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Full text of "Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France"

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MÉMOIRES 

DE LA SOCIÉTÉ 

DE L'HISTOIRE DE PARIS 

ET DE L'ILE-DE-FRANCE. 



IMPRIMERIE DAUPELEY-GOUVERNEUR 



A NOOBNT-LE-ROTROU. 



MÉMOIRES 

DE LA SOCIÉTÉ 



[STOIRE DE PARIS 



ET DB 



L'ILE-DE-FRANCE 



TOME XXXI 

(1904) 




A PARIS 

Chez H. CHAMPION 

Libraire de la Société de THistoire de Paris 
Quai Voltaire^ 9 

1904 



LES GOBELIN 

TEINTURIERS EN ÉCARLATE 

AU FAUBOURG SAINT-MARCEL. 



Il y a aujourd'hui près de cinq siècles, une famille d*habiles 
artisans s^installait dans un des faubourgs éloignés du centre de 
Paris et y fondait une industrie bientôt prospère. Le chef de la 
dynastie s'appelait Jean Gobelin. Il a laissé son nom, d^une part 
au quartier oti il s'était établi^ et, en même temps, à une manu- 
faaure qui fait depuis trois siècles la gloire de notre pays. En 
effet, la réputation de notre vieil atelier de tapisseries est si répan- 
due que, dans les pays étrangers, on désigne couramment sous 
le terme général de Gobelins toutes les tentures de prix, quels que 
soient leur âge et leur provenance. 

De quel pays Jean Gobelin était-il originaire? La ville de 
Reims le réclame pour un de ses enfants. Jusqu'ici, aucune 
preuve décisive n'a été produite à l'appui de cette revendication. 
II semble assez probable que notre artisan venait de la province 
et n'appartenait pas à l'ancienne bourgeoisie parisienne. 

La place que le nom de Gobelin occupe dans l'histoire de la 
ville de Paris et dans celle de l'industrie française nous a engagé 
à rechercher les circonstances qui avaient peu à peu tiré cette 
famille de son obscurité en l'élevant à une haute situation dans 
l'ancienne hiérarchie bourgeoise. En effet, bien qu'elle doive sur- 
tout sa célébrité aux tapissiers fameux établis dans les anciens 
ateliers de teinture, il s'est trouvé que les descendants de Jean 
Gobelin avaient su, par leur travail, leur intelligence, leur esprit 
de conduite, s'élever peu à peu au-dessus de leur première con- 
dition, parvenir à des postes éminents dans la magistrature, dans 
les finances, et offraient par là un exemple remarquable de la 

UÉM. XXXI I 



2 LES GOBELIN 

fonune réservée, autrefois comme aujourd'hui, aux hommes 
laborieux et distingués. 

C'est donc Thistoire des divers membres de cette &mille Gobe- 
lin que nous nous proposons d'esquisser à Taide de documents 
puisés aux sources originales, en utilisant aussi les recherches et 
les publications antérieures. Pour plus de clané, on observera 
autant que possible Tordre chronologique des événements en pré- 
sentant la biographie de chacun des membres de la fieimille. 

Jean Gobblin, i*' du nom. 

M. Lacordaire, ancien administrateur de la manu&cture des 
Gobelins, conçut, il y a un demi-siècle environ, le projet de 
recueillir les éléments d'une histoire exacte de rétablissement 
confié à ses soins. Les origines le préoccupèrent d'abord et il 
voulut réunir des notions exactes sur ces vieux teinturiers dont 
nos ateliers gardaient le nom. Apportant à ces investigations une 
méthode vraiment scientifique, il résolut avant tout de reconstituer 
Tétat-civil des premiers Gobelin installés sur les bords de la Bièvie. 
Ses recherches le conduisirent jusqu'au milieu du xv* siècle, et 
c'est aux environs de Tannée 1460 que les textes consultés lai 
permirent de fixer Tarrivée à Paris et la première apparition da 
chef de la famille, Jean Gobelin. 

Comme il est regrettable que ce chercheur avisé n'ait pas pris 
une copie fidèle de tous les documents qu'il eut entre les mains! 
L'état<ivil parisien n'avait pas encore péri dans les néfastes incen- 
dies de 1871, et le travailleur avait pu y relever la mention des 
nombreux enfants du premier des Gobelin. Mais il ne crut devoir 
attacher à ces menus détails qu'une attention distraite et se con- 
tenu de prendre quelques notes. Certes, s'il eût pu prévoir les 
désastres de Tannée terrible, il n'eût pas manqué de garder copie 
des actes précieux qui devaient être anéantis quelque vingt ans 
plus tard et ne se fût pas contenté des brèves indications publiées 
par le Bulletin de la Société du protestantisme français*. 

Quoi qu'il en soit, on est trop heureux aujourd'hui de pos- 
séder les détails sauvés par la prévoyante sagacité de l'ancien 
directeur des Gobelins, et nous ne saurions mieux faire que de 
transcrire ici l'analyse des actes relevés dans les registres de Saint- 

I. Année i836, p. 491. 



TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 3 

Hîppolyte et du temple de Charenton, telle que Fa publiée 
M. Lacordaire, sans y rien changer. Voici donc la copie textuelle 
des passages concernant Jean Gobelin et ses descendants immé- 
diats : 

€ Jehan Gobelin S premier du nom, teinturier à Saint-Marcel 
c vers 1450, eut de Perrette, sa femme, treize enfants, et mourut 
« en 1475. 

« Philibert Gobelin, teinturier à Saint Marcel, fils aîné de Jehan 
c Gobelin, épousa Denise Le Brest et en eut huit enfants*. 

« L'ainé, Jehan Gobelin, teinturier à Saint-Marcel, qualifié 
c honorable homme et seigneur de La Tour^ conseiller et secré- 
c taire du Roy, épousa en premières noces Geneviève Le Lor- 

I. Sur rétymologie et rorigîne du mot Gobelin, Shakespeare nous 
fournit une curieuse indication. Il désigne sous ce nom les esprits des airs, 
les Isrftidets, comme en témoigne la première scène du deuxième acte du 
Stmgt dune nuit d'été. Une fée et Farfadet se rencontrent dans un bois 
aux environs d'Athènes. La fée s'adresse à Farfadet en ces termes : c Ou 
ton extérieur m'abuse, ou tu es ce lutin espiègle et malin qu'on nomme 
Robin Bon-Diable ; n'est-ce pas toi qui effrayes les jeunes villageoises, qui 
écrémes le lait..., qui égares la nuit les voyageurs et ris de leur mésaven- 
ture^ Ceux qui t'appellent Gob^in, Farfadet chéri, ceux-là tu fais leur 
ouvrage et tu leur portes bonheur... » 

Ainsi, ce terme est employé dans une acception amicale pour désigner 
on esprit aérien à qui est attribuée une intervention parfois maligne dans 
les menus détails de la vie de chaque jour. Ce mot n*est pas tombé en 
désuétude ; nous l'avons encore trouvé, avec le sens que lui donnait Sha- 
kespeare, dans des publications modernes. 

Cette constatation ne nous renseigne guère sur l'origine première de la 
fanulle dont nous étudions l'histoire. Venait-elle de la Grande-Bretagne en 
faisant une station à Reims ^ Sur ce point, on se trouve réduit à de pures 
conjectures. 

Voici toutefois une explication du mot Gobelin qui paraît confirmer l'in- 
terprétation de Shakespeare. On remarquera que, d'après ce qui suit, ce 
terme aurait été d'un usage courant dans une province française : c II y a 
encore une autre espèce d'êtres apparentés avec celle-ci, mais moins vaga- 
bonds que les Elfes, moins solitaires que les nains, c'est celle des esprits 
domestiques qui se cherchent un gîte dans la maison des paysans, couchent 
dans la grange et se réchauffent au foyer de famille. Les Allemands 
appellent cet esprit Kobolde. C'est le Brownie de l'Ecosse, le Servant de la 
Suisse, le TroUe du Danemark, le Goubelin de la Normandie. Le Kobolde 
est actif et empressé, etc.. » (X. Marmier, Voyages et littérature : Tradi- 
tions de FAUemagne, p. aa6]. 

Il m'a été assuré récemment que le mot goubelin était encore d'un usage 
CQurant dans la région ouest de la Normandie. 

a. On verra plus loin (p. i3] que ce nombre de huit doit être réduit à sept. 



4 LES GOBELIN 

« rain, et fut le chef de la branche noble de Picardie, dont la 
t généalogie est partiellement donnée dans le Dictionnaire de la 
« noblesse^ lequel supprime les deux premiers ancêtres (teintu- 
« riersj, Jehan Gobelin et son fils aîné Philibert, ainsi que la 
c qualité de teinturier qui appartenait aussi à Jehan Gobelin, 
« sieur de la Tour. » 

Pour peu que quelques-uns des frères ou sœurs de Philibert 
Gobelin aient laissé le même nombre d^héritiers que lui ^ on peut 
juger le développement que prit la famille dès la troisième géné- 
ration. 

Autre observation sur laqilelle on aura plus d'une fois l'occa- 
sion de revenir : les Gobelin se sont transmis de génération en 
génération certains prénoms pour lesquels ils eurent une prédilec- 
tion marquée; de là d^incessantes confusions, alors que plusieurs 
parents très rapprochés portent simultanément le même nom de 
baptême. Ainsi, verrons-nous défiler devant nos yeux quantité de 
Jean, de Philibert, de François, etc., etc. 

Jehan Gobelin, l'auteur de la dynastie, n^avait pas eu de sa 
femme Perrette moins de treize enfants. Si M. Lacordaire affirme 
le fait avec cette précision, il doit avoir eu sous les yeux tous les 
actes de baptême. 

Dans ses Recherches critiques^ ^ Texact Jaillot confirme formel- 
lement les dires de M. Lacordaire. Il convient de rapprocher le 
passage des Recherches oîi il est question des Gobelin de la note 
que nous venons de citer. On ne saurait s'entourer de trop de 
lumières ni accumuler trop de preuves sur ces origines obscures. 

« Aux xiv^ et XV" siècles, dit Jaillot, il y avait des drapiers et 
« des teinturiers établis le long de la rivière de Bièvre, dont l'eau 
« est propre à la teinture. Jean Gobelin y fit plusieurs acquisi- 
« tions et y demeuroit en 1450. Philibert, son fils^ et Denise 
« Le Bret, sa femme, laissèrent des biens considérables à leurs 
« enfants, et entre autres dix maisons, jardins, terres, prés et ose- 
c roies situés à Saint-Marcel. Le partage qui en fut fait est de l'année 
c i5io. Leurs héritiers travaillèrent avec le même succès. Mes- 
c sieurs Canaye s'y établirent ensuite; et, comme je l'ai remarqué, 

I. Jean Gobelin, d'après les tableaux généalogiques dont il sera parlé 
ci-après, eut lui-même cinq fils et quatre filles. 

a. Recherches critiques, etc^ sur la ville de Paris (XVI* quartier, la 
place Maubertj, Paris, 1774, in-8*, p. 104. 



TEINTURIERS EN éCARLATE. 5 

I ce fut la maison qu'ils y avoient, et non celle du Patriarche, 
c qui fut vendue au sieur Charpentier en 1574. Il faut remarquer 
« qu'alors, et même longtemps après, tous ces ouvriers travail- 
c loient pour le public... » 

Nos auteurs s^accordent à fixer en 1460 rétablissement du tein- 
turier dans le faubourg Saint-Marcel. Cette date était approxima- 
tive; aucun témoignage à Tappui n^avait été produit jusqu'ici. 
Un dépouillement systématique des anciennes archives de 
l'église de Saint-Marcel nous permet d^apporter plus de précision 
à ces renseignements et de reculer d'un certain nombre d^années 
l'arrivée de Jean Gobdin. 

Dans un terrier de la vieille paroisse % nous relevons une men- 
tion du 23 août 1443 portant qu'à cette date « les religieux 
c donnent à rente à Jehan Gobelin, teinturier, une maison avec 
c jardin derrière, assise en la grande rue Saint-Marcel, oti souloit 
1 pendre l'enseigne du Cigne, tenant d'une part à Yvonne Por- 
c cher et d*autre part à Marion Lenglaiche, aboutissant i>ar der- 
« rière en la rue de Byèvre, » moyennant certaines redevances en 
nature et 24 sous parisis de rente. 

Ainsi, dès 1443, le teinturier Jean Gobelin est fixé dans le 
quartier Saint-Marcel, sur les bords de la Bièvre. 

De plusieurs autres opérations dont le souvenir est conservé 
par les registres de Saint- Marcel résulte la preuve que les 
affaires de Jean Gobelin sciaient rapidement développées. 

Le 19 janvier 1454, il prend à rente de MM. de Saint-Marcel 
Une nouvelle maison, avec cour et jardin, sise rue Saint-Hippo- 
lyte et contiguë à celle qu'il occupait déjà'. Celle-ci devenait sans 
doute trop exiguë pour une famille aussi nombreuse que la 
sienne. 

La désignation de la maison semble indiquer qu'il s'agissait 
d'une construction bien modeste. Voici les termes de l'acte : 
« Quamdam masuram sitam in Vico Sancti Ypoliti, tenentem 
domui Philibert! Bernard et aboutissantem heredibus Gauffridi 
Huet, Johanni Gobelin, tinaurario. » La cession était consentie 
moyennant une redevance annuelle de 4 sous 6 deniers parisis à 
payer à Téglise. La nature de la monnaie spécifiée dans Pacte 
n'était pas, parait-il, indifférente^ car, peu de jours après la ces- 

I. Arch. nat., S1922A. 
a. Arcb. nat., S 1923^. 



6 LKS GOSELDf 

sion, notre homme obtenait de sMcr sa dette en sous tooraois 
et non en sous parisis, comme il avait tout d'abord été spécifié*. 

Un peu plus tard, dans le cours de la même année, par acte 
du 6 mai 1454^ Jean Gobelin déclare avoir acquis de Gilet 
Charletf laboureur, une pièce de vigne en friche, assise au terri- 
toire d^Ivry, au lieu dit la Couture, tenant d'une part audit 
Gobelin, d'autre part à Jehan Julienne. Cette simple mention 
contient un détail bon à retenir. D'abord, notre teinturier ne se 
confinait pas exclusivement dans les environs de la paroisse Saint- 
Hippolyte; il possédait des propriétés dans les communes avoisi- 
nantes, et quand il acquérait la pièce de vigne en friche du labou- 
reur Gilet Charlet, il avait déjà certains lopins de terre au même 
endroit, puisque sa nouvelle acquisition confinait à ses anciennes 
possessions. 

En compulsant les registres des cens et rentes de Saint-Marcel 
pour les années 1454 et suivantes, on voit reparaître à maintes 
reprises le nom de notre teinturier. Ces mentions multiples 
attestent la situation prospère de son industrie*. Dans Tune 
d'elles, déjà citée, il est question de la grande maison < magna 
domus » dudit Jean Gobelin, et sa redevance de 4 sous parisis est 
convertie en 4 sous tournois. 

Au mois de novembre de la même année 1454, à l'occasion 
d'un procès intenté à un certain Guibert Trousset^, Jean est appelé 
à occuper le siège de bailli et garde de la juridiaion temporelle 
du bourg Saint-Marcel ; ce simple fait témoigne de la considé- 
ration dont il jouissait dans son quartier. Le voici déjà person- 
nage d'importance. 

Nouvelle mention de notre teinturier en 1460'. Le 18 avril, il 
paye six sous parisis comme droits sur une rente acquise de 
Pierre Cayart, bonnetier, sur un demi-arpent de vigne. 

Le 20 mai 1465*, il comparait pour affirmer la bonne foi d'un 
nommé Jean Damian, passible d'une amende pour s'être soustrait 
au payement de certaines redevances dues. Nouvelle preuve de l'cs- 

I. Arch. nat.y LL552, fol. 19 v*. 
a. Arch. nat., Y5a32. 

3. On rencontre les articles concernant Jean Gobelin surtout dans le 
registre LL 55a. 

4. Arch. nat., LL552, fol. ay. 

5. Arch. nat., LL 55a, fol. 73 v. 

6. Arch. nat., LL552, fol. 100 v*. 



TEniTURIKRS Wtt ^GARLATE. 7 

dme qui entoure notre teinturier. L'acte le désigne comme Jean 
GobeUn l'aîné (major). L'année suivante, il figure comme proprié- 
taire dans un aae de location, passé à un cenain Jean d'Auvergne, 
c d'un demi-arpent de saussaye, lieu dit les adjonx^ » tenant à 
divers et aboutissant au chemin de Saussayes. L'acte porte la date 
du 22 novembre 1466 ^ 

Cest la dernière mention de Jehan Gobelin Pancien que nous 
ayons relevée dans les archives de Saint-Marcel. 

Si breb et si obscurs que soient les détails qu'on possède sur 
la carrière du chef de la famille, ils suffisent pour donner une 
idée nette de la haute situation qu'il sut conquérir par son 
intelligence et son activité. La fortune avait récompensé ses 
efforts, et il semblerait que ses rivaux, jaloux de sa prospérité, 
n'avaient pas tardé à mettre sur le compte de pratiques téné- 
breuses le succès de ses entreprises. Cette preuve de la malignité 
des envieux, nous la trouvons dans un ancien traité de teinture 
oti, tout en reconnaissant la supériorité des procédés du vieux 
praticien, l'auteur se fait l'écho de certaines légendes mystérieuses 
qui avaient circulé sur l'origine de sa rapide et brillante fortune. 
N'allait-on pas jusqu'à l'attribuer à un paae avec le démon, dont 
l'intervention ne manque jamais de fournir à la crédulité popu- 
laire une explication commode à tous les hits sortant un peu de 
Tordre ordinaire des choses ? 

Le passage mérite d'être cité en entier; il ne saurait aujourd'hui 
poner préjudice à la mémoire de Jean Gobelin, et il nous donne 
sur les légendes du vieux temps de curieux aperçus. 

« ... Les Gobelins à Paris, dit notre auteur', est Fendroit où 
se fait la plus belle écarlatte. On l'appelle YHostel des Gobelins^ 
du nom d'un nommé Gobelin qui, le premier, y établit la tein- 
ture en écarlatte. On rapporte des choses assez particulières de ce 
Gobelin touchant son secret. 

c On dit que, pour l'avoir, il fit un pacte avec le diable pour 
un certain temps, lequel étant expiré, celui-ci feroit de l'autre ce 
qu'il voudroit. Quelques années s'écoulent pendant que Gobelin 
fait valoir son secret, dont il tire beaucoup d'argent, mais enfin 

1. Arch. nat., S 1927 et 1928. 

2, Le Teinturier parfait ou Fart de teindre les soyes, etc, Paris, 17 16, 
in- 12, 543 p. D'après Guérard (France litt., V, 3gb), cet ouvrage serait de 
Delarmois ou de Larmois, « dessinateur et coloriste du Roi. » 



8 LES GOBELIN 

le terme que le diable luy avoit donné étant venu, on dit qu'un 
soir maistre Gobelin, passant dans la cour une chandelle à la 
main, rencontra un homme habillé de noir, c'est toujours ainsi 
qu'on veut que le diable s'habille. — c Arréte-là, lui dit-il, te 
« souvient-il delà promesse que tu m'as faite ? > Gobelin, repas- 
sant dans son esprit ce que ce pouvoit estre et se ressouvenant de 
la convention qu'il avoit faite, luy répondit : « Ouy, vraiment; 
« je sçais bien ce que tu me demandes, mais ne puis-je pas avoir 
€ une heure de temps à moy pour me disposer à mourir? — Point 
« du tout, luy répondit le diable, je viens exprès pour avoir ce 
t qui m'est deu. — Mais encore, lui répliqua Gobelin. — Chan- 
« son que tout cela, luy répartit le diable, il faut que tu viennes 
€ avec moy. — Hé, de grâce, lui dit Gobelin, donne-moi donc seu- 
c lement le tems que le bout de chandelle que je tiens en ma main 
c soit usé; après cela, tu feras de moi ce que tu voudras. » Le 
diable, qui voyoit bien que cela ne pouvoit pas aller loin, se 
laissa enfin fléchir le cœur, si le diable peut être flexible, et lui 
accorda sa demande. 

c Mais notre teinturier, qui songeoit creux à ce qu'il feroit pour 
se sauver des mains du diable, s'avisa de jetter sa chandelle dans 
le puits, et, crainte que quelque démon n'y descendît pour l'aller 
quérir, il appella du monde et fit combler le puits sur l'heure. On 
dit que le diable, qui vit que Gobelin Tavoit trompé, demeura 
tout sot et que de rage il fit un bruit terrible dans la cour et il 
disparut après. Gobelin, délivré de sa peur, se mit en état de 
rompre tout à fait la convention qu'il avoit faite avec lui. On rap- 
porte qu'il vécut encore quelque temps après, se tenant toujours 
en garde contre les ruses de son ennemi par une vie d'un véri- 
table chrétien. 

« La réputation de Monsieur Gobelin s'est étendue fort loin, il 
étoit habile en son art et curieux Je faire des mémoires de ce qui 
le regardoit. Voici un extrait qu'un de ses neveux en a tiré tou- 
chant l'écarlatte et que nous rapportons ici sans rien altérer de ce 
qu'il contient ^ » (Suit le chapitre : De la manière de /aire 
Vécarlate.) 

I. Cette bizarre légende expliquerait, en la confirmant, la vieille réputa- 
tion attribuée à Peau de la Bièvre pour les teintures, réputation qui sub- 
sistait encore au xvii* siècle. Mais, sous Louis XV, la rivière était déjà un 
ruisseau sordide dont les riverains se plaignent beaucoup. 



TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 9 

Au début de cette étude, il est utile de mettre sous les yeux du 
lecteur les résultats complets des recherches de M. Lacordaire 
dans les registres des anciennes paroisses de Paris. Toutes som- 
maires qu'elles soient, ces analyses ont une singulière valeur 
comme documents historiques depuis la destruction des originaux. 
D'autre part, comme le Bulletin de la Société du protestantisme 
français est peu répandu et, par suite, difficile à consulter, il con- 
vient de rappeler la généalogie dressée à Taide des registres du 
temple de Charenton. Nous y ajouterons ensuite le résulut de nos 
propres découvertes. 

On a reproduit ci-dessus le début de Tarticle de M. Lacordaire 
en ce qui concerne Jean Gobelin, son fils Philibert, son petit- 
fils Jean Gobelin, tous teinturiers à Saint-Marcel. Voici la suite 
et la fin de cette liste généalogique : 

« François Gobelin, troisième fils de Philibert Gobelin (donc 
t fi^re de Jean, deuxième du nom), fut aussi teinturier à Saint- 
c Marcel; il épousa Geneviève Le Bossu et mourut après 1 525. Il 
t avait eu un fils et une fille. La fille, Geneviève, mariée à Jean 
« Robineau. Le fils, teinturier à Saint-Marcel, épousa Marie de 
« Moucy. — Des cinq descendants issus de cette union (entre le 
« fils de François qui s'appelait François comme son père et 
« Marie de Moucy), Taîné, François Gobelin, sieur de la Marche, 
« teinturier à Saint-Marcel', épousa Geneviève (ou Madeleine) 
« Canaye, fille de Pierre Canaye, teinturier à Saint-Marcel, et 
« de Denise Bouille; il eut neuf enfants' : 

1. Les autres enfants de François Gobelin, sieur de la Marche, et de 
Marie de Moucy sont : Nicolas Gobelin, sieur de Gillesvoisin, non marié; 
Geneyiève, épouse d'Adam de la Planche, sieur de Mortières ; Marie, mariée 
à Antoine de la Planche, sieur de Villiers. 

2. Une généalogie de cette branche de la famille, insérée dans un manus- 
crit de la Bibliothèque nationale (fr. 31046}, présente de notables variantes 
avec la liste des descendants de François Gobelin, sieur de la Planche, et 
de Geneviève (ou Madeleine) Canaye, donnée par Lacordaire. Voici le tableau 
donné par le manuscrit (voir le tableau n* II) : 

I* François Gobelin, sieur de Gillesvoisin et de la Marche, contrôleur 
général des finances à Rouen et Paris, puis maître d'hôtel du roi, épouse 
Anne Langerach, fille d'un marchand joaillier, qui n'a pas d'héritiers. 
a- Jacques (?), mort jeune, en ibgô. 3» Pierre (?), mort à Livorne {sic), en 
161 3, revenant de Malte. — Un Pierre Gobelin, receveur du grenier à sel de 
Saint- Valéry, figure sur une quittance que Geneviève Canaye signait en son 
nom et pour ses enfants en 161 1. Est-ce le même Pierre qui mourut en 
1611 ? — 4« Alexandre, non marié, décédé le 10 mars 1619. 5* Jean (?}, sieur 



10 LES GOBELIN 

< I. François Gobelin, sieur de Gillesvoisin et de la Grange- - 
c des-Bois, contrôleur général des rentes de l'Hôtel de Ville de 
« Paris, mort sans jjpstérité en 1667 et inhumé à Saint-Côme. 

c 2. Alexandre Gobelin, teinturier à Saint-Marcel, mort sans 
« postérité en 16 19. 

a 3. Etienne Gobelin, teinturier à Saint-Marcel, mort sans 
c alliance. 

€ 4. Henry Gobelin, sieur de Gillesvoisin (par héritage de 
« son frère aîné), teinturier à Saint-Marcel, marié avec Rose 
« Lenormand, fille de Guillaume Lenormand, sieur de Troigny, 
« et de Claude Bourdineau *. 

a 5. Marie Gobelin, femme de Claude Chrestien, sieur de Chan- 
a tereine, avocat au parlement et lieutenant de connétablie. 

« 6. Magdeleine Gobelin, femme de Daniel Guillemard, sieur 

< d^Ablon et de Soussigny (ou Soubigny] en Poitou, procureur 
« au Parlement de Paris, mon en 1645. 

« 7. Marguerite Gobelin, femme de Mathieu Langlois, procu- 
« reur en la Chambre des comptes, morte en 1645. 
« 8. Suzanne Gobelin, femme de Paul Chenevix, marchand 

< drapier. 

c 9. Catherine Gobelin, femme de Jean Lormeau, sieur de 

< Longpré. » 



des Maretz, marié deux fois. 6* Estienne, non marié. 7* Heniy, sieur de 
Troigny, puis de Gillesvoisin, marié à Rose Lenormand, d'Oriéans, dont 
il a trois fils. 8* Marie, femme de Claude Chrestien, sieur des Carmeaux et 
Chantereine, lieutenant de connétablie, décédée en 1622. Son mari meurt 
en 1644. 9* Madeleine, femme de Daniel Guillemart, sieur de Souligny en 
Poitou, procureur au Parlement. 10* Catherine, femme de Jean Lormeau, 
seigneur de Longpré, près de Dreux. 1 1* Marguerite, femme de Mathieu 
Langlois, procureur en la Chambre des comptes. 12* Marguerite (?), morte 
jeune. i3* Suzanne, femme de Paul Chenevix, marchand drapier à Paris. 

I. Les ft-éres Haag ont relevé sur les registres du temple de Charenton 
les enfants issus du mariage Henri Gobelin, sieur de Troigny et de Gilles- 
voisin, avec Rose Lenormand. Ils sont au nombre de six : 

I* Claude, né le 24 avril 1623 (p. 10 1 de Haag). Parrain, Guillaume 
Lenormand, oncle; marraine, Marie Gobelin, femme de Claude Chres- 
tien, tante. 2* Alexandre, né le i3 août 1626 (p. 104). 3* Nicolas, né le 
6 janvier 1628 (p. 106). 4* Marguerite, née le 10 février 1629 (p. 109), 
morte le 2 novembre i635 (p. 236). 5* François, né le 9 septembre i63o 
(p. m). Parrain, Paul Chenevix, oncle. 6* Madeleine, née le 11 octobre 
i633 (p. 117). 



TEIKTDRIRRS EN iCARLATB. II 

Sauf cette Catherine, ajoate M. Lacordaire, tous les enfants de 
François Gobelin et de Geneviève Canaye figurent sur les registres 
du temple de Charenton, preuve certaine que les père et mère 
avaient embrassé le protestantisme. On reviendra plus tard sur 
la conversion de la famille à la religion réformée. 

L^ancien directeur des Gobelins avait eu soin de relever sur 
les registres du temple de Charenton les articles concernant les 
alliances des Gobelin et de leurs voisins les Canaye. Le premier 
dont il ait rencontré le nom est Séverin Canaye, teinturier à 
Saint-Marcel, mari de Mathurine Gobelin, fille de Jehan Gobe- 
lin, premier du nom. 

Séverin Canaye fut taxé à 20 écus pour sa part dans l'emprunt 
fait à Paris pour la guerre de Naples, le 5 mars 1495. 

Jean Canaye, teinturier à Saint-Marcel, fils puîné du précé- 
dent, épousa Marguerite Gobelin, fille de François Gobelin et de 
Marguerite (ou Geneviève) Le Bossu. Jean Canaye eut cinq 
enfants, dont le quatrième, Pierre Canaye, teinturier à Saint- 
Marcel, eut de sa femme, Denise Rouillé, quatre fils et six filles. 

Et M. Lacordaire ajoute que Jacques Canaye, fils puîné de 
Pierre, teinturier à Saint-Marcel, acquit, en i685, la terre de 
Brannay, près Sens, et qu'en lui s'éteignit la famille Canaye. 
Enfin, Geneviève Canaye, cinquième fille de Pierre Canaye, 
épousa François Gobelin, sieur de la Marche, comme il a été dit 
ci -dessus. 

Le même historien a encore noté dans les registres du temple de 
Charenton un Mathieu de la Planche, sieur de Villiers, dont la 
fille Sarah est baptisée au temple de Charenton, le i** avril 1667. 
Ce Mathieu de la Planche descendrait peut-être d*Adam de la 
Planche, sieur de Mortières, ou de son frère Antoine, sieur de 
Villiers, qui avaient épousé les deux sœurs, Geneviève et Marie 
Gobelin, filles de François Gobelin, sieur de la Marche, et de 
Marie de Moucy. Ce détail a son importance, puisque Tun des 
tapissiers qui remplacèrent nos teinturiers sur les bords de la 
Bièvre se nommait François de la Planche. Les deux familles se 
seraient donc trouvées en rapports intimes depuis un certain 
espace de temps. 

Il existe à la Bibliothèque nationale plusieurs tableaux généa- 
logiques de la famille qui nous occupe; ils confirment sur la plu- 
part des points les déclarations de Lacordaire et les rectifient en 
quelques détails. Notre prédécesseur a-t-il connu ces tableaux 



12 LES GOBKLIN 

généalogiques remontant à la fin du xvii* siècle? Cela ne serait pas 
impossible; mais, comme il ne les invoque jamais et n*y Eeiit 
aucune allusion, peut-être aussi les ignorait-il. Sur les diverses 
branches de cette innombrable dynastie , ces documents nous 
apportent de précieux détails. 

C'est d'abord la nomenclature intégrale et les noms des treize 
enfants de Jean Tancien et de sa femme Perrette^ Il est fâcheux 
que Tauteur de ce travail ne cite presque jamais de dates. Voici 
la liste de ces treize descendants de Jean P' : 

i^ Philibert, mort avant 1 5 lo, époux de Denise Le Brest, morte 
en i536. 

2® Jean, qui entra dans le clergé. 

3^ François, mort sans enfants. 

4^ Thomas, qui n^eut que des filles. 

5* Jeanne, mariée à Pierre Boursier. 

6« Jean, mort en iSij, marié à Catherine Langlois, dont le 
nom reviendra souvent dans cette étude. 

7® Marion, épouse de Jacques de Clermont, mort avant i5o6. 

8® Catherine, mariée à Pierre Jalour. 

9^ Mathurine, femme de Severin Canaye; c'est la première 
alliance des deux familles voisines. Les Canaye ont joué un rôle 
important, comme on le verra par la suite, dans Thistoire de la 
religion réformée à Paris. 

lo^ Gillette, qui eut pour mari Jean Bourgeois. 

II® Catherine, femme de Nicolas Baillet. 

12** Mathurine, mariée à Pierre .Girard. 

i3® Denise, femme de Guillaume Girard, probablement frère 
de Pierre. 

Nous aurons à nous occuper successivement des descendants de 
plusieurs des fils de Jean Tancien et de Perrette. Commençons 
par la branche issue de Philibert et de Denise Le Brest. Aussi 
bien est-ce elle qui a joué le rôle le plus considérable et fourni la 
plus brillante carrière. 

Philibert Gobelin, fils de Jean, i®' du nom. 

L'auteur de la dynastie meurt vers 1475. Cette date se trouve 
confirmée par un passage des registres capitulaires de Saint-Mar- 

I. Bibl. nat., ms. fr. 29862. 



TEDfnmiEllS BN ÉCARLATE. l3 

:el. Le défunt avait légué aux religieux une rente perpétueUe de 
rente-deux sous parisis^ assise sur deux pièces de terre lui appar- 
enant, pour la célébration d'un obit perpétuel dans l'église de 
Saint-Marcel. Perrette, veuve de Jean, et son fils François s'en- 
:endirent, le i8 janvier 1476, avec le chapitre pour assurer les 
lernières volontés dû défunte Sa mort remontait donc à la fin de 
l'année 1475 ou aux premiers jours de 1476. 

Puis, le 5 décembre suivant', la veuve et son fils aîné, Phili- 
ben, viennent délivrer à Messieurs de Saint-Marcel la somme de 
trente -deux sols parisis pour acquitter la fondation. Il est à 
remarquer que, dans cet aae, le défunt est appelé Jehan Gobe- 
lin l'aîné, parce que son prénom est déjà porté par deux de ses 
treize enfants, comme on vient de le constater; il restera des plus 
usités parmi ses descendants, ce qui ne laisse pas que de compli- 
quer singulièrement Thistoire des Gobelin. 

Bien que nous possédions peu de détails sur la carrière de Phi- 
libert Gobelin, nous serions assez tenté d'admettre, d'après divers 
témoignages, sur lesquels nous nous étendrons tout à Theure, 
que ce fils aine de Jean Tancicn contribua plus qu'aucun de ses 
proches à la fortune et à Tillustration de son nom. Avant d'en- 
trer dans Texamen des documents et des faits qui le concernent, 
il paraît nécessaire de bien établir l'état de ses descendants. Voici 
donc, d'après l'arbre généalogique auquel on a déjà eu recours, la 
liste complète des enfants de Philibert et de Denise Le Brest, sa 
femme : 

1^ Jean, qui prit le titre de seigneur de la Tour (voy. ci-dessus^ 
Lacordaire, p. 3) et épousa Marie ou Geneviève Le Lorrain. Les 
différents textes ne lui donnent pas le même prénom. Voyez pour 
les enfants du sieur de la Tour le tableau généalogique L 

2^ Jacques, mort avant i557, avait pris pour femme Marie Le 
Bossu. 

3^ François (voy. ci-dessus, p. 9), mort en 1 5 17, mari de Gene- 
viève Le Bossu, sœur de la précédente. 

4* Catherine, mariée à un sieur Dreux du Bois. 

5* Marie, femme de Miles Perrot. 

6* Perrette, femme de Jean de Turgis. 

7* Mathurine, épouse de Jean Cuvier. 



1. Voy. le texte de cette fondation aux Pièces justificatives, pièce A. 

2. Arch. nat., S igag. 



14 LES GOBBLIN 

La troisième génération comptait donc trois hommes et qaatre 
femmes. Ce fut Taîné des fils qui assura la durée de la dynastie. 
Il n^eut pas, pour son compte, moins de neuf enfants. Nous 
reviendrons par la suite sur cette branche aînée. 

Pour en finir d^abord avec les frères de Philibert, dont 
nous n^aurons plus à nous occuper, signalons un passage de 
Sauvai relatant l'acquisition foite, en 1476, par Thomas Gobe- 
lin, frère puiné de Philibert, qualifié marchand bonnetier et 
bourgeois de Paris, d'une maison sise au Petit-Pont, ayant pour 
enseigne l'Empereur, à lui vendue par Thomasse, veuve du sieur 
Musnier, un des quatre libraires jurés de l'Université de Paris*. 

C'est probablement Tautre frère de Philibert nommé Fran- 
çois, associé de François Cardon et, comme lui, teinturier de 
draps de laine, demeurant à Paris < es louaiges de Saint-Denis 
c de la Chartre, » qui obtient du prévôt et des échevins de la ville, 
en 1488, la permission < de faire et soustenir à leurs despens sur 
« la rivière de Seine, derrière et à l'endroit de leurs logis, ung 
< petit fossé ou ruisseau, d'un pié de large ou environ, pour y 
« faire venir Teau servant à leur dit mestier^. » 

Voici quelques détails sur les autres frères et sœurs de Philibert : 

L'acte du 23 août 144.3, analysé ci-dessus, le premier où il soit 
question de Jean Gobelin, se rapportait à la location, moyen- 
nant rente annuelle, de la maison sise rue Saint- Marcel, à 
l'enseigne du Cygne. Or, cette propriété avait sans doute été 
acquise ultérieurement par Jean Gobelin le père, car elle fut 
vendue 7,000 livres tournois, le 3 juillet 1 5o6, par Marion Gobe- 
lin^ veuve de Jacques de Clermont^, à son frère, Jean Gobelin 
l'aîné. Cet immeuble tenait, dit l'acte, à l'hôtel de l'image Saint- 
Eustache; il était chargé de vingt-quatre sous parisis de cens 
annuel en faveur du chapitre de Saint-Marcel et de quelques 
autres redevances. Quelques années avant cette cession, le tan- 
neur Jacques de Clermont obtenait du chapitre la permission 

1. Antiquités de Paris, t. III, p. 426. 

2. Bibl. nat., ms. fr. 11686. Nous devons la connaissance de cette men- 
tion à M. Petrovitcb, que nous nous empressons de remercier ici de son obli- 
geante communication. 

3. Dans les obituaires de la province de Sens, publiés par Aug. Molinier, 
se lit Tarticle suivant (p. 855) : « 29 mars; une basse messe pour feue 
Marie Gobelin, veufve de feu Jacques Clermont. » (Note communiquée par 
M. Vidicr.) — Voir ci-après, p. 5o, note. 



TEINTUKinS EN iCARLATE. l5 

de placer une planche au travers de la rivière de Biévre, avec une 
pierre pour soutenir cette planche, et de faire un quai derrière 
rhôtel du Cygne, sis en la grand'rue Saint-Marcel ^ A i^aide des 
éléments fournis par ces actes successifs, on arriverait à détermi- 
ner à peu près exactement la situation de cet hôtel du Cygne, don- 
nant d'un côté sur la grand'rue Saint- Marcel, de l'autre sur la 
rivière de Bièvre, et tenant à la maison de Timage Saint-Eus- 
tache. Et cela ofiFrirait d'autant plus d'intérêt que Thôtel du 
Cygne a bien été le berceau de la famille. Habité d'abord et 
peut-être possédé par Jean Gobelin le vieux, il passa entre les 
mains de Jacques de Clermont, son gendre, qui y avait établi sa 
demeure en i5oo; puis, il fut vendu en i5o6 par Marion, veuve 
de Jacques de Qermont, à son frère Jean Gobelin. 

On suit l'histoire de ce logis jusqu'au milieu du xvi* siècle. 
Le 28 mars i558, Jean Gobelin le vend, pour la somme de 
1,800 livres, à Pierre Gaultier*. La description sommaire insérée 
dans Taae fait savoir quUl comprend alors deux corps d'hôtel, 
l'un à renseigne du Cygne, l'autre à celui de la Chaise; elle ajoute 
que les dépendances s'étendent jusqu'à l'Écu de France. Ce 
Pierre Gaultier, marchand teinturier comme les Gobelin, avait 
joint au Cygne une autre maison à renseigne du Heaume et 
s'était empressé de faire renouveler l'autorisation de placer une 
planche servant de pont sur la Bièvre. De plus, au prix de cer- 
taines redevances, il avait pu pratiquer des ouvertures sur la 
rivière. 

Philibert Gobelin, auquel nous revenons maintenant pour 
ne plus le quitter, figure, avec son frère François, comme exécu- 
teur testamentaire des dernières volontés de son père dans Tacte 
passé devant les notaires Pinot et Melun, le 5 décembre 1475, 
acte ponant cession aux doyens et chapitre de l'église Saint-Mar- 
cel, pour la fondation d'un obit perpétuel en souvenir de son père, 
de 32 sols parisis de rente, à prendre chaque année sur deux 
pièces de saussaies, affermées aux sieurs Jean d'Auvergne et Jean 
Lefebvre, et assises au territoire de Saint-MarceP. 

Du vivant même de son père, Philibert jouissait d'une réelle 



I. Arch. nat., S 1937, fol. 60 ▼*. 
a. Arch. nat., S 1937, fol. 61 r*. 
3. Arch. Mt., S* 1936, fol. i36. 



l6 LES GOBELIN 



considération personnelle dans son quartier et avait été charge 
de fonctions réservées aux notables citoyens. C'est la démission 
de ces fonctions, donnée le 28 mars 1480, qui nous apprend et 
détail c attento quod Philibertus Gobelin qui exercuerat offidum 
majorie^ in juridictione Sancti Marcelli, hujus modi officio renun^ 
ciaverat et illud in manibus dominorum resigna verat... • Quelle 
était au juste cette charge désignée par le mot de majoria? Da 
Gange en donne une explication assez vague. 11 semble qu'elle se 
rapportât à Tadministration des biens des églises. 

La même année, il figure parmi les notables chargés de se pro- 
noncer sur l'acceptation d'un legs foit à l'église par Jacques Four-' 
nier, conseiller du roi en Parlementa 

Ces mentions répétées et les circonstances où elles se produisent 
donnent déjà une haute idée de l'importance de notre homme. 

Nouvelle citation de Philibert Gobelin, au sujet encore d'ua 
legs fait au chapitre par le sieur Thiboulet, ancien curé de Saint- 
Hippolyte, qui avait désigné notre teinturier comme un de ses 
exécuteurs testamentaires. Ceci se passait le 30 septembre 1489*. 

Nous rencontrons le nom de Philibert Gobelin en i486, à l'oc* 
casion d'une permission à lui accordée^ le i*' avril, f>ar le chapitre 
de Saint-Marcel^ de bâtir un grand quai en manière d'échafaud 
sur six piliers de bois par devant, de 6 toises et 2 pieds de long, 
2 toises et demie de large^ assis sur la rivière de Bièvre, moyen- 
nant 6 deniers parisis de cens annuel'. 

Quatre ans plus tard, le 5 décembre 1490, nouvelle auto- 
risation donnée au même Philibert pour construire un autre 
grand quai portant sur huit piliers, de 7 toises de long et de 2 et 
demie de large, sur la même rivière de Bièvre, attenant le quai 
déjà concédé^. 

Ces concessions sont étendues plus tard jusqu'au Pont-aux- 
Tripes; mais il n'est plus alors question de Philiben, mort vers 
i5o9 et remplacé par Jean Gobelin et d'autres personnes de la 
Camille. 

1. Arch. nat., LL352, fol. 21 3. 

2. Arch. nat., LL553y fol. 44. 

3. Arch. nat., S* 1937, fol. 128. 

4. Philibert Gobelin fut taxé à quarante écu$, le double de la taxe de 
Séverin Canaye, pour sa part contributive de l'emprunt imposé à Paris, le 
3 mars 1493, par le roi Charles VIH; voy. ci-dessus, p. 11 (ms. fr. 31046). 



\ 



TBnrrUltlERS en iCARLATE. I7 

Oq vient de dire que Philibert Gobelin était mort vers 1S09; 
un acte de partage fait après son décès établit qu'au cours des 
trente-cinq années écoulées depuis la mort de Jean Gobelin, la 
fortune de cette branche de la famille avait pris un développement 
considérable. 

Dans cet acte, daté du 27 mai iSio*, Philibert porte les 
titre et qualité de marchand teinturier d^écarlate, demeu- 
rant à Sain t-Marcel-lez- Paris. Le partage de la succession est 
requis par la veuve du défunt, dame Denise Le Brest. Ce qui est 
singulier, c^est qu'un seul de ses sept enfants vienne revendiquer 
la succession paternelle. C'est Jacques, le second des fils. On 
s'explique difficilement l'absence de ses frères et sœurs. 

Jacques Gobelin se présente donc pour partager la succession 
avec sa mère. Elle en gardera les deux tiers; lui aura un tiers. 

Cet héritage se compose d'immeubles. Mais, par malheur, 
ces maisons et terrains ne sont pas ceux oti le défunt exerçait son 
industrie sur les bords de la Bièvre. N'aurait-il donc été que loca- 
taire ou simple usufruitier de l'atelier de teinture du faubourg 
Saint-Marcel? Tout cela reste assez obscur. 

Philibert Gobelin laisse à sa veuve et à son fils Jacques deux 
maisons contiguës, sises au centre de Paris, rue des Bourdon- 
nais, tout près de la rue Saint-Honoré; la plus importante a pour 
enseigne la Coste de baleyne. Voici d'ailleurs la description de 
ces deux propriétés, telle qu'elle est consignée dans l'acte de 
partage: 

« I* Une grande maison^ contenant corps d^hôtel à égoût 
sur rue, cour^ puits, galleries, viz, grand corps d'hôtel oultre 
ladite cour, celliers et caves, grande cour derrière, puits, corps 
d'hôtel, cuisine, étable et galerie à côté, au bout de ladite cour, 
ainsi que les lieux se comportent, etc., oti pend pour enseigne la 
Coste de baleyne, assise à Paris en la rue des Bourdonnois, 
tenant d'une part et ayant saillie et issue en une petite ruelle, et, 
d'autre part, en partie à une maison cy après déclairée, et en aultre 
panie à la cour de derrière de Jehan Alot, aux hoirs de feu Jehan 
Boscheronetà Jehan Turgis', aboutissant par derrière aux hoirs 
et ayans cause de feu maître Jacques Erlaut. 

< 2* Une autre maison assise à Paris, en ladite rue des Bour- 
donnois, contenant petit corps d'hôtel à égoût sur rue, courette, 

I. Voy. aux Pièces liutificatiTCt le document B. 

a. Perrette, sœur de notre Jtcques, avait épousé un Jean Turgis ou de Turgis. 

Min. IXXI % 



iS 

gûent a aorpê dliâcd Jaii ê te ^ aion qu'il se comporte, etc., 
teaio: i'^iae pÊZi aoii: htel de la Coâe de baleine^ et d*amie | 
port à on hîxsù âisftox k coin de bdite roc des Bourdonnois, en 
la me Sii^i-Hosarê, appartenant à la reaTc et héritiers de fen 
Aiïirj Va -jûer. à 33 bôset apporteoaot à THôtel-Dieu de Paris, 
à on a Jtie hôad appaneaam à rêglîse Saint-Jacqoes de rHôptd 
à Paris, à aa aa« hôtel a{>paneaant à Jean Porcher, enfin à on 
dernier hôtel appartenant à l&iite veuve et aux héritiers dodit 
défont Philibert Gobelin. • 

Poor arriver à pariaire le lot du âls, œmpreoant un tiers de la 
valeur de Thérita^, une ônaaîon de la cour de la Côte de balône 
sera réunie au second immeuble et séparée du premier par on 
mur mitoyen de douze pieds de hauteur. En plus, une soultede 
3 00 livres tournois sera comptée par sa mère à Jacques Gobelin. 
Ainsi en ont décidé les experts désignés par les parties et qui sont 
Jehan De Félin, Louis Du Chastel, maçons, Didier Gobert et 
Nicolas Costeret, charpenderSy jurés du roi es offices de maçoo- 
nerie et de charpenterie. Suivent les formules et clauses ordinaires 
destinées à assurer la validité et l'exécution des conventions. Le 
tout passé par-devant notaires et revêtu du sceau de la prévôté 
de Paris. 

A en juger par cette description, et atissi par le chiffre de la 
soulte accordée à la seconde pan, cette propriété représentait une 
assez fone somme. En vain aurions-nous essayé de nous recon- 
naître dans la description quelque peu confuse des maisons avec 
leurs appartenances et dépendances si nous n'avions été aidé du 
gracieux concours d'un érudit fort versé dans Tétude de ces ques- 
tions topographiques. M. Vacquer, qui a laissé unt de travaux ina* 
chevcs et tant de notes précieuses sur les divisions du vieux Paris^ 
a bien voulu dresser, en se servant du plan parcellaire de la ville, 
un triple état présentant la situation des deux hôtels, la Côte de 
baleine et Timmeuble voisin, avant le partage, après le partage, 
et aujourd'hui. La remarque judicieuse d'Adolphe Berty, d'après 
laquelle la division des immeubles parisiens n a guère changé au 
cours des siècles dans les vieux quartiers parisiens, trouve ici 
une éclatante confirmation. 

De la comparaison des trois plans établis par M. Vacquer, il 
ressort nettement que les limites et les divisions de ce pâté de 
maisons n'a subi presque aucune modification depuis iSog. L'hô- 
tel de la Côte de baleine occupait autrefois un trop vaste terrain 



TEINTUROniS SN tfCARLATE. IÇ 

pour ne pas être divisé en plusieurs lots. Mais les immeubles 
contigus à ceux des Gobelin, les propriétés appartenant autrefois 
à Andry Vautier, à l'Hôtel- Dieu de Paris, à Téglise Saint-Jacques 
de l'Hôpital, à Jean Porcher, aux héritiers de Philibert Gobelin, 
à Jean Alot, aux héritiers de Jean Boscheron, à Jean Turgis, aux 
héritiers de Jacques Erlaut subsistent encore avec leurs anciennes 
limites. Rien ou presque rien n'a été modifié dans leur conte- 
nance. On conviendra qu'une pareille particularité méritait d^étre 
notée*. 

Toute considérable qu'elle fût, cette maison de la Côte de 
baleine, avec sa voisine, ne constituait certainement pas la fortune 
entière du maître teinturier de Saint-Marcel. 

La désignation des lieux, on ne l'a pas oublié, signalant les 
propriétaires des maisons contiguês aux immeubles partagés, cite 
les héritiers de défunt Philibert Gobelin, etcela tend bien à prou- 
ver que notre homme laissait d'autres biens que celui-ci à ses 
enfiints. 

La Maison dite de la rbinb Blanche. 

Nous avions cru naguère pouvoir attribuer aux Gobelin la 
construaion d'un édifice subsistant encore dans le voisinage 
immédiat de leur premier éublissement et accusant par maint 
détail architectonique, après des mutilations sans nombre, la 
date de son origine, qui doit être placée aux environs de l'année 
i5oo. Si vraiment ce bâtiment singulier avait été l'œuvre de la 
famille Gobelin, c'était à Philibert, au fils aîné de Jean l'ancien, 
qu'il eût fallu en faire remonter la création ; mais des renseigne- 
ments plus précis ont modifié nos premières hypothèses, et nous 
avons acquis la certitude absolue que jamais nos teinturiers n*ont 
habité ni possédé l'immeuble qui reste encore aujourd'hui une 
des curiosités de l'ancien quartier Saint-Marcel. 

II s'agit des importantes constructions qu'on désigne encore 
sous le nom inexact de maison de la reine Blanche; elles portent 
les n~ 17 et 19 de la rue actuelle des Gobelins. Qu'il ait existé 
au moyen âge, dans le faubourg Saint-Marcel, un édifice connu 

I. L*tete de partage de la toccetsion de Philibert Gobelin, écrit sur par- 
chemin, nous a été cédé, il y a une vingtaine d'années, par notre regretté 
confrère Etienne Charavay. 



30 LES GOBBLm 

SOUS la dénominatioa de maison de la ràne Blanche, cela ne fait 
ancan doate. Mais un acte daté de 1404 nous fournit du même 
coup la preuve de Tesûstenoe et de la ruine de cette maison. 

Le 20 mai de cette année 1404, le roi Charles VI donnait aux 
9 manans, communauté et habitans de Saint-Marcel un bostd 
c decheu en ruine, lequel fut jadis à feu nostre aieule la reyoe 
c Blanche, que Dieu absoille, > pour y tenir annuellement deax 
foires, et tous les lundis un marché ^ 

Une sentence du Châtelet de Paris, venant confirmer quelques 
jours après Tacte royal, ajoutait à ses énondations un détail impor- 
tant, en précisant l'emplacement de l'immeuble : « La maisoD, 
c masure et jardin qui appartint à la comtesse de Savoye et où 
c demeura depuis la reyne Blanche, » sise à Saint-Marcel, tenant 
à Jean Bardin, à THôtel-Dieu de Saint-Marcel, à la rue des 
Quilles et à Jean Quinel^. 

Ainsi, une maison dite de la reine Blanche a bien existé dans 
le foubourg Saint-Marcel avant le commencement du xv« siècle; 
mais, en 1404, cet hôtel déjà en ruine est rasé; le souvenir et 
le nom persistèrent pour se fixer plus tard sur une autre maison, 
dont ni le style ni les origines ne justifiaient cette dénomination. 
Ce titre de reine Blanche ne s'applique pas seulement, est-il besoin 
de le faire remarquer, aux princesses ayant reçu au baptême le 
prénom de Blanche, comme la mère de saint Louis; il fut aussi 
attribué, on le sait, à toutes les veuves des rois de France, parce 
que la coutume les obligeait à porter le deuil en blanc. Aussi, 
signale-t-on dans nombre de villes quantité de vieilles demeures 
connues sous le nom de maisons de la reine blanche, parce que 
la veuve d'un roi de France, au cours de ses pérégrinations, y 
établit un jour sa résidence temporaire. Pour ce qui concerne 
Thôtel « déchu en ruine » dès 1404, les textes se trouvent d'accord 
avec la tradition pour placer au faubourg Saint-Marcel une mai- 
son habitée par la veuve d'un de nos rois, aïeule de Charles VI. 

Or, dans la seconde moitié du xiv* siècle, vivaient à Paris plu- 

1. Arch. nat., S igaai. Voy. la notice intitulée : la Maison de la reine 
Blanche du faubourg Saint-Marcely à Paris, publiée dans le Recueil de 
mémoires imprimé par la Société des Antiquaires de France à Toccasion 
du centenaire de sa fondation. Paris, Klincksieck, 10-4*, 1904, avec pi. Il a 
été tiré cinquante exemplaires à part de chacun des mémoires insérés dans 
ce Tolume. 

2. Arch. nat., S 1937, fol. 3g V, et S* 194A fol. Si. 



TEINTURIERS EN éCARLATE. 31 

sieurs princesses ayant droit au titre de reine blanche. La troisième 
femme de Charles IV le Bel, Jeanne, fille de Louis, comte 
d'Évreux, mariée en i325, prolongea sa vie jusquVn iSjo. La 
seconde femme de Philippe de Valois, Blanche, fille de Philippe, 
comte d'Évreux, et de Jeanne de Navarre, mariée en 1349, ne 
mourut qu^en iBgS. 

Ce serait donc peut-être à la veuve de Philippe de Valois que 
Charles VI faisait allusion dans l'acte de 1404. Elle était, en effet, 
la veuve de son arrière-grand-père et possédait ainsi un double 
droit à ce titre de reine blanche. 

Un passage de Sauvai suggérerait une autre hypothèse : 
c Du temps, dit-il, que la Savoie n'était qu'un comté, Philippe 
de Valois donna à Blanche de Bourgogne, comtesse de Savoie, 
l'hôtel de Pierre de Savoie, archevêque de Lyon, situé au fau- 
bourg Saint-Marceau, qu'il avoit pris pour quelque argent que ce 
prélat lui devoit, mais que, trois ans après, savoir en iBBg, elle 
vendit au Roi pour un autre proche de Saint Eustache. » (Anti" 
quités de Paris^ t. II, p. 234.) Cette Blanche, fille du duc de 
Bourgogne, Robert II, et sœur de Marguerite, la femme de Louis 
le Hutin, avait épousé Edouard, comte de Savoie, en i3o7. 
Veuve en i329, elle mourut à Dijon le 18 juillet 1349 et fut 
enterrée dans l'église des Cordeliers avec sa fille Jeanne de 
Savoie, duchesse de Bretagne. L^origine de la maison de la 
reine Blanche reste, on le voit, bien obscure. 

Dans tous les cas, ce logis devait être inoccupé depuis de 
longues années, puisque l'acte de 1404 le dit complètement ruiné. 
Ces ruines disparurent alors pour faire place à un marché hebdo- 
madaire; mais la tradition populaire ne laissa pas périr son sou- 
venir. Cette tradition persistante appliqua plus tard à une des 
plus anciennes et des plus curieuses maisons du quartier le sou- 
venir de l'ancien hôtel disparu en 1404, et c'est ainsi qu'un édi- 
fice, datant seulement des dernières années du xv* siècle, reçut 
une dénomination à laquelle il n^a aucun droit. 

On désigne encore, en effet, dans le quartier Saint-Marcel, sous 
le nom de maison de la reine Blanche, les constructions portant 
dans la rue des Gobelins, comme il a été dit plus haut, les n°* 17 
et 19. Les deux héritages ne formaient autrefois qu'une seule 
propriété. Les croisillons des fenêtres, Parc accolé et les feuilles 
frisées surmontant la porte d'entrée de la tourelle qui renferme 



ai LES GOSn.IN 

Tescalier en pierre, tout aocase Textréme fia du xy sîèck ou ks 
premières années du zvi*. 

Mais ce qui donne un caractère particulier à cette maison d^habitt* 
tion^ c'est le voisinage immédiat d'un grand édifice long et recom- 
gulaire, flanqué à ses extrémités opposées de deux escaliers tour- 
nants en bois, dont la constniaion est contemporaine de Pescalier 
en pierre de la maison voisine. Évidemment, ces deux construc- 
tions de même date appartenaient au même propriétaire ; dans Tune 
était installée son habitation; Tautre renfermait les magasins, lei 
ateliers. Le voisinage immédiat d*une vaste citerne de vingt on 
vingt*cinq mètres de long, large en proportion, jMxmve qu'il 
existait ici une industrie importante, faisant usage d'une énorme 
quantité d'eau, car un pareil réservoir eût été d'une proportion 
exagérée pour des usages domestiques. 

Une phrase de Rabelais nous avait paru pouvoir se rap- 
porter à cet édifice. C'est le passage suivant : « Pantagruel quelque 
c jour pour se recréer de son estude se pourmenoit vers les fiiulx- 
c bourgs Sainct Marceau, voullant veoir la folie Gobelin. Panurge 
« estoit avecques luy, ayant tousjours le flacon soubz sa robbe et 
« quelque morceau de jambon, car sans cela jamais ne alloit, 
« disant que c^estoitson garde corps, etc.^ > 

Un examen plus attentif des textes et leur comparaison avec 
d'anciens plans restés jusqu'ici inédits nous ont démontré qu'au- 
cun rapprochement n'était possible entre la maison aauellement 
dite de la reine Blanche et la folie Gobelin de Rabelais. 

Oti cette dernière se trouvait-elle située? Certaines personnes, 
plus versées que nous dans la topographie parisienne, la placent à 
une certaine distance de la Bièvre, dans le faubourg Saint-Jacques, 
sur le plateau dominant la vallée. Dans tous les cas, l'établisse- 
ment des Gobelins ne s'est jamais étendu jusqu'à la rue qui porte 
actuellement leur nom ; il en était séparé précisément par ce vieux 
logis, dit de la reine Blanche, occupé au milieu du xvi« siècle par 
une famille alliée à nos teinturiers, exerçant la même profes- 
sion, la famille des Canaye. Celle-ci n'eut pas la bonne for- 
tune de transmettre son nom à une industrie fameuse dans le 
monde entier. Si l'installation des tapissiers sur les bords de 
la Bièvre dans les anciens ateliers de teinturerie n'avait pas 

I. Pantagruel, Hv. II, chap. i3. Cf. môme livre, chap. 22. 



TEINTURtERS EN iCARLATE. 23 

nmortalisé le nom des Gobelin, ceux-ci seraient certainement 
>mbésdans un profond oubli, et personne ne connaîtrait aujour- 
iliui cette vieille famille de bourgeoisie parisienne. Cest prëci- 
ément ce qui est advenu des Canaye, autei célèbres jadis que 
eurs voisins, aujourd'hui complètement oubliés. 

Ils méritent cependant d'être tirés de leur obscurité sMls ont 
rédlement édifié pour les besoins de leuf industrie, comme nous 
essayerons de le démontrer tout à Pheure, les curieuses construc- 
tions qui nous occupent en ce moment. 

D'autre part, si l'ancienne maison de la reine Blanche, « déchue 
sn ruine > dès le règne de Charles VI, avait complètement dis- 
paru dès le XVI* siècle, son souvenir S'était perpétué dans le quar- 
tier. Nous rencontrons la preuve de cette persistance dans les 
rertaines désignations d'immeubles appanenant à nos maîtres 
teinturiers. 

Dès 1 5 14^ voici la mention d'une redevance due par François 
Gobelin pour « une maison, jardin, etc., sise en la grand rue 
I Saint Marcel... tenant à Jean Pleau d'un bout, par derrière aux 
« terres de la rqyme Blanche. » 

Autre délimitation analogue d'une maison acquise en 1 5 1 5 ^ 
par Philibert Gobelin, « aboutissant par darière aux près de 

I la royme Blanche, et par devant à ladicte grande rue Sainct 
K Marcel. > 

En i529*, c'est Jean Gobelin qui a eu par déctet c une maison, 
K cours et jardin... situés à Saint Marcel en la grant rue, prez la 
ï porte des Champs, tenant d'une part à la vefve Paulin Bassot, 
K d'autre part aux murs de la closture Saint Marcel, aboutissant 
t par devant à la grande rue et par derrière aux terres de la rqyne 
9 Blanche, » 

Ces textes s'accordent tous pour montrer les terres ou prés de 
la reine Blanche comme parallèles à la grand'rue Saint-Marcel et 
séparés d'elle par des constructions appartenant à nos teinturiers. 

II n'est pas question de bâtiments, mais seulement de terrains nus 
ou de prés. D'après toutes les indications rappelées plus haut, cet 
emplacement, dit terres ou prés de la reine Blanche, aurait été situé 
tout à côté de l'abbaye de Saint-Marcel, c'est-à-dire sur la gauche 

1. Arch. nat., S1947I, fol. i5. 

2. Arch. nat., S* 1940^, fol. 6 v*. 

3. Arch. nat., S* 19401, fol. n5 v*. 



24 l'Es GOBELIN 

de Tavenue actuelle des Gobelins, du côté des numéros impairs, 
et non aux environs de la petite rivière. 

En 1 55 1 et 1 555 S le nom de la reine Blanche reparaît encore 
dans la désignation de certain immeuble possédé par Jean Gobe- 
lin, sis grande rue Saint-Marcel, tenant de côté et d'autre à divers 
voisins, « aboutissant par derrière d la rejme Blanche. > Cette 
fois, il n'est plus question de prés ni de terres, mais simplement 
d'un lieu dit la reine Blanche, 

Pour résumer ce qui précède, le souvenir de la reine Blanche 
se perpétua jusqu'à la fin du xvi* siècle; cette désignation était 
appliquée à une pièce de terre, à une prairie entourée de tous 
côtés par des constructions et contiguë à une ou plusieurs maisons 
appartenant aux Gobelin^ dont la façade principale s^étendait sur 
la grand'rue Saint-Marcel. Il ressort également de tout ce qui 
vient d'être dit que le souvenir de la reine Blanche ne se ratta- 
chait alors à aucun édifice du temps passé, et que le logis ou hôtel 
qui avait porté ce nom n'existait plus depuis le commencement 
du XV* siècle. 

Des recherches minutieuses dans les archives de Pabbaye de 
Saint-Marcel aboutiraient sans doute à des résultats plus précis 
sur les derniers vestiges de l'ancienne demeure royale. Le temps 
nous a manqué pour pousser plus loin nos investigations. 

Peut-être nous sommes-nous étendu un peu longuement sur 
un bâtiment dont l'histoire ne se rattache qu'assez indirectement 
à la famille que nous étudions. Mais il est assez rare de ren- 
contrer en plein Paris un édifice de la fin du xv« siècle pour 
qu'on s^ arrête un instant quand on a la bonne fortune de le 
trouver sur son chemin. Il importait aussi, puisque nous travail- 
lons à détruire les légendes populaires sans fondement, de ne pas 
laisser s'accréditer une opinion que nous avions, dans une cer- 
taine mesure, contribué à répandre, et d'après laquelle les Gobelins 
du commencement du xvi^" siècle n'auraient pas été étrangers à la 
construction de cet hôtel dit de la reine Blanche. Il faut absolu- 
ment renoncer à leur attribuer une part quelconque dans l'origine 
du bâtiment encore existant. 

Nous renvoyons le lecteur curieux d'approfondir la question 
à Fétude spéciale que nous lui avons consacrée dans le volume 
publié à l'occasion du Centenaire des Antiquaires de France. 

I. Arch. nat., S 192 1 a et S 1947^ fol. i56. 



TEINTURIBRS EN ÉCARLATB. 25 

Cène étude est accompagnée d'excellents relevés des bâtiments 
dans leur état actuel, dus au crayon habile de M. Nodet, archi- 
tecte des monuments historiques ^ 

Il convient de revenir à la généalogie et à l'histoire de nos tein- 
turiers des bords de la Bièvre, sujet que la digression sur la reine 
Blanche et son logis du faubourg Saint-Marcel nous a un peu 
fait perdre de vue. 

Nous en étions resté au partage des immeubles de la rue des 
Bourdonnais, portant l'enseigne de la Côte de baleine, entre 
Jacques, deuxième fils de Philibert, et sa mère. De ce Jacques, 
on ne trouve nulle mention dans les papiers de l'abbaye de Saint- 
Marcel. 

Ce silence des textes relatifs aux propriétés de notre quanier 
permet de conclure que Jacques s'était fixé dans Fintérieur de 
Paris, abandonnant complètement à ses frères et sœurs tous droits 
sur le domaine patrimonial des bords de la Bièvre; par récipro- 
cité, Jacques se serait trouvé seul héritier avec sa mère des 
immeubles et terrains de la rue des Bourdonnais. 

C'est Jean Gobelin, dit le jeune, fils aîné de Philibert et frère 
de Jacques, qui reste au berceau de la famille et garde, après la 
mort de son père, la direction de Tatelier de teinture. 

Dès i5o2, on trouve Jean Gobelin le jeune propriétaire d'une 
maison entre cour et jardin, sise grand'rue Saint-Marcel, ayant 
pour enseigne l'image Saint-Jacques, tenant d'un côté à un autre 
logis à l'enseigne de Saint- Eustache, d'autre part et par derrière 
à Jean de Vaudenet'. Cette maison payait à la communauté 
de Saint-Marcel une rente annuelle de 20 sous parisis*. 

A cette maison était contigu un autre immeuble appartenant 
à notre Jean Gobelin le jeune, déjà qualifié marchand teintu- 
rier^. Tous ces biens sont situés, cela résulte d'autres actes, à 
proximité de l'église Saint-Hippolyte, c'est-à-dire dans le voisi- 
nage immédiat du quanier général de la famille. 

1. Des doubles des dessins originaux exécutés par la Commission des 
Monuments historiques sont déposés à la manufacture des Gobelins, où 
tout travailleur peut les consulter. Nous ne saurions trop remercier 
M. Nodet de sa gracieuse libéralité. Il n'est pas question, dans la notice des 
Antiquaires de France, du passage de Sauvai cité plus haut (p. 21). 

2. Arch. nat., S x927b. 

3. Arch. nat.« S 19274. 

4. Arch. nat., S* 1937, fol. 4a ▼*. 



26 LBS GOBBLIN 



Jean, frère de Philibert, Jean et François, ses neveux. 

Nous avons signalé ci-dessus la vente faite, en 1 5o6, à Jea0 
Gobelin l'aîné, — fils de Tauteur de la famille et frère de Philî^- 
bert, — par sa sœur Marion, veuve de Jacques de Clermont, ancien 
marchand tanneur, d'une maison, cour et jardin, à Tenseigne du 
Cygne^ possédant un quai sur la Bièvre, limitée par la maisoa 
à Timage Saint-Eustache, par une autre à l'enseigne de la Chaise <» 
et donnant par derrière sur la Bièvre. Ainsi, la maison du Cjgne 
n'était séparée de Thôtel Saint- Jacques appartenant à Jean Gobe* 
lin le jeune que par la maison de Saint-Eustache. 

L^oncle et le neveu, portant ce même prénom de Jean, étaient 
donc presque voisins ; leurs demeures, longeant la Bièvre, n'étaienc 
séparées que par un seul immeuble. Tous deux possédaient 
sur la rivière un quai pour lequel une redevance était due au. 
chapitre de Saint-Marcel. Tous deux enfin, dans divers actes, 
prennent la qualité de marchands teinturiers d*écarlate. 

En î507, autre mention d'un Jean Gobelin, sans désignatioim 
spéciale, au sujet de Pacquisition de 20 sols 6 deniers parisls d^ 
rente sur une maison sise rue des Marmousets, appartenant k, 
Guillot Collet'. La rue des Marmousets existe encore; ^le avais: 
donc reçu, avant 1 507, le nom qu'elle porte aujourd'hui. Puis^ 
en i5t6 et en i53r, un François Gobelin acquiert ti sou^ 
6 deniers de rente sur la même propriété de la rue des Marmou- 
sets, située juste en face de l'ancienne construction connue aujour-' 
d'hui sous le nom de maison de la reine Blanche. 

Ce François Gobelin, complétant une acquisition commencée 
par Jean Gobelin, est sans doute le petit-fils de Philibert, marié 
à Marie de Moucy; on a donné plus haut la généalogie de cette 
branche de la famille (p. 9). Nous le retrouverons à diverses 
reprises. 

Jean Gobelin Taîné, le frère de Philibert, propriétaire de Thôtel 
du Cygne, acquis, en i5o6, de sa sœur Marion, disparaît lui- 
même en iSiy, laissant veuve sa femme Catherine Langlois. 
Celle-ci se trouvait dans une^ituation prospère, car elle ne cessCt 

1. Voy. ci-dessus, p. i5. 

2. Arch. nat., S* 1946, fol. 10 v». 



TEINTURIERS EN <CARLATE. 37 

dans le conn des années qui suivent b mort de son mari, d'ac« 
quérir soit des propriétés foncières, soit des rentes. 

C'est, en i5i6, l'achat d'une portion de grange couverte de 
tuiles, de cinq toises de longueur, avec partie de jardin situé der- 
rière ladite grange, le tout situé rue de Bièvre^ 

Sept ans plus tard, acquisition d'une rente de 20 livres tour- 
nois de rente annuelle sur une maison sise le long de la rivière de 
Bièvre». 

Catherine Langlois prolonge son existence jusqu^en i538, 
car le texte oti elle est nommée sous cette date la dit formelle*' 
ment veuve de Jean Gobelin Taîné. Ainsi, pas d'incertitude. 
C'est bien la bru du vieux Jean Gobelin de 1443 qui obtient en 
1 538 la permission « de construire un quai en feçon d^échafauz 
c de bois sur la rivière de Bièvre, depuis une berge jusqu'à l'autre 
I berge, contenant cinq toises de long, en venant depuis la mai* 
< son de Pierre Gobelin jusqu'à l'abreuvoir aux chevaux, avec 
« défense de bâtir aucun édifice dessus'. » 

Aux multiples renseignements recueillis dans les archives de 
Saint-Marcel viennent s'ajouter certains témoignages fournis par 
un procès devant le Parlement de Paris entre deux branches de 
la famille Gobelin ^ 

Au commencement de Tannée 1 538, Geneviève Le Bossu, veuve 
du François Gobelin mort en iSi/, intentait une action contre 
Catherine Langlois, la veuve de Jean Gobelin, et ses en&nts, au 
sujet du droit de laver les teintures dans la rivière. Les descen- 
dants de Jean Gobelin et de Catherine Langlois, énumérés dans 
l'arrât, sont au nombre de six, trois fils et trois filles; les fils se 
nomment Jacques, Jean et Pierre'; les trois filles sont mariées : 
Marie, à François David; Catherine, à Rogerin Robineau; Mar- 
guerite, à François Garrault. Tous sont majeurs, leur père étant 

1. Arch. nat, 8*1940», fol. 34 v*, 4 mars i5x6. 

2. Arch. nat. S* 1940I, fol. 89. 

3. Arch. nat., S 1923B. 

4. Voy. Pièces justificatives G, D, E, F. 

5. Le tableau généalogique cité plus haut donne un quatrième fils à Cathe- 
rine Langlois; ce serait Taîné; il se nommait Philibert et avait épousé Cathe- 
rine Favereau, dont il eut deux filles : 

I* Marie, mariée à Philippe Leschassier, orfèvre, s* Catherine, épouse de 
Claude Le Lièvre, secrétaire du roi. 



38 LES GOBELIN 

décédé vers i5i7, tandis que la fille unique de la veave FnH^ 
çois Gobelin est encore mineure*. Elle se nomme Geneviève et # 
épousé Jean Robineau, un parent probablement du gendre ic 
Catherine Langlois'. 

La demanderesse prétend interdire aux défendeurs de faxttta 
certaines places de la rivière c lavages de guesde noire, de ternii- 
« sures, de tennez, garences et autres draps. » 

Les conseillers Jacques SpiSame et René Brinon, chargés de 
procéder à une enquête, confient aux maîtres teinturiers PoDce 
de Miraulmont^ Jean Candelier, Robert Desprez et Jacques 
Fraulde, la mission de se rendre sur place, et les chargent de 
présenter leur avis sur les dires contradictoires des parties. A la 
suite de cette visite, défense est faite, par arrêt du 1 1 mai i538't 
aux héritiers de Jean Gobelin et consors de faire aucuns lavage 
dans la rivière de Saint-Marcel, au-dessus de la maison de la 
veuve de Jean Le Peultre, c'est-à-dire dans la partie du cours 
d*eau située aux environs du moulin de Croulebarbe; car, d^apiis 
le plan que nous examinerons un peu plus loin, la maison des 
Le Peultre se trouvait en amont des établissements occupés par 
les Gobelins. 

Le procès porté devant le Parlement en 1 5 3 8 nous a fait connaître 
six enfants de Jean Gobelin Taîné. A ce nombre, il fiiut en joindre 
un septième, nommé Philibert, dont la parenté est formellement 
mentionnée dans Pacte d^acquisition d'une maison occupée par 
lui et dont il payait le cens dès 1 5 14^. En façade sur la grand'me 
Saint-Marcel, cette maison touchait d^un côté aux fossés de 
Saint-Marcel et par derrière aux terres de « la reine Blanche. » 
Ce Philibert est cité dans une généalogie ancienne'. Il y 
est qualifié teinturier; il avait épousé Catherine Favereau, 
dont il h*eut que des filles dont il est question à la page précédente 
(note 5). 

En ï5i5, Philibert Gobelin, « marchand taincturier et fils de 
« feu Jehan Gobelin, » acquiert en pleine propriété a la maison, 

1. François laissa, comme on l'a vu plus haut, un fils et une fille (voy. 
ci-dessus, p. 9, et le tableau n* II). 

2. Arch. nat., XI a 1540, fol. 177 r». 

3. Arch. nat., XI a 1541, fol. 365 r*. 

4. Arch. nat., S 1947s fol. 9 V. 

5. Ms. fr. 24002, fol. 229. 



TBIMTURIERS EN iCARLATB. 2g 

c coort, jardin, fouUerie, estables et appartenances d^icelle, » sise 
grand'rue Saint-MarceP. 

Puis, voici une constitution de i6 sous parisis de rente à son 
profit faite par un certain François Couet sur trois quartiers de 
vigne, au lieu dit la Grande-Cerisaie. L'acte porte la date du 
21 décembre iSii^ Dix-huit ans plus tard, le i8 juillet iSBg, 
ladite rente est transportée par Philibert Gobelin à maître Gré- 
goire Godefroy, prêtre habitué en Téglise de Saint-Marcel. 

Le Philibert Gobelin de i538 est donc bien le fils de Jean 
Taîné, le petit-fils du fondateur de la famille. Nous le verrons 
tout à rheure aux prises avec les Cordelières au sujet d'un procès 
pour une mitoyenneté de fossé qui nous a valu un des plus pré- 
cieux documents topographiques de l'époque. 

On retrouve plus tard, en i56i, 157a et 1574, un Philibert 
Gobelin, dit Taîné, laissant veuve, en i583, sa femme Marie 
Augrain; mais les textes ne nous révèlent pas les liens de parenté 
unissant le Philibert Gobelin de i5i5 et celui de i56i-i583. 

En même temps que Jean Gobelin Painé, le mari de Cathe- 
rine Langlois, paraît fréquemment dans les terriers et censiers 
de Saint-Marcel le nom de Jean Gobelin le jeune, neveu du 
précédent, dont il a été question ci-dessus. Celui-ci est le fils 
aîné de Philibert; c'est lui qui prit le titre de seigneur de la Tour. 
Le premier acte qui cite son nom le dit formellement fils du Phili- 
ben mort vers i5io. Jean Gobelin le jeune avait un frère, nommé 
François, dont nous avons longuement parlé à la page 9 de ce 
travail. Les noms de Tun et de Pautre reviennent fréquemment 
dans les registres fonciers de la collégiale. Il est essentiel de pré- 
senter une analyse rapide de ces actes, car ils abondent en ren- 
seignements sur les anciennes maisons du quartier. 

On a signalé plus haut la mention de i5o2' relative à une 
maison sise en la grandVue Saint-Marcel, appartenant ci-devant 
à Nicolas Baillet, à l'enseigne de Saint-Jacques, et vendue à Jehan 
Gobelin le jeune, fils de Philibert, propriétaire déjà d'une autre 
maison contiguë à celle qui fait l'objet du contrat de i5o2. 

Un peu plus tard, en i5o7, le même Jean devient acquéreur 
de partie d'une rente assise sur une maison de la rue des Mar- 



I. Arch, nat., S* 1940», fol. 6 v. 

a. Arch. nat., S 1928. 

3. Arch. nat., S* 1937, fol. 42 y*, et S 19211. 



30 VB6 OOBBUN 

mousets, ayant appartenu a Guillot CoUet. Le surplus de cette 
rente est racheté, à deux époques différentes, eni5z6eten i53i, 
par François, frère de Jean ^ 

En 1 5o9i nouvelle mention de Jean Gobelin. Il s'agit cette fois 
d'une redevance due par notre teinturier pour le don, à titre de 
cens, d'une place sur la rivière de Bièvre, « contenant, depuis le 
c quai ancien jusqu^au coin du mur de la maison dud. Gobelin 
« joignant les fossés dudit Saint-Marcel, 4 toises de long sur 
c 1 5 pieds de large et 6 pieds depuis le fond (?) de ladite rivière 
« jusque sous les solives du premier plancher, pour en icelle 
c place faire un quai par ledit preneur et appliquer à son métier 
« de teinturier, et icelle place couvrir de 9 pieds de lai^e, de 
a ladite longueur de 4 toises, d'un aulvent, et fieiire venir des 
c esgouts du costé de sondit hosteP. » Notons en passant que le 
tableau généalogique souvent cité dit que c^est ce Jean, seigneur 
de la Tour, t qui bâtit la maison d^en haut. » 

Impossible de séparer les deux frères Jean et François. Ils vivent 
et travaillent côte à côte ; |>ar suite, leurs noms reparaissent firé- 
quemment sur les mêmes registres. 

En i5i4, mention de redevances dues par François : i^ pour 
maison et jardin sis en la grand'rue Saint-Marcel, tenant à divers, 
et par derrière aux terres de la reine Blanche'; — 2^ pour une 
« maison contenant plusieurs corps d'hôtel, assise sur la rivière, 

< ouvrouer sur la rivière, quai, maison sur icelluy, assis auprès 
« de ladite rivière, contenant une petite partie et portion de 
c marets, estant portion de ladite maison jusques au jardin des 

< Cordelières, appelé Paradis, tenant à François Gobelin, etc.^; > 
— 3® pour une maison sise rue des Marmousets, tenant à Jean 
Gobelin, d^une part, d^autre à François Gobelin, i>ar derrière à 
Catherine Langlois', la veuve de leur oncle Jean. 

Cette dernière maison d,e la rue des Marmousets est vendue à 
François Gobelin le 6 octobre i5i6^ 
A partir de ce moment, le nom de François Gobelin ne figure 

1. Arch. nat., S 19224 et S 1946^, fol. 10 v*. 

2. Arch. nat., S 1925^ 

3. Arch. nat., S 1947s fol. i5. 

4. Arch. nat., S 1947*, fol. i3 ▼•. 

5. Arch. nat., S 1947s fol. 12. 

6. Arch. nat, S^ 1940^ fol. 26 r*. 



TEINTUBIlIlf SN iCARLATB. 3f 

plus sur les registres, tandis que celui de son frère Jean reparaît 
encore ju3qu*ea i53o : 

i5i6, acquisition par Jean Gobelin, de Mathurin Dauvergne, 
d'un quartier et demi de saussaies, au lieu dit les Filles-Dieu ^ 

i5ao, cession par lui faite k MM. de Saint^Marcel d^une 
maison siae Grand'ruei k l'enseigne de la Corne-de^Cerf, Le 
moulin de Croulebarbe se trouve mentionné dans l'acte'. 

En 1 521, le i5 novembre', un traité est passé entre les habi- 
unts de Saint-Marcel, les marguilliers de Saint- Hippolyte et de 
Saint-Martin, d*une part, et le s' Jean Gobelin, teinturier en 
écarlate, d'autre pan, traité par lequel ledit Gobelin délaisse aux 
habitants de Saint-Marcel : i® le droit de passage et de chemin 
sur une pièce deThéritage à lui adjugé sur une nommée Pierrette, 
par sentence du Cbâtelet de Paris rendue le 8 juin iSii, ledit 
héritage sis sur le grand chemin de Villeneuve, tenant, d'une 
part, la clôture de Jean de Peutreou de sa veuve, et, d'autre part, 
ledit Gobelin ; d'un bout, le grand chemin, d^autre bout, Tabreu- 
voir joignant les pâtis dudit Peutre; 2^ l'usage et pâturage d^un 
arpent de pré en une pièce, à lui appartenante, entre le moulin de 
Croulebarbe et lesdits pâtis, tenant, d'une part, ledit Jean Gobe- 
lin, d'autre part, la veuve et héritiers de Jean Gobelin (celui qu'on 
désigne sous le nom de Jean Gobelin rainé). 

En échange, les habitants de Saint-Marcel cèdent à notre Jean 
Gobelin la jouissance et possession des fossés de Saint-Marcel à 
prendre depuis le coin de Tétable étant au jardin de Catherine 
Langlois jusqu'au coin du jardin appartenant à Jean Gobelin et 
à Jean Robillard, contenant de longueur 47 toises, et de lar«* 
geur comme le lieu le compone, à la condition expresse que Jean 
Gobelin laisserait sur lesdits fossés, en l'endroit le mieux avisé et 
pour toujours, un chemin commun de 9 pieds pour &ciliter aui^ 
habitants le moyen d'aller à l'abreuvoir sans le pouvoir changer. 

Le chapitre ratifia, le i5 février i525, cette convention, moyen* 
nant un cens annuel de 8 deniers à la charge de Jean Gobelin. 

Par acte subséquent, daté aussi de i525^, notre teinturier s'en- 
gagea ne rien modifier à la forme des fossés, à les entretenir dans 
leur état, etc, 

1. Arch. luit., S^ 1940I, fol. 21 r. 

s. Arch. nat., S* 1937, fol. jS r*, «t zçiS». 

3. Arch. nat., S* 1932* et 1925B. 

4. Arch. nat., S ig25B et S* 1937B, fol. 229. 



32 LfiS GOBEUN 

Par le nombre des copies et ratifications de cet échange, on peut 
juger de son importance. L^une de ces transcriptions donne le nom 
des personnes qui traitaient comme représentants des habitants de 
Saint-Marcel. Il n'est pas sans intérêt de les signaler ici. Au pre- 
mier rang figure le propre frère de Jean, François, puis ce sont 
les marguilliers de Saint-Hippolyte : Guillaume Lescuyer, Roger 
Charles et Jean Voireau, enfin maître Jean Canaye, un des voisins 
des Gobelins, et Christophe Rondel, maire de la justice de Saint- 
Marcel. Notons encore que notre Jean Gobelin annonce formelle- 
ment son intention de faire bâtir sur l'héritage joignant les fossés 
en question c un ouvrouer servant à tainturiers^ > 

La même année i525, le 5 août^ notre teinturier vend à son 
frère François une maison « contenant plusieurs corps d'ostelz 
c assis rue de Bièvre, ouvrouer sur la rivière, quay, maison sur 
c icelluy, édiffiée de neuf, puys, cisterne, court, lieux, apparte- 
c nances, aisances, ainsi qu'il se comporte, assise au cos^ de la 
c rivière de Bièvre^ en laquelle maison est la porte et l'entrée du 
« lieu oti icelluy Gobelin est à présent demeurant, avec une petite 
c partie et portion de mares étant devant portion de ladite mai- 
« son, à la prendre depuis le jour de la vieille huisserie jusqu'au 
t jardin des Cordelières, appelé Paradis, tenant, d'une part, à 
« François Gobelin, et, d'autre part, aux Cordelières. » 

Les meubles se trouvant dans la maison sont compris dans la 
vente >. Cet immeuble a été décrit plus haut comme étant occupé 
par François dès 1 5 14 (p. 3o), car, à cette date, l'occupant payait au 
chapitre les redevances dues parce fonds. On voit ici qu'il ne Tacquit 
qu^en i525. N'insistons pas sur toutes les opérations d'achat ou 
de vente passées par Jean Gobelin entre 1 525 et 1 5 3o. On se perd 
dans ces négociations compliquées ; elles donnent toutefois cette 
impression que notre teinturier était sans cesse occupé à augmen- 
ter des propriétés déjà fort étendues; elles prouvent en même 
temps la prospérité de son industrie, le succès de son commerce. 

S'il était besoin d'autres témoignages de la brillante fortune de. 
Jean Gobelin, on les trouverait dans les adjonctions incessantes 
faites aux anciennes constructions. 

C'est, en i526, la construction d'un quai en forme d'échafaud 

1. Ceci est à rapprocher d'un tableau généalogique portant la mention : 
c Jean Gobelin, seigneur de la Tour, qui bâtit la maison d'en haut » (Bibl. 
nat., ms. fr. 29862). 

2. Arch. nat., S* 1940I, fol. 55 r* et 58 V. 



TBINTURIBRS BN jfCARLATE. 33 

sur la rivière, le long d^un corps d'hôtel joignant la rivière, entre 
la maison de Nicolas Mignart, appartenant à Jean Canaye, et 
celle de feu Jean Gobelin^ 

Le a8 janvier i527, acquisition par adjudication au Châtelet 
de Paris de tout un lot de maisons et de terres ayant appartenu à 
Nicolas Dufour'. En voici Ténumération : 

i^ Une maison sise rue Mouffetard, à Vtnstignt deVArbaleste. 
Cest probablement renseigne qui a donné son nom à la rue de 
l'Arbalète encore existante. 

2** Trois arpents de terres labourables sur le chemin de Gen- 
tilly et Arcueil. 

3« Des terres sur le chemin de Notre-Dame-des-Champs. 

4<> Uq demi-quanier de terre au lieu dit Babilonne^ près les 
saulsaies, tenant d'une pan audit Jean Gobelin, de Tautre aux 
religieuses Cordelières; aboutissant d'un bout aux saulsaies et 
d'autre bout, par bas, aux terres de Saint-Victor. 

5* Autre pièce de terre de trois quartiers et demi, tenant d'une 
part à la terre du doyenné dudit Saint-Marcel, d^autre part audit 
Gobelin et autres. 

6* Demi-arpent de terre assis au terroir du Trou-Saint-Georges, 
tenant d^une part audit Gobelin, d'autre part à Saint- Victor; 
aboutissant d'un bout aux saussaies, de l'autre au chemin d'Ivry. 

7* Sept quartiers environ audit Trou*Saint-Georges, tenant des 
deux côtés à divers^ aboutissant d'un bout à sept quartiers audit 
Gobelin, d^autre bout sur le chemin d'Ivry. 

8« Trois quaniers, tenant d'une part aux héritiers feu Thi- 
baut Oudart, d'autre part audit Gobelin; aboutissant d'un bout 
sur le chemin d'Ivry, d'autre bout à la terre de la communauté 
de l'église Saint-Marcel. 

9* Un demi-arpent de terre, tenant d'une part audit Gobelin, 
d'autre part aux héritiers Canaye; aboutissant d'un bout au che- 
min d'Ivry, de l'autre à plusieurs terres. 

lo» Trois quartiers et demi de terre au terroir dudit Saint- 
Marcel, au lieu dit Cul-Rosti, tenant d'une part audit Gobelin, 
d'autre pan à plusieurs autres; aboutissant d'un bout à la terre 
de ladite communauté de Saint-Marcel, et d'autre bout au chemin 
aux Meuniers ; aboutissant d'un bout à la rivière de Seine et de 
Tautre à plusieurs terres. 

1. knh. nat., S igaSi et S* I947^ fol. i6i ▼*. 

2. Arch. nat.y S* 1940I, fol. 100 ▼*• 



34 LSS GOBBLIN 

II'' Trois quartiers trois perches, au lieu dit Port-Jamet, 
tenant d'une part audit Gobelin, d^autre à Saint- Victor; aboutis- 
sant d^un bout sur la rivière et d^autre à plusieurs terres. 

Et ce n'est pas tout. L'adjudication comprend encore d^autres 
propriétés à Gentilly et à Villejuif, dont il est superflu de donner 
ici rénumération. 

Cette acquisition considérable confirme ce que nous ont déjà 
foit savoir les précédents contrats passés par Jean Gobelin. Sans 
cesse occupé d'arrondir ses domaines, il en est arrivé à compter 
parmi les gros propriétaires du faubourg. 

On se plaint aujourd'hui de l'extrême division des héritages. 
L^exemple que nous avons sous les yeux montre que ce morcelle- 
ment de la propriété foncière remonte loin. 

Au cours de la même année 1S27*, notre Jean Gobelin se rend 
encore acquéreur d'un quartier et demi de terre au lieu dit U 
Cerisaie; mais cette nouvelle acquisition ne parait pas cette fois 
contiguë aux biens quHl possède déjà. 

Une permission d'établir un quai sur la Bièvre, octroyée à 
Jean Gobelin en 1 528 ^, entre dans certains détails bons à rappeler 
pour fixer la topographie du quartier. Il obdnt donc l'autorisa- 
tion d'établir un quai sur la rivière « à l'opposite de la cour de U 
« maison dudit Jean Gobelin, qui fut à feu Nicolas Le Panne- 
c tier, en tirant vers le moulin de Croulebarbe, par delà les fon- 
« taynes et joignant Tabreuvoir dudit Saint Marcel, de la Ion- 
« gueur de i3 toises 2 pieds, traversant en hauteur compétente 
c par dessus ladite rivière jusque sur la berge d'icelle (serait-ce 
c un pont?) à l'opposite de ladite cour et devant le pré de feu 
c Jean Le Peultre, le palis dudit Saint Marcel entre ledit pré et 
a ladite berge...; il sera tenu entretenir et faire faire icelle berge 
« de pierre de taille à ses propres cousts, en sorte que Teau d'icelle 
c rivière ne se puisse perdre, et délaissera 10 pieds ou environ de 
« largeur d'un mur jusques à autre pour le cours d'icelle rivière; 
« sur laquelle berge il pourra élever pilliers de pierre, si bon lui 
« semble, pour contenir ledit quai, qui ainsi sera fait sans aucu- 
c nement empêcher le cours de ladite rivière, ne le chemin et voie 
c publique étant du costé de ladicte berge. » 

Toutes ces indications si vagues dans les contrats se précisent 

1. Arch. nat., S* 1940^, fol. 83. 

2. Arch. nat.y S iqiSb. 



tumtueiers en écarlate. 35 

et s'expliquent avec un plau^ quelque sommaire qu*il soit, comme 
nous le venons tout à l'heure. 

Terminons avec les acquisitions de terre de notre opulent tein- 
turier, véritable marquis de Carabas du quartier Saint-Marcel. 

Au cours de Tannée 1 528, nouveaux achats de plusieurs arpents 
de terre sur le territoire de Gentilly, au lieu dit le Trou-Saint- 
Georges, déjà cité lors de l'importante adjudication de iSaj^ 

Autre acquisition, la même année', d'un quartier et demi, au 
lieu dit le Font-Arabit, contigu aux terres de l'acheteur. 

Un Jean Gobelin, dit Taîné, probablement celui qui nous occupe 
en ce moment, se rend acquéreur, en 1529', de 40 sous tournois 
de rente sur une maison, cour et jardin, sise rue MoufTetard, à 
l'enseigne de la Doulouer, contiguë à d^autres propriétés de l'ac- 
quéreur. 

Autre achat, en i53o, par Jean Gobelin, de trois quartiers de 
vigne au lieu dit le Bas-Bréaut, contigus à des terres lui appar- 
tenant déjà '*. 

Enfin, en 1 529, notre < marchand teinturier en écarlate acquiert 
par décret une maison, cour et jardin, situés à Saint-Marcel, en 
la grand'rue près la porte des Champs, tenant d'une part à la 
veuve Paulin- Bassot^ d'autre part aux murs de la clôture Saint- 
Marcel; aboutissant par devant à la grandVue, par derrière aux 
terres de la reine Blanche *. » 

Après i53o, le nom de Jean Gobelin, fils de Philibert, dispa- 
rait à peu près définitivement des terriers et censiers de Saint- 
Marcel, car il est peu probable que ce soit lui qui figure sur un 
échange porunt la date de i55o*. 

Notre Jean, seigneur de la Tour, fils aîné de Philibert, avait eu 
de sa femme Marie ^ Le Lorrain neuf enfants, énumérés dans la 
généalogie de la famille' : 

I* Philibert^ marié à Jeanne Foubert. Il devint secrétaire dû 

I. Ârch. nat., S* 1940I9 fol. 96 ▼*. 
a. Arch. nat., S* 1940I, fol. 96. 

3. Arch. nat., S* 1940S fol. 109 r*. 

4. Arch. nat., S* 1940^, fol. iSy. 

5. Arch. nat., S* i94oS fol. ii5 v*. 

6. Arch. nat., S* 1936, fol. 70 ▼*. 

7. Certains textes lui donnent le nom de Jeanne, d'autres celui de Gene- 
viève (voy. ci-dessus, p. i3). 

8. Ms. fr. 29862. 



36 LES GOBELIN 

roi en 1573 et résigna ses fonctions en 1584. Ce Philibert ne doit 
pas être confondu avec le fils de Jean Gobelin Taîné, mari de 
Catherine Langlois (voy. ci-dessus, p. 12), qui soutint contre les 
Cordelières le procès dont on va parler tout à Theure. Celui-ci est 
le troisième du nom de Philibert. 

2® Jean. 

3« Pierre. 

4^ Jacques, nommé correcteur des comptes le 23 mai i536, 
époux de Blanche Marentin, fille de Charles Marentin, conseiller 
du roi et contrôleur général des monnaies, et de Jeanne Prévost. 

Jacques Gobelin est l'auteur de la branche la plus illustre de la 
famille, dont on trouvera le détail plus loin (p. 32). 

5® Nicolas. 

6® Catherine. 

7® Denise, mariée à Jean Godard. 

8» Marie, femme de chambre de Marie Stuart, mariée à Jean 
Poliet, puis à René Legrand, valet de chambre de la reine de 
Navarre. 

9® Claude, épouse de Nicolas Godefroy, fut, comme on le verra 
plus loin (p. 45), nourrice du roi François II. 

Descendants de Jacques Gobelin et de Blanche Marentin : 

1® Balthazar, qui épouse Anne de Raconis et meurt le 8 juillet 
16 17. Il occupa divers emplois de finances et s'éleva aux postes 
les plus élevés, car il devint président en la Chambre des comptes. 
On reviendra ci-après sur cet important personnage et sur ses 
descendants. On trouvera la liste de ses enfants ci-après, 
pages 52-53. 

2® Pierre. Il fut trésorier de France à Rouen. 

3® Geneviève, qui épousa Jean du Plessis, seigneur de la Saus- 
saye, avocat au Parlement, dont elle eut Pierre du Plessis, 
conseiller au Châtelet, et Balthazar du Plessis, Pun des gentils- 
hommes de la maison du roi en 1517. 

4** Jacques. Il devint conseiller au Parlement en iSgo et lieute- 
nant général au bailliage de Tartillerie de France. Il avait épousé 
Esther Le Féron, qui était veuve en 1617. 

Procès des Gobelin et des Cordelières. 
En 1539, un procès éclatait entre les principaux représentants 



TEINTURIERS EN iCARLATE. Sj 

de la famille Gobelin et leurs voisines les Cordelières. D^un côté 
figurent Philibert Gobelin, assisté de ses frères Pierre et Jacques*, 
tous trois fils^ comme on Ta vu plus haut, de Jean Gobelin, 
deuxième du nom, et de Catherine Langlois, et par consé- 
quent petits-fils du premier auteur de la famille. Les parties 
adverses, les religieuses Cordelières, avaient actionné devant 
le Parlement de Paris leurs voisins, les teinturiers, pour un de 
ces motifs bien futiles en apparence, qui, en réalité, furent de 
tout temps le point de départ d'interminables discussions et de 
procès coûteux. 

Par leurs incessantes acquisitions de terres, prés et saussaies, 
les Gobelin occupaient de vastes espaces de terrain coupés par des 
fossés et enserrés entre les deux bras de la Bièvre, au-dessous du 
moulin de Croulebarbe. C'est à peu près remplacement sur lequel 
s'étendent encore aujourd'hui les jardins extérieurs de la manu- 
facture. Cette situation met nos teinturiers en contact immédiat 
avec la propriété des religieuses Cordelières. Certains murs sont 
même mitoyens. On peut discuter indéfiniment sur ces questions 
de voisinage; tout est indécis en pareille matière. Les préten- 
tions des parties s'appuient, la plupart du temps, sur des argu- 
ments si vagues, — usage ancien, possession d'État, — qu'on a 
grand'peine à démêler le droit de chacun au milieu des asser- 
tions contradictoires. 

Tel paraît avoir été le fond du procès des Gobelin et des 
Cordelières'. N'étaient les détails précis contenus dans les pièces 
de procédure, les renseignements fournis sur l'état-civil des par- 
ties, et par dessus tout ces plans d'une époque pour laquelle on 
possède si peu de documents graphiques sur les quartiers excen- 
triques, cette discussion mériterait à peine de fixer l'attention. 
Si le fond même de l'affaire ne présente plus qu'un faible 
intérêt, il en est tout autrement des développements topogra- 
phiques et de divers autres détails contenus dans les pièces de 
procédure. Surtout les quatre plans, tracés assez naïvement sur 
de belles feuilles de parchemin et grossièrement coloriés, sont 
pour nous d'un prix inestimable^. Les dessinateurs montrent 
beaucoup d'inexpérience. Ils ne se sont pas donné grand mal 

1. Arch. nat., XIA1542, fol. 339 ^' 

2. Voy. les Pièces justificatiTes G, H, I, K, L, M. 

3. Dans le carton coté $4682-3 des Arch. nat. 



38 LBS GOBELIN 

pour tracer une image fidèle des lieux. Évidemment, ils n^ont 
guère eu souci de mettre leurs dessins à Téchelle et de respecter 
les distances. Nous avons deux représentations des mêmes bâti- 
ments et elles varient considérablement. Tout cela n'est pas, au 
fond, d'une grosse importance. 

Il y a plus : sur les diverses feuilles de parchemin, les fos- 
sés, les cours d'eau ne paraissent pas occuper le même empla- 
cement, avoir la même largeur, la même longueur. Les points 
essentiels du débat ne semblent pas orientés de même sur les 
divers documents. Qu'importe? Ce qui &it Tintérét de ces des- 
sins, c^est d'y rencontrer, d'une part, dans l'ordre oti ils se pré- 
sentent en suivant le cours de la rivière : le moulin de Croule- 
barbe, puis la maison des Peultre, séparés de l' c ancienne maison 
et ouvrouer de feu Jehan Gobelin • par Pabreuvoir, situé à la place 
où se trouve aujourd'hui l'embranchement de la rue Croulebarbe 
et de la ruelle des Gobelins, enfin la maison des Canaye, ces voi- 
sins et alliés des Gobelin, dont la demeure occupe exactement 
remplacement des bâtiments désignés aujourd'hui sous la déno- 
mination de maison de la reine Blanche. 

Voici pour la rive droite du cours supérieur de la rivière. Sur 
Tautre rive se présentent successivement le jardin des Peultre, en 
face de leur habitation, et le jardin des Gobelin, séparé du pré- 
cédent par une haie, puis le « quartier de saussaye baillé par les 
c Cordelières à Philibert Gobelin par eschange; » à la suite de 
cette saussaie, un fossé dit « le fossé contencieulx, » au delà 
duquel s'étend le jardin des Cprdelières, entouré de toutes parts 
de fossés qui forment la limite du jardin des Peultre comme de 
celui des Gobelin. Plus loin sont indiqués l'étang des Cordelières 
et leur église, entourée des bâtiments du monastère. 

S'il ne subsiste plus rien du couvent des religieuses, dont la 
rue dite des Cordelières garde seule le souvenir, les anciens jar- 
dins des Peultre et des Gobelin constituent la majeure partie des 
terrains occupés et cultivés par les tapissiers de la manufacture 
actuelle. Seulement, l'aspect des lieux a changé depuis les qua- 
rante dernières années^ bien plus peut-être qu'au cours des quatre 
siècles antérieurs. Ainsi, la Bièvre qui séparait naguère les mai- 
sons de nos teinturiers, puis les bâtiments de la manufacture, des 
jardins situés sur la rive gauche, a disparu peu à peu. Toute la 
section longeant la rue Croulebarbe a été couverte et transformée 
en égout souterrain en 1896. Une trentaine d'années auparavant. 



TBINTURnSRS BN âCARLATE. Sq 

on avait traité de la même manière la partie de la rivière située 
entre les bâtiments et les jardins de la manufiacture. Avant Tezé- 
cution de ces travaux, un pont reliait les logements des tapissiers 
aux terrains de l'autre rive. Ce pont, beaucoup des vieux habi- 
tants de la maison Font connu et se le rappellent parfaitement. 
Malheureusement, il n'en a été conservé aucun dessin. Or, sur 
un des plans du xvi* siècle paraît un pont couvert, ainsi dési-^ 
gné sur le document : « La gallerie et privée contencieulx » ou « la 
traverse et gallerie entreprinse. » Cette galerie aboutit tout auprès, 
mais en dehors du quartier de saussaie, cédé par les Cordelières 
à leurs voisins. Une communication entre les bâtiments d^habi- 
tation et les jardins situés de Tautre côté de la Bièvre était indis- 
pensable. Impossible de s^en passer. L*extrémité de ce pont de 
jonction semble aboutir à un fossé que les eaux de la rivière 
devaient constamment remplir. Évidemment, nos teinturiers 
ont cherché à se procurer un passage plus praticable, peut-être à 
combler le fossé. De là le procès, les plaidoiries, les arrêts dont 
les registres du Parlement ont conservé le copieux détail. 

Ces arrêts sont au nombre de six; le premier, qui est le plus 
étendu, porte la date du 12 août iSSg; le dernier est du 24 no- 
vembre 1543. Encore n^oserions-nous pas affirmer que les pro- 
cédures en restèrent là'. En fin de compte, Philibert Gobelin 
semble avoir perdu son procès, non qu'il ait été réduit à raser des 



I. Sans entrer dans Fanaljrse de la procédure longue et compliquée, 
comme toujours en pareille matière, nous constaterons que Philibert Gobe- 
lin et ses frères Jacques et Pierre paraissent avoir joué un rôle assez 
pileux devant le Parlement, et ils s'en tirèrent à bon compte. Sans insister 
sur rincident de la récusation du conseiller Tronsin, qui fit condamner 
Pierre et Jacques Gobelin à 10 livres pariais d'amende pour avoir c indis- 
crètement » proposé cette récusation, il semble bien résulter des plaidoi- 
ries comme des interrogatoires des parties que, dès le début, Philibert avait 
reconnu le droit des religieuses et sollicité d'elles comme une faveur la 
permission de se clore et d'ouvrir une porte dans la clôture, aux condi- 
tions qu'il leur plairait de fixer. Puis, revenant sur son engagement, il fit 
changer la serrure dont il avait remis une clef aux religieuses pour leur 
laisser l'accès de leur maison. Mais, se voyant dans une très fausse situa- 
tion, il aurait mis en avant ses frères Jacques et Pierre, d'après lesquels 
Philibert aurait pris des engagements pour eux sans en avoir le droit, 
n'étant pas propriétaire du terrain en litige. Tout se résume donc en une 
question de bonne foi, et la question fut tranchée au profit des Corde- 
lières. Nous n'avons pu retrouver qu'une partie des actes de la procédure; 
mais cela sufiit pour juger la véritable situation. 



40 LES GOBBUN 

murs, à détruire des ouvrages édifiés par lui ; mais la G>ur, i 
naissant que les Cordelières Font autorisé à « faire une mi 
huisserie, porte et clefz en la muraille (mitoyenne) par pr 
souffrance, » décide que ledit Gobelin devra bailler aux religie 
dans la huitaine de Tarrét, à leurs gens et serviteurs, uo 
pour aller et venir, passer et repasser toutes et quantes foi^ 
bon leur semblera c et à la charge de pouvoir faire par lu 
c demanderesses abattre et démolir ladite muraille et hu 
c toutes les fois qu^il leur plaira, » le tout sous peine de looj 
parisis d'amende, faute d'avoir exécuté Tarrét dans le dé 
Philibert est de plus condamné aux dépens. Mais, si la [ 
série judiciaire, les dits et contredits des parties et même lel 
oratoire des avocats n'offrent pour nous qu'un faible infi 
curiosité, il n^en va pas de même des plans qui figuraient j 
les pièces de procédure*. 

Au nombre de quatre, ces plans présentent les lieux 
aspects bien différents; leur orientation même laisse 
désirer, et j'imagine que les bons conseillers devaient mettre] 
coup de bonne volonté pour interpréter les détails cont 
de ces documents graphiques. Encore, à l'aide des légendes, i 
t-on à peu près à s^en tirer; dans tous les cas, les prétentio 
deux adversaires, inscrites ou plutôt résumées, selon un 
usage, en marge d'un des plans, devaient plonger les \ 
dans une certaine perplexité, car, si les affirmations sont < 
dictoires, les preuves à l'appui sont vagues et sujettes à cou 
tion. On en jugera mieux, d'ailleurs, par la reproduction dij 
de chaque plaideur. 

Voici d'abord le résumé des arguments des Cordelières de 
deresses : 

Les Cordelières maintiennent que la porte contencieuse est 
sur le condoz et que icelluy condoz leur appartient, et 
doibvent la muraille et porte estans sur icelluy estre abatues. 

Maintiennent que, au long dudict condoz, y a aultresfois 
bornes qu'elles disent avoir esté arrachées par les Gobelins d^ 
huict ou dix ans. 

Que le fossé contencieux est tout à elles et ne tousche à leur $ 
à douze pieds près. , 

I. Nous ne saurions trop remercier notre confrère et ami M. Alexad 
Tuetey du concours qu*il nous a prêté avec une parfaite obligeance p 
retrouver et faire reproduire tous les documents donnés ici. 



> 



48 LES QOBELIN 

à la jeune mariée, car il lui avait déjà consenti diverses libéralités 
antérieures qu'il venait augmenter, par ce contrat de i58i, d'un 
don de 1 35 écus d'or. 

Dès 1569, Jean Gobelin Taîné, marchand teinturier à Saint- 
Marcel, avait fait enregistrer aux insinuations du Châtelet* une 
première donation en faveur de Geneviève, fille de Philibert Gobe- 
lin, cousin du donateur, présent et stipulant pour sa fille. Deux 
ans après ce premier acte de générosité, le 14 mars iSyi, Jean 
Gobelin cédait à Geneviève certaines parties de rente lui apparte- 
nant en propre depuis le décès de Catherine Langlois, mère du 
donateur^. On conçoit l'importance de cette dernière mention. 
Elle établit la filiation certaine de Jean Gobelin. Il descend direc- 
tement, par son père Jean, de Tauteur de la famille, le vieux Jean 
Gobelin de 1443. Quant à la donation de 1571, elle fixe la date 
du décès de Philibert. Il vivait encore en iSôg, puisqu'il accep- 
tait la première libéralité au nom de sa fille, tandis qu'en iSyi 
la donation de Jean Gobelin est reçue par Marie Augrain, mère 
de la jeune fille, attendu le décès de Philibert Gobelin, survenu 
entre le 3i avril iSôg et le 14 mai i5ji. 

Nouvelle donation du même à la même Geneviève Gobelin, le 
18 mai 1573, donation également transcrite au registre des Insi- 
nuations. C'est encore Marie Augrain qui comparaît tant en son 
nom que pour sa fille. La libéralité du donateur s'élève, cette fois, 
à 200 livres de rente'. 

Quatrième donation sous la date du 24 avril 1577. Il s'agit de 
diverses parties de rentes sur l'hôtel de ville, sans autre indica- 
tion. Par la même occasion, Jean Gobelin confirme les donations 
précédentes'*, confirmation de pure forme et d'usage constant. 

En 1579, ^^ ^9 novembre, Geneviève Gobelin reçoit encore 
de son généreux cousin une rente de 1 3 écus d'or deux tiers sur 
l'hôtel de ville de Paris, et éventuellement une somme de 333 écus 
un tiers qui ne sera payée qu'en cas de mariage. 

La condition mise à la réalisation de cette dernière donation ne 
tarda pas, on l'a vu, à se réaliser, puisque le contrat de mariage 
de Geneviève Gobelin et de Charles Legrand porte la date du 
18 mars i58i. 

1. 3i avril iSôg. Arch. nat., Y 109, fol. 353 f et 354 V. 

2. Ârch. nat., Y m, fol. 3a5 r*. 

3. Areh. nat., Y 1 14, fol. 96 V et 188 v. 

4. Arch. nat., Y 118, fol. 295 y* et 299. 



TEINTUMSRS EN iCàXLATK. 47 

teinturiers occupèrent auprès des princesses royales on de ces 
postes de confiance qui, tout en laissant dans Pombre leurs 
titulaires, leur procurent auprès des puissants un accès quotidien, 
assurant ainsi leur influence et leur fortune bien mieux que 
les situations plus brillantes, toujours exposées aux vicissitudes 
des événements politiques. 

Cette seconde parvenue, qui se nommait Marie Gobelin, est la 
propre sœur de Claude*. Marie prend le titre de femme de 
chambre de la reine d^Écosse, l'infortunée Marie Stuan>, dans 
son acte de mariage avec René Legrand, valet de chambre de la 
reine de Navarre, qu^elle épouse en secondes noces, après être 
devenue veuve de son premier mari, un certain Jean Poliet. 
Une donation mutuelle insérée dans le contrat de mariage des 
nouveaux époux nécessite l'inscription de l'acte dans les registres 
des insinuations au Châtelet, et c'est ainsi que le souvenir de 
Marie Gobelin, la femme de chambre de Marie Stuart, a été sauvé 
de l'oubli». 

Jean Gobelin l^aÎnâ, fils de Catherine Langlois. 

L'année même que Marie Gobelin épousait en secondes noces 
un valet de chambre de la reine de Navarre, une de ses proches 
parentes, Geneviève, devenait la femme de Charles Legrand, 
sans doute un frère ou un cousin de René Legrand, le valet de 
chambre de la reine de Navarre. Sur l'acte de mariage, Charles 
Legrand prend le titre de secrétaire de la reine mère et du duc de 
Savoie, commissaire général de Tartillerie de la marine, demeu- 
rant à Saint-Germain-en-Laye. Le contrat de mariage, daté du 
18 mars i58i ^, établit que la jeune mariée apportait en dot une 
somme assez ronde. Sa mère, Marie Augrain, veuve de Philibert 
Gobelin, décédé depuis plusieurs années déjà^ lui constituait 
1,333 écus et un tiers d'écu d'or, provenant de divers dons dont 
le principal, soit 800 écus, avait été offert par Jean Gobelin, son 
cousin. 

Le même Jean Gobelin portait une affection presque paternelle 

1. Voy. ci-dessus, p. 36. 

2. La présence de Marie Gobelin auprès de Marie Stuart s'explique tout 
naturellement par le crédit que sa sœur Claude avait dû garder sur son 
ancien nourrisson, le mari de la reine d'Ecosse. 

3. Arch. nat.y Y ia3, foi. 46. L'acte porte la date du 17 mai, 

4. Arch. oat., Y 122, fol. 429 r*. 



46 LES G<HIBLIN 

Henri et de Catherine de Médicis, venu au monde le 19 ou le 
20 janvier 1 544. Voici donc le ménage installé à la Cour, dans 
une des situations les plus enviées, ayant à tout moment, de par 
ses fonctions, accès auprès des membres de la famille royale, en 
passe enfin d'arriver à la plus brillante ft>rtune. Il fallut attendre 
quelques années la réalisation de ces espérances; mais, à peine 
montS sur le trône, le roi Henri II s'empressait de témoigner à 
la nourrice de son fils aîné une vive reconnaissance de ses soins 
dévoués. 

L^avènement du roi est du 3 1 mars et, dès le 8 juin suivant, 
ordre était donné au trésorier général des finances extraordinaires 
et parties casuelles de délivrer « à nostre chère et bien amée 
c Claude Gobelin, nourrisse de nostre très cher et très amé filz le 
t Daulphin, la somme de cinq cens escuz d^or soleil, en faveur 
c des bons et agréables services qu^elle a cy-devant faictz à nos- 
c tredict filz et faict encores chascun jour, et à ce qu'elle ait meil- 
c leur moyen de soy plus honnorablement entretenir près etalen- 
c tour de sa personne, etc.*... > 

L'acte ajoute c et ce oultre et par dessus ses gaiges et aultres 
« dons et bienfTaictz qu'elle a euz cy-devant de nous et pourra 
c avoir cy-après. » 

Moins d^un mois après la date du mandement, le 2 juillet, 
Claude Gobelin recevait les 5oo écus d'or, valant, dit la quit- 
tance qui fait partie du même dossier^ à 45 sous tournois 
pièce, 1, 125 livres tournois, somme énorme pour l'époque et qui 
montre le degré de fiiveur dont jouissait la nourrice du jeune 
Dauphin. Cette particularité intime explique le rapide avènement 
de plusieurs descendants de nos teinturiers aux postes les plus 
élevés de la magistrature et des finances. Sans contester aucune- 
ment leur mérite ou leurs aptitudes, il fellait une circonstance 
exceptionnelle, un incident heureux pour les tirer de leur obscu- 
rité, les faire sortir de leur condition tx>urgeoise. Nul doute que le 
crédit de leur parente n'ait contribué dans une large mesure à leur 
avènement. C^est ainsi que la nourrice de François II put deve- 
nir la toute-puissante protectrice des teinturiers de la Bièvre 
et préparer, par son influence à la Cour, les hautes destinées de ses 
proches. Elle ne fut pas d'ailleurs la seule femme de la famille 
qui sut se pousser à la cour, et plusieurs autres filles de nos 

I. Voy. Pièces justificatives N et O. 



ET Maue Gobbun. 

La feunîDe Gobdin caût aniTée à h plus haute &>rtune à 
Uiuelk soo onffnt et son iodosme lui pcrmisseat d'aspirer, 
et peat-én n*eàt-eUe iamais dêpané les emplois réservés à la 
boône booigiDotsîe parisien nr^ si une drooostance toute fortuite 
n'était venue ouvrir à son ambition de nouveaux horizons. 

Clauie Gobelia. fille et dernier enfuit de Jean Gobelin, sei- 
gneur de la Tour, et de Geneviève ou Marie Le Lorrain^ et par 
conséquent arriêre-petite-fiUe de Jean, le fondateur de la dynas- 
tie« avait épousé un certain Nicolas Godefroy avant i543, car, 
au cours du mois d^octobre de cène année i543, elle assiste son 
mari dans un transport consend à Pierre Noël, meunier, demeu- 
rant au moulin de Couppeaux, d*un arpent de terre près les 
saussaies de Saint-MarceL Les clauses de Tacte importent peu; ce 
qu'il nous apprend d'essentiel, c^est la date approximative du 
mariage de Claude Gobelin avec Nicolas Godefroy*. 

Nouvelle comparution de Claude Gobelin, en 1 544, à un contrat 
par lequel son mari cède à loyer à Michel Le Prost, teinturier de 
draps, moyennant douze livres tournois, la moitié d'une maison 
portant pour enseigne « le Marmouzet', > faisant partie des biens 
propres de Claude Gobelin^. Cène moitié de maison provenait de 
la succession des père et mère de Claude; l'autre moitié, sous un 
comble commun, appartenait à la veuve et aux héritiers de feu 
Jacob du Pré. Cette propriété indivise, située dans la grand'rue 
Saint-Marcel, près la pone des champs, touchait par derrière aux 
fossés Saint-Marcel. 

Dans Tacte qui vient d*étre analysé, Nicolas Godefroy prend la 
qualité de « vallet de chambre de Monseigneur le Daulphin ; » 
il s^agit du prince qui montera sur le trône quelques années plus 
tard sous le nom de Henri II. 

La place de confiance occupée par le mari contribua sans 
doute puissamment au choix fait, au cours de cette même 
année 1 544, de Claude Gobelin comme nourrice du fils aîné de 

1. Voy. ci-dessus, p. 36. 

2. Arch. nat., S* 1936, foL iSg V. 

3. Serait-ce cette enseigne qui aurait laissé son nom à la rue des Mar- 
mousets encore existante? 

4. Ârch. nat., S 192 1 a. 



44 1*85 GOBELIN 

Nos Oinaye paraissent devoir être mis au nombre des premiers 
adhérents à la religion réformée. Le distingué secrétaire de la 
Société de Vhistoire du Protestantisme français nous signale 
une lettre, datée du i3 juillet i524, signée de Jean Canaye, 
adressée à Guillaume Farel, originaire de Gap, en Dauphiné^ 
Ce personnage, après avoir été professeur au collège du Car- 
dinal Lemoine, devint un des principaux réformateurs de la 
Suisse. Jean Canaye écrit à Farel, dont il avait été l'élève, 
qu^il venait de commencer Pétude du grec et du latin (sa lettre est 
écrite en latin), afin d^acquérir une intelligence plus complète de 
PÉcriture sainte. Il avait donc embrassé les idées nouvelles et doit 
être compté parmi les premiers huguenots parisiens. 

Il est bon de noter aussi un détail tout récemment rencontré 
dans un manuscrit inédit du Journal de L'Estoile. Bernard 
Palissy, jeté à la Bastille après avoir dépassé l'âge de quatre- 
vingts ans, y mourut de faim et de misère pour avoir refusé d'ab- 
jurer ses croyances. Il se trouva cependant quelques âmes cha- 
ritables pour l'assister dans cette dure extrémité, et parmi ces 
courageux soutiens du noble martyr se rencontre le nom d*un 
Canaye'. Ce n'est pas, certes, le moindre titre de noblesse de 
cette famille qui a joué de son temps un rôle que nos Gobelin 
ont fait complètement oublier. Il est vrai que les Canaye n^eurent 
pas la bonne fortune d'avoir pour successeurs les fondateurs d^une 
de nos plus glorieuses industries d'art. 

Si les Peultre, comme les Gobelin, avaient un jardin sur la 
rive gauche de la petite rivière qui les séparait du domaine des 
Cordelières, les Canaye ne semblent pas avoir joui du même 
privilège. En face de leur habitation s'étend le mur du jardin des 
religieuses. Ils ne possédaient pas, d'ailleurs, de galerie ou pont 
sur la rivière faisant communiquer la maison d'habitation avec 
l'autre rive, tandis qu'un passage couvert, une galerie joint, comme 
on Pa dit plus haut, les deux côtés de la Bièvre vis-à-vis de la 
teinturerie des Gobelin. 

1 . Cette lettre se trouve à la Bibliothèque nationale, dans l'ancien fonda 
Dupuj, où M. Weisa l'a découverte. 

2. Bull, de la Soc. du Protestantisme français, i5 oct. 1901, p. 543. 



TEINTURintS EN iCARLATE. 43 

Les Canaye avaient des relations d'a&ires très étendues. Une 
de leurs sœurs épousa un négociant d^ Anvers, nommé Haffe- 
mans^ Ils possédaient des représentants en différentes villes de 
France, et Tun de ceux-ci, à la suite d'un procès criminel, fut con- 
damné à mort et exécuté à Toulouse en i568^. 



passage du c Registre d'emprunts forcés, fetts par ordre de la reine mère 
Catherine de Médicis pendant les mois d'août-décembre i36a » (manuscrit 
in-fol. de 38 ff.)» renseignement qui nous a été très obligeamment com- 
muniqué par M. Petrovitch : 

a Le 7 octobre 1 56a : A honorables hommes, M** Jehan et Pierre Canaje, 
frères, marchans, demeurant à Saint Marcel lez Paris, la somme de 
i,8oo livres tournois, de laquelle ils ont faict prest à ladicte dame, royne 
de France dessus dicte, laquelle somme, du consentement desd. s'* procu- 
reurs, a esté en la présence des notaires soubzcriptz, comptée et nombrée 
comptant par les mains de honorable homme Jehan Gobelin, aussi mar- 
chand, demeurant audit Saint Marcel, en 6oo écus sol., à 5i sols pièce, 
6o angelotz, à 4 livres 4 sols pièce, et le reste monnaye, des deniers prove- 
nuz de la vente aujourd'huy faicte audit Gobelin par honorable homme, 
M* Jacques Canaye, advocat en la Court de Parlement, comme procureur 
desdits Jehan et Pierre Canaye, ses frères, de i5o boestes de pastel ausdits 
M*' Jehan et Pierre Canaye appartenant, es mains de noble homme Raoul 
Moreau, conseiller, etc. » 

Ainsi, Jacques Canaye a vendu pour le compte et au nom de ses firèros 
Jean et Pierre, marchands (teinturiers) à Saint-Marcel, cent cinquante bottes 
de pastel servant à la teinture, à Jean Gobelin, aussi teinturier à Saint- 
Marcel, au prix de 1,800 livres tournois, et les vendeurs, au lieu de tou- 
cher directement cette somme, chargent l'acheteur de la verser en leur 
nom, à titre de prêt, à la reine mère Catherine de Médicis. Nous avons là 
un nouvel indice des relations intimes et fréquentes de nos teinturiers de 
Saint-Marcel avec les plus hauts personnages de la cour. D'ailleurs, dans 
notre étude sur Tapothicaire parisien Nicolas Houel, fondateur de la Mai- 
son de la Charité chrétienne au faubourg Saint-Marcel, nous avons signalé 
la protection accordée par la femme de Henri III, Louise de Lorraine, et 
aussi par la reine mère Catherine, à certaines fondations pieuses de notre 
quartier. 

Il est à remarquer aussi que cette somme de 1,800 livres d'emprunt 
forcé, à laquelle les Canaye furent taxés en i562, indique que leur fortune 
atteignait dès lors un chiffre élevé, car, dans le même registre, les duchesses 
d'Étampes et de Valentinois ne sont imposées que de 1,200 livres. La diffé- 
rence est caractéristique. N'avaient-ils pas consenti ce prêt pour s'assurer 
l'appui de la reine s'ils venaient à être inquiétés pour leurs croyances reli- 
gieuses ? 

1. Bull, de la Soc. du Protestantisme français^ i5 déc. 1898, p. 669. 

2. Ch. Pradel, Mém. de VAcad. des sciences ^ inscriptions et belles-lettres 
de Toulouse, 1889-90, tirage à part (28 et 40 p.). L'article porte ce titre : 
Un marchand de Paris au XVI* siècle. 



41 LES GOBBLIN 

Tendroit où commence aujourd'hui la ruelle des Gobelins. Immé- 
diatement après cette dépression de l'abreuvoir se présente une 
succession de pignons un peu différents sur les deux plans qui 
les représentent, mais désignés, sur Tun comme sur Tautre, sous 
le nom de maison des Gobelin. Le pignon le plus rapproché de 
Tabreuvoir est signalé comme « ancienne maison et ouvrouer de 
c feu Jehan Gobelin. » De quel Jehan Gobelin le plan veut-il 
parler? Nous en avons déjà rencontré trois au moins : Jean l'an- 
cien, Fauteur de la dynastie, son fils puîné, dit Jean Taîné, le 
mari de Catherine Langlois ; enfin Jean le jeune, seigneur de la 
Tour, fils de Philibert. Il semble probable qu'il s'agit ici du chef 
de la famille, de Jean Tancien. Par suite, le pignon portant l'ins- 
cription rapportée ci-dessus aurait été le siège du premier établis- 
sement de nos teinturiers. 

Sans doute, le dessin du plan ne présente qu'une image assez 
confuse des bâtiments du xvi* siècle; encore peut-on reconnaître 
à certains détails, tels que ce pignon trilobé, voisin de la galerie 
couverte, une certaine préoccupation d'exactitude. 

Ces pignons désignés comme la maison des Gobelin corres- 
pondent exactement aux bâtiments actuels de la manufacture, de 
même que ceux qui portent la légende « maison des Canaye » 
occupent l'emplacement où s'élèvent aujourd'hui les dépendances 
de l'immeuble dit de la reine Blanche. Ce serait donc la famille 
des Canaye qui aurait élevé, vers le commencement du xvi« siècle, 
les anciens bâtiments dont il a été question plus haut et qui pas- 
sèrent par erreur pour l'ancienne demeure d'une reine de France. 

La Famille des Canaye. 

Les Canaye n'avaient rien à envier à leurs voisins immédiats. 
Ils virent comme eux leur industrie prospérer et parvinrent à 
la considération que donne la fortune acquise par le travail. Des 
alliances entre les Gobelin et leurs voisins établirent des liens 
étroits entre les deux familles; elles payèrent aussi leur dette aux 
idées nouvelles, en fournissant l'une et l'autre des adhérents à 
la Réforme, ce qui explique qu'une partie de l'état civil de 
nos teinturiers se soit retrouvée dans les registres du temple de 
Charenton*. 

1. Nous trouvons les deux familles Gobelin et Canaye déjà intimement 
liées au milieu du xvi* siècle. Ces relations d'amitié sont révélées par un 



TEINTURIERS EN &:ARLATE. 4I 

Que la haye faictc sur le bort d'icelluy par les Gobelias est fichée 
en partie dedans leur muraille et sur le condoz susdit. 

Pour raison de tout ce ont formé diverses instances possessoires, 
hors mise celle des bornes que a esté commencée par extraordinaire 
et depuis convertie en ordinaire. 

A ces assertions, Tavocat des Gobelin réplique : 

Les Gobelins ont soustenu partout possessions et ùâctz contraires. 

Y a eu enquestes faictes de par et d^aultre. 

Les Cordelières, combien qu*il fut question de choses notoires par 
tout le faulxbourg Sainct Marcel, ont faict examiner tesmoings leurs 
serviteurs domestiques et vivans de leur pain, ou pauvres mandians 
logez en leurs louaiges et vivans de leurs aulmosnes, comme apperra 
par les reproches baillées contre eulx par les Gobelins. 

Les Gobelins, au contraire, n'ont faict examiner que gens de aorte 
non rcprochables, et par iceulx pensent avoir prouvé leurs possessions 
et faictz. 

Quant aux Cordelières, elles n'ont produict aucun tiltre parce 
qu'elles n'en eurent oncques. 

Les Gobelins en produisent plusieurs anciens, portans que leurs 
prez joignent aux murailles des Cordelières. 

Sera prouvé, si besoing est, par voix commune de Sainct Marcel, 
que jamais sur le condoz n'y eust de chemin et n'y passèrent oncq 
les Cordelières, ny leurs gens, pour aller en leur maison; mais veulent 
à présent usurper Icdict lieu, dont elles n'ont que faire, sur lesdictz 
Gobelins qui y ont très grant interest parce que leur pré et jardin 
seroient descloz et perdroient plus d'ung dcmy arpent de pré de leur 
heritaige qui leur demoureroit quasi inutile par ce moyen. 

Sur le procès pendant devant le Parlement les plans des jar- 
dins sont peut-être fort instructifs; mais combien plus intéressants 
aujourd'hui sont ceux qui nous donnent la situation des bâti- 
ments alignés sur la rive droite de la Bièvre et remplacement pré- 
cis des trois maisons des Peuhre, des Gobelin et des Canaye! 

Comme les Gobelin, les Peuhre exercent le métier de teintu- 
riers; leur atelier ou « ouvrouer » est situé un peu au-dessous du 
moulin de Croulebarbe, en amont de l'abreuvoir qui les sépare 
de la maison des Gobelin. Sur la rive gauche de la rivière, ils pos- 
sèdent un terrain confinant à celui des Gobelin et au grand jardin 
des Cordelières. Leur nom s'est rencontré plusieurs fois dans 
Ténumcration des propriétaires coniigus aux Gobelin. 

Entre les Peuhre et nos teinturiers, la rue Croulebarbe descend 
en pente douce jusqu'à la Bièvre pour former un abreuvoir à 



r 



TRINTURIERS EN éCARLATE. 49 

Si Geneviève Gobelin doit être considérée comme une riche 
héritière, son mari possédait de son côté une large aisance. 
Le père de Charles Legrand, greffier de la gruerie de Saint-Ger- 
main-en-Laye, lui avait constitué en dot une maison, avec ses 
dépendances, sise à Tillancourt, près de Saint-Germain-en-Laye, 
valant 400 écus d^or*. 

L'union conclue sous de si brillants auspices n^eut pas une 
longue durée. En 1 587, Geneviève Gobelin, veuve de Charles 
Legrand, qualifié alors commissaire de la marine, épousait en 
secondes noces Charles Duval, notaire es cours ecclésiastiques de 
Paris, demeurant cloître Notre-Dame. Le contrat porte la date du 
26 février 1 587. La jeune femme habitait alors le faubourg Saint- 
Marcel, probablement dans sa famille. Parmi les témoins cités se 
trouvent les noms des deux frères de la mariée : Nicolas Gobelin, 
marchand à Paris, et Philibert Gobelin, religieux à Fontevrault, 
de son beau-frère René Legrand, valet de chambre de la reine de 
Navarre, et enfin de Philibert Gobelin, sieur de Saint-Germain- 
dcs-Arcz, son cousin*. 

Le teinturier du faubourg Saint-Marcel, avant de prodiguer 
ses libéralités à cette Geneviève, fille de son cousin Phili- 
bert, avait fait preuve de la même générosité en faveur d'une 
autre fille de Philibert et de Marie Augrain, nommée Blanche. 
Le ig juin 1564, Jean Gobelin, qualifié dans Taae marchand 
teinturier en écarlate et bourgeois de Paris, demeurant à Saint- 
Marcel, lui faisait donation de la moitié de la maison sise à Saint- 
Marcel, grand'rue, ayant pour enseigne PÉcu de France, et, en 
plus, d^une somme de 3, 000 livres tournois, en faveur de son 
mariage, sous réserve de Tusulruit de cette maison pour les 
parents de la donataire, c'est-à-dire de Philiben Gobelin et de sa 
femme Marie Augrain ou Augran^. 

De ce qui précède il résulte que Jean Gobelin, petit-fils du fon- 
dateur de la dynastie, appartenait à la branche la plus riche de 
la fomille. Il possédait dans le faubourg Saint-Marcel des maisons, 
des terres, sans parler des rentes sur THôtel de Ville, et aucun de 
ses parents ne parait avoir contribué plus généreusement que lui 
à rétablissement des membres de la famille. 



I. Le contrat est du 18 mars i58i. Ârch. nat., Y 12a, fol. 429 r*. 
a. Ardu nat., Y lag, fol. m r*. 
3. Arch. nat, Y io5, fol. 168 v. 

ll^ll. zzzi 4 



50 LBS QOBELIN 

Il vivait encore en i58i, lors du mariage de sa petite cousine 
Geneviève, puisqu^il figure au contrat de mariage comme dona- 
teur; il dut mourir peu de temps après, dans un âge avancé, 
après avoir exercé son métier de teinturier pendant près d'un 
demi-siècle. Ayant perdu son père quand il était encore bien jeune, 
car celui-ci était mort vers i5i5, il sut assurer par son travail la 
prospérité de son industrie et fit, comme on vient de le voir, le 
plus noble usage d'une fortune noblement acquise ^ 

Notre Jean Gobelin, fils de Jean, dit Faîne, mort en i5i3, et 

I. Dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale (portant le n* fr. loSog) 
est transcrit le testament d*un Jean Gobelin, mort sans enfants le 24 janvier 
x584 et ayant pour héritiers son père Jehan, vivant encore, et son frère. 
L'acte le désigne sous le titre d' c honorable sire Jehan Gobelin le jeune. > 
Il demeurait dans le voisinage de la Bièvre et demanda à être enseveli à 
Saint-Hippolyte, au lieu où reposent sa mère, ses parents et ses amis. Sa 
veuve, Magdeleine Le Prestre, est nommée exécutrice testamentaire. Le 
défunt fait de nombreuses donations aux églises et aux établissements cha- 
ritables : 5oo livres à THôtel-Dieu, 5oo livres au bureau des pauvres et 
des sommes diverses aux Quinze- Vingts, à l'Ave-Maria, aux Cordelières de 
Saint-Marcel. Il dispose de 3,ooo écus en faveur de son neveu et distribue 
des legs moindres entre ses parents et amis. Le testament, reçu par le curé 
de Saint-Hippolyte, ne dit pas la profession du défunt. ^ Mais, dans les 
Obituaires de la province de Sens publiés par Aug. Molinier, on trouve la 
mention suivante (p. 834) : c 24 janvier. Ce jour est decedé Jehan Gobelin, 
c lorsqu'il vivoit marchand bourgeois de Paris, teinturier en escarlatte, 
« demeurant à Saint Marcel, mary de dame Madeleine Le Prestre. > Plu- 
sieurs autres membres des Gobelins et Canaye sont cités dans ces obi- 
tuaires. Voici ces mentions : 

P. 864. — 2 janvier : une basse messe pour feu Jehan Gobelin (lequel i). 

2 janvier : une basse messe pour feu Thibault Canaye. 

3 janvier : une basse messe pour feu Philibert Gobelin (lequel ?]. 

4 janvier : une basse messe pour feu Severin Canaye. 

6 janvier : une basse messe pour feu Jehan Gobelin, fil2 du dessusdit 
Jehan Gobelin. 

7 janvier : une basse messe pour feu Françoys Canaye. 

II janvier : une basse messe pour feu maistre Jehan Gobelin, prebstre. 

P. 855. — 29 mars : une basse messe pour feu Marie Gobelin, veufve de 
feu Jacques de Clermont. 

17 août : une messe basse pour feue Marie Gobelin, veufve de feu Jacques 
Clermont. Cette Marie était un des treize enfants de Jean I*' du nom. Voyez 
ci -dessus, p. 14. 

Ces extraits sont tirés des obituaires de Saint-Hippolyte, Saint-Marcel. 

Le nécrologe de Pabbaye de Saint-Denis, publié dans le même ouvrage 
de Molinier, contient cette mention (p. 334) : 21 décembre, c Ob. Richar- 
dus Gobelin, monachus ad suce, i Nous devons la connaissance de ces articles 
à l'obligeance de notre confrère M. Vidier. 



TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 5l 

de Catherine Langlois, continua la troisième branche issue de la 
souche commune, remontant au milieu du xv« siècle. Plusieurs 
manuscrits du Cabinet des titres à la Bibliothèque nationale 
donnent les noms de ses descendants ; mais les divers manuscrits 
présentent des divergences notables. Suivant Tun d^eux, il aurait 
eu quatre enfants^ : i*" Jean, conseiller du roi et maître ordi- 
naire en là Chambre des comptes; 2^ Philibert; 3<* Marie; 
4® Catherine. Il y a là une confusion certaine, car on a vu que 
Philibert, Marie et Catherine étaient frère et sœurs et non 
enfants de Jean Gobelin, dit l'Ancien. 

Aux enfants de Jean Gobelin, un autre manuscrit' ajoute 
Jacques, marchand drapier à Paris, marié à Nicolle Croquet, dont 
il eut un fils et deux filles : Jean,secrétairedelaChambreduroi,qui 
laissa, lui aussi, un fils et deux filles. Une de ses sœurs s^appelait 
Mathurine et épousa Léonard de Vallengelin, bourgeois de Paris; 
l'autre, Marie, fut mariée à Gilles de Laubespine, trésorier des 
panies casuelles. Les enfants de ce dernier Jean Gobelin, fils de 
Jacques, se nommaient Jacques, Denise et Jeanne. Comment s'y 
reconnaître au milieu de ces constantes similitudes de noms com- 
pliquées d'incessantes contradictions? 

Ce Jacques, fils de Jean et petit-fils d^un autre Jacques, devint 
maître des comptes à Rouen; il épousa Anne Le Prestre; son fils 
Claude fut maître des requêtes et eut pour femme Anne Ardier. 
La sœur de Jacques, nommée Denise, se maria deux fois, d'abord 
avec un certain Tronson, puis avec Jean Marcel, bourgeois de 
Paris. L'autre sœur, Jeanne, devint la femme d^Étienne Guérin, 
auditeur des comptes. 

Les descendants du vieux teinturier de? bords de la Bièvre 
s'étaient multipliés à Tinfini et avaient su caser beaucoup de leurs 
nombreux enfants dans des emplois de finances. Nous n'en fini- 
rions pas s'il fallait reconstituer l'arbre généalogique complet des 
Gobelin. Aussi bien, l'histoire des membres de la famille cesse- 
t-elle d'offrir de l'intérêt à mesure qu'ils s'éloignent de plus en 
plus de la souche commune. Il suffira de s'arrêter un instant à la 
biographie de ceux qui occupèrent des situations considérables 
dans l'administration financière et dans Tarmée. 

1. F. fr. 3o365. 

a. F. fr. 18669, fol. 37 V. 



52 lbs gobelin 

Balthazar Gobblin, président de la Chambre des comptes, 

ET ses descendants. 

On a donné ci-dessus^ la généalogie de la branche aînée de la 
famille Gobelin. De Philibert, le premier fils de Jean l'ancien, 
était issu Jean, seigneur de la Tour, dont le quatrième fils, 
Jacques, eut trois fils et une fille. Ce Jacques est le père de Bal- 
thazar l'aîné, qui devint la plus haute illustration de la famille. 

Nous ignorons la date de sa naissance; elle peut se placer 
vers 1545. Il débuta sans doute fort jeune dans les emplois 
publics, oti il occupe un poste élevé en iSyô, pour ne disparaître 
qu'après 1617. ^^ épouse, le 18 juillet iSyi, Anne de Raconis', 
fille de Galois de Raconis, commissaire ordinaire de Tartillerie, 
et de demoiselle Anne Midorge. En cette circonstance, Balthazar 
est qualifié noble homme, conseiller du roi et trésorier général de 
son artillerie. Secrétaire du roi en i585, conseiller d'État quelques 
années plus tard, il devient successivement trésorier général extra- 
ordinaire des guerres (t588), trésorier de Tépargne (i 589-1600), 
conseiller du roi en ses Conseils d*État et privé en ibgS, et, 
quelques années plus tard (1604), président de la Chambre des 
comptes, en remplacement d^ Antoine Guyot, seigneur de Char- 
meaux. 

Anne de Raconis' lui donna six enfants : trois fils et trois filles. 
Voici leurs noms et qualités : 

I** Balthazar, chevalier, seigneur de Brunvillers*, secrétaire du 
roi, par résignation de son père, en janvier iSgô; il garda cet 
ofiice jusqu^en 1620. Il occupa successivement les fonctions de 
trésorier de l'épargne, de conseiller au Conseil d'État et enfin 
devint, comme son père, président en la Chambre des comptes. Il 
avait épousé Madeleine de Laubespine, fille de Claude de Lau- 
bespine, seigneur de Verderonne, président en la Chambre des 
comptes et secrétaire des ordres de France. Il mourut le 24 juil- 
let 1646. 

I. Voy. p. 35-36. 

a. Bibl. nat., ms. fr. 31046. 

3. La femme de Balthazar mourut à la fin de l'année 1620 ou au début 
de 162 1, d'après Taccord, en date du xo février 1621, pour le partage des 
biens d'Anne Raconis entre Balthazar Gobelin, son mari, ses fils et filles. 

4. Brunviilers-la-Motte, arr. de Qermont, cant. de Saint-Just (Oise). 



TEINTURIERS EN iCkSLLATE. 53 

S** Thomas, maître des comptes et secrétaire du roi (i6o6-i6i 2), 

épousa Hélène Luillier. Le mariage fut cassé pour cause d'im- 
puissance. 
3« Qaude, femme de Raymond Phélipeaux, seigneur d*Her- 

baut, morte en 1 63o. 
4<> Marthe, épouse de Jacques, seigneur d*Estournel, capitaine 

des gardes du corps du roi. Elle mourut en 1627. 
5^ Anne, mariée à Thomas Lescalopier^ seigneur de Plainviile, 

président au Parlement et chevalier de la reine, mort en octobre 

1620. Elle-même cessa de vivre avant 1629. 
6* Pierre, seigneur du Quesnoy, maître des requêtes en 1626. 

Sa femme, Marguerite Le Bret^ était fille de Cardin Le Bret, 

avocat général et doyen du Conseil. 

fialthazar Gobelin, deuxième du nom, eut lui-même six enfants 
de Madeleine de Laubespine : 

i^ Balthazar, mort jeune, sans enfonts. 

Nous avons rencontré à la date de 1602 un Balthazar Gobelin 
conseiller, notaire et secrétaire du roi, maison et couronne de 
France. Peut-être ce notaire du roi serait-il le petit-fils et le fils 
des présidents en la Chambre des comptes. Toutefois, cette iden- 
tification laisse des doutes. 

2» Anne, seigneur de Brunvillers^ mestre de camp du régi- 
ment d'Auvergne, mort en 1644. 

3® Antoine, seigneur et marquis de Brunvillers après la mort 
de son frère, colonel du régiment de Normandie. Il avait d*abord 
été destiné à Tordre de Malte. La mort de ses frères fit passer sur 
sa tête la fonune et les titres de la famille. Il épousa Marie d'Au- 
brai, fille de Dreux d'Aubrai, lieutenant civil au Châtelet de 
Paris, fameuse par ses crimes sous le titre de marquise de Brin- 
villiers, et brûlée en place de Grève en août 1676. Un ancien bio- 
graphe ajoute : « Elle a laissé des enfants de son mari qui est un 
« misérable et s'est remarié avec la fille d'un cabaretier suisse. » Le 
fils de la trop fameuse marquise était le comte d'Offémont, marié 
à Anne de Saint-Messan, qui lui donna trois enfiints. Il vivait 
encore en 1700. 

4® Marthe. 

5» Marie, qui se fit religieuse à Jouarre. 

6® Claude, mariée à Louis de Grimonville. 



54 LES GOBELIN 

Il convient de revenir en arrière et de résumer les détails que 
nous ont conservés sur les deux Balthazar, père et fils, les docu- 
ments contemporains. 

Balthazar Gobelin Taîné fut, on Ta vu, un personnage consi- 
dérable. Il s^était élevé par son mérite aux plus hautes charges. 
Parmi les nombreuses quittances qu'il a signées d'une belle écri- 
ture et d'un pompeux paraphe, certaines constatent les rembour- 
sements de sommes importantes, allant parfois jusqu'à dix mille 
écus, prêtées au roi « en ses urgens affaires. > Il devenait ainsi un 
des soutiens les plus dévoués de la monarchie et savait par 
d'utiles services se créer des titres sérieux à la reconnaissance de 
ses maîtres. Fut-il du nombre des membres de la &mille qui aban- 
donnèrent le catholicisme pour s'attacher à la Réforme? Cette con- 
version n'eût pas manqué de consolider sa faveur auprès de 
Henri IV. Mais nous n'avons pas de données positives sur ce 
point. Tout ce qu'on sait de source certaine, c'est qu'un certain 
nombre de représentants de la famille Gobelin, surtout parmi les 
artisans du faubourg Saint-Marcel, s'étaient convertis au protes- 
tantisme vers la fin du xvi* siècle. M. Lacordaire l'a établi depuis 
longtemps ^ 

Un &aum imprimé en 1629 donne quelques renseignements 
sur les parents les plus proches de notre président en la Chambre 
des comptes. Balthazar Gobelin le jeune, héritier quant aux propres 
de feue Anne Gobelin, sa sœur, veuve du s' de Plainville^, se trou- 

I. M. N. Weiss, dont la compétence s'étend à tout ce qui se rapporte aux 
origines de la religion réformée, a consacré, dans le Bulletin de la Société 
de l'histoire du Protestantisme français de 1899 (t. XLVIU, p. 138-164), 
une étude sur les lieux d'assemblées huguenotes à Paris avant TÉdit de 
Nantes; il y est souvent question des Gobelin et du quartier qui nous 
occupe. D*après le savant historien du protestantisme, les premiers Gobe- 
lin convertis à la religion nouvelle furent deux frères François et Nicolas 
Gobelin, fils d'un autre François. En i362, ils étaient en pension chez 
Mathieu Beroald, dont le livre de raison nous a conservé leurs noms avec 
ceux de trois de leurs cousins, pensionnaires aussi chez le même profes- 
seur. Nous devons à Tobligeance de M. Weiss une liste des protestants ins- 
crits sur les registres du temple de Charenton, du nom de Gobelin, ayant 
vécu au XVII* siècle. 

a. Ce factum imprimé n'est pas d'accord avec la généalogie donnée plus 
haut (p. 52). D'après le document analysé ici, ce serait Marthe et non Anne 
qui aurait épousé le président Lescalopier et Anne était dame de Plainville. 
Enfin, Marthe n'était pas morte en 1627, puisqu'elle paraît en personne au 



TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 55 

vait alors en procès avec Thomas Gobelin, sieur du Val, Pierre 
Gobeiin, sieur du Quesnoy, et Marthe Gobelin, veuve du pré- 
sident Lescalopier, ses frères et sœur, légataires universels des 
meubles. D'autres documents contemporains établissent que 
Pierre Gobelin, sieur du Quesnoy, fut successivement conseil- 
ler au Parlement et commissaire aux requêtes du palais (1621), 
puis conseiller du roi et maître des requêtes ordinaire de Thôtel 
(1625). Le vieux Balthazar jouissait donc d'un grand crédit à la 
cour pour avoir su caser aussi avantageusement tous ses enfants. 
Il dut leur laisser aussi une fortune considérable, à en juger par 
les avances faites au Roi. 

Un troisième et dernier Balthazar Gobelin, probablement d^une 
ligne collatérale, paraît en 1602 dans une quittance avec le titre 
de conseiller, notaire et secrétaire du roi, maison et couronne de 
France. Cest tout ce que nous avons pu savoir de lui. 

Pour terminer avec ces derniers descendants de nos teinturiers, 
il convient de revepir sur Balthazar le jeune et sur son fils, le 
marquis de Brunvillers, et de fournir certains détails n^ayant pu 
trouver place dans les notices biographiques qui précèdent. Bal- 
thazar Gobelin habitait avec sa femme, Madeleine de Laubes- 
pîne, un hôtel de la rue Neuve-Saint-Paul. On sait que le quar- 
tier du Marais était fréquenté, sous Louis XIII, par le monde 
parlementaire et la haute société. L'inventaire * dressé après la 
mort de Balthazar Gobelin le jeune, décès survenu le 24 juillet 
1646, donne au défunt les titres de chevalier, de seigneur de 
Sains- Morinvillers, le Quesnoy et Brunvillers, et de conseiller 
du roi en ses conseils. Par un acte antérieur, Balthazar et sa 
femme avaient fait donation à Antoine, leur fils, encore mineur, 
c^est-à-dire âgé de moins de vingt-cinq ans, d^une maison sise à 
Paris, rue Neuve, sur la paroisse Saint-Paul, des terres de Sains- 
Morinvillers, le Quesnoy et Brunvillers, plus d'une somme de 
3oo,ooo livres tournois^ d'une tapisserie en huit pièces représen- 



partage de 1629. Ces contradictions sont fréquentes dans les documents 
concernant nos parvenus. Ils semblent n'avoir pas regardé de trop près aux 
généalogies qu'on leur fabriquait pour soutenir leurs prétentions nobi- 
liaires. 

I. Arch. nat., Y i85, fol* i56 v*. Ces renseignements nous ont été com- 
muniqués par M. Emile Campardon, chef de section aux Archives, que nous 
remercions ici de son obligeante communication. 



56 LBS 60BELIN 

tant V Histoire de Psyché*, de quatre tableaux originaux du Bas- 
san, représentant les Quatre Éléments et, en plus, des meubles, 
des bijoux, de la vaisselle d'argent, etc., etc. 

La fortune de cette partie de la famille était donc énorme et 
Antoine Gobelin constituait un très brillant parti au moment 
où il était fiancé, le mardi 19 décembre i65i,à Marie-Madeleine 
d'Aubrai, la fille du lieutenant civil, alors âgée d*une vingtaine 
d'années'. Le mariage fut célébré sous les plus Seivorables aus- 
pices et rien ne laissait alors prévoir les sombres drames qui 
devaient plus tard épouvanter Paris. 

Dans son acte de mariage, Antoine Gobelin se qualifie cheva- 
lier, seigneur de Saintes-Moranvillières (sic)^ marquis de Brun- 
villers, sans qu'on sache comment la modeste seigneurie de 1646 
s^était transformée en marquisat dès i65 1. 

Nous n'avons pas à résumer ici ce Drame des poisons, que 
M. Funck-Brentano a raconté dans tous ses détails diaprés les 
documents conservés dans les archives de la Bastille. 

De son mariage, notre marquis de BrunviUers avait eu trois 
enfants; c^est à Jal que nous devons encore ce détail : d*abord 
deux filles, Marie-Madeleine, baptisée à l'église Saint-Paul le 
17 novembre i652, puis Thérèse, dont le baptême fut célébré le 
3o mars 1654. Quant au troisième enfant, qui reçut le prénom 
de Louis et prit le titre de comte d^Offémont, comme on Ta vu 
plus haut, il naquit en 1662 et fut tenu sur les fonts baptismaux 
par Louis Phélipeaux, seigneur de la Vrillière, secrétaire d'État, 
et par Marie Amelot, veuve du président de Nicolaî. Dans les 
actes, le père prend les titres pompeux de haut et puissant sei- 
gneur messire Antoine de Gobelin, marquis de Branvilliers (sic), 
mestre de camp en Normandie. Nous voici loin des modestes 
teinturiers qui avaient débuté sur les bords de la Bièvre. 

Palliot a décrit les armoiries de la famille dans les termes 
suivants' : « Gobelin, dont des présidens à la Chambre des 



1. Probablement de la fabrique des Comans et des de la Planche, ins- 
tallée depuis 1601 dans l'ancien établissement des Gobelin. 11 existe encore 
plusieurs exemplaires de cette tenture. L'un d'eux fiait partie du mobilier 
national et se voit dans les appartements du palais de Fontainebleau. 

2. Jal, Dictionnaire critique^ article Brinvilliers, col. 282. 

3. La Vraye et parfaite science des armoiries, Dijon et Paris, 1660, 
in-fol.y p. 25 1. 



TEINTURIERS EN ÉCARLATE. 5j 

comptes à Paris et un maistre des requestes, porte d'azur au 
chevron d'argent, accompagné en chef de deux étoiles à? or et 
en pointe d'un demi-vol de mesme. Cette famille a de nobles 
alliances et a de grandes maisons. » 
Jal n^a pu retrouver la date du décès du marquis de Brunvillers. 

Les Derniers Gobblin aux xvii* et xviii* siècles. 

On réunira dans ce chapitre certaines mentions recueillies de 
divers côtés sur plusieurs membres de cette innombrable famille 
qu'il a été impossible de rattacher aux différentes branches déjà 
connues. Nous donnerons ces articles, en suivant l'ordre chro- 
nologique, sans commentaire. Au reste, nous n'aurons affaire qu'à 
des figures de second plan, à des personnages sans importance; 
encore convenait-il de ne rien laisser de côté et de ne négliger 
aucune des indications que nous avons recueillies au cours de nos 
recherches. 

Voici, d'abord, un certain maître Gobelin, religieux et com- 
mandeur en l'abbaye de Saint-Denis et docteur en la Faculté de 
théologie, adjoint à Tévéque du Mans Doien Séguier, chargé 
d'une mission diplomatique et religieuse des plus délicates. Notre 
religieux et Tévéque du Mans accompagnaient à Rome le duc de 
Nevers, muni d'instructions très complètes pour expliquer au 
pape les négociations entreprises pour la conversion du roi 
Henri IV et justifier en même temps la hâte apportée à son 
absolution. L'Espagne, intéressée à perpétuer les guerres reli- 
gieuses, soulevait mille difficultés à l'admission du roi dans le 
sein de l'Église catholique ^ 

1595 : Marie- Denise, se disant veuve de Philibert Gobelin, 
sieur de Saint-Germain-en-Laye, demeurant à Saint-Marcel. 

1597 (25 juillet) : lettre du sieur Gobelin (sans prénom) à M. de 
Bellièvre, conseiller du roi en son Conseil d'État, concernant une 
obligation souscrite par lui en faveur de M^ Séguier, veuve du 
lieutenant civil. Il s'agit d'une somme de 20,000 livres, et les con- 
séquences en auraient été des plus onéreuses pour lui, « tellement, 
c dit-il, que je suis condamné tout à plat et pour le principal et 

1. Bibl. nat., f. fr. 17816 (fol. 169} et 235i7 (fol. i5a). Ces manuscrits ren- 
fierment de nombreux documents sur l'abjuration de Henri IV. Cf. la note 
de la p. 3oy in fine. 



58 LES GOBELIN 

c pour les interests, contrainct de rechercher argent à gros inte- 
« rests pour éviter la vente de mes meubles. » L^issue de l'affaire 
ne nous est pas connue. 

1611 : Esther Ferron, veuve de Jacques Gobelin, vivant avo- 
cat en Parlement et lieutenant général au bailliage de Tartillerie 
de France. 

1618 : Jacques, conseiller du roi, receveur général des finances 
à Limoges ^ 

161 8 (i" mars) : lettres de provision de contrôleur général des 
rentes de Paris pour François Gobelin, en remplacement de Louis 
Le Noir (cf. ci-dessus, p. 9). 

16 19 (16 janvier) : quartier de rente payé à Anne Boucher, 
veuve de Guillaume Gobelin'. 

16 19 (3i juillet) : rente payée à Etienne Gobelin, marchand, 
bourgeois de Paris, demeurant à Saint-Marcel. 

1620 (3o juin) : Claude Gobelin, conseiller du roi, contrôleur 
général des rentes assignées sur Phôtel de ville, à Paris, par trans- 
port de Suzanne Gobelin, femme de Paul Chénevis. 

1623 (i3 mai) : Claude Gobelin, commis au greffe du Conseil 
du roi. 

1623 (i5 juin) : naissance de Charlotte, fille de Jacques Gobe- 
lin, sieur de Vaugenon en Vivarais, et d'Elisabeth Heudi, bapti- 
sée à Charenton (Haag, p. 10 1). 

1623 (décembre) : succession de Philibert Gobelin, frère et seul 
héritier de Jean Gobelin le jeune. 

1626 (juin) : mariage d'Antoine Gobelin et de Sara Michel de 
Claye (Haag, p. 168). 

i632 (12 mars) : naissance d'Alexandre Gobelin, fils de Samuel 
Gobelin, sieur de la Rallière, et d*Anne Menjot (Haag, p. 1 14). 

i636 (21 décembre) : naissance de Renée Gobelin, fille d'An- 
toine Gobelin et de Sara Michel (Haag, p. 121). 

1640 (9 septembre) : naissance de Barthélémy Gobelin, fils 
d'Antoine et de Sara Michel (Haag, p. 126). 

1645 (16 janvier) : enterrement de Marguerite Gobelin, veuve 
de Mathieu Langlois, procureur à la Chambre des comptes 
(Haag, p. 234). 

1. F. fr. 27824- 5. 

2. Ibidem. 



TEINTURIERS BN ÉCARLATE. 5 9 

1645 (28 juillet) : enterrement de Madeleine Gobelin, femme 
de Daniel Guillemard, procureur (Haag, p. 235). 

i656 : François^ prêtre, aumônier du roi, exécuteur du testa- 
ment de messire Jehan Gobelin, conseiller et maître d^bôtel ordi- 
naire du roi. 

1662-1739 : aaude-Antoine Gobelin, chevalier, comte d*Of- 
femont. 

171 5 (?) : « Mémoire imprimé in-folio pour messire François 
de Mondagron, chevalier, seigneur de la Cour-Dassé, suzerain 
delà Tisonnière, etc., héritier maternel de François Gobelin, 
vivant abbé de G>êt-Maloîn, défendeur et demandeur en opposi- 
tion à l'arrest de la Cour du 3 juillet 1709, suivant ses requestes 
des ... et 3i août 171 2, contre Catherine Gobelin, veuve de Jean 
filanduret, vivant notaire royal et procureur en Pélection de Cla- 
mecy, juge d'Oisy, et consors, se disant héritiers, quant à la ligne 
paternelle, de deffunt François Gobelin, demandeurs en exécution 
dan^t du 3 juillet 1709 et deffendeurs. » 

Les généalogies de la veuve Blanduret, fournies par Andiquer 
de Blancour et basées sur trois extraits des registres de baptême 
de la paroisse de Saint-Martin, au cloître Saint-Marcel, furent 
convaincues de faux. Andiquer fut condamné aux galères à per- 
pétuité après avoir fait amende honorable. 

1742 (28 mai) : billet de décès de Jacques Gobelin, chevalier. 
Conseiller du Roi, auditeur honoraire à la Chambre des comptes. 
Sa veuve, Marie- Françoise Boyer, meurt en 1766. 

1766 {23 juin) : billet de décès de Marie- Françoise Boyer, veuve 
de messire Jacques Gobelin, chevalier, etc. (mort en 1742). De la 
part de M. Boyer, auditeur des comptes, son frère ^ 

Les Teinturiers remplaces par les tapissiers. 

Au début du xvii® siècle, un fait, considérable par ses con- 
séquences, se produit au faubourg Saint- Marcel. Les tapis- 
siers flamands, appelés en France par Henri IV pour y exercer 
leur industrie, sont installés sur les bords de la Bièvre dans 
les bâtiments jusqu'alors occupés par nos teinturiers. L'arrivée 
des premiers artisans remonte au mois d'avril 1601. Ils se 

I. Bibl. nat., f. fr. 3i382. 



6o u 

tmoTiieiit soos la diiectuMi de deox dieb habiles, Charles de 
Comaos et François de la Planche on Tan den Planken. Nous 
aToos âéjà> leocontré le nom de plusieurs de la Planche dans les 
alliances contractées par les Gobdins, et cette parenté explique- 
rait comment ces étrangers furent attirés, dès leur arrivée, dans 
ce quartier éloigné du centre de la ville. U fallait qu'un homme 
bien au courant des ressources que la petite rivière pouvait offrir à 
la nouvelle industrie leur eût signalé œ coin perdu du faubourg 
parisien. U résulte, d^ailleurs, des extraits publiés d-dessus, que 
certains membres de la Simille Gobelin continuèrent Findustrie 
de leurs ancêtres même après l'arrivée des tisseurs flamands. 

Malgfé toutes nos recherdies, nous n^avons pas rencontré les 
contrats passés entre les Gobelins et les upissiers, leurs locataires. 
Et, cependant, des conventions furent certainement signées par 
les anciens propriétaires de l'atelier et les protégés du roi de 
France. 

Les nombreuses mendons du nom de Gobelin, accompagné 
de différents prénoms, qui paraissent sur les registres censiers de 
P^se de Saint- Marcel, démontrent que quantité de maisons et 
de terrains restèrent la propriété de la famille pendant toute la 
durée du xvii« siècle. Sans relever tous les articles où se rencontre 
le nom de Gobelin, nous en signalerons du moins plusieurs qui 
présentent quelque intérât pour l'histoire du quanier. Le présent 
travail ayant nécessité des recherches et des dépouillements que 
personne n^aura probablement Tidée de reprendre, autant sauver 
de l'oubli tous les détails qu'il a été possible de recueillir. 

Le 23 février 1600, le prévôt de Paris rend une sentence por- 
tant ordre de préférence entre les opposants au décret de trois 
maisons joignantes, assises en la rue de Bièvre, dictes les Gobelins, 
saisies sur les enfants de feu Jehan Merigot et Gaude Gues- 
lon...*. 

A cette même date figurent, sur les registres censiers de Saint- 
Marcel, comme propriétaires de maisons et de terrains dans le 
voisinage de la Bièvre, Philibert, Pierre, Nicolas et François 
Gobelin. Presque tous les corps de logis portent une enseigne 
servant à les désigner : la Cuiller, la Herse, l'image Notre-Dame, 
rimage Saint-Jacques, la Cour, les Poulies, la Corne-de-Cerf ; ou 
bien leur situation topographique à l'intersection des deux voies 

I. Arch. nat., S* 1937, fol. i65. 



TEINTURISRS EN ÉCARLATE. 6l 

permet parfois de déterminer leur situation avec plus de précision. 
Un acte de 1608^, dont les registres de Saint-Marcel con- 
tiennent plusieurs transcriptions, semble indiquer des rapports 
étroits entre les anciens propriétaires des bords de la Bièvre et la 
famille des tapissiers qui prirent leur place. 

L'industrie qui se substitua vers 1 601 à nos teinturiers eut pour 
premiers directeurs, on vient de le dire, Marc de Comans et Fran- 
çois de la Planche. Or^ un certain Antoine de la Planche, écuyer, 
dont il a déjà été question, c Tun des quatre chauffeurs et scelleurs 
< héréditaires de la maison, couronne et chancellerie de France, » 
demeurant au faubourg Saint- Victor, paroisse de Saint-Médard, 
avait eu de Marie Gobelin, sa femme, cinq fils, nommés Jean, 
écuyer, enseigne d^une compagnie au régiment des gardes du 
roi; Jérôme, conseiller, notaire et secrétaire du roi; Philippe, 
écuyer, et deux autres fils, encore mineurs en 1 608, Mathieu et 
Jaques'. 

Cet Antoine était-il p>arent du François, Tun des fondateurs de 
Tatelier de tapisseries sous Henri IV? L'identité de nom permet 
de le supposer; mais, comme l'existence de cet Antoine de la 
Planche, époux de Marie Gobelin, était restée complètement 
inconnue jusqu'ici, il faut attendre d^autres preuves pour conclure 
définitivement à cette parenté. 

Ainsi, on pourrait supposer avec quelque vraisemblance que 
cette alliance, ignorée jusqu'ici, des familles Gobelin et de la 
Planche ne fut pas sans influence sur le choix du faubourg 
Saint-Marcel et des rives de la Bièvre pour y fixer le nouvel 
établissement. De sa femme, Marie Gobelin, décédée avant 
1608, Antoine de la Planche tenait les biens qu^il vendait, 
cette même année, pour le compte de ses enfants majeurs et 
mineurs, à Nicolas Gobelin, marchand bourgeois de Paris, et 
dont voici la désignation : « Les deux sixièmes, part et portion, 
t les six faisans le tout, en la moitié par indivis d'une grande 
t maison, dite la maison d'en bault, coun, granges, estables, 
c ouvrouers à tainctures, quay et autres appartenances et dépen- 
• dances de ladicte maison, qui fut et appanint au feu correaeur 

I. Arch. nat., S* 1940*, fol. io5 et i65 ▼•, et S* 19481, fol. 80. 

a. Voy. ci-dessus, p. 9, et aussi p. 11 et 12. Marie Gobelin était, comme 
on Ta vu plus haut, fille de François Gobelin, sieur de la Marche, arrière- 
petit-fils de Jean Tancien et de Marie de Moucy. 



62 LES GOBBLIN 

« Gobelin^ assis audit Saint-Marcel^ en la rue de Bièvre, au bout 
a d'en haulty en laquelle est à présent demeurant ledit sieur Nico- 
« las Gobelin, achepteur, tenant, d'une part, à Pierre de la Gueur, 
« mareschal des logis du régiment des gardes du Roy, au lieu de 
« feu Jehan Gobelin; d'autre part, à Jehan Lhoste, marchant à 
« Paris, au lieu dudit Jehan Gobelin; aboutissant d'un bout, par 
« devant, sur ladite rue de Bièvre, et par derrière, à la rivière de 
c Bièvre, dite des Gobelins, une petite ruelle entre deulx ; lesdits 
« deux sixièmes cy dessus vendus appartenant auxdits enfants 
« dudit sieur de la Planche et Marie Gobelin, sa femme, à cause 
c de la succession de ladicte deffuncte leur mère. » 

On saisit l'intérêt de cette vente faite à un Gobelin par un de 
la Planche, alors que les tapissiers occupaient déjà les locaux 
convertis un demi-siècle plus tard en manufacture des meubles 
de la couronne. 

La vente de 1608 prouve d'une foçon certaine que la famille 
Gobelin conserva d^importantes propriétés dans le voisinage 
immédiat de son ancien atelier de teinture après l'installation 
des tapissiers. Et peut-être cette alliance de Marie Gobelin eut- 
elle une influence décisive sur le choix de remplacement de la 
manufacture de tapisseries. 

Les archives de l'église de Saint-Marcel viennent encore nous 
fournir une confirmation indirecte et assez inattendue de la date 
de Tinstallation de nos tapissiers. Nous trouvons cette confirma- 
tion dans une procédure^ ouverte pour MM. de Saint-Marcel 
contre Marc de Comans, « directeur des manufactures de tapisse- 
ries du Roy aux Gobelins, » pour le payement des cens et rentes 
dus auxdits sieurs de Saint- Marcel sur ladite maison des Gobelin, 
< remontant lesdits arreraiges pour trente quatre années à cent 
huit livres un sol dix deniers du mois d^août i635. » Ainsi, 
c'est bien en 1601, avant le mois d'août, que Marc de Comans 
et François de la Planche ont fixé leurs ateliers sur les bords de la 
Bièvre. 

La déclaration du temporel de l'église de Saint-Marcel en 1673 ^, 
contenant Pénumération de toutes les maisons du quartier devant 
un cens à l'abbaye, fournit encore des détails bons à recueillir 
sur la manufacture de tapisseries. Voici le texte de ces articles : 

1. Arch. nat., S* 1936, fol. ao5. 

2. Arch. nat., Si 914, fol. 5 t* et 11. 



TEINTURIERS EN ÉCARLÀTE. 63 

c Sur une autre maison attenante (près la porte des champs, 
anciennement porte Popline (sic), apelée les Gobelins^ en laquelle 
soDt logez les flamands, tapissiers et autres ouvriers des manu- 
faaures du Roy, appartenante à M. J. B. Colbert. 

« Sur une maison, jardin, marais et dépendances, appelée vul« 
gairement la maison basse des GobelinSj sise dans la rue de 
Bièvre, auprès de la précédente (qui appartenait à Jean Despinay 
et à sa femme), appartenant au s' Pierre Masson, marchand tein- 
turier. » 

Donc, une teinturerie, dite « maison basse des Gobelins, b exis- 
tait encore durant la seconde moitié du xvii* siècle dans le voisi- 
nage immédiat delà manufacture des meubles de la Couronne, 
et cette teinturerie parait distincte de celle de Gluck, installée dans 
le voisinage. 

Signalons enfin, dans un registre des cens de Saint-MarceP 
dressé au xvii^ siècle, nombre de mentions d'anciennes acquisi- 
tions faites par la famille Gobelin ; ces mentions remontent aux 
premières années du siècle précédent et rappellent toutes des actes 
analysés ci-dessus. Ce registre n^en est pas moins précieux pour 
établir la topographie de notre quartier, dont on s^est si peu 
occupé jusquUci. 

Pour terminer, nous emprunterons aux archives de Saint-Mar- 
cel la délimitation de la manufacture royale de tapisseries, telle 
qu'elle est portée dans un registre censier du xviii* siècle^ : 

c 56. La manufacture royalle des Gobelins, consistant en plu- 
sieurs bâtimens, cours et jardins tenant et faisant hache sur les 
sieurs Niosse et Gluc, en faisant quatre haches d'autre côté à la 
rue qui conduit au moulin de Crouslebarbe, faisant hache d*un 
bout sur la rivière de Bièvre, par derrière à ladite rivière, con- 
tenue en quatre mille douze toises, et par devant sur la grande 
rue Mouftard. 

c 57. Le jardin de ladite manufacture, la rivière de Bièvre 
entre deux, tenant d'un côté à M. Gluc et à les dames Cordel- 
lières d'un bout, et par derrière au prédesenfans d^autre bout, et 
par devant sur ladite rivière de Bièvre, dite des Gobelins, conte- 
nant 3, 90 5 toises^. » 

1. Ârch. nat., S* 1948. 

2. Arch. nat., S* 1948^ fol. la V. 

3. Les numéros placés en tête de ces articles renvoient très certainement 



64 LBS GOBELm. 

Nous ne prolongerons pas davantage cette étude. Si l'histoire 
de notre manufacture nationale est encore entourée d^obscurité 
pendant la première moitié du xvii* siècle, elle est mieux connue 
à partir de la réorganisation de Colbert. Des documents gra- 
phiques d'une grande précision existent tant aux Archives natio* 
nales qu'au Cabinet des estampes dans les papiers de Robert de 
Cotte. Depuis peu, la manufacture possède des copies fidèles de 
ces plans précieux. Le travailleur peut donc les consulter com- 
modément. De leur examen attentif résulte cette constatation que, 
si Tensemble des bâtiments occupés aujourd'hui par la manu- 
facture des Gobelins a subi certains remaniements, il n^a pas été 
sensiblement modifié depuis trois siècles, et le périmètre des cons- 
tructions actuelles, comme la superficie des jardins de la rive 
gauche de la Bièvre, ne s'écartent pas sensiblement de ce qu'ils 
étaient sous le règne de Louis XIV. 

En raison des contradiaions et des obscurités que présentent 
les documents, il était presque impossible de reconstituer avec 
une absolue certitude l'arbre généalogique de la famille Gobelin. 
Nous ne présentons donc les tableaux donnés ci-après que comme 
un premier essai, dont certains détails restent sujets à caution. 
Ces tableaux devront être complétés et rectifiés. Toutefois, les 
personnages principaux de la dynastie occupent bien la place qui 
leur appartient. C'était l'essentiel. 

Jules GUIFFREY. 

à un plan qui ne s'est pas retrouvé. L'étendue des jardins comparée à ceUe 
des bâtiments paraît bien restreinte. Les jardins actuels de la manufacture 
longeant la Bièvre ont 3 1,000 mètres carrés de superficie. 



llNB. 
luDl 



feVB 
BINSAU. 



Iasis, 

Antoinb 
Planche, 
V1LLIBR8 

iq fils). 



I 



Fbakçi I I 

S'OK GlLUlB^f 1622, MaDELBINB, 

et DE LA H Claude ép. Daniel 
ép. Anne Labstibn, s' Guillbmart, 
tans eatlARMEAUZ, s' de Souligny. 
et de 
ntereinb, 
- 1644. 



Catherine, 
ép. Jean 

LORMEAU, 
8' DE LoNGPRlft. 



Marguerite, 

ép. Mathieu 

Lanolois. 



Suzanne, 
ép. Paul 
Chenbvix. 



François, 
né en i63o. 



Madeleine. 
née en i633. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES. 



A 

Testament de Jean Gobelin. 
(1476.) 

Sabbat, xviii januarii, domini et magistri Arturus de Vaudetar, 
Jo. Cardon, J. Michael Saget et Herveus Cadouet ac Guillellmus 
Régis, canonid, capitulum tenuerunt. 

In quo executores defiuncti Johannis Gobelin exhibuerunt testa- 
mentum ipsius deffuncti a quo extracta fuit clausula que sequitur : 

Disans lesd. exécuteurs que led. deffunct par sond. testament avoit 
et a donné et laissié i Teglise collégial dud. S. Marcel, en la présence 
et du vouloir, accord et consentement de lad. Perrette, sa femme, 
pour ce comparent devent lesd. notaires, pour le salut de leurs âmes 
et de leurs parens et amys trespassez, estre chanté et célébré par 
chacun an à tousjours en ladicte église S. Marcel, i tel jour et ainsy 
qu'il sera advisé entre lesd. exécuteurs et les seigneurs de lad. église 
S. Marcel, ung obit perpétuel, la somme de 3a sols parisis de rente, 
appanenent aud. testateur et sa femme, et qu*ilz avoient droit de 
prendre et percevoir chacun an sur les personnes qui ensuivent, c'est 
assavoir : xn solz parisis de rente sur une pièce de terre et saulsoye 
séant ou terroir dud. S. Marcel que Jehan le Fevre le jeune tient 
d'eulz à lad. charge, et xx solz parisis sur une aultre pièce de saul- 
soye que ung nommé Jehan d'Auvergne tient d'eulz à lad. charge. 

Transportus redditus dati seu legati per Gobelin, 

Item, in eodem capitulo comparuit Franciscus Gobelin, filius et 
alter executorum deffuncti Johannis Gobelin, exhibuit in capitulo 
quasdam litteras transportus per executores testamenti dicti defiiincti 
facti communitati ecclesie de redditu annuo et perpetuo xxxii sol. par. 
percipiendorum quolibet anno per communitatem predictam super 
duobus locis declaratis in dicto transportu, mediante uno anniversa- 
rio per communitatem predictam in dicta ecclesia sancti Marcelli 
celebrando, requirens dictum traûsportum per predictos dominos et 
communitatem acceptari ad onus dicti anniversarii ; quibus litteris 

M^M. XXXI 5 



66 LES GOBBUN. 

yisis, domîni post maturam deliberationem dictum transportum ad 
onus predictum recepemnt, ordinantes dictum anniversarium con- 
numerari in martirologio inter alia anniversaria dicte ecdesie. 
Arch. nat., LL 35a, ièl. aoi v* et aoa. 



B 

Partage après le décès de Philibert Gobelin entre sa vevve^ 
Denise Le Brest ^ et Jacques Gobelin^ son fils. 

(27 mai iSio.) 

A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Jacques de Coulli- 
gny, chevalier, seigneur de Chastillon sur Loing, Aillant et de Dan- 
nemarie en Puisaye, conseillier, chambellan du Roy nostre sire et 
garde de la prévosté de Paris, salut. Savoir faisons que par devant 
Jaques de Launay et Loys Berthelemy, notaires du Roy nostredit 
seigneur, de par luy establis en son Chastellet de Paris, furent pré- 
sens en leurs personnes honorable femme Denise Le Brest, vefve de 
feu Philebert Gobelin, en son vivant marchant tainturier d'escarlates, 
demourant à Saint Marcel lez Paris, d'une part; et Jaques Gobelin, 
marchant drapier et bourgois de Paris, filz desd. defunct et vefve, 
d'autre part. Et disoient icelles parties que à elles en commun et par 
indivis compétoient et appartenoient de leur conquest les maisons 
cy après déclairées, c'est astevoir à lad. vefve pour lès deux tiers et 
aud. Jaques Gobelin pour l'autre tiers. 

C*e$t assavoir : i* une grant maison contenant corps d'ostel à 
aigout sur rue, court, puys, galleries, viz, grant corps d'ostel, oultre 
ladite court, celliers et caves, grant court derrière, puys, corps d'ostel, 
cuisine, estable et gallerie à costé au bout de lad. court, ainsi que les 
lieux se comportent et extendent de toutes pars et de fbns en comble, 
où pend pour enseigne la coste de balayne^ assise â Paris en la me 
des Bourdonnois, tenant d'une part et aians saillie et yssue en une 
petite nicUe, et d*autre part en partie à une autre maison cy après 
dcclairée, et en autre partie à l'endroit de la court de derrière à 
Jehan Alot, aux hoirs feu Jehan Boscheron et à Jehan Turgis, abou- 
tissant par derrière aux hoirs ou aians cause de feu maistre Jaques 
Erlaut. 

1* Item, une autre maison assise à Paris en lad. rue des Bourdon- 
nois, contenant petit corps d'ostel à aigout sur rue, courrelle, galle- 
ries et corps d'ostel derrière le lieu, ainsi qu'il se comporte et extend 
de toutes pars et de fons en comble, tenant d'une part audit hostel 
de la ci>stt de halayne^ et d'autre part â ung hostel faisant le coing 



PIÈGES JUSTIFICATIVES. 67 

de ladite nie des Bourdonnois, en la rue Saint Honoré, appartenant 
à la Tefve et héritiers feu Andry Vautier, et ung hostel appartenant 
à rOstel Dieu de Paris, à ung autre hostel appartenant à l'église 
Saint Jaques de FOspital à Paris, à ung autre hostel appartenant à 
Jehan Porcher et à ung autre hostel appartenant à lad. vefve et aux 
héritiers dud. défunct Philebert Gobelin. 

Disans ouhre que pour fiiire partage, et division entre eulx desd. 
deux maisons à ce que chacun d'eulx en eust et peust avoir et tenir 
sa part et porcion séparément pour la fiiire valoir, et en joir, user et 
posséder comme de sa chose, ilz avoient et ont fait veoir, visiter, 
partir et diviser lesd. maisons par maistre Jehan de Félin, Loys Du 
Chastel, maçons, Didier Gobert et Nicolas Costeret, charpentiers, 
jurez du Roy nostredit seigneur es offices de maçonnerie et charpen- 
terie, qui avoient et ont fait d'icelles maisons deux lotz; l'un premier 
valant deux tiers pour lad. vef^e qui luy demourra, compétera et 
appartendra i tousjours, pour elle, ses hoirs et aians cause, contenant 
ce qui s'ensuit, c'est assavoir : lad. maison où pend l'enseigne de la 
cosie de balajme^ corps d'ostelz, édifices, caves, celliers, courtz, puys 
et appartenances d'icelle, ainsi que les lieux se comportent et 
extendent de toutes pars et de fons en comble, sauf et réservé toutes- 
voies partie et porcion de la court de derrière dud. hostel qui sera 
baillée au second lot cy après dédairé. 

Et l'autre second lot valant le tiers d'icelles deux maisons pour 
led. Jaques Gobelin qui aussi luy demourra, compétera et apparten- 
dra à tous}Ours, pour luy, ses hoirs et aians cause, contenant le petit 
corps d'ostel à aigout sur rue, courrelle, galleries et corps d'ostel der^ 
rière, ainsi que les lieux se comportent et extendent de toutes pars 
et de fons en comble, tenant d'une part aud. hostel de la coste de 
halayite et d'autre part ausd. vefve et héritiers feu Andry Vautier et 
aux autres hostelz dessus nommes. Et seront estoupées les bées de 
huisseries et autres qui sont de présent ou mur moitoien d'entre 
icelles deux maisons et è Tespoisse d'icelluy mur moitoien, aux com- 
nonos despens dHcelks parties par égal porcion. Et prendront chacun 
par ^1 porcion les hoys qui y sont de présent. 

Item, a esté baillée, et demourra, compétera et appartendra à tous* 
îoors aud. éeuxiesme lot valant tm tiers, appartenant aud. Jaques 
Gobelin, partie et porcion de la court de derrière dudit hostel de la 
eostê de baktjme, faisant le premier lot valant deux tiers, appartenant 
à lad. vefve, à prendre icelle porcion de court de fons en comble 
derrière et à l'endroit du corps d'ostel de derrière d'icelluy second 
lot depuis ledit corps d'ostel jusques au mur de l'ostel dudit feu 
maistre Jaques Erlant, et aboutissant icelle porcion de court audit 
Erlaut. 

Et poar ùÀre séperacion d'icelle porcion de court et l'autre porcion, 



68 LBS GOBELRf. 

entre lesd. deux lou sera fait ung mur moitoien maçonné de piastre 
et moillon d'un pié d'espoisse, deuement fondé, et de douze piez de 
hault depuis le pavé en amont^ lequel se continuera depuis le mur 
moitoien qui fait de présent séparacion entre lesd. deux lotz jusques 
contre le mur de Tostel dud. feu maistre Jaques Erlaut, en telle 
manière que lad. porcion de court sera aussi large au long du mur 
dud. Erlaut et en tous ses endrois dedens euvre comme led. corps 
d*ostel de derrière d'icelluy second lot se comporte et qu'il a de lar- 
geur dedens euvre sur ladicte court. 

Item, a esté dit et accordé que des cens et rentes dont lesd. deux 
lotz sont chargez, led. premier lot en paiera les deux tiers et led. 
second lot l'autre tiers, dont ils ont promis et prohiectent acquicter 
et garantir l'un d'eulx l'autre, chacun pour sad. porcion. 

Et se gouverneront lesd. lotc selon les us et coutumes de Paris. 

Et pour ce que led. premier lot a esté trouvé mieulx valoir en son 
endroit que led. second lot aussi en son endroit, a esté dit et accordé 
que led. premier lot seroit tenu paier de soultre aud. second lot la 
somme de trois cens livres tournois d'argent comptant pour une 
fois. Laquelle somme de trois cens livres tournois led. Jaques Gobe- 
lin confessa et confesse avoir eue et receue de lad. vefve, sa mère, 
dont il se tint et tient pour contant et bien paie, et l'en quicta et 
quicte et tous autres à qui en appartient quictance. 

Dont et duquel partage icelles parties se tinrent et tiennent pour 
bien contentes, pour par chacune d'elles, ses hoirs et aians cause, 
joir, user et posséder à tousjours de sond. lot et portion. Et, en ce 
faisant, ont cédé, transporté et délaissé, cèdent, transportent et 
délaissent Tune à l'autre à tousjours tous les drois, noms, raisons et 
actions que Tune d'elles a et peut avoir ou lot, part et porcion de 
l'autre, aux charges, et ainsi que dit est, et en tant que mestier est, 
s'en sont dcsmiscs, devestues et dessaisies es mains desd. notaires, 
comme en la notre souveraine pour le Roy nostredit Seigneur, pour 
au prouffit Tune de Tautre, voulens, consentens et expressément 
accordans chacune d'elles en droit soy estre saisie et vestue, mise et 
receue en bonne saisine et possession de sondit lot et porcion par 
qui et ainsi qu'il appartiendra. Et néantmoins, se mestier est, pour ce 
foire requérir, accorder et consentir estre fait, icelles parties consti- 
tuèrent, establirent et ordonnèrent leur procureur général et certain 
message cspécial le porteur de ces lettres auquel elles ont donné et 
ottroié puissance, autorité et mandement espécial de ce faire et tout 
ce qui au cas appartiendra. Promectans lesdites parties, par leurs 
seremens et foy de leurs corps pour ce jurez es mains desd. notaires, 
ce présent partage et tout le contenu en ces lettres avoir agréable, 
tenir ferme et estable a tousjours, sans jamais par elles, l'une d'elles, 
ne par autre, aler, venir, faire ou dire contre en aucune manière. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES. 69 

i^nçois, ont promis rendre et paier Tune partie à l'autre touscoustz, 

frais, missions, despens, dommages et interestz qui fais et soustenus 

seroient par default des choses dessusdites, ou d'aucune d'icelles non 

foîctes, tenues, gardées et non accomplies, soubz l'oblîgacion de 

tous leurs biens meubles et immeubles, présens et à venir et de leurs 

hoirs, qu'elles en ont soubzmis et soubzmectent, chacune endroit soy, 

à la jurididon et contraincte de ladite prévosté de Paris et de toutes 

autres justices et juridicions où trouvez seront, pour ces lettres et 

leur contenu, garder, tenir et loiaument accomplir. Et renoncèrent, 

en ce faiisant, expressément, par leurditz foy et serement à toutes 

exceptions de déception, de fraude, de erreur, d'ignorance, à tous 

barau, cautelles, cavillacions, raisons, défenses, oppositions, lettres, 

grâces, relîefz, respitz, impétracions, dispensacions, absolucions et 

généralement à toutes autres choses quelzconques qui, tant de fait 

comme de droit, pourroient estre dictes contre ces présentes lettres, 

leur effect et contenu, et au droit disant général renonciacion non 

?aloir. 

En tesmoing de ce, nous, à la felacion desd. notaires, avons mis 
le seel de lad. prévosté de Paris à ces letres qui furent faictes et pas- 
sées doubles le lundi vingt septième jour de may l'an mil cinq cens 
et dix. 
(Le sceau manque,) 

(Signé :) Dblaunay. — Bbrthâlemy (avec paraphe). 



Arrêt rendu^ sur un différend survenu au sujet des teintures^ entre 
Geneviève Le Bossu^ veuve de François Gobelin^ et Catherine Lan» 
glqjrSj veuve de Jean Gobelin^ représentant ses enfants mineurs, 

(7 septembre iblj.) 

Cum in certa causa mota et pendente coram preposito nostro 
Parisiensi, seu ejus locum tenenti, inter Franciscum Gobelin, mer- 
catorem, pannorum intinctorem et infectorem apud Sanctum Mar- 
cellum secus Parisius manentem et commorantem, filium et heredem 
defunctorum Philberti Gobelin et Dyonbie, sue uxoris, ex una, et 
Catherinam Langloys quondam vita fiincti Johannis Gobelin relic- 
tam, suo nomine, Philbertum et Jacobum Gobelin, Franciscum David 
et Mariam Gobelin, ejus uxorem, Rogerium Robineau et Katherinam 
Gobelin, ejus uxorem, suis nominibus, et insuper eandem Katheri- 
nam Langloys et Johannem Canaye, liberorum annis minorum 
defuncti Johannis Gobelin et predicte relicte tutores et curatores, 
defensores, ex alia, pro parte dicti actoris, plura facta et rationes 



JO LES GOBBUN. 

proposite exdtissent ad finem, sea fines, qaod, mediis et causis 
latiiis in processu declantîs, dictis defensoribus ne in flamine, sea 
rivo Sancd Marceiii in parte dicti fiuminis supra dictnm Franciscum 
actorem, suam domum, offidnam et hereditagia existence quas- 
çumque loturas et lavationes pannomm glasto, Tulgo de gMeUe* et 
nigronim rubia glasto adjecta perfusoram, valgo de ternissures^^ 
aut aliud dicto actori prejudidum generet, oontractum undedma die 
Martii anno millesimi quatercentesimi nonagesimi septimi et qninta 
dedma die maii anni quatercentesimi nonagesimi octavi, inter defiinc- 
tos Philbertum Gobelin et ejus uxorem, dicti actoris patrem et 
matrem, et Johannem Gobelin et Catherinam, suam uxorem, nunc 
ejusdem Johannis relictam, patrem et matrem dictorum minonun, 

1. Guesde noire, — Le pastel, guesde ou Touéde, plante bisannueUe, de 
la famille des crudfères, croissant spontanément en Europe dans presque 
tous les terrains pierreux. Avant l'introduction de Vindigo en Europe, on 
cultivait cette plante dans une grande partie de l'ancien continent, surtout 
en Thuringe, en Saxe, dans les Flandres, en Italie, en Basse-Normandie et 
dans le midi de la France. C'était alors la couleur bleue la plus solide et 
la plus belle que Von connût. 

Les environs de Toulouse, et surtout le Lauraguais, fournissaient une 
énorme quantité de cette substance, qui jouissait de la première réputation ; 
on la mettait en coques ou pelotes ovales, dftes cocaignes. Le pays était 
devenu si riche qu'on l'appelait le pays de cocaigne ou de cocagne^ du nom 
de son industrie; cette dénomination a passé en proverbe pour désigner un 
pays très fertile et prospère. Les plus beaux édifices de Toulouse ont été 
bfltis par des fabricants de pastel. Lorsqu'il fallut assurer la rançon de Fran- 
çois I*', prisonnier en Espagne, Pempereur CharlesrQuint exigea que Pierre 
de Bernier, riche fabricant de coques^ servît de caution* Dès l'année 1200, 
la culture du guède avait également pris la plus grande extension dans la 
région dont Henin-Lietar^i était le centre; c'était une petite ville forte à 
douze kilomètres de Douai (Nord) ; ce n'est plus qu'un bourg aujourd'hui. 

Dans l'ancien règlement que Colbert fit dresser, il était ordonné de pas- 
ser l'étofie qu'on voulait teindre en noir dans une cuve de pastel pour y 
recevoir une couleur bleue; puis die devait être passée sur une dissolu- 
tion de tartre et d'alun, ensuite garencée et de U rabattue ou ternie avec la 
décoction de la noix de galle, de la couperose (sulfate de fer) et du bois 
d'Inde. 

On doit donc entendre par guesde. noire les eaux noirâtres et fétides pro- 
venant des cuves de pastel, des décoctions de garance de noix de galle et de 
bois d'Inde mises en contact avec le sulfate de fer qui, en présence de ces 
matières taunates, constituait de Vencre taunate de fer, — Note de M. David, 
chef du laboratoire et de l'atelier de teintures des Gobelins. 

2. Ternissures. — On doit entendre par ternissures des eaux souillées 
par les corps énumérés plus haut, ayant servi à ternir ou rabattre les laines 
teintes; tels que pastel ou guesde, garance, noix de galle, bois d'Inde, sul- 
fate de fer, etc.... — Note de M. David. 



PlàCES JUSTIFICATIVES. 71 

odebratum insequendo, focerent aut fieri permitterent, prohiberetur 
tt inhiberetur, dictique deftnsores ratione contraventionis per eos 
tacte, in damnis et intéresse dicti actoris et in expen^is presentis 
cuse condemnarentur; pro parte vero dictorum defcnsorum plura 
in coDtrarium facta et rationes proposita extitissent ad finem seu 
fines qood mediis et causis latins in processu deciaratis, prenominati 
defrasores a demandis, requestis et conclusionibus dicti actoris 
eoindem in expensis condemnando, junctis eomm oblationibus in 
proœssu contentis, absolverentar, tantum processum extitisset quod, 
dictis partibus auditis et in &ctis contrariis, et inquesta ipsaque post* 
modum bine inde facta et ad judicandum reœpta, litteris, tituïis et 
moûimentis dictarum partium contradictis et salvationibus litterarum, 
reprobationibus testium bine inde traditis et productis; et tandem 
<iictis partibus in jure appunctatis, prenominatus prepositus noster, 
seo ejus locum tenens, per suam sententiam processum, abque veri- 
titem 6ictorum in reprobationibus, contradictis et salvationibus die- 
tvttffl partium contentorum inquirendo bene judicari posse dixisset 
^ dedarasset, et insuper ad oblationes et responsiones ad predictas 
oblationes factas et per dictas partes productas aliqualem respectum 
lubeodo, inhibitione dictis defensoribus fieri ne lavationis aut latu- 
ras nigrorum rubia glasto super addita, vulgo de ternissures^ in dicto 
ftimine et rivo Sancti Marcelli et regione officine, domus et heredi- 
tagionim in processu dedaratorum, iis diebus et tempore facerent, 
quibus prenominatus actor, ejusdem heredes aut ab eo causam 
babentes, lotiones purpurarum in dicto flumine vel rivo e regione 
sue officine domus et hereditagiorum etiam in processu declaratorum 
facere vellet; cujus rei dictus actor, ejus heredes et ab eo causam 
habentes a dictis defensoribus requisiti dedarationem sine fraude et 
dolo facere teneretur, ordinasset, dictosque defensores in expensis 
processus, absque damnis et interesse condennasset, fuit a dicta sen- 
tentia per utramque dictarum partium ad nostram Parlamenti curiain 
appellatum. Auditis igitur in eadem curia nostra Genovefa Le 
Bossu, defuncti Francisci Gobelin relictatam, suo nomine, quam tan- 
quam tutelam et gardiam suorum liberorum annis minorum et dicti 
defuncti Francisi Gobelin habentem, necaon Johanne Robineau ad 
causam Genovefe Gobelin sue uxoris, processum, loco dicti defuncti 
Gobelin, resumentibus, appellantibus et intimatis respective, ex una, 
et prenominata Katherina Langloys, dicti defuncti Johannis Gobelin 
relicta, nominibus quibus in dicto processu procedebat, et suis con- 
sortibus etiam appellantibus et intimatis respective, ex altéra, in 
causa appellationis predicte, processuque, an bene vel maie fuisset 
appellatum, junctis gravaminibus et productione nova dictorum res- 
pective appellantium, quibus gravaminibus utraque dictarum partium 
respondere et contra dictam novam productionem contradiota expen- 



72 LES GOBEUN. 

sis producentis tradere posset ad judicandum recepto, eoque dicds 
gravaminibus et responsionibus ad illa respective per utramque dic- 
tanim partîum tradids et productis; productîone vero nova per neu- 
tram dictarum partium minime tradita, atque ab ea tradenda dicds 
pardbus seclusis viso et- diligenter examinato; prelata curia nostra 
per suum judicium sentendam et appelladones predictas, absque 
emenda et expensis hujusmodi cause appelladonis, adnullavit atqtie 
adnullat, et ex causa, et per idem judicium prefeta curia nostra absque 
veritatem fiictorum in dictis reprobationibus contentorum inqui- 
rendo, processum bene judicari posse ^eclaravit atque déclarât, et 
super principali jus faciendo, dictis Katherine Langloys et consorti- 
bus appellantibus, contractum inter predictos Philbertum et Johan- 
nem Gobelin initum insequendo, ne in dicti fluminis aut rivi Sancd 
Marceili, parte dicte Genovefe Le Bossu et consortum eorumdem 
officine, domus et hereditagiorum superiori lavadones aut loturas 
nigrorum, rubia glasto addita perfusorum, vulgo de ternissures^ aut 
pannorum lutei seu castanei coloris, vulgariter tannef* garance^ yocsl- 
torum, aut aliorum pannorum, seu rerum, ad quarum infecdonem 
et tincturam glastum, vulgo le guesde applicatum fiierit, aut qui- 
cunque aliud in dicta superiori fluminis parte, quod dictis Genovefe 
et consortibus eorumdem heredibus et ab is causam habentibus pre- 
judicium generare possit, faciant aut fier i permittant dictos Katheri- 
nam Langloys et ejus consortes in expensis cause principalis, earum 
taxatione ipsi curie nostre reservata, absque damnis et interesse, 
condennando, exhibitione fieri ordinavit atque ordinat. 
Prononciatum septima septembris M® V« XXXVII*. 

N. Brachbt-Spifame. 
Arch. nat., Xia 176 (Jugés), fol. 499. 



Nomination de Jacques Spifame et René Brinon en qualité de com- 
missaires chargés de faire l'enquête sur les faits articulés par 
Geneviève Le Bossu. 

(16 février i538, n. st.) 

Entre Geneviefve Le Bossu, vefve de feu François Gobelin, tant en 
son nom que comme ayant le bail, tutelle et curatelle des enfans 

I. Tennej ou tannées : Garances. — Pour faire étoffe de laine tannée 
(Teinturier parfait) : c Pour colorer ce drap, on prend un quarteron de 
a garance ^qu'on met dans le bain, on fait bouillir cela avec Tétoffe pen- 
c dant une bonne heure, s'il n'est assez brun, prenez de la cendre de bois, 
c mettcz-la en un baquet et versez dessus un denni-chaudron d'urine, 



PIÈCES JUSTIFICATIVES. 7 3 

mineurs d'ans dud. defùnct et d'elle, et Jehan Robineau et Geneviefve 
Gobelin,^ femme, fille desd. Le Bossu et defunct, demandeurs en 
nuLUère d'exécution d'arrest du yii septembre dernier passé, d'une 
part, et Katherine Langloys, yefye de feu Jehan Gobelin, en son 
nom, Philebert Gobelin, Jaques Gobelin, Françoys Dayid et Marie 
Gobelin, sa femme, Rogerin Robineau et Katherine Gobelin, sa 
fenune, Jehan Gobelin, Pierre Gobelin, Françoys Garrault et Mar- 
guerite Gobelin, sa femme, tous héritiers dud. feu Jehan Gobelin, 
défendeurs en lad. matière d'exécution d'arrest, d'autre, yeu par la 
court led. arrest de l'exécution duquel est question, les advertisse- 
mens et productions desd. parties, certaine requeste présentée à la 
court de la part desd. défendeurs, mise au sac par ordonnance de 
lad. court le xxix* janvier dernier passé, et tout considéré; 

Il sera dit que les advertissemens et productions des parties leur 
seront communiquées pour y respondre dedans huitaine, si bon leur 
semble, et néantmoins en ayant aucunement esgard à lad. requeste 
présentée de la part desd. défendeurs, lad. court a commis et com- 
mectm» Jacques Spifeme et René Brinon, conseillers en lad. court, 
pour yisiter, enquérir et savoir la distance d'eaue jusques à laquelle 
<iistance lesd. défendeurs prétendent povoir estre faictz pour eulx 
lavaiges de guesde noire, de ternissures, tennez, garences et autres^ 
sans faire dommaige ne préjudice ausd. demandeurs, et faire autre 
chose nécessaire; et pour ce faire conviendront lesd. parties par 
de?ant lesd. commissaires de gens à ce congnoissans, qui visiteront 
en présence desd. commissaires lad. distance et feront autres choses 
oecessaires, dont ilz feront leur rapport par devant lesd. commis- 
saires, pour, ce faict et rapporté par devers lad. court, estre procédé 
a iad. exécution ainsi qu'il appartiendra par raison. 

Arch. nat., X«* 1640, fol. 177 r». 



Arrêt portant défense à Catherine Langlois et autres défaire lavage 
de guesde et autres matières colorantes au-dessus de la maison des 
demandeurs et de celle de la veuve de Jean Peultre. 

(11 mai i538.) 

Entre Geneviefve Le Bossu, vefve de feu Françoys Gobelin, tant 

c remuez le tout dans la chaudière, prenez un peu de couperose avec de 
c l'urine nouvelle et la versez sur la cendre, i La simple énumération des 
matières employées semble justifier les revendications des riverains. 
Marées } Bois jaune. — Note de M. David. 



74 I*BS GOBSLIM. 

en son nom que comme ayant le bail, tutelle et curatelle des enfans 
mineurs d'ans dud. defunct et d'elle, et Jehan Robineau, à cause de 
Geneviefre Gobelin, sa femme, demandeurs en exécution d'arrest, et 
en ce faisant que Ponce de Miraulmont, Jehan Candelier, Robert 
Desprez et Jacques Fraulde, marchans, m** taincturiers et bourgeoys 
de ceste ville de Paris, par eulx nommex pour visites, suivant Tarrest 
de la court du xvi« jour de février dernier passé, et savoir la disttnce 
de l'eaue jusques à laquelle iceulz défendeurs prétendent povoir estre 
par eulx faictx au dessoubz de leur ouvrouer et maison lavaiges de 
guesde, de noir, de temisseure, de tennes, garencez et autres choses 
préjudiciables, dont mencion est fidcte en Tarrest donné entre lesd. 
partyes^ du vu* septembre dernier passé, et ce sans âiire dommaige 
ne préjudice ausd. demandeurs, ou deux dlceulx demourassent 
accordez de leur costé pour faire lad. Visitation par devant les com- 
missaires de la court, suivant led. arrest, consentans et offrans de 
leur costé pour abbreger la matière, que Guillaume Trouillart et 
Anthoine Gilbert, nommez par lesd. défendeurs, soient aussi par lad. 
court receuz du costé desd. défendeurs, en accordant par iceulx 
défendeurs deux des nommez par lesd. demandeurs, et en oultre que 
lesd. nommez et accordez, ou qui par arrest de lad. court demourront, 
puissent eslire ung cinquième, tel que bon leur semblera, homme 
non suspect et congnoissant au feict des taincturiers de couleurs, 
pour avec eulx quatre faire lad. Visitation, requérant encore iceulx 
demandeurs que, ce pendant, défenses soient foicte ausd. défendeurs 
de ne besongner dcsd. choses préjudiciables, mentionnées en Tarrest, 
à l'endroit et du long de leur ouvrouer et hérita ige, suivant ce qu'ilz 
ont par cy devant accordé en Tappoinctement en droict prias par 
eulx en l'exécution du premier arrest et a leur requeste, sur laquelle 
est intervenu le second; offrans davantage lesd. demandeurs pour se 
mettre du tout en leur devoir et éviter les fraiz et longueur de la 
Visitation, sur laquelle les parties ont ja esté longtemps, et mettre les 
parties hors tout procès, prendre droit par les escriptures baillées 
par lesd. défendeurs au procès principal, lesquelles ont esté veues 
en la court, et sur lesquelles est intervenu Farrest dudit vii« septembre 
dernier passé, par lesquelles, mesmement par le Lxm« article de 
leurs escriptures principalles, contenu au deuxiesme responsif 
d'iceulx, et encores par le vi"vii*, contenu au iii« responsif, ilz con- 
fessent que les lavaiges et tainctures que faisoient lors la vefve Jehan 
Le Peultre, m« Jehan Canaye et Jehan Gobelin, qui n'estoient que 
deux en nombre, parce que m« Jehan Canaye ne feist oncques tainc- 
tures préjudiciables en sad. maison, tournoient au grand préjudice 
d'iceulx défendeurs et demandeurs, parce qu'ilz gastoient lad. rivière, 
et que, partant, les lavaiges qu'ils pourroient foire au dessoubz de lad. 
vefve Jehan Le Peultre pourroient prejudicier ausd. demandeurs, 



PlicBS JUSTIFICATIVES. 76 

que les défenses contenues audit premier arrest, et dont est question, 
soient restrainctes au dessus de lad. vefve Le jPeultre, et jusques à 
icelle distance seuUement, lesd. défenses tiennent en tout temps et 
saisons; et au dessus d'icelles soit permis ausd. défendeurs faire lesd. 
lavaîges défendue, qui est ung expédient pour mettre les parties hors 
de procès; soustenans lad. offre estre très raisonnable, toutesfoys 
que où les défendeurs ne la Touldroient accepter, elle ne leur puisse 
prejudicier, et requis despens, d'une part; 

Et Katherine Langloix, yefve de feu Jehan Gobelin, en son nom, 
Philebert Gobelin, Jaques Gobelin, Françoys David, Marie Gobelin, 
sa femme, Rogerin Robineau, Catherine Gobelin, sa femme, Jehan 
Gobelin, Pierre Gobelin, Françoys Garrault et Marguerite Gobelin, 
sa femme, tous héritiers de feu Jehan Gobelin, défendeurs à lad. 
exécution et empeschans que les desnommez par lesd. demandeurs 
demeurent accordez pour taire lad. Visitation, offrant que défenses 
leur feussent feictes en termes generaulx de ne besongner de chose 
préjudiciable ausd. demandeurs à l'endroit et du long des édifices de 
chascune desd. parties, d'autre; 

Veu par la court lesd. arrestz du vn* septembre et xvi* février der- 
nier passez, les advertissemens responsifii avec autres advertissemens 
foumiz par led. appellant et production desd. parties, et Lxin* article 
des escriptures principalles du a* responsif, et le vf vu* article du 
ni* responsif desd. escriptures principalles desd. défendeurs, l'appoinc- 
tement à oyr droit du m* )our d*avril dernier passé, contenans les 
offres et responses à icelles desd. parties, et tout ce que lesd. parties 
ont mis et produtct par devers certain conseiller de lad. court, com- 
mis a exécuter led. arrest, et tout considéré; 

Il sera dit que, en ayant esgard à l'offre desd. demandeurs et au 
contenu esd. Lxrn* et vi»vn« article des escriptures principales desd. 
défendeurs, défenses seront feictes ausd. défendeurs ne besongner 
au dessus de la maison et heritaiges desd. demandeurs en la rivière 
Saint Marcel et jusques au dessus de la maison la velve Jehan Le 
Peultre inclusivement, en tout temps et saisons de lavaiges de guesde 
pur, de noir, de ternissures, de tennez et garencez ou autres draps, 
ou chose à la taincture desquetz y auroit esté applicqué du guesde, 
ou de* faire autres choses quelzconques au préjudice desd. deman- 
deurs, leurs hoirs ou d'eulx ayans cause, le tout suivant led. arrest 
du vu* septembre dernier passé. Et a lad. court permis et permect 
ausd. défendeurs faire au dessus de la maison de lad. vefve Le 
Peultre telz lavaiges que bon leur semblera, sans ce que lesd. 
demandeurs les puissent empescher. Et si a lad. court condanné 
lesd. défendeurs es despens du présent incident depuis led. appoinc- 
tement du iu« avril dernier passé, les autres despens compensez, et 
pour cause. 

Arch. nat., Xlt 1541, fol. 365 r*. 



76 LBS GOBBLtK. 

F 

Arrêt définitif défendant à Catherine Langlois, veuve de Jean 
Gobeliny et autres membres de la famille^ de laver des guesdes^ 
etc. y au-dessus de la maison de Geneviève Le Bossu^ veuve de Fran- 
çois Gobelin, 

(7 septembre i538.) 

Entre Geneviefve Le Bossu, vefve de feu Françoys Gobelin, tant 
en son nom que comme ayant le bail, tutelle et curatelle des enfons 
mineurs d'ans dud. defunct et d'elle, et Jehan Robineau, à cause de 
Geneviefve Gobelin, sa femme, demandeurs et requérant l'exécution 
de certains arrestz du septième jour de septembre mil V^ XXXVII et 
xi« may mil V« XXXVIII dernier passé, et, en ce faisant et en suivant 
iceulx, que défenses fussent faictes à Katherine Langloix, vefve de 
feu Jehan Gobelin, en son nom, Philibert Gobelin, Jaques Gobelin, 
Françoys David, Marie Gobelin, sa femme, Rogerin Robineau, 
Catherine Gobelin, sa femme, Jehan Gobelin, Pierre Gobelin, Fran- 
çoys Garrault et Marguerite Gobelin, sa femme, de ne besongner 
au dessus de la maison et heritaige desd. demandeurs en la rivière 
Saint Marcel et jusques au dessus de la maison de la vefve Jehan 
Le Peultre inclusivement, en tout temps et saisons de lavaiges de 
guesdes pur, de noirs, de ternisseures, de tennez, garancez et autres 
draps ou choses, à la taincture desquelles y auroit eu du guesde 
applicqué, ou de faire autres choses quelconques au préjudice desd. 
demandeurs, leurs hoirs ou ayans cause, requérant iceulx défendeurs 
pour entreprinses par eulx faictes contrevenans ausd. arrestz, subter- 
fuges et delaiz par eulx requis à lad. exécution d'arrest, estre con- 
dannez vers lesd. demandeurs en la somme de ii^^ livres parisis, avec 
despens de lad. exécution, d'une part, et lesd. Catherine Langloix, 
vef^e dud. feu Jehan Gobelin, en son nom, Philibert, Jaques, Jehan 
et Pierre Gobelin, et consors, défendeurs en lad. exécution, et 
neantraoins consentans défenses leur estre faictes de ne besongner 
indistinctement en tout temps et saisons de guesde pur en lad. rivière 
Saint Marcel, au dessus de la maison et heritaiges desd. demandeurs 
jusques à la maison de la vefve Jehan Peultre inclusivement, sem- 
blablement de ne besongner de noirs, de ternisseures, de tennez, 
garencez ou autres draps ayans guesde, ou autres choses en la tainc- 
ture desquelles y auroit esté applicqué guesde, faisant préjudice ausd. 
demandeurs, et en ce qui pourroit prejudicier ausd. demandeurs, et 
generallement accordant défenses leur estre faictes de ne faire autres 
choses quelzconques au préjudice desd. demandeurs en lad. rivière, 
en accordant par lesd. demandeurs que lesd. défendeurs puissent 



PIÂCBS JUSTIFICAirVES. 77 

besoogner et fiiire layaiges d'autres draps, esquelz n'a esté applicqué 
guesdes, et semblablement ceux où il y a eu guesde applicqué, qui 
ne font préjudice ausd. demandeurs, comme morées, tant brunes 
que claires, yioletz, rosées, toutes couleurs de vert, cendrées, bleuz, 
blancs, célestes, escarlates, brunes et violetes, pers, camelote, violetz, 
dairez pour tennez et clairez pour morées, soustenans lavaiges de 
draps tainctx esd. couleurs ne pevent estre préjudiciables ausd. 
demandeurs, d'autre. 

Ven par la court lesd. arrestz, advertissemens et productions desd. 
parties, et tout ce qu'elles ont mis et produit par devers l'exécuteur 
desd. arrestz, l'appoinctement en droit et tout considéré; 

Il sera dit, en ensuivant lesd. arrestz, que lad. court a fait inhibi- 
tions et défenses ausd. défendeurs de ne besongner au dessus de la 
maison et heritaiges desd. demandeurs en la rivière de Saint Marcel, 
^ JQsqaes au dessus de la maison de la vefve feu Jehan Le Peultre 
inclusivement, en tout temps et saisons de lavaiges de guesde pur, de 
noirs, de ternissures, de tennez, garencez et autres draps ou choses 
^ la tainaure desquelz y auroit eu du guesde applicqué, ou de faire 
autre chose quelconque au préjudice desd. demandeurs, leurs hoirs 
^ ayans cause, et quant aux particuliers lavaiges d'autres draps 
^uelz n'a esté applicqué guesde, et semblablement ceulx oii y a eu 
guesde applicqué, que lesd. défendeurs prétendent ne povoir ûdre 
préjudice ausd. demandeurs, contenuz à l'appoinctement en droit du 
xxyi« jour de juillet dernier passé, lad. court a ordonné et ordonne 
que lesd. défendeurs articuleront plus amplement lesd. particuliers 
lavaiges par eulx pretenduz n'estre dommageables ausd. demandeurs 
dedans huit jours prochainement venant, par devant led. exécuteur, 
ausquelz articles lesd. demandeurs respondront à la huitaine ensui- 
vant; bailleront lesd. parties replicques, duplicques dedans le temps 
de l'ordonnance, et produiront ce que bon leur semblera, pour, ce fait 
et rapporté par devers lad. court, estre procédé au jugement dud. 
incident, ainsi qu'il appartiendra par raison, despens reservez en 
diffinitive. 
Arch. nat., Xia 1541 (Conseil), fol. 654 v*. 



Arrêt ordonnant une enquête sur la plainte formée par les Religieuses 
Cordelières contre Philibert Gobelin et ses frères. 

(2 avril 1 539, n. st.) 

Sur la requeste baillée à la court par les religieuses, abbesse et 
couvent de Saint Marcel lez Paris, par laquelle elles requeroient 
qu'il fust ordonné à m* Jehan Tronson, conseiller en la court de 



j9 LB8 QOBSUN. 

céans et commissaire de par icelle en ceste partie, lenr bailler en 
' forme son procès-verbal de certaine Visitation fidcte en sa présence, 
par ordonnance de lad. court, de certains lieux et prétendues incom- 
moditez et inconveniens en iceulz par lesd. religieuses antidpans à 
rencontre de Philbert Gobelin, Pierre et Jaques, ses frères, appellans 
du prerost de Paris ou son lieutenant, et anticipes, veu par la court 
lad. requeste et sur ce oy en icelle led. Tronson et tout considéré; 

Lad. court, pour aucunes considérations à ce la mouvans, a ordonné 
et ordonne que, en la présence dud. Tronson et de m* Loys Rcnllart, 
aussi conseiller en lad. court, lesquels quant à ce elle a commis et 
commect, que les lieux dont entre lesd. parties est question, seront 
derechef veux et vbitez par les bourgeois et jures par lesd. parties 
accordes par devant led. Tronson, deux autres jurez avec deux autres 
bourgeoys et deux arpenteurs, dont lesd. parties conviendront par de- 
vant lesd. commissaires dedans trois jours, et en defoult de ce &ire 
dedans led. temps, en pourront lesd. commissaires prendre aux fins 
par chacune desd. parties prétendues, et sur leur dire et monstrée 
qu'ilz feront par devant lesd. commissaires, lesd. bourgeob, jurez et 
arpenteurs seront oyz et examinez, lesquels seront tenuz en dire et 
déposer ce qu*ilz en verront, sçauront et congnoistront tant par et 
selon leur art, perite et industrie, que autrement, et leur dire rédigé 
par escript par le greffier de lad. court, ou son clerc et commis pour 
ce Met, rapporté et veu par lad. court en estre ordonné comme de 
raison. 
Arch. nat., X>* 1542 (Conseil), fol. SSg r». 

H 

Plaidoyers des avocats des deux parties adverses, 

(la août 1539.) 

Entre Philibert Gobelin, appellant du prevost de Paris ou son 
lieutenant, et anticippé, Pierre et Jacques Gobelins, ses frères, 
appeliez pour veoir régler les parties, d*une part, et les religieuses, 
abbesse et couvent de Sainct Marcel lez Paris, anticipantes, d'autre : 

Après que Rebours, pour lesd. religieuses, a demandé congé contre 
Tappellant, et De Thou, pour led. appellant, a declairé ne vouloir 
soustenir Tappellation dud. appellant et ne pretendoit riens au pro- 
cès dont est question, et s'en rapportoit à ses frères de soustenir leurs 
droiz, si bon leur sembloit. 

Rebours, pour lesd. religieuses, dit que Philibert Gobellin, appel- 
lant, ne veult soustenir son appel et pour ce, s*i] plaist à la court, ce 



PlilGES lUSTIFICATrVES. 79 

dont est appelle sera confirmé ayec adjudication de despens de la 
cause d'appel; mais il y a oultre l'entérinement de la requeste pré- 
sentée k la court par lesd. religieuses, le xxi* febvrier dernier, suy- 
irant laquelle Jacques et Pierre Gobellin, frères de l'appellant, ont 
esté appeliez pour Tcoir les parties, et ad ce que l'arrest qui inter- 
▼iendra contre led. Philibert, appellant, fîist exécutoire contre eulz, 
poar l'entérinement de laquelle dict que le monastère et pourpris 
desd. religieuses, qui leur a esté aulmosné par les Roys, a esté d'an- 
cienneté construit, et la closture faicte en délaissant à Tentour 
d'icelle dosture quelque espace de terre à elles appartenant, et 
d'keOe terre a esté fait ung tahi le long de leurs murailles pour la 
fortification et soustenement d'icelle, et mesmement au fonds d'un 
dos d'asne et talu de terre estant le long desd. murailles, près et joi- 
gnant une pièce de pré appartenant ausd. Gobeilins, y a eu d'ancien- 
neté et encores appareist à présent ung fossé par lequel en partie 
AToit son cours l'eau de la rivière Sainct Merceau, appellée la rivière 
de Bievre, led. fossé aussi appartenant ausd. religieuses et estant de 
leur heritaige; lequel talu et fossé contiennent environ douze ou 
quinze pieds de largeur, et oultre iceulx est la pièce de pré et heri- 
taiges desd. Gobeilins. Or, il y a quelque temps que lesd. Gobeilins 
ou leur feu père avoient commencé faire une muraille ou closture 
en leurdicte pièce de pré le long de la rue, mais n'auroient jamais 
osé entreprendre conduire lad. muraille jusques au mur de la clos- 
ture desd. religieuses, delaissans en ouverture autant que lesd. fossé 
et talu se comportent en largeur, pour ce qu'ilz sçavoient ne pouvoir 
bastir ne clore en et sur iceulx, comme appartenant ausd. religieuses, 
et demeure ceste ouverture assez longue espace de temps et jusques 
ad ce que en la saison de caresme et au commancement d'icelluy en 
l'an V«XXXniI ou XXV, estans lesd. Philibert, Jaques et Pierre Gobel* 
lins en association et communauhé de tous biens, desquels avoit prin- 
cipalement la charge et conduicte led. Philibert, aisné, icelluy Phili- 
bert, qui est l'appellant et acquiesçant, avoit mandé en sa maison deux 
religieux residans aud. monastère, beaupère desd. religieuses, les- 
quels il auroit requis estre médiateurs envers elles, de luy donner 
congé et permission pour hiy et sesd. frères de faire continuer lad. 
muraille par eulx encommancée jusques aux murs desd. religieuses 
et y fiire foire une huisserie pour y mettre et asseoir une porte par 
laquelle entreroient aud. cloz lesd. parties respectivement, disant 
par luy, lesd. Jacques et Pierre, ses frères, presens, qui n'entendoient 
lad. continuation de muraille et huisserie estre faictes, sinon par 
congé et permission desd. religieuses, ne en sorte que ce leur peust 
foire prqudice, et que le procureur et entremetteur des affaires de 
lad. abbaye en auroient une clef pour ouvrir et former lad. porte, 
entrer, aller et venir en icelluy èloz, mesmement sur ce qu'estoit de 



80 LB8 GOBBUK. 

leur heritaige, et pour y passer et repasser, quant et ainsi que bon 
leur sembleroit. Suyyant lequel propos fiit depuis convenu et accordé 
que, par permission et souffrance desd. religieuses, led. Philibert 
Gobellin, pour luy et sesd. frères, pourroit faire continuer lesd. 
murailles, et faire faire lad. huisserie et porte, à la charge que 
d*icelle porte lesd. religieuses, ou leurs procureurs et entremetteurs 
de leurs affaires, auroient une clef pour icelle ouvrir et fermer, pas- 
ser et repasser, leurs gens, serviteurs et £Euniliers, quant bon leur 
sembleroit, et que toutes et quantes foys que bon sembleroit ausd. 
religieuses, elles pourroient faire démolir et abatre lad. continuation 
de muraille, sans le consentement desd. Gobellins, ne autre solemp- 
nité de justice, et fut lors par led. Philibert Gobelin, tant par luy 
que sesd. frères, promis en passer lettre de recongnoissance. Et a 
tout ce que dessus esté depuis confessé et recogneu par plusieurs 
foys et en diverses manières par chacun desd. Gobellins, lesquels, 
suyvant icelle permission et souffrance, ont depuis faict &ire lad. 
continuation de muraille, huisserie et porte en et sur les heritaiges 
desd. religieuses, ausquelles ou à leur procureur a esté baillé une 
clef; mais, quelque temps après, lesd. Gobellins, usans de mauvaise 
foy, auroient fait changer les gardes de la serrure, en sorte que lesd. 
religieuses et leurs gens auroient esté privez de la fEiculté de pouvoir 
entrer, aller et venir comme ilz avoient de coustume. Et davantaige, 
par le moyen de lad. construction de muraille seroient advenus plu- 
sieurs inconveniens ausd. religieuses et leur maison, à cause que par 
le moyen d'icelles murailles en est entré en et au (de)dans leur 
encloz, et ont esté dérobées deux ou troys foys; au moyen de quoy, 
et voyans lesd. religieuses la mauvaise foy des parties adverses, 
auroient faict adjorner led. Philibert Gobellin et contre luy prins 
leurs conclusions pertinentes, selon ce que dessus; lequel Philibert, 
tant par ses défenses que depuis en personne, auroit recogneu et 
confessé le faict desd. religieuses estre véritable, tellement que par 
sentence du prevost de Paris ou son lieutenant, â laquelle de présent 
il acquiesce, auroit esté condenné passer lettres d'avoir eu permission 
et congé d'elles, d'avoir faict faire lad. muraille, huisserie, porte et 
clefs en icelle par précaire et souffrance, et à la charge de bailler et 
avoir par lesd. religieuses ou leurs gens et serviteurs, une clef pour 
y aller et venir, passer et repasser, toutes et quantes fois que bon 
sembleroit, en la présence de sesd. frères, et aussi à la charge de 
pouvoir, par icelles religieuses, abbesse et couvent, faire abbatre et 
démolir lad. muraille et huisserie toutes et quantes foys qu'il leur 
plairoit. Or, pour ce que lesd. Jacques et Pierre se seroient vantez, 
quant lesd. religieuses de Saint Marcel auroient arrest contre led. 
Philibert Gobellin, de empescher l'exécution, et par ce moyen les 
tenir en longueur de procès, lesd. religieuses auroient présenté 



PIÈCES JUSTIFICATiyRS. 8l 

reqneste à la court pour fiiire appeller lesd. Jacques et Pierre pour 
▼eoir régler les parties, et ad ce que Tarrest que interviendroit contre 
led. Philibert fust exécutoire contre eulx, sont companu et depuis, 
tant par jugement des commissaires sur ce commis que par arrest a 
esté dict que les lieux seroient veuz et yisitées, en la présence de 
m«« Jehan Tronson et Loys Roillart, conseillers en la court de céans, 
par bourgeois, jurez et arpenteurs, desquelz les parties ont convenu; 
a esté la Visitation faicte et par rapport d'icelle trouvé ledit condoz et 
fossé appartenir ausd. religieuses, et que lesd. Gobelins estoient et 
sont tenuz retirer lad. porte sur leur heritaige, et aussi que lesd. 
religieuses, sur ce qui est de leur heritaige, pourroient faire huisserie 
et porte, closture et autres choses pour leur comodité, semblablement 
que lesd. Gobellins estoient et sont tenuz oster et arracher, ou faire 
ester et arracher certaine quantité de saulx qu'ilz avoient faict plan- 
ter sur led. condoz et fossé, ainsi que plus à plain le contient le pro- 
cès verbal desd. Visitation et rapport, à renterinement duquel et de 
lad. requeste ilz concluent et demandent despens. 

Marlac, pour Pierre et Jacques Gobelin, adjournez à la requeste 
des religieuses, abbesse et couvent des Cordelières S. Marcel, pour 
veoir régler les parties et entériner cenain rapport de jurez, dict en 
premier lieu qu'ilz sont en procez par devant le prevost de Paris tou- 
chant certaine pièce de pré estant joignant les murailles des. deman- 
deurs, auquel procès y a escriptures foumyes et enquestes faictes 
respectivement par les parties, et n'y a riens quant à eulx pendant en 
la court, et quant à l'instance qui par cy devant a esté meue par 
devant le prevost de Paris entre icelles Cordellières et Philebert 
Gobellin, pour raison de certaines prétendues promesses qu'elles pré- 
tendent leur avoir esté faictes par icelluy Philibert touchant certain 
mur basty derrière leur closture, ne se trouvera qu'il y ait aucune 
promesse faicte pour eulx à icelles Cordellières, ny pareillement par 
Philibert en leur présence, quoy que soit eulx saichans, consentans 
et advertiz de ce que on faisoit et traictoit, et le denyent. — Dict 
davantaige que, par avant lad. promesse long temps, Philebert Gobel- 
lin n'avoit rien en l'heritaige sur lequel est basty le mur dont est 
question, comme apperra par le partaige faict entre eulx, par lequel 
la pièce de pré où est icelle muraille bastie, escheue à icelluy Jacques, 
en sorte que, lors de la promesse, led. Philebert n'y avoit riens, et 
n'a pu faire aucune promesse au préjudice dud. Jacques, avec lequel 
lors il vivoit comunément quant à la despence de maison et faict de 
marchandise. Et si ont remonstré iceulx Pierre et Jacques à la Visi- 
tation faiac par maistrc Jehan Tronsson, conseiller, laquelle Visita- 
tion n'a peu estre faicte que sur le contenu en la requeste desd. Cor- 
dellières, dont est à présent question (qui estoit sur le dangier et 
inasseurance qu'elles pouvoient avoir â cause dud. mur basty joignant 
màu. XXXI 6 



82 LBS GOBBLIN. 

leurs muraille et clostnre, et non davantaige), ce que dict est mes- 
mement ce qui seroit rapporté sur autre chose que sur le dangier 
dont parle la requeste. Et protestant que le tout ne leur peust pre)u- 
dicier es instances pendantes entre eulx et lesd. Cordellières, quant 
à la propriété et possession des lieux, faisant toutesfojs toutes offres 
pertinentes pour Tasseurance d'icelles religieuses, lesquelles, tout 
bien veu et entendu, eertant contra propria commada^ parce que, au 
moyen du mur dont est question, elles ont closture double et sont 
plus asseurées qu'elles n'estoient auparavant, et toutesfoys ne se sont 
contentées de leur avoir suscité six procès pour raison d'une mesme 
chose ou Chastellet, à eulx qui sont simples jeunes gens empeschez 
au faict de leur marchandise, mais les veullent encores empescher en 
la court, taisans toutes lesd. instances pendans par devant le prevost 
de Paris, desquelles elles font chascun jour toutes les poursuites 
qu'il est possible, et veullent et entendent les faire vuidier par le 
simple rapport duquel elles requièrent l'entérinement, ce que, soubz 
correction, ne se peult et doibt faire, tant parce que l'on sçait assez 
comme telz rappors se font et que les parties poursuyvantes ordinai- 
rement font rapporter ce ou partie de ce qu'ilz veullent, que pour 
ce aussi que en iceulx procès est question de la propriété et posses- 
sion d'heritaige, ce qui ne se peult décider par rapport de jurez, 
attendu que ce n'est de leur art et expérience, ains fault veoir les 
tiltres et productions des parties. Et supplient lesd. parties à la court 
qu'il luy plaise ce faire et vuider le tout par mesme moyen et joignent 
icelles ensemble, en évoquant toutes les instances pendentes en 
Chastellet, conserver la grande abréviation et prouffict de toutes les 
parties, protestant au.surplus que led. rapport ne leur puisse prejudi- 
cier,/?rimo, en ce qu'il seroit faict sur la propriété de lieux, parce que 
les commissaires n'estoient commis pour faire Visitation esd. lieux 
quant à la propriété d'iceulx, mais seuUement pour la seurté desd. 
religieuses; secundo^ non est conventum de visiteurs que pour le 
regard lad. seurté, non pour la propriété du lieu ; tertio^ que sur lad. 
propriété ny appoinctement de contrariété dont n*est appelle et 
enquestes faictes à ceste fin; quarto^ que une propriété se doibt 
prouver par tesmoings, non par Visitation, consequemment il est 
impossible, soubz correction, de recevoir led. rapport en ce qu'il 
regarderoit la propriété du lieu dont est question. 

Rebours a leu la confession dud. Philebert Gobelin; ce faict, a 
dict qu'il prenoit droit par le partaige, dont Jacques Gobelin s'estoit 
vanté. 

La court, après que les religieuses ont prins droit par le partaige, 
a ordonné que lesd. defifendeurs apporteront icelluy après disner 
pour, icelluy veu, faire droit aux parties, ainsi qu'il appartiendra par 
raison. Quant à l'appellation interjectée par Philebert Gobelin, la 



piècBs JumncATTVES. 83 

court a mis et mect icelle appellation au néant sans amende, ordonne 
qae ce dont a esté appelle sortira son plein et entier effect, et con- 
dempne led. appellant es despens de la cause d'appel, et néantmoins 
ordonne lad. court que lesd. Philebert, Jacques et Pierre Gobelin, 
frères, comparoistront en icelle après disner en personne pour estre 
interrogez. 
Arch. naLy Xi* 4909 (Matinées), fol. Sog. 

I 

Comparution et interrogatoire des parties. 

Évocation au Parlement de Vinstance pendante au Châtelet, 

Condamnation de Philibert Gobelin. 

(x2 août 1539.) 

Du mardy douziesme jour d'aoust 1 53g, 

En la cause d'entre les religieuses de S. Marcel {un blanc). 

Après que Rebours, pour lesdictes religieuses, a recité sommaire- 
ment le plaidoyé par luy ce matin faict, et l'ordonnance de la court, 
et requis que, suyvant icelle, Philebert, Pierre et Jacques Gobelins, 
presens, fussent interroguez, assavoir ledict Philebert, si lesd. Pierre 
et Jacques, ses frères, estoient pas presans à la requeste qu'il feist 
ausdictes religieuses de luy permettre par précaire de bastir la 
muraille, dont aujourd'huy est question, et foire Thuisserie qui y est, 
à la charge d'icelle muraille démolir et faire démolir toutes et 
quantes fois qu'il plairoit ausd. religieuses, mesme quant lad. 
muraille leur seroit préjudiciable, et quelles auroient une clef de 
lad. huisserie, et lesd. Pierre et Jacques, s'ilz estoient pas lors de 
lad. requeste, presens avec lesd. Philebert. 

Led. Philebert en personne, après serment par luy fait de dire 
venté, sur ce interrogé, a denyé avoir jamais foict lad. requeste ausd. 
religieuses, et quoy qu'il se trouvast par escript qu'il avoit confessé 
en Chastellet avoir foict lad. requeste en la présence de ses frères, il 
n'avoit jamais faict cette confession, et avoit l'on plus escript qu'il 
n'avoit dit. Et est souvenant que, lorsqu'il fut interrogué en Chastel- 
let, il fut interrogé par ung advocat nommé Chauveau, qui tenoit lors 
le siège, et y avoit si grand tumulte qu'il estoit impossible qu'il eust 
sceu entendre ce que led. Chauveau luy demandoit, et aud. Chauveau 
ce que luy disoit. Et avoit esté adverty que la confession, qui 
aujourd'huy se trouvoit par escript, avoit esté faicte à plaisir par 
ung advocat ou procureur desd. religieuses, et pour entendre qu'il 
n'avoit faict la requeste, il n'avoit riens et n'eut oncques en l'heri- 
taige où a esté faicte la muraille dont est question, et ne Tavoit faict 
faire. 



84 LBS GOBIUN. 

Lcsd. Pierre et Jacques, aussi en personne, après serment pareulx 
fak de dire Terité, sur ce que dessus interrogez, ont affermé que 
jamais n'oyrent parler que k présent que leurd. frère Philebert eost 
faict la requeste dont a esté parlé ausd. religieuses, ne que lesd. reli- 
gieuses ayent baillé aud. Philebert aucune permission précaire, ou 
aultrement, de bastir lad. muraille. Et a dit led. Jacques que llieri* 
taige cloz d'icelle muraille luy estoit escheu en son lot par le par- 
taige qu'il ayoit foict avec sesd. frères de la succession de leur feu 
père, et luy il avoit Caict bastir la muraille longtemps auparavant le 
jour que l'on pretendoit lad. requeste avoir esté faicte. 

A dit Rebours qu'il n'y avoit propos en Taffirmation Êiicte présen- 
tement par led. Philebert, car il y avoit trois confessions géminées 
par luy, toutes contraires ft ce qu'il disoit, la première par ses 
défenses baillées par escript en Chastellet à rencontre de la demande 
desd. religieuses, l'aultre et second avoit esté fiûcte judiciairement, 
quant il avoit esté interrogé sur lad. demande desd. religieuses ; la 
tierce, par unes lettres qu'il avoit obtenues. Vray estoit que par lesd. 
lettres dist bien qu'il n'avoit consenti que lad. muraille seroit démo- 
lie toutes et quantes fois qu'il plairoit ausd. religieuses, mesmes 
quant elle leur seroit préjudiciable; mais, par les deux premières 
confessions, il avoit confessé que, par précaire, il avoit eu la permis- 
sion d*icelle muraille bastir desd. religieuses, à la charge qu'elles 
auroient une clef de l'huisserye qu'il feroit faire, et de faire démolir 
lad. muraille toutes fois et quantes que bon sembleroit ausd. reli- 
gieuses, mesmes quant lad. muraille leur seroit préjudiciable, et par 
toutes les trois confessions avoit confessé que quant il feist lad. 
requeste ausd. religieuses, estoient presens lesd. Pierre et Jacques 
Gobelins, ses frères, et ne se povoit saulver soubz umbre de dire 
qu'il n'avoit confessé ce qui est escript en l'acte de sa confession, 
attendu qu'il n'estoit maintenu de faulx. Pareillement ne se povoit 
couvrir de erreur, car, comme il a dit, lad. confession a esté gémi- 
née, tant par escript que en personne par led. Philebert, joinct que 
led. Philebert n'a moyens pour prouver led. prétendu erreur, aussi 
l'on veoyt qu'il acquiesce à son appel, approuvant par ces moyens ce 
qu'il a dict et confessé par devant le prevost de Paris, et à ce qui a 
esté contre luy jugé et ordonné. Quant ausd. Pierre et Jacques, dict 
que, quelque chose qu'ilz s'efforcent à présent de nyer, la vérité est 
qu'ilz estoient presens aux stipulations et promesses du précaire, les 
ont eues pour aggréables et confessé estre vallables, ainsi qu'il sera 
plus particulièrement deduict s'il en est besoing, et si est vray, 
quelque dénégation qu'ilz facent, qu'ilz estoient lors dud. précaire 
et souffrance requis par led. Philebert en communaulté de tous 
biens avec luy, desquelz ilz ont depuis faict partaigc ensemble. Et 
quant au partaige précèdent qu'ilz prétendent, ce a esté ung partaige 



PIÈCES JUSTIFTCATIVES. 85 

hkt entre tous les cohéritiers de leur feu père, depuis lequel lesd. 
Philebert, Jacques et Pierre se sont remis en communaulté, en 
laquelle ils estoient lors desd. précaire et souffrance. Et ont depuis 
faict autres partaiges entre euix par devant le commissaire Boullart, 
par lequel il apperra que, lors de lad. souffrance, les prez dont est 
question estoient communs entre eulx, et aussi par le premier par- 
taige n*est £aûcte mention que d'un arpent en 5 quartiers de pré, qui 
n'est pas le total du pré que lesd. Gobelins ont au lieu dont est ques- 
tion, qui se monte 3 arpens ou environ, quoy que soit beaucoup 
plus que ce qui est mentionné pour le premier partaige. Au regard 
de ce qu'ilz dient y avoir aultres procès pendant par devant le pre- 
Tost de Paris, qui seroit préjudiciable à ceste instance, et lesquelz 
partant il feuldroit evocquer, dict qu'il consent et requiert lad. évo- 
cation et qu'il plaise â la Court, pour le bien desd. religieuses, le tout 
joindre et vuyder ensemble, mais que lesd. religieuses soient remises 
en leur premier estât. 

Marlhac, pour lesd. Pierre et Jacques, a dict que eulx et Philebert, 

iear frère, estoient gens de bien et qui ne se vouldroient parjurer 

comme il croyt, et luy auroit dict et asseuré led. Philebert que la 

confession judiciaire, au moyen de laquelle il acquiessoit à son 

appellation, estoit £iulse, et que, lorsqu'il fut interrogué, il y avoit si 

grand tumulte en l'auditoire du Châtelet, et s'il y eust eu l juges, ilz 

n'eussent sceu entendre ce qu'il disoit, ny luy eulx. Toutesfois aymoit 

mieulx passer condamnation que d'entrer en matière de faulseté. Et, 

au regard desd. Pierre et Jacques, ilz ne vouloient plaider contre 

leur tort, car accordoient que la court evocast l'instance qui estoit 

pendente et indécise en Chastellet, pour raison du fond et propriété 

où a esté construicte lad. muraille, en laquelle instance y a eu 

enquestes faictes et contredictz de tesmoings baillez, et estoit preste 

a juger, et qu'il pleiist à la court veoir au fond du sac et faire droict 

aux parties, de sorte que, s'ilz n*avoient riens en lad. propriété, ilz 

en feossent déboutez, aussi, s'il se trouvoit que lesd. religieuses 

eussent tort, elles feussent condempnées. 

La court dict que, avant que faire droit sur la requeste faicte par 
lesd. religieuses concernant la démolition de la muraille, les parties 
informeront, d*une part et d'aultre, du faict prétendu par lesd. reli- 
gieuses et denyé par lesd. Gobelins puisnez, assavoir de la requeste 
faicte par Philebert Gobelin ainsné ausd. religieuses qu'elles luy 
puissent faire construire et édifier lad. muraille, à la charge d'icelle 
abbatre et démolir, ou souffrir estre abbatue ou démolie par icelles 
religieuses, toutesfois et quantes qu'elles le vouldroient requérir, et 
ce dedans quinzaine pour toutes préfixions et delaiz, aliaSy lad. 
XV«» passée, sera vuydée l'instance de lad. requeste par ce qu'il sera 
trouvé devers lad. court, et, au surplus, suyvant le consentement des 



86 LVS GOBBLIN. 

parties, U court a erocqné et erooque à elle tous les procès et ini- 
tances qui sont pendentes entre lesd. parties en Chas^liet et esttns 
indécises, pour estre joinctes à l'instance de lad. requeste et jagto 
toutes ensemblement ou distinctement, ainsi que lad. court verra 
estre a fiadre par raison.' Et pourront lesd. religieuses emploier la 
sommation qu'ils dient avoir faicte sur lad. requeste, et mettront par 
devers lad. court le rapport de Visitation qu'elles ont £Edct faire. Et, 
quant aud. Philebert Gobelin, lad. court» suivant la sentence contre 
luy donnée par le prevost de Paris ou sont lieutenant, à laquelle il a 
acquiescé, l'a condempné et condempne à souffrir de sa part et en 
tant que à luy est, la demolidon de lad. muraille estre £aicte par 
lesd. religieuses. 
Arch. nat, Xu 835s (après dîners), fol. 634 ▼*• 

K 

Arrêt ordonnant la comparution des témoins cités par Pierre et 
Jacques Gobelin à l'appui de leur requête pour la récusation àe 
Jean Tronsin. 

(a3 novembre 154a.) 

Du jeudy xxm* novembre M V« XLII. 

Ce jourdhuy,suyvant l'ordonnance de la cour fiùcte le jour d'hier, 
sur certaine requeste présentée à icelle par Pierre et Jacques les 
Gobelins, marchans, demourans â S. Marcel lez Paris, à ce que pour 
les causes y contenues, ensemble en certains articles de récusation 
y attachez, il fust ordonné que maistre Jehan Tronsin, conseiller en 
lad. court, et par cy devant commissaire par elle député avec maistre 
Jehan Megret, aussi conseiilier en icelle court, en certains procès y 
pendans et évoquez entre iceulx Gobelins, défendeurs et opposans 
d'une part, et les religieuses, abbesse et couvent de S. Marcel lei 
Paris, demandeurs et complaignans d'autre, se déport roi t (sic) desd. 
procès, et que par devant led. Megret lesd. parties procederoient 
pour, lesd. procès instruictz, iceulx estre à son rapport jugez et déter- 
minez; sont comparus en icelle court lesd. Pierre et Jacques lez 
Gobelins, et après avoir pour eulz dict avoir faict présenter lad. 
requeste et articles y attachez, à ceste fin à eulx exhibez, en 
advouant le contenu en icelle requeste et articles, et après aussi que 
pour la preuve et Visitation d'iceulx ilz ont nommez pour tesmoins 
Mathurin Cintray, Jacque Pochet et Claude du Crou, lad. court a 
ordonné et ordonne que par devant maistres Nicollc Hennequin et 
Jehan Megret, conseillers en icelle court, qu*elle a à ceste fin commis 
et députez, seront tenuz lesd. Gobelins amener et faire comparoir 
dedans trois jours pour tousdelaiz lesd. tesmoings par culx présente. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES. 87 

ment nommez pour estre oyz et interrogez sur le contenu esd. 
articles, pour ce fedct en ordonner par lad. court, comme de raison, 
et aura led. Tronson coppie desd. requeste et article. 
Aich. nat., X^* i55o (Conseil), fol. 19 v*. 



Rejet de la demande en récusation de Jean Tronsin^ conseiller au 
Parlement^ introduite par Pierre et Jacques Gohelin^ condamnés 
à 10 livres parisis d'amende, 

(2 juin 1543.) 

Du samedy, second jour de juing M V«XLIII. 

Veu par la court les causes de récusation baillées en icelle par 
Pierre et Jacques les Gobelins, marchans, demourans i S. Marcel lez 
Paris, à rencontre de m« Jehan Tronsin, conseiller en lad. court, par 
lesquelles et pour les causes contenues en icelles ilz requeroient led. 
Tronson soy abstenir de assister en certain procès pendant en lad. 
court entre lesd. Gobelins et les religieuses, abbesse et couvent des 
Cordelières de S. Marcel, certain arrest donné en lad. court le 
xxui* jour de novembre derrain passé, par lequel auroit esté ordonné 
que les tesmoings nommez par lesd. Gobelins pour vérifier lesd. 
causes de récusation seroient examinez par deux commissaires de 
lad. court et l'examen faict par lesd. commissaires suyvant led. 
arrest, et tout considéré, sera dict que, sans avoir esgard ausd. 
causes de récusation, led. Tronson sera et assistera au jugement dud. 
procès, et pour avoir par lesd. Gobelin indiscrètement proposé lesd. 
causes de récusation, icelle court les a condennez et condenne en dix 
livres parisis d'amende envers le Roy. 

Arch. nat., XU i55i (Conseil), fol. 7a v*. 

M 

Arrêt condamnant f sous peine de loo liv, par. d'amende^ Philibert 
Gobelin à fournir un titre aux religieuses Cordelières^ constatant 
leur droite et à leur ouvrir une porte à travers sa clôture. 

(24 novembre i543.) 

Du vendrcdy xxiiii* jour de novembre M V" XLIII. 

Entre les religieuses, abbesse et couvent des Cordelières S. Marcel 
lez Paris, demanderesses, en exécution d'arrest, d'une part, et Phile- 
bert Gobelin, marchant et bourgeois de Paris, défendeur en lad. 



88 LES GOBELIN. 

exécution d'arrest, d'autre, veu par la court les demande, défenses, 
replicques et dupplicques desd. parties, la sentence donnée entre 
elles par le prevost de Paris ou son lieutenant, le troisiesme jour de 
juillet, l'an mil V« XXXVIII, arrest confirmatif d'icelle du xu« jour 
d'aoust mil V« XXXIX, l'offre faicte par led. défendeur, les produc- 
tions desd. parties, Tappoinctement en droict, et tout considéré; 

Il sera dit que lad. court a condenné et condenne led. défendeur à 
passer dedans huictaine, après la signification de ce présent arrest, 
lettres ausd. demanderesses d'avoir eu permission et congé d*icelles 
de foire une muraille, huisserie, porte et clefz en icelle muraille par 
précaire et souffrance, et à la charge de bailler et avoir par lesd. reli^ 
gieuses ou leurs gens et serviteurs une clef pour y aller et venir, pas- 
ser et rappasser toutes et quantes fois que bon leur semblera et à la 
charge de povoir faire par lesd. demanderesses abatre et démolir lad. 
muraille et huisserie toutes les fois qu'il leur plaira, et ce en peine 
de cent livres parisis d'amende, à faulte d'avoir ce foict dedans led. 
temps. Et si a lad. court condemné icelluy défendeur es despens de 
ceste instance, telz que de raison. 

Axch. nat., X^* i532 (Conseil), fol. 22 r*. 



N 

Mandement de Henri II accordant une somme de 5 00 écus dor à 
Claude Gobelin^ nourrice du Dauphin, 

Henry, par la grâce de Dieu roy de France. A nostre amé et féal 
conseiller trésorier et receveur général de noz finances extraordi- 
naires es parties casuelles, M« Jehan Laguette, salut et dilection. 
Nous voulons et vous mandons que des deniers de vostre recepte 
generalle prouvenuz ou que proviendront de la vente et composition 
des offices, vous payez, baillez et délivrez comptant à nostre chère et 
bien amée Claude Gobelin, nourrisse de nostre très cher et très amé 
filz le Daulphin, la somme de cinq cens escuz d'or soleil, à laquelle, 
en faveur des bons et agréables services qu'elle a cy devant faictz 
à nostrcdict filz et faict encores chascun jour, et à ce qu'elle ait 
meilleur moyen de soy plus honnorablement entretenir près et alen- 
tour de sa personne, nous en avons faict et faisons don par ces pré- 
sentes, signées de nostre main; et ce oultre et pardessus ses gaiges et 
aultres dons et bienffaictz qu'elle a euz cy devant de nous et pourra 
avoir cy après. Et par rapportant ces dictes présentes et quictancc 
de lad. Claude Gobelin sur ce suffisante seullement, nous voulions 
ladicte somme de V<^ escus soleil estre passée et allouée en la des- 
pence de voz comptes et rabbatue de vos dicte recepte generalle par 
noz amez et féaulx les gens de noz comptes à Paris, ausquelz nous 



PIÈCES JUSTIFICATIVES. 8g 

mandons ainsi le faire sans difficulté, car tel est nostre plaisir, etc. 
Donné à Sainct Germain en Laye, le vni« jour de juing, l'an de 
grâce mil cinq cens quarante sept^ et de nostre règne le premier. 

Henry. 

Par le Roy : Claussb. 
Bibl. nat., ms. fr. 3o365 (27824). 



Quittance des Soo écus d'or accordés par le roi Henri II à 
Claude Gobelin^ nourrice du Dauphin. 

En la présence de moy..., notaire et secrétaire du Roy, Claude 
Gobelin, nourisse de Monseigneur le Daulphin, a confessé avoir eu 
et receu comptant de M* Jehan Laguette, conseiller dud. Seigneur, 
trésorier gênerai de ses finances extraordinaires et parties casuelles, 
la somme de cinq cens escuz d'or solleil, vallant, à xlv solz tournoiz 
pièce, xje XXV liv. t., à elle ordonnée en don par led. seigneur sur les 
deniers provenans de la vente et composition des offices, en faveur 
des services qu'elle a faictz aud. Seigneur, faict et continue chacun 
(sic) en sond. estât. De laquelle somme de V<> escuz d'or soleil au 
feur que dessus lad. Gobelin s'est tenue et tient pour contente et 
bien payée et en a quicté et quicte led. Laguette, trésorier et rece- 
veur gênerai susdict et tous aultres, tesmoing mon seing manuel cy 
mys a sa requeste, le ii« jour de juillet l'an mil cinq cens quarante 
sept. 

DUVAL. 

Bibl. nat., ms. fr. 3o363. 



Extrait des Recherches critiques de Jaillot, 

c RuB DE LA REINE Blanche^. Elle aboutit d'un côté à la rue Mou- 
t fêtard et de l'autre à celle des Haut Fossés Saint Marcel. Sauvai 

1. François I" était mort au château de Rambouillet le 3i mars 1347. ^^ 
1647, le dauphin François, fils de Henri II, né le 19 (ou 20] janvier 1544, 
avait environ trois ans et demi. Claude Gobelin, après avoir nourri le jeune 
prince, était sans doute restée auprès de sa personne. On lui payait proba- 
blement en une seule fois l'arriéré de ses gages de nourrice, ce qui explique 
le chiffre élevé de la somme qu'elle reçoit après l'avènement au trdne de 
Henri II. 

2. Jaillot, Recherches critiques^ etc..,, sur la ville de Paris. Paris, 1774, 
in-8* (16* quartier, p. 119). 



go LES GOBSLIN. 

dit qu'elle fut ainsi appelée à cause qu'on la fit sur les ruines de 
l'hôtel de la reine Blanche, qui fut démoli en iSga, comme corn- 
plice de l'embrasement de quelques courtisans qui y dansèrent 
avec Charles VI ce malheureux ballet des Faunes si connu. — 
Juvénal des Ursins, qui rapporte ce fait comme arrivé â l'hôtel de 
la reine Blanche^ ajoute que, pour ce, cet hôtel fut démoli. Corro- 
zet dit aussi que cette maison, pour cette cause, fut razée rez pied 
rez terre. Les Historiens de Paris ont suivi cette opinion, et je ne 
cherche pas à la combattre ; mais il me paroît surprenant que, pour 
l'appuyer, ils citent le témoignage de Jean Le Laboureur, qui dit 
positivement que ce fut i l'hôtel Saint Pol que se donna le ballet 
des Sauvages... Il est certain qu'il y a eu un séjour ou des jardins 
appelles de la reine Blanche qui ont âiit donner ce nom à la rue. 
La déclaration des biens du chapitre Saint Marcel, donnée le 
9 avril i540, par M. Maurice de Bullion, doyen de ce chapitre, 
énonce en plusieurs endroits le lieu dit la reine Blanchey et l'un 
des articles en fixe la situation et l'étendue en ces termes : deux 
arpens de terre appelés la Roine Blanche, tenant au cimetière Saint 
Martin^ aux jardins de l'Église S. Marcel et aux Fossés, Je ne 
sais si ce nom venoit de Blanche de Bourgogne, femme de Charles 
le Bel, ou de Blanche d'Évreux, épouse de Philippe de Valois, ou 
si, comme d'autres pensent, ce séjour avoit été bâti par la Reine 
Blanche de Castille, mère de S. Louis. Un mémoire manuscrit, 
fait en 17 19, par M. Colonne du Lac, doyen de S. Marcel, adopte 
cette dernière opinion et ajoute qu'il a été ensuite possédé par une 
comtesse de Piedmont. Le long de cette rue règne la terrasse de la 
maison du Doyen, qu'occupoient autrefois les Évéques de Paris, 
et sur laquelle on lisoit anciennement l'inscription Domus épis» 
copi. » 



( 



TABLE. 



Pages 

Jean Gobelin, !•' du nom 2 

Philibert Gobelin, fils de Jean, !•' du nom 12 

La maison dite de la reine Blanche 19 

Jean, frère de Philibert, Jean et François, ses neveux. ... 26 

Procès des Gobelin et des Cordelières 36 

La famille des Canaye 42 

Claude et Marie Gobelin 45 

Jean Gobelin l'aîné, fils de Catherine Langlois 47 

fialthazar Gobelin, président de la Chambre des comptes, et 

ses descendants 52 

Les derniers Gobelin aux xvii« et xviii» siècles 5j 

Les teinturiers remplacés par les tapissiers Sg 

Pièces justificatives. 

A. Testament de Jean Gobelin (1476) 63 

B. Partage, après le décès de Philibert Gobelin, entre sa veuve, Denise 

Le Brest, et Jacques Gobelin, son fils (27 mai i5io) 66 

C Arrêt rendu, sur un différend survenu au sujet des teintures, entre 
Geneviève Le Bossu, veuve de François Gobelin, et Catherine Lan- 
gloys, veuve de Jean Gobelin, représentant ses enfants mineurs 
(7 septembre i337) 69 

0. Nomination de Jacques Spifame et René Brinon en qualité de com- 
missaires chargés de faire l'enquête sur les faits articulés par Gene- 
viève Le Bossu (16 février i338) 72 

E. Arrêt portant défense à Catherine Langlois et autres de faire lavage 
de guesde et autres matières colorantes au-dessus de la maison des 
demandeurs et de celle de la veuve de Jean Paultre (ix mai i338). 73 

F. Arrêt définitif défendant à Catherine Langlois, veuve de Jean Gobe- 
lin, et autres membres de la famille, de laver des guesdes, etc., 
au-dessus de la maison de Geneviève Le Bossu, veuve de François 
Gobelin (7 septembre i338) 76 

G. Arrêt ordonnant une enquête sur la plainte formée par les reli- 
gieuses Cordelières contre Philibert Gobelin et ses frères (2 avril 
1539) 77 

H. Plaidoyers des avocats des deux parties adverses (12 août i339) . 78 

1. Comparution et interrogatoire des parties. Évocation au Parlement 



02 TAMJi. 

de riottance pendante au Chfttelet. Condamnation de Philibert 
Gobelin (i2 août 1539) tf^ 

K. Arrêt ordonnant la comparotion des témoins cités par Pierre et 
Jacques Gobelin à Pappui de leur requête pour la récusation de ^ 
Jean Tronsin (a 3 novembre 1542) 8^^ 

L. Rejet de la demande en récusation de Jean Tronsin introduite par 
Pierre et Jacques Gobelin, condamnés à 10 livres parisis d'amende 
(2 juin 1543) 87 

M. Arrêt condamnant, sous peine de foo livres d'amende, Philibert 
Gobelin à fournir aux religieuses Cordelières un titre, constatant 
leur droit, et à leur ouvrir une porte à travers sa clôture (24 no- 
vembre 1343) 87 

N. Mandement de Henri II accordant une somme de 5o écus d'or à 
Claude Gobelin, nourrice du Dauphin (8 juin 1547) 88 

O. Quittance des 3oo écus d'or accordés par Henri II à Claude Gobe- 
lin, nourrice du Dauphin (2 juillet 1547) 89 

P. Extrait des Recherches critiques de Jaillot 89 

Tableau I. Généalogie de la famille Gobelin de 1443 au début du 

xvni* siècle. 
Tableau II. Descendants de François Gobelin et de Geneviève 

Le Bossu. 



Planches. 

I. Plan des propriétés des Cordelières et des Gobelin en i539 (^i'*^ 
des Archives nationales, S 4682-3). 

II. Les maisons des Gobelin sur la Bièvre et le couvent des Corde- 
lières en 1539 (Arch. nat., S 4682-3). 

III. Les maisons des Gobelin sur la Bièvre et le couvent des Corde- 
lières en 1539 (Arch. nat., S4682-3). 



LIVRE DE DÉPENSES 

D'UN DIGNITAIRE DE TÉGLISE DE PARIS 

EN 1248 

(FRAGMENT) 



Dans le précédent volume des Mémoires de la Société a été 
publié un compte de dépenses faites à Paris par des particuliers 
en 1265 ; un autre de même genre existe, antérieur de plusieurs 
années, certainement le plus ancien qui concerne des intérêts 
privés dans cette ville, et probablement en France*. Il est intéres- 
sant de le comparer au premier; mais sa date et l'identification 
des personnages en cause ne peuvent être présentées avec autant 
de certitude. 

Ce compte couvre le recto et le verso des quatre feuilles de 
garde reliées avec un cartulaire de Saint- Etienne -des -Grès 
(Archives nationales, LL 465], biffées en tous sens et réduites au 
format du volume, cependant rognées de deux ou trois lignes 
seulement dans la hauteur et à peine dans la largeur. Rien ne 
semble tout d*abord indiquer quand et pour qui il a été tenu '. Les 
jours de la semaine, à l'exception de quelques-uns, pour lesquels 
aucune dépense ou du moins aucune inscription n'a été faite, se 
suivent régulièrement sur chacune des feuilles, fragments recueillis 
au hasard et employés en ordre interverti. Aucun quantième n'a 

1. On ne peut considérer comme tel le compte de la Commanderîe de 
Saint- Denys en 1229-30 (Arch. nat., LL 1240); celui de Thôtel d'Amauiy de 
Montfort en 1209 {Ibid., K 29, n* 8) a été feit en Angleterre. 

2. Ces feuilles ont dû être employées comme parchemin de rebut lors de 
la confection d'une reliure ancienne; elles ont été montées sur onglet, lorsque 
cette reliure a été refaite. En tous cas, maints détails ne permettent pas devoir 
quelque rapport entre elles et la Collégiale dont elles protègent le cartulaire. 



94 LIVRE DE DÉPENSES 

été porté. Au milieu du verso de la feuille i, semaine qui suit 
rÉpiphaaie, se lit en marge, on ne voit pas à quel propos^ le 
millésime [anno] D' M IPXLVIII; c'est une indication précieuse, 
car plusieurs fêtes, la Saint-Thomas, Noël, les Saints-Innocents, 
la Saint-Sylvestre, la Circoncision, TÉpiphanie, etc. sont notées 
comme éunt tombées un lundi, vendredi, lundi, jeudi, vendredi, 
mercredi, etc., c^est-à-dire les jours mêmes où cette coïncidence 
est justifiée pour Tune des années marquées de la lettre domini- 
cale D, ED,et, en ce qui est du mois de janvier, anc. st., C, telles 
que 1248 et 1248-1249. Cette donnée bien certaine permettra 
d'introduire les quantièmes et d*admettre la date de 1248, tout 
au moins pour la partie du compte oti ce millésime est inscrit, du 
17 décembre au 16 janvier. 

Aussi sûrement semblerait pouvoir être identifié le personnage 
auquel le comptable s^adresse très fréquemment, mais sans le 
désigner autrement que comme son Dominus. Il fait maigre le 
vendredi et le samedi; ses vêtements sont ceux d'un ecclésiastique 
séculier. Cet ecclésiastique a des secrétaires et plusieurs servi- 
teurs; il a des clercs assez nombreux pour qu'il distingue parmi 
eux ceux qui sont pauvres et ont besoin de secours; il fait des 
dons d'argent, de denrées, de vêtements à ses clercs, à de nom- 
breux Maîtres ou Doms, à divers dignitaires de l'Église, à des 
monastères; il entretient des écoliers; il a sa chapelle particulière; 
un clerc porte devant lui l'eau bénite; il paie sur ses revenus la 
décime; il reçoit des lettres du roi; c'est un Évéque. C'est celui 
de Paris; car il traverse plusieurs fois la Seine; il fait ferrer son 
cheval par le maréchal du Louvre; il a des propriétés à Argen- 
teuil, Saint-Victor, Ivry, Viry, Fontenay. Enfin, en 1248, il 
n'est autre que le célèbre Guillaume d'Auvergne, ce que paraî- 
tront confirmer les mentions de la chapelle qu'il a fondée en 
1 243 dans le palais épiscopaP, de certains de ses ouvrages théolo- 
giques et de libéralités en faveur des Filles-Dieu, congrégation 
qu'il avait instituée, ainsi que des Bons-Enfants^ qui étaient 
aussi ses protégés. Toutefois, cette identification, qui semblerait 

X. Cette inscription suit la récapitulation des dépenses pendant un cer- 
tain nombre de jours, mais plusieurs autres totaux semblables ne sont pas 
ainsi annotés. 

2. Dubois, Historia ecclesie Parisiensit, II, 365 ; Gallia, VII, p. 99. 

3. Peu avant de faire ce don, à Poccasion de Noël, l'ÉTÂque avait fondé 
une chapelle dans ce collège {Gallia, VII, p. 100). 



D*nN DIGNITAIRB DE l'ÉGLISE DE PARIS EN I248. gS 

si certaine, est soumise à des réserves qu'imposera l'examen 
détaillé du document. 

Le compte a été établi avec peu de soin; en outre, il est embar- 
rassé actuellement de notes, dUnvocations sans nul rapport avec 
lui, d'essais d'écriture, etc. Aucune recette n'y a été inscrite, 
donc, aucune balance. Les dépenses sont de temps à autre, très 
irrégulièrement, résumées en des totaux pour la plupart exacts. 
Les rognures et les lacunes empêchent de les vérifier tous. Il en 
est qui paraîtraient mal calculés; mais les inscriptions pour 
toute une journée, qui y pourraient entrer, ont été omises ^ Nous 
avons donc seulement une transcription partielle et négligée du 
véritable compte, qui, probablement sur tablettes de cire', a 
servi au règlement entre le Dominus et son intendant. 

Ces dépenses sont très variées ; il faut relever séparément celles 
qu^occasionne la maison du prélat pour nourriture d^hommes et 
chevaux, vêtements, ustensiles, etc. ; les acomptes sur des sommes 
dont rintendant est redevable; les gages, rémunérations^ dons, 
aumônes en deniers ou en nature et les dépenses diverses. 

Les premières sont loin d'être détaillées chaque jour et de cor- 
respondre à tous les besoins, au contraire de ce qui se voit dans 
le compte de la mission de prédication de 1 365. Des provisions 
de denrées sont faites, comme il convient pour consommation en 
une résidence fixe. Puis, les plus nécessaires sont en totalité ou 
en grande partie fournies par les propriétés rurales. On n'achète 
ni bois, ni blé pour le pain, qui est cuit à Phôtel; jamais de 
beurre, de lait, si ce n'est une fois du lait de chèvre; on paye, 
non pas le prix, mais seulement le charroi de fèves, de foin, de 
paille, la mise en cave du vin, et, pour des porcs, pour une vache, 
le boucher qui les tue. 

Des « viandes » ne sont distingués que les poulets, les poules, 
dont une coûte 6 d.^, et les alouettes; des poissons, que les 
harengs, à 7 ou 8 d. le quarteron, et les merlans; des « herbes j>, 
probablement tous les légumes verts, que les pois, les fèves, et 
pour chaque jour en la saison les laitues ou les choux. Les 
œufs, en petite quantité, sont un supplément à ceux des poules 
qu'on nourrit. Les desserts se composent de noix, à 1 1 d. le mille, 

1. Voir le 3 et le 17 avril , notes. 

2. Ces tablettes étaient employées c surtout pour écrire les comptes » 
(Giry, Manuel de diplomatique^ p. 5o2}. 

3. En X265, 6 d. i/a. 



96 UVRE DB D^BNSES 

d'amandes, de pommes, de grenades. Quelquefois on prend un 
petit pain de luxe à 4 d.; on mange des « mortereaux » ou pâtés 
de viandes, des gâteaux appelés a nieules », et un gâteau des rois 
désigné par le nom de libum, celui du gâteau sacré jadis offert 
aux dieux. Les condiments sont huile et saindoux, dont la quarte 
vaut 10 et 17 d., verjus, moutarde, cumin, gingembre, hysope*. 
Pour les chevaux, la récolte d'avoine doit suffire; mais on se pro- 
cure de rherbe, de la paille, du foin, de la litière, du son donné 
aussi aux poules et aux porcs; en plus, le ferrage et une longe. 

Les vêtements cités sont une chape et un « hergaud » fourrés, 
ou plutôt doublés pour i5 d., une chape à capuchon en tire- 
taine, d'autres chapes, une c capuce > fburrée, une pelisse, des 
surplis, un manteau, l'habillement de domestiques pour 12 ou 
16 s., des souliers du prix de 2 s. pour un autre. 

A ajouter des chandelles, la réparation de couteaux, d'un hanap 
de « madré* », d'une clef et d'une serrure, l'acquisition d'un 
chaudron, de bassins pour la cuisine et la chapelle, d^une c natte > 
pour c le lit des domestiques », qui couchaient donc ensemble, 
de parchemin, encre, plumes et pierre ponce, enfin le blanchis- 
sage par abonnement, dont deux termes de 2 s. 1/2 chacun sont 
échus le !•' janvier et à Pâques. 

LUntendant arrive par acomptes successifs à parfaire des paie- 
ments dont le motif n^est presque jamais indiqué; il les récapitule 
et ajoute quelquefois le montant de ce qui reste dû; il raye ces 
articles quand le total est atteint. Ses créanciers ont des noms 
absolument inconnus. Ils doivent pour la plupart avoir livré des 
fournitures, prêté de l'argent, cédé quelque objet. Les domes- 
tiques touchent ainsi leurs gages, Raoul Lombard, à qui une 
avance est consentie, Huetus famulus vester^ un autre /amii/iw, 
Henriet, qui est plutôt le courrier et est envoyé à Rouen, à Sen- 
lis, à Reims, le secrétaire Geoffroy, Raoul Francis, employé aussi 
à des travaux d'écriture. Ce sont encore M* Severin, qui jouit 
d'une allocation périodique, d'une a bourse », le Sous-chantre 

1. Il n*est pas question de sel, de poivre, d'épices ni de sauces, dont le 
con)pte de i265 contient de fréquentes mentions. 

2. Matière inconnue, quoique jadis très employée (en voir les nombreuses 
citations dans Du Gange, Godefroy, Lacurne, auxquelles peuvent être ajou- 
tées celles de c hanas de madré, » d*après le ms. de la Bibl. nat., f. lat. 9018, 
p. 19, et de c henaps de madré blans, 1 dans les Mémoires de la Société 
de V Histoire de PariSf XX, p. 295). 



\ 



d'un DI6NITAIRB DE l'ÉGLISE DE PARIS EN I248. 97 

Jean, enfin deux écoliers reçoivent chaque semaine la somme 
nécessaire pour leur entretien. 

A beaucoup d'autres personnes sont faits des paiements, sans 
qu'elles aient un compte particulier, au tailleur, au maréchal, à 
répicier Nicolas, dit Godard, à des vignerons, charretiers, van- 
neurs de blé. Le domestique du médecin, à l'occasion d'une visite 
qui semble n'être pas rémunérée, a 6 « fortes^ », et le barbier 
3d., le lendemain, pour la saignée ordonnée. Le messager qui 
apporte des lettres du roi a un pourboire de 1 3 d.'. 

La dépense s^augmente d aumônes, notamment aux Bons- 
Enfants, et de dons non motivés en deniers ou en nature : sain- 
doux aux clercs pauvres; pommes aux Frères Prêcheurs; pois- 
sons à des Maîtres le jour où ils se sont fait saigner; à un 
Sous-prieur de province; aux tenanciers qui ont apporté du vin; 
aux Filles-Dieu une vache, équarrie moyennant 4 d., et pour 
3 d. envoyée à leur établissement sur la route de Saint- Denis; 
des vêtements, chape de 21 s., manteau de 3i s. 9 d., capuchon à 
des Maîtres ou des Doms, probablement Chapelains de Tévêché ou 
membres du Chapitre. 

Le passage de la Seine se paye un denier. Tout autant est donné 
chaque dimanche au clerc qui porte l'eau bénite. Le Sous-chantre 
et un Maître ayant été invités à « manger des viandes », la 
dépense s*est élevée à 14 d. 

Périodiquement sont acquittées les échéances hebdomadaires 
d'une c bourse » au profit des clercs pauvres, et de deux autres, 
dites de l'Évêque d'Évreux et de celui de Senlis. Ces prélats, Jean 
de la Cour d^Aubergenville, qui devait alors faire les fonaions de 
Chancelier, et Adam de Chambly, qui avait eu cette charge, étaient 
des principaux conseillers du roi ; rien ne se trouve qui soit relatif 
à la dépense inscrite sous leur nom, peut-être pour quelque 
fondation à rembourser par eux ou condition de quelque faveur 
obtenue grâce à leur influence. Une autre allocation, que tou- 
chaient le sommelier et le cuisinier, provient de la prévôté de 
Viry; elle devait se rattacher à l'exploitation de droits ou de 
biens acquis dans cette localité^. 

1. Voir 2 janvier, note. 

2. Cette somme est dans le compte de 1265 comme tarifée pour une dis- 
tance d'environ une journée; le roi étant en Orient, la modicité de ce pour- 
boire montre que les lettres ont été transmises par la régence. 

3. Voir 17 décembre et 29 avril. 

MKM. XXXI 7 



lOO UTRB DB DéPBNSBS 

(2) p. 9, lO; (4] p. II, 12, se suivant du 17 décembre 1248 au 
i3 mai 1249. 

Mais alors se présente une difficulté, motif des réserres annon- 
cées avant le précédent résumé. 

Les deux dernières feuilles n'auraient pas, comme les autres, 
reçu rinscription des dépenses de Guillaume d'Auvergne, il ne 
vivait plus. 

Des dates très différentes ont été assignées au décès de ce pré- 
lat. Ses actes postérieurs à 1244, à Pâques 1247, au 14 ayril 
1248* doivent feiire négliger celles-ci. La nomination de son 
successeur /dans le courant de 1248' est une indication bien 
vague. D'autres laissent difficilement distinguer le jour de la 
mort) de Tensevelissement ou de l'anniversaire, tantôt Atmiver' 
sarium et tantôt Obit; ce sont : 

Obit, 24 février, nécrologe des Mathurins, d'environ 1260'. 

Anniversaire, 24 février, autre nécrologe du même monastère, 
écrit en 1483^. 

Décès, 28 février, veille des calendes de mars 1248, d'après 
une inscription portée, probablement renouvelée, en 1668 sur 
le tombeau de l'Evéque dans une chapelle du couvent de Saint- 
Victor*. 

Obit, 3o mars, dans le nécrologe de Saint-Magloire, diaprés 
des notes de Baluze*. 

Anniversaire, 3i mars; obit, i*' avril, dans le nécrologe de 
Saint- Victor. La seconde mention semble être une rectification, 
d'écriture moins ancienne^, avec addition du millésime, 1248*. 

Anniversaire, i" avril, dans le nécrologe de Notre-Dame de 
Paris; une note fixe le décès au troisième jour après le dimanche 
des Rameaux, mardi saint, 3o mars, en 1248'. 

1. Tillemont {Saint Louis, I, p. 4S4; III, p. 174, 173) a proposé, après 
cette date, le 3o mars 1249 (n. st.). 

2. Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, III, p. 681. 

3. Bibl. Maxarine (1347) 3336; Molinier, Obituaires, I, p. 689. 

4. Bibl. Mazarine (i347a) 3335; Molinier, Obituaires, l, p. 683, a imprimé 
23 février. 

5. Gallia, VU, p. 99. Dans le ms. lat. 17040, p. 119, un dessin repré- 
sente le tombeau avec l'inscription. 

6. Molinier, Obituaires, l, p. 390. 

7. Le nom est écrit Alverriensis. 

8. Bibl. nat., f. lat. 14673, p. i83, 184; Molinier, Obituaires, I, p. S3o. 

9. Bibl. nat., f. lat. 5i85cc, p. ijb; Guérard, Cartulaire de N.-D. de 



D*UN DIGNITAIRE DE l'ÉGUSE DE PARIS EN 1248. lOI 

Anniversaire, i5 avril, par suite d'une transposition opérée 
dtns un nécrologe de Notre-Dame au xiv* siècle ^ 

Décès, dimanche des Rameaux; ce serait le 20 mars^ car, 
dans la Chronique parisienne du fonds Cottonien, où se trouve 
ente date, elle est précédée des mots Anna !> M II"" XLIX 
(Pâques, 27 mars), ce qui n'y peut être interprété que suivant le 
style ancien (1249-1250}, mais ce millésime ne se rapporte en 
réalité qu'à la promotion du successeur de Guillaume d'Au- 
vergne, principal sujet de l'article'. 

 ces indications s'ajoutent deux aaes : un affranchissement 
accordé en avril 1249 sede vacante* y et le don d'une rente fait au 
Chapitre dans le même mois par les exécuteurs testamentaires du 
défunt pour fondation de son anniversaire^. En avril, il n'était 
pas parmi les Évéques assemblés qui ont accordé des indulgences 
à la Sainte-Chapelle'. 

Au contraire, il n^y a pas à tenir compte de citations d'après 

lesquelles on le pourrait croire encore vivant en 1249. Par erreur, 

cette date a été inscrite dans le manuscrit des Arch. nat., LL 1 545, 

p. 32, en marge d'un acte qui est de 1240. L'abbé Lebeuf en 

aurait vu un passé devant lui en juillet 1249, ^^ profit de Saint- 

Maur-des-Fossés*; il donne pour référence les extraits du cartu- 

laire de cette abbaye par Gaignières, page 82; mais dans ce 

volume^, en réalité, à la page 469, comme dans les cartulaires 

originaux^, la part que Guillaume a prise à cette convention est 

rappelée en ces termes : ... bone memorie Guilelmij quondam 

parisiensis episcopi. 

En conséquence, a été adoptée pour le décès de PÉvéque la date 
du 3i mars 1248 ou plutôt du 3o, conformément au Cartulaire 

Paria, IV, p. 38; Molinier, Obituairea, I, p. 11 5. Indication reproduite 
dans le nécrologe f. lat. i836i. 

I. Bibl. nat., f. lat. 5658b; Arsenal, 1034; Molinier, Obituaires^ l, p. xii, 
316. 

a. Mémoires de la Société de V Histoire de Paris, 1877, p. 187. 

3. Arch. nat., LL76, p. 5i3; Guérard, Cartulaire de N.~D. de Paris^ 
II, p. 375. 

4. Arch. nat., LL 76, p. 99; Guérard, Cartulaire de N.'D. de Paris, 
II, p. 87. 

5. Tillemont, Saint Louis, III, p. 175. 

6. Histoire de la ville et du diocèse de Paris, V, p. 55. 

7. Bibl. nat., f. lat. 5416, ancien Gaignières 223. 

8. Arch. nat., LL46, p. 41; LL48, p. 267. 



f03 LIVRE DE D^ENSES 

de Notre-Dame, plus explicite'. Il est dès lors absolument 
incompréhensible que la seconde partie du compte, commen- 
çant le 3i mars 1248-49, ne laisse voir aucune trace d*un 
tel événement. A une seule autre année dans le siècle, à 1237- 
38, correspondrait la corrélation des fêtes fixes avec les jours 
de la semaine; si Ton pouvait ^adopter, toute difficulté dis- 
paraîtrait; mais que signifierait le millésime 1248, qui, sans 
erreur possible de leaure, fait partie intégrante du texte? En 
outre, il ne parait pas qu^une décime ait été levée en 1237-38. 
On en vient à douter de l'exactitude de la date que les obituaires 
de Notre-Dame de Paris, de Saint-Victor, de Saint-Magloire ont 
généralement fait admettre pour la mort de Guillaume d'Au- 
vergne; on est tenté de se reporter à celles qu'ont indiquées Tins- 
cription du tombeau ou les obituaires des Mathurins, 28 ou 
24 février, époque pour laquelle une lacune existe dans notre 
document; il ne serait pas étonnant qu'un mois après aucune 
inscription ne se rapporte au décès de TÉvéque. 

De lui peuvent être relevés des actes très nombreux en 1 248, les 
derniers en janvier et février^; on en citerait même un en mars, 
dont le texte ainsi daté est dans le Grand Cartulaire de Tévéché 
(Arch. nat., LL7, p. 291), échange avec le Chapitre; mais le 
Doyen dit : ... dedimus et concessimus,..; il rappelle un fait anté- 
rieur qu'il confirme; en efiet, dans le même registre, à la page 98, 
comme aussi dans le Grand Pastoral (Arch. nat., LL 76, p. 210), 
le même acte avait été copié en termes identiques, mais à la date 
de mai*; loin de prouver l'existence de PÉvêque en mars, il ferait 
penser que le Chapitre a jugé alors utile de renouveler la consta- 
tation de Tacte passé avec lui, parce qu'il était décédé. Il est donc 
certain que Guillaume d^Auvergne n'a pas vécu en 1249, douteux 
qu^il ait vécu en mars 1248 (anc. st.). 

D'autre part, les motifs exposés au début de cette notice per- 
mettraient à peine de croire que les dépenses inscrites sur les deux 
premières feuilles du compte aient été faites pour un autre per- 

1. Gallia, Dubois, Lobineau, Moréri, Gams, Eubel, Charpentier, Denifle, 
N. Valois, etc. 

2. Arch. nat, LL 7, p. 32 ; LL 11 6f«, p. 87; LL 76, p. 108; Guérard, 
Cartulaire de N,-D, de Paris, III, p. 22. 

3. C'est à tort que Guérard, Cartulaire de N.-D, de Paris, III, p. 11 5, a 
dit en note que l'acte est daté de mars dans le Grand Pastoral ; la lecture 
mense maio n'est pas douteuse. Cest seulement à la date de mai 1248 que 
Tacte a été relevé dans Tinventaire des titres de l'évéché, LL 11 bis, p. 11 3. 



d'un dignitaire de l'éguse de paris en 1248. io3 

loonage que cet Évêque ; la suite ne peut s*y rattacher que moyen- 
amt une nouvelle supposition. 

Il fondrait que le grand dignitaire de TÉglise, successeur inté- 
rimaire du défunt, se soit chargé, non seulement de ses fonctions 
ecclésiastiques, mais aussi de la gestion des biens de l'évéché, 
qu'il en ait perçu les produits et qu'il ait continué à tenir Phôtel 
^scopal à son profit, à en acquitter les charges, en conservant le 
même intendant, ainsi qu'une partie du personnel. 

Ce changement du Dominus expliquerait certaines différences 
qui peuvent être remarquées entre les deux parties du compte. La 
hirsa de TÉvéque de Senlis et celle des clercs pauvres, si réguliè- 
rement payées chaque semaine en décembre et janvier, le sont 
encore à Pâques et non plus après. Les deux écoliers, qui étaient 
entretenus, ne reçoivent plus rien. Un des trois domestiques. 
Lombard, ne parait plus; un nouveau, Colin, est habillé. Sur 
onze comptes particuliers, quatre se continuent, augmentés de 
Versements notés sur les feuilles qui manquent \ deux ont été 
recommencés', mais cinq sont supprimés'; par contre, six ont 
été ouverts^. Des habitudes nouvelles semblent avoir été prises, 
comme celle d'acheter un petit pain. Toutes modifications attri- 
buables aux relations ou aux préférences personnelles d^un Domi- 
nus nouveau. 

Celui-ci n'était d'ailleurs certainement pas TÉvéque de Paris. 
La preuve^ en est la dépense de 40 sous pour l'anniversaire du 
Chanoine Vincent, qu'on sait avoir été à la charge du membre 
du Chapitre occupant des maisons situées dans le cloître*; là 
n'habitait pas TÉvéque, qui avait son palais de Tautre côté de la 
cathédrale. Nous possédons la liste des habitants de ce cloître^, 
soumis, au profit du Chapitre, à un cens payable en sus de leurs 
autres obligations en janvier 1248 : le Doyen Lucas®, les Archi- 

1. Séverin; N. de Saulce; Huet, tous-chantre. 

2. Francis; Geof. de Chartres. 

3. Dreux et Geoffroy, écoliers; Lombard et Henriet, domestiques; Lenor- 
mand. 

4. R. de Réthel; Godefroy, écrivain; Fangnon; S. d'Ârgenteuil ; J. de 
Cens; Thomas. 

3. Une présomption est qu'un cens est payé pour une maison qui ne se 
trouve pas parmi les anciennes propriétés de Tévéché; voir le 22 avril. 

6. Voir p. 98. 

7. Guérard, Cartulaire de N.-D. de Paris ^ II, p. 414. 

8. Luc de Leudève, dans le ms. de la Bibl. Mazarine 33o4, p. 3o5; de 
Lauduno, dans Guérard, Cartulaire de AT.-Z). de Paris, II, p. 443. . 



104 LITRE DE némcsBS 

diacres, k Chancelier Gaader de Château-Thierry, etc. Cest le 
Doyen qui doit avoir £ût Fintérim. On pourrait donc le prendre 
pour k personnage dont Tidentification est cherchée; oo pourrait 
même, en Tabsence de tonte inscription relative au changemeot 
de DomùoÊS et en négligeant fes difiérences signalées entre les 
deux parties dn compte, penser que le tout a été £ût poar ce 
Doyen, Locas de Laon. Le Toiânage de sa ville natale et de Cor- 
beny expliquerait Fintérét témoigné, quoique seulement dans les 
premiers temps, au Prieur de ce lieu; les propriétés à ifry, 
Argenteuil, Fontenay, Goussainrille, surtout la prévôté de Viry, 
sembleraient avoir dit partie f^tot de k mense capitukire; mais 
le partage ancien entre TÉvèque et son Chapitre, ayant porté sor 
des biens très fractionnés, parait en avoir kissé au premier dans 
ks mêmes localités, notamment à Ivry, Viry et près de Saiat- 
Viaor. Puis, d une part, ce n*est certainement pas pour le Cha- 
pitre que k compte a été éabli ; k perception de bien d'autre^ 
c stations » que cdles de k prévôté de Viry ' aurait dû être noté^ 't 
ks dépenses n ont pas été kites pour un corps si nombreux^ ^ 
aucun des Chanoines composant alors k collège ne se reconnaît "^ 
parmi les bénéficiaires des allocations en deniers, denrées oa^ 
vêtements '. D*autre part, si ce compte ne concernait que le Doyet^ 
personnellement, il ne comprendrait pas des frais qui devaien'^^ 
être à k charge d'une mense pour c bourses, b exploitation d^ 
biens de k communauté, etc. Enfin, ce dignitaire n'avait pas ses' 
clercs, sa chapelle, et il est peu probable que, de Nicosie, le roi 
ait correspondu avec lui, alors que TÉvêque vivait. L^identifica- 
tion du Doyen et du Dominus^ du moins en ce qui est des deux 
premières feuilles, est bien douteuse. 

On doit encore remarquer que le Chancelier, Gautier de Châ- 
teau-Thierry, lui aussi habitant du cloître, a effectivement suc- 

I. Aucune hjrpothèse n'explique pourquoi il n*est pas fait mention 
d*autn» stations. La prerôté de Viry en devait une de 34 s. 1/2 le septième 
jour avant Noil Guérard, Cartulaire de N.-D. de Paris, III, p. 460), ce 
qui a motiv\f une inscription le 17 décembre; mais il n'est pas question de 
celles dont le Chapitre avait à s'acquitter pour l'Epiphanie, TÉvêque pour 
NoOl et Piques, ni, dans cet intenralle, de plusieurs autres provenant de 
fondations diverses; par contre, le 29 avril, Viry en a payé deux dont Tori- 
gioe est inconnue. 

a. On ne trouve non plus aucun des noms des Chanoines de Saint- 
Étienne, connus pour ia58 (Guérard, Cartulaire de S,^D. de Paris, II, 
p. 4Ô8' ; ceux des Chapelains de Tévéché sont ignorés. 



d'un dignitaire de L^éGLISE DE PARIS EN 1248. Io5 

cédé à Guillaume d'Auvergne. D'après la Gallia^ il n'aurait été 
du qu'en juin^ ; toutefois, le renseignement provenant d'un car- 
tuhire de Port-Royal, qui ne se retrouve pas, est peu positif; 
i... electus^ ut dicitur^ et confirmatus mense junii 124g... » 
peut et doit même se comprendre en ce sens qu'élection et confir- 
mation par le Pape, alors en Italie, n*ont pas eu lieu dans le 
même mois', ce qui eût été extraordinaire. L'élection pourrait 
avoir suivi de très près la mort de Guillaume, encore en 1248, 
comme Ta dit Du Boulay'. Parmi de très nombreux actes de Tof- 
ficiaiité en mars, avril, mai, aucun, si ce n'est l'afiranchissement 
cité plus haut^ ne porte Tannotation sede vacante^^ qui était 
iiabituelle le cas échàint. 

En conséquence, Thypothèse suivante paraîtrait correspondre 
à l'explication cherchée. 

Les exécuteurs testamentaires de Guillaume d'Auvergne ont, 
en avril 1 249, par une disposition très anormale, prescrit de célé- 
brer son anniversaire en un jour de fête mobilç, le jeudi avant 
Pâques* ; le Chapitre Ta fixé rétrospectivement au quantième de 
ce jour en ce temps, i*' avril 1248-49, pour s^y conformer dans 
la suite. L'auteur du nécrologe de Notre-Dame, transcrit même 
pour la partie la plus ancienne longtemps après l'événement, 
ajoutant à l'article de ce l '^ avril le détail des legs dont le Chapitre 

1. VII, p. 100. 

2. C'est ainsi que Tiliemont, Saint Louù^ III, p. lyS, s préêenté le fidt : 
c Gautier, qui estoit âeu et confirmé, mais non encore sacré, au mois de 
juin 1249... »; une première des deux confirmations nécessaires aurait été 
donnée de suite par la r^ente, l'autre par le Pape bien plus tard, la con- 
sécration n*a]rant été célâ>réè qu'en septembre, s^l est eiact que Gautier, 
mort à la fin de ce mots, n'ait été en pleine possession du siège que pendant 
▼ingt-aept jours, ainsi qu'il est dit dans la Chronique parisienDe du fonds 
Cottonien. L'incertitude est si grande que D. Lobineau, Histoire de Paris^ 
I, p. 3a8, a placé en juin le décès de cet Évéque. 

3. P. 100, n. 2. 
4* P. loi. 

5. Arcb. naL, LL 46, p. 44, 52, 53, et 48, p. 238; LL I025, p. 82, 97, et 
1026, p. 64; LL 1029, p. 53; LL ii57, p. 102, io3, 107, 357, 3^43^» ^ 
ii58, p. 58; BiU. nat., L lat. 5416, p. 5f, 418; L lat. 10997, p. 23; 
f. lat. 171 10, p. 90; Mcriet, Caruiàtre de» Vaux de Cermayt I, p. 43f ; etc. 

6. Pourquoi ce jour si mal choisi ? Cehti de PensereSsseaieat? CeAt élé 
bien précipité pour une céxéoBome qoi devait ^re câébrée en grande 
pompe. Peot-étre est-ce le ieodi seiat que les esécoteors ont pris leur déô- 
sion« iMunilée dans un acte âsbli scqiemrf après les IStes et par ocNHé- 
quest fooscrît ea arril de la nouvelle aaaéer 



I06 LIVHE DE DÉPENSES 

avait bénéficié, a cru pouvoir préciser la date de ces acquisitions, et, 
sans plus d^informations, s^est arrêté à i'avant-veille de cet anni- 
versaire tout arbitraire. Aux abbayes de Saint- Victor et de Saint- 
Maglolre, favorisées d^une semblable décision des exécuteurs tes- 
taraentaires à la même condition, c'est l'anniversaire seul qu'on a 
l'ait figurer dans le nécrologe, également à la date du jeudi avant 
Pâques de Tannée courante, de la veille ou de Pavant-veille. Mais, 
sur le tombeau exisunt à Saint-Victor, oti Ton devait être pour le 
mieux renseigné, une inscription contemporaine, à la longue dé- 
truite, rétablie en 1 668, a marqué que le décès, peut-être par erreur 
au lieu de Tensevelissement, avait eu lieu le 28 février, ce qui s'ac- 
cordeà peu près avec les nécrologes des Mathurins, indiquant le 24. 

D'autre part, après cet événement, dès avant la fin de mars, 
rhôtel épiscopal, non sans subir quelques réformes, aurait été tenu 
par le même comptable pour le successeur intérimaire du défunt, 
pour le Doyen ou le Chancelier, pour celui-ci peut-être déjà à titre 
d'Élu, sans qu^il pût aller habiter le palais avant d'être consacré. 

Mais une nouvelle difficulté surgit. Si le siège était vacant, les 
biens de Tévêché devaient avoir été pris en régale, les dépenses 
occasionnées par eux, cens, dîme, décime, culture des vignes, etc., 
de même que leurs produits, redevances, vin, paille, ne seraient 
pas mentionnées dans les comptes d^un intérimaire, fût-il déjà 
Élu; il est douteux que sa simple confirmation au nom du roi ait 
suffi pour que la régale lui fût restituée. 

Le manuscrit LL465, feuilles de garde, soulève ainsi plusieurs 
questions intéressantes pour Thistoire de Paris, doutes sur la 
qualité du principal personnage qu'il concerne, sur la date du 
décès de Guillaume d'Auvergne, sur la date et le mode de son 
remplacement, sur l'exercice du droit de régale, etc.^ Ne trouvant 
pas de solution vraiment satisfaisante, je les propose aux érudits^, 
et crois utile de leur livrer le texte entier du document, malgré 
de fréquentes répétitions. 

Colonel BoRRELLi de Serres. 

I . Pour épuiser les hypothèses, on pourrait se demander si le document 
n*est pas un relevé des seules dépenses fait sur le compte original après un 
temps assez long pour que le souvenir de sa date fût perdu; on y aurait 
inscrit le plus rapproché des deux seuls millésimes qu'indiquait le comput, 
1248 au Heu de 1237-38. Mais tant d'inscriptions confuses, rayées, sur- 
chargées ne se remarqueraient pas dans un tel relevé, exécuté posément. 

a. Tout s'édaircirait probablement si quelque autre fragment du même 
compte venait à être signalé. 



d'un dignitaire db l'éguse de paris en 1248. 107 

ARCHIVES NATIONALES, LL 465. 

(Feuilles de garde.) 

(Dans tous les paragraphes^ devant presque chaque article^ se trouvent 
un signe C ^f i^ Mot Item ; il serait inutile de les reproduire. Les 
chiffres romains du texte seront ici changés en chiffres arabes.) 

(Page 3 ro.) 

(1248, Décembre 17.) [Jeudi] ^ 

In bursa Episcopi Ebroicensis' la d.; die sequenti post, 2 s. et 

dcm. Eodem die, celario' 34 s. et dem. pro anti * de Viri*; 3 d. 

iu sinapio*. 

Drogoni Remensi, nepoti Gilberti prioris de Corbeneio'', 12 s., e/ 
habuit y 6 s. 

(18.) Die Veneris post Luciam. 18 d. in piscibus. 

Simoni, clerico M« Roberti, 20 s.^quos accomodaverat M» Renero; 
D« Sîmoni 46 s., quos reddidit. 

(19.) Die Sabbati post. i d. in pannis et incaustro^ [pro] Jofrido 
scriptore; millenarius nucium' 11 d.; quarteronus alecium^<) 8 d. 

Radulphus li Normans 3 s., e/ habuit 3i L 5 s. 

Radulphus Lombard 2 s. [et habuit 12 s.] (rajré); quarta** olei 
17 d.; quarta sagiminis 10 d. 

Radulphus Franciscus 2 s. et dem.^'. 

[3] s. Gaufrido de Carnoto*'. 

1. Lignes rognées. 

2. Jeao de la Cour d'Aubergenville (1244.-1256}. 

3. Sommelier, pour cellario. 

4. Lecture impossible, par suite de détérioration; antiphona^ repas (Gué- 
rard, Cartulaire de N.D, de Paris, I, p. clxiv; III, p. 460); voir plus loin, 
p. 6, 29 avril, une dépense semblable, dont le motif est évidemment le 
même sous un autre nom. 

5. Viry (Seine-et-Oise, Corbeil). 

6. Moutarde. 

7. Corbeny (Aisne, Laon, cant. Craonne). Le prieuré dépendait de Saint- 
Rémy de Reims (Ed. de Barthélémy, le Prieuré de Saint-Marcoul de Cot' 
beny). 

8. Plumes et encre, pour pennis et incausto. 

9. Le millier de noix. 

10. Un quarteron de harengs, pour quartarius, 

11. Quarte d'huile, de saindoux. 

12. D'après la suite, cet acompte porte à i3 s. les paiements précédents 
et celui-ci; en effet, à la marge est noté : habuit 10 s. et dem, 

i3. En marge : habuit 6 s., ce qui pour la suite doit faire en tout 9 s. 



I08 UVRE DB DÉPENSES 

Candele 12 d.; merlani* 4 d. 

(ao.) Die Dominica post. 4 d. in piscibus. 

Henrico, cisori^ i5 d. pro capa< et hergaudo^ Domini meifor- 
randis. 

Godefrido nepoti, scolari Remensi, 10 s., e/ habet g L 10 s.po 
questione* (?). 

M» Nicholao de Salcia 4 s., ei habet 10 s. 

Bursa Episcopi Silvanectensis* 20 s. It. pauperibus clericis Doflûni 
mei 5 s. 

(21.) Die Lune seq., scilicet in die Beati Thome Apostoli. i d. ^^ 
pomis; i d. pro I> Simone paser Seine^. 

(22.) Die Martis post festum Beati Thome Apostoli. 5 d. in fabric^' 
I d. in cerra' reficienda; 5 d. in cutellis coquine reficiendis; cB^' 
nés 18 d. 

8 d. in candela cere facienda; 4 d. in piscibus. 

(23.) Die Mercurii seq. Huetus, famulus vester, i d., habuit g i* 

M» Severino (sic*). 

Henrieto 4 d. in itinere Silvanectensi ; pisces 7 d.; poma i d. 

(24.) In vigilia Natalis Domini. Carnes 5 s. et 7 d.; quarteronu ^ 
alecium 7 d.; mellani 8 d.; 21 d. in galinis emptis; ob. in clare prC^ 
capella. 

Drogoni, nepoti Gileberti, prioris de Corbeneio, 8 s., e^ hahuit 4 ^^ 
et4s*^.////betadhucll/l^^. 

(Page 3 V.) 

III I 3 s. et ob. in fabrica'*. 

(25.) Die Natali Domini. 2 s. et dem. in bursa Episcopi Ebroicen- 
sis. — Summa : 11 1. et fi5 s. et 2 d., 17 dJ^] et 4 s. i d. minus**. 
Eodem die, 10 s., quos dédit Dominus meus bonis pueris*'*. 

1. Merlans, al, mellani, 

2. Tailleur. 

3. Chape. 

4. Hergaud, vêtement de dessus. 

5. Les deux derniers mots ajoutés au texte primitif; voir le 3o. 

6. Adam de Chambly (1227- 12 58). 

7. Mots en français par exception. 

8. Pour cera, tablettes de cire, ou sera^ serrure, ou serra^ scie. 

9. Aucune somme n'est inscrite. 

10. Voir 17 décembre. 

1 1 . Débet adhuc habere. 

12. Le haut de la page a été un peu rogné. 
i3. Rayé. 

14. Soit II 1. 3 s. II d. 

i5. Collège des Bons-Enfonts, près l'église ^int-Honoré. 



D^UN DIGNITAIRE DE l'ÉGLISB DE PARIS EN I248. IO9 

(26.) Die Sabbati seq. 3 s. et 7 d. in galinîs emptis; 6 d. in ovis; 
10 d. in pelvi^ pro capella; 2 d. et ob. in stramine* pro equis. Radul- 
pho li Nonnans 3 s., e/ habuit 3i l. et 8 5.*, et débet adhuc habere 
12 s. 

(37.) Die Dominica post Nativitatem Domini. 20 s. in bursa Epis- 
copi Silyanectensis. 

Pauperibus clericis 5 s. de bursa Domini mei. 

Radulpho dicto Maigret pro Guidone de S« Benedicto a6 s. pro 
pano cape Domini de tiretaria^. 

Henrieto, famulo Domini mei, 18 d., et habuit îS 5. 

(28.) Die Lune in festo Innocentium. 3 d. pro portata vacca filia- 
bus Del'; 4 d. pro illis qui ezcoriavenint. 

10 d. pro fùrfure* porcorum; 3 d. in sinapio; ob. in cimino^; 2 d. 
alaudis*. 

Henrieto 2 s. in itinere Rotomagensi. 

Summa : 73 s. 6 d.*. Summa per totum : 14 1. et 18 s. 5 dJ^. 

(29.) [Die Mar]tis seq. 5 d. carnifici pro uno porco occiso; 6 d. in 
pomis granatis*^ 

(3o.) [Die Mer]curii seq. 3 ob. in pomis et herbis. 

Godefrido nepoti, scolari Remensi, pro bospitio suo 5 s. et 9 d., et 
habuit 10 Let3d.*K 

Marescallo 2 d. pro equo. 

(3i.) Die Jovis seq., scilicet in festo S^ Silvestri. Jofrido Chanson 
70 s. pro vestibus Domini mei. 

12 d. in amandis; 2 d. in candelis. 

Radulpho Lombardo 2 s., el habuit 14 s.^*. 

3 d. in stipula ^^ pro equis. 

(Janvier i.) Die Circoncisionis. Die Veneris seq. Godefrido 

1. Bassin, ici bénitier? 

2. Paille, litière. 

3. Voir le 19. 

4. Pour tiretaniay capuchon ou camail de chape. 

5. Communauté des Fi lies- Dieu, au nord et en dehors de la ville. 

6. Son. 

7. Cumin. 

8. Alouettes. 

9. Total faux, pour 74 s. 6 d. 

10. Total exact, après rectification du précédent. 

11. Grenades. 

12. Voir le 20; le total devrait étre9l. i3 s. 9 d.; c*est pour expliquer la 
différence que, le 20, a été portée l'annotation incomplète ]^ questione 
[4s.6d.]. 

i3. Voir le 19. 
14. Paille. 



I 10 LIVRE DE vipEMBB 

nepotî, scolari Remensi, S s. et dem., ei habuit loL et 5 5.^ et //// 
M* Severino 18 d., et hakuit 12 l. et 12 d. 

(Page I ro.( 
t 

Drogoni, nepoti Gileberti, prions de Corbeneio, 8 s., et habuit 4 l- 
12 sA 

(a.) Die Sabbati seq. Subcantori^ 10 1.; i d. in pomis. 

Radulpho Normando 3 s.; et hahuit 3i L et 11 s.', et débet habere 
adhucllll 

8 s. et 4 d. in fabis* portatis ; 1 1 s. et 2 d. et ob. in pisis^; 4 for*//// 

10 d. in piscibus; candela la d.; 5 d. ob. in tela sac*//// 

(3.) Die Dominica post Circoncisionem Domini. Bursa Episcopi 
Silvanectensis ao s. 

Bursa Episcopi Ebroicensis 18 d. 

(4.) Die Lune seq. a s. et dem. lavandarie*^'; ob. in cimino; i d. in 
incaustro Jofredo scriptori. 

(5.) In vigilia Epiphanie Domini, Martis seq. Radulpho Francisco 
18 d., et [habuit] 14 s. et dem.**. 

Radulpho, clerico, filio Isabelle, 4 s., quos tradidistis ei in elemo- 
sina; la d. in furfiire pro galinis, quorum D«» Simon debebat jam 
sex denarios. 

a d. in libo*' in vigilia Epiphanie. 

1. Voir le 3o; manquent 9 d. 

2. Une ou deux lignes rognées. 

3. Voir le 24 décembre. 

4. Plus loin est indiqué son prénom, Jean; c'est cependant celui de 
Henri qui est pour 1248 dans la Table des Paatoraux (Arch. nat., LL81, 
p. i38). 

5. Voir le 26 décembre. 

6. Fèves, haricots. 

7. Pois. 

8. Ces pièces de monnaie, deux fois emplo3rées plus loin, seules mentions 
de paiements en espèces sonnantes, sont peu connues; elles devaient être 
les pites, divisionnaires de l'obole, sous un nom ancien, dont du Gange 
[Glossaire, Moneta fortis) a fait une citation : Acceptis VIII libris de 
forzats vel pictavinis. Peut-être aussi étaient-elles des deniers forts, dont 
l'existence à cette époque est ignorée; mais pourquoi leur valeur n'aurait- 
elle pas été, comme celle des autres, exprimée en monnaie de compte ? Puis 
deux de ces pièces éunt le prix de pierre ponce, p. 4, il semble que cette 
valeur devait être minime. 

9. Probablement toile pour sacs. 

10. Pour le blanchissage, abonnement dont un terme est ici payé; un autre 
de même montant le sera à Pâques; voir plus loin, p. 2 v% 4 avril. 

11. Voir le 19 décembre. 

12. Le gâteau des rois. 



d'un dignitaire de L'iGLlSE DE PARIS EN 1248. III 

(6.) Die Mercarii seq. 14 d. in furfiire pro porco; i d. in pomîs. 

(7.) Die Jovis seq. 2 d. et ob. in stipula pro equis. 

(8.) Die Veneris seq. 2 d. in ovis. Eodem die, 8 d. in sinapio. 

M« Severino 26 d., et hahuit 12 l. et 3 s. et 2 d.^. 

Godefrido nepoti, scolari Remensi, 5 s. et 8 d., et kabuit to l, et 
II s.etSdX 

Eodem die, in piscibus 9 d.; 2 s. et 6 d. in alectibus. 

21 s. et 9 d. pro pano D< Stephani. 

Bursa Episcopi Ebroicensis 2 s. et dem.. 

(9.) Die Sabbati seq. Radulpho Francisco 18 d., et hahtit t6 5.*. 

12 d. in amandis; i d. in pomîs; ova i3 d. 

Pisces 10 d.; alectia 6 d. et ob.; pelvis pro coquina 6 d. 

Drogoni, nepoti Gileberti, prions de Corbeneio, 8 s., ef habuit 
100 s*. 

(Page t y*.) 

(10.) [Dimanche]' 

Henrieto 2 s. in itinere Remensi; i d. pro capistro*. 

I d. in herbis pro equis. 

Radulpho li Normant 2 s., et habuit 3 1 /. et 14$.^; débet habere 6 s. 

(u.) [Die Lune] post Epiphaniam. Camifici 6 d. pro porco; ob. in 
herbis. 

Bursa Episcopi Silvanectensis 20 s. 

Pauperibus clericis Domini mei 5 s. 

Radulpho Lombardo 4 s., quos concessit ei Dominus meus super 
vadiis. 

Gilberto 12 d., quos dédit ei Dominus meus pro litteris quas appor- 
tavit de rege. 

6 d. in furfure pro galinis et equis. 

Summa : 23 1. 3 s. 3 d. ob. Tota summa : 38 1. 9 d. ob.^. Summa 
Domini mei : 38 1. 9 d. minus. 

[Anno] DiMII«XLVIII. 

(12.) Die Martis post Epiphaniam. 9 d. in fabrica; 8 d. in perca- 
meno* raso. 

1. Voir le i"* du mois. 

2. Ibid. 

3. Voir le 5. 

4. Voir le i" du mois. 
3. Lignes rognées. 

6. Chevestre ou longe. 

7. Voir le 2. 

8. Total peu exact; voir le 28 décembre. Les lacunes en haut de la p. i 
ne permettent pas de vérifier la première de ces sommes. 

9. Parchemin, al, pergameno. 



I I a LIVRE DB D<PBK8BS 

5 S. Godefirido nepoti, scolari Remensî, et habuiî toi. i6t.Si}. 

(i3.) Die Mercurii seq. iS d. in giengembre. 

4 d. in una nata pro lecto fomuloram ; i d. in stipola. 

(14.) Die Jovis post festum Beatorum Remîgii et Hilarii'. i d. in 
transi tu Secane; marescallo de Lupera 10 s. pro eqno vestro. 

1 1 d. Nicolao dicto Godait pro amandis, giengembre et aliis. 

Hueto, famulo vestroi a s. pro sotularibus suis, et habuit is-tt 
9 d\ 

la d. in sagimine pro pauperibos clericis. 

4 d. et ob. pro stramine apportato de S^ Victore; cames 3 s. 3 d. 
Bursa Episcopi Ebroicensis a s. et dem. 

,4 

(16.) Die Sabbati post festum Beatorum Remigii et Hilarii. 
M» Severino a s. et dem., et habuit 12 L S s. 8 d,^. 
Jofrido de Camoto 4 s., et habuit i3 5.*; debeo 12 d. 

5 s. et 3 d. in fabis; pisces 4 s. 8 d.; 8 d. in sinapio et pro 

ob.; candele la d.; 8 d. in alectibus; a d. in nebulis^. 



{Page 2 f.) 

(ia48. Mars 3i.) [M® Severino^ . . . .] ivit Remis, et habuit 14I' 
12 s. et 2 i.*. 
Godefrido scriptori la d., ef habuit 4 s. et 2 d. 
(Avril I.) Die Jovis seq. 5 d. in piscibus. 

Radulpho Francisco i4S.<<^, et habuit 40 s, de summa vitiorum**. Tôt, 
4 d. pro uno cifo de madra ^' reficiendo. 
Tyoto de Fonteneto** a5 s. et 2 d. pro vineis. 

1. Voir le 8. 

2. Cette fête, actuellement le 14 janvier, était donc alors encore le i3, 
ainsi que l'indiquent les anciens martyrologes. 

3. Voir le 23. 

4. Pas d'inscription pour le vendredi. 

5. Voir le 8. 

6. Voir le 19 décembre. 

7. Neuilles, sorte de gâteaux. 

8. Haut et coin de la page rognés. 

9. Voir ci-après le 10. Séverin, le 16 janvier, avait 12 1. S s. 8 d. 

10. Compte recommencé après le 9 janvier. 

1 1 . Copie de la Summa de vitiis, 

12. Hanap de madré. 

i3. Fontenay (Seine, Sceaux). 



d'un dignitaire db l'église db paris en 1 248. I 1 3 

(3.) Die Sabbati ante Pascha. Godefrido de Carnoto 3 s. pro dua- 
bus bursis, et habuit i3 s. et dem^, 

Radulpho Francisco 18 d., et habuit 3i 5.'. 

Ova 10 d.; pisces 6 d.; candele 6 d.; carnes 17 d.; 12 d. in sagi- 
naine pro pauperibus clericis. 

U249, Pâques, 4.) Dominica in Resurectione Domini. Bursa Epis- 
copi Ebroicensis 3 s. et de m. 

Bursa Episcopi Silvanectensis 20 s. 

Bursa clericorum Domini mei 5 s., et 7 d. pro Roxedi. 

Clerico qui portât aquam i d.; ob. in herbis. 

Godefrido, scriptori, 5 d., et habet 4 s. et 8 d,*, 

(5.) Die Lune. 10 d. in furfiire; i d. in transitu Secane. 

(7.) Die Mercurii seq. i5 d. et ob. in feno. 

(10.) Die Sabbati ante Quasimodo. Adeneto Fangnon 20 s., et 
habuit 5o s.*. 

M» Renaudo de Regiteste^ 3 s. et dera., et habuit 3i 5.^. 

3 s. et dem. in feno {mot rayé) auriga' feni; ob. in herbis. 

Simoni de Argentolio^^ 40 s., et habuit 6 /. et dem. pro vineis*^ 

M« Severino 2 s. et dem. pro bursa sua, et 9 s. pro equo quem 
duxit Remis, et habuit iS /. [3 s. 8 d.y^. 

Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem. 

(il.) Dominica in octabis Pasche. M« Nicholao de Salcia** 17 s. cl 
4 d., e/ habuit 6 l. supHH 

I. Aucune inscription le vendredi 2 avril. 

a. Après clôture du compte en souffrance, le 16 janvier, un nouveau a 
été ouvert. 

3. Ce total ne s'accorde pas avec l'allocation du i"* avrils ce qui peut faire 
penser qu'un compte pour le 2 avril a été omis ici, comprenant i5 s. 6 d. 
donnés à Francis. 

4. Voir le 3i mars. 

3. Aucune inscription pour le 6, ni ensuite pour les 8 et 9; voir plus loin 
une note le 17 avril. 

6. Compte ouvert après janvier; mention unique. 

7. Rethel. 

8. Compte nouveau. 

9. Charroi. 

10. Argenteuil (Seine-et-Oise, Versailles). 

I I . Seule mention de ce compte. 

12. Voir le 16 du même mois et le 3 1 mars. 

i3. Avait 10 s. le 20 décembre. Plus loin, Saleia in boseo; ce doit être 
Saulce Champenoise du Dict. des Postes (Ardennes, Vouxiers). En i256, le 
comte de Rethel a reçu de son frère une maison à c Saulce au bois » (Saigc, 
Trésor des chartes du comté de Rethel j p. 273). 

MtM. XXXI 8 



114 LnrSB DB DiPBNSB 

Cames 5 d.; ob. olus* ; dericas qui portât aquam benedicum i d. 

In eadem noete, caraes 9 d.; a d. in fiibrica; poma 17 d. pro pre- 
dicatoribus *; i d. in herbis. 

(la.) Die Lune seq. Caraes 14 d.; ob. pro une billete procUve 
camere vestre; i3 d. in //// 

{Page 2 V.) 

(i3.) Die Martis, quando Dominas meus ivit apud Atrebatensem'. 
Caraes 6 d.; lavandarie a s. et dem. de teraiino Pasche. 

2 d. pro claTe reparanda; ob. in oleo. 

(14.) Die Mercurii seq. 6 d. in caraibus; (Msces 8 d. pro Sabpriore 
Cantipratis^. 

(i5.) Die Jovis seq. Radulpho Francisco 18 d., ei hahmit32S.et 
dem.*. 

Roberto dicto Brichart 7 1. par. 

7 d. in caraibus; ob. in olere. 

(16.) Die Veneris seq. 7 d. in piscibus. 

M» Sevcrino 6 s. et dem., et hahuit iS L io s. et 2 d^. 

(17). Die Sabbati seq. Godefrido de Caraoto 18 d.^ et hahuit 1 5 s?, 

Ova 10 d.; ob. in berbis ; 17 s. pro vestibus Colini ; parvus paois 4d. 

3 d. pro tribus superpliciis refidendis. 

10 d. et ob. in galinis {rayé)\ 6 d. in pisdbus pro illîs qui adduxe- 
runt vinum. 
Johanni de Ceris la d., et hahuit 2 s. past PaschaK 

4 d. iliis qui posueract vinum in celario. 

(18.) Die Dominica qua cantatur Misericordia Domini. M* Rcnaudo 
de Regiteste 4 s., e/ hahuit 3S 5.'. 

Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem. 

Clerico qui portât aquam i d.; 8 d. in caraibus; olus ob. 

D<» Thome, presbitero de Somepi**, 19 s., et sic rémanent 40 5., 
^1105 dchet ei Dominus meus**. 

1. Choux. 

2. Les Frères Prêcheurs de la rue Saint- Jacques. 

3. Un voyage à Arras aurait laissé quelque autre trace dans le compte 
pour ces journées. La forme Atrebateniem ferait croire qu'un mot a été 
omis, peut-être Episcopum; cet Évëque serait venu à Paris. 

4. N.-D. de Cantimpréy pris Cambrai. 

5. Voir le 3 avril. 

6. Voir le 10. 

7. Voir le 3. 

8. Compte nouveau. Une inscription de i s. devrait se trouver après le 
4 avril; il faut qu'au moins pour le 6, le 8 ou le 9 un compte ait été omis. 

9. Voir le 10 avril. 

10. Sommepy (Marne, arr. Sainte-Menehould). 

11. Voir la suite de ce compte le 12 mai. 



d'un dignitaire DB L^^LISE DE PARIS EN 1248. Il5 

(19.) Die Lune seq. 7 d. et ob. in carnibus. 

Radulpho Francisco 3 s. de duobus quaternis*, et habuii 35 s, et 

M« Renaudo de Regiteste 3 s., c/ habuit 38 5.'. 

Gaufrido, scriptori, 8 d., et sic habuit 5 s, et 4 d*, 

(20.) Die Martis seq. 7 d. in carnibus. 

(21). Die Mercurii seq. 7 d. in carnibus. 

M* Renaudo de Regiteste 20 d., et habuit 40 s. 5 d, minus^, 

(22.) Die Jovis seq. Carnes 8 d.; olus ob. Fuit D" Symo*. 

Guillelmo dicto Le Hongre 4 s. pro censu domus juxta predicato- 
res^; 1 1 d. in furfure. 

(23.) Die Veneris seq. Johanni de Ceris 12 d., el habuit 3 5.^. 

Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem. 

Pisces 6 d.; 4 d. pro pergameno raso. 

(24.) Die Sabbati an te Jubilate. Gaufrido de Carnoto 18 d., e/ habuit 
16 s. et dem,^. 

Ova 10 d.; candele 6 d.; parvus panis 4 d. 

Ob. in herbis; pisces 6 d. pro munitione^® Magîstrorum Reneri et 
Jofridi. 

Mo Severino 4 s. et dem., et sic habuit i5 /. 14 s. et 8 d,**. 

(Page 4 ro.) 

(25.) [Dimanche] <2 

Cames 9 d.; olus i d. ob.; ob. in //// 

Famulo fis^^ phisici 12 fortes ^^; ob. elemosina. 

1. Cahiers, écrits par ce secrétaire. 

2. Voir le i5 avril. 

3. Voir le 18. 

4. Voir le 4. 

5. Voir le 19; II III d,, erreur pour //// d, minus. 

6. En ce jour, Dom Simon de Goussain ville (p. 4 v% 11 mai) a probable- 
ment été invité. 

7. Cette maison ne se trouve pas dans les états des biens de Tévêché; die 
pouvait être une propriété personnelle du prélat, ou plutôt du dignitaire 
ecclésiastique pour lequel on doit penser que cette partie du compte a été 
faite. 

8. Voir le 17. 

9. Ibid. 

10. Saignée. 
IX. Voir le 16. 
12. Partie rognée. 
i3. Sic. 

14. Visite du médecin dont l'ordonnance est exécutée le lendemain par le 
barbier-chirurgien. 



1 16 UTRK DB D i P gIf S BS 

(26.) Die Lune seq. 7 d. et ob. m fàbrica; 1 1 d. pro filo ad fbmoda 
capmia Domini mei et al//// 

Pîsces 16 d.; barbitonsori 2 d. pro 'minutione Domini mei; i d. 
pro viridi succo^ 

M» Nicholio de Salda in bosco 60 s., et sic hahuit g IX Sdulm 
est totum. 

14 d. pro bibla ligata in duobus voluminibus et eorum custodiis'. 

(27.) Die Martis, quando Mr Johannes^ et Mr Jalianus manduca- 
verunt vobiscum carnes 14 d.; ol//// 

Poma 2 d.; 2 d. in corrigia pro pellicio vestro'. 

6 d. famulis qui adduxerunt stramen; //// 14 d. et ob. 

(28.) Die Mercurii seq. Carnes i5 d.; olus i d.; 1 d. in transitu 
Secane. 

2 fors pro poncia* pro scriptore; i d. in incaustro; ob. in peanis. 

I d. in viridi succo; Johanni de Ceris 12 d., et sic hahuit 4 sJ, 

Radulpho Francisco 18 d., e/ sic habmt 3j 5.^. 

26 d. pro summa de casibus ligata, et etiam de vitiis* et 9 quater- 
nis ligatis de summ*<^//// 

8 d. pro biado vantilando. 

(29.) Die Jovis seq. Cames 8 d.; 11 d. in vitreis; ob. in ysopo. 

Coquo 71 s. et 3 d. pro duobus stationibus** de prepositura de 
Viri. 

Celario 74 s. et 4 d. de duobus stationibus de Viriaco. 

40 s. pro anniversario Di Vincentii**; 12 d. in sagimine pro paupe- 
ribus clericis. 

1. Verjus. 

2. Voir le II. 

3. Les camisie dans lesquelles les livres étaient conservés, voir Mémoires 
de la Société de V Histoire de Paris y 1903, p. 268. 

4. Le Sous-chantre. 

5. Pelisse. 

6. Pierre ponce. 

7. Voir le 23. 

8. Voir le 19. 

9. La Summa de vitiis de Guillaume d'Auvergne. 

10. Probablement de summis, recueil de Sommes. 

1 1 . Redevances affectées à des distributions d'aliments ou à des repas, 
remises au cuisinier et au sommelier pour emploi ; une dépense semblable 
a été inscrite le 17 décembre 1248 sous le nom d^antiphona; les deux mots 
sont fréquemment employés en ce sens dans le Cartulaire de N.~D. de 
Paris, \f p. 329, 349, etc., et expliqués à la p. clxiv. 

12. Rente annuelle à payer pour célébrer l'anniversaire de ce Chanoine, 
due par l'occupant de maisons situées dans le cloître et léguées par lui au 
Chapitre {Cartulaire de N.-D, de Paris, IV, p. 48; Molinier, Obituaires, 
I, p. 119). 



d'un dignitaire de l^églisb de paris en 1248. 117 

34 s. pro décima vestra, absque decem libres, quas solvit D^ Radul- 
phus^ de eadem décima pro vobis. 

(3o.) Die Veneris seq. Pisces 12 d. 

Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem. 

jo s. M» Andreo Senonensi, filio Castellani Senonensis. 

Summa : 28 1. 4 s. b d. 

Fenum i3 d. et ob. 

M' Renaudus de Regiteste 4 s., ef hahuit 4j s. et 2 d,^, 

M« Severino 3 s., et habuit iS L ij 5. et 8 d?. 

(Mai I.) Die Sabbati, scilicet in die Beatorum Philippi et Jacobi. 
Odoni, cicrico vestro, 2 s. et dem. in obolis. Ova 1 5 d. ; parvus panis 
3 d. et ob.; ob. in herbis; pisces 4 d. et ob. 

4 s. et 8 d. Guillelmo Baillet pro vinea dTvri*. 

Hueto, famulo vestro, 12 d., et habuit 7 5.*. 

Gaufrido de Carnoto 18 d. (rayé) 4 s. et dem.; et habuit 21 5.*. 

[Page 4 vo.) 

(2.) [Dimanche]^ 

(3.) Die Lune seq. Carnes 1 1 d.; olus t d. 

Fenum i5 d. et ob.; Henrieto 8 d., quando reduxit equum ad 
AbatemS. 

Summa : 34 s. 

In herbis i d. 

(4.) Die Martis seq. Carnes 16 d.; carnes pro morteraies* 3 d.; 
olus I d. 

Martino Remensi 6 d.; 8 d. Andrée. 

Summa : 35 d. Tota summa : 3o 1. et 16 d.<<^. 

In nocte qua computavimus. Pro una galina 6 d.; 2 d. in pomiis; 
ob. in lactucis. 

(5.) Die Mercurii seq. 19 d. in carnibus; 1 d. in lacté caprine^* 
[rajré); ob. in ysopo. 

Radulpho Francisco 18 d., et habuit 38 s, et dim.^K 

1. Peut-être Dom Raoul de Chevry, chanoine en 1248. 

2. Le total de ce compte, le 19, était de 39 s. 8 d.; le dimanche a5, par- 
tie rognée, il avait dû s'augmenter de 3 s. 6 d. 

3. Voir le 24. 

4. Ivry (Seine, Sceaux). 

3. Le 14 janvier, Huet avait 2 s. 9 d. 

6. Voir le 24 avril. 

7. Partie rognée. 

8. Une déchirure rend la lecture douteuse. 

9. Pour mortereaux, pâtés de viande. 

10. Total exact; voir le 3o avril et le 3 mai. 

11. Lait de chèvre, 

12. Voir le 28 avril. 



> 



1 1 8 LI VRB DB DÉPBN818 D^UN DIGNITAIRB DB l'AgLISE DE PAltl^ - 

(6.) Die JoTÎs seq. Caraes i6 d.; fenum aS d.; poma a d. 

Hueto, famulo vestro, 12 s. pro veatibiis, et hahuit ig 5.^ 

(7.) Die Veneris seq. D* Hugonî Largo 20 s. pro capa sua. 

1 d. in fEibrica; 4 d. in fuHiire pro eqais. 

Bursa Episcopi Ebroicensis 3 s. et dem. 

(8.) Die Sabbati ante Ascensionem Domini. 5 d. infabrica;or^*- 

Parvus panis 4 d.; candele 6 d.; i d. in herbis. 

Pisces 6 d. pro D« Arnulpho ; poma 2 d. ^ 

(9.) Dominica [qua cantatur Y0cca>] ante Ascensionem Domii^ ^- ' 

M* Johanni, Subcantori, 22 s. 4 d., ei solutus est sicK 

Carnes ib d.; ysopus 10 d. 

Clerico qui portât aquam benedictam i d. 

M» Renaudo de Regiteste 3 s. et dem., et hahuit [5\o s. et 8 X^ 

Mo Severino 2 s. et dem., et hahuit j6 s. et i i.>. 

In transitu Secane i d.; ob. in lactucis. 

(10.) Die Lune seq. Pisces 11 d. et ob.; fenum 6 s. et dem. 

(11.) Die Martis seq. 14 d. in piscibus pro D« Arnulpho. 

Radulpho Francisco 18 d., et hahuit 40 s,*. 

D» Simoni de Gousainvilla^. 62 s. pro décima sua. 

(12.) Die Mercurii in vigilia Ascensionis Domini. i d. in olere; c^^^' 
in lactucis. 

Datum Thome et Petro de Firma pignus de îos,, et hahent 2g s-^ 
et sic remanet quod dehetur eis 3o^ //// 

Martino, clerico Remensi, 6 d. 

(i3.) Die Ascensionis Domini. Carnes 21 d.; pulli 8 d.; olus 2 d. 

In viridi succo i d.; 11 d. in fabrica. 

Summa : 8 1. 2 s. 8 d. et ob. 

I. Voir le i** du mois. 

a. Sic^ pour Vocemy 5* dimanche après Pâques; les trois mots ont été 
rayés, ce qu'explique l'emploi de celui qui n*a pas de sens. 

3. Voir le a janvier. 

4. Voir le 3o avril. 

5. Un denier en moins; voir le 3o avril. 

6. Voir le 5. 

7. Goussainville (Seine-et-Oise, Pontoîse), où le Chapitre et Tévâché 
avaient des propriétés; aussi cette dépense peut-elle être le remboursement 
de la décime sur leur revenu, avancée par ce Simon, leur gérant. 

8. Voir le 18 avril. La dépense doit être comprise dans le total qui suit, 
et ainsi devient exact; mais cette ligne a été biffée après paiement du res- 
tant dû, après règlement total du compte, ce qui se remarque pour ceux 
de ce genre et ici prouve que le document ne se terminait pas à l'Ascen- 
sion. 



LE PRÉSIDENT 

DE LAMOIGNON 

(1644.I7O9) 



Un écrivain qui connaissait bien l'ancienne magistrature* a 
caractérisé en ces termes les premiers personnages de la dynastie 
parlementaire des Lamoignon^ : Charles de Lamoignon en fut le 
fondateur, le président Chrétien en fut la pensée politique, le 
premier président Guillaume la pensée législative, le président 
Chrétien- François la pensée littéraire, rintendant Bâville la pen- 
sée militante. 

Celui dont je veux parler ici, le président Chrétien-François, 
vaut d*étre considéré autrement qu'à cet unique point de vue de 
son goût pour les belles-lettres et de ses relations aviec les illustres 
de son temps. Quoique la célébrité plus grande de son père et de 
quelques-uns de ses descendants directs Tait éclipsé à tel point 
que son nom manque dans bien des biographies et encyclopé- 
dies, ou n'y tient qu'une place minime', je crois faire aae de jus- 

1. Francis Mon nier, dans l'article Lamoignoii de la Biographie Didot, 

2. J'ai eu l'occasion de parler de cette famille dans une étude sur la 
Rébellion étHesdin^ Far gués et le premier président Lamoignon (1897), 
p. io3-iii; mais les documents généalogiques et historiques abondent au 
Cabinet des titres, plus particulièrement dans le dossier du fonds Chérin et 
dans la série des Pièces originales. 

3. Les meilleures notices anciennes sont dans le tome I de VHistoire de 
V Académie des inscriptions^ dans le Dictionnaire de Moréri et dans l'Intro- 
duction de Tacadémicien G.-H. Gaillard au recueil des Arrêtés du premier 
président Lamoignon. Parmi les ouvrages modernes, il faut citer le livre de 
L. Vian : les Lamoignon^ vieille famille de robe (1896), et les études des 
PP. Doncieux, Lauras et Chérot sur Bourdaloue et Boubours. 



\ 



I20 LE PRisiDBKT DE LAMOIGNON. 

tice en montrant que cet homme de bien, de devoir, et e^ 
même temps de goût et de science, mérita de tous points TestHir ^ 
que ses contemporains, à commencer par le Grand Roi, lui \imo\^ 
gnèrent unanimement; que ce fut un représentant accompli d^^ 
cette magistrature de haute race oîi se transmettaient fidèlement ^ 
les qualités du cœur et de Tesprit : en un mot^ que le ponrait qu'en 
a fait Saint-Simon*, équivoque, malveillant même au fond, doit 
être amendé et réformé, et que le président Chrétien -François 
était vraiment un de ces types de V « honnête homme » qui, en bon 
nombre, honorèrent le règne de Louis XIV et la robe parisienne. 

Il eut pour père le premier président Guillaume, ce grand réfor- 
mateur de la justice française, devant lequel Mazarin lui-même 
ne pouvait que s*incliner, et dont le nom est encore respecté au 
Palais, à côté de celui de son arrière-petit-fils Malesherbes. Je 
n'oublie pas que Saint-Simon, avec sa passion toute subjective, 
voyant dans Guillaume de Lamoignon le chef d'une cour qui fut 
toujours l'adversaire des ducs et pairs, s*est complu à dissimuler 
ses grandes, fortes et éminentes qualités derrière un spécieux éloge 
4 des grâces de sa personne, de son affabilité, de son hospitalité, 
de son attention singulière à capter magistrats, avocats et savants, » 
puis a prétendu nous le montrer, tout aussitôt, « enrichi du sang de 
rinnocent; » mais j'ose espérer qu'une démonstration rigoureuse 
a fait justice de cet échafaudage de faussetés et de calomnies^, et 
je n'y reviendrai point. 

Le Premier Président avait épousé en 1640 sa cousine* Made- 
leine Potier, fille du secrétaire d'État d'Ocquerre, très riche, et 



1. Mémoires de Saint-Simon, édition nouvelle, en cours dUm pression, 
tome XVIII, p. 106-108 : t Lamoignon, président à mortier, après avoir 
été longtemps avocat général, mourut en ce même temps (7 août 1709). Il étoit 
fils aîné du premier président Lamoignon et frère du trop fameux Bâville, 
intendant de Languedoc; mais Bâville étoit à lui, où il avoit tant qu*il pou- 
voit force seigneurs de la cour quelques jours pendant les vacances, et tou- 
jours le célèbre P. Bourdaloue. C'étoit un homme enivré de la cour, de la 
faveur, du grand et brillant monde, qui se vouloit mêler de tous les mariages 
et de tous les testaments, et à qui, comme à tout Lamoignon, il ne se fal- 
loit fier que de bonne sorte. Il avoit cédé sa chargea son fils, que le fils de 
celui-là possède encore, qui, en tout, ont bien moins valu même que celui 
dont il s'agit ici. t 

2. Tome XIII des Mémoires, éd. nouvelle, p. 132-140 et 6o3 606; la 
Révolte d'Hesdinj Fargues et le premier président Lamoignon, 

3. Par une bisaïeule commune, Marie Potier de Blancménil. 



LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. I2I 

surtout très sainte femme, qui lui survécut plus de trente ans^ 

De cette union sortirent cinq fils et quatre filles. Deux des fils 
seuls vécurent : Chrétien-François, et Nicolas, celui qui illustra 
le nom de Bâville, non plus dans la magistrature, mais dans les 
intendances. Deux filles se marièrent, Tune avec le comte, plus 
tard maréchal de Broglie, et l'autre avec Achille de Harlay, qui 
fut procureur général, puis premier président du Parlement. 

Chrétien- François vint au monde le 26 juin 1644, dans le logis 
de la rue Aubry-le-Boucher que son père habita jusqu'à ce qu'il 
allât occuper au Palais Thôtel de la Première Présidence, et il fut 
baptisé le 27 en Téglise paroissiale Saint-Leu et Saint-Gilles. 

Deux garçons étaient déjà morts en bas âge; comme eux, le 
nouveau-né reçut ce prénom de Chrétien, qui venait du prési- 
dent leur grand-père, mort depuis huit ans, mais encore repré- 
senté par sa ^veuve, la charitable Marie des Landes, tant aimée 
des pauvres^. On y joignit le nom de François. 

A la direction première de ses fils Guillaume de Lamoignon 
appliqua lui-même les principes qu^on trouve résumés dans son 
testament de 1676^: «J'ai toujours plus souhaité que mes enfants 
conservassent l'esprit de justice^ d'humanité, de charité et de simpli- 
cité chrétienne, qui est le véritable caractère que j'ai donné dans 
ma famille^ que de les voir dans la plus haute élévation du monde 
et remplis de biens et de richesses. » 

Aussi voulut-il se charger de leur éducation en même temps 
que de leur enseignement pédagogique. Cette profonde connais- 
sance des langues anciennes et de la littérature classique que nos 
voisins anglais et allemands, à l'inverse de ce qui se passe en 
France, ne cessent pas encore de juger indispensable aux jeunes 
gens nés pour de hautes destinées, formait alors la première base du 
savoir des futurs magistrats. Ainsi en fut-il pour Chrétien- Fran- 
çois, comme l'atteste cet article de la Ga^ette^ : c Le 28 avril 
i658, la messe en grec des Confrères de Hiérusalem fut célébrée 

I. Mémoires de Saint-Simon^ éd. nouvelle, tomes X, p. 284, et XIII, 
p. i3i et 140. 

a. Porté pour la première fois par le président (1567-1 636), ce nom 
assex rare de Chrétien se perpétua dans sa descendance, en devenant, sur la 
fin, Christian et Christine; mais je n*ai pu retrouver d'où il était venu. Les 
deux premiers fils avaient été appelés Chrétien-André et Chrétien-Augustin. 

3. Publié par Mgr X. Barbier de Montault dans la Correspondance hiS' 
torique et archéologique, 23 août 2897, p. 238. 

4. Gas^ette de i658, p. 392. 



ia2 LE prAsident de lamoignon. 

dans l'église du couvent des Cordeliers de Paris, avec beaucoup de 
solennité \ le grand maître de rartillerie* y ayant rendu les pains 
bénits, et le fils du sieur de Lamoignon^ maître des requêtes, 
prononcé une oraison en la même langue, de sa composition, avec 
d'autant plus d'étonnement de toute rassemblée qu'il n'a encore 
que treize ans. » 

De là sans doute ce trait du moraliste' : « Les Bignons, les 
Lamoignons étoient de purs grimauds; qui en peut douter? ils 
savoient le grec ! » 

Arrivé à la rhétorique, Chrétien-François fut remis entre les 
mains des Pères jésuites de ce célèbre collège de Clermont qui 
n'était pas encore Louis- le-Grand^, et ce lui fut une heureuse 
fortune d^ avoir pour professeur d'humanités un commensal de 
sa iamille, le P. Nicolas Rapin, fin et élégant latiniste, pour répé- 
titeur de philosophie le P. Bourdaloue, qui, l'un et l'autre, 
devaient rester ses meilleurs amis'. D^ailleurs, toute la maison 
était cordialement dévouée au premier président, qui lui avait 
rendu de grands services. 

Les thèses finales de Chrétien -François firent du bruit. La 
première soutenance eut lieu le 29 juin i66a : < Le sieur de 
Lamoignon, fils «aîné du Premier Président, défendit avec un 
applaudissement général des thèses publiques, dans le collège des 
Jésuites de Clermont, sur toutes les questions les plus difficiles de 
la logique, morale et métaphysique. L'assemblée étoit nombreuse 
et composée de personnes de la plus haute qualité, qui furent 
merveilleusement satisfaites de la netteté et de la facilité de son 
esprit, jugeant par là qu*il ne seroit pas moins ^héritier des 
hautes vertus et du rare savoir que du nom et de la réputation de 
son père*. » 

L'année suivante, seconde soutenance : « Le 14 juin, le sieur 
de Lamoignon, fils du Premier Président, soutint au collège des 
Jésuites des thèses de toute la philosophie dédiées au Roi, en 
présence d^une assemblée des plus nombreuses et composée de 

1. Cette messe se disait chaque année le dimanche de Quasimodo. 

2. M. de La Meilleraye, plus tard duc Mazarin. 

3. La Bruyère, au chapitre des Juobmsnts, tome II, p. 84. 

4. Voyez ce que le R. P. Chérot en a dit dans ses Trois éducations prin- 
cières (les Condé), p. 239-241. 

5. Bourdaloue, par le P. Chérot (1899), p. 1 03-117. 

6. Galette de 1662, p. 659. 



LE PRESIDENT DE LAMOIONON. ia3 

^tes les personnes de qualité, qui admirèrent la force de son 

jàiie, sa belle manière de s'expliquer, et la grâce et la facilité avec 

Quelles il développoit les questions les plus épineuses, jugeant 

P^^ là qu'on en devoir attendre le même succès dans les plus 

^nds emplois, comme les mêmes services pour son prince et 

P^Ur le public, qui rendent le nom de son illustre père si cher et 

^' Vénérable à la France. Le lendemain, il soutint devant une 

P^^ille assemblée, et avec un semblable applaudissement, des 

^^^^es sur âts questions les plus difficiles des mathématiques, et, 

^^tre plusieurs, proposa un nouveau système du monde et le secret 

^^ longitudes, qui n'avoit point encore été trouvée » 

Par Jean Racine, grand ami des Lamoignon', par le maître 
^ême de Chrétien- François', par une curieuse lettre du P. Bcr- 
8ter^, nous apprenons, — la Galette n*eût pas même voulu le kis- 
^r pressentir, — que cette dernière soutenance fut une occasion de 
Scandale, Chrétien-François ayant contesté que la condamnation 
de Copernic pût avoir la moindre autorité en pays gallican : 
William ego attribua auctoritatem Inquisitioni in hoc regno^ qui 
sum et ero semper libertatum gallicarum defensor acerrimus. 
Développée vivement et fermement, cette panie de Targumenta- 
tion aurait valu une censure au soutenant, si son père, avec qui 
tout avait été concerté, n'eût fait intervenir à point Pautorité du 
Roi et de ses ministres. L^Inquisition seule pâtit de ce coup'. 



1. GûT^ette de i663, p. 56a. Les positions, dont M. Vidier a bien voulu 
■n'indiquer plusieurs exemplaires conservés à la Bibliothèque nationale, 
furent imprimées chez Antoine Vitré. Titre : Agones mathematici ad arcem 
Copemicani systematis expugnatam in cùUegio Claromontano, Societatis 
Jesu. Dédicace : Régi expugnatori urbium, olim armatOt nunc pacifleo, 
expugnatam pacijica Victoria Copemicanam arcem consecrat Chrittianus- 
Franciscus de Lamoignon, L'estampe devait être belle. 

2. Abrégé de Phistoire de Port-Royal, dans le t. IV de ses Œuvres, p. 558. 

3. Mémoires de Nicolas Rapin, tome III, p. 207-209. 

4. Le P. Chérot, Trois éducations princières, p. 21 5-2 18. 

5. La Bibliothèque possède, sous la cote Réserve Yc 602, le troisième 
tome d*une série intitulée : c Mélanges provenant de la bibliothèque de 
M. de Lamoignon et adressés Unt à lui qu'à d'autres personnes, » et 
cotée primitivement Y 35 quater. Les pièces sont imprimées pour la plu- 
part, et quelques-unes manuscrites. Il 7 a aussi les dédicaces à Chrétien- 
François, en vers latins, de thèses faites sous ses auspices, en 1675 par 
Georges Le Roy, en x68o par René de La Vacquerie. Le n* 38 est une ode 
latine que Charles du Périer, neveu de Tami de Malherbe et lettré bien 
connu comme rival de Santeul, adressa au jeune récipiendaire de i663 sur 
les problèmes de la rotation du monde qu'il se proposait de discuter. 



124 L' PHteDENT DE LAMOIGMON. 

Bien que le barreau fût alors en discrédit dans la haute magis- 
trature*, le Premier Président voulait que ses fils, Taîné aussi bien 
que le cadet, débutassent au Palais comme avocats; mais, aupa- 
ravant, Chrétien- François voyagea en Angleterre, oti ie roi 
Charles II et Tuniversité d'Oxford rendirent honneur au nom de 
Lamoignon, puis en Hollande, où la science juridique florissait 
tout autant que le commerce. Au retour, ayant prêté serment le 
2 août i663, il plaida pendant trois ou quatre ans c pour les 
parties. » En même temps, il bénéficiait des réunions que les prin- 
cipaux magistrats de Paris tenaient deux fois par semaine à 
rhôtel de la Première Présidence pour l'élaboration du nouveau 
Code, et des assemblées littéraires qui s'y réunissaient chaque 
lundi'. Si, d'une part, il put se fortifier ainsi dans la connaissance 
du droit, d^autre part aussi il prenait goût aux lettres et aui 
sciences; dans ces dernières, la numismatique l'attira particuliè- 
rement, et son maître dans cette partie, Charles Patin, se plut 
tout de suite' à proclamer en lui un goût et des aptitudes natu- 
relles qui, quarante ans plus tard, furent son principal titre aca- 
démique. 

Nous ne connaissons aucun de ses plaidoyers, car le seul 
imprimé qui lui ait été parfois attribué, et nous l'enregistrerions 
bien volontiers à son aaif, doit être rendu à son frère cadet, lequel 
le suivait de très près^, et Tunique action dont les contemporains 

1. La Bruyère, De la Villb, tome I, p. 277-278 et 5o8-5o9. Les avocats, 
dit Tallemant, étaient beaucoup plus considérés au xvi* siècle. 

2. Voir l'oraison funèbre du Premier Président par Fléchier, les Lettres 
de G. Patirif tome III, p. 670-671, 773 et 776, les Mémoires de Nicolas 
Chorier, p. 140- 141, et Sainte-Beuve, Port-Royal^ tome 111, p. 624. 

3. En i665, dans son Introduction à l'histoire par la connoissance des 
médailles. Ce Patin avait commencé par être avocat, et il finit par la 
médecine. 

4. C'est le plaidoyer pour le sculpteur Gérard Van Opstal, contre qui une 
cliente mal inspirée avait osé invoquer la prescription. L'action du jeune 
avocat, i3 décembre 1667, en l'honneur des c arts libéraux et non méca- 
niques, > eut un tel succès, que l'Académie de peinture et sculpture décréta 
rimpression de sa plaidoirie et, de plus, voulut faire faire son buste par 
Girardon, son portrait par Champaigne; l'avocat pria ces messieurs de 
reporter sur son père ce grand honneur, et c'est ce que Clément consigna 
dans une devise sur le piédestal du beau buste du Premier Président exé- 
cuté par Girardon. Ainsi est racontée l'historiette par certains contempo- 
rains; mais on voit seulement, dans les procès-verbaux de l'Académie 
publiés par Montaiglon (tome I, p. 324, 326, 328 et 332), que cette compagnie 
supplia Bâville de donner une copie de son plaidoyer, puis la fit livrer à 



LB PRESIDENT DB LAMOIGNON. 125 

nous aient transmis le souvenir est celle où il plaida la cause de mar- 
cliands arméniens qui avaient avancé des fonds pour le rachat d'un 
chevalier de Malte captif des Turcs. Mais au moins Téloge que les 
rédeiCttuTs des Mémoires de Trévouxlui consacrèrent en 1710^ pré- 
cise-t-il les principaux mérites du jeune avocat : « Ses plaidoyers 
changèrent la face du barreau ; les imitateurs du célèbre Le Maître 
eurent honte de leur enflure et de leur érudition affectée; ils sen* 
tirent qu'un avocat ne doit pas songer à se faire estimer, maïs 
à se faire croire...; qu'on peut être sublime sans hyperboles, et 
qu'un langage simple, mais noble, est le seul qui convienne aux 
défenseurs de la justice et de Tinnocence... Sur ce même modèle, 
les imitateurs de Patru se corrigèrent des défauts opposés... En un 
mot, réloquence du barreau doit à M. de Lamoignon la perfec- 
tion oti nous la voyons aujourd'hui. » 

Regrettons donc que rien ne soit venu jusqu'à nous des pre- 
miers produits de cette bonne et saine éloquence. 

C'est en i665 que Chrétien- François quitta la robe d'avocat 
pour aller s'asseoir sur les fleurs de lis. Ayant été pourvu d'une 
charge de conseiller par lettres du 23 mai, la Cour le reçut le 
2 avril 1666', et, en 1668, elle lui flt le grand honneur de le 
désigner pour établir un cordon sanitaire autour du Soissonnais 
envahi par la c peste, > mission délicate, périlleuse même, dont il 
s'acquitta heureusement, et qui lui valut un renom de vaillance'. 

Au bout de cinq ans, son père voulut le faire passer du Palais 
au Conseil; le 10 mai 1670, M. Besnard de Rezay se démit en 
sa faveur d'une charge de maître des requêtes, et il en fut 
pourvu le i5 février suivant^, mais ne l'exerça que pendant 
deux ans et demi, et tout ce que nous savons de cette période 
de son existence, c^est que Louis XIV tint à le désigner pour 
être un de ses assistants lorsque, en 1672, il voulut tenir le 
sceau lui-même après la mort du chancelier Séguier*. Dès 1673, 

rimpressîon, et garda la copie dans ses archives avec un portrait du jeune 
avocat. 

I. Tome XXXVIII, p. 686. 

a. Reg. du Parlement XIA8394. 

3. Lettres et mémoires de Colbert, tome II, p. 442-447; Gaillard, Vie du 
premier président Lamoignon, p. xlvi; ms. fr. lôSgS, fol. 294-400, procès- 
verbal original du jeune conseiller, que M. Vîdier a bien voulu m*indiquer. 

4. Reçu le 19 au Parlement : reg. XIa 8396. 

3. Son éloge dans le Dictionnaire de Moréri, tome Vï, 2» partie, p. 118. 



ia6 LB PRéSIDBNT DR LAMOIQNOII. 

à répoque de la rentrée des cours, il revint au Palais, mais, cette 
fois, parmi les gens du Roi. C'est de la charge d'avocat général de 
M. Jérôme Bignon, plus connu comme grand maître de la 
Bibliothèque, qu'il fut pourvu le 21 octobre ^ Le 3o novembre, 
il obtint des lettres d'honorariat de maître des requêtes, quoique 
ayant exercé cette charge si peu de temps, et, huit jours plus tard, 
il fut installé au parquet. 

De trop nombreuses parentés dans le Parlement constituaient 
un obstacle légal à ce qu'il y entrât; on raconte que le Roi s^em- 
pressa cependant d'accorder des dispenses : c Je connais cette 
famille, dit-il; je puis m'abandonner à elle*. » 

Avant qu'un mois se fût écoulé, ses parents le marièrent'. Il 
atteignait déjà sa trentième année, âge avancé pour un héritier, et 
même son frère cadet lui avait montré Texemple depuis une ving- 
taine de mois; mais, sans doute, Chrétien- François n^avait 
attendu qu'en vue d'une alliance déjà projetée de part et d'autre. 
La jeune fille, âgée de vingt ans, sa parente assez proche, car 
toutes ces familles de robe s'entrecroisaient presque à chaque géné- 
ration, était Marie-Jeanne Voysin, fort riche héritière en perspec- 
tive^, point belle, mais lettrée et mieux propre que personne à 
animer de son esprit les réunions de Thôtel de la Première Pré- 
sidence ou du château de Bâville. 

Comme Saint-Simon le rappelle*, M"« Voysin appartenait à 
une famille de robe plus récente que les Lamoignon, et moins 
illustre, mais bien notée auprès du Roi. Le père, Daniel Voysin, 
seigneur du Plessis-aux-Bois et de la Cerisaye, un « de ces 
modestes et sages magistrats de lancienne roche, » avait passé 
« avec grande réputation d'intégrité et de capacité a par les inten- 
dances d'Auvergne et de Champagne, et s'était acquitté ensuite 
très dignement, pendant trois périodes de deux ans, des difficiles 
fonctions de prévôt des marchands de Paris, qui lui avaient valu 
un siège au conseil d'État; il venait de passer conseiller ordinaire 

1. M. Bignon s'était démis en sa faveur deux jours auparavant, sur une 
promesse du Premier Président qu'on le ferait nommer conseiller d'État ; 
mais cette combinaison ne se réalisa que quatre ans plus tard. 

2. Vian, les Lamoignon, p. 222. 

3. Ibidem, p. 229-230. 

4. Au contraire, le premier président Lamoignon, selon le dire de G. Patin 
(tome II des Lettres, p. 441), avait une très médiocre fortune. 

5. Mémoires^ éd. nouvelle, tome XVII, p. 431-452. 



LE PR^IDBNT DB LAMOIGNON. llj 

ea 1671, et vécut encore vingt ans. La mère, Marie Talon, était 
rainée des trois filles du grand Orner Talon, cet oracle du barreau 
dont nous avons de si précieux Mémoires, et elle avait précisé- 
ment pour frère le premier avocat général de qui Lamoignon 
devenait collègue. Deux autres filles devaient, à leur tour, entrer 
dans de grandes maisons du Parlement, Bignon et Joly de 
Flcury. 

Le mariage Lamoignon et Voysin fut célébré à Saint-Séverin 
le 5 janvier I674^ La dot de Tépousée était de quatre cent mille 
livres. 

Installé au parquet le 7 décembre 1674^^ Chrétien- François 
devait y siéger plus de vingt ans avec Tapplaudissement de tous : 
c II avoit Tesprit facile, juste, pénétrant, des expressions vives et 
heureuses^ une mémoire qui tenoit du prodige, et toute l'élo- 
quence du corps que la nature peut donner par la représentation, 
par le geste et par la voix. On Técoutoit avec plaisir lors même 
que, ne parlant que de procédures et de formalités, il développoit 
à la justice la chicane la plus épineuse; mais, quand, aux ouver- 
tures du Parlement, il prononçoit ces discours graves destinés à 
maintenir l'ordre et la discipline du barreau, les magistrats se 
trouvoient presque déplacés par le concours extraordinaire des 
auditeurs de tout genre. Dans cette foule, on remarquoit une 
infinité de copistes; les harangues de M. de Lamoignon se répan- 
doient ensuite, on les imprimoit, et, quelque différence qu'il y eût 
entre les copies et les originaux, trois ou quatre traits heureuse- 
ment conservés suffisoieat pour les faire recevoir avidement du 
public*. » 

Cest ainsi que se formèrent les recueils dont nous avons 
quelques copies manuscrites'*. Harangues, discours de rentrée, 

I. Non le 7, comme on Ta imprimé partout, mais le 5, si nous nous en 
rapportons à la copie de l'acte prise par Rochebiiière sur les registres de 
l'Oise avant Tincendie de mai 187 1 (ms. nouv. acq. fr. 3619, n* 4240). Le 
contrat avait été signé le 4 par Leurs Majestés et toute la cour (Cabinet des 
titres, fonds Chérin, vol. xi5, dossier a383, fol. 3o). 

a. Lettres de provisions, reg. XIa 8671, fol. a 18. Les registres du conseil 
secret du Parlement ne mentionnent pas cette installation si longtemps 
retardée. 

3. Son éloge par le secrétaire perpétuel Gros de Boze, dans le tome I de 
VHistoire de V Académie des inscriptimis, p. 384. 

4. Ârch. nat., U 427-428; Bibl. nat., mss. fr. 14051-14052 (tome I : mercu- 
riales, compliments au Roi et discours de rentrée de 1673 à 1678; tome II : 



128 LE PRÉSIDENT DB LAMOIGNON. 

plaidoyers, réquisitoires ou mercuriales, c*étaient de véritables 
traités sur les matières les plus diverses, et non seulement le juris- 
consulte, rhistorien, le théologien, le naturaliste même, y trou- 
vaient chacun son fait, mais aussi les gens de goût et d'esprit, les 
amateurs du bien-parler, puisque Lamoignon, nous le savons 
déjà, fut un des premiers orateurs de la magistrature à substituer 
rélocution la plus naturelle, la plus simple et la plus facile à ce 
style ampoulé, bourré de réminiscences classiques et d'allusions 
mythologiques, qui avait été jusque-là obligatoire au Palais. Ajou- 
tons que sa prononciation était exquise, et Ton comprendra que ce 
fût un régal pour M""* de Sévigné et ses amies de se faire réciter 
quelqu'un des morceaux que Tavocat général venait de débiter en 
grand^chambre, fût-ce simplement une mercuriale aux avocats et 
procureurs*. 

Louis XIV, lui aussi, semble avoir apprécié ce talent oratoire, 
puisqu'il autorisa Lamoignon et son oncle et collègue Talon, 
réputé également éloquent, à lui adresser de vraies harangues, au 
lieu d'un simple compliment prononcé très bas, lorsque les cours 
et compagnies se présentaient devant lui dans quelque occasion 
solennelle '. 

Les biographes n^ont pas oublié, à Thonneur de Lamoignon, 
que ce fut lui qui, de concert avec son père, fit définitivement 
supprimer une coutume judiciaire des plus répugnantes, tombée 
d^ailleurs en désuétude depuis quinze ou vingt ans : je veux dire 
répreuve du congrès dans les procès en dissolution de mariage 
pour cause d'impuissance. C'est sur un réquisitoire de lui que le 
Parlement la fit disparaître par arrêt du i8 février 1677^. Mathieu 



discours aux avocats, suivis de douze feuillets autographes de mercuriales), 
ms. fr. 21148, fol. 54-65, et mss. nouv. acq. fr. 2429-30, provenant des Ver- 
thamon et des Jolyde Fleury,et cédés par les Archives en 1862. Le premier 
de ces exemplaires, venu directement de la famille, est remarquable pour son 
exécution calligraphique et sa reliure de maroquin rouge. Le tome 1, où des 
discours du Premier Président sont mêlés avec ceux de son fils, contient en 
tête quelques lettres originales de Louis XIV et de Marie-Thérèse au père 
(1661-1673). 

1. Lettres de M'' de Sévigné, tome Vlll, p. 278, 294-295, 3 18; Mercure 
de décembre 1677, p. 161-164, et de décembre 1686, p. i33-i35. 

2. Dangeau, tome VI, p. 233, et Sourches^ tome V, p. 36 1. 

3. Journal des audiences du Parlement, tome III, p. 194*195, et Journal 
du Palais, tome V, p. i-3o; Dictionnaire de Bayle, art. Qubllbnbc. En men- 
tionnant ceue initiative de Lamoignon, le Aforéri semble approuver les cri- 



LE PRÉSIDENT DB LAMOIONON. I29 

Marais dit à ce propos^ : « Despréaux a voit aboli le coogrès par 
un trait de satire* avant que le Parlement y eût songé, et M. de 
Lamoignon, qui étoit de ses amis, lui avoit bien promis de faire 
enregistrer sa satire à la première occasion '. » 

Nous avons ^ le texte du réquisitoire par lequel il demanda, à 
Toccasion du pourvoi du marquis de Langey, que la Cour, 
comme elle-même le souhaitait depuis longtemps, défendît à tous 
juges, particulièrement ceux des officialités, d'ordonner à Pavenir 
répreuve du congrès. 

En dehors des œuvres oratoires faites pour le Palais, Lamoi- 
gnon écrivit une Vie du Premier Président son père*; mais ce 
morceau serait passé, dit-on, en Angleterre avec la bibliothèque de 
famille, qui, dit-on encore, n^aurait pas compris moins de quinze 
cent cinquante manuscrits et huit cents cartons de papiers. 

Le genre narratif convenait particulièrement au style de Lamoi- 
gnon. Nous en pouvons juger par deux pièces parvenues jusqu^à 
nous : une lettre sur la mort de son maître et ami le P. Bourdaloue, 
qui fut imprimée en 1707, à la fin du tome III du Carême^ \ 
un certificat qu'il délivra le 9 janvier 1702 pour servir à la cano- 
nisation de M. Vincent de Paul^ et que je veux reproduire ici 
d'après l'original^. Cette pièce, très brève, n'a pas une grande 
portée littéraire*, mais elle fait connaître les relations familières 
de Tapôtre de la charité avec la vénérée grand'mère de Chrétien- 
François, avec sa tante, non moins pieuse et bienfaisante, et avec 
le Premier Président. 

tiques qu'en fit, en lySbj le président Bouhier, dans son Traité de la disso- 
lution du mariage pour cause ^impuissance , p. 86 et 126. 

1. Dans son Journal de 1722, tome I, p. 147. 

2. Satire VIII : 

Jamais la biche en rut n'a, pour fait d'impuissance, 
Traîné du fond des bois un cerf à l'audience, 
Et jamais juge, entre eux ordonnant le congrès, 
De ce burlesque mot n'a sali ses arrêts. 

3. • Les Lamoignons, a dit Voltaire, nettoyèrent nos lois de la rouille 
ancienne de la barbarie, i 

4. Mss. fir. i4o5i, fol. 190 v* à 233, et 26010, fol. 3i6; ms. nouv. acq. 
fr. 3107, fol. 99. Il y en a un exemplaire imprimé, de 1680, dans le recueil 
Fontanieu, tome i3o^ p. 361-478. 

5. Elle est citée par Gaillard. 

6. Reproduite en dernier lieu dans le tome II du Bourdaloue du P. Lauras. 

7. Cette pièce a passé plusieurs fois dans des ventes d'autographes faites 
par feu Etienne Charavay, notamment dans celle du 17 mai 1889, n* 74. 

itÉM. XXXI 9 



l3o LB PRÉSIDENT DB LAMOIGNON. 

c Chrétien -François de Lamoignon, conseiller du Roi en son 
conseil d'État et grand président du Parlement, je certifie à qui il 
appartiendra ce qui suit : 

c J'ai eu le bonheur de voir familièrement pendant plusieurs années 
M. Vincent de Paul, fondateur et premier général de la congrégation 
de la Mission*. Sa présence seule inspiroit la piété; son air modeste, 
doux et engageant, sans aucune affectation, attiroit ceux qui avoient 
davantage de converser avec lui; sa bonté et son humilité le ren- 
doient égal à tous ceux avec qui il traitoit, et les plus grands génies 
ne le trouvoient pas inférieur à eux quand ils agitoîent avec lui les 
plus importantes affaires. 

c Nous devons à M. Vincent rétablissement des hôpitaux pour les 
galériens à Marseille, la fondation de la congrégation de la Mission 
et de celle des Sœurs, qui n*ont d'autre occupation que d'instruire 
les pauvres et de servir les malades. 

« Dieu a répandu de si grandes bénédictions sur Tune et sur l'autre 
de ces congrégations, qu'on peut dire que nous leur devons, et par 
conséquent à M. Vincent, la plus grande partie de tout le bien qui 
se fait dans ce grand royaume. 

c Ceux qui liront avec attention les règles que M. Vincent a données 
à ces deux congrégations, qui sont unies d'un même esprit et sous un 
même gouvernement, connoîtront la grandeur du génie de Tauteur, 
et comme il étoit animé de l'esprit de Dieu, seul capable d'inspirer et 
de conduire de tels établissements. 

c L'estime publique qu'on avoit pour M. Vincent obligea la Reine, 
mère du Roi, de l'appeler dans son conseil de conscience. L'honneur 
que fit à ce saint homme cette pieuse reine ne changea rien à toute 
sa conduite : il parla avec une fermeté digne des apôtres dans des 
occasions difficiles, et toutes les considérations humaines ne purent 
l'obliger de déguiser le moins du monde la vérité; jamais il ne se 
servit de la confiance des grands^ue pour leur inspirer les sentiments 
qu'ils doivent avoir, et, dans les temps des troubles où toute la 
France étoit remplie de partis et de factions différentes, M. Vincent, 
qui pouvoit s'y distinguer, ne voulut pas sortir des bornes que sa 
modestie et son humilité lui avoient prescrites. 

« Ce fut dans ces temps-là que M. Vincent établit dans Paris des 
assemblées de dames pieuses qui s'appliquoient à soulager les pauvres 
des provinces affligées, et qu'il fit établir dans la plus grande partie 
des villes du royaume, et même dans les villages, des assemblées de 
charité pour soulager les malades. 

t On a vu et l>on voit encore des fruits de ces saintes assemblées 
qui passent tout ce qu'on peut dire, et même tout ce qu'on peut 

I. Mort en 1660, alors que Chrétien-François avait seize ans. 



LE PRESIDENT DE LAMOIONON. l3l 

^'^irc : ce qui fait connoître manifestement que M. Vincent étoit 
^^^iré par des lumières surnaturelles, et que Dieu bénissoit mani- 
"^tcment ses entreprises. 

^ Il ne faut pas de plus grands miracles, pour permettre d'invoquer 
^ • Vincent comme un saint, que les immenses charités qu'il a pro- 
^^rées par ses prières et qu'il a répandues dans toute la France et 
^^ns tous les lieux du monde où il a connu des malheureux. 

« Je puis attester cette vérité plus certainement que personne 
pQirce que M. Vincent s'est servi, dans la plus grande partie de ses 
^HMines œuvres, de M»« la présidente de Lamoignon, ma grand'mère, 
^t de M^* de Lamoignon, ma tante. Elles ont été l'une et l'autre. 
Pendant le cours d'une longue vie, les compagnes fidèles de ses tra- 
vaux, aussi bien que M. de Lamoignon, premier président du Parle- 
ment, mon père, qui avoit une telle vénération pour M. Vincent, que 
non seulement il le consultoit sur les matières de conscience, mais 
qu^il prenoit ses avis sur les affaires du monde, comme ceux d'un 
homme d'un génie excellent et fort supérieur aux autres. 

c Tous les gens de J)ien désirent avec ardeur que Sa Sainteté leur 
permette d'honorer d'un culte public celui qu'ils reconnoissent pour 
un grand serviteur de Dieu et pour un grand saint, et je suis per- 
suadé qu'il n'y a rien qui puisse perpétuer plus certainement à l'ave- 
nir les grands et pieux établissements qu'a faits ce grand homme, que 
la reconnoissance que l'Église universelle fera de ses vertus, 
c Fait à Paris, le 9* de janvier I7oa^ 

« De Lamoignon. 
t De par mondit seigneur : 

c Dubryb'. • 

Il était extrêmement rare que les grandes maisons de la magis- 
trature ne formassent pas des bibliothèques où s'accumulaient, de 
génération en génération, non seulement les livres et les papiers 
de famille, mais les manuscrits intéressant l'antiquité classique, 
l'histoire, le droit, la littérature. Les bibliophiles connaissent de 
réputation celle des Lamoignon, malheureusement dispersée pen- 
dant les temps révolutionnaires^. Après le Premier Président, 
Chrétien-François, comme principal héritier, la conserva, Tenri- 
chit, et en confia la direction au savant Adrien Baillet, qui, chose 
assez singulière, lui fut donné en 1680 par le chanoine Hermant, 
coreligionnaire de Baillet en jansénisme. Baillet était un peu plus 

1. Cette dernière ligne est seule autographe, avec la signature. 

2. Lecture douteuse. 

3. Ci-dessus, p. 129. Le libraire Mérigot, l'ayant achetée en bloc, fit impri- 
mer en 1792 trois volumes de catalogue, avec une introduction intéressante. 



l3a LB ntAâlDBNT DB LAMOIGNCm. 

jeune que le mattre de la maison ; jusqu^à sa mort, il lui resta fidèle, 
et, durant ces vingt<inq ans passés, tout en faisant paraître pour 
son propre compte un grand nombre de publications, les unes litté- 
raires comme les Jugements des Savants^ les autres historiques, 
et d'autres encore de polémique religieuse, qui n^étaient pas très 
orthodoxes, dit-on ^ il dressa un énorme catalogue de la biblio- 
thèque en trente-deux volumes' et un inventaire de la colleaion 
numismatique formée par le Premier Président et continuée par 
son fils aine. 

Une curieuse particularité s^attache au souvenir de cette biblio- 
thèque, ou plutôt du bibliothécaire. Lorsque Baillet mourut le 
21 janvier 1706, le secrétaire d*État Pontchartrain écrivit à notre 
président' : c Le Roi ayant appris la mort de votre bibliothé- 
caire, dont la doctrine étoit notoirement suspecte, S. M. m^a dit 
qu'Elle auroit dû prendre des mesures pour s'assurer de ses écrits, 
afin quMls ne puissent se répandre dans le public, mais, qu'ayant 
une entière confiance en vous, Elle a cru qu*il suffisoit de vous 
avertir de ce qu'EUe peut désirer à cet égard pour être sûr que 
vous le ferez. Le Roi souhaite donc que vous preniez tellement 
tous les écrits et papiers de cet homme qu'il ne vous en échappe 
aucun, afin qu^on soit sûr qu'aucun ne passera en d'autres mains 
que les vôtres et ne pourra être imprimé. Je vous prie de m'en- 
voyer un mémoire de ce que vous aurez trouvé, pour en rendre 
compte à S. M. » 

Par une lettre suivante'*, nous voyons que M. de Lamoignon 
s'engagea à supprimer tout ce qui semblerait mauvais ou suspect, 
mais que le Roi insista pour avoir, dès la première occasion, un 
relevé des écrits trouvés chez Baillet, tout en témoignant, comme 
on le voit, d'une rare confiance dans le loyalisme du président. 

« Magistrat formé par les mains de la Justice même', » Lamoi- 
gnon en imposait à tous par sa rectitude et sa fermeté inébran- 
lable. Certaine fois que son beau-frère HarUy Pavait accusé auprès 

1. Le P. Lauras a signalé, dans son Bourdaloue, tome II, p. 496-498, des 
ouvrages sur la Vierge écrits au sens janséniste, quoique sous les auspices 
de M"* de Lamoignon, qui était, il est vrai, fort peu portée vers les jouîtes. 

2. Nous en trouvons des fragments dans les mss. À*. 17174, fol. iSy-iôS, 
et 24474, fol. 199, et Arsenal 5761, fol. 1-27. 

3. Arch. nat., O» 367, fol. 28 V. 

4. Ibidem, fol. 34 v*. 

3. Lettre de Brossctte à Boileau. 



LE PRÂSIOBNT DE LAMOIGNON. l33 

du Roi de compromettre les droits de la couronne en matière de 
r^ale, il alla s'en expliquer, et obtint cette belle réponse de 
Louis XIV : a Je vous estime de ce que vous aimez la jus- 
tice et de ce que vous n*avez point égard aux personnes*. » 
Gaillard raconte aussi qu'ayant accepté un dépôt de papiers pri- 
vés dont il ne connaissait pas l'importance politique, et le Roi 
le pressant de les remettre entre ses mains, il lui dit : « Sire, je 
ne m'en serois pas chargé, si j'eusse su qu'ils continssent quelque 
chose de contraire au Roi et à l'État. Votre Majesté me refuseroit 
son estime, si j'étois capable d'en dire davantage >. » Dans je ne 
sais quelle affaire encore, le Premier Président étant mis en 
demeure de sacrifier ou son devoir de magistrat ou Tavenir de son 
fils, celui-ci déclara qu'il refusait tout ce qui coûterait une faute 
à son père. 

Voilà qui s^accorde bien avec le précepte testamentaire du Pre- 
mier Président cité plus haut, mais, au contraire, ne s'accommode 
pas du tout avec les deux phrases de Saint-Simon : « C'étoit un 
homme enivré de la cour, de la faveur, du grand et brillant 
monde... Il avoit tant qu'il pou voit à Bâville force seigneurs de 
la cour, quelques jours pendant les vacances... d J'insisterai sur 
ce dernier point. 

Lorsque la mort prématurée du Premier Président* fit passer 
Chrétien-François au rang de chef de famille, les traditions de 
grande hospitalité se continuèrent chez lui, et Ton y vit fréquenter 
très familièrement certaines personnalités de « la cour, » telles que 
Vardes, Montausier, d'Estrées, Chevreuse, Luxembourg, ou que 
les duchesses de Chaulnes et du Lude ; mais ses plus habituels 
commensaux, en dehors des hauts magistrats, furent presque tous 
ces gens d'esprit, de cœur, de haute culture, qui avaient aussi 
leurs habitudes à l'hôtel Carnavalet, et la marquise de Sévigné elle- 

I. Papiers du P. Léonard, Arch. nat., MM 8a5, fol. 184 v*. 

a. Gaillard, Vie du premier président de Lamoignon^ p. xlv. 

3. Il mourut à soixante ans, le 10 décembre 1677. Des oraisons funèbres 
furent prononcées le 7 décembre 1678 par le professeur de rhétorique du 
collège de la Marche, et, le 18 février 1679, à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, 
par Flèchier. Selon le P. Léonard (Arch. nat., MM 823, fol. i34), le Pre- 
mier Président avait ordonné que ses obsèques se fissent sans tentures ni 
armoiries, et que son épitaphe fût réduite à ces simples mots : Hic jacet 
Guillelmus de Lamoignon, primus Galliarum senatus princeps^ resurrtctio» 
nem expectans; mais la cérémonie fut pompeuse par Taffluence de gens de 
cour et de magistrats. 



l34 LE PSiSIDEIfT DE LAMOIONON. 

même a décerné ce brevet à Lamoignon* : c Non certainement, 
Monsieur, je ne vous oablie pas. On ne peut en être plus éloigné, 
ni vous honorer, et, si j'ose dire, vous aimer, d'une manière plus 
digne de vous, car il y a une certaine somme d'attachement pour 
votre personne qui n'est faite que pour ceux qui en connoissent 
tout le mérite. » En effet, Lamoignon était un des feimiliers de 
Carnavalet, et c'est sans doute afin de se rapprocher de ce cénacle 
spirituel qu'en 1684 il quitta la rue Aubry-le- Boucher pour acqué- 
rir au plus près, — rien qu'un carrefour fecile à traverser entre- 
deux, — le logis monumental construit à la croisée de la rue Pavée 
et de la rue des Francs- Bourgeois, pour les ducs d'Angouléme '. 
Depuis lors, le va-et-vient entre les deux logis fut incessant jus- 
qu'en 1696. Quels dîners et quels soupers! Ici et là, quels con- 
vives et quelles tables ! La néphrétique de Lamoignon s'en res- 
sentait quelquefois'. 

L'été venu, le Parlement entrant en vacances après dix mois 
d'assidu service, notre avocat général se transportait à la cam- 
pagne, dans cène belle terre de Bâville dont il avait conservé la 
propriété depuis la mort du Premier Président, tout en laissant 
son frère cadet en poner le surnom^. 

Très campagnard une fois que le Palais était clos, Lamoignon se 
donnait tout entier aux plaisirs de la promenade et de la chasse'. 
Le pays était pittoresque autant que giboyeux, et, pour favoriser 
la passion bien connue des maîtres de Bâville, M°*" la duchesse 

1 . Lettres de Af ■• de Sévigné, tome IX, p. 565. 

2. Cet hôtel avait été construit au xvi* siècle pour Diane de France et 
légué par elle à son neveu bâtard le premier duc d*AngouIéme, mais ne fut 
terminé, dit-on, qu'en 17 18. 11 subsiste encore, comme Thôtel Carnavalet, 
comme les hôtels de Chaulnes et d'Albret, et nos curieux connaissent tous 
sa porte monumentale et ses frontons grandioses, soutenus par des pilastres 
engagés, les premiers de ce style, dans toute la hauteur du bâtiment; mais 
l'inscription, aussi menteuse que celle de Thôtel d'Albret dans la rue toute 
voisine des Francs-Bourgeois, en fait la demeure du premier président 
Guillaume, alors que celui-ci était mort sept ans avant Tacquisition de 1684. 
On a des gravures du temps représentant la perspective du côté du jardin 
(Cabinet des estampes, portef. V» 24g). 

3. Lettres de A/"» de Sévigné, tome IX, p. 415, etc. 

4. C'est Bâville qui forme le sujet principal du livre de M. Vian; mais 
Gaillard en avait parlé cent ans avant, et le P. Doncieux y était revenu dans 
le P. Bouhours (1886), p. 76-79. 

5. Il aimait passionnément la chasse, quoique ayant la vue basse, dit le 
P. Léonard de Sainte-Catherine. 



LE PRUDENT DE LAMOIGNON. l35 

d'Orléans, veuve de Monsieur Gaston et usufruitière du comté de 
Limeurs, reconnaissante de ce que le Premier Président l'avait 
secondée dans la tutelle de ses filles, lui avait concédé la jouissance 
à vie de trois « buissons » contenant ensemble cent trente-sept 
arpents; elle continua cette jouissance à Chrétien-François, et, en 
outre, depuis 1667, elle lui avait assuré la charge de gouverneur, 
capitaine et concierge des château, ville et comté de Montlhéry 
et Linas^ Les gages, de six cents livres, n'étaient pas à compter, 
mais seulement les avantages pour la chasse et les prérogatives qui 
disaient de Bâville le centre d'une espèce d'apanage. 

Même au temps otx le Premier Président n'avait là qu'un 
modeste manoir, si petit qu^il lui fallut construire pour ses fils un 
château plus vaste', les Parisiens savaient la maison ouverte et 
hospitalière comme la dépeint, dans ce charmant passage de ses 
Mémoires^ y l'abbé Arnauld, arrêté et retenu de force en 1672 : 
c M. l'abbé de Feuquière m'assura si sérieusement que je désobli- 
gerois ces messieurs, si je les refusois, que je me laissai conduire, 
étant aussi sensible que je devois Têtre à l'honneur qu'ils me foi- 
soient. J'arrivai àdix heures du soir; ils étoient près de se mettre 
àtable. Après le souper, on se mit à jouer; mais, M. le Premier Pré- 
sident n'étant point du jeu, j'eus l'honneur de m'entreienir avec lui. 
Sa conversation me semble, en vérité, préférable à tous les plaisirs 
après lesquels on court dans le monde, tant on y trouve à la fois 
de douceur et d'honnêteté, de brillant et de savoir. C'est à Bâville 
qu'il le faut voir pour le bien connoître; c'est là qu'il sait se pro- 
portionner à tous ceux qui l'y visitent, et que, se dépouillant de 
la gravité qui convient au chef du premier parlement de France, 
et dont pourtant personne n'a jamais usé avec une plus grande 
modération que lui, il descend dans tous les devoirs d'un homme 
privé, faisant aussi bien que personne les honneurs de sa maison. 
Il se tient même obligé de Thonneur qu'il fait à ses amis de les 
y recevoir, et, par l'honnête liberté qu'il y donne, il y invite 
beaucoup plus qu'il ne pourroit faire par des paroles. MM. de 
Lamoignon et de Bâville, dignes fils d'un père si aimable, 
marchent sur les mêmes pas que lui. En vérité et sans flatterie, 

1. Cabinet des titres, fonds Chérin, dossier Lamoionoii, fol. 3a. Lamoi- 
gnon passa la charge à son fils aîné le 19 avril 1707. 

2. Pai raconté cela dans la Rébellion d'Hesdin, p. 117, note 2. 

3. Éd. Michaud et Poujoulat, p. 55i. 



l36 LB PRESIDENT DE LAMOIGNON. 

on aurait peine à trouver en France tant de mérite et de vertu 
dans une seule famille. Vouloir faire Téloge du père, ce serait une 
entreprise bien au-dessus de mes forces : elle ne le serait guère 
moins, si on vouloit dire tout le bien qui se trouve en Messieurs 
ses fils; on en peut assez juger par les beaux traits d'esprit et 
d'éloquence que le Parlement admire tous les jours dans les plai- 
doyers de M. Tavocat général de Lamoignon et par le choix qu'a 
fait le Roi de M. de Bâ ville pour assister aux conférences de 
Cologne pour la paix, quoiqu'il fût encore dans un âge si tendre 
que, s'il ne Pavoit point devancé par les lumières de son esprit et 
de son jugement, il n'auroit pu encore être reçu dans une charge 
de conseiller de la Cour. ■ 

Tant que vécut Lamoignon, il attira à Bâ ville une élite d'amis, 
et surtout d'hommes de lettres, appartenant aux partis les plus 
opposés, mais que le grand cœur et la franche cordialité de leur 
hôte savaient rapprocher et unir, comme jadis aux lundis du Pre- 
mier Président : ses anciens professeurs les PP. Bourdaloue et 
Rapin, Vanière, Bouhours, à côté des jansénistes Baillet et Her- 
mant; Coulanges, le chansonnier badin« et l'auteur de ÏArt 
poétique, qui payait son écot de cette VI' épître si charmante, ou 
rendait la politesse dans sa maisonnette suburbaine d'Auteuil; 
Gourville, représentant la petite cour de Chantilly; Bussy- 
Rabutin, Guy et Charles Patin, du camp des libertins; le Vic- 
toria Santeul, et Regnard, dont le maître du logis fit jouer le 
Légataire universel; puis, M. de Bagnols, et des proches voisins, 
comme les Saint-Maurice, les Ollier, les Saint-Germain-Beaupré, 
et ce savant théologien Tévêque de Toulon, oncle de M™* de 
Bâville. De Livry, M"* de Sévigné se plaisait à venir faire des 
visites oîi, dit-elle, tous ces gens d'esprit a gagnaient beaucoup à 
se faire connaître dans la liberté de la campagne*. » 

Indépendance pleine et entière pour chacun dans cette char- 
mante Thébaïde; tandis que le maître du logis, à pied ou à che- 
val, courait les champs et les taillis sous le brûlant soleil de mai 
ou d*août, ses commensaux, plus casaniers et moins ingambes, se 
livraient paisiblement au jeu d'hombre, aux discussions philoso- 
phiques, aux conversations piquantes, ou bien allaient le relan- 
cer pour discourir 

I. Lettres de M"* de Sévigné^ tome VII, p. 462 et passim. 



LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. lij 

au pied de ces coteaux 

Où Polycrène épand ses libérales eaux^ 

Il faut lire les souvenirs de tant d'heureux amis, soit dans leur 
correspondance, soit dans les notices que leur ont consacrées des 
biographes modernes^; nous avons aussi les vers du joyeux Cou- 
langes^, loraison funèbre de Fléchier, les poèmes latins de Rapin 
et de Vanière, surtout Tépître de la Campagne et la Ville, dédiée 
par Boileau, en 1677, à Tavocat général quoique son père vécût 
encore : 

Oui, Lamoignon, je fuis les chagrins de la ville, 
Et contre eux la campagne est mon unique asile.... 

Mais, cette fois, le satirique avait trouvé la maison trop ouverte 
à son gré, 

Car, dans ce grand concours d'hommes de toute espèce 

Que sans cesse à Bâville attire le devoir, 

Au lieu de quatre amis qu'on attendoit le soir, 

Quelquefois de fâcheux arrivent trois volées, 

Qui du parc à l'instant assiègent les allées. 

Alors, sauve qui peut ! et quatre fois heureux 

Qui sait, pour s'échapper, quelque antre ignoré d'eux^. 

J^omettais un nom, notable cependant, celui de cet évéque de 
Fréjus, André-Hercule de Fleury, qui devait, pendant plus de 
quinze années du règne de Louis XV, gouverner les destinées 
de la France. Lui aussi, comme Pabbé Amauld, avait fait de la 
discrétion, à ce quMl paraît, et voici comme il s>n excusa' : 

« Je m'attendois, Monsieur, à des remerciements, et non à des 
reproches de vous avoir laissé quelque temps en repos, et je vois 
bien que Porgueil des présidents à mortier est bien diminué de ce 
qu'il étoit autrefois. Les finances l'ont emponé et ont vengé Tépée 

1. Voir les odes latines XX et XXI de Nicolas Rapin. 

2. Lauras et Chérot^ sur Bourdaloue; Doncieux, surBouhours; Vian, sur 
Bâville, etc. 

3. Chanson sur le pain bénit rendu par M"* de Lamoignon à Saint-Che- 
ron, la paroisse de Bâville, pour Pâques de 1681 : Bibl. nat., ms. fr. 12620, 
p. i53. 

4. On a une traduction ms. en latin : Bibl. nat., Réserve Yc 602, n* 37. 

5. Lettre publiée par le baron Kervyn de Lettenhove dans les Collections 
d'autographes de M. de Stassart, p. 71-72 ; datée de Fréjus, 10 juillet (1701). 



f9B X. 

d^avoir été obligée de céder autrefois à la robe. J'ai dit des nou- 
veaux directeurs ce que vous en avez apparemment pensé, et il me 
semble que nous étions souvent de même avis quand nous dis- 
courions dans les allées de Bft ville... 

c Vous me demandez si j'ai bien discouru avec M. de Bâville. 
En pouvez-vous douter? Je vous assure que je lui en ai assez dit 
pour le corriger de toute pensée d'ambition. Je Ten crois fort 
revenu et bien guéri. 11 ne tiendroit pourtant pas mal son coin, 
et je suis, en vérité, toujours plus charmé de son esprit et de 
son cœur. 

« Pour vous, Monsieur, il, sied bien de faire le philosophe 
avec belle maison et toujours bonne compagnie. Je sais que vous 
avez eu des dames de la cour; Bâville et vous avez une cour 
comme si vous étiez directeur des finances. » 

Cour purement littéraire et spirituelle, bien plus soucieuse 
des plaisirs délicats du savoir-vivre, de l'esprit de société ou de 
rérudition, que « de la faveur du grand et brillant monde. » 
Mais Saint-Simon conservait une vieille rancune à M. de Lamoi- 
gnon, et voilà pourquoi il Taccuse encore de se mêler indiscrète- 
ment des affaires de ses amis, mariages, testaments, etc.*. Cétait, 
et peut-être est-ce encore la mission très ordinaire, très flatteuse, 
sinon très enviable, des hauts magistrats'. Dans les Lettres de 
M^^ de Sévigné^ et ailleurs, on voit notre Lamoignon, comme, 
avant lui, son père, qui « conciliait plus d'affaires qu'il n'en jugeait, » 
on le voit faire office de pacificateur entre Béthune-Cassepot et 
les Vaubrun, de négociateur matrimonial entre les Marillac et les 
La Fayette, d'arbitre entre Sévigné fils et M. de Morveaux. C'est 
lui qui raccommoda, en 1691, dans le cabinet du Roi, le duc de 
Gesvres et son fils; qui maria M. de Marsan en 1696 avec la 
veuve de Seignelay, M"® d'Humières avec Je marquis de Ville- 
quier en 1690; qui fit office d'exécuteur testamentaire de M™* de 

I. Mémoires, éd. nouvelle, tome XVIII, p. 107, note 5. 

a. Voir Téloge de notre président dans V Histoire de P Académie des ins- 
criptionSf tome I, p. 384 : f Ce fut un tribunal domestique que la confiance 
des personnes de la première qualité lui avoit érigé, et où, terminant 
plus d'affaires qu'au Palais, il avoit souverainement acquis l'art de pacitier 
les familles divisées par des intérêts différents ou par des conseils dange- 
reux, f 

3. Tomes VIII, p. 554-555 et 564-565, IX, p. 226, X, p. 290-292, XI, 
p. xxrviii. 



LE PKisiDSNT DE LAMOIGNON. I Sç 

Toisy en 1703^; qui < projeta > les lettres de pairie du maréchal 
de Boufflers'; qui seconda le prince de Conti dans Tachât de la 
maison des Talon, à Issy'. 

Cette confiance de toute la haute société honorait grandement 
le nom de Lamoignon. Si Saint-Simon y trouve à redire, c'est 
certainement parce que Tavocat général, après avoir secondé le 
maréchal de Luxembourg dans le grand procès de 1694 contre les 
ducs et pairs, s'avisa de vouloir réserver la main de M"* de Lorge 
pour le fils aîné de ce maréchal, quoique Saint-Simon y aspirât^. 

Fervent chrétien, mais point intransigeant, — on Ta vu par les 
noms énumérés de ses commensaux, — et plus près de la tolérance 
que beaucoup de ses contemporains, quelle put être l'attitude de 
Lamoignon dans les périodes de persécution contre les protes- 
tants qui suivirent la Révocation de i685 ou la paix de Ryswyk? 
Jusqu'ici, on faisait valoir en sa faveur une lettre à Bossuet' où il 
se défend, en même temps que son frère Bâville, d'avoir « le 
caractère d^un homme qui veut être le persécuteur des hugue- 
nots, » et ses relations affectueuses avec des jansénistes étaient là 
pour confirmer cette protestation; mais voici que, ces jours passés, 
un historien, deux même, ont voulu abolir cette « légende, » 
comme ne tenant plus devant un fait terriblement grave, parait*il, 
la participation de notre Lamoignon aux œuvres pieuses et cha- 
ritables de certaine congrégation du Saint-Sacrement qui avait 
fait grand bruit et peut-être exercé une influence considérable au 
temps de sa première jeunesse*. 

L'affiliation au Saint-Sacrement était-elle compatible ou incom- 
patible avec les idées de tolérance, et surtout avec l'horreur des 
persécutions? Sans entamer une discussion qui n'est point de 
mon fait, on me permettra de faire simplement remarquer que 
le Chrétien de Lamoignon qui fut membre actif de la congréga- 
tion était, non pas le signataire de la lettre de 1700 à Bossuet, 

I. Sourches^ tomes III, p. 352, V, p. 109, VIII, p. 47; Dangeau, tomes III, 
p. 119, isa, et IX, p. i5o. 
a. Saint-Simon, éd. nouvelle, tome XVII, p. a 18 et aaa. 

3. Dangeau, tome VI, p. 48a. 

4. Saint-Simon, éd. nouvelle, tome II, p. 26g. 

5. Éd. Lâchât, tome XXVII, p. lai-iaa, correspondance de l'année 1700. 

6. Voir un article de M. Gachon sur le Conseil royal et les protestants en 
i6g8, dans la Revue historique du i** juillet 1904, p. a68; cf. ibidem, 
i^ septembre, p. 64. 



140 UB FKÉSIDRHT DE LAMOIGNON. 

encore enfant lorsque disparut la congr^tion *, mais sod grand- 
père. Chrétien premier du nom, et que le chef du Parlement en 
1698 ou en 1700 n'était plus Guillaume de Lamoignon, mort 
depuis vingt-trois ans, mais M. de Harlay. 

A peine Tavocat général s'était-il installé à la rue Pavée, que sa 
maison fut mise en deuil par la petite vérole et la mort rapide, 
presque foudroyante, du jeune Voysin, frère unique de M^ de 
Lamoignon'. Grand émoi dans toute leur société. C'était, sur le 
moment même, et surtout pour l'avenir, une immense succession: 
aussi y eut-il beaucoup d'on dit et de commentaires, si nous en 
jugeons par la correspondance qui s'échangea entre M"** de Sévigné 
et son cousin Bussy'. La première, indulgente et bonne : c Vous 
savez sans doute que M. de Lamoignona perdu son beau-frère? Je 
vous ai toujours oui dire que les grandes successions étouffoientles 
sentiments de la nature. Si cela est, tout doit rire dans cette mai- 
son; cependant j'y ai vu des larmes qui m'ont paru sincères: 
c'est qu'avec ce qu'il étoii frère, il étoit encore ami. Je suis ravie 
de connoître le mari et la femme; c'est avec grande raison qu'on 
les aime quand on les connoît. » L'amer et jaloux cousin répond: 
« Je sus d'abord la mort de M. Voysin, et j'en fis compliment à 
notre ami. Jesavois bien ce qu'il pensoit là-dessus, et je lui aurois 
parlé à cœur ouvert, si je lui avois parlé tête à tête; mais je lui 
écrivis que je prenois à cette perte toute la part qu'il y pouvoit 
prendre : il me manda, en galant homme, que, quoique le Sei- 
gneur, en lui ôtant son beau-frère, ne lui eût pas ôié toute con- 
solation, il avoit pourtant été plus touché de cette perte qu'il ne 
croyoit, par le genre de cette mort fort subite, par le speaacle, ei 
par la douleur extrême de toute sa famille. Voilà comme il faut 
parler d'un tel événement, et non pas comme M"* de Scudéry, qui 
me raandoit que, quoique M. de Lamoignon gagnât des millions 
à cette mort, il en seroit inconsolable. Je ne m'en dédis pas, 
Madame : les grandes successions étouffent les sentiments de la 
nature, à moins que le mort n'ait été notre intime ami. • 

M""« de Lamoignon, disent les contemporains^ héritait de plus 
de cent mille livres de rente; huit ans plus tard, en novembre 1693, 

1. Raoul Allier, la Cabale des Dévots, de 1627 à 1666, p. Sg et 68. 

2. Mémoires de Saint-Simon^ éd. nouvelle, tome XVII, p. 452. 

3. Lettres, tome VII, p. 469 et 473-474. 

4. Sourches, tome IV, p. 282 et 288. 



LB PRESIDENT DE LAMOIGNON. I4I 

die recueillit encore la succession de son père, c un des hommes 

de la robe le plus riches ^ » et ce méchant bruit courut alors, 

ne l'enregistrons que sous toutes réserves» : M. de Lamoignon, 

fon irrité de ce que son beau-père eût légué cent mille livres 

^ut pauvres à l'instigation du P. Moret, de l'Oratoire, aurait 

^Qnoncé son intention de faire casser le testament *, et M"« Voysin 

^c répondre que, si Ton agissait ainsi, elle donnerait le double 

^Ui œuvres charitables. 

Après avoir passé une dizaine d'années au parquet, le désir de 
lamoignon était de reprendre les traditions de sa famille et de 
Suivre les usages du Palais en allant s^asseoir parmi les t grands * 
présidents à mortier^. Il paraît méme^ qu'on avait été étonné, 
en 1689, lors de la démission du premier président de Novion, 
de voir l'avocat général solliciter la succession vacante pour son 
beau-frère Harlay plutôt que pour lui-même, ou ne pas songer, 
pour le moins, à demander la charge de procureur général de 
celui-ci; mais plusieurs années s'écoulèrent encore avant que ses 
démarches ou les vœux de ses amis aboutissent : tour à tour, la 
succession du président Le Coigneux, celle de M. de M esmes, celle 
de M. Le Peletier lui échappèrent, comme d'ailleurs à d*autres 
concurrents, son collègue et oncle Talon, l'ambassadeur Barrillon, 
candidat de M™* de Maintenon, ou M. Charron de Menars, oncle 
de Seignelay'. 

Pour le consoler ou lui faire prendre patience, le Roi lui accorda 
la pension de six mille livres qui, de règle ordinaire^ se donnait aux 
avocats généraux après un certain temps d'exercice*. Enfin, en dé- 
cembre 1689, ilobtint la survivance de M. de Nesmond, en prenant 

1. Journal de Dangeau, tome IV, p. 400; Mémoires de Sourches, 
tome IV, p. 288. 

2. Arch. nat., Papiers du P. Léonard, MM 825, fol. 134. 

3. Furetière explique cette expression : c Les présidents à mortier ou 
grands présidents, qu'on appelle c Messieurs du grand banc, i sont les 
présidents de la grand*chambre et de la Tournelle. i 

4. Gaillard, Vie du Premier Président, p. xliv. 

5. Sourches, tomes I, p. 379, et II, p. i25. 

6. En 1688 : Sourches, tome II, p. 190. Ânquetil, dans sa Galerie de 
Vancienne cour, tome I, p. 72, rapporte que le Roi, après avoir promis la 
même pension, déjà donnée à l'autre avocat général, oublia Lamoignon, 
puis l'apostropba un jour : c Monsieur, vous ne me parlez plus de votre 
pension? « Sire, j'attends que je l'aie méritée. — Si vous le prenez de ce 
côté-là, dit le Roi, je vous dois des arrérages, i Et la pension fut expédiée 
avec rappel du jour de la promesse. 



143 LS Fl<SIDBrr DB LAMOIOlfOir. 

des dispenses de parenté puisqu'il se trouTsit être beau-frère du pre- 
mier président Harlay, onde du fik de celui-ci, déjà conseiller, et 
neveu de M M . Talon et Joly de Fleury ^ M"^ de Sévigné en marqaa 
une grande joie' : « M. de Lamoignon a la survivance de la charge 
de M. de Nesmond; c'est celle de feu M. le Premier Présideat'. 
C'est le Roi qui a £iit ce miracle, car Guillaume croyoit que le 
mot de survivance le feroit mourir. Je suis ravi que notre aimable 
voisin ait enfin retrouvé cette place, et ne meure pas dans la 
sienne. » M. de Nesmond mourut en mars 1693, et notre avocat 
général eût pu passer alors président en payant trois cent cin- 
quante mille livres à la fomilledu défunt; mais il aurait souhaité 
de conserver en même temps sa charge du parquet, au moins 
pendant trois ans, et, le Roi exigeant, comme de juste, qu'il 
optât tout de suite, Lamoignon préféra rester avocat général, 
rétrocéder la présidence à son cousin Crèvecœur, gendre de M. de 
Harlay-Bonneuil, et y gagner cent cinquante mille livres^ par 
suite de la nouvelle taxation survenue entre-temps^, c Les avis 
des courtisans furent bien différents sur ce sujet, dit Fauteur des 
Mémoires de Sourches^; la plupart le blâmèrent comme un 
homme qui avoit préféré Tintérét à Thonneur, parce qu'il vendoit 
cette charge de président cinq cent mille livres; mais les autres 
assuroient qu'il avoit choisi fort prudemment, tant parce qu^il y 
trouvoit un profit considérable, que parce que son fils étoit trop 
jeune pour pouvoir espérer de lui procurer de sitôt la survivance 
de la charge de président au mortier, et parce qu'après avoir vieilli 
dans la charge d'avocat général, il lui auroit été très rude de se 
voir le dernier président au mortier, et de marcher après les pré- 

1. Arch. nat., O* 33, fol. 353 v», lettres de survivance du 12 décembre 
1689, sur démission du 8. Elles furent enregistrées le 5 janvier 1690 (Arch. 
nat., XIA8684, fol. 34-37). L'impétrant, y était-il dit, c nous a rendu ses 
ser\'ices avec capacité, intégrité et distinction, à notre entière satisfaction et 
avantage du public... Nous devons avec raison espérer quMl suivra Texemple 
de ses ancêtres, qui ont rendu des services considérables à l'État, et parti- 
culièrement son aïeul, qui a possédé cette même charge, et son père, qui a 
si dignement rempli celle de premier président.. » 

2. Lettres, tome IX, p. 348. 

3. Cest-à-dire celle que le Premier Président eût dû recueillir à la mort 
de son père en i636. 

4. DangeaUf tome IV, p. 248 et 266; Sourches, tome IV, p. 189; Notes 
du P. Léonard, Arch. nat., MM 826, fol. i34 V. 

5. Tome IV, p. 189. 



LE PRÉSIDENT DE LAMOIGKON. 148 

idents Le Pclcticr, de Mesmes, de Château-Gontier et de Novîon, 
{ui étoient des jeunes gens. > 

Enfin, en mars 1698, la mort de son oncle Talon laissant 
vacante une présidence, Lamoignon se décida. Encore eût-il 
voulu passer sa propre charge d'avocat général à son fils, déjà 
avocat du Roi au Châtelet; mais ce jeune homme, ne se sentant 
pas une voix assez robuste, préféra acheter simplement une charge 
de conseiller*. Muni de Tagrément du Roi, Lamoignon passa 
marché avec la veuve du président Talon le 19 mars; le jour sui- 
vant, il prit une dispense de parenté, car, cette fois-ci, il allait se 
trouver à côté de son beau-frère le Premier Président, de son 
gendre Longueil, de son oncle Joly de Fleury, de son neveu 
Urbain de Lamoignon, et il fut pourvu le 29 mars, reçu le 
9 avril*. 

Nous arrivons au fait le plus connu, et le moins explicable, 
dirai-je tout de suite, de la vie publique du président : c*est son 
refus, étant élu membre de l'Académie française comme représen- 
tant de l'éloquence parlementaire, d'aller siéger parmi les Qua- 
rante, oli il n'eût certes pas fait mauvaise figure. Une première fois, 
en novembre 1702, le « parti dévot » avait posé sa candidature au 
fauteuil devenu vacant par la mort du duc de Coislin, et il avait 
laissé faire, mais s'était vu distancer par le fils du défunt en qua- 
lité de descendant du second protecteur de l'Académie'. Au mois 
de juin 1703^, ses amis saisirent une autre occasion, la mort de 
Charles Perrault et la candidature du plus fameux des épicuriens, 
Tabbé de Chaulieu, soutenue par Monsieur le Duc et par Chan- 
tilly. Tourreil, qui était directeur en fonction et représentait les 
tout-puissants' Pontchartrain, puis les abbés Regnier-Desmarais, 



I. SourcheSy tome VI, p. 18-19. Les notes du P. Léonard (Arch. nat., 
MM 825, fol. 134) confirment ce détail que le jeune Lamoignon n'avait pas 
la belle voix de son père, et cependant, lorsque, le 8 juin 1693, il plaida sa 
première cause, un désaveu d'enfant, sa modestie, sa mémoire heureuse, sa 
pleine possession de lui-même lui avaient valu un très grand succès. 11 
acheta l'année suivante la charge du Châtelet. 

a. Cabinet des titres, dossier a383 du fonds Chérin (vol. 11 5), fol. 3i v*. 

3. Réception du la décembre 170a. 

4. C'est en ce temps-là, le 9 juin, que, sur la proposition de Tourreil, il 
fut décidé que le directeur en exercice serait chargé de répondre aux réci- 
piendaires élus pendant son trimestre. 



144 I-B misiDBNT DE UUfOIGNON. 

de Chotsy, Boileau, et surtout Testu, mirent de nouveau son nom 
en avant ^ 

Le lundi 18 juin*, étant présents MM. de Tourreil, de Choisy, 
Régnier- Desmarais, le duc de Coislin, Dacier, de la Chapelle, de 
Malezieu, l'abbé Genest, Renaudot, l'abbé Testu, de Crécy,deSacy, 
Despréauz, le marquis de Dangeau et l'abbé de Dangeau, Talle- 
mant, de Fontenelle, de Valincour, Tabbé Boileau, Thomas Cor- 
neille, Cousin, de Caumanin et de Callières, c la Compagnie 
convoquée par billets pour la proposition d'un académicien à la 
place de M. Perrault, M. le président de Lamoignon fut élu par 
la pluralité des suffrages. > Mais, le soir même, dit la chronique, 
Messieurs de Chantilly lui firent feiire reproche d avoir servi 
d'instrument à une cabale formée contre leur commensal et ami. 
Lamoignon écrivit immédiatement au comte de Pontchartrain, 
secrétaire d'État chargé des Académies, cette lettre, dont les 
archives de Tillustre Compagnie possèdent ou ont possédé un 
c brouillon, » ou une copie, et que je crois devoir reproduire ici 
quoiqu'elle ait déjà été insérée, il y a peu d'années, dans une publi- 
cation officielle, peu connue d'ailleurs'; toutefois, je n'estime pas 
nécessaire d'en reproduire l'orthographe comme l'a fait l'archi- 
viste de TAcadémie, ayant constaté, par la comparaison avec des 
autographes authentiques, que celle de Lamoignon était moderne 
et correcte autant qu'on devait Tatiendre d'un ami des lettrés et 
des grammairiens, et non arriérée comme celle du « brouillon ^ » 

a II m*arrive, Monsieur, une aventure digne de toutes celles de ma 
vie. Messieurs de l'Académie me viennent d'élire pour la place vacante 
quoique je les eusse priés très instamment de n'en rien faire. Je ne 
me suis pas contenté de simples paroles : j'ai écrit à M. de Tourreil, 
directeur de l'Académie, que j'aurois des raisons essentielles de 
refuser cette place, quelque honorable qu'elle soit, si l'on vouloit me 

1. A la fin du xviii* siècle, Gaillard eut communication des lettres écrites 
par ces personnages au président. Q.ue sont-elles devenues? 

2. A cette époque, les académiciens se réunissaient à peu près régulière- 
ment le lundi, le mercredi et le samedi. 

3. Registres de l'Académie française, tome I, p. 424, note. 

4. On peut faire cette vérification sur les minutes autographes de mercu- 
riales qui se trouvent à la fin du ms. fr. 141 32 indiqué ci-dessus, p. 127. 
D'ailleurs, ce a brouillon, > qu'il eût été intéressant de comparer avec l'écri- 
ture authentique du président, comment pouvait-il se trouver aux archives de 
l'Académie? Peut-être n'était-ce qu'une copie prise par un scribe. 



LE PRESIDENT DE LAHOIGNON. I45 

nommer malgré moi. Toutes mes paroles et toutes mes lettres ont 
été inutiles, et je crains que l'excès du zèle de M. Tourreil pour 
TAcadémie et pour moi ne le porte à parler au Roi. J'honore le corps 
de l'Académie et tous ceux qui la composent, la protection que le 
Roi lui donne la rend respectable autant que son propre mérite me 
la fait estimer; mais il ne me convient nullement de devenir acadé- 
micien. J'emploie mon oisiveté à toutes autres choses que celles qui 
occupent l'Académie. Enfin, vous voyez, comme moi, que cet emploi 
ne me convient point. C'est une vérité dont je me suis expliqué si 
publiquement, qu'il paroltroit que j'ai voulu me faire désirer et me 
donner un mérite que je n'ai pas. Cette lettre peu académique vous 
fait assez connoître que je ne suis pas digne d'être académicien ; par- 
donnez-en, s'il vous plaît, toutes les fautes, et accordez-moi votre 
protection pour soutenir le refus que j'ai fait. Je m'en vais demain 
matin à Bâville pour y prendre des eaux pendant quinze jours : 
il fout avoir soin de sa santé quand on est aussi proche que je le suis 
de la soixantaine. Je suis, etc. » 

De fiiit, l'allure de cette lettre est « peu académique. > Devons- 
nous croire que Lamoîgnon l'ait voulue telle avec intention, et 
même y ait accumulé à plaisir les « fautes » dont il s'excuse? 

Nous n'avons pas l'autre lettre que Lamoignon avait écrite au 
directeur de l'Académie, mais seulement la réponse de celui-ci^ : 
< Je vous déclare. Monsieur, que notre auguste Protecteur vient 
d'agréer notre choix en des termes que votre modestie désavoue- 
roit fort. Entre le Roi et vous le débat, Monsieur. Je ne m'en 
mêle plus : nous avons fait notre devoir; malheur à vous, si vous 
manquez au vôtre! » 

D'autre part, le secrétaire d'État répondit officiellement, le 
20 juin' : < Le Roi, à qui j'ai lu la lettre que vous avez pris la 
peine de m'écrire au sujet du refus que vous faites de la place 
qu'on a voulu vous donher à TAcadémie françoise, m'a ordonné 
de vous mander qu'il étoit bien aise du bon choix qu'on avoit 
fait, mais que, la chose ne vous convenant point, il vous laisse 
absolument le maître de refuser. Il ne peut que plaindre l'Aca- 
démie de perdre, ou plutôt de ne pouvoir se donner un aussi 
digne confrère que vous l'eussiez été. » 

Ni cette correspondance, ni les notes prises par le P. Léonard 



1. Gaillard, Vie du Premier Président^ p. xlvi-xlvii. 

2. Arch. nau, reg. 0> 364, fol. 164 v*. 

vûa. XXXI 



146 LB PRisiBBNT DS LAMOI6NON. 

au jour le jour sur rAcadémie*, ni le long récit que l'abbé 
d^Olivet fit plus tard de ce rare incident', ni Duclos dans son 
article sur rAcadémie française', ni même Gaillard dans la 
réplique à Duclos^, n'ont éclairci les raisons que le président eut 
pour agir si extraordinairement. 

On a douté que Lamoignon eût été suffisamment pressenti par 
ses amis : ce n'est pas admissible, puisquUl dit formellement les 
avoir prévenus par avance de son refus. 

On a supposé qu^il gardait rancune de son échec de 1702': 
cette petitesse n'eût pas été digne de lui et de son caraaère loyal. 

Ou encore n'aurait-il pas voulu louer dans son prédécesseur 
Perrault le champion des modernes, l'ennemi déclaré de Cicéron 
et de Virgile*? C'eût été réveiller bien tardivement une querelle 
surannée. 

Duclos a supposé que l'idée de faire échec à Chaulieu par 
le moyen du président serait venue de Louis XIV lui-même. 

Gaillard, tout en croyant Tourreil coupable, estime que le pré- 
sident ne voulut point servir la cabale des ennemis de Chaulieu 
après s'être engagé avec le prince de Conti à ne pas faire obstacle 
à son candidat, etque^ d'autre part, il craignit de déplaire au Roi 
en laissant la place au libertin ^. 

Boileau le poète paraît avoir été plus mécontent qu'étonné. Il 
écrivit à Brossette* : « La mort de Perrault a fait recevoir un 
assez grand affront à l'Académie, qui avoit élu, pour remplir sa 
place d'académicien, M. de Lamoignon notre ^ ami; mais M. de 
Lamoignon a nettement refusé cet honneur. Je ne sais si ce n'est 
point par la peur d'avoir à louer l'ennemi de Cicéron et de Vir- 
gile. L'Académie, pour laver un peu sur cela son ignominie, a 
élu au lieu de lui, très prudemment, M. le coadjuteur de Sou- 

1. Arch. nat., M 763, fol. 8 V, i5 et 16, et MM 826, fol. 134 V. 

2. Histoire de V Académie française^ éd. Ch. Livet, tome II, p. 3o-32. 

3. Encyclopédie méthodique de grammaire et de littérature. Cet article 
avait été lu dans une séance publique de l'Académie. 

4. Vie du Premier Président^ p. xlvi-xlviii. 

5. Notes du P. Léonard, MM 825, fol. i34 V. 

6. Boileau' Despréaux et Brossette, par Laverdet, p. 148 et i56. 

7. Vie du Premier Président ^ p. xlvi-xlviu. En 1705, on crut que la pièce 
satirique de Malezieu : Polichinelle demandant une place à V Académie fr an- 
çoise, avait été inspirée par les rancunes de Monsieur le Duc et du duc du 
Maine. 

8. Boileau et Brossette, p. 148. — 9. L'éditeur a lu votre. 



LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. 147 

bise. » Brossette riposta^ : « J'ai Tbonneur de connoître cet illustre 
magistrat pour un homme d'une bonté peu commune, et Tidée 
que j'en ai ne me semble pas s^accorder avec ce refus. > 

Quoi qu'il en soit, — nous ne saurions supposer que tout cela 
fût le fait de la même indécision qui retint si longtemps Lamoi- 
gnon en suspens entre le parquet et les hauts sièges de président 
à mortier^, — ce sont Tourreil et Tabbé Testu qui furent les « mau- 
vais payeurs. » 

Le P. Léonard de Sainte- Catherine nous a conservé ce 
« madrigaP : » 

Lamoignon, réveillé longtemps avant Taurore, 

Méditoit le remerciement 
Qu'il doit pour un choix qui rhonore 

Et qu'il désiroit ardemment, 

Lorsqu'il vit entrer brusquement, 

Et courant à perte d'haleine, 

Un homme égaré, furieux. 

Tel qu'on peint un énergumène. 

Tordant les bras, roulant les yeux. 

Surpris, il s'écrie au plus vite : 

c Qu'on apporte de l'eau bénite! » 
Il l'asperge; il demande : t Où vas-tu? d'où viens-tu? » 
Le possédé répond : « Je suis l'abbé Testu, 

Qui depuis trente ans meurt d'envie 

De vous voir de l'Académie. 
Enfin vous en voilà ! Mes soins ont réussi; 
J'ai fait agir pour vous tel duc, telle duchesse, 

Tel prince et telle princesse. » 
Lamoignon lui répond : « Tirez-moi d'un souci. 
De cette Académie, en étes-vous aussi? 

— Si j'en suis, moi! Sans doute, et j'y régente en maître. 

— Suffît, dit Lamoignon; je n'en veux donc plus être. » 

Et cet autre encore : 

Lamoignon, parmi tes vertus 
On doit compter ce généreux refus 

I. Boileau et Brotsette^ p. i5i. 
a. Ci-dessus, p. 142. 

3. Arch. nat, M 763, 3* doMÎer, fol. iS; vers cités par Qaillanl dans la 
Vie du Premier Président. 



148 LB PRÉSIDENT DB UUCOIGNON. 

De haranguer en belle compagnie. 
Toi qui fus jadis l'oracle et le chef du barreau. 
Ta dignité, ton nom demande un champ plus beau 

Que celui de l'Académie, 

Et ce n*est pas à son bureau 
Qu'on décide des biens, de l'honneur, de la vie. 

Et bien d'autres épigrammes comme celle-ci : 

Lamoignon ne parla pas net, 
Testu joua son personnage, 
Tourreil ne parut pas sage, 
L'Académie eut un soufflet. 

Dans la première séance qui suivit*, Tourreil, à qui Testu 
avait voulu faire querelle, déplora la crainte, plus ou moins posi- 
tivement exprimée au Roi par le président, que ses a occupations 
indispensables » l'empêchassent de « pouvoir assister aussi sou- 
vent quMl auroit souhaité aux conférences de la Compagnie. > 

Chaulieu ne bénéficia pas de ce désistement. Invitée par ordre 
du Roi à c choisir un sujet qui pût la dédommager avantageu- 
sement delà perte qu'elle faisait par le refus de M. de Lamoi- 
gnon, » l'Académie porta ses suffrages, le samedi 3o juin, non pas 
sur Chaulieu, jugé décidément non-académisable, mais sur un 
candidat mis en réquisition d^urgence, et qui très certainement ne 
pouvait être que fort agréable au Roi : je veux dire cet abbé de 
Soubise, « fils de l'Amour, » élu coadjuteur de Strasbourg en 
1 700 malgré le cardinal de Bouillon, et dont Saint-Simon a expli- 
qué si galamment tous les tenants et aboutissants. L'éleaion eut 
lieu sans conteste, et la réception se fit le jeudi 3i janvier 1704. 
Ce jour-là, Tourreil tint à rappeler que « la modestie trop 
inflexible d'un magistrat de premier ordre le leur avoit dérobé 
pour confrère, » et, finalement, l'abbé Tallemant se chargea de 
prononcer dans la même séance Téloge de son bon ami Perrault, 
qui, selon certains, avait été la cause de tout ce scandale. 

C'est la première fois, je crois^, que pareil fait se produisait 

I. Procès-verbal du jeudi 21 juin. 

'4. Segrais prétend cependant qu'Arnauld s'était récusé sous prétexte de 
ikuik b««oin de vivre constamment à la campagne. Le P. Léonard rapporte 
iç m^me fait (Arch. nat., M 763, dossier 3, fol. i) et ajoute que c'est sur 
^vU v|uo TAcadémie résolut de ne plus élire personne qui n'eût, au préalable, 
Uii 4«.w vie (H>stulant, mais que cependant La Bruyère, dans son discours 



LE PRESIDENT DE LAMOIGNON. I49 

lez les Immortels : aussi décidèrent-ils que nul ne serait élu 
ésormais sans avoir fait ses visites de sollicitation et pris, par con- 
équent, l'engagement d'accepter l'élection'. Mais le cas inverse 
»e produisit dés l'année suivante : ces Messieurs ayant élu, en 
place de Tabbé Boileau, le comte de Tréville, dont les tendances 
religieuses étaient suspectes, le Roi refusa son agrément, et il 
Ëillut recommencer l'élection, où Tabbé Abeille fut nommé*. 

Notre président eut bientôt sa revanche, sinon comme orateur 
et homme de lettres, du moins comme érudit et numismate. 
Nous avons vu que, dès sa première jeunesse, il s'était appliqué 
avec succès, tout au moins avec un certain goût, à l'étude des 
médailles, dont son père possédait une riche collection, partagée 
en 1677, de par la volonté du Premier Président, entre les deux 
frères : à Chrétien-François, les bronzes et argents des séries con- 
sulaires et des séries impériales; à Bâville, les médailles d'or 
antiques et modernes et les monnaies étrangères^. Comme ama- 
teur et comme connaisseur, l'aîné remplissait toutes les conditions 
requises pour prendre une place dans l'Académie des inscriptions 
et médailles,qui venait d'être réorganisée en 1701 avec dix membres 
honoraires, dix pensionnaires, dix associés, dix élèves, et dont la 
num ismatique ancienne était, après les inscriptions, l'étude favorite. 
En 1 704, une place d'honoraire étant venue à vaquer par la mort du 
duc d'Aumont, autre amateur de médailles, les deux noms de notre 
président et de l'abbé de Clérembault furent mis en avant; mais il 
était établi que, sur les dix honoraires, deux devaient être des ecclé- 
siastiques du premier ordre, c'est-à-dire des évéques, et deux du 
second ordre, c'est-à-dire des abbés, deux des religieux, deux des 
gens d'épée et de cour, deux de robe. En conséquence, il aurait 
convenu de choisir un courtisan de mêmes rang et condition que 
le défunt : l'abbé Bignon, qui présidait avec tact et autorité, 
répliqua que ce n'était pas là une loi absolue, et qu'il fallait cher- 
cher le choix le plus désirable et le plus avantageux. M. de 
Lamoignon fut donc élu le 2 mai, quoique la robe fût déjà repré* 

de réception, donna à entendre qu'il n'avtit fiiit aucune démarche de ce genre. 

I. Au contraire, le 3 avril 1701, l'Académie avait prit l'engagement de 
ne plus tolérer les sollicitationa, ou du moins de n'en tenir aucun compte, 
et cette décision fut renouvelée le 19 novembre 17 14. 

a. Séance du jeudi 19 juin 1704; Mémoires de Saint-Simon, éd. nouvelle, 
tome XII, p. iia-ii6* 

3. Cor r e s pon d ance historique et orchMogique, 1897, p. 242-243. 



l5o LB PKiSlDBNT DE LAMOIGNOH. 

semée par MM. Le Peletier de Souzy et Foucault, et, le jour 
même, le secrétaire d'Éut de qui relevaient les Académies écrivit 
cette lettre, qui ne fut portée que le 20 à la connaissance de la 
Compagnie : « Le Roi a été bien aise d^apprendre le bon choix 
que l'Académie des inscriptions a fait de M. le président de 
Lamoignon pour y remplir la place d^honoraire vacante par la 
mort de M. le duc d*Aumont. Elle doit se réjouir de ce qu'il a 
refusé une place à T Académie françoise, puisqu'elle profitera 
seule de ses heures de loisir^ » 

Au nouvel académicien Pontchartrain écrivit cette fois, sur un 
ton moins solennel : c L^ Académie des inscriptions ne pouvoit 
faire une meilleure acquisition que de vous pour remplir la place 
d'honoraire... Le Roi a fort approuvé ce choix; il n'y a qu'à sou- 
haiter que vos occupations dans la charge que vous remplissez si 
dignement vous laissent quelquefois le temps d'aller à ses assem- 
blées^ 3 

Quelles que pussent être la modestie du président, son horreur 
du nouveau, sa volonté de rester indépendant et tout entier au 
service du Palais, il accepta le siège qu'on lui offrait et vint prendre 
séance au Louvre le vendredi 3o mai, mais fit à peine une autre 
apparition dans le cours de Tannée, comme d'ailleurs les autres 
honoraires. Cela n^empécha pas que, le 3o décembre, M. de 
Pontchartrain lui notifiât en ces termes sa désignation pour la pré- 
sidence^ : « Le Roi vous a choisi pour remplir pendant l'année 
prochaine la place de président dans l'Académie des inscriptions, 
M. l'abbé Bignon pour celle de vice-président, M. Dacier pour 
celle de directeur, et M. Vaillant pour celle de sous-directeur. 
Prenez la peine, s'il vous plaît, d'en informer la Compagnie de 
la part de S. M. » 

Pour inaugurer cette présidence, le secrétaire d'État crut devoir 
rappeler à la Compagnie que, conformément aux articles 21 et 22 
de la constitution de 1701, chaque académicien titulaire, à tour 

1. Tel est le texte officiel transcrit dans le registre de TAcadémie, tout 
difiTérent de celui que le P. Léonard a recueilli dans son portefeuille des 
AcADéMiBs (Arch. nat., MM 825, fol. i35 v*), comme venant du Roi lui-même : 
c Messieurs, j'ai bien de la joie du choix que vous avez fait de M. le prési- 
dent de Lamoignon. Je m'assure que vous aurez du plaisir à Tentendre 
raisonner sur les matières que vous agiterez dans vos assemblées. » 

2. Registres de la secrétairerie d*État, O^ 365, fol. 109 v*, lettre du 8 mai. 

3. Ibidem, fol. 3o8 v. 



LE PRESIDENT DB LAMOIGNON. l5l 

de rôle, était tenu d'apporter en séance un écrit de sa compositi&n 
et de le soumettre à ses confrères. Est-il besoin de dire que beau- 
coup de pensionnaires ou d*associés, retardataires ou réfractaires, 
savaient trouver des excuses? La lecture des registres serait très 
suggestive à ce point de vue. 

Les deux séances des 6 février et i3 mars furent fort agitées. 
Le Roi avait fait exprimer sa volonté qu'aucun des membres 
pensionnaires ne pût cumuler ce titre avec une charge de « domes- 
tique » de la maison royale, des maisons de princes, ou d'un 
grand seigneur. Quelques-uns des académiciens désignés dans 
l'organisation de 1701, ou élus depuis lors, se trouvaient dans ce 
cas. Il y eut donc émoi et protestations; Pontchartrain dut rassu- 
rer les intéressés par une nouvelle lettre et établir que la décision 
du Roi n^aurait pas d'effet rétroactif ^ 

Le secrétaire perpétuel Gros de Boze, dans Téloge qu^il eut à 
faire du président en 1709', affirme que, désigné par son assi- 
duité aux séances de 1704 pour remplacer Tabbé Bignon à la tête 
de l'Académie, il s'acquitta à merveille de cette fonction, « discu- 
tant une difficulté littéraire comme il eût fait un point de droit, 
et parlant avec élévation des monuments qui transmettent la 
gloire des grands hommes. » Il me faut avouer que, même pen- 
dant son année de présidence, Lamoignon siégea très rarement ; 
mais toutefois elle fut marquée par un regain d'activité : le 10 juil- 
let, on aborda la rédaction de ÏHistoire de France par les 
médailles^ et Lamoignon eut à exposer quelles difficultés, au 
point de vue de la chronologie, présentaient les premiers règnes 
de Pharamond, Clodion, Mérovée; le 17, il parla de « Tépoque 
première de Tempire des Francs, » et l'Académie fixa la date du 
r^ne de Pharamond d'après la chronique de Prosper d'Aqui- 
taine, puis discuta la médaille qui devait consacrer cette date. 

Dans les années suivantes, 1706, 1707, le nom de Lamoignon 
ne figure plus sur les registres qu'aux jours d'élection. En 1708, 
comme il avait communiqué l'empreinte d'une pierre ithyphal^ 

I. Ainsi, Jean-Baptiste Couture, membre associé ayant une pension, eût 
perdu celle-ci parce qu*il était, non pas, à proprement parler, précepteur 
domestique, mais professeur des enfants de M. de Courten?aux, en même 
temps que profiesseur royal et régent de rhétorique au collège de la Marche, 
et chargé de la chaire d'éloquence au Collège royal. Voir le registre, séance 
du 8 janvier 1706. 

a. Hiitoire de VAcadémie, tome I, p. 385. 



l52 LB PRÉSIDENT DE LAM016NON. 

lique de sa collection, à l'effigie de Messaline, ce fut Tantiquaire 
Baudelot qui en donna Texplication le 17 février ^ Malade à partir 
du mois de mai sui vaut, le président ne put plus paraître au Louvre. 

Il eut bien des tristesses dans ses dernières années, et celle même 
de sa présidence à l'Académie en 1705 avait été marquée par un 
grand deuil pour lui et les siens : la Première Présidente, sa mère, 
âgée de quatre-vingt-trois ans, finit le 18 octobre la vie la plus 
sainte ; Saint-Simon a parlé de cette mort coïncidant avec celle de 
Ninon*, 

La Première Présidente avait exprimé le désir que leur baron- 
nie de Boissy-sous-Saint-Yon, dès que la sœur Marguerite 
Michel n*y serait plus pour tenir les petites écoles, fût pourvue 
à perpétuité de deux filles de la Charité, « pour assister les 
pauvres malades et instruire les pauvres petites filles. » En consé- 
quence, le 19 mars 1706, le président passa avec « les officières en 
charge » de la maison du faubourg Saint- Lazare un contrat que 
je regrette de ne pouvoir reproduire en son entier, comme type 
excellent de ces fondations charitables multipliées partout sous 
l'ancien régime, et dont nous devons, pour le moins, garder res- 
pectueusement le souvenir. Une maison, avec mobilier, jardin et 
dépendances, notamment une apothicairerie et tous les objets néces- 
saires pour le traitement des pauvres malades, était affectée exclu- 
sivement au logement des sœurs; une constitution de rente de 
trois cents livres sur la Ville était immatriculée à leur nom, plus 
cent vingt livres de rente sur la fabrique : le tout sous des condi- 
tions et avec des charges d^emploi très précises, à l'exécution des- 
quelles le seigneur et la dame de Boissy devaient veiller minu- 
tieusement'. 

Le président et sa femme avaient déjà fait pareil établissement, 
vers 1690, à Saint-Cheron, principale paroisse de leur marqui- 
sat de Bâville; mais c'est seulement le 17 juillet 1699 qu'ils 
avaient régularisé cette fondation avec caraaère de perpétuité, et 
Pacte passé alors ^ servit de type à la fondation de Boissy. Nous 
voyons aussi' que Lamoignon avait constitué un fonds pour que, 

1. Ms. Arsenal 3o53, fol. 11-12. Baudelot fît imprimer sa dissertation pour 
les curieux. 

2. T. XIII, p. i3i-i32et 140. La défunte avait laissé un testament; mais sa 
succession fut réglée par arbitrage (Ârch. nat., E iqBS, fol. 49-51 et 1 65- 166]. 

3. Arch. nat., S 6162. 

4. Arch. nat., S 6164. 

5. Vian, les Lamoignon, p. 23o. 



LE PRUDENT DE LAMOIGNON. l53 

chaque année, au jour anniversaire delà naissance de son illustre 
pore, il fût distribué des vêtements aux pauvres de Bâville. 

Au Palais, Lamoignon continua de siéger jusqu'en 1707; mais 
il donna alors un grand désappointement à ses amis : son beau-frère 
Harlay, quittant la première présidence, eût pu le porter pour sa 
succession, et bien des gens, même des ministres, croyaient 
que cela eût réussi, ne fût-ce qu*en souvenir du premier pré- 
sident Guillaume; mais on ne s'était jamais beaucoup aimé 
ni cultivé entre Lamoignon et Harlay, et le démissionnaire 
préféra faire passer Louis Le Peletier, porté par le ministre 
son père, par Saint-Sulpice, par le parti Beauvillier*. Lamoi- 
gnon, déjà très malade, ne dut pas regretter un fardeau qui eût 
été au-dessus de ses forces; il y gagna toutefois de faire donner 
une charge d'avocat général devenue vacante à son second fils 
Blancménil, celui qui devait monter quarante-trois ans plus tard 
à la Chancellerie de France'. 

Le temps de la retraite était donc venu : soixante-trois ans 
d^âge', quarante-deux de service. Ce n'était pas encore la vieil- 
lesse, mais la santé chancelante, et le président obtint des lettres 
d^honoraire le i5 mai de cette même année 1707^. Depuis, il ne 
fit plus que languir' : « Il étoit plein de tendresse pour sa famille 
et, ne pouvant plus lui faire d^autre bien que de s'employer lui- 
même à diminuer le chagrin qu'elle devoit avoir de le perdre, il 
fut occupé, dans les derniers moments de sa vie, ou à lui dire 
tout ce qu'on peut imaginer de plus consolant sur cette sépara- 
tion nécessaire, ou à lui en cacher les approches. La veille même 
de sa mort, écrivant à M. de Bâville son frère, il se contenta de 
lui marquer en ces termes Pétat oti il se voyoit : • Vous saurez 
« dans peu ma destinée. » Et, la dernière fois qu'il parla à 
M""* de Lamoignon, après Pavoir remerciée de tous les soins 
qu'elle avoit eus de lui pendant sa maladie, il se tourna vers son 
confesseur et prononça ces paroles : Dilecta uxor, cetemum valel 
a/Tectant de parler en latin et de porter ses regards d^un autre côté 
pour ne la pas accabler de douleur par ce dernier adieu. Enfin il 

X. Mémoires de Saint-Simon, tomes XIV, p. 38a-384, et XVII, p. 457. 
3. Ci-après, p. 1 56- 157. 

3. Mais non de magistrature, comme l'a écrit M. Vian. 

4. Cabinet des titres, fonds Chérin, dossier Lamoionon, fol. 32; reg. du 
Parlement XiA&^aB, fol. aSi. 

5. Gros de Boce, dans VHisioire de PAcadémie, tome I, p. 386. 



l54 LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. 

n*a jamais fait voir plus de fermeté, plus de grandeur d*ânie, 
que dans ces tristes instants oti les vertus d'emprunt disparoissent, 
et où la plupart des hommes se dégradent eux-mêmes. > 

Le président avait expressément ordonné qu'il n'y eût ni ten- 
tures ni cérémonies, et que son corps fût transporté par les pauvres, 
non pas à la paroisse de la rue Pavée, ni aux Cordeliers, oti repo- 
saient les restes de son grand-père et de son père, mais dans 
l'église Saint-Leu et Saint-Gilles, oti avait été inhumée de la 
même façon, en i65 1 , sous la chapelle Sainte-Thérèse, sa vénérée 
grand'mère Marie des Landes, oQ le cœur du premier président 
avait été déposé en 1677, et où enfin gisait la pieuse et charitable 
demoiselle de Lamoignon (Madeleine, 1609- 1687). Ainsi fit-on 
lorsqu'il eut expiré le 7 août 1709*, et, au-dessous des deux pre- 
mières inscriptions que portait le piédestal du monument exécuté 
par Girardon, la veuve de Lamoignon en plaça une troisième. 
Cétait, en cinq lignes, le résumé de la vie que nous venons de 
retracer : 

LiTIUM INTER MAGNATES QUOTIDIE ROGATUS 
DOMI ARBriER, 

.£qui studio, dicendi facundia, 

maturrrate oonsilii, morum comitatb, 

Pietatb in Deum insignis. 

Dans les archives de la maison de Nicolay, oîi le président 
venait de marier tout récemment une de ses filles, nous trouve- 
rions nombre de lettres de condoléance; mais j'aime mieux repro- 
duire celle que Fléchier écrivit à Bâville, et qui fait partie des 
Œuvres du grand évéque de Nîmes : on sait qu'il avait prononcé, 
en 1679, l'oraison funèbre du premier président Guillaume. 

i J'ai appris, Monsieur, la mort de Monsieur votre frère; j'en suis 
touché pour lui et pour vous. Vous avez toujours vécu dans une si 
parfaite union de coeur et d'esprit, vous faisant dans les temps heu- 
reux un bonheur commun, dans les temps difficiles vous servant de 
consolation l'un à l'autre, toujours également amis, toujours égale- 
ment frères, qu'il est aisé de juger de votre douleur. On me mande 
qu'on ne peut pas être plus regretté qu'il l'est. Je n'en ai pas douté : 
il ne peut presque mourir personne de votre nom que ce ne soit une 
perte publique, M. de Lamoignon surtout, qui s'étoit acquis depuis 

1 . Ms. nouv. acq. fr. 3619, n* 4842 ; Mémoires de Saint^imon, tome XVllI, 
p. 106, note la, arec une lettre de la marquise d'Hiixelles. 



LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. l55 

longtemps l'estime et l'amitié de la cour et de la ville par cette droi- 
ture et cette bonté qui le faisoient l'arbitre de tous les différends et 
le rendoient agréable et utile à tout le monde... » 

En feit d^oraisons funèbres, nous ne sachons pas qu^il en ait 
été fait d'autres que celle de Gibert, professeur de rhétorique au 
collège Mazarin^ et une ode latine de M. Brochard, de cette 
même maison', où l'on était très reconnaissant des services ren- 
dus par le président. A TAcadémie, son éloge fut prononcé, le 
21 novembre, par le secrétaire perpétuel Claude Gros de Boze'. 
Des anicles nécrologiques parurent dans le Mercure d'août, 
p. 273-276; dans les Mémoires de Trévoux ^ avril 17 10, p. 681- 
694; dans le Journal des Savants^ janvier 1710, p. SS-Sg. 

Quelques portraits gravés^ représentent Chrétien- François de 
Lamoignon tout jeune d^abord (Ant. Paillet del.; G. Vallet se., 
1664), puis un peu plus âgé (J. Grignon se.), et enfin avocat 
général, avec quelques traces de moustache naissante sur la lèvre 
(G. de Sève pinx.; Van Schuppcn se., 1675)*. Toutes donnent 
l'idée d'une figure pleine et des mieux avenantes. 

De son mariage avec Marie-Jeanne Voysin, le président avait 
eu cinq fils et quatre filles. 

Sur les cinq fils, trois disparurent à peine venus au monde, ou 
tout enfants. Guillaume, né le 17 juin 1677, mourut le 27 juillet 
1679, ^ vingt-cinq mois. Chrétien-François, qui avait vu le jour 
à Bâville (25 septembre 1689), périt tragiquement le lendemain 
même de sa naissance, quand on le transportait à Paris, ainsi 
que M"** de Sévigné le raconte sans trop d'émotion : « Le cocher 
qui le menoit a versé sur le grand chemin, et ce pauvre enfant 
est mort. Que dites-vous d^avoir ou de n^avoir pas un bon 
cocher*? > Armand naquit le 38 décembre i6go; c'est celui 

I. Le docteur J.-P. Gibert (1660-1736}, grand canoniste, qui, après avoir 
professé à Toulon sous la direction de Mgr de Chalucet, était venu s'établir 
i Paris; homme de bien surtout {Moréri\, 

a. Bibl. nat.. Réserve Yc 60a, n* 41. 

3. Histoire de V Académie, tome l, p. 38o-386. 

4. Cabinet des estampes, portef. N>. Cf. la Bibliothèque historique du 
P. Lelong, tome IV, Appendice, p. ai 5. Un portrait du président fut fait 
aussi pour la bibliothèque de l'ordre des Avocats, fondée par Riparfonds et 
placée à TArchevéché. 

5. Cette dernière gravure fut faite pour la thèse de Georges Le Roy dont 
il a été parlé p. ia3. 

6. Lettres, tome IX, p. 243. 



l56 LE PKÉSIDEMT DE LAMOIGNOH. 

dont parle une lettre joviale de Coulanges, écrite de Rome au 
président : « Vous ne pouviez me donner de plus agréables ooa- 
velles que de m'annoncer la naissance d^un troisième fils et h 
bonne santé de M"** de Lamoignon. Dieu les conserve l'un et 
Tautre, et vous ôte Tenvie de recommencer une telle besogne, car, 
à la fin, vous n*en seriez pas bon marchand ! Vous avez donc une 
grande fille sur le trottoir, et vous aurez bientôt un gendre*; mais 
souvenez-vous toujours de le choisir si bien qu'il ne trouble 
point les plaisirs du beau-père, et qu'il ne se moque point de 
ses commensaux. » L'enfant mourut quatre mois plus tard, le 
28 avril 1691. 

Il ne restait donc que deux fils. L'aîné, Chrétien, titré mar- 
quis de Bàville et de Milhart, débuta à dix-huit ans comme avo- 
cat du Roi au Châtelet (24 mai 1694), passa conseiller au Parle- 
ment le 3 septembre 1 698, et, à l'occasion du mariage de sa cousine 
Bâville avec M. Le Peletierdes Forts, en août 1706, le Roi lui 
accorda très gracieusement la survivance du président son père, 
quoiqu^il n'eût que trente ans d'âge et huit ans de service de con- 
seiller^. Son père lui céda, l'année suivante, le gouvernement des 
comtés de Mondhéry et Linas'. Plus tard, de 171 3 à 17 16, il 
posséda la charge honorifique de greffier des ordres du Roi. 11 
mourut le 28 octobre 1729^. Ce président eut pour fils et succes- 
seur Chrétien-Guillaume', qui entra en 1743 à l'Académie des 
inscriptions. Son petit-fils, dernier marquis de Bàville, fut garde 
des sceaux et chancelier des ordres du Roi en 1787*. 

La descendance masculine de ce Lamoignon aîné et le nom 
même ont fini au siècle dernier, en 1845, dans la personne d'un 
pair de France de 181 5 qui avait été épargné par la Révolution 
quoique conseiller au Parlement; un frère aîné, Chrétien, qui 
l'avait précédé dans la tombe en 1827, aussi pair de France, est 

1. Elle épousa, vingt-six mois plus tard, le marquis de Poissy-Longueil : 
ci-après, p. ibj. 

2. Dangeau, i3 et 21 août 1706, tome XI, p. 179 et 184-, Arch. nat., 
01 5o, fol. 95, et XIA8701, fol. 747. 

3. Provisions du 4 mai 1707 ; O» 5i, fol. 100. Dangeau dit que le Roi 
passa au fils, en même temps, la survivance de la capitainerie de Liraours 
et la pension de six mille livres. 

4. Saint-Simon, éd. nouvelle, tomes XI, p. 207, et XVII, p. 222. 

5. Ibidem, tome XVIII, p. 107. 

6. Ibidem, tome XVIII, p. 107-108. 



LB PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. I 57 

représenté aujourd'hui par les descendants de sa fille, MM. de 
Ségur-Lamoignon * . 

Le second fils de notre président, né le 8 mars i683 et nommé 
Guillaume comme son illustre aïeul, vécut presque nonagénaire 
jusqu'en 1772. Il est bien connu dans Thistoire pour avoir été 
premier président de la Cour des aides de 1746 à 1750, chan- 
celier de France de 1750 a 1768, membre honoraire de PAcadémie 
des sciences et de celle des inscriptions (1759). Cest l'auteur de la 
branche dite de Blancménil et de Malesherbes, qui finit masculi- 
nement, à la génération suivante, dans la personne du défenseur 
de Louis XVI, décapité sur Téchafaud révolutionnaire avec sa 
fille aînée la présidente de Rosanbo, son gendre, sa petite-fille, 
marquise de Châteaubriant, et son petit-gendre. La fille cadette, 
mariée au comte de Montboissier-Beaufort-Canillac, avait seule 
échappé au massacre, et vécut jusqu'en 1827. 

Les quatre filles du président Chrétien- François furent : 

10 Marie- Madeleine, née le 6 février 1675 ; 

2® Françoise-Elisabeth, née le i5 novembre 1678; 

3** Jeanne-Christine, née le 9 juin 1686; 

4"* Suzanne-Léonine, née le 24 juillet 1688, et morte à quatre- 
vingt-dix-sept ans, après plus de quatre-vingts années de profes- 
sion à la Visitation. 

Le président eut le bonheur de marier de son vivant trois 
de ces filles, la dernière seule s'étant faite religieuse chez les Visi- 
tandines. L'aînée, Marie-Madeleine, avait à peine treize ans 
quand on pensa pour elle au jeune marquis de Grignan, qui reve- 
nait tout glorieux du siège de Philipsbourg en 1688. Cette visée 
séduisit d'autant plus facilement Thôtel Carnavalet et les Pro- 
vençaux, que M. Voysin devait donner par avance cent mille écus 
à sa petite-fille'. Celle-ci, cependant, resta <c sur le trottoir, » 
comme dit Coulanges. En 1692, on parla encore de son cousin 
germain Tavocat général Harlay^ quoique les deux beaux-frères 
ne fussent guère unis jusque-là que par la justice, « et encore y 
a-t-il différentes manières de la prendre'. » Enfin Taflaire se 
conclut en mars 1693 avec le marquis de Poissy, fils du président 
de Maisons, qui, de son côté, avait dû épouser M"* de Montche- 

I. Nom et titre de Lamoignon transmis par ordonnance de 1823. 
a. Lettres de AT— de Sévigné, tome VIII, p. 36o-36i. 
3. Ibidem, tome IX, p. 486. 



l58 LE PRÉSIDENT DE LAMOIGNON. 

vreuil. Le Roi signa au contrat, le grand -père Voysin donna les 
cent mille écus promis, et le mariage fut célébré le 14 avril*; mais 
la mort prématurée de cette jeune femme le rompit dès le 1 5 sep- 
tembre 1694', et M. de Poissy se remaria en février 1698 avec 
une des tr^ riches Varengeville, sœur de la maréchale de Villan'. 
Le mariage de la deuxième fille, Françoise- Elisabeth, fut extrê- 
mement tardif, si Ton songe aux habitudes de ce temps-là, et 
donna lieu à une sorte de chassé<roisé assez curieux, mais qui 
n'était point rare dans les familles de Taristocratie de robe. Avant 
d'épouser sa sœur Marie-Madeleine, le marquis de Poissy avait 
failli se marier avec M"* Le Camus, fille du fameux lieutenant 
civil, et celle-ci épousa en 1695 M. Nicolay, premier président delà 
Chambre des comptes, lequel avait également, de son côté, songea 
M"'de Lamoignon. Cette Première Présidente étant morte presque 
aussi prématurément que M"**de Poissy, M. Nicolay, devenu veuf, 
reporta ses visées matrimoniales sur la seconde demoiselle de 
Lamoignon, mais fut long à se décider en raison de sa répugnance 
pour le monde, et aussi de son âge, car il était né en f 658. Les 
deux familles avaient même société, où, à côté des grandes dames 
et des femmes d'esprit, brillaient des prélats distingués, Messieurs 
de Beauvais, de Troyes, de Toulon, puis le chevalier de Gri- 
gnan, Coulanges le Chansonnier, Corbinelli, tant d'autres encore. 
Le maréchal de BoufBers et l'évêque de Toulon menèrent la négo- 
ciation ^ Ce dernier, Armand-Louis Bonnin de Chalucet, était 
frère de M™' de Bâville l'intendante; ses eÉForts pour aboutir au 
mariage désiré aboutirent enfin après la mort de la première pré- 
sidente de Lamoignon la grand'mère'*. Le Roi et la cour signèren 
le contrat le 24 novembre 1705, le mariage eut lieu le 26; le 



1. Dangeau^ tome IV, p. 248 et 265; SourcheSy tome IV, p. 169. 

2. Elle avait perdu un fils de trois mois. 

3. SaintSimorif tome X, p. 21. 

4. Correspondance des Sévigné et archives de la maison de Nicolay. 

5. Coulanges écrivait, le 26 novembre 1706 : « M. le premier président d 
Nicolay a épousé ce matin, à midi, en plein Saint-Paul, M"« de Lamoignon 
La mort de M"« la première présidente de Lamoignon a fini enfin cett 
affaire, qui paroissoit depuis longtemps être faite au ciel ; mais il falloit qu 
la terre fournît deux cent mille livres comptant et qu'elle assurât cent mill 
livres sur la première succession à échoir. Voilà donc M. de Nicolay rems 
fié. Dieu lui donne de beaux enfants I » (La Marquise (THuxelles, par Éd. d 
Barthélémy, p. 211 et 21 3.) 



LB PRESIDENT DE LAXOIONON. iSq 

gazettes Tannoncèrent à Tbonneur des deux familles^ rAcadémie 
envoya des félicitations^ et un ami commun, Moreau de Mau- 
tour, se chargea de Tépithalame obligatoire ^ 

Neuf mois plus tard, le fils aîné de M. de Lamoignon, Chré- 
tien, épousa une fille de M. Gon de Bergonne, maître des comptes^ 
très estimé et très riche aussi'. Enfin, en 1707, sa dernière fille 
fut mariée au marquis de Maniban, alors conseiller au parlement 
de Toulouse, mais qui y fut premier président de 1721 à 1762. 

Ainsi^ avant de mourir, notre président avait marié quatre de 
ses enfants. Un seul restait, le fils cadet^ Guillaume, qui n'épousa 
que deux ans plus tard, en 171 1, une fille du président d*Aligre. 
Ûayant perdue au bout de deux années et demie sans qu'elle lui 
eût donné une postérité, il se remaria avec M'^ Roujault, fille 
unique de Tintendant, et de celle-ci naquit en 1721 Lamoignon 
de Malesberbes dont il a été parlé deux pages plus haut. Leur des- 
cendance est représentée actuellement par les marquis Le Peietier 
de Rosanbo. 

A. DE BOISLISLB. 



1 . Pièces justiftcathes pour servir à l'histoire de la maison de Nicolay^ 
tome I, n*' 394-398; Dangeau, tome X, p. 476 et 478; Sourches, tome IX, 
p. 42 1 ; Mercure de décembre, p. 1 89-203 ; Journal de Verdun, janvier 
1706, p. 76. M"* de Nicolay eut de nombreux enfants et vécut jusqu'en 
1733. Notre confrère M. le marquis de Nicolay représente le cinquième degré 
de sa descendance. 

2. 3/frc«re d'octobre 1706, p. 159-164. 



LE BERNIN EN FRANCE 

LES TRAVAUX DU LOUVRE 
ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 



CHAPITRE L 



LES PROJETS DE COLBERT; 
LES PRÉLIMINAIRES DU VOYAGE DU BERNIN. 

L 
Le Louvre en 1664. 

Interrompus durant la minorité de Louis XIV et les troubles 
de la Fronde, les travaux du Louvre avaient été repris à la majo- 
rité du roi et à la paix des Pyrénées. Le palais était la résidence 
favorite de la cour pendant Thiver; le roi, la reine, la reine-mère 
rhabiuient; les fêtes, les ballets y étaient fréquents. Aussi 
Louis XIV entendait-il le rendre digne de sa grandeur^ L^œuvre 
de Lescot et de Lemercier avait été continuée; les deux ailes 
regardant Tune POratoire, l'autre la Seine avaient été entreprises; 
on songeait à attaquer la partie orientale, en face Saint-Germain- 
TAuxerrois, et à terminer ainsi le quadrilatère. 

Dès 1661, on pensait à dégager l'espace compris entre le palais 
et l'église Saint-Germain. On expropriait et on acquérait au nom 
du roi les hôtels d'Aumont, de Combaut, de Longueville, d^Éper- 
non et de Rostaing, les maisons dites le Caillou et le Sauvage^ 
celles appartenant aux sieurs Sénéchal^ Beaurain, Brice et Le 

I. Babeau, le Louvre et son histoire ^ Paris, 1895, in-4% p. 169 et 8uiv. 
uém. XXXI II 




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^ur les dégage- 
jus les apparte- 



l62 LE BBRNIN EN FRANCE. 

Doux, situées vers les rues de Poulies, des Fossés-Saint-Germaio, 
de Beau vais et Saint-Thomas-du-Louvre^ 

Cependant, durant les premières années du goavememeat 
personnel, les travaux du Louvre avançaient lentement, sous la 
direction de Le Vau, premier architeae du roi, et de son gendre, 
Dorblay. Les ailes septentrionale et méridionale étaient exécu- 
tées : les soubassements de la façade orientale étaient entrepris'. 

I. 1661, XQ janvier : arrêt du Conseil ordonnant la prise et évaluatioo 
dea maisons appelées hôtel de Rosuing, le Caillou, le Sauvage et autres 
avoisioantea et leur échange avec les bois d'Ormoia et du PleMÎt-au-Bois 
(Arch. nat., Oi 1676, liasse 5). 

1662, 29 mars : arrêt du Conseil ordonnant de procéder à révaluation de 
l'hôtel de Longueville sis rue des Poulies et des Fossés-Stint-Germain, d'une 
superficie de 1,474 toises, et entrant dans la construction du Louvre (/^li.). 

1662, i** avril : toisé et estimation dudit hôtel, évalué 489,000 1. {Ibid., 
liasse 12). 

1662, 27 juillet : arrêt du Conseil ordonnant une enquête pour Tachât 
de rhôtel d'Épernon, rue Saint-Thomas-du-Louvre (Ibid.^ liasse i3). 

1664, 12 janvier : bail pour six ans d'une maison sise rue Champfleury, 
dite au Pied-de-Biche, sous réserve que c en cas que le Roy vueuiile cy après 
achepter ladite maison comme incorporée et unie dans le dessin du Louvre, 
ledit bail demeurera nul • (Ibid., liasse 34). 

Sommes payées pour achat de maisons dans c le dessein du bâtiment 
neuf du Louvre > aux hoirs de M. de Rostaing pour l'hôtel acheté par 
contrat du i*' mars 1664... 80,000 1.; — à M** la présidente Nicolay, pour 
un hôtel rue de Beauvais, par contrat du 21 juin 1664, 3o,ooo 1. 

Au sieur Sénéchal, pour une maison rue de Beauvais, 24,000 1. 

Au sieur Beaurain, pour une maison rue du Coq, 36,ooo 1. 

A la veuve Ledoux, 29,000 1. (Ibid.y n* 87). 

Un autre document de 1664 énumère les immeubles acquis : 

Rue des Poulies : 

Ancien hôtel de Longueville, occupé par le sieur Fossier, garde magasin; 
— hôtel Combault, acquis de M. du Buisson, 60,000 1., abattu; — le Petit- 
Bourbon, occupé par le garde meuble. 

Rue du Coq : 

Maison acquise du sieur Sénéchal, devant Fouyn, notaire, le 20 juin 
1664, 24,000 1., abattu. 

Maison acquise de Beaurain, par contrat devant Fouyn, le 2 juillet 1664, 
36,ooo 1., abattu. 

Maison acquise de Brice, le 16 décembre 1664, 29,000 1., abattu. 

Maison acquise de la veuve Ledoux, 16 décembre 1664, 29,600 1., abattu. 

Rue de Beauvais : 

Maison acquise de M"* Amelot, ig juin 1664, 3o,ooo 1., abattu. 

Hôtel de Rostaing, acquis des hoirs de M. de Rostaing, le 28 février 1664, 
80,000 1., abattu (Arch. nat., Ol 1678^). 

2. D'après les Mémoires de Ch. Perrault (éd. Paul Lacroix^ p. 40), la 




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LBS TRAVAUX DU LOUVRB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l63 

Vfais le goût de Louis XIV s'était déjà porté ailleurs. Cétait le 
noment où Versailles commençait à attirer l'attention du roi, et 
out Teffort et toutes les dépenses étaient consacrées à la nouvelle 
lemeure royale. Les choses changèrent le jour où, succédant 
i M. de Rata bon, Colbert devint, en janvier 1664 surintendant 
les bâtiments. 

Son programme tout entier est contenu dans cette lettre qu'au 
nois de septembre 166 3 il adressait au roi : 

c Si V. M. veut foire réflexion que Ton verra à jamais dans les 
:omptes des trésoriers que pendant le temps qu'elle a dépensé de 
» grandes sommes en ceste maison [il s'agit de Versailles], elle a 
négligé le Louvre, qui est assuremment le plus superbe palais 
}u'il y ait au monde et le plus digne de la grandeur de V. M... 
V. M. sait qu'au défaut des aaions éclatantes de la guerre, rien ne 
narque davantage la grandeur et Tesprit des princes que les bâti- 
ments, et toute la postérité les mesure à l'aune de ces superbes 
maisons qu'ils ont élevées pendant leur vie. Ah I quelle pitié que 
le plus grand roi et le plus vertueux, de la véritable vertu qui fait 
les plus grands princes, fût mesuré à l'aune de Versailles I Et, 
toutefois, il y a lieu de craindre ce malheur M » Aussi, du jour 
>ti il fut en possession de la charge de surintendant, Versailles fut 
rontinué, mais on s'occupa plus activement du Louvre. L'objet 
principal était Pachèvement de cette façade orienule, regardant 
Saint-Germain-PAuxerrois, et dont on voulait, par le dégagement 
ie l'espace situé entre le palais et l'église, faire la façade princi- 
pale du palais. 

Le projet présenté par Le Vau n'agréait pas à Colbert '. 

façade aurait été déjà élevée de huit ou dix pieds hors de terre. C'est ce que 
confirme le mémoire envoyé au Bernin en i663 (Clément, Lettres, instructions 
et mémoires de Colbert, Paris, Impr. nat, 1861-1882, in-8% t. V, p. 256). 

1. Qément, ouvrage cité, t. V, p. 168, n* 24. — Sur la date de cette lettre, 
voir P. de Nolhac, la Création de Versailles, d'après les sources inédites, 
p. 207, notes de la page 3o, n. i. 

2. Ârch. nat., O^ 1666*, liasse i : Plan proposé à faire pour augmenter Van^ 
eien dessein du pallais du Louvre pour le premier estage, par le s* Le Vau, 
premier architecte du roy. Ce plan n'est pas daté, mais, d'une part, rentrée 
ovale, imitée par le Bernin dans son premier projet, et, d'autre, l'existence 
de deux terrasses latérales arrêtées au premier étage, formellement men- 
tionnées dans un mémoire du nonce Robert!, en i665, comme existant 
dans le modèle français, c'est-à-dire dans le plan de Le Vau, me semblent 
deux raisons suffisantes pour dater ce plan de i663 et pour y voir le modèle 
envoyé à Rome au début de 1664. (Voy. la planche cf-jointe.) 



164 LE BEItNIN EN FRANCS. 

Dans ce dessin, dont nous possédons un plan au premier étage, 
Tarchitecte, respectant tout ce qui était déjà construit, élevait en 
face de Saint-Germain-PAuxerrois une £açade à double profon- 
deur. Au milieu de cette façade, correspondant au pavillon aaud 
de THorloge, une entrée ovale, débordant sur Talignement géné- 
ral, servait d'entrée au palais, par un péristyle semblable aux 
deux pavillons centraux regardant la Seine et TOratoire. De 
chaque côté de cette entrée, deux façades ornées chacune de six 
colonnes, et percées de six ouvertures, rejoignaient deux pavillons 
d'angle, à trois ouvertures séparées par des colonnes géminées. 
Du côté de la cour, la façade reproduisait celle de Lescot. A l'io- 
térieur du bâtiment, et au premier étage, de chaque côté de l'en- 
trée ovale, deux escaliers donnaient accès dans deux grandes 
salles terminées par des estrades, dont elles étaient séparées par 
des colonnes; puis venait un escalier de dégagement, suivi d'un 
cabinet et d'un salon, occupant les pavillons d^'angle; en arrière 
de la pièce ovale, un grand salon séparait deux appartements de 
parade^ Tun pour le roi, l'autre pour la reine. Les deux façades 
latérales, destinées à divers appartements, étaient précédées, sur 
la cour, d'une galerie qui, couverte au rez-de-chaussée, permettait 
au premier étage de communiquer à découvert dans les différentes 
pièces. La façade occidentale était doublée; à la place de la cha- 
pelle, on avait établi une salle pour les ambassadeurs atten- 
dant l'audience; de chaque côté s ouvraient des salles de gardes. 
Derrière ces pièces, un grand salon, flanqué à droite d'une grande 
salle de gardes, à gauche de divers appartements, formait la nou- 
velle façade du côté dts Tuileries; du côté de l'Oratoire, lar- 
chitecte projetait une grande chapelle garnie de tribunes pour 
la cour. Ce projet fut reproduit en stuc et en menuiserie par 
Antoine Saint- Yves, rehaussé de dorures par Le Hongre* et 
exposé aux yeux du public et des divers architectes appelés à 
donner leur avis et à proposer de nouveaux plans*. 

Mais l'épreuve ne donna aucun résultat, bien que, à en croire 
les Mémoires de Ch. Perrault, le projet de la Ck)lonnade ail été 
dès lors présenté et accepté par Colbert'. 

1. Guiffrey, Comptes des bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV 
(Doc. inéd.), t. I, p. 14 et i5. 

2. Sur les détails de ce concours, voir Babeau, ouvrage cité, p. 170. 

3. c Mon frère fit un dessin à peu près semblable à celui qu'il donna 
depuis et qui a été exécuté. M. Colbert, à qui je le montrai, en fut charmé 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l65 

Quoi qu'il en soit, la tentative faite auprès des architectes fran- 
çais ayant échoué, Colbert se décida à demander des plans aux 
architeaes que Ton considérait alors comme les plus habiles, aux 
Italiens. Par l'intermédiaire de divers personnages, tels que 
l'ambassadeur duc d^Estrées, l'abbé Elpidio Benedetti, sorte 
d'homme d'affaires et d'agent de Mazarin, puis de Colbert, à 
Rome, de Poussin \ depuis de longues années fixé dans la ville 
éternelle, il envoya les plans de Le Vau et toutes les instructions 
désirables aux hommes les plus capables d'exécuter l'œuvre pro- 
jetée : Candiani, Pierre de Cortone, Rainaldi et le cavalier 
Bernin. 

II. 

Les PREMIERS RAPPORTS DU BeRNIN AVEC LA FrANCE. 

Né à Naples en iSgS^, fils d'un sculpteur florentin fort estimé 
et président de TAcadémie de Saint-Luc à Rome, Giovanni- 
Lorenzo Bernini était alors sans contredit l'artiste le plus célèbre 

et ne comprenoit pas qu'un homme qui n'étoit pas architecte de profession 
eût pu faire rien de si beau. La pensée du péristile est de moi, et, Payant 
communiquée à mon frère, il l'approuva et la mist dans son dessein, mais 
en Tembellissant infiniment; ce dessein fut exposé dans la s%lle comme les 
autres; ce fut un plaisir d'entendre les jugements qu'on fit de ce dessein; 
il fut trouvé beau et magnifique, mais on ne sçavoit à qui l'attribuer. Les 
plus versés dans ces matières ne connoissoient personne, hors quelques 
étrangers qu'ils nommoient, qui pût dessiner si proprement ni si correcte* 
ment. M. Colbert fut très content du dessein de mon frère, mais... i Ch. 
Perrault, Mémoires (éd. Paul Lacroix), p. 40-41. Les mémoires ont été 
rédigés longtemps après les événements. Ils renferment certaines inexac- 
titudes (la présence de Benedetti à Paris en 1664, la confusion de 
Chantelou et de Chambray, l'histoire erronée du buste de Louis XIV, 
etc.)> et, bien que, sur ce point imporUnt, il soit assez difficile de croire 
à une erreur involontaire, cependant il serait bien étonnant qu'un 
homme aussi économe des deniers publics que Colbert ait, de 1664 à 1667, 
alors surtout qu'il était pressé de terminer le Louvre, laissé en suspens un 
projet par lui adopté, et ait perdu trois ans à l'examen et à l'exécution 
d*autres propositions quasiment condamnées en principe. Il paraît plus vrai- 
semblable d'admettre que Ch. Perrault a flatté son frère et lui-même en 
vieillissant une conception, peut-être formée en 1664, mais arrivée à matu- 
rité et exécutée seulement en 1667. 

I. Sur Poussin, voir Paul Desjardins, les Grands artistes^ leur vie, leur 
oeuvre. Poussin. Paris, 1904, in-8*. 

a. Fraschetti, // Bernini. Milan, 1900, in-4*. 



|66 LB BERNIN EN FRANCE. 

de l'Europe. A la fois architecte, sculpteur, peintre, auteur 
comique, il jouissait d'une renommée universelle. Favori de tous 
les papes, qu^ils fussent Urbain VIII Barberini, Innocent X Pam- 
phili, Alexandre VII Cbigi, il était le chef de TÉcole italienne, 
le restaurateur et le décorateur de la Rome du xvn* siècle. 

A peine avait-il quinze ans, que la statue de l'évéque Santoni 
Tavait fait distinguer. Depuis lors, son renom n'avait cessé de 
grandir. Les délicieuses fontaines dont il avait orné les places et 
les palais de Rome, la décoration de la place Navone, les restau- 
rations de Saint-Pierre, la construction du baldaquin et des pilôoes 
de la basilique, la conception des palais Barberini et Monte- 
Citorio, ses œuvres éparses dans toute la ville éternelle, la 
systématisation de la place Saint-Pierre et la colonnade admi- 
rable dont il Torna, les bustes de tous les pontifes qui Tavaient 
protégé, des membres de leurs familles et celui de François 
d'Esté, duc de Modène, étaient les garants de son habileté et de 
sa fécondité artistique. Les lignes simples et grandioses de ses 
constructions, l'opposition des rentrants, des ombres et de la 
lumière, la majesté de ses façades étaient universellement louées. 

Mais le Bernin n'était pas seulement apprécié en Italie : les 
étrangers le considéraient aussi comme le plus grand artiste du 
temps. Les relations si fréquentes entre Rome et la France 
l'avaient depuis longtemps fait avantageusement estimer. Tous 
les voyageurs, et ils étaient nombreux, qui visitaient la ville 
papale, pouvaient voir, critiquer, admirer ses œuvres. Les ama- 
teurs d'art, tels les Fréart de Chantelou et de Chambray *, chargés 
à diverses reprises par leur parent, Sublet des Noyers, alors surin- 
tendant des bâtiments, de missions en Italie, Naudé, Conrard, 
Saint-Amand l'avaient connu; les jeunes peintres et les sculp- 
teurs, que le gouvernement royal envoyait déjà à Rome se perfec- 
tionner par la fréquentation de l'antique, prenaient conseil du 
grand artiste. 

Ses œuvres même avaient passé les Alpes. En 1639, le roi 
d'Angleterre Charles l*"" lui envoyait des dessins de Van Dyck^, 

I. Chardon, Amateurs d'art et collectionneurs manceaux : les Fréart de 
Chantelou. Le Mans, 1867, in-8'. 

a. Ce projet de Charles !•' de faire exécuter son buste par le Bernin 
remonte au 27 mars i636; après avoir obtenu une réponse favorable de 
l'artiste, le roi lui envoya trois dessins de Van Dyck, un de face, deux de 
proiil. Le buste était achevé en 1637 et fut transmis au roi avec lettres du 
cjurdinal Scipion Borghèse par un nommé Bonifacc. L*œuvre plut tellement 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 167 

et lui demandait d'exécuter son buste d'après ce modèle; malgré 
que le travail eût été fait sans que le roi ait posé devant Partiste, 
la perfection du résultat obtenu décida Henriette de France à 
demander au Bernin de sculpter son portrait. 

En France aussi on avait pu juger de son talent. Dès i625, une 
première démarche aurait été tentée auprès du Bernin pour le faire 
veniràlacourdeLouisXIII^ Puis, en 1641, le cardinal de Riche- 
lieu, qui Pavait connu, lorsqu'en i638 il était allé recevoir le cha- 
peau cardinalice, lui commanda un buste, qui fut placé au Palais 
cardinal'. Ce buste, de deux pieds trois pouces de haut, avait été 
commandé, comme celui de Charles I'% par ^intermédiaire du car- 
dinal Antonio Barberini, neveu d'Urbain VIII, aumônier d^Anne 
d'Autriche et protecteur attitré du Bernin. En août 1641, il était 
achevé, et quelques jeunes élèves du Bernin, Giacomo Balzinelli et 
Nicolo Sole, le présentèrent au ministre. Mais le résultat, quelque 
merveilleuse que fût Inexécution, laissait, au dire de Mazarin, beau- 
coup à désirer au point de vue de la ressemblance. L'astucieux 
italien travailla cependant afin que la cour le louât sans réserve. 
Richelieu s^en montra satisfait et envoya un riche présent à 
la femme du sculpteur, et, à lui-même, son portrait entouré d^un 
cadre enrichi de trente-trois diamants. Il laissait même entendre 
que, avec un bon dessin de Van Dyck, qui devait prochainement 
venir à Paris, il demanderait une statue en pied. Sa mort 
empêcha l'exécution de ce projet. 

Mazarin, qui de longue date connaissait le Bernin, et qui 
s^était entremis dans ses rapports avec le ministre de Louis XIII, 
voulut faire plus; lorsqu^il eut succédé à Richelieu, il tenta, en 
1645 y par l'intermédiaire de l'abbé Elpidio Benedetti, de décider 
le cavalier à venir à la cour de France. En juillet 1645^ se fiant 
dans une lettre envoyée par le Bernin le 19 juin, il lui exprimait 
Tespoir de le voir bientôt à Paris'. Ce dessein ne se réalisa cepen- 

à Henrieue de France qu'en lôSg elle envoya au Bernin un diamant d'une 
valeur de 6,000 écus. Ce buste est actuellement conservé à Windsor (Fras- 
cheui, ouvrage cité, p. iio-iii). 

1. Journal du voyage du cavalier Bernin en France, par M. de Chantelou 
(éd. Lud. Lalanne). Paris, i885y Galette des Beaux-Arts, i vol. in-4% p. 69. 

2. Courajod, Jean Warin, ses œuvres de sculptures et le buste de 
Louis XIV au musée du Louvre. Paris, Champion, 1881, in-8*, 3o p. (extrait 
de la Revue de PArt, n*' du a 5 septembre et du 2 octobre 1881), et Fras- 
chetti, ouvrage cité, p. 112. Ce buste de Richelieu est aujourd'hui perdu. 

3. Fraschetti, ouvrage cité, p. ii3, n. x. 



l68 LE BRRNIN EN FRANCE. 

dant pas, soit que Ton n'ait pu obtenir du sculpteur, alors en 
butte à une cabale montée contre lui à Tavènement d'Innocent X 
qu'il abandonnât Rome, paraissant fuir devant ses ennemis, soit 
que les troubles de la Fronde naissante aient empêché le ministre 
de s'occuper plus activement de ce projet. 

Toutefois, les rapports fréquents entre la France et l'Italie entre- 
tenaient toujours l'opinion des travaux d^arts accomplis par Til- 
lustre artiste, et l'envoi de plus en plus fréquent de jeunes Français 
à Rome faisait encore mieux connaître son incontestable talent. 
D'autre part, les Italiens étaient nombreux à la cour de France. 
Sans parler des envoyés des diverses puissances de la péninsule, 
certains hommes, tels que Elpidio Benedetti,ragent de Mazarin, 
puis de de Lionne et de Colbert, l'abbé François Butti*, person- 
nage fort bien en cour, à l'allure équivoque d'un agent politique 
secret, le cardinal Antonio Barberini, Vigarani, l'agent du duc de 
Modène à Paris et jadis chargé d'affaires à Rome, habile machi- 
niste, qui montait les pièces à effet pour les fêtes de Versailles, le 
légat cardinal Chigi étaient autant de protecteurs et d'amis que 
le Bernin comptait dans l'entourage de Louis XIV. Aussi n'est-ce 
pas étonnant que le cardinal Antonio, après sMtre entremis entre 
l'artiste, Richelieu et Mazarin, ait songé, le jour oîi la paix fut 
rétablie, à le faire venir à la cour de Louis XIV. 

En octobre 1662, un an après que le Bernin eut à Rome des- 
siné les machines et appareils destinés à célébrer solennellement 
la naissance du Dauphin^, le cardinal Antonio lui écrivait, faisant 
allusion à une marque d'estime (que nous ignorons) donnée par 
Louis XIV au cavalier, que le roi désirait vivement le voir à 
Paris; il lui déclarait que le voyage n'avait rien de fatiguant ni 
de redoutable; il escomptait que sa présence aiderait à un rappro- 
chement entre la France et le Saint-Siège, et terminait en insis- 
tant sur le grand espoir que Ton avait de sa venue'. Le 19 no- 

1. L*abbé Butti était né à Rome. Naturalisé en 1654, le roi lui avait, le 
9 novembre de cette année, assigné 2,000 1. de pension sur l'évêché de Car- 
cassonne, et, le 24 juin i655, ordonné qu'il en jouît dés la démission dudit 
évêché faite par feu Servien. L'abbé n'en avait pas été payé, et, le 29 février 
1664, ordre était donné à Jacques Alayre, économe de l'évêché, de lui payer 
1,166 1. i3 s. 4 d. (Arch. nat., E 1717, fol. 109). Sur sa promesse de rési- 
der en France, il obtint en 1673 permission de disposer des biens qu'il y 
pourrait acquérir (Arch. nat., XIa 8398, fol. 17). 

2. Fraschetti, ouvrage cité, p. 253, n. i. 

3. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 175. — f A Parigi, li 27 ollobrc 1662. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 169 

vembre, le cavalier lui répondait, se déclarant accablé d'orgueil en 
apprenant Testime particulière que le roi faisait de lui : c Si l'es- 
time que S. M. le roi de France fait de ma personne est un 
aiguillon qui me doive stimuler à accepter la counoise invitation 
de V. E., la considération de ma faiblesse est un frein qui me 
retient; je pense que sans doute S. M. me tient en grande valeur, 
parce qu'elle ignore mes œuvres; je suis persuadé que, si je venais 
en France et que j'y travaillasse, je perdrais le crédit que me 
prête S. M.; à la fin, V. E. me dit que ma venue en France serait 
capable de produire un accommodement, ce qui m'oblige pour le 
bon service de S. S. non seulement à découvrir mes cartes, mais à 
les étaler sur la table et à ouvrir mon cœur. Seigneur cardinal 
Antoine, mon cher Seigneur, V. E. sait que je suis au service du 
pape Alexandre et que j'ai entrepris deux œuvres des plus grandes 
qui soient au monde; mais si S. S. me commandait de venir en 
France servir quelque temps S. M., j'obéirais, et les œuvres déjà 
entreprises n'en soufiriroient pas, étant, durant mon absence, 
intelligemment continuées par mon frère^.. > Le Bernin était à 

Molto illustrissimo signore lo non so a che gioco giochiamo. V. S. 

tien le sue carte si aite, che non vi si puol conoscer' nulla, onde l'im- 
patienza mi piglia, et scopro le mie. Vedrà in ivi V. S. la continuatiooe 
délia stima, che ho fatto et fd di lei, da sui procedi, Taffetto particolare 
che li porto. Spero che dalle carte di V. S. scoprird ancora la solita 
et già qui esperimentata corrispondenza. lo godo come la puo imaginarsi 
di vederla stimata come lei mérita particolamente da S. M., que va 
puol dare un gran desiderio di viderla qua, per quel poco tempo che 
V. S. si compiacessi, et il viaggio non deve spaventarla, poich'io le posso 
dire per sperienza, che si possono i viaggi far con Tistesso commodo col 
quale sista in una stanza. lo non parlo del mio desiderio, perché non si ne 
deve parlare, dove puol intervenire quello del maggior Re che sia, ma si 
gli potesse dare qualche stimolo piglierei Tardire di farlo conoscere, benche 
travestito, nel motivo di secondare i sensi del Padrone, quando per me stesso 
si lei fusse una dama potrebbe dubitarsi di un rivale. In somma, io son' obli- 
gato a penletrare suoi sensi, poiche l'haver un homo quai è lei, farebbe sti- 
mar lodevole il farne un' articolo di accomodamento. Di gratia si lasci più 
consigliare da sentimenti di gloria che da domestici, et mi crede quale sono 
et sard sempre aff^ sempre di V. S. Cardinale Antonio Barbbrini. i 

Au dos : Al molto ill** sig. Cavalière Bernini, Roma. 

I. Ibid., fol. 3i5. — f Roma, li 19 novembre i66a. Ecc"*et pregg** Sig'« 
Pad** Col"*. Se la stima chè fa la maestàdel Redi Francia délia mia per&ona è 
un spione che mi stimola ad accettare il cortese invito di V. E., la conside- 
ratione délia mia debolezza è un freno che mi ritiene, considerando tenermi 
forse S. M. in gran concetto, perche non hà vedute l'opère mie, e son certo 
che se venissi in Francia, et operassi, perderei quel credito che S. M. ne ha 



170 LB BERNIN EN FRANCE. 

ce moment en effet occupé aux travaux peut-être les plus impor- 
tants de sa vie, la colonnade, entreprise depuis i656, et la cons- 
truction de la chaire de Saint-Pierre. Il déclina donc rinvita- 
tion qui lui était faite. Quelle était, d'autre part, la pensée de 
Louis XIV? Quel travail voulait-il demander au grand architecte? 
S*agissait-il de s'occuper de Versailles ou du Louvre? Ccst ce 
qu'on ne saurait déterminer. 

Louis XIV tenait à attirer le Bernin à sa cour; on avait en 
France, — bien que le cavalier prétendît que l'on ignorait 
ses œuvres, — une connaissance directe de son art. Le roi 
faisait rassembler, pour son cabinet, des copies des œuvres les 
plus belles de l'antiquité et de Part moderne. Benedetti avait 
été chargé par Colbert de ce soin, et dans plusieurs de ses lettres, 
à côté des vases de porphyre, des colonnes antiques, des tapisse- 
ries, on trouve trace des réductions en argent des quatre fleuves de 
la place Navone, exécutés par les élèves du Bernin, de reproduc- 
tions de la Dafné, de Proserpine et du David. 

Il n'est donc pas surprenant que le Bernin ait été l'un de ceux 
à qui l'on pensa, lorsqu'il fut question de solliciter le talent d'ar- 
chitectes étrangers. 

IIL 

Les premiers pourparlers avec le Bernin. 

A peine Colbert au pouvoir, les travaux du Louvre reçurent, 
avons-nous vu, un nouvel essor. Le roi avait abandonné s^ 

formata V. E. nel fine deUa sua cortnui mi tocca un usto maestro che la 
mia venuta in Franda sarrà degna d'un articolo d'accomodamento, onde 
son necessitato per il buon servitio di S. Santità non solo à scoprirgli le 
mie carte, ma agettarglele in tavola, et ad aprirgli il core. Sig* card* Anto- 
nio, mio caro sîgnore, V. E. sa che io servo Papa Alessandro, e ho per le 
mani due opère le maggiori che siano nel mondo, con tutto ciô quando da 
S. Santità mi fosse comandato che io venissi in Franda a servire per qual- 
che poco di tempo S. M., io obedirei ai suoi cennî, ne l'opère che già sono 
acciate patirebbero, essendo per quel brève tempo che io stassi assente assis- 
tite dalla intelligenza di mio fratello; ecco a V. E* scoperto il tutto, laquale 
potra regolarsi conforme la sua prudenxa, e qui rinovando le mie obliga- 
tions e il desiderio che hodi servirla, a V. E. humilimente mi inchino;de 
V. E. hum*, dev* et obi* servitore. Giov. Lorenzo BBRKiifO. 1 [Minute.] 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. I7I 

appartements et s'était, dès le mois de février, transporté aux 
Tuileries, afin de laisser toute facilité aux entrepreneurs*. Dès le 
mois de mars, Timpossibilité de s'entendre avec les architectes 
français une fois constatée, Tabbé Elpidio Benedetti, qui se trou- 
vait alors en France, fut chargé de poner à Rome, aux architeaes 
choisis, les plans de Le Vau et de les leur remettre, en gardant 
soigneusement auprès de chacun d^eux le secret de la démarche 
faite auprès des autres. Il était, en outre, porteur d'une lettre de 
Colbert adressée au Bernin : 

« Les rares productions de vostre esprit, écrivait le surinten- 
dant, qui vous font admirer du monde entier et desquelles le 
Roy mon maistre a une parfaite connoissance, ne sçauroient luy 
permettre de terminer son superbe et magnifique palais du Louvre 
sans en avoir mis les dessins sous les yeux d'un homme aussy 
excellent que vous Testes, afin d'en avoir vostre avis. C'est ce qui 
l'a porté à me commander de vous écrire ces lignes, pour vous 
prier instamment, de sa part, de donner quelques heures de celles 
que vous employez avec tant de gloire à embellir la première 
ville du monde, à voir les plans qui vous seront présentés par 
M. l'abbé Elpidio Benedetti. S. M. espère que non seulement 
vous luy ferez connoistre vos sentiments sur ces plans, mais 
encore que vous voudrez bien mettre sur le papier quelques-unes 
de ces admirables pensées qui vous sont si familières et des quelles 
vous avez donné tant de preuves*. » 

Le 19 avril, Benedetti arrivait à Rome; dès le 20, il transmet- 
tait au Bernin la demande de Colbert, que le sculpteur acceptait 
immédiatement. Pour diverses raisons, il retardait de quelques 
jours la mission qu'il devait remplir auprès de P. de Cortone, 
donnant ainsi au Bernin le moyen de devancer ses rivaux'. 

1. Fraschetti, ouvrage cité^ p. BSy, n. i. Lettre du i5 janvier i564 adres- 
sée par Vigarani au duc de Modèoe. 

2. Clément, ouvrage citi^ t. V, p. 243. D'après Ch. Perrault {MémoireSy 
p. 41), Ton avait tout d*abord songé à se servir de Poussin comme intermé- 
diaire. Une lettre lui aurait été écrite sur Tordre de Colbert, mais n'aurait 
pat été envoyée. — Sur toute cette partie des négociations entamées avec le 
Bernin, voir Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire, art. Ber- 
nin et Cbantelou ; l'auteur s'est servi de documents d'un haut intérêt. 

3. Bibl. nat., M^l. Colbert, vol. 120, n* 297. — c Monsignor : Giunsi con 
Taiuto di Dio tre giorni sono in questa città, con buona salute, e seoza per- 
dimento nemeno di hore, mi diedi subito ail' essecutione dei commandi di 



172 LB BERNIN EN FRANCE. 

Peu de jours après, le cavalier, qui voyait dans cette affaire le 
moyen de grandir encore sa réputation, répondait en ces termes 
au ministre : c J^ai reçu, disait-il, de Tabbé Benedetti, la lettre 
de V. E. et les ordres de S. M. qui s'y trou voient contenus, qui 
me sont très agréables, et aussi je déplore ma faiblesse à exécuter 
le plan du magnifique édifice du Louvre. L'estime que S. M. fait 
de ma personne me porteroit à l'orgueil si je ne réfléchissois qu'elle 
n'a jamais vu aucune de mes œuvres... Cependant, afin de ne me 
rendre pas complètement indigne de cet honneur que j'ai estimé, 
tellement que, dès le premier jour oti les dessins me furent présen- 
tés, j'ai délaissé en grande partie mes gi;aves occupations et me 
suis occupé à ceux-ci, espérant que les notes remises à Tabbé Bene- 
detti suppléeront au désavantage de n'être pas sur les lieux... ^ » 

Il se mit sans tarder à l'œuvre; le i3 mai, ses premiers essais 
avaient déjà donné un résultat satisfaisant, qu'il voulait toutefois 
perfectionner et améliorer. De son côté, Pierre de Cortone exami- 
nait les plans de Le Vau, et Benedetti pouvait écrire à Colbert 
qu'il espérait sous peu lui envoyer quatre dessins différents, qui 
tous auraient quelque chose de grand et de majestueux, et que, 
s'il y avait grande difficulté à raccorder avec les anciennes cons- 
truaions, cependant il pensait qu^il y aurait toutefois matière à 
satisfaire et à séduire l'esprit du roi^. Il est vrai que, pour sti- 
muler leur zèle, l'ambassadeur de France, duc de Créquy, remet- 
tait à Benedetti une cassette renfermant des présents destinés aux 

V. E.; scDza alcun* minimo impegno deUa dignità reale, presi ad inca- 
minare una diligenza, che, se riusciva fortunamente, potrebbono vedere 
coati tra poche settimane il sig. cavalière Bernino, al quale tratanto ho resa 
la lettera di V. E., e soggiuntogli ia voce ci, che credeva opportuno per 
accertare (corne mi è auccesao) in lui una pronta applicatione a servire S. M., 
come egli ateaao certificarà a V. E. nella riaposta, che col seguente ordina- 
rio farà alla lettera di V. £. c Non ho ancora parlato al S. Pietro di Cor- 
tona per degni riapetti. Roma» 22 aprile 1662. H"% dev"* et oblig** ; l'abbate 
Benedetti. — {Ibid,, n* 36i) : Monseigneur..... lo accennavo, come nel giorno 
seguente al mio arrivo fui a trovare il sig. cavalière Bernino, et lo lassai 
tutto disposto ad applicare con ogni aollicitudine a servire S. M., che 
havevo aotto mano incaminata qualche diligenza per farlo condurre seco 
Costa dal a. cardinale Chigi, senza alcun' impegno di S. M. — Roms, 
24 aprile 1664. H-» dev-» et ob-* : Tabbate Benedetti. i 

1. Depping, Correspondance adminùtrative du règne de Louis XIV (Doc. 
inéd.), t. IV, p, 535. 

2. Jbid., t. IV, p. 536. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 173 

jUatre architectes. Uagent de Colbert devait les leur donner dans 
in ordre fixé par le ministre, suivant l'excellence de leurs dessins, 
qui, disait-il^ avançaient chaque jour. « Comme il y va de leur 
gloire, de leur réputation, ils sont réservés et ne dévoilent 
leur pensée qu^après l'avoir longtemps mûrie et perfectionnée ^ b 
Dans le courant de juin, les dessins du Bernin étaient presque 
terminés. « Le cavalier a produit une pensée digne de son beau 
talent, en ce qui touche la façade principale. Elle a de la grandeur 
et de la majesté et diffère complètement des autres. L'un des des- 
sins exécutés contient le plan de M. Le Vau, mais plus grand, et 
peut-être sera-t-il le plus praticable, s'accommodant le plus à ce 
qui est déjà fait*. > Pierre de Conone n^avait pu encore terminer 
le sien, tant à cause de sa mauvaise santé que par suite d'un tra- 
vail en exécution pour les Pères de l'Oratoire, c Mais, dans tous 
ces dessins, « ajoutait Benedetti, « V. E.,avec son parfait jugement, 
saura, ainsi que font les prudentes abeilles, choisir le meilleur, et 
celui qu'elle estimera le plus propre à embellir ce grand palais. » 
Le 23 juin, le Bernin remettait à l'abbé Benedetti son projet, 
en même temps qu'une lettre adressée à Colbert : « L'abbé avec 
qui, disait-il, j'ai réglé toute l'affaire, envoie à V. E. le dessin du 
palais royal, en conformité avec le plan qui m'a été remis et avec 
une brève explication sur les points principaux de l'œuvre; cela 
servira, je crois, à prouver ma faiblesse, et, pourtant, j'y ai mis 
tous les talents que par sa grâce la divine bonté a bien voulu 
m'accorder; j'assure V. E. que, si mon désir avoit pu se réaliser 
indépendamment des limites de Part, j'eusse conçu un palais 

1. Bibl. nat., Mêl, Colbbrt, vol. 121, n* idy. — c Monsîgnor : il sig. duca 
di Créquy mi ha consegnata la scatola con li quatro presenti per li architetti, 
che travogliono al disegno del Louvre; e « ho trovati tutti degni délia 
munifîcenza di S. M., si distribuerd precisamente secondo Tordine che 
V. E. me ne dà; e non saperô su questo proposito per hora aggiungerle 
altre, se non che il travaglio dei sudetti va ogni giorno avanzando, ma corne 
che anco essi si Togliono sodisfare e conoscono trattarsi délie loro gloria e 
reputatione, cosi vanno riservati in dire fuori i loro pensieri, primo d'ha- 
verli ben maturati et perfettionati. — Roma, 3 giugnio 1664. L'abbate 
Benedeni. » 

2. Bibl. nat., M^. Colbiet, vol. 121 bis, n*6a9. — c 11 sig. cavalière Ber- 
nino ha produtto un pensiere degno del suo bel ingegno per quello riguarda 
la facdata principale. Ha del grande et del maestoso et é tutto diverto delli 
altri. Vi ne sarà uno, che riferma il disegno di M. Le Vau. Haverà pur del 
grande, e forse sarà il più praticabile, come quello, che si accomoda più al 
fauo. > Lettre du 17 juin. 



174 ^^ BKRNIN EN FRANCE. 

digne de S. M., qui, par excès de royale libéralité, rénumèreau 
moment même qu*elle commande, mesurant ainsi les récompenses 
plus avec sa grandeur qu'avec la faiblesse de Tœuvre^ m Bene- 
detti avait déjà remis tout au moins au Bemin la cassette à loi 
destinée. Quant aux dessins envoyés par Tartiste, par la voie de 
Lyon, le 24 juin', nous verrons en quoi ils consistaient 

Quelques semaines plus tard^ le r5 juillet, un autre courrier 
emportait les dessins de Rainaldi et de Candiani. Ce dernier, au 
dire de Benedetti, était d*un goût singulier; c mais étant petit, 
son dessin ne fera pas Teffet de celui du cavalier. Sa pensée me 
paraît plus étrangère; je Pestime assez, et je crois qu^elle s'accom- 
mode plus que tout autre aux projets de M. Le Vau, de telle sorte 
que, à mon avis, on la pourra utiliser pour la façade principale. • 
On y faisait grand'place aux escaliers débouchant sur de vastes 
escaliers et fort utiles, eu égard à la foule qui se presse ordinaire- 
ment dans les palais royaux. On pouvait tout au moins, de l'avis 
de Benedetti, s'en inspirer pour modifier le plan de Le Vau'. 

1. Bibl. nat., MéL. Colbbrt, vol. 121 biSf n* 861. — c II"* et ecc"* sig. 
Padrone col** : il signor abk^ate Benedetti, con il quale ho concertato il tutto, 
invia a V. E. il disegno del Palazzo regio in conformità délia planta manda- 
tami, con una brève instruttione delH fini più principal! del artiâce; credo 
servira per authenticare maggiorroente al mondo le mie debolezze, ho perd 
in questo speso tutti quelli talent!, che per sua gratia 8*è degnata compar- 
tirmi la divina bontà; assicurandola, che se havesse potuto operare il des- 
siderio independentemente dall* arte, havrebbe partorito un palazzo degno 
di S. M., la quale con eccesso di regia liberalità, nel istesso punto che 
comanda rimunera, misurando i premii più con la sua grandezza che con 
la bassezza del' opéra; e qui pregando V. E. ad offerire ai piedi di S. M. 
me con tutta la mia casa, devotissimo me Tinchino; di V. S. illma et colmt, 
vosiro hu""* servitore, Giov. Lorenzo Bernino. Roma 23 giugno 1664. » 

2. Jbid.j n* 900; voir p. 177. 

3. Ibid,, vol. 122, n" 495. — « Monseigneur. In fine non è stato possi- 
bile di mandare prima di oggi a V. E. li due altri disegni del Louvre 
che troverà nella boette che ho fatta consegnare ail' ordinario di Lione, 
raccommandata a M' du Lieu. Uno ô del s. cav. Raynaldi, con la sua 
dichiarazione, e spero, che lo troverano assai bello. L'altro è d'un tal 
sig. Candiani, gentilhuomo assai intendente d'archittectura , e di un 
gusto staordinario, ma per esscre il suo disegno in piccolo, non farà la 
mostra dell' altro del sig. cavalière. 11 pensiere del Candiani mi pare più 
pellegrino, e quello che stimo assai si accommoda più d'ogni altro alli 
projetti di M. Le Vau, in modo che credo potrà servire tutlo qucUo, ch'è 
cominciato, anco nella facciata principale. Egli prende gran' sito nelle scale, 
perché stima che una délie parti più nobili, e più riguardevoli in un gran 



LES TRAVAUX DU LOUVRE KT LES STATUES DE LOUIS XIV. lyS 

Quant au projet de Pierre de Cortone, on l'attendait toujours; 
de semaine en semaine, l'auteur en promettait la remise, sans 
jamais Tefieciuer. La goutte, les travaux antérieurement com- 
mandés le retardaient; d^autre part, connaissant la faveur dont le 
Bemin jouissait auprès de Benedetti, il redoutait de confier son 
œuvre à celui qu^il regardait comme le protecteur de son rival; 
finalement^ lorsque, en septembre .1664, il eut terminé son dessin, 
il renvoya directement en France sans le montrer à Tagent de 
Colbert*. 



palazzo sia quella d'una scala nobile, grande, commoda, e che sbocchi in gran' 

ripiani per la comodità deli' afflucnza délie genti, etc Spero che questi 

lume basterano a M. Le Vau per megliorare i di lui pensieri, e V. E. che ha 

cosi buono gusto, e tanta intelligenza potrà insinuarglieli Restarà a 

vedersi il disegno del s. Pietro di Cortona, che per esser stato ultimamente 
attaccato délia gotta, non ha potuto finirlo per oggi, corne mi haveva fotto 
sperare. Non deverà perd tarder* molto per haverlo digià assaî avanzato e 
▼eramente è da rimarcare, che di tutti li 4 archittetti che haverano operato 
non vi n'é pur' uno libero di veoire costà in persona. Attendo sempre l'ay- 
Tiso délie riccevuta délie 4 statuette d*argento e délie 3 pezzi délie tappi- 
zerie.... e qui humilmente raccomandandomi alla sua persona, resto hu% 
dévot"* et oblig**, l'abbate Bbnkdbtti. Roma, i5 luglio 1664. i 

I. Bibl. nat., MéL. Colbbrt, vol. 122, n* 739. c Rome, 1664, 22 juillet. 
Il S. Pietro di Cortona per le sue incommodité non ha per ancora finito 
il suo disegno. Mi lo fa perd sperare presto, ne io lasso di sollecitarlo. » 

Ministère des Affaires étrangères, Rome, vol. 160, p. 219, n* 912. Bene- 
detti à M. de Lionne, c Rome, 1664, août. Il signor Pietro di Cortona per 
haver fatto assai stentire il soo [disegno], non mi pare che habbi poi fatto 
gran' cosa. » 

Bil. nat., Mtfu Colbebt, vol. I23, n* 4o5. — Rome, 1664, 19 août, c Per 
Fordinario seguente, il S. Pietro di Cortona mi fa sperare sicuro il suo. 
No so se li potrà compensare la tardanza con la bellezza del pensiero. i 

Ibid,, vol. 123 bis, n* 649. — Rome, 2 septembre 1664. c Dali* intendere 
che cossi non amino troppo Tornato, comincio a credere che il disegno del 
sig. Pietro di Cortona non sia per dispiacere. Vero è che non ha punto di 
quelle nobile bizzarria del Bernini. Perogni ordinario me Tha fatto sperare, 
ma il pover huomo stropiato délia gotta havendolo voluto tirare tutto di 
proprio pugno non sa venirne a fine. Mi dice che assolutamente me lo darà 
per oggi a otto, non è possibile soUicitarlo d'avantaggio. i 

Ibid,, n* 1012. —Rome, 1664, 23 septembre, c lo non so quello si foccia 
il sig. Pietro di Cortona, forse anco egli entrato in opinione che io porti il 
sig. cavalière Bernini; onde dubito che vogli mandare d'habbi mandati a 
dirrittura i suoi disegni, accid io non li possi far vedere qui al suddetto 
sig. cavalière ; si sarà questo, aspettarô che V. E. mi ordini se doverd dar- 
gli boetta di diamanti. 1 — Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 536, lettre de 
Benedetti du 3o septembre. 



176 LE BERNIN EN FRANCS. 

Mais, de toutes ces conceptions, une seule, tant par le renom de 
son auteur que par les relations quMl avait à la cour de France, 
par Tappui que lui prêtaient le nonce, le légat, Tabbé Benedetti, 
attirait Tattention, c'était celle du Bernin. Aussi attendait-on 
impatiemment de connaître Teffet que son travail produirait à 
Paris. 

iv. 

Le premier plan du Bbrnin. 

A dire vrai, les nouvelles de France tardaient à venir. Le plan 
avait été envoyé le 25 juin, et, à la fin de juillet, Tabbé Benedeni 
attendait avec curiosité de connaître l'opinion de Colbert et la 
réponse qu'il ferait à la lettre du Bernin ^ Le dessin était parvenu 
le 25 juillet, et, au commencement d'août, Hugues de Lionne 
en parlait en termes élogieux à Benedetti. c Deux lignes seule- 
ment, lui répondait en effet le 5 août Tabbé, pour rendre grâce à 
V. E. de Tannonce de l'arrivée du dessin du cavalier Bernin. La 
lettre que je reçois de M. G)lbert, en réponse à la mienne du 
7 juillet, ne mentionne rien que l'attente du courrier. J'ai été 
ravi de pouvoir avantageusement consoler le cavalier, en lui 
annonçant l'approbation qu'avait rencontré son projet; je ne sais 
s'il a nui aux deux autres que j'ai envoyés postérieurement et qui 
sont maintenant arrivés...^. » Colbert ne mettait en effet aucun 

1. Bibl. nat., MéL. Colbert, vol. 122, n» 739. — t Rome, 1664, 22 juil- 
let. Aspetto tratanto con curiosità d'intendere quelle se sarà passato delli 
3 già inviati [disegni] e délia varietà di essi. • 

2. Ministère des Affaires étrangères, corr. de Rome, vol. 160, p. 219, n» 112. 
Lettre de Benedetti à de Lionne. ~ Rome, 1664, 5 août c Queste due righe 
sarano solamente per rendere a V. Ë. affettuosissime gracie dell' awiso 
datomi, sopra il disegno del sig. cav. Bernino, poichè la lettera che tengodi 
M. Colbert non essendo che responsiva alla mia del 7, non contiene altro, 
se non che lo stava aspettando. Ho havuto grandissimo contento di potere 
air avantaggio consolare il s. cavalière con Tawiso dell* approvatione dell' 
8U0 pensiero, che non so se haverà prejudicato aile altri due che mandai 
dopo, e che a quest' hora potrano essere arriva ti. Spero che anco di questi, 
V. E. si sarà compiaciuta accennarmi il giuditio e cossi se ne sarà fatto, 
e di come sarano piaciuti a S. M. Il sig. Pietro di Cortona per haver fatto 
usiâi stentire il suo, non mi pare che habbi poi fatto gran' cosa. In fine si 
vede che la fantasie di questi virtuosi hanno délia poesia, che non sempre 
prtctive felciraente... » 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV, I77 

empressement à répondre, et le 25 juillet, il accusait simplement 
réception du dessin ^ Le Bernin était fort mortifié et se montrait 
au contraire très touché de Tapprobation de de Lionne*. Cette 
situation se prolongea plus d'un mois. Le 23 septembre, aucune 
observation sur le projet, aucune réponse n'étaient encore parve- 
nues 3. Benedetti craignait que l'artiste ne se fâchât : il s'étonnait 
du retard et pressait Colbert. Enfin, à la fin du mois, un courrier 
fit connaître la décision de la cour^. 

Elle dut causer à Benedetti, ainsi qu'au Bernin, une profonde 
désillusion. Benedetti paraît avoir cru, — ce qui semble bien avoir 
été, malgré Tappel fait à d'autres architeaes, le premier sentiment 
de Colbert, — que Ton voulait suivre les plans du Bernin; peut-être 
espérait-on même décider ce dernier à venir en France, car si^ au 
début des négociations, on exprimait le regret que tous les archi- 
tectes fussent tellement occupés qu'ils ne puissent venir en France, 
dès le mois d'août le beau -frère de Colbert, le marquis de 
Ménars, revenant de Naples et séjournant à Rome, écrivait au 
ministre, en réponse sans doute à une mission dont il avait été 
chargé : « Je voy souvent le chevalier Bernin; je fais mon pos- 
sible pour le faire venir à Paris, m'imaginant que vous le sou- 
haiteriés pour la satisfaction de S. M. Après Tavoir beaucoup prié, 
flatté et pris de toutes les manières, il m'a promis que, quand il 
auroit achevé un ouvrage qu'il fait à Saint-Pierre^, il viendroit 



1. Bibl. nat., MéL. Colbkrt, vol. i23, n* 4o5. — Rome, 1664, 19 août, 
c Monseigneur, intendo daUa lettera de V. E. de a5 del passato la ricevuta 
del disegno del sig. cav. Bernino, che haverebbe ben gradito qualche cenno, 
di corne fosse piaciuto almeno a prima vista al Re e a V. E., dalla cui 
benignità sperava anco ricevere due righe di risposta alla sua lettera. » 

2. Ministère des Affaires étrangères, corr. de Rome, vol. 160, p. 298, n* 258. 
Lettre de Benedetti à de Lionne. — Rome, 1664, 19 août, c ... Il s. cav. Ber- 
nino resta grandissimo obligato a V. E., poichè senza il cenno ch' ella si 
compiacque darmi, ch' era piacciuta a S. M. il di suo disegno del Lovere, 
non haverebbe ricevuto questa satisfactione délia lettera di M. Colbert, che 
non avviso altro che di haverlo havuto... i 

3. Bibl. nat., hAÉL. Colbert, vol. i23 bis, n* 10x2. — Rome, 1664, 23 sep- 
tembre, c Monseigneur, Attendo le osservationi sopra i disegni del sig. 
cavalière Bernini, ma vorre bene che venissero accompagnate de una cor- 
tese risposta di V. E. alla lettera, ch' egli già li scrisse, perche altrimenti 
non mi prometterd di lui gran* cosa. i 

4. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 336. 

5. Il s'agit certainement non de la colonnade, alors presque terminée, 
mais de la chaire de Saint-Pierre. 



l80 LE BERNIN BN FRANCE. 

ainsi toute la décoration de Lescot, et dans les angles du palais 
faire des cours intérieures destinées à éclairer les appartements. 

D après les c Observations sur les plans et élévations de la 
façade du Louvre envoyés de Rome par le cavalier Bemin, » on 
peut également esquisser, tant bien que mal, à dé&ut d^un véri- 
table plan, les principales lignes du projet. 

Point de combles, des terrasses à ciel ouvert, des galeries entou- 
rant toute la cour intérieure, les appartements du roi placés vers 
la façade orientale. 

Au rez-de-chaussée^ la façade était formée d^une galerie, c'est- 
à-dire probablement d'une série d'arcades ouvertes, comme au 
palais Barber i ni, de 4°i90 de large. 

Une grande salle ovale de 8"'82i3 de hauteur, sur 3 1 "'3648 et 
i9"6o3o de diamètre, devait servir pour la circulation et être flai- 
rée par les galeries environnantes. 

De chaque côté de cette salle s^ouvraient deux galeries condui- 
sant aux escaliers, qu'éclairaient deux petites cours de 7"84i2 de 
carré. 

Au premier étage, la disposition était qqasiment identique : 
une grande salle couverte correspondait sans doute à la grande 
galerie du bas et reliait les deux escaliers. Une salle ovale repro- 
duisait la pièce du rez-de-chaussée; deux grandes pièces de 
i7'"6427 de long sur i i^j6 1 8 de large, éclairées par la galerie et 
par les deux cours intérieures, et deux antichambres de i5"6824 
sur 9"8oi5 faisaient suite. Enfin, sur la cour, une galerie cou- 
verte permettait de circuler dans tous les appartements. 

De nombreuses objections furent faites à ce plan. La première 
était que le palais devait être non seulement commode, mais sûr, 
a estant le principal séjour des rois dans la plus grande et plus 
peuplée ville du monde, sujette à diverses révolutions. Il est 
nécessaire de bien observer que dans les temps fascheux qui 
arrivent presque toujours dans les minorités, non seulement les 

sia per dispiacere, ancor che non habbi la bizzaria c grandezza délia fac- 
ciata del Bernini. 

c In tine corne scrissi con le passate, potra V. E. c*ha buon gusto fara 
da ape, scogliendo da tutti questi pensieri quello che stimerà megliore. Cia- 
cun disegno haverà il suo discorso particolare, corne quello, che troverà ne 
disegni dcl s. cavalière e spero che intende cosi bene corne M. Le Vau. 

c II s. cavalière rende con le congiunte hum* gratie a S. M. del bel ritratto 
giocelloto, e si ratifica servitore de V. £. corne io mi rasegno, Monseigneur, 
suo hu** dévot"* et oblg— : Tabbate E. Benbdbtti. » 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l8l 

rois y puissent estre en seureté, mais mesme que la qualité de 
leur palais puisse servir à contenir les peuples dans l'obéissance 
qu'ilz leur doivent ; sans toutefois qu'il soit nécessaire de cons- 
truire pour cela une forteresse^ mais seulement d'observer que les 
entrées ne puissent estre facilement abordées et que toute la struc- 
ture imprime le respect dans Tesprit des peuples et leur laisse 
quelqu'impression de sa force ». De plus, on insistait sur la 
rigueur du climat, qui devait déterminer l'exposition des appar- 
tements, la nature des matériaux à employer et empêcher l'utilisa- 
tion de terrasses et de combles plats. Il semblait impossible de 
faire des terrasses et grandes galeries ouvertes, bien qu^à la rigueur 
on ait pu fermer de vitres et de croisées la galerie haute, et que 
l'usage des attiques permît de dissimuler les combles. Cela, toute- 
fois^ ne se pouvait faire pour la galerie adaptée à la petite cour, 
étant donné son étroitesse. 

Quant aux appartements, placés sur la face principale, il fallait 
observer que la saison d^hiver étant la plus longue^ c'était durant 
ce temps que l'appartement d'hiver serait habité, c'est-à-dire 
durant huit mois; d'autre part, l'excessive circulation aux abords 
du palais ne laisserait pas de tranquillité à ses habitants. 

Passant aux détails du plan, on reprochait à la galerie du rez- 
de-chaussée son étroitesse, qui rendait difficile un comble plat; on 
objectait que la pièce ovale ne pourrait servir que d'entrée, et que. 
ses dimensions diamétrales s*accorderaient difficilement avec 
rélévation du rez-de-chaussée (8"'82i3); en outre, cette pièce, 
éclairée seulement par les galeries environnantes, serait obscure ; 
il faudrait l'élever en dôme, ou tout au moins jusqu'au second 
étage, ce qui empêcherait d'y faire des appartements. La galerie 
droite conduisant aux escaliers rejetait ces derniers dans les 
angles; ils ne pourraient prendre jour qu'au travers de cette 
galerie ou des petites cours du milieu. Enfin, toutes ces pièces 
avaient l'inconvénient d'être obscures. 

Les dispositions du premier étage reproduisaient les mêmes 
défauts. La galerie correspondant à celle du rez-de-chaussée 
rendait tous les appartements sombres. Les grandes pièces de 
chaque côté de Tovale ne prendraient jour qu'à travers la galerie, 
les antichambres qu'à travers les petites cours, de même que toutes 
les pièces suivantes. La galerie intérieure existant le long de la 
cour devrait être fermée. 

« Pour toutes ces observations générales et paniculières, ajou- 



l82 LE BERNIN EN FRANCE. 

tait'On, Ton peut tirer une conséquence presque cenaine, que 
M. le cavalier Bernin n'a bien pensé qu*à la façade de ce magni- 
fique palais, laquelle est assurément superbe et magnifique, à 
l'exception de Tovale qui s'élève en couronne, qu'il seroit peut- 
être à propos de réformer par les raisons dittes cy-dessus. Ces 
observations sont envoyées audit sieur cavalier de la part du Roy, 
afin qu'il lui plaise revoir une seconde fois son dessin et le réfor- 
mer sur celles qui seront de ses goûts ^ s 

La formule était polie et eût pu ménager la susceptibilité d'un 
artiste ordinaire. Adressée à celui que l'on considérait et qui se 
regardait comme l'incarnation de Tart, comme le rénovateur du 
goût et de la beauté, elle le blessa profondément. Elle embarrassa 
surtout beaucoup tous ceux qui devaient la lui transmettre et qui 
ne songèrent peut-être pas que le désir de travailler pour le roi 
de France, d'augmenter sa renommée par un chef-d^œuvre des- 
tiné à éblouir et à confondre tous les architeaes français adouci- 
rait l'amertume du premier échec et déterminerait le Bernin^ dont 
la vanité n'était pas le moindre défaut, à se remettre à Toeuvre. 

Envoyées à la fin d'août, ces observations parvinrent à Rome 
avant le 3o septembre. Benedetti, en les recevant, les déclara dignes 
du grand jugement de Colbert ; mais n'osant ou ne voulant afifron- 
. ter la colère du Bernin, et dissimulant sa crainte sous le prétexte 
de donner plus de poids aux remarques en s'adjoignant un per- 
sonnage plus important que lui, il résolut d'attendre, pour les 
transmettre, le retour du cardinal Chigi, alors en France; le 
légat avait avec Colbert examiné le dessin envoyé par le Bernin, 
reçu les critiques et promis, à son retour à Rome, de les commu- 
niquer à l'artiste et de l'engager à entreprendre un second projet. 
Ce serait, semblait-il à Benedetti, un intermédiaire utile, alors 
surtout que la lettre écrite par le Bernin à Colbert en juin était 
demeurée jusqu'alors sans réponse*. 

Cette crainte toutefois était exagérée; car à cette même date, 
une missive, adressée le 3 octobre de Paris, allait arriver au Ber- 
nin. Le ministre s'excusait de n'avoir pas plutôt écrit « avant 
que le Roy n'eust curieusement examiné [le dessin] et m'en eût 
exprimé son sentiment. Et comme depuis peu S. M. m'a fait 
sçavoir que la beauté de vostre imagination répond parfaitement 



I . Clément, ouvrage cité, t. V, p. 246. 
a. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 336. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l83 

à cette grande et universelle réputation que vous avez acquise, je 
croirois faire tort au jugement d'un si grand prince, ainsi qu^à 
vous mesme, si je ne vous en donnois pas connoissance^ » 

L'arrivée du légat était annoncée pour le 9 octobre^; mais, en 
Tabsence du pape, non encore revenu à Rome, il gardait Tinco- 
gnito, avant de faire son entrée solennelle. Benedetti se disposait 
à rimportuner dès que sa rentrée serait officielle. Pour Tinstant, 
il se bornait à encourager le Bernin à travailler de nouveau au 
Louvre^. Finalement, devant le retard du pape, il se décida à lui 
remettre la lettre de Colbert, ce qui adoucit beaucoup Tbumeur 
du cavalier. Il lui exposa le désir du roi, mais pour faire plus 
d'eCTet, s'en remit au cardinal. Le cavalier, à toutes ces démonstra- 
tions aimables, répondait et répliquait que s*il eût su que Ton 
s'était adressé à d'autres qu^à lui, il n'y eût pas mis la main; 
assurément, il ne leur était pas supérieur, il était même, à son 
avis, le dernier de tous, mais il ne voulait pas travailler en 
concurrence*. 

1 . Fraschetti, ouvrage cité, p. 338, note a ; publié en italien. Cf. Ou Mes* 
nil, Histoire des plus célèbres amateurs français, t. II, p. 87. 

2. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 536. 

3. Bibl. nat., MéL. Colbkrt, vol. i25, n* 569. — Rome, 1664. 21 octobre, 
c II 8Îg. card. Chigi si trattene ancora incognito alla caoïpagnia, attendeodo 
che il papa ritorni in Roma, per farvi la sua solenne entrata. Sarô subito di 
S. EmzA, e fard ogni opéra, e anco* impegni il s. caval. Bernini a travagliar* 
di nuovo su' il disegno del Lovere, in conformità délie osservasioni inviati 
di V. El», i 

4. Ibid.f vol. 124, n* 53o. —Rome, 1664, 27 octobre, c Monseigneur, Ho 
resa al sig. caval* Bernini la lettera di V. E., e è restato molto adolcito 
nelP amarezza, che haveva concepita per il silentio di V. E. Gli ho acce- 
nato il desiderio del Re, ma per fare maggior* colpo neir animo suo, mi 
sono rimesso a quello gliene dira il sig. card* Chigi, con cui premerd per 
stringere il sig. cavalière a fare qualche nuovo travaglio. Torno a replicarmi 
che se havesse saputo, che altri délia professione havessero hayuta questa 
incumbenza, ch' egli assolutamente non vi haverebbe messe le mani ; che 
si stima il minimo de tutti, ma che non vuole travagliare a concorrenza. 
Reputo pero che sarà necessario se veramente volessi di lui, che si dichi- 
arino di fermarsi nel suo disegno, e veramente egl* ha più belle fantasie 
delli altri. 

c N. S. non è ancora ritomato délia campagna. Si attende puo* domanî 
o Taltro, e subito che il sig. card* Chigi si sarà reso visibile, sard a tro- 
varlo, e a trattenerlo su questo proposito. 

c II modello délia Dafhé è riuscito bellissimo, e taie riuscirà anco il 
gettito d'argento. Sarà un poco grandicello perche in piccolo non havrebbe 
fatto cosi beae, et al certo sarà pezza degna délie camere di S. M. Si V. E. 



184 LE BERNIN EN FRANCE. 

Cette explosion de mécontentement très sincère, sans aucun 
doute, ne tint pas longtemps devant les arguments du cardinal 
Cbigi. A peine, en effet, le pape fut-il revenu, que le légat sollicité 
par Benedetti remit au Bernin la liste des observations'. Tout 
d'abord, ce dernier s'emporta, déclarant qu'il y avait méprise, 
qu'il avait observé les règles de Part. Mais, Benedetti lui ayant 
déclaré que le roi désirait vivement le voir s^occuper d'un nou- 
veau dessin, il répliqua qu'il sentait vivement l'honneur que lui 
faisait S. M., qu'il devait lui obéir, comme à un ordre, et qu'il 
recommencerait un autre essai. Mais il ajouta qu^il serait abso- 
lument nécessaire qu'un de ses élèves allât à Paris expliquer de 
vive voix sa pensée et se rendre compte par lui-même de ce qui 
existait déjà^ Ces dispositions plus favorables s^accentuèrent 
encore lorsque le duc de Créquy lui eut de son côté, le i ^^ décembre, 
rendu visite. Le Bernin, à en croire Pambassadeur, se montra de 
prime abord fort scandalisé de la manière dont on en avait usé 
envers lui, des observations et des défauts que l'on y avait trouvé 
« plus qu^il ne fallait de pierres pour le bastir », et qu'au reste 
tous les architectes français blâmeraient toujours tout ce qui serait 
l'œuvre d'un italien. Ce flux de paroles écoulé, le duc essaya 
d'adoucir son chagrin, et, c l'ayant bien retourné j», obtint confir- 
mation de sa promesse d'exécuter un autre dessin'. Il ne consen- 
tait cependant qu'à faire un plan général, réservant, lorsque 

si compiacesse rimettermi un poco di denaro per questo lavoro, e per gli 
altri simili, che Taccompagnarono, mi sarebbe assai caro. Sto sempe ia 
pratica dei vasi. Hum. dévot, et oblg"' : Pabbate Bknkdetti. > 

1. Depping, t. IV, p. 538. — Bibl. nat., Mél. Colbbrt, vol. 12 5, n* 67 1. 

— Rome, 1664, II novembre, c Imediatamente che il sig. card'* Chigi si 
fece cognitOy fui a portargli i fogli délie osservationi di V. E. sopra il 
disegno del s. cavalière Bernini, et a rapprescntargli quanto ella confidava 
neir autorevole interpositionc di sua Em», per far proddurre al. sig. cava- 
lière qualche nuova parte delle sue bellissimc idée. Mi promese d*adoprarvi- 
si efficacemente et ho anche io cercato di andarvi disponendo questo vir- 
tuoso, che pare perô persista in credere di non essere per accertarne pen- 
siero più nobile c più magniûco. » — Ibid,y vol. i25, n* 5oi. — Rome, 
1664, 18 novembre. « Corne scrissi con leantecedenti, présentai al s. card* Chigi 
i! primo giorno che si fece visibilc le osservatione de V. E. inviatemi 
sopra il disegno del s. cavalière, e mi promisse dMmpiegare tutto il suo 
credito con questo virtuoso per farlo di nuovo operare, corne intcndo che 
ha già fetto, onde continuerô appresso il sig. cavalière le mie solicitationi. > 

— Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 538. 

2. Clément, ouvrage cité, t. V, p. 5oi. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. l85 

S. M. aurait ait son choix, de dresser des plans plus particuliers; 
pour cela, il demandait qu'on lui envoyât des plans exacts et de 
dimensions plus justes que ceux sur lesquels il avait tout d'abord 
travaillé, et qui, à son dire, étaient erronés. 



V. 

Le second plan du Bernin et les négociations relatives 
au voyage. 

Ce fut sur ces nouvelles bases quMl se remit au travail ^ . Dès la fin 
du mois de janvier i665, le dessin était achevé. Le 3 février, Tabbé 
Benedetti annonçait que le cardinal Chigi l'avait en mains'. Le 
ducdeCréquy, qui le vit, assurait qu'il était très beau. « Mais >, 
ajoutait-il, « je le trouve difficile à exécuter* ». Le 17 février, le 
cardinal le faisait envoyer au nonce à Paris, monsignor Roberti, 
par un courrier extraordinaire, c Le plan, disait Benedetti, est 
d'une symétrie très belle, extraordinaire et régulière, et comme 
c'est le fondement de tout l'édifice, il pourrait, bien exécuté, 
donner une œuvre magnifique. Mais, au, cas oîi il n^agréerait 
point, je crains qu'on ne puisse plus rien obtenir de ces artistes^. » 

1. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 538. 

2. Bibl. nat., MéL. Colbbkt, t. 127, n* 5 19. — Rome, i665, 3 février, 
c In fine ho saputo che il nuoyo di^egno del s. caval. Bernino è appresso 
del 8. card. Chigi. » 

3. Qément, ouvrage cité, t. V, p. 5oi, note 2. 

4. Bibl. nat., MéL. Colbbrt, t. 1%^ bis, n* 867. — Rome, i665, 17 fé- 
vrier, c Monseigneur, Spero che prima di ricevere la présente, V. E. haverà 
veduto il nuovo disegno del s. cav. Bernino, poiche il a. card* Chigi è 
restito di mandarlo con uno delli due straordinari, che si sta per rispe- 
dire a cotesta volta. L*ho indirezzo a Mons. Nuntio, a cui se ne manda anco 
un poco di dichiaratione. Ha qualche raporto al primo disegno, ma a mio 
parère assai megliorato, et in vero la forma, e simetria della planta sodisfa 
a pieno alP occhio; intendense egli, perd, non mostra sperarne gran' 
cosa, perche tiene, che cotesti sig. architetti non sieno mai per sodare il 
travaglio d'un forestière, e dal non essere présente a respondere aile oppo- 
sition!, che forse gli faranno, ne ritrahe che sarà stata in vano ogni sua 
fatica; gode nondimeno d'haverlo impiegato con desiderio di ben servire a si 
gran monarca. Et humilt« reverisco V. E. Hum% dévot; et obhig; Tabbate 
E. Benedbtti. Roraa, 17 febraio i665. » — Ibid., n* 887. a Awisai Taltro 
hier! a V. E. per via dell* ordinario come finalmente il s. card. Chigi 
mandava a Mons. Nuntio il nuovo disegno del s. cavalière Bernino, con uno 
delli due straordinarii che si stava su il risperdirli costà. Spero che questo 



l86 LB BKRNIN EN FRANCE. 

Le Bernin, en effet, ne se faisait pas d'illusion, craignant la j 
sie des arcbiteaes français et redoutant que son projet, mal ou 
point défendu, ne fût rejeté. 

Ce nouveau dessin différait sensiblement du premier. En pre- 
mier lieu, il semble bien que Parchitecte ait renoncé à la première 
façade, et que, dès ce moment, il ait adopté le projet qui fut 
quelques mois après gravé par Marot. S'il avait maintenu les 
doubles c loggie » dans la cour intérieure, il avait complètement 
modifié Paspect du palais. Trouvant que la forme carrée nuisait à 
la perspective, car, « par la raison de Poptique qui approche les 
objets directs et éloigne les obliques, eUe paroistroit plus large 
que longue », il en avait porté la longueur de i23'^4gig à 
I43<"9i34 de Pouest à Pest. Il ménageait ainsi la place de petites 
cours intérieures destinées à éclairer les escaliers, galeries et péris- 
tyles; les dimensions de ces petites cours étaient ainsi augmen- 
tées; dans le premier projet, elles avaient 7^^7960 de côté; dans le 
second, i5"'6824. Mais cette modification repoussait de beaucoup 
à Pest la façade regardant Saint-Germain-PAuxerrois et diminuait 
la place entre le palais et Péglise de 64°'3 1 70 à g'^Soi 3 ; en outre, 
les pavillons de milieu des deux ailes latérales ne se trouvaient 
plus en symétrie avec la cour. En outre, il élevait les murs du 
palais de 23"»4090 à 32°*3498. 

Le courrier chargé d'apporter les dessins arriva en France en 
mars, et, le lundi 16, les remit au destinataire. Roberti en fit 
part sans tarder à M. de Lionne, et sur le conseil de ce dernier 
les porta de suite au roi, qui le reçut dans son cabinet privé, où 
se trouvaient le maréchal de Villeroy, Colbert et deux autres 
membres du Conseil des finances. L'on commença de suite à dis- 
cuter sur les « loggie, » qui, disait-on, gâteraient les ornements de la 
cour intérieure. Le nonce répondait à toutes les objections, défen- 
dant le projet, répliquant que l'on pourrait fort bien les conser- 

darà maggior* sodisfatione del primo; se ben* il sud« sig. cavalière ha opi- 
nione, che già mai cotesti architctti saranno per sodare un travaglio d'un 
italiano. Vorebbe poter' essere présente a ribailere le evectioni, che forsc 
gli daranno, e perche ciô non puô essere, stima baver' servito inutilmente. 
Certo è che la simetria délia planta è molto bella, straordinaria e regolare, 
e corne che quella è il fundamento di tutto l'edificio, cosi si crcde che ben 
praticosa riuscerebbe una febrica assai magnifica. Si questo non aggrada, 
credo che potranno non attender' altro da questi nostri virtuosi. Ci sarà 
caso dMntendere i suoi scnsi, et humil* la rivcrisco. Hu"% dcv et oblg"** 
Tabbate E. BENEorm. Roma, ig febbraio i665. » 



LES TRAVAUX DU LOUVItB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 187 

▼er derrière les galeries. Ces dernières, ajoutait-il, si elles dimi- 
nuaient la cour, lui donnaient plus de proportion et d'élégance, 
et sunout plus de majesté. Mais l'absence du dessin dePélévation 
de la façade intérieure rendait ses explications fort difficiles, et il 
n'en put faire comprendre l'économie au roi, qui, n'en ayant 
jamais vu, ne pouvait se faire une idée de ce dont il s'agissait. 

En revanche, les dessins de la façade plurent excessivement à 
Louis XIV, qui les trouva fort beaux. Mais, un point arrêtait et 
étonnait, — dépense ou difficulté d'exécution, — à savoir l'obli- 
gation de relever tout le palais, bien que le nonce eut essayé de 
démontrer que l'épaisseur des murs était suffisante pour permettre 
ce travail, et que le relèvement des toits et des greniers coûterait 
peu de frais et de temps, ainsi qu'il en avait été à Rome pour 
les travaux exécutés au palais Pamphili, sur la place Navone. 
Enfin, le doublement des appartements nécessitait une importante 
modification. Sauf ces deux difficultés, considérables, il est vrai, 
le projet plaisait beaucoup. Le nonce expliqua tout ce qui était 
contenu dans le mémoire envoyé par le Bernin, et Louis XIV 
déclara qu'il le ferait traduire en français, voulant tout examiner. 
Il recommanda à monsignor Roberti d'aller avec Colbert voir le 
modèle en stuc du projet de Le Vau^ et, Tayant chargé de remer- 
cier le Bernin, le congédia. Le nonce se rendit quelques jours 
plus tard chez de Lionne, afin que le ministre décidât le roi à 
faire établir un devis du coût de l'élévation du palais. De Lionne, 
qui admirait fort le projet du Bernin, promit d'user de son 
crédit, malgré les architectes français, qui ne voulaient rien 
changer à l'ancien dessin. 

Le 18, un entretien plus long et plus serré eut lieu sur le 
même sujet entre le nonce et G)lbert. Le ministre reprochait 
la petitesse des escaliers, craignait que les petites cours envi- 
ronnantes ne servissent de « dépotoirs s; il déplorait l'obscurité 
des pièces des doubles appartements donnant sur les c loggie » et 
qu'éclairaient seulement les galeries couvertes, la dégradation 
des façades résultant de la superposition de ces galeries, Pétroi- 
tesse des portes de la façade principale et le peu de décoration de 
ces façades. Le nonce lui répondit que l'on pouvait facilement 
agrandir les escaliers, plus larges du reste que ceux qui existaient 
actuellement ; que, pour éviter la saleté des cours intérieures, il suf- 
firait d'y mettre des gardiens, ainsi que Ton faisait à Rome, que les 
pièces protégées par les galeries seraient excellentes par les temps 



l88 LE BBRNIN EN FRANCE. 

de chaleur, que les décorations actuellement existantes dans la 
cour étaient plutôt dignes d^orner le château d^un riche seigneur 
que le palais d^un grand roi, que les c loggie » doubles permettaient 
de diviser les pièces en autant d'appartements que Ton désirerait, et 
qu'il serait toujours possible d'agrandir la porte principale. Col- 
bert ayant remarqué que le projet de Tappartement double du 
côté de la Seine dégraderait le petit jardin de ce côté^ Roberti lui 
répondit que les Tuileries devaient seules être regardées comme 
le jardin du Louvre ^ 

I. Bîbl. nat., ms. ital. 2o83, p. 9. — c Ptrigi, 20 marzo id63. Luoedi 
mattina, fui poi a portare H disegni del Louvre a S. M., la quale mi ricevè 
nel suo cabinetto privatamente, essendovi andato in sottana e ferrajuolo. 
Vi trovai il maresciale de Villeroy, Monsu Colbert e due altri del Consiglio 
délie finanze. 

c Présentai a S. M. li dissegni in nome di V. E., e si comincio a discor- 
rere sopra la pianta. Furono dette quasi le medesime cote che M. Colbert 
già mi haveva accenate, corne avisai con l'ordinario passato. Una sola diffi- 
coltà de più si fece circa le loggie, che devono girare attorno al cortile, 
parendoli che guastassero gl* ornamenti che vi sono. Al che risposi che li 
ornamenti che sono nel cortile si potevano anco consenrare sotto gl' archi 
délie loggie. Fu poi detto, che dette loggie havrebbero ristretto il cortile, 
al che risposi che mi pareva tanto grande, che secondo appariva dalla 
pianta sarebbe restato proporttonato, e che con le loggie attomo, sarebbe 
riescito superbissimo; e qui mi stesi assai a rappresentargli quantopotei la 
vaghezza e nobiltà che portano le loggie in un cortile, ma il non essermi 
stata iuviata la facciata del cortile di dentro [quai supplicio immare] non 
potei far ben comprendere al Re la bellezza che renderebbe al cortile, per- 
che non havendone S. M. mai visto nessuno, no hà nella sua fantazia un 
ideà che possa rappresentargli una simil bellezza. 

c Si viddero poi i dissegni délie facciatc, che furono stimati bellissimi, 
et al Re piaquero assai. Una difficoltà sola s* incontro, la quai qui sbigotrisce 
assai, — non so per la spesa o per la difficoltà nel forlo, — secondo li dis- 
segni délie facciate, fu osservato che bisognava alzare tutto il Louvre. 
Questa cosa li sbigotisce, e ancor che io gli habbi rappresentato esser 
questa una cosa facilissima, perche le muraglie del Louvre sono sufficieoti 
per reggere il peso che vi si vuol mettere è d*avantaggio, e che Talzare li 
tetti e li soffitti era cosa di puoco tempo, e meno speza. Li diedi Tesempio 
di quel che haveva fatto Innocenzo X nel suo palazzo in piazza Navona. 
Con tutto ciô vedo che apprendono per una machina molto grande il 
dover alzare tutto il Louvre e non cssendo qui sotiti a fare simili fabriche, 
pare che li sbigottuica. L'altra difficoltà è, che facendosi gl' appartamenti 
doppii, che risguardano al di fuori, bisognarà mutarci qualche cosa di 
qucllo già si c fatto, et aggiongervi, ma per quelle potei accorgermissima 
cosa li da fastidio, che l'haver da alzare tutto il Louvre che é fatto. 

c Se queste duc difficoltà non li ritengono, al Re piace il dissegno quanto 
si possa desiderare. Dissi a S. M. tutto quello si conteneva nella memoria 



LES TRAVAUX OU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XTV. 189 

Finalement, après avoir parlé du style des portes, de la gran- 
deur des chambres, de Tarchitecture rustique de la façade, on en 
vînt à aborder la question de dépenses. « Je lui demandai, dit 
Roberti, ce que, à son avis, coûterait ce travail. Il me semble, 
répliqua G)lbert, que deux millions suffiraient. Je lui répondis 
avec étonnement : deux millions seulement? S. S. a dépensé seu- 
lement pour ia colonnade devant Saint- Pierre cinq millions, et 
c'est un simple ornement pour une place •. Finalement, on fit 
encadrer les dessins, pour les porter à S. M., dans des cadres 
dorés ^ 

inviatami, tanto circa la pianta, che circa le facciate ; e S. M. mi disse che 
rhavevi fatta mettere in francese et aggiongervi quelle havessi stimato 
bene, perche voleva considerare tutto, e che io mi fossi contentato di essere 
col. sig. Colbert a vedere il disegno e modello de Louvre già fatto, e doppo 
havermi comandato di ringraziare singolarmente V. E. del lavore, che gli 
haveva fatto, mi licentiai. 

c Io mandarô la memoria voltata in francese con qualche cosa di più, che 
stimo dover aggiongervi al sig. di Colbert forsi domenica : e un giorno di 
questa settimana sarô anco a vedere il modello o suo dissegno del Louvre 
già fatto, per vedere si possono superare le difiBcoItà che vi s'incontrano. 
Intanto essendo stato mercordi dal sign. di Lionne, et essendosi intrato 
a parlare delli disegni, quali sua Eccza lodo in estremo, Io pregai a persua- 
dere il Re a voler far vedere che cosa poteva importare la spesa, e quanto 
tempo vi sarebbe voisuto per alzare tutto il Louvre, secondo il dissegno, 
perche puol essere, che vi trovasserô manco spesa di quella apprendono, e 
vi volesse meno tempo di quel che credono, se perd che non haverà la 
cura non si accordera con quelli architetti, che non vogliono mutare il dise- 
gno antico. Il sig. di Lionne mi promise di voler passare opportunamente 
l'officio, che è quanto devo rappresentare ail* E. V. sopra questo partico- 
lare. 

€ \Au dos :] i665. Parigi, 20 marzo. Mens. Nunsio, sopra la fiabrica del 
Lovre. 9 

I. Bibl. nat., ms. itaL 2o83, p. 33i. — c Parigi, 23 marzo i665. Ricevei 
con Fordinario che gionse qui lunedi passato i disegni del Louvre, et 
havendone dato parte al sig. de Lione, questo mi disse che prima di por- 
targli al Re, sarebbe stato bene che io havessi comunicato il tutto col sig. 
de Colbert, e discorso seco di quest' a£Fari, essendo negotio che spetta 
solamente alla sua carica, che S. M. si riporta assai in questi affari 
aa E». 

c Fui perô mercordi doppo consegnato Io spaccio allô straordinario del 
sig. ambasciatore di Savoia, dal sig. di Colbert, e portai meco li disegni ; 
si discorse più di un hors e mezza sopra di essi. 

c Al ristretto del quel discorso, è il seguente... Si considero prima d'ogni 
cosa, la pianta, nella quale il s. di Colbert osservo, che le scale non gli 
pareva fossero di quella grandezza, che si desiderava, e che li cortili che le 
circondavano per illuminarle in risguardo délia quantité de lâche, e per 



igO LE BERNIN EN FRANCE. 

Le samedi 21^ enfin, cet examen se termina par la visite que 
Colbert et le nonce firent au modèle du Louvre en stuc, d'après 

essere in luogo a parte, sarebberô diventati luoghidi sporcitie. lo glt risposi, 
che quando le scali noa fossero parse de quella grandezza, che detidert- 
vano, si poterano aggrandire, mentre e cortili che le circondavano erano 
assai grandi, ma che alla vista e con il compasso che si prese, le scale 
riescivano assai grandi, e maggiori di quelli che presentamente yî sooo. 
Ma cid non si puote ben conoscere, perche ne lui, ne io sapevamo per Pap- 
punto regolare le misure di Roma con queste. Circa poi a quello haveva 
soggionto, che li cortile sarebberô diventati luoghi di sporcitie, H dissi che 
in Roma si remediava a questi disordini con le guardie, e con i scopatori. 
Osservo in oltre che sarebbe stato necessario, che oltre la sala grande w\ 
fossero deir altre sale pur grande, le quali potessero servire per i balli et 
altre feste, che sogliono farsi in corte, nelle quali suol'intervenire numéro 
grande di persone. Risposi che nel palazzo vi sarebberô state due grandi 
sale, c che se, se ne volessero far delP altre, quando le prime anticamere 
non siano giudicate sufficienti, si poteva nel fine delli appartement! dop- 
pii di due camere fiarne una sala, e potendo haver la porta su la loggia, che 
gira l'appartemento nobile, si sarebbe possuto entrare nella festa, senza pas- 
sare per le camere del principe. 

< Osservo anco, che se bene tutte le stanze del palazzo riescivano lumi- 
nose : con tutto cid le stanze dell' appartamento doppio, che risguardano 
nel cortile, non sarrebbero riescite cosi luminose come le altre, mentre 
devono havere avant! una loggia. Li risposi primieramente, che dovendo 
essere le loggie assai alte, et il cortile grandissimo, si lascierebbe assai di 
lume. In oltre li dissi, che se ben* in Parigi non faccia caldo, come in 
Roma, in ognimodo vi era anco qui qualche giorni di caldo e che queste 
camere sarebberô riescite ottime per quei giorni, et essendo nel fine delli 
appartemcnti, non solo non pregiudicavano alla bontà delli appartementi, 
ma riescivano di servitio. 

c Riflette finalmente nella detta pianta che facendosi due ordini di loggie 
nel cortile, sarebberô andati a maie gl* ornamenti e lavori, che sono già 
fatti nel cortile del Lovre. Io li rispose se voleva che gli parlassi liberal- 
mente o adulando. Mi soggionse che dicessi pur francamente il mio senti- 
menlo : gli dessi perô che gli ornamenti, che presentemente sono nel cor- 
tile del Louvre sarebberô belli per un cortile d'un palazzo di un cavaglier 
ricco, ma che per un palazzo d'un gran Re non erano a proposito, et 
havendomi lui detto, che il cortile, secondo il disegno antico del Louvre 
doveva essere lo quarta parte di quello che presentamente si fara, li sog- 
gionsi come vuol V. E>a, che quelli ornamenti che erano proportionati ad 
un cortile piccolo, possino riescire bene, et addattati ad' un cortile tre volte 
piu grande. 

c Gli mostrai poi il filo délie porte, e perche sdche secondo la moda non 
vien* approvato, gli dessi che nelle camere et appartemcnti del Re sarebbe 
riescite bene, perche non vi e mai freddo e cosi ancô se le camere li pmres- 
sero troppo grandi secondo il climà, potevano sempre le camere grandi 
farsi piccole, ma le piccole non si potevano far grandi. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. I9I 

le projet de Le Vau. Ce fut alors le nonce qui présenta les obser- 
vations sur la hauteur de la façade^ sur les pavillons mis au 
milieu de la façade, sur les galeries accolées aux côtés latéraux de la 
cour et s'arrétant au premier étage; puis il fit déplier les plans 
du Bernin et en démontra la supériorité. Les colonnes de la façade 

« Li fecî osservare la comodità grande che portavano le due loggie di sotto 
e di sopra, non solo per poter andare al coperto attorno al cortile, ma 
anco per poter dividere le catnere in quanti appartamenti ai vogliono, c 
finalmente li fisci oaeervare tutto qucUo vien notato aella scrittura invia- 
tami. 

c Si presero poi i disegni délie focciate di fuori; li parvero belle evaghe. 
Noto solamente che la porta li pareva picola, non easendo più larga délie 
ûnestre di mezzo, secondo la misura che ne faccemmo coo il compasao. 
A questo risposi focilmente, che quando si fosse veduta stretta, si poteva 
sempre slargare. Li parve anco, che fosse puoco ornata. Li feci osservare 
che seguitava il rustico, corne era il piano terreno. Mi disse che havrebbe 
Tolsuto mettere sopra la porta o statua o cifra in memoria del Ré présente. 
Osservo ancora che il risalto che fa nelP appartemento doppioche risguarda 
verso in fiume havrebbe guasto un piccolo giardino, che vi è. Ma io gli 
dissi, che il giardino di questo palazzo doveva essere le Tuilerie, e che si 
bene io non havevo visto questo piccolo giardino, al quel che si vedeva di 
fuori, doveva essere una piccola cosa. 

< Nel fine, ci accorgemmo, che ci mancava il dissegno délie facciate di den- 
tro del cortile, poiche io credevo che gia fossero state inviate con li disse- 
gni antécédent! : et il s. de Colbert si credeva, che le havessi io. Onde si 
trovo, che ne l'uno ne Paltro le havevamo, e perd sarà necessario che il s. 
cavalière Bernini le mandi. Entrai poi io apposta a discorrere délia spesa, 
e domandadogli che cosa credeva sarebbe importata questa fiibrica. Per- 
denni assai mi disse che sarebbe importata due millioni de franchi. Io 
gli risposi con meraviglia : non piû che due millioni di franchi i S. San- 
ttta a speso solo nel teatro avanti S. Pietro cinque millioni di fran- 
chi, e non serve che per un ornamento ad una piazza. Queste sorte di 
fabriche sono quelle che differentiano una cSttA dall* altra. Conobbl, che ne 
rimase sorpreso, e mi disse : il Ré hon havrà risguardo a qualcunque 
spesa. Si rimase finalmente dl concerto di far tirare i dissegni in quadretti 
per portargli a S. M. et di già io gli ho dati ad accommodare, e ho ordinato 
di fargli cornici dorate in maniera, che possino andare in buona forma nelle 
mani del Re, eo S. M. possa attaccargli nel suo cabinetto per vedergli sem- 
pre; accio non possa esser ingannato, quando se esseguiscano. Subito, che 
saranno finiti, sard dal Ré, e credo vi sara il s. Colbert. Io non lasciard di 
iargli ben comprendere e spianare quelle difficoltà, a quali sarô capace di 
poter rispondere. 

c Credo che prima di portargli al Re, il s. di Colbert voglia condurmi a 
▼edere tutto il Louvre. Che quanto posso presentamente rappresentare a 
V. E., quai non lasciard a suo tempo dt ragnagllare di tutto quello occor* 
rerA. s 
[Écriture du nonce.] 



192 LE BERNIN EN FRANCE. 

épouvantaient Colbert, qui les jugeait disproportionnées et trop 
grandes^ plus même, disait-il, que celles de la colonnade de Saint- 
Pierre. Le nonce lui démontra qu'elles étaient semblables à celles 
de Le Vau, mais transportées au premier étage au lieu du rez- 
de-chaussée. Puis on revint sur la hauteur des murs, et, pour 
terminer, le nonce obtint de Colbert de &ire &ire un modèle 
conforme au dessin du Bernin^ 

Peu de jours après ces diverses conférences, on rédigea un 
mémoire ou « Observations qui ont esté faites sur le beau dessin 

I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. i. — c Parigi, 27 marzo i665. Fui sabbato 
mattina col sign. de Colbert a vedere il modello de! palazzo del Louvre, 
conforme S. M. mi haveva accennato. 

« Al primo aspeno, mi comparve la Aicciata di un altessa assaî compé- 
tente ; ma quando si ossenrô, hanno nel modello messa tutta l'altezza, che 
va nel fosso o nel fondamento. Ho avertii il signor de Colbert, e gli dissi, 
che per vedere la facciata di un palazzo, se erà sufficiatemente altt, biso- 
gnava pigliare il piano délia strada. O^de il signor di Colbert moEtrando 
di non ci baver fatto reflessione, ordino in mia presenza a un suo comesso 
che erali, che dovesse far mettere una tavola, che coprisse attorno tutto 
quello resta ne fossi o ne fondamenti. 

c Feci osservare al sig. Colbert, che quel padiglione, che hanno fatto in 
mezzo era una cosa da se, che non aveva connessione con* alcun* altra parte 
del palazzo, e quelle piccoli padiglioni che hanno fotti alli caotoni si ras- 
simigliavano più tosto a campanili. La facciata per la lunghezza ries- 
civa bassa. 

a Dentro poi il cortile, secondo il modello, hanno le loggie dalle due parti 
latéral], ma aile focciate divanzi e di dietro del palazzo non seguiva Tordine 
di queste loggie, le quali non sono che al piano terreno, restando di sopra 
scoperte. 

c Li dissi, che non m*intendevo di archittetura, ma che non haveva visto 
in Roma, ne nel Collegio Romano, ne in altre fabriche nobili, che le log- 
gie non girino tutt' attorno, e che quelli piccoli ornamenti, che si mettono 
nelle facciate, secondo il parère del sig. cavaglier Bernini sono più proprii 
per un cabinetto, che per le facciate di un gran palazzo. 

c Doppo essersi discorso un petto sopra il modello, lo pregai a mandare 
a prendere li dissegni del sig. cavaglier Bernini per vedergli in compara- 
tione. Mando il signor di Colbert a prendergli nelle camere del Rè, e essen- 
dosi considerati e veduti in comparatione del modello, non puote far di 
meno di non confessare, che erano molto più belli. 

c Comincio poi a dirmi le difficoltà, che gli erano state suggerite, quali 
erano in una memoria, che aveva in mano, e veramente ci accorgemmo 
che erano dettate dclla malignita. La prima difficoltà, che mi disse che fu 
che le colonne délia facciata del dissegno sarebbero state sproportionala- 
mente grandi, mentre dovrebbero esser molto maggiori di quelle, che sono 
nel teatro davanti san Pietro. lo li risposi che non era pericolo, che nel 



LES TRAVAUX DD LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. IqS 

du bastiment du Louvre envoyé au Roy par M. le cavalier Ber^ 
nin. > a II est certain^ y disait-on, qu'il n'y a rien de plus beau, 
de plus grand et de plus magnifique que ce dessin et qui ayt 
plus de rapporta la grandeur des rois pour lesquels il est destiné. 
On pourroit mesme dire avec vérité que jamais les anciens Grecs 
et Romains n'ont rien inventé qui eust plus de goust de la belle 
architecture et qui eust en mesme temps plus de grandeur et plus 
de majesté, en sorte que l'exécution de ce dessin apportera assuré- 
ment toute la commodité et la grandeur que l'on peut attendre et 
beaucoup de gloire au roy d'avoir achevé un si grand et si 

dissegno vi potesse estere sproportîone alcuna, mentre sono errori da non 
potersi commettere dal sig. cavalière Bernino. Poi casualmente ci accor- 
gemmo, che per Tappunto, erano délia medesitna grandezza e grossezza di 
quelle del modelio, e non vi era altra differenza, se non che quelle colonne, 
che nel modello si mettono dal piano délia strada sin' al primo apparta- 
mento, il sig. cavalière Bernino nel suo disegno le mette dal primo appar- 
tamento al secondo. E da se stesso sdolse una difficoltà, che li havevano 
fatta, cioè, che vi sarebbe volsata un' infinità di scalini per salire al secondo 
piano; easendosi accorso che li piani, non si sono mutati, ma solo si alza 
il secondo piano, e se gli aggiunge la comice. 

€ Mi disse anco che il dissegno del sig. cavalière Bernini è più longo 
délia planta del sito, che si è mandata al medesimo sig. cavalière, circa 
venti tese. lo gli risposto, che mi pareva strano, che il sig. cavalière 
Bernino havesse fotto un dissegno di un palazzo più longo, che non è la 
planta del sito dato, ma che in ogni caso, quando vi fosse stato qualche 
errore, si poteva facilmente rimediare e riddurlo alla grandezza del sito. 

c La difficoltà, la quale a lui pare insuperabile, è di haver da alzare 
tutto il Louvre, che è fiitto. lo gli dissi, che non sapeva quello si potesse 
praticare qui, ma che in Roma si sarebbe alzato in puoco tempo e senza 
gran spesa. 

€ Finalmente, lo persuasi a far fare un modello conforme al dissegno del 
sig. cavalière Bernino, perche cosi S. M. havrebbe possuto conoscere meglio 
la dififerenza fra la fabrica, che si fa, e quella che vorebbe fare il cavalière 
Bernini. 

c II sig. di Colbert me disse, che lo voleva fiir fore, e prima di prender 
Tultima risolutione sopra questa frabrica, voleva che il Re vedesse questo 
modello. 

« Lo pregai anche, acciô fosse S. M. meglio servita a voler for mettere 
in carta le difficoltà, che si oppongono a questo dissegno, mentre per altro 
da tutti vien stimato bellissimo, perche in quesu maniera si vedrà meglio 
che fondamento habbino, e si scioglieranno con maggior facilita. 

c Se me le darà, a quello ch'io saprd rispondere, risponderô; per Taltra 
l'inviarid à V. E. 

c Che è quanto posso rappresentare per hora sopra questo particolare. 

[il II do» :] i663. Parigi, 27 marzo. Mons. Nunzio. Relatione sopra la 
fobrica de Lovre. » 

nin. XXXI. i3 



194 LE BERNIN EN FRANCE. 

superbe ouvrage, à laquelle le s. cavalier Bemin aura toute k 
part que mérite son grand génie. Et encore qu'il n*y ayt qu'à 
admirer dans tout ce dessin, néanmoins, comme il y a toujours 
dans un si grand projet, beaucoup de choses qui dépendent ou de 
Testât des lieux, ou du climat, ou de la volonté des princes pour 
lesquels ces superbes édifices sont destinés et dont il est nécessaire 
que l'architecte soit bien informé, afin de régler ses belles pensées 
sur ce fondement, ou de faire connoistre par de bonnes et solides 
raisons qu'il y a fait réflexion, mais qu'il ne sera pas estimées 
assez fortes pour l'obliger d'y avoir égards., S. M. a ordonné de 
dresser ce présent mémoire, contenant les observations qu^elle 
estime de besoin estre faites, soit sur Pestât des lieux, soit sur le 
climat, soit sur sa volonté, afin que le cavalier Bemin y fiisse les 
réflexions qu^il estimera nécessaires. > 

On prenait soin de rappeler que le Louvre avait été commencé 
sous Henri II et continué sous Louis XIII. Ces deux princes 
avaient fait construire la moitié de l'un des côtés du midi regar- 
dant la Seine et une moitié de la face du couchant. Louis XIII 
avait terminé cette façade, et Louis XIV avait fait achever le côté 
de la rivière, la moitié du côté vers POratoire et commencer les 
fondations du reste du carré, alors élevées presque jusqu'au pre- 
mier étage. 

Puis on esquissait brièvement l'architecture et la description 
du palais, donnant les dimensions de la cour du Louvre, de la 
décoration des façades, de la hauteur des murs, de la distance 
entre le fossé méridional et la Seine (40°*9878), entre le fossé 
oriental et Saint-Germain-l'Auxerrois (64"6899). Revenant sur 
les questions de climat, on montrait qu'il fallait à Paris se garan- 
tir du froid plus que du chaud, qu'il était par suite impossible 
de maintenir des terrasses et même des combles plats; mais on 
insistait surtout sur le désir du roi de « conserver en leur entier 
les parties du grand bastiment qui ont esté eslevées par les rois 
ses prédécesseurs, et qu'elle-même a eslevées sur les premiers des- 
sins faits du temps des premiers hommes du monde qui ont retiré 
l'architecture du tombeau oti la barbarie des Goths et les siècles 
qui les ont suivis l'avoient ensevelie. » 

A la suite de ces remarques générales venaient les observations 
particulières, tant sur rallongement de la cour centrale, qui 
nécessiterait la démolition de Saint-Germain-l'Auxerrois, tant sur 
la symétrie des dômes et des façades latérales, que sur la hauteur de 



LES TRAVAUX DU LOUVRE BT LES STATUES DE LOUIS XIV. IqS 

ces dernières, ce qui empêcherait le soleil de pénétrer dans les 
cours et rendrait par suite les appartements insalubres et obscurs. 

Cependant, on ne condamnait pas le projet du Bernin : 
c Quoyque ces observations soyent assez importantes, ajoutait-on, 
le Roy ne laisse pas d'estre persuadé que, si Ton pouvoit les faire 
entendre de vive voix et sur les lieux à M. le cavalier Bernin, il 
donneroit tant de bonnes et justes raisons pour les détruire que 
S. M. demeureroit persuadée, non seulement de la beauté et 
magnificence de son dessin, comme elle Test desjà, mais mesme 
de sa commodité, et encore que quelques-unes de ces observations 
luy paroissent assez considérables pour obliger de s'y accommo- 
der, il le pourroit faire sans rien altérer de la beauté et grandeur 
de son dessina » 

L^oi\ pensait ainsi à reprendre et à mettre à exécution le pro- 
jet depuis longtemps déjà formé, à savoir de faire venir à 
Paris le Bernin, afin de discuter avec lui le plan du Louvre. 
On songeait à le charger d'importants travaux, et à utili- 
ser son talent de sculpteur en lui faisant exécuter une sta- 
tue du roi '. Bien que de nombreuses objeaions aient été faites 
à son projet, Timpossibilité de s*entendre avec les autres archi- 
tectes tant français qu'italiens obligeait à s'en tenir à son des- 
sin. Les lignes essentielles en étant adoptées, la discussion por- 
tant sur des points de détail, il n^aurait sans doute pas la même 
répugnance qu'au mois de septembre à modifier son travail, 
surtout si on lui laissait entrevoir les avantages à retirer de ce 
voyage. Mais, pour être plus assuré de la réussite de l'entre- 
prise qui déjà en 1643 et en i66a avait échoué, Louis XIV; en 
renvoyant les observations sur le projet, écrivit à la fois à l'artiste 
et au pape Alexandre VIL 

Le 10 avril, plusieurs lettres furent adressées à Rome. La pre- 
mière était destinée au cardinal Chigi : « Mon cousin^ disait le 
Roi, je prends la liberté d'écrire à S. S. pour la remercier des 
plans que le cavalier Bernin a faits pour mon bastiment du 
Louvre et pour la supplier aussy de luy vouloir commander 
qu^il vienne faire un tour sur ces lieux pour y couronner son 

1. Qément, t. V, p. 264. 

2. Fraschettt, ouvrage cité, p. 340, n. 2. Lettre de Caprara au duc de 
Modène : € ... il Re lo domanda a S. S. Si crede che oltre Tarchitettura vogliano 
senrersi de lui per far qualche statua. » 



ig6 LE BERNIN EN FRANCE. 

ouvrage. Comme j'espère que Sa Sainteté voudra bien donner cet 
ordre, j*ai envoyé les miens par advance, afin qu'en entrant dans 
mon royaume, il commence à recevoir les marques de la considé- 
ration que je fais de son mérite par la manière dont il sera traité; 
nous sommes obligé de si bonne grâce, en ce qui est des mêmes 
plans, que je ne puis que me promettre de la continuation de vos 
bons offices, auprès de S. S. le succès de ma prière*. » 

Le même jour, Colben écrivait de son côté au Bernin, en lui 
renvoyant les dessins avec les observations; il lui mandait les 
démarches du roi auprès du pape et le priait de ne point marquer 
d'opposition au voyage projeté^. Cette lettre précédait de quelques 
heures celle que Louis XIV adressait le 1 1 avril au Bernin par 
courrier spécial. « Je fais, écrivait le roi, une estime si grande de 
vostre mérite, que j'ay un grand désir de voir et de connoistre 
une personne aussy illustre, pourvu que ce que je souhaite se 
puisse accorder avec le service que vous devez à N. S. P. le pape, 
et avec vostre commodité particulière. Je vous envoie, en consé- 
quence, ce courrier exprès, par lequel je vous prie de me donner 
cette satisfaction et de vouloir bien entreprendre le voyage de 
France, prenant l'occasion favorable qui se présente du retour de 
mon cousin, le duc de Créquy, ambassadeur extraordinaire, qui 
vous fera savoir plus particulièrement le sujet qui me fait désirer 
de vous voir et de vous entretenir des beaux dessins que vous 
m'avez envoyés pour le bastiment du Louvre'. » 

Le i8, le roi demandait au pape l'autorisation nécessaire*, et, 
le 23, Alexandre Vil autorisait le Bernin à quitter Rome pour 
trois mois et à servir le roi de France'*. 

Il ne paraît pas que Tartiste ait opposé grande résistance aux 
sollicitations du roi et aux ordres du pape. N'était-ce pas pour lui 
Toccasion d'ajouter un fleuron à sa gloire, d'écraser de sa supé- 
riorité les architectes français et d'immortaliser son nom en cons- 
truisant le palais du plus grand roi qui fût alors? L*émotion 
même qui s'empara de tous les Romains à l'annonce de son départ 
était bien faite pour augmenter son orgueil naturel, aussi bien 
que l'impatience fiévreuse avec laquelle on attendait en France le 

1. Bibl. nat., Hûl. Colbert, vol. 128 bis, n* 809. 

2. Fraschetti, ouvrage cité, p. SSg, n. 2. 

3. Clément, t. V, p. 271. 

4. Ibid,^ p. 5o5. 

5. Ibid. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XTV. I97 

résultat de la démarche tentée auprès du pape. « On attend avec 
curiosité, écrivait le 24 avril Vigarani au duc de Modène, la 
réponse du courrier envoyé ces jours derniers à Rome pour déci- 
der le cavalier Bernin à venir en France, afin de mettre un terme 
aux désordres et aux sottises provoquées par l'ignorance de cet 
architecte qui a fait les dessins du Louvre. S. M. et M. Colben 
trouvent que c'est gaspiller l'argent que d'exécuter éternellement 
les dessins d'un homme sans théorie et sans pratique. Les propo- 
sitions faites au Bernin le décideront facilement à venir, bien 
qu'il soit vieux et fatigué. S. M. lui envoie 1 0^000 écus pour le 
seul voyage et a ordonné à M. de Créquy de le conduire, si le 
Bernin le désirait, sur les galères royales au retour, et de le 
défrayer de tout, lui et sa suite. En outre, on lui a promis que 
défense serait faite à tous les architectes de ne point dire un mot 
contraire à ses pensées, que Ton exécutera comme s'il s'agissait 
d'une construction particulière*. » ^ 

Louis XIV ne ménageait rien en efifet pour séduire l'esprit 
orgueilleux de l'artiste. Il lui envoyait un courrier de la cour, 
Mancini, accompagné d'un fourrier, et lui faisait remettre une 
somme de 3o,ooo 1.'. 

Flatté de tels procédés, confiant dans sa valeur, encouragé par 
ses amis, qui lui assuraient que Paris ne serait pas un moindre 
théâtre de son génie que ne Tétait Rome, le Bernin se décida 
à partir, accompagné de son second fils, Paolo, âgé de dix- 
huit ans, de Matthia de Rossi et de Giulio Cartari, ses élèves, 
de Cosimo Scarlatti, son maître d'hôtel, de trois familiers, du 
sieur Mancini et d'un fourrier, espérant confondre les architectes 
français et construire, lui étranger au pays, ignorant ses cou- 
tumes et ses besoins, le palais du plus puissant des monarques. 



1. Fraschetti, ouvrage cité, p. 340. 

2. Guififirey, ùuvrtige cité, p. 61. 



198 LE BERNIN EN FRANCE. 

CHAPITRE II. 

LE SÉJOUR DU BERNIN EN FRANCE. 

I. 

Le voyage et l'arrivée a Parts. 

Ce fut le 29 avril i665 que le cavalier se mit en route, accom- 
pagné des regrets et des craintes de sa famille et de tous les 
Romains. On redoutait, d'une part, les fatigues d^un long voyage 
et d*un changement de climat, de nourriture, d'habitudes pour 
le vieillard, âgé de soixante-sept ans, mais on escomptait, d'autre 
pan, comme un honneur national, la gloire et le profit qu'il reti- 
rerait de cette distinction. N^était-ce pas, en effet, une grande 
victoire pour l'Italie et pour Rome en particulier, que de voir le 
roi de France, vainqueur de TEmpire et de TEspagne, appeler 
pour construire le plus important des palais, et qui devait abriter 
sa gloire et témoigner de la grandeur de son règne, le plus célèbre 
des artistes italiens de l'époque? Ces sentiments agitaient les 
Romains tout autant que le Bernin, et furent ressentis sans 
nul doute par tous les pays où l'artiste passa avant de pénétrer 
en France. 

La petite troupe suivit la route de Sienne, par Viterbe, et Bol- 
sène, cheminant avec précaution, pour ménager la santé chance- 
lante du Bernin, atteint d'une assez grave maladie de la vessie. Au 
passage d'une rivière, à Radicofani, un événement Jaillit marquer 
d'une manière tragique le voyage : Cosimo Scarlatti pensa, par 
suite d'un brusque écart de son cheval, cheoir dans le fleuve *. On 
en fut, heureusement, quitte pour la peur, et l'on atteignit bientôt 
Sienne. On y accomplissait, sur Tordre d'Alexandre VII, et sous 
la direction du Bernin, d'importants travaux à la chapelle Chigi, 
dans la cathédrale. Aussi s'y arréta-t-on pour recevoir Thospi- 
talité du neveu du pape, don Mario Chigi. Puis on se mit en 
route pour Florence. 

I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 167. Sienne, x665, i" mai. — « Hl"* et 
rev~ sig» et padrone col"* : Gli do parte come siamo arivati alla citi di 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS ZIV. I99 

L'accueil du grand-duc Ferdinand de Médicis y fut des plus 
chaleureux. Le majordome du palais, Gabriele Ricardi, marquis 
de Rivalta, alla, sur Tordre de son souverain, recevoir le Bernin 
avec les voitures de la cour. Il le logea dans le palais du marquis 
Galeas Giustini, via Valfonda; le duc reçut afbblement Tartiste, 
et, lors de son départ, mit une litière à sa disposition, jusqu'à la 
sortie de ses États * . Gravissant alors les pentes escarpées de l'Apen- 
nin, on se mit en marche pour Bologne; mais, avant que d'y 
arriver, il fallut faire halte dans un hameau, Scarica Vasino. Or, 
Tauberge ne contenait même pas une chambre oti Ton pût loger 
le cavalier. Par bonheur, alors que Ton s'ingéniait à s'orga- 
niser pour la nuit, on se souvint qu'il y avait, en ce lieu, un 
couvent de moines Grégoriens. Architeae pontifical, le Bernin 
n'hésita pas à leur demander l'hospitalité. Trop heureux d'abri- 
ter un hôte aussi illustre, Tabbé s'empressait autour de ces voya- 
geurs de marque^ quand, par surcroit, arriva l'abbé Rospigliosi^ 
en route pour PAllemagne. On dîna en commun; le repas était 
excellent; on y fit honneur, et l'on apprécia à son prix la douceur 
des lits^. Le 5 mai, on entra à Bologne, et, sans s'y attarder, on 

Siena con buonissima salute et alegîramente. Non habiamo hauto altro dis- 
turbo solo che hieri giovedi alla hora di pranzo, prese il suo solito dolore 
di reni al sig. cavalière nostro; ma con Tajuto dd sig. Iddîo subbito gli 
paasô, et bora se la passa assai bene, et cercamo di farlo stare allegramente. 
Questa mattina il sig. cavalière ha pranzato con il sig. don Mario Chigi, 
e poi siamo partiti alla Tolta di Firenze, dove domani a buonissim* hora 
arrivaremo. 

c Mercordi doppo il pranzo nel passare che si fece un fiume tracentino 
a Radicofani, Cosimo Scarlatti cavalcava un cavallo morello, e nell* istesao 
tempo passô uno che menava il cavallo di monsù Mancino a mano, et si 
avento alla yista del cavallo di Cosimo, et lo gettô nell' aqua' al quale subbito 
coressimo ajutarlo, et vedendo che non si era fiatto maie alcuno, tutti se la 
passasimo in una bonissima risata. Non altro; faccio a V. S. il»* humilia- 
sima riverenza. Di Sinena, questo di primo maggio i663. Di V. S. 11»», dévot"* 
et oblige servitore vero : Matthia db Rossi. — Il sig. cavalière et il sig. Paolo 
non scriveno, perche non anno che dire, e lassano scrivere a me, e se V. S. 
ilmft vole respondere, puole inviare le lettere i Milano. » 

I. Fraschetti, ouvrage citéf p. 340-341. 

3. Bibl. nat., ms. ital. io83, p. 57. Bologne, i663, b mai. — c III** et 
rev~ sig* et padrone col"*. Do parte a V. S. ill"« corne siamo giunti in 
Bologna a salvamento, con Taiuto del sig. Iddio et allegramente, e domani 
partiremo alla volta di Milano. Hieri sera arrivassimo a loggiare a un 
lochetto detto Scarica TAsino, nel quale non vi era nemeno una stanza da 
potere allogiare il sig. cavalière nostro. S* incontrô la bona (brtuna che vi 



200 LE BBRNIN BN FRANCE. 

se dirigea vers Milan, en évitant Modëne, malgré les pressantes 
sollicitations du duc. Le cavalier craignait d'y demeurer trop 
longtemps et préféra différer son séjour*. Il entra alors dans 
les domaines du comte de Savoie, et, à Turin, à Saint-Jean- 
de-Maurienne, à Aiguebelle, à Chambéry, Taccueil de Charles- 
Emmanuel rivalisa dignement avec Phospitalité Êistueuse du duc 
de Toscane^. Au sortir de Savoie, le Bernin quitta l'Italie pour 
entrer en France. 

La première localité qu'il traversa fut Pont -de -Beau voi- 
sin '. Les officiers municipaux l'attendaient, conformément aux 
ordres qu'ils avaient reçus. Ix>uis XIV entendait en effet que 
le célèbre artiste fût traité avec les mêmes honneurs qu'un prince 
du sang ou qu'un ambassadeur extraordinaire. Tout avait été soi- 
gneusement préparé à cet effet^. Un maître d'hôtel de la maison 
du roi, Esbaupin, avait été dép&:hé à Lyon, avec divers officiers, 
a pour le service de M. le cavalier Bernin*. » Le long de la route, 

era un convento di tnonaci dell' ordine de S. Gregorio, alli quali andas- 
aimo a domandare una stanza per il sig. cavalière, e a'incontrô bona fortuna 
che ¥1 era il padre abate, il quale subito ricevé il sig. cavalière nel covento, 
e nell' istesso tempo arrivé il sig. abate Rospigliosi, che veniva da Roma, e 
andava alla volta di Germania, il quale anco lui allogiô oel medemo 
convento, e la sera cenorno asaieme, dove il padre abate li fece una sontuis- 
aima cena, e anco benissimi letti per reposare la notte. E questo é quanto 
derô a V. S. ill»a, supplicandola voglia pregare il sig. Iddio per la salute de 
tutti, e ci raccomandiamo aile sue oratione. Mi farà gratia fore una racco- 
mandatione al sig. Luigt Bernino et dirgli che io spessô mi recordo di lui, 
facendoli per fine humilissima riverenza, salutando tutti di sua casa. Di 
Bologna, questo di 5 maggio i665; di V. S. illma et revma, dev"* e oblige 
servitore vero : Matthia de Rossi. > 

1. Fraschetti, ouvrage cité, p. 340, n. 2. 

2. Ibid., p. 341. 

3. Pont-de-Beauvoisin (le) (Savoie, arr. de Chambéry). 

4. Mémoires de Ch. Perrault (éd. P. Lacroix), p. 49. 

5. Clément, t. V, p. 5o6. — Bibl. nat., ms. ital. 2o33, p. i25 : t Lyon, 
i665, 21 mai. Monsieur, fo saper a V. S. con questa qualmente è venuto 
qua da lunedi passato un mastro d'hostel accompagnato di un cuoco, 
un botigliero e altri ajutanti da parte del Re, per ricevere Monsieur il 
cavalière Bernini e spesarlo sino a Parigi, con ordine di S. M., la quale com- 
manda alli ofhciali del sig. duca di Crequi che lo conducono, di rimet- 
terli tutta Targentaria, biancaria e Ictti di campagna, che possono havere, 
de' quali d** maestro d'hostcl pigliarà tutta l'incumbenza nccessaria con ordine 
anche alli signori di questa città d'allogiarlo corne se dcve, harengarlo e 
ferli regali soliti. 11 detto Tesseguirà pontualissimante, il d. maetro d'ostel 
è partito questa mattina per andarlo a incontrare al suo allogio assieme col 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 20I 

es maires, échevins et consuls des villes avaient été informés de 
arrivée de l'illustre voyageur, et on leur avait indiqué le protocole 
le Taccueil qu'il convenait de lui faire. Esbaupin devait aller jus- 
qu'à la Verpellière et se mettre à la disposition du cavalier. 

L'annonce de ces grands préparatifs était déjà parvenue à celui 
^ui en était l'objet avant même qu'il fût en France. Deux jours 
ivant d'être à Pont-de-Beauvoisin, on l'en informait. La renom- 
mée, au reste, n'avait rien exagéré, et Lyon, plus que tout autre 
:ité, n'avait rien négligé pour sa réception. 

Un tapissier, Pierre Perricaud, avait été chargé de meubler et 
de garnir un appartement, tout tendu de tapisseries flamandes et 
rouennaises, d'ameublements de damas vert, de tapis et de chaises 
rehaussées de franges d'argent. La dépense s'éleva à 278 U. 

nio fratello; d* sig. cavalière deve esserqui domani di mattina, e ooi 
indiaroo pur ail' incontro con una carrozza delli detti signori, ... » [Lettre 
ion signée.J 

1. Arch. mun. de Lyon, CC. 2256, fol. 34. — c Compte pour Messieurs 
les prevost des marchans et eschevins de la ville de Lyon, fait et fburny par 
Pierre Perricaud, tapissier et contrepointier de ladicte ville, du aS* may 
i665. 

c Pour le louage de 3 tantures de tapisserie de Flandres, deux à person- 
nages et une de paysage, depuis le i5* may jusques ce jourd'huy, à 3ol. la 
tanture. 1. go 

c Pour le louage d'une tanture d'une tapisserie de Rouen. 1. i5 

c Pour le louage d'un ameublement de damas vert, avec la couverte pen- 
dante, tapis de table et chères garnies de frange d'argent fin avec 3 mathelas 
un chevet, une couverte et deux draps de toille fine. 1. 40 

c Pour le louage de deux bols de lit, 4 mathellas, 2 chevest, 2 paliasses, 
2 garnitures de lict de drapt gris, garnis de frange de soye, et quatre draps 
de toille fine et 2 couvertes à i5 1. pièce. 1. 3o 

€ Pour le louage^ d'un ameublement de drapt gris garny de frange de 
soye avec un grand mathelas, une couverture et deux draps de toille fine, 
à 1. i5 

c Pour le louage d'un bois de lict, 2 mathelas, 2 couvertes, 2 chevets, 
une paliasse et un tour de lict de tapisserie, avec 4 draps communs pour 
les valetz, et une table sapin. 1. 10 

c Pour le louage de douze chères couvertes de tapisserie et 6 couvertes de 
drapt gris, à 20 s. pièce. 1. x8 

c Pour le louage d'un tapis de pied avec une table sapin. 1. 5 

c Pour le louage de 4 tables bois noyer avec leur tapis de Turquie. 1. 8 

c Pour avoir payé aux portefaix pour 40 voyages qu'ilz ont fait aller et 
venir, à 8 s. par voyage. 1. 16 

« Pour avoir tendu et destendu la susdite tapisserie et meubles de damas 
et de drapt, monté et démonté les bois de lict et fourny les clous, crochetz 
et broquettes nécessaires. 1. 36 



202 LB BERNIN EN FRANCE. 

Lorsque le cortège fut à trois milles de la ville, au matin du 
22 mai, un carrosse attelé de six chevaux attendait déjà le célèbre 
artiste. Il y prit place avec son fils, tandis que sa suite s'accom- 
modait d'une autre voiture. Son entrée dans la vilte fut grandiose, 
et on le conduisit en grande pompe aux appartements qui lai 
avaient été réservés. Le lendemain 23 mai, les échevins vinrent 
le saluer, lui faisant les mêmes honneurs qu*à un prince ou à an 
envoyé étranger ^ Les visites reçues et rendues^ le voyage conti- 

« Monte le tout. 1. 278 

c Le présent compte a esté modéré et arresté à la somme de ceat quatre 
vingt livres, pour le payement de laquelle aud. Perricaud sera expédié 
mandement consulaire. Faict au Consulat, par nous prevost des marchans 
et eschevins de la ville de Lyon soubzsignez, le vingt huictiesme jour du 
mois de may mil six cens soixante cinq. Signer : DsitAOïàRSS, Bais^ Vachi- 

RON. 1 

1. Ibid., BB. 320, p. 179. — c ... Autre mandement pour Pierre Perrkaud, 
m* contrepointier de ceste ville, de la somme de cent quatre vingtz livres 
t., à laquelle lesd. sieurs ont ce jourd'huy modéré et arresté le compte qu'il 
leur a présenté du louage des tentures de tapisserie, ameublemens et autres 
fournitures qu'il a fiait pour meubler, par ordre du consulat, les chambres 
où a logé en cette ville M. le cavallier Bernin, auquel le consulat a fouray 
et meublé logement en laditte ville ensuite de l'ordre du roy, atnqr que des- 
dittes fournitures appert par ledict compte, lequel rapportant le présent 
mandement et quittance... » — Nous devons la connaissance de ces docu- 
ments A notre confrère M. Guigue, que nous sommes heureux de remer- 
cier de son obligeante communication. 

2. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 129. — c Lyon, i663, 23 mai. Due giorni 
prima d'arrivare nelli stati di Francia, il sig. cavaliero riceve una lettera scrit- 
togli da uno délia città di Leone, come in quella erano arrivati ministri 
reggi mandati da Monsù Colbert con ordine del Rè, per servire il sig. cava- 
liero nel modo che si sogliono servire li Prencipi et Ambasciatori ; e hieri 
che eramo alli 22 del corrente, nelP venire che facevamo verso la cita di 
Leone, tre miglia lontano prima d'arrivare, venne incontro al sig. cavalière 
una carrozza a sei, mandata per riceverlo assieme con il sig. Paolo suc 
figliulo, et un' altra carozza per la famiglia del medesimo sig. cavaliero, 
nelle quale entrati e condotti alla città, fu menato il sig. cavaliero in una casa, 
nella quale vi erano tre appartementi adobbati d'arazzi, uno per il sig. 
cavaliero, Taltro per il sig. Paolo, e l'altro per la famiglia, nella quale siamo 
stati tutto hieri e questa mattina sino le 14 hore, essendo il sig. cavaliero 
neir istesso tempo stato visitato dalli senatori di cotesta città, li quali gli 
hnnno fatto li soliti honori e soliti regali, che si sogliono fare alli Prencipi 
grandi et ambasciatori; il tutto dissero che era ordine di sua Maestà; nella 
casa dove siamo stati vi era un maestro di casa del Rè, mandato a posta 
da Parigi, un bottigliero, un chredenziero et un coco, et altri ad uso di 
gran corte, il tutto per servire il sig. cavaliero in questa città, e condurlo 
anco loro sino a Parigi. Noi siamo partiti questa mattina da Lione alla 



LBS TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 203 

nua. Déjà Esbaupin, flanqué d'un cuisinier, d'un bouteiller et 
d'un crédencier, s'était mis en marche. 

On suivit la voie de terre jusqu'à Roanne, où un bateau avait 
été « proprement ajusté et tapissé. » Le Bemin s'y embarqua sur la 
Loire le dimanche 24 mai ; on descendit le fleuve jusqu'à Briare, 
oti un carrosse de Monsieur, frère du roi, attendait les voyageurs. 
Toutes les précautions avaient été soigneusement prises pour que, 
durant ce trajet, le cavalier fût traité avec tout le confort et toutes 
les commodités auxquelles il était accoutumé. De crainte que la 
chaleur ne l'incommodât, on avait fait chercher et voiturer jus- 
qu'à Roanne de la glace pour que les boissons fussent toujours 
fraîches. Par Châtillon-sur-Loing, Montargis, Fontainebleau, 
Essonnes^ le cortège se dirigea vers Paris ^ 

Depuis son arrivée en France, aucun honneur n'avait manqué 
à la réception faite au cavalier Bernin. Tout cependant devait être 
éclipsé par la manière dont on allait l'accueillir à Paris. 

Depuis si longtemps que Ton cherchait à attirer le Bernin en 
France, on ne pouvait trop magnifiquement le recevoir. Aussi le 
roi avait-il résolu de le traiter avec une munificence digne à la 
fois du renom de l'artiste et de la grandeur de la Couronne 
de France. Il avait attaché à sa personne, « comme envoyé pour 
Tentretenir et raccompagner pendant qu'il serait en France', » 

volta di Parigi, per andarsi ad imbarcare al fiume detto la Lovera, nel 
^quale imbarcheremo domenica, doppo il pranzo, piacendo a sua divina 
Maestà, e credemo essere a Parigi il giorno délia vigilia del Corpus Domini. 
Pensavamo di trovare lettere de V. S. illma in diversi luoghi nel paisare, che 
habbiamo fatto, in risposta nelle nostre acrittogli, e imparticolare in Leone, 
ma non habiamo trovato niente. Per tanto supplico V. S. ill"*, che almeno 
in Parigi troviamo qualche nova délia sua casa, alla quale io sono tanto 
obligatO) acciô posiamo stare più contenti, facendoli con questo humilis» 
sima riverenza, salutando tutti li parenti di sua casa, et aftectionati di essa, 
come fa anco il sig. Paolo, Cosimo e Giulio e tutti. Di Leone, questo di 
a3 maggio i665, di V. S. illma et revma, dev"* et oblig"* vostro servitore : 
Matthia de Rossi. » 

I. Voir la lettre d'Esbaupin à G>lbert (Clément, t. V, p. 5o6). — Bibl. 
nat., ms. ital. 2o83, p. agS. — c 5 juin i665. ... Da Lione sino Parigi, 
habiamo hauti onori non ordinarii, essendo il sig. cavalière stato viti- 
tato da tutti i senatori délie città che si sono passate, con quelli ossequi 
che vi aogliono ifare alli Prencipi grandi et ambasciatori. AIlo sbarco che 
noi faceasimo dal fiume detto la Lovera, venue la lettiga del fratello di 
S. M., nella quale entrô il sig. cavalière col sig. Paolo suo figliulo. » 

a. Journal de Chantelou, p. xi. 



204 LE BBRNIN EN FRANCE. 

un homme dont nous avons déjà parlé et qui, plus que tout autre, 
devait agréer à l'illustre voyageur. C'était Paul Fréart, seigneur 
de Chantelou, le parent de Sublet des Noyers, et que ce dernier, 
lorsqu'il était surintendant des bâtiments, avait, à plusieurs 
reprises, chargé de missions artistiques en Italie. D^un goût très 
pur, d'une grande sûreté de jugement, amateur éclairé, Chantelou 
s'était lié durant ces voyages avec le Bernin. Sa connaissance de 
la langue italienne, les relations amicales qu'il entretenait avec 
les divers artistes du temps désignaient le maître d'hôtel du roi 
pour la délicate mission qui lui était confiée. Chantelou sut, au 
reste, s'en tirer habilement. Mêlé à toute la vie du Bernin, rece- 
vant ses confidences et ses plaintes, écoutant d'autre part les 
attaques et les calomnies répandues par ses ennemis, s'occupant 
de toutes les questions qui intéressaient non seulement la vie 
quotidienne, mais les travaux dont était chargé l'artiste, il sut 
par son tact, sa mesure, son discernement, éviter des heurts, pal- 
lier des disputes et des ruptures dont Téclat eût été retentissant. 
Chantelou fut plus qu'un conseiller et un guide, il fut un ami 
pour le Bernin; il le défendit tout en reconnaissant ses défauts, et 
ses faiblesses; il fut aussi l'historien minutieux et impartial de 
son séjour à Paris, et son journal, publié il y a une vingtaine 
d'années, reflète jour par jour avec des anecdotes curieuses et 
piquantes la vie que, durant près de cinq mois, le grand sculp- 
teur mena à la cour de Louis XIV*. Nous lui ferons de nombreux 
emprunts, sans cependant le suivre dans tous les détails tech- 
niques, très abondants sur les projets que le Bernin présenta pour 
la construction du Louvre. Mais nous utiliserons surtout des 
documents très précieux et jusqu'ici inédits, les lettres que l'élève 
de Tartiste, son compagnon de voyage, Matthia de Rossi, écrivit 
de Paris à Rome durant son séjour^. 

1. Le titre exact en est : Journal du voyage du cavalier Bernin en 
France^ par M. de Chantelou, manuscrit inédit, publié et annoté par Ludo- 
vic Lalanne. Paris, Galette des Beaux- Arts, i885, i vol. in-4% 272 p. 

2. Ces documents en italien sont conservés à la Bibl. nat.^ms. ital. 2o83. 
Acquis il y a une douzaine d'années, ils nous ont été signalés par 
Madame Geffroy, veuve du regretté directeur de TÉcole de Rome. Nous 
lui en exprimons toute notre respectueuse reconnaissance. — Baldinucd 
{Vita del Cavalier Giov, Lorem^o Bernino. Rome, 171 3) a eu connaissance 
de ces documents et leur a emprunté certaines anecdotes, mais ils sont 
demeurés ignorés des divers auteurs qui ont raconté le séjour du cavalier à 
Paris (Comte de Clarac, Description du Louvre^ p. 365-375 ; — Dumesnil, 



LBS TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XTV. 205 

La cour, au moment où le Bernin arriva à Paris, était à Saint- 
Germain. Ce fut Chantelou qui fut chargé de le recevoir. Les 
voyageurs étaient annoncés comme devant être proches de la 
ville le 2 juin i665. Aussi le carrosse de Colbert de Croissy^ le 
frère du ministre, était-il disposé pour que Chantelou, accompa- 
gné de son neveu Roland Fréart*, allât les chercher sur la route 
d'Essonnes. La rencontre eut lieu à Juvisy. 

c Environ à six milles de Paris, écrivait quelques jours plus 
tard Matthia de Rossi, nous rencontrâmes un carrosse attelé à 
six, avec le premier maître d'hôtel de la maison du roi, et un 
autre chevalier, qui déclarèrent avoir reçu ordre de S. M. de nous 
recevoir. Notre cher cavalier [le Bernin], après que quelques 
salutations eurent été échangées, monta dans ce carrosse avec son 
fils Paul et le maître d'hôtel, tandis que la suite s^entassait dans son 
propre carrosse^. » Le Bernin ne parlait pas français; en revanche, 

Histoire des plus célèbres amateurs^ t. Il, p. 8a-ia6 ; — Lemaître, le Louvre. 
Étude historique sur le monument^ p. 47-3 1 ; Babeau, le Louvre^ p. 169-173). 

I. Charles Colbert, marquis de Croissy (1625 •)- 1696). 

3. Fils de Fréart de Chambray. 

3. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 333. » € Paris, 3 giugno i663. Alli a del 
corrente, lontano da Parigi sei miglia incirca, neir andare, che facevamo 
coU, tncontrassimo una carozza a sei, con il primo maestro di casa del Ré, 
et un' altro cavaliero, quali dissero che havevano ordine da sua Maestà 
di venire a ricevere il sig. cavalier nostro, e doppo fatto alcune cerimonie 
assime entrorno in quella ill. sig. cav., il sig. Paolo, e il sud., et seguis- 
simo il viaggio verso Parigi, e doppo fatto altre tre miglia incontrassimo 
la carozza con monsg. Nunzîo coo il sig. abate Buti et altri cavalieri, che 
medemamente venivano a ricevere il sig. cavaliero, et doppo haverlo riceuto, 
entrorno mons. il sig. Abate, il sig. caval. et sig. Paolo et il sig. maestro 
di casa nella carrozza del nunzio e l'altri cavalieri entrorno nella carroza 
dove era il maestro di casa de sua Maestà. Fussimo condotti nella città di 
Parigi dall' medemi, et arrivassimo nelle ai hore, e consegnato un palazzo 
al sig. cavalière, per sua abitazione, e per la sua famiglia al* quanto 
buono, con tre appartamenti, di quelli uno per il sig. cavaliero, Taltro per 
il sig. Paolo et Taltro per noi altri, situato accanto il Lovre, con adobbi 
d'arazzi, et letti superbissimî, e dato quatro huomini par servitio del sig. 
cavaliero acciô seguino tutti li suoi commandi. 

c Mons. Nunzio volse che subito arrivato che fu ; il sig. cavaliero s'andasti 
a riposare e mentre egli si riposava a letto arrivô Monsiur Colbert, quale 
veniva da S. Germano d'ordine di S. M., per vedere se il s. cavaliero era 
venuto a salvamento, e entrato nella caméra dove il sig. cavaliero dimo- 
rara, ivi fecero un grandissimo discorso sopra la sua venuta in Francia, 
del quai discorso monsiur Colbert ne resté assai sodisfatto, e domandô al 
sig. cavaliero quanto tempo voleva per riporarsi, per poterlo poi condurre 



206 LE BERNIN EN FRANCE. 

ChanteloUf ainsi que du reste beaucoup de Français de l'époque, 
avait une particulière connaissance de l'italien. Aussi la conversa- 
tion s'engagea-t-elle de suite, et Chantelou exprima-t-il toute sa 

a S. Germano da sua Maestà, dicendoli che stava anxîoso di vederlo; il 
sig. cavaliero gli respose che per servire S. M., lui era ia ordine ogni volta che 
tornava comodo i detto Monsiur Colbert. Alla 3 si girô per tutto il 
palazzo del Lovre, reconosciendo il sito. Alli 4 che fu il giorno del corpus 
Domini, la mattina aile 10 hore Monsiur Colbert con due carozze a sei 
venne alla casa del sig. cavaliero a prenderlo, et montât! in una carozza il 
sig. cavaliero Monsiur Colbert, il sig. Paolo, et il maestro di casa del Re, et 
io in un' altra carozza con altri cavalieri arrivassimo a s. Germano aile 
12 hore, dove smbntati e intrati nel Palazzo dove era sua Maestà, Monsiar 
Colbert fece imbasciata dell* arrivo in quel luogho del sig. caval., per la 
quale cosa mentre stavamo trattenendosi in un anticamera neila qoale demo- 
rava il marescial di Cremona, pr** mareacial et altri Prencipi e cavalieri, 
il Rè anzioso di vedere il sig. caval. apparve sopra una porta, e guardô il 
sig. cavalière, rise, poi ritirô dentro, e chiamato Monsiur Colbert fece 
entrare il sig. cavalière, il sig. Paolo, e io dove il re era appogiato ad 
una fenestra. Premieramente ralegrandosi con il sig. caval. del suo arrivo 
con perfettissima salute, glidomandô si sapeva parlare franceae; il sig. cav. 
gli rispose nOy et il Re ordinô al marescal di Cremona servisse per inter- 
petre al sig. cavalière, di quello che lui diceva; dove fecero un belHssimo 
discorso sopra del Lovre, il quale piaque grandemente à S. M., godendodelli 
concetti che il sig. cav. diceva. Il sig. cav. suole veramente fiare tutti li suoi 
discorsi assai belli, e ben fondati, ma in quella mattina si vidde che fa 
aiutato grandemente da Dio, che non esciva parola dalla sua bocca, che il 
Re non restasse amirato, e voltavasi à la corte, dicendo queste parole c For- 
biene, adesso conosco che questo è quell' huomo che io m* imaginavo 1, 
essendo un discorso di tal consideratione, che tutta la Corte ne restô atto- 
nita e sodisfatta, tenendolo per un oracolo. Doppo il sig. cav. andô a visitare 
la regina madré, la quale sta a letto amalata, e vedendo il sig. cav. si raie- 
grô grandemente. Doppo questo monsiur Colbert vi condusse alla cappella 
reggia, e mentre stavamo in essa vene sua Maestà con la regina, che accom- 
pagnavano il sacracramento, e posti che fiirno ingionochioni, il Re insegnô 
alla regina il sig. caval. Fenita la fontione délia capella, il sig. caval. andô a 
visitare il delfino figliulo di S. M., bambino non solo che bello, ma altro é 
tanto speritoso. 

c Nel tempo che stavamo trattenendosi nella galleria délia regina aspettan- 
dola che torna per visitarla, venne al p"* medico di S. M. a dire al sig. 
cav. che il Re Io mandava a lui per vedere se gli faceva bisogno di cosa 
alcuna, e che Tasistessi ; il sig. cav. gli rispose che per la Dio gratia stava 
benissimo, e che Io ringratiava; doppo un mezzo quarto d'hora venne la 
regina, la quale fece un accoglîenza al sig. cav. che per quanto s'è inteso 
délia corte, non si suole fare ne a Prencipi ne a Imbasciatori, venendoli 
incontro sino 1' ultima anticamera accanto la sala, e domandogli si lui 
sapeva parlare francese, lui gli rispose no, e lei replicô si sapeva parlare 
spagnolo, e lui medemamente no; ordinô poi lei a uno di quelli cavalieri, 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. aOJ 

joie d^avoir été chargé d'une semblable mission, en se rappelant 
les rapports anciennement noués à Rome. Puis, devisant dVrt, 
ils s'engagèrent dans une longue discussion sur Tarchitecture. 
Tandis que, parlant ainsi, ils se dirigeaient vers Paris, on croisa, 
environ à trois milles de la ville, un autre carrosse. C'était le nonce 
et Tabbé Butti, accompagnés de diverses personnes, qui venaient 
à la rencontre des Italiens. On fit route de conserve, après toute- 
fois que le cavalier eut pris place dans la voiture du nonce, et l'on 
arriva ainsi à Thôtel de Frontenac ^ oti un logement tout orné de 
tapisseries et de meubles superbes avait été préparé, tant pour 
l'artiste que pour son fils et sa suite, avec quatre serviteurs spé- 
cialement attachés à son service. « A peine arrivés, racontait 
Rossi, le nonce prit congé, laissant le cavalier se reposer. Durant 

che suole intradurre Pimbasciatori, servisse per interpetre al. sig. cav., et 
ivi fecero un discorso sopra del Lovre et altro, che duré una mexs* hora. 
Si andô poi a pranzo al tinello, che suole fart il Re alli prencipi délia sua 
corte, con MoDsiur Colbert, diverti marescialli, et altri signori. Doppo il 
sig. cav. si andô a riposare, conforme al suo solito, essendoli stato consegnato 
un appartamento per suo reposo. 

c Reposato che hebbe, si andô a fare riTerenza al Prencipe fratello di 
S. M., et esso assieme con madama sua moglie fecero la medesima acoglienza 
al aig. caval. che gli haveva htto la regina e domandorno al sig. cavaliero, se 
lui havesse hauto tempo, se haverebbe fatto volontieri il retratto del Re, aile 
quale parole rispose che combatteva con il tempo, ma che haverebbe fatto ... 
lui haverebbe potuto. Di più il Prencipe e madama domandero chi eravamo 
noi, e a che cosa attendavamo; il sig. cav. ripose, c quello è mio figliulo, il 
quale attende alla mea profibsaione, ... quel altro è un giovane mio allievo, 
che attende alla professione dell' architettura i. Al' fine di questo ordinô a 
Monsiur Colbert ... l'haveva anco ordinato il Re, che conducesse a Parigi; 
il ... dove poi montati in carozza arivasûmo in Parigi aile hore... e questo 
èquanto gli narro dell' honori ricevuti, suggungendoli pero anco che il Re 
disse al sig. cav. che per lui ci erano altri onori che questi ricevuti. E con 
questo facendo a V. S. ilma riverenza. Di Parigi, questo di 5 guigno i665. 
— Matthia de Rossi. » 

On peut noter quelques divergences de détail entre le récit de Chantelou 
et celui de M. de Rossi ; ce qui s'explique par le fait que Chantelou rédi- 
gea son Journal bien postérieurement à ces événements. 

I. Cet hôtel de Frontenac avait sans doute appartenu jadis à la famille 
de Buade; mais, en i665, était la propriété de la couronne. Cest le roi 
qui avait foit préparer des logements pour le Bernin, et, lorsque la cour 
revint à Paris, sa suite s'y logea. Quant à son emplacement, il fiâut le cher- 
cher dans les constructions existant à l'intérieur de la cour du Louvre et 
probablement acquises précédemment sur divers particuliers, en vue d'agran- 
dissements de la demeure royale. Le témoignage de Matthia de Rossi est 
très catégorique. Voir plus bas, p. 24^» ^^^ ^^ ^^ P^S^ H^* 



208 LE BERNIN EN FRANCE. 

ce temps, M. Colbert arriva, envoyé de Saint-Germain par le 
roi, pour savoir comment notre voyage s'était accompli. Il entra 
dans la chambre oti reposait le cavalier, et là ils s'entretinrent 
longuement du voyage; M. Colbert en demeura, au reste, très 
satisfait et demanda combien de jours de repos étaient nécessaires 
avant la présentation à S. M.*. » Il importait, en effet, toute chose 
cessante^ de conduire le cavalier à Saint-Germain. Le roi et toute 
la cour étaient anxieux de connaître l'aniste dont la réputation 
était universelle. 

II. 
La présentation a la cour. 

La COMMANDE DU BUSTE DU ROI. LeS VISITES A SaINT-GeRMAD(. 

On se figure facilement la curiosité que devait provoquer Farrivée 
d'un tel personnage. Le règne de Louis XIV s'annonçait comme 
des plus glorieux. La paix des Pyrénées avait brillamment clôturé 
la carrière politique de Mazarin, et les premières années du gouver- 
nement personnel du roi, âgé alors seulement de vingt-sept ans, 
avaient suffi pour placer la France bien au-dessus des autres 
nations. L'Espagne humiliée, le Saint-Siège contraint de céder, 
l'Empire affaibli et sauvé de la menace des Turcs, grâce à l'appui 
d'une armée française, le Portugal libéré, l'Angleterre attachée à 
la fortune de Louis XIV, la crainte de la puissance du roi appor- 
tée jusque dans les États barbaresques, tel était Tétonnant résultat 
d'un règne jeune seulement de quatre ans. En même temps que 
la richesse politique se réveillait, le luxe, Tamour du beau, la 
culture artistique se développaient. On se reprenait aux traditions 
que les luttes intérieures, que la guerre étrangère avaient fait 
négliger. Le mouvement intellectuel si vif sous le règne de 
Louis XIII acquérait une nouvelle intensité. Le xoi songeait à 
augmenter les riches collections formées par ses prédécesseurs et 
celles que la munificence de certains particuliers avaient offertes à 
la couronne. Il désirait être le protecteur éclairé et magnifique 
des arts, et un goût personnel l'incitait à encourager, à appuyer 
les efforts des artistes. C'était Tépoque oîi l'on entreprenait les 
grands travaux de construction qui devaient, non moins que les 

I. Voir plus haut, lettre du 5 juin i665 : p. 2o5, n. 3. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 209 

victoires, immortaliser son règne. La cour devenait une réunion 
de gens d'esprit, excellents juges en choses de goût. A côté de 
Corneille déjà vieux, de Molière en pleine force de son talent, 
La Fontaine, Racine, Boileau allaient entrer dans la vie 
poétique; Bossuet commençait à attirer toute la cour à ses 
fameuses oraisons funèbres et à ses sermons; Furetière et M"* de 
La Fayette soutenaient encore le roman, ridiculisé par Molière; 
TAcadémiede peinture, fondée en 1648, comptait parmi ses plus 
brillants représentants Le Brun, Ehrard, Coypel, Mignard, van 
Opstad; les Anguier, Guérin, Girardon, Varin, Mansart et 
Puget étaient les grands sculpteurs du jour; les architectes, 
disciples de Le Mercier, construisaient sous la direction de Le 
Vaù ces châteaux, ces palais et ces hôtels si justement célèbres. 
Après le collège des Quatre-Nations, c'était à Vaux, à Berny, à 
Maisons, au Val-de-Grâce, à Versailles que s^exerçait leur talent. 
Les peintres et les sculpteurs décoraient ces constructions nou- 
velles, et, tous, grands seigneurs et amateurs, obéissant à la mode 
du jour, suivant le goût royal, formaient des collections, recher- 
chaient les objets précieux et les œuvres des maîtres. 

Déjà, sous Louis XIII, on avait vu Sublet des Noyers rassem* 
bler, pour le cabinet royal, des reproductions et des moulages 
d'antiques, dépécher en Italie des agents chargés de drainer au 
profit de la France les plus beaux spécimens de Part et les faire 
venir à grands frais à Paris. Mazarin, à sa suite, avait réuni au 
palais Cardinal d'admirables coUeaions qui vinrent, à sa mort, 
enrichir celles du roi. L'on pouvait compter à Paris des galeries 
privées importantes, telles que celles de Chantelou, de Gamard, 
de Jabach, de Cerisiers, de Le Nôtre, de Butti, de La Vrillière et 
du duc de Richelieu ^ Dans toutes, on retrouvait les produc- 

I. Le Journal de Chantelou nous renseigne sur la composition de ces 
galeries : chez lui, on remarquait des copies du Oominiquin, de Le Maire, 
de Mignard, de Jules Romain {la Vierge au chat), de Carrache (la Vierge 
de Pitié), de Raphaël (portrait de Léon X), des originaux du Poussin {les 
Sept Sacrements, Hercule qui porte Déjanire) {Journal, p. 64-65). Chez 
Éverard Jabach, célèbre banquier dont la collection fut acquise en 1671 par 
le roi (sur ce personnage, voir une étude du vicomte de Grouchy : Éverard 
Jabach, collectionneur parisien^ dans les Mémoires de la Société de PHis- 
toire de Paris et de P Ile-de-France, t. XXI (1894), p. 217-292}, on voyait 
des dessins de Carrache et de Raphaél {Apparition de saint Pierre et de 
saint Paul à Attila), de Poussin {Armide emportant Renaud), de J. Romain, 
du Titien, de Véronèse {Ibid,^ p. 227-228). Hubert Gamard, s' de Crezé, 
MiM. XXXI 14 



3IO LE BERNIN EN FRANCE. 

tions des mêmes artistes, chéris des collectionneurs d'alors : ori- 
ginaux ou copies de Raphaël, de Jules Romain, du Dominiqain, 
de Véronèse, du Titien, de Carrache, de TAlbane, du Guerchin 
et du Guide, à côté de dessins de Sève, de Le Maire et de 
Mignard, et partout des toiles nombreuses du Poussin. Le goût 
était italien, et Ton comprend par suite l'attraction et la curio- 
sité que devait provoquer la venue en France du plus grand des 
artistes de l'Italie. 

A côté cependant de l'admiration qui, par avance, s'attachait au 
Bernin, il y avait déjà parmi les artistes français et surtout parmi 
les architeaes, tout un parti qui le redouuit et était décidé à lui 
foire échec. Cétaient Le Vau, Dorbay, Perrault, tous ceux qui 
avaient à perdre à l'exécution de ses projets et qui comprenaient 
que son triomphe eût entraîné la condamnation de leurs méthodes. 
Aussi, une cabale était-elle dés lors formée, qui, s'appuytnt 
sur quelques seigneurs de la cour, teb que le maréchal de Grain- 
mont, sur des peintres tels que Le Brun, le maître de l'École fran- 
çaise, était résolue à combattre l'étranger. On les avait dénoncés 
avant même la venue du Bernin, et Vigarani écrivait dès le 21 mai 
au duc de Modène : « On attend bientôt le cavalier Bemin, et avec 
une grande impatience^ tant de la part de ceux qui souhaitent son 
arrivée comme de la part de ceux qui la redoutent; les uns par 
suite de la grande idée qu'ils ont de sa capacité, les autres pour 
voir à quoi aboutira celle aventure et Tafifront qu'ils prétendent 

lieutenant des chasses du Louvre, possédait un Saint Jean d'Annibal Car- 
rache, une Madeleine de Paul Véronése, un Saint Sébastien du Guide, 
une Naissance de Bacchus de Jules Romain {Ibid.^ p. aSo). Cerisiers, mar- 
chand de tableaux, ami de Poussin, avait principalement rassemblé des 
œuvres de ce peintre : la Reine Esther, une Vierge, la Mort de Phocion, la 
Fuite en Egypte {Journal, p. 90). Le Nôtre conservait {Journal, p. 211), 
outre des marbres et des laques, une Eve et Adam dans le Paradis ter- 
restre du Oominiquin, Moïse sauvé des eaux, Saint Jean Baptiste, la 
Femme adultère de Poussin. — A T hôtel de La Vrillière [Journal, p. 226), 
on remarquait une Cène de Tintoret, un Saint François de Carrache, une 
Nativité de Poussin, un Ravissement d'Hélène du Guide, une Vierge de 
Pierre de Cortone, le Sommeil de Jésus de Raphaël, Camille et le maître 
d'école de Poussin, une Andromède du Titien, des peintures de Véronèse, 
de Van Dyck, de TAlbane; et, chez le duc de Richelieu, les Philistins frap» 
pés de la peste de Poussin, un Saint Jean préchant au désert et un Saint 
Sébastien de Carrache, un Saint Jérôme et une Vierge del Pilar de Pous- 
sin. — Sur ces collections, voir, en outre. Ed. Bonnafé, Dictionnaire des 
amateurs français au XV U* siècle. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE BT LÈS STATUES DE LOUIS XIV. 2 I I 

leur être fiait, à eux architectes français. Le cavalier vient recevoir 
la récompense triomphale de ses mérites. M. Colbert a envoyé 
au-devant de lui des personnes chargées de le traiter et de l'hono- 
rer, ainsi qu^il est coutume de faire aux hommes de qualité. On 
a défendu de formuler aucune critique et ordonné d'exécuter tout 
ce qu'il demandera, comme s'il s'agissait d'une œuvre commandée 
et entreprise par un particulier ^ » 

Mais^ pour l'instant, la curiosité l'emportait. Le Bernin avait 
alors soixante-sept ans; il était petit de taille, bien proportionné, 
maigre, d'un tempérament de feu; « son visage avait du rapport 
à un aigle, > particulièrement par les yeux. Il avait les sourcils 
longs, le front grand, légèrement cave au milieu et relevé dou- 
cement sur les yeux; il était chauve, et les cheveux qui lui res- 
taient encore étaient crêpés et blancs. « Il est pourtant, écrit Chan- 
telou, vigoureux pour cet âge-là et marche délibérément à pied, 
comme s'il n'avait que trente ou quarante ans. L'on peut dire que 
son esprit est des plus beaux que la nature ait jamais formés; 
car, sans avoir étudié, il a presque tous les avantages que les sciences 
donnent à un homme. Au reste, il a une belle mémoire, l'imagina* 
tion vive et prompte, et, pour son jugement, il paraît net et solide '. * 
Causeur &cile, rempli d'historiettes se rapportant exclusivement 
aux peintres italiens de la grande époque, facétieux, il avait le verbe 
moqueur, acéré, l'imagination fertile, mais ramenait toute con» 
versation à lui-même et à ses œuvres. Conscient de son talent et 
de son importance, enorgueilli du rôle qu'il jouait chez ses conci- 
toyens, de la considération dont on l'entourait, il se regardait volon- 
tiers comme le personnage le plus important de son siècle. Ayant 
facilement triomphé de l'opposition qui un moment avait paru 
menacer sa fortune, et ayant depuis lors rencontré partout défé- 
rence et obséquiosité, flatté d'être appelé en France, il s'imagina 
que tout l'honneur était pour ceux qui faisaient appel à son con-^ 
cours. Habitué à diriger de haut, à s'en remettre à ses élèves ou à 
des fonctionnaires pontificaux pour l'exécution des détails, ne 
trouvant jamais de contradicteurs, il avait pris l'habitude de tou-* 
jours commander, de ne point accepter de conseils. Il pensait et 
voulait faire grand, sans songer aux nécessités pratiques. Cette 

1. Fraschetti, ouvrage cité, p. 43o. 

2. Journal, p. 17. — On peut comparer arec le portrait de Perrault 
[Mémoires, p. 5a}. 



212 LE Blftinif SIC nUkMCI. 

touraure d^esprit, ce début de soapleste, cène infitmatioa defaient 
par la suite lui occasionner de terribles mécomptes, dont ses enne- 
mis se hâtèrent de profiter. Mais, pour l'instant, on était tout à la 
présentation au roi. 

Ce fut le 4 juin, jour de la Fête-Dieu, que Golbert Tint k 
chercher à Thôtel de Frontenac pour le conduire à Saint-Ger- 
main. « A sept heures', raconte Matthia de Rosû, M. Gol- 
bert vint avec deux carosses à six à la maison du seigneur can- 
lier; puis, avec Paul, le maître d^hAtd du roi [Chaatekm], ib 
montèrent dans l'une des voitures; moi et d'autres persoimesdans 
la seconde. Nous arrivâmes à Saint-Germain à neuf heures; 
descendus de voiture et entrés dans le Palais, oti se trouvait 
S. M., M. Colbert Talla prévenir de notre venue. Durant ce temps, 
nous restâmes dans une antichambre avec le maréchal de Gn- 
mont, premier maréchal, et plusieurs autres princes et gentils- 
hommes^ Le roi, dans son désir de voir notre cavalier, ouvrit tout 
à coup une porte, Tentre-bâilla, regarda, sourit et se retira en 
arrière. Peu après, il appela M. Colbert, qui fit entrer le cava- 
lier, le seigneur Paul et moi dans une pièce ott se trouvait S. M., 
appuyée à une fenêtre. Dés l'abord, le roi déclara se réjouir fort 
de Tarrivée du cavalier, le félicita de son heureux voyage, de sa 
bonne santé et lui demanda s'il parlait français. Sur sa réponse 
négative, il ordonna au maréchal de Gramont de servir d'in- 
terprète. Ils purent ainsi parler en fort beaux termes du Louvre, 
dont le projet plut extrêmement à S. M. Le cavalier est certes 
accoutumé à s'exprimer avec raison et noblesse, mais, ce matin, 
il fut visiblement inspiré de Dieu. 11 ne dit rien dont le roi ne fût 
émerveillé, la cour demeurait satisfaite et étonnée, le tenant pour 
un oracle. Le seigneur cavalier alla ensuite rendre visite à la 
reine-mère, malade et alitée, mais que cette visite réconforta 
beaucoup, M. Colbert le conduisit ensuite à la chapelle royale. 
Pendant que nous y étions, S. M. vint avec sa cour et la reine 
. accompagner le saint sacrement; il s'agenouilla et montra du doigt 
le cavalier à la reine. L'office terminé, nous allâmes voir le dau- 
phin, qui est un bel enfant et semble fort intelligent'. 

1. Dans les leures de Mauhia de Rossi, l'heure de départ est indiquée dix 
heures, par suite de ia coutume italienne de compter la journée à partir 
du coucher du soleil. 

2. A cette énumération, Chantelou ijoute (p. i5) le maréchal du Pleitîs- 
Praslin. 

3. Le grand dauphin, alors ftgé de quatre ans. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 2 I 3 

« Alors que nous attendions le retour de la reine dans la galerie 
de ses appartements, le premier médecin^ du roi vint, d'ordre de 
S. M., se mettre à la disposition du cavalier et lui offrir son 
office en cas de besoin. Ce dernier lui répondit que, grâce à Dieu, 
il était en excellente santé, et le remercia. Un quart d'heure plus 
tard, la reine revint et fit au cavalier un accueil dont toute la cour 
demeura étonnée, car elle n'a point coutume d'en faire semblable, 
aux princes non plus qu'aux ambassadeurs. Elle s'avança jus- 
qu'à la dernière antichambre, demanda à notre cher cavalier s'il 
parlait français, et, sur sa réponse négative, espagnol. Elle 
ordonna alors à l'un de ses gentilshommes, introducteur des 
ambassadeurs, de servir d'interprète ; durant une demi-heure, on 
parla du Louvre. 

« De là, nous nous rendîmes au repas du chambellan, que 
S. M. a coutume de faire servir aux seigneurs de la cour, avec 
M. Colbert, divers maréchaux et d'autres gentilshommes. Puis le 
cavalier se reposa, selon son habitude, dans un appartement qui 
lui avait été réservé. A son réveil, il alla saluer Monsieur, frère 
du roi^ qui lui fit, ainsi que la princesse sa femme, le meilleur 
accueil et lui demandèrent s'il ferait volontiers le buste de S. M. 
11 répondit qu'il lui faudrait lutter avec le temps, mais que, s'il 
pouvait, il l'exécuterait. Le prince et la princesse l'interrogèrent 
alors, lui demandant qui nous étions et ce que nous faisions. Le 
cavalier répondit : « Celui-ci est mon fils, qui suit ma profession, 
c cet autre est un jeune élève qui s'occupe aussi d'architecture. » 
M. Colbert nous reconduisit ensuite à Paris'... » 

Dès cette première entrevue, le Bernin avait laissé voir toute 
sa pensée sur ses projets relatifs au Louvre. « J'ai vu, Sire, dit-il au 
roi, les palais des empereurs et des papes, et ceux des princes sou- 
verains, qui se sont trouvés sur la route de Rome à Paris, mais il 
faut faire pour le roi de France, un roi d'aujourd'hui, des plus 

1. Antoine Vallot (1594 f 1671), premier médecin d'Anne d'Autriche, 
succéda en i652 à Vautier comme médecin du roi. 

2. Voir plus haut, lettre du b juin, p. 2o5, note 3. — Chantelou (p. i5-i6), 
dont le récit concorde avec celui de Rossi, dit que le roi reçut le Bernin 
avec le premier gentilhomme de sa chambre et le maître de la garde-robe. L'au- 
dience terminée, Colbert ramena au vieux palais le cavalier, qui y admira les 
tapisseries garnissant les cours à l'occasion de la Fête-Dieu, entre autres 
les Actes des Apôtres, les Triomphes de Scipion, diaprés les cartons de 
Julea Romain. Le cavalier fit la sieste dans l'appartement de M. de Bellefonds. 



214 I^ BERNIN EN FRANCE. 

grandes et magnifiques choses que tout cela. > Et, se tournant 
vers ceux qui faisaient cercle autour de Lx>uis XIV, il ajouta : 
c Qu'on ne me parle de rien qui soit petite » Cette assurance, 
cette faconde et en même temps cette flatterie déplurent à une 
partie de Pentourage du monarque, et firent une mauvaise 
impression. Mais le roi se déclarait satis&it et prêt à ne regarder 
ni à la dépense ni aux constructions. Ce fut dans cette idée que 
le Bernin regagna Paris et se prépara à exécuter sa pensée. 

Rentré à Thôtel de Frontenac, il se mit à Toeuvre et organisa 
son travail. Des tables et tous les matériaux nécessaires pour Féu- 
blissement des dessins furent disposés. Matthia de Rossi aidait 
son maître et était plus spécialement chargé de tout ce qui con- 
cernait les mesures à prendre pour les plans, pour esquisser les 
élévations des façades, pour mesurer sur place et reaifier les chiffres 
que Ion avait envoyés à Rome. De son côté, l'artiste ne restait 
pas inaaif. Levé de bonne heure, il travaillait sans relâche, 
modifiant et corrigeant ses projets, organisant son existence ainsi 
qu'il était accoutumé à Rome. Strict observateur des pratiques 
religieuses, il se rendait chaque jour à Téglise; puis il visitait avec 
Chantelou les principaux monuments de la ville, allait au Louvre 
se rendre compte par lui-même des travaux à effectuer, et, 
le soir, se distrayait dans la conversation des amis qu'il avait 
retrouvés à Paris, l'abbé Butti, le cardinal Antonio Barberini, le 
nonce, Tambassadeur de Venise, le chargé d'affaires du duc de 
Modène Vigarani, et les autres Italiens qui, dès le premier jour, 
s'empressèrent de venir voir leur illustre compatriote. L'éloigne- 
ment de la cour lui permettait de vivre dans un isolement favo- 
rable à son travail et à son acclimatation. Il se faisait, difficile- 
ment à la vérité, à la vie française. Il se plaignait de la nourriture 
et des vins, auxquels, au reste, il s'accoutumait rapidement, et 
prenait de minutieuses précautions pour sa santé; quelques-unes 
semblaient d'une méfiance exagérée et superflue, a On ne peut 
faire mieux, écrivait Rossi à l'un des parents du sculpteur, 
que les soins que nous avons pour le cavalier, et Votre Excel- 
lence peut être assurée que Ton veille sur sa santé plus que 
sur tout autre chose. Pour la cuisine, Cosimo Scarlatti assiste 
toujours à sa préparation, matin et soir, et ne laisse pénétrer per- 
sonne. D'autre part, le cavalier a donné de tels ordres aux gardes 

I. Journal f p. i3. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE KT LES STATUES DE LOUIS XIV. 21 5 

des portes qae nul ne peut entrer sans dire oii il va et ce qu'il 
désire ^ > 

Durant ces premiers jours, tout l'eflort du cavalier porta sur le 
Louvre. Se croyant sûr, diaprés Timpression rapportée de sa visite 
à Saint-Germain, de l'appui du roi, il donna libre cours à sa 
pensée. La famille royale entière ne s*était«elle pas montrée favo- 
rable à SCS plans? Il entretenait Chantelou et Butti dece qu^il médi- 
tait, il leur lisait dès le 9 juin un mémoire destiné à Louis XI V, où 
il examinait successivement les raisons qui militaient ou s'oppo- 
saient à une complète reconstruction du palais'. A vrai dire, il 
n'en persistait pas moins, malgré l'apparente hésitation qu'il lais* 
sait voir dans cet écrit, à faire un appartement double à la façade 
du Louvre, a exhausser les murs du palais, afin de lui donner 
plus de majesté; mais, cependant, comprenant peut-être déjà 
aux réticences et aux remarques qui lui avaient été faites qu'il ne 
pourrait facilement obtenir une réfection complète, il pensait à 
raccorder les appartements royaux qu'il plaçait sur la nouvelle 
façade avec ce qui était déjà construit de l'ancien Louvre. Ces 
nouveaux plans avaient été rapidement dessinés par Mattbia de 
Rossi, et| dès le 19 juin, ce dernier pouvait écrire que le cavalier 
avait établi c un magnifique, majestueux et noble dessin, des 
meilleurs qu'il ait jamais fait'. » Le roi allait au reste en juger 
par lui-même, car le 20 juin le Bernin retournait à Saint-Ger- 
main, oti devait se décider l'entreprise d'un autre travail également 
souhaité par le monarque et par Tartiste. 

c Le cavalier proposa, dès qu'il fut arrivé, dit Perrault dans 
ses Mémoires, de faire le buste du roi. Ce fut un bon moyen de 
faire sa cour^. • Les faits malheureusement sont là pour démentir 
cette affirmation du rival du Bernin. Déjà avant le départ de 
Rome, on avait songé à demander à Tartiste d'exécuter le buste 
de Louis XIV'. Dès sa première visite à la cour, le duc d'Orléans 
lui en parla, et le bruit bientôt se répandit que le sculpteur 
allait être officiellement chargé de ce travail. Lui-même en entre» 
tenait Chantelou*, tout en disant qu'il en était fort embarrassé. 

I. Bibl. nat., ms. ital. 2oâ3, p« 35. 
a. Journal, p. 27. 

3. Bibl. nat., ms. iul. 2o83^ p. 35. Voir plus bas, p. 222, note 3. 

4. Mémoires de Ch. Pemutlt^ p. 5i. 

5. Voir plus haut, p. 195, note 2. 

6. Journal, p. 29. 



2f6 LB BBRNIK BN FmANCB. 

Le duc de Créquy lui eu avait parlé, TFaisemUablementà Rome; 
Hugues de Lionne, le cardinal Antonio également. Il déàrait 
certes plaire à S. M., mais Colbeit ne lui en avait pas parlé, et il 
était utile qu'il s^en occupât au plus vite, car cet ouvrage le retien- 
drait certes jusqu'à la fin d'octobre. Chantelou Tassura qu'il ne 
tarderait guère à être fixé, et, sur cette parole, le Bernin s'occapt, 
bien que rien ne fût encore décidé, à se procurer de la ^idse 
pour donner le mouvement qu'il projetait et des marbres pour 
exécuter le buste ^ Ce ne fut toutefois que le 20 juin, jour où 
il porta au roi les dessins remaniés du Louvre, que le monarque 
lui demanda de reproduire ses traits. 

c Le samedi 20 juin, le cavalier alla à Saint-Germain montrer 
à S. M. les nouveaux dessins du Louvre. Il m'emmena avec 
lui, dit Rossi ; arrivés que nous - fûmes, nous trouvâmes S. M. 
attendant avec grande impatience le cavalier. Lorsque nous fûmes 
entrés dans une chambre oti se trouvaient déjà M. Colbert, M. de 
Lionûe, Pabbé Butti et d^autres, on découvrit les plans. Dès le 
premier coup d'œil, le roi en demeura stupéfiait. Il pouvait à peine 
parler, à la vue d'une œuvre aussi majestueuse; il les fixa longue- 
ment, et, les ayant bien considérés, se retourna, le visage jojeux, 
vers le cavalier en disant : « Ce n'est pas seulement le plus beaa 
c dessin qui existe, mais aussi le plus remarquable que l'on 
c puisse fisire. Je suis ravi de Tavoir demandé au cavalier Bernin 
« et de ce qu'il soit venu ici. Nul autre n'aurait pu foire comme 
c lui. Et se retournant vers le cavalier : J'avais une grande 
« idée de votre talent. Vous Tavez encore dépassée. — Sire, 
c repartit le cavalier, vous n'avez jamais vu les œuvres d'Ita- 
c lie, et cependant vous avez un goût remarquable en archi- 
c tecture. — Certes, répliqua S. M., je ne les ai pas vues; mais 
c d'avoir toujours examiné tous les mauvais dessins présen- 
€ tés pour ce palais, et voyant aujourd'hui le vôtre, je m'ap- 
« prends à connaître le bien. » Et il se montra tellement enthou- 
siaste que de suite il demanda au cavalier de faire une autre 
foçade du palais, au derrière du Louvre, et se rattachant à ce qui 
existait déjà. Puis S. M., avec une grande modestie, demanda à 
M. de Lionne de prier le cavalier en italien et de lui dire com- 
bien Elle lui serait redevable qu'il fît son buste en marbre. Le 
cavalier répondit que le roi ne lui pouvait rien demander qui fût 

X. Journal^ p. 3o. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 21 7 

à la fois plus honorable pour lui et plus difficile, étant donné les 
grandes difficultés qu'il entrevoyait. Il conclut en disant que 
plus cette difficulté était considérable, plus il était résolu à le ser- 
vir, et qu^il retournerait à Saint-Germain pour dessiner son 
visage. Le roi lui répondit qu'il lui donnerait toutes les facilités 
désirables*... » 

I. Bibl. nat., ms. ital., p. gS. — c ... Il di 20 Gigno, che fu sabato pros- 
simo pessato, il sig. cav. andô a S. Germaoo per zno&trare le nuovi desegni 
che lui baveva fotto per la fabrica del Lovre a S. M., e mi condusse 
seco, e giunti che himo cola, trovassimo il Re che stava aspettando il 
sig. caval. con gran desidcrio per vedere d. disegni, e subito iotrati nella sua 
stanza, nella quale vi era Monsù Colbert, Monsù di Liooe, Fabate Buti, et 
uno altro marescial, si scoprirno le desegni, et alla prima vista il Re restô 
attonito, che a pena sapeva che dire, per havere visto cosi grtfn maestà^e 
doppo haverli guardati un gran pezzo e bene considérât!, si voltô con foc- 
cia alegra a quelli che erano li présente e disse queste parole : c Questo non 
solamente e il più bel disegno che si sia fatto, ma che si possa fore, e io mi 
trovo molto contento di havere demandato il sig. cav. Bernino in gratia al 
Pape, che sia venuto qua per questo efietto, perche altri che lui non have- 
rebbero potuto fare questo 1, et revoltatosi al sig. disse: c Io vi havevo in gran 
concetto, ma la vostra opéra Fa superato. > Il sig. cavalière rispose al Re e disse^ 
gli : f Sire, per non havere voi veduto le fabriche d'Italia, havete un bon 
gusto d'architectura » ; il Re rispose : « Vero è che non Tho viste, ma Thavere 
visto continuamente tanti cattivi desegni fatti dall' altri sopra di cid, e hora 
vedendo questo mi la prendere il bon gusto e conosciere che cosa è il bono, 
e la diferenza che è da un homo ad 'un altro, che questo è quello che im- 
porta 1, e essendo si il Ré tantoinamorato di detti disegni che subito ordind al 
sig. cav. che facessi un altro disegno per un altro palazzo dall' altra facciata 
dietro il Lovre, che attaccassi con la fabrica già fatta, e che andossi pen- 
sando modo d'abellire più che si puole il resto del Lovre che resta impiedi, 
li quali disegni hora si stanno facendo, e quando si saranno mostrati a 
S. M. di quello ne succédera ne aviserô poi a V. S. illma. 

c II Re volse che agli lassarrero le desegni per poterseli godere, li quali 
poi rha monstrati a tutta la sua corte, per la quai cosa ne è noto dal volgo 
una gran Iode, e tutti diclô sono remasti amirati. 

c Ordinô S. M. à monsù di Lione con grandissima modestia che dicesst 
in italiano al. sig. cav. che haverebbe hauto gusto, avanti che lui fusse partito, 
che gli havesse fatto il ritratto in marmodi sua mano,alle quale parole il cav. 
rispose che S. M. non gli poteva comandare cosa più degna e più deficile 
che di fare un retratto, dicendoli sopra queste moite difîcultà che vi 
sono, e poi concluse, che tanto più era la difiicultà, tanta magiormente era 
risoluto di servirlo e che sarebbe andato un altro giorno a S. Germano per 
designare d. rittratto. 11 Re rispose che lui gli haverebbe dato tutte le sue 
comodità, ma che prima che lui Thavesse possuto fore, gli haverebbe fato 
gran servizio. Licentiato poi, la sera cène tornassimo a Parigi. 

c Veramente il desegnio del palazzo è cosa da stupire, essendo in questa 



9l8 LB BEftHIN EN FRAMCB. 

« La vigile de la Saint-Jeani le seigneur cavalier lettrarna à 
Saint-Gennain dessiner le portrait de S. M.; il m'emmena me 

forma : cioè nella fotsa che gira attorno il palam dote è la sosTpa sooq U 
pîsno terrenoy vi è un icoglio grande nel quale mostra esserc flbndao U 
sud. palazzo, o sopra detto scogiio dalle ptrte délia porta prindpslemfett 
d'adomtinento di dot colonne, vl ha fiitto due grandi Erêoll» die fiagono 
guardare il palazzo, alli quali il sig. cavah gli da un aegnificato e diœ Bvcole 
è il rettrato ddla vertu per mesio délia sua fortesza e fiatica, qoale rinede 
au il monte délia fatica che è lo scogiio detto di sopn, e dice chi vole riâ»- 
dere in quesu regia, bîaognia clie passi per meuo délia vertu e ddk 
fatica. Quai' penaiero e alegoria piacque grandamente a S. II., puendo^icht 
havesse del grande e del senteaioso. Sopra detto scogiio Sfrioca un ordiae 
tutto fatto a bugne, quale arrira sino il piano nobile, sopfa il quale oel 
resalto di mezzo posano otto gran coloane di ordine corintio, coa 
feneatre tra (iette, con due reaalti in dentro dalle parti adomati oon pUaitri, 
e poi toroa a reaaltare in fiiori, con duo altri braoci adomati mertcmaawale 
oon pilastri, con un fenimento d'un bellisaimo comidone, con balamlnta e 
atatue sopra. 

c La vigilia di S. Giovani, tornè medemamente il aig. cav. m S. Germaas 
per disegnare il retratto di S. M., e condutae aeco il sig. abste Buti, e io; 
dove giunsi che ftisaimo cola, trovassimo il Re nel giuoco della palaoofda ck 
stava giocando, e quando vidde il sig. caraliere aubito lo salutè con fiwài 
alegra e ridente, e doppo fenîto di giocare, il sig. cav. entré dentro alk 
atanze di S. M., dove ri vi incontrô l'ambasdatora d'Inghiltem che pieo- 
deva udienza dal Re, la quale udienia la diede preaente il sig. cav.; e 
doppo dette udienza restomo nelle stanze dd Re, Monaù Colbert, monsà 
de Lione, monsù Trigli, et il mareacial de Torena. Il d. cavalière mi chîanô 
dentro e a! fece dare la cartella, et ivi principiô a disegnare, havendo il 
aig. cay. accomodato il Re in piedi appogiato ad une tavolino, e aenza niente 
in testa, e per che li capelli di S. M. non stavano nel modo che voleva il sig. 
cav., gli demandé un pettino e gli agiuatô li capelli il sig. cav. coq le sue 
mani a suc modo. Disse il Re al sig. cav. che per sua commodità ai fusse 
seduto, et il sig. caval. gli respoae che quel retratto andava £atto in piedi e 
mentre stava disegniando, quclli che erano nella caméra atavano leggendo 
diverse lettere al Re, et alli primi segni, che fece, tutti restomo a mirari 
in vedere che egli haveva dato Taria alla prima, facendone di queato gran 
maraviglia, et il Re havendo tanta ansietà di vederlo, che speaso in cambio 
di stare ferme, guardava verso il desegno, ma diavantaggio, che mentre 
discovreva con quelli, moveva contenuamente la testa, e bisognava che il 
aig. cav. lo prendesse per aria ; doppo che il sig. caval. hebbe messo aasai il 
disegno, si reposé con poco, e tutti mirando detto disegno e imparticolare il 
Re disse a for biene, questo é il più bello et simile retratto, che mai mi sis 
stato fatto • ; doppo che hebbe fienito il retratto in fisccia, lo fece in profile e 
medemamente vendendole S. M. subito disse : c Sono io, e mi riconosco. i la 
fare li sud. due disegni, il sig. cav. ci stiede un hora e mezza, et niente più, 
che questo é quelle, che loro^miravano havendoli fatti cosî simili in taoto 
poco tempo; doppo licenziati sene tornassimo a Parigi dove lo mattina v^ 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS ZtV. 2 I 9 

abbé Butti; à notre arrivée, nous trouvâmes le roi au jeu de 
kaume, occupé à jouer. Dès qu41 aperçut le cavalier, il se mit à 
s saluer en souriant, et, la partie finie, le cavalier entra dans les 
ippartements de S. M. Il y rencontra l'ambassadeur d^ Angleterre 
renant en audience. Le roi la lui accorda en présence du cavalier. 
?uis, le roi, M. Colbert, M. de Lionne, le maréchal de Turenne 
lenneurèrent dans cette chambre. Le cavalier me cria d'entrer et 
ne fit apporter le canon à dessin; il se mit alors à dessiner, après 
ivoir appuyé le roi debout à une table, tâte nue. Les cheveux de 
S. M. ne se tenant pas ainsi qu'il désirait, il demanda un peigne 
st arrangea les cheveux avec sa main, à son gré. Le roi lui dit 
que, s'il lui eût été plus commode, il se fût assis, mais le cavalier 
lui répondit que le portrait était en pied. Pendant qu'il dessinait, 
les gentilshommes présents dans la chambre lisaient diverses 
lettres au roi, et aux premiers gestes que fit S. M., tous demeu- 
rèrent étonnés de voir combien aux premiers coups de crayon le 
cavalier avait trouvé la ressemblance. Le roi avait une telle hâte 
de se voir quMl ne cessait de remuer, regardant le dessin et bou- 
geant continuellement la tête, si bien que le cavalier devait le 
prendre quasiment au vol. Quand le dessin fut suffisamment 
arrêté, le cavalier se reposa un peu; tous admirèrent Tesquisse, 
et surtout le roi, qui disait : « Fort bien, c'est le dessin le plus 
c beau et le plus ressemblant que l'on ait jamais fait de moi. « 
L^esquisse, terminée de face^ fut recommencée de profil, et, la 
voyant, S. M. s'écria de suite: c C'est moi, je me reconnais. > Ce 
dessin demanda une heure et demie ^.. » 

Le 28 juin, le cavalier revint encore à Saint-Germain. Il dési- 
rait achever son esquisse et la perfectionner avant de commencer 
k modeler le buste. Il y avait ce jour-là séance du Conseil, et, 
continuant de traiter le Bernin avec la même familiarité qu'il 
était accoutumé, ce fut en présence des ministres que le roi lui 

nente, che fu il mercordi principid il modello di creta, et hora lo sta facendo. 

c II giovedi a manioa venne monsù Colbert a visitare il sig. cay. et 
ordinagli da parte del Re che Toleva che roettessi mano alla febrica, e 
veduto il modello abozzato disse c o bella cose o quanto e semile al Re » 
e si pare contento. 

c 11 Tenerdi a mattina venne monsù de Lione per medemamente visi- 
ure il sig. cav., e vidde il sud. modello del quale ne hebbe gran gusto 
e ne restô molto sodisfatto. Non ho per questo ordinario altro che dirgli... 
et... — Parigi, questo di 26 gigno. i663. Matthia db Rossi. » 

1. Voir lettre du 20 juin, p. 217, note i. 



220 LE BRRNIN EN FRANCE. 

accorda la séance de pose; mais la même difficulté se représentait 
toujours, Louis XIV ne cessant de remuer, de se tourner de droite 
et de gauche, si bien qu'il était peu facile d'arriver à une ressem- 
blance satisfaisante ^ Et, cependant, il fallait se hâter si Ton vou- 
lait que l'œuvre fût achevée avant le mois d'octobre. Le nombre 
des séances demandées par le Bernin était de vingt, et chacune 
devait être d'environ deux heures. 

Aussi, dans l'intervalle de ses voyages à Saint-Germain, s'oc- 
cupait-il activement à trouver des blocs de marbre qu'il pût travail- 
ler. Dès le 21 juin, accompagné de Chantelou et de Perrault, 
qui, malgré son hostilité peu déguisée et sa malveillance, assistait, 
comme commis de Colbert, à tout ce qui se rapportait aux 
travaux entrepris, il se rendit au dépôt des marbres, situé 
devant les Tuileries. Un seul bloc lui convint, et encore fit-il 
des réserves sur sa qualité. De là on alla à la Sorbonne, oti Toq 
travaillait au tombeau du cardinal de Richelieu, puis chez le 
sculpteur Guérin, et enfin au Val-de-Grâce, oti, sous la direction 
d'Anguier, on achevait le monument, dont Mignard dessinait et 
peignait la coupole^. Le cavalier parut trouver ce qui lui conve- 
nait, et l'on fit voiturer un énorme morceau de marbre à Thôtcl 
de Frontenac. Finalement, il se trouva posséder trois échantillons, 
entre lesquels il lui était difficile de choisir, tous lui paraissant 
d'une qualité également inférieure, friables et sans consistance. Il 
ne pensait toujours pas les utiliser de suite; il terminait son des- 
sin, et, d^autre part, il carressait le projet, tant par crainte du 
manque de temps que par suite de la mauvaise qualité des 
marbres, d'exécuter le buste une fois rentré à Rome^. Mais il com- 
prit bientôt les inconvénients de cette solution, et, se remettant 
au travail, il continua ses visites à Saint-Germain. 

1. Voir plus haut, p. 218, note. 

2. Journal, p. 36. — Guiffrey, Comptes des bâtiments du roi, p. 98 : c A 
Gilles Guérin, pour un bloc de marbre qu'il a fourny pour faire le buste 
du roy, 819 1.; » — p. 100 : t A Louis Lerambert, sculpteur, pour avoir 
débité, scié et transporte des blocs de marbre blanc pour le cavalier Bernin, 
68 1. 10 s. » 

3. Lettre de Ch. Perrault à Colbert du 22 juin, où il lui raconte la 
recherche des marbres et le dessein du Bernin de ne commencer le buste 
qu'à Rome; à la fin, l'auteur rapporte qu*à son avis ces difficultés sont sug- 
gérées par le désir qu'a le Bernin de ne pas exécuter le travail, ce qui est 
en contradiction avec l'assertion des Mémoires du même Perrault (Clément, 
t. V, p. 5 08). 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 23 I 



III. 

La vie du Bernin a Paris et l^opinion publique. 
Le projet du Louvre. 

Il allait non seulement y travailler au buste du roi, mais aussi 
s^entendre avec Louis XIV et G>lbert pour les travaux du Louvre. 
Le projet apporté le 20 et tant admiré par le roi, au dire de Matthia 
de Rossi, n*avait pas eu l'agrément de Colbert, venu Texaminer 
le 1 9 à rhôtel de Frontenac. L'élève ne tarissait cependant pas 
d'éloges sur la nouvelle conception de son maître. « Vraiment, 
disait-il, le dessin du palais est capable d^étonner par sa forme. 
Dans le fossé qui entoure le monument, il a mis, au-dessous du 
rez-de-chaussée, un grand écueil qui paraît être la base même 
de rédifice. Au-dessus, aux côtés de la porte principale, il a rem- 
placé les deux colonnes par deux grandes statues d'Hercule, qui 
semblent garder le monument. Dans l'esprit du seigneur cavalier, 
il y a là une singulière allégorie. Hercule représente le courage, 
grâce à sa force et aussi à son effort, courage qui réside sur une 
montagne de Teffort, qui est le rocher susdit, et cela veut dire que 
qui désire arriver à cette royale demeure doit à la fois passer par 
le courage et l'efifort. Cette allégorie plaît beaucoup à S. M., 
par ce qu'elle renferme de grand et de sentencieux. Au-dessus du 
rocher règne un ordre en bossages, jusqu^à Tétage noble, et au- 
dessus sMlèvent huit grandes colonnes d^ordre corinthien, sépa- 
rées par des fenêtres, au pavillon saillant du milieu : les deux 
corps de bâtiment rentrants rejoignant les pavillons d'angle sont, 
ainsi que ces derniers, ornés de pilastres. Le tout est surmonté 
d^une superbe corniche, avec balustrade et statues ^ » 

Ce nouveau projet différait sensiblement de celui qu^avait primi- 
tivement conçu le cavalier. Devant les objections quMl rencontrait, 
et peut-être sur le conseil d'amis prudents, il consentait à ne pas 
demander la démolition complète de l'ancien palais. Tel était 
du moins ce que l'on répétait, et, dès le 19 juin, Caprara en 
informait le duc de Modène : a On dit que le cavalier veut lais- 
ser en place toute l'ancienne construction et élever au milieu un 

I. Voir lettre du 20 juin, p. 217, note i. 



222 LB BERNIN EN FRANCE. 

palais pour le roi. Mais les pierres de Tancien bâtiment pour- 
ront-elles supporter cette nouvelle bâtisse et fournir un long 
usage? C'est là la difficulté, et l'on doit y faire quelques essais. 
Tout d'abord, on pensait tout abattre, mais cette prétention mit 
en confusion tous les architectes française » Colbert, de son côté, 
faisait de grandes objeaions, les mêmes que celles déjà formu- 
lées quelques mois auparavant. Les appartements royaux étaient 
toujours réservés du côté de Saînt-Gcrmain-rAuxcrrois, ce qui 
ne pouvait être, à cause du bruit; la multiplication des por- 
tiques et des colonnes dans les vestibules lui paraissaient dange- 
reuses, comme étant propres à dissimuler des gens prêts à com- 
mettre un attentat*. Louis XIV, nous Pavons vu, ne partageait 
pas Topinion de son ministre. Mais les ennemis du Bemin s^em- 
parèrentde cette circonstance pour discréditer leur rival. 

Le cavalier prétait, il est vrai, à la critique. L'accueil flatteur 
qu'il avait reçu le grisait. Les marques de déférence que lui prodi- 
guait le roi augmentaient sa propre estime pour lui-même, et son 
entourage immédiat partageait sa confiance. « En réponse à la 
lettre de V. S. du 25 mai passé, je vous dirai exactement, man- 
dait le 19 juin Matthia de Rossi à Tun des parents du Bemin, ce 
qu^il en est, tant du Louvre que de la réception que nous font les 
Français. Si je ne vous ai rien dit jusqu'ici de la construaion du 
Louvre, c'est que jusqu'à présent le cavalier n^avait rien établi. 
Mais, depuis notre arrivée à Paris jusqu'à ce jour, il a travaillé 
aux dessins, aux nouveaux plans, aux nouvelles élévations, et a 
finalement établi un superbe, majestueux et noble dessin, des 
meilleurs qu'il ait fait à ce sujet. Demain, nous irons à Saint- 
Germain le montrera S. M., et, par le prochain ordinaire, je ferai 
connaître à V. S. le résultat de cette visite. Quant au traitement 
que l'on nous fait, il est très grand, ainsi que vous l'avez pu 
comprendre d'après les lettres que j'ai écrites à V. S.; et chaque jour 
il s'améliore. Il ne se passe pas de jour que le roi n'envoie de 
Saint-Germain voir comment se porte le cavalier et lui faire 
demander si quelque chose pourrait lui être agréable'... » Non 

1. Fraschetti, ouvrage citéf p. 342, note i. 

2. Journal, p. 35. 

3. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 33. — c In resposta délia Jettera di 
V. S. illma riceuta da me in Parigi delli 23 maggio prossimo passato, che 
io gli dia notitia esatta di tutto quello che occorre tanto del Lovre 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 223 

seulement, en effet, le cavalier et sa suite étaient l<^és à Thôtel 
de Frontenac, mais toutes les dépenses de leur séjour, tous les 
frais étaient réglés par le trésor royal et par l'intermédiaire de 
M. de Bertillat, intendant de la couronne ^ 

D'autre part, malgré que son temps fût principalement occupé 
aux travaux dont il était chargé, le Bernin trouvait dans les pro- 
menades et les visites quMl faisait, sous la conduite de Chante- 
lou, le respect et la déférence dus à son talent. Dès son arrivée, 
on l'avait conduit à travers la ville voir les monuments et les 
points de vue qui pouvaient le plus Tintéresser. Mais, que ce fût à 
Notre-Dame ou au palais, à Saint-Sulpice ou au Noviciat des 
Jésuites, au Val-de-Grâce ou à Téglise de Théatins, il n'admirait 
rien^ ou du moins n^adressait des éloges que pour les œuvres 
venues d'Italie ou inspirées par le goût italien. Qu'il eût même 
raison de trouver le dôme du Val-de-Grâce trop petit pour les 
dimensions de Téglise, ses critiques revêtaient une forme et un ton 
agressifs. Seul le Luxembourg trouvait grâce devant lui, ainsi que 



quanto circa il trattamento che ci fanno questi francesi, e cosi di 
ogni altra cosa. Circa la fabrica del Lovre, sino adesso non gli ho dato 
nova alcuna, perche il sig. caval. non haveva stabilito niente, ma essendosi 
dair arrivo nostro in Parigi sino hora lavorato attorno li desegni del Lovre, 
tanto di nove piante ftitte, corne di nuove elevatione, et al fine il sig. caval. ha 
stabilito un superbo maestoso e nobile disegno delli megliori che lui hab- 
bia fotto circa detta fabrica, e domani anderemo a S. Germano per roos- 
trarlo al Re, e quello che dira sopra di cid, ne aviserô a questo altro ordina* 
rio a V. S. illma. Circa il trattamento si fia alla grande assai, corne dalle lettere 
mie scritte a V. S. illm* haverà distintamente inteso il senso, e continuamente 
vanno trattando sempre meglio, e non passa giorno che il Re non mandi da 
S. Germano a vedere corne sta il sig. caval., e forgll domandare si desidera 
qualche cose di sua sodisfatione. Circa havere cura al. sig. caval., non si puole 
fare magior diligenza di quello che si fà, e se assicuri V. S. illout che mi 
preme assai la sua salute, più che ogni altra cosa. Circa l'avertire su li pêne 
délia fabrica questo non ci n'é besognio, non essendosi pêne ne occasione di 
andarci sopra, che quando vi fussero, sarià mia cura di averti rci. Circa il fare 
cocinare, in caméra sempre il Cosimo asiste alla cocina, tanto la mattina 
quanto la sera, e non vi entra anima nata, e di questo, V. S. illma ne sta 
sicura senza dubio alcuno, e oltra questo il sig. cav. è stato dato in conse- 
gnia aile guardie délia porta, corne nelP altra mia lettera ho accennato a 
S. V. lima, che non puole entrare nessuno in casa, se prima non dice chi é, 
dove vadi, e che cosa voglia, etc.. -* Parigi, questo di ig gugnio i665... i 
I. Guifirey, Compte des bâtiments du roi, 1. 1, p. i à 102, passim; le total 
des divers paiements faits pour le voyage du Bernin et de sa suite monta à 
107,000 livres. 



224 ^^ BERNIM EN FKANCB. 

les peintures dont Mignard décorait la coapole da Val-de-GiAce. 
Son air dédaigneux déplaisait; ses £fiçons trop peraonnelks agi- 
çaient. Ses critiques sur le Louvre, sur la décoration de Lesoot, 
sur l'architecture française froissaient ses auditmrs. Lorsque, le 
i6 juin, TAcadémie de peinture vint en corps le complimeoter, il 
la reçut fort bien, discourut agréablement d'historiettes touchant h 
peinture et raconta quelques anecdotes sur Carracfae. Mais ao 
départir, au grand étonnement et mécontentement de ses visi- 
teurs, il négligea de les reconduire. Cétait sa coutume, et il en 
usait à l'égard de tout le monde, même de Colbert^. Un antre 
jour, devant plusieurs personnes, il s'écriait : c J'ai on grand 
ennemi à Paris, la trop haute opinion que Pon a de moi. » 

Colportés, répétés, ces propos amusaient fort ses ennemis, 
attristaient ses amis, éclairaient et désenchantaient ceux qui umi 
d^abord s^étaient laissés séduirepar la chaleur et Tabondance de si 
parole. Louis XIV lui-même revenait de son enthousiasme des 
premiers jours, c II est, disait Vigarani, arrivé ici applaudi ptr 
tous; mais je crains que les trop grands honneurs qu*on lui t 
rendus ne Talent amené à faire une déclaration trop hardie et très 
désavantageuse pour lui au sujet des travaux du Louvre et n*ût 
donné matière à ses ennemis de lui nuire auprès de S. M. Dès k 
premier jour, il a déclaré qu*il allait abattre presque tout k 
Louvre, si Ton voulait faire quelque chose de bien. Cela, joint k 
beaucoup d^autres choses que Ton a rapportées au roi, n*a pas 
fait bon effet. Il a ensuite modifié ses propos, sous Tinfluence de 
M. de Colbert; il n'est cependant pas sans s'être fait grand tort. 
Il avait, à son arrivée, besoin d'un bon conseil, qu'il n^a point 
eu; j'en parie avec assurance, car, devant cinquante grands sei- 
gneurs, S. M. m'a dit à Versailles, après m'avoir demandé si 
j'avais vu le cavalier Bernin, qu'EUe ne voulait pas qu'il 
vienne dans ce château, car une demi-heure de conversation lui 
avait suffi pour le juger homme décidé à ne rien trouver de bien 
en France. Ce début malheureux me chagrine, à cause du respect 
que je lui dois et pour la courtoise réception qu'il m'a faite. A 
vrai dire, on m'annonce maintenant qu'il fera la façade du Louvre 
en l'appliquant au vieux monument, et que, si S. M. le désire, on 
pourra agrandir tout le palais sur ce modèle. Mais on ne parle 
plus de surélever le premier étage, ce qui aurait obligé à tout 

I. Journal j p. 34-35. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 225 

abattre... » Quelques jours après, Tambassadeur du duc de 
Modène complétait, avons -nous vu, son information en écri- 
vant que tout l'ancien Louvre serait respecté et que Ton s'occupait 
seulement de faire la façade avec une grande entrée et deux cours 
à droite et à gauche*. 

Toutefois, cette modification dans l'opinion que Ton sMtait faite 
de son caraaère, ce refroidissement à son égard n'empêchaient 
pas que le Bernin ne fût toujours traité avec la plus grande 
estime et qu'on ne lui prodiguât des marques d'honneur. Bientôt 
même Anne d'Autriche lui fit demander par Jacques Tubœuf, 
surintendant de ses bâtiments, et par M. de Bertillat de dessiner le 
projet d'un autel pour l'église du Val-de-Grâce. Le cavalier exé- 
cuta cette esquisse, mais divers empêchements, dont le plus 
important fut sans doute le grave état de santé de la reine-mère, en 
rendirent impossible l'exécution. Le projet était cependant gran- 
diose, à en croire la description de Matthia de Rossi. « C'était un 
grand ovale à huit colonnes d'ordre corinthien, avec chapiteaux, 
architrave, frise, corniche et, au frontispice, une gloire d'anges 
entourant Dieu le père; c'est splendide, et dès l'entrée de Téglise 
ce morceau donne l'idée d'une chose merveilleuse. Cet autel 
étant destiné à l'autel de la Nativité, le cavalier y a dessiné la 
Madone avec l'Enfant Jésus et saint Joseph^ » Le roi, lui 
aussi, continuait à lui donner de publiques marques d'estime 
et le conviait spécialement à une grande revue, passée dans la 
plaine de Colombes^. Entre temps, les séances continuaient, 
Louis XIV traitant toujours aimablement et familièrement l'ar- 
tiste, et échangeant avec lui quelques propos en italien. Le peu 
de constance du roi dans la pose faisant dire au Bernin : c Je 
vole; » — certes, répondait le roi, mais pour restituer. — Tou- 
tefois, » ripostait l'artiste, « pour restituer moins que je ne vole. » 

Le 5 juillet, Matthia ayant terminé le dessin de la façade du 
côté des Tuileries, dite des cuisines, qui avait été demandé 
quelques jours auparavant, on partit pour Saint-Germain. « Dès 
notre arrivée, nous allâmes aux appartements de M. Colbert lui 
montrer ces dessins; il s'en déclara très satisfait, tant du plan lui- 
même que de l'élévation. Le cavalier lui fit également voir le pro- 

1. Voir plus haut, p. 221. 

2. Voir plus bas, lettre du 10 juillet, p. 226, note 2. 

3. Le i3 juillet {Journal, p. 5i). 

MéM. xsxi i5 



226 LB BERNIN EN FRANCE. 

jet de l'autel demandé par la reine-mère pour le Val-de-Grâce, et 
M . Colbert en fut également enthousiaste. .. Il déclara n'avoir jamais 
rien vu d*aussi beau, et ajouta que, pour faire ce travail confor- 
mément au modèle, il serait nécessaire que le cavalier s'en occu- 
pât lui-même. Il dit ensuite que S. M. désirait vivement que, de 
retour à Rome, le cavalier fit travailler de jeunes sculpteurs fran- 
çais et leur apprît leur métier. Le cavalier répondit que Ton avait 
le temps d*y songer, mais que, pour être agréable à S. M., il pro- 
mettait volontiers de le faire. Puis nous allâmes chez le roi, à qui 
Ton montra les dessins du palais, en présence du prince de Condé 
et de maréchaux. Il s^en montra satisfait, et dit : « Je ne puis me 
« déclarer plus content d'aucune chose que de bénir Theure oti 
« j'ai fait venir ici le cavalier. » Tous les personnages de la cour 
admirèrent également les dessins, et à Paris on ne fait qu'en dire 
du bien. S. M. examina ensuite le projet d'autel, qui lui plut 
extrêmement. Puis le cavalier dessina quelque peu du portrait 
du roi, afin de pouvoir travailler à Paris. Nous nous rendîmes 
de là chez la reine-mère, auprès de qui se trouvaient beaucoup 
de dames, occupées à lui arranger les cheveux. Son contentement 
ne fut pas moins grand, et Monsieur, qui survint sur ces entre- 
faites, partagea son sentiment. 

c Notre cavalier a commencé à travailler le marbre* ; il a essayé 
trois blocs et n'en a pas trouvé un qui lui convienne; il utilisera 
cependant le moins mauvais, car il y en a fort peu à Paris, et 
ils ne sont point propres pour les bustes. On travaille beaucoup, 
on commence de bonne heure le matin et Ton continue jusqu'au 
soir, sans repos, et si Ton travaillait bien à Rome, on fait ici six 
fois plus. 

a En ce moment, on dessine la partie inférieure de la cour du 
Louvre, oii se trouvent les loges, tant au rez-de-chaussée qu'au 
premier étage; ce qui est fort beau. Dimanche prochain, on por- 
tera le tout à Saint-Germain'. Puis on entreprendra de dessiner 
les séparations des pièces et autres choses qui serviront à com- 
mencer le travail... » 

1. D'après Chantelou, ce fut le 6 juillet que le Bernin commença à ébau- 
cher le marbre [Journal ^ p. 46). 

2. Bibl. nat., ma. ital. 2o83, fol. au. ^ c Domenica prossima passata, 
che fi] il di 5 lug* corrente, fiisaimo a S. Germano a portare il dise- 
gno deir altra fabrica del Lovre da farsi verso le Tulerie, corne nell* altra 
mia V. S. illnia haverà inteso, egiuntî che fussimo cola, andassîmo prîmîera- 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 227 

En attendant, le Bernin corrigeait son œuvre, suivant les indi* 
rations et les ordres de Louis XIV, modifiait la façade du côté de 

nente aile stanze di monsù Colbert, dove il sig. cav. mostrô H desegni al detto, 
1 quale ne resta molto sodisfatto, tanto délia pianta corne délia facciata e gli 
tDostrô anco un disegno che ha fatto per un altare che gli haveva ordinato 
La Regîna madré, che lo vole fare a una chiesa che ha fatto fobricare la 
medema in Parigi, detta Val di Gratia, corne già nelP altra medemamente 
gli dissi ; del quai disegno monsù Colbert resté molto amirato, vedendo un 
pensiero cosi pellegrino fatto in forma ovata con otto colonne d' ordine 
corinthio, con suoi capitelli, architrave, fregto, e comice, e frontespisio 
con una gloria di Angeli et Dio padre con uno splendore, che da nelP andare 
délia cathedra cosa veramente degna d'essere vista; quale altare deve servire 
per la natività del Signore, dovc vi ha disegnato la Madonna con il Bambino, 
e S. Gioseppe con quello espressive, che il sig. cav. sole animare li suoi 
diaegni. Doppo che monsù Colbert hebbe veduto li sud. desegni, disse che 
lui non haveva mai veduto cosa cosi bella, e che, per fare il detto altare 
nel modo che era il desegno, haberebbe bisognia che fusse stato fatto per le 
mani del sig. caval.; al quale poi disse che il Re haverebbe hauto gran 
gusto che quando il sig. cav. sarà tornato a Roma, di havere a fiare lavo- 
rare diversi giovani francesi scultori sotto di lui, acciô possino riuscire ver- 
tuosi, e che il Re Thaverebbe mantenuti in Roma suntibus suis; aile quale 
parole il sig. cav. rispose che lui era di tempo, ma che per servire S. M., 
i'haverebbe fatto molto volentieri. 

c Doppo, si andô dal Re e se gli mostrorno li desegni del palazzo, alla pre- 
senza del Prencipe di Condè, et al tri marescialli, dove che ne restô sodis- 
fatto, a segno che disse queste précise parole : c lo non posso restare più 
sodisfatto di quello che resto, e benedico Thora che vi ho fatto venire quà », 
e li desegni hebbero tanto dal Re quanto délia corte un grande aplauso, e 
per Parigi non si sente altro che dire bene di quelli desegni ; poi gli mostrô 
il desegno deir altare suddetto, il quale medemamente gli piacquein estremo, 
e godeva di vedere quello. Doppo il sig. caval. disegno diverse parte del 
retratto de S. M., jpcr poterlo poi fare nel modello a Parigi. 

c Doppo si andô dalla Regina madré, la quale si trovô che moite dame sta- 
▼ano acomodargli la testa, e gli si mostrô il desegno, alla quale piacque 
grandemente, e ne restô molto sodisfatta, e nel medemo luogho vi era 
Monsù, il fratello del Re, il quale vedendolo, anco lui gli piacque assai; 
questo è quanto posso dirgli circa questo. 

c II sig. cav. ha principiato il retratto in marmo, et ne ha provato tre pezzi 
e non ha trovato ancora cosa ar proposito, e si servira di quello che è meno 
cattivo, perche in Parigi, di marmi vene sono molti pochi, e quelli che vi 
sono non sono da retrattt; qui si fanno gran fatiche, e si comincia dalla 
mattina a bon hora si no alla sera senza requiarmai, et si assicuri V. S. 
illm&, che si a Roma si travagliava assai, qui si travaglia sei volte più : 
adesso si sta facendo il desegno dalla parte di dentro del cortile, al quale 
si feinno le loggie sotto e al piano nobile, il quale riescie molto bello, e 
domenica si portera a S. Germano a mostrare al Re Di quello che ne suc- 
cédera ne sapera V. S. illma in quest* altra. Poi si darà principio a disegnare 



aaS LB BKRNIN BN FBAMCB. 

k rivière pour Tadapter au style de la âiçade principale, detâoth 
les diverses élévations^ quMl soumettait à Colbert le 8 joilkt. 
Le surintendant avait hâte de voir entreprendre les fonda- 
tions, et le Bernin renouvelait sa promesse de porter an roi, 
lors de sa prochaine visite à Saint-Germain, tous les pkns et âé- 
vations, tant de la &çade du dedans du Louvre que de celle da 
côté de la rivière. En outre, il se déclarait désireux de reprendre 
soit hii-méme, soit par Tintermédiaire de Matthia de Rossi, ies 
mesures exactes sur le terrain, afin de commencer ces fondattoos*. 
Le 12 juillet, un nouveau voyage eut lieu à Saint-Germain, 
«t Dimanche dernier, 12 du mois de juillet, le cavalier alla mon- 
trer au roi le dessin de l'intérieur de la cour du Louvre. Ce 
dessin est tout en perspective, et, avec les quatre ressauts des 
quatre escaliers, il est merveilleux et majestueux au possiUe. Le 
roi en demeura très satisfait et en fit grand éloge, ainsi que tons 
ceux qui, maréchaux ou gentilshommes, étaient présents lorsque 
Ton montra ce dessin, et tous s^accordèrent à dire que ce serait te 
plus grand et le plus remarquable palais du monde. Puis M. Col- 
bert et quatre autres officiers demeurèrent au conseil des finances, 
durant lequel le cavalier dessina de diverses sortes le portrait de 
S. M., afin de pouvoir travailler au buste^ Cela dura une heure 
et demie, et, durant ce temps, je restai là, servant au cavalier 
tout ce dont il avait besoin pour dessiner. LorsquMl eut ter- 
miné, tous les ministres regardèrent ce qu'il avait. traité du visage 
de S. M., et en furent très contents. Nous déjeunâmes ensuite là 
où nous sommes accoutumés à le faire, puis le cavalier fit la 
sieste, selon son habitude. Mais il se reposa peu, car il se fatigae 
trop et s'échauffe trop la tête par son travail acharné; il dort peu, 
autant la nuit que le jour; tous lui disent de ne pas tant se fati- 
guer, d'aller plus lentement, car il ne pourra soutenir une telle 

li spaccati di dentro délie stanze, et altre cose in grande, che senrono per 
principiare l'opéra. 

c Soho tre ordinarii che non ho hauto lettre di V. S. illm», dove ne seoto 
gran travaglio, e mi fanno pensare che lei sia in colera con me, corne già in 
una acritta al sig. cav. lei diceva. la questo mi pare non habbia occasione di 

dolerai de me, non havendo io fatto mancamento alcuno apresso, etc — 

Parigi, questo di 10 guglio i6G5. » 

I. Colbert, le 8 juillet, venait visiter l'atelier du Bernin, examinait kl 
élévations du Louvre et se déclarait désireux de voir commencer les fonda- 
tions. Les jours suivanu, le cavalier visitait les appartements et ombrait lui- 
même ses dessins {Journal, p. 48-49}. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XFV. 329 

ardeur. Quant au buste, il a essayé trois morceaux de marbre 
et se sert du moins mauvais. En ce moment (le ly), il s'occupe 
des dessins des façades latérales du Louvre. Ils seront terminés 
et pourront être montrés à S. M. dimanche prochain... Le roi 
demande sans cesse au cavalier de commencer les fondations, 
mais ce dernier désire auparavant terminer tous ses dessins et que 
les hommes par lui mandés de Rome soient arrivés ^.. » 

On continuait à dessiner activement et à prendre des mesures 



I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 3 19. — c Domenîca prossima passata, 
12 del corente mese di luglio, si andô a S. Germano a mostrare al Re il 
disegno del di dentro del cortile del palazzo del Lovre. Il quai disegho è 
tutto tirato in prospectiva e stante li quattro resalti délie 4 acale grande fa 
mirabilmente e rende maestà a magior segno. Il Re ne restô assai sodis- 
fatto e ne fece grande aplauso, corne anco fecero tutti quelli marescialli 
e cavalieri, che erano presenti, quando si mostrô detto desegno, e dissero 
tutti di accordo che quello sarebbe stato il più bello e gran palazzo che 
fusse stato nel mondo; questo è quanto vi fu circa il Lovre per ail' hora; 
doppo restô dentro monsù Colbert con quattro ahri officiali assieme con 
il Re, e principiorno il conseglio délie finanze, nel quale conseglio restô anco 
il sig. cavalière a disegnare diverse parte del retratto de S. M. per poterlo 
poi lavorare in marmo. Si trattenne dentro un hora e mezza, nel quai 
luogho vi stiedi accora io servendo il sig. cav. di quello gli faceva bisogna per 
disegnare, e doppo che bebbe disegnato, tutti quelli ministri che erano 
nel conseglio viderro quelle parte del viso di S. M., e ne hebbero gran gusto; 
doppo si partissimo e si andô a pranzo nel solito luogho, dove si é andato per 
lo passato, e doppo il sig. cav. si andô a reposare, conforme il suo solito. Ma 
il reposo suo è divenuto poco, perche si afatica troppo e si rescalda con 
l'aplicatione tanto gagliardamente la testa, che tanto la notte corne il 
giorno dorme pochissimo; ogniuno gli dice che lui non si afatichi tanto, e 
che faccia un poco più adagio, perche cosi caldamente come lui Tha presa, 
non pare che posai sussistere. Circa il retrato di marmo, lui ha messo le 
mani in tre pezzi di marmi, e hora si serve del meno cattivo. Hora si sta 
facendo li desegni per 11 fianchi del medemo Lovro, e appunto domani saranno 
feniti, e domenica si porteranno a mostrare a S. M. Si darà principio quesi' 
altra settimana a disegniare li spaccati per di dentro del palazzo, come anco 
le sue plante numérale per potere principiare Topera. Il Re continuamente 
manda a dire sig. cav. che dia principio alli fondamenti, ma il sig. cav. vole 
aspettare di fenire prima tutti li desegni, e anco che venghino da Roma 
questi huommini che si sono mandati a chiamare, perche di queste maes- 
trante non bisognia fidarsene, una perche non intendono il parlare, el' altra 
perche non sono gente dalla nostra. Tra tanto si darà principio a tirare 
li fili principali délia fabrica, e questo è quanto gli posso dire sopra diciô. 

c Godo grandemente il sentire continualmente dalle lettere che V. S. illma 
scrive al sig. cav. délia bona salute délia sua casa, etc. — Parigi, questo di 
17 juglio i663. Matthia db Roasi. i 



pour tfctificr cxlks <|iii avaient été cnrofées à Rooia. II semUiit 
ménie à ce mooKDt qm Tao voulût profiter de la préseooe de 
Vmmmt pour faire aéaoïer an Lonvie do dépendances coo- 
sdérable&. Le 1 5 înîDet cnefEat, Odbcrt, âam venu Toir kcivaliff 
loi dnnanrta de songer à faire nngnde-menble, en remplaceiDeot 
sans doute de rhôiel dn Pedt-Bonrbon, destiné à di^waltie pir 
suite de Fagiandissenient dn palais. Ce garde-menfak denit 
tee placé vers le ponail d'ennée. En onire, cm penadt à dispo- 
ser nne gruide oonr qui pût serrir am ballets à cheval et tu 
pièces marhinfft, et diqnisée de telle sorte que ces pièces piuKot 
facileoMnt ▼ éire introduites. Mais le snrintnicfanf pensait sonom 
à la gruide place qn*U convenait de ménager devant le Loovic, 
dn cfilé de Saint-Germain-TAnenois. Le Bemin proposut de 
donner à cette place one profondeur égde une ims et demie à h 
hauteur dn palais. Cette disuinoe, disaût-il, était suflSaante pour 
que Ton vit parfaitement la construction. L*çglise de Saim-^Ger- 
inain se trouvant sur l'un des cOiés, fl projetait de tracer en fax 
de la porte d'entrée du Louvre une rue qui longerait l'Oise. Les 
deux côtés de cette place seraient disposés en portion de cerde, «ir 
le modèle de k place Saint-Pierre de Rome. Cette partie poumit 
être utilisée pour les corps de garde, et en maintenant les por- 
tiques assez bas, on ménagerait h hauteur et la p er sp e cti ve àa 
palais*. 

Il paraissait donc que l'œuvre fût en bonne voie. Non seulement 
le roi s'en déclarait toujours enthousiaste, non seulement Colbert 
semblait approuver les projets, mais la favorite. Mademoiselle de 
La Vallière, à qui on les montrait, en était tout à fait panisante. 
Aussi une aaivité fébrile régnait-elle dans l'atelier de Thôtel de 
Frontenac. Le cavalier déterminait la largeur exacte des galeries 
et les loges, résen-ait Tespace nécessaire pour que trois carrosses 
pussent y passer de front. 11 étudiait les abords du Louvre, s'a- 
cupait de la pente à donner aux terrains qui l*environnaient, 
visitait en détail l'intérieur du palais, en mesurait la surface, 
essayant de remédier au dé&ut de symétrie et à la fausse équerre 
qui empêchait la porte principale d*étre exaaement opposée au 
pavillon actuel de Tborloge. Il pensait en plus à abaisser le sol de 
la place pour donner plus d*élévation au rez-de-chaussée*. 



I. Journal, p. 5i, à la date du i5 juillet, 
a. Jàid,^ p. 73 et suiv. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 23 I 

Mais il avait renoncé à raser l'ancien Louvre. « J'ai toujours 
pensé, mandait-il au duc de Modène le 32 jdillet, que je serais 
plus loué si je pouvais faire une grande et majestueuse construc- 
tion sans rien jeter à terre. S. M. m*a dit ayec son grand génie 
que la dépense lui importait peu, mais qu'il lui déplairait de 
détruire ce qu'avaient fait ses ancêtres. J'ai donc fait un dessin 
qui, sans supprimer presque rien de ce qui existe, produit un 
palais qui sera le plus beau par la richesse et la grandeur, et aussi 
par Tesprit qui Ta inspiré; moi qui suis peu, je dois peu estimer 
mon œuvre, mais je l'apprécie comme due aux lumières que Dieu 
m'a accordées. S. M. m'a montré très vivement sa joie et attend 
impatiemment que Ton commence les travaux, ce que l'on fera 
dès qu'arriveront les ouvriers demandés à Rome. En les attendant, 
je dessine tout ce qui est nécessaire au travail ^ » C'était aussi en 
ces termes qu'il écrivait, à quelques jours de là, au cardinal Chigi, 
en lui vantant l'esprit et Pintelligence du roi : « Le roi a vraiment 
une grande et même merveilleuse intelligence, car n'ayant jamais 
étudié l'architecture ni vu les bonnes œuvres des maîtres, il 
arrive à reconnaître ce qui est le mieux. Je craignais de m'étre 
trop avancé dans la construction du Louvre, mais il va encore 
plus vite que moi ^. » 

Pendant que les travaux préparatoires du Louvre se poursui- 
vaient, le buste du roi était toujours l'objet des sollicitudes du 
cavalier. Il continuait à se rendre à Saint-Germain, oQ l'accueil 
de la cour devenait plus chaleureux depuis que l'on savait que 
l'ancien palais ne serait pas sacrifié. <c Le 19 juillet, nous allâmes 
à Saint-Germain, selon notre habitude, écrivait Rossi quelques 
jours plus tard, et l'on montra au roi le dessin de la façade des 
côtés du Louvre; le cavalier l'a tellement bien arrangée que, 
lorsque le travail sera fait, le palais ne sera plus reconnaissable et 
paraîtra complètement neuf depuis la base, bien que Ton ne 
jette rien à bas de ce qui existe déjà. C'est là que s'est ren- 
contrée la plus grande difficulté, car il faut faire régner tout 
autour le même ordre et les mêmes ornements qu'à la façade, 
avec la corniche, la balustrade et les statues, qui sont admirables. 
Le roi en est très satisfait et attend l'heure à laquelle on com- 

1. Fraschetti, ouvrage cité, p. 353, n. i. Voir aussi {Ihid,^ p. 346, n. i) 
une lettre de Vigarani. 

2. Bibl. nat,, ms. ital. 2o83, p. i63. 



232 LE BBRNIN EN FRANCE. 

mencera le travail, ce qui aura lieu dès que les ouvriers mandés 
à Rome seront arrivés. En attendant, on tire des lignes, on mesure 
Tancienne construction pour se bien assurer des faits et travail* 
1er librement. On dessine les séparations de l'intérieur du palais 
et un plan agrandi et numéroté, afin de commencer le travail. 

« Lorsque le roi eut examiné ce dessin, le cavalier, suivant sa 
coutume, se mit à dessiner S. M.; tandis qu*il travaillait, la 
reine survint avec le dauphin et s'assit jusqu'à ce que le cavalier 
eût terminé; regardant alors Tesquisse, elle en fut très contente et 
demanda si Ton travaillait au marbre. Je lui répondis affirmati- 
vement. Le roi s'inquiéta de ce que le seigneur Paul faisait à Paris. 
L^abbé Butti répondit qu41 sculptait un bas-relief de marbre, 
de grandeur naturelle, représentant Tenfant Jésus appuyé à une 
boite, oti sont les instruments de la Passion. L'enfant tient en 
main droite un clou et l'essaie dans la paume de la main gauche*. 
La reine se retourna vers moi et me dit qu'elle serait heureuse 
de voir ce travail lorsqu'il serait terminé. Je lui répondis qu'il en 
serait ainsi fait. Le roi, à ce moment, ordonna de montrer tous les 
dessins du Louvre à la reine, à tous les gentilshommes et à toutes 
les dames qui se trouvaient présents. En les voyant, la reine fut la 
première à déclarer qu'ils étaient beaux, majestueux et que rien 
au monde ne les égalait. Tous, à sa suite^ dirent de même, et Ton 
termina ce jour l'examen des dessins par de grands applaudisse- 
ments, d'autant plus vifs que l'on voyait que Ton ne touchait à 
rien du vieux palais. Nous prîmes alors congé de S. M., qui 
monta en carrosse pour aller recevoir la reine- mère d'Angleterre', 
qui arrivait à Saint-Germain, oîi elle réside en ce moment. Au 
retour à Paris, racontant au seigneur Paul tout ce que l'on avait 
dit devant le roi et la reine, je lui rapportai le propos de la reine, 
qu'elle désirait voir son bas-relief dès qu'il serait fini-, il en fut 
fort heureux, et maintenant travaille avec acharnement et avec 

1. Ce bas-relief dont il est question fréquemment dans le Journal de 
Chantelou fut, ainsi que nous le verrons, offert à la reine au moment où le 
buste de Louis XIV fut porté au Louvre. Cette œuvre, à laquelle le Bernin 
travailla quelque peu, est d^un travail assez grossier. Signalée par M. Cou- 
rajod (Bulletin de la Société des Antiquaires de France, t. XXX VH (1876)1 
p. 106-107), elle est actuellement au Louvre, dans la salle Puget, sous le 
n* 498. 

2. Henriette de France, fille de Henri IV (sur ce voyage : Galette de Frtmce, 
i865, p. 72a et 723. Londres et Saint-Germain-en-Laye, 14 et 16 juillet). 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 233 

entrain afin de le finir rapidement et de le montrer à S. M. Le 
cavalier travaille au portrait en marbre de S. M. et continue à 
&ire de grands efforts, et je crois que tant qu^il ne l'aura pas ter- 
miné il ne voudra pas se reposera • 

I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 107. — c Domenica prossima passata che 
fil il di 19 luglio, si andd conforme il solito a S. Germano, e si mostrô al Re 
il desegno délie facdate delli âanchi del palazzo de Lovre, il quale il sig. 
cav. rha tanto bene accomodato, che fotto che sarà Topera, il Lorre non si 
conoscierà più, et apparirà fiitto tutto di nuovo di pianta, e accomodato 
imodo che non si getta a basso punto del fatto che questa è stata la magior 
faticha che si sia possuta fiEire, havendo fatto regirare attorno il medesimo 
ordine et ornamento délia facciata con suo cornicione e balaustrata con statue 
simile, che è amirabile; di questo il Re ne resto appieno sodisfatissimo, 
e non vede Thora. che si dia principio air hopera, e questo si farè subito 
che harrivaranno questi huommini che si sono mandati a chiamare a Roma; 
tra tanto si sta tirando le squadre et fili de mezzi, et revedendo le misure 
délia fabrica vecchia per poterse assicurare bene del fatto, acciô si possi 
operare liberamente; si sta anco disegnando li spaccati di dentro del 
palazzo, e planta in grande numerata per potere poi dare principio ail 
hopera ; questo è quanto occorre sin hora del Lovre. 

Doppo che il Re hebbe visto il sud. disegno, il sig. cav. si misse conforme 
al solito a disegnare il retratto de sua Macstà, e nei tempo che stava dise- 
gnando arrivé la Regina e il defino, e siede lad. Regina in d. luogho sino tanto 
che il sig. cav. hebbe fenito di disegnare, e poi vedendo d. retratto ne restô 
molto sodisfatta e demandé si il retratto di marmo si lavorava. Egli fu res- 
posto di si. 11 Re domandô che cosa faceva il sig. Paolo a Parigi; nspose 
Tabate Buti che stava facendo un puttino di marmo di grandezza del natu- 
rale, che rapresentava il Bambino Giesù appoggiato alla Cassetta, dove sono 
tutti ristrumenti délia Passione, quai bambino teneva con la mano dritta un 
chiodo, e se lo provava nella planta délia mano manca. La Regina si voltô 
a me e disse che haverebere voluto vederlo quando sarebbe stato fenito, e io 
gli resposi che sua Maestà Thaverebbe veduto. 11 Re ordinô nel istesso 
tempo che si fussero mostrati tutti li desegni del Lovre alla Regina et a 
tutti quelli signori e dame che erano li presenti, e se gli mostrorno e la 
Regina fu la prima a dire che erano assai belli e maestoti, e che nel mondo 
non vi era pari, e tutte Paître dame e cavalieri che erano présente dissero 
il medesimo, e feni per quel giorno la vista delli desegni con un grande 
applauso, tanto più quando sentirno che del vecchio non sene toccava ne 
guastava niente. Doppo questo si partissimo da sua Maestà, e nel istesso 
tempo il Re monté in carozza, che andava incontro aMa regina madré 
d*Inghelterra che veniva a S. Germano, la quale al présente cola dimora. 
Noi la sera cène tornassimo a Parigi, e io recontando al sig. Paolo tutto il 
sucesse il giorno avanti il Re e la Regina, gli dissi anco che haveva detto la 
Regina che doppo che lui haverà finito il putto lovoleva vedere, edi questo 
il sig. Paolo ne hebbe gusto assai, et hora ci lavora attorno alla gagliarda e 
con gusto, per spicciarlo presto, per monstrarlo alla Regina. Il sig. caval. sta 
lavorando al rctrauo di marmo del Re, e sino adesso seguita a fore grande 



284 LE BBRNIN EN FRANCE. 

Le buste avançait en effet; on commençait à venir le voir, à le 
discuter. De Lionne, Coibert, le nonce, le duc de Créqay, k 
marquis de Bellefonds fréquentaient l'atelier du Bernin, exami- 
naient le travail, donnaient leur appréciation. On discutait alors 
sur les cheveux. Les uns souhaitaient que le front fût couvert 
par la chevelure; d^autres objeaaient, avec Chantelou, que le 
front avait besoin d'être découvert, donnant beaucoup d'expres- 
sion à la physionomie. La question ne fut pas tranchée avant 
de longues semaines. Puis on s'occupa de la draperie à rejeter 
autour des épaules du roi. Le travail n'avançait pas aussi vite 
qu'on le désirait, et, plus que tous autres, le Bernin se plaignait 
de la rareté des séances ^ 

Cependant, son temps était très employé. Non seulement chaque 
jour il s'occupait du Louvre et du buste, mais il trouvait encore 
moyen de sonir une grande partie de la journée avec Cbanteloo. 
Successivement, durant ce mois de juillet, et malgré quelques 
indispositions qui, depuis son arrivée à Paris, l'avaient forcé àse 
ménager^, il ne se passait pas de jour qu'il visitât quelque curio- 
sité. 11 prenait contact avec tout ce qu'il y avait d^intéressam à 
voir, un jour à la maison de M. de Coigneux', un autre à AuteuiP, 
un autre aux Gobelins', à Chaillot, à Madrid^, aux Ca^mélites^ 
aux Quinze- Vingts*, aux Feuillants et à Saint-Cloud', oli Mon- 
sieur désirait vivement, en apprenant son admiration pour la 
situation du château et ses eaux vives, utiliser son expérience 

fatiche, e credo sino che non haverà fenito qucsto retratto non vorà iratte- 
nersi di faticare tanto. Mercordi a inaiiina venne da S. Gcrmano il mar- 
chese Belfonte, e vene a vcdcre il retratto di marmo, del quale ne rcstô 
xnolto sodisfatto. Mons. nunzio viene spesso a vedere il sig. cav., e gli fa mille 
cortesieogni voltache ci viene. Il sig. abate Buti medemamente. Hieri venne 
a salutare il sig. cav. il cognalode monsù Coibert, cavaliero al quanto di gran 
garbo e di bella fisinomia, al quale si mostrorno tutti li desegni del 
palazzo del Lovre, e ne resté maravigliato vendendo simili cose. Questo è 
quanto... Di Parigi, di 24 guglio i663. De Rossi. » 

1. Journal f p. 58, 74, 81. Voir aussi Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 291. 

2. Ibid.y p. 3o, 49, 86, etc. 

3. Ibid., p. 34. 

4. Ibid.^ p. 40. 

5. Ibid.^ p. 49. 

6. Ibid., p. 99. 

7. Ibid.j p. 53. Il y admira un tableau du Guide. 

8. Ibid., p. 60. 

q. Ibid.y p. 70. 11 y retourna, au reste, plusieurs fois dans ce même but. 



^TRAVAUX DU tXÏUTRE ET LES STATUES DE LOUES XtV. 335 

ïîïi<yiorer le jeu des jetsd'eau. Il s'en allait aussi visiter aux 
îes i cette grande petite chose*, » ainsi qu'il appelait dédaj- 
emeni les jardins de Renard^ ou bien il se rendait à Meu- 
ay^ ou au Temple*, oîi le commandeur de Souvrc 
lir des plans pour la reconstruction de sa résidence, 
is, il allait visiter les galeries célèbres, telles que celles 
ïard, de Chanielou, de Butti, en attendant que Jabach^ 
lÂÏûï laisser voir sa collection, que la malveillance de 
rmait au maître italien. Il se mêlait à tout le mouve- 
Clique, s* intéressait aux rïgurînes de cire de Benoît ^^ se 
llontiers inviter par le maréchal et la duchesse d'Aumoni^, 
|e lui demander d^ conseils sur des constructions à faire 
cmentation de leur hôtel, par de Lionne, par M°" de 
chi, par le cardinal Antonio^ par le nonce, à moins que 
î ne réunît ses amis à Thôiel de Frontenac^, 
scoïemenl il trouvait le temps de se multiplier en 
LUpûiJûns^ mais il n'abandonnait rîende sa verve caus- 
ant tout, critiquant toute Tarchiiecture française, repre- 
profit certains mots malheureux du nonce, gémissani 
Ȼignement de sa famille, sur son isolement'*, et paraissant 
arder comme unegrâceeo demeurant au service du roi* 
lis ne manquèrent point d^utiliser ces nouvelles mala* 
moment semblait propice pour saper Tinâuence du 
rXc^ travaux de Tautel du Val-de-Grace allaient fort len- 
rcine-mére, malade, semblait peu disposée à adopter 
du Bernin*^. D autre part, si Tâbandon d'un plan 
i abattre tout Fancien Louvre devait rapprocher de Tar- 
}p de ceux qui redoutaient une trop grande dépense, 
rfen profita pour présenter des plans nouveaux inspirés 
pour exploiter la répugnance de Golbert à sacri- 



, ww ûo et 79, 

r «o^ Réflexions déta gréa blés sur la vue de Paris et 



'eacalier 



.m. 

i diverses via i tes, voïr plus haut, p. 20g, m 1. 
p, iîta-123 et 236. 
54 et 57. 
|i^ to3« 
p. 6t. 



S56 LS BEUIDC EN FftANCE. 

âer ks caostmctioos existant entre le palais et Saint-Germain- 
rAuzerrats *. Le Van proposait de garder Tanden Lx>uvre comme 
aram-ooor. ann d V loger les grands seigneurs ; un nouveau palais 
s'âêrerah ^ers la cour des cuisines et serait agrémenté de jardins 
allant îusqu aoz Tuileries. Une pente douce permettrait de monter 
facilement aux appartements du roi'. 

Ce protêt exisca-(-il vraiment aussi précis? N^ eut-il pas simple- 
ment un brait tendancieux que Ton répandit pour aggraver le désac- 
cord entreColbertet le Bernin ? Il était en effet impossible de trouver 
deux esprits plus opposés. « Le cavalier n^entroit dans aucun détail, 
ne songeoît qu'à faire de grandes salles de comédie et de festins 
es ne se mettoit point en peine de toutes les commodités, de toutes 
les suggestions et de toutes les distributions de logements néces- 
sairesw.. M. Colben«au contraire, vouloit de la précision et savoir 
où et comment le roi serait k^é, comment le service se pourroit faire 
comme démenti... Le cavalier n emendoit rien et ne vouloit rien 
entendre à tous ces deuils, s'imaginant qu'il étoit indigne d'un 
grand architecte comme lui de descendre dans ces minuties ^. i Tant 
qu*il s'était agi de plans, d'élévations, on avait pu ajourner ces 
diffictiliés. Mais elles devenaient pressantes, le plan du Louvre 
étant achevé et étant sur le point d'être exécuté, et, d'autre pan, 
les rapports de Colbert et du Bernin devenant plus fréquents, par 
suite du retour de la cour de Paris. 

Le plan qui venait dèirt approuvé* ne différait pas beaucoup, 
semble-i-iK de celui envoyé de Rome en mars précédent. L'an- 
cienne cour du Louvre était complètement modifiée par Tadjonc- 
tion de deux cours dangle aux extrémités orientale et occidentale. 
Sur la façade regardant Saint-Germain-lWuxerrois, un grand 
pavillon central et deux pavillons d angle saillants étaient réunis 
par deux corps de bâtiments. Cette façade élevée sur un rocher, 
qui semblait servir de base à l'édifice, présentait au rez-de-chaus- 
sée une masse de pierres taillées en bossages; au-dessus régnait 
un ordre corinthien embrassant deux étages. 
Au rez-de-chaussée, le pavillon central était percé de six fenêtres 

1. Journal f p. 74. 

2. Ibid., p. 75. 

3. Mémoires de Perrault, p. 36. 

4. Ces plans ont été publiés par J.-F. Blondel, Architecture française, 
livre VI, n* 1, pi. 3, 8, 12, i3. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 3 37 

accouplées et de trois portes cintrées donnant accès dans le palais. 
Entre ces portes, le Bernin pensait élever* deux grandes statues 
d'Hercule. Au premier et au second étage, huit colonnes sépa- 
raient les fenêtres. Les'pavillons d^angle étaient percés de quatre 
fenêtres séparées par quatre pilastres cannelés. Au-dessus du 
second étage régnait sur toute la façade une frise et une corniche 
supportant une balustrade^ surmontée elle-même de grandes 
statues. 

Les fenêtres du premier étage étaient couronnées d'un fronton 
cintré, celles du second d^n fronton triangulaire. Les deux corps 
de logis qui reliaient les pavillons étaient percés de quatre 
fenêtres. 

La porte centrale, étroite, sans ornements, donnait accès dans 
un vestibule à colonnes, séparant les deux cours d'angle et per- 
mettant d'accéder au second corps de bâtiment en façade sur la 
cour. Cette même disposition se trouvait à la face occidentale du 
palais. 

Du côté de la rivière, Tancienne construction était revêtue, ainsi 
que du côté de TOratoire, d'une longue façade coupée par deux 
corps avancés et se raccordant aux pavillons d'angle de la façade 
orientale. L'entrée de ce côté était vis-à-vis du collège des Quatre- 
Nations, et le manque de symétrie que l'on reprochait au premier 
projet, en ce qui touchait la situation des deux pavillons centraux, 
se trouvait corrigé par le prolongement à une même distance des 
deux façades orientale et occidentale. Entre le premier et le second 
étage de cette façade, des fenêtres, presque carrées, alourdis- 
saient l'aspect du f>alais. 

Du côté des Tuileries, la disposition générale ressemblait à ce 
qui existait à la façade orientale. Trois pavillons saillants percés 
de quatre fenêtres étaient reliés entre eux par deux corps de bâti- 
ments rentrants et présentant trois fenêtres de façade. Le pavillon 
central était très sobrement décoré au rez-de<haussée et percé de 
dix fenêtres entourées de montants en rustique. Mais les deux 
éuges supérieurs étaient ornés de douze colonnes corinthiennes, 
entre lesquelles s'ouvraient de grandes baies cintrées. Une cor- 
niche, une balustrade et des statues semblables à ce qui existait 
à la façade orientale couraient tout autour du palais. 

I. L'artiste avait réservé l'exécution de ces statues après son retour à 
Rome. Voir plus bas, p. a66. 



238 LE BERNIN EN FRANCE. 

La cour centrale était diminuée par Tadjonction de quatre 
corps d'angle servant aux escaliers et qui lui donnaient la forme 
d*une croix grecque. Elle était complètement entourée de grandes 
loges formées par de hautes colonnes corinthiennes, surmontées 
également d'une corniche, d'une balustrade et de statues. Grâce 
à cette disposition, ces loges desservaient à tous les étages Pinte- 
rieur du palais. 

Toute l'ancienne construction était conservée, mais était enca- 
drée et masquée par les adjonctions des bâtiments neufs qui lui 
formaient un revêtement. 

L'intérieur du palais était occupé par de vastes et superbes 
salles fort majestueuses, mais peu logeables. Beaucoup étaient 
obscures, ne prenant jour que sur les cours intérieures et au tra- 
vers des galeries de la cour centrale; le même défaut de lumière 
se retrouvait dans les escaliers. 

Le Louvre, dans le projet, se trouvait réuni aux Tuileries par 
deux longues galeries partant de la façade occidentale et ména- 
geant ainsi un énorme espace entre les deux palais. 

Enfin, tout autour du palais, un vaste fossé baignait la base 
des constructions. Ce fossé est nettement dessiné dans le plan de 
Marot, et le soubassement en forme de rocher décrit par Matthia de 
Rossi et reproduit par Varin dans la médaille commémorative de 
la pose de la première pierre ne permet pas de douter de son 
existence. Le Bernin suivait, en ce faisant, la tradition et donnait 
en même temps une plus grande élévation au palais. 

Tel quMl était, ce projet avait de graves défauts. La façade orien- 
tale était lourde et massive. L'opposition entre les deux étages 
supérieurs ornés de colonnes et la simplicité du rez-<le-chaussée 
était choquante. Ce dernier était écrasé par la masse qu'il sup- 
portait. La disproportion entre les divers corps de logis, la 
dimension exagérée du pavillon central étaient disgracieuses. La 
profusion des statues surmontant le palais, fort compréhensible 
dans un pays oti les masses se détachent fort bien sur Téclat du ciel, 
était peu heureuse dans une région souvent sombre et brumeuse. 

De même, la façade méridionale manquait de grâce, la longue 
suite de fenêtres semblables, les pavillons épais et entourés de 
pilastres cannelés donnaient une impression de lourdeur mono- 
tone. 

On ne pouvait cependant pas faire le même reproche à la façade 
occidentale. Le pavillon central, avec ses colonnes et ses grandes 



LES TRAVAUX DD LOUTRE ET LES STATUES DE LOUIS XTV. aSç 

»uvertures cintrées, avait une majesté simple et grandiose. Et, 
.'il était regrettable de voir Tœuvre de Lescot dissimulée sous les 
idjonctions nouvelles, il faut convenir que les galeries courant 
out autour de la cour du Louvre ne manquaient ni de grâce ni 
l'agrément. 

Cependant, l'ensemble de ce monument devait choquer le goût 
Tançais. Le Bernin avait conçu et dessiné son plan en Romain. 
[1 n'avait tenu compte ni de la diversité des mœurs, ni de la 
iifférence de climat, ni de la divergence des goûts. Il avait suivi 
les errements de son pays, traité sobrement les façades extérieures, 
leur gardant cet air de force un peu fruste qui rappelait encore les 
palais fortifiés du xv* siècle, et avait, au contraire, réservé toute la 
^râce, toute la richesse architecturale pour les cours et Torne- 
[nentation intérieures. Accoutumé à embrasser d'un coup d'oeil 
l'ensemble des constructions, il n'avait guère pensé au détail. 
Son palais était entièrement destiné aux réceptions, aux fêtes, 
k tout ce qui pouvait donner une grande idée de la majesté royale. 
Tant que l'on s'en était tenu à la conception du plan, on avait 
pu se trouver d*accord. Mais le jour où, l'ensemble adopté, il fal- 
lut songer à l'aménagement intérieur, les divergences devinrent 
alors plus vives et les discussions plus acerbes entre l'architecte et 
le ministre de Louis XIV. 

IV. 
Le retour de la Cour a Paris. Le Bernin et la Cour. 

Ce fut précisément au moment où Ton allait s'attacher à 
rétude de ces questions de détail que la cour, quittant Saint- 
Germain, rentra à Paris. Ce changement allait apporter une 
modification in»portante aux habitudes du cavalier. L'hôtel de 
Frontenac, où il résidait depuis son arrivée, était nécessaire 
pour loger une partie de la suite du roi. On songea donc 
à lui trouver un autre logement, et l'on s'arrêta au palais Maza- 
rin, où un superbe appartement, aussi luxueusement meu- 
blé que le précédent, lui fut ménagé. Mais qu'allait-on faire du 
buste du roi? Le laisserait-on au Louvre, afin d'éviter à 
Louis XIV les dérangements nombreux que nécessiterait son 
achèvement? On y pensa tout d^abord, mais le Bernin fit observer 



M© 

t 7 âesDcmmïU 3 snit csposé aux TÎsites trop 
t ^H poamk par suite moins 
hbrsrassst tjxTxîIàer. Qs ieckli âooc de toot transporter au 
pûûs Muarin. Aa roK. la àamèsia m e sur e s relatives aa plm 
étMm q[UMvrver.i rs^ées. li présence do canlicr était moins néoes- 
sûie an Loorre Jifme. 

c Ceœ lemaiTie, mandait Mattiiia de Rossî k 7 août, on a fini 
de tirer ks pâans ei de planier les marques fimîtant la construc- 
tion; 00 deaâne toakMus les divisions de llnténeur et la jJaceda 
devant an palais. Kentôî on anomenoera le travail. Le cavalier 
continoe à sculpter le portrait du roi, et, avec l'aide de Dieu, il 
réussit fon bien. Tous ceux qui le vcûent le trouvent admirable. 
Le seî^eur Paul travaille au has-relief qui va très bien etcoo- 
tcnte tons ceux qui Teraminent. On attend id Tanivée du roi 
lundi ou mardi prochain; il vient voir les ialons plantés pour 
la oonstroction, et l'on dit qu'il en profiteia pour demeurer à 
Paris. SU en est ainsi, le cavalier n*ira plus à Saint-Germain et 
finira le buste là oii il V^ commencé. Dimanche nous changeons 
de demeure^ la nôtre étant fort commode à la cour pour le ser- 
vice de S. M. Nous habiterons au palais Mazarin, et, si jusqu'ici 
nous avons été bien logés, nous le serons encore mieux; Tap- 
panement que Ton a assigné au cavalier peut servir à n'importe 
quel prince, et est fort bien orné. Jusqu'ici, le cavalier a travaillé 
au buste à l'intérieur du Louvre; maintenant, il travaillera là où 
nous irons habiter, ce qui lui sera plus commode et S. M., pour 
poser au naturel, viendra chez le cavalier. Mercredi dernier, 
M. Colbert vint de Saint-Germain et alla examiner les jalons 
posés pour Je nouveau palais. Voyant les limites des maisons à 
démolir, il demanda au cavalier de faire le dessin de la place; ce 
qu'il fait en ce moment. A cène occasion, M. Colbert lui demanda 
s'il était content de déménager et s'il voulait continuer de travail- 
ler au Louvre, suivant son habitude, ou s'il préférait établir son 
atelier dans sa nouvelle habitation. Le cavalier lui répondit que, 
pour sa commodité et pour éviter la présence des seigneurs de 
la cour, qui seraient toute la journée autour de lui, il préférait 
travailler au palais Mazarin^ d 



I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 63. — t Do parte a V. S. illma come in 
questa seuimana si sono feniti tirare li fili delle quadre e mezzi delU 
fabrica dcl L/)vre, e si sono piantati li termini dove terminera la fabrica. Si 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 34! 

De fait, quelques jours plus tard, le cavalier avait transporté son 
habitation au palais Mazarin, et le roi, par suite peut-être de la 
maladie de la reine-mère*, alors au Val-de-Grâce, allait revenir 
définitivement à Paris, l^ cavalier avait parlé de la nécessité de 
nombreuses séances de pose'; autant qu'il le put, Louis XIV lui 
donna satisfaction. Maiscettenouvelleorganisationdevaitmodifier 
les conditions de vie du sculpteur. Jusqu'alors, malgré Tempresse- 
ment qu'on mettait à le visiter, Téloignement de la cour le laissait 
dans un certain isolement favorable à ses travaux. De plus, les 
cabales montées contre lui, et dont tout l'effort s'exerçait à Saint- 
Germain, lui arrivaient affaiblies, de même que toutes ses mala- 

seguita anco a disegnare le spaccatî di dentro e la piazza che si deve fare 
avant! il palazzo, e presto si darà principio ail' opéra ; questo quanto occorre 
del Lovre. Il Sig. cav. seguita a lavorare il retratto del Re e con l'aiuto del 
Signor riescie molto bello, che chiunque lo vede dice che è amirabile. Il 
sig. Paolo seguita a lavorare al suo puttino e riescie molto bello e tutti 
questi sig. che lo vedono restono molti sodisfatti. Si sta aspettando il Re, che 
viene a Parigi lunedi o martedi prossimo futuro, il quale viene per vedere 
li termini che si sono piantati per la suddetta fabrica, e con questa occa- 
sione dicono che si tratterà in Parigi. Si questo è, il sig. cav. non anderà 
più a lavorare il retratto a S. Germano; la fenirà qui, dove Ta principiato. 
Noi mutiamo appunto domenica di casa, essendo la casa dove siamo stati 
si no hora nel cortile de Lovre, et per essere assai comoda alla corte, deve ser- 
vire per servitio di sua Maestà, e noi andiamo ad' abitare al palazzo Maz- 
zarino; e si siamo stati bene si no al présente, per l'avenire stareroo assai 
meglio, essendo l'appartemento che hanno consegniato al sig. cavalière 
assai bello da potervi abitare quai si voglia principe, e bene adobato. 
Il sig. cavalière si no adesso ha lavorato dentro il palazzo del Lovre a fare 
il retratto, et hora lavorerà nel medesimo palazzo dove anderemo ad abi- 
tare, si che per lui sarà magior comodità, et il Re per stare al' naturale verra 
a casa del sig. cavalière. Monsù Colbert mercordi prossimo passato venne 
da S. Germano et volse vedere tutti le termini che si erano segnati per il 
palazzo da farsi, come anco vedde li termini délie case che si devono démo- 
li re, et air hora ordinô al sig. cav. che facesse il desegno délia piazza, il 
quale si sta facendo; e con quell* occasione disse il medessimo mosù Col- 
bert al sig. cav. che si fusse contentato di mutare di casa e che si fusso capato 
il sito da lavorare, si vole va lavorare nel Lovre dove aveva lavorato per 
lo passato, o vero si voleva lavorare alla casa, dove andava ad abitare, et il 
sig. cav. disse che per la sua comodità come ancho per che lavorando nel 
Lovre sarebbe stato con gran sugetione per rispetto di questi signori délia 
corte, che tutto il giorno gli sarebbano stati attorno, che pensava meglio 
lavorare in sua casa... Di Parigi, questo 7 agosto i665. Matthia db Rossi. » 

I. Anne d'Autriche venait d'être très malade et le bruit de sa mort avait 
même circulé (cf. Journal^ p. 81}. 

a. Journal^ p. 36. 

Mte. xzxi 16 



24s I*B BniON EN FRAMCB. 

dresses, que tous ses mots acerbes n'étaient fNis^ tnen que 
soigneusement recueillis, aussi avidement saisis par ses ennemis 
souvent absents. Au contraire, le roi revenant, le Bemin alkit 
être mêlé à tout le mouvement de la vie de la cour, à un momeat- 
où il était fatigué par la température, inquiet de la santé de a 
femme dont il recevait de mauvaises nouvelles, découngé pir 
les reproches que lui fieûsait Colbert de ne pas conduire ana 
vivement la construaion du Louvre S énervé par des discussions 
sur des points de détail qu'il considérait comme n^igeaUes, 
anxieux de repartir le plus vite possible, dût-il même refeoir 
plus tard, s^efEbrçant de décider à grand'peine son élève, Matdiii 
de Rossi, à surveiller à sa place les travaux, sentant enfin de tous 
côtés la malveillance et la force d'inertie s'unir contre lui. Il antt 
demandé des murateurs à Rome, estimant qu'ils sauraient miem 
que d'autres choisis en France préparer le mortier; ils n'arri* 
▼aient pas. Il avait depuis longtemps souhaité que Ton dégageât 
la place située devant le Louvre des maisons destinées à dispa- 
raître; Colbert, qui le pressait si fort, ne lui donnait pas satisfac- 
tion*. Enfin, il ne devait pas ignorer que le bruit se répandait de 
tous côtés que le roi lui-même avait perdu du goût pour son pro- 
jet, que ses ennemis espéraient reprendre le dessus, que Ton 
hésitait à continuer l'entreprise'. 

Il était à présumer que toutes les rumeura hostiles, toos 
les racontars se donneraient plus facilement cours lorsque la 
cour serait installée à Paris. A Saint-Germain, quelques pri- 
vilégiés seuls assistaient aux séances de pose. A Paris, elles 
devinrent quasiment publiques. Le roi s'y rendait, précédé de 
gentilshommes et de gardes, pour assurer la tranquillité et Tordre 
autour du palais Mazarin, et, à sa suite, une foule nombreuse s'y 
pressait, heureuse de voir Taniste et d'étudier les impressions da 
monarque. 

c Le roi est revenu à Paris, écrivait Rossi le 14 août, et depuis 

1. Journal^ p. 76. 

2. Cette question des expropriations durs fort longtemps. Bien que 1^- 
fiiire eût été commencée en 1601, plusieurs immeubles n'avaient pas encore 
été définitivement acquis; d'autres étaient loués à des particuliers ou ser- 
vaient de dépendances à la cour, et il fallait le temps nécessaire pour les 
rendre libres, le roi ne voulant pas, disait Colbert, chasser les gens d*un 
jour à l'autre. 

3. Journal^ p. 74 et 85. 



LES TRAVAUX DU LOUVRB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 243 

il est déjà venu trois fois voir travaille? le cavalier; chaque fois, 
il a posé une heure, et s^est montré très content, ainsi que 
toute la cour; on a beaucoup loué le buste en marbre, qui est 
vraiment très ressemblant et très beau, également digne de celui 
qui Ta fait faire et de celui qui Texécute. La première fois qu'il 
vint, il fit le tour de la pièce, puis alla regarder travailler le sei- 
gneur Paul; il examina TEnfant Jésus que fait ce dernier et lui 
demanda quel était cet enfant. Paul lui répondit et le roi lui dit : 
« Puisque vous vous en occupez, continuez à travailler. » Paul 
se remit à Tœuvre, le roi s'assit, le regarda un bon moment 
avec admiration, se leva et lui dit : « Cest un beau bas-relief, et 
c vous vous y entendez fort bien. » Toute la cour en demeura 
étonnée ^ > Sinon chaque jour, en tout cas plusieurs ibis par 
semaines, le roi se rendait ainsi au palais Mazarin; dans ces con- 
ditions, le travail avançait rapidement; successivement, toutes les 
diverses parties du visage étaient corrigées et retouchées; les yeux 
et la bouche étaient l'objet de longues séances^; les cheveux 
étaient disposés en flocons, couvrant légèrement le front ^; le 
cavalier demandait et obtenait qu^on lui apportât un collet, sem- 
blable à celui que le roi avait coutume de porter, pour le prendre 

comme modèle^. 11 se hâtait et travaillait sans relâche. 
, 

I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83y p. 141. — cNoî siamo partitidi casaesiamo 
andati ad' habitare nel palazzo Mazzarino, dove hanno consegnato un 
appartemento al sig. cav., che potrebbe habitarci quai si voglia Prendpe, tutto 
apparato e di arazzi e di damaschi, e se neir altra casa si stava bene, in 
questa si sta assai meglio, essendoci la comodità per il sig. cav. da lavorare 
in casa in due gran stansiôni che sono al piano d'abasso, tutti adobatti 
d'arazzi; il Re è tornato a Parigi, e sino adesso, è già stato tre volte a vedere 
lavorare il sig. cav., e è stato al naturale un hora per volta, et ogni volta che 
è yenuto, ha hauto grandissimo gusto, tanto lui corne anco tutta la corte et 
hanno applaudito grandemente il retratto di marmo, il quale veramente 
riescie molto simile e bello, degno di chi lo fa fare, et di chi lo fa. La prima 
volta che il Re venne a vedere lavorare, girô per tutta la stanza, e poi andô 
dove lavorava il sig. Paolo, e vedde il Bambino Giesù, che il detto sta facendo, 
e gli domandosi quel Bambino lo faceva lui; il sig. Paolo gli respose di si, et 
il Re gli disse c se lo fate voi, dunque a hora travagliate >, et il sig. Paolo si 
misse a lavorare, e il Re lo stiede a vedere un pezzetto con gran gusto, e 
poi se levé e disse c questo è un bel putto, e voi vi portate molto bene 1, di 
questo tutta la corte ne resta attonita, vedendo la venu del sig. Paolo. Questo 
è quanto in questo ordinario... Di Parigi, di 14 agosto i665. Matthia de 
R08S1. 1 

a. Journal, p. 106, iio^ i33. 

3. Ibid., p. 58, 72, i3i. 

4. Ibid., p. 167. 



244 ^^ BBRNIIf EH FMAlfCB. 

c Cette semaioe, écrivait Rossi le 1 1 septembre, le roi est veno 
poser deux fois^et, chaque fois, il est demeuré une hrare et demie, 
à son grand contentement, voyant que le portrait réussit à sa vive 
satisfaaion et est fort beau. Le cavalier l'avance le plus qu'il peut 
pour le finir au plus vite, et s'y acharne tellement que souvent il tn- 
vaille encore une heure et demie le soir, à la lumière des torcha. 
Vraiment, c'est une chose digne d'être vue de tous... Cette onme 
a tellement séduit le roi que, quand il vient, il accueille le on- 
lier avec le visage qu'aurait le meilleur ami de notre cher miltre 
et parle et plaisante familièrement avec lui; souvent, il donne 
un coup d'œil à son portrait, et, chaque fois qu'il le regarde, dit: 
c O fort bien! Monsieur le cavalier Bemin m^a bien pris! ■ et s'il 
lui arrive, ayant promis de venir, de manquer au rendes-vooi, 
il s^excuse envers le cavalier lors de sa prochaine visite ea loi 
disant qu'il a eu autre chose à dire. De ceh, vraiment, chscoo 
reste dans l'admiration, voyant un prince de cette sorte s'eioiier 
comme il le fait auprès du seigneur cavalier, et estimer oe der- 
nier plus que nulle autre personne...*. » 

I. Bîbl. nat., ms. iul. 2o83, p. 307. — f Quetta settiiiuiiia U Re è HU» 
due volte al naturale, et ogoi volts che d é Tenuto, si é trattenuto coa bon 
e roessa, e con suo grand itsimo gutto, perche vede che il retratto di mtnno 
rietcie di tua gran sodisfatione e molto bello. 11 sig. cavalière lo va ann- 
zando più che puole per fenirio quanto prima, e si è redotto che moite 
volte ci travaglia anco un hora e mezza délia sera a lume di torcie. Ven- 
mente è cosa troppo dcgnia da essere veduto da tutti, acciô ne possino portire 
Taplausi in tuite le parte del mondo di si bell* opéra tatta nella prima città 
délia Francia, al imagine de un si gran monarca, che veramente merittvt 
un opéra di mano del sig. cav., la quai opéra a fatto inamorare sua Maesti 
in modo che quando viene dal sig. caval., fa la figura che farebbe il magior 
confidente del medemo sig. caval., e discorre famigliarmente sempre con 
facétie, e spesso da l'occhio al suo retratto e ogni volta che ci guarda, dice 
c for bon, monsier le cavalier Bernin m*ha ben prendut •; in lingua italiana 
vol dire o è belissirao, mi ha presso assai bene; e si il Re si trova di havere 
promesso al sig. cav. di venire al suo studio, e che qualche volta habbia man- 
cato, quando torna fa la sua scusa con il sig. cav., e gli dice che lo scuai se 
quando resto di venire non venue, perche hebbe da fare altro. Di queste 
veramente ogniuno ne resta amirato, vedendo che un Re di questa sorte 
debba scusarsi nel modo che egli fii, e fs più stima del aig. caval. che di 
chi altra persona si sia. 

< Qrca il Lovre, si seguono a cavere li fondamenti con gran quantità di 
huomini, et ogni domenica si fa la congregatione nello studio, dove lavora 
il aig. cav., nella qualeviinterviene monsieur Colbert, Monsieur de SiantLupo, 
maestro di casa di sua Maeatà, il firatello del medemo come toprainten- 
dénie délia fiibrica, et il aig. caval., e la ai diacorre di tutto quelle che ai é 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 245 

Quelquefois, la reine accompagnait Louis XIV^ et toujours 
une suite nombreuse de courtisans venait assister à ces séances. 
Uatelier du Bernin devenait le lieu à la mode, le rendez-vous de 
la cour. Tous étaient curieux de voir de près l'artiste, de regar- 
der comment il travaillait^ de contempler la statue du roi dont 
on parlait tant, d'examiner le bas-relief de Paul Bernini, bas- 
relief auquel son père ne dédaignait pas de faire parfois des 
retouches. Chaque jour amenait de nouveaux visiteurs, venant 
à la suite du roi, épiant les conversations, composant leur 
maintien d'après Thumeur du monarque et témoignant, comme 
le maréchal de Grammont, plus ou moins de bienveillance ou 
d'animosité envers l'artiste, selon que Louis XIV paraissait plus 
ou moins content de Tœuvre et de son auteur. Il circulait, en 
efTet^ des propos que l'on attribuait au cavalier et qui blessaient 
le roi. Ce dernier avait le visage irrégulier, le nez un peu fort et 
plus gros d'un côté, ce qui le faisait paraître de travers. De plus, 
certaines défectuosités dans la joue augmentaient cette dissymétrie. 
« Il avait trouvé que le roi a la moitié du visage d'une façon et 
l'autre de Tautre, un œil différent aussi de Tautre, et même les 
joues différentes^ » Le bruit se répandit que, montrant un jour 
le buste à quelqu'un, il avait dit : « Cela est beau; mais, dans 
Toriginal, c'est vraiment laid. » Le propos revint au roi, qui en 
fut très mécontent, et dit, parlant du peu d'admiration que 
montrait le cavalier : « Il ne loue pas beaucoup de choses. » Chan- 
telou défendit son ami, et Butti accusa Le Brun d'être l'auteur de 
ces fausses nouvelles'. Malheureusement, d'autres faits pouvaient 
lui être reprochés avec certitude : « Étant un jour entré dans un 
appartement neuf, oti S. M. a fait rassembler grande quantité de 
meubles, de tentures et d'autres objets semblables, et oti Elle se 

fatto in d. fabrica nella settimana pasaata, e di quello si deve fare nella 
settimana fotura; questa congregatio si è fatta di gia due volte. Non ho 
altro che dire a V. S. illm«, ne che respondere aile sue scrittemi, solo che 
gli fb reverenza di vivo core, corne fo anco a tutti... Di Parigi, di 1 1 sep- 
tembre i665. 

c Mandoa V. S. illmaunmadrigale fatto dal sig. abate Buti in iode delsig. 
ztLV,, quale ba hauto grande applausoe qui in Parigi, e lui medemo lorecitô 
:%e\\o studio alla presenza del Re e di tutta la corte, e sua Maestà ordinô che 
iubito si traducesse in francese. Matthia db Rossi. t 

1. Journal, p. 99. 

2. Ibid., p. 98, 107, i3i. 

3. Ibid,, p. i3i à i33. 



246 LB ^OtNIN EN FRANCS. 

reposait, s'éunt &it saigner au pied, le cavalier montra du 
mépris pour ces recherches, peu conformes, disait-il, à la gran- 
deur du roi; mais au lieu d'être pris ep bonne part, on Ta mal 
interprété, et cela lui a fait tort. On attend, ajoutait Vigarani, 
qu'il ait fini le buste pour le congédier; il paraît considérer cela 
avec indifférence, bien que ses amis voient avec chagrin ce résul- 
tat. Rien n^est toutefois perdu, mais un grave indice est le refroi- 
dissement de M. Colbert, qui tout d^abord était fort passionné 
pour ses travaux*. » Un autre jour, sollicité d'aller à Saint-Cloud 
visiter le château, oti le duc d'Orléans désirait le consulter sur les 
pièces d'eau et les cascades, il faisait remarquer que la duchesse 
n'avait point encore visité son atelier ni vu le buste du roi'. 

Cependant, les visiteurs ne manquaient pas; à chaque heure de 
la journée, on se rendait au palais Mazarin. La cour tout entière 
y défila. 

On y voyait les évéques de Coutances, de Lodève et de Laon, les 
abbés de Tallemant, d'Argenson, de Lescure; le prince de Condé, 
qui, quelquefois, assistait à la séance de pose du roi ; Turenne, le 
comte de Grammont, le marquis de Bellefbnds, le comte d'Aï bon, le 
comted'Harcourt,àquilecavalier, ignorantqui ilétait, négligeaitde 
donner le titre d'Altesse; le duc de Créquy, le maréchal de La Ferté- 
Imbaud, le marquis de Nogent, le marquis de La Mothe-Fénélon, 
Louvois, Furetières, qui venaient admirer le buste. D'autres jours, 
M"* d'Elbeuf s'y rendait avec la duchesse de La Rochefoucauld et 
la marquise de Rare; M"* de Guise s'y rencontrait avec M"' de 
Fonteuay et l'oncle de Colbert; Corneille y accompagnait la 
duchesse de Nemours-Longueville et y recevait les compliments 
admiratiCs du cavalier'. 

Entre temps, on continuait à lui montrer les curiosités de 
Paris et des environs. Le duc d'Orléans voulait obtenir de lui un 
dessin pour les cascades de Saint* Cloud, et à plusieurs reprises 
le cavalier se rendait au château pour étudier quelles transforma- 
tions seraient possibles^. Le commandeur de Souvré insistait 
pour qu'il entreprît une reconstruaion d'une partie du Temple^; 

I. Fraachetti, ouwrage citéf p. 354, ^' >> Joumai, p. i33. 
a. Joumalj p. 182. 

3. Ibid., p. i83. 

4. Ibid., p. I04y 199, 201 et 202. 

5. Ce fut le 22 juillet que le commandeur de Souvré lui demanda son 
avis sur les constructions à entreprendre au Temple {Ibid., p. 70}; le 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 247 

les plans lui étaient envoyés, et, en septembre, il avait établi 
tout un projet, qui resta sans exécution. On le promenait à 
Berny, chez Hugues de Lionne; à Maisons, chez le président 
de Longueil; à Chaillot et aux Carmes; le i3 septembre, 
après que Louis XIV Teut permis, on le mena à Versailles. 
La fontaisie du roi lui plut r « Cest galant, dit -il; chaque 
chose est proportionnée et belle; ce palais a de la proportion. » 
Il examina longuement FOrangerie, les jardins que Le Nôtre 
dessinait, et, rencontrant le roi dans la cour du château, il le féli- 
cita de son goût. Admis au cercle de la reine, oti se trouvaient 
réunies les duchesses d'Orléans, de Montpensier, d'Elbeuf et 
de Bouillon, il y renouvela ses compliments*. Malheureusement, 
il n'était pas toujours aussi bon courtisan, et lorsque Colbert, 
désireux de faire construire à Saint-Denis une chapelle pour la 
sépulture des Bourbons, Py conduisit, le cavalier, voyant la 
sépulture de François I"% de sa femme et de ses enfants, s'écria : 
c Ils sont là bien mal, » ce qui, malgré une prudente explication 
donnée par Chantelou, ne fut nullement du goût du ministre^. 
Pourtant, il demanda au Bernin de songer à cette entreprise, et 
ce dernier, comme toujours, après avoir examiné le plan de Tab- 
baye, proposa une construction telle que Téglise en eût été une 
simple dépendance. L'idée ne fut au reste pas poursuivie. Il ne 
se montra pas plus habile dans ses autres visites. Aux Feuil- 
lants, à Saint- Paul, il blâma la décoration; à la Sorbonne, 
s*il admira l'ordonnance de la cour, s*il donna de judicieux con- 
seils pour l'emplacement du monument funéraire de Richelieu, 
il critiqua fort Téglise', et partout, qu*il visitât les collections de 



2 août, le cavalier alla dîner au Temple et examiner l'emplacement [Jour^ 
nal, p. 78*79); le 26 septembre, il avait fait son plan {Ibid,, p. 184). 

1. Ibid., p. i56. 

2. Colbert le conduisît le i5 septembre à Saint-Denis [Ibid,, p. ibg); le 
cavalier proposa de suite quelque chose de grand et qui dominât. Il vou- 
lait non pas faire le plan d'une chapelle semblable à celle des Valois et 
construite symétriquement de l'autre côté de Téglise, mais grouper les sépul- 
tures de manière qu'elles regardassent l'autel Saint -Louis. Il entendait 
grouper vingt à vingt-cinq rois d'une manière extraordinaire, cinq ou six 
en un même réduit, en action de priants, appuyés sur une sorte de balus- 
trade en forme d'histoire, le tombeau de Louis XIV constituant le centre 
{Ibid., p. 86); il fit même, dans ce dessein, mesurer la largeur de l'église. 
Mais on trouva le prix trop élevé. 

3. Ibid,^ p. 21 5. 



248 UB BERNIM EN FRANCK. 

Jabach, du duc de La Vrillière, de rhâtd de Guise ou du duc de 
Richelieu» il ne dissimula pas sa partialité et son exclusivisme en 
bveur de Técole italienne. 

Comment, au reste, les quelques conseils de ses amis dévoués 
auiaient-ils pu diminuer sa confiance en lui-même, alors qoe de 
toutes parts, même ceux qui constataient et blftmaiem sa fatuité, se 
plaisaient à l'encourager? L^estime réelle que son talent lui valut 
Cuisait que, malgré le peu de goût que Ton avait pour des concep- 
tions architecturales, Ton s'adressait à lui comme au mattre de 
TarL Lorsque, le 18 septembre, il visita l'Académie de peiotore, 
il y était reçu par Nocret, Du Metz et de Sève, qui lui diaicot 
visiter les salles de dessin et celle des conférences; tous ks 
académiciens se groupaient autour de lui pour Tentendre déve- 
lopper ses théories. On savait que Colbert l'avait pressenti sur 
la fondation d'une École de France à Rome, et l'on était curieux 
de Tentendre affirmer que la copie de Tantique et celle des 
tableaux dles maîtres étaient la meilleure préparation et la plussiine 
formation pour les jeunes sculpteurs, et le plus fruaueux enseigne- 
ment pour les jeunes peintres. « Il y a trois choses, ajoutait-il, 
pour bien réussir en peinture et en sculpture : voir le beau de 
bonne heure et s^y habituer, opérer beaucoup et avoir de bons 
conseik. » Ces pensées répondaient trop bien à celles de Q)lben 
pour qu'on n'en louât pas le cavalier, et, sachant qu'il serait l'un 
des principaux chefs de la nouvelle fondation déjà projetée, on lui 
recommandait de jeunes artistes, on lui soumettait leurs essais*. 
Ces marques de déférence, cette afHuence des courtisans au palais 
Mazarin le grisaient d'orgueil. Des amis maladroits, flatteurs 
malencontreux, désireux de contenter à la fois et le roi et Tartiste, 
rivalisaient de madrigaux et de vers dont la faiblesse n'avait d'égale 
que la platitude, et, au milieu des séances de pose, comme dans 
les soirées oCi se rendait le cavalier, entre deux morceaux de chant 
de M"^ de La Varenne^, on lisait et on applaudissait les épitha- 
lames de Butti, de Filippi, de Tallemant, de Testu et d'admi- 
rateurs anonymes qui envoyaient de Rome des sonnets en l'hon- 
neur de Louis XIV et du Bernin'. 

I. Journal, p. 134. 
a. I6id., p. i3a. 

3. Ces nombreuses pièces de vers ont été reproduites dans le Joumal, 
p. 100, 107, 148, 168, 174. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 349 
V. 

l'achivement du buste de louis xiv. 
La pose de la première pierre du Louvre. 

Malgré tout, le travail du Louvre avançait lentement. Le bruit 
avait même couru, au début d^août, ainsi que nous l'avons vu, 
que Ton pensait à abandonner le projet du cavalier. C'était toute- 
fois une fausse alerte; la cabale, bien que redoublant ses attaques, 
n^était pas parvenue à triompher complètement. Les études conti- 
nuaient. L'entente semblait faite en ce qui concernait le bâtiment 
du Louvre lui-même; les façades du quadrilatère, celles des cours 
intérieures avaient été adoptées. Il restait à s'occuper de l'exécu- 
tion matérielle et à réaliser certains projets complémentaires aux- 
quels avait songé Colbert, tant pour la place devant le palais que 
pour divers bâtiments et dépendances à ménager entre le Louvre 
et les Tuileries. La présence de la cour à Paris rendait plus 
étroite la surveillance du ministre. Les questions de construction, 
de devis, d'entreprises ne devaient plus, comme le projet lui- 
même, être en grande partie résolues par l'artiste, mais être 
débattues dans des sortes de conféreTices ou « congrégations » 
composées de diverses personnes : Colbert, le Bernin, Perrault, 
Madiot, intendant des bâtiments, Maizières, entrepreneur du 
Louvre, M. de La Motte, intendant des bâtiments du roi, 
Bergeron, entrepreneur des maçonneries, Chantelou, son frère 
Fréart de Chambray^ chargé de la surveillance des travaux, 
et Du Metz, intendant des meubles de la couronne, a Chaque 
dimanche, disait Matthia de Rossi, on fait une congréga- 
tion dans l'atelier oti travaille le cavalier, et là s'y trouvent 
M. Colbert, M. de Chantelou, maître d'hôtel de S. M., son frère, 
surintendant de la construction, et le seigneur cavalier. Là on 
parle de tout ce qui a été fait de la construction pendant la 
semaine précédente et de ce que l'on doit faire dans la semaine 
suivante. Voilà déjà deux dimanches que cette congrégation a 
lieu^ » A dire vrai, ces réunions, qui commencèrent à la fin 
d'août, accentuèrent de plus en plus la divergence de vues entre 

I. Voir p. 244, n. i. Lettre du ii septembre. 



25o LB BERNIN EN FRANCB. 

le Bernin et Colbert et augmentèrent Tanimosité entre l'architecte 
et Charles Perrault. 

En même temps, on s'occupait de la grande place en avant 
du palais. L'église Saint-Germain-rAuxerrois se trouvant sur 
Tun des côtés, on pouvait la faire longer par une rue qui abouti- 
rait dans Taxe de la porte d'entrée du palais, avec une largeur 
de i5'"45 à l^entrée et de ii'^aS au débouché. La place elle- 
même aurait une profondeur de 67'*56o5 sur une largeur < de 
1 54°'424o. D^autre part, Manhia de Rossi dessinait le plan d'un 
théâtre que Ton songeait à ériger entre les Tuileries et la façade des 
cuisines. Ce théâtre devait avoir deux Ceiçades, Tune regardant le 
Louvre, l'autre les Tuileries; il se présenterait sous la forme de 
deux ponions de cercle concave, se raccordant au centre par une 
portion de cercle convexe. Un escalier de dix degrés y donnerait 
accès; les péristyles seraient ornés de colonnes. Cette construc- 
tion pourrait servir pour les tournois, les courses et ballets à 
cheval. On pourrait placer environ 10,000 personnes de la 
noblesse dans chacune des deux parties; au milieu, il y aurait un 
appartement de neuf ou dix pièces pour les princes étrangers. La 
façade de ce monument serait de i37'°82; les colonnes auraient 
une hauteur de ag^'Sôaa. Avant ce projet, le cavalier avait 
songé à élever entre les deux palais deux colonnes dans le genre 
de la colonne Trajane et de l'Antonine, et, au milieu d'elles, une 
statue colossale du roi, dressée sur un piédestal. Louis XIV vit 
ce projet, mais ne témoigna pas son sentiment^. 

1. Journal f p. 92. 

2. Clément, t. V, p. 25 1 etsuiv. — Matthia de Rossi donne aussi une des- 
cription identique de ce projet. Bibl. nat., ms. lat. 2o83, p. 117. c In 
questa settimana habiamo hauto il Re tre volte, e l'ultima volta che ci è stato 
è stato oggi doppo pranzo, e si è trattenuto due bone hore sempre fermo al 
naturale, con sua grand issima sodisfatione, restando molto contente del 
retratto che il sig. cav. fa, il quale con Taiuto del signor Dio comincia ad 
essere a buon termine, e il viso è quasi perfectionato. Il Re con chi parla 
nommina il sud. retratto, e dice che lui ne resta molto contento. Circa il 
Lovre, adesso si sta disegnando un pensiero del sig. cav. per fore un mausoleo 
a gnisa di theattro et anfitheatro da fiabricarsi tra il palazzo del Lovre e paluzo 
detto le Tulerie, che é dietro il Lovre, il quale mausoleo servira per vedere 
feste tra le due piazze delli due palazzi, corne giostre, balletti a cavallo, fochi e 
altre simili ; e lo fa i modo che si si dosse il caso di fare due feste in un giorno, 
cioè una da una parte, e una dall* altra, perche il d. sarà fabricato nel 
mezzo délie due piazze. Il Re non ha ancora veduto il desegno perfectio- 
nato, ma ha veduto lo schizzo, e pare che ne sia rescato appieno sodisfatto, 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIY. 25 1 

On préparait, en plus, un mémoire d'ensemble, que Col- 
bert allait remettre à Farcbitecte, sur les divers appartements 
que Ton devait ménager dans le palais pour le roi, la reine, 
la reine-mère, le dauphin et les en&nts de France, leurs ser- 
vices d^honneur et les quatre offices du gobelet et de la cui- 
sine. C'était un relevé de tout ce qui concernait l'organisation 
intérieure, jusqu'aux pièces de débarras, et à Talimentation des 
eaux. En outre, il y était question de nombreuses adjonctions 
vivement désirées par le roi. 

« Au dedans ou au dehors du Louvre, il faut faire choix d'un 
lieu pour bastir une grande et superbe bibliothèque, qu'il n'y en 
ait pas, s*il se peut, de pareille au monde (S. M. ayant un très 
grand nombre de livres très rares pour la remplir), et donner, 
dès à présent, les dessins de la menuiserie au dedans. Cette biblio- 
thèque doit estre accompagnée d^un beau logement pour le 
bibliothécaire. Il faut, de plus, au dedans du Louvre, un cabi- 
net d'art beau et superbe. Au dedans et au derrière du Louvre, 
il faut deux corps de garde pour les régiments des gardes françaises 
et suisses, capables chacun de tenir deux à trois cents hommes 
avec des chambres au-dessus pour les officiers. 

a En mesme temps, il seroit nécessaire que M. le cavalier Ber- 
nin observast tout ce qui peut se faire de beau, de grand et de 
magnifique entre les deux palais du Louvre et des Tuileries : 

c Un lieu propre pour y élever un obélisque ou colonne, de 
laquelle on parle depuis longtemps, pour y travailler vingt et 
trente ans, et en faire un ouvrage singulier dans toute l'Europe. 

« Examiner la sortie du Louvre par les Tuileries pour en faire 
aussi quelque chose de grand et de magnifique ^ » 



ma quando vederà la planta, e al rata in prospettiva fenita, chredo che 
magiormente li placera; qui in Parigî molti vertuosi hanno fatto diversi 
sonetti in Iode del sig. cav. Bernino, tanto per il retratto di marmo, quanto 
per li desegni délia fabrica del Lovre, e tra Taltri ne hà fatto uno il sig. 
abate Buti che pare il più bello, e lo mando induso a V. S. illn)«, che tratta 
in detto per le due statue delli due Ercoli che il sig. cav. espone dalle parte 
délia porta del Lovre, e anco del retratto; oggi appunto nel tempo che è 
stato qui, il Re alla sua presenza ne sono stati letti di due autori, qucsto e 
un' altro, e il sig. cav. a letto al Re quello che gli era stato mandato del 
sig. abate de Felippi, il quale al Re gli è piaciuto grandemente. Non o altro 
che dire... Di Parigi, questo di 21 agosto i663. Matthia de Rossi. » 

I. Ce mémoire, que Colbert paraît avoir remis au Bernin le i3 août, a été 
publié par M. Clément {ouvrage cité, t. V, p. 25i} et daté à tort de 1664. 



252 LE BERNIN EN FRANCE. 

En plus de ces constructions qui tenaient au palais lui-même, 
d^autres projets étaient encore formés : Saint-Germain-l'Auxer- 
rois était l'église paroissiale du Louvre, qui ne possédait qu*une 
petite chapelle. Le roi désirait que Ton en construisît une qui fût 
grande et spacieuse, séparée des appartements, et d'accès facile à 
tous les petits officiers et valets. Devant servir de paroisse, il 
semblait nécessaire quelle fût ou séparée du Louvre, tout en y 
étant attachée, ou que, si elle était disposée à l'intérieur du palais, 
elle fût à deux étages; de toutes façons, les personnages de la cour 



Il contient des renseignements très précis sur le nombre des personnes des- 
tinées à être logées au palais et les appartements qui leur étaient ménagés. 
Le roi se réservait pour lui et la reine tout le premier étage. II logeait son 
capitaine des gardes du corps, le premier gentilhomme de la chambre, le 
grand maître de la garde-robe et les valets, son premier médecin, son premier 
chirurgien, son confesseur, son apothicaire, et toute la domesticité de la 
reine, à savoir ses dames d'honneur et d'atours, son chevalier d'honneur, 
ses femmes de chambre espagnoles et françaises, ses filles d'honneur, ses 
gouvernante et sous-gouvernante. Le dauphin et les enfants de France 
devaient avoir « un appartement commode et bien eiposé •, avec leurs 
gouvernantes, sous-gouvernantes, femmes de chambre. La reine-mère gar- 
dait prés d'elle le capitaine de ses gardes, sa surintendante, ses dames 
d'honneur et d'atours, ses femmes de chambre, son apothicaire, son premier 
médecin, son premier chirurgien. Des appartements de deux à quatre pièces 
distribués au rez-de-chaussée et au troisième étage étaient réservés à ces 
diverses personnes. 

En outre, il fallait songer aux offices de cuisine, panneterie, échançonnerie, 
fruiterie, fburrerie, chacun avec cinq pièces. Il y avait quatre offices du gobe- 
let, de cuisine et de bouche pour le roi, les deux reines et le dauphin, à 
trois pièces, sans compter les chambres des officiers, tous au rez-de-chaussée, 
du côté de la rivière. 

Le premier étage, outre les appartements royaux, devait contenir une salle 
de garde avec deux salons, une grande salle de bal et une de festin, avec 
tribunes pour la musique. 

Le roi logeait au Louvre les quatre secrétaires d*État et les trois officiers 
des finances, ayant chacun cinq à six pièces, le capitaine du Louvre, le grand 
prévôt de l'hôtel, le grand maréchal des logis, le grand maître de France, 
le maréchal de Villeroy, gouverneur du roi, le maréchal de Grammont, 
colonel des gardes, et on réservait trois ou quatre appartements pour les 
vieux officiers de la couronne. Toute une série de pièces étant également 
réservée au Conseil du roi. 

On spécifiait qu*il fallait ménager un appartement pour les tableaux, 
statues et bustes du roi. 

On insistait également sur la nécessité de veiller au service des décharges 
et eaux, au dégagement du palais et à un poste d*incendie. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 253 

devaient pouvoir y aller facilement; enfin, il était nécessaire de 
songer à bien placer la musique et à ménager Tacoustique. 

On songeait aussi à remplacer le pont de bois, connu sous le 
nom de Pont-Rouge^ par un pont en pierre, et à disposer, de 
Tautrecôtéde la rivière, une grande place carrée qui serait entou- 
rée de bâtiments servant de caserne aux gendarmes, chevau- 
I(^ers, mousquetaires; on utiliserait au besoin cette place pour 
les fêtes et au milieu on y élèverait un grand monument en l'hon- 
neur du roi. Le cavalier proposait de faire au milieu du nouveau 
pont un terre-plein semblable à celui du Pont-Neuf et d'y dresser 
une statue de Louis XIV faisant vis-à-vis à celle de Henri IV. 
On lui fit avec raison observer que cette île factice rétrécirait con- 
sidérablement le lit de la rivière, augmenterait la force du courant 
et gênerait la navigation du fleuve*. 

Les nouveaux travaux ainsi projetés étaient énormes. Comment 
pouvait-on espérer que le Bernin pût les entreprendre et les mener 
à bonne fin, alors que Colbert lui reprochait de ne pas travailler 
aux fondations du palais avant que la saison ne devînt mauvaise. 
Peut-être est-ce à ce moment que le cavalier, découragé, songea à 
revenir une seconde fois à Paris avec sa famille', et qu'en atten- 
dant il entreprit de décider Matthia de Rossi à le remplacer pour 
surveiller Texécution des œuvres dont il dresserait lui-même les 
plans? 

En attendant, on travaillait toujours avec acharnement. Sur le 
désir de Colbert, Matthia rabaissait la façade de l'étage noble que 
Ion trouvait trop élevé*, — déterminait ce qu'il fallait détruire 
des bâtiments qui entouraient le palais, à savoir : une aile de 
rhôtel de la Force du côté du Louvre, les écuries de Thôtel 
d'Aumont, un corps de logis de Thôtel de Provence, une partie 
des écuries de l'hôtel de Longueville, un des deux corps de logis 
de la maison de M. Du Buisson^, — et posait des jalons pour les 
alignements du Louvre, que le roi désirait voir lui-même'. Tout 
semblait donc marcher à souhait quand, le 28 août, le beau-frère 
de Colbert, le marquis de Ménars, annonça en particulier à 

1. Journal^ p. 210. 

2. Ibid., p. 122 et 142. Il exprima du reste ce même dessein après avoir 
quitté Paris. 

3. Jbid., p. 108. 

4. Depping, ouvrage cité, t. IV, p. 554. 
3. Journal, p. 118. 



254 t.B BBRNIN EN FRANCS. 

Chantelou qu^on avait fait d*autres dessins pour le Louvre et 
qu'on n^ezécuterait peut-être pas ceux du cavalier, par suite de la 
situation diplomatique, alors très tendue avec le pape, et par 
crainte que le travail une fois commencé, les Italiens, désireux de 
retourner à Rome, ne Tabandonnassént^ C'était toutefois une 
fausse nouvelle. 

Le 2g, en effet, Colbert déclarait au cavalier qu'il fallait de suite 
entreprendre les fondations'. Cependant, le bruit de cette dernière 
cabale s'était répandu, et, le jour même oti Ménars en infornyiit 
ChanteloUy Vigarani l'écrivait au duc de Modène'. Deux jours 
après, à la vérité, il démentait sa précédente dépêche : c Ce matin, 
on a tracé les fondations de la façade du Louvre, selon les plans du 
cavalier Bernin. C^est un triomphe et une grande satisfaction de 
voir enfin décidé un si grand travail et vaincue la cabale de ses 
ennemis, qui ont tout fait pour le discréditer auprès du roi et de 
M. Colbert. Son courage a triomphé de l'ignorance et de Penvie. 
On va rapidement continuer Pœuvre durant la belle saison, car 
il veut retourner à Rome avant l'hiver^. » 

Tandis que Ton fouillait le sol, afin de préparer les fondations 
de la nouvelle assise du palais, commencèrent, dès le 3o août, ces 
a congrégations, > oti tout un Conseil des bâtiments discutait les 
détails du travail. De nombreuses questions étaient en discus- 
sion. Quelle pierre fallait-il employer? Celle de Saint-Leu, d'Ar- 
cueil, de Bicêtre ou de Saint-Cloud? On apportait des échantil* 
Ions que Ton examinait'; on discutait aussi comment on devrait 
poser les assises des fondations, de quel mortier elles seraient 
liées. Le cavalier défendait la composition italienne, et Colbert 
s'offrait, s^il était besoin, à faire venir de la « pouzssolane > d'Italie 
et même d^Égypte*. Finalement, comme les murateurs mandés à 
Rome, Pietro Fassi, Jacomo Patriarca, Bellardino Rossi, étaient 
arrivés, on fit une double épreuve. On construisit deux murs, l'un 
à la manière française, l'autre à la coutume romaine, c'est-à-dire 
avec de la c pouzzolane » et des moellons posés tels quels, sans 



I. Joumaly p. 124. 
a. Ibid.y p. 122. 

3. Fraschetti, ouvrage cité, p. 354, n. i. 

4. Ibid., p. 353. 

5. Journal j p. 176. 

6. Ibid,^ p. ia6. 



LES TRAVAUX DU LOUVKB BT LB8 VrATUBS DB LOUIS XIV. a55 

hre dressés ni égalisés au marteau ^ Un peu plus tard, on essaya 
de Esiireau Louvre même une voûte suivant la manière de Fassi'. 

Il ne s'agissait pas seulement des matériaux, il fallait régler les 
conditions de salaire des ouvriers, que le Bernin voulait voir tra- 
vailler à la journée, tandis que Gilbert préférait, pour les surveil- 
ler plus facilement, employer la toise et le forfait*; il en était de 
même pour les Italiens, en faveur de qui le cavalier demandait un 
salaire plus élevé ^. Tout cela amenait de longues discussions, 
od rimpatience et Ténervement de Tarchitecte se montraient de 
plus en plus, jusqu'au jour oîi une querelle violente.éclata avec 
Perrault au sujet des détails de distribution des pièces et de la 
difficulté de fermer les arcs de la façade des cuisines. Chantelou 
essaya d'enrayer la dispute, mais vainement. Le cavalier ne par- 
lait rien moins que de partir. Une visite faite le lendemain 
de grand matin par Perrault, — qui se garde bien d'en parler 
dans ses Mémoires, — calma seule le Bernin'. 

Le devis suscita de nouvelles difficultés, qui aggravaient l'ennui 
de trouver des défauts dans Talignement, et par suite une diver- 
gence entre les pavillons de l'Oratoire et de la rivière et dans la 
perspective des portes*. Les conditions dans lesquelles on devait 
construire les fondations étaient loin d'être réglées, même après 
que celles entreprises par Le Vau eurent été démolies et que Ton 
eut constaté, de l'aveu même de Q>lbert et de Madiot, qu'elles 
étaient fort défectueuses^. En somme, on s^engageait dans un tra- 
vail dont bien des points étaient encore indéterminés. Le 22 sep- 
tembre, on parlait encore de baisser la cour du Louvre®, alors que 
déjà Marot avait gravé une partie des plans' et que, depuis le 16, 
Varin s'occupait de la médaille destinée à être scellée dans la pre- 



I. Mémoires de Perrault , p. 34. 
a. Journal, p. 177. 

3. Ibid., p. 126. 

4. Ibid., p. 178. * 

5. Ibid,, p. 2o5 à ao7, 211. Voir la version de Perrault, dans ses Mémoires, 
p. 65. 

6. Journal, p. 128. 

7. Ibid., p. 169. 

8. Ibid,, p. 176. 

9. Ce fut le 20 septembre que le cavalier demanda un graveur pour les 
plans du Louvre. Le 24, la façade principale était gravée, le 1*' octobre le 
plan achevé et quelques jours après le travail entièrement fini. 



256 LB BBRNIN EN PRANCB. 

mière pierre^ On n^avait rien établi de définitif pour tous les 
offices de la cour; le 6 octobre, le Bernin travaillait au rocher qui 
devait servir de base au palais^ et, le 7, on discutait encore de la 
distribution des pièces et de l'emplacement de Tappartement 
du roi*. 

Aussi poursuivait-on en hâte la fondation, car le cavalier vou- 
lait à tout prix partir. Il pressait Varin de terminer sa médaille, 
attendant la cérémonie de la pose de la première pierre pour quit- 
ter Paris. 

De fait, tous les autres travaux étaient terminés, et le buste 
du roi était achevé. La dernière séance avait eu lieu le 3o sep- 
tembre*. Puis le cavalier avait poli son œuvre à la pierre ponce 
et Tavait monté sur un socle de cuivre doré, rehaussé d^émail 
bleu, représentant une mappemonde^. Pendant ce temps, il faisait 
encadrer dans un cadre de bois doré le Christ sculpté par son 
fils, et que la reine avait admiré, afin de Toffrir à la souveraine'. 
Enfin, après avoir examiné où il convenait le mieux de les pla- 
cer, il les fit porter le 1 3 octobre au Louvre. La reine-mère, tou- 
jours alitée, aurait désiré qu^ils fussent mis dans sa chambre, 
mais Tétroitesse des portes empêcha de les y faire entrer. On 
les plaça donc dans Tantichambre du lieu où le roi donnait 
audience, dans le nouvel appartement, et bientôt toute la mai- 
son du roi, ainsi que celle d'Anne d'Autriche, vint les y admirer. 

L'œuvre de Paul Bernini pèche par beaucoup de défauts. 
L'Enfant Jésus, à demi allongé, s^appuyant sur les genoux et 
sur la boîte d'outils, est lourd, manque de mouvement, de pro- 
ponion et de vie. Le geste de l'enfant, qui tient le clou d'une 
main et l'appuie sur l'autre, est convenu et mièvre. Toutefois, 
Texpression de la figure, qui se présente presque de face^ la dou- 
ceur et l'ingénuité du regard, légèrement étonné, ne manquent 
pas d'une certaine grâce; mais l'ensemble dénote une œuvre de 
début. 



1. Varia vint voir le dessin le 16 septembre. Il remit sa médaille le 
8 octobre, après y avoir apporté quelques modifications. 

2. Journal, passim [au mois d'octobre]. 

3. Ibid,, p. 19a. 

4. Le socle de la statue de Louis XIV, décrit ici, a disparu depuis long- 
temps. 

5. Ibid., p. a3 1-232. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 257 

Quant au buste de Louis XIV, il est sans contredit Tun des 
plus beaux qui soient dus au cavalier. La ressemblance, sans 
doute^ est loin d'être parfaite, mais la haute mine du roi, la 
richesse du collet et celle du manteau, somptueusement drapé 
sur sa cuirasse, les cheveux, bouclés et s^épandant sur les épaules, 
et encadrant fort heureusement le visage, le nez nettement déta- 
ché, le regard altier, ferme et bien posé, la bouche dédaigneuse, 
surmontée d*une légère moustache, produisent un ensemble plein 
de grandeur et de majesté ^ 

Il ne restait plus, pour que le séjour de l'aniste eût une conclu- 
sion positive, qu'à poser solennellement la première pierre du 
Louvre. Or^ à la veille même de cette cérémonie, on hésitait encore 
à exécuter le projet. Le 1 2 octobre Tabbé Butti apprenait à Chante- 
lou que Ton avait mis cette question en délibération au Conseil; 
Colbert s'y opposait, tandis que Louis XIV insistait pour que Ton 
hâtât cette cérémonie*. Cependant on ne pouvait plus tarder. Le 
Bernin annonçait son départ et redoutait, vu son âge, de traverser 
les Alpes en arrière-saison. La médaille était terminée, les ins- 
criptions gravées. Le cavalier s'entendait avec Tentrepreneur afin 
de préparer un bloc de marbre pour y encastrer la médaille, 
ainsi que Ton en usait à Rome. Il demandait qu^on le bénît 
et qu*on tirât le canon, à la mode d^Italie. Colbert lui répondit que 
les trompettes et les tambours sonneraient des fanfares et que le 
régiment des gardes ferait des saluts*. 

Le 17 octobre, enfin, la cérémonie eut lieu à midi. M. du Metz 
vint chercher le cavalier. L'artiste monta avec le duc de Créquy, 
Butti et Chantelou, dans la voiture de ce dernier; sa suite dans 
le carrosse royal. Descendus aux fondations, les difficultés recom- 
mencèrent : on ne savait à qui Ton devait présenter la truelle. Sur 
ces entrefaites arriva Colbert. Tout était prêt. Varin avait apporté 
ses médailles; le marteau, les pinces, la truelle d'argent étaient 
disposés près du bloc de marbre. On attendait le roi, qui fit 
grand accueil au cavalier, et mit la pièce à l'endroit qu'il conve- 
nait. Le Bernin lui présenta la truelle, après l'avoir remplie de 
mortier pris dans un grand bassin d'argent. La médaille était 

1. André Fera té, les Portraits de Louis XIV au musée de Versailles ^ dans 
Mémoires de la Société des sciences morales^ lettres et arts de Seine-et- 
Oise, 1896. 

2. Journal, p. 23 1. Voir le récit de Perrault, Mémoires, p. 62. 

3. Journal, p. 234 à 236. 

MÂu, XXXI 17 



258 LB BERNIN EN FRANCE. 



déjà encastrée dans le marbre quand survint le maréchal de Gram- 
mont; sur le désir du roi, on retira la médaille pour la lui mon- 
trer, puis on la remit en place; Louis XIV donna quelques coupsde 
marteau et Ton couvrit le marbre avec une pierre. La cérémonie 
I finie, et le roi à peine parti, une querelle s*éleva entre Français et 

Italiens pour la possession des outils; finalement Chantelou dut 
les emporter, tandis que les manœuvres, travailleurs et soldats, 
se disputaient les largesses d'argent distribuées par ordre du roi ^ 

Rien ne retenait plus le Bernin. Son œuvre paraissait assurée de 
succès ; le buste de Louis XIV était admiré de tous ; lui-même avait, 
durant ces cinq mois de séjour, étonné et déplu, mais avait donné 
une forte impression de sa personnalité. Quels que fussent les 
sentiments qu'il avait inspirés, il s'était fait connaître tel qu^il 
était, et le souvenir de son séjour n'était pas près de s'effacer. Il 
pensait, du reste, que son disciple Matthia de Rossi, qui devait 
revenir au printemps de 1666, continuerait son entreprise, tan- 
dis que lui-même demeurerait à Rome le collaborateur de Col- 
bert et de Louis XIV dans la fondation de TÉcole de peinture et 
de sculpture que le roi allait y établir prochainement^. 

Il hâtait ses préparatifs, avec une aaivité d autant plus grande 
que, le lendemain de la pose de la première pierre, une confé- 
rence avec Colbert sur la chapelle du Louvre et la distribution 
des appartements du roi mit le comble à son exaspération ; il en 
exprima en termes violents son mécontentement à Chantelou, 
qui, cette fois encore, parvint à grand'peine à le calmer'. 

Enfin, après un nouvel entretien avec le ministre, le 1 9 octobre, 
le Bernin prit congé de Louis XIV. Son fils, Matthia de Rossi, 
Giulio Canari, Pabbé Butti et Chantelou furent reçus avec lui par 
le roi. Colbert présenta le cavalier, qui fit son compliment et une 
profonde révérence; le roi, de son côté, lui parla obligeamment et 
avec les marques de grande estime. Puis le Bernin présenta son 
fils et ses disciples, et, s^adressant à Matthia de Rossi, le monarque 
le pria de revenir promptement en France. Le cavalier alla ensuite 
prendre congé de la reine, et on lui montra les bijoux de la couronne. 
Colben ouvrit la cassette et ôta toutes les pièces qui servaient à la 

I. Journal, p. 240 et suiv. 

a. Le jour même de son départ, il s'entretenait des jeunet gens qui 
devaient partir à Rome, Vouet, le fils de Sarrazin, et autres, désignés par 
TAcadémie. 

3. Journal, p. 243. 



LES TRAVAUX DU LOUTRS ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 25 9 

reine, « chaines, bouquets de diamant, nœuds de galants, pendants 
d'oreilles, poinçons, montres de rubis, dMmeraude, d'hyacinthes, 
d'opales. » A la vue des émeraudes apportées d'Espagne par la 
reine^ le cavalier ne put s^empécher de faire une de ces cruelles 
plaisanteries, qui lui avaient, durant son séjour, attiré tant d'en- 
nemis, c Cela ne m'étonne pas^ dit-il (faisant allusion à la couleur 
des pierres et à la misère de l'Espagne ruinée par la guerre) , car en 
ce moment les Espagnols sont au vert. » La réflexion, que Butti 
essaya de dériver, ne fut sans doute pas goûtée des assistants. De 
là, il se rendit chez la reine-mère, qui désira qu'on lui fit voir 
ses bijoux, et Louis XIV, qui se trouvait présent, aida à les lui 
montrer. Les ayant admirés, le cavalier se retira et rentra au 
palais Mazarin*. 

M. du Metz et Perrault l'y avaient précédé. Le roi désirait 
reconnaître les services que le célèbre aniste lui avait rendus et 
entendait l'en récompenser dignement. Aussi lui délivra -t- il 
un brevet de pension de 6,000 1. par an', tandis que Paul Bernini 
en recevait un de 1,200 1.; Mattbia de Rossi recevait un traite- 
ment annuel de 4,000 1. pour tout le temps qu'il travaillerait au 
Louvre; en outre, le cavalier était gratifié d'un don de 3,ooo pis- 
tôles, son fils de 6,000 1.; 6,000 1. étaient accordées à Mattbia, 
1 ,400 1. à Giulio Cartari, 800 1. à Cosimo Scarlatti, 900 1. à Pietro 
Fassi et 5oo 1. à chacun des estaffiers du Bernin et de son fils. 
Après avoir donné quittance de tous ces dons, le cavalier alla 
prendre congé de l'ambassadeur de Venise et d^Hugues de Lionne. 
Le 20, il se rendit chez G>lbert, qui, en le quittant, lui dit : 
c Pour vous. Monsieur, il y a lieu d'espérer que vous aurez assez 
d'amour pour votre ouvrage pour avoir envie, dans quelques 
années, de venir voir le Louvre, b Sur cette parole, qui semblait 
lui promettre Texécution de son dessein, le cavalier se sépara du 
ministre. Il rentra à l'hôtel Mazarin, où Chantelou et les siens, 
ainsi que Mignard et du Metz, vinrent l'entretenir en attendant 
l'heure de son départ. Le nonce, l'abbé Butti et TabBéde la Chambre 
arrivèrent quelques instants avant les carrosses. 

Ses amis l'accompagnèrent jusqu'à Villejuif; ému, les yeux 
mouillés, il embrassa Chantelou, qui avait tant fait pour lui, et, 

1. Journal f p. 260 et suiv. 

2. Ces deux brevets de pension, en italien, et contresignés de Lionne, sont 
conservés dans le ms. ital. 2o83, p. 347 et 349. Cf. Fraschetti, ouvrage cité^ 
p. 356, n. I. 



26o LE BBRNIN EN FRANCE. 

accompagné de Mancini^ d^Esbaupin et des serviteurs mis à sa dis- 
position depuis son arrivée, il se dirigea vers Lyon^ 



VI. 

Le départ du Bernin. — L\bandon de son projet. 

Partis de Paris le 20 octobre, le cavalier et sa suite arrivèrent à 
Lyon le 3o du même mois*. Partout, on rendit au célèbre artiste 
des honneurs semblables à ceux qu'il avait reçus lors de son arri- 
vée, en mai i665. Ces marques de déférence qui raccompagnaient, 
cette attention du roi de lui donner ses carrosses, de le faire 
accompagner par Esbaupin, de mettre à sa disposition un cubi- 
nier, un boutellier et un crédencier jusqu'à Lyon, de le faire gui- 
der par le courrier Mancini jusqu'à Rome et de le défrayer de 
tous les frais du voyage indiquaient bien clairement la volonté de 
le traiter jusqu^à la fin en personnage de qualité 3. De plus, l'adop- 
tion de ses plans, qui semblait définitive, Pinsistance à ce que son 
élève Matthia de Rossi revînt diriger en son nom les travaux 
entrepris n'indiquaient-elles pas la ferme résolution de persévérer 
dans la voie où l'on s'était engagé? Si même il eût eu quelques 
doutes à ce sujet, une lettre de Colbert, datée du 12 novembre, 
eût pu le rassurer : c Je prie Dieu », mandait ce dernier, « qu'il 
vous maintienne dans une constitution que vous puissiez entre- 
prendre, dans le cours de votre vie, de revenir deux ou trois fois 
en France, pour donner le monument aux magnifiques dessins 
de notre grand monarque. » 

I. Sur le départ, voir Journal^ p. 254 et suiv. 

a. Ibid., p. 260. — Bibl. nationale, ma. ital. 2o83, p. i3i. f 111"* et 
reverd"* aig. et padn« col"*. Oggi, li 3o ottobre aiamo giunti in Lione con 
Taiuto del Signore e délia aua Santiasima Madré, tutti con bonisaima salute, 
e domani partiretpo alla volta di Torino; noi ▼enimo aaaai allegranaente, 
atante che ai viene verao la patria. 11 sig. cavalière et il aig. Paolo atanno 
di perfetta aalute, e piacendo a aua Divina Maeatà ci revederemo presto; 
non poaao dire altro a V. S. illma. Solo gli faccio humilisaima riverenza 
corne fo al aig. Luigi ^ernino, e tutti di aua caaa. Di Lione, queato di 
3o ottobre i665. Da V. S. illma et reverendma, dev* et oblig"* servîtore, 
Matthia db Roaai. a 

3. Bibl. nat., ma. ital. 2o83, p. 121, lettre de Maurice Marguin à Colbert. 
— Mancini recevait 2,000 I. pour ce voyage (Guifirey, ouvrage citi^ t. I, 
col. io5). 



LES TRAVAUX DU LOUYRB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 201 

Mais à peine le cavalier était-il parti qu^une rumeur se répan- 
dait dans le monde de la cour et parvenait jusqu'au roi. Mon- 
sieur et le marquis d'Albon en entretenaient Chantelou, et 
Louis XIV lui-même en parlait à ce dernier. Le Bernin, 
disait-on, avait été fort humilié de n^étre pas plus largement 
rémunéré de ses services et avait donné un pourboire dérisoire à 
la concierge du Palais-Mazarin. Le cavalier Tavait laissé, au 
reste, entendre à Colbert lors de son dernier entretien avec le 
ministre, en lui disant qu'il *n*aurait jamais consenti à quitter 
Rome pour tout autre que le roi^ lui eût-on donné cinquante 
mille écus. L'abbé Butti avait aussi répété, — du moins le 
disait-on, — que les trois mille pistoles à lui remises le 20 oc- 
tobre lui semblaient insuffisantes, étant donné qu'il avait reçu la 
même somme avant de quitter Rome*. 

I. Journal.,. f p. 259, cf. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 233, lettre de Chan- 
telou au Bernin, du i**^ janvier 1666 : t Monsieur, Je commance par vous 
souhaitter une bonne année, Dieu soit loué de ce que vous estes arrivé en 
bonne santé, comme je Papprens par vostre lettre du 8* du mois passé. Je 
ne pouvois pas recevoir une plus agréable nouvelle. J*ay aussy receu la lettre 
que vous m*avés fait Thonneur de m'escrire de Lion; d'abord qu'elle me 
fut rendue, je dis au Roy ce que vous me mandiés touchant les bruitz qui 
avoîent couru et fus bien aise d*avoir ce tiltre pour en confirmer la fauceté 
à Sa Majesté, de laquelle je luy en avois desjà d'office donné toutte la plus 
grande as&eurance qu'il m*avoit esté possible, ainsy que je vous ay mandé 
par mes deux premières. Je le dis aussy à M. Colbert. Mais il me repartit 
que vous vous en estiez ouvert à M. le nonce, et que mesmes Tabbé Butti 
ne Tavoit pas celé. Quand je luy en parlé trois semaines ou un mois après 
(car il a esté longtemps à la campagne], il me dist que ces bruits venoient 
d'un discours que vous fistes le matin de vostre départ à M. Colbert chez 
luy (il me souvien que je n'y arrivé que sur la fin), que pour tout autre 
que le roy vous n'auriez pas quitté Rome pour cinquante mille escus. Que 
Ton avoit inféré de là que vous n'estiez pas contant, et Tabbé m'ajousta 
qu'à la vérité vous ayant esté donné trois mille pistolles avant que partir de 
Rome vous espériez davantage au départ de Paris, ayant réussi dans tous 
les ouvrages que vous aviez faitz; pour moy. Monsieur, j'ai soustenu haute- 
ment que c'estoit par caballe que ces bruits s'estoient respandus et que, 
comme on ne trouvoit rien à reprendre dans vos ouvrages et aux productions 
de vostre esprit, l'on cherchoit à trouver à dire aux sentiments de vostre 
cœur et l'accusoit on d'ingratitude par ces faux bruits, affin de vous rendre 
odieux après tant de marques d'honneur et d'affection que vous avez receues 
de S. M. V — Dans une lettre du 19 décembre, Butti faisait allusion aux 
plaintes du cavalier et lui conseillait la modération : c lo non ho che una 
difhcoltà, cagionatami dal contenuto délia risposta di V. S. illmt a Monsir de 
Chantelup, nella quale ella gli dice che conoscerebbe le fabre voci sparse 



262 LB BRRNIN EN FBANCE. 

Quelle part de vérité contenaient ces on-dit? Sur Tordre de 
Louis XIV, Chantelou en écrivit au Bernin, le priant de les démen- 
tir : c Vous devez cela », lui disait-il, « à l'estime et à Taffection 
que S. M. a pour vous. » Il est vrai que la réponse fut assez 
brève; le cavalier se contenta d'assurer que, « si Dieu lui prê- 
tait vie, il ferait voir non par des paroles, mais par des actes, à 
S. M. et au monde entier, combien il demeurait obligé et affec- 
tionné à un si grand roi * ». 

De fait, lors de son départ, rd]3position qu'il avait rencon- 
trée, les discussions qu'il avait eues avec Colbert avaient amené 
le cavalier à laisser échapper quelques paroles trahissant son 
mécontentement ; mais il ne tarda pas, lorsqu'^il fut de retour à 
Rome, à se souvenir seulement des honneurs qu'il avait reçus. 
Ils lui rapportaient gloire et profit ; c'était là une double raison 
pour lui de se déclarer satisfait. 

Le 3 décembre, après un voyage dont il n'avait nullement souf- 
fert, il rentra dans la Ville Éternelle. De toutes parts, les témoi- 
gnages de son contentement parvinrent à Paris. Benedetti ne 
manqua pas d'en informer Colbert, en ajoutant que le cavalier 
c parlait à tout le monde en termes élogieux de la France. Il se 
déclare très satisfait de l'accueil qu'il y a reçu etdit qu^en six mois 
le roi lui a plus donné que les papes en vingt années. Il se montre, 
en un mot, ravi d'avoir fait ce voyage. Il ne cesse, ajoutait-il, de 
faire grand éloge de S. M. et de se louer beaucoup de V. E., pour 
laquelle il professe une grande reconnaissance' ». 

délia tua poca sodisfattione co i fatti, H quali mancando col suo intiepidirsî 
augmenteranno la credenza aile dette vocî ; per gratia, sig. cavalière mio, 
pensi che non è lo mener portione del premio da lei meritato, il conser- 
varsi la bona gratia di un si gran Re, et il campo di multiplicar qui t fon- 
damenti délia immortalité del suo nome, oltre alla protettione che in casi 
di biaogno potrebbe havere la sua casa et i lucri successivi che puo sperare, 
e considère anchora che non sarà poca sua gloria il poter fiare il generoso 
con on Re... » (Bibl. nat., ms. ital. ao83, fol. 41). 

I. Journal, p. 260. 

a. Bibl. nat., M^l. Colbbrt, vol. i34, n* 247. — Rome, i665, 8 décembre, 
ff Monseigneur, Alli 3 del corrente arrivô in questa città il s. cav. Beroino, 
in ottima salute. Parla non solo con me, ma' anco con tutti li al tri assai 
avantaggiosamente délia Francia, e si dice sodisfattissimo dei trattamentt 
ricevutici, anzi con tutti si dichiare d' haver havuto più in 6 mesi dai Re, 
che in 20 annt dai Papi, et in fine si mostra contentissimo d'haver fattocotesto 
▼iaggio. Délie gran parti riconoaciati nello spirito di S. M., non sa satiarsi 
di farne encomii, corne anco si loda sommamente di V. E., e dice profiës- 



LES TRAVAUX DU LOUYRS ET LES STATUBS DB LOUIS XIV. a63 

De son côté, le général des Jésuites, le P. Oliva, dont le Berntn 
avait illustré plusieurs ouvrages de piété, déclarait à Hugues de 
Lionne que Taniste était tout étonné de Pexcôs de gratitude, 
des honneurs et des présents quMl avait reçus. Il était plein d'ad- 
miration pour la grandeur et la magnanimité du roi, et, oublieux 
des avantages de la naissance et du pouvoir, il déclarait que 
Louis XIV était plus sublime par son esprit, son éloquence, sa 
générosité, la noblesse de son caractère, sa justice et sa majesté, 
que par l'étendue de ses États et la puissance de ses armées. 

Ces expressions de contentement sembleraient sans doute exagé- 
rées, si Ton ne possédait une minute d^une lettre du Bernin vrai- 
semblablement adressée à Colbert et qui reflète les mêmes senti- 
ments : « Le 3 de ce mois, nous arrivâmes à Rome en bonne santé, 
tant par la grâce de Dieu que par la bonne et nombreuse compa- 
gnie que nous a donnée S. M., et, si un si long voyage ne se peut 
faire sans quelque inconvénient, toutefois j'ai l'esprit satisfait et le 
cœur content de tous les bienfaits honorifiques et utiles que j^ai 
reçus de S. M. Rien ne m'a fatigué. Tous les princes que j'ai vus, 
tant durant mon voyage que depuis mon retour à Rome, m'ont fait 
longuement veiller, en me demandant, avec attention et curiosité, 
de voir les dessins du Louvre, et tous ont admiré cette grande et 
majestueuse construaion. Beaucoup ont même déclaré que, dès 
qu^elle sortirait de terre, il serait nécessaire de la venir voir... 
Pour moi, je puis dire en toute sincérité que plus mon corps 
s'éloignait de Paris, plus ma pensée demeurait voisine de cette 
œuvre, qui m'était tellement dans l'esprit que je ne cessais de 
l'étudier et de la dessiner pour la rendre plus riche et plus agréable. 
Si Dieu me prête vie, je ne crois pas que je pourrai résister au 
désir de revenir la voir et de perfectionner ce que j'ai entrepris 
avec tant d'amour. A Lyon, on m'a demandé, ainsi que l'ont, au 
reste, hh plusieurs princes, une reproduction en bronze du buste 
de S. M.*. » Cette lettre ne paraît pas avoir jamais été envoyée à 

tarli moltissime obligation!. Gli ho Aitto vedere il David finito, che non 
gli' è piacciuto, nientemeno délia Oafnè, simili saranno il Racto di Proser- 
pina e il Nettuno, che ai atanno focendo. 

c Gli ho anco significato, corne a tutti facevo fare le basi di bianco e 
nero, come già l'accennai a- V. £. Humilamente la riverisco, Monseigneur, 
hum* dévot"* et oblig**, l'abbate Benbdbtti. > 

1. Minute en fort mauvais état. Bibl. nat., ms. ital. 'io83, p. 227. — c A i 



364 K-K HEBSmf Ci PRASCCK. 

sn dadaataire. Mais, en parlant à Chaatdoo, à peu pris à cette 
même date, k caralier s'exprimait en ces termes : 

c Pour ce qœ V. S. me dît des caqoetages rendus contre moi 
à Paris, laia de les regreœr. je m'en glorifie; mes dctractcan, 
n^ajaot pa mlmposer siknce dans les actes, essayent, avec peu de 
raison, de me discréditer en paroles. Je ne sais qui commet h plos 
lourde balourdise, de cdai qui Ta inventée, on de celui qai l'a 
crue. L*on sait, en effet, la grandeur des dons que m'a fait S. M.; 
fe pais dire avoir reçu une plus grande récompense de mes 
fatigues en six mois à Paris qu'en six ans à Rome. Mais, pour 
être complètement comUé des dons du roi, il Ëillait que la mjrrhe 
de rimposture sV afootit, ayant dé)à reçu abondamment Tordes 
richesses, l'encens des honneurs. Le temps découvrira la vérité, 
comme jadis il l'a déjà £ût à mon avantage *. » 

Malheureusement, le cavalier avait contre lui le plus fàcbeax 
des contretemps : Tabsence. Ses ennemis avaient beau jeu à le 
combanre, et à Taccabler. 11 ne pouvait se défendre; ses amis 
luttaient et rompaient des laiKes en son honneur, mais que 
pouvaient- ils? Des incidents retentissants desservaient Tar- 
tiste. Le mur qu'il avait fait élever au Palais-Mazarin pour 
démontrer la supériorité du mortier italien s'écroulait un jour, 

tre di ottobre (sic) arrivai ia Roma coo ottima salute, prima per gracia di 
Dîo, e poi mediante la bona e copiosa compagnia di honore e dt gente 
chc m'a Jata S. M., e sebbsne per viaggio C3si lungo non si pô fare di meno 
di non s<;nurc quaJchc incommodo, avendo perô l'animo sodisfiatto et il corc 
contento per lanti honori et uiiîi che ho ricevuti dal Re, nessuna cosa mi 
ha daio fasiidio. Tuiii i prencipi ch'o reduti per il viaggio e in Rom^ 
n'anno faito nrc luoghe veglie. havendo intenso con curiosiià grande e aiien- 
lionc siraordinaria vedere 1 dise^ni del Lovre, c tutti anno dcmostrato di 
restare amirati di cosi grande e maestosa fabrica, e uniformemente dicono 
chc subito che si commincierà a vedere surgcre, necezziterà molti a venirc 
a vederlii, et io intanto mi è ... quella gloria c quelle lodi, che si devono 
a S. M. e ai lumi che m'a dato V. F..; dirô ben questo con verità, chc 
quanio più mi sono elonianaio con il corpo da Parigi, maggiormenie mi 
sono avicinato a questa opéra con il pensicro; mi era cosi tissa nella mente 
chc coniinuamentc ciù studiando e disegnando divcrsi hornaracnti per rcn- 
dcrla più riccha e riguardevole, et si Iddio benedetto mi darà vita, non 
credo che non mi potrô conienere di non venire a vedere e perfezzionare 
questo ultimo parto ch'o fati.> con tanto mio gusto..., etc. » 

I. Fraschetti, ouvrage citéy p. SSy, note 2. Allusion à la statue du Temps 
découvrant la Vérité, exécutée par le Bernin au moment de sa disgrâce, 
après ^affaire des pilônes de Saint-Pierre. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. a65 

à la grande joie de Perrault et des architectes français ^ Des 
rixes éclataient entre les murateurs venus de Rome pour travail- 
ler aux fondations. L'afiaire, d'une banalité courante, était aus- 
sitôt exploitée, et Ton déclarait partout que deux Italiens ne pou- 
vaient vivre ensemble sans s'ent redévorer'. Ajoutons que la mort 
du roi d^Espagne, survenue en septembre i665, ouvrait Tère des 
négociations difficiles qui devaient précéder la guerre de Dévolu- 
lion. On activait les préparatifs militaires; on songeait à faire, par 
ailleurs, des économies, et l'exécution des projets du Bernin entraî- 
nerait de grandes dépenses. 

Le cavalier avait beau, au début de Tannée 1666, échanger d'ai- 
mables lettres avec Colbert et d'autres personnages, Tafifaire train 
naît en longueur. Le principal obstacle était le retard apporté par 
Matthia de Rossi à revenir en France. Atteint de fièvres à son 
arrivée en Italie, il était depuis un mois malade, sans que Ton pût 
prévoir le moment de sa guérison et encore moins celui où il pour- 
rait retourner à Paris. Toutefois, le cavalier s'occupait toujours 
de ce qui concernait les travaux entrepris; il perfectionnait les 
plans du Louvre, il sculptait lui-même les Hercules placés de 
chaque côté de la porte du palais et s'intéressait aux divers bâti- 
ments qu'il avait vus sur le chantier, tels que le Val-de-Grâce '. 
Enfin, on espérait en France qu'il s'occuperait de l'Académie de 
France à Rome*. 



1. Ce récit ne nous est, au reste, connu que par le récit de Perrault. 
Mémoires.., t p. 54. 

2. Bibl. nat., ma. ital. 2o83, p. 49, lettre de Butti au Bernin, du 19 mars 
1666. c ... che non possono ?iver due italiani insieme, aenza mangiarsi il 
core. • 

3. Dana une lettre du 7 janvier 1667 (Bibl. nat., ma. itfil. ao83, p. io3), 
Matthia de Rossi écrivait au sujet du Val-de-Grâce : c Circa la cuppola di 
Val di Gratia è scoperta, e ha hauto di tutti grand' applauso, e li Francesi 
qui dicono che adesso che è fatta quella cuppola, bisognerà che li pittori, 
si vogliono imparare, venghino d'Italia, perche dicono che questa è la più 
bella coaa che sia in tutto il roondo. V. S. sa quello che è, perche l'ha 
veduta, e n'è ha avertito il sig. abate perche m'avisasse monsu Migniardo. 
La cuppola rai pare che sia riuscita troppo cruda, ma qui non lo conoscono, 
perche gli da nell' occhii. » 

4. Le 23 janvier 1667, Colbert, écrivant au Bernin, lui témoignait sa joie 
en apprenant c que vous continuyez de penser à l'exécution du grand et 
magnifique dessein du Louvre, dont l'accomplissement rendra vostre gloire 
immortelle 1 (Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 247), et, quelques jours aupa- 
ravant, Chantelou entretenait l'artiste des statues d'Hercule : c Je suis ravi 



266 LE BERNIN RN FRANCE. 

Ce projet qui remontait à Sublet des Noyers, était depuis long- 
temps à Tétude. Déjà, on subventionnait de jeunes artistes qui 
séjournaient en Italie, tels que Sarrazin, J.-B. G)rneiile, Pierre 
Monier, Etienne Baudet. Mais Colbert désirait rendre définitives 
ces missions temporaires. Durant le séjour du Bernin, et au 
moment même de son départ, il en avait été longuement question 
entre l'artiste et le surintendant; finalement, au début de 1666, 
Erhan était nommé directeur de la nouvelle Académie, dont 
les statuts venaient d^étre promulgués ^ Colbert, qui lui en avait 
maintes fois parlé, comptait beaucoup sur le cavalier pour donner 
aux pensionnaires les principes de la sculpture*. 

Mais, pour l'instant, l'afifaire la plus importante était l'arrivée 
de Matthia de Rossi. Presque dans chacune de ses lettres, Colbert 
réclamait son départ de Rome. L^abbé Butti, qui renseignait si 
bien le cavalier sur les fluauations de la cour, le pressait de ne 
point différer son envoi. Il lui donnait, au reste, d^ezcellents con- 
seils, l'engageant à modérer la vivacité de ses expressions, à sur- 
veiller ses appréciations : « De grâce, mon cher seigneur cavalier^ 
songez que ce n'est pas la moindre de vos récompenses que d*avoir 
conservé les grâces d'un si grand roi et d'avoir augmenté ici les 
chances de rendre votre nom immortel, sans compter que votre 
famille pourrait y trouver une protection en cas de besoin et que 
vous pourrez en tirer ultérieurement de grands bénéfices; songez, 
en plus, que ce ne sera pas peu pour votre gloire que d'avoir lutté 
de générosité avec un aussi grand roi'. » 

Cet appel fut enfin entendu, et Matthia de Rossi revint à Paris 
à la fin de mai 1666^. Malheureusement, il devait bientôt cons- 



que l'ouvrage de la chaire de Saint- Pierre soit aux termes d'estre fini; et 
que vous soiez bientost en estât de mettre la main aux deux colosses du 
Louvre. Si mes vœux s'accomplissent, après les avoir ébauchez à Rome, vous 
viendrez les finir ici et toutes les autres choses que vous y avés comman- 
cées. i Lettre du 18 janvier 16C6 (Bibl. nat., ms. ital. ao83, p. igb). 

1. A. de Montaiglon, Correspondance des directeurs de V Académie de 
France à Rome avec les surintendants des bâtiments, t. L Paris, Charavay, 
1887, in-8% p. 8 à II. 

2. Bibl. nat., ms. ital. ao83, p. 279. 

3. Voir plus haut, p. 261, note i, lettre du 19 décembre i663. 

4. GuifTrey, ouvrage cité, t. I, col. i58, 28 mai 1666-27 mai 1667, 
« au 6' Matias de Rossy, ayant la conduite des bastiments du Louvre, sui- 
vant le dessin du s' cavalier Bernin, pour ses appointements de la présente 
année, 9,000 1. • 



LES TRAVAUX DU LOUYKB BT LES STATUES DE LOUIS XIV. 267 

tater que l'assombrissement de l'horizon politique, réventualité 
déjà prévue des guerres seraient autant de motifii à alléguer contre 
Texécution du plan. Il se mit cependant au travail et s^appliqua à 
faire deux modèles en bois et en stuc, semblables à celui bit en 
1664 pour le plan de Le Vau, afin que Ton pût se rendre compte 
de l'aspect que présenterait le palais ^ Ce travail le retint long-* 
temps, et il ne négligeait pas de tenir son maître au courant des 
divers événements. 

« Par ce courrier, • écrivait-il le i" oaobre, « je ne réponds 
pas à votre lettre, car je Tai fait mardi dernier par le courrier de 
Venise. Aujourd'hui, M. le prince de Condé est venu voir les 
deux modèles; par ses questions, il m'a paru avoir un grand 
goût. Il m'a demandé pourquoi V. S. faisait cet écueil dans le 
fossé et les deux Hercules aux côtés de la porte; je lui en ai donné 
les raisons, et il m'a dit que, pour concevoir semblables choses et 
en avoir la raison appropriée, il n'y avait que le cavalier Bernin. 
— Moi, ajouta-t-il^ moi prince de Condé, je suis son très humble 
serviteur. — Il déclara avoir été très mécontent que vous fussiez 
parti de Paris sans le voir. A quoi je lui ai répondu que vous 
allâtes lui présenter vos révérences au moment de votre départ, 
mais que vous n'eûtes pas la bonne fortune de le rencontrer, car 
il était absent de Paris. Nous parlâmes ainsi environ une heure 
et demie de V. S. et j'ai été heureux de constater combien il était 
content de ces modèles; il a, dit-on, grande influence sur S. M. 

c M. Varin, l'auteur de la médaille, a fait un buste en marbre 
du roi. Lorsque ce travail fut fini, S. M. alla le voir avec toute la 
cour, et chacun de s'écrier : Voilà qui est beau ! Voilà qui est 
bien ! Plusieurs des ennemis de V. S. y sont allés et ont déclaré 
que c'était le plus remarquable buste que l'on ait fait. Par curio- 
sité, j^y fus avec un mien ami bon connaisseur : ce portrait est 
difforme, regardant à terre, sans vie, un sourcil plus bas que 
l'autre d'un doigt. Le nez est tort et du mauvais côté, un des 
yeux est beaucoup plus écarté du nez que l'autre, si bien que l'on 
pourrait dans l'intervalle mettre deux autres yeux. Après l'avoir 
vu, j'allai à la messe aux Théatins, j'y trouvai une partie des 
courtisans, déclarant tous que c'était une merveille. Ils me deman- 
dèrent si je l'avais vu. Sur ma réponse affirmative, ils me conju- 

I. Guifirey, ouvrage cité, t. I, col. 126, c à Le Hongre, pour compte des 
ouvrages de sculpture que il fait au modèle du Louvre, 3oo 1. > 



268 LE BBRNIN EN FRANCE. 

rèrent de leur dire sans déguiser mon sentiment. Je leur dis que, 
si M. Varin n'avait jamais travaillé dans le marbre^ c'était un 
bon essai ; mais que, si au lieu de le faire en marbre, il Peut fait 
en cire, et qu'il fût ressemblant, ce serait peu de chose, M. Varin 
foisant depuis plus de vingt ans des portraits de S. M.; et qu'en 
ce dernier cas, autant eût-il valu lui donner un cheval comme 
modèle; qu'un homme qui, toute sa vie, fait le portrait d'une 
même personne, ne doit pas être loué de la ressemblance, mais 
que celui qui fait le portrait de quelqu'un qu'il n'a jamais vu 
auparavant, et qui le fait d'après nature et en marbre, sans 
modèle, doit être grandement estimé*. » 

I. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. Sg. — c In questo ordînario non res- 
pondo alla sua, perche resposi martedi prossimo passato per la posta di 
Venezia con il pîego del nunzio; solo scrivo per dargli nuova corne oggiche 
semo il primo d'ottobre, è stato a vedere il modello, tanto quello di legno, 
comme quello di atucco, il prencipe di Condè, e per quello che ha demos- 
trato, a monstrato di havere un gran gusto; mi ha domandato perche V. S. 
faceva quello scoglio nella fossa con quelli due Ercoli dalle bande délia 
gran porta, e altre cose. lo a tutte le domande che mi ha fatto gli ho res- 
posto le sue raggioni;doppo sentito le raggioni, mi disse per fare unacosa 
simile, et haverne le sue raggioni appropriate, non vi voleva altro che il 
cavalière Berni no, c al quale ioche sono Prencipe dt Condè sono molto hum** 
servitore », e di più disse c e mi dispiace grandemente il sig. cavalier Bernino 
si partisse da Parigi senza che io lo vedessi, e questa fu mia cattiva for- 
tuna, perche io non ero in Parigi. • Quando io sentii queste parole, io gli 
risposi c il sig. cavaliero mio fu avanti di partire per fare riverenza a vestra 
Altezza, ma non hebbe fortuna di trovarlo, e gli dissero che cra fuori di 
Parigi » ; seguitossimo con discorso di più di un hors mezza sopra la per- 
sona di V. S. con suo gran gusto; ho bauto accaro che sia remasto sodis- 
fatto delli modelli del Lovre, perche so che appresso il Re lui farà assai. 

c Do nova a V. S. come monsù Varino, quello che fa le medaglie, ha fatto 
un retratto del Re in marmo; doppo fenito è andato il Re a vederlo con 
tutta la corte, e tutti a sbrillare c vala chi è bo, vala chi é bo », assegno che 
ci sono stati di quelli che sono pocht amici di V. S., che hanno detto che 
era più bello, che lei haveva fatto. Io, mosso della curiosità di quello andai 
con un mio amico virtuoso a vedere questo retratto, nel modo che è, qui gli lo 
descrivo : prima è gobbo, e guarda in terra, è morto, poi ha un cigHo più in 
fora di con altro un bon deto, ha il nazo storto al contrario di quello che ha 
il Re, un occhio è più distante dal nazo dell' altro un detto, e da un occhio 
a un altro dove é il nazo, ci è una distanza che ci caperebbe due altri occhi. 
Io quando hcbbi visto questo retratto, andai a messa alli Teatini, dove tro- 
vai una mano di questi emuli, che dicevona che era tanta gran maraviglia, e 
tutti mi domandorno si havevo visto il retratto che haveva fatto Varino. 
Io gli dissi di si; mi commiciorno a congiurare che gli dicessi la verità dî 
quello che mi pareva. Io gli resposi che per non havere mai mossù Varino 



LBS TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 269 

L^a cour, qui, Tannée précédente, ne tarissait pas d^éloges sur 
L ressemblance et la beauté du buste du Bernin, réglait son 
iconstance sur Thumeur de Colbert. Ce dernier négligeait com- 
lètement de s^occuper du modèle de Matthia de Rossi : « S^il ne 
ient pas quand j'aurai fini la façade principale, > écrivait ce der- 
lier le 5 novembre, « je m^arréterai, s'il plaît à V. S., jusqu^au jour 
lù il aura vu le modèle, et, s'il me demande pourquoi j'ai inter- 
-ompu mon travail, je lui répondrai que j'ai pensé bien faire, 
iésirant auparavant savoir si S. E. en était satisfaite, car dans le 
cas contraire^ il me semblerait commettre un péché que de faire 
tant dépenser au roi pour un modèle qui ne servirait à rien^ • 

lavorato in marmo, si era portato bene, ma che quindo quel retratto che 
ha fatto di marmo, lui Thavessi fatto di cera e che fosse stato simile al Re, 
io non Thaverei stimato gran cosa, perche mossù Varino ha sempre fatto 
ritratti del Re da venti anni in que, e vo nonne facessi uno simile sarebbe 
da dargli un cavallo, e che un huomo che tutto il tempo délia sua vita 
fa retratti di uno, quando lo fa hene è assai, ma un homo che facia uno 
retratto di una persona che non Thabbia mai veduto solo che in quel tempo 
che li ht il suo retratto in marmo, e che lo fa dal naturale senza modello 
alcuno, di quello si deve far gran stima, etc. Io so bene che non doveva res- 
pondère nel modo che ho fatto contro monsù Varino, ma perche facevono 
tant! miracoli, e parlavano con tanta passione, vol si fargli vedere.che tutto 
quello che dicevano era una mera malignità loro e non altro. 

f Do nova a V. S. alli 1 1 del mese passato di settembre se diede foco alla 
città di Londra in Inghilterra, e arse sino li i6, che furno cinque giorni, e 
quattro notte, ne ci fu mai remedio nessuno per stinguere detto fuoco, 
assegno che andavano per smorsarlo da una parte, e quello accendeva 
dair altra per il gran vento che tirava, assegno che il vento portava il fuoco 
deir altra parte del fiume, e accendeva le case. Lettere che vengono de là 
dicono che délie quattro parti délia città ne sono abruziate tre parti, e 
che sono moni didetto incendio circa cinquanta mila persone; come si sia 
stato, non si puole sapere. Il Re di Inghilterra dicono che si sia portato assai 
bene, che tutto il tempo che a durato il fuoco, sempre sia stato a cavallo 
per la città, consolando li suoi sudditi, eche gli dice : c Figliuoli non incolpati 
ne li Francesi, neV Holandesi, per che questo è Dio che vole cosi. > Puole V. S. 
considerare che cosa ha hauto il Re d'Inghilterra quesf an no, perche lui a 
bauto gran peste, gran carestia, gran guerra con Francia et Olanda, e poi 
Hncendio délia sua gran città, che dicono che sia de longhezza circa dieci 
miglia e tutta di mercanzie. Non ho altro da dirgli, etc.. Di Parigi, questo 
di primo d'octobre 1666. Matthia de Rossi. > — Dans une autre lettre, il 
annonçait que, le 3 janvier 1667, la reine avait donné le jour, à Saint- 
Germain, à une fille {Ibid., p. io3, lettre du 7 janvier 1667}. c La Regina 
si è infantata di una figlia femmina e si è infantata alli 3 di gennaro a 
S. Germano ». 

I. Ibid., p. 149. — t Dalla sua carmadel li ij octobre prossimo e sento quanto 



270 LB BEftNIN EN FIANCE. 

De côté et d'autre, on était mécontent. Les événements poli- 
tiques absorbaient Tattention de Colbert et les efiForts des archi- 
teaes français le détournaient de s'occuper du projet du Bernin. 
A Rome, ce dernier négligeait de sHntéresser à i^ Académie et, 
malgré ses promesses, n*y allait point'. A Paris, il se plaignait 
que sa pension ne lui eût pas été payée au jour fixé, et il faisait 
réclamer par Butti le traitement de Matthia de Rossi, en retard 
de cinq mois'. A ces demandes intempestives, Colbert répondait 
assez sèchement que le roi ne conférait « aucune grâce dont 
S. M. ne fasse sonir son effet > et que la pension était déjà ordon- 
nancée quand était arrivée la réclamation. Cependant, il l'assurait 
qu^on allait travailler « tout de bon à l'exécution du grand des- 
sein sur le bastiment du Louvre •. Il rengageait même à décider 
son fils à venir surveiller les travaux, s'offrant à l'établir et à le 
marier en France '. 

Ces promesses, plusieurs fois répétées, ne faisaient faire aucun 
pas à la construction, bien que Matthia de Rossi, tout en se 
plaignant de l'état de sa santé^, se consacrât toujours à sculpter 

mi dice circa quello che devo fare per rispetto délie mie provtsioni, sîno 
adesso non ho fatto resentimento alcuno, per rispetto di V. S., ma hora, che 
sento il suo parère, so quello che devo fare. Circa il modello che io o di 
Icgno, quando haverô fenito la facciata e che vedrô che monaù Colbert non 
viene a vederlo, ho pensato, si pare a V. S. volere, trattenere d. modello 
sino a tanto che non haverà detto monsu Colbert veduto d. facciata, e si mi 
dicesse perche ho levato di lavorarc alla gagliarda a d. modello, gli respon- 
derô che ho pensato bene di soprassedere per vedere prima si sua Ecc. 
si chiama veramenie sodisfatto di d. facciata, perche quando sua Ecc. non 
fusse sodisfatto, mi pareva gran peccato fare spendere tanto denaro al Re, 
in un modello, e poi non servire a niente. In finere, d. fecciata portera 
anco del tempo, tratanto V. S. mi favorirà avisarmi, se in questo che gli 
pare che debba fare. 11 padre superiore de Bernesi delF ordine di Aracdi 
che sta vicino il Palazzo Mazzarino saluta V. S. caramente, ha hauto un 
ordine dall' amico nostro che debbano tutti detti fratri sfrattare di Parigi 
che non ci li vole, perque sono vassalli del Re dlnghilterra, di qui non ho 
altroche scrivere a V. S. solo che non si fidi di quest* altro amico che è qui 
in Roma, perche scrive qui tutto quello che V. S. dice, e altre cose che poi 
ci deve aggiungere lui ancore. Il sig. abate Buti pare che cominci a farse 
christiano. Circa la fabrica del Lovre, non è piu ostinato come é stato sino 
adesso. Fo humma riverenza a V. S. illma, come fo a tutti quanti da sua casa. 
O. Parigi, questo di 5 novembre 1666. Matthia de Rossi. 1» 

1. Voir p. 271, note 2. 

2. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. yS. 

3. Ibid,, p. 283. 

4. Ibid,f p. io3. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LIS STATUES DE LOUIS XIV. 27 1 

le modèle réduit. Malgré les assurances de Chantelou, qui écri- 
vait au cavalier que le modèle devenait de plus en plus beau, 
qu'il était impossible et fou de douter que Colbert ne Texécutât 
pas, qu'il fallait le terminer pour juger de Teffet qu'il produirait, 
malgré toutes ces consolations, le Bernin devait perdre peu à peu 
ses illusions ^ 

Butti, au reste, que Matthia trouvait beaucoup moins enthou* 
siaste, ne cachait pas ses inquiétudes et rappelait le cavalier à la 
prudence : c M. Colbert est venu voir le modèle le premier jour 
de carême, il l'a fort admiré, mais il est toujours en peine de 
savoir comment on trouvera une chambre pour S. M. avec toutes 
les commodités qui lui sont nécessaires. Je lui ai répondu qu'une 
fois l'ossature £iite, il serait temps de songer aux autres choses. Il 
a reçu avec plaisir les remerciements que je lui ai transmis au 
nom de V. S., mais il se plaint vivement de ce que vous ne soyez 
pas encore allé visiter l'Académie des peintres français une seule 
(bis. Je n'ai su vous excuser. Pour l'amour de Dieu, je vous prie 
de me répondre de suite. Je porterai à S. E. cette consolation que 
vous y êtes allé et pensez y retourner de temps à autre. V. S. doit 
s'imaginer que le roi et M. Colbert considèrent cette Académie 
avec une affection particulière, comme une partie de leur esprit, 
et pensent que les autres sont comme eux. .. Je vous prie de feindre 
comme vous savez le faire lorsque vous le voulez. Vous verrez que 
Ton enverra un superbe cadeau à M*"® Catherine ; mais, de grâce, 
que V. S. aille à cette Académie et fasse en sorte que sa réponse 
adoucisse M. Colbert^. > 

1. Ibid,j p. 79. — « Il modello del Lovero si va di gîorno in giorno 
awanzando. Più io lo vedo, tanto più io i'ammiro, e tengo per certo che si 
metterà in essecutione con tutto che ne parli e che ne pensi il s. Mat- 
thia. Troppo io stimo mons. Colbert per poterne dubitare già che biso- 
gnerebbe esser matto per pigliar attro partito. 1 

2. Ibid.j p. 3 1. — « A tempo giunsero le sue del 3o del passato al sig. 
Mattia et a me, perche senza che V. S. havesse ordinata la prudenza, ci sarres- 
semo lasciati tratti da parte daP impatienza a qualche discorso dispiacevole. 
Monsù Colbert fu il primo giorno di Quaresima a vedere il modello, e ne 
resto ammirato, e le lodo al maggior segno. Vero è che sempre gli resta 
quakhe dubio nell* imaginatione ch* el Re non sia per trovare in un si 
gran palazzo stanza bona da dormire et accompagnata de tutte le comrao- 
dità vicine, che gli gli sono necessarie; a questo io gli replico, che fatta la 
grande ossatura, si troverebbe gran campo per tutte l'altrecose. Riceve li 
ringratiamenti che io gli fed a nome di V. S. illow, con grand' allacrità, 
ma se dolse non poco che V. S. non havesse ancora honorata una sol volta 



273 LR BBRNIN EN FRANCE. 

Ces conseils étaîem utiles, car, le fi mars, Colbert conju- 
rait le Bernin, qui, au reste, recevait une pension à cet effet, de 
visiter TAcadémie, « étant bien persuadé, ajoutait-il, que, quand 
elle sera dirigée par vos ordres, ceux qui y sont eslevez réussiront 
dans les beaux-arts; en sorte que la France ne vous sera non seul- 
lement pas redevable de ce grand et superbe dessein, mais mesme 
que vostre nom luy sera en considération dans les siècles advenir 
par le moyen des babils gens qui se seront formez sous vostre 
main^ » 

Cependant, la désaffection paraissait augmenter pour les tra- 
vaux du Louvre. Matthia de Rossi ne parvenait pas à établir son 
modèle. La construction des escaliers lui avait donné grand*petne, 
par suite du peu d'élévation du premier étage; les voûtes lui 
paraissaient trop lourdes et pesantes pour les colonnes; il devait 
renforcer ces dernières. Il se plaignait de ce que Colbert négligeât 
ses travaux et, philosophiquement, s'en remettait « à celui qui 
fait tout*. » 

Il avait raison. La guerre, de plus en plus menaçante, obligeait 

cotesta Accademia de pittori francesi, in che io non la aeppi scusare, e per 
Tamore di Dio la prego che li risposse di questo ordinario; porterô che 
V. S. si sia stato et habbia promesso di tornare di quando in quanda V. S. 
si figura che il Re et M. Colberd riguardano cotesta academia con un 
aiFetto particolare, corne parte del loro giudicio e delli pensieri suoi... t 

1. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 187. — Quelque temps après, le duc de 
Chaulnes, ambassadeur du roi, écrivait que le Bernin était venu, ce qu'il 
n'avait pas fait depuis sept mois, et avait touché sa pension. 

2. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 27, lettre de Matthia de Rossi au Bernin, 
du 3 décembre 1666 : c 11 modello di legno si tira avanti, e credo chetutta 
la facciau principale con' una di le gran scale a Natale sarà fenita; nella 
scala ci ho hauto e ci ho grandissime dificultà per la bassezza del piano 
primo, ma con l'aiuto del Signore et délia sua santissima madré parte ne hô 

, superate, c parte le vado superranno ; havanti che principiare d. scala stetie 
in grandissimo intrigo nel situare le colonne di detu, perche non venivano 
più grosse di palmir, perche il vano délia scala e palmiro, mi parevano 
assai sottile per rispetto délia volta che ci andava sopra; doppo haverci 
pensato con gran pezzo mi resolvi a ingrossare la colonna sino a tre palmi, 
e piantarla sopra li scalini, come la scala di S. Pietro, e tra una colonna cl' 
altra fare la sua balaustrau. In questo modo pare che d. scala riesce molto 
maestosa e forte. Ho fatto con ordine ionico, le colonne Tho scannellate, le 
volte adornate assai, con rosoni e spartimenti; tutti quelli che Tannio veduta 
neF termine che alla è, ne sono restati maravigliati. Dal resto Monsù Colbert 
non si è ancora veduto, io mi sono metso Tanimo in pace, e lasso htre a 
quel Padrone che h tutte l'ai tre cose... t 



LES TRAVAUX DU LOUTRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 2^3 

à modérer les dépenses. Le mauvais vouloir du Bernin au sujet 
de l'Académie mécontentait Louis XIV et Colbert. Les efforts 
continuels de Perrault et de Le Vau, la crainte de s'embarquer 
dans une entreprise dont on ne prévoyait ni la fin ni le prix, Tin- 
œrtitude sur la surveillance qu'exercerait le cavalier, la défiance 
dans Texécution d'un plan qui, en somme, n'avait pas depuis deux 
ans été perfeaionné et dont les grandes lignes étaient à peine tra- 
cées, ébranlèrent Colbert. Dès la fin d'avril 1667, le bruit courait 
que Ton hésitait beaucoup à poursuivre le projet du Bernin ' . Viga- 
rani en informait le duc de Modène; un mois plus tard, c^était 
chose décidée. Matthia de Rossi regagnait Rome avec les ouvriers 
murateurs employés jusqu'à ce jour*, et, le i5 juillet^ Colbert 
mnonçait au Bernin la remise à une époque indéterminée de la 
poursuite des travaux : « Le Roy, » lui mandait-il, c a eu beau- 
coup de regret de n'avoir pu faire exécuter le beau dessein que 
vous luy aviez donné pour son bastimeot du Louvre. Mais S. M., 
considérant qu'il estoit difficile de s'embarquer dans une entre- 
prise aussy considérable que celle-là dans la conjoncture pressante 
d'une guerre par terre et par mer, dont la durée, estant incertaine, 
auroit pu y causer quelque interruption, et que, d'ailleurs, 
S. M. ayant besoin d'estre logée, elle s'est veue dans la nécessité 
de faire continuer le dessein qui a esté commencé par ses ancestres 
et qui peut estre achevé dans le cours de deux ou trois années, se 
réservant de faire un jour exécuter vostre dessein et de choisir 
pour cela quelque situation advantageuse et proportionnée à sa 
grandeur et à sa magnificence, de quoy elle ne désespère pas que 
vous n'en veniez reconnoître la situation et mesmes prendre la 
conduite et luy donner encore une foyz la joye de vous voir tra- 
vaillier avec tant de conduite et de beau succès. Au reste, Mon- 
sieur, je vous rends mes grâces du soin que vous prenez de nostre 
Académie. Le sieur Errard m'escritque nos jeunes estudians prof- 
fitent extraordinairement de vos corrections et que la bonté que 
vous avez de prendre quelquesfoiz le cizeau et le marteau et de 

I. Fraschetti, ouvrage citéf p. 358, note 2. 

a. Rossi recevait 9,000 1. pour ses appointements, du a8 mai 1666 au 
21 mai 1667 (Guiffrey, ouvrage cité, t. I, coi. i38). Pour son retour à Rome, 
il recevait une indemnité de 71,000 1. (Ibid,, col. 226). Les ouvriers italiens, 
Pietro Fassy, stucateur, Bernardino, tailleur de pierres, Patriarco, maçon, 
recevaient aussi des gratifications en dehors de leurs émoluments (Guiffirey, 
I, col. io3-io6 et 224]. 

ji^. zxxi 18 



374 L* BBRNIN EN FRANCK. 

donner quelques coups à leurs ouvrages les encourage beau- 
coup...^ » 

Cet ajournement à une époque indéterminée était un abandon 
du projet. 

Perrault raconte de la foçon la plus détaillée et la plus louan- 
geuse pour lui comment Colbert prit cette décision. Lorsque Ton 
songea à bâtir sur les fondations du Bernin, Colbert, qui se 
dégoûtait de ce travail et désirait être disculpé de la poursuite du 
projet, voulut que le roi vint de Saint-Germain voir le modèle 
en stuc fait par Matthia de Rossi, afin d'en ordonner Fexécutioa 
devant toute la cour. La veille du jour fixé pour cette épreuve, 
Perrault lui remit un mémoire contenant les raisons qui s^oppo- 
saient à Texécution. Le ministre en fut tellement convaincu qu^ilalla 
immédiatement le communiquer au roi, alors occupé à examiner le 
modèle, et qui se retira sans rien dire. Colbert était fort embarrassé. 
Perrault s'efibrça alors de lui démontrer qu'il n'avait d'obliga- 
tions envers le Bernin qu'au cas où ce dernier n'abattrait rien de 
la précédente construction. Or, Tarchitecte italien abattait les 
quatre dômes du milieu et dissimulait les murs des faces des 
quatre côtés du Louvre par la construaion des loges. Il Tassura 
même que tel était l'avis de Matthia de Rossi, ce dont ce dernier 
aurait convenu. Le disciple du Bernin, ayant alors suffisamment 
trahi son maître, aurait été bien payé et renvoyé en lulie. Col- 
bert, à ce moment, imagina la petite comédie de faire foire un 
nouveau plan à Le Vau et de le lui faire présenter en même 
temps que celui de Perrault, déjà vieux, selon Pauteur des 
Mémoires, de trois ans'. 

Ce récit, que rien ne permet de contrôler, est très suspect. Il 
paraît hors de doute que Colbert fut longtemps assez fovorable au 
projet du Bernin* Fort mécontent du goût exagéré du roi pour 
Versailles, les travaux du Louvre lui semblèrent un utile contre- 
poids. SUl revint ensuite sur son sentiment premier, il garda pour 
ie cavalier une estime personnelle. Non seulement, en eflfet, il le 
protégea durant ces négociations, mais ce fut lui qui, après son 
départ et celui de Matthia de Rosai, lui fit maintenir sa pension 
et provoqua la commande de la statue équestre de Louis XIV. 

I. Bibl. nat., ms.ital* 2o83, p. 243. Tests italien (transcription non signée) 
dans Ibid,^ p. 77. 
a. Perrault, Mémoires,,., p. jS et suiv. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. IjS 

De plus, il ^vait besoin de ses conseils et de son appui pour la 
fondation de l'Académie de France à Rome. Il était donc porté à 
^ le défendre contre rinconstance du roi, qui, tout d'abord séduit par 
le plan de Tarcbiteae italien, s'en était ensuite, semble-t-il, com- 
plètement détaché. 

Le projet du Bernin avait, certes, de graves défauts, dont le 
principal, aux yeux du ministre, était de ne pas suffisamment 
s'occuper de Fagencement matériel. C'est ce qui provoqua tant 
d'atermoiements, causa tant de retards et provoqua son rejet. 
L'imminence de la guerre servit de prétexte plausible à sortir 
d'une situation inextricable. La mise en œuvre eût coûté fort 
cher; on ne pouvait alors faire de telles dépenses, d^autant que 
Versailles continuait à absorber une grande partie dés ressources 
de la couronne. De guerre lasse, Colbert céda. 

Mais, en examinant attentivement la colonnade de Perrault, on 
est frappé de quelques curieuses coïncidences. La sobriété du 
rez-de-chaussée, ses ouvertures sans décorations rappellent singu- 
lièrement le type simple des façades de la cour des cuisines, et les 
énormes colonnes qui montent jusqu'à la frise et à la corniche 
ressemblent beaucoup à cet entablement de colonnes et de pilastres 
reprochés au Bernin. G>mme dans le projet du cavalier, les 
combles sont supprimés ou mieux masqués; un attique surmonté 
d'une corniche et d'une balustrade les dissimule. Ce sont là des 
traits bien caractéristiques du plan du Bernin, si bien que Ton 
pourrait, avec quelque raison, se demander si la pensée de Per- 
rault n'aurait pas été guidée par le plan italien et si l'architecte 
français ne se serait pas laissé influencer en partie par le travail 
dénigré d'un rival éconduit. 

On tâtonna encore avant d'aboutir. Plus-d'un projet soumis au 
roi semble, en bien des points, avoir été inspiré par celui du 
cavalier. N'eût-elle servi qu'à cela, son œuvre, mal conçue, peu 
en rapport avec le climat et avec les habitudes françaises, eût été 
cependant chose utile. Elle provoqua un travail universellement 
loué depuis deux siècles; ce serait déjà un titre suffisant à l'ad- 
miration et au respect. 



276 LE BERNIN EN FRANCS. 



CHAPITRE III. 

LE BERNIN ET L'ACADÉMIE DE FRANCE A ROME. 
LA STATUE ÉQUESTRE DE LOUIS XIV. 

L*abandon du projet du Bernin eut un grand retentissement; 
les architectes français, Perrault en tête, le considérèrent comme 
une victoire de Part national. La nouvelle en fut bientôt répandue; 
on raconta même, et la chose trouva créance, que le cavalier, déses- 
péré et ne voulant pas survivre à son déshonneur, avait attenté à 
ses jours. L'écho en parvint à Christine de Suède, alors à Ham- 
bourg, et elle protesta vivement de l'invraisemblance de ce sui- 
cide : « Pour le cavalier Bernin, » mandait-elle à son correspon- 
dant Burdelot, « il n'est pas si sot que de se tuer, et c'est le 
prendre pour un autre de toutes les façons que de le penser capable 
de cela. Il se porte bien, et le pape se connoît trop aux gens pour 
ne Testimer pas; c'est un grand homme, n'en déplaise à MM. les 
architectes de France, et il est bien heureux de servir le plus grand 
prince du monde, qui est le pape d^à présent, qui est un prince 
incomparable-, et le temps fera demeurer tout le monde d^accord 
de cette vérité*. » 

Loin, en effet, de se laisser aller au désespoir, le Bernin s'était 
remis avec ardeur à travailler pour Alexandre VII et demeurait 
en excellents termes avec la cour de France. Colbert ne Tavait 
pas abandonné, et, si le ministre avait jugé impraticable et inexé- 
cutable le projet du Louvre, il estimait toutefois le talent de l'ar- 
tiste et les services quUl pouvait rendre au royaume. Le cavalier 
jouissait d'une pension de 6,000 livres ; son fils en touchait une 
de 1,200'. Cette continuation de la bienveillance royale avait 
pour objet de récompenser la part qu^il prenait à la fondation de 
l'Académie de France. En décembre 1667, Colbert le remerciait 
« du soin qu'il prenait de visiter souvent l'Académie et d'y don- 
ner ses excellentes instructions' >. On supposait même, et sans 
doute d'après des renseignements venus de Rome, qu*il n'avait 

I. Fraschettî, ouvrage cité^ p. 276. 

a. Guifiirey, ouvrage cité, 1. 1, col. 226, 240, 281, SgS, 473, 492, 553, 675. 
— Cette pension paraît avoir été payée ju8qu*en 1674. 
3. Bibl. nat., ma. ital., p. 267. 



LES TRAVAUX DU LOUVRB ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 277 

conservé aucun ressentiment de Téchec de son projet et quMl s'oc- 
cuperait encore volontiers pour Lx)uis XIV. En effet, dans cette 
même lenre, Coibert ajoutait : c Si, aux marques d*estime que 
vous avez pour S. M., vous y vouliez encore adjousier celle d'em- 
ployer une partie de vostre temps ou pour sa gloire ou pour sa 
satisfaction, vous pourriez avoir celle de voir votre réputation 
establie et passer à la postérité dans les deux plus grandes villes du 
monde. Pour cet efTea, je souhaiterois passionnément que vous 
voulussiez bien faire la figure du Roy à cheval, de marbre, lais- 
sant à vostre libené la grandeur que vous voudrez lui donner, ou 
du naturel, ou au-dessus du naturel, d'autant que je puis vous 
assurer que S. M. en fera tant de cas que, s'il est nÀressaire, elle 
fera mesme faire un bastiment proportionné pour la faire voir 
dans toute sa beauté ^ > 

Cette proposition fut agréée par le cavalier, qui répondit à G>1- 
bert en lui demandant quelques explications plus précises sur ce 
que Ton désirait, et peu après le ministre lui fit savoir que cette 
statue devait être placée soit sur le pont de pierre destiné à rem- 
placer le Pont-Rouge, soit aux Tuileries. En même temps, il 
ordonnait à Ehrard d'acheter les blocs de marbre nécessaires au 
travail*. 

La statue devait, en effet, servir de modèle et d^exercice aux 
jeunes sculpteurs qui fréquentaient l'Académie. C'était une façon 
de les initier à la technique de leur art, et nul mieux que le Ber- 
nin ne pouvait le faire. Le cavalier, au reste, paraît avoir été 
très lié avec Ehrard et avec son successeur Coypel. Lorsque 
ce dernier prit la direction de l'Académie, en 1673, Coibert 
lui recommandait c de lyer avec luy quelque sorte d'amitié, 
pour tous les avantages qu'elle peut produire et pour vous et 
pour les jeunes gens qui sont sous votre conduite^ ». Indépen- 
damment de son talent, le Bernin pouvait être très utile, tant à 
cause de son influence à la cour pontificale que par le rang émi- 
nent qu'il tenait à Rome. Aussi tenait-on à ce qu'il vînt fréquem- 
ment à l'Académie; dans de nombreuses lettres, Coibert invite les 
ambassadeurs de France à insister auprès de lui en ce sens^. Le 

1. Bibl. nat., ms. ital. 2o83, p. 267. 

2. Ibid.f p. 263. 

3. Ibid., p. 348; et A. de Montaiglon, Correspondance des directeurs de 
r Académie de France, t. I, n* 82. 

4. A. de MontaigloD, ibid,, t. I, n* 21 ; — Clément, t. V, p. 320. 




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j'exécu- 
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ligations 
e ne veux 

Constantin. 

; ni lui appa- 

meni; je ne 

; du Constan- 

art de V. E., je 



sl:atue, voïr A, de Nion- 
cvu^^t^dlt des Arts^ 




278 LB BBUNIM en FRANCE. 

cavalier était une sorte de conseiller et dé guide pour les acquisi- 
tions de statues. Lorsque, en 1669, on voulut acheter les antiques 
de la villa Ludovisi, Tabbé de Bourlemont était prié de « prendre 
sur le tout les avis de M. le cavalier Bemin* >. Et, non seule- 
ment il instruisait les jeunes artistes, mais encore il donnait son 
avis sur leur choix' et envoyait des rapports sur leurs travaux^, 
et lorsque, en 167 1 , Colbert envoya son fils en Italie, ce fut à lui 
qu'il le recommanda spécialement^. 

On peut donc dire que Tappui du ministre ne manqua jamais au 
Bernin, et même malgré la volonté du roi. En 1670, Louis XIV, 
voyant que le cavalier émargeait encore, écrivit en marge du 
mémoire qu'il retourna à Colbert : c Je ne sçais pourquoy il y a 
pour Bernin, car il me semble qu'on ne lui devoit plus rien don- 
ner. Dites-m'en la raison'. » Le motif, comme Colbert le lui 
répondit, était la commande de la statue. 

La perspective d'immortaliser son nom en faisant passer les 
traits de Louis XIV à la postérité pouvait tenter le Bernin, mais 
un autre motif le décidait, motif que l'on retrouve constamment 
dans tous ses rapports avec la cour de France, l'âpreté au gain. 
Le cavalier, malgré la fonune qu'il avait amassée, était fort avare. 
L'espoir d'une large rémunération le faisait travailler avec ardeur ; 
le moindre retard dans le payement de sa pension lui faisait sus- 
pendre l'œuvre qu'il avait entreprise. A plusieurs reprises déjà, il 
avait montré cette avarice, et il en donna de nombreuses preuves 
dans les négociations relatives à la statue de Louis XIV. Il crai- 
gnait toujours que l'on ne tînt pas les engagements pris envers 
lui, et il le laissait maladroitement voir. Déjà, en 1666, il avait 
réclamé sa pension, de quelques jours en retard. Il recommença 
en 1670. c Ceux-là m y lui récrivit Colbert, c étoient mal informez 
de nostre manière d^agir, qui vouloient vous persuader que l'on 
donnoit facilement deux brevets de pension en France, mais que 
l'on ne les payoit qu^une fois ou point du tout. Nous avons un 
roy qui sçait foire le discernement des gens de mérite, et je puis 
dire que ceux de cette qualité à qui S. M. donne des pensions et 
qui travaillent pour les mérita n'ont jamais sujet de se plaindre 

1. A. de MontaigloDi t. I, n* 33. 

2. Jbid., t. I, n» 39. 

3. Bibl. nat, MiL. Colbibt» yoI. i5a, fol. 11 3. 

4. A. de Montaiglon, ouvrage cité, t. I, n* 3a. 
3. Clément, ouvrage cité, t. VI, p. 278. 



LES TRAVAUX DU LOUYRS KT LES 8TATUBS DE LOUIS XIV. 279 

qa*on les oublie. Soyez persuadé, s'il vous plait^ de cette vérité*. > 
Le Bemin, malgré ces assurances, ne fut pas convaincu. Lors- 
qu'il s'agit de commencer la statue, dont il était question depuis 
1669, ^ ^™^^ ^^ nouvelles plaintes. Colbert, s'éû>nnant de son 
retard à entreprendre cette œuvre, demanda des explications à 
ftmbassadeur de France, le duc de Cbaulnes ', qui répondit avoir 
conféré avec le Bernin, et avoir, disait-il, insisté, en lui montrant 
combien son renom s'accroîtrait à la suite de ce travail. « Mais ce 
Q*est pas là le premier motif qui le puisse faire agir, mais celuy 
de rintérest. Il s'en est ouvert à Tabbé Benedetti plus qu'à moy 
et luy a dit qu'il ne pou voit pas croire que S. M. eût tout Tem* 
pressement pour cet ouvrage qu'on lui disoit, puisqu'il n'estoit 
pas payé de sa pension'. » Colbert écrivit au Bernin que sa pen- 
sion était continuée et l'engagea à se mettre à l'œuvre^. Sur cette 
assurance, le cavalier songea à la statue. 

Dès la fin de 1669, après que Colbert lui eut demandé de s'oc- 
cuper de ce travail et fourni les renseignements qui lui étaient 
nécessaires, le cavalier lui fit connaître comment il comptait 
procéder : 

c Puisque V. E. m'a honoré en approuvant mes pensées tant 
dans l'invention et le dessin de la statue que dans la pensée d'y 
foire travailler les jeunes gens de l'Académie, voici comment je 
procéderai. Je ferai tout d'abord moi-même le modèle de plâtre, 
puis j'assisterai journellement les jeunes gens qui imiteront le 
modèle, leur enseignant tout ce qu'ils doivent faire. Puis j'exécu- 
terai la figure de S. M. entièrement de ma main, et, si Dieu me 
prête vie et force, pour le grand amour et les grandes obligations 
que j'ai au roi, je m'efforcerai de faire autre chose, que je ne veux 
pas promettre en paroles, mais exécuter réellement. 

« Cette statue sera tout à fait différente de celle de Constantin. 
Constantin est en acte d'admiration devant la Croix qui lui appa- 
raît, le roi est en aae de majesté et de commandement ; je ne 
souffrirais pas que la statue de S. M. fût une copie du Constan- 
tin. Je vais donc commencer le modèle et, de la part de V. E., je 
» ■.■.., 

1. BibL nat., ms. ital. ao83, p. a63. 

2. Qément, t. V, p. agi. 

3. A. de MontaigloD, ouvrage cité, L I, d* 47. 

4. Bibl. Dat., ms. iul. 2o83, p. a55. — Sur la tutue, voir A. de Moo- 
uigloB, le Louis XIV du cavalier Bernin^ dans Revue univerulle des Arts, 
t. Vm (i858), p. 5o5-5i4. 



y—.T-à-tg'n 1 M Emri i* sire placer le grand bloc de marbit 
d _»■• r:i cctt £^ rrOTOctSaniii & ûire une aussi grande œuvre, 

•li r— «T^ 'Tirri:!: ir zz': que lûBUvrc fui réellemem mise sui 
k zaLzrs- Ez :f-: er :f-"i, ]e ca-ralicr y travailla avec assi- 
— -g rrs; j£r=— «=t- Ccli^r: se faisait reaire compte de réiat 
z. i-riiisrzLZZ zit JL sziT^^ . diox anaques de dèvre, ca 1Ô72 et 
SI :•-•*. irriciTEi: =-2c:ea:i3e=ea: i'anisie, mais, cncoungé 
TILT jt JL * ai-r ST: rîç^ilier zt sa p^ensirn et par une gratificatioade 
x-:o: tr^s" z^ 1^ fr: ijaritien :573. il poursuivit son tnvalL 
1 Les ^«rjcczes zzi sj c^-rrissent 1. écrivait en mai de ccnc 
T-^tÊT* js, nrr ^y i Eicr^ses. evîqae de Laon. i trouvent qae la sia- 
Tji I- ?-:-T e: -i ctktaI s:^r ^jel elle es: son: parfaitement bien; 
zs^ zx rtfr:l: li»:. Le ciTili-r Beraia est fon assidu et appli- 
qiitiscc n-i^: -1 »"Te=rO^:i le ri us souvent sept à huit heures 
rar i'^- I. Dr rr: .: ras li pz^volr achever a van: dix-huit mois*. • 
A -i i^ ie cezrs nîn-e az^ce, li P. Oliva en faisait uncdescrip- 
r.':c ei.:^«:c5-iÂ:i : i ."e rus hier ». ccr.vait-xl le 27 novembre au 

: :. r-.- :j.i. n:* u.. i:*r. r. i5: — t G.k z'z.£ V. Z. mi ha onoriîo 
i. trr-m.-ï : = 41 r«T£..*r. u-:: r.;l. ^T-r: :-.î c iise^no deîU stania. 
r^î^rc r nrj fjTî 1 çjsï c-.:t=: fcr_;:rr: iii;* Arcjieziii di S. M., cioè in 
ijfsa: =':c»r. .: :ir. rr-=j ;. =:i =j.:r :I =»ie:o ci cneta di Jctu open. 
r».'! ftsszsa^- rrctr-j-rr-i-ii 1 Ciru irzrar.. izzi :~;sr.o dstio naodilio, 
->:r-i-.. ■-" t: ■: c"; -:?:_; '.z' tn ?: :ir li :;sia d: S. M. 

i-:*: :: :: ^ ::: ::--: : .-.; i rrin;.!. t:.. âf:rscr zi rire >;-wii: 

t ^.--"li îCi:_i s»:.-i -i :_:■-■ -..^rsa a z,:z..à i: C:<:î-:ir.o. rer^hï 
_*:--:: -. i'.i ' :~. 1 i- -:'; : -r:-:^ ,--; ^ : =rparr^, e qj-->:i -ci ^: 

î-.-.; :; •; :■^>: --.:■:; ^ ç.i.i:: Crsiisti-D : dir z-^r.z^t ^:.'- 
-- ; ■ :.:-; -Mi ■ i: - .1:: 11 r-rt; - V. K d:r 1 Mo-si^-r iiira:. 
.r. -.-- : >.:-L-, "i- 5.i*î-: .-. -:^~: w:~:j:, i rr^r3r::^r.iiJ i îî'- 
.-"î r~i: : T^ir: r-f r::-*i 5_r :■ iirt rr. :;::*;: =: a \". >. :'o h-m"-* r;«s- 
---.i . .-.:tj ; .•: -.Jcr rri :::"; » — S-r \t rr:x »:i « :r.a:l:^ 

: : -:.-- . —-^f : :: : V. r. 5:-. 5::: :. MI. r. 55. - A ij Mor- 
-.: ; :- ." — .-.•r.?J--T--.' . : 1. r." 5?. ?■:. M: t. VI. r." 2Ô32. — LH.'rr:r.i. 

> .-i-r -^ . ^.'^f^ j.:.. : "•. r. r>i, — A. ic Mor.taijî^n, CoTfjr/Ot- 
.•--.•f . : - ~ ^« . — J.iTi;-:. :u»---:r:* c::=, L VI. p. 352. 
,. j;.. "ir: ... --:*;• •.:;. : V. r. 55;. r.3;e i. e: rrascr.itii, ouvrage ci- • 

: J.s:=i-:. r^-.-'-J*^ crri". t. V, p. Szc, zoïc 2. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. a8 1 

P. Jean Perrier, confesseur du roi, « voir le fameux colosse que 
le cavalier Bernin a fait pour immortaliser la gloire du roi très 
chrétien. L'œuvre, comme la masse, surpasse toutes les sutues 
qui existent tant à Rome qu'ailleurs, à mon avis, même celles 
que nous admirons de Phidias ou de Praxitèle. Le cheval, bien 
qu^en marbre, paraît se mouvoir et prêt à hennir; le roi à parler 
et à sourire, tant il y a de vie... Je me réjouis pour la ville de 
Paris de ce que Ton pourra bientôt admirer sur sa plus fameuse 
place, une œuvre comme TEurope n'en voit ni n'en verra de 
supérieure, et pour ce qu'elle représente, et pour la manière avec 
laquelle le roi est représenté *. » 

Quelques mois plus tard, Colbert félicitait le Bernin de l'œuvre 
par lui entreprise : « Comme vostre chef-d^œuvre est.un ouvrage 
qui fera parler de vous et fera, pour un long temps, connoistre 
en ce royaume vostre vertu, puisque, par ce grand ouvrage, vous 
l'attachez au plus grand roy que le plus florissant royaume de la 
cbrestienté ayt jamais eu, je vous prie d'estre bien persuadé que 
nous donnons icy à ce chef-d'œuvre tout le mérite qu'il doit avoir 
et que nous attendons de le voir avec grand plaisir, mais sans 
impatience, estant persuadé qu'il approchera d'autant plus de la 
perfection qu'il sera longtemps sous vos yeux*. » 

Si Colbert accorda un délai au Bernin, ce dernier en usa lar- 
gement. A partir de 1674, le silence se fait autour de la statue. A 
cette même époque, le nom du cavalier, ainsi que celui de son 
fils, disparaissent des listes de pensions accordées paf Louis XIV. 
Cependant, Tâge n'avait pas affaibli ses facultés ; c'est de ces années 
que datent la restauration du Latran, les plans de la fontaine 
Saint-Pierre, le ciboire de la chapelle du Saint-Sacrement à 
Saint-Pierre, les églises de la place du Peuple, la statue de la 
bienheureuse Albertoni. Nous ignorons les raisons de ce long 
silence. 

En 1678 seulement. Ton entend à nouveau parler de la statue; 
Tabbé Gabriele Babo, secrétaire du cardinal Bichi; lui consacre 
une pièce de vers-, elle était terminée à cette époque et se trouvait 
dans l'atelier du cavalier, derrière la basilique vaticane. Elle y 
demeura longtemps encore. Lorsque le 28 novembre 1680 le Ber- 
nin mourut, la statue n'avait pas quitté Rome. Comment expliquer 



I. Fraschetti, ouvrage cité, p. 36o, note 2. 
a. Clément, ouvrage citéy t V, p. 359. 



aSa LE BBRNIN BN FRANGE. 

cette négligence? La guerre avait pu en retarder l'envoi, mais la 
paix de Nimègue signée, rien ne s'opposait plus à ce qu'on l'ez- 
pédiât en France. Les héritiers de l'artiste adressèrent dès le mois 
de septembre 1681 un mémoire au roi afin de connaître ses 
volontés ^ . Louis XIV chargea Tambassadeur, duc d'Estrées, d'aller 
examiner la statue avec Erhard, de donner son avis et d'en envoyer 
un dessin*. Quelle suite fut donnée à cette négociation? on ne le 
sait. 

Toutefois, en 1684, on songea sérieusement à faire conduire 
Tœuvre du cavalier en France. Ce n'était pas chose focile, éunt 
donné ses dimensions et l'insécurité de la mer, la guerre étant 
déclarée avec l'Espagne. Le roi, au mois de juin, chargea M. de 
Relingues',commandant du vaisseau leBon^ de se trouveràCivita- 

1. A. de Montaiglon, ie Louîm XIV du cavalier Bemin, 

a. A. de Montaiglon, Correspondance,, ., t. VI, n* 2641. 

3. Cet officier de marine était, en 1670, capitaine de vaisseau. Il mourut 
le 5 septembre 1704, à Malaga, sur le vaisseau ie Terrible, d*une blessure 
reçue le 14 août. Voici ses états de service : 

Originaire d'Allemagne, f à Malaga des suites de sa blesaure reçue au 
combat du 24 août sur le Terrible, f le 5 septembre 1704. 
Étate de service : 

1670, 5 sept. Capitaine de vaisseau. 

1689, i" nov. Chef d'escadre. 

1693, 8 mai. Chevalier de Saint-Louis. 

1697, i*" avril. Lieutenant général. 

170a, 17 octobre. Commandeur de Tordre de Saint-Louis, avec pension 
de 3,000 1. 

[Dans sa nomination de lieutenant général, le roi rappelle sa glorieuse 
conduite, en 1684, contre trente-aept galères espagnoles.] 

Campagnes : 

1684. Commande le Bon. 

i685. - - 

i686. — le Précieux. 

1688. — le Comte pour la course. 

1689. — le Comte^ le Sérieux, le Précieux, 

1690. -^ la marine à Dunkerque. 

1691. — le Foudroyant, puis le Content comme qhef d'escadre. 

1692. i— le Foudroyant, au combat de la Hogue. 

1693. — r Admirable, puis F Heureux. 

1694. — l'Heureux, 

1693. — la marine à Dunkerque. 

1696. — id. , et le Tonnant. 

1699. — P Éclatant, en qualité de lieutenant général. 

1702. — le Foudroyant, • • 

1704. — le Terrible, » », combat de Malaga. 



LES TRAVAUX DU LOUVRE BT LES STATUES DE LOUIS XIV. 283 

Vecchia afin d^escorter la statue, qu'une fraste venait chercher de 
Toulon. Mais, en cours de route, à la hauteur de Tile d'Elbe, le 

En 1699, il commandait une escadre de neuf navirea : la Gaillarde, la 
Naïade, la Néréide, l'Oiseau, la Dauphine, le Triton, l'Éclatant, le Solide, 
^Hercule, contre les corsaires de Salé (Ârch. de la Marine, C 271). 

Le premier ordre de Louis XIV à Relingues, d'aller à Ci vita- Vecchia chercher 
la statue et l'accompagner à Brest, date du 17 juin 1684 (Arch. de la Marine, 
B^ bo, fol. 334). Le 3 juillet, le rot, bien qu'ayant appris qu'un navire, 
le Tardif, escorté de P Assuré, était parti de Toulon pour se rendre à ce 
port, lui renouvelait sa commission {Ibid., fol. 238 ▼*). — Le combat livré en 
face de l'île d'Elbe eut lieu dans ce même moijB de juillet, antérieurement 
au 21 {IHd., B346, p. 224). Marseille, 1684, 21 juillet. A M. de Vauvré : 
c On me vient d'envoyer un exprès pour joindre ici le courrier ordinaire qui 
est party de Toulon, affin de vous informer, Monseigneur, que M. de 
Relingues, ayant esté rencontré en calme par les trente-sept galères d'Es- 
pagne et de Gennes, il en avott esté attaqué, avoit eu i5 ou 20 hommes 
de tués et environ 80 de blessés, et qu'un petit vent s'étant élevé, ayant 
voulu donner dessus, elles avoient pris chasse. On adjoute que le grand 
mast de son vaisseau est tombé quelque temps après des coups de canon 
qu'il avoit reçus. Mais celuy qui a donné cette nouvelle, l'ayant appris du 
comroissaire<haronnier qui venoit me l'aporter, et l'ayant passé, n'a pu 
dire où le combat s'estoit donné, ny le jour. Pour moy, je crois que c'es* 
toit dans la route que les galères ont faite de Savonne au cap Corse... » 
— {Ibid,, n* 229]. Toulon, 1684, >3 juillet. A M. de Vauvré : i J'ay appris 
icy la confirmation du combat que M. de Relingues a rendu contre les 
galères. Les advis que l'on en a sont, qu'estant sur l'isle d'Elt>e en calme, 
M. de Centurion fut détaché avec douze galères pour l'attaquer, mais que, 
s'estant trop aproché et ses galères ayant esté fort maltraitées, les vingt- 
cinq autres s'avancèrent et le combatirent encore assés longtemps, jusqu'à 
ce que le vent, s'estant un peu élevé, il estoit arrivé -dessus, et elles avoient 
pris chasse, et se sont retirées à Porte Ferrare pour se radouber, et M. de 
Relingues à Ligourne pour changer son mast de mizaine. 11 a perdu douze 
hommes et en a eu quarante<inq de blessés. On attend a tout moments 
le retour d'un exprès qui est allé à Savonne pour sçavoir si les galères 
d'Espagne et de Gennes ont quitté les costes d'Italie. 

c Pour ce qui est de l'action du détroit, il est certain. Monseigneur, que 
M. de Relingues, une fois qu'il a esté engagé en veûe des ennemis, n'a pu 
empèse her les flustes holandoises d'être prises, les capitaines ayant bien 
voulu estre arrestéz, ayant amené leurs voiles dès qu'ils virent un des vais- 
seaux d'Espagne aller à eux, au lieu de prendie chasse, comme fist l'anglois. 
La fluste de Marseille amena aussi au premier coup de canon, et il n'y eust 
que celle de Brest qui tinst auUnt qu'elle le pust aupréz du vaisseau de 
guerre qui, esunt sous le vent des ennemis, n'a combattu qu'autant qu'ils 
l'ont voulu, et eust esté fort exposé s'ils eussent fait leur devoir... Les 
flustes qui sont à Civita Vechia reviendront icy avec le Bon attendre de 
nouveaux ordres. Si les galères sont demeurées aux costes d'Italie, et les - 
▼aisseaux de guerre, il y aura à craindre pour leur retour » — (B> 3i, fol. 3oo}. 



284 LE BBRNIN BN FRANCE. 

convoi de vaisseaux hollandais, anglais, français, qu'escor- 
tait Relingues, se trouva en présence d*une escadre espagnole 
forte de trente-sept galères. Le combat s'engagea : malgré son 
courage, le commandant français, voyant une partie du convoi 
capturée, lui-mâme démâté, dut, ayant perdu douze hommes et 
comptant quarante-cinq blessés, chercher un refuge à Livourne. 
Le voyage fut interrompu. L'autorité, saisie du fait, ordonna 
l'arrestation de Relingues; le procès- verbal du combat ayant 
démontré qu'il avait fait tout son devoir, il fut autorisé de conti- 
nuer son voyage. Pendant ce temps, Tceuvre du Bernin, quittant 
Tatelier du sculpteur, était par la Lungara et le Trastevere portée 
à Ripa Grande*. Mais on savait que les Espagnols surveillaient 
la côte, désirant capturer la statue du roi de France et la traîner 
à Naples. Le marquis del Carpio, gouverneur de Naples, avait 
fait promettre 3o,ooo écus à qui s'emparerait du convoi'. Il fallut 
donc attendre'. 

Versailles, 1684, 3i juillet. A s' de Vauvré : c ... S. M. sera bien aise 
d'avoir le plus tost qu'il sera possible le détail du combat que le s' de 
Relîngues a rendu contre les galères d'Espagne et Gènes. Cependant, comme 
il paroist que la conduite de ce capitaine a esté bonne en cette occasion, 
elle veut qu'il renvoyé les ordres qui luy ont esté adressez pour le faire 
arrester, S. M. voulant bien luy continuer le commandement du vaisseau 
qu'il monte. 

c S. M. a envoyé ordre aux commandans des flustes qui sont à Civitta- 
Vecchia de se rendre à Toulon, et d'y attendre de nouveaux ordres; mais 
s'il avoit advis que les galères d'Espagne et de Gènes fussent sur les costes 
d'Italie, il faudroit qu'il envoyast exprès advertir celuy qui les commande 
de demeurer au port de Civitta-Vecchia... » — (B' 46, n* 403). 1684, 3 août, 
c Monseigneur, Nous venons d*cntendre avec plaisir la relation du combat 
de M. de Relingue et le bruit qu'il a fiiit dans l'Italie, à la confusion des 
galères d'Espagne. Elles ont pris la gentille barque du Roy que nous avions 
armée, mais après s'estre fait déborder trois fois. Dans quatre ou cinq jours, 
nous en ferons sortir un autre, un briguanttn qu'avoit fait armer M. de 
Tourville à Ligourne l'iver dernier, après avoir pris trois batteaux chargés 
de blé qu'il a esté obligé de laisser au consul de Ligourne, estant trop 
petits pour les amener icy. Vous donnerez, si vous plaist. Monseigneur, 
vos ordres sur ce qu'a a faire M. de Relingue. On me fait espérer que je serai 
bientôt en état de sortir et de recevoir vos ordres. Je suis, avec un profond 
respect, Monseigneur, vostre très humble et très obéissant serviteur, âmfee- 
VILLE, i — Relingues arriva le a3 juillet à Civita-Vecchia (A. de Montaiglon, 
Correspondance..,^ t. VI, n* 264b), 

t. Fraschetti, ouvrage cité, p. 36 1. 

a. A. de Montaiglon, t. VI, n* 2644. 

3. Arch.de la Marine, B*3i, fol. 33o.^ 12 août. A M. le duc d'Estrées : 



LES TRAVAUX DU LOUVRE ET LES STATUES DE LOUIS XIV. 285 

On surveilla les côtes; le chevalier de Lucenay, qui était chargé 
d'accompagner également le convoi, était consigné à Civita-Vec- 
cbia*. Ce fut seulement le i6 septembre qu'ordre fut donné à 
Du Quesne de détacher deux vaisseaux pour assurer la conduite 
du convoi de pouzzolane, qui devait^ de Civita-Vecchia, rallier 
le Bon et le navire portant la statue '. Le 27 du même mois, 
Lucenay était commandé pour le départ'. Peu après, le 14 oaobre, 
Relinguesétait sur le point de quitter le port italien^. D'autre part, 
la statue, confiée aux soins de Tingénieur Borzachiet de Giacomo 
Bossardi ', était embarquée à bord du Tardifs afin de se trouver 
le i5 à Fiumicino, et, le 21 du même mois, elle avait rallié le 
convoi de pouzzolane à Civita-Vecchia, d'où elle partit le 27*. 

Le voyage s'effeaua cette fois sans encombre, et le 1 *' novembre, 
les navires accompagnés du le Bon et du Prudent arrivaient à 
Toulon^. Après un arrêt de deux jours, ils reprirent la mer et le 

« Monsieur, J'ay receu les lettres que vous avez pris la peine de m*escrire 
les 1 3 et 16 du mois passé, j'ay rendu compte au Rojr des raisons qui 
vous ont obligé d'empescher le passage de la fluste chargée de la statue 
équestre, S. M. a fort approuvé les ordres que vous avez donné à cet 
esgard ; cependant, comme cette Huste et celles qui doivent estre chargées 
de poz2olane n'ont de vivres que jusqu'à la fin du présent mois, je donne 
ordre au s' Voiret de leur en faire fournir pour tout le temps qu'elles 
auront à demeurer à Civittavecchia ; le service que les vaisseaux et galères 
doivent rendre à présent, ne permetunt pas qu'on puisse en détacher aucun 
pour aller prendre ces flustes et les escorter jusqu'à Toulon, je vous prie de 
vouloir bien tenir la main à ce que les ordres donnez aud. s' Voiret soient 
ponctuellement exécutez, et d'avoir agréable de vous en faire rendre compte. » 

1. Arch. de la Marine, B* 5i, fol. 333. Cet officier commandait la t'ran» 
çaise en 1681 (Arch. de la Marine, O 189). 

2. Arch. de la Marine, B^ 5o, fol. 366. Versailles, 1684, >6 septembre. 
Au s' de Vauvré : f ... S. M. donne ordre aud. s' du Quesne, avant que de 
revenir de Gènes, de déuscher deux des vaisseaux qu'il commande pour 
aller prendre à Civitta-Vecchia la fluste qui sera chargée de la statue équestre 
et de la pozzolane, dont led. s' de Vauvré a besoin ; et comme elle veut 
que le vaisseau le Bon escorte lad. statue jusques à Brest, elle donne ordre 
au s' de Relingues, qui le commande, de repasser à Toulon pour embar- 
quer sur son bord et sur lad. fluste les gardes et soldats de marine qui 
doivent repasser en ponant ; il doit tenir la main à ce que cela soit ponc- 
tuellement exécuté... > 

3. Ibid., fol. 38o. 

4. A. de Montaiglon, Correspondance.,., t. VI, n* 2647. 

5. Fraschetti, ouvrage cité, p. 36 1. 

6. A. de Monuiglon, Correspondance. ,., t. VI, n* 2648. 

7. Arch. de la Marine, BS46, fol. 25 1. Marseille, 1684, 2 novembre. 
Lettre de M. de Vauvré : c Je viens d'apprendre que les vaissaux le Bon et 



286 LE BERNÎN GN PRANCE. 

a janvier se trouvaient au Havre ^ Là, un incident se produisiL 
Le navire sur lequel on avait placé la statue avait un tirant d'eau 
trop considérable pour la profondeur du fleuve. On pensa la char- 
ger jusqu*à Rouen sur un autre bateau; dans cette dernière ville, 
il fallait encore faire un nouveau transbordement. Après plus d'un 
mois d'hésitations et de tâtonnements, la statue, surveillée par le 
sculpteur Dedieu, fut débarquée le 2 février sur le port du Havre 
et chargée le 17 sur un smak', navire hollandais qui, remonunt 

le Prudent arrivèrent hier à Toulon, avec les quatre flustes chargées de 
pozzolane et de la statue du Roy; j'avois donné les ordres pour le désarme- 
ment du Prudent et pour l'embarquement des vivres du Bon et du Tardif. 
Cependant, je m'y en vais pour les expédier et presser le départ de tous les 
vaissauz de ponant; j'apprends qu'ils ont encore 3oo malades i lliospîtal, 
mais qu'ils commencent à se restablir. t 

I. Ibid., Bs 48, p. %o. Le Havre, i685, i* janvier. Lettre de M. de 
Montmort: « ... Je me suis exactement informé sy l'on pourroit faire monter 
la flûte le Tardif jusques à Rouen, suivant les ordres que vous m'avez 
donnes; c'est une chose impossible; ce bastiment, tirant 14 pieds d'eau 
et plus, et ne pouvant mesme entrer en ce port, que d'une grande 
marée; et les bastimens qui montent à Rouen ne peuvent au plus tirer que 
huit à neuf pieds; ainsy, je croy, Monseigneur, qu'il faudra descharger icy 
la statue du Roy pour la mettre sur un heux qui la conduira jusques à 
Rouen, où l'on l'a débarquera pour la mettre sur un grand batteau qui la 
rendra à Paris; je vous envoie à cet effet le certificat des officiers de ce 
port, qui ont connoissaoce de la navigation, qui se foit sur la rivière de 
Seyne, qui vous en fera mieux connoistre l'impossibilité, i 

s. Ibid.f n* 60. Le Havre, i685, 9 février. Lettre de M. de Montmort : 
c ... J'ay fiiit retirer du Tardif tous vos ballots. Il n'en manque point ; mais 
comme ils sont en très meachant ordre, je les fais tons couvrir de coilles 
pour vous les envoyer incessamment, et avec plus «le scureté; l'ingénieur 
qui doit débarquer la figure équestre du Roy vient d'arriver; comme il ne 
parle qoe de rompre la flûte le Tardif pour retirer cette figure, j'ay crû 
vous en debvoir donner avis pour recevoir voz ordres sur oells; je me suis 
informé du s' Barbault, de tout ce qui s'estoit pratiqué lors de son embar* 
quement, où il estoit présent. Il m'a dit qu'elle avoit esté mise dans cette 
flûte sans rien rompre, que les deux ponts seulement et deux baues qu'on 
avoit osté; je croy qu'il sera bon d'observer la mesme chose pour la retirer; 
je vous envoyé copie de la* lettre que M. de Louvois m'a écrit sur cella, 
afin de sçavoir ce que vous désirez que je fasse sur ce qu'il am rawide, et 
si je feray faire un état particulier de cette dépense pour luy faire payer 
sur les bastimens; cet ingénieur a résolu de conduire cette figure Risques à 
Marly dans un smak, sans la descharger à Rouen. C'est une grande entre- 
prise et beaucoup risquer, ces bsstimens là n'ayant jamais passé le pont de 
Rouen, et je croy qu'on pourroit faire de ces sortes d'épreuves sur d'autres 
choses que sur cette figure... > — Ibid., p. 66. Le Havre, i685, 17 février. 
Lettre de M. de Montmort : c Monseigneur, L'ingénieur de M. de Louvoîi a 



LES TRAVAUX DU LOUVKB ET tSS STATUES DE LOUIS XIV. 287 

la Seine, la conduisit à Paris au Pont-Rouge, où on pensait la 
débarquer pour la placer aux Tuileries, le lo mars i685 ^ 

La foule se pressait pour voir la statue. Mais elle ne demeura 
pas à Paris, ordre fut donné de redescendre le cours de la Seine 
jusqu'au pont de Sèvres, où eut lieu le débarquement; de là, on 
la transporta à Versailles, ' où elle fut placée sur un piédestal à 
rOrangerie. Elle n'y demeura pas longtemps. Le 14 novembre, 
Louis XIV visitant cette partie du palais, la trouva mal faite et 
ordonna tout d'abord de la briser, puis de la transporter devant 
la pièce de Neptune^ où elle fut montée. 

Ce ne fut pas, hélas f son dernier avatar. Du bassin de Neptune, 
elle fut reléguée derrière la pièce d'eau des Suisses. Girardon avait 
reçu ordre de remplacer la tête. Il se contenta de Torner d'un 
casque, de couvrir le mont de gloire sur lequel, dans la pensée du 
Bemin, s'élançait Louis XIV pour Tescalader de flammes en 
marbre, de retoucher quelques accessoires, et c'est ainsi que cette 
oeuvre, destinée à glorifier Louis XIV et à rendre le Bernin 
l'émule de Praxitèle et de Phidias, devint le Curtius se précipitant 
dans les flots, ou encore, selon la formule du populaire, « la Statue 
de Berlin ». 

Ces déformations permettent difficilement de se rendre compte 
de Toeuvre primitive. Cependant, on peut y retrouver dans toute 
son exagération la mauvaise manière du Etemin. Le cheval, con- 
tourné, fabuleux, irréel, d'un mouvement exagéré, supporte un 
cavalier conventionnel, contourné, sans naturel. Il y a loin de ce 
travail, produit d'une mauvaise compréhension de Part, avec la 
majestueuse et grande simplicité du buste du salon de Diane. 

fiiît embarquer ce matin, sur les dix heures, la 6gure équestre du Roy dans 
le smalc hoUandois quMlz ont choisy pour faire monter jusques à Marly. 
Comme On a extrêmement pressé pour cellui à cause des eaux de la rivière 
de Seyne qui commancent à perdre, j'ay tenu la main qu'on observast tout 
ce qui s'estoît fait lorsqu'on mit cette figure dans le Tardif, où Ton a fait 
moins de degast cette fois que lorsqu'on Ta embarquée; vous aurez la bonté 
de me donner vos ordres pour cette dépense, dont je vous enverray au pre- 
mier jour Testât; je croy que vous ne désaprouverez pas les marques de 
joye que Messieurs de la marine ont témoigné dans cette occasion par les 
respectz qu'on a rendus à cette statue et les vœux que nous avons tous faits 
publiquement pour vous, f 

I. Fraschetti, ouvrage cité, p. 36 1 et suiv. — L'auteur y a réuni tous les 
extraits des comptes des bâtiments du roi relatifs à cette statue (cf. Â* de 
MontaigloD, le Louis XIV.,,; et A. Peraté, ouvrage cité). 



288 LE BERNIN EN FRANCE. 

Il restait, en résumé, peu de chose du Bernin en dehors du buste 
exécuté en i665. Mais cet appel fait au grand artiste italien n*avait 
pas été inutile. Il avait montré qu^à une époque, où la France 
brillait d^un vif éclat dans le monde des arts, Louis XIV et G)l- 
bert n^avaient pas craint, même en présence des œuvres de valeur 
produites par les architectes français, de s'adresser à un homme 
qui, de Tavis de tous, passait pour le plus grand et le plus uni- 
versel artiste de son siècle. Ils lui confièrent le soin de recons- 
truire le plus ancien et le plus célèbre palais de la plus illustre 
monarchie d'Europe. Et, lorsque ces essais furent demeurés 
sans résultat, ils n^hésitèrent pas à réclamer son concours pour 
fonder, dans la Ville Éternelle, une institution qui, depuis 
plus de deux siècles, a donné une abondante moisson de gloire 
à la France. En outre, pendant cinq mois, oti le Bernin séjourna 
à Paris, il s'y montra avec tous ses défauts et aussi toutes ses qua- 
lités, et les artistes qui le fréquentèrent purent apprendre de lui 
à mieux connaître Tart italien, et, par les critiques, quelquefois 
exagérées, mais souvent remplies de finesse, qu'il leur adressa, à 
devenir plus conscients des véritables caractères originaux de Part 
français. Il demeura de ce voyage le souvenir d'une généreuse 
tentative, tant de la part du ministre qui y pensa que du roi qui 
l'autorisa, et cette preuve d^éclectisme ne fait qu'augmenter le 
mérite des grands protecteurs de l'art national au xvii* siècle. 

Léon MiROT. 



PARIS MILITAIRE 

AU XVIIIe SIÈCLE. 



LES CASERNES. 



Quoique d^un intérêt évidemment secondaire, le passé des 
vieilles casernes de Paris a depuis longtemps tenté notre curiosité 
pour deux motifs : d'abord parce qu'il présente la rarissime par- 
ticularité d'être encore inexploré; ensuke et surtout à cause des 
nombreuses erreurs indéfiniment répétées par ceux qui ont écrit 
sur le Paris de la fin de Tancien régime, et que Pétude de l'his- 
toire des casernes permet de rectifier. 

Dans une biographie de Hoche par Tony-Revillon, nous 
lisons à la quatrième page : 

« Cinq ans plus tard (après son enrôlement), le 14 juillet 1789, 
un jeune sergent, le visage traversé par une balafre reçue en duel, 
regardait de la caserne de la rue Verte la prise de la Bastille. » 

Or, le 14 juillet 1789, bien que Tidéc soit dure à déraciner, 
Hoche n'était pas sergent, mais caporal, — depuis deux mois 
seulement, — et employé comme tel à l'instruction des recrues au 
Dépôt des gardes-françaises, au coin de la Chaussée-d'Antin et des 
boulevards, et ce n'est que le 1" octobre suivant qu'il reçoit le 
galon de sous-officier dans la Garde nationale soldée. Quant à la 
caserne de la rue Vene, « d'oti un garde-française regardait la 
prise de la Bastille, » ce n'est autre que la caserne aauelle de 
Penthièvre, dans la rue de ce nom, au faubourg Saint-Honoré; 
on se demande de combien d'étages il faudrait aujourd'hui la 
surélever pour apercevoir de son toit la colonne de Juillet I 

Un autre écrivain, Frédéric Lock, dans son article : les Ponts, 
les ports et les rues, du Paris-Guide de 1867, mentionne, dans 

MiM. XZXI 19 



290 PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIÈCLB. 

le X* arrondissement, c la caserne de la rue du Faubourg- Pois- 
sonnière, dite de la Nouvelle-France, construite pour les gardes- 
françaises, et oti Ton montre encore la chambre qu*occupèrent, 
comme sergents dans cette garde, Hoche et Marceau. » 

Le point est fixé pour Hoche. Quant à Marceau, enrôlé en 
1785 dans Duc-d'Angoulême-infanterie, ci-devant Savoie-dri- 
gnan, il n*a jamais paru aux gardes-françaises. 

Cette chambre archicélébre, — qu'on ne sait même plus vous 
montrer aujourd'hui, — aurait aussi, d'après Alphonse Brot*, 
abrité Bernadotte, et, d'après Théophile La vallée', Lefebvre, tou- 
jours en même temps que Hoche. 

Or, Bernadotte, engagé dans Royal-marine en 1780, n'a quitté 
ce corps qu^en 1791, et, pas plus que Marceau, n^a jamais paru 
aux gardeâ-françaises. 

Lefebvre, lui, a pu, en même temps que Hoche, être caserne à 
la Nouvelle- France vers 1787; mais il était alors sousofBcier, 
déjà ancien, alors que Hoche n'était encore que simple grena- 
dier; donc, ils ne couchaient pas dans la même chambre. 

Et ainsi de bien d^autres. 

C'est à Louis XIV que remonte l'idée de construire des 
casernes proprement dites. Nous trouvons en effet, dans Dan- 
geau, à la date de 1692 : 

« Le Roi a ordonné au prévôt des marchands de faire bâtir des 
casernes pour loger les gardes-françaises et suisses. Ce sera un 
grand soulagement pour les habitants de la ville et des foubourgs 
de Paris. » 

Diaprés un devis ^ imprimé, il devait en être construit sept, dont 

I . Paris che:( soi, par l'élite de la littérature contemporaine, Paris, Paul 
Boizard, i855. 

a. Théophile Lavallée, Histoire de Parts, a vol. Paris, Michel Lévy, 
i857, t. II, p. 86. 

3. La Ville VÉvesque. Casernes, Devis des ouvrages de massonnerie qu'il 
convient faire à Paris pour la construction d'un des sept corps d'hostel et 
casernes que désirent faire hastir, sous le bon plaisir du roy, messieurs les 
prévost des marchands et échevins de la dite ville^ sur une place vague sci^e 
au quartier de la Ville l'Évesque, proche la demy lune du cours (corr. ms. : 
sur la grande rue du faux bourg) 5. Honoré, pour loger un bataillon de 
six compagnies des gardes françoises, suivant les plans, élévations et pro- 
fils qui en ont esté faits par le sieur Beausire, architecte, maistre des oeuvres 
et controlleur des bastimens de la ville, chargé de la conduite des dits 
ouvrages, conformément aux ordres de Sa Majesté, (S. 1. n. d.) In-fol., ay p. 
(Bibl. nat., impr. Lk^G8a6.} 



PARIS MILITAIRE AU XVIII* SlJBCLB. 29 1 

une sise au quartier de la Ville- Lévéque, dans la grande rue du 
Faubourg-Saint-Honoré, destinée à loger tout un bataillon de six 
compagnies de gardes-françaises. 

Dès Tannée précédente (1691)^ le Règlement général du Roy 
pour le régiment des gardes-françaises en organisait d'avance 
le casernement de la façon suivante : 

c Art. 1 34. — Lorsque les cazernes seront faites, il logera cinq 
compagnies dans chaque cazerne, hors dans deux oQ il y en aura 
six à chacune, x 

Or, pour'bien des raisons, tous ces beaux projets restèrent à 
l'état de lettre morte et les soldats continuèrent à être disséminés 
dans toutes les maisons des faubourgs. On pense combien il était 
difficile de surveiller 2 ou 3,ooo hommes, répartis par deux ou 
trois dans chaque maison, et, si cet état de choses était embarras* 
9ant pour Tautorité militaire, il n'excitait pas moins le méconten- 
tement de la population. 

D'après Tarrét du Conseil d'État, en date du 1 5 mai 178a, dont 
nous donnons plus loin le texte\ c'est Louis XV qui, vers 1759, 
date de la construction de l'hôpital militaire du Gros-CaiÛou, 
prit à cet égard une décision définitive et arrêta le plan de répar- 
tition des casernes du régiment des gardes-françaises. La construc- 
tion de ces casernes était en principe, comme on le verra, inti- 
mement liée à celle de l'hôpital militaire; mais les ressources, 
provenant de cette fondation, étaient forcément encore peu considé- 
rables; la guerre de Sept ans rendait, du reste, les travaux impos- 
sibles. Ce n'est donc qu'au moment de la paix de 1763, — comme 
nous rapprendra le Mémoire des propriétaires, présenté à la fin de 
1789 à la commune de Paris*, — que Louis XV, trouvant le 
moment favorable pour l'exécution du plan projeté, mais ne vou- 
lant pas, faute d'argent, en faire supporter les frais à l'État, autorise 
le maréchal de Biron, colonel du régiment depuis 1748 et qui, 
depuis sa prise de commandement, avait pris cette question fort à 
cœur, à contracter des baux de longue durée avec les particuliers 
qui consentiraient à prendre sur eux les frais d'acquisition des 
terrains et ceux de construction des bâtiments. C'est à ce moment 
encore que, comme conséquence de cette autorisation, il accorde 

1. Voir p. 296. 

2. Voir p. 3o6. 




îm. ÎHini:ii rr Spnr-SjFicnL imr X. Kzrrz ib f » «'- > i M. k 
a:::: «scri rzi, ai. > 



i. Var r. 3oî- 
3. K5^ 



ruâ&. T* LfJii. 



PARIS MILITAIRB AU XVIII* SliCLE. açS 

Voici le texte de cette lettre : 

A Paris, le 4 avril 1760. 
Monsieur le maréchal de Biron, mon cher de Rochegude, approuve 
que nous fassions l'acquisition de la maison que vous croyez conve- 
nable pour votre cazerne. Si vous vouliez bien vous trouver demain 
aux Thuilleries, nous raisonnerions sur cela. 

Vous connaissez, mon cher Rochegude, toute ma tendre et sincère 
amitié. 

Signé : Cornillon, major. 

La suite du contrat de vente nous présente la description de la 
future caserne : 

Une petite maison, scise à Paris, rue d'Anjou, fiiubourg Saint- 
Honoré, attenante à la maison de Monsieur le comte de La Mark, 
consistant la dite maison en deux boutiques sur la rue et une allée 
entre chacune, arrière de boutique, quatre étages de chambres, petite 
cour, puits, cave, aisances et dépendances, tenante d'un côté à la dite 
maison de Monsieur le comte de La Mark et d'autre â une petite 
maison joignant, appartenant à Madame Marquet, par devant sur la 
dite rue et par derrière aux deux maisons appartenantes à mon dit 
sieur comte de La Mark et à ma dite dame Marquet. 

En mai 1776, les gardes-françaises sont répartis dans vingt et 
une casernes : une de quatre compagnies, six de trois et quatorze 
d'une. 

Lorsque le règlement du 17 juillet 1777 vient réduire de 
trente-six à trente le nombre des compagnies des gardes-fran- 
çaises, le casernement des six compagnies supprimées est de ce 
fait évacué. La caserne de la rue de la Pépinière, bientôt appelée 
la Pologne, — caserne de deux compagnies, — ayant été terminée 
à cette époque, nous voyons disparaître à ce moment : la caserne 
du Roule (faubourg Saint-Honoré), logeant une compagnie-, la 
caserne de la rue de la Ville- Lévéque (faubourg Saint-Honoré), 
logeant une compagnie; la caserne de la rue du Faubourg- 
Saint-Lazare (faubourg Saint-Lazare), logeant trois compagnies; 
la caserne de la rue Copeau (faubourg Saint-Marcel), logeant 
une compagnie; la caserne de la rue Saint-Maur (faubourg 
Saint-Germain), logeant une compagnie; la caserne de la rue des 
Vieilles-Tuilleries (faubourg Saint- Germain), logeant une com- 



294 PAl^IS MILITAIRE AU XVIII* SIÂCLB. 

pagnie. Au total : six casernes, logeant ensemble huit com- 
pagnies. 

Jusqu'en 1789, quelques petites casernes disparaissent encore 
et sont remplacées par d'autres. La chose s'explique aisément. 

Si, d'après les plans de Jaillot, toutes ces casernes paraissent 
construites d'après un modèle uniforme, nous venons de voir que 
beaucoup n'étaient que des maisons ou bâtisses particulières, 
sommairement aménagées pour le logement de cent dix à cent 
vingt gardes, et, la concurrence sMtablissant, des changements 
avaient lieu pour remplacer un logement défectueux par un autre 
plus confortable. 

Au moment où éclate la Révolution, il y a, d'après Dulaure^ 
vingt casernes à Paris : cinq grandes logeant chacune trois com- 
pagnies et quinze n'en contenant qu'une; nous allons tout à 
l'heure, d'après des données certaines, rectifier ces chiffres. Il 
ajoute, et cela est écrit dix-huit mois seulement après la prise de 
la Bastille : « Les ci-devant gardes-françaises, en s'incorporant 
dans la milice nationale soldée, ont vendu ces casernes à la ville. » 

Le dossier déjà cité des Archives nationales, en quelques docu- 
ments que nous nous étonnerons toujours d'avoir trouvés encore 
inédits, va nous donner le secret de cette t opération, » qui, bien 
qu'elle n'ait pas été appliquée à toutes les casernes, n'en a pas 
moins influé sur le sort de toutes. 

Voici d'abord une pièce qui, à elle seule, précise bien des 
points laissés depuis la Révolution dans le vague, sinon dans 
l'oubliy et qui peut servir de base à tout notre travail. C'est 
r « État des casernes, » on, si Ton préfère, V « État du logement 
des gardes-françaises à la date du 14 juillet 1789, » jour qui^ on le 
sait, met fin à Inexistence régulière de ce corps. 

Pour l'histoire des événements qui s'accomplissent aux alen- 
tours de la prise de la Bastille et Pexacte compréhension des mul- 
tiples incidents qui s'y produisent, rien de suffisamment net et 
complet n'avait encore été produit sur la situation du régiment 
des gardes-françaises, dont l'attitude, on ne peut le nier, eut à ce 
moment sur notre histoire une influence décisive. 



I. J.-A. Dulaure, Nouvelle description des curiosités de Paris, Chez 
Le Jay, 1791, i** partie, p. 186. 



PAR4S MILITAIRE AU XVIII* SIÈCLE. IQS 

Cet état nous montre le régiment formant avec ses trente com- 
pagnies six bataillons de cinq compagnies (une de grenadiers, 
quatre de fusiliers) et séparé par la Seine en deux moitiés, c'est-à* 
dire ayant ses trois premiers bataillons (i*% 2* et 3*) sur la rive 
gauche et les trois autres (4*, 5* et 6*) sur la rive droite. 

Les quinze compagnies de la rive gauche occupent trois 
grandes casernes : deux de trois compagnies, rue de Babylone, 
rue de TOursine; une de deux compagnies, rue Neuve-Sainte- 
Geneviève; et sept petites casernes de une compagnie, rue de 
Bourgogne, rue de Sève, rue de TOursine (Cordelières), rue 
Saint-Jacques, place de TEstrapade, rue de l'Épée-de-Bois et rue 
Mouffetard (Gobelins). 

Les quinze compagnies de la rive droite occupent cinq grandes 
casernes : trois de trois compagnies, rue Popincourt, rue Pois- 
sonnière et rue Verte; deux de deux compagnies, faubourg du 
Temple, la Pologne; et deux petites de une compagnie, rue de 
Bondy et barrière Saint-Martin. 

Au total, huit grandes casernes : cinq de trois compagnies et 
trois de deux; neuf petites d'une compagnie. 

Soit, pour les trente compagnies, dix-sept casernes. En y ajou- 
tant trois casernes de gardes-suisses (rue Grange-Batelière, rue de 
Chailiot et faubourg Poissonnière), nous arrivons au nombre de 
vingt donné par Dulaure. 

Cinq, cinq grandes, subsistent encore : celle de la rue de 
Babylone : Babylone; celle de la rue de l'Oursine : TOursine; 
celle de la rue Poissonnière : Nouvelle-France; celle de la rue 
Verte : Penthièvre; celle de la rue de la Pépinière (la Pologne) : 
Pépinière. 

Sur ces dix-sept casernes de gardes-françaises, quatorze ont été, 
à des époques différentes, construites exprès pour le régiment 
dts gardes-françaises; une a été louée, celle de la barrière Saint- 
Martin, et deux, celles de la rue Saint-Jacques et de la rue de 
l'Épée-de-Bois, ont été ou louées ou construites par l'administra* 
tion de Thôpital militaire, lequel joue un grand rôle, comme 
nous lavons dit déjà, dans la construction des casernes. 

Lorsque survint la Révolution, une autre grande caserne était 
sur le point d'être construite par ses soins, rue de la Contrescarpe- 
de-l'Arsenal. Mais cette fois, ainsi que le prouve un autre docu- 
ment dont nous donnons ci-après le texte^ la caisse oti Ton avait 
déjà puisé pour les deux casernes ci-dessus désignées, pour le 



296 PARU MIUTAIRE AU ZVIll* SliCLB. 

magasin d'habillement et poar d'aotres terrains achetés, comme 
le marché des Patriardies, en vae de constructions futures, était 
à vide, et Louis XVI dut payer sur d'autres fonds l'acquisition 
du terrain. 

Notons que, plus de huit ans après Tacquisition dudit terrain 
et plus de sept après Pautorisation d^y construire une caserne, 
Tadministration de l'hôpital militaire n'avait pu encore faire 
commencer les travaux. 

Nous avons déjà fait plus haut allusion à ce document, que 
voici in extenso : 

Extrait des Registres du Conseil et État du Roy '• 

Le Roy s'étant fidt rendre compte de remplacement des cazernes 
du régiment des gardes-françaises dans les différents quartiers de 
Paris, S. M. a reconnu que la cazeme établie près de Popincourt, à 
Tune des extrémités du faubourg Saint- Antoine, devenait insuffisante 
pour la sûreté de ce quartier, à cause de son agrandissement pro- 
gressif; Elle a jugé à propos d'y établir, du côté de la rivière, une 
seconde caserne, qui pût fournir promptement dans cette partie les 
secours que les circonstances rendraient nécessaires. 

Elle a, en conséquence, ordonné que la construction de cette 
cazeme fût fsiite avec le produit des enseignes à drapeaux dudit 
régiment, dont la vente a été affectée à l'établissement et à l'entre- 
tien de l'hôpital militaire du régiment des gardes-françaises, ordonne 
par lettres patentes données au mois d'août lySg, enregistrées au 
Parlement; lequel hôpital militaire serait indemnisé de la distraction 
du montant de cette nouvelle construction par la location qu'elle 
produirait. Mais le s^ maréchal duc de Biron, colonel du régiment 
des gardes- françaises et, en cette qualité, administrateur en chef 
dudit hôpital, ayant représenté au Roy que les sommes provenant 
de la vente qui avait été faite jusqu'à présent des enseignes à drapeaux 
avaient été employées tant à l'acquisition des terrains et à la cons- 
truction des bâtiments formant ledit hôpital militaire qu'à l'acquisi- 
tion de terrains dans différents quartiers de Paris, sur lesquels, — 
conformément au plan de répartition des cazernes du régiment 
arrêté par le feu Roy, ton aïeul, — on devait, lorsque les circons- 
tances le permettraient, faire construire des cazernes dont la location 
servirait à l'entretien dudit hôpital, et que les fonds actuels, destinés 
à cet établissement, étaient insuffisants, non seulement pour l'acqui- 

i/Arch. nat., KlSaô*. 



PARIS MILITAIRE AU XVIIl* SIÈCLE. 297 

sition d'un terrain dans le quartier désigné par S. M., où la cherté 
de remplacement serait très onéreuse à Thôpital des gardes-fran- 
çaises, mais encore pour la construction d'une nouvelle cazeme, 
Sa Majesté a bien voulu prendre en considération ces représenta- 
tions et Elle a, en conséquence, ordonné qu'il fût acquis en son nom 
une grande maison et un grand chantier, situés dans les fossés de la 
contrescarpe de l'arsenal, saisis sur le s' Chauveau, dans la direction 
des biens de qui, après les affiches et publications d'usage, ces objets, 
par sentence du Châtelet de Paris du ii mars 1781 dûment scellée, 
insinuée et ensaizinée, ont été adjugés moyennant i02,5oo 1. de prix 
principal, outre les charges de Tenchère, à Després, procureur au 
Châtelet, qui en a fait sa déclaration au profit de S. M. le 14 du 
même mois. 

Mais, comme cette acquisition, faite au nom de S. M., n'autorise 
pas les administrateurs de l'hôpital du régiment des gardes-françaises 
à en faire l'usage auquel elle est destinée, le s' maréchal duc de 
Biron a supplié S. M. d'abandonner la disposition et jouissance des- 
dits maison et chantier à l'hôpital militaire du régiment des gardes- 
françaises pour, par les administrateurs dudit hôpital, y faire cons- 
truire une cazerne lorsque les fonds à ce destinés le permettront. 

Sur quoi voulant statuer, ouï le rapport, Sa Majesté étant en son 
Conseil a abandonné et abandonne, à compter du jour indiqué par 
l'adjudication, à l'hôpital militaire du régiment des gardes-françaises, 
la jouissance et la disposition usufruitière des maison et chantier 
ci-dessus désignés et autorise en conséquence les administrateurs 
dudit hôpital à démolir les maisons et murailles qui enferment le 
terrain en question, à le faire fouiller et à y faire construire, lorsque 
les fonds à ce destinés le permettront, une cazerne à l'usage du régi- 
ment des gardes-françaises, dont la location sera appliquée à l'entre- 
tien dudit hôpital militaire; et seront sur le présent arrêt toutes 
lettres nécessaires expédiées. 

Fait au Conseil d'Etat du Roy, S. M. y étant, tenu à Versailles le 
quinze may mil sept cent quatre-vingt-deux. 

Du 14 juillet à la fin d'août 1789, par conséquent durant 
environ six semaines, le régiment des gardes-françaises, désor- 
mais sans officiers, reste plus ou moins commandé par un comité 
militaire, élu par les compagnies, dont les séances se tiennent, 
tantôt à l'hôpital du Gros-Caillou, tantôt au dépôt des recrues, au 
coin de la chaussée d'Antin et du boulevard. 

Aussitôt la Bastille prise, les gardes-françaises, en gens très 
pratiques, ont songé à tirer profit de cet événement auquel un 
certain nombre d'entre eux avaient pris une part des plus actives, 



298 PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIÈCUB. 

et c'est à la fixation de ce profit, ou plutôt à la recherche des 
moyens propres à le réaliser dans les conditions les plus avanta- 
geuses, que sont, pendant un mois et demi, consacrés tous les 
soins de ce comité. 

La combinaison, ou» pour mieux dire, le véritable marché 
« par acte sous seings privés, » qui, le 27 août, résulte de ces 
séances et des pourparlers engagés avec les représentants-com- 
missaires de la commune de Paris, a véritablement de quoi stu- 
péfier par son ingéniosité. 

En voici la teneur : 

Acquisition faite par la commune de Paris des meubles et immeubles 
appartenant au ci-devant régiment des gardes-françaises par acte 
souS'Seings privés du 2 y août lySg^. 

Nous soussignés, représentants comcnissaires de la coromuae de 
Paris, chargés d'acquérir de Messieurs du comité militaire des 
gardes-françaises la totalité des objets tant mobiliers qu'immobiliers 
appartenant audit régiment, et nous, députés des compagnies dudit 
régiment, en vertu des pouvoirs réciproques qui nous ont été don- 
nés, soit par la commune de Paris, soit par les différentes compa- 
gnies du régiment, avons arrêté unanimement les conditions qui 
suivent :, 

fo Le régiment des gardes-françaises cède à la commune de Paris 
tous ses droits généralement quelconques tant sur les immeubles 
dont le régiment peut prétendre la propriété que sur tous les 
meubles qui sont actuellement dans les bâtiments, cazernes, hôpital 
et autres lieux occupés par le régiment suivant l'état cy-annexé; 

2<> Les représentants commissaires de la commune de Paris et le 
comité militaire des gardes-françaises ont fixé le prix de la présente 
convention â la somme de neuf cent mille livres, laquelle sera 
payable en billets dont Tépoque sera celle de trois mois à partir du 
jour du présent contrat, et lesquels billets seront en aussi grand 
nombre qu'il y aura d*individus reconnus par le comité; 

3® Le comité militaire des gardes-françaises a abandonné à la 
commune de Paris la totalité des effets qui sont actuellement en sa 
possession, les actions mobilières généralement quelconques appar- 
tenant au régiment des gardes-françaises et les répétitions â faire sur 
le thrésor et autres de quelque nature qu'elles soient; 

40 Le comité militaire, constamment animé par les sentiments 

1. Arch. nat., K526io. 



PARIS MILITAIRE AU XVIIf* SI^LB. 299 

d'honneur qui ont dirigé toutes ses actions, a déclaré que l'intention 
du régiment était d'apporter solennellement i la ville ses drapeaux, 
canons, fusils, armes et d'en faire l'hommage à la commune en la 
personne de ses représentants ; 

5** Le comité militaire a déclaré également aux commissaires de la 
commune que son vœu et celui de tout le régiment dont il était Tor- 
gane étaient d'entrer sans délai dans la Garde nationale et de consa- 
crer au service de la patrie des jours qui ne cesseraient désormais de 
lui appartenir; 

6» Il a été arrêté, en outre, que le comité remettrait aux commis- 
saires de la commune tous les titres, papiers, renseignements, inven- 
taires relatifs à la présente acquisition, et Monsieur Dumas, quar- 
tier-maître du régiment, a été chargé de sa confiance à cet effet pour 
se concerter avec Messieurs les représentants de la commune, comme 
aussi le comité militaire s'oblige de payer généralement toutes les 
dettes qui auraient pu être contractées par ledit régiment, desquelles 
il entend que la commune soit et demeure déchargée, et lesquelles 
dettes le comité estime ne pouvoir excéder la somme de trente-six 
mille livres d'après les différents mémoires remis par des créanciers 
depuis que le régiment a invité toutes les personnes dont il pouvait 
être débiteur à se présenter pour recevoir le montant de leur créance. 

A regard des objets qui sont à recouvrer sur le logement pour les 
années 1787- 1788, Messieurs les représentants de la commune auto- 
riseront Monsieur Dumas à en faire le recouvrement, lequel rendra 
compte à la ville des recettes et dépenses de cesdittes deux années et 
la ville acquittera ce qui peut rester dû à quelques propriétaires des 
cazernes sur cet objet, et tous les frais généralement quelconques 
occasionnés par lesdittes cazernes. 

Fait et arrête au comité militaire dudit régiment séant a l'hôpital, 
au Gros-Caillou, ce vingt-sept août mil sept cent quatre-vingt-neuf. 

Signé: De Semonville, représentant commissaire de la commune; 
DE Sahuquet d'Espagnac, représentant commissaire de la com- 
mune; Grillon, président du comité militaire; Picard, vice- 
président; Lefebvre, secrétaire; Denizot, secrétaire-adjoint; 
Paloi, Clerc, Humbert, Perenisv, Montalan, Paul, Marquié, 
Belin, Rippé. 

Donc, ce 27 août 1789. le régiment des gardes-françaises cède 
à la commune de Paris tous ses droits, ses droits « généralement 
quelconques, » — l'expression administrative semble ici une 
exquise trouvaille, — a tant sur les immeubles dont le régiment 
peut prétendre la propriété que sur les meubles > qui les gar- 



300 PIKB HIUTAnK âX5 mil* 



nusent. Noms de soite qu'en l'espèce, — oda est simpfemeiit 
une qaestkm de bon sens, — le régiment des gudes-françaises, 
s^l est propriétaire, n'est et ne peut être que propriétaire fictif sa 
nom da roi, c'est-â-dire an nom de l'État. 

Etâ quel chiffire sont éralnés ces immeubles et meubles? autre- 
ment dit, à combien s^élèrent ces droits généndement quel- 
conques? A 900,000 L, ou plus exactement à 923,o35 1., ainsi 
qu'il résulte de Tétat suivant : 

Éiai des préiemtkms du régùmaii des gardes-framçaises 
demi Faeqmisiiiom esi prcpre (ûc) à MM. de la oomauoie de Paris*. 



SaToir : 

!• Différentes sommes dues par le trésor royal et les fiermiers géné- 
raux, montant toutes ensemble à Il 5,8331. 

3^ Les bâtiments, terrains et mobilier de l'hôpital STec 
tous ses approTisîonnements, à 600,000 1. 

3« Ijt mobilier du dépôt, â 6,000 1. 

4* Les bâtiments, terrains, meubles, effets et marchan- 
dises contenues dans le magasin de Thabillement, à . 1 10,700 1. 

5* Les paillasses, matelas, meubles et effets garnissants et 
contenus dans les corps de garde de Versailles, Com- 
piègne et Fontainebleau, à 6,000 1. 

6* Effets et meubles du magasin de l'armement, à . . . 4iOOo 1. 

7<» Effets et meubles du magasin de l'équipement, a . . 3, 000 1. 

8* Les bâtiments et terrains composant la cazeme de la 
rue Saint-Jacques 28,3oo 1. 

90 Les bâtiment et terrain composant la cazerne de la rue 
de l'Épée-de-Bois, à i5,oool. 

100 Les bâtiment et terrain composant le marche du 
Patriarche, à 3o,6oo 1. 

iio Plus, pour loyer de la maison de la rue Contrescarpe 
jusqu'au i«' octobre prochain, à raison de deux mille 
quatre cent livres par an pour une année et demie, ci. 3,6oo 1. 

120 Plus quatre cent septiers de seigle dus par Mon- 
sieur rintcndant de Champagne 

Total 923,0351. 

Dans le total de ces prétentions entre, comme on le voit, pour 
les deux tiers à lui tout seul, Thôpital militaire du Gros-Caillou. 

I. Arch. nat., K 526*0. 



PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIÈCLE. 3oi 

Or, si Ton veut bien lire jusqu'au bout la très belle lettre 
ci-après, écrite quelques mois plus tard, le i*' mars 1790, par 
i'ex-colonel duc Du Châtelet*, auquel personnellement il était 
indûment réclamé une somme de 24,000 1., « aux conseillers 
administrateurs au département du domaine de Paris 1, on verra 
aux derniers paragraphes que ledit hôpital, évalué avec ses appro- 
visionnements à 600,000 1., était, sans conteste possible^ la pro- 
priété du corps d'officiers, comme aussi les bâtiments et terrains 
composant les casernes de la rue Saint-Jacques et de la rue de 
rÉpée-de-Bois, le marché du Patriarche et la maison de la rue de 
la Contrescarpe, dépendances de Phôpital dans les conditions que 
nous a fait connaître l'arrêt de 1782 cité précédemment : 

Paris, ce i»' mars 1790. 
Messieurs, 

Pour que la demande qui m'est faite par Tadministration de la 
ville d'une somme de vingt-quatre mille livres au nom de celle de 
rhôpital des gardes- françaises eût quelque fondement, il faudrait : 
10 qu'en général, la ville ou Thôpital eussent quelque droit pour la 
réclamer; 2* pour ce qui me regarde personnellement, que cette 
somme eût tourné à mon profit; 3* enfin que je n'eusse pas été 
autorisé suffisamment à en ordonner l'emploi qui en a été fait. 

Je ne discuterai point ici le premier article. Le second établirait un 
soupçon qu'il est au-dessous de moi de repousser, et, sur le troi- 
sième, je crois n'avoir de compte à rendre qu'au Roy de mon admi- 
nistration du régiment des gardes jusques au moment où j'ai supplié 
S. M. d'accepter ma démission volontaire, et il suffirait à ma justi- 
fication, si quelqu'un avait le droit de me la demander, de prouver 
que je n'ai rien fait qu'après avoir reçu les ordres de S. M. 

Mais je satisferai volontiers, Messieurs, à la curiosité que vous 
me témoignez pour l'apurement des comptes de Monsieur Dumas, 
cy- devant trésorier du régiment des gardes, que vous avez cru 
devoir vous faire représenter, et je vous dirai, sans m'en rap- 
peler précisément l'époque, que le Roy, n'ayant pas jugé à pro- 
pos par des considérations supérieures de remplacer un de MM. les 
sous-aides-majors qui montait par son rang à une lieutenance 
vacante, m'ordonna de faire completter le remboursement de la 
finance de celui qui quittait cet emploi, non pas spécifique- 
ment sur le prix des enseignes de MM. de Latouche, de Grasse, 

I. Guillotiné le i3 décembre 1793. 



de LibHK&ATB cz Lcpdleder. OMme il pmît que Ton m essayé 
de T*3as le penoader, mats par mie avanee sor la masse en géné- 
ral dite des Fiwcîgnf^ qui fêtait finmée de trts longue main, 
ooQ par «ne ordonnance militaire* mais par un arrêt dn Conseil par 
leqoel le Rov* s'êcaît rêscn^ expressément de disposer de cette masse 
poar des ol^ets d'otilité, lonqa*eIle serait derenue pins que suffi- 
sante ans besoins de rhôpitaL 

n eâx été tfhBfilf, Mesaîenrs, de prendre Favance nécessaire en 
cette ofrasion sor d'antres fonds que snr cette masse, qni, dans ce 
moment, n*amt anoan obfcc à poonroir, et il eût été impossible de 
Tassigner snr œ qne tous appelci la masse des lientenants, puisque, 
dn moins à ma connaissanGe, aucune masse n*a famais existé au 
r^iment des gardes soos cette dénomination. 

Ce fut donc snr la niasse des enseignes que S. M. ordonna que 
cette somme fût pavée, et le bon, signé de sa main, doit se retrouver 
dans les pa^aers concernant le régiment des gardes qne j'ai fait 
remettre, pen de temps après ma démission, à M. le comte de 
Mathan, devenu commandant de ce r^^nent; cet officier général est 
mort depuis, et ie viens d'apprendre que le R07 a iûi nommer des 
commissaires pour fiûre le retrait et un nouvd inventaire de ces 
papiers; ainsi, Mesaienrs, si vous croyex avoir quelque intérêt ou 
quelque âroit de bàn vérifier ce Mt, il vous sera fiidle de vous 
satisfiûre en vous adressam au ministre de la Guerre» 

J'ai eu llionnenr de vous dire, au commencement de cette lettre, 
qne, pour que les réclamations de Tadministration pussent avoir 
quelque fondement, il faudrait que la ville pût avoir quelques droits 
à ce qu'elle réclame. 

Et en effet. Messieurs, tous ceux qui ont connaissance des choses 
et quelque idée de la justice ne pourront jamais se dispenser d'être 
convaincus que non seulement ce qui restait de la masse des 
enseignes au moment du licenciement du régiment des gardes, mais 
encore Thôpital, «son mobilier et les immeubles qui lui ont été 
acquis depuis sa fondation, ne peuvent appartenir qu'au corps des 
officiers de ce même régiment par la raison que c'est i leurs dépens 
seulement, sans que TEtat y ait contribué en aucune sorte, que cet 
utile établissement a été fondé et que les acquisitions qui y ont été 
attachées ont été faites, et je suis persuadé que cet objet deviendra 
un jour le sujet de leurs justes réclamations. 

J'ai l'honneur d'être, avec la considération la plus distinguée, 
Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. 

Signé : Le duc Do Chatelkt*. 

I. Arch. nat., KSiô^^ 



PAKIS MIUTAIRB AU XVIII* SIÈCLE. 3o3 

Qoe dire de l'autre tiers des c prétentions • des gardes? Son 
caraaére d'illégalité saute aux yeux des moins prévenus. 

Les deux premien articles de la convention du 27 août, pour 
la question qui nous occupe, celle des casernes, sont de beaucoup 
les plus importants. Laissant de côté les autres, même celui par 
lequel les gardes livrent à la ville leurs armes et leurs drapeaux, 
nous nous arrêterons seulement au dernier paragraphe de Tar- 
tide 6, à l'appui duquel nous croyons devoir reproduire la note 
suivante, annexée au dossier : 

Notes sur le logement du régiment des gardes-françaises, 

(Renvoyé au Comité d'administration par le Comité de correspondance. 
Paris, le 3 septembre 1789.) 

De tous temps, le régiment des gardes-françaises a perçu le loge- 
ment sur les maisons des quartiers qui y sont affectés. 

Depuis Tarrét du Conseil du 19 avril 1777, le Rôle est arrêté 
chaque année par le Bureau de la ville de Paris. 

Le maréchal des logis, faisant les fonctions de quartier-maître de 
ce corps, a toujours été chargé de ce recouvrement et des détails 
relatifs au logement. 

Par le traité fait entre Messieurs les commissaires des représen- 
tants de la commune de Paris avec le comité militaire du régiment 
des gardes-françaises le 27 août 1789, il a été stipulé que les rôles, 
registres, ainsi que les quittances signées de Monsieur Du Mas, maré- 
chal des logis, pour les années 1787 et 1788, et les rôles de l'an- 
née 1789, dont ledit comité s'était mis en possession le 24 du présent 
mois, seront rendus par ledit comité à Monsieur Du Mas, à TefTet de 
procéder au recouvrement de ce qui reste dû pour les années 1787 et 
1788 au profit de la ville de Paris, à laquelle Monsieur Du Mas 
rendra compte des recettes et dépenses desdites deux années. A cet 
effet, il convient que la ville donne à Monsieur Du Mas Tautorisation 
nécessaire. 

Il est essentiel d'observer que les rôles pour l'année 1789 sont 

arrêtés par le Bureau de la ville, que le recouvrement des six pre- 

''miers mois de la présente année a été entamé dans les six premiers 

jours du mois de juillet dernier, mais que les circonstances actuelles 

ont suspendu cette perception. 

Le produit du logement, qui monte à environ 210,000 l. par 
année, est trop considérable pour que la ville ne conserve pas pour 
l'avenir un droit aussi important. 

Comment la commune de Paris réalisa-t-elle, et surtout réa- 



3o4 PAsn HUTAiKs AU xmi* SACLE, 

lisa-t-dk en si pea de temps, les 900,000 L exigées? Nous 
rignoroDs et n*aToas pas ici à le rediercfaer. Ce que nous œns- 
tâtons, c'est que, bien avant le délai de trois mois fixé, dès le 
4 septembre, la totalité de la somme était payée aux gardes-fran- 
çaises, — en trois paiements faits en trois jours oonsécatib, — 
ainsi qa*en font foi les trois quittances d-après : 

Quittcuice donnée par le comité militaire des garda-françaises 
des neuf cent mille lirres reçues de la ville. 

Nous soussignés, représentants des compagnies du régiment des 
gardes-françaises, avons reçu de Messieurs de la commune de Paris 
la somme de deux cent quatre-vingt-six mille deux cents livres en 
neuf cents billets payables an porteur de chacun trois cent dix-huit 
livres, à compte des neuf cent mille livres qui sont dues audit ri- 
ment pour le prix de ses propriétés, dont quittance d'autant. 

A Paris, ce 2 septembre 1789. 

Signé : Lefebvrk, secrétaire; Picard, vice-président; Grillon, 
président; Prré, Robillard, Hoche. 

Plus reçu le 3 septembre onze cents billets de la même nature, 
faisant la somme de trois cent quarante neuf mille huit cents livres, 
à compte comme cy-dessus. 

A Paris, ce 3 septembre 1789. 

Signé : Picard, vice-président; Perenisy. 

Nous soussignés, fondés des pouvoirs des gardes-françaises à nous 
donnes par délibération de ce jourd'huy, reconnaissons avoir reçu de 
Messieurs de la commune de Paris la somme de deux cent soixante- 
quatre mille livres, savoir : deux cent soixante-trois mille neuf cent 
quarante-trois livres en huit cent trente billets de trois cent dix-huit 
livres chacun, payables au porteur, et soixante livres en mandat de 
pareille somme sur Monsieur le trésorier de la ville, ladite somme 
de deux cent soixante-quatre mille livres, faisant avec celles que 
nous avons précédemment reçues celle totale de neuf cent mille livres 
à nous due pour paiement total de ce qui nous restait dû pour les 
droits mobiliers et immobiliers appartenant à notre régiment, dont 
quittance. 

A Paris, ce quatre septembre mil sept cent quatre-vingt-neuf. 

Approuvé l'écriture et bon pour quittance. 

Signé : Picard, vice-président; Pité, Fossard, Fonteneau^ 

I. Arch. nat., K 326». 



PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIECLE. 3o5 

Signalons, au bas de la première quittance, les deux signatures 
^c Lefebvre et de Hoche. Heureusement pour leur mémoire 
9^*iis Tont mise plus tard au bas d'actes plus glorieux. 

Cenains esprits frondeurs ou chagrins se demandent parfois ce 
9U^a gagné telle classe de la société, tel corps de métier, telle caté- 
gorie de fonctionnaires civils ou militaires à la Révolution? 

Cette question ne pourra plus désormais se poser pour les 
Sardes- françaises. 

La prise de la Bastille a rapponé à chacun d^eux, qu*il y ait 
pris part ou non, la somme de 3i8 1., plus un petit supplément 
^e 6 1. 6 s., touché après réclamation six mois plus tard; soit, au 
t:otal : 324 1. 6 s., sans compter la gloire! 

Le 2 mars 1790 parut un compte-rendu imprimé, donnant le 
texte de la convention du 27 août précédent et, à la suite, cette 
note : 

Compte^rendu par le comité des représentants des ci-devant gardes- 
françaises^ séant au Dépôt, de ce qu'il a touché après la vérification 
des comptes du s* Grillon (son président)*. 

Recettes : 

Reçu de plusieurs compagnies 2,664 1. 

Reçu de M. Grillon du reliquat de son compte . 77 1. 2 s. 6 d. 

Reçu de Tadministration de la ville ii,i65 1. ' 

Total 13,906 1. 2 s. 6 d. 

Dépenses : 
Distribué à 2,198 hommes (à chacun 6 1. 6 s.). . 13,8471.8 s. 
Faux frais, fiacres, encre, papier depuis trois mois. 58 1. 4 s. 6 d. 

Total 13,906 1. 2 s. 6 d. 



Aux premiers joursdeseptembre 1 789, lequotient de 900,000/3 1 8 
donne un effectif de 2,83o^ chiffre résultant d^ailleurs du total 
des billets déclarés reçus par chaque quittance. La dernière ne 
fait même pas grâce à la ville des 60 1. en excédent. Ce supplé- 
ment de compte du 2 mars 1790 ne fait plus ressortir que 
2,198 hommes. Les 632 disparus sont ou libérés ou partis se 
montrer à Tadmiration des provinces. 

I. Arch. nat., K526»». 

MÉM. XXXI 20 



3o6 PARIS MILITAIRE AU XVIII* SIECLE. 

Les gardes-françaises à peine payés, la commane de Faris voit 
surgir devant elle d'autres c prétentions, » montant seosiblciiient 
au même chifiGre, et, celles-là, indéniablement justes et fondées : 
celles des douze propriétaires des quatorze casernes non dépen- 
dantes de rhôpital militaire. 

Pour ceux-ci, à qui, avec Timposition perçue du logement, on 
a payé chaque année un loyer de tant, on n'a pu songer, — et 
encore nous ne nous en portons pas garant, — à les déposséder 
de leur propriété. 

Voyant presque toutes leurs casernes abandonnées et la Garde 
nationale organisée avec les compagnies soldées logées au centre 
de chacun des soixante distrias, ils s'émeuvent naturellement et 
envoient à la commune le mémoire suivant : 

Mémoire présenté à MM. les représentants de la commune de Paris 
par les propriétaires des casernes construites pour le régiment des 
gardes-françaises * . 

Les propriétaires des cazemes ont Thonneur d'exposer qu'on dési- 
rait depuis longtemps dans la capitale que le régiment des gardes- 
françaises ne fût plus logé dans des maisons particulières ni dans le 
centre de Paris, lorsque Sa Majesté crut le moment de la paix de 
1763 favorable à l'exécution de ce projet; mais, ne voulant pas 
charger TÉtat de la dépense des constructions de cazernes, il autho- 
risa, par un arrêt du Conseil, Monsieur le maréchal de Biron et 
l'état-major du régiment à contracter des baux de longue durée avec 
les particuliers qui voudraient prendre sur eux les frais d'acquisition 
des terrains et ceux de construction. Le Roy accorda en consé- 
quence au régiment la perception pour leur compte de l'imposition 
dite : le logement des gardes-françaises. 

Plusieurs particuliers ont successivement fait construire à grands 
frais de superbes cazernes pour loger trois à quatre cents hommes, 
d'après les plans donnés et les endroits indiqués par le régiment. 

Chaque cazerne a une vaste cour pour pouvoir y faire Texercice 
en été et une salle aux mêmes fins bien close et couverte pour Thiver. 

Les arrangements ont été faits avec l'état-major et les baux passés, 
les uns pour vingt-sept ans, les autres pour trente-six, avant même 
de commencer les constructions. 

Près de 4,000 hommes occupaient ces cazernes il y a deux mois; 
ils y étaient en bon air et avaient un vaste emplacement pour se pro- 

I. Arcli. nat , K 526^. » 



PARIS MILITAIRE AU XVIII« SIÈCLE. Soy 

mener. Aussi y avait-il peu de malades parmi eux. Elles sont aujour- 
d'hui presque désertes, ces mêmes cazernes, depuis la Révolution 
qui vient de s'opérer. 

Quel sera à l'avenir le sort des propriétaires, dont plusieurs d'entre 
eux, pères de famille, n'ont uniquement pour vivre que les loyers 
qu'ils retiraient du régiment des gardes? 

Leurs baux, passés devant notaire, leur donnent bien à chacun un 
droit particulier sur les meubles qui garnissent les lieux et une hypo- 
thèque générale sur les immeubles du régiment qui peuvent valoir 
5 à 600,000 1.; mais il faudrait une somme de 923,65o 1. pour faire 
face aux loyers à échoir pendant la durée des baux qui existent ! 

Ne vaudrait-il pas mieux qu'on logeât trente compagnies des 
troupes soldées dans les quatorze cazernes qui entourent Paris et qui 
ont été placées entre la capitale et ses fauxbourgs? et ne suffirait-il 
pas qu'il y eût 3,ooo hommes dans le centre de Paris? On pourrait 
aussi employer quelques cazernes et les plus près de la rivière à 
loger la troupe à cheval ; il en est aussi où l'on pourrait placer un 
peu d'artillerie. 

L'élite des citoyens de la capitale, les représentants de la com- 
mune trouveront juste et honnête que de bons citoyens ne soient 
pas ruinés pour avoir agi et traité de bonne foy avec le régiment des 
gardes-françaises; on ne pouvait pas, il y a dix ans, prévoir qu'il 
Q'existerait plus sous le même régime. 

Nommez, Messieurs, des commissaires pour aller visiter les 
cazernes des gardes-françaises et vous serez convaincus, d'après leur 
rapport, que la troupe soldée ne peut, sous tous les points de vue, 
avoir une habitation plus commode, plus salubre et moins onéreuse. 

On ne peut pas se dissimuler que, si chaque district loue une mai- 
son particulière dans son enceinte pour loger sa compagnie soldée, 
les frais de location seront beaucoup plus considérables; mais on ose 
assurer, en outre, que, pour mettre soixante maisons en état d'être 
habitées par la troupe, il en coûtera plus de cent mille écus pour les 
seuls arrangements. Or, l'esprit de sagesse et d'économie qui anime 
nos zélés représentants ne leur laissera pas échapper cette considéra- 
tion, ni beaucoup d'autres qui viennent à l'appui de la demande que 
les propriétaires des cazernes prennent la liberté de leur soumettre. 

L*état qui suit, annexé à ce mémoire et sur Pimportance 
duquel nous avons déjà insisté, donne comme total des préten- 
tions des propriétaires la somme de 923,65o 1., qu'il est curieux 
de rapprocher de celle de 923,o35 1., montant des prétentions des 
gardes-françaises. 







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Leurs 

ÉCHÉANCES. 


X" avril 1792 
X*' octobre X792 

i»r avril X796 
x*' janvier 1800 

X"' avril 1799 
x** janvier 1809 
X* janvier 1800 

X" avril x8oo 
X*» janvier i8x3 

x»» juillet 180 5 

!•' avril X791 

X" juillet 179a 
!•' octobre 1794 

!•' avril X794 


Prix annuel 

DES BAUX. 






|§|||§||§§||§8 





Durée 

DES BAUX. 


adccccsacccaecc 

tx r* t^ t^ r^^o t^ t^o t^ O) 0» o>^ 
ciMctMeicrtcleimM 


Dattes 
des entrées 

EN JOUISSANCE. 


tn to 0^ ?> c« IS»*?»**» ^ t^ « S ^ «0 


Noms 

DES CAZERNBS. 


rue de Bourgogne 
rue Mouffetard 
rue de Loursine 

rue Verte 

rue de Popincourt 

rue S«».Anne. N-"«-Francc 

rue Neuve- S**-Gcneviéve 

rue de Babylone 

rue de la Pépinière 

rue du Fer-du-Temple 

rue de Loursine 

à l'Estrapade 

rue Basse-de-Bondy 

rue de Sève 


c 

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M. Desjobert 

M. de Varenne 

M. Billardon 

M. Thévenin 

M. Adam 

M. Goupy 

M. Guéraud 

M. Thévenin 

M. Goupy 

M. Dartis 

les Rel*' Cordelières 

M. de Gilibert 

les héritiers Robe 

M. de Mazy 



PARIS MILITAIRE AU XYIII* SIECLE. SOQ 

Au lieu d^attribuer à ceux-ci Targent à réaliser sur ce dont 
leur régiment, licencié, pouvait « prétendre la propriété, » il eût 
évidemment été plus logique de l'attribuer aux douze proprié- 
taires injustement lésés. 

Si à ces 79,800 1., montant annuel des loyers à leur payer, on 
ajoute celui du loyer des autres casernes^ magasins ou bureaux à 
payer à des particuliers ou à Tadministration de Thôpital mili- 
taire, on arrive au chiffre de 98,100 1., bien éloigné encore de 
celui de 210,000 1., auquel, diaprés la note jointe à la convention 
du 27 août 1789, s'élevait chaque année Timposition dite : le 
logement des gardes-françaises. 

Quelle suite, demandera-t-on, fut donnée aux réclamations 
contenues dans le mémoire des propriétaires? Comme toutes 
étaient de la plus élémentaire justice, il fallut plus de dix années 
pour régler entièrement la question; d'abord, on fit peu à peu, 
selon leur désir, réoccuper la plupart des casernes construites par 
eux pour les gardes-françaises. Ensuite, on eut recours à des 
échanges d'immeubles, c'est-à-dire qu'à la place de ces casernes 
on donna aux propriétaires des maisons ou des hôtels faisant 
partie des biens nationaux * . 

De l'ensemble des documents que nous venons de mettre au 
jour découlent enfin des données certaines, d'après lesquelles il 
devient possible d'établir des notices sérieuses^ non seulement 
sur chacune des cinq casernes des gardes-françaises aujourd'hui 
subsistantes^ mais encore sur chacune de celles successivement 
disparues au cours des cent seize années qui nous séparent de la 
prise de la Bastille. 

C'est ce travail que nous nous proposons d'entreprendre. 

Valère Fanet. 

I. Cest ainsi qu'aux archives de la Seine nous avons trouvé (a39-5a45} 
une proposition d'échange, datée de Tan IX, de Timmeuble de la caserne 
de la Pépinière contre l'hôtel de Mesmes, rue Sainte-Avoye. 



TABLE DES MATIÈRES 



Page» 
Les Gobelins, teinturiers en écarlate au faubourg Saint-Maiv 

cel; par M. Jules Guiffrey i 

Livre de dépenses d un dignitaire de Téglise de Paris en 1248 

(fragment) ; par le colonel Borrelli de Serres 93 

Le président de Lamoignon (1644-1709); par M. A. de Bois- 

lisle 119 

Le Bernin en France. Les travaux du Louvre et les statues de 

Louis XIV; par M. Léon Mirot 161 

Paris militaire au xviii* siècle. Les casernes; par M. Valère 

Fanet 289 



Nogent-le-Rotrou, imprimerie Daupblby-Gouvirnbur. 



JCATIONS 

dE LA SCiQÉTfc ÙE UHliiTOiRE UE ?AU\ 



Ml > DE LA SOCIETE DE L'HISTOIRE DE PAfïlS.1 

f^l PAklS par Tao^ciirr et HoVAa» 5 fcaîltcf iit-ptaoo dans 

ni! LLJkrirj 1 ,i:î par 1. Oitiit?c. Pdrli^ 15^74-1875, tiî-8*. 1q fr. 

PAIMS ïn LA DDMJNATION ANGLAISE mio.i43€»i; 

de» ri:|{istres Je k Qtanedkrie Je France^ fifr 

î, 1H77, in-H'». lofr.J 

Lr JÎDIENS DU ROI DE LA TROUPE JtUNÇAlSE;| 

li rççuoiUifi liai Archirçs fMdomitM, pur E* CàMfAnooK.. 

JOUiLNAL D*UW BOURGEOIS DE PARIS (1405-1441)), putoltc par 
A. TucTrY. PariSf iSSo» m-^^'. 10 fr^ 

DOCUMENTS PARISIENS 6UR i ICONOGRAPHIE DE Si 

LOUIii, publiés pi' \ ' -tQ^OK. Paris, tôBi •- ^" 8 tr^ 

JOURNAL DES G" CIVILES DE h 3N^UBB-| 

!^iU«î par f 
l'- ^ -JUE l>l 

^u içfops lie l'alibe Irmtnoai publié par A. Loi»o?«nif.j 
; u. "■''', î volt in-H*. 90 &/ 

L'HO I F. PARLS AtJ MOYEN AGEi Wsloirc et 

'':•- JO fr*^ 
Éi DE LTM-1 

lE A i'AkIb, pubiiéo en uc-Mimlé, avec prcâiar pftf 

OK QRAND ENLUMINEUR PARISIEN DU XV- SIÈCLE 

c% 4« îk«nfaa uc son oîtfyre, par P. Dunmcij. P/tm, t^i,] 

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j^iH-iiiiûit piibll<^ par Jules VwWï* Paris, iSoft-iSx/i^J 

n SUR LES IMPRIMEURS, LIBRAIRES, ETC,J 

mit4 exercé è Paris de 1450 à 1600, pubUés par Ph. Rb«ou4hii. 

T^\ hALBS des PUBLICATIONS DE LA SO-| 

Clul L. p^r L. aIahcduc. Attts, iBSSci tB^^^ztùL i|i-^*, chaii^c 

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BULLETIN DE LA SOaÊTÊ DE L'HISTOIRE DE PARIS ETI 

DE L'ILE-DE-FRANCE, Paris, 1874-1904. 5î roi. in-8»- i55 frJ 

Od peut 9C ^ir^ ImcHrt comme souscripteur sur k préiefiuciofi| 

dû ileiiK ractabrei de la Société. 

Lg prix de U cotiiailaa cil de 1 S fr. p«r aa. 






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