublés  par  la  continuation  de  la 
guerre,  ôc  qui  doivent  avec  raiion  ^ 
jetter  des  pierres  à  celui  qui  en  elt 
déclaré  la  caufe. 

Je  fçai  bien  ,  que  leurs  Majeftés 
ne  peuvent  pas  avoir  eu  connoillance 
en  détail  de  tout  ce  qui  étoit  con- 
tenu en  la  Déclaration  du  Roi  y  car 
je  les  crois  trop  équitables  ,  pour 
m'imaginer,  qu'elles  eulïent  vou- 
lu confentir  à  me  déclarer  le  plus 
méchant  ôc  le  plus  "Sbominable 
homme  du  monde.  Et  c'eft  un  grand 
malheur  pour  le  fervice  du  Roi  > 
qu'il  ne  fe  foit  trouvé  perfonne  qui 
ait  Fait  connoître  de  quel  avantage 
il  etoic  aux  ennemis  de  la  France  .^ 
-      T  i 


43^       M    E    M    O    I    R    E    s 

que  par  cette  Déclaration  toute  l'Eu- 
rope fût  perfuadée ,  que  le  principal 
îvliniftre  du  Roi  avoit  empêché  là 
paix.  Les  Efpagnols  ne  pou  voient 
obtenir  rien  de  plus  avantageux , 
que  de  pouvoir  rejetter  fur  la  Fran- 
ce la  haine  de  la  Chrétienté ,  pour 
les  maux  ,  que  la  guerre  lui  fait 
fouftrir  j  de  les  Alliés  de  la  Couron- 
ne auroient  droit  de  demander  le 
dédommagement  des  déprédations 
qu'on  a  faites  ,  qui  vont  à  des  mil- 
lions ',  de  en  cas  de  refus  j  de  faire 
une  querelle  à  la  France ,  puifqu'en- 
fia  il  eft  certain  que  le  Roi  de  l'Etat 
font  refponfables  de  la  conduite  de 
ceux  ,  qui  ont  la  diredion  des  af- 
faires. 

!  Je  fçai  'auffi  ,  que  ma  confidé- 
ration  n'étoit  pas  alTez  forte  ,  pour 
obliger  de  parler  en  ma  faveur  ; 
mais  l'intérêt  du  Roi  ,  de  l'Etat , 
6c  de  la  Reine  même ,  étoit  engagé 
par  tant    d'autres   raifons ,  outre 


D  £  M.  D.  L.  R.  437 
celles-ci,  qui  font  très-prefTantes , 
qu'il  faut  avouer,  que  c'a  été  un 
étrange  malheur,  que  perfonne  n'aie 
ofé  leur  en  dire  un  feul  mot  -,  Se  le 
mien  eft  d'autant  plus  grand ,  qu'ou- 
tre ce  que  je  loutTl-e  clans  mon  par- 
ticulier ,  la  palTion  que  j'ai  pour 
leurs  Majeftés  &  pour  PErat  ,  me 
fait  auiTi  relTentir  dans  le  Fond  de 
l'ame  le  contre- coup  qu'elles  en  re- 
çoivent. 

Vous  voyez,  qu'après  les  crimes, 
defquels  on  a  obligé  le  Roi  de  me 
déclarer  coupable  ,  je  ne  fins  plus 
en  état  d'avoir  participation  d'au- 
cune alTaire.  C'ed:  pourquoi  vous 
ne  devez  pas  prendre  la  peine  de 
m'en  communiquer  ;  ^c  li  mes  en- 
nemis n'ont  pas  le  concer.tem.enc 
de  m.e  voir  aller  à  Rome  ,  ils  au- 
ront celui  de  me  voir  cacher  ,  fans 
me  mêler  de  quoi  que  ce  foit  , 
jufqu'a  ce  qu'il  plaife  au  Roi  de 
me  faire  jufticc  :  le  iuppliant  très- 
T  3 


458        M    E    "NI    O    1    R    i    s 

humblement  de  trouver  bon  que  je 
me  mette  prifonnicr  en  tel  lieu  qu'il 
ordonnera  ,  ôc  même  dans  une  des 
Places  de  Monfieur  le  Duc  d'Or- 
iéarrs  ;  afin  que  h  j'ai  failli ,  j'en 
reçoive  une  punition  exemplaire. 
£t  pour  ôter  les  difficultés ,  qui  s'y 
pourroient  rencontrer ,  à  caufe  de 
la  dignité  ,  dont  je  fuis  revêtu ,  je 
recevrai  la  finguliere  grâce  ,  qu'il 
me  foir  permis  d'en  envoyer  la  dé- 
mifïion  5  car  auffi-bien,  elle  ne  peut 
plus  être  en  ma  perfonne  d'aucune 
utilité  au  Roi.  Je  vous  ferai  fort 
obligé  5  fi  vous  vous  employez  en 
forte  5  que  cette  grâce  me  foit  ac- 
cordée ,  d'autant  qu'elle  peut  con- 
tribuer à  la  réparation  de  m. on  hon- 
neur y  Se  je  vous  prie  d'excufer  en-, 
"core  cette  ieule  fois  mes  impor» 
lunicés. 


ARTICLES  ETCONDITIONS, 

dont  S.  A,  R.&  Monfieur  le  Prin-^ 
ce  fom  CQ'/wemiS  -pour  fexpuljion  dtû 
Cardwal  M^^arin^  en  conséquence 
des  Déclarations  du  Roi  ,  &  des 
Arrêts  des  ParUmens  de  France» 


I. 


PREMIEREMENT  ,  qUC  S.  A.  R. 
&  Monfieur  le  Prince  fonc  prêts 
de  pofer  les  armes ,  de  rapprocher 
de  la  perfonne  du  Roi  ,  de  rentrer 
dans  les  Confeils  ,  &  de  contribuer 
tout  ce  qui  dépendra  d^eu:^  ,  pour 
procurer  la  paix  générale  ,  remettre 
les  affaires ,  &  rétablir  l'autorité  du 
Roi  y  s'il  plaît  à. S.  M.  de  comman- 
der de  bonne-foi  au  Cardinal  Ma- 
zarin  de  fortir  du  Royaume ,  &  des 
Places  de  fon  obéïiTance  ;  &  de  l'é- 
loigner de  fes  confeils ,  &  d'auprès 
T  4 


440      M   I   M    O    1    R   I   3 

de  fa  perfonne  ,  fes  proches  &  fes 
adhérans  ,  &  d'exécuter  finalement 
les  Déclarations ,  qu'elle  a  données 
fur  ce  fujet ,  en  forte  que  Sadite  A, 
K.  &  Monfieur  le  Prince  ayent  lieu 
tl'étre  perfuadés  qu'on  ne  violera 
ylus  la  foi  publique. 


IL 


Qiie  fî  au  contraire  le  Cardinal 
Mazarin  prévaut  par  fes  artifices  fur 
Tefpric  du  Roi ,  &  que  contre  les 
vœux  ôc  les  fentimens  de  toute  la 
France  ,  &C  au  préjudice  des  Décla- 
rations 5  l'on  perfévcre  à  le  mainte- 
nir ,  la  qualité  d'oncle  de  S.  M. 
qu'a  S.  A.  R.  l'obligeant  à  veiller 
au  bien  du  Royaume  ,  &  à  s'oppo- 
fer  à  ce  qui  le  peut  troubler  pen- 
dant  le  bas  âge  de  Sadite  Majefté  i 
ôc  Mr.  le  Prince  ne  pouvant  fe  dif- 
penfer  d'avoir  les  mêmes  fentimens^ 
vu  riicnneur  qu'il  a  d'être  du  Sang- 


D  E  M.  D.  L.  R.  44î 
'Royal  ;  &  confidérant  auflî ,  qu'ils 
ne  peuvent  trouver  aucune  fureté 
pour  leurs  perionnes ,  pendant  que 
le  Cardinal  Mazarin  fera  maître 
des  affaires  ;  ont  promis  &  fe  font 
réciproquement  obligés  ,  de  s'obîi-» 
gent  tant  pour  eux  ,  que  pour  Mr. 
le  Prince  de  Conti  fon  frère,  ôc  Ma- 
dame la  Duchefïè  de  Longue  ville  fa 
fœur  5  aufquels  ils  promettent  8c 
s'obligent  de  faire  ratifier  le  préfent 
traité  au  même  temps  que  lui  j 
comme  aufli  >  pour  ceux  qui  font; 
dans  leurs  intérêts  de  union  ,  de 
joindre  leurs  forces  ,  employer  leur 
crédit  de  leurs  amis ,  pour  procurée 
l'expulfion  du  Cardinal  Mazarin 
hors  du  Royaume  de  Péloignement 
de  fes  proches  j  &  de  fes  adhérans  , 
qui  fe  font  déclarés  tels  par  le  con- 
tinuel commerce  qu'ils  ont  eu  avec 
lui  hors  de  la  Cour  de  des  affaires. 


T  5 


442.     Mémoires 

III. 

Ils  promettent  de  ne  point  pofer 
les  armes  jufqu'a  ce  q^u'ils  ayent  ob- 
tenu l'effet  ci-dcfTus ,  &  de  n'enten- 
dre direclement  ,  ou  indiredlemen- 
à  un  accommodement  ,  qu'à  cette 
condition  ,  6c  d'un  commun  con- 
fentement. 

I  V. 

Ils  maintiendront  3c  au  cimente- 
ront  les  troupes  qu'ils  ont  fur  pied, 
autant  qu'il  leur  fera  polTible^  <3c  les 
feront  agir  conjointement  ou  fépa- 
rément ,  ainii  qu'ils  le  trouveronc 
plus  à  propos  y  promettant  pareille- 
ment d'apporter  tous  leurs  foins  , 
pour  les  faire  fubfifter  avec  le  moins 
d'incommodité  qu'il  fe  pourra  pour 
les  peuples. 

V. 

Ils  promettent  d'accepter  volon- 


D  E     M.  D.  L.  R.     445 

tiers  tous  les  expédiens  raifonna- 
blés  5  qui  leur  feront  propofés  pour 
la  pacification  du  Royaume  ,  aux 
conditions  de  l'excluiion  du  Cardi- 
nal Mazarin  ,  énoncées  dans  le  fé- 
cond article  j  3c  de  travailler  in- 
cellan:îment  pour  l'établidemenc  de 
la  paix  générale  3  qui  eil  une  des 
principales  fins  du  préfenn  traité  :  à 
laquelle  fans  doute  il  n'y  aura  plus 
d'obilacle  ,  quand  celui  qui  a  vou- 
lu la  continuation  de  la  guerre  ,  fera 
éloigné ,  ôc  que  la  réunion  de  la 
Maifon  Royale  ,  qu'il  a  empêchée 
fi  long-temps,  fera  rétablie, 

VI. 

S.  A.  R.  &  Monfîeur  le  Prince 
prom.etrenL  de  maintenir  les  Parle- 
mens  3  les  Compaf^nies  Souveraines 
du  Royaume  ,  les  principaux  Offi- 
ciers de  l'Etat ,  la  Noblerfè  ,  &  tou- 
tes les  perfonnes  de  condition  ^ 
T  (S 


444  Mémoires 
dans  tous  leurs  privilèges  ,  de  de 
leur  faire  raifon  fur  les  prétentions 
légitimes ,  qu'ils  pourroient  avoir  ; 
de  ne  faire  aucun  traité  fans  leur 
participation  ,  &  qu'on  ne  leur  ait 
réparé  les  torts  Sz  les  pertes  qu'ils 
pourroient  avoir  fouffertes  en  con- 
féquence  de  celui-ci  ,  &  particuliè- 
rement empêcher  ,  qu'il  ne  foit 
donné  atteinte  à  l'obfervation  de  la 
Déclaration  du  21.  Odiobre  1648. 
ôc  pour  ce  ils  font  conviés  d'entrer 
en  la  préfente  Union  Se  de  concou- 
rir aux  fins  pour  lefqu'elles  elle  efl: 
établie. 

VII. 

Le  Cardinal  Mazarin  ,  qui  a  tou- 
jours gouverné  en  etfet ,  quoiqu'il 
fût  banni  en  apparence  ,  ayant  em- 
pêché l'alTemblée  des  Etats-Géné- 
raux 5  dont  le  Roi  avoit  promis  la 
convocation  au  8.  Septembre  der- 
nier ,  ôc  ayant  obligé  les  Députés , 


D  E    M.  D.  L.  R.     445 
qui  s'étoienc  rendus  à  Tours  au  jour 
préfix  5  de  s'en  retirer  avec  honte  ôc 
confuiîon  ,  de  fçachant  d'ailleurs , 
qu'il  ne  changera  pas  la  conduite 
qu'il  a  tenue  ,    &:  qu'il  empêchera 
par  tous  moyens ,  l'effet  que  l'on 
attend  de  leurs  délibérations  j  ou 
que   s'il  eO:  capable   de   confentir 
qu'ils  s'aflemblent  ,  ce  ne  fera  que 
pour  les  mettre  dans  un  lieu  où  il 
fera  le  maître  :   S.  A.  R.    de  Mr.  le 
Prince  ,  pour  obvier  à  ces  deux  in- 
convéniens ,  promettent  &  s'obli- 
gent   de  travailler    inceflamment , 
afin  de  les  convoquer  à  Paris  ,  ou 
dans  la  ville  la  plus  proche  de  la 
plus  commode  ;  enforte  qu'ils  puif- 
ient  agir  avec  une   pleine   liberté  , 
auquel  cas  ils  déclarent ,  qu'ils  fou- 
mettent  de  très-bon  cœur  à  leur  dé- 
cifion  tous  leurs  intetêts ,  n'en  vou- 
lant point  avoir  d'autres ,  que  ceux 
du  Roi  de  de  l'Etat  :  dont  il  fera 
dïQ(&  un  Edit  perpétuel  6c  irrévo- 


44<J     Mémoires 
cable  5  pour  être  vérifié  dans  le  Par- 
lement de  Paris ,  &z  dans  tous  ceux 
qui   feront   entrés   en    la  préfente 
Union, 

VIII. 

S.  A.  R.  Se  Monfieur  le  Prince 
ne  pouvant  tenir  pour  légitime  ,  ni 
reconnoîcre  le  Confeil ,  qui  a  été 
établi  par  le  Cardinal  Mazarin ,  un 
de  ceux  ,  qui  le  compofent ,  ayant 
acheté  fon  emploi ,  avec  une  nota- 
ble fomme  d'argent  qu'il  a  donnée 
audit  Cardinal  ;  3c  étant  obligés  , 
chacun  félon  le  degré  du  Sang  , 
dont  ils  ont  l'honneur  de  toucher 
S.  M.  d'avoir  foin  de  Faire  fes  af- 
faires 5  de  de  faire  en  forte  qu'elles 
foient  bien  gouvernées  j  promettent 
de  n'entendre  à  aucun  accommode- 
ment 5  que  les  créatures  ,  3c  les 
adhérans  publics  du  Cardinal  Ma- 
zarin ne  foient  exclus  du  Confeil 
d'Etat ,  de  qu'à  condition  qu'il  ne 


D  E  M.  D.  L.  R.  447 
fera  compofé,  que  de  ceux  dudit 
Confeil  Ôc  autres  qui  ne  pourront 
être  foupçonnés  d'avoir  aucune  part 
avec  lui. 

IX. 

Et  d'autant  que  les  ennemis  de 
Monfieur  le  Prnce  font  capables  de 
vouloir  décrier  fa  conduite  ,  en 
publiant ,  qu'il  a  des  liaifons  avec 
les  Etrangers  ;  S.  A.  R.  de  mondic 
Sieur  le  Prince  déclarent  ,  qu'ils 
n'auront  jamais  aucun  commerce 
ni  correfpondance  avec  eux ,  que 
pour  l'établifTement  de  la  paix  géné- 
rale ;  &c  qu'ils  n'en  prendront  plus 
à  l'avenir  avec  aucun  Prince  étran- 
ger ,  qu'autant  que  le  Parlement  Ôc 
les  perfonnes  principales,  qui  en- 
treront dans  la  préfente  Union  ,  le 
jugeront  avantageux  au  fervice  du 
Roi  ôc  de  l'Etat. 


44^     Mémoires 


Et  afin  que  les  mal-intentionnés, 
de  les  perfonnes  les  plus  attachées  à 
la  perfonne  du  Cardinal  Mazaiin  , 
ne  puiflent  douter  avec  raifon  des 
bonnes  intentions  de  S.  A.  R.  ôc 
de  Monfieur  le  Pnnce  ,  ils  ont  cC- 
limé  à  propos  de  déclarer  expreflë- 
ment  par  cet  article  particulier, 
qu'ils  n'ont  autre  intérêt ,  que  celui 
de  Penticre  fureté  de  leurs  perfon- 
nes: &  foit  qu'ils  faffent  des  pro- 
grès, pendant  que  le  malheur  de 
TEtat  les  obligera  d'employer  leurs 
armes  pour  l'expulfion  dudit  Car- 
dinal Mazarin  ,  ou  que  les  affaires 
s'accommodent  par  fon  exclufion  , 
ainfi  qu'il  a  été  ci-delfus  expliqué  , 
de  ne  prétendre  aucuns  nouveaux 
étabHlïèmens,  Se  de  trouver  leur 
entière  fatisfadion  dans  celle  que 
la  France  aura  de  voir  la  fin  des 

troubles , 


DE    M.  D.  L.  R.     449 

troubles ,  6c  la  tranquilité  publique 
aflurée. 

XI. 

S.  A.  R.  &c  Monfîeur  le  Prince 
ont  eftimé  néanmoins  à  propos , 
pour  bonnes  coniidérations,  de  con- 
venir qu'ils  contribueront  de  tout 
leur  pouvoir  ,  dans  raccommode- 
ment qui  fe  pourra  faire  ,  pour  les 
fatisfadions  juftes  &  raifonnables 
de  tous  ceux  qui  font  préfentemenc 
engagés  dans  la  caufe  commune , 
ou  qui  s'y  joindront  ci-après,  en  for- 
te qu'ils  reçoivent  des  marques  cf^ 
fedives  de  leur  protection  tout  au- 
tant qu'il  leur  fera  pofTible. 

Ce  préfent  traité  a  été  figné  dou- 
ble par  Son  Alteffe  Royale  ,  ôc  par 
les  Sieurs  Comtes  de  Fiefque  ôc  de 
Gaucourt  pour  &  au  nom  de  Mon- 
fîeur le  Prince  ,  Mr.  le  Prince  de 
Conti  5  (Se  Madame  la  Duchefïè  de 

Tome  II.  V 


45©  Mémoires,  &c» 
Longueville  ,  en  vertu  du  pouvoir, 
qu'en  a  donné  Monfieur  le  Prince  , 
(k  qui  a  été  préfentemcnt  remis  es 
mains  de  S.  A.  R.  par  ledit  Sieur 
Comte  de  Fiefque.  Lefquels  font 
obligés  ,  6c  s'obligent  de  fournir  à 
Sadite  A.  R.  leurs  ratifications  dans 
un  mois  eu  plus  tard.  Fait  à  Paris, 
ce  24.  jour  de  Janvier  1652.  Signé 
Gafton.  Charles  Léon  de  Fiefque* 
Jofeph  de  Gau court. 


Fin  dn  Tome  ftcovd. 


PW 


i-\y> 


ï^;-'