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Full text of "Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir"

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MÉMOIRES 


TOME X 





\RTRES. — IMPRIMERIE GARNIER 





MÉMOIRES 


DE LA 


? SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE 


D'EURE-ET-LOIR | 


TOME X 


CHARTRES 
LIBRAIRIE PETROT-GARNIER 
R. SELLERET, SUCCESSEUR 
Place des Halles, 12 et 14. 


1896 


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DC 
SOCIÉTÉ EasSce 


ARCHÉOLOGIQUE v!° 


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MÉMOIRES 





LA FAMILLE CHARDONEL 
(EN LATIN: CARDINALIS) * 


ET LES VITRAUX DE LA CHAPELLE DU PILIER 
DANS LA CATHÉDRALE DE CHARTRES 


VV en -m— 





C’est une bonne fortune pour l’archéologue, quand il ren- 
contre, sur les monuments, les portraits ou les noms des 
artistes qui les ont exécutés ou des bienfaiteurs qui les ont 
offerts. Non content d'examiner leurs traits ou de déchiffrer 
leurs inscriptions, il s'efforce, avec les documents contem- 
porains, de refaire, si c’est possible, leur histoire. 

Une étude récente, lue à l’Académie des Inscriptions et 
Belles-Lettres, et publiée dans la Revue de l’art chrétien par 
M. de Mély!, nous a suggéré la pensée de faire ce travail pour 


.. 4 Le cardinal Etienne de Vancza, par M. F. de Mély, étude lue le 8 fév. 1889 
devant l’Académie des qe et Belles - Lettres, et publiée dans la Revue 
de l'Art chrétien, avril 1889, 8 p. 


Tome X. À. 1 


M887049 








0 

les donateurs représentés dans les médaillons inférieurs des 
deux vitraux de la chapelle du pilier dans la cathédrale de 
Chartres. Le donateur du premier vitrail (côté du transept) est 
un prêtre debout et en prières devant une Vierge assise, qui 
tient l'Enfant dans son giron: au-dessus on lit: GAUFRID’ 
CHARDON [EL]. Dans le second vitrail, le médaillon de droite 
offre une jeune femme debout et un homme à genoux devant 
une statue semblable à la précédente : aucune inscription n’ac- 
compagne ces personnages. Le médaillon de gauche représente 
un prêtre agenouillé devant une image pareille aux deux autres: 
au-dessus on lit: STEPH’ CARDINALIS DEDIT AC VTREA (Stepha- 
nus Cardinalis dedit hanc vitream *). 

. Nous nous proposons dans ce travail d'expliquer ces deux 
inscriptions et de faire connaître les personnages qu’elles 
concernent. : 


Le Gaufridus Chardonel (Geoffroi Chardonel), donateur du 
premier vitrail, nommé dans la première inscription, fut un 
dignitaire important du Chapitre dans la première moitié du 
XIIIe siècle. M. Bulteau et M. de Mély n'ont indiqué sur lui 
qu’une seule référence empruntée au Gallia christiana ?. Pour- 
tant, il est fort souvent cité dans les documents contemporains : 
on peut même rétablir, à leur aide, la série des fonctions ecclé- 
siastiques qu'il eut à remplir. Aïnsi, en 1196, il était simple 
clerc de l’évêque Renaud, en 1211, il était prévôt de Mazangé*, 


{ M. de Mély a donné dans la Revue de l’Art chrétien une reproduction 
très fidèle de ce second médaillon. — M. Lecoy de la Marche l’a insérée dans 
son Treizième Siècle artistique. Lille, 1889, p. 233. 

3? Description de la Gathédrale de Chartres. Chartres, 1850, p. 298. 
— Le Cardinal Etienne de Vancza, p. 1.— Gallia christiana, VIIL, 1393. 

3 Cartulaire de Marmouliers pour le Dunois, par Em. Mabille, 1874, 
charte 2039, p. 190. 

# Nous avons trouvé Geoffroi Chardonel avec le titre de prévôt de Mazangé 
dans une charte qui appartient à M. Roger Durand. Elle commence ainsi : 
Gaufridus Cardinalis, Carnotensis ecclesie canonicus et de Masengeio prepo- 
situs, universis.…. Voici la fin : Ac{um in domo domini episcopi Carnotensis, 





= — 

en 1217, il était archidiacre du Dunois ‘. On le retrouve avec ce 
dernier titre dans le Livre noir de P Évêché ? en décembre 1219, 
décembre 1220, et octobre 1226, ainsi que dans les chartes de 
Bonneval et les Archives de l’Hôtel-Dieu de Chartres, en 1222, 
4227 et 1231. Remplacé comme archidiacre du Dunois par 
Nicolas de Cannes en 1937 *, il mourut sans doute cette année- 
là, ou du moins peu de temps après, car en 1242, le Gallia 
christiana ( VIII, 1393) signale un abbé de Sainte - Marie de 
Blois comme ayant été l’un de ses exécuteurs testamentaires : 
Ægidius fuit unus ex executoribus testamenti Gaufridi Char- 
donel quondam archidiaconi Dunensis, anno 1242. En 1255 
on inscrivit au Compotus anniversariorum son anniversaire 
en ces termes : Anniversarium Gaufridi Chardonel, archi- 
diaconi Dunensis, ad quod habemus duos modios bladi 
in granaria episcopt, et tres trituratores in granchia de Mar- 
chevilla qui valent circa IIIe libras et X°m solidos, emptos a 
majore dicte ville, et XX solidos qui sunt non canonicis per 
manum Raginaldi de Bellomonte ‘. 

Ces dernières dates permettent déjà de fixer l’époque à 
laquelle Geoffroi Chardonnel donna le vitrail qui porte son nom 
à la Cathédrale. Ce ne fut point après 1242, mais plutôt avant 
cette année-là, peut-être même avant 1237, puisque sa mort se 
place sûrement entre ces deux termes. M. de Mély s’est donc 
trompé en rejetant plus tard, et même après 1952, la donation 
de ce vitrail, et en conjecturant que « Geoffroid Chardonel, 
signalé, il est vrai, dès 1242, put parfaitement demeurer 
encore quelques années dans ses fonctions d’archidiacre de 
Dunois ou lout au moins en retenir le titre. » 


anno graiie millesimo ducentesimo undecimo, mense decembri. Nous remer- 
cions de tout cœur M. R. Durand, qui nous a spontanément signalé cette 
charte et l'a mise à notre disposition avec une exquise obligeance. 

‘ Cartulaire de Marmoutiers, charte 228, p. 211. 


2 Bibliothèque nationale, fonds latin, no 10095, fos 134v0, 85r0, 435 ro. 
Voyez aussi le Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, I1, 52. 


3 Archives de l'Hôtel- Dieu. Ces Archives sont très complètes et très intéres- 
santes. L'inventaire en sera publié prochainement par M. Merlet. 


* Ce Compotus de 1255 est à la Bibliothèque communale de Chartres sous 
le no 26 (2° partie des mss). Il est imprimé dans le Nécrologe sous le no 8. 
Voyez Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, II, p. 201. 


5 Le cardinal Étienne de Vancza, p. 2, col. 2. 


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ie 

Geoffroi Chardonel n’était pas seulement un haut dignitaire 
ecclésiastique et un personnage fort riche : il appartenait de 
plus à une famille chartraine très prospère et très répandue au 
XIIIe siècle. Les documents locaux nous fournissent neuf 
personnages ayant porté le nom de Chardonel du temps de 
l'archidiacre. Aucun érudit n’en a encore dressé la liste. Nous 
la donnons ici, malgré son aridité, parce qu’elle est intéres- 
sante pour l’histoire de notre cité, et qu’elle nous fournira le 
moyen de reconnaître d’autres bienfaiteurs de notre Cathédrale. 
Elle se compose des noms suivants : 

40 Pierre Chardonel: il était chanoine de Chartres et re- 
connut en 1220 tenir quelques terres du Chapitre ! : on le dit 
neveu de l’archidiacre Geoffroi dans deux actes du Livre noir de 
l’Evêché ?. L’un de décembre 1220 renferme ces mots : Petrus 
Cardinalis, canonicus Carnotensis, nepos Gaufridi Dunensis 
archidiaconi : l’autre, d’octobre 1226, commence ainsi : Ego 
Gaufridus, archidiaconus Dunensis, et ego Petrus Chardonel, 
nepos ejus, canonicus Carnotensis. 

2 Geoffroi Chardonel : il ne faut pas le confondre avec l’ar- 


. Chidiacre : celui-ci était laïc : il mourut avant 1210 : car cette 


année-là et en 1217 on fixa des revenus pour son anniversaire ?. 
Cette fondation est rappelée dans le Polyptique de 1300 en 
deux endroits différents ‘ : elle est aussi consignée dans le 
Nécrologe qui s'étend de 1210 à 1250. Il fut la souche d’une 
branche particulière et eut pour fils le personnage suivant. 

3° Simon Chardonel : il était chanoine : dès 1206 on régla 
son anniversaire ‘. Son obit est inscrit dans le Nécrologe fermé 
vers 1210 en ces termes : Obiit Simo, dictus Cardinalis, sub- 
diaconus et canonicus alme Marie ?. 

# Nicolaus Cardinalis : il signe à la suite des chanoines une 
charte de 12135. 


1 Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, 1, 52. 

3 Bibliothèque nationale, n° 10095 du fonds latin, fo 135. 

8 Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, IL, 52. 

4 Jd. 11, 288, 386. 

# Id. 11}, 129. Le Nécrologe l'appelle Gaufridus Cardonelli. 

8 Id. II, 52, 290. Voyez aussi Archives de Chartres, G. 1889. 
7 Id, II, 64. 

8 Jd. IT, 73. 








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5 Raginaldus Chardonal : il était franciscain et fut choisi 
comme arbitre entre la comtesse et le Chapitre, en 1252. 

6° Clemens Cardonelli: il est porté sans autre mention dans 
le Nécrologe qui va de 1210 à 1250 *. 

7° Agnes Cardonelli : elle est indiquée aussi laconiquement 
dans le même Nécrologe :. 

8° Guiburgis Chardonel : le Nécrologe de 1250 à 1300 dit 
seulement qu’elle donna C. solidos pro suo anniversario 
annuatim celebrando*. ; 

9 Simon Chardonel : différent du chanoine de ce nom au- 
quel il est postérieur. Son obit est inscrit au même Nécrologe 
et dans les mêmes termes que celui de Guiburgis. 

On demandera peut-être si tous ces personnages, dont quel- 
ques-uns ont des noms légèrement différents, appartiennent à 
la famille Chardonel, si, par exemple, le nom latin Cardinalis 
porté par Simon, par Nicolas, etc., est réellement l’équivalent 
du nom français Chardonel attribué à Pierre et à Geoffroi. 

On ne saurait en douter. Dans le vieux français, Cardinal , en 
latin Cardinalis, se disait Cardonal ou mieux Chardonal, mot 
évidemment identique à Chardonel. Le dictionnaire de Littré, 
les Glossaires de Du Cange et d’'Hippeau l’attestent. De plus, 
les savants éditeurs du Cartulaire de Notre-Dame, imitant en 
ce point les anciens Inventaires du Chapitre, ont, sans hésiter, 
donné ces deux noms aux mêmes personnes : ils les ont ap- 
pelées indifféremment Chardonel ou Cardinalis *. Les docu- 
ments d’ailleurs leur donnaient parfaitement le droit de faire 
cette identification. 


1 Histoire de Chartres, par M. de nina Chartres, 1858, 1, 140. — 
M. de Lépinois s’est trompé en l’appelant Chardonel et en le qualifiant de domi- 
nicain, comme le témoigne le texte même de l'arbitrage où il est ainsi désigné : 
Raginaldus Chardonal de ordine fratrum minorum. Le texte se trouve dans 
le Regestrum privilegiorum papalium, no 34 , 2e partie des mss. de la Bibl. de 
Chartres, f° 20. 

3 Cartulaire, III, 218, 

3 Id. II. 183. 

4 Id. III, 56. 

5 Jd. II, 64, II, 290. — M. de Lépinois, I, 440, d’après les titres de 
l'Hôtel-Dieu, cite, à l’année 1293, un bourgeois de Chartres, Gilles Chardonnel 
ou Chardonneau. 1] appartient sans doute à la même famille que les précédents. 

6 Voyez ces auteurs aux mots Cardinal, Cardinalis, Chardonal. 


7 Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, 11, 52. 





0 — 

Ainsi, l’archidiacre Geoffroi, donateur du premier vitrail de 
la chapelle de Notre-Dame du Pilier, est désigné tantôt sous un 
nom, tantôt sous un autre. Tandis que l’auteur du Polyptique 
(1300) ‘ et celui du Compotus anniversariorum de 1955 1 l’ap- 
pellent Chardonel, le compilateur du Livre noir de l’évêché 
le nomme à deux reprises Cardinalis *. Il en est de même pour 
son neveu Pierre. Le Livre noir, dans une pièce que nous 
avons déjà citée, s'exprime ainsi : Ego Gaufridus, archidia- 
conus Dunensis, et ego Petrus Chardonel nepos ejus‘. Dans la 
pièce suivante on lit : Petrus Cardinalis, canonicus Carnotensis, 
nepos Gaufridi Dunensis archidiaconi. L'’équivalence entre 
Cardinalis et Chardonel est donc manifeste : ce sont les deux 
formes, l’une latine, l’autre romane, d’un même et unique 
nom. 

Que les Cardonelli soient aussi des Chardonel ou Cardinalis, 
la similitude matérielle des mots l’indiquerait déjà suffisam- 
ment. Mais nous en avons une preuve plus convaincante. Le 
laïc Geoffroi Chardonel, père de Simon, est appelé dans le 
Nécrologe Gaufridus Cardonelli, et dans le Polyptique, à deux 
reprises, Gaufridus Chardonel* ; c’est donc à bon droit que 
nous avons considéré comme membres de cette famille Agnes 
et Clemens Cardonelli. 

Ces remarques, malgré leur apparente aridité, sont d’une 
grande importance: elles nous expliquent déjà comment 
Geoffroi Chardonel, appartenant à une famille puissante, 
pouvait faire hommage à Notre-Dame de Chartres d’une 
superbe verrière; bientôt elles nous aideront à comprendre 
l'inscription du second vitrail et à désigner ses divers donateurs. 


{ Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, 11, 299, 368. 
2 Jd., HI, 204. 


3 Livre noir, fo 85 vo, 134 vo. Voyez encore Cartulaire de Notre-Dame de 
Chartres, II, 52. 


4 Id. 135 r°. 
5 Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, 11, 129; II, 288, 386. 


IT 


Nous avons déjà dit que dans le second vitrail, au-dessus 
d'un prêtre agenouillé devant une Vierge assise, on lisait ces 
mots : STEPH’ CARDINALIS DEDIT AC VTREA. Il nous faut main- 
tenant rechercher quel est ce personnage, et, si c’est possible, 
faire son histoire comme nous avons esquissé celle de Geoffroi 
Chardonel. Ce n’est pas une tâche facile, si l’on en juge par les 
efforts infructueux des archéologues. Les uns n’ont pas même 
pu lire correctement cette inscription, cachée, il est vrai, der- 
rière une boiserie. Au lieu de Steph[ anus], Pintard autrefois 
lisait Thomas, et recemment F. de Lasteyrie y trouvait les 
lettres Reg. qu'il disait être les initiales d’'Eudes Rigault, arche- 
vêque de Rouen ‘. M. Bulteau et après lui M. de Mély ont très 
bien lu le nom de notre Stephanus, mais ils se sont mépris sur 
sa condition et sa dignité d’une façon assez piquante. 

Se fondant sur le mot Cardinalis, ces deux savants ont tou- 
jours cru que Stephanus Cardinalis était, en réalité, un cardinal 
de l’Église Romaine. Ils n’ont même jamais conçu de doutes 
sur ce point, et tous leurs efforts ont eu pour but de rechercher, 
parmi les cardinaux du XIII: siècle, celui qui avait porté le nom 
d'Étienne à l’époque où le vitrail fut vraisemblablement exécuté. 
Dans sa première Description de la Cathédrale de Chartres, 
M. Bulteau affirma qu’Étienne, archevêque de Strigonie en 
Hongrie, était le donateur cherché. « Le vitrail, dit-il, a été 
donné par le cardinal Étienne, évêque de Palestrine, vers 
1240 ?. » Mais il remarqua plus tard que ce prélat n’avait été 
fait cardinal qu’en 1252, tandis que le vitrail était antérieur. 
Aussi, dans sa grande Monographie qui est encore en publi- 


1 Eudes Rigaud, archevêque de Rouen en 1248, cardinal en 1252, mort en 
1275. — Voyez : Le Cardinal Étienne de Vancza, p. 2, col. 2. 


2 Description de la Cathédrale de Chartres, 1850, p. 228. — Étienne de 
Vancza, évêque de Vacium, en 1239, archevêque de Gran (Strigonium) le 
7 juillet 1243 , cardinal évêque de Palestrina , le 25 mars 1252, légat, mort 
vers 1268, le 10 juillet. — Ces dates sont empruntées au Répertoire des 
sources hislioriques du Moyen-Age de l'abbé Ulysse Chevallier. 





= — 
cation, à ce cardinal hongrois il substitua un cardinal anglais, 
Étienne de Langton, archevêque de Cantorbéry ‘, qui avait été 
revêtu de la pourpre en 1206. | 

Mais ce dernier pontife mourut en 1228. M. de Mély, qui 
jugeait avec raison le vitrail postérieur à cette époque, refusa 
de le lui attribuer. Supposant d’après une insinuation très vague 
de M. F. de Lasteyrie que ce vitrail appartenait au milieu 
avancé du XIIIe siècle, il parcourut la liste des cardinaux qui 
avaient vécu après 1250. Il passa en revue les abbés de Vendôme 
qui avaient les honneurs cardinalices, les chanoines de Chartres 
qui avaient fait partie du Sacré-Collège, tous les autres cardinaux 
de l’Église Romaine. Après en avoir retenu deux qui avaient le 
nom d’Étienne, il fixa son choix, comme l'avait fait d’abord 
M. Bulteau, sur l’archevêque de Strigonie, Étienne de Vancza, 
qui en effet fut élevé au cardinalat en 1252 *. 

À première vue, cette attribution, si honorable pour notre 
Cathédrale, parait très vraisemblable. Avant le milieu du 
XIIIe siècle, Chartres et la Hongrie avaient déjà noué ensemble 
quelques relations. M. de Mély rappelait justement que, peu 
après l’an mil, Fulbert avait écrit à Bonibert, évêque de Cinq- 
Églises, une lettre dans laquelle il adressait au roi Étienne les 
plus affectueux souhaits *, que récemment, vers 1245, l’archi- 
tecte Villard de Honnecourt avait traversé Chartres en allant en 
Hongrie *. Il aurait pu dire encore qu’à l’époque où nous som- 
mes, les invasions des Tartares et les guerres avec l’Autriche 
et la Bohème avaient désolé le royaume de saint Étienne et 


1 Monographie de la Cathédrale de Chartres, Garnier, 1888, t. Ier, p. 121. 
— Étienne de Langton (York) fut chancelier de l'Université de Paris, cardinal- 
prêtre de Saint-Ghrysogone, le 22 juin 1206, archevêque de Cantorbéry, le 17 
juin 4207 ; il mourut à Slidon, le 9 juillet 1298. l 


, ? Cette opinion avait été déjà formulée par le même archéologue dans son 
Etude iconographique sur les Vitraux du XIIIe siècle de la Cathédrale de 
Chartres, p. 13. 


% De Mély: Le Cardinal Etienne de Vancza, p.71. — Bonibert est dans cet 
article donné par erreur comme archevêque de Strigonie : il était évêque de 
Cinq-Eglises en Hongrie. Voyez à ce sujet Pfster: De Fulberti Carnotensis 
via et operibus, Nancy, 1885, p 54, qui cite Pertz, Monumenta Germaniæ 
historica, XIX, 572 et Gams, Index episcoporum. Bonibert mourut en 1042. 
La lettre de Fulbert se trouve dans la Patrologte latine de Migne, t. 141, col. 189. 


4 J. Quicherat. Mélanges d'Archéologie et d'Histoire. Archéologie du 
Moyen-Age. Paris, A. Picard, 1886, pp. 244, 275. 


EN! NE 
particulièrement Strigonie, et que, se souvenant de Fulbert dans 
ces tristes conjonctures, l’archevêque de cette dernière ville, qui 
était à la fois primat de Hongrie, avait sans doute offert, au nom 
de son peuple et de son pays, un vitrail à Notre-Dame de Chartres. 

Hâtons-nous de le reconnaître : ces rapprochements, ces 
insinuations n’ont pas grande force et prouvent peu l’ex voto 
artistique du prélat hongrois. On pourrait faire, avec autant 
de droit, des conjectures tout opposées. On dirait que la mé- 
moire de Fulbert avait dû s’effacer en Hongrie depuis 250 ans, 
que Villard de Honnecourt n’ayant visité Chartres qu’en passant, 
avait peu parlé de notre sanctuaire, qu’au contraire il avait vanté 
celui de Notre-Dame de Cambrai, près duquel il était né, pour 
lequel il avait travaillé. On dirait encore que sainte Elisabeth de 
Hongrie, la propre sœur du roi Béla IV qui avait appelé Villard 
à la réparation des destructions faites à Strigonie par les Tar- 
tares, avait une grande dévotion au sanctuaire de Notre-Dame 
de Cambrai, qu’elle avait envoyé des aumônes pour sa cons- 
truction et que l’on remarquait dans l’église élevée plus tard en 
Phonneur de cette reine à Marbourg, des particularités em- 
pruntées à notre basilique française. Pour tous ces motifs, 
l'archevêque aurait plutôt adressé son hommage à la Madone 
du Nord qu’à Notre-Dame de Chartres. 

Abandonnons donc ces conjectures contradictoires et stériles 
et revenons à l’examen du vitrail et des documents. Ils suffiront 
à nous éclairer sur la personne et la qualité de Stephanus 
Cardinalis, et nous fourniront le moyen d'éviter les erreurs 
auxquelles il a donné lieu. 

La première conclusion que nous suggère l'étude des pièces 
et des verrières, c’est que le cardinal Étienne de Strigonie n’est 
en aucune manière le personnage nommé dans l’inscription. 
Les dates s'opposent à cette identification. D’une part, Étienne 
ne fut revêtu de la pourpre qu’en 1252 : d’autre part, le vitrail 
en question était posé dès 1242. Il est, en effet, comme 
M. de Mély le reconnaît tacitement, contemporain du vitrail 
voisin de Geoffroi, auquel il ressemble complètement pour la 
facture de l’ensemble et surtout pour l’attitude des donateurs. 
Or, ce dernier fut exécuté avant 1242, puisque son donateur 
était déjà mort en cette année-là, comme nous l’avons prouvé. 
Celui de Stephanus Cardinalis est donc lui-même antérieur à 
cette date et par suite au cardinalat de l’archevèque de Strigonie. 


— 10 

L'étude attentive des documents, du vitrail et de l'inscription, 
nous fournit encore une seconde conclusion : c’est que Ste- 
phanus Cardinalis n’était pas même Cardinal de l’Église 
romaine. Si ce donateur avait été investi d’une dignité si consi- 
dérée au Moyen-Age, les chanoines de Chartres, jaloux de tout 
ce qui rehaussait la gloire de leur cathédrale, en auraient 
pieusement conservé le souvenir. Ils auraient célébré dans leurs 
chroniques la piété dé ce prince de l’Église dont ils lisaient le 
nom et revoyaient le portrait chaque fois qu’après leurs grandes 
cérémonies ils rentraient dans leur sacristie. Ils ne l’ont pas 
fait, ils ont gardé sur cet Étienne un profond silence. 

D'ailleurs, la tradition seule aurait pu leur apprendre que ce 
personnage avait été cardinal. Son portrait ne l’indique point : 
il ne porte point le seul insigne cardinalice alors usité, c’est-à- 
dire le chapeau rouge qu’Innocent IV concéda au Sacré-Collège, 
pendant le concile de Lyon (1245)"; il n’a pas même les insignes 
épiscopaux tels que la crosse et la mître, avec lesquels on 
représentait ordinairement les évêques. On peut s’en convaincre 
en jetant les yeux sur la planche dont M. de Mély a orné son 
article. L'inscription elle-même ne donne pas plus que le 
portrait, le droit de voir en lui un membre du Sacré-Collège. 
Elle renferme, il est vrai, le mot Cardinalis, mais ce mot n’a 
pas ici son sens ordinaire. Quand il désigne un cardinal, il est 
généralement suivi d’un titre épiscopal ou cardinalice. On dira 
par exemple: Willelmus, Remensis archiepiscopus, tituli Sancte 
Sabine cardinalis ?; mais on ne dira point simplement : Wit- 
lelmus cardinalis, surtout dans une inscription; ce serait 
mutiler la formule officielle. Et cependant nous lisons dans 
notre vitrail ces seuls mots: Sfephanus Cardinalis. Que 
conclure de cette anomalie, sinon que Cardinalis doit s’inter- 
préter ici d’une façon particulière, en dehors de toute accep- 
tion hiérarchique ? 

L'explication nouvelle que nous donnerons de ce nom 
mystérieux nous a été suggérée par l’histoire de la famille 


1 Après le chapeau rouge les cardinaux reçurent l'habit rouge de Bonifaçe VIII 
en 1298 et la barette rouge de Paul IT en 1464 : Voyez Le Cardinal Efienne 
de Vancza, p. 1, col. 2, note, et B: 8, col. 2. — Voyez encore : Nouvelle 
Diplomatique, par Dom Tassin et Dom Toustain, V, 532. — Dom de Vaines, 
Dictionnaire de Diplomatique, 1, 221. 


2 Cf. Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, t. 1, p. 226. Charte de 1193. 








= || — 

Chardonel. Nous avons vu dans la première partie de cet 
article, que les Chardonel étaient très nombreux à Chartres au 
XIILe siècle, que l’un d’eux, Geoffroi Chardonel, avait offert le 
vitrail voisin de celui d’Étienne. Nous avons vu encore que les 
Chardonel s’appelaient en latin Cardinalis, et que Geoffroi 
Chardonel lui-même était surnommé dans les pièces Cardinalis. 
Dès lors ce même surnom de Cardinalis attribué à Stephanus 
dans notre vitrail se comprend très bien. Ce n’est pas une 
épithète ou un titre ecclésiastique. C’est simplement un nom 
propre de famille. Sfephanus Cardinalis doit se traduire 
comme Gaufridus Cardinalis, il désigne aussi un membre de 
la famille Chardonel. 

Mais ici s'élève une grave difficulté contre notre identification. 
Ce Stephanus n’a point de place dans la liste des Chardonel que 
nous avons dressée d’après les documents chartrains ‘. N’est-il 
pas étonnant qu’un si généreux bienfaiteur n’ait pas été inscrit 
dans le Nécrologe, comme le fut Geoffroi ? Mais cette difficulté 
s’évanouit bientôt. En effet, le Cartulaire de Notre-Dame de 
Paris supplée au silence du Cartulaire de Notre - Dame de 
Chartres. M. René Merlet nous y a signalé quatre représentants 
de la famille Chardonel. Ce sont: 1° Guillelmus Cardonelli, 
archidiaconus de Josaio?; 2° Anscherus Cardinalis, archidiaco- 
nus Parisiensis, cité en 1272 et 1280? ; 3° Richardus Cardina- 
lis, canonicus Parisiensis, cité en 1249‘. Le quatrième enfin, 
cité aussi dans une charte de 1249, est appelé Stephanus Cardi- 
nalis, canonicus Parisiensis °. 

Ce dernier personnage est évidemment celui que nous cher- 
chons : c’est le donateur même du vitrail. Il en porte les noms, 
il est de l’époque, il est prêtre. Son titre de chanoine de Paris 
ne fait pas une difficulté; beaucoup de chartrains au XIIIe siècle 
se fixaient à Paris où les attiraient la cour royaleet l’Université‘. 


1 Voyez page 4 et suivantes de cet article. 

? Cartulaire de Notre-Dame de Paris, par Guérard, IV, 14. 
8 Id., I, 141, 189, 288. 

* Id., I, 414, 433. 

$ Id., Il, 413, janvier 1249. 


6 Nous trouvons à Paris, au XIII siècle, Nicolas de Chartres, greffier du 
Parlement de Paris, he dr le registre des Actes de ce Parlement de 1269 
à 1298, dont M. Léopold Delisle a publié en 1862 des fragments inédits : 


=, 49 == 

c’est ce qui explique même pourquoi on l’a nommé Cardinalis, 
tandis que Geoffroi est appelé Chardonel. Cardinalis est une 
forme savante et par suite plus noble : on devait l’employer 
avec un étranger de distinction, habitant la ville des grandes 
écoles, membre d’un chapitre illustre. Chardonel est une forme 
usuelle et plus vulgaire: elle convenait à Geoffroy qui résidait 
à Chartres et n’était connu de tous que sous ce nom. 

Nous avons rendu compte du premier médaillon du second 
vitrail où se trouvent l'inscription et le portrait d’Étienne 
Chardonel : pour être complet il faut encore interpréter le second 
médaillon représentant une jeune femme debout et un laïc à 
genoux devant une Vierge assise et portant l’Enfant. M. Bulteau 
a vu dans ces deux personnages le frère et la nièce du cardinal 
Étienne; M. de Mély y reconnait son frère Benoît, comte de 
Strigonie, avec sa femme. Avons- nous besoin de dire que ces 
identifications sont erronées ? Sans aucun doute, il faut cher- 
cher dans la famille du donateur principal, nommé dans 
l'inscription, cette jeune femme et cet homme qui sont figurés 
près de lui, et semblent s'unir avec lui et Geoffroi dans un 
commun hommage à Notre-Dame de Chartres. Mais ce dona- 
teur, nous l’avons prouvé, n’est point le cardinal Étienne de 
Vancza, c’est Étienne Chardonel. Dès lors, c’est dans la parenté 
de celui-ci et non dans celle du cardinal que doivent s’opérer 
les recherches. Or, nous trouvons précisément dans la liste des 
Chardonel, dressée plus haut, divers personnages capables 
d’être identifiés avec la jeune femme et le laïc dont nous avons 
les portraits sous les yeux. Ce sont d’une part : Agnes Cardonelli 
et Guiburgis Chardonel, et d’autre part : Clemens Cardonelli 
et Simo Chardonel. Certainement c’est parmi eux que se trou- 
vent les deux pieux compagnons d’Étienne. 

Nous avons achevé l’étude des médaillons consacrés aux 
donateurs dans les deux vitraux de la chapelle du Pilier. En 
expliquant leurs inscriptions, nous avons éliminé une identi- 
fication savante, mais erronée, et nous avons mis en lumière 


Pierre de Castro, chancelier de l’église de Chartres, et G. de Carnoto, prêtre, 
qui assistérent au Parlement à la séance du samedi après Lætare, 1261. 
( Langlois, Textes relatifs à l'histoire du Parlement depuis les Origines jus- 
qu'en 1314, pp. 30 et 63). Nous pourrions citer encore Geoffroi de leu, 
a de saint Louis, Guillaume de Chartres, son chapelain et son bio- 
graphe, elc. 


= 

la piété d’une famille chartraine, jusqu’ici peu connue, envers 
Notre-Dame de Chartres. On saura donc que quatre Chardonel 
ont concouru généreusement à la décoration de notre Cathé- 
drale ‘. Nous aurions mieux aimé retrouver sur nos vitraux, 
au lieu de simples chanoines et de laïcs presque inconnus, le 
nom d’un cardinal aussi illustre qu’Étienne de Vancza, arche- 
vêque de Strigonie. Son hommage, qui eût été celui de la 
Hongrie tout entière dont il était le primat, aurait été plus 
glorieux pour notre sanctuaire. Mais, quand il s’agit d'histoire 
et d’art, la vérité seule importe. C'était justice de rendre aux 
Chardonel, et surtout à Stephanus Cardinalis, la gloire dont 
on les avait dépouillés. « 


1 Nous n'avons parlé que des deux vitraux de la Chapelle du Pilier, mais on 
pr se demander si les Chardonel n’ont pas donné encore divers vitraux de 
‘étage supérieur du transept sud, où sont représentés des donateurs dans une 
attitude assez semblable à la leur. Nous n’avons pas étudié cette question. 


Abbé CLERVAL. 


PETITE CHRONIQUE 


DE 


L'ABBAYE DE BONNEVAL 


De 857 à 1050 environ. 


En l’année 857 fut fondé, dans le diocèse de Chartres, au 
pays dunois, le monastère bénédictin de Bonneval par Charles, 
roi de Provence, et l’un de ses fidèles, nommé Foulques. C’est 
ce que nous apprennent les premiers mots du document connu 
sous le nom de Petite Chronique de cette abbaye : Anno ab 
incarnatione Domini octogentesimo DCCCLVIT, regnante Ka- 
rolo, Clotarii filio, fratre autem Ludovici', ILE anno regni 
ipsius Karoli, constructum est cenobium Bonevalense per 
ipsum imperatorem et suum quemdam militem, Fulconem 
nomine, in honore sanctorum martirum Marcelini et Petri, 
quos Eynardus a partibus Romanie in Galliis transtulit. 

Si nous nous occupons de nouveau, après tant d’autres, des 
origines de l’abbaye de Bonneval, c’est que tous ceux qui nous 
ont précédé, sans exception, se sont trompés sur un point 
capital, c’est-à-dire sur la date même de cette fondation. 
Mabillon, l’un des premiers, induit en erreur par des notes 
fautives de son correspondant, Vion d’Hérouval ?, attribua à 
l’année 841 la fondation de ce monastère. Appuyés sur son 
autorité, tous ceux qui, après lui, étudièrent l’histoire de Bon- 


1 Charles, roi de Provence (855-863), était fils de l'empereur Lothaire et 
frère de l'empereur Louis I. 


2 Voir Acta SS. ordinis S. Benedicti, Sæc. IV, pars 2, p. 504. 


10. 

neval, adoptèrent cette date sans contrôle, si bien qu'il est 
aujourd’hui universellement admis que c’est en 841 que Foul- 
ques jeta les fondements de l’abbaye de Bonneval. 

Avant d’entrer dans la discussion du texte de la Petite Chro- 
nique, nous allons d’abord étudier les sources qui nous l’ont 
fourni. Le 5 mars 1483, furent faits par Simon Gaultier, garde 
des sceaux de la prévôté de Bonneval, deux vidimus de cette 
chronique, l’un sur parchemin, l’autre sur papier : ils sont 
aujourd’hui conservés tous deux aux Archives du département 
d'Eure-et-Loir, fonds de l’abbaye de Bonneval. Le premier sur 
parchemin (A) est une grande pancarte, ayant 1 » 62 de hau- 
teur sur 0 = 3 de largeur : il est formé de deux pièces de par- 
chemin cousues ensemble bout à bout. L'écriture en était sans 
doute très effacée, quand un historien de Bonneval, pour en 
rendre la lecture plus aisée, recouvrit entièrement la pièce de 
noix de galle, et cela avec une telle profusion que ce vidimus est 
devenu complètement noir et en même temps très difficile à lire. 

Quant au vidimus sur papier (B), il forme un cahier de 
6 feuillets : il fut collationné à l'original et corrigé le 24 mai 
4497 par Jean Guyot, tabellion juré à Bonneval. Il est malheu- 
reusement déchiré en plusieurs endroits. 

Voici, d’après le texte même des vidimus, la description du 
manuscrit dont fut extraite notre chronique : 

«a À tous ceulx que ces présentes lettres verront et orront, 
» Pierre de Givès, prévost du Roy nostre sire à Bonneval, 
» salut : Savoir faisons que, l’an de grâce mil CCCC quatre 
» vingt et trois, le cinquième jour de mars, par Simon Gaul- 
» tier, clerc, tabellion juré du Roy nostre dit seigneur à Bon- 
» neval, et garde des seaulx d’icelle prévosté, fut extraict d’un 
» livre contenant neuf quayers en parchemin, escript en 
» grosse lettre, trouvé ou lieu appellé le Trésor de l’église de 
» l’abbaye de Sainct-Florentin dudit Bonneväl, — du commen- 
» cement du livre, ou quatriesme feillet duquel ensuit ledit 
» commencement, avoit signature d’escripture en ronde figu- 
» rée, — comme en ce présent extraict appert, ce qui ensuit : 
» Anno, etc. — Et du septiesme quayer dudit livre fut aussi 
» extraict ce qui ensuit : Votare, etc., et escript tout d’une 
» main. En tesmoing de laquelle [chose, ledit Gaultier] a 
» scellées ces présentes lettres d'extrait, l’an et jour dessus 
p premiers diz. » 


10 

D’après cette description nous pouvons conclure que Simon 
Gaultier eut entre les mains l’original même de la Chronique. 
Cet original comprenait neuf cahiers et deux parties distinctes, 
l’une commençant à Anno, l’autre à Notare. L'auteur de la 
première partie était un moine de Bonneval, qui vivait vers le 
milieu du XIe siècle. Le plan de son œuvre est fort simple : il 
résuma, sous forme de notices, par ordre chronologique, 
depuis l’origine jusqu’à l’époque même où il vivait, les chartes 
les plus importantes qu'il trouva dans les Archives de son 
monastère !. Son travail achevé formait un manuscrit ayant 
six Cahiers de parchemin; les trois premiers feuillets étaient 
demeurés vacants. C’est ce qui résulte du vidimus même : « Du 
» commencement du livre, ou quatriesme feillet duquel ensuit 
» ledit commmencement, avoit signature d’escripture en ronde 
» figurée. » Ces mots écriture en ronde, joints à ces autres 
termes du vidimus, parchemin escript en grosse lettre, sem- 
. blent prouver que cette première partie du manuscrit fut écrite 
à une époque antérieure à celle où l’on employait généralement 
la minuscule gothique. 

Cènt ans environ plus tard, un autre moine poursuivit 
l’œuvre de son devancier. Il rédigea la seconde partie de notre 
chronique, c’est-à-dire le résumé de certaines donations faites 
à l’abbaye de Bonneval depuis le milieu du XIe siècle jusqu’au 
milieu du XIT°. Il augmenta ainsi de trois cahiers le manuscrit 
précédent : « Et du septiesme quayer dudit livre fut aussi 
» extraict ce qui ensuit : Notare, etc. » Mais ayant trouvé à la 
fin .du premier manuscrit des feuillets demeurés blancs, il y 
recopia en entier deux pièces qui lui semblaient plus impor- 
tantes, l’une un diplôme du roi Lothaire de 967, l’autre une 
bulle de Paschal II de 1107 ?. 

Les deux manuscrits reliés ensemble auraient été alors 
déposés au Trésor de l’abbaye. Là, dans la suite des temps, ils 
tombèrent dans le plus complet oubli; c’est ce que nous prouve 


4 En dehors des chartes de l'abbaye, le chroniqueur se servit du Récit de la 
translation des reliques de saint Florentin et de saint Hilier et d'un autre docu- 
ment qui ne nous est pas parvenu. 


2 Cette explication peut seule faire comprendre comment ces documents se 
trouvent intercalés à cette place dans notre Chronique. Ils y rompent en effet 
l'enchaînement chronologique des notices, qui sans cela se succéderaient réguliè- 
rement depuis l'année 857 jusqu’au milieu du XII siècle. 














AT 
le témoignage de Simon Gaultier, qui parle de leur décou- 
verte comme d’une trouvaille que l’on venait de faire. Lors- 
que les Calvinistes brûlèrent le monastère en 1568, l’original 
disparut; mais les deux vidimus furent sauvés, ainsi du reste 
qu’une partie assez considérable des archives que les religieux 
emportèrent dans leur fuite. | 

Au commencement du XVIIe siècle, quand le goût des 
études historiques se répandit dans les monastères, les reli- 
gieux de Bonneval durent avoir recours à leurs vidimus. Mais, 
comme ils n’avaient aucune notion de l'existence de Charles, 
roi de Provence ?, ils n’hésitèrent pas à attribuer à Charles le 
Chauve la fondation de leur abbaye. Ne pouvant déchiffrer la 
date inscrite au commencement des deux vidimus*, et se rap- 
portant à la seule indication, ZI anno regni ipsius Karoli, ils 
commencèrent sans doute à établir la tradition qui se fortifia 
une fois qu’elle fut admise par Mabillon, à savoir que la date 
de la construction du monastère était l’an 841. Toujours est-il 
qu’au siècle dernier l’abbaye possédait, déjà depuis un certain 
temps, un portrait de Charles le Chauve placé dans le réfec- 
toire et vénéré comme étant celui du bienfaiteur de la maison. 

Le zèle des religieux pour tout ce qui intéressait les origines 
de leur couvent les entraîna même dans de singuliers égare- 
ments. Il existait en l’église de l’abbaye, dans le pan de mur 
de l’un des bas-côtés, à deux pieds et demi d’élévation au- 
dessus du sol, une excavation cintrée où se trouvait une statue 
d'homme couché, assez grossièrement travaillée. Montfaucon, 
étant venu à Bonneval à la fin du XVIIe siècle, remarqua cette 
statue et en fit un dessin qu’il reproduisit dans son livre de la 
Monarchie française‘. Voici le commentaire qu'il y ajouta : 
« Cette figure est tirée d’un tombeau qui est dans l’église de 
» Bonneval en Beausse, où il n’y a point d'inscription qui 


4 Les moines de Bonneval attribuërent une certaine importance à cette décou- 
verte, puisqu'ils en firent faire immédiatement deux vidimus qui furent mis 
dans leurs Archives. 


2 Il n'y a pas lieu de s'étonner qu'on ignorât au XVIIe siècle dans notre mo- 
nastère l'existence d'un prince, qui est à peine mentionné aujourd'hui dans nos 
Histoires de France les plus détaillées. 


3 Cette date est en effet fort difficile à lire dans les deux vidimus. 
+ Tome Ï, p. 570. 
T. X. H. 2 








ET 

» nous apprenne qui est ce seigneur ou chevalier. Il porte un 
» casque et est maillé de pied en cap. » Dans le temps sans 
doute où les moines de Bonneval faisaient faire le portrait de 
Charles le Chauve, ils firent graver au-dessous de cette statue 
l'inscription suivante : Hic jacet piissimus Fulco, dominus 
Bonœvallis, hujus monasterii fundator, regnante Carolo Calvo, 
anno Domini DCCCXLI*. 

Cette inscription dut être ajoutée peu après la venue de 
Montfaucon à Bonneval ?. L'abbé Bordas, vers 1762, écrivait, 
à propos de cette même inscription : « Le zèle de certains reli- 
» gieux pour leur maison produit toutes sortes d'effets. Il a 
» valu à ce tombeau une inscription fort récente qui l’annonce 
» pour être celui de Foulques, fondateur de cette abbaye. » 
L'opinion était donc bien établie à Bonneval au XVIIe siècle 
que c'était de la troisième année du règne de Charles le Chauve 
que datait la construction du monastère. 

La première édition qui ait été donnée de la Petite Chronique 
de Bonneval est celle de Mabillon, dans ses Acta sanctorum 
ordinis Sancti Benedicti‘. Comme il le dit lui-même, il la 
publia ex schedis V.C. Wionis Herovallii. D’après les quelques 
erreurs que contient cette édition, il est certain que Vion 
d’'Hérouval avait fait faire sa copie à Bonneval sur les vidimus 
mêmes dont nous avons parlé précédemment. Seulement cette 
transcription s’arrêtait à ces mots : Similiter filius suus, no- 
mine Hugo, dedit aliam villam juxta sitam, nomine Buxeriam. 
Cet Hugues, dont il est ici question, était vicomte de Chàâ- 
teaudun vers 980. Mabillon, qui n’avait pas eu entre les mains 
les vidimus de Gaultier, a supposé que la Petite Chronique se 
terminait réellement à ce passage : aussi déclare-t-il, d’après 


{ Voir Bigot, Histoire abrégée de l'abbaye de Bonneval, Châteaudun, Le- 
cesne, 1875, p. 228. 


2 Déjà en effet, dès les premières années du XVIII siècle, cette statue pas- 
sait dans l’abbaye pour être celle de Foulques. Un manuscrit, qui a appartenu à 
Gaignières et qui se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque nationale (fonds latin 
17139), contient une histoire inédite de l’abbaye de Bonneval écrite en latin 
ee un moine de ce monastère sous l’abbatiat de Louis de la Vergne, évêque 

u Mans, qui mourut en 1712. On y lit : ]n navis ecclesie sinistro latere cer- 
nitur Fulconis conditoris statua vetus parieli commissa. 


3 Histoire sommaire du Dunois, par l'abbé Bordas, publiée par la Société 
Dunoise. Châteaudun, 1884, T. II, p. 41. 


4 Sæc. IV, pars 2, pp. 504 et suiv. 


me 10 
la mention de Hugues, que ce document est l’œuvre d’un 
moine de Bonneval vivant à la fin du X° siècle. Il faisait ainsi 
une erreur d'environ cinquante années, puisque le texte se 
poursuit d’une façon continue jusque vers le milieu du siècle 
suivant. 

Antérieurement à Vion d’'Hérouval, Duchesne avait fait 
faire aussi à Bonneval une copie de la Petite Chronique. Les 
auteurs de l'Histoire littéraire de la France en font mention !. 
Cette copie de Duchesne existe encore à la Bibliothèque natio- 
nale 2. 

En 1668, année de sa mort, du Cange, l’illustre auteur du 
Glossaire, envoyait d'Amiens aux Bollandistes qui s’occupaient 
alors de la Vie de saint Marcelin et de saint Pierre un extrait 
de ce même document fait à Bonneval. Cet extrait était ainsi 
conçu : Anno ab incarnatione Domini octogentesimo quadra- 
gesimo secundo, regnante Karolo, fratre Lotharii et Ludovici, 
anno tertio regni ipsius Karoli, constructum est cœæœnobium 
Bonæ-Vallis, etc°.... Nous ne pouvons pas croire qu’une 
transcription aussi mauvaise ait été faite par du Cange lui- 
même : il est probable qu'ici, comme dans les copies de Vion 
d’Hérouval et de Duchesne, c’est quelque moine de Bonneval 
qui aura ainsi défiguré le texte original. Cela est d’autant plus 
vraisemblable que les changements introduits dans ces copies 
ont pour but, suivant l’opinion admise à Bonneval, de faire 
du roi Charles qui s’y trouve relaté le roi Charles le Chauve. 
L’original portait que ce roi était fils de Lothaire; cette quali- 
fication ne pouvait convenir à Charles le Chauve, fils de Louis 
le Pieux, d’où la nécessité d’altérer ce passage. Cette altération 
fut d’ailleurs fort simple; il suffisait de substituer aux mots 
« Charles, fils de Lathaire et frère de Louis, » ces autres ter- 
mes « Charles, frère de Lothaire et de Louis. » Charles le 
Chauve était en effet frère de l’empereur Lothaire et aussi de 
Louis le Germanique. 

Depuis Mabillon, il n’a été donné de la Petite Chronique de 
Bonneval qu’une seule édition, c’est M. Bigot qui, dans lin- 


4 T. VI, p. 539. 
2 Collection Baluze , T. 38, fe 7 et suiv. 
3 Acta SS. juni, T. 1, pp. 179, 180 de l'édition princeps. 





— 90 — 

troduction à l’histoire de cette abbaye, a le premier publié in 
extenso ce document, d’après une copie faite par M. Brossier- 
Géray ‘. Une collation plus minutieuse des deux vidimus nous a 
permis de rectifier bon nombre d’erreurs. De plus, M. Bigot n’a 
pour ainsi dire ajouté aucune note à ce texte qui en demandait 
cependant de plus d’une sorte. Ces raisons nous ont paru suffi- 
santes pour justifier la réédition de ce document, important 
au plus haut point pour l’histoire du pays chartrain *. 


Il nous reste maintenant à discuter au point de vue paléo- 
graphique les motifs qui nous ont fait adopter l’année 857 pour 
date de la fondation du monastère de Bonneval. 

Voici les fac-simile de ce que portent les deux vidimus de 
1483 à cet endroit : 


à cc We dccc- Ye 


Yidimus A. Vidimus B. 


Comme on le voit, Simon Gaultier a, dans les deux cas, 
transcrit la date d’une manière à peu près identique. Il a vou- 
lu sans doute reproduire aussi exactement que possible ce qui 
se voyait sur l'original. Le second vidimus (B) nous en fournit 
du reste la preuve. Quand Gaultier eut achevé cette dernière 
copie, il étudia de nouveau sur le manuscrit primitif le passage 
où cette date est relatée et le transcrivit à la suite. Cette fois 
il lut DCCCLIT. Cette nouvelle interprétation montre bien qu’il 
y avait sur l'original la date DCCCLII et au dessus du pre- 
mier Ï un signe que Gaultier, ne pouvant comprendre tout 
d’abord, reproduisit dans ses deux vidimus, mais qu’il tradui- 
sit ensuite par l’o suscrit de quinquagesimo. Ce signe supé- 
rieur était un V: le premier rédacteur de la Chronique avait, 
voulant écrire DCCCLVII, omis le V qu’il avait alors reporté 
au dessus du premier I. Il est probable que ce V se confondait 
presque avec l’I placé au dessous ; du moins ces deux chiffres 


1 Bigot, livre cité, p. LXI et suiv. 


* Nous ne rééditerons que la partie la plus ancienne de la Chronique, l'autre 
artie n'ayant qu'un intérêt secondaire pour l'histoire générale de notre pays, et 


a 
devant figurer avec plus de raison d'être dans un Cartulaire général de Fabbaye 
de Bonneval. 





— 9 — 

se joignent-ils sur les vidimus de Gaultier. Mais, comme nous 
l'avons dit plus haut, le second vidimus (B) fut collationné sur 
l'original, en 1497, par Jean Guyot, notaire à Bonneval. Celui- 
ci employa pour faire ses corrections une encre beaucoup plus 
noire que celle dont s’était servi Gaultier, de sorte que l’on 
voit clairement ce qu’il a retouché sur la date. S’étant aperçu 
que Gaultier avait eu tort de confondre les deux chiffres su- 
perposés, il sépara, au moyen d’un trait à l’encre, l’T inférieur 
du V placé au-dessus. 

Nous pouvons maintenant préciser davantage la date de la 
fondation de l’abbaye de Bonneval. Charles de Provence devint 
roi le 23 septembre 855, jour où son père Lothaire, abdiquant 
l'Empire, entra au monastère de Prüm. Il s’ensuit que latroi- 
sième année du règne de Charles commença le 23 septembre 
857 et que l’abbaye de Bonneval fut fondée entre le 23 septem- 
bre et le 24 décembre 857. | 

Cette date une fois déterminée, disons quelques mots des 
fondateurs eux-mêmes. Charles, roi de Provence, était, par sa 
mère Ermengarde, petit-fils de Hugues, comte de Tours. 
Celui-ci devait avoir de grandes possessions territoriales et 
être un seigneur très puissant puisque sa fille épousa le fils 
ainé de Louis le Pieux. Si nous insistons sur ce point, c’est 
pour expliquer ce fait étrange au premier abord, l'intervention 
du roi de Provence comme suzerain au milieu du royaume de 
Charles le Chauve. C'était sans doute du chef de sa mère qu'il 
dominait sur cette partie du pays dunois où fut fondée l’abbaye 
de Bonneval, et à ce titre il avait donné à Foulques, qui pos- 
sédait déjà en cette région des biens héréditaires, un certain 
nombre de villas appartenant à son fisc. C’est ce qu’indique 
clairement le passage de la Petite Chronique : | auxit 
locum de suo fisco per licentiam regis, et de suis hereditariis 
ad cenobium monachile instruendum quantum placuit. 

Quel était ce Foulques, qualifié, par notre manuscrit, fidèle 
de Charles de Provence? On n’a aucun renseignement certain 
à son sujet ; mais il nous semble qu’il devait être un des inti- 
mes du jeune roi. Sa présence même auprès de Charles et son 
entente parfaite avec lui paraissent ressortir des termes de la 
Chronique : Miserunt, ex quanto se placuit, monachos, et ele- 
gerunt venerabilem abbatem, Gausmarum nomine, quisemper 
familiaris extitit Karolo. En même temps, Charles donna à 











NZ 
son fidèle des reliques des saints martyrs, Pierre et Marcelin, 
pour les déposer dans l’abbaye qu’ils venaient de fonder en- 
semble ". 

Les corps de ces deux saints avaient été transportés de Rome 
en Gaule, en l’année 826, par les soins du célèbre Eginhard, 
quos Eynardus a partibus Romaniæ in Galliis transtulit. 
L'année suivante, Eginhard les déposa solennellement dans 
l’abbaye qu'il avait fondée sur son domaine de Seligenstadt, à 
trois lieues de Francfort. Il avait une vénération toute parti- 
culière pour saint Marcelin et saint Pierre, et il l’inspira à 
l’empereur Lothaire dont il avait été chargé de faire l’éducation. 
Charles de Provence hérita de l’affection de son père pour les 
saints patrons de Seligenstadt, où s'était rapidement établi un 
des pèlerinages les plus renommés du IX° siècle. Lorsqu'il 
fonda avec Foulques l’abbaye de Bonneval, il était naturel 
qu’il la plaçât sous le patronage de ses deux saints de prédilec- 
tion, et que, sur la demande de son fidèle, il l’enrichît de 
quelques parcelles de leurs reliques ?. 

On peut donc affirmer l'intimité de Foulques avec son 
suzerain, intimité qui permet de supposer qu’il jouait un cer- 
tain rôle en Provence: de plus, par l’énumération des biens 
qu’il donne à l’abbaye, l’on voit qu'il était puissant au 
Nord de la Loire. Dans la Chanson de geste de Girart de 
Roussillon, il y a un seigneur du nom de Foulques qui est l’un 
des principaux personnages : on sait que Girart de Roussillon 
n’est autre que le fameux comte de Lyon, Girart, tuteur de 
Charles de Provence. D’après l’épopée, Foulques est fils d’Odilon, 


1 Ces reliques se conservèrent à Bonneval jusqu'à la Révolution. Gaignières 
nous a transmis (mss. lat. 17139, Bibl. Nat.) le procès verbal de la visite faite 
en 1650 par Marc Bastide dans l’abbaye de Bonneval. Celui-ci fit l'ouverture 
d'une chässe argentée et dorée, où se trouvaient des reliques des saints Marce- 
lin et Picrre, capsam œneam deargentatam et deauratam in qua corpora sanc- 
torum martyrum Marcellin: , Petri...... asservantur. 


2 Il est à noter que, de toutes les abbayes du royaume de Charles le Chauve, 
Bonneval est la seule qui, d’après les recherches des Bollandistes, ait possédé 
des reliques des sis Merci et Pierre. Dans les royaumes de Lothaire et de 
Charles de Provence au contraire , nous en rencontrons dans un d nombre 
d'églises et de monastères : Valenciennes, Gand, Utrecht, Tournai, Cambrai, etc. 
Près de Lyon, ca collégiale de Notre-Dame de Beaujeu comptait parmi ses 
reliques des parcelles des corps de saint Marcelin et de saint Pierre, comme le 
témoigne un catalogue du XIIe siècle, dont la copie est conservée aux Archives 
du Rhône (Cart. de l'église de N.-D. de Beaujeu, par M. C. Guigue, p. 37). 








Dee 

comte de la région cisalpine ; il possède également de vastes 
domaines en Orléanais, et la chanson dit qu’il compte à Orléans 
« mille chevaliers chazés » (trad. Meyer, $ 116). Né en 
Allemagne ($ 321), il est parent de Girart de Roussillon et 
fonde de nombreux monastères ?. Or nous voyons que notre 
fondateur de Bonneval devait avoir aussi des relations avec le 
comte de Lyon, Girart. C’est ce que l’on peut déduire d’un 
document contemporain. D’après le récit de la Translation des 
reliques de saint Florentin et saint Hilier, de Lyon à Bonneval, 
ce fut sur les conseils de Girart et de sa femme Berthe, 
annitentibus illustribus personis comite et præclara conjuge 
ipsius, que l’abbé d’Aisnay*, Aurélien, fit venir douze religieux 
tirés du monastère de Foulques pour réformer son abbaye. — 
Ce rapprochement entre le Foulques de l’épopée et le Foulques 
de l’histoire nous a semblé digne de remarque. 

L'abbaye de Bonneval, fondée en 857, ne fut dédiée que plus 
tard par Gislebert, qui devint évêque de Chartres en 858. La 
leçon de la Chronique n’est pas douteuse, dedicata ab episcopo 
Carnotensi, nomine Gisleverto. Mais comme on voulait faire 
concorder le nom de l’évêque avec la date fausse de 841 que 
l'on avait adoptée, on a créé un nouvel évêque, Gillericus, 
que les auteurs du Gallia Christiana eux-mêmes s’avouent fort 
empêéchés à reconnaître. 

Une autre difficulté se présentait: Charles de Provence 
mourut le 24 janvier 863 et son frère l’empereur Louis lui 
succéda, deffuncto rege Karolo et germano ejus Ludovico 
succedente. Le-texte est formel, mais le roi Charles le Chauve, 
le prétendu fondateur de l’abbaye, n’avait pas eu de frère du 
nom de Louis pour lui succéder; on changea le mot de germano 
en celui de filio, et de l’empereur Louis on fit le roi Louis le 
Bègue. 

En conservant au contraire le texte original, tout concorde 
parfaitement dans le récit du moine du XIe siècle. En effet, 
dès que l’empereur Louis eut appris la mort de son frère, il 


1 Girart de Roussillon, traduction de M. P. Meyer, Paris, 1884, in-8°. 
On y lit au 8 99 : « Odilon, _ tient toute la Provence ju usqu'à ‘Toulon Arles, 
« et Forcalquier et Sisteron, Embrun, Gap, et Rame et Briançon. » 


3 « Moi, dit Foulques, je fonderai sept abbayes de mes biens patrimoniaux » 
(trad. Meyer, $ 624). 


3 Aisnay, abbaye située à Lyon, au confluent de la Saône et du Rhône. 





= 94 — 
s'empressa de quitter l’Italie et de passer en Provence où il 
se fit reconnaître pour roi. Lothaire de son côté, d’abord retenu 
dans ses États, accourut bientôt en toute hâte et réclama sa 
part dans l’héritage fraternel : un traité de partage eut lieu, 
Louis ne conserva que la partie la plus méridionale de la 
Provence; dans le lot de Lothaire furent compris Bonneval et 
son territoire! : le royaume de Charles n’exista plus. Lors 
donc qu’on datait à Bonneval une charte du règne de Louis en 
Provence, cette pièce ne pouvait être que de la première année 
de ce règne, avant le traité conclu avec Lothaire, et notre 
Petite Chronique dit bien en effet, anno primo regni Ludovici. 

Cet acte ainsi daté de la première année du règne de Louis 
était une charte de donation d’un comte de Châteaudun, 
Lambert. Les Normands menaçaient le pays dunois, et, pour 
procurer un asile sûr aux moines de Bonneval, Lambert leur 
donna, aux pieds de la ville de Châteaudun, des grottes 
creusées dans le roc et ouvrant sur la rivière du Loir. 

Nous sommes aux premiers mois de l’année 863 : Gausmar, 
le familier de Charles de Provence, était encore abbé, mais il 
ne devait pas tarder à mourir. Ingelaire lui succéda. C’est à lui 
que s’adressa l’abbé d’Aisnay * pour réformer son monas- 
tère. La Petite Chronique nous fournit encore à ce sujet des 
renseignements précieux. Aurélien, qui n'était alors qu’ar- 
chidiacre d’Autun, parcourait les églises de la province de 
Lyon pour remettre en honneur les reliques des saints. Dans 
une de ces églises, il trouva les corps de saint Florentin et de 
saint Hilier qui avaient été martyrisés à Suin : il les transporta 
peu de temps après à Lyon, dans l’église de Saint-Martin 
d’Aisnay, dont il devint abbé. Les religieux d’Aisnay avaient 
sans doute perdu les anciennes traditions de l’ordre de saint 


1 C'est ce que nous prouve un diplôme de Lothaire de 865 environ, qui était 
encore conservé à Bonneval au XIIe siècle. Par ce diplôme, Lothaire confirme 
les possesssions de l'abbaye à Baignolet, Dancy, Massuëres et Givais. Voir 
Appendice n° II. 


2 Jusqu'à présent on avait toujours pEEenel que la Petite Chronique de Bon- 
neval renfermait ici un anachronisme. On savait en effet que la réforme d'Aisnay 
avait eu lieu avant la promotion d’Aurélien au siège archiépiscopal de Lyon en 
874. Or comme on voyait Gausmar apparaître encore dans un acte soi-disant 
passé la première année du règne de Louis le Bègue, c’est-à-dire en 877, on 
en concluait que le chroniqueur s'était trompé et avait substitué le nom d’Inge- 
laire à celui de Gausmar. 





—9ù 

Benoît, car Aurélien cherchait de tous côtés, pour réformer 
son abbaye, des moines bien instruits et d’une régularité 
éprouvée, bene instructos et regulari ordine approbatos. Il 
s’adressa au comte de Lyon, Girart, qui, comme nous l’avons 
dit, connaissait le monastère de Bonneval, sans doute par suite 
de ses rapports avec Foulques'. Sur les indications du comte, 
Aurélien eut recours à l’abbé Ingelaire, qui lui envoya douze 
moines de son abbaye. Ces évènements durent avoir lieu vers 
la fin de l’année 863. 

Les moines de Bonneval ne restèrent pas longtemps à Aisnay. 
Ils y avaient rétabli, au grand contentement d’Aurélien, l’aus- 
térité des mœurs et la règle primitive de saint Benoît : l’abbaye 
d’Aisnay était devenue comme une image fidèle de l’abbaye de 
Bonneval, abhinc Athanacenses normam nostræ auctoritatis, 
exordium sumpserunt et mores. Les moines n'avaient plus 
qu’un désir, c'était de rentrer à Bonneval : mais, en quittant 
Lyon, ils voulaient emporter un souvenir de leur séjour à 
Aisnay. Ils sollicitèrent et obtinrent d’Aurélien des reliques 
insignes des saints martyrs Florentin et Hilier; puis ils se 
mirent en marche vers le pays dunois. Un auteur contem- 
porain que nous avons déjà cité a écrit le récit des miracles 
opérés pendant ce voyage ?, récit qui concorde entièrement 
avec celui de la Petite Chronique. 

Aucun fait digne de remarque n’est signalé avant la venue 
des reliques à Orléans; mais, depuis leur arrivée en cette ville, 
le chroniqueur entre dans les plus grands détails; il nous 
donne presque un journal au jour le jour. C’est un samedi que 
les moines parvinrent aux faubourgs d’Orléans, et comme 
ils ne voulaient pas continuer leur route le dimanche, ils 
déposérent leur précieux fardeau dans la basilique de Saint- 
Aignan. Nous ne dirons pas tous les miracles qui s’accomplirent 
en ce lieu : c’est un nommé Romain, qui depuis six ans gisait 


{ Cette mention du comte Girart et de sa femme Berthe, qui se trouve, 
comme nous l’avons dit, dans le récit de la Translation des reliques de saint 
Florentin et de saint Hiier (Mabillon, Acta SS. ord. S. Benedicti, sœc. IV, 
pars 2, p. 492), a échappé aux savantes recherches de Mr Longnon, dans son 
mémoire intitulé Girart de Roussillon dans l'histoire (Revue historique, année 
1878, p. 241-279). 


3 Voir Mabillon, Ac{a SS. ordinis S. Benedicti, sæc. IV, pars 2, p. 492 et 
Suiv. 








90 = | 
infirme devant les portes de l’église de Saint-Pierre et qui 
recouvra subitement l’usage de ses membres; c’est le vieillard 
Eloi, serviteur de la basilique de Sainte-Croix, qui fut tout-à- 
coup guéri d’une paralysie qui le retenait perclus. 

D'Orléans une journée de chemin, una dies pedestris itineris, 
conduisit le pieux cortège à Baignolet, dont le pèlerinage à 
saint Sébastien, encore si fréquenté de nos jours, se trouve 
déjà mentionné dans notre récit, ad ecclesiam beati Sebastiani 
martyris memoriam gestantem. C’est en ce village qu'Ingelaire 
et les moines de Bonneval vinrent au devant de leurs frères. 
Un clerc d’Etampes', nommé Ferri, possesseur de Baignolet, 
touché des nombreux miracles qu’il voyait s’accomplir, fit 
l’abandon de sa villa et de l’église de Saint-Sébastien entre les 
mains de l’abbé de Bonneval. 

Puis on continua la route vers le monastère. On s’arrêta à 
Dancy, dans l’église de Saint-André; à Givais, dont le sanc- 
tuaire à peine achevé fut alors dédié aux saints martyrs 
Florentin et Hilier. Partout où passaient les reliques, les 
donations se multipliaient en leur honneur : c’est ainsi que 
l’abbaye s'enrichit des terres de Dancy, de Massuères et de 
Givais. Enfin l’on parvint à Bonneval, où les ossements sacrés 
furent déposés dans l’église de Saint-Marcelin et de Saint-Pierre. 

La date du retour des moines à Bonneval n'est pas exacte- 
ment indiquée; mais on peut la déterminer à l’aide des faits 
qui sont rapportés par le chroniqueur. Cette date ne peut pas 
être postérieure à l’année 869, car, au XIIe siècle, on possédait 
encore à Bonneval la charte de donation de Ferri d’Etampes, 
ainsi que le diplôme du roi de Lorraine, Lothaire II, confir- 
mant cette donation et celles de Dancy, de Massuères et de 
Givais : c’est ce que prouve un acte de Louis VI de l’année 1122, 
où le roi témoigne que ces titres lui ont été représentés'. Or 
Lothaire mourut le 8 août 869. 

D'autre part, on sait par les Annales de Saint-Bertin et par 


1 Quidam Stampensis clericus, Fredericus nomine, alodum quoddam dic- 
tum Balnoletum, a progenitoribus suis jure heredilatis legitime sibi dimis- 
sum, Bonevalensi monasterio quondam in elemosinam rat quiele posst- 
dendum, et donum illud, cum ceteris dicte ecclesie donariis, glorios regis 
Clotarii concessione firmatum erat, sicut carla anuli ejus impressione signala, 

in conspectu nostro abbas et monachi produxerunt publice, testabatur. 
{Voir appendice II.) 


or 

le récit d’Adrevald, moine de Fleury, que, dans le courant de 
l’année 865, les Normands s’emparèrent de la ville d'Orléans, 
dont ils brûlèrent toutes les églises. Suivant Hincmar, la seule 
cathédrale de Sainte-Croix fut respectée par les flammes. 
Quant à l’église de Saint-Aignan, située dans les faubourgs, 
elle dut être une des premières détruite. Or ce fut dans cette 
basilique que les moines s’arrêtèrent à leur arrivée à Orléans; 
ce fut en ce sanctuaire que s’accomplirent les miracles men- 
tionnés plus haut. Il est évident que si les Normands avaient 
eu déjà exercé leurs ravages, le moine, auteur du récit de la 
Translation, n'aurait pas manqué, en parlant des églises de 
Saint-Aignan et de Saint-Pierre, de déplorer la désolation qui 
régnait dans ces lieux saints. 

On peut donc dire, sans crainte de trop s’avancer, que les 
religieux, partis de Bonneval en 863, y étaient revenus dans 
les premiers mois de 865". 

À la même époque, un vicomte de Châteaudun, nommé 
Rampon, donna à l’abbaye Orsonville, Villery et Jallans. Un 
peu plus tard, Menelaus, un autre seigneur, aumôna aux saints 
martyrs un aleu à Lanneray et la villa où il demeurait, qui de 
son nom s’appelait Mansum-Menelaum, aujourd’hui Mémillon, 
non loin de Lanneray. 

Nous ne continuerons pas l’analyse de la Petite Chronique, 
qui n’est plus qu’une sorte d'inventaire des titres de l’abbaye : 
contentons-nous de citer, parmi les principaux bienfaiteurs du 
monastère, le comte de Blois, Thibaut le Tricheur, son fils 
Eudes, les vicomtes de Châteaudun, Geoffroi et Hugues. 

Nous ne nous appesantirons pas davantage sur ce document 
si précieux pour l’histoire du pays chartrain : nous n’avons pas 
voulu entrer dans la discussion des erreurs qu’a soulevées son 
interprétation ; nous n’avons cherché qu’à rétablir les faits en 
prouvant que tout dans notre Chronique est d’une rigoureuse 
exactitude et qu'aucun anachronisme ne s’y trouve renfermé. 


La date du retour des moines de Bonneval a donné lieu aux interprétations 
les plus diverses. Suivant les différents auteurs, ce retour se serait effectué en 
851, 855, 860, 870 et même 875. 


RENÉ MERLET 
Élève à l'École des Chartes. 





* Bonavallense. B. 


* prenominatis. B. 


* Merdelon. B. 


— 928 — 


APPENDICE I 


PETITE CHRONIQUE ! 


Anno ab incarnatione Domini (octogentesimo) DCCCLVII, re- Ann. 


gnante Karolo, Clotarii filio, fratre autem Ludovici, Ile anno 
regni ipsius Karoli, constructum est cenobium Bonevalense* per 
ipsum imperatorem 2 et suum quemdam militem, Fulconem no- 
mine, in honore sanctorum martirum Marcelini et Petri, quos 
Eynardus a partibus Romanie in Galliis transtulit. Tunc predictus 
miles bone memorie Fulco, videns locum habilem et ad edifica- 
tionem monachorum adortum, sicut ordo regule commendat, auxit 
de suo fisco per licenciam regis, et de suis hereditariis ad ceno- 
bium monachile instruendum quantum placuit; deinde misit 
monachos quantos voluit. Tradidit itaque predictis* sanctis et 
monachis totam villam Bonamvallem*, cum omnibus que ad se 
pertinere videbantur, id est terris cultis et incultis, pratis, molen- 
dinis, piscariis, aquis aquarumque decursibus, insuper et appen- 
diciis que ad predictam villam respiciunt, id est ecclesia Sancti- 
Mauricii* cum parrochia que ad eam pertinet, id est villa que 
vocatur Vovredus 5, Dessinot-Villa , Seglanda ? et Merdolum  ; 
ultra fluvium Letum 8%, villas quarum hec sunt nomina : villa 


1 Nous publions ce document d’après les deux vidimus de Simon Gaultier, 
en rejetant les variantes dans la marge. Nous désignons par A le vidimus sur 
parchemin , par B le vidimus sur papier. 


3 Ce titre d'imperator donné à Charles, roi de Provence, er paraître 
étrange, mais il ne faut pas oublier que la Petite Chronique est l’œuvre d'un 
moine qui vivait au XI° siècle et qui devait fatalement confondre ce roi presque 
inconnu avec Charles le Chauve ou même Charlemagne qui furent successivement 
rois et empereurs. Quant aux mentions généalogiques accolées au nom du roi 
Charles, elles proviennent évidemment , ainsi que la date de fondation du monas- 
tère, de quelque document contemporain conservé au XIe siècle dans les 
Archives de l’abbaye. 


3% Bonneval, ch.-1 con, arrt Châteaudun (E.-et-L. ). 


4 Saint-Maurice-sur-Loir, hameau, ere Bonneval ; ancienne commune réunie 
à Bonneval le 4er juillet 1829. 


5 Vouvray, hameau, cne Bonneval. 

8 Dessainville (?), hameau, cne Villampuy, con et arrt Châteaudun. 
7 Le Glandin, ferme, ce Bonneval. 

8 Le Loir. 





1 860, 


. 863. 


==. 90: 

Ranuncula, Montion !, Bendet cum terris cultis et incultis, silvis; 
Poyros?et Pulsultus cum terris cultis et incultis ; item Milicia- 
cum 3, et Merdelonem #, et Osannam 5, et Siriniacum *, et Montem 
Falconem®, cum pratis, molendinis, aquis aquarumque decur- 
sibus, silvis, terris cultis et incultis; item ecclesiam Sancte- 
Marie que vocatur Morerias”, cum omnibus appendiciis suis, 
quorum hec sunt nomina : Vallis Petrosa, Pulluat$, Nocumentum 
et Villare, Villa Morini”, Villa Tignea {, Villa Lanceïa !!, et omnia 
que in circuitu possidebat 12. 

His denique * terris dotata ecclesia Dei et sanctorum martirum 
Marcelini et Petri a rege Carolo et suo fideli Fulcone, necnon 
dedicata ab episcopo Carnotensi, nomine Gilleverto!*, miserunt 
exinde* quanto se placuit monachos et elegerunt venerabilem 
abbatem, Gausmarum nomine, qui semper familiaris extitit 
Karolo imperatori. Abhinc* et deinceps crevit ecclesia Dei et 
sublimata est a cunctis bonis circumjacentibus* vicinis. 

Jam vero deffuncto rege Karolo et germano ejus Ludovico suc- 
cedente, anno primo regni ejus, fuit quidam comes Castrodunen- 
sium *, Lambertus ## nomine, qui, ob amorem Dei et sanctorum 
ejus, dedit sanctis martiribus Marcelino et Petro et domno abbati 
Gausmaro, ad refugium infra Castridunum, de prato * agripennos 


#4 Monthion, ferme, cne, Saint-Christophe, con et arrt Châteaudun. 
3 Poireux, ferme, crc Bonneval. 


3 Milsay, hameau, cne Trizay-lès-Bonneval, con Bonneval. Ce hameau est 
aujourd'hui détruit. 


# À côté du moulin d'Ouzenain et de Montfaucon il y a sur la commune de 
Bonneval le moulin de Croteau qui appartenait à l’abbaye. 


S Ouzenain, moulin, cre Bonneval, détruit vers 1820, tirait son nom de la 
rivière d'Ozanne, sur laquelle il était situé, 


6 Montfaucon, hameau, cne Bonneval. 


7 Moriers, con Bonneval. L'église de cette commune est encore sous le pa- 
tronage de Notre-Dame. 


8 Pulois, hameau, ce Bonneval. 

9 Vilmorin, ferme, cne Bonneval, aujourd'hui détruite. 

40 Villeteigneux, hameau, crc Trizay-lès-Bonneval, con Bonneval. 
#1 Villancien, hameau, cn° Bonneval. 


12 Nous n'avons pu identifier tous les noms de lieux cités parmi les premières 
possessions de l'abbaye de Bonneval; mais outre que plusieurs de ces villas ont 
pu disparaître , il faut tenir compte de ce que Simon Gaultier n’a pas sans doute 
transcrit très exactement les noms que portait le manuscrit original. 


13 Gilbert, évêque de Chartres de 858 à 880 environ. 


48 Lambert reçut le comté de Châteaudun en 859, époque où Eudes, son 
prédécesseur, était en révolte contre Charles le Chauve. 


* Sirigniacum. B. 


* dictis. À. 


* etiam. B. 
* Exhinc. B. 


* circumadjacenti- 
bus. À. 


* Castridunensis. À. 


* terra. B. 








* quia. B. 

* selegit. À. 

* probatos. B. 

£ mens perficiant. 


* corporis. À. 
* quorum A. 


* Aurelianensi, À, 


= 0 == 
duos et dimidium in proprium perpetualiter habendos, et criptas 
desubtus usque in aquas. 

Abigente denique bone memorie abbate Gausmaro ab hac 
luce, venerabilis Ingelarius subrogatur ejus regimini ab omni 
congregatione. Igitur, Deo disponente, cui omnia sunt possibilia, 
divulgatur fama religionis longe lateque monasterii hujus ; 
cumque nutu divino quidam archidiaconus Augustudunensis 
ecclesie, Aurelianus nomine, cireumiret ecclesias illius provincie, 
ut sanctorum corpora non bene adornata ipse bene adornaret: 
contigit ut sanctorum corpora martirum Florentini et Hilarii 
reperisset, et inde secum transtulit Lugduno in ecclesia Sancti- 
Martini, que vocatur Athanao!, valde diruta, sed antiquitus dedi- 
cata, in qua et ipse abbas factus est. Cumque animus ejus difflueret 
perquirendi monachos, regulari ordine instructos, et non inve- 
niret, audivit famam celeberrimam quod Bonevallis degerent 
monachi, regulari ordine approbati; qui concite dirigens missos 
ad prefatum monasterium, obnixe deprecans ut venerabilis Inge- 
larius, sepedicti monasterii abbas, numerum monachorum ei 
mittere non denegaret, sicut penes nos scriptum est. Îtaque vir 
Domini, cum esset plenus caritate, desiderans augeri famulorum 
Christi numerum, sciens quod * qui plus laborat, plus mercedis 
accipiet, elegit* ex suo grege monachorum duodecim quos illic 
misit bene instructos et regulari ordine approbatos", monens et 
exortans ut de die in diem in melius proficiant". Abhinc Athana- 
censes normam nostre auctoritatis, exordium sumpserunt et 
mores. 

Cum autem ad nos redire poscissent fratres, postulaverunt sibi 
a patre jamdicti loci ut aliquod munus eis concederetur, quod 
utile patri, loco eorum et fratribus esset. Dedit itaque eis vene- 
rabilis abbas Aurelianus partem corporum * precipuam electorum 
Chbristi martirum Florentini et Hilarii que nunc usque servatur a 
nobis, sicut scriptum habetur in codicibus nostris. In adventu 
quoque* ipsorum martirum multa miracula facta sunt que penes 
nos scripta habentur 2, Quantum enim per illorum merita huic 
loco salus venit non est silendum. Cum autem movessent ab 
Athanao et properassent Aurelianensium * civitati, declinaverunt 
ad basilicam Sancti-Aniani, sabato, deinde pervenerunt ad eccle- 
siam Sancti-Sebastiani in villa cui nomen est Balinolus ?; quo 


1 L'abbaye d’Aisnay, à Lyon. 
3 On voit que le moine du XIe siècle, auteur de cette chronique, avait à sa 
disposition plus d’une source manuscrite. 


3 Baignolet, arrt Chartres, con Voves. L'abbaye de Bonneval avait un prieuré 
à Baignolet. Saint Sébastien est encore aujourd’hui le patron de Baignolet. 


of 

tempore villa illa eis data est tota cum ecclesia !. Jam et hic 
occursus fuit” venerabilis abbatis* monasterii Bonevallis cum 
agmine sancto monachorum reliquias recepturi. Inde venerunt 
ad ecclesiam Sancti-Andree apostoli, in villa Danciaco?, que eis 
data est, cum alia villa que vocatur Mathuerias$. Exhine cum 
summo tripudio devenerunt ad ecclesiam nundum dedicatam que 
duobus miliaribus a monasterio distabat, in villa Givariensi#, 
que ecclesia et * in illorum * honore est dedicata, et per miracula 
que illic facta sunt tota villa est eis tradita “. Deinde vero venerunt 
ad illum predestinatum locum dedicatum in honore Christi 
martirum Marcelini et Petri, ubi deponendi erant sancti. 

Tunc temporis erat quidam vicecomes Castrodunensis, nomine 
Rampo, qui, Dei timore et sanctorum dilectione inflammatus, 
dedit prenominatis sanctis Ursumvillam®#, cum mancipiis et appen- 
diciis suis, id est Villeri $ et Jalant’, cum terris cultis et incultis 
et omnibus que habebat. 

Item fuit quidam miles, nomine Menelaus, qui, pro Dei amore 
et vita eterna acquirenda, dedit sanctis martiribus alodum in 
Laneroico 8 villa, sibi a parentibus hereditario jure derelictum, 
tempore Ingelranni abbatis. Item dedit alium alodum, ubi ipse 
manebat, ejus nomine dictum Mansum Menelaum **. 

In pago Blesensi dedit comes Thetbaldus* ** primus, inter Fer- 
gerolas et Cambum, ux arpennos de terra arabili, et novem de 
vinea instructa, et terminatur una parte terra Sancte-Marie, altera 
Sancti-Leobini, tercia Sancti-Lefardi, quarta Sancti-Benedicti, et 


4 Le diplôme du roi Louis VI que nous publions dans l’Appendice IT nous 
prend le nom du donateur de Baignolet. C'était un clerc d’Etampes, appelé 
erri, 


3 Dancy, con Bonneval. L'église de Dancy est encore dédiée à saint André. 
3 Massuères, hameau, ce Dancy. 

4 Givais, hameau, cne Dancy, prieuré de Bonneval. 

& Orsonville, hameau, cre Donnemain-Saint-Mamert, con et arrt Châteaudun. 
6 Villery, ferme, cne Donnemain-Saint-Mamert. 


T7 Jallans, con et arrt Châteaudun. Les deux vidimus portent labant qui est 
évidemment une mauvaise lecture pour Jalant. Jallans est situé tout à côté 
d'Orsonville et de Villery. 


8 Lanneray, con et arrt Châteaudun. 


Ÿ Mansum Menelaum , accentué sur la dernière syllabe laum a dû devenir 
d’abord Mémellon, puis Mémillon. Mémillon est une ferme de la commune de 
Saint-Maur , con Bonneval. Dans une charte de l'abbaye de 1232: Mémillon est 
appelé Mesium Mülonis (Archives d'Eure-et-Loir, fonds de l'abbaye de Bonneval). 


| QE Ler, dit le Tricheur, comte de Chartres et de Blois de 920 environ 
à 975. 


* in occursum venit. 


F abbas. A. 


* (deest), À. illo. A. 
* data. A. 


* Menelaus. A. 
* Theobaldus. A. 





— 32 — 


solvit singulis annis in censum solidos 1x. Item ipse dedit in fisco 
Blesensi rx arpennos vinee instructe et unam denariatam ‘, cum 
alia terra arabili, et ad Closellos nu arpennos vinee instructe, et 
in alio loco unam salorgiam ? ubi navis quedam receptabat, in 
alodum perpetualiter habendum. 

Inde vero extitit comes inclitus nomine Odoÿ, filius ejus, loci 
bujus aptissimus reparator, qui abbatem Waldricum * ad ins- 
truendum et reformandum in hoc loco posuit, et dedit in augmen- 
tationem hujus loci quemdam locum hereditarium in honore 
Sancti-Salvatoris dicatum, Braico® situm, a quodam hereditabili 
viro sibi derelictum, nomine Borcardo, ita ut absque ulla divi- 
sione esset sub hujus potestate, cum omnibus appendiciis que 
illic adjacent, sicut in privilegiis nostris scriptum habetur. Item 


{ La denrée de vigne, denariata vinee, était une mesure qui correspondait 
originairement à l'étendue d’une vigne rapportant un denier de cens par an. 


2 Du Cange, dans son Glossaire, dit n’avoir jamais rencontré d’autre exemple 
du mot salorgia que celui qui se trouve dans la Petite Chronique de Bonneval : 
par suite le sens de ce mot reste douteux. 


8 Eudes Ier, fils de Thibaut le Tricheur, comte de Chartres, de Blois et de 
Tours, mort en 995. 


4 On MS de quel monastère le comte Eudes tira Waldric pour réformer 
l'abbaye de Bonneval. Quant à la date de cette réforme, on peut la fixer aux 
environs de l’année 965; elle doit en effet être peu antérieure à l'époque où 
Eudes obünt du roi Lothaire un diplôme d’immunité pour Bonneval, le 7 juillet 
967. Ce diplôme, inséré à la suite de notre Petite Chronique, a été publié pour 
la première fois par M. Bigot (Hisf. de l'abb. de Bonneval, p. Lxvu). Le 
nécrologe de Saint- Père de Chartres mentionne ainsi l’obit de l'abbé Waldric : 
« [IT nonas julii [obiit] Gualdricus , Bonevallensis abbas. » 


S Bray-sur-Seine, ch.-. con, arrt Provins (S.-&-M.). Le monastère de 
Bray-sur-Seine avait été fondé par le parent du comte Eudes, Bouchard, dont 
il est ici question. Clarius, dans sa Chroriique, nous a conservé le récit de cette 
fondation qui eut lieu vers 959, dans le temps où mourut Hildemannus, arche- 
vêque de Sens. À cette époque, dit Clarius, il y avait un chevalier nommé 
Bouchard et sa femme Hildegarde qui possédaient une petite forteresse à Bray, 
au pays de Sens, sur le bord de la Seine, dans des lieux marécageux. ]ls cons- 
truisirent en cet endroit un monastère sous le patronage de saint Sauveur et y 
déposèrent les corps de saint Pair, martyr, et de saint Pavace, confesseur. Peu 
de temps après Bouchard vint à mourir. Alors un autre seigneur, nommé Boson, 
raptor forlissimus versulusque moribus, s'empara de la forteresse de Bray, 
d’où il ravagea toute la contrée. Le comte de Sens, Rainard, voulant arrêter 
ces brigandages, attaqua Boson, le fit prisonnier, brûla le château de Bray et 
l'éghse de Saint-Sauveur ; puis ayant enlevé les reliques de saint Pair et de saint 
Pavace , il les transporta dans la tour de Sens. 

Peu après, à la prière du comte Thibaut le Tricheur, qui avait recueilli 
l'héritage de Bouchard, Rainard rendit aux moines de Bray les reliques dont il 
les avait frustrés. Ces évènements avaient lieu vers l’année 970. Ce dut être à 
la même époque ps: fils de Thibaut, soumit le monastère de Bray-sur- 
Seine à celui de Bonneval (V. Chronique de Clarius, D. Bouquet, t. IX, p. 33). 





270. 


— 33 — 

ipse dedit nobis Grolerias cum decima et vicaria et omnibus 
consuetudinibus que ad eam pertinent. Item dedit et aliam 
villam juxta Silvam Longam !, que vocatur Valcellas 3, etillam que 
vocatur Villarail, cum omnibus consuetudinibus et mancipiis, 
terris cultis et incultis. Item dedit et molendinos qui sunt Marboi- 
co’, et vineas, terras et omnia que illic habebat, in alodum 
perpetualiter habendum. 

Deinde extitit quidam vicecomes Castrodunensis, Gaufridus 
nomine, qui, pro redemptione anime sue et uxoris, Hermen- 
gardis nomine, dedit ad locum sanctorum martirum suum alodum 
qui appellatur Villa Sittula f, cum omnibus consuetudinibus et 
servis et ancillis qui ibi manebant. 

Similiter filius suus, nomine Hugo”, dedit aliam villam juxta 
sitam, nomine Buxeriam #. 

Et quidam alius, nomine Herbertus, dedit illic juxta suum 
alodum qui vocatur Alachacheria. 

Item Terrannus, miles, dedit suum alodum qui est in Valle 
Petrosa, et ea que sibi habebat, et alium qui est in Memberolis? 
villa, sibi a parentibus jure hereditario derelictum. 

In pago Carnotensi, est nobis terra que vocatur tellus Deserti 1°, 
et habet mx mansos et dimidium, et terminatur in circuitu terra 
Sancte-Marie de Malo - Nuncio, et terra Sancti- Medardi et terra 


4 Forêt en partie détruite aujourd’hui et représentée par la forêt de Marche- 
noir. (Marchenoir, ch.-l. con, arrt Blois.) 


3 Dans un plan terrier de l’abbaye de Bonneval, fait vers 1750, on trouve 
le bois de Vaucelles, Lo comme touchant à ceux de Citeaux dans la forêt 
de Marchenoir. Citeaux dépend de la commune de la Colombe, con Ouzouer-le- 
Marché, arrt Blois (L.-&-C.). 


# Villerai, hameau indiqué sur la carte de Cassini, proche de Villexanton, 
con Mer, arrt Blois. 


* Marboué, con et arrt Châteaudun. 


8 Geoffroi, vicomte de Châteaudun, n’est connu que par ses souscriptions à 
plusieurs actes du milieu du X° siècle. Le nom de sa femme Hermengarde n’est 
signalé que par la Petite chronique. 


6 Vilsix, hameau, cne Pré-Saint-Évroult, con Bonneval. 


7 Cet Hugues, fils de Geoffroi, est sans doute le mari d’Hildegarde, vicom- 
tesse de Châteaudun. On sait qu'Hildegarde fut la mère de Hugues, lequel était 
vicomte de Châteaudun à la fin du Xe siècle et devint archevêque de Tours en 1005. 


8 La Boissière, ferme, cne Saint-Maur, con Bonneval. 

9 Membrolles, con Ouzouer-le-Marché, arrt Blois. 

40 Le Désert, ne Frazé, con Thiron, arrt Nogent-le-Rotrou (E.-&-L.). 
T. X. X. 3 


* que. À. “illic. À 


* Wismannus. B. 


* a sinistro. B. 


_— 34 — 

Sancti-Remigii et terra Sancte-Crucis. — Item ad Harbodisvillat 
sunt nobis xxxvi jornales de terra arabili, et una domus cum 
puteo in ipso alodo. 

In pago Dunensi, dedit nobis quidam miles in Amoiïnasvilla ? 
omnia que habebat, cum consensu uxoris sue nomine Hildegardis. 

In pago Turonensi dedit quidam miles, nomine Wasmannus*, 
cum uxore, nomine Emma, suum alodum in duobus locis, quo- 
rum hec sunt nomina : Villa Egulfi* et villa Malorum quarum 
terminationes bec sunt : per medium Ville Egulfi decurrit fons 
qui vocatur Buirariai, et terminatur in dextero latere Vallis Aquosaÿ 
que respicit ad villam Scoht, de sinistro” dividitur a terra que 
vocatur Castrasf, tercia fronte dividitur a villa Martini, quarta ab 
ipsa terra, et vocatur Ab Alodis. Item ville Malorum ! terra divi- 
ditur ita : ab una parte terminatur a villa que vocatur Alchetrica 
in convalle, ab altera parte Vallis Aquosa que respicit villam que 
vocatur Domna-Maria?, tercia ab alodo qui nominatur villa 
Moranni ‘°. Hec omnia dedit predictus miles supradictis sanctis 
cum terris cultis et incultis, silvis, pratis, molendinis, aqueque 
supradicte decursu. 

In comitatu Dunensi, dedit quedam nobilis femina, Rotrudis !! 
nomine, super fluvium Conida ‘2, villam Buxida #, et terminatur 


* Arbouville, hameau, ene Rouvray-Saint-Denis, con Janville, arrt Chartres. 
3 Meigneville, hameau, cne Montainville, con Voves, arrt Chartres. 


3 Villagou, hameau, cne Montreuil, con Amboise, arrt Tours (1.-et-L.). Ce 
hameau est marqué sur la carte de Cassin! à quelques kilomètres à l'est de 
Montreuil, dans la vallée de la Ramberge. 


4 C'est le nom du ruisseau qui passe à Montreuil et se jette dans la Ram- 
berge, près Villagou. Nous n'avons pu découvrir comment on appelle aujourd'hui 
ce ruisseau. 


S Il résulte des termes de cette notice qu'au XIe siècle Vallis Aquosa désigne 
la vallée de la Ramberge. 


6 Châtres, hameau, cne Montreuil, situé dans la vallée de la Ramberge, en 
face de Villagou. 


1 Maloire, hameau, cre Auzouer, con Château-Renault, arrt Tours. 
8 Autrèche, con Château-Renault, situé dans la vallée de la Ramberge. 
8 Damemarie, con Château-Renault. 


10 Morand, con Château - Renault. La cure de Morand était à la présentation 
de l'abbé de Bonneval. 


14 Rotrude, fille d'Emeline de Châteaudun, vivait au milieu du XIe siècle. 
43 La Conie, affluent du Loir. 
13 Boissay, hameau, cne Bazoches-en-Dunois, con Orgères, arrt Châteaudun. 





= 


ipsa terra alodis Giraldi, altera parte alodis Durandi”, tercia * Bevrendac. B. 


parte aqua supradicta, quarta terra Sancti-Florentini ; infra has 
terminationes concluditur ipse alodus; et foris villa locus * qui 
vocatur campus de Arboribus de eodem alodo, et, in alio" loco, 
campus Seslegni, et in alio campus de Varisia ?. — Item ipsa dedit, 
pro remedio anime sue et sui senioris Walteri, alodum a supra- 
dicto viro sibi derelictum, in villa ad Escuras,; terminatur autem 
ex duabus partibus terra Sancte-Marie, tercia via publica, quarta 
parte terra Sancte-Marie et Sancti-Martini. 

In eodem comitatu, dedit Hugo, qui prenominatur Bursardus, 
suum alodum qui vocatur ad Sanctum- Maurum*, cum pratis, 
piscariis, silvis, terris cultis et incultis, continentem mansos ui. 

Item Fulcadus Saxonius dedit suum alodum Durisiacum, et 
alium Nantonivillam $, cum omnibus consuetudinibus, et omnia 
ea que habebat in Mariniaco ? villa. 

Jtem Gradulfus, miles, dedit medietatem alodi sui qui vocatur 
Rouvrus#, cum pratis, aquis, molendinis, silvis, terris. 

In Modestivilla ? dedit nobis Constantius xxx et vur jornales de 
terra arabili; et alius in Campiniaco { ad unam carrucam de terra 
arabili. 

Item Robertus, miles, qui prenominatur Runardus, ab Ode- 
bertvilla !! terram dedit ad unam carrucam de suo proprio, et alii 
homines infra manentes, quidam vi jornales, quidam Im,quidam 1. 

In villa Macherias 2, dedit Hüdelina et filius ejus, Galo, alo- 


dum suum ‘?. 


# Champtier de Varize. Le mot campus correspond ici au mot champtier, 
encore très employé dans cette contrée pour désigner une fraction de terroir. 

* Saint-Maur, con Bonneval. 

8 Dheury, hameau, cre Donnemain-Saint-Mamert, con et arrt Châteaudun. 

6 Nottonville, con Orgères, arrt Châteaudun. 
7 Marigny, hameau, cre Saint-Christophe, con et arrt Châteaudun. 

8 Le Rouvre, hameau, ce Bonneval. 

9 Moisville, hameau, cre Gault-en-Beauce , con Bonneval. 

10 Champigny, cne Conie, con et arrt Châteaudun. 

11 Aufferville (, cne Luplanté, con Illiers, arrt Chartres. 

12 Mézières, hameau, cne Pré-Saint-Évroult, con Bonneval. 

13 Nous nous arrêterons ici dans la publication de nos vidimus. La suite en a 
été donnée par M. Bigot (Hist. de l'abb. de Bonneval, gp: LXVII et ssv.). Cette 
continuetion comprend un diplôme du roi Lothaire de 967, une bulle du pape 
Paschal II de 1107 et une sorte de chronique qui va du milieu du XIe au milieu 
du XIIe siècle environ. 


* loco. B. 
* eodem. À. 


_— 36 — 


APPENDICE II 


DIPLOME DU ROI LOUIS VI (1122) 
(Extrait du petit cartulaire de Bonneval, conservé aux Archives d'Eure-et- Loir, f° 11 vw 


Carta regis Ludovic: de Balnoleto 


In nomine summi et eterni regis, Ludovicus, Dei gratia, Fran- 
corum rex. Nichil eque regie majestati convenire dignoscitur 
quam ecclesiam Dei per quam regnamuspia sollicitudine fovere et 
ea que ad pacis ejus diuturnitatem vigeant intentione continua 
providere. Hac igitur consideratione, universis tam instantis tem- 
poris quam futuri notificare decrevimus qualiter fidelis noster 
Hugo de Puseato, Carnotensis vicecomes, contentiones quas, 
malorum depravatus consilio, contra religiosum virum Bernerium 
abbatem et monachos Bonevallis cenobii, quod situm est in pago 
Dunensi, injuste aliquando moverat, per admonitionem nostram, 
in melius respiciens, disponente Deo, studuit emendare. 
Quidam Stampensis clericus, Fredericus nomine, alodum quoddam 
dictum Balnoletum, a progenitoribus suis jure hereditatis legitime 
sibi dimissum, pretaxato Bonevallensi monasterio quondam in ele- 
mosinam dederat quiete possidendum, et donum illud cum ceteris 
dicte ecclesie donariis gloriosi regis Clotarii concessione firmatum 
erat, sicut carta anuli ejus impressione signata, quam in conspectu 
nostro prefati abbas et monachi produxerunt publice, testabatur *. 
Contigit autem, propter inquietationes hostium et guerras que 
tunc temporis multe erant, quod monachi dicti cenobii, sicut ex 
multorum testimonio nobis innotuit, ob custodiam terre sue, 
patrem jamdicti Hugonis, eximie probitatis et strenuitatis virum, 


{ Ferri avait donné Baignolet à l’abbaye de Bonneval en 865, lorsque ies 
reliques de saint Florentin et de saint Hilier s’arrêtèrent dans ce village ; nous 
avons vu que, dans le même temps, Dancy, Massuères et Givais furent égale- 
ment concédés au monastère. C’est le diplôme du roi de Lorraine, Lothaire II, 
confirmant ces donations, qui fut représenté à Louis VI, en 1122, par l'abbé 
de Bonneval, Bernier. 





pi. 

predicte ville Balnoleti et aliarum quarumdam villarum adjacen- 
tium, quas similiter nomine elemosine libere possidebant, advo- 
catum et deffensorem fecerunt. Exinde predictus Hugo, occasione 
malignandi accepta, in monachorum villis, quas, ut dictum est, 
tuicione patris suicommisse fuerant, gistum et procurationes, quo- 
tienscumque per ipsas villas transitum faceret, de jure se habere 
reclamabat ; sed monachis contradicentibus et tam de auctenticis 
seriptis quam ex probabili multorum testimonio jus suum et 
libertatem terre sue, quam per multa annorum curricula absque 
alicujus infestatione possederant, protestantibus, tandem, inspira- 
tione divina et ammonitione nostra, atque consilio nobilis comitis 
Theobaldi, penitudine ductus, vicecomes, coram regia majestate 
nostra, audientibus ipso comite et omnibus qui aderant atque 
videntibus, de omnibus gravaminibus que ob hanc causam terre 
monachornm injuste intulerat rectitudinem fecit, et neque gistum 
neque procurationem neque consuetudinem aliquam, sed nichil 
omanino in supradictis eorum villis de jure se habere cognovit. 
Post hanc vero ipsius cognitionem factam, quia terre monacho- 
rum valde necessaria et admodum utilis erat sepefati Hugonis 
tuicio, ut ad id efficacius exequendum propensiori devotione tene- 
retur astrictus, ad nostrum et jamdicti comitis copsilium, monachi. 
sepedicti in villis illis quas in sui tuicione vicecomes suscipiebat, 

cum propter negocium terre veniret, semel in anno, procuratio- 
nem, si eam capere vellet, non de jure aliquo, sed de liberalitate 

sua sola eidem concesserunt habendam. Quod dictus vicecomes 
gratanter accipiens et monachos pro posse suo deffensaturum in 

fide sua sé promittens, ut mala que eis fecerat indulgerent affectu 

(sic), propter donum ïillud quod, per manum venerabilis viri 

Yvonis, Carnotensis episcopi, de capella Sancti-Vincentii et domi- 

bus suis apud Carnotum Bonevalli cenobio jamdudum devote 

contulerat, quodque confirmando iterum replicabat, quicquid 

de fevis suis, emptione sive dono, undecumque monachi possent 

acquirere, absque aliqua contradictione sui vel heredum suorum, 

quiete et libere, eis de cetero possidendum concessit. Et ne, 

occasione concessionis sibi facte liberaliter, ipse vel heredes 

sui post ipsum monachorum terram immoderatis expensis 

aggravare vel ab hominibus terre ïillius per violentiam 

extorquere presumant, quod non irrationabiliter neque cum 

magno gravamine ad capiendam procurationem suam veniret, 

comitem Theobaldum fidejussorem, ad petitionem monachorum, 

ipso volente et concedente, instituit. Volentes igitur ut que, coram 

regia majestate nostra, ad pacis custodiam gesta sunt, debite fir- 

mitatis robur obtineant, predicta omnia scripto commendavimus, 

et ne possint a posteris infirmari, sigilli nostri auctoritate et no- 





L 4Qe 
minis nostri karactere subterfirmavimus. Actum Parisius publice, 
anno incarnati Verbi MCXXIX, regni nostri XV; astantibus in 
palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt et signa. Signum 
Stephani dapiferi. Signum Giliberti buticularii. Signum Hugonis 
constabularii. Signum Alberici camerarii: Datum per manum 
Stephani cancellarii. 





NOTICE HISTORIQUE 


SUR LE 


SÉMINAIRE 


DU 


GRAND-BEAULIEU-LES-CHARTRES 


Le voyageur qui vient à Chartres du côté du Midi, après 
avoir traversé l’interminable et monotone plateau de la Beauce, 
s'arrête aux confins de la plaine sur une hauteur d’où son 
regard embrasse toute la ville, dominée elle-même par la ma- 
jestueuse et sainte église de Notre-Dame. A ses pieds la rivière 
de l’Eure coule doucement au milieu de fertiles prairies, tan- 
dis qu’au loin l’on découvre les hauteurs des Filles-Dieu, celle 
de Lucé naguère dédiée à saint Pantaléon et plus près les 
restes de l’antique abbaye de Saint-Cheron. 

La beauté du site a fourni le nom de ce coin de terre : c’est 
Beaulieu qu’il s'appelle. Célèbre par sa position il l’est bien 
plus par son histoire : car si le passant ne découvre sur cette 
colline que quelques habitations champêtres, un ou deux mo- 
destes vergers entourés de murs délabrés, ce ne sont que les 
débris d’une antique splendeur. Là le Dieu de nos autels avait 
autrefois son tabernacle, là le Saint-Sacrifice fut offert durant 
des siècles, là encore la prière liturgique de l'office divin s’ac- 
complissait « comme à la cathédrale »!, et de magnifiques 


4 Titres de fondation. — Bibl. mun., mss., 2° part., n° 45-46. 


= 40 = 

solennités s’y célébraient. L'on vit souvent, durant les sept 
cents ans de cette glorieuse histoire, les magistrats de la ville, 
les évêques et les prêtres, les personnes les plus distinguées de 
la cité et du diocèse gravir ces hauteurs. Il y avait là-haut un 
foyer de vie pour tout le pays chartrain. Gingq siècles durant, 
ce furent les pauvres malades qui vinrent y demander la vie 
du corps, plus tard les aspirants au sacerdoce s’y groupèrent 
pour se former aux devoirs de leur sainte vocation. Foyer de 
miséricorde ou centre d'éducation cléricale, Beaulieu ne ces- 
sait de se présenter à tout le pays comme un lieu de béné- 
diction. 

Ainsi Dieu seul au monde ne change pas. En voyant aujour- 
d’hui les quelques métairies qui couvrent la hauteur, seul sou- 
venir de cet illustre passé, l’on redit en son cœur les paroles 
que Jérémie laissait tomber, entre ses sanglots, sur Jérusalem 
en ruine : « Quomodo sedet sola, civitas plena populo?' » 

C’est cette solitude que nous voudrions par la pensée repeu- 
pler et animer comme dans les anciens jours. Ce travail nous 
est cher; car faire l’histoire de Beaulieu, c’est faire l’histoire de 
notre berceau; remuer cette poussière, c’est toucher à la 
cendre de nos pères, de ces prêtres qui ont passé là-haut les 
années de leur noviciat sacerdotal, et s’y sont formés, comme 
dans un camp retranché, aux saints combats du ministère 
pastoral. 

Que cette étude soit donc plus qu’un récit d'histoire. Qu'elle 
soit un religieux hommage à la mémoire de nos ancêtres, une 
œuvre de filial attachement aux traditions qu’ils nous ont lais- 
sées, et un encouragement pour nous-mêmes à demeurer tou- 
jours dignes de nos saints fondateurs. 


LA LÉPROSERIE 


Nous avons dit que Beaulieu fut d’abord un foyer de charité. 
Bien longtemps en effet, avant que ses murs servissent d’abri 
aux futurs prêtres de Chartres, le Grand Beaulieu, comme on 


{ Lament., I, 1. 





— 4] — 

l’appelait, avait été établi pour recevoir les plus dignes de 
commisération entre les malades, les pauvres lépreux. Sou- 
vent par les chemins qui aboutissent au sommet de la colline, 
les passants s'étaient découverts devant des cortèges religieux 
se dirigeant, croix et bannière en tête, vers Beaulieu. Le curé 
en surplis et étole précédait, au chant de quelques Psaumes 
de la pénitence, un être humain défiguré, hideux, une sorte 
de cadavre ambulant que suivait en pleurant un groupe de 
parents et d’amis. Telle était, en ces temps de foi, l’introduction 
d’un lépreux à la Maladrerie. A l’arrivée de la procession, le 
Grand-Beaulieu lui ouvrait ses portes, et le prieur apparaissait 
au milieu de ses confrères pour recevoir au nom de Dieu le 
« frère ladre » qu’on amenait. 

Quelle était l’origine de cette léproserie ? 

Les historiographes chartrains, s’appuyant sur des docu- 
ments véridiques, font remonter au temps de l'invasion des 
Normands cette pieuse fondation‘. Hastings et ses farouches. 
soldats avaient en effet envahi le pays chartrain, et là, comme 
partout où ils avaient passé, il n’était resté après eux que 
ruines et dévastation. Touché de la misère de tant de pauvres, 
Thibaut III, comte de Chartres, avait fondé au midi de la ville, 
dans un endroit salubre, près du hameau de Beaulieu, un hos- 
pice destiné à recueillir les malades sans asile et sans pain. 
C'était vers le milieu du XI: siècle. Mais bientôt une autre mi- 
sère devait demander asile sous ce toit hospitalier. 

A la voix du Pontife Urbain, la chevalerie française s'était 
enrôlée sous la bannière de la Croix. Chartres avait donné à 
cette armée son comte et ses plus braves seigneurs; un char- 
train avait le premier escaladé les murs d’Antioche, un char- 
train avait le premier franchi les murs de Jérusalem. La 
campagne avait été glorieuse, mais que d’épreuves, que de 
privations et de souffrances avaient endurées les croisés! Ce 
ne fut pas la moins douloureuse que l’éléphantiasis, cette peste 
hideuse, divinement décrite au livre de Job, et dont les vic- 
times se comptaient par milliers dans le camp des Croisés ?. 


1 Bibl. mun., mss., 2 part., no 45 et 46. Cf. Factum contre le S' Vanet, 
par les Chevaliers de l'Ordre de S.-Lazare. In-folio, Paris, 1675. 


3 Voir sur cette maladie : « De Elephantiasi Græcorum et Arabum. » Bres- 
lau, 1842; Traité de l'Elephantiasis, par Daniellssen et Boeck. Paris, 1848. 


T. X. 4. 4 





49. 
Les lépreux qui purent supporter le retour envahirent les mai- 
sons hospitalières, et le Grand-Beaulieu devint ainsi vers 1096 
une maladrerie de lépreux. 

Ce n’est pas notre but d’en faire l’histoire ‘. Signalons seule- 
ment à grands traits les principales phases de cette fondation, 
en notant au passage quelques particularités qui intéressent 
l’histoire de notre Grand Séminaire. 

Thibaut IV, fils de Thibaut III, gouvernait le pays chartrain 
quand saint Bernard vint dans la cité prêcher la croisade. Aux 
accents de cette irrésistible éloquence, Henri, fils du comte, 
avec un grand nombre d’autres jeunes seigneurs, avait pris la 
croix. Or la première Croisade n'était pas si éloignée qu’on 
eût perdu le souvenir de la terrible lèpre, dont Beaulieu per- 
pétuait d’ailleurs la triste réalité. Ce furent les malheureux de 
la léproserie que le Comte chargea d'obtenir du ciel la sauve- 
garde de son cher Henri, et en retour ils reçurent la dime des 
moulins de Corileto ? appartenant à Thibaut IV, ainsi que la 
dime de son four du Châtelet. Les taverniers entrèrent eux- 
mêmes dans les vues du Comte, et comme chaque année ils fai- 
saient un repas de corps très copieux, ils le supprimérent à 
partir de cette année 1147 pour en abandonner le prix aux 
lépreux du Grand-Beaulieu; ils leur donnèrent même en plus 
30 sous tous les ans pour les aider à faire une « pitance » plus 
copieuse en la fête de la Toussaint ?. 

Ce n’était là que le moindre témoignage de bienveillance de 
Thibaut IV pour les lépreux. 

Les bâtiments se trouvant trop restreints pour le grand 
nombre de malades, le pieux comte s'était fait quêteur pour les 


1 Une notice intéressante sur la Léproserie du G. Beaulieu a été publiée par 
M. Lejeune. Orléans 14833. Nous souhaitons qu'un historien, mettant en œuvre 
les nombreux documents conservés tant aux Archives départementales dans le 
riche fonds de Beaulieu, qu'à la Bibliothèque et aux Archives municipales, re- 
trace avec développement les phases de cette histoire, que M. Lejeune n'a que 
sommairement indiquées. 


2? Le moulin de Corilelo situé à Chartres, reçut au XVIe siècle le nom de 
moulin du Grand-Pont ; au XVILS celui de moulin Pousteau; aujourd’hui moulin 
des Rogers. (Merlet. Dict. topog., p. 157.) 


3 Arch. dép. G. 2977. « .… quemdam pastum omnes (tabernarii carnotenses) 
insimul comedere semel in anno, qui ad ingluviam pertinere videbalur » Cet 
acte fut passé dans Ja tour de Chartres, Cf. Hibl. mun. fonds Lejeune : mss. de 
Pintard, 7jc 1014. | 





— 43 — 
lépreux. Le roi d'Angleterre, comte de Normandie, Henri Ir”, 
son oncle, s'était montré très libéral pour cette entreprise, et 
les constructions, achevées vers 1120, étaient si belles que, 
d’après le continuateur de Guillaume de Jumièges, c'était une 
œuvre colossale et magnifique, « opus pergrande el miri- 
ficum » !. 

Pendant ce temps le saint pontife Yves avait pourvu au bien 
spirituel de la léproserie. Les « frères et sœurs » que les fon- 
dateurs avaient établis pour soigner les malades n'avaient 
d'autre lien religieux que celui de leur piété. Saint Yves leur 
donna la règle de saint Augustin. Ce fut un des derniers actes 
de son épiscopat. Sans doute il eût été heureux de venir consa- 
crer la nouvelle et vaste église qui complétait les constructions 
de la léproserie. Dieu ne le permit pas : ce fut son successeur 
Geoffroy de Lèves qui, en 1134, célébra la dédicace de la cha- 
pelle sous le vocable de saint Simon et de saint Jude :. 

Cependant Thibaut IV profitait de toute occasion favorable 
pour augmenter les privilèges et les liens des lépreux et de 
leurs pieux servants. 

Une des plus anciennes pièces authentiques que nous possé- 
dions à ce sujet est la charte de 1128 par laquelle Thibaut 
confirme « à la religieuse assemblée des pauvres de Beaulieu 
les dons immenses faits par la comtesse Adèle, sa mére, et 
accorde les privilèges des quatre servants des pauvres ma- 
lades. » Tel est le titre de cette pièce dans le manuscrit où on 
conserve la copie ?. 

Ces privilèges étaient remarquables. Les quatre servants 
étaient exempts de la justice ordinaire et ne relevaient que de 
l'autorité du Comte lui-même. &« In manus meæ custodiæ 
constituo, ab omni eos seculari potestate penitus absolvo, ab 
omnt eos consuetudine et exactione, me absente, et coactitià 
executione justitiæ, postremo ab omni gravamine liberos, im- 


* Guill. Gemmetic, Historia Normann., 1. 7 c. 33 ap. D. Bouquet : Rerum 
: ÿallicarum et franciscarum scriplores. 


+ Bibl. mun., mss., 2 p., n° 34. — Lilleræ Yvonis super licentia Eccle- 
sæ de Bello loco monachorum construendæ. Ce fut dans cette chapelle que le 
comte Thibaut VI voulut être inhumé Par « La tumbe, avec la représenta- 
üon d'un cavalier couché de costé, se void contre la paroi à main droite. » 
Souchet, T. 2, p. 612. 


? Bibl. mun., 2° p., n° 46. Pièces justif. 


sh = 
munes et quittos per cunctas generationes esse definio. » Il 
accordait encore aux lépreux le droit de tenir une foire à 
Chartres pendant l’octave de la Toussaint en l’honneur des 
saints Simon et Jude, patrons de la léproserie. Cette foire 
fondée par Thibaut III se tenait autrefois à Beaulieu, et alors 
n’avait que peu d'importance. Ce fut Thibaut IV qui la trans- 
porta à Chartres, augmentant du même coup les bénéfices que 
la léproserie en tirait '. Car avoir droit de foire, c'était perce- 
voir sur toutes les marchandises entrées ou vendues la rede- 
vance perçue en temps ordinaire par le Domaine, et pour que 
fraude ni contravention ne vinssent diminuer le profit, les 
lépreux avaient le droit de constituer des gardiens à chacune 
des portes de Chartres pendant tout le temps que durait la 
foire. Or dit la charte de confirmation de Thibaut V « feria 
ista est octo dierum. » On voit si cette semaine de la Toussaint 
où l’on célébrait la fête patronale, où les taverniers appor- 
taient 30 sous, en plus du prix de la pitance, et où la foire de 
saint Simon et de saint Jude se tenait en la cité, était pour les 
pauvres de Beaulieu une semaine de bénédiction. Et notons 
bien que, pour arrondir les profits de la foire des lépreux, il 
était interdit pendant les huit jours à tous les habitants de 
Chartres et de la banlieue de se pourvoir ailleurs que chez les 
marchands forains. On pense si tout commerçant de Chartres 
devenait en ces jours marchand forain! 

Si le très « aumônieux » comte Thibaut V, fils de Thibaut IV, 
venait faire un voyage à Chartres, il ne manquait pas de se 
faire bénir par les malades de Beaulieu. En 1158, c’est un droit 
d’escuage sur le change de la monnaie chartraine dont il 
confirme l’abandon pour la Ladrerie?; en 1185, c’est un don de 
2 muids de froment de rente sur ses moulins de Dourdan. Il 
établit même en 1190, quelques mois avant sa mort, que 
toutes les fois que le comte de Chartres résidera dans la 
cité, ce sont les lépreux qui percevront les redevances de 
« pitances » qui lui sont dues chaque jour par les habitants. 
Ces « pitances » étaient un vrai régal pour des pauvres. 
Chaque jour donc, 12 deniers pour les vivres, 12 setiers de 


4 Arch. dép., G, 2968. Cf. Bibl. mun. Fonds Lejeune : Pièces mss. de 
Pintard, et mss., 2° p., n° 46. La foire des ss. Simon et Jude se tenait au 
cimetière Saint-Hilaire et dans la rue Saint-Pierre. 

2 Bibl. mun., mss. 2e part., n° 44. Cartul. noir du Grand-Beaulieu, 


— 45 — 
vin et 60 pains de cour « panes curiales » arrivaient à la Lé- 
proserie quand le Comte venait visiter sa bonne ville. Quelle 
joie c’était là-haut sur la colline quand on y apportait la nou- 
velle que le Comte était arrivé! 

Les bans de Pâques et de la Pentecôte, les redevances du 
maître de la pelleterie furent de nouvelles occasions pour 
Thibaut IV de manifester sa piété pour les pauvres lépreux. 
Sur les bans il leur donna 40 sous de rente, 100 sous sur la 
pelleterie ?. Ce furent ses libéralités d’adieu, car il partait pour 
la croisade sous la bannière de son royal neveu Philippe 
Auguste, et Dieu l’avait jugé digne de mourir à l’armée de la 
Croix (1191). Mais la comtesse Adèle se souvint de sa tendresse 
pour ses bien-aimés de Beaulieu, et en souvenir du Comte elle 
leur donna un riche domaine situé à Berchères en recomman- 
dant l’âme de Thibaut à leurs prières *. 

Touchantes libéralités qui devaient être fécondes en imita- 
teurs. Rois et princes, comtes et évêques, seigneurs et cheva- 
liers rivalisèrent de zèle pour le Grand-Beaulieu pendant deux 
siècles, tellement qu’au commencement du XVe siècle, la 
léproserie avait des revenus sur sept paroisses du diocèse : 
Saint-Cheron-du-Chemin, Louville, Escorpain, Ghâtaincourt, 
Champseru et Umpeau, sur trente maisons sises à Chartres et 
sur trois étaux de boucherie, vingt-trois de boulangerie de la 
même ville‘. Elle possédait de plus intra muros une maison 
de refuge comme toutes les communautés de la banlieue. 
C'était là qu’en cas d’invasion, ou par quelque péril que ce 
fût, on se réfugiait abandonnant à la garde de Dieu la maison 
des champs. 

Grâce à ces donations la Léproserie, exempte de sollicitudes 
du côté du temporel, pouvait fournir aux lépreux tous les se- 


Arch. dép. G. 2977. « Duodecim denarios in quoquinä, duodecim sextarios 
in vino et duodecim in pane vel sexaginta panes curiales. » Ce don fut confirmé 
par Charles VI et Charles VII. Jbid. 

2 Arch. de l'Hôtel-Dieu de Chartres. — Cf. mss. Pintard, 1. c. 

3 Ibid. 

4 Arch. dép., G. 2978 et seq. 

5 Arch. dép., G. 3000. — C’est dans cette maison que Mer Godet des Marais 
établit en 1696 les Filles de l’Union chrétienne. Elle était située au carrefour de 


la Croix-de-Beaulieu. Au XIVe siècle elle était connue sous le nom de Maison 
des Singes. 


6 
cours et tous les adoucissements. Aussi les pauvres y affluaient, 
et non seulement les pauvres, mais encore les fortunés et jus- 
qu'aux grands seigneurs. Le curé qui desservait la paroisse de 
Mignières au commencement du XIVe siècle, Guillaume Marcel, 
ayant été soumis à la visite des sœurs de Beaulieu « expertes à 
connaître et à palper de la lèpre » et ayant été reconnu atteint 
du mal, vint demander des soins aux frères de Beaulieu. Le 
livre noir de la Léproserie mentionne sa présence en l’an 
1328 ‘. 

Les frères dont nous venons de parler, grâce aux nombreux 
malades qui leur passaient par les mains, étaient devenus forts 
« en lèpre ». De toute la Beauce on venait les consulter. 
Graves et solennels comme un docteur de renom, revêtus de 
leur longue robe noire, le bonnet violet sur la tête et le chape- 
ron à bourrelet sur l’épaule, ils apparaissaient devant le pauvre 
malade, amené souvent de force à la consultation, comme des 
juges en dernier ressort. Car il arrivait quelquefois que la ma- 
lice, les préjugés ou la peur montaient les têtes chaudes d’un 
village contre un malheureux au visage duquel on avait remar- 
qué quelques pustules. Alors il appartenait aux frères de 
Beaulieu de se faire les vengeurs de l’opprimé et de renvoyer 
libre le faux lépreux qu’on leur amenait. D’autres fois le cas 
était douteux, et quelle anxiété pour ce malheureux, tandis 
que les docteurs en lèpre préparaient leur verdict! Le décla- 
raient-ils atteint, c'était ou l’entrée à la Léproserie, ou la 
séquestration privée avec défense d’entrer dans l’église, de 
résider dans Ja ville, de pénétrer dans les moulins et les fours 
à pain, de se laver aux fontaines et de toucher aux denrées. 

On conçoit que dans une telle alternative, il y eût des de- 
mandes d’entrée au Grand-Beaulieu: Alors le long sarrot gris- 
brun, vêtement obligatoire des malades, devenait moins humi- 
liant, la vie en cellule était moins monotone, on se sentait 
moins malheureux en voyant autour de soi tant d’infortunes, 
et surtout on se trouvait si honoré par ces frères et ces sœurs 
qui voyaient dans leurs pauvres les membres souffrants de 
leur Sauveur! La mort elle-même, cette affreuse mort à petit 
feu des lépreux, semblait moins cruelle, et puis on priait tant 


1 Bibl. mun., Reg. Capit., mss., 2° part., n° 39. — Cf. Arch. dép., G. 
2959. Cartulaire noir de Beaulieu. 





1) — 

pour les morts! La ville elle-même s’intéressait aux âmes de 
ces infortunés. Quand arrivait l’automne et que les feuilles du 
parc de la Léproserie commençaient à tomber, chantres et en- 
fants de chœur de Notre-Dame de Chartres faisaient une che- 
vauchée pour aller chanter solennellement au Grand-Beaulieu 
« les obits des lépreux trépassés » ‘. Les pauvres ladres y pen- 
saient longtemps, et quel évènement c'était, au milieu de leur 
existence monotone! L’on se figure aussi quelle joie apportait 
aux enfants d’aube et aux musiciens du bas-chœur cette caval- 
cade, où plus d’un sans doute se montrait fort novice en équi- 
tation? Et puis l’on savait là-haut le proverbe : « Ubi missa, 
ibi mensa », et le chœur de Notre-Dame ne l’oubliait pas. La 
confrérie servait donc un copieux repas aux petits et grands 
chanteurs et cette pitance ayant été supprimée ( plus tard nous 
dirons pour quelle cause), le Grand-Beaulieu dut fournir en 
argent de quoi la faire servir ailleurs ?. 

Des abus s’étaient-ils glissés avec l'abondance dans l’œuvre 
si chrétienne de la Maladrerie, ou des conflits s’élevérent-1ls à 
propos des droits, des biens ou des personnes? Il n’est pas 
douteux que ces deux causes ne durent concourir ensemble à 
la nécessité de la réforme. 

Les tentatives de l’Administration municipale pour avoir 
une part dans le gouvernement de la Léproserie paraissent 
avoir donné lieu aux premières difficultés. De temps immémo- 
rial, par disposition des fondateurs eux-mêmes, quatre bour- 
geois de Chartres étaient attachés au Grand-Beaulieu, pour la 
surveillance du service, et en retour ils étaient exempts d’im- 
pôts et soustraits à toute autorité séculière. Fondés sur ce droit, 
les échevins, le procureur et le bailli voulurent connaitre de 
l'administration temporelle de la Maladrerie. Les évêques de 
Chartres et la confrérie résistaient de pied ferme à ces tenta- 
tives, mais enfin au XIVe siècle le conflit devint si aigu qu’il 
fallut porter l'affaire en cour royale. Philippe de Valois, comte 
de Chartres avant qu’il fût roi de France, était venu en l’an- 


{ Arch. dép., G. 2968. En 1889, M. Darde, propriétaire de l’ancien 
grand sémmaire de Beaulieu, en ouvrant, au midi de la propriété, une car- 
rière de sable mit à découvert le cimetière des lépreux. On en retira une grande 
quantité d'ossements et plusieurs petits vases funéraires en terre cuite. 


2 Ibid, 








— 48 — 

née 1329 remercier Notre-Dame de sa victoire de Cassel : sans 
doute on l’avait entretenu de cette affaire‘. Il la fit examiner 
et en 1332 il rendit une ordonnance qui plaçait le Grand- 
Beaulieu sous la protection immédiate du roi de France et 
confirmait la confrérie dans ses privilèges et franchises. Le 
corps de ville fut-il bien docile à cet arrêt? Il est permis d’en 
douter, si l’on considère les prétentions qu’il ne cessa d'afficher 
dans la suite. Pour un temps cependant le litige fut apaisé sur 
ce point i. 

Il devait bientôt apparaître ailleurs, car c’est une condition 
des bonnes œuvres d’ici-bas de ne vivre qu’en combattant. 

Le costume des confrères de Beaulieu fut l’occasion d’un 
nouveau conflit. Nous avons dit que jusque-là l’habit des frères 
avait été une robe noire. Pour quelle cause Pierre Beschebien 
voulut-il en 1483 que la robe noire devint une robe rousse et 
quelle raison eut-il d’y ajouter une chape noire? Aucun document 
ne nous en indique le motif. Mais il est à penser que la nou- 
velle tenue n’était pas fort agréée des frères et l’on peut même 
douter que la robe rousse ait survécu à son fondateur. En effet, 
au siècle suivant, l’évêque Louis Guillard, ayant entrepris la 
réforme de la Léproserie, ordonna qu’à l’avenir les frères 
porteraient « une grande lettre L de demi-pied de long de drap 
roux en leurs robes”? au côté senestre devant leur poitrine, 
parce qu'ils faisaient l'épreuve des ladres; qu’ils devaient les 
toucher, les visiter et parler à eux, qu'ils pouvaient être infec- 
tés et qu’il était à propos qu’ils partageassent cette marque pour 
faire connaître au peuple l’état où ils étaient ». Il faut avouer 
que les considérants de cet arrêté n’étaient pas flatteurs pour 
les frères et que la grande initiale L cousue en pleine poitrine 
l'était encore bien moins. Les têtes s’échauffèrent, on interjeta 
appel au Parlement qui par arrêt de 1533 supprima la lettre et 
laissa la paix à la confrérie sur ce point. 

Il lui devait bien cette petite satisfaction, car c’était d’après 
sa propre ordonnance que Louis Guillard avait entrepris la 


1 Doyen, 1, 342. — Arch. dép., G. 2969. 
2 Arch. dép., G. 2962-2966. 


8 La lettre L devant être de drap roux et se détacher sur la couleur de la 


robe , il est à penser que celle-ci n’était plus conforme à l’ordonnance de Pierre 
Beschebien. 








— 49 — 
réforme. C'était le temps où la révolte de Luther nt son 
paroxysme. L'Allemagne était en feu et de sinistres lueurs se 
projetaient sur la France, jusqu’à travers les pacifiques plaines 
du pays Beauceron. Le fameux Marot semait dans Chartres 
même ses produits hérétiques, et l’évêque Louis Guillard, qui 
était homme d'énergie, venait de le faire enfermer dans les 
prisons de son évêché. La confrérie du Grand-Beaulieu avait 
certes autre chose à faire que de disputer sur les sacrements et 


la grâce; mais l'esprit d'indépendance et de liberté, dont les 


controverses luthériennes n’étaient que l'étiquette, y avait 
plus facilement accès. Claude Andry était alors prieur de la 
Léproserie. Depuis le concordat de François Ier (1515), une mo- 
dification importante et très préjudiciable avait été apportée 
dans la nomination au prieuré. Tandis que jusque-là les 
confrères avaient pacifiquement choisi leur supérieur, sans 
autre condition que l’assentiment de l’évêque de Chartres, la 
nomination était désormais l’œuvre du roi et l'institution cano- 
nique venait directement de la cour de Rome‘. Or à cette triste 
époque, le plus souvent, hélas, obtenir un prieuré c’était sim- 
plement le moyen de grossir son revenu, et dès lors dans une 
institution comme la léproserie de Beaulieu, le soin des ma- 
lades devenait le dernier souci du prieur. C’est ce que l’on vit 
dès l’année qui suivit le Concordat. Claude Andry ne man- 
quait pas de protections. Avant d'arriver à l’épiscopat, il se 
borna à accepter, peut-être à défaut de mieux, un prieuré, 
celui de la léproserie de Beaulieu ?. 

Si ce prieur de fantaisie apparaissait régulièrement à Beau- 
lieu à l’époque des échéances, c’est ce que l’on peut justement 
présumer. Après cela la maison était laissée à la garde de Dieu, 
et comme une embarcation sans pilote, elle s’égarait, se heurtait 
et se brisait. L'enquête faite en 1524 par la chambre de Ville 
révéla à quel point l’œuvre du « très aumônieux » Thibaut et de 
sa mère Adèle était déchue de son ancienne splendeur. Les re- 
gistres des échevins nous ont conservé cette pièce. On y voit 
qu’au lieu du prieur et des « religieux confrères jusqu’au 


4 Voir sur cette période le : Factum contre le sieur Vanet, cité plus haut, et 
1. mun., mss., 2° p., n° 45 et 46. 


3 Claude Andry fut sacré à Paris évêque de Sébaste, L. Guillard, le 
» julet 142. à | + ai 





_— 50 — 
nombre de vingt ou trente prêtres et d’une prieure avec vingt 
ou trente sœurs pour le service et gouvernement des malades 
de la Léproserie, il n’y a ni prieur résident, ni religieuses; 
mais un procureur aux deniers demeurant à Chartres et deux 
ou trois gens d’église qui ne sont suffisants pour le prieuré qui 
a 5 ou 600 livres de revenu ». 

Louis Guillard entreprit donc la réforme. Elle portait 
sur l’administration de la maison, la gestion des biens, les 
relations et les conflits avec le curé du Coudray. Ce n'était pas 
mince besogne. Et pourtant cette besogne devint plus grande 
encore à cause des prétentions des autorités urbaines. La ré- 
forme de Beaulieu, les gens de ville la voulaient plus que per- 
sonne, mais la réforme opérée par l’évêque c'était ce qui 
blessait leur susceptibilité. On cria et on fit crier à l’usurpation, 
et une fois de plus il fallut porter la contestation devant le 
Parlement. 

Ce n'était pas chose faite. Cinq ans s’étaient écoulés depuis 
la fameuse enquête, quand l’édit parlementaire arriva, attri- 
buant à l’évêque de Chartres et à lui seul, le droit d’opérer la 
réforme, comme de faire tout autre acte de police dans la 
léproserie de Beaulieu. On était en 1529. 

Le prieur Claude Andry, à qui sans doute l’arrêt fut signifié, 
attendit l’année suivante (1530), pour faire acte d’obéissance. Il 
parut un jour, et bien à contre cœur, devant l’évêque de 
Chartres, tenant le fatal édit à la main. L’arrêt prescrivait que 
la réforme eût lieu dans le délai de deux mois « tam in capite 
quam in membris ». Il fallut en venir à l’œuvre. 

Sur ces entrefaites arrivait à l'évêché de Chartres, 1552, un 
homme qui en fait de réforme était plus porté vers celle de 
Luther que vers celle de Beaulieu. Charles Guillard, neveu de 
Louis Guillard, nommé chanoine de la cathédrale de Chartres par 
son oncle, n’avait que 24 ans quand celui-ci, sous le bon plaisir 
du roi, lui résigna son évêché. Il n’était, il est vrai, que ton- 
suré, mais On obtint dispense des interstices, et, le jour de l’As- 
cension 27 mai 1557, le nouvel élu fut ordonné par son 
prédécesseur, portier, exorciste, lecteur, acolythe, sous- 

à ° 

1 Arch. mun. Reg. des Échevins. Cf. Arch. dép., G. 2962-2963. 


* Mémoires de G. Laisné, T. 8, p. 113. Bibl. nat. Fonds Gaignières, n° 917. 
Cf. Mémoires de la Soc. archéol., T. 2, p. 115. 





1: 
diacre, diacre et prêtre, dans la chapelle de son château de 
Pontgouin. Le sacre fut remis à la quinzaine et eut lieu à 
Paris dans l’église du Temple. 

L’évêque Charles Guillard était l’ami de Claude Andry, qui 
avait résigné son prieuré du Grand-Beaulieu pour devenir 
évêque de Sébaste. Le principe de l’école : « amicitia similes 
invenit aut facit » donnait lieu de croire que le nouveau prélat 
pe serait pas un ardent réformateur. La première question, en 
effet, qui attira son attention fut toute différente. Appuyé 
d’une lettre royale d'Henri II, il fit instance auprès du Cha- 
pitre pour qu’on lui concédât le port de la barbe et qu’on le 
dispensât des cérémonies d’usage à l'entrée solennelle des 
évêques de Chartres. Comme au nombre des exigences rituelles 
chartraines se trouvait la prestation de serment faite par 
l’évêque de respecter les droits et privilèges des chanoines, le 
Chapitre se montra inflexible sur la seconde demande; en bon 
prince, il accorda la barbe. 

Plût à Dieu qu'avec la barbe le prélat eût gardé l’orthodoxie. 
Mais l’hérésie de Calvin ravageait le diocèse; plusieurs pa- 
roisses du Drouais, comme Mézières, étaient littéralement per- 
dues, et Charles Guillard ne paraissait pas s’en soucier. Il s’en 
souciait si peu que lui-même fut cité par l’Inquisition avec 
quelques autres prélats, comme coupable d’hérésie. Aussi 
peu soucieux des citations que de la doctrine, il se laissa 
condamner par défaut et priver de son bénéfice : sentence 
dont il ne tint d’ailleurs aucun compte. C'était l’année où les 
Pères du concile de Trente formulaient le célèbre et fécond 
décret de l'érection des Séminaires (1563)!; mais près d’un 
siècle devait encore s’écouler avant qu’un évêque de Chartres 
entreprit de le mettre à exécution. Charles Guillard préférait 
voir la duchesse de Chartres, Renée de France, zélée calviniste, 
établir un prêche dans la grande salle du palais épiscopal et y 
installer le curé hérétique de Mézières-en-Drouais. Lui-même 
ne faisait-il pas monter dans la chaire de Notre-Dame un moine 
de son abbaye de Cernay que les protestations indignées de 
l’auditoire forçaient de descendre”? L’on pense si sous ce régime 
les prieurs, frères et administrateurs de Beaulieu avaient bon 
temps. 


1 Concil Trident. Sess. XXI, cap. 18. De reform. 





59 

Hélas! ce n’était pas le bon temps des pauvres lépreux. Il ne 
restait plus rien des réformes si laborieusement entreprises 
par Mer Louis Guillard. L'argent des malades était follement 
gaspillé, les secours spirituels faisaient défaut aussi bien que 
les soins matériels. 

C'était le désordre et le dénûment à tel point qu’à défaut de 
l’évêque, qui manifestement n’en avait aucun souci, le corps 
de ville s’en émut. On s’adressa au roi et, puisque l’autorité 
ecclésiastique négligeait d'exercer le droit de police qu'on lui 
avait précédemment réservé, la municipalité chartraine solli- 
citait l’autorisation d'entrer à la Léproserie et de surveiller la 
maison. Elle l’obtint', mais les échevins dépassèrent bientôt 
leur mandat. Mécontents de plus en plus de la mauvaise 
administration des prieurs, ils firent saisir le temporel de la 
Maladrerie et en attribuërent les fruits au Bureau des Pauvres, 
sauf les frais nécessaires à l’entretien des malades. On en vint 
même en 1561 à affermer par adjudication tous les biens au 
plus offrant?. C'était toute une révolution et non la moins sen- 
sible au prieur de Beaulieu, qui était alors M. Bertrand de 
Villemort. Plût à Dieu qu’elle eût été la dernière! Mais les 
événements publics se précipitaient. Les Huguenots avaient 
franchi la Seine et la capitale de la Beauce directement menacée 
se mettait sur un pied de défense formidable. Déjà les Commu- 
nautés d’au-delà des murs avaient gagné leur maison de ville 
et les pauvres de Beaulieu s'étaient sans doute entassés dans 
leur étroit refuge de la Porte-Cendreuse. 

Leurs appréhensions devaient demeurer bien au-dessous de 
la réalité. Dès le commencement de mars 1568, l’armée du 
prince de Condé avait investi la ville et le prince lui-même 
avait pris ses positions avec ses reîtres, ses lanskenets et ses 
artilleurs sur le vaste plateau qui s’étend entre les Filles-Dieu 
et Beaulieu, tandis qu’un autre chef huguenot, M. de Linières, 
canonnaït la ville des hauteurs de Mainvilliers et de Saint- 
Jean. 

Dieu ne voulait pas que la ville de Notre-Dame subit le joug 
de l’hérésie. Le siège échoua. Mais en se retirant pleins de rage 
les soldats se vengeaient sur les faubourgs, et une nuit les 


4 Édits de 1556 et 1560. Cf. Reg. des Échevins. 
2 Bibl. mun., mss, cit, 











59 — 

guetteurs installés au clocher neuf signalèrent du côté du midi 
un vaste incendie. C'était le Grand-Beaulieu qui brûlait ‘. De 
l’antique Ladrerie établie par le pieux Thibaut III et son 
épouse Adèle, il ne restait que des ruines. Qu’allaient faire les 
échevins qui s'étaient rendus, de leur propre autorité, maîtres 
et administrateurs du Grand-Beaulieu? Peut-être reculeraient- 
ils devant les grosses dépenses à faire pour relever les bâti- 
ments? Mais la Maladrerie laissée en ruines, tandis que les 
fléaux publics multipliaient le nombre des pauvres malades, 
c'était se rendre impopulaires et vouer la mémoire du corps de 
ville à l’anathème. 

Dans cette perplexité, ce fut un vrai soulagement pour la 
municipalité chartraine de voir arriver un jour à la chambre 
des échevins une proposition d’accommodement de la part du 
prieur évincé, huit ans auparavant, pour négligences adminis- 
tratives et délaissement des pauvres malades. M. Bertrand de 
Villemort avait toujours à cœur son temporel de Beaulieu et 
ayant appris que depuis la levée du siège l’hospice ruiné et à 
reconstruire pesait fort sur le budget des échevins, il venait 
leur proposer l’arrangement suivant. Il rentrerait en pleine 
jouissance de son temporel à condition qu’il soignât convena- 
blement les malades et qu’il entretint perpétuellement à cet 
effet six prêtres et quatre clercs. De plus, il s’engageait à 
verser neuf cents livres par an au Bureau des Pauvres, qui se 
trouvait dès lors privé des revenus de Beaulieu à lui affectés 
en 1561 et il promettait de dépenser cinq cents livres pour 
relever de ses ruines Beaulieu dévasté par les Huguenots 
(1569). 

Accepter cet arrangement, le faire enregistrer au Parlement 
et nantir M. de Villemort de son temporel fut l’affaire de quel- 
ques mois ?. La Léproserie fut relevée, les malades réintégrés, 
les six prêtres et les quatre clercs installés; tout fonctionnait 
paisiblement, quand la panique vint de nouveau chasser ma- 
lades, servants, chapelains et prieur. Henri de Navarre, le 
huguenot, arrivait en toute hâte pour mettre le siège et déjà 
des escarmouches avaient eu lieu aux alentours. Qu'’allait-il 


1 Cet incendie eut lieu dans la nuit du lundi 45 mars 1568. Cf. Bibl. mun., 
Mss. n° 45 et Suppl. aux Affiches chartraines, an 1785, p. 27. 


2 Reg. des Échev. au 19 juillet et 30 nov. 1569; février 1570. 








spires 
advenir des reconstructions fraîchement achevées par le prieur 
M. de Villemort? 

Heureusement pour la Maladrerie, l’artillerie d'Henri IV fut 
placée de l’autre côté de la ville, et le fort de l’action se passa 
dans les faubourgs Saint-Jean et Saint-André et à la porte 
Morard. Henri IV fit son entrée solennelle dans la place, 
jurant de respecter l’exercice de la religion catholique et de 
laisser la vie aux défenseurs; et ainsi les malades de Beaulieu 
purent rentrer dans les bâtiments demeurés à peu près intacts 
(20 avril 1591) !. 

Henri IV converti, puis sacré en 1594 à Notre-Dame de 
Chartres, devait seize ans plus tard recevoir dans la même église 
de la Léproserie une hospitalité d’un autre genre. Après sa 
tragique mort, son cœur allait être porté, suivant son testa- 
ment, à l’église des Jésuites de La Flèche, dont il s’était fait le 
fondateur. Or Chartres était sur le chemin. Quand l’arrivée du 
cortège fut annoncée, le clergé, la noblesse du pays, Messieurs 
du corps de ville partirent en cérémonie au-devant du cœur 
royal et s’avancèrent jusqu’à la Maladrerie de Beaulieu. Là 
un reposoir funèbre avait été élevé par les soins du prieur 
devant le grand portail. Quand l’escorte y fut arrivée, le 
P. Armand, jésuite, qui portait le cœur, mit pied à terre ainsi 
que ses vingt-quatre religieux, et le précieux dépôt ayant été 
mis sur le reposoir, on chanta le De profundis en faux bour- 
don, ainsi que le répons Qui Lazarum, avec les versets, l’orai- 
son des morts. Alors le doyen prit place aux côtés du Père 
Armand et l'immense procession quitta Beaulieu pour se 
rendre à l’église Notre-Dame ?. Ce devait être le dernier inci- 
dent notable pour l’asile des lépreux. Il y eut encore entre les 
prieurs et le corps de ville des difficultés et des litiges. Mais 
la vie monotone de la communauté n’en fut pas sensiblement 
atteinte. 

Suivant les traditions du passé, tous les jours les servants des 
malades passaient dans les cellules et déposaient près de 
chaque infirme deux pains « froids et rassis » pesant ensemble 
trois livres, puis « six camuses plus une pinte » et de la « pi- 
tance en chair, poisson, sel, verjus et vinaigre » en quantité. 


{ Reg. des Échev. 24 oct. 1595. 
2 Ozeray. — Histoire de Chartres, t. 2, p. 431. 





EEE 

déterminée. C'était l'ordinaire de la Léproserie. Aux jours de 
fête la distribution s’agrémentait de quelques faveurs. Lorsque 
les malades avaient communié, c’est-à-dire aux jours de 
Pâques, de Noël, de la Pentecôte et de la Toussaint, on joi- 
gnait à la pitance plus copieuse « douze sous huit deniers 
tournois » pour les menus plaisirs. La veille de l’Épiphanie, 
on leur partageait « pour s’esjouir entre eux... un gâteau où 
il y avait une fève ». Le gâteau était même arrosé d’une double 
ration de vin : douze camuses et deux pintes pour chaque 
convive! L'on peut se figurer quelle liesse c'était dans la 
Léproserie, quand le gâteau mangé, la royauté échue, les 
douze camuses et les deux pintes absorbées, quelque malade 
chanteur se levait et entonnait le refrain du dessert. 

Singulières fêtes vraiment touchantes où, pour un temps, 
l’horreur de la plus infecte des maladies était oubliée pour 
faire place aux « Vivats » en l’honneur du « Roi qui boit »'1! 

Cependant l'étoile du Grand-Beaulieu allait pâlissant et 
l’heure approchait où la Maladrerie, changeant de fortune, 
allait voir se former dans ses murs toute une légion nouvelle 
pour porter dans tout le pays chartrain la bienfaisante in- 
fluence d’un clergé instruit et zélé. La lèpre qui depuis six 
cents ans avait fait de Beaulieu un centre si vivant de charité 
chrétienne, disparaissait peu à peu de la terre de France. Les 
bâtiments restreints que le prieur Bertrand de Villemort avait 
relevés avec ses cinq cents livres devenaient trop grands de 
jour en jour pour les rares malades qu’on y soignait. Les six 
prètres avaient été réduits à quatre, les quatre servants à deux 
et c'était encore trop de monde. Seul le temporel n'avait point : 
diminué et les prieurs réalisaient de gros bénéfices. L’antique 
fondation de Thibaut n’était plus qu’une ruine. 

Ainsi Dieu l’avait permis dans sa sagesse pour réaliser à 
cette même place une œuvre encore plus chère à son cœur, ce 
qu’il préparait de loin en appelant à la vie vers ce même 
temps, sur le sol de Notre-Dame de Chartres, des hommes qui 
devaient saintement préluder et énergiquement travailler à 
l’établissement du Grand Séminaire de Beaulieu. 


1 Au XVie siècle ces usages et ces règlements n'étaient plus guère qu’un 
souvenir, la lèpre ayant disparu et les malades étant en très petit nombre à 
Beaulieu. 





— 56 — 


II 


ESSAIS DE SÉMINAIRE A CHARTRES 


Il y avait plus d’un siècle que saint Charles Borromée 
avait établi à Milan le séminaire de Saint-Jean-Baptiste avec sa 
succursale la « Canonica », lorsque la France vit jeter les fon- 
dements de ses premiers séminaires diocésains !. Les événe- 
ments publics, les sanglantes guerres de religion avaient ab- 
sorbé les esprits et fait ajourner l’exécution [des décrets du 
Concile de Trente, de sorte que le recrutement du clergé 
continuait, malgré le désir des évêques, à se faire selon l’an- 
cienne méthode. Les aspirants au sacerdoce décidaient de leur 
vocation avec le conseiller qu'ils s'étaient eux-mêmes choisi. 
S'ils étaient intelligents, laborieux, fortunés, ils s’en allaient 
frapper à la porte de quelque école publique de théologie, 
comme il s’en trouvait dans les Universités et y puisaient, 
sous la conduite de maîtres illustres, de vastes et profondes 
connaissances. D’autres plus modestes dans leurs vues, ou 
peu fortunés, trouvaient l’hospitalité chez quelque prêtre 
qu’ils aidaient dans les fonctions pastorales en qualité de 
chantre, sacristain, clerc de chœur ou autrement. En échange 
de ces bons services ils recevaient, moyennant une petite pen- 
sion, quelquefois gratuitement, l’instruction nécessaire à la 
réception des ordres. Écriture sainte, théologie, droit cano- 
nique, liturgie, ils apprenaient tout de leur unique maitre 
sous le toit presbytéral. 

Lorsque le temps de l’ordination approchait, l’'Évêque du 
diocèse ayant fait annoncer au prône dans toutes les paroisses 
qu’il confèrerait les saints ordres, chacun des ordinands venait 
à la ville, au jour marqué, pour faire constater ses aptitudes 
par qui de droit. Devant le Prélat ou ses délégués ils subis- 


! Plusieurs assemblées d'évêques avaient eu lieu pour l'établissement des sé- 
minaires; aucune n'avait abouti à vaincre les difficultés. Nous ne connaissons 
pas de séminaire en France avant celui de Carpentras (1585). Vinrent ensuite 
ceux de Bordeaux et de Reims. Il n’y en eut pas d’autres avant le XVIIe siècle, 





mie 

saient un examen dont la difficulté était proportionnée à l’ordre 
auquel ils aspiraient, après avoir déposé le certificat ou 
Bonum testimonium que leur curé devait transmettre. Alors 
ayant satisfait ils étaient admis à prendre part à l’ordi- 
nation. 

Un évêque prudent et zélé pouvait, même dans ces condi- 
tions défavorables, pourvoir son diocèse de prêtres vertueux 
et instruits. Cependant, il faut l’avouer, selon le cours naturel 
des choses, une notable partie du clergé devait rester peu 
avancée dans les sciences ecclésiastiques et médiocrement for- 
mée aux devoirs de son état. Aussi tous les prêtres, tous les 
évêques surtout, soupiraient après une réforme, et les plus 
entreprenants, arrêtés par l'impossibilité matérielle d'établir 
des séminaires, les ressources faisant défaut, cherchaient à y 
suppléer en créant des conférences, en instituant des réunions 
périodiques, où le jeune clergé se formait à l’exercice de son 
ministère. 

Un prêtre de Chartres, M. Adrien Bourdoise, s’y employait 
plus qu’aucun autre. Tandis que son premier maitre, l’ancien 
curé d’Yèvres, M. Nicolas Janvier ‘, publiait son petit traité 
« Du clerc tonsuré, de son institution, et privilèges, devoirs 
selon les constitutions canoniques, et conformité qui se remar- 
que en la discipline ecclésiastique et militaire, » (1622), il 
consacrait ses minimes ressources à entretenir de pauvres 
enfants dans lesquels il avait remarqué des aptitudes pour le 
sacerdoce. C'était le temps où dans la capitale de la France 
un travail silencieux et puissant se faisait dans le cœur de 
quelques hommes apostoliques auxquels Dieu avait inspiré de 
travailler à la grande œuvre des vocations. Le P. de Bérulle 
jetait les fondements de l’Oratoire, M. Vincent, plus tard saint 
Vincent de Paul, venait d'établir la Mission où les retraites et 
les conférences d’ordinands étaient en pleine vigueur. Un des 
membres les plus actifs de ces réunions, M. Olier, sentait 
grandir dans son cœur l'attrait qui le poussait aux mêmes 
œuvres, tandis que Bourdoise lui-même se trouvait amené à 


1 M. Nicolas Janvier était devenu principal du collége Pocquet en 1608, et 
avait amené avec lui son élève, qui d’abord avait rempli les modestes fonctions 
de concierge du collége. (Vie de Bourdoise, par Ph. Descourveaux, in-4°, 1714. 
— Cf. Abrégé de cette vie, in-12. Paris, 1/84.) 


T. X. #. ù 


SON 
tonder à Paris l’Institut de Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour 
la préparation des ordinands . 

Chartres se distinguait dans ce mouvement, car, à côté de 
M. Bourdoise, un autre prêtre chartrain, François Hallier, 
faisait au collége des Bons-Enfants des conférences devenues 
célèbres ?. « Il était, dit Bourdoise, fort savant en cléricature. » 
L'archevêque de Paris et plusieurs autres prélats aimaient à se 
mêler à l’auditoire et bénissaient Dieu de ce succès. 

Tout cela préparait de loin pour Chartres l'érection si désirée 
et si nécessaire d’un séminaire. Mais il fallait que cette entre- 
prise, comme toutes les œuvres fécondes, subit la sanction de 
l'épreuve, soutint plusieurs échecs, passât pour téméraire et 
chimérique afin qu'il devint manifeste que Dieu y avait la 
main. Le premier de ces insuccès devait demeurer attaché au 
nom de Bourdoise lui-même. Tandis qu’il fondait à Paris la 
Communauté de Saint-Nicolas et qu’il travaillait avec un admi- 
rable zèle à l’établissement de plusieurs séminaires en province, 
la pensée lui revenait sans cesse d'établir à l’ombre de la véné- 
rable église de Chartres un séminaire diocésain. Ce rêve de 
son enfance devenu l'aspiration de toute sa vie, il semblait que 
la Providence allait lui fournir l’occasion de le réaliser. 
Mer Léonor d’Estampes de Valençay avait succédé en 1620 à 
son cousin Philippe Hurault. C'était un prélat très zélé pour 
la réforme du clergé. La haute situation de sa famille, ses 
études brillantes au collége de Navarre, les fonctions de député 
de la Sénéchaussée d’Anjou qu'il avait exercées aux États- 
Généraux de 1614 l’avaient fait suffisamment connaître du clergé 
de Paris pour que M. Bourdoise, à la nouvelle de sa promotion 
à l’épiscopat, vint le saluer et lui confier ses désirs. Msr de 
Valençay l’entendit avec bienveillance, entra dans ses vues, et, 
pour procéder avec prudence dans une si délicate entreprise, 
il chargea Bourdoise lui-même de lui faire un rapport sur 


4 Vie de M. Bourdoise. 


2 François Hallier, né à Chartres à la fin du XVIe siècle, avait été À HN 
de l'enfant qui devait plus tard devenir Mer de Neuville, évêque de Chartres et 
fondateur du Séminaire de Beaulieu. Ses talents l'avaient fait nommer archi- 
diacre de Saint-Malo et plus tard théologal du Chapitre de Chartres. Il avait er- 
seigné avec éclat la théologie dans les chaires royales de Sorbonne, puis à 
Rome , et était devenu en 1656 évêque de Cavaillon. Son traité : De sacnis 
electiontbus et ordinationibus a été jugé digne de Pr place dans le Cursus 
completus theologiæ, de l'abbé Migue. (Tome XXIV.) 








— 59 — 

l’état des ordinands de son clergé. Commission peu attrayante: 
«Me voilà, disait le saint homme en plaisantant, obligé de me 
promener dans tout le diocèse de Chartres ‘. » Le rapport fut 
dressé et tel que le souhaitait le pontife. Mais l’auteur ne s’en 
contentait pas : il lui fallait l’œuvre de ses désirs, le grand 
séminaire de Chartres, dont la pensée le ramenait sans cesse 
vers le prélat. 

On était en 1628. Un jour, dans un nouvel entretien, Bour- 
doise avait été plus pressant : il avait raconté à l’évêque de 
Chartres le travail qui se faisait à Paris, les consolants débuts 
de la Communauté de Saint-Nicolas, le dévouement de plu- 
sieurs prêtres de Chartres tout prêts à travailler pour cette 
entreprise. Il lui avait dit le grand bien qui en reviendrait 
à son diocèse, la gloire qui en rejaillirait sur son épiscopat ?. Le 
prélat se déclara vaincu, et la création d’un grand séminaire à 
Chartres fut résolue. 

Ce fut aux abords de l’ancienne Porte-Cendreuse, près le 
prieuré de Saint-Vincent , dans le quartier actuel des Quatre- 
Coins, que M. Bourdoise trouva un local pour commencer sa 
fondation. Cela fait, il fallait instituer un Supérieur, car ses 
courses apostoliques non moins que le gouvernement de la 
Communauté de Saint-Nicolas à Paris ne permettaient pas au 
fondateur d’être résident. D’accord avec Mer de Valençay, 
M. Bourdoise jeta les yeux sur le curé de Saint-Martin-le- 
Viandier, M. Claude Le Bel, chanoine de Notre-Dame, que sa 
science, sa piété, son titre de docteur devaient rendre recom- 
mandable aux jeunes ordinands*. Puis il lui choisit parmi les 


1 Vie de Bourdoise, in-4°, 1714, p. 140 et suiv. 
3 Ibid. 


? M. Claude Le Bel avait succédé dans la cure de Saint-Martin-le-Viandier 
à M. Percheron en l’année 1615. (Arch. mun. E. 3.30). Depuis longtemps 
déjà il s'était distingué par ses éminentes qualités pre les prêtres de Chartres et 
les chanoines de Notre-Dame. A la mort de l'évêque Philippe Hurault, le Chapitre le 
nomma d pénitencier pendant la vacance du siège, et lors de la nomination 
de Mer d'Estampes. il le délégua avec le doyen et le grand-chantre pour compli- 
menter le nouvel élu. M. Le Bel s’employa très activement à l'établissement des 
Carmélites à Chartres, et devint après leur arrivée leur conseiller ordinaire. 
Les Archives du Carmel de Chartres le Sr Per même pour le premier des 
chapelains du monastère. En 1623 il fut délégué pour déclarer le consente- 
ment du Chapitre au démembrement de la métropole de Sens, à condition que 
les chanoines de Chartres garderaient leurs privilèges (Souchet : Hist. de 
Chartres, t. IV, p. 337-344. — Arch. du Carmel de Chartres). 





— 60 — 
prêtres du diocèse des coopérateurs qui, pour se mieux former 
à leurs fonctions, allèrent passer quelque temps à l’institut de 
Saint-Nicolas, où M. Bourdoise les initia aux principes qu'il 
appliquait avec tant de succès dans la conduite de ce sémi- 
naire !. C'était là un acte de haute sagesse, car si dévoués qu'ils 
fussent à l’œuvre qu’on leur confiait, ces prêtres n’étaient-ils 
pas exposés par leur inexpérience à toutes sortes de fausses 
démarches, compromettantes pour le succès de la fondation. 

Les documents nous font défaut pour décrire l'installation 
et l’organisation de ce premier berceau des vocations sacerdo- 
tales. Nous avons lieu de croire que l’essai fut des plus mo- 
destes, sinon des moins heureux ?. C'était d’ailleurs un sémi- 
naire facultatif, et, pour en faire prendre peu à peu le chemin 
aux clercs disséminés dans les paroisses du diocèse, on se 
contentait d’y attirer quelques jeunes gens pauvres, sans rési- 
dence, pour lesquels on avait fondé des « bourses cléricales ». 
Et pouvait-il en être autrement au milieu des graves et sinis- 
tres évènements qui désolaient Chartres et toute la contrée? 
La peste qui, l’année précédente, avait déjà fait dans la ville 
d’horribles ravages, venait d’éclater avec un surcroît de vio- 
lence au commencement de l’été 1628. Au temps même où le 
séminaire devait commencer ses exercices (novembre 1628), 
elle sévissait cruellement dans la cité. Chaque nuit un sombre 
chariot parcourait lentement les rues, s’arrêtant à chaque 
maison où on le réclamait, pour enlever la dépouille mortelle 
de quelque pestiféré. Les cimetières de la ville, encombrés de 
corps, ne suffisaient plus et l’on empruntait ceux de la ban- 
lieue pour y enfouir dans de larges fosses les innombrables 
victimes de la contagion . Affolés de peur, les habitants s’en- 
fuyaient, et, au témoignage des actes civils, de la Porte- 
Guillaume jusqu’à Notre-Dame, il n’y avait que sept ou huit 
maisons ouvertes. 


1 Ph. Descourveaux, Vie de M. Bourdoise, in-4°, 1714, p. 269. — Cf. Vie 
de Gilles Marie, 2 édition, 1878, p. 44, note. 


? Il est à remarquer que jusqu’à l'établissement du Grand-Beaulieu , il ne fut 
jamais question d’instituer dans ces essais de séminaire des cours de théologie 
proprement dits. Les jeunes gens qui voulaient faire des études théologiques 
suivaient les cours soit du couvent des Jacobins, soit de Saint-Jean, ou encore 
assistaient aux conférences du théologal. 


3 De Lépinois, Histoire de Chartres, t. 1, p. 404-405. 





spl 

L'on conçoit que dans de telles conjonctures les débuts 
du séminaire Saint-Vincent eussent peu de succès et d’autant 
plus que Bourdoise, l’âme de cette œuvre, venait de quitter 
Chartres, rappelé à Paris par la maladie de plusieurs des 
siens ‘. Que devint donc l’œuvre de Mer de Valençay? L'arbre 
fraichement planté par les mains du pieux Claude Le Bel arri- 
va-t-il à porter des fruits? Il en porta sûrement, mais les 
préoccupations de l’Évêque de Chartres, däns les années sui- 
vantes, donnent lieu de penser que, les jours d’ordination, 
c'était parmi les clercs le tout petit nombre qui s'était pré- 
paré au séminaire de Saint-Vincent. 

Cette œuvre donc végéta, puis disparut, comme ces plantes 
délicates qui, sorties de terre aux premiers rayons du soleil, 
sont ensuite moissonnées par le retour des frimas. Il n’exis- 
tait plus en 1638, car M. Bourdoise étant venu en cette année 
prêcher à Chartres des retraites d’ordination avec les libéralités 
de la présidente de Herse, châtelaine de Bonvilliers près Mar- 
chefroy, ce n’est point au séminaire Saint-Vincent qu’il réunit 
les ordinands, mais chez le chanoine Le Féron, sous-doyen du 
Chapitre, où ils furent logés et nourris gracieusement ?. Peut- 
être la mort de M. Claude Le Bel avait-elle été l’occasion 
de cette ruine. Ce bon prêtre tout en dirigeant le séminaire 
avait continué à exercer avec zèle ses fonctions de curé de 
Saint-Martin-le-Viandier. Lorsqu'il eut reçu les honneurs de 
la sépulture dans cette église dont il avait été le si digne pas- 
teur *, son neveu Jacques Le Bel prit sa place dans la charge 
curiale, mais sans oser tenter une restauration du séminaire 
disparu. On se demandait si cette grande œuvre allait périr 
pour toujours. 

Mer de Valençay ne le pensa pas, et une providentielle occa- 
sion d’y revenir se présenta bientôt. On était en l’année 1641. 
Tout un groupe de prêtres étrangers venait d’arriver à Chartres 
sous la conduite du dévot pèlerin M. Olier. C'était la seconde 


‘ Ph. Descourveaux, Vie de Bourdoise, in-4°, 1744, p. 269. 
2 Vie de Bourdoise, in-4°, 1714, p. 333. 


8 M. Claude Le Bel mourut en 1631. Il fut inhumé dans l'église Saint- 
Martin-le-Viandier, près des fonts baptismaux. Son neveu et son successeur 
Jacques Le Bel mourut également curé de cette ‘église, et y reçut la sépulture 
près de son oncle, le 22 mai 1655. — Arch. munic. E. 3. 12. 


+ 69. 
fois que le futur fondateur de la Société de Saint-Sulpice visi- 
tait l’auguste sanctuaire !. En 1632, il y était venu plongé dans 
les plus cruelles angoisses et presque découragé. Délivré 
de cette épreuve, il s’y présentait maintenant pour offrir ses 
services et travailler au bien du diocèse par l’éducation du 
clergé chartrain. C'était une seconde tentative de séminaire 
qui commençait et qu’encourageaient Mer de Valençay, les 
chanoines de Notre-Dame et M. Bourdoise. L’horizon semblait 
dégagé de tout nuage : on arrivait avec des ressources et sans 
demander une obole aux ordinands ; on était en mesure de leur 
fournir le local, le mobilier et la subsistance. Ce fut, non plus 
à Saint-Vincent, mais dans le quartier de Sainte-Foy que nos 
apôtres louèrent une maison qu'ils meublèrent et appro- 
priérent à leurs dépens. Pour leur concilier l'esprit public 
l’Évêque de Chartres avait voulu qu'ils commençassent par 
évangéliser la cité en y donnant une mission. Ce n’était pas la 
première fois que M. Olier et ses compagnons exerçaient ce 
ministère dans le diocèse de Chartres. Naguëères Brou, Illiers, 
Bonvilliers et d’autres paroisses encore avaient tressailli au 
contact de cet homme apostolique et s’il était un lieu où sa 
réputation n’était plus à faire, c'était à Chartres, la ville de sa 
prédilection. La cité entendit donc sa parole ardente et avec 
une telle sympathie qu'on ne pouvait désormais mettre en 
doute le succès de l’œuvre du séminaire. Hélas! c'était compter 
sans les volontés récalcitrantes et surtout sans cette puissante 
force d'inertie qu’apportent à l’encontre de toute création nou- 
velle des habitudes acquises, et une secrète répulsion pour des 
procédés nouveaux, toujours suspects jusqu’à ce qu'ils aient 
obtenu la sanction de l’expérience et du succès. Pour attirer 
les clercs du diocèse au séminaire Sainte-Foy on avait pensé 
qu’il suffisait d’y convoquer pour une retraite d’ordination les 
jeunes gens qui se destinaient aux saints ordres. Une fois 
venus ils prendraient goût, pensait-on , à la vie commune et 
demeureraient au séminaire. C'était une illusion. Lorsque la 
retraite fut terminée et l’ordination faite, la maison Sainte-Foy 
se trouva vide, et durant huit longs mois pendant lesquels 
M. Olier et ses compagnons persévérèrent dans leur pieuse 


4 Faillon. Vie de M. Olier,'t. Ier, p. 226. — Cf. Vie de Gilles Marie, 1878. 
Pièces justificatives no II. 











(09 
expectative, ‘personne, absolument personne, ne se présenta. 
C'était désespérant. 

Si M. Olier eût été seul, il est probable qu’il ne se fût jamais 
lassé. Chartres et son sanctuaire suffisaient à maintenir son 
âme en patience. Ne plus visiter l’antique basilique, ne plus 
vénérer l’image de Notre-Dame c’était un dénouement auquel 
se refusait sa tendre piété. Par malheur ses compagnons 
n’avaient pas à ce degré l’esprit chartrain : ils demeuraient 
dans la logique des choses, pensant et disant que si Chartres 
ne voulait pas d’eux, ils n’avaient qu’à s’en aller travailler 
ailleurs. De plus les paroissiens de Sainte-Foy prenant ombrage 
des nouveaux venus, leur témoignaient peu de sympathie. On 
les surveillait pointilleusement, on les jugeait durement; la 
moindre de leurs démarches était commentée, parfois sévère- 
ment censurée. Cet état d’esprit et ces procédés l’emportèrent 
sur les attraits personnels de M. Olier. Un jour la résolution 
en fut prise : on allait fermer le séminaire et quitter Chartres. 
Ce ne fut pas certes sans avoir réfléchi longtemps, sans avoir 
consulté les personnages les plus graves. De plus une circons- 
tance venait de confirmer les prêtres de M. Olier dans leur 
volonté. Le protecteur naturel de cette œuvre, celui qui pou- 
vait le mieux la relever de ses ruines, Mgr de Valençay, 
venait de quitter la cité pour prendre possession de l’arche- 
vêché de Reims. Il n’y avait plus à hésiter. Un jour on vit la 
petite communauté quitter la maison inhospitalière et s’éloi- 
gner. C'était le second échec de la fondation du séminaire de 
Chartres (1641) ‘. 

Ne nous hâtons pas de passer condamnation sur le séminaire 
Sainte-Foy. Si stérile que parût l’entreprise à cette heure où 
la maison demeurait déserte et abandonnée, elle devait être 
pour le séminaire du Grand-Beaulieu ce que le crépuscule est 
au plein jour, ce que le germe est à la plante épanouie au 
temps de la floraison. Un tout jeune enfant de la paroisse 
Saint-Aignan s’y était un jour présenté. Tonsuré par Mer de 
Valençay, il aspirait au sacerdoce, et dans la claire vue que 
lui donnait une vocation d'élite, il avait compris l’importance 
et la nécessité de l’institution que tant d’autres délaissaient. Le 


1 Vie de M. Olier, p. 226 et seq. — Cf. re ee Gilles Marie, 2° édition, 
1878, p. 41 et séq. 








re 
départ de M. Olier l’en privait soudainement, maïs il avait su 
si bien profiter des quelques semaines de son séjour, et entre 
son âme et celle de ses maîtres il s’était fait une telle fusion 
que, ceux-ci disparus, le fervent disciple pouvait continuer 
l’œuvre et reprendre avec succès l’établissement du séminaire‘. 

Gilles Marie, car c'était lui, devait en effet devenir bientôt 
l'agent providentiel d’une fondation efficace et permanente. 
En attendant il continuait à s’y préparer dans l’ombre, tandis 
que, sur un autre point du diocèse, le fondateur malheureux 
mais non découragé du séminaire Sainte-Foy tentait encore 
l'essai, le troisième depuis trente ans, d’un séminaire pour le 
clergé chartrain. 

A Mer de Valençay avait succédé sur le siège de Chartres un 
homme savant, zélé, capable de beaucoup entreprendre et bien 
doué pour réussir. Jacques Lescot, après de brillantes études 
et un doctorat conquis avec éclat, avait professé l’Écriture- 
Sainte, puis la théologie en Sorbonne. Ses talents et sa vaste 
érudition l’avaient rendu recommandable près du cardinal de 
Richelieu. Dans les disputes théologiques qui divisaient à cette 
époque le monde des savants, il s’était fait remarquer par les 
coups vigoureux qu’il avait portés au gallicanisme et à son 
principal représentant en Sorbonne, le fameux Edmond Richer. 
Ses ennemis cherchaient à s’en venger en le calomniant ainsi 
que son illustre protecteur, mais ces mensonges, tissus d’in- 
ventions ridicules et de fables ineptes, ne servaient qu’à confir- 
mer aux yeux des hommes sensés la parfaite orthodoxie et le 
zèle doctrinal du professeur ?. Homme de doctrine, Msr Lescot 
se présentait encore au diocèse de Chartres comme un homme 
d'œuvres. Les réformes ne l’effrayaient pas : sage et prudent, 
il savait tenir tête aux difficultés et franchir les obstacles. Son 
premier soin avait été de visiter en entier son vaste diocèse, et 
rien , dans cette visite, n’avait plus attiré son attention que la 
restauration de la discipline ecclésiastique. Dans le règlement 


1: Vie de Gulles Marie, 1878, p. 9 et seq. 


2 On peut juger de la valeur de ces témoignages par celui-ci. Le cardinal de 
Richelieu, écrivait-on, ayant l'ambition de se faire canoniser, faisait dire à 
M. Lescot qu'il n'avait e ais commis aucune faute, même légère. D’autres 
répandaient le bruit que M. Lescot avait donné au cardinal un billet de sûreté 
de conscience pour toutes les démarches politiques aussi bien que pour sa con- 
duite privée. — Voir Aubery, Histoire de Richelieu. Cf. Bibl. munic., Janvier 
de Flanville, Recherches mstoriques; Evêques : LESCOT. 





65 = 
à l’usage du clergé diocésain qui en avait été le fruit, la sagesse 
du prélat se manifestait avec éclat et particulièrement dans 
l'institution des conférences ecclésiastiques. Lui-même, joignant 
l'exemple au précepte, présidait à l’Évêché la réunion des 
prêtres de la ville et de la banlieue, y expliquant l’Écriture- 
Sainte et résolvant les difficultés proposées *. 

Cette attitude épiscopale ne pouvait manquér de donner une 
sérieuse impulsion à la réforme tant désirée, mais elle ne pou- 
vait atteindre la formation sacerdotale jusqu’en son principe. 
La racine restait pour ainsi dire à découvert. Le rêve du prélat 
n'était donc qu’incomplètement réalisé tant qu'il lui manquait 
un séminaire diocésain. 

C’est au milieu de ces sollicitudes que M. Olier revenait à 
Chartres, toujours rempli du même zèle, toujours poursuivi 
des mêmes désirs. Ce qu'il voulait aujourd’hui, ce n’était plus 
la restauration du séminaire Sainte-Foy: son rôle était plus 
modeste, il se présentait simplement comme le messager et 
l’auxiliaire d’une initiative toute séculière. Le duc Gaston 
d'Orléans, oncle de Louis XIV, était le prince apanagiste de 
Chartres. D’un caractère versatile et batailleur, il n'avait cessé, 
durant le ministère de Richelieu, de faire de l’opposition au 
gouvernement royal, et par ses continuelles révoltes, ses pro- 
messes suivies d’infidélités, ses soulèvements à main armée, il 
avait plus d’une fois mis la ville de Chartres dans une fausse 
position, en la plaçant dans l’alternative, ou de résister au roi, 
ou d’encourir sa propre disgrâce. Les échevins étaient heureu- 
sement des hommes habiles : ils avaient toujours su se tirer 
avec honneur de ces embarras, et Gaston d’Orléans leur en 
avait à plusieurs reprises exprimé sa satisfaction. L'heure vint 
cependant, où le duc dut céder devant la puissance royale et 
se résigner à la retraite. Exilé à Blois, il sut donner une plus 
sage direction à ses pensées et dès lors il conçut le dessein 
d'établir dans le lieu même de sa résidence, un séminaire com- 
mun aux deux diocèses de Chartres et d'Orléans, qui formaient 
ensemble le domaine de sa juridiction seigneuriale ?. Le projet 


* Janvier de Flainville, Ibid. — Cf. Brillon: Additions à la Biblioth. chart. 
de D. Liron. Bibl. commun., mss. ® p., n° 14. 


? Le Blaisois faisait alors partie du diocèse de Chartres. Ce ne fut qu'en 1697 
qu'il en fut détaché pour former un diocèse à part. 





— 66 — 

était louable, et il paraissait d’autant plus réalisable que des 
bâtiments et des revenus s’offraient comme de soi au duc pour 
doter sa fondation. Il y avait à Blois une riche abbaye, celle 
de Saint-Laumer, dont Gaston d'Orléans avait la nomination. A 
la mort du dernier titulaire, le duc, dont les pensées ne s'étaient 
pas encore tournées vers l’œuvre dÜ séminaire, y avait nommé 
un des plus distingués chanoines de Chartres, Blaise Le Féron, 
celui-là même qui avait si gracieusement offert sa maison 
canoniale à M. Bourdoise pour y faire, en 1638, la retraite 
des ordinands ‘. Ce zèle pour la sanctification des aspirants au 
sacerdoce donnait bien lieu d’espérer que sur la prière du duc 
d'Orléans, le chanoiïne-abbé se désisterait de son abbaye 1. 

Se croyant de ce côté assuré du succès, le duc s’occupa de 
chercher un prêtre capable de réaliser cette fondation. Le 
nom de M. Olier obtenait alors dans toute la France une 
célébrité qu'il ne devait plus jamais perdre. Le séminaire Saint- 
Sulpice venait d’être établi et cette œuvre prospérait déjà au- 
delà de toute espérance. Le pieux fondateur, toujours fidèle à 
sa Madone de Chartres, en avait déposé les clefs aux pieds de 
son image vénérée, revêtue par lui d’une nouvelle robe de 
brocart d’or et d’argent, puis, il était descendu à la crypte et 
portant sur lui ces mêmes clefs, symboles du gouvernement 
de son séminaire, il avait célébré la Messe avec une angélique 
ferveur (1649). Ce fut pour lui un jour d’allégresse et en même 
temps d’étranges perplexités, que celui où le courrier lui apporta 
un message signé du duc d’Orléans, qui lui demandait avec 
instance de se rendre à Blois, pour y établir un séminaire de 
Chartres et Orléans. Fonder un séminaire de Chartres, n’était- 
ce pas, depuis bien longtemps, la plus chère espérance que 
M. Olier berçait dans son cœur”? Refuser la demande du duc 
d'Orléans, n’était-ce pas forfaire à la dévotion qu’il avait vouée 
à Notre-Dame de Chartres? Mais d'autre part l’insuccès du 


{ V. Gallia Christiana, t. 8, col. 1364. 


2 Blaise Le Féron, docteur en Sorbonne, fut nommé archidiacre de Dunois 
le 3 déc. 1629 , et chanoine de Notre-Dame le 27 déc. 1631. Il était l'oncle 
d’un autre Blaise Le Féron, reçu chanoine de N.-Dame le 18 septembre 1662, 
célèbre hébraïsant. Brillon. Addifions à la Bibliothèque chartraine de Dom 
Liron, t. I, cahier 7, où en regard du nom de Blaise Le Féron, on lit à la 
marge : « Voir mes cahiers et remarques sur le séminaire. » Nous n'avons pu 
retrouver le mss. auquel cette note renvoie. 








= 67 = 
séminaire de Sainte-Foy se dressait toujours dans son esprit 
comme un épouvantail et sous l’influence de ces sombres sou- 
venirs, le doute et l’inquiétude s’emparaient de lui. 

C'est en repassant tous ces événements que M. Olier arriva 
à Chartres pour conférer de l’entreprise avec Mer Lescot. 
Le prélat, pressé par son clergé et bien désireux lui-même 
d’aboutir, fit à l’œuvre et à l’ouvrier le plus cordial accueil, et 
M. Olier, se sentant soutenu de ce côté, n’hésita plus à donner 
son consentement au duc d'Orléans. | 

Malheureusement, les négociations n'étaient pas aussi faciles 
avec l’autre diocèse. Elles l’étaient même si peu, que M. Olier 
crut devoir s’abstenir de paraître en personne dans la capitale 
de l’Orléanais. Cette cité était devenue, sous diverses influences, 
un vrai foyer de jansénisme, et tandis que le clergé de Chartres, 
dans son ensemble, demeurait à l’abri de ces égarements, les 
prêtres les plus notables d'Orléans s’y donnaient de plus en 
plus. Quel accueil pouvait espérer de ces hommes de parti 
celui qui n'avait cessé de les combattre, et qui venait de 
fonder une société résolue à leur porter les plus vigoureux 
coups? Mer d’Elbéne, alors évêque d'Orléans, fut donc invité 
par le duc à venir à Blois, où, de son côté, se rendit M. Olier. 
L’entente était parfaite, les difficultés aplanies; tout semblait 
s'arranger, et le séminaire tant désiré allait voir le jour, lors- 
qu'un point noir, auquel personne n’avait pris garde, apparut 
soudain comme la pierre d’achoppement de l’entreprise. Blaise 
Le Féron, ce docteur en Sorbonne, cet archidiacre de Dunois, 
cet insigne chanoine de Chartres, ce prêtre dévoué à la sanctifi- 
cation des ordinands, Blaise Le Féron était janséniste. Arnauld 
lui-même l’avait gagné à la doctrine de l’évêque d’Ypres et on 
l'avait vu le 20 avril 1645 approuver par une lettre devenue 
publique le livre de : « La fréquente Communion *?. » 

Or pour supprimer une abbaye canoniquement érigée, il 
fallait un triple consentement, celui du pape, celui du roi et 
celui des parties intéressées. Le pape, fidèle au Concile de 
Trente, allait au-devant de la demande, le roi ne s’y opposait 


4 Vie de M. Olier, t. III, k 374-375. — Dans ses lettres spirituelles 
M. Olier témoigne de son grand désir de pouvoir établir un séminaire à Chartres. 
Lettres spirituelles, p. 202. 


3 Jbid. — Cf. Mémoires du P. Rapin, t. 1, p. 44. 





— 68 — 

pas, le collateur insistait; restait Blaise Le Féron. Nous avons 
dit que ce personnage avait à cœur l’œuvre des séminaires; 
mais il n’entendait pas que le jeune clergé fût élevé autrement 
que selon la doctrine de Jansénius. En faveur de M. Nicole, il 
se fût désisté de son abbaye, il refusa à cause de M. Olier. Un 
seul espoir restait. Les provisions, depuis que Gaston d’Or- 
léans l’avait proposé au Saint-Siège, n'étaient pas encore 
venues de Rome; sûrement, si l’on apprenait au-delà des 
monts que le futur abbé était un partisan de Jansénius, on lui 
refuserait l’institution canonique. Ainsi pensait-on, sans pren- 
dre garde aux subterfuges, qui ont été invariablement le carac- 
tère du jansénisme. Le Féron avait pressenti le coup : il le 
prévint. Par un message signé de sa main et envoyé à Rome 
en toute hâte, il fit savoir qu'il était l'ennemi du jansénisme, 
qu’il n’avait rien de commun avec les sectaires condamnés; il 
était donc souverainement digne de recevoir l’abbaye de Saint- 
Laumer. Il la reçut, refusa de s’en désister en faveur de 
M. Olier et la porte demeura fermée aux fondateurs du sémi- 
naire *. 

Vraiment, il semblait qu’un mauvais génie eût à cœur de 
faire toujours échouer cette grande œuvre! Mer Lescot heureu- 
sement n’était pas homme à se déconcerter en face d’un échec. 
Qui sait même si, intérieurement, il ne se réjouissait pas d’être 
forcé d’abandonner une fondation qu’il pressentait devoir être 
une source de perpétuelles difficultés? Cette œuvre de la for- 
mation des ordinands, la plus chère de toutes au cœur d’un 
évêque, pouvait-il, sans douleur, la voir naître et grandir loin 
de sa ville épiscopale? Et puis, quel pouvait être l’avenir de 
cette fondation mixte où l’évêque de Chartres et celui d'Orléans 
devaient en même temps exercer leur autorité pastorale ? 
Aucun d’eux ne pourrait s’y sentir chez soi. Si l’un faisait acte 
de juridiction, exerçait un contrôle, censurait une mesure, 
commandait quelque modification, l’autre ne serait-il pas tout 
naturellement porté à en prendre ombrage? S’entendrait-on 
sur la doctrine à enseigner? Serait-on l’ami ou l’ennemi de 
Jansénius, l’ami ou l’ennemi des jésuites? Questions brûlantes 
qui semaient alors la plus lamentable division dans le clergé 
de France. Visiblement, la résistance de Blaise Le Féron était 


1 Vie de M. Olier. Ibid. 








— 69 — 
providentielle. M. Lescot était trop intelligent pour s’y mé- 
prendre : il oublia Saint-Laumer de Blois et revint au projet 
le plus naturel comme le plus avantageux : celui du séminaire 
de Chartres à Chartres. 

Déjà, par les soins de ce zélé pontife, la cité épiscopale avait 
vu s'élever dans ses murs le couvent des filles de sainte 
Chantal, Blois, si revêche à l’œuvre du séminaire, venait de 
recevoir un établissement de chanoines réguliers de Saint- 
Augustin; Bonneval, Coulombs, Meulan, célèbres abbayes de 
Bénédictins, avaient accueilli le bienfait de la réforme; un mo- 
nastère d’Ursulines avait été fondé à Poissy, et Nogent-le- 
Rotrou voyait fleurir son nouveau collège. N’y avait-il que 
l’œuvre capitale du séminaire qui dût résister à l’action de 
l’évêque de Chartres? M. Lescot ne le pensa pas. 

La paroisse Saint-Aignan était alors gouvernée par M. Pierre 
Martin qui en 1652 avait succédé à son oncle ou peut-être son 
frère Jean Martin ‘. Vénéré à juste titre comme le modèle des 
pasteurs, ses études, aussi bien que son zèle et sa prudence le 
rendaient recommandable pour une œuvre importante et diffi- 
cile comme était l’érection d’un grand séminaire. Si l’on peut 
juger de l’arbre par ses fruits, c’est assez le louer que de nom- 
mer en lui le père spirituel et le précepteur de Gilles Marie, 
l’une des plus pures gloires de l’église de Chartres ?. 

Ce fut sur ce prêtre que l’évêque de Chartres jeta les yeux 
pour tenter encore une fois l’érection d’un séminaire. L’expé- 
rience de tant d’essais infructueux demandait qu’on y allât 
plus prudemment que jamais; il fallait que le nouvel établis- 


1 M. Jean Martin, nommé curé de Saint-Aignan, lorsque M. Lemaire, son 
prédécesseur, devint chancelier et chanoine de Notre-Dame, gouverna la pa- 
roisse jusqu'en 4652, date de sa mort. (Arch. com., E. 6. 8-15.) M. Jean 
Martin, au témoignage de M. Merlet, avait six frères parmi lesquels un Pierre 
Martin qui ne fut point curé de Saint-Aignan (Bibl. chartraine, p. 297.) 


2 I ne faut pas confondre M. Pierre Martin, curé de Saint-Aignan, avec son 
homonyme et peut-être son oncle Pierre Martin, curé de Lucé, promoteur de 
l’évêque de Chartres. Cette confusion est d'autant plus facile que tous deux mou- 
rurent la même année (1661) et reçurent la sépulture dans l’église Saint-Aignan 
Arch. comm., E. 6.15). M. Martin, curé de Lucé, est celui dont parle 
uchet dans son appendice à l’histoire de Chartres intitulé Defensio Veritatis. 
L'auteur lui rend hommage comme ayant activement travaillé à la publication de 
son ouvrage et le qualifie de Virwum sane doctum, rs qui dans la bouche du 
grave hislorien ne sont pas une vaine louange (Histoire de Chartres, t. IV, 
D) Ce dernier mourut le 27 août, tandis que M. Pierre Martin, curé de 

int-Aignan, mourut le 24 septembre (Arch. comm., E. 6. 15). 


== 70 — 

sement vit le jour sans déranger personne, grandit sans porter 
ombrage, et conquit enfin son droit de cité en se conciliant 
sans bruit la sympathie de tous. Ce n’est pas certes que 
Mer Lescot ne révât de plus glorieuses destinées pour cette fille 
de ses derniers labeurs. Combien de fois sans doute, il avait 
levé les yeux vers cette colline de Beaulieu où languissait une 
œuvre surannée et stérile, sous un toit qui eût si bien servi ses 
projets! Mais alors, c'était l’heure de se taire : à Dieu seul, 
dans le silence de la prière, le pieux prélat confiait les désirs 
de son cœur. | 

M. Martin, tout en s’acquittant de son ministère, et sans rien 
changer à ses allures de pasteur, s’occupa donc de réunir dans 
une maison du quartier Saint-Vincent, peut-être celle que 
M. Claude Le Bel avait dû fermer, quelques ordinands de 
bonne volonté, et désireux de se préparer aux saints ordres 
dans les exercices de la vie commune. Par ses soins, les sémi- 
naristes recevaient des leçons de théologie, de pastorale, de 
liturgie. Lui-même puisait dans sa propre expérience les pré- 
ceptes selon lesquels il les formait au ministère sacerdotal. 

C’est tout ce que nous pouvons dire du fonctionnement inté- 
rieur de cette maison bien vite tombée dans l'oubli après la 
création du grand séminaire de Beaulieu. L'auteur de la vie de 
M. Bourdoise dit que M. Lescot demanda trois prêtres de 
Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour en être les directeurs sous 
la supériorité de M. Martin '. Mais n’y a-t-il pas là une confu- 
sion entre le séminaire paroissial de M. Lescot et celui de 
M. d’Estampes de Valençay ; ou bien la demande de M. Lescot 
demeura-t-elle sans exécution? Cette dernière pensée nous 
paraît vraisemblable, car deux événements graves pour le dio- 
cèse de Chartres venaient de se produire, et couvraient d’un 
nouveau nuage l’horizon du séminaire naissant. En 1655 était 
mort à Paris l’un des hommes qui prenaient le plus à cœur la 
fondation de cette œuvre, Adrien Bourdoise, et voici que 
Msr Lescot venait de le suivre dans la tombe, pendant son sé- 
jour à Paris pour la session de l’assemblée du clergé (22 août 
1656). Au milieu de la gloire de tant de bonnes œuvres qui 
avaient rempli son épiscopat, le séminaire comptait pour ce que 
compte un bon désir. Le prélat avait légué tout ce qu’il pos- 


1 Descourvaux. Vie de Bourdoise, 1714, P. 558. 





71 == 
sédait de précieux aux pauvres de Chartres : le séminaire de 
Saint-Aignan était une création si éphémère, qu'à peine il 
avait pu songer à lui dans ses dernières libéralités. Quel deuil 
pour l’âme de M. Pierre Martin, quand autour du cercueil de 
son vénéré prélat, il rangea les quelques clercs de sa maison de 
la Porte-Cendreuse, dont l’avenir devenait plus incertain que 
jamais! Les scandaleuses contestations de droit et de préséance 
qui eurent lieu alors, au sujet des funérailles, entre le Chapitre 
et le clergé de Saint-Aignan, les scellés apposés sur la chapelle 
funèbre par un officier municipal, le procès soutenu devant 
un tribunal séculier par ces prêtres qui se disputaient le droit 
d’enterrer leur évêque, n'étaient pas faits pour réconforter 
l’âme du pasteur ‘. Heureusement Dieu veillait : et dans ce 
petit groupe de jeunes clercs perdus dans la foule il bénissait le 
germe d’une communauté qui ne devait plus périr. Elle allait 
bientôt se développer, rompre ses entraves et s'épanouir en 
toute liberté sur la colline rêvée par le pontife. Elle allait de- 
venir dans Chartres une puissance; sous son toit les prêtres 
du diocèse viendraient souvent, comme dans un camp retran- 
ché, se recueillir après les labeurs du combat; les dignitaires 
du clergé chartrain, nos évêques eux-mêmes lui deman- 
deraient après leur mort un lieu de repos. 

Mer Lescot ne put, durant son épiscopat, que caresser ces 


{ M. Pierre Martin se montra dans ce conflit d'une grande prudence. Pré- 
voyant les difficultés 1] alla, avec une urbanité parfaite, inviter le Chapitre à 
faire dans l’église de Saint-Aignan les funérailles de Mer Lescot. Il eut tout le 
mérite de la démarche, sans en avoir le succès. On lui répondit que le Chapitre 
ne pouvait faire les funérailles de l’évêque défunt sur invitation, mais seulement 
de Sa propre autorité et comme ayant droit, puisqu'il avait juridiction sur tout 
le diocèse pendant la vacance du siège. De là le procès. Le bailliage de Chartres 
rendit une sentence provisoire qui autorisait le Chapitre à faire les funérailles, 
sans préjudice de la sentence ultérieure du Parlement sur les droits respectifs. 
V. Chalines. Histoire de la ville de Chartres, Bibl. comm., mss. 2 p. n° 81. 
— L'acte de sépulture du prélat consigné dans les registres paroissiaux est ainsi 
conçu : « Le mardi 22° jour d'aoust 1656 est décédé en la ville de Paris, illus- 
tnissime et reverendissime Père en Dieu messire Jacques Lescot, evesque de ce 
diocèse de Chartres, estant pour lors rue de Bussy, à cause de l'assemblée du 
clergé à laquelle il estoit député. Son cœur a esté porté à Saint-Quentin lieu de 
Sa naissance ; ses entrailles enterrées en l’église Saint-André-des-Arts proche une 
des portes du cœur de ladicte église du costé de la sacristie et son ne gardé 
dans une chapelle d’icelle jee 28me d'aoust que l’on l'a mené à Chartres 
en la chapelle de l’Evesché et le vendredi 1°" septembre il a esté apporté à 
Saint-Aignan où il a esté inhumé le mercredi 143" septembre au milieu des 
groites _. ra le cœur de la dicte église. (signé) Martin. » — Arch 
comm. , La , e. 


EU 
espérances, et avant leur réalisation, une année devait encore 
s’écouler, année longue comme un siècle, pleine d’incertitudes, 
d’anxiétés, de bruits semés, puis démentis : année qui pour le 
séminaire devait être le temps de l’assoupissement et de l’at- 
tente, triste mais féconde comme ces jours d’hiver où, sous le 
glacial manteau de la neige, la nature prépare les splendeurs 
de sa fécondité. Nous aimons à nous représenter le vénérable 
curé de Saint-Aignan, agenouillé au milieu de ses clercs autour 
de la pierre tumulaire qui dans la crypte de cette église recou- 
vrait le corps du prélat ‘. Avec quelle inexprimable tristesse il 
cherchait dans le souvenir de son pieux évêque une inspiration 
pour la conduite de son œuvre et la solution du problème de 
son avenir? 

Or après quelques mois, l’église de Chartres venait de rece- 
voir un nouveau pasteur. Le 11 décembre 1617 ,'jour fixé pour 
son entrée solennelle, notre petite communauté s'était jointe 
au nombreux clergé de la ville pour aller au-devant du 
nouvel évêque, M£r Ferdinand de Neuville de Villeroy, celui 
qui devait attacher son nom pour toujours à l'érection régu- 
lière et définitive du séminaire. 

Cet homme, grand selon le monde, eut de plus la grandeur 
de faire servir ses influences humaines à la cause de l'église 
dont il avait la charge. Dès son avènement au siège de Chartres, 
il parut avoir fait de la fondation du grand séminaire son 
œuvre de prédilection. Bien petite et bien indigne du grand 
diocèse des Gaules, lui apparut au cours de ses visites épisco- 
pales, ce qu’on décorait pompeusement du titre de Séminaire 
de Saint-Aignan. Il bénit de tout cœur cette communauté parce 
qu’elle était fervente, mais comme il gémit sur elle, en pen- 


1 L’épitaphe de Mer Lescot était ainsi conçue et disposée : 


JACOBI. 
CARNOTENSIUM. EPISCOPI. 
HIC. 
CARO. REQUIESCIT. IN. SPE. 
DEPRECARE. QUISQUIS. ES. 
UT. ANIMA. EJUS. IN. PACE. DEMORETUR. 
ET. SIT. 
IN. PACE. LOCUS, EJUS, 


. C'est wa mois avant sa mort que Mer Lescot avait choisi et désigné par écrit 
la crypte de Saint-Aignan pour le lieu de sa sépulture. 





= 0 
sant que c'était là tout le ferment sacerdotal que le vaste dio- 
cèse de Chartres préparait aux âmes de ses enfants! 

Le prieuré du Grand-Beaulieu était alors possédé en com- 
mande par M. Charles de la Vieuville. Ce digne titulaire en 
touchait les revenus, tandis que les quatre prêtres et les deux 
clercs qu'il entretenait là-haut, menaient la plus tranquille vie 
dans la léproserie sans lépreux. C’était tout ce qui restait de 
la fondation. À Blois, un enchaînement de circonstances aux- 
quelles l'érection du séminaire de Chartres n’était pas étran- 
gère avait amené le récalcitrant Blaise Le Féron à offrir la 
résignation de son abbaye de Saint-Laumer, naguère si obsti- 
nément revendiquée (1658) ‘. Et qui sait si, alarmé de ses ré- 
sistances passées, il ne. sentait pas le besoin de favoriser 
maintenant un projet dont il avait été naguère la principale 
entrave? Nous devons dire, à sa louange, qu'il le favorisa loya- 
lement. Il est vrai qu’il n’y avait plus en cause d’ennemis 
irréconciliables comme M. Olier. Quoi qu’il en soit, Msr de 
Neuville comprit que le moment de tirer parti de ces bonnes 
dispositions était arrivé. Le duc Gaston d'Orléans qui nom- 
mait à l’abbaye de Saint-Laumer, avait aussi le droit de nomi- 
nation au prieuré du Grand-Beaulieu. L’évêque de Chartres 
lui demanda donc et avec instances, de donner son agrément 
à la combinaison suivante qui devait concilier tous les intérêts 
et prévenir tout sujet de mécontentement. M. Blaise Le Féron 
résignait spontanément son abbaye, non sans stipuler la 
condition qu’il recevrait à la place le prieuré simple de Mal- 
noue (ordre de Saint-Benoît) au diocèse de Luçon. M. de la 
Vieuville échangeait son prieuré du Grand-Beaulieu contre la 
riche abbaye de Saint-Laumer; on éteignait le titre de la 
maladrerie; aux quatre prêtres et aux deux servants on assu- 
rait leurs revenus ordinaires jusqu’à leur mort; les biens du 
prieuré étaient réunis à la nouvelle institution du grand sémi- 
naire de Chartres, et l’œuvre tant désirée était accomplie. 

Le plan était fort bien dressé, mais l’on conçoit qu’au 
XVII: siècle tous ces compromis ne se faisaient pas en un jour. 
Il ne fallut rien moins qu’un an et neuf mois pour obtenir le 
consentement des parties et arriver à une solution. Et pendant 
ce temps que devenait le séminaire de Saint-Aignan? M. Gilles 


1 Faillon. Vie de M. Olier, t. IN, p. 375. Cf. Arch. dép., G. 2921 et 2956. 
T. X. M. A 





ne 


Marie en était l’âme et la splendeur. Le premier et presque 
unique disciple de M. Olier dans la maison de Sainte - Foy 
avait grandi, et avec les années s'étaient multipliés en lui les 
dons d’en haut. Par obéissance il était devenu prêtre; par 
obéissance, il venait en 1658 de prendre place parmi le clergé 
de Saint-Aignan. Mer de Neuville l’avait livré à M. Pierre 
Martin à discrétion, lui intimant l’ordre d’obéir au pasteur 
comme à lui-même. C'était le rêve de M. Martin. Il pouvait 
maintenant se décharger sur ce prêtre d'élite de l’œuvre de 
son séminaire dont les exigences s’accordaient si difficilement 
avec la vie mouvementée du ministère pastoral. 

Ses prévisions se réalisèrent au-delà de toute espérance. 
Quand on apprit que c'était M. Marie qui désormais allait 
conduire la maison de la Porte-Cendreuse, un mouvement de 
sympathie se manifesta en faveur de l’œuvre et à cause de 
l’ouvrier. Plusieurs clercs de la ville qui sans cela n'auraient 
jamais franchi le seuil du séminaire, y vinrent volontiers pour 
voir et entendre ce prêtre qu’ils aimaient et dont ils se sen- 
taient tant aimés. | 

On en était là, quand au milieu du mois de mars de l’année 
1659, le moment marqué par la Providence étant arrivé, un 
courrier porteur d’une lettre de Gaston d'Orléans, quitta Blois 
et prit la route du pays chartrain. Le pli scellé aux armes du 
duc était à l’adresse de l’évêque de Chartres, et il contenait le 
définitif et parfait consentement du prince à l’établissement 
d’un grand séminaire dans la léproserie du Grand-Beaulieu‘. 
Ainsi toutes les difficultés avaient été aplanies, toutes les négo- 
ciations avaient abouti. M. Le Féron abandonnaït à M. de la 
Vieuville son abbaye de Saint-Laumer de Blois, que celui-ci 
acceptait en échange du prieuré du Grand-Beaulieu dont le 
titre était éteint et les biens affectés au nouveau séminaire ?. 


‘ Le duc d'Orléans avait dès le 31 octobre précédent donné une approbation 
provisoire à l'établissement du séminaire à Beaulieu. 


2 Arch. dép., G. 2956. Cf. G. 2921, fol. 45 et seq. — Voici la requête 
adressée par M. de la Vieuville à Mgr de Neuville pour A du titre du 
prieuré du Grand-Beaulieu : 
« Monseigneur 

» Charles-François de la Vieuville, conseiller du Roy en ses conseils, abbé 
des abbayes de Saint-Martial de Limoges et de Savigny, nommé par Sa Majesté 
à l'abbaye de Saint-Laumer de Blois, vous remonstre très humblement qu'il au- 
rait pleu à Sa Majesté et à Son Altesse Royale admettre la résignation qu'il 





pen 

Ces dispositions étant sanctionnées par un Placet Royal provi- 
soire (30 mars 1659), tout était fait et l’œuvre préparée de si 
loin , souhaitée si ardemment, trois fois entreprise et trois fois 
ruinée dans son germe, l’œuvre à laquelle des prélats comme 
un d’Estampes et un Lescot, des hommes comme Bourdoise, 
Olier, Claude Le Bel, Gilles Marie avaient donné leurs sollici- 
tudes et voué leur cœur, cette œuvre allait enfin naïtre à une 
vie durable, pleine de promesses, de fécondité et d’avenir. Il ne 
restait plus à l’évêque de Chartres qu’à l’annoncer publique- 
ment et la sanctionner de sa haute autorité. C’est ce que fit 
Mer de Neuville par le décret suivant qui est comme l’acte de 
naissance du séminaire et le titre authentique de son insti- 
tution. De ce chef il mérite de prendre place au cours de cette 
histoire et d’y être reproduit intégralement. 

« Ferdinand de Neuville, par la grâce de Dieu et autorité 
apostolique, évêque de Chartres, conseiller ordinaire du Roy 
en son conseil d’État privé, à tous ceux qui ces présentes 
lettres verront, salut. 

» Savoir faisons que Nous étant informé de l’état de notre 


aurait faicte du prieuré du Grand-Beaulieu-lez-Chartres, pour en estre le titre 
esleint et supprimé et au lieu d’icelluy ériger un séminaire composé de tel nom- 
bre d'ecclésiastiques et régi par tels supérieurs et sous telles conditions que vous 
jugerez utiles et convenables à l'état du diocèse. 

» Le suppliant ayant sceu, Monseigneur, qu'il a pleu à Sa Majesté et à Son 
Altesse Royale de vous octroyer leurs brevets pour l'érection dudict séminaire 
aux clauses lesquelles y sont contenues, se trouvant obligé de solliciter la per- 
fection d'un ouvrage auquel il a donné les premiers commencements et de vous 
remonstrer qu'il n'y a point de lieu en’tout votre diocèse où cet établissement 
soit et plus nécessaire et plus utile qu'audict prieuré du Grand-Beaulieu, soit 

e lon considère la manière en laquelle il est aujourd’hui desservi, soit que 
lon regarde le fruict qui procédera de cet établissement et sans doubte que l'in- 
tention de ceux qui en sont les fondateurs se trouvera pleinement satisfaite , 

and au lieu d’une communauté qui n'a point de supérieur domestique cette 
Libe sera desservie par un grand nombre de prestres vertueux, lesquels ins- 
truiront les peuples de la campagne de leurs debvoirs et serviront de modèle et 
d'exemple à ceulx qui se voudront eslever à la dignité du sacerdoce ; 

» À ces ce Moueiacie. vous plaise procéder suivant et conformément 
aux saints décretz et aux clauses portées par les brevets de Sa Majesté et de 
Son Altesse Royale à l'extinction et suppression du tiltre dudict prieuré, en- 
semble à celle des prestres sociétaires qui le desservent lorsque vacation en arri- 
vera par non résidence ou autrement ; à l'érection dudict séminaire ; et y unir, 
annexer et incorporer l’église, lieux, bâtiments, domaines et droits dépendant 
dudict prieuré et desdictes places; le suppliant continuera ses prières envers 
Dieu à ce qu'il luy plaise vous combler de ses bénédictions. 


» Signé : DE LA VIEUVILLE. » 





10: 
diocèse dans le cours de nos visites, nous avons recogneu le 
besoin qu'ont les peuples des villes et des campagnes d’être 
conduits par des curés d'intelligence, de suffisante éducation 
et connaissant le poids des charges; qui soient capables d’en 
acquitter les devoirs ou de nous prêter les secours que les 
saints décrets les obligent de nous rendre; et comme nous 
avons été persuadés que nos souhaits seront infructueux, si 
nous ne procurons nous-même l’établissement d’un séminaire 
composé de personnes vertueuses, sages, intelligentes dans la 
conduite des âmes et capables de nous fournir de temps en 
temps des ecclésiastiques si bien instruits de l'obligation de 
leur ministère que nous puissions en conserver et nous reposer 
sur eux de l'instruction des peuples que Dieu a commis à notre 
soin et vigilance; vue la requête à nous présentée par Messire 
Charles-François de la Vieuxville, conseiller du roi en son 
conseil, abbé des abbayes de Saint-Martial de Limoges et de 
Savigny, à ce qu’il nous plaise procéder à l’extinction du 
prieuré conventuel séculier du Grand-Beaulieu de Chartres, 
ensemble à celle des places des quatre prêtres et des deux 
clercs sociétaires, qui le desservent, lorsqu'elles viendront à 
vacquer en quelque manière que ce soit et à l’érection d’un 
séminaire perpétuel, composé de tels prêtres et personnes 
ecclésiastiques que Nous jugerons nécessaires, sujettes anté- 
rieurement à Notre juridiction ordinaire; et administré par un 
supérieur lequel, ainsi que lesdits prêtres ou personnes ecclé- 
siastiques seroient révocables à la simple volonté de Nous ou 
de nos successeurs Évêques, pour vivre en communauté 
conformément aux constitutions qu’il nous plaira donner; 
unir, annexer, incorporer audit séminaire : église, lieux, 
bâtiments, domaines, revenus et droits, dépendant du dit 
prieuré, ou des dites places, du treizième de may mil six cent 
cinquante neuf : la procuration dudit sieur abbé de la Vieux- 
ville pour résigner ledit prieuré, à l’effet de la dite suppres- 
sion, extinction et union, du sept mars mil six cent cinquante 
neuf, passé devant Bigot et Devaux notaires au Châtelet de 
Paris : les brevets de Son Altesse Royale Mer le duc d'Orléans, 
des 30 octobre 1658 et 12 mars 1659 : le brevet du Roi du tren- 
tième dudit mois de mars; Notre ordonnance étant au bas de 
ladite requête portant qu’elle sera communiquée audit sieur Pro- 
moteur dudit jour 14 may, conclusions de notre dit Promoteur 








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MMToNCI ef ne. Mendro 0) 4, VA. 





ES ur 

à ce qu'il soit informé de la commodité, utilité et nécessité des 
dites suppressions, extinction du titre dudit prieuré du Grand- 
Beaulieu et desdites places, érection dudit séminaire, union 
desdites églises, lieux, bâtiments, domaines, droits et revenus ; 
la commission par nous octroyée à Messire Jean Edeline, 
prêtre, licencié en droit, chambrier et chanoine de notre églisé, 
et notre Grand-Vicaire, pour informer du contenu de ladite 
requête ; informations faîtes par ledit sieur Edeline; conclusions 
définitives de notre dit Promoteur ; 

» Tout vu et considéré, nous avons admis et admettons la 
résignation faite entre nos mains par ledit sieur abbé de la 
Vieuxville, et faisant droit sur sa requête, ensemble sur les 
conclusions de Notre Promoteur; suivant et conformément 
aux saints Conciles et Ordonnances de nos Rois, brevets de Sa 
Majesté et de Son Altesse Royale, nous avons éteint et sup- 
primé, éteignons et supprimons par ces présentes, le titre du 
dit prieuré du Grand-Beaulieu -lès-Chartres, ensemble les 
places desdits prêtres et clercs lorsqu'elles viendront à vacquer, 
en quelque manière que ce soit, dès à présent comme dès 
lors, et dès lors comme à présent, sans que puisse être 
pourvu à l’avenir, sous quelque prétexte que ce puisse être. 

» Nous avons érigé, établi et institué, érigeons, établissons 
et instituons au lieu où se desservoit le dit prieuré du Grand- 
Beaulieu, un séminaire permanent et perpétuel, sujet entière- 
ment à l’autorité, direction, visite de Nous et de nos suces- 
seurs Évêques, ou de Nos Grands Vicaires ; et Nous avons uni, 
annexé, incorporé, unissons, annexons, incorporons audit 
séminaire l’église, bâtiments, revenus, droits, domaines, dé- 
pendances du dit prieuré, des dites places des prêtres et clercs 
desservant iceluy sous le titre de confrères, lorsqu'ils vien- 
dront à vacquer. Nous avons ordonné et ordonnons que le dit 
séminaire sera composé de quatre prêtres, sujets entièrement 
à la juridiction, correction et visite de Nous et nos successeurs 
et grands-vicaires ; l’un desquels sera le Supérieur des autres 
directeurs dudit séminaire, et tous ensemble vivront en com- 
munauté, et seront les dits supérieurs et prêtres révocables à 
la volonté de Nous et de nos successeurs. 

» Nous avons pareillement ordonné et ordonnons que les 
ecclésiastiques de notre diocèse, au nombre qui sera prescrit 
et ordonné par Nous et nos successeurs, seront reçus au dit 


Se 


= 79 — 
séminaire et qu’ils y seront instruits aux bonnes lettres, piété, 
dévotion, chant ecclésiastique, catéchisme, service divin, et 
autres fonctions curiales. 

» Nous voulons et entendons que tous les prêtres, curés, 
vicaires, et autres bénéficiers, lesquels voudront se perfec- 
tionner dans la connaissance et dans la pratique des devoirs 
de leur condition y soient aussi admis et reçus. 

» Nous ordonnons aussi auxdits Supérièur et prêtres du 
séminaire de recevoir et traiter charitablement ceux lesquels 
pour la correction de leurs meurs, leur seront envoyés par 
Nous, nosdits successeurs, grands vicaires et officiaux et de 
nourrir gratuitement, pendant dix jours ceux lesquels auront 
été admis par Nous ou nosdits successeurs, aux ordres sacrés 
et de les instruire de la dignité et de l’obligation de l’Ordre 
qu’ils voudront recevoir, les ayant auparavant examinés sur 
les motifs de leur vocation. 

» Nous ordonnons que toutes les fondations, services et 
offices divins du dit prieuré auxquels lesdits prêtres sociétaires 
sont obligés, s’acquitteront et se feront par lesdits Supérieur 
et prêtres à mesure que les places des dits prêtres sociétaires 
viendront à vacquer; seront toutefois conservés les dits prêtres 
et clercs sociétaires en tous leurs droits, privilèges et revenus, 
tant qu’ils possèderont les dites places. 

» Et d'autant que le premier fondement d’un établissement 
si important et si nécessaire est le choix et institution d’un 
supérieur, nous avons commis et commettons, avons institué 
et instituons par les présentes Messire Pierre Martin, licencié 
en droit canon et curé de l’église paroissiale de Saint-Aignan 
de Chartres, supérieur du dit séminaire pour iceluy régir et 
administrer avec ceux que nous nommerons, suivant les cons- 
titutions et règlements qui seront donnés par nous et nos suc- 
cesseurs. 

» Si mandons au premier notaire de Notre dite Cour 
Épiscopale, que le dit Messire Pierre Martin, au nom du dit 
séminaire, ou procureur spécialement fondé, il ait à mettre 
en la possession, jouissance de la dite église, lieux, droits, 
domaines, bâtiments et revenus dépendants du dit prieuré 
pour en jouir par les dits Supérieur et prêtres qui seront par 
Nous nommés et commis pour régir et administrer le dit sémi- 
naire, librement et paisiblement, suivant et conformément aux 











— 79 — 
institutions du Roy et de Son Altesse Royale et à la teneur 
des présentes. 

» Donné à Chartres, sous notre scel et seing de notre secré- 
taire ordinaire, l’an mil six cent cinquante neuf, le 12° no- 
vembre et notre ordonnance du 6° novembre présent mois, et 
notre communication être faite à notre promoteur de la sus- 
dite information et de toutes les autres pièces. » 


Signé : Ferdinand DE LA VIEUVILLE, 
Évêque de Chartres !. 


Telles étaient les bases sur lesquelles allait s'établir le grand 
séminaire de Beaulieu. En étudiant de près cette solennelle 
institution, on ne peut qu’admirer la prudence avec laquelle 
Msr de Neuville conduisait son œuvre au milieu des nom- 
breuses complications de la situation. Il y avait sans doute 
autre chose à espérer pour l’avenir et le prélat le savait mieux 
que personne. La cohabitation des nouveaux directeurs avec 
les anciens confrères de la léproserie devait faire naître des 
froissements et des conflits quotidiens. Ces ordinands étrangers 
à qui l’on ouvrait pour dix jours les portes du séminaire; ces 
prêtres que l’on admettait à toute époque de l’année quand il 
leur plaisait de venir se retremper dans la retraite; surtout 
ces délinquants et ces vicieux qui étaient envoyés à Beaulieu 
comme dans un pénitencier pour y expier leurs désordres et 
s’y amender ?, quelles occasions de dissipation pour un novi- 
ciat sacerdotal! N°y avait-il pas aussi un obstacle dans le dou- 
ble emploi de ce Supérieur chargé en même temps du gouver- 
nement d’une paroisse en ville et de la direction du grand 
séminaire à la campagne? 


1 Arch. dép., G. 2956. Cf. Bibl, comm., mss., 2% part., n° 46. Pièces jus- 
tificatives. 


1 Le procédé d'enjoindre aux prêtres délinquants de se renfermer pendant 
un temps déterminé dans un séminaire était universel dans l’Église de France. 
Quelques prêtres ayant voulu contester à leur évêque le droit de statuer ainsi 
sur eux sans information préalable ni procès-verbal , la Grand-Chambre du Par- 
lement de Paris, considérant qu'une résidence dans un séminaire, fût-elle or- 
donnée par l’évêque ,,ne pouvait être considérée comme une peine, ni l’ordre de 
s’y soumettre comme une condamnation, jugea que l'information juridique et je 
procès-verbal n'étaient pas nécessaires (Ordonnances du 28 novembre 1689 , et 
et du ji juillet 1693. — Voir Mémoires du Clerge de France, t. II, p. 903 
el seq. 


Assurément il y avait là 
rissement à bref délai. Mais 
pouvait faire : et même dan 
bien le zélé pontife devait s 

Les lettres patentes du ro 
naire, ne se firent pas lonte 
à Toulouse en décembre 16: 

Or pendant que le Grand 
raient lentement à enregist: 
à Chartres. L'officialité dio 
Vieuville et sur l’arrêt du G 
de commodo et incommodo 
et l’érection d’un séminaire 
informait et devant Maitre 
curé, les marguilliers et le 
un consentement authentiq: 
1660 les lettres royales étai 
et le 29 mai suivant au Parl 

Mais déjà la petite comm 
émigré sur la colline et ét 
Beaulieu. 


1 Arch. dép., G. 2956. Cf. Bibl 


LES VIDAMES DE CHARTRES 


AU XIIF SIÈCLE 


ET LE VITRAIL DE SAINTE MARGUERITE 





La cathédrale de Notre-Dame de Chartres est une des plus 
belles du monde; c’est là une vérité généralement reconnue. 
Ce qui fait sa supériorité, ce n’est pas seulement ses deux clo- 
chers, ce n’est pas ses 4,272 figures de pierre; c’est surtout ses 
vitraux du XIIIe siècle. La cathédrale possède encore aujour- 
d’hui 115 grandes lancettes, 3 grandes roses, 93 roses moyennes, 
6 petites roses du siècle de saint Louis. « Chartres, dit F. de 
» Lasteyrie dans son Histoire de la peinture sur verre, est un 
» type, et un type parfait. Si, comme exécution de détail, on 
» a été beaucoup plus loin, il n’existe, j’ose le dire, rien de 
» plus complet, rien de plus admirable comme décoration et 
» entente des effets. » Et si quelque chose peut paraître encore 
plus admirable, c’est la célérité avec laquelle furent achevés 
tous ces vitraux. L'église avait été complètement détruite par 
un incendie en 1194 ; dès 1220, suivant le témoignage de Guil- 
laume le Breton, elle était entièrement rebâtie en pierres de 
taille, et si elle ne fut solennellement consacrée qu’en 1260, 
c’est qu’on voulait que toutes les sculptures fussent terminées, 
que toutes les fenêtres fussent garnies de leurs verrières. 

Aussi, n’hésiterons-nous pas à reporter à la première moitié 
du XIIIe siècle la date des vitraux, qu’on attribue générale- 
ment à la seconde moitié de ce siècle. Tout récemment, 
M. l’abbé Clerval {La famille Chardonnel et les vitraux de la 
chapelle du Pilier. Chartres, Garnier, 1889) démontrait que 


T. X. . 1 


les verrières de 


— 89 — 
la chapelle du Pilier étaient antérieures à 


l’année 1240 : une circonstance fortuite nous ayant conduit à 
nous occuper d’un autre vitrail du tour du chœur, celui de 
sainte Marguerite en la chapelle du Sacré-Cœur-de-Jésus, nous 
avons reconnu d’une manière certaine que celui-ci encore 
avait été exécuté avant 1240, et non à la fin du XIIIe siécle, 
comme on le supposait Jusqu'ici. 





L. Hist. de S° Marguerite. 

IL, I, IV, V. Hist. de S° 
Catherine. 

4. Guérin de Friaize. 

2. Hugues de Meslay. 

3. Vidamesse Marguerite. 

4. La Vierge. 

5. Inscript. E GARIN DE F 


Deux mots d’abord de description. Toute la 
partie supérieure du vitrail raconte l’histoire 
de sainte Catherine ; le médaillon inférieug 
est consacré à la glorification de sainte Mar- 
guerite; puis, dans le bas, on voit trois dona- 
teurs, deux chevaliers à droite, à gauche une 
dame agenouillée devant une image de Marie. 
Quels sont ces personnages ? L’abbé Bulteau 
(Description de la Cathédrale de Chartres, 
p. 248) déclare qu'il l’ignore absolument ; 
F. de Lasteyrie suppose que l’un des cheva- 
liers est Jean de Chartres, qui mourut en 
1297 ; M. F. de Mély (Etude iconographique 
sur les vitraux de Chartres) accepte cette 
identification pour l’un des chevaliers, et pour 
l’autre propose Guillaume, vidame de Char- 
tres jusqu’en 1287. Quant à la dame, personne 
n’a tenté de déterminer son nom. 

Sur le vitrail, les deux chevaliers portent 
leur écusson, qui peut servir à les faire re- 
connaître. L’un a un écu de gueules à une 


TT VEN 
NX) 


€] 
y ÿe 


bande d'argent accompagnée de 6 merlettes de même, 3 en chef 
et 3 en pointe ; c’est le Jean de Chartres de F. de Lasteyrie. 
L'autre porte de gueules fretté d'or de 3 traits. M. de Mély 





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— 84 — 

a très justement fait observer que ces armoiries se retrouvent 
sur une tombe autrefois placée dans le chœur de l’abbaye 
de Josaphat et dont Gaignières nous a conservé le dessin. 
Lorsque ce dessin fut fait au XVIIe siècle, la dalle tumulaire 
était déjà en très mauvais état de conservation : ce qui le 
prouve, ce sont les lacunes qui existent aux endroits les plus 
importants. Le dessinateur, ne pouvant déchiffrer l’inscription, 
l’a reproduite telle à peu près qu’il la voyait, et nous a donné 
une version incompréhensible. M. de Mély, sans tenir compte 
” des lacunes, l’a reproduite fidèlement : Hic JACET D MILITIS 
QUONDAM MARITUM C ARITAE VICEDOMINI EJUS ET ANIMA 
OMNIUM FIDELIUM REQUIESCANT IN PACE. 

Partant de ce texte obscur, M. de Mély en a conclu que la 
tombe était celle d’un vidame de Chartres au XIIIe siècle, 
époux d’une Marguerite, et qu’elle avait recouvert le corps de 
Guillaume, vidame de Chartres jusqu’en 1287. Ce Guillaume 
aurait donc été le second donateur du vitrail de sainte Margue- 
rite. Mais quel est ce Guillaume? Nous n’en trouvons nulle 
trace ailleurs que dans l'écrit de M. de Mély : nous avons com- 
pulsé tous les titres, toutes les histoires, nous n’avons rencon- 
tré que deux vidames du nom de Guillaume, ayant épousé une 
Marguerite : le premier, Guillaume IT de Ferrières, qui vivait 
à la fin du XIIe siècle, et dont les armes, de... à unebande de... 
accompagnée de 8 besants ‘, ne ressemblent en rien à celles 
gravées sur la tombe et peintes sur le vitrail. Le second, Guil- 
laume de Meslay, vivait au commencement du XIVe siècle, et 
nous connaissons également ses armes : de... à une fasce de. 
accompagnée de 6 merlettes ?. Ce n’est donc pas à un Guil- 
laume, vidame de Chartres, qu’appartient la dalle tumulaire 
de Josaphat ; ce n’est pas non plus un Guillaume qui est figuré 
au bas du vitrail. 

"Mais, parmi les vidames vivant au XIIIe siècle et ayant 
épousé une Marguerite, il en est un troisième, Guérin de 


Ÿ Un sceau de Guillaume IIT de Ferrières, conservé à Versailles dans le fonds 
de l’abbaye des Vaux-de-Cernay, nous a fourni ces armoiries. Nous les retrouvons 
également en 1245 sur un sceau de Jean de Ferrières, chevalier (Archives 
d'Eure-et-Loir, Fonds du Chapitre de N.-D. de Chartres). 


2 Voir le sceau d'Ursion de Meslay, publié par Douet d'Arcq (Inventaire des 
sceaux, n° 2886). Les mêmes armes se voient en tête des Chansons du vidame 
de Chartres (Guillaume de Meslay), ms. fr. de la Bibl. nat., no 7232. 





296 = 
Friaize, qui apparaît dans une foule d’actes de 1190 à 1935 !. Il 
avait pour femme Marguerite, fille de Milon de Lèves et de 
Berthe. 

Pour arriver à la détermination certaine des chevaliers repré- 
sentés sur le vitrail de sainte Marguerite, nous avons étudié 
plus particulièrement les documents où figure Guérin de 
Friaize, et, grâce à cette étude, nous sommes parvenu à 
reconstituer l’histoire des vidames de Chartres dans la pre- 
mière moitié du XIIe siècle, histoire restée très obscure jusqu’à 
ce jour. Cette obscurité tient à plusieurs causes : d’abord le peu 
de documents que nous avons sur ces époques reculées ; puis 
la fréquence des mêmes noms dans une même famille, la mul- 
tiplicité des secondes unions, et enfin la confusion des termes 
amita, patruus, avunculus, souvent employés les uns pour les 
autres. Une autre cause d’erreur vient s’ajouter ici à celles que 
nous venons d’énumérer : le titre de vidame a été pris non seu- 
lement par tous les membres de la famille qui possédaient le 
vidamé, hommes et femmes, mais encore il était souvent trans- 
mis par le mariage. Nous allons cependant essayer de démêler 
la vérité au milieu de ce dédale;, nous verrons que ce travail 
n'est pas inutile pour trouver la solution de notre question. 
Nous ne nous occuperons que de la première moitié du XIIIe 
siècle. ‘ 

Guillaume IT de Ferrières, vidame de Chartres, mourut vers 
1180, laissant six enfants, trois fils et trois filles : Guillaume, 
Jean, Robert, Isabelle, Hélissende et Marguerite; c’est ce qui 
ressort de divers actes, nous n’en citerons qu’un où cette des- 
cendance est nettement indiquée. Au mois de mai 1226, Geof- 
froy de Meslay confirme l’aumône faite à Josaphat par feu 
Jean, vidame de Chartres, lequel avait fait cette aumône pour 
le repos de l’âme de son frère Robert, du consentement de leur 
frère Guillaume et de leurs sœurs, Isabelle et Hélissende ? 
(Bibl. nat., ms. lat., 10103, p. 86). 


1 Nous donnons le titre de vidame à Guérin de Friaize d'après l’inscription de 
sa tombe : néanmoins nous ne pensons pas qu’il ait jamais porté le titre de 
vidame, et, comme nous le dirons plus loin, nous croyons que dans l’inscription 
si mal copiée par le dessinateur, il faut lire vicedomine au lieu de vicedomini. 


2 Marguerite, la troisième fille de Guillaume Il, ne comparaît pas à la dona- 
tion de Jean de Ferrières, parce que sans doute elle était déjà religieuse à 
Belhomert, où elle finit ses jours. 





"QG 

_ Jean et Robert moururent dans les premières années du 
XIIIe siècle *; Guillaume décéda à Constantinople en 19204? 
Ce dernier avait épousé Mabile, fille de Milon de Lèves et de 
Berthe *, et Jean était marié à Marguerite, sœur de Mabile!. 
Ces deux dames, après la mort de leurs maris, conservèrent 
le titre de vidamesse. Guillaume seul eut une descendance 
féminine : Hélissende, qui hérita du vidamé et le porta par 
mariage à Geoffroy de Meslay ou de Fréteval 5. 

Mabile et Marguerite, une fois veuves, se remarièrent, la 
première avec Hugues de Meslay, frère de Geoffroy, et la 
seconde avec Guérin de Friaize. Ces deux nouvelles unions ne 
font aucun doute $. Les deux dames étaient, comme nous 
l’avons dit, filles de Milon de Lèves, appelé aussi Milon du 
Bois-de-Lèves, Milo de Nemore, surnom donné probablement 
à la branche cadette de la maison de Lèves. En 1201, Geoffroy, 


{ Comme nous venons de le voir, Robert mourut avant son frère Jean, et 
celui-ci était décédé avant le mois de mai 1201, époque où son frère Guillaume 
fit un don pour le repos de son âme. 


2? Hist. du diocèse de Chartres, par Souchet, t. Il, p. 550. On a faussement 
attribué à Guillaume 111 de Ferrières les Chansons et Saluts d'amour connus 
sous le nom du Vidame de Chartres. Voir Guillaume de Meslay, auteur des 
chansons et saluts d'amour, par M. L. Merlet. Chartres, Garnier, 1857. 


8 Au mois de mai 4201, Guillaume III, vidame de Chartres, de l’assentiment 
de sa femme Mabile, confirme les donations faites à l'abbaye de Josaphat par ses 
ancêtres et ceux de sa femme Mabile (Bibl. nat., ms. lat., 10103, p. 126). 


# En 1202, Guillaume IIE, vidame de Chartres, donne au Chapitre de Notre- 
Dame 40 sous chartrains à prendre sur la voirie de Chartres, et il fait mention 
de sa belle-sœur Marguerite, post decessum mee sororie Margarite ( Cart. de 
N.-D. de Chartres, 1. II, p. 18). 


5 Geoffroy de Meslay dut épouser Hélissende vers l’année 1215. Le plus 
ancien acte où nous les voyions figurer ensemble est de juin 1218 (Orig. en 
parch., Bibl. nat., ms. lat., 9223). 


6 Dans un acte de février 1218, que nous citerons plus loin, Berthe, veuve 
de Milon de Lèves, fait une donation à l’abbaye de Josaphat, et ses deux filles 
interviennent avec leurs maris pour confirmer cette donation : Concesserunt 
Margarita, vicedomina, et Mabilia, soror ejus, et ad confirmationèm ejusdem 
elemosine litteras marilorum suorum, Guarini de Friesia et Hugonis de Frac- 
tavalle, haberi fecerunt. — En 1220, Hugues de Meslay confirme un don fait 
à Aa tn par Milon de Lèves, pater karissime conjugis mee Mabilie, lequel est 
enterré à Josaphat, en spécifiant tautefois que, pendant sa vie, Marguerite, sœur 
de sa femme, Jouira des revenus de la terre donnée par Milon, quamdiu cireril 
Margarita, soror conjugis mee. Par le même acte, Hugues confirme une autre 
donation, faite par Berthe, la femme de Milon de Lèves, similiter de modio 
annone apud Vilemain a domina mea Berta, matre dicte conjugis mee (Bibl. 
nat., ms. lat., 10103, p. 88). | 





87 — 

seigneur de Lèves, atteste que Milon du Bois, son parent et 
ami ‘, a donné, par son testament, à l’abbaye de Josaphat 
20 sous de rente annuelle, du consentement de Berthe, son 
épouse ?, et de Marguerite et Mabile, ses filles ; et comme ledit 
Geoffroy était obligé de tenir compte audit Milon desdits 
20 sous de rente, en conséquence de certains arrangements 
qu’ils avaient pris ensemble, Geoffroy, à la sollicitation de 
Milon, prêt à mourir, a assigné lesdits 20 s. de rente sur les 
premiers cens qui seront reçus au château de Lèves le lende- 
main de l’octave de la Saint Denis (Arch. d’Eure-et-Loir, inv. 
de Josaphat). 

Mabile, femme d’'Hugues de Meslay, apparaît pour la der- 
nière fois en 1220 (voir note 6, p. 86), et nous avons la 
preuve qu’elle était morte avant le mois de février 1227, épo- 
que où Hugues de Meslay, saisi d’un mal subit, confirma à 
l’abbaye de Josaphat, du consentement de Geoffroy, son pre- 
mier-né, l’aumône qu’il lui avait faite, en prenant la croix 
contre les Albigeoiïis, d’un demi-muids de blé sur son gagnage 
du Bois-de-Lèves, provenant de l’héritage de Mabile, vidamesse 
de Chartres, sa défunte épouse, Mabilia, quondam vicedomina 
Carnotensis, defuncta, en présence de son cher parent Goslein 
de Lèves ?, de son frère, le vidame Geoffroy, et de son gendre, 
Robert de Tachainville * (Bibl. nat., ms. lat., 10103, p. 87). 


1 Milon du Bois-de-Lèves, frère de Gosleim, évêque de Chartres, était fils de 
Milon Ier. Geoffroy, seigneur de Lèves, était fils de Goslein, frère de Milon I. 
Milon IT et Geoffroy étaient donc cousins-germains. 


2 Comme on le voit, Milon-du-Bois de Lèves mourut en 1201. Après sa mort, 
Berthe se remaria à Geoffroy de Sens et en eut un fils nommé Geoffroy. Au mois de 
février 1218, Geoffroy de Sens, chevalier, et sa femme Berthe, Gaufridus 
Senonensis, miles, et Berla, uxor ejus, donnèrent à Josaphat un muids de blé à 
Villemain pour l'anniversaire de leur fils Geoffroy qui venait de mourir et avait 
été rat dans le monastère. Hanc elemosinam laudaverunt et concesserunt 
sorores dicti Gaufridi defunch, Margarita, vicedomina, et Mabilia, soror 
eus, et ad confirmalionem ejusdem elemosine litteras maritorum suorum, 

ruarini de Friesia et Hugonis de Fractavalle, haberi fecerunt (Bibl. nat., ms. 
lat. no 10103, p. 84). 


8 Goslein de Lèves était le fils de Geoffroy, seigneur de Lèves, dont nous 
avons cité l'acte de 1201 ; il était donc cousin issu de germain de Mabile, la 
femme de Hugues de Meslay. 


# Quel était ce Robert de Tachainville, gendre de Hugues de Meslay ? Quelle 
était sa femme ? Sans doute Marguerite, dame de Tachainville, qui est citée dans 
le Cartulaire de Josaphat comme morte en 1237. Robert alors pourrait être le 
üls d'Hélissende, fille de Guillaume II de Ferrières, laquelle fut en effet mariée 


= 08 = 

Nous ne rencontrons plus aucune mention de Hugues de Mes- 
lay : cet acte peut être considéré comme l’expression de ses 
dernières volontés. Quant à Guérin de Friaize, il figure encore 
dans une pièce de 1931 ‘; mais il disparaît à partir de cette 
époque, tandis qu’en 1240 nous trouvons encore vivante sa 
femme Marguerite. 

Pour rendre plus clair ce qui précède, nous donnons deux 
tableaux généalogiques des membres des familles de Ferrières 
et de Lèves au commencement du XIIIe siècle. 


Guillaume II de Ferrières, marié à Marguerite, + vers 1180. 
EE, | 





Guillaume III, Jean, Robert Isabelle Hélissende, Marguente, 
marié à marié à . + avant mariée à religieuse 
Mabille de Lèves Marguerite de Lèves 1200. Robert de Tachainville à Belbomet 
+ 1204. + avant 1201. + après 1226. 
A —  — ——…_É 
Hélissende, Robert de Tachainville 
mariée à : marié à 
Geoffroy de Meslay Marguerite de Meslay. 


Milon 11 de Lèves, marié à Berthe + 1201, 
0 ÛÛÛ 0m" 


Mabile, + avant 1227, mariée à Marguerite, + après 1240, mariét à 
1° Guillaume lII de Ferrières. 2 Hugues de Meslay, 1° Jean de Ferrières. 2° Guérin de Fra 
+ 1227. + après 191. 
RE ER. à ee 
Hélissende, Geoffroy. Marguerite, 
mariée à + avant 1237, 
Geoffroy de Meslay. mariée à 
Robert de Tachainville. 


à un Robert de Tachainville, et que nous voyons citée, avec le titre de 
dame de Tachainville, dans un acte de Geoffroy de Meslay, du mois de mai 1226: 
Helissendis, domina de Tachenvilla, amita karissime conjugis mee Helissendis 
(Bibl. nat., ms. lat., 10103, p. &5). | 


1 Guérin de Friaize appartenait à une des familles les plus puissantes du pays 
chartran. Son père, Gautier de Friaize, fut un des bienfaiteurs de l’abbaye de 
Josaphat et de l’'Aumône de Chartres. Son frère aîné, Jean, avant de partir pour 
la croisade, multiplia ses donations aux établissements religieux. Au mois de mai 
1202, après avoir confirmé les dons de son père à l’abbaye de Josaphat (Bibl. 
nat., ms. lat., 10103, p. 102), il donne à l’Aumône de Chartres dix charre- 
tées de bois mort dans ses bois de Friaize (Hôtel-Dieu de Chartres, 1, B, 2); 





— 89 — 

Cette généalogie une fois établie, voyons en quoi elle peut 
nous servir pour l'interprétation de notre vitrail. 

Et d’abord, disons encore quelques mots de la tombe de Josa- 
phat, que nous attribuons à Guérin de Friaize. Cette attribution 
nous paraît certaine. Guérin et sa femme, la vidamesse Mar- 
guerite, comptent parmi les principaux bienfaiteurs de Josa- 
phat !. Leur obit est inscrit au nécrologe de l’abbaye (Bibl. nat., 
ms. lat., 9224) : Idus septembris, obiit Garinus de Friesia, 
miles, qui dedit nobis sexies viginti libras carnotensium ad 
emendos redditus. 

XV kal. augusti, obiit Margareta, quondam vicedomina, de 
cujus elemosina viginti libras habuimus ad redditus compa- 
randos. 

Nous proposons donc de rétablir ainsi l’inscription qui se 
lisait autour de la tombe : Hic JACET [cORPUS GARINI|, MILITIS, 
QUONDAM MARITII DOMNE MARGJARITE, VICEDOMIN|E CARNO- 
TENSIS. ANIMA| EJUS ET ANIMA OMNIUM FIDELIUM REQUIES- 
CANT IN PACE. 

Le vitrail de sainte Marguerite vient pleinement confirmer 
cette interprétation. En effet, surmontant les deux chevaliers 
donateurs de ce vitrail, est une banderole dont les deux extré- 
mités ont été brisées et remplacées par des verres de diverses 
couleurs. On voit encore sur cette banderole un fragment d’ins- 
cription, et cette inscription est précisément placée au-dessus 
de la tête du personnage dont l’écu est identique à celui qui 


il abandonne au prieuré de Saint-Nicolas de Courville tous les droits de voirie 

"il possédait à Courville et dans les environs (Arch. de l'abb. de en 
remet au Chapitre de Notre-Dame de Chartres et à l’abbaye de Saint-Père le 
droit de voirie à lui appartenant sur leurs biens d'Amilly, de Fontenay, de 
Saint-Aubin et de Mittainvilliers (Cart. de Saint-Père, p. 610). Jean mourut en 
Terre-Sainte en 1205. Son frère Guérin hérita sans doute de tous ses biens, et 
ne se montra pas moins aumônieux que lui. Du vivant de son frère, il avait con- 
firmé toutes ses donations; après sa mort, nous le voyons, en 1207, donner au 
PRG de Courville le moulin de Charruyau; en 1226, aumôner à l’abbaye de 
"Eau, qui venait d’être fondée, une rente de 10 livres dunoises sur le faîtage de 
Châteaudun; enfin, en 1231, abandonner à l’abbaye de Saint-Jean-en-Vallée une 
rente de 5 livres sur le péage de Cernay. 


1 En février 1223, Guérin de Friaize confirme les dons faits par son père 
Gautier et son frère Jean à l’abbaye de Josaphat, à condition que les religieux 
célébreront le jour anniversaire de sa mort et de celle de Marguerite, sa femme 
(Bib]. nat., ms. lat., 40103, p. 102). 


__ 99 — 
était gravé sur la tombe de Josaphat. Or voici ce qu'on lit : 
.… E GARIN DE F...!. 





C’est assez clair, ce nous semble : le nom du chevalier à l’écu 
de gueules fretté d’or est parfaitement indiqué : Garin de F..., 
Guérin de Friaize ; il n’y a pas de doute possible. Quant à l'E 
qui précède le nom de Guérin, c’est la dernière lettre du nom 
de l’autre chevalier, que son écusson désigne suffisamment. 
D’après la longueur du verre rapporté pour remplacer ce qui 
manque de l'inscription, nous croyons qu’on doit ainsi la réta- 
blir : [H. DE MEL]JÉ *. GARIN DE F[RIESE|. 

C'est donc Guérin de Friaize et son beau-frère Hugues de 
Meslay les deux chevaliers figurés au bas du vitrail de sainte 

. Marguerite. F. de Lasteyrie avait fait de Hugues de Meslay 
Jean de Chartres; mais les armes de la famille de Chartres 
étaient d'argent à ? bandes de gueules : qu’ont-elles de commun 
avec ces merlettes, armes parlantes des Meslay, qui se retrou- 
vent sur tous leurs écussons et sur notre vitrail ? 

Nous le répétons, jamais interprétation ne fut plus certaine 
que celle que nous proposons. Nous n’hésiterons pas davan- 
tage à reconnaître dans cette dame agenouillée devant la Mère 
de Dieu, Marguerite de Lèves, la femme de Guérin de Friaize, 
la belle-sœur de Hugues de Meslay. C’est en l’honneur de sa 


"+ L'abbé Bulteau a lu... ECABINDEF, et a déclaré que c'était incompréhen- 
sible. 


3 Au XIIIe siècle, la forme romane du nom de Meslay est Mellé ou Mélé. 





Le M 
sainte patronne, Marguerite, qu’elle fit faire ce vitrail, et si sa 
sœur Mabile n’est pas à genoux auprès d'elle, c’est que déjà 
elle était décédée. Nous arrivons ainsi à déterminer, à quelques 
années près, la date de cette verrière : Mabile vivait encore en 
1220, elle était morte avant 1227; Hugues mourut lui-même 
vers 1227 : le vitrail dut donc être fait entre 1220 et 1227 
environ. 


RENÉ MERLET, 
Elève à l'Ecole des Chartes. 


LES INSIGNES CANONIAUX 


DE 


L'ANCIEN CHAPITRE DE NOTRE-DAME DE CHARTRES 


Il y avait longtemps que le Chapitre de Notre-Dame de 
Chartres vivait groupé autour de son évêque, l’aidant dans 
son ministère et célébrant avec lui les divins offices, lorsque 
se posa la question d’un vêtement de chœur spécial pour les 
chanoines. Jusque-là ces « frères de l'Église de Chartres » !, 
comme on les appelait, pour former le presbyterium épiscopal, 
n'avaient pas eu d'autre costume liturgique que celui des 
simples clercs. 

Dès les premiers siècles de l’Église, les prêtres, quand ils 
exerçaient les fonctions du culte, se revêtaient de vêtements 
spéciaux et distingués, par leur propreté et leurs ornements 
sinon par leur forme, des habits en usage dans la vie ordi- 
naire. Si dans la vie de saint Fulgence il est dit que le saint 
montait à l’autel avec la même tunique qu’il avait pour dor- 
mir ?, c’est une exception contre laquelle proteste toute l’anti- 
quité chrétienne *. 

Ces vêtements étaient généralement de couleur blanche. 
Telle avait été la robe des prêtres de l’Ancien-Testament, tel 
le vêtement de Jésus-Christ transfiguré sur le Thabor. Saint 
Jean dans son extase avait vu les élus marchant triompha- 


1 « Ego Rollandus do fratribus ecclesiæ Carnotensis, » lit-on dans une 
charte du vi siècle. Bibl. mun., Mss. du chanoine Brillon. — Cf. Cart. de 
N.-D.,T. 1, p. 70. — Ibid., p. 56. 

2 « In qua tunica dormiebat in ipsa sacrificabat. » (Vita S. Fulg.) — Cf. 
Bocquillot, Traité de la liturgie, p. 140. | 

3 V. Martigny, Diction. des Antiquités chret., art. Vêtements liturgiques. 





=09 

lement à la suite de l’Agneau, et ils étaient en vêtements 
blancs. Saint Jérôme en témoigne explicitement lorsque se 
justifiant, lui et tous les prêtres, d’apparaître dans les cérémo- 
nies du culte avec de riches vêtements, il ajoute : « Est-ce 
» donc une faute contre Dieu, si l’évêque, le prêtre, le diacre et 
» tout l’ordre ecclésiastique, dans l’accomplissement des choses 
» saintes, s’avancent revêtus d’habits blancs 2? » 

Grégoire de Tours témoigne spécialement pour l’Église 
de France lorsque, décrivant une procession liturgique, il dit 
qu'on y voyait un nombreux cortège de prêtres et de lévites 
portant des vêtements blancs : « Erat autem sacerdotum ac 
levitarum in albis vestibus non minimus chorus”?. » 

Ces vêtements, le corps presbytéral de l’église de Chartres, 
les chanoines, comme on les appela dès le IX° siècle‘, les 
adoptèrent ; et, soit qu’ils fussent soumis à la discipline régulière 
établie par Chrodegand, ou plus tard à la nouvelle règle 
d’Amalaire *, soit qu’ilsen vinssent, selon l'esprit des institu- 
tions féodales, à se partager les prébendes pour vivre en 
séculiers ‘, ils continuaient à porter au chœur les vêtements 
Nturgiques communs à tous les clercs. Parmi les nombreuses 
concessions de privilèges accordés à cette époque par les Sou- 
verains Pontifes aux Chapitres, les autorisant à porter san- 
dales, gants, tunicelles, mitres et autres ornements réservés 


1 Amicti stolis albis. Apoc. vu, v. 13. 


2? a .... Si episcopus, presbyler, diaconus et reliquus ordo ecclesiasticus 
in administralione sacramentorum candida veste processit. » Ep. ad Heliod. 


3 De Gloria confessor., c. xx. 


* « Quidam diaconus et canonicus noster Frotningus, » lit-on dans une 
charte d'Aimery Ier, évêque de Chartres de 888 à 896, et un peu plus loin 
« per consensum canonicorum et fidelium nostrorum. » — Cf. Cartul. de S.- 
Pere, p. 15-16.— Le nom de Cunoniri fut donné aux clercs du Presbyterium 
épiscopal, soit parce qu'ils vivaient selon une règle (sub canone) et selon les 
saints canons, soit parce qu'ils étaient inscrits au catalogue ou canon des clercs 
de l’église. On désignait par ce nom non seulement les premiers membres du 
Presbyterium, mais tous les clercs attachés au service d’une église, même ceux 

1 remplissaient des offices inférieurs, comme les sonneurs et les chantres. — 

. Chaponel. Histoire des chanoines ou Recherches historiques -critiques sur 
l'ordre canonique. Paris, 1699. 


5 Cf. Migne. Patrol. Lat., T. CV. 


$ Boniface VIIL en sécularisant au XIVe siècle les chanoines de Latran porta 
le dernier coup à la vie commune des chanoines. Dès lors tous les Chapitres 
obtinrent des bulles de sécularisation. — V. Chaponel, I. c. 


— 94 — 
aux évêques, nous n’en connaissons aucune qui concerne 
l'Église de Chartres. 

De bonne heure cependant on vit la longue robe blanche de 
lin se dissimuler en hiver sous un épais manteau que rendaient 
nécessaire les vastes églises, mieux disposées sans doute pour 
le développement des cérémonies, mais aussi moins garanties 
contre l’envahissement du froid. À Rome même, le pape 
Nicolas IT (1058-1061), qui passe pour avoir le premier déter- 
miné l’habit liturgique des chanoines, prescrivit pour le 
Chapitre de Saint-Jean de Latran le surplis, « lineis togis 
superpelliceis, » avec une chape de serge pour la saison d’hiver. 

C’est cette règle qui régissait le Chapitre de Notre-Dame de 
Chartres à l’époque où nous rencontrons le premier document 
sur ce sujet. Nous sommes en 1322 : l’assemblée capitulaire 
prive du chœur et dépouille de ses habits liturgiques un clerc 
tombé dans de déplorables excès « pro pluribus excessibus 
enormibus. » Or ces habits sont expressément conformes à 
ceux des chanoines de Latran, c’est le surplis et la chape: 
vestes chorales, dit le texte, scilicet capam et superpelli- 
cium '. On pourra objecter à ce témoignage qu'il s’agit ici 
d’un simple clerc, ancien enfant de chœur et devenu depuis 
chantre gagé. Mais nous verrons qu’il n’y eut jamais de diffé- 
rences notables dans l’ancien Chapitre entre l’habit des cha- 
noines et celui des clercs inférieurs. D'ailleurs un avis inséré 
un peu plus tard, comme simple rappel d’un vieil usage, le 
déclare formellement. C’est à la veille de Pâques de lan 1390 
(23 avril): « Demain, lit-on au procès-verbal de la séance, les 
» chanoines et tous les officiers du chœur, après matines, quit- 
» tent leurs chapes et viennent en surplis et aumusses?. » 

Il y a donc à cette époque, aussi bien pour les simples 
clercs que pour les chanoines, deux vêtements de chœur : En 
hiver le surplis et la chape, en été le surplis et l’aumusse *?. 


1 Bibl. mun. — Reg. Cap., Mss. n° 1008, T. I, fol. 400. 


2 Nous avons reproduit la traduction faite de ce texte par le chan. Brilon et 
conservée dans ses notes mss. — Arch. dép., G, 340. 


8 Le vêtement d'hiver se prenait pour l'ordinaire à la Toussaint, et celui d'été 
à Päques. « Sabbato in festo Beati Michaëlis 1369, fuit ordinatum quod omnes 
fam canonici quam alu clerici de choro Ecclesie, crastina die, ad vesperas 
accipiant capas, proul in festo Omnium Sanclorum antiquitus accipere sole- 
bant, quas in Paschate dimitlere tenebuntur prout esl eciam antiquitus 


— 95 — 
Cette uniformité, il faut l’avouer, n'était pas sans inconvé- 
nients. Le Chapitre le vit bientôt. N’entrait-il pas dans l'esprit 
de l’Église que les degrés de la hiérarchie ecclésiastique eussent 
une marque distinctive dans les offices publics; qu’un chanoine, 
par exemple, ne pût être confondu avec un simple heurier ou 
matinier ? On se demanda donc si, selon les antiques traditions 
capitulaires, il n’y avait rien qui distinguât les « vestes cho- 
rales » des chanoines de celles des clercs inférieurs, et le 
Chapitre général de 1326 ! fut saisi de la question. Or les an- 
ciens affirmaient et les registres capitulaires attestaient que 
naguëres, ni les clercs de chœur, ni même les chanoines dans 
les ordres mineurs. ne portaient l’aumusse, uniquement réser- 
vée aux chanoines in sacris ?. Il est vrai que, revenant de sa 
première rigueur, le Chapitre, dans une assemblée générale, 
avait formellement autorisé les chanoines inférieurs aussi bien 
que les autres à porter l’aumusse de petit gris *; mais aucune 
permission de ce genre n’avait été donnée aux simples clercs, 
que cependant on voyait maintenant revêtus de fourrures sem- 
blables à celles des plus hauts dignitaires. Il fallait sortir de 
cette confusion. Fort heureusement plusieurs se rappelérent 
qu’à une certaine époque la distinction entre chanoines et 
simples clercs était établie par la nature de la fourrure : 
aumusse en peau d’écureuil pour les chanoines, quelque fût 
leur degré *, aumusse en peau d’agneau pour les clercs. Nos 
chanoines du XIVe siècle n’en étaient pas encore venus à rêver 


re tra » — Cf. Notes du chan. Etienne. Arch. dép., Mss. non classé, 
ol. 65. 


1 En outre des chapitres quotidiens, 1l y avait pour les affaires plus générales 
ou plus importantes deux chapitres généraux par an, le premier vers la fête de 
la Purification, le second vers la fête de S. Jean-Baptiste. 


2 Chap. gén. du 3 février 1306: Decrevimus statuendum quod sacerdotes et 
dyaconi canonizandi de cetero in ecclesia Carnotensi, in stallis superioribus 
installentur et nulli alit, subdiacont vero in stallis inferioribus, reliqui vero 
sine sacris ordinibus locum et slatum oblineant puerorum , non deferentes al- 
muciam in choro nec extra chorum, et officiis puerilibus sint subjecti. Bib. 
munic. Mss. n° 14007, t. I. 


8 Chap. gén. du 28 juin 1307 : Ordinatum fuit quod quicumque canoni- 
cus Carnotensis voluerit deferre seu portare et habere almuciam de griso eam 
deferat , portet et habeat. 


4 Il y avait six ordres ou degrés de chanoines, dont chacun avait sa place dis- 
tincte au chœur et ses attributions. Le sixième ordre était le plus élevé. On le 
nommait : grandis status. — Cf. Bibl. mun., Mss. n° 1058. Passim. 











— 96 — 
la robe d’écarlate. Revenir à la fourrure d’écureuil fut toute 
leur ambition : ce fut aussi la décision de l’assemblée capi- 
tulaire : 

Die jovis post festum Nativitatis beati Johannis Baptiste 
ordinatum est quod omnes et singquli canonici in quocumque 
statu constituti de cetero portent almucias de escurolis secun- 
dum modum antiquum, et dedit capitulum dilationem canonicis 
non habentibus tales almucias de escurolis ad querendum eas 
usque ad instans festum Resurrectionis Domini. Item ordi- 
natum fuit quod clerici chori deferant almucias de agniculis ad 
modum antiquum *. 

Quelle pouvait être la forme de ces différents vêtements, 
surplis, chapes, aumusses, qui jusqu’à la fin du XVIIIe siècle 
demeurèrent invariablement l’habit liturgique des chanoines 
de Chartres ? | 

Le surplis, ainsi appelé parce qu’on le portait par dessus la 
robe fourrée {pellicium), descendait à l’origine jusque sur les 
talons, mais dès le XIVe siècle on commença à le raccourcir, 
et le pape Benoît XII lui-même en vint à prescrire qu’il ne 
descendit qu’à mi-jambe ou seulement un peu plus bas « ultra 
mediam tibiam vel circa ?. » Le Chapitre de Chartres eut-il à 
statuer sur ce point et à opérer une réforme” A défaut de déci- 
sion Capitulaire nous trouvons la réponse dans un vitrail du 
XIVe siècle qui décore le transept méridional de la cathédrale. 
Un chanoine, le donateur de cette verrière, y est représenté à 
genoux devant l’image de Notre-Dame, et il y est vêtu d’un 
surplis à larges manches descendant jusqu'aux pieds *. C'était 
donc là le superpellicium auquel nos textes liturgiques du 
XIVe et du XVe siècle font si souvent allusion *. 

La chape, qui n’avait été à l’origine qu’un capuce, était bien- 
tôt devenue l’ample et long manteau de chœur, que nous 
voyons encore aujourd’hui dans plusieurs églises et notam- 
ment dans la nôtre. À Chartres comme partout ailleurs, car 


{ Registres Capitulaires. Bibl. mun., Mss. n° 1007. 

3 Constitution de 1339. 

3 Cf. P. Durand, Monographie de la Cath. de Chartres : Atlas, pl. 64. 

# « Duo canonici de Vo statu in superpelliciis ... incipiant in medio chori 
letaniam. » Bibl. mun., Mss. no 1058, p. 141. — Cf, Ibid, p. 168 et 
passim. : 





= 07e 

l'usage de ce manteau était universel, on distinguait soigneu- 
sement dans les rituels entre la chape de chœur et le vêtement 
du même nom que revêtaient les chanoines quand ils accom- 
plissaient quelque fonction solennelle. La première est inva- 
riablement nommée capa de choro ou encore capa nigra ! par 
opposition aux capæ sericæ qui étaient de couleurs variées, 
souvent rehaussées des plus riches broderies d’or et d’argent ?. 
Ces dernières étaient encore appelées capæ apertæ par oppo- 
sition aux premières qui le plus souvent n’avaient qu’une 
ouverture sur le devant, parfois une de chaque côté, pour pas- 
ser les bras *. 

Quant à l’aumusse, elle n’était d’abord qu’une sorte de bon- 
net ou capuchon s’attachant autour du cou et couvrant légère- 
ment les épaules. Mais dès l’époque à laquelle nous sommes 
arrivés, l’esprit de nouveauté s’était exercé sur ce vêtement 
comme sur les autres. On l'avait allongé, on allait bientôt le 
déplacer, le faire descendre de la tète sur les épaules, en atten- 
dant qu’il descendit des épaules sur le bras. Dès le milieu du 
XIVe siècle, vingt ans après la décision capitulaire sur les 
fourrures d’agneau et d’écureuil, quelques chanoines s'étaient 
cru autorisés à porter l’aumusse allongée en pointe jusqu’au 
milieu du dos. Les anciens, fidèles gardiens de la tradition, 
s'en émurent et d’autant plus qu'avec cette innovation s'étaient 
introduites quelques singularités dans le goût du temps, mais 
fort déplacées : des habits de ville d’une forme mondaine, des 
frisures de cheveux, des bas rouges, verts, violets et de toutes 
couleurs. Ïl fallut du temps et de nombreuses prohibitions 

pour faire disparaitre ces abus : témoins les ordonnances capi- 


Reg. cap., passim. — Cf. Arch. dép. : ÜOrdinatio servicii ecclesie Car- 
notensis facta A. D. MCCLxxXxvI, (février 1296) où il question des Cape de 
choro que les sacristains doivent ramasser dans le vestiaire. — Cf. Merlet et 
de Lépinois. Cart. de N.-D., T. 1F, p. 237. 


3 « Die jovis vigesima secunda mensis julu, dominus Bernardus Bajuli 
exhibuit et presentavit capitulo unam capam sericam de quodum panno ad fo- 
lia vinearum et aliarum arborum deaurata cum aurifico pulcro ad ymagines 
Nativitatis Beate Marie et Nativitatis Domint, cum pectorali et capucio retro 
de eadem. » Reg. Cap., an. 1367. — Cf. Chapitre général du 26 juin 1357. 

3 Il est question dans le chapitre général de la Punfication en 1366 d'un 
chanoine Croire Chautard qui légua par testament à l'église Notre-Dame plu- 
sieurs ornements, et entre autres « duas capas agertas. » Reg. Cap. — Cf, 
Claude de Vert. Cérèm. de l'Eglise, T. Il, ch. u. Remarques. 


T. X, À. 8 


— 98 — 

tulaires renouvelées en 1340, 1348, 1357, 1367 ‘. Pour l’aumusse 
en particulier, on défendit de la porter avec la queue en pointe : 
Ordinatum est quod nullus canonicus aut non canonicus al- 
mucias cum cauda de cetero portet in ecclesia Carnotensi ?. 
Il n’est pas toléré davantage qu’on fasse des aumusses en drap 
au lieu de fourrure, ni qu’on leur donne la forme ronde d’un 
manteau, ni qu’on les porte par dessus la chape”. On le voit, 
notre Chapitre est inexorable du chef de ses anciens usages, 
fermant seulement les yeux sur la fourrure de calabre qui a 
insensiblement pris le dessus sur celle d’écureuil. 

Il se relâche pourtant graduellement de sa sévérité : car les 
plus récalcitrants à l’endroit des innovations finissent par 
suivre, ne fût-ce que de loin et en gémissant, ce mouvement 
vers la nouveauté qui à certaines heures emporte les hommes 
comme malgré eux. Cette aumusse ronde, en drap, qui déjà 
sous le nom nouveau de camail quam aliqui vocant camaïl 
obtient du succès près de plusieurs, elle est si bonne pour l’of- 
fice de la nuit, dans la saison d’été où les chanoines n’ont pour 
se couvrir que leur mince surplis de lin! La voilà donc off- 
ciellement introduite au chœur; le Chapitre y consent et qui 
sait si du mystère de la nuit elle ne se produira pas bientôt au 
grand jour? Vingt ans suffiront pour cette conquête, et désor- 


1 Voici ces ordonnances : « Die lune post festum Nativitatis beati Johannis 
Baptiste, monitum fuit omnibus et singulis canonicis ut ipst et quilibet i 
rum ad honorem Dei et ecclesie, de cetero se habeant decenter et honeste, ac 
honestum habuum et vestes defferant secundum canonicas sancliones , inhkibi- 
tumque fuit eisdem et cuilibet ipsorum ne ipsi aut aliquis ipsorum, in ecclesis 
Carnotenst, civitate vel suburbio, calig1s de viridi vel altertus notabilis 
aul manicas longas in supertunicalibus defferant, aut comam mültant. » Chap. 
gén. du 26 juin. 1340. — L'ordonnance du 30 juin 1348 ne parle que des au- 
musses et des bas de couleur. — Celle du 26 juin 1357 ajoute une sanction : 
« Si aliquis canonicus portaverit alias caligas quam nigras, eo ipso non reci- 
pue in choro.» — En 1367, il n’est plus question que des chevelures : « Inhi- 

um fuit omnibus et singulis canonicis Ecclesie Carnotensis ne ipst aut 
aliquis ipsorum habens parvos capillos, sorcillatos seu tusos quasi quindeci 
(é jul ad majus altare dicte ecclesie de cetero celebrare presumat. » 
juillet.) 


* Reg. Capit., séance du 30 juin 1348. 


# « Îlem quod nullus canonicus induat capam sericam nisi habeat almu- 
ciam suam de Calabre et non permittatur eidem habere almuciam rotundam 
de panno, quam almuciam aliqui vocant Camail, excepto quod in matutinis de 
diclis almuctis si voluerint: ufi possunt. Et idem de clericis chori. » Chapitre 
général du 26 juin 1357. 





= 90 = 

mais tout chanoine arrivant’ au chœur devra porter le camail 
sous peine de perdre sa part aux distributions du jour ‘ (1378). 

Le XVe siècle opère et transforme plus activement encore. 
La chape noire de chœur, jusque-là fermée de toutes parts, est 
fendue en hauteur sur lé devant : voilà la première modifica- 
tion. Nous ne pouvons malheureusement en assigner la date 
exacte, les registres capitulaires de cette époque faisant défaut *. 
L’aumusse, qui jusque-là semble avoir été réservée pour l’habit 
de chœur d'été, s’adjoint à la chape d’hiver. Elle perd d’ailleurs 
son nom aussi bien que la chape. Celle-ci s’appellera pelice, on 
nommera l’aumusse d’hiver Belvère ou cahuet de petit gris, 
Belvaria de griso * et on la portera sous la chape de chœur 
sub cappis nigris. Cela doit sans doute s'entendre en ce sens 
que la partie fourrée couvrant les épaules était recouverte par 
la chape, tandis que le capute émergeait et retombait sur la 
chape elle-même quand les chanoines ne s’en couvraient pas 
la tête. Il tenait lieu de nos bonnets modernes, et parce que la 
nécessité de se couvrir ne s’imposait pas également à tous, le 
Chapitre s’écartant de sa régularité séculaire l’avait déclaré 
facultatif qui voluerint deferre ‘, le maintenant obligatoire 
pour tous dans les processions, même si on n’y portait pas la 
chape. Par contre, l’aumusse qui fait partie du vêtement d'été 
n’a plus le même succès, plusieurs s’en dispensent et il ne faut 


1 Capttulum statuit quod omnes et singuli canonici, eciam dignitates, 
personatus, vel officia in ecclesia Carnotensi obtinentes ac eciam presbyteri 
et clerici de choro de cetero teneantur portare exislendo in ecclesia et in proces- 
sionibus cahouelos magnos in tempore hyemalis. Et si quis voluerit portare al- 
muciam hoc facere polerit et qui contra fecerit distribulionibus diei qua contra 
fecerit eo ipso sit privalus. — (Chap. gén. de Purification, 1378.) Reg. Cap. 


2 Les Registres Capitulaires font défaut de 1419 à 1481, de 1486 à 1557 
et de 1564 à 1612. Ceux de 1298 à 1419 sont à la Bibl. mun. (nos 1007 et 
1008), celui de 1557 à 1564 aux Arch. dép., G. 297. 


3 A vigilia Omnium Sanctorum usque ad Pascha matricularius intrans in 
seplimanam debet habere pelliciam cum Belveria de griso. Du Cange, au 
mot : Belveria. Tiré des Regist. Capit. aujourd'hui perdus. 


#* Capitulum ordinavit quod canonici presbyleri qui voluerint deferre ca- 
houelos sub cappis nigris deferant et injunæit quod omnes ei singuh canonici 

esbyleri deferant cahouelos in processionibus sine cappis nigris. Chap. 
gén. du 28 février 1519. — V. Du Cange : Cahouetus. — Cf. Arch. dép., G. 
340, Mss. de Brillon, qui a conservé dans ses notes la traduction de cette or- 
donnance : « Les chanoines qui voudront porter des cahuets sous leurs chapes 
noires le peuvent. » — Il est à noter que dans le texte il n’est question que des 
chanoines prêtres, ce qui semblerait indiquer un privilège. 





— 100 — 
rien moins qu’une ordonnance en règle, accompagnée de sanc- 
tions sévères, pour en maintenir l’usage ‘. 

C’est ainsi que nous arrivons à l’année 1574 où l’introduc- 
tiou d’une importante réforme dans l’habit de chœur préoccupe 
plusieurs membres du Chapitre. La faute, si faute il y a, en est 
au Chapitre métropolitain de Paris, qui venait de faire écrire 
à nos chanoines de Chartres pour savoir « leur usage touchant 
» les habits que portent les chanoines et dignitez les jours de 
» feste®. » Il leur paraissait convenable qu’aux solennités de 
l’église les dignitaires apparussentau chœur dans un vêtement 
d’honneur qui les distinguât au sein de l’assemblée capitulaire. 
De là cette démarche qui suffit pour mettre, au Chapitre de 
Chartres, les esprits en mouvement et soulever un problème 
que deux siècles de vicissitudes ne pourront complètement 
résoudre. 

Les plus anciens de uos chanoines se rappelaient avoir 
contemplé dans leur tout jeune âge le Chapitre d’alors dans 
des vêtements d’une splendeur et d’une majesté dont le souve- 
nir était demeuré impérissable. Ces témoins d’un autre âge 
étaient le vénérable Jean Lefebvre, âgé de 80 ans, il comptait 
64 ans de canonicat *; c’était Martin - François Fidefame, cha- 
- noine depuis un demi-siècle, et Thomas Mauguyn, né à Chartres, 
élevé à l’ombre de Notre-Dame et reçu chanoine en 1547. Tous 
trois apportaient des souvenirs très précis. Ils affirmaient que 
les jours de fêtes, dignités et simples chanoines portaient des 
robes rouges d’écarlate et qu'ils avaient toujours entendu dire 
que c’était là un fort ancien usæge se perdant dans la nuit des 
temps. Ce triple témoignage semblait fournir une base suffisante 
pour la réponse à faire au Chapitre métropolitain. Pourtant, 
afin de lui présenter quelque chose de plus authentique, il fut 


‘ Attenta honestate Ecclesie Carnotensis, capitulum ordinavit quod a ce- 
tero omnes Canonici indifferenter deferant almucias in ecclesia Carnotensi, 
nec liceat eis intrare chorum nisi cum diclis almucüs habiluati, sub pæna 
perditionis horæ qua intraverant, exceptis matulinis de mane cantandis, eciam 
processionibus, pluvia imminente. (uia iamen sunt nonnuili qui almuciam 
de præsenti non habent, capitulum cum eis dispensavit et præsens statutum 
prorogauil usque ad festum Assumplionis Beate Marie Virginis proxime dum- 
laxat. Reg. Gap. — Cf. Notes mss. du chan. Etienne. Arch. dép. 

3 Arch. dép., G. 355. 


3 [l fut reçu chanome au mois de janvier 1509. 





— 101 — 

résolu que les chanoines commis aux « trésors des papiers.» 
feraient de diligentes recherches pour trouver dans les Archives 
capitulaires les documents relatifs à la question. Nous serions 
heureux de dire ici que ce privilège reposait sur quelque 
concession pontificale, dont le texte conservé religieusement 
allait sortir de son obscurité et resplendir glorieusement tant 
aux yeux de nos chanoines étonnés que devant le Chapitre de 
la Métropole. Malheureusement le « trésor aux papiers » 
demeura muet. 

Restait la preuve par témoins : il fallut bien s’en contenter, 
sauf à lui donner le plus de solennité possible. Le Chapitre 
ayant donc ordonné un appel de témoins devant notaire, nos 
trois chanoines Jean Lefebvre, François Fidefame et Thomas 
Mauguyn furent convoqués des premiers et déposèrent en faveur 
de la robe rouge. Et pour qu’il ne restât aucun doute sur un 
usage dans lequel l’honneur du Chapitre paraissait intéressé, 
ils s’étaient fait assister d’anciens enfants de chœur capitulaires, 
maintenant courbés et blanchis sous le poids des ans, Jean 
Guyon et Diogène Lefebvre, tous deux reçus « enfants d’aube » 
vers 1520; Jean Desportes, chanoine de Saint-Piat, entré à la 
Maitrise à l’âge de 11.ans dans les premières années du siècle, 
en 4505, et apportant un souvenir oculaire vieux de 69 ans. 
Enfin , — car il fallait pour chose de telle importance une série 
de témoins — c’étaient le vénérable marguillier-clerc Michel 
de Saint-Jame, appliqué à ses fonctions depuis un demi-siècle, 
et un avocat « en cour d'église de Chartres, » Christophe Pas- 
tey, octogénaire, sans compter plusieurs autres d’une égale 
autorité. 

Or que disaient-ils unanimement”? « Qu'ils ont plusieurs fois 
» oui dire à leurs anciens pères et aïeuls, et ont veu de leur 
» temps plusieurs dignitez et simples chanoines de ladite église 
» Notre-Dame de Chartres assister aux offices divins en ladite 
» église et aux processions qui se faisaient au dedans et au 
» dehors d'icelle église et assister aux solennités des mariages 
» et autres célébrités et actes publics vêtus de robes d’écarlate 
» rouge et porter lesdites robes ordinairement aux festes s0- 
» lennelles et aucunes fois aux dimanches et autres festes, 
» quand bon leur semblait, et qu’il était tout commun et ordi- 
» naire dans la dite église, trente ans sont et auparavant, d’user 


— 102 —— 


» desdites robes'. » Le notaire royal René Amelon recueillait 
avec soin ces dépositions et dressait un acte authentique dont 
copie était bientôt adressée au Chapitre métropolitain à. 

Une pareille attestation était plus que suffisante pour fournir 
à notre assemblée capitulaire le motif d’une décision en sa 
faveur. Et puisque Paris sur le témoignage de Chartres allait 
prendre la robe rouge, pourquoi Chartres ne la prendrait-il pas 
aussi? Malgré cette occasion favorable, il semble que devant 
plusieurs oppositions violentes l’affaire fut enrayée et les robes 
rouges mises à plus tard. Au reste”le Chapitre avait autre chose 
à penser. C'était la période troublée du règne de Henri III. 
Chartres voyait tour à tour arriver dans ses murs le prince 
huguenot et le roi de France; pour mettre la ville en état de 
défense on demandait aux citoyens les plus grands sacrifices, 
et à cet appel le Chapitre de Notre-Dame répondait généreu- 
sement. Enfin la hideuse peste faisait invasion. Tout s’effaçait 
dès lors devant ces deux sentiments : garantir la cité et sauver 
sa vie ?. 

Quand les chanoines reprirent l’affaire, près d’un siècle s'était 
écoulé, et Chartres jouissait d’une paix parfaite. Le promoteur 
de cette restauration était le doyen lui-même et, chose étrange, 
il ne réclamait le droit à la robe rouge que pour lui seul. 
» M. le Doyen, lisons-nous dans les actes capitulaires, avant 
» représenté que pour faire revivre l’ancien usage et coustume 
» de cette église, comme il se reconnaist par les épitaphes des 
» dignitezet chanoinesdécédez représentées ès vitres et tableaux 
» qui sont tant en cette église que chapelles en dépendantes ‘ 


1 Acte reproduit au cours de la séance capitulaire du 4 septembre 1728. V. 
Reg. Cap. Bibl. mun., Mss. 1008. — Cf. Arch. dép., G. 355. — Voici le texte de 
l'ordonnance d'enquête : Luna nona mensis aprilis anno Domini millesimo quin- 
gentesimo sepluagesimo quarto. Capitulum commisit dominos subdecanum et 

udouyn canonicum cum sollicitalionibus capituli ad conficere faciendum coram 
nolarüs regus attestalionem qualiter dignitates ecclesiæ et canoniros Carno- 
lenses antiquitus deferre solebant vestes coccineas et purpuricas diebus domi- 
nicis et festiuis. 

2 Acte du 9 août 1574. — V. Arch. dép., G. 134. 

8 De Lépinois. Hist. de Chartres, T. II, ch. xx et xxi. 


# Dans le vitrail du XV® siècle de la chapelle Vendôme à la cathédrale on voit 
un chanoine vêtu du surplis à larges manches, de l'aumusse, qu'il porte sur 
le bras droit, et de la soutane rouge. C'est peut-être l’une de ces représenta- 
tions « ès vitres » auxquelles le doyen fait allusion. 


— 103 — 

» et en plusieurs autres églises parochiales et conventuelles 
» de cette ville et pour illustrer d’autant plus sa dignité déca- 
» nale comme il se pratique en toutes les églises métropoli- 
» taines et cathédrales de ce royaume, il a esté conseillé de 
» faire faire une robe d’écarlate rouge pour officier aux jours 
» de festes grand-solennelles et autres jours où il se fera quel- 
» que cérémonie et solennité extraordinaire en cette église. Et 
» pour cet effet prie qu’il luy soit permis de la porter et d’offi- 
» cier avec icelle *. » Cette singularité, bien qu’autorisée par 
l’usage des autres églises, parut étrange et, la proposition ayant 
été mise en discussion, on fut d'avis ou que tout le chapitre, 
doyen compris, gardât la soutane noire, ou que tout le cha- 
pitre, avec le doyen, prit la rouge. Le sous-doyen, ennemi 
des innovations, s’opposait de toutes ses forces. Sa résistance 
fut vaine et « le Chapitre ayant sur ce délibéré a permis audit 
» sieur Doyen de porter ladite robe rouge et à tous ceux de 
» Messieurs qui en voudront faire faire de la porter, pourveu 
» que ce soit avec la descence, modestie et humilité requise 
» à un ecclésiastique. Et M. le chantre est exhorté d'en faire 
» faire une pour officier et tenir chœur avec icelle et au plu- 
» tot aux susdits jours grand-solennels et autres jours de 
» cérémonie extraordinaire en cette église ?. » Ce ne fut pas 
pourtant la victoire définitive. Nous verrons la robe rouge 
disparaître et reparaître à des intervalles presque réguliers 
jusqu’à sa complète disparition en 1784. Pour quelque temps 
du moins elle triomphait. 

Le milieu du XVIIe siècle devait amener pour le Chapitre 
de Chartres d'importantes réformes liturgiques *. Le pape 


1 Séance du 28 septembre 1657. — Le registre contenant le procès-verbal de 
cette assemblée capitulaire a péri. Ce que nous en reproduisons est tiré des 
notes du savant chanoine Etienne, conservées aux Arch. départ. De son côté le 
chanoine Brillon écrit dans ses résumés, malheureusement trop brefs « 1657. 
Proposition des robes rouges. Permis. » Arch. dép., G. 340. 

2 [bd 

3 Au commencement du XVIIe siècle les insignes canoniaux ne semblent pas 
sensiblement modifiés. Le bon Rouillard expliquant à sa manière le symbolisme 
des habits liturgiques des chanoines de Chartres en fait cette description som- 
maire : « Îl se compose d’une robe de laine, d'un roquet de lin par-dessus et 
encore d'une peau qui le couvre. » Parthénie, ® p., p. 87. Cet ouvrage fut 
pue en 1609. — Claude de Vert dit que de son temps les chanoines de 

pour prendre possession de leur canonicat portaient le double habit 


— 104 — 
Urbain VIII venait de publier l’édition révisée du Bréviaire et 
du Missel Romain, complétant et consommant la grande œuvre 
entreprise par S. Pie V et Clément VIII, lorsque monta sur le 
siège épiscopal de Chartres un prélat très zélé pour la disci- 
pline ecclésiastique et la splendeur du culte divin. Il y avait 
un an à peine que Mgr de Neuville avait fait son entrée à 
Chartres que déjà le travail pour la correction du Bréviaire et 
du Missel ad Romani formam était commencé. Le rituel avait 
également été soigneusement revu et un processionnal était à 
l'impression quand la mort vint surprendre le laborieux pon- 
tife ‘. Or tandis que le Chapitre collaborait à ces nouvelles édi- 
tions, des modifications importantes étaient apportées à ses 
habits de chœur. Modifications capricieuses, il faut lavouer, 
et peu naturelles. Déjà, au siècle précédent, les larges manches 
des surplis avaient été fendues sur le dessus dans presque toute 
la longueur, pour retomber flottantes le long du corps, en 
attendant qu’on les rejetât tout à fait sur les épaules en forme 
d’ailes à petits plis ?; laumusse que nos chanoines avaient jus- 
que-là portée comme un petit manteau d'été était devenue un 
simple ornement qu’on tenait au chœur sur le bras gauche. 
Quelques-uns se servaient du capuce comme d’une poche à dé- 
poser le bréviaire, tandis que la fourrure perdait toute signifi- 
cation dès lors qu’elle cessait d’être un préservatif contre le 
froid ; enfin on avait adopté pour se couvrir la tête un bonnet 
rigide fort élevé, sorte de pyramide tronquée, couronnée par 
une énorme houppe de soie, et appelée « bonnet quarré. » 
Voilà pour l’habit d'été. Quant à celui d’hiver, on l'avait mis 


d'été et d'hiver, c'est-à-dire la chape et l'aumusse (Cérémonies de l'Eglise, T. H, 
ch. n. Remarques). 


1 Le Bréviaire parut en 1660, le Missel en 1669, et le Processionnal en 
1691, après la mort de Mgr de Neuville. 


2 Dans l’un des registres capitulaires du X[Ve siècle conservés à la Bibl. mun. 
(no 1007), après une liste nécrologique de chanoines décédés jusqu’en 1313, un 
scribe d'une époque plus rapprochée s’est amusé à tracer sur le vélin blanc 
(folio 211) qui restait à la suite du nécrologe, des lignes formant des carrés, 
des croix surmontant des représentations de tombeaux, enfin au milieu du folio 
un chanoine debout, les mains jointes, revêtu du surplis à grandes manches 
fendues et de l'aumusse qu'il porte sur le bras droit. On lit au-dessus et de la 
même plume : Anno Inc. M° cc nonagesimo octavo die sabbati, post Sanctum Ste- 
phanum. Cette écriture du XVIe siècle nous fournit un témoignage authentique 
sur l'habit de chœur du Chapitre de Chartres à cette époque. 


3 [l nous reste plusieurs représentations de l’habit canonial au XVIIe siècle et 














— 105 — 
en harmonie avec le goût du temps en transportant par dessus 
la chape de chœur le cahuet qui jusque-là s’était dissimulé 
par dessous. Le cahuet avait du reste échangé sa fourrure de 
petit gris « cahouetus de griso » contre un simple drap noir; 
en revanche on l’avait allongé par le haut en érigeant le 
capuce sur une baleine tendue et cintrée, ce qui lui donnait 
une allure de crête de coq ‘, tandis que la pointe de la partie 
inférieure s’allongeait aussi et jusqu’à descendre sur les talons *?. 
La chape noire elle-même s’était développée en une longue 
traîne de drap que tous devaient étendre quand ils étaient au 
chœur ou marchaient en procession *, Plus tard même pour 


notamment celles du chanoine Sarrazin, théologal du Chapitre, mort en 1692, 
et du savant chanoine Etienne, mort en 1723. Une estampe du temps 
montre le premier avec le surplis tel que nous l'avons décrit ici; par dessus et 
sur l'épaule gauche il porte l'insigne de docteur en Sorbonne. Nous avons de 
M. Etienne un portrait à l'huile : l’illustre chanoine est aussi en surplis à larges 
manches fendues et sur le bras gauche il porte une aumusse grise tachetée de 
noir. Cette toile appartient à M. l'abbé Fauchereau , vicaire-général. 


1 On connaît l’allusion malicieuse des théologiens gallicans disant que la crête 
du coq gaulois ne s’abaisserait pas devant les foudres des canons romains. 


3 On lit dans les notes du chanoine Brillon : « 1660, 12 janvier. On com- 
mença à porter des cahuets à longue queue en forme de pointe. » Les registres 
capitulaires qui contenaient les ordonnances relatives à ces transformations sont 
perdus. Pour mettre les nouveaux livres liturgiques du XVITe siècle en harmonie 
avec ces vêtements, on y introduisit des rubriques comme celle-ci : Stans 
{canonicus ) capite aperlo in æstale, et in hyeme, capucio ad medium capitis 
detracto, annuntiat Gloria in excelsis — Missale Carnot. 1669. — De Celebr. 
Missæ, Tit. 1. — Nous ne saurions dire si à Chartres comme en beaucoup 
d'autres églises on adopta le rochet au lieu du surplis à larges manches pour la 
saison d'hiver. La conformité des modifications tu iques de notre Chapitre 
avec celles qui furent introduites dans le Chapitre de Paris nous donne lieu de 
croire qu'il en fut ainsi. Le Cérémonial de Paris, édité en 1703 par ordre du 
cardinal de Noailles, fait une mention expresse de ce double vêtement. En été 
« Superpellicio induuntur (bireto) et almucia, » en hiver « Rochetum [ defe- 
runt), cappam et capilium longum ex lana. » p. 1. C’est probablement à ce 
double habit de chœur que le missel de Mgr de Neufville fait allusion « In be- 
nedictiontbus ... celebrans utilur pluviali ... vel superpelliceo aut capucio 
cum rocheto. » Rubr. gén.,Tit. xix.— A Paris, les chanoines qui n'étaient pas 
dans les ordres sacrés devaient porter la chape noire et le cahuet toute l'année 
« quovis tempore super rochettum lineum deferant capas longas et capitia lon- 
g cum birelis. » Nous ne trouvons nulle part que cette distinction ait existé à 

hartres au XVIIS siècle. Cependant pour les chanoines de Saint-Piat il existait un 
règlement spécial leur défendant de porter l’aumusse et la chape sous le camail 
« parce que c'était contraire à l'usage immémorial. » Ils étaient vêtus comme les 
simples clercs, surplis en été, is et camail en hiver. — Reg. Capit. an. 
1724, p. 143. — Cf. Arch. dép., G. 298. 


_ Sa. . Plusieurs Messieurs entrent au chœur avec leurs soutanes déboutonnées 
et sans laisser tomber leurs chapes de drap, ce qui est très indécent. Messieurs 


— 106 — 
garantir cette partie du vêtement canonial, chaque chanoine, 
au lieu de la laisser traîner sur le sol, avait été autorisé à la 
faire porter par un caudataire *. 

C’est dans cet état que nous trouverons l’habit de chœur de 
nos chanoines quand la Révolution viendra le leur enlever. 
Car les articles d’un nouveau cérémonial proposés à l’assem- 
blée capitulaire du 16 février 1784, tout en modifiant bon 
nombre des anciennes coutumes, ne firent aucun changement 
aux vêtements canoniaux en usage ?. 

Ce fut le samedi 23 octobre 1790 que, par ordre du Direc- 
toire du département, les chanoines de Chartres furent som- 
més de ne plus porter à l’avenir l’aumusse, insigne de leur 
dignité. Il n’est fait mention que de l’aumusse parce que le 
Chapitre était encore en habit de chœur d'été et que d’ailleurs 
les autres vêtements, comme surplis, cahuets, chapes, étaient 
communs aux chanoines et aux clercs inférieurs. Quand nous 
retrouverons les vêtements canoniaux après le rétablissement 


viendront au chœur avec leurs soutanes boutonnées et les chapes trafnantes. » 
Reg. Cap., 4 février 1747. 


1 Reg. Cap., séance du 8 juillet 1737. 


2 Les articles de ce projet de cérémonial où il est fait allusion aux insignes 
canontaux sont les suivants : Art, 14 où l’on établit que depuis la Toussaint jus- 
qu'à Pâques, et jusqu’au 1° mai pour les matines on portera le camail.— Art. 4 
où l'on maintient « le bonnet quarré suivant l’ancien usage. » — Art. 78 où 
l'on décide que les chanoines qui porteront les reliquaires en procession pr 
ft ou déposeront leurs chapes à volonté. — Reg. Capit., séance du 16 février 

7 


Îl est à propos de remarquer qu’à cette époque NL de Chartres portait 
comme les chanoines l'aumusse sur le bras en été et la chape de drap en tiver. 
Nous en trouvons la mention dans un cahier mss. rédigé vers 1822, lors du réta- 
blissement du siège de Chartres par un chanoine de l’ancien Chapitre et intitulé : 
« Cérémonies à l'ancienne Eglise de Chartres. » Ce mss. a 23 pages. L'auteur y 
décrit surtout l’ordre des offices pontificaux, y ajoutant cette note plaintive : 
« Voilà le cérémonial que le Chapitre gardait envers Monseigneur les jours aux- 
quels il officiait; il y a bien quelques articles qui ne pourront pas s'observer à 
cause du petit nombre des chanoines. Monseigneur voudra bien condescendre à 
quelques arrangements pour A bn > On voit par là que cette relation devait 
servir à renseigner Mer de Latil sur les cérémonies du chœur et les coutumes 
liturgiques du Chapitre. Sur l’habit de chœur de l'évêque de Chartres, nous 
notons les passages suivants : « Il avait les habits du chœur; son aumônier 
ortait son aumus devant lui et son valet de chambre son bougeoir; en hiver 
il mettait aussi le camaiïl et la chape, » p. 16 et ailleurs « les deux porte- 
masses portent son aumus, » p. 8. « Pendant le Credo on lui apporte à bénir 
l'eau et l’encens, pour cet effet son aumônier qui est assis dans une stalle basse 
au-dessous de lui, lui pese son aumus, la remet de suite et va dans sa place, » 
p. 16. — Arch. de l’Evéché. 











— 107 — 
du culte en France, un insigne jusque-là inconnu dans l’église 
de Chartres y aura remplacé l’aumusse!. Mais avant d’en 
parler nous devons revenir un peu sur nos pas pour suivre 
dans ses nombreuses péripéties la fameuse robe rouge que nous 
avons laissée triomphante après la solennelle délibération de 
1657. 

Son triomphe ne fut pas long. Cinquante ans ne s'étaient 
pas écoulés qu’elle se perdait déjà dans la mémoire des an- 
ciens comme un lointain et vague souvenir. On en parlait 
pourtant comme d’une légende des âges héroïques. Plusieurs 
se prenaient à la regretter et leurs regrets prenant de la consis- 
tance, ils en étaient venus en 1728 à requérir son rétablisse- 
ment. Un des plus anciens, M. Duhan, se fit le héraut de la 
requête et en présence de l’assemblée il représenta, avec toute 
l'autorité que lui donnait son titre de vétéran, « comme il serait 
» à propos de faire revivre cette coutume qui tend à l’honneur 
» et à la décoration de cette église qui a toujours été un des 
» plus célèbres Chapitres de l’Eglise de France ?. » En consé- 
quence il demandait qu’il fût loisible à chacun des chanoines 
de porter la soutane rouge les jours de fêtes, et pour appuyer 
sa demande il produisait l’ordonnance de 1574. La demande 
était tellement d'importance que l'assemblée hésita et l’affaire 
fut renvoyée au Chapitre général suivant. Il y avait encore 
quatre mois à attendre : c'était plus qu'il ne fallait aux oppo- 
sants pour organiser la résistance. 

Quand arriva l’heure du grand Chapitre, il y avait peu de 
chanoines qui fussent demeurés dans la neutralité. Disons 
mieux : des deux côtés on était résolu à soutenir vivement la 
lutte. Au premier rang des opposants l’on voyait le chancelier 
du Chapitre, un des hommes les plus doctes et les mieux au 
courant des traditions capitulaires, tandis qu’à la tête du camp 
ennemi se trouvait le chanoine Truchis, alors sous-doyen, 
celui qui devait attacher son nom à la fondation des sœurs 
de Saint-Maurice‘. Bien chaude fut la discussion entre pareils 


* La mozette, qui de droit commun est un insigne épiscopal, a été concédée 
par indult apostolique depuis le commencement de ce siècle à presque tous les 
hapitres de France. 


2 Reg. Cap., séance du 4 septembre 1728. 
3 Bibl. munic., Mss. n° 1175. 





— 108 — 

adversaires ; enfin la robe rouge l’emporta, et « le Chapitre 
» s'étant fait représenter l’ordonnance du 28 septembre 1657 
» confirme ladite ordonnance et déclare qu'elle subsiste, en 
» conséquence permet à tous Messieurs dignités et chanoines de 
» porter la robe rouge conformément à ladite ordonnance ‘. » 
L'assemblée avait seulement ajouté que, par respect pour 
l’évêque de Chartres, la décision serait soumise à son ap- 
probation. L’archidiacre de Dreux et le chanoine Deneaux 
furent les députés choisis. Leur mission, dès le lendemain, 
était accomplie et ils rapportaient que l’évêque avait « agréé 
» ladite délibération et témoigné que l’exécution d’icelle lui 
» faisait plaisir ?. » 

D’après cette ordonnance, il faut bien le remarquer, la sou- 
tane rouge était permise à tous, imposée à personne. Chacun 
demeurait libre de venir les dimanches et jours de fêtes soit en 
rouge soit en noir : demi-mesure déplorable qui ne devait 
aboutir qu’à la confusion, sans parler de l’étonnement que pro- 
duisait parmi les fidèles le spectacle de cette assemblée mul- 
ticolore, sur laquelle planait la rumeur, devenue publique, de 
ces malheureuses dissensions. Des chansons satyriques sur la 
robe rouge étaient colportées dans la ville et parmi tout le 
clergé du diocèse, tandis qu’un mauvais plaisant s’amusait, 
dans le secret de la nuit, à peindre en rouge la statue de 
l’Ane-qui-vielle, grossière vengeance dont on accusait tout bas 
l’un des chanoines récalcitrants*?. Tout le monde sentait qu’il 
fallait sortir de cette indécision par le rouge obligatoire ou le 
noir obligatoire; mais telle était en 1729 l’obstination des partis 
que personne n’osa en faire la proposition jusqu’à ce que la 
mort, solution providentielle quand toutes les autres ont 
échoué, vint éclaircir les rangs des opposants. Ce ne fut que 
dix-sept ans après la décision capitulaire que le sous-doyen osa 
représenter « que aux jours de fêtes on voit paraître au chœur 
» partie de Messieurs en soutane noire et partie en soutane 
» rouge; » pour quoi il requiert l’uniformité. 


1 Reg. Capit., séance du 3 février 1729. 

3 Ibid. 

3 Ces chansons qui nous ont été conservées, sont d'une littérature vulgaire et 
sans trait d'esprit. Quelques-uns les ont attribuées au chanoine Brillon. Nous 


voulons croire, jusqu'à preuve du contraire, que c'est une pure calomnie inventée 
par un mécontent. — Bibl. mun., Mss. 1175. 








— 109 — 

Cette fois la question était mûre et la décision facile. On dé- 
cida que tous les chanoines porteraient la robe écarlate aux 
premières et secondes vêpres ainsi qu’à la messe des jours de 
fêtes à partir de la prochaine solennité de Pâques, « à peine 
» d’être privés de l’entrée du chœur pour se rendre à leur stal, 
» sans néantmoins estre pointés et ce jusqu’au jour de S. Jean- 
» Baptiste et que ceux de MM. qui au jour de S. Jean-Baptiste 
» n’auront point encore de soutane rouge seront privés de l’en- 
» trée au chœur et pointés, et sera mis une table à la sacristie 
» où les jours qu’il faut la porter seront marqués !.» Il ne fallut 
pas moins d’un an pour que cette table fût arrêtée 2. Les 
jours de robe rouge étaient au nombre de quatorze, savoir : 
les quatre grandes fêtes de Pâques, Noël, la Pentecôte et l’As- 
somption , puis les jours de l’Épiphanie, de la Toussaint, de 
l'anniversaire de la dédicace de la cathédrale, et de Saint 
Jean - Baptiste; enfin les fêtes suivantes de Notre-Dame : la 
Purification, l’Annonciation, la Nativité et l’Immaculée Concep- 
tion. On devait également porter l’écarlate toutes les fois qu’on 
chantait à la cathédrale un Te Deum solennel, aux prières et 
processions des Quarante Heures, enfin à la messe solennelle 
de l’ouverture du Jubilé*. L'affaire était terminée et tout litige 
apaisé. Lorsqu’en 1784 nous retrouverons le Chapitre occupé 
d’une réforme liturgique, on mentionnera sans discussion que 
la robe rouge précédemment en usage demeure maintenue : 

pas une voix ne s’élèvera pour protester ‘. La Révolution la 

trouvera en possession paisible, et quand elle devra disparaitre 
avec l’aumusse, il n’y aura pas un chanoine qui n’en gémisse 
dans son cœur. Les vétérans en gémissaient encore lorsqu’après 
le rétablissement du siège épiscopal de Chartres, ils compa- 
raient le Chapitre des temps nouveaux à la splendeur et à la 
majesté de l’ancien. 

En 1821, Mer de Latil ayant constitué son Chapitre lui donna 
des statuts, dans lesquels il n'est pas dit un mot du costume 
canonial. Même omission dans le règlement plus détaillé donné 


‘Reg. Capit., séance du 3 février 1747. 


.? Ce tableau fut élaboré dans le Chapitre général du 26 août 1748 et sanc- 
tonné par le Chapitre général du 3 février 1749. — V. Reg. Capit. 


3 Reg. Capit., séance du 3 février 1749. 
+ Ibid. Séance du 16 février 1784. — Arch. dép., G. 334. 


— 110 — 

au Chapitre l’année suivante. Ce silence paraîtrait inexplicable 
si l’on ne savait que les chanoines qui formèrent le Chapitre de 
Chartres étant auparavant chanoines de Versailles se trou- 
vaient déjà en possession d'insignes qu'il suffisait de confirmer. 
C'est dans la même forme qu’ils ont persisté jusqu’à nos 
jours, tandis que tout autour plusieurs modifications impor- 
tantes ont été introduites !. 

Peut-être cet état de choses amènera-t-il un jour ou l’autre 
pour le Chapitre de Chartres une révision de ses statuts et de 
ses insignes canoniaux ? Si cela arrive nous aurons été heu- 
reux que la présente étude, en déroulant la série des transfor- 
mations analogues dans des âges plus reculés, relie les 
institutions lointaines de l’ancien Chapitre à celles de l’heure 
présente, éclaire le présent par le passé et contribue à faire 
resplendir l’assemblée capitulaire d’aujourd’hui de tout l’éclat 
des gloires séculaires dont elle est la digne héritière et 
qu'elle peut si justement revendiquer. 


1 Il ne sera pas inopportun de noter ici les variations qui se produisirent dans 
les vêtements des enfants de chœur de la cathédrale de es parallèlement à 
celles qui modifièrent les insignes des chanoines. Ces enfants de chœur (pueri 
chort) appelés plus tard enfants d'aube {puert in albis) portaient ordinairement 
le surplis aux XIIIe et XIVe siècles. Le Directorium Chori (Bibl. mun., Mss. 
u° 1058) le suppose souvent en notant que tel jour et dans telle cérémonie les 
enfants de chœur qui porteront des cierges auprès du cruaifix seront en aube. 
Plus tard on adopta pour eux l'aube comme habit de chœur ordinaire. Au XVe 
siècle ils portaient sous leurs aubes, des robes vertes, auxquelles on substitua 
en 1517 la robe rouge (Ordon. capit. du 4 mars 1517). A cette époque il 
est question de leur coiffure liturgique sous le nom de « Bireta puerorum 
in albis » (Reg. Cap., 1423.) : c'étaient des bonnets fourrés, assez semblables 
à l’aumusse primitive. En 113 ce bonnet était tombé en désuétude, on l'avait 
remplacé, en hiver, du moins dans les cérémonies extérieures, par le 
ou cahuet (Reg. Cap. an 1713); en été les enfants de chœur portèrent, à 
parür de 1723, la coiffure appelée « bonnet quarré » (séance du 16 juin 1723), 

1 fut remplacée dès 1731 par la calotte. On ne portait la calotte que de la 

oussaint à Pâques (séance du 8 février 1731). C'est en cette même année que 
nos enfants d’aube réclamèrent contre les robes fourrées d'hiver que leur épais- 
seur rendait imcommodes. On supprima la fourrure, en donnant à la place aux 
enfants des « vestes » ou gilets de dessous. (Ibid.) Au milieu du XVIIIe siècle 
ils portaient à certains jours des tuniques par-dessus leurs aubes et sur la tête 
des couronnes de fleurs, appelées quelquefois « chapeaux de fleurs. » Tuniques 
et couronnes de fleurs furent supprimées en 1784. (Reg. Cap., an. 1784, Projet 
de Cérémonial.) | 


Abbé RENARD. 


ES ne 





ORIGINE DES MONNAIES FÉODALES 


AU TYPE CHARTRAIN 


Il y a peu de problèmes qui aient occupé l'esprit de tant 
d’érudits que la question de l’origine des monnaies féodales au 
type chartrain. Déjà au siècle dernier, et surtout dans ce siècle- 
ci, les numismatistes les plus éminents se sont prononcés à 
tour de rôle sur cette question, et il faut reconnaître qu'ils ne 
se sont que rarement trouvés d'accord. Toutefois, aujourd’hui, 
il est généralement admis que les monnaies au type chartrain 
auraient été, dans le principe, copiées sur certains deniers 
frappés à Chinon en Touraine au X° siècle et représentant une 
tête gravée de profil. 

Nous devons avouer que cette hypothèse nous semble à 
priori inacceptable. — Les premières monnaies féodales appa- 
raissent à Chartres vers le milieu du X° siècle. A cette époque 
le type chartrain n'existe pas encore. C’est en effet le mono- 
gramme du roi Raoul que l’on voit figuré sur la monnaie 
émise à Chartres par le comte Thibaut le Tricheur, mort en 
975. Quelques années plus tard, vers le commencement du 
XIe siècle, furent frappés les plus aneïens deniers anonymes 
au type chartrain que l’on connaisse. Ces deniers offrent un 
type toujours le même et sur lequel il est impossible de distin- 
guer les traits d’une tête humaine, füt-elle la plus barbare du 
monde. Comment admettre que, dans l’espace de cinquante ans 
à peine, depuis la mort de Thibaut le Tricheur jusqu’au début 
du XIe siècle, une monnaie copiée sur la tête chinonaise ait pu 
s’introduire à Chartres et s’y transformer de façon à devenir 
absolument méconnaissable? Par quel hasard n’aurait-on 


— 112 — 


jamais découvert de pièces chartraines offrant une ressem- 
blance quelque peu directe avec cette tête chinonaise ! ? 

En étudiant plus en détail une question si controversée, 
nous avons trouvé à ce problème une solution qui nous a paru 
lever toute difficulté. 


En 1846-47, on fut forcé, pour établir une gare à Chartres, de 
combler en partie une petite vallée, située au nord-ouest de la 
ville et appelée les Vauxroux. On se procura les terres néces- 
saires en nivelant un vaste mamelon artificiel, distant d'environ 
soixante mètres des anciens remparts de Chartres et s’étendant 
de la porte Châtelet à la porte des Épars. On appelait ce ma- 
melon la Grande-Butte ; il avait 250 mètres de longueur sur 70 
de largeur, et était élevé d'environ 6 mètres au-dessus du sol 
adjacent. Les terrassements opérés dans ce monticule mirent 
à découvert un nombre considérable de monnaies de toutes les 
époques. 

La manière dont se forma cette butte a été révélée par 
une étude minutieuse des différentes terres qui la compo- 
saient. M. de Widranges, alors contrôleur des Contributions 
directes à Chartres, en fit le sujet d’un Mémoire, auquel il joi- 
gnit la description de tous les objets trouvés dans les terrasse- 
ments ?. En 1859, M. de Boisvillette, ingénieur en chef du 
département d’Eure-et-Loir, publia un rapport sur ce Mémoire. 


1 Déjà, en 1863, M. E. Garon, par de solides arguments, avait montré qu'il 
était impossible que les monnaies anonymes chartraines dérivassent d’une tête 
humaine. Cf. Mémoires de la Société archéol. du Vendômois, année 1863, p. 73. 


3 Ce Mémoire resté manuscrit se trouve aujourd’hui à la bibliothèque de la 
Société archéologique d'Eure-et-Loir. En faisant ce travail, M. de Widranges a 
rendu un réel service à l’histoire de Chartres. Car presque tous les objets 
trouvés dans ces fouilles furent acquis par divers pets et. sont 
aujourd'hui dispersés ou perdus. Le Musée de la ville n’en conserve qu'un petit 
nombre; mais les excellents dessins joints au Mémoire de M. de Vide 
peuvent suppléer en partie aux originaux. 











— 113 — 


Voici ce qu’il dit au sujet de la formation de cet immense amas 
de décombres : « Sous la pioche du terrassier, la vieille butte a 
rendu compte de son état ancien et de ses divers âges, signés 
par les médailles gauloises, romaines, carlovingiennes et 
postérieures jusqu'aux plus récentes. Ainsi qu'il était naturel, 
les plus anciennes tenaient la base, les plus nouvelles le 
sommet, non pas avec cette régularité qui permettrait de 
compter les époques par les couches, mais avec une certaine 
ptédominance donnant la présomption légitime que le dépôt 
se serait successivement formé, plutôt dans le sens de la 
hauteur que dans celui de la largeur. La nature des terres 
indiquait d’ailleurs leur provenance : elle accusait des débris 
d’incendies et de démolitions, de vidanges et creusements 
d’espaces habités ou tenant aux habitations et à la défense... 
À chaque agrandissement, destruction ou reconstruction, 
excavation et fondation considérables de l’intérieur de la 
ville, on amenait là les fouilles et les décombres, et le dépôt 
s’élargissait et s’exhaussait silencieusement, et sans que per- 
sonne y portât attention. » 

On ne saurait trop insister sur l’importance des découvertes 
monétaires faites dans cet antique amoncellement de débris de 
toutes sortes. Principalement pour la période du haut Moyen- 
Age, ces découvertes ont été du plus grand intérêt. C’est ainsi 
qu’on a pu constater que la seule monnaie qui eût cours dans 
le pays chartrain pendant le règne du roi Raoul (923-936) fut 
la monnaie même de ce prince. On a en effet trouvé dans la 
Grande-Butte de Chartres des deniers ou oboles portant le 
monogramme de Raoul et frappés à Chartres, Châteaudun, 
Orléans, Étampes, Dreux, Nogent-le-Roi ?. Raoul avait donc 
des ateliers monétaires dans toutes les villes du pays chartrain, 
et l’on peut présumer que, pendant les douze années de son 
rêgne, sa monnaie fut la seule en circulation dans cette 
contrée. 


FESSES SES EVYS VV S 


1 Mémoires de la Soc. arch. d’Eure-et-Loir, année 1860, p. 197-198. 


3 Ces monnaies ont été publiées par Gartier dans ses Dernières observations 
sur les monnaies au type chartrain (Revue numismatique, année 1849, pl. VIF, 
n° 14,2, 3, 4,5, 6). Pour le denier de Châteaudun, cf. E. Cartier, Recher- 
ches sE monnaies au type chartrain, Paris, Rollin, 1846, in-8°, pl. XVI, 
n° 15. 


T. X, 4. 9 





— 114 — 


Il 


Le roi Raoul étant mort (936), les comtes et grands seigneurs 
de la Gaule septentrionale se donnèrent pour roi Louis d'Outre- 
mer, mais ils ne lui laissèrent plus la jouissance entière des 
droits régaliens. Thibaut le Tricheur, comte de Chartres, de 
Châteaudun et de Blois, l’un des plus puissants d’entre eux, 
le plus puissant peut-être après Hugues le Grand, fut des pre- 
miers à s’attribuer les prérogatives réservées jusque là à la 
royauté. Méprisant l'autorité d’un roi, dont il avait été lui- 
même le geôlier à Laon, il frappa monnaie dans toute l’éten- 
due de ses possessions. 

Il est intéressant de saisir ainsi à son origine l’usurpation 
d’un droit régalien des plus importants faite sur la royauté par 
l’un des derniers comtes carolingiens *. 

Thibaut copia sur sa monnaie le type des deniers qui 
avaient cours dans ses domaines à la mort du roi Raoul, type 
qui était le monogramme déjà fort altéré de ce prince : il se 
contenta de remplacer la légende GRATIA DEI REX, entourant 
ce monogramme, par les mots, TETBALDUS C[o]M{[Es]1[NCLrrus|. 

On a retrouvé dans la Grande-Butte de Chartres deux spé- 
cimens de ces précieuses pièces. Ce sont deux oboles d’un type 
identique, frappées l’une à Chartres, l’autre à Beaugenci ?. Il y 


4 Dans un ouvrage récemment publié, Trailé de numismatique du Moyen-Age, 
MM. Engel et Serrure citent les principaux feudataires qui usurpèrent le droit de 
monnayage sous les carolingiens. Nous avons regretté de ne pas voir figurer 
ce chapitre Thibaut le Tricheur, dont les demiers sont assez répandus et appar- 
tiennent incontestablement à l’époque carolingienne. 


3 Voir au sujet de l’obole de Beaugenci, qui est aujourd'hui dans la collection 
Jarry à Orléans, un article que M. Duchalais a écrit dans la Revue numisma- 
tique de 1846, je 334 et ssv. Pour l'obole de Chartres, elle a été publiée par 
Cartier dans la Revue numismatique de 1849, pl. VIE, no 7. 





| 
| 


— 115 — 
a tout lieu de croire que Thibaut émit de semblables monnaies 
dans celles de ses villes où le roi Raoul avait eu des ateliers 
monétaires, comme à Châteaudun par exemple. 
Nous reproduisons ici, en regard l’une de l’autre, l’obole 
chartraine, (n° 1), et une pièce du roi Raoul frappée à Chartres 
et également trouvée dans la Grande-Butte, (n° 2) ‘. 





III 


Thibaut le Tricheur mourut le 16 janvier 975; son fils Eudes 
lui succéda comme comte de Chartres, de Châteaudun et de 
Blois. Eudes introduisit d'importantes modifications dans le 
monnayage chartrain. Le type que Thibaut le Tricheur avait 
adopté à Chartres comportait une légende, TETBALDUS CM.I., 
autour du monogramme dégénéré de Raoul. A chaque muta- 
tion de comte devait donc correspondre un changement dans 
cette légende; au lieu de TETBALDUS CM . 1 ., Eudes eût été 
forcé de faire graver ODO CM . 1.; de même le successeur 
d’Eudes aurait eu à faire une opération analogue. C'était là un 


premier inconvénient. — D'autre part, Eudes frappait alors 


dans sa ville de Blois une monnaie toute différente de celle de 
Chartres; ce qui pouvait entraîner des difficultés dans les 
transactions pécuniaires entre ces deux villes, voisines et sou- 
mises à la même administration. La monnaie de Blois était 


1 Ce denier de Raoul a été déjà publié dans la Revue numismatique de 1849, 
pl. VII, no 6. 








— 116 — 
anonyme, c’est-à-dire qu’elle ne portait pas en légende le nom 
du comte. Elle offrait, semble-t-il, vers la fin du Xe siècle, le 
type suivant, (n° 3) ‘. Cette pièce blésoise représente les traits 


n° 3. 


dégénérés d’une tête imitée de celle que l’on voit gravée sur 
des deniers carolingiens frappés à Chinon ?. 


4 Le denier que nous publions ici se trouve dans la collection — à Orléans 
LE Poey d'Avant, Monnaies féodales de France, Tome I, pl. XXXIT, n° 10). 
artier a publié un denier semblable d’après sa propre collection et il en indique 
un troisième comme se trouvant alors dans la collection de la Saussaye (Cf. E. 
Cartier, Recherches sur les monnaies au type chartrain, p. 75). 

La raison qui nous fait attribuer ce denier à la fin du X° siècle est la suivante. 
On découvrit à Châteaurenault près de Tours, en 1831, un trésor composé de 
deniers anonymes blésois extrêmement usés, mêlés à des deniers du roi Phi- 
lippe [er mieux conservés. Tous ces deniers blésois, dont la fabrication remon- 
tait certainement à la première moitié du XIe siètle, présentaient la légende 
BLESIS CASTRO, BLESIS CASTIO, BLESIS CATRO, Ou variantes analogues 
(Cf. Cartier, liv. cité, p. 62, 75 et 76). Or le denier que nous publions ici a 
conservé la forme de la ent carolingienne BLESLANUS C[ASTRO]. Par suite il 
a dû être émis antérieurement aux deniers de Châteaurenault, c'est-à-dire que 
sa fabrication peut être attribuée à la fin du X® siècle. Cartier le regardait aussi 
comme 7 plus ancien que les deniers portant la légende BLESIS CASTRO (lv. 
cite, p. | 


3 Il est aujourd'hui prouvé que le type blésois dérive d'une tête qui se re- 
connaît encore facilement sur les monnaies de Blois les plus anciennes. Voici, 
n° 3 bis, le dessin d’un denier frappé à Blois vers le milieu du X° siècle (Cf. 
Poey d'Avant, Monn. féod. de France, I, pl. XXXII, n° 6). En retournant, 


—— 


De 


n° 3 bis. n° 3 ter. 


no 3 ter, le denier que nous avons publié n° 3, on voit que ces deux pièces 
dérivent l’une de l'autre, et que sur la plus ancienne est gravé le profil d'une 
tête barbare encore reconnaissable. 





— 117 — 

Eudes résolut de rendre anonyme sa monnaie de Chartres, 
comme l'était celle de Blois. Il supprima donc la légende TET- 
BALDUS CM. 1.; ce qui fit un grand vide autour du mono- 
gramme du roi Raoul, (n° 4) !. 





no 4. 


Pour remplir ce vide, Eudes donna une importance plus 
grande aux dimensions du monogramme; il reporta au haut 
de la pièce la croisette et descendit l’S jusqu’au bas. Malgré 
ces modifications, il restait encore à droite et à gauche un 
espace inoccupé, (n° 5). Afin d’assimiler autant que possible sa 


n° 5. 


nouvelle monnaie chartraine avec la monnaie blésoise, Eudes 
profita de cet espace pour y faire graver à droite la couronne 
crénelée et à gauche les trois traits parallèles, restes informes 
de la bouche et du menton de la tête blésoise 2. Il fut ainsi 


Nous empruntons ce monogramme dégénéré du roi Raoul à un denier frappé 
à Chartres vers le milieu du X® siècle et qui a été publié dans le Tome VIII des 
Procès-Verbauzx de la Soc. arch. d’Eure-et-Loir, p. 242. Ce denier fait partie de la 
collection Corbin à Chartres. L’ [fu du monogramme de Raoul y est dégénéré 
en Qj— -Ilest vraisemblable qu'à l'avènement du comte Eudes, les mon- 
naies au monogramme de Raoul offraient généralement à Chartres la même 
altération; car c’est de ce type que sont directement dérivés les premiers deniers 
anonymes chartrains. 


2 Voir plus haut planche n° 3. 


— 118 — 


amené à frapper une monnaie du type suivant qui fut la pre- 
mière monnaie anonyme émise à Chartres, (n° 6). 





no 6. 


En l’année 991, Eudes obtint du roi Hugues Capet la ville et 
le comté de Dreux qu’il convoitait depuis longtemps déjà ?. 
Devenu possesseur du château de Dreux, il y introduisit la 
monnaie qu’il venait de créer dans sa ville de Chartres. Son 
but était évidemment d’uniformiser les types monétaires dans 
tous ses domaines. 

On a retrouvé, il y a une trentaine d’années, un spécimen des 
produits du nouvel atelier de Dreux. C’est le denier anonyme 
suivant , (n° 7) ?. 


n° 7. 


On voit combien cette pièce diffère peu de celle que nous 
avons supposé être la première monnaie anonyme émise à 
Chartres par le comte Eudes (n° 6). La date à laquelle le denier 
de Dreux fut frappé se place entre l’année 991, époque où 
Eudes fut mis en possession du comté de Dreux, et l’année 1017, 


f C'est pour rendre la monnaie chartraine encore plus semblable à celle de 
Blois qu'Eudes ne conserva de la croisette de droite que la branche inférieure 
qui correspondait ainsi au nez de la tête blésoise. 


3 Cf. Richer, I. IV. c. 40, édition Guadet, T. Il, p. 194-196. 


8 Ce denier fait partie aujourd'hui de la collection Neilz à Vendôme. M. Caron 
a consacré à l'étude de cette pièce un très intéressant article dans les Mémoires 
de la Societé archéologique du Vendômois, année 1863, p. 67 et ssw. 





— 119 — 


où son fils se dessaisit de ce comté en faveur du roi Robert. 
Pendant toute la durée du Moyen-Age les comtes de Chartres 
ne possédèrent Dreux que dans ce court espace de temps ?. On 
peut donc, ce qui est très rare pour une monnaie anonyme, 
dater le denier de Dreux d’une manière certaine de l'an mil 
environ. 

Aujourd’hui, les plus anciennes monnaies anonymes char- 
traines que l’on connaisse sont postérieures à ce denier de 
Dreux; elles ne remontent guère qu’à la première moitié du 
XIe siècle. Comme nous l’avons déjà dit, ces anciens deniers 
offrent tous le même type. — Voici le dessin d’une obole char- 
traine provenant du trésor enfoui vers 1060 dans le clocher de 
la basilique de Saint-Paul hors des murs de Rome, (n° 8) *. 


no 8. 


Le type que l’on remarque sur le denier de Dreux s’est déjà 
altéré sur cette obole. Pour imiter davantage la monnaie blé- 
soise, on a supprimé la croisette supérieure et l’S, derniers 
restes du monogramme de Raoul, et on les a remplacées par 
les trois besants qui se voient sur la monnaie de Blois (n° 3). 

De même qu’à Dreux, Eudes avait introduit à la fin du 
Xe siècle dans la ville de Châteaudun sa nouvelle monnaie au 
type chartrain. On ne connaît pas encore d’exemplaire de 
deniers ou oboles primitifs sortis de l’atelier dunois. Les plus 


4 Cf. Pfister, Etudes sur Robert le Pieux, 64e fascicule de la Bibliothèque 
de l'Ecole des Hautes Etudes, p. 236. 


2? Depuis l’année 4017, où le comte de Chartres céda Dreux au roi Robert, 
cette ville ne sortit plus du domaine des rois de France jusqu’en l'année 1137, 
époque où le roi Louis VII donna le comté de Dreux en apanage à son frère 
pie Robert. On possède des deniers frappés à Dreux par les rois Philippe [ et 


uis VII. 
3 Cf. Revue numismatique, 1849, pl. VIE, n° 11. 





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— 121 — 

On n’a jamais découvert de pièces chartraines ou dunoises 
dérivant directement de ce type chinonais, tandis qu’à Blois, 
à Vendôme, à Saint-Aignan, à Celles, on trouve quantité de 
deniers où les traits de la tête se reconnaissent aisément. 
Suivant nous, on peut affirmer que jamais on ne rencontrera 
à Chartres ni à Châteaudun de semblables monnaies, parce 
qu'il n’en a jamais existé. Dès leur apparition les monnaies 
anonymes chartraines offraient le type du denier n° 7, émis 
à Dreux par le comte Eudes; et tout ce que l’on peut espérer 
désormais, c’est de découvrir quelque jour des pièces analogues 
à celles de Dreux, mais portant en légende CARTIS CIVITAS ou 
DUNIS CASTLLI au lieu de DRUCAS CASTLLI. 


René MERLET. 


RELATIONS ENTRE LA PAPAUTÉ 


ET LES KHANS MONGOLS 


Dans sa description de la riche collection de monnaies 
orientales que renferme Île Musée de Milan, le comte Castiglioni 
donne la gravure d’une pièce qu'il attribue aux princes Pagra- 
tides de Géorgie et dont les inscriptions semblent mériter une 
attention particulière. D’un côté, on voit une légende de 4 lignes 
en caractères mongols et, au-dessous, en arabe, le nom reproduit 
du khan mongol Arghoun, troisième successeur d’'Houlagou, 
chef de la dynastie des Mongols de Perse. Arghoun régnait de 
683 à 690 de l’hégire — 1284 à 1291 de notre ère. — Au revers 
on lit dans un carré, en caractères arabes : Au nom du Père, 
du Fils et de l’Esprit-Saint, Dieu unique. Au bas du carré est 
figurée une croix latine. 

Le médiocre état de conservation de la pièce du Musée de 
Milan n’a pas permis au comte Castiglioni d’en donner une 
lecture complète, mais les trois exemplaires que j’ai pu ren- 
contrer nous permettront d’en poursuivre l’étude, et cette fois 
encore lanumismatique, ainsi que cela lui arrive souvent, nous 
entraînera plus loin qu’il n’était d’abord prévu. 

La formule religieuse que nous rencontrons ici ne nous est 
d’ailleurs pas inconnue, nous l’avons vue sur les monnaies à 
légendes arabes des rois de Castille, mais c’était alors des rois 
chrétiens qui frappaient monnaie pour leurs sujets musulmans, 
aujourd’hui ce serait un prince mongol qui cherche à faire 
accepter son monnayage par des sujets chrétiens. 





— 193 — 

Rappelons rapidement quelle était la situation de la domi- 
nation mongole à l’époque du règne d’Arghoun et même 
remontons en quelques mots jusqu’au fondateur de la dynastie. 

Témoughin, fils de Yesoukhai, n’était d’abord qu’un simple 
chef de horde; il était né en l’an 559 de l’hégire (1163) ; peu à 
peu, après une longue suite de combats, le chef de 
horde parvint à dominer ses voisins qui, en 603 (1206), furent 
obligés de le reconnaitre comme khan suprême ou Djengis- 
khan, nom sous lequel il nous est plus connu. Sous la 
conduite de ce prince, les Mongols étendent leurs conquêtes 
à tous les pays voisins, à la Chine, à l’Inde : la destruction 
de l’empire si florissant du Kharisme leur ouvre l’occident de 
l'Asie, et, sur l’ordre de son père, un des fils de Djengiskhan, 
Touli, va s'emparer des provinces du nord, aujourd’hui la 
Russie. 

Plus heureux qu’Alexandre, Djengiskhan en mourant (624)- 
(1227) put transmettre son immense empire à de nombreux 
enfants qui, réunis au centre de l’Asie, dans les environs du 
lac Baïkal, à Caracorum, élurent pour Grand Khan leur frère 
Octaï. Celui-ci continua à étendre la domination mongole. A sa 
mort (639)-(1241), sa veuve, Touraquina, contemporaine de la 
reine Blanche, fut chargée de la régence pendant la minorité 
de son fils Koyouk. Vous remarquerez en passant ce fait assez 
extraordinaire de deux grands peuples, les Mongols et les 
Français, tous deux, vers la même époque, gouvernés avec la 
même supériorité par la mère du roi régnant. 

Je puis vous soumettre deux médailles de Touraquina. En 
raison de la rareté, vous voudrez bien être indulgents pour 
leur état médiocre de conservation. La régente est représentée 
montée sur un cheval au galop et décochant une flèche à la 
manière des Parthes. Une explication n’était peut-être pas 
inutile. 

À Gaiouk succède Mangou (646)-(1248), puis Kubilaï (655)- 
(1257). C’est sous le long règne de Kubilaï (655-693)-(1257-1294), 
que la domination mongole prend son plus grand développe- 
ment. Toute la Chine et l’Inde sont conquises, Batou, petit-fils 
d’Octai avait subjugué la Russie, dévasté la Pologne, la Moravie, 
la Hongrie; Houlagou, frère de Kubilaï, fut envoyé à la tête d’une 
armée du côté de l’Asie occidentale, avec ordre de détruire les 
forteresses du Vieux de la montagne, le chef de la secte des 


— 124 — 


Bathéniens ou Assassins qui, par leurs crimes, répandaient la 
terreur dans tous les États voisins et dont le nom a passé dans 
nos langues européennes comme l'expression du meurtre et 
du brigandage. Après leur destruction et la démolition de leurs 
forteresses, Houlagou envahit les États du khalife de Bagdad, 
où les habitants, livrés entre eux à de violentes querelles 
religieuses, ne pouvaient plus offrir une longue résistance. 
Dans un dernier assaut, Bagdad tomba et Mostasem, le dernier 
des khalifes abbassides, pris les armes à la main, fut mis à 
mort. Les Mongols continuèrent ensuite à envahir les pro- 
vinces de l’Ouest et après avoir encore subjugué l’Arménie et 
la Géorgie, Houlagou rencontra enfin une résistance sérieuse 
lorsqu'il voulut attaquer les possessions des sultans Mamlouks 
en Syrie et en Egypte. À Houlagou mort en 663 (1265), succèdent 
Abaga, son fils, puis Ahmed et, en 683 (1284), Arghoun dont le 
nom figure sur nos trois pièces. | 

Quelle est l’explication à donner de l’inscription essentielle- 
ment chrétienne qui s’y trouve gravée ? Cet immense empire 
mongol composé de l’Asie presque entière et même d’une 
portion de l’Europe, comportait bien des religions différentes. 
Quelle était la religion de la nation conquérante à l’époque de 
Djengiskhan ? Il nous serait difficile de le dire ; toutes semblent 
sinon acceptées, du moins tolérées, même à la cour du Grand 
Khan. Les remarquables Mémoires d’Abel de Rémusat publiés 
en 1822 et 1824 nous ont, il est vrai, donné quelques renseigne- 
ments à ce sujet et ont mis en lumière les longues négociations 
suivies entre les Khans mongols et les souverains d'Europe. 
Les Papes en étaient le plus ordinairement les intermédiaires. 
Ces correspondances, ces réciprocités d’ambassades, dont le 
commencement a lieu sous le pontificat d’Innocent IV (1243- 
1254), se sont continuées jusqu’à celui de Clément V (1305- 
1314), c’est-à-dire près de 70 ans. 

Malgré leur multiplicité et leur durée, ces négociations ne 
conduisirent pas aux résultats qu’on espérait de part et d’autre 
en obtenir. Pour les deux parties, les visées étaient trop diffé- 
rentes. Les Souverains Pontifes recherchaient dans la conver- 
sion de la famille du Grand Khan, but de leurs efforts, celle 
de toutes les populations asiatiques qui leur étaient soumises. 
Les exemples ne manquaient pas de peuples entiers amenés à 
l'unité de foi par l’exemple ou par l’ordre de leur chef. Le 





— 195 — 

despotisme si arbitraire des princes d’Asie pouvait rendre le 
succès encore plus vraisemblable. En outre, déjà depuis long- 
temps les prêtres nestôriens s'étaient répandus en Mongolie et 
vivaient acceptés à la cour du Grand Khan. Les Géorgiens et 
les Arméniens, bien que vaincus et obligés d'accepter la suze- 
raineté des princes mongols, avaient toujours pu maintenirle 
catholicisme dans leurs montagnes et, bien que nous n’en ayons 
pas d’autre preuve, c’est probablement pour eux, M. le comte 
Castiglioni le pense avec raïson, que furent frappées les mé- 
dailles qui nous occupent. 

Plusieurs princes de la famille de Djengiskan avaient épousé 
des femmes chrétiennes; Euthymius, patriarche d'Antioche, 
avait été chargé de conduire Marie, la fille de Michel Paléologue, 
que cet empereur avait accordée à Houlagou, Malgré la nouvelle 
du décès de son fiancé, la jeune princesse dut continuer son 
voyage et elle épousa Abaka, fils et successeur d’Houlagou. 
Houlagou lui-même, fils d’une mère chrétienne, avait, dit-on, 
été baptisé sous le nom de Nicolas et s'était d’ailleurs toujours 
montré favorable aux chrétiens de la Palestine. Son premier 
successeur, Abaga, suivit les mêmes errements : il n’en fut pas 
de même du suivant, Ahmed, qui embrassa l’islamisme, 
détruisit les églises et persécuta les chrétiens ; mais son règne 
fut court (680-683)-(1281-1284), et il fut renversé par Arghoun, 
le prince de nos médailles. 

Nous avons vu les puissants motifs qui portaient les Souve- 
rains Pontifes à suivre leurs relations avec les princes d’Asie ; 
les raisons qui faisaient agir ces derniers étaient d’une nature 
toute autre. Presque indifférents à la forme religieuse, ainsi que 
nous l’avons vu plus haut, ils n’avaient pour but que la guerre 
et la continuation de leurs invasions, puis surtout le renverse- 
ment de la puissance des sultans Mamelouks d'Egypte. Déjà, 
dès la fin du long règne du Grand Khan Kubilaï, l’immensité 
même de l’empire était devenue une cause de faiblesse : les 
descendants de Djengiskhan, nommés gouverneurs des diffé- 
rentes provinces, peu à peu se rendaient indépendants dans 
leurs vastes royaumes ; l’union n’existait plus et nous voyons 
des Mongols combattre des Mongols; ainsi les khans de la 
Horde-d’'Or s'étaient engagés, par un traité, à descendre du 
Nord et à suivre les rives de la mer Caspienne pour attaquer 
le khan de Perse Arghoun toutes les fois que celui-ci serait en 


— 126 — 

guerre avec les sultans d'Egypte. C’est alors que les princes 
persans songèérent à appeler à eux les guerriers d'Occident 
dont la réputation de valeur s'était maintenue entière. Arghoun, 
par l’intermédiaire des Papes, demande aux rois de France, 
d’Angleterre, d’Aragon de lui envoyer une armée qui l’aide à 
détruire leurennemi commun, le sultan d'Egypte, il offre des 
secours de toute nature ; il propose même d’abandonner aux 
chrétiens Jérusalem et la Syrie dont le climat brûlant est 
funeste aux Mongols. C’est probablement par ces motifs que 
doit s’expliquer ia direction que donnera saint Louis à sa 
croisade si malheureusement terminée au combat de la 
Massoure et le long séjour de quatre années qu’il persiste à 
faire en Syrie, alors que la reine Blanche était morte depuis 
deux ans et que tout le rappelait dans ses États. L’espérance 
d’obtenir du Khan mongol l’abandon des anciennes possessions 
franques et d’appeler la bienveillance de ce prince sur les 
chrétiens d’Orient ont dû motiver ses décisions. 

La première croisade de saint Louis avait échoué. Les négo- 
ciations se continuérent cependant longtemps encore entre le 
Saint-Siège et les Khans de Perse, mais la seconde croisade du 
roi de France fut également malheureuse. Alors le huitième des 
Khans mongols de Perse, Ouldjaïtou, n’espérant plus de secours 
des chrétiens, adopta définitivement la religion musulmane de 
la secte d’Aly ou des douze Imans, dont il fit graver les noms 
sur ses monnaies. Les espérances premières et même les illu- 
sions n’étant plus possibles, les envois d’ambassades devaient 
être abandonnés. Il est intéressant de revoir dans Abel de 
Rémusat dans quelle mesure ces négociations auraient eu 
chance d’atteindre le résultat cherché; ce résultat eût été im- 
mense et méritait certainement un grand effort. 


Alex. DE SAINT-LAUMER. 





NOTICE HISTORIQUE 


SUR LE 


SÉMINAIRE 


DU 


GRAND-BEAULIEU-LES-CHARTRES 


III 
LE SÉMINAIRE DU GRAND - BEAULIEU 


Ce fut au commencement de mars 1660 que M. Pierre Martin, 
premier supérieur du nouveau Séminaire, prit possession de 
l’ancien prieuré du Grand-Beaulieu ‘. Avant d’en venir là, 
nous l’avons dit, il avait fallu passer par de longues et minu- 
tieuses formalités dont l’accomplissement demanda près de 
deux ans ?. Ces actes, pour éclairer principalement l’histoire 
de l'érection du Séminaire, ne laissent pas que d’intéresser 
l’archéologie locale par les détails qu'ils fournissent sur les 
personnages, l’état des lieux, la disposition des esprits, les 
mœæurs et les usages en vigueur à l’époque de cette fondation. 


1 L'acte d'installation de M. Martin, dressé par Me Ravet, notaire épiscopal, 
est du 5 mars 1660. Ce fut M. Edeline, vicaire général, qui présida cette for- 
malité, assisté de huit témoins. Après la lecture du décret de Mer de Neufville, 
des lettres royales et des arrêts du Parlement, M. Martin fut conduit à la cha- 

le où, « en signe de réelle et actuelle possession, » il sonna les cloches, 

aisa le maitre-autel et fit l’aspersion de l’eau bénite. Il fut ensuite mené dans 
la maison priorale, l’enclos et le jardin, où il fit les actes ordinaires, réputés 
en le droit signe de propriété : allumer du feu, ouvrir et fermer les portes, 
riser des branches d'arbres, etc. (Arch. Dép., G, 2956.) 


3 L’inventaire des archives du Séminaire de Beaulieu, dressé par M. L. Merlet, 
archiviste d'Eure-et-Loir, ne contient pas moins de seize actes authentiques 
concernant la transformation de la Léproserie en Séminaire. (Arch. Dép., G. 2956), 





— 128 — 

Si nous assistons par exemple à l'enquête ouverte à l’Évêché, 
par le ministère de maître Léon Edeline, chambrier, chanoine 
et vicaire général, sur l'établissement du Séminaire (16 juillet 
4659), nous entendons le prieur de Sainte-Foy, Nicolas Gaubert, 
témoigner « que depuis neuf ans qu’il est curé de Sainte-Foy 
il a toujours recogneu qu'il n’y avait point d’autre moyen de 
rétablir la discipline ecclésiastique dans le diocèse de Chartres 
qu’en y establissant un séminaire de prestres soubz la conduite 
desquels seraient eslevés des clercs dans les maximes del’Église ; 
les prestres et les curés y feroient des retraites pour, à l'exemple 
desdits séminaristes, se confirmer dans la piété ou corriger 
leurs mœurs, et qu’estant obligé le déposant, en la qualité qu’il 
a, de visiter tant les prisons de l’Évêché que celles du Chapitre 
de Chartres qui sont dans l’enclave de sa paroisse, il auroit ex- 
périmenté que les personnes ecclésiastiques qui sont dans les 
pernitieuses habitudes ne se corrigent point intérieurement 
par la punition de la prison ni autres peines; que si les mesmes 
personnes étoient condamnées à passer quelque temps dans un 
séminaire, qu’il y auroit espérance que par le bon exemple 
qu’elles y verroient et par la prudence de ceux qui en auroient 
la conduite, ils recevroient avec bénédiction les inspirations 
qui leur viendroient du ciel pour l’amendement et changement 
de leur vie!. » 

Un autre témoin, M. Gobert, parle avec effusion de la com- 
modité de l’emplacement; il prédit « qu’en peu de temps on y 
verra une grande communauté laquelle produira des biens à 
tout le diocèse. » D’ailleurs pourquoi hésiterait-t-on puisque 
des quatre prêtres séculiers et des deux clercs qui desservent le 
Prieuré, l’un étant curé et les autres « occupés en leurs affaires 
particulières », le service divin devient impossible, tandis que 
l’établissement d’un séminaire rendra au diocèse tout entier 
« sa pristine splendeur. » 

Le curé de Saint-Hilaire de Chartres, M. Pierre Mauger, fait 
presque l’historique de la question. Il rappelle avec émotion 
le « désir si passionné » de Mer d’Étampes et de Msr Lescot 
pour cette fondation; les « ordres » donnés à ce sujet par le 
premier de ces prélats à « feu M. Olier et autres personnes de 
piété », sa douleur d’avoir vu cette tentative échouer, tellement 


{ Arch. Dép., G. 2956. 





— 129 — 

« que toutes les fois qu’il revenait de ses visites il disait publi- 
quement que ce bien-là lui manquait. » Aussi le vénérable curé 
laffirme hautement : quand la nouvelle des concessions faites 
par le roi et le duc d'Orléans pour l’établissement du séminaire 
est arrivée à Chartres « ça esté une joye publique de tous les 
gens de bien. » Il va jusqu’à envisager le bien des autres dio- 
cèses dans cette fondation, car « ce diocèse étant limitrophe 
de plusieurs autres, cela leur donnera la volonté de jouir du 
mesme bien et d’ériger des séminaires ‘. » 

Les dépositions continuent et chacune apporte son trait. 
Ce qui frappe celui-ci? dans l'établissement projeté c’est 
l’honneur du pays chartrain. « On pourra dire à l’advenir que 
ce grand diocèse qui paraissoit abandonné reluist entre tous 
les autres. » Celui-là voit surtout « que les jeunes gens qui ont 
le dessein de se donner à l’Église seront bien instruits et formez 
dès leur bas-aage *. » L’un fait observer que les clercs qui 
desservent actuellement le Grand-Beaulieu « y perdent leur 
temps. » C’est dur. L’autre décrit d’une manière piquante le 
service divin accompli dans l’antique maladrerie par les quatre 
clercs, dont l’un est toujours dans sa cure de Gellainville et les 
trois autres toujours indisposés ou absents ‘. Un troisième 
nous apprend, — détail qu’on ne trouve nulle part ailleurs — 
que pour les fonctions du culte le Grand-Beaulieu ne possédait 
alors qu’une petite chapelle, à côté de l’ancienne Eglise, suffi- 
sante à la rigueur pour les besoins du Séminaire « en atten- 
dant qu’on rétablisse l’Église qui y est, dont les murailles 
sont entières, mais sans couverture depuis les dernières 
guerres . » ; 

Il fallait un peu de temps à notre communauté naissante 


1 Arch. Dép., G, 2956. 


2 Maitre François Asselin, jeune prêtre de 32 ans, de l’honorable famille qui 
donna plus tard à la cité des hommes comme Louis-Barthélemy Asselin, receveur 
général des Aides, et Louis-Jean-Baptiste Asselin. maire de Chartres et lieute- 
nant-général au bailliage. Arch. mun., E, 2, 38, 39; C, 6, EF, 4, 57 

one CU de M. Claude Lambert, régent du collège Pocquet. (Arch. Dép., 

) .) | 


* Déposition de Me Nicolas Gueau, conseiller en l'élection de Chartres. (Arch. 
Dép., G, 2956.) 


5 Déposition de Jean Le Féron, lieutenant en l'élection de Chartres, et de 
Jehan Pinguenet, chanoine. (Arch. Dép., G, 2956.) 


T. X, 4. 10 








— 130 — 

pour s’organiser dans son nouveau local. Ce fut une période de 
tâätonnements et d’essais, ou plutôt ce fut la continuation de ce 
qui se passait dans le Séminaire provisoire de la Porte- 
Cendreuse !. M. Gilles Marie trop retenu par ses fonctions 
paroissiales? ne faisait que de courtes apparitions sur la colline, 
et si ses entretiens étaient toujours la joie des ordinands, ils 
devenaient de plus en plus rares à mesure que son ministère 
s’augmentait à Saint- Aignan. Quant au supérieur, M. Martin, 
ce qui était à craindre arriva : tout en s'intéressant à l'œuvre 
dont il avait reçu le gouvernement, il continua à résider à 
Chartres *, et comme naguère il avait confié à M. Gilles Marie la 
direction du Séminaire de la Porte-Cendreuse, il se déchargea 
de celle de Beaulieu sur un de ses auxiliaires, en sorte que Îa 
maison n'eut que trois prêtres pour pourvoir à son fonction- 
nement intérieur *. 

Le Chapitre de Notre-Dame ne demeurait pas étranger à ces 
préoccupations. Nos chanoines n’ignoraient pas que le Concile 
de Trente avait prescrit aux évêques de gouverner leurs sémi- 
naires avec le conseil et le concours de deux hommes graves 
et avancés en âge, seniorum et graviorum, choisis dans le 
corps canonial; ils savaient que d’après le même décret deux 
membres du Chapitre, nommés l’un par l’évêque, l’autre par 
l’assemblée capitulaire, devaient encore, aidés par deux simples 
prêtres, et sous la direction épiscopale, pourvoir au temporel 
du Séminaire . 

À côté de cette question il y avait à définir la part que 
prendrait le Chapitre dans l'examen des ordinands, à s'entendre 
sur la question des retraites sacerdotales et sur le temps de 


4 Le règlement inscrit au nom de Mer de Neuville et inséré dans les Statuta 
diæcesis Carnotensis édités en 1742 par Mer de Mérinville (p. 40-45) n'est que 
le résumé de celui que les Prêtres de la Mission établirent en 1680. 


2 Vie de Gilles Marie, p. 54. 


3 Le registre des sépultures du Séminaire de Beaulieu porte dans l'acte d'in- 
humation de M. de Bagnols, successeur de M. Martin : « second supéneur 
et le premier qui a résidé à Beaulieu. » Arch. Comm.,'E, 14, 1. 


4 Ces trois prêtres, auxiliaires de M. Martin et ses coopérateurs dans la fon- 
dation du Séminaire de Beaulieu, étaient MM. Jean Petit, Jacques Sagot et Pierre 
Quillet, tous trois du clergé diocésain. (Arch. Dép., G, 2956.) Acte d'installa- 
tion de M. de Bagnols en 1661. 


5 Concil. Trid. Sess. XxIH, cap. XVI. De Reformat. 





— 131 — 

séminaire qu’on exigerait à l’avenir des chanoines ordinands. 
Qui sait même si le Chapitre n’avait pas à présenter quelques 
observations sur le personnel du Séminaire, dont le Supérieur 
n'avait pas été choisi dans son sein ! ? Pour régler ces questions 
il eut, au mois de novembre 1660, avec Mer de Neuville, 
une conférence dont les détails ont été malheureusement 
perdus avec les registres capitulaires de cette époque ?. Nous 
savons seulement qu’il en résulta une participation réelle du 
Chapitre à l’œuvre du Grand-Beaulieu. Si le vaste revenu de 
l’ancienne Léproserie, àäcquis au Séminaire, rendait inutile la 
commission du temporel, le Chapitre obtint le droit de nommer 
des délégués, « ses commis » comme il les appelle, pour faire 
passer les examens des ordinands, fonction dont il fera un peu 
plus tard, en 1669, une charge ordinaire et permanente *. La 
question des chanoines ordinands fut résolue par l’obligation 
d’un minimum de stage au séminaire, pendant lequel les 
absents étaient tenus présents, c’est-à-dire avaient droit à tous 
les fruits ordinaires et extraordinaires de leur canonicat. Ces 
présences fictives qui à l’origine étaient laissées au jugement du 
Chapitre reçurent plus tard, en 1724, une réglementation 
d’après laquelle on ne put être tenu présent plus d’un an pour le 
sous-diaconat, ni plus de six mois pour le diaconat et la prè- 
trise ‘. Ce délai expiré, le chanoine-séminariste faisait son 
séminaire à ses dépens. | | 

Le Chapitre eut encore, en cette année 1660, à s’occuper du 
séminaire pour une question de détail qui devint, comme 
nous le verrons plus loin, un fréquent sujet de contestations. Il 
s'agissait de la fameuse chevauchée des enfants de chœur, 


1 Cette derniére conjecture trouve un point d'appui dans la nomination du 
successeur de M. Martin qui fut pris parmi les chanoines. Arch. Dép., G, 
2,956. Installation de M. de Bagnols. 


2? Les registres capitulaires de 1659 à 1674, ceux qui auraient pu nous 
fournir de précieux documents à ce sujet, ont été détruits ou égarés pendant la 
Révolution. Il ne nous en reste que de très courts extraits faits par le chanoine 
Brillon et conservés aux Arch. Départ. G, 338-340. C'est là que se trouve 
l'indication de la Conférence de l'Évêque et du Chapitre dont il est question ici : 
a 13 novembre 1660. Rapport qu'on a parlé à l'Evèque sur l'établissement de 
son Séminaire, » G, 340. Cahier H, p. 5. 


3 € 1669. On nomme pour la première fois des commis ordinaires pour l’exa- 
men des ordinands, qu'on ne nommait (jusque-là) que dans l’occasion ». Extraits 
de Brillon. Cah. H, p. 17. Arch. Dép., G, 340. 


# Reg. Capit., Arch. Départ., G, 298. 


— 132 — 

heuriers et matiniers, dont le séminaire ne demandait qu'à 
maintenir l’usage, moyennant qu’on supprimerait les abus qui 
s’y étaient glissés. Le Chapitre de son côté tenait à cette tradition 
comme à l’exercice d’une sorte de droit de suzeraineté. Chaque 
année, quand le jour approchait, il laissait introduire dans 
l’assemblée capitulaire un « enfant d’aulbe » qui se mettait à 
haranguer « la compagnie » tantôt en français, tantôt en latin, 
lui soumettant une requête de subsides pour les frais dela pro- 
chaine cavalcade. Les chanoines écoutaient paternellement et 
octroyaient généreusement cent sols : c'était de temps immé- 
morial le contingent que l’assemblée apportait pour couvrir la 
dépense !, et la condition jointe à cette libéralité était que les 
confrères de l’Hôtel-Dieu viendraient chanter à la place des 
voyageurs, car il était arrivé qu’à l’heure de l'office, tous les 
chantres chevauchant sur la route de Beaulieu, le bas-chœur 
demeurait désert et silencieux ?. Il aurait pu exiger de plus 
que cette promenade demeurât décente et digne de son origine 
toute religieuse. Nos cavaliers ne s’avisaient-ils pas, pour aller 
chanter là-haut leur Salve regina et leur De Profundis, de 
s’armer d’une manière ridicule avec des épées et des pistolets, 
de se travestir d'accoutrements grotesques; et tout récemment, 
en 1658, n’avait-on pas porté plainte en assemblée capitulaire 
contre un heurier coupable de vrais scandales, au retour de 
Beaulieu, ainsi que contre deux grands enfants de chœur, qui 
avaient découché, sans permission, de la Maitrise le soir de la 
fète * ? L'établissement du Séminaire était une occasion favo- 
rable pour porter remède en frappant un coup. C’est ce qui 
eut lieu. Epées, pistolets, travestissements furent interdits par 
délibération capitulaire, et pour quelque temps du moins la 
cavalcade apparut dans la cour du Grand-Beaulieu autrement 
que sous l'allure d’une mascarade d’histrions *. 


1 Reg. Capitul. 1644, fol. 311 ; 1654, fol. 2, 10; 1655, fol. 101 ; 1720, 
fol. 293 et passim. 


3 « Les chantres semainiers avertiront les confrères de l'Hôtel- Dieu de se 
trouver pour faire l'office le jour de la chevauchée. » Extraits de Brillon, cab. H, 
p. 29. Arch. Dép. G, 340. 


8 Bibl. mun., Reg. Capit., 1658, fol. 355, vo. Trois ans auparavant et pour 
des raisons analogues le Prieur de la Léproserie avait offert soixante livres pour 
abolir la chevauchée. Reg. Capit., 1655, fol. 89. 


4 Extraits de Brillon, Cah. H, p. 29. Arch. Dép., G. 340. 





— 133 — 

Le séminaire vivait en paix, jouissant de sa délicieuse instal- 
lation, qu’on avait même déjà améliorée en achetant, au mois 
d'avril de cette année 1661, une maillée de terre aux Perru- 
ches !, pour donner accès au clos du côté de la campagne, lors- 
qu'un événement aussi triste qu'imprévu vint plonger la 
communauté naissante dans la consternation. Son vénéré su- 
périeur, M. Pierre Martin, mourut subitement à Chartres, le 
23 septembre suivant ?. Le Séminaire étant alors dispersé par 
les vacances, ce ne fut que le petit nombre de ses élèves qui 
vint lui rendre lès derniers devoirs à Saint-Aignan, où il avait 
élu sa sépulture, dans la crypte de sa chère église, auprès de 
son évêque et ami Mer Jacques Lescot #. La mort réunissait 
ainsi ces deux hommes que leurs vues et leurs efforts dans 
l'œuvre du Séminaire avaient si étroitement unis pendant leur 
vie. | 

M. Martin devait se survivre dans son successeur, l’un des 
hommes les plus éminents du clergé de Chartres, très versé 
dans les sciences sacrées et humaines, d’une rare prudence, 
et plus distingué encore par ses vertus que par la noblesse de 
son origine, M. Charles Camus de Bagnols, docteur en théo- 
logie et chanoine de Notre-Dame de Chartres, fils du seigneur 
Imbert Camus de Bagnols, conseiller et maître d'hôtel du Roi“. 


1 Inventaire général des titres, pit archives du Grand-Séminaire de 
Chartres. T. Il, p. 997, no 33. Arch. Dép., G. 2922. 


2? Vie de Gilles Marie, p. 52. Lépinois, Histoire de Chartres, T. 1, p. 232, 
uole. 


$ L'acte de sépulture de M. Pierre Martin est ainsi conçu : « Le samedy 
24° septembre 1661 fut enterré aux grottes de Saint-Aignan vénérable personne 
messire Pierre Martin, vivant prestre, curé de ladicte église, aagé de 52 ans 
ou environ. Signé : F. David. » Arch. Comm., E. 6. 15. Sur une dalle, on grava 
l'inscription suivante : 
Dox. 
PETRUS MARTIN 
HuJus ECCLESIÆ 
RECTOR AC PRIMUS 
PRÆPOSITUS SEMINARIL 
CARNOTENSIS OBIIT 
À. D. MpcLxi. DIE XXII SEPTEMBRIS. 
ÆTATIS SUÆ LVI 
Cette épitaphe, conservée dans les extraits de Brillon, Arch. Dép., G, 348, 
donne à M. Pierre Martin quelques années de plus que l'acte de sa sépulture. 


Arch. Dép., G, 2956. Fondation d'un service par M. de Bagnols. — Nous 











— 134 — 


Nous sommes heureux de recueillir sa louange de la plume de 
deux hommes aussi peu intéressés l’un que l’autre à se faire 
ses panégyristes. Le chanoine Brillon, dans ses Additions à la 
Bibliothèque chartraine de Dom Liron ‘ le mentionne comme 
un homme « d’une vertu reconnue » et Jean-Baptiste Thiers 
dans son fameux pamphlet La sauce Robert témoigne que dans 
ses voyages administratifs il se dérobait à l’hospitalité somp- 
tueuse des châteaux et des maisons de nobles pour accepter 
celle, plus modeste, des presbytères de campagne ?. Le chapitre 
de Notre-Dame qui venait d'ouvrir ses rangs à M. de Bagnols! 
applaudit vivement à sa nomination et lui donna sans doute 
une large dispense de l’assistance au chœur, puisque le nou- 
veau supérieur, à la différence de son prédécesseur, résida au 
Séminaire “. La nomination de M. de Bagnols avait été signée 
par Mer de Neuville le 20 octobre : comme il fallait se hâter, à 
cause de la prochaine rentrée, ce fut le lendemain même 
qu’eut lieu l'installation, présidée par un prêtre qui avait avec 
le Séminaire de fréquentes et étroites relations, M. François 
David, l’ami et le successeur de M. Martin dans l’administration 
de la paroisse Saint-Aignan °. En présence des trois professeurs 
du séminaire, MM. Jean Petit, Jacques Sagot et Pierre Quillet, 
le nouveau supérieur alla prier à la chapelle, baisa l’autel, 
toucha les livres et ornements sacrés, prit « sa scéance dans la 
place affectée appartenant au supérieur » et fit tous les actes 
ordinaires d’une prise de possession en règle , prélude d’un 


ne saurions dire si M. Camus de Bagnols avait des liens de parenté avec le 
fameux Janséniste du Gué de Bagnols. D’après certains rapprochements on serait 
fondé à le croire, car du Gué de Bagnols était originaire de Lyon (Cf. Sainte- 
Beuve, Port-Royal, tome If, p. 291-292) et aussi le chanoine Camus de 
Bagnols (Arch. Dép., Registre des réceptions de chanoines, où il est qualifié de 
« Lugdunensis » ). w du Gué de Bagnols avait, comme on sait, à Saint- Lyé, 
près d'Orléans, une terre qui était le rendez-vous des Jansénistes en renom. 


_ Bibl. Comm., Mss. 1073, Cahier 7, où il est appelé « de Baignols, » aussi 
bien que dans les actes authentiques de l’époque. (Cf. Arch. Dép., G, 2956.) 


3? M. Camus de Bagnols fut reçu chanoine le 40 octobre 1661 [Arch. Dép. 
G, 295, Registre des op de chanoines), et prit possession du Séminaire 
le 22 octobre suivant. Arch. Dép., G, 2956. 


8 J.-B. Thiers, La Sauce Robert, p. 11. 

* Arch. Comm. E, 14, 1. 

5 Arch. Dép. G, 2956. Acte d'installation de M. de Bagnols. 
6 Jbid. 





— 135 — 

ministère fécond, trop court, hélas ! pour le Grand-Beaulieu. 
Les préoccupations ne manquèrent pas aux débuts de M. de 
Bagnols : car si en ces jours arrivait à Chartres l’heureuse 
nouvelle de la naissance du Dauphin, si des réjouissances 
publiques étaient données, un Te Deum chanté solennellement, 
un immense feu de joie allumé devant la porte royale de Notre- 
Dame ; si la ville se levait avec enthousiasme pour recevoir 
et acclamer « le roi et les deux reines » *, ce n’étaient là que 
quelques passagers rayons de soleil aù milieu des sombres sol- 
licitudes de tous, Depuis deux ans la récolte avait été mauvaise 
à ce point que dans toute la région l’on pressentait pour l’hiver 
les horreurs d’une famine 3. De fait l’année 1662 fut remplie de 
privations et de dangers. Tandis que les commissaires des 
échevins visitaient les greniers et que l’Évêque de Chartres, le 
Chapitre, les curés, tous les bénéficiers $e cotisaient pour sou- 
lager les pauvres, des rôdeurs battaient la campagne et pro- 
fitaient de la disette pour se livrer à de sauvages dévastations. 
Les villages et les maisons isolées dans la plaine étaient surtout 
victimes de ces pillards et le Grand-Beaulieu, malgré lenombre 
de ses habitants, n’était pas à l’abri de leurs hardis coups de 
main. Pourtant les exercices réguliers se poursuivirent sans 
interruption sous la protection de la compagnie du Vidame, 
qui chaque nuit faisait des patrouilles dans la banlieue, 
ramassant les vagabonds, et l’on put comme de coutume faire 
l'ordination de la Trinité *. 

Aux craintes et aux privations s’ajoutait alors pour le Sémi- 
naire l’épreuve de la mort. Déjà, au mois d’avril, une cérémonie 
funèbre avait rassemblé la communauté autour de la dépouille 
mortelle de M. Mathurin Lallemant, ancien confrère de la 
Léproserie, qui après avoir assisté aux grandes transforma- 
tions de l’année 1659 achevait paisiblement sa carrière au 


4 Arch. Dép., G, 421. Registre du clerc de l’œuvre : « Le dimanche 6 nov. 
(1661) a esté chanté le « Te Deum laudamus » pour la naissance de M. le 
Dauphin et le feu de joie fait devant la porte royale. » 


? Arch. Comm. C. 4 e. « Louis XIV, sa mère et sa jeune épouse l’infante 
Marie-Thérèse arrivèrent à Chartres le 7 décembre 1661, firent leurs dévotions 
L er le jour de la Conception et repartirent le lendemain. » Cf. Arch. 

p. G, 421. 


 E. de Lépinois, Hist. de Chartres, T. Il, p. 437. 
* Reg. des Echevins, 24 avril 1662. 











— 136 — 

Grand-Beaulieu. On l’avait inhumé « dans la sacristie près la 
porte du chœur » de la grande chapelle encore en ruines *. Un 
mois après c'était un serviteur qu’on trouvait mort sur son 
ouvrage dans le grenier situé au-dessus du four ; un peu plus 
tard un passager qui expirait dans une écurie où il s'était ré- 
fugié à bout de forces. M. de Bagnols averti l’avait fait assister 
et soigner, puis l’avait lui-même préparé à la mort et ainsi cet 
inconnu, ce passant, rebuté peut-être de partout, avait trouvé 
providentiellement au Grand-Beaulieu la suprême grâce de la 
bonne mort. Deux domestiques mouraient encore au Sémi- 
naire en cette triste année ?. C'était une fatalité. 

Dans ces circonstances Monseigneur de Neuville se deman- 
dait avec inquiétude quel avenir était réservé à l’œuvre de 
Beaulieu. La disette et la famine, le pillage et les assassinats 
n'étaient pas faits pour y attirer de nombreuses recrues. 
L'heure du Séminaire obligatoire pour tous les ordinands ne 
semblait pas encore arrivée : on ne pouvait que persuader et 
exhorter. C’est ce que fit le prélat en adressant de Paris, où 1 
était retenu, à tous les clercs du diocèse de Chartres une pres- 
sante invitation à profiter du séminaire récemment établi : 
« Sachant, disait-il, que le salut des peuples que la Providence 
divine a commis à nos soins dépend de la sainteté des ecclé- 
siastiques qui les gouvernent sous notre autorité, nous avons 
recherché toutes sortes de moyens de les sanctifier et nous 
n’en avons point trouvé de plus propre que l’établissement 
d’un Séminaire dans lequel ils pussent en même temps vacquer 
aux exercices de piété et à l’étude des choses qui leur sont 
nécessaires pour la conduite des âmes. C’est pourquoi nous 
n’avons rien épargné pour en établir un dans le Prieuré du 
Grand-Beaulieu-lez-Chartres, dans lequel nous avons ordonné 
qu’on fit des leçons de théologie morale les matins, et les 
après-dinées des conférences sur l’Écriture-Sainte, sur les cas 
de conscience, sur le Rituel, sur des matières spirituelles et 
autres importantes et nécessaires à un ecclésiastique. Ores, 
comme les vacations ont obligé d'interrompre pour quelque 
temps ces exercices et qu’on doit les recommencer après la 
fête de Tous les Saints, nous avons cru devoir en avertir les 


\ Arch. Comm., E, 14, 1. Registre des sépultures du Grand-Beaulieu. 
2 Ibid. 





— 137 — 

ecclésiastiques de notre diocèse afin que les clercs qui se pré- 
parent à la réception des saints ordres et les Prêtres qui se 
disposent aux fonctions ecclésiastiques puissent se retirer au- 
dit Beaulieu dans ledit temps et s’instruire dans la connais- 
sance des choses dont ils ont besoin pour s’acquitter digne- 
ment de ces ministères sacrés qu'ils ne doivent exercer 
qu’en tremblant, puisque les anges même, au rapport de saint 
Bernard, les redoutent etles appréhendent. Nous les exhortons 
donc de ne pas mépriser l’avis que nous leur donnons et de 
ne pas négliger la grâce que nous leur présentons, mais de 
faire profiter avantageusement ce précieux talent que nous 
leur mettons entre les mains et dont ils rendront compte au 
jugement de Dieu. » 

En face de cette sollicitude pour la prospérité du Séminaire, 
on s'explique difficilement comment Mer de Neuville put se 
résoudre à imposer à M. de Bagnols une nouvelle fonction qui 
devait forcément le tenir éloigné de Chartres pendant un temps 
notable et le distraire sans cesse du gouvernement de sa mai- 
son. Ce fut pour succéder au vertueux et saint M. de Lazenay 
que le supérieur de Beaulieu fut investi, le 18 septembre 1662, 
de la dignité de Grand-Archidiacre, dont il exerça les fonctions 
avec un zèle que nous louerions sans arrière - pensée, si le 
Séminaire n’avait dû en souffrir ?. 

Malheureusement il en souffrait. Un jour surtout, en 1665, le 
désordre fut excessif. La faute en était encore à la fameuse 
chevauchée, dont un des figurants, un heurier, avait, par ses 
excès, troublé toute la maison. Les ordres du Chapitre sur les 
costumes, les épées et les pistolets avaient été méconnus, tout 
s'était passé comme dans les plus mauvais temps et à un tel 
degré que M. de Bagnols crut devoir se rendre à Chartres et 
signifier au Chapitre que le Séminaire n’ouvrirait plus ses 
portes aux cavaliers. Tout se termina par une transaction à 
l'amiable et l’heurier coupable ayant été condamné à huit jours 
de prison, au pain et à l’eau, puis congédié, l’avenir de la 
chevauchée fut sauvé *?. 


1 Pièce unique faisant partie des archives de l’Evêché de Chartres. 


2? Arch. Dép., G, 295. Les procès - verbaux des visites d’archidiacre de 
M. de Bagnols en 1664 et 1665 sont conservés aux Arch. Dép., G, 793-794. 


3 Arch. Dép., G, 340. Extraits de Brillon. Cah. H, p. 29. 


— 138 — 

Heureusement, pendant ses déplacements, M. de Bagnols 
pouvait se reposer du soin des ordinands sur un homme de 
son choix qu’il avait amené avèc lui dès la première année de 
son supériorat. Le nom des Félibien commençait à être célèbre 
à Chartres et dans tout le royaume '. Pierre Félibien était 
échevin de Chartres en 1644. Son fils André, élève du Poussin 
à Rome, prenait rang parmi les premiers artistes de l’époque, 
tandis que Pierre, son père, acceptait une place honorable dans 
le clergé de Chartres. Celui qui se rattache à notre histoire 
était Jacques Félibien, frère d'André, né en 1637 à Chartres 
même et héritier des brillantes qualités de ses ancêtres. Il 
n’était encore que diacre et ne comptait que 24 ans, mais déjà 
ses talents et ses remarquables études l’avaient rendu recom- 
mandable. Nommé professeur d’Écriture-Sainte au Grand- 
Séminaire, il répondit, en les dépassant, aux espérances qu’on 
avait fondées sur lui. Travailleur infatigable, il se livra surtout 
à l’étude de l’Ancien Testament, comme il en témoigne lui- 
même plus tard dans une lettre au chancelier Pontchartrain 
où il dit qu’il s’y appliquait depuis quarante ans. C’est dans 
le silence et la solitude de Beaulieu qu’il prépara son Penta- 
teuchus Historicus, plus célèbre encore par l’érudition qu’il 
renferme que par les oppositions royales qu'il suscita pour 
avoir été imprimé sans la préalable autorisation de Louis XIV. 
Dans la pensée de l’auteur, ce travail n’était que la première 
partie d’un commentaire sur tout l’Ancien Testament, conti- 
nuant et complétant celui de Jansénius d’Ypres, et devant 
remplir six volumes in-quarto dont deux seulement furent 
publiés ?. 

Le docte professeur de Beaulieu ne fit d’ailleurs paraitre au- 
cun de ses ouvrages pendant son ministère au Grand Séminaire. 
Ses premières publications sont de 1673, époque à laquelle il 
était depuis cinq ans curé de Vineuil, à une demi-lieue de 
Blois. Demeura-t-il même jusqu’en 1668 au Séminaire de 


1 Sur les Félibien, v. L. Merlet : Bibliothèque chartraine; Bellier de la 
Chavignerie : Dix lettres inédites de Félibien. 


2 Le Pentateuchus historicus (Chartres, Massot, 1703-1704) renferme les 
Commentaires de Josué, des Juges, de Ruth et des deux premiers livres des 
Rois ; l’autre volume (Chartres, 1702) comprend le commentaire du prophète 
Osée. Il est question du Pentateuchus historicus dans les Mémoires de Trevoux 
et le Journol de Paris, 1704. 





— 139 — 

Beaulieu, ou quitta-t-il la maison à la mort de son protecteur 
et ami, M. de Bagnols? Ce qui est certain c’est qu’en 1665, il 
y résidait encore, car en cette année, un ouvrier, Denis Plumé, 
« compagnon couvreur, » étant mort au Séminaire, ce fut 
M. Félibien qui présida ses funérailles et lui donna la sépul- 
ture dans la chapelle de la Sainte-Vierge ‘. Si court qu’y ait été 
son passage, son nom nous appartient: nous l’inscrivons avec 
fierté dans ces annales de famille, saluant en lui l’une des 
gloires du Grand-Beaulieu. 

Cinq ans s’étaient écoulés depuis la mort de M. Pierre Mar- 
tin, cinq ans pendant lesquels, malgré de nombreuses diffi- 
cultés, l’œuvre de Beaulieu s’était affermie et développée, 
lorsque la pierre angulaire de l'édifice parut ébranlée : M. de 
Bagnols venait de tomber gravement malade et dès les premiers 
jours son état était désespéré. Sentant sa fin approcher et 
n'ayant plus souci que des biens de l’autre vie, ce digne prêtre 
avait envoyé au Chapitre sa démission de chanoine ?. Cet acte 
de désintéressement devait être la dernière œuvre de sa vie, car 
dès le lundi suivant il avait perdu connaissance et était tombé 
dans une complète léthargie, prélude d’une fin prochaine. Ce 
fut un grand deuil non seulement pour le Séminaire, mais 
aussi pour tout le diocèse lorsqu’au matin du 28 juillet 1666 
fut annoncée la nouvelle de sa mort. Dans le clergé chartrain 
M. de Bagnols tenait une place considérable par sa triple fonc- 
tion de chanoine, de grand-archidiacre et de supérieur. La 
grosse cloche de la cathédrale sonna aussitôt le glas funèbre, 
car en considération des mérites du défunt, le Chapitre venait 
de décider qu’on lui rendrait « tous les honneurs qu’on pou- 
vait lui rendre » et qu’on ferait la même sonnerie que pour les 
chanoines décédés en fonction et dans la ville. 

Le soir même de ce jour, l'office des funérailles fut célébré 
solennellement dans la chapelle du Grand-Beaulieu. Le Cha- 
pitre que les messes capitulaires quotidiennes devaient empé- 
cher d’assister le lendemain à la sépulture, s’y était rendu, 

1 Arch. Comm. E, 14, 1. Registre des Sépultures de Beaulieu. 


3 Manuscrit de Le Féron, Transcription appartenant à M. L. Merlet, archi- 
viste d'Eure-et-Loir : « Le 27 juillet, M. Alexandre - François de la Roëre a 

is possession de la chanoinie que possédait cy-devant M. Charles Camus de 
Bagnols, grand-archidiacre de Chartres, docteur en théologie en Sorbone, supé- 
neur du Séminaire, démissionnaire six ou sept jours auparavant. » 








— 140 — 

témoignant en même temps son estime pour l’ancien chanoine 
de Notre-Dame et sa sympathie pour l’œuvre qu’il conduisait. 
M. Berthaut, grand-vicaire de Mer de Neufville, présidait au 
nom du prélat. Il était lui-même un des amis du défunt et si 
attaché à l’œuvre du Séminaire que nous le verrons plus tard 
choisir le lieu de son dernier repos dans cette même chapelle, 
près de celui qu’il y déposait aujourd’hui ‘. 

Dans l’église de Beaulieu, dont on avait fait depuis peu une 
restauration provisoire, il y avait un caveau creusé sous le 
sol, au milieu du chœur, entre le lutrin et le sanctuaire. Per- 
sonne depuis sa construction n’y avait encore été déposé, ou 
bien, pour une raison que nous ignorons, peut-être à cause de 
l’état de délabrement de la chapelle, les corps en avaient été 
retirés. C’est là que le jeudi 29 juillet, après l'office, on des- 
cendit le corps de M. de Bagnols, tandis que le Chapitre, en 
faisant célébrer pour lui à Notre-Dame un service funèbre, 
rendait un solennel hommage à sa mémoire ?. 

En descendant dans la tombe, le digne supérieur ne laissait 
pas seulement à Beaulieu le souvenir de ses exemples. Il avait 
légué au Séminaire tous ses biens mobiliers, demandant seu- 
lement qu’on célébrât à Beaulieu un service annuel pour le 
repos de son âme. Sa bibliothèque, qu’un riche patrimoine lui 
avait permis de monter grandement, devenait ainsi la propriété 
du Grand-Beaulieu et allait former le premier noyau de cette 
belle colléction qu’un siècle plus tard la Révolution vendra à 
vil prix et dispersera à tous vents ÿ. 

Ce fut M. Jacques Vuanet, docteur en Sorbonne, qui, à la 
rentrée suivante, reçut les séminaristes en qualité de Supérieur. 


1 Ibid. Cf. Arch. Comm. E, 14, 1. Acte de sépulture de M. de Bagnols. 


2 Jbid. Brillon, dans ses Additions à la Bibliothèque chartraine, T. I, cah. 1, 
ajoute à la mention de la mort de M. de Bagnols : « Voir son épitaphe par 

hiers dans les recucils de Félibien. » Bibl. Comm., Mss. 1073. Ces recueils 
semblent perdus. 


$ Arch. Dép., G, 2956 : Ce legs, constitué verbalement par le mourant, fut 
religieusement exécuté par le père de M. de Bagnols qui « pour exécuter la 
dernière volonté du défunt M. Gares Coca de Bagnols son ss .… et par pure 
graüfication, en considération de la mémoire dudit seigneur de Bagnols et pour 
l’aflection qu'il portait audit séminaire » donna au Grand-Beaulieu, en la per- 
sonne de M. Vuanet, successeur de M. de Bagnols, « tous et chacun livres, 
meubles et autres effets mobiliaires qui ont appartenu et appartiennent audit 
sieur de Bagnols fils, au jour de son décès et qui sont à présent au Grand- 
Beaulieu-lèz-Chartres. » 











— 141 — 

Par sa naissance il appartenait au diocèse de Laon ! et par ses 
aptitudes aussi bien que par ses travaux antérieurs, il se trou- 
vait préparé à conduire un établissement comme celui de 
Beaulieu, car dans son pays, à Marles, en haute Picardie, il 
avait fondé un collège dont il avait dirigé les débuts ?. Le Cha- 
pitre venait de lui ouvrir ses rangs quand Mer de Neuville 
l’appela à prendre la succession de M. de Bagnols au Grand- 
Séminaire. D’un caractère ferme jusqu’à l’inflexibilité, ce 
prêtre semblait avoir été providentiellement dirigé vers le 
Séminaire dont les destinées allaient entrer dans une phase de 
difficultés et de conflits tels que l’embarcation eût été en péril 
si d’autres mains en avaient tenu le gouvernail. M. Vuanet, 
quand il s'était convaincu de son bon droit, ne reculait pas et 
fallût-il s'engager dans d’inextricables embarras. son courage 
ne savait pas faillir. | 

Deux ans s'étaient à peine écoulés depuis son arrivée à 
Beaulieu qu’il se vit forcé d’intenter un procès au fermier des 
poids du Roi, qui refusait de reconnaître les droits et privilèges 
du Séminaire. Nous avons dit que les lépreux de Beaulieu 
avaient reçu.de Thibaut IV, comte de Chartres, la faveur d’un 
droit de dime sur toutes les denrées arrivant à la ville pen- 
dant la foire de Saint Simon et de Saint Jude. Pour l'exercice 
de cette perception, chaque année, quand approchait la fête, 
les poids royaux étaient remis au procureur de la Léproserie, 
qui installait ces instruments avec les employés nécessaires, 
à la Croix-de-Beaulieu, point central des arrivages où s’exer- 
çait plus facilement le contrôle. Le fermier ordinaire des poids 
pensa-t-il que le Grand-Séminaire ne succédait pas aux Lé- 
preux dans ce privilège 5? De fait, il refusa de lui transmettre 


1 N'est qualifié, dans l’acte de sa réception de chanoine, de « Presbyter 
Laudunensis. » Arch. Dép., G, 295. 


2 Bibl. Comm., Mss. 1073. Notes de Brillon, T. I, cahier 7, p. 86. 


3 Ces droits, appelés « grosses et menues coutumes, » avaient déjà été 
contestés à la Léproserie, soit par les particuliers, débiteurs de ces droits, soit 
par les receveurs du domaine de Chartres ou ses fermiers. Le 9 navembre 1636 
une sentence du bailliage de Chartres, confirmative d'une autre de 1487, avait 
obligé le fermier des grosses coutumes du domaine « à donner les papiers de sa 
recette aux Sieurs de Beaulieu, le jour précédant la foire de Sant Simon et 
Saint Jude pour percevoir par les Prieurs les droits de coutume de foire finissant 
à la Toussaint. » Le profit qu'on tirait de ces coutumes était minime ; en 1668 
il était de 7 livres 19 sols À deniers. A cette époque et pour prévenir toute 





— 142 — 

les poids royaux pour la foire. Ce délit se commettait depuis 
plusieurs années, et aurait prescrit contre le droit du Sémi- 
naire si M. Vuanet n’était intervenu. Un procès fut engagé en 
1668 devant le Bailliage de Chartres qui donna gain de cause 
au Séminaire , et le fermier royal dut remettre au plus tôt à 
Beaulieu, poids, fléaux et balances, conformément à l’ancien 
usage ‘. L'on pense bien que le Séminaire ne revendiquait 
pas ces instruments authentiques pour s’en servir par lui- 
même. Tous ses droits de dîime pendant cette foire étaient loués 
20 fr., à l’exception du droit sur le sel qui était perçu en nature 
au grenier municipal, à raison d’un minot par 18 minots 
vendus ?. 

De ce côté, l’entente était établie, mais ce n’était qu’un point 
de pacifié, car les vastes domaines et les abondants revenus 
que possédait le Séminaire, avec les complications et les en- 
chevêtrements du système féodal actif et passif, étaient une 
source de perpétuelles difficultés et d’inévitables conflits. Le 
Séminaire succédant à la Maladrerie était entré de plein droit 
dans ses exemptions, comme il était entré dans ses charges. 
Depuis Innocent IIT, qui avait dispensé le Grand-Beaulieu de 
la dime des bestiaux et des terres que les lépreux faisaient 
valoir par eux-mêmes, maïîntes fois des déclarations solen- 
nelles étaient venues confirmer ce privilèges. Le Séminaire 
le trouvait subsistant, il en bénéficia, et en 1730 nous verrons 
le Conseil d’État le déclarer valable, en déboutant de leurs 
prétentions les officiers publics qui voulaient imposer au 


contestation à l'avenir, le baïlli de Chartres fit imprimer et publier deux tableaux 
contenant tout le détail des grosses et menues coutumes auxquelles avait droit 
É Ur on pendant la foire de Saint Simon et Saint Jude. Arch. Dép., 


‘ Arch. Dép. G, 2921-2922. — Bibl. Comm. Mss. 1445, 2e part., p. 120. 

Il y eut en 1681, après l’arrivée à Beaulieu des Prêtres de la Mission, une 

nouvelle tentative du fermier des poids du roi pour se soustraire à cette redevance. 

Pendant trois ans 1l refusa de payer, jusqu'à ce qu’une nouvelle sentence l'obli- 
eât à donner satisfaction. En 1728, le poids du roi était loué 6 livres. Arch. 
ép., G, 2968. 


2 Cette perception du dix-huitième minot de sel fut abolie dans la suite à 
cause de la difficulté du contrôle et convertie en un droit annuel fixe de trois 
minots de sel à prendre gratis au grenier à sel. Arch. Dép. G,2922. 


# Bulle d'Innocent III et confirmations par les rois de France. Arch. Dép., 
G, 2965-2966. 





— 143 — 
Grand-Séminaire la taxe des oblats pour les pensions des mili- 
taires invalides. 

Or ces exemptions avaient amené, quelques années avant la 
fondation du Séminaire, un conflit entre le curé du Coudray 
— paroisse sur laquelle le Séminaire était situé — et les 
confrères de la Léproserie. Le curé, dépossédé de ses droits 
ordinaires de dîime par le privilège dont nous venons de par- 
ler, demandait qu’on s’en tint strictement aux termes de la 
Bulle pontificale ou de l’Édit Royal, en dehors desquels ses 
droits subsistaient. Une transaction avait eu lieu en 1655, par 
laquelle le prieur s’engageait à payer au curé dix livres par an 
pour les menues dîmes, et de plus les dimes en nature des 
vignes du clos de Beaulieu, tant qu'elles seraient affermées. 
C'était se conformer à la Bulle d'Innocent III. Avec le Sémi- 
naire, la difficulté se compliqua d’un conflit de juridiction. Il y 
avait à Beaulieu, pour le service du Séminaire et de la ferme, 
des domestiques qui recevaient les sacrements dans la maison, 
et, s'ils venaient à mourir, étaient inhumés par les prêtres du 
Séminaire dans le cimetière ou la chapelle de la communauté. 
Tout cela parut à M. Chrestien, curé du Coudray, un abus de 
pouvoir dont il prit ombrage jusqu’à porter plainte devant 
l’autorité diocésaine. Il fallut encore faire des enquêtes et rédi- 
ger des rapports contradictoires, après lesquels Mer de Neuville 
intervint et trancha le différend par un décret canonique qui 
maintint le Séminaire dans tous les droits et privilèges de 
l’ancien prieuré de Beaulieu (6 septembre 1677). En consé- 
quence, il était déclaré exempt de toute juridiction à l’égard 
du curé du Coudray et le Supérieur investi de tous les droits 
curiaux sur les prêtres, clercs, serviteurs et autres laïcs y rési- 
dant. En outre le Séminaire était autorisé à faire, tous les 
dimanches et autres jours, les offices solennels, avec le chant 
et les cérémonies en usage dans l’église de Chartres . M. Chres- 
tien se soumit et comme d’ailleurs il avait, par son titre de 
curé et en vertu d’une coutume immémoriale, quelques droits 
de dimes sur le temporel du Séminaire, une transaction, par 
devant Me Desengins, notaire à Chartres, eut lieu entre M. Vua- 
net et lui pour régler tous ces détails et prévenir de nouveaux 


4 Arch. Dép., G, 2923. Le décret est libellé en latin et dans la forme 
solennelle. 


— 144 — 
conflits. Par ce contrat le curé du Coudray renonçait à l’exer- 
cice des fonctions curiales dans le Séminaire, et de son côté 
M. Vuanet reconnaissait au curé le droit de dime en nature 
sur tous les blés, vins et laines recueillis par le Séminaire sur 
le territoire du Coudray (1677). 

Ce n’était là qu’une minime affaire qui s’effaçait devant une 
contestation autrement grave dans laquelle l’existence même 
du Grand-Beaulieu était engagée. Née en 1672 d’une préten- 
tion exorbitante des chevaliers de l’ordre du Mont-Carmel, 
elle devait se prolonger, avec des alternatives diverses, pen- 
dant plus d’un quart de siècle; M. Vuanet qui y défendait avec 
tant d’habileté et d'énergie les droits du Séminaire allait mou- 
rir avant d’en voir la fin; terminée après d'immenses travaux, 
elle devait reparaiître à la fin du dix-huitième siècle et l’écho 
s’en prolonger jusqu’après la vente du Grand-Beaulieu comme 
bien national en 1791. Qu’était-il donc survenu”? 

L'Etat, depuis les letires royales concernant la fondation du 
Séminaire, avait laissé vivre et se développer en paix l’œuvre 
qu’il avait contribué à établir, et les relations du Grand-Beau- 
lieu avec les administrations gouvernementales n’avaient pas 
cessé d’être pacifiques, lorsqu’au mois de novembre 1672 un 
édit royal vint y porter l’inquiétude et la perturbation. L’ar- 
gent se faisant rare ?, il avait fallu recourir à des expédients 
pour tenir les promesses de lucratives récompenses qu’on avait 
faites aux officiers qui venaient de concourir aux éclatants 
succès des armées royales sur terre et sur mer. L'ordre mili- 
taire de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de 
Jérusalem avait alors à sa tête un homme puissant, le marquis 
de Nérestang, qui, en 1668, l’année de sa nomination à la 
dignité de Grand-Maître, avait pris le commandement de l’es- 
cadre française destinée à assurer la liberté du commerce sur 
l'Océan 5. Ses éminents services rendaient le moment favorable 


4 Arch. ae G, 2921. Inventaire des titres du Grand - Séminaire de 
Beaulieu, T. {, fol. 249. 


3 On en vint à une telle pénurie que, quelques années plus tard, Louis XIV 
fit enlever l’argenterie des églises qe l'envoyer à la Monnaie (1690). Rohr- 
bacher, Histoire de l'Eglise, T. XXVI, p. 210. — Paris, 1851. 


3 Il y avait longtemps que la famille des Nérestang possédait la grande maf- 
trise de l'Ordre des Chevaliers du Mont-Carmel. Déjà avant l'union de l'ordre 
militaire de Saint-Lazare avec celui de Notre-Dame du Mont-Carmel, institué 














— 145 — 

pour solliciter des faveurs. Le Grand-Maître le comprit et vou- 
lant tout d’abord relever l’Ordre des Chevaliers dans l’esprit 
public, il eut la pensée de créer en sa faveur de gros bénéfices, 
par lesquels fussent attirées à l'Ordre de nombreuses et impor- 
tantes recrues. Or, pour créer ces bénéfices, il proposait qu’on 
supprimât quelques autres Ordres militaires de moindre im- 
portance, en attribuant leurs biens aux Chevaliers du Mont- 
Carmel; puis qu’on grossit ce capital de tous les biens des 
anciennes léproseries, maladreries, hôpitaux et Maisons-Dieu, 
où l’hospitalité envers lépreux et malades n’était plus observée. 
Moyennant cela l’étoile de l'Ordre retrouvait son ancienne 
splendeur *. 

Le plan était, on le voit, aussi simple que peu honnête, car 
de quel droit pouvait-on supprimer ainsi d’un trait de plume 
des Ordres militaires établis, vivant de leurs ressources et ne 
devant rien à personne? De quel droit leur prenait-on leurs 
biens pour enrichir leur voisin déjà plus riche qu’eux? De 
quel droit retirait-on à leurs légitimes possesseurs toutes les 
propriétés des anciennes maladreries, converties, selon les 
besoins des temps nouveaux, en d’autres œuvres de bienfai- 
sance? Mais tel était l’absolutisme du pouvoir que la question 
de droit ne fut pas même posée dans les conseils royaux, et au 
mois de décembre 1672 le décret était signé ?. 

Louis XIV cédait d'autant plus volontiers aux instances du 
Grand-Maitre que dans cette opération il trouvait lui-même 
son compte. En effet l’édit portait qu’au moyen de ces biens 
Sa Majesté créerait pour l'Ordre de Saint-Lazare et du Mont- 
Carmel des commanderies pensionnées dont le roi et ses suc- 


par Henri IV en 1604, Philbert de Nérestang était grand-maitre des Chevaliers 
e Saint-Lazare. Après l'union il commanda aux deux instituts réunis, et en 
mourant laissa sa charge à son fils Claude de Nérestang (1611). De celui-ci elle 
passa à son fils Charles (1639) et de ce dernier à son frère cadet Charles- 
Achille (1645). 


4 Bibl. Comm. Mss. 1145. Ce manuscrit, rédigé au XVIIe siècle, renferme 
l'historique de ce fameux procès avec tous les arguments en faveur des cheva- 
liers du Mont -GCarmel. 3 vol. in-fol. dont le Tom. IÏl contient de nombreuses 
pièces justificatives. On peut consulter sur le même sujet un mémoire imprimé 
Ar pour titre : Factum contre le sieur Vanet pour les chevaliers de l'Urdre 

Saint-Lazare, in-folio. — Paris, 4675. 


2 Cet édit fut enregistré, malgré les oppositions, au Grand Conseil, le 20 
février 1673. : 


T. X, H. 11 








— 146 — 

cesseurs auraient l’entière disposition, comme étant les chefs 
souverains de l’Ordre. De plus chacune de ces commanderies 
devait être grevée d’un impôt proportionnel à son revenu, im- 
pôt destiné à l’entretien des hôpitaux militaires et des ambu- 
lances de l’armée. C’était pour Louis XIV un moyen facile de 
faire des libéralités et par là de constituer une aristocratie tout 
entière à son service; c'était en outre une opération très profi- 
table au trésor public: par ces deux motifs, plus que suffisants, 
l'esprit du roi fut concilié à cette inique mesure. 

Ajoutons que par là le Grand-Maître voyait son Ordre pros- 
pérer, les officiers qui s’y faisaient recevoir touchaient de 
grosses pensions, les armées gagnaient des ressources pour 
leurs blessés : Louvois lui-même guettait le moment où, se 
faisant nommer grand-maître, il tiendrait en sa main tous les 
fils de ce vaste gouvernement. Tout le monde était satisfait. 

Ceux qui n’avaient pas lieu de l’être, c’étaient les instituts 
comme le Séminaire de Beaulieu, qui se voyaient tout d’un coup 
dépossédés. Il est vrai que Louis XIV, en donnant son édit, 
avait créé une chambre spéciale qui devait en contrôler l’exé- 
cution et résoudre les différends ‘. Mais les Chevaliers étaient 
puissants et le grand-maître de Nérestang, pour presser l’exé- 
cution du décret, venait de convoquer à Boigny un Chapitre 
général (19 février 1673). Nous n’avons pas à chercher pour 
quel motif il jugea à propos de donner sa démission avant 
l’ouverture de cette assemblée, il suffit de savoir que la cause 
n’y perdit rien, car à défaut de Louis XIV, qui eut la conscience 
de refuser la Grande-Maîtrise, Louvois fut nommé vicaire- 
général de l’ordre (4 février 1673), ce qui apporta un appoint 
considérable à la prompte et vigoureuse exécution de l’édit. 
Aussi vit-on bientôt se succéder les décrets explicatifs, 
et toujours l'explication se faisait en faveur des chevaliers. 
Cependant à Beaulieu on ne pouvait se résigner à croire que 
les anciennes maladreries, converties par un décret royal en 
Séminaires, pussent être comprises dans l’édit de 1672; on 
était même tellement convaincu du contraire que l’acte de 
prise de possession et les titres de propriété avaient été caté- 


1 Cette chambre était composée d'un conseiller d'État ordinaire, de huit 
conseillers au grand Conseil et d’un procureur général, tous personnages vendus 
à l'avance aux volontés du roi. Elle siégeait à l'Arsenal. 





— 147 — 


goriquement refusés aux Chevaliers, contre lesquels on se pré- 
parait avec confiance à soutenir un procès devant la chambre 
de l’Arsenal. Hélas! c'était encore une illusion. La chambre 
était une assemblée de courtisans, à laquelle Louis XIV dictait 
ses sentences, et la sentence fut toute en faveur des Chevaliers 
(avril 14675), car on y déclarait compris dans les biens à re- 
mettre aux Chevaliers de Saint-Lazare, ceux des hôpitaux, ma- 
ladreries et autres domaines qui avaient été précédemment 
accordés par Sa Majesté ou autres, à des communautés ecclé- 
siastiques ou laïques, régulières ou séculières, lors de leur 
premier établissement, de quelque ordre ou qualités qu'elles 
fussent. Cependant par un reste d’égards pour la parole royale 
et pour éviter d’anéantir d’un même coup tant d'institutions 
utiles au pays et chères au peuple français, on laissait à ces 
communautés la jouissance de leurs bâtiments, église ou 
chapelle, lieux réguliers, logements, jardins et clôtures; on 
leur garantissait en outre la propriété de tous les biens acquis 
depuis leur fondation; enfin on établissait que sur les reve- 
nus produits par les biens des anciennes maladreries on devait 
réserver une partie, la moitié si ces revenus n’excédaient pas 
2,000 livres, le tiers s’ils dépassaient ; cette partie devant 
demeurer la propriété des communautés soumises à l’édit de 
14672, pour leur permettre, à défaut d’autres ressources, de 
pouvoir vivre encore !. 

Telle fut pour le Grand-Beaulieu la solution provisoire de 
cette grande difficulté, ce qui n’empêcha pas l’Évêque de 
Chartres et M. Vuanet d’exciper de cette sentence générale et 
de maintenir leurs droits. En effet l’affaire fut déférée de nou- 
veau à la chambre royale et, il faut le dire, ce ne fut pas tout 
à fait en pure perte. Le 22 septembre 1676, le Séminaire fut 
sans doute condamné à se soumettre comme les autres au dé- 
cret; mais, bien que le revenu de l’ancienne léproserie excédât 
2,000 livres, la chambre, en considération de l’importance et 
de l'utilité de l’œuvre, n’imposa l’aliénation que de la moitié 
des biens au lieu des deux tiers. Le Séminaire gardait de plus, 


4 Voir sur cette question : Toussaint de Saint-Luc, Abrégée historique de 
l'Ordre de Saint-Lazare; Bonanni, Catalog. ordinum militar. no 65; Pierre 
de Saint-André, Hist. gener. fr. discalceat. ord. B. M. V. de Monte-Carmelo; 
Cf. Migne, Drct. des Ordres relig., T. II, col. 1040-1056; Bibl. Comm. 
Mss 1145 et 1697 ; Factum contre le sieur Vanet..., cité plus haut. 


— 148 — 

conformément à l’édit, les bâtiments du Grand -Beaulieu avec 
toutes les dépendances renfermées dans l’enclos. Toute favo- 
rable que fût cette décision, elle fut accueillie à Chartres avec 
un médiocre enthousiasme, car privé de la moitié de ses reve- 
nus, le Séminaire ne se trouvait-il pas réduit au strict néces- 
saire sinon à l'impuissance de vivre? D’autre part et fort 
heureusement les Chevaliers se montraient très mécontents 
du jugement rendu à l’Arsenal. Ils interjetaient appel sur 
appel pour le faire casser comme entaché d’illégalité, tandis 
que de leur côté l’Évêque de Chartres et le Supérieur du Sémi- 
naire en appelaient aussi, pour arriver à se maintenir dans la 
totalité de leurs biens ‘. 

Avec tout cela, on gagnait du temps, si bien que deux ans 
après (1678) non seulement le partage n’était pas fait, mais 
aucun titre de propriété n’était encore sorti du Grand-Beaulieu. 
Ces deux ans avaient été bien employés par le Séminaire : une 
consultation de trois avocats avait eu lieu à Paris; des mé- 
moires, en forme de requête civile contre les Chevaliers et la 
sentence de 1676, rédigés avec le plus grand soin (juillet-août 
1678). On était résolu à épuiser tous les moyens juridiques. 
À Chartres M. Vuanet refusait catégoriquement de payer au 
Bureau des pauvres la rente annuelle de 900 livres dont 
M. de Villemort avait naguère grevé les biens de la Léproserie, 
ce qui amenait la saisie des fermiers du Séminaire, un procès 
intenté au Bureau des pauvres par M. Vuanet et une sentence 
du bailliage de Chartres opposant une fin de non-recevoir, 
approuvant la saisie et condamnant le Supérieur à payer 
4,800 livres au Bureau des pauvres pour deux ans arriérés ?. 

La résistance échouait aussi à Paris où la toute-puissante 
volonté de Louvois imposait ses lois. Le 28 février 1678 la 
chambre de l’Arsenal avait obligé le Séminaire à se dessaisir 
immédiatement de tous les titres de propriété de la Léproserie 
et à les déposer au greffe du Bailliage de Chartres jusqu’au 


1 Tandis que le Grand-Beaulieu faisait opposition, l’édit de 1672 recevait en 
beaucoup d’endroits sa pleine exécution, et des biens unis à l'Ordre du Mont- 
Carmel, on formait cinq grands prieurés et cent quarante-cinq commanderies. 
Les cinq prieurés érigés par lettres royales du 28 décembre 1680, étaient celui de 
Normandie, au Mont-des-Malades, près Rouen, celui de Bourgogne à Dijon, 
celui de Flandre à Lille, celui de Bretagne à Auray, et celui du Languedoc. 


2 Bibl. munic., Mss. 1145 et 1697. 





— 149 — 

partage définitif. L’on dut forcément à Beaulieu se mettre en 
mesure de s’exécuter, mais ce fut avec une telle lenteur et 
tant de pourparlers, que l’on gagna encore trois ans. Enfin en 
1681, neuf ans après le premier décret, tous les moyens d’ater- 
moiement étant épuisés, on se résigna à aboutir, mais aupa- 
ravant l’Évêque de Chartres, pour éviter la rigueur d’un 
partage en justice, fit proposer aux Chevaliers une transaction 
amiable. Donc M. de Brizay, vicaire-général, agissant au 
nom de M£r de Neufville, et le conseil de l’Ordre des Chevaliers 
s’entendirent pour faire deux parts égales des biens de l’an- 
cienne Léproserie : le Séminaire garda la première, sans 
compter les bâtiments, jardins, enclos et colombiers de la 
résidence de Beaulieu; l’autre devint la propriété de l'Ordre 
du Mont-Carmel (7 oct. 4681). En vertu de ce partage le Sémi- 
naire conservait la métairie d’Angerville, contenant 31 muids 
de terre labourable, mais il perdait celle de la Pibourdière, 
sur la paroisse de Theuville; il gardait le beau Moulin-Blanc à 
Morancez « tournant à deux roues » et possédant dix arpents 
de prés en dépendances, mais il perdait à Chartres les deux 
moulins de Chaulme et de Tomblaine; la ferme d’'Umpeau lui 
était conservée, mais celle de Boutaincourt avec les droits de 
haute, moyenne et basse justice et 60 arpents de terre, passait 
aux Chevaliers. Que dire encore? Le droit de la foire de S. Si- 
mon et S. Jude restait au Grand-Beaulieu, mais la belle 
maison de la Croix-de-Beaulieu passait au lot des Chevaliers. 
Tout fut ainsi estimé et divisé, et même en compensation des 
bâtiments et enclos, qu’il gardait spécialement en vertu de 
l’édit royal, le Séminaire fut obligé à remplir toutes les char- 
ges de l'office divin, et à verser annuellement, en deux paie- 
ments égaux, 900 livres, comme autrefois, au Bureau des pau- 
vres, bien qu'il ne possédât plus que la moitié des biens grevés. 

Cette transaction, on peut le dire, ne satisfaisait personne. 
Aussi, tout en signant l’acte de partage, Séminaire et Chevaliers 
gardaient bien dans leur cœur la pensée de reprendre l’offen- 
sive à la première occasion. En attendant, le contrat fut homo- 
logué par la chambre royale, le 4er avril 1683, et chacun des 
partis se résigna à vivre pour un temps selon ce régime. Ce 
temps dura neuf années pendant lesquelles Mer de Neufville 


1 Bibl. munic., Mss. 4145 et 4697. 


— 150 — 
s’efforça de trouver pour l'entretien de son Séminaire quelque 
compensation. Déjà en 1670, avant le décret sur les anciennes 
Maladreries, un chanoine de Chartres, M. Philippe de Cugnac, 
archidiacre de Blois, avait donné par testament au Grand- 
Beaulieu la métairie de Sainty, sur la paroisse d’Ymonville *. 
Mais ce n’était qu’un appoint bien insuffisant. 

Il y avait alors dans l’archidiaconé de Pinserais un riche 
prieuré-cure dont la raison d’être avait presque disparu. C'était 
le prieuré de Choisy-aux-Bœufs, qu’on appelait aussi Soisy- 
aux-Bœufs et Sousy-aux-Bœufs. Dépendant de l’abbaye de 
Sainte-Geneviève-du-Mont de Paris, ce bénéfice rapportait au 
titulaire 2,000 livres. Les terres qui y étaient attachées mesu- 
raient 1,829 arpents 62 perches, dont une partie se trouvait 
enclavée dans le parc, nouvellement créé, du Grand-Trianon. 
C'était l’époque où s'élevaient comme par enchantement les 
gigantesques constructions de Versailles, auxquelles était 
employée une armée de 36,000 ouvriers et 6,000 chevaux. 
Louis XIV, gêné dans ses agrandissements par ce petit village, 
avait usé à son endroit d’un procédé tout royal : il l’avait 
acheté, puis démoli et annexé à son parc. L'église seule de- 
meurait debout avec la maison priorale, toutes deux exposées 
sans défense aux malversations des paysans. Dans un tel état 
de choses, Mer de Neufville pensa qu’il était préférable de dé- 
truire cette église désormais inutile, et le prieur, M. Petit, 
chanoine régulier de Saint-Augustin du couvent de Sainte- 
Geneviève, entrant dans les vues du prélat, y consentit. Il fit 
plus : car ayant appris la détresse du Séminaire de Chartres, 
cet homme charitable résigna son bénéfice en faveur des pau- 
vres ecclésiastiques du Grand-Beaulieu « ne pouvant mieux 
faire, disait-il, que de rendre à l’Église ce qu'il avait reçu 
d'elle. » Cette œuvre de bienfaisance ne se réalisa pourtant 
pas sans contestation, car l’abbé de Sainte-Geneviève préten- 
dait que le prieuré de Choisy ayant été une fois uni à son 
abbaye, personne ne pouvait l’en séparer pour lui donner une 
autre destination. Il y avait là, entre l’évêché et l’abbaye, une 
question de droit qui pouvait amener de graves conflits. Heu- 
reusement une transaction eut lieu à l’amiable, et le 21 juin 
1687 parut un décret épiscopal portant extinction du prieuré 


4 Arch. Dép., G, 2922, fol. 839. 








— 151 — 

et union de ses biens par moitié à l’abbaye de Sainte-Gene- 
viève-du-Mont et au Grand-Séminaire de Chartres. Mille livres 
de rente de plus, c’était de quoi remettre à flot la commu- 
nauté de Beaulieu. Il fallut, à la vérité, trois ans pour obtenir 
les lettres du roi (4670) et quatre autres pour arriver à l’en- 
registrement au Parlement. Mais ces délais n’empêéchaient pas 
le décret d’avoir son effet. | 

Quant au différend avec l'Ordre du Mont-Carmel, alors que 
tout semblait terminé, tout fut providentiellement remis en 
question et les affaires changèrent soudainement de face. De 
tout-puissants qu’ils étaient, les chevaliers devinrent timides, 
les Ordres lésés relevaient la tête, leurs réclamations trou- 
vaient écho à la Cour, on commençait à douter de la justice 
de l’édit, on parlait de revision, on obtenait enfin une ordon- 
nance d'enquête; les parties étaient entendues, des rapports 
déposés en faveur des dépossédés. Qu'’était-il donc survenu? 
Rien que ceci, le vicaire-général de l'Ordre, Louvois, était 
mort (46 juillet 1691). 

Cet homme de moins dans le royaume, tout sembla aller de 
soi pour la restitution des choses dans l’état primitif. Dès le 
mois de mars 1693, Louis XIV avait désuni des Ordres mili- 
taires tous les biens des maladreries et léproseries concédés 
par l’édit de 1672, se réservant d’en disposer suivant qu’il le 
jugerait à propos. Bientôt, par un autre décret du 15 avril sui- 
vant, tous ces biens durent être restitués intégralement aux 
établissements dont ils avaient été distraits, à la seule condition 
qu'on püût fournir des titres suffisants. D'autre part, et pour 
que ses officiers n’y perdissent rien, le Roi créait un nouvel 
Ordre militaire sous le nom de Chevaliers de Saint-Louis, en 
lui attribuant des pensions sur son trésor 2. 


1 Bibl. Cmm., Mss. 1079, fol. 63. En 1698 Louis XIV acheta toute la partie 
des terres de l’ancien Prieuré de Choisy, enclose dans le parc de Versailles 
et versa au Séminaire de Chartres, à qui elle appartenait, la somme de 
42,654 livres 14 sols 4 deniers. Le Séminaire plaça ces fonds sur la caisse des 
augmentations des gages donnés aux officiers des cours. Le revenu de ce place- 
ment était de 2369 Liv. 14 s. 1 d. En 1719, l’abbaye de Sainte-Geneviève aban- 
donna au Séminaire la pes qui lui était échue et qui se trouvait hors l’enclos 
du parc de Versailles, à charge de payer 20 livres de rente à l’archidiacre de 
Pinserais et de verser aux chanoines réguliers de l’abbaye une somme de 543 1. 
Arch. Dép., G, 2921, fol. 11. 


2 Bibl. mun., Mss. 1045 et 1697; Arch. Dép., G, 2921 ; Migne, Dict. des 
Ordres religieux, T. 11, col. 1047. 


— 152 — 

Fondé sur ces déclarations, l’Évêque de Chartres se remit 
à l’œuvre en faveur de son Séminaire. Cette fois les avocats et 
les conseils juridiques étaient chose superflue. Le 13 novembre, 
six mois après le décret explicatif du Roi, le Conseil d’État 
prenait un arrêté en vertu duquel le Grand-Séminaire de Beau- 
lieu était remis en possession des biens abandonnés par la 
‘transaction de 1681 , à charge seulement de continuer le paie- 
ment annuel de 900 livres au Bureau des Pauvres et d’acquitter 
les fondations de l’ancienne Léproserie. 

Le différend était fini. Mais durant ces démêélés le temps 
avait marché; vingt années s’étaient écoulées pendant les- 
quelles de graves événements intérieurs s’étaient accomplis 
pour le Séminaire. Il nous faut revenir un peu en arrière pour 
en raconter la suite, et assister tout d’abord au plus impor- 
tant de tous : la retraite de M. Vuanet et l'installation des 
Lazaristes comme supérieur et directeurs du Séminaire du 
Grand-Beaulieu. 


{À suivre) Abbé RENARD. 





BUREAU DE LA RIVIÈRE 
SEIGNEUR D’AUNEAU 


SON ORIGINE. — SA TOMBE 


—— DC ————— 


Une des personnalités les plus marquantes, une des figures 
les plus sympathiques de la fin du XIVe siècle, c’est assurément 
celle de Bureau de la Rivière. Rien ne lui a manqué, pas même 
le malheur, qui donne au mérite, à la vertu, leur plus belle 
auréole. La nature l’avait fait brave et éloquent. Il réalisait 
l’idéal de l’homme de bien, tel que le christianisme a su le 
former. Toujours agréé, presque toujours heureux à la cour, 
et dans les délicates négociations dont il fut chargé, il se 
montra grand capitaine dans les nombreuses campagnes qu'il 
dut fournir. Sa fidélité et son dévouement le rendirent émi- 
nemment précieux à trois rois successifs, et quand Charles V 
mourut, il voulut léguer à son fils, cet utile conseiller. D’autres, 
avant lui, ont fait la guerre avec succès. Mais il est un mérite 
qu’on ne saurait refuser, sans injustice, au sire d’Auneau, 
et qui le place au-dessus des guerriers de son temps: c’est 
qu'il se fit ouvrir les portes de beaucoup de villes par la con- 
fiance qu'inspirait sa loyauté, et par la seule persuasion, épar- 
gnant ainsi la vie de milliers de citoyens. A ce seul point de 
vue de l’humanité, Bureau de la Rivière mériterait peut-être des 
statues, de préférence à beaucoup d’autres. Intrépide dans les 
camps et à la tête d’une armée, mieux que personne il repré- 
sentait, à la Cour, l’urbanité, les sentiments chevaleresques et 
la courtoisie. Jamais Froissart ne parle de lui, sans lui décerner 
cet éloge. : 

Ce fut une de ces vieilles et profondes sympathies qui, 
au jour de ses infortunes, fit tomber ses chaînes. La poli- 

T. X, M. | 12 


— 154 — 

tique ombrageuse et inique des oncles du Roi avait voulu 
rendre ses conseillers responsables de l’expédition de Bretagne 
et de la folie de leur maitre. Ils résolurent de faire disparaitre, 
en les déshonorant, ces hommes éminents qui, moins fidéles, 
eussent été moins coupables. Quand un de ses frères d’armes, 
un Beauceron, lui aussi, le Barrois des Barres, se présenta, la 
mort dans l’âme, au nom des princes, devant le château 
d’Auneau « une fort belle forteresse séant près Chartres » pour 
l'arrêter, il le trouva plus grand dans l’adversité qu’au milieu 
des faveurs de la Cour. La place était forte : il eût pu résister: 
il en ouvrit lui-même les portes, et avec la même sérénité qu'il 
introduisait les princes ou les chevaliers chez le Roi, il 
accueillit les commissaires chargés de lui enlever la liberté. 

Prisonnier dans sa propre demeure, et gardé à vue, pendant 
les premiers temps, il ne tarda pas à être transporté à Paris. 
L'’estime et les regrets de toute la France le suivirent dans sa 
prison, et lorsque la porte de la geôle se referma sur lui, il 
sembla à tous les honnêtes gens, que c’était moins le sire 
d’Auneau, que la Loyauté et l’antique Fidélité, que l’on venait 
de mettre sous les verrous. Tous ses biens personnels, meubles 
et immeubles, furent consfisqués. Sa fille, une toute jeune 
enfant, avait été mariée à Jacques de Châtillon, fort jeune lui- 
même. Par l’autorité du duc de Bourgogne et des la Trémouille. 
le mariage fut rompu. On essaya de même d’annuler Funion 
de Charles de la Rivière, son second fils, avec l’unique héritière 
du comte de Dammartin. Mais ici, on vint se briser contre l’é- 
nergie et l’honnéteté de ce vertueux père. La Rivière, voyant, 
malgré tant de services rendus à son pays, et malgré son 
innocence, Sa vie en danger, avait voulu pourvoir ses 
enfants, avant l'âge, afin de parer à tout événement. Les 
angoisses de cette captivité durèrent plus d’un an. C’est alors 
que les bons services passés parlèrent en faveur du prisonnier. 

Bureau de la Rivière avait autrefois négocié et mené à bonne 
fin le mariage de Jeanne de Boulogne avec le duc de Berrv. 
Au souvenir du bonheur qu’elle avait trouvé dans cette union, 
la Duchesse, en apprenant le triste sort du sire de la Rivière, 
en éprouva un profond chagrin. La paix et la joie de sa vie de 
famille, elle les devait à cet homme vertueux, qui, maintenant, 
languissait dans un cachot ! Elle sut si bien faire parler son cœur; 
déploya, avec tant d'âme, cette douce éloquence du sentiment, 


+ 





— 155 — 


dont Froissart a emporté le secret, que le duc attendri promit 
d'employer son influence à faire élargir le sire de la Rivière. 
Dans sa convalescence, le Roi se souvint de son ancien et loyal 
serviteur, de celui qui avait été choisi pour l’un des tuteurs de sa 
minorité, dans l’assemblée de Melun, en 1374 Bureau fut mis 
en liberté, et ses biens Jui furent rendus. Mais il eut ordre 
de rester désormais dans son château d’Auneau. Avec le temps, 
il semble avoir reconquis la confiance. Car nous le voyons, 
peu après, figurer à côté des grands dignitaires de la France, 
dans un acte officiel. 

Notre Beauce a peu d’histoire, encore moins d’historiens. 
Nous remercions donc M. Lefebvre, d’avoir publié son inté- 
ressante notice des sires d’Auneau, et d’avoir parlé, quoique 
brièvement. du noble sire de la Rivière. Il nous en donne un 
excellent portrait en pied, emprunté aux sculptures antiques 
de la cathédrale d'Amiens. C’est bien l’expression du caractère 
de Bureau : la dignité tempérée par un air d’affabilité. Est-ce un 
témoignage de reconnaissance contemporaine donnée à celui 
qui travailla à conclure la paix avec les Anglais à Montreuil- 
sur-Mer, en 1376 ? ou bien le souvenir de sa présence à Amiens 
lors des préparatifs du mariage de Charles VI? Nous laissons 
à d’autres le soin de prononcer. 

Ce grand homme, Messieurs, nous le revendiquons pour 
notre compatriote, non seulement en raison de son mariage, 
avec Marguerite, dernière descendante des anciens seigneurs 
d’Auneau, mais encore, en raison de sa naissance. Nous vou- 
lons prouver qu’il est né dans le célèbre château de la Rivière 
que releva, qu’embellit le vieux chancelier d’Aligre, dans sa 
disgrâce. Il est en France, plusieurs familles de la Rivière. 
Châteaudun en possédait une, à la même époque, qui nous a 
paru n'avoir aucun lien apparent avec celle de Pontgouin. 

La Bourgogne en comptait une autre : nous l’avons retrouvée, 
dans les montres ou rôles militaires de l’amiral Jean de Vienne, 
qui, en 1383, avait réuni autour de lui, pour l’expédition 
d’Ecosse, presque tous les gentilshommes de la Bourgogne, 
son pays. Elle fournit trois simples écuyers, placés sous la 
bannière d’un chevalier. Jamais, de près ou loin, le nom de 
Bureau ne figure dans ces rangs. On l’a cru Bourguignon, 
parce qu’il fit campagne en Normandie, sous l’autorité nomi- 
nale du duc de Bourgogne. Mais le roi lui-même l’avait envoyé, 


— 156 — 

et, de concert avec Enguerrand de Coucy, il gardait la direction 
des opérations. S’il est né en cette province, que l’on désigne 
son lieu d'origine, le château de ses pères, ses domaines. 
Silence sur tous ces points, dans l’histoire. Bureau a dû hériter 
de ses parents et transmettre ses héritages à ses enfants. On ne 
trouve aucun domaine Bourguignon dans l’énumération de 
leurs seigneuries. 

Nous sommes plus heureux dans le pays chartrain. Nous 
trouvons une famille de la Rivière, au Livre Blanc de l'Evé- 
ché. Parmi les feudataires du Vidame de Meslay, et par consé- 
quent de l’Evêque, voici au commencement du XIVe siècle, 
Guillaume de la Rivière : « Henri de la Haie (Marchéville) en 
» tient la moitié de Forges (peut-être la petite seigneurie de ce 
» nom en Blandainville) et le bois de Galbéâ. » Voici, à la même 
date et dans les mêmes pages, Robert de la Rivière. Il relève 
de Meslay pour ses biens de Houville (paroisse de Bullou). 
Nous sommes dans la contrée de Pontgouin. La Haie en est 
assez voisine. 

Le livre noir de l’Evéché, dont M. l’abbé Métais nous a ouvert 
les précieuses pages, et que conserve la Bibliothèque natio- 
nale, nous offre un acte relatif à cette famille : « L’an du Sei- 
» gneur 1315, le jour de S' Aubin, Sire Robert de la Rivière, che- 
» valier, a fait hommage à nous Robert de Joigny, pour le fief de 
» Villeneuve-en-Drugésin. » — Au même livre, se lit la mention 
très importante que voici : « L’an 1359, le Xe jour de juillet, 
» Jehan de la Rivière, écuier, entra dans la foy de Mer Symon, 
» évesque de Chartres pour cause du lieu de la Rivière, juxte 
» Pontgouin. » Voilà qui paraît décisif. C’est bien l’époque de 
Bureau de la Rivière. Ce sont ses noms : il s’agit de la Rivière 
près Pontgouin. 

Nous continuons à relever ce qui intéresse notre sujet. 
« Regnault d’Angennes, premier écuyer tranchant, fait hom- 
» mage liege (sic) (à l’Evêque de Chartres) pour ce qui ly a esté 
» donné par Mre Bureau de la Rivière, premier chambellan du 
» Roy, et Mme Marguerite d’Auneel, sa femme, tout ce qui leur 
» pouvoit appartenir, en la dile terre de la Louppe, 1383. » Or 
on sait que les dépendances de la seigneurie de la Rivière 
confinent au territoire de la Louppe. 

Mais on pourrait objecter que Bureau de la Rivière avait 
acheté ces biens. Voici une citation qui répond à cette objec- 





— 157 — 

tion. « Longtemps auparavant, l’an 1368, le 20° jour de mars, 
» à Paris, dans l’hôtel royal de Saint-Paul, en présence de 
» Colard d’Estouteville, seigneur de Torcy, etc., messire Bureau 
» de la Rivière, chevalier, a fait hommage à l’Evêque de 
» Chartres de ses héritages à la Louppe. » Pourquoi à l'hôtel 
Saint-Paul, résidence de la Cour à l’époque ? Parce que l’évêque 
de Chartres, Jean de Montaigu et le sire d’Auneau, faisaient 
partie l’un et l’autre, du conseil du Roi. 

En présence de ces témoignages, nous ne pouvons nous 
empêcher de conclure que l’illustre châtelain d’Auneau appar- 
tient à l’antique famille de la Rivière de Pontgouin. 

Nous pensons qu’il a eu des frères. On trouve dans le même 
registre, à la date de 1376, un Etienne de la Rivière, marié à 
Marguerite de Helluat, dame de la Mothe, lequel fait aussi 
hommage à Ebles, évêque de Chartres. Mais ce qui nous paraît 
plus certain, c’est qu’il eut un frère, appelé Michel de la 
Rivière, qui, par cession probablement, posséda et habita le 
château de ce nom. Il était mort avant 1412. Sa veuve, Marie 
d’Illiers, réfugiée à Châteaudun, avec tous les membres de sa 
famille que l'invasion Bourguignonne et la perte du château 
d’Illiers avaient contraints de chercher un asile dans cette 
ville, restait sans enfants. Elle était la tante de Florent d’Illiers *. 

Le 4 février 1424 (nouveau style) elle fait son testament, 
exprime sa volonté d’être inhumée en l’église Saint-André de 
Châteaudun, partage ses biens entre ses nombreux neveux et 
nièces : Mille d’Illiers était l’un de ces héritiers. Elle recom- 
mande l’accomplissement du testament de Michelet de la Rivière, 
son époux. Et comme elle ne distribue que ses biens personnels, 
nous en concluons que son défunt mari en avait agi de même. 
Elle fonde un anniversaire de messes, en l’église de Pontgouin, 
dont les honoraires seront servis par une rente annuelle et fixe, 
prise « sur son hôtel de la Rivière. » Il résulte de ces documents 
que le domaine de la Rivière de Pontgouin appartenait à un 
membre de la famille qui nous occupe. Car jamais le nom de 
Michel ne figure parmi les nombreux actes concernant les la 
Rivière de Châteaudun. 

Cet héritage ne passa point à la famille d’Illiers. A défaut 


| On trouve encore en 1720, près du Luat, Robert de la Rivière, sieur de 
Prédange, et Suzanne Le Forestier, dame d’Imbermais, son épouse. 


d’hoirs, il a dû revenir aux seigneurs d’Auneau. Marie 
mourait deux jours après. Bientôt, si elle eût survécu, on lui 
eût appris, à Châteaudun, que « Auneel et Rambollet » 
venaient de tomber au pouvoir de l’ennemi, c’est-à-dire des 
Anglais. Une compagnie de cavaliers, sous la conduite d’Alaure 
de Saulle, partait pour les repousser. Nous ne savons si 
Me Marguerite, veuve de Bureau de la Rivière, qui adminis- 
trait encore la seigneurie en 1416, fut témoin de ces malheurs- 
L'honorable auteur de la notice de la châtellenie d’Auneau 
nous apprend que Bureau jouit, pendant trente-cinq ans, de ce 
domaine, qu’il embellit et augmenta. Si l’on veut se référer aux 
dates où il rend foi et hommage pour ses héritages, on verra 
que nous ne sommes pas loin de compte. —Ajoutons que le sire 
de la Riviêre était neveu de Jean d’Angerant, doyen, puis 
évêque de Chartres, mort en 1360 évêque de Beauvais. C’est 
en cette dernière église que le neveu respectueux fonda un 
anniversaire de messes, pour le repos de l’âme du Prélat. 


LIEU DE SÉPULTURE DE BUREAU DE LA RIVIÈRE 


Poser une telle question, c’est à première vue, faire une 
chose assez inutile, puisqu'il semble que le doute n’est pas 
permis. En effet, un passage d’un compte de gestion, et un 
certificat de visite du prieuré de Saint-Nicolas d’Auneau, ne 
laissent place à aucune équivoque. Le religieux visiteur venu 
de l’abbaye de Bonneval, a constaté, le 21 février 1469, que la 
toiture de l’église du prieuré était en si mauvais état que « les 
» tombeaux de Bureau de la Rivière et de Marguerite d’Auneau 
» en étaient endommagés. » Lorsqu'il pleut habituellement sur 
une dalle gravée, il se forme une patine verdâtre, qui ne 
permet plus d’en lire correctement les inscriptions. C’est peut- 
être ce qui a causé la méprise. 

Malgré l’air d'assurance de ce témoin oculaire, nous sommes 
obligé de nous inscrire en faux contre son assertion. On est 
en droit de s’étonner que le prieur d’une abbaye où les esprits 
cultivés abondaient, où se rencontrait une belle bibliothèque, 


1 D'après le Sommaire des Comptes de l'Hôtel-Dieu de Chartres, publié par 
M. Merlet, archiviste, Auneau subit un siège en 1425. 





— 159 — 

ignorûât ce que toute la France savait alors, que messire Bureau 
de la Rivière reposait à Saint-Denis, aux pieds du roi Charles V, 
son maitre ! Et cet honneur incomparable, le testament même 
du vertueux Prince le lui avait conféré. La justice avait lui sur 
cette grande mémoire. Les services du loyal chevalier n’avaient 
pas été toujours mis en oubli. Ils revivaient dans cette expres- 
sion des dernières volontés, et des suprêmes récompenses de 
son royal maitre. Peut-être un cénotaphe fut-il élevé, par 
Marguerite elle-même, qui ne voulait point être tout à fait 
séparée de celui qu’elle avait aimé. Mais en réalité, celui que la 
prison, les confiscations, la menace d’un procès infamant et 
d’une mort honteuse avaient, en vain, essayé de déshonorer, 
dormait maintenant au milieu d’un sénat de Rois. Duguesclin 
l’avait précédé dans la faveur de ces glorieuses funérailles. Et 
peu d'années après, comme pour ajouter le dernier trait à 
cette glorification, de sa main virginale, Jeanne d’Arc, sous 
ces voûtes vénérables, suspendait son épée victorieuse. 

On lisait sur la tombe du vaillant chevalier : « Ci-gît noble 
homme messire Bureau de la Rivière et d’Auneel, chevalier 
premier chambellan du Roy (Charles V) et du Roy Charles VI, 
son fils, lequel trépassa le 16° jour d’aoust, l’an 1400, fust cy 
enterré de l’ordonnance dudit roy Charles V, qui pour consi- 
dération de très grands et notables services qui ly avait fais, 
et pour la singulière amour qu’il avoit à luy le volt et ordonna 
en son vivant, et ledit Roy Charles VIe conferma, et aussy 
nos seigneurs les Ducs de Berry , de Bourgogne, d'Orléans et 
de Bourbon qui l’arsertoient, voldrent que ainsy fust. Priez. 
Dieu pour l’âme de 1y. » 

On dirait que la famille royale et les princes, qui n’étaient pas 
sans reproche, ont voulu faire de cette épitaphe si élogieuse, 
une solennelle réparation. En 1429, comme M. Lefebvre le dit 
bien, Charles de Dammartin et de la Rivière, second fils! du 
vertueux Bureau, mourait à Issoudun. Mais avant de payer 
la dette commune, il fait son testament. Par cette dernière 
expression de ses volontés, il fonde à perpétuité une messe 
de Requiem dans la chapelle où repose le roi Charles V, en 


YU YYSS y y vw 


‘ Comme les historiens contemporains nous la prennent, et comme 
M. Lefebvre nous le rappelle, l'ainé des fils du sire d’Auneau, Jacques de la 
Rivière, fidèle à Charles VI, mourut à Paris, en 1413, victime des violences de 
la faction des Bouchers. Seule, Perrette de la Rivière survécut. 


— 160 — 
l’abbaye de Saint-Denis, « pour le salut du roi et l’âme de feu 
» Bureau de la Rivière, son père, qui gist et repose en 1a dite 
» chapelle. » | 

Depuis ce temps, la Révolution a passé comme un ouragan 
déchaîné, sur le noble mausolée de Saint-Denis. De tant d’ad- 
mirables objets d’art et de précieux souvenirs, elle n’en a laissé 
qu'un petit nombre. Inutilement nous avons cherché le tom- 
beau de Bureau de la Rivière, dont notre Beauce eût été fière. 
Il n’était plus là. Mais, en consultant le catalogue du Musée 
artistique, que Alexandre Lenoir parvint à former, avec tous 
les monuments que son zèle, au-dessus de tout éloge, sauva du 
vandalisme, voici ce que je lis à la date de 1815 : 

« N° 72. — Statue en pied de Bureau de la Rivière. Suit la 
» notice qui explique que Bureau fut inhumé à Saint-Denis, 
» en vertu de l’ordonnance de Charles V, afin, y est-il dit, de 
» me rapprocher encore de celui qui m’a été si fidèlement atta- 
» ché pendant ma vie. » 

Qu'est devenue cette statue elle-même ? Nous avons pris 
quelques informations à Versailles, espérant pouvoir y saluer 
la statue de lillustre chambellan. On nous a répondu : 
« N° 300, Bureau de la Rivière (Charles) — (Voilà une erreur 
» de détail : Charles était le fils de Bureau. On devrait savoir 
» l’histoire dans les musées.) Buste en plâtre, hauteur 0,55. » 
Quelle chute ! Avoir été un oracle dans les conseils souverains, 
avoir pris des villes et conclu des traités, pour se voir décerner 
un buste en plâtre ! — Explication : « La statue de Bureau de 
» la Rivière fut détruite en 1793. Celle qui se trouve à Saint- 
» Denis avait été refaite au Musée des Monuments Français, 
» avec divers fragments. » Ainsi passe, Messieurs, la gloire 
de ce monde. Heureusement, celle de Bureau de la Rivière, qui 
parvint à délivrer la France du fléau des grandes compagnies; 
est fondée sur une base plus solide. 


L'abbé MARQUIS, 
Curé d’Illiers 











DATE DE LA CONSTRUCTION DES CRYPTES 


DE LA CATHÉDRALE DE CHARTRES 


(1020-1024) 


Lors des fouilles pratiquées aux mois d’août et de sep- 
tembre 1891 dans les transepts de la cathédrale de Chartres, 
on a mis au jour deux fenêtres qui éclairaient anciennement 
la crypte et qui par leur singulière construction semblent 
révéler une assez haute antiquité. La voussure de ces fenêtres 
est en effet appareillée à l’extérieur en pierres alternant régu- 
lièrement avec des briques de grande dimension, et les archéo- 
logues estiment généralement que, passé le Xe siècle, ce mode 
de construction ne fut plus employé. Il faudrait donc admettre 
que la partie de la crypte où sont placées ces deux fenêtres 
date d’une époque antérieure à celle où vivait l’évêque de 
Chartres, Fulbert (1006-1028), et il faudrait renoncer à l’opi- 
nion universellement reçue qui consiste à attribuer à ce prélat 
la construction des cryptes de la cathédrale de Chartres dans 
leur ensemble. 

Nous allons examiner s’il y a lieu d'adopter ces conclusions. 

La cathédrale de Chartres fut, comme on le sait, détruite 
par un incendie dans la nuit du 7 au 8 septembre 1020, la qua- 
torzième année de l’épiscopat de Fulbert. Tous les chroniqueurs 
anciens sont d’accord dans leurs récits pour dire que cet in- 
cendie fut d’une violence extraordinaire. Non seulement l’église 
Cathédrale, mais la cité et tous ses monuments furent anéantis'. 
Voici comment s’exprime à ce sujet un auteur chartrain qui, 


1 Peu de temps après cet incendie Fulbert écrivait au duc d'Aquitaine, 
Guillaume : Scripsissem vobis lalius, si occupatus non essem, cum aliis multis, 
tum eliam reslauratione civilatis et ecclesiæ nostræ quæ tota nuper horrendo 
incenmdio conflagravit. (D. Bouquet, X, 463). 


— 162 — 

en l’année 1138, racontait les différents sinistres qu'avait eu à 
subir la ville de Chartres depuis le IX° siècle. « Le troisième 
» incendie, dit-il, arriva à Chartres en l’année 1020, dans la 
nuit de la Nativité de la Vierge. Cette fois la cathédrale fut 
non seulement endommagée par les flammes, mais elle fut 
ruinée de fond en comble. Fuilbert consacra alors son génie, 
son activité et son argent à la réédifier depuis les fonde- 
ments : 1l la fit d’une grandeur et d’une beauté étonnantes 
et 1l la laissa à peu près achevée lorsqu'il mourut". » 

Ce texte n’est pas le seul où il soit affirmé que Fulbert fut 
forcé de refaire les fondations mêmes de la cathédrale. Dans 
la notice nécrologique consacrée à ce prélat par le Chapitre de 
Notre-Dame de Chartres, on lit ce qui suit : « Fulbert laissa 
» une grande partie de son or et de son argent pour être em- 
» ployée à achever cette église qu’il avait entrepris de rebâätir 
» depuis les fondations, après l’incendie?. » 

Guillaume de Malmesbury s'exprime de même : « Fulbert, 
» entre autres témoignages de son génie, mit la dernière 
» main à l’église de Notre-Dame dont il avait jeté les fonde- 
» ments”°. » 

On voit, d’après le récit de ces différents auteurs, que 
l’incendie de 1020 détruisit totalement la cathédrale de 
Chartres, et que Fulbert dut la reconstruire depuis la base 
jusqu’au faite. Il paraît même que Fulbert l’aurait réédifiée 
sur un nouveau plan ou du moins l’aurait agrandie en cer- 
taines parties. « Fulbert, dit l’un des textes cités plus haut, 
» fit sa cathédrale d’une grandeur et d’une beauté étonnantes. » 
Ces mots semblent indiquer que les contemporains du prélat 


SES S VS Y 


1 Tertia [succensio] facta est anno M° vigesimo, episcopatus domni Fulbert 
anno XIV°, sub ipsa nocte Nativitatis beatae Mariae, in qua non solum 
ecclesia combusta sed etiam tota destructa est ; quam idem episcopus Fulbertus 
gloriosus, industria sua. labore atque sumpiu, a fundamenlo reaedificarit, 
et in statu mirae magnitudinis et Sel ut sublimatam fere consummautt. 
(Translationes S. Aniani, par l'abbé Clerval, dans les Analecta Bollandiana, 
t. VII, année 1888, p. 321-335). 


2? Ad restaurationem hujus sancli templi, quod ipse post incendium a fun- 
damento reedificare ceperat, bonam parlem auri sui et argenli reliquit. (De 
Lépinois et Merlet, Cartulaire de N.-D. de Chartres, 1. WI, p. 85.) 


8 Fulbertus episcopus, inter cælera industriæ suæ documenta, ecclenæ 
dominæ nostræ sanctæ Mariæ cujus fundamenta Fine summam MANU 
IX, col. 1166). 


mirifico effectu imposuit. (Migne, P. L.,1. CLXX 





— 163 — 
chartrain avaient été en effet étonnés des dimensions nouvelles 
données à la cathédrale. Quoi qu’il en soit, suivant le témoi- 
gnage des anciennes chroniques, l’église tout entière et par 
suite les cryptes auraient été l’œuvre de Fulbert. 

La véracité de ce témoignage peut être contrôlée par celui 
de Fulbert lui-même. Dans une lettre adressée par cet évêque 
au duc d’Aquitaine, Guillaume, on lit que la construction des 
crvptes est sur le point d’être achevée. Si donc on pouvait dé- 
terminer l’année où cette lettre fut écrite, on saurait combien 
de temps Fulbert mit à bâtir ses cryptes et l’on pourrait juger 
s’il les édifia en entier ou s’il les restaura simplement. Il est 
bien certain en effet que, si Fulbert ne fit que restaurer des 
cryptes endommagées par l’incendie de 1020, il n’aura em- 
ployé à cette restauration qu’un an ou deux au plus ; car au 
début du XIe siègle, comme nous l’apprennent les annales 
contemporaines, les plus vastes basiliques se construisaient 
dans l’espace de sept à huit ans !. Si au contraire Fulbert édifia 
les cryptes depuis les fondations jusqu'aux voûtes, il dut 
consacrer à cette œuvre au moins deux ou trois années. 

« Je me réjouirais, cher prince, disait-il dans sa lettre au 
» duc d’Aquitaine, je me réjouirais d’accourir auprès de vous 
» pour assister à la dédicace à laquelle vous m'avez convié, si 
» les nécessités de mon église ne me défendaient expressément 
» de m’éloigner. Par la grâce de Dieu et avec votre aide, j'ai 
» enfin achevé mes cryptes et je vais m'’efforcer de les couvrir 
» avant que les intempéries de l'hiver ne puissent les endom- 
» mager ....... L’archevêque de Bourges, d’après ce qu’il 
» m'a dit, aurait agi suivant mes conseils à l’égard de l’évêque 
» de Limoges, si la crainte de la colère du roi ne le retenait. 
» Le bruit court que le roi viendra chasser au prochain rut 
» dans la forêt d'Orléans qui n’est pas éloignée, comme vous 
» le savez, du monastère de Saint - Benoiît-sur -Loire. Je suis 
» décidé à m’y rendre, Dieu aidant, afin de connaitre les 
» intentions du roi et de l’archevêque à votre endroit, et afin 
» de savoir ce que je pourrai obtenir d’eux. Je vous apprendrai 


1 C'est ainsi que la cathédrale de Cambrai, dont la reconstruction fut entre- 
rise par l'évêque Gérard, en 1023, se trouva achevée et fut dédiée le 18 octo- 
re 1030. [Episcopus Gerardus noram ecclesiam beatae Mariae Cameracensis], 

opus immensum, seplennio anno videlicet dominicae incarnationis MXX 
reddidit consummatum. (dom Bouquet, X, 202). 


— 164 — 
» de vive voix ou par lettre le résultat de mes démarches. 
» Adieu !. » 

Tel est le contenu de cette lettre que les différents érudits 
ont datée tantôt de l’année 1021, tantôt de l’année 1095, tantôt 
même de 1028. L’abbé Bulteau ? et M. le chanoine Auber * ont 
adopté la date de 1021, prétendant que la dédicace d'église 
dont parle Fulbert dans la première phrase de sa lettre, est 
celle de la cathédrale de Poitiers, laquelle aurait eu lieu, 
suivant eux, le 17 octobre 1021. Mabillon au XVIIe siècle 
datait cette même lettre de l’année 1028, croyant qu'il s’agis- 
sait ici de la dédicace de Saint-Martial de Limoges qui eut lieu 
le 17 novembre 1028. Tout récemment M. Pfister, dans un 
ouvrage sur Fulbert, a soutenu que cette dédicace était bien 
celle de la cathédrale de Poitiers, mais qu’il fallait la rejeter 
en 1025, parce qu’une cérémonie de ce genre dut être célébrée 
un dimanche et que le 17 octobre tombait bien un dimanche 
en l’année 1025 *. 


1 Clarissimo duci Aquilanorum, Guillelmo, Fulberlus episcopus, utile el 
honestum. — Gauderem, dilectissime princeps, ad dedicationem vestram de- 
volus occurrere. nisi me ecclesiæ nostræ nullo modo negligenda necessiles 
detineret. Gratia namque Dei cum adjutorio vestro cryptas nostras persol- 
vimus, easque, priusquam hiemalis inclementia lædat, cooperire satagimus. — 
Volo autem vos scire, quod literæ, quas priores episcopo Azelino misislis, 
regi relatæ sunt : qui eliam valde contristatus est de sua vilitate, quam di 
scriplam invenil ; ecisselque Bituricensis episcopus juxla consilium nostrum, 
ut ait, de Lemovicensi episcopo , nisi eum regalis iræ formido detineret. Sed, 
quia rex proximo rugitu, ut dicitur, venire habet in sylvam Legium, que 
vicina est, uf scilis, monasterio Sancti Benedicti. ego quoque, Deo favenie, 
illuc ire disposui, sciturus quales inveniam erga vos et regem el archiepisco- 
pum, vel quales reddere possim. Et quod interim effecero, aut ipse vohis 
referam, aut lileris innotescam. Vale féliciter. (D. Bouquet, X, 468). 


2 Abbé Bulteau, Monographie de la Cathédrale de Chartres, t. 1, p. 58. 
* Chanoïne Auber, Histoire de la Cathédrale de Poitiers, t. 1, p. 36. 


“ Pfister, De Fulberti Carnotensis episcopi vita et operibus. Nancy, 1885, 
p. 116. La raison qu'invoque M. Pfister pour dater de 1025 cette lettre de Fulbert, 
n’est pas déterminante. En admettant même qu'il soit question ici de la dédi- 
cace de la cathédrale de Poitiers (ce qui n’est pas prouvé), on ne peut affirmer 

ue cette dédicace fut célébrée en 1025; car 1l faudrait prouver d’abord qu'au 
XIe siècle les dédicaces d'églises avaient toujours lieu le dimanche. Or il es 
certain qu’il n’en était point ainsi. A propos de la dédicace de Saint-Arnoul de 
Metz, qui fut célébrée le mercredi 11 octobre 1049, Pagius a fait remarquer, 
il y a déjà longtemps, que l’on consacrait, au XIe siècle, les églises en n'im- 
porte quel jour de la semaine (Cf. dom Bouquet, XI, p. 369, note). On pour- 
rait citer beaucoup d’autres églises qui dans le courant de ce siècle ne furent 
point dédiées un dimanche. Nous nommerons entre autres : l’église Sant- 











— 165 — 


Toutes ces contradictions prouvent que, pour déterminer 
l’année où Fuibert écrivit cette lettre au duc Guillaume, on 
s’est généralement appuyé sur des hypothèses n’ayant point 
de fondement. Il est certain que, puisque Fulbert ne nomme 
pas l’église à la dédicace de laquelle il devait assister, il est 
impossible d'affirmer que c'était telle église plutôt que telle 
autre. Cela paraïtra évident si l’on remarque que la ville de 
Poitiers, où séjournait habituellement le duc Guillaume, fut, en 
1018, détruite avec tous ses monuments par un violent incen- 
die. Ce désastre nécessita la reconstruction de toutes les églises 
de Poitiers, et les dédicaces durent alors se succéder rapide- 
ment les unes aux autres. | 

Il faut donc chercher un autre moyen de dater ce document. 
Nous avons vu que Fulbert dans sa lettre fait allusion à une 
dispute qui se serait élevée au sujet de l’évêque de Limoges 
entre le duc d’Aquitaine et l’archevêque de Bourges, Gozlin. 
La cause de cette dispute est bien connue. Un chroniqueur 
limousin, Adémar de Chabannes, en a fait le récit ?. 

Giraud, évêque de Limoges, avait accepté du duc Guillaume . 
les fonctions de trésorier de l’abbaye de Saint-Hilaire de 
Poitiers. Au mois de novembre 1023, comme il se rendait de 
Limoges à Poitiers, parvenu au monastère de Charroux, il y 
tomba gravement malade et mourut presque subitement 
(11 novembre 1023) ?. À la nouvelle de la mort de Giraud, le 


Aignan d'Orléans qui fut dédiée le lundi, 16 juin 4029 (dom Bouquet, X, 110, 
111, 370) ; l’église de Saint-Vincent de Metz qui fut dédiée le lundi 17 octobre 
1037 (dom Bouquet, XI, 29, 217), l'église de Saint-Rémi de Reims, qui fut 
dédiée le lundi 2 octobre 1049 (Ibidem, 466 et 522), etc., etc. 


1 Tunc casu civilas Pictavis combusta est, et dux sedem Sancti Petri 
celerasque ecclesias suumque palatium és decore ampliavit. ( Adémar de 
Chabannes, liv. III, c. 56; — Migne, P. L., t. CXLI, col. 69). — Cf. 
Chronic. Autissiodorense, D. Bouquet, X, 271. 


2 Cf. Chronig. d'Adèmar de Chabannes, liv. III, c. 57, dans Migne, P. L., 
t. CXLI, col. 70. 


3 C'est à M. Pfister qu'on doit d’avoir déterminé cette date (De Fulberti 
vla, p. 100, note 2). On possède en effet un diplôme accordé, à la prière de 
Giraud, au chapitre de Saint-Etienne de Limoges par le roi Robert et l'empereur 
Henri If, lors de l’entrevuc qu'eurent ces deux princes à Ivois au mois d'août 
1023 (Cf. Pfister, Etudes sur le règne de Robert le Pieux, p. LIV). Ce di- 
plème prouve que l’évêque Giraud vivait encore au mois d'août 1023. D'autre 
part on a le texte d’une lettre adressée par Jordan, successeur de Giraud, au 

pe Benoit VIII, décédé le 41 juin 1024 (Migne, P. L., t. CXLI, col. 1158). 
l résulte de là que Giraud mourut entre août 1023 et juin 1024. Or Adémar 





— 166 — 

duc Guillaume, qui aimait à s’entourer d'hommes éminents 
par leur savoir, songea à confier la trésorerie de l’abbaye de 
Saint-Hilaire à l’évêque de Chartres, Fulbert, dont la réputa- 
tion était grande alors. Fulbert accepta les propositions de 
Guillaume, et sa nomination comme trésorier de Saint-Hilaire 
de Poitiers fut l’origine des relations amicales et épistolaires 
qui s’établirent entre le duc d’Aquitaine et lui‘. Cependant 
Guillaume dut s’occuper aussi de trouver un successeur à 
Giraud comme évêque de Limoges. Il arrêta son choix sur un 
clerc du nom de Jordan, qui fut sacré à Saint-Jean-d’Angélv, 
le 45 mars 1024?. L’archevêque de Bourges, Gozlin, que l’opi- 
nion publique accusait de simonie, ne fut point convoqué à 
cette cérémonie. Comme métropolitain de l’évêque de Limoges 
son intervention était nécessaire ; aussi, usant de ses droits, il 
excommunia Jordan et lança l’interdit sur tout le Limousin. 
Jordan fut contraint de se soumettre; il se rendit, accompagné 
d’une centaine de prêtres et de moines, pieds nus, jusqu'à 
Bourges, où l’archevêque le reçut avec honneur et le releva 
de l’excommunication. 

C'est à ce différend, survenu entre Jordan et Gozlin, que 
fait allusion Fulbert dans la lettre que nous traduisions tout à 
l'heure. Lorsque Fulbert écrivait ces lignes au duc Guillaume, 
l’évêque de Limoges ne s’était pas encore soumis à Gozlin. 
Cette lettre est donc postérieure au 15 mars 1024, date de la 
consécration de Jordan, et est antérieure à l’époque où Gozlin 
releva Jordan de l’excommunication lancée contre lui. Malheu- 


de Chabannes nous a conservé le texte de l’épitaphe qu fut placée sur le tom- 
beau de Giraud à Charroux. Elle est ainsi conçue : Hic requiescit Geraldus. 

iscopus Lemovicæ. Obiit 11 idus novembris. Præfuit eidem sedi vin anni. 
(Migne, :bid., col. 63). La mort de Giraud arriva donc le 11 novembre 1093. 
Ce résultat est confirmé par la Chronique de Limoges : MXXIIT. Obiit Geraldus 
episcopus. Karrofo sepultus est Le Bouquet, X, 177), et par la Chroniqu 

‘Itier : Anno gracie MXXIH obiit Geraldus, episcopus Lemovicensis (Chro- 
niques de Saint-Martial de Limoges, par Duplès-Agier, dans la collection de 
la Société de l'Histoire de France, année 1874, p. 16). — La date de la mort 
de Giraud paraissant certaine , il s'ensuit que l’élection de Fulbert comme tréso- 
rier de Saint-Hilaire de Poitiers se place en novembre-décembre 1023 ou dans 
les premiers mois de 1024. 


1‘ [Dux Willelmus] episcopum Carnotis Fulberlum, sapientia cumptum, 0 
Frantia evocatum, donavit thesauraria Sancti Hylarii, et penes se reveren- 
dum exhibutt. (Adémar de Chabannes, Migne, P. L., tome CXLI, col. 56). 


3 Adémar de Chabannes, ibidem, col. 70. 





— 167 — 

reusement on ne connaît pas exactement cette dernière date. 
D'après le récit d’Adémar de Chabannes, il semble que la 
brouille entre les deux prélats ne fut pas de longue durée. — 
La correspondance même de Fulbert nous permettra de préci- 
ciser davantage. Disons tout d’abord que la lettre dont nous 
nous occupons, abstraction faite de l’année, peut être datée 
approximativement quant au mois. « Le bruit court, dit 
» Fulbert dans cette lettre, que le roi viendra chasser au pro- 
» chain rut dans la forêt d'Orléans. » L’on donne en vénerie 
le nom de rut à cette époque de l’année où les cerfs s’accou- 
plent entre eux. Cette époque dure du 25 septembre environ 
jusqu’à la fin de novembre. Fulbert écrivit donc sa lettre au 
duc d’Aquitaine vers le mois d’août ou le commencement du 
mois de septembre. 

Fulbert fait encore allusion à la dispute de Jordan et de 
Gozlin dans deux lettres, adressées par lui à l’un de ses dis- 
ciples, Hildegaire, qu’il avait envoyé à Poitiers pour gérer en 
son absence les biens de l’abbaye de Saint-Hilaire. La première 
de ces lettres fut écrite dans le courant de l’été, car Fulbert y 
parle des récoltes qui sont prochaines ‘. Dans la seconde lettre 
il mentionne la mort récente d’un chanoine de Notre-Dame de 
Chartres du nom de Tétold. Ce Tétold est connu d’ailleurs ; il 
était prévôt du chapitre et l’on sait par le Nécrologe de la 
cathédrale qu’il mourut le 2 septembre ?. Fulbert annonce en 
même temps à Hildegaire qu’il ne peut aller à Poitiers, parce 
qu'il est retenu à Chartres par la restauration de son église, 


‘ [Monuimus] Bituricensem arehiepiscopum, ut sese pacare non negligat 
cum 1pso domino Guillelmo et episcopis ejus, priusquam sibi exinde scanda- 
lum oriatur..... Ceterum Tigrinus summonebat, ut mitterem vobis aliquem 
procuratorem ad colligendas fruges. (dom Bouquet, X, 466). 


+ Fulbert parle de Tétold dans une lettre écrite vers 1022 à l'évêque de 
Lisieux, Roger. On voit par cette lettre que, comme prévôt, Tétold était chargé 
de l'administration des biens du Chapitre dans le diocèse de Lisieux. Tetoldus 
EE pe nosler ac vester servus non bene rem intellexu. (dom D X, 
452). [1 est encore question de Tétold dans une lettre adressée en 1022 par les 
chanoines de la cathédrale de Chartres à l'archevêque de Tours, Hugues, lors 
d'un voyage que fit Fulbert à Rome. Terras nostras, que sunt in minislerio 
Hervei et Tetoldi, predati sunt. Ce Bouquet, X, 459! Dans le Nécrologe de 
là cathédrale de Chartres. aujourd'hui conservé à la Bibliothèque communale de 
Saint-Étienne, l'obit de Tétold a été transcrit antérieurement à l’année 1098 ; 
il est ainsi conçu : IV nonas RER , obiit Tetoldus, archidiaconus et pre- 
ie _. Mariae. (Cf. de Lépinois et Merlet, Cart. de N.-D. de Chartres, 





ue 168 — 

par les difficultés qu’il rencontre à apaiser l’affaire de l’évêque 
de Limoges et par les vacances de la moisson /messivæ feriæ/'. 
Ces vacances, qui avaient lieu pendant le temps de la moisson, 
se terminaient vers le 15 septembre, époque où la moisson est 
complètement achevée dans le pays chartrain. Ce fut donc 
entre le 2 et le 15 septembre que Fulbert écrivit cette seconde 
lettre à Hildegaire. — En résumé, lorsque Fulbert s’employait 
à réconcilier l’évêque de Limoges et l’archevêque de Bourges, 
on était à la fin de l’été, c’est-à-dire vers le mois d'août et de 
septembre d’une année indéterminée. Il reste à établir quelle 
était au juste cette année. 

Nous avons vu précédemment que Fulbert fut nommé vers le 
mois de décembre 1093 trésorier de Saint-Hilaire de Poitiers ?. 
À partir de cette époque jusqu’au jour de sa mort, qui arriva le 
10 avril 1028, des occupations multiples le retinrent constam- 
ment éloigné de Poitiers, et il ne put jamais malgré son désir 
retourner en cette ville. Dans les premiers mois de l’année 
1026”, Hildegaire lui écrivait : « Depuis plus de deux ans que 
» vous êtes retenu loin de nous tant par vos occupations pas- 
» torales que par la discorde des princes, qui ne cessera, j'en 
» ai bien peur, que quand ils disparaîtront eux-mêmes, c’est 
» à peine si j'ose espérer vous revoir une seule fois dans nos 
» murs de Poitiers. L’évêque de Limoges, Jordan, en faveur 
» duquel vous êtes autrefois intervenu auprès de l’archevêque 
» de Bourges, me prie de vous transmettre ses meilleurs 
» vœux et de vous demander si vous ne pourriez lui faire par- 
» venir la Vie de saint Léonard, qu’on dit être*enterré dans le 
» diocèse de Limoges ‘. » D’après cette lettre, au commence- 


1 Retardant templi reslauratio!, mandata regis predonum instantia, mes 
sivæ feriæ, Lemovicensis episcopi causæ pacandæ difficultas, via scrupulosa… 
Frater Tedoldus obiit. (dom Bouquet, X, 468). Comme on le verra par la 
suite, il résulte de cette lettre que Tétold mourut le 2 septembre 1024. 


2 Voir plus haut, page 165, note 8. 


8 Quand Hildegaire écrivait cette lettre à Fulbert, il y avait un peu plus de 
deux ans que Fulbert était venu à Poitiers pour être investi de ses fonctions de 
trésorier de Saint-Hilaire. Or ce fut vers décembre 1023 ou janvier 1024 que 
Fulbert fut nommé trésorier de Saint - Hilaire par le duc Guillaume. La lettre 
d'Hildegaire date donc des premiers mois de l’année 1096. 


# Sed cum te plus bienno detinuerit hinc sollicitudo pastoralis, hinc pris- 
cipum discordia, nescio quando, nisi tllis obeuntibus, componenda, ortuns 
forsitan aliis pluribus causis te itidem remoraturis, vix austm sperare te vel 








— 169 — 

ment de l’année 1026, il y avait déjà longtemps que Fulbert 
s'était entremis pour réconcilier Jordan et Gozlin ; c’est ce 
qu’exprime le mot olim, autrefois. Or nous avons vu que 
l'intervention de Fulbert, postérieure au mois de mars 1024, 
avait eu lieu dans le courant des mois d’août et de septembre 
d’une année indéterminée. Ce ne peut être en août et sep- 
tembre 10%, car Hildegaire, peu de temps après, dans les 
premiers mois de 1026, n'aurait point parlé de cette interven- 
tion comme d’un événement déjà ancien. C’est donc nécessai- 
rement, à notre avis, en août et septembre 1024 que furent 
écrites les lettres de Fulbert relatées plus haut ‘. 

Il résulte de là que vers la fin de l’été de l’année 1024, 
Fulbert avait à peu près terminé ses cryptes, et qu’il n’avait 
plus qu’à en faire les voûtes. « J’ai enfin achevé mes cryptes, 
» dit-il au duc Guillaume, et je vais m’eflorcer de les couvrir 
» avant l’hiver. » L’incendie de l’église de Notre-Dame était 
arrivé le 8 septembre 1020. En admettant que Fulbert ait em- 
ployé une année entière à déblayer et à niveler l'emplacement 
de la cathédrale écroulée, il s'ensuit qu’il fut trois ans à édifier 
les cryptes. Ce temps ne paraîtra pas trop long, si l’on admet 
que Fulbert construisit en entier ces galeries souterraines dont 
les dimensions sont considérables ?; mais il est certain que si 
Fulbert, après l’incendie, n’avait eu qu’à restaurer les cryptes, 
il n'aurait pas employé tant de temps à cette restauration, 


semel Pictavorum fines revisere, et, prout geris animo, illi egregio confes- 
sori Christi deservire... Jordanus elium Lemovicensis episcopus, cui olim 
suffragium prestilisti apud archiepiscopum Bituricensem, plurima te salute 
impertiens, rogat supphciter, ut mittas ei Vitam sancti Leonardi, in episco- 
palu suo quiescenhs, ut aiunt [Dom Bouquet, X, 489). 


{ Ce résultat est confirmé par le témoignage d’Adémar de Chabannes. Cet 
auteur limousin, qui écrivait vers l'année 1030, a placé dans sa Chronique la 
réconciliation de Gozlin et de Jordan avant la mort de Hugues, abbé de Saint- 
Martial de Limoges, laquelle arriva au mois d'avril 4025. Or, s’il est certain 
qu'Adémar de Chabannes a souvent interverti l’ordre chronologique en racon- 
tant les événements étrangers au pays où il vivait, 1] faut reconnaître qu'il a 
observé cet ordre chronologique dans l'exposé des faits relatifs aux deux villes 
de Limoges et d'Angoulême. Il y a donc lieu, suivant nous, de conclure du 
récit même d'Adémar de Chabannes que Jordan s'était réconcilié avec Gozlin 
antérieurement au mois d'avril 1025, et dès lors la lettre écrite par Fulbert au 
duc Guillaume se date nécessairement du mois d’août ou de septembre 1024. 


2 Les ue de Chartres sont parmi les plus grandes qui soient connues ; 
elles ont mètres environ de circuit. 


T. X. 4. 13 


— 170 — 


alors qu’en 1028, année de sa mort, il avait presque achevé 
la cathédrale tout entière. 

Comme conclusion, nous dirons que les cryptes de Chartres 
dans leur état actuel, exception faite de quelques parties plus 
modernes, sont l’œuvre de Fulbert?, et que les deux fenêtres 
récemment découvertes lors des fouilles pratiquées dans les 
transepts ont été construites par lui. Dans l’origine toutes les 
fenêtres de la crypte devaient être semblables à ces deux là *; 
actuellement elles ne leur ressemblent en rien. C’est donc 


1 Voir plus haut page 162, notes 1 et 3. — Deux ans après la mort de 
Fulbert la cathédrale de Chartres était terminée, lorsqu'elle fut de nouveau 
en partie détruite par un incendie arrivé le 11 septembre 1030. L'évêque 
Thierri, successeur de Fulbert, entreprit alors de réédifier la basilique. Quarta 
succensio] facta est anno M° tricesimo, die tertio idus septembris, domn: 
heodorici episcopi anno secundo (Translationes S. Aniani, éditées par l'abbé 
Clerval dans les Analecta Bollandiana, t. VII, p. 321-335). Thiern poussa 
activement les travaux, et, sept ans après l'incendie, le 17 octobre 103%, àl 


- faisait la dédicace du nouveau monument. Il ne fit que de simples restaurations 


aux cryptes de Fulbert; car celles-ci, protégées par leurs voûtes, n'avaient 
oint été détruites par les flammes. Les cryptes furent de même préservées des 
St lors de l'incendie de 4194, qui nécessita la construction de la cathédrale 
actuelle. 


? Les cryptes dans leur ensemble offrent une unité de construction remar- 
ques et 1l est relativement aisé de distinguer les parties construites par 

ulbert de celles qui leur ont été postérieurement ajoutées. La partie des cryptes 
qu'il faut attribuer à Fulbert se compose de deux longues galeries parallèles, 
ayant onze travées chacune et reliées entre elles par une allée semi - circulaire 
sur laquelle s'ouvrent trois chapelles absidiales. Les deux galeries parallèles 
servaient dé fondations aux deux bas -côtés de l’église supérieure. Ces galeries 
sont couvertes par de fortes voütes d’arêtes sans arcs-doubleaux n1 nervures 
aucunes. L’allée semi- circulaire reliant les deux galeries de la crypte répondait 
au déambulatoire, et les trois chapelles absidiales se reproduisaient à l'étage 
supérieur où elles s'ouvraient sur le déambulatoire. Par le plan de la crypte on 
a donc exactement le plan de la cathédrale de Fulbert. 


8 Ces deux fenêtres ont un ébrasement extérieur et intérieur très considé- 
rable. L'ouverture par où pénétrait la lumière ne mesure que O0 » 30 de largeur 
sur 1 " 70 de hauteur. Ainsi que nous le disions plus haut, la voussure exté- 
rieure de ces fenêtres est appareillée en pierres de taille alternant avec des 
briques de grande dimension, Mais la brique n'est plus employée ici de la même 
manière qu'à l’époque mérovingienne et carlovingienne où elle entrait dans toute 
la construction. On voit qu'au temps où l’on bâtissait nos deux fenêtres les 
briques ne servaient ee que de simple décoration. La preuve en est pe 
n'apparaissent point dans l'ébrasement intérieur. On n’en a mis qu’au dehors, 
où on les a disposées de façon qu’elles produisent un heureux effet d'ornemen- 
tation. Il est certain que, vues de l’extérieur, ces fenêtres devaient rompre par la 
teinte de leurs niques la monotonie des deux façades latérales de l'église. N 
semble même que le cordon de briques formant archivelte au - dessus de ces 
fenêtres ait servi de modèle à l’archivolte à billettes, si communément employée 
comme décoration des fenêtres dans tout le cours du XI° siècle. 





— 171 — 
qu’elles ont été toutes refaites. Ce remaniement eut lieu au 
XIIe siècle. On fut forcé de surélever alors les fenêtres de la 
crypte, parce que les terrains extérieurs de la Cathédrale 
s'étant progressivement exhaussés, avaient obstrué les baies 
primitives !, qui n’éclairaient plus suffisamment l’intérieur de 
la crypte. 

Les deux fenêtres de Fulbert qui ont été récemment décou- 
vertes occupaient le milieu de chacune des deux galeries laté- 
rales de la crypte, l’une au nord, l’autre au midi. Or nous 
savons par le Nécrologe du chapitre que vers le milieu du 
XIe siècle on adjoignit à la cathédrale deux porches avec per- 
rons pour accéder à l’église supérieure. Ces porches, placés 
l'un au nord l’autre au midi, durent être établis au milieu de 
chacune des façades latérales de la cathédrale, et ils bouchèrent 
de part et d’autre la fenêtre de la crypte placée au - dessous 
d'eux. Dès lors chacune de ces fenêtres ne pouvant plus rece- 
voir d’aucune façon la lumière du dehors, on n’eut pas besoin 
au XIIe siècle de les reconstruire, comme on le fit pour les 
autres baies de la crypte. C’est grâce à cette circonstance que 
les deux fenêtres de Fulbert récemment découvertes se sont 
conservées jusqu’à nos jours dans leur état primitif. 

En résumé, les monuments à date certaine antérieurs au 
XIIe siècle étant extrêmement rares dans la région d’entre 
Seine-et-Loire, il faut regarder la crypte de Chartres comme 
un reste très précieux de l’architecture du XIs siècle en cette 
contrée et comme un type de la manière de bâtir en France 
entre les années 1020 et 1024. 


1‘ Les causes de l'élévation progressive du sol dans les villes sont multiples. 
Dans le cas présent, une des principales causes de l’exhaussement des terrains 
environnant l'église fut sans nul doute l'amas de décombres que produisit l’in- 
cendie de la cathédrale, arrivé deux ans après la mort de ert, le 11 sep- 
tembre 1030. 


RENÉ MERLET. 


BIBLIOPHILES CHARTRAINS 


LA TRINITÉ DE VENDOME AU XF SIÈCLE 





L'abbaye de la Sainte-Trinité de Vendôme était exempte, il 
est vrai, de toute juridiction épiscopale; mais ses richesses et 
sa puissance lui créèrent bientôt des rapports fréquents avec 
la métropole. Les relations furent nombreuses entre l’abbé- 
cardinal et l’évêque diocésain. 

L’éloignement des deux villes rendait pénibles et surtout 
dispendieux aux moines le voyage et le séjour dans notre 
ville; la piété séculaire des bons Chartrains, sollicitée par la 
ferveur, la renommée, les privilèges de la jeune abbaye, y 
pourvut largement. L’amour de Dieu et de la science devait 
être un lien naturel entre la cité de Fulbert et de saint Yves, 
et les moines d’Oderic et de Geoffroy. Aussi verrons-nous, 
non les moins doctes parmi les habitants de Chartres, prendre 
l’habit religieux à Vendôme, et porter avec eux leurs livres les 
plus précieux, et tout à la fois donner à leurs confrères une 
demeure, des maisons, à l’ombre même de la cathédrale, près 
du palais de l’évêque et des écoles déjà célèbres. 

Ces donations généreuses, nous les ferons connaître à l’aide 
de quelques chartes de l’ancien cartulaire de la Trinité. 

La charte CXIIIe (voir Pièces justificatives, n° 1) est pré- 
cieuse entre toutes sous ce rapport. 

Fondée en 1033, solennellement inaugurée en présence d’un 
grand nombre d’évêèques, de princes, d’abbés et de seigneurs. 
le 31 mai 1040, enrichie de privilèges extraordinaires par le 
généreux fondateur et bientôt par les papes et en particulier 





— 173 — 


par l’évêque de Chartres, Théodoric !, la réputation de 
l'Abbaye de la Trinité n’était pas à faire dans la ville épis- 
copale. 

Dès 1047, le 4 juillet, deux frères, Raoul et Albert, habitants 
de Chartres, se firent religieux à Vendôme, et donnèrent au 
couvent « une maison dans la cité de Chartres, non loin de 
l’église de Notre-Dame et des murs de la ville, » plus trois 
arpents de bonne vigne à Champhol, « Campus fabri ». 

Malheureusement nous n’avons aucun renseignement sur 
ces deux frères; toutefois la maison dont ils disposent, évi- 
demment située dans le cloitre de Notre-Dame, pourrait nous 
autoriser à les qualifier de chanoines. 

Nous en savons encore moins sur Ebremar, qui se fit moine 
après eux, et qui donna un demi-arpent de très bonne vigne à 
Pisseloup, terroir vignoble alors renommé, sis à Seresville, 
commune de Mainvilliers *. 

En même temps que lui, Richard, un bibliophile celui-là, 
prit le froc, apportant dans le pli de sa coule un arpent de 
vigne au Mesnil, la moitié d’une maison dans le faubourg de 
la ville, non loin du rempart, dans le fief d’Hilduin, fils de 
Joscelin de la Poterne*, et ce qui était plus précieux encore 
pour nos doctes moines, un missel et un antiphonaire. 

Celui-là était donc un homme d'église, peut-être celui qui 
était diacre et chapelain de la suite de l’évêque Théodoric 1. 

Vers la même époque, un autre érudit, un prêtre, Girouard, 
donnait avec sa personne, un missel de 100 sols, un calice 
d'argent et un bon psautier. 

Quatorze ans plus tard, ce dernier, sur le point de mourir, 
dépêcha vite un messager vers l’un des religieux, qui arriva 
près de lui quelque temps avant sa mort, assez tôt pour rece- 


1 Théodoric aurait été le promoteur de la fondation de l’abbaye « Theodorici 
Carnotensis episcopi consilio et voluntate; » il reconnut le privilège d’exemp- 
tion, par une charte signée de six évêques et d’un grand nombre de personnages 
les plus éminents, lui donna quatre églises paroissiales : Saint-Jean de 
Châteaudun, Saint-Bienheuré de Vendôme, Baigneaux et Villerable, etc. 


2 Cf. Cartul. de Notre-Dame, table géographique. 


8 C’est la premiére fois que l'on rencontre, croyons-nous, les seigneurs de 
la Poterne. Joscelin est aussi témoin dans la charte CII du Cartul. de la Trinité, 
1040-1045. 


4 Cartul. de Notre-Dame, 1, p. 90. 





— 174 — 


voir sa profession et recueillir son héritage, savoir : un arpent 
de bonnes vignes à la vallée de Pierre, une livre d’or, 20 muids 
de blé et 30 de vin, et en plus un antiphonaire et un psautier. 

Nous sommes en 1060. Eudes de Châteaudun ‘, chanoine de 
Chartres, « Odo Dunensis... sacerdos et concanonicus noster, » 
offrit une nouvelle maison, dont la situation dans le cloitre est 
bien déterminée: « In canonicali area claustri nostri, prope 
arces sila ?. » | 

Faut-il identifier ce nouveau bienfaiteur avec le chanoine 
Eudes, neveu de Thibault III, comte de Chartres, qui vivait à la 
même époque *? Nous inclinons à le croire. 

Les religieux de Vendôme demandèrent et obtinrent l’assen- 
timent de Messieurs du Chapitre qui l’accordèrent avec une 
charité toute fraternelle « fraterna caritate, » mus par le désir 
d’être utiles aux bons moines, et par le sentiment d’honneur: 
« Ululitati suæ et honestati nostræ consulentes. » 

L'acte fut signé par les personnages les plus considérables, 
Geoffroy, évêque; Guy, fils de Goslein; Foucher, neveu de 
l’évêque Arrald, Foucher, fils de Nivelon de Fréteval ou de 
Chartres; les dignitaires du Chapitre: Ingelran, doyen; Eudes, 
préchantre; Adelard, sous-doyen, Frodon, sous-chantre; 
Goslein, archidiacre, etc. 

Yves de Courville, son épouse, et son fils Giroie* donnèrent 
encore la place de la maison de Gautier le Roux, cette même 
année 1060 ; malheureusement les détails nous font défaut. 

L'une de ces maisons, située dans le cloître de Notre-Dame, 
vit un jour les degrés de la porte d’entrée rasés par ordre des 
chanoines. Il n’en fallut pas davantage pour soulever la suscep- 
tibilité du terrible abbé Geoffroy. Il en écrivit à Yves une lettre, 
unique pièce du procès, que nous devons transcrire ici “. 

« À son très cher seigneur et ami Yves, l’honorable évêque 


Cf. Cart. Dunois, CXI et CXII. 
2 Pièces justificatives, n° 2. 
3 Cartul. de Notre-Dame, 1, 91. 


+ Yves I paraît comme témoin dans le Cartulaire de N.-D., I, 93, et dans 
notre Cartulaire Blésois de Marmoutier, ch. 32 et 33, et plus souvent encore 
dans le Cartulaire Dunois. — Son fils Giroie dans la charte 33° du Cartulaire 
Blésois et dans le Cartulaire Dunois, chartes 107, 108 et 109. 


8 Livre IL, ep. XV. 





— 175 — | 
de Chartres, Geoffroy, humble serviteur du monastère de 
Vendôme : Il faut condamner selon le jugement dicté par 
l'Esprit Saint, les fautes des sujets délinquants, de telle sorte 
que l’on puisse paraître soi-même sans faute devant le redou- 
table juge. 

» Vous avez certainement appris, Ô Père très-bon, la faute 
de vos clercs, que l’humilité de la Vierge a rendus superbes. 
Contre tout droit divin et toute justice humaine, mûs par un 
excès trop conforme à leur orgueil, ils ont détruit les degrés 
de notre maison !. Nous supplions donc très humblement votre 
paternité de corriger l’action si perverse de vos clercs, et 
de les obliger à rétablir les degrés qu'ils ont enlevés dans un 
mouvement de furieuse colère. La chose est bien à nous, 
nous la possédons depuis longtemps et en toute justice, nous 
en avons été investis selon les saints Canons; elle nous a donc 
été soustraite injustement. Si d’autre part ils se plaignent de 
nous, nous acceptons la sentence d’un juge équitable, et vou- 
lons nous confor:-"er à la loi divine. O Père vénérable, si notre 
couvent ne vous est pas trop odieux, n’est-ce pas à vous de 
garder nos biens situés dans votre diocèse? Notre monastère 
a été donné tout entier au bienheureux Pierre, par notre fon- 
dateur lui-même ; c’est donc un devoir de votre charge épisco- 
pale, une obligation de votre amour pour la chaire de saint 
Pierre, de le défendre de tout votre pouvoir contre tous ses 
ennemis; mais principalement les propriétés de notre abbaye 
situées à l’entrée même de votre palais. » 

Il était difficile de condenser plus de motifs capables d’émou- 
voir saint Yves en moins de mots, et à la fois sous une forme 
plus douce et plus aimable, eu égard au ton impérieux trop 
ordinaire à l’abbé Geoffroy dans ses revendications. 

L'abbé, sans doute, obtint justice , car nulle allusion à cette 
affaire, dans ses lettres nombreuses au vénérable prélat, ne 
peut nous en faire douter. 

D'ailleurs, les documents sont rares sur ces propriétés char- 
traines de la célèbre abbaye. En 1959, elles furent louées à un 
nommé Pierre, pour le prix de 60 sous de cens annuel. Une 


1 Le père Sirmond a cru à tort qu'il s'agissait ici d’une des églises données à 
la Trinité par Théodoric. Avec les documents que nous publions, l'erreur est 
facile à corriger. 








— 176 — 
seule particularité nous est révélée en cette pièce : les religieux 
de Vendôme avaient droit de justice plénière dans ces diffé- 
rentes maisons ‘. 

Mais les amateurs de Bibliographie chartraine auront surtout 
remarqué avec intérêt la mention de ces six manuscrits, deux 
missels, deux antiphonaires et deux psautiers, dont l'un 
surtout était remarquable « bonum. » 

Nul n’ignore en effet que Chartres était alors un foyer de 
science, et les écoles de Fulbert florissantes. Vendôme ne pou- 
vait puiser à de meilleures sources pour enrichir'sa bibliothèque 
et offrir à ses moines d’excellents modèles à imiter. 

Mais que sont devenus ces précieux manuscrits? et quelle 
idée devons-nous nous faire de leur valeur vénale à cette 
époque? 

Hélas! nous n’en trouvons nulle trace dans le catalogue 
officiel dressé dernièrement par M. H. Omont. 

Le n° 17 C, est bien, il est vrai, du XIe siècle, mais il 
provient de la bibliothèque des Dominicains de Reims. La Tri- 
nité d’ailleurs avait laissé se disperser quelques-uns de ses 
plus beaux volumes ?, non pas certes qu’à Vendôme on eût les 
livres en petite estime et qu’on négligeât leur entretien, la 
charte de l’abbé Robert, datée de 1156, est la preuve du 
contraire *. Pour assurer la conservation des livres de son 
abbaye, il impose à tous les prieurés et obédiences une rede- 
vance annuelle spéciale, pour relier les manuscrits, en 
transcrire de nouveaux et corriger les anciens. Le total était 
considérable pour l’époque : 54 sols, 12 septiers de froment, 
et 1 septier de seigle. 

En 1118, le docte abbé Geoffroy avait dressé lui-même un 
catalogue de la Bibliothèque de son monastère *. 

Mais aucun livre liturgique n’y est mentionné; on n’y voit 
guère que les œuvres de saint Augustin. Est-ce l’étude plus 
spéciale du grand docteur africain qui lui a donné cette éléva- 
tion de pensée, cette droiture de jugement, cette sûreté de 


Pièce justif. n° 3. 


3 M. Omont, 1bid, p. 395. Il cite plusieurs manuscrits qui étaient sortis de la 
Bibliothèque de Vendôme, dès le XVII siècle. 


3 Ibid. 
* Voir e Bulletin des Comités Historiques, 1862, p. 67. 





— 177 — 
doctrine, et même ce style, ces expressions vives, cette élo- 
quence colorée, allant sans détour droit au but, flèches acérées 
et rapides, qui pénétraient profondément, et ne laissaient 
point de prise à une réplique victorieuse; qui ont fait de lui 
l’un des hommes les plus éminents de cette époque ! ? 

On conservait encore dans l’abbaye, un magnifique évan- 
géliaire. Dans les circonstances solennelles, les plus hauts et 
puissants personnages venaient, bienfaiteurs généreux, confir- 
mer leurs donations, ou persécuteurs soumis, jurer une paix 
désormais inébranlable, la-main levée sur le texte richement 
enluminé d’un évangéliaire à la couverture d’or ouvragé : 
« Super lextum evangelicum extrinsecus de auro fabricatum.» 
Ainsi avait fait en 1050, Foulques l’Oison, comte de Vendôme, 
promettant à son oncle Geoffroy-Martel, de toujours protéger 
et aimer sa chère abbave de la Trinité. 

Nos bibliophiles chartrains du XIe siècle, faisaient leurs 
donations de 1047 à 1060 : ce volume précieux était-il de prove- 
nance, d’origine chartraine, avec ses ays d’or”? c’est une ques- 
tion que nous livrons à la sagacité des Bibliophiles chartrains 
modernes. | 


Il nous sera plus facile de répondre à la seconde question. 


Nous avons vu déjà Girouard donner un missel de cent sous : 
« Missalem centum solidorum. » Il serait trop long de vou- 
loir ici préciser en monnaie actuelle la valeur de cette somme 
du XIe siècle, il nous suffira de renvoyer aux principes posés 
par Guérard dans ses Prolégomènes sur le Polyptique de 
l'abbé Irminon, pages 146, 147 et 158, et sur le Cartulaire de 
Saint-Père de Chartres, page CLXXX V et suivantes ?. Il y a là 
cependant une indication précieuse que nous ne devons pas 


{ Il vient de paraître une étude sur Geoffroy de Vendôme par M. Luc Compain, 
enlevé à la science avant l'apparition même de son œuvre. C’est un travail 
consciencieux , fait à l’appui de documents authentiques, un livre sincère, si 
nous en exceptons quelques préjugés dont l'auteur, protestant, n'a pas su se 
dépouiller entièrement, malgré le trouble profond, évident, que l'étude persévé- 
rante du Moyen-Age avait jeté dans son âme droite ; il aurait été de ceux que 
l’histoire puisée à ses sources aurait lentement, mais sûrement, ramené à la 
vérité religieuse, au dogme catholique. 


3 Dom Piolin avance qu'un psautier de dix sous, donné précisément par les 
moines de Vendôme à Hugues de Château-du-Loir, vers 1072, vaudrait en 
monnaie actuelle 282 francs; notre missel de 100 sous aurait donc valu près de 
3000 francs. Cf, Histoire de l'église du Mans, vol. 3, page 162, note. 





— 178 — 
négliger, mais nous avons un acte d'échange qui ne peut nous 
laisser aucun doute. 

A la même époque, entre 1049 et 1057, Agnès de Poitiers, 
épouse de Geoffroy-Martel, achetait d’un nommé Martin, qui 
devint prévôt de Vendôme, un homéliaire d’'Haimon d’Halvers- 
tad, dont les ouvrages avaient alors une si grande renommée !. 
Elle lui donnait en échange, deux cents brebis, un muid 
de froment, un de seigle, et un tiercet de mil, et enfin 
quelques peaux de martre, et plus tard quelques autres rede- 
vances À. 

La Bibliothèque de Vendôme possède encore, sous le n° 120, 
ce manuscrit du X° siècle. Il est intitulé : « Haimonis Halbers- 
tadensis expositio in Apocalypsim. » C’est un volume relié en 
peau blanche, contenant 162 feuillets en parchemin, de 
272 millimètres sur 215. Postérieurement, les moines y ont 
ajouté quelques feuillets, 163 à 170, contenant des vies de 
Saints, transcrites au XIIe siècle. 

Cet homéliaire était de dimensions relativement restreintes, 
et les manuscrits donnés par nos pieux chartrains ne pouvaient 
avoir une moindre valeur, surtout les missels et les psautiers, 
ornés déjà de précieuses miniatures qui en augmentaient 
considérablement le prix. 

Malheureusement les chartes similaires à celle-ci sont bien 
rares ; et il nous est impossible d'établir, par d’autres points de 
comparaison, le prix officiel des livres au XIe siècle. N'oublions 
pas cependant de faire observer l’accueil empressé fait par le 
Chapitre de Notre-Dame aux dons et legs de ce genre. Il les 
enregistrait avec soin dans le Nécrologe comme un exemple 
à suivre, comme un bienfait dont le souvenir devait être 
conservé. 

Enfin, ce dernier document nous fait toucher du doigt, 
jusqu’à l’évidence, l’éminent et inappréciable service rendu à 
la science par les monastères, qui ne reculaïent devant aucun 
sacrifice pour acquérir et conserver avec soin ces précieux 
manuscrits. Les plus doctes, dans nos temps modernes, y 
recourent encore pour élucider bien des questions historiques 


# Haimon d'Halverstad, mort le 23 ou 28 mars 853, écrivit plusieurs com- 
mentaires en forme d’'homélies sur l'Ecriture Sainte. 


2 Pièces justificatives, n° 4. 





— 179 — 
et littéraires, et y trouver la vraie solution. D’autres y vont 
copier des sujets d’ornementation d’un goût artistique achevé. 
C’est un nouveau témoignage rendu publiquement à la pro- 
fonde érudition des moines du Moyen-Age. 


Ch. MÉTAIS. 


Septembre 1891. 


— 180 — 


PIÈCES JUSTIFICATIVES 
I 


De his que habemus in Carnot. 
4 Juillet 1047 et 1060. 


Les frères Raoul ct Albert donnent à la Trinité de Vendôme, en se fai- 
sant moines, une maison non loin de l'église de Notre-Dame et du 
mur de la ville; d'autres donnent encore soit des terres et des vignes, 
soit des missels, des psautiers et des autiphonaires, etc. 


Anno MXLVII ab incarnato Dei Verbo, 1x nonas julii, quando 
Radulfus et Albertus fratres venerunt ad monachicum ordinem, 
dimiserunt sancte Trinitati unam domum in civitate Carnoto, 
non longe ab ecclesia Sancte-Marie, nec a muro civitatis, xIt 
denarios census solventem Kalendis octobris, et 11 arpennos 
optimarum vinearum, in uno tenente, in terra Sancte-Marie, ad 
Campum-Fabri, non longe a civitate, mr solidos census solven- 
tes ad terminum supradictum. Ebremarus monachus post eos 
veniens, dedit dimidium arpennum optime vinee ad Pissalupum, 
vi denarios census solventem Kalendis octobris. Richardus mo- 
nachus cum Ebremaro veniens dedit unum arpennum vinee, ad 
Maisnils, et dimidiam domum in suburbio civitatis, non longe a 
muro, in terra Hilduini filii Joscelini de Posterna, mr denarios 
census solventem, ad festum sancti Martini, et unum missalem 
et unum antiphonarium. Giroardus vero, qui debuit venire cum 
eis ad hunc ordinem, dedit sancte Trininati unum missalem cen- 
tum solidorum, et unum calicem argenteum, et unum bonum 
psalterium. Post hec autem evolutis annis ximrie, cum infirmus 
jam jaceret, afflictusque graviter, seque morti jam novisset debita 
persolvere, direxit legatum suum propter unum monachorum 
nostrorum. Qui cum perrexisset ad eum, vivum adhuc repperit, 
factumque monachum inde attulit, deditque sancte Trinitati 
unum arpennum bone vinee ad Vallem Petri, et unam libram 
auri, et quinquaginta modios panis et vini, id est xx frumenti et 
xxx vini, et unum artiphonarium et unum psalterium. 

Quo modo autem tunc Odo Dunensis et Yvo de Curva-Villa 
cum uxore et filio Gerogio, dederint Sancte Trinitati aream domus 
Guaterii Rufi, alias describetur. Facta sunt hec anno MLX ab 
incarnatione Domini. 


Sources : Cart. de la Trinité, ch. cxli. — Baluze 139, f. 113 et 269, 
fragments (Bibliothèque nationale ). 





— 181 — 


Il 


De domo Carnotensi !. 


1077 - 1084, 


Les chanoines de Chartres approuvent la donation faite par Eudes de 
Châteaudun à la Trinité d'une maison située dans le cloitre de 
Notre-Dame. 


I. « In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Notum facio 
ego qualiscumque congregatio sanctæ matris ecclesiæ Carnoten- 
sis, omnibus ad quos pertinere arbitror, quod Vindocinensis mo- 
pasterii S. Trinitatis monachi ad nos venerunt, fraterna caritate 
petentes, ut domum quæ sibi ab Odone Dunensi sacerdote atque 
concanonico nostro data fuerat in canonicali area claustri nostri 
prope arces sita, eis perpetualiter habendam concederemus. Nos 
vero utilitati suæ et honestati nostræ consulentes, petitioni eorum 
assensi sumus. Huic facto interfuit domnus Goffridus episcopus 
noster et assensum prebuit, atque alii canonici, quorum nomina 
sic subscribenda judicavimus : Ingelrannus decanus, Odo præ- 
centor, Adelardus subdecanus, Frodo succentor, Goslenus archi- 
diaconus 2. » 

Il. « Goffridus episcopus Carnotensis*’, Guido filius Gosleni, 
Fulcherius nepos Adraldi episcopi, Fulcherius filius Nivelonis 
(de Carnoto), Ingelrannus decanus #. » 


ITI 


«a Redevance de 60: de cens annuel due à l’abbé et couvent de la Très 
Sainte Trinité de Vendôme, par Mr Pierre, pour des maisons à 
Chartres, avec lots et rente, en cas qu'il vende lesdites maisons. » 
(Sommaire inscrit au dos.) 


Juin 1259. 


ÉCODIR EE Mr ee ue dr ne on Es 
magistro Petro causam habentibus pro sexaginta solidis annui 


{ Table du Cartul. de la Trinité, charte CCXXIv. 
% Baluze, 139, f. 269. 


3 Geoffroy I, évêque de Chartres 1077-1090. Ingelran doyen du chapitre, 
cité plus bas, devint évêque de Soissons en 1084. 


* Decamps, 103, f. 154- 


— 182 — 


census solvendis dictis abbati et conventui, seu eorum procura- 
tori, Carnoti, a dicto magistro Petro, seu ejus successoribus, seu 
ab illo qui dictam domum inhabitabit seu possidebit, in vigilia 
Assumptionis beate Marie Virginis. Voluit insuper et promisit 
dictus magister Petrus, et etiam consensit, quod nisi dictis abbati 
et conventui, seu eorum procuratori, de dictis sexaginta solidis 
annui census annuatim solvendis, ut dictum est, ad dictum termi- 
num plenarie fuerit satisfactum, quod dicti abbas et conventus, 
seu eorum mandatum seu eorum procurator, capiant et capere 
possint, pro censu supradicto, et etiam amoveant et amovere pos- 
sint hostia dicte domus, et plenariam justitiam in dicta domo 
exerceant, ad usus et consuetudines Carnotenses. Item voluit 
idem magister et concessit et etiam consensit coram nobis, quod 
quotiescumque contigerit dictam domum vendi a dicto magistro, 
seu ejus heredibus, seu ejus successoribus, seu ab aliis quibus- 
cumque personis, quod dicti abbas et conventus seu eorum pro- 
curator seu mandatum eorum, vendas dicte domus habeant et 
percipiant et habere et percipere possint, sine aliqua contradic- 
tione ad usus et consuetudines supradictos ; promittens idem 
magister coram nobis quod dictam domum non obligabit de 
cetero, nec poterit obligare, nec dictam domum in manu mortua 
ponere... censum sexaginta solidorum singulis annis in vigilia 
dicte Assumptionis dictis... et etiam quantum ad omnia alia et 
singula premissa observanda dictus magister Petrus se et sua, 
ubique sint, fide media obligavit, et se quantum ad premissa 
jurisdictioni curie nostre supposuit, ubicumque domicilium 
suum transtulerit vel personam. Actum ad petitionem dicti ma- 
gistri Petri, quod ut firmum et stabile perseveret, nos ad petitio- 
nem ejusdem magistri Petri presentes litteras dedimus dictis 
abbati et conventui sigilli nostri munimine roboratas. Actum 
anno domini Mo CC: Le nono, mense junio. 


(Archives départementales de Loir-et-Cher. Original en parchemin lacéré au 
commencement et en plusieurs endroits). 








— 183 — 


IV 
De omeliari Haimonis et terra de Pinibus !. 


La comtesse Agnes achète l’homéliaire d'Haimon pour deux cents 
brebis, un muid de froment, un de seigle, un tiercet de millet, et 
quelques peaux de marte. | 

1049 


Domino suo abbati O. frater KR. orationes in Christo. Pater 
karissime, scire vos volumus quod codicem, de quo audivistis, 
precio magno à Martino, qui est modo presul, comitissa emit. 
Una vice libri causa C. oves illi dedit, altera vice, causa ipsius 
libri, unum modium frumenti et alterum sigalis et tercium de 
milio; iterum hac eadem causa C. oves; altera vice quasdam 
pelles martirinas. Cumque separavit se ? a comite, quatuor libra- 
tas ovium emendi causa ab illa accepit. Postquam autem requi- 
sivit denarios, ille conqueri cepit de libro, illa statim demisit illi 
quod sibi debebat, ut jam ulterius librum non requireret à. 


4 Cart. de la Trinité, no CXIX. — Baluze, 77, f. 314. — Decamps, 103, 
fo 131. — Mss. 13820, fo 332. 


2 La première séparation d’Agnès d'avec Geoffroy eut lieu en 1049, la 
seconde vers 1056. — Decamps écrit en marge : « Divortium Agnetis comitissæ. » 
L. Maitre qui cite cette charte dans son livre : Ecoles épiscopales monastiques 
du Moyen-Age l’attribue par erreur à Gricie, seconde femme de Geoffroy- 
Martel : « Ds Gricie, comtesse d'Anjou, voulut acheter les homélies 
d'Haimon d’Halberstad, elle les paya deux cents brebis, etc. » Cette charte 
a été citée encore par D. Rivet, VII, Hist. litt. de la France. 


3 Ici suivaient quelques lignes relatives à l’église des Pins, sous la date 
de 1045. 








NOTICE 


SUR L'HOSPICE DE COURVILLE 





Ce n’est pas d’un établissement de bien haute importance 
que je viens vous parler aujourd’hui. Peut-être aurais-je dû 
profiter de cet ancien adage De minimis non curat prætor ; 
mais je vous avouerai que cette maxime toute païenne m'a 
toujours parfaitement répugné : ne fût-ce que pour protester 
contre elle, j’aurais entrepris la notice dont je vais vous donner 
lecture. È 

D'ailleurs, dans les plus petites choses, en cherchant bien, 
on trouve des applications plus générales qui jettent une 
lumière nouvelle sur des faits beaucoup plus éclatants. Je n’en 
veux qu’un exemple tiré du fond même de mon sujet. Dans 
un compte de l’hôpital de Courville, on trouve cette mention : 
« Le 13 mai 1709, payé à la veuve Garnier 3 livres pour 
» son fils pour le voiage de Versailles pour estre touché du 
» Roy. » Tout le monde sait que la croyance populaire était 
que, le jour de son sacre, le roi de France recevait de Dieu 
le pouvoir de guérir les écrouelles! : aussi c'était par 
centaines que les malheureux malades, principalement les 


1 Ce don de guérison était attribué par les uns à la vertu du saint chrême, 
par les autres à l’intercession de saint Marcoul. Les reliques de ce saint abbé 
étaient conservées dans le prieuré de Corbeny, au diocèse de Laon. Suivant 
une ancienne coutume, le roi de France, après avoir été sacré à Reims, se 
rendait en pèlerinage à Corbeny; les moines allaient à sa rencontre, et lui 
remettaient entre les mains la tête de saint Marcoul qu'il portait lui-même jus- 
qu'à l'église et qu'il replaçait sur l’autel. Le lendemain, après avoir entendu la 
messe , 1l touchait le visage des malades en faisant sur eux le signe de la croix. 
A parüur de Louis XIV, les rois ne se rendirent plus à Corbeny, mais on appor- 
tait les reliques de saint Marcoul à l’abbaye de Saint-Remy de Reims dont 
dépendait le prieuré, et, après avoir commencé une neuvaine en l'honneur du 
saint, le Roi touchait les malades dans le jardin de l’abbaye. 





— 185 — 

enfants, se pressaient autour du Roi nouvellement sacré 
pour entendre résonner à leurs oreilles les mots sacra- 
mentels : le Roi te touche, Dieu te guérit. Mais ce que l’on 
ignore davantage, ce qui même a souvent été contesté, 
c’est la coutume qu'avait conservée Louis XIV de toucher les 
scrofuleux, au sortir de la sainte table, le jour de ses commu- 
nions. Dans les dernières années de sa vie, le grand Roi com- 
muniait régulièrement cinq fois par an, le samedi saint, le 
jour de Noël à la messe de minuit, la veille de la Pentecôte, 
la fête de l’Assomption et celle de la Toussaint. Ces habitudes 
étaient connues de toute la France, et, à chaque jour de 
communion, On ne manquait pas de voir arriver à Versailles 
cinquante ou soixante pauvres malades. Notre compte de 
Courville en fait foi : c’est pour la veille de la Pentecôte 1709 
que le petit Garnier se rendait à Versailles, et ainsi se trouve 
confirmée l’authenticité d’une coutume qu’on a trop souvent 
traitée d’anecdote. 

C’est l’histoire de l'hospice de Courville que je veux vous 
retracer. Ses archives ne sont pas considérables; elles ne 
comprennent que 29 pièces en parchemin et 47 en papier : 
mais ce petit nombre de titres suffit pour reconstituer presque 
sans lacune l'historique de l’Hôtel-Dieu depuis les temps les 
plus anciens jusqu’à la Révolution. 

Car l’Hôtel-Dieu de Courville remontait assurément -à une 
haute antiquité, peut-être au XIIe ou au XIIIe siècle. Son fon- 
dateur fut très probablement un membre de cette puissante 
famille de Vieuxpont, qui pendant de longues années posséda 
la châtellenie de Courville. Aussi les seigneurs de Courville 
réclamaient-ils l’honneur d’être les premiers administrateurs- 
nés de l’Hôtel-Dieu. En 1762, Pierre-Toussaint Charpentier, 
prieur de Saint-Nicolas de Courville, voulut contester cette 
prérogative au comte de l’Aubespine, alors possesseur du mar- 
quisat : la cause fut portée devant la Chambre des requêtes à 
Paris, et le prieur fut débouté de ses prétentions. 

Nous ne trouvons rien, il est vrai, sur ces premiers temps 
de l’existence de l’Hôtel-Dieu : il faut nous transporter jusqu’à 
la fin du XV: siècle pour voir mentionner dans les actes la 
Maison-Dieu de Courville; mais, à cette époque, l’établisse- 
ment charitable avait déjà plusieurs possessions qui lui prove- 
naient de donations antérieures. En 1491, Louis Dubois, maître 

T. X. M. 14 


— 186 — 
et administrateur de l’Hôtel-Dieu. donne à vie plusieurs 
planches sur la rivière d’Eure que l’Aumône possédait au 
quartier de la Bretonnerie, à Courville; en 1497, le même 
administrateur donne également à emphythéose un clos situé 
dans la rue Chalumeau, à Courville. 

La vie d’un établissement de charité est généralement assez 
calme ; loin de vouloir lui ravir ses propriétés, chacun cherche 
à les augmenter, et, pour qu’il survienne une phase nouvelle 
dans son existence, il faut que, parmi ceux qui sont chargés 
de l’administrer, il se rencontre un esprit brouillon qui, pour 
une cause quelconque, rancune ou amour de la nouveauté, 
tente de modifier ce que les siècles antérieurs avaient laissé. 

C’est ce qui arriva pour l’hospice de Courville vers le milieu 
du XVIIe siècle. Ses richesses s'étaient successivement accrues 
par les donations qui lui avaient été faites. Outre le clos de la 
rue Chalumeau, il possédait 80 perches de pré et 4 setiers de 
terre près le moulin de Genêté, 3 mines de terre sur les noues 
de Vessières, 3 autres mines au terroir des Pendus, 7 minots 
au terroir de la Have-Boult, paroisse de Chuisnes, 3 setiers sur 
Je chemin de Courville à Pontgouin, 5 livres 13 sous 3 deniers 
de cens et rentes sur des maisons et héritages à Courville, les 
dimes de Rozeux et de Vérigny et la moitié des dimes de 
Saint-Germain-le-Gaillard *. 

C’est ce qui résulte d’un aveu rendu en 1634 à François de 
Béthune, comte d’Orval et baron de Courville, par Martin 
Cantat, docteur en théologie de la Faculté de Paris, maître et 
administrateur de l’Hôtel et Maison-Dieu de Courville. Dans cet 
aveu Martin Cantat reconnait tenir du dit seigneur, outre les 
biens énumérés ci-dessus, « l’Hostel-Dieu et Maison de Courville, 
» qui se consiste en un corps de logis et bastiment, auquel v a 
» chapelle fondée en l’honneur de saint Gilles et saint Loup, 
» maison manable contenant plusieurs chambres basses et 


{ Par suite peut-être de la négligence des administrateurs, ou plutôt par 
crainte par eux d'entreprendre des procès toujours coûteux, l hospice perdit peu 
à peu een de ces possessions. Dès 1634, Martin Cantat reconnait 

que la Maison-Dieu ne jouit plus de la dîime de Vérigny et de celle de Saint- 
Éermain-te-Caillard. En 1:36, Pierre Gratien déclare que depuis longtemps 
l'Hôtel-Dieu n'est plus payé des 5 livres de rente qui lui sont dues et qu'il ne 
saurait dire sur quels héritages elles étaient assignées ; quant à la dime de 
Rozeux, le curé de Chuisnes s’en est emparé, et il faudrait un procès pour la 
recouvrer. 





— 187 — 
» hautes ou logis à retirer les pauvres et le gouverneur ou 
» gouvernante du dit Hostel et Maison-Dieu, scis et scitué en 
» ce lieu de Courville, en la grande rue du Mylieu!. » 

Tout allait bien jusque-là ; mais, cette même année, Martin 
Cantat résigna le prieuré-cure de Courville à Pierre Ménard, 
religieux de Sainte-Geneviève de Paris. Le nouveau prieur, 
pourvu en même temps de la chapellenie de Saint-Gilles et Saint- 
Loup, se trouvait par là même chargé de l'administration de 
l’'Hôtel-Dieu dont la chapelle faisait partie intégrante. Martin 
Cantat avait sans doute pensé conserver la haute main dans 
l'Hôtel-Dieu ; il fut irrité de se voir dépossédé, et il conçut alors 
Pidée de créer à côté de l’Hôtel-Dieu, comme cela existait à 
Chartres et ailleurs, un Bureau des pauvres indépendant. Par 
son testament de l’année 1644, « considérant la nécessité de 
» l’Hôtel-Dieu des pauvres, et que si peu de revenus qu’il a 
» n’est suffisant pour son entretien, » il donne « aux pauvres du 
» dit Hôtel-Dieu, et non à la chapelle prétendue Saint-Hubert ? 
» ou Saint-Gilles, » deux prés, l’un appelé le pré de la Boule, 
et l’autre le pré des Ponts-Neufs, dont le revenu sera adminis- 
tré « par deux honnestes bourgeois dudit Courville nommés 
» par le sieur prieur et les habitans dudit Courville, » à la 
charge de payer chaque année 12 livres au gardien des pauvres 
dudit Hôtel-Dieu $. 

Le nom de Bureau des pauvres n’était pas explicitement 
prononcé, mais c'était bien là ce qu’entendait Martin Cantat. 
D'ailleurs, quelques années après, cette nouvelle fondation reçut 
une formelle consécration. Par son testament du 3 juin 1650, 


4 Dans un autre aveu rendu en 1736 au marquis de Courville par Pierre 
Gratien, curé de UNE comme « chapelam de la chapelle de Saint-Gilles et 
» Saint-Loup de l'hôtel-Dieu de Courville, » nous trouvons l'ancien hôtel-Dieu 
ainsi désigné : « l'Hôtel et Maison-Dieu de Courville, qui se consiste en un corps 
» de logis et bâtiment dudit Hôtel-Dieu, auquel il ÿ a chapelle fondée en l'honneur 
» de saint Gilles et saint Loup, et la place de maison dudit Hôtel-Dieu, de 
» présent en jardin, situé en la ville de Courville’ en la rue du Milieu, d'un costé 
» au levant la ruelle tendant de la dite chapelle à la rue Haulte, d'autre costé 
» au couchant la rue tendant du moulin de Chareau à la porte de Pontgoin, d’un 
» bout au midy la rue du Milieu. » 


? C’est la seule fois que nous ayons vu la chapelle de l'Hôtel-Dieu désignée 
sous ce vocable. 


3 Ces 12 livres étaient en effet payées tous les ans à une sœur qui se chargeait 
du soin des malades. D'après le compte de 1710, nous voyons que la sœur avait 
alors son logement à l'Hôtel-Dieu ; elle se nommait Catherine Lhermitte. 





— 188 — 
Marie Brégent. veuve de Nicolas Héry, receveur du prieuré de 
Chuisnes, légua 1200 livres, « pour fonder une Charité pour 
» les pauvres honteux et malades de Courville...... dont le 
» revenu sera gouverné par deux dames élues entre les bour- 
» geoises dudit Courville par le prieur et les habitans dudit 
» lieu. » 

Le Bureau des pauvres était donc créé. Il prospéra rapide- 
ment, car c’est à lui, et non plus à l’Hôtel-Dieu, que furent 
faites les donations que nous voyons signalées pendant 1a der- 
nière moitié du XVIIe siècle ?. L'administration des deux 
établissements était distincte; mais noûs devons rendre justice 
au bon esprit des habitants de Courville : pendant de longues 
années aucune discussion ne survint pour la perception et Ja 
distribution des revenus; aucun différend ne s’éleva même 
parmi les bourgeois et les bourgeoises qui, aux termes des testa- 
ments de Martin Cantat et de Marie Brégent, avaient à la fois la 
direction du Bureau de Charité. 

Nous avons quelques comptes de la recette et de la dépense 
de la confrérie des pauvres de Courville, de 1674 à 1687 : ils 
sont rendus au prieur, aux deux bourgeois administrateurs et 
aux deux mères des pauvres *. Pendant deux années, du 1° 
juin 1674 au 1° mai 1676, la recette s’éleva à 788 livres 8 sous 
et la dépense à 488 livres 5 sous. 

C'était peu de chose; mais l’Hôtel-Dieu allait recevoir une 
notable augmentation de revenu, et les deux institutions, 
Bureau des pauvres et Hôtel-Dieu, ne tarderaient pas à se 
confondre. 


1 Le 23 novembre 1655, Marie Rocquette, veuve de Vincent Brégent, délivra 
« aux pauvres honteux et malades de la paroisse de Saint-Pierre et Saint-Nicolas 
» de Courville, » 5 quartiers de pré près le moulin de la Varenne, 18 minots 
de terre el une somme de 200 livres, pour tenir lieu de la somme de 1 200 livres 
léguéc par Marie Brégent, sa fille. 


2 En 1672, Nicolas Pierre, marchand à Courville, légua « à la Charité des 
» pauvres de Courville » la moitié de 44 perches ct demie de pré aux Gaudions, 
rès Courville, entre la rivière et la fausse rivière du moulin Brülé. — Eu 1680, 
icolas André, aussi marchand à Courville, lésua « au Bureau de Ja Chanté des 
» pauvres de Courville » un pré près les Ponts-Neufs, juxte le grand pré de la 
dite Charité. 


3 C'est ainsi qu’on nommait les deux dames qui, aux termes du testament de 
Marie Brégent, devaient administrer les deniers provenant du legs qu'elle avait 
fait. On les trouve parfois désignées sous l'appellation de « distributrices de 
» l'argent des pauvres de Courville. » 





— 189 — 

A côté des hôpitaux, destinés à recueillir les pèlerins et les 
malades, il avait été créé aux XIIe et XIIIe siècles des léprose- 
ries ou maladreries, consacrées au traitement de la lèpre et du 
feu de Saint-Antoine. Peu à peu ces deux affreuses maladies 
disparurent, et les revenus des maladreries ne servirent plus 
généralement qu’à entretenir la maison d’un commandataire 
qui jamais ne venait même visiter son bénéfice. Et pourtant si 
la lèpre et le mal des ardents n'existait plus, un autre fléau, la 
mendicité et le vagabondage, se développait de jour en jour et 
menaçait à tout instant la tranquillité de la société. Le pouvoir 
royal s’émut de cette situation : en l’année 1612, Louis XIII 
établit une commission de réforme des hôpitaux, dont un des 
premiers actes fut de proposer la suppression des maladreries 
et la réunion de leurs revenus aux hospices les plus voisins. 
La suppression fut adoptée en principe, mais ce ne fut pas, on 
le pense bien, sans de vives protestations des commandataires. 
Ils réussirent à faire trainer les choses en longueur. Le nombre 
des mendiants, accru par les troubles de la Fronde, augmentait 
tous les jours. Louis XIV songea à appliquer un remède à ce 
fléau. Par un édit de juin 1662, il ordonna d'établir dans 
chaque ville et gros bourg du royaume un hôpital pour les 
pauvres, malades, invalides et orphelins, « afin que chacun 
» nourrisse ses pauvres malades. » 

Ce n’était pas le tout d’avoir promulgué un édit, il fallait le 
faire exécuter. On pensa de nouveau aux biens des maladreries. 
Louvois, grand protecteur des ordres de Saint-Lazare et du 
Mont-Carmel, persuada au Roi de confier à ces hospitaliers 
l'exécution de l’édit de 1662. Louis XIV écouta son ministre, et 
des édits de 1664 et 1672, portant suppression des maladreries, 
donnèrent leurs biens aux ordres protégés par Louvois. Les 
chevaliers appliquèrent les revenus aux besoins de leurs 
maisons et s’inquiétèrent peu des nécessités des populations 
souffrantes. 

Des réclamations s’élevaient de toutes parts, mais les hospi- 
taliers de Saint-Lazare étaient si puissants! Enfin pourtant la 
vérité parvint entière aux oreilles de Louis XIV : il n’hésita 
pas, et un édit général de 1692 enleva tout-à-coup à l’ordre 
de Saint-Lazare les revenus des maladreries qu'il s'était at- 
tribués. 

Or Courville, comme tous les bourgs un peu importants, 


— 190 — 

avait possédé une maladrerie, dont les revenus se montaient à 
plus de 500 livres, et dont la chapelle, fort délabrée, il est vrai, 
depuisles commandataires, recevait cependant encore de nom- 
breux fidèles, principalement au jour de la fête de sainte Marie- 
Madeleine, à qui elle était consacrée. Des lettres patentes de 
Louis XIV, de l’année 1696, réunirent à l’Hôtel-Dieu de 
Courville « les biens et revenus de la maladrerie et chapelle de 
» la Madeleine du dit Courville, pour le dit revenu être em- 
» ployé à la nourriture et entretien des pauvres malades dudit 
» Hôtel-Dieu.» Les chevaliers de Saint-Lazare ne paraissent pas 
avoir jamais pris possession de la maladrerie de la Madeleine : 
il n’y eut donc pas de difficulté pour l’exécution des lettres 
patentes de 1696, et l’Hôtel-Dieu entra paisiblement en jouis- 
sance des nouveaux revenus qui lui étaient accordés. 

Ses ressources furent plus que doublées. D’après un mémoire 
des revenus et des charges de la maison, dressé vers le milieu 
du XVIIIe siècle, nous voyons que les revenus montaient à 
829 livres 15 sous ! et que les charges ordinaires étaient de 
60 livres 10 sous, savoir %5 livres au prieur de Courviile pour 
l’acquit des fondations, 5 livres au vicaire et 5 livres à l’abbé 
de Saint-Roch ? pour les messes célébrées à la chapelle 
de la Madeleine, 11 livres aux deux bedeaux de Saint-Nicolas, 
10 livres aux bénédictins de Caen et 4 livres 10 sous à l’abbé 
de Saint-Cheron * pour les cens et rentes dus sur les proprié- 
tés de la Maison - Dieu. C’étaient là les dépenses fixes, mais il 
va sans dire que ce n'étaient pas les plus considérables. La 
plus grande partie des revenus était consacrée à secourir des 
malades en ville; puis il y avait le paiement de la gouvernante, 


1 Dans ce chiffre ne sont pas compris les droits que percevait l'Hôtel-Dieu, 
le jour de la Madeleine, pour la foire et assemblée qui se tenait ledit jour « près 
» et à l’entour de la chapelle. » 


2 L'abbé de Saint-Roch était le prêtre chargé d'acquitter les fondations de la 
confrérie de Saint-Roch et Saint-Sébastien érigée en l'église de Saint-Nicolas de 
Courville. Cette confrérie était assez riche ; elle avait environ 500 livres de re- 
venu, et elle possédait en propre une maison dite « la maison de Saint-Roch, » 
où les confrères tenaient leurs réunions. 


8 Cette redevance de 4 livres 10 sous était payée à l'abbé de Saint-Cheron pour 
le bâtiment même de l’Hôtel-Dieu, qu'on appelait « le grand Hôtel-Dieu, » 
our le distinguer de l’ancien Hôtel-Dieu, alors transformé en jardin et situé près 
a chapelle de Saint-Gilles. Les administrateurs de l’Hôtel-Dieu avaient acquis le 
nouveau bâtiment de Pierre Sagot : il était situé « rue de Saint-Gilles, qui des- 
» cend de la porte de Pontgouin à la chapelle de Saint-Gilles. » 





— 191 — 
les réparations au mobilier ! et aux bâtiments ?, l'achat de 
toile pour ensevelir les morts, l’ouverture des fosses, etc. 

La réunion de la Maladrerie à l’Hôtel-Dieu fut suivie peu 
d'années après de la réunion du Bureau des pauvres. Nous 
n’avons pas de titre qui établisse d’une manière formelle 
l’époque précise où s’accomplit cette réunion; mais, à partir 
des premières années du XVIIIe siècle, dans les baux, dans les 
aveux, il n’est plus question du Bureau des pauvres : tous les 
actes sont faits au nom de l’Hôtel-Dieu seul. Les mères des 
pauvres ont disparu; il ne reste plus que les deux bourgeois 
administrateurs. Il y eut sans doute une transaction : en retour 
des biens que le Bureau lui abandonnaiït, l’Hôtel-Dieu s’engagea 
à entretenir dans l’église de Saint-Nicolas une confrérie du 
Saint-Nom-de-Jésus, à laquelle présidaient les deux dames éta- 
blies par le testament de Marie Brégent ?. 

Rien ne semblait plus devoir troubler l’existence de la Mai- 
son-Dieu. Ses revenus suffisaient largement à ses dépenses, et 
il trouvait le moyen d’aider les habitants de Courville dans les 
fondations qui pouvaient contribuer au bien-être de la ville. 
Ainsi, en 1734, on fit venir à Courville un maître d’école, Jacques 
Lavoye, pour enseigner gratuitement les enfants pauvres, et, 
« comme les gages accordés au dit maitre d’école sur les deniers 
» d’octroy n'étaient pas suffisants, » en 1736, les administra- 
teurs de l’hôpital consentirent à lui payer chaque année 20 
livres sur les revenus de l’Hôtel-Dieu. 


1 En 1675, on paya à Mme Desportes 24 livres 10 sous « pour la toille propre 
» à faire des rideaux aux lits des malades. » 


3 En 1709, les réparations du grand-Hôtel-Dieu coûtent 28 livres 44 sous. 
Mais, au chapitre des réparations, c'était surtout l'entretien de la chapelle de la 
Madeleine qui était la grosse dépense. Les chapelains commandataires avaient 
eu peu de souci de la conservation d'une chapelle où ils n’apparaissaient jamais ; 
elle devait donc être en assez mauvais état lorsqu'elle passa entre les mains des 
administrateurs de l’Hôtel-Dieu : aussi voyons-nous chaque année des sommes 
assez importantes consacrées aux réparations des murs et de la toiture. Enfin, au 
mois de mai 1757, Pierre Dubuisson, receveur de l'hôpital, fit entreprendre une 
restauration complète : celle-ci fut faite par Mauguin, menuisier à Courville. 


3 Une note que nous transenivons intégralement vient confirmer cette pré- 
somption: « Le tableau qui est à la chapelle du Saint-Nom-de-Jésus dans l’église 
» de Saint-Nicolas, où l'on acquitte à la décharge de l'Hôtel-Dieu les fonda- 
» tions et services du Saint-Nom-de- Jésus le EE et le lendemain pour les 
» deffunts bienfaiteurs, vient des deniers de l’Hôtel-Dieu, présenté par Pierre 
» D receveur du dit hôpital le 4 janvier 1757, peint à Paris par Claude 
» Bornet. » 





— 192 — 


Mais il existe toujours des esprits inquiets, qui cherchent 
dans la nouveauté le mieux qui souvent est ennemi du bien. 
En 1741, on voulut changer l’administration de l’hospice. Nous 
ne pouvons mieux faire d’ailleurs que de rapporter les termes 
mêmes de la délibération prise par les habitants de Courville 
en assemblée générale. « Sur l’avis que quelques particuliers 
» dudit Courville, au préjudice de la réunion des testaments 
» et donations faites de biens au proffit de l’Hostel-Dieu du dit 
» Courville pour le soulagement des pauvres du dit lieu, et de 
» l'intention des bienfaiteurs du dit Hostel-Dieu que les 
» dits biens seroient gérez sous les yeux du sieur prieur du dit 
» Courville par deux des principaux et notables habitans du 
» dit lieu, ce qui a esté exécutté jusqu’à présent, voulloient 
» donner atteinte à ces dispositions en demandant des filles 
» que l’on nomme Sabottières ! pour entrer au dit Hostel-Dieu, 
» sous prétexte de gouverner les malades qui y seront et 
» d’instruire la jeunesse, et par ce moyen d’expulser Jacques 
» Lavoye, maître d’écolle au dit Courville, » les habitants ont, 
d’une voix unanime, déclaré qu'ils s’opposaient à l’introduc- 
tion des filles Sabottières à l’Hôtel-Dieu. Devant cette décla- 
ration si formelle, il ne fut pas donné suite à ce projet. 

Les administrateurs de l’hospice devaient avoir encore une 
autre querelle, cette fois avec le chapelain de Saint-Gilles et 
Saint-Loup, qui avait déjà autrefois si fort excité le courroux 
de Martin Cantat. C’était, comme nous l’avons vu, sur l’em- 
placement même de l’ancien Hôtel-Dieu et assurément pour 
lui servir d'oratoire qu'avait été construite la chapelle de 
Saint-Gilles. A la suite du dissentiment entre Martin Cantat et 
Pierre Ménard, le Bureau des pauvres s'étant en quelque sorte 
substitué à.l’Hôtel-Dieu, les anciens bâtiments avaient été 
abandonnés; on les avait démolis et convertis en jardin et 


1 C’est à Pierre Nicole que les sœurs Sabottières doivent leur origine. Par 
acte du 16 mars 1692, il donna 4000 livres, quelques terres et une maison à 
Alluyes pour « établir à Chartres une communauté de régentes pour l'instruction 
» des pauvres.» lnstallées dans le faubourg Saint-Maurice, dans une maison qui 
avait eu pour enseigne le Sabot, elles reçurent de là le surnom de Sabottières 
ou sœurs Sabottes. Leur institut se développa rapidement : à l'instruction des 
pauvres, elles joignirent le soin des malades. Malgré l'opposition qu'elles rencon- 
trèrent de la part des administrations, et en particulier des échevins de Chartres, 
elles obtinrent du Roi des lettres-patentes reconnaissant leur congrégation. Ce 
fut l’origine de la communauté de Saint-Paul, aujourd’hui si florissante. 








— 193 — 

écuries : le chapelain de Saint-Gilles en jouissait, mais l’Hôtel- 
Dieu en prétendait la propriété. Or, en 1762, Jacques-François 
Mahé, vicaire de Courville, titulaire de la chapelle de Saint- 
Gilles, se présenta devant les administrateurs et leur remontra 
« que, depuis peu, il a trouvé les titres de propriété des biens 
» appartenant à la dite chapelle de Saint-Gilles, que jusque-là 
» 1l avoit seullement appris des plus anciens habitans que la 
» petite maison ‘ et jardin joignant la prison qui est adaptée à 
» la dite chapelle de Saint-Gilles, dont l’Hôtel-Dieu est en 
» possession depuis longtems, dépendoit de son dit bénéfice, et 
» que, par l’examen qu'il a fait de ses titres, il a reconnu que 
» le tout luy appartient réellement; » et, à l’appui de ses 
prétentions, le sieur Mahé offrait de produire ses titres et 
menaçait de porter l’affaire devant la Chambre des requêtes à 
Paris. 

Les administrateurs aussitôt convoquèrent une assemblée 
générale des habitants, et là il fut décidé que lHôtel-Dieu et le 
chapelain de Saint-Gilles apporteraient, chacun de leur côté, 
leurs titres de propriété, et que l’examen de ces titres serait 
confié au sieur Girault, notaire royal à Courville. Les titres de 
l’Hôtel-Dieu étaient jusqu'alors restés entre les mains du 
prieur de Courville; les administrateurs demandèrent qu’ils 
leur fussent remis, et un inventaire contradictoire en fut dressé. 
Cet inventaire existe encore aux Archives de l’hospice: il ne 
fait mention d’aucunes autres pièces * que de celles qui sont 
aujourd’hui conservées à Courville; mais l’examen de ‘ces 
pièces suffit sans doute au notaire pour rendre sa décision. 
Nous n’en avons pas la teneur, toutefois elle fut certainement 
favorable à l’Hôtel-Dieu, car jusqu’à la Révolution cet éta- 
blissement demeura en possession de l’immeuble qui lui était 
contesté, | 

Vous avez sans doute trouvé un peu longue l’histoire de cet 


1 La maison n'existait plus depuis longtemps : nous avons vu, par l’aveu de 
Pierre Gratien, en 1736, qu'elle était dès lors en jardin. Un autre acte de 1754 
dit « qu'elle étoit réduite en étrizes, étable et écuries. » 


2 Nous devons pourtant mentionner un titre de rente de 100 sous constitué 
en 1698 par Catherine Hémery, veuve de Jean Vigneron, lequel titre fut remis 
à Marie-Elisabeth Vigueron lorsqu'elle remboursa cette rente en 1769, et aussi 
G comptes de recettes et dépenses de 1681 à 1698, rendus par les dames 
trésorières de la Charité des pauvres honteux : ces comptes n'existent plus 
aujourd'hui. 

T. X. H. 15 








— 194 — 

hospice, d’une importance secondaire, je l’avoue; mais j'ai 
voulu la faire aussi complète que possible. C’est en petit l’his- 
toire des maisons charitables les plus considérables. Hôtel- 
Dieu, Bureau des pauvres, Maladrerie, la ville de Courville 
posséda ces trois établissements, qui finirent par se confondre. 
Plus heureux que beaucoup d’autres hôpitaux, l’hospice de 
Courville n’eut jamais de longs et coùteux procès à soutenir : 
il doit cette bonne fortune à la sagesse de ses administrateurs, 
mais aussi à l'esprit de conciliation dont les habitants de 
Courville ne cessèrent de donner des preuves. 


Lucien MERLET. 
15 Mars 1892. 








NOTICE 


SUR L'HOPITAL D'ILLIERS 


Nous n’avons pas de titres anciens concernant l’Hôtel-Dieu 
d’Illiers ; mais nous pouvons affirmer qu’il remontait à une 
assez haute antiquité et qu’il avait été fondé par les seigneurs 
d’Illiers : c’est ce qui ressortira des faits que nous allons 
exposer. 

Les documents les plus anciens que nous trouvions ne sont 
pas antérieurs au XVIIe siècle, mais ils nous prouvent que 
l’'Hôtel-Dieu d’Illiers existait bien avant cette époque : ce n’est 
pas à sa fondation que nous assistons alors, c’est à sa ruine et 
à son anéantissement. En 1630, il vivait encore, car divers 
particuliers lui passent des reconnaissances pour des cens à 
lui dus sur des maisons de la rue de Chartres. En 1640 au 
contraire, un papier censif du marquisat d’Illiers nous apprend 
que la censive de l’Hôtel-Dieu s'étendant sur toute la rue et le 
faubourg de Chartres a été réunie au marquisat d’Illiers. 

Quelle était la cause qui avait déterminé le seigneur d’Illiers 
à supprimer, de son autorité privée, l’Hôtel-Dieu dont il était . 
patron et fondateur? Sans doute l'insuffisance des revenus, 
qui ne permettaient pas d'entretenir un bâtiment tombant pro- 
bablement en ruine. Mais si l’on ne pouvait conserver un local 
pour recevoir les malades et les pauvres, on devait consacrer 
les revenus que possédait l’Hôtel-Dieu au soulagement en ville 


1 Le 24 novembre 1633, Mme la marquise d'Illiers, « comme ayant le droit 
» de commettre à l'administration de l’Hôtel-Dieu, » donne à bail une maison 
et jardin en la rue des Aumônes. 





— 196 — 


des nécessiteux et des infirmes. C’est bien ce que pensait la 
marquise douairière d’Illiers, Françoise de Schomberg". 
Sous son inspiration, une confrérie de la charité du Saint-Nom- 
de-Jésus fut établie en l’église de Saint-Jacques d’Illiers « pour 
» le bien et soulagement des pauvres malades de la ville, ? » 
et Mne de Schomberg, en 1644, « comme patronne et fonda- 
» trice de l’Hôtel-Dieu, » donna à la nouvelle confrérie les 
cens et rentes « qui étoient dus pour raison du domaine de la 
» Maison-Dieu d’Illiers *. » 

Les choses allèrent ainsi pendant un demi-siècle : la confrérie 
de la Charité prospérait ; le nombre de ses membres avait suc- 
cessivement augmenté, et une donation considérable était 
venue presque doubler ses ressources. Par son testament 
du 12 août 1687, Jean Jullien, curé de Blandainville, avait 
légué « aux pauvres du bourg d’Illiers, en propriété » une 
terre et métairie sise à Heaume-Fontaine, paroisse de Blan- 
dainville, « consistant en plusieurs bastimens, comme maison 
» à demeurer, greniers, estables, granges, bergeries, cour, 
» jardins, avec la quantité de 72 septiers de terre labourable. » 
La propriété était assez importante puisque, pour les droits 
d'amortissement et de nouvel-acquêt, la confrérie fut taxée à 
4305 livres 11 sous 3 deniers. On eut quelque peine à réunir 
une aussi grosse somme, mais on y parvint cependant à l’aide 
de plusieurs confrères généreux, et les 330 livres que rappor- 
taient par an les terres de Heaume-Fontaine permirent 


1 Françoise de Schomberg, comtesse et douairière du Lude, marquise 
d'Illiers, baronne du Chêne-Doré, dame de Briançon et de plusieurs autres 
seigneuries, fut inhumée au Lude, le jeudi 13 juillet 1651. 


? Les revenus de l'Hôtel-Dieu étaient depuis plusieurs années considérés 
comme tout-à-fait insuffisants. Dès l’année 1637, une confrérie de Saint-Denis 
s'était formée dans l’église de Saint-Jacques « pour subvenir à l’extresme néces- 
> sité et misère des pauvres compagnons sergers et autres nécessileux qui 
» demeurent malades à Illiers. » C’est en 1641 que la confrérie du Saint-Nom- 
de-Jésus fut établie par l'évèque de Chartres, « pour le gouvernement des 
» pauvres honteux et malades : » cette confrérie fut confirmée en 1642 par la 
marquise d'Illiers. Elle ne pen alors que 32 livres 1 sou de rente : c'était 


le curé de Saint-Jacques, directeur de la confrérie, qui était seul chargé de à 
distribution des secours. 


3 Le 23 juin 1646, les confrères du Saint-Nom-de-Jésus rendent aveu à 
Timoléon de Daillon, marquis d'Illiers, pour des cens et rentes, rue des 
Fumiers et rue de Chartres, « provenant de l’ancien Hôtel-Dieu qu est 
» tombé en ruines. » 





— 197 — 
d'augmenter notablement les aumônes distribuées par la 
confrérie. 

Mais ces secours à domicile étaient insuffisants : bien des 
malades mouraient faute de soins ; des vagabonds infirmes ne 
pouvaient plus continuer leur route et périssaient sans asile 
sur la voie publique. Illiers était plus déshérité que bien 
d’autres villes moins importantes par leur population et leur 
industrie. Et il n’aurait pas dû en être ainsi. 

Il existait en effet à Illiers, depuis un temps immémorial !, 
une maladrerie dite de Saint-Barthélemy, dont les revenus, 
d’une certaine importance*, avaient depuis longtemps été 
détournés de leur affectation charitable. Le 22 avril 1667, Henri 
Goault, doyen de Notre-Dame de Chartres, avait été pourvu par 
le grand-archidiacre de la chapelle et léproserie de Saint-Bar- 
thélemy d’Illiers. Il jouissait tranquillement des 600 livres de 
rente que lui rapportait bon an mal an son bénéfice, se conten- 
tant d’y venir dire la messe le 24 août, jour de la fête du 
patron, lorsque l’édit de décembre 1672 vint réunir les mala- 
dreries à l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint- 
Lazare. Goault voulut faire quelque résistance, mais un arrêt 
de la Chambre royale du 10 décembre 1674 le condamna à se 


Le titre le plus ancien que nous ayons rencontré sur la maladrerie d'Illiers 
est un acte du 4° avril 4410 par lequel Jacques de la Renaudie, « chapelain 
« de la chapellenie, maistre ou proviseur de la maison et léproserie d’illiers, » 
résigne son bénéfice en faveur de Jean Cornac. Un papier terrier de 1554 men- 
tionne les reconnaissances passées à Pascal Duhamel, chapelain de Sant- 
Barthélemy, pour les cens et rentes dus audit chapelain sur les maisons situées 
en la rue de la Maladrerie. Le 30 avril 1580, nous avons la résignation de 
Martin Gaucher. En 1623, Pierre Pasquier, sieur de Malidor, chapelan de 
Saint-Barthélemy, fait aveu au marquisat d’Illiers. Enfin, en 1663, on trouve 
les ne d'un procès entre ce même Pierre Pasquier, alors grand-archidiacre 
d’Alby, et Lambert du Frou, l’un des gardes du Roi, pour la jouissance de la 
maladrerie. 


2 Au moment de la réunion de la maladrerie à l’ordre de Saint-Lazare, les 
biens de la chapelle de Saint-Barthélemy consistaient en : 8 setiers 3 minots 
de terre labourable, paroisses de Saint-Jacques et de Saint-Hilaire d'Illiers, le 
pré des Images contenant 4 arpents à Bréhainville, 3 minots en pâture près le 
gué de Nouvet, 5 setiers de terre paroisse de Méréglise, 8 setiers À minot 

aroisse de Blandainville (le tout loué 365 livres en 1743); plus 6 setiers de 
lé de rente sur la métairie de Rozay-au-Val ; plus 3 livres 8 sous 9 deniers 
de cens et rentes sur des maisons et jardins rue de la Maladrerie; plus un 
droit de dime sur plusieurs héritages, faubourg Saint-Barthélemy et paroisse 
Saint-Jacques ; plus enfin des droits de foire, coutumes, péage, tributs, travers, 
les jours de la Saint Barthélemy et de la Saint Jacques en juillet (estimés 20 
livres). 


— 198 — 
départir au profit de l’ordre de la possession et jouissance de 
la maladrerie de Saint-Barthélemy. Il fallut céder, mais, fai- 
sant contre fortune bon cœur, le doyen Goault consentit à 
rester chapelain de Saint-Barthélemy, moyennant 100 livres 
par an à prendre sur les revenus de la maladrerie. 

Il n’était pas question des pauvres ni des malades dans tous 
ces arrangements particuliers. Louis XIV, comme nous l’avons 
déjà dit ailleurs, finit par ouvrir les yeux devant les plaintes 
réitérées des populations souffrantes. L’édit de mars 1693 dé- 
sunit les maladreries de l’ordre de Saint-Lazare et les rendit 
à leurs anciens propriétaires. Goault fut un des premiers à 
réclamer, et en effet un arrêt du Conseil privé du Roi du 
4 décembre 1693 le renvoya en possession de son bénéfice ; 
mais ce ne fut pas pour longtemps. Il mourut en 1694, et 
le bénéfice de Saint-Barthélemy était vacant lorsque, par des 
lettres-patentes de décembre 1696, Louis XIV ordonna « qu'il 
» seroit étably un hopital des pauvres malades au bourg 
» d'Illiers, auquel seront unys les biens et revenus de la ma- 
» ladrerie et chapelle de Saint-Barthélemy du dit Illiers, pour 
» estre les dits revenus employés à la nourriture et entretien 
» des pauvres malades qui seront receus audit hopital. » 

L'Hôtel-Dieu était donc de nouveau créé; mais il fallait le 
faire fonctionner. Les nouveaux administrateurs nommés par 
les habitants entrèrent assez facilement en jouissance des biens 
de la maladrerie qui étaient en déport depuis la mort d'Henri 
Goault ; mais ils réclamèrent aussi les biens et les rentes dont 
jouissait la confrérie du Saint-Nom-de-Jésus au nom de l’ancien 
Hôtel-Dieu, et il fallut plusieurs années de contestations pour 
qu’enfin, sur l'intervention du marquis d’Illiers, la métairie 
de Heaume-Fontaine fût remise entre leurs mains. 

Et puis, il fallait trouver un local pour recevoir les malades. 
Ce ne fut qu’en 1712 que Jean - Baptiste Loiselay, curé de 
Saint-Hilaire d’Illiers, agissant au nom de l’Hôtel-Dieu, 
acquit de Louise de Pelard, veuve de Charles de Reviers, sei- 
gneur des Hayes, moyennant la somme de 900 livres, « une 
» maison à demeurer, consistant en plusieurs chambres basses, 
» greniers, Cave, écurie et autres bâtimens couverts de tuiles, 
» porte cochère, cour et jardin, sise rue du Gué-Bellerin, 
» paroisse de Saint - Jacques d’Illiers. » On s’occupa aussitôt 
d'aménager cette maison : on établit dans le bas deux chambres 





— 199 — 


pour les malades, une pour les femmes avec deux lits, une 
autre pour les hommes avec deux lits également; à côté on 
installa une troisième chambre pour la gouvernante des ma- 
lades. Puis, comme on n’avait pas besoin des greniers et des 
écuries, on les donna à bail à des particuliers. 

Cette organisation subsista jusqu’à la Révolution. Les dons 
faits pendant le XVIIIe siècle à l’Hôtel-Dieu! servirent à 
accroître les secours distribués à domicile*®, mais le nombre 
des lits ne fut pas augmenté, et pourtant il n’était pas en rap- 
port avec la population assez considérable de la ville d’Illiers, 
d’autant que, sur l’ordre de l’intendant d’Orléans, on devait 
recevoir à l’Hôtel - Dieu les soldats malades des régiments qui 
passaient ou faisaient séjour à Illiers ?. Quand tous les lits 
étaient occupés et qu'il se présentait un cas trop pressant, on 
avait recours aux hôpitaux voisins. Ainsi nous voyons qu’en 
1747 on paya 22 sous à une messagère « pour conduire sur un 
» asne à l’Hostel- Dieu de Brou la Vaugoux, pauvre fille de la 
» paroisse de Saint-Hilaire d’Illiers, malade de la fièvre, et qui 
» ne peut entrer en l’Hostel-Dieu parce que les lits des femmes 
» sont remplis. » 

On avait cependant tenté de parer à cette insuffisance des 
lits. Par un règlement de 1749, on avait décidé qu’on ne 


# Parmi ces dons, nous mentionnerons, en 1698, la constitution d’une 
rente de 32 livres 40 sous faite en faveur de l'Hôtel-Dieu par Étiennette Aubry, 
veuve d'André André, serger; le 21 octobre 1701, le legs de 3 minots de terre 
à Vieuvicq fait par François Biet; en 1719, une somme de 900 livres donnée 

ar Pierre Jumeau, curé de Flacey. Le 5 décembre 1731, Pierre Aubry, serger, 
aissa à l’Hôtel-Dieu par son testament 15 livres de rente; le 13 juillet 1739, 
Catherine Monceau institua le même établissement son légataire universel; le 
31 décembre 1740, Jean-Baptiste Loiselay lui légua « tous ses meubles et effets 
» mobiliers, argent monnoyé, dettes et créances mobiliaires, » ce qui, toutes 
dépenses faites, s’éleva à la somme de 4361 livres 5 sous 9 deniers. 


2 Ce n’était pas d’ailleurs l'Hôtel-Dieu seul qui distribuait ces secours à domi- 
cile. Il y avait plusieurs confréries établies dans les deux éghses d'Illiers, et les 
sommes qu'elles avaient à leur disposition étaient assez considérables. Nous n’en 
citerons qu'un exemple : en 1770, une personne charitable qui voulut garder 
l'anonyme constitua au profit des pauvres de la paroisse de Saint-Jacques d'Ilhers 
une rente héréditaire de 200 livres. Cette rente était convertie en pains qui, 
par les soins de la confrérie de la Charité de l’église de Saint-Jacques, étaient 
distribués à environ 650 pauvres, tant hommes que femmes et enfants. 


3 En 1741 et 1742, l'Hôtel - Dieu reçut 1 soldat du bataillon de Nantes, 
9 du bataillon de Tours, 1 du bataillon de Saint - Maixent, 1 du régiment du 
Perche, 3 du régiment de Mailly dragons. Le prix de la journée était de 3 sous. 


— 200 — 


recevrait à l’avenir aucun malade étranger ; qu’on n’admettrait 
plus aucun malade sans fièvre, ni aucune personne attaquée 
de maladie incurable comme paralysie, pulmonie, hydropisie, 
petite vérole déclarée, galle, teigne, ni aucune femme prête à 
accoucher. Mais en même temps on déclarait qu'il ne serait 
plus donné d’argent aux pauvres malades qui, par vanité, ne 
voudraient point entrer à l’Hôtel-Dieu. 

Le seul changement qui survint fut dans l’administration 
intérieure. À la gouvernante laïque on substitua dès 1720 deux 
sœurs Sabottières ou sœurs de Saint-Maurice, dont l'institut 
venait d’être récemment créé à Chartres. On leur assigna pour 
leur nourriture et leur entretien 40 livres et 4 setiers de blé 
froment par an : en 1749, on augmenta de 20 livres ces 
appointements ; mais les sœurs ne pouvaient encore, avec une 
si modeste somme, faire face à tous leurs besoins. Elles 
s'étaient chargées de l’instruction de la jeunesse pauvre des 
deux paroisses de la ville, et, en 1752, elles appuyèrent sur 
ces services par elles rendus une demande de supplément de 
traitement. Une assemblée générale des habitants d’Illiers fut 
convoquée pour statuer sur cette réclamation, et, dans cette 
assemblée, on remontra que les revenus de l’Hôtel-Dieu 
n'étaient que de 789 livres, sur lesquelles on payait les répa- 
rations de l’Hôtel-Dieu et de la chapelle Saint-Barthélemy, on 
concourait à l'entretien du chœur de l’église de Saint-Jacques, 
on entretenait quatre lits continuellement occupés ; que d’ail- 
leurs le revenu de l'Hôtel - Dieu n’avait point été destiné pour 
l'instruction de la jeunesse, mais bien pour le gouvernement 
des malades : partant, qu’on ne pouvait faire droit à la de- 
mande des sœurs; pourtant qu’on s’en remettait à l’avis de 
Mer l’évèque de Chartres et de Mme la comtesse de Watteville, 
fondatrice dudit hôpital. 

On écrivit en effet à ce sujet à Mer de Fleury, alors évêque, 
et nous avons la lettre autographe qu'il répondit aux adminis- 
trateurs de l’Hôtel-Dieu, le 10 mars 1753 : « J’ai écrit à Mme la 
» comtesse de Watteville pour savoir son intention au sujet 
de laugimentation des deux sœurs de Saint-Maurice, mai- 
tresses d'école, gouvernantes des pauvres malades de votre 
Hostel-Dieu. La réponse de Mn de Watteville a été qu’elle 
» me laissait entièrement le maître de cette affaire. La modicité 
» du revenu de vosire Hostel - Dieu m'a empêché pendant 


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— 201 — 

quelque temps de conclure à luy donner une nouvelle 
charge: cependant j’ay été encore plus frappé du peu de 
revenu des deux sœurs puisqu'elles n’ont pour nourriture et 
entretien que 4 septiers de bled et 60 livres d’argent. On est 
d’ailleurs content d'elles pour l’économie, le soin des ma- 
lades et l’instruction des enfans. Ainsi mon sentiment est de 
leur accorder les 40 livres par chaquun an qu’elles deman- 
dent d'augmentation. » 

Le traitement des sœurs fut donc porté à 100 livres en 1753, 
puis élevé à 150 livres en 1784; mais elles eurent plus d’une 
tribulation à endurer. Ainsi, en 1787, une personne, qui voulut 
garder l’anonyme, offrit de donner à l'Hôtel - Dieu une somme 
de 6000 livres, à la condition que les petites écoles qui se tien- 
nent en cette maison par les sœurs de Saint-Maurice seraient 
fermées et qu’on en établirait d’autres tenues par des personnes 
laïques. Plusieurs assemblées eurent lieu à ce sujet, mais enfin 
le Bureau d’administration décida qu’il ne serait tenu aucun 
compte de cette proposition. 

À côté des sœurs était le chirurgien, dont nous voyons le 
traitement de 12 livres en 1749, élevé à 18 livres en 1784, à 36 
livres en 1789, à 50 livres en 1792. Nul ne pouvait être admis 
à l’Hôtel-Dieu sans un billet d’un des administrateurs, vu par 
le chirurgien qui devait attester que le malade n'était atteint 
d’aucune des maladies prohibées par les règlements. Les curés 
des deux paroisses de Saint-Jacques et de Saint-Hilaire s’étaient 
peu à peu arrogé le droit de délivrer seuls les billets d’entrée : 
ce fut, en 1765, l’origine d’un procès entre eux et le procureur- 
fiscal, qui, comme représentant le seigneur d’Illiers, pré- 
tendait avoir le droit de faire admettre les malades aux lits 
vacants. 

Au reste, le paiement des sœurs et du chirurgien n’était pas 
une des plus grosses dépenses de l’Hôtel-Dieu. Outre l’entre- 
tien des lits et la distribution des secours à domicile, il v avait 
les réparations, et en particulier celles de la chapelle de Saint- 
Barthélemy, qui pesaient lourdement sur le budget de l’hos- 
pice. En 1730, on entreprit une restauration complète de la 
chapelle. On fit, moyennant 140 livres, l’acquisition d’un autel 
neuf, et on conclut un marché avec Pierre Douav, peintre à 
Paris, rue Beaubourg près la rue Geoffroy l’Angevin, pour 
lPembellissement du sanctuaire. Moyennant 45 livres, Pierre 


5 YYTEYYS VU Ty 


— 202 — 

Douay s’engageait à « faire et fournir un tableau où est repré- 
» senté Notre-Seigneur qui appelle à luy les malades et les petits 
» enfants, en couleur fine; raccommoder les trois figures qui 
» sont dans la chapelle, sçavoir l’image de la Vierge, l’image 
» de saint Barthélemv et l’image de saint Mammès; mettre les 
» draperies en beau blanc de plomb d’albâtre et aux extrémités 
» de la draperie un fil d’or d’un pouce de largeur, et la cein- 
» ture de saint Mammès d’or, la couronne de la sainte Vierge 
» d’or toute, sur les rubis de laquelle couronne seront mises les 
» couleurs convenables, et les visages et les mains en chair 
» ainsi que l’enfant Jésus. » 

Nous citerons encore, parmi les dépenses ordinaires, l’en- 
tretien du chœur de l’église de Saint-Jacques d’Illiers, auquel 
l'Hôtel - Dieu devait participer pour un tiers, comme étant aux 
droits de la confrérie du Saint-Nom-de-Jésus. 

Puis venaient les dépenses extraordinaires. Ainsi, en 1771, 
à la suite d’une mission prêchée dans l’église de Saint-Jacques 
par le P. Honoré Bigeault, religieux récollet, on planta solen- 
nellement une croix sur la place du Bestial. Les administra- 
teurs de l’Hôtel-Dieu durent participer aux dépenses occasion- 
nées par la mission et l’achat de la croix. Les détails de la 
cérémonie qui termina la prédication nous paraissent d’ailleurs 
assez intéressants pour que nous croyions devoir les repro- 
duire : « Le dimanche 23 mars 1777, après les vêpres, le curé 
» de Saint-Jacques d’Illiers, accompagné de son clergé et de 
celui de Saint-Hilaire de cette ville, a fait la bénédiction 
ordinaire d’une croix, qui a ensuite été portée procession- 
nellement à la place dite du Bestial pour y estre plantée. 
150 hommes sous les armes, précédés de tambours et autres 
instrumens de musique, ont ouvert la procession en défilant 
en ordre par la porte rovale de la dite église : 50 jeunes gar- 
çons au moins suivoient deux à deux, chacun un cierge à la 
main : suivoient dans le même ordre environ 100 petites filles 
conduites par les sœurs de l’hôpital. Les confrères du Saint- 
Sacrement des deux paroisses, chacun une torche en main; 
les frères de la Charité avec leur croix et leur banière; les 
croix et banières des deux paroisses, accompagnées de 10 
enfants de chœur. marchoient en bon ordre. Une croix d’ar- 
gent sur un brancart bien orné, précédée de 490 filles en 
religieuses, étoit portée ensuite par 4 de ces religieuses, 


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— 203 — 

accompagnées de 8,petites Vierges qui portoient des cor- 
dons. Elle étoit suivie d’une Véronique, portant devant elle 
la Sainte-Face, et d’une Madeleine, accompagnée de ses 
deux sœurs. À la suite, la nouvelle croix, de fer, de 12 piés 
de haut, et garnie des instrumens de la Passion, précédée 
d’un étendard, accompagné de 2 officiers, étoit portée sur 
un brancart par 8 grands garçons en aubes, avec 12 petits 
Apôtres soutenant des glands attachés au brancart. 24 autres 
jeunes gens aidoient tour-à-tour ceux-ci à porter la Croix. 
Immédiatement après, 30 Vierges, suivies du clergé qui 
chantoit posément en marchant l’hymne Vexilla regis, en 
répétoient à chaque verset, aussi posément, la traduction. 
Le clergé étoit suivi du bailliage, des officiers municipaux et 
du reste du peuple bien composé. Pendant la procession, la 
troupe de gendarmes, instruite et guidée par des gens ex- 
perts dans l’art militaire, défilant en dehors tout le long des 
rangs, maintenoit le bon ordre. » 

Si l’Hôtel-Dieu n’avait eu que 789 livres de revenu, comme 
le disaient les administrateurs en 1752, jamais il n'aurait pu 
faire face à toutes ces dépenses. Un état fourni en 1791 établit 
que ce revenu était de 2051 livres 10 sous, et bien que cette 
somme fût fort supérieure à celle accusée en 1752, elle ne pou- 
vait cependant suffire entièrement aux besoins de l’hospice : 
chaque année amenait un déficit qu’on n’arrivait à combler 
que grâce à la générosité des habitants. Voici les chiffres portés 
dans le dernier budget de l’ancien hospice en 1793 : les dé- 
penses sont peut-être un peu majorées, mais le fond doit être 
à peu près exact : 


YVES VE S YVES y y 


6 pièces de vin . . . . . . . . . . . . ‘1200 liv. 
6 cordes de bois. . . . . . . . . . . . 150 liv. 
200 de fagots. . . . Se nd 90 liv. 
750 livres de viande de boucherie. né St COOOIIN. 
3000 livres de pain. . . . . 400 liv. 
Chandelle, huile, savon, nee et autres mar- 

chandises d’épicerie. . . 150 liv. 
Provisions du marché (beurre, Fbidage. unes 900 liv. 
Appointements du chirurgien et remèdes . . . 336 liv. 
Salaires des filles qui gouvernent les malades . 270 liv. 


Se basant sur cet état des dépenses indispensables, remon- 








— 204 — 

trant que, par suite de la suppression des dimes, les ressour- 
ces de l’hospice avaient été réduites de près de 600 livres, les 
administrateurs demandaient à la Municipalité d’Illiers de 
vouloir bien venir à leur aide. Ils n’eurent pas le temps de 
recevoir une réponse : en l’an IT, ils étaient remplacés par un 
Comité de bienfaisance composé de membres du Conseil géné- 
ral de la commune. 

Nous ne poursuivrons pas plus loin l’histoire de l’hospice 
d’Illiers : nous avons voulu seulement raconter ce qu’il fut 
avant la Révolution. Complètement remanié depuis, il vit ses 
revenus s’accroitre de rentes provenant des anciennes fabriques 
supprimées, mais il perdit en même temps plusieurs de ses 
fondations primitives. 


Lucien MERLET. 
9 inai 1892. 


De —— 2) DOC ULT ER ———— 


NOTICE 


SUR L'HOSPICE DE JANVILLE 





Les Archives de l’hospice de Janville sont plus importantes 

par le nombre des pièces qu’elles renferment que celles des 
hospices de Courville et d’Illiers dont nous avons déjà fait 
l’histoire; mais elles ne nous donnent pas de renseignements 
aussi anciens sur l’origine de l’établissement. Le plus loin que 
nous puissions remonter est en l’année 1594 : nous voyons 
qu'alors l’hôpital « se consistoit en plusieurs bastimens mana- 
v bles, comme chambres basses, chambres haultes, partye 
desquelles sont garnyes de lits pour gouverner les pauvres 
qui sont et surviennent au dit Hostel-Dieu et autres per- 
sonnes y demourant. Item une chappelle, en laquelle on a 
de coustume chanter le service divin la veille et le jour Saint 
Anthoine, qui est la fondation dudit Hostel-Dieu, laquelle 
chapelle est garnye d’ornemens, livres et autres choses 
nécessaires à faire le divin service. » 
Le même acte nous apprend que le revenu de l’Hôtel-Dieu 
était alors de 157 livres par an, provenant, outre quelques 
rentes foncières !, de la location de 3 muids 142 mines 4 bois- 
seaux de terre labourable au terroir de Janville et d’un demi- 
arpent de terre planté en vigne au clos des Buttes. 


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{ Ces rentes consistaient en : 16 s. parisis sur la maison où pendait pour 
enseigne le Cheval blanc; 3 liv. 2 s. tournois sur 4 maisons au Martroi au 
blé; 7 s. 6 den. tournois sur une grange au Vau de Janville; 115. parisis sur 
une maison près la porte d'Orléans; 10 s. parisis sur la maison où po pour 
enseigne le Saint-Esprit, en la grande rue à aller des Halles au château; 8 s. 
parisis sur deux granges en la rue des Augers; 16 s. parisis sur 2 appentis assis 
contre l'Hôtel-Dieu. 


— 906 — 

Comme on le voit, les ressources de l’Hôtel-Dieu n'étaient 
pas considérables, mais ses dépenses étaient proportionnées à 
ses revenus. Le service divin coûtait peu : on n’ouvrait la cha- 
pelle au public que la veille et le jour de Saint Antoine, et l’on 
pavait pour tout honoraire 10 livres au prédicateur que l’on 
invitait pour la fête patronale. La gardienne de l’Hôtel-Dieu 
recevait 24 livres par an, le chirurgien 6 livres; on dépensait 
en moyenne 40 livres pour « le pain, vin, viande et autres 
» nécessités fournis aux pauvres malades. » Le reste du revenu 
servait à donner des secours en ville aux plus nécessiteux, 
mais aussi à l’entretien des bâtiments, car l’Hôtel-Dieu de Jan- 
ville, comme nous l’avons vu, comprenait « plusieurs bâtimens 
» manables. » Un marché passé en 1625 avec Jacques Mullon, 
couvreur en tuiles et ardoises, porte que le dit Mullon « recou- 
» vrira le logis où demeure la gardienne depuis la chapelle 
» jusques et contre la chambre où se retire le prédicateur, re- 
» fera à neuf la goutière d’ardoise au-dessus du logis où cou- 
» chent les pauvres du costé de la court. » 

En gens prudents, les administrateurs de l’Hôtel-Dieu avaient 
grand soin que les dépenses fussent toujours au-dessous des 
recettes. Le mobilier de l’établissement n’était pas luxueux"; 
mais ils opposaient sans cesse des fins de non recevoir aux 
demandes qui leur étaient adressées par la gouvernante des 
malades et par le curé de Janville quand celui-ci, à la Saint 
Antoine, venait officier dans la chapelle. Aussi, grâce à cette 
sage administration, les revenus s’accrurent peu à peu : en 
1697, ils étaient de 327 livres par an, et l’on avait augmenté le 
nombre des lits, qui, de 5 avaient été portés à 8, 5 pour les 
hommes et 3 pour les femmes. 

On arriva ainsi jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Le pouvoir 
royal se préoccupait depuis longtemps d’améliorer k sort des 
classes souffrantes et d’apporter un remède à la misère et au 


{ Un inventaire de 1667 mentionne comme existant dans la chapelle : « Un 
tableau représentant le martire de saint Estienne ; ung image en bois de saint 
Anthoine sur le maistre-autel; ung autre image en bois représentant saint 
Marcou ; ung reliquaire Me saint Françoys sur une croix avec deux 
petits images de la sainte Vierge à costé, qui a esté laissé à l’Hostel-Dieu par 
un pauvre passant, ung tableau représentant la Nativité de Nostre-Dame. » 
En 1682, un autre inventaire signale en outre : « Sur l’autel de Saint-Sulpice 
» l’image ou statue dudit saint, accompagnées de celles de samt Jacques et de 
» saint Denis. » 


ST GE 











— 207 — 

vagabondage qui étaient la source de la plupart des crimes qui 
désolaient le Royaume. Les léproseries, créées dans une foule 
de localités aux XIIe et XIIIe siècles, n’avaient plus de raison 
d’être ‘, et leurs revenus étaient naturellement désignés pour 
devenir le patrimoine des pauvres. De 1696 à 1698, des édits 
royaux réunirent successivement toutes les léproseries aux hôpi- 
taux les plus voisins. Janville était l’hôpital le plus rapproché 
des maladreries du Puiset, d’Aschères et d'Orgères : les admi- 
nistrateurs réclamèrent la réunion de ces trois établissements. 
Mais la maladrerie du Puiset avait des revenus assez élevés; on 
jugea qu'ils suffiraient aux besoins de l’hôpital de Janville, 
et, un peu contre la lettre des édits de 1696, les maladreries 
d’Aschères et d’Orgères furent réunies aux Hôtels-Dieu de Pithi- 
viers et de Châteaudun. 

La fondation de la maladrerie du Puiset remontait certaine- 
ment au XIII, sinon au XIIe siècle. Elle était due à la libéralité 
des seigneurs du Puiset; c’est ce qui est attesté par plusieurs 
actes. En 1638, les juges ordonnés par le Roi pour la réforma- 
tion des hôpitaux et maladreries de France ayant voulu procé- 
der au bail des revenus de la maladrerie du Puiset, le baron du 
dit lieu y fit opposition, remontrant « que la Magdeleine du 
» Puiset appelée Saint-Ladre n’estoit point de fondation royalle, 
» ains les seigneurs de la dite baronnie en estoient les patrons. » 
Dans un autre acte de 1639, les seigneurs du Puiset sont dé- 
clarés « fondateurs de la léproserie dudit lieu du Puiset, en 
» laquelle y a chapelle érigée en l’honneur de Dieu et de sainte 
» Magdeleine. » 

Comment et à quelle époque cette maladrerie qui, dans le 
principe, porta assurément le nom exclusif de maladrerie du 
Puiset, devint-elle la maladrerie du Puiset et de Janville ? 
Nous l’ignorons. Dès l’année 1538, nous rencontrons cette dou- 
ble désignation, et nous voyons en 1593 une contestation plu- 
sieurs fois renouvelée entre le baron du Puiset et le seigneur 


‘ ]] y avait pourtant encore des lépreux au Puiset au commencement du 
XVIIe siècle. En 1601, nous voyons que la maladrerie de la Madeleine, faute 
sans doute de local pour les loger, avait envoyé deux lépreux de la paroisse, 
Robert Laurent et André Cabaret, à la maladrerie de Saint - Lazare d'Etampes, 
et qu’elle payait 7 liv. 10 s. par mois pour leur pension. En 1617, le grand- 
aumônier de France nommait Etienne Laurent, « pauvre lépreux, » à la place 
nee la maladrerie du Puiset par la mort de Jacquette Tremblay, « lépreuse 
» €. D 





— 208 — 
de Janville au sujet du droit de nommer alternativement les 
maitres de la maladrerie ‘. 

A côté de la maladrerie, au Puiset même, existait un Hôtel- 
Dieu. Nous avons bien peu de renseignements sur cet établis- 
sement; mais nous le trouvons plusieurs fois mentionné au 

_XVIIe siècle. Dès 1599, il figure dans un compte de recette et 
dépense rendu par Jacques Chevalier, maître de la maladrerie. 
Un état des biens de la maladrerie et de l’Hôtel-Dieu du Puiset 

. dressé en 1666 nous fait connaître que l’Hôtel-Dieu possédait 
61 mines de terres à Coullebure, au champ de la Sablonnière 
et près du Puiset, terres complètement indépendantes de 
celles de la maladrerie. Nous voyons qu’en 1601 on payait 
27 livres par an à la gardienne de l’Hôtel-Dieu, et en 1640 
nous avons une sentence du bailli du Puiset, ordonnant 
qu'une somme de 100 sous par mois sera prise sur les 
revenus de l’Hôtel-Dieu du Puiset pour l’entretien d'un enfant 
trouvé. 

L'Hôtel-Dieu existait donc en 1601, puisqu'on payait une 
femme qui servait de gardienne; mais il ne paraît pas qu’on y 
ait reçu beaucoup de malades : du moins prenait-on peu de 
soins de l’entretenir. En 1626, il était « entièrement desmoly 
» et en ruisne. » Pierre Lebreton, « administrateur de la ma- 
» ladrerie et Hôtel- Dieu du Puiset, » fit faire par un maçon et 
un charpentier jurés la visite de l’Hôtel-Dieu et de la chapelle 
« qui sont un mesme corps. » Il fut reconnu qu’il fallait faire 
« une huisserie pour entrer et sortir de la chambre qui ser- 
» vira aux pauvres et celle qui sera pour loger celle qui gou- 


1 Voici les noms des maitres de la maladrerie du Puiset que nous avons pu 
retrouver : 1389. Adam de Sous-l'Orme. — 1496. Louis de Gaillon. — 1538. 
Adam Dubois, nommé par le Roi ‘seigneur de Janville); meurt en 1534. — 
1574. Louis des Rousseaux, nommé par le Roi : Nicolas de Marolles, baron du 
Puiset, attaque en 1593 cette nomination et confère le titre de maître à Claude 
Vallée; un accord intervient. et Louis des Rousseaux gouverne la maladrerie 
jusqu'à sa mort, 1599. — En 1599, le baron du Puiset nomme Jacques Che- 
valier. — De 1608 à 1621, nous voyons Robert Gaillard à la nomination du 
Roi. — En 1625, c’est Pierre Lebreton choisi par le baron du Puiset. — En 
1648, Denis Renvoisé, nommé par le Roi. — A la mort de Renvoisé (1650, les 
difficultés renaissent : le duc d'Orléans, seigneur de Janville, nomme Claude 
Bertrand, tandis qu'Elisabeth Arbaleste, baronne du Puiset, investit des mêmes 
fonctions Jean Tesson, un de ses chapelains. Jean Tesson semble l'avoir emporté. 
— À sa mort (1664), le duc d'Orléans nomme Claude Lenoble, prieur de Notre- 
Dame de Bouy; mais cette fois c'est le grand-aumônier de France qui suscite 
un compétiteur, Jacques Granger, qui lutte avec Claude Lenoble jusqu'en 1669. 











« 


— 209 — 
» vernera les dits pauvres; » plus faire une cheminée en la 
dite chambre de la gouvernante, etc. 

Les réparations furent-elles faites”? Il est permis d’en douter. 
En tout cas, au Puiset comme à Illiers, l’Hôtel-Dieu fut sup- 
primé de par la volonté de la dame du lieu : cette suppression 
eut lieu au Puiset en 1636. Voici en effet ce que nous lisons 
dans une requête adressée en 1639 à Elisabeth Arbaleste, veuve 
de Louis de Hallot, baronne du Puiset, par le procureur-fiscal 
du dit lieu, pour obtenir la restauration des bâtiments de la 
léproserie : « Par la négligence et mauvais vouloir des prédé- 
» cesseurs seigneurs du Puiset, qui depuis 80 ans et plus en 
» çà auroient esté nourrys dans la prétendue religion réfor- 
» mée, les lieux et bastimens de la léproserie sont tombez en 
» ruines tottales, et ne reste pour les dits bâtimens que la chap- 
» pelle qui est du tout ruinée, avec une petite maison que de- 
» puis trois ans en çà, Mme du Puyset a réunie au domaine de 
» la dite seigneurie. » 

A la suite de cette requête, Elisabeth Arbaleste fit faire en 
1640 une visite des bâtiments et dresser un devis des répara- 
tions nécessaires, mais il en fut, croyons-nous, de ce devis 
comme de celui fait pour l’Hôtel-Dieu en 1626. La chapelle ne 
fut point réparée, ou, si elle le fut, les réparations ne durent 
pas être bien considérables, car on ne voit point qu’on y ait 
jamais fait d'office dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et 
lorsque l’Hôtel-Dieu de Janville en fut entré en possession elle 
fut complètement abandonnée et détruite. Dès 1698, les admi- 
aistrateurs de l’Hôtel-Dieu de Janville vendirent pour 40 livres 
à la duchesse de Beauvilliers « les pierres prises sur les ruines 
» de la Madeleine, » et, dans une déclaration des biens de 
l’'Hôtel-Dieu de Janville passée au duc d'Orléans, on lit ce qui 
suit : « Un emplacement où étoit anciennement la chapelle de 
la maladrerie et les bâtimens en dépendans, actuellement 
en non valeur, contenant une mine ou environ, d’un côté 
au couchant le chemin du Puiset à Santilly, d’un bout au 
nord le chemin de Janville au Puiset. Plus, un autre petit 
morceau de terre, vis-à-vis et de l’autre côté du chemin, 
appellé le cimetière des Ladres, de la contenance d'environ 
un demi-boisseau, en non-valeur !. » 


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4 On se rappelait encore alors qu'il y avait eu un Hôtel-Dieu au Puiset, 
T. X. #. 16 


— 210 — 

Ce furent des lettres-patentes de novembre 1697 qui unirent 
à l’Hôtel-Dieu de Janville les biens et revenus de la maladrerie 
de la Madeleine du Puiset et de Janville, à la charge de « rece- 
» voir les pauvres mallades de la paroisse du Puiset à propor- 
» tion des revenus de la dite maladrerie. » L’année suivante, 
l’hospice entrait en jouissance : on dressait un état sommaire 
des biens de la maladrerie ‘, et, dans le compte de recette et 
dépense rendu en 1699, on constatait que l’Hôtel-Dieu avait 
touché 1093 liv. 16 s. 10 den. par an pour le revenu des terres 
provenant de la maladrerie et 30 liv. pour les champarts 
appartenant à la dite maladrerie. 

C'était toute une fortune qui tombait à l'Hôtel-Dieu de Jan- 
ville. Il devait, il est vrai, en retour recevoir les pauvres ma- 
lades du Puiset; mais nous ne savons si ce fut jamais pour lui 
une lourde charge. D’après le peu de cas qu'il fit de la chapelle 
de la Madeleine, nous craignons qu'il ne se soit également peu 
soucié des droits que les lettres- patentes de 1697 avaient 
conférés aux habitants du Puiset. C’est ce que ceux-ci semblent 
avoir également pensé. Un sieur Jean Petit, notaire royal au 
Puiset, essaya, au nom de ses concitoyens, d'obtenir, sinon 
une révocation, au moins une interprétation plus précise des 
lettres-patentes : en 1724, il présenta une requête en ce sens 
au Conseil du Roi. Les magistrats, craignant peut-être de voir 
surgir des réclamations semblables, déclarèrent qu’ils ne sæ 
méleraient point de cette affaire. Les Puisotins ne se considé- 
rérent pas comme battus : l’année suivante, un prêtre de l'Ora- 
toire, natif du Puiset, rédigea un nouveau Mémoire qui fut 
également adressé au Conseil du Roi. 


car, à la suite des deux articles que nous venons de rapporter, on lit : « Plus, 
» un bâtiment, servant autrefois de chapelle et Hôtel-Dieu du Puiset, dépen- 
» dant de la dite maladrerie, servant aujourd’hui à engranger les grains, avec 
» un petit jardin derrière , la dite grange ouvrante au nord sur la rue à aller 
» des Quatre-Coins à Janville. » 


1 Nous reproduisons l’état sommaire de ces biens dont on trouve, en d'au- 
tres actes, la désignation plus détaillée : 4° 16 mines de terre près la Sablon- 
nière vers Trancrainville; 2° 4 mines, champtier des Arpents ; 30 6 mines, de- 
vant la chapelle de la Madeleine, le long du cimetière ; 4° 38 mines, champtier 
des Ladres; 5° 44 mines, le long du chemin du Puiset à Guilleville; 6° 14 m- 
nes, au chemin à aller du Puiset à Orléans; 7° 6 mines, champtier de la Coc- 

elée vers Outrouville; &° 6 mines près la croix de Saint-Jacques, terroir du 

uiset, 90 la ferme de Lausainvilliers, paroisse de Prasville; plus les 61 mines 
provenant de l'Hôtel-Dieu du Puiset. | 











— 211 — 

Quelle en fut la suite? Nous n’avons pu trouver les pièces 
qui nous auraient renseigné à cet égard. Il est probable que la 
requête de l’oratorien eut le sort de celle du notaire. Toujours 
est-il que l’Hôtel-Dieu de Janville continua à jouir des biens 
de l’ancienne maladrerie. Les recettes, qui, comme nous 
l’avons dit, étaient de 327 livres en 1697, dépassèrent 1300 
livres chaque année et s’accrurent rapidement par les écono- 
mies que permettait de faire le nouveau revenu. Les dépenses, 
à la vérité, avaient été augmentées : on avait fait venir pour 
soigner les malades deux sœurs de la Communauté de Sainville 
auxquelles on allouait 100 livres par an; on avait décidé que 
chaque année on ferait des distributions de pains en ville, et, 
année commune, on payait de ce chef environ 80 livres; enfin 
les aliments donnés aux pauvres à l’Hôtel-Dieu, aliments dont 
le prix ne dépassait pas autrefois 40 livres, montent dès l’an- 
née 1709 à 309 liv. 10 s. 10 den. : mais, tout compte fait, on 
mettait bien de côté 3 à 400 livres par an. 

Aussi, on fut bientôt en état de faire face à d’assez grosses 
dépenses. Le 12 février 1710, l’Hôtel-Dieu acheta, moyennant 
1060 livres, la petite ferme de Prasville. En 1751, il fit réédifier 
la chapelle et construire un dôme ! : le devis des travaux 
était de 2970 liv. 6s.; mais le total des dépenses fut de 4965 
liv. 4s. L’Hôtel-Dieu n'avait pas les fonds suffisants pour sol- 
der une aussi grosse somme; il contracta un emprunt de 1000 
livres qu’il amortit au reste dix ans après. Ce fut au moment 
de cet emprunt que les administrateurs obtinrent du curé de 
Janville le privilège d’avoir à toutes les grand’messes un des 
leurs au banc du Saint-Sacrement dans l’église de Janville pour 
faire la quête au profit des pauvres malades de l’Hôtel-Dieu. 

L'embarras financier de l’hospice ne fut pas de longue durée. 
Son revenu alors (1757) s’élevait à 2086 liv. 19 s. 3 den.; les 
dépenses ne dépassaient pas 1700 livres, et il se présenta une 
occasion favorable d'obtenir la réunion d’un nouveau bénéfice 
et d'augmenter ainsi les ressourtes de l’établissement. 

Il existait à Janville une petite chapelle, dite de Saint-Louis, 
qui avait pour revenu une redevance de 3 muids de grain, 


1 Ce dôme était en réalité un rétable, dans le genre de tous ceux que la 
mode fit placer daus les églises aux XVIIe et XVIIIS siècles. Parmi les pièces de 
dépenses de la reconstruction de la chapelle, se trouve une quittance de Jean 
Reversé, menuisier, avec un plan du rétable qu'il s'était engagé à fournir. 


— 212 — 

moitié blé, moitié avoine, à prendre sur la grange champarte- 
resse de Janville. On disait une fois par an la messe en cette 
chapelle, qui n’était pas entretenue et qui tombait en ruines, 
comme autrefois la chapelle de la Madeleine du Puiset. Le 
chapelain de Saint-Louis était en 1765 un sieur Limberge, 
doyen du chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier d'Orléans. Les 
administrateurs entamèrent une négociation avec lui : ils lui 
remontrèrent qu’il serait inévitablement forcé de faire des 
réparations à cette chapelle, qu’au contraire, s’il voulait con- 
sentir à sa réunion à l’Hôtel-Dieu, eux administrateurs se 
chargeraient d’obtenir l’extinction du bénéfice, et que, pour 
reconnaître son bienfait, ils lui feraient, sa vie durant, une 
pension de 200 livres. Le sieur Limberge leur répondit : « Je 
» consens bien volontiers à l’union de ma chapelle de Janville 
» à l’Hôtel-Dieu. Les conditions vous sont connues, et d’ail- 
» [eurs je n’entends pas entrer dans aucuns frais ; agissés sur 
» ce plan. C’est un enfant de France qui a fondé ce bénéfice il 
» y a environ 400 ans. L’évesque d'Orléans est collateur, mais 
» le nominateur ou patron est fort étranger à notre diocèse; 
» je pense que c’est le prieur de Saint-Martin-des-Champs à 
» Paris. » Ce fut en effet à l’abbé de Breteuil, chancelier du 
duc d'Orléans et prieur de Saint-Martin-des-Champs, que 
s’adressèrent les administrateurs de l’Hôtel-Dieu , et ils obtin- 
rent sans difficulté la réunion qu’ils souhaitaient. 

D'ailleurs , il faut en convenir, les administrateurs avaient 
besoin des ressources que leur créait leur économie; car, tan- 
dis que dans les Archives des autres hospices, nous rencon- 
trons maintes fois mentionnés des dons importants, à Janville, 
pendant près de deux siècles, c’est à peine si nous pouvons 
signaler un legs, un seul, fait en 1730 par Jérôme Georgeon, 
le dit legs consistant en une rente de 10 livres et 2 chapons 
sur une maison, sise au Puiset, en la rue à aller du Boille au 
Grand carrefour ou four banal du dit Puiset. 

Un Bureau des pauvres fut créé à Janville en 1785. L'Hôtel- 
Dieu dut contribuer aux dépenses de ce nouvel établissement 
charitable, et, en 1788, il fut taxé de ce chef à 232 livres qu’il 
dut verser entre les mains des dames des pauvres. Les événe- 
ments qui bouleversèrent la France en 1792 vinrent complète- 
ment modifier l'existence et de l’hospice et du Bureau des 
pauvres avant presque que leur service réciproque eût été 








— 213 — 

nettement déterminé. Nous ne nous occuperons donc pas da- 
vantage de cette dernière institution, et nous terminerons notre 
exposé de l’histoire de l’hospice de Janville avant la Révolu- 
tion en faisant connaître le dernier compte de cet établisse- 
ment en 1790. 

Les recettes furent de 2732 liv. 8 s.; les dépenses, de 2653 
lv. 17 s., se décomposant ainsi : 


au curé de Janville, pour fondations et services ‘70 liv. 9s. 
aux sœurs, pour honoraires . . . . . . . . 200 liv. 
AUX: Chantres.s à 4 ee ir a ae à 7 liv. 
au chirurgien, pour honoraires et remèdes. . 17liv. 8s. 
au secrétaire du Bureau d’administration. . . 12 liv. 


au jardinier . . . . . . . . … . . . . . . 8 liv. 
fourniture de pains . . . . . . . . . . . . 491 liv. 4s. 
» de Viande: 5e da Ge mo 266 liv. 195. 
» de raisins et vin. . . . . . . . . 497 liv. 178. 
» de bois à brûler . . . . . . . . . 213 liv. 1158. 
dépenses de marché et d’épiceries. . . . . . 293 liv. 9s. 
aux fossoyeurs et sonneurs, pour l’enterre- 
ment de 8 pauvres décédés à l’Hôtel-Dieu. . 5liv. 8s. 
aux collecteurs, pour les impôts. . . . . . . 108 liv. 145. 
dépenses diverses . .,. . . . . . . . . . . 831 liv. 18 s. 


LucIEN MERLET 


NOTICE HISTORIQUE 


SUR LE 


SÉMINAIRE 


DU 


GRAND-BEAULIEU-LES-CHARTRES 


Il y avait quarante ans que le Grand -Séminaire de Chartres 
était fondé, vingt ans qu’il vivait sur le plateau et dans l’an- 
cienne Léproserie du Grand-Beaulieu, quand Mer de Neuville 
se détermina à substituer des religieux aux prêtres séculiers 
qu’il avait investis du gouvernement de cette maison. Quel fut 
le motif de cette grave décision? Un seul mot, et très vague 
d’ailleurs, nous a été laissé à ce sujet. Il est dit, dans le préambule 
de l’Inventaire général des papiers et titres du Grand-Beaulieu' 
que l’Évêque de Chartres « ne trouvant pas dans ces hommes 
(M. Vuanet et ses collègues), la science, le zèle et le dévoue- 
ment nécessaires » se décida à les remplacer. Cette remarque, 
nous l’avouons, consignée par des successeurs quatre-vingts 
ans après l'événement ?, nous paraïtrait simplement indélicate, 
si elle n’était d’ailleurs suspecte. Il n’était pas nécessaire que 
les prêtres choisis par Msr de Neuville fussent dénués « de la 
science, du zèle et du: dévouement nécessaires », pour que le 
Prélat, entrainé par le courant d'idées qui se dessinait alors, 
en vint # faire pour son séminaire ce que déjà vingt-trois 
évêques de France avaient fait avant lui * et à appeler les prè- 
tres de la Congrégation de la Mission au Grand-Beaulieu. 


æ 


‘ Arch. Départ. G. 2921-2992. 


3? Cet Inventaire general fut rédigé, comme l'indique le titre, dans les an- 
nées 1760 à 1763, sous le supériorat de M. Singlin. 


8 Darras, Histoire générale de l'église, tom. XXXVII, p. 357. 





— 215 — 

D'ailleurs, Mer de Neuville avait vu ces religieux de Saint- 
Vincent de Paul en fonction à Saint-Malo, où son oncle et pré- 
décesseur, Achille de Harlay, les avait appelés à la direction 
de son séminaire en 1645, alors que le futur évêque de Char- 
tres remplissait près de lui les fonctions de coadjuteur ‘. De- 
venu lui-même évêque de Saint-Malo, il avait pu se rendre 
compte de leurs méthodes et apprécier leurs éminentes qua- 
lités. [Il n’était donc pas surprenant qu’en montant sur le siège 
épiscopal de Chartres, il conçût déjà le projet de profiter de la 
première occasion favorable pour ce changement. Cette occa- 
sion se présenta en 1680. M. Joily, supérieur général de la 
Mission ?, se prêta volontiers aux désirs du prélat, et il fut dé- 
cidé qu’à la rentrée de novembre 1680, les Lazaristes pren- 
draient la direction du Grand-Séminaire de Chartres ?. 

Quelques semaines avant l'installation parut le décret épis- 
copal. Mgr de Neuville, loin d’y faire aucune allusion défavo- 
rable à la précédente administration, déclarait dès le début, 
qu'ayant établi un séminaire dans son diocèse, il avait pris 
soin « d’y commettre des supérieurs et des prêtres doués de 
science, de prudence et de piété, qui jusqu’à présent y ont tra- 
vaillé avec fruit. Mais, ajoutait le prélat, comme il est à crain- 
dre que dans la suite des temps, il soit plus difficile de trouver 
des personnes qui aient toutes les dispositions nécessaires pour 
cet emploi ou qui veuillent s’y assujétir, Nous avons cru que 
pour assurer la durée d’un établissement si utile, et pour main- 
tenir l’ordre et la discipline ecclésiastique dans notre Sémi- 
naire, il était expédient d’en confier la conduite à quelque 
congrégation ou communauté de prêtres séculiers, qui puis- 
sent le remplir de sujets capables de former les ecclésiastiques 
et de les instruire des obligations de leur ministère ‘. » 

L'acte portait que les prêtres de la Mission établis directeurs 
du Séminaire « tant pour le spirituel que pour le temporel » 


{ Fisquet, La France pontificale, Chartres, p. 193. 


3? M. Jolly, supérieur général de la Mission de 1672 à 1697, avait succédé à 
M. Almeras, successeur immédiat de saint Vincent de Paul. 


3 Arch. Dép. G. 2921. Inventaire général, t. 1, p. 45. 


* Arch. nation. Fonds de la Mission. Sect. histor. MM. 537, fol. 294 et seq. : 
Arch. Dép. G. 2923. Ce décret, contresigné par M. de la Roëre, secrétaire, 
fut donné à Paris en date du 27 août 1680. 


— 216 — 


devaient être au nombre de quatre, « desquels l’un sera supérieur 
et les trois autres seront employés à instruire les ecclésiastiques, 
leur enseigner la théologie, le chant et les cérémonies de 
l'Église et les diriger et conduire dans les exercices et prati- 
ques de piété et dévotion. » Il était également stipulé que la 
Congrégation aurait à « fournir le nombre convenable et néces- 
saire de frères de ladite Congrégation, ou de domestiques pour 
le service dudit Séminaire ‘. » Pour la nourriture et l’entretien 
de ce personnel, prêtres, frères et domestiques, une somme de 
2400 livres était allouée chaque année sur les plus clairs de- 
niers des revenus. En dehors de leurs fonctions principales 
d’enseigner la théologie et de préparer les ordinands, les direc- 
teurs du Séminaire devaient « faire avec les séminaristes le 
service divin et acquitter les fondations », puis « faire les en- 
tretiens pendant dix jours à ceux qui seront admis aux ordres », 
enfin « recevoir tous les curés, vicaires, prêtres et autres ecclé- 
siastiques qui désireront faire des retraites au Séminaire ?. » 

Tandis que le décret épiscopal était présenté à l’acceptation 
du supérieur général de la Mission”, puis à l’approbation du 
Roi et du Parlement ‘, M. Vuanet, le supérieur démissionnaire, 
quittait le Grand-Beaulieu avec ses collaborateurs, et se retirait 
à Chartres où, par une délicate attention, Mer de Neuville ve- 
nait de l’honorer de la dignité d’archidiacre de Dunois, lui 
témoignant ainsi publiquement son estime, à l’heure où il lui 
demandait le sacrifice d’une œuvre qu'il lui savait chère‘. A 


{ Dans la note relative à la fondation du Séminaire de Chartres, conservée 
dans les Archives des Lazaristes, il est marqué que € la D fournira 
deux frères pour le service du séminaire. » Communiqué par le R. P. Terras- 
son, secrétaire-général de la Congrégation. 


2 La pension de ces retraitants fut fixée par M£r de Neuville à raison de 
10 sols par jour. Arch. Dép. G. 2923. 


3 M. Jolly, supérieur général de la Mission, signa l'acceptation dès le 28 
août de la même année dans les termes suivants : € Nous, Edme Jolly, supérieur 
général de la Congrégation de la Mission, recevons avec tout le respect et toute 
fa reconnaissance qu’il nous est possible , la grâce que Mer l’Illustnissime et Ré- 
vérendissime Évêque de Chartres a faite à notre petite congrégation par le pré- 
sent acte d'établissement, et promettons d'observer et d'accomplir les conditions 
portées par iceluy. » Arch. nat. Sect. hist. MM. 537. 


+ Les lettres patentes du Roi ne furent signées qu'en ne 1684 et enre- 
gistrées au Parlement de Paris le 5 février suivant. Arch. Dép. G. 


5 M. Vuanet fut nommé archidiacre le 11 juin 1680. 


— 217 — 


sa place s’installaient à Beaulieu les prêtres de Saint-Lazare 
avec M. François Chèvremont pour supérieur !. 

La nouvelle administration de Beaulieu avait, nous l’avons 
dit, l'expérience de l’œuvre qu’elle entreprenait. Elle arrivait, 
non pour élaborer une constitution, mais pour en appliquer 
une toute faite et consacrée par un demi-siècle de succès. On 
inaugura donc à Beaulieu, en novembre 1680, tout un système 
d’études, de discipline, d'exercices religieux , dont la physio- 
nomie nous a été conservée par le règlement alors en vigueur ?. 
Quelle impression produisirent dans le clergé chartrain larri- 
vée des nouveaux vehus et leurs réformes? Nous ne saurions 
le dire exactement. Un incident survenu quelques mois après 
donne lieu de penser que de part et d’autre on s’observait, on 
s'attendait. Le Séminaire vivait isolé sur sa colline et les reli- 
gieux de la Mission évitaient par vocation de se répandre dans 
des ministères extérieurs. De grandes cérémonies se passaient 


# 


1 Arch. Dép. G. 2934. Avant de venir à Chartres M. Chèvremont était supé- 
rieur du Séminaire de Cahors. Arch. nat., s. 2704. — L'auteur de l'Histoire 
et description de Église cathédrale de Chartres, Chartres, 1860, dit, par 
erreur, p. #1, que saint Vincent de Paul « vint à Chartres établir les Lazaristes 
au Séminaire. » Il y avait, comme on le voit, vingt ans que saint Vincent était 
mort (1660) lorsque les Lazaristes prirent possession du Grand-Beaulieu. 


2 Le règlement rédigé par les Lazaristes et sanctionné par Mer de Neuville 
fut imprimé à une époque que nous ne pouvons déterminer. Un des exemplaires 
se trouvait dans les papiers de M. Verguin, supérieur du Séminaire Saint- 
Charles de 1822 à 1833. Il n'a pas été retrouvé; mais M. Bonnet, successeur 
de M. Verguin, qui l’eut entre les mains, fit faire la copie manuscrite conservée 
actuellement au Grand-Séminaire de Chartres. Ce règlement se divise en quatre 
parties : la première contient des considérations sur l’ebjet du Séminaire; la 
seconde est intitulée : Avis et pratiques du Séminaire de Chartres; dans la 
troisième est indiqué l’ordre des exercices de la journée; la quatrième regarde 
les retraites qui se faisaient à la rentrée et avant les ordinations. Le texte est 
accompagné d’une glose marginale tirée de la Sainte Écriture, des conciles, de 
l’Imitation et des Instructions de saint Charles Borromée sur les séminaires. Ces 
règles, sauf nié modifications de détail, sont les mêmes qui régissent au- 
jourd’hui le Grand-Séminaire de Chartres. On peut y relever quelques minimes 
renseignements historiques, par exemple sur les tendances de plusieurs ecclé- 
siastiques d'alors à l'excentricité dans le vêtement, la barbe ’et la chevelure; 
sur le prix de la pension qui, d’abord fixé à 10 sols par jour (Cf. Arch. nat. 
MM. 547) fut successivement élevé jusqu'à 250 livres « pour le régime de la 
petite table » et 300 pour celui de la « grande table », chiffres qui ne furent 
jamais dépassés (Cf. Arch. mun., C, 4, a; Arch. Dép., G. 2933); sur le nom 
de « Cour des Charmes » donné à l’enclos de la récréation. A cette époque la 
durée régulière du séminaire était de deux ans et les ordinands n'y étaient ad- 
mis qu'après avoir terminé leur philosophie. Cf. Pouillé du diocèse de Chartres, 


1138, p. 84. 





— 218 — 
au Chapitre et dans les paroisses sans que le Grand-Beaulieu y 
eût aucune part. Il ne fallut rien moins que l’extraordinaire 
solennité du 18 juin 1681, pour mettre les lazaristes et leurs 
élèves un peu en vue, et cette première manifestation faillit 
leur être gravement funeste. Que s’y était-il donc passé? 

On était arrivé à l’été de 1681, sans qu’une goutte d’eau, de- 
puis plus de cent jours, fût venue mouiller la terre. Le temps 
de la récolte approchait, et nos agriculteurs contemplaient 
avec désolation leurs campagnes brûlées par les ardeurs d’un 
soleil de feu. De tous côtés on faisait des prières publiques et 
des processions pour apaiser la colère divine : la désolation 
était à son comble. A Chartres, M. Berthault, vicaire-général 
et sous-doyen du Chapitre, au nom de Mer de Neuville retenu 
loin de sa ville épiscopale par sa mauvaise santé, venait de 
publier une ordonnance portant que le mercredi 18 juin, 
pour obtenir la cessation du fléau, une procession solennelle 
aurait lieu de la cathédrale à l’abbaye de Notre-Dame de Josa- 
phat où une messe stationale serait célébrée. Il y annonçait 
que la sainte châsse serait descendue et portée en procession, 
chose qui ne s'était pas vue depuis quarante-cinq ans ?. Enfin 


‘ Cette ordonnance fut précédée d'une séance capitulaire dans laquelle les 
chanoines furent appelés à donner leur avis sur le projet. Après quelques oppo- 
sitions, « comme on remonstra que tous les biens qui estoient sur la terre pénis- 
soient, tous lesdicts chanoines conclurent qu’elle (la Ste Chässe } soit e en 
ire ». (Mss. de Claude Joncquet, minoré, ecclésiastique habitué de l'église 

int-Michel de Chartres, 1683, fol. 262, Bibl. du Gr.-Sémin.) Il est â re er 
que le Chapitre n'avait pas attendu cette extrémité pour faire des prières publi- 
qe Le mardi 27 mai, une procession avait été faite dans l’intérieur de la cathé- 

rale avec la châsse de saint Taurin, qu’on avait également portée procession- 
nellement à Saint-Martin-au-Val, avec le bois de la Vraie Croix et l’image de la 
sainte Vierge, le dimanche suivant, 1°" juin. Après cette procession, le soir, vers 
& heures, il commença à pleuvoir, si bien que les Bénédictins de Saint-Père qui, 
Le le Chapitre, étaient eux aussi descendus à Saint-Martin-au-Val, avec la 
ässe de sainte Soline, furent pris par l'eau et « contraincts de s’en aller 
en chantant, par le plus court chemin. » Mais la sécheresse reprit bientôt et 
amena la décision relative à la grande procession du 18 juin. — Le manuscrit 
de Claude Joncquet, signalé ici pour la première fois à l'attention des archéolo- 
es, contient une copie de la Parthénie de Rouillard, à laquelle ont été ajoutées 
e courtes notices sur les Evêques de Chartres depuis Mgr d'Estampes jusqu'à 
Mer Godet des Marais, fol. 153-156, et un journal des principaux événements 
arrivés à Chartres de 1591 à 1693, fol. 256-269. 


2 On n’avait pas porté la Sainte Châsse en procession depuis 1636. En cette 
année la sécheresse ayant été extraordinaire, on avait fait une procession géné- 
rale analogue à celle de 1681, bien que moins solennelle. Mss. du chanoine Le 
Féron, copie appartenant à M. Merlet, archiviste d'Eure-et-Loir. 


— 219 — 


il enjoignait à tous les « curés, doyens, chanoines réguliers 
exempts et non exempis, communautés ecclésiastiques de la 
ville et banlieue de se trouver avec leurs reliques, leur clergé 
et religieux, revêtus de chapes autant que l'Ordre le permet et 
que faire se pourra, ledit jour, à six heures du matin dans 
ladite église Notre-Dame, pour aller en ordre processionnelle- 
ment dans celle de ladite abbaye de Josaphat ‘ ». 

Les Lazaristes du Grand-Beaulieu et leurs élèves se mirent 
en devoir d’obéir au mandement. Le congé hebdomadaire et la 
promenade, fixés par le règlement au mercredi, durent être 
transférés à un autre jour, et on avança le réveil de manière à 
pouvoir franchir la distance et être dans la nef de Notre-Dame 
avant six heures du matin. On dut même pourvoir avant le 
départ à lester les estomacs, la cérémonie promettant d’être 
longue ?. Et tandis que vignerons * et agriculteurs se rendaient 
tristement à leurs champs desséchés et arides, l’on put voir le 
séminaire traverser le Grand et le Petit-Beaulieu emportant, 
sur des brancards décorés pour la circonstance, les reliques 
vénérées dans la chapelle de la maison et notamment la châsse 
de sainte Julienne, dont la générosité de M. l’abbé de Cour- 
celles, neveu de Mer de Neuville, venait d'enrichir le Grand- 
Séminaire*. 

La longueur de la cérémonie et la fatigue furent pour notre 
communauté les moindres incidents de la journée. 

Les confrères de l’ancienne Léproserie, quand ils assistaient 
aux processions générales, avaient une place marquée que 


1 Cette procession ét les incidents auxquels elle donna lieu ont été décrits par 
un contemporain, Jacques Anquetin, procureur de l’Officialité et greffier de l’hô- 
tel-de-ville, dans un opuscule ayant pour titre : La Beausse dessèchee, discours 
sur ce qui s'est passé à la procession faite à Chartres le dix-huilième juin mil 
huit cent quatre-vingt-un. Chartres. Ve. Cottereau, 1682. Cf. de Lépinois, 
Hist. de Chartres, t. Il, p. 448. 


2 Les séminaristes ne purent rentrer au Grand-Beaulieu avant trois heures 
de l'après-midi. Il est vrai que dès l’arrivée de la procession à Josaphat et avant 
la messe, il y eut un moment de répit pendant lequel les religieux de l’abbaye 
leur offrirent gracieusement, ainsi qu'aux autres membres du clergé, de an 
a rafraichir l'estomac et humecter la gorge. » Anquetin, La Beausse desséchée, 


p. 92 

3 Le Journal de Claude Joncquet fait cependant remarquer qu'au milieu de la 
désolation générale « il n’y avait que les vignes qui avaient bonne apparence 
d'avoir du vin. » Jbid., fol. 263. 


# Mss. de Claude Joncquet, fol. 263. 


— 220 — 

personne n'avait jamais songé à leur contester, et cette place 
leur donnait la préséance sur les curés, vicaires et prêtres 
habitués de la ville. Peut-être Messieurs les curés le suppor- 
taient-ils de mauvaise grâce : toutefois, l’usage étant ainsi, 
personne ne manifestait l’intention d’y déroger. Tout fut re- 
mis en question à l’occasion des prêtres de Saint - Lazare. 
Quelles allaient être leurs prétentions? Oserait-on donner à ces 
nouveaux venus le pas sur les anciens du clergé urbain? Les 
séminaristes seraient-ils séparés de leurs maîtres? ou s’ils de- 
vaient marcher ensemble, irait-on jusqu’à donner aussi aux 
jeunes clercs la préséance sur les prêtres habitués, les vicaires 
et les curés? Par le fait de quelques esprits remuants et poin- 
tilleux, cette question, que facilement on aurait pu résoudre à 
l’amiable, prit tout-à-coup d’étranges proportions. Dès la sur- 
veille de la procession, les curés de la ville s’étaient rendus en 
corps à l’évêché où M. Berthault, en l’absence de Ms" de Neu- 
ville, avait entendu leurs observations, y répondant avec une 
délicatesse et un tact parfaits. Comprenant qu’il y avait là de 
part et d’autre des prétentions très arrêtées et que l'attribution 
absolue de la préséance soit des curés sur le séminaire, soit 
du séminaire sur les curés, pourrait devenir une source de 
déplorables et persistantes dissensions, il s’abstint de trancher 
la question de principe et régla que dans la procession du 18 
juin, MM. les curés marcheraient sur une ligne du côté de 
l'Évangile à leur rang ordinaire et le séminaire parallèlement 
du côté de l’Épitre . 

Cette solution n’était pas nouvelle dans les annales des céré- 
monies chartraines. En 1494, lorsque Mer René d’Illiers avait 
fait son entrée solennelle, un conflit analogue s'était élevé entre 
les religieux de Saint - Père et ceux de Saint-Jean, et le prélat 
lui-même y avait mis fin en faisant consentir les parties à cette 
position parallèle, « sans préjudice de leurs droits. » Sans épi- 
loguer sur le côté le plus digne les bénédictins de Saint-Père 
s'étaient placés à gauche, les chanoines de Saint-Jean à droite, 
et depuis deux siècles cet ordre s’observait sans réclamation *. 


1 Vie de Gilles Marie, Chartres, 1878, p. 162; Journal du chanoine Le 
Féron. L'auteur de la Vie de Gilles Marie, dit que cette démarche eut lieu la 
veille de la cérémonie. Nous avons suivi le manuscrit du chanoine Le Féron qui 
dit très explicitement : « le lundi 16 juin. » 


? Janvier de Flainville, Relation de l'entrée des Évêques de Chartres et des 











— 991 — 

Messieurs les curés se montrèrent moins pacifiques, car, consi- 
dérant que le côté de l’Épitre était la droite de la procession, 
le côté le plus digne par conséquent, ils représentèrent à 
M. Berthault que sa décision leur laissait l’infériorité de rang, 
et attribuait en rédlité la préséance à MM. du Séminaire. Le 
grand-vicaire et son conseil se refusèrent-ils à entrer dans cette 
considération ? Toujours est-il que l’arrêt fut maintenu, et tout 
se fût passé pacifiquement, si le lendemain le Séminaire, au 
lieu de compter quarante-cinq élèves, eût pu en mettre deux 
cents en ligne, parallèlement aux prêtres habitués, vicaires et 
curés !. Mais quand la procession se fut développée le long du 
Marché-aux-Chevaux et dans le Muret, et que l’on vit la sy-. 
métrie horriblement rompue par l'inégalité de la ligne inter- 
minable des deux à trois cents prêtres de la ville et banlieue, 
en face de celle des quarante-cinq ordinands et des quatre La- 
zaristes, laissant derrière elle un immense vide que personne 
ne voulait combler, on sentit que la décision de M. Berthault 
n'était pas pratique et une sourde rumeur s’éleva de nouveau 
parmi les curés. N’était-il pas manifeste, disait-on, qu’il fallait 
sortir de l’indécision et se prononcer enfin pour les curés 
contre le Séminaire, ou pour le Séminaire: contre les curés ? 

Au chant des psaumes et des hymnes sacrés qui couvraient 
heureusement les murmures, la procession s’avançait vers la 
porte Drouaise, quand il vint à la pensée de plusieurs, dans le 
côté de l'Évangile, de députer vers M. de Brisay, vicaire- 
général, présent à la cérémonie, le doyen d'âge des curés de 
la ville, le vénérable Gilles Marie, curé de Saint-Saturnin, 
notre ancien directeur du Séminaire de la Porte-Cendreuse. 
Bien à regret, le saint homme se mit en devoir de remplir son 
mandat. Il traversa modestement avec sa chape de cérémonie 
les longues files des chanoines réguliers de Saint-Cheron, de 
Saint-Jean et de Saint-André et celles des bénédictins de Saint- 
Père. Il franchit le groupe des huissiers, porte-masses et mar- 
guilliers du Chapitre, celui des treize enfants de chœur et des 
musiciens ? et entra dans les rangs des chanoines. De ce côté 


Cérémonies qui l’accompagnent, Chartres, 1780, p. 15, note x; p. 28; Cf. 
Anquetin , Lo Beausse desséchée, p. 62. 


‘ Anquetin, Op. Cit., p. 49. 
2? Anquetin, Op. cit., p. 62 et suiv. L'auteur de la brochure donne un tel 





— 999 — 

tout n’allait pas non plus sans débats, car le Chapitre s'étant 
cru autorisé à introduire dans ses rangs et à faire marcher 
sous sa croix tous les prêtres qui desservaient comme vicaires 
les paroisses de sa dépendance, les religieux de Saint - Père 
voulaient en faire autant pour les prêtres séculiers qu'ils 
employaient dans le service de leurs orphelinats. Sans s’arrêter 
à cet incident, M. Gilles Marie, qui avait bien assez du sien, 
alla droit à M. de Brisay et lui exposa l’objet de sa mission, 
sans en obtenir autre chose qu’une confirmation pure et 
simple de l’ordonnance de la surveille. Nous avons déjà dit 
que ce n’était pas une solution, car comment aller jusqu'à 
Josaphat avec cette immense lacune qui blessait tous les 
regards ? de 

La procession était déjà loin dans le faubourg Saint-Maurice 
quand le délégué des curés put rejoindre ses confrères et leur 
dire son insuccès. À bout de ressources et pour mettre fin à 
ce petit scandale, quelques prêtres s’ingénièrent à trouver une 
nouvelle transaction. Les séminaristes furent séparés de leurs 
maîtres, et appel fut fait aux prêtres et curés de bonne volonté 
pour changer de côté et venir se placer entre les ordinands qui 
précédaient et les Lazaristes qui suivaient. Plusieurs répon- 
dirent à l’invitation, tout en protestant que leur conduite ne 
pourrait faire précédent, ni préjudicier à l’avenir, et le vide se 
trouva comblé. Ce ne fut pas sans un nouvel et très regrettable 
incident, car M. Gilles Marie ayant, avec sa docilité ordinaire, 
gardé le rang marqué par son supérieur, tandis que les autres 
curés avaient, de leur propre mouvement, changé de coûté, 
M. de Brisay s’indigna de cette singularité et vint brusque- 
ment lui dire de changer de place ou de quitter sur l’heure le 
cortège. Et comme le bon vieillard représentait doucement 
qu’il s'était maintenu où il était par obéissance, son interlo- 
cuteur en venant aux voies de fait lui fit ôter violemment sa 
chape et l’expulsa'. Sans mot dire le saint curé s’éloigna et se 


développement à cette procession « que les derniers ne sont pas encore sortis de 
la cathédrale que l’église de Josaphat est déjà remplie de ceux qui font le com- 
mencement d'icelle. » Le ton emphatique de l’auteur, non moins que la distance 
de Josaphat à la cathédrale, donne à penser qu’il y a une notable exagération 
dans ce témoignage. 


‘ Anquetin dans la Beausse desséchée ne parle pas de la mission confiée par 
les curés à M. Gilles Marie, ni de l’affront que celui-ci reçut à cette occasion. 





— 223 — 
mettant au milieu des pauvres assistés par le Bureau de cha- 
rité, il suivit ainsi la procession jusqu’à Josaphat, donnant à 
tous un admirable exemple d’humilité et de douceur. 

Les directeurs du Séminaire en furent navrés. Aussi après la 
cérémonie le supérieur, M. Chèvremont, s’empressa de pré- 
senter ses excuses et sa respectueuse sympathie au vénérable 
curé si indignement traité à l’occasion du Séminaire. En fin de 
cause, le débat fut déféré au jugement de l’Évèque de Chartres 
« lequel, dit Anquetin, sera le juste Alexandre-le-Grand qui 
tranchera le nœud de la contestation ‘. » La décision se fit 
longtemps attendre, si longtemps que soixante - cinq ans plus 
tard l’on vit surgir le même débat, « le nœud de la contes- 
tation » n’ayant pas encore trouvé son Alexandre-le-Grand. 

La publication du Mandement relatif à cette procession 
devait être un des derniers actes de la longue carrière de 
M. Berthault. Si nous avons vu les différends du 18 juin sou- 
mis au jugement de M. de Brisay et non au sien, c’est que les 
quatre-vingt-trois ans qui pesaient sur sa tête lui interdisaient 
de présider une si longue cérémonie. Renfermé dans ses appar- 
tements de l’Évéché, il attendait avec calme l'heure de sa mort 
ou plutôt de sa récompense. Elle arriva le 19 octobre de cette 
même année, alors que le Séminaire était dispersé par les va- 
cances ?. Le supérieur du Grand-Beaulieu regretta d’autant 


Pour décrire cet incident nous avons mis à profit le récit de l’auteur de la 
Vie de Gilles Marie, p. 162-164, le Journal du chanoine Le Féron, 
et le Journal de Claude Joncquet, fol. 263. Ce dernier est le plus explicite. 
Il fait mention d’ « un certain jeune homme, Lee ns Jacquet, de 
la paroisse de Saint-Saturnin, lequel voulait parler et corriger le supérieur. 
Lelit M. de Brissé le fist taire par deux ou trois fois, et le menaça, et lui dit 
il se retirât de ladite procession. » Il exagère quand il dit « que c'était l’or- 
donné de la part de M. Ferdinand de Neufville, évesque de Chartres, et qu'il 
falloit que lesdits Séminaristes Magdelonnisies marchassent en leur rang étant 
les plus anciens et antiques que les curés de la ville. » Enfin il est d’une injuste 
sévérité à l’égard de M. Gilles Marie. « Il arriva donc pour avoir bien contesté 
avec M. le grand vicaire, qu'un curé d’entre tous les autres curés, qui voulait 
s’obstmer et s’opiniâtrer contre ledit M. de Brisé, qui s’appelait Marie, curé de 
Saint-Saturnin paroisse de Chartres, pour n'avoir pas voulu obéir audit sieur 
grand vicaire, qui lui commanda avec humilité, de passer au costé droit, en mar- 
chant, n’en voulut rien faire ; ledit grand vicaire fut obligé de lui oster sa chappe 
sur ses épaules. Et y eut procès intenté entre eux. Le procès pourtant n’a point 
été intenté ni l'affaire pladée. [1 y eut accord faict quelque temps après par 
M. Pierre Sarazin théologal de Chartres. » 


4 Anquetin, Op. cit., p. 57. 


? La rentrée du Séminaire n'avait lieu qu’à la fin d’octobre ou au commence- 
ment de novembre. 


— 994 — 

plus vivement l’absence des séminaristes, que M. Berthault 
avait exprimé le désir d’être inhumé dans la chapelle du Sémi- 
naire à côté de son ami M. de Bagnols, auquel il avait lui 
même donné la sépulture quinze ans auparavant'.Il ne put donc 
rendre au vénéré défunt un hommage aussi solennel qu'il l’au- 
rait voulu, le jour des funérailles au Grand-Beaulieu. Ce fut le 
lundi 20 octobre, après le service célébré à la cathédrale par le 
Chapitre. Il était environ cinq heures de l’après-midi, lorsque 
le cortège capitulaire arrivant à la porte Saint-Michel, y trouva 
huit ecclésiastiques du Séminaire qui attendaient revêtus du 
surplis. Deux carrosses, dont l’un était celui de Mer de Neuville, 
avaient été envoyés pour faire le transport funèbre. Dans la 
voiture épiscopale fut placé le cercueil de M. Berthault entre 
quatre prêtres assis sur les côtés. Les quatre autres montérent 
dans le second carrosse et l’on se dirigea vers le Grand-Beaulieu 
où le convoi arriva à la chute du jour. Ce fut le collègue du 
défunt, M. de Brisay, qui vint le lendemain présider la céré- 
monie de la sépulture. Après une messe solennelle, le corps de 
M. Berthault, enfermé dans un cercueil de plomb, fut descendu 
dans le caveau creusé sous le chœur de la chapelle et placé à 
côté de M. de Bagnols, du côté de l'Évangile ?. 

M. Berthault laissait non seulement dans l’Église de 
Chartres, mais dans la France entière de glorieux souvenirs. 
Si naguëres, religieux de la Congrégation de l’Oratoire de 
France, il avait professé les lettres avec distinction dans plu- 
sieurs collèges de l’Institut, en devenant chanoine de Chartres, 
puis archidiacre de Dunois, sous-doyen, official et vicaire- 
général, il n’avait point abandonné ses doctes études. Les deux 
manuels d'histoire qu’il composa, le Florus gallicus et le Fl- 
rus Francicus, qui eurent jusqu'à six et huit éditions, étaient 


1 « Je veux et désire que quand il aura plu à Dieu de me retirer de ce monde, 
après les prières ordinaires qui se font au chœur de l'église cathédrale par 
essieurs du vénérable Chapitre, mon corps soit porté à l’église du Séminaire 
de Beaulieu où j'élis et choisis dès à présent ma sépulture. » Testam. de 
Ai ne) Arch. Dép., G, 2934. Cf. l’acte de sa sépulture, Arch. Comm., 
. 14, 1. 


2 ‘Arch. Comm. E, 14, 1. Registre des sépultures du Grand - Beaulieu, Cf. 
Journal du chanoine Le Féron. — Bibl. Comm. Mss. 2° p. 1073, notes de 
Ballon où on lit : « Son épitaphe (de M. Berthault) se voit en Félibien tom. X.» 
ce recueils mss. de Felibien sont perdus et l’épitaphe n’a pas été conservée ail- 
eurs. 





— 225 — 

regardés à juste titre comme un des meilleurs abrégés de notre 
histoire et avaient été adoptés dans un grand nombre de mai- 
sons d’éducation ‘. Un ouvrage plus important, le Liber singu- 
laris de Ara, donné par lui au monde savant en 1635, avait 
été hautement loué pour la sûreté et l’étendue de l’érudition. 
Cependant, si pures que fussent ces gloires, il se trouvait à la 
couronne de M. Berthault un fleuron plus brillant, celui de sa 
charité sacerdotale et spécialement de son dévouement pour 
l’œuvre du Séminaire : « En continuant, écrivait-il dans son 
testament, l'affection et le zèle que j'ai cy-devant témoignés 
pour l’augmentation du Séminaire de ce diocèse à Beaulieu, je 
déclare que je donne audit Séminaire la somme de six mille 
livres, laquelle leur sera délivrée incessamment par MM. les 
exécuteurs de mon testament, à la charge néanmoins que le 
Supérieur dudit Séminaire recevra tous les ans et à perpétuité 
deux écoliers capables d’entrer audit Séminaire pour se dispo- 
ser à l’ordre de sous-diaconat, où ils seront nourris et instruits 
pendant cinq mois comme les autres ecclésiastiques, lesquels 
deux écoliers lui seront présentés tous les ans, les uns après 
les autres, capables, comme dit est, et de bonnes mœurs, par 
M. le Sous-Doyen de ladite Église cathédrale de Chartres?. » 

Le testament ajoutait que les deux bénéficiaires devaient être 
originaires de la ville de Chartres ou au moins du diocèse”? , et 
‘en retour de cette fondation il demandait que le Séminaire de 
Beaulieu célébrât quatre services funèbres chaque année, dont 
deux pour Msr de Neuville qu’il appelle son « bienfaiteur » et 
deux pour lui-même, ses parents et ses amis *. La légitime im- 


1 Le Florus Francicus, sive Rerum & Francis bello gestarum epitome eut 
buit éditions dont trois postérieures au canonicat de M. Berthault (1659); le 
Florus gallicus sive Rerum a veteribus Gallis bello gestarum epitome eut six 
* éditions, dont la dernière en 1671. 


2 Arch. Dép. G. 2934, Testament de M. Berthault, 24 janvier 1681. 


3 M. Berthault désigne, dans son testament, Duval, son valet de chambre, 
comme devant le premier profiter de la fondation « pour entrer au Séminaire 
comme écolier. » {bid. 


+ Le même testament contient un legs qui intéresse la décoration de la cathé- 
drale. « Suivant le désir que j'ai souvent témoigné de l'achèvement du tour du 
chœur de l'église cathédrale, je déclare donner à cet effet à l’œuvre de ladite 
église, tout ce qui me sera dù tant de mes distributions que de collations et autres 
revenus de ma prébende et sous-doyenné. » Ibid. M. Berthault donna tous ses 
livres à la bibliothèque du Chapitre. Il avait fondé un obit qui se célébrait à la 


T. X, M. 17 


— 226 — 


patience qui remplissait l’âme du donateur pour l'exécution 
de ses bienfaits lui fit bientôt transformer en donation entre- 
vifs ses dispositions testamentaires', tandis que sa prudence 
l’amenait à modifier les charges annexées à la fondation ?. Or 
à cette heure les jours du vénérable chanoïne étaient comptés. 
On était au 13 octobre 1681 : six jours plus tard M. Berthault 
prenait son dernier repos dans ce Grand-Beaulieu qu’il avait 
tant affectionné. 

Son exemple devait trouver de nombreux imitateurs. Dans 
cette même année 1681, une personne, qui désirait rester in- 
connue, mais qu'on sut depuis être M. Nicolas Paresot de 
Saint-Laurent, introducteur des ambassadeurs auprès du duc 
d'Orléans, avait remis à M. Jolly, supérieur général des Laza- 
ristes, une somme de 8000 livres pour deux bourses de sémi- 
naristes, l’une au Grand-Séminaire de Troyes, l’autre à Beau- 
lieu; cette dernière en faveur d’un sujet natif de Senonches 
que devait présenter le curé de cette paroisse”. Un peu plus 
tard (1698), c'était un vénérable prêtre habitué de la paroisse 
Saint-Michel de Chartres, autrefois curé de Saint-Aubin-des- 
Bois, M. Hubert Desvaux, qui laissant peu de chose après lui, 
voulait cependant faire la part à l’œuvre de ses prédilections, 


cathédrale le deuxième ou troisième jour du mois d’août, et après lequel on de- 
vait exécuter un De profundis en faux-bourdon. 


{ Cette donation fut faite en présence de MM. Chèvremont, supérieur du Sémi 
naire et Pierre Himbert, procureur , qui reçurent les 6000 livres et déclarèrent 
accepter les conditions de la donation. Ces fonds placés sur l’Hôtel-de-Ville de 
Paris produisaient 300 livres de revenu. Arch. Dép. G. 2934. 


2 Ces modifications étaient les suivantes : un seul écolier devait bénéficier de 
la pension gratuite, mais les cinq mois de séjour à Beaulieu étaient transformés 
en une année entière ; les quatre services étaient réduits à deux et le pension- 
naire devenu prêtre devait € dire à l'intention dudit donateur une messe basse 
par chacun an, en mémoire de quoy ces présentes luy seront lues à l'entrée et 
sortie de son année dudict séminaire. » fbid., Cf. Arch. Dép. G. 2921, Jnven- 
taire des titres du Grand- Séminaire, art. Pensions; Pouillé du diocèse de 
Chartres, 1138, additions. 


3 Arch. Dép. G. 2921 , Inventaire général des titres du Grand-Beauluu, 
art. Pensions; Cf. Pouillé du diocèse de Chartres, 1738, p. 83, 84. Le titu- 
laire de cette bourse devait, après son ordination, remplir l'office de vicaire de 
Senonches, s’il en était besoin, et dire, pendant toute sa vie, une messe par an 
pour le repos de l'âme du fondateur. Il était stipulé que si aucun Senonchois ne 
s'offrait pour profiter de la bourse, les fonds devaient être employés à donner 
une mission dans cette ville tous les sept ans. I} est à penser que les sujets 
manquèrent rarement à Senonches car la mission ne fut acquittée que trois fois 
en cent ans, en 1749, 1763 et 1772. Inventaire general, Ybid. 


L 
s 





— 997 — 

en léguant au Grand-Beaulieu une rente de 84 livres, pour 
aider à la pension d’un pauvre clerc!. La généreuse demoiselle 
Madeleine de la Croix, si connue à Chartres par ses bonnes 
œuvres, aliénait à la même intention un capital de 4000 livres, 
ce qui lui donnait droit chaque jour à un De profundis avec 
les oraisons Inclina et Fidelium de la part de son protégé 2. 

Une autre œuvre, celle des titres cléricaux, n’était pas 
moins utile au Grand-Beaulieu que celle des pensions”. Dans 
un sens elle paraissait même plus urgente, car à la rigueur on 
pouvait recevoir des jeunes gens sans pension ni bourse, mais 
rien ne pouvait dispenser de l’obligation canonique d’un titre 
clérical, possédé nominativement et personnellement par cha- 
cun des aspirants aux ordres sacrés. Le sous-chantre du Cha- 
pitre, M. Balthazar de Cheminade, avait été le premier à se 
préoccuper de cette nécessité, car en 1695 il avait fondé à per- 
pétuité un titre de 50 livres de rente, minimum exigé par les 
règlements diocésains, en faveur d’un ordinand, qui devait en 
jouir jusqu’à ce qu’il eût reçu un bénéfice ecclésiastique ou un 
patrimoine d’égal revenu ‘. Telle avait été aussi la pensée de la 
riche et vertueuse demoiselle Madeleine Crouzet qui en 1697 


# Arch. Dép. Ibid. ; Pouillé, p. 85. Le capital de cette rente était de 1512 
livres. Le bénéficiaire devait être, autant que possible, choisi dans la paroisse 
Saint-Aubin-des-Bois ou dans celle de Saint-Michel de Chartres. Il devait réciter 
l'office des morts pour son bienfaiteur une fois dans la première semaine du 
Carème et une seconde fois dans la dernière. 


2 Cette fondation est du 29 décembre 1701. Mademoiselle de la Croix y dé- 
signe comme premier titulaire son parent Denis Lespine, clerc tonsuré, fils d’un 
ancien « maitre tailleur d'habits » de Chartres. Après lui les titulaires devaient 
être pris de préférence parmi ses autres parents ou entre les aspirants au sacer- 
doce de la paroisse de Lint-André. Ils devaient avoir 21 ans accomplis, et pou- 
vaient bénéficier de la fondation pendant deux ans de séminaire. Arch. Dép. G. 
2921 ; G. 2934. Mademoiselle de la Croix mourut en 4708. Avant cette époque 
elle avait ajouté deux nouvelles donations à ses générosités de 1701, l’une de 
4291 L. 11 s, 6 den. (25 août 1706), l’autre de 24 I. 9 s. {1°r février 1708). 
Les supérieur et directeurs de Beaulieu qui acceptèrent cette donation étaient 
re Jean Bonnet, supérieur, Denis Regnard, Nicolas Darest et André Costart. 

id. 


8 Le Titulus ordinationis est la justification authentique d'un revenu déter- 
miné, possédé par l'ordinand et capable, à défaut d'emploi lucratif, de lui assurer 
des moyens d’honnête existence. Ce titre autrefois exigé par le droit de l'Église 
est aujourd'hui tombé en desuétude dans la plupart des diocèses de France. 


* Arch. Dép. G. 2921. Inventaire général, T. 1, art. Titres cléricaux. Le 
capital de cette fondation était de 1300 1. La présentation du bénéficiaire appar- 
tenait au sous-chantre en charge. Cf. Pouillé de 1738, additions. 


— 998 — 

avait fondé quatre titres cléricaux, donnant pour cette œuvre 
un capital de 4000 livres ‘; tel aussi le dessein de ces chartrains 
dévoués, M. Bignon, conseiller d’État, bibliothécaire du roi 
(16 mars 1730), M. de Beaufort (13 sept. 1731) ?, M. Lugast, sei- 
gneur d’Ancise, près Châteaudun, (4 oct. 1734) *, M. de Rey de 
Sauvoy (22 avril 1744), M. Étienne, seigneur de Mainvilliers 
(er sept 1743)‘, M. Peleus, curé de Saint-Remy-sur-Avre 
(1754), qui durant le XVIIIe siècle résolurent de plus en plus le 
difficile problème des titres d’ordination :. 


1 Arch. Dép. Inventaire général. Ibid. Cf. Pouillé de 1738, p. 84 et addit. 
L'Évêque de Chartres nommait au premier et au second de ces titres, les ainés 
de la famille de l'Eau au troisième, les sieurs de Bracquemont au quatrième. 
Suivant la volonté de la fondatrice une plaque commémorative relatant ces dis- 
positions avait été encastrée dans le mur de la chapelle du Séminaire. 


2 La rente de 50 1. établie 1 lui était à prendre sur son château du Breuil. 
paroisse de Garancières sous Monttort-l’Amaury. Arch. Dép. G. 2921. 


3 Ce titre fut fondé « en considération de la permission donnée audit sieur 
Lugast par Mer l'Evêque de Chartres d'ériger une chapelle dans son château 
d’Ancise. » Arch. Dép. G. 2936. 


4 M. Mathurin Étienne avait également fondé ce titre « à cause que Mer 
l’Évêque de Chartres lui a permis de construire près de son château une chapelle 
et d'y faire célébrer la messe. » Ibid. 


$ [] convient de donner ici un souvenir à plusieurs autres donateurs qui avaient 
fondé au Grand-Beaulieu des services religieux dont les honoraires aïdaient la 
communauté à subsister. Chaque jour une messe était dite pour M. Chevallier, 
qui en 1668 avait donné à cette intention 6000 livres de rente, se réservant seu- 
lement 250 1. de viager. Chaque année un service solennel était célébré pour 
Pierre Bomée, prieur de l’ancienne Léproserie qui avait légué, à cette fin, 3 Liv. 
de rente à prendre sur ses prairies de Ver (150 d D'autres anniversaires étaient 
fondés pour Marin le Menant (1603) et Mathurin Maudin (1612) anciens confrères 
des Lépreux. Richard des Moulins et Jeanne Gallois, sa femme , avaient établi 
en 1641 (18 mai) l'office des Vépres de saint Lazare, à célébrer le 16 décembre 
et « une messe haute à diacre et sous-diacre » avec un Libera. Le Grand- 
Beaulieu recevait pour cette fondation 20 livres de rente sur des terres situées à 
Vovette près Theuville. Arch. Dép. G. 2921, 2936. Nous avons déjà parlé des 
fondations de MM. Pierre Martin et Camus de Bagnols, premiers supérieurs du 
Séminaire, de M. Berthault, de Mer Lescot. La liste complète de ces fondations 
serait trop longue; l’occasion se présentera plus tard de parler spécialement de 
plusieurs autres que nous ne mentionnons pas ici. 





— 229 — 


V 


RECONSTRUCTION DU GRAND - BEAULIEU 


Le Séminaire vivait paisiblement depuis quatre ans sous la 
direction des Lazaristes, lorsque la mort de deux séminaristes, 
enlevés en quelques mois, vint mettre le deuil dans la maison. 
Le premier, Simon Desvaux, était fils d’un tailleur de Chartres, 
demeurant sur la paroisse Saint-Michel, généreux chrétien qui 
déjà avait donné au clergé chartrain un autre de ses fils. Il 
avait 23 ans et venait de recevoir les ordres inférieurs, lorsque 
Dieu rappela à lui son âme enrichie des mérites de sa première 
année de séminaire et embellie par le sacrifice du plus cher de 
ses désirs. Son frère ainé, alors curé de Saint-Aubin-des-Bois, 
celui-là même dont nous avons rapporté plus haut les libéra- 
lités, fut mandé en toute hâte et se trouva au Grand-Beaulieu, 
le 13 octobre 1684, jour des funérailles, assistant son père 
près du cercueil du jeune acolyte. Le corps fut inhumé dans 
la nef de la chapelle, « vis-à-vis le côté de l’épiître de l’autel 
de Saint-Sébastien, à dix pieds au-dessous du marchepied du- 
dit autel et à quatre pieds du mur » ‘. C'était la première tombe 
de séminariste qui s’ouvrait en ce lieu depuis la fondation de 
l’œuvre. Elle fut bientôt suivie d’une autre pour le fils d’un 
notaire de Vendôme, Pierre Pilon, décédé trois mois après. 
Quand la mort de ce jeune ordinand arriva, le 3 janvier 1685, 
M. Chèvremont se souvint qu’à Chartres, parmi les dignitaires 
du Chapitre, se trouvait un ancien curé de La Madeleine de 
Vendôme, paroisse importante dans laquelle le frère aîné du 
défunt exerçait présentement les fonctions de vicaire. M. de la 
Roëère vint en cette qualité présider les obsèques du défunt et 
lui donner la sépulture près de son frère en ordination, Simon 
Desvaux ?. 


\ Arch. Comm. , E, 14, 1. Registre des sépultures du Grand-Séminaire de 
Beaulieu. 


? Arch. Comm. Ibid. M. de la Roëre était de plus archidiacre de Vendôme. 


— 230 — 

Ces pénibles événements n’empêchaient pas des sollicitudes 
d’un autre ordre parmi les Supérieurs du Séminaire. Depuis 
la fondation en 1659, l’œuvre du Grand-Beaulieu avait pris 
un tel développement et chaque année le nombre des ordi- 
nands augmentait à ce point que pour les recevoir on ne pou- 
vait plus se contenter des bâtiments insuffisants et tombant en 
ruine de l’ancienne Léproserie. Mer de Neuville ne s’arrêtait 
pas à en gémir. Réparer et agrandir paraissait même trop peu 
à sa magnificence ; il conçut le dessein de reconstruire à neuf 
le Séminaire entier : noble entreprise dont l’illustre prélat ne 
devait pas voir l’achèvement ici-bas. Il eut du moins la joie 
d’en contempler les débuts et de pouvoir chanter avec le pro- 
phète : « Mon cœur et ma chair ont tressailli dans le Dieu- 
vivant, car le passereau trouve un abri et la tourterelle un nid 
pour déposer ses petits : Dieu des vertus, voici vos autels ‘! » 

La chapelle, toute étroite qu’elle fût, était la seule portion 
des anciens bâtiments qui n’entrât point dans le plan de 
reconstruction. Restaurée, nous pourrions dire complètement 
renouvelée, sous le supériorat de MM. de Bagnols et Vuanet*, 
elle demeurait, en comparaison du reste, un superbe édifice. 
D'une longueur totale de vingt à vingt-cinq mètres, elle se 
composait d’un chœur pour le clergé et d’une nef, où naguère 
les lépreux, maintenant les fidèles des Chaises, du Grand et 
du Petit-Beaulieu, venaient assister aux offices. Le chœur 
avait été décoré d’un autel neuf et de stalles ou « hautes 
chaires » *, dus à la générosité de Mer de Neuville, qui avait 
également offert à cette maison qu’il aimait tant, la grille ou 
« clausture du chœur » surmontée, selon l’usage du temps, 
d’un grand crucifix. C’est à lui qu’on devait aussi les verrières 
portant ses armoiries et « deux petits autels de menuiserie » 
placés de chaque côté, au bas du chœur, et dédiés, l’un à la 
sainte Vierge, l’autre à saint Sébastien ‘. 


1 Ps. LxXxIV, 2-4. 

3 Cette chapelle fut construite « sur les fondements de la précédente, qui 
tombait en ruine ». Bouvet -Jourdan, Recherches sur l'histoire de Chartres et 
du pays Chartrain. Bibl. Comm. Mss. 1026. 

8 « Ses armes y sont attachées pour mémoire éternelle. Lesdites armes sont 
aussy attachées à la clausture du chœur et aux vitres de l’église. [] donna quel- 
ques ornements à l’église pour faire l'office divin. » Journal de Claude Joncquet, 
fol. 154, vo. 

4 L'érection d'un autel en l'honneur de saint Sébastien dans la chapelle de 





— 93 — 


Quatre portes, dont la principale au bas de la nef, donnaient 
accès à cette église; les trois autres étaient pratiquées, l’une 
dans le mur méridional du côté de la maison avec laquelle elle 
mettait la chapelle en communication immédiate, l’autre vers 
le milieu de la nef, en face de la chaire, dans le mur septen- 
trional ; la troisième donnait dans le chœur et communiquait 
avec la sacristie ‘. L'ancienne église de la Léproserie consa- 
crée en 1134 par Geoffroy de Lèves avait été dédiée aux saints 
Simon et Judde, apôtres. Nous ignorons la raison qui détermina 
à changer ce vocable pour lui préférer celui de sainte Made:- 
leine, la patronne des villages du Grand et du Petit-Beaulieu. 

Au milieu du chœur, entre le lutrin et le sanctuaire, « fermé 
d’une pierre en forme de tombe enclavée dans le rangement 
du pavé, » * s’ouvrait le caveau destiné à la sépulture des 
Supérieurs et autres personnages de distinction, qui choisis- 
saient le Grand-Séminaire comme lieu de leur dernier repos. 
Les défunts de moindre qualité étaient inhumés soit dans le 
chœur, soit dans la nef’. On soulevait pour cela quelques car- 
reaux qu’on remettait à leur place après les funérailles, et 
généralement il n’y avait d’autre épitaphe que l'inscription au 
Nécrologe de la maison. 

Telle était la chapelle que Mer de Neuville avait relevée, dé- 
corée et rendue au culte. Il l’avait consacrée solennellement le 
6 mai 1668 ‘, et durant un siècle encore elle devait demeurer, 


Beaulieu remontait à l’ancienne Léproserie, car saint Sébastien, aussi bien que 
saint Roch, était spécialement invoqué contre la peste et autres maladies conta- 
gieuses. Ïl est assez difficile d’assigner la raison de ce patronage. Est-ce, 
comme le veulent quelques auteurs, à cause des flèches dont il fut percé, et qui, 
au témoignage de l’Ecriture, représentent les fléaux divins, Ps. vu, 14. Il est 
plus vraisemblable d'attribuer ce culte spécial à la cessation subite d’une peste 
cruelle en 680, lors de l'arrivée à Rome des reliques de ce saint. Papebrock, 
Acta sanctorum: Cahier. Les Caractéristiques des Saints, 1867, p. 414. 


1 Ces indications sur la disposition de l’ancienne chapelle sont principalement 
empruntées à un registre de sépultures conservé dans les Archives Communales, 
E, 14, 1, 2. Malheureusement les feuillets contenant les actes d’inhumation de 
1761 à 1782 sont perdus. Après 1782 le Séminaire posséda un cimetière spécial, 
distinct de la chapelle. 


2 Pintard, Hist. de Chartres, an. 1690. Bibl. Comm., Mss. 1012. 


3 Depuis l'établissement du Séminaire à Beaulieu jusqu’en 1761, cinquante 
inhumations furent faites dans cette chapelle. Arch. Comm., E, 14. 


* L’unique document où il soit question de la consécration de l'église du 
Grand-Beaulieu en 4668 est lemanuscrit de Claude Joncquet, où on lit, fol. 258 : 





— 232 — 


sans recevoir de notables modifications, le foyer de la piété et 
le centre religieux du Grand-Séminaire !. 

Ce fut donc uniquement en vue de nouveaux bâtiments d’ha- 
bitation que, le 27 février 1687, la communauté de Beaulieu 
tout entière se trouva réunie, pour la pose solennelle de la 
première pierre, sur le chantier de construction, au milieu du- 
quel on apercevait les fondations, déjà anciennes, d’un vaste 
édifice. Le fondateur du Séminaire, Mer de Neuville, retenu 
par ses infirmités, manquait à cette fête de famille?. A sa 
place et en son nom, un vicaire général, M. Blaise Bouthier, 
chanoine de Notre-Dame, présidait, appelant sur ces édifices 
et tous ceux qu’ils devaient abriter, les célestes bénédic- 
tions. Tout le monde était à la joie en pensant que le Grand- 
Beaulieu, secouant la poussière. des siècles, allait renouveler 
sa jeunesse et resplendir d’un plus grand éclat. 

Cette pierre commémorative, mesurant 40 centimètres de 


« Le sixième jour de may l'an 1668, l’églize de la Magdelaine du Grand-Beau- 
lieu, le Séminaire, fust béniste, dédiée et consacrée par M. Ferdinand de Neuf- 
ville. évêque de Chartres, avec grande solennité. » La note publiée par M. Le- 
mel sur la pierre commémorative de ‘la reconstruction de Beaulieu (Procès- 
verbaux de la Société archéologique, t. vu, p. 25-29), rapporte par pure 
conjecture la reconstruction de la chapelle à Dates où fut renouvelé le reste 
des bâtiments, en 1687. « Ce fut alors, dit M. Lecocq. Sue 1680, année de 
l'établissement des Lazaristes), que l’évêque Ferdinand de Neufville prit la réso- 
lution d’édifier en ce lieu et en remplacement des constructions existantes, une 

nde chapelle et trois vastes bâtiments formant ensemble un parallélogramme. 
La hpelle ainsi que deux des trois bâtiments projetés étaient déjà en grande 
partie édifiés en 1690. » Le Journal de Claude Joncquet établit indubitable- 
ment que la chapelle était rebâtie depuis dix-neuf ans, quand on commença les 
reconstructions rappelées par la pierre commémorative de 1687. Ajoutons, au 
sujet de la même note, que M. Lecocq attribue faussement à Mgr Lescot la fon- 
dation du Séminaire de Beaulieu, auquel, d’après lui, Mgr de Neuville n'aurait 
fait que donner « une plus de extension. » Nous avons dit que le séminaire 
fondé par Mgr Lescot était établi dans le quartier de Ja Porte Cendreuse, où il 
demeura jusqu’après la mort de ce prélat. 


4 A part Doyen qui, dans son Histoire de Chartres, t. 1, p. 402, fait allu- 
sion à la construction d'une « nouvelle chapelle » après celle dont nous par- 
lons ici, tous les autres historiens ont supposé faussement que l'église, relevée 
par Mgr de Neuville, avait subsisté jusqu'à la vente du Séminaire en 1791. Nous 
verrons que loin qu’elle fut détruite et transférée dans un autre emplacement 
à la fin de l’épiscopat de Mer de Fleury. 

3 « M. Ferdinand de Neuville, estant tombé dans une grande infirmité de ne 
plus pouvoir marcher et de ne plus exercer son office, cela dura l'espace de 
onze ans ou environ, jusqu’à la fin de sa vie, fust contrainct et obligé de mettre 
et de faire venir un évêque en sa place pour exercer et faire son office deux 
fois l’anuée scavoir à Ed et aux Quatre-Temps de septembre. » Journal de 
Claude Joncquet, fol. 155. 





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— 233 — 


hauteur sur 2 de largueur, portait l'inscription latine suivante, 
dont nous reproduisons la disposition, les abréviations, et 
même les fautes de transcription : 


AD GLAM OIPOT DEI ET 
I CHR: ECCLAE SPLENDOR 
AN D M. VCC. LXXXVII 
DE “xxvu Fes D Mar 
BLasirus BOUTHIER 
CANON SUBDEDAN 
INsIGN Eccz CARNOT 
VICAR GENERAL 
REVERENDISS IN CHRO 
PATRIS FERDIN DE 


NEviLLE EPri CAROT 
IPSIUSQUE NOE IN 


AETERN ECCLESCAE 
DISCIPLAE SELUS 
MoNCMTM Im HUJUS 
SEMINAR AEDIFIC 


LAPID APPOSUIT 


+ 
Fr! THS t! 


1 À cet endroit étaient gravées les armes de Mgr de Neuville : d'azur à un 
chevron d'or accompagné de trois croix ancrées de mème, deux en chef et une 
en pointe. Voici le texte complet et corrigé de cette inscription : Ad yloriam 
omnipolentis Dei et Jesu-Christi ecclesiæ Splendorem, Anno Domini MDCLXXxvu, 
dre XXVII Februarti, Dominus Magister Blasius Bouthier, canonicus, subdeca- 
nus [Insignis Ecclesiæ Carnolensis, Vicarius generalis Reverendissimt in 
Christo Patris Ferdinandi de Neuville, episcopi Carnotensis, ipsiusque nomine, 
in ælernum ecclesiasticæ disciplinæ decus, monumentum, primum hujus Se- 
minaris ædificandi lapidem apposuit. Cette pierre a survécu à la ruine de 


— 234 — 

L'édifice par lequel on commençait la rénovation du Grand- 
Beaulieu devait s'élever sur les fondements du grand corps de 
logis de l’ancienne Léproserie'. Orienté du Nord-Ouest au 
Sud-Est, il mesurait trente-huit mètres de long sur huit de 
large et, par son extrémité septentrionale, il s’appuyait à angle 
droit sur le latéral et près du portail de la chapelle. Dans le 
plan d'ensemble, il devait servir d’aile à une plus vaste cons- 
truction élevée perpendiculairement sur son extrémité méri- 
dionale et s’étendant de l’Est à l’Ouest dans une direction pa- 
rallèle mais opposée à celle de la chapelle. Ce devait être le 
bâtiment principal du Séminaire et tout était disposé pour 
qu'il pût être flanqué d’une seconde aile semblable à la pre- 
mière, quand les ressources seraient suffisantes et que le nom- 
bre des ordinands le demanderait ?. 

Dieu ne devait pas attendre la fin de cette bonne œuvre pour 
appeler Mer de Neuville à la récompense. La santé du Pontife, 


l'édifice. Il y avait longtemps que des constructions de Beaulieu il ne restait 

lus que le souvenir, quand le propriétaire actuel du terrain, en faisant des 
ouilles près des anciennes fondations, la mit à découvert (Janvier 1880). La 
Société Archéologique d'Eure-et-Loir en fit l'acquisition et la déposa dans le 
Musée de la ville de Chartres, où on la voit encore. Cf. Procès verbaux de la 
Société Archéologique, t. VII, p. 25-29. 

La pierre commémorative posée en 1687 a en effet été trouvée à l'angle 
Nord-Est des fondations de la Léproserie qui subsistent encore et entre lesquelles 
s'ouvre l’excavation reproduite plus haut, p. 76. Ces fondations d’un appareil 
très compact ont résisté à tous les instruments employés pour les faire dis- 
paraitre. 


? Les historiens ne sont pas d'accord pour présenter l'œuvre de recons- 
truction du Grand-Beaulieu et la part qu'y eut Mgr de Neuville. La plupart se 
bornent à dire, comme Doyen, qu’il fit « reconstruire à ses frais » le Grand- 
Séminaire. Histoire de Chartres, t. [, p. 402; Cf. Fisquet, La France 
Pontificale, p. 194, ou comme M. de nos. que « les bâtiments furent 
reconstruits et considérablement augmentés sous l’épiscopat de MM. de Villeroi 
et de Mérinville. Histoire de Chartres, t. II, p. 537-538. Pintard est plus pré- 
cis sans être beaucoup plus exact. « Il releva à neuf l’église et un grand bâti- 
ment sur d'anciens fondements, et il fit construire un autre bâtiment qui devait faire 
face à un autre pareil, si le démembrement du diocèse n’avait empêché qu'on 
ne réalisàt ce projet. » Hist. de Chartres, an. 1657. Bibl. Comr., Mss. 1012. 
Le Journal de Claude Joncquet paraît plus conforme à la vérité. « En l’année 
1687, 1688, 1689, fit bastir un dortoir à la mode du monde, superbe, du 
costé de l'antrée de la grande ie de l’église, ses armes y sont au dessus de la 
porte, tant devant que du costé de la cour dudit bastiment, » fol. 154, vo. La 
magnificence si connue de Mgr de Neuville rend très suspectes les paroles qu 
suivent : « Toutes ces choses cy-dessus n'ont pas été faictes ny basties aux dé- 
pens et aux frais de sa bourse, mais aux dépens du revenu du bénéfice dudit 
rune pee car M. l’Evesque n'estoit pas bien large pour donner tant de 

jen. » Ibid. 





— 235 — 

gravement altérée depuis plusieurs années, venait de recevoir 
une nouvelle atteinte par la complication d’ « une fluxion de 
poitrine, » qui bientôt enleva tout espoir ‘. L’Évêque de Char- 
tres était alors à Paris, et habitait l’hôtel de Villeroy, situé 
rue Saint-Nicaize, sur la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois. 
C'était pour lui une grande douleur de se voir mourir loin de 
son église de Chartres, loin de ses œuvres, loin de son Sémi- 
naire de Beaulieu. Il aurait été bien consolé s’il avait pu revoir 
encore une fois cette chapelle que sa munificence avait renou- 
velée et les superbes bâtiments auxquels on travaillait encore, 
surtout cette communauté qu'il avait vu naître, dont il était 
lui-même le père et qu’à tous ces titres il aimait si tendrement. 
Le vénéré malade en parlait et de son exil il lui envoyait des 
paroles de suprême adieu‘. Aux paroles il joignait les actes. 
Le matin même du jour de sa mort, 8 janvier 1690, « estant 
assis dans sa chaise, » avec une parfaite lucidité d'esprit, il 
dicta son testament aux deux notaires royaux mandés pour cet 
office, « après s’estre recommandé à Dieu, à la Vierge Marie, 
sa mère, et à tous les saincts et sainctes du Paradis *. » 

Dans cet acte solennel le Séminaire de Beaulieu occupait 
une grande place, et on peut dire la première place. « Pre- 
miérement, y est-il dit, désire son corps mort être inhumé et 
enterré en l’église du Grand-Beaulieu-lès-Chartres où est esta- 
bli le Séminaire du diocèse dudit Chartres, et qu’à cette fin il 
y soit porté, en quelque lieu que son déceds puisse arriver, se 
remettant au surplus à la discrétion et prudence des sieurs ses 
exécuteurs testamentaires, des cérémonies de son enterrement, 
les priant que ce soit avec modestie ?. Donne et lègue audit 
Séminaire la somme de seize mille livres qui sera employée au 


4 Arch. Dép. G., 2934, Testament de Mor de Neuville. Nous ne savons sur 

els renseignements le Mss. de Claude Joncquet porte à ce sujet : « Sur la fin 
e sa vie il lui survint en la ville de Chartres un mal à la gorge, un charbon, 
qui lui donna le coup de la mort. » Fol. 155. 


? Bibl. Comm., Mss. 1016, Poésie de J. de Conty, élève de rhétorique, sur 
la mort de Mer de Neuville. 


3 Arch. Dép. G, 2934. 


4 Les exécuteurs testamentaires étaient MM. de Brisay et Bouthier, vicaires 
pe et M. de Magny, chanoine, archidiacre de Blois. Mer de Neuville leur 
onnaït « un présent de chacun cent louis d’or dont il leur fait don et legs pour 
avoir tel bijoux qu'ils jugeront à propos. » Le légataire universel était M. le mar- 
quis d’Alaincourt, petit neveu de Mer de Neuville. Arch. Dép. Ibid. 


— 236 — 

profit du Séminaire ainsi qu’il sera réglé par lesdits sieurs 
exécuteurs testamentaires de son présent testament ‘, à la 
charge de, par les sieurs ecclésiastiques dudit Séminaire, faire 
dire tous les ans à perpétuité à pareil jour de son déceds un 
service solennel en ladite église, à son intention et pour le 
repos de son âme. De plus ordonne qu’il soit célébré en ladite 
église un annuel de messes à son intention et que pour ce il soit 
payé au prêtre qui dira ledit annuel la somme de quatre cent 
livres, lequel prêtre sera choisi par le Supérieur du Séminaire. 
Donne et lègue audit Séminaire le parement de brocard d’or 
qui sert à la grande chapelle de l’Évesché comme aussi son 
pluvial et étole d'argent avec les deux pluviaux qui servent à 
ceux qui l’assistent à l'office ?. » 

Il n'entre pas dans le plan de ce travail de poursuivre la 
Jongue liste des donations, qui révèlent avec tant d'éclat le 
grand cœur de ce Pontife. Notre-Dame de Sous-Terre, « sa 
mère, » à laquelle il donnait « son cœur comme à Beaulieu 
son corps”, » recevait de lui, en filial hommage, le parement 
d’or de sa petite chapelle et sa chasuble de même étoffe. Per- 
sonne n'était oublié. Les communautés religieuses de Chartres, 
les pauvres du Bureau, tous ses domestiques depuis son maitre 
d'hôtel Duverger jusqu’à Jacquot, l’aide de cuisine, et Benoist, 
le postillon, avaient leur part de ses libéralités. 

Quelques heures après cette solennelle démarche, un cour- 
rier partait pour Chartres en toute hâte, porteur de la fatale 
nouvelle. Mer de Neuville était mort ‘. Le deuil fut grand pour 
Beaulieu qui perdait en lui son fondateur et son plus ferme 
soutien. Une seule pensée consolante se faisait jour à travers 
la douleur : le Séminaire allait posséder le corps du prélat dé- 
funt. En attendant, à Paris et dans le diocèse de Chartres, on 


‘ L’historien Challine dit que Mer de Neuville donna au Séminaire « 6000 lr- 
vres pour achever un bâtiment commencé sur son ordre, à la charge de recevoir 
six jeunes gens pauvres gratis. » Histoire oy recherches sur l'histoire de Char- 
tres, Bibl. Comm., Mss. 1074. fol. 318. Il est à penser que l'auteur a écrit 
par erreur 6000 au lieu de 16000, et que la destination de ce legs à l'achève- 
ment des constructions, non moins que la condition des six pensionnaires gra- 
tuits, furent déterminées par les exécuteurs testamentaires. 


2 Arch. Dép. G, 2934. 


3 Bibl. Comm. Recueil du chan. Brillon, Mss. 1016. Dernier adieu de 
Mor de Neuville au Séminaire de Beaulieu. 


4 Il mourut le 8 janvier, à 10 heures du soir, âgé de 82 ans. 





5 237 — 
préparait des funérailles et une translation digne de ce grand 
évêque. Ce fut le 18 janvier, après un service solennel à Saint- 
Germain-l’Auxerrois, que ces restes vénérés prirent le chemin 
de Chartres et du Grand-Beaulieu. Le trajet dura trois jours. 
Depuis les limites du diocèse jusqu'à la ville épiscopale, cha- 
que curé dans la paroisse duquel le corlège devait passer reçut 
ordre de venir avec son clergé recevoir le corps à la porte de 
son église et de le conduire processionnellement jusqu’à 
l’église de la paroisse voisine. À Chartres, où l’on arriva le 
20 janvier, à six heures du soir, le corps fut d’abord déposé 
dans la chapelle de l’Évêché tendue de deuil,où chaque clergé 
paroissial, chaque communauté, excepté les Bénédictins qui 
s’y refusèrent, vint à son tour psalmodier l'office des morts !. 
Le Séminaire ne fut pas le moins empressé à rendre à son 
protecteur ce dernier hommage, bien qu’il lui en réservât 
un plus solennel dans sa propre église. De grands préparatifs 
en effet se faisaient à Beaulieu pour les obsèques et la sépulture. 
La chapelle avait été tendue « depuis la voûte jusqu’au pavé?, » 
et sur les draperies se détachaient un grand nombre d’écus- 
sons aux armes du défunt. Au milieu du chœur, sous un dais 
de quatre mètres de hauteur, s’élevait un riche catafalque en- 
touré de nombreux candélabres et accompagné d'une mitre et 
d’une crosse voilées de crêpe. Les décorations faites à Notre- 
Dame pour le service officiel* égalaient à peine celles du 
Grand-Beaulieu. Ce fut le lundi %3 janvier, les cérémonies 
funèbres de la cathédrale étant accomplies, que le cortège se 
forma pour conduire la dépouille mortelle du défunt à la porte 
Saint-Michel, où devaient l’attendre les prêtres du Grand- 
Beaulieu. Après les longues files des bonshommes, des bonnes- 
femmes, des orphelins et des orphelines du Bureau des Pau- 
vres, et les aveugles du Saint-Julien, venaient les ordres reli- 
gieux, Capucins, Minimes, Cordeliers, Jacobins, eux-mêmes 


4 Pintard, Histoire de Chartres, an. 1690. Bibl. Comm., Mss. 1042. 
2 Ibid. 


3 Ce service se composa des vigiles solennelles, chantées le dimanche 
22 janvier à 3 heures et d’une grand-messe célébrée le lendemain matin à 9 
heures, après que le corps eüt été transporté processionnellement « par des 
rêtres, » de l'Évêché à la cathédrale. On peut voir dans Pintard l'ordre et les 
étails de ces cérémonies. Mer de Neuville avait défendu dans son testament 
« qu'il ne soit faict aucune oraison funèbre pour lui après son déceds. » 





— 238 g- 
suivis du clergé des paroisses de la banlieue, des faubourgs et 
de la ville; puis les chanoines de Saint-Cheron, de Saint-Jean 
et de Saint-André; les Bénédictins de Josaphat et de Saint-Père, 
enfin le vénérable Chapitre de Notre-Dame Douze des cha- 
noines, spécialement délégués par l’assemblée capitulaire, sui- 
vaient le corps et conduisaient le deuil avec le marquis d’Alain- 
court, neveu du prélat, dont le manteau long était porté par 
un valet. Après eux marchaient les personnages officiels : les 
échevins à la tête du corps de ville, le Présidial, l’Élection et 
les membres du Bureau des Pauvres. 

A la porte Saint-Michel le séminaire en habit de chœur reçut 
le précieux dépôt. À cause de la longueur du trajet et du poids 
considérable du cercueil de plomb, le corps de Mer de Neuville 
fut placé dans un carrosse drapé de noir et trainé par six che- 
vaux blancs‘, et, pendant que le cortège capitulaire rentrait à 
Notre-Dame, les ordinands de Beaulieu, précédant sur deux 
lignes le char funèbre, regagnèrent le Séminaire par le che- 
min des Chaises , en psalmodiant l'office des Morts. On était, 
comme nous l’avons dit, à la fin de janvier : la froidure de 
l'hiver, les arbres dépouillés, la nature engourdie dans une 
sorte de mort s’harmonisaient avec l’aspect lugubre de cette pro- 
cession et les accents de ces chants de deuil. Ce fut M. Robert, 
grand archidiacre et vicaire capitulaire, qui, le lendemain, 
présida la cérémonie et fit la sépulture. Le Chapitre avait 
délégué douze chanoines pour le représenter à ces funérailles, 
mais tous s’y rendirent, amenés par leur vénération et leur 
attachement pour l’illustre défunt. Après la messe le cercueil 
fut descendu dans le caveau du chœur et placé au milieu, 
« proche du corps de deffunct M. Camus de Baignols. » d’où, 
pendant un siècle, le pontife sembla présider encore à l’œuvre 
du Séminaire ?. 

La mort de Mer de Neuville excita une vive sympathie dans 
tout le diocèse. Entre les hommages qui furent rendus à sa 
mémoire, nous remarquons vingt-deux poésies latines, com- 
posées par les humanistes du Collège Pocquet. L’une d'elles 


1 Mss. de Claude Joncquet, fol. 155. 

3 Voir Pintard, loc. cit. ; Journal du chanoine Le Féron; Manuscrit de Claude 
Joncquet, fol. 155; et Arch. Comm. E, 14, 1, Registre des sépultures du 
Grand-Beaulieu, qui contient l'acte d’inhumation de Mgr de Neuville, signé de 
M. Regnard, alors supérieur du Séminaire. 





— 239 — 
signée : Jean de Conty, élève de rhétorique, célèbre le dernier 
adieu que, de son lit de mort, le Pontife adressa à sa chère 
maison de Beaulieu. Elle intéresse particulièrement ce travail 
et mérite de trouver place ici : 


Cum JAM FERNANDUS MORIENS PROPERARET AD ASTRA 
BELLILOCÆ HÆC DOMUI VERBA FERENDA DEDIT : 
DICERE, NATA, VALE CUM MORS NEGET, ACCIPE SALTEM 
MITTIMUS EXTREMA QUOD TIBI VOCE VALE. 

HÆC MIHI LUX TESTIS, PROPERA QUAM MORTE RELINQUO, 
ME SINE, NATA, TUO TRISTIUS ORE MORI. 

SPES TAMEN ILLA MEOS SOLATUR FIDA DOLORES : 
TE SUPERANTE, MEI PARTE SUPERSTES ERO. 

ME pupum VIRGO PARENS VOCAT ÆTHERE AB ALTO 
FILIA, CORPUS HABE, COR HABET ILLA MEUM ! ! 


Peut-on rien trouver de plus tendre et de plus pieux ? 
« À Marie mon cœur; au Grand-Beaulieu mon corps! » C'était 
bien là le résumé de ses plus chères affections. 

Lorsque le caveau eut été fermé sur ces restes vénérables, 
on pensa à perpétuer le souvenir d’un si grand évêque par un 
monument élevé à sa mémoire dans cette chapelle, œuvre de 
ses bienfaits. L’exécution en fut confiée à un artiste de talent, 
qui sut reproduire dans le marbre avec une remarquable fidé- 
lité les traits du fondateur du Séminaire. Mer de Neuville y 
était représenté en buste et de profil dans un médaillon qu’ac- 
compagnaient les insignes épiscopaux. Au-dessous était gravée 
en caractères noirs sur marbre blanc l’inscription suivante : 


$ FERDINANDUS DE NEUFVILLE DE VILLEROY 
CARNOTENSIUM EPISCOPUS, REGI AB OMNIBUS CONSILIIS, SEMI- 
NARII FUNDATOR 
Hoc IN TEMPLO JACET, QUOD EXALTAVIT DOMINO 
INTER CLERICOS 
QUIBUS MAGNIFICAS ÆDES EXSTRUXIT. 
ANIMAM EJUS IN ÆTERNA TABERNACULA RECIPIANT PAUPERES 
QUORUM FUIT PATER 
ÊT SIT HABITATIO EJUS IN SION 


Obiit die vrrr Jan. Anno Dani mpcLxxxx, ætatis suæ Lxxxil ?. 


# Bibl. Comm. Recueil de Brillon, Mss. 1016. 
2 Ce monument funèbre était fixé au mur du chœur de la chapelle au-dessus 


LE 


— 240 — 


Avec Msr de Neuville s’éteignait le flambeau qui durant 
trente ans avait éclairé, conduit et réjoui le Grand-Séminaire 
de Chartres. En présence de sa tombe l’horizon semblait s’as- 
sombrir et plusieurs se demandaient avec inquiétude si les 
beaux jours du Grand-Beaulieu n’avaient pas fui. 


des stalles du côté de l’épitre. Il fut transporté en 1781 dans la nouvelle cha- 
pelle, où il demeura jusqu'à la destruction du Grand-Beaulieu en 1791. La 
plaque de marbre blanc, mesurant 102 centimètres de largeur sur 48 de hau- 
teur, resta intacte et fut retrouvée par hasard en 1859 à Chartres dans une 
habitation particulière où elle servait de dessus de commode. Achetée par l 
Société Archéologique d’Eure-et-Loir. elle est aujourd'hui déposée au Musée de 
la ville. Procès-verbaux de la Société Archéologique, t. I, p. 206; t. VII, p. 29. 
Le dessin du monument de Mer de Neuville a été conservé dans un des recueils 
de Gaignières. (Bibl. Nat.) La Société Archéologique en possède un calque sur 
lequel a été pris le croquis réproduit ici. 


P.-M. RENAR&. 


{À suivre). 





NOTES HISTORIQUES 


SUR 


CHARTRES ET LE DIOCÈSE 


PENDANT L'ÉPISCOPAT 


DE LouIs ET DE CHARLES GUILLART 


1595 - 1553 — 1553 - 1573 ! 


La famille de Louis Guillart depuis longtemps connue à 
Poitiers, et signalée surtout à Châtellerault par la fondation 
d’une chapelle dans une église de cette dernière ville, fut ano- 
blie en 1464 en la personne de Jean Guillart, notaire et secré- 
taire du roi et de M. le comte du Maine. 

Jean Guillart eut cinq enfants : une de ses filles, nommée 
Julienne, épousa Robert Poignant, bailli de Nogent-le-Rotrou. 
En 1505 elle était veuve et elle donnait en 1511 la terre d’Au- 
tresson , paroisse de Souancé, pour doter la chapelle de Notre- 
Dame-de-Pitié qu’elle avait fait élever dans l’église collégiale 
de Saint-Jean ; l’année suivante elle ajoutait la métairie de la 
Hérissière, située sur la même paroisse. 

Le deuxième fils de Jean Guillart se nommaiït Charles C'est 
avec lui que nous commençons l’histoire de nos deux prélats ; 
Il fut le père de l’un et l’aïeul de l’autre. Charles Guillart s’en 
alla à Paris pour se livrer à l'étude du droit, se fit remarquer 
comme avocat, fut élu conseiller au Parlement, et devint 
membre du Grand Conseil, maître des Requêtes, président au 


1 Travail honoré d’une « mention très honorable » et d'une médaille d’argent 
and module, au Concours Lo sn (1890) institué par la Société archéo- 
ique et historique de l'Ori 


T. X. #. 18 


— 242 — 

Parlement et trois fois ambassadeur à Milan, en Allemagne et 
à Francfort en 1518. Il hérita dans le Maine des seigneuries 
des Épichelières, en Souligné-sous-Vallon, près la Suze, et du 
Mortier en Basoge, près le Mans, et acheta le fief dominant de 
la Folie, situé à Épineu-le-Chevreuil et Ruillé-en-Champagne 
(Sarthe). Il fit reconstruire avant 1509 le château des Épiche- 
lières avec une chapelle, au milieu d’un vaste parc de 198 hec- 
tares que son fils André fit plus tard entièrement clore de 
murs. C’est là qu’il se retira en 1532, « fasché de voir la véna- 
lité des offices introduite ». Il y mourut le 43 novembre 1537, 
et fut enterré dans la chapelle de Notre-Dame-des-Anges en 
l’église de Souligné. 

Il avait épousé Jeanne de Vignacourt et en eut plusieurs 
enfants : 

I. André, père de Charles Guillart ; 

II. Louis, qui fut évêque de Chartres ; 

III. Marie, que La Chesnaye-Desbois donne à tort comme 
morte sans descendance. Elle épousa Pierre Chevallier, gref- 
fier de la Chambre des Comptes, seigneur d’Éprunes, aujour- 
d’hui simple ferme entre Brie-Comte-Robert et Melun, et fut 
mère de : 

4. Pierre Chevallier, auquel Louis Guillart résigna l’évêché 
de Senlis ; 

2. Charles Chevallier, victime de la Saint-Barthélemy ; 

3. Madeleine Chevallier, femme de Gui Arbaleste de la Borde, 
président de la Chambre des Comptes, d’où vinrent Charlotte 
et Marie. La première épousa d’abord Jean de Pas de Feu- 
quières, maréchal de camp de Condé, et en deuxièmes noces 
Duplessis-Mornay, surnommé le pape des Huguenots; la se- 
conde s’unit à Jacques de Vaucelas, sieur de Cochefilet, sei- 
gneur de Levainville et fut mère de Rachelle de Cocheñilet, 
marquise de Rosny, duchesse de Sully, dame de Villebon. 

Michel et Louis Chevallier, chanoines de Chartres, tous 
deux en 1535, nous semblent de la même famille. 

Les armoiries des Guillart étaient : de gueules à deux bour- 
dons de pèlerin d’or, posés en chevron, accompagnés de trois 
rochers ou montjoies d’argent, deux en chef et un en pointe. 

Louis, le deuxième des fils de Charles Guillart, entra de 
bonne heure dans les ordres, occupa bientôt une charge de 
conseiller au Parlement et celle de grand-maitre de l’oratoire 





— 243 — 
du roi, et peu après, en 1513, par le crédit de la famille de sa 
mère, puissante dans le pays, et du consentement du pape 
Léon X et du roi de France Louis XII, il obtint l’évêché de 
Tournai que lui résigna Charles du Haut-Bois. 

La ville étant cette année même tombée au pouvoir de 
Henri VIII, roi d'Angleterre, celui-ci nomma à cet évêché son 
favori Wolsey, déjà évêque de Lincoln, et Louis Guillart ne 
put prendre possession de sa nouvelle dignité. En 1518, Tour- 
nai revint sous la domination française, et avec elle reparut 
l’évêque français qui fit son entrée le 43 février 1519. I] tint en 
1520 un synode dont les actes furent publiés. Mais en 1521 la 
ville étant passée sous la domination de Charles-Quint, Louis 
Guillart ne voulut pas se ranger au parti du roi d’Espagne, et 
cessa d’administrer son évêché, dont il ne pouvait du reste 
percevoir les revenus. 

A Chartres, la politique et peut-être aussi l’ambition produi- 
sirent les mêmes effets. Évrard de la Marck, duc de Bouillon, 
avait quitté son diocèse de Liège pour obtenir celui de Char- 
tres, sous l’influence de Louis XII. Il l’administrait par ses 
vicaires - généraux et était employé en diverses ambassades, 
auprès de Maximilien d'Allemagne. Quand cet empereur mou- 
rut, le 12 janvier 1519, Évrard abandonna les intérêts de 
François Ier pour se lier avec Charles-Quint et contribua puis- 
samment à faire monter ce prince sur le trône impérial. Il en 
fut récompensé (1521) par l’archevêché de Valence en Espagne 
et l’honneur de la pourpre. Mais en France, le roi le déclara 
ennemi de sa personne et de son État, ouvrit la régale dans le 
diocèse de Chartres et donna les revenus à Louis Guillart. Ce- 
lui-ci fit signifier, par un exploit conservé aux Archives dépar- 
tementales, les « lettres royaux » qu’il avait reçues et voulut 
aussi jouir des droits spirituels. Il eut à lutter contre le Cha- 
pitre qui prétendait s'emparer de ces droits durant la vacance, 
et contre les officiers d’Évrard de la Marck qui ne voulaient 
pas abandonner la place. Un procës fut intenté devant le Par- 
lement, et ces derniers conservèrent l’administration du diocèse 
pendant l’instance. Les deux prélats entrèrent en accommode- 
ment. Évrard résigna son diocèse de Chartres à Louis Guillart 
qui céda le diocèse de Tournai à Charles de Croï, protégé 
d’Évrard , à des conditions approuvées à Rome en 1524. 

Préconisé par le pape Clément VII, le 29 mars 1595, Louis 





— 244 — 

Guillart envoya aussitôt un délégué présenter ses bulles au 
Chapitre de Chartres. Celui-ci fit des difficultés avant de l’ac- 
cepter pour évêque, sous prétexte qu’on avait méconnu son 
droit d'élection, aboli du reste par le concordat de 1516. La 
cause fut plaidée au Parlement et la Cour ordonna la réception 
de Louis Guillart. Le prélat prévint qu'il ferait son entrée le 
2 juillet 1595. 

Les échevins ne reculèrent devant aucune dépense pour re- 
cevoir dignement le chef spirituel de la ville et du diocèse. Le 
détail de ces préparatifs est conservé aux Archives communales. 

Conformément à l’usage adopté depuis longtemps, Louis 
Guillart passa la nuit au monastère de Saint-Martin-au-Val; 
il y reçut les députés du Chapitre et fit entre leurs mains 
le serment accoutumé. Dès le matin il se rendit à la tour 
du roi où il prêta dans la chapelle de Saint-Blanchard un 
nouveau serment, et vint réitérer devant la porte royale de 
la cathédrale celui qu’il avait fait à Saint-Martin-au-Val. Les 
portes lui furent alors ouvertes. Il fut reçu par les chanoines, 
tous revêtus de chapes de soie et s’avança jusqu’au chœur, 
conduit par Jean de Salazar, archevêque nommé et grand- 
archidiacre de Sens, qui prétendait au droit d'installer son 
suffragant. Le Chapitre le fit complimenter par Médard Thier- 
sault, protesta contre l’ingérence du métropolitain, et les cha- 
noines, toujours en chapes, assistèrent à la première messe de 
leur évêque. Le soir il y eut festin en la salle de l’évêché. 

Dès qu’il le put, Louis Guillart montra sa reconnaissance 
envers le roi qui l’avait fait venir à Chartres. Avant même son 
installation il en trouva l’occasion dans la malheureuse défaite 
de Pavie (24 février 1525), où Louis de Vendôme, vidame de 
Chartres, et le seigneur de Cypierre, gouverneur du pays 
chartrain, partagèérent le sort de François Ier. 

Le 11 mars 1599, il fit consentir les délégués du clergé à 
donner deux décimes pour le rachat des princes François et 
Henri, retenus prisonniers à Madrid à la place du roi leur 
père. Le Chapitre, taxé pour sa part à 400 livres tournois, ne 
put les solder qu’en vendant un rétable d'argent doré et les 
lames d’argent qui recouvraient la châsse de saint Piat. 

Toutes les fois que le roi, les princes et les grands de la 
cour venaient à Chartres comme pêlerins conduits par la piété 
ou comme voyageurs de passage, l’évêque se mettait à la tête 





— 245 — 


de son clergé pour les recevoir dignement. C’est ainsi qu’il 
reçut le 6 novembre 1526 François Ier à son retour de Madrid, 
et ses enfants en 1530, après leur captivité. Mais le pèlerinage 
royal le plus célèbre est celui de 1550. Le 14 novembre, le Dau- 
phin et Marie Stuart, sa fiancée, alors âgée de huit ans, le duc 
d’Orléans, son frère, madame Élisabeth, sa sœur, et quantité 
de seigneurs et dames vinrent jusqu’à Chartres pour y attendre 
Henri II revenant de Normandie. Le clergé, la justice sécu- 
lière et les échevins allèrent au devant d’eux jusqu’à Lèves et 
de là les accompagnèrent jusqu’à la cathédrale où l’évêque les 
introduisit solennellement. 

Le 18, le roi arriva et aurait été reçu de même si un orage, 
imprévu à pareille date, n’eût obligé les bourgeois, ma- 
nants et habitants de se réfugier dans l’église de Saint- 
Maurice et les hôtelleries voisines « pour sauver leurs habits 
de gala ». La réception par l’évêque put seule avoir lieu. Le 
roi venait rendre grâces à Notre-Dame du succès que ses armes 
avaient obtenu contre les ennemis de la France. Il était accom- 
pagné des cardinaux de Lorraine et de Châtillon, du conné- 
table de Montmorency, du duc de Guise et d’une foule de pré- 
lats et grands seigneurs français. Quelques heures après, la 
reine Catherine de Médicis, Marguerite de France, sœur du feu 
roi François Ier, Diane de Poitiers, dame d’Anet, madame de 
Guise et autres dames, sans doute aussi attardées par l’orage, 
vinrent à leur tour, et les cérémonies de réception recommen- 
cèrent. L’évêque leur fit les honneurs de sa cathédrale et offrit 
au roi et à la reine les plus beaux appartements de son palais. 
Le 19, Leurs Majestés allèrent coucher à Illiers et partirent 
pour Blois. 

Le 4 octobre 1552, le Dauphin revint à Chartres et fut reçu 
de même. 

Mais avant tout Louis Guillart s’adonna aux devoirs de sa 
charge. Avant même son arrivée à Chartres, il avait pris la 
résolution d’inspecter autant que possible en personne toutes 
les paroisses soumises à sa juridiction, et peu après il commit 
des vicaires généraux pour le remplacer au besoin. Il préve- 
nait ainsi les décisions du concile de Trente qui recommande 
si impérieusement aux évêques de faire au moins tous les deux 
ans, par eux-mêmes ou par deurs délégués, la visite de leur 
diocèse, 


— 246 — 

Les procès-verbaux de ces visites dans tous les couvents, 
prieurés et paroisses furent rédigés régulièrement. Le premier 
registre qui les contient, commencé le 18 juin 15%, offre le 
plus grand intérêt. Les registres des bénédictions d’églises, 
ordinations, consécrations d’évêques, collations de bénéfices 
ne seraient pas moins utiles à consulter et fourniraient des do- 
cuments nouveaux et souvent inattendus, tant pour l'histoire 
du diocèse que pour l’histoire générale de l’Église de France. 
Malheureusement ces registres sont introuvables et sans doute 
perdus. Nous n’en avons qu’une analyse dans les cahiers ma- 
nuscrits de Guillaume Laisné et des extraits dans les Mémoires 
de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir. 

Dès le 2 août 1595, l’évêque partit de Chartres pour aller visi- 
ter son diocèse et commença par l’abbaye de Coulombs. Sa pré- 
sence est encore signalée à Blois en septembre et en octobre 
1526, chez les religieuses de Saint-Avit le 29 décembre 15%6, et 
à la Madeleine de Châteaudun le 4er janvier 1527. Le 18 mai 
1533, il était à Villebon pour la bénédiction de la chapelle, à la 
demande de Jean d’Estouteville, bailli de Rouen, et y installait 
quatre chapelains pour y faire le service « à cause de la dis- 
tance qui sépare le château de l’église paroissiale des Puits »; 
le 25 juin 155, il consacrait deux autels dans l’église de 
Gallardon. 

Sous son épiscopat, pour gagner les indulgences qu'il accor- 
dait, et sans doute sous l'influence de ses visites pastorales, 
malgré les disettes, malgré les excursions des pillards (1596) 
réfrénées par le baïlli Gilles Acarie, par Jacques de Courcil- 
lon de Dangeau et Pierre Levavasseur d’Éguilly ; malgré les 
épidémies de 1526, 1531 et 1532; malgré les inondations et les 
ouragans de 1534, les églises étaient partout restaurées ou 
reconstruites. Souvent les dates gravées sur la pierre des mo- 
numents et les caractères architectoniques des édifices nous 
rappellent cette époque. 

L'église abbatiale de Saint-Père, vers 1531, fut garnie de 
stalles richement sculptées, dues au ciseau des chartrains 
Jacques Bourdon et Denis Montaudouin. En 1583, elle recevait 
de François Marchand, maître imagier à Orléans, un rétable 
d’autel dont les débris sont aujourd’hui dans la chapelle de 
l’école des Beaux-Arts à Paris et au musée de Chartres. 

En 1539 la clôture du chœur de la cathédrale était achevée 





— 247 — 


depuis peu de temps, mais quelques groupes historiés seule- 
lement étaient sculptés, le Chapitre fit au plus tôt reprendre 
ces travaux qui se continuërent par intervalles de 1514 à 
1727. François Marchand entreprit les deux groupes de la 
Purification et du massacre des Innocents; Nicolas Guvybert 
représenta le baptème de Notre-Seigneur ; Robert Filleul, or- 
ganiste, et Rolland Foubert, menuisier, refirent les grosses 
orgues de la cathédrale. 

La campagne suivait l'exemple de la ville, les moindres 
prieurés imitaient les grandes abbayes. 

L’évêque en personne conclut un marché avec Jean Marquis, 
maçon et blanchisseur, pour « blanchir et tirer par carreaux 
de blanc et de noir la nef, le chœur et le cloitre du prieuré de 
Saint-Thibault-des-Vignes. » | 

Le sculpteur de la cathédrale, Nicolas Guybert, faisait « cer- 
taine besogne d’imaigerie » en l’église de Saint-Arnoult-des- 
Bois, et donnait quittance de dix livres aux marguilliers. 

Simon Palluau, curé de Saint-Sauveur-en-Thimerais, com- 
mandait à Mathurin Delorme, imagier, « une ymaige de la 
Trinité en pierre des Vaux-de-Cernay, pareille à celle des Ja- 
cobins de Chartres, représentant le Père Éternel assis, tenant 
entre ses mains une croix et laissant sortir de sa bouche un 
pigeon ». Cette statue existe encore. 

L'église de Saint-Georges-sur-Eure venait de recevoir un bas- 
côté, construit avec goût et solidité. Le mur est en grosses 
pierres taillées, les fenêtres sont divisées par des meneaux en 
forme d’ogive, et étaient autrefois garnies de vitraux aux ri- 
ches couleurs; les contreforts portaient, dans des niches fine- 
ment sculptées, des statues qui semblaient bénir ceux qui 
entraient dans le temple et monter une garde d'honneur autour 
de la maison de Dieu, les colonnes, les chapiteaux, les clefs de 
voûte, les gargouilles, la porte avec ses arabesques et ses rin- 
ceaux, tout indique la richesse, l’art et la foi de ce grand siècle. 

Le %5 avril 1526, avec une autorisation accordée par Louis 
Guillart, et dont la minute sur parchemin est conservée aux 
archives de la fabrique, Pierre Talon, évêque de Saba, consa- 
-cra cette église et le maître-autel, en l’honneur de saint Geor- 
ges, ainsi que plusieurs autres petits autels. Pour conserver le 
souvenir de cette cérémonie imposante. l’évêque accorda à per- 
pétuité quarante jours d’indulgence aux fidèles qui assiste- 


— 248 — 
raient aux offices à l’anniversaire de cette solennité, ou aide- 
raient de leurs biens, ou de leurs travaux, à l’entretien de cette 
église ou de ses ornements. « De bonis a Deo sibi collatis lar- 
giti fuerint, dederint, seu contribuerint, manusque suas por- 
rexerint adjutrices. » 

En 1548, les gagers de Sandarville firent repeindre leur église 
par Guillaume le Feuilleux, maitre tailleur et imagier en bois 
à Illiers, et l’année suivante ils s’entendirent avec Mathurin 
Danjouan, maçon, pour la construction d’une tour carrée de 
cinq pieds de large et dix-huit de haut « de la façon de celle de 
l’église de Thivars ». 

Sous l’abbesse Élisabeth Laurent, l’abbaye de l'Eau, paroisse 
de Ver-lès-Chartres, fut relevée de ses ruines en 1530, et l’église 
fut consacrée par Louis Guillart le 30 mai 1534. 

Jean Cottereau, trésorier général de France, seigneur de 
Maintenon, obtint une nouvelle homologation de l'érection en 
coHégiale et chapitre de l’église de Saint-Nicolas, 1530. 

La chapelle de Villebon date de 1533. 

L'église de Gohory, tombée en ruines au commencement du 
XVIe siècle, fut bientôt rétablie, et Barthélemy Simon, évêque 
de Sébaste et grand-vicaire de l’évêque de Chartres, la consa- 
cra le 25 juin 1536, comme le constate une inscription placée 
autrefois dans cette église et maintenant conservée dans les 
greniers du presbytère. 

Pierre Lemaire, originaire d’Illiers, curé de Magny, de 1512 
à 1536, réunit assez de ressources pour achever son église qui 
n’est pas sans mérite. 

Cette dernière année (1536), Robert de Cocherel, seigneur 
du Parc de Maintenon, fit bâtir une chapelle en l’honneur de 
saint Joseph. 

En mai 1537, Michel Bernard, prêtre, natif de Nicorbin, 
dota d’une chapelle le lieu de sa naissance, paroisse de Theu- 
ville. | 

L'église et les autels de Germainville furent dédiés et consa- 
crés. Dans l’autel de Saint-Liphard on mit des reliques de 
saint Savinien. 

Jacques Prévost, président au Parlement de Paris, établit 
une chapelle au village de Morsans, d’où il était, paroisse de 
Neuvy-en-Dunois, en 1540. 

En 1542, l’évêque permit aux religieuses d’Arcises d'ériger 





— 249 — 
dans la forêt de Morissure une paroisse dont nous ne retrou- 
vons aucune trace et qui resta sans doute en projet. 

En 1547, il approuva la fondation du couvent des Célestins 
d’Éclimont que venait de faire construire Étienne de Poncher, 
évêque de Bayonne, seigneur de cette terre. L’évêque de 
Bayonne, devenu archevêque de Tours, ayant fondé une autre 
église pour les Célestins sur sa terre de Moreaulieu, paroisse 
du Tremblay-le-Vicomte, Louis Guillart lui donna tous pou- 
voirs pour la consacrer le 95 juin 1550. 

Le 5 juillet de la même année, il permit à Nicolas Le Jay, 
conseiller du roi, d'ouvrir une chapelle en sa maison de la 
Touche-Hersant, paroisse de Lanneray , pour y faire célébrer 
la messe. Mais pour ne pas priver trop souvent l’église parois- 
siale de la présence des meilleurs paroissiens, il mit pour 
condition que les habitants du hameau ne négligeraient pas 
pour cela d'assister aux offices de leur église, au moins les 
jours de fêtes solennelles. 

Nous finissons cette liste d’églises et de chapelles construites 
ou restaurées en signalant la modeste église de notre village 
de Saint-A vit. 

Cette église autrefois se composait d’une nef et d’un chœur, 
l’un et l’autre de proportions très restreintes, mais à l’époque 
que nous étudions, un généreux bienfaiteur, François Leva- 
vasseur, seigneur d’Éguillv, chargea, par son testament conservé 
aux Archives départementales, Marie de Théligny, sa mère, 
de l’exécution de ses dernières volontés, et celle-ci, par acte 
passé le 25 février 1531, devant M° Cartenay, notaire royal à 
Bonneval, fonda plusieurs messes, moyennant vingt-cinq livres 
de rente, et paya diverses autres sommes de deniers pour 
« accroître et agrandir et réparer le chœur où il est convenu 
et assigné un lieu pour la sépulture des seigneurs, et dames 
d'Éguilly». La date de 1552, gravée sur une muraille, rappelle 
que ces travaux furent exécutés peu de temps après, l'année 
même du départ de notre évêque pour Chälon-sur-Saône. Des 
pierres d'attente attestent qu’on avait l'intention d’abattre aussi 
la nef et de la reconstruire sur le vaste plan du chœur, mais 
les ressources firent toujours défaut, et ces pierres attendront 
sans doute encore longtemps. 

Mais le temple n’est rien sans le prêtre. La beauté du sanc- 
tuaire ne peut seule protéger la foi des fidèles, si le pasteur ne 


— 950 — 
conserve les grâces de son sacerdoce. C'est pour cela que 
l'évêque dressait des règlements disciplinaires le mieux appro- 
priés aux circonstances, et pour leur donner plus d’autorité, 
il les faisait approuver par son clergé, qu’il réunissait sou- 
vent, sans doute tous les ans, selon les ordonnances de l’Église 
alors en vigueur. 

Comme il avait eu soin de faire imprimer les statuts du sy- 
node de Tournai de 1520, il en fit autant pour les statuts des 
synodes de Chartres de 1526, 1538 et 1550. La réunion de 1530 
eut lieu à Dreux, à cause des fièvres pestilentielles qui ré- 
gnaient à Chartres. 

Les statuts de ces synodes nous rappellent les uns les prin- 
cipes éternels de la doctrine de l’Église, et les autres nous 
instruisent sur les mœurs de l’époque: il nous semble intéres- 
sant de signaler quelques-uns de ces derniers. 

L’évêque recommande aux prêtres de se rendre au synode 
en habits honnêtes, rasés, tonsurés, les curés en HAL et les 
doyens en surplis et étole. 

Les précautions étaient prises pour contrôler là présence, et 
des peines disciplinaires étaient portées contre les absents. 

Le mardi d’avant le synode, à quatre heures du soir, les 
doyens ruraux se présentaient devant l’évêque pour recevoir 
ses instructions et, à l’heure dite, chacun d’eux faisait mettre 
en place les prêtres de son district. 

Nous voyons par les statuts que l’évêque voulait des prêtres 
savants, modestes dans leur tenue, et graves dans leurs 
fonctions. 

Sous le rapport de la science, il était inflexible. II menaçait 
de suspense jusqu’à ce qu’ils fussent instruits les prêtres qui 
n'avaient pas la science suffisante, et regardait comme un 
devoir de faire subir lui-même aux ordinands des examens 
sérieux. Les jeunes clercs connaissaient si bien sa sévérité sur 
ce point que plusieurs, après avoir reçu les ordres mineurs, 
s’en allaient se faire ordonner prêtres ailleurs et revenaient 
célébrer la sainte messe dans ce diocèse. Mais Louis Guillart 
ne put supporter longtemps qu’ils vinssent ainsi ravir le pain 
de ses enfants et lança contre eux la peine de suspense, jusqu’à 
ce qu’ils eussent soutenu devant lui un examen d’autant plus 
rigoureux qu’ils avaient mis plus d’empressement à s’y dérober. 

Il savait que celui qui n’apprend plus oublie vite et pour 











— 251 — 
cette raison il ordonnait à ses prêtres de continuer à étudier 
les livres de leur état : le psautier, l’évangéliaire, l’épistolier ; 
les explications approuvées des hymnes, des proses et du canon 
de la messe; la tripartite de Gerson, le manuel des curés, etc. 
et aussi les statuts synodaux que tous devaient acheter, lire, 
savoir et comprendre. 

Mais qu'est-ce qu’un prêtre savant, si sa conduite dément les 
bons principes qu’il enseigne”? Quelle confiance peut-il inspirer ? 

L’évêque connaissait l’importance de la conduite extérieure 
du prêtre, il s’empressait de porter des règlements à cet égard 
et ne craignait pas de répéter ses exhortations les plus pres- 
santes. C’est ainsi qu'aux synodes de 1526, 1538 et 1550, il 
invite ses prêtres à se souvenir qu’ils remplacent les saints et 
qu'ils doivent vivre saintement. 

Que les clercs dans les ordres sacrés portent des vêtements 
longs, non ouverts sur la poitrine, ni sur les manches, ni plis- 
sés, ni fendus par derrière, ni trop larges. 

Qu'ils n’aient point de jarretières de luxe, ni de bottines 
comme des soldats, ou fendues aux genoux, ou ornées de soie. 

Que les chaussures soient de cuir, qu’elles ne soient pas 
ajourées (ne utantur nimis fenestratis calceis), cornues ou 
courbées en forme de croissant, que les cordons ne soient pas 
de couleur prohihée, ni rouges, ni jaunes, ni verts. 

Que les chemises ne soient point froncées aux extrémités du 
col et des manches, ni ouvertes sous le menton, ni même liées 
avec des cordons blancs. 

Les habits froncés sur les épaules et les bras sont interdits. 

Les barrettes doivent être ni relevées, ni repliées, et les 
chapeaux sans garniture de plumes ; les prêtres n’auront point 
de coiffes comme les femmés, couvrant la nuque et tombant 
sur épaules | calanticas seu calotas sine capitiis, texte cité par 
Ducange). Chaque semaine, ou au moins deux fois le mois, ils 
feront raser leur barbe et leur tonsure, ils feront couper leurs 
cheveux de manière à découvrir les oreilles et ne les auront 
jamais longs ni divisés en raies trop marquées |fenestratos ca- 
pillos). Il leur était défendu de chasser avec des faucons ou 
des chiens et de porter poignard, grand couteau, fusil, arque- 
buse ou autre arme invasive. 

Ils devaient fuir et ne pas même regarder les jeux de 
hasard, et éviter les jeux publics, même les jeux de balles ; ils 


— 252 — 
ne devaient pas se livrer à ces jeux avec des laïques et s'ils 
pouvaient jouer entre eux il ne leur était pas permis de le faire 
dans la paroisse où ils se trouvaient réunis pour le service 
d’un défunt. 

Une grande réserve leur était recommandée dans la société 
des femmes, tous devaient se souvenir que l’incontinence fait 
perdre au prêtre ses biens temporels, son temps, son corps, 
son âme, l’amour de Dieu et du prochain, et pour montrer 
qu'ils avaient en horreur l’ivrognerie, source de toutes les 
passions et de tous les maux, ils devaient s'interdire les ta- 
vernes, les chants lascifs et les danses, et refuser autant que 
possible de se trouver aux repas de confrérie, de baptême ou 
de mariage, si ce n’est pour raison de parenté ou de grande 
amitié. 

Lorsqu'ils assistaient à la première messe d’un jeune 
confrère, quelques prêtres avaient coutume de jouer des 
comédies, l’évêque fit défendre ces réjouissances inconve- 
nantes sous les peines les plus sévères. 

Le prêtre savant et modeste est toujours grave dans l’exer- 
cice de ses fonctions. Il prend soin des objets du culte et 
observe avec respect les cérémonies et les usages de la liturgie; 
et, semblable au père de famille qui ne cesse de s’intéresser 
aux affaires de ses enfants, le pasteur des âmes doit toujours 
être en mesure de connaitre l’état spirituel du troupeau confié 
à sa garde. 

Louis Guillart rappela souvent les devoirs des pasteurs à ce 
sujet. 

Il ordonne en 1526 aux curés de tenir exactement les regis- 
tres de baptêmes, mariages et sépultures, et, bien qu’un trop 
grand nombre de ces registres, à la longueur du temps, aient 
été détruits par la rage des protestants qui mirent tout à feu dans 
nos églises, ou même par l’incurie de ceux qui prétendent au 
droit de les conserver, beaucoup de nos paroisses ont encore, 
grâce à ces registres, des renseignements suffisants pour 
constater les faits les plus importants de la vie religieuse et 
civile des populations rurales et urbaines. Notre modeste pa- 
roisse voit remonter les siens jusqu’en 1539. Ceux de notre 
nouvelle paroisse de Jouy datent de 1570, et une note, en 
latin, indique que les plus anciens ont été détruits par les 
hérétiques en 1568. 











— 253 — 

Les calices en verre ou en bois sont prohibés, l’évêque les 
veut en or, en argent ou en étain. Il veut encore que le calice, 
après chaque messe, soit essuyé avec un linge de lin ou de 
soie, qui sera plié soigneusement et brûlé quand il cessera 
d’être décent. Les cendres en seront jetées dans la piscine. Il 
prescrit que tout ce qui sert à l’autel soit bien propre et qu’une 
lampe soit toujours allumée devant le Saint Sacrement ; il re- 
nouvelle et complète l’ordonnance de Miles d’Illiers au sujet 
des saintes Huiles : Les doyens, dit-il, viendront chaque année 
en personne ou enverront un prêtre et non pas un laïque 
chercher les saintes Huiles. Ils ne se serviront pas pour cela de 
vases en bois, en terre, ou même en verre, mais en étain, en 
plomb ou en autre matière convenable et ces vases seront 
toujours propres, entourés d’un linge, enfermés dans une 
enveloppe d'’osier ou de bois, faciles à porter. Les curés pren- 
dront les mêmes précautions. 

Relativement aux cérémonies de l'Eglise, il faut éviter le 
ridicule et tenir compte des usages convenables et des besoins 
de l’époque. 

L’évêque en 1526 enjoint d’abolir l’abus, alors fréquent dans 
ce diocèse, de chanter sur des notes sautillantes les légendes 
des saints «cum hoquetis brevibus; » il recommande qu’aux 
fêtes de saint Nicolas, de sainte Catherine, des saints Innocents, 
les écoliers clercs ou prêtres ne fassent rien de ridicule; il 
blâme l’inconvenance commise par ceux qui empêchaient 
Pinhumation d’un cadavre avant qu'on ne leur eût donné satis- 
faction pour les torts du défunt, il défend dans les cérémonies 
des obsèques les chants qui seraient contraires à l'office des 
sépultures. Cette disposition fait souvenir d’un chanoine de 
son temps qui, en 1550, loin d’obtempérer au désir de son 
évêque, se donna le ridicule de demander par testament que 
le jour de son inhumation, et tous les ans à pareille époque il 
fût chanté à son intention, par les musiciens de la cathédrale, 
un Te Deum, en musique, au lieu d'un De Profundis et du 
Requiem ; Louis Guillart voulut s'opposer à l’exécution de ce 
testament, il y eut procès, et le Parlement, toujours frondeur, 
donna tort à l’évêque. 

Lors des mariages les jeunes gens cherchent à rire, souvent 
au détriment du respect dû à ce sacrement. Nous défendons, 
dit l’évêque en 1538 et 1550, de jeter de l’eau sur le mari, de 


— 954 — 

le poursuivre de grossièretés, de rires ou de clameurs, sous 
prétexte qu’il n’a rien payé pour régaler ses amis, et de frap- 
per les semelles des souliers des époux à genoux sous le voile 
nuptial sub lingeo ; nous ne voulons pas qu'on fasse des chari- 
varis avec de faux visages cum falsis visagiis lors des mariages 
en 2es 3es 4*s et 5es noces, et nous excommunions ceux qui à la 
cérémonie du mariage osent jouer d'instruments profanes à 
l'église, excitent les joueurs, ou les laissent faire. 

Quant aux coutumes qui marquent du respect pour les 
choses saintes, l’évêque peut les tolérer et les réglementer. 

Pour les baptêmes, il dérogea au synode de Miles d'Illiers de 
1489 qui avait permis jusqu’à trois parrains et trois marraines. 
Dans les synodes de 1526 et de 1550 il ne veut plus désormais 
que deux parrains et une marraine pour un garçon, deux 
marraines et un parrain pour une fille. C’est en vertu de cette 
décision qu’en 1550 il est lui-même parrain à Saint-Martin-le- 
Viandier, avec Hugues Salel, abbé de Saint-Cheron, de Louis, 
fils de Jean de Mineray,'lieutenant particulier de la ville. Il 
préparait ainsi le décret du concile de Trente qui a réglé 
qu'il n’y aurait à l’avenir qu’un parrain seul, ou une marraine 
seule, ou au plus un parrain et une marraine. 

Pour le sacrement de confirmation, les synodes de 152%6 et 
1550 ordonnent que les confirmands aient un bandeau propre 
et long, et qu'après la cérémonie ils le portent au moins vingt- 
quatre heures, car personne ne doit toucher au saint Chrême. 
Alors ils viennent à l’église, le prêtre leur enlève le bandeau 
et le brûle , leur lave le front avec du sel et de l’eau et jette le 
tout dans Ja piscine. 

La première Communion est fixée à quatorze ans pour les 
garçons et à douze pour les filles, ou plus tôt ou plus tard 
selon l’avis des pasteurs (1526). Les fidèles sont exhortés à se 
confesser à l’Assomption, à la Toussaint, à Noël et le premier 
dimanche de Carême. 

Pour recevoir la tonsure il fallait avoir au moins sept ans, 
quatorze pour les ordres mineurs, dix-huit pour le sous-diaco- 
nat, vingt pour le diaconat et vingt-cinq pour la prêtrise. 

Il est défendu de prendre des laïques pour remplir les 
fonctions de sous-diacre; mais, malgré cette défense, cet abus 
dans quelques églises de campagne n’en a pas moins continué 
jusqu’à ces derniers temps. Les publications étaient faites après 





— 955 — 
l’offertoire, et les mariages étaient conclus à la porte de 
l’église. 

L'usage de célébrer certaines fêtes en l’honneur de Notre- 
Seigneur, de la Sainte Vierge et des saints est facile à justifier, 
toutefois il faut avouer que les fêtes étaient alors, surtout en 
France, fort multipliées. Le synode de Miles d’Illiers en 1489 
indique cinquante-deux fêtes d'obligation et douze fêtes de 
dévotion, en dehors des dimanches. Les Conciles provinciaux, 
tenant compte des besoins de l’époque, exhortèrent les évêques 
à réduire les fêtes au moindre nombre possible. En consé- 
quence le synode de 1526, adoptant une décision du Chapitre, 
supprima douze des fêtes d'obligation : celles des troisièmes 
jours après Pâques et après la Pentecôte, celles de la Conversion 
de saint Paul, de saint Lubin 44 mars, de saint Jean devant la 
Porte latine, de saint Gervais et de saint Protais, de saint 
Pierre-aux-Liens, de la Décollation de saint Jean-Baptiste, de 
saint Gilles et de saint Loup, de saint Denis et des saints 
Innocents, et les mit au rang des fêtes de dévotion. 

Mais il æouta celle de sainte Catherine et en laissa ainsi 
quarante et une, parmi lesquelles nous comptons les fêtes 
de Notre-Seigneur et de la Sainte-Vierge encore observées 
comme de dévotion, celles des Apôtres, de sainte Madeleine, 
de sainte Anne, de saint Laurent, de saint Michel, de saint 
Martin, de saint Nicolas, etc. 

Le synode de 1697 retranchera ou transférera plusieurs de 
ces fêtes, et enfin l’indult du cardinal Caprara, du 9 avril 1802, 
les réduira à quatre pour la France. 

Les bancs et les chaises dans les églises rendent commode 
l'assistance aux offices religieux, mais alors beaucoup d’églises 
n'étaient pas encore agrandies, comme elles l’ont été presque 
partout depuis. Ces bancs étaient encombrants, l’évêque les 
interdit sous peine de censure en 1550, à cause des disputes 
qui s'élèvent à leur sujet, et aussi, dit-il, parce qu’ils gênent 
les cérémonies et que « le nombre des paroissiens croit de 
jour en jour. » 

Afin que ces ordonnances synodales ne fussent pas lettre 
morte, les archidiacres et les doyens ruraux étaient chargés 
de veiller à leur exécution, ils avaient l’ordre de résider dans 
le lieu de leur bénéfice et de visiter souvent les églises. Il leur 
était recommandé, toutefois, de ne pas se montrer exigeants 





— 956 — 
sur le nombre des voitures qu’ils pouvaient réquisitionner 
pour se faire porter de paroisse en paroisse. 

Un évêque si zélé pour la réforme des paroisses ne pouvait 
négliger les monastères. Il commença par la léproserie du 
Grand-Beaulieu. Cette maison, disait-on, avait beaucoup souf- 
fert; les malades, depuis plusieurs années, se plaignaient à la 
chambre de ville et accusaient le prieur Claude Audry de les 
laisser manquer de nourriture convenable et de soins suffi- 
sants ; les échevins avaient remontré au vicaire-général, Jean 
Grognet, que Beaulieu « qui avait jadis un prieur et de vingt à 
trente prêtres, et une prieure avec vingt ou trente sœurs pour 
le service des lépreux, n’avait plus ni prieur résidant, ni reli- 
gieuse, mais un procureur à gage et deux ou trois gens d'église 
qui ne sont suffisants pour le prieuré qui a cinq ou six mille 
livres de revenu ». 

Les Echevins ne s’apercevaient pas qu'ils se condamnaient 
eux-mêmes et c’est en vain que le vicaire-général tenta de leur 
faire comprendre qu'avec ces cinq ou six mille livres, il n’était 
plus possible de soigner les malades et de rétribuer et nourrir 
comme autrefois cinquante ou soixante gardiens et gardiennes. 
À son arrivée Louis Guillart prit l’affaire en mains; les Eche- 
vins contestèrent vivement les droits du prélat, le Parlement lui 
donna raison et en conséquence, le 18 avril 1530, il fit dresser 
un procès-verbal d'enquête sur l’administration de la maison. 
On y inséra les dépositions des principaux magistrats de 
Chartres, les explications de Claude Audry et les observations 
des lépreux, on examina les comptes, les inventaires des 
biens, les droits du curé du Coudray et les nouveaux statuts 
imposés à la maison. 

Nous pensons que l’évêque trouva la gestion de Claude 
Audry régulière, puisque au lieu de le punir, s’il eût été pré- 
varicateur, il l’honora de son amitié et le prit pour vicaire- 
général et coadjuteur. 

Après cette affaire il ne se désintéressa pas du sort des 
lépreux. En 1550 il ordonnait aux malades de se faire visiter 
par le prieur et les frères de Beaulieu, et rappelait que les 
lépreux pauvres avaient droit d’être pourvus aux frais des 
paroisses, de cliquettes, d’un cheval, d’un manteau, d’un 
baril, d’un sac et des autres objets voulus par la coutume du 
diocèse. 





— 257 — 

Il rétablit ensuite la clôture des religieuses de Saint-Remi- 
des-Landes, paroisse de Sonchamps (Seine-et-Oise) avec l’aide 
de l’abbesse Agnès de Marafin venue de Fontevrault, et réforma 
les religieuses de Saint-Cyr avec Pétronille Guillerme. Le 
29 décembre 1526, il était à Saint-Avit, près Châteaudun, et 
imposait aux religieuses des statuts plus rigoureux. Celles-ci 
sans doute firent des difficultés pour se soumettre, car sur 
l’appel du promoteur de l’officialité il enjoigmt, le 7 novembre 
1552, à l’abbesse Madeleine de Warty de garder exactement la 
clôture et de la faire observer par ses religieuses, avec défense 
de sortir même pour aller aux granges qui étaient dans la cour 
du dehors et de laisser pénétrer qui que ce soit, comme 
parents, ouvriers ou médecins, hors le cas de nécessité. 

Le premier jour de l’an 1527, il allait à la Madeleine et don- 
nait un réglement qu’il expliqua et confirma le 22 mai suivant. 

Le 4°r mars, il rétablissait la discipline à Saint-Jean-en-Vallée, 
et dès lors l’abbé et les religieux prirent la robe blanche. La 
même année, il s’occupait de l’abbaye de Pontlevoy et de celle 
de Bourgmoyen, à Blois. Celle de Josaphat fut aussi réformée 
par arrêt du 11 août 1546, à la requête de Louis Millet, archi- 
diacre de Meaux, abbé commandataire. 

En 1550, Louis Guillart reconstitua la Communauté des 
Filles-Dieu sur des bases sévères, en fit une véritable maison 
régulière et entreprit en même temps d'accroître leurs biens 
et de réparer le couvent. 

Le 7 avril 1552, un arrêt du Parlement de Paris bidons à 
l’évêque de se transporter à Saint-Père avec deux bons et 
notables religieux bénédictins réformés, pour ordonner ce 
qu’il jugerait nécessaire relativement au service divin, à l’en- 
tretien des ornements sacrés, des croix, des calices et du lumi- 
naire, à la nourriture et à l'habillement des religieux, et pour 
visiter le dortoir, le réfectoire et l’infirmerie, tandis que de 
son côté un conseiller de la Cour devait, avec des hommes de 
métier, dresser le devis des réparations urgentes et présenter 
un rapport. 

En conséquence, Louis Guillart, quoique nommé évêque de 
Châlon, se rendit à l’abbaye le 15 juin 1552. Le prieur de 
Saint-Martin-des-Champs de Paris, celui d’Eclimont et Eustache 
de Chambon, sieur de Soulaires, conseiller au Parlement, 
l’accompagnaient. Il enjoignit à l’abbé Pierre de Brizai, déjà 

T. X. #. 19 





— 258 — 
soupçonné d’hérésie, de se contenir en habits convenables à 
sa Religion et donna aux religieux des statuts qui, s’ils eussent 
été observés, auraient certainement contribué à l’honneur du 
monastère et à l’édification du prochain. 

Louis Guillart ne fut pas seulement bon administrateur au 
point de vue spirituel, mais encore il géra avec intelligence 
les intérêts temporels qui lui étaient confiés. 

Les bâtiments furent soigneusement entretenus. A l'évêché, 
la grande salle fut réparée, et Jean de Boillon, menuisier à 
Chartres, mit un parquet dans une chambre haute où lPévêque 
avait coutume de se tenir; à Berchères, le prélat fit démolir. 
en 1530 « le vieil corps d’hostel épiscopal estant près de la 
Chapelle » et le fit réédifier. Les Archives départementales 
conservent les marchés qu'il conclut à cette occasion avec 
Thomas Bréchu, maître des charpentiers de la ville de Chartres, 
et Gilles Marie, maître maçon. En 1531, il s’entendit en 
personne avec Yvon Boullart, pionnier, pour lui faire réparer, 
élargir et approfondir les fossés du château de Pontgouin et 
de la basse-cour, depuis le coin du prieuré jusqu’au pont 
Houzé ; en 1542, il fit construire un escalier par Pierre Thierrée, 
maçon, et une galerie dans la cour par Gilles Marie, et sous 
ses ordres, Jean Gautruche, maitre maçon, restaura le château: 
à la maison du Palais louée à Jean Houlette, cuisinier, près de 
l’église de Saint-Saturnin, les réparations furent importantes 
en 1541; Pierre Thierrée et Thomas Bréchu furent payés l’un 
235 1. l’autre 165 1. 

L’évêque recevait ou faisait recevoir par des agents munis 
de ses pouvoirs les aveux de foi et hommage qui lui étaient 
dus. Plusieurs gros registres en contiennent les procès-verbaux. 

Quand ses droits étaient méconnus il les revendiquait avec 
dignité, et s’il fallait employer la rigueur, il se servait de tous 
les moyens légaux pour obtenir justice. 

C’est ainsi qu’il fit rendre, le 14 décembre 1595, un arrêt du 
Parlement contre Marie de Melun, veuve en deuxièmes noces 
de Jacques de la Palice, maréchal de France, parce qu'elle 
refusait de lui prêter serment de foi et hommage et de payer 
le rachat des baronies de Montmirail, Authon et la Bazoche- 
Gouët. Celle-ci dut s’exécuter, et l’année suivante l’évêque lui 
donna quittance de 1642 livres. En 1537, après une enquête 
judiciaire, son droit de visite est constaté sur le prieuré de 
Chuisnes, contre le prieur Guillaume Joly, et sur celui d’Ilou, 














— 259 — 
paroisse de Dampierre-sur-Avre, contre l’abbé de Saint-Laumer 
de Blois; il fait saisir la seigneurie de Levéville, paroisse de 
Bailleau-l’Evêque, faute de paiement du droit de rachat, et 
fait rendre contre le tabellion du roi, un arrêt qui établit tous 
les lieux où l’évêque de Chartres a droit de juridiction. 

Mais s’il le trouve avantageux pour ses intérêts, il transige 
avec douceur. 

Les paroissiens de la Ville-aux-Clercs n’avaient pu s’entendre 
avec Clément Deschamps, leur curé, au sujet des dimes, en 1547. 
L'affaire fut portée devant les tribunaux et chacune des parties 
eut à payer des frais de toutes sortes et dut enfin transiger, 
l’évêque eut plus de prudence et commença par la transac- 
tion. En 1549, par les mêmes moyens de douceur et de per- 
suasion, il fait consentir les religieux d’Eclimont à lui donner 
tous les ans, le jour de la fête de Saint Jean-Baptiste, un cierge 
de cire pesant trois livres. 

It cherchait à profiter de tous les produits utiles des proprié- 
tés de la manse épiscopale. Un jour (1529) il donne à bail les 
carrières, un autre jour la garenne de Berchères-l’Évèque; 
une autre fois ce sont « le biez et la pêcherie de la ville de 
Chartres, depuis le pont de la Porte-Guillaume jusqu’au moulin 
du Reculet. » | 

En 1544, il loue les seigneuries de la Ville-aux-Clercs et de 
Chauvigny, et vend les coupes de bois de Bailleau-l’'Évêque ; 
en 1551, il se qualifie prieur de Brezolles et afferme les revenus 
du prieuré. À différentes époques il conclut des baux concer- 
nant la maison dite du Palais, la terre et la seigneurie de 
Fresnay-l’Evêque, la métairie d’Ermenonville-la-Grande, le 
greffe et le tabellionné de Pontgouin, les écritoires attenant à 
la Cathédrale, etc. En 1526, il donne à bail pour quinze sous à 
Pierre Boileau, notaire, « la moitié d’une écriptoire estant dans 
la cour de l’évesché, » et pour trente sous en 1530, à Jamet 
Marchand, notaire, « la quatrième écriptoire de la court d’en 
bas de la maison de l’évesque. » 

En 1531, pour rendre le séjour à Paris plus agréable et 
plus facile, il acheta du collège de Navarre et de Louis Lasserre, 
proviseur, des terres et une maison à Clamart, en la rue du 
Laure « par où l’on va de l’église au grand cimetière. » 

Ce qu'il faisait pour la bonne gestion des biens de son évêché 
il l’exigeait des administrateurs des revenus des églises. 

Il prescrit en synode (1526) que les titres originaux soient 





— 260 — 

conservés dans une boîte, en lieu sûr et jamais retirés sans 
avis d'hommes compétents. On devait pour servir au besoin 
en avoir une copie signée de la main du curé ou écrite sur le 
missel ; 1l ordonne de dresser un inventaire des biens et des 
meubles, il se fait rendre compte des recettes et des dépenses, 
défend de détourner de leur destination, même pour un but 
utile comme le forage d’un puits, les aumônes données pour 
l'entretien des églises et exige que les fondations soient affichées 
dans le chœur de l’église, celles du premier semestre d’un côté, 
et celles du deuxième de l’autre. 

Dans tous les temps, des hommes plus entreprenants que les 
autres vont partout quêter pour des œuvres qu'ils croient les 
seules nécessaires. Pour eux les limites des diocèses, des pro- 
vinces, des royaumes mêmes quelquefois ne sont rien. On en 
connaît qui passent en Amérique pour chercher les ressources 
qui leur manquent; on en voit qui viennent des Espagnes 
récolter là où ils n’ont pas semé. 

C’est un abus que les conciles réprouvent ; l’évêque fit donc 
acte de bon administrateur en défendant, en 1526 et 1550, 
d'admettre des quêteurs qui n'auraient pas été autorisés par 
lui ou ses vicaires-généraux. Avant de s'occuper des quêtes 
étrangères il vaut mieux, disait-il, secourir les pauvres de la 
paroisse. 

Nos pères dans la foi n’avaient pour manuels de piété, 
missels, bréviaires et rituels que des manuscrits, souvent il 
est vrai, enluminés de miniatures aux fines couleurs, mais 
plus souvent encore usés par un service séculaire et quotidien. 
En 1482 et 1483, le chanoine Plume avait fait imprimer un 
missel et un bréviaire par Dupré, typographe à Chartres; en 
4490 Jean Remi, pénitencier, éditait un rituel chez Guillaume 
Maynial de Paris, l’un des associés de Martin Crantz, Michel 
Friburger et Ulric Géring, qui les premiers, à l’appel du prieur 
de Sorbonne, avaient introduit l’imprimerie en France. 

Pour plaire à son clergé et aussi pour fixer la croyance 
religieuse de son diocèse, l’évêque fit rééditer les livres litur- 
giques. En 1529 il faisait imprimer chez Thomas Kerver un 
missel sur velin et sur papier; en 1550 un bréviaire et les 
statuts synodaux, par Philippe Hotot, demeurant à Chartres, 
près de la Croix de Thiron, et deux ans après, avec son 
premier imprimeur, il publiait un nouveau missel, vendu che 





— 261 — 
Joland Bonhomme « in vico divi Jacob, sub insigni Uni- 
cornis, ubt el excusum est. » 

Disons tout de suite que les Kerver conservèrent longtemps 
le titre d’imprimeur de lévêché. Cette remarque nous per- 
mettra de rejeter l’opinion de ceux qui veulent que notre 
évêque ait pour tante Isabeau Guillart, successivement épouse 
de Rambold, Claude Chevallon et Guillaume des Bois, impri- 
meurs à Paris, car Louis Guillart qui soutenait si bien sa 
famille n’aurait pas cherché d’autres imprimeurs, s’il en avait 
eu un parmi les siens. 

En 1558, Jacques Kerver obtint de Charles Guillart le privilège 
de faire imprimer et vendre tous « les missels, bréviaires, 
manuels, processionnaires, journaulx et autres livres à l’usage 
du diocèse de Chartres » ; en 1560 le même Kerver «sub Unicorne 
in vià Jacobe » à Paris, imprima un missel semblable à celui 
de 1552, mais beaucoup plus simple; en 1580 Nicolas de Thou 
lui faisait imprimer un rituel et confiait l’impression du bré- 
viaire à sa veuve en 1584. 

Malgré cette administration si sage, les suppôts de Luther 
propagèrent ses erreurs de ville en ville, et les curieux s’en 
trouvèrent grandement infectés. Ce fut un sujet de travail et 
de peine pour notre prélat, d'autant plus qu’il eut à défendre 
la foi de son troupeau contre des ennemis toujours subtils et 
souvent puissants. Dès avant son arrivée dans le diocèse, la 
justice séculière avait porté quelques sentences contre ces 
novateurs qui à leurs erreurs doctrinales ajoutaient souvent 
des délits ou des crimes. 

Le 26 septembre 1522, Pierre Piéfort, fils de Jean Piéfort, 
contrôleur du grenier à sel de Châteaudun « parent de gros 
personnages de la Cour » fut brûlé vif à Saint-Germain-en- 
Laye, mais il avait volé et profané la sainte Eucharistie qui 
était dans la chapelle du château; le 21 septembre 1524, 
Roulant Greslet, dit Floquet, monta sur l’autel de Notre-Dame- 
la-Blanche, dans la cathédrale, pendant qu’un prêtre v célé- 
brait la messe, en détacha la statue et la jeta à terre. Les cha- 
noines s’assemblèrent le jour même, et ordonnèrent une 
procession réparatrice dans tout le diocèse. Le coupable fut 
remis à la justice séculière qui le condamna à mort. 

Pour notre évêque, s’il eut à sévir, pendant tout son épis- 
copat, contre les adhérents de l’hérésie, il le fit avec un zèle 











— 262 — 
ardent et sans faiblesse, mais personne ne peut l’accuser de 
ces mesures rigoureuses que la politique a conseillées trop 
souvent, que la religion a toujours réprouvées. 

Le 143 mars 1526, à la requête du promoteur de son officialité, 
il ordonne « visis informationibus et chargiis » aux officiers de 
sa cour d’appréhender au corps, en ses prisons de Loëns, avec 
le secours du bras séculier, s’il en est besoin, Clément Marot, 
convaincu d’excés, délits et crimes d’hérésie. et dont les agisse- 
ments dans le diocèse relevaient de la justice épiscopale, en 
vertu de ses degrés dans la cléricature. Dans son poëme sati- 
rique intitulé « l’Enfer, » qu’il composa à Chartres contre les 
gens de justice, le joyeux valet de chambre de François Ier 
raconte cet emprisonnement sans trop d’amertume. Il rappelle 
au contraire avec complaisance les « passetemps et consolations 
qu’il reçut en la prison claire et nette de Chartres. et qui lui. 
font recors des ténébreuses chartres et du grand chagrin qu'il 
trouva dedans le Chatelet. » 

S'il n'eut point à sévir contre le fameux Rabelais qui outragea 
plus les mœurs que la religion, il dut déplorer sa présence 
trop fréquente au bourg de Langey-en-Dunois où son buste et 
sa maison se voient encore. 

Il donnait des lettres de commission à Pierre Seureau, official 
de l’archidiacre de Blois, et à Pierre de Robillard, abbé de 
Bourgmoyen, notamment à la fin de février 1526, le 12 août, 
le 21 septembre, le 9 octobre de la même année et le 17 jan- 
vier 1527 pour faire une enquête contre les luthériens de Blois, 
nommément contre Nicolas de Saint-Gelais, protanotaire du 
Saint-Siège, le médecin Guillaume Dunis, Lefebvre d'Etaples 
et Martin, son disciple, accusés d’écrire sur les murs des 
tavernes des libelles injurieux au pape et de répandre partout 
l’ivraie de la mauvaise doctrine. Du 3 février au 9 octobre 15%8, 
il assistait avec plusieurs délégués du Chapitre au concile pro- 
vincial que tint à Paris le cardinal du Prat, archevêque de 
Sens. Ce fut l’un des conciles de l'Eglise de France les plus 
mémorables pour l’exactitude, la netteté, la précision du 
dogme contre les erreurs du temps. Les actes en furent publiés 
par le chartrain Clicthoue, d’abord, par Labbe, ensuite, dans 
sa grande collection. L’hérésie passa promptement de Blois à 
Vendôme et à Châteaudun. Le 15 mai 1529, Louis Guillart 
donnait au prévôt de la Madeleine et au maitre de l’Hôtel-Dieu, 

















— 263 — 

le pouvoir d'entendre les dépositions contre les hérétiques, et 
écrivait lui-même des lettres contre eux et contre ceux qui 
prétendaient conserver leurs livres. De Paris, il donnait à ses 
représentants à Blois, le 1er novembre 1532, la mission d’exa- 
miner les opinions religieuses de François du Bruel, détenu 
en la prison de ville. Par une lettre datée de Pontgouin, le 
26 juillet 1533, il accordait à Jean Lefebvre, abbé de la Madeleine, 
et à Jean Fournier, official de l’archidiacre de Dunois, tout 
pouvoir pour procéder contre les hérétiques, leurs fauteurs et 
leurs adhérents jusqu’à sentence définitive exclusivement. 

Les protestants de Blois s’étaient jetés en foule dans l’église 
de Saint-Laumer, et, au milieu des plus abominables blas- 
phèmes contre Dieu et contre les Apôtres, ils avaient foulé aux 
pieds les statues et déchiré les images des apôtres et des saints. 
L’évêque, le 27 septembre 1535, fit publier des lettres quérimo- 
niales pour découvrir le nom de ces sacrilèges et chargea 
l’abbé de Bourgmoyen d’instruire cette affaire. On ne sait quelle 
sentence rendirent les commissaires épiscopaux, mais l’histoire 
nous à fait connaître la manière d’agir des officiers du roi. 
François [er était à Blois à la fin de l’année 1534. Il apprit que 
les luthériens qui commençaient à y faire nombre, avaient 
affiché, sur les places publiques, des placards et des libelles 
diffamatoires contre la sainte Eucharistie, la sainte messe, les 
autres sacrements et les cérémonies de l’Église, et les ayant 
découverts, il les fit prendre et brûler vifs. De là il alla à Paris 
où il en fit autant. Nous n’avons pas à disculper le roi de ces 
exécutions qui révoltent notre humanité, mais les victimes 
étaient souvent bien coupables. L'Etat autant que la Religion 
avait à se défendre contre eux. L'erreur se propageait par les 
lectures, les prédications et les conversations hérétiques. 

L’évêque prit contre ces dangers les mesures que conseillait 
la prudence. Dans les synodes de 1538 et 1550, il fit avertir 
tous ceux sans exception qui possédaient des livres concernant 
la foi ou les mœurs édités à Genève ou ailleurs depuis vingt 
ou trente ans, de ne pas les lire sans les avoir soumis à son 
examen ou à celui de ses délégués, et défendit d'imprimer, 
faire imprimer, vendre ou acheter de tels livres sans licence 
de sa part. En 1547 il publiait un monitoire contre les tenants 
des opinions nouvelles, et le Parlement de Paris lui accordait 
l’autorisation de faire instruire par son official le procès d’un 


— 264 — 
hérétique et d’appeler pour le jugement tels conseillers de la 
Cour qu'il voudrait; l’année suivante et le 6 juillet 1551, il 
adressait de nouvelles lettres à son clergé pour lui enjoindre 
de combattre l’hérésie. 

Les prédicateurs devaient exhorter les fidèles à conserver la 
foi catholique. Il se réserva le droit d'approuver les prêtres 
étrangers qui voulaient prêcher dans son diocèse, et comme 
il s’en trouvait qui, pour propager leurs erreurs, présentaient 
de faux pouvoirs ou abusaient de pouvoirs vrais, prenant les 
noms de ceux à qui ils étaient accordés, l’évêque ordonna aux 
curés, sous peine de punition, de contrôler sérieusement les 
lettres de pouvoirs et d’obédience, d'inscrire sur un registre 
les nom et prénom, ordre et couvent de chaque prédicateur et 
de le lui faire signer. Les conversations n’avaient pas moins 
de dangers que les mauvais livres et les faux prédicateurs. Les 
curés reçurent l’ordre de dénoncer ceux de leurs paroissiens 
suspects d’hérésie. 

Nous voyons son zêle à combattre l’hérésie, il n’en avait pas 
moins à réprimer la superstition. Il regardait comme supers- 
titieux l’usage, qui dure encore, de mettre du lin, du chanvre, 
du fil au cou ou sur le sein des statues. Il ne voulait pas qu’on 
s’abstint de travailler le samedi soir dans l’espérance d'une 
moisson plus abondante; il conseillait de ne pas croire trop 
facilement aux miracles et défendait d’en publier avant qu'il 
les eût vérifiés; il blâmait ceux qui cherchaient à établir un 
concours de peuple et un pèlerinage en l’honneur d’un saint 
nouveau et inconnu, et il ordonnait aux curés d'empêcher les 
quêteurs d'exposer à la vénération des fidèles des reliques 
dont il n’aurait pas lui-même reconnu l’authenticité. 

Pour sauver la foi, quelle que soit l’efficacité de tous ces 
moyens, ils ne suffisaient plus. Un concile général était nêces- 
saire. [Il fut annoncé dès 1537, mais ne s’ouvrit à Trente que 
le fer décembre 1545, pour être confirmé par le pape le 
24 janvier 1564. Nous rappellerons quand nous parlerons de 
Charles Guillart, la part qu’y prit avec honneur le clergé de 
Chartres. 


Nous voudrions dire quels hommes Louis Guillart put 
réunir autour de lui pour l’aider dans sa tâche si difficile, 
nous nommerons d’abord ses vicaires généraux. Nous pensons 





— 265 — 
qu’il en avait ordinairement plusieurs à la fois, selon la cou- 
tume de France, et que l’un d’eux était revêtu du caractère 
épiscopal; mais nous ignorons si leur autorité était toujours 
la même. L’en-tête d’un registre de 1595 nous laisserait enten- 
dre que l’évêque Pierre Talon du moins n’agissait dans ses fonc- 
tions épiscopales qu'avec la permission du vicaire-général 
Louis Boucher ou même de son substitut Médard Thiersault. 

Louis Guillart prit Pierre Talon, religieux cordelier, évêque 
in partibus de Saba en Lycaonie, pour l'aider, dit-il, à arra- 
cher les mauvaises herbes de l’hérésie et visiter le diocèse en 
son absence. Talon mourut en décembre 1531. — Barthélemy 
Simon, abbé de Saint-Cheron, sacré évêque de Sébaste en 1531, 
lui succéda et suppléa souvent l’évêque jusqu’en 1538. — 
Claude Audrv, avec lequel Louis Guillart avait réformé Beau- 
lieu, fut choisi en 1542 avec la permission du pape, et sacré 
évêque sous le titre de Sébaste in partibus. On trouve dans 
Laisné de nombreuses traces de sa suffragance qu’il conserva 
jusqu’au 24 décembre 1550. Il mourut peu après. 

À côté de ces évêques auxiliaires et peut-être avec des pou- 
voirs de juridiction plus étendus, se trouvaient des vicaires 
généraux simples prêtres. Mathieu Groignet, vicaire d’Erard 
de la Marck, fut conservé par Louis Guillart; viennent ensuite 
Louis Boucher et Médard Thiersault son substitut, Thiersault 
et Noël Tison, doyen de Saint-André, Regnaud de Montescot 
et René Lefebvre. 

S'il savait se servir de ses prêtres, Louis Guillart savait 
aussi mettre leurs mérites en relief : c’est ainsi que les uns 
utilisérent leurs talents dans notre pays tandis que les autres 
portaient au loin la réputation toujours soutenue de l’Eglise 
de Chartres. 

Nous parlerons plus tard de Claude de Sainctes, de Simon 
Vigor et de Jacques Fourré. Aujourd’hui nous ne citerons que 
Jean du Bellay de Glatigny dans le Perche-Gouët, évêque de 
Bayonne, de Paris et cardinal, en 1535; Charles Hémard de 
Denonville, évêque de Mâcon, ambassadeur à Rome, cardinal 
et évêque d’Amiens; Nicolas Danju natif de Blois, évêque de 
Séez et de Mende; Miles d’Illiers, neveu de l’évêque de Chartres 
du même nom, d’abord curé de la paroisse d’Yèvres qui le 
place le premier sur la liste de ses bienfaiteurs, abbé de 
Coulombs, doyen du chapitre et évêque de Luçon; François 


— 266 — 
Faucon et Francois Bover, tous deux ehanoiïnes et évêques, le 
premier de Tulle et l’autre de Saint-Malo. 

A côté de ces hauts personnages quelques autres ne parai- 
traient pas sans gloire. Mathieu de Chartres, gardien du cou- 
vent des Cordeliers, estimé le plus lettré du royaume ; Laurent 
Desmoulins, prêtre chartrain, Jean Lefebvre de Dreux, Jean 
Lemaire et Antoine Dufour, savants professeurs ; Jean Boulaize 
d’Arrou, principal du collège de Montaigu, hébraïsant distin- 
gué. Dans l’ordre des Célestins, Jean Callipel de Blois fut 
prieur de Vichy où il mourut en 1538, âgé de quatre-vingt- 
deux ans « purissimum spiritum erhalavit »; Denis Lefebure 
de Vendôme, habile à expliquer les auteurs grecs et latins, 
devint vicaire général; Christophe Vièze, prieur d’Eclimont, 
composa un livre intitulé « Hæœresobrachologia » dans lequel 
toutes les hérésies contre la foi catholique sont résumées, 
condamnées et refutées; et Anselme Duchâtel de Chartres fui 
élu provincial et mourut à Paris en 1591. 

Mais nous n’oublierons pas les deux plus célèbres, André 
Desfreux. curé de Thiverval-en-Pinserais, ensuite secrétaire de 
saint Ignace, et Josse Clicthoue, ce dernier, natif de Nieuport 
en Flandre, avait été le précepteur de Louis Guillart et pro- 
fesseur de philosophie au collège de Navarre. Il dédia ses 
premiers ouvrages au père de son élève, et les autres à son 
élève lui-même, devenu évêque. Louis Guillart l’avait en 
grande estime, il le trouva à son arrivée à Chartres professeur de 
théologie et en possession de la prébende théologale à laquelle 
il ajouta la prévôté d’Ingré le 11 mai 1529. Ses ouvrages furent 
imprimés, à l’exception de son cours d'histoire sainte qui est 
resté manuscrit et se trouve à la Bibliothèque nationale. 
Erasme les citait comme la source la plus abondante des 
meilleures choses. « Uberrimus rerum optimarum fons. » 
Clicthoue mourut le 2 septembre 1543 et fut inhumé avec 
de grands honneurs par son évêque, dans l’église de Saint- 
André, sous une tombe de pierre, sur laquelle il était repré- 
senté prêchant une quantité de personnes rangées autour de lui. 


L’évêque savait par expérience que, dans les temps troublés 
surtout, l'instruction bien donnée est pour le peuple la 
meilleure sauvegarde de ses mœurs et de sa foi. Aussi s'em- 
pressa-t-il de renouveler les ordonnances capitulaires de 1324 





— 267 — 

par lesquelles le Chapitre avait prescrit à tous les curés soumis 
à sa juridiction d’avoir dans leur paroisse une école primaire 
ressortissant à l’école supérieure du Chapitre; en 1489, son 
prédécesseur Miles d’Illiers avait ordonné que les gros bourgs 
auraient des écoles tenues par des clercs. Louis Guillart, en 
1526, veut que chaque paroisse ait ses écoles publiques, ou au 
moins un prêtre ou un clerc, pour enseigner les enfants et 
pour les surveiller à l’église, où il les placera, dans un lieu 
convenable, auprès de l’autel. On serait peut-être tenté de 
croire que les religieux des monastères pouvaient se contenter 
. de savoir leurs patenôtres et de réciter leurs oraisons. L’évêèque 
ne l’entendait pas ainsi. « Nous ordonnons, dit-il, aux abbés et 
aux prieurs des couvents conventuels d'instituer un maitre 
pour instruire les moines, les novices ou les chanoines régu- 
liers, ou s'ils ne le font pas nous en instituerons un nous- 
même, qui sera rétribué par le monastère. » En 1536, il use de 
son autorité pour qu’on fasse étudier les filles à part des gar- 
cons; en 1550 il prescrit aux maitres d’école d’enseigner aux 
enfants du peuple les règles de la grammaire et les préceptes 
de la foi, il leur conseille de se servir pour cela, autant que 
possible, des catéchismes rédigés d’après Gerson ou quelque 
auteur bien catholique. Ce qui nous donne lieu de croire qu'il 
n’y avait pas encore de catéchisme diocésain et que celui de 
l’évêque Lescot pourrait bien être le premier. L’évêque défend 
aux maîtres de traiter des matières théologiques et de l’inter- 
prétation des saintes Ecritures, et fait un devoir aux curés de 
visiter tous les semestres ou au moins une fois l’an les écoles, 
les maîtres, les élèves et les livres. 

Nous savons par les documents les plus irréfragables que 
ces prescriptions ne furent pas lettres mortes. Son vicaire- 
général, Noël Tison, contribua largement à la fondation d’un 
asile pour les orphelins, paroisse de Saint-Hilaire de Chartres. 
On réunit toutes les écoles publiques de Chartres en une seule 
pour former un collège ; de tous côtés s’élevèrent des maisons 
pour recevoir des maitres et des élèves en grand nombre; en 
sorte qu’en 1535, Michel Giustiniano, ambassadeur du doge de 
Venise, écrivait à son maitre : « En France, il n’est personne, 
si pauvre qu’il soit, qui n’apprenne à lire et à écrire. » Robert 
le Musnier, contrôleur au grenier à sel de Dreux, fonda le collège 
de cette ville le 6 juillet 1536; un autre vicaire général, Jean 


— 268 — 

Groignet, par testament, gréva ses biens de Saint-Martin-au- 
Val et de Gorget en la censive de Craches, et sa maison située 
« juxte la maison où pend pour enseigne la Souche » près de 
la Porte-Guillaume, de 48 livres tournois, « pour aider à entre- 
» tenir à l’étude en quelque bonne université fameuse, deux 
» écoliers enfants et descendants à toujours mais de ses nièces 
» Robine femme de Gilles Colas, Perrine femme de Denis 
» Delorme et Marion femme de Jean de Glatigny, jusqu'à ce 
» qu'ils aient acquis degré en faculté des arts ou théologie, 
» droits, loys ou médecine ». Le premier titulaire, Pierre de 
Glatigny, fut choisi par le testateur, les autres devaient être 
nommés par le plus ancien gradué de la famille. Nous avons 
trouvé dans une liasse, appartenant à la Société archéologique 
de Châteaudun, .concernant le collège Pocquet, une copie 
authentique de ce testament et plusieurs pièces relatives à son 
exécution, notamment des suppliques des candidats à cette 
bourse appuyées de leur généalogie. Nous avons vu par ces 
documents combien la position des familles change dans l’es- 
pace de deux siècles et demi, et nous avons pu constater qu’au 
moyen de cette fondation furent instruits des prêtres, des cha- 
noines, des médecins, des avocats sans nombre. Il serait trop 
long de donner les noms, mais nous pouvons assurer qu'ils 
furent l’honneur de leur famille et de leur ville. 

Si l’on peut dire que souvent l’abime appelle l’abime, et le 
mal le mal, ne peut-on pas dire aussi que quelquefois le mal 
appelle le bien ? 

Après tant de profanations et de sacrilèges, particulièrement 
contre la sainte Eucharistie, les âmes pieuses sentirent le besoin 
d'offrir en réparation de plus ardentes prières, et l’évêque qui 
« était d’une piété admirable » au dire de Rouillard, regarda 
comme un devoir de sa charge de les encourager. Son frère 
André, ambassadeur à Rome, obtint en 1547 une bulle pour 
l’érection de la confrérie du Saint-Sacrement, demandée par 
les paroissiens de Notre-Dame de Nogent-le-Rotrou, et lui- 
même approuvait cette confrérie au mois de septembre 154. 
Le 12 avril 1550, Christophe de Hérouard, lieutenant général 
du bailliage de Chartres « employé à toutes les bonnes œuvres, » 
fut autorisé à établir une pareille confrérie dans l’église de 
Saint-Hilaire de Chartres, et Jean de Hérouard, sieur de 
Saulseux et de Baillolet, son frère, secrétaire d’ambassade à 








— 269 — 

Rome, fut chargé d’en demander la confirmation au pape 
Jules IIT, et d’obtenir des indulgences dont il ne profita pas, 
pour s’être mis du côté des luthériens. Mais si l’évêque approu- 
vait les confréries, il les voulait bien réglées. En 1526 et 1550, 
il ordonne qu’il n’y ait point dans les confréries de festins, 
chœurs ou autres choses peu convenables; qu’on ne fasse 
point précéder les bannières de mimes et de joueurs d’instru- 
ments de musique, et qu’on ne laisse jamais la croix ou les 
insignes religieux à la porte des tavernes ; il défend aux laïques 
et aux femmes de se vêtir de chapes pour porter les bâtons des 
confréries. 

Il voulait aussi la plus grande liberté pour tous. Personne 
ne pouvait être forcé d’entrer ou de rester dans les confréries. 
On devait ni exiger le serment d’observer les règlements, ni 
demander quoi que ce soit pour la sortie ; les statuts et les 
comptes étaient soumis à l'examen des archidiacres, et l’excé- 
dent de revenus était affecté à la restauration des églises, à la 
nourriture des pauvres ou aux membres du clergé dans le 
besoin. | 

Le culte des saints fut aussi propagé. L’évêque fondait l'office 
de sainte Geneviève, et les chanoines Pierre d’Alonville, celui 
de saint Claude, Pierre Chevallier, celui de la vigile de 
l’'Assomption, Noël Tison, celui de la Conception, Josse 
Clicthoue celui de sainte Cécile, et Jean de la Croix, celui de 
la Transfiguration pour lequel il donnait trente-trois arpents 
de bois à Lanneray. 


Le 5 janvier 1552, Louis Guillart résigna son évêché de 
Chartres à Charles Guillart, son neveu, simple tonsuré, à peine 
âgé de dix-neuf ans, se réservant la nomination aux bénéfices 
et le déport, c’est-à-dire une part dans les revenus des béné- 
fices vacants, avec le produit des fermes de Fresnay-l’Evêque, 
de Pontgouin, de Berchères et de Bailleau-l’Evêque, tous les 
droits de fief de l’évêché, justice, circonstances et dépendances, 
la prévôté d’Auvers, un canonicat ad effectum, c'est-à-dire 
sans prébende ni revenu, mais à l'effet de pouvoir posséder 
une dignité, et en outre le prieuré-cure de Pontgouin qu’il 
venait de permuter avec Noël Tison pour celui de Morancez. 
Il fut alors pourvu de l’évêché de Châlon-sur-Saône, mais il 
restait dans le pays et y demeura ordinairement, pendant 





— 210 — 
plusieurs années, et voulut, avant de les transmettre à son 
neveu et successeur, qu’il gardait pour ainsi dire en tutelle, 
conserver la gestion et l'usufruit des biens qu’il y dépensait. 

Le 15 juin 1552 il réforme l’abbaye de Saint-Père ; le 4 octobre 
suivant, il reçoit le Dauphin; le 16 mars il constate à Sainville 
le décès de Miles d’Illiers, évêque de Luçon, et préside à ses 
funérailles dans l’église des Jacobins de Chartres; le 25 sep- 
tembre il est à Vendôme, aux obsèques de Françoise d'Alençon, 
duchesse de Vendôme ; le 30 décembre, le neveu, usant de son 
pouvoir de juridiction, accorde à l’oncle la permission écrite 
de bénir les calices et les ornements dans le diocèse; le 27 
mai 1557, l’évêque de Châlon est encore à Pontgouin, sa rési- 
dence favorite, et dans la chapelle du château il donne succes- 
sivement les ordres mineurs, le sous-diaconat, le diaconat et 
la prêtrise à Charles Guillart, alors âgé de vingt-quatre ans. Le 
25 juillet suivant il le consacre évêque à Paris. Le diocèse avait 
dès lors un jeune évêque consacré et pour ainsi dire deux 
maîtres. En droit, Louis Guillart, selon la réserve qu'il en avait 
faite, conservait la nomination aux bénéfices ; en fait il laissait 
le plus souvent son neveu faire ces nominations, au moins à 
partir de 1557. Celui-ci agissait en son propre nom quand il 
donnait des pouvoirs, et au nom de son oncle quand il nommait 
aux bénéfices. Il prenait alors les titres d’évêque de Chartres 
et de vicaire général de Louis Guillart, évêque de Châälon ou de 
Senlis, et se substituait au besoin des vicaires généraux. 

Nous n’avons aucun détail sur l’administration de Louis 
Guillart à Châlon, nous savons seulement que les Chälonnais 
le prirent d'avance en aversion. Avant de commencer les pré- 
paratifs de son entrée, les échevins allèrent vers ses gens 
demander la date de son arrivée. Ils furent mal reçus et. qui 
plus est, un huissier leur notifia la reprise d’un procès aban- 
donné depuis longtemps. Les échevins lui fermérent alors les 
portes de la ville, offrant de les lui ouvrir contre le serment 
de respecter les franchises et privilèges de la cité. C'était le 
7 mars 1554. L’évêque refusa et dut y pénétrer par des che- 
mins détournés. Ces difficultés s’apaisèrent sans doute, car on 
trouve dans les archives de Châlon (Liasse A. a. 22) le procès- 
verbal d'entrée en date du 7 novembre 1554. 

Le 17 juillet 4560, il fut nommé évêque de Senlis et adminis- 
trateur du diocèse de Reims pour le cardinal de Lorraine. Le 





er ee 


9 décembre il était chargé par Charles IX, dont il était le 
confesseur, de conduire la dépouille mortelle de François Il 
à Saint-Denis. Il voulut profiter de ce voyage « pour faire un 
tour jusqu’à son évêché et en prendre possession. » Sur sa 
demande, son royal pénitent écrivit aux Senlisiens de recevoir 
leur évêque, et les invita de le faire « en la moindre pompe et 
solennité que faire se pourra, attendu, dit le roi, le deuil qu’il 
doit porter de la mort et perte de feu notre dit seigneur et 
frère. » Son entrée solennelle eut lieu en février 1561. II ne 
garda cet évêché que peu de temps et le résigna à un autre de 
ses neveux, Pierre Chevallier d’'Eprunes. 

Louis Guillart, borgne depuis sa naissance, mourut aveugle 
et nonagénaire, dans son hôtel à Paris, paroisse et rue des 
Blancs-Manteaux, le 19 novembre 1565. Il fut inhumé, au 
milieu du chœur de cette église, où les Vignacourt auxquels il 
appartenait par sa mère, avaient leur sépulture et où il avait 
lui-même, comme l’un des prélats les mieux considérés du 
royaume, donné quinze fois au moins la consécration épis- 
copale aux évêques nommés de son temps. Voici son épitaphe 
telle que l’a publiée M. Pommier, dans son savant ouvrage : 
Chroniques de Souvigné-sous-Vallon, auquel nous avons 
fourni et emprunté plusieurs renseignements. 


« Icy gist révérend père en Dieu messire Loys Guillard en 
» son vivant évesque de Tournai et depuis évesque de 
» Chartres, Châlon et Senlis successivement, conseiller et 
» maitre de l’oratoire du roy, lequel décéda en son hostel à 
» Paris, rue des Blancs-Manteaux, le 19 novembre 1565. » 


En 1635 on copia cette inscription sur cuivre et on la reporta 
sur une pierre placée derrière le grand-autel, au bas de 
laquelle on ajouta : 


Hic PRÆSUL LODOICE, JACES, CUI MAXIMA SEMPER 
CUM GREGE SUSCEPTO VIVERE CURA FUIT 

ATQUE ILLUM LEGIS DIVINA LACTE PER ARVA 
PASCERE ET HUNC SANIS MORIBUS INSTRUERE 

OBIIT DIE 19 NOVEMBRIS ANNO DominNi 1565. 


Enfin l’église ayant été démolie en 1702, puis reconstruite, 
une nouvelle inscription fut gravée sur un marbre placé à 
l'entrée du chœur, du côté de l’épitre. 





— 272 — 
« In memoriam D. D. Ludovici Guillart, Silvanecti episcopi, 
qui obiit anno 1565. Illius corpus e veteri ecclesiä huc transferri 
curarunt ascetæ Benedictini, anno 1702. » 


Ces inscriptions ont été placées dans une église en l’honneur 
de notre prélat, mais les Protestants dans leurs libelles ont 
reproduit des épitaphes de leur façon, où ils l’accablent d’in- 
jures, ils le traitent d’évêque cafard et l’accusent de brasser 
toujours quelque malheur contre Dieu et la paix, en faveur du 
Guysard. Ils le placent au fond des enfers, cherchant un bon 
logis pour Charles de Lorraine. » Ces insanités ne méritent 
guère d’être signalées. Pourtant Gaignieres — fonds latin 
n° 17033 — dans son recueil de notes sur : « les évêques de 
Chartres » les a transcrites et ne semble avoir rien trouvé de 
mieux à léguer à la postérité. 

Pour nous, nous croyons pouvoir conclure que Louis 
Guillart, issu d’üne illustre famille, appelé de Tournai par 
François Ier pour gouverner le diocèse de Chartres, se montra 
sujet reconnaissant, pasteur vigilant, administrateur habile, 
ennemi de l'erreur, réformateur des abus, zélé pour l’ensei- 
gnement populaire, et toujours prêt à donner aux praliques 
religieuses une direction sûre et une impulsion puissante. 

l 


HAYE E. 


Ancien curé de Saint-A vit. 
Curé de Jour. 











UNE RELIGIEUSE DE BELHOMERT 


Les Registres de la Charité de Senonches renferment, parmi 
plusieurs feuilles détachées, un billet sans date, ne portant 
aucune indication, et ainsi conçu : 


L'on est bien mécontente de vous, Mr Connieau, de ne vous avoir 
pas vu depuis si longtemps, il y a plusieurs de nos dames qui sont 
nud pied, je vous avois demandé mes sabots fourée ou il ny avoit 
uniquement que des hausse à metre, il mon fait grand tort de ne 
les avoir pas eu par le gran froid qu'il fait; si vous avez quelque 
choses d'acomodé, doné le au garçon que je vous envoye, c’est notre 
jardinier, ou venez vous meme les aporter : c’est de la part de votre 
servante. Sr SOURDEVAL, 

Prieure. 


Nous avons eu la curiosité de rechercher à quelle époque 
avaient été écrites ces lignes, d’où elles pouvaient émaner, à 
qui elles étaient adressées, et enfin quel en était l’auteur. 

Le papier employé, l'écriture, l’orthographe et jusqu’à ce 
. style, marqué au coin d’une courtoisie galante, font penser au 
X VITE: siècle ; d’un autre côté, il est évident que nous sommes 
en présence d’une missive de « Sr Sourdeval », prieure d’un 
monastère des environs de Senonches ; car. comment expliquer 
autrement la présence de ce billet à Senonches et dans un 
registre de cette époque. 

Ôr, le nom de « Madame de Sourdeval, religieuse à Belle- 
homer », se trouve, à Senonches, dans un acte de 1766. Que le 
billet soit postérieur ou antérieur à 1766, c’est ce qu’on ne 
saurait affirmer d’une façon positive, néanmoins, il est permis 
de supposer qu’on doit le placer après cette date, car il est peu 
vraisemblable que dans un pays où elle était très connue 
« Madame de Sourdeval » ait été appelée « Dee », alors 
qu’elle était « prieure ». 

T. X. #. 20 











— 274 — 

Tout s’expliquera, quand on saura que cette dame était 
sortie de Senonches. 

Pour donner au lecteur une juste idée de la famille de Sour- 
deval, il pous faut retourner un peu en arrière et esquisser à 
grands traits l’histoire du Chesne-au-Loup. 

A l'endroit occupé aujourd’hui par la petite gare de 
Senonches et le modeste jardin public qui lavoisine, on pou- 
vait voir, il n’y a pas longtemps encore (1886), les ruines d’une 
ferme derrière laquelle se trouvait une pièce d’eau, dite la 
Grand’Mare. Ce lieu avait nom « Chesne-au-Loup », proba: 
blement parce qu’à une époque assez reculée, la forêt serrait 
de plus près le bourg, et que « messire loup » comptait pour 
lors au nombre des « hôtes de ces bois ». | 

C'est là qu’habitait (au moins de 1642 à 1662), « Jean de 
Moreau, escuyer, lieutenant général au bailliage de Senonches, 
sieur de Rocquemore et du Chesne au Loup, conseiller, maitre 
d’hostel ordinaire de la maison du roy », avec Françoise de Jary, 
son épouse. La terre resta chez les de Jary jusqu’à Rénée de 
Jary, qui, vers le commencement du XVIII: siècle, la laissa à sa 
fille Françoise-Geneviève Heudelot. Celle-ci épousa Charles- 
Salomon de Sourdeval, « escuyer. chevalier de l’ordre royal du 
Christ de Portugal », et s'établit avec lui dans le fief qu'elle 
avait reçu du chef de sa mère. Tous deux trouvèrent dans la 
noblesse locale une société qu’il leur fut loisible de fréquenter; 
leurs noms figurent souvent dans les actes paroissiaux, à côté 
de ceux de la Fontaine, de Brossard, de la Garenne, du 
Mesnil, des Blossiers, de la Fosse, de Guenet, de Bonnefons et . 
surtout des de Jary. 

Dieu ne tarda pas à bénir ce foyer, où, sans doute, il était 
bien servi. Le 15 octobre 1715, un fils naquit au nouveau sieur 
du Chesne au Loup, on l’appela François-Charles de Sourdeval, 
huit autres enfants sortirent de cette union féconde, mais ne 
vécurent pas, excepté deux : Charlotte-Françoise et Clotilde- 
Geneviève. Ils reposent tous dans l’église de Notre-Dame de 
Senonches, sous le banc de famille. | 

La mort, on le voit, éprouva cruellement cette famille. Que 
devint Charles-Salomon de Sourdeval ? Nous pouvons assurer 
qu’il quitta ce pays où il n’avait plus que des tombes, sans 
pourtant être en mesure de fixer la date de son départ. Un 
acte en fait foi : c’est un extrait mortuaire envoyé par « Madame 





— 275 — 
de Sourdeval, religieuse à Bellehomer » à M. le curé de 
Senonches, pour lui donner avis du décès et de l’inhumation 
(sur la paroisse de Saint-Barthélemy de Paris), du sieur du 
Chesne au Loup. 

I n'est pas difficile maintenant de comprendre pourquoi 
Mme de Sourdeval s’adressait à M. Cosneau, de Senonches, 
pour les chaussures de la communauté. Elle s'était souvenue 
de cette ville dont les sabots constituaient alors l’industrie la 
plus florissante, et loin de se désintéresser de ses anciens 
compatriotes, elle s’ingéniait à leur trouver de l’ouvrage. Nul 
doute que « M. Conniau » n'’ait apporté tout son soin à la 
confection"et à la réparation de ces « sabots fourée ou il n’y 
avait uniquement que des hausse à metre » et qu’il ne se soit 
empressé de faire parvenir à Mme de Sourdeval l’objet de son 
aimable réclamation, peut-être même sera-i-il allé en personne 
à Belhomert, comme on l’v engageait. 

Nous terminerons par quelques notes sur les restes encore 
existants du prieuré de Belhomert. Nous devons ces rensei- 
gnements à M. l’abbé Ronay, curé de la paroisse. 

Du cloitre, de la tour et de l’église, il ne reste plus que des 
ruines qui pourtant permettent de juger encore des propor- 
tions de ces édifices. L'église avait environ quarante mètres de 
long sur dix de large. Les autres bâtiments subsistent en grande 
partie, légèrement modifiés selon les besoins de leurs nouveaux 
propriétaires. On voit encore le mur de clôture de la propriété, 
le jardin des sœurs, la maison des professes considérablement 
réduite, le moulin, les écuries, les granges, et le colombier, 
la ferme, le jardin du prieur-curé, qui demeurait tout près 
avec ses deux vicaires, comme lui aumôniers des Dames; le 
portail d'entrée et la loge du concierge. 

La date de la fondation du prieuré (XII° siècle) est gravée 
dans le haut de l’escalier de la maison des professes (maison 
d'habitation de M. Marcadé). La clochette du couvent est encore 
à la même place, elle porte, parait-il, une inscription qu’on a 
jusqu'ici négligé de transcrire. 

M. LANGLOIS. 


DT 22-CO EE 7 — — 


VIE DE SAINT ADJUTEUR 


MOINE DE TIRON 





La Société des bibliophiles normands a publié en 1864 un 
ouvrage sur saint Adjuteur. Cet ouvrage très rare, tiré seule- 
ment à cent dix exemplaires dont cinquante ont été mis dans 
le commerce, renferme les diverses notices écrites sur ce saint. 
Les différentes parties du volume sont : une notice bibliogra- 
phique et historique par M. Raymond Bordeaux, une note 
sur l'office de saint Adjuteur par l’abbé Colas; la vie du saint 
par J. Theroude ; des pièces de vers; l'office en latin ; une vie 
en latin extraite du martyrologe; une vie en latin écrite par 
Hugues, archevêque de Rouen, contemporain de saint Adju- 
teur ; le récit en latin des miracles du saint, fait par Gauthier 
de Coutances, archevèque de Rouen. Mon but a été de réunir 
ces éléments divers pour donner une notice complète sur ce 
saint. 

Adjuteur de Vernon naquit à la fin du XIe siècle, à Vernon, 
aujourd’hui chef-lieu de canton du département de l'Eure. 
On ne sait pas exactement la date de sa naissance. Il apparte- 
nait à une des familles les plus illustres de la Normandie tirant 
son nom de la ville même.de Vernon‘. Il était fils de Jean, 
seigneur de Vernon, et de Rosemonde de Blaru ?. Il eut pour 


{ La généalogie de la famille de Vernon se trouve dans un manuscrit du XV° 
siècle appartenant à Mme de Froidefond de Florian. (Notice de M. Bordeaux, 
p. xXxI). Les armes primitives de cette famille étaient, d’après les anciens 
sceaux : de . . .. au sautoir de . . . . Dans la suite, les Vernon écartelèrent 
aux 1 et 3 d'argent au fret de sable; aux 2 et 4 d’or à la bande d'azur chargée 
de trois gerbes d'or. 


3 Blaru, commune du département de Seine-et-Oise, canton de Bonnières, 
arrondissement de Mantes. 














— 271 — 

frère Mathieu de Vernon, qui vint, le 12 avril 1132, à Tiron, 
après la mort de son frère Adjuteur, réclamer la quatrième 
partie de la forêt de Vernon. Cela permet de fixer d’une façon 
certaine la mort du saint avant cette date, 12 avril 1132 !. Sa 
mort ne peut pas être beaucoup antérieure à cette date, puis- 
que Hugues IIT, archevêque de Rouen, contemporain et ami 
de saint Adjuteur, quitta l’habit des moines de Cluny -pour 
aller en Angleterre avec Guillaume le Conquérant et se mettre 
à la tête du prieuré de Saint-Pancrace de Lewens. En 1195 en- 
viron, il devint abbé de Radding en Angleterre. Il fut arche- 
vêque de Rouen postérieurement à 1128. Bien plus, il ne 
semble pas avoir été consacré avant 1130, comme le rapporte, 
dans son Histoire des archevèêques de Rouen, François de la 
Pommeraye de la congrégation de Saint-Maur. 

Dès sa plus tendre enfance, Adjuteur trouva dans ses pa- 
rents l’exemple de vertus si grandes et si universellement re- 
connues que certains historiens disent que sa mère Rosemonde 
fut, comme bienheureuse, honorée dans le même sanctuaire 
que son fils ?. | 

Ses premières années firent, du reste, prévoir ce qu’il serait 
dans l'avenir. Il soumettait son corps à des austérités conti- 
nuelles, veilles, jeûnes, prières, au point que « sa peau sem- 
blait être adhérente aux os. » À mesure qu'il croissait en âge, 
les dons de la grâce divine se manifestaient en lui d’une façon 
plus sensible, et laissaient apparaitre les vertus que son histo- 
rien Hugues, archevêque de Rouen, met au-dessus des plus 
éclatants miracles : sa générosité envers les ordres religieux, 
son zèle à restaurer les églises, sa compassion envers les pau- 
vres, son esprit de conciliation, son'respect pour les vieillards, 
la pureté de sa vie, son mépris pour les choses de ce monde, 
sa patience dans l’adversité, son esprit de pénitence, sa com- 
passion pour les malheureux, son ardeur pour le salut des 
âmes. Son zèle religieux était tel que, à peine adolescent, 


4 Loysel, prieur de la Troudière , près de Tourny, dans le territoire de Ver- 
non, vit la charte autographe de cette transaction, la transerivit et l’envoya à 
Jean Theroude comme document pour sa biographie de saint Adjuteur. En même 
temps, il assura que le saint mourut avant le 30 avril 1131. 


2 D’après Gauthier de Coutances, archevêque de Rouen, Rosemonde de Blaru, 
après la mort de son mari, se fit eu et fut inhumée dans le même endroit 
que son fils Adjuteur, où elle est également invoquée par les nombreux pélerins. 


— 2719 — 
il partit avec deux cents chevaliers pour la Terre - Sainte 
en 1095. . 

Entrainé par son ardeur, il sortit un jour de Tambire, petite 
ville du territoire d’Antioche, accompagné seulement de deux 
cents chevaliers parmi lesquels : Héliodore de Blaru, Odes de 
Pormort, Jean de Breval, Anselme de Chantemesle, Gui 
de Chaumont, Pierre de Courtigny, Richard d’Harcourt, Henri 
de Préaux, qui, à leur retour en France, certifiérent l’exactitude 


des faits rapportés plus loin. Bientôt attaqués et entourés par 
plus de quinze cents infidèles, les compagnons d’Adjuteur res- 
ltérent terrifiés, n’osant tenter un combat par trop inégal, ni 
chercher dans la fuite un salut sur lequel ils ne pouvaient 
compter. Aussitôt Adjuteur entrevoyant l’inutilité de la lutte 
devant une telle supériorité numérique , déposa ses armes à 
terre et se prosternant, il se mit en prières ! : « Je vous pro- 
» mets, dit-il, bienheureuse Marie-Magdeleine, que si vous me 
» donnez la victoire dans cette lutte inégale, je céderai en votre 
» honneur au monastère de Tiron au Perche, ma maison de 


1 Vie de saint Adjuteur, par Hugues, archevêque de Rouen. 


— 980 — 

» Mont et je donnerai aux moines de cette abbaye une chapelle 
» que je ferai construire à mon retour et que je vous consa- 
crerai. » À peine avait-il terminé sa prière qu’une violente 
tempête éclata tout à coup. Les Infidèles, pris de panique, tour- 
nérent le dos et s’enfuirent. Alors Adjuteur, suivi de ses com- 
pagnons, s’élança au milieu des ennemis. Il en tua mille et 
forca les autres à prendre la fuite. 

La victoire achevée, saint Adjuteur entouré de tous ses com- 
pagnons dont pas un n’avait péri, se mit à chanter un cantique 
d’actions de grâces : « O mes très-saints frères, moines de Ti- 
» ron, priez Dieu pour moi! Bienheureuse Marie - Magdeleine, 
chantez la gloire de Dieu pour celui que vous avez protégé! 0 
Dieu tout-puissant entre les mains de qui tout repose, quelles 
actions de grâces vous rendrai-je pour tant de bienfaits ! Que 
sont les louanges d’un pécheur misérable comme moi! Votre 
main à frappé les ennemis et par votre toute-puissance vous 
avez détruit nos adversaires. » 

Après avoir pris part à la lutte contre les Infidèles pendant 
dix-sept ans, ce que firent peu de croisés, il arriva, par suite 
des hasards de la guerre ou les desseins secrets de Dieu, qu’Ad- 
juteur fut pris par les Infidèles sous les murs de Jérusalem. Il 
fut jeté dans un cachot obscur après avoir étéchargéde lourdes 
chaines et eut à supporter de cruels tourments infligés dans le but 
de lui faire renier son Dieu. Persévérant dans sa foi, il ne cessa 
d’implorer la miséricorde divine et d’avoir recours à la puis- 
sante intercession de sa pieuse mère, de Bernard ‘ le saint 
fondateur du monastère de Tiron et de sainte Marie-Magdeleine. 
Enfin, après plusieurs années de captivité, Dieu ayant éprouvé 
la fidélité de son serviteur, mit fin à ses souffrances. Une nuit, 
comme il reposait, saint Bernard et la bienheureuse Marie- 
Magdeleine brisèrent ses chaines et le transportèrent au milieu 
des airs dans une forêt aux environs de Vernon. Ce miracle 
fut certifié, au moment de l’enquête faite à ce sujet par Hugues, 
archevêque de Rouen, par les compagnons de captivité d’Ad- 
juteur : Pierre de Courtigny, Henri de Préaux, Adrien de la 
Ferté, Roffray de Puissac, Odes de Pormor et d’autres qui le 


SV S ST 


1 Saint Bernard mourut vers 1117. Adjuteur put donc le connaitre vivant et 
pe sa mort, il entendit certainement parler en Palestine des nombreux miracles 
obtenus par sa puissante intercession. 





— 281 —. 


virent, lui parlèrent et mangèrent avec lui le jour précédant 
cette nuit mémorable. 

Libre de ses chaînes, Adjuteur rendit grâces publiquement à 
Dieu et s’empressa d’élever dans le lieu même où il avait été 
transporté une chapelle dédiée à la bienheureuse Marie-Magde- 
leine, puis il se rendit en toute hâte à Tiron pour se jeter aux 
genoux de Guillaume, abbé du monastère. Il y prit l’habit reli- 
gieux en donnant et abandonnant à l’abbaye sa personne et 
tous ses biens. | 

Après douze ans de vie religieuse, Adjuteur, avec l’autorisa- 
tion de l’abbé, quitta le monastère de Tiron pour revenir sur 
les bords de la Seine, berceau de son enfance, auprès de la cha- 
pelle qu'il avait fait construire. Ce fut en ce lieu qu’il passa le 
reste de sa vie. À la chapelle furent adjoints plusieurs autres 
bâtiments qui constituèrent un prieuré dépendant de l’abbaye 
de Tiron *. 


{ Nous n'avons pas la description des lieux de ce prieuré. Mais Théroude, 
dans sa biographie de saint Adjuteur, donne de nombreux détails intéressants. 

La chapelle renfermait trois autels. Le ainaître-autel était consacré à sainte 
Marie-Magdeleine ; un autre autel à la sainte Vierge. C’est auprès de ce dernier 
que Théroude dit avoir vu dans la suite une partie des chaines qui avaient 
retenu saint Adjuteur captif en Terre Sainte. Derrière le maitre-autel on voyait 
également à la même époque, dans la muraille, une petite cellule au-dessus de 
laquelle était l'inscription suivante : 


ICI REPOSE SAINT ADJUTEUR. 


En 1860, quand M. Bordeaux vint visiter la chapelle de la Magdeleine, cette 
inscription n'existait plus. Mais à l'extérieur, au-dessus de la porte, 1l découvrit 
une plaque de marbre noir sur laquelle était gravée l'indication suivante : Hac 
in crypta recondilur B. “ei et ceps el Patnus Vernonis. In Domino quievit 
30 apr. 1131. — Derrière l'autel, M. Bordeaux releva également l'inscription 
suivante surmontée d'un blason appuyé de deux palmes et chargé, sans indica- 
tion d’émaux : d’un sautoir percé de trous réguliers comme s'il était formé de 
deux courroies croisées : 

| De sancto Adjutore 
Hac jacet Adjutor princeps Vernonis in ara 
Qui, Christi miles, plura pericla tulit. 
Mox Siria hic positus Benedicti in lege rependens, 
Innumeras grates, prœmia morte subit. 
Qui fuit Adjutor vivens , post funera talis 
Oranles ul amicos, nos patriam que juuet. 
Obiit anno 1131 aprilis ultima die. 


Jubèrt, curé de Blaru, écrivit à Théroude que dans le cimetière de sa pa- 
roisse il È avait une fontaine dite de Saint-Adjuteur autour de laquelle étaient 
déposés de nombreux ex-votos en cire, en reconnaissance des grâces obtenues en 
buvant l’eau de cette fontaine. A l’époque des guerres civiles, cette fontaine 





. — 989 — 

Après avoir renoncé au monde, Adjuteur mena une vie si 
sainte et si austère qu'il se contentait comme nourriture de 
pain, d’eau et de légumes sans sel, si ce n’est dans des circons- 
tances exceptionnelles, ou de grandes solennités. Il vivait 
absolument seul, fuyant la vue même de ses semblables. Il 
n'eut jamais de lit depuis son entrée en religion. Au lieu d’un 
vêtement moelleux il portait un cilice très dur, de sorte qu'il 
n'avait jamais un repos complet, même pendant ses heures de 
sommeil. Ses vêtements étaient si pauvres et si misérables que 
le capuchon qu'il mettait ordinairement était, suivant l’expres- 
sion d’un de ses historiens, une étoffe d’or comparativement à 
l’autre. Il priait la journée entière et se reposait la nuit dans 


fut comblée, mais en fouillant plus tard en cet endroit on découvrit une cavité de 
forme circulaire avec trois ou quatre marches pour y descendre. 

En 1338, pendant les guerres entre les Français et les Anglais, le prieuré fut 
entièrement détruit ; et en 1404 il ne restait plus qu’une partie du maïitre-autel 
et un pan de mur de la chapelle. Le souvenir même de l'existence du prieuré 
s'était effacé. 

Or, au mois de mai 1404 , un vieux vigneron nommé Robin Le Jongleur, des 
environs de Pressagny, étant venu dans sa vigne plantée près du prieuré, entendit 
des chants harmonieux comme si on célébrait un office divin. Etonné, il se retourna 
et vit un grand nombre d’anges, puis il entendit une voix qui lui dit : L'office que 
tu entends est célébré en l'honneur de sante Marie-Magdeleine à qui cet endroit 
fut autrefois consacré et mis sous la protection de l’abbé de Tiron au Perche. 
Nous venons ici par ordre de Dieu pour remplacer les hommes qui ont aba- 
donné ces lieux sacrés. Va trouver l'archevêque afin que lui et le peuple de 
celte région restaurent cette chapelle. Guillaume de Vienne était alors archevé- 
que de Rouen. Robin Le Jongleur alla donc lui rendre compte de la mission qui 
lui avait été confiée, mais il ne fut pas écouté. Peu après 11 retourna au même 
endroit et entendit de nouveau le même chant et vit les anges qui lui renouve- 
lèrent l'ordre donné. Il obéit une seconde fois, rempli de confiance en ceux qui 
l'envoyaient. Cette fois l'archevêque écouta attentivement son récit et il envoya 
de suite un prètre au inonastère de Tiron pour demander à l'abbé de se rendre 
sur les lieux dont il se disait le patron en apportant les pièces et les mémoires 
justificatifs. 

L'abbé de Tiron se présenta le jour prescrit et montra les chartes par les- 
quelles il était prouvé d’une façon certaine que saint Adjuteur , délivré miraculeu- 
sement des Infidèles, avait édifié cette chapelle en ce lieu. Après les avoirlues et 
approuvées, l'archevêque ordonna d’arracher les buissons et les épines, ce qui 

ermit de découvrir l’autel; puis revétant ses habits sacerdotaux, il commença 
e saint sacrifice de la messe aprés avoir fait planter et briser des branches 
su figuraient une chapelle. Tous ceux qui assistaient à cette cérémonie firent 
e nombreux dons pour la restauration de la chapelle. Parmi ces généreux bien- 
faiteurs, Guillaume de Melun, comte de Tancarville, prit à sa charge presque 
toutes les dépenses. La chapelle fut terminée à peu près entièrement pour le 22 
juillet 1406, jour de la fête de sainte Marie-Magdeleine, époque à laquelle l'ar- 
chevêque de Rouen vint lui-même bénir deux autels, un en l'honneur de cette 
sainte, l’autre élevé sur les débris de l'ancien, sur la tombe mème de sant 
Adjuteur. 











— 283 — 
une petite cellule derrière l’autel de la chapelle. Il ne se dés- 
habillait. pas, couchait par terre et appuyait sa tête sur une 
éminence de terre qui remplaçait un oreiller *. 

Comme l’archevèque de Rouen lui demandait un jour pour- 
quoi il soumettait son corps à de telles austérités et mortifica- 
tions et pourquoi du moins il ne sortait pas de sa cellule, il 
répondit * : « Mon corps fut autrefois soumis aux usages du 
» monde, il faut maintenant qu’il rende ce qu’il a trop pris 
» autrefois. » 

La sainteté de sa vie était telle que de tous côtés ceux qui 
souffraient venaient lui demander d'implorer pour eux la mi- 
séricorde de Dieu et de mettre fin à leurs souffrances. Par ses 
prières assidues il obtint de Dieu la santé pour les malades, 
l’ouïe pour des sourds, la vue pour des aveugles. Ces miracles 
s’accomplirent en présence d’un grand nombre de témoins qui 
certifiérent également les deux éclatants miracles rapportés 
iCI : 

Un jour qu’Adjuteur était dans la chapelle avec sa mère 
Rosmonde et plusieurs autres personnes, apparut un homme 
appelé Hilgodus Le Roux possédé du démon et tenant à la 
main une épée nue avec laquelle il avait blessé beaucoup de 
personnes. Îl s’élançca dans la chapelle en courant de tous 
côtés, faisant fuir tout le monde. Aussitôt Adjuteur courut au- 
devant de lui et s’écria : « O ma patronne, bienheureuse 
» Marie-Magdeleine, cet homme, il est vrai, a été amené ici par 
» le démon, mais puisqu'il est entré dans votre chapelle ne lui 
» accorderez-vous pas quelques grâces ? » Aussitôt qu’Adjuteur 
eut prononcé ces paroles. le démon s'enfuit d’Hilgodus en 
poussant un rugissement affreux. Hilgodus tombant alors à 
genoux rendit grâces à Dieu et vint lui-même avec les autres 
personnes raconter ce miracle à Hugues, archevêque de 
Rouen à. 

Ce même archevêque fut témoin du second miracle : Près 
du lieu même de la Magdeleine, il y avait dans la Seine un 


‘ Théroude vit encore cette petite cellule où se couchaient avec l'espoir de 
guérison ceux qui, dévorés par la fièvre, avaient recours à l'intercession de 
saint Adjuteur. 


2? Vie de saint Adjuteur, par Hugues, archevêque de Rouen. 
3 Vie de saint Adjuteur , par Hugues, archevêque de Rouen. 


— 984 — 

tourbillon dans lequel disparaissaient tous ceux qui, ignorant 
son existence, s’aventuraient avec leurs barques en cetendroit. 
Adjuteur ayant vu un jour un navire englouti, malgré tous les 
efforts de ceux qui le dirigeaient, résolut d'offrir à Dieu toutes 
ses austérités et mortifications pour obtenir de sa bonté infinie 
la disparition de ce gouffre. Un jour donc il demanda à l’ar- 
chevêque de se rendre sur les bords de la Seine et de célébrer 
le saint sacrifice de la messe. Aussitôt après, le prélat et Adju- 
teur montèrent dans une barque et s’approchèrent du tourbil- 
lon. Tous ceux qui conduisaient la barque étaient terrifiés, 
craignant d’être engloutis et suppliaient Adjuteur de ne pas 
les exposer à une mort certaine. Mais loin de donner l’ordre 
de s’éloigner!, il répondit : « Dieu est tout-puissant et par l'in- 
» tercession de la bienheureuse Marie-Magdeleine, il peut nous 
» préserver maintenant, délivrer pour l’avenir son peuple de ce 
» danger et manifester aux yeux de tous en ce jour sa toute- 
» puissance. » Ayant donc confiance en Dieu et en la bienheu- 
reuse Marie-Magdeleine, les matelots se mettant sous la sauve- 
garde du saint homme poussèrent la barque vers l’endroit où 
était le tourbillon. Au moment où le courant du fleuve entrai- 
nait déjà la faible embarcation dans le gouffre, Adjuteur s’écria : 
« Vénérable prélat, faites le signe de la croix et jetez de l'eau 
» bénite dans le tourbillon. » Puis il s’élança lui-même au milieu 
du fleuve en prononçant ces paroles : « Dieu, par les mérites de 
ÿ la bienheureuse Marie-Magdeleine et de saint Bernard, peut 
» délivrer son peuple comme il me délivra moi-même par leur 
» intercession. » Aussitôt le tourbillon devint une nappe d'eau 
tranquille sur laquelle la barque passa plusieurs fois. D’autres 
matelots que l’effroi avait retenus à l’écartsuivirent cetexemple, 
tandis que la barque qui portait Adjuteur et l’archevêque était 
revenue vers le rivage. Dans la suite, personne ne périt en cel 
endroit et le tourbillon ne reparut plus. 

Peu après l’époque où ce miracle s’accomplit, Adjuteur sen- 
tit que sa fin était proche. Il appela donc auprès de lui Hu- 
gues, l’archevêque de Rouen, et Guillaume, abbé de Tiron. 
Ceux-ci et beaucoup d’autres accoururent au prieuré pour le 
voir et entendre ses dernières paroles. L'abbé de Tiron lui 
ayant demandé où il désirait être enseveli, il lui répondit, 
qu'après son autorisation toutefois, il demandait que son corps 
reposât dans la cellule même où il avait passé la plus grande 


— 285 — 
partie de son existence. Puis couché par terre derrière l’autel 
de la bienheureuse Marie-Magdeleine, vêtu comme il l'était 
ordinairement, ayant reçu tous les sacrements, Adjuteur ren- 
dit le dernier soupir le second jour des calendes de mai, et sui- 
vant son désir il fut enseveli dans ce même endroit où il avait 
vécu. 

Il reste maintenant, comme complément de la vie de saint 
Adjuteur, à rappeler quelques-uns des miracles les plus écla- 
tants qui se firent sur sa tombe après sa mort, pour justifier 
pleinement le culte qui lui est rendu. 

Un officier de Rouen, nommé Richard, eut les yeux crevés 
d’un coup de couteau par un chevalier qu’il citait en jugement. 
Apprenant combien Dieu accordait de bénédictions à ceux qui 
imploraient saint Adjuteur dans la chapelle du prieuré de la 
Madeleine, fit une neuvaine sur le tombeau du saint. A la fin 
de la neuvaine, saint Adjuteur et sainte Magdeleine lui appa- 
rurent dans son sommeil. Adjuteur portait un vase rempli 
d'huile dont la sainte lui frottait les yeux. A son réveil, il 
s'aperçut que l’usage de la vue lui était rendu. 

La ville de Vernon * et les environs étaient ravagés par des 
incendies, de la grêle et des invasions. Sur l'invitation d’un 
certain Albert, les habitants allèrent tous à la chapelle de Sainte- 
Magdeleine à l’exception de dix. Ils firent vœu de venir en 
procession, chaque année à perpétuité et ils furent délivrés de 
ces calamités. Mais les dix qui s’étaient moqués de la piété des 
autres habitants périrent avec leurs maisons et tous leurs 
biens. ; 

Jean de Tourny, perclus de goutte, fut guéri dans la chapelle 
de Sainte-Magdeleine. 

Isembergue de Pormor, aveugle et bossue, recouvra la vue 
et une taille droite. 

Pierre de Pressigny recouvra également la vue. 

Guy de Baqueville fut guéri de l’hydropisie. 

Jean des Andelys, tout contrefait, redevint droit. 

André de Tourny, sourd de naissance, recouvra l'usage de 
l'ouïe. 


* Récit de Gauthier de Coutances, archevêque de Rouen. 


2 Récit de Gauthier de Coutances, archevêque de Rouen, qui ajoute que 
« sainte » Rosmonde fut invoquée en même temps que son fils. 








— 996 — 

Une épidémie très violente d'angine avait envahi la ville de 
Vernon ainsi que les villes voisines. Comme la maladie avait fait 
beaucoup de victimes, on fit le vœu de faire une procession au 
sanctuaire de sainte Magdeleine, de saint Adjuteur et de sainte 
Rosmonde, et la maladie ne fit plus aucune victime parmi 
ceux qui avaient fait ce vœu. 

Aussi les habitants d’autres grandes villes, à l’exemple de 
Vernon, tels que ceux de Paris, Rouen, Chartres, Évreux, de- 
mandèrent-ils la même grâce !. 

Hubert, avocat à Rouen ?, plaidant pour un citoyen contre 
un soldat insolent, se vit en butte à de telles persécutions qu'il 
finit par tomber dans une embuscade et fut forcé de tirer la 
langue pour qu’on la lui coupât. Il fut par suite réduit à la 
misère, puisque son moyen d'existence lui était enlevé. Comme 
il souffrait depuis longtemps d’une telle calamité, on lui con- 
seilla d'aller faire un vœu à la chapelle de Sainte-Magdeleine. 
Il s’y rendit et resta en prières neuf jours et neuf nuits. Enfin 
la dernière nuit, sainte Magdeleine lui apparut et tenant entre 
ses doigts le petit morceau de langue qui lui manquait, elle l’at- 
tacha et lui rendit la parole à condition qu’il n’accepterait de 
plaider aucune cause contre l’église ou un innocent; mais que, 
au contraire, il défendrait les pauvres sans toucher d’hono- 
raires. À son réveil et après avoir invoqué saint Adjuteur, il 
sentit que l’usage de la parole lui était rendu. Il appela nomi- 
nativement ceux qui l’avaient accompagné dans son pèlerinage 
et qui attendaient dans un lieu voisin la fin de sa neuvaine. Il 
leur fit le récit de sa guérison. Le bruit s’en étant répandu 
dans la ville où Hubert était très connu, plusieurs personnes 
accoururent à sa rencontre. Gauthier, archevêque de Rouen, 
vint au-devant de lui et le conduisit processionnellement à la 
cathédrale pour rendre grâces à Dieu et remercier saint 
Adjuteur. 

Un grand déméêlé existait entre Gauthier, archevêque de 
Rouen, et un puissant baron. Celui-ci, accompagné de soixante 
hommes environ, voulut empêcher le prélat de sortir pour 


4 Ce miracle est rapporté et certifié par Odon IT, archevêque de Rouen, en 
6. 


? Les miracles qui vont suivre, rapportés par Théroude, sont indifféremment 
attribués à saint Adjuteur ou à sainte Magdeleine. 





— 287 — 

visiter son diocèse. L’archevêque, voyant ces hommes prèts à 
se précipiter sur ceux de son escorte. invoqua saint Adjuteur, 
et à l'instant tous les agresseurs, comme s'ils avaient été trans- 
formés en pierres, laissèrent passer leurs prisonniers. D’autres 
hommes, apostés par le seigneur, arrivèrent qui, subitement 
plongés dans une épaisse fumée, ne purent se distinguer entre 
eux. Persuadés qu'ils étaient tombés sur les gens de Ja suite de 
l’archevêque, ils commencèrent à se frapper entre eux, et un 
grand nombre se blessèrent mutuellement. Gauthier recon- 
naissant <e rendil aussitôt à la chapelle de Sainte -Mag- 
deleine et y vint chaque année en pélerinage pendant sa vie. 
Pour prouver sa gratitude, il transcrivit tous les miracles 
qu'il sut avoir été faits par saint Adjuteur. 

Eudes, archevêque de Rouen, rapporte que le duc de Ba- 
vière n'ayant pas d’enfant de son mariage avec Zole, son 
épouse, vint en pélerinage à la chapelle de Sainte-Magdeleine 
à la suite d’une révélation qu’il eut que son affliction était la 
juste punition de la tyrannie avec laquelle lui et ses ancêtres 
opprimaient leur peuple 

Anselme de la Rocheguyon et son épouse Hauria ayant per- 
du leur fils unique vinrent à la chapelle et firent un vœu, à la 
suite duquel ils eurent trois enfants. 

La même faveur fut accordée à Guichard de Saquenville, 
habitant de Vernon, et à Pierre d’Orgeval , habitant Louviers. 

Adircardus, habitant de Pormor, en prenant une faux pour 
couper sa moisson le jour de la fête de sainte Marie-Magde- 
leine, se blessa aux mains, ce qui amena une contraction mus- 
culaire. Il obtint sa guérison en venant en pélerinage dans 
cette chapelle. 

Cette liste des miracles obtenus par l’intercession de saint 
Adjuteur pourrait être poursuivie. Il n’y aurait pas intérêt à 
le faire, puisque mon but était seulement d’ajouter de nou- 
velles preuves à la sainteté d’Adjuteur après avoir raconté sa 
vie, et de justifier pleinement le culte qui lui est rendu dans 
les diocèses de Rouen, d'Évreux et de Chartres, et recommandé 
maintes fois dans les écrits des évêques de ces trois diocèses. 
Aussi, avec Hugues, archevêque de Rouen, pouvons-nous écrire 
en terminant : « Que le pontife se réjouisse d’une sainte allé- 
gresse, que les prêtres revêtus d’ornements splendides célè- 
brent le saint-sacrifice en actions de grâces, que les moines 








— 988 — 
chantent la grandeur des œuvres des bienheureux, que tous 
ceux qui se distinguent par leurs vertus, que tous les ecclé- 
siastiques entonnent une hymne de louanges en l’honneur du 
Dieu tout-puissant; que tous les fidèles ,-femmes, jeunes gens, 
vierges, vieillards, enfants, que tous enfin s’écrient : Sainte 
Marie-Magdeleine et saint Adjuteur, priez pour nous et secou- 
rez-nous!. » à 


4 Vie de saint Adjuteur, par Hugues , archevêque de Rouen. 
Les dessins joints à ces quelques notes sont la reproduction d'anciennes gra- 
vures qui ornent la Vie de saint Adjuteur par Théroude. 


H. S. 





FOUILLES 


DANS LA 


CATHÉDRALE DE CHARTRES 


POUR L'ÉTABLISSEMENT D'UN CALORIFÈRE 


Les fouilles, entreprises à l’intérieur de la cathédrale de 
Chartres, dans le but d’y établir un calorifère, viennent d’être 
enfin terminées. Au mois de juillet 1891, on avait commencé 
à cet effet des travaux de terrassement dans le transept méri- 
dional et on y avait pratiqué des trous de sondage aux quatre 
extrémités. Mais on rencontra de sérieuses difficultés pour 
construire en cet endroit, sans nuire à l’architecture du monu- 
ment, une cheminée capable d’activer le tirage du calorifère 
et l’on dut renoncer à ce projet. Ces fouilles firent découvrir 
deux fenêtres, qui éclairaient anciennement la crypte et dont 
l’une datait de l’époque même où Fulbert entreprit de réédifier 
la basilique chartraine, après l’incendie de l’année 1020. 

Cette première tentative étant restée infructueuse, les 
architectes songèrent à installer les foyers de chauffage dans 
l’intertransept ou avant-chœur dela cathédrale. Aux mois d’août 
et de septembre 1891, de nouveaux trous de sondage, qui ne 
mirent au jour que des substructions encore mal déterminées ?, 
furent creusés le long des murs intérieurs de la crypte. Mais 


1 Cf. Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques, année 
1892, p. 244-246, et René Merlet, Date de la construction des cryptes de la 
” cathédrale de Chartres. Chartres, Garnier, 1892; in-8°.— Nous avons donné 
un dessin de cette fenêtre dans notre travail intitulé Un Manuscrit chartrain 
du XIe siècle, p. 83. 

2 Voir au sujet de ces fouilles la Voix de Notre-Dame de Chartres du mois 
d'octobre 1891. 


T. X. MH. 21 





| — 290 — 

l'emplacement ne fut pas non plus jugé convenable. Pour ; 
accéder, en effet, il aurait fallu pratiquer sous le sol même de 
la crypte des galeries en maçonnerie et l’on recula devant cette 
entreprise trop coûteuse. 

On se décida enfin à adopter, pour y mettre le calorifère, 
l’espace compris entre les deux colonnades qui supportent la 
plus haute voûte du transept nord de la basilique. Ce choix 
était très heureux. Car non loin de là, touchant à la sacristie, 
existe une tourelle !, qui servait de cage à un escalier presque 
abandonné, et qu’il devait être facile de transformer en corps 
de cheminée. De plus l’accès des foyers était assez simple 
à établir de ce côté, puisqu'il suffisait de percer une mu- 
raille de cinq mètres environ d'épaisseur pour parvenir à une 
galerie, construite au XIIIe siècle sous le bas-côté oriental du 
transept et aboutissant au-dehors vis-à-vis la tourelle de la 
sacristie. Le 2%5 octobre 1893, les ouvriers se sont mis à l’œuvre 
et le 18 novembre suivant les travaux de déblai, poussés avec 
activité, étaient complètement achevés. 

Le dallage du transept a été d’abord enlevé; il datait du 
temps même de la construction de la cathédrale, c’est-à-dire 
du XIIIe siècle, et était formé de larges carreaux rectangulaires 
en pierres de Berchères de dimensions assez inégales et n’offrant 
pour la plupart aucun intérêt. Certaines de ces dalles cepen- 
dant présentaient sur leur face inférieure diverses moulures de 
style gothique : ce qui prouve que l’architecte du XIIIe siècle 
s’est servi pour paver la cathédrale d’un assez grand nombre 
de pierres sculptées, telles que fragments de corniche, tailloirs 
de chapiteaux, etc., qui avaient été jugées alors trop défec- 
tueuses pour être employées à l’ornementation de l’église. 

Les ouvriers ont ensuite déblayé jusqu’à quatre mètres de 
profondeur l’emplacement compris entre les trois murailles de 
soutènement du transept et le mur de la crypte. La fossæ’, 


1 Sur cette tourelle, construite au commencement du XIVe siècle par le 
chanoine Guillaume de Chaumont, voir un article paru dans le supplément de l 
Voix de Notre-Dame du 11 novembre 1893 et intitulé Un bienfaiteur du 
calorifère de la cathédrale au XIVe siècle. 


2 Cette fosse est désignée par les lettres À B CF sur le plan des fouilles qu 
est joint à ce mémoire. J'ai marqué par des hachures obliques les fondations du 
transept septentrional qui au XIII siècle fut accolé à l'église de Fulbert, 
est figurée en noir sur le plan. La lettre P indique la galerie septentrionale de 


la crypte. 





— 291 — 
ainsi délimitée par d’anciennes maçonneries, offre la forme 
d'une salle rectangulaire de quatre mètres de hauteur sur onze 
mètres et demi de longueur et dix mêtres environ de largeur. 


C'est là que seront posés les foyers destinés à chauffer la cathé- 
drale tout entière. La muraille septentrionale A C de cette salle 
a été construite au XII[I° siècle et sert de fondation à la façade 
du transept : elle est parementée avec soin en pierres de 
Berchères ou de Prasville. Les deux murailles latérales AB, 
CF ont été également bâties au XIIIe siècle pour soutenir les 
bas-côtés du transept. Enfin le mur méridional B F n’est autre, 
comme je l’ai déjà dit, que celui de la crypte édifiée entre 
les années 1020 et 1024 par l’évêque de Chartres, Fulbert. 

Les terres de remblai, qui ont été tirées de la fosse et jetées 
au-dehors, ne contenaient, contrairement à l’attente générale, 














un 





\ 


— 292 — 
que peu d'objets intéressant l’art ou l'archéologie. Outre 
quelques fragments de marbre et de poterie, on a seulement 
trouvé diverses monnaies enfouies plus ou moins profondément 
sous le dallage. 

L'une est une obole d’argent au type chartrain portant au 
revers la légende CARTIS CIVITAS /Carnotis civitas). Elle 
date de la fin du XIe siècle et a déjà été décrite par Cartier 
dans ses Essais sur les monnaies au type chartrain (page 45, 
n° 11). On a également exhumé un denier d’argent de 
Geoffroi IV, vicomte de Châteaudun (1200-1935) ‘ et un denier 
de billon d'Hervé, comte de Nevers (1199-1293) ?. Enfin, en 
creusant les fondations des piles qui supporteront les traverses 
en fonte sur lesquelles sera de nouveau poséle dallage du tran- 
sept, on a, parmi diverses poteries de l’époque gallo-romaine, 
rencontré une monnaie de bronze de l’empereur Constantin, 
à une profondeur de sept mèêtres environ au-dessous du sol de 
la cathédrale à. | 

Le mur de la crypte que l’on vient de découvrir mérite de 
fixer l'attention des archéologues, car, depuis l'incendie 
de 1194, qui nécessita la construction de la cathédrale actuelle, 
jamais un aussi important débris de la basilique du XI: siècle 
n'avait été mis au jour. C’est l’une des façades latérales de 
l'église de Fulbert que l’on a ainsi dégagée sur une longueur 
de près de dix mètres et depuis les fondations mêmes du mo- 
nument jusqu’à une hauteur de deux mètres et demi au-dessus 
de l’ancien sol. La muraille est extérieurement parementée en 
silex et recouverte d’un enduit de mortier; elle servait autre- 
fois de soutènement à un bas-côté qui fut abattu au XITTe siècle. 
Deux fenêtres sont apparues dans cette portion de muraille: 
elles prenaient primitivement le jour au dehors et éclairaienl 
la crypte, avant que d’autres constructions ne fûüssent venues 
les masquer. Elles ne sont pas de même structure. L'une F, 
tout appareillée à l’extérieur en briques et pierres tendres, à 















1 Cf. Cartier, livre cité, p. 133, no 1. 


2 Cette monnaie a été décrite par Poey d'Avant, Monnaies féodales dr 
France, tome 1, p. 315 : au droit on lit la légende ERVIS CONS | Berres 
comes ), et au revers NIVERS CIS ( Nivers civutas ). 


_% On est arrivé au sol naturel à 8m 50 de profondeur ; au-dessus, jusqu 
niveau du dallage, le terrain était entièrement formé de remblais. 


— 293 — 
un aspect fort archaïque. Elle est contemporaine du mur dans 
lequel elle est percée, c’est-à-dire qu’elle date comme celui-ci 
du temps de Fulbert. Toutes les fenêtres de la crypte furent 
dans le principe semblables à celle-là et par conséquent diffé- 
rentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. 

Une preuve certaine de ce fait vient d’être mise en lumière, 
et voici en quoi elle consiste. La seconde fenêtre E, dont il me 
reste à parler, plus large et plus haute que la première, est 
absolument identique par ses dimensions et son appareil aux 
dix-huit fenêtres romanes qui actuellement distribuent le jour 
dans l’église souterraine. Elle est en pierres dures, taillées avec 
une grande finesse et séparées par des joints de peu d’épais- 
seur. Entre cette fenêtre et la baie primitive que j'ai déjà 
décrite, les fouilles ont fait apparaitre un contrefort H qui a 
été aussi bâti en même temps que le mur de la crypte dont il 
contrebute la voûte intérieure. Ce contrefort est extrêmement 
plat' et est formé d’assises de pierres assez grossièrement 
travaillées, entre lesquelles sont placées de distance en distance 
des briques posées verticalement et noyées dans une épaisse 
couche de mortier. Il est évident qu’à l’origine ce pilier devait 
être à égale distance de chacune des fenêtres qui l’avoisinaient. 
Or aujourd’hui il ne se trouve plus au milieu et il est plus rap- 
proché de la fenètre E que nous avons dit être la plus large et 
la plus haute. Ïl en résulte que celle-ci a été agrandie posté- 
rieurement à la construction du contrefort. D'ailleurs la taille 
fine des pierres et le soin avec lequel elles sont jointoyées 
indiquent suffisamment que l’époque où cette baie et toutes 
celles de la crypte qui lui sont semblables ont été refaites, doit 
être voisine du milieu du XIIe siècle. L’on estima sans doute 


1 [1 mesure { mètre 75 de largeur sur 42 centimètres seulement d'épaisseur. 
Son soubassement, enfoui dès l’origine à plus d’un mêtre sous le sol, a été mis 
au jour par les fouilles. On a également trouvé dans les remblais avoisinants 
une des pierres du glacis de ce contrefort. Cette pierre a son arête inférieure 
abattue et légèrement entaillée en dessous de façon à former larmier. — Dans 
votre travail intitulé Ün manuscrit chartrain du XIe siècle, nous n'avons pas 
figuré de contreforts dans Ja restitution que nous avons donnée de l’église cons- 
truite par Fulbert. C'est une omission que nous avions faite volontairement, car 
rien n'indiquait alors que cette ancienne basilique en eût été flanquée. Actuelle- 
ment il est certain que les bas-côtés de cet édifice étaient soutenus de travée en 
travée par un contrefort semblable à ceux qui sont dessinés plus loin dans la 
restitution que je donne du porche construit à la fin du XI° siècle sur l'empla- 
cement des fouilles. 


— 294 — 

alors que l’église souterraine ne recevait pas suffisamment de 
lumière par les ouvertures primitives qui sont très étroites et 
l’on résolut de les exhausser et de les élargir. 

Ce fait d’un remaniement de toutes les fenêtres de la crypte, 
à une époque que l’on peut juger approximativement être le 
milieu du XIIe siècle, me conduit à examiner une nouvelle 
question qui est de savoir quelle variation a subie d’âge en âge 
le niveau des terrains autour de la cathédrale. Les fouilles que 
l’on vient de faire jettent un jour nouveau sur ce problème 
encore mal éclairci. Lorsqu'on pratiqua en 189% des trous de 
sondage dans l’avant-chœur, on rencontra à cinq mètres de 
profondeur une sorte d’aire en mortier, indiquant l’emplace- 
ment du dallage d’une ancienne basilique. Ce dallage, établi à 
peu près au même niveau que le sol actuel de la crypte, devait 
être celui de l’église qui fut incendiée en 1020. Il en résulte 
que cette église serait aujoud’hui enfouie à une assez grande 
profondeur et que, depuis les premières années du XIe siècle, 
les terrains environnant la cathédrale se seraient exhaussés 
de trois mètres au moins. On sait par les récits des auteurs 
contemporains que l’incendie, qui détruisit la basilique char- 
traine dans la nuit du 7 au 8 septembre 1020, fut d’une vio- 
lence extraordinaire. Le monument fut ruiné de fond en 
comble. Aussi, lorsque l’évêque Fulbert entreprit de le réédi- 
fier sur de nouvelles proportions, ne songea-t-il pas à déblaver 
les décombres qui étaient considérables, et, comme il entrait 
dans ses projets de construire sous son église de vastes cryptes 
s'étendant dans toute la longueur de l’édifice, il se contenta 
d’aplanir ces décombres qui formèrent de toutes parts un épais 
remblai. Les fondations de la nouvelle cathédrale furent établies 
par Fulbert au haut de la colline dont le sommet n'était point 
alors comme aujourd’hui transformé en plateau, mais offrait 
une pente s’inclinant sensiblement vers l’orient et le midi. 
Cette pente fit que Fulbert, pour éclairer la crypte, put ouvrir 
du côté de l’est et du sud des fenêtres d’une assez grande hau- 
teur, tandis que, du côté du nord où le terrain allait en mon- 
tant, il fut forcé de donner aux mêmes ouvertures des 
dimensions très restreintes. En effet, la galerie méridionale de 
la crypte ne se trouvait guère qu’à un mètre en contre-bas du 
sol extérieur, alors que la galerie septentrionale était enfouie 
en terre de près de 2 mêtres 50; et comme ces galeries sou- 








— 295 — 

terraines n'avaient que peu d'élévation sous voûte , Fulbert se 
vit contraint, suivant la pente ascendante du terrain, de dimi- 
nuer la hauteur des baies qu’il avait percées au ras du sol ‘. 
C’est ainsi que la fenêtre primitive, découverte en 1891 dans 
le mur méridional de la crypte, mesurait 1 mètre 75 d’éléva- 
tion, tandis que celle qui vient d’être mise au jour dans le mur 
septentrional n’a que 75 centimètres de hauteur ?. Lorsqu'on 
remania les fenêtres de l’église souterraine vers le milieu du 
XITe siècle, on les rétablit toutes suivant un même plan hori- 
zontal 5, et l’on nivela le sol autour de la cathédrale *. Depuis 
ce temps jusqu’à nos jours, on veilla constamment à ce 
qu'aucun nouveau remblai ne vint à se former, car il était 
devenu impossible d’exhausser encore une fois les baies de la 
crypte, puisque leurs ouvertures atteignaient intérieurement les 
voûtes mêmes du souterrain. 

En résumé et d’une façon approximative, on peut dire qu’au 
Xe siècle et jusqu’à l’incendie de 1020, le niveau des terres en- 
vironnant la cathédrale était en contre-bas du niveau actuel 
de trois mètres au nord, de quatre mètres à l’est et de quatre 
mètres 50 au midi. L’incendie de 1020, la ruine de la basi- 


1 [est certain que dans le principe comme aujourd’hui les fenêtres de la 
crypte s’ouvraient extérieurement au ras du sol. Les fouilles en effet ont fait 
apparaitre du côté du nord, non loin de la baie F construite par Fulbert, une 
muraille G H du XIe siècle, pen à celle de la crypte et sur laquelle 
la ligne du sol était indiquée par une assise horizontale de pierres de taille, 
établie exactement au même niveau que l'appui extérieur de la fenêtre. Les 
fondations autrefois enfouies de cette muraille étaient en maçonnerie de silex 
non parementée, tandis que la partie apparente était en pierres de taille. Cette 
muraille avait été rasée après l'incendie de 1194, mais on avait laissé la 
dernière assise de pierres qui sans doute émergeait à peine au dessus du sol. 


2 Il serait à souhaiter que l’on dégageät à l’intérieur de la crypte cette seconde 
fenêtre F qui est actuellement bouchée par une maçonnerie de peu d'épaisseur. 
Cela permettrait aux archéologues de comparer cette baie primitive avec celle 
que l’on a dégagée du côté du midi. 


3 A la suite de ce remaniement, l’appui des fenêtres de la crypte se trouva 
exhaussé de trente centimètres environ du côté du nord, comme en ont témoigné 
les dernières fouilles. Depuis l’année 1020 jusqu'en 1150 environ, les terrains 
ne s'étaient donc élevés que d’une trentaine de centimètres. 


4 Ce nivellement fut sans doute nécessité par la construction des deux clochers 
de la cathédrale auxquels on travailla de 1134 à 1170 environ. 


$ [l'est certain qu'autour de l’abside les terrains se sont exhaussés depuis le 
Xe siècle de 4 mètres environ, comme le prouvent les fenêtres qui éclairaient 
autrefois le caveau de Saint-Lubin. Ce caveau, ancien martyrium de la basi- 
lique carolingienne, date du [Xe ou du Xe siècle et les fenêtres, dont je 
viens de parler, ont leur appui enfoui actuellement à 4 mètres sous terre. Cette 





— 296 — 

lique carolingienne et la construction des cryptes produisirent 
de toutes parts un remblai de près de trois mètres d'épaisseur. 
Par conséquent, à dater de cette époque jusqu’à aujourd’hui le 
sol n’a pour ainsi dire subi aucune variation du côté du nord, 
tandis qu’il s’est élevé de 1 mètre à 1 " 50 du côté de l’est et 
du sud par suite d’un nivellement général qui eut lieu vers le 
milieu du XIT: siècke. 

Les fouilles ont fait apparaître, outre la muraille et les deux 
fenètres de la crypte dont je viens de parler, diverses substruc- 
tions assez curieuses. La plus ancienne de ces substructions 
était un mur perpendiculaire à celui de la crypte et situé vis- 
ä-vis la petite baie F du XIe siècle, en avant de laquelle il 
avait été abattu sur une longueur de 40 centimètres environ. 
Ce mur MN, qui avait 65 centimètres de largeur, était pare- 
menté en pierres cubiques disposées par assises régulières. Il 
offrait, à une distance de 1 mètre 70 de la fenêtre, un brusque 
retour à angle droit et remontait vers l’est parallèlement au 
bas de côté de l’église. À trois mètres plus loin, il avait été 
entièrement démoli et l’on en perdait la trace. Il rappelait par 
son appareil les constructions de l’époque mérovingienne et 
pouvait dater du VIII ou du IX: siècle‘. Il était en tous cas 
certainement antérieur à l’année 1020, car Fulbert avait été 
obligé de l’abattre pour établir les fondations de la crypte ?. La 
saillie rectangulaire qu’il formait en dehors de la cathédrale 
du XIe siècle pourrait indiquer que c'était l’angle d’un ancien 
clocher ou bien d’un porche. 


différence de niveau de l'ancien sol suivant l'orientation était causée, comme 
je l'ai expliqué plus haut, par l'inchuaison de la colline sur laquelle était bâtie 
a cathédrale, mclinaison qui n'existe plus aujourd'hui. Je suppose, d'après la 
hauteur respective des deux fenètres de Fulbert récemment découvertes dans 
les galcries septentrionale et méridionale de la crypte, que la pente de la colline, 
à partir du nord, s’abaissait d’un mêtre environ l’abside et d’un mètre 50 du 


côté du sud. 


1 En démolissant ce mur, on a retrouvé parmi les matériaux dont il était 
formé un fragment de pierre sculptée avant appartenu à un bas-rclief de l'époque 
gallo-romaine. Il n’est pas possible de dire ce que représentait ce bas-relief ; on 
distingue seulement l’une des jambes d'un animal qui paraît être un cheval. 


2? On retrouverait sans aucun doute sous la galerie septentrionale de la crypte 
les fondations de ce mur qui doit la couper transversalement et qui se poursuit 
peut-être au-delà. 

3 On doit faire remarquer que les fondations de ce mur n'étaient pas 
profondes et reposaient sur des remblais. Ce qui prouve que cette muraille n’a 
jamais pu soutenir une lourde construction. 








GUON LAASNVUL A4 IVLUOd ONVUID ANG ASIN SATTIIOA SAA ATIA 


— 299 — 

Les fondations d’une autre muraille perpendiculaire à l’église 
de Fulbert ont été également découvertes entre le contrefort 
primitif de la crypte et la fenêtre E du XIe siècle. Ces fonda- 
tions H G mesuraient près de neuf mètres de longueur; elles 
étaient formées d’un massif de maçonnerie en silex et en terre 
sans aucun mortier, et servaient de soutènement à un mur 
large d’un mètre. Ce mur était parementé, au-dessus du niveau 
de l’ancien sol, en pierres de taille ; mais il n’en subsistait que 
les dernières assises touchant à la muraille de la crypte dans 
laquelle il était engagé. 

Dernièrement, lorsqu'on a achevé de le démolir, on a 
reconnu qu’il avait été appliqué après coup contre la façade 
latérale de la crypte, et l’on a constaté en même temps qu’il 
avait été construit antérieurement à la fenêtre du XIfe siècle 
E, dont la garniture extérieure en pierres de taille était accolée 
contre lui. Il avait donc été bâti entre les années 1020 et 1150 
environ, c’est-à-dire qu'il datait très probablement de la fin 
du XI: siècle. 

Si l’on cherche à savoir quelle sorte d’édifice ce mur sup- 
portait autrefois et que l’on consulte le texte des anciens 
obituaires du Chapitre de la Cathédrale, où ont été inscrits, 
depuis près de mille ans, les notices nécrologiques de tous les 
bienfaiteurs de l’église de Chartres, on voit que dans la seconde 
moitié du XIe siècle, l’on entreprit, aux frais de certains 
Chartrains généreux, la construction de trois vestibules ou 
porches donnant accès dans la basilique. 

Un chanoine, nommé Raimbaud, fit bâtir vers 1050 l’un de 
ces porches à l’ouest en avant de la façade principale ; à la 
même époque, le médecin Jean en fit faire un autre du côté du 
sud, enfin un troisième porche, placé sans aucun doute au 
nord , fut érigé grâce aux libéralités du chanoine André, qui 
décéda vers 1090 !. Tout tend à prouver que le mur H G dont 
on vient de retrouver les fondations était l’un des montants 


\ Jdibus aprilis, obiit Ragenboldus, subdiaconus et canonicus Sancte 
Marie, qui dedit magnam parlem sue possessionis ad edificationem vestibuli 
frontis hujus æcclesiæ. — vitt Kalendas januarii, obiit Johannes medicus qui 
istius ecclesie dextri lateris vestibulum fecit. — v Kalendas octobris, obiit 
Andreas, sacerdos et canonicus Sancle Marie, qui ad edificium vestibuli 
te æcclesie, reliquit arripennum vinearum et dimidium. (René Merlet et 
abbé Clerval, Un manuscrit chartrain du XIe siècle, p. 149, 159, 177. 


— 300 — 
latéraux de ce porche septentrional et du perron qui v condui- 
sait. Les ouvriers, en faisant les fouilles, ont remarqué que les 
remblais, à droite de ce mur, étaient d’une grande dureté : ce 
qui prouve qu'ils étaient plus anciens que ceux du XIII: siècle, 
lesquels offraient peu de résistance à la pioche. Par conséquent, 
dès le XIIe siècle, il existait en cet endroit un vaste terre-plein 
qui enveloppait le contrefort H et masquait la petite fenètre F 


en de more rein 


du X[I° siècle!. Ce terre-plein, par raison de symétrie, devait 


embrasser l’espace compris entre deux contreforts avec la 
fenêtre F au milieu *. Il formait ainsi une sorte de butte, 


1 J'ai mdiqué sur 1€ plan des fouilles en HGIK par des lignes pointillées 
l'emplacement de ce terre-plein sur lequel étaient établis le perron et le porche. 


3 J'avais déjà émis comme hypothèse que la conservation de cette fenêtre 
primitive et de celle qui lui correspond au midi était due à la construction de 


— 301 — 

appliquée contre la basilique de Fulbert et mesurant 11 mètres 
de longueur sur 8 à 9 mètres de largeur. Cette butte, à n’en 
pas douter, permettait de monter à l’église supérieure et devait 
servir d’assiette à un perron et à un porche. Connaissant 
exactement le plan et la hauteur de ce perron et de ce porche, 
j'ai tenté de faire une vue restiluée de la partie de la cathédrale 
du XI: siècle qui s'élevait antérieurement à l'incendie de 1194 
sur l'emplacement des fouilles. 

Dans ce dessin , il n’y a d’hypothétique que la structure 
même du porche. Quant à l’élévation de l’ancienne basilique !, 
la longueur et la hauteur du perron, la position des fenètres 
et des contreforts, ce sont des données certaines. Il est éga- 
lement hors de doute que le porche était en majeure partie 
construit en charpente, car ses fondations, que les fouilles ont 
mises au jour, avaient peu de stabilité et n’ont jamais pu 
supporter qu’une construction très légère. 

On voit d’après ce qui précède que les diverses substructions 
récemment découvertes sous le sol de la cathédrale étaient 
dignes d’intérèt. Il est regrettable que l’on ait été forcé de les 
démolir pour poser le dallage de la salle où sera établi le 
calorifère. Mais, si ces antiques débris ont déjà disparu, la 
photogravure et le plan joints à ce mémoire en rappelleront 
l’aspect général et permettront d’en retrouver l’emplacement. 


deux porches qui auraient masqué chacune de ces ouvertures et auraient em- 
pêché qu'on les remanit au XIE siècle. La découverte du mur dont je viens de 
parler me semble changer cette hypothèse en un fait certain. 


1 Cf. Un manuscrit chartrain du XIe siècle, p. 71-73. 


René MERLET. 


NOTICE HISTORIQUE 


SUR LA 


COMMUNE DE VILLEMEUX 





Il a été publié dans la partie historique des Annuaires 
d’Eure-et-Loir, une intéressante étude sur Villemeux. Il m'a 
paru bon d’essaver de compléter ce travail par des renseigne- 
ments trouvés dans des actes, pièces, déclarations, registres, 
inventaires, etc. provenant des archives du château de Renan- 
court, de la fabrique de l’église Saint-Maurice. de la Mairie et 
de la Charité de Villemeux. Je vais essayer de sauver de l’ou- 
bli un assez grand nombre de renseignements locaux inté- 
ressants, | 


SAINT-ÉVROULT. 


Ce hameau dépendait autrefois de Chaudon et de Villemeux. 
La portion sur Chaudon a été détruite et son emplacement est 
aujourd’hui en culture. La dernière maison sur cette commune 
a été démolie en 1822. 

Saint-Évroult n’a plus que quatre maisons, il était autrefois 
beaucoup plus important. Ce village est mentionné pour la 
première fois vers 1150. On le voit désigné successivement 
sous les noms de Ebroudi villare, Saint-Évrol-desoz-Sècher- 
ville et Saint-Ebvroult. Son nom rappelle celui de saint Évroult 
(517-598) qui fonda le couvent des bénédictines d’Almenèches 
(Orne). 


— 303 — 

Lefèvre cite plusieurs aveux où se trouve indiqué : « au ter- 
roir de la Lice, l'emplacement où se trouvait autrefois à Saint- 
Évroult un champ clos destiné aux combats, aux tournois des 
chevaliers et aux courses de tête et de bague. Le terrain cou- 
vert de sable et enfermé de barrières servait encore au moyen 
‘âge à vider par les armes les différents que les seigneurs 
avaient entre eux. » 

On voit à ce village une ancienne chapelle où avait lieu au- 
trefois, le lundi de Pâques de chaque année, un pèlerinage très 
suivi. Cette fête a perdu aujourd’hui beaucoup de son impor- 
tance. La chapelle de Saint-Évroult fut donnée en 1741 comme 
bénéfice à Georges Caron. L’autel de cette chapelle porte la 
date de 1604 et des armoiries que l’on suppose être celles 
d’un ancien seigneur de Chaudon. Les burettes qui servent 
pour la messe sont marquées de l’année 1662. 

Saint-Évroult était autrefois un fief vassal de Villemeux. 
Parmi les propriétaires de ce fief on peut citer : 


1614. — Charles de Pinson, écuyer, sieur de la Garenne, et 
Marie-Françoise de Quenouille, son épouse. 

1639. — Louis de Pinson, écuyer, sieur de la Garenne, fils 
des précédents, et Anne du Catel, son épouse. 

1656. — Charles de Pinson, écuyer, sieur de la Garenne, 
fils du précédent. 

1635. — François Léger, sieur de la Saussaye, écuyer, ar- 
cher de la garde de la porte du roi, et Catherine-Marie, son 
épouse. | 

1668. — Jacques Léger, écuyer, sieur de la Saussaye, et 
Marie de Garrault (de Blainville), son épouse. 

1683. — Alexandre Léger, sieur de la Coudrelle, gentil- 
homme de la compagnie des chevau-légers de sa Majesté, et 
Marguerite Étiemblot de Gilefosse, son épouse !. 

1696. — François Léger, écuyer, sieur de la Noûüe, et Anne- 
Catherine des Vignes de la Pichardière, son épouse. 

1726. — Jean-Baptiste-François Léger, écuyer, sieur de la 
Noûe, maire de Villemeux, et Madeleine Guillou, son épouse. 

1763. — Jean-Baptiste Léger, écuyer, sieur de la Noûüe. Ce 
dernier quitta Saint-Évroult au moment de la Révolution. On 
montre encore les restes de son ancienne habitation. 


4 Fief de Chaudon. 





— 304 — 


CHERVILLE. 


Ce village parait avoir été fondé vers les premiers temps de 
la monarchie franque. Il en est fait mention dès le VIII: siècle. 
Il ect désigné par les appellations de Senardi villa, Sehiervilla, 
Sehervilla, Chiervilla et entin Cherville. 

Le fief de Cherville a été dépendant du Prieuré de Villemeux 
et vassal de Villiers-le-Morhier; pour la justice, il ressortissait 
à Nogent-le-Roi. 

À l'origine il a probablement appartenu à l’abbaye de Saint- 
Germain-des-Prés. Garnier de Cherville est cité dans un acte 
de l’année 1293. Jehannot de Cherville figure en 1335 dans une 
charte relative à Chaudon. 

On pense généralement que Pierre de Chappes est né au 
hameau de Cherville. Pierre de Chappes, chanoine de Chartres 
en 1316, fut successivement docteur régent en droit à l’univer- 
sité d'Orléans, conseiller au Parlement de Paris, chancelier de 
France, évêque d’Arras et enfin évêque de Chartres. Il ne 
conserva que quelques années le siège épiscopal de cette ville, 
le pape Jean XXIT qui lavait en grande estime le retint auprès 
de lui à Rome. 

Étaient sieurs de Cherville au XVIe siècle les maîtres, prin- 
cipal, chapelain et boursiers du collège de Séez fondé en l’uni- 
versité de Paris, qui possédèrent cette seigneurie jusqu’à la 
Révolution. ‘ | 

La ferme ou seigneurie de Cherville comprenait une maison 
d'habitation, des bâtiments ruraux, un colombier et une cha- 
pelle placée sous l’invocation de saint Marc, évangéliste. Les 
bois du Héleau et un pré près Boisard, sis en la commune de 
Chaudon, faisaient également partie de la ferme de Cherville!. 


De la seigneurie de Cherville dépendaient : 


1° Le fief de la Crapotière, assis au terroir de Villemeux, 
entre ce village et le chemin Tuleras, près du champtier de 
l'Épine-du-Boullay et valant 20 sols de menu cens. Il s’appe- 
lait encore fief Dagron et a longtemps appartenu aux seigneurs 
du Ménil-Ponceaux. 


1 Plans de la ferme dressés lors du morcellement 





— 305 — 

2% Le fief Becquet ou de Quatrelivres consistant en 15 livres 
de même cens à prendre sur un logis rue du Guédeville à 
Villemeux et sur plusieurs pièces de terre, entre autres un 
quartier et demi assis devant la porte du lieu seigneurial de 
Cherville, et payables le jour saint Rémy. 


3 Le fief de. Bourdonné assis et situé dans la paroisse de 
Villemeux, entre ce village et Cherville, valant 3 livres 10 sols 
de menu cens par chacun an payable au jour de saint André 
par plusieurs personnes. Nous donnons l’historique de ce fief 
au chapitre du Ménil-Ponceaux *. 

On voit encore à Cherville une statue de saint Marc qui pro- 
vient probablement de l’ancienne chapelle. 

Autrefois le tissage de la toile était en honneur dans ce vil- 
lage et occupait un certain nombre d’ouvriers. Cette industrie 
a complètement disparu aujourd’hui. 


® 


VALGIRARD. 


Le Valgirard dépend de Chaudon et de Villemeux. Un titre 
de 1540 nomme ce lieu Vau-Girard. La seconde partie de ce 
mot rappelle le souvenir de l’un des seigneurs de ce fief, L’u- 
nique rue sépare les maisons de chaque commune. L'ancien 
chemin de Valgirard à Saint-Pierre traversait la prairie et le 
moulin de Boisard. 


BOISARD. 


Ce moulin établi sur là rivière d’Eure est fort ancien. 

Guillaume de Boisard est cité comme témoin dans une charte 
de Hugues de Châteauneuf de l’année 1182. 

Mathry Guesné (1654), Michel Pollon (1697), Noël Suzanne 
(1715), Jean Oudard (1759) sont mentionnés comme meuniers 
de Boisard. 

Ce moulin fut vendu à la Révolution. Depuis il a été agrandi, 
les bâtiments ont été augmentés et plusieurs fermiers s’y sont 
succédé. 


\ Ce fief a longtemps appartenu aux seigneurs du Ménil. 
CT. X. M. 22 





— 306 — 


TROIS-MOULINES. 


Ce moulin comme celui de Boisard existait déjà au moyen 
âge. Le Censier du Grand-Beaulieu le mentionne en 1937 sous 
la dénomination de Tres Molendini. | 

Trois-Moulines a appartenu longtemps aux seigneurs et chà- 
telains du Boullay-Thierry. | 

Le domaine de Trois-Moulines consistait en un moulin à deux 
roues avec les bâtiments qui en dépendaient, le droit de pêche 
jusqu’au pont du Ménil, mais d’un côté de la rivière seulement 
(l’avtre côté appartenait au seigneur du Ménil), avec 6 arpents 
de pré, 4 arpents de terre entre la cave du Ménil et la fourchée 
du chemin de Villemeux audit moulin et une autre pièce de 
469 perches 1/4 de terre, tant en labour qu’en pâture et saules 
plantés entre Trois-Moulines et Villemeux. 

Les 2/3 environ de cette dernière pièce étaient du fief de 
Voise, le reste faisait partie du fief de Bourdonné. Cette der- 
nière portion avait été en maisons et terrains. Les proprié- 
taires du moulin avaient fait démolir ces habitations *. 

Il existait autrefois à Trois-Moulines un foulon où les fabri- 
cants de serge et de couvertures du Boullay-Thierry ? et autres 
paroisses faisaient fouler et dégraisser leurs étoffes. Il y a eu 
également un moulin à tan et une pêcherie. 


LA VIEILLE FONTAINE. 


Ce moulin situé autrefois entre le Ménil-Ponceaux et Char- 
pont sur le territoire de Villemeux n’éxiste plus depuis long- 
temps. Il est mentionné en 1540 sous le nom de moulin de 
Vieux-Fontaines. 

Le domaine de Vieille-Fontaine relevait de la châtellenie de 
Prémont et était dans le ressort du bailliage de cette seigneurie. 
Il paraît que, vers le milieu du XV° siècle, la mouvance en a 
été contestée au châtelain de Prémont par le seigneur de No- 


{ Archives de renancourt. 
2 L'auteur a vu plusieurs couvertures portant la marque de Hubert, fabricant 
au Boullay-Thierry. 





— 307 — 
gent-le-Roi. On ne voit point que le litige ait été vidé, et les 
seigneurs de Prémont en ont toujours été servis depuis *. 

Au XII siècle, ce fief consistait en un moulin à eau avec la 
rivière, la péêcherie, 3 quartiers de pré nommés les Motaiges, 
3 arpents de prés près du moulin, 40 sols de menu cens avec 
2 gelines par chacun an et 3 vassaux dont l’un était un sieur 
de Romilly ou Remilly qui tenait un fief séant partie au Ménil- 
Ponceaux et partie à Villemeux. 

Les seigneurs du Ménil avaient le droit de halager les ba- 
teaux qui montaient à la porte à bateaux de la Vieille-Fontaine, 
moyennant 4 sols que les mariniers de chaque bateau de- 
vaient leur payer. 


LE MÉNIL-PONCEAUX. 


La première partie du nom de ce hameau indique son an- 
cienneté qui remonte à l’origine de la propriété rurale. Son 
surnom lui vient probablement d’un des membres de la famille 
Ponceaux. Il portait autrefois les noms de Mesnilium de Pon- 
cellis (1150), Masnilium de Villemout (1229), Menilium de 
Ponceaux.(1271). 

Il y avait au XIII° siècle plusieurs fiefs assis au Ménil-Pon- 
ceaux qui formèrent plus tard cette seigneurie, savoir : 


1° Le fief de Richebourg, lequel prenait sans doute son nom 
de Pierre de Richebourg, seigneur de Mauzaize, qui le possé- 
dait en 1384 et 1413. Ce fief relevait de la châtellenie de Pré- 
mont à laquelle nous le trouvons réuni en 1518. Suivant un 
aveu de 1413, il consistait en 12 livres de menu cens, un de- 
mi-muid d'avoine, 70 arpents de bois et 65 arpents de terre, 
non compris les terres en non valeur depuis le pendant 
d’Ouerre jusqu’au champ du Poirier ?. 


2 Le fief du Ménil dont le premier propriétaire connu est 
Simon du Ménil. En 1386, ce fief était dans la main de Jeanne 
Bouchemont, veuve Becquet. 

Il a passé ensuite à Jean Becquet, son fils. Suivant un aveu 
rendu par ce dernier en 1392, le fief du Ménil consistait en 


{ Inventaire des titres de l’ancienne seigneurie de Prémont. 
2 Inventaire des titres et papiers des châtellenies de Prémont et Renancourt. 





— 308 — 
27 arpents %5 perches de terre et prés, plus une dime entre le 
Ménil-Ponceaux et Charpont avec une place où il y avaitun 
hébergement, cour, colombier, jardin et une cave outre la 
rivière. 

Cet hébergement était le lieu où a été bâtie la maison appe- 
lée la Motte avec quelques augmentations sur la fin du XVe 
siècle, laquelle maison a donné lieu à des contestations entre 
le sieur de Sabrevois et le seigneur de Prémont. Ce fut plus tard 
la maison seigneuriale du Ménil-Ponceaux . 


3° Le fief de Bourdonné qui a sans doute pris son nom de 
Pernet de Bourdonné mentionné dans un contrat de vente de 
l’année 1393, ou bien de Jean de Bourdonné qui en était pro- 
priétaire au commencement du XVIe siècle. 

Le fief de Bourdonné consistait en une maison, cour, jardin 
et leurs appartenances contenant un arpent et 3 quartiers, 
avec 10 arpents de terre, 3 quartiers de pré, eten censive 12 
sols 6 deniers argent, 2 boisseaux combles d’avoine et3 poules. 

Jacques de Sabrevois en devint propriétaire par le contrat 
de vente qui lui en fut fait le 14 avril 1562 par Marguerite 
de Bourdonné, lors veuve. Dans cet acte il est nommé fief 
. de la Motte et mentionné comme relevant partie de Prémont, 
partie de Villiers-le-Morhier et partie de Cherville. 


Outre les principaux fiefs dont nous venons de parler, il y 
en avait encore d’autres au Ménil-Ponceaux. Nous citerons les 
suivants : 


4° Le fief de la Renardière qui, au XVe siècle, appartenait à 
Philippe Detrye, lequel en fit don à Perrette de Maricourt, 
sa nièce, par son contrat de mariage du 4 février 1483 avec 
Guillaume de Pillavoine, seigneur de Boissy et de Chaudon. 


2° Le fief des Bardelles, autrement dit de Chardonnay. Il 
consistait en 20 sols de menu cens à prendre et recevoir par 
chacun an sur des logis, jardins et terres à Villemeux. Il appar- 
tenait en 1570 à Bernard de Chardonnay et relevait de Nogent- 
le-Roi. 


3° Citons encore pour terminer le fief des Bûcherons ou 


4 Cette maison de la Motte entièrement entourée d’eau devait être sérieuse- 
ment fortifiée. 





— 309 — 
Boucherons qui a fait partie de la terre du Ménil et qui relevait 
de la seigneurie de Nuisement. Ce fief était assis à Villemeux. 


La terre du Ménil-Ponceaux était dans l’étendue de la châ- 
tellenie de Prémont et dans le ressort de la coutume de Char- 
tres. C'était un fief simple, sans justice. Par la transaction de 
1613, le seigneur de Prémont s'était réservé la moyenne et 
basse justice. | 

Il y avait droit de censive, droit de dime inféodée, laquelle 
était depuis longtemps convertie en exemption de dime sur 
l’ancien domaine du Ménil par la concession que les séigneurs 
de Prémont avaient faite de ladite dime aux curés de Saint- 
Maurice de Villemeux; droit de hal de bateau passant par la 
rivière d’Eure qui était de 4 sols par bateau; droit de colom- 
bier à pied ‘, et enfin droit de pêche depuis le ruisseau de Re- 
nancourt jusqu’au bout des îlots dépendant de cette seigneurie. 

La maison seigneuriale consistait en un grand corps de logis, 
granges et autres bâtiments, colombier à pied garni de pi- 
geons, 4 pavillons aux 4 coins, le tout clos à fossés, pont-levis 
devant et derrière, cour, jardin, îles et îlots. Le tout était en 
un seul tenant et contenait 3 ou 4 arpents environ. Les limites 
étaient d’un côté le ruisseau de Renancourt, d’un bout la rue 
du Ménil et d'autre bout la rivière d’Eure où il y avait un pont. 

Près du lieu seigneurial, se trouvait la pièce de la chapelle 
Saint-Félix dont le nom nous semble indiquer qu’il a existé là 
une petite église au moyen-âge ?. 


VOISE. 


Ce moulin, situé sur la rivière d’Eure, s’est appelé à l’origine 
moulin de la Bretesche, nom qui indique un endroit fortifié. 
Le domaine de Voise consistait en un moulin avec maison 
d'habitation, chambre, four et une écurie séparée dudit mou- 
lin, le tout couvert de tuiles. Il y avait encore cour, jardin, 
terre labourable, îles et ilots plantés en peupliers, en saules, 
en aunes et autres bois, le tout contenant 5 ou 6 arpents ou 
environ. Comme dans les autres moulins, il y avait à Voise 


4 Ce colombier vient d'être démoli en 1892. 
2 La fête du Ménil est encore aujourd'hui la saint Félix. 


— 310 — 

droits : de rivière au-dessus et au-dessous de la porte à ba- 
teaux ; de pèche, de portes à bateaux par où passent les ba- 
teaux naviguant sur la rivière pour avoir les droits que payent 
lesdits bateaux pour les ouvertures et fermetures de ces portes. 

Le fief de Voise, assis à Villemeux, consistait en 11 livres de 
menu cens à prendre sur plusieurs particuliers et notamment 
sur une maison située à l’endroit où se trouve aujourd’hui le 
café Saint-Maurice. avec 10 livres de cens sur le moulin de 
Voise payables au jour Saint Rémy, avec tous droits et hon- 
neurs dans l’église Saint-Maurice avant toutes personnes quel- 
les qu’elles soient. Ce fief était tenant et mouvant en plein fief, 
foi, hommage, rachat et cheval de service quand le cas y échet, 
de monseigneur ou dame de Nogent-le-Roi, à cause de leur 
châtellenie dudit Nogent. 


MAUZAIZE. 


Mauzaïize est le seul hameau qui, commelechef-lieu, étaitdivisé 
en deux parties, l’une dépendant de la paroisse Saint-Maurice, 
l’autre faisant partie de la paroisse Saint-Pierre de Cappes. Les 
anciens noms de ce hameau sont Mauseses (1239), Mausese 
(1382) et Mauzaiïze (1524). 

En 19215, les moines de Josaphat, près Chartres, levaient la 
dime sur plusieurs maisons de Mauzaize. 

Le lieu seigneurial de Mauzaize comprenait 2 creux de logis 
à demeurer couverts de tuiles, 2 granges, 2 écuries dont l’une 
couverte de chaume, un colombier à pied, cour et jardin, le 
tout contenant 2 ou 3 arpents de terre ou environ. Les dépen- 
dances étaient 12 arpents de pré, 13 arpents de pâture, 30 ar- 
pents de terre labourable et des bois taillis. 

Dans ces bois, il y avait : 1° le bois de Mauzaize; 2° le bois 
de Chaudon qui a longtemps appartenu aux châtelains de Mor- 
moulin et qui fut réuni à la terre de Mauzaize en 1650; 3° le 
bois du Clos qui auparavant appartenait à la terre de Boissr. 

Mauzaize était un fief avec droit de basse justice. Il était si- 
tué dans le ressort de la coutume de Chartres. Il y avait : droit 
de rouage à raison de 2 deniers par pièce vendue en gros, droit 
de perçage à raison d’un pot de vin par pièce, droit de cens 
payables à la Saint Rémy et le jour des Morts. 





— 311 — 


BLAIN VILLE. 


La seigneurie de Villemeux datait d’une époque éloignée. 
Elle était vassale du comté de Nogent-le-Roi et y ressortissait 
pour la justice. 

Les plus anciens seigneurs connus sont Gaultier de Ville- 
meux qui vivait en 123 et Philippe de Villemeux que l’on 
trouve mentionné en 1933 *. 

En 1570 le lieu seigneurial de Villemeux appartenait à noble 
homme Pierre de Saint-Aubin, écuyer, seigneur de Blainville. 
Cette terre prit le nom de seigneurie de Blainville de lui pro- 
bablement. 

Nous voyons après comme propriétaires de ce fief : 

David de Saint-Aubin, écuyer, seigneur des Authieux, ne- 
veu du précédent, qui demeurait aux Authieux, paroisse d’Es- 
corpain, avec Rachelle de Gravelle, son épouse ?. 

Henri du Ménil, écuyer, seigneur de Courtabeuf et de Vil- 
lemeux en partie, demeurant d’abord audit Villemeux puis à 
Vaubrun avec Claude du Puya, son épouse. 

Jacques de Pontbréant, écuyer, seigneur de Vaubrun, y de- 
meurant, avec Marie du Ménil, son épouse. 

La terre et seigneurie de Villemeux consistait en un grand 
corps de logis avec chambres hautes et basses, deux tourelles 
dans l’une desquelles il y avait des pigeons, une cave au-de- 
dans desdits logis, le tout couvert en tuiles. Les communs 
comprenaient écurie, grange, deux pressoirs à vin avec une 
pile à faire le cidre, couverts de chaume. Il y avait encore 
puits, jardin entouré de murs de bauge et un autre jardin clos 
de haies vives. Le tout contenait environ 3 ou 4 arpents de 
terre. 


MORHIÈRE. 


Cette terre tire son nom des seigneurs de Villiers-le-Morhier 
à qui elle a appartenu longtemps. 
Ce lieu seigneurial était situé en face le carrefour de Saint- 


{ Historique de Nogent-le-Roi. 
2 Titres de Renancourt. 


— 312 — 
Pierre-de-Cappes de Villemeux. Il consistait en un lieu à de- 
meurer avec cave dessous, deux tourelles aux côtés du portail 
de l'entrée principale, le tout couvert en tuiles, avec grange, 
étable, bergerie et autres logements couverts en chaume, cour 
et jardin, le tout entouré et clos de murailles de bauge *. 


La ferme de Morhière fut démolie et les terres morcelées en 
4710 *?. 


FERME DU MOULIN OU DU FIEF FERRAND. 


Cette ferme a été formée par parcelles et de différentes 
acquisitions par une famille Le Roy. Elle comprenait d’abord 
une maison avec un cellier dessous, cour et jardin, le tout 
enclos de murs de bauge et situé dans la ruelle Pigeon à Ville- 
meux. Plus tard le siège et les bâtiments de cette ferme furent 
transportés dans la propriété occupée par M. Buchet, maré- 
chal, laquelle communiquait directement avec le moulin par 
un jardin aboutissant sur la rue des Guignantiers. Les terres 
de cette ferme formaient le fief Ferrand qui relevait de Cher- 
ville. 


MOULIN DE GUÉDEVILLE. 


Cette usine comprenait autrefois : 
4° Un moulin servant à moudre le blé; 


2% Une maison avec cour et jardin ayant une superficie de 
6 perches ou environ, située proche ledit moulin et appelée la 
Folle-Cour ou la Fosse-Canon ; 


3° Un enclos fermé de murailles contenant 3 quartiers de 
terre ou environ à côté dudit moulin et où il y a eu jadis plu- 
sieurs logis que M. le marquis de la Salle a fait abattre : 


& La porte pour les bateaux naviguant sur la rivière d’Eure 
afin d’en tirer les droits qui peuvent être dus pour les bateaux 
qui passent et repassent par cette porte; 


4 Titres et baux. 


2 À côté se trouve un puits connu sous les noms de Puits-Monconseil ou 
Puits-de-la-Ferme. Le premier nom rappelle, parait-il, que près de là se tenaient 
les réunions pour les affaires intéressant les deux paroisses de Villemeux, diffé- 
rends, difficultés, mesures à prendre en commun, etc. | 





— 313 — 
5° Droit de rivière depuis le bout d’en haut du pré de Blain- 
ville jusqu'aux deux guerres ; 


6° Un routoir à faire Ja filasse et une pêcherie, 


Il y avait au-dessous du moulin un gué allant de la rue du 
Guédeville aux chemins de Houdan et des Petits-Prés. 
Près dudit moulin se trouvent : 


4° La rue du Guédeville où nos ancêtres jouaient à la paume 
après la suppression de l’ancien jeu qui existait au XVIIe et au 
XVIIIe siècles dans les Bois-de-Chapitre. 


2° Deux pâtures communales qui, d’après l’opinion des per- 
sonnes âgées habitant la commune, seraient les restes de l’an- 
cien port de Villemeux. 

Le fief de Guédeville était assis sur le moulin et ses dépen- 
dances et sur 5 quartiers de prés près la porte à bateau. 

Le fief de Couttes consistait en 4 livres 15 sols et 2 poules de 
menu cens à prendre sur le moulin de Villemeux et sur plu- 
sieurs autres héritages, maisons, terres, prés et vignes. 

Les fiefs de Guédeville et de Couttes étaient mouvants en 
plein fief, foi et hommage, rachat et cheval de service, quand 
le cas y échet, des seigneurs de Nogent-le-Roi. 


LE PRIEURÉ. 


À Villemeux, une partie importante de la commune a long- 
temps été ce qu’on a appelé les terres de chrétienté. Ainsi au 
IX° siècle, Villemeux était le chef-lieu d’un fisc appartenant à 
l’abbave de Saint-Germain-des-Prés. Le sous-doyen de la re 
décanie résidait en cette paroisse. 

Au XI° siècle, les seigneurs de Nogent-le-Rembert donnèrent 
à l’abbave de Coulombs la terre de Villemeux, un droit de pé- 
che dans la rivière d’Eure et la moitié du marché de ce lieu. 
En 1122, Roger de Tony établit une foire à Villemeux en faveur 
de l’abbaye ‘. Une donation de Drogon de Boutigny vint plus 
tard s’ajouter aux libéralités des seigneurs de Nogent. 

La terre que l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés possédait 


. * Historique de Nogent-le-Roi. 


— 314 — 


au temps de Charlemagne devint ainsi le Prieuré des religieux 
bénédictins de Coulombs !, 

Il comprenait : 

1° Une maison seigneuriale consistant en maison à demeu- 
rer, granges, écuries, bergeries et autres bâtiments. clos et 
jardin en dépeñhdant avec la maison et le jardin de l’ancien 
Prieuré. Il y avait aussi une chapelle placée sous linvocation 
«de la Sainte-Vierge. 

La maison d’habitation qui existe encore aujourd’hui sur le 
bord de la route de Dreux à Nogent-le-Roi fut bâtie dans les 
premières années du XVIIIe siècle. Le vieux Prieuré fut détruit 
par un incendie un peu plus tard. 


2 5 quartiers de pré et pâture appelés les Courtilles, situés 
derrière le jardin dudit Prieuré. 

3° Un arpent de terre ou environ nommé le Gas, dans lequel 
se trouvait une carrière désignée sous le nom de la Fosse- 
Rouge, où depuis un temps immémorial les habitants de Ville- 
meux avaient l’habitude de tirer et enlever de la terre franche 
pour bâtir. 

4 90 arpents de pré ou environ, situés dans la prairie de 
Boisard. . 

5° Un arpent de vigne à la Curée. Cette vigne fut donnée au 
prieuré de Notre-Dame de Villemeux en 1233 par Garnier de 
Cherville et Agnès, sa femme. 

6° Une pièce de bois taillis assise entre Villemeux et Char- 
pont et nommée les Bois-du-Prieur, d’une contenance d’envi- 
ron 90 arpents et limitée d’un côté par leseigneur du Tremblay 
et de l’autre par la Côte-du-Prieur. 

7° La dime des grains à prendre sur le terroir de Villemeux 
et Chaudon, tenant d’un côté le chemin tendant d'Ormoy à 
Dreux, appelé Chemin-Tuleras, d’autre côté la grande rue 
dudit Villemeux, le bras de Saint-Pierre ou de Saint-Père et la 
dimerie du sieur des Chastelles. 

8’ Une branche de dimerie appelée la Vellerie ou Maupas, 
dont une partie était située sur le territoire de Cr'oisilles, près 
la vallée de Renancourt à Valgirard. 


Un couvent de filles établi dans le Prieuré au XI° siècle fut supprimé au 
bout de quelques années. 


— 315 — 
La dime de vin sur 60 arpents de vigne ou environ au 
vignoble de Villemeux et Chaudon. 


10° Le droit de pèche dans la rivière d'Eure entre la porte à 
bateau et la chaussée du moulin de Trois-Moulines et les guer- 
res et communes de Villemeux. 


11° Un droit de pêche dans la rivière depuis le moulin de 
Voise jusqu'aux ilots de Boisard. Le 29 avril 1689, Charles de 
Seiglière de Boisfranc céda au prieuré de Notre-Dame de Vil-* 
lemeux le droit de pèche au-dessus et au-dessous du moulin 
de Boisard. 


12 Le droit de pèche du Bras-Saint-Père. 


13° Le fief du jour de Saint Rémy consistant en 12 ou 15 
livres de menu cens et 4 poulets à prendre sur plusieurs mai- 
sons, prés, vignes et héritages assis à Villemeux et aux envi- 
rons. 


14 Le fief de la Mairie se montant à 14 ou 15 livres de menu 
cens à partir, comme indivis, avec les héritiers ou ayant cause 
de Thomas Maillard. 


15° Le fief du jour de la Saint Jean assis à Chaudon sur plu- 
sieurs maisons, jardins et héritages et s’élevant à la somme de 
110 sols ou 6 livres de menu cens. Il y avait aussi le droit de 
dime à la vingtième gerbe sur les propriétés. 


16° Le fief du jour de Saint André montant à la somme de 
3 ou 40 sols à prendre sur plusieurs propriétés sises à Ville- 
meux , champtier du Poirier-Ferrand. 


47° La mouvance en fief, foi et hommage d’un droit de 
champart assis à Blanville, commune de Marville-Moutier- 
Brèùlé, et de 100 sols de menu cens, poules et avoine apparte- 
nant au seigneur dudit Blainville. 


CHAPITRE. 


Le Chapitre de l’église cathédrale Notre-Dame de Chartres 
possédait à Villemeux la seigneurie de la Prétrière et du fief 
Becquet et la plus grande partie des immeubles situés au 
champtier de Chapitre. On connait cncore aujourd'hui les 
prés, les vignes et les bois du Chapitre. 


— 316 — 


ÉGLISE SAINT-PIERRE DE CAPPES. 


Le surnom de cette église lui venait probablement de Pierre 
de Chappes ou Cappes qui naquit à Villemeux. Elle était plus 
ancienne que l’église Saint-Maurice. Son emplacement situé 
sur la place Saint-Pierre est aujourd’hui en jardins. 

L'ancienne paroisse de Saint-Pierre comprenait une portion 
de Mauzaïze et de Villemeux avec Renancourt, Valgirard, Boi- 
sard, Voise, Cherville et Saint-Évroult. 

À la Révolution, l’église Saint-Pierre de Cappes fut vendue 
et démolie. Le mobilier, les ornements, la cloche, plusieurs 
grilles en fer d’une part et les objets suivants en argent: une 
croix avec son bâton, un encensoir, 2 burettes, un plat, 2 pe- 
tits chandeliers, furent transportés au district pour être vendus 
ou employés au profit de la Nation. 


ÉGLISE SAINT-MAURICE. 


La partie la plus ancienne de cet édifice (le sanctuaire et le 
chœur), date de 14059. La nef est plus moderne et a été cons- 
truite vers 1518. 

L'ancienne paroisse Saint-Maurice comprenait une partie de 
Villemeux et de Mauzaize ainsi que le Ménil-Ponceaux, Trois- 
Moulines et, avant sa démolition, le moulin de la Vieille- 
Fontaine. 

Les poutres de l’église étaient autrefois ornées d'écussons 
qui ont été effacés pendant la période révolutionnaire et lors 
de la fermeture des églises. Seules les armoiries des seigneurs 

de Villiers-le-Morhier y sont restées intactes et faciles à recon- 
_ naître. 


LA CHARITÉ DE VILLEMEUX. 


L'an #643 fut, en l’église paroissiale de Saint-Maurice de 
Villemeux, concédée et érigée par l’autorité de Mer le révéren- 
dissime évêque de Chartres sous l’invocation du Saint-Sacre- 
ment de l’eucharistie et des mérites de saint Sébastien, la 
confrérie de Charité pour la sépulture des morts. 

Les frères servants de la Charité pendant les offices et céré- 





— 317 — 
monies étaient vêtus de longues robes et coiffés de bonnets 
en drap noir ou en serge de même couleur. Ils portaient 
sur leur épaule un chaperon en étoffe rouge. 

La Charité possédait une maison avec son mobilier rue Saint- 
Maurice, en face le presbytère, appelée le Vicariat et ayant 
d’un côté le jardin de la Cure et le fief Fournebut. Cette habi- 
tation servait à loger le vicaire chapelain de la Charité. 

Cette association cessa de fonctionner en 1869. Elle a pos- 
sédé un certain nombre d'immeubles qui ont été vendus ainsi 
que ceux des fabriques en exécution de la loi du 19 août 1792. 
Il y a encore aujourd'hui à Fonville un quartier de terre et 
chez M. Desvaux, charpentier à Villemeux, un pied de croix en 
argent qui appartiennent à la Charité. 


FIEF DE L'ÉPINE. 


Ce fief était situé sur Villemeux et Croisilles. On le trouve 
quelquefois nommé fief des Rosiers. Il se composait d’un 
lieu et manoir appelé l’Épine où il y avait maison, grange, 
étables, colombier, cour, jardin clos de murs, terres laboura- 
bles, un autre petit jardin nommé le jardin de la Forge, 10 
arpents de bois taillis, des prés situés dans la prairie de Boi- 
sard, un clos de vigne et 28 livres de rentes dues par diverses 
personnes. 


RENANCOURT !. 


Il reste à parier de Renancourt, hameau fort ancien de la 
commune de Villemeux sur la rivière d’'Eure. Ce village était 
autrefois beaucoup plus considérable. Au milieu du X VIT: siè- 
cle, il comprenait encore, outre le lieu seigneurial, une dizaine 
d'habitations particulières. Aujourd’hui, il ne reste plus que 
le château et ses dépendances. 

Renancourt, ranarum curtis, cour des grenouilles, est men- 
tionné dès le XIIe siècle. On trouve à cette époque le nom 
de Pétronille de Renancourt. Il porta le nom de Rénnecort, 
Renecourt, Regnancourt. 


{ Chevard dit qu’on voit à Renancourt des restes d'habitations des premiers 
habitants de notre contrée. Je n’ai rien pu trouver à ce sujet. 


— 318 — 


La terre de Renancourt était jadis un simple fief comme les 
autres seigneuries dont nous avons déjà parlé. Mais à partir 
du XVIIe siècle, nous la voyons s’agrandir et englober la plu- 
part des fiefs de Villemeux et enfin la châtellenie de Prémont 
et ses dépendances. 

Le domaine de Renancourt comprenait un lieu et maison 
manable consistant en chambres basses, cuisine, chambres 
hautes, grenier dessus, grange, étables, cour et jardin, ce lieu 
tenant d’un côté et d’un bout la rue. Il y avait encore une 
pièce de pâture et pré contenant 2 arpents et demi, derrière le 
pressoir dudit lieu, ladite pièce ayant d’un côté le chemin ou 
la rue de Renancourt au moulin de Voise, d’autre côté la ri- 
vière; un bois de haute futaie de 2 arpents appelé le Bois-Roux 
au-devant duquel il y avait une chapelle sous l’invocation de 
saint Gervais, un pressoir et un logis avec droit de colombier!. 

De la seigneurie de Renancourt dépendait le fief de Toutes- 
Blanches, à Champagne, valant 6 livres de menu cens avec 
9 volailles, ledit fief tenu en fief, foi, hommage, rachat et che- 
val de service du seigneur de la Forest à cause de son fief de 
Goussainville. 

La terre de Renancourt était dans le ressort de la coutume 
de Charires et avait droit de banc et de sépulture dans l’église 
Saint-Pierre. Elle relevait de Nogent-le-Roïi, sauf l’avant-cour 
du château et les prés avoisinants qui étaient tenus en fief, foi, 
hommage et cheval de service du seigneur du Thuilay à cause 
de la Salle de Rutz; le potager et la Ménagerie étaient dans la 
mouvance de la châtellenie de Prémont. (La Ménagerie est un 
corps de logis au milieu de Mauzaize construit au commence- 
ment du XVII: siècle et qui s’appelait alors les Écuries.) 

Il y avait dans cette seigneurie droit de moyenne et basse 
justice, droit de pêche dans la rivière d’'Eure depuis le moulin 
de Boisard jusqu’à la porte à bateau de Voise, droit de censive 
montant à 7 livres 3 sols et droit de colombier à pied. 


4 Archives du château de Renancourt. 


D. CHRÉTIEN. 








NOTES 


SUR 


QUELQUES INSTRUMENTS PRÉHISTORIQUES 


DU CANTON DE BROU 


Nous n'avons pas découvert une seule station préhistorique 
dans le voisinage immédiat de la commerçante ville de Brou. 
L’habitat de Duan, commune d’Yèvres, nous a seul permis de 
récolter quelques instruments groupés sur un espace restreint. 
Ils n’offrent rien de remarquable, et leur facture est géné- 
ralement grossière. La patine de plusieurs lames accuse une 
origine quaternaire. Nous avons, du reste, récolté une pointe 
grossière moustérienne, et un grattoir, ou racloir, de la même 
période. 

Parmi les silex travaillés de date plus récente, il convient de 
citer un nucléus offrant une grande analogie avec ceux de 
Pressigny. Le dos est évidé de façon à permettre de saisir le 
caillou plus facilement. La face antérieure a été travaillée en 
dos d’âne par une série d’enlèvements sur le pourtour, à 
l'exception de la base qui offre le plan de frappe. Le nucléus 
affecte la forme d’un triangle irrégulier, dont la plus grande 
largeur, 127 "*, est sensiblement égale à la longueur, 193 mn. 
On remarque, de chaque côté du plan de frappe, un évide- 
ment qui paraît intentionnel. 

La lame détachée de ce nucléus était de forme irrégulière, à 
base épaisse et à conchoïde saillant. Elle avait 83 mm de lon- 
gueur. 

On voit de suite combien notre nucléus diffère de ceux de 
Pressigny, élégants de forme et à empreinte de belles 
lances. Il offre tous les caractères de l’enfance de l’art. Le choix 
du silex, tout autant que le travail, révèle l’inexpérience de 





— 320 — 
l’ouvrier. De petites incrustations, des mucédinées et de nom- 
breuses traces de rouille témoignent du long séjour à la surface 
du sol et de l’ancienneté de notre nucléus, qui nous parait être 
un ancêtre de ceux de Pressigny. 

Un autre nucléus, moins ancien, porte à son pourtour la 
marque de l’enlêvement de plusieurs lames. 

Les couteaux de l’habitat de Duan sont généralement gros- 
siers. Nous n’en avons récolté qu’un seul formant exception. 

Grossiers également, ou détériorés, sont les grattoirs de cet 
habitat. Deux, cependant, sont bien conservés : ils ont une 
forme régulière, (n° 546 et 627). 

Si nous n'avons pas trouvé de haches à Duan, nous en pos- 
sédons deux qui proviennent de champs très voisins. La 
première, abimée par les chocs d’instruments aratoires, est en 
silex de la craie marneuse. La seconde, en diorite, est longue, 
étroite, et presque quadrangulaire. Elle mesure 156mm, dans 
sa longueur, et 40 mn, dans sa plus grande largeur, à la base, 
(ne 608). 

Nous allons, à présent, passer à l’examen d’instruments que 
nous avons récoltés ça et là sur le territoire du canton de 
Brou. Tous appartiennent à la période de la pierre polie. Nous 
les classerons sous ces deux titres: Haches,; instruments 
divers. 


HACHES 


Entre la période magdalénienne et la période robenhausienne 
il y a une époque de transition, dont on trouve la trace un peu 
partout, mais dont les caractères généraux sont incomplète- 
ment connus. C’est à cette époque, et peut-être même au 
quaternaire, qu’il faut, à notre avis, rapporter deux haches en 
silex local, taillées mais non polies. On remarque sur l’une el 
l’autre face de ces instruments des bosses et des retraits tels 
qu’il eût été très difficile, sinon complètement impossible, de 
les polir. Comme ces haches ne proviennent pas d’un atelier, 
il faut exclure toute idée de pièces de rebut. La première pro- 
vient du moulin d'Eguilly, commune de Saint-A vit ; la seconde 
de la ferme des Haies-des-Iles, commune d’Yèvres (n° 556). 

Nos haches polies en silex local des argiles à silex sont tail- 
lées par l’enlèvement de longs éclats dans le sens de leur 





— 321 — 
longueur. Toutefois, quand l’ouvrier n’obtenait pas exactement 
la forme désirée il rectifiait son travail par l’ablation, sur les 
côtés, d'une série de petits éclats. L’instrument, dont nous 
donnons le croquis sous le n° 532, provient du moulin de Cou- 
lamert, commune d’Yèvres. 

Cette autre hache, au contraire, ne présente pas la moindre 
trace de rectification sur les côtés. Nous l’avons récoltée à Blé- 
ville, commune de Dangeau (n° 551). Elle porte sur les côtés, 
dans le sens de toute sa longueur , la marque d’enlèvement de 
fines lames : elles ont été détachées avec une sûreté de main 
vraiment merveilleuse. 

Les haches en silex des argiles à silex sont plus nombreuses 
dans notre région que celles en silex de la craie marneuse, 
qu’il fallait chercher à une profondeur plus grande. Mais il est 
à remarquer que le plus grand nombre de nos haches est en 
roche étrangère au pays. Nous attribuons ce fait à cette cir- 
constance que le silex pyromaque de nos argiles est tendre et 
friable. 

Plusieurs de nos haches d'importation sont en diorite. Nous 
en possédons une très belle et très bien conservée (n° 524), ré- 
coltée près du village de Mottereau, où plusieurs autres ont été 
trouvées, notamment dans la région qui fait face au potager 
du château. 

Une très petite hache, également bien conservée, en diorite 
d’un vert foncé, provient de Puits-Rond, commune de Brou 
(n° 545). Elle mesure cinquante-cinq millimètres. On la pren- 
drait, volontiers, pour un instrument de fantaisie, ou une 
amulette, si une autre petite hache mesurant cinquante-neuf 
millimètres, c’est-à-dire quatre millimètres seulement de plus 
que la précédente, ne portait, très distinctes, les traces de 
l’emmanchure. Cette hachette, en diorite d’un vert clair, est 
aussi très bien conservée. Nous l’avons récoltée au Petit-Beau- 
four, commune de Brou (n° 554). 

Nous avons trouvé sur un point limitrophe de notre canton, 
à la Girouardière, commune de Frazé, une belle hache en 
serpentine. Elle est plate et les côtés en sont équarris. Elle 
affecte la forme de la précédente hachette. 

À une faible distance, au Mesnil, nous avons récolté une 
hache en pétrosilex. 

Nous possédons également une intéressante hache en micas- 

T. X. M. 23 


— 322 — 
chiste, provenant de la Théaudière, commune de Mottereau. 
Elle est la seule en cette matière que nous ayons vue dans 
Eure-et-Loir. 
Nous avons, enfin, récolté, çà et là, plusieurs autres haches 
en roches siliceuses étrangères au pays. 


INSTRUMENTS DIVERS. 


Nous ne classerons pas les percuteurs ou marteaux parmi 
ces instruments. Nous mentionnerons, toutefois, un beau per- 
cuteur qui provient de la Gornière, commune d'Yèvres. C'est 
le sommet, très bien conservé, d’une grande hache en silex 
dur. La partie coupante , brisée perpendiculairement à la lon- 
gueur, offre un plan de frappe assez net, qui porte tout au 
pourtour des étoilures significatives. La hache , en son entier. 
mesurait environ dix-sept centimètres. 

Nous avons récolté un grattoir volumineux dans les champs 
qui font face au potager du château de Mottereau. Il est roben- 
hausien. 

Une très belle molette discoïde, en grès fin lustré des sables 
du Perche, provient de la ferme du Vivier, commune de Brou. 
De nombreuses haches polies ont été trouvées, à diverses 
reprises, dans cette région. Deux sont entre nos mains. 

Nous avons récolté au Talérien, commune de Mottereau, une 
meule dormante s'adaptant parfaitement à notre molette. Elle 
est également en grès des sables du Perche, mais à grains plus 
forts. C’est un caillou long, dont le dessus a conservé l’aspect 
naturel. Les deux côtés ont été taillés dans le sens de la lon- 
gueur, et la face supérieure a été soigneusement aplanie (n° 
703). Nos deux instruments se complètent pour constituer le 
premier moulin de notre ancêtre préhistorique. 

Nous avons encore trouvé au Talérien un petit polissoir mo- 
bile, quadrangulaire, de 85 millimètres de longueur. Il est en 
grès carbonaté de l'étage de Fontainebleau. Les quatre faces 
présentent une courbe assez prononcée, preuve d’un long 
usage. Deux de ces faces sont unies; tandis que sur les deux 
autres apparaissent très nettes, des rainures produites par le 
polissage et l’affütage d’aiguilles (n° 702). 

Nous avons récolté au Puisay, commune de Châtillon, un 








Vs 532 Vs 551 





V5 556 


V3 524 








— 324 — 

lissoir ou une quiosse en silex (n° 632). C’est l’utilisation d’une 
hache polie, dont la partie coupante a été rabattue et polie. 

Nous donnons, sous le n° 212, le dessin d’une herminette, ou 
gouge-herminette, en grès fin, siliceux, lustré. Elle provient 
du Grand-Épinay, commune d’Yèvres. 

Un très beau marteau casse-tête, en diorite, a été trouvé sur 
la commune de Mottereau. Il est en la possession de M. Rous- 
seau, directeur d’une des écoles de Chartres. 


Deux faits principaux ressortent de cette étude de nos ins- 
truments préhistoriques de la région de Brou : le premier est 
que les haches en roches étrangères au pays, et surtout en ro- 
ches éruptives, sont les plus nombreuses; ce qui est l’indice 
de relations commerciales déjà très développées; le second que 
notre ancêtre allait chercher, parfois, à une profondeur assez 
grande, la matière première de ses instruments. 


A. MALLET. 
Gallardon, le 8 mai 1893. 








NOTES SUR SOUANCÉ ET MONTDOUCET 


1080-1793 


A huit kilomètres de Nogent-le-Rotrou, sur les bords de la 
Rhône, ruisseau dont le nom serait à peu près inconnu, si 
Rémy Belleau, le poëte percheron, ne l’avait chanté dans ses 
poésies, est construit le village de Souancé. Rien n’y attire 
les yeux, sinon l'aspect riant de la vallée, la régularité, la 
propreté des maisons. L’église seule aujourd’hui peut ratta- 
cher le passé au présent. 

Auprès du village, suivant la tradition, s'élevait un château. 
Aucune ruine ne subsiste, aucun acte ne permet d’en assurer 
l'existence, en dehors du nom de « champ du château » que 
porte l'endroit où il était. dit-on, construit ?. Toutefois, en re- 
connaissant l’exactitude de ce fait, d'autant plus vraisemblable 
que la seigneurie et baronnie de Souancé relevait de la grosse 
tour de Chartres, tandis que Montdoucet, demeure des sei- 
gneurs de Souancé dès le XIIIe siècle, relevait du comté de 
Nogent-le-Rotrou, le château fut entièrement rasé. sans doute, 
pendant les guerres qu’eurent à soutenir les premiers comtes 
du Perche. Il ne fut pas relevé de ses ruines, et dès jors, le 
château de Montdoucet prit une importance qu'il n’avait pas 
eue jusque-là, en confondant son histoire avec celle de la 
paroisse *. 


4 La Rhône prend sa source dans l'étang de la Goguerie, près d’Authon, et se 
jette dans l'Huisne à Nogent-le-Rotrou. 


3 Cette tradition de l'existence d’un château à Souancé s'est cependant main- 
tenue. Ainsi dans un aveu rendu au duché de Chartres, le 5 novembre 1603, il 
y est dit : la -châtellenie de Souancé « consiste en châtel joignant l’église, qui 
est une place tenue par plusieurs rar et qui en font quinze sols et deux 
chapons de rente seigneuriale. « (Mss. de la bibl. de Chartres, n° 1149). 


3 Les deux dessins de sceaux. donnés dans ces notes, ont été reproduits 
d’après les originaux par M. de Farcy. 





— 326 — 


SEIGNEURS DE MONTDOUCET ET SOUANCÉ 
1080-1793 


Aucun acte antérieur à la fin du XIe siècle ne fait mention 
des seigneurs de Montdoucet. Le premier connu est Aldric de 
Montdoucet, vivant vers 1080, dont le fils Robert donna vers 
1100 aux moines de l’abbave de Saint-Denis de Nogent-le- 
Rotrou, la terre de Tuebœuf ou Tuebonne‘. Aldric II de 
Montdoucet fut témoin dans la charte de confirmation du don 
du domaine d’Happonvilliers fait par Geoffroy de Somboon 
en 1107 ? à cette même abbaye, et dans celle de la vente de six 
arpents de pré, au pré Morin, faite aux moines de Tiron, par 
Giroie de la Ferrière vers 1128. 

Guiard ou Viard de Montdoucet assista comme témoin à la 
confirmation par Rotrou, comte du Perche, de tous les biens 
de l’abbaye d’Arcisses, vers 1120", au don fait par l’abbaye de 
Tiron à Robert de Beaumont, de la terre concédée par Étienne 
Gigul, vers 1195, au don fait à la même abbaye par Guillaume 
du Plessis de ce qu’il possédait en fief à Choudri et à Auvilliers 
vers 1140, à l'accord passé entre cette abbaye et le vicomte 
de Châteaudun en 1145’. La même année, les moines de Tiron 
reconnurent dix deniers de cens à prendre le jour de la fête 
de Saint Jean, par Guiart de Montdoucet, sur une vigne située 
au Val Saint-Jean, à Châteaudun*'. Ce même seigneur de 
Montdoucet et son fils Philippe furent témoins, lorsque Rotrou 
seigneur de Nogent confirma en 1160 les privilèges de l’église 
de Nogent-le-Rotrou *. 

Philippe de Montdoucet assista à la fondation de la « Maison- 
Dieu » de Nogent, par Rotrou en 1182, et, voulant s'associer 


1 Cart. de Saint-Denis, ch. 56. — ? Id., ch. 88. 


3 Cart. de Tiron, ch. 95. — * Id., ch. 33. — 5 Id., ch. 62. — $ Id.. ch. 
238. — 7 Id., ch. 269. — 8 Id., ch. 271. 


9 Cart. de Saint-Denis, ch. 12. 





— 327 — 

à la bonne œuvre de son suzerain, il donna en sa présence, 
« par acte du premier janvier 1182, pour fonder la Maison- 
Dieu et pour le salut de son âme, la censive qu’Aubin 
de Fontaine tenait de lui au tertre de Croisille, joignant 
PAunay, savoir douze deniers de cens, plus les censives 
que tenait de lui ledit Aubin, pour quatre deniers, dans les prés 
de Viennes, ensuite le Bourg-Neuf, joignant les prés de Buthon 
proche le préde Guillaume Louvé!. » Il est cité comme témoin 
dans la charte de confirmation du don d’une charretée de bois 
dans la forêt de Brimont en 1202 ?, et assista avec son frère 
Yves à l’accord conclu le 3 mai 1208 entre le maire de 
Gardais et l’abbaye de Tiron pour les droits de mairie du bourg 
de Tiron *. 

Guy de Montdoucet, fils de Yves, assista à la bataille 
de Bouvines, le 27 juillet 1214, suivant le ban publié à l’occa- 
sion de cette bataille ‘. Le 17 juin 1218, il fut présent à la dé- 
dicace de l'église des Clairets et donna à cette occasion à 
l’abbaye la portion de la dime qu’il avait avec Pierre de 
Beaurepaire. Geoffroy et Yves, sans doute ses deux frères, 
abandonnèrent à l’abbaye, le premier, dix sols, et le second un 
setier de blé sur la métairie du 
Pin‘. En décembre 1236, Guy 
de Montdoucet confirma une 
donation faite aux Templiers 
par son oncle Philippe de Mont- 
doucet . À cetie charte est 
appendu un sceau rond de 48m, 
représentant un écu fascé de 
six pièces chargées les unes et 
les autres de croix fleuronnées 
avec la légende : +. S. GUID... 

CET. Le sceau est en cire verte ‘. 
Gaschon de Montdoucet, chevalier, approuva en 1243 l'accord 


‘ Archives de l’Hôtel-Dieu de Nogént-le-Rotrou. 

2? Cart. de Tiron, ch. 342. — 3 Id., ch. 350. 

+ Essais historiques sur le Perche, par M. Gouverneur, p. 110. 
3 Cart. des Clairets, ch. 14. 

6 Arch. nat., 500 2, n° 68. 

7 Collection des sceaux de Douet d’Arcq, n° 2895. 


— 328 — 
conclu par son frère Robin avec le prieur de Saint-Romain de 
Brou *. 

Guillaume de Montdoucet confirma vers 1250 aux moines de 
Tiron la possession de deux setiers de froment à prendre à 
l'époque de la nroisson, sur la métairie de Gilebert *. 

Vers 1350, Simon de Montdoucet épousa une fille de la 
maison de Cholet, et en eut un fils Robert, comme le prouve 
cetextrait du testament de Yves Cholet, seigneur de la Choltière, 
daté du lundi après la Toussaint 1364 : « .... Item lego meum 
pourpoentum royé de soie Symoni de Montedulceti » 
À la suite du testament est un codicile, d'où est extrait : « … Et 
vueil que la terre que feu nressire Hue Chollet donna à ma 
suer, elle tienne, quar il la li donna en mariage... Présens 
à ce, Symonet de Montdoucet et Robinet de Montdoucet, 
frère et neveu dudit seigneur... x 3, 

Cette demoiselle Cholet, sœur du seigneur de la Choletière, 
était fille de Simon Cholet, seigneur de la Choletière, et d'Alix 
de Garancières*. 

« Robert de Montdoucet dit le Borgne, fils de Simon de 
Montdoucet, servit en Normandie avec onze écuyers, au mois 
d'avril 1377, sous le gouvernement du duc de Bourgogne. 
Il était écuyer de corps en 1386 et 1388. Le roi lui fit quelques 
gratifications en 1391, 1392 et 1395 et l'institua son premier 
écuyer du corps et maitre de son écurie, par lettres du 
27 août 1397. Il en prèta serment, le 31 août suivant. Le roi lui 
fit paver plusieurs sommes, pour employer aux obsèques, qui 
furent faictes en l'église de Notre-Dame de Paris, pour le 
comte d'Eu, connétable de France, les sires de Coucy et de la 
Trémoille, le 16 octobre 1397: pour celles de Henri de Bar, 


4 B.N., mss. 5417, f 121. 
3 Cart. de Tiron. ch. 371. 


3 Arch. d'Eure-et-Loir, fonds de la seigneurie de Dangeau (org. en parche- 
min) et : Dangeau et ses seigneurs, par M. de Possesse, p. 143. Au com- 
mencement du XIVe siècle, Alix de Montdoucet fut abbesse de l’abbaye des 
Clairets (1319-1350). 

4 La famille Cholet d'après La Chesnaye- Desbois est originaire d'Anjou où 
elle donna son nom à la ville de Cholet, baronnie qu'elle posséda dès les pre- 
miers siècles de la monarchie. Elle aurait abandonné ce pays au XIIe siècle et 
ses membres auraient formé plusieurs branches dont l’une s'établit en 4100 à 
Abbeville. Une autre vint en Beauce, où elle tint une place importante dès 
les XIIe et XIII° siècles. Elle portait pour armes : bande d'or et de sable de 
six piéces. 


— 329 — 


en la même église, le 24 octobre suivant et pour celles de : 


Guillaume des Bordes, garde de l'oriflamme, en l’église des 
Célestins, le 12 novembre 1397, lesquels étaient morts à la 
journée de Nicopolis en Hongrie, suivant le compte de Michel 


du Sablon. Il exerça cet emploi jusqu’à sa mort, arrivée: 


le 16 septembre 1399. Il épousa Jeanne, dame de Villebon, de 
la Gastine, et de Beauville ‘. » 

De cette union naquit seulement une fille, Michelle, dame de 
Montdoucet, de Villebon, de la Gastine, mariée à Jeannet 
d'Estouteville, neuvième fils de Jean d'Estouteville, seigneur 
de Torcy, et de Jeanne de Fiennes. 

Avant de parler des nouveaux seigneurs de Montdoucet et de 
Souancé, il reste à décrire les armes de cette première famille. 
D’après le sceau appendu à la charte de 1236, ces armoiries 
étaient : fascé de six pièces chargées les unes et les autres de 
croix fleuronnées. 

Il est facile de les compléter avec celles enregistrées en 1666 
dans la recherche de la noblesse et attribuées à François de 
Montdoucet, sieur de la Roche, en Ceton : d'argent à 3 fasces de 
gueules à 19 croisetltes de l’un en l'autre, 3, 3, 3, 3, 3, 8 et 1*. 

Jeannet d’Estouteville, seigneur du Mesnil-Simon, devint par 
suite de son mariage, seigneur de la Gastine, baron de Souancé 
et de Montdoucet. Il fut premier écuyer du corps du duc de 
Guyenne, dauphin de Viennois, valet tranchant du roi et capi- 
taine de Caudebec. Il fut envoyé par le roi à Bordeaux, pour 
la délivrance de Roger de Beaufort, frère du pape. Son sceau, 
d’après la description qu’en a faite La- 
chenaye - Desbois, était presque identique 
à celui d'Estout d’Estouteville, seigneur de 
Torcy, donné ici, suivant l'inventaire des 
sceaux de la Normandie par M. Demay : 
Sceau rond de 27 mm représentant un écu | 
burelé au lion avec la légende: + $S. ESTOUT 
DESTOUTEVIL...*. 

Jeannet fut nommé capitaine et garde du château de Vernon, 


ss 


4 Hist. genéalog. des grands écuyers de France, par le P. Anselme, t. VIF, 
p. 469. 

2 Recherche de la noblesse en l'élection de Mortagne, faite par Bernard de 
Marle, intendant. 

3 {nventaire des sceaux de Normandie, n° 238. 





— 330 — 

‘ ayant sous ses ordres cent hommes d'armes et six arbalétriers. 
Le roi l’envoya plusieurs fois comme ambassadeur vers le pape, 
en Provence, et vers le duc de Berry, au pays de Foix. Il acheta de 
Robert Marchant, par acte passé à Paris, le 7 novembre 1391, 
la propriété du fief et terre de Slotot et plusieurs autres droits, 
revenus, et rentes, pour en jouir après la mort de Guillaume 
d’Estouteville, évêque de Lisieux, et de Estout d’Estouteville 
abbé de Fécamp, ses frères, qui devaient en avoir la jouissance 
et l’usufruit leur vie durant. I] obtint du roi, le 3 mars 1400, un 
délai pour faire hommage de cette terre et de celle de Bapaume 
située dans le vicomté de Rouen. Il vivait encore, ainsi que sa 
femme, en 1412 *. 

Les armes de la famille d’Estouteville étaient : burelé d'ar- 
gent et de gueules de 10 pièces, au lion de sable brochant sur 
le tout, armé, lampassé et couronné d'or ?. 

Jeannet d Estouteville et Michelle de Montdoucet eurent 
sept enfants, dont, entr’autres, trois fils, qui successivement 
possédèrent Souancé et Montdoucet, et qui ont seuls leur 
place dans ces notes. 

Le premier, Collard d’Estouteville, seigneur de Souancé, de 
Montdoucet, de Villebon, du Mesnil-Simon, épousa Adrienne 
d’Ailly, fille de Louis d’Ailly, seigneur de Varennes, dont il 
n'eut pas d’enfant, et mourut en 1433. 

Sa succession fut recueillie par son second frère, Charles, 
qui épousa Marguerite de Craon, fille de Jean-François de 
Craon, seigneur de la Suze et de Béatrix de Rochefort‘, ei 
veuve en premières noces de Guy de Laval. Charles d’Estoute- 
ville mourut également sans enfant en 1451. 

Blanchet d’Estouteville, le troisième fils de Jeannet, devint 


‘ La famille d'Estouteville est une des plus nobles du pays de Caux, établis- 

sant sa filiation depuis Robert d'Estouteville surnommé Grandbois, qui accom- 

agna Guillaume le Conquérant, en Angleterre, en 1066. Elle forma plusieurs 
ranches, dont la dernière s’éteignit au commencement du XVIIe siècle. 


2? Dictionnaire de la noblesse de Lachenaye-Desbois. 


3 La famille d’Ailly est une des plus illustres de Picardie, et tre son nom 
de la terre d’Ailly-Haut-Clocher. Elle s’est alliée à la maison de Bourbon el 
portait pour armes : de queules à deux branches d'alister d'argent en cov- 
ronne el passées en double sautoir ; au chef échiqueté d'argent et d'azur de 
trois traits. 


* Les armes de la famille de Craon dont l'historique a été fait par M. Ber- 
trand de Broussillon sont : losange d'or et de gueules. 





— 331 — 

en 1451, à la mort de son frère, seigneur de Souancé et de 
Montdoucet et vivait encore en 1472. Il épousa : 1° Marguerite 
de Vendôme, fille de Robert de Vendôme, vidame de Chartres, 
et de Catherine de Thouars, dont il eut deux filles : 2° Isabeau 
de Savoisy, fille de Charles de Savoisy, seigneur de Seignelay, 
et de Yolande de Rodemach. Il eut de ce dernier mariage neuf 
enfants dont : Pierre d’Estouteville, chanoine de l’église cathé- 
drale de Chartres en 1473 et 1491, qui, à la mort de son père, 
devint baron de Souancé et seigneur de Montdoucet, suivant un 
aveu à lui rendu en 149% par les chanoines de la collégiale de 
Saint-Jean de Nogent-le-Rotrou, pour le lieu de Péraut en 
Souancé !. 

Il institua comme héritier son neveu Jean de Beaumanoir, 
fils aîné de sa sœur consanguine, Jeanne d’Estouteville, mariée 
le 19 août 1451, à Guy de Beaumanoir, chevalier, marquis de 
Lavardin*. 

Jean de Beaumanoir, marquis de Lavardin, baron de Souancé, 
seigneur de Montdoucet, portait pour armes : d’azur à onze 
billettes d'argent, posées 4, 8 et 4. Il épousa 1° Catherine de la 
Rochefoucauld, veuve de Jacques de Mathefelon, et fille de 
Guillaume de la Rochefoucauld et de Marguerite de Torsais*. 
20 Hélène de Villeblanche, fille de Pierre de Villeblanche et de 
Jeanne du Perrier‘. À la mort de son oncle, il aliéna, sans 
doute, pour quelques années, les biens qu'il lui avait laissés. 
Sans cette hypothèse, en effet, il paraît difficile de trouver la 
raison d être d’un aveu rendu, le 3 juillet 1500, par Josine 
d'Estouteville, veuve de Jean de Blosset, seigneur de Beaumont 
et de Miermaigne, pour le fief de la Panse, à Jean Picard, 
conseiller au parlement de Paris, baron de Souancé*. Cette 
aliénation, du reste, fut de courte durée, puisque Jean de 
Beaumanoir étant mort en 1509, sa veuve reçut un aveu des 


{ Arch. d'Eure-et-Loir, G. 3522. 
? La famille de Beaumanoir est originaire du Maine et établit sa filiation 
depuis Hervé de Beaumanoir vivant en 1202. 


8 Les armes de la famille de la Rochefoucauld sont : burele d'argent et 
d'azur à trois chevrons de queules, le premier écimé brochant sur le tout. 

% La famille de Villeblanche à pour armes : de gueules à un chevron d’ar- 
gent, chargé d'un autre chevron d'azur, accompagné de trois quinte-feuilles 
d’or (Dict. de Lachenaye-Desbois). 


$ Papiers du chäteau de Beaumont. 





— 332 — 


chanoines de Saint-Jean, pour la terre de Péraut, en 1510", 
comme ayant la garde noble de ses enfants, savoir : 

1° Christophe. 

2 Jacques, mort en 1501, enterré dans l’abbaye de Cham- 
pagne au Maine. 

3° François, dont il sera question plus loin. 

4 Anne, épouse de Bonaventure, seigneur de Mareuil et de 
Moulhard. 

5° Marie, épouse de François de Billy, baron de Courville, 
fils de Perceval de Billy et de Louise de Vieuxpont ?. 

6° Marquise, épouse : 1° de Jean d’Argenson, seigneur de 
Vaubuisson ; 2° de Raymond de Saltun. 

François de Beaumanoir, chevalier, seigneur de Lavardin, 
baron de Souancé et de Montdoucet, succéda à son père. Il 
épousa, par contrat du 9 juillet 1525, Jeanne de Tucé, veuve 
de Claude d’Aumont, fille de Baudoin de Tucé et de Françoise 
de L'Épervier*. 

Quelques années après son marige, Souancé et Montdoucet, 
passèrent, probablement par suite d'une vente, dans la famille 
Le Breton, originaire de Touraine et dont les armes étaient : 
d'azur, au chevron d'argent, au chef de gueules. chargé de 
trois besans d’or"; alias : au chef d'or chargé de trois besans 
de queules®. 


{ Arch. d'Eure-et-Loir, G. 3422. 
? Inventaires des titres de la maison de Billy par le Vte de Poli. 
3 Dictionnaire de Lachenaye-Desbois. 


4 La famille de Tucé, originaire de Normandie, portait : de sable à trois 
jumelles d'argent. 


5 B. N. cabinet d'Hozier, v. 65, n° 1670. 


6 B. N. Armorial de 1696 de d’Hozier. Dans la généalogie de la famille de 
Boisguyon, publiée dans les Documents sur la province du Perche, il a été 
transcrit, sous toute réserve, puisque aucun acte ne permettait de le justifier, 
que Philippe de Boisguyon devint seineur de Montdoucet par suite de son 
mariage avec Alarie La Gogué. Ceci avait été copié sur une ancienne généalogie 
manuscrite, qui avait été communiquée. Or cette filiation des seigneurs de 
Montdoucet et de Souancé, établie sur preuves, fait ressortir l'erreur de la 
RE de manuscrite. Cette erreur, toutefois, a pu se glisser par suite des 
ails suivants; la possession de terres et seigneuries en Souancé, telles que la 
Rosaie, la Haie, Boisard, Villoiseau, par plusieurs membres de cette famille, 
ensevelis dans la paroisse : le mariage de Marie de Boisguyon avec Hugues de 
Montdoucet vers 1500 ; enfin la sculpture des armes d’une branche cadeite dans 
l'église de Souancé, amenant la conclusion que les de Boisguyon étaient alors 
seigneurs de la paroisse, tandis qu'ils ne possédaient que des fiefs et des terres 
sis en Souancé. 


— 333 — 

Jean Le Breton, seigneur de Villandry, Savonnières et du 
Colombier en Touraine, baron de Souancé et de Montdoucet, 
secrétaire d'État, conseiller du roi et secrétaire de ses finances, 
contrôleur général des guerres, bailli et gouverneur de Blois 
de 1531 à 1541 !, greffier de l’ordre de Saint-Michel sous 
François Ier qu’il suivit dans ses expéditions, fut fait pri- 
sonnier à Pavie, le 24 février 1525* et emmené en captivité 
avec le roi, dont il contresigna une lettre adressée de Madrid, 
le 24 octobre 1595, au roi Jean de Portugal. En 1535, il reçut 
un aveu des chanoines de Saint-Jean de Nogent pour Péraut‘ 
et en rendit un, le 16 février 1539, pour la terre et seigneurie 
de Souancé à Renée de France, duchesse de Ferrare, à cause 
de sa grosse tour de Chartres. Il épousa Anne Gédouin, fille 
de Robert Gédouin , baron du Tour, secrétaire du roi‘. Elle 
était veuve le 2 février 1542, date à laquelle elle demanda un 
acte de souffrance pour son fils ainé’. Ils eurent deux fils : 
Claude auquel le roi François Ier laissa les charges de son père. 
Il les conserva également sous Henri II dont il fut l'ambassa- 
deur à Rome*. Rabelais rapporte la plaisante répartie, qu’il fit 
au duc de Guise, à l’issue d’une bataille de François Ier°. Il 
épousa Claude Robertet, fille de Florimond Robertet, secrétaire 
d’État, dont il n'eut pas d’enfant et mourut en 1556 !°. Sa succes- 
sion fut recueillie par son frère Balthasar Le Breton, chevalier, 
baron de Souancé, seigneur de Montdoucet et de Villandry. Il 
fut élevé à la cour du roi Charles IX, dont il encourut la dis- 
grâce pour lui avoir manqué de respect dans un divertisse- 
ment où il figurait. La reine et les princes demandèrent inuti- 
lement sa grâce. L’amiral de Châtillon fut le seul qui l’obtint. 
Balthasar s’attacha ensuite au roi de Navarre, depuis Henri IV, 


{ Statuts de l’ordre de Saint-Michel, p. 435. 

2 Mémoires de la Société archéologique d’Eure-et-Loir, t. I. 
3 Bulletin de la Société dunoise, n° 90, p. 78. 

* Archives du département d’Eure-et-Loir , G. 3522. 

$ Mss. de la bibliothèque de Chartres, n° 1149, fo 20. 

6 B. N. cabinet d'Hozier, v. 65, n° 1670. 

T Mss. de la bibl. de Chartres, n° 1149, f° 20. 

8 B. N., cabinet d'Hozier, v. 65, n° 1670. 

9 Rabelais, XI° chapitre du IVe livre de Pantagruel. 

19 P, Lelong, t. III, n° 29, fo 249. 


— 334 — 
qu'il accompagna partout, à la tête de sa compagnie des gens 
d'armes. L'historien Davila loue sa bravoure et ses excellentes 
qualités en l'appelant le baron de Montdoucet !. 

Le 22 février 1542, Gilles Cochin, procureur au bailliage et 
siège présidial de Chartres, produisit une attestation de mé- 
decins et de chirurgiens, constatant que le seigneur de Mont- 
doucet était retenu à Villandry, dans l'incapacité de monter à 
cheval, et rendit aveu au duché de Chartres pour la seigneurie 
de Souancé ?. Balthasar mourut après 1599, car, cette année, 
il reçut un aveu des chanoines de Saint-Jean pour Péraut *. 

Il épousa Madeleine Gilliers, fille de René-Joachim Gilliers, 
baron de Marmande et de Puygarreau, et de Isabeau du Bueil, 
dont : une fille, Françoise, mariée à Jean Aubry, conseiller 
du roi en ses conseils d’État et privé‘, et trois fils : Balthasar, 
Gabriel et Henri, suivant un aveu rendu le 13 avril 1602, par 
Louis de Montbron, chevalier, seigneur de Beaumont et de 
Miermaigne, à René Gilliers, chevalier, curateur de ses 
petits-enfants. 

Un acte du 4 juin 1602 porte que Gabriel Le Breton, écuyer, 
seigneur de Montdoucet et de Souancé, âgé de 22 ans, fit hom- 
mage tant pour lui que pour Henri et Françoise, ses frère et 
sœur, pour la châtellenie de Souancé, leur appartenant de la 
succession de Balthasar Le Breton, écuyer, sieur de Villandrv, 
leur frère aîné‘. À moins d’admettre que ces trois enfants 
eussent deux frères du nom de Balthasar, cet acte a certaine- 
ment été mal lu, ou enregistré d’une façon défectueuse par 
l’auteur de l'inventaire, transcrit dans le manuscrit de 
Chartres, car Balthasar Le Breton, marquis de Villandry, 
baron de Montdoucet et de Souancé, rendit un aveu, pour 
cette dernière seigneurie, le 5 novembre 1608. 

I] servit Henri IV et Louis XIII comme gentilhomme ordinaire 
de la chambre et épousa Gabrielle de Teillac, fille de Jean de 
Teillac, seigneur du Port-d’Eau, et de Marie du Bourg-Neuf’. 


{ B. N., Cabinet d'Hozier, v. 65, no 1670. 

2 Mss. de la bibl. de Chartres, n° 1149, fo 20. 
3 Arch. d’Eure-et-Loir, G. 3522. 

4 B. N., Mss. fr. n° 20227, fo 51. 

5 Papiers du château de Beaumont. 

6 Mss. de la bibl. de Chartres, n° 1149, fo 20. 
1 B. N., Cabinet d'Hozier, v. 65, n° 1670. 





— 335 — 

Il eut plusieurs enfants, dont nous n'avons pas à nous occuper 
ici, car le 15 avril 1615, il vendit Souancé et Montdoucet à 
Lancelot de Barat, chevalier, seigneur et baron de Brunelles!, 
dont les armes étaient : d'argent a la croix ancrée et alesée de 
sable“. Ce nouveau seigneur fut gouverneur de la ville de 
Beaumont-le-Vicomte et épousa : 1° Françoise de Montesson, 
veuve de Jean Le Cornu, fille de René de Montesson *. 2° Louise 
Servin, fille de Louis Servin, avocat au Parlement de Paris, 
morte et inhumée dans l’église de Brunelles, le 20 mars 1634. 
De son second mariage, il eut entr’autres enfants : François- 
René de Barat, baron de Brunelles, de Souancé et de Montdoucet. 
Celui-ci succéda à son père avant le 9% juillet 1683, suivant un 
acte de prestation de foi au duché de Chartres 5, et épousa 
Louise de Fontenay ‘. 

Le 21 décembre 1659, il échangea avec Claude Séguin les 
terres de Montdoucet, Souancé, des Hayes, des Pies, des 
Touches, contre le domaine et la seigneurie de Champrond :. 

Claude Séguin, baron de Souancé et de Montdoucet, dont les 
armes étaient : d'argent à un chevron de gueules, conseiller et 
secrétaire du roi, médecin de la reine Anne d'Autriche, après 
la mort de son oncle’, régent de la Faculté de Médecine de 
Paris, acheta en 16483 de M. Guillemeau, pour 50.000 livres, 
la charge de médecin ordinaire du roi, qu'il vendit en 1650 à 
M. Cureau de la Chambre pour 20.000 écus, « ce qui est bien 
de l’argent, vu qu’en cette saison les gages des officiers du roi 


‘ Papiers du château de Montdoucet. 

2 La généalogie de la famille de Barat sera l'objet d'une étude spéciale. 

3 B. N., Cabinet d'Hozier, vol. 26. 

* Registres de la paroisse de Brunelles. 

5 Mss. de la bibl. de Chartres, no 1149, fo 21. | 

6 La famille de Fontenay, une des plus considérables du Perche, et dont la 
pra sera l’objet d’une étude spéciale, avait pour armes : d'argent à deux 
ions léopardés de sable, passant l'un au-dessus de l’autre, armés, lampassés 
el couronnés de queules. 


T Papiers du château de Montdoucet. 


8 Son oncle Pierre Séguin, médecin de la Faculté de Paris, et premier mé- 
decin de la reine Anne d’Autriche, doyen de la Faculté de médecine, avait 
épousé Anne Akakia, fille de Martin Akakia, médecin de la Faculté de Paris. 
Le N., Cabinet d'Hozier, v. 310, no 8493). Ce fut lui qui soigna le prince de 
ondé en 1619, pendant son séjour à la Bastille. (Journal d’Arnauld d’Andilly. 
Extrait de la Jeunesse de Madame de Longueville, par M. Cousin.) 


— 3360 — 

ne sont pas payés'. » Il épousa Anne Le Vayer:, fille de 
Pierre Le Vayer, sieur de la Chevalerie, et de Anne Hubert ?. 
Devenu veuf, il se retira, sur les conseils de son frère, qui 
était jésuite, à l’abbaye de Saint-Victor ‘. Il avait eu deux en- 
fants : Madeleine Séguin, sa fille, morte le 2 décembre 1702, 
épousa Thomas Coignet, avocat au Parlement, procureur gé- 
néral et maître des requêtes ordinaires du roi, mort en dé- 
cembre 1682, fils de Jean Coignet, écuyer ‘. Louis-Jules Séguin, 
son fils, baron de Souancé et Montdoucet, conseiller à la cour 
des aides de Paris; quelques égarements d'esprit l'obligé- 
rent à se défaire de sa charge ‘: il épousa en janvier 1665 Mar- 
guerite Hachette, fille de Pierre Hachette, morte en mai 1692, 
dont : Catherine, vivante en 1688, morte en 1693 ; et Louis- 
Denis Seguin, baron de Souancé et de Montdoucet, conseiller 
en la cour des aides, puis président en la cour des comptes en 
juillet 4693. Il mourut sans postérité et ses biens passèrent 
entre les mains de son cousin, Julien-Denis Coignet, écuyer, 
seigneur des Claies, près de Villepreux, fils de Laurent 
Coignet, écuyer, seigneur des Claies, conseiller au Parlement, 
et de Françoise-Catherine de Launai, et petit-fils de Thomas 
Coignet et de Madeleine Seguin. 

Julien-Denis Coignet, baron de Souancé. dont les armes 
étaient : d'azur à une gerbe d'or supportant deux béliers de 
même, affrontés et posés en pied, naquit en 1706 et fut conseil- 
ler au Parlement ’. Il n’eut qu’une fille, Marie - Catherine 
Coignet, dame de Souancé et de Montdoucet, qui épousa Jean- 
Baptiste Moreau de Saint-Just, et donna, le 21 mai 1746, des 


a de Guy Patin à Spon, 3 mai 1650 (édition Réveille -Parisse , t. IF, 
p. et 6). 

2 La famille Le Vayer est originaire du Maine et ne cessa de donner de nom- 
breux magistrats et fes membres du Parlement depuis la fin du XVIS siècle. 
Elle portait pour armes : de gueules à la croix d'argent, chargée de cinq 
tourteaux de gueules. (Dict. de Lachenaye-Desbois). 

# Anne Hubert, devenue veuve, se fit religieuse à l’abbaye du Lys, près 
Melun; elle était fille de Denis Hubert, bailli de Nogent-le-Rotrou, qui fonda en 
1601 le couvent des Capucins de cette ville. 


4 Revue historique et archéologique du Maine, t. II, p. 137. 
S B. N., Cabinet d'Hozier, v. 99, n° 2649. 
6 B. N., Cabinet d'Hozier, v. 310, n° 8498. 


71 La famille Coignet était une famille de marchands joailliers de Pans. 
(B. N., Cabinet d'Hozier, v. 99, no 2649.) 





— 331 — 

lettres de provision, pour l'office de procureur fiscal de ses 
seigneuries'!. Le 12 décembre 1754, ses terres et seigneuries 
furent mises en vente et adjugées au Parlement de Paris, le 
15 avril 1758 ?, à Pierre-Claude Guillier, écuyer, conseiller du 
roi, contrôleur ordinaire des guerres, seigneur de la Prouterie 
et de la Bourdinière, dont les armes étaient : d'argent à un 
gui de sinople lié de gueules, la tige en haut*. Il épousa 
Jeanne - Louise Guerrier et eut entre autres enfants : Jacques- 
Pierre-Gabriel Guillier, écuyer, baron de Souancé et de Mont- 
doucet, à la mort de son père, en 1782. Il fut conseiller du 
roi, auditeur en la chambre des comptes de Paris, et reçut de 
Louis XV les armes suivantes : d'azur à un chevron d’or sur- 
monté d'un casque taré de profil de même, et accompagné de 
trois roses d'argent, tigées de même, au chef d'argent, chargé 
d'un lion rampant de gueules. En 1789, il fut délégué par la 
ville de Nogent-le-Rotrou, pour signer un mémoire adressé au 
roi, au sujet du choix de la ville, dans laquelle devaient être 
réunis les membres des trois ordres de la province du Perche 
pour les élections aux États-Généraux, et prit part aux assem- 
blées de la noblesse du bailliage de Chartres. Le château et 
la terre de Montdoucet appartiennent aujourd’hui à Henri 
Guillier, comte de Souancé, son petit-fils ‘. 


Après avoir suivi les premiers seigneurs de Montdoucet jus- 
qu’à l’époque où cette châtellenie ainsi que celle de Souancé 
passèrent dans la maison d’Estouteville, il reste à voir ce que 
devint cette famille. De ce que la terre de Montdoucet tombät 
en d’autres mains, il ne s’ensuit pas cependant qu’elle s’étei- 
gnit. Elle semble au contraire avoir formé de nombreux 
rameaux issus de Simonet de Montdoucet. Ces diverses bran- 
ches s’établirent en différents endroits, s'étendant même jus- 
qu’en Bretagne. Ce qui ne laisse aucun doute sur la commu- 
nauté d’origine de ces familles de Montdoucet, c’est la 
similitude d’armoiries, armoiries assez particulières et spé- 
ciales, pour que ce ne soit pas le fait du hasard. 


1 Arch. d’Eure-et-Loir, B, 2858. 
2? Papiers du château de Montdoucet. 


3 Ce sont les anciennes armes, modifiées depuis, de cette famille, dont la 
généalogie sera l’objet d’une étude spéciale. 


4 Papiers de famille. 
T. X. Af. 24 


— 338 — 
Les trois branches principales sont les suivantes : 
I. Celle qui resta dans le Perche, représentée en 1390 par 
Bertrand de Montdoucet, seigneur du Boullay, qui eut un 
procès avec Mathry Le Court, pour une terre aux Étilleux‘. 
À l’époque de la recherche de la noblesse, en 1666, François 
de Montdoucet, écuyer, seigneur de la Roche, demeurant à 
Ceton, fut maintenu et produisit, avec preuves à l’appui, la 
liste suivante de ses ascendants ? : 
1° Jean de Montdoucet (vers 1480) dont : 
2 Hugues de Montdoucet épouse Marie de Boisguyon (vers 
1510), dont : 

3° Sébastien de Montdoucet épouse Marie du Rousseau (vers 
1540), dont : 

4 Bertrand de Montdoucet épouse Marie du Plessis (vers 
1570), dont : 

9° Pierre de Montdoucet épouse Mathurine Le Comte (vers 
1600), dont : 

6° Troïlius de Montdoucet épouse Madeleine de Blocquet 
(vers 1630), dont : 

7° François de Montdoucet, écuyer, seigneur de la Roche 
produisant (en 1666). 


II. Celle qui s'établit en Beauce, représentée par : Macé de 
Montdoucet, écuyer, seigneur du Buisson, marié à Marie 
d'Illiers qui passa un bail le 23 janvier 1487 #; Jean de Mont- 
doucet, sieur de Lessart, qui, le 11 mars 1562, donna une 
décharge, à Louis de Boisguyon, pour une somme de 4,500 
livres ‘. Louis de Montdoucet, secrétaire de l’abbaye de Tiron 
en 1570: Bertrand de Montdoucet, seigneur de la Salle-Lolon, 
à qui fut rendu un aveu en 1511 pour les terres de la fabrique de 
Notre-Dame de Bonnevalf; Maximilien de Montdoucet, seigneur 
du Chastellier, qui acheta en 1614 à Lancelot de Barat, seigneur 
de Brunelles, le fief et la seigneurie du Grand-Mesnil en Frazé 


1 Arch. d'Eure-et-Loir, B, 2089. 

2 B. N., Dossiers bleus, v. 458, no 12341. 

3 Mém. de Laisné, prieur de Mondonville, t. IV. 
* B. N. Nouveau d’Hozier, v. 970, f. 19. 

$ Arch. d'Eure-et-Loir, E, 4130. 

6 Id., G, 5802. 





— 339 — 


avec l’étang de Brière, moyennant 1230 livres et un cheval 
sellé et bridé estimé 300 livres !. 


IIT. Celle qui alla se fixer en Bretagne, puis aux environs 
de Blois, et dont la généalogie mérite d’être rapportée 2. 


1° Georges de Montdoucet, écuyer, seigneur de la Cheminée, 
épouse Marguerite de Voiré ou Voré, dont : 

1° Blanche, épouse par contrat du 2 août 1479 Pierre L'Ecuyer, 
fils de noble homme Jean L’'Écuyer, seigneur du Ménil- 
Bernard *. 

2° Gillette, religieuse à l’abbaye de Saint-Avit, à qui son 

_ pêre constitua une dot en 1480. 

3° Jean (11°). 


n° Jean de Montdoucet, écuyer, seigneur de Monteaux, 
mort le 3 août 1498 d’un coup de lance à un tournoi fait 
par le roi Louis XI, enterré près du grand portail de 
l’Église des Cordeliers de Blois, où était son épitaphe, 
épouse Jeanne Cottereau, fille de Pierre Cottereau et de 
Catherine Pasquier, dont : 

1° Jean (1°). 


ir Jean-Pierre de Montdoucet, écuyer, conseiller du roi au 
Parlement de Rennes, seigneur de Lesbat et de Monteaux, 
mort avant 1564, épouse, Anne Miron, dont : 

1° Robert (rv°). 

2 Claude de Montdoucet, seigneur de la Cheminée et de 
Monteaux, chambellan ordinaire du duc d’Alençon, tréso- 
rier général des ducs d'Orléans et d'Anjou, ambassadeur 
pour le roi Charles IX dans les Pays-Bas, né vers 1534, 
épouse Hélène Godard ou Gaudart (de Lyon), dont‘ : 


Arch. d'Eure-et-Loir, B, 2563. D’autres membres de cette branche établie 
en Beauce sont cités dans différents ouvrages, entr'autres les Mémoires du 
ss de Mondonville : on n’a douné ici que les principaux pour en prouver 
"existence. : 

2 Cette généalogie est extraite à peu près entiérément de la B. N., Cabinet 
d'Hozier, v. 244. 


3 B. N., Carrés d'Hozier, v. 445, p. 225. 

4 Arch. d’Eure-et-Loir, E, 2752. 

Pour tous les détails concernant Claude de Montdoucet, qui illustra cette 
famille, voir : Lettres et négociations de Claude de Montdoucet, résident de 
France aux Pays-Bas (1571-1574), publiées d’après le manuscrit de la Biblio- 
thèque de Reims, par M. Didier (2 vol. Ernest Leroux, 1890-1892). 





— 340 — 

A Claude, épouse par contrat du 3 janvier 1605 Charles 
de Crèvecœur, chevalier, seigneur de Vienne, fils de 
Jacques de Crèvecœur, seigneur de Vienne, et de Fran- 
çoise de Blondeaux *. 

B Louise, épouse : 4° par contrat du 98 janvier 1612. Jac- 
ques Le Clerc de Fleurigny, chevalier, seigneur baron 
de la Forêt; 2 avant 1624, Robert de Bonneval, sei- 
gneur de Jouy-sur-Morain. en Brie*. 

3° Isabeau de Montdoucet, épouse N. de la Fosse, intendant 
général des vivres et munitions de guerre. 

& Marguerite de Montdoucet, épouse N. de Molan, seigneur 
de Saint-Ouin. 


vo Robert de Montdoucet, seigneur de Lesbat et de Mon- 
teaux, conseiller au grand conseil, et président au siège 
présidial de Blois et maître des requêtes ordinaire de la 
reine, mort avant le 7 juin 1575, date où sa femme avait 
la garde-noble de ses enfants. On sait, par un brevet du 
roi du 22 avril 1573, qu'il fut assassiné en Guyenne, où 
le roi l'avait envoyé pour l’exécution de l’édit de pacifica- 

tion. Il épousa Claude Odeau, fille de Élie Odeau, contré- 
leur de la maison du roi, dont : 

1° Jean (v°). 

2 Jacques, écuyer, seigneur de Chastelux, épouse Marie 
de Cosne. 

3° Catherine, épouse Claude Forget, sieur de la Quantinière, 
fils de'Gaucher Forget et de Marie Le Clerc. 

4 Claude, épouse par contrat du 29 octobre 1585 Martin de 
Houdan, écuyer, sieur des Landes, fils de Pierre de 
Houdan, écuyer, sieur des Landes, et de Claude de Mont- 
giraut *. 

9° Rose, épouse André Chartier, écuyer, sieur du Vivier. 

6° Catherine, religieuse à Fontevrault. 


v° Jean de Montdoucet, écuyer, seigneur de Charlais, un 
des cent gentilshommes de la maison du roi, suivant un 


1 B. N., Carrés d'Hozier, v. 445, p. 227 et 229. 
2 P. Anselme, t. VI, p. 392. 
3 B. N. Carrés d'Hozier, v. 445, p. 226. 


— 341 — 

certificat du 16 juillet 1593, épouse, par contrat du 
23 octobre 1586, Françoise Forget, fille de Gaucher For- 
get, écuyer, sieur de la Quantinière, et de Françoise 
Estienne, veuve en 1635, dont : 

19 Louis (vi). 

2 Jean, mort devant la Rochelle. 

3 Sylvie, épouse Antoine Le Viandier. 

4 Isabelle. | 

S Antoinette. morte jeune. 


vi Louis de Montdoucet, baptisé à Saint - Florentin d’Am- 
boise, le 2 septembre 1599, aide de camp és armées du 
roi et capitaine d’une compagnie au régiment de Picardie 
en 1635, maintenu dans sa noblesse par jugement de 
M. d’Estampes, donné à Angers le 3 mai 1635, épouse 
Marguerite Trouvé, dont : 

4° Gaspard de Montdoucet. 

Enfin, pour terminer cette étude sur la famille de Mont- 
doucet, il reste à donner la liste des gouverneurs du château 
de Blois de 1468 à 1599, issus sans doute de cette dernière 
branche, et connus par les reçus qu’ils donnèrent au receveur 
du comté de Blois !. 

4° Jehan de Montdoucet, écuyer, valet de chambre du duc 
d'Orléans, le 1°r janvier 1468 et le 23 mai 1496. 

2% Odin de Montdoucet, valet de chambre du roi, le 3 dé- 
cembre 1512, et concierge du château de Blois le 2 oc- 
tobre 1514 et le 17 juillet 1515. 

3° Antoine de Montdoucet, concierge et garde du château 
de Blois le 4er octobre 1530. 

4 Claude de Montdoucet, trésorier général des maisons des 
frères du roi le 7 mars 1560, le 20 mars 1567 et en 1568. 

5 Claude de Montdoucet, seigneur de Monteaux, conseiller 
chambellan ordinaire des affaires, et conseiller de Mon- 
sieur, le 20 février 1580, le 27 mars 1582, en 1591 et 1599 
et qui donna le 4 octobre 1581 un reçu timbré d’un cachet 
à ses armes surmontées d’un casque avec lambrequins. 


1 B. N., Pièces originales, v. 1994, no 457927. 





— 342 — 


I] 
SOUANCÉ. 


DESCRIPTION — ÉTYMOLOGIE — GÉOLOGIE — AGRICULTURE — 
POPULATION — COMMERCE —- ÉTUDE DE NOTAIRE — ÉCOLES 
— JUSTICE — FINANCES — ÉGLISE. 


Le village de Souancé compris aujourd’hui dans l’arrondis- 
sement de Nogent-le-Rotrou faisait autrefois partie du Grand- 
Perche. Il s'élève en gradins sur la rive droite de la Rhône; 
mais depuis la construction du pont de la route de Souancé 
aux Clairets et surtout depuis l’ouverture du chemin de fer de 
Nogent à Courtalain, quelques maisons ont été édifiées sur la 
rive gauche. Il se trouve donc au milieu des collines qui for- 
ment la ligne de partage des eaux du bassin de l’Huisne et par 
suite de la Sarthe et du bassin du Loir. 

D'où vient le nom de Souancé ? À certains chercheurs, sans 
doute des poëtes, qui y ont vu l’association de deux mots 
anglais : Swan (cygne) see (lac), il suffit de faire remarquer 
que les Anglais n'envahirent le Perche qu'au XVe siècle. Or 
Souancé est mentionné dans toutes les chroniques et chartes 
des abbayes de la contrée bien antérieurement à cette époque, 
sous une forme indiquant une origine latine : Suenci vers 
4128 ; Suentheium en 1141: Suhenci vers 1150; Soenceium 
vers 1250; Souenceyum en 1626; Souencé 1700: Souancé 
1736 *. 

Au point de vue géologique, on trouve dans le fond de la 
vallée de la Rhône, des terrains d’alluvions modernes consti- 
tuant d’excellentes prairies; puis sur les pentes à droite et à 
gauche du vallon une bande de calcaires oolithiques qui four- 
nissent la pierre à chaux, dite de Souancé. Enfin, en s'élevant 
davantage, ce sont d'abord des argiles vertes qui apparaissent, 
puis des marnes rousses, grises et bleues du Perche. C’est ce 
terrain qui compose la plus grande partie du territoire de la 
commune. Du côté de la Galaisière il y a quelques gisements 


1 Dictionnaire topographique du département d'Eure-et-Loir. 





— 343 — 
d'argiles plastiques et blanches mélangées de silex, qu’on 
retrouve également avec des glaises jaunes et rouges à Mont- 
graham *. 

Au milieu de ces différentes argiles sont noyés des bancs de 
pierre propre à bâtir; mais la couche d’argiles vertes et de 
marnes rousses d’où jaillissent les sources est si épaisse qu’en 
certains endroits les puits atteignent cinquante mètres de pro- 
fondeur. C’est dans ce terrain humide et frais que croissent les 
poiriers et les pommiers importés dans le Perche, d'Espagne, 
vers 1300. Cette date, fixée par certains auteurs, semble dou- 
teuse, car des titres antérieurs au XIVe siècle prouvent que 
l’une des corvées exigées des vassaux par le seigneur était de 
cueillir ses pommes et d’en faire du cidre. On peut donc faire 
remonter l’introduction du pommier aux environs de Nogent 
à l’époque des expéditions de Rotrou IIT, comte du Perche, en 
Espagne en 1090, 1113 ou 1118. La culture de la vigne semble 
avoir été faite jusqu'en 1777 bien que le Mémoire d’un inten- 
dant du Perche fasse connaître qu’en 1698 la vigne était pres- 
que disparue de toute la province . 

Primitivement la baronnie de Souancé dépendait de l’élection 
particulière de Longny. En 1685 cette élection fut suppri- 
mée et réunie à l'élection de Mortagne. La même année une 
sentence déclara en royauté la paroisse de Souancé qui releva 
depuis cette époque, pour les tailles, directement du siège 
de la subdélégation de Nogent-le-Rotrou. 

Il y avait: en 1250, 180 paroissiens *: en 1656, 740 com- 
muniants; en 1738, 700 communiants; en 1791, 1109 habi- 
tants; en 1860, 1155 habitants; en 1892, 914 habitants. 

L'état de la population est donc sensiblement le même en 
1738 et en 1792, puisque sept cents communiants faisant envi- 
ron deux cents ménages, à raison de deux enfants par famille, 
au-dessous de dix ans, donnent un total de près de onze cents 
habitants. L’explication de ce fait est qu’au siècle dernier, 
l’industrie et le commerce de Souancé étaient florissants. On 
y comptait quarante métiers produisant cinq cents pièces 
d’étoffes par an. La corporation des tisserands était assez bien 


4 Carte géologique du département d’Eure-et-Loir éditée en 1868. 
2 Etat de la généralité d'Alençon sous Louis XIV. 
3 Essais sur le Perche par M. Gouverneur, p. 73. 


— 344 — 

organisée pour étre consultée en 1730 sur les moyens à prendre 
pour développer ce commerce et lui donner de l'extension. 
Tous les mercredis se tenait un marché; et une grande foire 
avait lieu chaque année. le jour de la fête de saint Georges, 
patron de la paroisse‘. Le seigneur avait dans ces marchés et 
cette foire certains droits sur toutes les transactions. achats ou 
ventes qui S'v faisaient *. Aussi les habitants, pour se sous- 
traire à ces droits. portaient-ils fréquemment leurs grains sur 
d'autres marchés. Ce fut le motif de deux ordonnances, l'une 
de 14720, l'autre de 1729, rappelant aux vassaux de la baronnie 
de Souancé d'avoir à apporter leurs grains, tous les mercredis, 
au marché de Souancé. Ce marché fut supprimé peu après, mais 
une ordonnance de 178 * le rétablit et il subsista jusqu'à la 
Révolution. 

Un tabellion avec clerc, résidant dans la paroisse, était atta- 
ché à la châtellenie de Souancé et Montdoucet. Cette étude de 
notaire fut établie par une ordonnance de 1650, et supprimée 
en 1790. Le dernier titulaire remit à la municipalité, le 27 
brumaire an 1[. « tous les titres constitutifs et récognitifs des 
droits et redevances ci-devant seigneuriales supprimées » *. 
Les autres minutes furent versées dans trois études de Nogent- 
le-Rotrou “. Le 29 thermidor an HI, le conseil général de la 
commune de Souancé, considérant que ladite commune avait 
toujours joui de la prérogative d’avoir un notaire dont l'office 
était trés utile et avantageux aux habitants, adressa une péti- 
tion à lPadministration du district. Il ne fut pas donné suite 
à cette réclamation. On doit toutefois reconnaitre qu'elle était 
fondée, car une étude de notaire, qui serait absolument inutile 
aujourd’hui, était nécessaire à une époque où il n’y avait que 


{ Arch. d'Eure-et-Loir, B. 3095. 


2 Aveu rendu le 5 novembre 1603 au duché de Chartres, Mss. de la Bibl. de 
Chartres, n° 1149. 


3 Arch. d'Eure-et-Loir, B. 3101. 


4 Reg. des déhbérations de la municipalité de Souancé du 8 février 1790 au 
28 germinal an IV : Archives de la mairie de Souancé). 


S Les titulaires de l'étude de notaire de Souancé furent : Riguet, 1650-1653 ; 
— Lorin (Jeans, 1658-1664; — Lorin, 1664-1671 ; — Preville, 1672-1684 : 
— Lorin (Grégoires, 1685-1687; — Savigny. 1687-1695 ; — Preulle, 1695- 
É me er al 1304-1709 ; — Desnoyers, 1765-1784 ; — Desnoyers (Pierrer, 

[ li e 


— 345 — 
les charrettes à bœufs à pouvoir circuler dans les chemins et 
où l'instruction était si peu répandue dans les campagnes *. 

Les habitants de Souancé n'étaient en effet pas plus lettrés 
que leurs voisins, à en juger « par un acte passé devant 
Rebours, le 22 septembre 1733, par M. Seguin, baron de 
Souancé et seigneur de Montdoucet, fondant à perpétuité dans 
le bourg de Souancé ‘un maitre d’école pour instruire les 
enfants de ses vassaux et habitants, et donnant par donation 
irrévocable à la cure et à la fabrique, la ferme et métairie de 
la maison Jory située près du bourg de Souancé » *. Aussitôt 
cette donation faite, un maître d’école fut appelé et installé 
à Souancé. Lorsque le 26 mai 1748, M. de la Clüe, grand 
archidiacre du diocèse de Chartres, vint à Souancé, il visita 
l’école et fit faire à la tablette de la paroisse un acte par 
lequel une maîtresse d'école, dont l’entretien serait assuré par 
le revenu de la donation de M. Seguin, s’adjoindrait au maitre 
d’école pour le seconder. Les habitants de la paroisse s'assem- 
blèrent et formulèrent leur protestation dans un acte passé 
devant Jacques Daupeley de Bonval, notaire à Nogent, où, 
après avoir rappelé les termes de la donation de M. Seguin et 
la décision prise par le grand archidiacre ils déclarèrent « s'op- 
poser formellement à l'exécution de cette décision, vu qu'un 
maitre d'école est suffisant et que le revenu abandonné par le 
seigneur de Souancé nest pas assez grand, pour l'entretien 
d'un maitre et d’une maitresse, et qu'en conséquence ils arré- 
tent. veulent et entendent, sous le bon plaisir néanmoins du 
seigneur actuel de Souancé, que Jean Bouin continuera son 
exercice de maitre d’école » *. 

En 1789 cette louable fondation disparut: mais la muni- 
cipalité se préoccupa de maintenir l’école, et le {er janvier 1792 
se réunit pour recevoir comme maitre d'école « Benjamin 
Lheureux reconnu, à la suite d’un concours, très supérieur à 
ses concurrents, et auquel il est accordé une somme de 250 
livres par an, avec obligation de sa part d'enseigner aux en- 


! La route de Souancé à Nogent fut faite en 1791, la municipalité avant reçu 
du directoire de Nogent 400 1., à cet eflet, le 9 janvier 1791 (Reg. des déli- 
bérations de la municipalité de Souancé). 


3 Archives municipales de Souancé et papiers de Montdoucet. 
3 Minutes de l'étude de Me Gilles, à Nogent-le-Rotrou. 


— 346 — 

fants à lire, écrire... avec douceur et circonspection, savoir 
” les garçons le matin, et les filles à midi, le tout gratis »!. 

Outre le notaire, étaient attachés à la baronnie de Souancé, 
un bailli, un procureur, des greffiers, des sergents, pour 
l’exercice des trois degrés de justice, haute, moyenne et basse, 
dont les appellations relevaient du bailli de Chartres ou de 
son lieutenant. Les audiences se tenaient dans une maison 
située auprès de l'église, qui, après avoir été la mairie, est 
actuellement l’école des filles. En 1756, les hautes justices de 
Montdoucet, des Haies et de la Chaise furent réunies au bailliage 
de Souancé ?, et une ordonnance porta que les audiences de 
ce bailliage se tiendraient tous les mardis dans une maison de 
la rue des Bouchers à Nogent à. 

La juridiction de la baronnie de Souancé s’étendait sur sept 
fiefs : ‘ 


Beaumont, La Borde aux Pouilliers, Peraut, La Goubaudière, 
réunie à la Guyonnière, La Maison-Jory, Le champ de Monde- 
guerre, Le champ des Longères, tous paroisse de Souancé. 


Avant 1760, vingt-cinq fermes ou champs divers devaient 
des cens ou rentes à la seigneurie de Souancé $. 

En 1760, M. de Reverseaux, seigneur de Beaumont, 
céda à Pierre-Claude Guillier, baron de Souancé, six fermes ou 
champs relevant comme cens et rentes de Souancé; ils y 
furent rattachés et reportés sous le nom de fief de Guillaume 
de Montdoucet ‘. 

Au point de vue ecclésiastique, la paroisse de Souancé 
dépendait du diocèse de Chartres. Le grand archidiacre avait 
droit de présentation et de nomination à la cure, dont les 
titulaires partageaient la dime avec le chapitre de Saint-Jean 
de Nogent, le prieuré de Saint-Denis, et l’abbaye des 
Clairets ?. 


Arch. mun. de Souancé. 

2 Arch. d'Eure-et-Loir, B. 3103. 
3 Arch. d'Eure-et-Loir, B. 3104. 
* Papiers de Montdoucet. 

$ Papiers de Montdoucet. 

6 Papiers de Montdoucet. 

7 Arch. d'Eure-et-Loir, B. 2382. 











= A7. — 
Les curés qui se succédèrent furent : 


1405, de Cirac (Jean); — 1455, d'If (Nicolas); — 1476, Vallet 
(Michel); — 1512, des Feugerets (Martin). — 1527, des Feugercts 
(Bertrand); — 1553, Oudineau (Julien), qui devint prieur d'Hap- 
ponvilliers, en 1554; — 1582, Mesnager (Robert); — 1603; Vallin 
(Louis), qui fut en même temps administrateur de Saïnt-Lazare 
de Nogent ; — 1660, Pinceloup (Michel) + 1676, et inhumé dans 
l'église. — 1676, Legrain (François), + 1692, à 61 ans et inhumé 
dans l'église; — 1692, Legrain (Joseph) ; — 1696, Dauphin (René), 
résigne en 1714, mort en 1719 à 73 ans, et inhumé dans le 
cimetière ; 1714, Dauphin (Laurent), mort en 1731. — 1731, Lochon 
(François), curé de Souancé et de Gas, mort en 1746, à 45 ans; 
— 1746, Macé (Louis), gradué de l'Université, + 1767, à 53 ans; 
— 1768, Coignet (Jacques), + 1771, à 56 ans ; — 1771, Got (Louis- 
Claude), + 1789, à 49 ans, et inhumé dans le cimetière; — 
1789, Anctin (Pierre-Guillaume), dont il est question plus loin; 
— 1803, Fortier (Jean-Jacques), + 1805, à 43 ans; — 1805, de 
Ruan (Gabriel-Jean-Maric), est installé maire le 26 janvier, 
se démet le 29 mars, et est curé le 27 juillet; curé de Béthonvil- 
licrs en 1807; — 1807, Anctin (Pierre-Guillaume); — 1829, Masson 
(Paul-Benoiït), curé de Beaumont, en 1832; — 1832, Pelletier 
(Frédéric-Ephège), révoqué en 1840 ; 1840, Cochin (Henri-Désiré- 
Maximin), curé de Cloyes en 1856; 1856, Lemaire (André-Joseph), 
chapelain de la Visitation de Dreux, en 1869; 1869, Ferron (Jean- 
Pierre-Alphonse), + 1884, à 60 ans; et inhumé dans le cimetière; 
— 1885, Kermaïdic (Alexis), curé d'Unverre, en 1891; — 1891, 
Barré (Emile-Edouard). 


L'église dédiée à saint Georges fut construite au commence- 
ment du XVIe siècle. Sur les pierres, qui forment les clefs de 
voûte du chœur, sont sculptées les armes des Lebreton, sei- 
gneurs de Souancé et de Montdoucet, et des de Boisguyon. 
De beaux vitraux datant de cette époque et représentant les 
actes principaux de la vie de saint Georges ornent les quatre 
grandes fenêtres du chœur. Pendant la révolution ces vitraux 
furent enlevés. Quand ils furent remis en place, quelques 
années après; des gens non seulement inexpérimentés, mais 
absolument ignorants, présidérent à cette restauration, attendu 
qu'ils furent remis sans ordre. C’est ainsi que le haut du corps 
de saint Georges se trouve dans le vitrail du chœur, du côté 
de l’évangile, tandis que les jambes sont à la fenêtre de l’autel 
de la Sainte Vierge. 


— 348 — 

L'église qui mesure 8 mètres 40 de largeur, 31 mètres de 
longueur totale, dont 19 mètres 60 pour la nef, 6 mètres 40 
pour le chœur et 5 mètres pour le sanctuaire, a été restaurée à 
peu près entièrement depuis une trentaine d’années. Après la 
construction de la nouvelle sacristie en 1862, remplaçant l’an- 
cienne, qui est actuellement la chapelle de la famille de 
Souancé, furent placés aux fenêtres du chœur des vitraux qui 
sont loin d’être beaux et artistiques. L’autel, en pierre, cons- 
truit dans le style de l’église, remplaça en 1874 celui de bois 
qui existait auparavant. Le sol de l’église fut nivelé, et enfin la 
voûte de la nef qui est en bois fut décorée et ornée d'ara- 
besques. C'est en commençant les travaux de restauration des 
murs de la nef, qu’on découvrit des restes d’anciennes fresques 
cachées par un enduit de chaux". 


Dès le commencement du XVI: siècle fut placée au sommet 
du clocher qui mesure 21 mètres de hauteur, une horloge 
« pesant de neuf vingts à deux cents livres de poix, fournvye 
de tous mouvements tant à faire sonner ladicte orloge, qu’à 
faire cheminer le cadran d’icelle, avecques ung marteau bon et 
convenable, et icelluy marteau et mouvements d'icelle orloge 
si bons et puissants qu’ilz puissent faire sonner une cloche 
pesant huit cens livres », comme nous l’apprend le marché 
conclu dans le courant de l’année 1527, entre Bertrand des 
Feugerets, curé de Souancé, et Bastien Aignan, serrurier, à 
Chartres, pour la fourniture de cette horloge *. 

Cette cloche de huit cents livres, montée dans le clocher en 
1527, fut remplacée le 22 septembre 1688 par deux autres 
cloches. La plus grosse eut pour parrain Louis - Denys 
Seguin, écuyer. et pour marraine Marguerite-Catherine Seguin, 
sa SŒur, tous deux enfants de Louis-Jules Seguin, chevalier, 
seigneur, baron de Souancé, Montdoucet, conseiller du roi, en 
sa cour et parlement de Paris, et de Marguerite Hachette. Les 
parrain et marraine de la seconde furent Antoine Hardy, 
chevalier, conseiller du roi en sa cour et parlement de Paris, et 
Catherine Proust, veuve de Pierre Hachette, conseiller d'état $. 


4 Voir : Procès-verbaux de la Société archéologique du département d'Eure- 
et-Loir, t. VIF. 


2? Arch. du dép. d'Eure-et-Loir. 
3 Reg. de la paroisse de Souancé. Archives de la mairie. 








— 349 — 

Le 14 septembre 1744, furent bénites deux nouvelles cloches 
nommées, l’une Georges par René-Ursin Durand, chevalier, 
seigneur de Pizieux et de Montgraham, et par Madeleine des 
Feugerets, son épouse; l’autre, Marie par François Lochon, 
curé de la paroisse, et Marie du Rousseau de Villeroussin. 

Le 7 juin 1792, un ordre du directoire de Nogent prescrivit 
d'enlever les cloches de l’église. Mais le conseil général de la 
commune « estimant que l’étendue de la paroisse étant consi- 
dérable, on ne pouvait supprimer une seule cloche quoiqu'il y 


ÉGLISE DE SOUANCÉ 


en ait trois : la première pesant 1000 livres, les deux autres 
500 livres: qu'il serait impossible que les habitants pussent 
entendre les offices sonner par l’éloignement où ils sont et 
l'emplacement de l’église, située entre deux côtes; c’est pour- 
quoi le conseil général de la commune de Souancé priait les 
administrateurs du département de laisser subsister les cloches 
existantes » ‘. Cette réponse de la municipalité de Souancé, à 
qui on fit droit tout d'abord, ne fut pas dans la suite trouvée sa- 
tisfaisante et patriotique, car le 30 pluviôse an IT, « deux cloches . 
furent enlevées ainsi que les signes de la royauté et féodaux et la 
croix ». La troisième cloche fut conservée pour convoquer les 
habitants de la commune aux assemblées de la société popu- 


{ Reg. des déhib. de la municipalité de Souancé. 





— 350 — 
laire qui se tenaient dans l'église, transformée tour à tour en 
club et en atelier pour la fabrication du salpêtre *. 

Les registres paroissiaux remontant à 1670, furent versés, 
dans les archives de la mairie, ainsi que les titres de propriété 
de la cure, dont le revenu annuel, déduction faite de toutes 
charges, s’élevait, suivant l'estimation qui eut lieu le 24 janvier 
1791, à 2400 livres, se répartissant de la manière suivante *. 

« La maison Jory, léguée par M. Seguin, baron de Souancé, 
à la charge de donner à un maitre d'école, 150 livres sur les 
33 livres que rapportait cette ferme. — Deux pièces de terre 
dont l’une, située près de l’écluse du moulin de Guignard et 
l’autre près de la Borde, rapportant 71 livres par an. — Une 
pièce de terre près du calvaire, rapportant 21 livres de rente. 
— 9 livres de rente, léguée par Michel Garnet, affectée sur un 
bordage à la Charmois, payable le 7 avril. — 6 livres 5 sols 
de rente, affectée sur une pièce de terre, nommée le Fouchard, 
payable le jour de Saint Georges. — 20 sols de rente, léguée 
par la veuve de Jean Duval, affectée sur un clos nommé la 
grande Ecolle, payable le 5 octobre. — 20 sols de rente, 
léguée par Bertrand Devoir, affectée sur le Bois Buron, 
payable le jour de la Fête-Dieu. — 36 sols de rente, léguée 
par Etienne Blanchard, sur un bordage au bourg de Marolles, 
payable le 4 juin. — 20 livres de rente, léguée par Denys 
Huchin, affectée sur la maison du Cheval blanc, payable le 
4er novembre. — 3 livres 5 sols, légués par Noël Branchu et 
Etienne Thieucelin. — 20 sols de rente, léguée par François 
du Rousseau et René Gaudry, affectée sur la terre des Petites- 
Haies, payable par les dames des Clairets, lé jour de Saint 
Georges. — 920 sols de rente, léguée par Gervais Devoir 
sur le champ de la Gaubaudière. — 4 pintes de vin léguées 
par Jean de Saint-Barthélemy, affectées sur la terre de Peraut. 


{ Le 26 septembre 1793, fut établie une société populaire par la municipalité, 
« considérant que cet établissement ne peut être que très utile à l'affermisse- 
ment de la république et déjouer les projets de malveillance qui sans cesse tra- 
vaillent à détruire le gouvernement républicain, qu'il importe au bonheur d’une 
nation libre et fière d'avoir reconquis ses droits, de les conserver par tous les 
moyens qui sont en son pouvoir et qu'il n’y a d'autres moyens que ceux de 
s’assembler, de se concerter et de s'entretenir, pour entretenir dans cette com- 
mune le rapprochement de tous les citoyens dans des dispositions républicaines 
el une union fraternelle. » 

(Reg. des délib. de la municipalité de Souancé.) 


? Reg. de la municipalité dé Souancé. 





— 351 — 

— %5 sols de rente, léguée par Jean Martin, affectée sur 
la terre du Pansier. — 33 sols 9 deniers de rente, léguée 
par Jean Dugué, sur un clos à la Houdière paroisse de 
Saint-Hilaire de Nogent. — 20 sols de rente, léguée par Louis 
Volory, sur une maison à la vallée des Clairets. — 10 sols de 
rente, léguée par Jacques Guerrier, affectée sur la Gâte. — 
90 sols de rente léguée par Mathurin Groux, affectée sur le 
champ des Brions. — 9 sols de rente, léguée par Marin Lepi- 
nay, affectée sur une maison à Monthuan en Béthonvilliers. 
— 11 sols 6 deniers de rente, léguée par Mathurin Gouhier, 
affectée sur le champ de l’enclos à la Mouzardière. — 15 sols 
de rente, léguée par Michel Broulay, sur le champ de l’Hëtre- : 
Bellier, en Souancé. — 25 sols de rente, léguée par Robin 
Gasselin, affectée sur le champ du Chesnut. — 20 sols de rente, 
léguée par Marin Brulon, affectée sur le champ du Petit-Boulay. 
— 8 livres de rente, léguée par Madeleine Ménager, affectée 
sur le champ du Petit-Boulay. — 10 livres 10 sols, 4 pintes et 
chopine de vin, léguées par Noël Preville, affectées sur une pièce 
de terre de la Roche, nommée la Vallée. — 7 livres 10 sols 
de rente, léguée par Noël Dreux, affectée sur le petit Mont- 
méan à la Gâte. — 25 sols de rente, léguée par Noël Gouhier, 
affectée sur le bordage de la Borde. — 3 livres 5 sols de 
rente, léguée par René Esnault, affectée sur une pièce de 
terre nommée le Monrousset en Pierrefixte. — 5 sols de rente, 
léguée par André Saillant, affectée sur une maison de la vallée 
des Clairets. — 25 sols de rente, léguée par Bertrand Sortais, 
affectée sur une maison du bourg de Souancé, appelée autre- 
fois la maison de la Fuye. —7 livres 10 sols 6 deniers de rente, 
légués par Jean Rabot, Sébastien Martin, Lancelot Fresnay, et 
affectés, savoir : 40 sols sur le champ Moussu ; 7 sols 6 deniers 
sur la Mouzardière et 5 livres 10 sols sur le champ Moussu. 
— 20 sols de rente, léguée par Robin Gasselin, affectée sur une 
maison. — 40 sols de rente, léguée par Catherine Gasselin, 
affectée sur une maison de la Borde à Souancé. — 12 sols de 
rente, léguée par Girard Brulé, affectée sur un pré du Colom- 
bier. — Une pièce de terre, nommée le petit Chenot, affermée 
pour 32 sols par an. » 

Le curé de la paroisse de Souancé était, en 1789, Pierre- 
Guillaume Anctin, assisté de Jean Lepoivre comme vicaire. 
« Le dimanche 933 janvier 1791, ils jurèrent d’une voix haute et 





— 392 — 
distincte, en présence des officiers municipaux assemblés dans 
l'église à cet effet, sans aucune restriction. de veiller avec soin 
sur les fidèles de la paroisse, d'être fidèles à la nation. à la 
loi, au roi et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution 
décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi » ‘. 

L'année suivante, commença le pillage de l’église : Une croix 
en argent, deux burettes et le plat furent emportés le 16 octo- 
bre 1792 et déposés à la municipalité pour être envovés au 
district de Nogent *. 

Le 30 pluviôse an IT, l'agent national, aprés avoir reçu en 
dépôt, du curé, ses lettres de prêtrise, procéda à l’inventaire 
des objets destinés au culte et des ornements, pour faire trans- 
porter le tout au directoire: c'est-à-dire : « un soleil d'argent, 
deux patennes d'argent, deux calices d'argent, un ciboire d’ar- 
gent, un vase d'argent destiné à porter les ci-devant Saintes- 
Huiles , un autre petit vase d'argent, pour porter les hosties à 
la campagne, une croix à feuilles d'argent, un petit vase des- 
liné pour les huiles des fonts, deux chandeliers de cuivre 
soufflés en argent, que la sociélé réclame pour éclairer à lire 
les nouvelles, une croix et son Christ de cuivre jaune. six 
grands chandeliers et quatre petits, six autres chandeliers, un 
encensoir et une navette en cuivre, une autre navette en fer 
blanc, une lampe soufflée en argent, un orsau de cuivre souf- 
flé d'argent, un autre orsau de cuivre, quinze chasubles de 
différentes couleurs et garnitures, onze chappes et quatre 
tuniques de couleur, une bannière et un dais fleuri, deux 
bassins de cuivre » *. 

La municipalité de son côté s’empara, le 2 floréal an IT, du 
linge d'église, qui consistait en « 35 amis, 74 purificatoires, 
3 nappes, 17 corporaux, 16 palles, 14 lavabos, 63 tours d'é- 
tole, 2 rochets, 16 cordons, 17 étoles, 18 chasubles, 14 chappes, 
4 tuniques, la garniture du dais, les manipules et voiles, 13 ri- 
deaux. la garniture du lutrin, le drap mortuaire, 12 aubes. » 


{ Reg. des déib. de la municipalité de Souancé. 


3 Registre des délibérations de la municipalité de Souancé. 

Toutes les éslises étaient loin d'être aussi riches, comme on peut en juger par 
l'extrait de la veute de l'église de Coutretot, du 26 pluviôse an VIT, et consis- 
tant en : quatre bancelles, quatre augets, un comptoir de sacristie, une armoire. 
un prie-Dieu, deux chandeliers de bois, un porte-cicrge, le tout adjugé pour 
huit livres quatre-vingt-dix sols, 

3 Reg. des délibérations de la municipalité de Souancé — Feuille intercalée. 














— 353 — 

Lorsque la terreur fut passée, les esprits changèrent subite- 
ment, et la nouvelle municipalité chercha à réparer les injus- 
tices et les pillages faits pendant les années précédentes. « Le 
43 thermidor an IIL, le citoyen Pierre-Guillaume Anctin, ci- 
devant curé de cette commune, exposa, que le système de ter- 
reur qui avait existé dans l’an Il, sous la tyrannie de Robes- 
pierre et particulièrement envers les citoyens revêtus du 
caractère ecclésiastique, l’avait engagé pour mettre sa per- 
sonne à couvert des poursuites faites contre certains ecclésias- 
tiques, de déposer, le 25 nivôse an II, ses lettres de prêtrise; 
que les dites lettres lui étaient actuellement nécessaires, se 
proposant de desservir le culte catholique ; qu’en conséquence 
il requérait que les dites lettres lui fussent remises ». Le 13 
vendémiaire an IV, après « avoir juré obéissance aux lois de 
la république, et reconnu l’universalité des citoyens français 
comme le souverain » :, il reprit possession de l’église « com- 
me étant l’enceinte choisie pour l’exercice du culte catholique, 
par les habitants de la commune. » 


“HI 


MONTDOUCET. 


ÉTYMOLOGIE — CHATEAU — CHAPELLE — VENTES — 
CHATELLENIE, 


4 


A quelle époque le château primitif de Montdoucet fut-1l 
construit ? La date serait difficile à fixer; mais il est certain 
qu’au milieu du XI: siècle il y avait une habitation. Geoffroy II 
fit en effet construire le château de Nogent, terminé vers 1030. 
Or Bart des Boulais nous apprend qu’à son achèvement, les 
sires de Brunelles, de Montdoucet, de la Chaise et de Saint- 
Victor-de-Buthon furent chargés par Geoffroy dont ils étaient 
les vassaux, de veiller, en temps de guerre, à la défense des 
quatre grosses tours qui flanquaient le château. En 1613, épo- 
que à laquelle écrivait cet historien, la tour de Montdoucet 
était un petit château situé à droite en entrant dans la cour, 
et renfermait une chapelle fondée par les seigneurs dont cette 
tour portait le nom *. 


1 Recueil des antiquités du Perche par Bart des Boulais. 
T. X. M. 25 


— 354 — 


Le château de Montdoucet est appelé ainsi du lieu même 
qu’il occupe : Mons-Dulcis (petit mont), écrit successivement : 
Monsdulcet vers 1180 ; Mondouxet en 1510: Mondoulcet en 
1558 ; Montdousset en 1643; Mons Dulcis en 1626 *. 

Son altitude est de 200 mètres environ au-dessus du niveau 
de la mer, et domine Souancé de 84 mètres. Quant à sa forme, 
les indications sont vagues, d'autant qu'il n’existe aucun des- 
sin, aucun croquis antérieurs au siècle dernier. Les quelques 
débris de murs anciens, qui ont été découverts et relevés soi- 
gneusement, permettent d'assurer d’une façon à peu près cer- 
taine, que la forme primitive était une tour irrégulière. Jus- 
qu'à la fin du XVITe siècle, il était entouré de fossés. Une 
chapelle, dépendant du château, était construite en dehors de 
l'enceinte limitée par les fossés. Un chapelain exempt de tailles, 
comme le prouve un acte du 27 novembre 1706 ?, y était 
attaché, et jouissait pour son entretien de certains biens 
affectés spécialement à cet usage et relevant en fief de la 
Roustière *. Au milieu du XVIT: siècle, le chapelain fut sup- 
primé par l’évêque de Chartres, et par suite la chapelle fut 
délaissée. Lorsque, au moment de la Révolution, les délégués 
de la municipalité de Souancé vinrent à Montdoucet, ils la 
trouvèrent détruite et transformée en grenier *. Dans la suite, 
le château changea lui-même d’aspect : les fossés furent com- 
. blés, l’avant-cour fut supprimée ; le parc dessiné autrefois à la 
française fut mis en jardin anglais. 

« Le 15 avril 1615, Balthasar Le Breton, chevalier, sieur de 
Villandry et du Colombier, au pays de Touraine, gentilhom- 
me ordinaire de la chambre du roi, vendit par devant Antoine 
de Moroussel et Jacques de Saint-Vaast, notaires au châtelet de 
Paris, à messire Lancelot de Barat, chevalier, seigneur de 
Brunelles, les terre, seigneurie, et châtellenie de Montdoucet, 
Souancé, les Hayes, moyennant la somme de quarante etun 
mille francs pour le vendeur, la somme de trois cents livres 
tournois pour le vin du marché, de laquelle somme, vingt 
mille huit cents francs ont été payés comptant, et le reste 
devant être payé en un an... » 


1 Dictionnaire topographique du dép. d'Eure-et-Loir. 

2 Papiers de Montdoucet. 

3 Papiers de Montdoucet. 

4 La chapelle de Montdoucet était dédiée à sant Nicolas. 





— 355 — 

Cette terre ne resta pas longtemps dans la famille des sei- 
gneurs de Brunelles : François-René de Barat, chevalier, sei- 
gneur de Brunelles, Montdoucet, la Bussonnièreet autres lieux, 
gouverneur pour le roi de la ville et château de Beaumont-le- 
Vicomte, et Louise de Fontenay, son épouse, échangérent avec 
messire Claude Seguin, conseiller ordinaire du roi en ses 
conseils, et premier médecin de la reine, Montdoucet, Souancé, 
les Hayes, contre la terre et seigneurie de Champrond, et 
trente-cinq mille livres. Par ce même contrat daté du 21 
décembre 1659, le seigneur de Brunelles comprit les métairies 
des Pies en Coudray et des Touches en Souancé qu’il avait 


CHATEAU DE MONTDOUCET 


achetées à messire Hubert, curé de Trizav, le 15 mai et le 27 
juin 1615 et qu'il remit à Louis-Anne de Bresseau, marquis de 
Montfort, procureur de M. Seguin. Le 9 août 1668, ce dernier 
obtint des lettres de terrier pour Souancé, Montdoucet. les 
Haves. et les fit enregistrer à Chartres. 

Le 12 décembre 1754, « un arrèt du parlement ordonna à 
la requête du marquis de Murat, la vente et adjudication au 
plus offrant des biens dépendant de la succession de messire 
Louis Seguin, président en la chambre des comptes, c'est-à- 
dire la terre, seigneurie et châtellenie de Montdoucet, compre- 
nant la terre, seigneurie et châtellenie de Montdoucet, ayant 
haute moyenne et basse justice avec tous les droits apparte- 


— 9356 — 
nant au châtelain pour les fiefs, arrière-fiefs de ladite châtelle- 
nie, droit de tabellionage, de banalité de moulin, de contrôle 
des chemins, épaves, forfaitures, confiscation, avec droits de 
franchise pour tous les hommes et sujets dudit Montdoucet, 
droit de patronage de la chapelle, qui est audevant du château 
et dont sera ci-après parlé, consistant en outre la dite terre et 
seigneurie, dans le château de Montdoucet, consistant dans 
une grande place, servant d'avant-cour, non fermée, dans le 
haut de laquelle, à gauche, est le bâtiment des écuries et 
remises, couvert d’ardoises, en comble à la mansarde, en 
pavillon à égout, chambre dans la mansarde au-dessus, esca- 
lier de charpente pour y monter, et, à gauche, au devant 
dudit château est la chapelle couverte en tuiles ; ledit château, 
entouré de fossés, bâti entre cour et jardin, composé de rez- 
de-chaussée élevé de six marches, un étage et grenier au- 
dessus, couvert de tuiles, à deux égouts, logement souterrain, 
distribué en cuisines, caves, et autres bâtiments en aile, cou- 
verts de tuiles, en mansarde, autres bâtiments, aisances, cir- 
constances, jardin potager fermé de murs, parc, charmilles, 
ledit parc contenantenviron quatre-vingt-dix toises,.… [a ferme 
de Montdoucet,.… le bois des Rouleaux, paroisse de Beau- 
mont-le-Chartif,. l'étang de Cheneguay, paroisse d’Argen- 
villiers,.… le moulin de Guignard, moulin banal de Mont- 
doucet,.… la terre, seigneurie, châtellenie de Souancé, ayant 
haute, moyenne et basse justice, la métairie des Touches... 
la métairie de la Haie, le quart du tondé de Nogent-le-Rotrou, 
consistant dans le droit de lever sur les boulangers de Nogent, 
"à raison de 30 sols, pour le tout, sur chaque boulanger, dont 
il appartient seulement le quart à la dite succession, le fief 
de Melleray ‘,... la haute justice des Hayes *,...-le moulin de 


1 Le fief du Melleray consistait en 15 sols, 7 deniers de cens en deux par- 
ties; 2 livres, 18 sols, 6 deniers de cens et rentes en quatre parties : 9 livres, 
17 sols, 6 deniers de rente seigneuriale en 6 parties et en #4 chapons en deux 
parties. 

2 Seize fiefs étaient attachés à la haute justice des Hayes : 

Courcelles, La Grande Gaufferie, Moulin Grandin, Mont- 
graham, paroisse de Coudray; Chainville, paroisse de Trizay ; 
Le Chaiïllou, Le Grand-Mauperthuis, Le Grand-Aunay, Le fief 
Mauperthuis, La Guinardière, Montroussin, Huit arpents de pré, 
Les Pics, La Ravalière, La Paizotière , Le Petit-Aunay, paroisse 
de Coudray. 


— 391 — 

la Soorie,.… la terre et seigneurie de la Rosaye..… la terre et 
seigneurie de la Chaise, ayant droit de haute, moyenne et 
basse justice ‘... la Paillère,.… le grand Benissié,.… le fief et 
métairie de la petite Leu? le fief de Fallourde,.… le petit 
Benissié,.… Peraut,.., les Champs... le moulin de Boisard,.… 
la maison du Marga à Souancé,.. et quinze livres de rente à 
prendre sur le pré Pissot. 

» À charge de payer par l’adjudicataire des Touches et du 
pré du Bout de la ville, 40 sols de rente et six poussins, à 


‘ Vingt fiefs relevaient de la haute justice de la Chaise, qui relevait elle- 
même du comté de Nogent : 

La Chevalerie, Le Boulay-aux-Brettes, paroisse de Souancé; 
Le Boulay, paroisse des Etilleux; L’Etang ou les Boulays, Le 
Chaïlloy, La Marotière, Outreçon-du-Collège, Outreçon-du-Cha- 
pitre-de-Saint-Jean, Le Chailloy-Bordel, paroisse de Souancé ; La 
Viandière, paroisse de Berdhuis ; Les Braudières, Les Petites- 
Ormoyes, Jambain, La Hérissière, Le Pansier, La Mononnière, 
La Petite Hérissière, L'Ouche, Les Petites-Haies, La Galaisière, 
paroisse de Souancé. 

La Galaisière, aujourd’hui château, fut construit au XVIIe siècle par Lows 
Aubin , huissier du cabinet de la duchesse d'Orléans, et Renée Blanchard, son 
épouse. Îl passa dans la famille Catinat, et, à la mort de Pierre Catinat, frère 
du maréchal, dans celle de Mauduison, qui en hérita, à cause du mariage de 
Louise Aubin avec François de Mauduison, seigneur d'Oursières, conseiller, 
secrétaire du roi, maison et couronne de France et ses finances. Marie-Gabrielle 
de Mauduison, fille de Philibert de Mauduison et de Marie-Gabrielle Esnault 
d’Asseline, apporta la Galaisière à François de Carpentin, chevalier, qu’elle 
épousa le 18 août 1723. Cette terre est possédée aujourd'hui par M. Henri 
on par suite du mariage d'Achille-Gabriel Fergon, son père, avec Hilarie 
de Carpentin de la Galaisière. 

Sept fermes ou pièces de terre relevaient à cens et rente de la haute justice 
de la Chaise. 


La Petite Chaise. S. Laurent de Nog. | 12 deniers. 
Champ de la Petite Chaise. — — 

Le Château. Souancé. — 

Le Grand Ormoye. — 5 sols. 

Un lot de terre près de S. Jean. Nogent. 2 deniers. 
‘Une Maison à Nogent. — 12 deniers. 
Ch. des Aulnes à la Chevalerie. Souancé. 2 deniers. 


? Quatre fermes ou pièces de terre diverses, relevaient à cens et rente de la 
seigneurie de la Leu, qui relevait elle-même de la Roustière. 


Chemin des Tuadet. Souancé. | 4 den. » 
La Petite Hérissière. Vichères [5 sols. » 
Pré des Durais. Coutretot | 1 den. » 


La Vove. Vichères | 20 sols. | 2 minots d'avoine. 


— 358 — 

l’abbaye des Clairets, le jour de Saint Denys, ladite rente à 
prendre sur la pièce des petites Ouches, le pré sec et le pré du 
Bout de la ville ; de payer par l’adjudicataire de Peraut, quatre 
pintes de vin, le jour de Pâques, à l'église de Souancé, une 
livre de rente foncière à l'église de Souancé, à la Chandeleur, 
pour une place d’un banc dans la nef; 2 livres 15 sols et deux 
poules de rente foncière envers le Chapitre de Saint-Jean de 
Nogent; à payer par l’adjudicataire de la Paillère, 11 livres 
2 sols 4 deniers envers la charité des pauvres malades de 
Nogent et 3 livres 15 sols au sieur Filastre » ‘. 

L'adjudication de ces biens fut faite au parlement de Paris. 
en faveur de M. Pierre-Claude Guillier, écuyer, seigneur de la 
Bourdinière et de la Prouterie, pour la somme de deux cent 
cinquante mille livres, le 15 avril 1758. | 

Le seigneurie et châtellenie de Montdoucet relevait du 
comté de Nogent. Le siège de sa justicè était à Nogent, dans 
une maison, rue Gloriette, sur la paroisse de Saint-Hilaire. En 
1756, la haute justice de Montdoucet fut réunie au bailliage de 
Souancé ?. 


Trente-six fiefs dépendaient dela châtellenie de Montdoucet* : 


La Panse, La Petite-Toraillère, La Fournerie, La Troche, La 
métairie Pessart, paroisse de Beaumont-le-Chartif; Gueneau., 
paroisse de Trizay; La Grande-Borde, paroisse de Souancé : 
Poupet, Les Touches, paroisse de Trizay: La Grande- 
Roustière, paroisse de Souancé, Trizay, Saint-Jean-Pierre- 
Fixte; Le Grand-Aunay, paroisse de Nogent; Le Mesnil, La 
Forèt-Vannoise, paroisse de Dancé; La Petite-Roustière, 
paroïsse de Souancé, Trizay, Saint-Jean-Picrre-Fixte ; Les Gra- 
viers, paroisse de Dancé; Les Humetières, paroisse de Vichères ; 
La Bourdinière-d'Amerel, paroisse de Nogent ; La Fosse, paroiïisse 
de Trizay ; La Mancelière, La Lauberdière, paroisse de Cham- 
prond-au-Perche ; La Croix, paroisse de Vichères ; Montgraham, 
paroïsse de Souancé; Le Petit-Aunay, paroisse de Nogent; 
Villeperdu, paroisse d’'Argenvilliers; La Botagne, paroisse de 
Dancé; Binvilliers, Fontaine-Blanche, paroisse de Vichères; 
La Menautrie, paroisse de Cherreau; La Jussetière, Les Four- 
cheries, paroisse de Nogent; Boisard, paroisse des Étilleux ; 


{ Papiers de Montdoucet. 
? Arch. d'Eure-et-Loir, B. 3103: 
3 Papiers de Montdoucet. 





— 399 — 
Boïisard, Tour d'Ardenay, paroisse de Saint-Jean-Pierre-Fixte ; 
Prainville, La Panse, paroisse d'Argenvilliers. Le quart du tondé 
sur les boulangers de Nogent. 


En 1789, disparut la châtellenie de Montdoucet, et par suite, 
après avoir signalé les nombreuses réquisitions et visites 
domiciliaires faites pendant la Terreur à Montdoucet, ces quel- 
ques notes locales prennent fin à cette époque de transition 
entre le passé et le présent. 


CELLIER DU XII SIÈCLE 


DE 


L'ANCIEN HOTEL DES SEIGNEURS DE TACHAINVILLE 


En démolissant une partie des bâtiments qui appartiennent 
aux dames de la Sainte-Famille, à l’angle de la rue Saint- 
Pierre et de la rue des Juifs, on a découvert ces jours derniers 
une importante construction du XIIIe siècle, qui à peine mise 
au jour a presque aussitôt disparu sous la pioche des ouvriers. 
C'était une vaste salle rectangulaire, voûtée sur croisées d'o- 
gives, mesurant 12 mètres de longueur sur 6 de largeur et 
5 de hauteur. Les nervures de la voûte étaient supportées par 
douze colonnes à chapiteaux non sculptés pour la plupart. Dix 
de ces colonnes étaient à demi engagées dans les murs latéraux: 
les deux autres, cylindriques et monolithes, s’élevaient dans 
l'axe de la salle qu’elles divisaient en deux nefs de même gran- 
deur. Chacune de ces nefs était autrefois éclairée par une haute 
fenêtre à meneaux, ouvrant sur la vallée de l’Eure du côté de 
l'orient. À l’autre extrémité, le long de la rue Saint-Pierre, la 
pente de la colline, qui est rapide en cet endroit, avait obligé 
de pratiquer au lieu de fenêtres de simples soupiraux, dont 
l’orifice, placé à 50 centimètres en dessous du sol actuel de la 
rue, a montré que le niveau de celle-ci s’est sensiblement 
exhaussé depuis le XIIIe siècle. Dans le principe, un sul 
escalier donnait accès à cette salle basse : il était situé dans 
l’angle nord-est, près de l'une des fenêtres dont je viens de 
parler. Plus tard, vers le milieu du XIV: siècle, on en ajouta 
un second à l’angle opposé : bâti sur une double voûte ram- 
pante, il permettait de descendre directement de la rue Saint- 
Pierre dans le caveau. 





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— 361 — 

Lorsque la maison moderne, qui couvrait cette salle, a été 
abattue, et que tout d'un coup sont apparues des voûtes 
élancées et d'élégantes colonnes, dont l’architecture rappelait 
la plus belle époque du Moyen-Age, bien des personnes ont pu 
croire se trouver en présence des restes enfouis d’une ancienne 
chapelle gothique. Mais cette hypothèse est inadmissible. Le 
plan même du monument, les soupiraux qui sont de la cons- 
truction primitive, la place occupée par les escaliers, la forme 
des fenêtres, l’obscurité relative qui devait régner en ce lieu, 
l'absence de sculptures aux chapiteaux et aux clefs de voûte, 
tout se réunit pour prouver que ce n'est point là un édifice 
religieux, mais un bâtiment d’ordre purement civil. À ce pro- 
pos, il me revient à la mémoire ce passage d'un discours qui 
fut prononcé, il y a peu d'années, lors de l’inauguration de 
caves ou celliers du XIITe siècle qu’on venait de restaurer à 
l'abbaye de Neauphle-le-Vieux. « Tout cela est si beau qu’on 
» ne peut croire d’abord qu’un pareil bijou ait pu avoir été 
» fait pour autre chose que pour honorer le Dieu tout-puissant, 
» et qu’on est tenté de se signer comme on se signe en entrant 
» dans une église. Mais non, ce lieu n'a jamais été consacré 
» par la religion, il servait aux usages les plus profanes, je 
» dirais presque les plus vulgaires. Jamais ces voûtes n’ont 
» retenti de cantiques pieux; souvent peut-être, au contraire, 
» elles ont entendu d’abominables jurons ; £ar c'était ici que 
» les tenanciers venaient vider les sacs de blé qu'ils devaient 
» pour leurs fermes ; c'était là, à côté, qu’ils roulaient les ton- 
» neaux de vin, produits de la vendange de leurs vignes !. » 
Ces paroles pourraient s'appliquer au cellier de la rue Saint- 
Pierre, d'autant mieux qu'il est à peu près identique par sa 
forme et ses dimensions à celui de l’abbaye de Neauphle, et 
qu'il a certainement eu de tout temps la même destination *. 

On s'étonnera peut-être de me voir donner le nom de cellier 


1 Discours de M. L. Merlet, dans les Mémoires de la Société Archéolo- 
gique de Rambouillet, t. VIIT, p. 63. 


3 Le cellier de Neauphle-le-Vieux, dont l'architecture appartient au 
XIIIe siècle, est comme celui de la rue Saint-Pierre, divisé en deux nefs de trois 
travées. Les voûtes portent également sur deux colonnes isolées placées dans 
l'axe et sur dix piliers engagés dans les murs : elles sont soutenues par des arcs 
Ogives et doubleaux avec clefs de voûte non sculptées. Le profil des nervures 
est le même qu'à Chartres. : 


— 362 — 
à une construction aussi somptueuse. Mais, sans sortir de la 
ville de Chartres, on peut citer un certain nombre d'édi- 
fices analogues, plus ou moins vastes et décorés, mais 
ayant tous le même plan et la même disposition intérieure et 
témoignant en quelque sorte d’une telle origine. 

Le plus considérable et le plus beau de ces édifices est sans 
contredit celui qui est situé près de la cathédrale et que les 
Chartrains connaissent encore sous le nom de Caves de Loëns. 
On y descend par un escalier de quarante-et-un degrés, au 
milieu duquel est une porte à arc brisé et au tympan orné 
d'un trilobe. Lorsqu'on pénètre dans cette salle souterraine, 
on est saisi d’admiration à la vue de ces longues rangées de 
colonnes du style gothique le plus pur, au-dessus desquelles 
s’élance une voûte d’une grande hardiesse. Le jour n'arrive 
en ce lieu que par quatorze soupiraux, assez semblables à 
ceux de la rue Saint-Pierre. La salle elle-même est très vaste!, 
et est divisée en trois nefs de même grandeur par douze piliers 
isolés, distribués six par six de chaque côté de la nef centrale. 
Il en a été de ce monument comme de ceux qui lui sont si- 
milaires. Quelques archéologues ont cru bien à tort qu'il avait 
dù originairement servir au culte ?. Mais cela est en contra- 
diction absolue avec un texte dont on ne saurait méconnaitre 
l'autorité, car il a été écrit quelques années seulement après 
l'érection de ce bâtiment, je veux parler du Polyptique, rédigé 
en l’année 1300 par les soins du Chapitre de Chartres. On y 
voit que dès le principe cette pièce immense était un cellier. 
« Le Chapitre, y est-il dit, possède près du cloître un trés 
»y beau local que l'on nomme Loëns. Là est un riche cellier, 
» construit tout en pierres, avec une multitude de grandes 
» tonnes où l’on avait coutume de mettre le vin de toutes les 
» vignes du Chapitre pour être distribué chaque jour aux cha- 
» noines demeurant à Chartres *. » 


| Elle mesure 45 mètres de longueur sur 20 de largeur. 
3 Cf. note de M. Lejeune dans l'Histoire de Chartres par M. de Lépinois, 


t. [,p. 565. 

3 Prope claustrum habet Capitulum quoddam atrium herrimum quod 
vocatur Loenium. Et ibidem est pulcherrimum cellarium lapideum cum mul- 
lis pulcherrimis tonnis, in quibus solebat reponere vinum omnium vinearum 
Capituli, quod cotidie distribuebatur canonicis residentibus Carnoti {Cartu- 
laire de N.-D. de Chartres, 11, 405). 





363 — 

Ce passage du Polyptique indique clairement que ce n’était 
point pour les besoins du culte que les chanoines avaient édifié 
cette crypte dont la structure grandiose frappe d’étonnement. 

On voit encore non loin de Chartres, à Epernon, un monu- 
ment du même genre, appelé aujourd'hui les Pressoirs, et qui 
dans les chartes du Moven-Age porte le nom de Cellier de 
Haute-Bruyère. Il appartenait avant la Révolution aux reli- 
gieuses de Haute-Bruvyère, qui possédaient de nombreuses 
vignes dans les environs d’Epernon, et en particulier sur le 
plateau de la Diane. Ce cellier, bâti au XIITe siècle en pierres 
de grès du pays, est, comme celui de Loëns, divisé en trois 
nefs, dont les voûtes sont également supportées par deux ran- 
gées de piliers, disposés six par six et couronnés par des cha- 
piteaux sur les tailloirs desquels retombent de part et d’autre 
les arcs ogives et doubleaux ‘. Seules les dimensions sont 
différentes. Le cellier de Haute-Bruyère ne mesure guère que 
32 mètres de longueur sur 13 de largeur, et les voûtes sont 
moitié moins hautes qu’à Loëns. Mais l’importance de la cons- 
truction a toujours été en rapport directe avec les revenus du 
constructeur. Au XIIIe siècle, en notre pays, aucune commu- 
nauté religieuse, aucun seigneur ne jouissait de revenus aussi 
considérables que le Chapitre de Chartres, et il n’est pas sur- 
prenant que les celliers de petites abbayes ou ceux de simples 
particuliers fussent bâtis avec moins de splendeur que les 
caves de Loëns. 

Je viens de parler des celliers de simples particuliers. Il y 
aurait. Je crois, une intéressante étude à faire sur cette partie 
de l’habitation civile au Moyen-Age ?. Personne à ma con- 


‘ Sur ce bâtiment, voir pour plus de détails les Mémoires de la Societe 
archeologique de Rambouillet, t. VIII, p. 76 et 77. 


? Le sous-sol d’un grand nombre de nos vieilles villes est pour ainsi dire 
sillonné par des caves plus où moins spacieuses qui datent souvent de temps 
trés reculés. A Chartres même, presque toutes les maisons avoisinant la cathé- 
drale sont construites sur des caves voütées dont quelques-unes sont dignes d’in- 
térêt. On en remarque une, dans une ancienne habitation de la rue du Cvgne, 
qui rappelle par son architecture le cellier de la rue Saint-Pierre (Cf. de Lépi- 
nois, Histoire de Chartres, 1, 374). — « On a découvert dans ces derniers 
a temps à Paris, à la suite de travaux de reconstruction, notamment dans le 
» quartier de la Sorbonne, des caves de grande dimension et d’une régularité 
» parfaite. Quelques-unes étaient divisées en plusieurs travées par des piliers 
» supportant des nervures saillantes. Certaines caves étaient même assez larges 
» pour présenter dans leur axe des colonnes isolées sur lesquelles retombaient 


— 364 — 


naissance, pas même Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire de 
PArchitecture, ne s’est occupé de cette question. La salle 
voûtée, récemment découverte dans la rue Saint-Pierre, pour- 
rait fournir des renseignements intéressants sur la façon dont 
étaient disposées au XIIIe siècle les caves des manoirs seigneu- 
riaux ou bourgeois. 

Cela m’amène à dire quelques mots de l’hôtel dont dépendait 
le cellier de la rue Saint-Pierre. Dans aucune histoire locale il 
n’en est fait mention. C’était, comme bien d’autres maisons de 
notre ville, une demeure dont on n'aurait jamais songé à 
parler, si le hasard n'avait révélé son ancienne importance. 
Les titres de propriété nous apprennent qu’au commencement 
du XVIIe siècle, cette maison appartenait par indivis à Mar- 
guerite du Breuil de Théon, veuve d’Aloph Rouault, marquis 
de Thiembronne, et à Claude Rouault, comtesse de Matha, sa 
belle-fille. Ces deux dames possédaient alors, chacune pour 
moitié, le fief de Tachainville, dont dépendait l'hôtel de la rue 
Saint-Pierre. Dans un acte du 25 janvier 1638, il est dit que 
cet hôtel s’appelait anciennement Hôtel de Mouchy ‘. Con- 
naissant ce surnom, j'ai pu retrouver antérieurement au 
XVIIe siècle une trace que les titres de propriété ne permet- 
taient pas de suivre plus loin. Dans un registre des déclara- 
tions faites en la chambre de ville par les habitants de Chartres 
en 1553 pour les maisons dont ils étaient détenteurs, l’hôtel de 
Mouchy est désigné en ces termes : « Un manoir, consistant 
» en quatre corps de maison et jardin, appartenant à Jehan de 
» Maricourt, seigneur de Mouchy, rue Saint-Père, tenant d'une 
» part à la maison de Philippe Petit, d'un bout à la rue aux 
» Juifs et d'autre part à Jehan Gallais *. » Telle est l’origine 
du nom d’Hôtel de Mouchy. C'était au XVIe siècle la demeure 
de la famille des Maricourt, barons de Mouchy-le-Châtel en 


» les voûtes, telles sont encore celles du Palais de la cité, qui est aujourd'hui 
» le Palais de Justice. » — Il existe également à Neauphle-le-Vieux sous w 
certain nombre de maisons des caves voülées analogues à celles de l’abbaye. 
Un hôtel, qui en l’année 1340 ul à Pierre de Vitry, bourgeois de 
Paris, en possède de fort belles (Mémoires de la Société archéologique de 
Rambouillet, VILL, 63). De mème à Epernon dans une maison de la rue Drouet 
on voil encore une grande cave, dont la disposition est semblable à celle du 
cellier de Haute-Bruyère. 


! Titre de propriété de la Sainte-Famille. 
2 Archives d’Eure-et-Loir, G. 227. 





— 365 — | 
Beauvaisis et seigneurs de Tachainville près de Chartres. 
Ainsi le manoir de la rue Saint-Pierre était intimement lié au 
fief de Tachainville, dont il a suivi jusqu’en 1638 toutes les 
vicissitudes. 

Retracer l’histoire des seigneurs de ce fief, c’est donc en 
même temps faire connaître la série des différents propriétaires 
de l’Hôtel de Mouchy. 

Tachainville, situé à six kilomètres au sud de Chartres, 
dans la commune de Thivars. était autrefois l’un des domaines 
les plus importants de la région. De toute ancienneté il rele- 
vait directement de l’évêque de Chartres, et, dès le commen- 
cement du XIIe siècle, les noms de ses possesseurs nous sont 
connus. Girard de Tachainville apparaît dans un grand nombre 
de chartes depuis l’année 1193 jusqu’en 1168'. Un de ses des- 
cendants, Albert, prit part à la croisade de 1202 *. A cette 
époque les seigneurs de Tachainville occupaient un très haut 
rang parmi la noblesse chartraine. Ils étaient alliés à la fa- 
mille de Ferrières et à celle de Meslay. L’un d'entre eux, 
Robert de Tachainville, fut même pendant quelque temps, de 
1205 à 1210 environ, chargé de l’administration du vidamé de 
Chartres comme tuteur d’Hélissende de Ferrières *. Ils 
étaient alors tenus en qualité de vassaux de l'évêque à certains 
services féodaux qui nécessitaient fréquemment leur présence 
à Chartres. Parmi leurs obligations, la plus curieuse, sinon la 
plus considérable, était celle d’entretenir la Sainte-Châsse 
conservée dans la cathédrale, objet principal de la vénération 
des Chartrains. 

Le 28 avril 1952, Guillaume de Chartres, écuyer, seigneur 
de Tachainville, fit un compromis avec l’évêque au sujet de 
réparations à faire à la Sainte-Châsse. A cette occasion, il fut 
consigné dans l’acte que les prédécesseurs de Guillaume, de 
temps immémorial, réclamaient le droit de laver et nettoyer 
chaque année en personne le précieux reliquaire le jour du 
samedi saint. En retour de ce service, l’évèque devait leur 
offrir deux plats de poissons, six pains et quatre bouteilles de 
vin. C'était avec ce vin mêlé d’eau que se faisait le lavage, et 


4 Cf. Cartulaires de Thiron, de Josaphat et de Saint-Jean-en-Vallée. 
2 Cf. de Lépinois, Histoire de Chartres, 1, 459. 
3 Bulletins de la Société Dunoise, VIII, 202 et 211. 


— 366 — 
toutes les pierres précieuses qui se détachaient de la châsse, 
pendant qu’on la nettoyait, appartenaient de droit au seigneur 
de Tachainville. Le jour de Pâques, l’évêque donnait encore 
comme récompense à son vassal trois plats de viande, douze 
pains et six bouteilles de vin *. 

Depuis le XIVe siècle jusqu’au XVEe, les Le Drouais et les 
de Fleurigny, successivement sires de Tachainville, revendi- 
quèrent toujours avec un soin jaloux l’honneur d’entretenir la 
Sainte-Châsse : mais il s’éleva plusieurs fois entre eux et le 
Chapitre de Chartres des disputes à ce sujet. Les chanoines 
prétendaient que les prêtres seuls pouvaient toucher à une 
relique aussi vénérable. En 1363, il fut convenu que Pierre Le 
Drouais s'adjoindrait deux dignitaires du Chapitre, lorsqu'il 
accomplirait les devoirs de sa charge : en effet, la veille de 
Pâques de cette même année, le chantre et le sous-doyen lavé- 
rent l’un des côtés de la châsse, et Pierre le Drouais, s'étant 
dépouillé de son haubert et de son épée, s’acquitta d'autre part 
du même office, tandis que deux prêtres versaient l’eau et le 
vin, exigés pour la cérémonie. Le document, que je traduis. 
ajoute même que l'eau et le vin qui découlaient de la Sainte- 
Châsse furent recueillis par le trésorier qui les distribua en- 
suite aux chanoines ?. 

Cette première atteinte portée à un privilège que le clergé 
chartrain regardait alors comme inconvenant. engagea le 
Chapitre dans la voie de nouvelles réclamations. Jeanne de 
Fleurigny, dame de Tachainville, fut forcée, en l'année 1507, 


1 Cf. Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, Il, 222 et Archives d'Eure- 
et-Loir, G. 444. — La redevance de l’évêque varia suivant les époques. Vers 
1315, l'évêque donnait à Jean Le Drouais, seigneur de Tachainville, pour avoir 
lavé la Sainte-Châsse « VI setiers de vin, moitié blanc et moitié vermoill, 
» XII pans blanz du chapistre, trois provendes d’avoine à cheval et 1] mez 
» de poissons » (ms. de la bibliothèque de Chartres, no 1137. p. 104). En 
1410 Pierre Le Drouais ne recevait plus pour le même service qu’un pot de vin 
blanc et un pot de vin vermeil (Mémoires de la Sociète archéologique d'Eure- 
el-Loir, Il, 253). 


? Dominus Petrus Le Drouais, tenens tres quipones, tradidit duos de pre- 
dictis cantori el subdecano, et fuit lavata dicta sancta capsa per dictos do- 
minos cantorem et subdecanum ex una parte et dictum dominum Petrum ex 
allera, amotis capurio el ense, per ipsum, et fuderunt vinum et aquam 4e. de 
Sancta-Mariu et G. de Madico, canonici Carnotenses, quos vinum el aquam 
recepil thesaurarius et distribuit inter dominos canonicos Carnolenses ct 
alios, prout antiquitus extitit fieri consuetum (L. Merlet; Catalogue des re- 
liques et joyaux de N.-D. de Chartres, p. 82, n. 3). 





— 367 — 

de porter plainte contre les chanoines qui lui déniaient le 
droit de lever, nettoyer et laver la Sainte-Châsse‘. Cet antique 
usage ne devait pas tarder à disparaitre complètement. Jeanne 
de Fleurigny mourut en 1516 sans laisser d’héritier direct : 
elle légua son fief de Tachainville à son cousin issu de germain, 
Jean de Maricourt, baron de Mouchy-le-Châtel ?. Ce seigneur, 
qui appartenait par son origine à une puissante famille du 
Beauvaisis 3, semble avoir peu séjourné en notre pays et ses 
descendants renoncèrent au privilège que leurs prédécesseurs 
avaient défendu avecardeur. D'ailleurs les barons de Mouchy ces- 
sérent même devenir habiter à Chartres. En 1553, l’hôtel de la rue 
Saint-Pierre était loué par Jean de Maricourt à Antoine Bouard, 
procureur en cour laye ‘. À la fin du XVIe siècle, de nou- 
veaux locataires étaient installés dans cet immeuble. C’étaient 
les juges consulaires qui venaient de quitter la maison de la 
reine Berthe, où ils s'étaient d’abord établis en 1575, lorsque 
leur tribunal avait été constitué par le roi, mais où ils ne 
tardèrent pas à se trouver trop à l’étroit. 

Quelques années plus tard, le domaine de Tachainville et 
l’hôtel de Mouchy passèrent par mariage à la famille Rouault 
de Thiembronne ‘. Les membres de cette famille, riches 


{ Archives d'Eure-et-Loir, G. 444. 


? Le 30 octobre 1517, Jean de Maricourt, baron de Mouchy-le-Châtel, 
. Seigneur de Rolleboise et Maricourt, Tachainville et Bussay, prête foi et hom- 
mage à l’évêque de Chartres pour les seigneuries de Bussay et de Tachainville, 
dont il venait d’hériter à la mort de Jeanne de Fleurigny, sa cousine issue de 
germain (Archives d'Eure-et-Loir, E. 2062). 


3 Mouchy-le-Châtel, Oise, ar. Beauvais, c. Noailles. 
* Archives d’Eure-et-Loir, G. 277. 


5 Mémoires de la Societé Archéologique d'Eure-et-Loir, , 241. 


6 Le 8 décembre 4574, Nicolas Rouault, chevalier, seigneur de Gama-, 


ches, baron de Thiembronne, Hélicourt et Longroy, prête foi et hommage à 
l’évêque de Chartres Fe la seigneurie de Bussav, qu’il avait reçue comme dot 
de sa femme Claude de Maricourt, fille de Jean de Maricourt, baron de Mouchy- 
le-Châtel et seigneur de Tachainville (Archives d’Eure-et-Loir, G, 114). Les 
Rouault n’entrèrent en possession du fief de Tachainville que dans les pre- 
mières années du XVile siècle. Le 14 décembre 1596, René de Maricourt 

parait encore comme seigneur de Tachamville (Archives d’Eure-et-Loir, 
G, 116). Mais, le 14 juillet 1626, on trouve mention d'un accord passé entre 
Aloph Rouauld de Thiembronne et Marguerite du Breuil de Théon, sa femme, 
d’une part, et Claude Rouault, fille dudit Aloph Rouauld et de Claude de 
Chabot, au sujet du partage de la seigneurie de ‘Tachamville (Archives d'Eure- 
et-Loir, E. 2052). 


ce  - 





— 9368 — 
seigneurs de Picardie ‘, délaissèrent encore plus que les de 
Maricourt leurs propriétés du pays chartrain. Le manoir de la 
rue Saint-Pierre finit par tomber en ruines, et, en 1638, les 
nouveaux propriétaires de Tachainville étaient sur le point 
d’avoir à ce sujet un procès avec leur voisin Jean Perrier, qui 
prétendait exiger la réparation des bâtiments contigus aux 
siens ?. Marguerite du Breuil, veuve d’Aloph Rouault, et 
Claude Rouault, sa belle-fille *, se décidèrent, plutôt que de 
restaurer leur hôtel, à le vendre au régisseur qui administrait 
leur seigneurie de Tachainville, Jean Bréant ‘. Les juges 
consulaires durent alors chercher encore une fois un autre 
local pour y exercer leur juridiction : ils se transportérent à 
peu de distance dans l'ancien prieuré de Saint-Vincent, près 
de la Porte-Cendreuse ‘. Jean Bréant en effet résolut d’'ha- 
biter la maison qu’il venait d’acheter. Il y fit faire les répara- 
tions nécessaires et l'on conserve même le procès-verbal de 
visite, dressé par un maïître-maçon. un maitre charpentier et 
un maître couvreur. Dans ce document il est question à plu- 
sieurs reprises des caves de l’hôtel de Tachaïnville. « En la 
» cave basse, est-il dit, est besoing et nécessaire de refaire le 
» hault d’une vouste qui est rompue et y faire une dessante. » 


4 Thiembronne, Pas-de-Calais, ar. Saint-Omer, c. Fauquembergue. 
2 Acte du 25 janvier 1638 (Titre de propriété de la Sainte-Famille). 


3 Claude Rouauit était l’arrière-petite-fille de Jean de Maricourt, seigneur 
de Mouchy-le-Châtel et de Tachainville, par sa grand’mère Claude de Maricourt, 
seconde femme de Nicolas Rouault. Je dois la communication de ce renseigne- 
ment à l’obligeance de M. Gibon. 


4 Ilest spécifié dans l’acte de vente, que les dames de Tachainville se sont 

déterminées à aliéner leur maison de la rue Saint-Pierre, « en considération des 

des réparations à faire à cause des grandes ruines qui y sont survenues. » 

a vente fut consentie au prix de 1200 livres tournois, dont partie devait être 

‘employée à construire un colombier à Tachainville {Acte du 95 janvier 1638. 
Titre de propriété de la Sainte-Famille). 


8 Dans un acte du 18 novembre 1638 on lit : «a une maison anciennement 
» appelée Hostel de Mouchy, où de naguiëères s’exerçoit la justice consulaire. » 
Dans le même acte 1l est fait mention de la salle où était le plaidoyer consulaire 
et de celle qui servait d'auditoirie (Titres de la Sainte-Famille). M. Lecocg, 
dans son article sur les diverses maisons où s’exerça la juridiction consulaire, 
a eu tort d'affirmer que les juges, en quittant la maison de la reine Berthe, 
s’établirent aussitôt dans le prieuré de Saint-Vincent (Mémoires de La Societe 
archéologique d'Eure-et-Loir, 1, 241 et 242). Il est certain que pendant 
quelques années, jusqu'en 1638, les consuls siégèrent en l'hôtel de T'achainvilk, 
rue Saint-Pierre. 





— 369 — 

Cette cave basse était située au-dessous du cellier qu’on vient 
de démolir. On peut y descendre encore par l'escalier qui fut 
construit en 1639. C'est une salle voûtée, qui s'étend sous la 
rue Saint-Pierre, mais qui ne renferme aucun reste d’architec- 
ture digne de fixer l’attention. Notre document ajoute : « Plus, 
» en la cave haulte d’au-dessus, est besoing d'y remettre et 
» reposer des marches en plusieurs endroictz du costé du 
» jardin. ‘ » Il s’agit ici du cellier et de l’escalier qui lui donnait 
accès du côté du levant. Comme on le voit, les réparations à 
faire en cette partie de la maison étaient presque insignifiantes, 
car, de même que toutes les constructions du XIIIe siècle, 
cette salle était bâtie de façon à braver les injures du temps. 

À dater de l’époque où l’hôtel de Tachainville fut aliéné par 
ses anciens possesseurs, on sait exactement en quelles mains 
il passa. Des héritiers de Jean Bréant il fut acquis à la fin du 
XVIIe siècle par la famille de Montaigu, puis en 1758 par celle de 
Brouilhet de la Carrière, qui le conserva jusqu’en 1895. Vendu à 
cette époque au marquis de Toustain de Fontebosc, et en 1835 
à M. Rémy Letartre, ancien notaire, il fut, le 46 juillet 1844, 
acheté par les dames de la Sainte-Famille dont il est encore 
aujourd’hui la propriété ?. 

En résumé, la salle voûtée, que l’on a récemment mise au 
jour dans la rue Saint-Pierre, servit dès l’origine de cellier à 
un hôtel qui fut construit en cet endroit dans la première 
moitié du XIIIe siècle. Il est très probable que cet hôtel, au- 
jourd’hui totalement détruit, fut alors édifié par les seigneurs 
de Tachaimnwville, et, d’après le style architectural du cellier qui 
subsistait naguère encore, on peut avec quelque vraisemblance 
supposer que ce fut Robert de Tachainville, vidame de Chartres 
de 1205 à 1210 environ, qui fit les frais de cette belle demeure. 
Les services féodaux quelessires de Tachainville étaient tenusde 
remplir vis-à-vis de l’évêque et aussi certains droits de cens et de 
rente qu’ils avaient à toucher sur un grand nombre de maisons 
dans la ville de Chartres, rendent compte de la nécessité où 


— 


Acte du 18 novembre 1638. Titre de propriété de la Sainte-Famille. 
3 Titres de propriété de la Sainte-Famille. 


3 Les maisons de Chartres, qui payaient un droit de cens au seigneur de 
Tachainville, étaient situées rue de la etite-Rivière, rue de la Tannerie et dans 
les alentours de la Porte aux Cornus (Archives d'Eure-et-Loir, G. 277). 


T. X. M. 26 








— 370 — 
ils se trouvaient d’avoir une habitation à l’intérieur de nos 
murs. 

D'autre part il leur fallait un local pour recueillir les grains, 
fruits et redevances de toute nature, que les tenanciers, suivant 
l’usage du terhps, fournissaient à leurs suzerains. La culture 
de la vigne était alors beaucoup plus répandue qu'aujour- 
d’hui dans nos environs, et les seigneurs de Tachainville, à 
l’exemple des riches propriétaires chartrains, possédaient d’im- 
portants vignobles. C'était avec ces diverses productions de 
leurs domaines, que, pendant leurs séjours à Chartres, ils 
pourvoyaient à leur subsistance et à celle des gens de leur 
suite, et l’on peut s'expliquer ainsi la raison d’être du cellier 
qu'ils firent construire sous leur hôtel. Cette salle, sorte de 
sous-sol, avait été préservée de toute humidité grâce au cou- 
rant d’air établi entre les soupiraux et les fenêtres, et elle for- 
mait une pièce, non pas habitable, mais saine néanmoins et 
propre à assurer la conservation du vin et des autres récoltes. 

Je ne puis m'empêcher de dire en terminant qu’il est regret- 
table que’ ce cellier de l'époque gothique, précieux reste de 
l'architecture civile alors florissante dans notre cité, ait si rapi- 
dement disparu pour faire place à un bâtiment beaucoup plus 
utile sans aucun doute, mais nullement intéressant pour des 
archéologues. Il serait fort à souhaiter qu’on se décidât à réédi- 
fier quelque part ce curieux monument, dont notre confrère, 
M. Mouton, a pris soin de faire numéroter toutes les pierres 
et dont la reconstruction ne serait peut-être pas très dispen- 
dieuse. 


René MERLET. 





JEAN - FRANÇOIS COLLETTE DE CHAMSERU 


CHIRURGIEN ET OCULISTE 


ET SA FAMILLE (16..-1822) 


En visitant, lors de sa mise en vente à l’hôtel des Commis- 
saires-priseurs de Paris en 1881, la remarquable collection de 
portraits gravés formée par Soliman Lieutaud !, mon attention 
fut vivement attirée, au cours de mes recherches spéciales à 
Piconographie chartraine?, par un portrait du XVIIIe siècle 
que je rencontrais là pour la première fois et représentant, 
comme l’indiquait l'inscription gravée à sa partie inférieure : 


JEAN-FRANÇoOIS CoOLLETTE DE CHAMSERU 
Chirurgien et Oculiste. | ° 


Deux villages du nom de Champseru existant dans notre dépar- 
tement, l’un sur la route de Chartres à Gallardon, l'autre sur 
celle de Dreux à Brezolles, ma première pensée fut que ce per- 
sonnage pouvait avoir emprunté à l’un d'eux la seconde partie 
de son nom, soit qu’il possédât réellement dans l'un de ces 
villages des droits seigneuriaux, soit qu'il voulût simplement 


4 Les portraits français et étrangers recueillis par ce savant et passionné ico- 
nophile, dont la marque manuscrite ne se lit guère qu’au verso des plus rares ou 
des plus remarquables estampes tant anciennes que modernes, catalogués après 
son décès en deux séries, alimentérent en 1881 deux ventes De qui se 
firent à l’Hôtel-Drouot, la première ( Série Alphabétique , 1295 no*) dn 7 au 
12 février, la seconde ( Série Départementale , etc. 1052 nos) du 4 au 9 mai. 


2 Parmi les pièces intéressant le pays Chartrain que renfermait cette Collec- 
tion, nous signalerons plus particulièrement, outre un grand nombre de portraits 
de divers membres des familles seigneuriales beauceronnes d’Aligre, de Brichan- 
teau, de Bullion, d'Épernon, Fleuriau, de Joyeuse, de Séguier, de Silly, de Sully, 
de Sourches, Talon, etc., ceux de A. Baudrand, Bourdoise, Bouvart, Brissot, 
Busson, Chauveau, Chasles, Clausels, Colardeau, Collette, Denys, Deschamps, 
Desrues et sa femme, Desportes, Duublet, Dunois, Dusaulx, Félibien, Furetière, 
Hotman de Fontenay, Langlois, dit de Chartres, Lescot, D. de Ligny, Loiseleur, 
Isambert, Jumentier, Malebranche, Mallier du Houssay, Marceau, Marquis, 
Monstiers de Mérinville, Neuville de Villeroy, Nicole, Ouin, Pétion, Rotrou, etc. 


— 372 — 


indiquer le lieu de son origine ou de son séjour habituel. Si 
toutefois à aucun de ces titres, que le temps et les circonstan- 
ces ne me permettaient pas de vérifier, ce personnage n’appar- 
tenait pas directement à notre pays, il n’y était pas non plus 
tout à fait étranger, d’après la suite de l'inscription gravée au 
bas de son portrait : 


C. Roussille, son Élève et son Gendre, Chirurgien de S. A.S. 
Mer le Duc d'Orléans, Pensionnaire de la Ville de Chartres, 
Lieutenant de M. le P. Chirurgien du Roy et Oculiste, lui a 
dédié ce Portrait. 1754. 


Désireux d’acquérir ce portrait que les liens de famille 
signalés dans cette inscription rattachaient à notre iconographie 
locale, et ne pouvant, pour diverses raisons, assister à la vaca- 
tion au cours de laquelle il devait être vendu, je pris mes me- 
sures en conséquence : mais par suite d’un malentendu avec 
l'expert chargé de diriger la vente, cette estampe fut adjugée à 
un amateur parisien, M. Perrot. Quelques mois plus tard, 
après avoir vainement cherché chez les marchands d’estampes 
les mieux pourvus de Paris à me procurer un exemplaire de 
ce portrait mentionné au Catalogue du Père Lelong, et dont 
j'avais retrouvé une épreuve au Cabinet des Estampes de la 
Bibliothèque Nationale ‘, je fis auprès de l’heureux possesseur 
de ce portrait, pour qu'il me le cédât, quelques démarches 
qui, grâce à sa bienveillance et à sa courtoisie, furent couron- 
nées de succès. 

Avant d’être entré en possession de ce portrait tant désiré, 
je m'étais livré à quelques recherches pour déterminer d’une 
façon positive les rapports que pouvait avoir avec notre dépar- 
tement le personnage qui y était représenté, et dont jusqu'alors 
je n’avais rencontré le nom dans aucune Biographie générale 
ou locale. 

Les titres concernant la terre de Champseru près Gallardon, 
restée jusqu à la Révolution la propriété du Chapitre de Chartres 
dont elle formait une prébende, ne me fournissant aucuné 


1 Depuis cette époque, nous avons rencontré plusieurs autres exemplaires de 
ce portrait, notamment à la Bibliothèque de Chartres (Fonds Calluet}, à celle 
de l’Académie de Médecine de Paris, chez notre confrère M. le docteur 
Robin-Massé, de Béville-le-Comte, et tout récemment à Chamseru même, chez 
Madame Desrues, la doyenne des habitants de ce petit village. 





— 313 — 


indication, je portai naturellement mes investigations sur 
l'autre village du même nom situé dans la commune d’Allain- 
ville, près Dreux. Là, comme je l’avais présumé, je trouvai 
mentionné comme habitant et même comme seigneur de Cham- 
seru, dans divers actes et notamment dans les anciens registres 
paroissiaux d'Allainville ‘, avec divers membres de sa famille, 
Jean-François Collette, celui-là même dont le portrait avait 
été le point de départ de ces recherches. 

Pendant longtemps je ne possédai sur ce personnage et sa 
famille aucun autre renseignement utile, quand la publication 
du VI° volume de l’Inventaire sommaire des Archives d’Eure- 
et-Loir * par M. Merlet, me mit sur la trace d’une notice iné- 
dite relative à la famille Collette, sortie de la plume du cha- 
noine Brillon, contemporain de Jean-François Collette *. 

Guidé sûrement par les renseignements contenus dans ce 
document, je pus enfin me livrer à de nouvelles recherches 
dont le résultat, grâce aux savants conseils etaux précieuses 
communications de M. Dureau, bibliothécaire de l’Académie 
de Médecine, et de M. de Beaurepaire, archiviste du départe- 
ment de la Seine-Inférieure, ainsi qu’à la collaboration active 
de M. Georges Champagne, de Dreux, me permet aujourd’hui 


‘ Les registres de l'État Civil de la commune d’Allainville ne remontent pas 
au-delà de 1628. Le premier volume, qui présente de nombreuses lacunes, ren- 
ferme les baptèmes de 1628 à 1631, à 1639 à 1640 et de 1674 à 1763, les 
mariages de 1630, de 1639 à 1640 et de 1674 à 1763, les sépultures de 1628 
à 1629, de 1639 à 1640 et de 1674 à 1763. Le deuxième renferme les bap- 
têmes, mariages et sépultures de 1764 à l'an X. Le troisième , que nous avons 
eo consulté, renferme les baptêmes, mariages et sépultures à partir de 

an XI. 


2 Inventaire sommaire des Archives départementales d'Eure-et-Loir, ante- 
rieures à 1790, rédigé par M. L. Merlet, archiviste. Archives ecclésiastiques, 
Série G, tome VI. Chartres, Garmer 1890. 


3 Brillon, Léger-François, clerc du diocèse de Blois, bachelier en théologie de 
la Faculté de Paris, né le ® mars 14681, fut reçu chanoine de la Cathédrale de 
Chartres le 46 novembre 1701 , et décéda chancelier de ce chapitre le 3 décem- 
bre 4739. Quoiqu'il n’ait jamais rien publié, il était fort instruit et de tous les 
chanoines de Chartres, il est peut-être celui qui a laissé le plus de notes et de 
manuscrits intéressants, relatifs pour la plupart à l’histoire du pays Chartrain, 
mais qui malheureusement ont été en partie dispersés. Les Archives départemen- 
tales d'Eure-et Loir et la Bibliothèque communale de Chartres possèdent néan- 
moins aujourd'hui un grand nombre des travaux inédits de l'abbé Brillon que 
M. Roux, bibliophile distingné de Chartres , avait tenté de rassembler et réussi 
à acquérir et qui, après’ sa mort, ont été donnés par sa veuve à ces deux établis- 
sements. 


— 314 — 
de présenter à la Société Archéologique d’Eure-et-Loir, sinon 
une notice aussi complète qu’on pourrait le désirer. du 
moins un travail d'ensemble suffisant pour lui faire connaitre 
une famille intéressant le pays Chartrain non seulement au 
point de vue de son histoire locale, mais plus encore au point 
de vue de son histoire littéraire et scientifique. 


* 
s 


Originaire, selon toute probabilité, du Thimerais, la famille 
Collette, sur laquelle nous ne possédons pas de renseignements 
antérieurs au XVIIe siècle, et que nous trouvons à cette épo- 
que établie dans de modestes conditions sociales, sur la paroisse 
d'Allainville, où plus tard elle posséda le manoir de Chamseru, 
relevant en roture de la Commanderie de la Ville-Dieu!. et 
dont petit à petit, par de successives acquisitions, elle aug- 
menta les dépendances , a donné naissance à plusieurs chirur- 
giens distingués dont le savoir et l’habileté lui assurèrent, au 
cours du XVIIIe siècle, une place toute spéciale parmi les 
familles nobles et bourgeoises des environs de Dreux, avec les- 
quelles elle entretenait d’ailleurs depuis longtemps d'’excel- 
lentes relations de voisinage et même d’amitié. 

Guillaume Collette, que nous voyons en 1628 figurer comme 
parrain dans l'acte de baptème d’un enfant de la paroisse de Lou- 
villiers-en-Drouais, acte dans lequel il prend le titre de sieur de 
la Grève, est le premier membre de la famille que nous connais- 
sions. Attaché en qualité de valet de chambre à la personne de 
Claude de Pilliers ?, seigneur d’Allainville et de la Coudrelle, 


‘ Avant la Révolution, le hameau dela Ville-Dieu en Drugesin, dépendant de la 
paroisse de Laons, dans le doyenné de Brezolles, fut le siège d’une Gommanderie 
de l'ordre de Malte, dont nous ne connaissons qu’un seul titulaire, le Chevalier 
de Nonan qui la possédait en 1759. Dans la chapelle, aujourd'hui convertie en 

ge, on voyait encore, Il yÿ-a quarante ans, épars sur le sol, des tombeaux et 

es pierres tumulaires. La Commanderie de la Ville-Dieu possédait dans la cir- 

conscription de l'évêché de Chartres, outre divers petits fiefs, les seigneuries de 

Champagne ct de Saint-Victor-sur-Avre à la cure desquelles le Commandeur avait 
droit de nomination. 


2 La famille de Pilhers, à laquelle on doit la construction du château d'Allan- 
ville, aujourd’hui converti en ferme, s'établit de très bonne heure aux environs 
de Dreux, où elle posséda les seigneuries de Motelle, de Lacher, d’Allainville,ete., 
et où elle s’allia avec les meilleures familles nobles de la contrée. Ceux de ses 
membres qui possédèrent la terre d’Allainville furent Louis. marié à Philippe de 
Gauville, Charles dont la femme nous est inconnue, puis Claude, marié à Anne 
de Fontaine et à Élisabeth Bigot, et enfin Charles, marié à Elisabeth Payen 














— 315 — 

capitaine de la première compagnie du régiment de Norman- 
die, il habita pendant plus de vingt ans la paroisse d’Allainville, 
d’où sa femme Noëlle Touroude était originaire et où naquirent 
la plupart de leurs enfants. En 1640, il se fit rayer du rôle des 
tailles de cette paroisse et, pour que nul ne pôt prétendre 
l'ignorer, fit annoncer, au prône de la messe paroissiale du 
30 septembre, par le curé d’Allainville, Urbain Bernage, son 
départ pour la paroisse voisine de Boissy-en-Drouais où il s’in- 
stalla définitivement jusqu'à sa mort. En 

De ses nombreux enfants, deux seulement nous sont bien 
connus : l’aîné et le plus jeune. Celui-ci, nommé Louis, né 
vers 1631, porta comme son père le titre de sieur de la Grève. 
Marié à Marguerite Pierre !, il habita toujours la paroisse d’Al- 
lainville où il mourut en 1694, à l’âge de 63 ans, et où il fut in- 
humé le 8 décembre dans l’église paroissiale‘en présence des 
Frères de la Charité de Garancières ?. 

Quant à l’aîné, nommé Henri, il avait déjà, lors du départ de 
son père pour Boissy, fixé sa demeure sur la paroisse d’Allain- 
ville et peut-être même dans le hameau de Chamseru, où ilexer- 
Çait la profession de chirurgien dans laquelle il excella, nous 
dit le chanoine Brillon *, et commença à attirer l’attention du 
public par son habileté et ses succès. Marié vers 1627 à Anne 
Jehain, il mourut en 1682 à Chamseru , âgé de 70 ans environ, 
et fut inhumé le 28 mars dans l’église d’Allainville par le curé 
Sébastien Masson, en présence de Charles Collette, son fils, et 
de Louis Collette, son frère, qui tous deux à cette époque habi- 
taient auprès de lui‘. Outre son fils Charles et un autre gar- 


dont il n'eut qu'une fille, Elisabeth, qui par son mariage porta cette seigneurie 
dans la famille d'Amfreville. Pilliers porte d'or au chevron d'azur. 


‘ Le 25 juillet 1694, Marguerite Pierre fut inhumée dans l’église d'Allainville 
par N. Pierre, prêtre habitué à Dreux. 


2? Les Confréries de Charité, associations religieuses fondées pour assurer au 
service des inhumations une pieuse assistance, ont bientôt presque toutes disparu 
des environs de Dreux, où avant la Révolution elles furent trés nombreuses. Dans 
mon enfance, j'ai vu pourtant encore dans quelques paroisses de cette région 
des Frères de Charité assister en corps et revêtus d'un costume spécial, à de nom- 
breux enterrements. 


3 Biographie de la famille Collette de Champseru. Manuscrit des Archives 
départementales d'Eure-et-Loir, série G. liasse 351. 


* Dans une planche spéciale où se trouvent réunies un certain nombre de si- 
gnatures qui nous ont paru présenter quelque intérêt, nous reproduisons l'unique 
Signature d'Henry Collette que nous avons pu trouver dañs les registres d’Allain- 


0 
— 376 — 

çon nommé Guillaume, mort enfant, Henry Collette laissa plu- 
sieurs filles. L’une d'elles, nommée Anne, mariée d'abord à 
N. Rochereuil, puis à Mathurin Aubert, eut de son premier 
mariage un fils nommé Charles qui en 1695 exerçait la chirur- 
gie. Une autre, nommée Magdeleine, épousa Claude Malassis, 
de la paroisse de Saint-Rémy-sur-Avre, dont elle eut un fils 
du même nom, qui comme son bisaïeul s’attacha à la famille 
de Pilliers, au service de laquelle il mourut en 1728. 


Charles Collette, né vers 1650, et que nous voyons men- 
tionné dans les registres paroissiaux d’Allainville pour la pre- 
mière fois en 1680 comme habitant Chamseru., s’appliqua 
comme son père, et vraisemblablement sous sa direction, à 
l'étude et à la pratique de l’art chirurgical. Après avoir été 
chirurgien major des armées, il s'établit en qualité de maitre 
chirurgien à Paris où il épousa Françoise de Burande, de la 
paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois, fille de Jean-François 
de Burande, officier de S. A. R. Monsieur, duc d’Orléans, et 
de demoiselle Marie Lambert. Mais. peu de temps après son 
établissement, la maison qu'il habitait fut entièrement dévali- 
sée pendant une nuit qu'il était avec sa femme chez un de ses 
parents. Tous ses meubles lui ayant été enlevés sans qu’on lui 
eût rien laissé, il revint à la maison paternelle où, par leur ac- 
cueil, la noblesse et le public de la province l’engagèrent à se 
fixer d’une facon définitive !. 

Grâce à l’habileté qu’il avait acquise dans la pratique de 
son art et particulièrement de la chirurgie oculaire à la- 
quelle il s'était spécialement appliqué, Charles Collette, que 
nous voyons, de 1680 à 1727, dans tous les. actes où il figure, 
qualifié chirurgien ordinaire de S. À. R. Monsieur pour ses 
gardes. trouva, d’après le chanoine Brillon, de fréquentes occa- 
sions de rendre de grands services, car « il fut, dit-on, celui 
qui a le premier aiguillé en France, c’est-à-dire fait l’opération 
de la cataracte qui y était inconnue » *. 

Cette assertion recueillie en 1734 à Chamseru par le chanoine 


ville, apposée le 12 juin 1678 au bas de l’acte de mariage de Anne - Charlotte 
Rochereuil, d’Allainville, sa petite-fille, avec Louis Guillet, de Boissy-en-Drouais. 


l Abbé Brillon, in Biographie de la famille Collette. 
2 Idem. 





— 311 — 

Brillon et selon toute probabilité de la bouche même d’un des 
descendants de Charles Collette, mais sans être accompagnée 
d'aucun renseignement sur l'époque où ce chirurgien put 
pratiquer cette opération, méritait à notre avis d’être contrôlée. 
Malheureusement pour la gloire de notre compatriote, les 
recherches que nous avons faites à ce sujet ne nous permet- 
tent pas de nous ranger à cette opinion, basée sur cet unique 
témoignage que sa source même rend suspect, et que d’ailleurs 
le chanoineBrillon lui-même ne nous paraît avoir accepté qu’a- 
vec certaines réserves. 

Dans son Traité de la Cataracte et du Glaucoma publié en 
1709, Brisseau, un des oculistes les plus justement renommés 
de son temps, cite en effet le cas d'une cataracte double opérée 
à Châteauneuf-en-Thimerais par un chirurgien de passage en 
cette ville , quarante ans environ auparavant qu'il écrivit son 
livre, c’est-à-dire vers 1669, époque à laquelle Charles Collette 
n'avait point encore eu le temps d’étudier et de pratiquer suffi- 
samment pour tenter une opération aussi délicate. 

D'autre part, lors de la publication par J.-R. Duval de sa no- 
tice, lue à la Société de médecine de Paris le 10 pluviose an XI, 
sur les Français qui se sont occupés à perfectionner l'opéra- 
tion de la cataracte ? et dans laquelle il n’est fait aucune 
mention de notre compatriote, J.-F.-J. Roussille, arrière-petit- 
fils de Charles Collette, et l’un des collaborateurs les plus assi- 
dus du Journal de Médecine, n’eût pas manqué, nous semble- 
t-il, si son aïeul avait eu réellement quelques droits à figurer 
dans ce travail, de revendiquer pour lui l'honneur qu'il 
méritait. 

À l’époque d’ailleurs où débuta dans la carrière chirurgicale 
Charles Collette, l’ophthalmologie, en dépit des efforts qu'’a- 
vaient tentés Ambroise Paré et son élève Guillemeau, pour 
introduire dans l’étude et le traitement des maladies des yeux 
une méthode sérieuse, était tombée dans un empirisme igno- 


1 « Une jeune fille de Châteauneuf-en-Thimerais, filant à sa porte, fut frappée 
du tonnerre qui-lui passa devant les yeux et l’aveugla. Elle fut deux ans sans 
voir jusqu’à ce qu'un oculiste passant par cette ville luy fit l'opération de ses 
deux cataractes avec succès et elle a depuis servi chez mon père, il y à environ 

uarante ans. » Brisseaude fils : Traité de la Gataracte et du Glaucoma. — 

aris, 1709, chez L. d'Hourv, p. 137. 


3 Journal général de médecine. — Paris, 1806, T. XXV, p. 193. 


— 378 — 


rant et grossier, au milieu de pratiques ridicules et de for- 
mules surannées ‘. Cependant ce fut alors qu’on commença à 
perfectionner réellement l’opération de la cataracte, du jour 
où l’on reconnut que le cristallin était le siège de la maladie, 
découverte qu’on attribue à Rémy Lasnier, chirurgien distin- 
gué de Paris, ou, selon quelques-uns, au médecin Quarré qui 
vivait au même temps, vers le milieu du XVII: siècle. 

Aussi cette époque fut-elle celle des oculistes de profession 
qui parcoururent l’Europe, parfois la trompette à la main ou 
bien se faisant annoncer dans les villes qu'ils devaient tra- 
verser par des écrits où la louange ne connaissait plus de 
bornes. En tête de ces oculistes ambulants nous trouvons le 
fameux Woolhouse ?, dont l’ouvrage contient dans la préface 
cette phrase outrecuidante : « Quis autem nescit Woolhusium 
ab adolescentiä suû tot mille cataractas et glaucomata depres- 
sisse? ac proinde ipsum ophthalmiatrorum Europæ princi- 
pem esse? » C’est aussi le chevalier Taylor * que son habileté 
et son élégant charlatanisme ont rendu célèbre en Angleterre 
et dans toute l’Europe qu’il parcourut pendant trente ans. Sa 
renommée se justifiait par de nombreux succès dans l’opéra- 
tion de la cataracte. IL vint se fixer et mourir à Paris, et quel- 


1 Follin. Leçons sur l'exploration de l'œil. — Paris. 1863. Introd. p. X. 


2 Woolhouse (Jean-Thomas), né vers 1654, après avoir étudié la médecine 
à Londres, parcourut les diverses contrées de l'Europe, opérant des cures plus ou 
moins remarquables et faisant retentir partout l'annonce de ses incomparables 
succès. Son mérite réel ne l’empêcha pas de soutenir la cause de l'erreur, rela- 
tivement au siège de la cataracte. Quand il rentra dans sa patrie, le roi Jac- 
ues {I le nomma son médecin oculiste, titre qu'il porta jusqu'à sa mort en 
730. Entre autres écrits, il publia : Catalogue d'Instruments pour les ope- 
rations des yeux (1696). Exposé de différentes operations manuelles et de 
guérisons spécifiques qu'il a pratiquées aux yeux (1711). 


3 Taylor (le chevalier Jean), fils d’un mathématicien anglais de quelque mé- 
rite, étudia la médecine sous Boerhaave et s’appliqua au traitement des maladies 
des yeux, dans lesquelles sa dextérité et ses premiers succès lui assurèrent un 

d renom. Îl parcourut d’abord toutes les parties de l'Angleterre, puis, en 
1133, passa sur le Continent où en 30 ans il parcourut 3 fois les divers états de 
l'Europe , étalant le faste et la magnificence d'un grand seigneur, obtenant des 
princes, des rois, de l'empereur et du pape des titres honorifiques dont il ne 
manquait pas de se parer. I} se fixa à Paris où il mourut vers 1767, après avoir 
publié divers ouvrages dont l’un intitulé : Anecdotes de la vie du chev. Taylor, 
offre, avec la liste de ses ouvrages et de leur traduction dans la plupart des lan- 
gues de l’Europe, le nom des princes. des princesses et deS personnages qui l'houorè - 
rent de leur confiance, l’état des présents qu’il en reçut, avec des détails plaisants 
par leur exagération sur les cures qu'il a opérées. 


— 379 — 

ques années avant sa mort publia à Londres ses mémoires sous 
ce titre peu médical : Histoire des voyages et des aventures du 
chevalier Taylor, oculiste pontifical, impérial et royal. Le plus 
souvent, ces oculistes ambulants bornaient leur talent et leurs 
occupations presque exclusivement à bien abattre la cataracte. 
Il y a peu de choses à prendre dans leurs tristes écrits, ce- 
pendant nous avons conservé, du moins pour la cataracte, une 
habitude de leur pratique, celle d'opérer aux saisons du prin- 
temps et de l’automne, saisons qui, d’après Duddel, chirurgien 
anglais contemporain du chevalier Taylor, également éloignées 
des froids rigoureux et des grandes chaleurs, convenaient 
mieux à l’agrément de ces oculistes voyageurs ‘. 

Sans faire injure à sa mémoire, nous croyons que Charles 
Collette n’appartint en réalité qu'à cette classe d'habiles opéra- 
teurs dont toutefois il ne posséda point les mœurs vagabondes 
ni l’insolent charlatanisme. Quelle que soit d’ailleurs l’opinion 
qu'on se fasse sur les opérateurs de ce temps, il n’est pas 
moins intéressant pour nous de constater parmi eux la pré- 
sence d'un de nos compatriotes, dont le nom, pour cette seule 
raison, méritait d’être tiré de l’oubli; et s'il nous est impossible 
de lui attribuer, comme le faisait le chanoine Brillon, la gloire 
d'avoir le premier en France pratiqué l'opération de la cata- 
racte, il n’en résulte pas moins pour nous, du témoignage 
qu'a recueilli le chanoine Brillon, et que celui-ci se trouvait à 
même de pouvoir contrôler, la preuve qu'il fut cependant un 
des premiers chirurgiens de son temps qui s'adonnèrent à la 
pratique en grand de l'opération de la cataracte par abaisse- 
ment, le seul procédé qui fût usité alors, et que seules les cir- 
constances ou peut-être ses goûts modestes et son désintéres- 
sement l’empêchèrent de parvenir, comme certains de ses 
contemporains que nous avons nommés, à la plus brillante 
renommée. 

Cependant il est certain que la notoriété qu'avait justement 
acquise Charles Collette comme opérateur attira à Chamseru 
un grand nombre de malades qui venaient réclamer ses 
conseils et ses soins. De 1692 à 1709, nous constatons d'après 
les registres de l’état-civil d’Allainville la présence à Chamseru 
d’un certain nombre de personnes étrangères à la paroisse, qui, 


1 Follin. Leçons sur l'exploration de l'œil. Introduction p. XII. 


— 9380 — 

venues selon toute probabilité pour y demander la guérison de 
leurs maux, y moururent en dépit de la science et de l’habileté 
de Charles Collette. Si la plupart de ces malades appartenaient à 
des paroisses environnantes comme Marcilly-sur-Eure, Boullay- 
Thierry, Mesnil-sur-l’Estrée, Châteauneuf, Saint-Georges-sur- 
Eure, etc., un grand nombre venaient aussi de pays éloignés 
comme Fontenay-le-Comte, Eu, Haranvilliers, etc. 

De 1680 à 1695, du mariage qu'il avait contracté à Paris avec 
Françoise de Burande, Charles Collette ‘ eut onze enfants qui 
tous naquirent à Chamseru et furent baptisés dans l’église 
Saint-Samson d’Allainville. 

L’aîné fut Jean-François Collette, né en 1680, dont le por- 
trait nous a fourni l’occasion d'écrire cette notice et dont tout 
à l'heure nous aurons occasion de parler plus longuement. 

Après lui naquirent en 1682 une fille et un garçon : la fille. 
nommée Marie-Anne et baptisée le 12 janvier 1682, eut pour 
parrain et marraine son oncle Louis Collette. dit la Grève, de- 
meurant à Chamseru, et sa grand’mère maternelle *. Elle 
épousa dans l’église d’Allainville, le 7 janvier 1700, Étienne 
Duprey, maître chirurgien à Brezolles, fils de Claude Duprey 
aussi chirurgien au même lieu’ et de Élisabeth de Launay. et 
frère de Claude Duprey, mort le 30 décembre 1736 général de 
l'ordre des Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, 
dont elle n'eut qu’une fille, née à Brezolles le 22 janvier 1701. 
Le {cr juin 1711 elle se remaria à Antoine de Noyer, également 
chirurgien à Brezolles, et enfin le 11 février 1716 à Claude 
Fournier, de Couvé. 

Quant au garcon, nommé Charles-François, baptisé le 
20 décembre 1682, et dont les parrain et marraine furent 
Messire François Dastain, écuyer, S. de Boisnormand, de la 


1 Notre planche spéciale de signatures reproduit deux signatures différentes 
de Charles Gollette, ‘une du 26 mars 4680, (acte de baptême de Anne Roche- 
reuil), l’autre du 6 novembre 1714 (acte de mariage de François-Pomponne Cok 
lette, ainsi que celle de Françoise de Burande du 9 avril 1714, (acte de mariage 
de Françoise Collette). 


2 Le 22 septembre 1710, demoiselle Marie Lambert, âgée d'environ 72 ans, 
veuve de Jean de Burande, officier de S. A. R. Monsieur duc d'Orléans, fut 
inhumée dans l’église d'Allainville par Nicolas Rotrou, curé de Garanciëres, en 
présence de Charles Collette, chirurgien de S. A. R. Monsieur le duc d'Orléans, 
et de François Collette, gendre et petit-fils de la dite demoiselle, après avoir 
reçu pendant sa maladie les saints sacrements de Pénitence, d'Euchanistie et 
d'Extrême-onction. 





— 381 — 


paroisse de Châtaincourt, et demoiselle Elisabeth de Noinville, 
de la paroisse de Fontaine-les-Ribouts, il embrassa l’état ecclé- 
siastique : pourvu en 1707 de la cure d’Allainville *, il mourut 
en cette paroisse le 26 août 1709. 

Vinrent ensuite trois enfants qui moururent en bas âge, une 
fille et deux garçons. L'acte de baptême de la fille, Anne-Char- 
lotte, du 13 août 1684, offre cette particularité qu’il est le pre- 
mier acte que nous connaissons où Charles Collette porte le 
titre de sieur de Chamseru ?. 

Le premier des garçons, nommé Louis, baptisé le 6 octobre 
1686, eut pour parrain maître Louis Le Veillard, médecin, de la 
paroisse Saint-Pierre de Dreux *, et pour marraine demoiselle 
Thérèse du Fayel, demeurant à la Perruche, paroisse de Pru- 
demanche : l’autre nommé Paul, baptisé le 31 mars 1688, eut 
pour parrain et marraine Paul de Fayel, seigneur de la Per- 
ruche , et Marie de Dampont, dame de Garancières. 

Des quatre derniers enfants de Charles Collette et de Fran- 
çoise de Burande, deux seulement, un garçon et une fille, mé- 
ritent une mention particulière. Le garçon, nommé François- 
Pomponne, baptisé le 5 mai 1689, s’appliqua comme son père 
et son frère aîné à l’étude de la chirurgie. Le 6 novembre 1714, 
étant alors chirurgien de S. À. Madame de Vendôme, il épousa 
dans l’église d'’Allainville Hélène Rabaroust, de la paroisse 
Saint-Pierre de Dreux, et s'établit en qualité de chirurgien ac- 
coucheur à Dreux, où nous le trouvons en 1754 pourvu de 


1 En 1708, à la requête de Charles Collette, curé d’Allainville, furent dres- 
sés un procès-verbal de visite du presbytère dudit lieu et un état des réparations 
y nécessaires. Arch. dép. d'E.-et-L. Série E. liasse 3722. 


3 L'armorial général de Rietstap décrit ainsi les armes d'une famille Collette 
élablie dans l'Ile-de-France : d’or à un myrte terrassé de sinople, accosté de 
dix abeilles d'azur, posées en pal, cinq de chaque côté, au chef chargé de 
deux colombes affrontées d'argent. Malgré les prétentions seigneuriales de la 
famille qui nous occupe , nous ne croyons pas devoir lui attribuer ces armoiries. 


3 Louis Le Veillard, dont notre planche de signatures contient le fac-simile 
de la signature apposée par lui au bas de l'acte de baptême de son filleul, appar- 
tenait à une famulle de médecins de Dreux alliée aux meilleures maisons de la 
province. Ami de Rotrou, Louis Le Veillard, à qui le docteur Chereau a oublié 
de donner une place dans son Parnasse médical, sacrifiait à ses heures de loisirs 
aux Muses. P. 155 du second recueil d'œuvres poétiques publié par Rotrou à la 
suite de sa Diane (Paris. Fr. Targa, 1635.), on lit une pièce de vers latins 
adressée à l'auteur par L. Veillardus, druida, medicus, dans laquelle l'ami déclare 
Robert Garnier éclipsé par le nouveau poëte tragique. 











— 382 — 


l'office de lieutenant des chirurgiens de cette ville et en 1759 
chargé du service de lhôpital !. 

L'un de ses enfants, Alexandre-François, lui succéda dans la 
même ville en qualité de chirurgien *. 

Quant à la fille, nommée Françoise, baptisée le 22 janvier 
1694, et dont les parrain et marraine furent Jacques Pigousse, 
écuyer, sieur de Méroger, garde du corps du Roi, demeurant à 
Châteauneuf, et dame Françoise des Moulins, veuve de M. Gue- 
net, écuyer, sieur de Louye et autres lieux, conseiller au par- 
lement de Normandie en ia grand-chambre des Comptes de 
Rouen, elle épousa le 9 avril 1714 Antoine Labrosse, mar- 
chand drapier à Dreux, de la paroisse Saint-Pierre. 

Les deux autres enfants, des filles, nommées l’une Fran- 
çoise, baptisée le 20 septembre 1692, et l’autre Marie-Henriette, 
baptisée le 28 mars 1695, vécurent peu de temps. 

Charles Collette pourvut en outre à l'éducation et à l’établis- 
sement de deux enfants naturels qu'il avait eus dans sa jeu- 
nesse, l’un de Jeanne Maillot, l’autre de Madeleine Fournier, 
de la paroisse d’Allainville, et qu'il fit élever dans sa maison et 


{ Dans notre planche de signatures, nous avons reproduit celle qu’apposa 
F.-P. Collette au bas de son acte de mariage, ainsi que celle de son frère 
Charles Collette, apposée au bas du premier acte qu'il signa comme curé 
d'Allanville, le 17 janvier 1708. 


2 Outre ce fils, dont nous reproduisons la signature qu'il apposa le 
7 juin 1752 au bas de l'acte de décès de Françoise Collette de Chamseru, 
femme de M. de la Lande, et que M. Merlet confond dans ses Archives commu- 
nales de la ville de Dreux avec son oncle Jean-François Collette de Chamseru, 
nous connaissons deux filles de François-Pomponne Collette. En 1732, la pre- 
mière, nommée Hélène, fut avec son frère marraine du fils illégitime de Louis- 
Roger, marquis d'Etampes, baron de Mouy et autres lieux, et de Louise-Margue- 
rite Hersant des Touches. En 1755, la seconde, nommée Marie-Anne , repré- 
senta comme marraine, au baptême du fils de maitre Sébastien-François Mallet, 
conseiller du Roy, lieutenant particulier avil et criminel au siège royal et comté 
de Dreux, secrétaire des commandements de feue la princesse de Conti et de 
Mgr le comte de Clermont, haute et puissante dame Madame Anne-Justine 
Pâris de la Montagne, veuve de Messire Maximilien, comte de Choiseul , colonel 
du régiment de cavalerie de son nom, son frère tenant de son côté la place dn 
parrain, Messire Joseph Päris-Duvernay, conseiller du Roi en ses conseils, in- 
tendant de l’hôtel de l’école royale militaire. 

Cette branche de la famille Collette comptait encore à Dreux, au commence- 
ment de notre siècle, des représentants. Par arrêté préfectoral du 10 prairial 
an XII de la R. F., M. Collette Chamseru, docteur médecin à Dreux, fut nommé 
associé correspondant pour l’arrondissement de Dreux au Comité général de vac- 
cine établi à Chartres. Affiche imprimée chez Labalte fils et Durand, impr. de la 
Préfecture d’E.-et-L. (Collect. Champagne). 





— 383 — 
auxquels Françoise de Burande et ses enfants ne dédaignérent 
pas, en dépit de leur situation, de donner, en assistant et en 
signant comme témoins à leur mariage, un témoignage public 
d'affection. 

Après la mort de Françoise de Burande !, inhumée le 24 avril 
1714 dans l’église d’Allainville, Charles Collette, quoiqu'il fût 
déjà vieux, épousa en secondes noces, le 17 août 1716, dans 
l'église de Boissy-en-Drouais, Geneviève Le Redde, fille de 
Marin Le Redde et de Mathurine Malhappe et sœur de Louis 
Le Redde, curé de Boissy, 

Deux ans plus tard, il subit en 1718 à l'Hôtel-Dieu de Paris 
l'opération de la taille que lui fit M. Thibault. Ce chirurgien 
eut d'autant plus d'attentions pour ce collègue de sa profession 
qu’il connaissait son mérite et les services qu'il rendit au pu- 
blic. Au cours de son opération, le malade ne perdit point sa 
présence d'esprit. et sut avertir M. Thibault qu’il allait trop 
avant ?. Charles Collette survécut à sa taille une dizaine d’années ; 
à l’âge de 77 ans, il mourut à Chamseru et fut inhumé dans 
l’église d’Allainville le 19 juillet 1727, assisté de la Charité de 
Dreux et de celle de Garancières, en présence de Jacques Hé- 
bert, syndic de la paroisse, et de Pierre Thubeuf, laissant à 
son fils aîné le soin de continuer l’œuvré charitable qu'il avait 
instituée à Chamseru, consistant à donner tous les soins néces- 
saires à tous les malades des villages qui entouraient sa 
demeure. 


* 
x + 


Formé à la pratique de la chirurgie par son père, Jean- 
François Collette, baptisé le 4 juin 1680 dans l’église d’Allain- 
ville, où il eut pour parrain son grand-père maternel Jean- 
François de Burande et pour marraine demoiselle Élisabeth- 
Angélique de Pilliers, fille de Charles de Pilliers, sieur de la 
Coudrelle et d’Allainville, acquit de bonne heure une grande 
célébrité pour l'opération de la cataracte et autres de sa pro- 
fession pour lesquelles il fut appelé de diverses provinces et 
qu’il fit avec succès. Reçu maître chirurgien juré et oculiste à 


1 De passage à Chamseru en 1738, un frére de Françoise de Burande, 
commandant pour le Roi à Saint-Jean-d'Angely, signa comme témoin d’un mariage 
sur les registres d’Allainville, le 17 novembre. 


2 Chanoine Brillon, in Biographie de la famille Collette. 


— 384 — 
Châteauneuf-erni-Thimerais le 27 juin 1702, il épousa, dans 
l’église d’Allainville, le 28 décembre 1706, Geneviève Legrand, 
fille de feu Denis Legrand et de feue Geneviève Lépine, de la 
paroisse de Châteauneuf, en présence de Charles Collette et de 
Françoise de Burande, ses père et mère, de Nicolas et de 
Claude-Jacques Rocque, beau-père et frère utérin de Geneviève 
Legrand, de François de Gastel, sieur de Préville, de Jacques 
Hébert, etc. Après son mariage, il s'établit à Brezolles où l’at- 
tirait la présence de son beau-frère Étienne Duprey, mais cette 
petite ville était un champ trop modeste pour son activité; 
aussi n’y resta-t-il que quinze mois, au bout desquels il se ren- 
dit à Rouen, où l’appelaient d'’illustres amitiés et où déjà il 
était avantageusement connu. 

Mais son établissement dans cette ville ne se fit pas sans 
quelques embarras. Les chirurgiens de Rouen, ayant conçu de 
l’ombrage de son habileté, lui demandèrent six mille livres 
pour le recevoir dans leur Compagnie. Jean-François Collette 
tourna les difficultés que faisait à son installation dans la 
ville le corps des chirurgiens en .présentant le 12 mars 1709 
une requête aux administrateurs de l’hôpital général de Rouen, 
à l'effet d’y être admis en remplacement de Henri-François 
Jourdain pour y exercer l’art de chirurgie, y traiter et médi- 
camenter les malades. A l’appui de sa requête, il présentait 
les certificats nécessaires, constatant qu’il avait été baptisé à 
Allainville le 4 juin 1680 et qu'il avait été reçu maître chirur- 
gien à Châteauneuf. On accueillit favorablement sa demande 
et, suivant l'usage, on subordonna sa nomination à l’avis que 
fourniraient, après examen, les gardes de l’art de chirurgie. 

Désireux d'assurer à la province un sujet si excellent, le 
Parlement de Normandie fit venir deux médecins de Dieppe et 
autant de Paris qui l’examinèrent publiquement pendant sept 
jours devant huit commissaires que cette cour nomma de son 
corps, quatre présidents et quatre conseillers . Le rapport 
fut présenté par les chirurgiens Gilles Rousset, Guillaume de 
la Roche et Jean Vaire, le 29 novembre 1709, et le même 
jour, conformément à l’avis des chirurgiens*?, le Parlement 
rendit son arrêt qui reçut ledit Jean-François Collette par suf- 


1 Chanoine Brillon, in Biographie de la famille Collette. 
2 De Beaurepaire, archiviste de Rouen, Lettre du 9 janvier 1894. 





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— 385 — 

tisance pour chirurgien oculiste consultant, et lui confia le 
soin de l’hôpital général de Rouen, pour y exercer l'art de 
chirurgie pendant six ans, conformément au règlement. Passé 
<e délai, il serait reçu dans la Communauté des chirur- 
giens de la ville, obtenant ainsi le titre et les privilèges de 
Maitre chirurgien juré sans bourse délier et sans avoir à subir 
les divers examens et formalités prescrits par les statuts de la 
Corporation. | 

Jean-François Collette entra en fonctions le 17 janvier 1710 
ét prèta serment le même jour. Il fut chirurgien de cet établis- 
ment jusqu’en janvier 1716, aux appointements annuels de 
#2. livres. Il trouva pendant ce temps de nombreuses ‘occa- 
sons de travailler davantage et de faire quantité d'opérations 
sur des cadavres devant M. de Ponicarré, premier président, 
pour découvrir la source des maladies qui à cette époque enle- 
vèrent tant de monde. 

Dès le début de son service hospitalier, il profita de sa situa- 


tion pour se livrer à l’enseignement de la chirurgie et de l’ana- 


tomie, faisant des leçons assidues au lit des malades ou à lam- 
phithéâtre d'anatomie. Plusieurs garçons chirurgiens et mêrne 
plusieurs maîtres venaient à ses dissections et lui prêtaientleur 
concours. Au bout de ses six ans de séjour à l’hôpital général 
de Rouen, il fut remplacé dans ses fonctions le 14 janvier 1716 
par le sieur Enguehart; cependant, quoiqu'il eût acquis par 
ce service les droits de maitrise, et qu'il fût enfin agrégé au 
corps des chirurgiens de la ville (privilège accordé, comme 
nous l'avons déjà dit, à ceux qui gouvernaient six ans le bureau 
de l’hôpital), il voulut y rester trois ans au delà, continuant à 
s'appliquer beaucoup aux découvertes scientifiques et’chimi- 
ques et à se rendre de plus en plus habile en son art ‘. 

: Jean-François Collette ne paraît point, du reste, avoir pro- 
fité du privilège qui lui était reconnu d'entrer dans la Commu- 
nauté des chirurgiens de Rouen et de pratiquer librement son 
art en cette ville, car son nom ne figure pas dans les livres de 
cette corporation conservés aux Archives du département de la 
Seine-Inférieure ?. 

Son père, se sentant vieillir, l’engageait à venir prendre sa 


4 Chanoïne Brillon in Biographie de la famille Collette. 
2 De Beaurepaire. Lettre du 9 janvier 1894. 
T. X. M. 27 


— 386 — 

place et demeurer à Chamseru. Se conformant à ce désir, dès 
17923, tout en conservant son domicile particulier à Rouen, 
Jean-François Collette commença à venir de temps en temps 
faire avec toute sa famille un séjour plus ou moins prolongé 
dans la maison de son père. Mais après la mort de Charles 
Collette, rien ne put le retenir contre la parole qu’il avait 
donnée; il vint s'établir définitivement à Chamseru. 

M. de Pontcarré, premier président au Parlement de Nor- 
mandie, qui l’estimait et l’aimait, éprouva un vif regret de son 
départ. Sur son initiative, à plusieurs reprises, après que Jean- 
François Collette eût quitté Rouen, la ville lui députa deux 
échevins et le Parlement deux conseillers pour l’engager à y 
retourner et lui offrir une pension annuelle de 1200 livres 
qu'il refusa toujours . 

Quoiqu'il trouvât à Chamseru un champ d’observations et 
d’expérimentations moins vaste qu’à Rouen, il n’en continua 
pas moins à faire de nombreuses opérations, car la célébrité 
qu’il avait acquise ne l’abandonna pas. De tous les points de la 
France, de Paris même, il reçut souvent de nombreux ma- 
lades qui s’adressaient à lui pour le traitement des cancers et 
surtout des maladies des yeux. 

Les registres de l’état-civil d’Allainville, contemporains du 
séjour de Jean-François Collette à Chamseru, contiennent un 
grand nombre d’actes d’inhumations de personnes étrangères 
au pays, dont la présence en ce village témoigne du renom que 
possédait, en des lieux quelquefois très éloignés de celui de sa 
demeure, ce chirurgien que le peuple, nous dit le chanoine 
Brillon, défigurant son nom et celui de sa demeure, appelait 
Chancheru, et qu’il nous arrivera de désigner aussi, comme 
il le faisait lui-même, sous le nom de M. de Chamseru. 

Parmi les plus intéressants de ces actes, nous citerons ceux 
de dame Marie-Geneviève Ory, épouse de Jean-Baptiste Morice, 
bourgeois de Rouen (1734), de Marguerite N., tourière du cou- 
vent de la Visitation d'Alençon (1734), de messire Thomas 
Le Vacher, docteur de Sorbonne, curé de Bernecour au diocèse 
d'Évreux (1736), de dame Marthe Gaiet, épouse de messire 
Goault, sieur de Challet, conseiller honoraire au bailliage et 
présidial de Chartres (1742), de demoiselle Dominique-Élisa- 


1 Chanoine Brillon in Biographie de la famille Collette. 








— 387 — 

beth-Éléonore Ménager de Cagny, fille de feu messire Fran- 
çois Ménager, écuyer, seigneur patron de Cagny, diocèse de 
Bayeux (1742), de messire Bernard-Hercule du Glesclin, fils 
de feu haut et puissant seigneur messire Bertrand-César, 
marquis du Glesclin, seigneur de la Roberie, le Bignon, 
Cranchat et autres lieux, mestre-de-camp de cavalerie, pre- 
mier gentilhomme de Mgr le duc d'Orléans (1742), de Pierre 
de la Haye, de la paroisse Saint-Jean de Louviers (1743), de 
dame Catherine Aubertin, veuve de feu maitre Louis Frémont, 
avocat à Évreux (1745), de messire Nicolas Le Comte, écuyer, 
sieur de Gizay (4747), de Pierre-Henri Pernot, natif de Mai- 
sons-les-Bois, diocèse de Besançon (1749), de demoiselle 
Marie-Madeleine-Jacqueline de Launay, fille de messire Char- 
les de Launay et de dame Marie-Julienne de Sémalé (1752), etc., 
pour la plupart décédés à Chamseru même. 

Parmi les malades qui vinrent également à Chamseru de- 
mander au maître du lieu les soins que réclamait leur santé, 
nous citerons encore messire Pierre-Emmanuel Delasaux, 
écuyer, conseiller du Roi au Parlement de Bordeaux, et le cha- 
noine Brillon, de Chartres, qui en mars 1734 se fit enlever une 
loupe par l’habile opérateur de Chamseru. Ce fut à la suite de 
cette circonstance que ce savant ecclésiastique rédigea les notes 
biographiques sur la famille Collette conservées aux Archives 
départementales d’Eure-et-Loir et dans lesquelles nous avons 
puisé pour la rédaction de cette notice de précieux rensei- 
gnements. 

En dépit de ses dimensions respectables et du nombre im- 
portant de chambres qu’elle renfermait, la maison particulière 
de M. de Chamseru ‘ ne put naturellement toujours suflire, 
comme au temps de son père, à loger cette affluence de malades. 
Il fut obligé de faire construire à proximité de sa demeure un 
vaste bâtiment, dans une partie duquel il logeait ses malades et 
où il s'était réservé en outre une pièce pour y pratiquer ses 
opérations. Dans ce bâtiment, un personnel domestique choisi 
donnait sous ses ordres et sa surveillance tous les soins maté- 
riels nécessaires aux malades, et quelques jeunes gens appar- 


4 Nous devons à l'obligeante amitié de M. E. Fournier, de Suresnes, le 
dessin, que nous reproduisons ici, du manoir de Chamseru, habité par la 
famille Collette, restitué d’après nos clichés photographiques et nos indications. 


— 388 — 

tenant pour la plupart à d’excellentes familles bourgeoises de 
la province, et parmi lesquels nous citerons P. Gambez, Côme 
Roussille, Alexandre-François Collette, le propre neveu de 
M. de Chamseru, etc., se formaient sous ses veux et sous son 
habile direction à la pratique chirurgicale en l'assistant comme 
aides dans ses opérations et auprès du lit de ses malades, en 
mettant eux-mêmes à exécution ses prescriptions, et en appli- 
quant, sous son contrôle, tous les pansements consécutifs aux 
opérations. 

Tout en faisant son séjour ordinaire à Chamseru, plus d’une 
fois Jean-François Collette, malgré son désir de ne point 
enfreindre les volontés dernières de son père, fut obligé de 
s'éloigner de sa maison, où du reste il se faisait remplacer 
pendant ses absences, d'abord par son frère François-Pomponne, 
puis plus tard par Côme Roussille, son élève de prédilection, 
pour aller visiter d'illustres malades auxquels leur brillante 
fortune ou leur haute situation sociale permettaient de l’ap- 
peler auprès d'eux. 

C'est ainsi qu'en 1733 il vint à Paris faire l’opération de la 
cataracte au Maréchal de Roquelaure !, ainsi qu’à la comtesse 
de Choiseul?, sœur du maréchal de Villars, en présence de 
Maréchal, La Peyronie, Pousse et autres habiles médecins et 
chirurgiens. Le rapport avantageux que ces Messieurs firent 
au roi Louis XV de ces opérations fit que sa Majesté accorda à 
notre chirurgien six cents livres de pension sur sa cassette . 

En 1736, il fut également appelé en Espagne pour faire l’o- 
pération de la cataracte au duc del Arco. Cette opération 
réussit parfaitement ainsi que beaucoup d’autres qu'il fit dans 
ce royaume, d’où il emporta, en rentrant à Chamseru, un 
généreux et important témoignage de la munificence rovyale*, 


1 Antoine-Gaston-Jean-Baptiste, duc de Roquélaure, né en 1656, marée 
de camp, 1691, lieutenant-général pour le Roï en Champagne 1695, lieutenæte 
général des armées du Roi 1696, maréchal de France 1724, chevalier dé 
ordres du Roi en 1728, mourut le 6 mai 1738. 


2 Marie-Louise de Villars, fille de Pierre, marquis de Villars et de Marie 
Gigault de Bellefonds, mariée le 41 février 1699, à François-Eléonor de Choiseul 
de Traves, comte de Choiseul, morte à Paris. le 25 janvier 1736. 


3 Chanoine Brillon, in Biographie de la famille Colleite. 


# Oratio pro vesperiis M. Joannis-Francisci-Jacobi Roussille de Chamsera, 
licentiati medici, habita in scholis saluberrimæ facultatis medicinæ parisiensis, 
die terlia mensis octobris anni 1772, M. Slephano Pourfour du Pelit D. M. 














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— 389 — 

Ce fut vraisemblablement vers cette époque que le peintre 
chartrain Bréa fit le portrait de Jean-François Collette, d’après 
lequel en 1754, Côme Roussille fit exécuter par le graveur 
Petit l’estampe dont nous donnons en tête de ces pages, une 
reproduction !. 

Guidé par son flair de curieux et d'ami des antiquités 
locales, M. Georges Champagne a découvert à Dreux, chez 
M. Gatay, descendant d’un des derniers possesseurs du domaine 
des Collette à Chamseru, le tableau original qui servit de mo- 
dèle pour cette gravure. Malgré son peu de valeur intrinsèque, 
cette peinture, dont l’état de conservation laisse beaucoup à 
désirer, n’en est pas moins un document intéressant pour 
l’histoire de l’art en notre pays, car si l’artiste qui l’exécuta 
n'appartient pas par son origine au pays chartrain, il est hors 
de doute cependant qu'il naquit ou du moins qu’il arriva dès 
sa plus tendre enfance à Chartres, où son père, dès la fin du 
XVIIe siècle, établit sa demeure. À plusieurs reprises en effet, 
les anciens comptes de ville mentionnent le nom du peintre 
italien Paul Bréa, qui reçut des mains du comptable des 
deniers de la ville de Chartres, en 1698, vingt livres pour deux 
tableaux d’écussons, et en 1709, neuf livres pour un tableau 
aux armes de la ville donné à M. l’abbé de Majainville, député 
du Chapitre de Chartres. 

Après la mort de Paul Bréa et de sa femme Marie-Adrienne 
d'Authville, Pierre-François Bréa, leur fils, l’auteur présumé 
du portrait de M. de Chamseru, avait conservé son domicile à 
Chartres. Le 26 octobre 1735, il épousa dans l'église de Saint- 
Martin-le-Viandier, où son mariage fut célébré par le curé 
Pierre Hamelin, bachelier en théologie, Marie-Françoise Petit, 
fille de Paul Petit, peintre, et de Catherine Gillay. 

Sur son portrait, la seule œuvre du peintre Bréa que nous 
connaissions et qu'a reproduite le graveur Petit, en l’inver- 
sant et en en modifiant le fond * et quelques accessoires, Jean- 


præside. MDCCLXXIV. de l'impr. de Quillau, imp. de la faculté de Médecine, 
p. 38. 

{ Sur nos indications, M. Georges Champagne a retrouvé à Dreux, chez 
Mme Coricon, la planche de cuivre gravée de cette estampe. 

2 Archives municipales de la Ville de Ghartres, série L., registre d. 1 298 et 
d. 1 212, 

3 Le fond du tableau est en effet occupé par des rayons chargés de livres, en 
partie masqués en haut et à droite par une draperic verte à crépines d'or. 


— 390 — 
François Collette de Chamseru, alors âgé de 50 ans environ, 
est représenté à mi-corps, tourné de trois-quarts, mais regar- 
dant en face, assis dans un fauteuil en bois doré recouvert 
d’une étoffe verte, devant une table chargée delivres, de papiers 
et d’une écritoire, la main droite appuyée sur un livre relié, 
dont il semble présenter le titre au spectateur. 

La présence de ce livre nous a fait longtemps croire que 
M. de Chamseru avait publié quelque ouvrage relatif à l’art 
qu'il pratiquait. Si cet ouvrage a été écrit, il n’a dù jamais 
être imprimé, car toutes nos recherches à son sujet sont 
restées infructueuses. Toutefois nous avons trouvé à la 
Bibliothèque nationale un volume provenant de la bibliothèque 
de son petit-fils, Jean-François-Jacques Roussille, dont il porte 
la signature, intitulé Nouveau traité des maladies des yeux, 
par M. de Saint- Yves, chirurgien de Saint-Côme. édité en 1722, 
à Paris, chez Lemercier, et dont le texte présente de nom- 
breuses et excellentes corrections et annotations manuscrites, 
et dont le titre, en vue selon toute probabilité d’une nouvelle 
édition, est ainsi modifié : Traité des maladies des yeux, de 
Charles de Saint-Yves, nouvelle édition par M. de Chamseru. 
Comme de toute sa famille, Jean-François Collette fut celui 
qui fut plus particulièrement désigné sous ce nom de M. de 
Chamseru, nous n'hésitons pas à voir en cet ouvrage celui 
qui est représenté sur son portrait et que diverses circons- 
tances purent l’empêcher de mettre au jour. 

À son talent opératoire, Jean-François Collette joignait d'ail- 
leurs une grande modestie. « Quelque habile qu'il soit, rap- 
porte le chanoine Brillon, je lui ai souvent entendu dire qu’il 
avait fait des fautes. » 

De plus, il était plein de désintéressement. Comme son père, 
il donna gratuitement tous les soins et tous les médicaments 
nécessaires aux malades des quatre paroisses d’Allainville, 
Louvilliers, Boissy-en-Drouais et Garancières, au milieu des- 
quelles se trouve situé le village de Chamseru. 

Dans les loisirs que lui laissait l’exercice de sa profession, 
M. de Chamseru veillait à l’exploitation du domaine qui lui 
venait de ses pères et que sa rapide fortune lui avait permis 
d'agrandir. 


{ Chanoine Brillon, in Biographie de la famille Collette. 





— 391 — 

Les registres d'audiences de Ja maîtrise des Eaux et Forêts 
de Châteauneuf-en-Thimerais, de 1739 à 1743, contiennent 
plusieurs déclarations faites par Jean-François Collette, sieur 
de Chamseru, d'abattis de chênes ou d’autres arbres dans sa 
garenne de Chamseru. De nombreux domestiques lui facili- 
taient d’ailleurs cette tâche et lui permettaient de vivre en gen- 
tilhomme campagnard et de tenir dignement son rang parmi 
les nobles familles de son voisinage qu’il fréquentait. 

Jean-François Collette! mourut à Chamseru, le 9 octobre 
1754, âgé de 74 ans, muni des sacrements, et fut inhumé le 
lendemain dans l’église d’Allainville, en présence de Côme 
Roussille, son gendre, lieutenant des chirurgiens de la 
ville de Chartres, chirurgien de Monseigneur le duc d Orléans, 
et de François -Pomponne Collette de Chamseru, son frère, 
lieutenant des chirurgiens de la ville de Dreux. 

Après sa mort, sa veuve, Geneviève Legrand, que nous 
voyons dès 1754 rendre foi et hommage à la seigneurie de 
Favières, pour divers biens dépendant de la succession de son 
mari, et en 1757 assister dans l'église de Châtaincourt à la 
célébration du mariage conclu sous ses auspices entre Jean de 
Courcy de Ferrières, chevalier, seigneur des Ormes et autres 
lieux, et demoiselle Marie-Marguerite Joanne, fille de feu 
Jacques Joanne, riche marchand de Rouen, se retira à Dreux 
où elle continua à entretenir d’affectueuses relations avec les 
familles dont son mari s'était attiré l’estime et l’amitié. Elle 
mourut en cette ville, près de vingt ans après son mari, âgée 
de 88 ans, et, suivant ses dernières volontés, son corps fut 
inhumé le 18 novembre 1771 dans l'église d’Allainville, en 
présence des frères de la Charité de Dreux et de Garancières. 

De son mariage avec Geneviève Legrand, Jean-François 
Collette n’avait eu que trois enfants : l’aîné, un garçon, nommé 
Charles-François, dont l’aïeul Charles Collette avait été le par- 
rain avec Charlotte Bariban, femme de M. de la Boulaye, 
exempt des gardes du corps de Sa Majesté, naquit à Brezolles, 


1 Notre planche de signatures renferme, outre celle de Geneviève Legrand 
apposé, le 23 décembre 1706, au bas de son acte de mariage, cinq signatures 
différentes souscrites par J.-F. Collette, la première à l'âge de 9 ans, comme 
parrain de son frère F.-Pomponne le 11 janvier 1689, la seconde le jour de 
son mariage, les trois autres, le 24 septembre 1736, le 26 janvier 1747 et 
le 18 novembre 1752, comme témoin en divers actes. 


— 392 — 
le 4 octobre 1707, et mourut le 14 du même mois à Chamseru, 
où l'avait apporté Françoise de Burande, sa grand-mère. Les 
deux autres, des filles, étaient nées à Rouen pendant le séjour 
que fit en cette ville M. de Chamseru. 

Quelques années avant sa mort, Jean-François Collette avait 
eu la douleur de voir mourir, à l'âge de 43 ans, le6 juin 1752, 
l’ainée de ses filles, Françoise-Geneviève, mariée le 10 sep- 
tembre 1749 à messire Pierre de la Lande, écuyer, sieur de 
Nagelles et autres lieux, chevalier de l'ordre militaire de Saint- 
Louis, ancien capitaine de cavalerie, et dont il avait dù voir 
avec orgueil la fille présentée le 24 septembre 1750 au 
baptème dans l’église de Crécy, sous les auspices les plus 
flatteurs pour son amour-propre paternel. 

Cet enfant, qui vécut peu de temps, eut en effet l'honneur 
d’avoir pour parrain très haut et puissant seigneur prince 
Monseigneur Charles-Godefroy de la Tour-d'Auvergne, par 
la grâce de Dieu duc de Bouillon, vicomte de Turenne, duc 
d'Albret et de Château-Thierry, comte d'Auvergne et d'Evreux 
et du Bas-Armagnac, baron de la Tour-de-Maringuen et de 
Montgazan, seigneur de Créquy, Saint-Flexin, Vaimbrecourt et 
autres lieux, grand-chambellan de France, gouverneur et 
lieutenant-général pour le Roi du haut et bas pays d’Auvergne, 
et pour marraine Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de 
Pompadour, baronne de Bret, la Rivière et Saint-Cyr-la-Roche, 
dame de Crécy, Couvé, Tréon, Garancières, Boullay-les-Deux- 
Églises, Saint-Remy-sur-Avre, Boissy-en-Drouais et autres 
lieux, demeurant ordinairement à Versailles, et de présent en 
son château de Crécy ‘. 

Quant à son autre fille, Geneviève-Angélique, à laquelle 
revint toute la fortune paternelle, M. de Chamseru l'avait 
mariée, le 23 octobre 1742, à son élève favori, Côme Roussille. 


+ 
+ + 


Né vers 1713, à Voves?, du mariage de Philippe Roussille et 
de Catherine d’Autancourt, Côme Roussille, dès l’âge de 


1 Pour ne rien omettre d’intéressant, nous avons cru devoir joindre sur notre 
lanche de signatures, à celle de Louis Le Veillard, la signature de la chäte- 
anc de Crécy. 


4 Voves fut également le berceau de la famille Gendron, à laquelle M. Dureat, 
bibliothécaire de l'Académie de médecine de Paris, a consacré une notice inte- 
ressante dans les Mémoires de la Societé Archéologique d'Eure-et-Loir. 





— 393 — 
16 ans, s’attacha à la personne de Jean-François Collette, pour 
lequel il professait une vive admiration et une profonde affec- 
tion, l'assistant dans ses opérations et s'initiant sous ses yeux 
et sous sa direction à la pratique chirurgicale dans laquelle il 
parvint, comme son maitre, à une grande perfection. 

D’après une tradition que nous avons recueillie à Chamseru 
même de la bouche des gens les plus âgés du village, Côme 
Roussille, lors du voyage en Espagne de Jean-François Collette 
en 1736, accompagna son maitre et partagea avec lui ses crain- 
tes et sa gloire. Les médecins du pays, jaloux de voir appeler 
auprès d’un des personnages les plus considérables de leur 
patrie un chirurgien étranger, conçurent, paraît-il, le projet de 
se débarrasser de lui ou tout au moins de le mettre dans l'im- 
possibilité de procéder à l’opération pour laquelle il avait été 
mandé. Côme Roussille découvrit cette ruse, et sut déjouer les 
criminelles tentatives conçues contre son maitre et put, en lui 
administrant assez tôt un contre-poison, lui sauver la vie. En 
récompense de ce signalé service, M. de Chamseru accorda 
quelques années plus tard la main d'une de ses filles à son 
élève de prédilection auquel il assurait ainsi la survivance de 
sa succession médicale. 

Lors de son mariage, Côme Roussille depuis quelque temps 
déjà habitait Chartres où il s’était établi en qualité de chirur- 
gien sur la paroisse de Sainte-Foy, qu'il quitta quelques an- 
nées après pour venir demeurer sur la paroisse de Saint- 
Saturnin, où, de 1745 à 1750, de son mariage avec Geneviève- 
Angélique Collette, naquirent quatre enfants : une fille et trois 
garcons. 

La fille, née le 5 janvier 1746, fut baptisée le surlendemain 
et nommée Geneviève par son oncle paternel Philippe Rous- 
Sille, chirurgien juré à Voves, et son aïeule Geneviève Legrand. 
L’ainé des garçons, qui mourut en bas-âge !, fut baptisé le 
23 décembre 1747 et nommé Prosper-Antoine-Côme par mes- 
sire Jean-Prosper Goujon, chevalier, seigneur de Gasville, Ris, 
Iville et autres lieux, conseiller du Roi en ses conseils, maitre 
des requêtes honoraire de son hôtel, ancien intendant de la 
généralité de Rouen, et par dame Claude-Marguerite-Made- 
leine-Antoinette Girard d’Espeuilles, épouse séparée de biens 
et d'habitation de messire François- Frédéric de Boulleur , 


Son acte d'inhumation est daté du 17 avril 1751. 


— 394 — 

marquis de Saint-Rémy, chevalier de l'ordre royal et militaire 
de Saint-Louis, ancien exempt des gardes du corps du roi et 
mestre-de-camp de cavalerie. Le second, nommé Jean-Fran- 
çois-Jacques, né le 7 avril 1749, fut baptisé le 10 du même 
mois et eut pour parrain et marraine Jean Bouillerot, négo- 
ciant de Rouen, et sa tante Françoise-Geneviève Collette. Enfin. 
le troisième garçon, qui vécut peu de temps, fut baptisé le 
jour même de sa naissance, le 21 mars 1750, et eut pour par- 
rain messire Jean-François de Poulpiquet, seigneur comte 
du Halgouet, capitaine de cavalerie au régiment de Dampierre, 
et pour marraine demoiselle Madeleine Bouvart, de la paroisse 
Saint-Aignan de Chartres *. 

C’est en l’honneur de deux de ces enfants, dont nous nous 
occuperons, du reste, plus longuement tout à l’heure, que 
furent exécutés, à l’occasion sans doute de quelque fête de 
famille, deux petits dessins que possède M. le comte d’Arjuzon, 
et qu’il a bien voulu nous communiquer, représentant deux 
écussons chargés de monogrammes formés, l'un des let- 
tres J. R. C. (Jean Roussille Chamseru), et l’autre des lettres 
G. R. C. (Geneviève Roussille Chamseru), et accompagnés le 
premier d'une dédicace à Mr, Me’ et Mlle de Chamseru, le second 
des quatre vers suivants : 


Il est entier, ne grondez plus, 
L'amitié vous en fait hommage ! 
Ses soins ne seront pas perdus 
SI vous agréez son ouvrage. 


dont la médiocrité, hélas! n’exclut pas l’obscurité. 

Tant que vécut son beau-père, Côme Roussille resla à 
Chartres, où nous le voyons en 1754, à l’époque de la mort de 
M. de Chamseru, s’intituler lieutenant des chirurgiens de la 
ville de Chartres, pensionnaire de la ville, chirurgien des. À.S. 
M£" le duc d'Orléans, lieutenant de M. le premier chirurgien du 
Roi et oculiste, et d’où il adressa au Journal de Verdun ?, un des 
recueils périodiques les plus lus de son temps avec le Mercure 


1 La famille Bouvart, connue dés le XIVe siècle dans les annales de Chartres, 
a donné naissance à plusieurs personnages qui figurent honorablement dans l' his- 
toire de cette ville. 


3 Journal historique sur les matières du temps ou Journal de Verdun, cher 
la veuve Ganeau, à Paris. 


— 395 — 


de France, diverses communications personnelles ou indi- 
rectes, relatives à l’art qu’il exerçait ou à des opérations qu’il 
avait eu occasion de pratiquer. 

Au mois de décembre 1745, un gentilhomme de Normandie, 
M. Mullard de Lavarande, qui, après avoir inutilement passé 
par les mains de plusieurs autres oculistes, avait avec succès 
reçu les soins du chirurgien chartrain, par reconnaissance et 
dans l'intérêt du public, crut devoir faire savoir qu’il venait 
d’être guéri des cataractes qui lui couvraient les yeux par une 
nouvelle opération que lui avait faite le sieur Roussille, chirur- 
gien oculiste établi à Chartres et gendre du sieur de Chamseru. 
M. de Lavarande rendit lui-même témoignage qu’il distingua 
tous les objets au premier appareil et qu’au neuvième jour il 
voyait jusqu’à distinguer les couleurs, les gravures sur les 
tablettes et même distinguait les intitulés de plusieurs diffé- 
rents livres !, 

De son côté, Roussille, au mois de mai de l’année suivante, 
publia une lettre qu’il adressait à M. de Chamseru, pour lui 
rendre compte d’une nouvelle opération singulière qui lui 
avait réussi. 

«a Comme c’est de vous, Monsieur, dit-il au commencement 
» de cette lettre, que j'ai appris la nature des différentes ma- 
» ladies des yeux, leur cause autant qu'il est possible et la 
» manière de les traiter, permettez que je vous fasse part 
» d’une opération de cataracte que j’ai eu l’occasion de faire. » 

Après avoir décrit l’affection dont était atteint le sujet de 
son observation, le nommé François Le Vassort, journalier de 
la paroisse de Voves, qui dès le plus bas âge donna des marques 
qu'il ne distinguait pas les objets avec netteté, et fut obligé, à 
l’âge de 15 ou 16 ans, de cesser tout travail et resta dans cette 
situation jusqu à 18 ans, âge auquel son père l’amena à 
Roussille, et avoir détaillé l’opération de la cataracte qu'il pra- 
tiqua sur l’un de ses yeux en présence de Bouvart père, médecin 
distingué de Chartres, dont le certificat est daté du 15 mars 
4746, il termine ainsi : « La vue de cet œil est telle aujour- 
» d'hui que ce jeune homme sans aucun secours voit un village 
» distant de plus d’une lieue, que même il lit à la simple vue 
» dans les caractères les plus petits et cela pendant un temps 


! Journal de Verdun, T. LVIL, p. 439, liv. de décembre 1745. 


— 396 — 
» considérable et que le malade, quinze jours après l’opération, 
» a été faire la moisson et faucha les avoines !. » 

À la fin de la même année, le Journal de Verdun insérait 
la note suivante : « M. Roussille, chirurgien-oculiste, à Chartres, 
» continue de faire avec succès l’opération de la cataracte. Le 
» P. Donnant, religieux bénédictin de la congrégation de Saint- 
» Maur et procureur de l’abbaye de N.-D. de Josaphat près 
Chartres, m'a écrit de sa main que M. Roussille lui avait 
fait deux fois cette opération qui l'avait mis en état de lire 
et d'écrire et qui lui faisait espérer de faire le même usage 
de sa vue pendant le reste de ses jours. C’est dommage, dit 
en terminant cette note, que cet oculiste ne soit point à 
portée d'exercer ses talents dans la capitale du Royaume*.» 
Dans les premiers mois de l'année 1747, Roussille fit impri- 
mer une nouvelle lettre sur une maladie des yeux qu'il 
décrit à M. Bouvart*, docteur en médecine de la faculté de 
Paris et membre de l’Académie royale des sciences, et dans la- 
quelle il dit : 

« Les différentes opérations de la cataracte, Monsieur, que 
» jai eu occasion de faire cette année n’ont rien eu d’assez 
» extraordinaire pour vous en circonstancier la nature et la 
» guérison. Mais voici le détail d'une autre maladie des yeux. 
» J’eus l'honneur. il y a quelque temps, de vous faire le rapport 
» d'une goutte sereine périodique... (L'auteur, dit une note. a 
» eu l'honneur d’envoyer le détail de cette maladie à M. de la 
» Peyronie, premier chirurgien du Roi). Présentement il est 


D sw ÿ 


‘ Journal de Verdun, t. LIX, p. 360-365, liv. de mai 1746. 
2? Journal de Verdun, t. LX, p. 433-4. liv. de déc. 1746. 


3 Bouvart (Michel-Philippe), fils du médecin Claude Bouvart, mentionné plus 
haut et de Geneviève Lebeau, né à Chartres, le 10 janvier 1711, se fit recevoir 
docteur, à Reims, en 1730, et après avoir pratiqué quelques années à Chartres, 
prit, en 1736, le bonnet de docteur régent à Paris, où il s'établit définitivement 
et se créa une brillante réputation et une nombreuse clientèle. Nommé, en 1743, 
associé de l'Académie des sciences et professeur de médecine au collège royal, 
il publia un certain nombre d'ouvrages cités par M. Meriet, dans sa Bibliothèque 
chartraine, et mourut à Paris, le 19 janvier 1787. Anobli en 1768, par Louis 
XV, il portait pour armoiries : d'azur à trois fasces d'or, accompagnées d'un 
croissant montant d'or en chef, et de trois étoiles, posées 2 et 1, du même en 
pointe. D’après Joannis Guigard, Michel Bouvart de Fourqueux, conseiller au 
Parlement de Paris, et son fils, du même nom, ministre d'État et contrôleur 
général des finances, en 1787, ses parents, ont laissé comme bibliophiles un 
nom distingué. 

















— 397 — 
» encore question d’une goutte sereine, mais de l’espèce de 
» celle que les oculistes connaissent sous le nom de goutte 
» sereine imparfaite. » 

Suit l’observation de la maladie intéressant la vue de la fille 
d'un nommé Breton, laboureur à Tansonville, près Illiers en 
Beauce, âgée d'environ 10 ans, ainsi que le détail des soins 
qu'il lui prescrivit !. 

Cescommunications, véritablesannonces mal déguisées et peu 
compatibles avec la dignité médicale, quoique de nos jourselles 
soient encore en usage chez quelques oculistes de profession, 
altirèrent sans doute à la porte de Roussille une affluence de 
malades plus nombreuse qu'il ne pouvait désirer, car vers le 
milieu de cette année il fit insérer au Journal de Verdun l'avis 
suivant : 

« M. Roussille, chirurgien oculiste à Chartres, avertit le 
» public qu'il continuera volontiers de donner tous ses soins 
» aux pauvres pour les maladies des veux, leur faisant gratis 
» l'opération de la cataracte ou telle autre qu’il conviendra, 
» leur donnant aussi gratis tous les remèdes nécessaires pour 
» leur guérison, mais que pour distinguer Îles vrais pauvres 
» de ceux qui ne le sont pas, il n’admettra que ceux qui seront 
» munis d’un certificat de leur curé, attestant leur pau- 
» vreté ?. » 

En 1748, le Mercure de France publia dans son numéro du 
mois de septembre, une lettre adressée à M. de Joveuse, doc- 
teur en médecine de l'Université de Montpellier, par François 
Daviel, l’habile chirurgien oculiste, qui quelques années plus 
tard devait apporter à l'opération de la cataracte un nouveau 
et dernier perfectionnement en indiquant un procédé opéra- 
toire qui, de nos jours, malgré les modifications qu'il asubies, 
porte encore son nom. 

Cette lettre *, relative à une opération de cataracte, au cours 
de laquelle l'auteur s'était trouvé en présence d’un cristallin 
adhérent à la face interne de sa capsule, et dans laquelle. pour 
la mener à bonne fin, il avait dû employer une aiguille nou- 
velle de son invention « sans pointe ni tranchant, » provoqua 


1 Journal de Verdun, t. LXI, p. 179-892, liv. de mars 1747. 
? Jonrnal de Verdun, t. LXIE, p. 32, liv. de juillet 1747. 
3 Mercure de France, pour l'année 1748, liv. de sept. p. 198-221. 


— 398 — 


de la part de Roussille de vives protestations, qu'il eut le tort de 
rendre publiques dans une lettre qu’il adressa, le 17 dé- 
cembre 1748, au Journal de Verdun. 

Dans cette lettre, dont la forme littéraire ne laisse rien à 
désirer, mais où son auteur nous paraît s'être laissé entrainer 
par esprit de rivalité sans doute, hors des limites de la critique 
permise, Côme Roussille, entre autres choses, nia d’abord la 
réalité de la complication devant laquelle s'était un moment 
arrêtée l'incontestable habileté de son confrère. 

« Depuis près de vingt ans, dit-il, que je m’applique d’une 
» façon toute particulière aux maladies des yeux, ayant eu 
» l’avantage de demeurer dès l'âge de 16 ans auprès d'un des 
» plus célèbres oculistes de l'Europe (M. de Chamseru, beau- 
» père de M. Roussille, dit en marge le Journal de Verdun), 
» je puis vous assurer que sur plus de cinq cents cataracles 
» qui m'ont pour ainsi dire passé par les mains, je ne pourrais 
» pas certifier en avoir rencontré une de cette espèce !. » 

De plus, il mit en doute la bonne foi de Daviel, en lui repro- 
chant de s'approprier l’invention d’une aiguille particulière 
dont il prétendait reconnaître dans Heister, part. 2, sec. 2, 
chap 55, et planche 17, l’explication et la figure, reproche 
dont, quelques années après, Pourfour du Petit, célèbre ocu- 
liste parisien, se faisait encore l’écho dans un rapport relatif 
à un extrait publié dans le Mercure de France du fameux mé- 
moire de Daviel sur l'opération de la cataracte par son nou- 
veau procédé. 

Piqué au vif, Daviel riposta dans le Mercure de France, du 
mois de juillet 1749, aux critiques du chirurgien chartrain, 
par une lettre pleine de verve et d'ironie dans laquelle, dédai- 
gnant de répondre aux reproches mal fondés qu’il lui adressait, 
il se contenta de se livrer à une série de personnalités bles- 
santes pour l’amour-propre de son contradicteur ?. 

A la suite de cet échec au-devant duquel Roussille s'était 
imprudemment lancé en soulevant une injuste polémique, le 
zèle de notre auteur pour la publicité nous parait s'être re- 
froidi. 

Malgré son goût exagéré de la réclame qui lui fait grand tort 


LA 


1 Journal de Verdun, t. LXV, p. 101-11, liv. de février 1749. 
? Mercure de France, pour l’année 1749, liv. de juillet, p. 206-227. 








— 399 — 

à nos yeux, Roussille, cependant, ne manquait pas de mérite. 
Comme son beau-père, il appartient à cette pleïade de chirur- 
giens distingués dont on lit encore aujourd’hui avec profit les 
estimables ouvrages et dont le savoir et l’habileté font presque 
oublier le charlatanisme de ces oculistes célèbres qui, au siècle 
précédent, avaient rempli l’Europe du bruit de leurs 
prouesses. À son talent d’opérateur, Roussille joignait un style 
élégant, une profonde érudition et un jugement sain. Anato- 
miste distingué, il parlait et écrivait facilement et judicieuse- 
ment des choses de sa profession !, aussi ne pouvons-nous que 
regretter davantage le silence qu'il s'imposa. 

Sur ces entrefaites d’ailleurs, la mort de son beau-père vint 
lui créer de nouvelles occupations qui le forcèrent à changer 
de résidence. Dès le courant de l’année 1754, il vint avec toute 
sa famille prendre possession du manoir de Chamseru, où il se 
fixa définitivement et où pendant le long séjour qu'il y fit il 
n’éprouva d’autre ennui que celui de se voir, en 1775, contester 
par le curé d’Allainville, messire Louis des Moulins, et le 
syndic des habitants de la paroisse, Nicolas Berranger, le titre 
de seigneur de Chamseru qu'il tenait du chef de sa femme, 
mais qu’à la vérité ses prédécesseurs nous paraissent s’être 
indûment approprié. 

Sommé le 12 octobre 1775, par Jean-Baptiste Lourdet, huis- 
sier à la connétablie et maréchaussée de France, et premier 
huissier audiencier au bailliage civil, criminel et de police de 
la ville et comté de Dreux, de signer un certificat reconnais- 
sant Côme Roussille comme seigneur de Chamseru, à l'effet 
par ledit Chamseru de jouir des droits attachés à la dite sei- 
gneurie, Louis des Moulins répondit : « Qu’il ne connaissait 
» dans la paroisse d’Allainville d’autre principal seigneur que 
» M. le marquis d'Amfreville?, qu’à la vérité il y avait plu- 
» sieurs fiefs dans la dite paroisse dont deux principaux, un 
» appartenant à Monsieur l'abbé d’Espagnac comme abbé de 


1 Dans sa notice sur les Français qui se sont occupés de perfectionner l'opé- 
ralion de la cataracte. J.-R. Duval cite honorablement le nom de Roussille- 
Chamseru à côté de ceux de Callisen, Perceval Pott, Stoll, Richter et Scarpa. 


2 Dès 1766, nous voyons le marquis Henri-Charles-Joseph d’Amfreville, 
ancien capitaine au Régiment royal étranger cavalerie, chevalier de Saint-Louis, 
fils de Charles-Antoine d'Amfreville et d’Elisabeth-Angélique de Pilliers, marié 
à Anne-Suzanne de Saint-Martin de la Viévigne, s’intituler dans divers actes où 
il figure seigneur de Chamseru (Reg. par. de Saint-Laurent-la-Gâtine). 





— 100 — 
Coulombs, et l’autre à la Commanderie de la Ville-Dieu, 
ordre de Malte, sur lequel est assis un fief de cinq arpents 
>» ou environ, mais sur lequel n’est point situé le manoir dudit 
» sieur Roussille qui relève entièrement en roture de ladite 
» Commanderie, dont il a à lover la chasse ou conservation, » 
et qu'il refusait de signer ledit certificat. Sur la réplique faite 
audit messire des Moulins que « le refus qu’il fait de signer 
» ledit certificat est mal fondé. attendu qu'il doit savoir que 
» ledit sieur de Chamseru est vraiment seigneur dudit Cham- 
» seru, puisqu'’en cette qualité il a droit de banquet, colombier, 
» pressoirs banaux, droit de jambon sur tous ceux dudit 
» hameau qui tuent des porcs, et droit de moulin à vent, ce 
» que ledit Mre des Moulins n’a pas méconnu les années pré- 
» cédentes, puisqu'il a signé les pareils certificats, » le sieur 
curé d’Allainville a de nouveau répondu que sa conscience 
serait engagée de signer ledit certificat parce qu’il n'avait en 
réalité aucune connaissance des titres dudit sieur Roussille 
et qu'il persistait dans son refus. 

Le syndic d’Allainville, Nicolas Berranger, ayant également 
refusé de signer ce mème certificat, l’huissier Lourdet eut 
pareille sommation à lui présenter, mais il ne put, malgré 
les nombreuses démarches qu'il fit pour le rencontrer, le 
toucher directement ni obtenir de lui la satisfaction que 
réclamait Côme Roussille. 

Les pièces relatives à cette contestation, conservées dans les 
anciens registres de l’état-civil d'Allainville, étant les seuls 
documents où nous ayons rencontré quelques renseignements 
sur la seigneurie de Chamseru, on nous pardonnera de nous 
être un moment attardé sur cet incident. 

Quant à l'établissement clinique qu'avait fondé auprès de la 
maison de ses ancêtres M. de Chamseru, il continua de pros- 
pérer sous la direction de Roussille, et pendant longtemps en- 
core les malades y affluërent. Comme son beau-père, Roussille 
s’entoura de quelques élèves d'élite qu’il formait par ses leçons 
à la pratique de son art : à Antoine Labrosse, de Dreux, fils 
de Anne Collette, sœur de M. de Chamseru, et dont son 
oncle avait dirigé les premières études, vinrent se joindre Jac- 
ques Lhomme, Pierre Boulard, etc. Mais l’auxiliaire le plus 
dévoué et le plus habile que rencontra Roussille dans la minu- 
tieuse et délicate opération de la cataracte fut sa femme, Gene- 


CE 





— 401 — 
viève-Angélique Collette, qui, d'après le témoignage de Pour- 
four du Petit, oculiste parisien dont nous avons déjà parlé, 
dépassait par sa dextérité et son adresse les plus habiles opé- 
rateurs de son temps . 

Parmi les malades notables qui fréquentèrent au temps de 
Roussille l’hôpital de Chamseru, nous citerons plus particuliè- 
rement, d’après les registres paroissiaux d’Allainville, dame 
Marie-Madeleine Mazeline, veuve d'Eustache Leclerc, écuyer, 
mousquetaire du roi en sa première compagnie, morte à 
Chamseru de mort imprévue (1759), Joseph de Saint-Cézaire, 
enseigne de vaisseau (1760), Nicolas David, intéressé dans les 
fermes du roi (4760), dame Françoise de la Villeleau, dite 
Saint-Joseph, religieuse du .couvent de Chassemidy (1760), 
Jaume, banquier à Paris (1762), Catherine-Martine-Josèphe 
Beauquet de Chantereine, épouse de Tellez de Costa. grand- 
maitre des eaux-et-forèts de Champagne (1763), etc. 

Cependant, au cours de la seconde moitié du XVIII: siècle, 
la diffusion des saines doctrines chirurgicales et l’organisation, 
dans les principaux centres de population du royaume, de 
services spéciaux, où les maladies des yeux étaient soignées 
d'après les plus récentes méthodes, ralentirent la vogue dont 
jusqu'alors avaient joui les chirurgiens de Chamseru, et la 
paroisse d’Allainville vit de jour en jour décroitre le nombre de 
ses hôtes de passage. 

De son côté, Côme Roussille, en possession d'une brillante 
fortune laborieusement acquise, commençait, après avoir heu- 
reusement dirigé les premières études de son fils Jean-Fran- 
çois-Jacques, pour lequel il rêvait de plus hautes destinées 
que les siennes, et qu’il avait fait inscrire sur les registres de 
la Faculté de médecine de Paris, à sentir le besoin d’une 
vie plus calme et la nécessité de prendre une retraite méritée. 
À partir de ce moment, Côme Roussille, tout en continuant 
cependant à donner ses soins aux malades des villages voisins 
de sa demeure, s’occupa, comme l’avait fait son beau-père, de 
l'entretien et de l'amélioration de son domaine et chaque jour 
se méla davantage à la vie intime du personnel domestique 


* Oratio pro vesperiis M. J.-F.-J. Roussille de Chamseru, licentiati me- 
Jici habita... etc., page 38. 


T. X. #. 28 








— 402 — 
qu’il employait à cet effet et des paysans au milieu desquels il 
vécut désormais. 

Grâce à ces concessions à l'esprit du siècle, Côme Roussille 
et sa famille purent, malgré les qualifications nobiliaires dont 
ils s'étaient parés et les prétentions qu'ils avaient autrefois 
élevées sur la seigneurie de Chamseru, traverser sans encom- 
bre la période troublée de la Révolution. 

Entourés des soins dévoués et respectueux de leur fille Ge- 
neviève, qui pour rester près d’eux ne consentit jamais à s 
marier, Côme Roussille et sa femme moururent tous deux à 
Chamseru. Quoiqu'il ft le moins vieux des deux époux, Côme 
Roussille, que son acte de décès signé par Pierre Girondeau. 
son domestique ou comme on disait alors son officieux, et Jac- 
ques Hébert, cultivateur, qualifie officier de santé, mourut 
cependant le premier, âgé de 85 ans, le 26 nivôse an VII. pré- 
cédant dans la tombe d’un an presque jour pour jour Gene- 
viève-Angélique Collette qui mourut le 14 nivôse an VIII, à 
l’âge de 89 ans, et dont Denis Tabouret, jardinier du domaine 
de Chamseru, et Pierre Girondeau se chargèrent de faire la 
déclaration de décès à la mairie d’Allainville *. 

Quelques mois après la mort de Madame Roussille, ses biens 
ainsi que ceux de son mari dont elle avait, sa vie durant, 
conservé la jouissance, furent partagés entre leurs enfants, 
par acte passé le 48 germinal an VIII devant Maugars, notaire 
à Dreux. Pour la première fois depuis qu’il était entre les 
mains de la famille Collette, le domaine de Chamseru fut dé- 
membré. À Geneviève Roussille, échut, outre divers biens 
qu'elle reçut en compensation des avantages faits à son frère 
lors de son mariage, une ferme sise à l’entrée de Chamseru. 
Quant à l’ancien manoir des Collette, ainsi que la ferme qui ÿ 
attenait et les bâtiments qu'avait autrefois fait construire J.-F. 
Collette pour y recevoir ses malades et auxquels, jusqu'à n0S 
jours, les habitants du village ont conservé le nom d’hôpital”, 


! Dans notre planche spéciale de signatures nous en avons reproduit deux de 
Côme Roussille recueillies l’une au bas d'un acte de mariage du 42 janvier 1734, 
l'autre au bas de son por acte de mariage du 23 octobre 1742, ainsi que 
ee de SANS lique Collette, apposée au bas d'un acte d'inhomahon 

u 8 mai : 


3 Sur l'emplacement de ces bâtiments, achetés en juillet 1832 par les époux 
Caillé, de Chamseru , s'élève aujourd'hui une maison habitée par Mme veurt 








— 403 — 

ils firent partie du lot échu à J.-F.-J. Roussille qui, lors de ce 
partage, se fit représenter par Jacques Hébert, propriétaire, 
cultivateur à Allainville, comme fondé de procuration générale 
et spéciale !. 

Une clause particulière du partage assurait en outre à Gene- 
viève Roussille la jouissance, sa vie durant, d’une chambre à 
son choix dans le château. 


Quoique à partir de cette époque la vie des enfants de Côme 
Roussille et de Geneviève Collette appartienne à notre siècle, il 
nous a paru difficile de ne pas compléter par quelques notes 
biographiques sur chacun d’eux l’histoire de leur famille. 

Comme nous l’avons déjà dit, Geneviève Roussille ne s'était 
point mariée. Brouillée peu de temps après la mort de ses pa- 
rents avec son frère pour des raisons d'intérêt, elle disposa de 
la fortune et des biens dont elle avait hérité en faveur d’une 
enfant qu’elle avait vue naître. Le 9 germinal de l’an X de la 
République, Geneviève Roussille, alors âgée de 50 ans, adopta 
par devant Jacques Hébert, maire d’Allainville, pour son en- 
fant et pour jouir des droits réglés par la loi en pareil cas, en 
présence des citoyens Louis-Adrien de Courcy et Charles- 
Augustin de Courcy, tous deux domiciliés à Herville, com- 
mune de Châtaincourt, la personne de Fortunée-Henriette 
Girondeau, âgée de 8 ans, fille du citoyen Pierre Girondeau, 
alors domicilié à Dreux, et que nous avons vu quelques années 
auparavant figurer comme domestique dans la maison de 
Côme Roussille et de sa femme, et de Louise-Catherine-Hen- 
riette Bocquet ?. 

Après avoir marié sa fille ones à Jacques-Michel Bou- 
cher, notaire à la Ferté-Fresnel, arrondissement d’Argentan, 


Caillé, chez laquelle, lors de nos visites à Chamseru , nous avons reçu une ai- 
mable hospitalité et recueilli bon nombre de renseignements que nous avons uti- 
lisés dans ces pages. 


‘ Dans l'acte de partage dressé par Maugars et conservé aujourd’hui dans 
l'étude Dupont, de Dreux, J.-F.-J. Roussille est dit demeurer à Paris, rue 
u-Rempart, n° 332, division de la place Vendôme. 


? Notre planche de signatures contient celle qu’apposa au bas de cet acte d’a- 
doption Geneviève Roussille, 





— 104 — 
Geneviève Roussille vint au bout de quelques années habiter 
auprès d'elle et mourut dans sa maison en l'instituant son 
unique héritière. 

Quant à son frère, Jean-François-Jacques Roussille, que nous 
avons vu du vivant de son père commencer ses études médi- 
cales à Paris, après avoir subi avec succès le 28 avril 1772 ses 
examens de licence en médecine, il fut admis le 13 octobre de 
la même année à l’acte de vespéries ‘et trois jours après à celu: 
de doctorat, auxquels présida Étienne Pourfour du Petit. doc- 
teur régent de la Faculté et oculiste distingué de son temps. 
Dans le discours latin que, selon l'usage prescrit par les sta- 
tuts de l'ancienne Faculté de médecine, il adressa à l’occasion 
de l’acte de vespéries au récipiendaire, Etienne Pourfour du 
Petit ne manqua pas, après lui avoir retracé l’importance et la 
dignité de la profession médicale, exposé les devoirs qu'il au- 
rait à remplir et rappelé les maximes d’honneur et de probité 
auxquelles il devait conformer sa vie, de lui proposer, dans sa 
péroraison, comme modèle à suivre dans sa pratique médicale 
les nobles exemples qu’il avait vus dans sa famille : 

« Celeberrimum et perutilissimum rebus chirurgicis meni- 
nisse juvat cujus probitas omnium amorem, doctrina existimu- 
tionem sibi conciliavit ; quem in cataractæ operatione insti- 
tuendûä ubique nota et specialiter apud Hispanos peritia His- 
paniarum Regis liberalitate dignum fecerunt. 

» Jam viginti quinque anni sunt, cum operandi et curandi 
» generis simplicitatem suam miratus sum et animum movit 
» sua ergo pauperes pietas. 

» Nobilitas tua, hæe est, mi Doctor, virtus, et scientia pro- 
» œvi tui quarum hæœredes sunt pater tuus, et, quod omnibus 


5 OS = y 


1 L'acte de vespéries, ainsi nommé parce que primitivement il avait lieu dans 
l'après-midi, etl’acte de doctorat, simples formalités analogues à celle de la sou- 
tenance de la thèse de doctorat qui les remplace de nos Jours, couronnaient k 
série des examens et des cérémonies imposés dans l’ancienne Faculté de métr 
cine à ceux qui, après avoir reçu le droit (licentiam) d'exercer la médecine. 
voulaient conquérir le bounet de docteur régent, c’est-à-dire faire partie du corps 
même de la Faculté. | 

D'après les anciens statuts de la Faculté, le président de l'acte de vespénés 
pouvait, s’il le jugeait nécessaire, faire une enquête sur la vie et les mœurs di 
licencié qui dans quelques jours devait faire partie de l’école, et devait l'exhor- 
ter à exercer loyalement la médecine. Presque toujours les discours prononté 
en cette circonstance avaient pour objet l'éloge de la Faculté ou de l'Université. 
celui de la profession médicale, les devoirs qu'elle impose, etc. 





— 105 — 
» mirandum, mater tua, quæ in Cristallini depressione quos- 
» cumque chirurgos vel peritissimos antecellit \. » 

Après avoir reçu le bonnet de docteur et rempli, pour pou- 
voir prendre rang parmi les membres de la Faculté, participer. 
à leurs privilèges et, le cas échéant. entrer dans les fonctions 
de l'École, les formalités exigées par les statuts, en faisant acte 
de régence, c’est-à-dire en présidant extraordinairement une 
thèse quotlibétaire, J.-F.-J. Roussille s’établit à Paris, où il se 
consacra particulièrement à la pratique de la médecine et où 
en 1776, par l'entremise de Pierre Brasdor ?, professeur aux 
écoles de chirurgie de cette ville, il épousa * Anne-Mélanie 
Ruffet, nièce de ce chirurgien distingué. 

En peu de temps, grâce à son savoir et à son activité, J.-F.- 
J. Roussille se créa une brillante et nombreuse clientèle et 
s’acquit la réputation d'un habile praticien : aussi se trouva-t- 
il dès 1777, lors de l’établissement de la Société royale de mé- 
decine, naturellement désigné pour être un des premiers mem- 
bres associés de cette Compagnie savante qui, dans l'organi- 
sation scientitique de son temps, représente notre Académie de 
médecine actuelle, et aux travaux de laquelle il prit une part 
assidue jusqu’à la Révolution. 

A cette époque, J.-F.-J. Roussille, alors dans la force de 
l'âge et dans la plénitude de ses talents de praticien, n’hésita 
pas, lors du grand mouvement national des enrôlements volon- 
taires, à répondre à l’appel de la patrie en danger. 

Nommé le 2 octobre 1792 médecin de l’armée de réserve, il 


1 Oratio pro vesperiis M. J.-F.-J. Roussille de Chamseru, licentiati medici 
habite , etc., page 3-78. 


2 & Une heureuse destinée, dit J.-F.-J. Roussille dans la notice sur la vie et 
les œuvres de Pierre Brasdor lue le 22 prairial an VE, à la séance de la Soc. 
de méd. de Paris et publiée en 1800 dans le recueil périodique de cette So- 
ciété, m'a procuré, 11 v a vingt-cinq ans, l'intimité de cet homme vertueux. 
J'étais alors dans un âge où le zèle est souvent sans appui et où l’on à besoin 
d'intéresser ou de plaire avant d'avoir encore rien acquis. J’obtins par son 
entremise le bienfait durable d'une alliance qui m’a mis auprès de lui dans un 
commerce étroit des mêmes affections et des mêmes habitudes. Plus 1l m'est 
doux de songer que j'étais son neveu, son ami, son disciple, plus je sens 
avec tous ceux qui l'ont chéri, la douleur de l'avoir perdu. » Journal géne- 
ral de médecine de Sédillot, T. VIIT, page 361. 


3 Dans son contrat de mariage passé le 22 mai 1776 par devant M° Lhomme, 
notaire à Paris, ses parents lui constituèrent en avance d'hoirie, indépendam- 
ment d’une somme de 7,000 livres qu'il avait reçue pour ses frais d’études et de 
réception comme docteur, une dot de 30,000 livres. 


SU SE SJ 9 


ESS S 


— 406 — 

fut appelé au commencement de 1793 à l'hôpital de Laon, 
d'où à la fin du même mois il passa au service de l'armée ds. 
Belgique. Mais à peine était-il rendu à son poste qu'il 
atteint d'une fièvre putride maligne pour laquelle il fut soi 
à Bruxelles. Rentré convalescent en France, il fut chargé f 
dant l’été 1793 du service des hôpitaux du camp sous Péronnk 
puis de celui de l’ambulance de Compiègne avec le titre 4 
médecin de re classe des hôpitaux militaires. Dénoncé. 
3 pluviôse an II comme aristocrate ‘ au sein de la Sociéis 
. mère des amis de la liberté et de l’égalité, il fut destitué de # 
fonctions le 11 ventôse suivant. L'appui du Comité de sur 
lance révolutionnaire de Compiègne, la défense qu'il présesf 
lui-même contre la dénonciation dont il était l’objet dans & 
lettre adressée au citoyen Dufourny qu'il fit imprimer, et “ 
les soins du citoyen Gautier, adjoint de la 2 division au | 
tère de la guerre, mettre sous les yeux du ministre, le fra 
réintégrer dans le service de santé militaire où il fut emple ,, 
d'abord, à partir du 13 frimaire an III, en qualité de médecll 
de l'armée du Nord, à l'intérieur, puis, le 8 ventôse suivante 
comme médecin attaché au Comité de visite des militaires à 
firmes établi au département de la guerre à Paris. 

Le 28 germinal an VI, à la suite d’une nouvelle dénonciatigé" 
relative à un certificat de réforme délivré au soldat Joss: 
Bernazais, et dans laquelle se trouvait impliqué avec 
Biron, l'un des inspecteurs généraux du service de santé q à 
plus tard fut médecin en chef de l’hôtel des Invalides, le al 
nistre de la guerre décida qu’il cesserait ses fonctions et ne se 
rait plus employé. 

Le 21 messidor de la même année, après une enquête pro». 
voquée par les réclamations qu’il adress dès le 6 floréal 
membres du Directoire, il fut remis, comme son coll 




















‘ Le 3 pluviôse an IT, à la séance tenue au Club des Jacobins de Paris 
la Société des Amis de la liberté et de l'égalité fut reçue une députation de Ki: 
Société correspondante de Soissons. Sur la “plainte formulée par un des 
de la députation contre un nommé Chamseru , feuillant décidé, qui tient le haut 
du pavé en cette Société populaire, Dufourny déclare qu'il connait Chamseru 
dont on a parlé. Il l’a toujours vu faire le métier d'agent de Lameth , il le vit la 
veille de la session des feuillants inviter les membres du comité de co 
dance de la société à se ranger du parti de cette secte abominable. 11 a un 
des rédacteurs d’un libelle écrit contre la Société, 1l a été un des recruteurs de 
Tes pour les adresses et pétitions aristocratiques (Moniteur du 6 pluriosr 
an Il.) 





copie EESSEES © ON, 


— 407 — 
Biron, en activité et nommé médecin professeur de l'hôpital 
militaire de Strasbourg, et deux ans après, le 29 vendémiaire 
an VJII, rétabli dans ses fonctions de médecin attaché au Co- 
mité de visite des militaires infirmes établi à Paris, qu'il 
conserva jusqu'au 8 brumaire an XII où, pour cause de santé, il 
fut réformé. 

Dix-huit mois auparavant, J.-F.-J. Roussille avait failli pour 
la troisième fois être victime des passions de son temps; mais 
grâce à l'intervention de ses collègues de la Société de méde- 
cine de Paris dont, en cette circonstance, les sentiments 
d'union et de confraternité, entretenus par une collaboration 
active et une fréquentation assidue, s’élevèrent jusqu’à la soli- 
darité, le danger qui le menaçait fut, cette fois encore, conjuré. 

Le 14 thermidor an XI, au cours de la séance de la Société 
de médecine présidée par Chaussier, le secrétaire général, J.- 
R. Duval, fit part à ses collègues qu’un des membres de la 
Société, Roussille-Chamseru, était depuis six jours détenu à la 
prison de la Force. A ce nom, aussi cher à la science qu’à l’hu- 
manité, l’affliction se répandit dans la Société et spontanément 
il se forma un vœu unanime de porter à ce collègue des pa- 
roles de consolation et l’expression de l’intérêt qu’on prenait à 
son malheureux événement. 

Le secrétaire général fit observer que déjà plusieurs mem- 
bres, après avoir été instruits que leur collègue avait été 
conduit à la préfecture de police et de là chez le grand juge, 
avaient fait sur-le-champ les démarches que cette fâcheuse cir- 
constance attendait de leur sollicitude et qu’ils lui avaient 
rendu visite dans la prison de la Force. La Société, ne voyant 
dans ces démarches que l'expression individuelle des senti- 
ments qui doivent animer tous les membres d’une même 
famille, et considérant que Roussille-Chamseru avait depuis 
longtemps acquis des droits à l’estime publique, à la confiance 
de ses concitoyens et à l’amitié de ses collègues, soit comme 
médecin, soit comme savant et surtout comme un des fonda- 
teurs et des plus zélés soutiens de la Société, estima qu'elle 
devait lui donner: la preuve la plus authentique de l'intérêt 
qu'elle prenait à sa position : en conséquence, elle arrêta qu'il 
serait formé dans son sein une Commission, tant pour lui por- 
ter l’expression des sentiments de la Société que pour prendre 
en main la défense de sa cause et pour s'occuper de tout ce 


— 4108 — 
qui pouvait tendre à le tirer du malheur où il se trouvait 
plongé. 

Tous les membres présents à la séance réclamérent à l'envi 
l'honneur de faire partie de cette Commission qui resta com- 
posée des membres du bureau et des citoyens Beauchéne. 
Biron, Bodin, Bouillon-Lagrange, Bourdois de la Motte, Culle- 
rier, Desessarts, Emonot, Giraut, Guyard, Jeanroy, Lafisse, 
Laporte et Tessier. 

Il fut arrêté en sus qu'aussitôt après la séance, la Commis- 
sion Ss'assemblerait et qu'on lui remettrait, pour attester son 
mandat, un extrait du procès-verbal de la délibération qui 
l'avait nommée. 

A la séance du 928 thermidor suivant, un bruit instantané et 
la voix d’un membre annoncèrent l’arrivée de Roussille- 
Chamseru. Aussitôt, le président Chaussier lui exprima la 
satisfaction qu'éprouvait la Société de ce que justice lui avait 
été rendue et de ce qu'il se retrouvait avec ses amis. Profon- 
dément touché de l'accueil qui lui était fait, Roussille témoigna 
sa reconnaissance en termes émus à la Société pour les mar- 
ques de sympathie et les services qu'elle lui avait prodigués et 
reprit sa place au milieu de ses collègues après avoir recu du 
président l’accolade fraternelle {. 

Pour quelle cause J.-F.-J. Roussille avait-il été incarcéré” 
Les recherches faites à ce sujet par M. le docteur Rougon ? ne 
lui ont rien appris, mais sans aucun doute cette use ne 
devait pas se rattacher à une question d'honneur professionnel. 

Au moment de l'entrée en campagne contre l'Autriche. 
J.-F.-J. Roussille fut, le 33 fructidor an XIII, malgré la réforme 
dont l'année précédente il avait été l’objet. rappelé au service 
de santé etemployé en qualité de médecin de l’armée des Côtes, 
devenue grande armée, dontil suivit les 3%, 4, 5e, et 6e corpsen 
Allemagne, où le 13 brumaire an XIV, nous le trouvons méde- 
cin en chef de l'hôpital militaire d’Heilbronn dans le pays de 
Wurtemberg. Après la prise de Vienne (15 novembre 18%). 


| ! Procès-verbaux inédits, an XI. Archives de la Société de médecine de 
aris. 


2 Rougon , archiviste de la Soc. de méd. de Paris: Les Archives de la S- 
ciété de médecine de Paris de l'an IV (1796) à nos jours in Union médicale, 
T. 33 13° Série) 1882. 








— 109 — 
il fut appelé en cette ville, et le 6 janvier 1806, mis à la tête 
de l’hôpital sédentaire de l’Académie Joséphine. 

Pendant les deux campagnes dirigées en 1806 et 1807 contre 
la Prusse, J.-F.-J. Roussille suivit de nouveau la grande armée 
avec laquelle il entra en Pologne, où en 1807 il eut l'occasion 
d'étudier à l’hôpital de Posen plusieurs cas tvpiques de 
plique, maladie du cuir chevelu particulière à cette région de 
l’Europe. Dès cette époque il adressa à la Société de médecine 
de Paris, un mémoire sur cette affection qu’il compléta quel- 
ques mois plus tard par de nouvelles observations qu'il recueillit 
à Cassel, en venant de Berlin à Francfort-sur-le-Mein pour 
rentrer en France. 

Le 13 mars 1808.aprèsdix-septannées de serviceeffectif comme 
médecin militaire, interrompu, il estvrai, à plusieurs reprises 
et 7 à 8 campagnes ! pendant lesquelles, malgré les occupations 
de son service officiel, il fut un des membres les plus laborieux 
de la Société de médecine de Paris , de la Société académique 
de médecine de Paris ? dont, en 1814, il fut le secrétaire, 
de la Société médicale d’Emulation, de la Société de pharmacie, 
du Comité de Vaccination établi au Louvre, du Lycée des 
Arts, du Comité d'Inspection et du Comité d’Admission dans 
les hôpitaux civils, etc. où il se trouvait en relations suivies 
avec les savants les plus distingués de son temps, J.-F.-J. 
Roussille rentra définitivement dans la vie civile avec une 
pension de retraite de médecin militaire lui valant par an 
900 fr. qui lui fut accordée en 1809, comme devant lui tenir 
lieu de toute autre récompense. 

Possédant une vaste et solide instruction et un incontestable 
talent d'écrivain, J.-F.-J. Roussille, dès son retour à Paris où 
nous le trouvons en 1814, d’après une liste des contribuables 
d’Allainville, installé rue Favart, n° 8, place des Italiens, se 
consacra surtout au journalisme et à la littérature médicale 
qu’il n'avait jamais d’ailleurs abandonnés mème pendant ses 


1 Sur cette périvde de la vie de J.-F-.J. Roussille, M. le capitaine Paul 
Marin, notre ami, nous a communiqué, outre la copie de l’état officiel de ses 
services, de précieux renseignements qu'il a eu l’obligeance de recueillir et de 
copier pour nous au dépôt des Archives du Ministère de la Guerre. 


2 Cette Société, qui tenait ses séances à l’oratoire du Louvre, réunissait dans 
son sein, sous le nom d'Académie , tous les docteurs régents de l'ancienne Fa- 
culté de Paris. 


— 410 — 
campagnes, comme on peut le voir par la liste suivante de ses 
publications : 

1. An retina primarium visionis instrumentum ? :Prœses 
Joannes-Baptista - Michael Bucquet . Thèse. 7 p., in-#°. — Paris, 
Quillau. 17:0. 

2. An lux salubrior à sole ? : Prœses Stephanus Pourfour du 
Petit . Thèse. # p..in-$#°. — Paris, Quillau. 1771. 

3. An morbis acutis victus vegetabilis seu dieta Hippocratica ? 
‘Prœses Petrus-Augusünus Adet:. Thèse, # p.. in-$°. — Paris. 
Quillau. 1772. 

t. An ad feliciorem citioremque ulcerum curationem conferat 
blandior et rarior medicina ? :Prœæses Ludovicus Pathiot:. Thèse. 
24 p., in-#*. Paris, Quillau., 1772. 

5. Observation sur un changement de couieur de la peau. in 
Mém. de la Soc. Royale de Médecine, pour 1780-1, t IV. p. 6H 

1785. 

6. Réflexions .en collaboration avec Coquereau,. sur l'état 
actuel de la lépre en Europe. fbid.. pour 1382-3,t. V.p. 19-28 
(1787). 

3. Recherches sur la nyctalopie ou aveuglement de nuit. ma- 
Jadie qui régne tous les ans dans le printemps aux environs de 
la Roche-Guyon. fbid.. pour 1786. t. VII. p. 130-78 (1790). 


8. Réflexions (en collaboration avec Becquet, sur un mémoire 
d'Arrachard, relatif à la goutte sereine. in Journal général de 
Médecine de Sédillot. T. 1, p. 273 ‘An 35-1796]. 


9. Extrait de l'ouvrage de Thomas Fowler, Méd. ang. sur les 
effets de l'arsenic dans les fièvres continues aïnsi que dans les 
maux de tête périodiques (Ms.). 

10. Réflexions à propos d'un mémoire de Dupont. chirurgien 
de l'armée de Sambre-et-Meuse, sur la goutte sereine ou nycta- 
lopie. Jbi.. t. 11. p. 80 et 147. (An 5-1797:. 

11. Recherches physiologiques sur les causes du sommeil. 
{(Ms.). 

12. Compte rendu analvtique de la Synoptique des muscules 
de l'homme par Chaussier. et du Système méthodique de nomen- 
clature et de classification des muscles du corps humain par 
Dumas. Ibid., p. 215-22. 


13. Réflexions au sujet d'une observation de Tarbes, chirurgien 
à Toulouse, sur unc goutte sereine parfaite avec mouvement de 
l'iris. Jbid., p. 319. 

14. Compte rendu analytique de l'introduction à l'étude de 





— il — 


la nature et de la médecine par Selles, trad. de l'allem. par Coray. 
Ibid., t. 111, p. 71-5 (An 6-1798). 


15. Compte rendu (en collaboration avec Biron) de l’'Instruction 
du corps de santé militaire, relative aux moyens d'obtenir la sa- 
lubrité et de purifier l'air des salles dans les hôpitaux militaires, 
et des Réflexions sur l’air athmosphérique, ses altérations, ses 
influences sur le corps humain et les moyens de corriger son 
infection dans les hôpitaux militaires par Renauldin. Jbid., 
p. 147-560. 

16. Rapport sur l'observation faite par Demours sur une 
pupille artificielle. fbid., t. VIII, p. 327-33. (An 8-1800). 


17. Sur la vic et les écrits de Pierre Brasdor, notice lue à la 
séance publique de la Soc. de Méd. de Paris, le 22 prairial, an 6. 
Tbid., p. 449-61. 


18. Compte rendu analyt. du Journal de Médecine, chirurgie 
ct pharmacie de Leroux, Corvisart et Boyer, 1"° année. Jbid., 
t. IX, p. 73, 187, 311 et #19. (An 9-1801). 


19. Compte rendu du Traité des pertes de sang par André 
Pasta. Jbid., p. 214-5. 


20. Sur les morts apparentes ou asphyxies, à propos du livre 
de Fine et Curry. Ibid., p. 328-830. 

21. Compte rendu analyt. de la Médecine Clinique de Stoll. 
Ibid., p. 330-1. 

22. Compte rendu du Journal de Médecine, chirurgie et phar- 
macie de Leroux, etc. (1r° année, suite). 1bid., t. X, p. 102, 229 et 
432. (An 9-1801). 

23. Compte rendu du livre de Bichat : Recherches physiolo- 
giques sur la vie et la mort. fbid., p. 222-8 et 427-32. 

24. Rapport fait à l’Institut national des sciences et arts, par 
Lassus et Désessarts sur un mémoire du citoyen R. Chamseru, 
intitulé Recherches sur l'ophthalmie d'Egypte. 1bid., p. 249-52. 

25. Compte rendu analyt. de la Physiologie de C. L. Dumas. 
Ibid., t. XI, p. 3-14. (An 9-1801). 

26. Compte rendu de l'éloge de J.-A. Lorentz, médecin des 
armées par Coste. Ibid., p. 87-94. 

27. Examen du projet d'organisation médicale, par Duchanory. 
Ibid., p. 94-100. 

28. Rapport sur l'épidémie observée à Courtray par Vandorpe. 
Ibid,, p. 150-60. 

29. Compte rendu analvt. du Journal de Médecine, chirurgie 
et pharmacie de Leroux (1° annéc suite). Jbid., p. 208 et 311. 





— 412 — 
30. Compte rendu du Journal de Médecine etc. de Leroux, et. 
(ire année. suite. [bid., t. XII. p. 100. (An 10-1802). 


31. Compte rendu des Dissertations de Bard sur le choléra 
morbus, et de Lacoste sur la jaunisse. fbid., p. 112-4. 

32. Constitution des maladies d'hiver qui ont régné dans quel- 
ques hôpitaux militaires en 1792 et 179% (pour servir de suite à 
l'exposé des maladies automnales précéd. inséré dans les cahiers 
Vendén. An 2,brum. et frim. An 3 de l'ancien journal de 
Médecine]. Tbid., p. 160-576. 

33. Compte rendu analxt. de l'Essai sur l'art de conjecturer en 
médécine par C. A. Brulley. fbid., p. 217-9. 

3#. Rapport (en collaboration avec Sureau et Sédillot;. sur 
l'application des nouveaux poids et mesures relativement à 
l'usage médical. Jbid., p. 245. 

35. Compte rendu analyt. des Mémoires de la Société médic. 
d'émulation pour l'an 8. fbid., p. 357-68. 

36. Compte rendu du livre de J.-J. Busch sur le traitement de 
la phthisie pulmonaire. [bid., p. #4#1-55. 

31. Réflexions sur une observation de Bobe-Moreau. ofticier 
de santé à Rochefort, sur une angine suppuratoire aiguë. Jbid.. 
t. NUIT, p. #8-58. (An 10-1802). 

33. Rapport (en collaboration avec Thérin) sur le mémoire de 
Larrey relatif à l'ophthalmie régnant en Egypte. fbid., p. A4. 

39. Compte rendu analyt. de la 2e année du Journal de Leroux. 
Ibid. p. 20411. 

#). Compte rendu de la Dissertation de L. J. Renauldin sur 
l'érésvpèle. Jbid.. p. 3+r8. 

#1. Compte rendu des Considérations et observations pratiques 
sur l'usage de l'opium dans les hémorrhagies actives, par $. 
Rogery. Jbid., p. 407-21. 

42. Compte rendu d'une Esquisse d'un système de nosologie. 
fondé sur la physiologie et la thérapeutique par J. Tourdes, de 
Strasbourg. suivi de l'exposé d'une doctrine simplifiée des temr- 
péraments. par R. Chamseru. fbid., t. XIV, p. 115-7. (An 10-1802). 

#3. Esquisse d'un nouveau projet de comparaison de l'état de 
l'air. des eaux et des lieux avec l'histoire des maladies propres à 
chaque saison. Jbid., p. 223-4. 

#4. Compte rendu analyt. du livre de J. P. Duval sur les 
accidents de l'extraction des dents. fbid., p. 3358. 

5. Compte rendu du Traité des maladies goutteuses par 
Barthez. Jbid., p. 369-409. 





— 413 — 

46. Réflexions médicales sur le second semestre de l’an 10. 
lbid., p. 449-54. 

#7. Compte rendu analyt. du Traité pratique des maladies des 
veux par A. Scarpa. [bid., p. 463-5. 

48. Compte rendu du Manuel de l'officier de santé par J.-J. 
Martin. Jbid., t. XV, p. 94-7. (An 11-1803). 

49. Aperçu médical du premier semestre de l'an 11. Jbid., 
p. 203-7. | 

#0. Compte rendu analyt. de l'essai sur la vie de P.-J. Lorentz. 
Ibid. p. 423-3. 

51. Constitution médicale du printemps de l'an 11 observ. à 
Paris. 1bid., t. XVI, p. 163-74. (An 11-1803). 

52. Réflexions sur une Observation de maladie bleue par 
Thiébault. Jbid., p. 273-80. 

53. Compte rendu analyt. des Nouveaux principes de pharma- 
cologie par J.-B.-C. Barbier. Jbid., t. XVII, p. 98-103, (An 11-1803). 


54. Compte rendu des Observations médicales relatives à la 
fièvre régnante à Libourne (fièvre jaune) par G. Palloni, trad. 
de l'Italien par Révolat, et de l'Essai sur l’histoire médico-topo- 
graphique de Paris par Menuret. Jbid., t. XXIII, p. 68-80. 
(An 13). 


55. Rapport sur une épidémie observée à Dinan en l'an 12 par 
M. Bigeon, doct-méd. à Plouer, daté de l'hôp. mil. d'Heilbronn, 
le 13 brumaire An 14. Jbid., t. XXV, p. 155-62 (1806). 

56. Sur la plica polonica de l'homme et des animaux. /bid., 
t. XXX, p. 62-8 (1807). 


5*. Note additionnelle à la plica polonica, etc. Jbid., p. 201-3. 


58. Réflexions sur un extrait du Traité de la plique polonaise 
par F.-L. de Lafontaine. Ibid., t. XXXIV, p. 20423 et 302-11 
(1809). 

59. Réponse à la lettre ou mémoire de F.-L. de Lafontaine sur 
la plica polonica, inséré au t. 34 du Journal gén. de Méd. p. 161. 
Jbid.,t. XXXV, p. 248-56 (1809). 

60. Rapport sur l'Observation de la maladie typhoïde qui a 
régné à Périgueux par Pontard. [bid., t. XXXVI, p. 29-34 (1809). 

61. Rapport lu à l'Académie de médecine, le 27 juillet 1809, sur 
La médecine légale par Vigné. Ibid., p. 198-203. 

62. Compte rendu analyt. du Projet d'une nouvelle organisa- 


tion des hôpitaux, hospices et secours à domicile, etc. par 
Duchanoy. fbid., t. XXX VII, p. 201-5 (1810). 


— 414 — 

63. Compte rendu du Traité de la maladie vénérienne, chez les 
enfants nouveaux-nés, les femmes enceintes et les nourrices, par 
Bertin. fbid., p. 398-402. 

64. Compte rendu du mémoire de J.-F. Montain, sur les effets 
des différentes espèces d'évacuations sanguines artificielles. Fbid.. 
p. 403-6. 

65. Compte rendu des Recherches sur le système nerveux en 
général et sur celui du cerveau en particulier par F.-J. Gall ei 
G. Spurzheim. Jbid., t. XXXIX, p. 186-9 (1810). 

66. Compte rendu de l’Anatomie et physiologie du système ner- 
veux en général, et du cerveau en particulier avec des observa- 
tions, etc. par F.-J. Gall. et G. Spurzheim. Ibid. p. 289-300 et 
400-10. 


67. Rapport (en collaboration avec Biron, Boullay et Cadet) sur 
un appareil proposé par L. A. Planche, pour préparer les eaux, 
minérales acidules artificielles. Jbid., p. 182. 


68. Compte rendu analyt. de l'Introduction à l'histoire de la 
médecine ancienne et moderne par Rosario Scudéri, traduc. de 
l'italien par C. Billardet. Jbid., t. XL, p. 196-201 (1811). 


69. Compte rendu du Recueil de discours, mémoires et obser- 
vations de médecine clinique par J. C. Désessarts. Ibid. 
p. 325-830. 


70. Compte rendu du Manuel de l’Anatomiste par J. P. Maygrier. 
Ibid., p. 459-61. 


71. Observations sur les causes d'insalubrité et de contagion 
qui ont eu lieu pendant l'hiver 1805-1806, dans les hôpitaux am- 
bulants de Vienne et principalement dans l'hôpital sédentaire 
de l'Académie Joséphine. Jbid., t. XLI, p. 72-86 (1811). 


72. Compte rendu analyt. du Traité de l’angine de poitrine par 
E.-H. Desportes. Jbid., p. 172-8. 


73. Rapport (en collaboration avec Heurteloup, Biron, Culle- 
rier et Double) sur la maladie dite le Scherliero ou nouvelle 
forme de syphilis qui a régné sur le territoire hongrois. Ib, 
t. XLII, p. 3-30 (1811). 


74. Compte rendu analyt. du Cours de Médecine légale théorique 
et pratique par J.-J. Belloc, du Mémoire sur la médecine légale 
par P.-J. Pelletan et de Consultations médico-légales sur une 
accusation d'empoisonnement par le sublimé corrosif. Jbid. 
p. 61-6. 

Suivi d'une lettre adressée de Dreux, le 7 août 1811, à M.R. 
de Chamseru, par Worbe, D. M. P., licencié en droit de la faculté 





— 415 — 


de Grenoble, avocat à la Cour Impériale de Paris, résidant à 
Dreux. fbid., p. 66-70. 


7%. Compte rendu de la Dissertation sur la paracenthèse du 
Thorax (thèse du 14 février 1811) par J.-B. Maréchal, natif de 
Houdan, docteur en chirurgie, anc. chirurgien de l’Hôtel-Dieu 
de Paris, résidant à Dreux depuis 20 ans. fbid., p. 84-7. 


76. Compte rendu de l’Anatomie et physiologie du système 
nerveux en général, etc. par Gall et Spurzheim. Jbid., t. XLII, 
p. 84-98 (1812). 


77. Compte rendu de la Traduction par M. de Mercy des apho- 
rismes d'Hippocrate, de l'Edition, par S. Pariset, des œuvres 
d'Hippocrate (cœcæ prœnotiones et de morbis vulgaribus libri 
let IIL, etc.) et de Celse (de re medica, etc.) Ibid., p. 431-4. 


78. Compte-rendu de l'Éloge historique de Foës, par M. Percy. 
Ibid,, t. XLIV, p. 97-9 (1812). 


79. Compte-rendu des recherches médico-philosophiques sur 
les causes physiques de la polygamie dans les pays chauds par 
Chervin de Lyon. fbid., p. 172-5. 


80. Compte-rendu de l'édition d'Hippocrate (Hippocratis de 
morbis vulgaribus libri I et 11}, etc. par S. Pariset. Ibid., p. 
299-304. 


81. Compte rendu de la Topographie médicale de l'Ile-de-France, 
par Ch. Chapotin. fbid., p. 304-8. | 


82. Compte rendu de l'Aperçu des résultats de la fabrication 
des sirops et des conserves de raisins, en 1810 et 1811, etc. par 
A.-A. Parmentier. Jbid., p. 308-9. 


83. Recherches de comparaison sur les diverses substances 
employées à la confection des dents artificielles, mémoire com- 
muniqué en 1788, à la Société Royale de médecine. Ibid., p. 394 
402. 

84. Compte rendu analyt. de la Dissertation sur le rire consi- 
déré comme phénomène sémérologique par Roy. Jbid., t. XLV, 
p. 199-202 (1812). 


85. Compte rendu des Erreurs populaires relatives à la méde- 
cine par le prof. Richerand. fbid., p. 217-23. 

86. Compte rendu du livre intitulé : Acta instituti clinici 
Cœsareæ universitatis Wilnensis, auct. Jos. Franck, suivi d'un 
plan d'instruction clinique expérimenté par M. R. de Chamseru, 
y a 12 à 45 ans, dit-il. Jbid., t. XLVI, p. 403-413 (1813). 

87. Rapport sur une observation de Bobe-Moreau, sur une 


— 416 — 
procidence de la tunique de l'humeur aqueuse, [bid., t. XLVII. 
p. 15-20 (1813). 
Compte rendu analyt. des Doutes sur l'existence du croup 
essentiel par Ruette cet du traité de l'asphyxie connue sous le 
nom de croup par le même. fbid., p. 191-208. 


88. Rapport des Observations qui prouvent que l'abus des 
remèdes, surtout de la saignée, des évacuants, etc., est la cause 
de notre destruction prématurée, rte. par Bigeon. Jbid., 1. XLVI. 
p. 61-4 (1813). 

89. Rapport du Traité de la fièvre entéro-mésentérique par 
MM. Petit et Serres. Ibid., p. 81-8. 

90. Eloge de Mathieu Sureau, lu à la Société de PES de 
Paris, le 13 juillet 1813, Jbid., p. 108-10. 

91. Compte rendu analyt. du Manuel médical par P. Nystein. 
Ibid., t. XLIX, p. 324-31 11814). 

92. Compte-rendu des Observations sur les affections dou- 
loureuses de la face par J.-R. Duval. Jbid., p. 332. 

93. Compte-rendu des Recherches médico-topographiques 
sur Rome et l'Agro-Romano par J.-B. Michel. Jbid., p. 3324. 

94. Rapport (en coll. avec Juglar), sur la thèse de Gérardin : 
Recherches physiologiques sur les gaz intestinaux. Jbid., 
p. 440-3. 

95. Compte rendu analyt. du Traité médico-philosophique sur 
le rire par D.-P. Roy. 1bid., p. 443-5. 

96. Compte rendu des Éphémérides de la vie Humaine, thèse 
de Virey. Jbid,, p. 446-583. 

97. De la contagion régnante sur les vaches, les bœufs et sur 
l'homme en quelques PRRRÉCE de la France. fbid., t.L, p. 1825. 
(1811). 

98. Analyse (en collaboration avec Marc, Sevestre et Sédilloti 
de deux consultations de médecine légale sur une tentative pré- 
tendue d'empoisonnement (affaire de Choisy). fbid., p. 225-#. 

9. Observation d’une rougeole qui s’est heurcusement ter- 
minée sans avoir eu recours aux évacuants usités dans les 
convalescences des fièvres éruptives. Jbid., t. LI, p. 34-41. 11814. 

100. Compte rendu analyt. du Mémoire sur l'origine et la na- 
ture de la plique polonaise par Jos. Franck. Ibid., p. 7-2. 

101. Analyse du Mémoire justificatif et de la Consultation 
médico-légale de M. Calabre-Debreuze, en faveur de Dominique 
François (affaire de Montargis). Ibid., p. 313-8. 

102. Examen de la Réponse de MM. Raige et Dufour à M. de 





— 417 — 
Breuze et de deux Consultation médico-légales en faveur de 


Dominique François et de sa mère :affaire de Montargis). Jbid., 
t. LI, p. 211-13.. 


103. Compte rendu analyt. du Dictionnaire des Sciences mé- 
dicales, t. XI. fbid., p. 286-311. 


104. Compte rendu du Dictionnaire de Médecine et des Sciences 
accessoires à la Médecine par P. Nystein. fhid., p. 33-47. 

105. Réflexions sur la dissertation de J. Zugenbubhiler : sur le 
mouvement du sang veineux. fbid.. 1. LIL, p. 13X-#5. ‘IN15:. 


106. Compte rendu analyt. du Dictionnaire de Médecine de 
Nystein (suite). fbid., p. 165-171. 


107. Mémoire sur les Augustines ou les nouveaux chauffe- 
pieds économiques. fbid., p. 222-4. 


108. Réflexions sur la Péripneurnonie bilieuse par Gallereux. 
lbid., p. 233-K. 

109. Compte rendu analvt. du Dict des Sciences médicales, 
t. XII. Jbid., p. 270-9. 


100. Compte rendu du Discours sur le système naturel des 
idées appliqué à lenseignement de la Médecine par J.-G.-A. 
Lugol. Jbid., p. 401-3. 


111. Rapport (en collaboration avec Demours., sur le Mémoire 
sur la myopie et la presbvopie de Raineri. fbid., p. 373-5. 

112. Réflexions sur un Rapport médico-légal. fbid.. t. LIV, 
p- 91-5. (1815. 

113. Réflexions sur une observation de M. Goguelin, relative à 


une excroissance cornée implantée dans la dure-inére. [bid., 
p. 96-104. 


114. Compte rendu analyt. du Dirt. des Sciences médicales, 
t. XIII. Jbid., p. 116-28. 


115. Réflexions sur la maladie de Pantin adressées à M. le 
Dr Caillart. Jbid., p. 295-300. 


116. Compte rendu analyt. du Dict. des Sciences médienles, 
t. XIV. Ibid., p. 322-29. 


117. Constitution médicale : Extrait du plan d'organisation on 
84 articles, présenté en 17%, par l'ancienne Société Hoyale du 
Médecine à la Constituante, annoté par R. de Charmnern, bu, 
p. 392-7. 


118. Lettre’ à M. Sédillot relative aux réflexions éniimem mur tt 
rapport médico-légal. Jbid., p. 4#6-7. 
T. X. Y. 29 


— 418 — 


119. Compte rendu analyt. du Dict. des Sciences médicales, 
t. XV. Ibid., t. LVI, p. 306-11. (1816). 


120. Compte rendu analyt. du Dict. des Sciences médicales. 
t. XVI Jbid., t. LVII, p. p. 151-5. (1816). 


121. Compte rendu de l’art de formuler par Lœuillart d’Avri- 
gny, D. M. P. Ibid., p. 367-70. 


122. Compte rendu du Dict. des Sciences médicales, t. XVII à 
XIX. Jbid., t. LIX, p. 115-21. (1817). 


123. Compte rendu du Dict. des Sciences médicales, t. XX à 
XXII. Jbid.,t. LX, p. 234-5. (1817). 


124. Compte rendu des nouveaux éléments de thérapeutique 
par J.-B. Alibert. [bid., p. 407-12. 


125. Compte rendu de l'Essai sur l'instruction des aveugles 
par le D: Guillié, Jbid., t. LXI, p. 277-8. (1817). 


126. Recherches sur l’ophthalmie d'Egypte, mémoire présenté 


par R. de Champseru au concours de la Société de Médecine 


de Paris (Rapport par Réveillé-Parise). fbid., t. LXIV (2 série, 
t. Il), p. 272-3 (1819). 


127. Recherches sur l'ophthalmus d'Egvpte in Mémoires de la 
Société de Médecine de Paris, t. 1, p. 97. (1819). 


128. Observations médicales extraites d'auteurs non médecins 
appliquées à la description des fièvres subintrantes, devant faire 
partie d’un plus grand-travail, in Mémoires de La Société médi- 
cale d'Émulation de Paris, t. I, p. 14-23, (An 6-1797). 


129. Réflexions sur la maladie de Job. fbid., t. 11, p. 501-. 
(An 7). 


130. Recherches sur le véritable caractère de la lépre des 
Hébreux. fbid., t. IT, p. 335-41. (An 8). 


131. Vues théoriques et pratiques sur la meilleure manière de 
construire les bandages herniaires. [bid., t. IV, p. 227-304. 
(An 9). 


132. De temperamentis : Danturne tria vel quatuor temperè- 
menta ? Jbid., t. VII, p. 339-53. (1811). 


133. Compte rendu analyt. de l'Essai d'une histoire pragma- 
tique de la Médecine par Kurt Sprengel, trad. par C. F. Geiger. 
in Bulletins des sciences médicales de la Société médicale d'émx- 
lation, t. IV, p. 282-8. (1809). 


134. Compte-rendu de l’Essai sur la Nostalgie par Thérin. Ibil. 
t. V, p. 355-8. (1810). 








— 419 — 


135. Réflexions comparées sur les recherches expérimentales, 
publiées par F. F. Fodéré, concernant l'arséniate de soude et 
sur un mémoire manuscrit de G. L. Dufour, médecin à Mon- 
targis, sur l'emploi de l’arséniate de potasse dans les fièvres 
intermittentes de mauvais caractère. Jbid., t. VI, p. 202-8. (IST. 


136. Compte rendu analvt. de l'Essai d'une histoire pragma- 
tique de la Médecine par Sprengel, trad. par Geiger (suite, 
Ibid., t. VIL, p. 129-37. AN11). 

137. Observations sur la Nouvelle Pharmacopée de Londres, 
in Journal des Savants. (Novembre 17891. 


138. Rapport (en collaboration avec Surcau et Sédillot) sur 
l'application des nouveaux poids et mesures, relativement à 
l'usage médical, in Mémoires des Sociétés Savantes et Litteéraires 
de la République Française, t. IE, p. 5. 


139. Lettre à Guyton, sur l'usage des fumigations dans les 
hôpitaux de l’armée, in Annales de chimie, t. LXIV, p. 172-R0, 
note p. 183-9. (1807). 


140. Notice sur la Plique polonaise, in Journal de Medecine, 
chir. et pharm. de Leroux, t. XIII, Bulletin de juin, p. 85-11 
(1807) et t. XIV, Bulletin de novembre, p. 398-9. (1807). 


141. Revue générale des ouvrages de Médecine, parus ou 


France depuis 1817, in Bulletin complémentaire du Dictionnaire 
des sciences médicales, T. 1, p. 13-7. (1818). 


142. Compte rendu analyt. des Recherches sur les véritables 
causes des maladies appelées typhus où de la non-contugion 
des maladies appelées typhoïdes par Lassis. bid. T,1V,p. 149 5, 
(1819). 

1#3. Compte rendu de l'Anatomie et physiologie du xyatôome 
nerveux et du cerveau en particulier avec des observations, ote, 
par F. G. Gall et G. Spurzheiïm {t. Il et 1), Fbid., jp. 2740 ot 
t V, p. 141-53. (1819). 


Ne possédant pour toute fortune personnelle quo lex ruvo- 
nus du domaine de Chamseru qu'il tenait de sex parent, ol 
privé depuis six mois, par suite de la loi du maximun dux 
pensions cumulées, du bénéfice que lui assurait na rotraitu 
d'armée, J.-F.-J. Roussille, alors domicilié rue de la Mucho 
dière, n° 15, quartier Feydeau, adressa le G novembre LRU au 
Ministre de la guerre une demande pour obtenir, emnmmedéèdon 
Mmagement honorable et à titre de récompense pour non ut forum 


— 420 — 
à l’armée, la décoration de la Légion d'honneur. Maigré les re- 
lations amicales qu'il entretenait dans le personnel du minis- 
tère et la recommandation du duc de Brancas-Lauraguais, il 
ne put obtenir cette distinction. 

Vers 1818, J.-F.-J. Roussille qui, chaque année depuis son 
retour à Paris, était régulièrement venu pendant la belle sai- 
son passer quelques mois à Chamseru, réalisa le projet qu'il 
nourrissait depuis quelques années de vivre tout à fait à la 
campagne dans le calme et l’isolement que son âge et sa santé 
lui commandaient. Il quitta définitivement Paris, où par ses 
travaux il avait conquis dans le monde savant une place hono- 
rable, et s'installa avec sa femme et l’un de ses amis, M. de 
Beauchamps ‘, sur lequel il se reposait entièrement du soin 
de ses affaires, dans le domaine dont il avait, comme son pére 
et son aïeul, porté le nom, et où, comme eux, il pouvait espé- 
rer, après une vie bien remplie, vieillir heureux et considéré. 

Malgré le besoin de repos que réclamait sa santé, il n'hésila 
pas cependant en 1820, pour se rendre encore utile à son pays 
et à ses concitoyens, à accepter les fonctions de maire d’Allain- 
ville auxquelles l’avait nommé, en remplacement de Gérondeau, 
démissionnaire, un arrêté préfectoral du 20 novembre; mais il 
jouit peu de temps de ces fonctions ?. Le 20 novembre 1822, à 
10 heures du matin, il mourut, âgé de 73 ans, dans son chà- 
teau de Chamseru, d’où le lendemain il fut porté à Dreux pour 
y être inhumé. 

Avec Jacques Hébert, curé de Châtaincourt, demeurant à 
Allainville, qui déjà la veille s'était chargé, en compagnie de 
Jacques Caillé, propriétaire à Chamseru, de déclarer à la mai- 
rie d'Allainville le décès de « Jean-François-Jacques Roussille 
» de Chamseru, docteur régent de la Faculté de médecine de 
» Paris, ancien médecin en chef des armées, » signèrent sur les 


1 M. Garnier de Beauchamps ( Alexandre - Athanase), né à Paris le 13 août 
1744, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, mourut au chäteau 
de Chamseru le 10 janvier 1825 (Reg. de l'Et.-civ. d'Allainville), léguant à 
Mme veuve Roussille de Chamseru une rente viagère de 5,000 livres. 


2 Le 3 mars 1821, pour la première fois, et le 1°" septembre 1822, pour la 
dernière, J.-F.-J. Roussille signa comme maire sur les registres de l'état-civil 
de sa commune. Quant à sa signature que nous reproduisons dans notre planche 
spéciale, c'est celle que nous avons trouvée sur le titre d’un livre de sa bibhu- 
thèque dont nous avons parlé au cours de cette notice. 


— 421 — 
registres de la paroisse Saint-Pierre de Dreux le procès-verbal 
de son inhumation Louis de Chabot de Tréon, Alexandre- 
Antoine des Haulles et Louis-François Vyard. 

Grâce à M. Georges Champagne dont, au cours de ces pages, 
nous avons déjà signalé plus d’une heureuse découverte, nous 
avons retrouvé à Dreux deux portraits de J.-F.-J. Roussille 
exécutés vers la même époque, et que leurs possesseurs , avec 
une courtoisie peu commune, ont bien voulu mettre à notre 
disposition. 

Celui qui nous paraît reproduire le plus fidèlement les traits 
de ce médecin laborieux est celui que possède M. Gatay, chez 
lequel déjà nous avons trouvé le portrait original de J.-F. Col- 
lette, peint par Bréa. Sur ce portrait, peint en 1800 par J.-L. 
Collot, J.-F.-J. Roussille, revêtu d’un uniforme recouvert de 
broderies en or, est représenté assis, accoudé dans l'attitude 
de la méditation sur une table où ses mains entrecroisées cou- 
vrent en partie quelques feuillets de papier sur deux desquels 
on lit : Traité des maladies des yeux, et Clinique militaire. 
Ce tableau, dont le cadre ancien, sculpté et doré, n’est pas sans 
mérite, mesure 0 m 8 de hauteur sur 0 m 65 de largeur. 

Malgré ses proportions infiniment plus modestes, (0 m 09 
sur O0 m 07) leportrait de J.-F.-J. Roussille que nous a commu- 
niqué M. Doré-Delente, provenant de la succession de M. Vyard, 
ancien pharmacien à Dreux et ami personnel de Roussille, 
dont il signa. comme témoin l'acte d’inhumation, n’est cepen- 
dant point dépourvu d’intérèt. Ses petites dimensions, son ca- 
dre finement travaillé et doré, son merveilleux état de conser- 
vation et surtout l'originalité de son ornementation et de son 
exécution en font au contraire un bibelot rare et curieux. 

A travers une mince plaque de verre sur la face postérieure 
de laquelle il est peint, ce portrait qui n'est en réalité qu’une 
silhouette dessinée selon toute probabilité au physionotrace et 
retouchée après coup, se détache vigoureusement en noir sur 
le fond doré d’un médaillon ovale, placé au centre d'un écusson 
argenté, surmonté d’une urne de même couleur d’où retom- 
bent de chaque côté des guirlandes de fleurs, et sur laquelle, 
dans un petit médaillon doré, se voit un monogramme for- 
mé des lettres J.-R.-C. entrelacées, monogramme que déjà 
nous avons rencontré dans un dessin signalé et décrit plus haut. 

Après la mort de J.-F.-J. Roussille, sa veuve, légataire uni- 


— 422 — 


verselle de tous ses biens, continua d’habiter le château de 
Chamseru jusqu’en 1825. A cette époque elle rentra à Paris où, 
le 4 janvier 1826, elle fit donation, par acte passé par devant 
Mérault, notaire en cette ville, à M. de Murival-Blondel, 
propriétaire, rue de Courcelles, n° 17, de son domaine de 
Chamseru. Du vivant même de Madame Roussille, celui-ci le 
vendit le 1e décembre 1830 au docteur J.-B. Maréchal, de 
Dreux. Des mains des héritiers du docteur Maréchal, le do- 
maine de Chamseru passa ensuite dans celles de la famille 
Vivien, d’où par une nouvelle vente il vint à la famille d'Arju- 
zon qui le possède encore actuellement. 

Converti aujourd'hui en bâtiment d’exploitation rurale, le 
château de Chamseru nous parait appelé à tomber bientôt sous 
le marteau des démolisseurs. Avec lui disparaîtra le dernier 
souvenir de cette famille de chirurgiens et d'oculistes distin- 
gués dont, pendant plus d’un siècle, la renommée assura la 
prospérité du petit village où , par amour du sol natal, ils 
avaient fixé leur demeure, et où aujourd’hui déjà, en dépit 
des bienfaits de toute nature qu'ils répandirent autour d'eux, 
leurs noms ont bientôt tout à fait disparu de la mémoire des 
habitants. 

Cependant, nous ne doutons pas de voir un jour la mémoire 
des Collette et des Roussille, dont les noms figurent honora- 
blement à côté de ceux de Marquis, de Loiseleur et de Guersant, 
rappelée au seuil d’une salle de quelque établissement hospitalier 
de notre département par une modeste inscription. 

La ville de Dreux. si fière et si soucieuse de la gloire de 
ses enfants, entendra, nous l’espérons, notre vœu et saura 
dignement, en l’exauçant. acquitter la dette de reconnais- 
sance contractée par l’humanité envers la famille charitable 
des oculistes et des médecins de Chamseru. 


Dr GABRIEL GILLARD. 


Suresnes, juin 1894. 





NOTES 


POUR SERVIR A 


L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE DE CHARTRES 


PENDANT L'ÉPISCOPAT 


DE CHARLES GUILLARD (1553-1573) ! 


André Guillart, seigneur du Mortier, des Epichellières, 
d’Assé-le-Riboul et de l'Isle-en-Mareil (Sarthe), parvint aux 
plus hauts honneurs. Il fut conseiller au Parlement de Paris 
en 1519, maitre des requêtes de l'hôtel du roi en 15:32, conseil- 
ler de la ville de Paris de 1534 à 1549, ambassadeur à Venise, 
à Rome, pendant les débuts du concile de Trente, de 1547 à 
1549, et en Angleterre, où il fut chargé de négocier le traité de 
Boulogne, de 1550 à 1551. Sa correspondance officielle est 
imprimée comme pièce justificative aux Chroniques de 
Souligné-sous-Vallon. Il fut en outre conseiller d'Etat et 
membre du conseil privé. Il épousa Marie de Lacroix, fille de 
Geoffroi de Lacroix, seigneur de Plancy (Aube), notaire et secré- 
tire du roi et trésorier des guerres. 

Il en eut deux fils : André Guillart IT et Charles, évêque de 
Chartres.André GuillartIl, seigneur des Epichellièreset del’Isle, 
était en 1556 premier président au parlement de Bretagne. Il fut 
comme son père envoyé en ambassade à Rome, le 17 mars 1561, 
où il resta jusqu’à la fin de 1563. Sa correspondance vient 
d’être aussi publiée et donne de curieux détails sur les discus- 
sions religieuses soulevées à Poissy et à Trente. Il avait épousé 
en 1551, Marie Robertet, fille de Florimond Robertet, seigneur 
d'Alluyes. 

Charles Guillart, dans le partage des biens de famille, eut le 
domaine du Mortier, paroisse de Basoge, et celui de la Folie, 
paroisse d’Epineu-le-Chévreuil (Sarthe), d’où lui vint le titre 


1 Voir précédemment l'histoire de Louis Guillart. 


— 424 — 


de « sieur du Mortier et Despineu » gravé sur sa tombe. C'est 
son histoire et l’histoire religieuse de son temps que nous vou- 
lons raconter. 

Ses armes ressemblent à celles de son oncle. Du temps de 
Janvier de Flainville elles étaient gravées sur une maison qui 
fait le coin de la rue des Trois-Maillets. Un de ses sceaux sur 
lequel on lit: « Carolus episcopus Carnotensis » est décrit 
dans les Mémoires de notre Société Archéologique, tome v. 298; 
M. l’abbé Métais, dans son édition du cartulaire de Marmoutier 
pour le Blésois, en a fait graver un autre qui a pour légende : 
« Sigill. Caroli Guillardi episcopi Carnotensis. » 

Charles Guillart entra fort jeune dans l’Etat ecclésiastique, 
et selon une coutume vraiment abusive alors en vigueur il fut 
comblé de bénéfices. André Guillart, l’un de ses parents, prieur 
commendataire des prieurés de Garnay et de Brezolles, lui 
laissa ce dernier dont il afferma les revenus à Michel Richard, 
marchand bourgeois de Chartres !. Il est peu après chanoine et 
prévôt d’Auvers dans l’église de Chartres? et doyen de Saint- 
Aignan d'Orléans 3. Il avait alors dix-sept ans. Quand il fut 
évêque, la charge d’un diocèse ne l’empêcha pas d'obtenir 
encore le doyenné du Mans, en 1555‘, le prieuré d'Anvers:-le- 
Hamon près Sablé, en 1559°, l'abbaye des Vaux-de-Cernay, 
en 1561, et l’abbaye de l’Epau, près du Mans, le 7 août 1567. 

Il était âgé de vingt-quatre ans, quand l’évêque Louis lui 
résigna son évêché. Il fut agréé à Rome et obtint ses bulles, 
en mars 1553. Par lettres datées de Pontgouin, le 3 no- 
vembre 1553, il conserva Médard Thiersault et Noël Tison, 
anciens vicaires-généraux de son oncle. Le 12 décembre, 
Henri IT ordonnait l'exécution des bulles et le 18 du même 
mois le jeune évêque envoyait un délégué prendre possession 
du diocèse. Mais l’oncle gardait la plus grande part de l’admi- 
nistration en vertu des réserves qu'il avait faites, et le neveu 


‘ Archives départementales , série E, 2105. 
2 Mémoire Archeologique, 11, 135. 

3 Gallia Christ., Orléans. 

4 E, 2193. 


$ Les registres des « Insinuations » du diocèse du Mans que nous avons 
consultés aux Archives de la Sarthe contiennent le concordat qu'il conclut, le 
17 mai 1560, relativement au prieuré d'Anvers et le procès-verbal de prise de 
possession qu'il fit par procureur, le 7 juillet suivant. | 





— 425 — 
qui n'avait pas de pouvoirs d'ordre épiscopal l’autorisait par 
lettre du 30 décembre, à bénir les calices et les ornements 
dans son diocèse. 

Pendant ce temps les protestants troublaient le pays. Au 
mois d'avril 1553, ils brisent une image de Notre-Dame, à 
Vauroux ; en 1555, ils souillent d’ordures les affiches des in- 
duilgences attachées aux portes de la Cathédrale. Dès 1556, 
l'Église réformée d'Illiers est « plantée et dressée » selon les 
expressions de Charles de Bëze, par Antoine de Chandieu, 
l’un des plus ardents disciples de Calvin. Le 6 juin 1556, ils 
enlèvent les saintes Hosties de l’église Saint-Maurice. Le roi, 
averti de ces méfaits, manda à l'évêque et au chapitre qu’ils 
eussent à informer « contre ceux qui sentaient mal de la Reli- 
gion s et en particulier contre les hérétiques accusés de ces 
sacrilèges. Il leur ordonnait en outre de prescrire dans tout 
le diocèse des processions où l’on prierait pour apaiser la 
colère de Dieu, pour la personne du roi, pour la paix, pour la 
conservation des biens de la terre et pour l'extirpation de 
l’hérésie. 

Ces premières années de l’épiscopat de Charles Guillart sont 
peut-être celles où l'on s’occupa le plus activement du sort des 
pauvres, et nous voyons que le rôle du prélat fut celui d’un 
généreux bienfaiteur. 

Le 11 mars 1556, l’évêque, Meusnier, son vicaire général, les 
échevins, les représentants du chapitre et des communautés 
religieuses, la plupart des curés et les gagers des paroisses se 
réunirent dans la grande salle de l'évêché et décidèrent qu’on 
ouvrirait des ateliers de chanté, qu'il serait défendu aux pau- 
vres valides de mendier et que des souscriptions seraient faites 
auprès des notables. L’évêque avait coutume de donner pour 
les pauvres huit muids de grain (144 hectolitres), les échevins 
lui demandèérent, le 12 mai 1557, de ne pas les distribuer à la 
porte de son palais. mais d’en verser le prix dans la bourse 
commune afin de supprimer toute mendicité !. 

Enfin Charles Guillart, en vertu d'un indult papal obtenu 
dès le mois de novembre 1553, reçut des mains de son oncle 
les ordres mineurs, le sous-diaconat, le diaconat et la prêtrise, 
le 27 mai 1557, dans la chapelle du château de Pontgouin et la 


\ Registre des Echevins de Chartres, ms. 





— 4926 — 
consécration épiscopale le 95 juillet suivant dans l’église du 
Temple, à Paris. Dès lors il jouit de la plénitude du pouvoir 
dans le diocèse et son oncle, s’en allant sans doute à Chälon, 
le chargea des affaires qu'il s'était jusque-là réservées et l’ins- 
titua en septembre 1557, son vicaire général pour la collation 
des bénéfices, leurs résignations et leurs déports. 


SES VICAIRES GÉNÉRAUX 


Comme son oncle, il eut des vicaires généraux revêtus du 
caractère épiscopal et d’autres qui n'étaient que prêtres. 

Jean Lunel fut le premier. Le 26 février 1557, le pape 
Paul IV lui avait accordé des bulles qui lui conféraient l'évêché 
de Sébaste et le créaient suffragant de Chartres. Il fut sacré le 
17 juin, se présenta à Charles Guillart le 14 septembre et en 
reçut le même jour la permission de remplir toutes les fonc- 
tions épiscopales. Il commença dès le 17 septembre par 
donner la tonsure dans l’église de Dreux ; le 16 novembre sui- 
vant, il bénissait un terrain pour agrandir le cimetière de 
Broué. Il serait intéressant de compulser les Archives de 
toutes les paroisses pour trouver les procès-verbaux des dé- 
dicaces qu'il fit des églises, au nom de Charles Guillart ; nous 
ne le pouvons et nous devons nous contenter de croire sur 
parole notre historien Souchet qui dit qu’il en fit une grande 
quantité. 

Ce Jean Lunel, originaire de la Ferté- Bernard, avait 
été abbé du monastère de Saint-Sébastien à Rome vers 1530 
et avait profité de son séjour dans la capitale du monde 
chrétien auprès de Raphaël et de Michel-Ange pour perfec- 
tionner ses goûts artistiques. De Rome il écrivait souvent à 
ses compatriotes et les enrôlait dans une confrérie de saint 
Sébastien, affiliée à celle de la ville éternelle, leur obtenait la 
concession de nombreuses indulgences et, chose presque 
incroyable, chaque année, il venait au nom du pape visiter 
cette confrérie. Il était reçu aux frais de la fabrique de la 
Ferté, « à l’Imayge de Nostre-Dame. » Les notes de la 
dépense sont encore conservées dans les archives parois- 
siales. Aux accents de son éloquence les Fertois se sentirent 
épris du désir d'introduire dans leur nouvelle église quelque 


1 Mémoires Arch., I, 475. 





— 427 — 
chose de la riche architecture de l'Italie. C'est ainsi qu'on 
explique la transformation subite qu’éprouve le style de cet 
édifice après 1530 ‘. 

La suppléance de Jean Lunel ne fut sans doute pas de longue 
durée; car nous voyons que Charles Guillart se fait successi- 
vement remplacer par Jean Juvénal des Ürsins, évêque de 
Tréguier et prieur de Saint-Denis de Nogent, qui conféra les 
ordres dans l'église de Saint-Laurent, le 22 et le 23 août 1559; 
par Philippe, évèque de Philadelphie, en 1560; et par Jean 
Ledoux, évêque d'Hébron, qui en 1569 donna la tonsure aux 
jeunes lévites du diocèse, au rang desquels se trouvait Etienne 
d’Aligre, plus tard chancelier de France *. 

Quant aux vicaires-généraux qui n'étaient que prêtres, ce 
fut d'abord Médard Thiersault que le Nécrologe du chapitre 
signale comme un homme très lettré, Noël Tison, Jean 
Lemaréchal et Meusnier, Guillaume d’Aubermont et Nicolas 
Regnard et enfin Louis Charpentier. Tous, nous en avons des 
preuves, méritérent l’estime de leurs confrères du chapitre et 
de leurs concitoyens. 

Charles Guillart n'avait pris possession que par procureur, 
le 18 décembre 1553. En 1558, il résolut de faire son entrée 
solennelle et les échevins, en ayant été informés, décidèrent 
de se transporter au prieuré de Saint-Martin-au-Val pour lui 
souhaiter la bienvenue et l’accompagner jusqu'à sa maison 
épiscopale. Il fut aussi arrêté que les échevins en leur mois 
iraient inviter trente ou quarante personnages des plus notables 
de la ville de se joindre à eux, et qu’on offrirait à l’évêque 
« deux poinçons de vin, l’un blanc et l’autre clairet, du meilleur 
qu’on pourrait trouver. » *. Le 4 juin l’évêque envoya dire 
qu'il désirait faire son entrée le 12 qui était le dimanche dans 
l'octave de la Fête-Dieu. Il priait le chapitre de le dispenser de 
quelques cérémonies ordinaires et de lui permettre de porter 
la barbe longue. Il faisait appuver cette dernière demande par 
son oncle et par le roi lui-même. Les chanoines accordèrent 
le port de la barbe, mais ne voulurent rien omettre des céré- 

‘ Abbé Charles, Histoire de la Ferté-Bernard, 99, 152, 100-117, 191- 
192, 271. 

+ Mémoire Arch., 11, 219. 

$ Registres des Echevins. 





— 428 — 

monies usitées. Au jour fixé, dès le grand matin, leurs délégués 
se rendirent à Saint-Martin pour recevoir le serment du prélat, 
et les religieux le conduisirent jusqu'à la porte Saint-Michel 
où le clergé qui l’attendait en chapes lui fit escorte jusqu'à 
la cathédrale. Il réitéra son serment et entra au chant du Te 
Deum. Les échevins, les principaux de la ville et une foule 
de fidèles étaient dans le cortège 


PROGRÈS DE L'HÉRÉSIE. 


Deux jours avant cette installation, le 10 juin 1558, un nommé 
Charles Breton avait été condamné à faire amende honorable 
dans l’église de Chartres, à assister à la messe dont il avait mal 
parlé et à entendre un sermon que prononça le chanoine 
théologal Louis Charpentier. Deux jours après, l’évêque, à la 
requête du promoteur, lança un monitoire général contre 
quelques hérétiques. 

Mais toutes ces précautions furent peu efticaces. A la faveur 
de la guerre civile la mauvaise doctrine s'était glissée dans 
toutes les provinces du royaume. L'Orléanais particulièrement 
eut à en souffrir, et plusieurs membres de la famille de notre 
évêque se rangérent de ce côté. Dans le diocèse de Chartres, 
l’hérésie se propagea surtout dans le Blésois, le Vendômois, le 
Dunoisetle Drouais. Les curés de Varize, près de Châteaudun, 
et celui de Mézières, près de Dreux, la semèrent en leurs 
paroisses. 

En 1559, Jean de Hérouard, seigneur de Saulceux et de 
Baillolet, paroisse de Bailleau-sous-Gallardon. fit venir de 
Berne plusieurs ministres, entre autres Barthélemy Causse, 
dit la Chaussée,ancien cordelier de Rieux. Celui-ci fonda l’église 
protestante et laissa à Chartres le pasteur Renard Hugues qui 
tint les assemblées de 1561 ‘. Le prêche se faisait aux fau- 
bourgs; nous verrons même que plus tard il eut lieu dans 
l’intérieur de la ville. Toutes sortes de personnes se trouvaient 
impunément à ces réunions. Plusieurs se laissèrent gagner à 
la secte, et se déclarèrent partisans des idées nouvelles. * 

Le pouvoir civil fut fort contrarié des agissements des héré- 
tiques qui mêlaient toujours la politique à la religion. Pendant 


‘ Histoire du protestantisme. — Chronique de Souligné, 185. 








— 429 — 

son séjour à Blois, le jeune François II, informé qu'ils faisaient 
des assemblées nocturnes, affichaient des placards et publiaient 
des lJibelles offensants pour l'honneur de Dieu, celui de Sa 
Majesté, des princes et des seigneurs de sa suite, lança contre 
eux un édit très rigoureux. Des lettres «quérimoniales » publiées 
dans tout le diocèse pendant le mois d’octobre 1559 demandaient 
la dénonciation de ceux qui dénaturaient le sens des saintes 
Ecritures, des maitres qui osaient enseigner à leurs écoliers de 
perverses doctrines, et de ceux qui lisaient, chantaient, conser- 
vaient ou portaient à l’égliseles psaumes traduits en « rhythme » 
par Marot ou Théodore de Béze. 

Ce procédé ne fit qu’aigrir les mécontents; le prince de 
Condé se mit à leur tête et Antoine de Bourbon, roi de Navarre, 
son frère, gagné par sa femme, Jeanne d’Albret, les favorisa 
ouvertement. François de Vendôme, vidame de Chartres, sei- 
gneur de Meslay-le-Vidame, s'était offert au prince de Condé, 
son parent ; mais Jacques de la Sague, porteur de ses lettres, 
ayant été surpris en Beauce, beaucoup de personnes furent 
compromises et le Vidame fut mis à la Bastille ‘. 

Le roi défendit aux hauts justiciers de souffrir des assemblées 
des protestants, et demanda des subsides au clergé pour l’entre- 
tien des gens de guerre destinés à les réduire au silence. La 
contribution du chapitre de Chartres fut de 400 livres. 

Dans un conseil des grands du royaume tenu à Fontaine- 
bleau, le 20 août 1560, où se distinguèrent de Morvilliers, 
évêque d'Orléans, André Guillart, père de notre évêque, de 
Montluc, évêque de Valence et d’autres, on parla de réunir un 
concile national. Le roi, ayant assigné la ville d'Orléans pour 
la tenue des Etats, s’y rendit le 31 octobre 1560. Il avaitenvoyé 
le chevalier de Carrouge vers le roi de Navarre et le prince de 
Condé pour les inviter à cette assemblée. Ceux-ci refusèrent 
d’y venir, ce qui détermina les conseillers du Parlement à 
commencer leur procès. Condé récusa leur Compétence, et en 
appela au jugement des princes et des pairs, mais le roi lui fit 
signifier par Robertet d’Alluyes, secrétaire des finances, que 
son appel n'était pas recevable ?, et voulut conserver l’instruc- 


à Mémoires de Castelnau, collect. Michaud, IX, 432. Mém. de Conde, VI, 
1. 


2 Id, 566. 





— 430 — 

tion de cette affaire aux membres du Parlement. Plusieurs 
personnages influents, entre autres André Guillart, la firent si 
bien trainer en longueur que la mort du roi, le 5 décembre 1560, 
vint arrêter définitivement les poursuites. Quelques députés 
des Etats parlèrent alors de donner au roi de Navarre la régence 
en France pendant la minorité de Charles IX, mais de Mor- 
villiers, André Guillart, de Montluc et plusieursautres la firent 
accorder à la reine-mère. En conséquence, les capitaines des 
gardes, les secrétaires d’État, Robertet et autres, reçurent des 
ordres pour n'expédier les affaires que sur ses commandements. 
Le sieur d'Alluyes s'en alla peu après ordonner au Parlement 
de surseoir à l’exécution d’un arrêt relatif au prince de Condé, 
et celui-ci sortit de prison. Le vidame de Chartres fut aussi 
remis en liberté. Enfin, le 8 mars 1562, le conseil du roi, après 
avoir entendu comme témoins à décharge Michel de L'Hôpital, 
le cardinal de Tournon, Saint-André, André Guillart, qui 
étaient du conseil du feu roi, conclut à l’innocence du prince 
de Condé. 


COLLOQUE DE POISSY. 


De son côté le pape Pie IV, pour rompre le dessein d’un 
concile national en France, fit continuer le concile de Trente. 
Le nouveau roi, Charles IX, envoya à Rome, le 7 mars 1561, 
le sieur de Rambouillet, et André IT, sieur de l'Isle, frère de 
l’évêque de Chartres. M. de l'Isle partit de Fontainebleau le 
43 avril et arriva à Rome le 6 juin. Ce dernier choix, inspiré 
par Catherine de Médicis, n’était pas heureux ; et pendant qu'à 
Rome l’ambassadeur prétendait défendre les intérêts des catho- 
liques, sa femme, au Mans, assistait à la Cène et se rangeait du 
parti des révollés. 

Mais ce qui fut moins habile encore fut la tenue du « collo- 
que de Poissy », malgré les avis du pape transmis par AndréIl 
Guillart. Cette assemblée fut annoncée par lettres royales du 
95 juillet 1561 contresignées Robertet. Le roi s’en servit d'abord 
pour remonter ses finances. Dés le 4 septembre, il chargea M. 
du Mortier (André Ier Guillart) de demander des subsides. 
Calvin en voulait faire un anti-concile de Trente. Là se 
rencontrèrent, avec les grands de la cour, une quarantaine de 
hauts personnages, archevêques, évêques, abbés et docteurs 
d'un côté et les principaux ministres de l'autre. Claude de 





— 431 — 

Sainctes, alors religieux à Saint-Cheron, et Simon Vigor s'y 
distinguèrent contre Théodore de Bèze. On discuta longtemps. 
La reine, qui prétendait fusionner les deux symboles, fit à plu- 
sieurs reprises dire au pape, par le sieur de l’Isie, que les évé- 
ques demandaient le rétablissement de l’usage depuis longtemps 
abandonné de la communion sous les deux espèces. Le pape 
fut surpris de ces paroles. Il prit des informations par son légat 
et sut bientôt que les évêques, au contraire, avaient protesté 
qu'ils ne toucheraient aucunement à la doctrine et aux matières 
de la foi, et avaient conclu de ne point parler de la communion 
sous les deux espèces. Le pape ne manqua pas de faire sentir 
à André Guillart qu'il était bien informé *. 


LE CONCILE DE TRENTE ET LES REPRÉSENTANTS DU CLERGÉ 
CHARTRAIN. 


Le souverain pontife fit un nouvel appel pour le concile de 
Trente. Le roi envoya douze docteurs de la faculté de Paris, 
et le cardinal de Lorraine s'y transporta avec un bon nombre 
d'évêques et d’abbés. 

Bien que l’évêque de Chartres ne soit pas nommé dans la 
liste des Pères du concile, imprimée à la suite des actes, nous 
pouvons cependant présumer d’une lettre de M. de Lanssac, 
ambassadeur près du concile, à M. André IT Guillart, ambas- 
sadeur à Rome, qu’il en faisait partie. 

Il lui manda le 19 novembre 1562 : 

« Le nombre de nos dits prélats croist tous les jours, et sont 
» arrivés cejourd’hui messieurs de Xaincteset de Cornouailles, et 
» espère que M. de Chartres votre frère sera icy demain, car 
» j'ay sceu qu'il estait passé par Milan, toutefois il n’estencore 
» venu aucuns de ses gens, et toutefois je ne laisse de faire 
» pourveoir à son logis. » ?. 

De plus le diocèse fut honorablement représenté par des 
hommes qui pouvaient bien connaître ses besoins et sa foi. 
Voici quelques noms : 

Antoine Le Cirier, évêque d’Avranches, avait été doyen de 
Notre-Dame de Paris et curé, sans doute non résidant, de Saint- 


1 Chroniques, 489. 
2 Jd,, 552. 


— 432 — 

Hilaire d’Illiers, nommé par le roi en 1550 : Claude d’Angen- 
nes, évêque du Mans et cardinal, était né à Chartres ; Jean de 
Morvilliers. était né à Blois: Eustache du Bellay, évêque de 
Paris et cardinal, était de la famille des du Bellay de Glatigny, 
près Montmirail-au-Perche, et abbé de l’Aumône-en-Dunois. 
T1 fut un de ceux qui brillèrent le plus au concile par son élo- 
quence et la précision de ses arguments. Et parmi les délégués 
du roi l'Eglise de Chartres peut encore revendiquer avec 
honneur Simon Vigor et Claude de Sainctes. 

Simon Vigor, originaire de Normandie, docteur en théologie, 
chanoine de Paris, était curé de Montreuil, près Dreux, lors- 
qu’il fut appelé au colloque de Poissy ; Charles IX l’envoya au 
concile de Trente en 1560 et au mois de juillet 1566 le duc de 
Montpensier lui fit soutenir une conférence en l'hôtel de Nevers 
à Paris, contre Jean de l'Espine, Charles Barbaste et Hugues 
Suireau. [1 devint depuis archevêque de Narbonne. 

Claude de Sainctes, fils de Pierre de Sainctes et de Gentiane 
du Bougier, l’un et l’autre de l’ancienne noblesse du Perche, 
encore représentée à Authon en 1605 par Pierre de Sainctes, 
naquit probablement à Chartres, où son père était notaire 
apostolique vers 1525. A l’âge de douze ans il commença ses 
études à l'abbaye de Saint-Cheron, où plus tard il prit l’habit 
de chanoine régulier. Il était d’un esprit fort pesant; mais on 
dit que Notre-Dame lui apparut pendant son sommeil un soir 
qu'il avait prié avec plus de ferveur et lui toucha la tête. Dès 
lors tout changea en lui et son intelligence se développa avec 
une rapidité extraordinaire ‘. Peu après il fut envoyé à Paris 
pour compléter ses études, sous la conduite de M. Pelletier, 
natif de Challet et curé de Jouy, qui tenait des pensionnaires 
au collège de Boncourt. Jean Prévost, chanoine de Chartres, 
lui résigna, avec dispense de Rome, la cure de Béville-le-Comte 
le 8 mars 1548. Il n’était alors que tonsuré. Il reçut les ordres 
majeurs l’année suivante dans l’église d’'Umpeau, des mains 
de Claude Audry, évêque de Sébaste. Les honneurs de l’église 
vinrent bientôt récompenser son inérite. A Paris un collège 
qui prit le nom de Boissi avait été fondé en 1354 par Godefroi 
de Boissi-le-Sec, près de La Ferté-Vidame, à condition que le 
Principal serait toujours de la famille du fondateur, et Claude 


1 Souchet, IV, 274. 








— 433 — 


de Sainctes ayant fait preuve qu’il en était par sa mère fut 
pourvu de cette charge et de ce bénéfice. Il obtint ensuite un 
prieuré en Bretagne et celui de la Loupe. Ces biens lui per- 
mettaient de continuer ses études. Il y réussit avec tant de dis- 
tinction que la Faculté lui confiait toujours le soin des affaires 
importantes. Il était avec Simon Vigor à Poissy, au concile de 
Trente, à la conférence de l'Hôtel de Nevers et aux Etats de 
Blois où il fit la prédication. Dans un voyage à Rome, il pré- 
senta ses ouvrages au pape saint Pie V. Le pontife les trouva si 
utiles à l’Église qu'il les approuva, et en prit occasion de de- 
mander au roi de France de réserver un évêché à leur auteur. 
Claude de Sainctes fut peu après nommé évêque d’Evreux et 
mourut en octobre 1591. Chastelain l’a inscrit au rang des 
« Vénérables » dans son dictionnaire universel des saints, etson 
histoire vient d’être publiée à Evreux en 1892. 

Charles de la Chaussée, nous ne savons à quel titre, fut aussi 
présent au concile de Trente, comme le témoigne une inscrip- 
tion latine placée dans l’église de Theuvy-Achères. Issu de la 
famille seigneuriale de Theuvy, chanoine de Chartres pendant 
trente-deux ans et curé de Theuvy, il brilla par sa science des 
lois canoniques et son énergie à défendre le droit de ses confrè- 
res. À son retour du concile de Trente il mit la dernière main 
à la restauration de son église paroissiale si bien commencée par 
son digne père, fit quelques fondations pieuses et mourut à 
Chartres le 22 septembre 1607, âgé de 71 ans et emportant 
l'estime et l'affection de tous !. 


1 Voici son épitaphe telle que nous l'avons copiée dans l’église de Theuvy : 
D. O0. M. 
Et fidelium posteritati 


Hoc proximo lapide tegitur corpus Carolide la Chaussée, presbyteri, equestri 
Theuvy-Acüm familia orti; dûm viveret Ecclesiæ Carnot. canonici, hujusque 
parochi. In illà (in qu& per XXXIT annos juris ecclesiastict inter socios 
defensor claruil) festum cathædræ St Petri, XXII die februarti, quæ ipsi 
nalalitia, duplici officio in posterum celebrandum, cum anniversario eodem 
die, et aliud item anniversarium futuro obilü die, vivens, reditu XL libra- 
rum annuo ad hæc donato stipulatus est. In hac vero (cujus restauration: à 
patre cæœplæ, à Tridentino concilio reversus, ullimam manum addidit) qua- 
tuor missas de Cruce per annum, nempe unâquäque die Veneris immediale 
festa Palmarum, Pentecostes, omnium S.S. et Nativit. Domini prœcedente 
celebrari, flem officium defunctorum dictä obilà sui die annuë cumeleemo- 
syné sex solidorum tribus parochiæ pauperibus erogandä, posleris prioribus, 
prϾdiis testamento hac condilione legatis indixit. Tandem soctis dilectus, 
Civibus gralus, suis singulari beneficentiä devinctis charissimus. Denique 


T. X., 4. 30 





— 434 — 


LES PROTESTANTS PRENNENT LES ARMES 


Cependant les protestants cabalaient toujours. Vaincus par 
la science et par la dialectique des docteurs catholiques à 
Poissy et surtout à Trente, ils s’appliquaient à pourvoir toutes 
les places de ministres entreprenants et habiles. Le 31 jan- 
vier 1562, Calvin écrivait lui-même aux fidèles de Blois pour 
leur annoncer qu’il leur envovyait « au nom de la compagnie 
de Genève, Jacques Du Plessis, ministre reconnu de bon esprit 
et exercé en l’Ecriture sainte. ayant aussi bonne façon et desté- 
rité de la traiter et appliquer à l'instruction du peuple. s 
« Nous vous prions, ajoute-t-il, de le recevoir humainement et 
de vous rendre dociles à la doctrine qu’il vous portera, et vous 
recommandons pour l’avenir de présenter des élèves ministres 
pour qu'ils soient conduits de longue main, car de notre part, 
nous n’en pouvons plus ! ». 

Bientôt ils ne craignent pas de reprendre les armes pour 
imposer leurs doctrines nouvelles. Le prince de Condé les 
conduit à Orléans où ils se livrent aux orgies les plus sacrilé- 
ges. Ils incendient la cathédrale, brûlent le cœur de François Il, 
détruisent l’église de Saint-Aignan et foulent aux pieds les 
saintes espèces. [ls prennent Meulan, alors de ce diocèse, ÿ 
abolissent le culte, détruisent le cloître de l’abbaye et abandon- 
nent le reste de la maison à des ouvriers tonneliers qui Y 
fabriquèrent des cercles, des lattes et des douves. Un procès 
verbal dressé peu après porte que, le 49 mars 15692, trois mille 
reitres allant rejoindre le prince de Condé fondirent sur le 
monastère de Thiron. Après avoir massacré trois des religieux, 
ils convertirent l'église en écurie, brisèrent le crucifix,l es 
images et les vitres, volèrent les encensoirs, les burettes, les 
chandeliers, les ostensoirs, les ciboires et les calices, une 
grande croix en vermeil massif, détruisirent plusieurs orne- 


apud omnes bonum nomen sortitus, senex cordatus et f{eliciter) obiit Carnoli 
anno ætalis suæ LXXI. 

Salutis vers c19 19c, VIT-XXITe die sept. 

Mathurinus de la Chaussée Castro-novo Thimeracum præfectus testamenlt 
(armes effacées) ef codicillis patrui exequendis scriptus ts undique adimplelts 
et ralionibus plane habitis posuit. 

ovdaus Ravtehwe euruans (Nul n'est tout à fait heureux). 


1 Bulletin du protestantisme, t. XVIII, 





— 435 — 

ments de grande valeur, profanèrent les reliques de saint 
Agapet et de saint Vincent, emportèrent ou gaspillèrent tout le 
mobilier et les provisions, tuèrent les bœufs et emmenèrent 
les chevaux. Le pillage dura trois jours. Hippolyte d'Est, 
cardinal de Ferrare, qui avait depuis peu réformé cette abbaye 
sur les ordres de Charles Guillart. commença au plus tôt une 
restauration importante, que Charles Ronsard, doyen du Mans, 
frère du célèbre poète, se fit un devoir de continuer. À Nogent- 
le-Rotrou, le 7 mai 1562, on fut obligé de cacher sous terre les 
images des saints. À Patay, l'église fut ravagée et convertie 
aux plus vils usages '. L’abbave des Vaux-de-Cernay. dont 
Charles Guillart était abbé depuis un an. fut aussi livrée au 
pillage. Le 4 juillet, Blois et Mer furent repris, Angers le 95, 
Tours et Rouen peu après, et les Huguenots étaient partout 
traités comme ils avaient eux-mêmes traité les catholiques. Le 
prince de Condé s’en plaignit au roi de Navarre, alors en 
résidence à Blois. A Mer, le ministre Maupas fut pendu à 
lendroit où deux jours avant l’avait été Jean Malet, cordelier 
de Châteaudun. A la Guiche, près Blois, le monastère fut ruiné 
et le confesseur Jean Voisin fut tué. Il a depuis été regardé 
comme martyr par les religieuses qui en firent mémoire dans 
leur office du 5 février. 

Les armées catholiques et les troupes protestantes occupaient 
tour à tour le pays chartrain. Dandelot avec ses reîtres ravagea 
la Beauce et le Gâtinais. Il en voulait surtout aux prêtres, il 
les haïssait tellement que son plus grand plaisir en arrivant 
dans une ville était de les faire égorger sur les autels, il leur 
coupait les oreilles et s’en faisait un collier qu'il se vantait 
d'estimer plus que le collier de l’ordre du roi. 

Remi Belleau, versificateur contemporain, né à Nogent-le- 
Rotrou en 1527, décrit longuement les méfaits de ces pillards 
dans un poëme en style macaronique. Si son latin est ridicule, 
il n’en renferme pas moins des renseignements historiques 
très précieux. 

Ils insultent le pape, dit-il, les cardinaux, les évêques, les 
prêtres, sèment partout leurs libelles, amorcent le peuple par 
leurs paroles sucrées. 


1 Darras, XXXV, G4. 


— 436 — 
Succratis populumque rudem amorçando parollis… 
Arrestant homines, massacrant, inque rivieras 
Nudos dejiciunt mortos, pascuntque grenouillas.… 
Relliquias rapiunt, mitras, crossasque doratas, 
Veluceas cappas et totum mobile Christi 
De magnis festis, de vivis deque trepassis 
Taillant auriculas, collo faciuntque catenas 
Et sine rasouero raclantque lavantque coronas (tonsures) 
Nunquam visa fuit canailla brigandior ill. 


Le 2 septembre 1562, on apprit à la cour que les munitions 
de poudre avaient été prises et brûlées près de Châteaudun 
par les ennemis du roi. Les protestants d'Orléans faisaient des 
incursions par tout le pays de Beauce jusqu'à deux lieues près 
de Chartres, et firent grands dégâts, dévastations et pilleries 
sur les pauvres gens. 


MESURES PRISES POUR LA DÉFENSE 


Pour protéger la société, l'Eglise et l'Etat contre ces révoltés 
il fallait prendre des mesures énergiques, il fallait des hommes 
et de l'argent. 

Le Parlement enjoignit aux communes de se mettre en dé- 
fense. À Chartres, il y avait lieu de craindre que les nouveaux 
religionnaires ne livrassent la ville à leurs turbulents adhérents. 
Les échevins! montrérent aussitôt leurs bonnes intentions. 
mais souvent leur zèle les emporta trop loin. LeG janvier 1561 
ils veulent rabattre ceux qui chantent les chansons de Marot 
et se plaignent de n'avoir pas l’autorité nécessaire pour s’in- 
former si aucuns ayent failli de se présenter à la réception du 
corps de Notre-Seigneur aux fêtes de Pâques et aux autres 
fêtes solennelles, parce qu'ils n’ont aucune puissance sur les 
curés ou vicaires, et ils ajoutent que s’il plaisait à Sa Majesté 
de leur donner cette puissance, ils en feraient amplement leur 
devoir. Nous ne voyons pas que le roi leur ait accordé ce qu'ils 
demandaient: cependant, aux environs des fêtes de Pâques, ils 
font surveiller ceux qui n'avaient pas fait leur devoir de bons 
chrétiens, et en écrivent au gouverneur de la ville le 95 avril; 


1 Registre des échevins, passim. 





— 437 — 

Je 2 ils pressent l’official de continuer ses informations contre 
« les malsentants de la foi » qui avaient fait des conventicules 
sur la paroisse de Saint-Martin-le-Viandier. Le 8 juillet ils se 
flattent d’avoir plus de souci de la religion que l'autorité ecclé- 
siastique et décident d’interpeller messieurs les grands vicai- 
res, official et promoteur de faire et parfaire le procès de ceux 
qui n'ont pas fait leurs pâques et qui sont soupçonnés d’hérésie. 
Le 18 octobre on apprend que les dissidents au nombre de trois 
ou quatre mille ont l’intention de venir ouvrir le prêche dans 
la ville et de s'emparer d’une église. Les portes sont aussitôt 
fermées, l'artillerie est préparée et l’on fait le guet. Le 7 dé- 
cembre, les protestants se réunirent dans une maison de la 
ville, chez Jean de Hérouard, sieur de Saulceux, ancien secré- 
taire d'ambassade à Rome et frère du lieutenant-général du 
bailliage. Ün italien, qu’il avait sans doute ramené avec lui, y 
fit le prêèche. Dans la ville une émeute s’ensuivit. Le peuple 
jeta des pierres aux Réformés et ceux-ci se retirèrent vers 
l'évêque pour lui expliquer le motif de leur assemblée si nom- 
breuse. De leur côté les chanoines et le présidial envoyèrent 
aussitôt remontrer au prélat que les religionnaires « troublaient 
le repos public » et faisaient prêécher malgré les édits. Charles 
Guillart, se conformant à l'édit de juillet 1561, décida qu'on 
surseoirait aux assemblées jusqu'à la réponse que chacune 
des parties solliciterait du roi. Les échevins prévinrent Sa 
Majesté et firent défendre à Jean de Hérouard de recevoir ses 
coreligionnaires. Mais, cinq semaines après, parut l’édit de 
janvier 1562 qui permettait l'exercice public du culte aux pro- 
testants « en dehors des villes ». Ils se réunirent chez Jean Hue 
aux faubourgs. Les chartrains s’y opposérent et emprisonnè- 
rent le pasteur durant quatre mois. 

Le 7 février 1562, une troupe de quatre à cinq cents gentils- 
hommes veulent entrer en ville et y établir un prêche; les 
échevins décident aussitôt la surveillance des portes. Le 7 avril 
messieurs du chapitre offrent, pour la conservation de la ville 
et le maintien de la religion, leurs conseils, leurs personnes et 
leurs biens, étant toujours les humbles et très obéissants servi- 
teurs du roi. Cette offre fut acceptée. Le 22 avril, les habitants 
de Chartres ayant été taxés à 5,000 livres pour la garde et les 
réparations de la ville, le clergé s’engagea pour moitié. L’évé- 
que fut imposé pour 600 livres, mais le roi l’en dégreva par 


— 438 — 

lettres patentes données à Meaux, le 23 mai, « attendu qu'il a 
d’autres charges à supporter. » Enfin. le 26 juin. sur l'ordre 
du connétable, donné aux huguenots de sortir de la ville, 
M. d'Eguillv fit expulser sans scandale et sans bruit soixante-un 
habitants portés sur un rôle comme suspects. Les hommes 
chargés de la garde de la ville furent logés dans leurs maisons 
restées vides. 

Le roi d'Espagne offrit des hommes et Florimond Robertet, 
baron d’Alluves, alla au nom de la France en demander au duc 
de Savoie. 

Il fallait de l’argent surtout. Le roi en sollicita du clergé, et 
le clergé, qui ne refuse jamais de contribuer aux charges de 
l'Etat. accorda neuf millions six cent mille livres payables en 
six années, à raison de un million six cent mille livres par an. 


MESURES PRISES POUR LA DÉFENSE (suite) 
VENTE DES PROPRIÉTÉS ET JOYAUX DES ÉGLISES 


L'abbave des Vaux-de-Cernay fut taxée à 6,060 livres de 
subvention. Pour les paver et aussi pour relever les bâtiments 
en ruine. Charles Guillart fut obligé d’aliéner quelques biens. 
Il commenca par céder. pour 50 livres, à Pierre Grenet, sei- 
gneur de Loché, demeurant à Jouy, le droit de cens sur 
plusieurs héritages assis au village du Saussav. En 1564, il 
vendit la ferme d’Ythe, paroisse du Tremblay (Seine-et-Oise) 
et celle d'Orphin, près Dourdan, celle du Brouillard à Verneuil- 
en-Pincerais, la seigneurie de Pommeret, près Limours, une 
maison et d'autres biens à Vernon en 1569. On a reproché à 
notre évêque ces aliénations. Mais pouvait-il faire autrement ” 
Les chanoines de Notre-Dame et les gagers des paroisses furent 
eux-mêmes obligés de vendre ce qu'ils possédaient de plus pré- 
cieux. "Que d'objets d'art sont alors à jamais disparus. On peut 
regretter ces ventes forcées, mais personne n'en doit faire 
retomber la responsabilité sur l'évêque ou sur le clergé. Il 
s'agissait du reste de défendre la religion. Le roi, par ses lettres 
du 2% novembre 1562, ordonne que les reliques, calices, joyaux 
et pièces d'argenterie des églises soient envoyées à Paris. Nicole 
Renard, sous-doven, et vicaire général de l'évêque. enjoint aux 
députés ecclésiastiques d'apporter les reliquaires de leurs égli- 


— 439 — 
ses dans la salle épiscopale. Les archives départementales ‘ 
conservent le procès-verbal de ces objets. Les églises et les 
abbayes donnent presque toutes chacune un calice, des croix, 
des reliquaires, des encensoirs, des bassins, des statues ‘en 
argent ou en vermeil. 

A la fin de décembre, toutes les reliques de l’église Cathé- 
drale furent portées par l'ordre des commissaires du roi dans 
l'hôtellerie de la Fleur-de-Lys, attenante à la montée de la 
Porte-Guillaume, où ils étaient logés. On évalua les argenteries 
et les pierreries. Le 5 janvier 1563, le chapitre composa avec 
Jean de Baillon, trésorier de l’épargne du roi, pour en ra- 
cheter une partie, moyennant 4,518 livres. Le reste fut conduit 
à Paris et vendu. 

La sainte châsse elle-même aurait été portée à Paris sans les 
véhémentes observations des chanoines et du peuple. On se 
contenta de la dépouiller de ses ornements en or, en argent, 
en rubis, en émeraudes et en perles, d’une valeur de plus de 
10,C00 livres. Une ceinture en or, estimée 500 écus, fut expé- 
diée, mais renvoyée; la châsse de saint Théodore qui pesait 
19 marcs d'argent doré et celle de sainte Anne qui en pesait 
17 furent vendues, aussi bien que celle de saint Tugdual qu'on 
avait commencé à couvrir d’argent et pour laquelle on avait 
déjà employé 56 marcs ; une magnifique contretable en ver- 
meil fut livrée à Pierre Hotmann, orfèvre à Paris, pour 
11,136 livres, et l’on fit aussi argent d’un gros chaton d’or où 
il y avait un gros rubis balais valant 80 écus, et d’un crucifix 
d’argent pesant 80 marcs. Les livres conservés au trésor ne 
purent eux-même trouver grâce et furent en grande partie 
vendus. Parmi eux se trouvaient un évangéliaire donné par 
Gosselin de Lèves, vers 1150, et plusieurs autres livres, couverts 
d’or, d’argent et de pierreries ?, 


BATAILLE DE DREUX 


Ces aliénations sont fort regrettables, mais il fallait de l'ar- 
gent pour avoir des hommes. Les protestants en obtenaient à 
l'étranger. Sur la demande du vidame de Chartres, gouverneur 


! Série G, nos 427-498. 
2 Catalogue des reliques et joyaux, par M. Merlet, passim. 


— 440 — 

du Hâvre, la reine d'Angleterre faisait embarquer des secours 
pour le prince de Condé et celui-ci se rendait en Normandie 
pour les recevoir. En passant il ravagea Gallardon le 6 dé- 
cembre 1562, où il y eut plusieurs prêtres et catholiques tués!, 
et il envoya sommer Chartres de se rendre, mais le seigneur 
d’'Eguilly lui ayant répondu qu'il le lui ferait bien ressentir 
s’il s attaquait à lui, il continua sa route par Ormoy. Le conné- 
table de Montmorency avec ses Suisses tenta aussitôt de lui 
fermer le passage. Il conduisit son armée jusqu’à Mézières, 
près Dreux et alla se porter entre le Boullay-Mivoye et Marville, 
et le lendemain 19 décembre 1562, après plusieurs escar- 
mouches, la bataille s’engagea avec acharnement. Les Suisses 
soutinrent quatre charges et perdirent dix-sept capitaines; le 
connétable fut blessé, son fils et le maréchal de Saint-André 
furent tués, ainsi que beaucoup d’autres. Et chose fort extra- 
ordinaire, les deux chefs furent pris, l’un, le connétable, au 
commencement de la bataille, et l'autre, Condé, à la fin, en 
sorte que qui semblait victorieux se trouva vaincu. Les survi- 
vants de ce désastre s’en allèrent les uns par Orléans, les au- 
tres par Mortagne. A Dangeau ils élurent pour chef l’amiral de 
Coligny, en l'absence du prince de Condé, retenu prisonnier. 
Ils prirent le Puiset, Selles-en-Berry, Saint-Aignan et Montri- 
chard ?. Ceux qui passèrent par Nogent-le-Rotrou causérent 
tant de frayeur qu'aucun prêtre n'osait dire la messe. On la 
célébra seulement deux ou trois fois, en secret, dans les 
maisons. 

Après la défaite de Dreux, les catholiques manifestérent 
leur joie et leur reconnaissance dans un livre qu'ils intitu- 
lèrent : Te Deum des catholiques chrétiens pour la déroute 
des rebelles à Mézières, près Dreux. Les protestants se cal- 
mérent un peu, sans cependant cesser tout pillage. La ville 
de Chartres se tenait toujours sur ses gardes. Tous les habi- 
tants valides, évêque, prêtres, religieux, chanoines, étrangers 
furent contraints d’aller ou d'envoyer « besoigner » une jour- 
née par semaine aux fortifications. 

Le 15 février 1563, sur ce qu’on avait entendu dire que les 
reitres étaient en campagne, les échevins ordonnèrent « aux 


! Castelnau, collect. Michaud, IX, 474. 
2 Id., 479. 








— 441 — 

six capitaines des six cents hommes de mettre promptement 
des gardes aux portes de la ville » et firent continuer le travail 
des fortifications. Le 10 mars on décida de recevoir en ville la 
compagnie de Pierre Levasseur. Enfin la paix d'Amboise est 
publiée. Monsieur d'Eguilly, le 17 avril, demande s’il s’en 
trouvait qui eussent à se plaindre de lui ou de sa compagnie, 
promettant d'y donner bon ordre, et tous, lui ayant décerné le 
titre de « bon gouverneur », répondent « qu’ils sont très heu- 
reux d’avoir été sous lui pour la conservation de leur ville, le 
supplient d’excuser ceux qui ont fait des fautes et se recom- 
mandent à sa bonne grâce. » Sur quoi Monsieur d’Eguilly leur 
laisse les clefs de la ville, une grande quantité de poudre, de 
plomb, de boulets et plusieurs pièces d'artillerie, et se retire 
en sa Maison. 

Dès lors tous les habitants durent eux-mêmes faire le guet. 
Les échevins ordonnèrent que « chacun des habitants, en ce 
» compris Mer l’évêque de Chartres, les abbés et prieurs de la 
» ville et faubourgs,» y serait tenu.On voulut même contraindre 
les chanoines et les autres bénéficiers d’aller ou d’envoyer au 
guet trois ou quatre fois par semaine, quoique les autres habi- 
tants n’y allassent qu’une fois. Ils s'en plaignent le 4 mai 1573. 

Ces précautions n'étaient pas inutiles. La célèbre abbaye de 
PAumône près de Marchenoir était saccagée ; Josaphat subis- 
sait une ruine à peu près complète. Et quand les religieux re- 
vinrent, ils s’enfermèrent eux et leurs meubles au milieu des 
décombres et plantèrent un jardin sur le vaste emplacement 
de l’ancien réfectoire, dépourvu de toit et de voûte. Un procès- 
verbal nous fait savoir que Robert de la Boussardière, religieux 
de Saint-Cheron et curé de Germignonville, s'étant informé 
s'il pourrait célébrer dans sa paroisse les fêtes de Pâques de 
1562, ne put y aller parce que les gentilshommes huguenots 
du pays menaçaient de le mettre en pièces. Il s’y rendit ce- 
pendant dix-huit mois après, à la Toussaint 1563, et regardait 
faire une fosse dans le cimetière de Saint-Léonard quand 
M. Marcy, soi-disant seigneur de Germignonville, vint l'insulter 
et le souffleter. La situation n’était pas tenable, et le 93 mars 1565 
le curé fit attester devant Jean Guignard, notaire royal à 
Chartres, que l'église paroissiale de Germignonville et celle de 
Saint-Léonard son annexe étaient en ruines, sans autel et sans 
verrières ; qu’il n’y avait aucun lieu de sûr accès pour les 





— 442 — 
prêtres, et qu'on faisait ordinairement le prèche dans la mai- 
son du prieur {. 

Celui que les Chartrains avaient surnommé le « bon gouver- 
neur » revint alors. Il mit de nouveau toute son activité à la 
garde de la ville, et un jour, le 11 juillet 1565, 1l se plaignit de 
ce que les échevins confiaient les clefs de la cité à des gens 
« Inécaniques, » qui pour peu de choses pourraient donner 
entrée à qui bon leur semblerait, et fit décider que les éche- 
vins feraient meilleure garde et veilleratent eux-mêmes à la 
fermeture des portes. 


LA DUCHESSE DE CHARTRES MONTRE SON FANATISME 


La famille royale elle-même était profondément divisée par 
les idées nouvelles: Charires eut à en souffrir plus, peut-être, 
que toute autre ville. 

Renée de France. fille de Louis XII et dAûUEe de Bretagne, 

avait épousé, le 28 juin 1528, Hercules, duc de Ferrare, marquis 
d'Est, capitaine de la sainte Eglise romaine. Le roi François [°' 
lui donna à cette occasion le comté de Chartres qu'il érigea - 
duché, à la valeur de 12,500 écus d'or de revenu annuel *?, 
y ajouta la châtellenie de Montargis et le comté de Gisors. 
ce mariage elle devint belle-sœur du cardinal Hippolyte de 
Ferrare, archevêque de Milan, de Lyon et d'Auch, évêque 
d’Autun et abbé de Tiron (1560-1563). Elle fut mère en 1538 
de Louis, cardinal d'Est, archevèque d’Auch après son oncle. 
Par sa fille Anne d’Est, épouse en premières noces de François 
de Lorraine, duc de Guise, elle fut grand mère de Henri le 
Balafré, l’un des plus ardents défenseurs de la religion en 
France, de Charles, duc de Mayenne, et de Louis de Guise, 
cardina) de Reims. 

Tous ces titres de gloire auprès de l’Église catholique ne 
l'empéchérent pas de mêler ensemble et de suivre, selon ses 
caprices, les pratiques pourtant bien différentes des deux 
religions antagonistes. En 1535, elle favorisait les hérétiques et 
admettait Calvin auprès d’elle. En 1540, elle demandait à 


! Memoires Archeol., I, 190. 
? Arch. dep., G. 533. 





— 443 -- 
Chartres des prières et des chemises bénites en l'honneur de 
Notre-Dame !. 

Le 29 novembre 1560, dans un voyage qu'elle fit en France, 
elle reçut les compliments de Louis Charpentier, théologal de 
Chartres, délégué du clergé *, et quand elle vint à Chartres, 
six ans plus tard, ce fut pour insulter à la religion de ses pères 
et de ses enfants. 

Les échevins pour lui préparer une entrée solennelle don- 
nérent des bâtons neufs aux sergents chargés de ranger le 
peuple et firent faire douze armoiries et un ciel de velours 
noir brodé de quatre écussons. Ils avertirent les ménétriers de 
se tenir prêts avec trompettes et hautbois*, et obligérent les 
habitants à garnir leurs maisons de « tentures les plus hon- 
nêtes » depuis la Porte-Morard par où la duchesse devait 
entrer jusqu’au palais épiscopal, où elle devait recevoir l'hos- 
pitalité. Mais la duchesse fit contremander tous ces préparatifs 
et n'exigea que le nettoyage des rues“. 

Elle arriva le 30 mars 1566. Pendant tout le temps de son 
séjour les ministres calvinistes de sa suite tinrent des prèches 
publics à l'évêché. Elle protégea Armand Tardieu, envoyé à 
Chartres par le synode de Genève, et sur son ordre, dans Île 
palais mème de l’évêque, un apostat, qu’on dit se nommer 
Martin Maillard et qui avait été curé de Mézières-en-Drouais, 
préconisa l’évangile des réformés. 

Les chanoines de Notre-Dame allèrent vers la duchesse lui 
porter plainte de ces prêches, et le lendemain les échevins, 
toujours obséquieux, envoyérent lui dire qu’ils n'étaient pour 
rien dans la démarche du chapitre. Mais quand le danger fut 
passé, le 23 avril 1566, ils ordonnèrent qu’un des leurs irait 
vers le roi et la reine « faire des remontrances sur les prèches 
et demander si l'on devait les permettre au cas que Madame 
revint en ville. » 

Pendant ce temps les écrivains dédiaient leurs ouvrages à 
l’évêque de Chartres. Jacques Prévosteau, c’est lui qui nous 
l'avoue, n'avait pas osé d’abord importuner par la lecture de 


1 Souchet, IIT, 572. Mémoires Archeol., IX, 118. 
? Souchet, 1V, 27. 

3 Arch. depart., E. 2131. 

+ Reg. des Echevins. 


— 444 — 


ses premiers travaux un évêque qui a toujours eu le manie- 
ment des grandes charges et affaires du rovaume. Mais il 
s’enhardit, informé de l'honnête courtoisie avec laquelle sont 
reçus tous ceux qui désirent avoir part en son service, et lui 
offre son petit « esbat d’esprit » qu'il intitule : « Description 
des appareils, arcs triomphaux, figures et portraicts dressez 
en l’honneur du roy au jour de son entrée en la ville de Paris 
le sixième jour de mai 1571 ‘. » Les docteurs catholiques mul- 
tipliaient les volumes pour venger la vérité religieuse. Nous 
avons déjà parlé de Simon Vigor, de Claude de Sainctes et de 
plusieurs autres, nous ajoutons : Etienne Prevost, official 
connu par un « Traité de la fondacion de l'Église de Chartres, 
1558 ; René Desfreux, moine de Coulombs et de Bonneval, 
auteur de plusieurs ouvrages de polémique religieuse ; Jacques 
Fourré, de Mainvilliers, évêque de Chälon-sur-Saône et prédi- 
cateur de mérite; Michel Fourré, ambassadeur, à Naples. 
Dom Lambert, religieux cluniste de Saint-Denis de Nogent-le- 
Rotrou, prêchait ses : discours évangéliques.… remontrans l’er- 
reur des calvinistes ; Dom Degrin Gervais, de Thiron, offrait en 
lecture : Les armes du vrai chrétien ; Jean de Marcouville du 
Perche donnait : Chrétien avertissement aux refroidis et écartés 
de la vraie et ancienne Église catholique ; Michel Piguerre 
écrivait l’histoire de France touchant les troubles arrivés pour 
la Religion : de Sainctes publiait des discours sur le saccage- 
ment des églises catholiques par les hérétiques ; Jean, Georges. 
Jacques et Geoffroy de Billi, tous quatre de la maison de 
Prunay-le-Gillon et de Courville, composaient des livres de 
piété et de défense religieuse en latin et en français*. 
L’évêque ne devait pas se laisser devancer dans la lutte 
contre l’erreur. Au synode de 1564, il promulguait un formu- 
laire de discipline tiré des sentences des hommes illustres el 
ajoutait une petite exhortation aux curés « exhortatiuneulam 
ad curiones ; » l'année suivante il éditait en latin et en français 
un livre de doctrine religieuse qu'il faut consulter pour 
connaître les sentiments de l'évêque : « Formula popularis 
elementorum fidei nostræ tradila in usum catechismi clero et 


l Biblioth. nat., cote ve, 30,745 et 30,746. 


2 Trois de ces frères furent abbés de Saint-Michel-en-l'Herm, diocèse de 
Luçon, et Georges devint évêque de Laon. 





— 445 — 
populo carnotensi. » — Paris, Jacques Dupuis, in-&, 1565. — 
Traicté brief des principes de la foy pour servir de catéchisme 
au diocèse de Chartres. » Paris, id. 

Ce petit volume, que les curés devaient commenter au peuple 
les jours de dimanches et de fêtes contient soixante feuillets. 
La doctrine est dialoguée entre le pasteur et l'enfant. En marge, 
comme preuves et développements, on cite l'Ecriture Sainte et 
quelquefois saint Augustin. L’oraison dominicale, le symbole, 
le décalogue sont expliqués longuement, mais les sacrements : 
« Sacra evangelui signa quœæ nos appellamus sacramenta, » ne 
sont qu’indiqués rapidement. Moréri, dans son Dictionnaire 
mais seulement dans l’édition de 1732, au mot bisacramentaux, 
et Janvier de Flainville en ont conclu que Guillart ne voulait 
admettre que deux sacrements comme le font quelques protes- 
tants. C’est une erreur. Au folio 60, l’évêque nous apprend 
que son manuscrit a été confié au typographe trop peu de 
temps avant l'ouverture du synode pour que tout ce qu'il avait 
écrit sur les sacrements pût être imprimé et qu’il donnera le 
reste au synode suivant !. 


INSTRUCTION DE LA JEUNESSE 


Si loin qu'on regarde dans les siècles antérieurs on trouve 
partout et toujours des écoles pour la jeunesse. Mais le siècle 
que nous étudions vit s’enflammer plus vif que jamais le zèle 
de l'instruction. Les administrateurs des principales villes 
cherchèrent dans la diffusion des études un frein aux erreurs 
et aux passions. L'Église les seconda de toute son influence et 
de ses richesses. 


4 Ce livre, publié également à Chartres, le 24 octobre 1569, est accompagné 
de quelques épigrammes latines adressées : « Ad reverendum verè pium in 
Christo patrem D. Car. Guillart » par Jean Granger « illius anagnostes atque 
alumnus » qui était secrétaire de l’évêque et qui avait eu unc grande part dans 
la rédaction. Brillon, annotant la « Bibliothèque chartraine, » écrit que le 
« Traicté brief » est au monastère de Saint-Jean-en-Vallée ; Janvier de Flainville 
en a vu un exemplaire de l'édition latine dans la bibliothèque de Saint-Père et 
il nous apprend qu’un volume de l'édition française fut mis en vente vers 1753, 
ar les héritiers du chanoine Desligneries et acheté par le chanoine Bouvart. La 
ibliothèque de Chartres ne possède ni l’un ni l’autre, mais nous avons trouvé 
l'édition latine à la Bibliothèque nationale sous la côte D. inv. 21,883. 


— 446 — 

La ville de Chartres avait son collège depuis 1534. celle de 
Dreux depuis 1536. De généreux bienfaiteurs avaient contribué 
à leur érection, mais les ressources qu'ils avaient affectées à 
ces fondations n'auraient jamais pu suffire à assurer leur exis- 
tence. Les Etats de 1560, tenus à Orléans, vinrent fort à propos 
ordonner que dans chaque église cathédrale ou collégiale une 
prébende serait destinée à un précepteur d'école gratuite nommé 
par l’évêque, le chapitre et les magistrats municipaux. Bientôt 
sept autres collèges s’ouvrirent dans le diocèse de Chartres, à 
Châteaudun, à Bonneval, à Ecquevilly près Poissy, à Montmi- 
rail, à Longni, à Nogent-le-Rotrou et à Thiron. C’est en vertu 
de cette loi que les Échevins de Chartres, le 4er décembre 1564, 
écrivirent à l'évêque de Senlis, Louis Guillart, collateur des 
prébendes de Notre-Dame, pour le prier d’accepter la candi- 
dature d'un sieur Desfreux comme précepteur des enfants de 
la ville. Il était prêtre et depuis plusieurs années chargé déjà 
de la direction des écoles. Le chapitre n’admettait sans doute 
pas cet ecclésiastique, car il discuta avec les échevins le droit 
de présentation. Ceux-ci abandonnèrent leur candidat et nom- 
méèrent le 26 juin 1565, Guillaume Malherbault, clerc du diocèse 
de Limoges, principal de collège de Justice à Paris, à la charge 
par lui d'entretenir deux régents et de faire la classe gratuite- 
ment matin et soir. Les chanoines protestèrent contre la nomi- 
nation de ce nouveau précepteur, mais malgré leur appel une 
prébende lui fut accordée par Charles Guillart, le 10 juillet 1566, 
et la collation fut mise au registre des échevins, le 26 août. 
Des lettres patentes du roi, enregistrées le 7 janvier 1567, au- 
torisérent une contribution de 6,000 livres tournois sur les 
habitants pour acheter une maison et « accommoder un 
collège. » Le chapitre réclamait toujours contre la nomination 
de Guillaume Malherbault et ne voulait pas lui délivrer les 
revenus de sa prébende. Le roi, par lettres du 8 mai 1561, 
prescrivit au bailli de saisir ces revenus, de les faire gérer par 
commissaires et de délivrer au précepteur public, la somme 
nécessaire pour son « entretenement » depuis le jour de son 
élection. Le chapitre ne discutait pas le salaire, mais la per- 
sonne, etla discussion dura encore quelque temps. Maisenfin,en 
septembre 1567, Charles Guillart, s'étant rendu dans sa ville 
épiscopale pour y célébrer les fêtes de la Nativité, profita de 
son voyage pour terminer cette affaire et donner les fonctions 





— 44T — 


préceptorales à Diogène Lefebvre, prêtre de Chartres, qu’il 
venait de faire admettre au chapitre. 

Mais cette prébende n’était pas suffisante. Jean Pocquet et 
Michelle Haligre, sa femme, en furent touchés et donnèrent 
leur maison du Chinche, à Chartres, et leur métairie du Deffais, 
à Landelles, pour subvenir à l'entretien du collège. 

Citons une autre manière d’encourager les fortes études qui 
fait le plus grand honneur aux administrateurs de la ville de 
Chartres. Depuis longtemps ils prenaient à la charge du trésor 
public les dépenses nécessaires pour l’obtention des grades par 
les pères mineurs et par les jacobins. Leurs registres nous font 
voir qu'ils donnaient de cinq à trente-cinq livres tournois ou 
Six à huit écus d'or selon les circonstances et les hommes. 
C’est ainsi que par reconnaissance pour ses sermons de carême 
ils payèrent les frais du doctorat de Jacques Fourré, peu après 
évêque de Chalon-sur-Saône. 


REPRISE D’ARMES 


Mais l'instruction ainsi donnée à la Jeunesse comme moyen 
préventif contre l’erreur et ses conséquences ne suffisait plus. 
Le prince de Condé réunissait de nouveau ses forces à la fin 
de 1567. Francois de la Noue, originaire de Bretagne, seigneur 
de la Roche-Bernard, près de Châteaudun, par son mariage 
avec Marguerite de Théligny, levait des troupes dans le Dunois 
et la Beauce. les conduisait au siège d'Orléans et était un de 
ceux qui aidèrent le plus à ruiner la cathédrale. Le prince 
prit ensuite Vendôme, marcha sur Blois dont les maisons fu- 
rent pillées et les églises brûlées, se fit couronner roi de 
France sous le nom de Louis XIII et fit battre monnaie à son 
effigie. 

Ïl fallait dans cette occurrence prendre des moyens éner- 
giques pour préparer la défense de Chartres. Le sieur d'Eguilly 
en fut d'abord chargé. mais le roi l'ayant appelé dans l’Orléanais, 
il fut remplacé par Adrien de Gallot, maire de Fontaine-la- 
Guyon, qui continua de faire fortifier les endroits faibles. Les 
rues furent garnies de flainbeaux ; les échelles et les chevrons 
des faubourgs furent apportés en ville, le vin des vignerons y 
fut amené et les habitants reçurent l'ordre de s'approvisionner 


— 448 — 

de farine et de vivres pour deux mois. Le 9 octobre, trois cha- 
noines vinrent offrir au nom du chapitre la solde de cinquante 
hommes sur les quatre cents que la ville devait enrôler, ou le 
versement mensuel d’une somme de quatre cents livres. Ces 
propositions ne furent point acceptées. On répondit aux cha- 
noines que cette guerre les touchait plus que personne et le 
chapitre et le clergé furent taxés à payer les onze vingtièmes 
de la dépense. 

Le 10 octobre, le procureur de l’évêque présente une lettre 
datée de Pontgouin, par laquelle celui-ci marque qu'on la 
averti de contribuer à la défense de la ville, ce qu’il trouve 
juste et raisonnable « pourvu qu’on garde cette égalité avec 
considération des devoirs qui dépendent de la charge d'un 
chacun !. » 

L’évêque ajoute qu’ « il ne se défie point de l’équité des gens 
de bien, mais plutôt de la calomnie de ceux qui pour s’auto- 
riser davantage ne doutent pas de la répandre à tort. Il 
requiert de rendre compte de toutes ses actions et bruits mal 
convenables à sa profession, qu’on sème, auxquels pour ré- 
pondre il lui suffit de demander à Dieu de demeurer chrétien 
et de bon témoignage et doctrine envers eux, en ne se fai- 
» sant le plus qu'il lui est possible aucun ennemi, et conten- 
» tant toujours d’opposer aux mauvaises volontés sa raison de 
vivre et son innocence. » 

À cette lettre en était Jointe une autre du roi par laquelle : 
« attendu les difficultés qu’on pourrait faire dans les tumultes 
qui ont cours, il était d’abord permis à l’Évêque de faire sortir 
de la ville ses meubles. ses vins et ses blés pour les mener à 
Pontgouin et d'afficher les panonceaux royaux sur le portail 
de sa maison, et ensuite défendu à tous gens d’armes de venir 
le troubler dans son logis et d’y prendre fourrage, blés, vins, 
foins, pailles, avoines, poullailles ou autres choses. » 

Le 15 octobre, le roi ordonna au capitaine de Chantemesle 
d’entrer en la ville avec ses hommes; le 16 et le 24 il commande 
au sieur de Fontaine de lever quatre compagnies nouvelles de 
deux cents hommes chacune, et les chanoines consentent à 
payer une partie de leur solde. 


US S + > y 


4 Mss. des Echevins. 











— 449 — 


Les huguenots et les reîtres avec Maligny, vidame de 
Chartres, pour chef, prenaient alors Janville, Etampes, 
Dourdan, ils brûlaient et saccageaient, et selon de Thou, histo- 
rien qui souvent leur est favorable, ils ruinèrent dans ces 
temps en France plus de vingt mille églises et plus de deux 
mille monastères. 

Ils furent battus le 10 novembre 1567, à Saint-Denis où le 
vidame de Chartres se fit remarquer par sa bravoure à côté du 
prince de Condé. Cette défaite ne fit qu’augmenter leur fureur. 
Ils partirent aussitôt pour assièger Chartres, se promettant de 
détruire la cathédrale et espérant un riche butin dans le pillage 
de la ville. 

Sur leur route ils livrèrent le monastère de Granchamps aux 
flammes après avoir massacré tous les chanoines, à l’exception 
d'un seul qui abjura la foi catholique. Un des religieux s'était 
caché dans une cave, il fut trahi par les aboiïiements d'un chien 
trop fidèle et fut pris. On l’enterra tout vivant jusqu'aux épau- 
les et sa tête servit de but à des parties de boule ‘. Ils abatti- 
rent le clocher de Prouais ; ils brûlèrent les boiseries de l'église 
de Broué et les images auprès de la croix du cimetière ; ils ren- 
versèrent les autels et dispersèrent les reliques, affublèrent 
leurs laquais des riches ornements, mirent le calice en pièces 
et cassérent les vitraux qui étaient très beaux. 

À Coulombs, ils surprirent par ruse le monastère, enlevèrent 
alors tout ce qui se trouvait sous leurs mains; ils ouvrirent 
les tombeaux et en brûlérent les ossements ; ils pillèrent les 
ornements sacrés et profanèrent toutes les images des saints, à 
l'exception de celle de la très sainte Vierge qu’on put soustraire 
à leur fureur ; ils allumèrent enfin un immense incendie qui 
dura huit jours et qui détruisit les titres précieux que les moi- 
nes n'avaient pu emporter. Il y avait sur un des piliers du 
cloître unestatue en pierre représentant saint Benoît, les soldats 
voulurent aussi la briser ; mais, pendant qu’ils faisaient leurs 
efforts pour la renverser, la tête se détacha des épaules et alla 
frapper un de ces sacrilèges qui mourut sur le champ. Ce qui 
épouvanta tellement les autres qu'ils se retirèrent avec préci- 
pitation. Ils étaient là depuis dix-sept jours. L'image de la 
trés sainte Vierge, rendue à sa chapelle, reçut, jusqu’à la 


1 Fisquet, 549. 
T. X., M. 31 








— 450 — 
Révolution, les hommages empressés des fidèles, surtout le 
samedi de chaque semaine ‘. La dévastation nous fait suivre 
leurs traces. Une note en latin, écrite sur les registres de Jour, 
nous dit que le registre de 1570 est le plus ancien par ce que 
ceux d'avant lui ont péri en 1568 dans l’incendie de l'église 
« sub duce Condeto ?. » 


SIÈGE DE CHARTRES 


À Chartres alors, on continuait de préparer une défense 
vigoureuse. Mais les échevins en désaccord avec le gouverneur, 
de Gallot de Fontaines, demandaient que les revues des gens 
de guerre fussent faites par le bailli de la ville ou son lieute- 
nant. Le roi leur accorda cette satisfaction. Ils ne s’en conten- 
térent pas et voulurent s’ingérer encore plus dans les affaires 
militaires. Le roi le leur défendit et leur fit écrire le 25 décem- 
bre qu’ils eussent à obéir à leur gouverneur. Celui-ci triom- 
phait, mais son triomphe fut de courte durée. Il fut déplacé, et 
M. de la Trémouille chargé de rétablir l'ordre à Chartres y 
arriva le 23 janvier et s’en retourna le 10 février. 

De son côté, le clergé faisait multiplier les prières. Le 21 dé- 
cembre il y eut un jubilé pour l’extirpation des hérésies. 
L'évêque se fit un devoir de célébrer la grand’messe et de 
distribuer la communion aux chanoines et aux clercs de son 
église. Il officia encore la veille et le jour de Noël. Après ces 
fêtes, l’évêque, toujours en butte à la même calomnie dont il 
s'était plaint le 10 octobre, se retira dans sa maison de Pont- 
gouin. Bientôt, sans doute, il ne s’y crut plus en sûreté, malgré 
les panonceaux du roi et prit prétexte de la maladie de son père 
pour lui faire quitter ce bourg et s’en aller après lui au fond 
du Maine. Il en avait demandé la permission au roi qui la lui 
accorda par la lettre suivante datée du 12 février : 


‘ Mém. archéol., IV, 78. 


2? L'église de Jouy fut donc alors brûlée, du moins sa toiture et la charpente 
et sans doute aussi la grande flèche qui devait s'élever sur la tour massive alors 
récente. Mais les murailles ne furent pas détruites ; les fenêtres et les portes 
en pleim-cintre durent résister à la fureur des ennemis, car elles semblent remon- 
ter au commencement du XIIe siècle. 





— 451 — 
Monsieur de Chartres, 

« Encore que votre présence soit fort nécessaire et ait beau- 
coup servi où vous êtes au bien de mes affaires, toutefois 
ayant entendu que le sieur du Mortier votre père est parti 
de Pontgouin assés mal disposé de sa personne , d’autant que 
son âge requiert qu il soit soigneusement secouru et soulagé 
et qu’il ne peut mieux estre que de vous, je vous prie, mon- 
sieur de Chartres, l’aller trouver pour lui rendre l'office tel 
que vous devés et que je sçais vous avés en affection, ne vous 
mectant en peine de la faute que pourra amener votre absence 
au lieu d’où vous partirés, d'autant que pour une si bonne 
décision je vous en excuserai toujours, sachant que le devoir 
que nous devons aux pères doit être préféré à toutes autres 
» choses. Priant Dieu, monsieur de Chartres, vous tenir en sa 
» garde. » Signé Charles. 

On a insinué que par cette lettre Charles IX voulait éloigner 
l'évèque de Chartres au moment où allaient se passer les plus 
graves évènements. Mais cette hypothèse ne nous semble pas 
fondée. Si Charles Guillart l'eût admise, il aurait gardé la lettre 
royale par devers lui et ne l’aurait pas transmise aux échevins 
le 12 avril suivant avec prière de la transcrire sur leurs 
registres. 

Après le départ de Monsieur de la Trémouille, Antoine de 
Linières, qui s'était particulièrement distingué dans les guerres 
d'Italie et à la défense de Saint-Quentin, fut envoyé le 16 février 
avec plusieurs régiments pour protéger Chartres. Les échevins 
ne voulurent pas d’abord le recevoir, mais sur un ordre formel 
du roi ils le laissèrent entrer. Malgré lesclameurs des intéres- 
sés, il commença par faire mettre le feu aux maisons placées 
autour de la ville, au couvent des cordeliers, dont la belle 
bibliothèque fut brûlée, à l’abbaye de Saint-Jean et à l'église 
voisine, servant à la paroisse de Sainte-Madeleine, à la chapelle 
de Saint-Thomas, au village de Mainvilliers et à plusieurs autres 
édifices, sous prétexte qu’ils auraient pu servir de retraite aux 
assiégeants. 

Ceux-ci arrivèrent près de la ville le 27 février 1568 et démo- 
lirent de leur côté les églises de Saint-Cheron et de Saint- 
Barthélemy, la tour et la couverture de l'église de Saint-Mau- 
rice et du haut des murailles de cette dernière, ils braquérent 
leurs canons sur la ville. 


ECC D DE | 


— 452 — 


Ce mème jour, le nouveau gouverneur fit faire des boulets 
avec la cloche cassée de Saint-Michel. ainsi qu’avec du plomb 
et d’autres métaux fournis par le chapitre. Le lendemain il fit 
conduire aux remparts tous les bois trouvés en ville, ordonna 
de lever de huit cents à mille pionniers pour travailler aux 
fortifications et commanda, sous peine de la vie. aux commis- 
saires aux vivres d'envoyer trois poinçons de vin aux ouvriers. 
Malgré tous ces efforts la brèche fut ouverte ce mème jour. 
L'attaque fut acharnée, la ville allait être prise et pour la 
défendre il fallait tenter un effort suprême. Monsieur de Linié- 
res ordonna « de prendre jusqu’à cinquante balles de laine 
chez les marchands et toutes les bourres chez les tanneurs. 
pour les conduire à la brèche et l’obstruer. » Tous les habi- 
tants, hommes, femmes, enfants, serviteurs et chambrières, 
furent convoqués aux travaux. Il fut également enjoint à l’évé- 
que, comme s'il eût été là, aux chanoines, aux abbés et aux 
religieux de la ville, d'y venir avec autant d'hommes qu'il leur 
en étaient demandés et aux gagers des paroisses de s y trouver 
et d'apporter les noms et surnoms de leurs concitoyens sous 
peine d’être pendus ou étranglés. Les médecins, sous peine du 
même châtiment, devaient visiter et soigner les blessés sans 
prendre aucun salaire ; ils pouvaient seulement faire état de 
leurs médicaments dont ils seraient payés. C'était le 12 mars. 
Ce jour qui devait être le dernier du siège en fut le plus terri- 
ble. Il fut aussi celui où la Vierge protectrice de la cité montra 
le plus évidemment sa puissance. Les balles et les boulets vin- 
rent souvent tomber sans force aux pieds de sa statue, placée 
sur la porte Drouaise. On dit même qu’elle se présenta mira- 
culeusement tenant son divin fils dans ses bras, et qu'elle rece- 
vait les balles ennemies dans le pan de son manteau ‘. Tous les 
environs de la ville furent ravagés. Les villages de Luisant, 
Mainvilliers, Le Coudray, Saint-Martin-au-Val, le Grand- 
Beaulieu furent incendiés. 

Le 13 mars, le roi fit annoncer un armistice et, dès le 15. 
l’armée ennemie délogea. Avant leur départ, ou sur leur passage, 
les huguenots incendièrent plus de 50 églises aux environs de 
Chartres, parmi lesquelles nous citerons : Beaulieu, Saint- 


1 Chaline, page 177. — Monographie Bulteau, I, 174. 











— 453 — 

Cheron, Morancez, l'abbaye de l'Eau‘. On trouva dans l’église 
des Filles-Dieu des corps à demi brûlés de plusieurs ecclé- 
siastiques tombés entre les mains de ces hommes cruels. Un 
religieux dominicain qui avait été attaché à un gril et posé sur 
des charbons ne fut sauvé de la mort que par une intervention 
surnaturelle ?. Ils se dirigèrent par Thivars sur Bonneval et 
Châteaudun et par Illiers sur Nogent-le-Rotrou, et se répandi- 
rent dans toute la contrée. Le château de Rabestan, paroisse 
de Saint-A vit, fut alors pillé, brûlé et détruit. Dèsle 9 mars 1568 
ils incendiaient l’église de Lutz qui était alors sur le chemin de 
Châteaudun à Orléans, celle de Villemor dont le souvenir est 
perdu, celle de Triplevilleet de plusieurs autres dans le Dunois. 
Celle de Gohory récemment restaurée fut de nouveau pillée et 
brùlée par Jean Chevallier de Châteaudun, comme l'indique 
encore une inscription placée dans l’intérieur. L'abbaye de 
Bonneval fut totalement détruite et les moines emportant avec 
eux ce qui restait de reliquaires et ce qu'ils purent conserver 
de leurs titres, cherchèrent leur salut dans la fuite. 

Les bandes, qui s'étaient dirigées vers Nogent-le-Rotrou, 
entraient dans la ville le 17 mars. Ils brülaient l’église de 
Saint-Jean, les images et les autels, brisaient les grilles et les 
serrures, les vitres et les cloches, et volaient les plus riches 
ornements. À Châteaudun, le 20 mars, le curé de Saint-Médard 
écrivait qu’il ne put dire la messe à cause des troubles occa- 
sionnés par les huguenots qui étaient dans la ville. Le 23 mars 
la paix mal assise de Lonjumeau vint donner un peu de répit; 
le prince de Condé, alors à Patay, la fit publier au milieu des 
troupes qui cependant deux jours après mirent le feu à l’église 
des Cordeliers de Chäteaudun et protitèrent du désordre pour 
piller le couvent. 

Après leur départ de Chartres il fallut ramasser les morts, 
soigner les blessés, compter la dépense et réparer les dégâts. 

On connait les noms de presque toutes les victimes. Il y eut 
environ 250 morts. Quelques-uns furent inhumés de suite, mais 
le 26 mars plusieurs restaient encore jetés pêle-mêle avec les 


1 Pitard. Perche, 150. 
2 Souchet, IV, 70. — Annuaire 1847, 191 
3 Mém. arch., 1, 360. 


— 454 — 


cadavres des chevaux. Il fut ordonné qu'on les retirerait pour 
les enterrer avec la plus grande diligence . 

Le 18 mars il fut très expressément commandé de faire un 
état nominatif de tous les blessés, de les mettre dans les mai- 
sons riches de la ville et de les faire traiter et médicamenter 
«comme Ja propre personne de M. de Linières. » Et il fut en- 
joint aux curés et aux vicaires d’élablir des rôles contenant les 
noms de tous les blessés, des logeurs qui les recevaient et des 
barbiers qui les soignaient. 


COUT DU SIÈGE DE CHARTRES 


Le siège de Chartres coûta ainsi 80,824 livres à la caisse 
municipale en frais de toutes sortes : (solde des compagnies, 
avoine pour les chevaux, munitions pour les troupes, pain, 
viande, poissons et vin, fonte des balles, outils pour les pion- 
niers et les mineurs, salaires des messagers, fruits secs pour 
les malades, médicaments et récompenses aux chirurgiens. 
cadeaux aux capitaines et aux iroupes). 

Il est vrai que personne ne semblait se priver de rien. Il fut 
bu 2.214 poinçons de vin, les corps de garde brûlèrent pour 
1519 livres de bois et de chandelles, les blessés recevaient par 
jour chacun vingt onces (625 grammes) de viande; une ou 
deux pintes de vin, deux, trois ou quatre pains. Les prison- 
niers de guerre eux-mêmes étaient traités comme des princes. 
Huit reitres prisonniers furent donnés en garde à un habitant 
de la ville; il lui fut alloué par jour, tant pour lui que pour ses 
huit reitres, 29 pains et 18 pintes de vin. Des pensions furent 
accordées aux blessés et aux veuves, des habits furent distri- 
bués aux capitaines dévalisés et cent écus soleil furent donnés 
pour un cheval tué. 

Rien non plus ne fut épargné pour honorer les morts. 
MM. de Chapitre furent d’abord priés de prêter le poële de la 
cathédrale pour les obsèques de M. d’Ardelay, mais comme on 
ne le trouva pas assez beau, M. de Linières en commanda un 
autre aux frais de la ville pour lequel on employa dix aunes 
de velours noir, deux aunes et demi de satin blanc, quatorze 
écheveaux d’or et d'argent. Il ordonna ensuite qu'on habille- 


1 Ms. Echevins. 





— 455 — 


rait six serviteurs du défunt et deux capitaines; la ville y 
consentit, elle se chargea en outre de payer une chapelle ar- 
dente, six douzaines de torches, six douzaines de bâtons, 
444 cierges et décida que les héritiers du défunt n’entreraient 
dans aucune dépense !. 

Le duc d’Anjou, frère du roi , avait requis cette inhumation 
dans la plus grande église de la ville. Avec de la bonne volonté 
on aurait pu entendre, par ces termes, la plus grande église 
paroissiale. Mais au grand contentement des échevins qui en 
délibérèrent le 26 mars et malgré les observations des chanoi- 
nes qui alléguaient qu'aucun corps n'avait jamais reçu sa sé- 
pulture dans leur église, le défunt fut inhumé dans la Cathé- 
drale. Le roi lui fit élever un monument qui se vit près de la 
porte du chœur du côté de la sacristie jusqu'en 1661 : il fut 
alors porté dans le petit cimetière de Saint-Jérôme. 

Pour payer ces frais la ville fit un emprunt forcé au denier 
douze, les échevins menacérent d'envoyer des garnisaires chez 
les notables qui ne voudraient rien prêter, ils ordonnèérent de 
rechercher, même avec effraction. les vins qui étaient dans 
Chartres pour en distribuer aux gens de guerre. Le 30 mars ils 
réquisitionnent pour les malades et les blessés ce qu’ils appe- 
laient « les fruits de Carême » et le 27 avril ils étudiaient un 
devis des réparations à faire aux remparts et aux fortifications. 

Pendant ce siège beaucoup de reliques de nos saints furent 
profanées. Celles de saint Yves, l’un de nos plus illustres évé- 
ques, conservées jusqu'alors à Saint-Jean, dans la vallée appe- 
lée maintenant le « clos Pichot, » furent jetées aux vents par 
des soldats impies qui brisèrent son tombeau et prirent le 
plomb pour en faire des balles. « OÔ pitié, à désastre, s’écrie 
» Rouillard, c’est aujourd’hui de cette ancienne abbaïe un pas- 
tis, à l'usage des bestes, et leurs pieds, hélas, bondissent sur 
les cendres du vénérable Yvon... Meschants, qu’en recom- 
pense votre chair corrompue nait d'autre tombeau que le 
ventre des corbeaux, que votre nom demeure à jamais exé- 
» crable et que toujours là-bas claque sur votre dos l’horrible 
» fouet des furies infernales! » 


5 SO 


# Ms. Echevins. 


— 456 — 


NOTRE-DAME DE LA BRÈCHE. 


En souvenir de ce siège de 1:68 et du départ inopiné des 
ennemis, les échevins, le 6 février de l’année suivante, en exé- 
cution d’une délibération du 7 janvier, envoyèrent vers l’évé- 
que pour lui demander d'établir le 15 mars à perpétuité comme 
« fête solennelle dans la ville et banlieue, en considération et 
» reconnaissance du grand bénéfice que toute la ville et le dio- 
» cèse ont reçu de Dieu en ce jour, et le prient d’ordonner pour 
» l’avenir un service, une procession générale et un sermon. » 

Le 14 mars les échevins eurent la satisfaction de recevoir 
une ordonnance de l’évêque conforme à leur demande. Le cha- 
noine Mathieu Lallier donna peu après des revenus pour les 
frais de cette procession et fit construire une chapelle qui, plu- 
sieurs fois détruite, fut toujours rétablie, notamment en 1600 
par Simon Sauquet, chanoine de Saint-André, exécuteur tesla- 
mentaire de Simon Berthelot, son oncle, et en 1843 par M. Ba- 
ret, vicaire de la Cathédrale. Tous les ans, depuis ce premier 
anniversaire, par patriotisme et par religion, le Chapitre y fait 
une procession générale, et l'on y prie pour ceux des catholi- 
ques qui furent tués en défendant leurs biens, leur ville et leur 
foi. 


SUSPENSION DES HOSTILITÉS. 


Vers la fin de juin 1568, les échevins, presque toujours en 
désaccord avec les chefs militaires, demandèrent qu'on leur 
rendit le sieur d'Eguilly et déclarèrent que la ville se sentait 
heureuse d’avoir un « si bon, notable et expérimenté gouver- 
neur. » Le clergé offrit de payer la moitié des dépenses de 
cette garnison, les échevins voulurent exiger les deux tiers. 

En août, comme les partis s’agitaient, les travaux des fortifi- 
cations furent poussés avec activité. Tout le monde dut v pren- 
dre part, l'évêque aussi bien que les gens d'église. Le prélat 
cette fois encore se trouva trop chargé et refusa une partie de 
ce que l’on voulait exiger de lui. Il fut « adjourné le 6 février 
» pour se voir condamné à amende et profit des deffauts qu'il 
» a fait d'envoyer au rempart selon les ordonnances de la 
» ville. » 





— 457 — 

Tous ces travaux demandaient non seulement des bras, mais 
beaucoup d'argent. On décida de faire un emprunt de 10,000 
livres sur tous les habitants de l’élection de Chartres. Nous ne 
savons dans quelle proportion chacun fut obligé d'y contribuer. 
Nous trouvons seulement que la pelite paroisse de Saint-Denis- 
les -Puits fut déchargée le 6 octobre 1568 des six setiers de blé 
et des deux setiers d’avoine dont elle était grevée, parce que 
son village avait été brülé pendant le siège. L'année suivante 
le 18 mars 1569 le prince de Condé, chef de l'armée des hugue- 
nots, et le sieur de Billi de Prunay-le-Gillon. soldat de l’armée 
ro vale, furent tués à la bataille de Jarnac ‘, Dandelot mourut 
peu après et ses soldats vaincus dans les plaines de Moncontour 
se débandèrent. Le corps du prince de Condé fut apporté à 
Vendôme, pour être inhumé, quoique protestant, dans la cha- 
pelle du château, lieu de sépulture de ses pères. L'évêque de 
Chartres avait prescrit aux chanoines de cette église de laisser 
faire et leur défendit seulement de paraitre en habit de chœur 
à cette inhumation ?. Les hostilités continuérent encore quel- 
que temps. Le 7 août 1570 Orien Chavigny, prêtre cordelier 
de Châteaudun, fut tué par les hérétiques. Enfin la paix de 
Saint-Germain-en-Laye fut publiée et on projeta des mariages 
pour la sceller. 


MARIAGE DE CHARLES IX ET CELUI DE HENRI IV. — SAINT- 


BARTHÉLEMY. 


Le roi Charles TX épousa Elisabeth d'Autriche et promit sa 
sœur Marguerite à Henri de Bourbon (depuis Henri IV). La 
reine de Navarre, dame de Vendôme, d’Epernon, de Château- 
neuf et de Champrond partit aussitôt de la Rochelle, pour venir 
préparer le mariage de son fils, elle s’arrêta à Chartres et des- 
cendit à l'évêché le 9 mai 1572. À Paris elle logea à l’hôtel de 
Charles Guillart, notre évêque, elle y tomba malade et y mou- 
rut le 9 juin. Son corps de passage par Chartres fut déposé en 
la maison canoniale d’un chanoine. Après les obsèques de sa 
mére, le roi de Navarre reparut à Chartres, où il fut reçu, 


1 Castelnau, collect. Michaud, IX, 537, 
? Ozerai II 23. 


— 458 — 


quoique huguenot, avec les plus grands honneurs. Le Chapitre 
lui adressa une harangue dont le texte est conservé aux archi- 
ves départementales ,G. 289). II logea à l'évêché le 4 juillet et 
s'en alla conclure son mariage le 18 août 1572. La semaine fut 
employée en festins et en réjouissances. Mais les esprits n'é- 
taient pas rassurés. Le chartrain la Huguerye rapporte dans 
ses « Mémoires ! » qu’il avait « reconnu que le roi impuissant 
à arriver à son but par la voie des armes avait advisé un autre 
chemin pour en un jour nettoyer tout son Etat. » Le vidame 
de Chartres , Jean de Ferrières , fit savoir aux principaux sei- 
gneurs protestants quele roi se défiait d’eux, et après leur avoir 
conseillé de sortir de Paris, il prit la route de Dreux, se réfugia 
à la Ferté-Vidame d'où il partit pour l’Angleterre. Mais au lieu 
de suivre un si prudent exemple, les huguenots firent semblant 
d'être sans inquiétude, et le roi influencé par sa mère en fit 
massacrer plusieurs dans Ia nuit de la Saint-Barthélemy (24 
août 1572). Charles Chevallier, consin de notre évêque, y péri, 
Madame de Feuquières, sa cousine, qui épousa plus tard du 
Plessis-Mornay, n’échappa que par le plus grand des hasards 
et s'enfuit de Paris à travers mille dangers. Elle raconta dans 
ses curieux Mémoires comment elle trouva un refuge au chà- 
teau d’Eprunes auprès de sa grand mère Marie Guillart. Beau- 
coup de maisons, même des moins suspectes, furent pillées 
sous prétexte qu'elles renfermaient des adeptes de la nouvelle 
religion. La demeure de Charles Guillart ne put être oubliée et 
l'évêque ne dut la vie qu’à son absence. Un auteur récent ?, 
pour n'avoir pas reconnu le sujet du verbe dans une phrase de 
la Huguerye, prétend qu'il était parti pour la Flandre, et donne 
de cette absence des raisons qui ne sont pas justifiées par le 
contexte. 


SERMON DE LA TOUSSAINT ET MORT DE CHARLES GUILLART 


Quoi qu’il en soit, à la Toussaint suivante (1572), Charles 
Guillart amena avec lui un moine des Vaux-de-Cernay et le fil 
précher dans la Cathédrale. Ce moine avanca quelques propo: 
sitions « mal digérées » et mal comprises de l'auditoire qui & 


! Publiés à Nogent-le-Rotrou, par la Société de l'Histoire de France. 
3 Pommier. Chroniques de Souligné. 





— 459 — 
mit à murmurer. L'évêque fit descendre le prédicateur !, ce 
qui prouve qu'il n’était pas de connivence avec lui et se retira 
dans son palais. De là, voyant grossir l’orage, il fit atteler ses 
chevaux et s'enfuit précipitamment, emmenant avec lui l’im- 
prudent religieux. La populace toujours prête pour l’émeute 


__et encore sous l'impression des huguenots et de la calomnie 


répandue contre l'évêque, les poursuivit de ses huées et courut 
après eux jusqu'aux portes de la ville. Cette avanie fit prendre 
à Charles Guillart la résolution de se démettre de ses fonctions 
et bientôt il résigna son évêché en faveur de Nicolas de Thou. 

Il finit peu après sa carrière. Nos historiens ne sont pas 
d'accord sur le lieu de son décès. La Gallia Christiana assure 
qu'il mourut à Chartres, ce qui n’est pas probable après ce que 
nous avons dit de son départ précipité de cette ville, quelques: 
uns pensent qu'il décéda à Villeneuve-sous-Dammartin (Seine- 
et-Marne), invoquant comme preuve la présence de la pierre 
tombale dans l'église de cette paroisse. Leur raison semble 
plausible, mais la tradition chartraine la rejette. Souchet et quel- 
ques autres soutiennent qu'il mourut à Paris, et appuient leur 
dire sur les notes écrites au Jour le jour par un homme en po- 
sition de connaitre la vérité. Louis Cochin, tabellion de la 
chambre épiscopale, ferme son registre (G. 109) après l’avoir 
clôturé par ces mots : & cy finist le présent registre dudit dé- 
funt messire Charles Guillard qui décedda à Paris le dimanche 
2e jour de février 1573. » Le 25 février le même tabellion 
commence un nouveau registre (E. 2138) au nom du roi 
« attendu la saisie en régale qui est faite du tabellionné pour 
le décès advenu à R. P. en Dieu messire Charles Guillard, qui 
fut dimanche dernier à Paris, à quatre heures du soir *. » 

Il avait fait son testament cinq jours auparavant en faveur 
de ses nièces et avait reçu tous les sacrements de l'Eglise avec 
beaucoup de connaissance et de piété. Le Chapitre lui fit un 
service le 12 mars suivant. 


LIEU DE SA SÉPULTURE 


Le lieu de sa sépulture n'est pas mieux connu que celui de 
son décès. Notre historien Souchet rapporte qu’il fut inhumé 


{ Souchet, IV. 83. 
2 Arch. dép., G. 109, E. 2138. 





— 460 — 

dans l’église des Blancs-Manteaux près de Louis Guillart, son 
oncle. Mais d'autres prétendent que ce fut dans la petite église 
de Villeneuve. Janvier de Flainville au siècle dernier a tenté 
de résoudre cette difticulté. Il adressa des lettres de différents 
côtés, mais les réponses qu’il reçut ne sont pas suffisamment 
explicites pour trancher la question ‘. Le prieur des Blancs- 
Manteaux lui écrivit que son église n’a jamais possédé le tom- 
beau de Charles Guillart. Le 8 juillet 175. M. Jouvenon, curé 
de Villeneuve, lui répondit que « la tombe de Charles Guillart 
est dans son église, dans une chapelle qui de tout temps a 
été concédée aux seigneurs. Ses armes sont gravées aux 
quatre coins de sa dalle tumulaire, et les mêmes armes sont 
reproduites dans la nef; ce qui signifie que les Guillart ont 
été seigneurs de Villeneuve. De plus un Guillart, homme de 
robe, avait son épitaphe dans l’église avant cet évêque; en 
1577 Isabelle Guillart est signalée comme dame de Ville- 
neuve, et le vieux château était blasonné aux armes de 
cette famille. Personne, ajouta le curé, ne sait ici si Charles 
Guillart est mort à Villeneuve ou à Paris ou dans quelqu'un 
de ses deux évêchés, nos nécrologes ni nos registres de sé- 
pulture n’en peuvent faire mention, ils commencent en 1587. 
On dit seulement par tradition que, lorsqu'il fut mort, les 
chanoines de Chartres, ni ceux de Châlons ne voulurent lui 
accorder la sépulture ecclésiastique, parce qu’il était calvi- 
niste et que c’est ce qui a obligé sa famille de le faire trans- 
porter à Villeneuve qui était sa terre ou plutôt la terre de 
quelqu'un de ses parents. » 

On voit par cette lettre que la tradition était toujours sévère 
pour Charles Guillart et que le lieu de sa sépulture était bien 
incertain. Ne serait-il pas arrivé pour lui ce que nous avons 
remarqué pour un autre personnage de la même époque, pour 
Pierre Levavasseur, le bon gouverneur. Celui-ci mourut à 
Chartres le 15 novembre 1575. La plupart des historiens rap- 
portent qu'il fut inhumé dans l’église des Cordeliers de cetle 
ville, mais Souchet assure que son corps fut porté à Saint-Avit, 
poury être enterré le 3 janvier suivant. Cette question nous 
intéressait personnellement comme curé de Saint-Avit et nous 


WW YVES EU US TS 7% 


M. Daras, curé de Villeneuve. nous écrit le 16 décembre 1889, mais sa 
lettre ne nous apprend rien qui ne soit déjà sirnalé dans cette notice. 





— 461 — 

avons été heureux de trouver une solution dans le « martyro- 
logium » du couvent des pères mineurs où il est dit que les 
viscères de Pierre Levavasseur furent déposés dans un lieu ho- 
norable de la chapelle de ces religieux. Ce qui est loin de 
contredire Souchet. Peut-être que Charles Guillart fut aussi 
en partie enterré aux Blancs-Manteaux et en partie à Villeneuve. 
Nous le croyons d'autant plus facilement que la date de 1574 
gravée au-dessus de la pierre tombale n’est pas la date de sa 
mort et pourrait être celle de son transfert dans cette église. 
Quoi qu’il en soit cette tombe se trouve encore à Villeneuve- 
sous-Dammartin. C’est une grande pierre sur laquelle l’image 
entière de Charles Guillart est gravée en creux et qui contient 
en belles gothiques l’imscription : « Gy gist R. père en dieu m° 
» Charles Guillart en sû vivât evesqs de Chalons et de Châres, 
» abbé de l’abbaye des Vaulx, sr du Mortier et Despineu lequel 
» décéda le dimanche xx° j" de feburier mil Ve LXxXHT. » 

L'abbé Brillon a relevé cette épitaphe; MM. Fichot et Au- 
fauve ont donné un dessin de cette tombe dans leur ouvrage 
sur les monuments de Seine-et-Marne; la Société archéologi- 
que d’Eure-et-Loir vient de la faire graver de nouveau pour 
l’offrir à ses associés dans la belle collection des dalles tumu- 
laires qu’elle publie et M. Pommier l'a reproduite dans ses 
« Chroniques de Souligné-sous-Vallon », paroisse des Guillart. 

La pierre tombale de Villeneuve et la tradition locale dont 
la lettre du curé se fait l’écho en 1755 désignent Charles Guil- 
lart comme évêque de Châlons et de Chartres. Il nous est dif- 
ficile de lui donner ce premier titre. Nous avons vu par son 
histoire qu'il fut fort jeune pourvu de l'évêché de Chartres, 
avant même d’être prêtre et qu’il démissionna peu de temps 
avant sa mort, et des lettres que nous venons de recevoir de 
Chalon-sur-Saône ne nous parlent que de Louis Guillart. Le 
savant abbé Daras, curé actuel de Villeneuve, suppose, nous 
écrit-il, qu'il aurait été gratifié d’une simple nomination royale 
pour le faire jouir des revenus de l'évêché de Châlons-sur- 
Marne, alors vacant par la résignation de Jérôme du Bourg, 
ancien chanoine de Mantes, sans qu'il ait été préconisé à 
Rome. On peut encore attribuer ce double titre à l’inadver- 
tance du graveur qui aura confondu l'oncle et le neveu, celui- 
là ayant été évêque de Chartres et de Chalon, tandis que celui- 
ci ne l’a été que de Chartres exclusivement. 


— 462 — 


ORTHODOXIE DE CHARLES GUILLART. 


Il nous reste à chercher quels furent les sentiments de Char- 
les Guillart au point de vue religieux. Il a ses défenseurs cha- 
leureux et ses accusateurs opiniâtres. Mais parmi ceux qui 
accusent les uns ne donnent aucune raison et ceux quien 
veulent donner, n'allèguent aucun fait, aucun écrit, aucune 
parole qu’on ne puisse expliquer favorablement. Rouillard 
rapporte qu'il fut « soupçonné d'adhérer à ceux qui de son 
temps troublaient le repos de la France. » Cela ne suffit pas 
pour le faire condamner. Doyen, Ozerai, la Gallia Christiana 
et Fisquet, son traducteur moderne, produisent contre l’évêque 
quatre chefs d’accusation qu’on peut réfuter. Ils lui repro- 
chent : 

4° D’avoir laissé Renée de France établir un prêche dans le 
palais épiscopal. 

20 D'avoir reçu Jeanne d’Albret dans son hôtel à Paris. 

3° D'avoir lui-même amené à Chartres un religieux des 
Vaux-de-Cernay qui avança quelques propositions suspectes 

4 Et enfin de s'être laissé condamner à Rome par défaut 
sans avoir envové de mémoire pour se justifier comme le firent 
quelques évêques accusés et cités comme lui. 


I. On peut répondre que Renée de France était mère de ca- 
tholiques très ardents et à ce titre méritait des ménagemenis, 
qu’étant duchesse de Chartres, elle y était toute puissante el 
pouvait y imposer ses volontés, malgré les plus vives réclama- 
tions comme celles que produisit inutilement le Chapitre, que 
le prêche qui fut fait à Chartres n’était peut-être qu’un collo- 
que comme celui de Poissy sur l’opportunité duquel les esprits 
purent se partager, rien du reste ne prouve que ce prêche ait 
eu lieu avec l’assentiment de l’évêque dont la présence à Char- 
tres est même plus que douteuse. 


II. Il recut Jeanne d’Albret dans son hôtel à Paris. Mais elle 
était princesse, duchesse de Vendôme et dame de plusieurs 
autres domaines du pays chartrain, et c'était la coutume des 
princes en voyage de s'installer dans les palais de leurs sujets, 
sans que ceux-ci eussent à s’y opposer ; en outre elle venait 





— 463 — 


pour préparer un mariage qui aurait pu avoir des résultats 
plus heureux que la Saint-Barthélemy. Les mariages mixtes 
peuvent être quelquefois tolérés et celui du roi de Navarre, 
autorisé par le pape, pouvait faire espérer l'apaisement des 
esprits. Ce n'est pas d’aujourd’hui que les devoirs de la poli- 
tesse réunissent catholiques et protestants. 


III. Le moine des Vaux-de-Cernay n'avait sans doute pas sou- 
mis son discours à l’examen préalable de l'évêque et celui-ci ne 
peut être responsable de toutes les paroles prononcées dans la 
chaire de sa cathédrale; il a été trompé le premier. En tous cas 
il arrêta l’orateur et le fit descendre. D’un autre côté, si le 
moine prononça quelque paroles suspectes, l’auditoire encore 
irrité contre les hérétiques qui venaient d’assiéger la ville 
pouvait-il être bon juge et ne montra-t-il pas une susceptibilité 
trop grande ? Dans les émeutes populaires, les calomnies les 
plus absurdes se répandent vite contre les innocents. 

Nous avons raconté comment les échevins s’ingérérent à 
temps et à contre-temps dans les affaires militaires et si sou- 
vent que le roi dut le leur défendre. 

Nous avons dit comment ils s’appliquérent à vexer l’évêque 
et les ecclésiastiques à l’occasion de leur concours au travail 
des fortifications et comment ils appelèrent à leur barre l’offi- 
cial et les vicaires généraux pour leur intimer l’ordre de pour- 
suivre les hérétiques et ceux qui n'avaient pas fait leurs pâques : 
et nous avons vu leur pusillanimité devant la duchesse qui 
ordonnait le prêche. N’est-il pas permis de penser que tous 
les bruits répandus contre la doctrine de l’évêque, étaient la 
conséquence du constant désaccord qui existait entre celui-ci 
et ceux-là? Les agissements de quelques membres de sa famille 
ne purent-ils pas servir aussi de prétexte plus ou moins spé- 
cieux de suspecter son orthodoxie ? Plusieurs des siens, nous 
l'avons dit, trempèrent dans les complots des hérétiques. 
L’évêque eut-1l pour eux trop de complaisance et ses ennemis 
n’en profitèrent-ils pas pour le faire décrier et charger sa mé- 
moire ? Tout cela est possible, mais de lui, nous le répétens, 
on ne peut rien signaler qui ne puisse sinon se justifier, du 
moins s'expliquer. 


1 Souchet, IV, 83. 


En DS A 


SR PET 5° 4 


a me 


— 464 — 

IV. Enfin il ne s’est pas présenté à Rome en 1563, pour dé- 
fendre sa doctrine et se laissa condamner comme coutumax. 
Grégoire XIIT, dans les bulles de Nicolas de Thou, du 
8 avril 1573, fait même allusion au jugement rendu contre 
Charles Guillart et rappelle qu’il fut déclaré hérétique et privé 
de l’administration de son diocèse. Il y a donc là une forte 
présomption contre lui, et cependant Souchet essaye de dé- 
montrer l’orthodoxie du prélat. 

La citation à Rome, dit-il, n'est pas suffisante pour prouver 
sa faute. Tous les accusés ne sont pas coupables, et si parmi 
ceux qui furent avec lui appelés à Rome, les uns étaient cer- 
tainement hérétiques, plusieurs aussi étaient certainement 
innocents. Le savant historien du chapitre, imbu en cela des 
idées de son temps, va même jusqu’à excuser les évêques de 
ne s’être pas présentés à Rome parce qu’ils craignaient d'être 
livrés à l’Inquisition et qu’ils avaient le roi de France pour 
« protecteur et conservateur. » 

Le roi donna, en effet, à son ambassadeur à Rome, des ordres 
pour se plaindre de ce que le Souverain-Pontife eût fait citer 
des évèques français à son tribunal. Il devait s’autoriser des 
libertés, droits et immunités de l'Église gallicane et des arrèts 
du Parlement de Paris, plus en faveur que les textes de 
l'Evangile, pour établir que les évêques français n'étaient jus- 
tifiables que de leurs collègues de France. Il devait rappeler 
des précédents que la Gallia Ghristiana signale sérieusement 
et sans protestation, bien qu’ils prouvent souvent le contraire 
de ce qu’on voulait en déduire. 

De tout temps, devait observer l’ambassadeur, les évèques 
français ont été jugés par des évêques français. Il en fut ainsi 
nommément pour Saint Prétextat de Rouen, Saint Didier de 
Vienne, Salonius d’Embrun et Sagittaire de Gap, Ebbon de 
Reims et Maxime de Valence. Donc le pape a perdu le droit de 
juger les évèques de France et conséquemment Charles Guillart 
et consorts sont indûment cités à Rome. Nous ne rappelons 
ce raisonnement que parce qu'on prétendait s’en servir pour 
retenir en France la cause de notre évêque, mais nous plai- 
gnons cet ambassadeur d'avoir été obligé de torturer l’histoire 
et de tronquer les textes pour appuyer contre l'autorité plé- 
nière du souverain Pontife les prétentions d'un roi de France. 

Saint Prétextat fut en effet jugé à Paris en 577 et Saint Didier, 





& Chalon en 603, mais leurs causes étaient politiques et non 
pas doctrinales ; et les juges, dont les sentences furent non 
seulement caduques mais iniques, étaient tous sous la pression, 
les uns de Chilpéric et de Frédégonde, les autres de Thierry 
et de Brunehaut. Salonius et Sagittaire, tous deux convaincus 
de crimes de droit commun, furent condamnés à Lyon 
et à Chalon, sur la demande du roi Gontran en 579, mais 
ils en appelèrent au tribunal du pape dont par là même ils 
reconnaissaient la suprématie. Ebbon de Reims fut jugé à 
Thionville pour ses agissements politiques contre Louis-le- 
Débonnaire, en 885, mais le pape ratifia la démission que donna 
cetévêque. On voulait surtout, parait-il, s'autoriser de l'exemple 
de Maxime de Valence. Il était accusé d'hérésie mani- 
Chéenne et fut déféré au jugement de ses collègues des Gaules. 
Mais c’était sur l'invitation de saint Boniface Ier lui-même qui, 
le 43 juin 419, ordonnait aux évêques des provinces voisines 
de s’assembler en synode pour examiner cette affaire et mettait 
Pour condition que l’autorité du pape confirmerait le jugement. 
« quidquid autem, rapporte Yves de Chartres dans ses décrets, 
vestra charitas de hâc causà duxerit decernendum, cum ad nos 
relatum fuerit, nostrâ, ut necesse est, autoritate firmetur. » 
Comme on le voit, il fallait peu de logique pour trouver dans 
ces précédents un amoindrissement de l'autorité papale au 
profit des évêques de France. 

Souchet, un des plus ardents défenseurs de la réputation de 
l'évêque, donne plusieurs arguments en sa faveur : « Il était 
fort soigneux de son diocèse et le pourvoyait de bons et 
doctes pasteurs; les registres de l'évêché (aujourd'hui dis- 
parus) témoignent de la tenue régulière des synodes, de 
l'organisation des processions et autres cérémonies reli- 
Sieuses auxquelles l’évêque assistait dans le but de prier pour 
l’extirpation de l’hérésie, et contiennent la publication de 
Mmonitoires contre les protestants, des statuts, des règlements 
et des avertissements aux curés touchant la doctrine catholique, 
apostolique et romaine. » Le 14 mars 1563, l’année même où il 
était appelé à Rome comme suspect, il écrivit à Louis Char- 
Pentier, son vicaire général, une lettre qui prouve son zèle pour 
la religion et son attention de n’admettre aux ordres que des 
clercs dignes et sévèrement examinés. De plus, comme il était 
averti des accusations qui pesaient contre lui, il voulut s'en 

T. X. 4. 32 





— 466 — 
défendre par une lettre du 10 octobre 1567, que nous avons 
citée pour la première fois, d’après le registre des Echevins. 
Il se plaignit de la « calomnie et des bruits mal convenables 
que des malintentionnés répandaient à tort. » Il demanda 
même la sauvegarde du roi à cause des tumultes qui avaient 
cours, et le roi, qui n’était pas d'humeur à favoriser les héré- 
tiques, écrivit au bailli de Chartres d'avoir à protéger l’évêque. 

« Tous ceux, à qui j’en ai oùi parler, qui jouissaient de l'hon- 
neur de sa conversation, dit encore Souchet. ne m'ont rendu 
témoignage de lui qu’avec beaucoup d’éloges.» « Ilest mort dans 
la communion de l’Église romaine, après avoir reçu les sacre- 
ments, et le chapitre lui fit un service solennel. » « Il était, 
dit ailleurs Souchet, d’une humeur fort douce, d’une très 
agréable et facile conversation, civil, courtois, modéré au pos- 
sible, se plaisant dans la société des gens doctes, desquels il 
avait toujours quelques-uns à sa suite, dans la solitude des 
Vaux-de-Cernay, où il se plaisait. » 

« Il est vrai qu’il était moins retenu en ses paroles qu’en ses 
mœurs, n’approuvant beaucoup de choses qui se pratiquaient 
dans l’Église, desquelles il parlait trop librement, ce qui le 
fit soupçonner de favoriser aux Luthériens. » Mais en ce 
temps-là parler « de la religion et de ses cérémonies autrement 
que voulaient les plus sérieux et zélés était crime et ne fallait 
que prononcer un mot de travers pour faire crier au hugue- 
not. » À notre époque, on croit trouver plus de tolérance, 
cependant n’avons-nous pas souvent entendu accuser les pré- 
lats les mieux intentionnés de trahison et de schisme. 

Après Souchet, Janvier de Flainville assure que Charles 
Guillart, quoique noté comme hérétique, affirmait qu'il ne 
l'était point. Il ajoute qu’il donna en mourant des marques 
certaines qu'il avait vécu et qu'il mourait dans la communion 
de l’Église catholique, apostolique et romaine; ce qui fit qu'on 
ne douta plus de sa religion. Pavin cité par Flainville soutient 
le même opinion et Pintard conclut que sa déclaration d’ortho- 
doxie doit justifier sa mémoire « du mauvais jugement qu'on à 
fait de lui. » 

Bien plus, les écrits qu'il nous a laissés sont orthodoxes. Le 
40 février 1558, de par le roi, « suivant le vouloir et consente- 
ment de Monseigneur Charles Guillart, » il est permis à Jacques 
Kerver de faire imprimer et vendre tous les « Usages de l’éves- 





— 107 — 

ché de Chartres, comme missels, bréviaires, manuels 
sionnaires, journaulx et autres; » or les manuels de 
édités, l'un en 1571, sous Charles Guillart et l’autre 
étaient si parfaits que le théologien Beuvelet s'en est s 
composer son livre : Instruction sur le Manuel. Et a 
nous avons pu en juger le vieux catéchisme de Charle 
est conforme à la doctrine catholique. 

Pour finir nous aimons à citer les vers suivants, € 
Rabet, originaire de Chartres et l’un des condis 
l’évêque. 


« À Chartres y réside un prélat..….. 

… Docte et notable 
Issu de la famille antique et vénérable 
Des Guillards qui se sont par leurs doctes labeurs 
En la France élevés à d’immortels honneurs 
Et lui qui va suivant leurs vertus et leurs grâces. » 
Comme eux fera florir maints honneurs sur sa race 


Après cet exposé nous croyons pouvoir conclure qt 
pas coupable d'hérésie formelle, mais nous avouons 
tort de ne pas tenir compte de l'appel du pape, seul 
la terre auquel soit donné le privilège de paitre infaill 
les agneaux et les brebis. 

L'ABBÉ HAYE 


Cure de Jo 


— —- #0 


TABLE 


DES ARTICLES CONTENUS DANS LE DIXIÈME VOLUME 


DES MÉMOIRES 


Pag: 
La Fainille Chardonel et les vitraux de la Chapelle du 
Pilier dans la Cathédrale de Chartres, par M. l'abbé 
CLERVAE., LS 2 San era an ee A: 1 
Petite chronique de l'abbaye de Bonneval, par M. R. 
MEREET' SE AE LONML FaR Te  ure AR 14 
Notice historique sur le Séminaire du Grand-Beaulieu- 
lès-Chartres, par M. l'abbé RENARD. . . . . . 39-127-214 
Les vidames de Chartres au XIII: siècle et le vitrail de 
Sainte-Marguerite, par M. René MERLET. . . . .. 81 
Les insignes canoniaux de l’ancien chapitre de Notre- 
Dame de Chartres, par M. l'abbé RENARD. . . . . 92 
Origine des Monnaies féodales au type chartrain, par 
M: Roné MERLET. 4.40 4 4 4 0.4 ue ave né 411 
Relations entre la papauté et les Khans Mongols, par 
M. Alex. de SAINT-LAUMER. . . . . . . . . . . .. 122 
Bureau de la Rivière, seigneur d'Auneau. Son origine; 
sa tombe, par M. l'abbé Marquis. . . . . . . . .. 153 
Date de la construction des cryptes de la Cathédrale de 
Chartres, par M. René MERLET. . . . . . . . . .. 161 
Bibliophiles chartrains et la Trinité de Vendôme au 
XIe siècle, par M. l'abbé MÉTAIS . . . . . . . . . . 172 
Notice sur l’hospice de Courville, par M. Luc. MERLET 184 
— d'Illiers, — 195 
— de Janville, — 205 


Notes historiques sur Chartres et le diocèse pendant 


— 470 — 
l'épiscopat de Louis et de Charles Guillart, par M. 


PADDÉHATE. + Nip he anse dia 2%1-523 


Une Religieuse de Belhomert, par M. l'abbé LanGLois 
Vie de saint Adjuteur, moine de Tiron, par M. H.S. 


Fouilles dans la Cathédrale de Chartres pour l'établis- 
sement d'un calorifère, par M. René MERLET. . . . 


Notice historique sur la commune de Villemeux, par 
M: MED CHRETIENS 3 48 rte AU te 


Notes sur quelques instruments préhistoriques du 
canton de Brou, par M. A. MALLET. . . . . . . .. 


Notes sur Souancé et Montdoucet, par M. H. S. : .. 


Cellier du XIIIe siècle de l'ancien hôtel des seigneurs 
de Tachainville, par M. René MERLET . . . . . .. 


Jean-François Collette de Chamseru et sa Famille, par 
M. le Docteur A. GILLARD ........ . . . . . . . . 


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