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STANFORD UN.VERS.TV LIBRARIES STANFC.
MÉMOIRES
DE LA SOCIÉTÉ
DE L'HISTOIRE DE PARIS
ET DE L'ILE-DE-FRANCE.
IMPRIMERIE DAUPELEY-GOUVERNEUR
A NOOBNT-LE-ROTROU.
MÉMOIRES
DE LA SOCIÉTÉ
[STOIRE DE PARIS
ET DB
L'ILE-DE-FRANCE
TOME XXXI
(1904)
A PARIS
Chez H. CHAMPION
Libraire de la Société de THistoire de Paris
Quai Voltaire^ 9
1904
LES GOBELIN
TEINTURIERS EN ÉCARLATE
AU FAUBOURG SAINT-MARCEL.
Il y a aujourd'hui près de cinq siècles, une famille d*habiles
artisans s^installait dans un des faubourgs éloignés du centre de
Paris et y fondait une industrie bientôt prospère. Le chef de la
dynastie s'appelait Jean Gobelin. Il a laissé son nom, d^une part
au quartier oti il s'était établi^ et, en même temps, à une manu-
faaure qui fait depuis trois siècles la gloire de notre pays. En
effet, la réputation de notre vieil atelier de tapisseries est si répan-
due que, dans les pays étrangers, on désigne couramment sous
le terme général de Gobelins toutes les tentures de prix, quels que
soient leur âge et leur provenance.
De quel pays Jean Gobelin était-il originaire? La ville de
Reims le réclame pour un de ses enfants. Jusqu'ici, aucune
preuve décisive n'a été produite à l'appui de cette revendication.
II semble assez probable que notre artisan venait de la province
et n'appartenait pas à l'ancienne bourgeoisie parisienne.
La place que le nom de Gobelin occupe dans l'histoire de la
ville de Paris et dans celle de l'industrie française nous a engagé
à rechercher les circonstances qui avaient peu à peu tiré cette
famille de son obscurité en l'élevant à une haute situation dans
l'ancienne hiérarchie bourgeoise. En effet, bien qu'elle doive sur-
tout sa célébrité aux tapissiers fameux établis dans les anciens
ateliers de teinture, il s'est trouvé que les descendants de Jean
Gobelin avaient su, par leur travail, leur intelligence, leur esprit
de conduite, s'élever peu à peu au-dessus de leur première con-
dition, parvenir à des postes éminents dans la magistrature, dans
les finances, et offraient par là un exemple remarquable de la
UÉM. XXXI I
2 LES GOBELIN
fonune réservée, autrefois comme aujourd'hui, aux hommes
laborieux et distingués.
C'est donc Thistoire des divers membres de cette &mille Gobe-
lin que nous nous proposons d'esquisser à Taide de documents
puisés aux sources originales, en utilisant aussi les recherches et
les publications antérieures. Pour plus de clané, on observera
autant que possible Tordre chronologique des événements en pré-
sentant la biographie de chacun des membres de la fieimille.
Jean Gobblin, i*' du nom.
M. Lacordaire, ancien administrateur de la manu&cture des
Gobelins, conçut, il y a un demi-siècle environ, le projet de
recueillir les éléments d'une histoire exacte de rétablissement
confié à ses soins. Les origines le préoccupèrent d'abord et il
voulut réunir des notions exactes sur ces vieux teinturiers dont
nos ateliers gardaient le nom. Apportant à ces investigations une
méthode vraiment scientifique, il résolut avant tout de reconstituer
Tétat-civil des premiers Gobelin installés sur les bords de la Bièvie.
Ses recherches le conduisirent jusqu'au milieu du xv* siècle, et
c'est aux environs de Tannée 1460 que les textes consultés lai
permirent de fixer Tarrivée à Paris et la première apparition da
chef de la famille, Jean Gobelin.
Comme il est regrettable que ce chercheur avisé n'ait pas pris
une copie fidèle de tous les documents qu'il eut entre les mains!
L'état<ivil parisien n'avait pas encore péri dans les néfastes incen-
dies de 1871, et le travailleur avait pu y relever la mention des
nombreux enfants du premier des Gobelin. Mais il ne crut devoir
attacher à ces menus détails qu'une attention distraite et se con-
tenu de prendre quelques notes. Certes, s'il eût pu prévoir les
désastres de Tannée terrible, il n'eût pas manqué de garder copie
des actes précieux qui devaient être anéantis quelque vingt ans
plus tard et ne se fût pas contenté des brèves indications publiées
par le Bulletin de la Société du protestantisme français*.
Quoi qu'il en soit, on est trop heureux aujourd'hui de pos-
séder les détails sauvés par la prévoyante sagacité de l'ancien
directeur des Gobelins, et nous ne saurions mieux faire que de
transcrire ici l'analyse des actes relevés dans les registres de Saint-
I. Année i836, p. 491.
TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 3
Hîppolyte et du temple de Charenton, telle que Fa publiée
M. Lacordaire, sans y rien changer. Voici donc la copie textuelle
des passages concernant Jean Gobelin et ses descendants immé-
diats :
€ Jehan Gobelin S premier du nom, teinturier à Saint-Marcel
c vers 1450, eut de Perrette, sa femme, treize enfants, et mourut
« en 1475.
« Philibert Gobelin, teinturier à Saint Marcel, fils aîné de Jehan
c Gobelin, épousa Denise Le Brest et en eut huit enfants*.
« L'ainé, Jehan Gobelin, teinturier à Saint-Marcel, qualifié
c honorable homme et seigneur de La Tour^ conseiller et secré-
c taire du Roy, épousa en premières noces Geneviève Le Lor-
I. Sur rétymologie et rorigîne du mot Gobelin, Shakespeare nous
fournit une curieuse indication. Il désigne sous ce nom les esprits des airs,
les Isrftidets, comme en témoigne la première scène du deuxième acte du
Stmgt dune nuit d'été. Une fée et Farfadet se rencontrent dans un bois
aux environs d'Athènes. La fée s'adresse à Farfadet en ces termes : c Ou
ton extérieur m'abuse, ou tu es ce lutin espiègle et malin qu'on nomme
Robin Bon-Diable ; n'est-ce pas toi qui effrayes les jeunes villageoises, qui
écrémes le lait..., qui égares la nuit les voyageurs et ris de leur mésaven-
ture^ Ceux qui t'appellent Gob^in, Farfadet chéri, ceux-là tu fais leur
ouvrage et tu leur portes bonheur... »
Ainsi, ce terme est employé dans une acception amicale pour désigner
on esprit aérien à qui est attribuée une intervention parfois maligne dans
les menus détails de la vie de chaque jour. Ce mot n*est pas tombé en
désuétude ; nous l'avons encore trouvé, avec le sens que lui donnait Sha-
kespeare, dans des publications modernes.
Cette constatation ne nous renseigne guère sur l'origine première de la
fanulle dont nous étudions l'histoire. Venait-elle de la Grande-Bretagne en
faisant une station à Reims ^ Sur ce point, on se trouve réduit à de pures
conjectures.
Voici toutefois une explication du mot Gobelin qui paraît confirmer l'in-
terprétation de Shakespeare. On remarquera que, d'après ce qui suit, ce
terme aurait été d'un usage courant dans une province française : c II y a
encore une autre espèce d'êtres apparentés avec celle-ci, mais moins vaga-
bonds que les Elfes, moins solitaires que les nains, c'est celle des esprits
domestiques qui se cherchent un gîte dans la maison des paysans, couchent
dans la grange et se réchauffent au foyer de famille. Les Allemands
appellent cet esprit Kobolde. C'est le Brownie de l'Ecosse, le Servant de la
Suisse, le TroUe du Danemark, le Goubelin de la Normandie. Le Kobolde
est actif et empressé, etc.. » (X. Marmier, Voyages et littérature : Tradi-
tions de FAUemagne, p. aa6].
Il m'a été assuré récemment que le mot goubelin était encore d'un usage
CQurant dans la région ouest de la Normandie.
a. On verra plus loin (p. i3] que ce nombre de huit doit être réduit à sept.
4 LES GOBELIN
« rain, et fut le chef de la branche noble de Picardie, dont la
t généalogie est partiellement donnée dans le Dictionnaire de la
« noblesse^ lequel supprime les deux premiers ancêtres (teintu-
« riersj, Jehan Gobelin et son fils aîné Philibert, ainsi que la
c qualité de teinturier qui appartenait aussi à Jehan Gobelin,
« sieur de la Tour. »
Pour peu que quelques-uns des frères ou sœurs de Philibert
Gobelin aient laissé le même nombre d^héritiers que lui ^ on peut
juger le développement que prit la famille dès la troisième géné-
ration.
Autre observation sur laqilelle on aura plus d'une fois l'occa-
sion de revenir : les Gobelin se sont transmis de génération en
génération certains prénoms pour lesquels ils eurent une prédilec-
tion marquée; de là d^incessantes confusions, alors que plusieurs
parents très rapprochés portent simultanément le même nom de
baptême. Ainsi, verrons-nous défiler devant nos yeux quantité de
Jean, de Philibert, de François, etc., etc.
Jehan Gobelin, l'auteur de la dynastie, n^avait pas eu de sa
femme Perrette moins de treize enfants. Si M. Lacordaire affirme
le fait avec cette précision, il doit avoir eu sous les yeux tous les
actes de baptême.
Dans ses Recherches critiques^ ^ Texact Jaillot confirme formel-
lement les dires de M. Lacordaire. Il convient de rapprocher le
passage des Recherches oîi il est question des Gobelin de la note
que nous venons de citer. On ne saurait s'entourer de trop de
lumières ni accumuler trop de preuves sur ces origines obscures.
« Aux xiv^ et XV" siècles, dit Jaillot, il y avait des drapiers et
« des teinturiers établis le long de la rivière de Bièvre, dont l'eau
« est propre à la teinture. Jean Gobelin y fit plusieurs acquisi-
« tions et y demeuroit en 1450. Philibert, son fils^ et Denise
« Le Bret, sa femme, laissèrent des biens considérables à leurs
« enfants, et entre autres dix maisons, jardins, terres, prés et ose-
c roies situés à Saint-Marcel. Le partage qui en fut fait est de l'année
c i5io. Leurs héritiers travaillèrent avec le même succès. Mes-
c sieurs Canaye s'y établirent ensuite; et, comme je l'ai remarqué,
I. Jean Gobelin, d'après les tableaux généalogiques dont il sera parlé
ci-après, eut lui-même cinq fils et quatre filles.
a. Recherches critiques, etc^ sur la ville de Paris (XVI* quartier, la
place Maubertj, Paris, 1774, in-8*, p. 104.
TEINTURIERS EN éCARLATE. 5
I ce fut la maison qu'ils y avoient, et non celle du Patriarche,
c qui fut vendue au sieur Charpentier en 1574. Il faut remarquer
« qu'alors, et même longtemps après, tous ces ouvriers travail-
c loient pour le public... »
Nos auteurs s^accordent à fixer en 1460 rétablissement du tein-
turier dans le faubourg Saint-Marcel. Cette date était approxima-
tive; aucun témoignage à Tappui n^avait été produit jusqu'ici.
Un dépouillement systématique des anciennes archives de
l'église de Saint-Marcel nous permet d^apporter plus de précision
à ces renseignements et de reculer d'un certain nombre d^années
l'arrivée de Jean Gobdin.
Dans un terrier de la vieille paroisse % nous relevons une men-
tion du 23 août 1443 portant qu'à cette date « les religieux
c donnent à rente à Jehan Gobelin, teinturier, une maison avec
c jardin derrière, assise en la grande rue Saint-Marcel, oti souloit
1 pendre l'enseigne du Cigne, tenant d'une part à Yvonne Por-
c cher et d*autre part à Marion Lenglaiche, aboutissant i>ar der-
« rière en la rue de Byèvre, » moyennant certaines redevances en
nature et 24 sous parisis de rente.
Ainsi, dès 1443, le teinturier Jean Gobelin est fixé dans le
quartier Saint-Marcel, sur les bords de la Bièvre.
De plusieurs autres opérations dont le souvenir est conservé
par les registres de Saint- Marcel résulte la preuve que les
affaires de Jean Gobelin sciaient rapidement développées.
Le 19 janvier 1454, il prend à rente de MM. de Saint-Marcel
Une nouvelle maison, avec cour et jardin, sise rue Saint-Hippo-
lyte et contiguë à celle qu'il occupait déjà'. Celle-ci devenait sans
doute trop exiguë pour une famille aussi nombreuse que la
sienne.
La désignation de la maison semble indiquer qu'il s'agissait
d'une construction bien modeste. Voici les termes de l'acte :
« Quamdam masuram sitam in Vico Sancti Ypoliti, tenentem
domui Philibert! Bernard et aboutissantem heredibus Gauffridi
Huet, Johanni Gobelin, tinaurario. » La cession était consentie
moyennant une redevance annuelle de 4 sous 6 deniers parisis à
payer à Téglise. La nature de la monnaie spécifiée dans Pacte
n'était pas, parait-il, indifférente^ car, peu de jours après la ces-
I. Arch. nat., S1922A.
a. Arcb. nat., S 1923^.
6 LKS GOSELDf
sion, notre homme obtenait de sMcr sa dette en sous tooraois
et non en sous parisis, comme il avait tout d'abord été spécifié*.
Un peu plus tard, dans le cours de la même année, par acte
du 6 mai 1454^ Jean Gobelin déclare avoir acquis de Gilet
Charletf laboureur, une pièce de vigne en friche, assise au terri-
toire d^Ivry, au lieu dit la Couture, tenant d'une part audit
Gobelin, d'autre part à Jehan Julienne. Cette simple mention
contient un détail bon à retenir. D'abord, notre teinturier ne se
confinait pas exclusivement dans les environs de la paroisse Saint-
Hippolyte; il possédait des propriétés dans les communes avoisi-
nantes, et quand il acquérait la pièce de vigne en friche du labou-
reur Gilet Charlet, il avait déjà certains lopins de terre au même
endroit, puisque sa nouvelle acquisition confinait à ses anciennes
possessions.
En compulsant les registres des cens et rentes de Saint-Marcel
pour les années 1454 et suivantes, on voit reparaître à maintes
reprises le nom de notre teinturier. Ces mentions multiples
attestent la situation prospère de son industrie*. Dans Tune
d'elles, déjà citée, il est question de la grande maison < magna
domus » dudit Jean Gobelin, et sa redevance de 4 sous parisis est
convertie en 4 sous tournois.
Au mois de novembre de la même année 1454, à l'occasion
d'un procès intenté à un certain Guibert Trousset^, Jean est appelé
à occuper le siège de bailli et garde de la juridiaion temporelle
du bourg Saint-Marcel ; ce simple fait témoigne de la considé-
ration dont il jouissait dans son quartier. Le voici déjà person-
nage d'importance.
Nouvelle mention de notre teinturier en 1460'. Le 18 avril, il
paye six sous parisis comme droits sur une rente acquise de
Pierre Cayart, bonnetier, sur un demi-arpent de vigne.
Le 20 mai 1465*, il comparait pour affirmer la bonne foi d'un
nommé Jean Damian, passible d'une amende pour s'être soustrait
au payement de certaines redevances dues. Nouvelle preuve de l'cs-
I. Arch. nat.y LL552, fol. 19 v*.
a. Arch. nat., Y5a32.
3. On rencontre les articles concernant Jean Gobelin surtout dans le
registre LL 55a.
4. Arch. nat., LL552, fol. ay.
5. Arch. nat., LL 55a, fol. 73 v.
6. Arch. nat., LL552, fol. 100 v*.
TEniTURIKRS Wtt ^GARLATE. 7
dme qui entoure notre teinturier. L'acte le désigne comme Jean
GobeUn l'aîné (major). L'année suivante, il figure comme proprié-
taire dans un aae de location, passé à un cenain Jean d'Auvergne,
c d'un demi-arpent de saussaye, lieu dit les adjonx^ » tenant à
divers et aboutissant au chemin de Saussayes. L'acte porte la date
du 22 novembre 1466 ^
Cest la dernière mention de Jehan Gobelin Pancien que nous
ayons relevée dans les archives de Saint-Marcel.
Si breb et si obscurs que soient les détails qu'on possède sur
la carrière du chef de la famille, ils suffisent pour donner une
idée nette de la haute situation qu'il sut conquérir par son
intelligence et son activité. La fortune avait récompensé ses
efforts, et il semblerait que ses rivaux, jaloux de sa prospérité,
n'avaient pas tardé à mettre sur le compte de pratiques téné-
breuses le succès de ses entreprises. Cette preuve de la malignité
des envieux, nous la trouvons dans un ancien traité de teinture
oti, tout en reconnaissant la supériorité des procédés du vieux
praticien, l'auteur se fait l'écho de certaines légendes mystérieuses
qui avaient circulé sur l'origine de sa rapide et brillante fortune.
N'allait-on pas jusqu'à l'attribuer à un paae avec le démon, dont
l'intervention ne manque jamais de fournir à la crédulité popu-
laire une explication commode à tous les hits sortant un peu de
Tordre ordinaire des choses ?
Le passage mérite d'être cité en entier; il ne saurait aujourd'hui
poner préjudice à la mémoire de Jean Gobelin, et il nous donne
sur les légendes du vieux temps de curieux aperçus.
« ... Les Gobelins à Paris, dit notre auteur', est Fendroit où
se fait la plus belle écarlatte. On l'appelle YHostel des Gobelins^
du nom d'un nommé Gobelin qui, le premier, y établit la tein-
ture en écarlatte. On rapporte des choses assez particulières de ce
Gobelin touchant son secret.
c On dit que, pour l'avoir, il fit un pacte avec le diable pour
un certain temps, lequel étant expiré, celui-ci feroit de l'autre ce
qu'il voudroit. Quelques années s'écoulent pendant que Gobelin
fait valoir son secret, dont il tire beaucoup d'argent, mais enfin
1. Arch. nat., S 1927 et 1928.
2, Le Teinturier parfait ou Fart de teindre les soyes, etc, Paris, 17 16,
in- 12, 543 p. D'après Guérard (France litt., V, 3gb), cet ouvrage serait de
Delarmois ou de Larmois, « dessinateur et coloriste du Roi. »
8 LES GOBELIN
le terme que le diable luy avoit donné étant venu, on dit qu'un
soir maistre Gobelin, passant dans la cour une chandelle à la
main, rencontra un homme habillé de noir, c'est toujours ainsi
qu'on veut que le diable s'habille. — c Arréte-là, lui dit-il, te
« souvient-il delà promesse que tu m'as faite ? > Gobelin, repas-
sant dans son esprit ce que ce pouvoit estre et se ressouvenant de
la convention qu'il avoit faite, luy répondit : « Ouy, vraiment;
« je sçais bien ce que tu me demandes, mais ne puis-je pas avoir
€ une heure de temps à moy pour me disposer à mourir? — Point
« du tout, luy répondit le diable, je viens exprès pour avoir ce
t qui m'est deu. — Mais encore, lui répliqua Gobelin. — Chan-
« son que tout cela, luy répartit le diable, il faut que tu viennes
€ avec moy. — Hé, de grâce, lui dit Gobelin, donne-moi donc seu-
c lement le tems que le bout de chandelle que je tiens en ma main
c soit usé; après cela, tu feras de moi ce que tu voudras. » Le
diable, qui voyoit bien que cela ne pouvoit pas aller loin, se
laissa enfin fléchir le cœur, si le diable peut être flexible, et lui
accorda sa demande.
c Mais notre teinturier, qui songeoit creux à ce qu'il feroit pour
se sauver des mains du diable, s'avisa de jetter sa chandelle dans
le puits, et, crainte que quelque démon n'y descendît pour l'aller
quérir, il appella du monde et fit combler le puits sur l'heure. On
dit que le diable, qui vit que Gobelin Tavoit trompé, demeura
tout sot et que de rage il fit un bruit terrible dans la cour et il
disparut après. Gobelin, délivré de sa peur, se mit en état de
rompre tout à fait la convention qu'il avoit faite avec lui. On rap-
porte qu'il vécut encore quelque temps après, se tenant toujours
en garde contre les ruses de son ennemi par une vie d'un véri-
table chrétien.
« La réputation de Monsieur Gobelin s'est étendue fort loin, il
étoit habile en son art et curieux Je faire des mémoires de ce qui
le regardoit. Voici un extrait qu'un de ses neveux en a tiré tou-
chant l'écarlatte et que nous rapportons ici sans rien altérer de ce
qu'il contient ^ » (Suit le chapitre : De la manière de /aire
Vécarlate.)
I. Cette bizarre légende expliquerait, en la confirmant, la vieille réputa-
tion attribuée à Peau de la Bièvre pour les teintures, réputation qui sub-
sistait encore au xvii* siècle. Mais, sous Louis XV, la rivière était déjà un
ruisseau sordide dont les riverains se plaignent beaucoup.
TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 9
Au début de cette étude, il est utile de mettre sous les yeux du
lecteur les résultats complets des recherches de M. Lacordaire
dans les registres des anciennes paroisses de Paris. Toutes som-
maires qu'elles soient, ces analyses ont une singulière valeur
comme documents historiques depuis la destruction des originaux.
D'autre part, comme le Bulletin de la Société du protestantisme
français est peu répandu et, par suite, difficile à consulter, il con-
vient de rappeler la généalogie dressée à Taide des registres du
temple de Charenton. Nous y ajouterons ensuite le résulut de nos
propres découvertes.
On a reproduit ci-dessus le début de Tarticle de M. Lacordaire
en ce qui concerne Jean Gobelin, son fils Philibert, son petit-
fils Jean Gobelin, tous teinturiers à Saint-Marcel. Voici la suite
et la fin de cette liste généalogique :
« François Gobelin, troisième fils de Philibert Gobelin (donc
t fi^re de Jean, deuxième du nom), fut aussi teinturier à Saint-
c Marcel; il épousa Geneviève Le Bossu et mourut après 1 525. Il
t avait eu un fils et une fille. La fille, Geneviève, mariée à Jean
« Robineau. Le fils, teinturier à Saint-Marcel, épousa Marie de
« Moucy. — Des cinq descendants issus de cette union (entre le
« fils de François qui s'appelait François comme son père et
« Marie de Moucy), Taîné, François Gobelin, sieur de la Marche,
« teinturier à Saint-Marcel', épousa Geneviève (ou Madeleine)
« Canaye, fille de Pierre Canaye, teinturier à Saint-Marcel, et
« de Denise Bouille; il eut neuf enfants' :
1. Les autres enfants de François Gobelin, sieur de la Marche, et de
Marie de Moucy sont : Nicolas Gobelin, sieur de Gillesvoisin, non marié;
Geneyiève, épouse d'Adam de la Planche, sieur de Mortières ; Marie, mariée
à Antoine de la Planche, sieur de Villiers.
2. Une généalogie de cette branche de la famille, insérée dans un manus-
crit de la Bibliothèque nationale (fr. 31046}, présente de notables variantes
avec la liste des descendants de François Gobelin, sieur de la Planche, et
de Geneviève (ou Madeleine) Canaye, donnée par Lacordaire. Voici le tableau
donné par le manuscrit (voir le tableau n* II) :
I* François Gobelin, sieur de Gillesvoisin et de la Marche, contrôleur
général des finances à Rouen et Paris, puis maître d'hôtel du roi, épouse
Anne Langerach, fille d'un marchand joaillier, qui n'a pas d'héritiers.
a- Jacques (?), mort jeune, en ibgô. 3» Pierre (?), mort à Livorne {sic), en
161 3, revenant de Malte. — Un Pierre Gobelin, receveur du grenier à sel de
Saint- Valéry, figure sur une quittance que Geneviève Canaye signait en son
nom et pour ses enfants en 161 1. Est-ce le même Pierre qui mourut en
1611 ? — 4« Alexandre, non marié, décédé le 10 mars 1619. 5* Jean (?}, sieur
10 LES GOBELIN
< I. François Gobelin, sieur de Gillesvoisin et de la Grange- -
c des-Bois, contrôleur général des rentes de l'Hôtel de Ville de
« Paris, mort sans jjpstérité en 1667 et inhumé à Saint-Côme.
c 2. Alexandre Gobelin, teinturier à Saint-Marcel, mort sans
« postérité en 16 19.
a 3. Etienne Gobelin, teinturier à Saint-Marcel, mort sans
c alliance.
€ 4. Henry Gobelin, sieur de Gillesvoisin (par héritage de
« son frère aîné), teinturier à Saint-Marcel, marié avec Rose
« Lenormand, fille de Guillaume Lenormand, sieur de Troigny,
« et de Claude Bourdineau *.
a 5. Marie Gobelin, femme de Claude Chrestien, sieur de Chan-
a tereine, avocat au parlement et lieutenant de connétablie.
« 6. Magdeleine Gobelin, femme de Daniel Guillemard, sieur
< d^Ablon et de Soussigny (ou Soubigny] en Poitou, procureur
« au Parlement de Paris, mon en 1645.
« 7. Marguerite Gobelin, femme de Mathieu Langlois, procu-
« reur en la Chambre des comptes, morte en 1645.
« 8. Suzanne Gobelin, femme de Paul Chenevix, marchand
< drapier.
c 9. Catherine Gobelin, femme de Jean Lormeau, sieur de
< Longpré. »
des Maretz, marié deux fois. 6* Estienne, non marié. 7* Heniy, sieur de
Troigny, puis de Gillesvoisin, marié à Rose Lenormand, d'Oriéans, dont
il a trois fils. 8* Marie, femme de Claude Chrestien, sieur des Carmeaux et
Chantereine, lieutenant de connétablie, décédée en 1622. Son mari meurt
en 1644. 9* Madeleine, femme de Daniel Guillemart, sieur de Souligny en
Poitou, procureur au Parlement. 10* Catherine, femme de Jean Lormeau,
seigneur de Longpré, près de Dreux. 1 1* Marguerite, femme de Mathieu
Langlois, procureur en la Chambre des comptes. 12* Marguerite (?), morte
jeune. i3* Suzanne, femme de Paul Chenevix, marchand drapier à Paris.
I. Les ft-éres Haag ont relevé sur les registres du temple de Charenton
les enfants issus du mariage Henri Gobelin, sieur de Troigny et de Gilles-
voisin, avec Rose Lenormand. Ils sont au nombre de six :
I* Claude, né le 24 avril 1623 (p. 10 1 de Haag). Parrain, Guillaume
Lenormand, oncle; marraine, Marie Gobelin, femme de Claude Chres-
tien, tante. 2* Alexandre, né le i3 août 1626 (p. 104). 3* Nicolas, né le
6 janvier 1628 (p. 106). 4* Marguerite, née le 10 février 1629 (p. 109),
morte le 2 novembre i635 (p. 236). 5* François, né le 9 septembre i63o
(p. m). Parrain, Paul Chenevix, oncle. 6* Madeleine, née le 11 octobre
i633 (p. 117).
TEIKTDRIRRS EN iCARLATB. II
Sauf cette Catherine, ajoate M. Lacordaire, tous les enfants de
François Gobelin et de Geneviève Canaye figurent sur les registres
du temple de Charenton, preuve certaine que les père et mère
avaient embrassé le protestantisme. On reviendra plus tard sur
la conversion de la famille à la religion réformée.
L^ancien directeur des Gobelins avait eu soin de relever sur
les registres du temple de Charenton les articles concernant les
alliances des Gobelin et de leurs voisins les Canaye. Le premier
dont il ait rencontré le nom est Séverin Canaye, teinturier à
Saint-Marcel, mari de Mathurine Gobelin, fille de Jehan Gobe-
lin, premier du nom.
Séverin Canaye fut taxé à 20 écus pour sa part dans l'emprunt
fait à Paris pour la guerre de Naples, le 5 mars 1495.
Jean Canaye, teinturier à Saint-Marcel, fils puîné du précé-
dent, épousa Marguerite Gobelin, fille de François Gobelin et de
Marguerite (ou Geneviève) Le Bossu. Jean Canaye eut cinq
enfants, dont le quatrième, Pierre Canaye, teinturier à Saint-
Marcel, eut de sa femme, Denise Rouillé, quatre fils et six filles.
Et M. Lacordaire ajoute que Jacques Canaye, fils puîné de
Pierre, teinturier à Saint-Marcel, acquit, en i685, la terre de
Brannay, près Sens, et qu'en lui s'éteignit la famille Canaye.
Enfin, Geneviève Canaye, cinquième fille de Pierre Canaye,
épousa François Gobelin, sieur de la Marche, comme il a été dit
ci -dessus.
Le même historien a encore noté dans les registres du temple de
Charenton un Mathieu de la Planche, sieur de Villiers, dont la
fille Sarah est baptisée au temple de Charenton, le i** avril 1667.
Ce Mathieu de la Planche descendrait peut-être d*Adam de la
Planche, sieur de Mortières, ou de son frère Antoine, sieur de
Villiers, qui avaient épousé les deux sœurs, Geneviève et Marie
Gobelin, filles de François Gobelin, sieur de la Marche, et de
Marie de Moucy. Ce détail a son importance, puisque Tun des
tapissiers qui remplacèrent nos teinturiers sur les bords de la
Bièvre se nommait François de la Planche. Les deux familles se
seraient donc trouvées en rapports intimes depuis un certain
espace de temps.
Il existe à la Bibliothèque nationale plusieurs tableaux généa-
logiques de la famille qui nous occupe; ils confirment sur la plu-
part des points les déclarations de Lacordaire et les rectifient en
quelques détails. Notre prédécesseur a-t-il connu ces tableaux
12 LES GOBKLIN
généalogiques remontant à la fin du xvii* siècle? Cela ne serait pas
impossible; mais, comme il ne les invoque jamais et n*y Eeiit
aucune allusion, peut-être aussi les ignorait-il. Sur les diverses
branches de cette innombrable dynastie , ces documents nous
apportent de précieux détails.
C'est d'abord la nomenclature intégrale et les noms des treize
enfants de Jean Tancien et de sa femme Perrette^ Il est fâcheux
que Tauteur de ce travail ne cite presque jamais de dates. Voici
la liste de ces treize descendants de Jean P' :
i^ Philibert, mort avant 1 5 lo, époux de Denise Le Brest, morte
en i536.
2® Jean, qui entra dans le clergé.
3^ François, mort sans enfants.
4^ Thomas, qui n^eut que des filles.
5* Jeanne, mariée à Pierre Boursier.
6« Jean, mort en iSij, marié à Catherine Langlois, dont le
nom reviendra souvent dans cette étude.
7® Marion, épouse de Jacques de Clermont, mort avant i5o6.
8® Catherine, mariée à Pierre Jalour.
9^ Mathurine, femme de Severin Canaye; c'est la première
alliance des deux familles voisines. Les Canaye ont joué un rôle
important, comme on le verra par la suite, dans Thistoire de la
religion réformée à Paris.
lo^ Gillette, qui eut pour mari Jean Bourgeois.
II® Catherine, femme de Nicolas Baillet.
12** Mathurine, mariée à Pierre .Girard.
i3® Denise, femme de Guillaume Girard, probablement frère
de Pierre.
Nous aurons à nous occuper successivement des descendants de
plusieurs des fils de Jean Tancien et de Perrette. Commençons
par la branche issue de Philibert et de Denise Le Brest. Aussi
bien est-ce elle qui a joué le rôle le plus considérable et fourni la
plus brillante carrière.
Philibert Gobelin, fils de Jean, i®' du nom.
L'auteur de la dynastie meurt vers 1475. Cette date se trouve
confirmée par un passage des registres capitulaires de Saint-Mar-
I. Bibl. nat., ms. fr. 29862.
TEDfnmiEllS BN ÉCARLATE. l3
:el. Le défunt avait légué aux religieux une rente perpétueUe de
rente-deux sous parisis^ assise sur deux pièces de terre lui appar-
enant, pour la célébration d'un obit perpétuel dans l'église de
Saint-Marcel. Perrette, veuve de Jean, et son fils François s'en-
:endirent, le i8 janvier 1476, avec le chapitre pour assurer les
lernières volontés dû défunte Sa mort remontait donc à la fin de
l'année 1475 ou aux premiers jours de 1476.
Puis, le 5 décembre suivant', la veuve et son fils aîné, Phili-
ben, viennent délivrer à Messieurs de Saint-Marcel la somme de
trente -deux sols parisis pour acquitter la fondation. Il est à
remarquer que, dans cet aae, le défunt est appelé Jehan Gobe-
lin l'aîné, parce que son prénom est déjà porté par deux de ses
treize enfants, comme on vient de le constater; il restera des plus
usités parmi ses descendants, ce qui ne laisse pas que de compli-
quer singulièrement Thistoire des Gobelin.
Bien que nous possédions peu de détails sur la carrière de Phi-
libert Gobelin, nous serions assez tenté d'admettre, d'après divers
témoignages, sur lesquels nous nous étendrons tout à Theure,
que ce fils aine de Jean Tancicn contribua plus qu'aucun de ses
proches à la fortune et à Tillustration de son nom. Avant d'en-
trer dans Texamen des documents et des faits qui le concernent,
il paraît nécessaire de bien établir l'état de ses descendants. Voici
donc, d'après l'arbre généalogique auquel on a déjà eu recours, la
liste complète des enfants de Philibert et de Denise Le Brest, sa
femme :
1^ Jean, qui prit le titre de seigneur de la Tour (voy. ci-dessus^
Lacordaire, p. 3) et épousa Marie ou Geneviève Le Lorrain. Les
différents textes ne lui donnent pas le même prénom. Voyez pour
les enfants du sieur de la Tour le tableau généalogique L
2^ Jacques, mort avant i557, avait pris pour femme Marie Le
Bossu.
3^ François (voy. ci-dessus, p. 9), mort en 1 5 17, mari de Gene-
viève Le Bossu, sœur de la précédente.
4* Catherine, mariée à un sieur Dreux du Bois.
5* Marie, femme de Miles Perrot.
6* Perrette, femme de Jean de Turgis.
7* Mathurine, épouse de Jean Cuvier.
1. Voy. le texte de cette fondation aux Pièces justificatives, pièce A.
2. Arch. nat., S igag.
14 LES GOBBLIN
La troisième génération comptait donc trois hommes et qaatre
femmes. Ce fut Taîné des fils qui assura la durée de la dynastie.
Il n^eut pas, pour son compte, moins de neuf enfants. Nous
reviendrons par la suite sur cette branche aînée.
Pour en finir d^abord avec les frères de Philibert, dont
nous n^aurons plus à nous occuper, signalons un passage de
Sauvai relatant l'acquisition foite, en 1476, par Thomas Gobe-
lin, frère puiné de Philibert, qualifié marchand bonnetier et
bourgeois de Paris, d'une maison sise au Petit-Pont, ayant pour
enseigne l'Empereur, à lui vendue par Thomasse, veuve du sieur
Musnier, un des quatre libraires jurés de l'Université de Paris*.
C'est probablement Tautre frère de Philibert nommé Fran-
çois, associé de François Cardon et, comme lui, teinturier de
draps de laine, demeurant à Paris < es louaiges de Saint-Denis
c de la Chartre, » qui obtient du prévôt et des échevins de la ville,
en 1488, la permission < de faire et soustenir à leurs despens sur
« la rivière de Seine, derrière et à l'endroit de leurs logis, ung
< petit fossé ou ruisseau, d'un pié de large ou environ, pour y
« faire venir Teau servant à leur dit mestier^. »
Voici quelques détails sur les autres frères et sœurs de Philibert :
L'acte du 23 août 144.3, analysé ci-dessus, le premier où il soit
question de Jean Gobelin, se rapportait à la location, moyen-
nant rente annuelle, de la maison sise rue Saint- Marcel, à
l'enseigne du Cygne. Or, cette propriété avait sans doute été
acquise ultérieurement par Jean Gobelin le père, car elle fut
vendue 7,000 livres tournois, le 3 juillet 1 5o6, par Marion Gobe-
lin^ veuve de Jacques de Clermont^, à son frère, Jean Gobelin
l'aîné. Cet immeuble tenait, dit l'acte, à l'hôtel de l'image Saint-
Eustache; il était chargé de vingt-quatre sous parisis de cens
annuel en faveur du chapitre de Saint-Marcel et de quelques
autres redevances. Quelques années avant cette cession, le tan-
neur Jacques de Clermont obtenait du chapitre la permission
1. Antiquités de Paris, t. III, p. 426.
2. Bibl. nat., ms. fr. 11686. Nous devons la connaissance de cette men-
tion à M. Petrovitcb, que nous nous empressons de remercier ici de son obli-
geante communication.
3. Dans les obituaires de la province de Sens, publiés par Aug. Molinier,
se lit Tarticle suivant (p. 855) : « 29 mars; une basse messe pour feue
Marie Gobelin, veufve de feu Jacques Clermont. » (Note communiquée par
M. Vidicr.) — Voir ci-après, p. 5o, note.
TEINTUKinS EN iCARLATE. l5
de placer une planche au travers de la rivière de Biévre, avec une
pierre pour soutenir cette planche, et de faire un quai derrière
rhôtel du Cygne, sis en la grand'rue Saint-Marcel ^ A i^aide des
éléments fournis par ces actes successifs, on arriverait à détermi-
ner à peu près exactement la situation de cet hôtel du Cygne, don-
nant d'un côté sur la grand'rue Saint- Marcel, de l'autre sur la
rivière de Bièvre, et tenant à la maison de Timage Saint-Eus-
tache. Et cela ofiFrirait d'autant plus d'intérêt que Thôtel du
Cygne a bien été le berceau de la famille. Habité d'abord et
peut-être possédé par Jean Gobelin le vieux, il passa entre les
mains de Jacques de Clermont, son gendre, qui y avait établi sa
demeure en i5oo; puis, il fut vendu en i5o6 par Marion, veuve
de Jacques de Qermont, à son frère Jean Gobelin.
On suit l'histoire de ce logis jusqu'au milieu du xvi* siècle.
Le 28 mars i558, Jean Gobelin le vend, pour la somme de
1,800 livres, à Pierre Gaultier*. La description sommaire insérée
dans Taae fait savoir quUl comprend alors deux corps d'hôtel,
l'un à renseigne du Cygne, l'autre à celui de la Chaise; elle ajoute
que les dépendances s'étendent jusqu'à l'Écu de France. Ce
Pierre Gaultier, marchand teinturier comme les Gobelin, avait
joint au Cygne une autre maison à renseigne du Heaume et
s'était empressé de faire renouveler l'autorisation de placer une
planche servant de pont sur la Bièvre. De plus, au prix de cer-
taines redevances, il avait pu pratiquer des ouvertures sur la
rivière.
Philibert Gobelin, auquel nous revenons maintenant pour
ne plus le quitter, figure, avec son frère François, comme exécu-
teur testamentaire des dernières volontés de son père dans Tacte
passé devant les notaires Pinot et Melun, le 5 décembre 1475,
acte ponant cession aux doyens et chapitre de l'église Saint-Mar-
cel, pour la fondation d'un obit perpétuel en souvenir de son père,
de 32 sols parisis de rente, à prendre chaque année sur deux
pièces de saussaies, affermées aux sieurs Jean d'Auvergne et Jean
Lefebvre, et assises au territoire de Saint-MarceP.
Du vivant même de son père, Philibert jouissait d'une réelle
I. Arch. nat., S 1937, fol. 60 ▼*.
a. Arch. nat., S 1937, fol. 61 r*.
3. Arch. Mt., S* 1936, fol. i36.
l6 LES GOBELIN
considération personnelle dans son quartier et avait été charge
de fonctions réservées aux notables citoyens. C'est la démission
de ces fonctions, donnée le 28 mars 1480, qui nous apprend et
détail c attento quod Philibertus Gobelin qui exercuerat offidum
majorie^ in juridictione Sancti Marcelli, hujus modi officio renun^
ciaverat et illud in manibus dominorum resigna verat... • Quelle
était au juste cette charge désignée par le mot de majoria? Da
Gange en donne une explication assez vague. 11 semble qu'elle se
rapportât à Tadministration des biens des églises.
La même année, il figure parmi les notables chargés de se pro-
noncer sur l'acceptation d'un legs foit à l'église par Jacques Four-'
nier, conseiller du roi en Parlementa
Ces mentions répétées et les circonstances où elles se produisent
donnent déjà une haute idée de l'importance de notre homme.
Nouvelle citation de Philibert Gobelin, au sujet encore d'ua
legs fait au chapitre par le sieur Thiboulet, ancien curé de Saint-
Hippolyte, qui avait désigné notre teinturier comme un de ses
exécuteurs testamentaires. Ceci se passait le 30 septembre 1489*.
Nous rencontrons le nom de Philibert Gobelin en i486, à l'oc*
casion d'une permission à lui accordée^ le i*' avril, f>ar le chapitre
de Saint-Marcel^ de bâtir un grand quai en manière d'échafaud
sur six piliers de bois par devant, de 6 toises et 2 pieds de long,
2 toises et demie de large^ assis sur la rivière de Bièvre, moyen-
nant 6 deniers parisis de cens annuel'.
Quatre ans plus tard, le 5 décembre 1490, nouvelle auto-
risation donnée au même Philibert pour construire un autre
grand quai portant sur huit piliers, de 7 toises de long et de 2 et
demie de large, sur la même rivière de Bièvre, attenant le quai
déjà concédé^.
Ces concessions sont étendues plus tard jusqu'au Pont-aux-
Tripes; mais il n'est plus alors question de Philiben, mort vers
i5o9 et remplacé par Jean Gobelin et d'autres personnes de la
Camille.
1. Arch. nat., LL352, fol. 21 3.
2. Arch. nat., LL553y fol. 44.
3. Arch. nat., S* 1937, fol. 128.
4. Philibert Gobelin fut taxé à quarante écu$, le double de la taxe de
Séverin Canaye, pour sa part contributive de l'emprunt imposé à Paris, le
3 mars 1493, par le roi Charles VIH; voy. ci-dessus, p. 11 (ms. fr. 31046).
\
TBnrrUltlERS en iCARLATE. I7
Oq vient de dire que Philibert Gobelin était mort vers 1S09;
un acte de partage fait après son décès établit qu'au cours des
trente-cinq années écoulées depuis la mort de Jean Gobelin, la
fortune de cette branche de la famille avait pris un développement
considérable.
Dans cet acte, daté du 27 mai iSio*, Philibert porte les
titre et qualité de marchand teinturier d^écarlate, demeu-
rant à Sain t-Marcel-lez- Paris. Le partage de la succession est
requis par la veuve du défunt, dame Denise Le Brest. Ce qui est
singulier, c^est qu'un seul de ses sept enfants vienne revendiquer
la succession paternelle. C'est Jacques, le second des fils. On
s'explique difficilement l'absence de ses frères et sœurs.
Jacques Gobelin se présente donc pour partager la succession
avec sa mère. Elle en gardera les deux tiers; lui aura un tiers.
Cet héritage se compose d'immeubles. Mais, par malheur,
ces maisons et terrains ne sont pas ceux oti le défunt exerçait son
industrie sur les bords de la Bièvre. N'aurait-il donc été que loca-
taire ou simple usufruitier de l'atelier de teinture du faubourg
Saint-Marcel? Tout cela reste assez obscur.
Philibert Gobelin laisse à sa veuve et à son fils Jacques deux
maisons contiguës, sises au centre de Paris, rue des Bourdon-
nais, tout près de la rue Saint-Honoré; la plus importante a pour
enseigne la Coste de baleyne. Voici d'ailleurs la description de
ces deux propriétés, telle qu'elle est consignée dans l'acte de
partage:
« I* Une grande maison^ contenant corps d^hôtel à égoût
sur rue, cour^ puits, galleries, viz, grand corps d'hôtel oultre
ladite cour, celliers et caves, grande cour derrière, puits, corps
d'hôtel, cuisine, étable et galerie à côté, au bout de ladite cour,
ainsi que les lieux se comportent, etc., oti pend pour enseigne la
Coste de baleyne, assise à Paris en la rue des Bourdonnois,
tenant d'une part et ayant saillie et issue en une petite ruelle, et,
d'autre part, en partie à une maison cy après déclairée, et en aultre
panie à la cour de derrière de Jehan Alot, aux hoirs de feu Jehan
Boscheronetà Jehan Turgis', aboutissant par derrière aux hoirs
et ayans cause de feu maître Jacques Erlaut.
< 2* Une autre maison assise à Paris, en ladite rue des Bour-
donnois, contenant petit corps d'hôtel à égoût sur rue, courette,
I. Voy. aux Pièces liutificatiTCt le document B.
a. Perrette, sœur de notre Jtcques, avait épousé un Jean Turgis ou de Turgis.
Min. IXXI %
iS
gûent a aorpê dliâcd Jaii ê te ^ aion qu'il se comporte, etc.,
teaio: i'^iae pÊZi aoii: htel de la Coâe de baleine^ et d*amie |
port à on hîxsù âisftox k coin de bdite roc des Bourdonnois, en
la me Sii^i-Hosarê, appartenant à la reaTc et héritiers de fen
Aiïirj Va -jûer. à 33 bôset apporteoaot à THôtel-Dieu de Paris,
à on a Jtie hôad appaneaam à rêglîse Saint-Jacqoes de rHôptd
à Paris, à aa aa« hôtel a{>paneaant à Jean Porcher, enfin à on
dernier hôtel appartenant à l&iite veuve et aux héritiers dodit
défont Philibert Gobelin. •
Poor arriver à pariaire le lot du âls, œmpreoant un tiers de la
valeur de Thérita^, une ônaaîon de la cour de la Côte de balône
sera réunie au second immeuble et séparée du premier par on
mur mitoyen de douze pieds de hauteur. En plus, une soultede
3 00 livres tournois sera comptée par sa mère à Jacques Gobelin.
Ainsi en ont décidé les experts désignés par les parties et qui sont
Jehan De Félin, Louis Du Chastel, maçons, Didier Gobert et
Nicolas Costeret, charpenderSy jurés du roi es offices de maçoo-
nerie et de charpenterie. Suivent les formules et clauses ordinaires
destinées à assurer la validité et l'exécution des conventions. Le
tout passé par-devant notaires et revêtu du sceau de la prévôté
de Paris.
A en juger par cette description, et atissi par le chiffre de la
soulte accordée à la seconde pan, cette propriété représentait une
assez fone somme. En vain aurions-nous essayé de nous recon-
naître dans la description quelque peu confuse des maisons avec
leurs appartenances et dépendances si nous n'avions été aidé du
gracieux concours d'un érudit fort versé dans Tétude de ces ques-
tions topographiques. M. Vacquer, qui a laissé unt de travaux ina*
chevcs et tant de notes précieuses sur les divisions du vieux Paris^
a bien voulu dresser, en se servant du plan parcellaire de la ville,
un triple état présentant la situation des deux hôtels, la Côte de
baleine et Timmeuble voisin, avant le partage, après le partage,
et aujourd'hui. La remarque judicieuse d'Adolphe Berty, d'après
laquelle la division des immeubles parisiens n a guère changé au
cours des siècles dans les vieux quartiers parisiens, trouve ici
une éclatante confirmation.
De la comparaison des trois plans établis par M. Vacquer, il
ressort nettement que les limites et les divisions de ce pâté de
maisons n'a subi presque aucune modification depuis iSog. L'hô-
tel de la Côte de baleine occupait autrefois un trop vaste terrain
TEINTUROniS SN tfCARLATE. IÇ
pour ne pas être divisé en plusieurs lots. Mais les immeubles
contigus à ceux des Gobelin, les propriétés appartenant autrefois
à Andry Vautier, à l'Hôtel- Dieu de Paris, à Téglise Saint-Jacques
de l'Hôpital, à Jean Porcher, aux héritiers de Philibert Gobelin,
à Jean Alot, aux héritiers de Jean Boscheron, à Jean Turgis, aux
héritiers de Jacques Erlaut subsistent encore avec leurs anciennes
limites. Rien ou presque rien n'a été modifié dans leur conte-
nance. On conviendra qu'une pareille particularité méritait d^étre
notée*.
Toute considérable qu'elle fût, cette maison de la Côte de
baleine, avec sa voisine, ne constituait certainement pas la fortune
entière du maître teinturier de Saint-Marcel.
La désignation des lieux, on ne l'a pas oublié, signalant les
propriétaires des maisons contiguês aux immeubles partagés, cite
les héritiers de défunt Philibert Gobelin, etcela tend bien à prou-
ver que notre homme laissait d'autres biens que celui-ci à ses
enfiints.
La Maison dite de la rbinb Blanche.
Nous avions cru naguère pouvoir attribuer aux Gobelin la
construaion d'un édifice subsistant encore dans le voisinage
immédiat de leur premier éublissement et accusant par maint
détail architectonique, après des mutilations sans nombre, la
date de son origine, qui doit être placée aux environs de l'année
i5oo. Si vraiment ce bâtiment singulier avait été l'œuvre de la
famille Gobelin, c'était à Philibert, au fils aîné de Jean l'ancien,
qu'il eût fallu en faire remonter la création ; mais des renseigne-
ments plus précis ont modifié nos premières hypothèses, et nous
avons acquis la certitude absolue que jamais nos teinturiers n*ont
habité ni possédé l'immeuble qui reste encore aujourd'hui une
des curiosités de l'ancien quartier Saint-Marcel.
II s'agit des importantes constructions qu'on désigne encore
sous le nom inexact de maison de la reine Blanche; elles portent
les n~ 17 et 19 de la rue actuelle des Gobelins. Qu'il ait existé
au moyen âge, dans le faubourg Saint-Marcel, un édifice connu
I. L*tete de partage de la toccetsion de Philibert Gobelin, écrit sur par-
chemin, nous a été cédé, il y a une vingtaine d'années, par notre regretté
confrère Etienne Charavay.
30 LES GOBBLm
SOUS la dénominatioa de maison de la ràne Blanche, cela ne fait
ancan doate. Mais un acte daté de 1404 nous fournit du même
coup la preuve de Tesûstenoe et de la ruine de cette maison.
Le 20 mai de cette année 1404, le roi Charles VI donnait aux
9 manans, communauté et habitans de Saint-Marcel un bostd
c decheu en ruine, lequel fut jadis à feu nostre aieule la reyoe
c Blanche, que Dieu absoille, > pour y tenir annuellement deax
foires, et tous les lundis un marché ^
Une sentence du Châtelet de Paris, venant confirmer quelques
jours après Tacte royal, ajoutait à ses énondations un détail impor-
tant, en précisant l'emplacement de l'immeuble : « La maisoD,
c masure et jardin qui appartint à la comtesse de Savoye et où
c demeura depuis la reyne Blanche, » sise à Saint-Marcel, tenant
à Jean Bardin, à THôtel-Dieu de Saint-Marcel, à la rue des
Quilles et à Jean Quinel^.
Ainsi, une maison dite de la reine Blanche a bien existé dans
le foubourg Saint-Marcel avant le commencement du xv« siècle;
mais, en 1404, cet hôtel déjà en ruine est rasé; le souvenir et
le nom persistèrent pour se fixer plus tard sur une autre maison,
dont ni le style ni les origines ne justifiaient cette dénomination.
Ce titre de reine Blanche ne s'applique pas seulement, est-il besoin
de le faire remarquer, aux princesses ayant reçu au baptême le
prénom de Blanche, comme la mère de saint Louis; il fut aussi
attribué, on le sait, à toutes les veuves des rois de France, parce
que la coutume les obligeait à porter le deuil en blanc. Aussi,
signale-t-on dans nombre de villes quantité de vieilles demeures
connues sous le nom de maisons de la reine blanche, parce que
la veuve d'un roi de France, au cours de ses pérégrinations, y
établit un jour sa résidence temporaire. Pour ce qui concerne
Thôtel « déchu en ruine » dès 1404, les textes se trouvent d'accord
avec la tradition pour placer au faubourg Saint-Marcel une mai-
son habitée par la veuve d'un de nos rois, aïeule de Charles VI.
Or, dans la seconde moitié du xiv* siècle, vivaient à Paris plu-
1. Arch. nat., S igaai. Voy. la notice intitulée : la Maison de la reine
Blanche du faubourg Saint-Marcely à Paris, publiée dans le Recueil de
mémoires imprimé par la Société des Antiquaires de France à Toccasion
du centenaire de sa fondation. Paris, Klincksieck, 10-4*, 1904, avec pi. Il a
été tiré cinquante exemplaires à part de chacun des mémoires insérés dans
ce Tolume.
2. Arch. nat., S 1937, fol. 3g V, et S* 194A fol. Si.
TEINTURIERS EN éCARLATE. 31
sieurs princesses ayant droit au titre de reine blanche. La troisième
femme de Charles IV le Bel, Jeanne, fille de Louis, comte
d'Évreux, mariée en i325, prolongea sa vie jusquVn iSjo. La
seconde femme de Philippe de Valois, Blanche, fille de Philippe,
comte d'Évreux, et de Jeanne de Navarre, mariée en 1349, ne
mourut qu^en iBgS.
Ce serait donc peut-être à la veuve de Philippe de Valois que
Charles VI faisait allusion dans l'acte de 1404. Elle était, en effet,
la veuve de son arrière-grand-père et possédait ainsi un double
droit à ce titre de reine blanche.
Un passage de Sauvai suggérerait une autre hypothèse :
c Du temps, dit-il, que la Savoie n'était qu'un comté, Philippe
de Valois donna à Blanche de Bourgogne, comtesse de Savoie,
l'hôtel de Pierre de Savoie, archevêque de Lyon, situé au fau-
bourg Saint-Marceau, qu'il avoit pris pour quelque argent que ce
prélat lui devoit, mais que, trois ans après, savoir en iBBg, elle
vendit au Roi pour un autre proche de Saint Eustache. » (Anti"
quités de Paris^ t. II, p. 234.) Cette Blanche, fille du duc de
Bourgogne, Robert II, et sœur de Marguerite, la femme de Louis
le Hutin, avait épousé Edouard, comte de Savoie, en i3o7.
Veuve en i329, elle mourut à Dijon le 18 juillet 1349 et fut
enterrée dans l'église des Cordeliers avec sa fille Jeanne de
Savoie, duchesse de Bretagne. L^origine de la maison de la
reine Blanche reste, on le voit, bien obscure.
Dans tous les cas, ce logis devait être inoccupé depuis de
longues années, puisque l'acte de 1404 le dit complètement ruiné.
Ces ruines disparurent alors pour faire place à un marché hebdo-
madaire; mais la tradition populaire ne laissa pas périr son sou-
venir. Cette tradition persistante appliqua plus tard à une des
plus anciennes et des plus curieuses maisons du quartier le sou-
venir de l'ancien hôtel disparu en 1404, et c'est ainsi qu'un édi-
fice, datant seulement des dernières années du xv* siècle, reçut
une dénomination à laquelle il n^a aucun droit.
On désigne encore, en effet, dans le quartier Saint-Marcel, sous
le nom de maison de la reine Blanche, les constructions portant
dans la rue des Gobelins, comme il a été dit plus haut, les n°* 17
et 19. Les deux héritages ne formaient autrefois qu'une seule
propriété. Les croisillons des fenêtres, Parc accolé et les feuilles
frisées surmontant la porte d'entrée de la tourelle qui renferme
ai LES GOSn.IN
Tescalier en pierre, tout aocase Textréme fia du xy sîèck ou ks
premières années du zvi*.
Mais ce qui donne un caractère particulier à cette maison d^habitt*
tion^ c'est le voisinage immédiat d'un grand édifice long et recom-
gulaire, flanqué à ses extrémités opposées de deux escaliers tour-
nants en bois, dont la constniaion est contemporaine de Pescalier
en pierre de la maison voisine. Évidemment, ces deux construc-
tions de même date appartenaient au même propriétaire ; dans Tune
était installée son habitation; Tautre renfermait les magasins, lei
ateliers. Le voisinage immédiat d*une vaste citerne de vingt on
vingt*cinq mètres de long, large en proportion, jMxmve qu'il
existait ici une industrie importante, faisant usage d'une énorme
quantité d'eau, car un pareil réservoir eût été d'une proportion
exagérée pour des usages domestiques.
Une phrase de Rabelais nous avait paru pouvoir se rap-
porter à cet édifice. C'est le passage suivant : « Pantagruel quelque
c jour pour se recréer de son estude se pourmenoit vers les fiiulx-
c bourgs Sainct Marceau, voullant veoir la folie Gobelin. Panurge
« estoit avecques luy, ayant tousjours le flacon soubz sa robbe et
« quelque morceau de jambon, car sans cela jamais ne alloit,
« disant que c^estoitson garde corps, etc.^ >
Un examen plus attentif des textes et leur comparaison avec
d'anciens plans restés jusqu'ici inédits nous ont démontré qu'au-
cun rapprochement n'était possible entre la maison aauellement
dite de la reine Blanche et la folie Gobelin de Rabelais.
Oti cette dernière se trouvait-elle située? Certaines personnes,
plus versées que nous dans la topographie parisienne, la placent à
une certaine distance de la Bièvre, dans le faubourg Saint-Jacques,
sur le plateau dominant la vallée. Dans tous les cas, l'établisse-
ment des Gobelins ne s'est jamais étendu jusqu'à la rue qui porte
actuellement leur nom ; il en était séparé précisément par ce vieux
logis, dit de la reine Blanche, occupé au milieu du xvi« siècle par
une famille alliée à nos teinturiers, exerçant la même profes-
sion, la famille des Canaye. Celle-ci n'eut pas la bonne for-
tune de transmettre son nom à une industrie fameuse dans le
monde entier. Si l'installation des tapissiers sur les bords de
la Bièvre dans les anciens ateliers de teinturerie n'avait pas
I. Pantagruel, Hv. II, chap. i3. Cf. môme livre, chap. 22.
TEINTURtERS EN iCARLATE. 23
nmortalisé le nom des Gobelin, ceux-ci seraient certainement
>mbésdans un profond oubli, et personne ne connaîtrait aujour-
iliui cette vieille famille de bourgeoisie parisienne. Cest prëci-
ément ce qui est advenu des Canaye, autei célèbres jadis que
eurs voisins, aujourd'hui complètement oubliés.
Ils méritent cependant d'être tirés de leur obscurité sMls ont
rédlement édifié pour les besoins de leuf industrie, comme nous
essayerons de le démontrer tout à Pheure, les curieuses construc-
tions qui nous occupent en ce moment.
D'autre part, si l'ancienne maison de la reine Blanche, « déchue
sn ruine > dès le règne de Charles VI, avait complètement dis-
paru dès le XVI* siècle, son souvenir S'était perpétué dans le quar-
tier. Nous rencontrons la preuve de cette persistance dans les
rertaines désignations d'immeubles appanenant à nos maîtres
teinturiers.
Dès 1 5 14^ voici la mention d'une redevance due par François
Gobelin pour « une maison, jardin, etc., sise en la grand rue
I Saint Marcel... tenant à Jean Pleau d'un bout, par derrière aux
« terres de la rqyme Blanche. »
Autre délimitation analogue d'une maison acquise en 1 5 1 5 ^
par Philibert Gobelin, « aboutissant par darière aux près de
I la royme Blanche, et par devant à ladicte grande rue Sainct
K Marcel. >
En i529*, c'est Jean Gobelin qui a eu par déctet c une maison,
K cours et jardin... situés à Saint Marcel en la grant rue, prez la
ï porte des Champs, tenant d'une part à la vefve Paulin Bassot,
K d'autre part aux murs de la closture Saint Marcel, aboutissant
t par devant à la grande rue et par derrière aux terres de la rqyne
9 Blanche, »
Ces textes s'accordent tous pour montrer les terres ou prés de
la reine Blanche comme parallèles à la grand'rue Saint-Marcel et
séparés d'elle par des constructions appartenant à nos teinturiers.
II n'est pas question de bâtiments, mais seulement de terrains nus
ou de prés. D'après toutes les indications rappelées plus haut, cet
emplacement, dit terres ou prés de la reine Blanche, aurait été situé
tout à côté de l'abbaye de Saint-Marcel, c'est-à-dire sur la gauche
1. Arch. nat., S1947I, fol. i5.
2. Arch. nat., S* 1940^, fol. 6 v*.
3. Arch. nat., S* 19401, fol. n5 v*.
24 l'Es GOBELIN
de Tavenue actuelle des Gobelins, du côté des numéros impairs,
et non aux environs de la petite rivière.
En 1 55 1 et 1 555 S le nom de la reine Blanche reparaît encore
dans la désignation de certain immeuble possédé par Jean Gobe-
lin, sis grande rue Saint-Marcel, tenant de côté et d'autre à divers
voisins, « aboutissant par derrière d la rejme Blanche. > Cette
fois, il n'est plus question de prés ni de terres, mais simplement
d'un lieu dit la reine Blanche,
Pour résumer ce qui précède, le souvenir de la reine Blanche
se perpétua jusqu'à la fin du xvi* siècle; cette désignation était
appliquée à une pièce de terre, à une prairie entourée de tous
côtés par des constructions et contiguë à une ou plusieurs maisons
appartenant aux Gobelin^ dont la façade principale s^étendait sur
la grand'rue Saint-Marcel. Il ressort également de tout ce qui
vient d'être dit que le souvenir de la reine Blanche ne se ratta-
chait alors à aucun édifice du temps passé, et que le logis ou hôtel
qui avait porté ce nom n'existait plus depuis le commencement
du XV* siècle.
Des recherches minutieuses dans les archives de Pabbaye de
Saint-Marcel aboutiraient sans doute à des résultats plus précis
sur les derniers vestiges de l'ancienne demeure royale. Le temps
nous a manqué pour pousser plus loin nos investigations.
Peut-être nous sommes-nous étendu un peu longuement sur
un bâtiment dont l'histoire ne se rattache qu'assez indirectement
à la famille que nous étudions. Mais il est assez rare de ren-
contrer en plein Paris un édifice de la fin du xv« siècle pour
qu'on s^ arrête un instant quand on a la bonne fortune de le
trouver sur son chemin. Il importait aussi, puisque nous travail-
lons à détruire les légendes populaires sans fondement, de ne pas
laisser s'accréditer une opinion que nous avions, dans une cer-
taine mesure, contribué à répandre, et d'après laquelle les Gobelins
du commencement du xvi^" siècle n'auraient pas été étrangers à la
construction de cet hôtel dit de la reine Blanche. Il faut absolu-
ment renoncer à leur attribuer une part quelconque dans l'origine
du bâtiment encore existant.
Nous renvoyons le lecteur curieux d'approfondir la question
à Fétude spéciale que nous lui avons consacrée dans le volume
publié à l'occasion du Centenaire des Antiquaires de France.
I. Arch. nat., S 192 1 a et S 1947^ fol. i56.
TEINTURIBRS EN ÉCARLATB. 25
Cène étude est accompagnée d'excellents relevés des bâtiments
dans leur état actuel, dus au crayon habile de M. Nodet, archi-
tecte des monuments historiques ^
Il convient de revenir à la généalogie et à l'histoire de nos tein-
turiers des bords de la Bièvre, sujet que la digression sur la reine
Blanche et son logis du faubourg Saint-Marcel nous a un peu
fait perdre de vue.
Nous en étions resté au partage des immeubles de la rue des
Bourdonnais, portant l'enseigne de la Côte de baleine, entre
Jacques, deuxième fils de Philibert, et sa mère. De ce Jacques,
on ne trouve nulle mention dans les papiers de l'abbaye de Saint-
Marcel.
Ce silence des textes relatifs aux propriétés de notre quanier
permet de conclure que Jacques s'était fixé dans Fintérieur de
Paris, abandonnant complètement à ses frères et sœurs tous droits
sur le domaine patrimonial des bords de la Bièvre; par récipro-
cité, Jacques se serait trouvé seul héritier avec sa mère des
immeubles et terrains de la rue des Bourdonnais.
C'est Jean Gobelin, dit le jeune, fils aîné de Philibert et frère
de Jacques, qui reste au berceau de la famille et garde, après la
mort de son père, la direction de Tatelier de teinture.
Dès i5o2, on trouve Jean Gobelin le jeune propriétaire d'une
maison entre cour et jardin, sise grand'rue Saint-Marcel, ayant
pour enseigne l'image Saint-Jacques, tenant d'un côté à un autre
logis à l'enseigne de Saint- Eustache, d'autre part et par derrière
à Jean de Vaudenet'. Cette maison payait à la communauté
de Saint-Marcel une rente annuelle de 20 sous parisis*.
A cette maison était contigu un autre immeuble appartenant
à notre Jean Gobelin le jeune, déjà qualifié marchand teintu-
rier^. Tous ces biens sont situés, cela résulte d'autres actes, à
proximité de l'église Saint-Hippolyte, c'est-à-dire dans le voisi-
nage immédiat du quanier général de la famille.
1. Des doubles des dessins originaux exécutés par la Commission des
Monuments historiques sont déposés à la manufacture des Gobelins, où
tout travailleur peut les consulter. Nous ne saurions trop remercier
M. Nodet de sa gracieuse libéralité. Il n'est pas question, dans la notice des
Antiquaires de France, du passage de Sauvai cité plus haut (p. 21).
2. Arch. nat., S x927b.
3. Arch. nat.« S 19274.
4. Arch. nat., S* 1937, fol. 4a ▼*.
26 LBS GOBBLIN
Jean, frère de Philibert, Jean et François, ses neveux.
Nous avons signalé ci-dessus la vente faite, en 1 5o6, à Jea0
Gobelin l'aîné, — fils de Tauteur de la famille et frère de Philî^-
bert, — par sa sœur Marion, veuve de Jacques de Clermont, ancien
marchand tanneur, d'une maison, cour et jardin, à Tenseigne du
Cygne^ possédant un quai sur la Bièvre, limitée par la maisoa
à Timage Saint-Eustache, par une autre à l'enseigne de la Chaise <»
et donnant par derrière sur la Bièvre. Ainsi, la maison du Cjgne
n'était séparée de Thôtel Saint- Jacques appartenant à Jean Gobe*
lin le jeune que par la maison de Saint-Eustache.
L^oncle et le neveu, portant ce même prénom de Jean, étaient
donc presque voisins ; leurs demeures, longeant la Bièvre, n'étaienc
séparées que par un seul immeuble. Tous deux possédaient
sur la rivière un quai pour lequel une redevance était due au.
chapitre de Saint-Marcel. Tous deux enfin, dans divers actes,
prennent la qualité de marchands teinturiers d*écarlate.
En î507, autre mention d'un Jean Gobelin, sans désignatioim
spéciale, au sujet de Pacquisition de 20 sols 6 deniers parisls d^
rente sur une maison sise rue des Marmousets, appartenant k,
Guillot Collet'. La rue des Marmousets existe encore; ^le avais:
donc reçu, avant 1 507, le nom qu'elle porte aujourd'hui. Puis^
en i5t6 et en i53r, un François Gobelin acquiert ti sou^
6 deniers de rente sur la même propriété de la rue des Marmou-
sets, située juste en face de l'ancienne construction connue aujour-'
d'hui sous le nom de maison de la reine Blanche.
Ce François Gobelin, complétant une acquisition commencée
par Jean Gobelin, est sans doute le petit-fils de Philibert, marié
à Marie de Moucy; on a donné plus haut la généalogie de cette
branche de la famille (p. 9). Nous le retrouverons à diverses
reprises.
Jean Gobelin Taîné, le frère de Philibert, propriétaire de Thôtel
du Cygne, acquis, en i5o6, de sa sœur Marion, disparaît lui-
même en iSiy, laissant veuve sa femme Catherine Langlois.
Celle-ci se trouvait dans une^ituation prospère, car elle ne cessCt
1. Voy. ci-dessus, p. i5.
2. Arch. nat., S* 1946, fol. 10 v».
TEINTURIERS EN <CARLATE. 37
dans le conn des années qui suivent b mort de son mari, d'ac«
quérir soit des propriétés foncières, soit des rentes.
C'est, en i5i6, l'achat d'une portion de grange couverte de
tuiles, de cinq toises de longueur, avec partie de jardin situé der-
rière ladite grange, le tout situé rue de Bièvre^
Sept ans plus tard, acquisition d'une rente de 20 livres tour-
nois de rente annuelle sur une maison sise le long de la rivière de
Bièvre».
Catherine Langlois prolonge son existence jusqu^en i538,
car le texte oti elle est nommée sous cette date la dit formelle*'
ment veuve de Jean Gobelin Taîné. Ainsi, pas d'incertitude.
C'est bien la bru du vieux Jean Gobelin de 1443 qui obtient en
1 538 la permission « de construire un quai en feçon d^échafauz
c de bois sur la rivière de Bièvre, depuis une berge jusqu'à l'autre
I berge, contenant cinq toises de long, en venant depuis la mai*
< son de Pierre Gobelin jusqu'à l'abreuvoir aux chevaux, avec
« défense de bâtir aucun édifice dessus'. »
Aux multiples renseignements recueillis dans les archives de
Saint-Marcel viennent s'ajouter certains témoignages fournis par
un procès devant le Parlement de Paris entre deux branches de
la famille Gobelin ^
Au commencement de Tannée 1 538, Geneviève Le Bossu, veuve
du François Gobelin mort en iSi/, intentait une action contre
Catherine Langlois, la veuve de Jean Gobelin, et ses en&nts, au
sujet du droit de laver les teintures dans la rivière. Les descen-
dants de Jean Gobelin et de Catherine Langlois, énumérés dans
l'arrât, sont au nombre de six, trois fils et trois filles; les fils se
nomment Jacques, Jean et Pierre'; les trois filles sont mariées :
Marie, à François David; Catherine, à Rogerin Robineau; Mar-
guerite, à François Garrault. Tous sont majeurs, leur père étant
1. Arch. nat, 8*1940», fol. 34 v*, 4 mars i5x6.
2. Arch. nat. S* 1940I, fol. 89.
3. Arch. nat., S 1923B.
4. Voy. Pièces justificatives G, D, E, F.
5. Le tableau généalogique cité plus haut donne un quatrième fils à Cathe-
rine Langlois; ce serait Taîné; il se nommait Philibert et avait épousé Cathe-
rine Favereau, dont il eut deux filles :
I* Marie, mariée à Philippe Leschassier, orfèvre, s* Catherine, épouse de
Claude Le Lièvre, secrétaire du roi.
38 LES GOBELIN
décédé vers i5i7, tandis que la fille unique de la veave FnH^
çois Gobelin est encore mineure*. Elle se nomme Geneviève et #
épousé Jean Robineau, un parent probablement du gendre ic
Catherine Langlois'.
La demanderesse prétend interdire aux défendeurs de faxttta
certaines places de la rivière c lavages de guesde noire, de ternii-
« sures, de tennez, garences et autres draps. »
Les conseillers Jacques SpiSame et René Brinon, chargés de
procéder à une enquête, confient aux maîtres teinturiers PoDce
de Miraulmont^ Jean Candelier, Robert Desprez et Jacques
Fraulde, la mission de se rendre sur place, et les chargent de
présenter leur avis sur les dires contradictoires des parties. A la
suite de cette visite, défense est faite, par arrêt du 1 1 mai i538't
aux héritiers de Jean Gobelin et consors de faire aucuns lavage
dans la rivière de Saint-Marcel, au-dessus de la maison de la
veuve de Jean Le Peultre, c'est-à-dire dans la partie du cours
d*eau située aux environs du moulin de Croulebarbe; car, d^apiis
le plan que nous examinerons un peu plus loin, la maison des
Le Peultre se trouvait en amont des établissements occupés par
les Gobelins.
Le procès porté devant le Parlement en 1 5 3 8 nous a fait connaître
six enfants de Jean Gobelin Taîné. A ce nombre, il fiiut en joindre
un septième, nommé Philibert, dont la parenté est formellement
mentionnée dans Pacte d^acquisition d'une maison occupée par
lui et dont il payait le cens dès 1 5 14^. En façade sur la grand'me
Saint-Marcel, cette maison touchait d^un côté aux fossés de
Saint-Marcel et par derrière aux terres de « la reine Blanche. »
Ce Philibert est cité dans une généalogie ancienne'. Il y
est qualifié teinturier; il avait épousé Catherine Favereau,
dont il h*eut que des filles dont il est question à la page précédente
(note 5).
En ï5i5, Philibert Gobelin, « marchand taincturier et fils de
« feu Jehan Gobelin, » acquiert en pleine propriété a la maison,
1. François laissa, comme on l'a vu plus haut, un fils et une fille (voy.
ci-dessus, p. 9, et le tableau n* II).
2. Arch. nat., XI a 1540, fol. 177 r».
3. Arch. nat., XI a 1541, fol. 365 r*.
4. Arch. nat., S 1947s fol. 9 V.
5. Ms. fr. 24002, fol. 229.
TBIMTURIERS EN iCARLATB. 2g
c coort, jardin, fouUerie, estables et appartenances d^icelle, » sise
grand'rue Saint-MarceP.
Puis, voici une constitution de i6 sous parisis de rente à son
profit faite par un certain François Couet sur trois quartiers de
vigne, au lieu dit la Grande-Cerisaie. L'acte porte la date du
21 décembre iSii^ Dix-huit ans plus tard, le i8 juillet iSBg,
ladite rente est transportée par Philibert Gobelin à maître Gré-
goire Godefroy, prêtre habitué en Téglise de Saint-Marcel.
Le Philibert Gobelin de i538 est donc bien le fils de Jean
Taîné, le petit-fils du fondateur de la famille. Nous le verrons
tout à rheure aux prises avec les Cordelières au sujet d'un procès
pour une mitoyenneté de fossé qui nous a valu un des plus pré-
cieux documents topographiques de l'époque.
On retrouve plus tard, en i56i, 157a et 1574, un Philibert
Gobelin, dit Taîné, laissant veuve, en i583, sa femme Marie
Augrain; mais les textes ne nous révèlent pas les liens de parenté
unissant le Philibert Gobelin de i5i5 et celui de i56i-i583.
En même temps que Jean Gobelin Painé, le mari de Cathe-
rine Langlois, paraît fréquemment dans les terriers et censiers
de Saint-Marcel le nom de Jean Gobelin le jeune, neveu du
précédent, dont il a été question ci-dessus. Celui-ci est le fils
aîné de Philibert; c'est lui qui prit le titre de seigneur de la Tour.
Le premier acte qui cite son nom le dit formellement fils du Phili-
ben mort vers i5io. Jean Gobelin le jeune avait un frère, nommé
François, dont nous avons longuement parlé à la page 9 de ce
travail. Les noms de Tun et de Pautre reviennent fréquemment
dans les registres fonciers de la collégiale. Il est essentiel de pré-
senter une analyse rapide de ces actes, car ils abondent en ren-
seignements sur les anciennes maisons du quartier.
On a signalé plus haut la mention de i5o2' relative à une
maison sise en la grandVue Saint-Marcel, appartenant ci-devant
à Nicolas Baillet, à l'enseigne de Saint-Jacques, et vendue à Jehan
Gobelin le jeune, fils de Philibert, propriétaire déjà d'une autre
maison contiguë à celle qui fait l'objet du contrat de i5o2.
Un peu plus tard, en i5o7, le même Jean devient acquéreur
de partie d'une rente assise sur une maison de la rue des Mar-
I. Arch, nat., S* 1940», fol. 6 v.
a. Arch. nat., S 1928.
3. Arch. nat., S* 1937, fol. 42 y*, et S 19211.
30 VB6 OOBBUN
mousets, ayant appartenu a Guillot CoUet. Le surplus de cette
rente est racheté, à deux époques différentes, eni5z6eten i53i,
par François, frère de Jean ^
En 1 5o9i nouvelle mention de Jean Gobelin. Il s'agit cette fois
d'une redevance due par notre teinturier pour le don, à titre de
cens, d'une place sur la rivière de Bièvre, « contenant, depuis le
c quai ancien jusqu^au coin du mur de la maison dud. Gobelin
« joignant les fossés dudit Saint-Marcel, 4 toises de long sur
c 1 5 pieds de large et 6 pieds depuis le fond (?) de ladite rivière
« jusque sous les solives du premier plancher, pour en icelle
c place faire un quai par ledit preneur et appliquer à son métier
« de teinturier, et icelle place couvrir de 9 pieds de lai^e, de
a ladite longueur de 4 toises, d'un aulvent, et fieiire venir des
c esgouts du costé de sondit hosteP. » Notons en passant que le
tableau généalogique souvent cité dit que c^est ce Jean, seigneur
de la Tour, t qui bâtit la maison d^en haut. »
Impossible de séparer les deux frères Jean et François. Ils vivent
et travaillent côte à côte ; |>ar suite, leurs noms reparaissent firé-
quemment sur les mêmes registres.
En i5i4, mention de redevances dues par François : i^ pour
maison et jardin sis en la grand'rue Saint-Marcel, tenant à divers,
et par derrière aux terres de la reine Blanche'; — 2^ pour une
« maison contenant plusieurs corps d'hôtel, assise sur la rivière,
< ouvrouer sur la rivière, quai, maison sur icelluy, assis auprès
« de ladite rivière, contenant une petite partie et portion de
c marets, estant portion de ladite maison jusques au jardin des
< Cordelières, appelé Paradis, tenant à François Gobelin, etc.^; >
— 3® pour une maison sise rue des Marmousets, tenant à Jean
Gobelin, d^une part, d^autre à François Gobelin, i>ar derrière à
Catherine Langlois', la veuve de leur oncle Jean.
Cette dernière maison d,e la rue des Marmousets est vendue à
François Gobelin le 6 octobre i5i6^
A partir de ce moment, le nom de François Gobelin ne figure
1. Arch. nat., S 19224 et S 1946^, fol. 10 v*.
2. Arch. nat., S 1925^
3. Arch. nat., S 1947s fol. i5.
4. Arch. nat., S 1947*, fol. i3 ▼•.
5. Arch. nat., S 1947s fol. 12.
6. Arch. nat, S^ 1940^ fol. 26 r*.
TEINTUBIlIlf SN iCARLATB. 3f
plus sur les registres, tandis que celui de son frère Jean reparaît
encore ju3qu*ea i53o :
i5i6, acquisition par Jean Gobelin, de Mathurin Dauvergne,
d'un quartier et demi de saussaies, au lieu dit les Filles-Dieu ^
i5ao, cession par lui faite k MM. de Saint^Marcel d^une
maison siae Grand'ruei k l'enseigne de la Corne-de^Cerf, Le
moulin de Croulebarbe se trouve mentionné dans l'acte'.
En 1 521, le i5 novembre', un traité est passé entre les habi-
unts de Saint-Marcel, les marguilliers de Saint- Hippolyte et de
Saint-Martin, d*une part, et le s' Jean Gobelin, teinturier en
écarlate, d'autre pan, traité par lequel ledit Gobelin délaisse aux
habitants de Saint-Marcel : i® le droit de passage et de chemin
sur une pièce deThéritage à lui adjugé sur une nommée Pierrette,
par sentence du Cbâtelet de Paris rendue le 8 juin iSii, ledit
héritage sis sur le grand chemin de Villeneuve, tenant, d'une
part, la clôture de Jean de Peutreou de sa veuve, et, d'autre part,
ledit Gobelin ; d'un bout, le grand chemin, d^autre bout, Tabreu-
voir joignant les pâtis dudit Peutre; 2^ l'usage et pâturage d^un
arpent de pré en une pièce, à lui appartenante, entre le moulin de
Croulebarbe et lesdits pâtis, tenant, d'une part, ledit Jean Gobe-
lin, d'autre part, la veuve et héritiers de Jean Gobelin (celui qu'on
désigne sous le nom de Jean Gobelin rainé).
En échange, les habitants de Saint-Marcel cèdent à notre Jean
Gobelin la jouissance et possession des fossés de Saint-Marcel à
prendre depuis le coin de Tétable étant au jardin de Catherine
Langlois jusqu'au coin du jardin appartenant à Jean Gobelin et
à Jean Robillard, contenant de longueur 47 toises, et de lar«*
geur comme le lieu le compone, à la condition expresse que Jean
Gobelin laisserait sur lesdits fossés, en l'endroit le mieux avisé et
pour toujours, un chemin commun de 9 pieds pour &ciliter aui^
habitants le moyen d'aller à l'abreuvoir sans le pouvoir changer.
Le chapitre ratifia, le i5 février i525, cette convention, moyen*
nant un cens annuel de 8 deniers à la charge de Jean Gobelin.
Par acte subséquent, daté aussi de i525^, notre teinturier s'en-
gagea ne rien modifier à la forme des fossés, à les entretenir dans
leur état, etc,
1. Arch. luit., S^ 1940I, fol. 21 r.
s. Arch. nat., S* 1937, fol. jS r*, «t zçiS».
3. Arch. nat., S* 1932* et 1925B.
4. Arch. nat., S ig25B et S* 1937B, fol. 229.
32 LfiS GOBEUN
Par le nombre des copies et ratifications de cet échange, on peut
juger de son importance. L^une de ces transcriptions donne le nom
des personnes qui traitaient comme représentants des habitants de
Saint-Marcel. Il n'est pas sans intérêt de les signaler ici. Au pre-
mier rang figure le propre frère de Jean, François, puis ce sont
les marguilliers de Saint-Hippolyte : Guillaume Lescuyer, Roger
Charles et Jean Voireau, enfin maître Jean Canaye, un des voisins
des Gobelins, et Christophe Rondel, maire de la justice de Saint-
Marcel. Notons encore que notre Jean Gobelin annonce formelle-
ment son intention de faire bâtir sur l'héritage joignant les fossés
en question c un ouvrouer servant à tainturiers^ >
La même année i525, le 5 août^ notre teinturier vend à son
frère François une maison « contenant plusieurs corps d'ostelz
c assis rue de Bièvre, ouvrouer sur la rivière, quay, maison sur
c icelluy, édiffiée de neuf, puys, cisterne, court, lieux, apparte-
c nances, aisances, ainsi qu'il se comporte, assise au cos^ de la
c rivière de Bièvre^ en laquelle maison est la porte et l'entrée du
« lieu oti icelluy Gobelin est à présent demeurant, avec une petite
c partie et portion de mares étant devant portion de ladite mai-
« son, à la prendre depuis le jour de la vieille huisserie jusqu'au
t jardin des Cordelières, appelé Paradis, tenant, d'une part, à
« François Gobelin, et, d'autre part, aux Cordelières. »
Les meubles se trouvant dans la maison sont compris dans la
vente >. Cet immeuble a été décrit plus haut comme étant occupé
par François dès 1 5 14 (p. 3o), car, à cette date, l'occupant payait au
chapitre les redevances dues parce fonds. On voit ici qu'il ne Tacquit
qu^en i525. N'insistons pas sur toutes les opérations d'achat ou
de vente passées par Jean Gobelin entre 1 525 et 1 5 3o. On se perd
dans ces négociations compliquées ; elles donnent toutefois cette
impression que notre teinturier était sans cesse occupé à augmen-
ter des propriétés déjà fort étendues; elles prouvent en même
temps la prospérité de son industrie, le succès de son commerce.
S'il était besoin d'autres témoignages de la brillante fortune de.
Jean Gobelin, on les trouverait dans les adjonctions incessantes
faites aux anciennes constructions.
C'est, en i526, la construction d'un quai en forme d'échafaud
1. Ceci est à rapprocher d'un tableau généalogique portant la mention :
c Jean Gobelin, seigneur de la Tour, qui bâtit la maison d'en haut » (Bibl.
nat., ms. fr. 29862).
2. Arch. nat., S* 1940I, fol. 55 r* et 58 V.
TBINTURIBRS BN jfCARLATE. 33
sur la rivière, le long d^un corps d'hôtel joignant la rivière, entre
la maison de Nicolas Mignart, appartenant à Jean Canaye, et
celle de feu Jean Gobelin^
Le a8 janvier i527, acquisition par adjudication au Châtelet
de Paris de tout un lot de maisons et de terres ayant appartenu à
Nicolas Dufour'. En voici Ténumération :
i^ Une maison sise rue Mouffetard, à Vtnstignt deVArbaleste.
Cest probablement renseigne qui a donné son nom à la rue de
l'Arbalète encore existante.
2** Trois arpents de terres labourables sur le chemin de Gen-
tilly et Arcueil.
3« Des terres sur le chemin de Notre-Dame-des-Champs.
4<> Uq demi-quanier de terre au lieu dit Babilonne^ près les
saulsaies, tenant d'une pan audit Jean Gobelin, de Tautre aux
religieuses Cordelières; aboutissant d'un bout aux saulsaies et
d'autre bout, par bas, aux terres de Saint-Victor.
5* Autre pièce de terre de trois quartiers et demi, tenant d'une
part à la terre du doyenné dudit Saint-Marcel, d^autre part audit
Gobelin et autres.
6* Demi-arpent de terre assis au terroir du Trou-Saint-Georges,
tenant d^une part audit Gobelin, d'autre part à Saint- Victor;
aboutissant d'un bout aux saussaies, de l'autre au chemin d'Ivry.
7* Sept quartiers environ audit Trou*Saint-Georges, tenant des
deux côtés à divers^ aboutissant d'un bout à sept quartiers audit
Gobelin, d^autre bout sur le chemin d'Ivry.
8« Trois quaniers, tenant d'une part aux héritiers feu Thi-
baut Oudart, d'autre part audit Gobelin; aboutissant d'un bout
sur le chemin d'Ivry, d'autre bout à la terre de la communauté
de l'église Saint-Marcel.
9* Un demi-arpent de terre, tenant d'une part audit Gobelin,
d'autre part aux héritiers Canaye; aboutissant d'un bout au che-
min d'Ivry, de l'autre à plusieurs terres.
lo» Trois quartiers et demi de terre au terroir dudit Saint-
Marcel, au lieu dit Cul-Rosti, tenant d'une part audit Gobelin,
d'autre pan à plusieurs autres; aboutissant d'un bout à la terre
de ladite communauté de Saint-Marcel, et d'autre bout au chemin
aux Meuniers ; aboutissant d'un bout à la rivière de Seine et de
Tautre à plusieurs terres.
1. knh. nat., S igaSi et S* I947^ fol. i6i ▼*.
2. Arch. nat.y S* 1940I, fol. 100 ▼*•
34 LSS GOBBLIN
II'' Trois quartiers trois perches, au lieu dit Port-Jamet,
tenant d'une part audit Gobelin, d^autre à Saint- Victor; aboutis-
sant d^un bout sur la rivière et d^autre à plusieurs terres.
Et ce n'est pas tout. L'adjudication comprend encore d^autres
propriétés à Gentilly et à Villejuif, dont il est superflu de donner
ici rénumération.
Cette acquisition considérable confirme ce que nous ont déjà
foit savoir les précédents contrats passés par Jean Gobelin. Sans
cesse occupé d'arrondir ses domaines, il en est arrivé à compter
parmi les gros propriétaires du faubourg.
On se plaint aujourd'hui de l'extrême division des héritages.
L^exemple que nous avons sous les yeux montre que ce morcelle-
ment de la propriété foncière remonte loin.
Au cours de la même année 1S27*, notre Jean Gobelin se rend
encore acquéreur d'un quartier et demi de terre au lieu dit U
Cerisaie; mais cette nouvelle acquisition ne parait pas cette fois
contiguë aux biens quHl possède déjà.
Une permission d'établir un quai sur la Bièvre, octroyée à
Jean Gobelin en 1 528 ^, entre dans certains détails bons à rappeler
pour fixer la topographie du quartier. Il obdnt donc l'autorisa-
tion d'établir un quai sur la rivière « à l'opposite de la cour de U
« maison dudit Jean Gobelin, qui fut à feu Nicolas Le Panne-
c tier, en tirant vers le moulin de Croulebarbe, par delà les fon-
« taynes et joignant Tabreuvoir dudit Saint Marcel, de la Ion-
« gueur de i3 toises 2 pieds, traversant en hauteur compétente
c par dessus ladite rivière jusque sur la berge d'icelle (serait-ce
c un pont?) à l'opposite de ladite cour et devant le pré de feu
c Jean Le Peultre, le palis dudit Saint Marcel entre ledit pré et
a ladite berge...; il sera tenu entretenir et faire faire icelle berge
« de pierre de taille à ses propres cousts, en sorte que Teau d'icelle
c rivière ne se puisse perdre, et délaissera 10 pieds ou environ de
« largeur d'un mur jusques à autre pour le cours d'icelle rivière;
« sur laquelle berge il pourra élever pilliers de pierre, si bon lui
« semble, pour contenir ledit quai, qui ainsi sera fait sans aucu-
c nement empêcher le cours de ladite rivière, ne le chemin et voie
c publique étant du costé de ladicte berge. »
Toutes ces indications si vagues dans les contrats se précisent
1. Arch. nat., S* 1940^, fol. 83.
2. Arch. nat.y S iqiSb.
tumtueiers en écarlate. 35
et s'expliquent avec un plau^ quelque sommaire qu*il soit, comme
nous le venons tout à l'heure.
Terminons avec les acquisitions de terre de notre opulent tein-
turier, véritable marquis de Carabas du quartier Saint-Marcel.
Au cours de Tannée 1 528, nouveaux achats de plusieurs arpents
de terre sur le territoire de Gentilly, au lieu dit le Trou-Saint-
Georges, déjà cité lors de l'importante adjudication de iSaj^
Autre acquisition, la même année', d'un quartier et demi, au
lieu dit le Font-Arabit, contigu aux terres de l'acheteur.
Un Jean Gobelin, dit Taîné, probablement celui qui nous occupe
en ce moment, se rend acquéreur, en 1529', de 40 sous tournois
de rente sur une maison, cour et jardin, sise rue MoufTetard, à
l'enseigne de la Doulouer, contiguë à d^autres propriétés de l'ac-
quéreur.
Autre achat, en i53o, par Jean Gobelin, de trois quartiers de
vigne au lieu dit le Bas-Bréaut, contigus à des terres lui appar-
tenant déjà '*.
Enfin, en 1 529, notre < marchand teinturier en écarlate acquiert
par décret une maison, cour et jardin, situés à Saint-Marcel, en
la grand'rue près la porte des Champs, tenant d'une part à la
veuve Paulin- Bassot^ d'autre part aux murs de la clôture Saint-
Marcel; aboutissant par devant à la grandVue, par derrière aux
terres de la reine Blanche *. »
Après i53o, le nom de Jean Gobelin, fils de Philibert, dispa-
rait à peu près définitivement des terriers et censiers de Saint-
Marcel, car il est peu probable que ce soit lui qui figure sur un
échange porunt la date de i55o*.
Notre Jean, seigneur de la Tour, fils aîné de Philibert, avait eu
de sa femme Marie ^ Le Lorrain neuf enfants, énumérés dans la
généalogie de la famille' :
I* Philibert^ marié à Jeanne Foubert. Il devint secrétaire dû
I. Ârch. nat., S* 1940I9 fol. 96 ▼*.
a. Arch. nat., S* 1940I, fol. 96.
3. Arch. nat., S* 1940S fol. 109 r*.
4. Arch. nat., S* 1940^, fol. iSy.
5. Arch. nat., S* i94oS fol. ii5 v*.
6. Arch. nat., S* 1936, fol. 70 ▼*.
7. Certains textes lui donnent le nom de Jeanne, d'autres celui de Gene-
viève (voy. ci-dessus, p. i3).
8. Ms. fr. 29862.
36 LES GOBELIN
roi en 1573 et résigna ses fonctions en 1584. Ce Philibert ne doit
pas être confondu avec le fils de Jean Gobelin Taîné, mari de
Catherine Langlois (voy. ci-dessus, p. 12), qui soutint contre les
Cordelières le procès dont on va parler tout à Theure. Celui-ci est
le troisième du nom de Philibert.
2® Jean.
3« Pierre.
4^ Jacques, nommé correcteur des comptes le 23 mai i536,
époux de Blanche Marentin, fille de Charles Marentin, conseiller
du roi et contrôleur général des monnaies, et de Jeanne Prévost.
Jacques Gobelin est l'auteur de la branche la plus illustre de la
famille, dont on trouvera le détail plus loin (p. 32).
5® Nicolas.
6® Catherine.
7® Denise, mariée à Jean Godard.
8» Marie, femme de chambre de Marie Stuart, mariée à Jean
Poliet, puis à René Legrand, valet de chambre de la reine de
Navarre.
9® Claude, épouse de Nicolas Godefroy, fut, comme on le verra
plus loin (p. 45), nourrice du roi François II.
Descendants de Jacques Gobelin et de Blanche Marentin :
1® Balthazar, qui épouse Anne de Raconis et meurt le 8 juillet
16 17. Il occupa divers emplois de finances et s'éleva aux postes
les plus élevés, car il devint président en la Chambre des comptes.
On reviendra ci-après sur cet important personnage et sur ses
descendants. On trouvera la liste de ses enfants ci-après,
pages 52-53.
2® Pierre. Il fut trésorier de France à Rouen.
3® Geneviève, qui épousa Jean du Plessis, seigneur de la Saus-
saye, avocat au Parlement, dont elle eut Pierre du Plessis,
conseiller au Châtelet, et Balthazar du Plessis, Pun des gentils-
hommes de la maison du roi en 1517.
4** Jacques. Il devint conseiller au Parlement en iSgo et lieute-
nant général au bailliage de Tartillerie de France. Il avait épousé
Esther Le Féron, qui était veuve en 1617.
Procès des Gobelin et des Cordelières.
En 1539, un procès éclatait entre les principaux représentants
TEINTURIERS EN iCARLATE. Sj
de la famille Gobelin et leurs voisines les Cordelières. D^un côté
figurent Philibert Gobelin, assisté de ses frères Pierre et Jacques*,
tous trois fils^ comme on Ta vu plus haut, de Jean Gobelin,
deuxième du nom, et de Catherine Langlois, et par consé-
quent petits-fils du premier auteur de la famille. Les parties
adverses, les religieuses Cordelières, avaient actionné devant
le Parlement de Paris leurs voisins, les teinturiers, pour un de
ces motifs bien futiles en apparence, qui, en réalité, furent de
tout temps le point de départ d'interminables discussions et de
procès coûteux.
Par leurs incessantes acquisitions de terres, prés et saussaies,
les Gobelin occupaient de vastes espaces de terrain coupés par des
fossés et enserrés entre les deux bras de la Bièvre, au-dessous du
moulin de Croulebarbe. C'est à peu près remplacement sur lequel
s'étendent encore aujourd'hui les jardins extérieurs de la manu-
facture. Cette situation met nos teinturiers en contact immédiat
avec la propriété des religieuses Cordelières. Certains murs sont
même mitoyens. On peut discuter indéfiniment sur ces questions
de voisinage; tout est indécis en pareille matière. Les préten-
tions des parties s'appuient, la plupart du temps, sur des argu-
ments si vagues, — usage ancien, possession d'État, — qu'on a
grand'peine à démêler le droit de chacun au milieu des asser-
tions contradictoires.
Tel paraît avoir été le fond du procès des Gobelin et des
Cordelières'. N'étaient les détails précis contenus dans les pièces
de procédure, les renseignements fournis sur l'état-civil des par-
ties, et par dessus tout ces plans d'une époque pour laquelle on
possède si peu de documents graphiques sur les quartiers excen-
triques, cette discussion mériterait à peine de fixer l'attention.
Si le fond même de l'affaire ne présente plus qu'un faible
intérêt, il en est tout autrement des développements topogra-
phiques et de divers autres détails contenus dans les pièces de
procédure. Surtout les quatre plans, tracés assez naïvement sur
de belles feuilles de parchemin et grossièrement coloriés, sont
pour nous d'un prix inestimable^. Les dessinateurs montrent
beaucoup d'inexpérience. Ils ne se sont pas donné grand mal
1. Arch. nat., XIA1542, fol. 339 ^'
2. Voy. les Pièces justificatiTes G, H, I, K, L, M.
3. Dans le carton coté $4682-3 des Arch. nat.
38 LBS GOBELIN
pour tracer une image fidèle des lieux. Évidemment, ils n^ont
guère eu souci de mettre leurs dessins à Téchelle et de respecter
les distances. Nous avons deux représentations des mêmes bâti-
ments et elles varient considérablement. Tout cela n'est pas, au
fond, d'une grosse importance.
Il y a plus : sur les diverses feuilles de parchemin, les fos-
sés, les cours d'eau ne paraissent pas occuper le même empla-
cement, avoir la même largeur, la même longueur. Les points
essentiels du débat ne semblent pas orientés de même sur les
divers documents. Qu'importe? Ce qui &it Tintérét de ces des-
sins, c^est d'y rencontrer, d'une part, dans l'ordre oti ils se pré-
sentent en suivant le cours de la rivière : le moulin de Croule-
barbe, puis la maison des Peultre, séparés de l' c ancienne maison
et ouvrouer de feu Jehan Gobelin • par Pabreuvoir, situé à la place
où se trouve aujourd'hui l'embranchement de la rue Croulebarbe
et de la ruelle des Gobelins, enfin la maison des Canaye, ces voi-
sins et alliés des Gobelin, dont la demeure occupe exactement
remplacement des bâtiments désignés aujourd'hui sous la déno-
mination de maison de la reine Blanche.
Voici pour la rive droite du cours supérieur de la rivière. Sur
Tautre rive se présentent successivement le jardin des Peultre, en
face de leur habitation, et le jardin des Gobelin, séparé du pré-
cédent par une haie, puis le « quartier de saussaye baillé par les
c Cordelières à Philibert Gobelin par eschange; » à la suite de
cette saussaie, un fossé dit « le fossé contencieulx, » au delà
duquel s'étend le jardin des Cprdelières, entouré de toutes parts
de fossés qui forment la limite du jardin des Peultre comme de
celui des Gobelin. Plus loin sont indiqués l'étang des Cordelières
et leur église, entourée des bâtiments du monastère.
S'il ne subsiste plus rien du couvent des religieuses, dont la
rue dite des Cordelières garde seule le souvenir, les anciens jar-
dins des Peultre et des Gobelin constituent la majeure partie des
terrains occupés et cultivés par les tapissiers de la manufacture
actuelle. Seulement, l'aspect des lieux a changé depuis les qua-
rante dernières années^ bien plus peut-être qu'au cours des quatre
siècles antérieurs. Ainsi, la Bièvre qui séparait naguère les mai-
sons de nos teinturiers, puis les bâtiments de la manufacture, des
jardins situés sur la rive gauche, a disparu peu à peu. Toute la
section longeant la rue Croulebarbe a été couverte et transformée
en égout souterrain en 1896. Une trentaine d'années auparavant.
TBINTURnSRS BN âCARLATE. Sq
on avait traité de la même manière la partie de la rivière située
entre les bâtiments et les jardins de la manufiacture. Avant Tezé-
cution de ces travaux, un pont reliait les logements des tapissiers
aux terrains de l'autre rive. Ce pont, beaucoup des vieux habi-
tants de la maison Font connu et se le rappellent parfaitement.
Malheureusement, il n'en a été conservé aucun dessin. Or, sur
un des plans du xvi* siècle paraît un pont couvert, ainsi dési-^
gné sur le document : « La gallerie et privée contencieulx » ou « la
traverse et gallerie entreprinse. » Cette galerie aboutit tout auprès,
mais en dehors du quartier de saussaie, cédé par les Cordelières
à leurs voisins. Une communication entre les bâtiments d^habi-
tation et les jardins situés de Tautre côté de la Bièvre était indis-
pensable. Impossible de s^en passer. L*extrémité de ce pont de
jonction semble aboutir à un fossé que les eaux de la rivière
devaient constamment remplir. Évidemment, nos teinturiers
ont cherché à se procurer un passage plus praticable, peut-être à
combler le fossé. De là le procès, les plaidoiries, les arrêts dont
les registres du Parlement ont conservé le copieux détail.
Ces arrêts sont au nombre de six; le premier, qui est le plus
étendu, porte la date du 12 août iSSg; le dernier est du 24 no-
vembre 1543. Encore n^oserions-nous pas affirmer que les pro-
cédures en restèrent là'. En fin de compte, Philibert Gobelin
semble avoir perdu son procès, non qu'il ait été réduit à raser des
I. Sans entrer dans Fanaljrse de la procédure longue et compliquée,
comme toujours en pareille matière, nous constaterons que Philibert Gobe-
lin et ses frères Jacques et Pierre paraissent avoir joué un rôle assez
pileux devant le Parlement, et ils s'en tirèrent à bon compte. Sans insister
sur rincident de la récusation du conseiller Tronsin, qui fit condamner
Pierre et Jacques Gobelin à 10 livres pariais d'amende pour avoir c indis-
crètement » proposé cette récusation, il semble bien résulter des plaidoi-
ries comme des interrogatoires des parties que, dès le début, Philibert avait
reconnu le droit des religieuses et sollicité d'elles comme une faveur la
permission de se clore et d'ouvrir une porte dans la clôture, aux condi-
tions qu'il leur plairait de fixer. Puis, revenant sur son engagement, il fit
changer la serrure dont il avait remis une clef aux religieuses pour leur
laisser l'accès de leur maison. Mais, se voyant dans une très fausse situa-
tion, il aurait mis en avant ses frères Jacques et Pierre, d'après lesquels
Philibert aurait pris des engagements pour eux sans en avoir le droit,
n'étant pas propriétaire du terrain en litige. Tout se résume donc en une
question de bonne foi, et la question fut tranchée au profit des Corde-
lières. Nous n'avons pu retrouver qu'une partie des actes de la procédure;
mais cela sufiit pour juger la véritable situation.
40 LES GOBBUN
murs, à détruire des ouvrages édifiés par lui ; mais la G>ur, i
naissant que les Cordelières Font autorisé à « faire une mi
huisserie, porte et clefz en la muraille (mitoyenne) par pr
souffrance, » décide que ledit Gobelin devra bailler aux religie
dans la huitaine de Tarrét, à leurs gens et serviteurs, uo
pour aller et venir, passer et repasser toutes et quantes foi^
bon leur semblera c et à la charge de pouvoir faire par lu
c demanderesses abattre et démolir ladite muraille et hu
c toutes les fois qu^il leur plaira, » le tout sous peine de looj
parisis d'amende, faute d'avoir exécuté Tarrét dans le dé
Philibert est de plus condamné aux dépens. Mais, si la [
série judiciaire, les dits et contredits des parties et même lel
oratoire des avocats n'offrent pour nous qu'un faible infi
curiosité, il n^en va pas de même des plans qui figuraient j
les pièces de procédure*.
Au nombre de quatre, ces plans présentent les lieux
aspects bien différents; leur orientation même laisse
désirer, et j'imagine que les bons conseillers devaient mettre]
coup de bonne volonté pour interpréter les détails cont
de ces documents graphiques. Encore, à l'aide des légendes, i
t-on à peu près à s^en tirer; dans tous les cas, les prétentio
deux adversaires, inscrites ou plutôt résumées, selon un
usage, en marge d'un des plans, devaient plonger les \
dans une certaine perplexité, car, si les affirmations sont <
dictoires, les preuves à l'appui sont vagues et sujettes à cou
tion. On en jugera mieux, d'ailleurs, par la reproduction dij
de chaque plaideur.
Voici d'abord le résumé des arguments des Cordelières de
deresses :
Les Cordelières maintiennent que la porte contencieuse est
sur le condoz et que icelluy condoz leur appartient, et
doibvent la muraille et porte estans sur icelluy estre abatues.
Maintiennent que, au long dudict condoz, y a aultresfois
bornes qu'elles disent avoir esté arrachées par les Gobelins d^
huict ou dix ans.
Que le fossé contencieux est tout à elles et ne tousche à leur $
à douze pieds près. ,
I. Nous ne saurions trop remercier notre confrère et ami M. Alexad
Tuetey du concours qu*il nous a prêté avec une parfaite obligeance p
retrouver et faire reproduire tous les documents donnés ici.
>
48 LES QOBELIN
à la jeune mariée, car il lui avait déjà consenti diverses libéralités
antérieures qu'il venait augmenter, par ce contrat de i58i, d'un
don de 1 35 écus d'or.
Dès 1569, Jean Gobelin Taîné, marchand teinturier à Saint-
Marcel, avait fait enregistrer aux insinuations du Châtelet* une
première donation en faveur de Geneviève, fille de Philibert Gobe-
lin, cousin du donateur, présent et stipulant pour sa fille. Deux
ans après ce premier acte de générosité, le 14 mars iSyi, Jean
Gobelin cédait à Geneviève certaines parties de rente lui apparte-
nant en propre depuis le décès de Catherine Langlois, mère du
donateur^. On conçoit l'importance de cette dernière mention.
Elle établit la filiation certaine de Jean Gobelin. Il descend direc-
tement, par son père Jean, de Tauteur de la famille, le vieux Jean
Gobelin de 1443. Quant à la donation de 1571, elle fixe la date
du décès de Philibert. Il vivait encore en iSôg, puisqu'il accep-
tait la première libéralité au nom de sa fille, tandis qu'en iSyi
la donation de Jean Gobelin est reçue par Marie Augrain, mère
de la jeune fille, attendu le décès de Philibert Gobelin, survenu
entre le 3i avril iSôg et le 14 mai i5ji.
Nouvelle donation du même à la même Geneviève Gobelin, le
18 mai 1573, donation également transcrite au registre des Insi-
nuations. C'est encore Marie Augrain qui comparaît tant en son
nom que pour sa fille. La libéralité du donateur s'élève, cette fois,
à 200 livres de rente'.
Quatrième donation sous la date du 24 avril 1577. Il s'agit de
diverses parties de rentes sur l'hôtel de ville, sans autre indica-
tion. Par la même occasion, Jean Gobelin confirme les donations
précédentes'*, confirmation de pure forme et d'usage constant.
En 1579, ^^ ^9 novembre, Geneviève Gobelin reçoit encore
de son généreux cousin une rente de 1 3 écus d'or deux tiers sur
l'hôtel de ville de Paris, et éventuellement une somme de 333 écus
un tiers qui ne sera payée qu'en cas de mariage.
La condition mise à la réalisation de cette dernière donation ne
tarda pas, on l'a vu, à se réaliser, puisque le contrat de mariage
de Geneviève Gobelin et de Charles Legrand porte la date du
18 mars i58i.
1. 3i avril iSôg. Arch. nat., Y 109, fol. 353 f et 354 V.
2. Ârch. nat., Y m, fol. 3a5 r*.
3. Areh. nat., Y 1 14, fol. 96 V et 188 v.
4. Arch. nat., Y 118, fol. 295 y* et 299.
TEINTUMSRS EN iCàXLATK. 47
teinturiers occupèrent auprès des princesses royales on de ces
postes de confiance qui, tout en laissant dans Pombre leurs
titulaires, leur procurent auprès des puissants un accès quotidien,
assurant ainsi leur influence et leur fortune bien mieux que
les situations plus brillantes, toujours exposées aux vicissitudes
des événements politiques.
Cette seconde parvenue, qui se nommait Marie Gobelin, est la
propre sœur de Claude*. Marie prend le titre de femme de
chambre de la reine d^Écosse, l'infortunée Marie Stuan>, dans
son acte de mariage avec René Legrand, valet de chambre de la
reine de Navarre, qu^elle épouse en secondes noces, après être
devenue veuve de son premier mari, un certain Jean Poliet.
Une donation mutuelle insérée dans le contrat de mariage des
nouveaux époux nécessite l'inscription de l'acte dans les registres
des insinuations au Châtelet, et c'est ainsi que le souvenir de
Marie Gobelin, la femme de chambre de Marie Stuart, a été sauvé
de l'oubli».
Jean Gobelin l^aÎnâ, fils de Catherine Langlois.
L'année même que Marie Gobelin épousait en secondes noces
un valet de chambre de la reine de Navarre, une de ses proches
parentes, Geneviève, devenait la femme de Charles Legrand,
sans doute un frère ou un cousin de René Legrand, le valet de
chambre de la reine de Navarre. Sur l'acte de mariage, Charles
Legrand prend le titre de secrétaire de la reine mère et du duc de
Savoie, commissaire général de Tartillerie de la marine, demeu-
rant à Saint-Germain-en-Laye. Le contrat de mariage, daté du
18 mars i58i ^, établit que la jeune mariée apportait en dot une
somme assez ronde. Sa mère, Marie Augrain, veuve de Philibert
Gobelin, décédé depuis plusieurs années déjà^ lui constituait
1,333 écus et un tiers d'écu d'or, provenant de divers dons dont
le principal, soit 800 écus, avait été offert par Jean Gobelin, son
cousin.
Le même Jean Gobelin portait une affection presque paternelle
1. Voy. ci-dessus, p. 36.
2. La présence de Marie Gobelin auprès de Marie Stuart s'explique tout
naturellement par le crédit que sa sœur Claude avait dû garder sur son
ancien nourrisson, le mari de la reine d'Ecosse.
3. Arch. nat.y Y ia3, foi. 46. L'acte porte la date du 17 mai,
4. Arch. oat., Y 122, fol. 429 r*.
46 LES G<HIBLIN
Henri et de Catherine de Médicis, venu au monde le 19 ou le
20 janvier 1 544. Voici donc le ménage installé à la Cour, dans
une des situations les plus enviées, ayant à tout moment, de par
ses fonctions, accès auprès des membres de la famille royale, en
passe enfin d'arriver à la plus brillante ft>rtune. Il fallut attendre
quelques années la réalisation de ces espérances; mais, à peine
montS sur le trône, le roi Henri II s'empressait de témoigner à
la nourrice de son fils aîné une vive reconnaissance de ses soins
dévoués.
L^avènement du roi est du 3 1 mars et, dès le 8 juin suivant,
ordre était donné au trésorier général des finances extraordinaires
et parties casuelles de délivrer « à nostre chère et bien amée
c Claude Gobelin, nourrisse de nostre très cher et très amé filz le
t Daulphin, la somme de cinq cens escuz d^or soleil, en faveur
c des bons et agréables services qu^elle a cy-devant faictz à nos-
c tredict filz et faict encores chascun jour, et à ce qu'elle ait meil-
c leur moyen de soy plus honnorablement entretenir près etalen-
c tour de sa personne, etc.*... >
L'acte ajoute c et ce oultre et par dessus ses gaiges et aultres
« dons et bienfTaictz qu'elle a euz cy-devant de nous et pourra
c avoir cy-après. »
Moins d^un mois après la date du mandement, le 2 juillet,
Claude Gobelin recevait les 5oo écus d'or, valant, dit la quit-
tance qui fait partie du même dossier^ à 45 sous tournois
pièce, 1, 125 livres tournois, somme énorme pour l'époque et qui
montre le degré de fiiveur dont jouissait la nourrice du jeune
Dauphin. Cette particularité intime explique le rapide avènement
de plusieurs descendants de nos teinturiers aux postes les plus
élevés de la magistrature et des finances. Sans contester aucune-
ment leur mérite ou leurs aptitudes, il fellait une circonstance
exceptionnelle, un incident heureux pour les tirer de leur obscu-
rité, les faire sortir de leur condition tx>urgeoise. Nul doute que le
crédit de leur parente n'ait contribué dans une large mesure à leur
avènement. C^est ainsi que la nourrice de François II put deve-
nir la toute-puissante protectrice des teinturiers de la Bièvre
et préparer, par son influence à la Cour, les hautes destinées de ses
proches. Elle ne fut pas d'ailleurs la seule femme de la famille
qui sut se pousser à la cour, et plusieurs autres filles de nos
I. Voy. Pièces justificatives N et O.
ET Maue Gobbun.
La feunîDe Gobdin caût aniTée à h plus haute &>rtune à
Uiuelk soo onffnt et son iodosme lui pcrmisseat d'aspirer,
et peat-én n*eàt-eUe iamais dêpané les emplois réservés à la
boône booigiDotsîe parisien nr^ si une drooostance toute fortuite
n'était venue ouvrir à son ambition de nouveaux horizons.
Clauie Gobelia. fille et dernier enfuit de Jean Gobelin, sei-
gneur de la Tour, et de Geneviève ou Marie Le Lorrain^ et par
conséquent arriêre-petite-fiUe de Jean, le fondateur de la dynas-
tie« avait épousé un certain Nicolas Godefroy avant i543, car,
au cours du mois d^octobre de cène année i543, elle assiste son
mari dans un transport consend à Pierre Noël, meunier, demeu-
rant au moulin de Couppeaux, d*un arpent de terre près les
saussaies de Saint-MarceL Les clauses de Tacte importent peu; ce
qu'il nous apprend d'essentiel, c^est la date approximative du
mariage de Claude Gobelin avec Nicolas Godefroy*.
Nouvelle comparution de Claude Gobelin, en 1 544, à un contrat
par lequel son mari cède à loyer à Michel Le Prost, teinturier de
draps, moyennant douze livres tournois, la moitié d'une maison
portant pour enseigne « le Marmouzet', > faisant partie des biens
propres de Claude Gobelin^. Cène moitié de maison provenait de
la succession des père et mère de Claude; l'autre moitié, sous un
comble commun, appartenait à la veuve et aux héritiers de feu
Jacob du Pré. Cette propriété indivise, située dans la grand'rue
Saint-Marcel, près la pone des champs, touchait par derrière aux
fossés Saint-Marcel.
Dans Tacte qui vient d*étre analysé, Nicolas Godefroy prend la
qualité de « vallet de chambre de Monseigneur le Daulphin ; »
il s^agit du prince qui montera sur le trône quelques années plus
tard sous le nom de Henri II.
La place de confiance occupée par le mari contribua sans
doute puissamment au choix fait, au cours de cette même
année 1 544, de Claude Gobelin comme nourrice du fils aîné de
1. Voy. ci-dessus, p. 36.
2. Arch. nat., S* 1936, foL iSg V.
3. Serait-ce cette enseigne qui aurait laissé son nom à la rue des Mar-
mousets encore existante?
4. Ârch. nat., S 192 1 a.
44 1*85 GOBELIN
Nos Oinaye paraissent devoir être mis au nombre des premiers
adhérents à la religion réformée. Le distingué secrétaire de la
Société de Vhistoire du Protestantisme français nous signale
une lettre, datée du i3 juillet i524, signée de Jean Canaye,
adressée à Guillaume Farel, originaire de Gap, en Dauphiné^
Ce personnage, après avoir été professeur au collège du Car-
dinal Lemoine, devint un des principaux réformateurs de la
Suisse. Jean Canaye écrit à Farel, dont il avait été l'élève,
qu^il venait de commencer Pétude du grec et du latin (sa lettre est
écrite en latin), afin d^acquérir une intelligence plus complète de
PÉcriture sainte. Il avait donc embrassé les idées nouvelles et doit
être compté parmi les premiers huguenots parisiens.
Il est bon de noter aussi un détail tout récemment rencontré
dans un manuscrit inédit du Journal de L'Estoile. Bernard
Palissy, jeté à la Bastille après avoir dépassé l'âge de quatre-
vingts ans, y mourut de faim et de misère pour avoir refusé d'ab-
jurer ses croyances. Il se trouva cependant quelques âmes cha-
ritables pour l'assister dans cette dure extrémité, et parmi ces
courageux soutiens du noble martyr se rencontre le nom d*un
Canaye'. Ce n'est pas, certes, le moindre titre de noblesse de
cette famille qui a joué de son temps un rôle que nos Gobelin
ont fait complètement oublier. Il est vrai que les Canaye n^eurent
pas la bonne fortune d'avoir pour successeurs les fondateurs d^une
de nos plus glorieuses industries d'art.
Si les Peultre, comme les Gobelin, avaient un jardin sur la
rive gauche de la petite rivière qui les séparait du domaine des
Cordelières, les Canaye ne semblent pas avoir joui du même
privilège. En face de leur habitation s'étend le mur du jardin des
religieuses. Ils ne possédaient pas, d'ailleurs, de galerie ou pont
sur la rivière faisant communiquer la maison d'habitation avec
l'autre rive, tandis qu'un passage couvert, une galerie joint, comme
on Pa dit plus haut, les deux côtés de la Bièvre vis-à-vis de la
teinturerie des Gobelin.
1 . Cette lettre se trouve à la Bibliothèque nationale, dans l'ancien fonda
Dupuj, où M. Weisa l'a découverte.
2. Bull, de la Soc. du Protestantisme français, i5 oct. 1901, p. 543.
TEINTURintS EN iCARLATE. 43
Les Canaye avaient des relations d'a&ires très étendues. Une
de leurs sœurs épousa un négociant d^ Anvers, nommé Haffe-
mans^ Ils possédaient des représentants en différentes villes de
France, et Tun de ceux-ci, à la suite d'un procès criminel, fut con-
damné à mort et exécuté à Toulouse en i568^.
passage du c Registre d'emprunts forcés, fetts par ordre de la reine mère
Catherine de Médicis pendant les mois d'août-décembre i36a » (manuscrit
in-fol. de 38 ff.)» renseignement qui nous a été très obligeamment com-
muniqué par M. Petrovitch :
a Le 7 octobre 1 56a : A honorables hommes, M** Jehan et Pierre Canaje,
frères, marchans, demeurant à Saint Marcel lez Paris, la somme de
i,8oo livres tournois, de laquelle ils ont faict prest à ladicte dame, royne
de France dessus dicte, laquelle somme, du consentement desd. s'* procu-
reurs, a esté en la présence des notaires soubzcriptz, comptée et nombrée
comptant par les mains de honorable homme Jehan Gobelin, aussi mar-
chand, demeurant audit Saint Marcel, en 6oo écus sol., à 5i sols pièce,
6o angelotz, à 4 livres 4 sols pièce, et le reste monnaye, des deniers prove-
nuz de la vente aujourd'huy faicte audit Gobelin par honorable homme,
M* Jacques Canaye, advocat en la Court de Parlement, comme procureur
desdits Jehan et Pierre Canaye, ses frères, de i5o boestes de pastel ausdits
M*' Jehan et Pierre Canaye appartenant, es mains de noble homme Raoul
Moreau, conseiller, etc. »
Ainsi, Jacques Canaye a vendu pour le compte et au nom de ses firèros
Jean et Pierre, marchands (teinturiers) à Saint-Marcel, cent cinquante bottes
de pastel servant à la teinture, à Jean Gobelin, aussi teinturier à Saint-
Marcel, au prix de 1,800 livres tournois, et les vendeurs, au lieu de tou-
cher directement cette somme, chargent l'acheteur de la verser en leur
nom, à titre de prêt, à la reine mère Catherine de Médicis. Nous avons là
un nouvel indice des relations intimes et fréquentes de nos teinturiers de
Saint-Marcel avec les plus hauts personnages de la cour. D'ailleurs, dans
notre étude sur Tapothicaire parisien Nicolas Houel, fondateur de la Mai-
son de la Charité chrétienne au faubourg Saint-Marcel, nous avons signalé
la protection accordée par la femme de Henri III, Louise de Lorraine, et
aussi par la reine mère Catherine, à certaines fondations pieuses de notre
quartier.
Il est à remarquer aussi que cette somme de 1,800 livres d'emprunt
forcé, à laquelle les Canaye furent taxés en i562, indique que leur fortune
atteignait dès lors un chiffre élevé, car, dans le même registre, les duchesses
d'Étampes et de Valentinois ne sont imposées que de 1,200 livres. La diffé-
rence est caractéristique. N'avaient-ils pas consenti ce prêt pour s'assurer
l'appui de la reine s'ils venaient à être inquiétés pour leurs croyances reli-
gieuses ?
1. Bull, de la Soc. du Protestantisme français^ i5 déc. 1898, p. 669.
2. Ch. Pradel, Mém. de VAcad. des sciences ^ inscriptions et belles-lettres
de Toulouse, 1889-90, tirage à part (28 et 40 p.). L'article porte ce titre :
Un marchand de Paris au XVI* siècle.
41 LES GOBBLIN
Tendroit où commence aujourd'hui la ruelle des Gobelins. Immé-
diatement après cette dépression de l'abreuvoir se présente une
succession de pignons un peu différents sur les deux plans qui
les représentent, mais désignés, sur Tun comme sur Tautre, sous
le nom de maison des Gobelin. Le pignon le plus rapproché de
Tabreuvoir est signalé comme « ancienne maison et ouvrouer de
c feu Jehan Gobelin. » De quel Jehan Gobelin le plan veut-il
parler? Nous en avons déjà rencontré trois au moins : Jean l'an-
cien, Fauteur de la dynastie, son fils puîné, dit Jean Taîné, le
mari de Catherine Langlois ; enfin Jean le jeune, seigneur de la
Tour, fils de Philibert. Il semble probable qu'il s'agit ici du chef
de la famille, de Jean Tancien. Par suite, le pignon portant l'ins-
cription rapportée ci-dessus aurait été le siège du premier établis-
sement de nos teinturiers.
Sans doute, le dessin du plan ne présente qu'une image assez
confuse des bâtiments du xvi* siècle; encore peut-on reconnaître
à certains détails, tels que ce pignon trilobé, voisin de la galerie
couverte, une certaine préoccupation d'exactitude.
Ces pignons désignés comme la maison des Gobelin corres-
pondent exactement aux bâtiments actuels de la manufacture, de
même que ceux qui portent la légende « maison des Canaye »
occupent l'emplacement où s'élèvent aujourd'hui les dépendances
de l'immeuble dit de la reine Blanche. Ce serait donc la famille
des Canaye qui aurait élevé, vers le commencement du xvi« siècle,
les anciens bâtiments dont il a été question plus haut et qui pas-
sèrent par erreur pour l'ancienne demeure d'une reine de France.
La Famille des Canaye.
Les Canaye n'avaient rien à envier à leurs voisins immédiats.
Ils virent comme eux leur industrie prospérer et parvinrent à
la considération que donne la fortune acquise par le travail. Des
alliances entre les Gobelin et leurs voisins établirent des liens
étroits entre les deux familles; elles payèrent aussi leur dette aux
idées nouvelles, en fournissant l'une et l'autre des adhérents à
la Réforme, ce qui explique qu'une partie de l'état civil de
nos teinturiers se soit retrouvée dans les registres du temple de
Charenton*.
1. Nous trouvons les deux familles Gobelin et Canaye déjà intimement
liées au milieu du xvi* siècle. Ces relations d'amitié sont révélées par un
TEINTURIERS EN &:ARLATE. 4I
Que la haye faictc sur le bort d'icelluy par les Gobelias est fichée
en partie dedans leur muraille et sur le condoz susdit.
Pour raison de tout ce ont formé diverses instances possessoires,
hors mise celle des bornes que a esté commencée par extraordinaire
et depuis convertie en ordinaire.
A ces assertions, Tavocat des Gobelin réplique :
Les Gobelins ont soustenu partout possessions et ùâctz contraires.
Y a eu enquestes faictes de par et d^aultre.
Les Cordelières, combien qu*il fut question de choses notoires par
tout le faulxbourg Sainct Marcel, ont faict examiner tesmoings leurs
serviteurs domestiques et vivans de leur pain, ou pauvres mandians
logez en leurs louaiges et vivans de leurs aulmosnes, comme apperra
par les reproches baillées contre eulx par les Gobelins.
Les Gobelins, au contraire, n'ont faict examiner que gens de aorte
non rcprochables, et par iceulx pensent avoir prouvé leurs possessions
et faictz.
Quant aux Cordelières, elles n'ont produict aucun tiltre parce
qu'elles n'en eurent oncques.
Les Gobelins en produisent plusieurs anciens, portans que leurs
prez joignent aux murailles des Cordelières.
Sera prouvé, si besoing est, par voix commune de Sainct Marcel,
que jamais sur le condoz n'y eust de chemin et n'y passèrent oncq
les Cordelières, ny leurs gens, pour aller en leur maison; mais veulent
à présent usurper Icdict lieu, dont elles n'ont que faire, sur lesdictz
Gobelins qui y ont très grant interest parce que leur pré et jardin
seroient descloz et perdroient plus d'ung dcmy arpent de pré de leur
heritaige qui leur demoureroit quasi inutile par ce moyen.
Sur le procès pendant devant le Parlement les plans des jar-
dins sont peut-être fort instructifs; mais combien plus intéressants
aujourd'hui sont ceux qui nous donnent la situation des bâti-
ments alignés sur la rive droite de la Bièvre et remplacement pré-
cis des trois maisons des Peuhre, des Gobelin et des Canaye!
Comme les Gobelin, les Peuhre exercent le métier de teintu-
riers; leur atelier ou « ouvrouer » est situé un peu au-dessous du
moulin de Croulebarbe, en amont de l'abreuvoir qui les sépare
de la maison des Gobelin. Sur la rive gauche de la rivière, ils pos-
sèdent un terrain confinant à celui des Gobelin et au grand jardin
des Cordelières. Leur nom s'est rencontré plusieurs fois dans
Ténumcration des propriétaires coniigus aux Gobelin.
Entre les Peuhre et nos teinturiers, la rue Croulebarbe descend
en pente douce jusqu'à la Bièvre pour former un abreuvoir à
r
TRINTURIERS EN éCARLATE. 49
Si Geneviève Gobelin doit être considérée comme une riche
héritière, son mari possédait de son côté une large aisance.
Le père de Charles Legrand, greffier de la gruerie de Saint-Ger-
main-en-Laye, lui avait constitué en dot une maison, avec ses
dépendances, sise à Tillancourt, près de Saint-Germain-en-Laye,
valant 400 écus d^or*.
L'union conclue sous de si brillants auspices n^eut pas une
longue durée. En 1 587, Geneviève Gobelin, veuve de Charles
Legrand, qualifié alors commissaire de la marine, épousait en
secondes noces Charles Duval, notaire es cours ecclésiastiques de
Paris, demeurant cloître Notre-Dame. Le contrat porte la date du
26 février 1 587. La jeune femme habitait alors le faubourg Saint-
Marcel, probablement dans sa famille. Parmi les témoins cités se
trouvent les noms des deux frères de la mariée : Nicolas Gobelin,
marchand à Paris, et Philibert Gobelin, religieux à Fontevrault,
de son beau-frère René Legrand, valet de chambre de la reine de
Navarre, et enfin de Philibert Gobelin, sieur de Saint-Germain-
dcs-Arcz, son cousin*.
Le teinturier du faubourg Saint-Marcel, avant de prodiguer
ses libéralités à cette Geneviève, fille de son cousin Phili-
bert, avait fait preuve de la même générosité en faveur d'une
autre fille de Philibert et de Marie Augrain, nommée Blanche.
Le ig juin 1564, Jean Gobelin, qualifié dans Taae marchand
teinturier en écarlate et bourgeois de Paris, demeurant à Saint-
Marcel, lui faisait donation de la moitié de la maison sise à Saint-
Marcel, grand'rue, ayant pour enseigne PÉcu de France, et, en
plus, d^une somme de 3, 000 livres tournois, en faveur de son
mariage, sous réserve de Tusulruit de cette maison pour les
parents de la donataire, c'est-à-dire de Philiben Gobelin et de sa
femme Marie Augrain ou Augran^.
De ce qui précède il résulte que Jean Gobelin, petit-fils du fon-
dateur de la dynastie, appartenait à la branche la plus riche de
la fomille. Il possédait dans le faubourg Saint-Marcel des maisons,
des terres, sans parler des rentes sur THôtel de Ville, et aucun de
ses parents ne parait avoir contribué plus généreusement que lui
à rétablissement des membres de la famille.
I. Le contrat est du 18 mars i58i. Ârch. nat., Y 12a, fol. 429 r*.
a. Ardu nat., Y lag, fol. m r*.
3. Arch. nat, Y io5, fol. 168 v.
ll^ll. zzzi 4
50 LBS QOBELIN
Il vivait encore en i58i, lors du mariage de sa petite cousine
Geneviève, puisqu^il figure au contrat de mariage comme dona-
teur; il dut mourir peu de temps après, dans un âge avancé,
après avoir exercé son métier de teinturier pendant près d'un
demi-siècle. Ayant perdu son père quand il était encore bien jeune,
car celui-ci était mort vers i5i5, il sut assurer par son travail la
prospérité de son industrie et fit, comme on vient de le voir, le
plus noble usage d'une fortune noblement acquise ^
Notre Jean Gobelin, fils de Jean, dit Faîne, mort en i5i3, et
I. Dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale (portant le n* fr. loSog)
est transcrit le testament d*un Jean Gobelin, mort sans enfants le 24 janvier
x584 et ayant pour héritiers son père Jehan, vivant encore, et son frère.
L'acte le désigne sous le titre d' c honorable sire Jehan Gobelin le jeune. >
Il demeurait dans le voisinage de la Bièvre et demanda à être enseveli à
Saint-Hippolyte, au lieu où reposent sa mère, ses parents et ses amis. Sa
veuve, Magdeleine Le Prestre, est nommée exécutrice testamentaire. Le
défunt fait de nombreuses donations aux églises et aux établissements cha-
ritables : 5oo livres à THôtel-Dieu, 5oo livres au bureau des pauvres et
des sommes diverses aux Quinze- Vingts, à l'Ave-Maria, aux Cordelières de
Saint-Marcel. Il dispose de 3,ooo écus en faveur de son neveu et distribue
des legs moindres entre ses parents et amis. Le testament, reçu par le curé
de Saint-Hippolyte, ne dit pas la profession du défunt. ^ Mais, dans les
Obituaires de la province de Sens publiés par Aug. Molinier, on trouve la
mention suivante (p. 834) : c 24 janvier. Ce jour est decedé Jehan Gobelin,
c lorsqu'il vivoit marchand bourgeois de Paris, teinturier en escarlatte,
« demeurant à Saint Marcel, mary de dame Madeleine Le Prestre. > Plu-
sieurs autres membres des Gobelins et Canaye sont cités dans ces obi-
tuaires. Voici ces mentions :
P. 864. — 2 janvier : une basse messe pour feu Jehan Gobelin (lequel i).
2 janvier : une basse messe pour feu Thibault Canaye.
3 janvier : une basse messe pour feu Philibert Gobelin (lequel ?].
4 janvier : une basse messe pour feu Severin Canaye.
6 janvier : une basse messe pour feu Jehan Gobelin, fil2 du dessusdit
Jehan Gobelin.
7 janvier : une basse messe pour feu Françoys Canaye.
II janvier : une basse messe pour feu maistre Jehan Gobelin, prebstre.
P. 855. — 29 mars : une basse messe pour feu Marie Gobelin, veufve de
feu Jacques de Clermont.
17 août : une messe basse pour feue Marie Gobelin, veufve de feu Jacques
Clermont. Cette Marie était un des treize enfants de Jean I*' du nom. Voyez
ci -dessus, p. 14.
Ces extraits sont tirés des obituaires de Saint-Hippolyte, Saint-Marcel.
Le nécrologe de Pabbaye de Saint-Denis, publié dans le même ouvrage
de Molinier, contient cette mention (p. 334) : 21 décembre, c Ob. Richar-
dus Gobelin, monachus ad suce, i Nous devons la connaissance de ces articles
à l'obligeance de notre confrère M. Vidier.
TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 5l
de Catherine Langlois, continua la troisième branche issue de la
souche commune, remontant au milieu du xv« siècle. Plusieurs
manuscrits du Cabinet des titres à la Bibliothèque nationale
donnent les noms de ses descendants ; mais les divers manuscrits
présentent des divergences notables. Suivant Tun d^eux, il aurait
eu quatre enfants^ : i*" Jean, conseiller du roi et maître ordi-
naire en là Chambre des comptes; 2^ Philibert; 3<* Marie;
4® Catherine. Il y a là une confusion certaine, car on a vu que
Philibert, Marie et Catherine étaient frère et sœurs et non
enfants de Jean Gobelin, dit l'Ancien.
Aux enfants de Jean Gobelin, un autre manuscrit' ajoute
Jacques, marchand drapier à Paris, marié à Nicolle Croquet, dont
il eut un fils et deux filles : Jean,secrétairedelaChambreduroi,qui
laissa, lui aussi, un fils et deux filles. Une de ses sœurs s^appelait
Mathurine et épousa Léonard de Vallengelin, bourgeois de Paris;
l'autre, Marie, fut mariée à Gilles de Laubespine, trésorier des
panies casuelles. Les enfants de ce dernier Jean Gobelin, fils de
Jacques, se nommaient Jacques, Denise et Jeanne. Comment s'y
reconnaître au milieu de ces constantes similitudes de noms com-
pliquées d'incessantes contradictions?
Ce Jacques, fils de Jean et petit-fils d^un autre Jacques, devint
maître des comptes à Rouen; il épousa Anne Le Prestre; son fils
Claude fut maître des requêtes et eut pour femme Anne Ardier.
La sœur de Jacques, nommée Denise, se maria deux fois, d'abord
avec un certain Tronson, puis avec Jean Marcel, bourgeois de
Paris. L'autre sœur, Jeanne, devint la femme d^Étienne Guérin,
auditeur des comptes.
Les descendants du vieux teinturier de? bords de la Bièvre
s'étaient multipliés à Tinfini et avaient su caser beaucoup de leurs
nombreux enfants dans des emplois de finances. Nous n'en fini-
rions pas s'il fallait reconstituer l'arbre généalogique complet des
Gobelin. Aussi bien, l'histoire des membres de la famille cesse-
t-elle d'offrir de l'intérêt à mesure qu'ils s'éloignent de plus en
plus de la souche commune. Il suffira de s'arrêter un instant à la
biographie de ceux qui occupèrent des situations considérables
dans l'administration financière et dans Tarmée.
1. F. fr. 3o365.
a. F. fr. 18669, fol. 37 V.
52 lbs gobelin
Balthazar Gobblin, président de la Chambre des comptes,
ET ses descendants.
On a donné ci-dessus^ la généalogie de la branche aînée de la
famille Gobelin. De Philibert, le premier fils de Jean l'ancien,
était issu Jean, seigneur de la Tour, dont le quatrième fils,
Jacques, eut trois fils et une fille. Ce Jacques est le père de Bal-
thazar l'aîné, qui devint la plus haute illustration de la famille.
Nous ignorons la date de sa naissance; elle peut se placer
vers 1545. Il débuta sans doute fort jeune dans les emplois
publics, oti il occupe un poste élevé en iSyô, pour ne disparaître
qu'après 1617. ^^ épouse, le 18 juillet iSyi, Anne de Raconis',
fille de Galois de Raconis, commissaire ordinaire de Tartillerie,
et de demoiselle Anne Midorge. En cette circonstance, Balthazar
est qualifié noble homme, conseiller du roi et trésorier général de
son artillerie. Secrétaire du roi en i585, conseiller d'État quelques
années plus tard, il devient successivement trésorier général extra-
ordinaire des guerres (t588), trésorier de Tépargne (i 589-1600),
conseiller du roi en ses Conseils d*État et privé en ibgS, et,
quelques années plus tard (1604), président de la Chambre des
comptes, en remplacement d^ Antoine Guyot, seigneur de Char-
meaux.
Anne de Raconis' lui donna six enfants : trois fils et trois filles.
Voici leurs noms et qualités :
I** Balthazar, chevalier, seigneur de Brunvillers*, secrétaire du
roi, par résignation de son père, en janvier iSgô; il garda cet
ofiice jusqu^en 1620. Il occupa successivement les fonctions de
trésorier de l'épargne, de conseiller au Conseil d'État et enfin
devint, comme son père, président en la Chambre des comptes. Il
avait épousé Madeleine de Laubespine, fille de Claude de Lau-
bespine, seigneur de Verderonne, président en la Chambre des
comptes et secrétaire des ordres de France. Il mourut le 24 juil-
let 1646.
I. Voy. p. 35-36.
a. Bibl. nat., ms. fr. 31046.
3. La femme de Balthazar mourut à la fin de l'année 1620 ou au début
de 162 1, d'après Taccord, en date du xo février 1621, pour le partage des
biens d'Anne Raconis entre Balthazar Gobelin, son mari, ses fils et filles.
4. Brunviilers-la-Motte, arr. de Qermont, cant. de Saint-Just (Oise).
TEINTURIERS EN iCkSLLATE. 53
S** Thomas, maître des comptes et secrétaire du roi (i6o6-i6i 2),
épousa Hélène Luillier. Le mariage fut cassé pour cause d'im-
puissance.
3« Qaude, femme de Raymond Phélipeaux, seigneur d*Her-
baut, morte en 1 63o.
4<> Marthe, épouse de Jacques, seigneur d*Estournel, capitaine
des gardes du corps du roi. Elle mourut en 1627.
5^ Anne, mariée à Thomas Lescalopier^ seigneur de Plainviile,
président au Parlement et chevalier de la reine, mort en octobre
1620. Elle-même cessa de vivre avant 1629.
6* Pierre, seigneur du Quesnoy, maître des requêtes en 1626.
Sa femme, Marguerite Le Bret^ était fille de Cardin Le Bret,
avocat général et doyen du Conseil.
fialthazar Gobelin, deuxième du nom, eut lui-même six enfants
de Madeleine de Laubespine :
i^ Balthazar, mort jeune, sans enfonts.
Nous avons rencontré à la date de 1602 un Balthazar Gobelin
conseiller, notaire et secrétaire du roi, maison et couronne de
France. Peut-être ce notaire du roi serait-il le petit-fils et le fils
des présidents en la Chambre des comptes. Toutefois, cette iden-
tification laisse des doutes.
2» Anne, seigneur de Brunvillers^ mestre de camp du régi-
ment d'Auvergne, mort en 1644.
3® Antoine, seigneur et marquis de Brunvillers après la mort
de son frère, colonel du régiment de Normandie. Il avait d*abord
été destiné à Tordre de Malte. La mort de ses frères fit passer sur
sa tête la fonune et les titres de la famille. Il épousa Marie d'Au-
brai, fille de Dreux d'Aubrai, lieutenant civil au Châtelet de
Paris, fameuse par ses crimes sous le titre de marquise de Brin-
villiers, et brûlée en place de Grève en août 1676. Un ancien bio-
graphe ajoute : « Elle a laissé des enfants de son mari qui est un
« misérable et s'est remarié avec la fille d'un cabaretier suisse. » Le
fils de la trop fameuse marquise était le comte d'Offémont, marié
à Anne de Saint-Messan, qui lui donna trois enfiints. Il vivait
encore en 1700.
4® Marthe.
5» Marie, qui se fit religieuse à Jouarre.
6® Claude, mariée à Louis de Grimonville.
54 LES GOBELIN
Il convient de revenir en arrière et de résumer les détails que
nous ont conservés sur les deux Balthazar, père et fils, les docu-
ments contemporains.
Balthazar Gobelin Taîné fut, on Ta vu, un personnage consi-
dérable. Il s^était élevé par son mérite aux plus hautes charges.
Parmi les nombreuses quittances qu'il a signées d'une belle écri-
ture et d'un pompeux paraphe, certaines constatent les rembour-
sements de sommes importantes, allant parfois jusqu'à dix mille
écus, prêtées au roi « en ses urgens affaires. > Il devenait ainsi un
des soutiens les plus dévoués de la monarchie et savait par
d'utiles services se créer des titres sérieux à la reconnaissance de
ses maîtres. Fut-il du nombre des membres de la &mille qui aban-
donnèrent le catholicisme pour s'attacher à la Réforme? Cette con-
version n'eût pas manqué de consolider sa faveur auprès de
Henri IV. Mais nous n'avons pas de données positives sur ce
point. Tout ce qu'on sait de source certaine, c'est qu'un certain
nombre de représentants de la famille Gobelin, surtout parmi les
artisans du faubourg Saint-Marcel, s'étaient convertis au protes-
tantisme vers la fin du xvi* siècle. M. Lacordaire l'a établi depuis
longtemps ^
Un &aum imprimé en 1629 donne quelques renseignements
sur les parents les plus proches de notre président en la Chambre
des comptes. Balthazar Gobelin le jeune, héritier quant aux propres
de feue Anne Gobelin, sa sœur, veuve du s' de Plainville^, se trou-
I. M. N. Weiss, dont la compétence s'étend à tout ce qui se rapporte aux
origines de la religion réformée, a consacré, dans le Bulletin de la Société
de l'histoire du Protestantisme français de 1899 (t. XLVIU, p. 138-164),
une étude sur les lieux d'assemblées huguenotes à Paris avant TÉdit de
Nantes; il y est souvent question des Gobelin et du quartier qui nous
occupe. D*après le savant historien du protestantisme, les premiers Gobe-
lin convertis à la religion nouvelle furent deux frères François et Nicolas
Gobelin, fils d'un autre François. En i362, ils étaient en pension chez
Mathieu Beroald, dont le livre de raison nous a conservé leurs noms avec
ceux de trois de leurs cousins, pensionnaires aussi chez le même profes-
seur. Nous devons à Tobligeance de M. Weiss une liste des protestants ins-
crits sur les registres du temple de Charenton, du nom de Gobelin, ayant
vécu au XVII* siècle.
a. Ce factum imprimé n'est pas d'accord avec la généalogie donnée plus
haut (p. 52). D'après le document analysé ici, ce serait Marthe et non Anne
qui aurait épousé le président Lescalopier et Anne était dame de Plainville.
Enfin, Marthe n'était pas morte en 1627, puisqu'elle paraît en personne au
TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 55
vait alors en procès avec Thomas Gobelin, sieur du Val, Pierre
Gobeiin, sieur du Quesnoy, et Marthe Gobelin, veuve du pré-
sident Lescalopier, ses frères et sœur, légataires universels des
meubles. D'autres documents contemporains établissent que
Pierre Gobelin, sieur du Quesnoy, fut successivement conseil-
ler au Parlement et commissaire aux requêtes du palais (1621),
puis conseiller du roi et maître des requêtes ordinaire de Thôtel
(1625). Le vieux Balthazar jouissait donc d'un grand crédit à la
cour pour avoir su caser aussi avantageusement tous ses enfants.
Il dut leur laisser aussi une fortune considérable, à en juger par
les avances faites au Roi.
Un troisième et dernier Balthazar Gobelin, probablement d^une
ligne collatérale, paraît en 1602 dans une quittance avec le titre
de conseiller, notaire et secrétaire du roi, maison et couronne de
France. Cest tout ce que nous avons pu savoir de lui.
Pour terminer avec ces derniers descendants de nos teinturiers,
il convient de revepir sur Balthazar le jeune et sur son fils, le
marquis de Brunvillers, et de fournir certains détails n^ayant pu
trouver place dans les notices biographiques qui précèdent. Bal-
thazar Gobelin habitait avec sa femme, Madeleine de Laubes-
pîne, un hôtel de la rue Neuve-Saint-Paul. On sait que le quar-
tier du Marais était fréquenté, sous Louis XIII, par le monde
parlementaire et la haute société. L'inventaire * dressé après la
mort de Balthazar Gobelin le jeune, décès survenu le 24 juillet
1646, donne au défunt les titres de chevalier, de seigneur de
Sains- Morinvillers, le Quesnoy et Brunvillers, et de conseiller
du roi en ses conseils. Par un acte antérieur, Balthazar et sa
femme avaient fait donation à Antoine, leur fils, encore mineur,
c^est-à-dire âgé de moins de vingt-cinq ans, d^une maison sise à
Paris, rue Neuve, sur la paroisse Saint-Paul, des terres de Sains-
Morinvillers, le Quesnoy et Brunvillers, plus d'une somme de
3oo,ooo livres tournois^ d'une tapisserie en huit pièces représen-
partage de 1629. Ces contradictions sont fréquentes dans les documents
concernant nos parvenus. Ils semblent n'avoir pas regardé de trop près aux
généalogies qu'on leur fabriquait pour soutenir leurs prétentions nobi-
liaires.
I. Arch. nat., Y i85, fol* i56 v*. Ces renseignements nous ont été com-
muniqués par M. Emile Campardon, chef de section aux Archives, que nous
remercions ici de son obligeante communication.
56 LBS 60BELIN
tant V Histoire de Psyché*, de quatre tableaux originaux du Bas-
san, représentant les Quatre Éléments et, en plus, des meubles,
des bijoux, de la vaisselle d'argent, etc., etc.
La fortune de cette partie de la famille était donc énorme et
Antoine Gobelin constituait un très brillant parti au moment
où il était fiancé, le mardi 19 décembre i65i,à Marie-Madeleine
d'Aubrai, la fille du lieutenant civil, alors âgée d*une vingtaine
d'années'. Le mariage fut célébré sous les plus Seivorables aus-
pices et rien ne laissait alors prévoir les sombres drames qui
devaient plus tard épouvanter Paris.
Dans son acte de mariage, Antoine Gobelin se qualifie cheva-
lier, seigneur de Saintes-Moranvillières (sic)^ marquis de Brun-
villers, sans qu'on sache comment la modeste seigneurie de 1646
s^était transformée en marquisat dès i65 1.
Nous n'avons pas à résumer ici ce Drame des poisons, que
M. Funck-Brentano a raconté dans tous ses détails diaprés les
documents conservés dans les archives de la Bastille.
De son mariage, notre marquis de BrunviUers avait eu trois
enfants; c^est à Jal que nous devons encore ce détail : d*abord
deux filles, Marie-Madeleine, baptisée à l'église Saint-Paul le
17 novembre i652, puis Thérèse, dont le baptême fut célébré le
3o mars 1654. Quant au troisième enfant, qui reçut le prénom
de Louis et prit le titre de comte d^Offémont, comme on Ta vu
plus haut, il naquit en 1662 et fut tenu sur les fonts baptismaux
par Louis Phélipeaux, seigneur de la Vrillière, secrétaire d'État,
et par Marie Amelot, veuve du président de Nicolaî. Dans les
actes, le père prend les titres pompeux de haut et puissant sei-
gneur messire Antoine de Gobelin, marquis de Branvilliers (sic),
mestre de camp en Normandie. Nous voici loin des modestes
teinturiers qui avaient débuté sur les bords de la Bièvre.
Palliot a décrit les armoiries de la famille dans les termes
suivants' : « Gobelin, dont des présidens à la Chambre des
1. Probablement de la fabrique des Comans et des de la Planche, ins-
tallée depuis 1601 dans l'ancien établissement des Gobelin. 11 existe encore
plusieurs exemplaires de cette tenture. L'un d'eux fiait partie du mobilier
national et se voit dans les appartements du palais de Fontainebleau.
2. Jal, Dictionnaire critique^ article Brinvilliers, col. 282.
3. La Vraye et parfaite science des armoiries, Dijon et Paris, 1660,
in-fol.y p. 25 1.
TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 5j
comptes à Paris et un maistre des requestes, porte d'azur au
chevron d'argent, accompagné en chef de deux étoiles à? or et
en pointe d'un demi-vol de mesme. Cette famille a de nobles
alliances et a de grandes maisons. »
Jal n^a pu retrouver la date du décès du marquis de Brunvillers.
Les Derniers Gobblin aux xvii* et xviii* siècles.
On réunira dans ce chapitre certaines mentions recueillies de
divers côtés sur plusieurs membres de cette innombrable famille
qu'il a été impossible de rattacher aux différentes branches déjà
connues. Nous donnerons ces articles, en suivant l'ordre chro-
nologique, sans commentaire. Au reste, nous n'aurons affaire qu'à
des figures de second plan, à des personnages sans importance;
encore convenait-il de ne rien laisser de côté et de ne négliger
aucune des indications que nous avons recueillies au cours de nos
recherches.
Voici, d'abord, un certain maître Gobelin, religieux et com-
mandeur en l'abbaye de Saint-Denis et docteur en la Faculté de
théologie, adjoint à Tévéque du Mans Doien Séguier, chargé
d'une mission diplomatique et religieuse des plus délicates. Notre
religieux et Tévéque du Mans accompagnaient à Rome le duc de
Nevers, muni d'instructions très complètes pour expliquer au
pape les négociations entreprises pour la conversion du roi
Henri IV et justifier en même temps la hâte apportée à son
absolution. L'Espagne, intéressée à perpétuer les guerres reli-
gieuses, soulevait mille difficultés à l'admission du roi dans le
sein de l'Église catholique ^
1595 : Marie- Denise, se disant veuve de Philibert Gobelin,
sieur de Saint-Germain-en-Laye, demeurant à Saint-Marcel.
1597 (25 juillet) : lettre du sieur Gobelin (sans prénom) à M. de
Bellièvre, conseiller du roi en son Conseil d'État, concernant une
obligation souscrite par lui en faveur de M^ Séguier, veuve du
lieutenant civil. Il s'agit d'une somme de 20,000 livres, et les con-
séquences en auraient été des plus onéreuses pour lui, « tellement,
c dit-il, que je suis condamné tout à plat et pour le principal et
1. Bibl. nat., f. fr. 17816 (fol. 169} et 235i7 (fol. i5a). Ces manuscrits ren-
fierment de nombreux documents sur l'abjuration de Henri IV. Cf. la note
de la p. 3oy in fine.
58 LES GOBELIN
c pour les interests, contrainct de rechercher argent à gros inte-
« rests pour éviter la vente de mes meubles. » L^issue de l'affaire
ne nous est pas connue.
1611 : Esther Ferron, veuve de Jacques Gobelin, vivant avo-
cat en Parlement et lieutenant général au bailliage de Tartillerie
de France.
1618 : Jacques, conseiller du roi, receveur général des finances
à Limoges ^
161 8 (i" mars) : lettres de provision de contrôleur général des
rentes de Paris pour François Gobelin, en remplacement de Louis
Le Noir (cf. ci-dessus, p. 9).
16 19 (16 janvier) : quartier de rente payé à Anne Boucher,
veuve de Guillaume Gobelin'.
16 19 (3i juillet) : rente payée à Etienne Gobelin, marchand,
bourgeois de Paris, demeurant à Saint-Marcel.
1620 (3o juin) : Claude Gobelin, conseiller du roi, contrôleur
général des rentes assignées sur Phôtel de ville, à Paris, par trans-
port de Suzanne Gobelin, femme de Paul Chénevis.
1623 (i3 mai) : Claude Gobelin, commis au greffe du Conseil
du roi.
1623 (i5 juin) : naissance de Charlotte, fille de Jacques Gobe-
lin, sieur de Vaugenon en Vivarais, et d'Elisabeth Heudi, bapti-
sée à Charenton (Haag, p. 10 1).
1623 (décembre) : succession de Philibert Gobelin, frère et seul
héritier de Jean Gobelin le jeune.
1626 (juin) : mariage d'Antoine Gobelin et de Sara Michel de
Claye (Haag, p. 168).
i632 (12 mars) : naissance d'Alexandre Gobelin, fils de Samuel
Gobelin, sieur de la Rallière, et d*Anne Menjot (Haag, p. 1 14).
i636 (21 décembre) : naissance de Renée Gobelin, fille d'An-
toine Gobelin et de Sara Michel (Haag, p. 121).
1640 (9 septembre) : naissance de Barthélémy Gobelin, fils
d'Antoine et de Sara Michel (Haag, p. 126).
1645 (16 janvier) : enterrement de Marguerite Gobelin, veuve
de Mathieu Langlois, procureur à la Chambre des comptes
(Haag, p. 234).
1. F. fr. 27824- 5.
2. Ibidem.
TEINTURIERS BN ÉCARLATE. 5 9
1645 (28 juillet) : enterrement de Madeleine Gobelin, femme
de Daniel Guillemard, procureur (Haag, p. 235).
i656 : François^ prêtre, aumônier du roi, exécuteur du testa-
ment de messire Jehan Gobelin, conseiller et maître d^bôtel ordi-
naire du roi.
1662-1739 : aaude-Antoine Gobelin, chevalier, comte d*Of-
femont.
171 5 (?) : « Mémoire imprimé in-folio pour messire François
de Mondagron, chevalier, seigneur de la Cour-Dassé, suzerain
delà Tisonnière, etc., héritier maternel de François Gobelin,
vivant abbé de G>êt-Maloîn, défendeur et demandeur en opposi-
tion à l'arrest de la Cour du 3 juillet 1709, suivant ses requestes
des ... et 3i août 171 2, contre Catherine Gobelin, veuve de Jean
filanduret, vivant notaire royal et procureur en Pélection de Cla-
mecy, juge d'Oisy, et consors, se disant héritiers, quant à la ligne
paternelle, de deffunt François Gobelin, demandeurs en exécution
dan^t du 3 juillet 1709 et deffendeurs. »
Les généalogies de la veuve Blanduret, fournies par Andiquer
de Blancour et basées sur trois extraits des registres de baptême
de la paroisse de Saint-Martin, au cloître Saint-Marcel, furent
convaincues de faux. Andiquer fut condamné aux galères à per-
pétuité après avoir fait amende honorable.
1742 (28 mai) : billet de décès de Jacques Gobelin, chevalier.
Conseiller du Roi, auditeur honoraire à la Chambre des comptes.
Sa veuve, Marie- Françoise Boyer, meurt en 1766.
1766 {23 juin) : billet de décès de Marie- Françoise Boyer, veuve
de messire Jacques Gobelin, chevalier, etc. (mort en 1742). De la
part de M. Boyer, auditeur des comptes, son frère ^
Les Teinturiers remplaces par les tapissiers.
Au début du xvii® siècle, un fait, considérable par ses con-
séquences, se produit au faubourg Saint- Marcel. Les tapis-
siers flamands, appelés en France par Henri IV pour y exercer
leur industrie, sont installés sur les bords de la Bièvre dans
les bâtiments jusqu'alors occupés par nos teinturiers. L'arrivée
des premiers artisans remonte au mois d'avril 1601. Ils se
I. Bibl. nat., f. fr. 3i382.
6o u
tmoTiieiit soos la diiectuMi de deox dieb habiles, Charles de
Comaos et François de la Planche on Tan den Planken. Nous
aToos âéjà> leocontré le nom de plusieurs de la Planche dans les
alliances contractées par les Gobdins, et cette parenté explique-
rait comment ces étrangers furent attirés, dès leur arrivée, dans
ce quartier éloigné du centre de la ville. U fallait qu'un homme
bien au courant des ressources que la petite rivière pouvait offrir à
la nouvelle industrie leur eût signalé œ coin perdu du faubourg
parisien. U résulte, d^ailleurs, des extraits publiés d-dessus, que
certains membres de la Simille Gobelin continuèrent Findustrie
de leurs ancêtres même après l'arrivée des tisseurs flamands.
Malgfé toutes nos recherdies, nous n^avons pas rencontré les
contrats passés entre les Gobelins et les upissiers, leurs locataires.
Et, cependant, des conventions furent certainement signées par
les anciens propriétaires de l'atelier et les protégés du roi de
France.
Les nombreuses mendons du nom de Gobelin, accompagné
de différents prénoms, qui paraissent sur les registres censiers de
P^se de Saint- Marcel, démontrent que quantité de maisons et
de terrains restèrent la propriété de la famille pendant toute la
durée du xvii« siècle. Sans relever tous les articles où se rencontre
le nom de Gobelin, nous en signalerons du moins plusieurs qui
présentent quelque intérât pour l'histoire du quanier. Le présent
travail ayant nécessité des recherches et des dépouillements que
personne n^aura probablement Tidée de reprendre, autant sauver
de l'oubli tous les détails qu'il a été possible de recueillir.
Le 23 février 1600, le prévôt de Paris rend une sentence por-
tant ordre de préférence entre les opposants au décret de trois
maisons joignantes, assises en la rue de Bièvre, dictes les Gobelins,
saisies sur les enfants de feu Jehan Merigot et Gaude Gues-
lon...*.
A cette même date figurent, sur les registres censiers de Saint-
Marcel, comme propriétaires de maisons et de terrains dans le
voisinage de la Bièvre, Philibert, Pierre, Nicolas et François
Gobelin. Presque tous les corps de logis portent une enseigne
servant à les désigner : la Cuiller, la Herse, l'image Notre-Dame,
rimage Saint-Jacques, la Cour, les Poulies, la Corne-de-Cerf ; ou
bien leur situation topographique à l'intersection des deux voies
I. Arch. nat., S* 1937, fol. i65.
TEINTURISRS EN ÉCARLATE. 6l
permet parfois de déterminer leur situation avec plus de précision.
Un acte de 1608^, dont les registres de Saint-Marcel con-
tiennent plusieurs transcriptions, semble indiquer des rapports
étroits entre les anciens propriétaires des bords de la Bièvre et la
famille des tapissiers qui prirent leur place.
L'industrie qui se substitua vers 1 601 à nos teinturiers eut pour
premiers directeurs, on vient de le dire, Marc de Comans et Fran-
çois de la Planche. Or^ un certain Antoine de la Planche, écuyer,
dont il a déjà été question, c Tun des quatre chauffeurs et scelleurs
< héréditaires de la maison, couronne et chancellerie de France, »
demeurant au faubourg Saint- Victor, paroisse de Saint-Médard,
avait eu de Marie Gobelin, sa femme, cinq fils, nommés Jean,
écuyer, enseigne d^une compagnie au régiment des gardes du
roi; Jérôme, conseiller, notaire et secrétaire du roi; Philippe,
écuyer, et deux autres fils, encore mineurs en 1 608, Mathieu et
Jaques'.
Cet Antoine était-il p>arent du François, Tun des fondateurs de
Tatelier de tapisseries sous Henri IV? L'identité de nom permet
de le supposer; mais, comme l'existence de cet Antoine de la
Planche, époux de Marie Gobelin, était restée complètement
inconnue jusqu'ici, il faut attendre d^autres preuves pour conclure
définitivement à cette parenté.
Ainsi, on pourrait supposer avec quelque vraisemblance que
cette alliance, ignorée jusqu'ici, des familles Gobelin et de la
Planche ne fut pas sans influence sur le choix du faubourg
Saint-Marcel et des rives de la Bièvre pour y fixer le nouvel
établissement. De sa femme, Marie Gobelin, décédée avant
1608, Antoine de la Planche tenait les biens qu^il vendait,
cette même année, pour le compte de ses enfants majeurs et
mineurs, à Nicolas Gobelin, marchand bourgeois de Paris, et
dont voici la désignation : « Les deux sixièmes, part et portion,
t les six faisans le tout, en la moitié par indivis d'une grande
t maison, dite la maison d'en bault, coun, granges, estables,
c ouvrouers à tainctures, quay et autres appartenances et dépen-
• dances de ladicte maison, qui fut et appanint au feu correaeur
I. Arch. nat., S* 1940*, fol. io5 et i65 ▼•, et S* 19481, fol. 80.
a. Voy. ci-dessus, p. 9, et aussi p. 11 et 12. Marie Gobelin était, comme
on Ta vu plus haut, fille de François Gobelin, sieur de la Marche, arrière-
petit-fils de Jean Tancien et de Marie de Moucy.
62 LES GOBBLIN
« Gobelin^ assis audit Saint-Marcel^ en la rue de Bièvre, au bout
a d'en haulty en laquelle est à présent demeurant ledit sieur Nico-
« las Gobelin, achepteur, tenant, d'une part, à Pierre de la Gueur,
« mareschal des logis du régiment des gardes du Roy, au lieu de
« feu Jehan Gobelin; d'autre part, à Jehan Lhoste, marchant à
« Paris, au lieu dudit Jehan Gobelin; aboutissant d'un bout, par
« devant, sur ladite rue de Bièvre, et par derrière, à la rivière de
c Bièvre, dite des Gobelins, une petite ruelle entre deulx ; lesdits
« deux sixièmes cy dessus vendus appartenant auxdits enfants
« dudit sieur de la Planche et Marie Gobelin, sa femme, à cause
c de la succession de ladicte deffuncte leur mère. »
On saisit l'intérêt de cette vente faite à un Gobelin par un de
la Planche, alors que les tapissiers occupaient déjà les locaux
convertis un demi-siècle plus tard en manufacture des meubles
de la couronne.
La vente de 1608 prouve d'une foçon certaine que la famille
Gobelin conserva d^importantes propriétés dans le voisinage
immédiat de son ancien atelier de teinture après l'installation
des tapissiers. Et peut-être cette alliance de Marie Gobelin eut-
elle une influence décisive sur le choix de remplacement de la
manufacture de tapisseries.
Les archives de l'église de Saint-Marcel viennent encore nous
fournir une confirmation indirecte et assez inattendue de la date
de Tinstallation de nos tapissiers. Nous trouvons cette confirma-
tion dans une procédure^ ouverte pour MM. de Saint-Marcel
contre Marc de Comans, « directeur des manufactures de tapisse-
ries du Roy aux Gobelins, » pour le payement des cens et rentes
dus auxdits sieurs de Saint- Marcel sur ladite maison des Gobelin,
< remontant lesdits arreraiges pour trente quatre années à cent
huit livres un sol dix deniers du mois d^août i635. » Ainsi,
c'est bien en 1601, avant le mois d'août, que Marc de Comans
et François de la Planche ont fixé leurs ateliers sur les bords de la
Bièvre.
La déclaration du temporel de l'église de Saint-Marcel en 1673 ^,
contenant Pénumération de toutes les maisons du quartier devant
un cens à l'abbaye, fournit encore des détails bons à recueillir
sur la manufacture de tapisseries. Voici le texte de ces articles :
1. Arch. nat., S* 1936, fol. ao5.
2. Arch. nat., Si 914, fol. 5 t* et 11.
TEINTURIERS EN ÉCARLÀTE. 63
c Sur une autre maison attenante (près la porte des champs,
anciennement porte Popline (sic), apelée les Gobelins^ en laquelle
soDt logez les flamands, tapissiers et autres ouvriers des manu-
faaures du Roy, appartenante à M. J. B. Colbert.
« Sur une maison, jardin, marais et dépendances, appelée vul«
gairement la maison basse des GobelinSj sise dans la rue de
Bièvre, auprès de la précédente (qui appartenait à Jean Despinay
et à sa femme), appartenant au s' Pierre Masson, marchand tein-
turier. »
Donc, une teinturerie, dite « maison basse des Gobelins, b exis-
tait encore durant la seconde moitié du xvii* siècle dans le voisi-
nage immédiat delà manufacture des meubles de la Couronne,
et cette teinturerie parait distincte de celle de Gluck, installée dans
le voisinage.
Signalons enfin, dans un registre des cens de Saint-MarceP
dressé au xvii^ siècle, nombre de mentions d'anciennes acquisi-
tions faites par la famille Gobelin ; ces mentions remontent aux
premières années du siècle précédent et rappellent toutes des actes
analysés ci-dessus. Ce registre n^en est pas moins précieux pour
établir la topographie de notre quartier, dont on s^est si peu
occupé jusquUci.
Pour terminer, nous emprunterons aux archives de Saint-Mar-
cel la délimitation de la manufacture royale de tapisseries, telle
qu'elle est portée dans un registre censier du xviii* siècle^ :
c 56. La manufacture royalle des Gobelins, consistant en plu-
sieurs bâtimens, cours et jardins tenant et faisant hache sur les
sieurs Niosse et Gluc, en faisant quatre haches d'autre côté à la
rue qui conduit au moulin de Crouslebarbe, faisant hache d*un
bout sur la rivière de Bièvre, par derrière à ladite rivière, con-
tenue en quatre mille douze toises, et par devant sur la grande
rue Mouftard.
c 57. Le jardin de ladite manufacture, la rivière de Bièvre
entre deux, tenant d'un côté à M. Gluc et à les dames Cordel-
lières d'un bout, et par derrière au prédesenfans d^autre bout, et
par devant sur ladite rivière de Bièvre, dite des Gobelins, conte-
nant 3, 90 5 toises^. »
1. Ârch. nat., S* 1948.
2. Arch. nat., S* 1948^ fol. la V.
3. Les numéros placés en tête de ces articles renvoient très certainement
64 LBS GOBELm.
Nous ne prolongerons pas davantage cette étude. Si l'histoire
de notre manufacture nationale est encore entourée d^obscurité
pendant la première moitié du xvii* siècle, elle est mieux connue
à partir de la réorganisation de Colbert. Des documents gra-
phiques d'une grande précision existent tant aux Archives natio*
nales qu'au Cabinet des estampes dans les papiers de Robert de
Cotte. Depuis peu, la manufacture possède des copies fidèles de
ces plans précieux. Le travailleur peut donc les consulter com-
modément. De leur examen attentif résulte cette constatation que,
si Tensemble des bâtiments occupés aujourd'hui par la manu-
facture des Gobelins a subi certains remaniements, il n^a pas été
sensiblement modifié depuis trois siècles, et le périmètre des cons-
tructions actuelles, comme la superficie des jardins de la rive
gauche de la Bièvre, ne s'écartent pas sensiblement de ce qu'ils
étaient sous le règne de Louis XIV.
En raison des contradiaions et des obscurités que présentent
les documents, il était presque impossible de reconstituer avec
une absolue certitude l'arbre généalogique de la famille Gobelin.
Nous ne présentons donc les tableaux donnés ci-après que comme
un premier essai, dont certains détails restent sujets à caution.
Ces tableaux devront être complétés et rectifiés. Toutefois, les
personnages principaux de la dynastie occupent bien la place qui
leur appartient. C'était l'essentiel.
Jules GUIFFREY.
à un plan qui ne s'est pas retrouvé. L'étendue des jardins comparée à ceUe
des bâtiments paraît bien restreinte. Les jardins actuels de la manufacture
longeant la Bièvre ont 3 1,000 mètres carrés de superficie.
llNB.
luDl
feVB
BINSAU.
Iasis,
Antoinb
Planche,
V1LLIBR8
iq fils).
I
Fbakçi I I
S'OK GlLUlB^f 1622, MaDELBINB,
et DE LA H Claude ép. Daniel
ép. Anne Labstibn, s' Guillbmart,
tans eatlARMEAUZ, s' de Souligny.
et de
ntereinb,
- 1644.
Catherine,
ép. Jean
LORMEAU,
8' DE LoNGPRlft.
Marguerite,
ép. Mathieu
Lanolois.
Suzanne,
ép. Paul
Chenbvix.
François,
né en i63o.
Madeleine.
née en i633.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
A
Testament de Jean Gobelin.
(1476.)
Sabbat, xviii januarii, domini et magistri Arturus de Vaudetar,
Jo. Cardon, J. Michael Saget et Herveus Cadouet ac Guillellmus
Régis, canonid, capitulum tenuerunt.
In quo executores defiuncti Johannis Gobelin exhibuerunt testa-
mentum ipsius deffuncti a quo extracta fuit clausula que sequitur :
Disans lesd. exécuteurs que led. deffunct par sond. testament avoit
et a donné et laissié i Teglise collégial dud. S. Marcel, en la présence
et du vouloir, accord et consentement de lad. Perrette, sa femme,
pour ce comparent devent lesd. notaires, pour le salut de leurs âmes
et de leurs parens et amys trespassez, estre chanté et célébré par
chacun an à tousjours en ladicte église S. Marcel, i tel jour et ainsy
qu'il sera advisé entre lesd. exécuteurs et les seigneurs de lad. église
S. Marcel, ung obit perpétuel, la somme de 3a sols parisis de rente,
appanenent aud. testateur et sa femme, et qu*ilz avoient droit de
prendre et percevoir chacun an sur les personnes qui ensuivent, c'est
assavoir : xn solz parisis de rente sur une pièce de terre et saulsoye
séant ou terroir dud. S. Marcel que Jehan le Fevre le jeune tient
d'eulz à lad. charge, et xx solz parisis sur une aultre pièce de saul-
soye que ung nommé Jehan d'Auvergne tient d'eulz à lad. charge.
Transportus redditus dati seu legati per Gobelin,
Item, in eodem capitulo comparuit Franciscus Gobelin, filius et
alter executorum deffuncti Johannis Gobelin, exhibuit in capitulo
quasdam litteras transportus per executores testamenti dicti defiiincti
facti communitati ecclesie de redditu annuo et perpetuo xxxii sol. par.
percipiendorum quolibet anno per communitatem predictam super
duobus locis declaratis in dicto transportu, mediante uno anniversa-
rio per communitatem predictam in dicta ecclesia sancti Marcelli
celebrando, requirens dictum traûsportum per predictos dominos et
communitatem acceptari ad onus dicti anniversarii ; quibus litteris
M^M. XXXI 5
66 LES GOBBUN.
yisis, domîni post maturam deliberationem dictum transportum ad
onus predictum recepemnt, ordinantes dictum anniversarium con-
numerari in martirologio inter alia anniversaria dicte ecdesie.
Arch. nat., LL 35a, ièl. aoi v* et aoa.
B
Partage après le décès de Philibert Gobelin entre sa vevve^
Denise Le Brest ^ et Jacques Gobelin^ son fils.
(27 mai iSio.)
A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Jacques de Coulli-
gny, chevalier, seigneur de Chastillon sur Loing, Aillant et de Dan-
nemarie en Puisaye, conseillier, chambellan du Roy nostre sire et
garde de la prévosté de Paris, salut. Savoir faisons que par devant
Jaques de Launay et Loys Berthelemy, notaires du Roy nostredit
seigneur, de par luy establis en son Chastellet de Paris, furent pré-
sens en leurs personnes honorable femme Denise Le Brest, vefve de
feu Philebert Gobelin, en son vivant marchant tainturier d'escarlates,
demourant à Saint Marcel lez Paris, d'une part; et Jaques Gobelin,
marchant drapier et bourgois de Paris, filz desd. defunct et vefve,
d'autre part. Et disoient icelles parties que à elles en commun et par
indivis compétoient et appartenoient de leur conquest les maisons
cy après déclairées, c'est astevoir à lad. vefve pour lès deux tiers et
aud. Jaques Gobelin pour l'autre tiers.
C*e$t assavoir : i* une grant maison contenant corps d'ostel à
aigout sur rue, court, puys, galleries, viz, grant corps d'ostel, oultre
ladite court, celliers et caves, grant court derrière, puys, corps d'ostel,
cuisine, estable et gallerie à costé au bout de lad. court, ainsi que les
lieux se comportent et extendent de toutes pars et de fbns en comble,
où pend pour enseigne la coste de balayne^ assise â Paris en la me
des Bourdonnois, tenant d'une part et aians saillie et yssue en une
petite nicUe, et d*autre part en partie à une autre maison cy après
dcclairée, et en autre partie à l'endroit de la court de derrière à
Jehan Alot, aux hoirs feu Jehan Boscheron et à Jehan Turgis, abou-
tissant par derrière aux hoirs ou aians cause de feu maistre Jaques
Erlaut.
1* Item, une autre maison assise à Paris en lad. rue des Bourdon-
nois, contenant petit corps d'ostel à aigout sur rue, courrelle, galle-
ries et corps d'ostel derrière le lieu, ainsi qu'il se comporte et extend
de toutes pars et de fons en comble, tenant d'une part audit hostel
de la ci>stt de halayne^ et d'autre part â ung hostel faisant le coing
PIÈGES JUSTIFICATIVES. 67
de ladite nie des Bourdonnois, en la rue Saint Honoré, appartenant
à la Tefve et héritiers feu Andry Vautier, et ung hostel appartenant
à rOstel Dieu de Paris, à ung autre hostel appartenant à l'église
Saint Jaques de FOspital à Paris, à ung autre hostel appartenant à
Jehan Porcher et à ung autre hostel appartenant à lad. vefve et aux
héritiers dud. défunct Philebert Gobelin.
Disans ouhre que pour fiiire partage, et division entre eulx desd.
deux maisons à ce que chacun d'eulx en eust et peust avoir et tenir
sa part et porcion séparément pour la fiiire valoir, et en joir, user et
posséder comme de sa chose, ilz avoient et ont fait veoir, visiter,
partir et diviser lesd. maisons par maistre Jehan de Félin, Loys Du
Chastel, maçons, Didier Gobert et Nicolas Costeret, charpentiers,
jurez du Roy nostredit seigneur es offices de maçonnerie et charpen-
terie, qui avoient et ont fait d'icelles maisons deux lotz; l'un premier
valant deux tiers pour lad. vef^e qui luy demourra, compétera et
appartendra i tousjours, pour elle, ses hoirs et aians cause, contenant
ce qui s'ensuit, c'est assavoir : lad. maison où pend l'enseigne de la
cosie de balajme^ corps d'ostelz, édifices, caves, celliers, courtz, puys
et appartenances d'icelle, ainsi que les lieux se comportent et
extendent de toutes pars et de fons en comble, sauf et réservé toutes-
voies partie et porcion de la court de derrière dud. hostel qui sera
baillée au second lot cy après dédairé.
Et l'autre second lot valant le tiers d'icelles deux maisons pour
led. Jaques Gobelin qui aussi luy demourra, compétera et apparten-
dra à tous}Ours, pour luy, ses hoirs et aians cause, contenant le petit
corps d'ostel à aigout sur rue, courrelle, galleries et corps d'ostel der^
rière, ainsi que les lieux se comportent et extendent de toutes pars
et de fons en comble, tenant d'une part aud. hostel de la coste de
halayite et d'autre part ausd. vefve et héritiers feu Andry Vautier et
aux autres hostelz dessus nommes. Et seront estoupées les bées de
huisseries et autres qui sont de présent ou mur moitoien d'entre
icelles deux maisons et è Tespoisse d'icelluy mur moitoien, aux com-
nonos despens dHcelks parties par égal porcion. Et prendront chacun
par ^1 porcion les hoys qui y sont de présent.
Item, a esté baillée, et demourra, compétera et appartendra à tous*
îoors aud. éeuxiesme lot valant tm tiers, appartenant aud. Jaques
Gobelin, partie et porcion de la court de derrière dudit hostel de la
eostê de baktjme, faisant le premier lot valant deux tiers, appartenant
à lad. vefve, à prendre icelle porcion de court de fons en comble
derrière et à l'endroit du corps d'ostel de derrière d'icelluy second
lot depuis ledit corps d'ostel jusques au mur de l'ostel dudit feu
maistre Jaques Erlant, et aboutissant icelle porcion de court audit
Erlaut.
Et poar ùÀre séperacion d'icelle porcion de court et l'autre porcion,
68 LBS GOBELRf.
entre lesd. deux lou sera fait ung mur moitoien maçonné de piastre
et moillon d'un pié d'espoisse, deuement fondé, et de douze piez de
hault depuis le pavé en amont^ lequel se continuera depuis le mur
moitoien qui fait de présent séparacion entre lesd. deux lotz jusques
contre le mur de Tostel dud. feu maistre Jaques Erlaut, en telle
manière que lad. porcion de court sera aussi large au long du mur
dud. Erlaut et en tous ses endrois dedens euvre comme led. corps
d*ostel de derrière d'icelluy second lot se comporte et qu'il a de lar-
geur dedens euvre sur ladicte court.
Item, a esté dit et accordé que des cens et rentes dont lesd. deux
lotz sont chargez, led. premier lot en paiera les deux tiers et led.
second lot l'autre tiers, dont ils ont promis et prohiectent acquicter
et garantir l'un d'eulx l'autre, chacun pour sad. porcion.
Et se gouverneront lesd. lotc selon les us et coutumes de Paris.
Et pour ce que led. premier lot a esté trouvé mieulx valoir en son
endroit que led. second lot aussi en son endroit, a esté dit et accordé
que led. premier lot seroit tenu paier de soultre aud. second lot la
somme de trois cens livres tournois d'argent comptant pour une
fois. Laquelle somme de trois cens livres tournois led. Jaques Gobe-
lin confessa et confesse avoir eue et receue de lad. vefve, sa mère,
dont il se tint et tient pour contant et bien paie, et l'en quicta et
quicte et tous autres à qui en appartient quictance.
Dont et duquel partage icelles parties se tinrent et tiennent pour
bien contentes, pour par chacune d'elles, ses hoirs et aians cause,
joir, user et posséder à tousjours de sond. lot et portion. Et, en ce
faisant, ont cédé, transporté et délaissé, cèdent, transportent et
délaissent Tune à l'autre à tousjours tous les drois, noms, raisons et
actions que Tune d'elles a et peut avoir ou lot, part et porcion de
l'autre, aux charges, et ainsi que dit est, et en tant que mestier est,
s'en sont dcsmiscs, devestues et dessaisies es mains desd. notaires,
comme en la notre souveraine pour le Roy nostredit Seigneur, pour
au prouffit Tune de Tautre, voulens, consentens et expressément
accordans chacune d'elles en droit soy estre saisie et vestue, mise et
receue en bonne saisine et possession de sondit lot et porcion par
qui et ainsi qu'il appartiendra. Et néantmoins, se mestier est, pour ce
foire requérir, accorder et consentir estre fait, icelles parties consti-
tuèrent, establirent et ordonnèrent leur procureur général et certain
message cspécial le porteur de ces lettres auquel elles ont donné et
ottroié puissance, autorité et mandement espécial de ce faire et tout
ce qui au cas appartiendra. Promectans lesdites parties, par leurs
seremens et foy de leurs corps pour ce jurez es mains desd. notaires,
ce présent partage et tout le contenu en ces lettres avoir agréable,
tenir ferme et estable a tousjours, sans jamais par elles, l'une d'elles,
ne par autre, aler, venir, faire ou dire contre en aucune manière.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 69
i^nçois, ont promis rendre et paier Tune partie à l'autre touscoustz,
frais, missions, despens, dommages et interestz qui fais et soustenus
seroient par default des choses dessusdites, ou d'aucune d'icelles non
foîctes, tenues, gardées et non accomplies, soubz l'oblîgacion de
tous leurs biens meubles et immeubles, présens et à venir et de leurs
hoirs, qu'elles en ont soubzmis et soubzmectent, chacune endroit soy,
à la jurididon et contraincte de ladite prévosté de Paris et de toutes
autres justices et juridicions où trouvez seront, pour ces lettres et
leur contenu, garder, tenir et loiaument accomplir. Et renoncèrent,
en ce faiisant, expressément, par leurditz foy et serement à toutes
exceptions de déception, de fraude, de erreur, d'ignorance, à tous
barau, cautelles, cavillacions, raisons, défenses, oppositions, lettres,
grâces, relîefz, respitz, impétracions, dispensacions, absolucions et
généralement à toutes autres choses quelzconques qui, tant de fait
comme de droit, pourroient estre dictes contre ces présentes lettres,
leur effect et contenu, et au droit disant général renonciacion non
?aloir.
En tesmoing de ce, nous, à la felacion desd. notaires, avons mis
le seel de lad. prévosté de Paris à ces letres qui furent faictes et pas-
sées doubles le lundi vingt septième jour de may l'an mil cinq cens
et dix.
(Le sceau manque,)
(Signé :) Dblaunay. — Bbrthâlemy (avec paraphe).
Arrêt rendu^ sur un différend survenu au sujet des teintures^ entre
Geneviève Le Bossu^ veuve de François Gobelin^ et Catherine Lan»
glqjrSj veuve de Jean Gobelin^ représentant ses enfants mineurs,
(7 septembre iblj.)
Cum in certa causa mota et pendente coram preposito nostro
Parisiensi, seu ejus locum tenenti, inter Franciscum Gobelin, mer-
catorem, pannorum intinctorem et infectorem apud Sanctum Mar-
cellum secus Parisius manentem et commorantem, filium et heredem
defunctorum Philberti Gobelin et Dyonbie, sue uxoris, ex una, et
Catherinam Langloys quondam vita fiincti Johannis Gobelin relic-
tam, suo nomine, Philbertum et Jacobum Gobelin, Franciscum David
et Mariam Gobelin, ejus uxorem, Rogerium Robineau et Katherinam
Gobelin, ejus uxorem, suis nominibus, et insuper eandem Katheri-
nam Langloys et Johannem Canaye, liberorum annis minorum
defuncti Johannis Gobelin et predicte relicte tutores et curatores,
defensores, ex alia, pro parte dicti actoris, plura facta et rationes
JO LES GOBBUN.
proposite exdtissent ad finem, sea fines, qaod, mediis et causis
latiiis in processu declantîs, dictis defensoribus ne in flamine, sea
rivo Sancd Marceiii in parte dicti fiuminis supra dictnm Franciscum
actorem, suam domum, offidnam et hereditagia existence quas-
çumque loturas et lavationes pannomm glasto, Tulgo de gMeUe* et
nigronim rubia glasto adjecta perfusoram, valgo de ternissures^^
aut aliud dicto actori prejudidum generet, oontractum undedma die
Martii anno millesimi quatercentesimi nonagesimi septimi et qninta
dedma die maii anni quatercentesimi nonagesimi octavi, inter defiinc-
tos Philbertum Gobelin et ejus uxorem, dicti actoris patrem et
matrem, et Johannem Gobelin et Catherinam, suam uxorem, nunc
ejusdem Johannis relictam, patrem et matrem dictorum minonun,
1. Guesde noire, — Le pastel, guesde ou Touéde, plante bisannueUe, de
la famille des crudfères, croissant spontanément en Europe dans presque
tous les terrains pierreux. Avant l'introduction de Vindigo en Europe, on
cultivait cette plante dans une grande partie de l'ancien continent, surtout
en Thuringe, en Saxe, dans les Flandres, en Italie, en Basse-Normandie et
dans le midi de la France. C'était alors la couleur bleue la plus solide et
la plus belle que Von connût.
Les environs de Toulouse, et surtout le Lauraguais, fournissaient une
énorme quantité de cette substance, qui jouissait de la première réputation ;
on la mettait en coques ou pelotes ovales, dftes cocaignes. Le pays était
devenu si riche qu'on l'appelait le pays de cocaigne ou de cocagne^ du nom
de son industrie; cette dénomination a passé en proverbe pour désigner un
pays très fertile et prospère. Les plus beaux édifices de Toulouse ont été
bfltis par des fabricants de pastel. Lorsqu'il fallut assurer la rançon de Fran-
çois I*', prisonnier en Espagne, Pempereur CharlesrQuint exigea que Pierre
de Bernier, riche fabricant de coques^ servît de caution* Dès l'année 1200,
la culture du guède avait également pris la plus grande extension dans la
région dont Henin-Lietar^i était le centre; c'était une petite ville forte à
douze kilomètres de Douai (Nord) ; ce n'est plus qu'un bourg aujourd'hui.
Dans l'ancien règlement que Colbert fit dresser, il était ordonné de pas-
ser l'étofie qu'on voulait teindre en noir dans une cuve de pastel pour y
recevoir une couleur bleue; puis die devait être passée sur une dissolu-
tion de tartre et d'alun, ensuite garencée et de U rabattue ou ternie avec la
décoction de la noix de galle, de la couperose (sulfate de fer) et du bois
d'Inde.
On doit donc entendre par guesde. noire les eaux noirâtres et fétides pro-
venant des cuves de pastel, des décoctions de garance de noix de galle et de
bois d'Inde mises en contact avec le sulfate de fer qui, en présence de ces
matières taunates, constituait de Vencre taunate de fer, — Note de M. David,
chef du laboratoire et de l'atelier de teintures des Gobelins.
2. Ternissures. — On doit entendre par ternissures des eaux souillées
par les corps énumérés plus haut, ayant servi à ternir ou rabattre les laines
teintes; tels que pastel ou guesde, garance, noix de galle, bois d'Inde, sul-
fate de fer, etc.... — Note de M. David.
PlàCES JUSTIFICATIVES. 71
odebratum insequendo, focerent aut fieri permitterent, prohiberetur
tt inhiberetur, dictique deftnsores ratione contraventionis per eos
tacte, in damnis et intéresse dicti actoris et in expen^is presentis
cuse condemnarentur; pro parte vero dictorum defcnsorum plura
in coDtrarium facta et rationes proposita extitissent ad finem seu
fines qood mediis et causis latins in processu deciaratis, prenominati
defrasores a demandis, requestis et conclusionibus dicti actoris
eoindem in expensis condemnando, junctis eomm oblationibus in
proœssu contentis, absolverentar, tantum processum extitisset quod,
dictis partibus auditis et in &ctis contrariis, et inquesta ipsaque post*
modum bine inde facta et ad judicandum reœpta, litteris, tituïis et
moûimentis dictarum partium contradictis et salvationibus litterarum,
reprobationibus testium bine inde traditis et productis; et tandem
<iictis partibus in jure appunctatis, prenominatus prepositus noster,
seo ejus locum tenens, per suam sententiam processum, abque veri-
titem 6ictorum in reprobationibus, contradictis et salvationibus die-
tvttffl partium contentorum inquirendo bene judicari posse dixisset
^ dedarasset, et insuper ad oblationes et responsiones ad predictas
oblationes factas et per dictas partes productas aliqualem respectum
lubeodo, inhibitione dictis defensoribus fieri ne lavationis aut latu-
ras nigrorum rubia glasto super addita, vulgo de ternissures^ in dicto
ftimine et rivo Sancti Marcelli et regione officine, domus et heredi-
tagionim in processu dedaratorum, iis diebus et tempore facerent,
quibus prenominatus actor, ejusdem heredes aut ab eo causam
babentes, lotiones purpurarum in dicto flumine vel rivo e regione
sue officine domus et hereditagiorum etiam in processu declaratorum
facere vellet; cujus rei dictus actor, ejus heredes et ab eo causam
habentes a dictis defensoribus requisiti dedarationem sine fraude et
dolo facere teneretur, ordinasset, dictosque defensores in expensis
processus, absque damnis et interesse condennasset, fuit a dicta sen-
tentia per utramque dictarum partium ad nostram Parlamenti curiain
appellatum. Auditis igitur in eadem curia nostra Genovefa Le
Bossu, defuncti Francisci Gobelin relictatam, suo nomine, quam tan-
quam tutelam et gardiam suorum liberorum annis minorum et dicti
defuncti Francisi Gobelin habentem, necaon Johanne Robineau ad
causam Genovefe Gobelin sue uxoris, processum, loco dicti defuncti
Gobelin, resumentibus, appellantibus et intimatis respective, ex una,
et prenominata Katherina Langloys, dicti defuncti Johannis Gobelin
relicta, nominibus quibus in dicto processu procedebat, et suis con-
sortibus etiam appellantibus et intimatis respective, ex altéra, in
causa appellationis predicte, processuque, an bene vel maie fuisset
appellatum, junctis gravaminibus et productione nova dictorum res-
pective appellantium, quibus gravaminibus utraque dictarum partium
respondere et contra dictam novam productionem contradiota expen-
72 LES GOBEUN.
sis producentis tradere posset ad judicandum recepto, eoque dicds
gravaminibus et responsionibus ad illa respective per utramque dic-
tanim partîum tradids et productis; productîone vero nova per neu-
tram dictarum partium minime tradita, atque ab ea tradenda dicds
pardbus seclusis viso et- diligenter examinato; prelata curia nostra
per suum judicium sentendam et appelladones predictas, absque
emenda et expensis hujusmodi cause appelladonis, adnullavit atqtie
adnullat, et ex causa, et per idem judicium prefeta curia nostra absque
veritatem fiictorum in dictis reprobationibus contentorum inqui-
rendo, processum bene judicari posse ^eclaravit atque déclarât, et
super principali jus faciendo, dictis Katherine Langloys et consorti-
bus appellantibus, contractum inter predictos Philbertum et Johan-
nem Gobelin initum insequendo, ne in dicti fluminis aut rivi Sancd
Marceili, parte dicte Genovefe Le Bossu et consortum eorumdem
officine, domus et hereditagiorum superiori lavadones aut loturas
nigrorum, rubia glasto addita perfusorum, vulgo de ternissures^ aut
pannorum lutei seu castanei coloris, vulgariter tannef* garance^ yocsl-
torum, aut aliorum pannorum, seu rerum, ad quarum infecdonem
et tincturam glastum, vulgo le guesde applicatum fiierit, aut qui-
cunque aliud in dicta superiori fluminis parte, quod dictis Genovefe
et consortibus eorumdem heredibus et ab is causam habentibus pre-
judicium generare possit, faciant aut fier i permittant dictos Katheri-
nam Langloys et ejus consortes in expensis cause principalis, earum
taxatione ipsi curie nostre reservata, absque damnis et interesse,
condennando, exhibitione fieri ordinavit atque ordinat.
Prononciatum septima septembris M® V« XXXVII*.
N. Brachbt-Spifame.
Arch. nat., Xia 176 (Jugés), fol. 499.
Nomination de Jacques Spifame et René Brinon en qualité de com-
missaires chargés de faire l'enquête sur les faits articulés par
Geneviève Le Bossu.
(16 février i538, n. st.)
Entre Geneviefve Le Bossu, vefve de feu François Gobelin, tant en
son nom que comme ayant le bail, tutelle et curatelle des enfans
I. Tennej ou tannées : Garances. — Pour faire étoffe de laine tannée
(Teinturier parfait) : c Pour colorer ce drap, on prend un quarteron de
a garance ^qu'on met dans le bain, on fait bouillir cela avec Tétoffe pen-
c dant une bonne heure, s'il n'est assez brun, prenez de la cendre de bois,
c mettcz-la en un baquet et versez dessus un denni-chaudron d'urine,
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 7 3
mineurs d'ans dud. defùnct et d'elle, et Jehan Robineau et Geneviefve
Gobelin,^ femme, fille desd. Le Bossu et defunct, demandeurs en
nuLUère d'exécution d'arrest du yii septembre dernier passé, d'une
part, et Katherine Langloys, yefye de feu Jehan Gobelin, en son
nom, Philebert Gobelin, Jaques Gobelin, Françoys Dayid et Marie
Gobelin, sa femme, Rogerin Robineau et Katherine Gobelin, sa
fenune, Jehan Gobelin, Pierre Gobelin, Françoys Garrault et Mar-
guerite Gobelin, sa femme, tous héritiers dud. feu Jehan Gobelin,
défendeurs en lad. matière d'exécution d'arrest, d'autre, yeu par la
court led. arrest de l'exécution duquel est question, les advertisse-
mens et productions desd. parties, certaine requeste présentée à la
court de la part desd. défendeurs, mise au sac par ordonnance de
lad. court le xxix* janvier dernier passé, et tout considéré;
Il sera dit que les advertissemens et productions des parties leur
seront communiquées pour y respondre dedans huitaine, si bon leur
semble, et néantmoins en ayant aucunement esgard à lad. requeste
présentée de la part desd. défendeurs, lad. court a commis et com-
mectm» Jacques Spifeme et René Brinon, conseillers en lad. court,
pour yisiter, enquérir et savoir la distance d'eaue jusques à laquelle
<iistance lesd. défendeurs prétendent povoir estre faictz pour eulx
lavaiges de guesde noire, de ternissures, tennez, garences et autres^
sans faire dommaige ne préjudice ausd. demandeurs, et faire autre
chose nécessaire; et pour ce faire conviendront lesd. parties par
de?ant lesd. commissaires de gens à ce congnoissans, qui visiteront
en présence desd. commissaires lad. distance et feront autres choses
oecessaires, dont ilz feront leur rapport par devant lesd. commis-
saires, pour, ce faict et rapporté par devers lad. court, estre procédé
a iad. exécution ainsi qu'il appartiendra par raison.
Arch. nat., X«* 1640, fol. 177 r».
Arrêt portant défense à Catherine Langlois et autres défaire lavage
de guesde et autres matières colorantes au-dessus de la maison des
demandeurs et de celle de la veuve de Jean Peultre.
(11 mai i538.)
Entre Geneviefve Le Bossu, vefve de feu Françoys Gobelin, tant
c remuez le tout dans la chaudière, prenez un peu de couperose avec de
c l'urine nouvelle et la versez sur la cendre, i La simple énumération des
matières employées semble justifier les revendications des riverains.
Marées } Bois jaune. — Note de M. David.
74 I*BS GOBSLIM.
en son nom que comme ayant le bail, tutelle et curatelle des enfans
mineurs d'ans dud. defunct et d'elle, et Jehan Robineau, à cause de
Geneviefre Gobelin, sa femme, demandeurs en exécution d'arrest, et
en ce faisant que Ponce de Miraulmont, Jehan Candelier, Robert
Desprez et Jacques Fraulde, marchans, m** taincturiers et bourgeoys
de ceste ville de Paris, par eulx nommex pour visites, suivant Tarrest
de la court du xvi« jour de février dernier passé, et savoir la disttnce
de l'eaue jusques à laquelle iceulz défendeurs prétendent povoir estre
par eulx faictx au dessoubz de leur ouvrouer et maison lavaiges de
guesde, de noir, de temisseure, de tennes, garencez et autres choses
préjudiciables, dont mencion est fidcte en Tarrest donné entre lesd.
partyes^ du vu* septembre dernier passé, et ce sans âiire dommaige
ne préjudice ausd. demandeurs, ou deux dlceulx demourassent
accordez de leur costé pour faire lad. Visitation par devant les com-
missaires de la court, suivant led. arrest, consentans et offrans de
leur costé pour abbreger la matière, que Guillaume Trouillart et
Anthoine Gilbert, nommez par lesd. défendeurs, soient aussi par lad.
court receuz du costé desd. défendeurs, en accordant par iceulx
défendeurs deux des nommez par lesd. demandeurs, et en oultre que
lesd. nommez et accordez, ou qui par arrest de lad. court demourront,
puissent eslire ung cinquième, tel que bon leur semblera, homme
non suspect et congnoissant au feict des taincturiers de couleurs,
pour avec eulx quatre faire lad. Visitation, requérant encore iceulx
demandeurs que, ce pendant, défenses soient foicte ausd. défendeurs
de ne besongner dcsd. choses préjudiciables, mentionnées en Tarrest,
à l'endroit et du long de leur ouvrouer et hérita ige, suivant ce qu'ilz
ont par cy devant accordé en Tappoinctement en droict prias par
eulx en l'exécution du premier arrest et a leur requeste, sur laquelle
est intervenu le second; offrans davantage lesd. demandeurs pour se
mettre du tout en leur devoir et éviter les fraiz et longueur de la
Visitation, sur laquelle les parties ont ja esté longtemps, et mettre les
parties hors tout procès, prendre droit par les escriptures baillées
par lesd. défendeurs au procès principal, lesquelles ont esté veues
en la court, et sur lesquelles est intervenu Farrest dudit vii« septembre
dernier passé, par lesquelles, mesmement par le Lxm« article de
leurs escriptures principalles, contenu au deuxiesme responsif
d'iceulx, et encores par le vi"vii*, contenu au iii« responsif, ilz con-
fessent que les lavaiges et tainctures que faisoient lors la vefve Jehan
Le Peultre, m« Jehan Canaye et Jehan Gobelin, qui n'estoient que
deux en nombre, parce que m« Jehan Canaye ne feist oncques tainc-
tures préjudiciables en sad. maison, tournoient au grand préjudice
d'iceulx défendeurs et demandeurs, parce qu'ilz gastoient lad. rivière,
et que, partant, les lavaiges qu'ils pourroient foire au dessoubz de lad.
vefve Jehan Le Peultre pourroient prejudicier ausd. demandeurs,
PlicBS JUSTIFICATIVES. 76
que les défenses contenues audit premier arrest, et dont est question,
soient restrainctes au dessus de lad. vefve Le jPeultre, et jusques à
icelle distance seuUement, lesd. défenses tiennent en tout temps et
saisons; et au dessus d'icelles soit permis ausd. défendeurs faire lesd.
lavaîges défendue, qui est ung expédient pour mettre les parties hors
de procès; soustenans lad. offre estre très raisonnable, toutesfoys
que où les défendeurs ne la Touldroient accepter, elle ne leur puisse
prejudicier, et requis despens, d'une part;
Et Katherine Langloix, yefve de feu Jehan Gobelin, en son nom,
Philebert Gobelin, Jaques Gobelin, Françoys David, Marie Gobelin,
sa femme, Rogerin Robineau, Catherine Gobelin, sa femme, Jehan
Gobelin, Pierre Gobelin, Françoys Garrault et Marguerite Gobelin,
sa femme, tous héritiers de feu Jehan Gobelin, défendeurs à lad.
exécution et empeschans que les desnommez par lesd. demandeurs
demeurent accordez pour taire lad. Visitation, offrant que défenses
leur feussent feictes en termes generaulx de ne besongner de chose
préjudiciable ausd. demandeurs à l'endroit et du long des édifices de
chascune desd. parties, d'autre;
Veu par la court lesd. arrestz du vn* septembre et xvi* février der-
nier passez, les advertissemens responsifii avec autres advertissemens
foumiz par led. appellant et production desd. parties, et Lxin* article
des escriptures principalles du a* responsif, et le vf vu* article du
ni* responsif desd. escriptures principalles desd. défendeurs, l'appoinc-
tement à oyr droit du m* )our d*avril dernier passé, contenans les
offres et responses à icelles desd. parties, et tout ce que lesd. parties
ont mis et produtct par devers certain conseiller de lad. court, com-
mis a exécuter led. arrest, et tout considéré;
Il sera dit que, en ayant esgard à l'offre desd. demandeurs et au
contenu esd. Lxrn* et vi»vn« article des escriptures principales desd.
défendeurs, défenses seront feictes ausd. défendeurs ne besongner
au dessus de la maison et heritaiges desd. demandeurs en la rivière
Saint Marcel et jusques au dessus de la maison la velve Jehan Le
Peultre inclusivement, en tout temps et saisons de lavaiges de guesde
pur, de noir, de ternissures, de tennez et garencez ou autres draps,
ou chose à la taincture desquetz y auroit esté applicqué du guesde,
ou de* faire autres choses quelzconques au préjudice desd. deman-
deurs, leurs hoirs ou d'eulx ayans cause, le tout suivant led. arrest
du vu* septembre dernier passé. Et a lad. court permis et permect
ausd. défendeurs faire au dessus de la maison de lad. vefve Le
Peultre telz lavaiges que bon leur semblera, sans ce que lesd.
demandeurs les puissent empescher. Et si a lad. court condanné
lesd. défendeurs es despens du présent incident depuis led. appoinc-
tement du iu« avril dernier passé, les autres despens compensez, et
pour cause.
Arch. nat., Xlt 1541, fol. 365 r*.
76 LBS GOBBLtK.
F
Arrêt définitif défendant à Catherine Langlois, veuve de Jean
Gobeliny et autres membres de la famille^ de laver des guesdes^
etc. y au-dessus de la maison de Geneviève Le Bossu^ veuve de Fran-
çois Gobelin,
(7 septembre i538.)
Entre Geneviefve Le Bossu, vefve de feu Françoys Gobelin, tant
en son nom que comme ayant le bail, tutelle et curatelle des enfons
mineurs d'ans dud. defunct et d'elle, et Jehan Robineau, à cause de
Geneviefve Gobelin, sa femme, demandeurs et requérant l'exécution
de certains arrestz du septième jour de septembre mil V^ XXXVII et
xi« may mil V« XXXVIII dernier passé, et, en ce faisant et en suivant
iceulx, que défenses fussent faictes à Katherine Langloix, vefve de
feu Jehan Gobelin, en son nom, Philibert Gobelin, Jaques Gobelin,
Françoys David, Marie Gobelin, sa femme, Rogerin Robineau,
Catherine Gobelin, sa femme, Jehan Gobelin, Pierre Gobelin, Fran-
çoys Garrault et Marguerite Gobelin, sa femme, de ne besongner
au dessus de la maison et heritaige desd. demandeurs en la rivière
Saint Marcel et jusques au dessus de la maison de la vefve Jehan
Le Peultre inclusivement, en tout temps et saisons de lavaiges de
guesdes pur, de noirs, de ternisseures, de tennez, garancez et autres
draps ou choses, à la taincture desquelles y auroit eu du guesde
applicqué, ou de faire autres choses quelconques au préjudice desd.
demandeurs, leurs hoirs ou ayans cause, requérant iceulx défendeurs
pour entreprinses par eulx faictes contrevenans ausd. arrestz, subter-
fuges et delaiz par eulx requis à lad. exécution d'arrest, estre con-
dannez vers lesd. demandeurs en la somme de ii^^ livres parisis, avec
despens de lad. exécution, d'une part, et lesd. Catherine Langloix,
vef^e dud. feu Jehan Gobelin, en son nom, Philibert, Jaques, Jehan
et Pierre Gobelin, et consors, défendeurs en lad. exécution, et
neantraoins consentans défenses leur estre faictes de ne besongner
indistinctement en tout temps et saisons de guesde pur en lad. rivière
Saint Marcel, au dessus de la maison et heritaiges desd. demandeurs
jusques à la maison de la vefve Jehan Peultre inclusivement, sem-
blablement de ne besongner de noirs, de ternisseures, de tennez,
garencez ou autres draps ayans guesde, ou autres choses en la tainc-
ture desquelles y auroit esté applicqué guesde, faisant préjudice ausd.
demandeurs, et en ce qui pourroit prejudicier ausd. demandeurs, et
generallement accordant défenses leur estre faictes de ne faire autres
choses quelzconques au préjudice desd. demandeurs en lad. rivière,
en accordant par lesd. demandeurs que lesd. défendeurs puissent
PIÂCBS JUSTIFICAirVES. 77
besoogner et fiiire layaiges d'autres draps, esquelz n'a esté applicqué
guesdes, et semblablement ceux où il y a eu guesde applicqué, qui
ne font préjudice ausd. demandeurs, comme morées, tant brunes
que claires, yioletz, rosées, toutes couleurs de vert, cendrées, bleuz,
blancs, célestes, escarlates, brunes et violetes, pers, camelote, violetz,
dairez pour tennez et clairez pour morées, soustenans lavaiges de
draps tainctx esd. couleurs ne pevent estre préjudiciables ausd.
demandeurs, d'autre.
Ven par la court lesd. arrestz, advertissemens et productions desd.
parties, et tout ce qu'elles ont mis et produit par devers l'exécuteur
desd. arrestz, l'appoinctement en droit et tout considéré;
Il sera dit, en ensuivant lesd. arrestz, que lad. court a fait inhibi-
tions et défenses ausd. défendeurs de ne besongner au dessus de la
maison et heritaiges desd. demandeurs en la rivière de Saint Marcel,
^ JQsqaes au dessus de la maison de la vefve feu Jehan Le Peultre
inclusivement, en tout temps et saisons de lavaiges de guesde pur, de
noirs, de ternissures, de tennez, garencez et autres draps ou choses
^ la tainaure desquelz y auroit eu du guesde applicqué, ou de faire
autre chose quelconque au préjudice desd. demandeurs, leurs hoirs
^ ayans cause, et quant aux particuliers lavaiges d'autres draps
^uelz n'a esté applicqué guesde, et semblablement ceulx oii y a eu
guesde applicqué, que lesd. défendeurs prétendent ne povoir ûdre
préjudice ausd. demandeurs, contenuz à l'appoinctement en droit du
xxyi« jour de juillet dernier passé, lad. court a ordonné et ordonne
que lesd. défendeurs articuleront plus amplement lesd. particuliers
lavaiges par eulx pretenduz n'estre dommageables ausd. demandeurs
dedans huit jours prochainement venant, par devant led. exécuteur,
ausquelz articles lesd. demandeurs respondront à la huitaine ensui-
vant; bailleront lesd. parties replicques, duplicques dedans le temps
de l'ordonnance, et produiront ce que bon leur semblera, pour, ce fait
et rapporté par devers lad. court, estre procédé au jugement dud.
incident, ainsi qu'il appartiendra par raison, despens reservez en
diffinitive.
Arch. nat., Xia 1541 (Conseil), fol. 654 v*.
Arrêt ordonnant une enquête sur la plainte formée par les Religieuses
Cordelières contre Philibert Gobelin et ses frères.
(2 avril 1 539, n. st.)
Sur la requeste baillée à la court par les religieuses, abbesse et
couvent de Saint Marcel lez Paris, par laquelle elles requeroient
qu'il fust ordonné à m* Jehan Tronson, conseiller en la court de
j9 LB8 QOBSUN.
céans et commissaire de par icelle en ceste partie, lenr bailler en
' forme son procès-verbal de certaine Visitation fidcte en sa présence,
par ordonnance de lad. court, de certains lieux et prétendues incom-
moditez et inconveniens en iceulz par lesd. religieuses antidpans à
rencontre de Philbert Gobelin, Pierre et Jaques, ses frères, appellans
du prerost de Paris ou son lieutenant, et anticipes, veu par la court
lad. requeste et sur ce oy en icelle led. Tronson et tout considéré;
Lad. court, pour aucunes considérations à ce la mouvans, a ordonné
et ordonne que, en la présence dud. Tronson et de m* Loys Rcnllart,
aussi conseiller en lad. court, lesquels quant à ce elle a commis et
commect, que les lieux dont entre lesd. parties est question, seront
derechef veux et vbitez par les bourgeois et jures par lesd. parties
accordes par devant led. Tronson, deux autres jurez avec deux autres
bourgeoys et deux arpenteurs, dont lesd. parties conviendront par de-
vant lesd. commissaires dedans trois jours, et en defoult de ce &ire
dedans led. temps, en pourront lesd. commissaires prendre aux fins
par chacune desd. parties prétendues, et sur leur dire et monstrée
qu'ilz feront par devant lesd. commissaires, lesd. bourgeob, jurez et
arpenteurs seront oyz et examinez, lesquels seront tenuz en dire et
déposer ce qu*ilz en verront, sçauront et congnoistront tant par et
selon leur art, perite et industrie, que autrement, et leur dire rédigé
par escript par le greffier de lad. court, ou son clerc et commis pour
ce Met, rapporté et veu par lad. court en estre ordonné comme de
raison.
Arch. nat., X>* 1542 (Conseil), fol. SSg r».
H
Plaidoyers des avocats des deux parties adverses,
(la août 1539.)
Entre Philibert Gobelin, appellant du prevost de Paris ou son
lieutenant, et anticippé, Pierre et Jacques Gobelins, ses frères,
appeliez pour veoir régler les parties, d*une part, et les religieuses,
abbesse et couvent de Sainct Marcel lez Paris, anticipantes, d'autre :
Après que Rebours, pour lesd. religieuses, a demandé congé contre
Tappellant, et De Thou, pour led. appellant, a declairé ne vouloir
soustenir Tappellation dud. appellant et ne pretendoit riens au pro-
cès dont est question, et s'en rapportoit à ses frères de soustenir leurs
droiz, si bon leur sembloit.
Rebours, pour lesd. religieuses, dit que Philibert Gobellin, appel-
lant, ne veult soustenir son appel et pour ce, s*i] plaist à la court, ce
PlilGES lUSTIFICATrVES. 79
dont est appelle sera confirmé ayec adjudication de despens de la
cause d'appel; mais il y a oultre l'entérinement de la requeste pré-
sentée k la court par lesd. religieuses, le xxi* febvrier dernier, suy-
irant laquelle Jacques et Pierre Gobellin, frères de l'appellant, ont
esté appeliez pour Tcoir les parties, et ad ce que l'arrest qui inter-
▼iendra contre led. Philibert, appellant, fîist exécutoire contre eulz,
poar l'entérinement de laquelle dict que le monastère et pourpris
desd. religieuses, qui leur a esté aulmosné par les Roys, a esté d'an-
cienneté construit, et la closture faicte en délaissant à Tentour
d'icelle dosture quelque espace de terre à elles appartenant, et
d'keOe terre a esté fait ung tahi le long de leurs murailles pour la
fortification et soustenement d'icelle, et mesmement au fonds d'un
dos d'asne et talu de terre estant le long desd. murailles, près et joi-
gnant une pièce de pré appartenant ausd. Gobeilins, y a eu d'ancien-
neté et encores appareist à présent ung fossé par lequel en partie
AToit son cours l'eau de la rivière Sainct Merceau, appellée la rivière
de Bievre, led. fossé aussi appartenant ausd. religieuses et estant de
leur heritaige; lequel talu et fossé contiennent environ douze ou
quinze pieds de largeur, et oultre iceulx est la pièce de pré et heri-
taiges desd. Gobeilins. Or, il y a quelque temps que lesd. Gobeilins
ou leur feu père avoient commencé faire une muraille ou closture
en leurdicte pièce de pré le long de la rue, mais n'auroient jamais
osé entreprendre conduire lad. muraille jusques au mur de la clos-
ture desd. religieuses, delaissans en ouverture autant que lesd. fossé
et talu se comportent en largeur, pour ce qu'ilz sçavoient ne pouvoir
bastir ne clore en et sur iceulx, comme appartenant ausd. religieuses,
et demeure ceste ouverture assez longue espace de temps et jusques
ad ce que en la saison de caresme et au commancement d'icelluy en
l'an V«XXXniI ou XXV, estans lesd. Philibert, Jaques et Pierre Gobel*
lins en association et communauhé de tous biens, desquels avoit prin-
cipalement la charge et conduicte led. Philibert, aisné, icelluy Phili-
bert, qui est l'appellant et acquiesçant, avoit mandé en sa maison deux
religieux residans aud. monastère, beaupère desd. religieuses, les-
quels il auroit requis estre médiateurs envers elles, de luy donner
congé et permission pour hiy et sesd. frères de faire continuer lad.
muraille par eulx encommancée jusques aux murs desd. religieuses
et y fiire foire une huisserie pour y mettre et asseoir une porte par
laquelle entreroient aud. cloz lesd. parties respectivement, disant
par luy, lesd. Jacques et Pierre, ses frères, presens, qui n'entendoient
lad. continuation de muraille et huisserie estre faictes, sinon par
congé et permission desd. religieuses, ne en sorte que ce leur peust
foire prqudice, et que le procureur et entremetteur des affaires de
lad. abbaye en auroient une clef pour ouvrir et former lad. porte,
entrer, aller et venir en icelluy èloz, mesmement sur ce qu'estoit de
80 LB8 GOBBUK.
leur heritaige, et pour y passer et repasser, quant et ainsi que bon
leur sembleroit. Suyyant lequel propos fiit depuis convenu et accordé
que, par permission et souffrance desd. religieuses, led. Philibert
Gobellin, pour luy et sesd. frères, pourroit faire continuer lesd.
murailles, et faire faire lad. huisserie et porte, à la charge que
d*icelle porte lesd. religieuses, ou leurs procureurs et entremetteurs
de leurs affaires, auroient une clef pour icelle ouvrir et fermer, pas-
ser et repasser, leurs gens, serviteurs et £Euniliers, quant bon leur
sembleroit, et que toutes et quantes foys que bon sembleroit ausd.
religieuses, elles pourroient faire démolir et abatre lad. continuation
de muraille, sans le consentement desd. Gobellins, ne autre solemp-
nité de justice, et fut lors par led. Philibert Gobelin, tant par luy
que sesd. frères, promis en passer lettre de recongnoissance. Et a
tout ce que dessus esté depuis confessé et recogneu par plusieurs
foys et en diverses manières par chacun desd. Gobellins, lesquels,
suyvant icelle permission et souffrance, ont depuis faict &ire lad.
continuation de muraille, huisserie et porte en et sur les heritaiges
desd. religieuses, ausquelles ou à leur procureur a esté baillé une
clef; mais, quelque temps après, lesd. Gobellins, usans de mauvaise
foy, auroient fait changer les gardes de la serrure, en sorte que lesd.
religieuses et leurs gens auroient esté privez de la fEiculté de pouvoir
entrer, aller et venir comme ilz avoient de coustume. Et davantaige,
par le moyen de lad. construction de muraille seroient advenus plu-
sieurs inconveniens ausd. religieuses et leur maison, à cause que par
le moyen d'icelles murailles en est entré en et au (de)dans leur
encloz, et ont esté dérobées deux ou troys foys; au moyen de quoy,
et voyans lesd. religieuses la mauvaise foy des parties adverses,
auroient faict adjorner led. Philibert Gobellin et contre luy prins
leurs conclusions pertinentes, selon ce que dessus; lequel Philibert,
tant par ses défenses que depuis en personne, auroit recogneu et
confessé le faict desd. religieuses estre véritable, tellement que par
sentence du prevost de Paris ou son lieutenant, â laquelle de présent
il acquiesce, auroit esté condenné passer lettres d'avoir eu permission
et congé d'elles, d'avoir faict faire lad. muraille, huisserie, porte et
clefs en icelle par précaire et souffrance, et à la charge de bailler et
avoir par lesd. religieuses ou leurs gens et serviteurs, une clef pour
y aller et venir, passer et repasser, toutes et quantes fois que bon
sembleroit, en la présence de sesd. frères, et aussi à la charge de
pouvoir, par icelles religieuses, abbesse et couvent, faire abbatre et
démolir lad. muraille et huisserie toutes et quantes foys qu'il leur
plairoit. Or, pour ce que lesd. Jacques et Pierre se seroient vantez,
quant lesd. religieuses de Saint Marcel auroient arrest contre led.
Philibert Gobellin, de empescher l'exécution, et par ce moyen les
tenir en longueur de procès, lesd. religieuses auroient présenté
PIÈCES JUSTIFICATiyRS. 8l
reqneste à la court pour fiiire appeller lesd. Jacques et Pierre pour
▼eoir régler les parties, et ad ce que Tarrest que interviendroit contre
led. Philibert fust exécutoire contre eulx, sont companu et depuis,
tant par jugement des commissaires sur ce commis que par arrest a
esté dict que les lieux seroient veuz et yisitées, en la présence de
m«« Jehan Tronson et Loys Roillart, conseillers en la court de céans,
par bourgeois, jurez et arpenteurs, desquelz les parties ont convenu;
a esté la Visitation faicte et par rapport d'icelle trouvé ledit condoz et
fossé appartenir ausd. religieuses, et que lesd. Gobelins estoient et
sont tenuz retirer lad. porte sur leur heritaige, et aussi que lesd.
religieuses, sur ce qui est de leur heritaige, pourroient faire huisserie
et porte, closture et autres choses pour leur comodité, semblablement
que lesd. Gobellins estoient et sont tenuz oster et arracher, ou faire
ester et arracher certaine quantité de saulx qu'ilz avoient faict plan-
ter sur led. condoz et fossé, ainsi que plus à plain le contient le pro-
cès verbal desd. Visitation et rapport, à renterinement duquel et de
lad. requeste ilz concluent et demandent despens.
Marlac, pour Pierre et Jacques Gobelin, adjournez à la requeste
des religieuses, abbesse et couvent des Cordelières S. Marcel, pour
veoir régler les parties et entériner cenain rapport de jurez, dict en
premier lieu qu'ilz sont en procez par devant le prevost de Paris tou-
chant certaine pièce de pré estant joignant les murailles des. deman-
deurs, auquel procès y a escriptures foumyes et enquestes faictes
respectivement par les parties, et n'y a riens quant à eulx pendant en
la court, et quant à l'instance qui par cy devant a esté meue par
devant le prevost de Paris entre icelles Cordellières et Philebert
Gobellin, pour raison de certaines prétendues promesses qu'elles pré-
tendent leur avoir esté faictes par icelluy Philibert touchant certain
mur basty derrière leur closture, ne se trouvera qu'il y ait aucune
promesse faicte pour eulx à icelles Cordellières, ny pareillement par
Philibert en leur présence, quoy que soit eulx saichans, consentans
et advertiz de ce que on faisoit et traictoit, et le denyent. — Dict
davantaige que, par avant lad. promesse long temps, Philebert Gobel-
lin n'avoit rien en l'heritaige sur lequel est basty le mur dont est
question, comme apperra par le partaige faict entre eulx, par lequel
la pièce de pré où est icelle muraille bastie, escheue à icelluy Jacques,
en sorte que, lors de la promesse, led. Philebert n'y avoit riens, et
n'a pu faire aucune promesse au préjudice dud. Jacques, avec lequel
lors il vivoit comunément quant à la despence de maison et faict de
marchandise. Et si ont remonstré iceulx Pierre et Jacques à la Visi-
tation faiac par maistrc Jehan Tronsson, conseiller, laquelle Visita-
tion n'a peu estre faicte que sur le contenu en la requeste desd. Cor-
dellières, dont est à présent question (qui estoit sur le dangier et
inasseurance qu'elles pouvoient avoir â cause dud. mur basty joignant
màu. XXXI 6
82 LBS GOBBLIN.
leurs muraille et clostnre, et non davantaige), ce que dict est mes-
mement ce qui seroit rapporté sur autre chose que sur le dangier
dont parle la requeste. Et protestant que le tout ne leur peust pre)u-
dicier es instances pendantes entre eulx et lesd. Cordellières, quant
à la propriété et possession des lieux, faisant toutesfojs toutes offres
pertinentes pour Tasseurance d'icelles religieuses, lesquelles, tout
bien veu et entendu, eertant contra propria commada^ parce que, au
moyen du mur dont est question, elles ont closture double et sont
plus asseurées qu'elles n'estoient auparavant, et toutesfoys ne se sont
contentées de leur avoir suscité six procès pour raison d'une mesme
chose ou Chastellet, à eulx qui sont simples jeunes gens empeschez
au faict de leur marchandise, mais les veullent encores empescher en
la court, taisans toutes lesd. instances pendans par devant le prevost
de Paris, desquelles elles font chascun jour toutes les poursuites
qu'il est possible, et veullent et entendent les faire vuidier par le
simple rapport duquel elles requièrent l'entérinement, ce que, soubz
correction, ne se peult et doibt faire, tant parce que l'on sçait assez
comme telz rappors se font et que les parties poursuyvantes ordinai-
rement font rapporter ce ou partie de ce qu'ilz veullent, que pour
ce aussi que en iceulx procès est question de la propriété et posses-
sion d'heritaige, ce qui ne se peult décider par rapport de jurez,
attendu que ce n'est de leur art et expérience, ains fault veoir les
tiltres et productions des parties. Et supplient lesd. parties à la court
qu'il luy plaise ce faire et vuider le tout par mesme moyen et joignent
icelles ensemble, en évoquant toutes les instances pendentes en
Chastellet, conserver la grande abréviation et prouffict de toutes les
parties, protestant au.surplus que led. rapport ne leur puisse prejudi-
cier,/?rimo, en ce qu'il seroit faict sur la propriété de lieux, parce que
les commissaires n'estoient commis pour faire Visitation esd. lieux
quant à la propriété d'iceulx, mais seuUement pour la seurté desd.
religieuses; secundo^ non est conventum de visiteurs que pour le
regard lad. seurté, non pour la propriété du lieu ; tertio^ que sur lad.
propriété ny appoinctement de contrariété dont n*est appelle et
enquestes faictes à ceste fin; quarto^ que une propriété se doibt
prouver par tesmoings, non par Visitation, consequemment il est
impossible, soubz correction, de recevoir led. rapport en ce qu'il
regarderoit la propriété du lieu dont est question.
Rebours a leu la confession dud. Philebert Gobelin; ce faict, a
dict qu'il prenoit droit par le partaige, dont Jacques Gobelin s'estoit
vanté.
La court, après que les religieuses ont prins droit par le partaige,
a ordonné que lesd. defifendeurs apporteront icelluy après disner
pour, icelluy veu, faire droit aux parties, ainsi qu'il appartiendra par
raison. Quant à l'appellation interjectée par Philebert Gobelin, la
piècBs JumncATTVES. 83
court a mis et mect icelle appellation au néant sans amende, ordonne
qae ce dont a esté appelle sortira son plein et entier effect, et con-
dempne led. appellant es despens de la cause d'appel, et néantmoins
ordonne lad. court que lesd. Philebert, Jacques et Pierre Gobelin,
frères, comparoistront en icelle après disner en personne pour estre
interrogez.
Arch. naLy Xi* 4909 (Matinées), fol. Sog.
I
Comparution et interrogatoire des parties.
Évocation au Parlement de Vinstance pendante au Châtelet,
Condamnation de Philibert Gobelin.
(x2 août 1539.)
Du mardy douziesme jour d'aoust 1 53g,
En la cause d'entre les religieuses de S. Marcel {un blanc).
Après que Rebours, pour lesdictes religieuses, a recité sommaire-
ment le plaidoyé par luy ce matin faict, et l'ordonnance de la court,
et requis que, suyvant icelle, Philebert, Pierre et Jacques Gobelins,
presens, fussent interroguez, assavoir ledict Philebert, si lesd. Pierre
et Jacques, ses frères, estoient pas presans à la requeste qu'il feist
ausdictes religieuses de luy permettre par précaire de bastir la
muraille, dont aujourd'huy est question, et foire Thuisserie qui y est,
à la charge d'icelle muraille démolir et faire démolir toutes et
quantes fois qu'il plairoit ausd. religieuses, mesme quant lad.
muraille leur seroit préjudiciable, et quelles auroient une clef de
lad. huisserie, et lesd. Pierre et Jacques, s'ilz estoient pas lors de
lad. requeste, presens avec lesd. Philebert.
Led. Philebert en personne, après serment par luy fait de dire
venté, sur ce interrogé, a denyé avoir jamais foict lad. requeste ausd.
religieuses, et quoy qu'il se trouvast par escript qu'il avoit confessé
en Chastellet avoir foict lad. requeste en la présence de ses frères, il
n'avoit jamais faict cette confession, et avoit l'on plus escript qu'il
n'avoit dit. Et est souvenant que, lorsqu'il fut interrogué en Chastel-
let, il fut interrogé par ung advocat nommé Chauveau, qui tenoit lors
le siège, et y avoit si grand tumulte qu'il estoit impossible qu'il eust
sceu entendre ce que led. Chauveau luy demandoit, et aud. Chauveau
ce que luy disoit. Et avoit esté adverty que la confession, qui
aujourd'huy se trouvoit par escript, avoit esté faicte à plaisir par
ung advocat ou procureur desd. religieuses, et pour entendre qu'il
n'avoit faict la requeste, il n'avoit riens et n'eut oncques en l'heri-
taige où a esté faicte la muraille dont est question, et ne Tavoit faict
faire.
84 LBS GOBIUN.
Lcsd. Pierre et Jacques, aussi en personne, après serment pareulx
fak de dire Terité, sur ce que dessus interrogez, ont affermé que
jamais n'oyrent parler que k présent que leurd. frère Philebert eost
faict la requeste dont a esté parlé ausd. religieuses, ne que lesd. reli-
gieuses ayent baillé aud. Philebert aucune permission précaire, ou
aultrement, de bastir lad. muraille. Et a dit led. Jacques que llieri*
taige cloz d'icelle muraille luy estoit escheu en son lot par le par-
taige qu'il ayoit foict avec sesd. frères de la succession de leur feu
père, et luy il avoit Caict bastir la muraille longtemps auparavant le
jour que l'on pretendoit lad. requeste avoir esté faicte.
A dit Rebours qu'il n'y avoit propos en Taffirmation Êiicte présen-
tement par led. Philebert, car il y avoit trois confessions géminées
par luy, toutes contraires ft ce qu'il disoit, la première par ses
défenses baillées par escript en Chastellet à rencontre de la demande
desd. religieuses, l'aultre et second avoit esté fiûcte judiciairement,
quant il avoit esté interrogé sur lad. demande desd. religieuses ; la
tierce, par unes lettres qu'il avoit obtenues. Vray estoit que par lesd.
lettres dist bien qu'il n'avoit consenti que lad. muraille seroit démo-
lie toutes et quantes fois qu'il plairoit ausd. religieuses, mesmes
quant elle leur seroit préjudiciable; mais, par les deux premières
confessions, il avoit confessé que, par précaire, il avoit eu la permis-
sion d*icelle muraille bastir desd. religieuses, à la charge qu'elles
auroient une clef de l'huisserye qu'il feroit faire, et de faire démolir
lad. muraille toutes fois et quantes que bon sembleroit ausd. reli-
gieuses, mesmes quant lad. muraille leur seroit préjudiciable, et par
toutes les trois confessions avoit confessé que quant il feist lad.
requeste ausd. religieuses, estoient presens lesd. Pierre et Jacques
Gobelins, ses frères, et ne se povoit saulver soubz umbre de dire
qu'il n'avoit confessé ce qui est escript en l'acte de sa confession,
attendu qu'il n'estoit maintenu de faulx. Pareillement ne se povoit
couvrir de erreur, car, comme il a dit, lad. confession a esté gémi-
née, tant par escript que en personne par led. Philebert, joinct que
led. Philebert n'a moyens pour prouver led. prétendu erreur, aussi
l'on veoyt qu'il acquiesce à son appel, approuvant par ces moyens ce
qu'il a dict et confessé par devant le prevost de Paris, et à ce qui a
esté contre luy jugé et ordonné. Quant ausd. Pierre et Jacques, dict
que, quelque chose qu'ilz s'efforcent à présent de nyer, la vérité est
qu'ilz estoient presens aux stipulations et promesses du précaire, les
ont eues pour aggréables et confessé estre vallables, ainsi qu'il sera
plus particulièrement deduict s'il en est besoing, et si est vray,
quelque dénégation qu'ilz facent, qu'ilz estoient lors dud. précaire
et souffrance requis par led. Philebert en communaulté de tous
biens avec luy, desquelz ilz ont depuis faict partaigc ensemble. Et
quant au partaige précèdent qu'ilz prétendent, ce a esté ung partaige
PIÈCES JUSTIFTCATIVES. 85
hkt entre tous les cohéritiers de leur feu père, depuis lequel lesd.
Philebert, Jacques et Pierre se sont remis en communaulté, en
laquelle ils estoient lors desd. précaire et souffrance. Et ont depuis
faict autres partaiges entre euix par devant le commissaire Boullart,
par lequel il apperra que, lors de lad. souffrance, les prez dont est
question estoient communs entre eulx, et aussi par le premier par-
taige n*est £aûcte mention que d'un arpent en 5 quartiers de pré, qui
n'est pas le total du pré que lesd. Gobelins ont au lieu dont est ques-
tion, qui se monte 3 arpens ou environ, quoy que soit beaucoup
plus que ce qui est mentionné pour le premier partaige. Au regard
de ce qu'ilz dient y avoir aultres procès pendant par devant le pre-
Tost de Paris, qui seroit préjudiciable à ceste instance, et lesquelz
partant il feuldroit evocquer, dict qu'il consent et requiert lad. évo-
cation et qu'il plaise â la Court, pour le bien desd. religieuses, le tout
joindre et vuyder ensemble, mais que lesd. religieuses soient remises
en leur premier estât.
Marlhac, pour lesd. Pierre et Jacques, a dict que eulx et Philebert,
iear frère, estoient gens de bien et qui ne se vouldroient parjurer
comme il croyt, et luy auroit dict et asseuré led. Philebert que la
confession judiciaire, au moyen de laquelle il acquiessoit à son
appellation, estoit £iulse, et que, lorsqu'il fut interrogué, il y avoit si
grand tumulte en l'auditoire du Châtelet, et s'il y eust eu l juges, ilz
n'eussent sceu entendre ce qu'il disoit, ny luy eulx. Toutesfois aymoit
mieulx passer condamnation que d'entrer en matière de faulseté. Et,
au regard desd. Pierre et Jacques, ilz ne vouloient plaider contre
leur tort, car accordoient que la court evocast l'instance qui estoit
pendente et indécise en Chastellet, pour raison du fond et propriété
où a esté construicte lad. muraille, en laquelle instance y a eu
enquestes faictes et contredictz de tesmoings baillez, et estoit preste
a juger, et qu'il pleiist à la court veoir au fond du sac et faire droict
aux parties, de sorte que, s'ilz n*avoient riens en lad. propriété, ilz
en feossent déboutez, aussi, s'il se trouvoit que lesd. religieuses
eussent tort, elles feussent condempnées.
La court dict que, avant que faire droit sur la requeste faicte par
lesd. religieuses concernant la démolition de la muraille, les parties
informeront, d*une part et d'aultre, du faict prétendu par lesd. reli-
gieuses et denyé par lesd. Gobelins puisnez, assavoir de la requeste
faicte par Philebert Gobelin ainsné ausd. religieuses qu'elles luy
puissent faire construire et édifier lad. muraille, à la charge d'icelle
abbatre et démolir, ou souffrir estre abbatue ou démolie par icelles
religieuses, toutesfois et quantes qu'elles le vouldroient requérir, et
ce dedans quinzaine pour toutes préfixions et delaiz, aliaSy lad.
XV«» passée, sera vuydée l'instance de lad. requeste par ce qu'il sera
trouvé devers lad. court, et, au surplus, suyvant le consentement des
86 LVS GOBBLIN.
parties, U court a erocqné et erooque à elle tous les procès et ini-
tances qui sont pendentes entre lesd. parties en Chas^liet et esttns
indécises, pour estre joinctes à l'instance de lad. requeste et jagto
toutes ensemblement ou distinctement, ainsi que lad. court verra
estre a fiadre par raison.' Et pourront lesd. religieuses emploier la
sommation qu'ils dient avoir faicte sur lad. requeste, et mettront par
devers lad. court le rapport de Visitation qu'elles ont £Edct faire. Et,
quant aud. Philebert Gobelin, lad. court» suivant la sentence contre
luy donnée par le prevost de Paris ou sont lieutenant, à laquelle il a
acquiescé, l'a condempné et condempne à souffrir de sa part et en
tant que à luy est, la demolidon de lad. muraille estre £aicte par
lesd. religieuses.
Arch. nat, Xu 835s (après dîners), fol. 634 ▼*•
K
Arrêt ordonnant la comparution des témoins cités par Pierre et
Jacques Gobelin à l'appui de leur requête pour la récusation àe
Jean Tronsin.
(a3 novembre 154a.)
Du jeudy xxm* novembre M V« XLII.
Ce jourdhuy,suyvant l'ordonnance de la cour fiùcte le jour d'hier,
sur certaine requeste présentée à icelle par Pierre et Jacques les
Gobelins, marchans, demourans â S. Marcel lez Paris, à ce que pour
les causes y contenues, ensemble en certains articles de récusation
y attachez, il fust ordonné que maistre Jehan Tronsin, conseiller en
lad. court, et par cy devant commissaire par elle député avec maistre
Jehan Megret, aussi conseiilier en icelle court, en certains procès y
pendans et évoquez entre iceulx Gobelins, défendeurs et opposans
d'une part, et les religieuses, abbesse et couvent de S. Marcel lei
Paris, demandeurs et complaignans d'autre, se déport roi t (sic) desd.
procès, et que par devant led. Megret lesd. parties procederoient
pour, lesd. procès instruictz, iceulx estre à son rapport jugez et déter-
minez; sont comparus en icelle court lesd. Pierre et Jacques lez
Gobelins, et après avoir pour eulz dict avoir faict présenter lad.
requeste et articles y attachez, à ceste fin à eulx exhibez, en
advouant le contenu en icelle requeste et articles, et après aussi que
pour la preuve et Visitation d'iceulx ilz ont nommez pour tesmoins
Mathurin Cintray, Jacque Pochet et Claude du Crou, lad. court a
ordonné et ordonne que par devant maistres Nicollc Hennequin et
Jehan Megret, conseillers en icelle court, qu*elle a à ceste fin commis
et députez, seront tenuz lesd. Gobelins amener et faire comparoir
dedans trois jours pour tousdelaiz lesd. tesmoings par culx présente.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 87
ment nommez pour estre oyz et interrogez sur le contenu esd.
articles, pour ce fedct en ordonner par lad. court, comme de raison,
et aura led. Tronson coppie desd. requeste et article.
Aich. nat., X^* i55o (Conseil), fol. 19 v*.
Rejet de la demande en récusation de Jean Tronsin^ conseiller au
Parlement^ introduite par Pierre et Jacques Gohelin^ condamnés
à 10 livres parisis d'amende,
(2 juin 1543.)
Du samedy, second jour de juing M V«XLIII.
Veu par la court les causes de récusation baillées en icelle par
Pierre et Jacques les Gobelins, marchans, demourans i S. Marcel lez
Paris, à rencontre de m« Jehan Tronsin, conseiller en lad. court, par
lesquelles et pour les causes contenues en icelles ilz requeroient led.
Tronson soy abstenir de assister en certain procès pendant en lad.
court entre lesd. Gobelins et les religieuses, abbesse et couvent des
Cordelières de S. Marcel, certain arrest donné en lad. court le
xxui* jour de novembre derrain passé, par lequel auroit esté ordonné
que les tesmoings nommez par lesd. Gobelins pour vérifier lesd.
causes de récusation seroient examinez par deux commissaires de
lad. court et l'examen faict par lesd. commissaires suyvant led.
arrest, et tout considéré, sera dict que, sans avoir esgard ausd.
causes de récusation, led. Tronson sera et assistera au jugement dud.
procès, et pour avoir par lesd. Gobelin indiscrètement proposé lesd.
causes de récusation, icelle court les a condennez et condenne en dix
livres parisis d'amende envers le Roy.
Arch. nat., XU i55i (Conseil), fol. 7a v*.
M
Arrêt condamnant f sous peine de loo liv, par. d'amende^ Philibert
Gobelin à fournir un titre aux religieuses Cordelières^ constatant
leur droite et à leur ouvrir une porte à travers sa clôture.
(24 novembre i543.)
Du vendrcdy xxiiii* jour de novembre M V" XLIII.
Entre les religieuses, abbesse et couvent des Cordelières S. Marcel
lez Paris, demanderesses, en exécution d'arrest, d'une part, et Phile-
bert Gobelin, marchant et bourgeois de Paris, défendeur en lad.
88 LES GOBELIN.
exécution d'arrest, d'autre, veu par la court les demande, défenses,
replicques et dupplicques desd. parties, la sentence donnée entre
elles par le prevost de Paris ou son lieutenant, le troisiesme jour de
juillet, l'an mil V« XXXVIII, arrest confirmatif d'icelle du xu« jour
d'aoust mil V« XXXIX, l'offre faicte par led. défendeur, les produc-
tions desd. parties, Tappoinctement en droict, et tout considéré;
Il sera dit que lad. court a condenné et condenne led. défendeur à
passer dedans huictaine, après la signification de ce présent arrest,
lettres ausd. demanderesses d'avoir eu permission et congé d*icelles
de foire une muraille, huisserie, porte et clefz en icelle muraille par
précaire et souffrance, et à la charge de bailler et avoir par lesd. reli^
gieuses ou leurs gens et serviteurs une clef pour y aller et venir, pas-
ser et rappasser toutes et quantes fois que bon leur semblera et à la
charge de povoir faire par lesd. demanderesses abatre et démolir lad.
muraille et huisserie toutes les fois qu'il leur plaira, et ce en peine
de cent livres parisis d'amende, à faulte d'avoir ce foict dedans led.
temps. Et si a lad. court condemné icelluy défendeur es despens de
ceste instance, telz que de raison.
Axch. nat., X^* i532 (Conseil), fol. 22 r*.
N
Mandement de Henri II accordant une somme de 5 00 écus dor à
Claude Gobelin^ nourrice du Dauphin,
Henry, par la grâce de Dieu roy de France. A nostre amé et féal
conseiller trésorier et receveur général de noz finances extraordi-
naires es parties casuelles, M« Jehan Laguette, salut et dilection.
Nous voulons et vous mandons que des deniers de vostre recepte
generalle prouvenuz ou que proviendront de la vente et composition
des offices, vous payez, baillez et délivrez comptant à nostre chère et
bien amée Claude Gobelin, nourrisse de nostre très cher et très amé
filz le Daulphin, la somme de cinq cens escuz d'or soleil, à laquelle,
en faveur des bons et agréables services qu'elle a cy devant faictz
à nostrcdict filz et faict encores chascun jour, et à ce qu'elle ait
meilleur moyen de soy plus honnorablement entretenir près et alen-
tour de sa personne, nous en avons faict et faisons don par ces pré-
sentes, signées de nostre main; et ce oultre et pardessus ses gaiges et
aultres dons et bienffaictz qu'elle a euz cy devant de nous et pourra
avoir cy après. Et par rapportant ces dictes présentes et quictancc
de lad. Claude Gobelin sur ce suffisante seullement, nous voulions
ladicte somme de V<^ escus soleil estre passée et allouée en la des-
pence de voz comptes et rabbatue de vos dicte recepte generalle par
noz amez et féaulx les gens de noz comptes à Paris, ausquelz nous
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 8g
mandons ainsi le faire sans difficulté, car tel est nostre plaisir, etc.
Donné à Sainct Germain en Laye, le vni« jour de juing, l'an de
grâce mil cinq cens quarante sept^ et de nostre règne le premier.
Henry.
Par le Roy : Claussb.
Bibl. nat., ms. fr. 3o365 (27824).
Quittance des Soo écus d'or accordés par le roi Henri II à
Claude Gobelin^ nourrice du Dauphin.
En la présence de moy..., notaire et secrétaire du Roy, Claude
Gobelin, nourisse de Monseigneur le Daulphin, a confessé avoir eu
et receu comptant de M* Jehan Laguette, conseiller dud. Seigneur,
trésorier gênerai de ses finances extraordinaires et parties casuelles,
la somme de cinq cens escuz d'or solleil, vallant, à xlv solz tournoiz
pièce, xje XXV liv. t., à elle ordonnée en don par led. seigneur sur les
deniers provenans de la vente et composition des offices, en faveur
des services qu'elle a faictz aud. Seigneur, faict et continue chacun
(sic) en sond. estât. De laquelle somme de V<> escuz d'or soleil au
feur que dessus lad. Gobelin s'est tenue et tient pour contente et
bien payée et en a quicté et quicte led. Laguette, trésorier et rece-
veur gênerai susdict et tous aultres, tesmoing mon seing manuel cy
mys a sa requeste, le ii« jour de juillet l'an mil cinq cens quarante
sept.
DUVAL.
Bibl. nat., ms. fr. 3o363.
Extrait des Recherches critiques de Jaillot,
c RuB DE LA REINE Blanche^. Elle aboutit d'un côté à la rue Mou-
t fêtard et de l'autre à celle des Haut Fossés Saint Marcel. Sauvai
1. François I" était mort au château de Rambouillet le 3i mars 1347. ^^
1647, le dauphin François, fils de Henri II, né le 19 (ou 20] janvier 1544,
avait environ trois ans et demi. Claude Gobelin, après avoir nourri le jeune
prince, était sans doute restée auprès de sa personne. On lui payait proba-
blement en une seule fois l'arriéré de ses gages de nourrice, ce qui explique
le chiffre élevé de la somme qu'elle reçoit après l'avènement au trdne de
Henri II.
2. Jaillot, Recherches critiques^ etc..,, sur la ville de Paris. Paris, 1774,
in-8* (16* quartier, p. 119).
go LES GOBSLIN.
dit qu'elle fut ainsi appelée à cause qu'on la fit sur les ruines de
l'hôtel de la reine Blanche, qui fut démoli en iSga, comme corn-
plice de l'embrasement de quelques courtisans qui y dansèrent
avec Charles VI ce malheureux ballet des Faunes si connu. —
Juvénal des Ursins, qui rapporte ce fait comme arrivé â l'hôtel de
la reine Blanche^ ajoute que, pour ce, cet hôtel fut démoli. Corro-
zet dit aussi que cette maison, pour cette cause, fut razée rez pied
rez terre. Les Historiens de Paris ont suivi cette opinion, et je ne
cherche pas à la combattre ; mais il me paroît surprenant que, pour
l'appuyer, ils citent le témoignage de Jean Le Laboureur, qui dit
positivement que ce fut i l'hôtel Saint Pol que se donna le ballet
des Sauvages... Il est certain qu'il y a eu un séjour ou des jardins
appelles de la reine Blanche qui ont âiit donner ce nom à la rue.
La déclaration des biens du chapitre Saint Marcel, donnée le
9 avril i540, par M. Maurice de Bullion, doyen de ce chapitre,
énonce en plusieurs endroits le lieu dit la reine Blanchey et l'un
des articles en fixe la situation et l'étendue en ces termes : deux
arpens de terre appelés la Roine Blanche, tenant au cimetière Saint
Martin^ aux jardins de l'Église S. Marcel et aux Fossés, Je ne
sais si ce nom venoit de Blanche de Bourgogne, femme de Charles
le Bel, ou de Blanche d'Évreux, épouse de Philippe de Valois, ou
si, comme d'autres pensent, ce séjour avoit été bâti par la Reine
Blanche de Castille, mère de S. Louis. Un mémoire manuscrit,
fait en 17 19, par M. Colonne du Lac, doyen de S. Marcel, adopte
cette dernière opinion et ajoute qu'il a été ensuite possédé par une
comtesse de Piedmont. Le long de cette rue règne la terrasse de la
maison du Doyen, qu'occupoient autrefois les Évéques de Paris,
et sur laquelle on lisoit anciennement l'inscription Domus épis»
copi. »
(
TABLE.
Pages
Jean Gobelin, !•' du nom 2
Philibert Gobelin, fils de Jean, !•' du nom 12
La maison dite de la reine Blanche 19
Jean, frère de Philibert, Jean et François, ses neveux. ... 26
Procès des Gobelin et des Cordelières 36
La famille des Canaye 42
Claude et Marie Gobelin 45
Jean Gobelin l'aîné, fils de Catherine Langlois 47
fialthazar Gobelin, président de la Chambre des comptes, et
ses descendants 52
Les derniers Gobelin aux xvii« et xviii» siècles 5j
Les teinturiers remplacés par les tapissiers Sg
Pièces justificatives.
A. Testament de Jean Gobelin (1476) 63
B. Partage, après le décès de Philibert Gobelin, entre sa veuve, Denise
Le Brest, et Jacques Gobelin, son fils (27 mai i5io) 66
C Arrêt rendu, sur un différend survenu au sujet des teintures, entre
Geneviève Le Bossu, veuve de François Gobelin, et Catherine Lan-
gloys, veuve de Jean Gobelin, représentant ses enfants mineurs
(7 septembre i337) 69
0. Nomination de Jacques Spifame et René Brinon en qualité de com-
missaires chargés de faire l'enquête sur les faits articulés par Gene-
viève Le Bossu (16 février i338) 72
E. Arrêt portant défense à Catherine Langlois et autres de faire lavage
de guesde et autres matières colorantes au-dessus de la maison des
demandeurs et de celle de la veuve de Jean Paultre (ix mai i338). 73
F. Arrêt définitif défendant à Catherine Langlois, veuve de Jean Gobe-
lin, et autres membres de la famille, de laver des guesdes, etc.,
au-dessus de la maison de Geneviève Le Bossu, veuve de François
Gobelin (7 septembre i338) 76
G. Arrêt ordonnant une enquête sur la plainte formée par les reli-
gieuses Cordelières contre Philibert Gobelin et ses frères (2 avril
1539) 77
H. Plaidoyers des avocats des deux parties adverses (12 août i339) . 78
1. Comparution et interrogatoire des parties. Évocation au Parlement
02 TAMJi.
de riottance pendante au Chfttelet. Condamnation de Philibert
Gobelin (i2 août 1539) tf^
K. Arrêt ordonnant la comparotion des témoins cités par Pierre et
Jacques Gobelin à Pappui de leur requête pour la récusation de ^
Jean Tronsin (a 3 novembre 1542) 8^^
L. Rejet de la demande en récusation de Jean Tronsin introduite par
Pierre et Jacques Gobelin, condamnés à 10 livres parisis d'amende
(2 juin 1543) 87
M. Arrêt condamnant, sous peine de foo livres d'amende, Philibert
Gobelin à fournir aux religieuses Cordelières un titre, constatant
leur droit, et à leur ouvrir une porte à travers sa clôture (24 no-
vembre 1343) 87
N. Mandement de Henri II accordant une somme de 5o écus d'or à
Claude Gobelin, nourrice du Dauphin (8 juin 1547) 88
O. Quittance des 3oo écus d'or accordés par Henri II à Claude Gobe-
lin, nourrice du Dauphin (2 juillet 1547) 89
P. Extrait des Recherches critiques de Jaillot 89
Tableau I. Généalogie de la famille Gobelin de 1443 au début du
xvni* siècle.
Tableau II. Descendants de François Gobelin et de Geneviève
Le Bossu.
Planches.
I. Plan des propriétés des Cordelières et des Gobelin en i539 (^i'*^
des Archives nationales, S 4682-3).
II. Les maisons des Gobelin sur la Bièvre et le couvent des Corde-
lières en 1539 (Arch. nat., S 4682-3).
III. Les maisons des Gobelin sur la Bièvre et le couvent des Corde-
lières en 1539 (Arch. nat., S4682-3).
LIVRE DE DÉPENSES
D'UN DIGNITAIRE DE TÉGLISE DE PARIS
EN 1248
(FRAGMENT)
Dans le précédent volume des Mémoires de la Société a été
publié un compte de dépenses faites à Paris par des particuliers
en 1265 ; un autre de même genre existe, antérieur de plusieurs
années, certainement le plus ancien qui concerne des intérêts
privés dans cette ville, et probablement en France*. Il est intéres-
sant de le comparer au premier; mais sa date et l'identification
des personnages en cause ne peuvent être présentées avec autant
de certitude.
Ce compte couvre le recto et le verso des quatre feuilles de
garde reliées avec un cartulaire de Saint- Etienne -des -Grès
(Archives nationales, LL 465], biffées en tous sens et réduites au
format du volume, cependant rognées de deux ou trois lignes
seulement dans la hauteur et à peine dans la largeur. Rien ne
semble tout d*abord indiquer quand et pour qui il a été tenu '. Les
jours de la semaine, à l'exception de quelques-uns, pour lesquels
aucune dépense ou du moins aucune inscription n'a été faite, se
suivent régulièrement sur chacune des feuilles, fragments recueillis
au hasard et employés en ordre interverti. Aucun quantième n'a
1. On ne peut considérer comme tel le compte de la Commanderîe de
Saint- Denys en 1229-30 (Arch. nat., LL 1240); celui de Thôtel d'Amauiy de
Montfort en 1209 {Ibid., K 29, n* 8) a été feit en Angleterre.
2. Ces feuilles ont dû être employées comme parchemin de rebut lors de
la confection d'une reliure ancienne; elles ont été montées sur onglet, lorsque
cette reliure a été refaite. En tous cas, maints détails ne permettent pas devoir
quelque rapport entre elles et la Collégiale dont elles protègent le cartulaire.
94 LIVRE DE DÉPENSES
été porté. Au milieu du verso de la feuille i, semaine qui suit
rÉpiphaaie, se lit en marge, on ne voit pas à quel propos^ le
millésime [anno] D' M IPXLVIII; c'est une indication précieuse,
car plusieurs fêtes, la Saint-Thomas, Noël, les Saints-Innocents,
la Saint-Sylvestre, la Circoncision, TÉpiphanie, etc. sont notées
comme éunt tombées un lundi, vendredi, lundi, jeudi, vendredi,
mercredi, etc., c^est-à-dire les jours mêmes où cette coïncidence
est justifiée pour Tune des années marquées de la lettre domini-
cale D, ED,et, en ce qui est du mois de janvier, anc. st., C, telles
que 1248 et 1248-1249. Cette donnée bien certaine permettra
d'introduire les quantièmes et d*admettre la date de 1248, tout
au moins pour la partie du compte oti ce millésime est inscrit, du
17 décembre au 16 janvier.
Aussi sûrement semblerait pouvoir être identifié le personnage
auquel le comptable s^adresse très fréquemment, mais sans le
désigner autrement que comme son Dominus. Il fait maigre le
vendredi et le samedi; ses vêtements sont ceux d'un ecclésiastique
séculier. Cet ecclésiastique a des secrétaires et plusieurs servi-
teurs; il a des clercs assez nombreux pour qu'il distingue parmi
eux ceux qui sont pauvres et ont besoin de secours; il fait des
dons d'argent, de denrées, de vêtements à ses clercs, à de nom-
breux Maîtres ou Doms, à divers dignitaires de l'Église, à des
monastères; il entretient des écoliers; il a sa chapelle particulière;
un clerc porte devant lui l'eau bénite; il paie sur ses revenus la
décime; il reçoit des lettres du roi; c'est un Évéque. C'est celui
de Paris; car il traverse plusieurs fois la Seine; il fait ferrer son
cheval par le maréchal du Louvre; il a des propriétés à Argen-
teuil, Saint-Victor, Ivry, Viry, Fontenay. Enfin, en 1248, il
n'est autre que le célèbre Guillaume d'Auvergne, ce que paraî-
tront confirmer les mentions de la chapelle qu'il a fondée en
1 243 dans le palais épiscopaP, de certains de ses ouvrages théolo-
giques et de libéralités en faveur des Filles-Dieu, congrégation
qu'il avait instituée, ainsi que des Bons-Enfants^ qui étaient
aussi ses protégés. Toutefois, cette identification, qui semblerait
X. Cette inscription suit la récapitulation des dépenses pendant un cer-
tain nombre de jours, mais plusieurs autres totaux semblables ne sont pas
ainsi annotés.
2. Dubois, Historia ecclesie Parisiensit, II, 365 ; Gallia, VII, p. 99.
3. Peu avant de faire ce don, à Poccasion de Noël, l'ÉTÂque avait fondé
une chapelle dans ce collège {Gallia, VII, p. 100).
D*nN DIGNITAIRB DE l'ÉGLISE DE PARIS EN I248. gS
si certaine, est soumise à des réserves qu'imposera l'examen
détaillé du document.
Le compte a été établi avec peu de soin; en outre, il est embar-
rassé actuellement de notes, dUnvocations sans nul rapport avec
lui, d'essais d'écriture, etc. Aucune recette n'y a été inscrite,
donc, aucune balance. Les dépenses sont de temps à autre, très
irrégulièrement, résumées en des totaux pour la plupart exacts.
Les rognures et les lacunes empêchent de les vérifier tous. Il en
est qui paraîtraient mal calculés; mais les inscriptions pour
toute une journée, qui y pourraient entrer, ont été omises ^ Nous
avons donc seulement une transcription partielle et négligée du
véritable compte, qui, probablement sur tablettes de cire', a
servi au règlement entre le Dominus et son intendant.
Ces dépenses sont très variées ; il faut relever séparément celles
qu^occasionne la maison du prélat pour nourriture d^hommes et
chevaux, vêtements, ustensiles, etc. ; les acomptes sur des sommes
dont rintendant est redevable; les gages, rémunérations^ dons,
aumônes en deniers ou en nature et les dépenses diverses.
Les premières sont loin d'être détaillées chaque jour et de cor-
respondre à tous les besoins, au contraire de ce qui se voit dans
le compte de la mission de prédication de 1 365. Des provisions
de denrées sont faites, comme il convient pour consommation en
une résidence fixe. Puis, les plus nécessaires sont en totalité ou
en grande partie fournies par les propriétés rurales. On n'achète
ni bois, ni blé pour le pain, qui est cuit à Phôtel; jamais de
beurre, de lait, si ce n'est une fois du lait de chèvre; on paye,
non pas le prix, mais seulement le charroi de fèves, de foin, de
paille, la mise en cave du vin, et, pour des porcs, pour une vache,
le boucher qui les tue.
Des « viandes » ne sont distingués que les poulets, les poules,
dont une coûte 6 d.^, et les alouettes; des poissons, que les
harengs, à 7 ou 8 d. le quarteron, et les merlans; des « herbes j>,
probablement tous les légumes verts, que les pois, les fèves, et
pour chaque jour en la saison les laitues ou les choux. Les
œufs, en petite quantité, sont un supplément à ceux des poules
qu'on nourrit. Les desserts se composent de noix, à 1 1 d. le mille,
1. Voir le 3 et le 17 avril , notes.
2. Ces tablettes étaient employées c surtout pour écrire les comptes »
(Giry, Manuel de diplomatique^ p. 5o2}.
3. En X265, 6 d. i/a.
96 UVRE DB D^BNSES
d'amandes, de pommes, de grenades. Quelquefois on prend un
petit pain de luxe à 4 d.; on mange des « mortereaux » ou pâtés
de viandes, des gâteaux appelés a nieules », et un gâteau des rois
désigné par le nom de libum, celui du gâteau sacré jadis offert
aux dieux. Les condiments sont huile et saindoux, dont la quarte
vaut 10 et 17 d., verjus, moutarde, cumin, gingembre, hysope*.
Pour les chevaux, la récolte d'avoine doit suffire; mais on se pro-
cure de rherbe, de la paille, du foin, de la litière, du son donné
aussi aux poules et aux porcs; en plus, le ferrage et une longe.
Les vêtements cités sont une chape et un « hergaud » fourrés,
ou plutôt doublés pour i5 d., une chape à capuchon en tire-
taine, d'autres chapes, une c capuce > fburrée, une pelisse, des
surplis, un manteau, l'habillement de domestiques pour 12 ou
16 s., des souliers du prix de 2 s. pour un autre.
A ajouter des chandelles, la réparation de couteaux, d'un hanap
de « madré* », d'une clef et d'une serrure, l'acquisition d'un
chaudron, de bassins pour la cuisine et la chapelle, d^une c natte >
pour c le lit des domestiques », qui couchaient donc ensemble,
de parchemin, encre, plumes et pierre ponce, enfin le blanchis-
sage par abonnement, dont deux termes de 2 s. 1/2 chacun sont
échus le !•' janvier et à Pâques.
LUntendant arrive par acomptes successifs à parfaire des paie-
ments dont le motif n^est presque jamais indiqué; il les récapitule
et ajoute quelquefois le montant de ce qui reste dû; il raye ces
articles quand le total est atteint. Ses créanciers ont des noms
absolument inconnus. Ils doivent pour la plupart avoir livré des
fournitures, prêté de l'argent, cédé quelque objet. Les domes-
tiques touchent ainsi leurs gages, Raoul Lombard, à qui une
avance est consentie, Huetus famulus vester^ un autre /amii/iw,
Henriet, qui est plutôt le courrier et est envoyé à Rouen, à Sen-
lis, à Reims, le secrétaire Geoffroy, Raoul Francis, employé aussi
à des travaux d'écriture. Ce sont encore M* Severin, qui jouit
d'une allocation périodique, d'une a bourse », le Sous-chantre
1. Il n*est pas question de sel, de poivre, d'épices ni de sauces, dont le
con)pte de i265 contient de fréquentes mentions.
2. Matière inconnue, quoique jadis très employée (en voir les nombreuses
citations dans Du Gange, Godefroy, Lacurne, auxquelles peuvent être ajou-
tées celles de c hanas de madré, » d*après le ms. de la Bibl. nat., f. lat. 9018,
p. 19, et de c henaps de madré blans, 1 dans les Mémoires de la Société
de V Histoire de PariSf XX, p. 295).
\
d'un DI6NITAIRB DE l'ÉGLISE DE PARIS EN I248. 97
Jean, enfin deux écoliers reçoivent chaque semaine la somme
nécessaire pour leur entretien.
A beaucoup d'autres personnes sont faits des paiements, sans
qu'elles aient un compte particulier, au tailleur, au maréchal, à
répicier Nicolas, dit Godard, à des vignerons, charretiers, van-
neurs de blé. Le domestique du médecin, à l'occasion d'une visite
qui semble n'être pas rémunérée, a 6 « fortes^ », et le barbier
3d., le lendemain, pour la saignée ordonnée. Le messager qui
apporte des lettres du roi a un pourboire de 1 3 d.'.
La dépense s^augmente d aumônes, notamment aux Bons-
Enfants, et de dons non motivés en deniers ou en nature : sain-
doux aux clercs pauvres; pommes aux Frères Prêcheurs; pois-
sons à des Maîtres le jour où ils se sont fait saigner; à un
Sous-prieur de province; aux tenanciers qui ont apporté du vin;
aux Filles-Dieu une vache, équarrie moyennant 4 d., et pour
3 d. envoyée à leur établissement sur la route de Saint- Denis;
des vêtements, chape de 21 s., manteau de 3i s. 9 d., capuchon à
des Maîtres ou des Doms, probablement Chapelains de Tévêché ou
membres du Chapitre.
Le passage de la Seine se paye un denier. Tout autant est donné
chaque dimanche au clerc qui porte l'eau bénite. Le Sous-chantre
et un Maître ayant été invités à « manger des viandes », la
dépense s*est élevée à 14 d.
Périodiquement sont acquittées les échéances hebdomadaires
d'une c bourse » au profit des clercs pauvres, et de deux autres,
dites de l'Évêque d'Évreux et de celui de Senlis. Ces prélats, Jean
de la Cour d^Aubergenville, qui devait alors faire les fonaions de
Chancelier, et Adam de Chambly, qui avait eu cette charge, étaient
des principaux conseillers du roi ; rien ne se trouve qui soit relatif
à la dépense inscrite sous leur nom, peut-être pour quelque
fondation à rembourser par eux ou condition de quelque faveur
obtenue grâce à leur influence. Une autre allocation, que tou-
chaient le sommelier et le cuisinier, provient de la prévôté de
Viry; elle devait se rattacher à l'exploitation de droits ou de
biens acquis dans cette localité^.
1. Voir 2 janvier, note.
2. Cette somme est dans le compte de 1265 comme tarifée pour une dis-
tance d'environ une journée; le roi étant en Orient, la modicité de ce pour-
boire montre que les lettres ont été transmises par la régence.
3. Voir 17 décembre et 29 avril.
MKM. XXXI 7
lOO UTRB DB DéPBNSBS
(2) p. 9, lO; (4] p. II, 12, se suivant du 17 décembre 1248 au
i3 mai 1249.
Mais alors se présente une difficulté, motif des réserres annon-
cées avant le précédent résumé.
Les deux dernières feuilles n'auraient pas, comme les autres,
reçu rinscription des dépenses de Guillaume d'Auvergne, il ne
vivait plus.
Des dates très différentes ont été assignées au décès de ce pré-
lat. Ses actes postérieurs à 1244, à Pâques 1247, au 14 ayril
1248* doivent feiire négliger celles-ci. La nomination de son
successeur /dans le courant de 1248' est une indication bien
vague. D'autres laissent difficilement distinguer le jour de la
mort) de Tensevelissement ou de l'anniversaire, tantôt Atmiver'
sarium et tantôt Obit; ce sont :
Obit, 24 février, nécrologe des Mathurins, d'environ 1260'.
Anniversaire, 24 février, autre nécrologe du même monastère,
écrit en 1483^.
Décès, 28 février, veille des calendes de mars 1248, d'après
une inscription portée, probablement renouvelée, en 1668 sur
le tombeau de l'Evéque dans une chapelle du couvent de Saint-
Victor*.
Obit, 3o mars, dans le nécrologe de Saint-Magloire, diaprés
des notes de Baluze*.
Anniversaire, 3i mars; obit, i*' avril, dans le nécrologe de
Saint- Victor. La seconde mention semble être une rectification,
d'écriture moins ancienne^, avec addition du millésime, 1248*.
Anniversaire, i" avril, dans le nécrologe de Notre-Dame de
Paris; une note fixe le décès au troisième jour après le dimanche
des Rameaux, mardi saint, 3o mars, en 1248'.
1. Tillemont {Saint Louis, I, p. 4S4; III, p. 174, 173) a proposé, après
cette date, le 3o mars 1249 (n. st.).
2. Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, III, p. 681.
3. Bibl. Maxarine (1347) 3336; Molinier, Obituaires, I, p. 689.
4. Bibl. Mazarine (i347a) 3335; Molinier, Obituaires, l, p. 683, a imprimé
23 février.
5. Gallia, VU, p. 99. Dans le ms. lat. 17040, p. 119, un dessin repré-
sente le tombeau avec l'inscription.
6. Molinier, Obituaires, l, p. 390.
7. Le nom est écrit Alverriensis.
8. Bibl. nat., f. lat. 14673, p. i83, 184; Molinier, Obituaires, I, p. S3o.
9. Bibl. nat., f. lat. 5i85cc, p. ijb; Guérard, Cartulaire de N.-D. de
D*UN DIGNITAIRE DE l'ÉGUSE DE PARIS EN 1248. lOI
Anniversaire, i5 avril, par suite d'une transposition opérée
dtns un nécrologe de Notre-Dame au xiv* siècle ^
Décès, dimanche des Rameaux; ce serait le 20 mars^ car,
dans la Chronique parisienne du fonds Cottonien, où se trouve
ente date, elle est précédée des mots Anna !> M II"" XLIX
(Pâques, 27 mars), ce qui n'y peut être interprété que suivant le
style ancien (1249-1250}, mais ce millésime ne se rapporte en
réalité qu'à la promotion du successeur de Guillaume d'Au-
vergne, principal sujet de l'article'.
 ces indications s'ajoutent deux aaes : un affranchissement
accordé en avril 1249 sede vacante* y et le don d'une rente fait au
Chapitre dans le même mois par les exécuteurs testamentaires du
défunt pour fondation de son anniversaire^. En avril, il n'était
pas parmi les Évéques assemblés qui ont accordé des indulgences
à la Sainte-Chapelle'.
Au contraire, il n^y a pas à tenir compte de citations d'après
lesquelles on le pourrait croire encore vivant en 1249. Par erreur,
cette date a été inscrite dans le manuscrit des Arch. nat., LL 1 545,
p. 32, en marge d'un acte qui est de 1240. L'abbé Lebeuf en
aurait vu un passé devant lui en juillet 1249, ^^ profit de Saint-
Maur-des-Fossés*; il donne pour référence les extraits du cartu-
laire de cette abbaye par Gaignières, page 82; mais dans ce
volume^, en réalité, à la page 469, comme dans les cartulaires
originaux^, la part que Guillaume a prise à cette convention est
rappelée en ces termes : ... bone memorie Guilelmij quondam
parisiensis episcopi.
En conséquence, a été adoptée pour le décès de PÉvéque la date
du 3i mars 1248 ou plutôt du 3o, conformément au Cartulaire
Paria, IV, p. 38; Molinier, Obituairea, I, p. 11 5. Indication reproduite
dans le nécrologe f. lat. i836i.
I. Bibl. nat., f. lat. 5658b; Arsenal, 1034; Molinier, Obituaires^ l, p. xii,
316.
a. Mémoires de la Société de V Histoire de Paris, 1877, p. 187.
3. Arch. nat., LL76, p. 5i3; Guérard, Cartulaire de N.~D. de Paris^
II, p. 375.
4. Arch. nat., LL 76, p. 99; Guérard, Cartulaire de N.'D. de Paris,
II, p. 87.
5. Tillemont, Saint Louis, III, p. 175.
6. Histoire de la ville et du diocèse de Paris, V, p. 55.
7. Bibl. nat., f. lat. 5416, ancien Gaignières 223.
8. Arch. nat., LL46, p. 41; LL48, p. 267.
f03 LIVRE DE D^ENSES
de Notre-Dame, plus explicite'. Il est dès lors absolument
incompréhensible que la seconde partie du compte, commen-
çant le 3i mars 1248-49, ne laisse voir aucune trace d*un
tel événement. A une seule autre année dans le siècle, à 1237-
38, correspondrait la corrélation des fêtes fixes avec les jours
de la semaine; si Ton pouvait ^adopter, toute difficulté dis-
paraîtrait; mais que signifierait le millésime 1248, qui, sans
erreur possible de leaure, fait partie intégrante du texte? En
outre, il ne parait pas qu^une décime ait été levée en 1237-38.
On en vient à douter de l'exactitude de la date que les obituaires
de Notre-Dame de Paris, de Saint-Victor, de Saint-Magloire ont
généralement fait admettre pour la mort de Guillaume d'Au-
vergne; on est tenté de se reporter à celles qu'ont indiquées Tins-
cription du tombeau ou les obituaires des Mathurins, 28 ou
24 février, époque pour laquelle une lacune existe dans notre
document; il ne serait pas étonnant qu'un mois après aucune
inscription ne se rapporte au décès de TÉvéque.
De lui peuvent être relevés des actes très nombreux en 1 248, les
derniers en janvier et février^; on en citerait même un en mars,
dont le texte ainsi daté est dans le Grand Cartulaire de Tévéché
(Arch. nat., LL7, p. 291), échange avec le Chapitre; mais le
Doyen dit : ... dedimus et concessimus,..; il rappelle un fait anté-
rieur qu'il confirme; en efiet, dans le même registre, à la page 98,
comme aussi dans le Grand Pastoral (Arch. nat., LL 76, p. 210),
le même acte avait été copié en termes identiques, mais à la date
de mai*; loin de prouver l'existence de PÉvêque en mars, il ferait
penser que le Chapitre a jugé alors utile de renouveler la consta-
tation de Tacte passé avec lui, parce qu'il était décédé. Il est donc
certain que Guillaume d^Auvergne n'a pas vécu en 1249, douteux
qu^il ait vécu en mars 1248 (anc. st.).
D'autre part, les motifs exposés au début de cette notice per-
mettraient à peine de croire que les dépenses inscrites sur les deux
premières feuilles du compte aient été faites pour un autre per-
1. Gallia, Dubois, Lobineau, Moréri, Gams, Eubel, Charpentier, Denifle,
N. Valois, etc.
2. Arch. nat, LL 7, p. 32 ; LL 11 6f«, p. 87; LL 76, p. 108; Guérard,
Cartulaire de N,-D, de Paris, III, p. 22.
3. C'est à tort que Guérard, Cartulaire de N.-D, de Paris, III, p. 11 5, a
dit en note que l'acte est daté de mars dans le Grand Pastoral ; la lecture
mense maio n'est pas douteuse. Cest seulement à la date de mai 1248 que
Tacte a été relevé dans Tinventaire des titres de l'évéché, LL 11 bis, p. 11 3.
d'un dignitaire de l'éguse de paris en 1248. io3
loonage que cet Évêque ; la suite ne peut s*y rattacher que moyen-
amt une nouvelle supposition.
Il fondrait que le grand dignitaire de TÉglise, successeur inté-
rimaire du défunt, se soit chargé, non seulement de ses fonctions
ecclésiastiques, mais aussi de la gestion des biens de l'évéché,
qu'il en ait perçu les produits et qu'il ait continué à tenir Phôtel
^scopal à son profit, à en acquitter les charges, en conservant le
même intendant, ainsi qu'une partie du personnel.
Ce changement du Dominus expliquerait certaines différences
qui peuvent être remarquées entre les deux parties du compte. La
hirsa de TÉvéque de Senlis et celle des clercs pauvres, si réguliè-
rement payées chaque semaine en décembre et janvier, le sont
encore à Pâques et non plus après. Les deux écoliers, qui étaient
entretenus, ne reçoivent plus rien. Un des trois domestiques.
Lombard, ne parait plus; un nouveau, Colin, est habillé. Sur
onze comptes particuliers, quatre se continuent, augmentés de
Versements notés sur les feuilles qui manquent \ deux ont été
recommencés', mais cinq sont supprimés'; par contre, six ont
été ouverts^. Des habitudes nouvelles semblent avoir été prises,
comme celle d'acheter un petit pain. Toutes modifications attri-
buables aux relations ou aux préférences personnelles d^un Domi-
nus nouveau.
Celui-ci n'était d'ailleurs certainement pas TÉvéque de Paris.
La preuve^ en est la dépense de 40 sous pour l'anniversaire du
Chanoine Vincent, qu'on sait avoir été à la charge du membre
du Chapitre occupant des maisons situées dans le cloître*; là
n'habitait pas TÉvéque, qui avait son palais de Tautre côté de la
cathédrale. Nous possédons la liste des habitants de ce cloître^,
soumis, au profit du Chapitre, à un cens payable en sus de leurs
autres obligations en janvier 1248 : le Doyen Lucas®, les Archi-
1. Séverin; N. de Saulce; Huet, tous-chantre.
2. Francis; Geof. de Chartres.
3. Dreux et Geoffroy, écoliers; Lombard et Henriet, domestiques; Lenor-
mand.
4. R. de Réthel; Godefroy, écrivain; Fangnon; S. d'Ârgenteuil ; J. de
Cens; Thomas.
3. Une présomption est qu'un cens est payé pour une maison qui ne se
trouve pas parmi les anciennes propriétés de Tévéché; voir le 22 avril.
6. Voir p. 98.
7. Guérard, Cartulaire de N.-D. de Paris ^ II, p. 414.
8. Luc de Leudève, dans le ms. de la Bibl. Mazarine 33o4, p. 3o5; de
Lauduno, dans Guérard, Cartulaire de AT.-Z). de Paris, II, p. 443. .
104 LITRE DE némcsBS
diacres, k Chancelier Gaader de Château-Thierry, etc. Cest le
Doyen qui doit avoir £ût Fintérim. On pourrait donc le prendre
pour k personnage dont Tidentification est cherchée; oo pourrait
même, en Tabsence de tonte inscription relative au changemeot
de DomùoÊS et en négligeant fes difiérences signalées entre les
deux parties dn compte, penser que le tout a été £ût poar ce
Doyen, Locas de Laon. Le Toiânage de sa ville natale et de Cor-
beny expliquerait Fintérét témoigné, quoique seulement dans les
premiers temps, au Prieur de ce lieu; les propriétés à ifry,
Argenteuil, Fontenay, Goussainrille, surtout la prévôté de Viry,
sembleraient avoir dit partie f^tot de k mense capitukire; mais
le partage ancien entre TÉvèque et son Chapitre, ayant porté sor
des biens très fractionnés, parait en avoir kissé au premier dans
ks mêmes localités, notamment à Ivry, Viry et près de Saiat-
Viaor. Puis, d une part, ce n*est certainement pas pour le Cha-
pitre que k compte a été éabli ; k perception de bien d'autre^
c stations » que cdles de k prévôté de Viry ' aurait dû être noté^ 't
ks dépenses n ont pas été kites pour un corps si nombreux^ ^
aucun des Chanoines composant alors k collège ne se reconnaît "^
parmi les bénéficiaires des allocations en deniers, denrées oa^
vêtements '. D*autre part, si ce compte ne concernait que le Doyet^
personnellement, il ne comprendrait pas des frais qui devaien'^^
être à k charge d'une mense pour c bourses, b exploitation d^
biens de k communauté, etc. Enfin, ce dignitaire n'avait pas ses'
clercs, sa chapelle, et il est peu probable que, de Nicosie, le roi
ait correspondu avec lui, alors que TÉvêque vivait. L^identifica-
tion du Doyen et du Dominus^ du moins en ce qui est des deux
premières feuilles, est bien douteuse.
On doit encore remarquer que le Chancelier, Gautier de Châ-
teau-Thierry, lui aussi habitant du cloître, a effectivement suc-
I. Aucune hjrpothèse n'explique pourquoi il n*est pas fait mention
d*autn» stations. La prerôté de Viry en devait une de 34 s. 1/2 le septième
jour avant Noil Guérard, Cartulaire de N.-D. de Paris, III, p. 460), ce
qui a motiv\f une inscription le 17 décembre; mais il n'est pas question de
celles dont le Chapitre avait à s'acquitter pour l'Epiphanie, TÉvêque pour
NoOl et Piques, ni, dans cet intenralle, de plusieurs autres provenant de
fondations diverses; par contre, le 29 avril, Viry en a payé deux dont Tori-
gioe est inconnue.
a. On ne trouve non plus aucun des noms des Chanoines de Saint-
Étienne, connus pour ia58 (Guérard, Cartulaire de S,^D. de Paris, II,
p. 4Ô8' ; ceux des Chapelains de Tévéché sont ignorés.
d'un dignitaire de L^éGLISE DE PARIS EN 1248. Io5
cédé à Guillaume d'Auvergne. D'après la Gallia^ il n'aurait été
du qu'en juin^ ; toutefois, le renseignement provenant d'un car-
tuhire de Port-Royal, qui ne se retrouve pas, est peu positif;
i... electus^ ut dicitur^ et confirmatus mense junii 124g... »
peut et doit même se comprendre en ce sens qu'élection et confir-
mation par le Pape, alors en Italie, n*ont pas eu lieu dans le
même mois', ce qui eût été extraordinaire. L'élection pourrait
avoir suivi de très près la mort de Guillaume, encore en 1248,
comme Ta dit Du Boulay'. Parmi de très nombreux actes de Tof-
ficiaiité en mars, avril, mai, aucun, si ce n'est l'afiranchissement
cité plus haut^ ne porte Tannotation sede vacante^^ qui était
iiabituelle le cas échàint.
En conséquence, Thypothèse suivante paraîtrait correspondre
à l'explication cherchée.
Les exécuteurs testamentaires de Guillaume d'Auvergne ont,
en avril 1 249, par une disposition très anormale, prescrit de célé-
brer son anniversaire en un jour de fête mobilç, le jeudi avant
Pâques* ; le Chapitre Ta fixé rétrospectivement au quantième de
ce jour en ce temps, i*' avril 1248-49, pour s^y conformer dans
la suite. L'auteur du nécrologe de Notre-Dame, transcrit même
pour la partie la plus ancienne longtemps après l'événement,
ajoutant à l'article de ce l '^ avril le détail des legs dont le Chapitre
1. VII, p. 100.
2. C'est ainsi que Tiliemont, Saint Louù^ III, p. lyS, s préêenté le fidt :
c Gautier, qui estoit âeu et confirmé, mais non encore sacré, au mois de
juin 1249... »; une première des deux confirmations nécessaires aurait été
donnée de suite par la r^ente, l'autre par le Pape bien plus tard, la con-
sécration n*a]rant été célâ>réè qu'en septembre, s^l est eiact que Gautier,
mort à la fin de ce mots, n'ait été en pleine possession du siège que pendant
▼ingt-aept jours, ainsi qu'il est dit dans la Chronique parisienDe du fonds
Cottonien. L'incertitude est si grande que D. Lobineau, Histoire de Paris^
I, p. 3a8, a placé en juin le décès de cet Évéque.
3. P. 100, n. 2.
4* P. loi.
5. Arcb. naL, LL 46, p. 44, 52, 53, et 48, p. 238; LL I025, p. 82, 97, et
1026, p. 64; LL 1029, p. 53; LL ii57, p. 102, io3, 107, 357, 3^43^» ^
ii58, p. 58; BiU. nat., L lat. 5416, p. 5f, 418; L lat. 10997, p. 23;
f. lat. 171 10, p. 90; Mcriet, Caruiàtre de» Vaux de Cermayt I, p. 43f ; etc.
6. Pourquoi ce jour si mal choisi ? Cehti de PensereSsseaieat? CeAt élé
bien précipité pour une céxéoBome qoi devait ^re câébrée en grande
pompe. Peot-étre est-ce le ieodi seiat que les esécoteors ont pris leur déô-
sion« iMunilée dans un acte âsbli scqiemrf après les IStes et par ocNHé-
quest fooscrît ea arril de la nouvelle aaaéer
I06 LIVHE DE DÉPENSES
avait bénéficié, a cru pouvoir préciser la date de ces acquisitions, et,
sans plus d^informations, s^est arrêté à i'avant-veille de cet anni-
versaire tout arbitraire. Aux abbayes de Saint- Victor et de Saint-
Maglolre, favorisées d^une semblable décision des exécuteurs tes-
taraentaires à la même condition, c'est l'anniversaire seul qu'on a
l'ait figurer dans le nécrologe, également à la date du jeudi avant
Pâques de Tannée courante, de la veille ou de Pavant-veille. Mais,
sur le tombeau exisunt à Saint-Victor, oti Ton devait être pour le
mieux renseigné, une inscription contemporaine, à la longue dé-
truite, rétablie en 1 668, a marqué que le décès, peut-être par erreur
au lieu de Tensevelissement, avait eu lieu le 28 février, ce qui s'ac-
cordeà peu près avec les nécrologes des Mathurins, indiquant le 24.
D'autre part, après cet événement, dès avant la fin de mars,
rhôtel épiscopal, non sans subir quelques réformes, aurait été tenu
par le même comptable pour le successeur intérimaire du défunt,
pour le Doyen ou le Chancelier, pour celui-ci peut-être déjà à titre
d'Élu, sans qu^il pût aller habiter le palais avant d'être consacré.
Mais une nouvelle difficulté surgit. Si le siège était vacant, les
biens de Tévêché devaient avoir été pris en régale, les dépenses
occasionnées par eux, cens, dîme, décime, culture des vignes, etc.,
de même que leurs produits, redevances, vin, paille, ne seraient
pas mentionnées dans les comptes d^un intérimaire, fût-il déjà
Élu; il est douteux que sa simple confirmation au nom du roi ait
suffi pour que la régale lui fût restituée.
Le manuscrit LL465, feuilles de garde, soulève ainsi plusieurs
questions intéressantes pour Thistoire de Paris, doutes sur la
qualité du principal personnage qu'il concerne, sur la date du
décès de Guillaume d'Auvergne, sur la date et le mode de son
remplacement, sur l'exercice du droit de régale, etc.^ Ne trouvant
pas de solution vraiment satisfaisante, je les propose aux érudits^,
et crois utile de leur livrer le texte entier du document, malgré
de fréquentes répétitions.
Colonel BoRRELLi de Serres.
I . Pour épuiser les hypothèses, on pourrait se demander si le document
n*est pas un relevé des seules dépenses fait sur le compte original après un
temps assez long pour que le souvenir de sa date fût perdu; on y aurait
inscrit le plus rapproché des deux seuls millésimes qu'indiquait le comput,
1248 au Heu de 1237-38. Mais tant d'inscriptions confuses, rayées, sur-
chargées ne se remarqueraient pas dans un tel relevé, exécuté posément.
a. Tout s'édaircirait probablement si quelque autre fragment du même
compte venait à être signalé.
d'un dignitaire db l'éguse de paris en 1248. 107
ARCHIVES NATIONALES, LL 465.
(Feuilles de garde.)
(Dans tous les paragraphes^ devant presque chaque article^ se trouvent
un signe C ^f i^ Mot Item ; il serait inutile de les reproduire. Les
chiffres romains du texte seront ici changés en chiffres arabes.)
(Page 3 ro.)
(1248, Décembre 17.) [Jeudi] ^
In bursa Episcopi Ebroicensis' la d.; die sequenti post, 2 s. et
dcm. Eodem die, celario' 34 s. et dem. pro anti * de Viri*; 3 d.
iu sinapio*.
Drogoni Remensi, nepoti Gilberti prioris de Corbeneio'', 12 s., e/
habuit y 6 s.
(18.) Die Veneris post Luciam. 18 d. in piscibus.
Simoni, clerico M« Roberti, 20 s.^quos accomodaverat M» Renero;
D« Sîmoni 46 s., quos reddidit.
(19.) Die Sabbati post. i d. in pannis et incaustro^ [pro] Jofrido
scriptore; millenarius nucium' 11 d.; quarteronus alecium^<) 8 d.
Radulphus li Normans 3 s., e/ habuit 3i L 5 s.
Radulphus Lombard 2 s. [et habuit 12 s.] (rajré); quarta** olei
17 d.; quarta sagiminis 10 d.
Radulphus Franciscus 2 s. et dem.^'.
[3] s. Gaufrido de Carnoto*'.
1. Lignes rognées.
2. Jeao de la Cour d'Aubergenville (1244.-1256}.
3. Sommelier, pour cellario.
4. Lecture impossible, par suite de détérioration; antiphona^ repas (Gué-
rard, Cartulaire de N.D, de Paris, I, p. clxiv; III, p. 460); voir plus loin,
p. 6, 29 avril, une dépense semblable, dont le motif est évidemment le
même sous un autre nom.
5. Viry (Seine-et-Oise, Corbeil).
6. Moutarde.
7. Corbeny (Aisne, Laon, cant. Craonne). Le prieuré dépendait de Saint-
Rémy de Reims (Ed. de Barthélémy, le Prieuré de Saint-Marcoul de Cot'
beny).
8. Plumes et encre, pour pennis et incausto.
9. Le millier de noix.
10. Un quarteron de harengs, pour quartarius,
11. Quarte d'huile, de saindoux.
12. D'après la suite, cet acompte porte à i3 s. les paiements précédents
et celui-ci; en effet, à la marge est noté : habuit 10 s. et dem,
i3. En marge : habuit 6 s., ce qui pour la suite doit faire en tout 9 s.
I08 UVRE DB DÉPENSES
Candele 12 d.; merlani* 4 d.
(ao.) Die Dominica post. 4 d. in piscibus.
Henrico, cisori^ i5 d. pro capa< et hergaudo^ Domini meifor-
randis.
Godefrido nepoti, scolari Remensi, 10 s., e/ habet g L 10 s.po
questione* (?).
M» Nicholao de Salcia 4 s., ei habet 10 s.
Bursa Episcopi Silvanectensis* 20 s. It. pauperibus clericis Doflûni
mei 5 s.
(21.) Die Lune seq., scilicet in die Beati Thome Apostoli. i d. ^^
pomis; i d. pro I> Simone paser Seine^.
(22.) Die Martis post festum Beati Thome Apostoli. 5 d. in fabric^'
I d. in cerra' reficienda; 5 d. in cutellis coquine reficiendis; cB^'
nés 18 d.
8 d. in candela cere facienda; 4 d. in piscibus.
(23.) Die Mercurii seq. Huetus, famulus vester, i d., habuit g i*
M» Severino (sic*).
Henrieto 4 d. in itinere Silvanectensi ; pisces 7 d.; poma i d.
(24.) In vigilia Natalis Domini. Carnes 5 s. et 7 d.; quarteronu ^
alecium 7 d.; mellani 8 d.; 21 d. in galinis emptis; ob. in clare prC^
capella.
Drogoni, nepoti Gileberti, prioris de Corbeneio, 8 s., e^ hahuit 4 ^^
et4s*^.////betadhucll/l^^.
(Page 3 V.)
III I 3 s. et ob. in fabrica'*.
(25.) Die Natali Domini. 2 s. et dem. in bursa Episcopi Ebroicen-
sis. — Summa : 11 1. et fi5 s. et 2 d., 17 dJ^] et 4 s. i d. minus**.
Eodem die, 10 s., quos dédit Dominus meus bonis pueris*'*.
1. Merlans, al, mellani,
2. Tailleur.
3. Chape.
4. Hergaud, vêtement de dessus.
5. Les deux derniers mots ajoutés au texte primitif; voir le 3o.
6. Adam de Chambly (1227- 12 58).
7. Mots en français par exception.
8. Pour cera, tablettes de cire, ou sera^ serrure, ou serra^ scie.
9. Aucune somme n'est inscrite.
10. Voir 17 décembre.
1 1 . Débet adhuc habere.
12. Le haut de la page a été un peu rogné.
i3. Rayé.
14. Soit II 1. 3 s. II d.
i5. Collège des Bons-Enfonts, près l'église ^int-Honoré.
D^UN DIGNITAIRE DE l'ÉGLISB DE PARIS EN I248. IO9
(26.) Die Sabbati seq. 3 s. et 7 d. in galinîs emptis; 6 d. in ovis;
10 d. in pelvi^ pro capella; 2 d. et ob. in stramine* pro equis. Radul-
pho li Nonnans 3 s., e/ habuit 3i l. et 8 5.*, et débet adhuc habere
12 s.
(37.) Die Dominica post Nativitatem Domini. 20 s. in bursa Epis-
copi Silyanectensis.
Pauperibus clericis 5 s. de bursa Domini mei.
Radulpho dicto Maigret pro Guidone de S« Benedicto a6 s. pro
pano cape Domini de tiretaria^.
Henrieto, famulo Domini mei, 18 d., et habuit îS 5.
(28.) Die Lune in festo Innocentium. 3 d. pro portata vacca filia-
bus Del'; 4 d. pro illis qui ezcoriavenint.
10 d. pro fùrfure* porcorum; 3 d. in sinapio; ob. in cimino^; 2 d.
alaudis*.
Henrieto 2 s. in itinere Rotomagensi.
Summa : 73 s. 6 d.*. Summa per totum : 14 1. et 18 s. 5 dJ^.
(29.) [Die Mar]tis seq. 5 d. carnifici pro uno porco occiso; 6 d. in
pomis granatis*^
(3o.) [Die Mer]curii seq. 3 ob. in pomis et herbis.
Godefrido nepoti, scolari Remensi, pro bospitio suo 5 s. et 9 d., et
habuit 10 Let3d.*K
Marescallo 2 d. pro equo.
(3i.) Die Jovis seq., scilicet in festo S^ Silvestri. Jofrido Chanson
70 s. pro vestibus Domini mei.
12 d. in amandis; 2 d. in candelis.
Radulpho Lombardo 2 s., el habuit 14 s.^*.
3 d. in stipula ^^ pro equis.
(Janvier i.) Die Circoncisionis. Die Veneris seq. Godefrido
1. Bassin, ici bénitier?
2. Paille, litière.
3. Voir le 19.
4. Pour tiretaniay capuchon ou camail de chape.
5. Communauté des Fi lies- Dieu, au nord et en dehors de la ville.
6. Son.
7. Cumin.
8. Alouettes.
9. Total faux, pour 74 s. 6 d.
10. Total exact, après rectification du précédent.
11. Grenades.
12. Voir le 20; le total devrait étre9l. i3 s. 9 d.; c*est pour expliquer la
différence que, le 20, a été portée l'annotation incomplète ]^ questione
[4s.6d.].
i3. Voir le 19.
14. Paille.
I 10 LIVRE DE vipEMBB
nepotî, scolari Remensi, S s. et dem., ei habuit loL et 5 5.^ et ////
M* Severino 18 d., et hakuit 12 l. et 12 d.
(Page I ro.(
t
Drogoni, nepoti Gileberti, prions de Corbeneio, 8 s., et habuit 4 l-
12 sA
(a.) Die Sabbati seq. Subcantori^ 10 1.; i d. in pomis.
Radulpho Normando 3 s.; et hahuit 3i L et 11 s.', et débet habere
adhucllll
8 s. et 4 d. in fabis* portatis ; 1 1 s. et 2 d. et ob. in pisis^; 4 for*////
10 d. in piscibus; candela la d.; 5 d. ob. in tela sac*////
(3.) Die Dominica post Circoncisionem Domini. Bursa Episcopi
Silvanectensis ao s.
Bursa Episcopi Ebroicensis 18 d.
(4.) Die Lune seq. a s. et dem. lavandarie*^'; ob. in cimino; i d. in
incaustro Jofredo scriptori.
(5.) In vigilia Epiphanie Domini, Martis seq. Radulpho Francisco
18 d., et [habuit] 14 s. et dem.**.
Radulpho, clerico, filio Isabelle, 4 s., quos tradidistis ei in elemo-
sina; la d. in furfiire pro galinis, quorum D«» Simon debebat jam
sex denarios.
a d. in libo*' in vigilia Epiphanie.
1. Voir le 3o; manquent 9 d.
2. Une ou deux lignes rognées.
3. Voir le 24 décembre.
4. Plus loin est indiqué son prénom, Jean; c'est cependant celui de
Henri qui est pour 1248 dans la Table des Paatoraux (Arch. nat., LL81,
p. i38).
5. Voir le 26 décembre.
6. Fèves, haricots.
7. Pois.
8. Ces pièces de monnaie, deux fois emplo3rées plus loin, seules mentions
de paiements en espèces sonnantes, sont peu connues; elles devaient être
les pites, divisionnaires de l'obole, sous un nom ancien, dont du Gange
[Glossaire, Moneta fortis) a fait une citation : Acceptis VIII libris de
forzats vel pictavinis. Peut-être aussi étaient-elles des deniers forts, dont
l'existence à cette époque est ignorée; mais pourquoi leur valeur n'aurait-
elle pas été, comme celle des autres, exprimée en monnaie de compte ? Puis
deux de ces pièces éunt le prix de pierre ponce, p. 4, il semble que cette
valeur devait être minime.
9. Probablement toile pour sacs.
10. Pour le blanchissage, abonnement dont un terme est ici payé; un autre
de même montant le sera à Pâques; voir plus loin, p. 2 v% 4 avril.
11. Voir le 19 décembre.
12. Le gâteau des rois.
d'un dignitaire de L'iGLlSE DE PARIS EN 1248. III
(6.) Die Mercarii seq. 14 d. in furfiire pro porco; i d. in pomîs.
(7.) Die Jovis seq. 2 d. et ob. in stipula pro equis.
(8.) Die Veneris seq. 2 d. in ovis. Eodem die, 8 d. in sinapio.
M« Severino 26 d., et hahuit 12 l. et 3 s. et 2 d.^.
Godefrido nepoti, scolari Remensi, 5 s. et 8 d., et kabuit to l, et
II s.etSdX
Eodem die, in piscibus 9 d.; 2 s. et 6 d. in alectibus.
21 s. et 9 d. pro pano D< Stephani.
Bursa Episcopi Ebroicensis 2 s. et dem..
(9.) Die Sabbati seq. Radulpho Francisco 18 d., et hahtit t6 5.*.
12 d. in amandis; i d. in pomîs; ova i3 d.
Pisces 10 d.; alectia 6 d. et ob.; pelvis pro coquina 6 d.
Drogoni, nepoti Gileberti, prions de Corbeneio, 8 s., ef habuit
100 s*.
(Page t y*.)
(10.) [Dimanche]'
Henrieto 2 s. in itinere Remensi; i d. pro capistro*.
I d. in herbis pro equis.
Radulpho li Normant 2 s., et habuit 3 1 /. et 14$.^; débet habere 6 s.
(u.) [Die Lune] post Epiphaniam. Camifici 6 d. pro porco; ob. in
herbis.
Bursa Episcopi Silvanectensis 20 s.
Pauperibus clericis Domini mei 5 s.
Radulpho Lombardo 4 s., quos concessit ei Dominus meus super
vadiis.
Gilberto 12 d., quos dédit ei Dominus meus pro litteris quas appor-
tavit de rege.
6 d. in furfure pro galinis et equis.
Summa : 23 1. 3 s. 3 d. ob. Tota summa : 38 1. 9 d. ob.^. Summa
Domini mei : 38 1. 9 d. minus.
[Anno] DiMII«XLVIII.
(12.) Die Martis post Epiphaniam. 9 d. in fabrica; 8 d. in perca-
meno* raso.
1. Voir le i"* du mois.
2. Ibid.
3. Voir le 5.
4. Voir le i" du mois.
3. Lignes rognées.
6. Chevestre ou longe.
7. Voir le 2.
8. Total peu exact; voir le 28 décembre. Les lacunes en haut de la p. i
ne permettent pas de vérifier la première de ces sommes.
9. Parchemin, al, pergameno.
I I a LIVRE DB D<PBK8BS
5 S. Godefirido nepoti, scolari Remensî, et habuiî toi. i6t.Si}.
(i3.) Die Mercurii seq. iS d. in giengembre.
4 d. in una nata pro lecto fomuloram ; i d. in stipola.
(14.) Die Jovis post festum Beatorum Remîgii et Hilarii'. i d. in
transi tu Secane; marescallo de Lupera 10 s. pro eqno vestro.
1 1 d. Nicolao dicto Godait pro amandis, giengembre et aliis.
Hueto, famulo vestroi a s. pro sotularibus suis, et habuit is-tt
9 d\
la d. in sagimine pro pauperibos clericis.
4 d. et ob. pro stramine apportato de S^ Victore; cames 3 s. 3 d.
Bursa Episcopi Ebroicensis a s. et dem.
,4
(16.) Die Sabbati post festum Beatorum Remigii et Hilarii.
M» Severino a s. et dem., et habuit 12 L S s. 8 d,^.
Jofrido de Camoto 4 s., et habuit i3 5.*; debeo 12 d.
5 s. et 3 d. in fabis; pisces 4 s. 8 d.; 8 d. in sinapio et pro
ob.; candele la d.; 8 d. in alectibus; a d. in nebulis^.
{Page 2 f.)
(ia48. Mars 3i.) [M® Severino^ . . . .] ivit Remis, et habuit 14I'
12 s. et 2 i.*.
Godefrido scriptori la d., ef habuit 4 s. et 2 d.
(Avril I.) Die Jovis seq. 5 d. in piscibus.
Radulpho Francisco i4S.<<^, et habuit 40 s, de summa vitiorum**. Tôt,
4 d. pro uno cifo de madra ^' reficiendo.
Tyoto de Fonteneto** a5 s. et 2 d. pro vineis.
1. Voir le 8.
2. Cette fête, actuellement le 14 janvier, était donc alors encore le i3,
ainsi que l'indiquent les anciens martyrologes.
3. Voir le 23.
4. Pas d'inscription pour le vendredi.
5. Voir le 8.
6. Voir le 19 décembre.
7. Neuilles, sorte de gâteaux.
8. Haut et coin de la page rognés.
9. Voir ci-après le 10. Séverin, le 16 janvier, avait 12 1. S s. 8 d.
10. Compte recommencé après le 9 janvier.
1 1 . Copie de la Summa de vitiis,
12. Hanap de madré.
i3. Fontenay (Seine, Sceaux).
d'un dignitaire db l'église db paris en 1 248. I 1 3
(3.) Die Sabbati ante Pascha. Godefrido de Carnoto 3 s. pro dua-
bus bursis, et habuit i3 s. et dem^,
Radulpho Francisco 18 d., et habuit 3i 5.'.
Ova 10 d.; pisces 6 d.; candele 6 d.; carnes 17 d.; 12 d. in sagi-
naine pro pauperibus clericis.
U249, Pâques, 4.) Dominica in Resurectione Domini. Bursa Epis-
copi Ebroicensis 3 s. et de m.
Bursa Episcopi Silvanectensis 20 s.
Bursa clericorum Domini mei 5 s., et 7 d. pro Roxedi.
Clerico qui portât aquam i d.; ob. in herbis.
Godefrido, scriptori, 5 d., et habet 4 s. et 8 d,*,
(5.) Die Lune. 10 d. in furfiire; i d. in transitu Secane.
(7.) Die Mercurii seq. i5 d. et ob. in feno.
(10.) Die Sabbati ante Quasimodo. Adeneto Fangnon 20 s., et
habuit 5o s.*.
M» Renaudo de Regiteste^ 3 s. et dera., et habuit 3i 5.^.
3 s. et dem. in feno {mot rayé) auriga' feni; ob. in herbis.
Simoni de Argentolio^^ 40 s., et habuit 6 /. et dem. pro vineis*^
M« Severino 2 s. et dem. pro bursa sua, et 9 s. pro equo quem
duxit Remis, et habuit iS /. [3 s. 8 d.y^.
Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem.
(il.) Dominica in octabis Pasche. M« Nicholao de Salcia** 17 s. cl
4 d., e/ habuit 6 l. supHH
I. Aucune inscription le vendredi 2 avril.
a. Après clôture du compte en souffrance, le 16 janvier, un nouveau a
été ouvert.
3. Ce total ne s'accorde pas avec l'allocation du i"* avrils ce qui peut faire
penser qu'un compte pour le 2 avril a été omis ici, comprenant i5 s. 6 d.
donnés à Francis.
4. Voir le 3i mars.
3. Aucune inscription pour le 6, ni ensuite pour les 8 et 9; voir plus loin
une note le 17 avril.
6. Compte ouvert après janvier; mention unique.
7. Rethel.
8. Compte nouveau.
9. Charroi.
10. Argenteuil (Seine-et-Oise, Versailles).
I I . Seule mention de ce compte.
12. Voir le 16 du même mois et le 3 1 mars.
i3. Avait 10 s. le 20 décembre. Plus loin, Saleia in boseo; ce doit être
Saulce Champenoise du Dict. des Postes (Ardennes, Vouxiers). En i256, le
comte de Rethel a reçu de son frère une maison à c Saulce au bois » (Saigc,
Trésor des chartes du comté de Rethel j p. 273).
MtM. XXXI 8
114 LnrSB DB DiPBNSB
Cames 5 d.; ob. olus* ; dericas qui portât aquam benedicum i d.
In eadem noete, caraes 9 d.; a d. in fiibrica; poma 17 d. pro pre-
dicatoribus *; i d. in herbis.
(la.) Die Lune seq. Caraes 14 d.; ob. pro une billete procUve
camere vestre; i3 d. in ////
{Page 2 V.)
(i3.) Die Martis, quando Dominas meus ivit apud Atrebatensem'.
Caraes 6 d.; lavandarie a s. et dem. de teraiino Pasche.
2 d. pro claTe reparanda; ob. in oleo.
(14.) Die Mercurii seq. 6 d. in caraibus; (Msces 8 d. pro Sabpriore
Cantipratis^.
(i5.) Die Jovis seq. Radulpho Francisco 18 d., ei hahmit32S.et
dem.*.
Roberto dicto Brichart 7 1. par.
7 d. in caraibus; ob. in olere.
(16.) Die Veneris seq. 7 d. in piscibus.
M» Sevcrino 6 s. et dem., et hahuit iS L io s. et 2 d^.
(17). Die Sabbati seq. Godefrido de Caraoto 18 d.^ et hahuit 1 5 s?,
Ova 10 d.; ob. in berbis ; 17 s. pro vestibus Colini ; parvus paois 4d.
3 d. pro tribus superpliciis refidendis.
10 d. et ob. in galinis {rayé)\ 6 d. in pisdbus pro illîs qui adduxe-
runt vinum.
Johanni de Ceris la d., et hahuit 2 s. past PaschaK
4 d. iliis qui posueract vinum in celario.
(18.) Die Dominica qua cantatur Misericordia Domini. M* Rcnaudo
de Regiteste 4 s., e/ hahuit 3S 5.'.
Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem.
Clerico qui portât aquam i d.; 8 d. in caraibus; olus ob.
D<» Thome, presbitero de Somepi**, 19 s., et sic rémanent 40 5.,
^1105 dchet ei Dominus meus**.
1. Choux.
2. Les Frères Prêcheurs de la rue Saint- Jacques.
3. Un voyage à Arras aurait laissé quelque autre trace dans le compte
pour ces journées. La forme Atrebateniem ferait croire qu'un mot a été
omis, peut-être Episcopum; cet Évëque serait venu à Paris.
4. N.-D. de Cantimpréy pris Cambrai.
5. Voir le 3 avril.
6. Voir le 10.
7. Voir le 3.
8. Compte nouveau. Une inscription de i s. devrait se trouver après le
4 avril; il faut qu'au moins pour le 6, le 8 ou le 9 un compte ait été omis.
9. Voir le 10 avril.
10. Sommepy (Marne, arr. Sainte-Menehould).
11. Voir la suite de ce compte le 12 mai.
d'un dignitaire DB L^^LISE DE PARIS EN 1248. Il5
(19.) Die Lune seq. 7 d. et ob. in carnibus.
Radulpho Francisco 3 s. de duobus quaternis*, et habuii 35 s, et
M« Renaudo de Regiteste 3 s., c/ habuit 38 5.'.
Gaufrido, scriptori, 8 d., et sic habuit 5 s, et 4 d*,
(20.) Die Martis seq. 7 d. in carnibus.
(21). Die Mercurii seq. 7 d. in carnibus.
M* Renaudo de Regiteste 20 d., et habuit 40 s. 5 d, minus^,
(22.) Die Jovis seq. Carnes 8 d.; olus ob. Fuit D" Symo*.
Guillelmo dicto Le Hongre 4 s. pro censu domus juxta predicato-
res^; 1 1 d. in furfure.
(23.) Die Veneris seq. Johanni de Ceris 12 d., el habuit 3 5.^.
Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem.
Pisces 6 d.; 4 d. pro pergameno raso.
(24.) Die Sabbati an te Jubilate. Gaufrido de Carnoto 18 d., e/ habuit
16 s. et dem,^.
Ova 10 d.; candele 6 d.; parvus panis 4 d.
Ob. in herbis; pisces 6 d. pro munitione^® Magîstrorum Reneri et
Jofridi.
Mo Severino 4 s. et dem., et sic habuit i5 /. 14 s. et 8 d,**.
(Page 4 ro.)
(25.) [Dimanche] <2
Cames 9 d.; olus i d. ob.; ob. in ////
Famulo fis^^ phisici 12 fortes ^^; ob. elemosina.
1. Cahiers, écrits par ce secrétaire.
2. Voir le i5 avril.
3. Voir le 18.
4. Voir le 4.
5. Voir le 19; II III d,, erreur pour //// d, minus.
6. En ce jour, Dom Simon de Goussain ville (p. 4 v% 11 mai) a probable-
ment été invité.
7. Cette maison ne se trouve pas dans les états des biens de Tévêché; die
pouvait être une propriété personnelle du prélat, ou plutôt du dignitaire
ecclésiastique pour lequel on doit penser que cette partie du compte a été
faite.
8. Voir le 17.
9. Ibid.
10. Saignée.
IX. Voir le 16.
12. Partie rognée.
i3. Sic.
14. Visite du médecin dont l'ordonnance est exécutée le lendemain par le
barbier-chirurgien.
1 16 UTRK DB D i P gIf S BS
(26.) Die Lune seq. 7 d. et ob. m fàbrica; 1 1 d. pro filo ad fbmoda
capmia Domini mei et al////
Pîsces 16 d.; barbitonsori 2 d. pro 'minutione Domini mei; i d.
pro viridi succo^
M» Nicholio de Salda in bosco 60 s., et sic hahuit g IX Sdulm
est totum.
14 d. pro bibla ligata in duobus voluminibus et eorum custodiis'.
(27.) Die Martis, quando Mr Johannes^ et Mr Jalianus manduca-
verunt vobiscum carnes 14 d.; ol////
Poma 2 d.; 2 d. in corrigia pro pellicio vestro'.
6 d. famulis qui adduxerunt stramen; //// 14 d. et ob.
(28.) Die Mercurii seq. Carnes i5 d.; olus i d.; 1 d. in transitu
Secane.
2 fors pro poncia* pro scriptore; i d. in incaustro; ob. in peanis.
I d. in viridi succo; Johanni de Ceris 12 d., et sic hahuit 4 sJ,
Radulpho Francisco 18 d., e/ sic habmt 3j 5.^.
26 d. pro summa de casibus ligata, et etiam de vitiis* et 9 quater-
nis ligatis de summ*<^////
8 d. pro biado vantilando.
(29.) Die Jovis seq. Cames 8 d.; 11 d. in vitreis; ob. in ysopo.
Coquo 71 s. et 3 d. pro duobus stationibus** de prepositura de
Viri.
Celario 74 s. et 4 d. de duobus stationibus de Viriaco.
40 s. pro anniversario Di Vincentii**; 12 d. in sagimine pro paupe-
ribus clericis.
1. Verjus.
2. Voir le II.
3. Les camisie dans lesquelles les livres étaient conservés, voir Mémoires
de la Société de V Histoire de Paris y 1903, p. 268.
4. Le Sous-chantre.
5. Pelisse.
6. Pierre ponce.
7. Voir le 23.
8. Voir le 19.
9. La Summa de vitiis de Guillaume d'Auvergne.
10. Probablement de summis, recueil de Sommes.
1 1 . Redevances affectées à des distributions d'aliments ou à des repas,
remises au cuisinier et au sommelier pour emploi ; une dépense semblable
a été inscrite le 17 décembre 1248 sous le nom d^antiphona; les deux mots
sont fréquemment employés en ce sens dans le Cartulaire de N.~D. de
Paris, \f p. 329, 349, etc., et expliqués à la p. clxiv.
12. Rente annuelle à payer pour célébrer l'anniversaire de ce Chanoine,
due par l'occupant de maisons situées dans le cloître et léguées par lui au
Chapitre {Cartulaire de N.-D, de Paris, IV, p. 48; Molinier, Obituaires,
I, p. 119).
d'un dignitaire de l^églisb de paris en 1248. 117
34 s. pro décima vestra, absque decem libres, quas solvit D^ Radul-
phus^ de eadem décima pro vobis.
(3o.) Die Veneris seq. Pisces 12 d.
Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem.
jo s. M» Andreo Senonensi, filio Castellani Senonensis.
Summa : 28 1. 4 s. b d.
Fenum i3 d. et ob.
M' Renaudus de Regiteste 4 s., ef hahuit 4j s. et 2 d,^,
M« Severino 3 s., et habuit iS L ij 5. et 8 d?.
(Mai I.) Die Sabbati, scilicet in die Beatorum Philippi et Jacobi.
Odoni, cicrico vestro, 2 s. et dem. in obolis. Ova 1 5 d. ; parvus panis
3 d. et ob.; ob. in herbis; pisces 4 d. et ob.
4 s. et 8 d. Guillelmo Baillet pro vinea dTvri*.
Hueto, famulo vestro, 12 d., et habuit 7 5.*.
Gaufrido de Carnoto 18 d. (rayé) 4 s. et dem.; et habuit 21 5.*.
[Page 4 vo.)
(2.) [Dimanche]^
(3.) Die Lune seq. Carnes 1 1 d.; olus t d.
Fenum i5 d. et ob.; Henrieto 8 d., quando reduxit equum ad
AbatemS.
Summa : 34 s.
In herbis i d.
(4.) Die Martis seq. Carnes 16 d.; carnes pro morteraies* 3 d.;
olus I d.
Martino Remensi 6 d.; 8 d. Andrée.
Summa : 35 d. Tota summa : 3o 1. et 16 d.<<^.
In nocte qua computavimus. Pro una galina 6 d.; 2 d. in pomiis;
ob. in lactucis.
(5.) Die Mercurii seq. 19 d. in carnibus; 1 d. in lacté caprine^*
[rajré); ob. in ysopo.
Radulpho Francisco 18 d., et habuit 38 s, et dim.^K
1. Peut-être Dom Raoul de Chevry, chanoine en 1248.
2. Le total de ce compte, le 19, était de 39 s. 8 d.; le dimanche a5, par-
tie rognée, il avait dû s'augmenter de 3 s. 6 d.
3. Voir le 24.
4. Ivry (Seine, Sceaux).
3. Le 14 janvier, Huet avait 2 s. 9 d.
6. Voir le 24 avril.
7. Partie rognée.
8. Une déchirure rend la lecture douteuse.
9. Pour mortereaux, pâtés de viande.
10. Total exact; voir le 3o avril et le 3 mai.
11. Lait de chèvre,
12. Voir le 28 avril.
>
1 1 8 LI VRB DB DÉPBN818 D^UN DIGNITAIRB DB l'AgLISE DE PAltl^ -
(6.) Die JoTÎs seq. Caraes i6 d.; fenum aS d.; poma a d.
Hueto, famulo vestro, 12 s. pro veatibiis, et hahuit ig 5.^
(7.) Die Veneris seq. D* Hugonî Largo 20 s. pro capa sua.
1 d. in fEibrica; 4 d. in fuHiire pro eqais.
Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem.
(8.) Die Sabbati ante Ascensionem Domini. 5 d. infabrica;or^*-
Parvus panis 4 d.; candele 6 d.; i d. in herbis.
Pisces 6 d. pro D« Arnulpho ; poma 2 d. ^
(9.) Dominica [qua cantatur Y0cca>] ante Ascensionem Domii^ ^- '
M* Johanni, Subcantori, 22 s. 4 d., ei solutus est sicK
Carnes ib d.; ysopus 10 d.
Clerico qui portât aquam benedictam i d.
M» Renaudo de Regiteste 3 s. et dem., et hahuit [5\o s. et 8 X^
Mo Severino 2 s. et dem., et hahuit j6 s. et i i.>.
In transitu Secane i d.; ob. in lactucis.
(10.) Die Lune seq. Pisces 11 d. et ob.; fenum 6 s. et dem.
(11.) Die Martis seq. 14 d. in piscibus pro D« Arnulpho.
Radulpho Francisco 18 d., et hahuit 40 s,*.
D» Simoni de Gousainvilla^. 62 s. pro décima sua.
(12.) Die Mercurii in vigilia Ascensionis Domini. i d. in olere; c^^^'
in lactucis.
Datum Thome et Petro de Firma pignus de îos,, et hahent 2g s-^
et sic remanet quod dehetur eis 3o^ ////
Martino, clerico Remensi, 6 d.
(i3.) Die Ascensionis Domini. Carnes 21 d.; pulli 8 d.; olus 2 d.
In viridi succo i d.; 11 d. in fabrica.
Summa : 8 1. 2 s. 8 d. et ob.
I. Voir le i** du mois.
a. Sic^ pour Vocemy 5* dimanche après Pâques; les trois mots ont été
rayés, ce qu'explique l'emploi de celui qui n*a pas de sens.
3. Voir le a janvier.
4. Voir le 3o avril.
5. Un denier en moins; voir le 3o avril.
6. Voir le 5.
7. Goussainville (Seine-et-Oise, Pontoîse), où le Chapitre et Tévâché
avaient des propriétés; aussi cette dépense peut-elle être le remboursement
de la décime sur leur revenu, avancée par ce Simon, leur gérant.
8. Voir le 18 avril. La dépense doit être comprise dans le total qui suit,
et ainsi devient exact; mais cette ligne a été biffée après paiement du res-
tant dû, après règlement total du compte, ce qui se remarque pour ceux
de ce genre et ici prouve que le document ne se terminait pas à l'Ascen-
sion.
LE PRÉSIDENT
DE LAMOIGNON
(1644.I7O9)
Un écrivain qui connaissait bien l'ancienne magistrature* a
caractérisé en ces termes les premiers personnages de la dynastie
parlementaire des Lamoignon^ : Charles de Lamoignon en fut le
fondateur, le président Chrétien en fut la pensée politique, le
premier président Guillaume la pensée législative, le président
Chrétien- François la pensée littéraire, rintendant Bâville la pen-
sée militante.
Celui dont je veux parler ici, le président Chrétien-François,
vaut d*étre considéré autrement qu'à cet unique point de vue de
son goût pour les belles-lettres et de ses relations aviec les illustres
de son temps. Quoique la célébrité plus grande de son père et de
quelques-uns de ses descendants directs Tait éclipsé à tel point
que son nom manque dans bien des biographies et encyclopé-
dies, ou n'y tient qu'une place minime', je crois faire aae de jus-
1. Francis Mon nier, dans l'article Lamoignoii de la Biographie Didot,
2. J'ai eu l'occasion de parler de cette famille dans une étude sur la
Rébellion étHesdin^ Far gués et le premier président Lamoignon (1897),
p. io3-iii; mais les documents généalogiques et historiques abondent au
Cabinet des titres, plus particulièrement dans le dossier du fonds Chérin et
dans la série des Pièces originales.
3. Les meilleures notices anciennes sont dans le tome I de VHistoire de
V Académie des inscriptions^ dans le Dictionnaire de Moréri et dans l'Intro-
duction de Tacadémicien G.-H. Gaillard au recueil des Arrêtés du premier
président Lamoignon. Parmi les ouvrages modernes, il faut citer le livre de
L. Vian : les Lamoignon^ vieille famille de robe (1896), et les études des
PP. Doncieux, Lauras et Chérot sur Bourdaloue et Boubours.
\
I20 LE PRisiDBKT DE LAMOIGNON.
tice en montrant que cet homme de bien, de devoir, et e^
même temps de goût et de science, mérita de tous points TestHir ^
que ses contemporains, à commencer par le Grand Roi, lui \imo\^
gnèrent unanimement; que ce fut un représentant accompli d^^
cette magistrature de haute race oîi se transmettaient fidèlement ^
les qualités du cœur et de Tesprit : en un mot^ que le ponrait qu'en
a fait Saint-Simon*, équivoque, malveillant même au fond, doit
être amendé et réformé, et que le président Chrétien -François
était vraiment un de ces types de V « honnête homme » qui, en bon
nombre, honorèrent le règne de Louis XIV et la robe parisienne.
Il eut pour père le premier président Guillaume, ce grand réfor-
mateur de la justice française, devant lequel Mazarin lui-même
ne pouvait que s*incliner, et dont le nom est encore respecté au
Palais, à côté de celui de son arrière-petit-fils Malesherbes. Je
n'oublie pas que Saint-Simon, avec sa passion toute subjective,
voyant dans Guillaume de Lamoignon le chef d'une cour qui fut
toujours l'adversaire des ducs et pairs, s*est complu à dissimuler
ses grandes, fortes et éminentes qualités derrière un spécieux éloge
4 des grâces de sa personne, de son affabilité, de son hospitalité,
de son attention singulière à capter magistrats, avocats et savants, »
puis a prétendu nous le montrer, tout aussitôt, « enrichi du sang de
rinnocent; » mais j'ose espérer qu'une démonstration rigoureuse
a fait justice de cet échafaudage de faussetés et de calomnies^, et
je n'y reviendrai point.
Le Premier Président avait épousé en 1640 sa cousine* Made-
leine Potier, fille du secrétaire d'État d'Ocquerre, très riche, et
1. Mémoires de Saint-Simon, édition nouvelle, en cours dUm pression,
tome XVIII, p. 106-108 : t Lamoignon, président à mortier, après avoir
été longtemps avocat général, mourut en ce même temps (7 août 1709). Il étoit
fils aîné du premier président Lamoignon et frère du trop fameux Bâville,
intendant de Languedoc; mais Bâville étoit à lui, où il avoit tant qu*il pou-
voit force seigneurs de la cour quelques jours pendant les vacances, et tou-
jours le célèbre P. Bourdaloue. C'étoit un homme enivré de la cour, de la
faveur, du grand et brillant monde, qui se vouloit mêler de tous les mariages
et de tous les testaments, et à qui, comme à tout Lamoignon, il ne se fal-
loit fier que de bonne sorte. Il avoit cédé sa chargea son fils, que le fils de
celui-là possède encore, qui, en tout, ont bien moins valu même que celui
dont il s'agit ici. t
2. Tome XIII des Mémoires, éd. nouvelle, p. 132-140 et 6o3 606; la
Révolte d'Hesdinj Fargues et le premier président Lamoignon,
3. Par une bisaïeule commune, Marie Potier de Blancménil.
LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. I2I
surtout très sainte femme, qui lui survécut plus de trente ans^
De cette union sortirent cinq fils et quatre filles. Deux des fils
seuls vécurent : Chrétien-François, et Nicolas, celui qui illustra
le nom de Bâville, non plus dans la magistrature, mais dans les
intendances. Deux filles se marièrent, Tune avec le comte, plus
tard maréchal de Broglie, et l'autre avec Achille de Harlay, qui
fut procureur général, puis premier président du Parlement.
Chrétien- François vint au monde le 26 juin 1644, dans le logis
de la rue Aubry-le-Boucher que son père habita jusqu'à ce qu'il
allât occuper au Palais Thôtel de la Première Présidence, et il fut
baptisé le 27 en Téglise paroissiale Saint-Leu et Saint-Gilles.
Deux garçons étaient déjà morts en bas âge; comme eux, le
nouveau-né reçut ce prénom de Chrétien, qui venait du prési-
dent leur grand-père, mort depuis huit ans, mais encore repré-
senté par sa ^veuve, la charitable Marie des Landes, tant aimée
des pauvres^. On y joignit le nom de François.
A la direction première de ses fils Guillaume de Lamoignon
appliqua lui-même les principes qu^on trouve résumés dans son
testament de 1676^: «J'ai toujours plus souhaité que mes enfants
conservassent l'esprit de justice^ d'humanité, de charité et de simpli-
cité chrétienne, qui est le véritable caractère que j'ai donné dans
ma famille^ que de les voir dans la plus haute élévation du monde
et remplis de biens et de richesses. »
Aussi voulut-il se charger de leur éducation en même temps
que de leur enseignement pédagogique. Cette profonde connais-
sance des langues anciennes et de la littérature classique que nos
voisins anglais et allemands, à l'inverse de ce qui se passe en
France, ne cessent pas encore de juger indispensable aux jeunes
gens nés pour de hautes destinées, formait alors la première base du
savoir des futurs magistrats. Ainsi en fut-il pour Chrétien- Fran-
çois, comme l'atteste cet article de la Ga^ette^ : c Le 28 avril
i658, la messe en grec des Confrères de Hiérusalem fut célébrée
I. Mémoires de Saint-Simon^ éd. nouvelle, tomes X, p. 284, et XIII,
p. i3i et 140.
a. Porté pour la première fois par le président (1567-1 636), ce nom
assex rare de Chrétien se perpétua dans sa descendance, en devenant, sur la
fin, Christian et Christine; mais je n*ai pu retrouver d'où il était venu. Les
deux premiers fils avaient été appelés Chrétien-André et Chrétien-Augustin.
3. Publié par Mgr X. Barbier de Montault dans la Correspondance hiS'
torique et archéologique, 23 août 2897, p. 238.
4. Gas^ette de i658, p. 392.
ia2 LE prAsident de lamoignon.
dans l'église du couvent des Cordeliers de Paris, avec beaucoup de
solennité \ le grand maître de rartillerie* y ayant rendu les pains
bénits, et le fils du sieur de Lamoignon^ maître des requêtes,
prononcé une oraison en la même langue, de sa composition, avec
d'autant plus d'étonnement de toute rassemblée qu'il n'a encore
que treize ans. »
De là sans doute ce trait du moraliste' : « Les Bignons, les
Lamoignons étoient de purs grimauds; qui en peut douter? ils
savoient le grec ! »
Arrivé à la rhétorique, Chrétien-François fut remis entre les
mains des Pères jésuites de ce célèbre collège de Clermont qui
n'était pas encore Louis- le-Grand^, et ce lui fut une heureuse
fortune d^ avoir pour professeur d'humanités un commensal de
sa iamille, le P. Nicolas Rapin, fin et élégant latiniste, pour répé-
titeur de philosophie le P. Bourdaloue, qui, l'un et l'autre,
devaient rester ses meilleurs amis'. D^ailleurs, toute la maison
était cordialement dévouée au premier président, qui lui avait
rendu de grands services.
Les thèses finales de Chrétien -François firent du bruit. La
première soutenance eut lieu le 29 juin i66a : < Le sieur de
Lamoignon, fils «aîné du Premier Président, défendit avec un
applaudissement général des thèses publiques, dans le collège des
Jésuites de Clermont, sur toutes les questions les plus difficiles de
la logique, morale et métaphysique. L'assemblée étoit nombreuse
et composée de personnes de la plus haute qualité, qui furent
merveilleusement satisfaites de la netteté et de la facilité de son
esprit, jugeant par là qu*il ne seroit pas moins ^héritier des
hautes vertus et du rare savoir que du nom et de la réputation de
son père*. »
L'année suivante, seconde soutenance : « Le 14 juin, le sieur
de Lamoignon, fils du Premier Président, soutint au collège des
Jésuites des thèses de toute la philosophie dédiées au Roi, en
présence d^une assemblée des plus nombreuses et composée de
1. Cette messe se disait chaque année le dimanche de Quasimodo.
2. M. de La Meilleraye, plus tard duc Mazarin.
3. La Bruyère, au chapitre des Juobmsnts, tome II, p. 84.
4. Voyez ce que le R. P. Chérot en a dit dans ses Trois éducations prin-
cières (les Condé), p. 239-241.
5. Bourdaloue, par le P. Chérot (1899), p. 1 03-117.
6. Galette de 1662, p. 659.
LE PRESIDENT DE LAMOIONON. ia3
^tes les personnes de qualité, qui admirèrent la force de son
jàiie, sa belle manière de s'expliquer, et la grâce et la facilité avec
Quelles il développoit les questions les plus épineuses, jugeant
P^^ là qu'on en devoir attendre le même succès dans les plus
^nds emplois, comme les mêmes services pour son prince et
P^Ur le public, qui rendent le nom de son illustre père si cher et
^' Vénérable à la France. Le lendemain, il soutint devant une
P^^ille assemblée, et avec un semblable applaudissement, des
^^^^es sur âts questions les plus difficiles des mathématiques, et,
^^tre plusieurs, proposa un nouveau système du monde et le secret
^^ longitudes, qui n'avoit point encore été trouvée »
Par Jean Racine, grand ami des Lamoignon', par le maître
^ême de Chrétien- François', par une curieuse lettre du P. Bcr-
8ter^, nous apprenons, — la Galette n*eût pas même voulu le kis-
^r pressentir, — que cette dernière soutenance fut une occasion de
Scandale, Chrétien-François ayant contesté que la condamnation
de Copernic pût avoir la moindre autorité en pays gallican :
William ego attribua auctoritatem Inquisitioni in hoc regno^ qui
sum et ero semper libertatum gallicarum defensor acerrimus.
Développée vivement et fermement, cette panie de Targumenta-
tion aurait valu une censure au soutenant, si son père, avec qui
tout avait été concerté, n'eût fait intervenir à point Pautorité du
Roi et de ses ministres. L^Inquisition seule pâtit de ce coup'.
1. GûT^ette de i663, p. 56a. Les positions, dont M. Vidier a bien voulu
■n'indiquer plusieurs exemplaires conservés à la Bibliothèque nationale,
furent imprimées chez Antoine Vitré. Titre : Agones mathematici ad arcem
Copemicani systematis expugnatam in cùUegio Claromontano, Societatis
Jesu. Dédicace : Régi expugnatori urbium, olim armatOt nunc pacifleo,
expugnatam pacijica Victoria Copemicanam arcem consecrat Chrittianus-
Franciscus de Lamoignon, L'estampe devait être belle.
2. Abrégé de Phistoire de Port-Royal, dans le t. IV de ses Œuvres, p. 558.
3. Mémoires de Nicolas Rapin, tome III, p. 207-209.
4. Le P. Chérot, Trois éducations princières, p. 21 5-2 18.
5. La Bibliothèque possède, sous la cote Réserve Yc 602, le troisième
tome d*une série intitulée : c Mélanges provenant de la bibliothèque de
M. de Lamoignon et adressés Unt à lui qu'à d'autres personnes, » et
cotée primitivement Y 35 quater. Les pièces sont imprimées pour la plu-
part, et quelques-unes manuscrites. Il 7 a aussi les dédicaces à Chrétien-
François, en vers latins, de thèses faites sous ses auspices, en 1675 par
Georges Le Roy, en x68o par René de La Vacquerie. Le n* 38 est une ode
latine que Charles du Périer, neveu de Tami de Malherbe et lettré bien
connu comme rival de Santeul, adressa au jeune récipiendaire de i663 sur
les problèmes de la rotation du monde qu'il se proposait de discuter.
124 L' PHteDENT DE LAMOIGMON.
Bien que le barreau fût alors en discrédit dans la haute magis-
trature*, le Premier Président voulait que ses fils, Taîné aussi bien
que le cadet, débutassent au Palais comme avocats; mais, aupa-
ravant, Chrétien- François voyagea en Angleterre, oti ie roi
Charles II et Tuniversité d'Oxford rendirent honneur au nom de
Lamoignon, puis en Hollande, où la science juridique florissait
tout autant que le commerce. Au retour, ayant prêté serment le
2 août i663, il plaida pendant trois ou quatre ans c pour les
parties. » En même temps, il bénéficiait des réunions que les prin-
cipaux magistrats de Paris tenaient deux fois par semaine à
rhôtel de la Première Présidence pour l'élaboration du nouveau
Code, et des assemblées littéraires qui s'y réunissaient chaque
lundi'. Si, d'une part, il put se fortifier ainsi dans la connaissance
du droit, d^autre part aussi il prenait goût aux lettres et aui
sciences; dans ces dernières, la numismatique l'attira particuliè-
rement, et son maître dans cette partie, Charles Patin, se plut
tout de suite' à proclamer en lui un goût et des aptitudes natu-
relles qui, quarante ans plus tard, furent son principal titre aca-
démique.
Nous ne connaissons aucun de ses plaidoyers, car le seul
imprimé qui lui ait été parfois attribué, et nous l'enregistrerions
bien volontiers à son aaif, doit être rendu à son frère cadet, lequel
le suivait de très près^, et Tunique action dont les contemporains
1. La Bruyère, De la Villb, tome I, p. 277-278 et 5o8-5o9. Les avocats,
dit Tallemant, étaient beaucoup plus considérés au xvi* siècle.
2. Voir l'oraison funèbre du Premier Président par Fléchier, les Lettres
de G. Patirif tome III, p. 670-671, 773 et 776, les Mémoires de Nicolas
Chorier, p. 140- 141, et Sainte-Beuve, Port-Royal^ tome 111, p. 624.
3. En i665, dans son Introduction à l'histoire par la connoissance des
médailles. Ce Patin avait commencé par être avocat, et il finit par la
médecine.
4. C'est le plaidoyer pour le sculpteur Gérard Van Opstal, contre qui une
cliente mal inspirée avait osé invoquer la prescription. L'action du jeune
avocat, i3 décembre 1667, en l'honneur des c arts libéraux et non méca-
niques, > eut un tel succès, que l'Académie de peinture et sculpture décréta
rimpression de sa plaidoirie et, de plus, voulut faire faire son buste par
Girardon, son portrait par Champaigne; l'avocat pria ces messieurs de
reporter sur son père ce grand honneur, et c'est ce que Clément consigna
dans une devise sur le piédestal du beau buste du Premier Président exé-
cuté par Girardon. Ainsi est racontée l'historiette par certains contempo-
rains; mais on voit seulement, dans les procès-verbaux de l'Académie
publiés par Montaiglon (tome I, p. 324, 326, 328 et 332), que cette compagnie
supplia Bâville de donner une copie de son plaidoyer, puis la fit livrer à
LB PRESIDENT DB LAMOIGNON. 125
nous aient transmis le souvenir est celle où il plaida la cause de mar-
cliands arméniens qui avaient avancé des fonds pour le rachat d'un
chevalier de Malte captif des Turcs. Mais au moins Téloge que les
rédeiCttuTs des Mémoires de Trévouxlui consacrèrent en 1710^ pré-
cise-t-il les principaux mérites du jeune avocat : « Ses plaidoyers
changèrent la face du barreau ; les imitateurs du célèbre Le Maître
eurent honte de leur enflure et de leur érudition affectée; ils sen*
tirent qu'un avocat ne doit pas songer à se faire estimer, maïs
à se faire croire...; qu'on peut être sublime sans hyperboles, et
qu'un langage simple, mais noble, est le seul qui convienne aux
défenseurs de la justice et de Tinnocence... Sur ce même modèle,
les imitateurs de Patru se corrigèrent des défauts opposés... En un
mot, réloquence du barreau doit à M. de Lamoignon la perfec-
tion oti nous la voyons aujourd'hui. »
Regrettons donc que rien ne soit venu jusqu'à nous des pre-
miers produits de cette bonne et saine éloquence.
C'est en i665 que Chrétien- François quitta la robe d'avocat
pour aller s'asseoir sur les fleurs de lis. Ayant été pourvu d'une
charge de conseiller par lettres du 23 mai, la Cour le reçut le
2 avril 1666', et, en 1668, elle lui flt le grand honneur de le
désigner pour établir un cordon sanitaire autour du Soissonnais
envahi par la c peste, > mission délicate, périlleuse même, dont il
s'acquitta heureusement, et qui lui valut un renom de vaillance'.
Au bout de cinq ans, son père voulut le faire passer du Palais
au Conseil; le 10 mai 1670, M. Besnard de Rezay se démit en
sa faveur d'une charge de maître des requêtes, et il en fut
pourvu le i5 février suivant^, mais ne l'exerça que pendant
deux ans et demi, et tout ce que nous savons de cette période
de son existence, c^est que Louis XIV tint à le désigner pour
être un de ses assistants lorsque, en 1672, il voulut tenir le
sceau lui-même après la mort du chancelier Séguier*. Dès 1673,
rimpressîon, et garda la copie dans ses archives avec un portrait du jeune
avocat.
I. Tome XXXVIII, p. 686.
a. Reg. du Parlement XIA8394.
3. Lettres et mémoires de Colbert, tome II, p. 442-447; Gaillard, Vie du
premier président Lamoignon, p. xlvi; ms. fr. lôSgS, fol. 294-400, procès-
verbal original du jeune conseiller, que M. Vîdier a bien voulu m*indiquer.
4. Reçu le 19 au Parlement : reg. XIa 8396.
3. Son éloge dans le Dictionnaire de Moréri, tome Vï, 2» partie, p. 118.
ia6 LB PRéSIDBNT DR LAMOIQNOII.
à répoque de la rentrée des cours, il revint au Palais, mais, cette
fois, parmi les gens du Roi. C'est de la charge d'avocat général de
M. Jérôme Bignon, plus connu comme grand maître de la
Bibliothèque, qu'il fut pourvu le 21 octobre ^ Le 3o novembre,
il obtint des lettres d'honorariat de maître des requêtes, quoique
ayant exercé cette charge si peu de temps, et, huit jours plus tard,
il fut installé au parquet.
De trop nombreuses parentés dans le Parlement constituaient
un obstacle légal à ce qu'il y entrât; on raconte que le Roi s^em-
pressa cependant d'accorder des dispenses : c Je connais cette
famille, dit-il; je puis m'abandonner à elle*. »
Avant qu'un mois se fût écoulé, ses parents le marièrent'. Il
atteignait déjà sa trentième année, âge avancé pour un héritier, et
même son frère cadet lui avait montré Texemple depuis une ving-
taine de mois; mais, sans doute, Chrétien- François n^avait
attendu qu'en vue d'une alliance déjà projetée de part et d'autre.
La jeune fille, âgée de vingt ans, sa parente assez proche, car
toutes ces familles de robe s'entrecroisaient presque à chaque géné-
ration, était Marie-Jeanne Voysin, fort riche héritière en perspec-
tive^, point belle, mais lettrée et mieux propre que personne à
animer de son esprit les réunions de Thôtel de la Première Pré-
sidence ou du château de Bâville.
Comme Saint-Simon le rappelle*, M"« Voysin appartenait à
une famille de robe plus récente que les Lamoignon, et moins
illustre, mais bien notée auprès du Roi. Le père, Daniel Voysin,
seigneur du Plessis-aux-Bois et de la Cerisaye, un « de ces
modestes et sages magistrats de lancienne roche, » avait passé
« avec grande réputation d'intégrité et de capacité a par les inten-
dances d'Auvergne et de Champagne, et s'était acquitté ensuite
très dignement, pendant trois périodes de deux ans, des difficiles
fonctions de prévôt des marchands de Paris, qui lui avaient valu
un siège au conseil d'État; il venait de passer conseiller ordinaire
1. M. Bignon s'était démis en sa faveur deux jours auparavant, sur une
promesse du Premier Président qu'on le ferait nommer conseiller d'État ;
mais cette combinaison ne se réalisa que quatre ans plus tard.
2. Vian, les Lamoignon, p. 222.
3. Ibidem, p. 229-230.
4. Au contraire, le premier président Lamoignon, selon le dire de G. Patin
(tome II des Lettres, p. 441), avait une très médiocre fortune.
5. Mémoires^ éd. nouvelle, tome XVII, p. 431-452.
LE PR^IDBNT DB LAMOIGNON. llj
ea 1671, et vécut encore vingt ans. La mère, Marie Talon, était
rainée des trois filles du grand Orner Talon, cet oracle du barreau
dont nous avons de si précieux Mémoires, et elle avait précisé-
ment pour frère le premier avocat général de qui Lamoignon
devenait collègue. Deux autres filles devaient, à leur tour, entrer
dans de grandes maisons du Parlement, Bignon et Joly de
Flcury.
Le mariage Lamoignon et Voysin fut célébré à Saint-Séverin
le 5 janvier I674^ La dot de Tépousée était de quatre cent mille
livres.
Installé au parquet le 7 décembre 1674^^ Chrétien- François
devait y siéger plus de vingt ans avec Tapplaudissement de tous :
c II avoit Tesprit facile, juste, pénétrant, des expressions vives et
heureuses^ une mémoire qui tenoit du prodige, et toute l'élo-
quence du corps que la nature peut donner par la représentation,
par le geste et par la voix. On Técoutoit avec plaisir lors même
que, ne parlant que de procédures et de formalités, il développoit
à la justice la chicane la plus épineuse; mais, quand, aux ouver-
tures du Parlement, il prononçoit ces discours graves destinés à
maintenir l'ordre et la discipline du barreau, les magistrats se
trouvoient presque déplacés par le concours extraordinaire des
auditeurs de tout genre. Dans cette foule, on remarquoit une
infinité de copistes; les harangues de M. de Lamoignon se répan-
doient ensuite, on les imprimoit, et, quelque différence qu'il y eût
entre les copies et les originaux, trois ou quatre traits heureuse-
ment conservés suffisoieat pour les faire recevoir avidement du
public*. »
Cest ainsi que se formèrent les recueils dont nous avons
quelques copies manuscrites'*. Harangues, discours de rentrée,
I. Non le 7, comme on Ta imprimé partout, mais le 5, si nous nous en
rapportons à la copie de l'acte prise par Rochebiiière sur les registres de
l'Oise avant Tincendie de mai 187 1 (ms. nouv. acq. fr. 3619, n* 4240). Le
contrat avait été signé le 4 par Leurs Majestés et toute la cour (Cabinet des
titres, fonds Chérin, vol. xi5, dossier a383, fol. 3o).
a. Lettres de provisions, reg. XIa 8671, fol. a 18. Les registres du conseil
secret du Parlement ne mentionnent pas cette installation si longtemps
retardée.
3. Son éloge par le secrétaire perpétuel Gros de Boze, dans le tome I de
VHistoire de V Académie des inscriptimis, p. 384.
4. Ârch. nat., U 427-428; Bibl. nat., mss. fr. 14051-14052 (tome I : mercu-
riales, compliments au Roi et discours de rentrée de 1673 à 1678; tome II :
128 LE PRÉSIDENT DB LAMOIGNON.
plaidoyers, réquisitoires ou mercuriales, c*étaient de véritables
traités sur les matières les plus diverses, et non seulement le juris-
consulte, rhistorien, le théologien, le naturaliste même, y trou-
vaient chacun son fait, mais aussi les gens de goût et d'esprit, les
amateurs du bien-parler, puisque Lamoignon, nous le savons
déjà, fut un des premiers orateurs de la magistrature à substituer
rélocution la plus naturelle, la plus simple et la plus facile à ce
style ampoulé, bourré de réminiscences classiques et d'allusions
mythologiques, qui avait été jusque-là obligatoire au Palais. Ajou-
tons que sa prononciation était exquise, et Ton comprendra que ce
fût un régal pour M""* de Sévigné et ses amies de se faire réciter
quelqu'un des morceaux que Tavocat général venait de débiter en
grand^chambre, fût-ce simplement une mercuriale aux avocats et
procureurs*.
Louis XIV, lui aussi, semble avoir apprécié ce talent oratoire,
puisqu'il autorisa Lamoignon et son oncle et collègue Talon,
réputé également éloquent, à lui adresser de vraies harangues, au
lieu d'un simple compliment prononcé très bas, lorsque les cours
et compagnies se présentaient devant lui dans quelque occasion
solennelle '.
Les biographes n^ont pas oublié, à Thonneur de Lamoignon,
que ce fut lui qui, de concert avec son père, fit définitivement
supprimer une coutume judiciaire des plus répugnantes, tombée
d^ailleurs en désuétude depuis quinze ou vingt ans : je veux dire
répreuve du congrès dans les procès en dissolution de mariage
pour cause d'impuissance. C'est sur un réquisitoire de lui que le
Parlement la fit disparaître par arrêt du i8 février 1677^. Mathieu
discours aux avocats, suivis de douze feuillets autographes de mercuriales),
ms. fr. 21148, fol. 54-65, et mss. nouv. acq. fr. 2429-30, provenant des Ver-
thamon et des Jolyde Fleury,et cédés par les Archives en 1862. Le premier
de ces exemplaires, venu directement de la famille, est remarquable pour son
exécution calligraphique et sa reliure de maroquin rouge. Le tome 1, où des
discours du Premier Président sont mêlés avec ceux de son fils, contient en
tête quelques lettres originales de Louis XIV et de Marie-Thérèse au père
(1661-1673).
1. Lettres de M'' de Sévigné, tome Vlll, p. 278, 294-295, 3 18; Mercure
de décembre 1677, p. 161-164, et de décembre 1686, p. i33-i35.
2. Dangeau, tome VI, p. 233, et Sourches^ tome V, p. 36 1.
3. Journal des audiences du Parlement, tome III, p. 194*195, et Journal
du Palais, tome V, p. i-3o; Dictionnaire de Bayle, art. Qubllbnbc. En men-
tionnant ceue initiative de Lamoignon, le Aforéri semble approuver les cri-
LE PRÉSIDENT DB LAMOIONON. I29
Marais dit à ce propos^ : « Despréaux a voit aboli le coogrès par
un trait de satire* avant que le Parlement y eût songé, et M. de
Lamoignon, qui étoit de ses amis, lui avoit bien promis de faire
enregistrer sa satire à la première occasion '. »
Nous avons ^ le texte du réquisitoire par lequel il demanda, à
Toccasion du pourvoi du marquis de Langey, que la Cour,
comme elle-même le souhaitait depuis longtemps, défendît à tous
juges, particulièrement ceux des officialités, d'ordonner à Pavenir
répreuve du congrès.
En dehors des œuvres oratoires faites pour le Palais, Lamoi-
gnon écrivit une Vie du Premier Président son père*; mais ce
morceau serait passé, dit-on, en Angleterre avec la bibliothèque de
famille, qui, dit-on encore, n^aurait pas compris moins de quinze
cent cinquante manuscrits et huit cents cartons de papiers.
Le genre narratif convenait particulièrement au style de Lamoi-
gnon. Nous en pouvons juger par deux pièces parvenues jusqu^à
nous : une lettre sur la mort de son maître et ami le P. Bourdaloue,
qui fut imprimée en 1707, à la fin du tome III du Carême^ \
un certificat qu'il délivra le 9 janvier 1702 pour servir à la cano-
nisation de M. Vincent de Paul^ et que je veux reproduire ici
d'après l'original^. Cette pièce, très brève, n'a pas une grande
portée littéraire*, mais elle fait connaître les relations familières
de Tapôtre de la charité avec la vénérée grand'mère de Chrétien-
François, avec sa tante, non moins pieuse et bienfaisante, et avec
le Premier Président.
tiques qu'en fit, en lySbj le président Bouhier, dans son Traité de la disso-
lution du mariage pour cause ^impuissance , p. 86 et 126.
1. Dans son Journal de 1722, tome I, p. 147.
2. Satire VIII :
Jamais la biche en rut n'a, pour fait d'impuissance,
Traîné du fond des bois un cerf à l'audience,
Et jamais juge, entre eux ordonnant le congrès,
De ce burlesque mot n'a sali ses arrêts.
3. • Les Lamoignons, a dit Voltaire, nettoyèrent nos lois de la rouille
ancienne de la barbarie, i
4. Mss. fir. i4o5i, fol. 190 v* à 233, et 26010, fol. 3i6; ms. nouv. acq.
fr. 3107, fol. 99. Il y en a un exemplaire imprimé, de 1680, dans le recueil
Fontanieu, tome i3o^ p. 361-478.
5. Elle est citée par Gaillard.
6. Reproduite en dernier lieu dans le tome II du Bourdaloue du P. Lauras.
7. Cette pièce a passé plusieurs fois dans des ventes d'autographes faites
par feu Etienne Charavay, notamment dans celle du 17 mai 1889, n* 74.
itÉM. XXXI 9
l3o LB PRÉSIDENT DB LAMOIGNON.
c Chrétien -François de Lamoignon, conseiller du Roi en son
conseil d'État et grand président du Parlement, je certifie à qui il
appartiendra ce qui suit :
c J'ai eu le bonheur de voir familièrement pendant plusieurs années
M. Vincent de Paul, fondateur et premier général de la congrégation
de la Mission*. Sa présence seule inspiroit la piété; son air modeste,
doux et engageant, sans aucune affectation, attiroit ceux qui avoient
davantage de converser avec lui; sa bonté et son humilité le ren-
doient égal à tous ceux avec qui il traitoit, et les plus grands génies
ne le trouvoient pas inférieur à eux quand ils agitoîent avec lui les
plus importantes affaires.
c Nous devons à M. Vincent rétablissement des hôpitaux pour les
galériens à Marseille, la fondation de la congrégation de la Mission
et de celle des Sœurs, qui n*ont d'autre occupation que d'instruire
les pauvres et de servir les malades.
« Dieu a répandu de si grandes bénédictions sur Tune et sur l'autre
de ces congrégations, qu'on peut dire que nous leur devons, et par
conséquent à M. Vincent, la plus grande partie de tout le bien qui
se fait dans ce grand royaume.
c Ceux qui liront avec attention les règles que M. Vincent a données
à ces deux congrégations, qui sont unies d'un même esprit et sous un
même gouvernement, connoîtront la grandeur du génie de Tauteur,
et comme il étoit animé de l'esprit de Dieu, seul capable d'inspirer et
de conduire de tels établissements.
c L'estime publique qu'on avoit pour M. Vincent obligea la Reine,
mère du Roi, de l'appeler dans son conseil de conscience. L'honneur
que fit à ce saint homme cette pieuse reine ne changea rien à toute
sa conduite : il parla avec une fermeté digne des apôtres dans des
occasions difficiles, et toutes les considérations humaines ne purent
l'obliger de déguiser le moins du monde la vérité; jamais il ne se
servit de la confiance des grands^ue pour leur inspirer les sentiments
qu'ils doivent avoir, et, dans les temps des troubles où toute la
France étoit remplie de partis et de factions différentes, M. Vincent,
qui pouvoit s'y distinguer, ne voulut pas sortir des bornes que sa
modestie et son humilité lui avoient prescrites.
« Ce fut dans ces temps-là que M. Vincent établit dans Paris des
assemblées de dames pieuses qui s'appliquoient à soulager les pauvres
des provinces affligées, et qu'il fit établir dans la plus grande partie
des villes du royaume, et même dans les villages, des assemblées de
charité pour soulager les malades.
t On a vu et l>on voit encore des fruits de ces saintes assemblées
qui passent tout ce qu'on peut dire, et même tout ce qu'on peut
I. Mort en 1660, alors que Chrétien-François avait seize ans.
LE PRESIDENT DE LAMOIONON. l3l
^'^irc : ce qui fait connoître manifestement que M. Vincent étoit
^^^iré par des lumières surnaturelles, et que Dieu bénissoit mani-
"^tcment ses entreprises.
^ Il ne faut pas de plus grands miracles, pour permettre d'invoquer
^ • Vincent comme un saint, que les immenses charités qu'il a pro-
^^rées par ses prières et qu'il a répandues dans toute la France et
^^ns tous les lieux du monde où il a connu des malheureux.
« Je puis attester cette vérité plus certainement que personne
pQirce que M. Vincent s'est servi, dans la plus grande partie de ses
^HMines œuvres, de M»« la présidente de Lamoignon, ma grand'mère,
^t de M^* de Lamoignon, ma tante. Elles ont été l'une et l'autre.
Pendant le cours d'une longue vie, les compagnes fidèles de ses tra-
vaux, aussi bien que M. de Lamoignon, premier président du Parle-
ment, mon père, qui avoit une telle vénération pour M. Vincent, que
non seulement il le consultoit sur les matières de conscience, mais
qu^il prenoit ses avis sur les affaires du monde, comme ceux d'un
homme d'un génie excellent et fort supérieur aux autres.
c Tous les gens de J)ien désirent avec ardeur que Sa Sainteté leur
permette d'honorer d'un culte public celui qu'ils reconnoissent pour
un grand serviteur de Dieu et pour un grand saint, et je suis per-
suadé qu'il n'y a rien qui puisse perpétuer plus certainement à l'ave-
nir les grands et pieux établissements qu'a faits ce grand homme, que
la reconnoissance que l'Église universelle fera de ses vertus,
c Fait à Paris, le 9* de janvier I7oa^
« De Lamoignon.
t De par mondit seigneur :
c Dubryb'. •
Il était extrêmement rare que les grandes maisons de la magis-
trature ne formassent pas des bibliothèques où s'accumulaient, de
génération en génération, non seulement les livres et les papiers
de famille, mais les manuscrits intéressant l'antiquité classique,
l'histoire, le droit, la littérature. Les bibliophiles connaissent de
réputation celle des Lamoignon, malheureusement dispersée pen-
dant les temps révolutionnaires^. Après le Premier Président,
Chrétien-François, comme principal héritier, la conserva, Tenri-
chit, et en confia la direction au savant Adrien Baillet, qui, chose
assez singulière, lui fut donné en 1680 par le chanoine Hermant,
coreligionnaire de Baillet en jansénisme. Baillet était un peu plus
1. Cette dernière ligne est seule autographe, avec la signature.
2. Lecture douteuse.
3. Ci-dessus, p. 129. Le libraire Mérigot, l'ayant achetée en bloc, fit impri-
mer en 1792 trois volumes de catalogue, avec une introduction intéressante.
l3a LB ntAâlDBNT DB LAMOIGNCm.
jeune que le mattre de la maison ; jusqu^à sa mort, il lui resta fidèle,
et, durant ces vingt<inq ans passés, tout en faisant paraître pour
son propre compte un grand nombre de publications, les unes litté-
raires comme les Jugements des Savants^ les autres historiques,
et d'autres encore de polémique religieuse, qui n^étaient pas très
orthodoxes, dit-on ^ il dressa un énorme catalogue de la biblio-
thèque en trente-deux volumes' et un inventaire de la colleaion
numismatique formée par le Premier Président et continuée par
son fils aine.
Une curieuse particularité s^attache au souvenir de cette biblio-
thèque, ou plutôt du bibliothécaire. Lorsque Baillet mourut le
21 janvier 1706, le secrétaire d*État Pontchartrain écrivit à notre
président' : c Le Roi ayant appris la mort de votre bibliothé-
caire, dont la doctrine étoit notoirement suspecte, S. M. m^a dit
qu'Elle auroit dû prendre des mesures pour s'assurer de ses écrits,
afin quMls ne puissent se répandre dans le public, mais, qu'ayant
une entière confiance en vous, Elle a cru qu*il suffisoit de vous
avertir de ce qu'EUe peut désirer à cet égard pour être sûr que
vous le ferez. Le Roi souhaite donc que vous preniez tellement
tous les écrits et papiers de cet homme qu'il ne vous en échappe
aucun, afin qu^on soit sûr qu'aucun ne passera en d'autres mains
que les vôtres et ne pourra être imprimé. Je vous prie de m'en-
voyer un mémoire de ce que vous aurez trouvé, pour en rendre
compte à S. M. »
Par une lettre suivante'*, nous voyons que M. de Lamoignon
s'engagea à supprimer tout ce qui semblerait mauvais ou suspect,
mais que le Roi insista pour avoir, dès la première occasion, un
relevé des écrits trouvés chez Baillet, tout en témoignant, comme
on le voit, d'une rare confiance dans le loyalisme du président.
« Magistrat formé par les mains de la Justice même', » Lamoi-
gnon en imposait à tous par sa rectitude et sa fermeté inébran-
lable. Certaine fois que son beau-frère HarUy Pavait accusé auprès
1. Le P. Lauras a signalé, dans son Bourdaloue, tome II, p. 496-498, des
ouvrages sur la Vierge écrits au sens janséniste, quoique sous les auspices
de M"* de Lamoignon, qui était, il est vrai, fort peu portée vers les jouîtes.
2. Nous en trouvons des fragments dans les mss. À*. 17174, fol. iSy-iôS,
et 24474, fol. 199, et Arsenal 5761, fol. 1-27.
3. Arch. nat., O» 367, fol. 28 V.
4. Ibidem, fol. 34 v*.
3. Lettre de Brossctte à Boileau.
LE PRÂSIOBNT DE LAMOIGNON. l33
du Roi de compromettre les droits de la couronne en matière de
r^ale, il alla s'en expliquer, et obtint cette belle réponse de
Louis XIV : a Je vous estime de ce que vous aimez la jus-
tice et de ce que vous n*avez point égard aux personnes*. »
Gaillard raconte aussi qu'ayant accepté un dépôt de papiers pri-
vés dont il ne connaissait pas l'importance politique, et le Roi
le pressant de les remettre entre ses mains, il lui dit : « Sire, je
ne m'en serois pas chargé, si j'eusse su qu'ils continssent quelque
chose de contraire au Roi et à l'État. Votre Majesté me refuseroit
son estime, si j'étois capable d'en dire davantage >. » Dans je ne
sais quelle affaire encore, le Premier Président étant mis en
demeure de sacrifier ou son devoir de magistrat ou Tavenir de son
fils, celui-ci déclara qu'il refusait tout ce qui coûterait une faute
à son père.
Voilà qui s^accorde bien avec le précepte testamentaire du Pre-
mier Président cité plus haut, mais, au contraire, ne s'accommode
pas du tout avec les deux phrases de Saint-Simon : « C'étoit un
homme enivré de la cour, de la faveur, du grand et brillant
monde... Il avoit tant qu'il pou voit à Bâville force seigneurs de
la cour, quelques jours pendant les vacances... d J'insisterai sur
ce dernier point.
Lorsque la mort prématurée du Premier Président* fit passer
Chrétien-François au rang de chef de famille, les traditions de
grande hospitalité se continuèrent chez lui, et Ton y vit fréquenter
très familièrement certaines personnalités de « la cour, » telles que
Vardes, Montausier, d'Estrées, Chevreuse, Luxembourg, ou que
les duchesses de Chaulnes et du Lude ; mais ses plus habituels
commensaux, en dehors des hauts magistrats, furent presque tous
ces gens d'esprit, de cœur, de haute culture, qui avaient aussi
leurs habitudes à l'hôtel Carnavalet, et la marquise de Sévigné elle-
I. Papiers du P. Léonard, Arch. nat., MM 8a5, fol. 184 v*.
a. Gaillard, Vie du premier président de Lamoignon^ p. xlv.
3. Il mourut à soixante ans, le 10 décembre 1677. Des oraisons funèbres
furent prononcées le 7 décembre 1678 par le professeur de rhétorique du
collège de la Marche, et, le 18 février 1679, à Saint-Nicolas-du-Chardonnet,
par Flèchier. Selon le P. Léonard (Arch. nat., MM 823, fol. i34), le Pre-
mier Président avait ordonné que ses obsèques se fissent sans tentures ni
armoiries, et que son épitaphe fût réduite à ces simples mots : Hic jacet
Guillelmus de Lamoignon, primus Galliarum senatus princeps^ resurrtctio»
nem expectans; mais la cérémonie fut pompeuse par Taffluence de gens de
cour et de magistrats.
l34 LE PSiSIDEIfT DE LAMOIONON.
même a décerné ce brevet à Lamoignon* : c Non certainement,
Monsieur, je ne vous oablie pas. On ne peut en être plus éloigné,
ni vous honorer, et, si j'ose dire, vous aimer, d'une manière plus
digne de vous, car il y a une certaine somme d'attachement pour
votre personne qui n'est faite que pour ceux qui en connoissent
tout le mérite. » En effet, Lamoignon était un des feimiliers de
Carnavalet, et c'est sans doute afin de se rapprocher de ce cénacle
spirituel qu'en 1684 il quitta la rue Aubry-le- Boucher pour acqué-
rir au plus près, — rien qu'un carrefour fecile à traverser entre-
deux, — le logis monumental construit à la croisée de la rue Pavée
et de la rue des Francs- Bourgeois, pour les ducs d'Angouléme '.
Depuis lors, le va-et-vient entre les deux logis fut incessant jus-
qu'en 1696. Quels dîners et quels soupers! Ici et là, quels con-
vives et quelles tables ! La néphrétique de Lamoignon s'en res-
sentait quelquefois'.
L'été venu, le Parlement entrant en vacances après dix mois
d'assidu service, notre avocat général se transportait à la cam-
pagne, dans cène belle terre de Bâville dont il avait conservé la
propriété depuis la mort du Premier Président, tout en laissant
son frère cadet en poner le surnom^.
Très campagnard une fois que le Palais était clos, Lamoignon se
donnait tout entier aux plaisirs de la promenade et de la chasse'.
Le pays était pittoresque autant que giboyeux, et, pour favoriser
la passion bien connue des maîtres de Bâville, M°*" la duchesse
1 . Lettres de Af ■• de Sévigné, tome IX, p. 565.
2. Cet hôtel avait été construit au xvi* siècle pour Diane de France et
légué par elle à son neveu bâtard le premier duc d*AngouIéme, mais ne fut
terminé, dit-on, qu'en 17 18. 11 subsiste encore, comme Thôtel Carnavalet,
comme les hôtels de Chaulnes et d'Albret, et nos curieux connaissent tous
sa porte monumentale et ses frontons grandioses, soutenus par des pilastres
engagés, les premiers de ce style, dans toute la hauteur du bâtiment; mais
l'inscription, aussi menteuse que celle de Thôtel d'Albret dans la rue toute
voisine des Francs-Bourgeois, en fait la demeure du premier président
Guillaume, alors que celui-ci était mort sept ans avant Tacquisition de 1684.
On a des gravures du temps représentant la perspective du côté du jardin
(Cabinet des estampes, portef. V» 24g).
3. Lettres de A/"» de Sévigné, tome IX, p. 415, etc.
4. C'est Bâville qui forme le sujet principal du livre de M. Vian; mais
Gaillard en avait parlé cent ans avant, et le P. Doncieux y était revenu dans
le P. Bouhours (1886), p. 76-79.
5. Il aimait passionnément la chasse, quoique ayant la vue basse, dit le
P. Léonard de Sainte-Catherine.
LE PRUDENT DE LAMOIGNON. l35
d'Orléans, veuve de Monsieur Gaston et usufruitière du comté de
Limeurs, reconnaissante de ce que le Premier Président l'avait
secondée dans la tutelle de ses filles, lui avait concédé la jouissance
à vie de trois « buissons » contenant ensemble cent trente-sept
arpents; elle continua cette jouissance à Chrétien-François, et, en
outre, depuis 1667, elle lui avait assuré la charge de gouverneur,
capitaine et concierge des château, ville et comté de Montlhéry
et Linas^ Les gages, de six cents livres, n'étaient pas à compter,
mais seulement les avantages pour la chasse et les prérogatives qui
disaient de Bâville le centre d'une espèce d'apanage.
Même au temps otx le Premier Président n'avait là qu'un
modeste manoir, si petit qu^il lui fallut construire pour ses fils un
château plus vaste', les Parisiens savaient la maison ouverte et
hospitalière comme la dépeint, dans ce charmant passage de ses
Mémoires^ y l'abbé Arnauld, arrêté et retenu de force en 1672 :
c M. l'abbé de Feuquière m'assura si sérieusement que je désobli-
gerois ces messieurs, si je les refusois, que je me laissai conduire,
étant aussi sensible que je devois Têtre à l'honneur qu'ils me foi-
soient. J'arrivai àdix heures du soir; ils étoient près de se mettre
àtable. Après le souper, on se mit à jouer; mais, M. le Premier Pré-
sident n'étant point du jeu, j'eus l'honneur de m'entreienir avec lui.
Sa conversation me semble, en vérité, préférable à tous les plaisirs
après lesquels on court dans le monde, tant on y trouve à la fois
de douceur et d'honnêteté, de brillant et de savoir. C'est à Bâville
qu'il le faut voir pour le bien connoître; c'est là qu'il sait se pro-
portionner à tous ceux qui l'y visitent, et que, se dépouillant de
la gravité qui convient au chef du premier parlement de France,
et dont pourtant personne n'a jamais usé avec une plus grande
modération que lui, il descend dans tous les devoirs d'un homme
privé, faisant aussi bien que personne les honneurs de sa maison.
Il se tient même obligé de Thonneur qu'il fait à ses amis de les
y recevoir, et, par l'honnête liberté qu'il y donne, il y invite
beaucoup plus qu'il ne pourroit faire par des paroles. MM. de
Lamoignon et de Bâville, dignes fils d'un père si aimable,
marchent sur les mêmes pas que lui. En vérité et sans flatterie,
1. Cabinet des titres, fonds Chérin, dossier Lamoionoii, fol. 3a. Lamoi-
gnon passa la charge à son fils aîné le 19 avril 1707.
2. Pai raconté cela dans la Rébellion d'Hesdin, p. 117, note 2.
3. Éd. Michaud et Poujoulat, p. 55i.
l36 LB PRESIDENT DE LAMOIGNON.
on aurait peine à trouver en France tant de mérite et de vertu
dans une seule famille. Vouloir faire Téloge du père, ce serait une
entreprise bien au-dessus de mes forces : elle ne le serait guère
moins, si on vouloit dire tout le bien qui se trouve en Messieurs
ses fils; on en peut assez juger par les beaux traits d'esprit et
d'éloquence que le Parlement admire tous les jours dans les plai-
doyers de M. Tavocat général de Lamoignon et par le choix qu'a
fait le Roi de M. de Bâ ville pour assister aux conférences de
Cologne pour la paix, quoiqu'il fût encore dans un âge si tendre
que, s'il ne Pavoit point devancé par les lumières de son esprit et
de son jugement, il n'auroit pu encore être reçu dans une charge
de conseiller de la Cour. ■
Tant que vécut Lamoignon, il attira à Bâ ville une élite d'amis,
et surtout d'hommes de lettres, appartenant aux partis les plus
opposés, mais que le grand cœur et la franche cordialité de leur
hôte savaient rapprocher et unir, comme jadis aux lundis du Pre-
mier Président : ses anciens professeurs les PP. Bourdaloue et
Rapin, Vanière, Bouhours, à côté des jansénistes Baillet et Her-
mant; Coulanges, le chansonnier badin« et l'auteur de ÏArt
poétique, qui payait son écot de cette VI' épître si charmante, ou
rendait la politesse dans sa maisonnette suburbaine d'Auteuil;
Gourville, représentant la petite cour de Chantilly; Bussy-
Rabutin, Guy et Charles Patin, du camp des libertins; le Vic-
toria Santeul, et Regnard, dont le maître du logis fit jouer le
Légataire universel; puis, M. de Bagnols, et des proches voisins,
comme les Saint-Maurice, les Ollier, les Saint-Germain-Beaupré,
et ce savant théologien Tévêque de Toulon, oncle de M™* de
Bâville. De Livry, M"* de Sévigné se plaisait à venir faire des
visites oîi, dit-elle, tous ces gens d'esprit a gagnaient beaucoup à
se faire connaître dans la liberté de la campagne*. »
Indépendance pleine et entière pour chacun dans cette char-
mante Thébaïde; tandis que le maître du logis, à pied ou à che-
val, courait les champs et les taillis sous le brûlant soleil de mai
ou d*août, ses commensaux, plus casaniers et moins ingambes, se
livraient paisiblement au jeu d'hombre, aux discussions philoso-
phiques, aux conversations piquantes, ou bien allaient le relan-
cer pour discourir
I. Lettres de M"* de Sévigné^ tome VII, p. 462 et passim.
LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. lij
au pied de ces coteaux
Où Polycrène épand ses libérales eaux^
Il faut lire les souvenirs de tant d'heureux amis, soit dans leur
correspondance, soit dans les notices que leur ont consacrées des
biographes modernes^; nous avons aussi les vers du joyeux Cou-
langes^, loraison funèbre de Fléchier, les poèmes latins de Rapin
et de Vanière, surtout Tépître de la Campagne et la Ville, dédiée
par Boileau, en 1677, à Tavocat général quoique son père vécût
encore :
Oui, Lamoignon, je fuis les chagrins de la ville,
Et contre eux la campagne est mon unique asile....
Mais, cette fois, le satirique avait trouvé la maison trop ouverte
à son gré,
Car, dans ce grand concours d'hommes de toute espèce
Que sans cesse à Bâville attire le devoir,
Au lieu de quatre amis qu'on attendoit le soir,
Quelquefois de fâcheux arrivent trois volées,
Qui du parc à l'instant assiègent les allées.
Alors, sauve qui peut ! et quatre fois heureux
Qui sait, pour s'échapper, quelque antre ignoré d'eux^.
J^omettais un nom, notable cependant, celui de cet évéque de
Fréjus, André-Hercule de Fleury, qui devait, pendant plus de
quinze années du règne de Louis XV, gouverner les destinées
de la France. Lui aussi, comme Pabbé Amauld, avait fait de la
discrétion, à ce quMl paraît, et voici comme il s>n excusa' :
« Je m'attendois, Monsieur, à des remerciements, et non à des
reproches de vous avoir laissé quelque temps en repos, et je vois
bien que Porgueil des présidents à mortier est bien diminué de ce
qu'il étoit autrefois. Les finances l'ont emponé et ont vengé Tépée
1. Voir les odes latines XX et XXI de Nicolas Rapin.
2. Lauras et Chérot^ sur Bourdaloue; Doncieux, surBouhours; Vian, sur
Bâville, etc.
3. Chanson sur le pain bénit rendu par M"* de Lamoignon à Saint-Che-
ron, la paroisse de Bâville, pour Pâques de 1681 : Bibl. nat., ms. fr. 12620,
p. i53.
4. On a une traduction ms. en latin : Bibl. nat., Réserve Yc 602, n* 37.
5. Lettre publiée par le baron Kervyn de Lettenhove dans les Collections
d'autographes de M. de Stassart, p. 71-72 ; datée de Fréjus, 10 juillet (1701).
f9B X.
d^avoir été obligée de céder autrefois à la robe. J'ai dit des nou-
veaux directeurs ce que vous en avez apparemment pensé, et il me
semble que nous étions souvent de même avis quand nous dis-
courions dans les allées de Bft ville...
c Vous me demandez si j'ai bien discouru avec M. de Bâville.
En pouvez-vous douter? Je vous assure que je lui en ai assez dit
pour le corriger de toute pensée d'ambition. Je Ten crois fort
revenu et bien guéri. 11 ne tiendroit pourtant pas mal son coin,
et je suis, en vérité, toujours plus charmé de son esprit et de
son cœur.
« Pour vous, Monsieur, il, sied bien de faire le philosophe
avec belle maison et toujours bonne compagnie. Je sais que vous
avez eu des dames de la cour; Bâville et vous avez une cour
comme si vous étiez directeur des finances. »
Cour purement littéraire et spirituelle, bien plus soucieuse
des plaisirs délicats du savoir-vivre, de l'esprit de société ou de
rérudition, que « de la faveur du grand et brillant monde. »
Mais Saint-Simon conservait une vieille rancune à M. de Lamoi-
gnon, et voilà pourquoi il Taccuse encore de se mêler indiscrète-
ment des affaires de ses amis, mariages, testaments, etc.*. Cétait,
et peut-être est-ce encore la mission très ordinaire, très flatteuse,
sinon très enviable, des hauts magistrats'. Dans les Lettres de
M^^ de Sévigné^ et ailleurs, on voit notre Lamoignon, comme,
avant lui, son père, qui « conciliait plus d'affaires qu'il n'en jugeait, »
on le voit faire office de pacificateur entre Béthune-Cassepot et
les Vaubrun, de négociateur matrimonial entre les Marillac et les
La Fayette, d'arbitre entre Sévigné fils et M. de Morveaux. C'est
lui qui raccommoda, en 1691, dans le cabinet du Roi, le duc de
Gesvres et son fils; qui maria M. de Marsan en 1696 avec la
veuve de Seignelay, M"® d'Humières avec Je marquis de Ville-
quier en 1690; qui fit office d'exécuteur testamentaire de M™* de
I. Mémoires, éd. nouvelle, tome XVIII, p. 107, note 5.
a. Voir Téloge de notre président dans V Histoire de P Académie des ins-
criptionSf tome I, p. 384 : f Ce fut un tribunal domestique que la confiance
des personnes de la première qualité lui avoit érigé, et où, terminant
plus d'affaires qu'au Palais, il avoit souverainement acquis l'art de pacitier
les familles divisées par des intérêts différents ou par des conseils dange-
reux, f
3. Tomes VIII, p. 554-555 et 564-565, IX, p. 226, X, p. 290-292, XI,
p. xxrviii.
LE PKisiDSNT DE LAMOIGNON. I Sç
Toisy en 1703^; qui < projeta > les lettres de pairie du maréchal
de Boufflers'; qui seconda le prince de Conti dans Tachât de la
maison des Talon, à Issy'.
Cette confiance de toute la haute société honorait grandement
le nom de Lamoignon. Si Saint-Simon y trouve à redire, c'est
certainement parce que Tavocat général, après avoir secondé le
maréchal de Luxembourg dans le grand procès de 1694 contre les
ducs et pairs, s'avisa de vouloir réserver la main de M"* de Lorge
pour le fils aîné de ce maréchal, quoique Saint-Simon y aspirât^.
Fervent chrétien, mais point intransigeant, — on Ta vu par les
noms énumérés de ses commensaux, — et plus près de la tolérance
que beaucoup de ses contemporains, quelle put être l'attitude de
Lamoignon dans les périodes de persécution contre les protes-
tants qui suivirent la Révocation de i685 ou la paix de Ryswyk?
Jusqu'ici, on faisait valoir en sa faveur une lettre à Bossuet' où il
se défend, en même temps que son frère Bâville, d'avoir « le
caractère d^un homme qui veut être le persécuteur des hugue-
nots, » et ses relations affectueuses avec des jansénistes étaient là
pour confirmer cette protestation; mais voici que, ces jours passés,
un historien, deux même, ont voulu abolir cette « légende, »
comme ne tenant plus devant un fait terriblement grave, parait*il,
la participation de notre Lamoignon aux œuvres pieuses et cha-
ritables de certaine congrégation du Saint-Sacrement qui avait
fait grand bruit et peut-être exercé une influence considérable au
temps de sa première jeunesse*.
L'affiliation au Saint-Sacrement était-elle compatible ou incom-
patible avec les idées de tolérance, et surtout avec l'horreur des
persécutions? Sans entamer une discussion qui n'est point de
mon fait, on me permettra de faire simplement remarquer que
le Chrétien de Lamoignon qui fut membre actif de la congréga-
tion était, non pas le signataire de la lettre de 1700 à Bossuet,
I. Sourches^ tomes III, p. 352, V, p. 109, VIII, p. 47; Dangeau, tomes III,
p. 119, isa, et IX, p. i5o.
a. Saint-Simon, éd. nouvelle, tome XVII, p. a 18 et aaa.
3. Dangeau, tome VI, p. 48a.
4. Saint-Simon, éd. nouvelle, tome II, p. 26g.
5. Éd. Lâchât, tome XXVII, p. lai-iaa, correspondance de l'année 1700.
6. Voir un article de M. Gachon sur le Conseil royal et les protestants en
i6g8, dans la Revue historique du i** juillet 1904, p. a68; cf. ibidem,
i^ septembre, p. 64.
140 UB FKÉSIDRHT DE LAMOIGNON.
encore enfant lorsque disparut la congr^tion *, mais sod grand-
père. Chrétien premier du nom, et que le chef du Parlement en
1698 ou en 1700 n'était plus Guillaume de Lamoignon, mort
depuis vingt-trois ans, mais M. de Harlay.
A peine Tavocat général s'était-il installé à la rue Pavée, que sa
maison fut mise en deuil par la petite vérole et la mort rapide,
presque foudroyante, du jeune Voysin, frère unique de M^ de
Lamoignon'. Grand émoi dans toute leur société. C'était, sur le
moment même, et surtout pour l'avenir, une immense succession:
aussi y eut-il beaucoup d'on dit et de commentaires, si nous en
jugeons par la correspondance qui s'échangea entre M"** de Sévigné
et son cousin Bussy'. La première, indulgente et bonne : c Vous
savez sans doute que M. de Lamoignona perdu son beau-frère? Je
vous ai toujours oui dire que les grandes successions étouffoientles
sentiments de la nature. Si cela est, tout doit rire dans cette mai-
son; cependant j'y ai vu des larmes qui m'ont paru sincères:
c'est qu'avec ce qu'il étoii frère, il étoit encore ami. Je suis ravie
de connoître le mari et la femme; c'est avec grande raison qu'on
les aime quand on les connoît. » L'amer et jaloux cousin répond:
« Je sus d'abord la mort de M. Voysin, et j'en fis compliment à
notre ami. Jesavois bien ce qu'il pensoit là-dessus, et je lui aurois
parlé à cœur ouvert, si je lui avois parlé tête à tête; mais je lui
écrivis que je prenois à cette perte toute la part qu'il y pouvoit
prendre : il me manda, en galant homme, que, quoique le Sei-
gneur, en lui ôtant son beau-frère, ne lui eût pas ôié toute con-
solation, il avoit pourtant été plus touché de cette perte qu'il ne
croyoit, par le genre de cette mort fort subite, par le speaacle, ei
par la douleur extrême de toute sa famille. Voilà comme il faut
parler d'un tel événement, et non pas comme M"* de Scudéry, qui
me raandoit que, quoique M. de Lamoignon gagnât des millions
à cette mort, il en seroit inconsolable. Je ne m'en dédis pas,
Madame : les grandes successions étouffent les sentiments de la
nature, à moins que le mort n'ait été notre intime ami. •
M""« de Lamoignon, disent les contemporains^ héritait de plus
de cent mille livres de rente; huit ans plus tard, en novembre 1693,
1. Raoul Allier, la Cabale des Dévots, de 1627 à 1666, p. Sg et 68.
2. Mémoires de Saint-Simon^ éd. nouvelle, tome XVII, p. 452.
3. Lettres, tome VII, p. 469 et 473-474.
4. Sourches, tome IV, p. 282 et 288.
LB PRESIDENT DE LAMOIGNON. I4I
die recueillit encore la succession de son père, c un des hommes
de la robe le plus riches ^ » et ce méchant bruit courut alors,
ne l'enregistrons que sous toutes réserves» : M. de Lamoignon,
fon irrité de ce que son beau-père eût légué cent mille livres
^ut pauvres à l'instigation du P. Moret, de l'Oratoire, aurait
^Qnoncé son intention de faire casser le testament *, et M"« Voysin
^c répondre que, si Ton agissait ainsi, elle donnerait le double
^Ui œuvres charitables.
Après avoir passé une dizaine d'années au parquet, le désir de
lamoignon était de reprendre les traditions de sa famille et de
Suivre les usages du Palais en allant s^asseoir parmi les t grands *
présidents à mortier^. Il paraît méme^ qu'on avait été étonné,
en 1689, lors de la démission du premier président de Novion,
de voir l'avocat général solliciter la succession vacante pour son
beau-frère Harlay plutôt que pour lui-même, ou ne pas songer,
pour le moins, à demander la charge de procureur général de
celui-ci; mais plusieurs années s'écoulèrent encore avant que ses
démarches ou les vœux de ses amis aboutissent : tour à tour, la
succession du président Le Coigneux, celle de M. de M esmes, celle
de M. Le Peletier lui échappèrent, comme d'ailleurs à d*autres
concurrents, son collègue et oncle Talon, l'ambassadeur Barrillon,
candidat de M™* de Maintenon, ou M. Charron de Menars, oncle
de Seignelay'.
Pour le consoler ou lui faire prendre patience, le Roi lui accorda
la pension de six mille livres qui, de règle ordinaire^ se donnait aux
avocats généraux après un certain temps d'exercice*. Enfin, en dé-
cembre 1689, ilobtint la survivance de M. de Nesmond, en prenant
1. Journal de Dangeau, tome IV, p. 400; Mémoires de Sourches,
tome IV, p. 288.
2. Arch. nat., Papiers du P. Léonard, MM 825, fol. 134.
3. Furetière explique cette expression : c Les présidents à mortier ou
grands présidents, qu'on appelle c Messieurs du grand banc, i sont les
présidents de la grand*chambre et de la Tournelle. i
4. Gaillard, Vie du Premier Président, p. xliv.
5. Sourches, tomes I, p. 379, et II, p. i25.
6. En 1688 : Sourches, tome II, p. 190. Ânquetil, dans sa Galerie de
Vancienne cour, tome I, p. 72, rapporte que le Roi, après avoir promis la
même pension, déjà donnée à l'autre avocat général, oublia Lamoignon,
puis l'apostropba un jour : c Monsieur, vous ne me parlez plus de votre
pension? « Sire, j'attends que je l'aie méritée. — Si vous le prenez de ce
côté-là, dit le Roi, je vous dois des arrérages, i Et la pension fut expédiée
avec rappel du jour de la promesse.
143 LS Fl<SIDBrr DB LAMOIOlfOir.
des dispenses de parenté puisqu'il se trouTsit être beau-frère du pre-
mier président Harlay, onde du fik de celui-ci, déjà conseiller, et
neveu de M M . Talon et Joly de Fleury ^ M"^ de Sévigné en marqaa
une grande joie' : « M. de Lamoignon a la survivance de la charge
de M. de Nesmond; c'est celle de feu M. le Premier Présideat'.
C'est le Roi qui a £iit ce miracle, car Guillaume croyoit que le
mot de survivance le feroit mourir. Je suis ravi que notre aimable
voisin ait enfin retrouvé cette place, et ne meure pas dans la
sienne. » M. de Nesmond mourut en mars 1693, et notre avocat
général eût pu passer alors président en payant trois cent cin-
quante mille livres à la fomilledu défunt; mais il aurait souhaité
de conserver en même temps sa charge du parquet, au moins
pendant trois ans, et, le Roi exigeant, comme de juste, qu'il
optât tout de suite, Lamoignon préféra rester avocat général,
rétrocéder la présidence à son cousin Crèvecœur, gendre de M. de
Harlay-Bonneuil, et y gagner cent cinquante mille livres^ par
suite de la nouvelle taxation survenue entre-temps^, c Les avis
des courtisans furent bien différents sur ce sujet, dit Fauteur des
Mémoires de Sourches^; la plupart le blâmèrent comme un
homme qui avoit préféré Tintérét à Thonneur, parce qu'il vendoit
cette charge de président cinq cent mille livres; mais les autres
assuroient qu'il avoit choisi fort prudemment, tant parce qu^il y
trouvoit un profit considérable, que parce que son fils étoit trop
jeune pour pouvoir espérer de lui procurer de sitôt la survivance
de la charge de président au mortier, et parce qu'après avoir vieilli
dans la charge d'avocat général, il lui auroit été très rude de se
voir le dernier président au mortier, et de marcher après les pré-
1. Arch. nat., O* 33, fol. 353 v», lettres de survivance du 12 décembre
1689, sur démission du 8. Elles furent enregistrées le 5 janvier 1690 (Arch.
nat., XIA8684, fol. 34-37). L'impétrant, y était-il dit, c nous a rendu ses
ser\'ices avec capacité, intégrité et distinction, à notre entière satisfaction et
avantage du public... Nous devons avec raison espérer quMl suivra Texemple
de ses ancêtres, qui ont rendu des services considérables à l'État, et parti-
culièrement son aïeul, qui a possédé cette même charge, et son père, qui a
si dignement rempli celle de premier président.. »
2. Lettres, tome IX, p. 348.
3. Cest-à-dire celle que le Premier Président eût dû recueillir à la mort
de son père en i636.
4. DangeaUf tome IV, p. 248 et 266; Sourches, tome IV, p. 189; Notes
du P. Léonard, Arch. nat., MM 826, fol. i34 V.
5. Tome IV, p. 189.
LE PRÉSIDENT DE LAMOIGKON. 148
idents Le Pclcticr, de Mesmes, de Château-Gontier et de Novîon,
{ui étoient des jeunes gens. >
Enfin, en mars 1698, la mort de son oncle Talon laissant
vacante une présidence, Lamoignon se décida. Encore eût-il
voulu passer sa propre charge d'avocat général à son fils, déjà
avocat du Roi au Châtelet; mais ce jeune homme, ne se sentant
pas une voix assez robuste, préféra acheter simplement une charge
de conseiller*. Muni de Tagrément du Roi, Lamoignon passa
marché avec la veuve du président Talon le 19 mars; le jour sui-
vant, il prit une dispense de parenté, car, cette fois-ci, il allait se
trouver à côté de son beau-frère le Premier Président, de son
gendre Longueil, de son oncle Joly de Fleury, de son neveu
Urbain de Lamoignon, et il fut pourvu le 29 mars, reçu le
9 avril*.
Nous arrivons au fait le plus connu, et le moins explicable,
dirai-je tout de suite, de la vie publique du président : c*est son
refus, étant élu membre de l'Académie française comme représen-
tant de l'éloquence parlementaire, d'aller siéger parmi les Qua-
rante, oli il n'eût certes pas fait mauvaise figure. Une première fois,
en novembre 1702, le « parti dévot » avait posé sa candidature au
fauteuil devenu vacant par la mort du duc de Coislin, et il avait
laissé faire, mais s'était vu distancer par le fils du défunt en qua-
lité de descendant du second protecteur de l'Académie'. Au mois
de juin 1703^, ses amis saisirent une autre occasion, la mort de
Charles Perrault et la candidature du plus fameux des épicuriens,
Tabbé de Chaulieu, soutenue par Monsieur le Duc et par Chan-
tilly. Tourreil, qui était directeur en fonction et représentait les
tout-puissants' Pontchartrain, puis les abbés Regnier-Desmarais,
I. SourcheSy tome VI, p. 18-19. Les notes du P. Léonard (Arch. nat.,
MM 825, fol. 134) confirment ce détail que le jeune Lamoignon n'avait pas
la belle voix de son père, et cependant, lorsque, le 8 juin 1693, il plaida sa
première cause, un désaveu d'enfant, sa modestie, sa mémoire heureuse, sa
pleine possession de lui-même lui avaient valu un très grand succès. 11
acheta l'année suivante la charge du Châtelet.
a. Cabinet des titres, dossier a383 du fonds Chérin (vol. 11 5), fol. 3i v*.
3. Réception du la décembre 170a.
4. C'est en ce temps-là, le 9 juin, que, sur la proposition de Tourreil, il
fut décidé que le directeur en exercice serait chargé de répondre aux réci-
piendaires élus pendant son trimestre.
144 I-B misiDBNT DE UUfOIGNON.
de Chotsy, Boileau, et surtout Testu, mirent de nouveau son nom
en avant ^
Le lundi 18 juin*, étant présents MM. de Tourreil, de Choisy,
Régnier- Desmarais, le duc de Coislin, Dacier, de la Chapelle, de
Malezieu, l'abbé Genest, Renaudot, l'abbé Testu, de Crécy,deSacy,
Despréauz, le marquis de Dangeau et l'abbé de Dangeau, Talle-
mant, de Fontenelle, de Valincour, Tabbé Boileau, Thomas Cor-
neille, Cousin, de Caumanin et de Callières, c la Compagnie
convoquée par billets pour la proposition d'un académicien à la
place de M. Perrault, M. le président de Lamoignon fut élu par
la pluralité des suffrages. > Mais, le soir même, dit la chronique,
Messieurs de Chantilly lui firent feiire reproche d avoir servi
d'instrument à une cabale formée contre leur commensal et ami.
Lamoignon écrivit immédiatement au comte de Pontchartrain,
secrétaire d'État chargé des Académies, cette lettre, dont les
archives de Tillustre Compagnie possèdent ou ont possédé un
c brouillon, » ou une copie, et que je crois devoir reproduire ici
quoiqu'elle ait déjà été insérée, il y a peu d'années, dans une publi-
cation officielle, peu connue d'ailleurs'; toutefois, je n'estime pas
nécessaire d'en reproduire l'orthographe comme l'a fait l'archi-
viste de TAcadémie, ayant constaté, par la comparaison avec des
autographes authentiques, que celle de Lamoignon était moderne
et correcte autant qu'on devait Tatiendre d'un ami des lettrés et
des grammairiens, et non arriérée comme celle du « brouillon ^ »
a II m*arrive, Monsieur, une aventure digne de toutes celles de ma
vie. Messieurs de l'Académie me viennent d'élire pour la place vacante
quoique je les eusse priés très instamment de n'en rien faire. Je ne
me suis pas contenté de simples paroles : j'ai écrit à M. de Tourreil,
directeur de l'Académie, que j'aurois des raisons essentielles de
refuser cette place, quelque honorable qu'elle soit, si l'on vouloit me
1. A la fin du xviii* siècle, Gaillard eut communication des lettres écrites
par ces personnages au président. Q.ue sont-elles devenues?
2. A cette époque, les académiciens se réunissaient à peu près régulière-
ment le lundi, le mercredi et le samedi.
3. Registres de l'Académie française, tome I, p. 424, note.
4. On peut faire cette vérification sur les minutes autographes de mercu-
riales qui se trouvent à la fin du ms. fr. 141 32 indiqué ci-dessus, p. 127.
D'ailleurs, ce a brouillon, > qu'il eût été intéressant de comparer avec l'écri-
ture authentique du président, comment pouvait-il se trouver aux archives de
l'Académie? Peut-être n'était-ce qu'une copie prise par un scribe.
LE PRESIDENT DE LAHOIGNON. I45
nommer malgré moi. Toutes mes paroles et toutes mes lettres ont
été inutiles, et je crains que l'excès du zèle de M. Tourreil pour
TAcadémie et pour moi ne le porte à parler au Roi. J'honore le corps
de l'Académie et tous ceux qui la composent, la protection que le
Roi lui donne la rend respectable autant que son propre mérite me
la fait estimer; mais il ne me convient nullement de devenir acadé-
micien. J'emploie mon oisiveté à toutes autres choses que celles qui
occupent l'Académie. Enfin, vous voyez, comme moi, que cet emploi
ne me convient point. C'est une vérité dont je me suis expliqué si
publiquement, qu'il paroltroit que j'ai voulu me faire désirer et me
donner un mérite que je n'ai pas. Cette lettre peu académique vous
fait assez connoître que je ne suis pas digne d'être académicien ; par-
donnez-en, s'il vous plaît, toutes les fautes, et accordez-moi votre
protection pour soutenir le refus que j'ai fait. Je m'en vais demain
matin à Bâville pour y prendre des eaux pendant quinze jours :
il fout avoir soin de sa santé quand on est aussi proche que je le suis
de la soixantaine. Je suis, etc. »
De fiiit, l'allure de cette lettre est « peu académique. > Devons-
nous croire que Lamoîgnon l'ait voulue telle avec intention, et
même y ait accumulé à plaisir les « fautes » dont il s'excuse?
Nous n'avons pas l'autre lettre que Lamoignon avait écrite au
directeur de l'Académie, mais seulement la réponse de celui-ci^ :
< Je vous déclare. Monsieur, que notre auguste Protecteur vient
d'agréer notre choix en des termes que votre modestie désavoue-
roit fort. Entre le Roi et vous le débat, Monsieur. Je ne m'en
mêle plus : nous avons fait notre devoir; malheur à vous, si vous
manquez au vôtre! »
D'autre part, le secrétaire d'État répondit officiellement, le
20 juin' : < Le Roi, à qui j'ai lu la lettre que vous avez pris la
peine de m'écrire au sujet du refus que vous faites de la place
qu'on a voulu vous donher à TAcadémie françoise, m'a ordonné
de vous mander qu'il étoit bien aise du bon choix qu'on avoit
fait, mais que, la chose ne vous convenant point, il vous laisse
absolument le maître de refuser. Il ne peut que plaindre l'Aca-
démie de perdre, ou plutôt de ne pouvoir se donner un aussi
digne confrère que vous l'eussiez été. »
Ni cette correspondance, ni les notes prises par le P. Léonard
1. Gaillard, Vie du Premier Président^ p. xlvi-xlvii.
2. Arch. nau, reg. 0> 364, fol. 164 v*.
vûa. XXXI
146 LB PRisiBBNT DS LAMOI6NON.
au jour le jour sur rAcadémie*, ni le long récit que l'abbé
d^Olivet fit plus tard de ce rare incident', ni Duclos dans son
article sur rAcadémie française', ni même Gaillard dans la
réplique à Duclos^, n'ont éclairci les raisons que le président eut
pour agir si extraordinairement.
On a douté que Lamoignon eût été suffisamment pressenti par
ses amis : ce n'est pas admissible, puisquUl dit formellement les
avoir prévenus par avance de son refus.
On a supposé qu^il gardait rancune de son échec de 1702':
cette petitesse n'eût pas été digne de lui et de son caraaère loyal.
Ou encore n'aurait-il pas voulu louer dans son prédécesseur
Perrault le champion des modernes, l'ennemi déclaré de Cicéron
et de Virgile*? C'eût été réveiller bien tardivement une querelle
surannée.
Duclos a supposé que l'idée de faire échec à Chaulieu par
le moyen du président serait venue de Louis XIV lui-même.
Gaillard, tout en croyant Tourreil coupable, estime que le pré-
sident ne voulut point servir la cabale des ennemis de Chaulieu
après s'être engagé avec le prince de Conti à ne pas faire obstacle
à son candidat, etque^ d'autre part, il craignit de déplaire au Roi
en laissant la place au libertin ^.
Boileau le poète paraît avoir été plus mécontent qu'étonné. Il
écrivit à Brossette* : « La mort de Perrault a fait recevoir un
assez grand affront à l'Académie, qui avoit élu, pour remplir sa
place d'académicien, M. de Lamoignon notre ^ ami; mais M. de
Lamoignon a nettement refusé cet honneur. Je ne sais si ce n'est
point par la peur d'avoir à louer l'ennemi de Cicéron et de Vir-
gile. L'Académie, pour laver un peu sur cela son ignominie, a
élu au lieu de lui, très prudemment, M. le coadjuteur de Sou-
1. Arch. nat., M 763, fol. 8 V, i5 et 16, et MM 826, fol. 134 V.
2. Histoire de V Académie française^ éd. Ch. Livet, tome II, p. 3o-32.
3. Encyclopédie méthodique de grammaire et de littérature. Cet article
avait été lu dans une séance publique de l'Académie.
4. Vie du Premier Président^ p. xlvi-xlviii.
5. Notes du P. Léonard, MM 825, fol. i34 V.
6. Boileau' Despréaux et Brossette, par Laverdet, p. 148 et i56.
7. Vie du Premier Président ^ p. xlvi-xlviu. En 1705, on crut que la pièce
satirique de Malezieu : Polichinelle demandant une place à V Académie fr an-
çoise, avait été inspirée par les rancunes de Monsieur le Duc et du duc du
Maine.
8. Boileau et Brossette, p. 148. — 9. L'éditeur a lu votre.
LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. 147
bise. » Brossette riposta^ : « J'ai Tbonneur de connoître cet illustre
magistrat pour un homme d'une bonté peu commune, et Tidée
que j'en ai ne me semble pas s^accorder avec ce refus. >
Quoi qu'il en soit, — nous ne saurions supposer que tout cela
fût le fait de la même indécision qui retint si longtemps Lamoi-
gnon en suspens entre le parquet et les hauts sièges de président
à mortier^, — ce sont Tourreil et Tabbé Testu qui furent les « mau-
vais payeurs. »
Le P. Léonard de Sainte- Catherine nous a conservé ce
« madrigaP : »
Lamoignon, réveillé longtemps avant Taurore,
Méditoit le remerciement
Qu'il doit pour un choix qui rhonore
Et qu'il désiroit ardemment,
Lorsqu'il vit entrer brusquement,
Et courant à perte d'haleine,
Un homme égaré, furieux.
Tel qu'on peint un énergumène.
Tordant les bras, roulant les yeux.
Surpris, il s'écrie au plus vite :
c Qu'on apporte de l'eau bénite! »
Il l'asperge; il demande : t Où vas-tu? d'où viens-tu? »
Le possédé répond : « Je suis l'abbé Testu,
Qui depuis trente ans meurt d'envie
De vous voir de l'Académie.
Enfin vous en voilà ! Mes soins ont réussi;
J'ai fait agir pour vous tel duc, telle duchesse,
Tel prince et telle princesse. »
Lamoignon lui répond : « Tirez-moi d'un souci.
De cette Académie, en étes-vous aussi?
— Si j'en suis, moi! Sans doute, et j'y régente en maître.
— Suffît, dit Lamoignon; je n'en veux donc plus être. »
Et cet autre encore :
Lamoignon, parmi tes vertus
On doit compter ce généreux refus
I. Boileau et Brotsette^ p. i5i.
a. Ci-dessus, p. 142.
3. Arch. nat, M 763, 3* doMÎer, fol. iS; vers cités par Qaillanl dans la
Vie du Premier Président.
148 LB PRÉSIDENT DB UUCOIGNON.
De haranguer en belle compagnie.
Toi qui fus jadis l'oracle et le chef du barreau.
Ta dignité, ton nom demande un champ plus beau
Que celui de l'Académie,
Et ce n*est pas à son bureau
Qu'on décide des biens, de l'honneur, de la vie.
Et bien d'autres épigrammes comme celle-ci :
Lamoignon ne parla pas net,
Testu joua son personnage,
Tourreil ne parut pas sage,
L'Académie eut un soufflet.
Dans la première séance qui suivit*, Tourreil, à qui Testu
avait voulu faire querelle, déplora la crainte, plus ou moins posi-
tivement exprimée au Roi par le président, que ses a occupations
indispensables » l'empêchassent de « pouvoir assister aussi sou-
vent quMl auroit souhaité aux conférences de la Compagnie. >
Chaulieu ne bénéficia pas de ce désistement. Invitée par ordre
du Roi à c choisir un sujet qui pût la dédommager avantageu-
sement delà perte qu'elle faisait par le refus de M. de Lamoi-
gnon, » l'Académie porta ses suffrages, le samedi 3o juin, non pas
sur Chaulieu, jugé décidément non-académisable, mais sur un
candidat mis en réquisition d^urgence, et qui très certainement ne
pouvait être que fort agréable au Roi : je veux dire cet abbé de
Soubise, « fils de l'Amour, » élu coadjuteur de Strasbourg en
1 700 malgré le cardinal de Bouillon, et dont Saint-Simon a expli-
qué si galamment tous les tenants et aboutissants. L'éleaion eut
lieu sans conteste, et la réception se fit le jeudi 3i janvier 1704.
Ce jour-là, Tourreil tint à rappeler que « la modestie trop
inflexible d'un magistrat de premier ordre le leur avoit dérobé
pour confrère, » et, finalement, l'abbé Tallemant se chargea de
prononcer dans la même séance Téloge de son bon ami Perrault,
qui, selon certains, avait été la cause de tout ce scandale.
C'est la première fois, je crois^, que pareil fait se produisait
I. Procès-verbal du jeudi 21 juin.
'4. Segrais prétend cependant qu'Arnauld s'était récusé sous prétexte de
ikuik b««oin de vivre constamment à la campagne. Le P. Léonard rapporte
iç m^me fait (Arch. nat., M 763, dossier 3, fol. i) et ajoute que c'est sur
^vU v|uo TAcadémie résolut de ne plus élire personne qui n'eût, au préalable,
Uii 4«.w vie (H>stulant, mais que cependant La Bruyère, dans son discours
LE PRESIDENT DE LAMOIGNON. I49
lez les Immortels : aussi décidèrent-ils que nul ne serait élu
ésormais sans avoir fait ses visites de sollicitation et pris, par con-
équent, l'engagement d'accepter l'élection'. Mais le cas inverse
»e produisit dés l'année suivante : ces Messieurs ayant élu, en
place de Tabbé Boileau, le comte de Tréville, dont les tendances
religieuses étaient suspectes, le Roi refusa son agrément, et il
Ëillut recommencer l'élection, où Tabbé Abeille fut nommé*.
Notre président eut bientôt sa revanche, sinon comme orateur
et homme de lettres, du moins comme érudit et numismate.
Nous avons vu que, dès sa première jeunesse, il s'était appliqué
avec succès, tout au moins avec un certain goût, à l'étude des
médailles, dont son père possédait une riche collection, partagée
en 1677, de par la volonté du Premier Président, entre les deux
frères : à Chrétien-François, les bronzes et argents des séries con-
sulaires et des séries impériales; à Bâville, les médailles d'or
antiques et modernes et les monnaies étrangères^. Comme ama-
teur et comme connaisseur, l'aîné remplissait toutes les conditions
requises pour prendre une place dans l'Académie des inscriptions
et médailles,qui venait d'être réorganisée en 1701 avec dix membres
honoraires, dix pensionnaires, dix associés, dix élèves, et dont la
num ismatique ancienne était, après les inscriptions, l'étude favorite.
En 1 704, une place d'honoraire étant venue à vaquer par la mort du
duc d'Aumont, autre amateur de médailles, les deux noms de notre
président et de l'abbé de Clérembault furent mis en avant; mais il
était établi que, sur les dix honoraires, deux devaient être des ecclé-
siastiques du premier ordre, c'est-à-dire des évéques, et deux du
second ordre, c'est-à-dire des abbés, deux des religieux, deux des
gens d'épée et de cour, deux de robe. En conséquence, il aurait
convenu de choisir un courtisan de mêmes rang et condition que
le défunt : l'abbé Bignon, qui présidait avec tact et autorité,
répliqua que ce n'était pas là une loi absolue, et qu'il fallait cher-
cher le choix le plus désirable et le plus avantageux. M. de
Lamoignon fut donc élu le 2 mai, quoique la robe fût déjà repré*
de réception, donna à entendre qu'il n'avtit fiiit aucune démarche de ce genre.
I. Au contraire, le 3 avril 1701, l'Académie avait prit l'engagement de
ne plus tolérer les sollicitationa, ou du moins de n'en tenir aucun compte,
et cette décision fut renouvelée le 19 novembre 17 14.
a. Séance du jeudi 19 juin 1704; Mémoires de Saint-Simon, éd. nouvelle,
tome XII, p. iia-ii6*
3. Cor r e s pon d ance historique et orchMogique, 1897, p. 242-243.
l5o LB PKiSlDBNT DE LAMOIGNOH.
semée par MM. Le Peletier de Souzy et Foucault, et, le jour
même, le secrétaire d'Éut de qui relevaient les Académies écrivit
cette lettre, qui ne fut portée que le 20 à la connaissance de la
Compagnie : « Le Roi a été bien aise d^apprendre le bon choix
que l'Académie des inscriptions a fait de M. le président de
Lamoignon pour y remplir la place d^honoraire vacante par la
mort de M. le duc d*Aumont. Elle doit se réjouir de ce qu'il a
refusé une place à T Académie françoise, puisqu'elle profitera
seule de ses heures de loisir^ »
Au nouvel académicien Pontchartrain écrivit cette fois, sur un
ton moins solennel : c L^ Académie des inscriptions ne pouvoit
faire une meilleure acquisition que de vous pour remplir la place
d'honoraire... Le Roi a fort approuvé ce choix; il n'y a qu'à sou-
haiter que vos occupations dans la charge que vous remplissez si
dignement vous laissent quelquefois le temps d'aller à ses assem-
blées^ 3
Quelles que pussent être la modestie du président, son horreur
du nouveau, sa volonté de rester indépendant et tout entier au
service du Palais, il accepta le siège qu'on lui offrait et vint prendre
séance au Louvre le vendredi 3o mai, mais fit à peine une autre
apparition dans le cours de Tannée, comme d'ailleurs les autres
honoraires. Cela n^empécha pas que, le 3o décembre, M. de
Pontchartrain lui notifiât en ces termes sa désignation pour la pré-
sidence^ : « Le Roi vous a choisi pour remplir pendant l'année
prochaine la place de président dans l'Académie des inscriptions,
M. l'abbé Bignon pour celle de vice-président, M. Dacier pour
celle de directeur, et M. Vaillant pour celle de sous-directeur.
Prenez la peine, s'il vous plaît, d'en informer la Compagnie de
la part de S. M. »
Pour inaugurer cette présidence, le secrétaire d'État crut devoir
rappeler à la Compagnie que, conformément aux articles 21 et 22
de la constitution de 1701, chaque académicien titulaire, à tour
1. Tel est le texte officiel transcrit dans le registre de TAcadémie, tout
difiTérent de celui que le P. Léonard a recueilli dans son portefeuille des
AcADéMiBs (Arch. nat., MM 825, fol. i35 v*), comme venant du Roi lui-même :
c Messieurs, j'ai bien de la joie du choix que vous avez fait de M. le prési-
dent de Lamoignon. Je m'assure que vous aurez du plaisir à Tentendre
raisonner sur les matières que vous agiterez dans vos assemblées. »
2. Registres de la secrétairerie d*État, O^ 365, fol. 109 v*, lettre du 8 mai.
3. Ibidem, fol. 3o8 v.
LE PRESIDENT DB LAMOIGNON. l5l
de rôle, était tenu d'apporter en séance un écrit de sa compositi&n
et de le soumettre à ses confrères. Est-il besoin de dire que beau-
coup de pensionnaires ou d*associés, retardataires ou réfractaires,
savaient trouver des excuses? La lecture des registres serait très
suggestive à ce point de vue.
Les deux séances des 6 février et i3 mars furent fort agitées.
Le Roi avait fait exprimer sa volonté qu'aucun des membres
pensionnaires ne pût cumuler ce titre avec une charge de « domes-
tique » de la maison royale, des maisons de princes, ou d'un
grand seigneur. Quelques-uns des académiciens désignés dans
l'organisation de 1701, ou élus depuis lors, se trouvaient dans ce
cas. Il y eut donc émoi et protestations; Pontchartrain dut rassu-
rer les intéressés par une nouvelle lettre et établir que la décision
du Roi n^aurait pas d'effet rétroactif ^
Le secrétaire perpétuel Gros de Boze, dans Téloge qu^il eut à
faire du président en 1709', affirme que, désigné par son assi-
duité aux séances de 1704 pour remplacer Tabbé Bignon à la tête
de l'Académie, il s'acquitta à merveille de cette fonction, « discu-
tant une difficulté littéraire comme il eût fait un point de droit,
et parlant avec élévation des monuments qui transmettent la
gloire des grands hommes. » Il me faut avouer que, même pen-
dant son année de présidence, Lamoignon siégea très rarement ;
mais toutefois elle fut marquée par un regain d'activité : le 10 juil-
let, on aborda la rédaction de ÏHistoire de France par les
médailles^ et Lamoignon eut à exposer quelles difficultés, au
point de vue de la chronologie, présentaient les premiers règnes
de Pharamond, Clodion, Mérovée; le 17, il parla de « Tépoque
première de Tempire des Francs, » et l'Académie fixa la date du
r^ne de Pharamond d'après la chronique de Prosper d'Aqui-
taine, puis discuta la médaille qui devait consacrer cette date.
Dans les années suivantes, 1706, 1707, le nom de Lamoignon
ne figure plus sur les registres qu'aux jours d'élection. En 1708,
comme il avait communiqué l'empreinte d'une pierre ithyphal^
I. Ainsi, Jean-Baptiste Couture, membre associé ayant une pension, eût
perdu celle-ci parce qu*il était, non pas, à proprement parler, précepteur
domestique, mais professeur des enfants de M. de Courten?aux, en même
temps que profiesseur royal et régent de rhétorique au collège de la Marche,
et chargé de la chaire d'éloquence au Collège royal. Voir le registre, séance
du 8 janvier 1706.
a. Hiitoire de VAcadémie, tome I, p. 385.
l52 LB PRÉSIDENT DE LAM016NON.
lique de sa collection, à l'effigie de Messaline, ce fut Tantiquaire
Baudelot qui en donna Texplication le 17 février ^ Malade à partir
du mois de mai sui vaut, le président ne put plus paraître au Louvre.
Il eut bien des tristesses dans ses dernières années, et celle même
de sa présidence à l'Académie en 1705 avait été marquée par un
grand deuil pour lui et les siens : la Première Présidente, sa mère,
âgée de quatre-vingt-trois ans, finit le 18 octobre la vie la plus
sainte ; Saint-Simon a parlé de cette mort coïncidant avec celle de
Ninon*,
La Première Présidente avait exprimé le désir que leur baron-
nie de Boissy-sous-Saint-Yon, dès que la sœur Marguerite
Michel n*y serait plus pour tenir les petites écoles, fût pourvue
à perpétuité de deux filles de la Charité, « pour assister les
pauvres malades et instruire les pauvres petites filles. » En consé-
quence, le 19 mars 1706, le président passa avec « les officières en
charge » de la maison du faubourg Saint- Lazare un contrat que
je regrette de ne pouvoir reproduire en son entier, comme type
excellent de ces fondations charitables multipliées partout sous
l'ancien régime, et dont nous devons, pour le moins, garder res-
pectueusement le souvenir. Une maison, avec mobilier, jardin et
dépendances, notamment une apothicairerie et tous les objets néces-
saires pour le traitement des pauvres malades, était affectée exclu-
sivement au logement des sœurs; une constitution de rente de
trois cents livres sur la Ville était immatriculée à leur nom, plus
cent vingt livres de rente sur la fabrique : le tout sous des condi-
tions et avec des charges d^emploi très précises, à l'exécution des-
quelles le seigneur et la dame de Boissy devaient veiller minu-
tieusement'.
Le président et sa femme avaient déjà fait pareil établissement,
vers 1690, à Saint-Cheron, principale paroisse de leur marqui-
sat de Bâville; mais c'est seulement le 17 juillet 1699 qu'ils
avaient régularisé cette fondation avec caraaère de perpétuité, et
Pacte passé alors ^ servit de type à la fondation de Boissy. Nous
voyons aussi' que Lamoignon avait constitué un fonds pour que,
1. Ms. Arsenal 3o53, fol. 11-12. Baudelot fît imprimer sa dissertation pour
les curieux.
2. T. XIII, p. i3i-i32et 140. La défunte avait laissé un testament; mais sa
succession fut réglée par arbitrage (Ârch. nat., E iqBS, fol. 49-51 et 1 65- 166].
3. Arch. nat., S 6162.
4. Arch. nat., S 6164.
5. Vian, les Lamoignon, p. 23o.
LE PRUDENT DE LAMOIGNON. l53
chaque année, au jour anniversaire delà naissance de son illustre
pore, il fût distribué des vêtements aux pauvres de Bâville.
Au Palais, Lamoignon continua de siéger jusqu'en 1707; mais
il donna alors un grand désappointement à ses amis : son beau-frère
Harlay, quittant la première présidence, eût pu le porter pour sa
succession, et bien des gens, même des ministres, croyaient
que cela eût réussi, ne fût-ce qu*en souvenir du premier pré-
sident Guillaume; mais on ne s'était jamais beaucoup aimé
ni cultivé entre Lamoignon et Harlay, et le démissionnaire
préféra faire passer Louis Le Peletier, porté par le ministre
son père, par Saint-Sulpice, par le parti Beauvillier*. Lamoi-
gnon, déjà très malade, ne dut pas regretter un fardeau qui eût
été au-dessus de ses forces; il y gagna toutefois de faire donner
une charge d'avocat général devenue vacante à son second fils
Blancménil, celui qui devait monter quarante-trois ans plus tard
à la Chancellerie de France'.
Le temps de la retraite était donc venu : soixante-trois ans
d^âge', quarante-deux de service. Ce n'était pas encore la vieil-
lesse, mais la santé chancelante, et le président obtint des lettres
d^honoraire le i5 mai de cette même année 1707^. Depuis, il ne
fit plus que languir' : « Il étoit plein de tendresse pour sa famille
et, ne pouvant plus lui faire d^autre bien que de s'employer lui-
même à diminuer le chagrin qu'elle devoit avoir de le perdre, il
fut occupé, dans les derniers moments de sa vie, ou à lui dire
tout ce qu'on peut imaginer de plus consolant sur cette sépara-
tion nécessaire, ou à lui en cacher les approches. La veille même
de sa mort, écrivant à M. de Bâville son frère, il se contenta de
lui marquer en ces termes Pétat oti il se voyoit : • Vous saurez
« dans peu ma destinée. » Et, la dernière fois qu'il parla à
M""* de Lamoignon, après Pavoir remerciée de tous les soins
qu'elle avoit eus de lui pendant sa maladie, il se tourna vers son
confesseur et prononça ces paroles : Dilecta uxor, cetemum valel
a/Tectant de parler en latin et de porter ses regards d^un autre côté
pour ne la pas accabler de douleur par ce dernier adieu. Enfin il
X. Mémoires de Saint-Simon, tomes XIV, p. 38a-384, et XVII, p. 457.
3. Ci-après, p. 1 56- 157.
3. Mais non de magistrature, comme l'a écrit M. Vian.
4. Cabinet des titres, fonds Chérin, dossier Lamoionon, fol. 32; reg. du
Parlement XiA&^aB, fol. aSi.
5. Gros de Boce, dans VHisioire de PAcadémie, tome I, p. 386.
l54 LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON.
n*a jamais fait voir plus de fermeté, plus de grandeur d*ânie,
que dans ces tristes instants oti les vertus d'emprunt disparoissent,
et où la plupart des hommes se dégradent eux-mêmes. >
Le président avait expressément ordonné qu'il n'y eût ni ten-
tures ni cérémonies, et que son corps fût transporté par les pauvres,
non pas à la paroisse de la rue Pavée, ni aux Cordeliers, oti repo-
saient les restes de son grand-père et de son père, mais dans
l'église Saint-Leu et Saint-Gilles, oti avait été inhumée de la
même façon, en i65 1 , sous la chapelle Sainte-Thérèse, sa vénérée
grand'mère Marie des Landes, oQ le cœur du premier président
avait été déposé en 1677, et où enfin gisait la pieuse et charitable
demoiselle de Lamoignon (Madeleine, 1609- 1687). Ainsi fit-on
lorsqu'il eut expiré le 7 août 1709*, et, au-dessous des deux pre-
mières inscriptions que portait le piédestal du monument exécuté
par Girardon, la veuve de Lamoignon en plaça une troisième.
Cétait, en cinq lignes, le résumé de la vie que nous venons de
retracer :
LiTIUM INTER MAGNATES QUOTIDIE ROGATUS
DOMI ARBriER,
.£qui studio, dicendi facundia,
maturrrate oonsilii, morum comitatb,
Pietatb in Deum insignis.
Dans les archives de la maison de Nicolay, oîi le président
venait de marier tout récemment une de ses filles, nous trouve-
rions nombre de lettres de condoléance; mais j'aime mieux repro-
duire celle que Fléchier écrivit à Bâville, et qui fait partie des
Œuvres du grand évéque de Nîmes : on sait qu'il avait prononcé,
en 1679, l'oraison funèbre du premier président Guillaume.
i J'ai appris, Monsieur, la mort de Monsieur votre frère; j'en suis
touché pour lui et pour vous. Vous avez toujours vécu dans une si
parfaite union de coeur et d'esprit, vous faisant dans les temps heu-
reux un bonheur commun, dans les temps difficiles vous servant de
consolation l'un à l'autre, toujours également amis, toujours égale-
ment frères, qu'il est aisé de juger de votre douleur. On me mande
qu'on ne peut pas être plus regretté qu'il l'est. Je n'en ai pas douté :
il ne peut presque mourir personne de votre nom que ce ne soit une
perte publique, M. de Lamoignon surtout, qui s'étoit acquis depuis
1 . Ms. nouv. acq. fr. 3619, n* 4842 ; Mémoires de Saint^imon, tome XVllI,
p. 106, note la, arec une lettre de la marquise d'Hiixelles.
LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. l55
longtemps l'estime et l'amitié de la cour et de la ville par cette droi-
ture et cette bonté qui le faisoient l'arbitre de tous les différends et
le rendoient agréable et utile à tout le monde... »
En feit d^oraisons funèbres, nous ne sachons pas qu^il en ait
été fait d'autres que celle de Gibert, professeur de rhétorique au
collège Mazarin^ et une ode latine de M. Brochard, de cette
même maison', où l'on était très reconnaissant des services ren-
dus par le président. A TAcadémie, son éloge fut prononcé, le
21 novembre, par le secrétaire perpétuel Claude Gros de Boze'.
Des anicles nécrologiques parurent dans le Mercure d'août,
p. 273-276; dans les Mémoires de Trévoux ^ avril 17 10, p. 681-
694; dans le Journal des Savants^ janvier 1710, p. SS-Sg.
Quelques portraits gravés^ représentent Chrétien- François de
Lamoignon tout jeune d^abord (Ant. Paillet del.; G. Vallet se.,
1664), puis un peu plus âgé (J. Grignon se.), et enfin avocat
général, avec quelques traces de moustache naissante sur la lèvre
(G. de Sève pinx.; Van Schuppcn se., 1675)*. Toutes donnent
l'idée d'une figure pleine et des mieux avenantes.
De son mariage avec Marie-Jeanne Voysin, le président avait
eu cinq fils et quatre filles.
Sur les cinq fils, trois disparurent à peine venus au monde, ou
tout enfants. Guillaume, né le 17 juin 1677, mourut le 27 juillet
1679, ^ vingt-cinq mois. Chrétien-François, qui avait vu le jour
à Bâville (25 septembre 1689), périt tragiquement le lendemain
même de sa naissance, quand on le transportait à Paris, ainsi
que M"** de Sévigné le raconte sans trop d'émotion : « Le cocher
qui le menoit a versé sur le grand chemin, et ce pauvre enfant
est mort. Que dites-vous d^avoir ou de n^avoir pas un bon
cocher*? > Armand naquit le 38 décembre i6go; c'est celui
I. Le docteur J.-P. Gibert (1660-1736}, grand canoniste, qui, après avoir
professé à Toulon sous la direction de Mgr de Chalucet, était venu s'établir
i Paris; homme de bien surtout {Moréri\,
a. Bibl. nat.. Réserve Yc 60a, n* 41.
3. Histoire de V Académie, tome l, p. 38o-386.
4. Cabinet des estampes, portef. N>. Cf. la Bibliothèque historique du
P. Lelong, tome IV, Appendice, p. ai 5. Un portrait du président fut fait
aussi pour la bibliothèque de l'ordre des Avocats, fondée par Riparfonds et
placée à TArchevéché.
5. Cette dernière gravure fut faite pour la thèse de Georges Le Roy dont
il a été parlé p. ia3.
6. Lettres, tome IX, p. 243.
l56 LE PKÉSIDEMT DE LAMOIGNOH.
dont parle une lettre joviale de Coulanges, écrite de Rome au
président : « Vous ne pouviez me donner de plus agréables ooa-
velles que de m'annoncer la naissance d^un troisième fils et h
bonne santé de M"** de Lamoignon. Dieu les conserve l'un et
Tautre, et vous ôte Tenvie de recommencer une telle besogne, car,
à la fin, vous n*en seriez pas bon marchand ! Vous avez donc une
grande fille sur le trottoir, et vous aurez bientôt un gendre*; mais
souvenez-vous toujours de le choisir si bien qu'il ne trouble
point les plaisirs du beau-père, et qu'il ne se moque point de
ses commensaux. » L'enfant mourut quatre mois plus tard, le
28 avril 1691.
Il ne restait donc que deux fils. L'aîné, Chrétien, titré mar-
quis de Bàville et de Milhart, débuta à dix-huit ans comme avo-
cat du Roi au Châtelet (24 mai 1694), passa conseiller au Parle-
ment le 3 septembre 1 698, et, à l'occasion du mariage de sa cousine
Bâville avec M. Le Peletierdes Forts, en août 1706, le Roi lui
accorda très gracieusement la survivance du président son père,
quoiqu^il n'eût que trente ans d'âge et huit ans de service de con-
seiller^. Son père lui céda, l'année suivante, le gouvernement des
comtés de Mondhéry et Linas'. Plus tard, de 171 3 à 17 16, il
posséda la charge honorifique de greffier des ordres du Roi. 11
mourut le 28 octobre 1729^. Ce président eut pour fils et succes-
seur Chrétien-Guillaume', qui entra en 1743 à l'Académie des
inscriptions. Son petit-fils, dernier marquis de Bàville, fut garde
des sceaux et chancelier des ordres du Roi en 1787*.
La descendance masculine de ce Lamoignon aîné et le nom
même ont fini au siècle dernier, en 1845, dans la personne d'un
pair de France de 181 5 qui avait été épargné par la Révolution
quoique conseiller au Parlement; un frère aîné, Chrétien, qui
l'avait précédé dans la tombe en 1827, aussi pair de France, est
1. Elle épousa, vingt-six mois plus tard, le marquis de Poissy-Longueil :
ci-après, p. ibj.
2. Dangeau, i3 et 21 août 1706, tome XI, p. 179 et 184-, Arch. nat.,
01 5o, fol. 95, et XIA8701, fol. 747.
3. Provisions du 4 mai 1707 ; O» 5i, fol. 100. Dangeau dit que le Roi
passa au fils, en même temps, la survivance de la capitainerie de Liraours
et la pension de six mille livres.
4. Saint-Simon, éd. nouvelle, tomes XI, p. 207, et XVII, p. 222.
5. Ibidem, tome XVIII, p. 107.
6. Ibidem, tome XVIII, p. 107-108.
LB PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. I 57
représenté aujourd'hui par les descendants de sa fille, MM. de
Ségur-Lamoignon * .
Le second fils de notre président, né le 8 mars i683 et nommé
Guillaume comme son illustre aïeul, vécut presque nonagénaire
jusqu'en 1772. Il est bien connu dans Thistoire pour avoir été
premier président de la Cour des aides de 1746 à 1750, chan-
celier de France de 1750 a 1768, membre honoraire de PAcadémie
des sciences et de celle des inscriptions (1759). Cest l'auteur de la
branche dite de Blancménil et de Malesherbes, qui finit masculi-
nement, à la génération suivante, dans la personne du défenseur
de Louis XVI, décapité sur Téchafaud révolutionnaire avec sa
fille aînée la présidente de Rosanbo, son gendre, sa petite-fille,
marquise de Châteaubriant, et son petit-gendre. La fille cadette,
mariée au comte de Montboissier-Beaufort-Canillac, avait seule
échappé au massacre, et vécut jusqu'en 1827.
Les quatre filles du président Chrétien- François furent :
10 Marie- Madeleine, née le 6 février 1675 ;
2® Françoise-Elisabeth, née le i5 novembre 1678;
3** Jeanne-Christine, née le 9 juin 1686;
4"* Suzanne-Léonine, née le 24 juillet 1688, et morte à quatre-
vingt-dix-sept ans, après plus de quatre-vingts années de profes-
sion à la Visitation.
Le président eut le bonheur de marier de son vivant trois
de ces filles, la dernière seule s'étant faite religieuse chez les Visi-
tandines. L'aînée, Marie-Madeleine, avait à peine treize ans
quand on pensa pour elle au jeune marquis de Grignan, qui reve-
nait tout glorieux du siège de Philipsbourg en 1688. Cette visée
séduisit d'autant plus facilement Thôtel Carnavalet et les Pro-
vençaux, que M. Voysin devait donner par avance cent mille écus
à sa petite-fille'. Celle-ci, cependant, resta <c sur le trottoir, »
comme dit Coulanges. En 1692, on parla encore de son cousin
germain Tavocat général Harlay^ quoique les deux beaux-frères
ne fussent guère unis jusque-là que par la justice, « et encore y
a-t-il différentes manières de la prendre'. » Enfin Taflaire se
conclut en mars 1693 avec le marquis de Poissy, fils du président
de Maisons, qui, de son côté, avait dû épouser M"* de Montche-
I. Nom et titre de Lamoignon transmis par ordonnance de 1823.
a. Lettres de AT— de Sévigné, tome VIII, p. 36o-36i.
3. Ibidem, tome IX, p. 486.
l58 LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON.
vreuil. Le Roi signa au contrat, le grand -père Voysin donna les
cent mille écus promis, et le mariage fut célébré le 14 avril*; mais
la mort prématurée de cette jeune femme le rompit dès le 1 5 sep-
tembre 1694', et M. de Poissy se remaria en février 1698 avec
une des tr^ riches Varengeville, sœur de la maréchale de Villan'.
Le mariage de la deuxième fille, Françoise- Elisabeth, fut extrê-
mement tardif, si Ton songe aux habitudes de ce temps-là, et
donna lieu à une sorte de chassé<roisé assez curieux, mais qui
n'était point rare dans les familles de Taristocratie de robe. Avant
d'épouser sa sœur Marie-Madeleine, le marquis de Poissy avait
failli se marier avec M"* Le Camus, fille du fameux lieutenant
civil, et celle-ci épousa en 1695 M. Nicolay, premier président delà
Chambre des comptes, lequel avait également, de son côté, songea
M"'de Lamoignon. Cette Première Présidente étant morte presque
aussi prématurément que M"**de Poissy, M. Nicolay, devenu veuf,
reporta ses visées matrimoniales sur la seconde demoiselle de
Lamoignon, mais fut long à se décider en raison de sa répugnance
pour le monde, et aussi de son âge, car il était né en f 658. Les
deux familles avaient même société, où, à côté des grandes dames
et des femmes d'esprit, brillaient des prélats distingués, Messieurs
de Beauvais, de Troyes, de Toulon, puis le chevalier de Gri-
gnan, Coulanges le Chansonnier, Corbinelli, tant d'autres encore.
Le maréchal de BoufBers et l'évêque de Toulon menèrent la négo-
ciation ^ Ce dernier, Armand-Louis Bonnin de Chalucet, était
frère de M™' de Bâville l'intendante; ses eÉForts pour aboutir au
mariage désiré aboutirent enfin après la mort de la première pré-
sidente de Lamoignon la grand'mère'*. Le Roi et la cour signèren
le contrat le 24 novembre 1705, le mariage eut lieu le 26; le
1. Dangeau^ tome IV, p. 248 et 265; SourcheSy tome IV, p. 169.
2. Elle avait perdu un fils de trois mois.
3. SaintSimorif tome X, p. 21.
4. Correspondance des Sévigné et archives de la maison de Nicolay.
5. Coulanges écrivait, le 26 novembre 1706 : « M. le premier président d
Nicolay a épousé ce matin, à midi, en plein Saint-Paul, M"« de Lamoignon
La mort de M"« la première présidente de Lamoignon a fini enfin cett
affaire, qui paroissoit depuis longtemps être faite au ciel ; mais il falloit qu
la terre fournît deux cent mille livres comptant et qu'elle assurât cent mill
livres sur la première succession à échoir. Voilà donc M. de Nicolay rems
fié. Dieu lui donne de beaux enfants I » (La Marquise (THuxelles, par Éd. d
Barthélémy, p. 211 et 21 3.)
LB PRESIDENT DE LAXOIONON. iSq
gazettes Tannoncèrent à Tbonneur des deux familles^ rAcadémie
envoya des félicitations^ et un ami commun, Moreau de Mau-
tour, se chargea de Tépithalame obligatoire ^
Neuf mois plus tard, le fils aîné de M. de Lamoignon, Chré-
tien, épousa une fille de M. Gon de Bergonne, maître des comptes^
très estimé et très riche aussi'. Enfin, en 1707, sa dernière fille
fut mariée au marquis de Maniban, alors conseiller au parlement
de Toulouse, mais qui y fut premier président de 1721 à 1762.
Ainsi^ avant de mourir, notre président avait marié quatre de
ses enfants. Un seul restait, le fils cadet^ Guillaume, qui n'épousa
que deux ans plus tard, en 171 1, une fille du président d*Aligre.
Ûayant perdue au bout de deux années et demie sans qu'elle lui
eût donné une postérité, il se remaria avec M'^ Roujault, fille
unique de Tintendant, et de celle-ci naquit en 1721 Lamoignon
de Malesberbes dont il a été parlé deux pages plus haut. Leur des-
cendance est représentée actuellement par les marquis Le Peietier
de Rosanbo.
A. DE BOISLISLB.
1 . Pièces justiftcathes pour servir à l'histoire de la maison de Nicolay^
tome I, n*' 394-398; Dangeau, tome X, p. 476 et 478; Sourches, tome IX,
p. 42 1 ; Mercure de décembre, p. 1 89-203 ; Journal de Verdun, janvier
1706, p. 76. M"* de Nicolay eut de nombreux enfants et vécut jusqu'en
1733. Notre confrère M. le marquis de Nicolay représente le cinquième degré
de sa descendance.
2. 3/frc«re d'octobre 1706, p. 159-164.
LE BERNIN EN FRANCE
LES TRAVAUX DU LOUVRE
ET LES STATUES DE LOUIS XIV.
CHAPITRE L
LES PROJETS DE COLBERT;
LES PRÉLIMINAIRES DU VOYAGE DU BERNIN.
L
Le Louvre en 1664.
Interrompus durant la minorité de Louis XIV et les troubles
de la Fronde, les travaux du Louvre avaient été repris à la majo-
rité du roi et à la paix des Pyrénées. Le palais était la résidence
favorite de la cour pendant Thiver; le roi, la reine, la reine-mère
rhabiuient; les fêtes, les ballets y étaient fréquents. Aussi
Louis XIV entendait-il le rendre digne de sa grandeur^ L^œuvre
de Lescot et de Lemercier avait été continuée; les deux ailes
regardant Tune POratoire, l'autre la Seine avaient été entreprises;
on songeait à attaquer la partie orientale, en face Saint-Germain-
TAuxerrois, et à terminer ainsi le quadrilatère.
Dès 1661, on pensait à dégager l'espace compris entre le palais
et l'église Saint-Germain. On expropriait et on acquérait au nom
du roi les hôtels d'Aumont, de Combaut, de Longueville, d^Éper-
non et de Rostaing, les maisons dites le Caillou et le Sauvage^
celles appartenant aux sieurs Sénéchal^ Beaurain, Brice et Le
I. Babeau, le Louvre et son histoire ^ Paris, 1895, in-4% p. 169 et 8uiv.
uém. XXXI II
h
des gardes pour
de la reine,
gardes.
de parade pour
"• le cercle.
s parade.
)rdes pour l'ap-
dinaire du roi.
des pour le grand
je parade du roi.
de bal.
la descente des
t en attendant
Bbleaux.
vlpture.
^inture.
livres.
iUriosités.
armes.
Ur la communi-
^ur les dégage-
jus les apparte-
l62 LE BBRNIN EN FRANCE.
Doux, situées vers les rues de Poulies, des Fossés-Saint-Germaio,
de Beau vais et Saint-Thomas-du-Louvre^
Cependant, durant les premières années du goavememeat
personnel, les travaux du Louvre avançaient lentement, sous la
direction de Le Vau, premier architeae du roi, et de son gendre,
Dorblay. Les ailes septentrionale et méridionale étaient exécu-
tées : les soubassements de la façade orientale étaient entrepris'.
I. 1661, XQ janvier : arrêt du Conseil ordonnant la prise et évaluatioo
dea maisons appelées hôtel de Rosuing, le Caillou, le Sauvage et autres
avoisioantea et leur échange avec les bois d'Ormoia et du PleMÎt-au-Bois
(Arch. nat., Oi 1676, liasse 5).
1662, 29 mars : arrêt du Conseil ordonnant de procéder à révaluation de
l'hôtel de Longueville sis rue des Poulies et des Fossés-Stint-Germain, d'une
superficie de 1,474 toises, et entrant dans la construction du Louvre (/^li.).
1662, i** avril : toisé et estimation dudit hôtel, évalué 489,000 1. {Ibid.,
liasse 12).
1662, 27 juillet : arrêt du Conseil ordonnant une enquête pour Tachât
de rhôtel d'Épernon, rue Saint-Thomas-du-Louvre (Ibid.^ liasse i3).
1664, 12 janvier : bail pour six ans d'une maison sise rue Champfleury,
dite au Pied-de-Biche, sous réserve que c en cas que le Roy vueuiile cy après
achepter ladite maison comme incorporée et unie dans le dessin du Louvre,
ledit bail demeurera nul • (Ibid., liasse 34).
Sommes payées pour achat de maisons dans c le dessein du bâtiment
neuf du Louvre > aux hoirs de M. de Rostaing pour l'hôtel acheté par
contrat du i*' mars 1664... 80,000 1.; — à M** la présidente Nicolay, pour
un hôtel rue de Beauvais, par contrat du 21 juin 1664, 3o,ooo 1.
Au sieur Sénéchal, pour une maison rue de Beauvais, 24,000 1.
Au sieur Beaurain, pour une maison rue du Coq, 36,ooo 1.
A la veuve Ledoux, 29,000 1. (Ibid.y n* 87).
Un autre document de 1664 énumère les immeubles acquis :
Rue des Poulies :
Ancien hôtel de Longueville, occupé par le sieur Fossier, garde magasin;
— hôtel Combault, acquis de M. du Buisson, 60,000 1., abattu; — le Petit-
Bourbon, occupé par le garde meuble.
Rue du Coq :
Maison acquise du sieur Sénéchal, devant Fouyn, notaire, le 20 juin
1664, 24,000 1., abattu.
Maison acquise de Beaurain, par contrat devant Fouyn, le 2 juillet 1664,
36,ooo 1., abattu.
Maison acquise de Brice, le 16 décembre 1664, 29,000 1., abattu.
Maison acquise de la veuve Ledoux, 16 décembre 1664, 29,600 1., abattu.
Rue de Beauvais :
Maison acquise de M"* Amelot, ig juin 1664, 3o,ooo 1., abattu.
Hôtel de Rostaing, acquis des hoirs de M. de Rostaing, le 28 février 1664,
80,000 1., abattu (Arch. nat., Ol 1678^).
2. D'après les Mémoires de Ch. Perrault (éd. Paul Lacroix^ p. 40), la
des gardes pour
de la reine,
gardes.
de parade pour
'■; le cercle.
» parade.
-jrdes pour Vap-
:jdinaire du roi.
flespour le grand
^[e parade du roi.
' de bal.
la descente des
en attendant
ftbleaux.
Ilpture.
^inture.
livres,
ariosités.
armes.
nir la communi-
lur les dégage-
as les apparte-
LBS TRAVAUX DU LOUVRB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l63
Vfais le goût de Louis XIV s'était déjà porté ailleurs. Cétait le
noment où Versailles commençait à attirer l'attention du roi, et
out Teffort et toutes les dépenses étaient consacrées à la nouvelle
lemeure royale. Les choses changèrent le jour où, succédant
i M. de Rata bon, Colbert devint, en janvier 1664 surintendant
les bâtiments.
Son programme tout entier est contenu dans cette lettre qu'au
nois de septembre 166 3 il adressait au roi :
c Si V. M. veut foire réflexion que Ton verra à jamais dans les
:omptes des trésoriers que pendant le temps qu'elle a dépensé de
» grandes sommes en ceste maison [il s'agit de Versailles], elle a
négligé le Louvre, qui est assuremment le plus superbe palais
}u'il y ait au monde et le plus digne de la grandeur de V. M...
V. M. sait qu'au défaut des aaions éclatantes de la guerre, rien ne
narque davantage la grandeur et Tesprit des princes que les bâti-
ments, et toute la postérité les mesure à l'aune de ces superbes
maisons qu'ils ont élevées pendant leur vie. Ah I quelle pitié que
le plus grand roi et le plus vertueux, de la véritable vertu qui fait
les plus grands princes, fût mesuré à l'aune de Versailles I Et,
toutefois, il y a lieu de craindre ce malheur M » Aussi, du jour
>ti il fut en possession de la charge de surintendant, Versailles fut
rontinué, mais on s'occupa plus activement du Louvre. L'objet
principal était Pachèvement de cette façade orienule, regardant
Saint-Germain-PAuxerrois, et dont on voulait, par le dégagement
ie l'espace situé entre le palais et l'église, faire la façade princi-
pale du palais.
Le projet présenté par Le Vau n'agréait pas à Colbert '.
façade aurait été déjà élevée de huit ou dix pieds hors de terre. C'est ce que
confirme le mémoire envoyé au Bernin en i663 (Clément, Lettres, instructions
et mémoires de Colbert, Paris, Impr. nat, 1861-1882, in-8% t. V, p. 256).
1. Qément, ouvrage cité, t. V, p. 168, n* 24. — Sur la date de cette lettre,
voir P. de Nolhac, la Création de Versailles, d'après les sources inédites,
p. 207, notes de la page 3o, n. i.
2. Ârch. nat., O^ 1666*, liasse i : Plan proposé à faire pour augmenter Van^
eien dessein du pallais du Louvre pour le premier estage, par le s* Le Vau,
premier architecte du roy. Ce plan n'est pas daté, mais, d'une part, rentrée
ovale, imitée par le Bernin dans son premier projet, et, d'autre, l'existence
de deux terrasses latérales arrêtées au premier étage, formellement men-
tionnées dans un mémoire du nonce Robert!, en i665, comme existant
dans le modèle français, c'est-à-dire dans le plan de Le Vau, me semblent
deux raisons suffisantes pour dater ce plan de i663 et pour y voir le modèle
envoyé à Rome au début de 1664. (Voy. la planche cf-jointe.)
164 LE BEItNIN EN FRANCS.
Dans ce dessin, dont nous possédons un plan au premier étage,
Tarchitecte, respectant tout ce qui était déjà construit, élevait en
face de Saint-Germain-PAuxerrois une £açade à double profon-
deur. Au milieu de cette façade, correspondant au pavillon aaud
de THorloge, une entrée ovale, débordant sur Talignement géné-
ral, servait d'entrée au palais, par un péristyle semblable aux
deux pavillons centraux regardant la Seine et TOratoire. De
chaque côté de cette entrée, deux façades ornées chacune de six
colonnes, et percées de six ouvertures, rejoignaient deux pavillons
d'angle, à trois ouvertures séparées par des colonnes géminées.
Du côté de la cour, la façade reproduisait celle de Lescot. A l'io-
térieur du bâtiment, et au premier étage, de chaque côté de l'en-
trée ovale, deux escaliers donnaient accès dans deux grandes
salles terminées par des estrades, dont elles étaient séparées par
des colonnes; puis venait un escalier de dégagement, suivi d'un
cabinet et d'un salon, occupant les pavillons d^'angle; en arrière
de la pièce ovale, un grand salon séparait deux appartements de
parade^ Tun pour le roi, l'autre pour la reine. Les deux façades
latérales, destinées à divers appartements, étaient précédées, sur
la cour, d'une galerie qui, couverte au rez-de-chaussée, permettait
au premier étage de communiquer à découvert dans les différentes
pièces. La façade occidentale était doublée; à la place de la cha-
pelle, on avait établi une salle pour les ambassadeurs atten-
dant l'audience; de chaque côté s ouvraient des salles de gardes.
Derrière ces pièces, un grand salon, flanqué à droite d'une grande
salle de gardes, à gauche de divers appartements, formait la nou-
velle façade du côté dts Tuileries; du côté de l'Oratoire, lar-
chitecte projetait une grande chapelle garnie de tribunes pour
la cour. Ce projet fut reproduit en stuc et en menuiserie par
Antoine Saint- Yves, rehaussé de dorures par Le Hongre* et
exposé aux yeux du public et des divers architectes appelés à
donner leur avis et à proposer de nouveaux plans*.
Mais l'épreuve ne donna aucun résultat, bien que, à en croire
les Mémoires de Ch. Perrault, le projet de la Ck)lonnade ail été
dès lors présenté et accepté par Colbert'.
1. Guiffrey, Comptes des bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV
(Doc. inéd.), t. I, p. 14 et i5.
2. Sur les détails de ce concours, voir Babeau, ouvrage cité, p. 170.
3. c Mon frère fit un dessin à peu près semblable à celui qu'il donna
depuis et qui a été exécuté. M. Colbert, à qui je le montrai, en fut charmé
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l65
Quoi qu'il en soit, la tentative faite auprès des architectes fran-
çais ayant échoué, Colbert se décida à demander des plans aux
architeaes que Ton considérait alors comme les plus habiles, aux
Italiens. Par l'intermédiaire de divers personnages, tels que
l'ambassadeur duc d^Estrées, l'abbé Elpidio Benedetti, sorte
d'homme d'affaires et d'agent de Mazarin, puis de Colbert, à
Rome, de Poussin \ depuis de longues années fixé dans la ville
éternelle, il envoya les plans de Le Vau et toutes les instructions
désirables aux hommes les plus capables d'exécuter l'œuvre pro-
jetée : Candiani, Pierre de Cortone, Rainaldi et le cavalier
Bernin.
II.
Les PREMIERS RAPPORTS DU BeRNIN AVEC LA FrANCE.
Né à Naples en iSgS^, fils d'un sculpteur florentin fort estimé
et président de TAcadémie de Saint-Luc à Rome, Giovanni-
Lorenzo Bernini était alors sans contredit l'artiste le plus célèbre
et ne comprenoit pas qu'un homme qui n'étoit pas architecte de profession
eût pu faire rien de si beau. La pensée du péristile est de moi, et, Payant
communiquée à mon frère, il l'approuva et la mist dans son dessein, mais
en Tembellissant infiniment; ce dessein fut exposé dans la s%lle comme les
autres; ce fut un plaisir d'entendre les jugements qu'on fit de ce dessein;
il fut trouvé beau et magnifique, mais on ne sçavoit à qui l'attribuer. Les
plus versés dans ces matières ne connoissoient personne, hors quelques
étrangers qu'ils nommoient, qui pût dessiner si proprement ni si correcte*
ment. M. Colbert fut très content du dessein de mon frère, mais... i Ch.
Perrault, Mémoires (éd. Paul Lacroix), p. 40-41. Les mémoires ont été
rédigés longtemps après les événements. Ils renferment certaines inexac-
titudes (la présence de Benedetti à Paris en 1664, la confusion de
Chantelou et de Chambray, l'histoire erronée du buste de Louis XIV,
etc.)> et, bien que, sur ce point imporUnt, il soit assez difficile de croire
à une erreur involontaire, cependant il serait bien étonnant qu'un
homme aussi économe des deniers publics que Colbert ait, de 1664 à 1667,
alors surtout qu'il était pressé de terminer le Louvre, laissé en suspens un
projet par lui adopté, et ait perdu trois ans à l'examen et à l'exécution
d*autres propositions quasiment condamnées en principe. Il paraît plus vrai-
semblable d'admettre que Ch. Perrault a flatté son frère et lui-même en
vieillissant une conception, peut-être formée en 1664, mais arrivée à matu-
rité et exécutée seulement en 1667.
I. Sur Poussin, voir Paul Desjardins, les Grands artistes^ leur vie, leur
oeuvre. Poussin. Paris, 1904, in-8*.
a. Fraschetti, // Bernini. Milan, 1900, in-4*.
|66 LB BERNIN EN FRANCE.
de l'Europe. A la fois architecte, sculpteur, peintre, auteur
comique, il jouissait d'une renommée universelle. Favori de tous
les papes, qu^ils fussent Urbain VIII Barberini, Innocent X Pam-
phili, Alexandre VII Cbigi, il était le chef de TÉcole italienne,
le restaurateur et le décorateur de la Rome du xvn* siècle.
A peine avait-il quinze ans, que la statue de l'évéque Santoni
Tavait fait distinguer. Depuis lors, son renom n'avait cessé de
grandir. Les délicieuses fontaines dont il avait orné les places et
les palais de Rome, la décoration de la place Navone, les restau-
rations de Saint-Pierre, la construction du baldaquin et des pilôoes
de la basilique, la conception des palais Barberini et Monte-
Citorio, ses œuvres éparses dans toute la ville éternelle, la
systématisation de la place Saint-Pierre et la colonnade admi-
rable dont il Torna, les bustes de tous les pontifes qui Tavaient
protégé, des membres de leurs familles et celui de François
d'Esté, duc de Modène, étaient les garants de son habileté et de
sa fécondité artistique. Les lignes simples et grandioses de ses
constructions, l'opposition des rentrants, des ombres et de la
lumière, la majesté de ses façades étaient universellement louées.
Mais le Bernin n'était pas seulement apprécié en Italie : les
étrangers le considéraient aussi comme le plus grand artiste du
temps. Les relations si fréquentes entre Rome et la France
l'avaient depuis longtemps fait avantageusement estimer. Tous
les voyageurs, et ils étaient nombreux, qui visitaient la ville
papale, pouvaient voir, critiquer, admirer ses œuvres. Les ama-
teurs d'art, tels les Fréart de Chantelou et de Chambray *, chargés
à diverses reprises par leur parent, Sublet des Noyers, alors surin-
tendant des bâtiments, de missions en Italie, Naudé, Conrard,
Saint-Amand l'avaient connu; les jeunes peintres et les sculp-
teurs, que le gouvernement royal envoyait déjà à Rome se perfec-
tionner par la fréquentation de l'antique, prenaient conseil du
grand artiste.
Ses œuvres même avaient passé les Alpes. En 1639, le roi
d'Angleterre Charles l*"" lui envoyait des dessins de Van Dyck^,
I. Chardon, Amateurs d'art et collectionneurs manceaux : les Fréart de
Chantelou. Le Mans, 1867, in-8'.
a. Ce projet de Charles !•' de faire exécuter son buste par le Bernin
remonte au 27 mars i636; après avoir obtenu une réponse favorable de
l'artiste, le roi lui envoya trois dessins de Van Dyck, un de face, deux de
proiil. Le buste était achevé en 1637 et fut transmis au roi avec lettres du
cjurdinal Scipion Borghèse par un nommé Bonifacc. L*œuvre plut tellement
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 167
et lui demandait d'exécuter son buste d'après ce modèle; malgré
que le travail eût été fait sans que le roi ait posé devant Partiste,
la perfection du résultat obtenu décida Henriette de France à
demander au Bernin de sculpter son portrait.
En France aussi on avait pu juger de son talent. Dès i625, une
première démarche aurait été tentée auprès du Bernin pour le faire
veniràlacourdeLouisXIII^ Puis, en 1641, le cardinal de Riche-
lieu, qui Pavait connu, lorsqu'en i638 il était allé recevoir le cha-
peau cardinalice, lui commanda un buste, qui fut placé au Palais
cardinal'. Ce buste, de deux pieds trois pouces de haut, avait été
commandé, comme celui de Charles I'% par ^intermédiaire du car-
dinal Antonio Barberini, neveu d'Urbain VIII, aumônier d^Anne
d'Autriche et protecteur attitré du Bernin. En août 1641, il était
achevé, et quelques jeunes élèves du Bernin, Giacomo Balzinelli et
Nicolo Sole, le présentèrent au ministre. Mais le résultat, quelque
merveilleuse que fût Inexécution, laissait, au dire de Mazarin, beau-
coup à désirer au point de vue de la ressemblance. L'astucieux
italien travailla cependant afin que la cour le louât sans réserve.
Richelieu s^en montra satisfait et envoya un riche présent à
la femme du sculpteur, et, à lui-même, son portrait entouré d^un
cadre enrichi de trente-trois diamants. Il laissait même entendre
que, avec un bon dessin de Van Dyck, qui devait prochainement
venir à Paris, il demanderait une statue en pied. Sa mort
empêcha l'exécution de ce projet.
Mazarin, qui de longue date connaissait le Bernin, et qui
s^était entremis dans ses rapports avec le ministre de Louis XIII,
voulut faire plus; lorsqu^il eut succédé à Richelieu, il tenta, en
1645 y par l'intermédiaire de l'abbé Elpidio Benedetti, de décider
le cavalier à venir à la cour de France. En juillet 1645^ se fiant
dans une lettre envoyée par le Bernin le 19 juin, il lui exprimait
Tespoir de le voir bientôt à Paris'. Ce dessein ne se réalisa cepen-
à Henrieue de France qu'en lôSg elle envoya au Bernin un diamant d'une
valeur de 6,000 écus. Ce buste est actuellement conservé à Windsor (Fras-
cheui, ouvrage cité, p. iio-iii).
1. Journal du voyage du cavalier Bernin en France, par M. de Chantelou
(éd. Lud. Lalanne). Paris, i885y Galette des Beaux-Arts, i vol. in-4% p. 69.
2. Courajod, Jean Warin, ses œuvres de sculptures et le buste de
Louis XIV au musée du Louvre. Paris, Champion, 1881, in-8*, 3o p. (extrait
de la Revue de PArt, n*' du a 5 septembre et du 2 octobre 1881), et Fras-
chetti, ouvrage cité, p. 112. Ce buste de Richelieu est aujourd'hui perdu.
3. Fraschetti, ouvrage cité, p. ii3, n. x.
l68 LE BRRNIN EN FRANCE.
dant pas, soit que Ton n'ait pu obtenir du sculpteur, alors en
butte à une cabale montée contre lui à Tavènement d'Innocent X
qu'il abandonnât Rome, paraissant fuir devant ses ennemis, soit
que les troubles de la Fronde naissante aient empêché le ministre
de s'occuper plus activement de ce projet.
Toutefois, les rapports fréquents entre la France et l'Italie entre-
tenaient toujours l'opinion des travaux d^arts accomplis par Til-
lustre artiste, et l'envoi de plus en plus fréquent de jeunes Français
à Rome faisait encore mieux connaître son incontestable talent.
D'autre part, les Italiens étaient nombreux à la cour de France.
Sans parler des envoyés des diverses puissances de la péninsule,
certains hommes, tels que Elpidio Benedetti,ragent de Mazarin,
puis de de Lionne et de Colbert, l'abbé François Butti*, person-
nage fort bien en cour, à l'allure équivoque d'un agent politique
secret, le cardinal Antonio Barberini, Vigarani, l'agent du duc de
Modène à Paris et jadis chargé d'affaires à Rome, habile machi-
niste, qui montait les pièces à effet pour les fêtes de Versailles, le
légat cardinal Chigi étaient autant de protecteurs et d'amis que
le Bernin comptait dans l'entourage de Louis XIV. Aussi n'est-ce
pas étonnant que le cardinal Antonio, après sMtre entremis entre
l'artiste, Richelieu et Mazarin, ait songé, le jour oîi la paix fut
rétablie, à le faire venir à la cour de Louis XIV.
En octobre 1662, un an après que le Bernin eut à Rome des-
siné les machines et appareils destinés à célébrer solennellement
la naissance du Dauphin^, le cardinal Antonio lui écrivait, faisant
allusion à une marque d'estime (que nous ignorons) donnée par
Louis XIV au cavalier, que le roi désirait vivement le voir à
Paris; il lui déclarait que le voyage n'avait rien de fatiguant ni
de redoutable; il escomptait que sa présence aiderait à un rappro-
chement entre la France et le Saint-Siège, et terminait en insis-
tant sur le grand espoir que Ton avait de sa venue'. Le 19 no-
1. L*abbé Butti était né à Rome. Naturalisé en 1654, le roi lui avait, le
9 novembre de cette année, assigné 2,000 1. de pension sur l'évêché de Car-
cassonne, et, le 24 juin i655, ordonné qu'il en jouît dés la démission dudit
évêché faite par feu Servien. L'abbé n'en avait pas été payé, et, le 29 février
1664, ordre était donné à Jacques Alayre, économe de l'évêché, de lui payer
1,166 1. i3 s. 4 d. (Arch. nat., E 1717, fol. 109). Sur sa promesse de rési-
der en France, il obtint en 1673 permission de disposer des biens qu'il y
pourrait acquérir (Arch. nat., XIa 8398, fol. 17).
2. Fraschetti, ouvrage cité, p. 253, n. i.
3. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 175. — f A Parigi, li 27 ollobrc 1662.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 169
vembre, le cavalier lui répondait, se déclarant accablé d'orgueil en
apprenant Testime particulière que le roi faisait de lui : c Si l'es-
time que S. M. le roi de France fait de ma personne est un
aiguillon qui me doive stimuler à accepter la counoise invitation
de V. E., la considération de ma faiblesse est un frein qui me
retient; je pense que sans doute S. M. me tient en grande valeur,
parce qu'elle ignore mes œuvres; je suis persuadé que, si je venais
en France et que j'y travaillasse, je perdrais le crédit que me
prête S. M.; à la fin, V. E. me dit que ma venue en France serait
capable de produire un accommodement, ce qui m'oblige pour le
bon service de S. S. non seulement à découvrir mes cartes, mais à
les étaler sur la table et à ouvrir mon cœur. Seigneur cardinal
Antoine, mon cher Seigneur, V. E. sait que je suis au service du
pape Alexandre et que j'ai entrepris deux œuvres des plus grandes
qui soient au monde; mais si S. S. me commandait de venir en
France servir quelque temps S. M., j'obéirais, et les œuvres déjà
entreprises n'en soufiriroient pas, étant, durant mon absence,
intelligemment continuées par mon frère^.. > Le Bernin était à
Molto illustrissimo signore lo non so a che gioco giochiamo. V. S.
tien le sue carte si aite, che non vi si puol conoscer' nulla, onde l'im-
patienza mi piglia, et scopro le mie. Vedrà in ivi V. S. la continuatiooe
délia stima, che ho fatto et fd di lei, da sui procedi, Taffetto particolare
che li porto. Spero che dalle carte di V. S. scoprird ancora la solita
et già qui esperimentata corrispondenza. lo godo come la puo imaginarsi
di vederla stimata come lei mérita particolamente da S. M., que va
puol dare un gran desiderio di viderla qua, per quel poco tempo che
V. S. si compiacessi, et il viaggio non deve spaventarla, poich'io le posso
dire per sperienza, che si possono i viaggi far con Tistesso commodo col
quale sista in una stanza. lo non parlo del mio desiderio, perché non si ne
deve parlare, dove puol intervenire quello del maggior Re che sia, ma si
gli potesse dare qualche stimolo piglierei Tardire di farlo conoscere, benche
travestito, nel motivo di secondare i sensi del Padrone, quando per me stesso
si lei fusse una dama potrebbe dubitarsi di un rivale. In somma, io son' obli-
gato a penletrare suoi sensi, poiche l'haver un homo quai è lei, farebbe sti-
mar lodevole il farne un' articolo di accomodamento. Di gratia si lasci più
consigliare da sentimenti di gloria che da domestici, et mi crede quale sono
et sard sempre aff^ sempre di V. S. Cardinale Antonio Barbbrini. i
Au dos : Al molto ill** sig. Cavalière Bernini, Roma.
I. Ibid., fol. 3i5. — f Roma, li 19 novembre i66a. Ecc"*et pregg** Sig'«
Pad** Col"*. Se la stima chè fa la maestàdel Redi Francia délia mia per&ona è
un spione che mi stimola ad accettare il cortese invito di V. E., la conside-
ratione délia mia debolezza è un freno che mi ritiene, considerando tenermi
forse S. M. in gran concetto, perche non hà vedute l'opère mie, e son certo
che se venissi in Francia, et operassi, perderei quel credito che S. M. ne ha
170 LB BERNIN EN FRANCE.
ce moment en effet occupé aux travaux peut-être les plus impor-
tants de sa vie, la colonnade, entreprise depuis i656, et la cons-
truction de la chaire de Saint-Pierre. Il déclina donc rinvita-
tion qui lui était faite. Quelle était, d'autre part, la pensée de
Louis XIV? Quel travail voulait-il demander au grand architecte?
S*agissait-il de s'occuper de Versailles ou du Louvre? Ccst ce
qu'on ne saurait déterminer.
Louis XIV tenait à attirer le Bernin à sa cour; on avait en
France, — bien que le cavalier prétendît que l'on ignorait
ses œuvres, — une connaissance directe de son art. Le roi
faisait rassembler, pour son cabinet, des copies des œuvres les
plus belles de l'antiquité et de Part moderne. Benedetti avait
été chargé par Colbert de ce soin, et dans plusieurs de ses lettres,
à côté des vases de porphyre, des colonnes antiques, des tapisse-
ries, on trouve trace des réductions en argent des quatre fleuves de
la place Navone, exécutés par les élèves du Bernin, de reproduc-
tions de la Dafné, de Proserpine et du David.
Il n'est donc pas surprenant que le Bernin ait été l'un de ceux
à qui l'on pensa, lorsqu'il fut question de solliciter le talent d'ar-
chitectes étrangers.
IIL
Les premiers pourparlers avec le Bernin.
A peine Colbert au pouvoir, les travaux du Louvre reçurent,
avons-nous vu, un nouvel essor. Le roi avait abandonné s^
formata V. E. nel fine deUa sua cortnui mi tocca un usto maestro che la
mia venuta in Franda sarrà degna d'un articolo d'accomodamento, onde
son necessitato per il buon servitio di S. Santità non solo à scoprirgli le
mie carte, ma agettarglele in tavola, et ad aprirgli il core. Sig* card* Anto-
nio, mio caro sîgnore, V. E. sa che io servo Papa Alessandro, e ho per le
mani due opère le maggiori che siano nel mondo, con tutto ciô quando da
S. Santità mi fosse comandato che io venissi in Franda a servire per qual-
che poco di tempo S. M., io obedirei ai suoi cennî, ne l'opère che già sono
acciate patirebbero, essendo per quel brève tempo che io stassi assente assis-
tite dalla intelligenza di mio fratello; ecco a V. E* scoperto il tutto, laquale
potra regolarsi conforme la sua prudenxa, e qui rinovando le mie obliga-
tions e il desiderio che hodi servirla, a V. E. humilimente mi inchino;de
V. E. hum*, dev* et obi* servitore. Giov. Lorenzo BBRKiifO. 1 [Minute.]
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. I7I
appartements et s'était, dès le mois de février, transporté aux
Tuileries, afin de laisser toute facilité aux entrepreneurs*. Dès le
mois de mars, Timpossibilité de s'entendre avec les architectes
français une fois constatée, Tabbé Elpidio Benedetti, qui se trou-
vait alors en France, fut chargé de poner à Rome, aux architeaes
choisis, les plans de Le Vau et de les leur remettre, en gardant
soigneusement auprès de chacun d^eux le secret de la démarche
faite auprès des autres. Il était, en outre, porteur d'une lettre de
Colbert adressée au Bernin :
« Les rares productions de vostre esprit, écrivait le surinten-
dant, qui vous font admirer du monde entier et desquelles le
Roy mon maistre a une parfaite connoissance, ne sçauroient luy
permettre de terminer son superbe et magnifique palais du Louvre
sans en avoir mis les dessins sous les yeux d'un homme aussy
excellent que vous Testes, afin d'en avoir vostre avis. C'est ce qui
l'a porté à me commander de vous écrire ces lignes, pour vous
prier instamment, de sa part, de donner quelques heures de celles
que vous employez avec tant de gloire à embellir la première
ville du monde, à voir les plans qui vous seront présentés par
M. l'abbé Elpidio Benedetti. S. M. espère que non seulement
vous luy ferez connoistre vos sentiments sur ces plans, mais
encore que vous voudrez bien mettre sur le papier quelques-unes
de ces admirables pensées qui vous sont si familières et des quelles
vous avez donné tant de preuves*. »
Le 19 avril, Benedetti arrivait à Rome; dès le 20, il transmet-
tait au Bernin la demande de Colbert, que le sculpteur acceptait
immédiatement. Pour diverses raisons, il retardait de quelques
jours la mission qu'il devait remplir auprès de P. de Cortone,
donnant ainsi au Bernin le moyen de devancer ses rivaux'.
1. Fraschetti, ouvrage cité^ p. BSy, n. i. Lettre du i5 janvier i564 adres-
sée par Vigarani au duc de Modèoe.
2. Clément, ouvrage citi^ t. V, p. 243. D'après Ch. Perrault {MémoireSy
p. 41), Ton avait tout d*abord songé à se servir de Poussin comme intermé-
diaire. Une lettre lui aurait été écrite sur Tordre de Colbert, mais n'aurait
pat été envoyée. — Sur toute cette partie des négociations entamées avec le
Bernin, voir Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire, art. Ber-
nin et Cbantelou ; l'auteur s'est servi de documents d'un haut intérêt.
3. Bibl. nat., M^l. Colbert, vol. 120, n* 297. — c Monsignor : Giunsi con
Taiuto di Dio tre giorni sono in questa città, con buona salute, e seoza per-
dimento nemeno di hore, mi diedi subito ail' essecutione dei commandi di
172 LB BERNIN EN FRANCE.
Peu de jours après, le cavalier, qui voyait dans cette affaire le
moyen de grandir encore sa réputation, répondait en ces termes
au ministre : c J^ai reçu, disait-il, de Tabbé Benedetti, la lettre
de V. E. et les ordres de S. M. qui s'y trou voient contenus, qui
me sont très agréables, et aussi je déplore ma faiblesse à exécuter
le plan du magnifique édifice du Louvre. L'estime que S. M. fait
de ma personne me porteroit à l'orgueil si je ne réfléchissois qu'elle
n'a jamais vu aucune de mes œuvres... Cependant, afin de ne me
rendre pas complètement indigne de cet honneur que j'ai estimé,
tellement que, dès le premier jour oti les dessins me furent présen-
tés, j'ai délaissé en grande partie mes gi;aves occupations et me
suis occupé à ceux-ci, espérant que les notes remises à Tabbé Bene-
detti suppléeront au désavantage de n'être pas sur les lieux... ^ »
Il se mit sans tarder à l'œuvre; le i3 mai, ses premiers essais
avaient déjà donné un résultat satisfaisant, qu'il voulait toutefois
perfectionner et améliorer. De son côté, Pierre de Cortone exami-
nait les plans de Le Vau, et Benedetti pouvait écrire à Colbert
qu'il espérait sous peu lui envoyer quatre dessins différents, qui
tous auraient quelque chose de grand et de majestueux, et que,
s'il y avait grande difficulté à raccorder avec les anciennes cons-
truaions, cependant il pensait qu^il y aurait toutefois matière à
satisfaire et à séduire l'esprit du roi^. Il est vrai que, pour sti-
muler leur zèle, l'ambassadeur de France, duc de Créquy, remet-
tait à Benedetti une cassette renfermant des présents destinés aux
V. E.; scDza alcun* minimo impegno deUa dignità reale, presi ad inca-
minare una diligenza, che, se riusciva fortunamente, potrebbono vedere
coati tra poche settimane il sig. cavalière Bernino, al quale tratanto ho resa
la lettera di V. E., e soggiuntogli ia voce ci, che credeva opportuno per
accertare (corne mi è auccesao) in lui una pronta applicatione a servire S. M.,
come egli ateaao certificarà a V. E. nella riaposta, che col seguente ordina-
rio farà alla lettera di V. £. c Non ho ancora parlato al S. Pietro di Cor-
tona per degni riapetti. Roma» 22 aprile 1662. H"% dev"* et oblig** ; l'abbate
Benedetti. — {Ibid,, n* 36i) : Monseigneur..... lo accennavo, come nel giorno
seguente al mio arrivo fui a trovare il sig. cavalière Bernino, et lo lassai
tutto disposto ad applicare con ogni aollicitudine a servire S. M., che
havevo aotto mano incaminata qualche diligenza per farlo condurre seco
Costa dal a. cardinale Chigi, senza alcun' impegno di S. M. — Roms,
24 aprile 1664. H-» dev-» et ob-* : Tabbate Benedetti. i
1. Depping, Correspondance adminùtrative du règne de Louis XIV (Doc.
inéd.), t. IV, p, 535.
2. Jbid., t. IV, p. 536.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 173
jUatre architectes. Uagent de Colbert devait les leur donner dans
in ordre fixé par le ministre, suivant l'excellence de leurs dessins,
qui, disait-il^ avançaient chaque jour. « Comme il y va de leur
gloire, de leur réputation, ils sont réservés et ne dévoilent
leur pensée qu^après l'avoir longtemps mûrie et perfectionnée ^ b
Dans le courant de juin, les dessins du Bernin étaient presque
terminés. « Le cavalier a produit une pensée digne de son beau
talent, en ce qui touche la façade principale. Elle a de la grandeur
et de la majesté et diffère complètement des autres. L'un des des-
sins exécutés contient le plan de M. Le Vau, mais plus grand, et
peut-être sera-t-il le plus praticable, s'accommodant le plus à ce
qui est déjà fait*. > Pierre de Conone n^avait pu encore terminer
le sien, tant à cause de sa mauvaise santé que par suite d'un tra-
vail en exécution pour les Pères de l'Oratoire, c Mais, dans tous
ces dessins, « ajoutait Benedetti, « V. E.,avec son parfait jugement,
saura, ainsi que font les prudentes abeilles, choisir le meilleur, et
celui qu'elle estimera le plus propre à embellir ce grand palais. »
Le 23 juin, le Bernin remettait à l'abbé Benedetti son projet,
en même temps qu'une lettre adressée à Colbert : « L'abbé avec
qui, disait-il, j'ai réglé toute l'affaire, envoie à V. E. le dessin du
palais royal, en conformité avec le plan qui m'a été remis et avec
une brève explication sur les points principaux de l'œuvre; cela
servira, je crois, à prouver ma faiblesse, et, pourtant, j'y ai mis
tous les talents que par sa grâce la divine bonté a bien voulu
m'accorder; j'assure V. E. que, si mon désir avoit pu se réaliser
indépendamment des limites de Part, j'eusse conçu un palais
1. Bibl. nat., Mêl, Colbbrt, vol. 121, n* idy. — c Monsîgnor : il sig. duca
di Créquy mi ha consegnata la scatola con li quatro presenti per li architetti,
che travogliono al disegno del Louvre; e « ho trovati tutti degni délia
munifîcenza di S. M., si distribuerd precisamente secondo Tordine che
V. E. me ne dà; e non saperô su questo proposito per hora aggiungerle
altre, se non che il travaglio dei sudetti va ogni giorno avanzando, ma corne
che anco essi si Togliono sodisfare e conoscono trattarsi délie loro gloria e
reputatione, cosi vanno riservati in dire fuori i loro pensieri, primo d'ha-
verli ben maturati et perfettionati. — Roma, 3 giugnio 1664. L'abbate
Benedeni. »
2. Bibl. nat., M^. Colbiet, vol. 121 bis, n*6a9. — c 11 sig. cavalière Ber-
nino ha produtto un pensiere degno del suo bel ingegno per quello riguarda
la facdata principale. Ha del grande et del maestoso et é tutto diverto delli
altri. Vi ne sarà uno, che riferma il disegno di M. Le Vau. Haverà pur del
grande, e forse sarà il più praticabile, come quello, che si accomoda più al
fauo. > Lettre du 17 juin.
174 ^^ BKRNIN EN FRANCE.
digne de S. M., qui, par excès de royale libéralité, rénumèreau
moment même qu*elle commande, mesurant ainsi les récompenses
plus avec sa grandeur qu'avec la faiblesse de Tœuvre^ m Bene-
detti avait déjà remis tout au moins au Bemin la cassette à loi
destinée. Quant aux dessins envoyés par Tartiste, par la voie de
Lyon, le 24 juin', nous verrons en quoi ils consistaient
Quelques semaines plus tard^ le r5 juillet, un autre courrier
emportait les dessins de Rainaldi et de Candiani. Ce dernier, au
dire de Benedetti, était d*un goût singulier; c mais étant petit,
son dessin ne fera pas Teffet de celui du cavalier. Sa pensée me
paraît plus étrangère; je Pestime assez, et je crois qu^elle s'accom-
mode plus que tout autre aux projets de M. Le Vau, de telle sorte
que, à mon avis, on la pourra utiliser pour la façade principale. •
On y faisait grand'place aux escaliers débouchant sur de vastes
escaliers et fort utiles, eu égard à la foule qui se presse ordinaire-
ment dans les palais royaux. On pouvait tout au moins, de l'avis
de Benedetti, s'en inspirer pour modifier le plan de Le Vau'.
1. Bibl. nat., MéL. Colbbrt, vol. 121 biSf n* 861. — c II"* et ecc"* sig.
Padrone col** : il signor abk^ate Benedetti, con il quale ho concertato il tutto,
invia a V. E. il disegno del Palazzo regio in conformità délia planta manda-
tami, con una brève instruttione delH fini più principal! del artiâce; credo
servira per authenticare maggiorroente al mondo le mie debolezze, ho perd
in questo speso tutti quelli talent!, che per sua gratia 8*è degnata compar-
tirmi la divina bontà; assicurandola, che se havesse potuto operare il des-
siderio independentemente dall* arte, havrebbe partorito un palazzo degno
di S. M., la quale con eccesso di regia liberalità, nel istesso punto che
comanda rimunera, misurando i premii più con la sua grandezza che con
la bassezza del' opéra; e qui pregando V. E. ad offerire ai piedi di S. M.
me con tutta la mia casa, devotissimo me Tinchino; di V. S. illma et colmt,
vosiro hu""* servitore, Giov. Lorenzo Bernino. Roma 23 giugno 1664. »
2. Jbid.j n* 900; voir p. 177.
3. Ibid,, vol. 122, n" 495. — « Monseigneur. In fine non è stato possi-
bile di mandare prima di oggi a V. E. li due altri disegni del Louvre
che troverà nella boette che ho fatta consegnare ail' ordinario di Lione,
raccommandata a M' du Lieu. Uno ô del s. cav. Raynaldi, con la sua
dichiarazione, e spero, che lo troverano assai bello. L'altro è d'un tal
sig. Candiani, gentilhuomo assai intendente d'archittectura , e di un
gusto staordinario, ma per esscre il suo disegno in piccolo, non farà la
mostra dell' altro del sig. cavalière. 11 pensiere del Candiani mi pare più
pellegrino, e quello che stimo assai si accommoda più d'ogni altro alli
projetti di M. Le Vau, in modo che credo potrà servire tutlo qucUo, ch'è
cominciato, anco nella facciata principale. Egli prende gran' sito nelle scale,
perché stima che una délie parti più nobili, e più riguardevoli in un gran
LES TRAVAUX DU LOUVRE KT LES STATUES DE LOUIS XIV. lyS
Quant au projet de Pierre de Cortone, on l'attendait toujours;
de semaine en semaine, l'auteur en promettait la remise, sans
jamais Tefieciuer. La goutte, les travaux antérieurement com-
mandés le retardaient; d^autre part, connaissant la faveur dont le
Bemin jouissait auprès de Benedetti, il redoutait de confier son
œuvre à celui qu^il regardait comme le protecteur de son rival;
finalement^ lorsque, en septembre .1664, il eut terminé son dessin,
il renvoya directement en France sans le montrer à Tagent de
Colbert*.
palazzo sia quella d'una scala nobile, grande, commoda, e che sbocchi in gran'
ripiani per la comodità deli' afflucnza délie genti, etc Spero che questi
lume basterano a M. Le Vau per megliorare i di lui pensieri, e V. E. che ha
cosi buono gusto, e tanta intelligenza potrà insinuarglieli Restarà a
vedersi il disegno del s. Pietro di Cortona, che per esser stato ultimamente
attaccato délia gotta, non ha potuto finirlo per oggi, corne mi haveva fotto
sperare. Non deverà perd tarder* molto per haverlo digià assaî avanzato e
▼eramente è da rimarcare, che di tutti li 4 archittetti che haverano operato
non vi n'é pur' uno libero di veoire costà in persona. Attendo sempre l'ay-
Tiso délie riccevuta délie 4 statuette d*argento e délie 3 pezzi délie tappi-
zerie.... e qui humilmente raccomandandomi alla sua persona, resto hu%
dévot"* et oblig**, l'abbate Bbnkdbtti. Roma, i5 luglio 1664. i
I. Bibl. nat., MéL. Colbbrt, vol. 122, n* 739. c Rome, 1664, 22 juillet.
Il S. Pietro di Cortona per le sue incommodité non ha per ancora finito
il suo disegno. Mi lo fa perd sperare presto, ne io lasso di sollecitarlo. »
Ministère des Affaires étrangères, Rome, vol. 160, p. 219, n* 912. Bene-
detti à M. de Lionne, c Rome, 1664, août. Il signor Pietro di Cortona per
haver fatto assai stentire il soo [disegno], non mi pare che habbi poi fatto
gran' cosa. »
Bil. nat., Mtfu Colbebt, vol. I23, n* 4o5. — Rome, 1664, 19 août, c Per
Fordinario seguente, il S. Pietro di Cortona mi fa sperare sicuro il suo.
No so se li potrà compensare la tardanza con la bellezza del pensiero. i
Ibid,, vol. 123 bis, n* 649. — Rome, 2 septembre 1664. c Dali* intendere
che cossi non amino troppo Tornato, comincio a credere che il disegno del
sig. Pietro di Cortona non sia per dispiacere. Vero è che non ha punto di
quelle nobile bizzarria del Bernini. Perogni ordinario me Tha fatto sperare,
ma il pover huomo stropiato délia gotta havendolo voluto tirare tutto di
proprio pugno non sa venirne a fine. Mi dice che assolutamente me lo darà
per oggi a otto, non è possibile soUicitarlo d'avantaggio. i
Ibid,, n* 1012. —Rome, 1664, 23 septembre, c lo non so quello si foccia
il sig. Pietro di Cortona, forse anco egli entrato in opinione che io porti il
sig. cavalière Bernini; onde dubito che vogli mandare d'habbi mandati a
dirrittura i suoi disegni, accid io non li possi far vedere qui al suddetto
sig. cavalière ; si sarà questo, aspettarô che V. E. mi ordini se doverd dar-
gli boetta di diamanti. 1 — Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 536, lettre de
Benedetti du 3o septembre.
176 LE BERNIN EN FRANCS.
Mais, de toutes ces conceptions, une seule, tant par le renom de
son auteur que par les relations quMl avait à la cour de France,
par Tappui que lui prêtaient le nonce, le légat, Tabbé Benedetti,
attirait Tattention, c'était celle du Bernin. Aussi attendait-on
impatiemment de connaître Teffet que son travail produirait à
Paris.
iv.
Le premier plan du Bbrnin.
A dire vrai, les nouvelles de France tardaient à venir. Le plan
avait été envoyé le 25 juin, et, à la fin de juillet, Tabbé Benedeni
attendait avec curiosité de connaître l'opinion de Colbert et la
réponse qu'il ferait à la lettre du Bernin ^ Le dessin était parvenu
le 25 juillet, et, au commencement d'août, Hugues de Lionne
en parlait en termes élogieux à Benedetti. c Deux lignes seule-
ment, lui répondait en effet le 5 août Tabbé, pour rendre grâce à
V. E. de Tannonce de l'arrivée du dessin du cavalier Bernin. La
lettre que je reçois de M. G)lbert, en réponse à la mienne du
7 juillet, ne mentionne rien que l'attente du courrier. J'ai été
ravi de pouvoir avantageusement consoler le cavalier, en lui
annonçant l'approbation qu'avait rencontré son projet; je ne sais
s'il a nui aux deux autres que j'ai envoyés postérieurement et qui
sont maintenant arrivés...^. » Colbert ne mettait en effet aucun
1. Bibl. nat., MéL. Colbert, vol. 122, n» 739. — t Rome, 1664, 22 juil-
let. Aspetto tratanto con curiosità d'intendere quelle se sarà passato delli
3 già inviati [disegni] e délia varietà di essi. •
2. Ministère des Affaires étrangères, corr. de Rome, vol. 160, p. 219, n» 112.
Lettre de Benedetti à de Lionne. ~ Rome, 1664, 5 août c Queste due righe
sarano solamente per rendere a V. Ë. affettuosissime gracie dell' awiso
datomi, sopra il disegno del sig. cav. Bernino, poichè la lettera che tengodi
M. Colbert non essendo che responsiva alla mia del 7, non contiene altro,
se non che lo stava aspettando. Ho havuto grandissimo contento di potere
air avantaggio consolare il s. cavalière con Tawiso dell* approvatione dell'
8U0 pensiero, che non so se haverà prejudicato aile altri due che mandai
dopo, e che a quest' hora potrano essere arriva ti. Spero che anco di questi,
V. E. si sarà compiaciuta accennarmi il giuditio e cossi se ne sarà fatto,
e di come sarano piaciuti a S. M. Il sig. Pietro di Cortona per haver fatto
usiâi stentire il suo, non mi pare che habbi poi fatto gran' cosa. In fine si
vede che la fantasie di questi virtuosi hanno délia poesia, che non sempre
prtctive felciraente... »
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV, I77
empressement à répondre, et le 25 juillet, il accusait simplement
réception du dessin ^ Le Bernin était fort mortifié et se montrait
au contraire très touché de Tapprobation de de Lionne*. Cette
situation se prolongea plus d'un mois. Le 23 septembre, aucune
observation sur le projet, aucune réponse n'étaient encore parve-
nues 3. Benedetti craignait que l'artiste ne se fâchât : il s'étonnait
du retard et pressait Colbert. Enfin, à la fin du mois, un courrier
fit connaître la décision de la cour^.
Elle dut causer à Benedetti, ainsi qu'au Bernin, une profonde
désillusion. Benedetti paraît avoir cru, — ce qui semble bien avoir
été, malgré Tappel fait à d'autres architeaes, le premier sentiment
de Colbert, — que Ton voulait suivre les plans du Bernin; peut-être
espérait-on même décider ce dernier à venir en France, car si^ au
début des négociations, on exprimait le regret que tous les archi-
tectes fussent tellement occupés qu'ils ne puissent venir en France,
dès le mois d'août le beau -frère de Colbert, le marquis de
Ménars, revenant de Naples et séjournant à Rome, écrivait au
ministre, en réponse sans doute à une mission dont il avait été
chargé : « Je voy souvent le chevalier Bernin; je fais mon pos-
sible pour le faire venir à Paris, m'imaginant que vous le sou-
haiteriés pour la satisfaction de S. M. Après Tavoir beaucoup prié,
flatté et pris de toutes les manières, il m'a promis que, quand il
auroit achevé un ouvrage qu'il fait à Saint-Pierre^, il viendroit
1. Bibl. nat., MéL. Colbkrt, vol. i23, n* 4o5. — Rome, 1664, 19 août,
c Monseigneur, intendo daUa lettera de V. E. de a5 del passato la ricevuta
del disegno del sig. cav. Bernino, che haverebbe ben gradito qualche cenno,
di corne fosse piaciuto almeno a prima vista al Re e a V. E., dalla cui
benignità sperava anco ricevere due righe di risposta alla sua lettera. »
2. Ministère des Affaires étrangères, corr. de Rome, vol. 160, p. 298, n* 258.
Lettre de Benedetti à de Lionne. — Rome, 1664, 19 août, c ... Il s. cav. Ber-
nino resta grandissimo obligato a V. E., poichè senza il cenno ch' ella si
compiacque darmi, ch' era piacciuta a S. M. il di suo disegno del Lovere,
non haverebbe ricevuto questa satisfactione délia lettera di M. Colbert, che
non avviso altro che di haverlo havuto... i
3. Bibl. nat., hAÉL. Colbert, vol. i23 bis, n* 10x2. — Rome, 1664, 23 sep-
tembre, c Monseigneur, Attendo le osservationi sopra i disegni del sig.
cavalière Bernini, ma vorre bene che venissero accompagnate de una cor-
tese risposta di V. E. alla lettera, ch' egli già li scrisse, perche altrimenti
non mi prometterd di lui gran* cosa. i
4. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 336.
5. Il s'agit certainement non de la colonnade, alors presque terminée,
mais de la chaire de Saint-Pierre.
l80 LE BERNIN BN FRANCE.
ainsi toute la décoration de Lescot, et dans les angles du palais
faire des cours intérieures destinées à éclairer les appartements.
D après les c Observations sur les plans et élévations de la
façade du Louvre envoyés de Rome par le cavalier Bemin, » on
peut également esquisser, tant bien que mal, à dé&ut d^un véri-
table plan, les principales lignes du projet.
Point de combles, des terrasses à ciel ouvert, des galeries entou-
rant toute la cour intérieure, les appartements du roi placés vers
la façade orientale.
Au rez-de-chaussée^ la façade était formée d^une galerie, c'est-
à-dire probablement d'une série d'arcades ouvertes, comme au
palais Barber i ni, de 4°i90 de large.
Une grande salle ovale de 8"'82i3 de hauteur, sur 3 1 "'3648 et
i9"6o3o de diamètre, devait servir pour la circulation et être flai-
rée par les galeries environnantes.
De chaque côté de cette salle s^ouvraient deux galeries condui-
sant aux escaliers, qu'éclairaient deux petites cours de 7"84i2 de
carré.
Au premier étage, la disposition était qqasiment identique :
une grande salle couverte correspondait sans doute à la grande
galerie du bas et reliait les deux escaliers. Une salle ovale repro-
duisait la pièce du rez-de-chaussée; deux grandes pièces de
i7'"6427 de long sur i i^j6 1 8 de large, éclairées par la galerie et
par les deux cours intérieures, et deux antichambres de i5"6824
sur 9"8oi5 faisaient suite. Enfin, sur la cour, une galerie cou-
verte permettait de circuler dans tous les appartements.
De nombreuses objections furent faites à ce plan. La première
était que le palais devait être non seulement commode, mais sûr,
a estant le principal séjour des rois dans la plus grande et plus
peuplée ville du monde, sujette à diverses révolutions. Il est
nécessaire de bien observer que dans les temps fascheux qui
arrivent presque toujours dans les minorités, non seulement les
sia per dispiacere, ancor che non habbi la bizzaria c grandezza délia fac-
ciata del Bernini.
c In tine corne scrissi con le passate, potra V. E. c*ha buon gusto fara
da ape, scogliendo da tutti questi pensieri quello che stimerà megliore. Cia-
cun disegno haverà il suo discorso particolare, corne quello, che troverà ne
disegni dcl s. cavalière e spero che intende cosi bene corne M. Le Vau.
c II s. cavalière rende con le congiunte hum* gratie a S. M. del bel ritratto
giocelloto, e si ratifica servitore de V. £. corne io mi rasegno, Monseigneur,
suo hu** dévot"* et oblg— : Tabbate E. Benbdbtti. »
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l8l
rois y puissent estre en seureté, mais mesme que la qualité de
leur palais puisse servir à contenir les peuples dans l'obéissance
qu'ilz leur doivent ; sans toutefois qu'il soit nécessaire de cons-
truire pour cela une forteresse^ mais seulement d'observer que les
entrées ne puissent estre facilement abordées et que toute la struc-
ture imprime le respect dans Tesprit des peuples et leur laisse
quelqu'impression de sa force ». De plus, on insistait sur la
rigueur du climat, qui devait déterminer l'exposition des appar-
tements, la nature des matériaux à employer et empêcher l'utilisa-
tion de terrasses et de combles plats. Il semblait impossible de
faire des terrasses et grandes galeries ouvertes, bien qu^à la rigueur
on ait pu fermer de vitres et de croisées la galerie haute, et que
l'usage des attiques permît de dissimuler les combles. Cela, toute-
fois^ ne se pouvait faire pour la galerie adaptée à la petite cour,
étant donné son étroitesse.
Quant aux appartements, placés sur la face principale, il fallait
observer que la saison d^hiver étant la plus longue^ c'était durant
ce temps que l'appartement d'hiver serait habité, c'est-à-dire
durant huit mois; d'autre part, l'excessive circulation aux abords
du palais ne laisserait pas de tranquillité à ses habitants.
Passant aux détails du plan, on reprochait à la galerie du rez-
de-chaussée son étroitesse, qui rendait difficile un comble plat; on
objectait que la pièce ovale ne pourrait servir que d'entrée, et que.
ses dimensions diamétrales s*accorderaient difficilement avec
rélévation du rez-de-chaussée (8"'82i3); en outre, cette pièce,
éclairée seulement par les galeries environnantes, serait obscure ;
il faudrait l'élever en dôme, ou tout au moins jusqu'au second
étage, ce qui empêcherait d'y faire des appartements. La galerie
droite conduisant aux escaliers rejetait ces derniers dans les
angles; ils ne pourraient prendre jour qu'au travers de cette
galerie ou des petites cours du milieu. Enfin, toutes ces pièces
avaient l'inconvénient d'être obscures.
Les dispositions du premier étage reproduisaient les mêmes
défauts. La galerie correspondant à celle du rez-de-chaussée
rendait tous les appartements sombres. Les grandes pièces de
chaque côté de Tovale ne prendraient jour qu'à travers la galerie,
les antichambres qu'à travers les petites cours, de même que toutes
les pièces suivantes. La galerie intérieure existant le long de la
cour devrait être fermée.
« Pour toutes ces observations générales et paniculières, ajou-
l82 LE BERNIN EN FRANCE.
tait'On, Ton peut tirer une conséquence presque cenaine, que
M. le cavalier Bernin n'a bien pensé qu*à la façade de ce magni-
fique palais, laquelle est assurément superbe et magnifique, à
l'exception de Tovale qui s'élève en couronne, qu'il seroit peut-
être à propos de réformer par les raisons dittes cy-dessus. Ces
observations sont envoyées audit sieur cavalier de la part du Roy,
afin qu'il lui plaise revoir une seconde fois son dessin et le réfor-
mer sur celles qui seront de ses goûts ^ s
La formule était polie et eût pu ménager la susceptibilité d'un
artiste ordinaire. Adressée à celui que l'on considérait et qui se
regardait comme l'incarnation de Tart, comme le rénovateur du
goût et de la beauté, elle le blessa profondément. Elle embarrassa
surtout beaucoup tous ceux qui devaient la lui transmettre et qui
ne songèrent peut-être pas que le désir de travailler pour le roi
de France, d'augmenter sa renommée par un chef-d^œuvre des-
tiné à éblouir et à confondre tous les architeaes français adouci-
rait l'amertume du premier échec et déterminerait le Bernin^ dont
la vanité n'était pas le moindre défaut, à se remettre à Toeuvre.
Envoyées à la fin d'août, ces observations parvinrent à Rome
avant le 3o septembre. Benedetti, en les recevant, les déclara dignes
du grand jugement de Colbert ; mais n'osant ou ne voulant afifron-
. ter la colère du Bernin, et dissimulant sa crainte sous le prétexte
de donner plus de poids aux remarques en s'adjoignant un per-
sonnage plus important que lui, il résolut d'attendre, pour les
transmettre, le retour du cardinal Chigi, alors en France; le
légat avait avec Colbert examiné le dessin envoyé par le Bernin,
reçu les critiques et promis, à son retour à Rome, de les commu-
niquer à l'artiste et de l'engager à entreprendre un second projet.
Ce serait, semblait-il à Benedetti, un intermédiaire utile, alors
surtout que la lettre écrite par le Bernin à Colbert en juin était
demeurée jusqu'alors sans réponse*.
Cette crainte toutefois était exagérée; car à cette même date,
une missive, adressée le 3 octobre de Paris, allait arriver au Ber-
nin. Le ministre s'excusait de n'avoir pas plutôt écrit « avant
que le Roy n'eust curieusement examiné [le dessin] et m'en eût
exprimé son sentiment. Et comme depuis peu S. M. m'a fait
sçavoir que la beauté de vostre imagination répond parfaitement
I . Clément, ouvrage cité, t. V, p. 246.
a. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 336.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l83
à cette grande et universelle réputation que vous avez acquise, je
croirois faire tort au jugement d'un si grand prince, ainsi qu^à
vous mesme, si je ne vous en donnois pas connoissance^ »
L'arrivée du légat était annoncée pour le 9 octobre^; mais, en
Tabsence du pape, non encore revenu à Rome, il gardait Tinco-
gnito, avant de faire son entrée solennelle. Benedetti se disposait
à rimportuner dès que sa rentrée serait officielle. Pour Tinstant,
il se bornait à encourager le Bernin à travailler de nouveau au
Louvre^. Finalement, devant le retard du pape, il se décida à lui
remettre la lettre de Colbert, ce qui adoucit beaucoup Tbumeur
du cavalier. Il lui exposa le désir du roi, mais pour faire plus
d'eCTet, s'en remit au cardinal. Le cavalier, à toutes ces démonstra-
tions aimables, répondait et répliquait que s*il eût su que Ton
s'était adressé à d'autres qu^à lui, il n'y eût pas mis la main;
assurément, il ne leur était pas supérieur, il était même, à son
avis, le dernier de tous, mais il ne voulait pas travailler en
concurrence*.
1 . Fraschetti, ouvrage cité, p. 338, note a ; publié en italien. Cf. Ou Mes*
nil, Histoire des plus célèbres amateurs français, t. II, p. 87.
2. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 536.
3. Bibl. nat., MéL. Colbkrt, vol. i25, n* 569. — Rome, 1664. 21 octobre,
c II 8Îg. card. Chigi si trattene ancora incognito alla caoïpagnia, attendeodo
che il papa ritorni in Roma, per farvi la sua solenne entrata. Sarô subito di
S. EmzA, e fard ogni opéra, e anco* impegni il s. caval. Bernini a travagliar*
di nuovo su' il disegno del Lovere, in conformità délie osservasioni inviati
di V. El», i
4. Ibid.f vol. 124, n* 53o. —Rome, 1664, 27 octobre, c Monseigneur, Ho
resa al sig. caval* Bernini la lettera di V. E., e è restato molto adolcito
nelP amarezza, che haveva concepita per il silentio di V. E. Gli ho acce-
nato il desiderio del Re, ma per fare maggior* colpo neir animo suo, mi
sono rimesso a quello gliene dira il sig. card* Chigi, con cui premerd per
stringere il sig. cavalière a fare qualche nuovo travaglio. Torno a replicarmi
che se havesse saputo, che altri délia professione havessero hayuta questa
incumbenza, ch' egli assolutamente non vi haverebbe messe le mani ; che
si stima il minimo de tutti, ma che non vuole travagliare a concorrenza.
Reputo pero che sarà necessario se veramente volessi di lui, che si dichi-
arino di fermarsi nel suo disegno, e veramente egl* ha più belle fantasie
delli altri.
c N. S. non è ancora ritomato délia campagna. Si attende puo* domanî
o Taltro, e subito che il sig. card* Chigi si sarà reso visibile, sard a tro-
varlo, e a trattenerlo su questo proposito.
c II modello délia Dafhé è riuscito bellissimo, e taie riuscirà anco il
gettito d'argento. Sarà un poco grandicello perche in piccolo non havrebbe
fatto cosi beae, et al certo sarà pezza degna délie camere di S. M. Si V. E.
184 LE BERNIN EN FRANCE.
Cette explosion de mécontentement très sincère, sans aucun
doute, ne tint pas longtemps devant les arguments du cardinal
Cbigi. A peine, en effet, le pape fut-il revenu, que le légat sollicité
par Benedetti remit au Bernin la liste des observations'. Tout
d'abord, ce dernier s'emporta, déclarant qu'il y avait méprise,
qu'il avait observé les règles de Part. Mais, Benedetti lui ayant
déclaré que le roi désirait vivement le voir s^occuper d'un nou-
veau dessin, il répliqua qu'il sentait vivement l'honneur que lui
faisait S. M., qu'il devait lui obéir, comme à un ordre, et qu'il
recommencerait un autre essai. Mais il ajouta qu^il serait abso-
lument nécessaire qu'un de ses élèves allât à Paris expliquer de
vive voix sa pensée et se rendre compte par lui-même de ce qui
existait déjà^ Ces dispositions plus favorables s^accentuèrent
encore lorsque le duc de Créquy lui eut de son côté, le i ^^ décembre,
rendu visite. Le Bernin, à en croire Pambassadeur, se montra de
prime abord fort scandalisé de la manière dont on en avait usé
envers lui, des observations et des défauts que l'on y avait trouvé
« plus qu^il ne fallait de pierres pour le bastir », et qu'au reste
tous les architectes français blâmeraient toujours tout ce qui serait
l'œuvre d'un italien. Ce flux de paroles écoulé, le duc essaya
d'adoucir son chagrin, et, c l'ayant bien retourné j», obtint confir-
mation de sa promesse d'exécuter un autre dessin'. Il ne consen-
tait cependant qu'à faire un plan général, réservant, lorsque
si compiacesse rimettermi un poco di denaro per questo lavoro, e per gli
altri simili, che Taccompagnarono, mi sarebbe assai caro. Sto sempe ia
pratica dei vasi. Hum. dévot, et oblg"' : Pabbate Bknkdetti. >
1. Depping, t. IV, p. 538. — Bibl. nat., Mél. Colbbrt, vol. 12 5, n* 67 1.
— Rome, 1664, II novembre, c Imediatamente che il sig. card'* Chigi si
fece cognitOy fui a portargli i fogli délie osservationi di V. E. sopra il
disegno del s. cavalière Bernini, et a rapprescntargli quanto ella confidava
neir autorevole interpositionc di sua Em», per far proddurre al. sig. cava-
lière qualche nuova parte delle sue bellissimc idée. Mi promese d*adoprarvi-
si efficacemente et ho anche io cercato di andarvi disponendo questo vir-
tuoso, che pare perô persista in credere di non essere per accertarne pen-
siero più nobile c più magniûco. » — Ibid,y vol. i25, n* 5oi. — Rome,
1664, 18 novembre. « Corne scrissi con leantecedenti, présentai al s. card* Chigi
i! primo giorno che si fece visibilc le osservatione de V. E. inviatemi
sopra il disegno del s. cavalière, e mi promisse dMmpiegare tutto il suo
credito con questo virtuoso per farlo di nuovo operare, corne intcndo che
ha già fetto, onde continuerô appresso il sig. cavalière le mie solicitationi. >
— Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 538.
2. Clément, ouvrage cité, t. V, p. 5oi.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l85
S. M. aurait ait son choix, de dresser des plans plus particuliers;
pour cela, il demandait qu'on lui envoyât des plans exacts et de
dimensions plus justes que ceux sur lesquels il avait tout d'abord
travaillé, et qui, à son dire, étaient erronés.
V.
Le second plan du Bernin et les négociations relatives
au voyage.
Ce fut sur ces nouvelles bases quMl se remit au travail ^ . Dès la fin
du mois de janvier i665, le dessin était achevé. Le 3 février, Tabbé
Benedetti annonçait que le cardinal Chigi l'avait en mains'. Le
ducdeCréquy, qui le vit, assurait qu'il était très beau. « Mais >,
ajoutait-il, « je le trouve difficile à exécuter* ». Le 17 février, le
cardinal le faisait envoyer au nonce à Paris, monsignor Roberti,
par un courrier extraordinaire, c Le plan, disait Benedetti, est
d'une symétrie très belle, extraordinaire et régulière, et comme
c'est le fondement de tout l'édifice, il pourrait, bien exécuté,
donner une œuvre magnifique. Mais, au, cas oîi il n^agréerait
point, je crains qu'on ne puisse plus rien obtenir de ces artistes^. »
1. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 538.
2. Bibl. nat., MéL. Colbbkt, t. 127, n* 5 19. — Rome, i665, 3 février,
c In fine ho saputo che il nuoyo di^egno del s. caval. Bernino è appresso
del 8. card. Chigi. »
3. Qément, ouvrage cité, t. V, p. 5oi, note 2.
4. Bibl. nat., MéL. Colbbrt, t. 1%^ bis, n* 867. — Rome, i665, 17 fé-
vrier, c Monseigneur, Spero che prima di ricevere la présente, V. E. haverà
veduto il nuovo disegno del s. cav. Bernino, poiche il a. card* Chigi è
restito di mandarlo con uno delli due straordinari, che si sta per rispe-
dire a cotesta volta. L*ho indirezzo a Mons. Nuntio, a cui se ne manda anco
un poco di dichiaratione. Ha qualche raporto al primo disegno, ma a mio
parère assai megliorato, et in vero la forma, e simetria della planta sodisfa
a pieno alP occhio; intendense egli, perd, non mostra sperarne gran'
cosa, perche tiene, che cotesti sig. architetti non sieno mai per sodare il
travaglio d'un forestière, e dal non essere présente a respondere aile oppo-
sition!, che forse gli faranno, ne ritrahe che sarà stata in vano ogni sua
fatica; gode nondimeno d'haverlo impiegato con desiderio di ben servire a si
gran monarca. Et humilt« reverisco V. E. Hum% dévot; et obhig; Tabbate
E. Benedbtti. Roraa, 17 febraio i665. » — Ibid., n* 887. a Awisai Taltro
hier! a V. E. per via dell* ordinario come finalmente il s. card. Chigi
mandava a Mons. Nuntio il nuovo disegno del s. cavalière Bernino, con uno
delli due straordinarii che si stava su il risperdirli costà. Spero che questo
l86 LB BKRNIN EN FRANCE.
Le Bernin, en effet, ne se faisait pas d'illusion, craignant la j
sie des arcbiteaes français et redoutant que son projet, mal ou
point défendu, ne fût rejeté.
Ce nouveau dessin différait sensiblement du premier. En pre-
mier lieu, il semble bien que Parchitecte ait renoncé à la première
façade, et que, dès ce moment, il ait adopté le projet qui fut
quelques mois après gravé par Marot. S'il avait maintenu les
doubles c loggie » dans la cour intérieure, il avait complètement
modifié Paspect du palais. Trouvant que la forme carrée nuisait à
la perspective, car, « par la raison de Poptique qui approche les
objets directs et éloigne les obliques, eUe paroistroit plus large
que longue », il en avait porté la longueur de i23'^4gig à
I43<"9i34 de Pouest à Pest. Il ménageait ainsi la place de petites
cours intérieures destinées à éclairer les escaliers, galeries et péris-
tyles; les dimensions de ces petites cours étaient ainsi augmen-
tées; dans le premier projet, elles avaient 7^^7960 de côté; dans le
second, i5"'6824. Mais cette modification repoussait de beaucoup
à Pest la façade regardant Saint-Germain-PAuxerrois et diminuait
la place entre le palais et Péglise de 64°'3 1 70 à g'^Soi 3 ; en outre,
les pavillons de milieu des deux ailes latérales ne se trouvaient
plus en symétrie avec la cour. En outre, il élevait les murs du
palais de 23"»4090 à 32°*3498.
Le courrier chargé d'apporter les dessins arriva en France en
mars, et, le lundi 16, les remit au destinataire. Roberti en fit
part sans tarder à M. de Lionne, et sur le conseil de ce dernier
les porta de suite au roi, qui le reçut dans son cabinet privé, où
se trouvaient le maréchal de Villeroy, Colbert et deux autres
membres du Conseil des finances. L'on commença de suite à dis-
cuter sur les « loggie, » qui, disait-on, gâteraient les ornements de la
cour intérieure. Le nonce répondait à toutes les objections, défen-
dant le projet, répliquant que l'on pourrait fort bien les conser-
darà maggior* sodisfatione del primo; se ben* il sud« sig. cavalière ha opi-
nione, che già mai cotesti architctti saranno per sodare un travaglio d'un
italiano. Vorebbe poter' essere présente a ribailere le evectioni, che forsc
gli daranno, e perche ciô non puô essere, stima baver' servito inutilmente.
Certo è che la simetria délia planta è molto bella, straordinaria e regolare,
e corne che quella è il fundamento di tutto l'edificio, cosi si crcde che ben
praticosa riuscerebbe una febrica assai magnifica. Si questo non aggrada,
credo che potranno non attender' altro da questi nostri virtuosi. Ci sarà
caso dMntendere i suoi scnsi, et humil* la rivcrisco. Hu"% dcv et oblg"**
Tabbate E. BENEorm. Roma, ig febbraio i665. »
LES TRAVAUX DU LOUVItB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 187
▼er derrière les galeries. Ces dernières, ajoutait-il, si elles dimi-
nuaient la cour, lui donnaient plus de proportion et d'élégance,
et sunout plus de majesté. Mais l'absence du dessin dePélévation
de la façade intérieure rendait ses explications fort difficiles, et il
n'en put faire comprendre l'économie au roi, qui, n'en ayant
jamais vu, ne pouvait se faire une idée de ce dont il s'agissait.
En revanche, les dessins de la façade plurent excessivement à
Louis XIV, qui les trouva fort beaux. Mais, un point arrêtait et
étonnait, — dépense ou difficulté d'exécution, — à savoir l'obli-
gation de relever tout le palais, bien que le nonce eut essayé de
démontrer que l'épaisseur des murs était suffisante pour permettre
ce travail, et que le relèvement des toits et des greniers coûterait
peu de frais et de temps, ainsi qu'il en avait été à Rome pour
les travaux exécutés au palais Pamphili, sur la place Navone.
Enfin, le doublement des appartements nécessitait une importante
modification. Sauf ces deux difficultés, considérables, il est vrai,
le projet plaisait beaucoup. Le nonce expliqua tout ce qui était
contenu dans le mémoire envoyé par le Bernin, et Louis XIV
déclara qu'il le ferait traduire en français, voulant tout examiner.
Il recommanda à monsignor Roberti d'aller avec Colbert voir le
modèle en stuc du projet de Le Vau^ et, Tayant chargé de remer-
cier le Bernin, le congédia. Le nonce se rendit quelques jours
plus tard chez de Lionne, afin que le ministre décidât le roi à
faire établir un devis du coût de l'élévation du palais. De Lionne,
qui admirait fort le projet du Bernin, promit d'user de son
crédit, malgré les architectes français, qui ne voulaient rien
changer à l'ancien dessin.
Le 18, un entretien plus long et plus serré eut lieu sur le
même sujet entre le nonce et G)lbert. Le ministre reprochait
la petitesse des escaliers, craignait que les petites cours envi-
ronnantes ne servissent de « dépotoirs s; il déplorait l'obscurité
des pièces des doubles appartements donnant sur les c loggie » et
qu'éclairaient seulement les galeries couvertes, la dégradation
des façades résultant de la superposition de ces galeries, Pétroi-
tesse des portes de la façade principale et le peu de décoration de
ces façades. Le nonce lui répondit que l'on pouvait facilement
agrandir les escaliers, plus larges du reste que ceux qui existaient
actuellement ; que, pour éviter la saleté des cours intérieures, il suf-
firait d'y mettre des gardiens, ainsi que Ton faisait à Rome, que les
pièces protégées par les galeries seraient excellentes par les temps
l88 LE BBRNIN EN FRANCE.
de chaleur, que les décorations actuellement existantes dans la
cour étaient plutôt dignes d^orner le château d^un riche seigneur
que le palais d^un grand roi, que les c loggie » doubles permettaient
de diviser les pièces en autant d'appartements que Ton désirerait, et
qu'il serait toujours possible d'agrandir la porte principale. Col-
bert ayant remarqué que le projet de Tappartement double du
côté de la Seine dégraderait le petit jardin de ce côté^ Roberti lui
répondit que les Tuileries devaient seules être regardées comme
le jardin du Louvre ^
I. Bîbl. nat., ms. ital. 2o83, p. 9. — c Ptrigi, 20 marzo id63. Luoedi
mattina, fui poi a portare H disegni del Louvre a S. M., la quale mi ricevè
nel suo cabinetto privatamente, essendovi andato in sottana e ferrajuolo.
Vi trovai il maresciale de Villeroy, Monsu Colbert e due altri del Consiglio
délie finanze.
c Présentai a S. M. li dissegni in nome di V. E., e si comincio a discor-
rere sopra la pianta. Furono dette quasi le medesime cote che M. Colbert
già mi haveva accenate, corne avisai con l'ordinario passato. Una sola diffi-
coltà de più si fece circa le loggie, che devono girare attorno al cortile,
parendoli che guastassero gl* ornamenti che vi sono. Al che risposi che li
ornamenti che sono nel cortile si potevano anco consenrare sotto gl' archi
délie loggie. Fu poi detto, che dette loggie havrebbero ristretto il cortile,
al che risposi che mi pareva tanto grande, che secondo appariva dalla
pianta sarebbe restato proporttonato, e che con le loggie attomo, sarebbe
riescito superbissimo; e qui mi stesi assai a rappresentargli quantopotei la
vaghezza e nobiltà che portano le loggie in un cortile, ma il non essermi
stata iuviata la facciata del cortile di dentro [quai supplicio immare] non
potei far ben comprendere al Re la bellezza che renderebbe al cortile, per-
che non havendone S. M. mai visto nessuno, no hà nella sua fantazia un
ideà che possa rappresentargli una simil bellezza.
c Si viddero poi i dissegni délie facciatc, che furono stimati bellissimi,
et al Re piaquero assai. Una difficoltà sola s* incontro, la quai qui sbigotrisce
assai, — non so per la spesa o per la difficoltà nel forlo, — secondo li dis-
segni délie facciate, fu osservato che bisognava alzare tutto il Louvre.
Questa cosa li sbigotisce, e ancor che io gli habbi rappresentato esser
questa una cosa facilissima, perche le muraglie del Louvre sono sufficieoti
per reggere il peso che vi si vuol mettere è d*avantaggio, e che Talzare li
tetti e li soffitti era cosa di puoco tempo, e meno speza. Li diedi Tesempio
di quel che haveva fatto Innocenzo X nel suo palazzo in piazza Navona.
Con tutto ciô vedo che apprendono per una machina molto grande il
dover alzare tutto il Louvre e non cssendo qui sotiti a fare simili fabriche,
pare che li sbigottuica. L'altra difficoltà è, che facendosi gl' appartamenti
doppii, che risguardano al di fuori, bisognarà mutarci qualche cosa di
qucllo già si c fatto, et aggiongervi, ma per quelle potei accorgermissima
cosa li da fastidio, che l'haver da alzare tutto il Louvre che é fatto.
c Se queste duc difficoltà non li ritengono, al Re piace il dissegno quanto
si possa desiderare. Dissi a S. M. tutto quello si conteneva nella memoria
LES TRAVAUX OU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XTV. 189
Finalement, après avoir parlé du style des portes, de la gran-
deur des chambres, de Tarchitecture rustique de la façade, on en
vînt à aborder la question de dépenses. « Je lui demandai, dit
Roberti, ce que, à son avis, coûterait ce travail. Il me semble,
répliqua G)lbert, que deux millions suffiraient. Je lui répondis
avec étonnement : deux millions seulement? S. S. a dépensé seu-
lement pour ia colonnade devant Saint- Pierre cinq millions, et
c'est un simple ornement pour une place •. Finalement, on fit
encadrer les dessins, pour les porter à S. M., dans des cadres
dorés ^
inviatami, tanto circa la pianta, che circa le facciate ; e S. M. mi disse che
rhavevi fatta mettere in francese et aggiongervi quelle havessi stimato
bene, perche voleva considerare tutto, e che io mi fossi contentato di essere
col. sig. Colbert a vedere il disegno e modello de Louvre già fatto, e doppo
havermi comandato di ringraziare singolarmente V. E. del lavore, che gli
haveva fatto, mi licentiai.
c Io mandarô la memoria voltata in francese con qualche cosa di più, che
stimo dover aggiongervi al sig. di Colbert forsi domenica : e un giorno di
questa settimana sarô anco a vedere il modello o suo dissegno del Louvre
già fatto, per vedere si possono superare le difiBcoItà che vi s'incontrano.
Intanto essendo stato mercordi dal sign. di Lionne, et essendosi intrato
a parlare delli disegni, quali sua Eccza lodo in estremo, Io pregai a persua-
dere il Re a voler far vedere che cosa poteva importare la spesa, e quanto
tempo vi sarebbe voisuto per alzare tutto il Louvre, secondo il dissegno,
perche puol essere, che vi trovasserô manco spesa di quella apprendono, e
vi volesse meno tempo di quel che credono, se perd che non haverà la
cura non si accordera con quelli architetti, che non vogliono mutare il dise-
gno antico. Il sig. di Lionne mi promise di voler passare opportunamente
l'officio, che è quanto devo rappresentare ail* E. V. sopra questo partico-
lare.
€ \Au dos :] i665. Parigi, 20 marzo. Mens. Nunsio, sopra la fiabrica del
Lovre. 9
I. Bibl. nat., ms. itaL 2o83, p. 33i. — c Parigi, 23 marzo i665. Ricevei
con Fordinario che gionse qui lunedi passato i disegni del Louvre, et
havendone dato parte al sig. de Lione, questo mi disse che prima di por-
targli al Re, sarebbe stato bene che io havessi comunicato il tutto col sig.
de Colbert, e discorso seco di quest' a£Fari, essendo negotio che spetta
solamente alla sua carica, che S. M. si riporta assai in questi affari
aa E».
c Fui perô mercordi doppo consegnato Io spaccio allô straordinario del
sig. ambasciatore di Savoia, dal sig. di Colbert, e portai meco li disegni ;
si discorse più di un hors e mezza sopra di essi.
c Al ristretto del quel discorso, è il seguente... Si considero prima d'ogni
cosa, la pianta, nella quale il s. di Colbert osservo, che le scale non gli
pareva fossero di quella grandezza, che si desiderava, e che li cortili che le
circondavano per illuminarle in risguardo délia quantité de lâche, e per
igO LE BERNIN EN FRANCE.
Le samedi 21^ enfin, cet examen se termina par la visite que
Colbert et le nonce firent au modèle du Louvre en stuc, d'après
essere in luogo a parte, sarebberô diventati luoghidi sporcitie. lo glt risposi,
che quando le scali noa fossero parse de quella grandezza, che detidert-
vano, si poterano aggrandire, mentre e cortili che le circondavano erano
assai grandi, ma che alla vista e con il compasso che si prese, le scale
riescivano assai grandi, e maggiori di quelli che presentamente yî sooo.
Ma cid non si puote ben conoscere, perche ne lui, ne io sapevamo per Pap-
punto regolare le misure di Roma con queste. Circa poi a quello haveva
soggionto, che li cortile sarebberô diventati luoghi di sporcitie, H dissi che
in Roma si remediava a questi disordini con le guardie, e con i scopatori.
Osservo in oltre che sarebbe stato necessario, che oltre la sala grande w\
fossero deir altre sale pur grande, le quali potessero servire per i balli et
altre feste, che sogliono farsi in corte, nelle quali suol'intervenire numéro
grande di persone. Risposi che nel palazzo vi sarebberô state due grandi
sale, c che se, se ne volessero far delP altre, quando le prime anticamere
non siano giudicate sufficienti, si poteva nel fine delli appartement! dop-
pii di due camere fiarne una sala, e potendo haver la porta su la loggia, che
gira l'appartemento nobile, si sarebbe possuto entrare nella festa, senza pas-
sare per le camere del principe.
< Osservo anco, che se bene tutte le stanze del palazzo riescivano lumi-
nose : con tutto cid le stanze dell' appartamento doppio, che risguardano
nel cortile, non sarrebbero riescite cosi luminose come le altre, mentre
devono havere avant! una loggia. Li risposi primieramente, che dovendo
essere le loggie assai alte, et il cortile grandissimo, si lascierebbe assai di
lume. In oltre li dissi, che se ben* in Parigi non faccia caldo, come in
Roma, in ognimodo vi era anco qui qualche giorni di caldo e che queste
camere sarebberô riescite ottime per quei giorni, et essendo nel fine delli
appartemcnti, non solo non pregiudicavano alla bontà delli appartementi,
ma riescivano di servitio.
c Riflette finalmente nella detta pianta che facendosi due ordini di loggie
nel cortile, sarebberô andati a maie gl* ornamenti e lavori, che sono già
fatti nel cortile del Lovre. Io li rispose se voleva che gli parlassi liberal-
mente o adulando. Mi soggionse che dicessi pur francamente il mio senti-
menlo : gli dessi perô che gli ornamenti, che presentemente sono nel cor-
tile del Louvre sarebberô belli per un cortile d'un palazzo di un cavaglier
ricco, ma che per un palazzo d'un gran Re non erano a proposito, et
havendomi lui detto, che il cortile, secondo il disegno antico del Louvre
doveva essere lo quarta parte di quello che presentamente si fara, li sog-
gionsi come vuol V. E>a, che quelli ornamenti che erano proportionati ad
un cortile piccolo, possino riescire bene, et addattati ad' un cortile tre volte
piu grande.
c Gli mostrai poi il filo délie porte, e perche sdche secondo la moda non
vien* approvato, gli dessi che nelle camere et appartemcnti del Re sarebbe
riescite bene, perche non vi e mai freddo e cosi ancô se le camere li pmres-
sero troppo grandi secondo il climà, potevano sempre le camere grandi
farsi piccole, ma le piccole non si potevano far grandi.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. I9I
le projet de Le Vau. Ce fut alors le nonce qui présenta les obser-
vations sur la hauteur de la façade^ sur les pavillons mis au
milieu de la façade, sur les galeries accolées aux côtés latéraux de la
cour et s'arrétant au premier étage; puis il fit déplier les plans
du Bernin et en démontra la supériorité. Les colonnes de la façade
« Li fecî osservare la comodità grande che portavano le due loggie di sotto
e di sopra, non solo per poter andare al coperto attorno al cortile, ma
anco per poter dividere le catnere in quanti appartamenti ai vogliono, c
finalmente li fisci oaeervare tutto qucUo vien notato aella scrittura invia-
tami.
c Si presero poi i disegni délie focciate di fuori; li parvero belle evaghe.
Noto solamente che la porta li pareva picola, non easendo più larga délie
ûnestre di mezzo, secondo la misura che ne faccemmo coo il compasao.
A questo risposi focilmente, che quando si fosse veduta stretta, si poteva
sempre slargare. Li parve anco, che fosse puoco ornata. Li feci osservare
che seguitava il rustico, corne era il piano terreno. Mi disse che havrebbe
Tolsuto mettere sopra la porta o statua o cifra in memoria del Ré présente.
Osservo ancora che il risalto che fa nelP appartemento doppioche risguarda
verso in fiume havrebbe guasto un piccolo giardino, che vi è. Ma io gli
dissi, che il giardino di questo palazzo doveva essere le Tuilerie, e che si
bene io non havevo visto questo piccolo giardino, al quel che si vedeva di
fuori, doveva essere una piccola cosa.
< Nel fine, ci accorgemmo, che ci mancava il dissegno délie facciate di den-
tro del cortile, poiche io credevo che gia fossero state inviate con li disse-
gni antécédent! : et il s. de Colbert si credeva, che le havessi io. Onde si
trovo, che ne l'uno ne Paltro le havevamo, e perd sarà necessario che il s.
cavalière Bernini le mandi. Entrai poi io apposta a discorrere délia spesa,
e domandadogli che cosa credeva sarebbe importata questa fiibrica. Per-
denni assai mi disse che sarebbe importata due millioni de franchi. Io
gli risposi con meraviglia : non piû che due millioni di franchi i S. San-
ttta a speso solo nel teatro avanti S. Pietro cinque millioni di fran-
chi, e non serve che per un ornamento ad una piazza. Queste sorte di
fabriche sono quelle che differentiano una cSttA dall* altra. Conobbl, che ne
rimase sorpreso, e mi disse : il Ré hon havrà risguardo a qualcunque
spesa. Si rimase finalmente dl concerto di far tirare i dissegni in quadretti
per portargli a S. M. et di già io gli ho dati ad accommodare, e ho ordinato
di fargli cornici dorate in maniera, che possino andare in buona forma nelle
mani del Re, eo S. M. possa attaccargli nel suo cabinetto per vedergli sem-
pre; accio non possa esser ingannato, quando se esseguiscano. Subito, che
saranno finiti, sard dal Ré, e credo vi sara il s. Colbert. Io non lasciard di
iargli ben comprendere e spianare quelle difficoltà, a quali sarô capace di
poter rispondere.
c Credo che prima di portargli al Re, il s. di Colbert voglia condurmi a
▼edere tutto il Louvre. Che quanto posso presentamente rappresentare a
V. E., quai non lasciard a suo tempo dt ragnagllare di tutto quello occor*
rerA. s
[Écriture du nonce.]
192 LE BERNIN EN FRANCE.
épouvantaient Colbert, qui les jugeait disproportionnées et trop
grandes^ plus même, disait-il, que celles de la colonnade de Saint-
Pierre. Le nonce lui démontra qu'elles étaient semblables à celles
de Le Vau, mais transportées au premier étage au lieu du rez-
de-chaussée. Puis on revint sur la hauteur des murs, et, pour
terminer, le nonce obtint de Colbert de &ire &ire un modèle
conforme au dessin du Bernin^
Peu de jours après ces diverses conférences, on rédigea un
mémoire ou « Observations qui ont esté faites sur le beau dessin
I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. i. — c Parigi, 27 marzo i665. Fui sabbato
mattina col sign. de Colbert a vedere il modello de! palazzo del Louvre,
conforme S. M. mi haveva accennato.
« Al primo aspeno, mi comparve la Aicciata di un altessa assaî compé-
tente ; ma quando si ossenrô, hanno nel modello messa tutta l'altezza, che
va nel fosso o nel fondamento. Ho avertii il signor de Colbert, e gli dissi,
che per vedere la facciata di un palazzo, se erà sufficiatemente altt, biso-
gnava pigliare il piano délia strada. O^de il signor di Colbert moEtrando
di non ci baver fatto reflessione, ordino in mia presenza a un suo comesso
che erali, che dovesse far mettere una tavola, che coprisse attorno tutto
quello resta ne fossi o ne fondamenti.
c Feci osservare al sig. Colbert, che quel padiglione, che hanno fatto in
mezzo era una cosa da se, che non aveva connessione con* alcun* altra parte
del palazzo, e quelle piccoli padiglioni che hanno fotti alli caotoni si ras-
simigliavano più tosto a campanili. La facciata per la lunghezza ries-
civa bassa.
a Dentro poi il cortile, secondo il modello, hanno le loggie dalle due parti
latéral], ma aile focciate divanzi e di dietro del palazzo non seguiva Tordine
di queste loggie, le quali non sono che al piano terreno, restando di sopra
scoperte.
c Li dissi, che non m*intendevo di archittetura, ma che non haveva visto
in Roma, ne nel Collegio Romano, ne in altre fabriche nobili, che le log-
gie non girino tutt' attorno, e che quelli piccoli ornamenti, che si mettono
nelle facciate, secondo il parère del sig. cavaglier Bernini sono più proprii
per un cabinetto, che per le facciate di un gran palazzo.
c Doppo essersi discorso un petto sopra il modello, lo pregai a mandare
a prendere li dissegni del sig. cavaglier Bernini per vedergli in compara-
tione. Mando il signor di Colbert a prendergli nelle camere del Rè, e essen-
dosi considerati e veduti in comparatione del modello, non puote far di
meno di non confessare, che erano molto più belli.
c Comincio poi a dirmi le difficoltà, che gli erano state suggerite, quali
erano in una memoria, che aveva in mano, e veramente ci accorgemmo
che erano dettate dclla malignita. La prima difficoltà, che mi disse che fu
che le colonne délia facciata del dissegno sarebbero state sproportionala-
mente grandi, mentre dovrebbero esser molto maggiori di quelle, che sono
nel teatro davanti san Pietro. lo li risposi che non era pericolo, che nel
LES TRAVAUX DD LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. IqS
du bastiment du Louvre envoyé au Roy par M. le cavalier Ber^
nin. > a II est certain^ y disait-on, qu'il n'y a rien de plus beau,
de plus grand et de plus magnifique que ce dessin et qui ayt
plus de rapporta la grandeur des rois pour lesquels il est destiné.
On pourroit mesme dire avec vérité que jamais les anciens Grecs
et Romains n'ont rien inventé qui eust plus de goust de la belle
architecture et qui eust en mesme temps plus de grandeur et plus
de majesté, en sorte que l'exécution de ce dessin apportera assuré-
ment toute la commodité et la grandeur que l'on peut attendre et
beaucoup de gloire au roy d'avoir achevé un si grand et si
dissegno vi potesse estere sproportîone alcuna, mentre sono errori da non
potersi commettere dal sig. cavalière Bernino. Poi casualmente ci accor-
gemmo, che per Tappunto, erano délia medesitna grandezza e grossezza di
quelle del modelio, e non vi era altra differenza, se non che quelle colonne,
che nel modello si mettono dal piano délia strada sin' al primo apparta-
mento, il sig. cavalière Bernino nel suo disegno le mette dal primo appar-
tamento al secondo. E da se stesso sdolse una difficoltà, che li havevano
fatta, cioè, che vi sarebbe volsata un' infinità di scalini per salire al secondo
piano; easendosi accorso che li piani, non si sono mutati, ma solo si alza
il secondo piano, e se gli aggiunge la comice.
€ Mi disse anco che il dissegno del sig. cavalière Bernini è più longo
délia planta del sito, che si è mandata al medesimo sig. cavalière, circa
venti tese. lo gli risposto, che mi pareva strano, che il sig. cavalière
Bernino havesse fotto un dissegno di un palazzo più longo, che non è la
planta del sito dato, ma che in ogni caso, quando vi fosse stato qualche
errore, si poteva facilmente rimediare e riddurlo alla grandezza del sito.
c La difficoltà, la quale a lui pare insuperabile, è di haver da alzare
tutto il Louvre, che è fiitto. lo gli dissi, che non sapeva quello si potesse
praticare qui, ma che in Roma si sarebbe alzato in puoco tempo e senza
gran spesa.
€ Finalmente, lo persuasi a far fare un modello conforme al dissegno del
sig. cavalière Bernino, perche cosi S. M. havrebbe possuto conoscere meglio
la dififerenza fra la fabrica, che si fa, e quella che vorebbe fare il cavalière
Bernini.
c II sig. di Colbert me disse, che lo voleva fiir fore, e prima di prender
Tultima risolutione sopra questa frabrica, voleva che il Re vedesse questo
modello.
« Lo pregai anche, acciô fosse S. M. meglio servita a voler for mettere
in carta le difficoltà, che si oppongono a questo dissegno, mentre per altro
da tutti vien stimato bellissimo, perche in quesu maniera si vedrà meglio
che fondamento habbino, e si scioglieranno con maggior facilita.
c Se me le darà, a quello ch'io saprd rispondere, risponderô; per Taltra
l'inviarid à V. E.
c Che è quanto posso rappresentare per hora sopra questo particolare.
[il II do» :] i663. Parigi, 27 marzo. Mons. Nunzio. Relatione sopra la
fobrica de Lovre. »
nin. XXXI. i3
194 LE BERNIN EN FRANCE.
superbe ouvrage, à laquelle le s. cavalier Bemin aura toute k
part que mérite son grand génie. Et encore qu'il n*y ayt qu'à
admirer dans tout ce dessin, néanmoins, comme il y a toujours
dans un si grand projet, beaucoup de choses qui dépendent ou de
Testât des lieux, ou du climat, ou de la volonté des princes pour
lesquels ces superbes édifices sont destinés et dont il est nécessaire
que l'architecte soit bien informé, afin de régler ses belles pensées
sur ce fondement, ou de faire connoistre par de bonnes et solides
raisons qu'il y a fait réflexion, mais qu'il ne sera pas estimées
assez fortes pour l'obliger d'y avoir égards., S. M. a ordonné de
dresser ce présent mémoire, contenant les observations qu^elle
estime de besoin estre faites, soit sur Pestât des lieux, soit sur le
climat, soit sur sa volonté, afin que le cavalier Bemin y fiisse les
réflexions qu^il estimera nécessaires. >
On prenait soin de rappeler que le Louvre avait été commencé
sous Henri II et continué sous Louis XIII. Ces deux princes
avaient fait construire la moitié de l'un des côtés du midi regar-
dant la Seine et une moitié de la face du couchant. Louis XIII
avait terminé cette façade, et Louis XIV avait fait achever le côté
de la rivière, la moitié du côté vers POratoire et commencer les
fondations du reste du carré, alors élevées presque jusqu'au pre-
mier étage.
Puis on esquissait brièvement l'architecture et la description
du palais, donnant les dimensions de la cour du Louvre, de la
décoration des façades, de la hauteur des murs, de la distance
entre le fossé méridional et la Seine (40°*9878), entre le fossé
oriental et Saint-Germain-l'Auxerrois (64"6899). Revenant sur
les questions de climat, on montrait qu'il fallait à Paris se garan-
tir du froid plus que du chaud, qu'il était par suite impossible
de maintenir des terrasses et même des combles plats; mais on
insistait surtout sur le désir du roi de « conserver en leur entier
les parties du grand bastiment qui ont esté eslevées par les rois
ses prédécesseurs, et qu'elle-même a eslevées sur les premiers des-
sins faits du temps des premiers hommes du monde qui ont retiré
l'architecture du tombeau oti la barbarie des Goths et les siècles
qui les ont suivis l'avoient ensevelie. »
A la suite de ces remarques générales venaient les observations
particulières, tant sur rallongement de la cour centrale, qui
nécessiterait la démolition de Saint-Germain-l'Auxerrois, tant sur
la symétrie des dômes et des façades latérales, que sur la hauteur de
LES TRAVAUX DU LOUVRE BT LES STATUES DE LOUIS XIV. IqS
ces dernières, ce qui empêcherait le soleil de pénétrer dans les
cours et rendrait par suite les appartements insalubres et obscurs.
Cependant, on ne condamnait pas le projet du Bernin :
c Quoyque ces observations soyent assez importantes, ajoutait-on,
le Roy ne laisse pas d'estre persuadé que, si Ton pouvoit les faire
entendre de vive voix et sur les lieux à M. le cavalier Bernin, il
donneroit tant de bonnes et justes raisons pour les détruire que
S. M. demeureroit persuadée, non seulement de la beauté et
magnificence de son dessin, comme elle Test desjà, mais mesme
de sa commodité, et encore que quelques-unes de ces observations
luy paroissent assez considérables pour obliger de s'y accommo-
der, il le pourroit faire sans rien altérer de la beauté et grandeur
de son dessina »
L^oi\ pensait ainsi à reprendre et à mettre à exécution le pro-
jet depuis longtemps déjà formé, à savoir de faire venir à
Paris le Bernin, afin de discuter avec lui le plan du Louvre.
On songeait à le charger d'importants travaux, et à utili-
ser son talent de sculpteur en lui faisant exécuter une sta-
tue du roi '. Bien que de nombreuses objeaions aient été faites
à son projet, Timpossibilité de s*entendre avec les autres archi-
tectes tant français qu'italiens obligeait à s'en tenir à son des-
sin. Les lignes essentielles en étant adoptées, la discussion por-
tant sur des points de détail, il n^aurait sans doute pas la même
répugnance qu'au mois de septembre à modifier son travail,
surtout si on lui laissait entrevoir les avantages à retirer de ce
voyage. Mais, pour être plus assuré de la réussite de l'entre-
prise qui déjà en 1643 et en i66a avait échoué, Louis XIV; en
renvoyant les observations sur le projet, écrivit à la fois à l'artiste
et au pape Alexandre VIL
Le 10 avril, plusieurs lettres furent adressées à Rome. La pre-
mière était destinée au cardinal Chigi : « Mon cousin^ disait le
Roi, je prends la liberté d'écrire à S. S. pour la remercier des
plans que le cavalier Bernin a faits pour mon bastiment du
Louvre et pour la supplier aussy de luy vouloir commander
qu^il vienne faire un tour sur ces lieux pour y couronner son
1. Qément, t. V, p. 264.
2. Fraschettt, ouvrage cité, p. 340, n. 2. Lettre de Caprara au duc de
Modène : € ... il Re lo domanda a S. S. Si crede che oltre Tarchitettura vogliano
senrersi de lui per far qualche statua. »
ig6 LE BERNIN EN FRANCE.
ouvrage. Comme j'espère que Sa Sainteté voudra bien donner cet
ordre, j*ai envoyé les miens par advance, afin qu'en entrant dans
mon royaume, il commence à recevoir les marques de la considé-
ration que je fais de son mérite par la manière dont il sera traité;
nous sommes obligé de si bonne grâce, en ce qui est des mêmes
plans, que je ne puis que me promettre de la continuation de vos
bons offices, auprès de S. S. le succès de ma prière*. »
Le même jour, Colben écrivait de son côté au Bernin, en lui
renvoyant les dessins avec les observations; il lui mandait les
démarches du roi auprès du pape et le priait de ne point marquer
d'opposition au voyage projeté^. Cette lettre précédait de quelques
heures celle que Louis XIV adressait le 1 1 avril au Bernin par
courrier spécial. « Je fais, écrivait le roi, une estime si grande de
vostre mérite, que j'ay un grand désir de voir et de connoistre
une personne aussy illustre, pourvu que ce que je souhaite se
puisse accorder avec le service que vous devez à N. S. P. le pape,
et avec vostre commodité particulière. Je vous envoie, en consé-
quence, ce courrier exprès, par lequel je vous prie de me donner
cette satisfaction et de vouloir bien entreprendre le voyage de
France, prenant l'occasion favorable qui se présente du retour de
mon cousin, le duc de Créquy, ambassadeur extraordinaire, qui
vous fera savoir plus particulièrement le sujet qui me fait désirer
de vous voir et de vous entretenir des beaux dessins que vous
m'avez envoyés pour le bastiment du Louvre'. »
Le i8, le roi demandait au pape l'autorisation nécessaire*, et,
le 23, Alexandre Vil autorisait le Bernin à quitter Rome pour
trois mois et à servir le roi de France'*.
Il ne paraît pas que Tartiste ait opposé grande résistance aux
sollicitations du roi et aux ordres du pape. N'était-ce pas pour lui
Toccasion d'ajouter un fleuron à sa gloire, d'écraser de sa supé-
riorité les architectes français et d'immortaliser son nom en cons-
truisant le palais du plus grand roi qui fût alors? L*émotion
même qui s'empara de tous les Romains à l'annonce de son départ
était bien faite pour augmenter son orgueil naturel, aussi bien
que l'impatience fiévreuse avec laquelle on attendait en France le
1. Bibl. nat., Hûl. Colbert, vol. 128 bis, n* 809.
2. Fraschetti, ouvrage cité, p. SSg, n. 2.
3. Clément, t. V, p. 271.
4. Ibid,^ p. 5o5.
5. Ibid.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XTV. I97
résultat de la démarche tentée auprès du pape. « On attend avec
curiosité, écrivait le 24 avril Vigarani au duc de Modène, la
réponse du courrier envoyé ces jours derniers à Rome pour déci-
der le cavalier Bernin à venir en France, afin de mettre un terme
aux désordres et aux sottises provoquées par l'ignorance de cet
architecte qui a fait les dessins du Louvre. S. M. et M. Colben
trouvent que c'est gaspiller l'argent que d'exécuter éternellement
les dessins d'un homme sans théorie et sans pratique. Les propo-
sitions faites au Bernin le décideront facilement à venir, bien
qu'il soit vieux et fatigué. S. M. lui envoie 1 0^000 écus pour le
seul voyage et a ordonné à M. de Créquy de le conduire, si le
Bernin le désirait, sur les galères royales au retour, et de le
défrayer de tout, lui et sa suite. En outre, on lui a promis que
défense serait faite à tous les architectes de ne point dire un mot
contraire à ses pensées, que Ton exécutera comme s'il s'agissait
d'une construction particulière*. » ^
Louis XIV ne ménageait rien en efifet pour séduire l'esprit
orgueilleux de l'artiste. Il lui envoyait un courrier de la cour,
Mancini, accompagné d'un fourrier, et lui faisait remettre une
somme de 3o,ooo 1.'.
Flatté de tels procédés, confiant dans sa valeur, encouragé par
ses amis, qui lui assuraient que Paris ne serait pas un moindre
théâtre de son génie que ne Tétait Rome, le Bernin se décida
à partir, accompagné de son second fils, Paolo, âgé de dix-
huit ans, de Matthia de Rossi et de Giulio Cartari, ses élèves,
de Cosimo Scarlatti, son maître d'hôtel, de trois familiers, du
sieur Mancini et d'un fourrier, espérant confondre les architectes
français et construire, lui étranger au pays, ignorant ses cou-
tumes et ses besoins, le palais du plus puissant des monarques.
1. Fraschetti, ouvrage cité, p. 340.
2. Guififirey, ùuvrtige cité, p. 61.
198 LE BERNIN EN FRANCE.
CHAPITRE II.
LE SÉJOUR DU BERNIN EN FRANCE.
I.
Le voyage et l'arrivée a Parts.
Ce fut le 29 avril i665 que le cavalier se mit en route, accom-
pagné des regrets et des craintes de sa famille et de tous les
Romains. On redoutait, d'une part, les fatigues d^un long voyage
et d*un changement de climat, de nourriture, d'habitudes pour
le vieillard, âgé de soixante-sept ans, mais on escomptait, d'autre
pan, comme un honneur national, la gloire et le profit qu'il reti-
rerait de cette distinction. N^était-ce pas, en effet, une grande
victoire pour l'Italie et pour Rome en particulier, que de voir le
roi de France, vainqueur de TEmpire et de TEspagne, appeler
pour construire le plus important des palais, et qui devait abriter
sa gloire et témoigner de la grandeur de son règne, le plus célèbre
des artistes italiens de l'époque? Ces sentiments agitaient les
Romains tout autant que le Bernin, et furent ressentis sans
nul doute par tous les pays où l'artiste passa avant de pénétrer
en France.
La petite troupe suivit la route de Sienne, par Viterbe, et Bol-
sène, cheminant avec précaution, pour ménager la santé chance-
lante du Bernin, atteint d'une assez grave maladie de la vessie. Au
passage d'une rivière, à Radicofani, un événement Jaillit marquer
d'une manière tragique le voyage : Cosimo Scarlatti pensa, par
suite d'un brusque écart de son cheval, cheoir dans le fleuve *. On
en fut, heureusement, quitte pour la peur, et l'on atteignit bientôt
Sienne. On y accomplissait, sur Tordre d'Alexandre VII, et sous
la direction du Bernin, d'importants travaux à la chapelle Chigi,
dans la cathédrale. Aussi s'y arréta-t-on pour recevoir Thospi-
talité du neveu du pape, don Mario Chigi. Puis on se mit en
route pour Florence.
I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 167. Sienne, x665, i" mai. — « Hl"* et
rev~ sig» et padrone col"* : Gli do parte come siamo arivati alla citi di
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS ZIV. I99
L'accueil du grand-duc Ferdinand de Médicis y fut des plus
chaleureux. Le majordome du palais, Gabriele Ricardi, marquis
de Rivalta, alla, sur Tordre de son souverain, recevoir le Bernin
avec les voitures de la cour. Il le logea dans le palais du marquis
Galeas Giustini, via Valfonda; le duc reçut afbblement Tartiste,
et, lors de son départ, mit une litière à sa disposition, jusqu'à la
sortie de ses États * . Gravissant alors les pentes escarpées de l'Apen-
nin, on se mit en marche pour Bologne; mais, avant que d'y
arriver, il fallut faire halte dans un hameau, Scarica Vasino. Or,
Tauberge ne contenait même pas une chambre oti Ton pût loger
le cavalier. Par bonheur, alors que Ton s'ingéniait à s'orga-
niser pour la nuit, on se souvint qu'il y avait, en ce lieu, un
couvent de moines Grégoriens. Architeae pontifical, le Bernin
n'hésita pas à leur demander l'hospitalité. Trop heureux d'abri-
ter un hôte aussi illustre, Tabbé s'empressait autour de ces voya-
geurs de marque^ quand, par surcroit, arriva l'abbé Rospigliosi^
en route pour PAllemagne. On dîna en commun; le repas était
excellent; on y fit honneur, et l'on apprécia à son prix la douceur
des lits^. Le 5 mai, on entra à Bologne, et, sans s'y attarder, on
Siena con buonissima salute et alegîramente. Non habiamo hauto altro dis-
turbo solo che hieri giovedi alla hora di pranzo, prese il suo solito dolore
di reni al sig. cavalière nostro; ma con Tajuto dd sig. Iddîo subbito gli
paasô, et bora se la passa assai bene, et cercamo di farlo stare allegramente.
Questa mattina il sig. cavalière ha pranzato con il sig. don Mario Chigi,
e poi siamo partiti alla Tolta di Firenze, dove domani a buonissim* hora
arrivaremo.
c Mercordi doppo il pranzo nel passare che si fece un fiume tracentino
a Radicofani, Cosimo Scarlatti cavalcava un cavallo morello, e nell* istesao
tempo passô uno che menava il cavallo di monsù Mancino a mano, et si
avento alla yista del cavallo di Cosimo, et lo gettô nell' aqua' al quale subbito
coressimo ajutarlo, et vedendo che non si era fiatto maie alcuno, tutti se la
passasimo in una bonissima risata. Non altro; faccio a V. S. il»* humilia-
sima riverenza. Di Sinena, questo di primo maggio i663. Di V. S. 11»», dévot"*
et oblige servitore vero : Matthia db Rossi. — Il sig. cavalière et il sig. Paolo
non scriveno, perche non anno che dire, e lassano scrivere a me, e se V. S.
ilmft vole respondere, puole inviare le lettere i Milano. »
I. Fraschetti, ouvrage citéf p. 340-341.
3. Bibl. nat., ms. ital. io83, p. 57. Bologne, i663, b mai. — c III** et
rev~ sig* et padrone col"*. Do parte a V. S. ill"« corne siamo giunti in
Bologna a salvamento, con Taiuto del sig. Iddio et allegramente, e domani
partiremo alla volta di Milano. Hieri sera arrivassimo a loggiare a un
lochetto detto Scarica TAsino, nel quale non vi era nemeno una stanza da
potere allogiare il sig. cavalière nostro. S* incontrô la bona (brtuna che vi
200 LE BBRNIN BN FRANCE.
se dirigea vers Milan, en évitant Modëne, malgré les pressantes
sollicitations du duc. Le cavalier craignait d'y demeurer trop
longtemps et préféra différer son séjour*. Il entra alors dans
les domaines du comte de Savoie, et, à Turin, à Saint-Jean-
de-Maurienne, à Aiguebelle, à Chambéry, Taccueil de Charles-
Emmanuel rivalisa dignement avec Phospitalité Êistueuse du duc
de Toscane^. Au sortir de Savoie, le Bernin quitta l'Italie pour
entrer en France.
La première localité qu'il traversa fut Pont -de -Beau voi-
sin '. Les officiers municipaux l'attendaient, conformément aux
ordres qu'ils avaient reçus. Ix>uis XIV entendait en effet que
le célèbre artiste fût traité avec les mêmes honneurs qu'un prince
du sang ou qu'un ambassadeur extraordinaire. Tout avait été soi-
gneusement préparé à cet effet^. Un maître d'hôtel de la maison
du roi, Esbaupin, avait été dép&:hé à Lyon, avec divers officiers,
a pour le service de M. le cavalier Bernin*. » Le long de la route,
era un convento di tnonaci dell' ordine de S. Gregorio, alli quali andas-
aimo a domandare una stanza per il sig. cavalière, e a'incontrô bona fortuna
che ¥1 era il padre abate, il quale subito ricevé il sig. cavalière nel covento,
e nell' istesso tempo arrivé il sig. abate Rospigliosi, che veniva da Roma, e
andava alla volta di Germania, il quale anco lui allogiô oel medemo
convento, e la sera cenorno asaieme, dove il padre abate li fece una sontuis-
aima cena, e anco benissimi letti per reposare la notte. E questo é quanto
derô a V. S. ill»a, supplicandola voglia pregare il sig. Iddio per la salute de
tutti, e ci raccomandiamo aile sue oratione. Mi farà gratia fore una racco-
mandatione al sig. Luigt Bernino et dirgli che io spessô mi recordo di lui,
facendoli per fine humilissima riverenza, salutando tutti di sua casa. Di
Bologna, questo di 5 maggio i665; di V. S. illma et revma, dev"* e oblige
servitore vero : Matthia de Rossi. >
1. Fraschetti, ouvrage cité, p. 340, n. 2.
2. Ibid., p. 341.
3. Pont-de-Beauvoisin (le) (Savoie, arr. de Chambéry).
4. Mémoires de Ch. Perrault (éd. P. Lacroix), p. 49.
5. Clément, t. V, p. 5o6. — Bibl. nat., ms. ital. 2o33, p. i25 : t Lyon,
i665, 21 mai. Monsieur, fo saper a V. S. con questa qualmente è venuto
qua da lunedi passato un mastro d'hostel accompagnato di un cuoco,
un botigliero e altri ajutanti da parte del Re, per ricevere Monsieur il
cavalière Bernini e spesarlo sino a Parigi, con ordine di S. M., la quale com-
manda alli ofhciali del sig. duca di Crequi che lo conducono, di rimet-
terli tutta Targentaria, biancaria e Ictti di campagna, che possono havere,
de' quali d** maestro d'hostcl pigliarà tutta l'incumbenza nccessaria con ordine
anche alli signori di questa città d'allogiarlo corne se dcve, harengarlo e
ferli regali soliti. 11 detto Tesseguirà pontualissimante, il d. maetro d'ostel
è partito questa mattina per andarlo a incontrare al suo allogio assieme col
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 20I
es maires, échevins et consuls des villes avaient été informés de
arrivée de l'illustre voyageur, et on leur avait indiqué le protocole
le Taccueil qu'il convenait de lui faire. Esbaupin devait aller jus-
qu'à la Verpellière et se mettre à la disposition du cavalier.
L'annonce de ces grands préparatifs était déjà parvenue à celui
^ui en était l'objet avant même qu'il fût en France. Deux jours
ivant d'être à Pont-de-Beauvoisin, on l'en informait. La renom-
mée, au reste, n'avait rien exagéré, et Lyon, plus que tout autre
:ité, n'avait rien négligé pour sa réception.
Un tapissier, Pierre Perricaud, avait été chargé de meubler et
de garnir un appartement, tout tendu de tapisseries flamandes et
rouennaises, d'ameublements de damas vert, de tapis et de chaises
rehaussées de franges d'argent. La dépense s'éleva à 278 U.
nio fratello; d* sig. cavalière deve esserqui domani di mattina, e ooi
indiaroo pur ail' incontro con una carrozza delli detti signori, ... » [Lettre
ion signée.J
1. Arch. mun. de Lyon, CC. 2256, fol. 34. — c Compte pour Messieurs
les prevost des marchans et eschevins de la ville de Lyon, fait et fburny par
Pierre Perricaud, tapissier et contrepointier de ladicte ville, du aS* may
i665.
c Pour le louage de 3 tantures de tapisserie de Flandres, deux à person-
nages et une de paysage, depuis le i5* may jusques ce jourd'huy, à 3ol. la
tanture. 1. go
c Pour le louage d'une tanture d'une tapisserie de Rouen. 1. i5
c Pour le louage d'un ameublement de damas vert, avec la couverte pen-
dante, tapis de table et chères garnies de frange d'argent fin avec 3 mathelas
un chevet, une couverte et deux draps de toille fine. 1. 40
c Pour le louage de deux bols de lit, 4 mathellas, 2 chevest, 2 paliasses,
2 garnitures de lict de drapt gris, garnis de frange de soye, et quatre draps
de toille fine et 2 couvertes à i5 1. pièce. 1. 3o
€ Pour le louage^ d'un ameublement de drapt gris garny de frange de
soye avec un grand mathelas, une couverture et deux draps de toille fine,
à 1. i5
c Pour le louage d'un bois de lict, 2 mathelas, 2 couvertes, 2 chevets,
une paliasse et un tour de lict de tapisserie, avec 4 draps communs pour
les valetz, et une table sapin. 1. 10
c Pour le louage de douze chères couvertes de tapisserie et 6 couvertes de
drapt gris, à 20 s. pièce. 1. x8
c Pour le louage d'un tapis de pied avec une table sapin. 1. 5
c Pour le louage de 4 tables bois noyer avec leur tapis de Turquie. 1. 8
c Pour avoir payé aux portefaix pour 40 voyages qu'ilz ont fait aller et
venir, à 8 s. par voyage. 1. 16
« Pour avoir tendu et destendu la susdite tapisserie et meubles de damas
et de drapt, monté et démonté les bois de lict et fourny les clous, crochetz
et broquettes nécessaires. 1. 36
202 LB BERNIN EN FRANCE.
Lorsque le cortège fut à trois milles de la ville, au matin du
22 mai, un carrosse attelé de six chevaux attendait déjà le célèbre
artiste. Il y prit place avec son fils, tandis que sa suite s'accom-
modait d'une autre voiture. Son entrée dans la vilte fut grandiose,
et on le conduisit en grande pompe aux appartements qui lai
avaient été réservés. Le lendemain 23 mai, les échevins vinrent
le saluer, lui faisant les mêmes honneurs qu*à un prince ou à an
envoyé étranger ^ Les visites reçues et rendues^ le voyage conti-
« Monte le tout. 1. 278
c Le présent compte a esté modéré et arresté à la somme de ceat quatre
vingt livres, pour le payement de laquelle aud. Perricaud sera expédié
mandement consulaire. Faict au Consulat, par nous prevost des marchans
et eschevins de la ville de Lyon soubzsignez, le vingt huictiesme jour du
mois de may mil six cens soixante cinq. Signer : DsitAOïàRSS, Bais^ Vachi-
RON. 1
1. Ibid., BB. 320, p. 179. — c ... Autre mandement pour Pierre Perrkaud,
m* contrepointier de ceste ville, de la somme de cent quatre vingtz livres
t., à laquelle lesd. sieurs ont ce jourd'huy modéré et arresté le compte qu'il
leur a présenté du louage des tentures de tapisserie, ameublemens et autres
fournitures qu'il a fiait pour meubler, par ordre du consulat, les chambres
où a logé en cette ville M. le cavallier Bernin, auquel le consulat a fouray
et meublé logement en laditte ville ensuite de l'ordre du roy, atnqr que des-
dittes fournitures appert par ledict compte, lequel rapportant le présent
mandement et quittance... » — Nous devons la connaissance de ces docu-
ments A notre confrère M. Guigue, que nous sommes heureux de remer-
cier de son obligeante communication.
2. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 129. — c Lyon, i663, 23 mai. Due giorni
prima d'arrivare nelli stati di Francia, il sig. cavaliero riceve una lettera scrit-
togli da uno délia città di Leone, come in quella erano arrivati ministri
reggi mandati da Monsù Colbert con ordine del Rè, per servire il sig. cava-
liero nel modo che si sogliono servire li Prencipi et Ambasciatori ; e hieri
che eramo alli 22 del corrente, nelP venire che facevamo verso la cita di
Leone, tre miglia lontano prima d'arrivare, venne incontro al sig. cavalière
una carrozza a sei, mandata per riceverlo assieme con il sig. Paolo suc
figliulo, et un' altra carozza per la famiglia del medesimo sig. cavaliero,
nelle quale entrati e condotti alla città, fu menato il sig. cavaliero in una casa,
nella quale vi erano tre appartementi adobbati d'arazzi, uno per il sig.
cavaliero, Taltro per il sig. Paolo, e l'altro per la famiglia, nella quale siamo
stati tutto hieri e questa mattina sino le 14 hore, essendo il sig. cavaliero
neir istesso tempo stato visitato dalli senatori di cotesta città, li quali gli
hnnno fatto li soliti honori e soliti regali, che si sogliono fare alli Prencipi
grandi et ambasciatori; il tutto dissero che era ordine di sua Maestà; nella
casa dove siamo stati vi era un maestro di casa del Rè, mandato a posta
da Parigi, un bottigliero, un chredenziero et un coco, et altri ad uso di
gran corte, il tutto per servire il sig. cavaliero in questa città, e condurlo
anco loro sino a Parigi. Noi siamo partiti questa mattina da Lione alla
LBS TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 203
nua. Déjà Esbaupin, flanqué d'un cuisinier, d'un bouteiller et
d'un crédencier, s'était mis en marche.
On suivit la voie de terre jusqu'à Roanne, où un bateau avait
été « proprement ajusté et tapissé. » Le Bemin s'y embarqua sur la
Loire le dimanche 24 mai ; on descendit le fleuve jusqu'à Briare,
oti un carrosse de Monsieur, frère du roi, attendait les voyageurs.
Toutes les précautions avaient été soigneusement prises pour que,
durant ce trajet, le cavalier fût traité avec tout le confort et toutes
les commodités auxquelles il était accoutumé. De crainte que la
chaleur ne l'incommodât, on avait fait chercher et voiturer jus-
qu'à Roanne de la glace pour que les boissons fussent toujours
fraîches. Par Châtillon-sur-Loing, Montargis, Fontainebleau,
Essonnes^ le cortège se dirigea vers Paris ^
Depuis son arrivée en France, aucun honneur n'avait manqué
à la réception faite au cavalier Bernin. Tout cependant devait être
éclipsé par la manière dont on allait l'accueillir à Paris.
Depuis si longtemps que Ton cherchait à attirer le Bernin en
France, on ne pouvait trop magnifiquement le recevoir. Aussi le
roi avait-il résolu de le traiter avec une munificence digne à la
fois du renom de l'artiste et de la grandeur de la Couronne
de France. Il avait attaché à sa personne, « comme envoyé pour
Tentretenir et raccompagner pendant qu'il serait en France', »
volta di Parigi, per andarsi ad imbarcare al fiume detto la Lovera, nel
^quale imbarcheremo domenica, doppo il pranzo, piacendo a sua divina
Maestà, e credemo essere a Parigi il giorno délia vigilia del Corpus Domini.
Pensavamo di trovare lettere de V. S. illma in diversi luoghi nel paisare, che
habbiamo fatto, in risposta nelle nostre acrittogli, e imparticolare in Leone,
ma non habiamo trovato niente. Per tanto supplico V. S. ill"*, che almeno
in Parigi troviamo qualche nova délia sua casa, alla quale io sono tanto
obligatO) acciô posiamo stare più contenti, facendoli con questo humilis»
sima riverenza, salutando tutti li parenti di sua casa, et aftectionati di essa,
come fa anco il sig. Paolo, Cosimo e Giulio e tutti. Di Leone, questo di
a3 maggio i665, di V. S. illma et revma, dev"* et oblig"* vostro servitore :
Matthia de Rossi. »
I. Voir la lettre d'Esbaupin à G>lbert (Clément, t. V, p. 5o6). — Bibl.
nat., ms. ital. 2o83, p. agS. — c 5 juin i665. ... Da Lione sino Parigi,
habiamo hauti onori non ordinarii, essendo il sig. cavalière stato viti-
tato da tutti i senatori délie città che si sono passate, con quelli ossequi
che vi aogliono ifare alli Prencipi grandi et ambasciatori. AIlo sbarco che
noi faceasimo dal fiume detto la Lovera, venue la lettiga del fratello di
S. M., nella quale entrô il sig. cavalière col sig. Paolo suo figliulo. »
a. Journal de Chantelou, p. xi.
204 LE BBRNIN EN FRANCE.
un homme dont nous avons déjà parlé et qui, plus que tout autre,
devait agréer à l'illustre voyageur. C'était Paul Fréart, seigneur
de Chantelou, le parent de Sublet des Noyers, et que ce dernier,
lorsqu'il était surintendant des bâtiments, avait, à plusieurs
reprises, chargé de missions artistiques en Italie. D^un goût très
pur, d'une grande sûreté de jugement, amateur éclairé, Chantelou
s'était lié durant ces voyages avec le Bernin. Sa connaissance de
la langue italienne, les relations amicales qu'il entretenait avec
les divers artistes du temps désignaient le maître d'hôtel du roi
pour la délicate mission qui lui était confiée. Chantelou sut, au
reste, s'en tirer habilement. Mêlé à toute la vie du Bernin, rece-
vant ses confidences et ses plaintes, écoutant d'autre part les
attaques et les calomnies répandues par ses ennemis, s'occupant
de toutes les questions qui intéressaient non seulement la vie
quotidienne, mais les travaux dont était chargé l'artiste, il sut
par son tact, sa mesure, son discernement, éviter des heurts, pal-
lier des disputes et des ruptures dont Téclat eût été retentissant.
Chantelou fut plus qu'un conseiller et un guide, il fut un ami
pour le Bernin; il le défendit tout en reconnaissant ses défauts, et
ses faiblesses; il fut aussi l'historien minutieux et impartial de
son séjour à Paris, et son journal, publié il y a une vingtaine
d'années, reflète jour par jour avec des anecdotes curieuses et
piquantes la vie que, durant près de cinq mois, le grand sculp-
teur mena à la cour de Louis XIV*. Nous lui ferons de nombreux
emprunts, sans cependant le suivre dans tous les détails tech-
niques, très abondants sur les projets que le Bernin présenta pour
la construction du Louvre. Mais nous utiliserons surtout des
documents très précieux et jusqu'ici inédits, les lettres que l'élève
de Tartiste, son compagnon de voyage, Matthia de Rossi, écrivit
de Paris à Rome durant son séjour^.
1. Le titre exact en est : Journal du voyage du cavalier Bernin en
France^ par M. de Chantelou, manuscrit inédit, publié et annoté par Ludo-
vic Lalanne. Paris, Galette des Beaux- Arts, i885, i vol. in-4% 272 p.
2. Ces documents en italien sont conservés à la Bibl. nat.^ms. ital. 2o83.
Acquis il y a une douzaine d'années, ils nous ont été signalés par
Madame Geffroy, veuve du regretté directeur de TÉcole de Rome. Nous
lui en exprimons toute notre respectueuse reconnaissance. — Baldinucd
{Vita del Cavalier Giov, Lorem^o Bernino. Rome, 171 3) a eu connaissance
de ces documents et leur a emprunté certaines anecdotes, mais ils sont
demeurés ignorés des divers auteurs qui ont raconté le séjour du cavalier à
Paris (Comte de Clarac, Description du Louvre^ p. 365-375 ; — Dumesnil,
LBS TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XTV. 205
La cour, au moment où le Bernin arriva à Paris, était à Saint-
Germain. Ce fut Chantelou qui fut chargé de le recevoir. Les
voyageurs étaient annoncés comme devant être proches de la
ville le 2 juin i665. Aussi le carrosse de Colbert de Croissy^ le
frère du ministre, était-il disposé pour que Chantelou, accompa-
gné de son neveu Roland Fréart*, allât les chercher sur la route
d'Essonnes. La rencontre eut lieu à Juvisy.
c Environ à six milles de Paris, écrivait quelques jours plus
tard Matthia de Rossi, nous rencontrâmes un carrosse attelé à
six, avec le premier maître d'hôtel de la maison du roi, et un
autre chevalier, qui déclarèrent avoir reçu ordre de S. M. de nous
recevoir. Notre cher cavalier [le Bernin], après que quelques
salutations eurent été échangées, monta dans ce carrosse avec son
fils Paul et le maître d'hôtel, tandis que la suite s^entassait dans son
propre carrosse^. » Le Bernin ne parlait pas français; en revanche,
Histoire des plus célèbres amateurs^ t. Il, p. 8a-ia6 ; — Lemaître, le Louvre.
Étude historique sur le monument^ p. 47-3 1 ; Babeau, le Louvre^ p. 169-173).
I. Charles Colbert, marquis de Croissy (1625 •)- 1696).
3. Fils de Fréart de Chambray.
3. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 333. » € Paris, 3 giugno i663. Alli a del
corrente, lontano da Parigi sei miglia incirca, neir andare, che facevamo
coU, tncontrassimo una carozza a sei, con il primo maestro di casa del Ré,
et un' altro cavaliero, quali dissero che havevano ordine da sua Maestà
di venire a ricevere il sig. cavalier nostro, e doppo fatto alcune cerimonie
assime entrorno in quella ill. sig. cav., il sig. Paolo, e il sud., et seguis-
simo il viaggio verso Parigi, e doppo fatto altre tre miglia incontrassimo
la carozza con monsg. Nunzîo coo il sig. abate Buti et altri cavalieri, che
medemamente venivano a ricevere il sig. cavaliero, et doppo haverlo riceuto,
entrorno mons. il sig. Abate, il sig. caval. et sig. Paolo et il sig. maestro
di casa nella carrozza del nunzio e l'altri cavalieri entrorno nella carroza
dove era il maestro di casa de sua Maestà. Fussimo condotti nella città di
Parigi dall' medemi, et arrivassimo nelle ai hore, e consegnato un palazzo
al sig. cavalière, per sua abitazione, e per la sua famiglia al* quanto
buono, con tre appartamenti, di quelli uno per il sig. cavaliero, Taltro per
il sig. Paolo et Taltro per noi altri, situato accanto il Lovre, con adobbi
d'arazzi, et letti superbissimî, e dato quatro huomini par servitio del sig.
cavaliero acciô seguino tutti li suoi commandi.
c Mons. Nunzio volse che subito arrivato che fu ; il sig. cavaliero s'andasti
a riposare e mentre egli si riposava a letto arrivô Monsiur Colbert, quale
veniva da S. Germano d'ordine di S. M., per vedere se il s. cavaliero era
venuto a salvamento, e entrato nella caméra dove il sig. cavaliero dimo-
rara, ivi fecero un grandissimo discorso sopra la sua venuta in Francia,
del quai discorso monsiur Colbert ne resté assai sodisfatto, e domandô al
sig. cavaliero quanto tempo voleva per riporarsi, per poterlo poi condurre
206 LE BERNIN EN FRANCE.
ChanteloUf ainsi que du reste beaucoup de Français de l'époque,
avait une particulière connaissance de l'italien. Aussi la conversa-
tion s'engagea-t-elle de suite, et Chantelou exprima-t-il toute sa
a S. Germano da sua Maestà, dicendoli che stava anxîoso di vederlo; il
sig. cavaliero gli respose che per servire S. M., lui era ia ordine ogni volta che
tornava comodo i detto Monsiur Colbert. Alla 3 si girô per tutto il
palazzo del Lovre, reconosciendo il sito. Alli 4 che fu il giorno del corpus
Domini, la mattina aile 10 hore Monsiur Colbert con due carozze a sei
venne alla casa del sig. cavaliero a prenderlo, et montât! in una carozza il
sig. cavaliero Monsiur Colbert, il sig. Paolo, et il maestro di casa del Re, et
io in un' altra carozza con altri cavalieri arrivassimo a s. Germano aile
12 hore, dove smbntati e intrati nel Palazzo dove era sua Maestà, Monsiar
Colbert fece imbasciata dell* arrivo in quel luogho del sig. caval., per la
quale cosa mentre stavamo trattenendosi in un anticamera neila qoale demo-
rava il marescial di Cremona, pr** mareacial et altri Prencipi e cavalieri,
il Rè anzioso di vedere il sig. caval. apparve sopra una porta, e guardô il
sig. cavalière, rise, poi ritirô dentro, e chiamato Monsiur Colbert fece
entrare il sig. cavalière, il sig. Paolo, e io dove il re era appogiato ad
una fenestra. Premieramente ralegrandosi con il sig. caval. del suo arrivo
con perfettissima salute, glidomandô si sapeva parlare franceae; il sig. cav.
gli rispose nOy et il Re ordinô al marescal di Cremona servisse per inter-
petre al sig. cavalière, di quello che lui diceva; dove fecero un belHssimo
discorso sopra del Lovre, il quale piaque grandemente à S. M., godendodelli
concetti che il sig. cav. diceva. Il sig. cav. suole veramente fiare tutti li suoi
discorsi assai belli, e ben fondati, ma in quella mattina si vidde che fa
aiutato grandemente da Dio, che non esciva parola dalla sua bocca, che il
Re non restasse amirato, e voltavasi à la corte, dicendo queste parole c For-
biene, adesso conosco che questo è quell' huomo che io m* imaginavo 1,
essendo un discorso di tal consideratione, che tutta la Corte ne restô atto-
nita e sodisfatta, tenendolo per un oracolo. Doppo il sig. cav. andô a visitare
la regina madré, la quale sta a letto amalata, e vedendo il sig. cav. si raie-
grô grandemente. Doppo questo monsiur Colbert vi condusse alla cappella
reggia, e mentre stavamo in essa vene sua Maestà con la regina, che accom-
pagnavano il sacracramento, e posti che fiirno ingionochioni, il Re insegnô
alla regina il sig. caval. Fenita la fontione délia capella, il sig. caval. andô a
visitare il delfino figliulo di S. M., bambino non solo che bello, ma altro é
tanto speritoso.
c Nel tempo che stavamo trattenendosi nella galleria délia regina aspettan-
dola che torna per visitarla, venne al p"* medico di S. M. a dire al sig.
cav. che il Re Io mandava a lui per vedere se gli faceva bisogno di cosa
alcuna, e che Tasistessi ; il sig. cav. gli rispose che per la Dio gratia stava
benissimo, e che Io ringratiava; doppo un mezzo quarto d'hora venne la
regina, la quale fece un accoglîenza al sig. cav. che per quanto s'è inteso
délia corte, non si suole fare ne a Prencipi ne a Imbasciatori, venendoli
incontro sino 1' ultima anticamera accanto la sala, e domandogli si lui
sapeva parlare francese, lui gli rispose no, e lei replicô si sapeva parlare
spagnolo, e lui medemamente no; ordinô poi lei a uno di quelli cavalieri,
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. aOJ
joie d^avoir été chargé d'une semblable mission, en se rappelant
les rapports anciennement noués à Rome. Puis, devisant dVrt,
ils s'engagèrent dans une longue discussion sur Tarchitecture.
Tandis que, parlant ainsi, ils se dirigeaient vers Paris, on croisa,
environ à trois milles de la ville, un autre carrosse. C'était le nonce
et Tabbé Butti, accompagnés de diverses personnes, qui venaient
à la rencontre des Italiens. On fit route de conserve, après toute-
fois que le cavalier eut pris place dans la voiture du nonce, et l'on
arriva ainsi à Thôtel de Frontenac ^ oti un logement tout orné de
tapisseries et de meubles superbes avait été préparé, tant pour
l'artiste que pour son fils et sa suite, avec quatre serviteurs spé-
cialement attachés à son service. « A peine arrivés, racontait
Rossi, le nonce prit congé, laissant le cavalier se reposer. Durant
che suole intradurre Pimbasciatori, servisse per interpetre al. sig. cav., et
ivi fecero un discorso sopra del Lovre et altro, che duré una mexs* hora.
Si andô poi a pranzo al tinello, che suole fart il Re alli prencipi délia sua
corte, con MoDsiur Colbert, diverti marescialli, et altri signori. Doppo il
sig. cav. si andô a riposare, conforme al suo solito, essendoli stato consegnato
un appartamento per suo reposo.
c Reposato che hebbe, si andô a fare riTerenza al Prencipe fratello di
S. M., et esso assieme con madama sua moglie fecero la medesima acoglienza
al aig. caval. che gli haveva htto la regina e domandorno al sig. cavaliero, se
lui havesse hauto tempo, se haverebbe fatto volontieri il retratto del Re, aile
quale parole rispose che combatteva con il tempo, ma che haverebbe fatto ...
lui haverebbe potuto. Di più il Prencipe e madama domandero chi eravamo
noi, e a che cosa attendavamo; il sig. cav. ripose, c quello è mio figliulo, il
quale attende alla mea profibsaione, ... quel altro è un giovane mio allievo,
che attende alla professione dell' architettura i. Al' fine di questo ordinô a
Monsiur Colbert ... l'haveva anco ordinato il Re, che conducesse a Parigi;
il ... dove poi montati in carozza arivasûmo in Parigi aile hore... e questo
èquanto gli narro dell' honori ricevuti, suggungendoli pero anco che il Re
disse al sig. cav. che per lui ci erano altri onori che questi ricevuti. E con
questo facendo a V. S. ilma riverenza. Di Parigi, questo di 5 guigno i665.
— Matthia de Rossi. »
On peut noter quelques divergences de détail entre le récit de Chantelou
et celui de M. de Rossi ; ce qui s'explique par le fait que Chantelou rédi-
gea son Journal bien postérieurement à ces événements.
I. Cet hôtel de Frontenac avait sans doute appartenu jadis à la famille
de Buade; mais, en i665, était la propriété de la couronne. Cest le roi
qui avait foit préparer des logements pour le Bernin, et, lorsque la cour
revint à Paris, sa suite s'y logea. Quant à son emplacement, il fiâut le cher-
cher dans les constructions existant à l'intérieur de la cour du Louvre et
probablement acquises précédemment sur divers particuliers, en vue d'agran-
dissements de la demeure royale. Le témoignage de Matthia de Rossi est
très catégorique. Voir plus bas, p. 24^» ^^^ ^^ ^^ P^S^ H^*
208 LE BERNIN EN FRANCE.
ce temps, M. Colbert arriva, envoyé de Saint-Germain par le
roi, pour savoir comment notre voyage s'était accompli. Il entra
dans la chambre oti reposait le cavalier, et là ils s'entretinrent
longuement du voyage; M. Colbert en demeura, au reste, très
satisfait et demanda combien de jours de repos étaient nécessaires
avant la présentation à S. M.*. » Il importait, en effet, toute chose
cessante^ de conduire le cavalier à Saint-Germain. Le roi et toute
la cour étaient anxieux de connaître l'aniste dont la réputation
était universelle.
II.
La présentation a la cour.
La COMMANDE DU BUSTE DU ROI. LeS VISITES A SaINT-GeRMAD(.
On se figure facilement la curiosité que devait provoquer Farrivée
d'un tel personnage. Le règne de Louis XIV s'annonçait comme
des plus glorieux. La paix des Pyrénées avait brillamment clôturé
la carrière politique de Mazarin, et les premières années du gouver-
nement personnel du roi, âgé alors seulement de vingt-sept ans,
avaient suffi pour placer la France bien au-dessus des autres
nations. L'Espagne humiliée, le Saint-Siège contraint de céder,
l'Empire affaibli et sauvé de la menace des Turcs, grâce à l'appui
d'une armée française, le Portugal libéré, l'Angleterre attachée à
la fortune de Louis XIV, la crainte de la puissance du roi appor-
tée jusque dans les États barbaresques, tel était Tétonnant résultat
d'un règne jeune seulement de quatre ans. En même temps que
la richesse politique se réveillait, le luxe, Tamour du beau, la
culture artistique se développaient. On se reprenait aux traditions
que les luttes intérieures, que la guerre étrangère avaient fait
négliger. Le mouvement intellectuel si vif sous le règne de
Louis XIII acquérait une nouvelle intensité. Le xoi songeait à
augmenter les riches collections formées par ses prédécesseurs et
celles que la munificence de certains particuliers avaient offertes à
la couronne. Il désirait être le protecteur éclairé et magnifique
des arts, et un goût personnel l'incitait à encourager, à appuyer
les efforts des artistes. C'était Tépoque oîi l'on entreprenait les
grands travaux de construction qui devaient, non moins que les
I. Voir plus haut, lettre du 5 juin i665 : p. 2o5, n. 3.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 209
victoires, immortaliser son règne. La cour devenait une réunion
de gens d'esprit, excellents juges en choses de goût. A côté de
Corneille déjà vieux, de Molière en pleine force de son talent,
La Fontaine, Racine, Boileau allaient entrer dans la vie
poétique; Bossuet commençait à attirer toute la cour à ses
fameuses oraisons funèbres et à ses sermons; Furetière et M"* de
La Fayette soutenaient encore le roman, ridiculisé par Molière;
TAcadémiede peinture, fondée en 1648, comptait parmi ses plus
brillants représentants Le Brun, Ehrard, Coypel, Mignard, van
Opstad; les Anguier, Guérin, Girardon, Varin, Mansart et
Puget étaient les grands sculpteurs du jour; les architectes,
disciples de Le Mercier, construisaient sous la direction de Le
Vaù ces châteaux, ces palais et ces hôtels si justement célèbres.
Après le collège des Quatre-Nations, c'était à Vaux, à Berny, à
Maisons, au Val-de-Grâce, à Versailles que s^exerçait leur talent.
Les peintres et les sculpteurs décoraient ces constructions nou-
velles, et, tous, grands seigneurs et amateurs, obéissant à la mode
du jour, suivant le goût royal, formaient des collections, recher-
chaient les objets précieux et les œuvres des maîtres.
Déjà, sous Louis XIII, on avait vu Sublet des Noyers rassem*
bler, pour le cabinet royal, des reproductions et des moulages
d'antiques, dépécher en Italie des agents chargés de drainer au
profit de la France les plus beaux spécimens de Part et les faire
venir à grands frais à Paris. Mazarin, à sa suite, avait réuni au
palais Cardinal d'admirables coUeaions qui vinrent, à sa mort,
enrichir celles du roi. L'on pouvait compter à Paris des galeries
privées importantes, telles que celles de Chantelou, de Gamard,
de Jabach, de Cerisiers, de Le Nôtre, de Butti, de La Vrillière et
du duc de Richelieu ^ Dans toutes, on retrouvait les produc-
I. Le Journal de Chantelou nous renseigne sur la composition de ces
galeries : chez lui, on remarquait des copies du Oominiquin, de Le Maire,
de Mignard, de Jules Romain {la Vierge au chat), de Carrache (la Vierge
de Pitié), de Raphaël (portrait de Léon X), des originaux du Poussin {les
Sept Sacrements, Hercule qui porte Déjanire) {Journal, p. 64-65). Chez
Éverard Jabach, célèbre banquier dont la collection fut acquise en 1671 par
le roi (sur ce personnage, voir une étude du vicomte de Grouchy : Éverard
Jabach, collectionneur parisien^ dans les Mémoires de la Société de PHis-
toire de Paris et de P Ile-de-France, t. XXI (1894), p. 217-292}, on voyait
des dessins de Carrache et de Raphaél {Apparition de saint Pierre et de
saint Paul à Attila), de Poussin {Armide emportant Renaud), de J. Romain,
du Titien, de Véronèse {Ibid,^ p. 227-228). Hubert Gamard, s' de Crezé,
MiM. XXXI 14
3IO LE BERNIN EN FRANCE.
tions des mêmes artistes, chéris des collectionneurs d'alors : ori-
ginaux ou copies de Raphaël, de Jules Romain, du Dominiqain,
de Véronèse, du Titien, de Carrache, de TAlbane, du Guerchin
et du Guide, à côté de dessins de Sève, de Le Maire et de
Mignard, et partout des toiles nombreuses du Poussin. Le goût
était italien, et Ton comprend par suite l'attraction et la curio-
sité que devait provoquer la venue en France du plus grand des
artistes de l'Italie.
A côté cependant de l'admiration qui, par avance, s'attachait au
Bernin, il y avait déjà parmi les artistes français et surtout parmi
les architeaes, tout un parti qui le redouuit et était décidé à lui
foire échec. Cétaient Le Vau, Dorbay, Perrault, tous ceux qui
avaient à perdre à l'exécution de ses projets et qui comprenaient
que son triomphe eût entraîné la condamnation de leurs méthodes.
Aussi, une cabale était-elle dés lors formée, qui, s'appuytnt
sur quelques seigneurs de la cour, teb que le maréchal de Grain-
mont, sur des peintres tels que Le Brun, le maître de l'École fran-
çaise, était résolue à combattre l'étranger. On les avait dénoncés
avant même la venue du Bernin, et Vigarani écrivait dès le 21 mai
au duc de Modène : « On attend bientôt le cavalier Bemin, et avec
une grande impatience^ tant de la part de ceux qui souhaitent son
arrivée comme de la part de ceux qui la redoutent; les uns par
suite de la grande idée qu'ils ont de sa capacité, les autres pour
voir à quoi aboutira celle aventure et Tafifront qu'ils prétendent
lieutenant des chasses du Louvre, possédait un Saint Jean d'Annibal Car-
rache, une Madeleine de Paul Véronése, un Saint Sébastien du Guide,
une Naissance de Bacchus de Jules Romain {Ibid.^ p. aSo). Cerisiers, mar-
chand de tableaux, ami de Poussin, avait principalement rassemblé des
œuvres de ce peintre : la Reine Esther, une Vierge, la Mort de Phocion, la
Fuite en Egypte {Journal, p. 90). Le Nôtre conservait {Journal, p. 211),
outre des marbres et des laques, une Eve et Adam dans le Paradis ter-
restre du Oominiquin, Moïse sauvé des eaux, Saint Jean Baptiste, la
Femme adultère de Poussin. — A T hôtel de La Vrillière [Journal, p. 226),
on remarquait une Cène de Tintoret, un Saint François de Carrache, une
Nativité de Poussin, un Ravissement d'Hélène du Guide, une Vierge de
Pierre de Cortone, le Sommeil de Jésus de Raphaël, Camille et le maître
d'école de Poussin, une Andromède du Titien, des peintures de Véronèse,
de Van Dyck, de TAlbane; et, chez le duc de Richelieu, les Philistins frap»
pés de la peste de Poussin, un Saint Jean préchant au désert et un Saint
Sébastien de Carrache, un Saint Jérôme et une Vierge del Pilar de Pous-
sin. — Sur ces collections, voir, en outre. Ed. Bonnafé, Dictionnaire des
amateurs français au XV U* siècle.
LES TRAVAUX DU LOUVRE BT LÈS STATUES DE LOUIS XIV. 2 I I
leur être fiait, à eux architectes français. Le cavalier vient recevoir
la récompense triomphale de ses mérites. M. Colbert a envoyé
au-devant de lui des personnes chargées de le traiter et de l'hono-
rer, ainsi qu^il est coutume de faire aux hommes de qualité. On
a défendu de formuler aucune critique et ordonné d'exécuter tout
ce qu'il demandera, comme s'il s'agissait d'une œuvre commandée
et entreprise par un particulier ^ »
Mais^ pour l'instant, la curiosité l'emportait. Le Bernin avait
alors soixante-sept ans; il était petit de taille, bien proportionné,
maigre, d'un tempérament de feu; « son visage avait du rapport
à un aigle, > particulièrement par les yeux. Il avait les sourcils
longs, le front grand, légèrement cave au milieu et relevé dou-
cement sur les yeux; il était chauve, et les cheveux qui lui res-
taient encore étaient crêpés et blancs. « Il est pourtant, écrit Chan-
telou, vigoureux pour cet âge-là et marche délibérément à pied,
comme s'il n'avait que trente ou quarante ans. L'on peut dire que
son esprit est des plus beaux que la nature ait jamais formés;
car, sans avoir étudié, il a presque tous les avantages que les sciences
donnent à un homme. Au reste, il a une belle mémoire, l'imagina*
tion vive et prompte, et, pour son jugement, il paraît net et solide '. *
Causeur &cile, rempli d'historiettes se rapportant exclusivement
aux peintres italiens de la grande époque, facétieux, il avait le verbe
moqueur, acéré, l'imagination fertile, mais ramenait toute con»
versation à lui-même et à ses œuvres. Conscient de son talent et
de son importance, enorgueilli du rôle qu'il jouait chez ses conci-
toyens, de la considération dont on l'entourait, il se regardait volon-
tiers comme le personnage le plus important de son siècle. Ayant
facilement triomphé de l'opposition qui un moment avait paru
menacer sa fortune, et ayant depuis lors rencontré partout défé-
rence et obséquiosité, flatté d'être appelé en France, il s'imagina
que tout l'honneur était pour ceux qui faisaient appel à son con-^
cours. Habitué à diriger de haut, à s'en remettre à ses élèves ou à
des fonctionnaires pontificaux pour l'exécution des détails, ne
trouvant jamais de contradicteurs, il avait pris l'habitude de tou-*
jours commander, de ne point accepter de conseils. Il pensait et
voulait faire grand, sans songer aux nécessités pratiques. Cette
1. Fraschetti, ouvrage cité, p. 43o.
2. Journal, p. 17. — On peut comparer arec le portrait de Perrault
[Mémoires, p. 5a}.
212 LE Blftinif SIC nUkMCI.
touraure d^esprit, ce début de soapleste, cène infitmatioa defaient
par la suite lui occasionner de terribles mécomptes, dont ses enne-
mis se hâtèrent de profiter. Mais, pour l'instant, on était tout à la
présentation au roi.
Ce fut le 4 juin, jour de la Fête-Dieu, que Golbert Tint k
chercher à Thôtel de Frontenac pour le conduire à Saint-Ger-
main. « A sept heures', raconte Matthia de Rosû, M. Gol-
bert vint avec deux carosses à six à la maison du seigneur can-
lier; puis, avec Paul, le maître d^hAtd du roi [Chaatekm], ib
montèrent dans l'une des voitures; moi et d'autres persoimesdans
la seconde. Nous arrivâmes à Saint-Germain à neuf heures;
descendus de voiture et entrés dans le Palais, oti se trouvait
S. M., M. Colbert Talla prévenir de notre venue. Durant ce temps,
nous restâmes dans une antichambre avec le maréchal de Gn-
mont, premier maréchal, et plusieurs autres princes et gentils-
hommes^ Le roi, dans son désir de voir notre cavalier, ouvrit tout
à coup une porte, Tentre-bâilla, regarda, sourit et se retira en
arrière. Peu après, il appela M. Colbert, qui fit entrer le cava-
lier, le seigneur Paul et moi dans une pièce ott se trouvait S. M.,
appuyée à une fenêtre. Dés l'abord, le roi déclara se réjouir fort
de Tarrivée du cavalier, le félicita de son heureux voyage, de sa
bonne santé et lui demanda s'il parlait français. Sur sa réponse
négative, il ordonna au maréchal de Gramont de servir d'in-
terprète. Ils purent ainsi parler en fort beaux termes du Louvre,
dont le projet plut extrêmement à S. M. Le cavalier est certes
accoutumé à s'exprimer avec raison et noblesse, mais, ce matin,
il fut visiblement inspiré de Dieu. 11 ne dit rien dont le roi ne fût
émerveillé, la cour demeurait satisfaite et étonnée, le tenant pour
un oracle. Le seigneur cavalier alla ensuite rendre visite à la
reine-mère, malade et alitée, mais que cette visite réconforta
beaucoup, M. Colbert le conduisit ensuite à la chapelle royale.
Pendant que nous y étions, S. M. vint avec sa cour et la reine
. accompagner le saint sacrement; il s'agenouilla et montra du doigt
le cavalier à la reine. L'office terminé, nous allâmes voir le dau-
phin, qui est un bel enfant et semble fort intelligent'.
1. Dans les leures de Mauhia de Rossi, l'heure de départ est indiquée dix
heures, par suite de ia coutume italienne de compter la journée à partir
du coucher du soleil.
2. A cette énumération, Chantelou ijoute (p. i5) le maréchal du Pleitîs-
Praslin.
3. Le grand dauphin, alors ftgé de quatre ans.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 2 I 3
« Alors que nous attendions le retour de la reine dans la galerie
de ses appartements, le premier médecin^ du roi vint, d'ordre de
S. M., se mettre à la disposition du cavalier et lui offrir son
office en cas de besoin. Ce dernier lui répondit que, grâce à Dieu,
il était en excellente santé, et le remercia. Un quart d'heure plus
tard, la reine revint et fit au cavalier un accueil dont toute la cour
demeura étonnée, car elle n'a point coutume d'en faire semblable,
aux princes non plus qu'aux ambassadeurs. Elle s'avança jus-
qu'à la dernière antichambre, demanda à notre cher cavalier s'il
parlait français, et, sur sa réponse négative, espagnol. Elle
ordonna alors à l'un de ses gentilshommes, introducteur des
ambassadeurs, de servir d'interprète ; durant une demi-heure, on
parla du Louvre.
« De là, nous nous rendîmes au repas du chambellan, que
S. M. a coutume de faire servir aux seigneurs de la cour, avec
M. Colbert, divers maréchaux et d'autres gentilshommes. Puis le
cavalier se reposa, selon son habitude, dans un appartement qui
lui avait été réservé. A son réveil, il alla saluer Monsieur, frère
du roi^ qui lui fit, ainsi que la princesse sa femme, le meilleur
accueil et lui demandèrent s'il ferait volontiers le buste de S. M.
11 répondit qu'il lui faudrait lutter avec le temps, mais que, s'il
pouvait, il l'exécuterait. Le prince et la princesse l'interrogèrent
alors, lui demandant qui nous étions et ce que nous faisions. Le
cavalier répondit : « Celui-ci est mon fils, qui suit ma profession,
c cet autre est un jeune élève qui s'occupe aussi d'architecture. »
M. Colbert nous reconduisit ensuite à Paris'... »
Dès cette première entrevue, le Bernin avait laissé voir toute
sa pensée sur ses projets relatifs au Louvre. « J'ai vu, Sire, dit-il au
roi, les palais des empereurs et des papes, et ceux des princes sou-
verains, qui se sont trouvés sur la route de Rome à Paris, mais il
faut faire pour le roi de France, un roi d'aujourd'hui, des plus
1. Antoine Vallot (1594 f 1671), premier médecin d'Anne d'Autriche,
succéda en i652 à Vautier comme médecin du roi.
2. Voir plus haut, lettre du b juin, p. 2o5, note 3. — Chantelou (p. i5-i6),
dont le récit concorde avec celui de Rossi, dit que le roi reçut le Bernin
avec le premier gentilhomme de sa chambre et le maître de la garde-robe. L'au-
dience terminée, Colbert ramena au vieux palais le cavalier, qui y admira les
tapisseries garnissant les cours à l'occasion de la Fête-Dieu, entre autres
les Actes des Apôtres, les Triomphes de Scipion, diaprés les cartons de
Julea Romain. Le cavalier fit la sieste dans l'appartement de M. de Bellefonds.
214 I^ BERNIN EN FRANCE.
grandes et magnifiques choses que tout cela. > Et, se tournant
vers ceux qui faisaient cercle autour de Lx>uis XIV, il ajouta :
c Qu'on ne me parle de rien qui soit petite » Cette assurance,
cette faconde et en même temps cette flatterie déplurent à une
partie de Pentourage du monarque, et firent une mauvaise
impression. Mais le roi se déclarait satis&it et prêt à ne regarder
ni à la dépense ni aux constructions. Ce fut dans cette idée que
le Bernin regagna Paris et se prépara à exécuter sa pensée.
Rentré à Thôtel de Frontenac, il se mit à Toeuvre et organisa
son travail. Des tables et tous les matériaux nécessaires pour Féu-
blissement des dessins furent disposés. Matthia de Rossi aidait
son maître et était plus spécialement chargé de tout ce qui con-
cernait les mesures à prendre pour les plans, pour esquisser les
élévations des façades, pour mesurer sur place et reaifier les chiffres
que Ion avait envoyés à Rome. De son côté, l'artiste ne restait
pas inaaif. Levé de bonne heure, il travaillait sans relâche,
modifiant et corrigeant ses projets, organisant son existence ainsi
qu'il était accoutumé à Rome. Strict observateur des pratiques
religieuses, il se rendait chaque jour à Téglise; puis il visitait avec
Chantelou les principaux monuments de la ville, allait au Louvre
se rendre compte par lui-même des travaux à effectuer, et,
le soir, se distrayait dans la conversation des amis qu'il avait
retrouvés à Paris, l'abbé Butti, le cardinal Antonio Barberini, le
nonce, Tambassadeur de Venise, le chargé d'affaires du duc de
Modène Vigarani, et les autres Italiens qui, dès le premier jour,
s'empressèrent de venir voir leur illustre compatriote. L'éloigne-
ment de la cour lui permettait de vivre dans un isolement favo-
rable à son travail et à son acclimatation. Il se faisait, difficile-
ment à la vérité, à la vie française. Il se plaignait de la nourriture
et des vins, auxquels, au reste, il s'accoutumait rapidement, et
prenait de minutieuses précautions pour sa santé; quelques-unes
semblaient d'une méfiance exagérée et superflue, a On ne peut
faire mieux, écrivait Rossi à l'un des parents du sculpteur,
que les soins que nous avons pour le cavalier, et Votre Excel-
lence peut être assurée que Ton veille sur sa santé plus que
sur tout autre chose. Pour la cuisine, Cosimo Scarlatti assiste
toujours à sa préparation, matin et soir, et ne laisse pénétrer per-
sonne. D'autre part, le cavalier a donné de tels ordres aux gardes
I. Journal f p. i3.
LES TRAVAUX DU LOUVRE KT LES STATUES DE LOUIS XIV. 21 5
des portes qae nul ne peut entrer sans dire oii il va et ce qu'il
désire ^ >
Durant ces premiers jours, tout l'eflort du cavalier porta sur le
Louvre. Se croyant sûr, diaprés Timpression rapportée de sa visite
à Saint-Germain, de l'appui du roi, il donna libre cours à sa
pensée. La famille royale entière ne s*était«elle pas montrée favo-
rable à SCS plans? Il entretenait Chantelou et Butti dece qu^il médi-
tait, il leur lisait dès le 9 juin un mémoire destiné à Louis XI V, où
il examinait successivement les raisons qui militaient ou s'oppo-
saient à une complète reconstruction du palais'. A vrai dire, il
n'en persistait pas moins, malgré l'apparente hésitation qu'il lais*
sait voir dans cet écrit, à faire un appartement double à la façade
du Louvre, a exhausser les murs du palais, afin de lui donner
plus de majesté; mais, cependant, comprenant peut-être déjà
aux réticences et aux remarques qui lui avaient été faites qu'il ne
pourrait facilement obtenir une réfection complète, il pensait à
raccorder les appartements royaux qu'il plaçait sur la nouvelle
façade avec ce qui était déjà construit de l'ancien Louvre. Ces
nouveaux plans avaient été rapidement dessinés par Mattbia de
Rossi, et| dès le 19 juin, ce dernier pouvait écrire que le cavalier
avait établi c un magnifique, majestueux et noble dessin, des
meilleurs qu'il ait jamais fait'. » Le roi allait au reste en juger
par lui-même, car le 20 juin le Bernin retournait à Saint-Ger-
main, oti devait se décider l'entreprise d'un autre travail également
souhaité par le monarque et par Tartiste.
c Le cavalier proposa, dès qu'il fut arrivé, dit Perrault dans
ses Mémoires, de faire le buste du roi. Ce fut un bon moyen de
faire sa cour^. • Les faits malheureusement sont là pour démentir
cette affirmation du rival du Bernin. Déjà avant le départ de
Rome, on avait songé à demander à Tartiste d'exécuter le buste
de Louis XIV'. Dès sa première visite à la cour, le duc d'Orléans
lui en parla, et le bruit bientôt se répandit que le sculpteur
allait être officiellement chargé de ce travail. Lui-même en entre»
tenait Chantelou*, tout en disant qu'il en était fort embarrassé.
I. Bibl. nat., ms. ital. 2oâ3, p« 35.
a. Journal, p. 27.
3. Bibl. nat., ms. iul. 2o83^ p. 35. Voir plus bas, p. 222, note 3.
4. Mémoires de Ch. Pemutlt^ p. 5i.
5. Voir plus haut, p. 195, note 2.
6. Journal, p. 29.
2f6 LB BBRNIK BN FmANCB.
Le duc de Créquy lui eu avait parlé, TFaisemUablementà Rome;
Hugues de Lionne, le cardinal Antonio également. Il déàrait
certes plaire à S. M., mais Colbeit ne lui en avait pas parlé, et il
était utile qu'il s^en occupât au plus vite, car cet ouvrage le retien-
drait certes jusqu'à la fin d'octobre. Chantelou Tassura qu'il ne
tarderait guère à être fixé, et, sur cette parole, le Bernin s'occapt,
bien que rien ne fût encore décidé, à se procurer de la ^idse
pour donner le mouvement qu'il projetait et des marbres pour
exécuter le buste ^ Ce ne fut toutefois que le 20 juin, jour où
il porta au roi les dessins remaniés du Louvre, que le monarque
lui demanda de reproduire ses traits.
c Le samedi 20 juin, le cavalier alla à Saint-Germain montrer
à S. M. les nouveaux dessins du Louvre. Il m'emmena avec
lui, dit Rossi ; arrivés que nous - fûmes, nous trouvâmes S. M.
attendant avec grande impatience le cavalier. Lorsque nous fûmes
entrés dans une chambre oti se trouvaient déjà M. Colbert, M. de
Lionûe, Pabbé Butti et d^autres, on découvrit les plans. Dès le
premier coup d'œil, le roi en demeura stupéfiait. Il pouvait à peine
parler, à la vue d'une œuvre aussi majestueuse; il les fixa longue-
ment, et, les ayant bien considérés, se retourna, le visage jojeux,
vers le cavalier en disant : « Ce n'est pas seulement le plus beaa
c dessin qui existe, mais aussi le plus remarquable que l'on
c puisse fisire. Je suis ravi de Tavoir demandé au cavalier Bernin
« et de ce qu'il soit venu ici. Nul autre n'aurait pu foire comme
c lui. Et se retournant vers le cavalier : J'avais une grande
« idée de votre talent. Vous Tavez encore dépassée. — Sire,
c repartit le cavalier, vous n'avez jamais vu les œuvres d'Ita-
c lie, et cependant vous avez un goût remarquable en archi-
c tecture. — Certes, répliqua S. M., je ne les ai pas vues; mais
c d'avoir toujours examiné tous les mauvais dessins présen-
€ tés pour ce palais, et voyant aujourd'hui le vôtre, je m'ap-
« prends à connaître le bien. » Et il se montra tellement enthou-
siaste que de suite il demanda au cavalier de faire une autre
foçade du palais, au derrière du Louvre, et se rattachant à ce qui
existait déjà. Puis S. M., avec une grande modestie, demanda à
M. de Lionne de prier le cavalier en italien et de lui dire com-
bien Elle lui serait redevable qu'il fît son buste en marbre. Le
cavalier répondit que le roi ne lui pouvait rien demander qui fût
X. Journal^ p. 3o.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 21 7
à la fois plus honorable pour lui et plus difficile, étant donné les
grandes difficultés qu'il entrevoyait. Il conclut en disant que
plus cette difficulté était considérable, plus il était résolu à le ser-
vir, et qu^il retournerait à Saint-Germain pour dessiner son
visage. Le roi lui répondit qu'il lui donnerait toutes les facilités
désirables*... »
I. Bibl. nat., ms. ital., p. gS. — c ... Il di 20 Gigno, che fu sabato pros-
simo pessato, il sig. cav. andô a S. Germaoo per zno&trare le nuovi desegni
che lui baveva fotto per la fabrica del Lovre a S. M., e mi condusse
seco, e giunti che himo cola, trovassimo il Re che stava aspettando il
sig. caval. con gran desidcrio per vedere d. disegni, e subito iotrati nella sua
stanza, nella quale vi era Monsù Colbert, Monsù di Liooe, Fabate Buti, et
uno altro marescial, si scoprirno le desegni, et alla prima vista il Re restô
attonito, che a pena sapeva che dire, per havere visto cosi grtfn maestà^e
doppo haverli guardati un gran pezzo e bene considérât!, si voltô con foc-
cia alegra a quelli che erano li présente e disse queste parole : c Questo non
solamente e il più bel disegno che si sia fatto, ma che si possa fore, e io mi
trovo molto contento di havere demandato il sig. cav. Bernino in gratia al
Pape, che sia venuto qua per questo efietto, perche altri che lui non have-
rebbero potuto fare questo 1, et revoltatosi al sig. disse: c Io vi havevo in gran
concetto, ma la vostra opéra Fa superato. > Il sig. cavalière rispose al Re e disse^
gli : f Sire, per non havere voi veduto le fabriche d'Italia, havete un bon
gusto d'architectura » ; il Re rispose : « Vero è che non Tho viste, ma Thavere
visto continuamente tanti cattivi desegni fatti dall' altri sopra di cid, e hora
vedendo questo mi la prendere il bon gusto e conosciere che cosa è il bono,
e la diferenza che è da un homo ad 'un altro, che questo è quello che im-
porta 1, e essendo si il Ré tantoinamorato di detti disegni che subito ordind al
sig. cav. che facessi un altro disegno per un altro palazzo dall' altra facciata
dietro il Lovre, che attaccassi con la fabrica già fatta, e che andossi pen-
sando modo d'abellire più che si puole il resto del Lovre che resta impiedi,
li quali disegni hora si stanno facendo, e quando si saranno mostrati a
S. M. di quello ne succédera ne aviserô poi a V. S. illma.
c II Re volse che agli lassarrero le desegni per poterseli godere, li quali
poi rha monstrati a tutta la sua corte, per la quai cosa ne è noto dal volgo
una gran Iode, e tutti diclô sono remasti amirati.
c Ordinô S. M. à monsù di Lione con grandissima modestia che dicesst
in italiano al. sig. cav. che haverebbe hauto gusto, avanti che lui fusse partito,
che gli havesse fatto il ritratto in marmodi sua mano,alle quale parole il cav.
rispose che S. M. non gli poteva comandare cosa più degna e più deficile
che di fare un retratto, dicendoli sopra queste moite difîcultà che vi
sono, e poi concluse, che tanto più era la difiicultà, tanta magiormente era
risoluto di servirlo e che sarebbe andato un altro giorno a S. Germano per
designare d. rittratto. 11 Re rispose che lui gli haverebbe dato tutte le sue
comodità, ma che prima che lui Thavesse possuto fore, gli haverebbe fato
gran servizio. Licentiato poi, la sera cène tornassimo a Parigi.
c Veramente il desegnio del palazzo è cosa da stupire, essendo in questa
9l8 LB BEftHIN EN FRAMCB.
« La vigile de la Saint-Jeani le seigneur cavalier lettrarna à
Saint-Gennain dessiner le portrait de S. M.; il m'emmena me
forma : cioè nella fotsa che gira attorno il palam dote è la sosTpa sooq U
pîsno terrenoy vi è un icoglio grande nel quale mostra esserc flbndao U
sud. palazzo, o sopra detto scogiio dalle ptrte délia porta prindpslemfett
d'adomtinento di dot colonne, vl ha fiitto due grandi Erêoll» die fiagono
guardare il palazzo, alli quali il sig. cavah gli da un aegnificato e diœ Bvcole
è il rettrato ddla vertu per mesio délia sua fortesza e fiatica, qoale rinede
au il monte délia fatica che è lo scogiio detto di sopn, e dice chi vole riâ»-
dere in quesu regia, bîaognia clie passi per meuo délia vertu e ddk
fatica. Quai' penaiero e alegoria piacque grandamente a S. II., puendo^icht
havesse del grande e del senteaioso. Sopra detto scogiio Sfrioca un ordiae
tutto fatto a bugne, quale arrira sino il piano nobile, sopfa il quale oel
resalto di mezzo posano otto gran coloane di ordine corintio, coa
feneatre tra (iette, con due reaalti in dentro dalle parti adomati oon pUaitri,
e poi toroa a reaaltare in fiiori, con duo altri braoci adomati mertcmaawale
oon pilastri, con un fenimento d'un bellisaimo comidone, con balamlnta e
atatue sopra.
c La vigilia di S. Giovani, tornè medemamente il aig. cav. m S. Germaas
per disegnare il retratto di S. M., e condutae aeco il sig. abste Buti, e io;
dove giunsi che ftisaimo cola, trovassimo il Re nel giuoco della palaoofda ck
stava giocando, e quando vidde il sig. caraliere aubito lo salutè con fiwài
alegra e ridente, e doppo fenîto di giocare, il sig. cav. entré dentro alk
atanze di S. M., dove ri vi incontrô l'ambasdatora d'Inghiltem che pieo-
deva udienza dal Re, la quale udienia la diede preaente il sig. cav.; e
doppo dette udienza restomo nelle stanze dd Re, Monaù Colbert, monsà
de Lione, monsù Trigli, et il mareacial de Torena. Il d. cavalière mi chîanô
dentro e a! fece dare la cartella, et ivi principiô a disegnare, havendo il
aig. cay. accomodato il Re in piedi appogiato ad une tavolino, e aenza niente
in testa, e per che li capelli di S. M. non stavano nel modo che voleva il sig.
cav., gli demandé un pettino e gli agiuatô li capelli il sig. cav. coq le sue
mani a suc modo. Disse il Re al sig. cav. che per sua commodità ai fusse
seduto, et il sig. caval. gli respoae che quel retratto andava £atto in piedi e
mentre stava disegniando, quclli che erano nella caméra atavano leggendo
diverse lettere al Re, et alli primi segni, che fece, tutti restomo a mirari
in vedere che egli haveva dato Taria alla prima, facendone di queato gran
maraviglia, et il Re havendo tanta ansietà di vederlo, che speaso in cambio
di stare ferme, guardava verso il desegno, ma diavantaggio, che mentre
discovreva con quelli, moveva contenuamente la testa, e bisognava che il
aig. cav. lo prendesse per aria ; doppo che il sig. caval. hebbe messo aasai il
disegno, si reposé con poco, e tutti mirando detto disegno e imparticolare il
Re disse a for biene, questo é il più bello et simile retratto, che mai mi sis
stato fatto • ; doppo che hebbe fienito il retratto in fisccia, lo fece in profile e
medemamente vendendole S. M. subito disse : c Sono io, e mi riconosco. i la
fare li sud. due disegni, il sig. cav. ci stiede un hora e mezza, et niente più,
che questo é quelle, che loro^miravano havendoli fatti cosî simili in taoto
poco tempo; doppo licenziati sene tornassimo a Parigi dove lo mattina v^
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS ZtV. 2 I 9
abbé Butti; à notre arrivée, nous trouvâmes le roi au jeu de
kaume, occupé à jouer. Dès qu41 aperçut le cavalier, il se mit à
s saluer en souriant, et, la partie finie, le cavalier entra dans les
ippartements de S. M. Il y rencontra l'ambassadeur d^ Angleterre
renant en audience. Le roi la lui accorda en présence du cavalier.
?uis, le roi, M. Colbert, M. de Lionne, le maréchal de Turenne
lenneurèrent dans cette chambre. Le cavalier me cria d'entrer et
ne fit apporter le canon à dessin; il se mit alors à dessiner, après
ivoir appuyé le roi debout à une table, tâte nue. Les cheveux de
S. M. ne se tenant pas ainsi qu'il désirait, il demanda un peigne
st arrangea les cheveux avec sa main, à son gré. Le roi lui dit
que, s'il lui eût été plus commode, il se fût assis, mais le cavalier
lui répondit que le portrait était en pied. Pendant qu'il dessinait,
les gentilshommes présents dans la chambre lisaient diverses
lettres au roi, et aux premiers gestes que fit S. M., tous demeu-
rèrent étonnés de voir combien aux premiers coups de crayon le
cavalier avait trouvé la ressemblance. Le roi avait une telle hâte
de se voir quMl ne cessait de remuer, regardant le dessin et bou-
geant continuellement la tête, si bien que le cavalier devait le
prendre quasiment au vol. Quand le dessin fut suffisamment
arrêté, le cavalier se reposa un peu; tous admirèrent Tesquisse,
et surtout le roi, qui disait : « Fort bien, c'est le dessin le plus
c beau et le plus ressemblant que l'on ait jamais fait de moi. «
L^esquisse, terminée de face^ fut recommencée de profil, et, la
voyant, S. M. s'écria de suite: c C'est moi, je me reconnais. > Ce
dessin demanda une heure et demie ^.. »
Le 28 juin, le cavalier revint encore à Saint-Germain. Il dési-
rait achever son esquisse et la perfectionner avant de commencer
k modeler le buste. Il y avait ce jour-là séance du Conseil, et,
continuant de traiter le Bernin avec la même familiarité qu'il
était accoutumé, ce fut en présence des ministres que le roi lui
nente, che fu il mercordi principid il modello di creta, et hora lo sta facendo.
c II giovedi a manioa venne monsù Colbert a visitare il sig. cay. et
ordinagli da parte del Re che Toleva che roettessi mano alla febrica, e
veduto il modello abozzato disse c o bella cose o quanto e semile al Re »
e si pare contento.
c 11 Tenerdi a mattina venne monsù de Lione per medemamente visi-
ure il sig. cav., e vidde il sud. modello del quale ne hebbe gran gusto
e ne restô molto sodisfatto. Non ho per questo ordinario altro che dirgli...
et... — Parigi, questo di 26 gigno. i663. Matthia db Rossi. »
1. Voir lettre du 20 juin, p. 217, note i.
220 LE BRRNIN EN FRANCE.
accorda la séance de pose; mais la même difficulté se représentait
toujours, Louis XIV ne cessant de remuer, de se tourner de droite
et de gauche, si bien qu'il était peu facile d'arriver à une ressem-
blance satisfaisante ^ Et, cependant, il fallait se hâter si Ton vou-
lait que l'œuvre fût achevée avant le mois d'octobre. Le nombre
des séances demandées par le Bernin était de vingt, et chacune
devait être d'environ deux heures.
Aussi, dans l'intervalle de ses voyages à Saint-Germain, s'oc-
cupait-il activement à trouver des blocs de marbre qu'il pût travail-
ler. Dès le 21 juin, accompagné de Chantelou et de Perrault,
qui, malgré son hostilité peu déguisée et sa malveillance, assistait,
comme commis de Colbert, à tout ce qui se rapportait aux
travaux entrepris, il se rendit au dépôt des marbres, situé
devant les Tuileries. Un seul bloc lui convint, et encore fit-il
des réserves sur sa qualité. De là on alla à la Sorbonne, oti Toq
travaillait au tombeau du cardinal de Richelieu, puis chez le
sculpteur Guérin, et enfin au Val-de-Grâce, oti, sous la direction
d'Anguier, on achevait le monument, dont Mignard dessinait et
peignait la coupole^. Le cavalier parut trouver ce qui lui conve-
nait, et l'on fit voiturer un énorme morceau de marbre à Thôtcl
de Frontenac. Finalement, il se trouva posséder trois échantillons,
entre lesquels il lui était difficile de choisir, tous lui paraissant
d'une qualité également inférieure, friables et sans consistance. Il
ne pensait toujours pas les utiliser de suite; il terminait son des-
sin, et, d^autre part, il carressait le projet, tant par crainte du
manque de temps que par suite de la mauvaise qualité des
marbres, d'exécuter le buste une fois rentré à Rome^. Mais il com-
prit bientôt les inconvénients de cette solution, et, se remettant
au travail, il continua ses visites à Saint-Germain.
1. Voir plus haut, p. 218, note.
2. Journal, p. 36. — Guiffrey, Comptes des bâtiments du roi, p. 98 : c A
Gilles Guérin, pour un bloc de marbre qu'il a fourny pour faire le buste
du roy, 819 1.; » — p. 100 : t A Louis Lerambert, sculpteur, pour avoir
débité, scié et transporte des blocs de marbre blanc pour le cavalier Bernin,
68 1. 10 s. »
3. Lettre de Ch. Perrault à Colbert du 22 juin, où il lui raconte la
recherche des marbres et le dessein du Bernin de ne commencer le buste
qu'à Rome; à la fin, l'auteur rapporte qu*à son avis ces difficultés sont sug-
gérées par le désir qu'a le Bernin de ne pas exécuter le travail, ce qui est
en contradiction avec l'assertion des Mémoires du même Perrault (Clément,
t. V, p. 5 08).
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 23 I
III.
La vie du Bernin a Paris et l^opinion publique.
Le projet du Louvre.
Il allait non seulement y travailler au buste du roi, mais aussi
s^entendre avec Louis XIV et G>lbert pour les travaux du Louvre.
Le projet apporté le 20 et tant admiré par le roi, au dire de Matthia
de Rossi, n*avait pas eu l'agrément de Colbert, venu Texaminer
le 1 9 à rhôtel de Frontenac. L'élève ne tarissait cependant pas
d'éloges sur la nouvelle conception de son maître. « Vraiment,
disait-il, le dessin du palais est capable d^étonner par sa forme.
Dans le fossé qui entoure le monument, il a mis, au-dessous du
rez-de-chaussée, un grand écueil qui paraît être la base même
de rédifice. Au-dessus, aux côtés de la porte principale, il a rem-
placé les deux colonnes par deux grandes statues d'Hercule, qui
semblent garder le monument. Dans l'esprit du seigneur cavalier,
il y a là une singulière allégorie. Hercule représente le courage,
grâce à sa force et aussi à son effort, courage qui réside sur une
montagne de Teffort, qui est le rocher susdit, et cela veut dire que
qui désire arriver à cette royale demeure doit à la fois passer par
le courage et l'efifort. Cette allégorie plaît beaucoup à S. M.,
par ce qu'elle renferme de grand et de sentencieux. Au-dessus du
rocher règne un ordre en bossages, jusqu^à Tétage noble, et au-
dessus sMlèvent huit grandes colonnes d^ordre corinthien, sépa-
rées par des fenêtres, au pavillon saillant du milieu : les deux
corps de bâtiment rentrants rejoignant les pavillons d'angle sont,
ainsi que ces derniers, ornés de pilastres. Le tout est surmonté
d^une superbe corniche, avec balustrade et statues ^ »
Ce nouveau projet différait sensiblement de celui qu^avait primi-
tivement conçu le cavalier. Devant les objections quMl rencontrait,
et peut-être sur le conseil d'amis prudents, il consentait à ne pas
demander la démolition complète de l'ancien palais. Tel était
du moins ce que l'on répétait, et, dès le 19 juin, Caprara en
informait le duc de Modène : a On dit que le cavalier veut lais-
ser en place toute l'ancienne construction et élever au milieu un
I. Voir lettre du 20 juin, p. 217, note i.
222 LB BERNIN EN FRANCE.
palais pour le roi. Mais les pierres de Tancien bâtiment pour-
ront-elles supporter cette nouvelle bâtisse et fournir un long
usage? C'est là la difficulté, et l'on doit y faire quelques essais.
Tout d'abord, on pensait tout abattre, mais cette prétention mit
en confusion tous les architectes française » Colbert, de son côté,
faisait de grandes objeaions, les mêmes que celles déjà formu-
lées quelques mois auparavant. Les appartements royaux étaient
toujours réservés du côté de Saînt-Gcrmain-rAuxcrrois, ce qui
ne pouvait être, à cause du bruit; la multiplication des por-
tiques et des colonnes dans les vestibules lui paraissaient dange-
reuses, comme étant propres à dissimuler des gens prêts à com-
mettre un attentat*. Louis XIV, nous Pavons vu, ne partageait
pas Topinion de son ministre. Mais les ennemis du Bemin s^em-
parèrentde cette circonstance pour discréditer leur rival.
Le cavalier prétait, il est vrai, à la critique. L'accueil flatteur
qu'il avait reçu le grisait. Les marques de déférence que lui prodi-
guait le roi augmentaient sa propre estime pour lui-même, et son
entourage immédiat partageait sa confiance. « En réponse à la
lettre de V. S. du 25 mai passé, je vous dirai exactement, man-
dait le 19 juin Matthia de Rossi à Tun des parents du Bemin, ce
qu^il en est, tant du Louvre que de la réception que nous font les
Français. Si je ne vous ai rien dit jusqu'ici de la construaion du
Louvre, c'est que jusqu'à présent le cavalier n^avait rien établi.
Mais, depuis notre arrivée à Paris jusqu'à ce jour, il a travaillé
aux dessins, aux nouveaux plans, aux nouvelles élévations, et a
finalement établi un superbe, majestueux et noble dessin, des
meilleurs qu'il ait fait à ce sujet. Demain, nous irons à Saint-
Germain le montrera S. M., et, par le prochain ordinaire, je ferai
connaître à V. S. le résultat de cette visite. Quant au traitement
que l'on nous fait, il est très grand, ainsi que vous l'avez pu
comprendre d'après les lettres que j'ai écrites à V. S.; et chaque jour
il s'améliore. Il ne se passe pas de jour que le roi n'envoie de
Saint-Germain voir comment se porte le cavalier et lui faire
demander si quelque chose pourrait lui être agréable'... » Non
1. Fraschetti, ouvrage citéf p. 342, note i.
2. Journal, p. 35.
3. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 33. — c In resposta délia Jettera di
V. S. illma riceuta da me in Parigi delli 23 maggio prossimo passato, che
io gli dia notitia esatta di tutto quello che occorre tanto del Lovre
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 223
seulement, en effet, le cavalier et sa suite étaient l<^és à Thôtel
de Frontenac, mais toutes les dépenses de leur séjour, tous les
frais étaient réglés par le trésor royal et par l'intermédiaire de
M. de Bertillat, intendant de la couronne ^
D'autre part, malgré que son temps fût principalement occupé
aux travaux dont il était chargé, le Bernin trouvait dans les pro-
menades et les visites quMl faisait, sous la conduite de Chante-
lou, le respect et la déférence dus à son talent. Dès son arrivée,
on l'avait conduit à travers la ville voir les monuments et les
points de vue qui pouvaient le plus Tintéresser. Mais, que ce fût à
Notre-Dame ou au palais, à Saint-Sulpice ou au Noviciat des
Jésuites, au Val-de-Grâce ou à Téglise de Théatins, il n'admirait
rien^ ou du moins n^adressait des éloges que pour les œuvres
venues d'Italie ou inspirées par le goût italien. Qu'il eût même
raison de trouver le dôme du Val-de-Grâce trop petit pour les
dimensions de Téglise, ses critiques revêtaient une forme et un ton
agressifs. Seul le Luxembourg trouvait grâce devant lui, ainsi que
quanto circa il trattamento che ci fanno questi francesi, e cosi di
ogni altra cosa. Circa la fabrica del Lovre, sino adesso non gli ho dato
nova alcuna, perche il sig. caval. non haveva stabilito niente, ma essendosi
dair arrivo nostro in Parigi sino hora lavorato attorno li desegni del Lovre,
tanto di nove piante ftitte, corne di nuove elevatione, et al fine il sig. caval. ha
stabilito un superbo maestoso e nobile disegno delli megliori che lui hab-
bia fotto circa detta fabrica, e domani anderemo a S. Germano per roos-
trarlo al Re, e quello che dira sopra di cid, ne aviserô a questo altro ordina*
rio a V. S. illma. Circa il trattamento si fia alla grande assai, corne dalle lettere
mie scritte a V. S. illm* haverà distintamente inteso il senso, e continuamente
vanno trattando sempre meglio, e non passa giorno che il Re non mandi da
S. Germano a vedere corne sta il sig. caval., e forgll domandare si desidera
qualche cose di sua sodisfatione. Circa havere cura al. sig. caval., non si puole
fare magior diligenza di quello che si fà, e se assicuri V. S. illout che mi
preme assai la sua salute, più che ogni altra cosa. Circa l'avertire su li pêne
délia fabrica questo non ci n'é besognio, non essendosi pêne ne occasione di
andarci sopra, che quando vi fussero, sarià mia cura di averti rci. Circa il fare
cocinare, in caméra sempre il Cosimo asiste alla cocina, tanto la mattina
quanto la sera, e non vi entra anima nata, e di questo, V. S. illma ne sta
sicura senza dubio alcuno, e oltra questo il sig. cav. è stato dato in conse-
gnia aile guardie délia porta, corne nelP altra mia lettera ho accennato a
S. V. lima, che non puole entrare nessuno in casa, se prima non dice chi é,
dove vadi, e che cosa voglia, etc.. -* Parigi, questo di ig gugnio i665... i
I. Guifirey, Compte des bâtiments du roi, 1. 1, p. i à 102, passim; le total
des divers paiements faits pour le voyage du Bernin et de sa suite monta à
107,000 livres.
224 ^^ BERNIM EN FKANCB.
les peintures dont Mignard décorait la coapole da Val-de-GiAce.
Son air dédaigneux déplaisait; ses £fiçons trop peraonnelks agi-
çaient. Ses critiques sur le Louvre, sur la décoration de Lesoot,
sur l'architecture française froissaient ses auditmrs. Lorsque, le
i6 juin, TAcadémie de peinture vint en corps le complimeoter, il
la reçut fort bien, discourut agréablement d'historiettes touchant h
peinture et raconta quelques anecdotes sur Carracfae. Mais ao
départir, au grand étonnement et mécontentement de ses visi-
teurs, il négligea de les reconduire. Cétait sa coutume, et il en
usait à l'égard de tout le monde, même de Colbert^. Un antre
jour, devant plusieurs personnes, il s'écriait : c J'ai on grand
ennemi à Paris, la trop haute opinion que Pon a de moi. »
Colportés, répétés, ces propos amusaient fort ses ennemis,
attristaient ses amis, éclairaient et désenchantaient ceux qui umi
d^abord s^étaient laissés séduirepar la chaleur et Tabondance de si
parole. Louis XIV lui-même revenait de son enthousiasme des
premiers jours, c II est, disait Vigarani, arrivé ici applaudi ptr
tous; mais je crains que les trop grands honneurs qu*on lui t
rendus ne Talent amené à faire une déclaration trop hardie et très
désavantageuse pour lui au sujet des travaux du Louvre et n*ût
donné matière à ses ennemis de lui nuire auprès de S. M. Dès k
premier jour, il a déclaré qu*il allait abattre presque tout k
Louvre, si Ton voulait faire quelque chose de bien. Cela, joint k
beaucoup d^autres choses que Ton a rapportées au roi, n*a pas
fait bon effet. Il a ensuite modifié ses propos, sous Tinfluence de
M. de Colbert; il n'est cependant pas sans s'être fait grand tort.
Il avait, à son arrivée, besoin d'un bon conseil, qu'il n^a point
eu; j'en parie avec assurance, car, devant cinquante grands sei-
gneurs, S. M. m'a dit à Versailles, après m'avoir demandé si
j'avais vu le cavalier Bernin, qu'EUe ne voulait pas qu'il
vienne dans ce château, car une demi-heure de conversation lui
avait suffi pour le juger homme décidé à ne rien trouver de bien
en France. Ce début malheureux me chagrine, à cause du respect
que je lui dois et pour la courtoise réception qu'il m'a faite. A
vrai dire, on m'annonce maintenant qu'il fera la façade du Louvre
en l'appliquant au vieux monument, et que, si S. M. le désire, on
pourra agrandir tout le palais sur ce modèle. Mais on ne parle
plus de surélever le premier étage, ce qui aurait obligé à tout
I. Journal j p. 34-35.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 225
abattre... » Quelques jours après, Tambassadeur du duc de
Modène complétait, avons -nous vu, son information en écri-
vant que tout l'ancien Louvre serait respecté et que Ton s'occupait
seulement de faire la façade avec une grande entrée et deux cours
à droite et à gauche*.
Toutefois, cette modification dans l'opinion que Ton sMtait faite
de son caraaère, ce refroidissement à son égard n'empêchaient
pas que le Bernin ne fût toujours traité avec la plus grande
estime et qu'on ne lui prodiguât des marques d'honneur. Bientôt
même Anne d'Autriche lui fit demander par Jacques Tubœuf,
surintendant de ses bâtiments, et par M. de Bertillat de dessiner le
projet d'un autel pour l'église du Val-de-Grâce. Le cavalier exé-
cuta cette esquisse, mais divers empêchements, dont le plus
important fut sans doute le grave état de santé de la reine-mère, en
rendirent impossible l'exécution. Le projet était cependant gran-
diose, à en croire la description de Matthia de Rossi. « C'était un
grand ovale à huit colonnes d'ordre corinthien, avec chapiteaux,
architrave, frise, corniche et, au frontispice, une gloire d'anges
entourant Dieu le père; c'est splendide, et dès l'entrée de Téglise
ce morceau donne l'idée d'une chose merveilleuse. Cet autel
étant destiné à l'autel de la Nativité, le cavalier y a dessiné la
Madone avec l'Enfant Jésus et saint Joseph^ » Le roi, lui
aussi, continuait à lui donner de publiques marques d'estime
et le conviait spécialement à une grande revue, passée dans la
plaine de Colombes^. Entre temps, les séances continuaient,
Louis XIV traitant toujours aimablement et familièrement l'ar-
tiste, et échangeant avec lui quelques propos en italien. Le peu
de constance du roi dans la pose faisant dire au Bernin : c Je
vole; » — certes, répondait le roi, mais pour restituer. — Tou-
tefois, » ripostait l'artiste, « pour restituer moins que je ne vole. »
Le 5 juillet, Matthia ayant terminé le dessin de la façade du
côté des Tuileries, dite des cuisines, qui avait été demandé
quelques jours auparavant, on partit pour Saint-Germain. « Dès
notre arrivée, nous allâmes aux appartements de M. Colbert lui
montrer ces dessins; il s'en déclara très satisfait, tant du plan lui-
même que de l'élévation. Le cavalier lui fit également voir le pro-
1. Voir plus haut, p. 221.
2. Voir plus bas, lettre du 10 juillet, p. 226, note 2.
3. Le i3 juillet {Journal, p. 5i).
MéM. xsxi i5
226 LB BERNIN EN FRANCE.
jet de l'autel demandé par la reine-mère pour le Val-de-Grâce, et
M . Colbert en fut également enthousiaste. .. Il déclara n'avoir jamais
rien vu d*aussi beau, et ajouta que, pour faire ce travail confor-
mément au modèle, il serait nécessaire que le cavalier s'en occu-
pât lui-même. Il dit ensuite que S. M. désirait vivement que, de
retour à Rome, le cavalier fit travailler de jeunes sculpteurs fran-
çais et leur apprît leur métier. Le cavalier répondit que Ton avait
le temps d*y songer, mais que, pour être agréable à S. M., il pro-
mettait volontiers de le faire. Puis nous allâmes chez le roi, à qui
Ton montra les dessins du palais, en présence du prince de Condé
et de maréchaux. Il s^en montra satisfait, et dit : « Je ne puis me
« déclarer plus content d'aucune chose que de bénir Theure oti
« j'ai fait venir ici le cavalier. » Tous les personnages de la cour
admirèrent également les dessins, et à Paris on ne fait qu'en dire
du bien. S. M. examina ensuite le projet d'autel, qui lui plut
extrêmement. Puis le cavalier dessina quelque peu du portrait
du roi, afin de pouvoir travailler à Paris. Nous nous rendîmes
de là chez la reine-mère, auprès de qui se trouvaient beaucoup
de dames, occupées à lui arranger les cheveux. Son contentement
ne fut pas moins grand, et Monsieur, qui survint sur ces entre-
faites, partagea son sentiment.
c Notre cavalier a commencé à travailler le marbre* ; il a essayé
trois blocs et n'en a pas trouvé un qui lui convienne; il utilisera
cependant le moins mauvais, car il y en a fort peu à Paris, et
ils ne sont point propres pour les bustes. On travaille beaucoup,
on commence de bonne heure le matin et Ton continue jusqu'au
soir, sans repos, et si Ton travaillait bien à Rome, on fait ici six
fois plus.
a En ce moment, on dessine la partie inférieure de la cour du
Louvre, oii se trouvent les loges, tant au rez-de-chaussée qu'au
premier étage; ce qui est fort beau. Dimanche prochain, on por-
tera le tout à Saint-Germain'. Puis on entreprendra de dessiner
les séparations des pièces et autres choses qui serviront à com-
mencer le travail... »
1. D'après Chantelou, ce fut le 6 juillet que le Bernin commença à ébau-
cher le marbre [Journal ^ p. 46).
2. Bibl. nat., ma. ital. 2o83, fol. au. ^ c Domenica prossima passata,
che fi] il di 5 lug* corrente, fiisaimo a S. Germano a portare il dise-
gno deir altra fabrica del Lovre da farsi verso le Tulerie, corne nell* altra
mia V. S. illnia haverà inteso, egiuntî che fussimo cola, andassîmo prîmîera-
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 227
En attendant, le Bernin corrigeait son œuvre, suivant les indi*
rations et les ordres de Louis XIV, modifiait la façade du côté de
nente aile stanze di monsù Colbert, dove il sig. cav. mostrô H desegni al detto,
1 quale ne resta molto sodisfatto, tanto délia pianta corne délia facciata e gli
tDostrô anco un disegno che ha fatto per un altare che gli haveva ordinato
La Regîna madré, che lo vole fare a una chiesa che ha fatto fobricare la
medema in Parigi, detta Val di Gratia, corne già nelP altra medemamente
gli dissi ; del quai disegno monsù Colbert resté molto amirato, vedendo un
pensiero cosi pellegrino fatto in forma ovata con otto colonne d' ordine
corinthio, con suoi capitelli, architrave, fregto, e comice, e frontespisio
con una gloria di Angeli et Dio padre con uno splendore, che da nelP andare
délia cathedra cosa veramente degna d'essere vista; quale altare deve servire
per la natività del Signore, dovc vi ha disegnato la Madonna con il Bambino,
e S. Gioseppe con quello espressive, che il sig. cav. sole animare li suoi
diaegni. Doppo che monsù Colbert hebbe veduto li sud. desegni, disse che
lui non haveva mai veduto cosa cosi bella, e che, per fare il detto altare
nel modo che era il desegno, haberebbe bisognia che fusse stato fatto per le
mani del sig. caval.; al quale poi disse che il Re haverebbe hauto gran
gusto che quando il sig. cav. sarà tornato a Roma, di havere a fiare lavo-
rare diversi giovani francesi scultori sotto di lui, acciô possino riuscire ver-
tuosi, e che il Re Thaverebbe mantenuti in Roma suntibus suis; aile quale
parole il sig. cav. rispose che lui era di tempo, ma che per servire S. M.,
i'haverebbe fatto molto volentieri.
c Doppo, si andô dal Re e se gli mostrorno li desegni del palazzo, alla pre-
senza del Prencipe di Condè, et al tri marescialli, dove che ne restô sodis-
fatto, a segno che disse queste précise parole : c lo non posso restare più
sodisfatto di quello che resto, e benedico Thora che vi ho fatto venire quà »,
e li desegni hebbero tanto dal Re quanto délia corte un grande aplauso, e
per Parigi non si sente altro che dire bene di quelli desegni ; poi gli mostrô
il desegno deir altare suddetto, il quale medemamente gli piacquein estremo,
e godeva di vedere quello. Doppo il sig. caval. disegno diverse parte del
retratto de S. M., jpcr poterlo poi fare nel modello a Parigi.
c Doppo si andô dalla Regina madré, la quale si trovô che moite dame sta-
▼ano acomodargli la testa, e gli si mostrô il desegno, alla quale piacque
grandemente, e ne restô molto sodisfatta, e nel medemo luogho vi era
Monsù, il fratello del Re, il quale vedendolo, anco lui gli piacque assai;
questo è quanto posso dirgli circa questo.
c II sig. cav. ha principiato il retratto in marmo, et ne ha provato tre pezzi
e non ha trovato ancora cosa ar proposito, e si servira di quello che è meno
cattivo, perche in Parigi, di marmi vene sono molti pochi, e quelli che vi
sono non sono da retrattt; qui si fanno gran fatiche, e si comincia dalla
mattina a bon hora si no alla sera senza requiarmai, et si assicuri V. S.
illm&, che si a Roma si travagliava assai, qui si travaglia sei volte più :
adesso si sta facendo il desegno dalla parte di dentro del cortile, al quale
si feinno le loggie sotto e al piano nobile, il quale riescie molto bello, e
domenica si portera a S. Germano a mostrare al Re Di quello che ne suc-
cédera ne sapera V. S. illma in quest* altra. Poi si darà principio a disegnare
aaS LB BKRNIN BN FBAMCB.
k rivière pour Tadapter au style de la âiçade principale, detâoth
les diverses élévations^ quMl soumettait à Colbert le 8 joilkt.
Le surintendant avait hâte de voir entreprendre les fonda-
tions, et le Bernin renouvelait sa promesse de porter an roi,
lors de sa prochaine visite à Saint-Germain, tous les pkns et âé-
vations, tant de la &çade du dedans du Louvre que de celle da
côté de la rivière. En outre, il se déclarait désireux de reprendre
soit hii-méme, soit par Tintermédiaire de Matthia de Rossi, ies
mesures exactes sur le terrain, afin de commencer ces fondattoos*.
Le 12 juillet, un nouveau voyage eut lieu à Saint-Germain,
«t Dimanche dernier, 12 du mois de juillet, le cavalier alla mon-
trer au roi le dessin de l'intérieur de la cour du Louvre. Ce
dessin est tout en perspective, et, avec les quatre ressauts des
quatre escaliers, il est merveilleux et majestueux au possiUe. Le
roi en demeura très satisfait et en fit grand éloge, ainsi que tons
ceux qui, maréchaux ou gentilshommes, étaient présents lorsque
Ton montra ce dessin, et tous s^accordèrent à dire que ce serait te
plus grand et le plus remarquable palais du monde. Puis M. Col-
bert et quatre autres officiers demeurèrent au conseil des finances,
durant lequel le cavalier dessina de diverses sortes le portrait de
S. M., afin de pouvoir travailler au buste^ Cela dura une heure
et demie, et, durant ce temps, je restai là, servant au cavalier
tout ce dont il avait besoin pour dessiner. LorsquMl eut ter-
miné, tous les ministres regardèrent ce qu'il avait. traité du visage
de S. M., et en furent très contents. Nous déjeunâmes ensuite là
où nous sommes accoutumés à le faire, puis le cavalier fit la
sieste, selon son habitude. Mais il se reposa peu, car il se fatigae
trop et s'échauffe trop la tête par son travail acharné; il dort peu,
autant la nuit que le jour; tous lui disent de ne pas tant se fati-
guer, d'aller plus lentement, car il ne pourra soutenir une telle
li spaccati di dentro délie stanze, et altre cose in grande, che senrono per
principiare l'opéra.
c Soho tre ordinarii che non ho hauto lettre di V. S. illm», dove ne seoto
gran travaglio, e mi fanno pensare che lei sia in colera con me, corne già in
una acritta al sig. cav. lei diceva. la questo mi pare non habbia occasione di
dolerai de me, non havendo io fatto mancamento alcuno apresso, etc —
Parigi, questo di 10 guglio i6G5. »
I. Colbert, le 8 juillet, venait visiter l'atelier du Bernin, examinait kl
élévations du Louvre et se déclarait désireux de voir commencer les fonda-
tions. Les jours suivanu, le cavalier visitait les appartements et ombrait lui-
même ses dessins {Journal, p. 48-49}.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XFV. 329
ardeur. Quant au buste, il a essayé trois morceaux de marbre
et se sert du moins mauvais. En ce moment (le ly), il s'occupe
des dessins des façades latérales du Louvre. Ils seront terminés
et pourront être montrés à S. M. dimanche prochain... Le roi
demande sans cesse au cavalier de commencer les fondations,
mais ce dernier désire auparavant terminer tous ses dessins et que
les hommes par lui mandés de Rome soient arrivés ^.. »
On continuait à dessiner activement et à prendre des mesures
I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 3 19. — c Domenîca prossima passata,
12 del corente mese di luglio, si andô a S. Germano a mostrare al Re il
disegno del di dentro del cortile del palazzo del Lovre. Il quai disegho è
tutto tirato in prospectiva e stante li quattro resalti délie 4 acale grande fa
mirabilmente e rende maestà a magior segno. Il Re ne restô assai sodis-
fatto e ne fece grande aplauso, corne anco fecero tutti quelli marescialli
e cavalieri, che erano presenti, quando si mostrô detto desegno, e dissero
tutti di accordo che quello sarebbe stato il più bello e gran palazzo che
fusse stato nel mondo; questo è quanto vi fu circa il Lovre per ail' hora;
doppo restô dentro monsù Colbert con quattro ahri officiali assieme con
il Re, e principiorno il conseglio délie finanze, nel quale conseglio restô anco
il sig. cavalière a disegnare diverse parte del retratto de S. M. per poterlo
poi lavorare in marmo. Si trattenne dentro un hora e mezza, nel quai
luogho vi stiedi accora io servendo il sig. cav. di quello gli faceva bisogna per
disegnare, e doppo che bebbe disegnato, tutti quelli ministri che erano
nel conseglio viderro quelle parte del viso di S. M., e ne hebbero gran gusto;
doppo si partissimo e si andô a pranzo nel solito luogho, dove si é andato per
lo passato, e doppo il sig. cav. si andô a reposare, conforme il suo solito. Ma
il reposo suo è divenuto poco, perche si afatica troppo e si rescalda con
l'aplicatione tanto gagliardamente la testa, che tanto la notte corne il
giorno dorme pochissimo; ogniuno gli dice che lui non si afatichi tanto, e
che faccia un poco più adagio, perche cosi caldamente come lui Tha presa,
non pare che posai sussistere. Circa il retrato di marmo, lui ha messo le
mani in tre pezzi di marmi, e hora si serve del meno cattivo. Hora si sta
facendo li desegni per 11 fianchi del medemo Lovro, e appunto domani saranno
feniti, e domenica si porteranno a mostrare a S. M. Si darà principio quesi'
altra settimana a disegniare li spaccati per di dentro del palazzo, come anco
le sue plante numérale per potere principiare Topera. Il Re continuamente
manda a dire sig. cav. che dia principio alli fondamenti, ma il sig. cav. vole
aspettare di fenire prima tutti li desegni, e anco che venghino da Roma
questi huommini che si sono mandati a chiamare, perche di queste maes-
trante non bisognia fidarsene, una perche non intendono il parlare, el' altra
perche non sono gente dalla nostra. Tra tanto si darà principio a tirare
li fili principali délia fabrica, e questo è quanto gli posso dire sopra diciô.
c Godo grandemente il sentire continualmente dalle lettere che V. S. illma
scrive al sig. cav. délia bona salute délia sua casa, etc. — Parigi, questo di
17 juglio i663. Matthia db Roasi. i
pour tfctificr cxlks <|iii avaient été cnrofées à Rooia. II semUiit
ménie à ce mooKDt qm Tao voulût profiter de la préseooe de
Vmmmt pour faire aéaoïer an Lonvie do dépendances coo-
sdérable&. Le 1 5 înîDet cnefEat, Odbcrt, âam venu Toir kcivaliff
loi dnnanrta de songer à faire nngnde-menble, en remplaceiDeot
sans doute de rhôiel dn Pedt-Bonrbon, destiné à di^waltie pir
suite de Fagiandissenient dn palais. Ce garde-menfak denit
tee placé vers le ponail d'ennée. En onire, cm penadt à dispo-
ser nne gruide oonr qui pût serrir am ballets à cheval et tu
pièces marhinfft, et diqnisée de telle sorte que ces pièces piuKot
facileoMnt ▼ éire introduites. Mais le snrintnicfanf pensait sonom
à la gruide place qn*U convenait de ménager devant le Loovic,
dn cfilé de Saint-Germain-TAnenois. Le Bemin proposut de
donner à cette place one profondeur égde une ims et demie à h
hauteur dn palais. Cette disuinoe, disaût-il, était suflSaante pour
que Ton vit parfaitement la construction. L*çglise de Saim-^Ger-
inain se trouvant sur l'un des cOiés, fl projetait de tracer en fax
de la porte d'entrée du Louvre une rue qui longerait l'Oise. Les
deux côtés de cette place seraient disposés en portion de cerde, «ir
le modèle de k place Saint-Pierre de Rome. Cette partie poumit
être utilisée pour les corps de garde, et en maintenant les por-
tiques assez bas, on ménagerait h hauteur et la p er sp e cti ve àa
palais*.
Il paraissait donc que l'œuvre fût en bonne voie. Non seulement
le roi s'en déclarait toujours enthousiaste, non seulement Colbert
semblait approuver les projets, mais la favorite. Mademoiselle de
La Vallière, à qui on les montrait, en était tout à fait panisante.
Aussi une aaivité fébrile régnait-elle dans l'atelier de Thôtel de
Frontenac. Le cavalier déterminait la largeur exacte des galeries
et les loges, résen-ait Tespace nécessaire pour que trois carrosses
pussent y passer de front. 11 étudiait les abords du Louvre, s'a-
cupait de la pente à donner aux terrains qui l*environnaient,
visitait en détail l'intérieur du palais, en mesurait la surface,
essayant de remédier au dé&ut de symétrie et à la fausse équerre
qui empêchait la porte principale d*étre exaaement opposée au
pavillon actuel de Tborloge. Il pensait en plus à abaisser le sol de
la place pour donner plus d*élévation au rez-de-chaussée*.
I. Journal, p. 5i, à la date du i5 juillet,
a. Jàid,^ p. 73 et suiv.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 23 I
Mais il avait renoncé à raser l'ancien Louvre. « J'ai toujours
pensé, mandait-il au duc de Modène le 32 jdillet, que je serais
plus loué si je pouvais faire une grande et majestueuse construc-
tion sans rien jeter à terre. S. M. m*a dit ayec son grand génie
que la dépense lui importait peu, mais qu'il lui déplairait de
détruire ce qu'avaient fait ses ancêtres. J'ai donc fait un dessin
qui, sans supprimer presque rien de ce qui existe, produit un
palais qui sera le plus beau par la richesse et la grandeur, et aussi
par Tesprit qui Ta inspiré; moi qui suis peu, je dois peu estimer
mon œuvre, mais je l'apprécie comme due aux lumières que Dieu
m'a accordées. S. M. m'a montré très vivement sa joie et attend
impatiemment que Ton commence les travaux, ce que l'on fera
dès qu'arriveront les ouvriers demandés à Rome. En les attendant,
je dessine tout ce qui est nécessaire au travail ^ » C'était aussi en
ces termes qu'il écrivait, à quelques jours de là, au cardinal Chigi,
en lui vantant l'esprit et Pintelligence du roi : « Le roi a vraiment
une grande et même merveilleuse intelligence, car n'ayant jamais
étudié l'architecture ni vu les bonnes œuvres des maîtres, il
arrive à reconnaître ce qui est le mieux. Je craignais de m'étre
trop avancé dans la construction du Louvre, mais il va encore
plus vite que moi ^. »
Pendant que les travaux préparatoires du Louvre se poursui-
vaient, le buste du roi était toujours l'objet des sollicitudes du
cavalier. Il continuait à se rendre à Saint-Germain, oQ l'accueil
de la cour devenait plus chaleureux depuis que l'on savait que
l'ancien palais ne serait pas sacrifié. <c Le 19 juillet, nous allâmes
à Saint-Germain, selon notre habitude, écrivait Rossi quelques
jours plus tard, et l'on montra au roi le dessin de la façade des
côtés du Louvre; le cavalier l'a tellement bien arrangée que,
lorsque le travail sera fait, le palais ne sera plus reconnaissable et
paraîtra complètement neuf depuis la base, bien que Ton ne
jette rien à bas de ce qui existe déjà. C'est là que s'est ren-
contrée la plus grande difficulté, car il faut faire régner tout
autour le même ordre et les mêmes ornements qu'à la façade,
avec la corniche, la balustrade et les statues, qui sont admirables.
Le roi en est très satisfait et attend l'heure à laquelle on com-
1. Fraschetti, ouvrage cité, p. 353, n. i. Voir aussi {Ihid,^ p. 346, n. i)
une lettre de Vigarani.
2. Bibl. nat,, ms. ital. 2o83, p. i63.
232 LE BBRNIN EN FRANCE.
mencera le travail, ce qui aura lieu dès que les ouvriers mandés
à Rome seront arrivés. En attendant, on tire des lignes, on mesure
Tancienne construction pour se bien assurer des faits et travail*
1er librement. On dessine les séparations de l'intérieur du palais
et un plan agrandi et numéroté, afin de commencer le travail.
« Lorsque le roi eut examiné ce dessin, le cavalier, suivant sa
coutume, se mit à dessiner S. M.; tandis qu*il travaillait, la
reine survint avec le dauphin et s'assit jusqu'à ce que le cavalier
eût terminé; regardant alors Tesquisse, elle en fut très contente et
demanda si Ton travaillait au marbre. Je lui répondis affirmati-
vement. Le roi s'inquiéta de ce que le seigneur Paul faisait à Paris.
L^abbé Butti répondit qu41 sculptait un bas-relief de marbre,
de grandeur naturelle, représentant Tenfant Jésus appuyé à une
boite, oti sont les instruments de la Passion. L'enfant tient en
main droite un clou et l'essaie dans la paume de la main gauche*.
La reine se retourna vers moi et me dit qu'elle serait heureuse
de voir ce travail lorsqu'il serait terminé. Je lui répondis qu'il en
serait ainsi fait. Le roi, à ce moment, ordonna de montrer tous les
dessins du Louvre à la reine, à tous les gentilshommes et à toutes
les dames qui se trouvaient présents. En les voyant, la reine fut la
première à déclarer qu'ils étaient beaux, majestueux et que rien
au monde ne les égalait. Tous, à sa suite^ dirent de même, et Ton
termina ce jour l'examen des dessins par de grands applaudisse-
ments, d'autant plus vifs que l'on voyait que Ton ne touchait à
rien du vieux palais. Nous prîmes alors congé de S. M., qui
monta en carrosse pour aller recevoir la reine- mère d'Angleterre',
qui arrivait à Saint-Germain, oîi elle réside en ce moment. Au
retour à Paris, racontant au seigneur Paul tout ce que l'on avait
dit devant le roi et la reine, je lui rapportai le propos de la reine,
qu'elle désirait voir son bas-relief dès qu'il serait fini-, il en fut
fort heureux, et maintenant travaille avec acharnement et avec
1. Ce bas-relief dont il est question fréquemment dans le Journal de
Chantelou fut, ainsi que nous le verrons, offert à la reine au moment où le
buste de Louis XIV fut porté au Louvre. Cette œuvre, à laquelle le Bernin
travailla quelque peu, est d^un travail assez grossier. Signalée par M. Cou-
rajod (Bulletin de la Société des Antiquaires de France, t. XXX VH (1876)1
p. 106-107), elle est actuellement au Louvre, dans la salle Puget, sous le
n* 498.
2. Henriette de France, fille de Henri IV (sur ce voyage : Galette de Frtmce,
i865, p. 72a et 723. Londres et Saint-Germain-en-Laye, 14 et 16 juillet).
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 233
entrain afin de le finir rapidement et de le montrer à S. M. Le
cavalier travaille au portrait en marbre de S. M. et continue à
&ire de grands efforts, et je crois que tant qu^il ne l'aura pas ter-
miné il ne voudra pas se reposera •
I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 107. — c Domenica prossima passata che
fil il di 19 luglio, si andd conforme il solito a S. Germano, e si mostrô al Re
il desegno délie facdate delli âanchi del palazzo de Lovre, il quale il sig.
cav. rha tanto bene accomodato, che fotto che sarà Topera, il Lorre non si
conoscierà più, et apparirà fiitto tutto di nuovo di pianta, e accomodato
imodo che non si getta a basso punto del fatto che questa è stata la magior
faticha che si sia possuta fiEire, havendo fatto regirare attorno il medesimo
ordine et ornamento délia facciata con suo cornicione e balaustrata con statue
simile, che è amirabile; di questo il Re ne resto appieno sodisfatissimo,
e non vede Thora. che si dia principio air hopera, e questo si farè subito
che harrivaranno questi huommini che si sono mandati a chiamare a Roma;
tra tanto si sta tirando le squadre et fili de mezzi, et revedendo le misure
délia fabrica vecchia per poterse assicurare bene del fatto, acciô si possi
operare liberamente; si sta anco disegnando li spaccati di dentro del
palazzo, e planta in grande numerata per potere poi dare principio ail
hopera ; questo è quanto occorre sin hora del Lovre.
Doppo che il Re hebbe visto il sud. disegno, il sig. cav. si misse conforme
al solito a disegnare il retratto de sua Macstà, e nei tempo che stava dise-
gnando arrivé la Regina e il defino, e siede lad. Regina in d. luogho sino tanto
che il sig. cav. hebbe fenito di disegnare, e poi vedendo d. retratto ne restô
molto sodisfatta e demandé si il retratto di marmo si lavorava. Egli fu res-
posto di si. 11 Re domandô che cosa faceva il sig. Paolo a Parigi; nspose
Tabate Buti che stava facendo un puttino di marmo di grandezza del natu-
rale, che rapresentava il Bambino Giesù appoggiato alla Cassetta, dove sono
tutti ristrumenti délia Passione, quai bambino teneva con la mano dritta un
chiodo, e se lo provava nella planta délia mano manca. La Regina si voltô
a me e disse che haverebere voluto vederlo quando sarebbe stato fenito, e io
gli resposi che sua Maestà Thaverebbe veduto. 11 Re ordinô nel istesso
tempo che si fussero mostrati tutti li desegni del Lovre alla Regina et a
tutti quelli signori e dame che erano li presenti, e se gli mostrorno e la
Regina fu la prima a dire che erano assai belli e maestoti, e che nel mondo
non vi era pari, e tutte Paître dame e cavalieri che erano présente dissero
il medesimo, e feni per quel giorno la vista delli desegni con un grande
applauso, tanto più quando sentirno che del vecchio non sene toccava ne
guastava niente. Doppo questo si partissimo da sua Maestà, e nel istesso
tempo il Re monté in carozza, che andava incontro aMa regina madré
d*Inghelterra che veniva a S. Germano, la quale al présente cola dimora.
Noi la sera cène tornassimo a Parigi, e io recontando al sig. Paolo tutto il
sucesse il giorno avanti il Re e la Regina, gli dissi anco che haveva detto la
Regina che doppo che lui haverà finito il putto lovoleva vedere, edi questo
il sig. Paolo ne hebbe gusto assai, et hora ci lavora attorno alla gagliarda e
con gusto, per spicciarlo presto, per monstrarlo alla Regina. Il sig. caval. sta
lavorando al rctrauo di marmo del Re, e sino adesso seguita a fore grande
284 LE BBRNIN EN FRANCE.
Le buste avançait en effet; on commençait à venir le voir, à le
discuter. De Lionne, Coibert, le nonce, le duc de Créqay, k
marquis de Bellefonds fréquentaient l'atelier du Bernin, exami-
naient le travail, donnaient leur appréciation. On discutait alors
sur les cheveux. Les uns souhaitaient que le front fût couvert
par la chevelure; d^autres objeaaient, avec Chantelou, que le
front avait besoin d'être découvert, donnant beaucoup d'expres-
sion à la physionomie. La question ne fut pas tranchée avant
de longues semaines. Puis on s'occupa de la draperie à rejeter
autour des épaules du roi. Le travail n'avançait pas aussi vite
qu'on le désirait, et, plus que tous autres, le Bernin se plaignait
de la rareté des séances ^
Cependant, son temps était très employé. Non seulement chaque
jour il s'occupait du Louvre et du buste, mais il trouvait encore
moyen de sonir une grande partie de la journée avec Cbanteloo.
Successivement, durant ce mois de juillet, et malgré quelques
indispositions qui, depuis son arrivée à Paris, l'avaient forcé àse
ménager^, il ne se passait pas de jour qu'il visitât quelque curio-
sité. 11 prenait contact avec tout ce qu'il y avait d^intéressam à
voir, un jour à la maison de M. de Coigneux', un autre à AuteuiP,
un autre aux Gobelins', à Chaillot, à Madrid^, aux Ca^mélites^
aux Quinze- Vingts*, aux Feuillants et à Saint-Cloud', oli Mon-
sieur désirait vivement, en apprenant son admiration pour la
situation du château et ses eaux vives, utiliser son expérience
fatiche, e credo sino che non haverà fenito qucsto retratto non vorà iratte-
nersi di faticare tanto. Mercordi a inaiiina venne da S. Gcrmano il mar-
chese Belfonte, e vene a vcdcre il retratto di marmo, del quale ne rcstô
xnolto sodisfatto. Mons. nunzio viene spesso a vedere il sig. cav., e gli fa mille
cortesieogni voltache ci viene. Il sig. abate Buti medemamente. Hieri venne
a salutare il sig. cav. il cognalode monsù Coibert, cavaliero al quanto di gran
garbo e di bella fisinomia, al quale si mostrorno tutti li desegni del
palazzo del Lovre, e ne resté maravigliato vendendo simili cose. Questo è
quanto... Di Parigi, di 24 guglio i663. De Rossi. »
1. Journal f p. 58, 74, 81. Voir aussi Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 291.
2. Ibid.y p. 3o, 49, 86, etc.
3. Ibid., p. 34.
4. Ibid.^ p. 40.
5. Ibid.^ p. 49.
6. Ibid., p. 99.
7. Ibid.j p. 53. Il y admira un tableau du Guide.
8. Ibid., p. 60.
q. Ibid.y p. 70. 11 y retourna, au reste, plusieurs fois dans ce même but.
^TRAVAUX DU tXÏUTRE ET LES STATUES DE LOUES XtV. 335
ïîïi<yiorer le jeu des jetsd'eau. Il s'en allait aussi visiter aux
îes i cette grande petite chose*, » ainsi qu'il appelait dédaj-
emeni les jardins de Renard^ ou bien il se rendait à Meu-
ay^ ou au Temple*, oîi le commandeur de Souvrc
lir des plans pour la reconstruction de sa résidence,
is, il allait visiter les galeries célèbres, telles que celles
ïard, de Chanielou, de Butti, en attendant que Jabach^
lÂÏûï laisser voir sa collection, que la malveillance de
rmait au maître italien. Il se mêlait à tout le mouve-
Clique, s* intéressait aux rïgurînes de cire de Benoît ^^ se
llontiers inviter par le maréchal et la duchesse d'Aumoni^,
|e lui demander d^ conseils sur des constructions à faire
cmentation de leur hôtel, par de Lionne, par M°" de
chi, par le cardinal Antonio^ par le nonce, à moins que
î ne réunît ses amis à Thôiel de Frontenac^,
scoïemenl il trouvait le temps de se multiplier en
LUpûiJûns^ mais il n'abandonnait rîende sa verve caus-
ant tout, critiquant toute Tarchiiecture française, repre-
profit certains mots malheureux du nonce, gémissani
Ȼignement de sa famille, sur son isolement'*, et paraissant
arder comme unegrâceeo demeurant au service du roi*
lis ne manquèrent point d^utiliser ces nouvelles mala*
moment semblait propice pour saper Tinâuence du
rXc^ travaux de Tautel du Val-de-Grace allaient fort len-
rcine-mére, malade, semblait peu disposée à adopter
du Bernin*^. D autre part, si Tâbandon d'un plan
i abattre tout Fancien Louvre devait rapprocher de Tar-
}p de ceux qui redoutaient une trop grande dépense,
rfen profita pour présenter des plans nouveaux inspirés
pour exploiter la répugnance de Golbert à sacri-
, ww ûo et 79,
r «o^ Réflexions déta gréa blés sur la vue de Paris et
'eacalier
.m.
i diverses via i tes, voïr plus haut, p. 20g, m 1.
p, iîta-123 et 236.
54 et 57.
|i^ to3«
p. 6t.
S56 LS BEUIDC EN FftANCE.
âer ks caostmctioos existant entre le palais et Saint-Germain-
rAuzerrats *. Le Van proposait de garder Tanden Lx>uvre comme
aram-ooor. ann d V loger les grands seigneurs ; un nouveau palais
s'âêrerah ^ers la cour des cuisines et serait agrémenté de jardins
allant îusqu aoz Tuileries. Une pente douce permettrait de monter
facilement aux appartements du roi'.
Ce protêt exisca-(-il vraiment aussi précis? N^ eut-il pas simple-
ment un brait tendancieux que Ton répandit pour aggraver le désac-
cord entreColbertet le Bernin ? Il était en effet impossible de trouver
deux esprits plus opposés. « Le cavalier n^entroit dans aucun détail,
ne songeoît qu'à faire de grandes salles de comédie et de festins
es ne se mettoit point en peine de toutes les commodités, de toutes
les suggestions et de toutes les distributions de logements néces-
sairesw.. M. Colben«au contraire, vouloit de la précision et savoir
où et comment le roi serait k^é, comment le service se pourroit faire
comme démenti... Le cavalier n emendoit rien et ne vouloit rien
entendre à tous ces deuils, s'imaginant qu'il étoit indigne d'un
grand architecte comme lui de descendre dans ces minuties ^. i Tant
qu*il s'était agi de plans, d'élévations, on avait pu ajourner ces
diffictiliés. Mais elles devenaient pressantes, le plan du Louvre
étant achevé et étant sur le point d'être exécuté, et, d'autre pan,
les rapports de Colbert et du Bernin devenant plus fréquents, par
suite du retour de la cour de Paris.
Le plan qui venait dèirt approuvé* ne différait pas beaucoup,
semble-i-iK de celui envoyé de Rome en mars précédent. L'an-
cienne cour du Louvre était complètement modifiée par Tadjonc-
tion de deux cours dangle aux extrémités orientale et occidentale.
Sur la façade regardant Saint-Germain-lWuxerrois, un grand
pavillon central et deux pavillons d angle saillants étaient réunis
par deux corps de bâtiments. Cette façade élevée sur un rocher,
qui semblait servir de base à l'édifice, présentait au rez-de-chaus-
sée une masse de pierres taillées en bossages; au-dessus régnait
un ordre corinthien embrassant deux étages.
Au rez-de-chaussée, le pavillon central était percé de six fenêtres
1. Journal f p. 74.
2. Ibid., p. 75.
3. Mémoires de Perrault, p. 36.
4. Ces plans ont été publiés par J.-F. Blondel, Architecture française,
livre VI, n* 1, pi. 3, 8, 12, i3.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 3 37
accouplées et de trois portes cintrées donnant accès dans le palais.
Entre ces portes, le Bernin pensait élever* deux grandes statues
d'Hercule. Au premier et au second étage, huit colonnes sépa-
raient les fenêtres. Les'pavillons d^angle étaient percés de quatre
fenêtres séparées par quatre pilastres cannelés. Au-dessus du
second étage régnait sur toute la façade une frise et une corniche
supportant une balustrade^ surmontée elle-même de grandes
statues.
Les fenêtres du premier étage étaient couronnées d'un fronton
cintré, celles du second d^n fronton triangulaire. Les deux corps
de logis qui reliaient les pavillons étaient percés de quatre
fenêtres.
La porte centrale, étroite, sans ornements, donnait accès dans
un vestibule à colonnes, séparant les deux cours d'angle et per-
mettant d'accéder au second corps de bâtiment en façade sur la
cour. Cette même disposition se trouvait à la face occidentale du
palais.
Du côté de la rivière, Tancienne construction était revêtue, ainsi
que du côté de TOratoire, d'une longue façade coupée par deux
corps avancés et se raccordant aux pavillons d'angle de la façade
orientale. L'entrée de ce côté était vis-à-vis du collège des Quatre-
Nations, et le manque de symétrie que l'on reprochait au premier
projet, en ce qui touchait la situation des deux pavillons centraux,
se trouvait corrigé par le prolongement à une même distance des
deux façades orientale et occidentale. Entre le premier et le second
étage de cette façade, des fenêtres, presque carrées, alourdis-
saient l'aspect du f>alais.
Du côté des Tuileries, la disposition générale ressemblait à ce
qui existait à la façade orientale. Trois pavillons saillants percés
de quatre fenêtres étaient reliés entre eux par deux corps de bâti-
ments rentrants et présentant trois fenêtres de façade. Le pavillon
central était très sobrement décoré au rez-de<haussée et percé de
dix fenêtres entourées de montants en rustique. Mais les deux
éuges supérieurs étaient ornés de douze colonnes corinthiennes,
entre lesquelles s'ouvraient de grandes baies cintrées. Une cor-
niche, une balustrade et des statues semblables à ce qui existait
à la façade orientale couraient tout autour du palais.
I. L'artiste avait réservé l'exécution de ces statues après son retour à
Rome. Voir plus bas, p. a66.
238 LE BERNIN EN FRANCE.
La cour centrale était diminuée par Tadjonction de quatre
corps d'angle servant aux escaliers et qui lui donnaient la forme
d*une croix grecque. Elle était complètement entourée de grandes
loges formées par de hautes colonnes corinthiennes, surmontées
également d'une corniche, d'une balustrade et de statues. Grâce
à cette disposition, ces loges desservaient à tous les étages Pinte-
rieur du palais.
Toute l'ancienne construction était conservée, mais était enca-
drée et masquée par les adjonctions des bâtiments neufs qui lui
formaient un revêtement.
L'intérieur du palais était occupé par de vastes et superbes
salles fort majestueuses, mais peu logeables. Beaucoup étaient
obscures, ne prenant jour que sur les cours intérieures et au tra-
vers des galeries de la cour centrale; le même défaut de lumière
se retrouvait dans les escaliers.
Le Louvre, dans le projet, se trouvait réuni aux Tuileries par
deux longues galeries partant de la façade occidentale et ména-
geant ainsi un énorme espace entre les deux palais.
Enfin, tout autour du palais, un vaste fossé baignait la base
des constructions. Ce fossé est nettement dessiné dans le plan de
Marot, et le soubassement en forme de rocher décrit par Matthia de
Rossi et reproduit par Varin dans la médaille commémorative de
la pose de la première pierre ne permet pas de douter de son
existence. Le Bernin suivait, en ce faisant, la tradition et donnait
en même temps une plus grande élévation au palais.
Tel quMl était, ce projet avait de graves défauts. La façade orien-
tale était lourde et massive. L'opposition entre les deux étages
supérieurs ornés de colonnes et la simplicité du rez-<le-chaussée
était choquante. Ce dernier était écrasé par la masse qu'il sup-
portait. La disproportion entre les divers corps de logis, la
dimension exagérée du pavillon central étaient disgracieuses. La
profusion des statues surmontant le palais, fort compréhensible
dans un pays oti les masses se détachent fort bien sur Téclat du ciel,
était peu heureuse dans une région souvent sombre et brumeuse.
De même, la façade méridionale manquait de grâce, la longue
suite de fenêtres semblables, les pavillons épais et entourés de
pilastres cannelés donnaient une impression de lourdeur mono-
tone.
On ne pouvait cependant pas faire le même reproche à la façade
occidentale. Le pavillon central, avec ses colonnes et ses grandes
LES TRAVAUX DD LOUTRE ET LES STATUES DE LOUIS XTV. aSç
»uvertures cintrées, avait une majesté simple et grandiose. Et,
.'il était regrettable de voir Tœuvre de Lescot dissimulée sous les
idjonctions nouvelles, il faut convenir que les galeries courant
out autour de la cour du Louvre ne manquaient ni de grâce ni
l'agrément.
Cependant, l'ensemble de ce monument devait choquer le goût
Tançais. Le Bernin avait conçu et dessiné son plan en Romain.
[1 n'avait tenu compte ni de la diversité des mœurs, ni de la
iifférence de climat, ni de la divergence des goûts. Il avait suivi
les errements de son pays, traité sobrement les façades extérieures,
leur gardant cet air de force un peu fruste qui rappelait encore les
palais fortifiés du xv* siècle, et avait, au contraire, réservé toute la
^râce, toute la richesse architecturale pour les cours et Torne-
[nentation intérieures. Accoutumé à embrasser d'un coup d'oeil
l'ensemble des constructions, il n'avait guère pensé au détail.
Son palais était entièrement destiné aux réceptions, aux fêtes,
k tout ce qui pouvait donner une grande idée de la majesté royale.
Tant que l'on s'en était tenu à la conception du plan, on avait
pu se trouver d*accord. Mais le jour où, l'ensemble adopté, il fal-
lut songer à l'aménagement intérieur, les divergences devinrent
alors plus vives et les discussions plus acerbes entre l'architecte et
le ministre de Louis XIV.
IV.
Le retour de la Cour a Paris. Le Bernin et la Cour.
Ce fut précisément au moment où Ton allait s'attacher à
rétude de ces questions de détail que la cour, quittant Saint-
Germain, rentra à Paris. Ce changement allait apporter une
modification in»portante aux habitudes du cavalier. L'hôtel de
Frontenac, où il résidait depuis son arrivée, était nécessaire
pour loger une partie de la suite du roi. On songea donc
à lui trouver un autre logement, et l'on s'arrêta au palais Maza-
rin, où un superbe appartement, aussi luxueusement meu-
blé que le précédent, lui fut ménagé. Mais qu'allait-on faire du
buste du roi? Le laisserait-on au Louvre, afin d'éviter à
Louis XIV les dérangements nombreux que nécessiterait son
achèvement? On y pensa tout d^abord, mais le Bernin fit observer
M©
t 7 âesDcmmïU 3 snit csposé aux TÎsites trop
t ^H poamk par suite moins
hbrsrassst tjxTxîIàer. Qs ieckli âooc de toot transporter au
pûûs Muarin. Aa roK. la àamèsia m e sur e s relatives aa plm
étMm q[UMvrver.i rs^ées. li présence do canlicr était moins néoes-
sûie an Loorre Jifme.
c Ceœ lemaiTie, mandait Mattiiia de Rossî k 7 août, on a fini
de tirer ks pâans ei de planier les marques fimîtant la construc-
tion; 00 deaâne toakMus les divisions de llnténeur et la jJaceda
devant an palais. Kentôî on anomenoera le travail. Le cavalier
continoe à sculpter le portrait du roi, et, avec l'aide de Dieu, il
réussit fon bien. Tous ceux qui le vcûent le trouvent admirable.
Le seî^eur Paul travaille au has-relief qui va très bien etcoo-
tcnte tons ceux qui Teraminent. On attend id Tanivée du roi
lundi ou mardi prochain; il vient voir les ialons plantés pour
la oonstroction, et l'on dit qu'il en profiteia pour demeurer à
Paris. SU en est ainsi, le cavalier n*ira plus à Saint-Germain et
finira le buste là oii il V^ commencé. Dimanche nous changeons
de demeure^ la nôtre étant fort commode à la cour pour le ser-
vice de S. M. Nous habiterons au palais Mazarin, et, si jusqu'ici
nous avons été bien logés, nous le serons encore mieux; Tap-
panement que Ton a assigné au cavalier peut servir à n'importe
quel prince, et est fort bien orné. Jusqu'ici, le cavalier a travaillé
au buste à l'intérieur du Louvre; maintenant, il travaillera là où
nous irons habiter, ce qui lui sera plus commode et S. M., pour
poser au naturel, viendra chez le cavalier. Mercredi dernier,
M. Colbert vint de Saint-Germain et alla examiner les jalons
posés pour Je nouveau palais. Voyant les limites des maisons à
démolir, il demanda au cavalier de faire le dessin de la place; ce
qu'il fait en ce moment. A cène occasion, M. Colbert lui demanda
s'il était content de déménager et s'il voulait continuer de travail-
ler au Louvre, suivant son habitude, ou s'il préférait établir son
atelier dans sa nouvelle habitation. Le cavalier lui répondit que,
pour sa commodité et pour éviter la présence des seigneurs de
la cour, qui seraient toute la journée autour de lui, il préférait
travailler au palais Mazarin^ d
I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 63. — t Do parte a V. S. illma come in
questa seuimana si sono feniti tirare li fili delle quadre e mezzi delU
fabrica dcl L/)vre, e si sono piantati li termini dove terminera la fabrica. Si
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 34!
De fait, quelques jours plus tard, le cavalier avait transporté son
habitation au palais Mazarin, et le roi, par suite peut-être de la
maladie de la reine-mère*, alors au Val-de-Grâce, allait revenir
définitivement à Paris, l^ cavalier avait parlé de la nécessité de
nombreuses séances de pose'; autant qu'il le put, Louis XIV lui
donna satisfaction. Maiscettenouvelleorganisationdevaitmodifier
les conditions de vie du sculpteur. Jusqu'alors, malgré Tempresse-
ment qu'on mettait à le visiter, Téloignement de la cour le laissait
dans un certain isolement favorable à ses travaux. De plus, les
cabales montées contre lui, et dont tout l'effort s'exerçait à Saint-
Germain, lui arrivaient affaiblies, de même que toutes ses mala-
seguita anco a disegnare le spaccatî di dentro e la piazza che si deve fare
avant! il palazzo, e presto si darà principio ail' opéra ; questo quanto occorre
del Lovre. Il Sig. cav. seguita a lavorare il retratto del Re e con l'aiuto del
Signor riescie molto bello, che chiunque lo vede dice che è amirabile. Il
sig. Paolo seguita a lavorare al suo puttino e riescie molto bello e tutti
questi sig. che lo vedono restono molti sodisfatti. Si sta aspettando il Re, che
viene a Parigi lunedi o martedi prossimo futuro, il quale viene per vedere
li termini che si sono piantati per la suddetta fabrica, e con questa occa-
sione dicono che si tratterà in Parigi. Si questo è, il sig. cav. non anderà
più a lavorare il retratto a S. Germano; la fenirà qui, dove Ta principiato.
Noi mutiamo appunto domenica di casa, essendo la casa dove siamo stati
si no hora nel cortile de Lovre, et per essere assai comoda alla corte, deve ser-
vire per servitio di sua Maestà, e noi andiamo ad' abitare al palazzo Maz-
zarino; e si siamo stati bene si no al présente, per l'avenire stareroo assai
meglio, essendo l'appartemento che hanno consegniato al sig. cavalière
assai bello da potervi abitare quai si voglia principe, e bene adobato.
Il sig. cavalière si no adesso ha lavorato dentro il palazzo del Lovre a fare
il retratto, et hora lavorerà nel medesimo palazzo dove anderemo ad abi-
tare, si che per lui sarà magior comodità, et il Re per stare al' naturale verra
a casa del sig. cavalière. Monsù Colbert mercordi prossimo passato venne
da S. Germano et volse vedere tutti le termini che si erano segnati per il
palazzo da farsi, come anco vedde li termini délie case che si devono démo-
li re, et air hora ordinô al sig. cav. che facesse il desegno délia piazza, il
quale si sta facendo; e con quell* occasione disse il medessimo mosù Col-
bert al sig. cav. che si fusse contentato di mutare di casa e che si fusso capato
il sito da lavorare, si vole va lavorare nel Lovre dove aveva lavorato per
lo passato, o vero si voleva lavorare alla casa, dove andava ad abitare, et il
sig. cav. disse che per la sua comodità come ancho per che lavorando nel
Lovre sarebbe stato con gran sugetione per rispetto di questi signori délia
corte, che tutto il giorno gli sarebbano stati attorno, che pensava meglio
lavorare in sua casa... Di Parigi, questo 7 agosto i665. Matthia db Rossi. »
I. Anne d'Autriche venait d'être très malade et le bruit de sa mort avait
même circulé (cf. Journal^ p. 81}.
a. Journal^ p. 36.
Mte. xzxi 16
24s I*B BniON EN FRAMCB.
dresses, que tous ses mots acerbes n'étaient fNis^ tnen que
soigneusement recueillis, aussi avidement saisis par ses ennemis
souvent absents. Au contraire, le roi revenant, le Bemin alkit
être mêlé à tout le mouvement de la vie de la cour, à un momeat-
où il était fatigué par la température, inquiet de la santé de a
femme dont il recevait de mauvaises nouvelles, découngé pir
les reproches que lui fieûsait Colbert de ne pas conduire ana
vivement la construaion du Louvre S énervé par des discussions
sur des points de détail qu'il considérait comme n^igeaUes,
anxieux de repartir le plus vite possible, dût-il même refeoir
plus tard, s^efEbrçant de décider à grand'peine son élève, Matdiii
de Rossi, à surveiller à sa place les travaux, sentant enfin de tous
côtés la malveillance et la force d'inertie s'unir contre lui. Il antt
demandé des murateurs à Rome, estimant qu'ils sauraient miem
que d'autres choisis en France préparer le mortier; ils n'arri*
▼aient pas. Il avait depuis longtemps souhaité que Ton dégageât
la place située devant le Louvre des maisons destinées à dispa-
raître; Colbert, qui le pressait si fort, ne lui donnait pas satisfac-
tion*. Enfin, il ne devait pas ignorer que le bruit se répandait de
tous côtés que le roi lui-même avait perdu du goût pour son pro-
jet, que ses ennemis espéraient reprendre le dessus, que Ton
hésitait à continuer l'entreprise'.
Il était à présumer que toutes les rumeura hostiles, toos
les racontars se donneraient plus facilement cours lorsque la
cour serait installée à Paris. A Saint-Germain, quelques pri-
vilégiés seuls assistaient aux séances de pose. A Paris, elles
devinrent quasiment publiques. Le roi s'y rendait, précédé de
gentilshommes et de gardes, pour assurer la tranquillité et Tordre
autour du palais Mazarin, et, à sa suite, une foule nombreuse s'y
pressait, heureuse de voir Taniste et d'étudier les impressions da
monarque.
c Le roi est revenu à Paris, écrivait Rossi le 14 août, et depuis
1. Journal^ p. 76.
2. Cette question des expropriations durs fort longtemps. Bien que 1^-
fiiire eût été commencée en 1601, plusieurs immeubles n'avaient pas encore
été définitivement acquis; d'autres étaient loués à des particuliers ou ser-
vaient de dépendances à la cour, et il fallait le temps nécessaire pour les
rendre libres, le roi ne voulant pas, disait Colbert, chasser les gens d*un
jour à l'autre.
3. Journal^ p. 74 et 85.
LES TRAVAUX DU LOUVRB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 243
il est déjà venu trois fois voir travaille? le cavalier; chaque fois,
il a posé une heure, et s^est montré très content, ainsi que
toute la cour; on a beaucoup loué le buste en marbre, qui est
vraiment très ressemblant et très beau, également digne de celui
qui Ta fait faire et de celui qui Texécute. La première fois qu'il
vint, il fit le tour de la pièce, puis alla regarder travailler le sei-
gneur Paul; il examina TEnfant Jésus que fait ce dernier et lui
demanda quel était cet enfant. Paul lui répondit et le roi lui dit :
« Puisque vous vous en occupez, continuez à travailler. » Paul
se remit à Tœuvre, le roi s'assit, le regarda un bon moment
avec admiration, se leva et lui dit : « Cest un beau bas-relief, et
c vous vous y entendez fort bien. » Toute la cour en demeura
étonnée ^ > Sinon chaque jour, en tout cas plusieurs ibis par
semaines, le roi se rendait ainsi au palais Mazarin; dans ces con-
ditions, le travail avançait rapidement; successivement, toutes les
diverses parties du visage étaient corrigées et retouchées; les yeux
et la bouche étaient l'objet de longues séances^; les cheveux
étaient disposés en flocons, couvrant légèrement le front ^; le
cavalier demandait et obtenait qu^on lui apportât un collet, sem-
blable à celui que le roi avait coutume de porter, pour le prendre
comme modèle^. 11 se hâtait et travaillait sans relâche.
,
I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83y p. 141. — cNoî siamo partitidi casaesiamo
andati ad' habitare nel palazzo Mazzarino, dove hanno consegnato un
appartemento al sig. cav., che potrebbe habitarci quai si voglia Prendpe, tutto
apparato e di arazzi e di damaschi, e se neir altra casa si stava bene, in
questa si sta assai meglio, essendoci la comodità per il sig. cav. da lavorare
in casa in due gran stansiôni che sono al piano d'abasso, tutti adobatti
d'arazzi; il Re è tornato a Parigi, e sino adesso, è già stato tre volte a vedere
lavorare il sig. cav., e è stato al naturale un hora per volta, et ogni volta che
è yenuto, ha hauto grandissimo gusto, tanto lui corne anco tutta la corte et
hanno applaudito grandemente il retratto di marmo, il quale veramente
riescie molto simile e bello, degno di chi lo fa fare, et di chi lo fa. La prima
volta che il Re venne a vedere lavorare, girô per tutta la stanza, e poi andô
dove lavorava il sig. Paolo, e vedde il Bambino Giesù, che il detto sta facendo,
e gli domandosi quel Bambino lo faceva lui; il sig. Paolo gli respose di si, et
il Re gli disse c se lo fate voi, dunque a hora travagliate >, et il sig. Paolo si
misse a lavorare, e il Re lo stiede a vedere un pezzetto con gran gusto, e
poi se levé e disse c questo è un bel putto, e voi vi portate molto bene 1, di
questo tutta la corte ne resta attonita, vedendo la venu del sig. Paolo. Questo
è quanto in questo ordinario... Di Parigi, di 14 agosto i665. Matthia de
R08S1. 1
a. Journal, p. 106, iio^ i33.
3. Ibid., p. 58, 72, i3i.
4. Ibid., p. 167.
244 ^^ BBRNIIf EH FMAlfCB.
c Cette semaioe, écrivait Rossi le 1 1 septembre, le roi est veno
poser deux fois^et, chaque fois, il est demeuré une hrare et demie,
à son grand contentement, voyant que le portrait réussit à sa vive
satisfaaion et est fort beau. Le cavalier l'avance le plus qu'il peut
pour le finir au plus vite, et s'y acharne tellement que souvent il tn-
vaille encore une heure et demie le soir, à la lumière des torcha.
Vraiment, c'est une chose digne d'être vue de tous... Cette onme
a tellement séduit le roi que, quand il vient, il accueille le on-
lier avec le visage qu'aurait le meilleur ami de notre cher miltre
et parle et plaisante familièrement avec lui; souvent, il donne
un coup d'œil à son portrait, et, chaque fois qu'il le regarde, dit:
c O fort bien! Monsieur le cavalier Bemin m^a bien pris! ■ et s'il
lui arrive, ayant promis de venir, de manquer au rendes-vooi,
il s^excuse envers le cavalier lors de sa prochaine visite ea loi
disant qu'il a eu autre chose à dire. De ceh, vraiment, chscoo
reste dans l'admiration, voyant un prince de cette sorte s'eioiier
comme il le fait auprès du seigneur cavalier, et estimer oe der-
nier plus que nulle autre personne...*. »
I. Bîbl. nat., ms. iul. 2o83, p. 307. — f Quetta settiiiuiiia U Re è HU»
due volte al naturale, et ogoi volts che d é Tenuto, si é trattenuto coa bon
e roessa, e con suo grand itsimo gutto, perche vede che il retratto di mtnno
rietcie di tua gran sodisfatione e molto bello. 11 sig. cavalière lo va ann-
zando più che puole per fenirio quanto prima, e si è redotto che moite
volte ci travaglia anco un hora e mezza délia sera a lume di torcie. Ven-
mente è cosa troppo dcgnia da essere veduto da tutti, acciô ne possino portire
Taplausi in tuite le parte del mondo di si bell* opéra tatta nella prima città
délia Francia, al imagine de un si gran monarca, che veramente merittvt
un opéra di mano del sig. cav., la quai opéra a fatto inamorare sua Maesti
in modo che quando viene dal sig. caval., fa la figura che farebbe il magior
confidente del medemo sig. caval., e discorre famigliarmente sempre con
facétie, e spesso da l'occhio al suo retratto e ogni volta che ci guarda, dice
c for bon, monsier le cavalier Bernin m*ha ben prendut •; in lingua italiana
vol dire o è belissirao, mi ha presso assai bene; e si il Re si trova di havere
promesso al sig. cav. di venire al suo studio, e che qualche volta habbia man-
cato, quando torna fa la sua scusa con il sig. cav., e gli dice che lo scuai se
quando resto di venire non venue, perche hebbe da fare altro. Di queste
veramente ogniuno ne resta amirato, vedendo che un Re di questa sorte
debba scusarsi nel modo che egli fii, e fs più stima del aig. caval. che di
chi altra persona si sia.
< Qrca il Lovre, si seguono a cavere li fondamenti con gran quantità di
huomini, et ogni domenica si fa la congregatione nello studio, dove lavora
il aig. cav., nella qualeviinterviene monsieur Colbert, Monsieur de SiantLupo,
maestro di casa di sua Maeatà, il firatello del medemo come toprainten-
dénie délia fiibrica, et il aig. caval., e la ai diacorre di tutto quelle che ai é
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 245
Quelquefois, la reine accompagnait Louis XIV^ et toujours
une suite nombreuse de courtisans venait assister à ces séances.
Uatelier du Bernin devenait le lieu à la mode, le rendez-vous de
la cour. Tous étaient curieux de voir de près l'artiste, de regar-
der comment il travaillait^ de contempler la statue du roi dont
on parlait tant, d'examiner le bas-relief de Paul Bernini, bas-
relief auquel son père ne dédaignait pas de faire parfois des
retouches. Chaque jour amenait de nouveaux visiteurs, venant
à la suite du roi, épiant les conversations, composant leur
maintien d'après Thumeur du monarque et témoignant, comme
le maréchal de Grammont, plus ou moins de bienveillance ou
d'animosité envers l'artiste, selon que Louis XIV paraissait plus
ou moins content de Tœuvre et de son auteur. Il circulait, en
efTet^ des propos que l'on attribuait au cavalier et qui blessaient
le roi. Ce dernier avait le visage irrégulier, le nez un peu fort et
plus gros d'un côté, ce qui le faisait paraître de travers. De plus,
certaines défectuosités dans la joue augmentaient cette dissymétrie.
« Il avait trouvé que le roi a la moitié du visage d'une façon et
l'autre de Tautre, un œil différent aussi de Tautre, et même les
joues différentes^ » Le bruit se répandit que, montrant un jour
le buste à quelqu'un, il avait dit : « Cela est beau; mais, dans
Toriginal, c'est vraiment laid. » Le propos revint au roi, qui en
fut très mécontent, et dit, parlant du peu d'admiration que
montrait le cavalier : « Il ne loue pas beaucoup de choses. » Chan-
telou défendit son ami, et Butti accusa Le Brun d'être l'auteur de
ces fausses nouvelles'. Malheureusement, d'autres faits pouvaient
lui être reprochés avec certitude : « Étant un jour entré dans un
appartement neuf, oti S. M. a fait rassembler grande quantité de
meubles, de tentures et d'autres objets semblables, et oti Elle se
fatto in d. fabrica nella settimana pasaata, e di quello si deve fare nella
settimana fotura; questa congregatio si è fatta di gia due volte. Non ho
altro che dire a V. S. illm«, ne che respondere aile sue scrittemi, solo che
gli fb reverenza di vivo core, corne fo anco a tutti... Di Parigi, di 1 1 sep-
tembre i665.
c Mandoa V. S. illmaunmadrigale fatto dal sig. abate Buti in iode delsig.
ztLV,, quale ba hauto grande applausoe qui in Parigi, e lui medemo lorecitô
:%e\\o studio alla presenza del Re e di tutta la corte, e sua Maestà ordinô che
iubito si traducesse in francese. Matthia db Rossi. t
1. Journal, p. 99.
2. Ibid., p. 98, 107, i3i.
3. Ibid,, p. i3i à i33.
246 LB ^OtNIN EN FRANCS.
reposait, s'éunt &it saigner au pied, le cavalier montra du
mépris pour ces recherches, peu conformes, disait-il, à la gran-
deur du roi; mais au lieu d'être pris ep bonne part, on Ta mal
interprété, et cela lui a fait tort. On attend, ajoutait Vigarani,
qu'il ait fini le buste pour le congédier; il paraît considérer cela
avec indifférence, bien que ses amis voient avec chagrin ce résul-
tat. Rien n^est toutefois perdu, mais un grave indice est le refroi-
dissement de M. Colbert, qui tout d^abord était fort passionné
pour ses travaux*. » Un autre jour, sollicité d'aller à Saint-Cloud
visiter le château, oti le duc d'Orléans désirait le consulter sur les
pièces d'eau et les cascades, il faisait remarquer que la duchesse
n'avait point encore visité son atelier ni vu le buste du roi'.
Cependant, les visiteurs ne manquaient pas; à chaque heure de
la journée, on se rendait au palais Mazarin. La cour tout entière
y défila.
On y voyait les évéques de Coutances, de Lodève et de Laon, les
abbés de Tallemant, d'Argenson, de Lescure; le prince de Condé,
qui, quelquefois, assistait à la séance de pose du roi ; Turenne, le
comte de Grammont, le marquis de Bellefbnds, le comte d'Aï bon, le
comted'Harcourt,àquilecavalier, ignorantqui ilétait, négligeaitde
donner le titre d'Altesse; le duc de Créquy, le maréchal de La Ferté-
Imbaud, le marquis de Nogent, le marquis de La Mothe-Fénélon,
Louvois, Furetières, qui venaient admirer le buste. D'autres jours,
M"* d'Elbeuf s'y rendait avec la duchesse de La Rochefoucauld et
la marquise de Rare; M"* de Guise s'y rencontrait avec M"' de
Fonteuay et l'oncle de Colbert; Corneille y accompagnait la
duchesse de Nemours-Longueville et y recevait les compliments
admiratiCs du cavalier'.
Entre temps, on continuait à lui montrer les curiosités de
Paris et des environs. Le duc d'Orléans voulait obtenir de lui un
dessin pour les cascades de Saint* Cloud, et à plusieurs reprises
le cavalier se rendait au château pour étudier quelles transforma-
tions seraient possibles^. Le commandeur de Souvré insistait
pour qu'il entreprît une reconstruaion d'une partie du Temple^;
I. Fraachetti, ouwrage citéf p. 354, ^' >> Joumai, p. i33.
a. Joumalj p. 182.
3. Ibid., p. i83.
4. Ibid., p. I04y 199, 201 et 202.
5. Ce fut le 22 juillet que le commandeur de Souvré lui demanda son
avis sur les constructions à entreprendre au Temple {Ibid., p. 70}; le
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 247
les plans lui étaient envoyés, et, en septembre, il avait établi
tout un projet, qui resta sans exécution. On le promenait à
Berny, chez Hugues de Lionne; à Maisons, chez le président
de Longueil; à Chaillot et aux Carmes; le i3 septembre,
après que Louis XIV Teut permis, on le mena à Versailles.
La fontaisie du roi lui plut r « Cest galant, dit -il; chaque
chose est proportionnée et belle; ce palais a de la proportion. »
Il examina longuement FOrangerie, les jardins que Le Nôtre
dessinait, et, rencontrant le roi dans la cour du château, il le féli-
cita de son goût. Admis au cercle de la reine, oti se trouvaient
réunies les duchesses d'Orléans, de Montpensier, d'Elbeuf et
de Bouillon, il y renouvela ses compliments*. Malheureusement,
il n'était pas toujours aussi bon courtisan, et lorsque Colbert,
désireux de faire construire à Saint-Denis une chapelle pour la
sépulture des Bourbons, Py conduisit, le cavalier, voyant la
sépulture de François I"% de sa femme et de ses enfants, s'écria :
c Ils sont là bien mal, » ce qui, malgré une prudente explication
donnée par Chantelou, ne fut nullement du goût du ministre^.
Pourtant, il demanda au Bernin de songer à cette entreprise, et
ce dernier, comme toujours, après avoir examiné le plan de Tab-
baye, proposa une construction telle que Téglise en eût été une
simple dépendance. L'idée ne fut au reste pas poursuivie. Il ne
se montra pas plus habile dans ses autres visites. Aux Feuil-
lants, à Saint- Paul, il blâma la décoration; à la Sorbonne,
s*il admira l'ordonnance de la cour, s*il donna de judicieux con-
seils pour l'emplacement du monument funéraire de Richelieu,
il critiqua fort Téglise', et partout, qu*il visitât les collections de
2 août, le cavalier alla dîner au Temple et examiner l'emplacement [Jour^
nal, p. 78*79); le 26 septembre, il avait fait son plan {Ibid,, p. 184).
1. Ibid., p. i56.
2. Colbert le conduisît le i5 septembre à Saint-Denis [Ibid,, p. ibg); le
cavalier proposa de suite quelque chose de grand et qui dominât. Il vou-
lait non pas faire le plan d'une chapelle semblable à celle des Valois et
construite symétriquement de l'autre côté de Téglise, mais grouper les sépul-
tures de manière qu'elles regardassent l'autel Saint -Louis. Il entendait
grouper vingt à vingt-cinq rois d'une manière extraordinaire, cinq ou six
en un même réduit, en action de priants, appuyés sur une sorte de balus-
trade en forme d'histoire, le tombeau de Louis XIV constituant le centre
{Ibid., p. 86); il fit même, dans ce dessein, mesurer la largeur de l'église.
Mais on trouva le prix trop élevé.
3. Ibid,^ p. 21 5.
248 UB BERNIM EN FRANCK.
Jabach, du duc de La Vrillière, de rhâtd de Guise ou du duc de
Richelieu» il ne dissimula pas sa partialité et son exclusivisme en
bveur de Técole italienne.
Comment, au reste, les quelques conseils de ses amis dévoués
auiaient-ils pu diminuer sa confiance en lui-même, alors qoe de
toutes parts, même ceux qui constataient et blftmaiem sa fatuité, se
plaisaient à l'encourager? L^estime réelle que son talent lui valut
Cuisait que, malgré le peu de goût que Ton avait pour des concep-
tions architecturales, Ton s'adressait à lui comme au mattre de
TarL Lorsque, le 18 septembre, il visita l'Académie de peiotore,
il y était reçu par Nocret, Du Metz et de Sève, qui lui diaicot
visiter les salles de dessin et celle des conférences; tous ks
académiciens se groupaient autour de lui pour Tentendre déve-
lopper ses théories. On savait que Colbert l'avait pressenti sur
la fondation d'une École de France à Rome, et l'on était curieux
de Tentendre affirmer que la copie de Tantique et celle des
tableaux dles maîtres étaient la meilleure préparation et la plussiine
formation pour les jeunes sculpteurs, et le plus fruaueux enseigne-
ment pour les jeunes peintres. « Il y a trois choses, ajoutait-il,
pour bien réussir en peinture et en sculpture : voir le beau de
bonne heure et s^y habituer, opérer beaucoup et avoir de bons
conseik. » Ces pensées répondaient trop bien à celles de Q)lben
pour qu'on n'en louât pas le cavalier, et, sachant qu'il serait l'un
des principaux chefs de la nouvelle fondation déjà projetée, on lui
recommandait de jeunes artistes, on lui soumettait leurs essais*.
Ces marques de déférence, cette afHuence des courtisans au palais
Mazarin le grisaient d'orgueil. Des amis maladroits, flatteurs
malencontreux, désireux de contenter à la fois et le roi et Tartiste,
rivalisaient de madrigaux et de vers dont la faiblesse n'avait d'égale
que la platitude, et, au milieu des séances de pose, comme dans
les soirées oCi se rendait le cavalier, entre deux morceaux de chant
de M"^ de La Varenne^, on lisait et on applaudissait les épitha-
lames de Butti, de Filippi, de Tallemant, de Testu et d'admi-
rateurs anonymes qui envoyaient de Rome des sonnets en l'hon-
neur de Louis XIV et du Bernin'.
I. Journal, p. 134.
a. I6id., p. i3a.
3. Ces nombreuses pièces de vers ont été reproduites dans le Joumal,
p. 100, 107, 148, 168, 174.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 349
V.
l'achivement du buste de louis xiv.
La pose de la première pierre du Louvre.
Malgré tout, le travail du Louvre avançait lentement. Le bruit
avait même couru, au début d^août, ainsi que nous l'avons vu,
que Ton pensait à abandonner le projet du cavalier. C'était toute-
fois une fausse alerte; la cabale, bien que redoublant ses attaques,
n^était pas parvenue à triompher complètement. Les études conti-
nuaient. L'entente semblait faite en ce qui concernait le bâtiment
du Louvre lui-même; les façades du quadrilatère, celles des cours
intérieures avaient été adoptées. Il restait à s'occuper de l'exécu-
tion matérielle et à réaliser certains projets complémentaires aux-
quels avait songé Colbert, tant pour la place devant le palais que
pour divers bâtiments et dépendances à ménager entre le Louvre
et les Tuileries. La présence de la cour à Paris rendait plus
étroite la surveillance du ministre. Les questions de construction,
de devis, d'entreprises ne devaient plus, comme le projet lui-
même, être en grande partie résolues par l'artiste, mais être
débattues dans des sortes de conféreTices ou « congrégations »
composées de diverses personnes : Colbert, le Bernin, Perrault,
Madiot, intendant des bâtiments, Maizières, entrepreneur du
Louvre, M. de La Motte, intendant des bâtiments du roi,
Bergeron, entrepreneur des maçonneries, Chantelou, son frère
Fréart de Chambray^ chargé de la surveillance des travaux,
et Du Metz, intendant des meubles de la couronne, a Chaque
dimanche, disait Matthia de Rossi, on fait une congréga-
tion dans l'atelier oti travaille le cavalier, et là s'y trouvent
M. Colbert, M. de Chantelou, maître d'hôtel de S. M., son frère,
surintendant de la construction, et le seigneur cavalier. Là on
parle de tout ce qui a été fait de la construction pendant la
semaine précédente et de ce que l'on doit faire dans la semaine
suivante. Voilà déjà deux dimanches que cette congrégation a
lieu^ » A dire vrai, ces réunions, qui commencèrent à la fin
d'août, accentuèrent de plus en plus la divergence de vues entre
I. Voir p. 244, n. i. Lettre du ii septembre.
25o LB BERNIN EN FRANCB.
le Bernin et Colbert et augmentèrent Tanimosité entre l'architecte
et Charles Perrault.
En même temps, on s'occupait de la grande place en avant
du palais. L'église Saint-Germain-rAuxerrois se trouvant sur
Tun des côtés, on pouvait la faire longer par une rue qui abouti-
rait dans Taxe de la porte d'entrée du palais, avec une largeur
de i5'"45 à l^entrée et de ii'^aS au débouché. La place elle-
même aurait une profondeur de 67'*56o5 sur une largeur < de
1 54°'424o. D^autre part, Manhia de Rossi dessinait le plan d'un
théâtre que Ton songeait à ériger entre les Tuileries et la façade des
cuisines. Ce théâtre devait avoir deux Ceiçades, Tune regardant le
Louvre, l'autre les Tuileries; il se présenterait sous la forme de
deux ponions de cercle concave, se raccordant au centre par une
portion de cercle convexe. Un escalier de dix degrés y donnerait
accès; les péristyles seraient ornés de colonnes. Cette construc-
tion pourrait servir pour les tournois, les courses et ballets à
cheval. On pourrait placer environ 10,000 personnes de la
noblesse dans chacune des deux parties; au milieu, il y aurait un
appartement de neuf ou dix pièces pour les princes étrangers. La
façade de ce monument serait de i37'°82; les colonnes auraient
une hauteur de ag^'Sôaa. Avant ce projet, le cavalier avait
songé à élever entre les deux palais deux colonnes dans le genre
de la colonne Trajane et de l'Antonine, et, au milieu d'elles, une
statue colossale du roi, dressée sur un piédestal. Louis XIV vit
ce projet, mais ne témoigna pas son sentiment^.
1. Journal f p. 92.
2. Clément, t. V, p. 25 1 etsuiv. — Matthia de Rossi donne aussi une des-
cription identique de ce projet. Bibl. nat., ms. lat. 2o83, p. 117. c In
questa settimana habiamo hauto il Re tre volte, e l'ultima volta che ci è stato
è stato oggi doppo pranzo, e si è trattenuto due bone hore sempre fermo al
naturale, con sua grand issima sodisfatione, restando molto contente del
retratto che il sig. cav. fa, il quale con Taiuto del signor Dio comincia ad
essere a buon termine, e il viso è quasi perfectionato. Il Re con chi parla
nommina il sud. retratto, e dice che lui ne resta molto contento. Circa il
Lovre, adesso si sta disegnando un pensiero del sig. cav. per fore un mausoleo
a gnisa di theattro et anfitheatro da fiabricarsi tra il palazzo del Lovre e paluzo
detto le Tulerie, che é dietro il Lovre, il quale mausoleo servira per vedere
feste tra le due piazze delli due palazzi, corne giostre, balletti a cavallo, fochi e
altre simili ; e lo fa i modo che si si dosse il caso di fare due feste in un giorno,
cioè una da una parte, e una dall* altra, perche il d. sarà fabricato nel
mezzo délie due piazze. Il Re non ha ancora veduto il desegno perfectio-
nato, ma ha veduto lo schizzo, e pare che ne sia rescato appieno sodisfatto,
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIY. 25 1
On préparait, en plus, un mémoire d'ensemble, que Col-
bert allait remettre à Farcbitecte, sur les divers appartements
que Ton devait ménager dans le palais pour le roi, la reine,
la reine-mère, le dauphin et les en&nts de France, leurs ser-
vices d^honneur et les quatre offices du gobelet et de la cui-
sine. C'était un relevé de tout ce qui concernait l'organisation
intérieure, jusqu'aux pièces de débarras, et à Talimentation des
eaux. En outre, il y était question de nombreuses adjonctions
vivement désirées par le roi.
« Au dedans ou au dehors du Louvre, il faut faire choix d'un
lieu pour bastir une grande et superbe bibliothèque, qu'il n'y en
ait pas, s*il se peut, de pareille au monde (S. M. ayant un très
grand nombre de livres très rares pour la remplir), et donner,
dès à présent, les dessins de la menuiserie au dedans. Cette biblio-
thèque doit estre accompagnée d^un beau logement pour le
bibliothécaire. Il faut, de plus, au dedans du Louvre, un cabi-
net d'art beau et superbe. Au dedans et au derrière du Louvre,
il faut deux corps de garde pour les régiments des gardes françaises
et suisses, capables chacun de tenir deux à trois cents hommes
avec des chambres au-dessus pour les officiers.
a En mesme temps, il seroit nécessaire que M. le cavalier Ber-
nin observast tout ce qui peut se faire de beau, de grand et de
magnifique entre les deux palais du Louvre et des Tuileries :
c Un lieu propre pour y élever un obélisque ou colonne, de
laquelle on parle depuis longtemps, pour y travailler vingt et
trente ans, et en faire un ouvrage singulier dans toute l'Europe.
« Examiner la sortie du Louvre par les Tuileries pour en faire
aussi quelque chose de grand et de magnifique ^ »
ma quando vederà la planta, e al rata in prospettiva fenita, chredo che
magiormente li placera; qui in Parigî molti vertuosi hanno fatto diversi
sonetti in Iode del sig. cav. Bernino, tanto per il retratto di marmo, quanto
per li desegni délia fabrica del Lovre, e tra Taltri ne hà fatto uno il sig.
abate Buti che pare il più bello, e lo mando induso a V. S. illn)«, che tratta
in detto per le due statue delli due Ercoli che il sig. cav. espone dalle parte
délia porta del Lovre, e anco del retratto; oggi appunto nel tempo che è
stato qui, il Re alla sua presenza ne sono stati letti di due autori, qucsto e
un' altro, e il sig. cav. a letto al Re quello che gli era stato mandato del
sig. abate de Felippi, il quale al Re gli è piaciuto grandemente. Non o altro
che dire... Di Parigi, questo di 21 agosto i663. Matthia de Rossi. »
I. Ce mémoire, que Colbert paraît avoir remis au Bernin le i3 août, a été
publié par M. Clément {ouvrage cité, t. V, p. 25i} et daté à tort de 1664.
252 LE BERNIN EN FRANCE.
En plus de ces constructions qui tenaient au palais lui-même,
d^autres projets étaient encore formés : Saint-Germain-l'Auxer-
rois était l'église paroissiale du Louvre, qui ne possédait qu*une
petite chapelle. Le roi désirait que Ton en construisît une qui fût
grande et spacieuse, séparée des appartements, et d'accès facile à
tous les petits officiers et valets. Devant servir de paroisse, il
semblait nécessaire quelle fût ou séparée du Louvre, tout en y
étant attachée, ou que, si elle était disposée à l'intérieur du palais,
elle fût à deux étages; de toutes façons, les personnages de la cour
Il contient des renseignements très précis sur le nombre des personnes des-
tinées à être logées au palais et les appartements qui leur étaient ménagés.
Le roi se réservait pour lui et la reine tout le premier étage. II logeait son
capitaine des gardes du corps, le premier gentilhomme de la chambre, le
grand maître de la garde-robe et les valets, son premier médecin, son premier
chirurgien, son confesseur, son apothicaire, et toute la domesticité de la
reine, à savoir ses dames d'honneur et d'atours, son chevalier d'honneur,
ses femmes de chambre espagnoles et françaises, ses filles d'honneur, ses
gouvernante et sous-gouvernante. Le dauphin et les enfants de France
devaient avoir « un appartement commode et bien eiposé •, avec leurs
gouvernantes, sous-gouvernantes, femmes de chambre. La reine-mère gar-
dait prés d'elle le capitaine de ses gardes, sa surintendante, ses dames
d'honneur et d'atours, ses femmes de chambre, son apothicaire, son premier
médecin, son premier chirurgien. Des appartements de deux à quatre pièces
distribués au rez-de-chaussée et au troisième étage étaient réservés à ces
diverses personnes.
En outre, il fallait songer aux offices de cuisine, panneterie, échançonnerie,
fruiterie, fburrerie, chacun avec cinq pièces. Il y avait quatre offices du gobe-
let, de cuisine et de bouche pour le roi, les deux reines et le dauphin, à
trois pièces, sans compter les chambres des officiers, tous au rez-de-chaussée,
du côté de la rivière.
Le premier étage, outre les appartements royaux, devait contenir une salle
de garde avec deux salons, une grande salle de bal et une de festin, avec
tribunes pour la musique.
Le roi logeait au Louvre les quatre secrétaires d*État et les trois officiers
des finances, ayant chacun cinq à six pièces, le capitaine du Louvre, le grand
prévôt de l'hôtel, le grand maréchal des logis, le grand maître de France,
le maréchal de Villeroy, gouverneur du roi, le maréchal de Grammont,
colonel des gardes, et on réservait trois ou quatre appartements pour les
vieux officiers de la couronne. Toute une série de pièces étant également
réservée au Conseil du roi.
On spécifiait qu*il fallait ménager un appartement pour les tableaux,
statues et bustes du roi.
On insistait également sur la nécessité de veiller au service des décharges
et eaux, au dégagement du palais et à un poste d*incendie.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 253
devaient pouvoir y aller facilement; enfin, il était nécessaire de
songer à bien placer la musique et à ménager Tacoustique.
On songeait aussi à remplacer le pont de bois, connu sous le
nom de Pont-Rouge^ par un pont en pierre, et à disposer, de
Tautrecôtéde la rivière, une grande place carrée qui serait entou-
rée de bâtiments servant de caserne aux gendarmes, chevau-
I(^ers, mousquetaires; on utiliserait au besoin cette place pour
les fêtes et au milieu on y élèverait un grand monument en l'hon-
neur du roi. Le cavalier proposait de faire au milieu du nouveau
pont un terre-plein semblable à celui du Pont-Neuf et d'y dresser
une statue de Louis XIV faisant vis-à-vis à celle de Henri IV.
On lui fit avec raison observer que cette île factice rétrécirait con-
sidérablement le lit de la rivière, augmenterait la force du courant
et gênerait la navigation du fleuve*.
Les nouveaux travaux ainsi projetés étaient énormes. Comment
pouvait-on espérer que le Bernin pût les entreprendre et les mener
à bonne fin, alors que Colbert lui reprochait de ne pas travailler
aux fondations du palais avant que la saison ne devînt mauvaise.
Peut-être est-ce à ce moment que le cavalier, découragé, songea à
revenir une seconde fois à Paris avec sa famille', et qu'en atten-
dant il entreprit de décider Matthia de Rossi à le remplacer pour
surveiller Texécution des œuvres dont il dresserait lui-même les
plans?
En attendant, on travaillait toujours avec acharnement. Sur le
désir de Colbert, Matthia rabaissait la façade de l'étage noble que
Ion trouvait trop élevé*, — déterminait ce qu'il fallait détruire
des bâtiments qui entouraient le palais, à savoir : une aile de
rhôtel de la Force du côté du Louvre, les écuries de Thôtel
d'Aumont, un corps de logis de Thôtel de Provence, une partie
des écuries de l'hôtel de Longueville, un des deux corps de logis
de la maison de M. Du Buisson^, — et posait des jalons pour les
alignements du Louvre, que le roi désirait voir lui-même'. Tout
semblait donc marcher à souhait quand, le 28 août, le beau-frère
de Colbert, le marquis de Ménars, annonça en particulier à
1. Journal^ p. 210.
2. Ibid., p. 122 et 142. Il exprima du reste ce même dessein après avoir
quitté Paris.
3. Jbid., p. 108.
4. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 554.
3. Journal, p. 118.
254 t.B BBRNIN EN FRANCS.
Chantelou qu^on avait fait d*autres dessins pour le Louvre et
qu'on n^ezécuterait peut-être pas ceux du cavalier, par suite de la
situation diplomatique, alors très tendue avec le pape, et par
crainte que le travail une fois commencé, les Italiens, désireux de
retourner à Rome, ne Tabandonnassént^ C'était toutefois une
fausse nouvelle.
Le 2g, en effet, Colbert déclarait au cavalier qu'il fallait de suite
entreprendre les fondations'. Cependant, le bruit de cette dernière
cabale s'était répandu, et, le jour même oti Ménars en infornyiit
ChanteloUy Vigarani l'écrivait au duc de Modène'. Deux jours
après, à la vérité, il démentait sa précédente dépêche : c Ce matin,
on a tracé les fondations de la façade du Louvre, selon les plans du
cavalier Bernin. C^est un triomphe et une grande satisfaction de
voir enfin décidé un si grand travail et vaincue la cabale de ses
ennemis, qui ont tout fait pour le discréditer auprès du roi et de
M. Colbert. Son courage a triomphé de l'ignorance et de Penvie.
On va rapidement continuer Pœuvre durant la belle saison, car
il veut retourner à Rome avant l'hiver^. »
Tandis que Ton fouillait le sol, afin de préparer les fondations
de la nouvelle assise du palais, commencèrent, dès le 3o août, ces
a congrégations, > oti tout un Conseil des bâtiments discutait les
détails du travail. De nombreuses questions étaient en discus-
sion. Quelle pierre fallait-il employer? Celle de Saint-Leu, d'Ar-
cueil, de Bicêtre ou de Saint-Cloud? On apportait des échantil*
Ions que Ton examinait'; on discutait aussi comment on devrait
poser les assises des fondations, de quel mortier elles seraient
liées. Le cavalier défendait la composition italienne, et Colbert
s'offrait, s^il était besoin, à faire venir de la « pouzssolane > d'Italie
et même d^Égypte*. Finalement, comme les murateurs mandés à
Rome, Pietro Fassi, Jacomo Patriarca, Bellardino Rossi, étaient
arrivés, on fit une double épreuve. On construisit deux murs, l'un
à la manière française, l'autre à la coutume romaine, c'est-à-dire
avec de la c pouzzolane » et des moellons posés tels quels, sans
I. Joumaly p. 124.
a. Ibid.y p. 122.
3. Fraschetti, ouvrage cité, p. 354, n. i.
4. Ibid., p. 353.
5. Journal j p. 176.
6. Ibid,^ p. ia6.
LES TRAVAUX DU LOUVKB BT LB8 VrATUBS DB LOUIS XIV. a55
hre dressés ni égalisés au marteau ^ Un peu plus tard, on essaya
de Esiireau Louvre même une voûte suivant la manière de Fassi'.
Il ne s'agissait pas seulement des matériaux, il fallait régler les
conditions de salaire des ouvriers, que le Bernin voulait voir tra-
vailler à la journée, tandis que Gilbert préférait, pour les surveil-
ler plus facilement, employer la toise et le forfait*; il en était de
même pour les Italiens, en faveur de qui le cavalier demandait un
salaire plus élevé ^. Tout cela amenait de longues discussions,
od rimpatience et Ténervement de Tarchitecte se montraient de
plus en plus, jusqu'au jour oîi une querelle violente.éclata avec
Perrault au sujet des détails de distribution des pièces et de la
difficulté de fermer les arcs de la façade des cuisines. Chantelou
essaya d'enrayer la dispute, mais vainement. Le cavalier ne par-
lait rien moins que de partir. Une visite faite le lendemain
de grand matin par Perrault, — qui se garde bien d'en parler
dans ses Mémoires, — calma seule le Bernin'.
Le devis suscita de nouvelles difficultés, qui aggravaient l'ennui
de trouver des défauts dans Talignement, et par suite une diver-
gence entre les pavillons de l'Oratoire et de la rivière et dans la
perspective des portes*. Les conditions dans lesquelles on devait
construire les fondations étaient loin d'être réglées, même après
que celles entreprises par Le Vau eurent été démolies et que Ton
eut constaté, de l'aveu même de Q>lbert et de Madiot, qu'elles
étaient fort défectueuses^. En somme, on s^engageait dans un tra-
vail dont bien des points étaient encore indéterminés. Le 22 sep-
tembre, on parlait encore de baisser la cour du Louvre®, alors que
déjà Marot avait gravé une partie des plans' et que, depuis le 16,
Varin s'occupait de la médaille destinée à être scellée dans la pre-
I. Mémoires de Perrault , p. 34.
a. Journal, p. 177.
3. Ibid., p. 126.
4. Ibid., p. 178. *
5. Ibid,, p. 2o5 à ao7, 211. Voir la version de Perrault, dans ses Mémoires,
p. 65.
6. Journal, p. 128.
7. Ibid., p. 169.
8. Ibid,, p. 176.
9. Ce fut le 20 septembre que le cavalier demanda un graveur pour les
plans du Louvre. Le 24, la façade principale était gravée, le 1*' octobre le
plan achevé et quelques jours après le travail entièrement fini.
256 LB BBRNIN EN PRANCB.
mière pierre^ On n^avait rien établi de définitif pour tous les
offices de la cour; le 6 octobre, le Bernin travaillait au rocher qui
devait servir de base au palais^ et, le 7, on discutait encore de la
distribution des pièces et de l'emplacement de Tappartement
du roi*.
Aussi poursuivait-on en hâte la fondation, car le cavalier vou-
lait à tout prix partir. Il pressait Varin de terminer sa médaille,
attendant la cérémonie de la pose de la première pierre pour quit-
ter Paris.
De fait, tous les autres travaux étaient terminés, et le buste
du roi était achevé. La dernière séance avait eu lieu le 3o sep-
tembre*. Puis le cavalier avait poli son œuvre à la pierre ponce
et Tavait monté sur un socle de cuivre doré, rehaussé d^émail
bleu, représentant une mappemonde^. Pendant ce temps, il faisait
encadrer dans un cadre de bois doré le Christ sculpté par son
fils, et que la reine avait admiré, afin de Toffrir à la souveraine'.
Enfin, après avoir examiné où il convenait le mieux de les pla-
cer, il les fit porter le 1 3 octobre au Louvre. La reine-mère, tou-
jours alitée, aurait désiré qu^ils fussent mis dans sa chambre,
mais Tétroitesse des portes empêcha de les y faire entrer. On
les plaça donc dans Tantichambre du lieu où le roi donnait
audience, dans le nouvel appartement, et bientôt toute la mai-
son du roi, ainsi que celle d'Anne d'Autriche, vint les y admirer.
L'œuvre de Paul Bernini pèche par beaucoup de défauts.
L'Enfant Jésus, à demi allongé, s^appuyant sur les genoux et
sur la boîte d'outils, est lourd, manque de mouvement, de pro-
ponion et de vie. Le geste de l'enfant, qui tient le clou d'une
main et l'appuie sur l'autre, est convenu et mièvre. Toutefois,
Texpression de la figure, qui se présente presque de face^ la dou-
ceur et l'ingénuité du regard, légèrement étonné, ne manquent
pas d'une certaine grâce; mais l'ensemble dénote une œuvre de
début.
1. Varia vint voir le dessin le 16 septembre. Il remit sa médaille le
8 octobre, après y avoir apporté quelques modifications.
2. Journal, passim [au mois d'octobre].
3. Ibid,, p. 19a.
4. Le socle de la statue de Louis XIV, décrit ici, a disparu depuis long-
temps.
5. Ibid., p. a3 1-232.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 257
Quant au buste de Louis XIV, il est sans contredit Tun des
plus beaux qui soient dus au cavalier. La ressemblance, sans
doute^ est loin d'être parfaite, mais la haute mine du roi, la
richesse du collet et celle du manteau, somptueusement drapé
sur sa cuirasse, les cheveux, bouclés et s^épandant sur les épaules,
et encadrant fort heureusement le visage, le nez nettement déta-
ché, le regard altier, ferme et bien posé, la bouche dédaigneuse,
surmontée d*une légère moustache, produisent un ensemble plein
de grandeur et de majesté ^
Il ne restait plus, pour que le séjour de l'aniste eût une conclu-
sion positive, qu'à poser solennellement la première pierre du
Louvre. Or^ à la veille même de cette cérémonie, on hésitait encore
à exécuter le projet. Le 1 2 octobre Tabbé Butti apprenait à Chante-
lou que Ton avait mis cette question en délibération au Conseil;
Colbert s'y opposait, tandis que Louis XIV insistait pour que Ton
hâtât cette cérémonie*. Cependant on ne pouvait plus tarder. Le
Bernin annonçait son départ et redoutait, vu son âge, de traverser
les Alpes en arrière-saison. La médaille était terminée, les ins-
criptions gravées. Le cavalier s'entendait avec Tentrepreneur afin
de préparer un bloc de marbre pour y encastrer la médaille,
ainsi que Ton en usait à Rome. Il demandait qu^on le bénît
et qu*on tirât le canon, à la mode d^Italie. Colbert lui répondit que
les trompettes et les tambours sonneraient des fanfares et que le
régiment des gardes ferait des saluts*.
Le 17 octobre, enfin, la cérémonie eut lieu à midi. M. du Metz
vint chercher le cavalier. L'artiste monta avec le duc de Créquy,
Butti et Chantelou, dans la voiture de ce dernier; sa suite dans
le carrosse royal. Descendus aux fondations, les difficultés recom-
mencèrent : on ne savait à qui Ton devait présenter la truelle. Sur
ces entrefaites arriva Colbert. Tout était prêt. Varin avait apporté
ses médailles; le marteau, les pinces, la truelle d'argent étaient
disposés près du bloc de marbre. On attendait le roi, qui fit
grand accueil au cavalier, et mit la pièce à l'endroit qu'il conve-
nait. Le Bernin lui présenta la truelle, après l'avoir remplie de
mortier pris dans un grand bassin d'argent. La médaille était
1. André Fera té, les Portraits de Louis XIV au musée de Versailles ^ dans
Mémoires de la Société des sciences morales^ lettres et arts de Seine-et-
Oise, 1896.
2. Journal, p. 23 1. Voir le récit de Perrault, Mémoires, p. 62.
3. Journal, p. 234 à 236.
MÂu, XXXI 17
258 LB BERNIN EN FRANCE.
déjà encastrée dans le marbre quand survint le maréchal de Gram-
mont; sur le désir du roi, on retira la médaille pour la lui mon-
trer, puis on la remit en place; Louis XIV donna quelques coupsde
marteau et Ton couvrit le marbre avec une pierre. La cérémonie
I finie, et le roi à peine parti, une querelle s*éleva entre Français et
Italiens pour la possession des outils; finalement Chantelou dut
les emporter, tandis que les manœuvres, travailleurs et soldats,
se disputaient les largesses d'argent distribuées par ordre du roi ^
Rien ne retenait plus le Bernin. Son œuvre paraissait assurée de
succès ; le buste de Louis XIV était admiré de tous ; lui-même avait,
durant ces cinq mois de séjour, étonné et déplu, mais avait donné
une forte impression de sa personnalité. Quels que fussent les
sentiments qu'il avait inspirés, il s'était fait connaître tel qu^il
était, et le souvenir de son séjour n'était pas près de s'effacer. Il
pensait, du reste, que son disciple Matthia de Rossi, qui devait
revenir au printemps de 1666, continuerait son entreprise, tan-
dis que lui-même demeurerait à Rome le collaborateur de Col-
bert et de Louis XIV dans la fondation de TÉcole de peinture et
de sculpture que le roi allait y établir prochainement^.
Il hâtait ses préparatifs, avec une aaivité d autant plus grande
que, le lendemain de la pose de la première pierre, une confé-
rence avec Colbert sur la chapelle du Louvre et la distribution
des appartements du roi mit le comble à son exaspération ; il en
exprima en termes violents son mécontentement à Chantelou,
qui, cette fois encore, parvint à grand'peine à le calmer'.
Enfin, après un nouvel entretien avec le ministre, le 1 9 octobre,
le Bernin prit congé de Louis XIV. Son fils, Matthia de Rossi,
Giulio Canari, Pabbé Butti et Chantelou furent reçus avec lui par
le roi. Colbert présenta le cavalier, qui fit son compliment et une
profonde révérence; le roi, de son côté, lui parla obligeamment et
avec les marques de grande estime. Puis le Bernin présenta son
fils et ses disciples, et, s^adressant à Matthia de Rossi, le monarque
le pria de revenir promptement en France. Le cavalier alla ensuite
prendre congé de la reine, et on lui montra les bijoux de la couronne.
Colben ouvrit la cassette et ôta toutes les pièces qui servaient à la
I. Journal, p. 240 et suiv.
a. Le jour même de son départ, il s'entretenait des jeunet gens qui
devaient partir à Rome, Vouet, le fils de Sarrazin, et autres, désignés par
TAcadémie.
3. Journal, p. 243.
LES TRAVAUX DU LOUTRS ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 25 9
reine, « chaines, bouquets de diamant, nœuds de galants, pendants
d'oreilles, poinçons, montres de rubis, dMmeraude, d'hyacinthes,
d'opales. » A la vue des émeraudes apportées d'Espagne par la
reine^ le cavalier ne put s^empécher de faire une de ces cruelles
plaisanteries, qui lui avaient, durant son séjour, attiré tant d'en-
nemis, c Cela ne m'étonne pas^ dit-il (faisant allusion à la couleur
des pierres et à la misère de l'Espagne ruinée par la guerre) , car en
ce moment les Espagnols sont au vert. » La réflexion, que Butti
essaya de dériver, ne fut sans doute pas goûtée des assistants. De
là, il se rendit chez la reine-mère, qui désira qu'on lui fit voir
ses bijoux, et Louis XIV, qui se trouvait présent, aida à les lui
montrer. Les ayant admirés, le cavalier se retira et rentra au
palais Mazarin*.
M. du Metz et Perrault l'y avaient précédé. Le roi désirait
reconnaître les services que le célèbre aniste lui avait rendus et
entendait l'en récompenser dignement. Aussi lui délivra -t- il
un brevet de pension de 6,000 1. par an', tandis que Paul Bernini
en recevait un de 1,200 1.; Mattbia de Rossi recevait un traite-
ment annuel de 4,000 1. pour tout le temps qu'il travaillerait au
Louvre; en outre, le cavalier était gratifié d'un don de 3,ooo pis-
tôles, son fils de 6,000 1.; 6,000 1. étaient accordées à Mattbia,
1 ,400 1. à Giulio Cartari, 800 1. à Cosimo Scarlatti, 900 1. à Pietro
Fassi et 5oo 1. à chacun des estaffiers du Bernin et de son fils.
Après avoir donné quittance de tous ces dons, le cavalier alla
prendre congé de l'ambassadeur de Venise et d^Hugues de Lionne.
Le 20, il se rendit chez G>lbert, qui, en le quittant, lui dit :
c Pour vous. Monsieur, il y a lieu d'espérer que vous aurez assez
d'amour pour votre ouvrage pour avoir envie, dans quelques
années, de venir voir le Louvre, b Sur cette parole, qui semblait
lui promettre Texécution de son dessein, le cavalier se sépara du
ministre. Il rentra à l'hôtel Mazarin, où Chantelou et les siens,
ainsi que Mignard et du Metz, vinrent l'entretenir en attendant
l'heure de son départ. Le nonce, l'abbé Butti et TabBéde la Chambre
arrivèrent quelques instants avant les carrosses.
Ses amis l'accompagnèrent jusqu'à Villejuif; ému, les yeux
mouillés, il embrassa Chantelou, qui avait tant fait pour lui, et,
1. Journal f p. 260 et suiv.
2. Ces deux brevets de pension, en italien, et contresignés de Lionne, sont
conservés dans le ms. ital. 2o83, p. 347 et 349. Cf. Fraschetti, ouvrage cité^
p. 356, n. I.
26o LE BBRNIN EN FRANCE.
accompagné de Mancini^ d^Esbaupin et des serviteurs mis à sa dis-
position depuis son arrivée, il se dirigea vers Lyon^
VI.
Le départ du Bernin. — L\bandon de son projet.
Partis de Paris le 20 octobre, le cavalier et sa suite arrivèrent à
Lyon le 3o du même mois*. Partout, on rendit au célèbre artiste
des honneurs semblables à ceux qu'il avait reçus lors de son arri-
vée, en mai i665. Ces marques de déférence qui raccompagnaient,
cette attention du roi de lui donner ses carrosses, de le faire
accompagner par Esbaupin, de mettre à sa disposition un cubi-
nier, un boutellier et un crédencier jusqu'à Lyon, de le faire gui-
der par le courrier Mancini jusqu'à Rome et de le défrayer de
tous les frais du voyage indiquaient bien clairement la volonté de
le traiter jusqu^à la fin en personnage de qualité 3. De plus, l'adop-
tion de ses plans, qui semblait définitive, Pinsistance à ce que son
élève Matthia de Rossi revînt diriger en son nom les travaux
entrepris n'indiquaient-elles pas la ferme résolution de persévérer
dans la voie où l'on s'était engagé? Si même il eût eu quelques
doutes à ce sujet, une lettre de Colbert, datée du 12 novembre,
eût pu le rassurer : c Je prie Dieu », mandait ce dernier, « qu'il
vous maintienne dans une constitution que vous puissiez entre-
prendre, dans le cours de votre vie, de revenir deux ou trois fois
en France, pour donner le monument aux magnifiques dessins
de notre grand monarque. »
I. Sur le départ, voir Journal^ p. 254 et suiv.
a. Ibid., p. 260. — Bibl. nationale, ma. ital. 2o83, p. i3i. f 111"* et
reverd"* aig. et padn« col"*. Oggi, li 3o ottobre aiamo giunti in Lione con
Taiuto del Signore e délia aua Santiasima Madré, tutti con bonisaima salute,
e domani partiretpo alla volta di Torino; noi ▼enimo aaaai allegranaente,
atante che ai viene verao la patria. 11 sig. cavalière et il aig. Paolo atanno
di perfetta aalute, e piacendo a aua Divina Maeatà ci revederemo presto;
non poaao dire altro a V. S. illma. Solo gli faccio humilisaima riverenza
corne fo al aig. Luigi ^ernino, e tutti di aua caaa. Di Lione, queato di
3o ottobre i665. Da V. S. illma et reverendma, dev* et oblig"* servîtore,
Matthia db Roaai. a
3. Bibl. nat., ma. ital. 2o83, p. 121, lettre de Maurice Marguin à Colbert.
— Mancini recevait 2,000 I. pour ce voyage (Guifirey, ouvrage citi^ t. I,
col. io5).
LES TRAVAUX DU LOUYRB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 201
Mais à peine le cavalier était-il parti qu^une rumeur se répan-
dait dans le monde de la cour et parvenait jusqu'au roi. Mon-
sieur et le marquis d'Albon en entretenaient Chantelou, et
Louis XIV lui-même en parlait à ce dernier. Le Bernin,
disait-on, avait été fort humilié de n^étre pas plus largement
rémunéré de ses services et avait donné un pourboire dérisoire à
la concierge du Palais-Mazarin. Le cavalier Tavait laissé, au
reste, entendre à Colbert lors de son dernier entretien avec le
ministre, en lui disant qu'il *n*aurait jamais consenti à quitter
Rome pour tout autre que le roi^ lui eût-on donné cinquante
mille écus. L'abbé Butti avait aussi répété, — du moins le
disait-on, — que les trois mille pistoles à lui remises le 20 oc-
tobre lui semblaient insuffisantes, étant donné qu'il avait reçu la
même somme avant de quitter Rome*.
I. Journal.,. f p. 259, cf. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 233, lettre de Chan-
telou au Bernin, du i**^ janvier 1666 : t Monsieur, Je commance par vous
souhaitter une bonne année, Dieu soit loué de ce que vous estes arrivé en
bonne santé, comme je Papprens par vostre lettre du 8* du mois passé. Je
ne pouvois pas recevoir une plus agréable nouvelle. J*ay aussy receu la lettre
que vous m*avés fait Thonneur de m'escrire de Lion; d'abord qu'elle me
fut rendue, je dis au Roy ce que vous me mandiés touchant les bruitz qui
avoîent couru et fus bien aise d*avoir ce tiltre pour en confirmer la fauceté
à Sa Majesté, de laquelle je luy en avois desjà d'office donné toutte la plus
grande as&eurance qu'il m*avoit esté possible, ainsy que je vous ay mandé
par mes deux premières. Je le dis aussy à M. Colbert. Mais il me repartit
que vous vous en estiez ouvert à M. le nonce, et que mesmes Tabbé Butti
ne Tavoit pas celé. Quand je luy en parlé trois semaines ou un mois après
(car il a esté longtemps à la campagne], il me dist que ces bruits venoient
d'un discours que vous fistes le matin de vostre départ à M. Colbert chez
luy (il me souvien que je n'y arrivé que sur la fin), que pour tout autre
que le roy vous n'auriez pas quitté Rome pour cinquante mille escus. Que
Ton avoit inféré de là que vous n'estiez pas contant, et Tabbé m'ajousta
qu'à la vérité vous ayant esté donné trois mille pistolles avant que partir de
Rome vous espériez davantage au départ de Paris, ayant réussi dans tous
les ouvrages que vous aviez faitz; pour moy. Monsieur, j'ai soustenu haute-
ment que c'estoit par caballe que ces bruits s'estoient respandus et que,
comme on ne trouvoit rien à reprendre dans vos ouvrages et aux productions
de vostre esprit, l'on cherchoit à trouver à dire aux sentiments de vostre
cœur et l'accusoit on d'ingratitude par ces faux bruits, affin de vous rendre
odieux après tant de marques d'honneur et d'affection que vous avez receues
de S. M. V — Dans une lettre du 19 décembre, Butti faisait allusion aux
plaintes du cavalier et lui conseillait la modération : c lo non ho che una
difhcoltà, cagionatami dal contenuto délia risposta di V. S. illmt a Monsir de
Chantelup, nella quale ella gli dice che conoscerebbe le fabre voci sparse
262 LB BRRNIN EN FBANCE.
Quelle part de vérité contenaient ces on-dit? Sur Tordre de
Louis XIV, Chantelou en écrivit au Bernin, le priant de les démen-
tir : c Vous devez cela », lui disait-il, « à l'estime et à Taffection
que S. M. a pour vous. » Il est vrai que la réponse fut assez
brève; le cavalier se contenta d'assurer que, « si Dieu lui prê-
tait vie, il ferait voir non par des paroles, mais par des actes, à
S. M. et au monde entier, combien il demeurait obligé et affec-
tionné à un si grand roi * ».
De fait, lors de son départ, rd]3position qu'il avait rencon-
trée, les discussions qu'il avait eues avec Colbert avaient amené
le cavalier à laisser échapper quelques paroles trahissant son
mécontentement ; mais il ne tarda pas, lorsqu'^il fut de retour à
Rome, à se souvenir seulement des honneurs qu'il avait reçus.
Ils lui rapportaient gloire et profit ; c'était là une double raison
pour lui de se déclarer satisfait.
Le 3 décembre, après un voyage dont il n'avait nullement souf-
fert, il rentra dans la Ville Éternelle. De toutes parts, les témoi-
gnages de son contentement parvinrent à Paris. Benedetti ne
manqua pas d'en informer Colbert, en ajoutant que le cavalier
c parlait à tout le monde en termes élogieux de la France. Il se
déclare très satisfait de l'accueil qu'il y a reçu etdit qu^en six mois
le roi lui a plus donné que les papes en vingt années. Il se montre,
en un mot, ravi d'avoir fait ce voyage. Il ne cesse, ajoutait-il, de
faire grand éloge de S. M. et de se louer beaucoup de V. E., pour
laquelle il professe une grande reconnaissance' ».
délia tua poca sodisfattione co i fatti, H quali mancando col suo intiepidirsî
augmenteranno la credenza aile dette vocî ; per gratia, sig. cavalière mio,
pensi che non è lo mener portione del premio da lei meritato, il conser-
varsi la bona gratia di un si gran Re, et il campo di multiplicar qui t fon-
damenti délia immortalité del suo nome, oltre alla protettione che in casi
di biaogno potrebbe havere la sua casa et i lucri successivi che puo sperare,
e considère anchora che non sarà poca sua gloria il poter fiare il generoso
con on Re... » (Bibl. nat., ms. ital. ao83, fol. 41).
I. Journal, p. 260.
a. Bibl. nat., M^l. Colbbrt, vol. i34, n* 247. — Rome, i665, 8 décembre,
ff Monseigneur, Alli 3 del corrente arrivô in questa città il s. cav. Beroino,
in ottima salute. Parla non solo con me, ma' anco con tutti li al tri assai
avantaggiosamente délia Francia, e si dice sodisfattissimo dei trattamentt
ricevutici, anzi con tutti si dichiare d' haver havuto più in 6 mesi dai Re,
che in 20 annt dai Papi, et in fine si mostra contentissimo d'haver fattocotesto
▼iaggio. Délie gran parti riconoaciati nello spirito di S. M., non sa satiarsi
di farne encomii, corne anco si loda sommamente di V. E., e dice profiës-
LES TRAVAUX DU LOUYRS ET LES STATUBS DB LOUIS XIV. a63
De son côté, le général des Jésuites, le P. Oliva, dont le Berntn
avait illustré plusieurs ouvrages de piété, déclarait à Hugues de
Lionne que Taniste était tout étonné de Pexcôs de gratitude,
des honneurs et des présents quMl avait reçus. Il était plein d'ad-
miration pour la grandeur et la magnanimité du roi, et, oublieux
des avantages de la naissance et du pouvoir, il déclarait que
Louis XIV était plus sublime par son esprit, son éloquence, sa
générosité, la noblesse de son caractère, sa justice et sa majesté,
que par l'étendue de ses États et la puissance de ses armées.
Ces expressions de contentement sembleraient sans doute exagé-
rées, si Ton ne possédait une minute d^une lettre du Bernin vrai-
semblablement adressée à Colbert et qui reflète les mêmes senti-
ments : « Le 3 de ce mois, nous arrivâmes à Rome en bonne santé,
tant par la grâce de Dieu que par la bonne et nombreuse compa-
gnie que nous a donnée S. M., et, si un si long voyage ne se peut
faire sans quelque inconvénient, toutefois j'ai l'esprit satisfait et le
cœur content de tous les bienfaits honorifiques et utiles que j^ai
reçus de S. M. Rien ne m'a fatigué. Tous les princes que j'ai vus,
tant durant mon voyage que depuis mon retour à Rome, m'ont fait
longuement veiller, en me demandant, avec attention et curiosité,
de voir les dessins du Louvre, et tous ont admiré cette grande et
majestueuse construaion. Beaucoup ont même déclaré que, dès
qu^elle sortirait de terre, il serait nécessaire de la venir voir...
Pour moi, je puis dire en toute sincérité que plus mon corps
s'éloignait de Paris, plus ma pensée demeurait voisine de cette
œuvre, qui m'était tellement dans l'esprit que je ne cessais de
l'étudier et de la dessiner pour la rendre plus riche et plus agréable.
Si Dieu me prête vie, je ne crois pas que je pourrai résister au
désir de revenir la voir et de perfectionner ce que j'ai entrepris
avec tant d'amour. A Lyon, on m'a demandé, ainsi que l'ont, au
reste, hh plusieurs princes, une reproduction en bronze du buste
de S. M.*. » Cette lettre ne paraît pas avoir jamais été envoyée à
tarli moltissime obligation!. Gli ho Aitto vedere il David finito, che non
gli' è piacciuto, nientemeno délia Oafnè, simili saranno il Racto di Proser-
pina e il Nettuno, che ai atanno focendo.
c Gli ho anco significato, corne a tutti facevo fare le basi di bianco e
nero, come già l'accennai a- V. £. Humilamente la riverisco, Monseigneur,
hum* dévot"* et oblig**, l'abbate Benbdbtti. >
1. Minute en fort mauvais état. Bibl. nat., ms. ital. 'io83, p. 227. — c A i
364 K-K HEBSmf Ci PRASCCK.
sn dadaataire. Mais, en parlant à Chaatdoo, à peu pris à cette
même date, k caralier s'exprimait en ces termes :
c Pour ce qœ V. S. me dît des caqoetages rendus contre moi
à Paris, laia de les regreœr. je m'en glorifie; mes dctractcan,
n^ajaot pa mlmposer siknce dans les actes, essayent, avec peu de
raison, de me discréditer en paroles. Je ne sais qui commet h plos
lourde balourdise, de cdai qui Ta inventée, on de celui qai l'a
crue. L*on sait, en effet, la grandeur des dons que m'a fait S. M.;
fe pais dire avoir reçu une plus grande récompense de mes
fatigues en six mois à Paris qu'en six ans à Rome. Mais, pour
être complètement comUé des dons du roi, il Ëillait que la mjrrhe
de rimposture sV afootit, ayant dé)à reçu abondamment Tordes
richesses, l'encens des honneurs. Le temps découvrira la vérité,
comme jadis il l'a déjà £ût à mon avantage *. »
Malheureusement, le cavalier avait contre lui le plus fàcbeax
des contretemps : Tabsence. Ses ennemis avaient beau jeu à le
combanre, et à Taccabler. 11 ne pouvait se défendre; ses amis
luttaient et rompaient des laiKes en son honneur, mais que
pouvaient- ils? Des incidents retentissants desservaient Tar-
tiste. Le mur qu'il avait fait élever au Palais-Mazarin pour
démontrer la supériorité du mortier italien s'écroulait un jour,
tre di ottobre (sic) arrivai ia Roma coo ottima salute, prima per gracia di
Dîo, e poi mediante la bona e copiosa compagnia di honore e dt gente
chc m'a Jata S. M., e sebbsne per viaggio C3si lungo non si pô fare di meno
di non s<;nurc quaJchc incommodo, avendo perô l'animo sodisfiatto et il corc
contento per lanti honori et uiiîi che ho ricevuti dal Re, nessuna cosa mi
ha daio fasiidio. Tuiii i prencipi ch'o reduti per il viaggio e in Rom^
n'anno faito nrc luoghe veglie. havendo intenso con curiosiià grande e aiien-
lionc siraordinaria vedere 1 dise^ni del Lovre, c tutti anno dcmostrato di
restare amirati di cosi grande e maestosa fabrica, e uniformemente dicono
chc subito che si commincierà a vedere surgcre, necezziterà molti a venirc
a vederlii, et io intanto mi è ... quella gloria c quelle lodi, che si devono
a S. M. e ai lumi che m'a dato V. F..; dirô ben questo con verità, chc
quanio più mi sono elonianaio con il corpo da Parigi, maggiormenie mi
sono avicinato a questa opéra con il pensicro; mi era cosi tissa nella mente
chc coniinuamentc ciù studiando e disegnando divcrsi hornaracnti per rcn-
dcrla più riccha e riguardevole, et si Iddio benedetto mi darà vita, non
credo che non mi potrô conienere di non venire a vedere e perfezzionare
questo ultimo parto ch'o fati.> con tanto mio gusto..., etc. »
I. Fraschetti, ouvrage citéy p. SSy, note 2. Allusion à la statue du Temps
découvrant la Vérité, exécutée par le Bernin au moment de sa disgrâce,
après ^affaire des pilônes de Saint-Pierre.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. a65
à la grande joie de Perrault et des architectes français ^ Des
rixes éclataient entre les murateurs venus de Rome pour travail-
ler aux fondations. L'afiaire, d'une banalité courante, était aus-
sitôt exploitée, et Ton déclarait partout que deux Italiens ne pou-
vaient vivre ensemble sans s'ent redévorer'. Ajoutons que la mort
du roi d^Espagne, survenue en septembre i665, ouvrait Tère des
négociations difficiles qui devaient précéder la guerre de Dévolu-
lion. On activait les préparatifs militaires; on songeait à faire, par
ailleurs, des économies, et l'exécution des projets du Bernin entraî-
nerait de grandes dépenses.
Le cavalier avait beau, au début de Tannée 1666, échanger d'ai-
mables lettres avec Colbert et d'autres personnages, Tafifaire train
naît en longueur. Le principal obstacle était le retard apporté par
Matthia de Rossi à revenir en France. Atteint de fièvres à son
arrivée en Italie, il était depuis un mois malade, sans que Ton pût
prévoir le moment de sa guérison et encore moins celui où il pour-
rait retourner à Paris. Toutefois, le cavalier s'occupait toujours
de ce qui concernait les travaux entrepris; il perfectionnait les
plans du Louvre, il sculptait lui-même les Hercules placés de
chaque côté de la porte du palais et s'intéressait aux divers bâti-
ments qu'il avait vus sur le chantier, tels que le Val-de-Grâce '.
Enfin, on espérait en France qu'il s'occuperait de l'Académie de
France à Rome*.
1. Ce récit ne nous est, au reste, connu que par le récit de Perrault.
Mémoires.., t p. 54.
2. Bibl. nat., ma. ital. 2o83, p. 49, lettre de Butti au Bernin, du 19 mars
1666. c ... che non possono ?iver due italiani insieme, aenza mangiarsi il
core. •
3. Dana une lettre du 7 janvier 1667 (Bibl. nat., ma. itfil. ao83, p. io3),
Matthia de Rossi écrivait au sujet du Val-de-Grâce : c Circa la cuppola di
Val di Gratia è scoperta, e ha hauto di tutti grand' applauso, e li Francesi
qui dicono che adesso che è fatta quella cuppola, bisognerà che li pittori,
si vogliono imparare, venghino d'Italia, perche dicono che questa è la più
bella coaa che sia in tutto il roondo. V. S. sa quello che è, perche l'ha
veduta, e n'è ha avertito il sig. abate perche m'avisasse monsu Migniardo.
La cuppola rai pare che sia riuscita troppo cruda, ma qui non lo conoscono,
perche gli da nell' occhii. »
4. Le 23 janvier 1667, Colbert, écrivant au Bernin, lui témoignait sa joie
en apprenant c que vous continuyez de penser à l'exécution du grand et
magnifique dessein du Louvre, dont l'accomplissement rendra vostre gloire
immortelle 1 (Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 247), et, quelques jours aupa-
ravant, Chantelou entretenait l'artiste des statues d'Hercule : c Je suis ravi
266 LE BERNIN RN FRANCE.
Ce projet qui remontait à Sublet des Noyers, était depuis long-
temps à Tétude. Déjà, on subventionnait de jeunes artistes qui
séjournaient en Italie, tels que Sarrazin, J.-B. G)rneiile, Pierre
Monier, Etienne Baudet. Mais Colbert désirait rendre définitives
ces missions temporaires. Durant le séjour du Bernin, et au
moment même de son départ, il en avait été longuement question
entre l'artiste et le surintendant; finalement, au début de 1666,
Erhan était nommé directeur de la nouvelle Académie, dont
les statuts venaient d^étre promulgués ^ Colbert, qui lui en avait
maintes fois parlé, comptait beaucoup sur le cavalier pour donner
aux pensionnaires les principes de la sculpture*.
Mais, pour l'instant, l'afifaire la plus importante était l'arrivée
de Matthia de Rossi. Presque dans chacune de ses lettres, Colbert
réclamait son départ de Rome. L^abbé Butti, qui renseignait si
bien le cavalier sur les fluauations de la cour, le pressait de ne
point différer son envoi. Il lui donnait, au reste, d^ezcellents con-
seils, l'engageant à modérer la vivacité de ses expressions, à sur-
veiller ses appréciations : « De grâce, mon cher seigneur cavalier^
songez que ce n'est pas la moindre de vos récompenses que d*avoir
conservé les grâces d'un si grand roi et d'avoir augmenté ici les
chances de rendre votre nom immortel, sans compter que votre
famille pourrait y trouver une protection en cas de besoin et que
vous pourrez en tirer ultérieurement de grands bénéfices; songez,
en plus, que ce ne sera pas peu pour votre gloire que d'avoir lutté
de générosité avec un aussi grand roi'. »
Cet appel fut enfin entendu, et Matthia de Rossi revint à Paris
à la fin de mai 1666^. Malheureusement, il devait bientôt cons-
que l'ouvrage de la chaire de Saint- Pierre soit aux termes d'estre fini; et
que vous soiez bientost en estât de mettre la main aux deux colosses du
Louvre. Si mes vœux s'accomplissent, après les avoir ébauchez à Rome, vous
viendrez les finir ici et toutes les autres choses que vous y avés comman-
cées. i Lettre du 18 janvier 16C6 (Bibl. nat., ms. ital. ao83, p. igb).
1. A. de Montaiglon, Correspondance des directeurs de V Académie de
France à Rome avec les surintendants des bâtiments, t. L Paris, Charavay,
1887, in-8% p. 8 à II.
2. Bibl. nat., ms. ital. ao83, p. 279.
3. Voir plus haut, p. 261, note i, lettre du 19 décembre i663.
4. GuifTrey, ouvrage cité, t. I, col. i58, 28 mai 1666-27 mai 1667,
« au 6' Matias de Rossy, ayant la conduite des bastiments du Louvre, sui-
vant le dessin du s' cavalier Bernin, pour ses appointements de la présente
année, 9,000 1. •
LES TRAVAUX DU LOUYKB BT LES STATUES DE LOUIS XIV. 267
tater que l'assombrissement de l'horizon politique, réventualité
déjà prévue des guerres seraient autant de motifii à alléguer contre
Texécution du plan. Il se mit cependant au travail et s^appliqua à
faire deux modèles en bois et en stuc, semblables à celui bit en
1664 pour le plan de Le Vau, afin que Ton pût se rendre compte
de l'aspect que présenterait le palais ^ Ce travail le retint long-*
temps, et il ne négligeait pas de tenir son maître au courant des
divers événements.
« Par ce courrier, • écrivait-il le i" oaobre, « je ne réponds
pas à votre lettre, car je Tai fait mardi dernier par le courrier de
Venise. Aujourd'hui, M. le prince de Condé est venu voir les
deux modèles; par ses questions, il m'a paru avoir un grand
goût. Il m'a demandé pourquoi V. S. faisait cet écueil dans le
fossé et les deux Hercules aux côtés de la porte; je lui en ai donné
les raisons, et il m'a dit que, pour concevoir semblables choses et
en avoir la raison appropriée, il n'y avait que le cavalier Bernin.
— Moi, ajouta-t-il^ moi prince de Condé, je suis son très humble
serviteur. — Il déclara avoir été très mécontent que vous fussiez
parti de Paris sans le voir. A quoi je lui ai répondu que vous
allâtes lui présenter vos révérences au moment de votre départ,
mais que vous n'eûtes pas la bonne fortune de le rencontrer, car
il était absent de Paris. Nous parlâmes ainsi environ une heure
et demie de V. S. et j'ai été heureux de constater combien il était
content de ces modèles; il a, dit-on, grande influence sur S. M.
c M. Varin, l'auteur de la médaille, a fait un buste en marbre
du roi. Lorsque ce travail fut fini, S. M. alla le voir avec toute la
cour, et chacun de s'écrier : Voilà qui est beau ! Voilà qui est
bien ! Plusieurs des ennemis de V. S. y sont allés et ont déclaré
que c'était le plus remarquable buste que l'on ait fait. Par curio-
sité, j^y fus avec un mien ami bon connaisseur : ce portrait est
difforme, regardant à terre, sans vie, un sourcil plus bas que
l'autre d'un doigt. Le nez est tort et du mauvais côté, un des
yeux est beaucoup plus écarté du nez que l'autre, si bien que l'on
pourrait dans l'intervalle mettre deux autres yeux. Après l'avoir
vu, j'allai à la messe aux Théatins, j'y trouvai une partie des
courtisans, déclarant tous que c'était une merveille. Ils me deman-
dèrent si je l'avais vu. Sur ma réponse affirmative, ils me conju-
I. Guifirey, ouvrage cité, t. I, col. 126, c à Le Hongre, pour compte des
ouvrages de sculpture que il fait au modèle du Louvre, 3oo 1. >
268 LE BBRNIN EN FRANCE.
rèrent de leur dire sans déguiser mon sentiment. Je leur dis que,
si M. Varin n'avait jamais travaillé dans le marbre^ c'était un
bon essai ; mais que, si au lieu de le faire en marbre, il Peut fait
en cire, et qu'il fût ressemblant, ce serait peu de chose, M. Varin
foisant depuis plus de vingt ans des portraits de S. M.; et qu'en
ce dernier cas, autant eût-il valu lui donner un cheval comme
modèle; qu'un homme qui, toute sa vie, fait le portrait d'une
même personne, ne doit pas être loué de la ressemblance, mais
que celui qui fait le portrait de quelqu'un qu'il n'a jamais vu
auparavant, et qui le fait d'après nature et en marbre, sans
modèle, doit être grandement estimé*. »
I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. Sg. — c In questo ordînario non res-
pondo alla sua, perche resposi martedi prossimo passato per la posta di
Venezia con il pîego del nunzio; solo scrivo per dargli nuova corne oggiche
semo il primo d'ottobre, è stato a vedere il modello, tanto quello di legno,
comme quello di atucco, il prencipe di Condè, e per quello che ha demos-
trato, a monstrato di havere un gran gusto; mi ha domandato perche V. S.
faceva quello scoglio nella fossa con quelli due Ercoli dalle bande délia
gran porta, e altre cose. lo a tutte le domande che mi ha fatto gli ho res-
posto le sue raggioni;doppo sentito le raggioni, mi disse per fare unacosa
simile, et haverne le sue raggioni appropriate, non vi voleva altro che il
cavalière Berni no, c al quale ioche sono Prencipe dt Condè sono molto hum**
servitore », e di più disse c e mi dispiace grandemente il sig. cavalier Bernino
si partisse da Parigi senza che io lo vedessi, e questa fu mia cattiva for-
tuna, perche io non ero in Parigi. • Quando io sentii queste parole, io gli
risposi c il sig. cavaliero mio fu avanti di partire per fare riverenza a vestra
Altezza, ma non hebbe fortuna di trovarlo, e gli dissero che cra fuori di
Parigi » ; seguitossimo con discorso di più di un hors mezza sopra la per-
sona di V. S. con suo gran gusto; ho bauto accaro che sia remasto sodis-
fatto delli modelli del Lovre, perche so che appresso il Re lui farà assai.
c Do nova a V. S. come monsù Varino, quello che fa le medaglie, ha fatto
un retratto del Re in marmo; doppo fenito è andato il Re a vederlo con
tutta la corte, e tutti a sbrillare c vala chi è bo, vala chi é bo », assegno che
ci sono stati di quelli che sono pocht amici di V. S., che hanno detto che
era più bello, che lei haveva fatto. Io, mosso della curiosità di quello andai
con un mio amico virtuoso a vedere questo retratto, nel modo che è, qui gli lo
descrivo : prima è gobbo, e guarda in terra, è morto, poi ha un cigHo più in
fora di con altro un bon deto, ha il nazo storto al contrario di quello che ha
il Re, un occhio è più distante dal nazo dell' altro un detto, e da un occhio
a un altro dove é il nazo, ci è una distanza che ci caperebbe due altri occhi.
Io quando hcbbi visto questo retratto, andai a messa alli Teatini, dove tro-
vai una mano di questi emuli, che dicevona che era tanta gran maraviglia, e
tutti mi domandorno si havevo visto il retratto che haveva fatto Varino.
Io gli dissi di si; mi commiciorno a congiurare che gli dicessi la verità dî
quello che mi pareva. Io gli resposi che per non havere mai mossù Varino
LBS TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 269
L^a cour, qui, Tannée précédente, ne tarissait pas d^éloges sur
L ressemblance et la beauté du buste du Bernin, réglait son
iconstance sur Thumeur de Colbert. Ce dernier négligeait com-
lètement de s^occuper du modèle de Matthia de Rossi : « S^il ne
ient pas quand j'aurai fini la façade principale, > écrivait ce der-
lier le 5 novembre, « je m^arréterai, s'il plaît à V. S., jusqu^au jour
lù il aura vu le modèle, et, s'il me demande pourquoi j'ai inter-
-ompu mon travail, je lui répondrai que j'ai pensé bien faire,
iésirant auparavant savoir si S. E. en était satisfaite, car dans le
cas contraire^ il me semblerait commettre un péché que de faire
tant dépenser au roi pour un modèle qui ne servirait à rien^ •
lavorato in marmo, si era portato bene, ma che quindo quel retratto che
ha fatto di marmo, lui Thavessi fatto di cera e che fosse stato simile al Re,
io non Thaverei stimato gran cosa, perche mossù Varino ha sempre fatto
ritratti del Re da venti anni in que, e vo nonne facessi uno simile sarebbe
da dargli un cavallo, e che un huomo che tutto il tempo délia sua vita
fa retratti di uno, quando lo fa hene è assai, ma un homo che facia uno
retratto di una persona che non Thabbia mai veduto solo che in quel tempo
che li ht il suo retratto in marmo, e che lo fa dal naturale senza modello
alcuno, di quello si deve far gran stima, etc. Io so bene che non doveva res-
pondère nel modo che ho fatto contro monsù Varino, ma perche facevono
tant! miracoli, e parlavano con tanta passione, vol si fargli vedere.che tutto
quello che dicevano era una mera malignità loro e non altro.
f Do nova a V. S. alli 1 1 del mese passato di settembre se diede foco alla
città di Londra in Inghilterra, e arse sino li i6, che furno cinque giorni, e
quattro notte, ne ci fu mai remedio nessuno per stinguere detto fuoco,
assegno che andavano per smorsarlo da una parte, e quello accendeva
dair altra per il gran vento che tirava, assegno che il vento portava il fuoco
deir altra parte del fiume, e accendeva le case. Lettere che vengono de là
dicono che délie quattro parti délia città ne sono abruziate tre parti, e
che sono moni didetto incendio circa cinquanta mila persone; come si sia
stato, non si puole sapere. Il Re di Inghilterra dicono che si sia portato assai
bene, che tutto il tempo che a durato il fuoco, sempre sia stato a cavallo
per la città, consolando li suoi sudditi, eche gli dice : c Figliuoli non incolpati
ne li Francesi, neV Holandesi, per che questo è Dio che vole cosi. > Puole V. S.
considerare che cosa ha hauto il Re d'Inghilterra quesf an no, perche lui a
bauto gran peste, gran carestia, gran guerra con Francia et Olanda, e poi
Hncendio délia sua gran città, che dicono che sia de longhezza circa dieci
miglia e tutta di mercanzie. Non ho altro da dirgli, etc.. Di Parigi, questo
di primo d'octobre 1666. Matthia de Rossi. > — Dans une autre lettre, il
annonçait que, le 3 janvier 1667, la reine avait donné le jour, à Saint-
Germain, à une fille {Ibid., p. io3, lettre du 7 janvier 1667}. c La Regina
si è infantata di una figlia femmina e si è infantata alli 3 di gennaro a
S. Germano ».
I. Ibid., p. 149. — t Dalla sua carmadel li ij octobre prossimo e sento quanto
270 LB BEftNIN EN FIANCE.
De côté et d'autre, on était mécontent. Les événements poli-
tiques absorbaient Tattention de Colbert et les efiForts des archi-
teaes français le détournaient de s'occuper du projet du Bernin.
A Rome, ce dernier négligeait de sHntéresser à i^ Académie et,
malgré ses promesses, n*y allait point'. A Paris, il se plaignait
que sa pension ne lui eût pas été payée au jour fixé, et il faisait
réclamer par Butti le traitement de Matthia de Rossi, en retard
de cinq mois'. A ces demandes intempestives, Colbert répondait
assez sèchement que le roi ne conférait « aucune grâce dont
S. M. ne fasse sonir son effet > et que la pension était déjà ordon-
nancée quand était arrivée la réclamation. Cependant, il l'assurait
qu^on allait travailler « tout de bon à l'exécution du grand des-
sein sur le bastiment du Louvre •. Il rengageait même à décider
son fils à venir surveiller les travaux, s'offrant à l'établir et à le
marier en France '.
Ces promesses, plusieurs fois répétées, ne faisaient faire aucun
pas à la construction, bien que Matthia de Rossi, tout en se
plaignant de l'état de sa santé^, se consacrât toujours à sculpter
mi dice circa quello che devo fare per rispetto délie mie provtsioni, sîno
adesso non ho fatto resentimento alcuno, per rispetto di V. S., ma hora, che
sento il suo parère, so quello che devo fare. Circa il modello che io o di
Icgno, quando haverô fenito la facciata e che vedrô che monaù Colbert non
viene a vederlo, ho pensato, si pare a V. S. volere, trattenere d. modello
sino a tanto che non haverà detto monsu Colbert veduto d. facciata, e si mi
dicesse perche ho levato di lavorarc alla gagliarda a d. modello, gli respon-
derô che ho pensato bene di soprassedere per vedere prima si sua Ecc.
si chiama veramenie sodisfatto di d. facciata, perche quando sua Ecc. non
fusse sodisfatto, mi pareva gran peccato fare spendere tanto denaro al Re,
in un modello, e poi non servire a niente. In finere, d. fecciata portera
anco del tempo, tratanto V. S. mi favorirà avisarmi, se in questo che gli
pare che debba fare. 11 padre superiore de Bernesi delF ordine di Aracdi
che sta vicino il Palazzo Mazzarino saluta V. S. caramente, ha hauto un
ordine dall' amico nostro che debbano tutti detti fratri sfrattare di Parigi
che non ci li vole, perque sono vassalli del Re dlnghilterra, di qui non ho
altroche scrivere a V. S. solo che non si fidi di quest* altro amico che è qui
in Roma, perche scrive qui tutto quello che V. S. dice, e altre cose che poi
ci deve aggiungere lui ancore. Il sig. abate Buti pare che cominci a farse
christiano. Circa la fabrica del Lovre, non è piu ostinato come é stato sino
adesso. Fo humma riverenza a V. S. illma, come fo a tutti quanti da sua casa.
O. Parigi, questo di 5 novembre 1666. Matthia de Rossi. 1»
1. Voir p. 271, note 2.
2. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. yS.
3. Ibid,, p. 283.
4. Ibid,f p. io3.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LIS STATUES DE LOUIS XIV. 27 1
le modèle réduit. Malgré les assurances de Chantelou, qui écri-
vait au cavalier que le modèle devenait de plus en plus beau,
qu'il était impossible et fou de douter que Colbert ne Texécutât
pas, qu'il fallait le terminer pour juger de Teffet qu'il produirait,
malgré toutes ces consolations, le Bernin devait perdre peu à peu
ses illusions ^
Butti, au reste, que Matthia trouvait beaucoup moins enthou*
siaste, ne cachait pas ses inquiétudes et rappelait le cavalier à la
prudence : c M. Colbert est venu voir le modèle le premier jour
de carême, il l'a fort admiré, mais il est toujours en peine de
savoir comment on trouvera une chambre pour S. M. avec toutes
les commodités qui lui sont nécessaires. Je lui ai répondu qu'une
fois l'ossature £iite, il serait temps de songer aux autres choses. Il
a reçu avec plaisir les remerciements que je lui ai transmis au
nom de V. S., mais il se plaint vivement de ce que vous ne soyez
pas encore allé visiter l'Académie des peintres français une seule
(bis. Je n'ai su vous excuser. Pour l'amour de Dieu, je vous prie
de me répondre de suite. Je porterai à S. E. cette consolation que
vous y êtes allé et pensez y retourner de temps à autre. V. S. doit
s'imaginer que le roi et M. Colbert considèrent cette Académie
avec une affection particulière, comme une partie de leur esprit,
et pensent que les autres sont comme eux. .. Je vous prie de feindre
comme vous savez le faire lorsque vous le voulez. Vous verrez que
Ton enverra un superbe cadeau à M*"® Catherine ; mais, de grâce,
que V. S. aille à cette Académie et fasse en sorte que sa réponse
adoucisse M. Colbert^. >
1. Ibid,j p. 79. — « Il modello del Lovero si va di gîorno in giorno
awanzando. Più io lo vedo, tanto più io i'ammiro, e tengo per certo che si
metterà in essecutione con tutto che ne parli e che ne pensi il s. Mat-
thia. Troppo io stimo mons. Colbert per poterne dubitare già che biso-
gnerebbe esser matto per pigliar attro partito. 1
2. Ibid.j p. 3 1. — « A tempo giunsero le sue del 3o del passato al sig.
Mattia et a me, perche senza che V. S. havesse ordinata la prudenza, ci sarres-
semo lasciati tratti da parte daP impatienza a qualche discorso dispiacevole.
Monsù Colbert fu il primo giorno di Quaresima a vedere il modello, e ne
resto ammirato, e le lodo al maggior segno. Vero è che sempre gli resta
quakhe dubio nell* imaginatione ch* el Re non sia per trovare in un si
gran palazzo stanza bona da dormire et accompagnata de tutte le comrao-
dità vicine, che gli gli sono necessarie; a questo io gli replico, che fatta la
grande ossatura, si troverebbe gran campo per tutte l'altrecose. Riceve li
ringratiamenti che io gli fed a nome di V. S. illow, con grand' allacrità,
ma se dolse non poco che V. S. non havesse ancora honorata una sol volta
273 LR BBRNIN EN FRANCE.
Ces conseils étaîem utiles, car, le fi mars, Colbert conju-
rait le Bernin, qui, au reste, recevait une pension à cet effet, de
visiter TAcadémie, « étant bien persuadé, ajoutait-il, que, quand
elle sera dirigée par vos ordres, ceux qui y sont eslevez réussiront
dans les beaux-arts; en sorte que la France ne vous sera non seul-
lement pas redevable de ce grand et superbe dessein, mais mesme
que vostre nom luy sera en considération dans les siècles advenir
par le moyen des babils gens qui se seront formez sous vostre
main^ »
Cependant, la désaffection paraissait augmenter pour les tra-
vaux du Louvre. Matthia de Rossi ne parvenait pas à établir son
modèle. La construction des escaliers lui avait donné grand*petne,
par suite du peu d'élévation du premier étage; les voûtes lui
paraissaient trop lourdes et pesantes pour les colonnes; il devait
renforcer ces dernières. Il se plaignait de ce que Colbert négligeât
ses travaux et, philosophiquement, s'en remettait « à celui qui
fait tout*. »
Il avait raison. La guerre, de plus en plus menaçante, obligeait
cotesta Accademia de pittori francesi, in che io non la aeppi scusare, e per
Tamore di Dio la prego che li risposse di questo ordinario; porterô che
V. S. si sia stato et habbia promesso di tornare di quando in quanda V. S.
si figura che il Re et M. Colberd riguardano cotesta academia con un
aiFetto particolare, corne parte del loro giudicio e delli pensieri suoi... t
1. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 187. — Quelque temps après, le duc de
Chaulnes, ambassadeur du roi, écrivait que le Bernin était venu, ce qu'il
n'avait pas fait depuis sept mois, et avait touché sa pension.
2. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 27, lettre de Matthia de Rossi au Bernin,
du 3 décembre 1666 : c 11 modello di legno si tira avanti, e credo chetutta
la facciau principale con' una di le gran scale a Natale sarà fenita; nella
scala ci ho hauto e ci ho grandissime dificultà per la bassezza del piano
primo, ma con l'aiuto del Signore et délia sua santissima madré parte ne hô
, superate, c parte le vado superranno ; havanti che principiare d. scala stetie
in grandissimo intrigo nel situare le colonne di detu, perche non venivano
più grosse di palmir, perche il vano délia scala e palmiro, mi parevano
assai sottile per rispetto délia volta che ci andava sopra; doppo haverci
pensato con gran pezzo mi resolvi a ingrossare la colonna sino a tre palmi,
e piantarla sopra li scalini, come la scala di S. Pietro, e tra una colonna cl'
altra fare la sua balaustrau. In questo modo pare che d. scala riesce molto
maestosa e forte. Ho fatto con ordine ionico, le colonne Tho scannellate, le
volte adornate assai, con rosoni e spartimenti; tutti quelli che Tannio veduta
neF termine che alla è, ne sono restati maravigliati. Dal resto Monsù Colbert
non si è ancora veduto, io mi sono metso Tanimo in pace, e lasso htre a
quel Padrone che h tutte l'ai tre cose... t
LES TRAVAUX DU LOUTRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 2^3
à modérer les dépenses. Le mauvais vouloir du Bernin au sujet
de l'Académie mécontentait Louis XIV et Colbert. Les efforts
continuels de Perrault et de Le Vau, la crainte de s'embarquer
dans une entreprise dont on ne prévoyait ni la fin ni le prix, Tin-
œrtitude sur la surveillance qu'exercerait le cavalier, la défiance
dans Texécution d'un plan qui, en somme, n'avait pas depuis deux
ans été perfeaionné et dont les grandes lignes étaient à peine tra-
cées, ébranlèrent Colbert. Dès la fin d'avril 1667, le bruit courait
que Ton hésitait beaucoup à poursuivre le projet du Bernin ' . Viga-
rani en informait le duc de Modène; un mois plus tard, c^était
chose décidée. Matthia de Rossi regagnait Rome avec les ouvriers
murateurs employés jusqu'à ce jour*, et, le i5 juillet^ Colbert
mnonçait au Bernin la remise à une époque indéterminée de la
poursuite des travaux : « Le Roy, » lui mandait-il, c a eu beau-
coup de regret de n'avoir pu faire exécuter le beau dessein que
vous luy aviez donné pour son bastimeot du Louvre. Mais S. M.,
considérant qu'il estoit difficile de s'embarquer dans une entre-
prise aussy considérable que celle-là dans la conjoncture pressante
d'une guerre par terre et par mer, dont la durée, estant incertaine,
auroit pu y causer quelque interruption, et que, d'ailleurs,
S. M. ayant besoin d'estre logée, elle s'est veue dans la nécessité
de faire continuer le dessein qui a esté commencé par ses ancestres
et qui peut estre achevé dans le cours de deux ou trois années, se
réservant de faire un jour exécuter vostre dessein et de choisir
pour cela quelque situation advantageuse et proportionnée à sa
grandeur et à sa magnificence, de quoy elle ne désespère pas que
vous n'en veniez reconnoître la situation et mesmes prendre la
conduite et luy donner encore une foyz la joye de vous voir tra-
vaillier avec tant de conduite et de beau succès. Au reste, Mon-
sieur, je vous rends mes grâces du soin que vous prenez de nostre
Académie. Le sieur Errard m'escritque nos jeunes estudians prof-
fitent extraordinairement de vos corrections et que la bonté que
vous avez de prendre quelquesfoiz le cizeau et le marteau et de
I. Fraschetti, ouvrage citéf p. 358, note 2.
a. Rossi recevait 9,000 1. pour ses appointements, du a8 mai 1666 au
21 mai 1667 (Guiffrey, ouvrage cité, t. I, coi. i38). Pour son retour à Rome,
il recevait une indemnité de 71,000 1. (Ibid,, col. 226). Les ouvriers italiens,
Pietro Fassy, stucateur, Bernardino, tailleur de pierres, Patriarco, maçon,
recevaient aussi des gratifications en dehors de leurs émoluments (Guiffirey,
I, col. io3-io6 et 224].
ji^. zxxi 18
374 L* BBRNIN EN FRANCK.
donner quelques coups à leurs ouvrages les encourage beau-
coup...^ »
Cet ajournement à une époque indéterminée était un abandon
du projet.
Perrault raconte de la foçon la plus détaillée et la plus louan-
geuse pour lui comment Colbert prit cette décision. Lorsque Ton
songea à bâtir sur les fondations du Bernin, Colbert, qui se
dégoûtait de ce travail et désirait être disculpé de la poursuite du
projet, voulut que le roi vint de Saint-Germain voir le modèle
en stuc fait par Matthia de Rossi, afin d'en ordonner Fexécutioa
devant toute la cour. La veille du jour fixé pour cette épreuve,
Perrault lui remit un mémoire contenant les raisons qui s^oppo-
saient à Texécution. Le ministre en fut tellement convaincu qu^ilalla
immédiatement le communiquer au roi, alors occupé à examiner le
modèle, et qui se retira sans rien dire. Colbert était fort embarrassé.
Perrault s'efibrça alors de lui démontrer qu'il n'avait d'obliga-
tions envers le Bernin qu'au cas où ce dernier n'abattrait rien de
la précédente construction. Or, Tarchitecte italien abattait les
quatre dômes du milieu et dissimulait les murs des faces des
quatre côtés du Louvre par la construaion des loges. Il Tassura
même que tel était l'avis de Matthia de Rossi, ce dont ce dernier
aurait convenu. Le disciple du Bernin, ayant alors suffisamment
trahi son maître, aurait été bien payé et renvoyé en lulie. Col-
bert, à ce moment, imagina la petite comédie de faire foire un
nouveau plan à Le Vau et de le lui faire présenter en même
temps que celui de Perrault, déjà vieux, selon Pauteur des
Mémoires, de trois ans'.
Ce récit, que rien ne permet de contrôler, est très suspect. Il
paraît hors de doute que Colbert fut longtemps assez fovorable au
projet du Bernin* Fort mécontent du goût exagéré du roi pour
Versailles, les travaux du Louvre lui semblèrent un utile contre-
poids. SUl revint ensuite sur son sentiment premier, il garda pour
ie cavalier une estime personnelle. Non seulement, en eflfet, il le
protégea durant ces négociations, mais ce fut lui qui, après son
départ et celui de Matthia de Rosai, lui fit maintenir sa pension
et provoqua la commande de la statue équestre de Louis XIV.
I. Bibl. nat., ms.ital* 2o83, p. 243. Tests italien (transcription non signée)
dans Ibid,^ p. 77.
a. Perrault, Mémoires,,., p. jS et suiv.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. IjS
De plus, il ^vait besoin de ses conseils et de son appui pour la
fondation de l'Académie de France à Rome. Il était donc porté à
^ le défendre contre rinconstance du roi, qui, tout d'abord séduit par
le plan de Tarcbiteae italien, s'en était ensuite, semble-t-il, com-
plètement détaché.
Le projet du Bernin avait, certes, de graves défauts, dont le
principal, aux yeux du ministre, était de ne pas suffisamment
s'occuper de Fagencement matériel. C'est ce qui provoqua tant
d'atermoiements, causa tant de retards et provoqua son rejet.
L'imminence de la guerre servit de prétexte plausible à sortir
d'une situation inextricable. La mise en œuvre eût coûté fort
cher; on ne pouvait alors faire de telles dépenses, d^autant que
Versailles continuait à absorber une grande partie dés ressources
de la couronne. De guerre lasse, Colbert céda.
Mais, en examinant attentivement la colonnade de Perrault, on
est frappé de quelques curieuses coïncidences. La sobriété du
rez-de-chaussée, ses ouvertures sans décorations rappellent singu-
lièrement le type simple des façades de la cour des cuisines, et les
énormes colonnes qui montent jusqu'à la frise et à la corniche
ressemblent beaucoup à cet entablement de colonnes et de pilastres
reprochés au Bernin. G>mme dans le projet du cavalier, les
combles sont supprimés ou mieux masqués; un attique surmonté
d'une corniche et d'une balustrade les dissimule. Ce sont là des
traits bien caractéristiques du plan du Bernin, si bien que Ton
pourrait, avec quelque raison, se demander si la pensée de Per-
rault n'aurait pas été guidée par le plan italien et si l'architecte
français ne se serait pas laissé influencer en partie par le travail
dénigré d'un rival éconduit.
On tâtonna encore avant d'aboutir. Plus-d'un projet soumis au
roi semble, en bien des points, avoir été inspiré par celui du
cavalier. N'eût-elle servi qu'à cela, son œuvre, mal conçue, peu
en rapport avec le climat et avec les habitudes françaises, eût été
cependant chose utile. Elle provoqua un travail universellement
loué depuis deux siècles; ce serait déjà un titre suffisant à l'ad-
miration et au respect.
276 LE BERNIN EN FRANCS.
CHAPITRE III.
LE BERNIN ET L'ACADÉMIE DE FRANCE A ROME.
LA STATUE ÉQUESTRE DE LOUIS XIV.
L*abandon du projet du Bernin eut un grand retentissement;
les architectes français, Perrault en tête, le considérèrent comme
une victoire de Part national. La nouvelle en fut bientôt répandue;
on raconta même, et la chose trouva créance, que le cavalier, déses-
péré et ne voulant pas survivre à son déshonneur, avait attenté à
ses jours. L'écho en parvint à Christine de Suède, alors à Ham-
bourg, et elle protesta vivement de l'invraisemblance de ce sui-
cide : « Pour le cavalier Bernin, » mandait-elle à son correspon-
dant Burdelot, « il n'est pas si sot que de se tuer, et c'est le
prendre pour un autre de toutes les façons que de le penser capable
de cela. Il se porte bien, et le pape se connoît trop aux gens pour
ne Testimer pas; c'est un grand homme, n'en déplaise à MM. les
architectes de France, et il est bien heureux de servir le plus grand
prince du monde, qui est le pape d^à présent, qui est un prince
incomparable-, et le temps fera demeurer tout le monde d^accord
de cette vérité*. »
Loin, en effet, de se laisser aller au désespoir, le Bernin s'était
remis avec ardeur à travailler pour Alexandre VII et demeurait
en excellents termes avec la cour de France. Colbert ne Tavait
pas abandonné, et, si le ministre avait jugé impraticable et inexé-
cutable le projet du Louvre, il estimait toutefois le talent de l'ar-
tiste et les services quUl pouvait rendre au royaume. Le cavalier
jouissait d'une pension de 6,000 livres ; son fils en touchait une
de 1,200'. Cette continuation de la bienveillance royale avait
pour objet de récompenser la part qu^il prenait à la fondation de
l'Académie de France. En décembre 1667, Colbert le remerciait
« du soin qu'il prenait de visiter souvent l'Académie et d'y don-
ner ses excellentes instructions' >. On supposait même, et sans
doute d'après des renseignements venus de Rome, qu*il n'avait
I. Fraschettî, ouvrage cité^ p. 276.
a. Guifiirey, ouvrage cité, 1. 1, col. 226, 240, 281, SgS, 473, 492, 553, 675.
— Cette pension paraît avoir été payée ju8qu*en 1674.
3. Bibl. nat., ma. ital., p. 267.
LES TRAVAUX DU LOUVRB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 277
conservé aucun ressentiment de Téchec de son projet et quMl s'oc-
cuperait encore volontiers pour Lx)uis XIV. En effet, dans cette
même lenre, Coibert ajoutait : c Si, aux marques d*estime que
vous avez pour S. M., vous y vouliez encore adjousier celle d'em-
ployer une partie de vostre temps ou pour sa gloire ou pour sa
satisfaction, vous pourriez avoir celle de voir votre réputation
establie et passer à la postérité dans les deux plus grandes villes du
monde. Pour cet efTea, je souhaiterois passionnément que vous
voulussiez bien faire la figure du Roy à cheval, de marbre, lais-
sant à vostre libené la grandeur que vous voudrez lui donner, ou
du naturel, ou au-dessus du naturel, d'autant que je puis vous
assurer que S. M. en fera tant de cas que, s'il est nÀressaire, elle
fera mesme faire un bastiment proportionné pour la faire voir
dans toute sa beauté ^ >
Cette proposition fut agréée par le cavalier, qui répondit à G>1-
bert en lui demandant quelques explications plus précises sur ce
que Ton désirait, et peu après le ministre lui fit savoir que cette
statue devait être placée soit sur le pont de pierre destiné à rem-
placer le Pont-Rouge, soit aux Tuileries. En même temps, il
ordonnait à Ehrard d'acheter les blocs de marbre nécessaires au
travail*.
La statue devait, en effet, servir de modèle et d^exercice aux
jeunes sculpteurs qui fréquentaient l'Académie. C'était une façon
de les initier à la technique de leur art, et nul mieux que le Ber-
nin ne pouvait le faire. Le cavalier, au reste, paraît avoir été
très lié avec Ehrard et avec son successeur Coypel. Lorsque
ce dernier prit la direction de l'Académie, en 1673, Coibert
lui recommandait c de lyer avec luy quelque sorte d'amitié,
pour tous les avantages qu'elle peut produire et pour vous et
pour les jeunes gens qui sont sous votre conduite^ ». Indépen-
damment de son talent, le Bernin pouvait être très utile, tant à
cause de son influence à la cour pontificale que par le rang émi-
nent qu'il tenait à Rome. Aussi tenait-on à ce qu'il vînt fréquem-
ment à l'Académie; dans de nombreuses lettres, Coibert invite les
ambassadeurs de France à insister auprès de lui en ce sens^. Le
1. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 267.
2. Ibid.f p. 263.
3. Ibid., p. 348; et A. de Montaiglon, Correspondance des directeurs de
r Académie de France, t. I, n* 82.
4. A. de MontaigloD, ibid,, t. I, n* 21 ; — Clément, t. V, p. 320.
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Dieu me
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e ne veux
Constantin.
; ni lui appa-
meni; je ne
; du Constan-
art de V. E., je
sl:atue, voïr A, de Nion-
cvu^^t^dlt des Arts^
278 LB BBUNIM en FRANCE.
cavalier était une sorte de conseiller et dé guide pour les acquisi-
tions de statues. Lorsque, en 1669, on voulut acheter les antiques
de la villa Ludovisi, Tabbé de Bourlemont était prié de « prendre
sur le tout les avis de M. le cavalier Bemin* >. Et, non seule-
ment il instruisait les jeunes artistes, mais encore il donnait son
avis sur leur choix' et envoyait des rapports sur leurs travaux^,
et lorsque, en 167 1 , Colbert envoya son fils en Italie, ce fut à lui
qu'il le recommanda spécialement^.
On peut donc dire que Tappui du ministre ne manqua jamais au
Bernin, et même malgré la volonté du roi. En 1670, Louis XIV,
voyant que le cavalier émargeait encore, écrivit en marge du
mémoire qu'il retourna à Colbert : c Je ne sçais pourquoy il y a
pour Bernin, car il me semble qu'on ne lui devoit plus rien don-
ner. Dites-m'en la raison'. » Le motif, comme Colbert le lui
répondit, était la commande de la statue.
La perspective d'immortaliser son nom en faisant passer les
traits de Louis XIV à la postérité pouvait tenter le Bernin, mais
un autre motif le décidait, motif que l'on retrouve constamment
dans tous ses rapports avec la cour de France, l'âpreté au gain.
Le cavalier, malgré la fonune qu'il avait amassée, était fort avare.
L'espoir d'une large rémunération le faisait travailler avec ardeur ;
le moindre retard dans le payement de sa pension lui faisait sus-
pendre l'œuvre qu'il avait entreprise. A plusieurs reprises déjà, il
avait montré cette avarice, et il en donna de nombreuses preuves
dans les négociations relatives à la statue de Louis XIV. Il crai-
gnait toujours que l'on ne tînt pas les engagements pris envers
lui, et il le laissait maladroitement voir. Déjà, en 1666, il avait
réclamé sa pension, de quelques jours en retard. Il recommença
en 1670. c Ceux-là m y lui récrivit Colbert, c étoient mal informez
de nostre manière d^agir, qui vouloient vous persuader que l'on
donnoit facilement deux brevets de pension en France, mais que
l'on ne les payoit qu^une fois ou point du tout. Nous avons un
roy qui sçait foire le discernement des gens de mérite, et je puis
dire que ceux de cette qualité à qui S. M. donne des pensions et
qui travaillent pour les mérita n'ont jamais sujet de se plaindre
1. A. de MontaigloDi t. I, n* 33.
2. Jbid., t. I, n» 39.
3. Bibl. nat, MiL. Colbibt» yoI. i5a, fol. 11 3.
4. A. de Montaiglon, ouvrage cité, t. I, n* 3a.
3. Clément, ouvrage cité, t. VI, p. 278.
LES TRAVAUX DU LOUYRS KT LES 8TATUBS DE LOUIS XIV. 279
qa*on les oublie. Soyez persuadé, s'il vous plait^ de cette vérité*. >
Le Bemin, malgré ces assurances, ne fut pas convaincu. Lors-
qu'il s'agit de commencer la statue, dont il était question depuis
1669, ^ ^™^^ ^^ nouvelles plaintes. Colbert, s'éû>nnant de son
retard à entreprendre cette œuvre, demanda des explications à
ftmbassadeur de France, le duc de Cbaulnes ', qui répondit avoir
conféré avec le Bernin, et avoir, disait-il, insisté, en lui montrant
combien son renom s'accroîtrait à la suite de ce travail. « Mais ce
Q*est pas là le premier motif qui le puisse faire agir, mais celuy
de rintérest. Il s'en est ouvert à Tabbé Benedetti plus qu'à moy
et luy a dit qu'il ne pou voit pas croire que S. M. eût tout Tem*
pressement pour cet ouvrage qu'on lui disoit, puisqu'il n'estoit
pas payé de sa pension'. » Colbert écrivit au Bernin que sa pen-
sion était continuée et l'engagea à se mettre à l'œuvre^. Sur cette
assurance, le cavalier songea à la statue.
Dès la fin de 1669, après que Colbert lui eut demandé de s'oc-
cuper de ce travail et fourni les renseignements qui lui étaient
nécessaires, le cavalier lui fit connaître comment il comptait
procéder :
c Puisque V. E. m'a honoré en approuvant mes pensées tant
dans l'invention et le dessin de la statue que dans la pensée d'y
foire travailler les jeunes gens de l'Académie, voici comment je
procéderai. Je ferai tout d'abord moi-même le modèle de plâtre,
puis j'assisterai journellement les jeunes gens qui imiteront le
modèle, leur enseignant tout ce qu'ils doivent faire. Puis j'exécu-
terai la figure de S. M. entièrement de ma main, et, si Dieu me
prête vie et force, pour le grand amour et les grandes obligations
que j'ai au roi, je m'efforcerai de faire autre chose, que je ne veux
pas promettre en paroles, mais exécuter réellement.
« Cette statue sera tout à fait différente de celle de Constantin.
Constantin est en acte d'admiration devant la Croix qui lui appa-
raît, le roi est en aae de majesté et de commandement ; je ne
souffrirais pas que la statue de S. M. fût une copie du Constan-
tin. Je vais donc commencer le modèle et, de la part de V. E., je
» ■.■..,
1. BibL nat., ms. ital. ao83, p. a63.
2. Qément, t. V, p. agi.
3. A. de MontaigloD, ouvrage cité, L I, d* 47.
4. Bibl. Dat., ms. iul. 2o83, p. a55. — Sur la tutue, voir A. de Moo-
uigloB, le Louis XIV du cavalier Bernin^ dans Revue univerulle des Arts,
t. Vm (i858), p. 5o5-5i4.
y—.T-à-tg'n 1 M Emri i* sire placer le grand bloc de marbit
d _»■• r:i cctt £^ rrOTOctSaniii & ûire une aussi grande œuvre,
•li r— «T^ 'Tirri:!: ir zz': que lûBUvrc fui réellemem mise sui
k zaLzrs- Ez :f-: er :f-"i, ]e ca-ralicr y travailla avec assi-
— -g rrs; j£r=— «=t- Ccli^r: se faisait reaire compte de réiat
z. i-riiisrzLZZ zit JL sziT^^ . diox anaques de dèvre, ca 1Ô72 et
SI :•-•*. irriciTEi: =-2c:ea:i3e=ea: i'anisie, mais, cncoungé
TILT jt JL * ai-r ST: rîç^ilier zt sa p^ensirn et par une gratificatioade
x-:o: tr^s" z^ 1^ fr: ijaritien :573. il poursuivit son tnvalL
1 Les ^«rjcczes zzi sj c^-rrissent 1. écrivait en mai de ccnc
T-^tÊT* js, nrr ^y i Eicr^ses. evîqae de Laon. i trouvent qae la sia-
Tji I- ?-:-T e: -i ctktaI s:^r ^jel elle es: son: parfaitement bien;
zs^ zx rtfr:l: li»:. Le ciTili-r Beraia est fon assidu et appli-
qiitiscc n-i^: -1 »"Te=rO^:i le ri us souvent sept à huit heures
rar i'^- I. Dr rr: .: ras li pz^volr achever a van: dix-huit mois*. •
A -i i^ ie cezrs nîn-e az^ce, li P. Oliva en faisait uncdescrip-
r.':c ei.:^«:c5-iÂ:i : i ."e rus hier ». ccr.vait-xl le 27 novembre au
: :. r-.- :j.i. n:* u.. i:*r. r. i5: — t G.k z'z.£ V. Z. mi ha onoriîo
i. trr-m.-ï : = 41 r«T£..*r. u-:: r.;l. ^T-r: :-.î c iise^no deîU stania.
r^î^rc r nrj fjTî 1 çjsï c-.:t=: fcr_;:rr: iii;* Arcjieziii di S. M., cioè in
ijfsa: =':c»r. .: :ir. rr-=j ;. =:i =j.:r :I =»ie:o ci cneta di Jctu open.
r».'! ftsszsa^- rrctr-j-rr-i-ii 1 Ciru irzrar.. izzi :~;sr.o dstio naodilio,
->:r-i-.. ■-" t: ■: c"; -:?:_; '.z' tn ?: :ir li :;sia d: S. M.
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-- ; ■ :.:-; -Mi ■ i: - .1:: 11 r-rt; - V. K d:r 1 Mo-si^-r iiira:.
.r. -.-- : >.:-L-, "i- 5.i*î-: .-. -:^~: w:~:j:, i rr^r3r::^r.iiJ i îî'-
.-"î r~i: : T^ir: r-f r::-*i 5_r :■ iirt rr. :;::*;: =: a \". >. :'o h-m"-* r;«s-
---.i . .-.:tj ; .•: -.Jcr rri :::"; » — S-r \t rr:x »:i « :r.a:l:^
: : -:.-- . —-^f : :: : V. r. 5:-. 5::: :. MI. r. 55. - A ij Mor-
-.: ; :- ." — .-.•r.?J--T--.' . : 1. r." 5?. ?■:. M: t. VI. r." 2Ô32. — LH.'rr:r.i.
> .-i-r -^ . ^.'^f^ j.:.. : "•. r. r>i, — A. ic Mor.taijî^n, CoTfjr/Ot-
.•--.•f . : - ~ ^« . — J.iTi;-:. :u»---:r:* c::=, L VI. p. 352.
,. j;.. "ir: ... --:*;• •.:;. : V. r. 55;. r.3;e i. e: rrascr.itii, ouvrage ci- •
: J.s:=i-:. r^-.-'-J*^ crri". t. V, p. Szc, zoïc 2.
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. a8 1
P. Jean Perrier, confesseur du roi, « voir le fameux colosse que
le cavalier Bernin a fait pour immortaliser la gloire du roi très
chrétien. L'œuvre, comme la masse, surpasse toutes les sutues
qui existent tant à Rome qu'ailleurs, à mon avis, même celles
que nous admirons de Phidias ou de Praxitèle. Le cheval, bien
qu^en marbre, paraît se mouvoir et prêt à hennir; le roi à parler
et à sourire, tant il y a de vie... Je me réjouis pour la ville de
Paris de ce que Ton pourra bientôt admirer sur sa plus fameuse
place, une œuvre comme TEurope n'en voit ni n'en verra de
supérieure, et pour ce qu'elle représente, et pour la manière avec
laquelle le roi est représenté *. »
Quelques mois plus tard, Colbert félicitait le Bernin de l'œuvre
par lui entreprise : « Comme vostre chef-d^œuvre est.un ouvrage
qui fera parler de vous et fera, pour un long temps, connoistre
en ce royaume vostre vertu, puisque, par ce grand ouvrage, vous
l'attachez au plus grand roy que le plus florissant royaume de la
cbrestienté ayt jamais eu, je vous prie d'estre bien persuadé que
nous donnons icy à ce chef-d'œuvre tout le mérite qu'il doit avoir
et que nous attendons de le voir avec grand plaisir, mais sans
impatience, estant persuadé qu'il approchera d'autant plus de la
perfection qu'il sera longtemps sous vos yeux*. »
Si Colbert accorda un délai au Bernin, ce dernier en usa lar-
gement. A partir de 1674, le silence se fait autour de la statue. A
cette même époque, le nom du cavalier, ainsi que celui de son
fils, disparaissent des listes de pensions accordées paf Louis XIV.
Cependant, Tâge n'avait pas affaibli ses facultés ; c'est de ces années
que datent la restauration du Latran, les plans de la fontaine
Saint-Pierre, le ciboire de la chapelle du Saint-Sacrement à
Saint-Pierre, les églises de la place du Peuple, la statue de la
bienheureuse Albertoni. Nous ignorons les raisons de ce long
silence.
En 1678 seulement. Ton entend à nouveau parler de la statue;
Tabbé Gabriele Babo, secrétaire du cardinal Bichi; lui consacre
une pièce de vers-, elle était terminée à cette époque et se trouvait
dans l'atelier du cavalier, derrière la basilique vaticane. Elle y
demeura longtemps encore. Lorsque le 28 novembre 1680 le Ber-
nin mourut, la statue n'avait pas quitté Rome. Comment expliquer
I. Fraschetti, ouvrage cité, p. 36o, note 2.
a. Clément, ouvrage citéy t V, p. 359.
aSa LE BBRNIN BN FRANGE.
cette négligence? La guerre avait pu en retarder l'envoi, mais la
paix de Nimègue signée, rien ne s'opposait plus à ce qu'on l'ez-
pédiât en France. Les héritiers de l'artiste adressèrent dès le mois
de septembre 1681 un mémoire au roi afin de connaître ses
volontés ^ . Louis XIV chargea Tambassadeur, duc d'Estrées, d'aller
examiner la statue avec Erhard, de donner son avis et d'en envoyer
un dessin*. Quelle suite fut donnée à cette négociation? on ne le
sait.
Toutefois, en 1684, on songea sérieusement à faire conduire
Tœuvre du cavalier en France. Ce n'était pas chose focile, éunt
donné ses dimensions et l'insécurité de la mer, la guerre étant
déclarée avec l'Espagne. Le roi, au mois de juin, chargea M. de
Relingues',commandant du vaisseau leBon^ de se trouveràCivita-
1. A. de Montaiglon, ie Louîm XIV du cavalier Bemin,
a. A. de Montaiglon, Correspondance,, ., t. VI, n* 2641.
3. Cet officier de marine était, en 1670, capitaine de vaisseau. Il mourut
le 5 septembre 1704, à Malaga, sur le vaisseau ie Terrible, d*une blessure
reçue le 14 août. Voici ses états de service :
Originaire d'Allemagne, f à Malaga des suites de sa blesaure reçue au
combat du 24 août sur le Terrible, f le 5 septembre 1704.
Étate de service :
1670, 5 sept. Capitaine de vaisseau.
1689, i" nov. Chef d'escadre.
1693, 8 mai. Chevalier de Saint-Louis.
1697, i*" avril. Lieutenant général.
170a, 17 octobre. Commandeur de Tordre de Saint-Louis, avec pension
de 3,000 1.
[Dans sa nomination de lieutenant général, le roi rappelle sa glorieuse
conduite, en 1684, contre trente-aept galères espagnoles.]
Campagnes :
1684. Commande le Bon.
i685. - -
i686. — le Précieux.
1688. — le Comte pour la course.
1689. — le Comte^ le Sérieux, le Précieux,
1690. -^ la marine à Dunkerque.
1691. — le Foudroyant, puis le Content comme qhef d'escadre.
1692. i— le Foudroyant, au combat de la Hogue.
1693. — r Admirable, puis F Heureux.
1694. — l'Heureux,
1693. — la marine à Dunkerque.
1696. — id. , et le Tonnant.
1699. — P Éclatant, en qualité de lieutenant général.
1702. — le Foudroyant, • •
1704. — le Terrible, » », combat de Malaga.
LES TRAVAUX DU LOUVRE BT LES STATUES DE LOUIS XIV. 283
Vecchia afin d^escorter la statue, qu'une fraste venait chercher de
Toulon. Mais, en cours de route, à la hauteur de Tile d'Elbe, le
En 1699, il commandait une escadre de neuf navirea : la Gaillarde, la
Naïade, la Néréide, l'Oiseau, la Dauphine, le Triton, l'Éclatant, le Solide,
^Hercule, contre les corsaires de Salé (Ârch. de la Marine, C 271).
Le premier ordre de Louis XIV à Relingues, d'aller à Ci vita- Vecchia chercher
la statue et l'accompagner à Brest, date du 17 juin 1684 (Arch. de la Marine,
B^ bo, fol. 334). Le 3 juillet, le rot, bien qu'ayant appris qu'un navire,
le Tardif, escorté de P Assuré, était parti de Toulon pour se rendre à ce
port, lui renouvelait sa commission {Ibid., fol. 238 ▼*). — Le combat livré en
face de l'île d'Elbe eut lieu dans ce même moijB de juillet, antérieurement
au 21 {IHd., B346, p. 224). Marseille, 1684, 21 juillet. A M. de Vauvré :
c On me vient d'envoyer un exprès pour joindre ici le courrier ordinaire qui
est party de Toulon, affin de vous informer, Monseigneur, que M. de
Relingues, ayant esté rencontré en calme par les trente-sept galères d'Es-
pagne et de Gennes, il en avott esté attaqué, avoit eu i5 ou 20 hommes
de tués et environ 80 de blessés, et qu'un petit vent s'étant élevé, ayant
voulu donner dessus, elles avoient pris chasse. On adjoute que le grand
mast de son vaisseau est tombé quelque temps après des coups de canon
qu'il avoit reçus. Mais celuy qui a donné cette nouvelle, l'ayant appris du
comroissaire<haronnier qui venoit me l'aporter, et l'ayant passé, n'a pu
dire où le combat s'estoit donné, ny le jour. Pour moy, je crois que c'es*
toit dans la route que les galères ont faite de Savonne au cap Corse... »
— {Ibid,, n* 229]. Toulon, 1684, >3 juillet. A M. de Vauvré : i J'ay appris
icy la confirmation du combat que M. de Relingues a rendu contre les
galères. Les advis que l'on en a sont, qu'estant sur l'isle d'Elt>e en calme,
M. de Centurion fut détaché avec douze galères pour l'attaquer, mais que,
s'estant trop aproché et ses galères ayant esté fort maltraitées, les vingt-
cinq autres s'avancèrent et le combatirent encore assés longtemps, jusqu'à
ce que le vent, s'estant un peu élevé, il estoit arrivé -dessus, et elles avoient
pris chasse, et se sont retirées à Porte Ferrare pour se radouber, et M. de
Relingues à Ligourne pour changer son mast de mizaine. 11 a perdu douze
hommes et en a eu quarante<inq de blessés. On attend a tout moments
le retour d'un exprès qui est allé à Savonne pour sçavoir si les galères
d'Espagne et de Gennes ont quitté les costes d'Italie.
c Pour ce qui est de l'action du détroit, il est certain. Monseigneur, que
M. de Relingues, une fois qu'il a esté engagé en veûe des ennemis, n'a pu
empèse her les flustes holandoises d'être prises, les capitaines ayant bien
voulu estre arrestéz, ayant amené leurs voiles dès qu'ils virent un des vais-
seaux d'Espagne aller à eux, au lieu de prendie chasse, comme fist l'anglois.
La fluste de Marseille amena aussi au premier coup de canon, et il n'y eust
que celle de Brest qui tinst auUnt qu'elle le pust aupréz du vaisseau de
guerre qui, esunt sous le vent des ennemis, n'a combattu qu'autant qu'ils
l'ont voulu, et eust esté fort exposé s'ils eussent fait leur devoir... Les
flustes qui sont à Civita Vechia reviendront icy avec le Bon attendre de
nouveaux ordres. Si les galères sont demeurées aux costes d'Italie, et les -
▼aisseaux de guerre, il y aura à craindre pour leur retour » — (B> 3i, fol. 3oo}.
284 LE BBRNIN BN FRANCE.
convoi de vaisseaux hollandais, anglais, français, qu'escor-
tait Relingues, se trouva en présence d*une escadre espagnole
forte de trente-sept galères. Le combat s'engagea : malgré son
courage, le commandant français, voyant une partie du convoi
capturée, lui-mâme démâté, dut, ayant perdu douze hommes et
comptant quarante-cinq blessés, chercher un refuge à Livourne.
Le voyage fut interrompu. L'autorité, saisie du fait, ordonna
l'arrestation de Relingues; le procès- verbal du combat ayant
démontré qu'il avait fait tout son devoir, il fut autorisé de conti-
nuer son voyage. Pendant ce temps, Tceuvre du Bernin, quittant
Tatelier du sculpteur, était par la Lungara et le Trastevere portée
à Ripa Grande*. Mais on savait que les Espagnols surveillaient
la côte, désirant capturer la statue du roi de France et la traîner
à Naples. Le marquis del Carpio, gouverneur de Naples, avait
fait promettre 3o,ooo écus à qui s'emparerait du convoi'. Il fallut
donc attendre'.
Versailles, 1684, 3i juillet. A s' de Vauvré : c ... S. M. sera bien aise
d'avoir le plus tost qu'il sera possible le détail du combat que le s' de
Relîngues a rendu contre les galères d'Espagne et Gènes. Cependant, comme
il paroist que la conduite de ce capitaine a esté bonne en cette occasion,
elle veut qu'il renvoyé les ordres qui luy ont esté adressez pour le faire
arrester, S. M. voulant bien luy continuer le commandement du vaisseau
qu'il monte.
c S. M. a envoyé ordre aux commandans des flustes qui sont à Civitta-
Vecchia de se rendre à Toulon, et d'y attendre de nouveaux ordres; mais
s'il avoit advis que les galères d'Espagne et de Gènes fussent sur les costes
d'Italie, il faudroit qu'il envoyast exprès advertir celuy qui les commande
de demeurer au port de Civitta-Vecchia... » — (B' 46, n* 403). 1684, 3 août,
c Monseigneur, Nous venons d*cntendre avec plaisir la relation du combat
de M. de Relingue et le bruit qu'il a fiiit dans l'Italie, à la confusion des
galères d'Espagne. Elles ont pris la gentille barque du Roy que nous avions
armée, mais après s'estre fait déborder trois fois. Dans quatre ou cinq jours,
nous en ferons sortir un autre, un briguanttn qu'avoit fait armer M. de
Tourville à Ligourne l'iver dernier, après avoir pris trois batteaux chargés
de blé qu'il a esté obligé de laisser au consul de Ligourne, estant trop
petits pour les amener icy. Vous donnerez, si vous plaist. Monseigneur,
vos ordres sur ce qu'a a faire M. de Relingue. On me fait espérer que je serai
bientôt en état de sortir et de recevoir vos ordres. Je suis, avec un profond
respect, Monseigneur, vostre très humble et très obéissant serviteur, âmfee-
VILLE, i — Relingues arriva le a3 juillet à Civita-Vecchia (A. de Montaiglon,
Correspondance..,^ t. VI, n* 264b),
t. Fraschetti, ouvrage cité, p. 36 1.
a. A. de Montaiglon, t. VI, n* 2644.
3. Arch.de la Marine, B*3i, fol. 33o.^ 12 août. A M. le duc d'Estrées :
LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 285
On surveilla les côtes; le chevalier de Lucenay, qui était chargé
d'accompagner également le convoi, était consigné à Civita-Vec-
cbia*. Ce fut seulement le i6 septembre qu'ordre fut donné à
Du Quesne de détacher deux vaisseaux pour assurer la conduite
du convoi de pouzzolane, qui devait^ de Civita-Vecchia, rallier
le Bon et le navire portant la statue '. Le 27 du même mois,
Lucenay était commandé pour le départ'. Peu après, le 14 oaobre,
Relinguesétait sur le point de quitter le port italien^. D'autre part,
la statue, confiée aux soins de Tingénieur Borzachiet de Giacomo
Bossardi ', était embarquée à bord du Tardifs afin de se trouver
le i5 à Fiumicino, et, le 21 du même mois, elle avait rallié le
convoi de pouzzolane à Civita-Vecchia, d'où elle partit le 27*.
Le voyage s'effeaua cette fois sans encombre, et le 1 *' novembre,
les navires accompagnés du le Bon et du Prudent arrivaient à
Toulon^. Après un arrêt de deux jours, ils reprirent la mer et le
« Monsieur, J'ay receu les lettres que vous avez pris la peine de m*escrire
les 1 3 et 16 du mois passé, j'ay rendu compte au Rojr des raisons qui
vous ont obligé d'empescher le passage de la fluste chargée de la statue
équestre, S. M. a fort approuvé les ordres que vous avez donné à cet
esgard ; cependant, comme cette Huste et celles qui doivent estre chargées
de poz2olane n'ont de vivres que jusqu'à la fin du présent mois, je donne
ordre au s' Voiret de leur en faire fournir pour tout le temps qu'elles
auront à demeurer à Civittavecchia ; le service que les vaisseaux et galères
doivent rendre à présent, ne permetunt pas qu'on puisse en détacher aucun
pour aller prendre ces flustes et les escorter jusqu'à Toulon, je vous prie de
vouloir bien tenir la main à ce que les ordres donnez aud. s' Voiret soient
ponctuellement exécutez, et d'avoir agréable de vous en faire rendre compte. »
1. Arch. de la Marine, B* 5i, fol. 333. Cet officier commandait la t'ran»
çaise en 1681 (Arch. de la Marine, O 189).
2. Arch. de la Marine, B^ 5o, fol. 366. Versailles, 1684, >6 septembre.
Au s' de Vauvré : f ... S. M. donne ordre aud. s' du Quesne, avant que de
revenir de Gènes, de déuscher deux des vaisseaux qu'il commande pour
aller prendre à Civitta-Vecchia la fluste qui sera chargée de la statue équestre
et de la pozzolane, dont led. s' de Vauvré a besoin ; et comme elle veut
que le vaisseau le Bon escorte lad. statue jusques à Brest, elle donne ordre
au s' de Relingues, qui le commande, de repasser à Toulon pour embar-
quer sur son bord et sur lad. fluste les gardes et soldats de marine qui
doivent repasser en ponant ; il doit tenir la main à ce que cela soit ponc-
tuellement exécuté... >
3. Ibid., fol. 38o.
4. A. de Montaiglon, Correspondance.,., t. VI, n* 2647.
5. Fraschetti, ouvrage cité, p. 36 1.
6. A. de Monuiglon, Correspondance. ,., t. VI, n* 2648.
7. Arch. de la Marine, BS46, fol. 25 1. Marseille, 1684, 2 novembre.
Lettre de M. de Vauvré : c Je viens d'apprendre que les vaissaux le Bon et
286 LE BERNÎN GN PRANCE.
a janvier se trouvaient au Havre ^ Là, un incident se produisiL
Le navire sur lequel on avait placé la statue avait un tirant d'eau
trop considérable pour la profondeur du fleuve. On pensa la char-
ger jusqu*à Rouen sur un autre bateau; dans cette dernière ville,
il fallait encore faire un nouveau transbordement. Après plus d'un
mois d'hésitations et de tâtonnements, la statue, surveillée par le
sculpteur Dedieu, fut débarquée le 2 février sur le port du Havre
et chargée le 17 sur un smak', navire hollandais qui, remonunt
le Prudent arrivèrent hier à Toulon, avec les quatre flustes chargées de
pozzolane et de la statue du Roy; j'avois donné les ordres pour le désarme-
ment du Prudent et pour l'embarquement des vivres du Bon et du Tardif.
Cependant, je m'y en vais pour les expédier et presser le départ de tous les
vaissauz de ponant; j'apprends qu'ils ont encore 3oo malades i lliospîtal,
mais qu'ils commencent à se restablir. t
I. Ibid., Bs 48, p. %o. Le Havre, i685, i* janvier. Lettre de M. de
Montmort: « ... Je me suis exactement informé sy l'on pourroit faire monter
la flûte le Tardif jusques à Rouen, suivant les ordres que vous m'avez
donnes; c'est une chose impossible; ce bastiment, tirant 14 pieds d'eau
et plus, et ne pouvant mesme entrer en ce port, que d'une grande
marée; et les bastimens qui montent à Rouen ne peuvent au plus tirer que
huit à neuf pieds; ainsy, je croy, Monseigneur, qu'il faudra descharger icy
la statue du Roy pour la mettre sur un heux qui la conduira jusques à
Rouen, où l'on l'a débarquera pour la mettre sur un grand batteau qui la
rendra à Paris; je vous envoie à cet effet le certificat des officiers de ce
port, qui ont connoissaoce de la navigation, qui se foit sur la rivière de
Seyne, qui vous en fera mieux connoistre l'impossibilité, i
s. Ibid.f n* 60. Le Havre, i685, 9 février. Lettre de M. de Montmort :
c ... J'ay fiiit retirer du Tardif tous vos ballots. Il n'en manque point ; mais
comme ils sont en très meachant ordre, je les fais tons couvrir de coilles
pour vous les envoyer incessamment, et avec plus «le scureté; l'ingénieur
qui doit débarquer la figure équestre du Roy vient d'arriver; comme il ne
parle qoe de rompre la flûte le Tardif pour retirer cette figure, j'ay crû
vous en debvoir donner avis pour recevoir voz ordres sur oells; je me suis
informé du s' Barbault, de tout ce qui s'estoit pratiqué lors de son embar*
quement, où il estoit présent. Il m'a dit qu'elle avoit esté mise dans cette
flûte sans rien rompre, que les deux ponts seulement et deux baues qu'on
avoit osté; je croy qu'il sera bon d'observer la mesme chose pour la retirer;
je vous envoyé copie de la* lettre que M. de Louvois m'a écrit sur cella,
afin de sçavoir ce que vous désirez que je fasse sur ce qu'il am rawide, et
si je feray faire un état particulier de cette dépense pour luy faire payer
sur les bastimens; cet ingénieur a résolu de conduire cette figure Risques à
Marly dans un smak, sans la descharger à Rouen. C'est une grande entre-
prise et beaucoup risquer, ces bsstimens là n'ayant jamais passé le pont de
Rouen, et je croy qu'on pourroit faire de ces sortes d'épreuves sur d'autres
choses que sur cette figure... > — Ibid., p. 66. Le Havre, i685, 17 février.
Lettre de M. de Montmort : c Monseigneur, L'ingénieur de M. de Louvoîi a
LES TRAVAUX DU LOUVKB ET tSS STATUES DE LOUIS XIV. 287
la Seine, la conduisit à Paris au Pont-Rouge, où on pensait la
débarquer pour la placer aux Tuileries, le lo mars i685 ^
La foule se pressait pour voir la statue. Mais elle ne demeura
pas à Paris, ordre fut donné de redescendre le cours de la Seine
jusqu'au pont de Sèvres, où eut lieu le débarquement; de là, on
la transporta à Versailles, ' où elle fut placée sur un piédestal à
rOrangerie. Elle n'y demeura pas longtemps. Le 14 novembre,
Louis XIV visitant cette partie du palais, la trouva mal faite et
ordonna tout d'abord de la briser, puis de la transporter devant
la pièce de Neptune^ où elle fut montée.
Ce ne fut pas, hélas f son dernier avatar. Du bassin de Neptune,
elle fut reléguée derrière la pièce d'eau des Suisses. Girardon avait
reçu ordre de remplacer la tête. Il se contenta de Torner d'un
casque, de couvrir le mont de gloire sur lequel, dans la pensée du
Bemin, s'élançait Louis XIV pour Tescalader de flammes en
marbre, de retoucher quelques accessoires, et c'est ainsi que cette
oeuvre, destinée à glorifier Louis XIV et à rendre le Bernin
l'émule de Praxitèle et de Phidias, devint le Curtius se précipitant
dans les flots, ou encore, selon la formule du populaire, « la Statue
de Berlin ».
Ces déformations permettent difficilement de se rendre compte
de Toeuvre primitive. Cependant, on peut y retrouver dans toute
son exagération la mauvaise manière du Etemin. Le cheval, con-
tourné, fabuleux, irréel, d'un mouvement exagéré, supporte un
cavalier conventionnel, contourné, sans naturel. Il y a loin de ce
travail, produit d'une mauvaise compréhension de Part, avec la
majestueuse et grande simplicité du buste du salon de Diane.
fiiît embarquer ce matin, sur les dix heures, la 6gure équestre du Roy dans
le smalc hoUandois quMlz ont choisy pour faire monter jusques à Marly.
Comme On a extrêmement pressé pour cellui à cause des eaux de la rivière
de Seyne qui commancent à perdre, j'ay tenu la main qu'on observast tout
ce qui s'estoît fait lorsqu'on mit cette figure dans le Tardif, où Ton a fait
moins de degast cette fois que lorsqu'on Ta embarquée; vous aurez la bonté
de me donner vos ordres pour cette dépense, dont je vous enverray au pre-
mier jour Testât; je croy que vous ne désaprouverez pas les marques de
joye que Messieurs de la marine ont témoigné dans cette occasion par les
respectz qu'on a rendus à cette statue et les vœux que nous avons tous faits
publiquement pour vous, f
I. Fraschetti, ouvrage cité, p. 36 1 et suiv. — L'auteur y a réuni tous les
extraits des comptes des bâtiments du roi relatifs à cette statue (cf. Â* de
MontaigloD, le Louis XIV.,,; et A. Peraté, ouvrage cité).
288 LE BERNIN EN FRANCE.
Il restait, en résumé, peu de chose du Bernin en dehors du buste
exécuté en i665. Mais cet appel fait au grand artiste italien n*avait
pas été inutile. Il avait montré qu^à une époque, où la France
brillait d^un vif éclat dans le monde des arts, Louis XIV et G)l-
bert n^avaient pas craint, même en présence des œuvres de valeur
produites par les architectes français, de s'adresser à un homme
qui, de Tavis de tous, passait pour le plus grand et le plus uni-
versel artiste de son siècle. Ils lui confièrent le soin de recons-
truire le plus ancien et le plus célèbre palais de la plus illustre
monarchie d'Europe. Et, lorsque ces essais furent demeurés
sans résultat, ils n^hésitèrent pas à réclamer son concours pour
fonder, dans la Ville Éternelle, une institution qui, depuis
plus de deux siècles, a donné une abondante moisson de gloire
à la France. En outre, pendant cinq mois, oti le Bernin séjourna
à Paris, il s'y montra avec tous ses défauts et aussi toutes ses qua-
lités, et les artistes qui le fréquentèrent purent apprendre de lui
à mieux connaître Tart italien, et, par les critiques, quelquefois
exagérées, mais souvent remplies de finesse, qu'il leur adressa, à
devenir plus conscients des véritables caractères originaux de Part
français. Il demeura de ce voyage le souvenir d'une généreuse
tentative, tant de la part du ministre qui y pensa que du roi qui
l'autorisa, et cette preuve d^éclectisme ne fait qu'augmenter le
mérite des grands protecteurs de l'art national au xvii* siècle.
Léon MiROT.
PARIS MILITAIRE
AU XVIIIe SIÈCLE.
LES CASERNES.
Quoique d^un intérêt évidemment secondaire, le passé des
vieilles casernes de Paris a depuis longtemps tenté notre curiosité
pour deux motifs : d'abord parce qu'il présente la rarissime par-
ticularité d'être encore inexploré; ensuke et surtout à cause des
nombreuses erreurs indéfiniment répétées par ceux qui ont écrit
sur le Paris de la fin de Tancien régime, et que Pétude de l'his-
toire des casernes permet de rectifier.
Dans une biographie de Hoche par Tony-Revillon, nous
lisons à la quatrième page :
« Cinq ans plus tard (après son enrôlement), le 14 juillet 1789,
un jeune sergent, le visage traversé par une balafre reçue en duel,
regardait de la caserne de la rue Verte la prise de la Bastille. »
Or, le 14 juillet 1789, bien que Tidéc soit dure à déraciner,
Hoche n'était pas sergent, mais caporal, — depuis deux mois
seulement, — et employé comme tel à l'instruction des recrues au
Dépôt des gardes-françaises, au coin de la Chaussée-d'Antin et des
boulevards, et ce n'est que le 1" octobre suivant qu'il reçoit le
galon de sous-officier dans la Garde nationale soldée. Quant à la
caserne de la rue Vene, « d'oti un garde-française regardait la
prise de la Bastille, » ce n'est autre que la caserne aauelle de
Penthièvre, dans la rue de ce nom, au faubourg Saint-Honoré;
on se demande de combien d'étages il faudrait aujourd'hui la
surélever pour apercevoir de son toit la colonne de Juillet I
Un autre écrivain, Frédéric Lock, dans son article : les Ponts,
les ports et les rues, du Paris-Guide de 1867, mentionne, dans
MiM. XZXI 19
290 PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIÈCLB.
le X* arrondissement, c la caserne de la rue du Faubourg- Pois-
sonnière, dite de la Nouvelle-France, construite pour les gardes-
françaises, et oti Ton montre encore la chambre qu*occupèrent,
comme sergents dans cette garde, Hoche et Marceau. »
Le point est fixé pour Hoche. Quant à Marceau, enrôlé en
1785 dans Duc-d'Angoulême-infanterie, ci-devant Savoie-dri-
gnan, il n*a jamais paru aux gardes-françaises.
Cette chambre archicélébre, — qu'on ne sait même plus vous
montrer aujourd'hui, — aurait aussi, d'après Alphonse Brot*,
abrité Bernadotte, et, d'après Théophile La vallée', Lefebvre, tou-
jours en même temps que Hoche.
Or, Bernadotte, engagé dans Royal-marine en 1780, n'a quitté
ce corps qu^en 1791, et, pas plus que Marceau, n^a jamais paru
aux gardeâ-françaises.
Lefebvre, lui, a pu, en même temps que Hoche, être caserne à
la Nouvelle- France vers 1787; mais il était alors sousofBcier,
déjà ancien, alors que Hoche n'était encore que simple grena-
dier; donc, ils ne couchaient pas dans la même chambre.
Et ainsi de bien d^autres.
C'est à Louis XIV que remonte l'idée de construire des
casernes proprement dites. Nous trouvons en effet, dans Dan-
geau, à la date de 1692 :
« Le Roi a ordonné au prévôt des marchands de faire bâtir des
casernes pour loger les gardes-françaises et suisses. Ce sera un
grand soulagement pour les habitants de la ville et des foubourgs
de Paris. »
Diaprés un devis ^ imprimé, il devait en être construit sept, dont
I . Paris che:( soi, par l'élite de la littérature contemporaine, Paris, Paul
Boizard, i855.
a. Théophile Lavallée, Histoire de Parts, a vol. Paris, Michel Lévy,
i857, t. II, p. 86.
3. La Ville VÉvesque. Casernes, Devis des ouvrages de massonnerie qu'il
convient faire à Paris pour la construction d'un des sept corps d'hostel et
casernes que désirent faire hastir, sous le bon plaisir du roy, messieurs les
prévost des marchands et échevins de la dite ville^ sur une place vague sci^e
au quartier de la Ville l'Évesque, proche la demy lune du cours (corr. ms. :
sur la grande rue du faux bourg) 5. Honoré, pour loger un bataillon de
six compagnies des gardes françoises, suivant les plans, élévations et pro-
fils qui en ont esté faits par le sieur Beausire, architecte, maistre des oeuvres
et controlleur des bastimens de la ville, chargé de la conduite des dits
ouvrages, conformément aux ordres de Sa Majesté, (S. 1. n. d.) In-fol., ay p.
(Bibl. nat., impr. Lk^G8a6.}
PARIS MILITAIRE AU XVIII* SlJBCLB. 29 1
une sise au quartier de la Ville- Lévéque, dans la grande rue du
Faubourg-Saint-Honoré, destinée à loger tout un bataillon de six
compagnies de gardes-françaises.
Dès Tannée précédente (1691)^ le Règlement général du Roy
pour le régiment des gardes-françaises en organisait d'avance
le casernement de la façon suivante :
c Art. 1 34. — Lorsque les cazernes seront faites, il logera cinq
compagnies dans chaque cazerne, hors dans deux oQ il y en aura
six à chacune, x
Or, pour'bien des raisons, tous ces beaux projets restèrent à
l'état de lettre morte et les soldats continuèrent à être disséminés
dans toutes les maisons des faubourgs. On pense combien il était
difficile de surveiller 2 ou 3,ooo hommes, répartis par deux ou
trois dans chaque maison, et, si cet état de choses était embarras*
9ant pour Tautorité militaire, il n'excitait pas moins le méconten-
tement de la population.
D'après Tarrét du Conseil d'État, en date du 1 5 mai 178a, dont
nous donnons plus loin le texte\ c'est Louis XV qui, vers 1759,
date de la construction de l'hôpital militaire du Gros-CaiÛou,
prit à cet égard une décision définitive et arrêta le plan de répar-
tition des casernes du régiment des gardes-françaises. La construc-
tion de ces casernes était en principe, comme on le verra, inti-
mement liée à celle de l'hôpital militaire; mais les ressources,
provenant de cette fondation, étaient forcément encore peu considé-
rables; la guerre de Sept ans rendait, du reste, les travaux impos-
sibles. Ce n'est donc qu'au moment de la paix de 1763, — comme
nous rapprendra le Mémoire des propriétaires, présenté à la fin de
1789 à la commune de Paris*, — que Louis XV, trouvant le
moment favorable pour l'exécution du plan projeté, mais ne vou-
lant pas, faute d'argent, en faire supporter les frais à l'État, autorise
le maréchal de Biron, colonel du régiment depuis 1748 et qui,
depuis sa prise de commandement, avait pris cette question fort à
cœur, à contracter des baux de longue durée avec les particuliers
qui consentiraient à prendre sur eux les frais d'acquisition des
terrains et ceux de construction des bâtiments. C'est à ce moment
encore que, comme conséquence de cette autorisation, il accorde
1. Voir p. 296.
2. Voir p. 3o6.
îm. ÎHini:ii rr Spnr-SjFicnL imr X. Kzrrz ib f » «'- > i M. k
a:::: «scri rzi, ai. >
i. Var r. 3oî-
3. K5^
ruâ&. T* LfJii.
PARIS MILITAIRB AU XVIII* SliCLE. açS
Voici le texte de cette lettre :
A Paris, le 4 avril 1760.
Monsieur le maréchal de Biron, mon cher de Rochegude, approuve
que nous fassions l'acquisition de la maison que vous croyez conve-
nable pour votre cazerne. Si vous vouliez bien vous trouver demain
aux Thuilleries, nous raisonnerions sur cela.
Vous connaissez, mon cher Rochegude, toute ma tendre et sincère
amitié.
Signé : Cornillon, major.
La suite du contrat de vente nous présente la description de la
future caserne :
Une petite maison, scise à Paris, rue d'Anjou, fiiubourg Saint-
Honoré, attenante à la maison de Monsieur le comte de La Mark,
consistant la dite maison en deux boutiques sur la rue et une allée
entre chacune, arrière de boutique, quatre étages de chambres, petite
cour, puits, cave, aisances et dépendances, tenante d'un côté à la dite
maison de Monsieur le comte de La Mark et d'autre â une petite
maison joignant, appartenant à Madame Marquet, par devant sur la
dite rue et par derrière aux deux maisons appartenantes à mon dit
sieur comte de La Mark et à ma dite dame Marquet.
En mai 1776, les gardes-françaises sont répartis dans vingt et
une casernes : une de quatre compagnies, six de trois et quatorze
d'une.
Lorsque le règlement du 17 juillet 1777 vient réduire de
trente-six à trente le nombre des compagnies des gardes-fran-
çaises, le casernement des six compagnies supprimées est de ce
fait évacué. La caserne de la rue de la Pépinière, bientôt appelée
la Pologne, — caserne de deux compagnies, — ayant été terminée
à cette époque, nous voyons disparaître à ce moment : la caserne
du Roule (faubourg Saint-Honoré), logeant une compagnie-, la
caserne de la rue de la Ville- Lévéque (faubourg Saint-Honoré),
logeant une compagnie; la caserne de la rue du Faubourg-
Saint-Lazare (faubourg Saint-Lazare), logeant trois compagnies;
la caserne de la rue Copeau (faubourg Saint-Marcel), logeant
une compagnie; la caserne de la rue Saint-Maur (faubourg
Saint-Germain), logeant une compagnie; la caserne de la rue des
Vieilles-Tuilleries (faubourg Saint- Germain), logeant une com-
294 PAl^IS MILITAIRE AU XVIII* SIÂCLB.
pagnie. Au total : six casernes, logeant ensemble huit com-
pagnies.
Jusqu'en 1789, quelques petites casernes disparaissent encore
et sont remplacées par d'autres. La chose s'explique aisément.
Si, d'après les plans de Jaillot, toutes ces casernes paraissent
construites d'après un modèle uniforme, nous venons de voir que
beaucoup n'étaient que des maisons ou bâtisses particulières,
sommairement aménagées pour le logement de cent dix à cent
vingt gardes, et, la concurrence sMtablissant, des changements
avaient lieu pour remplacer un logement défectueux par un autre
plus confortable.
Au moment où éclate la Révolution, il y a, d'après Dulaure^
vingt casernes à Paris : cinq grandes logeant chacune trois com-
pagnies et quinze n'en contenant qu'une; nous allons tout à
l'heure, d'après des données certaines, rectifier ces chiffres. Il
ajoute, et cela est écrit dix-huit mois seulement après la prise de
la Bastille : « Les ci-devant gardes-françaises, en s'incorporant
dans la milice nationale soldée, ont vendu ces casernes à la ville. »
Le dossier déjà cité des Archives nationales, en quelques docu-
ments que nous nous étonnerons toujours d'avoir trouvés encore
inédits, va nous donner le secret de cette t opération, » qui, bien
qu'elle n'ait pas été appliquée à toutes les casernes, n'en a pas
moins influé sur le sort de toutes.
Voici d'abord une pièce qui, à elle seule, précise bien des
points laissés depuis la Révolution dans le vague, sinon dans
l'oubliy et qui peut servir de base à tout notre travail. C'est
r « État des casernes, » on, si Ton préfère, V « État du logement
des gardes-françaises à la date du 14 juillet 1789, » jour qui^ on le
sait, met fin à Inexistence régulière de ce corps.
Pour l'histoire des événements qui s'accomplissent aux alen-
tours de la prise de la Bastille et Pexacte compréhension des mul-
tiples incidents qui s'y produisent, rien de suffisamment net et
complet n'avait encore été produit sur la situation du régiment
des gardes-françaises, dont l'attitude, on ne peut le nier, eut à ce
moment sur notre histoire une influence décisive.
I. J.-A. Dulaure, Nouvelle description des curiosités de Paris, Chez
Le Jay, 1791, i** partie, p. 186.
PAR4S MILITAIRE AU XVIII* SIÈCLE. IQS
Cet état nous montre le régiment formant avec ses trente com-
pagnies six bataillons de cinq compagnies (une de grenadiers,
quatre de fusiliers) et séparé par la Seine en deux moitiés, c'est-à*
dire ayant ses trois premiers bataillons (i*% 2* et 3*) sur la rive
gauche et les trois autres (4*, 5* et 6*) sur la rive droite.
Les quinze compagnies de la rive gauche occupent trois
grandes casernes : deux de trois compagnies, rue de Babylone,
rue de TOursine; une de deux compagnies, rue Neuve-Sainte-
Geneviève; et sept petites casernes de une compagnie, rue de
Bourgogne, rue de Sève, rue de TOursine (Cordelières), rue
Saint-Jacques, place de TEstrapade, rue de l'Épée-de-Bois et rue
Mouffetard (Gobelins).
Les quinze compagnies de la rive droite occupent cinq grandes
casernes : trois de trois compagnies, rue Popincourt, rue Pois-
sonnière et rue Verte; deux de deux compagnies, faubourg du
Temple, la Pologne; et deux petites de une compagnie, rue de
Bondy et barrière Saint-Martin.
Au total, huit grandes casernes : cinq de trois compagnies et
trois de deux; neuf petites d'une compagnie.
Soit, pour les trente compagnies, dix-sept casernes. En y ajou-
tant trois casernes de gardes-suisses (rue Grange-Batelière, rue de
Chailiot et faubourg Poissonnière), nous arrivons au nombre de
vingt donné par Dulaure.
Cinq, cinq grandes, subsistent encore : celle de la rue de
Babylone : Babylone; celle de la rue de l'Oursine : TOursine;
celle de la rue Poissonnière : Nouvelle-France; celle de la rue
Verte : Penthièvre; celle de la rue de la Pépinière (la Pologne) :
Pépinière.
Sur ces dix-sept casernes de gardes-françaises, quatorze ont été,
à des époques différentes, construites exprès pour le régiment
dts gardes-françaises; une a été louée, celle de la barrière Saint-
Martin, et deux, celles de la rue Saint-Jacques et de la rue de
l'Épée-de-Bois, ont été ou louées ou construites par l'administra*
tion de Thôpital militaire, lequel joue un grand rôle, comme
nous lavons dit déjà, dans la construction des casernes.
Lorsque survint la Révolution, une autre grande caserne était
sur le point d'être construite par ses soins, rue de la Contrescarpe-
de-l'Arsenal. Mais cette fois, ainsi que le prouve un autre docu-
ment dont nous donnons ci-après le texte^ la caisse oti Ton avait
déjà puisé pour les deux casernes ci-dessus désignées, pour le
296 PARU MIUTAIRE AU ZVIll* SliCLB.
magasin d'habillement et poar d'aotres terrains achetés, comme
le marché des Patriardies, en vae de constructions futures, était
à vide, et Louis XVI dut payer sur d'autres fonds l'acquisition
du terrain.
Notons que, plus de huit ans après Tacquisition dudit terrain
et plus de sept après Pautorisation d^y construire une caserne,
Tadministration de l'hôpital militaire n'avait pu encore faire
commencer les travaux.
Nous avons déjà fait plus haut allusion à ce document, que
voici in extenso :
Extrait des Registres du Conseil et État du Roy '•
Le Roy s'étant fidt rendre compte de remplacement des cazernes
du régiment des gardes-françaises dans les différents quartiers de
Paris, S. M. a reconnu que la cazeme établie près de Popincourt, à
Tune des extrémités du faubourg Saint- Antoine, devenait insuffisante
pour la sûreté de ce quartier, à cause de son agrandissement pro-
gressif; Elle a jugé à propos d'y établir, du côté de la rivière, une
seconde caserne, qui pût fournir promptement dans cette partie les
secours que les circonstances rendraient nécessaires.
Elle a, en conséquence, ordonné que la construction de cette
cazeme fût fsiite avec le produit des enseignes à drapeaux dudit
régiment, dont la vente a été affectée à l'établissement et à l'entre-
tien de l'hôpital militaire du régiment des gardes-françaises, ordonne
par lettres patentes données au mois d'août lySg, enregistrées au
Parlement; lequel hôpital militaire serait indemnisé de la distraction
du montant de cette nouvelle construction par la location qu'elle
produirait. Mais le s^ maréchal duc de Biron, colonel du régiment
des gardes- françaises et, en cette qualité, administrateur en chef
dudit hôpital, ayant représenté au Roy que les sommes provenant
de la vente qui avait été faite jusqu'à présent des enseignes à drapeaux
avaient été employées tant à l'acquisition des terrains et à la cons-
truction des bâtiments formant ledit hôpital militaire qu'à l'acquisi-
tion de terrains dans différents quartiers de Paris, sur lesquels, —
conformément au plan de répartition des cazernes du régiment
arrêté par le feu Roy, ton aïeul, — on devait, lorsque les circons-
tances le permettraient, faire construire des cazernes dont la location
servirait à l'entretien dudit hôpital, et que les fonds actuels, destinés
à cet établissement, étaient insuffisants, non seulement pour l'acqui-
i/Arch. nat., KlSaô*.
PARIS MILITAIRE AU XVIIl* SIÈCLE. 297
sition d'un terrain dans le quartier désigné par S. M., où la cherté
de remplacement serait très onéreuse à Thôpital des gardes-fran-
çaises, mais encore pour la construction d'une nouvelle cazeme,
Sa Majesté a bien voulu prendre en considération ces représenta-
tions et Elle a, en conséquence, ordonné qu'il fût acquis en son nom
une grande maison et un grand chantier, situés dans les fossés de la
contrescarpe de l'arsenal, saisis sur le s' Chauveau, dans la direction
des biens de qui, après les affiches et publications d'usage, ces objets,
par sentence du Châtelet de Paris du ii mars 1781 dûment scellée,
insinuée et ensaizinée, ont été adjugés moyennant i02,5oo 1. de prix
principal, outre les charges de Tenchère, à Després, procureur au
Châtelet, qui en a fait sa déclaration au profit de S. M. le 14 du
même mois.
Mais, comme cette acquisition, faite au nom de S. M., n'autorise
pas les administrateurs de l'hôpital du régiment des gardes-françaises
à en faire l'usage auquel elle est destinée, le s' maréchal duc de
Biron a supplié S. M. d'abandonner la disposition et jouissance des-
dits maison et chantier à l'hôpital militaire du régiment des gardes-
françaises pour, par les administrateurs dudit hôpital, y faire cons-
truire une cazerne lorsque les fonds à ce destinés le permettront.
Sur quoi voulant statuer, ouï le rapport, Sa Majesté étant en son
Conseil a abandonné et abandonne, à compter du jour indiqué par
l'adjudication, à l'hôpital militaire du régiment des gardes-françaises,
la jouissance et la disposition usufruitière des maison et chantier
ci-dessus désignés et autorise en conséquence les administrateurs
dudit hôpital à démolir les maisons et murailles qui enferment le
terrain en question, à le faire fouiller et à y faire construire, lorsque
les fonds à ce destinés le permettront, une cazerne à l'usage du régi-
ment des gardes-françaises, dont la location sera appliquée à l'entre-
tien dudit hôpital militaire; et seront sur le présent arrêt toutes
lettres nécessaires expédiées.
Fait au Conseil d'Etat du Roy, S. M. y étant, tenu à Versailles le
quinze may mil sept cent quatre-vingt-deux.
Du 14 juillet à la fin d'août 1789, par conséquent durant
environ six semaines, le régiment des gardes-françaises, désor-
mais sans officiers, reste plus ou moins commandé par un comité
militaire, élu par les compagnies, dont les séances se tiennent,
tantôt à l'hôpital du Gros-Caillou, tantôt au dépôt des recrues, au
coin de la chaussée d'Antin et du boulevard.
Aussitôt la Bastille prise, les gardes-françaises, en gens très
pratiques, ont songé à tirer profit de cet événement auquel un
certain nombre d'entre eux avaient pris une part des plus actives,
298 PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIÈCUB.
et c'est à la fixation de ce profit, ou plutôt à la recherche des
moyens propres à le réaliser dans les conditions les plus avanta-
geuses, que sont, pendant un mois et demi, consacrés tous les
soins de ce comité.
La combinaison, ou» pour mieux dire, le véritable marché
« par acte sous seings privés, » qui, le 27 août, résulte de ces
séances et des pourparlers engagés avec les représentants-com-
missaires de la commune de Paris, a véritablement de quoi stu-
péfier par son ingéniosité.
En voici la teneur :
Acquisition faite par la commune de Paris des meubles et immeubles
appartenant au ci-devant régiment des gardes-françaises par acte
souS'Seings privés du 2 y août lySg^.
Nous soussignés, représentants comcnissaires de la coromuae de
Paris, chargés d'acquérir de Messieurs du comité militaire des
gardes-françaises la totalité des objets tant mobiliers qu'immobiliers
appartenant audit régiment, et nous, députés des compagnies dudit
régiment, en vertu des pouvoirs réciproques qui nous ont été don-
nés, soit par la commune de Paris, soit par les différentes compa-
gnies du régiment, avons arrêté unanimement les conditions qui
suivent :,
fo Le régiment des gardes-françaises cède à la commune de Paris
tous ses droits généralement quelconques tant sur les immeubles
dont le régiment peut prétendre la propriété que sur tous les
meubles qui sont actuellement dans les bâtiments, cazernes, hôpital
et autres lieux occupés par le régiment suivant l'état cy-annexé;
2<> Les représentants commissaires de la commune de Paris et le
comité militaire des gardes-françaises ont fixé le prix de la présente
convention â la somme de neuf cent mille livres, laquelle sera
payable en billets dont Tépoque sera celle de trois mois à partir du
jour du présent contrat, et lesquels billets seront en aussi grand
nombre qu'il y aura d*individus reconnus par le comité;
3® Le comité militaire des gardes-françaises a abandonné à la
commune de Paris la totalité des effets qui sont actuellement en sa
possession, les actions mobilières généralement quelconques appar-
tenant au régiment des gardes-françaises et les répétitions â faire sur
le thrésor et autres de quelque nature qu'elles soient;
40 Le comité militaire, constamment animé par les sentiments
1. Arch. nat., K526io.
PARIS MILITAIRE AU XVIIf* SI^LB. 299
d'honneur qui ont dirigé toutes ses actions, a déclaré que l'intention
du régiment était d'apporter solennellement i la ville ses drapeaux,
canons, fusils, armes et d'en faire l'hommage à la commune en la
personne de ses représentants ;
5** Le comité militaire a déclaré également aux commissaires de la
commune que son vœu et celui de tout le régiment dont il était Tor-
gane étaient d'entrer sans délai dans la Garde nationale et de consa-
crer au service de la patrie des jours qui ne cesseraient désormais de
lui appartenir;
6» Il a été arrêté, en outre, que le comité remettrait aux commis-
saires de la commune tous les titres, papiers, renseignements, inven-
taires relatifs à la présente acquisition, et Monsieur Dumas, quar-
tier-maître du régiment, a été chargé de sa confiance à cet effet pour
se concerter avec Messieurs les représentants de la commune, comme
aussi le comité militaire s'oblige de payer généralement toutes les
dettes qui auraient pu être contractées par ledit régiment, desquelles
il entend que la commune soit et demeure déchargée, et lesquelles
dettes le comité estime ne pouvoir excéder la somme de trente-six
mille livres d'après les différents mémoires remis par des créanciers
depuis que le régiment a invité toutes les personnes dont il pouvait
être débiteur à se présenter pour recevoir le montant de leur créance.
A regard des objets qui sont à recouvrer sur le logement pour les
années 1787- 1788, Messieurs les représentants de la commune auto-
riseront Monsieur Dumas à en faire le recouvrement, lequel rendra
compte à la ville des recettes et dépenses de cesdittes deux années et
la ville acquittera ce qui peut rester dû à quelques propriétaires des
cazernes sur cet objet, et tous les frais généralement quelconques
occasionnés par lesdittes cazernes.
Fait et arrête au comité militaire dudit régiment séant a l'hôpital,
au Gros-Caillou, ce vingt-sept août mil sept cent quatre-vingt-neuf.
Signé: De Semonville, représentant commissaire de la commune;
DE Sahuquet d'Espagnac, représentant commissaire de la com-
mune; Grillon, président du comité militaire; Picard, vice-
président; Lefebvre, secrétaire; Denizot, secrétaire-adjoint;
Paloi, Clerc, Humbert, Perenisv, Montalan, Paul, Marquié,
Belin, Rippé.
Donc, ce 27 août 1789. le régiment des gardes-françaises cède
à la commune de Paris tous ses droits, ses droits « généralement
quelconques, » — l'expression administrative semble ici une
exquise trouvaille, — a tant sur les immeubles dont le régiment
peut prétendre la propriété que sur les meubles > qui les gar-
300 PIKB HIUTAnK âX5 mil*
nusent. Noms de soite qu'en l'espèce, — oda est simpfemeiit
une qaestkm de bon sens, — le régiment des gudes-françaises,
s^l est propriétaire, n'est et ne peut être que propriétaire fictif sa
nom da roi, c'est-â-dire an nom de l'État.
Etâ quel chiffire sont éralnés ces immeubles et meubles? autre-
ment dit, à combien s^élèrent ces droits généndement quel-
conques? A 900,000 L, ou plus exactement à 923,o35 1., ainsi
qu'il résulte de Tétat suivant :
Éiai des préiemtkms du régùmaii des gardes-framçaises
demi Faeqmisiiiom esi prcpre (ûc) à MM. de la oomauoie de Paris*.
SaToir :
!• Différentes sommes dues par le trésor royal et les fiermiers géné-
raux, montant toutes ensemble à Il 5,8331.
3^ Les bâtiments, terrains et mobilier de l'hôpital STec
tous ses approTisîonnements, à 600,000 1.
3« Ijt mobilier du dépôt, â 6,000 1.
4* Les bâtiments, terrains, meubles, effets et marchan-
dises contenues dans le magasin de Thabillement, à . 1 10,700 1.
5* Les paillasses, matelas, meubles et effets garnissants et
contenus dans les corps de garde de Versailles, Com-
piègne et Fontainebleau, à 6,000 1.
6* Effets et meubles du magasin de l'armement, à . . . 4iOOo 1.
7<» Effets et meubles du magasin de l'équipement, a . . 3, 000 1.
8* Les bâtiments et terrains composant la cazeme de la
rue Saint-Jacques 28,3oo 1.
90 Les bâtiment et terrain composant la cazerne de la rue
de l'Épée-de-Bois, à i5,oool.
100 Les bâtiment et terrain composant le marche du
Patriarche, à 3o,6oo 1.
iio Plus, pour loyer de la maison de la rue Contrescarpe
jusqu'au i«' octobre prochain, à raison de deux mille
quatre cent livres par an pour une année et demie, ci. 3,6oo 1.
120 Plus quatre cent septiers de seigle dus par Mon-
sieur rintcndant de Champagne
Total 923,0351.
Dans le total de ces prétentions entre, comme on le voit, pour
les deux tiers à lui tout seul, Thôpital militaire du Gros-Caillou.
I. Arch. nat., K 526*0.
PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIÈCLE. 3oi
Or, si Ton veut bien lire jusqu'au bout la très belle lettre
ci-après, écrite quelques mois plus tard, le i*' mars 1790, par
i'ex-colonel duc Du Châtelet*, auquel personnellement il était
indûment réclamé une somme de 24,000 1., « aux conseillers
administrateurs au département du domaine de Paris 1, on verra
aux derniers paragraphes que ledit hôpital, évalué avec ses appro-
visionnements à 600,000 1., était, sans conteste possible^ la pro-
priété du corps d'officiers, comme aussi les bâtiments et terrains
composant les casernes de la rue Saint-Jacques et de la rue de
rÉpée-de-Bois, le marché du Patriarche et la maison de la rue de
la Contrescarpe, dépendances de Phôpital dans les conditions que
nous a fait connaître l'arrêt de 1782 cité précédemment :
Paris, ce i»' mars 1790.
Messieurs,
Pour que la demande qui m'est faite par Tadministration de la
ville d'une somme de vingt-quatre mille livres au nom de celle de
rhôpital des gardes- françaises eût quelque fondement, il faudrait :
10 qu'en général, la ville ou Thôpital eussent quelque droit pour la
réclamer; 2* pour ce qui me regarde personnellement, que cette
somme eût tourné à mon profit; 3* enfin que je n'eusse pas été
autorisé suffisamment à en ordonner l'emploi qui en a été fait.
Je ne discuterai point ici le premier article. Le second établirait un
soupçon qu'il est au-dessous de moi de repousser, et, sur le troi-
sième, je crois n'avoir de compte à rendre qu'au Roy de mon admi-
nistration du régiment des gardes jusques au moment où j'ai supplié
S. M. d'accepter ma démission volontaire, et il suffirait à ma justi-
fication, si quelqu'un avait le droit de me la demander, de prouver
que je n'ai rien fait qu'après avoir reçu les ordres de S. M.
Mais je satisferai volontiers, Messieurs, à la curiosité que vous
me témoignez pour l'apurement des comptes de Monsieur Dumas,
cy- devant trésorier du régiment des gardes, que vous avez cru
devoir vous faire représenter, et je vous dirai, sans m'en rap-
peler précisément l'époque, que le Roy, n'ayant pas jugé à pro-
pos par des considérations supérieures de remplacer un de MM. les
sous-aides-majors qui montait par son rang à une lieutenance
vacante, m'ordonna de faire completter le remboursement de la
finance de celui qui quittait cet emploi, non pas spécifique-
ment sur le prix des enseignes de MM. de Latouche, de Grasse,
I. Guillotiné le i3 décembre 1793.
de LibHK&ATB cz Lcpdleder. OMme il pmît que Ton m essayé
de T*3as le penoader, mats par mie avanee sor la masse en géné-
ral dite des Fiwcîgnf^ qui fêtait finmée de trts longue main,
ooQ par «ne ordonnance militaire* mais par un arrêt dn Conseil par
leqoel le Rov* s'êcaît rêscn^ expressément de disposer de cette masse
poar des ol^ets d'otilité, lonqa*eIle serait derenue pins que suffi-
sante ans besoins de rhôpitaL
n eâx été tfhBfilf, Mesaîenrs, de prendre Favance nécessaire en
cette ofrasion sor d'antres fonds que snr cette masse, qni, dans ce
moment, n*amt anoan obfcc à poonroir, et il eût été impossible de
Tassigner snr œ qne tous appelci la masse des lientenants, puisque,
dn moins à ma connaissanGe, aucune masse n*a famais existé au
r^iment des gardes soos cette dénomination.
Ce fut donc snr la niasse des enseignes que S. M. ordonna que
cette somme fût pavée, et le bon, signé de sa main, doit se retrouver
dans les pa^aers concernant le régiment des gardes qne j'ai fait
remettre, pen de temps après ma démission, à M. le comte de
Mathan, devenu commandant de ce r^^nent; cet officier général est
mort depuis, et ie viens d'apprendre que le R07 a iûi nommer des
commissaires pour fiûre le retrait et un nouvd inventaire de ces
papiers; ainsi, Mesaienrs, si vous croyex avoir quelque intérêt ou
quelque âroit de bàn vérifier ce Mt, il vous sera fiidle de vous
satisfiûre en vous adressam au ministre de la Guerre»
J'ai eu llionnenr de vous dire, au commencement de cette lettre,
qne, pour que les réclamations de Tadministration pussent avoir
quelque fondement, il faudrait que la ville pût avoir quelques droits
à ce qu'elle réclame.
Et en effet. Messieurs, tous ceux qui ont connaissance des choses
et quelque idée de la justice ne pourront jamais se dispenser d'être
convaincus que non seulement ce qui restait de la masse des
enseignes au moment du licenciement du régiment des gardes, mais
encore Thôpital, «son mobilier et les immeubles qui lui ont été
acquis depuis sa fondation, ne peuvent appartenir qu'au corps des
officiers de ce même régiment par la raison que c'est i leurs dépens
seulement, sans que TEtat y ait contribué en aucune sorte, que cet
utile établissement a été fondé et que les acquisitions qui y ont été
attachées ont été faites, et je suis persuadé que cet objet deviendra
un jour le sujet de leurs justes réclamations.
J'ai l'honneur d'être, avec la considération la plus distinguée,
Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Le duc Do Chatelkt*.
I. Arch. nat., KSiô^^
PAKIS MIUTAIRB AU XVIII* SIÈCLE. 3o3
Qoe dire de l'autre tiers des c prétentions • des gardes? Son
caraaére d'illégalité saute aux yeux des moins prévenus.
Les deux premien articles de la convention du 27 août, pour
la question qui nous occupe, celle des casernes, sont de beaucoup
les plus importants. Laissant de côté les autres, même celui par
lequel les gardes livrent à la ville leurs armes et leurs drapeaux,
nous nous arrêterons seulement au dernier paragraphe de Tar-
tide 6, à l'appui duquel nous croyons devoir reproduire la note
suivante, annexée au dossier :
Notes sur le logement du régiment des gardes-françaises,
(Renvoyé au Comité d'administration par le Comité de correspondance.
Paris, le 3 septembre 1789.)
De tous temps, le régiment des gardes-françaises a perçu le loge-
ment sur les maisons des quartiers qui y sont affectés.
Depuis Tarrét du Conseil du 19 avril 1777, le Rôle est arrêté
chaque année par le Bureau de la ville de Paris.
Le maréchal des logis, faisant les fonctions de quartier-maître de
ce corps, a toujours été chargé de ce recouvrement et des détails
relatifs au logement.
Par le traité fait entre Messieurs les commissaires des représen-
tants de la commune de Paris avec le comité militaire du régiment
des gardes-françaises le 27 août 1789, il a été stipulé que les rôles,
registres, ainsi que les quittances signées de Monsieur Du Mas, maré-
chal des logis, pour les années 1787 et 1788, et les rôles de l'an-
née 1789, dont ledit comité s'était mis en possession le 24 du présent
mois, seront rendus par ledit comité à Monsieur Du Mas, à TefTet de
procéder au recouvrement de ce qui reste dû pour les années 1787 et
1788 au profit de la ville de Paris, à laquelle Monsieur Du Mas
rendra compte des recettes et dépenses desdites deux années. A cet
effet, il convient que la ville donne à Monsieur Du Mas Tautorisation
nécessaire.
Il est essentiel d'observer que les rôles pour l'année 1789 sont
arrêtés par le Bureau de la ville, que le recouvrement des six pre-
''miers mois de la présente année a été entamé dans les six premiers
jours du mois de juillet dernier, mais que les circonstances actuelles
ont suspendu cette perception.
Le produit du logement, qui monte à environ 210,000 l. par
année, est trop considérable pour que la ville ne conserve pas pour
l'avenir un droit aussi important.
Comment la commune de Paris réalisa-t-elle, et surtout réa-
3o4 PAsn HUTAiKs AU xmi* SACLE,
lisa-t-dk en si pea de temps, les 900,000 L exigées? Nous
rignoroDs et n*aToas pas ici à le rediercfaer. Ce que nous œns-
tâtons, c'est que, bien avant le délai de trois mois fixé, dès le
4 septembre, la totalité de la somme était payée aux gardes-fran-
çaises, — en trois paiements faits en trois jours oonsécatib, —
ainsi qa*en font foi les trois quittances d-après :
Quittcuice donnée par le comité militaire des garda-françaises
des neuf cent mille lirres reçues de la ville.
Nous soussignés, représentants des compagnies du régiment des
gardes-françaises, avons reçu de Messieurs de la commune de Paris
la somme de deux cent quatre-vingt-six mille deux cents livres en
neuf cents billets payables an porteur de chacun trois cent dix-huit
livres, à compte des neuf cent mille livres qui sont dues audit ri-
ment pour le prix de ses propriétés, dont quittance d'autant.
A Paris, ce 2 septembre 1789.
Signé : Lefebvrk, secrétaire; Picard, vice-président; Grillon,
président; Prré, Robillard, Hoche.
Plus reçu le 3 septembre onze cents billets de la même nature,
faisant la somme de trois cent quarante neuf mille huit cents livres,
à compte comme cy-dessus.
A Paris, ce 3 septembre 1789.
Signé : Picard, vice-président; Perenisy.
Nous soussignés, fondés des pouvoirs des gardes-françaises à nous
donnes par délibération de ce jourd'huy, reconnaissons avoir reçu de
Messieurs de la commune de Paris la somme de deux cent soixante-
quatre mille livres, savoir : deux cent soixante-trois mille neuf cent
quarante-trois livres en huit cent trente billets de trois cent dix-huit
livres chacun, payables au porteur, et soixante livres en mandat de
pareille somme sur Monsieur le trésorier de la ville, ladite somme
de deux cent soixante-quatre mille livres, faisant avec celles que
nous avons précédemment reçues celle totale de neuf cent mille livres
à nous due pour paiement total de ce qui nous restait dû pour les
droits mobiliers et immobiliers appartenant à notre régiment, dont
quittance.
A Paris, ce quatre septembre mil sept cent quatre-vingt-neuf.
Approuvé l'écriture et bon pour quittance.
Signé : Picard, vice-président; Pité, Fossard, Fonteneau^
I. Arch. nat., K 326».
PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIECLE. 3o5
Signalons, au bas de la première quittance, les deux signatures
^c Lefebvre et de Hoche. Heureusement pour leur mémoire
9^*iis Tont mise plus tard au bas d'actes plus glorieux.
Cenains esprits frondeurs ou chagrins se demandent parfois ce
9U^a gagné telle classe de la société, tel corps de métier, telle caté-
gorie de fonctionnaires civils ou militaires à la Révolution?
Cette question ne pourra plus désormais se poser pour les
Sardes- françaises.
La prise de la Bastille a rapponé à chacun d^eux, qu*il y ait
pris part ou non, la somme de 3i8 1., plus un petit supplément
^e 6 1. 6 s., touché après réclamation six mois plus tard; soit, au
t:otal : 324 1. 6 s., sans compter la gloire!
Le 2 mars 1790 parut un compte-rendu imprimé, donnant le
texte de la convention du 27 août précédent et, à la suite, cette
note :
Compte^rendu par le comité des représentants des ci-devant gardes-
françaises^ séant au Dépôt, de ce qu'il a touché après la vérification
des comptes du s* Grillon (son président)*.
Recettes :
Reçu de plusieurs compagnies 2,664 1.
Reçu de M. Grillon du reliquat de son compte . 77 1. 2 s. 6 d.
Reçu de Tadministration de la ville ii,i65 1. '
Total 13,906 1. 2 s. 6 d.
Dépenses :
Distribué à 2,198 hommes (à chacun 6 1. 6 s.). . 13,8471.8 s.
Faux frais, fiacres, encre, papier depuis trois mois. 58 1. 4 s. 6 d.
Total 13,906 1. 2 s. 6 d.
Aux premiers joursdeseptembre 1 789, lequotient de 900,000/3 1 8
donne un effectif de 2,83o^ chiffre résultant d^ailleurs du total
des billets déclarés reçus par chaque quittance. La dernière ne
fait même pas grâce à la ville des 60 1. en excédent. Ce supplé-
ment de compte du 2 mars 1790 ne fait plus ressortir que
2,198 hommes. Les 632 disparus sont ou libérés ou partis se
montrer à Tadmiration des provinces.
I. Arch. nat., K526»».
MÉM. XXXI 20
3o6 PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIECLE.
Les gardes-françaises à peine payés, la commane de Faris voit
surgir devant elle d'autres c prétentions, » montant seosiblciiient
au même chifiGre, et, celles-là, indéniablement justes et fondées :
celles des douze propriétaires des quatorze casernes non dépen-
dantes de rhôpital militaire.
Pour ceux-ci, à qui, avec Timposition perçue du logement, on
a payé chaque année un loyer de tant, on n'a pu songer, — et
encore nous ne nous en portons pas garant, — à les déposséder
de leur propriété.
Voyant presque toutes leurs casernes abandonnées et la Garde
nationale organisée avec les compagnies soldées logées au centre
de chacun des soixante distrias, ils s'émeuvent naturellement et
envoient à la commune le mémoire suivant :
Mémoire présenté à MM. les représentants de la commune de Paris
par les propriétaires des casernes construites pour le régiment des
gardes-françaises * .
Les propriétaires des cazemes ont Thonneur d'exposer qu'on dési-
rait depuis longtemps dans la capitale que le régiment des gardes-
françaises ne fût plus logé dans des maisons particulières ni dans le
centre de Paris, lorsque Sa Majesté crut le moment de la paix de
1763 favorable à l'exécution de ce projet; mais, ne voulant pas
charger TÉtat de la dépense des constructions de cazernes, il autho-
risa, par un arrêt du Conseil, Monsieur le maréchal de Biron et
l'état-major du régiment à contracter des baux de longue durée avec
les particuliers qui voudraient prendre sur eux les frais d'acquisition
des terrains et ceux de construction. Le Roy accorda en consé-
quence au régiment la perception pour leur compte de l'imposition
dite : le logement des gardes-françaises.
Plusieurs particuliers ont successivement fait construire à grands
frais de superbes cazernes pour loger trois à quatre cents hommes,
d'après les plans donnés et les endroits indiqués par le régiment.
Chaque cazerne a une vaste cour pour pouvoir y faire Texercice
en été et une salle aux mêmes fins bien close et couverte pour Thiver.
Les arrangements ont été faits avec l'état-major et les baux passés,
les uns pour vingt-sept ans, les autres pour trente-six, avant même
de commencer les constructions.
Près de 4,000 hommes occupaient ces cazernes il y a deux mois;
ils y étaient en bon air et avaient un vaste emplacement pour se pro-
I. Arcli. nat , K 526^. »
PARIS MILITAIRE AU XVIII« SIÈCLE. Soy
mener. Aussi y avait-il peu de malades parmi eux. Elles sont aujour-
d'hui presque désertes, ces mêmes cazernes, depuis la Révolution
qui vient de s'opérer.
Quel sera à l'avenir le sort des propriétaires, dont plusieurs d'entre
eux, pères de famille, n'ont uniquement pour vivre que les loyers
qu'ils retiraient du régiment des gardes?
Leurs baux, passés devant notaire, leur donnent bien à chacun un
droit particulier sur les meubles qui garnissent les lieux et une hypo-
thèque générale sur les immeubles du régiment qui peuvent valoir
5 à 600,000 1.; mais il faudrait une somme de 923,65o 1. pour faire
face aux loyers à échoir pendant la durée des baux qui existent !
Ne vaudrait-il pas mieux qu'on logeât trente compagnies des
troupes soldées dans les quatorze cazernes qui entourent Paris et qui
ont été placées entre la capitale et ses fauxbourgs? et ne suffirait-il
pas qu'il y eût 3,ooo hommes dans le centre de Paris? On pourrait
aussi employer quelques cazernes et les plus près de la rivière à
loger la troupe à cheval ; il en est aussi où l'on pourrait placer un
peu d'artillerie.
L'élite des citoyens de la capitale, les représentants de la com-
mune trouveront juste et honnête que de bons citoyens ne soient
pas ruinés pour avoir agi et traité de bonne foy avec le régiment des
gardes-françaises; on ne pouvait pas, il y a dix ans, prévoir qu'il
Q'existerait plus sous le même régime.
Nommez, Messieurs, des commissaires pour aller visiter les
cazernes des gardes-françaises et vous serez convaincus, d'après leur
rapport, que la troupe soldée ne peut, sous tous les points de vue,
avoir une habitation plus commode, plus salubre et moins onéreuse.
On ne peut pas se dissimuler que, si chaque district loue une mai-
son particulière dans son enceinte pour loger sa compagnie soldée,
les frais de location seront beaucoup plus considérables; mais on ose
assurer, en outre, que, pour mettre soixante maisons en état d'être
habitées par la troupe, il en coûtera plus de cent mille écus pour les
seuls arrangements. Or, l'esprit de sagesse et d'économie qui anime
nos zélés représentants ne leur laissera pas échapper cette considéra-
tion, ni beaucoup d'autres qui viennent à l'appui de la demande que
les propriétaires des cazernes prennent la liberté de leur soumettre.
L*état qui suit, annexé à ce mémoire et sur Pimportance
duquel nous avons déjà insisté, donne comme total des préten-
tions des propriétaires la somme de 923,65o 1., qu'il est curieux
de rapprocher de celle de 923,o35 1., montant des prétentions des
gardes-françaises.
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Leurs
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X*' octobre X792
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x*' janvier 1800
X"' avril 1799
x** janvier 1809
X* janvier 1800
X" avril x8oo
X*» janvier i8x3
x»» juillet 180 5
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X" juillet 179a
!•' octobre 1794
!•' avril X794
Prix annuel
DES BAUX.
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Durée
DES BAUX.
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ciMctMeicrtcleimM
Dattes
des entrées
EN JOUISSANCE.
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Noms
DES CAZERNBS.
rue de Bourgogne
rue Mouffetard
rue de Loursine
rue Verte
rue de Popincourt
rue S«».Anne. N-"«-Francc
rue Neuve- S**-Gcneviéve
rue de Babylone
rue de la Pépinière
rue du Fer-du-Temple
rue de Loursine
à l'Estrapade
rue Basse-de-Bondy
rue de Sève
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M. Desjobert
M. de Varenne
M. Billardon
M. Thévenin
M. Adam
M. Goupy
M. Guéraud
M. Thévenin
M. Goupy
M. Dartis
les Rel*' Cordelières
M. de Gilibert
les héritiers Robe
M. de Mazy
PARIS MILITAIRE AU XYIII* SIECLE. SOQ
Au lieu d^attribuer à ceux-ci Targent à réaliser sur ce dont
leur régiment, licencié, pouvait « prétendre la propriété, » il eût
évidemment été plus logique de l'attribuer aux douze proprié-
taires injustement lésés.
Si à ces 79,800 1., montant annuel des loyers à leur payer, on
ajoute celui du loyer des autres casernes^ magasins ou bureaux à
payer à des particuliers ou à Tadministration de Thôpital mili-
taire, on arrive au chiffre de 98,100 1., bien éloigné encore de
celui de 210,000 1., auquel, diaprés la note jointe à la convention
du 27 août 1789, s'élevait chaque année Timposition dite : le
logement des gardes-françaises.
Quelle suite, demandera-t-on, fut donnée aux réclamations
contenues dans le mémoire des propriétaires? Comme toutes
étaient de la plus élémentaire justice, il fallut plus de dix années
pour régler entièrement la question; d'abord, on fit peu à peu,
selon leur désir, réoccuper la plupart des casernes construites par
eux pour les gardes-françaises. Ensuite, on eut recours à des
échanges d'immeubles, c'est-à-dire qu'à la place de ces casernes
on donna aux propriétaires des maisons ou des hôtels faisant
partie des biens nationaux * .
De l'ensemble des documents que nous venons de mettre au
jour découlent enfin des données certaines, d'après lesquelles il
devient possible d'établir des notices sérieuses^ non seulement
sur chacune des cinq casernes des gardes-françaises aujourd'hui
subsistantes^ mais encore sur chacune de celles successivement
disparues au cours des cent seize années qui nous séparent de la
prise de la Bastille.
C'est ce travail que nous nous proposons d'entreprendre.
Valère Fanet.
I. Cest ainsi qu'aux archives de la Seine nous avons trouvé (a39-5a45}
une proposition d'échange, datée de Tan IX, de Timmeuble de la caserne
de la Pépinière contre l'hôtel de Mesmes, rue Sainte-Avoye.
TABLE DES MATIÈRES
Page»
Les Gobelins, teinturiers en écarlate au faubourg Saint-Maiv
cel; par M. Jules Guiffrey i
Livre de dépenses d un dignitaire de Téglise de Paris en 1248
(fragment) ; par le colonel Borrelli de Serres 93
Le président de Lamoignon (1644-1709); par M. A. de Bois-
lisle 119
Le Bernin en France. Les travaux du Louvre et les statues de
Louis XIV; par M. Léon Mirot 161
Paris militaire au xviii* siècle. Les casernes; par M. Valère
Fanet 289
Nogent-le-Rotrou, imprimerie Daupblby-Gouvirnbur.
JCATIONS
dE LA SCiQÉTfc ÙE UHliiTOiRE UE ?AU\
Ml > DE LA SOCIETE DE L'HISTOIRE DE PAfïlS.1
f^l PAklS par Tao^ciirr et HoVAa» 5 fcaîltcf iit-ptaoo dans
ni! LLJkrirj 1 ,i:î par 1. Oitiit?c. Pdrli^ 15^74-1875, tiî-8*. 1q fr.
PAIMS ïn LA DDMJNATION ANGLAISE mio.i43€»i;
de» ri:|{istres Je k Qtanedkrie Je France^ fifr
î, 1H77, in-H'». lofr.J
Lr JÎDIENS DU ROI DE LA TROUPE JtUNÇAlSE;|
li rççuoiUifi liai Archirçs fMdomitM, pur E* CàMfAnooK..
JOUiLNAL D*UW BOURGEOIS DE PARIS (1405-1441)), putoltc par
A. TucTrY. PariSf iSSo» m-^^'. 10 fr^
DOCUMENTS PARISIENS 6UR i ICONOGRAPHIE DE Si
LOUIii, publiés pi' \ ' -tQ^OK. Paris, tôBi •- ^" 8 tr^
JOURNAL DES G" CIVILES DE h 3N^UBB-|
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^u içfops lie l'alibe Irmtnoai publié par A. Loi»o?«nif.j
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OK QRAND ENLUMINEUR PARISIEN DU XV- SIÈCLE
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rue lî, 1903, fil fr.
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j^iH-iiiiûit piibll<^ par Jules VwWï* Paris, iSoft-iSx/i^J
n SUR LES IMPRIMEURS, LIBRAIRES, ETC,J
mit4 exercé è Paris de 1450 à 1600, pubUés par Ph. Rb«ou4hii.
T^\ hALBS des PUBLICATIONS DE LA SO-|
Clul L. p^r L. aIahcduc. Attts, iBSSci tB^^^ztùL i|i-^*, chaii^c
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BULLETIN DE LA SOaÊTÊ DE L'HISTOIRE DE PARIS ETI
DE L'ILE-DE-FRANCE, Paris, 1874-1904. 5î roi. in-8»- i55 frJ
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dû ileiiK ractabrei de la Société.
Lg prix de U cotiiailaa cil de 1 S fr. p«r aa.
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